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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 4 décembre 1986 - Vol. 29 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi 119 - Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction


Journal des débats

jet de fuites dans les médias, plusieurs intervenants ont émis des commentaires, publiquement, qui portaient sur des éléments n'étant même pas contenus dans le projet de loi qui a été déposé. Trop souvent - et c'est très déplorable - la population, les travailleurs et les entrepreneurs ont eu l'occasion, depuis le 12 novembre et même avant la publication du projet de loi, de prendre connaissance de dépliants et de déclarations qui faisaient référence à des informations non traitées dans le projet de loi. Cette "désinformation" - il n'y a pas d'autres mots - ne peut qu'être regrettée. Nous avons donc cru que cette commission parlementaire, tribune démocratique par excellence, permettra à chaque entrepreneur, à chaque travailleur, à chaque consommateur actuel et futur d'obtenir des renseignements éclairés sur le contenu véritable du projet de loi.

On se souviendra que cette pièce législative fait suite à une décision importante que j'ai eu à prendre peu de temps après mon assermentation comme ministre, soit en février dernier, à savoir de recommander au Conseil des ministres le renouvellement des 105 000 cartes de classification avec une date d'échéance au 31 décembre 1986. Dès l'annonce de nos intentions, un vaste processus de consultations, qualifié de valable et de sérieux par plusieurs observateurs politiques, a véritablement été enclenché. J'annonçais donc la création d'un comité sur la formation et la qualification de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et sur l'abolition de la carte de classification, comité qui regroupait les représentants des cinq associations syndicales, des sept associations patronales, des ministères du Travail, de l'Éducation, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ainsi que le président de l'Office de la construction du Québec. Les rapports des cinq tables de travail m'ont été remis le 16 mai dernier. Le 21 juin, nous recevions les propositions de chacune des cinq associations syndicales et des sept associations patronales relativement aux recommandations portant sur un mécanisme d'accès à l'industrie basé sur la compétence. À partir du mois de juillet, au moment où nos amis d'en face étalent en vacances, une équipe composée d'experts a analysé lesdites recommandations et proposé les ajustements qui s'imposaient.

Le 12 novembre dernier, je déposais à l'Assemblée nationale le projet de loi 119. Quelle ne fut pas ma surprise et même ma stupéfaction de constater que les députés de l'autre côté de la Chambre, de l'autre formation politique se sont opposés au dépôt même du projet de loi et ce, sans en avoir pris connaissance.

Par ce geste, l'Opposition a clairement démontré qu'elle privilégie le statu quo, qu'elle se refuse d'admettre qu'il existe des problèmes de vieillissement et de relève dans l'industrie de la construction, qu'elle s'oppose à l'amélioration de la formation de la main-d'oeuvre, qu'elle ne voit pas la nécessité et la pertinence d'impliquer les intervenants de l'industrie dans cette formation, bref, qu'elle n'entend pas contribuer de façon positive aux gestes permettant de donner suite et de réactualiser les recommandations du rapport Cliche signé par les ex-commissaires, l'honorable juge Robert Cliche, l'honorable Brian Mulroney et l'actuel député de Joliette. Par la suite, l'Opposition, lors du débat portant sur le principe, adoptait encore la même attitude d'obstruction systématique, et pis encore, elle se permettait de leurrer la population.

 titre d'exemple, le 20 novembre dernier, lors d'une intervention à l'Assemblée nationale, le critique en matière de travail, le député de Joliette, s'exprimait ainsi en parlant de la place que le projet de loi réservait aux jeunes: "Si on avait véritablement voulu donner une chance aux jeunes qui est la fibre même du discours du ministre, qu'aurait fait le ministre? II aurait dit: Pour montrer ma volonté de venir à la rescousse des jeunes qui veulent faire leur vie dans la construction, je viens d'introduire dans ma loi le mécanisme suivant: les jeunes diplômés dans un métier en vue de la construction ont une carte automatiquement."

Ce que le député de l'Opposition reprochait alors au gouvernement de ne pas faire, c'est justement ce que le projet de loi prévoit. Les jeunes, au sortir de leur formation scolaire, recevront le certificat de compétence leur donnant le droit de compléter leur apprentissage et d'avoir enfin accès à cette industrie qui leur a été fermée depuis trop lonqtemps.

D'ailleurs, je profite de cette occasion pour rappeler brièvement les principes de ce projet de loi: abolition de la carte de classification et, par conséquent, abolition d'un système d'accès à l'industrie qui s'est révélé injuste et discriminatoire pour les jeunes et pour l'ensemble des travailleurs compétents. Nous préconisons plutôt l'établissement d'une véritable politique de main-d'oeuvre qui permettra l'entrée de nouveaux travailleurs en conformité aux besoins réels de l'industrie de la construction, besoins qui auront été établis par des intervenants de l'industrie.

Le projet de loi 119 vise également è permettre aux partenaires de l'industrie d'assumer des responsabilités plus grandes en matière de formation professionnelle. Les parties élaboreront avec les représentants du ministère de l'Éducation et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ce nouveau système d'accès par la voie de la compétence. La présence de tous les partenaires et autres intervenants en matière de formation professionnelle sous un seul

organisme, la Commission de la construction du Québec, assurera un arrimage entre la formation reçue en milieu scolaire et celle reçue sur le chantier.

Le projet de loi 119 permettra l'entrée de jeunes travailleurs dans l'industrie de la construction. Il permettra donc une relève qui sera formée en fonction des besoins de l'industrie. Ainsi, les quelque 1500 jeunes qui termineront leur cours professionnel dans un des métiers de la construction auront le droit de travailler lorsque leur compétence acquise en milieu scolaire leur sera reconnue. Les jeunes auront finalement le droit de travailler.

Comme je vous le mentionnais précédemment, les principes du projet de loi ont été débattus et ils viennent tout juste, il y a quelques minutes, d'être adoptés par les membres de l'Assemblée nationale du Québec. Par conséquent, j'invite bien cordialement tous les intervenants de l'industrie à venir, au cours de ces deux jours, nous présenter les amendements qu'ils jugent appropriés. Au risque de me répéter, je demeure ouvert à des modifications visant, par exemple, les modalités d'application. Je n'ai jamais prétendu posséder le monopole de la vérité, mais je crois qu'ensemble, dans un esprit de collaboration, nous pourrons contribuer au mieux-être des travailleurs et des entrepreneurs qui oeuvrent actuellement dans le secteur de la construction et laisser une industrie plus ouverte à ceux et à celles qui bâtiront l'avenir de demain, le Québec de demain. Merci de votre attention, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, qui veut lire d'une façon attentive cette loi qui nous est présentée comprendra que le discours du ministre en deuxième lecture en Chambre par rapport à la lecture correcte et intelligente qu'on peut faire du projet de loi, démontre qu'il y a une opposition systématique entre le discours du ministre et le libellé du texte.

Je vais expliquer dans un premier temps pourquoi l'Opposition a voté contre cette loi, à la fois contre son dépôt, car nous avions le mémoire du ministre et, deuxièmement, contre le texte de loi. Parce que, à notre avis, il ne dit pas la vérité aux jeunes, il ne dit pas la vérité quant à la compétence, et c'est une des raisons fondamentales qui ont amené l'Opposition à s'opposer d'abord à ce projet de loi qui dénote, hors de tout doute, le double langage du gouvernement auquel on est habitué depuis un an.

Ce projet de loi, en plus d'être contraire aux objectifs énoncés par le ministre, réinstalle la loi de la jungle dans l'industrie de la construction, comme l'a si bien cité le Conseil provincial des métiers de la construction dans son journal d'octobre. Pourquoi installe-t-il la jungle? Purement et simplement parce qu'il n'y a aucun contingentement dans le système proposé par le ministre ni aucun mécanisme d'épuration et, plus encore, lui qui se plaint du travail au noir, cela ne répond en rien à cela, au contraire, cela accentuera le travail au noir dans l'industrie de la construction. (11 h 45)

De plus, ce projet de loi met sous une tutelle déguisée, il faut le dire, à la fois les parties patronales et syndicales qui avaient une autorité certaine en vertu des lois actuelles et qui, maintenant, se verront carrément sous la tutelle déguisée du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. En plus, le cadre de formation qui est proposé aux parties, entre vous et mot, ce sont purement et simplement des organismes consultatifs. On ajoute, à l'intérieur du nouvel organisme CCQ, quatre comités dits consultatifs, sans aucun pouvoir de codécision de quelque nature que ce soit. Cela nous apparaît purement et simplement une boîte sous tutelle qui, de quatre façons différentes, essaiera d'orchestrer la vie de cet organisme, autant sur la formation que sur les programmes, autant sur les politiques du gouvernement en matière de main-d'oeuvre que sur les programmes qu'auront à bâtir certains organismes.

Je pense aux organismes suivants: le conseil d'administration, le comité administratif sur la formation, le comité administratif sur les relations du travail et le comité mixte qui existe. À toutes fins utiles, l'autorité existant en vertu des lois actuelles disparaît, purement simplement, M. le Président.

J'avais le goût de rire quand le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, avec sa candeur habituelle, sans broncher, annonçait qu'il avait consulté les parties sur le projet de loi. Le ministre a formé un comité, oui, il l'a convoqué et il a eu son rapport à la fin de mai, oui. Il a convoqué les parties quand? Le matin de la même journée où il déposait son projet dé loi. C'est ce qu'il a fait le ministre. Drôle de consultationl Pourtant, au colloque de la Fédération de la construction du Québec, le député de Saint-Maurice, qui est assis à sa droite, avait dit à tous les délégués présents: Soyez sans crainte, nous allons bâtir la loi avec vous. On les a convoqués le matin et, dans l'après-midi, le projet de loi était déposé. Drôle de consultationl Drôle de participation! Et il a dit cela sans même sourire.

Il a parlé de ses cinq tables de travail.

Si le ministre du Travail avait voulu véritablement bâtir un consensus avec les parties, il aurait pu partir précisément du résultat des tables de travail. En ce qui touche les tables de travail, il y avait véritablement des ouvertures à des consensus. Je pense, entre autres, à la révision éventuelle des ratios apprentis-compagnons. Il y avait des ouvertures certaines sur les bassins régionaux, 10 % de plus de main-d'oeuvre dans chaque bassin régional. C'était écrit dans les résultats de ces tables, mais il n'en a absolument pas tenu compte. II présente un projet de loi ce matin... c'est-à-dire qu'il a présenté un projet de loi il y a environ une quinzaine de jours où il dit: Place aux jeunes et place à la compétence! Et il insiste sur la compétence. Il dit: Tout le monde qui a seize ans, pour autant qu'on a un certificat, une garantie de 500 heures, de 16 à 60 ans, ce n'est pas grave. Où est la priorité aux diplômés? Où est la priorité véritable aux jeunes, quand on ouvre "at large", sans exiger de diplôme de compétence seulement? C'est de la bouillie pour les chats. C'est un devoir mal fait. C'est tout simplement la même position qu'on retrouve chez ce ministre que celle que l'on a trouvée sur son premier brouillon face aux jeunes assistés sociaux. Le Conseil des ministres a dû le retourner à sa table de travail. Je suis persuadé qu'il devra faire la même chose s'il veut que, dans l'industrie de la construction, il y ait véritablement un consensus quant aux nouvelles structures.

On ne peut s'opposer à la compétence. Qui serait contre cela? On ne peut pas s'objecter à ce que les jeunes entrent. Qui est contre cela? Mais on a le droit de s'opposer, par exemple, aux mensonges que l'on conte, à toutes fins utiles, à l'ensemble des travailleurs quand on leur fait accroire que l'industrie ouverte va être une industrie prospère et calme, qu'il faut faire fi du passé. On n'a pas le droit, comme législateur, de ne pas se préoccuper des répercussions des gestes que l'on pose dans cette Chambre, ici. La loi de la jungle, on sait ce qu'elle sera. On en a eu un petit exemple, surtout sur les chantiers payants. Ce n'est pas sur les chantiers domiciliaires qu'on va avoir des problèmes, mais surtout sur les chantiers payants. Le ministre devrait se rappeler une histoire très récente. Le gazoduc, au moment où on a manqué de travail supposément dans certaines formations patronales qui se plaignaient qu'on manquait de travailleurs... Quand c'est arrivé au gazoduc, est-ce qu'il manquait de travailleurs? Là, c'est un gros chantier fort payant. C'étaient les menaces, les bras sont ressortis. Rappelez-vous, cela ne fait pas dix ans, cela fait à peine quelques années. Cela sera la même chose, quand on pense à ce gouvernement qui veut faire la phase 2. Est-ce que le premier ministre du Québec sera obligé de faire ce qu'il faisait en 1973-1974, réintroduire deux, trois fonctionnaires politiques pour faire le placement à la Baie James'? Je pense qu'il n'y a plus personne qui veut revenir à cette époque. Quand on est responsable comme formation politique, on doit reqarder les conséquences concrètes des gestes que l'on pose en cette Chambre.

Pour avoir vécu de très près, et non pour avoir fait une lecture biaisée du rapport Cliche, mais d'y avoir participé même dans son écriture; le rapport Cliche ne disait nullement cela. Quand un ministre se rapporte à la recommandation du rapport Cliche sur l'abolition du permis de travail il se réfère à l'ancien permis émis par la CIC et pas à autre chose. Ou bien il ne sait pas lire ou bien il ne comprend pas ou il le fait délibérément. Il y a deux types d'ignorance: il y a l'ignorance tout court, quand on ne sait pas, et il y a l'ignorance crasse quand on feint de ne pas savoir. Dans le cas du ministre du Travail, j'ai l'impression que c'est le deuxième, M. le Président.

Donc, il est évident que les travailleurs de la construction ont le droit aussi à une sécurité d'emploi. Tel que le ministre le dit, c'est ouvert à tout le monde. C'est ouvert à quoi? Ouvert aux certificats de complaisance? Si vous trouvez que c'est difficile à obtenir, je vous dirai que ce n'est pas dur à obtenir et je vous en donnerai des exemples. Ouvert à la vente de certificats de complaisance? Également, Et il y a des intervenants qui vont devoir s'expliquer bien sûr. Ils vont devoir nous dire ce qu'ils recherchent au juste. Est-ce qu'ils recherchent absolument, à court terme un petit profit, une facilité de court terme ou n'ont-ils pas, eux aussi, comme groupe, comme organisation autant syndicale que patronale, le droit de se préoccuper des répercussions à moyen et long terme? C'est notre devoir de parlementaires, M. le Président, et nous allons le faire avec le plus grand sérieux du monde. Merci.

Auditions

Le Président (M, Charbonneau): Merci, M. le député de Joliette. Cette étape étant franchie, nous allons inviter les représentants de l'Office de la construction du Québec à présenter leur mémoire. Je crois que le président, M. Alcide Fournier est là devant nous. Voulez-vous, M. Fournier nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez quinze minutes pour la présentation, le reste de la période étant réservé aux parlementaires pour engager la discussion avec vous. Et à cet égard, je ne sais pas si vous avez l'intention de lire votre mémoire; je vous indique que je l'ai regardé tantôt et qu'il faudrait que votre débit soit suffisamment rapide pour qu'on puisse arriver à la fin, au bout de quinze minutes.

M. le député de Vimont.

M. Théorêt: Oui, je vous rappelle que les organismes qui ont une heure trente disposent de vingt minutes, tel qu'entendu, pour présenter leur mémoire et ceux qui ont une heure de présentation n'ont que quinze minutes.

Le Président (M. Charbonneau): C'est cela. Écoutez, dans ce cas-là, ce n'est pas tout à fait une heure trente, mais on pourra s'entendre sans couper les cheveux en quatre.

Cela va. Alors, sans plus tarder M. Fournier.

Office de la construction du Québec

M. Fournier (Alcide): Je suis accompagné par M. Jean-Luc Pilon, directeur du service de la recherche à l'office et M. Ferron qui est secrétaire de l'office.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, on a beaucoup parlé depuis quelque temps de l'Office de la construction du Québec. Permettez-moi, en guise de préambule, de vous le présenter. L'office est un organisme périgouvernemental dont le conseil d'administration est formé des membres suivants: moi-même comme président-directeur général, M. Claude Daoust qui est également président de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, M. Guy Lapointe sous-ministre adjoint au ministère du Travail, M. Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) et M. Jean-Paul Rivard, directeur général de la FTQ-construction.

Par une administration neutre et efficace de ses mandats, l'OCQ contribue à promouvoir un climat de travail favorable dans l'industrie de la construction, en collaboration avec les représentants des employeurs et des salariés ainsi qu'avec les diverses instances gouvernementales.

La composition de notre conseil d'administration, sur lequel siègent des représentants patronaux et syndicaux, et la mission de neutralité de notre organisme nous amènent à vous présenter un mémoire brossant la toile de fond sur laquelle s'inscrit le projet de loi 119.

Nous espérons que ce mémoire puisse aider les membres de la commission à mieux situer l'industrie de la construction et à comprendre sa nature particulière. De même, une revue des mandats qu'effectue l'Office de la construction du Québec à l'égard de cette industrie sera sûrement utile à cette commission. "Quand le bâtiment va, tout va." Cette phrase maintes fois entendue décrit bien l'importance de l'industrie de la construction comme moteur économique.

La construction est un des premiers secteurs économiques à susciter les investissements lors d'une reprise. En effet, la construction résidentielle réagit rapidement à la baisse des taux d'intérêt ainsi qu'à l'amélioration de la conjoncture économique. Quant à la construction commerciale et industrielle, elle accuse, en général, un retard par rapport à cette reprise, le temps de permettre aux entreprises d'utiliser pleinement leurs capacités de production. Elle prend souvent la relève de la construction résidentielle pour continuer de contribuer à la croissance économique globale.

Il faut se rappeler que pour chaque 100 emplois créés dans la construction, il s'en crée 40 autres dans les secteurs connexes, tels le transport, les mines, l'industrie des matériaux de construction.

L'industrie de la construction constitue, donc, un secteur d'activité économique de première importance au Québec. En 1985, le secteur de la construction a connu une croissance supérieure à celles des autres secteurs économiques, c'est donc dire qu'il a contribué de façon significative à la croissance de l'économie québécoise. La valeur totale des travaux de construction s'élevait à 12 500 000 000 $ en 1985 soit 11 % des dépenses encourues dans l'économie québécoise. Cette part confirme l'importance de l'industrie comme moteur économique.

L'industrie de la construction se caractérise par le caractère transitoire des relations entre maîtres d'oeuvre et entrepreneurs d'une part et entre entrepreneurs et salariés d'autre part. Ainsi, non seulement la nature du produit varie-t-elle, mais également le lieu de production et les besoins de main-d'oeuvre.

Contrairement à la majorité des entreprises productrices de biens, l'entreprise en construction doit oeuvrer dans un contexte où chaque contrat est unique. En effet, on note l'absence d'uniformité du milieu de travail, ce qui nécessite un haut degré d'adaptabtlité de la part des entrepreneurs et des salariés.

Compte tenu de l'unicité des projets, le produit de l'industrie est très varié. Les travaux de construction d'un gazoduc, d'une usine d'épuration, d'un édifice à bureaux et d'une maison unifamiliale constituent autant d'exemples de chantiers de construction. Même à l'intérieur de chacun de ces types de construction, le produit est différent d'un contrat à l'autre.

De plus, l'entrepreneur en construction ne dispose pas d'une usine. Il doit effectuer ses travaux sur le chantier, selon les besoins du maître d'oeuvre. L'entrepreneur et les salariés se doivent donc d'être mobiles. Cette mobilité peut être limitée et n'impliquer que des déplacements à

l'intérieur d'une même région. Cependant, cette mobilité peut entraîner des déplacements dans plusieurs régions.

Pour vivre au sein de cette industrie, les entrepreneurs et les salariés doivent se déplacer d'un chantier à l'autre. Pour le salarié, cette exigence se traduit fréquemment par une période de chômage entre deux chantiers. En 1985, près de 30 % de la main-d'oeuvre active a connu ce type de chômage propre à l'industrie de la construction.

La main-d'oeuvre nécessaire à l'exécution d'un contrat est en perpétuelle fluctuation sur un chantier. Non seulement le nombre, mais le type même de salariés varie en fonction du degré d'avancement des travaux. On dénombre 23 métiers dans l'industrie de la construction et un nombre important d'occupations. Alors que certains salariés quittent le chantier, leur spécialité n'étant plus requise, d'autres s'y joignent. Pour le salarié, cette réalité l'oblige à chercher un nouveau chantier à un stade de réalisation nécessitant l'utilisation de ses qualifications. Pour l'employeur, il doit gérer de façon efficace ces entrées et sorties continuelles de main-d'oeuvre.

Lors de gros travaux impliquant un nombre important de salariés, la gestion de la main-d'oeuvre est un aspect important de la bonne marche du projet. D'ailleurs, l'entrepreneur général supervise alors l'ensemble des travaux à effectuer. À moins qu'il n'assume lui-même l'ensemble des travaux, l'entrepreneur général en confie une partie aux entrepreneurs spécialisés dont le champ d'activités est plus restreint et dont la caractéristique principale est d'être de petite taille. En effet, 83 % des employeurs ont moins de cinq employés.

À la mobilité des entrepreneurs et des salariés et à la diversité du produit s'ajoute le caractère cyclique et saisonnier des travaux de construction. Comme nous l'avons déjà souligné, l'évolution inégale de la valeur des travaux de construction se traduit par une évolution tout aussi peu constante de l'activité. Quant à la variabilité saisonnière de l'activité de construction, elle va de pair avec le climat québécois. Elle se caractérise par une baisse d'activité au début de l'hiver et par une remontée au printemps.

En termes d'emplois, il existe un écart d'environ 30 000 salariés entre la période de travail la plus active et celle où l'activité est à son plus bas niveau. L'Office de la construction suit ces fluctuations et publie une analyse concernant les travailleurs actifs.

Présentons maintenant certaines données sur la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction au cours des années 1985 et 1986. Les statistiques utilisées proviennent essentiellement des banques de données de l'Office de la construction du Québec et du fichier de qualification du ministère de la

Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Pour commencer, rappelons que l'industrie de la construction du Québec compte 23 métiers définis en vertu du règlement sur la formation et la qualification professionnelle sur la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Selon ce règlement, toute personne qui exerce un métier de la construction doit détenir un certificat de qualification ou une attestation d'expérience. Ainsi, au 19 novembre 1986, 135 000 personnes différentes étaient titulaires d'un tel document sanctionnant leurs qualifications pour l'exercice d'un ou de plusieurs métiers. Parmi ces personnes, 107 500 possédaient un document valide dont 98 300 titulaires d'un certificat de classification et 9100 titulaires d'une attestation d'expérience. En plus de tous ces gens qualifiés, on comptait au même moment quelque 24 700 personnes ayant une carte d'apprentissage. Les titulaires d'un certificat de qualification, d'une attestation d'expérience ou d'une carte d'apprentissage peuvent exercer un métier de ta construction si, en plus d'être qualifiés, ils sont aussi classifiés en vertu du règlement sur le placement. Or, parmi les personnes qualifiées, 70 000 étaient compagnons classifiés et 28 900 apprentis classifiés, au 16 octobre 1986.

Le nombre d'apprentis classifiés plus élevé que celui des apprentis qualifiés s'explique en raison de l'émission d'une classification dite conditionnelle, c'est-à-dire que les salariés ont obtenu un certificat de classification d'apprentis, mais ne se sont pas encore présentés à un centre Travail-Québec pour obtenir leur carte et leur carnet d'apprentissage du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. (12 heures)

En plus des 23 métiers, le décret de l'industrie de la construction reconnaît de nombreuses occupations dont les principales sont les manoeuvres, les monteurs de ligne, les soudeurs et les camionneurs. L'exercice d'une occupation dans l'industrie requiert aussi la détention d'un certificat de classification. Le nombre de personnes classifiées sous le statut occupation s'élevait à 22 400. Ainsi, au mois d'octobre 1986, on recensait un total de 117 105 personnes possédant un certificat de classification actif.

De janvier à octobre 1986, 18 698 nouveaux certificats de classification ont été émis comparativement à 11 297 au cours de l'ensemble de l'année 1985. Les émissions de 1986 se répartissent en 2400 nouveaux certificats à des compagnons, 13 800 à des apprentis et 2400 à des occupations.

Quant aux salariés actifs, c'est-à-dire ceux qui ont enregistré au moins une heure à l'OCQ, leur nombre s'élevait à 82 663 en 1985. Après les neuf premiers mois de 1986,

leur nombre est d'environ 83 500. Cela représente une augmentation de 7 % par rapport à la même période de l'année 1985, alors qu'on dénombrait 77 800 salariés actifs. Au cours des trois premiers semestres de 1986, nous estimons que 18 300 apprentis, 43 420 compagnons et 21 710 salariés d'occupation ont effectué au moins une heure de travail.

Pour terminer, mentionnons que ceux qui ont travaillé au moins une heure au cours de la présente année sont âgés en moyenne de 38 ans. Selon leur statut, les chiffres sont respectivement de 43,2 ans pour les compagnons, 38,2 ans pour les occupations et 27,1 ans pour les apprentis. Quant aux nouveaux admis dans l'industrie de la construction en 1986, leur moyenne générale est de 28,8 ans. Enfin, en ce qui a trait au bassin de la main-d'oeuvre classiftée, la moyenne d'âge s'élève à 40,4 ans.

Maintenant, pour que les membres de la commission puissent cerner le rôle de l'Office de la construction, nous allons regarder de façon plus spécifique les quatre principaux mandats que le législateur a confiés à l'office en regard de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Premièrement, l'office doit voir à l'application de la convention collective ou du décret régissant les conditions de travail des salariés de la construction. Ce mandat qui constitue la principale activité de l'office implique le maintien de onze bureaux régionaux pour servir adéquatement l'ensemble du territoire québécois, le maintien d'un service de vérification de livres qui a effectué, en 1985, plus de 16 000 enquêtes auprès de 14 000 employeurs, le maintien d'un service d'inspection qui a effectué plus de 47 000 visites sur les 15 000 chantiers de construction actifs l'année dernière, le maintien d'un service à la clientèle qui a répondu en 1985 à 960 000 demandes d'information et de service, l'exercice de tous les recours qui naissent du décret en faveur des salariés, la perception, le traitement et la remise des cotisations patronales et syndicales, la perception, le traitement et la remise semestrielle de 150 000 000 $ d'indemnités de paye de vacances à quelque 80 000 salariés, l'administration d'un fonds d'indemnisation qui a versé en 1985 2 200 000 $ à des salariés pour les rembourser des pertes de salaires.

Deuxièmement, l'office doit administrer les régimes complémentaires d'avantages sociaux. Ce mandat implique l'administration de régimes d'assurance-vie, d'assurance-salaire et d'assurance-maladie pour 60 000 salariés de la construction, l'administration d'un régime de retraite qui compte déjà 25 000 retraités et dont l'actif, géré conjointement avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, s'élève à 1 700 000 000 $, la siqnature d'ententes de réciprocité avec d'autres régimes canadiens ou américains.

Signalons que, sans une structure centralisée, la quasi-totalité des salariés de la construction ne pourraient bénéficier d'un régime de prévoyance au travail à cause de la petite taille des entrepreneurs de la construction. De plus, le régime d'avantaqes sociaux de la construction est totalement transférable, c'est-à-dire que le salarié ne perd pas son admissibilité en changeant d'employeur de construction. Notons également que plusieurs employeurs y participent sur une base volontaire, de même que les artisans qui profitent du régime d'assurance.

Troisièmement, l'office doit veiller à l'application du règlement sur le placement des salariés dans l'industrie de la construction. Ce mandat implique la délivrance et le renouvellement des certificats de classification, la surveillance du respect des critères d'embauche et de placement prévus au règlement, l'émission de licences aux agences de placement ainsi qu'aux succursales et le maintien d'un service de référence des salariés disponibles.

Quatrièmement, l'office doit organiser un vote d'adhésion syndicale. Dans les six mois précédant l'expiration du décret de la construction, l'office doit dresser la liste de tous les salariés habilités à voter et tenir un scrutin secret parmi ceux-ci pour déterminer leur choix d'allégeance syndicale. Ces choix déterminent le deqré de représentativité des associations représentatives et, par conséquent, leurs droits pour ce qui est de la négociation de la convention collective et leur représentation au sein du comité mixte de la construction. Ce mécanisme, qui s'est répété pour la cinquième fois en 1985, est essentiel dans le cadre du pluralisme syndical, une des caractéristiques du régime des relations du travail dans la construction au Québec.

Finalement, le ministre du Travail peut confier à l'office tout travail de contrôle, de mise en exécution des lois et règlements connexes au domaine de la construction. Ainsi, l'office doit veiller au respect de certaines dispositions du règlement sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. L'office doit également, en vertu d'une entente administrative avec la Régie des entreprises en construction du Québec, faire l'inspection concernant la vérification des licences d'entrepreneurs.

Le projet de loi 119 veut confier à l'Office de la construction du Québec un nouveau rôle dans le cadre du mandat sur la formation professionnelle des travailleurs de la construction. Nous avons précédemment énuméré les principaux mandats que l'office effectue. Ce n'est donc pas la première fois

que le législateur reconnaît le bien-fondé d'un organisme régulateur dans l'industrie de la construction. L'office, comme organisme d'application du décret de la construction, a une longue histoire. En fait, des organismes semblables, les comités paritaires régionaux, existaient depuis 1934. Toutefois, c'est l'adoption de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, en 1968, qui amena la création d'un organisme provincial, la Commission de l'industrie de la construction. Cette même loi amenait l'application à toute l'industrie du mandat sur les avantages sociaux et, de 1972 à 1980, du mandat de l'application du code de sécurité sur les chantiers de construction. Puis, en 1975, la loi 47 créa l'Office de la construction du Québec et lui confia des mandats concernant l'adhésion syndicale et le placement des salariés.

Par ailleurs, la composition du conseil d'administration de l'office a également évolué au cours des années. Au début, dans le contexte des relations du travail de 1975, le législateur a doté l'office de membres indépendants des parties en présence dans l'industrie. Mais la situation a changé et depuis 1984 des membres issus du monde patronal et syndical de la construction siègent au conseil d'administration et y représentent même une majorité actuellement.

Quant au financement, il s'agit d'un autre élément majeur qui a marqué l'histoire de l'OCQ. Depuis quelques années, il est au centre de nos préoccupations puisque, malgré tous nos efforts de rationalisation administrative, nous faisons face à un déficit. Le projet de loi 119 propose une solution, soit une augmentation du taux de prélèvement sur la masse salariale. Ce prélèvement est a part égale entre employeur et salarié. Le conseil d'administration de l'OCQ est d'accord pour que l'industrie fasse sa part. Toutefois, il estime qu'étant donné le caractère public de la formation professionnelle, toutes les possibilités de subventions doivent être examinées. Il croit souhaitable que des mécanismes prévoient que la Commission de la construction du Québec reçoive sa juste part du financement général au même titre que les centres de formation professionnelle, par exemple.

Comme nous venons de le voir, les mandats de l'Office de la construction consistent essentiellement a s'assurer que la loi et les règlements afférents soient respectés. Donc, l'inspection, l'émission de constats d'infraction et le refus de délivrance d'une carte sont parmi les fonctions des employés de l'office. Les membres de cette commission comprendront facilement, dans ce contexte, que l'image de l'office puisse être biaisée par les mandats qu'il applique de son mieux. Cette image est souvent même négative. Toutefois, cela ne siqnifie pas que la qualité du service à la clientèle soit mauvaise. En 1980, nous avons effectué une enquête sur la perception de la qualité des services reçus par les usaqers de l'office auprès de 9000 salariés et de 6000 employeurs. Ce sondage confirmait la qualité des services offerts par l'OCQ, autant auprès des employeurs que des salariés. Par la suite, le secrétariat aux relations avec les citoyens et les citoyennes en arrivait à la même conclusion.

En février 1986, le secrétaire général associé du conseil exécutif faisait le bilan suivant: "Votre organisme a souvent été cité comme modèle par le secrétariat. Malgré les excellents services déjà existants, l'office a continué son travail dans le domaine de la formation du personnel et de la communication avec les employeurs et tes travailleurs de la construction. De plus, l'office a mis sur pied un programme de rétro-information portant sur le thème "À l'OCQ, le service prime". Cette dernière initiative a permis à votre orqanisme de garder à un haut niveau sa qualité de service avec ses clientèles, et nous vous en félicitons." En somme, l'Office de ta construction du Québec est un orqanisme de gestion administrative de mandats et nous pensons pouvoir administrer avec la même efficacité le nouveau mandat de formation professionnelle que veut nous confier le législateur par le projet de toi 119.

Nous avons vu précédemment que l'Office de ta construction du Québec assumait un rôle en regard du règlement sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre de la construction. En effet, étant donné la place centrale qu'occupe l'OCQ dans l'industrie et en raison de ses structures d'inspection et d'information, le législateur lui a confié certaines fonctions. Ainsi, l'office doit inspecter les chantiers de construction pour s'assurer que le travail requérant une qualification professionnelle est bien effectué par un travailleur qualifié. L'office a également le mandat de poursuivre les contrevenants.

De même, l'office doit établir et maintenir à jour l'inventaire des employeurs et des salariés assujettis au décret de la construction et produire une analyse des données obtenues par cette prise d'inventaire. La publication, Analyse de l'industrie de la construction au Québec, dont les membres de la commission ont reçu copie, est éditée depuis 1972.

Outre ses fonctions administratives, l'office a toujours continué à suivre de près le dossier de la formation et de la qualification professionnelles. Il faut se rappeler que la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction contient un article, l'article 80, qui confie a

l'office la responsabilité de l'application du règlement sur la formation. Cet article, datant de 1975, n'a jamais été promulgué, mais il démontre la volonté du législateur de l'époque de charger l'office de la responsabilité administrative de la formation et de la qualification.

Par la suite, en regard de cet article et en fonction de sa situation au sein de l'industrie, l'OCQ a fait plusieurs interventions dans ce dossier. Parmi celles-ci, soulignons qu'en 1980, dans le cadre d'une consultation effectuée par le ministère de l'Éducation sur le document La formation professionnelle au Québec, l'OCQ a présenté plusieurs commentaires. Ceux-ci portaient sur la nécessité d'adapter la main-d'oeuvre aux besoins du marché et donc, sur la nécessité d'une plus grande coordination entre main-d'oeuvre et éducation.

Plus spécifiquement, on y lisait: "...rappelons que pendant plusieurs décennies les partenaires de cette industrie ont assumé l'entière responsabilité du développement et du contrôle de leur main-d'oeuvre, tant en qualité qu'en quantité. Tout programme de formation professionnelle de la main-d'oeuvre pour cette industrie ne peut pas ignorer cette longue expérience et doit prévoir une continuité de l'implication des parties en cette matière."

En 1981, à la demande du gouvernement, l'office s'intéressait au phénomène de la déréglementation et publiait Pour une rationalisation de l'industrie de la construction en matière de réglementation. Une des recommandations se lit comme suit: "Nous recommandons que la gestion des différents mandats concernant les salariés de la construction, tels la qualification professionnelle, la classification, la référence de main-d'oeuvre, les avantages sociaux et l'administration de la convention collective soit rationalisée par le biais d'un regroupement administratif."

Finalement, en 1986, l'office participait aux différentes tables de travail mises sur pied par le ministre du Travail dans le cadre du comité sur la formation et la qualification professionnelle et sur l'abolition du certificat de classification. Ces diverses tables, dont celle sur l'encadrement institutionnel, étaient très critiques face au système actuel de formation de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Actuellement, le seul système en est un de formation sur le tas, sans suivi de l'apprenti. Les quelques statistiques suivantes sont très éloquentes sur l'état de santé de ce système: Globalement, le taux d'échec aux examens de qualification est de plus de 50 %. Cette constatation découle sûrement du fait que seulement un apprenti sur quatre a une formation professionnelle pertinente minimum avant de se présenter à son examen. D'ailleurs, pour ceux-là, le taux d'échec tombe à 30 %. Seulement 10 % à 15 % des diplômés de l'école secondaire en formation professionnelle des métiers de la construction se trouvent un emploi dans la construction.

Le constat qui s'est dégagé de ces travaux n'est pas nouveau. Il est le même que les partenaires de l'industrie répètent depuis plus de quinze ans. C'est le suivant: II n'existe aucun programme structuré de formation pour les apprentis dans la construction et au surplus, les divers intervenants manquent totalement de coordination. En d'autres termes, on ne retrouve pas au Québec un maître d'oeuvre qui possède les pouvoirs et les mandats nécessaires pour assurer la coordination de toutes les étapes du système de formation de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction.

Puisque le projet de loi 119 identifie un organisme responsable de l'élaboration des programmes de formation professionnelle de la main-d'oeuvre de la contruction et que les parties syndicales et patronales de la construction y sont directement impliquées, l'industrie de la construction ne peut que profiter de ces modifications au régime de formation.

Que notre orqanisme hérite de ce mandat de formation professionnelle va dans le sens de nos espoirs. Nous avons une longue tradition de travailler conjointement avec nos partenaires de l'industrie et nous croyons pouvoir mener cette tâche à terme.

Merci de votre attention.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Fournier.

Il nous reste un peu plus de trois quarts d'heure. M. le ministre. (12 h 15)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. M. le Président, parmi tous les mandats qui sont confiés à l'office, il y en a un sur lequel, comme ministre, j'ai tenté au cours des derniers mois d'obtenir des éclaircissements. J'en ai obtenu certains, je dois vous le dire, mais j'ai et je conserve toujours une certaine difficulté à marier certains chiffres qui me proviennent quelquefois du fichier de l'office et quelquefois du fichier de l'autre ministère dont je suis titulaire, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Les arrimages entre les données statistiques qui concernent des individus, des travailleurs, sont difficiles à faire.

Ma première série de questions - et je vous le dis bien spontanément - concernera la fiabilité des chiffres qui sont devant nous. Si on parle de contrôler l'accès par la compétence, peut-on se fier aux chiffres que l'on a devant nous ce matin pour parler de travailleurs compétents dans l'industrie de la construction?

La deuxième série de questions que

j'aurais à vous adresser portera sur la façon dont on entre présentement, ou qu'on est entré dans le passé, dans l'industrie de la construction. À ce chapitre, des documents m'ont été remis et soulèvent - en tout cas, en ce qui me concerne - un paquet de questions.

Concernant les chiffres, vous me permettrez de les arrondir. Ils ont varié de quelques milliers dans nos échanges au cours des dernières semaines. Disons qu'il y a è peu près, suivant vos chiffres, 120 000 individus - c'est plus de 117 000, mais disons 120 000 en arrondissant - qui détiennent des permis de travail et des cartes de classification dans l'industrie de la construction. Suivant les chiffres que vous nous rapportez quant aux travailleurs actifs dans l'industrie de la construction, cela varie de mois en mois, mais on peut dire que dans les bons mois - si on se place du côté des travailleurs - c'est à peu près 80 000 travailleurs qui occupent une fonction et qui sont actifs. Cela laisse, grosso modo, un bassin de 40 000 travailleurs qui ont un permis de travail mais qui ne sont pas employés. Pendant ce temps, au cours des deux dernières années, on laisse entrer, suivant les chiffres que vous nous avez communiqués, sur le marché du travail, en 1985, quelque 10 000 - c'est plus de 11 000 - et en 1986, c'est quasiment 20 000 nouveaux travailleurs.

Lorsqu'on sait que pour y entrer, il faut que le bassin provincial soit vide, comment peut-on concilier de tels chiffres et en arriver à une situation qui soit logique? 120 000 personnes détiennent un permis de travail, au maximum 80 000 personnes ont un emploi, donc, théoriquement, 40 000 sont en disponibilité et on ouvre les bassins cette année à 20 000 travailleurs parce qu'il y a pénurie ou on anticipe une pénurie de main-d'oeuvre. Comment, comme ministre, puis-je concilier ces chiffres-là?

M. Fournier: II y a plusieurs questions dans votre question. D'abord, je voudrais préciser que 1982 - en tout cas, quant au nombre de travailleurs classifiés - cela a été l'année du dernier renouvellement avec l'application des critères. Donc, en 1984 et lors du renouvellement partiel de 1983 et de 1985, cela a été des renouvellements automatiques et même si des gens, è cette époque, avaient quitté l'industrie de la construction, ils ont conservé leur certificat de classification.

Deuxièmement, parmi tous ceux qui sont classifiés, il y a cette difficulté qu'on a d'identifier ceux qui sont disponibles pour travailler dans l'industrie de la construction. Actuellement, le seul mécanisme pour vérifier la disponibilité, c'est soit par appel téléphonique ou par le rapport que doit nous faire l'employeur des embauches et des mises à pied. Or, avec ce système-là, on a beaucoup de difficulté et d'ailleurs une majorité de plaintes que l'on reçoit provient des employeurs qui nous disent; Écoutez, vous nous référez des qens qui ne sont pas disponibles ou qui sont déjà à l'emploi, etc. Donc, avec la difficulté qu'on a à identifier ceux qui sont classifiés et disponibles, lorsqu'on arrive pour analyser les besoins de main-d'oeuvre pour en faire entrer des nouveaux, on reçoit dans plusieurs réqions des demandes de délivrance de nouveaux permis parce qu'il n'y a plus de main-d'oeuvre disponible. Même si dans notre bassin de main-d'oeuvre on retrouve des gens classifiés, on ne peut pas présumer qu'ils sont disponibles, soit parce qu'ils sont déjà au travail, soit parce qu'ils ont quitté l'industrie de la construction depuis même plusieurs années à cause des renouvellements automatiques. Alors, c'est ce qui fait que la demande de main-d'oeuvre, avec l'augmentation des heures dans l'industrie de la construction, a quand même été très forte au cours des dernières années.

Si vous vous souvenez, en 1982, on avait travaillé 68 000 000 d'heures dans l'industrie de la construction, tandis qu'en 1985 il y a eu 85 000 000 d'heures et cette année on s'en va vers 91 000 000 d'heures.

Alors, il est très difficile de faire l'appariement exact entre le nombre de classifies disponibles et ceux qu'on entre, parce que notre bassin de disponibilité n'est pas toujours à jour, je dirais même qu'il n'est pas à jour. C'est probablement une des raisons qui expliquent le phénomène d'entrer de nouveau, malgré le fait qu'on ait 117 000 classifiés dans l'industrie de la construction et malgré le fait qu'il y a 80 000 salariés qui y trouvent de l'emploi; alors, la différence entre les deux, c'est cette difficulté d'identifier ceux qui sont disponibles et ceux qui ne sont pas disponibles.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a quand même sur le plan théorique et mathématique, si je peux utiliser l'expression, 40 000 - 120 000 moins 80 000 -travailleurs qui détiennent un permis de travail, une carte de classification et l'aboutissement de votre système, c'est de dire: Vu que ces gens ne sont pas disponibles, nous allons ouvrir de nouveaux postes. 11 y a 40 000 personnes qui ont des permis de travail de l'office et ne sont pas disponibles cette année au Québec.

M. Fournier: Qui ne sont pas disponibles, effectivement. En vertu de l'article 53 du règlement, on peut considérer des qens comme non disponibles si on les appelle et qu'ils ne répondent pas, si, par exemple, on leur offre un emploi et ils disent ne pas en vouloir, etc. Mais cela ne

nous donne pas nécessairement le droit de leur enlever leur certificat de classification; le seul moyen qu'on a pour faire l'épuration des bassins, c'est lors du renouvellement où, selon le règlement actuel, si la personne n'a pas travaillé 2000 heures durant la période de références, on pourrait lui enlever sa carte. Avec les renouvellements automatiques, ce mécanisme n'a pas été appliqué de sorte qu'on a dans nos bassins une série de personnes qui ne sont pas disponibles.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais une question bien précise sur le tableau E que vous avez joint à votre document et qui s'intitule "Répartition des salariés classifiés au 16 octobre 1986 selon le métier et le statut" et ma question se retrouve au bas, à la troisième ligne avant le bas de la colonne "métier non déterminé",

II y aurait 7562 travailleurs qui sont classifiés suivant le métier et le statut dans les métiers non déterminés. C'est un chiffre qui m'apparaît impressionnant, 7500 travailleurs. Dans quel métier sont-ils?

M. Foumier: Ce phénomène, ce sont des cartes qu'on a émises pour des apprentis et ces personnes... Parce que, pour avoir son carnet d'apprentissage du ministère de la Main-d'Oeuvre, elles doivent d'abord obtenir leur certificat de classification à l'office. Une fois qu'on leur délivre leur certificat de classification, elles vont au ministère de la Main-d'Oeuvre pour obtenir leur carnet d'apprentissage, leur carte d'apprenti, etc. Ce sont essentiellement des gens qui, après avoir obtenu la carte de classification, ne se sont pas rendus au ministère pour obtenir leur carnet d'apprentissage. II y en a 7535, c'est très élevé effectivement, mais ce sont des gens à qui on a émis un certificat et qui ne sont pas allés au ministère pour chercher leur carnet d'apprentissage. Essentiellement, ce serait cela. Il y a une petite différence...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Maintenant, disons que, sur le plan des gens qui sont actifs dans l'industrie de la construction, qui ont au moins une heure déclarée, c'est assez facile à identifier. Je pense que les données que vous nous transmettez sur cela sont relativement fiables. Je vous dirai que je continue à avoir des inquiétudes quant aux 40 000 autres. À quel endroit sont-ils exactement? Où peut-on les retrouver?

Je vais passer à ma deuxième série de questions. De quelle façon obtient-on un permis de travail en vertu de la réglementation actuelle? On m'a expliqué qu'il fallait que le bassin soit vide. On m'a également expliqué qu'on communiquait avec des dirigeants syndicaux pour obtenir leur accord, selon la région, sur le plan provincial ou sur le plan de la réqion. On m'a indiqué qu'il fallait s'assurer qu'il y ait pénurie dans un domaine ou qu'il y ait prévision de pénurie. On m'a rapporté des cas où... Je vous donnerai les chiffres tantôt, cela m'apparaît un peu compliqué d'expliquer une pénurie. Est-ce qu'on pourrait me dire exactement de quelle façon on procède, au moment où on se parle, à l'émission des nouveaux permis et en vertu de quels critères, avec la mécanique?

M. Fournier: En vertu du règlement de placement - par coeur, je pense que c'est l'article 55 - il y a deux situations qu'on peut identifier pour admettre des niveaux. Il y a d'abord la pénurie réelle et il y a la pénurie anticipée de main d'oeuvre. En ce qui concerne la pénurie réelle, normalement, la demande arrive par un employeur dans une région qui cherche, disons, un charpentier-menuisier, et il n'y en a plus de disponible dans cette région. La demande, à ce moment-là, est expédiée au siège social. À la suite de cela, il y a une consultation des différentes associations dans l'industrie de la construction. Le bassin est ouvert, lorsque la pénurie est constatée, pour 7 jours, 14 jours ou 21 jours.

Il y a l'autre sorte de pénurie, c'est la pénurie anticipée. Par exemple, si dans un métier - je vais prendre le briqueteur-maçon où on a eu des problèmes de recrutement, compte tenu du haut volume de travail dans ce métier - on prévoyait une pénurie. Le même processus est effectué. On fait une consultation auprès des associations. On vérifie le nombre de personnes qui sont disponibles, le nombre de personnes qui va être requis, selon nous, étant donné les travaux dans ce domaine. Là, il est décidé d'ouvrir le bassin pour 7 jours, 14 jours, etc. Ce sont les deux méthodes ou les deux sortes de pénurie qu'on peut traiter, en vertu de l'article 55, et qui sont traitées de la même façon, après une consultation des associations représentatives dans l'industrie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sans dévoiler de nom, je vais vous soumettre un petit cas pratique qui apparaît. Cela se dégage de l'ensemble d'une documentation du mois de mai que l'office m'a remise - je le dis comme tel. En ce qui concerne les peintres, au mois de mai dernier, dans la région de Montréal, il y avait 1984 peintres qui avaient des permis de travail, une carte de classification; il y en avait 953 sur les 1984 qui étaient actifs, qui déclaraient une heure à l'office, et il y en avait 204 qui se disaient disponibles. On a déclaré un temps de pénurie de 31 jours et on a admis 24 nouveaux peintres et il y a eu une consultation qui a été faite auprès de quatre centrales syndicales avec des accords - des accords, pour les fins de l'enregistrement.

Comment peut-on expliquer de tels cas?

M. Fournier: Je pense qu'essentiellement c'est la difficulté de repérer ou de rejoindre ceux qui, dans le bassin, sont identifiés comme disponibles et qui ne sont pas nécessairement disponibles. C'est la seule explication que j'y vois. La consultation se fait et les parties nous disent si effectivement elles en ont de disponibles ou si elles n'en ont pas. Lorsqu'elles n'en ont pas, des nouveaux sont entrés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis obligé de prendre votre réponse comme une réponse, mais j'ai 1984 travailleurs peintres dans la région de Montréal, avec des cartes, des permis de travail. J'en ai 953, il m'en reste 1000. Il y en a 204 qui se déclarent disponibles, on n'ouvre pas pour 7 jours, on ouvre pour 30 jours. Est-ce que, finalement, les chiffres qui sont là correspondent à une réalité? Est-ce que ce sont des chiffres qui se sont bâtis au cours des années?

M. Fournier: Je pense que c'est un processus qui s'est bâti au fil des années en ce qui concerne l'identification des pénuries et de la consultation qu'on fait auprès des parties pour solutionner ces problèmes. D'ailleurs, je pense qu'en ce qui concerne les peintres en particulier, il y avait un problème de recrutement de peintres-tapissiers. Donc, on peut ouvrir un bassin pour une spécialité à l'intérieur d'un métier, alors que les autres sont disponibles. Par exemple, il peut y avoir 3000 charpentiers-menuisiers disponibles dans toute la province; par contre, une région peut manquer de charpentiers-menuisiers. Donc, on va ouvrir le bassin à ce moment-là pour les charpentiers-menuisiers. Cela peut être des situations comme cela. Je ne vous dis pas que ce sont toujours des situations comme celle-là, mais cela peut l'être. (12 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que c'est de pratique courante qu'à chaque fois qu'on ouvre pour un métier ou qu'on considère accorder un permis de travail à un nouveau travailleur, il y ait de la consultation syndicale? J'ai les extrêmes pour le mois de mai: qui est consulté, dans quels cas, etc. Est-ce que cela fonctionne toujours de cette façon?

M. Fournier: Habituellement, je pense que cela fonctionne comme cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi); J'ai une question quant à votre fichier maintenant. Je ne sais pas si cela s'adresse à vous ou à quelqu'un d'autre, M. le Président. C'est compliqué. Dans les types de travailleurs que vous classifiez à partir de votre ordinateur, j'ai été surpris d'apprendre que vous aviez 25 codes différents pour les entrées, en partant. Cela m'a un peu épaté. Mais j'ai été encore un peu plus épaté lorsque j'ai constaté que les codes avaient des sous-codes et qu'il y avait 99 sous-codes de types de permis de travail et que parmi ces 99 sous-codes, certains sont même multipliés. Si le système continue, j'ai peur qu'on ait un code par travailleur, c'est-à-dire une raison. J'en ai un ici. Il peut obtenir sa carte car il n'est pas âgé de moins de 16 ans ou de plus de 80 ans. On en est rendu là sur le plan du permis. Comment cela a-t-il évolué? Est-ce qu'on a commencé avec 99 codes et on est en diminution ou est-ce qu'on s'en va en émettant des codes et en émettant des codes?

M. Fournier: Je pense que là-dessus, on est en diminution. Ce que les gens avaient tenté de prévoir...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À combien vous montez?

Une voix: Ha! Ha! Ha!

M. Fournier: ...par le raffinement de la statistique c'était d'essayer d'identifier l'entrée de chacun des travailleurs par raison spécifique. Évidemment, avec le nombre de cas qui se présentent à l'office, cela ne devient pas pratique, je pense. C'est pour cela que la plupart des codes qui sont utilisés se limitent à 25 au lieu de 99. Mais c'est un fait et je suis d'accord avec vous que les codes d'entrée sont beaucoup trop nombreux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ces documents m'ont été remis. Cela ne fait pas un an que je suis ministre. On m'a au moins remis cela dans la dernière année. Est-ce que ces 99 codes surmultipliés fonctionnent toujours ou si on est revenu à 25 codes?

M. Fournier: À 25 codes. Ce qu'on me dit, c'est qu'on utilise les 25 codes qui sont les raisons majeures ou enfin les résumés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On n'utilise plus les descriptions des codes de raisons d'émissions de 01 à 99?

M. Fournier: II y a 25 codes. On peut utiliser le 24, le 32, le 75, etc., maïs c'est 25 codes habituellement utilisés à l'intérieur des 99 codes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous aviez, comme président, à prendre la décision de délivrer des certificats de compétence à des travailleurs de la construction et que vous aviez dans la tête de reconnaître et vraiment reconnaître les acquis des travailleurs de la construction,

est-ce que vous auriez tendance - c'est une opinion, vous êtes libre d'y répondre comme président - est-ce que vous fonctionneriez en considérant le chiffre de 120 000, c'est-à-dire tous les gens à qui on a réémis un permis automatiquement au cours des années, ou en fonction du chiffre hypothétique de 80 000, soit le nombre de personnes qui ont été actives? Quels critères reconnaîtriez-vous si vous aviez à prendre cette décision?

M. Fournier: Je vous remercie de l'honneur que vous me faites. Il est sûr qu'avec le renouvellement automatique, on peut déjà déceler à l'intérieur du bassin des gens, par exemple, qui n'ont pas effectué une heure, qui n'ont pas rapporté une heure à l'Office de la construction depuis 1982. Cela fait quand même six ans et on peut présumer que ces gens ont quitté l'industrie de la construction. Cela fait quatre ans, excusez-moi. Je compte trop vite. À chaque année, on peut identifier un certain nombre de travailleurs qui, au cours de cette année, n'ont pas enregistré d'heures. Si j'avais à reconnaître des droits acquis, je serais peut-être tenté de dire qu'on va regarder ceux qui ont zéro heure durant toutes ces années et essayer de faire une vérification, peut-être, auprès de chacun pour dire: écoutez, est-ce que vous êtes encore dans l'industrie de la construction? Je connais des gens qui se sont trouvé un emploi dans une commission scolaire depuis ce temps-là et je ne pense pas qu'ils reviennent dans l'industrie de la construction. Il y en a qui se sont trouvé des emplois ailleurs, dans d'autres industries, ailleurs que dans les commissions scolaires. Même s'ils sont qualifiés aujourd'hui, je ne crois pas qu'ils reviennent dans l'industrie de la construction. Je serais porté à vérifier là véracité des données à ce sujet, afin de vraiment préciser - selon l'intention en tout cas - celui qui est dans l'industrie de la construction pour éviter qu'il perde des droits. Par exemple, il y a des gens qui peuvent être absents pour accident du travail, il y en a qui peuvent être absents pour maladie, etc. Il y a une vérification à faire auprès de ces gens. Aussi, il y a peut-être des mécanismes qui pourraient être inclus dans la réglementation pour faciliter cette vérification. J'aurais peut-être tendance à vérifier un certain nombre de chiffres.

M. Paradis (Brome-Missïsquoi): Et vérifier si la compétence a été exercée au cours des années.

M. Fournier: Effectivement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais toute une série de questions à vous poser quant à la formation. Cet élément est très important, dans le projet de loi, et on l'a peut-être laissé un peu en plan au cours de la deuxième lecture. Il est aussi important, dans le projet de loi, que l'accès par le biais de la compétence. M. le Président m'indique qu'il me reste à peine une minute. J'ai même privé mes collègues de ce côté-ci de poser des questions, je m'en excuse. Je voulais pouvoir établir publiquement la fiabilité des chiffres sur lesquels on doit se baser pour prendre des décisions sérieuses qui vont affecter, dans le quotidien, la vie de milliers de travailleurs et d'employeurs. Vos réponses m'ont éclairé. Quant à l'aspect formation, on aura l'occasion de se rencontrer à nouveau. On en reparlera en privé ou publiquement. Je vous remercie de votre collaboration, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M, Fournier, vous qui êtes un vieux de la construction - je me rappelle de vous dans les années 1972 et 1973 - est-ce que vous avez été consulté quant à l'élaboration du projet de loi comme P.-D.G. de l'OCQ?

M. Fournier: Oui.

M. Chevrette: Avec votre conseil d'administration?

M. Fournier: Pas avec le conseil d'administration.

M. Chevrette: Vous étiez seul.

M. Fournier: C'est-à-dire que l'on m'a demandé, dans le cadre de mes fonctions, un certain nombre d'opinions sur l'industrie de la construction. Je les ai fournies au ministre du Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez des résolutions du conseil d'administration de l'OCQ relativement au projet de loi?

M. Fournier: Non. La seule résolution que l'on a, effectivement, dans le mémoire qui est ici, c'est de brosser un tableau général de l'industrie de la construction, de fournir les statistiques que l'on a à notre disposition et de laisser l'occasion aux parties de se prononcer sur les différentes dispositions de la loi.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez demandé au ministre du Travail de mettre en vigueur l'article 80 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction qui se lit comme suit: "L'office est chargé de l'application de tout règlement concernant la formation et la qualification professionnelle des salariés de la construc-

tion." Est-ce que le ministre vous a offert de le mettre en vigueur ou le lui avez-vous demandé?

M. Fournier: Je sais que dans le passé on l'a déjà demandé. Est-ce que c'est à M. Paradis? De mémoire, je pense que non.

M. Chevrette: Est-ce que lui, il vous a offert de le mettre en application?

M. Fournier: Écoutez, les discussions que j'ai eues au ministère du Travail, c'est principalement avec le cabinet. Je ne pense pas que le ministre, personnellement, m'ait demandé: Est-ce que l'on devrait mettre en vigueur l'article 80 ou non? Je ne crois pas, non.

M. Chevrette: Est-ce que les parties, au conseil d'administration, à votre connaissance, désiraient être responsables de la formation et de la qualification?

M. Fournier: Je pense que les parties, au conseil d'administration, ont de tout temps voulu être responsables de la formation et de la qualification de la main-d'oeuvre dans la construction, le comité mixte aussi.

M. Chevrette: Est-ce que votre expérience dans l'industrie de la construction vous amène à conclure qu'il faut absolument un contingentement dans toute politique de formation et de qualification?

M. Fournier: Ce qui est prévu au projet de loi... Il y a des études de besoin de formation qui devront être faites par la commission, etc. Â mon avis, cela va constituer aussi une mesure de contingentement. C'est une mesure différente de celle qui existe actuellement, mais, à mon avis, cela va constituer une mesure de contingentement. Il ne faut pas oublier non plus les ratios compagnons-apprentis qui ont toujours existé et les périodes d'apprentissage qui ne constituent pas des contingentements sur le plan de la formation, mais qui, en pratique, constituent des contingentements.

M. Chevrette: Est-ce que votre expérience de l'application du règlement de placement vous pousse à dire que l'on n'aurait jamais dû enlever ou forcer d'une certaine façon la non-application du mécanisme d'épuration, puisque vous avez renouvelé... Surtout durant la crise économique de 1982, il est bien clair que, connaissant une chute dramatique dans la construction, le nombre d'emplois a chuté d'environ 30 000, ce qui a eu pour effet d'en enlever 30 000 à l'époque. De ces 30 000 emplois, on me dit qu'au moins 20 000 ont été réinstallés depuis et 10 000 que vous ne rejoignez à peu près pas.

Est-ce que la reprise des travaux dans l'industrie de la construction a fait en sorte qu'on réponde présentement assez régulièrement à des demandes additionnelles de nouvelles figures, en particulier des jeunes? Dans ces 20 000, vous avez parlé d'une moyenne d'âge de 28 ans, si j'ai bien compris tantôt. Vous évaluez cela à combien de jeunes, sur les 30 000, pour arriver à une moyenne d'âge de 28 ans? Est-ce que 17 000 pourraient se situer à 25 ans et moins?

M. Fournier: D'abord, sur les renouvellements automatiques, je pense que c'est difficile aujourd'hui. Â l'époque, le choix qu'on avait... Compte tenu de la baisse draconienne des heures travaillées dans l'industrie de la construction, il était difficile de dire que celui qui n'a pas fait d'heures, c'est parce qu'il avait quitté l'industrie de la construction à cause du nombre d'emplois. Celui qui n'avait pas fait d'heures avait peut-être été moins chanceux que celui qui en avait fait, etc. C'est difficile de dire si la décision a été bonne ou mauvaise parce que, même à cette époque, l'évaluation était très difficile à faire.

Pour ce qui est de l'entrée des jeunes, je pense que, en 1986, il est quand même entré 13 854 apprentis. Vous me direz que ces apprentis ne sont peut-être pas très jeunes, je pense que la moyenne d'âge est de 26,5 ans, mais dans l'industrie de la construction il n'y a pas vraiment de jeunes de 16 ou 17 ans. Si vous regardez l'âge moyen de presque tout le monde, il est d'environ 25 ans.

M. Chevrette: Dans votre revue intitulée Analyse de l'industrie de la construction au Québec, à la page 30, vous dites ceci: "Chez les apprentis, toutefois, l'augmentation de 46 % des effectifs est spectaculaire et l'on considère leur nombre, en 1984, à 10 522. Le groupe des apprentis aura donc le plus profité de la conjoncture favorable de l'industrie de la construction, ce qui confirme l'entrée des jeunes dans l'industrie en période de haute conjoncture." Vos analyses arrivent à cela. J'ai tellement entendu de discours disant qu'il n'en entrait pas et, dans l'analyse de l'industrie comme telle, vous affirmez vous-même que beaucoup de jeunes y sont entrés. Est-ce que vous maintenez toujours ce que vous avez écrit dans l'analyse de l'industrie?

M. Fournier: Oui. Si vous reqardez les fluctuations dans l'industrie, lorsqu'il y a récession, les compagnons sont habituellement les moins touchés. Les plus touchés parmi les qualifiés sont les apprentis. Ce sont eux qui perdent le plus d'heures et ce sont les compagnons qui maintiennent leur moyenne

d'heures annuelle. L'autre groupe qui est très affecté, ce sont les occupations.

Quand il y a reprise, les compagnons demeurent presque au même nombre, leurs heures augmentent un peu et ceux qui en profitent le plus sont effectivement les apprentis.

M. Chevrette: Dans la même revue, à la page 31, vous dites ceci: "L'entrée massive d'apprentis en 1985, conséquence directe d'une conjoncture économique favorable, aura permis le renouvellement de la main-d'oeuvre et l'augmentation du nombre de jeunes travailleurs." C'est ce qui explique la baisse de l'âge moyen, je suppose, dans cette industrie.

M. Fournier: Oui. L'augmentation du nombre d'apprentis et le nombre d'heures effectuées par ces apprentis font en sorte que la moyenne d'âge globale a diminué chez les travailleurs actifs.

M. Chevrette: On a essayé de nous faire croire que l'âge moyen dans l'industrie de la construction augmentait. On se servait du métier de briqueteur. II est sûr que, chez le briqueteur, l'âge moyen est très élevé; il ne s'est pas fait d'ouvrage en briques pendant sept ou huit ans, pour celui qui connaît la construction. C'était le panneau d'aluminium, le panneau contreplaqué. On a eu des problèmes quand la pose de brique a recommencé. On a essayé de nous faire croire cela.

Globalement, est-il exact, selon vos statistiques, que l'âge moyen - ce que vous maintenez toujours - des travailleurs de la construction a diminué? On me dit que ce serait la seule industrie en Amérique du Nord qui aurait vu son âge moyen baisser.

M. Fournier: Oui, mais c'est toujours au niveau des actifs, c'est-à-dire ceux qui ont effectué des heures, les apprentis particulièrement. Les compagnons qui avaient 42 ans et dont le nombre est demeuré presque le même ont continué de vieillir. Vous avez une partie des compagnons dont l'âge moyen est élevé. Par contre, l'âge moyen de l'ensemble de l'industrie, compte tenu des heures effectuées plus particulièrement par les apprentis, fait diminuer l'âge moyen de l'ensemble. (12 h 45)

M. Chevrette: Oui, mais est-ce que l'entrée des jeunes à titre d'apprentis, M. Fournier - cela ne se fait pas en un jour, passer d'apprenti à compagnon, vous le savez comme moi - est-ce que le fait que, massivement, il entre des gens, c'est un gaqe de renouvellement de la main-d'oeuvre, oui ou non?

M. Fournier: Oui, c'est un début de renouvellement de la main-d'oeuvre, effectivement.

M. Chevrette: Merci. C'est ce que je voulais vous entendre dire.

Vous parlez de 38 000, le ministre a arrondi à 40 000 pour les besoins de la cause. On va parler un peu de cela. Parmi les 38 000, quand vous les appelez et qu'ils ne sont pas disponibles, M. Fournier, il doit y en avoir une infime minorité qui est sur les accidents du travail ou qui s'est trouvé un emploi. Est-ce que vous ne croyez pas -je vous pose la question très sérieusement -qu'il y a un très grand nombre de ces 38 853 travailleurs qui oeuvrent au noir? Vous savez pertinemment que le travail au noir... Il a été chiffré par plusieurs individus, mais on parlait de 30 %, sans se chicaner. Ne croyez-vous pas que ce seraient plutôt les gens de cette catégorie qui ne sont pas disponibles quand les employeurs les appellent?

M. Fournier: Écoutez, le travail au noir, c'est un phénomène qui existe dans l'industrie de la construction. D'ailleurs, je pense que M. Paradis a déjà créé une table de travail pour consulter les qens là-dessus parce qu'il y a, je pense, un problème. Il est sûr qu'il y a des gens classifiés actuellement qui effectuent du travail au noir. Il y a des gens qui sont classifiés et qui sont devenus, au fil des années, des entrepreneurs; ils peuvent être devenus artisans. Il y en a qui ont quitté l'industrie de la construction, etc.

C'est difficile de dire que les 40 000 sont au noir. Je n'irais pas jusque-là. Il y a des gens là-dedans qui ont quitté l'industrie, d'autres qui sont devenus des employeurs. Lorsque vous les appelez, évidemment, s'ils sont employeurs ou artisans, les emplois que vous leur offrez, ne sont plus dans leur domaine. Il y a un phénomène d'entrepreneurs spécialisés quand même assez important qu'on constate aussi au niveau de la régie des entreprises. Alors, toutes ces personnes, si on pouvait repérer celles qui ont quitté l'industrie, celles qui sont devenues entrepreneurs, etc., on pourrait peut-être arriver, mais l'exercice est...

M. Chevrette: On va prendre le métier de peintre. S'il y a un secteur pour travailler facilement au noir, c'est celui-là. Tout le monde le sait. Ce n'est pas faire insulte à ce corps de métier, c'est une situation de fait, une réalité, et le ministre proposait un chiffre assez important: 1900 par rapport à 900 actifs ou déclarés. Si on regarde ce secteur particulier, je suis convaincu, par expérience, et seulement dans notre vécu quotidien, à parler à l'un et à l'autre: Qui travaille chez vous? Ah! Je suis en train de faire ma peinture, j'ai un gars, il me charge 10 $ en dessous de la table. Il a sa carte de

classification de l'OCQ et, de la peinture, il en fait annuellement. Un sous-sol, les "blinds" baissés, sans pouvoir de l'OCQ et sans trop de moyens de l'OCQ. Vous ne pensez pas que, pour apeurer vraiment ce secteur du travail au noir, en même temps... D'après moi, c'est une plaie pour un gouvernement. Ce sont des revenus qui ne reviennent pas à l'État, cela. Ce sont des gens qui ne sont pas disponibles pour l'employeur, au moment où on se parle, mais qui, pourtant, empochent de l'argent tout en étant même souvent sur le chômage, en plus. Trouvez-vous que le projet de loi répond, d'une façon adéquate, à cette lacune?

M. Fournier: D'abord, je trouve votre jugement un peu sévère parce que, si vous regardez, à l'heure actuelle, avec la définition d'artisan, une personne physique qui fait affaire avec une autre personne physique, sauf à des fins commerciales, n'est pas assujettie au décret. Lorsque vous parlez de finition de sous-sol, etc., si vous faites vous-même votre contrat avec un artisan, ce n'est pas assujetti au décret. Donc, ce ne sont pas des gens qui travaillent au noir.

M. Chevrette: M. Fournier, je vous arrête, je n'ai pas parlé d'artisans.

M. Fournier: Non, mais il y en a beaucoup qui...

M. Chevrette: Je n'ai pas parlé d'artisans. Quand on parlera d'artisans, je vous le dirai très clairement, je connais assez bien le secteur.

M. Fournier: Les mesures du projet de loi, de la façon dont je vois le projet de loi, c'est que vous changez le critère d'accès, qui était un critère d'heures, et vous dites que le critère, maintenant, ce sera la compétence. Il y a tout un programme de formation qui s'attache à cela et qui va avec des analyses de besoins, une meilleure planification des besoins. Cela arrive pratiquement à ce qui existait auparavant pour les compagnons, parce que, avant cela, comme vous le savez, le contrôle quantitatif se faisait aussi par l'apprentissage, par le ratio compagnons-apprentis, par la durée de l'apprentissage.

Les parties pourront vous dire si cela les satisfait ou pas. Quant à moi, je pense que c'est un changement de critère. De la façon dont cela sera appliqué et selon la précision qu'on pourra avoir, cela peut devenir satisfaisant ou cela pourra ne pas l'être. Mais je pense que les parties vont pouvoir élaborer beaucoup plus que moi là-dessus.

M. Chevrette: En vertu des articles 32, 33 et 35 du projet de loi que vous avez sans doute lu, est-ce que vous considérez que c'est là une façon de contingenter et d'épurer? C'est un jugement de valeur que je vous demande.

M. Fournier: Je pense que c'est une question de principe. Si vous dites que ceux qui sont qualifiés peuvent travailler, c'est cela. Si vous dites que vous ajoutez des critères d'entrée, vous ajoutez des critères d'entrée. C'est vraiment une décision sur le principe même. Est-ce que j'y vais juste sur la compétence ou si en plus de cela je leur mets un autre critère?

M. Chevrette: Dans un télégramme que je recevais de Maurice Pouliot, directeur général du Conseil provincial des métiers de la construction, on peut lire ceci: Le porte-parole de cette association est d'avis que l'industrie de la construction a besoin d'une réforme majeure. L'actuel règlement de placement ne remplit plus son rôle. Avec le temps, il est devenu tellement permissif que près de 30 000 nouveaux salariés sont entrés dans la construction.

Dans un temps il est trop permissif et dans un autre temps, à un moment donné, cela a de l'allure. Je voudrais savoir de votre part si vous considérez le placement actuel, pour l'avoir appliqué, comme étant trop permissif ou si vous considérez qu'il répond purement et simplement aux besoins que l'industrie vous fait connaître elle-même?

M. Fournier: Je pense que le règlement de placement a eu des effets bénéfiques. Dans certains cas, on a eu des problèmes d'ajustement de ce règlement. à chaque année, on devait l'amender et je pense même que les derniers amendements n'ont pas été-adoptés. On a beaucoup de difficulté à maintenir nos bassins de disponibilité à jour. Donc, qu'il soit trop permissif ou pas assez permissif, c'est vraiment un jugement de valeur parce que sur mes bassins, c'est difficile de savoir qui est disponible et qui n'est pas disponible. Donc, à partir de ce moment-là, c'est un jugement de valeur. Je peux dire une chose, cela peut être bon, comme cela peut ne pas être bon, à cause je dirais de l'impossibilité en pratique d'identifier vraiment si ceux qui sont dans le bassin sont encore dans l'industrie, s'ils sont à l'emploi, s'ils sont au noir, s'ils sont devenus artisans ou s'ils sont devenus employeurs, etc. On a constaté durant les dernières années qu'avec l'évolution de la demande de main-d'oeuvre on constatait des pénuries de main-d'oeuvre dans les régions et on a tenté de répondre à ce besoin de pénurie dans certains métiers, à partir de certaines régions.

M. Chevrette: Vous avez connu l'ancien

système où les parties décidaient paritairement du bassin régional. Cela a fonctionné?

M. Fournier: Non, cela n'a pas fonctionné.

M. Chevrette Dans quel sens?

M. Fournier: Si on parle du jugement Gold ou si on parle du 2711 des années soixante-dix, je pense qu'il y avait à la base un problème de logistique et d'identification de chacun des travailleurs. L'échec de ces règlements a été causé par le manque de support logistique en arrière. Je ne pourrais pas dire s'ils étaient fondamentalement mauvais ou pas, mais ils n'ont pas marché parce qu'on ne possédait pas l'inventaire de la main-d'oeuvre. Dans le règlement de placement, en ce qui a trait à la disponibilité, les employeurs ne rapportent pas les embauches, ne rapportent pas les mises à pied; on réfère donc des gens aux employeurs et les employeurs nous rappellent pour nous dire: Les gars que tu m'as envoyés sont à l'ouvrage.

M. Chevrette: II me reste deux minutes. Je voudrais permettre à mes collègues de parler. Une dernière question. En période de reprise économique, est-ce qu'on peut penser à épurer un peu le bassin sans toucher les véritables travailleurs de la construction et ceux qui veulent travailler et qui sont inscrits présentement?

M. Fournîer: En période de récession?

M. Chevrette: En période de reprise économique?

M. Fournier: Je pense que, comme je le disais tantôt, il y aurait des vérifications à faire auprès d'environ 20 000 personnes dont on a renouvelé automatiquement le permis et qui travaillent peut-être ailleurs actuellement. Il y a une épuration possible.

M. Chevrette: Une épuration possible.

M. Fournier: Oui, mais il faudrait faire attention, comme je le disais tantôt, de vérifier auprès de chacune des personnes, effectivement, si elles sont encore disponibles pour la construction ou pas.

M. Chevrette: J'aurais bien d'autres questions mais je vais laisser la parole à mes collègues.

Le Président (M. Charbonneau): J'ai deux petites questions parce que je voudrais aussi reconnaître mes deux autres collègues. Je pense que le critique est comme le ministre; c'est un bouffeur detemps.

Est-ce que l'OCQ a des statistiques pour évaluer la réalité de ce qu'on a appelé les "interdits de la construction". Est-ce que c'est 3000 ou 30 000?

M. Fournier: Nous, en tout cas, si on parle de ceux de 1982, ceux qui avaient perdu leur permis en 1982, on estime actuellement qu'il en reste environ 3000 soit qui n'ont pas répondu aux avis ou qui n'ont pas été renouvelés. Il faut dire que ces gens-là ont reçu jusqu'à trois avis de communiquer avec nous pour savoir s'ils voulaient revenir dans l'industrie ou pas. En tout cas, les derniers chiffres que j'ai en mémoire, c'est 3000.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. L'OCQ a-t-elle des données comparatives avec d'autres industries au Québec ou ailleurs sur l'entrée des jeunes, d'une part, et le rajeunissement de l'industrie? Autrement dit, si on compare l'industrie de la construction avec l'industrie minière, avec l'industrie de l'acier, avec l'industrie de l'automobile, avec l'industrie de la chaussure ou avec n'importe quelle autre industrie, est-ce qu'on a des données comparatives sur le pourcentage ou la facilité d'entrée pour la jeunesse du Québec ou pour les jeunes du Québec dans cette industrie par rapport à d'autres industries? En particulier, quand je regarde les chiffres que vous nous avez indiqués tantôt, c'est évident qu'on ne peut pas soutenir très sérieusement qu'il n'y a pas eu de jeunes qui sont entrés dans la construction.

M. Fournier: D'abord, on n'a pas d'étude comparative avec d'autres secteurs qui a été faite. Le secteur de l'industrie de la construction vit avec le cycle économique. Lorsqu'il y a moins d'emplois, des gens, il y en a moins et lorsqu'il y a plus d'emplois, des gens, il en rentre. Si on regarde cela sur dix ans, cela suit exactement le cycle économique.

Le Président (M. Charbonneau): C'est cela, mais vous n'avez pas de données comparatives pour indiquer que dans l'industrie de la construction, par exemple, les jeunes entrent moins et que le niveau de rajeunissement ne se fait pas à un rythme aussi intéressant ou acceptable que dans d'autres industries?

M. Fournier: Non.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Une dernière question, il reste quelques minutes. Avec un bassin qui augmenterait considérablement, qui pourrait aller jusqu'à doubler, pensez-vous que le contingentement va se faire plus facilement?

M. Foumier: Si j'ai plus de personnes

et si je dois vérifier si elles sont encore dans l'industrie ou si elles veulent entrer ou sortir de l'industrie, évidemment, je vais avoir plus de difficultés avec mes bassins. C'est clair. Si au lieu d'en vérifier 100 000, j'en ai 250 000...

Le Président (M. Charbonneau): Si on regarde la moyenne des heures travaillées et le niveau de chômage qui existe actuellement chez les travailleurs, on peut penser que si on- a un bassin considérablement augmenté, soit que les périodes de chômage vont être plus longues ou qu'il va y en avoir un plus grand nombre qui vont être en période de chômage.

M. Fournier: Je pense que c'est possible, parce que si vous regardez les travaux de construction, la majorité des travaux se font quand même dans une période concentrée de l'année. Le nombre d'emplois disponibles se concentre dans cette période. Alors, que j'en aie 100 000 ou 300 000, je vais en avoir tant d'actifs durant cette période-là. Cela n'augmente pas nécessairement le nombre d'heures annuelles parce que la période des travaux se fait, disons, du printemps à l'automne. C'est toujours durant cette période-là que les travaux se font. Je ne peux pas les faire travailler plus l'hiver si j'ai plus de monde ou moins de monde; c'est le nombre d'emplois.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le député de Roberval. Je crois qu'il reste encore une minute. Une question.

M. Gauthier: Je vais essayer de regrouper tout cela en une seule question et de faire le plus rapidement possible. Vous avez semblé indiquer, M. le Président, que le principal problème qui créait des embêtements aux entrepreneurs à l'Office de la construction et même aux instances syndicales, c'était le fait que vous appeliez des gens qui ne répondaient pas pour des raisons que vous ne pouvez pas identifier. Ne croyez-vous pas que la pire façon de régler ce problème qui fait pression sur le règlement de placement, actuellement, est de renouveler automatiquement tous les permis qui existent actuellement, en plus d'ouvrir la porte à des personnes qui ont obtenu un diplôme et qui en font la demande sans nécessairement marquer leur intérêt de façon particulière pour l'industrie de la construction?

M. Fournier: Vous faites référence aux mesures transitoires. La seule ouverture qui est créée, c'est pour ceux qui sont déjà qualifiés et dont on connaît le nombre. Pour les autres, il y a une garantie d'emploi ou il y a un cours de sécurité, etc. Alors, il y a peut-être des mesures de filtrage qui vont être faites par ces conditions additionnelles pour l'entrée.

Le Président (M. Charbonneau): Avec consentement, je pourrais permettre au député de Roberval une autre question, je sais que le député de Vimont me harcèle pour en avoir une également. Alors, une, une. Adopté. Très bien.

M. Gauthier: Je vous remercie, M. le Président, de résister au harcèlement du député de Vimont. Je veux simplement préciser de nouveau la question, M. le Président. Vous avez parlé beaucoup de la pression sur le règlement et des ennuis causés aux entrepreneurs par le fait que déjà beaucoup de monde, dont une quantité d'environ 40 000, ne répond plus. J'ai l'impression, en toute logique - je le pense, vous me corrigerez si je me trompe - que la meilleure façon de régler cet énorme problème pour toutes les instances, cela serait de procéder à ce que vous avez appelé une épuration du bassin. Je vous demande: Est-ce que vous ne croyez pas, sincèrement, qu'un renouvellement automatique et en plus une ouverture - je ne la qualifierai pas, vous avez dit qu'elle était relativement réduite -ce n'est pas la pire manière de régler le problème que rencontrent les entrepreneurs, l'OCQ et les syndicats? Est-ce que vous comprenez bien le sens de ma question?

M. Chevrette: Oui, oui, c'est qu'il va essayer de rester au centre.

M. Fournier: C'est ce qu'on a dit au début de notre mémoire.

M. Chevrette: On comprend cela.

M. Fournier: II est sûr... En tout cas, cela dépend avec quels yeux on regarde cela. Si je regarde cela avec des yeux patronaux, je vais vous dire qu'il n'y en a pas assez dans le bassin. Si je regarde cela avec des yeux syndicaux, il faudrait que j'en élimine encore plus que cela. Comme je le disais, on a eu des renouvellements automatiques et il y a des gens - et c'est normal qu'il y en ait - à peu près 15 % de la main-d'oeuvre, qui quittent, de toute façon, l'industrie de la construction par année. Eux, ils quittent. Ceux qui vont avoir le renouvellement automatique, ce ne sont que les qualifiés. Pour les autres, il faut que cela soit sur demande, il faut, après cela, qu'il y ait une garantie d'emploi, etc. Ceux qui ne sont pas intéressés ne demanderont probablement pas leur carte: s'ils ne veulent pas revenir dans l'industrie de ta construction, ils ne la demanderont pas. Alors, ce sont les mesures transitoires qui sont prévues actuellement.

M. Gauthier: Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va?

M. Théorêt: Oui, merci, M. le Président. Je veux juste rappeler au député de Roberval que le harcèlement que je faisais sur le président était pour avoir le même temps alloué à ma formation qu'à celle de sa formation politique et me laisser la chance de poser cette question: M. le Président, pour les non-initiés à la construction, quand on parie de 120 000 qui ont leur carte ou leur permis de travail et qu'il y en a seulement 80 000 qu'on dit actifs, vous comprendrez que si je suis un jeune à la recherche d'un emploi dans le domaine de la construction qui m'intéresse, je vais me dire que cela prendra un "paquet" de temps avant de pouvoir rentrer dans cela, il y a 40 000 chômeurs dans la construction.

Est-ce que vous avez, dans le passé, essayé ou fait des tentatives pour connaître le vrai inventaire actif? L'exemple que le ministre donnait dans le secteur de la peinture, on l'a retrouvé chez les briqueteurs, on l'a retrouvé chez les couvreurs. Est-ce que vous avez fait dans le passé, soit à la demande du gouvernement précédent, soit à la demande de vos associations, un travail quelconque pour connaître les vrais actifs dans le domaine de la construction?

M. Fournier: Oui, sauf que les 40 000, cela ne veut pas dire que ce sont des chômeurs. Comme je le disais, ils travaillent, même dans l'industrie de la construction, mais à un autre titre; ils peuvent également travailler ailleurs, ce ne sont pas nécessairement des chômeurs. Comme je le disais tantôt, il faudrait vérifier, NAS par NAS ce qu'il fait, ce bonhomme, maintenant.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors, quelques mots de remerciement?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que, de façon conjointe, et l'Opposition et le côté ministériel vous remercient du travail de préparation que vous avez fait pour venir nous présenter, dans la mesure du possible, des chiffres aussi fiables que possible, en les qualifiant, de votre ouverture quant à la formation. On vous remercie de la façon avec laquelle vous l'avez fait.

M. Fournier: C'est moi qui vous remercie.

M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez, M. le président, dans un geste magnanime, nous assurer que vos gens pourraient être à notre disposition pour des questions techniques sur les statistiques, parce que j'ai bien compris que les jugements de valeur, vous les gardiez?

M. Fournier: Je les...

Le Président (M. Charbonneau): Je sais que vous avez déjà offert à la commission de faire en sorte que les gens de l'OCQ soient disponibles pendant les deux jours; alors, je vous remercie. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 15 h 3)

Association de la construction de Montréal et du Québec

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend cet après-midi sa consultation particulière sur le projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Nous accueillons maintenant l'Association de la construction de Montréal et du Québec. Son président est M. Marc Décarie. M. Décarie, je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez - je vous te rappelle - quinze minutes pour la présentation de votre mémoire, puisque le temps réservé à votre organisme est d'une heure au total. Donc, quinze minutes pour la présentation de votre mémoire et les 45 minutes suivantes seront réparties de part et d'autre pour la discussion avec vous et vos collègues.

M. Décarie (Marc): Merci. M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les membres de la commission, l'Association de la construction de Montréal et du Québec est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de vous rencontrer aujourd'hui. Notre délégation aujourd'hui est composée de M. Bernard Garceau, vice-président de l'ACMQ, à ma droite; de M. Guy Dorais, président de notre comité des relations du travail, à ma gauche, et de M. Jacques Théoret, directeur qénéral de l'association, à mon extrême gauche. Moi-même, Marc Décarie, président de l'ACMQ.

L'Association de la construction de Montréal et du Québec, l'ACMQ, est un organisme sans but lucratif, fondé à Montréal en 1897. Il représente actuellement près de 2000 entreprises de construction, principalement des entrepreneurs généraux et des entrepreneurs spécialisés, en même temps qu'un certain nombre de fabricants et fournisseurs de matériaux. Les membres de l'association ont en majorité siège social dans la région métropolitaine, mais ils

rayonnent par leur activité dans tout le territoire du Québec. Cette activité touche aussi bien les domaines du bâtiment résidentiel ou commercial et industriel que la construction institutionnelle ou d'ouvrages de génie civil. Selon une étude récente, les entreprises membres de l'ACMQ touchent, quant au nombre d'heures rapportées à l'Office de la construction du Québec pour les travaux à pied d'oeuvre, environ 40 % des travaux de construction qui s'exécutent annuellement ici ou là sur le territoire, exception faite de la petite construction résidentielle. Environ 85 000 000 d'heures ont été rapportées à l'OCQ en 1985 et ce nombre devrait atteindre, pour 1986, selon les plus récentes prévisions, les 91 000 000 d'heures et ne diminuer que très légèrement en 1987, selon des projections que nous croyons plutôt conservatrices. On s'aperçoit donc de l'importance que revêt pour l'industrie, et tout particulièrement pour les membres de l'ACMQ, le sujet qui nous réunit aujourd'hui, soit l'étude et la mise en place de moyens qui assureront nos lendemains, la préparation de la relève à une main-d'oeuvre dont l'âge moyen augmente de façon alarmante et la disponibilité d'une main-d'oeuvre compétente dans toutes les régions, pour tous les métiers et occupations.

Il était alors tout naturel que l'Association de la construction de Montréal et du Québec se présente devant la commission de l'économie et du travail pour apporter sa contribution à l'adoption d'un projet de loi qui doterait réellement notre industrie des moyens d'atteindre sans plus tarder ses objectifs en matière de main-d'oeuvre.

C'est avec des sentiments partagés que nous nous présentons aujourd'hui devant la commission convoquée par le ministre du Travail pour l'étude du projet de loi 119 modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Bien sûr, nous ne pouvons que nous réjouir des intentions du ministre de remettre un peu d'ordre dans un secteur de l'économie qui a connu bien des soubresauts ces dernières années. Mais, pour en avoir discuté depuis trois semaines avec nos membres, il nous apparaît évident que, si le projet de loi 119 était adopté sous sa forme actuelle, cela entraînerait passablement d'inquiétudes sur les chantiers, d'énormes frustrations chez les dirigeants d'entreprises et une confusion certaine dans un secteur d'activité qui doit composer avec des structures déjà fort complexes. Car, dans les faits et au-delà des déclarations officielles, le ministre et son équipe ne sont parvenus qu'à "surréglementer" la déréglementation. En ne voulant pas déplaire aux uns tout en s'assurant la complicité des autres, le gouvernement nous propose un projet de loi tellement dilué qu'il est finalement parvenu à ne vraiment satisfaire personne.

Ce que nous proposons donc aujourd'hui aux membres de la commission, c'est une façon d'amoindrir les imprécisions du projet de loi et de le rendre plus conforme aux intérêts de notre industrie. Au départ, il nous apparaît très surprenant, voire incompréhensible, que le projet de loi prévoie une présence aussi importante du gouvernement au sein de la commission proposée.

En effet, comment un gouvernement peut-il aller aussi loin et se garantir autant de représentation au sein de la CCQ, à moins d'avoir carrément l'intention de tout contrôler? Comment un gouvernement peut-il, à la fois, garantir un bon climat socio-économique et soustraire aux principaux agents concernés la responsabilité de bien représenter leurs membres? Pour un gouvernement, c'est peut-être plus rassurant d'être ainsi omniprésent. Mais, les représentants patronaux ne sauraient se satisfaire d'être de simples consultants au sein d'une superstructure aussi gouvernementale.

Attendu que la CCQ sera financée par les syndiqués et les gestionnaires et que, par définition, elle doit d'abord veiller à leurs intérêts, l'ACMQ recommande donc que la CCQ soit un organisme paritaire composé exclusivement de représentants patronaux et syndicaux. Bien entendu, il va de soi que la présence de fonctionnaires des trois ministères concernés est essentielle et nous considérons que leur statut devrait être celui de participants observateurs sans droit de vote.

De plus, il nous semblerait également logique que le président de la commission puisse jouir d'une crédibilité reconnue par les deux parties. C'est cependant avec beaucoup de soulagement que nous reconnaissons au ministre le mérite d'avoir élargi la composition d'une éventuelle CCQ afin d'assurer une meilleure représentativité des deux groupes concernés, soit les syndicats et les patrons.

Afin que cette représentation illustre fidèlement la réalité de l'industrie, l'ACMQ recommande donc que la CCQ soit composée de sept représentants syndicaux et que soit reconnu formellement le pouvoir des associations tant patronales que syndicales de décider de la forme et du contenu de leur représentation au conseil d'administration.

En outre, nous nous interrogeons sur la pertinence de créer deux comités administratifs, l'un sur les relations du travail, l'autre sur la formation professionnelle. Les imprécisions du projet de loi quant à leur rôle nous amènent à penser qu'il y a risque d'engendrer des comités soit fictifs, soit omnipotents. L'ACMQ recommande donc l'abolition des deux comités administratifs et le pouvoir pour la commission de créer au besoin des comités ad hoc pour l'étude de dossiers spécifiques.

Ceci étant dit, il va de soi que la CCQ n'aurait, de notre point de vue, que des pouvoirs symboliques si ceux qui y siègent n'avaient pas la responsabilité d'établir, de modififer et de proposer des règlements. Or, selon le projet de loi, tous les pouvoirs de réglementation sont concentrés entre les mains du gouvernement. La CCQ ne serait qu'un outil de consultation en matière de relations du travail, de placement et de formation professionnelle. L'ACMQ propose donc qu'il y ait reconnaissance formelle dans la loi du pouvoir de la CCQ de faire elle-même tous les règlements de fond sujets à approbation par le gouvernement. Si cette proposition n'était pas retenue, autant dire que le gouvernement deviendrait le gérant d'un des secteurs de l'économie le plus important au Québec. Dans ce cas, comment le ministre pourrait-il prétendre laisser aux entrepreneurs et aux syndicats le soin de gérer leurs propres affaires? Selon nous, le concept de liberté d'entreprise et d'expression en prendrait pour son rhume car, après tout, les chantiers de construction n'ont rien de commun avec les systèmes de santé ou d'éducation. Il ne fait aucun doute, dans notre esprit, que la présence de délégués du ministre de l'Éducation, par exemple, est pertinente lors de l'établissement de normes régissant la formation professionnelle. Mais encore là, ce serait manquer de confiance aux syndicats et aux entrepreneurs que de soustraire l'autorité qui devrait leur être reconnue pour évaluer les besoins de formation de la main-d'oeuvre et pour faire les propositions qui s'imposent.

Au moment où il déposait son projet de loi le 12 novembre dernier, le ministre expliquait vouloir mettre fin à un régime injuste et discriminatoire qui imposait aux salariés un contingentement fondé sur le nombre d'heures travaillées. Notre souci principal est d'avoir accès à une main-d'oeuvre suffisante, disponible et qualifiée, comme les présidents des sept associations patronales l'avaient dit au ministre dans leur lettre conjointe du 27 juin dernier dont copie est annexée à notre mémoire. Nous avions donc de bonnes raisons d'être optimistes quant aux intentions du ministre.

Or, un examen plus systématique des articles du projet de loi 119 n'est pas sans soulever un certain nombre d'interrogations et même d'inquiétudes. En quoi, effectivement, la compétence devient-elle le premier critère d'accès à l'industrie? Selon nous, il s'agit d'une loi-cadre par laquelle il serait possible, mais sans plus, que la réglementation à venir réponde en tout ou en partie à nos préoccupations. Ce n'est que dans le cas des apprentis de première année et dans celui des occupations, par opposition à métiers, que l'on ouvre vraiment l'accès à l'industrie. Pour les métiers, c'est très largement à des règlements à être adoptés qu'il faudra se fier. Quant à la compétence, le projet de loi ne comporte aucune garantie sur la façon dont elle sera évaluée. De plus, tout indique que les priorités régionales demeurent de façon formelle. En effet, l'article 36 édicté que les certificats délivrés par la commission devront indiquer la région du domicile de leurs titulaires. L'article 42 qui modifie le règlement de placement n'élimine pas la préférence régionale. L'article 123 prévoit pour le gouvernement de pouvoir établir des règles de priorité régionale en matière de placement, d'embauche et de mobilité. Le projet de loi prévoit le maintien du règlement sur le placement jusqu'à son remplacement par une réglementation, encore là, à venir.

Il n'y a donc aucune garantie formelle de la liberté de l'employeur d'embaucher où il le veut, un principe que nous voudrions voir reconnu de façon formelle.

L'ACMQ recommande donc que le principe énoncé à l'article 45 du règlement sur le placement soit repris intégralement dans le projet de loi et soit même élargi afin que l'employeur ait le libre choix d'embaucher directement sans avoir recours à une agence de placement, mais aussi sans restriction régionale.

En conclusion, et tel que mentionné précédemment, nous tenons à rappeler au ministre que l'esprit du projet de loi et ses intentions d'aérer l'accès à l'industrie de la construction nous apparaissent fort valables. Là où nous avons des réserves, c'est sur les modalités d'application et sur les prérogatives que se réserve le gouvernement en créant une commission qui n'aura finalement qu'à administrer des règlements ministériels et ce, aux frais des principaux intéressés. (15 h 15)

Vous trouverez d'ailleurs dans le mémoire qui vous a été remis le détail et le pourquoi des recommandations que nous ne pouvions toutes énumérer à l'intérieur des quelques minutes qui nous ont été allouées. Mais nous aimerions conclure en lisant ensemble, à partir de la page 15 de notre mémoire, le coeur de nos recommandations.

Au dernier paragraphe de la page 15: "Nous ne rejetons pas du revers de la main le projet de loi 119. Malgré certaines lacunes que nous jugeons fondamentales, nous croyons en effet qu'il contient des éléments positifs et qu'en ce sens il constitue un projet de loi éminemment valable bien que perfectible. Nous croyons même qu'il est urgent qu'il soit adopté sous une forme remaniée dans les meilleurs délais. Les malaises qui ont poussé le ministre à s'intéresser aux problèmes que vit notre industrie dans les domaines de la formation professionnelle et du placement ne font en effet que s'aggraver au fil du temps. Une solution immédiate s'impose. "Pour ces raisons, l'ACMQ serait prête à appuyer l'adoption du projet de loi si les

changements qui lui paraissent essentiels étaient apportés au texte qui fait l'objet de notre présentation devant cette commission. Nous nous attacherons donc, dans les pages qui suivent, à formuler nos suggestions et à en démontrer le bien-fondé. "Sur la commission proposée. L'une des caractéristiques fondamentales du projet de loi 119 est l'omniprésence du gouvernement au sein des différents organes prévus dans le projet de loi et principalement au sein de la Commission de la construction du Québec. Une seconde caractéristique est la remise totale au gouvernement de tous les pouvoirs décisionnels en matière de réglementation et même l'absence d'obligation pour le gouvernement de consulter la commission proposée sur ces questions."

Le Président (M. Charbonneau): M.

Décarie, il vous reste à peine une minute. Je tiens à vous le dire,

M. Décarie: "De cette situation découle pour la commission un rôle pour le moins secondaire. Or, ces deux traits fondamentaux contredisent parfaitement l'une des recommandations exprimées par les sept présidents, dans leur lettre du 27 juin 1986, à savoir qu'il faudrait mettre les parties concernées en charge du dossier de la formation et de l'apprentissage via un comité paritaire auquel seraient présentes les associations syndicales et patronales. Ils contredisent également les éléments pertinents du programme électoral du Parti libéral du Québec. "En fait, selon le projet de loi 119, les représentants des parties syndicales et patronales seraient nommés par le gouvernement, sans obligation pour celui-ci de nommer les personnes qui lui sont recommandées par les associations représentées au sein de la commission. De plus, cinq membres de la commission, si l'on compte le président, seraient nommés directement par le gouvernement sans même de consultation préalable. "Plu3 encore, selon les articles 123 et 123.1, tous les pouvoirs décisionnels seraient concentrés entre les mains du gouvernement. La commission ne dispose d'aucun pouvoir de réglementation. Son rôle se limite à celui d'un outil d'application des politiques et des règlements gouvernementaux. Nous aurions à tout le moins espéré que cette commission dispose de certains pouvoirs décisionnels en matière de réglementation. L'on ne prévoit d'ailleurs même pas l'obligation pour le gouvernement de consulter la commission.

Voici donc nos recommandations:.."

Le Président (M. Charbonneau): M. Décarie, comme vous l'avez indiqué, les recommandations sont contenues dans votre mémoire. Malheureusement, le temps que les membres de la commission ont accepté d'allouer aux différents organismes fait en sorte que, si on veut vraiment avoir l'occasion d'échanger avec vous et vos collègues, on sera obligé de se contenter de la présentation que vous avez faite jusqu'à maintenant en se disant qu'on pourra toujours revenir à ces recommandations dans l'échange que nous aurons à partir de maintenant. Cela va? M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci de nous adresser des recommandations qui touchent aux modalités d'application du projet de loi. Vous avez indiqué que, finalement, ni la partie syndicale, si je peux utiliser l'expression, ni la partie patronale n'est satisfaite du projet de loi 119.

Pour en avoir discuté avec quelques-uns de mes prédécesseurs qui ont agi comme ministre du Travail, je vous dirai que, lorsqu'on réussit habituellement à satisfaire l'une des parties, on réussit à mécontenter drôlement l'autre, quelle que soit la partie. Généralement, les décisions qu'on a à prendre, quand il faut les arrêter, si on peut s'en tirer avec un équilibre... Et l'équilibre se retrouve rarement, à ce qu'on m'a raconté, historiquement, dans l'euphorie parce que le ministre du Travail, c'est un poste qui se doit d'être contesté: la minute qu'il n'est plus contesté, il n'existe plus. Je voulais juste vous souligner cela en partant.

Vous avez attiré mon attention sur quelque chose de très important, la composition du conseil d'administration de la Commission de la construction du Québec. Au moment où on se parle, avec les pouvoirs qu'il a, l'Office de la construction du Québec, en vertu de l'article 4 de la loi, est composé ou est formé de cinq membres, dont un président, nommés pour au plus cinq ans par le gouvernement qui fixe leur traitement et leurs conditions de travail. Donc, au moment où l'on se parle, on part d'un organisme qui est... Le gouvernement nomme qui il veut, il pourrait nommer cinq fonctionnaires, théoriquement, il pourrait nommer cinq représentants de la partie patronale ou cinq représentants de la partie syndicale, la discrétion est absolue.

On passe à une composition d'un conseil d'administration avec une commission à treize membres, dont un président: "Sauf le président, les membres sont nommés de la façon suivante: quatre, après consultation de l'association d'employeurs et des associations d'entrepreneurs; quatre, après consultation des associations représentatives; deux, recommandés par le ministre du Travail; un, recommandé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu - c'est peut-être accidentel; un, recommandé par le ministre de l'Éducation.

Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas le paritarisme parfait, mais que les

parties sont quand même majoritaires. Huit sur treize qui sont issus des parties, cela accorde, s'ils réussissent à s'entendre, à faire preuve de la maturité nécessaire dans les objets, le contrôle de la commission aux parties syndicales et aux parties patronales.

On pourrait, comme vous nous le suggérez, tomber dans le paritarisme un peu plus parfait en retirant les fonctionnaires gouvernementaux. Moi, je vous dis bien respectueusement, et j'aimerais avoir vos commentaires sur cela, que l'industrie, et là je parle autant des patrons que des syndicats, s'est plainte depuis des années que le ministère de la Main-d'Oeuvre et le ministère de l'Éducation n'étaient pas suffisamment impliqués auprès des parties et patronales et syndicales.

On m'a dit que de donner, comme vous le recommandez, un statut d'observateur aux fonctionnaires issus, entre autres, de ces ministères, ferait en sorte qu'on ne réussirait peut-être pas à intéresser suffisamment les gens qui occupent dans la haute fonction publique des postes décisionnels et qu'on pourrait perpétuer ce qui est arrivé dans le passé, c'est-à-dire, une rupture entre ce qui se passe sur les chantiers de construction, le monde de l'éducation en institution et les cours de formation du ministère de la Main-d'Oeuvre qui ne sont absolument pas adéquats et dont je suis responsable.

L'idée d'avoir une commission paritaire tripartite où les employeurs et les travailleurs ont le contrôle, mais avec une participation très active des ministères concernés, était de tenter d'impliquer au maximum tout le monde.

Est-ce que vous souhaitez encore que j'élimine des fonctionnaires?

M. Décarie: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. Deuxième question: Ce matin, vous étiez présent lorsqu'on a parlé de l'ouverture des bassins de main-d'oeuvre en fonction du système actuel. Ma question est bien simple: Est-ce que vous, comme représentant d'une association patronale - vous ou vos officiers - avez été consulté au cours des derniers mois ou des dernières années, pour l'entrée de nouveaux travailleurs, afin d'émettre votre opinion si le bassin était vide, etc.? Est-ce que vous avez déjà été consulté?

M. Décarie: Est-ce que vous faites référence à la consultation de l'été dernier?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je pourrais vous donner un exemple. Étant donné que vous êtes de la région de Montréal, je vais reprendre mon exemple de ce matin, je pourrais vous en citer beaucoup d'autres. Lorsqu'ils ont eu besoin d'ouvrir le bassin pour les peintres, est-ce qu'ils ont consulté votre association pour vous demander s'il y avait des besoins?

M. Décarie: On pourrait peut-être demander à Me Théoret si quelqu'un l'a contacté à ce sujet.

M. Théoret (Jacques): Depuis environ la fin de septembre, je dois dire, M. le Président, qu'à quelques reprises l'OCQ nous a contactés pour nous dire que, dans leur évaluation, il y avait à partir d'hier ou d'aujourd'hui, selon quand on nous contactait, possibilité de pénurie de main-d'oeuvre dans un métier ou une occupation donnée et qu'on avait à peu près une semaine pour dire à nos membres: "Allez vous chercher des certificats. C'est le temps. L'OCQ a constaté qu'il y a une pénurie". Cela a duré, à ma connaissance, environ un mois ou un mois et demi et, évidemment, dans des circonstances telles qu'on n'était même pas orqanisé pour contacter nos membres pour leur dire: "Allez-y! Demandez des certificats": Mais on n'a pas été - c'est la réponse précise que je veux faire à la question du ministre - consulté sur des questions semblables. On nous a appelé pour nous dire: "Nous avons constaté qu'il y avait pénurie et que, cette semaine, vous pouviez demander des certificats".

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M.

Décarie, peut-être, une dernière question pour laisser du temps à mes collègues. Quant au pouvoir réglementaire que d'après vous le gouvernement possède complètement, vous suggérez que les pouvoirs réglementaires soient remis à la commission et que le gouvernement ait, en définitive, un pouvoir d'homologation. Est-ce que vous seriez prêt à amender votre suggestion si le gouvernement allait dans ce sens-là pour que, de façon habituelle, il y ait un pouvoir d'homologation, mais qu'en cas d'impasse - et cela peut arriver au niveau du conseil d'administration - ou au cas d'entente qui irait contre l'intérêt public que le gouvernement puisse conserver un pouvoir d'initiative?

M. Décarie: Disons que je ne peux pas m'opposer personnellement et au nom de mon association à ce que le gouvernement s'occupe de l'intérêt public.

Disons qu'on est ouvert pour discuter toute amélioration raisonnable, dans le sens des demandes qu'on fait, au texte du projet de loi qui nous est présenté. Ce à quoi nous nous opposons, c'est à la nécessité d'attendre, éventuellement, les règlements une fois que la loi nous aura été imposée pour savoir exactement ce qui nous attend, où on s'en va et quelle est la nature de nos oppositions.

Quand les règlements vont sortir dans six mois, trois mois ou deux mois, il est bien

possible qu'on va être, en grande partie, content. Il se peut, même, qu'on soit très mécontent, on ne le sait pas. La consultation de cet été était beaucoup plus restreinte, on a été un peu surpris, comme on l'a déjà dit, par l'ampleur de la réforme qui nous est proposée. Devant le manque d'information finalement, on ne peut pas se prononcer sur une réglementation avec laquelle on n'est pas familier.

Si, par la suite, en négociant, que dis-je, en étant consulté et en ayant l'occasion de donner notre opinion, les règlements s'orientent plus dans le sens où nous aimerions les voir aller, on sera plus heureux, disons, qu'on ne l'est actuellement.

Actuellement, on ne peut pas être heureux, on ne le peut pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas une question que j'ai à vous adresser, c'est juste un commentaire. Les règlements comme tels, si vous avez bien lu le projet de loi actuel, ce sont les règlements actuels, comme les règlements de placement, qui continuent de s'appliquer jusqu'à temps qu'ils soient changés par des règlements qui nous viendront de la commission. À ce moment-là, vous regarderez la composition de la commission et vous pourrez être rassurés ou inquiets. S'il y a entente entre la partie patronale et la partie syndicale, ce seront les règlements qui vont être soumis, suite à cette entente.

M. Décarie: Vous dites que les règlements vont émaner de la commission, je suis très heureux de vous l'entendre dire? ce n'est pas écrit dans la loi. Dans la loi, c'est dit que c'est le gouvernement qui va réglementer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense qu'on a signifié, très clairement, qu'on était ouvert à des modifications aux articles concernés. Je vous ai adressé une question quant au pouvoir de réglementation, vous m'avez fourni une réponse, je vous en remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, je prendrai quelques minutes, moi aussi, d'abord pour féliciter l'ACMQ. Je ne suis pas d'accord sur l'ensemble du mémoire comme individu, mais je trouve, en tout cas, qu'il y a une franchise claire et directe dans le résumé que vous avez. Permettez-moi de m'en réjouir, en particulier sur votre perception de l'autorité même de la nouvelle structure pour laquelle vous payez. S'il y a un principe qui dit: "No taxation, no représentation", en fin de compte, vous payez, vous et les syndicats, et c'est le ministre qui va contrôler. Pour cela, je trouve que vous avez entièrement raison sur le fond et je ne me gêne pas pour le dire. Je suis d'autant plus inquiet que le ministre lui-même vient de vous dire, dans un de ses commentaires du début, que les quatre que le gouvernement va nommer, cela peut être quatre fonctionnaires, mais cela peut aussi être quatre patrons ou quatre syndiqués. Tmaginez-vous si c'est de nature à sécuriser les syndicats, s'ils nommaient quatre patrons et s'ils nommaient quatre syndiqués si c'est de nature à... (15 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi, M. le Président. C'est complètement contraire à ce qui est écrit dans le projet de loi. Je réfère le député...

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, M. le ministrel

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des limites.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, M. le ministre!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est obliqé de nommer quelqu'un issu du ministère...

M. Chevrette: Excusez-moi, M. le Président! Je n'ai pas dérangé le ministre. Je suis parti de ses propres paroles, d'une réponse qu'il a donnée à M. le président, disant que c'est complètement discrétionnaire et qu'il pourrait nommer qui il voudrait. C'est de nature - ses propres paroles - à insécuriser autant les syndicats que vous autres. S'il fallait nommer quatre patrons ou bien quatre syndiqués, vous savez ce qui arriverait. En plus, M. le Président, le ministre du Travail...

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Voulez-vous arrêter de "japper", s'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi...

Le Président (M. Charbanneau): M. le ministre, je pense que vous avez eu l'occasion...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, il n'a pas le droit d'être malhonnête. C'est en vertu de l'ancienne loi.

M. Chevrette: Ça fait, là! Vous avez raconté un paquet de mensonges aux jeunes, laissez-moi donc allerl

Le Président (M. Charbonneau):

Écoutezl À l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que chacun aura l'occasion de revenir encore. Vous n'avez pas épuisé votre droit de parole. Vous aurez l'occasion de rectifier les faits et je pense qu'on ne se racontera pas d'histoires, on va avoir de longues heures ensemble pour l'étude détaillée du projet de loi. On aura donc l'occasion de mettre les points sur les "i", si c'est nécessaire.

M. Chevrette: Donc, M. le président, étant donné que vous payez et que les syndicats paient, il est normal que vous meniez votre barque. Je suis entièrement d'accord avec cela. C'est ce qui me faisait, d'ailleurs, dire dans mon discours lors de la deuxième lecture que vous devriez être des codécideurs. Codécider, cela ne veut pas dire avoir une tutelle déguisée. Je partage entièrement votre point de vue sur cela. Vous avez raison d'être inquiets concernant la formation également. On produit un cadre, mais on ne dit pas ce qu'il y aura dans le cadre. On ne sait pas ce qui arrivera.

Il y a cependant un point qui reste ambigu par rapport à votre lettre du 27 juin, je crois, et par rapport aux consensus qui se dégageaient aux tables, c'est sur le contingentement. Il y a des pirouettes que vous faites et que je ne comprends pas. C'est assez clair dans la lettre du 27, c'est très clair et c'est quasiment le contraire dans votre mémoire et, par rapport aux consensus aux tables, ce n'est pas du tout cela. J'aimerais que vous clarifiiez votre point de vue sur le contingentement.

M. Décarie: En quoi la position qui est exprimée dans le mémoire vous semble-t-elle contradictoire?

M. Chevrette: II m'apparaît, dans votre mémoire, d'une façon très claire, que le contingentement, vous en voulez un peu. Le 27 juin, vous voulez "open bar"; aux consensus aux tables, vous êtes prêts à parler de bassins avec une marge de 10 %. Je parle des consensus auxquels vous adhériez en tout cas, je pense à la table ici. Je pourrais vous en citer un paquet qui se dégagent des cinq tables de travail. J'en avais encerclé huit ou neuf et cela ne me paraît pas conforme aux consensus qui se sont dégagés aux tables de travail. Quelle est votre position claire sur le contingentement?

M. Décarie: La position claire de l'ACMQ sur le contingentement est une position qui a été exprimée lors des tables d'étude préparatoires à la lettre du 27 juin, c'est-à-dire que c'est une position mitigée. Le contingentement a donné lieu, lors de la rédaction de la lettre du 27 juin, à plusieurs compromis de la part des différents intervenants pour en arriver à une position unanime. En tant qu'association, lors de la discussion aux tables, nous avons défendu une position qui est légèrement différente et nous nous sommes rendus à l'opinion de la majorité lors de la rédaction de la lettre du 27 pour présenter une position solidaire avec laquelle nous pourrions vivre. Intellectuellement, nous sommes peut-être un peu moins catégoriques à l'intérieur de l'association même. Je crois que c'est un droit qui nous appartient. Nous nous attendons à avoir, avec les syndicats, avec le gouvernement et avec tous les intervenants, des discussions - on s'attendait à cela, à l'époque, en tout cas -pour en arriver sinon à un consensus du moins à une position commune.

M. Chevrette: Je vais vous lire, M. le président, le rapport de la table des apprentis. Il est écrit en toutes lettres: "Tous les participants d'associations patronales-syndicales traditionnelles et les associations syndicales estiment que la notion quantitative en fonction des besoins de l'industrie en est une fondamentale et qu'on ne peut dissocier les besoins qualitatifs des besoins quantitatifs." C'était un consensus entre toutes les parties à la table de travail. Est-ce à dire que la position du 27 juin, la position patronale, reniait le consensus de la table de travail?

M. Décarie: Je ne crois pas. Tous ceux qui ont participé aux tables de travail ont pris connaissance de la lettre du 27 avant qu'elle soit publiée et en étaient satisfaits.

M. Chevrette: Malgré le consensus qui s'était dégagé antérieurement? La lettre du 27 juin vient a posteriori, puisque c'est à la fin de mai que vous avez remis le rapport au ministre.

M. Décarie: On a même ici à la table quelqu'un qui a participé à ces tables. Je pourrais peut-être demander à M. Dorais de commenter.

M. Dorais (Guy): M. le Président, quand on fait l'évaluation des besoins en main-d'oeuvre, il faut réaliser quand même qu'on est dans une industrie cyclique. Il y a des années où les travaux qui se sont faits au Québec étaient majoritairement des travaux de génie civil. L'année passée et l'année avant, cela a été surtout du bâtiment. Notre industrie est cyclique d'une année à l'autre. Or, évaluer les besoins dans une industrie cyclique, cela dépend dans quelle période de l'année on s'y prend. En hiver, on a trop d'opérateurs de machinerie lourde pour la construction de routes, mais il peut nous manquer des mineurs lorsqu'on fait des travaux souterrains.

En plus d'être cyclique d'une année à

l'autre, elle est cyclique d'une région à l'autre. Il y a quelques années, les régions qui bâtissaient au Québec, c'était les régions de la Côte-Nord, Sept-Îles, Port-Cartier, Mont-Wright. Ces années-ci, c'est plutôt Trois-Rivières et la région de Sherbrooke. Il y a des besoins cycliques qui vont par région. En plus de cela, dans notre climat, on a des cycles. Autrement dit, l'été, on a besoin de gars pour bâtir les routes, mais l'hiver on n'en a pas besoin. Quand vous parlez d'évaluation des besoins de l'industrie, ce n'est pas facile à faire. Quand on fait du bâtiment, on a besoin de briqueteurs. Quand on fait des travaux de génie civil, comme la phase 2 de la Baie James, on a besoin d'opérateurs. Ce n'est pas facile.

M. Chevrette: Est-ce qu'on peut contingenter à partir de la période la plus active de l'année, plus 10 % par exemple?

M. Dorais: Si c'est une année où il n'y aura pas d'élections, peut-être; il y aura moins de routes qui se construiront.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Chevrette: Avez-vous une longue expérience de cela?

M. Dorais: Non, mais j'ai l'âge pour avoir lu. J'en ai lu des choses dans ma vie.

Écoutez, ce n'est presque pas possible de répondre à cette question. On a mentionné ce matin qu'il y avait peut-être 40 000 travailleurs qui pouvaient légalement travailler, mais qui ne travaillaient pas. On a dit 120 000 cartes, 80 000 "jobs". D'accord, il y a 40 000 gars qui sont disparus quelque part. On a dit: Ils sont peut-être au noir, ils sont peut-être dans les municipalités, ils sont peut-être dans les écoles, ils sont peut-être ici, au parlement, je ne sais pas.

M. Chevrette: Ils sont peut-être dans les pompiers.

M. Dorais: Ils sont peut-être chez les pompiers, effectivement. Alors, contingenter et évaluer les besoins, je ne sais pas quelle est la réponse. Si on l'avait, je pense bien qu'on aurait réglé depuis longtemps ce problème. Maintenant, ce problème n'existe pas juste au Québec, il existe partout. On est une industrie cyclique. On n'est pas comme l'industrie automobile, on n'est pas comme les brasseries, on n'est pas comme les distilleries.

M. Chevrette: Étant donné que c'est une industrie cyclique et que le travailleur est en perpétuelle insécurité d'emploi après chaque chantier, comme organisme patronal, comme association patronale, est-ce que vous reconnaissez le droit à une certaine forme de priorité d'emploi à la main-d'oeuvre stable, aux vrais travailleurs de la construction?

M. Dorais: Est-ce que la question m'est adressée, M. le Président?

M. Chevrette: À celui qui pourra répondre.

M. Décarie: Oui, continuez.

M. Dorais: On a quand même parlé souvent des professionnels de la construction. Je pense bien que ce devrait être les premiers favorisés. Maintenant, les professionnels de la construction ont été un jour des étudiants. Ils ont été des apprentis et sont devenus des compagnons. À moins qu'on ne veuille renouveler notre stock tous les trente ans, j'ai l'impression que les professionnels de la construction, comme ils ont été appelés surtout par le mouvement syndical, devraient être des gars qui auraient la priorité, effectivement.

M. Chevrette: M. le Président, un individu qui oeuvre depuis 20 ans, par exemple, je ne sais pas, disons chez Firestone à Joliette, en électricité de construction, en "maintenance" et qui a sa carte de compétence, est-ce que vous considérez qu'il pourrait venir demain matin "bumper" un travailleur de la construction qui oeuvre sur les chantiers depuis 10 ans, hiver, été, automne et printemps?

M. Décarie: Disons que si la question est adressée à moi, en tant qu'entrepreneur général, je n'ai pas intérêt à embaucher des étrangers, quelle que soit leur compétence, si j'ai à mon emploi des gens qui me donnent satisfaction, qui sont payants pour ma compagnie et qui ont une bonne relation avec l'organisme que je dirige. Dire qu'on va tout de suite engager un étranger qui arrive, c'est une aberration. On est constamment soucieux de monter des équipes de gens avec qui on sait qu'on va être rentable. C'est le secret de notre survie. On n'ira pas demain engager seulement des étudiants qui sortent des cégeps parce qu'ils coûtent moins cher. C'est finalement le rendement qui est important au bout de la ligne.

M. Chevrette: Dans votre association, autant que dans les associations syndicales, vous savez pertinemment que ce n'est pas toujours le professionnalisme à 100 %. Je pense qu'on doit reconnaître cela au départ. Est-ce que vous reconnaissez qu'il y a un danger!.. J'hésite à utiliser le terme "chaudron" mais vous auriez compris tout de suite le jargon de la construction. Mais vous savez très bien que, dans toutes les associations, il y a du monde sans scrupule.

Qu'arrive-t-il lorsqu'on rouvre un bassin aussi large que cela? Quels sont les impacts possibles sur la concurrence entre les employeurs eux-mêmes? Ne craignez-voua pas le travail au noir? Car le travail au noir s'accentue de deux façons: premièrement, si vous augmentez le bassin, il va y en avoir plus pour se partager le gâteau et, deuxièmement, vous risquez d'avoir justement ce genre d'entrepreneurs qui n'hésiteront pas à engager de la main-d'oeuvre en dessous de la table pour devenir des concurrents déloyaux.

M. Décarie: Je ne vous cacherai pas qu'il existe des risques. La construction est une industrie à problèmes. Actuellement, on a un gros gros problème: il n'y a pas de relève. On n'en forme plus depuis quinze ans. Alors, il faut établir une priorité dans nos problèmes. Disons que j'admets qu'il y a des risques, j'admets que dans tout groupe d'êtres humains il y a des pommes qui sont plus pourries que d'autres; c'est vrai pour tout le monde. Il faut qu'il y ait une certaine réglementation. On ne préconise pas une disparition de la réglementation dans notre industrie, mais la priorité actuellement est le renouvellement d'une main-d'oeuvre qualifiée et compétente. L'âge moyen des menuisiers-charpentiers est de 55 ans. Je pense que c'est presque la même chose pour les maçons. L'autre jour, on parlait, je pense, des électriciens ou des plombiers qui ont 40 ans et plus. Ils me corrigeront si je me trompe. Le problème de la relève est inquiétant. Il faut faire un choix dans les priorités. Il faut choisir les risques que nous sommes prêts à prendre, conscients qu'il y en a des deux côtés.

M. Dorais aimerait peut-être ajouter quelque chose.

M. Dorais: Je veux juste ajouter un petit point. Il ne faut quand même pas oublier que ce sont des travailleurs québécois qui ont bâti la Baie James, ce ne sont pas des Ontariens. On peut dire qu'on a une main-d'oeuvre qui a des faiblesses, mais ce sont ces gars qui ont bâti la Baie James, qui ont bâti ITT Rayonier, qui ont bâti l'Expo, etc. Il ne faut quand même pas avoir de complexes ni se dire qu'on n'a pas de bons travailleurs. On a de la main-d'oeuvre valable ici et ce sont des Québécois qui bâtissent le Québec; ce ne sont pas des Ontariens ni des gars du Nouveau-Brunswick.

M. Chevrette: Je suis heureux de vous l'entendre dire.

M. Dorais: On le sait tous, cela.

M. Chevrette: Parce que, quand même, les apprentis apprennent avec quelqu'un aussi. Toujours dire que ce sont des incompétents qu'on a dans l'industrie, cela me choque, personnellement en tout cas, d'entendre cela. Je suis content que vous le réalisiez.

M. Dorais: Une faiblesse dans le système, ce sont les ratios, peut-être. Les métiers qui ont été identifiés par... (15 h 45)

M. Chevrette: C'est justement un consensus aux tables.

M. Dorais: Oui.

M. Chevrette: Je suis surpris que l'on ne retrouve pas précisément ces mesures concrètes plutôt que de tout flanquer par terre. Pourquoi ne corrige-t-on pas les lacunes d'un système plutôt que d'essayer de faire tabula rasa et de recommencer à zéro avec les risques que cela comporte? Le passé est garant de l'avenir, vous le savez, monsieur.

M. Dorais: Oui, sauf que, comme le disait le ministre tantôt, on n'a peut-être pas tout "sapré" par terre encore puisque ce qui est en place demeure jusqu'à ce qu'on le remplace. On dît: Redonnez-nous - aux parties, parce qu'on est deux parties dans le domaine de la construction - le contrôle de notre industrie et nous pensons pouvoir nous en sortir.

M. Chevrette: Le projet de loi 119 essaie de refaire au complet les structures sans vous redonner, aux parties...

M. Dorais: Oui, mais le ministre nous encourage, il dit: Je vous écoute.

M. Chevrettes Écoutez, à quelle date vous a-t-il consultés sur son projet de loi après le mois de mai?

M. Dorais: Écoutez, je gagne ma vie dans une compagnie de construction, je n'ai pas été consulté.

M. Chevrette: Est-ce que votre association a été formellement consultée après le mois de mai, M. le président?

M. Décarie: Disons qu'après le 27 juin nous n'avons plus été consultés.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Vous l'avez été avant le 27 juin?

M. Décarie: Avant le 27 juin? Certainement, mais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Décarie: ...cette consultation avait quand même une portée beaucoup moindre.

M. Chevrette: Avez-vous été consultés sur le texte du projet dé loi?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi, je peux indiquer...

M. Chevrette: Avez-vous été consulté sur le texte du projet de loi?

M. Décarie: Non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...que le texte du projet de loi, les premiers qui en ont eu connaissance, à moins qu'il n'y ait eu un coulage dont je ne suis pas informé, ce sont les membres de l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, avez-vous d'autres questions?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, cela va.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: M, le président de l'ACMQ, je suis un jeune parlementaire d'à peine un an. Je suis un ancien constructeur, entrepreneur général. Je constate aujourd'hui que, si j'ai été élu, c'est parce que j'étais un maudit bon patron. Souvent, dans la construction, on ne se fait pas des réputations, avec tout ce que l'on dit de ce secteur! Vous l'avez dit tantôt, c'est un domaine qui est très discuté. Je me suis fait taxer d'avoir été patron. Aujourd'hui, je suis très heureux d'être député et d'avoir été patron parce que cela m'a permis de comprendre un peu ce qui se passe dans le domaine de la construction. J'ai assisté, il n'y a pas si longtemps, à un colloque de la FCQ, la Fédération de la construction du Québec, au Palais des congrès. On m'a dit que j'avais apporté certains messages; c'est vrai, je suis l'adjoint parlementaire au ministre du Travail et c'est souvent mon devoir d'aller le représenter et de faire quelques messages.

M. Paradis, M. le ministre du Travail, a fait des consultations depuis le mois de mars. Si, aujourd'hui, il y a une commission parlementaire, c'est parce que l'on a décidé de continuer à vous consulter; c'est ce que le ministre du Travail a décidé. Lors du colloque de la FCQ, M. Chevrette, le député de Joliette, M. Dicaire, M. Dumoulin que j'ai vu tantôt, de même que M. Jean Cournoyer étaient présents. C'est là que la discussion a commencé au sujet du projet de loi 119. J'ai constaté, après plusieurs discussions avec les intervenants, à un moment donné, M. Jean

Cournoyer aussi, avec la réponse qu'il a faîte aux intervenants... Il a dit: Cela fait sept ans que je suis décroché, que je ne sais pas au juste ce qui se passe dans le domaine de la construction.

C'est vrai qu'il y a des problèmes de compétence. J'ai été un peu surpris de voir M. Cournoyer faire une déclaration dans le journal il y a environ quinze jours ou une semaine et dire qu'il était un peu inquiet de voir que l'on ouvrait les portes à tout le monde dans le domaine de la construction. Ce que je constate, c'est qu'il y en a qui ont fait des conclusions trop rapides. Beaucoup d'intervenants ont fait des conclusions trop rapides. Ce que le ministre du Travail veut faire avec le projet de loi 119, c'est ramener sur nos chantiers de la compétence. Ah, on a voulu me taxer d'avoir dit que les gens de la construction étaient incompétents. On en a, des gens compétents, vous l'avez dit tantôt. On a un fort pourcentage de personnes de 45, 50, 54 ans de moyenne d'âge qui sont très compétentes. Mais le problème ne se retrouve pas là.

D'ailleurs, ce matin, on en a eu la preuve par la façon dont les représentants de l'OCQ, de l'Office de la construction nous ont démontré qu'ils vont chercher la main-d'oeuvre, qu'ils donnent des cartes de compétence dans le domaine de la construction. D'après les statistiques, le pourcentage des jeunes diplômés qui sortent des écoles et qui sont capables d'avoir une carte de compétence est de 10 % à 15 %. Cela veut dire qu'au moment où on se parle on ne va pas chercher la main-d'oeuvre par la compétence. Avec le pourcentage de nouveaux arrivants -on en a 20 000 d'après ce qu'on nous dit -on ne peut pas faire la comparaison, par exemple, avec un maçon qui a pris sept ans à faire sa formation. Un jeune, un apprenti en maçonnerie qui arrive avec un an d'expérience. Il pose à peu près 200 briques par jour. Avant qu'il en pose 700 à 800 par jour, cela va lui prendre à peu près cinq ou six ans. C'est cela la preuve que je peux faire avec la maçonnerie. Je ne peux pas faire cela dans tous les corps de métiers. C'est très difficile d'évaluer un menuisier.

Le gros problème, le problème principal, M. le Président et M. le député de Joliette, on le retrouve chez les petits entrepreneurs. II y a 82,6 % des employeurs, qui sont entrepreneurs généraux, qui ont cinq employés et moins. Saviez-vous cela? Le problème des gars qui ont cinq employés et moins, c'est d'essayer de garder leur main-d'oeuvre compétente. Le gars qui a 50 employés et plus, il contrôle un certain bassin de compétence. Au Québec, si on a eu autant de faillites, si on a eu autant de problèmes et si on a autant de problèmes avec le travail au noir, c'est principalement dans la petite construction. Ce sont des petits entrepreneurs qui ont des problèmes

dans le moment.

Quand arrivent des gros chantiers, on vide la compétence chez nos petits entrepreneurs et le consommateur se retrouve avec des gens incompétents. Ils n'ont pas la compétence absolue. C'est un peu pourquoi le ministre du Travail, avec plusieurs consultations de la partie patronale - parce que, vous l'avez dit et on en a eu la preuve ce matin, la partie patronale n'est pas consultée depuis au moins dix ans sur la formation de la main-d'oeuvre et sur l'accès à la nouvelle main-d'oeuvre dans le domaine de la construction - avec la loi 119 ouvre le marché de la construction avec un certain contrôle en mettant au point un système de formation modulaire et intégré qui va nous permettre enfin d'avoir des mécanismes d'évaluation qu'on n'a pas et de reconnaissance des compétences acquises, au lieu d'amener toute sorte de monde sur le marché du travail parce que monsieur connaît un tel chef syndical et qu'il connaît un tel patron, et qu'à un moment donné il a la chance d'avoir une carte. On choisit notre monde par ordinateur. C'est ça qu'on ne veut plus. On veut qu'il soit choisi à cause de sa compétence, à un centre de formation que le ministre du Travail va mettre sur pied avec vos interventions, les interventions des syndicats, les interventions des patrons et du gouvernement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci beaucoup. Moi, je voudrais bien qu'on puisse m'expliquer ce qu'on retrouve dans votre mémoire, à la page 15; vous dites que c'est un projet de loi éminemment valable et qu'il y a urgence qu'il soit adopté très vite. Vous savez que le ministre souhaiterait que ce soit adopté avant Noël. Si je m'en remets à votre mémoire où il y a à peu près une dizaine de recommandations - d'autres associations patronales et syndicales vont venir aussi et ils auront aussi des recommandations - je me demande comment on va faire dans onze jours de session pour réécrire la loi pratiquement au complet, la faire réévaluer et l'adopter en commission parlementaire. À part cela, je voudrais savoir de M. Dorais quelle garantie il a eue, mis à part le fait que le ministre lui a dit qu'il était à son écoute. Quelle garantie le ministre vous a-t-il donnée que vos recommandations se retrouvent à l'intérieur de la loi?

M. Décarie: Je peux répandre à la première partie de la question. Ce qu'on demande, nous, de façon péremptoire - ce n'est peut-être pas le terme que je devrais employer, mais enfin - ou plus urgente, c'est, finalement, un organisme paritaire. Nous croyons que, si on obtient cela et si cet organisme a le pouvoir de faire lui-même sa propre réglementation, tous les autres problèmes qu'on peut déceler dans la loi pourront se régler de consensus par la suite à l'intérieur de ce cadre. Ensuite, Si M. Dorais voulait...

M. Dorais: Je vais répondre à la deuxième partie de votre question à propos des garanties. Je suppose qu'il y a 150 personnes ici aujourd'hui qui ont entendu le ministre il y a quelques minutes nous dire qu'il était ici pour nous écouter et, possiblement, faire des changements à la loi. Il y en a une encore plus forte, probablement, qui est celle de la logique, dans le fond. Si c'est lui qui fait tout, c'est chez lui qu'on exerce les pressions. S'il ne veut pas avoir à toutes les semaines un groupe de pression qui veut faire des représentations, il a intérêt à nous redonner notre industrie. Voila!

M. Chevrette: À privatiser.

Le Président (M. Charbonneau:): J'aurais une question à vous poser à propos de la compétence. Vous avez insisté beaucoup sur cet aspect-là tantôt. Comment pouvez-vous concilier l'ouverture selon la compétence, d'une part, ou l'accès à l'industrie en fonction de la compétence et la disposition qui fait que quelqu'un qui serait âgé de plus de 16 ans et qui aurait une garantie d'emploi de 500 heures pourrait avoir accès facilement à l'industrie de la construction? Ne pensez-vous pas que, finalement, cette disposition va à l'encontre de ce que vous disiez et ouvre la porte toute grande à des abus qu'on a déjà connus dans le passé et que tout le monde réprouvait?

M. Décarie: Si on examine notre lettre du 27 juin, on s'aperçoit que nos recommandations étaient un peu plus détaillées que cela. On envisageait, nous, que chaque spécialité, chaque groupe de métiers élabore des critères d'accès qui éloigneraient, disons, les gens qui n'auraient pas une prédisposition ou, enfin, une affinité avec le monde de la construction. Il ne faudrait pas, non plus, partir en fou et dire: Bon, les entrepreneurs vont donner des garanties de 500 heures à tout le monde et n'importe qui va pouvoir travailler dans la construction. Je l'ai dit au départ: L'entrepreneur n'a pas intérêt à ne faire entrer sur ses chantiers que des gens qui n'ont aucune compétence. C'est sa rentabilité qui en dépend.

Le critère de 500 heures a été élaboré en dehors de nos recommandations. On ne sait pas trop d'où cela vient. C'est peut-être un chiffre qui a semblé raisonnable. Certains ont demandés Quelles sont les pénalités si cela ne fonctionne pas, de part et d'autre? Qu'arrive-t-il si après 50 heures le candidat est jugé incompétent? Cela peut arriver, tout

le monde peut se tromper. Tout cela serait une réglementation assez touffue qu'il faudrait préparer par la suite. Nous disons tout simplement que nous voudrions avoir, avec les syndicats, l'occasion de la préparer.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Vimont, je fais juste un commentaire en terminant. J'imagine que, si on veut faire respecter les 500 heures, cela va prendre une sacrée bonne bureaucratie et pas mal de contrôleurs pour faire en sorte qu'on les respecte effectivement, ces 500 heures. M. le député de Vimont.

M. Théorêt (Vimont): Merci, M. le Président. Il est ressorti bien clairement, M. Décarie, de votre mémoire, que vos grandes préoccupations - vous l'avez mentionné un peu plus tôt - sont le manque de relève important, ainsi que la formation. Or, vous avez également mentionné que vous préféreriez avoir au sein du conseil d'administration des membres, des fonctionnaires, mais strictement à titre d'observateurs. Afin de permettre à nos jeunes apprentis d'acquérir une formation professionnelle et des compétences, quelle approche aimeriez-vous que le gouvernement prenne ou permette dans ce cas? Voulez-vous strictement avoir des observateurs parmi les représentants des différents ministères à caractère de formation? (16 heures)

M. Décarie: Je ne saisis pas très bien la question.

M. Théorêt (Vimont): Vous avez mentionné que la formation pose un problème.

M. Décarie: Oui.

M. Théorêt (Vimont): Quelle est votre approche dans ce domaine, contrairement à celle que propose le gouvernement?

M. Décarie: Vous dites: Contrairement à celle que propose le gouvernement. Tout ce que nous avons avancé jusqu'à maintenant, c'est qu'on voudrait avoir le contrôle, avec les syndicats, de l'élaboration du système de formation, des critères de formation et des tests qui peuvent éventuellement... Mon Dieu, on me fait parvenir des notes de droite et de gauche. Peut-être que M. Dorais aimerait faire des commentaires.

M. Dorais: J'avais bien compris la question, mais comme elle était adressée à M. Décarie, j'en ai peut-être manqué un bout.

On voit le ministère de l'éducation comme un outil. On se dit que les gens qui connaissent réellement les besoins de formation des travailleurs, ce sont sûrement les employeurs et les syndicats qui regroupent ces travailleurs. Au moment où les parties s'entendent sur le contenu des métiers - il est évident qu'on ne formera pas notre propre ministère de l'éducation - on se rend au ministère de l'Éducation et on lui dit: Nous jugeons que, pour être un briqueteur compétent, selon les plans d'aujourd'hui, cela prend trois périodes de 2000 heures. On voudrait établir le contenu de ces choses. On ne se changera pas en professeur. On pense qu'il y en a déjà au ministère de l'Éducation.

On voit le ministère de l'Éducation comme un outil, comme il l'est à l'élémentaire et au secondaire et pour le reste; c'est un outil de perfectionnement de nos travailleurs.

M. Théorêt (Vimont): Donc, s'il y a entente entre le patronat et les syndicats sur la façon de former, selon ce qui est permis avec la formation de la commission qui est proposée, c'est de cette façon que cela peut se faire dans la proposition qui est faite.

M. Dorais: Oui.

M. Théorêt (Vimont): Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Roberval, une brève question.

M. Gauthier: II semble que je sois condamné à poser des questions très brèvesl M. le président, vous semblez reconnaître dans l'ensemble de vos arguments que vous avez besoin, et c'est normal, de personnel compétent dans vos entreprises si vous voulez être concurrentiel tout en étant capable de produire et de faire un certain profit, ce qui est légitime. Vous semblez reconnaître également, j'imagine, dans la construction comme ailleurs, que la compétence de quelqu'un se détermine souvent par une bonne formation, une solide expérience et aussi par une certaine sélection de candidats qui doit se faire naturellement ou à partir de certains mécanismes. Vous avez également reconnu un aspect humain qu'il faut protéger chez les professionnels de la construction, les vrais travailleurs de la construction et qu'il fallait garder cela présent à notre esprit.

Dans votre mémoire, à la page 13 - je vous cite trois lignes du deuxième paragraphe - vous dites: "Dans les cas des apprentis et dans celui des occupations, l'on ouvrirait donc vraiment, ou presque, l'accès à l'industrie à toute personne voulant y travailler." Si je comprends bien l'analyse que vous faites du deuxièmement de l'article 33 du projet de loi, la personne de 16 ans ou plus qui a une garantie de 500 heures, on lui donne un accès à la construction. À partir

de votre définition de la compétence, à partir de votre souci d'avoir des gens compétents et de protéger les vrais professionnels de la construction et de la constatation que vous faites de ce que permet le projet de loi, vous seriez donc d'accord pour éliminer, à toutes fins utiles, le deuxièmement de l'article 33. C'est une ouverture très large, vous le constatez, et cela ne correspond pas à vos objectifs de compétence et à vos objectifs sociaux.

Je traduis cette intention que vous avez exprimée et la constatation de votre mémoire par une sorte de demande de retrait de cet aspect.

M. Décarie: Nous sommes intéressés à ce que l'accès à ceux qui veulent oeuvrer dans la construction soit le plus large possible. La sélection des candidats et l'évaluation de la compétence ultimement appartiennent à l'employeur. Il y aura des candidats qui se seront qualifiés à l'intérieur d'un système de qualification qui aura été élaboré paritairement, je l'espère.

De toute façon, on dit quelque part dans le rapport que le libre choix de la part de l'employeur et de la part de l'employé, évidemment, est un des critères sur lesquels on ne peut faire aucun compromis.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais remercier les gens de l'ACMQ et leur dire que j'espère qu'ils ne seront pas déçus après la commission parlementaire ou à l'adoption de la troisième lecture et que cet organisme reviendra de droit à ceux qui paient pour. Deuxièmement, pour l'information de M. Dorais qui disait que les charpentiers-menuisiers avaient une moyenne de 55 ans...

M. Décarie: C'est moi, malheureusement.

M. Chevrette: Les statistiques les plus fraîches, c'est 28,2 ans pour les apprentis et 47,1 ans pour les compagnons; donc, la moyenne vous la tirerez entre les deux.

M. Décarie: Dans une compagnie dans laquelle je suis personnellement intéressé et qui a ses employés depuis plusieurs années, c'est 55 ans.

M. Chevrette: Parce que l'OCQ a témoigné ce matin avec cela.

M. Décarie: Je veux bien le croire, mais il y a peut-être des gens qui sont plus jeunes, mais qui ne sont pas...

M. Chevrette: Donc, vous êtes une compagnie à se renouveler.

M. Décarie: On en est une, oui.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup, M. Décarie, pour votre travail. Vous aurez compris que, s'il nous fallait retenir toutes les suggestions de tout le monde nous n'en arriverions jamais à un projet de loi, mais les solutions ou les suggestions qui vont dans le sens d'impliquer davantage les parties et que vous nous avez faites, entre autres, nous y portons une attention très importante.

M. Décarie: Notre but est de vous aider.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. J'appellerais maintenant le Conseil provincial des métiers de la construction.

M. Pouliot, bonjour. J'aimerais d'abord que vous présentiez les gens qui vous accompagnent et je vous rappelle que vous avez quinze minutes pour la présentation de votre mémoire et que le reste du temps, c'est-à-dire 45 minutes, est réparti des deux côtés de la table. Sans plus tarder, M. Pouliot.

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction

M. Pouliot (Maurice): M. le Président, pour débuter, je voudrais présenter mon confrère Yvan Bertrand qui est gérant d'affaires des finisseurs de ciment et des tireurs de joints, Normand Tourignan qui est gérant d'affaires des journaliers-manoeuvres, local 62 de l'union internationale, le procureur du conseil provincial, Me Robert Toupin, Mme Francine Legault, qui est attachée de presse du conseil provincial et M. Jean-Paul Caissy, qui est gérant d'affaires du local 711 et monteur d'acier de structure.

M. le Président, M. le ministre, pour débuter, je m'interroge sur les raisons qui ont motivé la décision de la commission parlementaire de donner simplement une heure à ce qui s'appelle le Conseil provincial des métiers de la construction lorsqu'on sait qu'il y a d'autres centrales syndicales et d'autres associations d'employeurs qui ont une heure et demie. Est-ce le fait que le conseil provincial a, à toutes fins utiles, réclamé et exigé du gouvernement du Québec la tenue d'une commission parlementaire, ou est-ce que c'est parce qu'on a donné un accord de principe sur le projet de loi 119? Si on parle de démocratie, comme le mentionnait le ministre du Travaii ce matin,

lors de l'ouverture du débat, je ne vois pas où est la démocratie. Le conseil provincial international représente plus de 35 000 travailleurs de l'industrie de la construction...

M. Chevrette: M. Pouliot, je voudrais au moins clarifier une chose: En tant que membres de l'Opposition, nous avons suggéré que la CSN, la FTQ et le Conseil provincial des métiers de la construction aient une heure et demie. Nous avons même proposé au tout départ la parité en nombre d'heures disponibles à la commission entre patrons et syndiqués et la formation du pouvoir a décidé de vous donner une heure et elle nous a battus là-dessus.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Vimont.

M. Théorêt (Vimont): Vous me permettrez de corriger les déclarations erronées du député de Joliette.

M. Chevrette: Ce n'est pas erroné, vous avez battu la proposition.

M. Théorêt (Vimont): M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît! S'il le faut, on reviendra au procès verbal. M. le Vice-Président.

M. Théorêt (Vimont): M. le Président, je tiens à corriger parce qu'il est bien évident, si vous lisez les galées de la dernière séance de travail, que le député de Joliette ne nous a pas demandé d'allonger le temps à l'organisme d'aujourd'hui.

M. Chevrette: De mon siège! Il est menteur!

M. Théoret (Vimont): À cet effet, M. le Président, j'aimerais vous rappeler que chaque formation nous a remis, par le secrétariat, la liste maîtresse en date du 1er décembre 1986 avec le nom des organismes et le temps qui leur était alloué. Aucune demande n'apparaît sur cette liste maîtresse, aucune entente n'apparaît disant que le Conseil provincial des métiers de la construction aurait demandé plus de temps. Donc, M. le Président, étant donné que la commission parlementaire se déroulait sur deux jours, vous avez constaté vous-même que nous consacrons une heure pour chaque organisme à l'exception de deux organismes qui ont une heure et demie. Nous nous rendons jusqu'à 23 heures le soir, pendant les deux jours. Donc, il est impossible de rallonger le temps pour tous et chacun.

Si le secrétariat avait eu une demande formelle, nous aurions pu étudier, à ce moment-là, la demande et prendre la décision concernée. Malheureusement, il n'y a eu aucune demande faite par le Conseil provincial des métiers de la construction ou par la FTQ telle que le député de Joliette l'a mentionné. À cet effet, nous nous en sommes tenus à la liste maîtresse que le secrétariat de la commission nous a remise.

Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais inviter les membres de la commission à la prudence quand on discute de cela. Il y a des procès-verbaux qui sont là pour être consultés. Le procès verbal de la séance de travail dit: "Proposition est faite par le député de Joliette que l'audition de l'AECQ et de la FTQ dure une heure et demie, celle de la CSN et du Conseil provincial des métiers de la construction dure une heure quinze et que celle de l'OCQ se termine à 13 heures le jeudi 14 décembre 1986, et que tous les autres organismes aient une audition d'une durée d'une heure. Un débat s'engage sur cette motion et le vice-président propose l'amendement qui suit: Que l'audition de la CSN et du Conseil provincial des métiers de la construction dure une heure. Le débat s'est engagé. Il y a eu vote sur division des voix.

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): ...sur l'amendement.

M. Chevrette: De mon siège, M. le Président, je vais affirmer ceci. Je suis prêt à mettre ma parole et mon siège en jeu, s'il le faut. On va arrêter de conter fleurette. J'ai proposé, dans un premier temps - si le procès-verbal n'en fait pas état, je vais au moins dire ce que j'ai dit et je me le rappelle - la parité entre les patrons et les syndicats à cette commission. Deuxièmement, quand j'ai vu que cela ne marchait pas...

M. Paradis (Brome-Missîsquoi): M. le Président, il ne s'agit pas d'une question de règlement.

M. Chevrette: Un instant! Je n'ai pas fini, M. le Président,

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne s'agit clairement pas, M. le Président, et je demande que vous décidiez, d'une question de règlement. Je vous réfère aux articles 170 et suivants. Le député est hors du sujet, M. le Président. Il est en train de brûler le temps de nos invités.

M. Chevrette: On ne brûlera pas le temps de notre invité parce qu'on est prêt à lui donner une heure et demie.

Une voix: On va l'ajouter.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Étant donné que nos invités ont ouvert le débat et que, de part et d'autre on a senti le besoin de faire des mises au point, je pense qu'au point où on en est rendu, de deux choses l'une: ou on termine les mises au point ou on entreprend la discussion avec nos invités.

M. Théorêt (Vimont): Qu'on dise la vérité, au moins.

M. Chevrette: Tu ne te rappelles même pas ce sur quoi on s'était entendul

Une voix: Je pense que c'est clair.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Les commentaires ayant été formulés de part et d'autre, je demanderais à M. Pouliot de reprendre son exposé en indiquant toutefois que parce que je suis un peu indulgent, je tenterai de ne pas comptabiliser cet intermède dans le temps qui lui est alloué pour la présentation de son mémoire à condition de ne pas ouvrir d'autres boîtes de Pandore.

M. Pouliot: En résumé, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) donne son accord au projet de loi 119 à l'égard des dispositions suivantes: 1°, remplacer l'Office de la construction du Québec par la Commission de la construction du Québec; 2° confier à la Commission de la construction du Québec le mandat de la formation professionnelle; 3° donner aux employeurs et aux travailleurs de la construction une participation accrue au sein de la commission; 4° abolir le certificat de classification et le remplacer par une carte émise selon un critère de compétence plutôt qu'en fonction du nombre d'heures travaillées.

Ces principes font partie des recommandations du conseil provincial depuis de nombreuses années. En conséquence, nous croyons que le projet de loi 119 est un pas dans la bonne direction.

Cependant, le gouvernement doit pousser plus loin sa réflexion afin d'établir une véritable politique de main-d'oeuvre pour l'industrie de la construction. En ce sens, le projet de loi 119 est incomplet. Plusieurs -modifications devront y être faites afin de s'approcher de ce principe que nous jugeons fondamental pour le développement de l'industrie. (16 h 15)

L'adoption des modifications suivantes est essentielle pour que nous cautionnions le projet de loi 119: 1° Élargir la structure de la commission afin de permettre la création de comités paritaires de métiers assortie de sous-comités régionaux. Ce sont les employeurs et tes travailleurs de chaque métier qui doivent indiquer leurs besoins quant à la formation, à la qualification et au contingentement des nouveaux travailleurs. Leurs demandes doivent être faites à partir des besoins exprimés par chaque région. 2° On doit reconnaître un statut particulier pour les travailleurs des titres occupationnels en instituant un comité sur la formation des occupations; ainsi, les employeurs et les travailleurs de ce secteur pourront atteindre, tout comme les métiers, des critères d'excellence et de contingentement. 3° Accroître le pouvoir réglementaire du conseil d'administration de la commission afin que les décisions prises par les parties puissent être appliquées dans l'industrie. 4° Limiter le rôle des représentants du ministère de l'Éducation, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et du Travail à celui d'observateurs afin de permettre aux employeurs et aux travailleurs d'assumer véritablement leurs responsabilités en matière de formation professionnelle et de relations du travail. Cela n'empêche pas la nécessité de maintenir une étroite collaboration avec eux. 5° Abolir le règlement de placement qui n'a pas donné les résultats escomptés.

Je voudrais aussi vous mentionner qu'en 1977 l'ex-directeur général du conseil provincial, notre confrère Guy Dumoulin, faisait exactement les mêmes commentaires que je fais aujourd'hui concernant le règlement de placement des travailleurs de la construction. Le conseil provincial a chanqé de directeur, mais il n'a pas changé de position. Le gouvernement peut avoir changé, mais le conseil provincial, lui, n'a pas changé, contrairement à ce que certains ont mentionné.

Le nombre d'heures travaillées en moyenne, chaque année, par chaque individu - 1000 heures - n'a pratiquement pas varié depuis les quinze dernières années, avec ou sans règlement de placement. Le règlement n'assure pas une véritable priorité régionale à cause de dispositions trop permissives -l'article 38 du règlement de placement -tout en freinant la mobilité des travailleurs (13 régions et 31 sous-régions).

C'est un règlement discriminatoire qui favorise les mieux nantis. L'article 44 oblige l'OCQ à référer les travailleurs qui ont accumulé le plus d'heures de travail sur les chantiers au lieu de favoriser le placement des salariés en chômage. Cela coûte très cher à administrer. En 1987 - on a eu le budget - cela devrait coûter 6 500 000 $ et le gouvernement du Québec nous a fait mention qu'il n'y a plus de subvention pour

le règlement de placement. Donc, ce seront les travailleurs et les employeurs de l'industrie de la construction qui vont avoir à payer pour le fameux règlement de placement.

Il a créé des tensions avec les provinces frontalières, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, alors qu'il n'y avait aucun problème sur les chantiers de construction en rapport avec la main-d'oeuvre des autres provinces.

Il n'exerce aucun véritable contrôle quant à l'accès des nouveaux travailleurs: 30 000 nouveaux salariés au cours des 21 derniers mois et 124 969 salariés inscrits à l'OCQ à cause des renouvellements automatiques autorisés en 1982, 1984 et 1986. Vous comprendrez que l'on n'a peut-être pas exactement les mêmes chiffres, mais ce sont les chiffres que l'on nous a donnés au conseil provincial.

Il crée des surplus de main-d'oeuvre dans certains métiers et des pénuries dans d'autres, puisque les nouveaux travailleurs ne sont pas nécessairement orientés vers les métiers où il existe des pénuries.

On donne comme exemple les briqueteurs. On a demandé d'obtenir des cours pour les briqueteurs dans les centres de formation professionnelle et dans les CCR. Il n'y a pas de cours qui se donnent pour les apprentis briqueteurs. Si on s'interroge à savoir ce qui va arriver des briqueteurs, en annexe, il y a des lettres qui expliquent leur problème très particulier. Il n'y a à peu près rien qui se fait dans la formation et la qualification professionnelle depuis une quinzaine d'années.

Le règlement est devenu une vraie passoire: certificats spéciaux, 30 000 nouveaux salariés, renouvellements automatiques, etc. Il maintient un bassin de main-d'oeuvre très élevé par rapport au nombre d'emplois disponibles dans les chantiers: 62 280 travailleurs actifs en août 1986 par rapport à un bassin de 125 000 travailleurs. Je dois vous dire que le mois d'août 1986 a été un des plus gros mois dans l'industrie de la construction. On ne parle pas de l'année 1975 lorsqu'il y avait 155 000 000 d'heures annuellement travaillées, on parle des années où cela allait assez mal et je pense qu'aujourd'hui, à 85 000 000 et 90 000 000 d'heures, on est loin encore du chiffre qu'on avait dans les années 1974-1975. 6° Obtenir du ministère de l'Éducation d'orienter les jeunes vers les métiers où il existe une pénurie, permettre aux parties de déterminer le contenu des cours et le nombre de pupitres. Actuellement, avec le règlement de placement, on fait l'inverse; on oriente les jeunes dans les métiers de la construction sans réellement connaître les besoins et cela est totalement inacceptable. Je pense que cela prend une planification pour orienter les jeunes. Cela ne donne rien de leur donner des illusions; ils pensent qu'ils vont sortir de l'école avec un certificat, puis malheureusement on leur dit: Tu ne peux pas obtenir ton certificat de classification pour telles et telles raisons. 7° Avant d'admettre de nouveaux salariés, évaluer le potentiel actuel de la main-d'oeuvre, éliminer ceux qui ont quitté l'industrie, que ce soit pour des raisons de décès, de départ, de retraite, d'invalidité permanente, etc. Par la suite, la commission établira ses besoins réels et les critères d'accès. Nous croyons souhaitable de fixer un moratoire jusqu'au 10 avril 1987 afin de permettre l'épuration des listes actuelles de salariés. 8° Nous réitérons notre demande d'élaborer une politique de main-d'oeuvre qui devra notamment chercher à stabiliser l'activité dans l'industrie de la construction. Le contrôle des travailleurs par la qualification professionnelle n'est qu'une étape vers un système plus complet qui intégrerait la planification des ressources humaines avec celle des travaux de construction devant être réalisés au cours des prochaines années.

Cette politique doit remplir un triple rôle: premièrement, préserver les emplois des vrais travailleurs actuels en limitant l'accès à l'industrie; deuxièmement, stabiliser l'activité dans la construction afin de minimiser les variations cycliques et saisonnières; troisièmement, qualifier les travailleurs selon les besoins et la technologie utilisée sur les chantiers. 9° Éliminer l'artisan qui est une plaie sur les chantiers de construction actuellement; en contrepartie, nous sommes prêts à nous départir en sa faveur de notre juridiction à l'égard des travaux de rénovation, de réparation et modification effectués sur des immeubles résidentiels de quatre logements et moins, à propriétaire unique. 10° Maintenir et renforcer le pouvoir de la commission d'entamer des poursuites pénales contre les contrevenants à la loi. 11° Modifier les dispositions transitoires afin de ne pas autoriser la venue massive de nouveaux salariés tant et aussi longtemps que la commission et ses comités n'auront pas établi leurs politiques d'accès à l'industrie. Ainsi, la carte de compétence ou d'occupation serait automatiquement délivrée aux salariés qui, le 31 décembre 1986, rempliraient les conditions suivantes: premièrement, détenir une carte de classification et, deuxièmement, avoir travaillé au moins une heure dans l'industrie de la construction entre le 1er septembre 1984 et le 1er septembre 1986.

La carte d'apprenti serait automatiquement délivrée au salarié qui, le 31 décembre 1986, remplirait les conditions suivantes: détenir un certificat de classification, détenir

un carnet d'apprenti, avoir travaillé au moins une heure dans la construction entre le 1er septembre 1984 et le 1er septembre 1986. Ces critères de délivrance permettraient à la commission d'épurer la liste des travailleurs actuels afin de connaître exactement le nombre de vrais travailleurs de l'industrie. Pour nous, il est impossible de souscrire au critère d'admissibilité universelle à l'industrie. Cela équivaudrait à un recul de 20 ans; quant à nous, il n'en est pas question.

Dans le cas des métiers et des occupations, le nouveau salarié serait admis aux conditions suivantes: fournir une garantie d'emploi de 500 heures. L'employeur qui fournit cette garantie devrait déposer à la commission un montant correspondant au salaire versé pour l'exécution des 500 heures. Le non-respect de la garantie entraînerait la perte de ce dépôt et rendrait l'employeur passible de poursuites. Avoir suivi au préalable des cours de sécurité générale durant 24 heures.

Actuellement il y a des garanties de 150 heures qui sont données par les employeurs pour entrer dans l'industrie de la construction. Je dois vous dire que plusieurs employeurs signent des garanties d'emploi et même vendent les garanties d'emploi, et c'est peut-être une des raisons pour lesquelles il y a 30 000 nouveaux travailleurs qui sont entrés dans l'industrie de la construction et cela, c'est avec le règlement de placement dans l'industrie de la construction actuellement.

Le nouvel apprenti serait soumis aux mêmes conditions, en plus de fournir un diplôme de fin d'études secondaires pour un métier de la construction. Soulignons que ces mesures transitoires seraient en vigueur jusqu'au 30 avril 1987, le temps de permettre à la commission et aux comités de mettre en place leurs politiques d'accès et de formation. Compte tenu que l'activité est à son niveau le plus bas entre le mois de janvier et le mois d'avril, nous ne voyons pas la nécessité d'inscrire des critères plus souples quant à l'accès des nouveaux travailleurs. De plus, à l'égard des garanties d'emploi fournies, des modifications devraient être faites afin de permettre à une tierce partie d'intenter des poursuites en cas de connivence entre l'employeur et le salarié.

Certains jugeront nos demandes excessives. J'aimerais leur rappeler que plusieurs d'entre elles font l'objet d'un consensus entre les parties. D'autres rencontrent l'assentiment unanime chez les associations syndicales. À première vue, notre position peut sembler très éloignée de celles adoptées par certains groupes, mais, à y regarder de plus près, beaucoup d'éléments reçoivent l'accord de toutes les parties.

Avant de terminer, j'aimerais relancer l'idée d'instituer un tribunal propre à l'industrie de la construction. Je n'arrive pas à saisir le bien-fondé des dispositions du projet de loi 119 qui visent à remettre au Procureur général les poursuites en matière pénale. Que ce soit lors de la commission parlementaire tenue en 1984, ou de la rédaction d'un livre vert par le précédent gouvernement, ou d'une position unanime présentée au gouvernement par le comité mixte de l'Office de la construction en janvier 1984, ou même encore de la présentation du programme du Parti libéral, tous et chacun réclament la création de ce tribunal de la construction. Je ne peux que maintenir cette demande et m'opposer à toute disposition qui viserait à atteindre l'objectif contraire.

Enfin, je tiens à réaffirmer que la position défendue par le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction ne vise absolument pas à souscrire au principe d'accessibilité universelle à l'industrie de la construction. Ce que nous défendons, c'est le droit pour les travailleurs de retirer de leur emploi un revenu supérieur au seuil de la pauvreté. Il est éqalement légitime d'accorder aux parties le soin de définir leur formation et la quantité de salariés nécessaires.

II est temps que nous cessions d'improviser la politique de main-d'oeuvre des travailleurs de la construction. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Pouliot. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Pouliot, vous avez touché à beaucoup d'éléments et le temps qui nous est alloué ne permettra pas de reprendre chacun de ces éléments. Je vais tenter de les reprendre sous une thématique, si vous me le permettez.

Concernant la formation comme telle des travailleurs, la loi qui est présentement en commission parlementaire à son article 4 stipule que "la Commission de la construction a pour fonction d'administrer la présente loi et notamment de s'assurer de la compétence de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction." Plus loin, aux articles 85.3 et 85.4, on dit: "La commission élabore des programmes relatifs à la formation professionnelle après consultation du comité sur la formation et Ies soumet à l'approbation du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu." On se rend donc compte que cela part de la commission pour homologation, strictement, par le ministre. Ce sont les parties qui sont majoritaires à la commission, qui vont faire les programmes de formation. À l'article 85.4, on dit: "La commission donne au ministre de l'Éducation des avis sur toute question relative à la formation

professionnelle dispensée dans les établissements d'enseignement après consultation du comité sur la formation." Concernant le ministère de l'Éducation, ce n'est pas -le même processus, ce sont des avis que vous donnez. Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit là quand même - je sais que vous avez des réserves - d'un pas dans la bonne direction? Avec le ministère de la Main-d'Oeuvre, ce sont les parties qui vont faire les cours de formation et le ministère ne va que les homologuer. Avec le ministère de l'Éducation, il y a une consultation qui n'existait pas et qui s'établit.

M. Pouliot: Sûrement, M. le Président, c'est un pas vers la bonne direction. Depuis de nombreuses années, on réclame cela, pas simplement depuis 1986. Je peux même vous rappeler qu'en 1973 - et on peut retrouver cela dans le mémoire du conseil provincial soumis en commission parlementaire en 1984 - les parties avaient demandé des centres de formation professionnelle. Dans l'industrie de la construction, les six associations traditionnelles étaient en accord avec cette demande et aussi le Conseil provincial des métiers de la construction, à l'époque, la FTQ et la CSN avaient accepté cela. Donc, ce n'est pas une nouvelle pour nous. (16 h 30)

Évidemment, il y a des choses sur lesquelles nous sommes tout à fait d'accord, mais il ne nous apparaît pas clair dans le projet de loi que les parties dans l'industrie de la construction ont véritablement le pouvoir que vous semblez nous donner. L'article 123.1 ne donne pas le pouvoir aux parties. Ce que vous mentionnez lors des différentes périodes de questions ou des débats sur ie projet de loi 119, malheureusement, on ne le comprend pas exactement de la même façon. Ce n'est pas ce qui est écrit dans la loi,

Si le ministre veut donner le pouvoir aux parties dans l'industrie de la construction de prendre des décisions et de les soumettre au lieutenant-gouverneur en conseil pour approbation, c'est ce qu'on veut et c'est ce que recherche l'ensemble des parties de l'industrie de la construction. Beaucoup de choses méritent d'être clarifiées là-dedans. Quant à nous, on voudrait que ce soit écrit de cette façon dans la loi si c'est ce que vous voulez dire.

M. Paradis (Brome-Missîsquoi): Revenons à l'article 123, si vous voulez: "Le gouvernement peut, par règlement..." Vous demandez que ce soient les parties de la commission qui aient le pouvoir de réglementer et le Conseil des ministres ou le ministre qui ait le pouvoir d'homologuer comme tel.

Je vous pose la question bien honnêtement: Est-ce que vous ne reconnaissez pas que le gouvernement se doit quand même, qu'il soit péquiste ou libéral, de conserver un certain pouvoir d'initiative au cas où il y aurait impasse entre les parties de la commission ou au cas où employeurs et syndicats pourraient s'entendre à un moment donné peut-être à l'encontre des intérêts du consommateur? Est-ce qu'on ne doit pas se conserver un pouvoir d'initiative?

M. Pouliot: Sûrement, M. le Président. Les députés sont les élus du peuple; donc, ils sont là pour administrer la province de Québec. Je veux simplement vous rappeler le règlement de placement qui a été décidé par l'Office de la construction sur approbation du Conseil des ministres, c'est exactement le même scénario.

Si les parties dans l'industrie de la construction acceptent une formule, le Conseil des ministres a toujours le pouvoir de l'accepter ou de la refuser. Personne autour de cette table ne siège au Conseil des ministres. C'est un pouvoir qu'il doit avoir, peu importe le parti au pouvoir. Vous êtes plus mal placé si vous dites que ce sont les parties qui font les recommandations et que vous avez à les accepter. Si vous jugez que cela va à l'encontre de l'intérêt public, vous n'avez qu'à faire ce qui a été fait dans le passé, ne pas adopter les recommandations qui venaient des parties du comité mixte ou des membres de l'Office de la construction. Le même scénario se répéterait. C'est à nous de faire les règlements et c'est au gouvernement de les approuver ou de les rejeter en disant pourquoi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez parlé et vous y revenez - et ce n'est pas la première fois, vous l'avez indiqué c'est depuis 1977 - sur l'abolition du règlement de placement comme tel. Ce n'est pas ce que fait - je vous le dis clairement -l'actuel projet de loi qui est devant nous. Vous avez parlé, entre autres, du problème des frontières Québec-Ontario et Québec-Nouveau-Brunswick.

Ne pensez-vous pas que, si on n'a pas une certaine protection, on risque d'être envahi par les travailleurs qui viendraient des autres provinces?

M. Pouliot: M. le ministre et M, le Président, il n'y avait pas de rèqlement de placement dans l'industrie de la construction en 1975. II y avait de la construction un peu partout. Il y avait à cette époque, je pense, les Jeux olympiques, la Baie James et beaucoup de construction. L'économie était peut-être plus en santé qu'elle ne t'est actuellement.

Des travailleurs d'autres provinces du Canada qui sont venus prendre les "jobs" des travailleurs québécois, je dois vous dire qu'il n'y en a pas eu beaucoup. Il y a un problème de langue, le problème des salaires

qui sont inférieurs au Québec et une multitude de choses. Donc, avec ou sans règlement de placement, je dois vous dire que nous ne sommes inquiets d'aucune façon. Les chiffres sont là et ils nous prouvent que même avant la question du règlement de placement, les travailleurs ont toujours fait environ 1000 heures en moyenne et ils les font encore aujourd'hui. Par contre, on veut exiger un contingentement de la main-d'oeuvre pour l'entrée, des nouveaux travailleurs.

Vous connaissez ce qu'on appelle le "Red Seal" qui est une licence interprovinciale. Certains travailleurs l'ont. Je dois vous dire que beaucoup plus de travailleurs du Québec vont travailler à l'extérieur du Québec, que ce soit en Ontario, au Nouveau-Brunswick ou aux États-Unis. Ce n'est peut-être pas le cas pour toutes les centrales syndicales. Quant à nous, on représente l'International et plusieurs de nos travailleurs... Mais, quant à se faire voler nos "jobs" par les Américains qui vont nous envahir et par les Canadiens des autres provinces, on pense que ce n'est pas sérieux et que cette affaire n'existe pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez parlé ou on a parlé ce matin - et vous étiez présent - à l'occasion de la présentation de l'Office de la construction, du bassin de la main-d'oeuvre et du nombre de permis en circulation. Votre chiffre -vous l'avez indiqué et moi aussi, j'en ai eu de toutes sortes - c'est environ 120 000 permis en circulation et 80 000 travailleurs actifs dans les bons mois. On a permis, en vertu de toutes sortes de critères, l'accès à environ 20 000 nouveaux travailleurs au cours des deux dernières années. N'avez-vous pas été consultés, vous ou votre organisme, quand ces cartes ont été émises par l'Office de la construction du Québec?

M. Pouliot: L'Office de la construction n'a pas consulté ce qui s'appelle l'association représentative. L'Office de la construction, dans certains cas, a consulté des locaux affiliés au conseil provincial. Notre structure est une structure de métiers. Par contre, il y a des affiliés de différents métiers. Entre autres, les plombiers m'ont dit qu'ils n'avaient pas été consultés quand il y a eu l'ouverture du bassin. Il y a des affiliés qui ont effectivement été consultés et qui ont admis qu'il pourrait, dans une région ou dans un métier donné, y avoir pénurie de main-d'oeuvre et ils ont accepté que du monde puisse entrer. Les chiffres qu'on me donne, par contre, c'est plus près de 30 000 que de 20 000 nouveaux travailleurs. Si c'est cela la sécurité d'emploi des travailleurs de l'industrie de la construction, avec un chômage chronique comme on a là - sur 120 000, il n'y en a jamais plus de 70 000 qui travaillent - je comprends qu'il y en ait qui travaillent au noir. Mais il y en a toujours eu. Le problème est amplifié, mais cela devrait se régler, selon ce qu'on nous a mentionné, grâce à une prochaine législation l'année prochaine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant à la question de l'épuration du fameux bassin, on parle toujours de cette différence entre les travailleurs qui sont actifs dans l'industrie de la construction et le nombre de travailleurs qui détiennent un permis de travailler. Vous nous avez dit: Faites l'épuration. Le projet de loi, comme vous le savez, prévoit - s'il n'est pas modifié - qu'au 1er janvier les travailleurs qui détiennent une carte de qualification, une carte de classification, recevront automatiquement un certificat de compétence.

Vous nous indiquez, si j'ai bien compris votre argumentation, de ne reconnaître des droits acquis, finalement, que pour les travailleurs qui ont enregistré au moins une heure au cours des deux dernières années. 3e pense que vous avez cité septembre 1984. Pourquoi avez-vous choisi ces deux dernières années-là? En fonction de quels critères?

M. Pouliot: Écoutez, il y a toujours des délais à l'Office de la construction pour pouvoir remettre une nouvelle carte aux travailleurs. Donc, en septembre, c'est vers cette période que tout devrait être terminé. On remonte aux deux dernières années. Si une personne n'a pas fait une heure dans l'industrie de la construction, on peut se poser de sérieuses questions sur ce que fait cette personne; d'autant plus qu'on nous dit qu'il y a une certaine reprise dans l'industrie de la construction avec 85 000 000 ou 90 000 000 d'heures.

Où le conseil provincial ne partage pas l'opinion du gouvernement c'est que ce n'est pas le fait de détenir une carte de compétence qui fait qu'on est compétent. Je peux vous dire que moi, Maurice Pouliot, j'ai une carte de compétence de tuyauteur; mais qu'on n'essaie pas de me faire faire de la plomberie dans une maison aujourd'hui! Cela fait 20 ans que je n'en ai pas fait. Donc, je vais devoir aller me recycler. Je pense que la même chose arrive pour d'autres représentants syndicaux et même pour les avocats qui sont députés ou ministres depuis 10 ans ou 20 ans; ils vont devoir aller se recycler. Donc, si on veut parler de compétence, on va réellement parler de compétence.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à vous rassurer: cela fait juste six ans.

Une voix: Tu es encore bon. Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque vous parlez d'un moratoire à partir du 1er janvier afin qu'il n'y ait pas d'entrée massive des travailleurs, ne pensez-vous pas que le moratoire pourrait durer assez longtemps si les parties syndicales - c'est un peu la perception que j'en ai eue - globalement, s'opposent au projet de loi? Certaines parties patronales également - on en a déjà entendu - pourraient s'entendre, elles, pour ne rien soumettre comme réglementation, si elles ont le pouvoir de réglementation. Le régime actuel pourrait s'appliquer, le gouvernement n'ayant pas le pouvoir d'initiative, ad vitam aeternam et on aurait beau adopter un projet de loi, on aurait un moratoire indéfini et les parties pourraient continuer avec le régime actuel et ses vices quant à la formation, quant à l'accès pour les jeunes, quant au vieillissement, etc. Cela ne vous inquiéterait pas que je suive cette recommandation que vous me faites?

M. Pouliot: Non, en aucune façon, M. le Président. C'est pour cela que nous demandons quatre mois, qu'il y ait finalement une entente et qu'on discute et qu'on travaille pour trouver une formule. On va plus loin: Si, au bout du quatre mois, il n'y a pas d'entente, il y a quelqu'un quelque part qui va devoir trancher. Cela peut être le Conseil des ministres, le P.-D.G. ou quelqu'un d'autre. Évidemment, il faut arriver avec une formule. Dire qu'on remet cela aux calendes grecques, quant à nous, il n'en est pas question. Nous pensons qu'il y a une maladie qui existe dans l'industrie de la construction. Le système de formation professionnelle est grandement malade. Jamais on n'a promulgué l'article 80. Il y a d'autres articles dans la loi qui donnaient des pouvoirs au ministre, des articles qui existent depuis de nombreuses années. Absolument rien n'a été faite Je suis d'accord pour dire que la main-d'oeuvre est encore compétente au Québec, mais il y a une détérioration de la compétence chez les travailleurs de la construction et il faut avoir des cours de recyclage et s'adapter aux changements technologiques. C'est pour cela qu'on parle d'une question de quatre mois; cela pourrait être cinq, mais nous préconisons quatre mois. On pourrait s'entendre sur la structure là-dedans. Nous pensons que le gouvernement actuellement doit accorder un moratoire, parce qu'il n'est pas prêt à dire: Demain matin, nous partons avec cela. On devrait arrêter d'en ajouter, d'envoyer des cartes à des gens qui faussent tout le bassin de la main-d'oeuvre, qui faussent les ratios et amènent l'anarchie dans l'industrie de la construction. C'est pour cela que nous sommes d'accord avec le principe du projet de loi 119, n'en déplaise à qui que ce soit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M.

Pouiiot, j'ai eu l'occasion de vérifier les statistiques des vingt dernières années à peu près qui valent ce qu'elles valent. On s'aperçoit que quelle que soit la réglementation en vigueur, quel que soit le critère d'entrée, chez les gens de métiers, il n'y a à peu près pas de fluctuation. Ce n'est pas du jour au lendemain que quelqu'un devient un électricien, etc. Quelle que soit la réglementation, au cours des années, les changements de réglementation n'ont pas fait en sorte que le nombre des gens de métiers ait varié beaucoup. Les changements de réglementation n'ont pas fait en sorte que le nombre d'apprentis, non plus, ait varié de beaucoup. Ce qu'on remarque et c'est peut-être là que c'est le plus vulnérable, quand on modifie la réglementation dans l'industrie de la construction, c'est avec les manoeuvres que cela devient délicat. On a suggéré des critères de formation pour les manoeuvres. On sugqère un certificat de compétence pour les manoeuvres, on a retenu trois des propositions qui nous ont été faites aux tables au cours de la période de consultation. On a parlé de cours de sécurité sur le chantier. Il y a des qens qui nous ont dit: C'est facile à passer, cela ne prend que quelques heures, etc. On a parlé de cours de fonctionnement dans les chantiers. On a parlé d'un cours de droits et obligations du travailleur et on a ajouté etc. Qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait ajouter, pour poser la question bien simplement, pour sécuriser peut-être ceux qui ont le moins de sécurité d'emploi - si on est pour parler de sécurité d'emploi dans le domaine de La construction ceux qui n'ont pas de carte de qualification, les manoeuvres comme tels?

M. Pouliot: M. le Président, dans le mémoire du conseil provincial, il y a le chapitre 4, à la page 36, où on explique toute la question des non-qualifiés, évidemment les non-qualifiés, il faut s'occuper d'eux, il faut leur donner la sécurité d'emploi qu'ils n'ont pas. C'est pour cela qu'on veut aussi un comité relativement aux occupations dans l'industrie de la construction. Il y a un organigramme d'après lequel des comités de métiers doivent siéger, mais il y a aussi un autre comité. C'est à la page 47, je pense, du mémoire du conseil, l'organigramme qu'on suggère pour les non-qualifiés. Des garanties d'emploi, pas des garanties d'emploi fictives comme c'est le cas actuel sans aucune sécurité d'emploi, mais des garanties d'emploi et des garanties de "jobs", que l'entrepreneur ait réellement une "job" et qu'il ait besoin d'un travailleur non qualifié, que ce soit un manoeuvre ou un autre. C'est la structure qu'on préconise pour les non-qualifiés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais un autre point, mais je vais céder mon droit

de parole. J'aurais voulu vous parler de la question que vous avez soulevée, des procureurs de la commission, ceux qui poursuivent, du tribunal etc. Si quelqu'un revient là-dessus, je répliquerai. Je vais céder mon droit de parole pour tout de suite, quitte à y revenir.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Joliette. (16 h 45)

M. Chevrette: M. le président, j'avais hâte de lire le mémoire et de l'entendre puisque, avec les déclarations dans les journaux, je pensais que vous approuviez l'entièreté du projet ou presque. Je m'aperçois de ceci: vous êtes contre la structure proposée parce que vous voulez qu'elle soit paritaire et non pas tripartite. Vous demandez une priorité aux vrais travailleurs, ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. Vous demandez un contingentement, chose qu'il n'y a pas dans le projet de loi. Vous demandez d'accroître le pouvoir réglementaire de la nouvelle structure parce que les règlements sont confiés au ministre. Vous avez raison, quand vous lisez les articles 85.2, 85.3 et 85.4, ce sont des suggestions que vous faites et non pas un pouvoir réglementaire.

Vous dites également qu'il faut limiter les pouvoirs des représentants du ministère de l'Éducation et du ministère du Travail. Ils pourraient être là comme observateurs. Cela ressemble un peu au mémoire qu'on a entendu avant. Vous demandez un système d'épuration, ce qu'on n'a pas dans la présente loi. Vous demandez d'introduire la priorité régionale, ce qu'on n'a pas dans la présente loi. J'ai déjà parlé du contingentement. Vous demandez que, même à l'école, il y ait une forme de contingentement parce que vous demandez au ministère de l'Éducation d'acheminer les jeunes dans les options où il y a manque et non pas de les envoyer là où il y a surplus. Le projet de loi n'en fait pas mention. Vous demandez un moratoire. Le projet de loi n'en parle pas. Vous demandez d'éliminer l'artisan. Le projet n'en parle pas. Vous demandez de renforcer les pouvoirs de poursuite. Le projet de loi n'en parle pas. Au contraire, il réfère cela au Procureur général. Vous demandez des dispositions transitoires mollo quant à l'entrée du monde. Les articles 32, 33 et 35 ne font pas cela. Vous demandez également des mesures spécifiques sur les apprentis. Vous demandez aux non-qualifiés d'avoir des mesures. Le projet de loi n'en parle pas. Je vous avoue que vous demandez de réécrire, à toutes fins utiles, le projet de loi. Si je ne me trompe, il faudrait quasiment reprendre les articles du projet de loi un par un, M. Pouliot. Il m'apparaît que c'est seulement la stratégie qui est différente; quant aux demandes, par rapport aux mémoires que j'ai lus, c'est à peu près identique aux autres groupes syndicaux. Est-ce que je me trompe?

M. Pouliot: Pour les autres groupes syndicaux... Il y a plusieurs choses qu'on ne trouve pas dans le projet de loi 119, c'est évident. C'est, d'ailleurs, pour cela qu'on a demandé une commission parlementaire pour pouvoir faire un débat. Malheureusement - je ne veux pas revenir là-dessus - on nous a dit: Cela va être une heure au maximum. Mais les principes fondamentaux de la loi de remettre la formation et la qualification professionnelles dans les mains des parties, en tout cas, il y a un semblant de cela. Quant à nous, on dit que cela ne va pas assez loin, mais au moins, le gouvernement dit: On va laisser les parties faire leur formation. Cela nous a été enlevé depuis 1969 par le truchement de ce qui s'appelle le bill 49. Heureusement ou malheureusement, c'est l'Union Nationale qui a adopté cette loi.

M. Chevrette: Heureusement pour les partis qui sont ici.

M. Pouliot: Qui sont ici, c'est cela. Donc, on nous dit: Avec le projet de loi 119, on vous donne cela, L'administration de la GCQ, il faut reconnaître que le gouvernement, dans le projet de loi, a l'intention de l'accorder aux parties dans l'industrie de la construction. On n'est pas d'accord avec le projet de loi comme tel, mais si les parties syndicales et patronales s'entendent, la majorité est là et les quatre sages des différents ministères n'auront qu'à faire une prière. Ce n'est pas ce qu'on veut. On veut qu'ils soient là comme observateurs. Il y a plusieurs changements, mais les principes de la loi, contrairement à d'autres centrales syndicales, nous disons que c'est acceptable et que c'est une réforme pour les lois dans l'industrie de la construction. On espère que le Parti libéral du Québec va respecter ses engagements et qu'il va aller de l'avant sur ce qu'il a mentionné sur l'artisan, sur le règlement de placement et sur le pouvoir. aux parties. C'est aussi écrit dans le programme de novembre 1985.

M. Chevrette: Je reconnais que l'engagement électoral, c'était l'abolition du règlement de placement. Vous avez raison. Je l'ai lu de mes propres yeux.

Je vous pose la question suivante: Contrairement aux autres centrales ou aux autres groupes syndicaux, M. Pouliot, vous ne préconisez pas le maintien du rèqlement de placement, mais vous êtes en faveur d'une forme de contingentement. Pourriez-vous me dire comment vous fonctionneriez dans votre forme de contingentement?

M. Pouliot: On fonctionnerait avec le

contrôle quantitatif et qualitatif de la main-d'oeuvre. Ce sont les parties dans l'industrie de la construction qui décideraient de l'entrée des nouveaux travailleurs en ce qui concerne les régions et des différentes occupations et des métiers. Si on a besoin de 2000 nouveaux électriciens, supposons, ce sont les parties qui décideraient. À notre avis, ce seraient la Corporation des électriciens, les syndicats qui représentent les électriciens qui décideraient de l'entrée des nouveaux travailleurs, non pas sur une question d'heures ou une question autre qui peut être un règlement de placement. C'est la position qui a toujours été défendue par le conseil provincial. Même lorsque le Parti québécois formait le gouvernement, on avait exactement la même position. Je l'ai mentionné et je veux le répéter. C'est un véritable contrôle. C'est le contingentement de la main-d'oeuvre pour la protection des travailleurs de l'industrie de la construction. Que ce soient des travailleurs de métiers, des apprentis ou des travailleurs non qualifiés, ils ont droit à une certaine sécurité d'emploi. Quant à nous, cela doit fonctionner dans le cadre qu'on a demandé.

M. Chevrette: Dans votre exposé, vous dites que c'est vous qui savez ce que cela prend comme formation; j'en conviens. C'est vous qui allez même superviser la formation, l'apprentissage des jeunes, les conduisant vers le titre de compagnon ou autre chose, je ne me suis pas arrêté à cela. Un des points majeurs du projet de loi, c'est qu'il fait fi de tout contingentement, vous le reconnaissez.

Le deuxième point majeur du projet de loi, c'est qu'il fait fi de tout système d'épuration, et vous êtes contre; c'est un autre principe. L'accessoire, la structure qui va mener tout cela, vous reconnaissez que ce sont les parties qui devraient être là; c'est un autre principe dans la loi. Sur les deux premiers principes en particulier, vous êtes en profond désaccord et, sur le troisième, vous dites qu'il y a un pas vers..., mais vous aimeriez mieux que ce soient la partie patronale et la partie syndicale qui contrôlent votre organisme; donc, il y a un désaccord là aussi. Comment pouvez-vous dire que vous êtes d'accord avec les principes de la loi?

M. Pouliot: Écoutez, je vous explique que retourner aux parties, enlever, à toutes fins utiles, le ministère du Travail, le ministère de l'Éducation, le gouvernement fédéral, les centres de formation professionnelle, les CCR-Construction, on dit que cela s'en va à une place, cela s'en va à la Commission de la construction. Que l'on appelle cela la Commission de la construction ou l'Office de la construction, cela ne change pas grand-chose. On dit que, majoritairement, ce sont les parties, dans l'industrie de la construction, qui ont un pouvoir décisionnel. C'est un principe fondamental, en ce qui nous concerne. Il faut que l'on s'entende et on va dire: C'est cela, la décision. On ne change pas notre orientation, on voudrait que ce soient deux représentants du monde syndical, à un degré de représentativité le plus élevé, qui siègent au conseil d'administration de la nouvelle commission et deux représentants des patrons - qu'ils viennent de l'AECQ ou des six associations traditionnelles, ce n'est pas notre problème -ainsi qu'un président-directeur général choisi par les parties dans l'industrie de la construction, sur approbation du ministre du Travail. Il y a une grosse différence entre ce que je comprends et ce que vous semblez comprendre.

M. Chevrette: Considérez-vous qu'aux articles 32, 33 et 35 du projet de loi il y a du contingentement, M. Pouliot?

M. Pouliot: II n'y a pas véritablement du contingentement dans ces articles. C'est, d'ailleurs, pour cela que l'on veut un contingentement de la main-d'oeuvre et que l'on demande au ministre de modifier ces articles.

M. Chevrette: Reconnaissez-vous que c'est là un des principes les plus importants, si l'on veut conserver un revenu moyen décent pour les travailleurs de la construction?

M. Pouliot: Un revenu décent... Je vais vous dire; Est-ce que les travailleurs de la construction ont un revenu décent à l'heure où l'on se parle?

M. Chevrette: Non. Je ne dis pas qu'ils ont un revenu... Il n'est jamais assez élevé, le salaire.

M. Pouliot: Le salaire moyen des travailleurs de la construction, c'est en bas du seuil de la pauvreté, c'est 17 000 $, avec une prétendue sécurité d'emploi dans le règlement de placement. Ce n'est pas cela que l'on veut. On recherche une véritable sécurité d'emploi et une véritable augmentation du salaire moyen des travailleurs de la construction.

M. Chevrette: Je vais m'y prendre autrement, M. Pouliot, Vous dites que vous respectez les principes. Je voudrais quand même avoir la réponse la plus claire possible afin de saisir votre point de vue. Tout en vous déclarant d'accord avec les grands principes du projet de loi, vous dites qu'un des objets fondamentaux de votre bataille, c'est de faire en sorte que les travailleurs gardent, si possible, un revenu supérieur au

seuil de la pauvreté. Est-ce que vous considérez que les principes mis en cause par les articles 32, 33 et 35 vous assurent cette sécurité?

M. Pouliot: Non, ils ne nous assurent pas la sécurité. C'est pour cela que l'on veut des modifications et que l'on préconise un changement majeur à l'intérieur de ces articles du projet de loi.

M. Chevrette: Donc, sur ce principe, vous n'êtes pas d'accord.

M. Pouliot: Sur le principe qui est là-dedans sur ces points-là, non, c'est clair.

M. Chevrette: D'accord. Sur le fait qu'il n'y ait pas d'épuration dans le système, est-ce que vous êtes d'accord?

M. Pouliot: On veut qu'il y ait une épuration, que ceux qui n'ont plus d'affaire à avoir des cartes de l'OCQ ou de la CCQ n'aient plus de cartes de compétence.

M. Chevrette: Donc, vous êtes en désaccord avec l'article qui donne la carte automatiquement à tous ceux qui sont là,

M. Pouliot: Oui, effectivement, il faut qu'ils s'enlèvent de là.

M. Chevrette: Merci.

M. Pouliot: C'est ce que l'on demande. Ce n'est peut-être pas une obligation de l'écrire dans le projet de loi, mais c'est ce que l'on demande. Ce n'est pas la faute du gouvernement, à notre avis. Ce sont les parties, au comité mixte, qui ont accepté d'avoir un renouvellement automatique soi-disant qu'on était dans le creux de la vague et qu'on a accepté cela.

M. Chevrette: D'accord.

M. Pouliot: Je suis un de ceux qui ont même fait des propositions là-dessus. On se retrouve aujourd'hui devant une drôle de situation.

M. Chevrette: Je n'essaie pas d'imputer la faute à personne, M. Pouliot; j'essaie d'établir si vous êtes d'accord avec tes articles qui donnent la carte automatique. Non, c'est cela, votre réponse?

M. Pouliot: M. le Président, c'est écrit dans le mémoire du conseil provincial qu'on demande que ceux qui ont une carte aient fait une heure entre 1984 et 1986. Je ne peux pas dire le contraire de ce qui est écrit là.

M. Chevrette: Je sais que vous ne pouvez pas dire le contraire de ce qui est écrit là, mais vous comprendrez que, lorsque quelqu'un vient nous le dire à la table ici, c'est quand même sérieux. Vous avez dit vous-même que vous étiez d'accord avec les principes. J'en ai pris trois collés là et je vous ai fait dire non à chacun des principes; le contingentement, je m'excuse, mais c'est un principe fondamental de la loi: il y en a ou il n'y en a pas de contingentement. Il y en a ou il n'y en a pas de système d'épuration; c'est loin d'être une modalité. Cela fausse tout le système. Et, les répercussions pour les travailleurs de la construction, c'est que le salaire, le revenu moyen, baisse énormément. Donc, M. le Président, là-dessus je vais donner le droit de parole à un autre.

Le Président (M. Charbonneau): M, le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je vais laisser aller M. le député.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: M. le Président, merci. D'abord, j'ai des félicitations très sincères à vous adresser pour la qualité du mémoire présenté, surtout les pages 45 à 88 qui sont des recommandations précises article par article. Je référerais le leader de l'Opposition à la page 7, s'il écoute attentivement; il verra très bien ce que le conseil provincial a émis quant à la méthode de contingentement qui existait avant le projet de loi 49 en 1969. Moi, j'ai très bien compris le système. J'attire votre attention, M. Pouliot, à la page 88 de votre mémoire où vous parlez "de comités paritaires de métiers, assortis de sous-comités régionaux", une particularité. Ne pensez-vous pas, M. Pouliot, que l'article 4 de la loi, lorsqu'on vous dit que la Commission de la construction "a pour fonction d'administrer la présente loi, de vérifier et contrôler l'application de la présente loi et de ses règlements et notamment le respect des normes relativement au placement, à l'embauche et à la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction" conjointement également avec un autre pouvoir, "de s'assurer de la compétence de la main-d'oeuvre" et, cinquièmement, relativement à la formation professionnelle des salariés, c'est une sorte de pouvoir que la commission a qui peut lui permettre de créer ce que vous demandez au point 1 , c'est-à-dire des comités paritaires, des sous-comités régionaux pour évaluer les besoins de main-d'oeuvre dans chacune des régions? Parce que, d'après ma lecture de l'article 4 qui est là, c'est un pouvoir que la nouvelle commission peut avoir.

M. Pouliot: C'est un pouvoir que la commission peut avoir. La commission a pour fonction d'administrer la présente loi et notamment de veiller à tout cela. Donc, cela peut être un semblant, quant à nous, ce n'est pas aussi clair que vous sembiez l'expliquer et c'est pour cela que dans notre mémoire on l'explique très clairement. Si c'est cela l'intention du gouvernement, on fait des suggestions pour donner suite à ce qu'on veut dire. Si on veut dire la même chose, bien, qu'on l'écrive et on va se comprendre mieux parce qu'il y a des choses là-dedans qu'on a de la difficulté à comprendre, ce n'est pas clair.

M. Bélisle: Vous dites M. Pouliot, à la page 90 de votre mémoire, à l'avant-dernier paragraphe en bas: "C'est un règlement discriminatoire qui favorise les mieux nantis. L'article 44 oblige l'OCQ à référer les travailleurs qui ont accumulé le plus d'heures de travail sur les chantiers au lieu de favoriser le placement des salariés en chômage;"

Pourquoi, selon vous, n'y a-t-il jamais eu de priorité de rappel au travail pour les travailleurs de la construction qui étaient en chômage? Deuxièmement, est-ce que le critère de la carte de classification de 1000 heures constitue ce que l'Opposition tente de dire, un critère, une notion d'ancienneté au sens où on l'entend dans les relations de travail; est-ce que c'est un critère d'ancienneté? Est-ce que cela fait une différence entre quelqu'un qui a 55 ans d'âge, 30 ans d'expérience dans le domaine de la construction, qui a ses 1000 heures et un travailleur de 25 ans qui a ses 1000 heures et une année d'expérience dans le domaine de la construction?

M. Pouliot: Non, définitivement, ce n'est pas une ancienneté; s'il y a une formule d'ancienneté, elle doit se faire par le truchement de la négociation lors de la convention collective ou du décret de l'industrie de la construction. Le critère d'heures, à notre avis, est très discriminatoire. On a éliminé des milliers de travailleurs de l'industrie de la construction parce que dans une période de référence donnée en 1976 ou en 1977 ils étaient en chômage. À ces travailleurs on dit: Toi, parce que tu es en chômage, tu n'as pas ta carte de l'Office de la construction. On en a ainsi éliminé 32 000.

Par contre, le travailleur qui est en prison, qui a fait un "hold-up", on lui dit: On va te donner ta carte parce que tu es en prison. Heureusement, par la suite, cela a été déclaré discriminatoire. Mais, ce sont des choses semblables à l'intérieur du règlement de placement qui, quant à nous, sont totalement inacceptables. (17 heures)

On a cautionné à certaines occasions des amendements au règlement de placement. Je parle des parties dans la construction. Le conseil provincial a voulu changer des choses, des zones tampons et des critères d'heures et des renouvellements automatiques et on se retrouve, en 1986, avec ce qu'avait prévu l'ex-directeur du conseil provincial en 1977, l'anarchie et plus personne ne se comprend là-dedans. C'est pour cela qu'on réclame l'abolition du règlement de placement,

M. Bélisle: Excellente suggestion pour le bon de garantie de 500 heures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il n'y a pas d'objection juste une minute pour replacer les principes du projet de loi, car je veux qu'on s'entende. Ce matin, le député de Joliette nous a dit qu'en première lecture il avait voté en fonction d'un mémoire qui avait coulé et qui était un document de travail. En deuxième lecture, tout le temps où il était question de parler du principe, il nous a parlé des modalités du projet de loi. Lorsqu'on arrivera en troisième lecture pour voter sur les modalités, je ne sais pas sur quoi il va voter, mais on lui souhaite d'arriver à Noël en même temps que tout le monde.

M. Chevrette: II va voter sur ce que le conseil des métiers vous demande.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Eh bien, de nouvelles alliances! Les principes du projet de loi? Lorsqu'on parle de contingentement, c'est écrit dans les notes explicatives: Le projet de loi abolit la carte de classification qui servait à contrôler l'accès et la remplace par un certificat de compétence. C'est du contingentement, du contrôle. Au lieu d'être par un permis de travail, c'est par la compétence. Deuxièmement, le projet de loi implique les parties dans la formation. Ce sont là les principes.

Quand vous parlez de moratoire, quand vous parlez du nombre d'heures, quand vous parlez de tout cela, vous parlez des modalités contenues dans le projet de loi. C'est pour cela qu'on est ici, aujourd'hui, pour entendre les parties sur les modalités. C'est pour cela qu'on sera probablement ici la semaine prochaine pour l'étude article par article. Les modalités qui auront pour effet de bonifier le projet de loi seront incorporées au projet de loi, mais les principes qui ont été adoptés ce matin par l'Assemblée nationale sont des principes qui ont été adoptés ce matin par l'Assemblée nationale; ce ne sont pas des modalités qui ont été adoptées ce matin. Vous vous trompiez encore quand vous votiez.

Le Président (M. Charbonneau): . Très bien. Le président va prendre également son droit de parole.

Je voudrais vous demander, M. Pouliot, si vous considérez que ce qu'on retrouve dans le projet de loi à l'égard de ce que le ministre vient d'indiquer, c'est-à-dire le contingentement par la compétence, est un véritable contingentement. Si, demain matin, on vous disait: Vous avez le contingentement que vous propose la loi 119 avec la compétence, est-ce que vous trouveriez que vous avez un véritable contingentement?

M. Pouliot: C'est un début pour le contrôle qualitatif de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Il y a des modalités et des choses à changer, nous sommes d'accord là-dessus. Mais je pense que c'est un début.

Le Président (M. Charbonneau): La question que je vous pose: Si les choses ne sont pas changées comme vous l'indiquez dans votre mémoire, est-ce que vous considérez que vous allez avoir un contingentement efficace? On peut parler de n'importe quelle sorte de contingentement, mais, en fin de compte, l'important, c'est l'efficacité d'un contingentement.

M. Pouliot: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): Or, est-ce que vous considérez que, si la loi 119 est adoptée telle quelle, vous allez avoir un véritable contingentement qui va satisfaire vos membres?

M. Pouliot: Le projet de loi 119 actuellement est inacceptable en ce qui nous concerne. On veut des changements là-dedans. On accepte les principes et on va se battre s'il est adopté de cette façon. Je tiens à mentionner cela à la commission.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Donc, ce que je comprends, c'est qu'au-delà des principes, ce qui est important pour voua, c'est l'application, et l'application proposée par le projet de loi 119 va à l'encontre de vos intérêts.

M. Pouliot: Dans l'intérêt de l'industrie de la construction, effectivement.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Une dernière question. Non, le président n'est pas neutre, je m'excuse. Avec la réforme parlementaire, le président a son droit de parole. Il intervient et il le fait dans le temps imparti à sa formation politique. Je n'ai pas l'intention d'être un président neutre, je vous l'ai déjà dit.

Une voix: Sauf quant à l'interprétation du règlement.

Le Président (M. Charbonneau): Sauf quant à l'interprétation du règlement et là, vous êtes tous témoins des décisions que j'ai à rendre.

Une dernière question, M. Pouliot, à l'égard de la compétence. L'un des éléments qui m'ont frappé dans votre mémoire, c'est le fait que vous avez donné des indications qu'à votre avis, pour qu'on n'abuse, pas de la garantie d'emploi de 500 heures, il faut qu'on mette en place des mécanismes de contrôle rigoureux; autrement, c'est une farce.

M. Pouliot: Oui, effectivement, on a actuellement les chiffres que l'Office de la construction nous a donnés. Des milliers de travailleurs ont eu des garanties d'emploi de la part d'employeurs enregistrées à l'Office de la construction et ils ont fait 0 heure dans une période. C'est ce qu'on veut éliminer. On veut avoir un contrôle et, si l'entrepreneur a besoin de main-d'oeuvre, on ne veut pas qu'il manque de main-d'oeuvre, mais qu'il s'assure qu'il y a des travaux et qu'il donne une caution, un "bond" comme on l'appelle en anglais, à la commission. S'il y a du travail seulement pour 200 heures et qu'il a signé une garantie d'emploi de 500 heures, il paiera la différence de 300 heures à la Commission de la construction. Cela va peut-être aider à payer le déficit qui s'en vient.

Le Président (M. Charbonneau:): S'il n'y a pas de mécanismes de contrôle de ces 500 heures, considérez-vous que, finalement, on va avoir une porte ouverte à n'importe qui?

M. Pouliot: S'il n'y a pas de mécanisme de contrôle, si on reste avec le règlement actuel, il y a un contrôle de 150 heures qui n'existe pas, à toutes fins utiles. Donc, on veut changer le contrôle à l'intérieur de la nouvelle loi pour s'assurer que ceux qui vont entrer, ce ne sera pas des fraudeurs mais des personnes, des travailleurs qui vont avoir des emplois dans l'industrie de la construction.

Le Président (M. Charbonneau:): Merci. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais poser une question à M. Pouliot. Tantôt, il a dit qu'avec un système de formation on pourrait réussir à contingenter. Si vous demandez l'abolition du règlement de placement, le placement se ferait comment dans l'industrie de la construction?

M. Pouliot: Le placement se ferait par les bureaux syndicaux de placement. C'est ce qu'on a demandé. Évidemment, on ne va pas aussi loin que de demander l'exclusivité du

placement dans les bureaux syndicaux. Mais cela pourrait se faire un peu comme cela se faisait anciennement. Les bureaux de placement syndicaux plaçaient et il y avait les centres de main-d'oeuvre et ainsi de suite. Les parties sont là; elles savent, dans une région, quand il y a des nouveaux travailleurs qui doivent entrer. Cela est assorti d'une véritable politique de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Cela fait partie aussi des recommandations de la commission Cliche, mais cela n'a jamais été retenu par aucun gouvernement.

M. Chevrette: M. Pouliot, c'est vrai que la commission Cliche parlait de bureaux de placement provinciaux. Mais vous savez que la fonction placement par les centres de main-d'oeuvre du Québec n'existe plus. À partir de là, si je me fie à ce que vous dites la fonction placement n'existant plus, ce serait en exclusivité aux bureaux de placement syndicaux. Vous ne craignez pas, M. Pouliot, vous qui avez assisté à cela, tout comme moi, pendant un an complet, que n'ayant aucun contrôle ou aucun concurrent dans le placement, on assiste à ce à quoi on a déjà assisté: des travailleurs sur le "board" qui ne sont jamais appelés? Il faut se le dire carrément, je pense qu'on n'est pas ici pour se cacher la vérité. Vous vous rappelez M. Lefebvre, du local 144, par exemple, qui était honni et qui n'a pas pu travailler pendant des années. C'était un vrai travailleur, lui aussi, mais il n'était pas "chum" avec ceux qui plaçaient. Vous n'avez pas peur, si on accorde l'exclusivité totale sans aucune concurrence, qu'il puisse y avoir un danger semblable et qu'il n'y ait personne qui puisse intervenir à ce moment-là?

M. Pouliot: Savez-vous la différence entre aujourd'hui et les années avant la commission Cliche? Aujourd'hui, si le travailleur n'a pas d'heures, il ne peut plus travailler. Il n'y a jamais eu d'exclusivité pour aucun syndicat dans l'industrie de la construction, si on remonte à 1968, lors de l'adoption de la loi 290. Un travailleur de la construction, membre d'un local qui pourrait être le local 144... Je suis un des membres du local 144.

M. Chevrette: Je disais cela de même. C'est un bon exemple.

M. Pouliot: Effectivement, il pourrait y avoir un travailleur qui est membre du local 144 et, si le local 144 ne lui donne pas un emploi, ne lui donne pas de "job", le travailleur a le droit de se trouver un emploi lui-même. Il y en a plusieurs qui se trouvent des emplois sans nécessairement passer par les agences de placement, avant la commission Cliche ou après' la commission Cliche. Il n'y a que le critère des heures qui est changé.

M. Chevrette: M. Pouliot, poussons plus loin le raisonnement. Avant la commission Cliche, ayant à peu près l'exclusivité ou la quasi-exclusivité dans le placement, vous savez très bien ce qui arrivait dans le concret quand il arrivait un chantier payant. C'est normal, c'est humain pour un local syndical - et je trouve qu'il fait son devoir, à part cela - d'essayer de placer le maximum de son monde. Je pense que c'est tout à fait normal, c'est tout à fait humain à part cela, mais vous savez à quoi cela a conduit. Cela a été la demande d'exclusivité d'embauche par des employeurs. Pour certains, cela faisait leur affaire parce qu'ils achetaient la paix, même s'ils nous mettaient toute la faute sur le dos. Pour d'autres, cela ne faisait pas leur affaire et vous savez ce qui s'est produit: Si tu ne prends pas tous mes gars, je m'excuse, on ne marchera pas. S'il est de la CSN, il n'a pas le bon "sticker" dans le front; s'il est de la CSD, à plus forte raison. S'il est de la FTQ, on s'est chicané, cela ne marche plus. Vous ne trouvez pas qu'il y a là un danger véritable. Je pense que, comme députés à l'Assemblée nationale, il faut essayer au moins d'éviter la reproduction du passé qu'on sait probable, en tout cas. Est-ce que vous ne voyez pas là quelque chose... J'aimerais que vous nous donniez votre opinion à partir des expériences que vous avez vécues, qu'on a vécues tout le monde aussi et qui ont été étalées en public. N'y aurait-il pas un mécanisme nous permettant de nous assurer que le travailleur, quelle que soit son étiquette syndicale, parce qu'on en reconnaît le pluralisme, puisse y avoir accès au moins par des mécanismes concurrents et non pas par des mécanismes exclusifs?

M. Pouliot: Je pense que, actuellement, on demande selon les besoins réels de l'industrie de la construction. On n'a pas besoin de 125 000 travailleurs, s'il y a 80 000 jobs; on en aurait besoin, peut-être, de 90 000 pour qu'il y en ait toujours un surplus, un certain pourcentage, pour ne pas retarder l'avancement des chantiers. Je pense qu'il faut avoir une certaine logique.

M. Chevrette: Je suis d'accord.

M. Poutiot: II doit exister des codes d'éthique disant que le gouvernement du Québec a la responsabilité de surveiller des agences de placement, sans pour autant lui donner un monopole. Je peux vous dire qu'aujourd'hui - vous n'êtes peut-être pas au courant, je vais vous l'apprendre - il y a des chantiers de construction, il y a des centrales syndicales où l'employeur engage exclusivement les travailleurs des différents métiers. Cela se produit. Vous avez d'ailleurs

de nombreuses plaintes de part et d'autre, des deux parties, qui sont sur vos différents pupitres. Donc, ce n'est pas une nouveauté, c'est une réalité de 1970, 1975 et 1986. Cela existe encore, malheureusement.

M. Chevrette: II me reste deux minutes. Une dernière question, M. le Président. Je voudrais demander à M. Pouliot d'insister davantage sur le fait qu'il s'en prenait au fait que le projet de loi reléguait au Procureur général les plaintes au lieu de... Voulez-vous me donner concrètement, peut-être par le conseiller juridique, quelles sont les conséquences pratiques pour le travailleur de la construction?

M. Bertrand (Yvan): Les conséquences pratiques. Évidemment, la position du conseil provincial que j'énonce, peut-être parce que je suis procureur, c'est une question de procureur... Les questions pratiques, c'est que, avec l'expérience, par une espèce de spécialisation quant aux procureurs de l'Office de la construction du Québec, c'est-à-dire, c'est leur contentieux, ce sont des gens spécialisés, ce sont des gens qui maîtrisent très bien la jurisprudence, les principes, les politiques, également, à travers tout cela, compte tenu que, dans l'industrie de la construction, si on parle du sujet qui est aujourd'hui devant vous, on va parler en termes de définition de métiers. Les différences sont souvent ténues, par exemple, entre un mécanicien de chantier, un monteur d'acier de structure, un plombier, un poseur d'isolant. Cela demande des procureurs spécialisés et très au fait des différentes questions de droit. Au surplus, malgré des plaintes et du chichi de tout le monde -c'est normal parce que l'OCQ fait un travail de policier, c'est-à-dire fait en sorte que la loi soit respectée dans un secteur; une loi, cela doit être respectée dans l'industrie de la construction - le rendement et le travail fait par ces procureurs a, de l'avis unanime, amené des résultats qui sont probants. Toujours pour faire respecter rapidement, clairement une loi dans un secteur où la paix industrielle est fragile. Si on regarde le Tribunal du travail qui fait toutes les relations du travail concernant l'industriel dans tous les secteurs, le Procureur général du Québec n'est pas à cet endroit-là et la jurisprudence est conforme, unanime, non équivoque. Les résultats font que tous les employeurs, tous les syndicats dans la province de Québec sont très au courant des règles de droit applicables en relations du travail. C'est un peu ce qui résulte de l'expérience de l'Office de la construction du Québec. Il en résulte une expérience non équivoque, claire et précise des règles de droit, telles qu'appliquées par les procureurs spécialisés de l'Office de la construction. On est convaincu, avec tout le respect que j'ai pour mes confrères ou que le conseil pourrait avoir pour les substituts du Procureur général du travail également, que les résultats vont être l'inverse. Lorsqu'on regarde - on le dit dans le mémoire - ce qui se passe présentement au ministère de la Justice, quant au travail de ces procureurs, la vie n'est pas belle, ils sont débordés, ils ont plusieurs lois à appliquer. Ils n'ont pas nécessairement les liens directs avec les intervenants du milieu pour leur donner le "feed-back." Au surplus, M. le Président, et c'est important de le noter, d'enlever l'administration judiciaire par plainte pénale à la CCQ cela entraînerait, on l'évaluerait ainsi si c'était cette année, une perte de 1 000 000 $. C'est comme des "tickets" de stationnement qui amènent un revenu à une ville, les plaintes pénales amènent un revenu aux intervenants dans l'industrie de la construction. Cela nous le prend, c'est clair.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mon temps est épuisé maïs, avec votre autorisation, je prends une minute. Je répondrai à cette argumentation à l'occasion, peut-être, du témoignage d'autres personnes, sur le plan du procureur. Je sais qu'il y en a d'autres qui l'indiquent dans leur mémoire. Juste pour spécifier que, sur la question des bureaux de placement syndicaux, l'argumentation qui a été établie par le député de Joliette, on la partage de ce côté-ci. Je ne voulais pas qu'on tienne pour acquis qu'on partageait une argumentation contraire, vu qu'on s'obstine sur à peu près tous tes autres sujets. (17 h 15)

M. Chevrette: Vous allez nous revoir encore nous obstiner. Ceci dit, je vous remercie infiniment d'avoir préparé votre mémoire. J'espère que votre appui sera d'autant plus fécond ou votre désaccord sera plus officiel et plus évident si vous êtes d'accord avec nous pour contingenter véritablement, pour épurer véritablement, pour permettre que l'industrie revienne aux mains de ceux qui paient véritablement. Votre idée de tribunal du travail, je suis convaincu que c'est une idée...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tribunal de la construction.

M. Chevrette: Tribunal de la construction. Je suis convaincu que... On voit des enseignants qui ont des tribunaux d'arbitrage parce qu'il se développe une jurisprudence propre à leur secteur. Je ne vois pas pourquoi on n'irait pas dans le

même sens dans la construction.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie également de la qualité de votre présentation. Je sais que l'ancien commissaire à la commission Cliche n'a pas fait allusion au tribunal de la construction pour être nommé juge là-dessus un jour.

M. Chevrette: Je n'attends aucune "job" du Parti libéral.

M. Paradis (Brome-Missisquoï): II y en a déjà eu dans le passé.

M. Chevrette: Ils l'ont assez regretté. Je dois vous dire qu'ils l'ont regretté bien fort.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup de votre présentation.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Pouliot, messieurs, madame.

Corporation des maîtres électriciens du Québec

J'inviterais maintenant la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Bonsoir, M. Nolet. À l'heure qu'il est, c'est plus bonsoir que bonjour. Je voudrais vous demander de présenter d'abord les gens qui vous accompagnent et vous indiquer que vous avez quinze minutes pour présenter votre mémoire, que nous aurions normalement 45 minutes... Il me faudra, à 18 heures, le consentement unanime pour poursuivre. Si on s'entend maintenant, il est exactement 17 h 15. Donc, à 18 h 15, on terminera avec un consentement pour qu'on puisse passer l'heure. Sans plus tarder, M. Nolet, je vous cède la parole.

M. Nolet (Richard): D'accord. Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs et mesdames. J'ai le plaisir de vous présenter les membres qui représentent la Corporation des maîtres électriciens du Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Voulez-vous parler plus directement dans votre micro? Je voudrais rappeler aux gens qui sont dans cette salle que la salle est d'abord faite pour les délibérations des membres de la commission avec ses invités. Les caucus se font à l'extérieur de la salle. Merci.

M. Nolet: Merci. D'abord, à ma gauche, Me Julie Dutil, conseillère juridique de la CMEQ; M. Yvon Guilbault, directeur général de la CMEQ; à mon extrême droite, M. André Dion, directeur de la CMEQ; M. Claude Gagnon, président sortant de la CMEQ, et moi-même, Richard Nolet, président de la Corporation des maîtres électriciens.

Si vous le permettez, je demanderais à M. Yvon Guilbault, notre directeur général, de faire la lecture du mémoire.

M. Guilbault (Yvon): Merci, M. le président.

La Corporation des maîtres électriciens du Québec, qui regroupe les 2850 entrepreneurs électriciens oeuvrant au Québec, remercie le ministre du Travail de lui donner l'occasion de faire valoir son point de vue sur le projet de loi 119. En d'autres circonstances, nous aurions relevé le court délai de convocation qui nous a été imparti pour étudier le projet de loi, mais un long mûrissement du dossier de la formation de la main-d'oeuvre et de l'accès à l'industrie de la construction au cours des dernières années et notre intérêt pour le sujet nous permettent de fournir aux membres de la commission des observations qui représentent bien le point de vue des entrepreneurs électriciens.

En effet, il y a déjà tellement longtemps que nous entendons les entrepreneurs électriciens nous faire part de leurs revendications sur la main-d'oeuvre -en termes quantitatifs ou qualitatifs - du bon vieux temps des centres d'apprentissaqe où la main-d'oeuvre était compétente, qu'ils nous en parlent lors de réunions de régions ou lors d'assemblées générales, qu'ils nous formulent des résolutions nous demandant d'agir ou de faire les pressions pour restaurer un plan inexistant de formation, qu'ils se plaignent de la non-disponibilité de la main-d'oeuvre ou de l'absence de la relève, qu'ils réclament à tout le moins un changement et un leadership en cette matière que nous pouvons sans trop de peine formuler un consensus représentatif de leurs opinions.

De fait, la question préoccupe tellement les entrepreneurs électriciens qu'ils ont cru bon, il y a quelques années, de former un comité permanent interne sur la formation de la main-d'oeuvre pour tenter de faire évoluer le dossier en dégageant certaines statistiques significatives sur les besoins qualitatifs et quantitatifs en main-d'oeuvre des entrepreneurs électriciens. La CMEQ a participé activement à tous les comités gouvernementaux qui ont siégé sur la question, que ce soit en 1974 le comité Marcel Dion, en 1977 le comité Jules Dussault et, le plus récent, en mars dernier. Nous devons souligner que c'est la première fois que les travaux de tels comités aboutissent à un projet de loi. Sur ce point, nous ne pouvons que nous réjouir du leadership du ministre du Travail.

Du travail de tous ces comités et de l'opinion des entrepreneurs électriciens, nous avons retenu la trame de pensée suivante: 1° Les entrepreneurs électriciens veulent une main-d'oeuvre compétente et

disponible et se sont toujours interrogés sur la notion douteuse du mot "disponibilité" tel qu'il est utilisé actuellement dans le règlement sur le placement et qui empêche l'accès à l'industrie de jeunes ayant acquis une formation de base dans le métier et désireux de travailler. 2° Les entrepreneurs électriciens ont la perception que les intervenants sont tellement nombreux qu'il n'est conséquemment pas facile de trouver ou de proposer une structure fonctionnelle et viable à la satisfaction de tous. Pourquoi donc ne pas désigner un chef d'orchestre préoccupé d'assumer l'objectif de fournir une main-d'oeuvre disponible et compétente et de favoriser la formation de comités institutionnalisés, formés des parties intéressées, afin de canaliser les opinions, d'assurer une continuité et de tenir compte de l'évolution des besoins du marché? 3° II n'y a pas de doute que les parties impliquées doivent détenir le pouvoir décisionnel majoritaire et que les structures proposées doivent en tenir compte. Il est évident que les parties patronale et syndicale ont intérêt à s'entendre pour que le tout soit fonctionnel. Dans le cas contraire, pour éviter une paralysie des activités et des travaux d'un comité, nous admettons la nécessité d'une intervention gouvernementale par la présence votante de représentants du ministre. 4° II apparaît surtout que toutes les étapes ne peuvent être franchies en même temps et qu'il est utopique de penser que le projet de loi 119 puisse contenir des mesures exhaustives sur l'accès à l'industrie, les plans de formation pour chacun des métiers, etc. Dans le passé, l'attente et le désir d'élaborer un plan plus que parfait de contrôles quantitatifs et qualitatifs de la main-d'oeuvre a toujours conduit à une absence décevante d'action. Dans ce cas-là, comme le dit l'adage, le mieux est l'ennemi du bien. À vouloir trop bien faire, rien n'a été fait.

Conséquemment, nous considérons le projet de loi 119 comme un jalon qui change heureusement les règles du jeu auxquelles les parties devront s'adapter pour en arriver à un système de formation articulé et systématisé. Il fallait faire quelque chose pour permettre aux gens d'accéder à l'industrie de la construction et favoriser la compétence de la main-d'oeuvre.

Dans ce contexte, la CMEQ accorde son appui à l'économie générale du projet de loi 119. Dans le cadre des remarques générales que nous venons de formuler, une étude attentive du contenu du projet de loi nous amène à faire les commentaires suivants et sur lesquels nous invitons la commission à se pencher. Ce sont des commentaires qui proviennent un peu de la trame de pensée que je viens de formuler.

Propositions d'amendement au projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Le présent mémoire comporte quatorze recommandations aux fins d'amender rapidement et pour l'essentiel, a nos yeux, le projet de loi en question.

Les structures. Au sujet des structures de la Commission de la construction du Québec, la CMEQ propose essentiellement: 1.1 Que la composition du conseil d'administration de ta nouvelle commission soit réaménagée de façon que la délégation patronale soit composée d'un représentant de l'association d'employeurs et de trois représentants d'associations d'entrepreneurs différentes. Cela clarifierait le fait que les quatre représentants patronaux proviendraient d'organismes patronaux différents, soit un de l'AECQ et trois des associations d'entrepreneurs. Il nous apparaît souhaitable de ne pas augmenter le nombre de membres au conseil d'administration pour des raisons d'efficacité.

Cependant, nous suggérons la possibilité de nommer des substituts aux membres désignés de la commission. Ces substituts pourraient se départager ainsi pour la partie patronale: un substitut en provenance de l'AECQ pour le représentant officiel de l'association d'employeurs et trois substituts en provenance des associations d'entrepreneurs non déjà représentées au conseil d'administration. De cette façon, les six associations d'entrepreneurs pourraient maintenir de façon structurelle un intérêt et un suivi aux travaux de la commission. Cette mesure nous apparaît importante étant donné qu'en vertu de l'article 3.3 les membres de la commission peuvent être nommés pour une période de cinq ans. 1.2 Que la composition du comité administratif sur les relations de travail soit portée à sept membres dont deux représentants des associations d'employeurs, soit le membre et son substitut, et deux représentants des associations représentatives dont au moins un membre siégeant au conseil. 1.3 Que la composition du comité administratif sur la formation professionnelle soit portée à sept membres et soit composée de deux représentants des associations d'entrepreneurs, dont au moins un membre siégeant au conseil, et deux représentants des associations représentatives, dont un membre siégeant au conseil. Ceci pourrait permettre que les intervenants du milieu puissent contrôler par leur majorité ce comité névralgique pour le milieu. 1.4 Que la composition du comité consultatif sur la formation professionnelle soit ramenée de quinze à treize membres, dont six délégués des associations d'entrepreneurs et six délégués des associations représentatives, en plus du président de la commission. La diminution du

nombre de membres permettrait à ce comité d'être plus opérationnel et serait plus conforme au mandat de l'AECQ de s'occuper exclusivement des relations de travail.

Au sujet des pouvoirs des différentes instances de la commission et du gouvernement, la CMEQ propose essentiellement que l'article 4.1 de la loi introduit à l'article 3 du projet de loi 119 soit purement et simplement retiré. La CMEQ veut s'assurer, entre autres, que la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre et la qualification professionnelle des entrepreneurs sont aux yeux du gouvernement deux notions fondamentalement distinctes. 2.2 Que les pouvoirs de réglementation actuellement confiés au gouvernement: a) et contenus à l'article 24 du projet de loi 119 introduisant l'article 123.8 soient modifiés pour établir des règles favorisant l'embauche locale, mais abandonnant la notion de régions définies. Au lieu de priorités régionales, il faudrait parler plutôt d'embauche locale. Les salariés locaux veulent travailler chez eux et les employeurs, pour être compétitifs, sont peu intéressés à payer des frais de pension et de déplacement de façon indue. Une main-d'oeuvre plus disponible et plus compétente devrait créer une situation nouvelle. Les irritants du système actuel devraient être révisés dans les meilleurs délais; b) et contenus à l'article 24 du projet de loi 119 introduisant l'article 123.1 soient transférés à la commission. Ces règlements pourraient être approuvés par le gouvernement. De plus, si la commission fait défaut d'adopter un règlement visé à l'article 123.1 dans un délai que le gouvernement juge raisonnable, ce dernier pourrait l'adopter lui-même. La prise en charge par le milieu du secteur de la formation et de la qualification professionnelles implique que le gouvernement cède ses pouvoirs réglementaires à la commission proposée et, dans le cas de mésententes, le gouvernement interviendrait.

À propos du financement de la commission proposée, la CMEQ propose essentiellement: 3.1 Que le prélèvement prévoie un montant de base (par exemple, en fonction de 2000 heures) dans le cas de la rémunération des artisans (article 15 du projet de loi modifiant l'article 82). L'expérience enseigne que la réalité des artisans est des plus mouvantes et qu'on ne parvient pas à contrôler leur rémunération. L'établissement d'un montant minimum serait susceptible de ramener un équilibre plus juste et concurrentiel vis-à-vis des autres intervenants. 3.2 Que les amendes découlant des poursuites pénales restent à la commission et ne soient pas versées au fonds consolidé de la province. Il serait plus juste que les amendes reviennent à l'organisme qui défraie le coût des inspections et constate les infractions. 3.3 Que le gouvernement continue à verser des subventions relatives au placement, du moins pour une période transitoire. Il apparaît nécessaire que le gouvernement assume au moins une espèce d'intérim en versant les subventions appropriées tant que la commission proposée n'aura pas mis en place toute l'infrastructure nécessaire à cette fin.

L'aspect financier du dossier de la formation de la main-d'oeuvre et de ses composantes est vital. Les entrepreneurs électriciens sont prêts à payer leur juste part, mais pourquoi une majoration potentielle du prélèvement d'un demi pour cent plutôt qu'un quart de un pour cent ou tout autre pourcentage? A-t-on des données sur le sujet?

Selon le rapport de 1985 de l'Office de la construction, l'augmentation globale pourrait atteindre 17 000 000 $. Sont-ce des prévisions actuelles ou futures? A-t-on une idée du nombre de fonctionnaires du ministère de la Main-d'Oeuvre susceptibles d'être transférés à la Commission de la construction et des coûts impliqués pour l'organisme?

À propos des dispositions transitoires, la CMEQ propose essentiellement: 4.1 Que la commission délivre à une personne qualifiant une entreprise auprès de la Régie des entreprises de construction du Québec, conformément au règlement de la Régie des entreprises de construction du Québec, quant aux connaissances techniques et ayant déjà détenu un certificat de qualification ou une licence C, un certificat de compétence correspondant au métier, à la spécialité ou aux tâches, le cas échéant, pour lesquels cette personne qualifie l'entreprise auprès de la régie. Le motif est que plusieurs entrepreneurs n'ont plus le certificat de qualification comme tel, ayant eu d'autres genres d'attestation dans le passé, telle la licence C d'autrefois dans le domaine de l'électricité. Il paraîtrait approprié de clarifier la situation afin de permettre à ceux qui ont la compétence technique d'oeuvrer sur le chantier de construction en toute quiétude.

(17 h 30) 4.02 Que l'on prévoie la possibilité que, sur demande d'un employeur, ceux qui possèdent un certificat de qualification hors construction soient admissibles au certificat de compétence. Il serait avantageux pour l'industrie de la construction de profiter de la compétence de détenteurs de certificat de qualification qui sont déjà spécialisés, par exemple, en contrôle ou en automates programmables.

En terminant, nous notons que le deuxième paragraphe du troisième alinéa de l'article 33 du projet de loi 119 laisse

supposer ou pourrait laisser supposer l'accès à l'industrie à des personnes n'ayant aucune formation de base, ce qui nous semble contraire à l'économie même du projet de loi 119 qui favorise dans son essence la compétence de la main-d'oeuvre. La CMEQ est d'accord, nous l'avons dit, avec l'économie de cette loi. Ce paragraphe apparaît donc paradoxal selon les premières apparences. Des explications sauront sûrement nous éclairer et clarifier cette impression.

Nous remercions les membres de la commission de leur attention.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup pour la qualité de votre mémoire. Je tiens à souligner le fait que, lorsque les organismes ont la possibilité de nous présenter des propositions d'amendement comme vous l'avez fait, cela facilite notre travail de législateurs en fin de session et je vous en remercie.

J'aurais quelques questions à vous adresser dans un premier temps. À la page 4 de votre mémoire, vous dites: "II n'y a pas de doute que les parties impliquées doivent détenir le pouvoir décisionnel majoritaire et que les structures proposées doivent en tenir compte; il est évident que les parties patronale et syndicale ont intérêt à s'entendre pour que le tout soit fonctionnel." Au moment où on se parle, selon les proportions - j'ai eu, et je pense que vous en avez été témoin, des blâmes qui m'ont été adressés; je ne demande pas si c'est à juste titre - qu'on a données è la commission, soit quatre représentants de ministères gouvernementaux, est-ce que vous pensez qu'avec huit représentants, quatre patronaux et quatre syndicaux - et vous proposez une formule amendée pour les représentants patronaux -le contrôle peut effectivement, selon votre expérience, être exercé par les parties?

M. Guilbault: C'est notre prétention. Dans le passé, on peut revenir un peu à l'expérience de l'ancienne commission de l'industrie de la construction, les parties avaient ce pouvoir. Selon notre expérience, cela n'a jamais fonctionné. C'était toujours le président de la commission qui décidait.

Avec cette expérience, on s'est dit: Partout où c'est possible! Les parties ou patronales ou syndicales, qu'il y en ait quatre au conseil d'administration, au comité administratif sur la formation. Si vous avez remarqué, on a fait des amendements pour qu'il y ait quatre sur sept, patrons et des syndicats; la même chose au comité sur les relations du travail. Partout, on a fait les modifications de telle sorte que la majorité décisionnelle appartienne aux parties.

Dans les cas où les parties ne s'entendent pas, on admet le fait que des représentants gouvernementaux aient la balance du pouvoir pour éviter que les opérations. ne soient paralysées. Dans le passé, malheureusement, c'est souvent ce qui est arrivé. Au conseil d'administration, quatre et quatre font huit sur treize. Les parties ont intérêt à s'entendre de telle sorte que les représentants gouvernementaux n'aient pas la balance du pouvoir. On admet ce fait.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. En haut de la page 4: "Les entrepreneurs électriciens veulent une main-d'oeuvre compétente et disponible et se sont toujours interrogés sur la notion douteuse du mot "disponibilité" tel qu'il est actuellement utilisé dans le règlement sur le placement et qui empêche l'accès à l'industrie des jeunes ayant acquis une formation de base dans le métier et désireux de travailler." Est-ce que, lorsque l'Office de la construction a ouvert un bassin de main-d'oeuvre dans un métier, dans le métier qui vous concerne spécialement, vous avez été consulté dans le passé, quant à la nécessité ou à la possibilité d'ouvrir un bassin?

M. Nolet: Je ne suis là que depuis un mois, mais je pense que mon président sortant peut sûrement vous répondre.

M. Gagnon (Claude): Si vous le permettez, M. le Président, durant le mandat de deux ans au cours desquels j'ai été à la présidence de la CMEQ, je n'ai été, en aucun temps, consulté quant à la possibilité de l'ouverture de bassins dans le métier qui nous concerne.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Est-ce que vous aviez un représentant à l'OCQ?

M. Gagnon: Non.

M. Chevrette: Ah! C'est pour cela que vous demandez d'être représenté directement. Faisiez-vous partie des tables de travail en mai?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Vous avez donc adhéré au consensus, parce que tous, sauf l'AECQ, étaient d'accord avec le sujet suivant: Que la notion quantitative en fonction des besoins de l'industrie en est une fondamentale. Êtes-vous toujours d'accord avec ce consensus de

la "sous-table" de travail?

M. Gagnon: Quand on parle de quantitatif, c'est concernant le nombre de personnes qui sont dans le métier. Concernant la quantité, nous disons que, par rapport au projet tel qu'il est présenté, sur ia base de la compétence on sait que le mot "quantité" va être respecté. Nous sommes d'accord en disant: Voici, sur l'accessibilité aux métiers, le fait que les personnes devront être compétentes, que la base soit la compétence, la quantité, à ce moment, va s'éliminer automatiquement.

M. Chevrette: Comment conciliez-vous votre réponse avec l'article 33 du projet de loi, M. le président ou l'ex-président, plutôt?

M. Gagnon: L'article 33 du projet de loi?

M. Chevrette: Oui. Deuxième paragraphe.

M. Gagnon: L'article 33, deuxième paragraphe.

M. Chevrette: Parce que je voudrais que vous conciliiez la réponse que vous venez de me donner avec le deuxième paragraphe de l'article 33.

M. Gagnon: Vous parlez de ceci: "âgée d'au moins 16 ans pour laquelle un employeur enregistré..."

M. Chevrette: Oui, continuez à lire.

M. Gagnon: "...à la Commission de la construction du Québec formule une demande de main-d'oeuvre et fournit à son égard une garantie de travail d'une durée d'au moins 500 heures..."

M. Chevrette: Oui.

M. Gagnon: Le fait de le concilier, vous avez juste à faire référence à notre mémoire. Dans notre mémoire, on soulève cela à la fin, à la page 16: "En terminant, nous notons que le deuxième paragraphe du troisième alinéa de l'article 33 du projet de loi 119 laisse supposer ou pourrait laisser supposer l'accès à l'industrie de personnes n'ayant aucune formation de base...". Pour nous, il est extrêmement important que les personnes qui veulent aller dans le métier concerné ou dans n'importe quel métier aient au moins une formation de base pour pouvoir accéder à l'industrie de la construction.

M. Chevrette: C'est contre l'article 33, tel que libellé au deuxième paragraphe.

M. Gagnon: Exactement.

M. Chevrette: Merci. Il y a eu un autre consensus qui est le suivant: Qu'au pourcentage de 10 % de surplus de main-d'oeuvre disponible dans les bassins d'apprentis il faut obligatoirement ajouter un indice économique, taux de chômage et autres exemples, permettant à l'industrie de bénéficier d'une proportion de main-d'oeuvre plus ou moins grande selon l'intensité des périodes d'activités. Êtes-vous toujours d'accord avec ce consensus? Quand je n'ai pas mes lunettes, j'ai de la misère à lire...

M. Gagnon: Vous faites référence à la lettre du président,

M. Dion (André): M. le Président, mon nom est André Dion, j'étais aux tables et j'étais à la négociation au moment où cela a fait l'objet d'un consensus. Évidemment, on était tout à fait d'accord avec cela à l'époque où le ministre nous a demandé notre avis sur la situation. Depuis, la situation a évolué, il y a des mécanismes nouveaux qui ont été mis en place et notre pensée s'est précisée. Nous sommes d'accord à ce qu'il y ait, comme vient de le dire l'ex-président, une certaine forme de contingentement basé sur la compétence. Pour renchérir et dire que je suis d'accord, tantôt, le monsieur de l'OCQ disait: II y a 7000 personnes qui sont quelque part flottantes et on ne sait pas pourquoi. On pense que ce sont des gens qui ont eu des cartes d'accès aux chantiers et qui ne sont pas allés chercher leur carnet d'apprenti. Dans notre cas, pour tes qualifier, le problème ne se pose pas, parce que dans le nouveau contexte on dit aux gars: Va faire tes cours et, après, on t'émettra une carte de compétence. Donc, à ce moment, nous sommes rassurés sur cela.

M. Chevrette: Je vais y aller autrement. Si vous êtes d'accord sur le critère de la compétence, seriez-vous d'accord avec un contingentement directement à l'école, à ce moment? Si vous reconnaissez que le premier consensus est quantitatif, il va y avoir une quantité en quelque part. Concernant l'école, est-ce que vous laissez former "at large" ou bien si vous seriez en faveur, au moins, d'un contingentement à l'école?

M. Gagnon: À mon avis, à l'école, les personnes qui vont avoir les aptitudes pour se diriger dans la formation qu'elles envisagent ou qu'elles désirent prendre, à ce moment, si elles ont les connaissances de base, et par les connaissances qu'elles ont, si elles peuvent acquérir la compétence, une fois leur certificat de compétence remis, elles vont pouvoir avoir accès à l'industrie de la construction. Si leur compétence ne peut pas s'améliorer, il est certain qu'il va falloir qu'elles changent de métier. C'est une forme de contingentement qui va se faire

automatiquement. L'élimination va se faire par les connaissances que les nouveaux arrivés vont prendre au fur et à mesure qu'ils vont évoluer dans le métier.

M. Dion: Quand même, si je peux enchaîner, renchérir, il y a un paramètre qui s'ajoute. C'est que le fait qu'au conseil d'administration de la Commission de la construction le nouveau paramètre, le fait que nous ayons maintenant, contrairement à l'ancienne formule, des gens à l'instance décisionnelle qui viennent du ministère de l'Éducation, je suis convaincu qu'ils ne seront pas assez bêtes pour former des gens qu'ils ne seront pas capables de proposer sur le marché. C'est ce qui est notre garantie.

M. Chevrette: Je continue dans les consensus. Dans votre mémoire, vous dites que vous pouvez choisir à peu près qui vous voulez, quand vous voulez, comme cela vous plaît, alors que le consensus à la table, dont vous étiez toujours, je suppose...

M. Dion: Cela dépend quelle table.

M. Chevrette: Je suis toujours dans la table des apprentis. On peut y voir le consensus 6 qui se lit comme suit: "Que les droits acquis des travailleurs apprentis, ayant par le passé exercé une activité dans l'industrie de la construction, soient reconnus sur la base d'une priorité d'emploi ou d'une liste d'attente." Vous êtes toujours d'accord avec cela?

M. Guilbault: J'étais à cette table. M. Chevrette: Bon!

M. Guilbault: II y a eu effectivement des consensus à ces tables de travail, mais il faut situer cela dans le contexte. C'étaient des consensus de tables de travail. Quand on a analysé le projet de loi 119, évidemment, on s'est retrouvé avec un cadre de référence qui était différent. Dans ce cadre de référence, on se retrouve avec un comité consultatif sur la formation et un comité administratif sur la formation où, normalement, on devrait étudier ces modalités opérationnelles beaucoup plus en détail, étant donné que maintenant il pourrait y avoir, par ces comités-là, quelque chose de structuré. C'est pour cette raison qu'on a demandé, à l'article 123.1, que ce soit la commission qui détermine toutes les modalités d'apprentissage, etc. Étant donné que le cadre de référence a changé avec ces comités, vous pouvez être sûrs que les consensus qui sont arrivés à la table de travail d'apprentis, de compagnons et d'occupation, il y a de grosses chances que les consensus changent encore, parce que le contexte est différent.

M. Chevrette: Je ne voudrais pas mal vous interpréter.

M. Guilbault: Pardon?

M. Chevrette: Je ne voudrais pas mal vous interpréter, mais j'aurais le goût de faire une farce. J'aurais le goût de vous dire que, forcé de vous entendre, parce que vous ne saviez pas ce qui s'en venait, vous avez dégagé les consensus les moins pires, et, comme le ministre vous en donne plus que le client en demande, vous êtes d'accord maintenant. Est-ce que je me trompe?

M. Guilbault: On est assez content qu'il se fasse quelque chose qu'on ne se plaint pas.

M. Chevrette: C'est plutôt cela que je ressens par rapport à votre réponse. On ne peut pas avoir dégagé des consensus toutes les parties ensemble et les nier à peine deux ou trois mois après ou les nuancer au point qu'ils ne veulent plus rien dire.

M. Guilbault: On ne les a pas niés, en aucune façon. Ils peuvent dire quelque chose, mais ce qu'on vous dit, c'est qu'ils vont être sûrement analysés dans un contexte différent. C'est ce qu'on dit.

M. Chevrette: On reviendra tantôt. On va alterner un peu.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Labelle.

M. Hétu: ...au lieu des priorités régionales, il faudrait parler plutôt d'embauché locale. Que pensez-vous de...

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Labelle, est-ce que vous pourriez parler plus directement dans votre micro?

M. Hétu: À la page 11 de votre mémoire, vous dites qu'au lieu des priorités régionales il faudrait plutôt parler d'embauché locale. Étant moi-même maître électricien - d'ailleurs, vous me connaissez -on a connu ces problèmes dans nos localités de ne pouvoir engager nos gens. Il y a des personnes qui avaient même quelquefois un certificat de compétence et on était obligé de faire venir quelqu'un de l'extérieur. Qu'est-ce que vous pensez de la clause de 500 heures, de la garantie de 500 heures et de ce que le conseil provincial des métiers recommandait tout à l'heure, qu'on soit obligé de déposer des montants garantissant les 500 heures?

M. Gagnon: La clause de 500 heures, cela ne nous intéresse pas, nous n'en parlons pas. Mais une chose est certaine, ce qui est

important pour nous... Je sais que le conseil tout à l'heure a mentionné qu'il devrait y avoir une pénalité. Je me dis que, s'il y a une pénalité qui doit être imposée à l'employeur, il faudrait que ce soit vice versa, si c'était une possibilité envisagée. Pour l'employé qui, au bout d'un mois ou deux, quitte son emploi, il faudrait qu'il y ait une pénalité, il faudrait qu'il y ait quelque chose pour lui.

Mais, pour nous comme je vous l'avais mentionné, c'est extrêmement important que de l'embauche locale se fasse dans le domaine de l'électricité. Cela peut être la même chose dans d'autres domaines. Lorsqu'il y a des chantiers, des travaux qui se font dans une région donnée, je pense qu'il est extrêmement important que la main-d'oeuvre locale puisse travailler avant d'aller chercher celle de l'extérieur. D'ailleurs, il n'y a pas d'autres priorités qui pourraient être mises de l'avant parce que l'on sait que si un entrepreneur soumissionne pour une installation donnée ou un travail donné; s'il vient de l'extérieur et s'il prévoit prendre sa main-d'oeuvre à l'extérieur, il doit, à ce moment-là, vivre avec les frais qui font partie du décret, soit les frais de déplacement, les frais de séjour, etc. Et celui qui est local va pouvoir lui offrir une meilleure compétition parce qu'il va falloir qu'il prenne la main-d'oeuvre locale. S'il pense aller chercher celle de l'extérieur, je vais vous dire qu'il va passer au bout du banc avec sa soumission officielle. (17 h 45)

M. Hétu: Maintenant, j'aimerais vous demander ce que vous pensez du ratio de quatre compagnons pour un apprenti?

M. Gagnon: Je pense que cela devrait être touché, mais, je ne crois pas que cela devrait faire partie de la loi; cela devrait faire partie des règlements que la commission établira.

M. Hétu: Des règlements de la commission?

M. Gagnon: Oui. Mais il faut que ce soit touché.

M. Hétu: À la page treize du mémoire, vous notez: "L'expérience enseigne que la réalité des artisans est des plus mouvantes et que l'on ne parvient pas à contrôler leur rémunération; l'établissement d'un montant minimum serait susceptible de ramener un équilibre plus juste et concurrentiel vis-à-vis des autres intervenants." Que recommanderiez-vous? Parce qu'on a beaucoup de maîtres électriciens qui sont des artisans, alors, sans doute on pourrait pénaliser les confrères; alors de quelle façon faudrait-il le faire?

M. Gagnon: Je pense qu'il serait normal d'établir un équilibre plus juste et concurrentiel. Regardons un entrepreneur qui a un employé: actuellement, l'employeur est obligé de verser un demi de un pour cent et l'employé est obligé d'en verser autant.

Ces frais sont inclus dans la facture et l'employeur, lorsqu'il soumissionne sur un projet, est obligé d'en tenir compte. L'artisan, lorsqu'il soumissionne sur un projet, actuellement, n'a rien à payer dans ce domaine. Donc, ce qu'on recommande c'est qu'il y ait au moins un minimum de base, comme on le voit à la page 12: "Que le prélèvement prévoit un montant de base (par exemple, en fonction de 2000 heures)..." On sait qu'un employé en construction fait approximativement 2000 heures de travail; il pourrait y avoir un montant basé sur les 2000 heures qui pourrait être l'équivalent du pourcentage qui est payé actuellement. II pourrait y avoir quelque chose dans ce sens-là et de cette façon l'équilibre serait plus concurrentiel.

M. Hétu: Est-ce que vous avez des données précises sur les jeunes qui voudraient apprendre le métier ou se lancer? Avez-vous des données là-dessus?

M. Gagnon: Nous n'avons pas de données actuellement, mais, je sais qu'il y a des jeunes - pour ce que j'en sais de la région d'où je viens, soit la plus belle région du Québec en passant; mon confrère est de l'Abitibi-Témiscamingue et moi je demeure au Témiscamingue, à Ville-Marie - qui sortent de l'école, qui ont suivi des cours et ils ont une compétence. Je ne veux pas dire qu'ils ont la pratique, parce qu'ils n'ont pas pu la mettre en pratique, mais ces gens ont une compétence au point de vue des connaissances mais ils n'ont pas l'occasion de pouvoir évaluer avec cela. Je peux vous dire que cela serait des occasions qui pourraient permettre à ces jeunes de pouvoir entrer sur le marché du travail.

Pour un entrepreneur comme moi, et pour beaucoup d'autres, cela pourrait permettre d'évoluer dans d'autres services qui, actuellement, ne sont touchés par aucun entrepreneur au Québec.

M. Hétu: Cela nous permettrait une relève dans le métier.

M. Gagnon: Exactement.

M. Hétu: C'est très important. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais vous référer à votre

article 4.02 à la page 15 de votre mémoire qui dit que l'on prévoit la possibilité que sur demande d'un employeur ceux qui possèdent un certificat de qualification hors construction soient admissibles au certificat de compétence. Êtes-vous d'accord avec cet article 32 de la loi par rapport à ce que vous apportez à la page 11? Au lieu de priorités régionales, vous parlez de priorités d'embauche locale. Est-ce que c'est à cause de cela que vous en êtes arrivés à être en accord avec l'article 32? Est-ce à cause de cette demande? Est-ce que je suis claire?

M. Nolet: Cela n'a pas du tout rapport entre les deux. Ce qu'on veut dire dans cela, c'est qu'il y a des gens dans le moment qui travaillent dans les industries, qui font le service ou l'entretien, des hommes d'entretien qui sont très compétents et qui n'ont pas accès à l'industrie de la construction parce qu'ils n'ont jamais eu de carte, ni les certificats qui étaient émis avant. Ils arrivent pour se faire engager, mais on n'a pas le droit de les prendre. On a l'impression que cela avait été oublié dans le projet de loi. On voulait attirer l'attention sur cela, sur ces gens-là.

Mme Juneau: Est-ce qu'il y a une inquiétude, à ce moment-là, qu'il y ait un nombre impressionnant de personnes qui entrent dans le métier de la construction par rapport à votre métier précisément? J'imagine que vous avez dû avoir des statistiques quant au nombre de personnes qui pourraient éventuellement entrer dans la construction.

M. Nolet: Je n'ai pas de statistique, mais je peux vous dire que pour ma part, entre autres, cela fait peut-être sept, huit ou dix ans que je cherche un électricien compétent qui peut arriver à faire le service, l'entretien et le dépannage en industrie. Je ne suis pas capable d'en trouver. Je n'ai aucune crainte là-dessus. Cela va prendre du temps avant que les écoles en sortent assez pour inonder le marché.

Mme Juneau: II n'y a aucune inquiétude de la part de votre...

M. Nolet: Pour autant que cela est contrôlé selon un minimum de connaissances, selon les critères recommandés.

Mme Juneau: D'accord. Qu'est-ce que vous pourriez me dire si je vous demandais ce que vous entendez par priorités régionales et embauche locale? Comment cela se situe-t-il?

M. Nolet: Très bonne question.

M. Gagnon: Vous voulez dire entre les deux: priorités régionales et embauche locale. On sait que les priorités régionales sont établies à partir de régions réparties dans tout le Québec. Je vais vous donner un exemple. Si je suis situé dans une région et que l'autre bord de la rivière, l'autre bord du chemin, cela fait partie de la région voisine de chez nous, cela veut dire que si, demain matin, il y a un travail qui se produit dans la région où je suis, je ne peux pas engager la personne qui reste l'autre bord de la rue, même si je la connais bien ou quoi que ce soit et qu'elle est compétente. Je ne peux pas l'engager parce qu'il y a déjà des personnes qui sont dans la région où je suis. Alors, pour en revenir à l'embauche locale, il y a des choses qui pourraient être établies autour de ces mots "embauche locale" pour être capable de déterminer, dans une région ou dans un point donné où le travail se situe, une priorité vis-à-vis des gens qui sont là localement.

Mme Juneau: Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Rosemont.

M. Rivard: M. le président actuel ou sortant, je voudrais revenir sur la question des besoins quant au nombre de gens à former. J'ai bien compris les réponses que vous avez déjà données à deux au trois occasions. Dans la dernière, vous dites: Formons autant d'électriciens qu'on peut. Les besoins du marché sont tels actuellement qu'il n'y a pas de danger qu'il y ait un surplus. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Gagnon: Je ne veux pas dire que le système qui peut être mis en place à partir du 1er janvier va faire qu'il va y avoir une avalanche de personnes qui vont se présenter pour travailler sur le marché de la construction.

M. Rivard: D'accord.

M. Gagnon: II reste une chose. Si cela est basé sur la compétence, il est évident que les gens qui vont vouloir travailler dans la construction, dans un métier donné, il va falloir qu'ils aient de la compétence. S'il n'y a pas de compétence, ils ne pourront pas entrer.

M. Rivard: D'autres intervenants nous ont dit, cet après-midi, qu'à toutes fins utiles essayer d'établir les besoins par métier dans la construction, en termes de formation, nombre d'individus à former, c'était une entreprise à peu près impossible. C'est ce que j'ai cru comprendre en tout cas. Est-ce que vous êtes de cet avis, d'une part?

Deuxièmement, comme société, comment pourrions-nous nous arranger pour qu'il y ait suffisamment de briqueteurs mais pas trop et suffisamment d'électriciens mais pas trop? Comment fait-on l'équilibre dans tout cela et quant aux gens à former?

M. Gagnon: Je vais vous dire. En ce qui concerne... Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'il ne fallait pas former trop de gens. Le tout va aller suivant la demande qui est établie. S'il y a un chantier... Ici, dans la province, quand il y a des chantiers, de gros projets qui débutent, on sait qu'il y a des régions qui se vident complètement parce qu'il y a des gens qui s'en vont travailler à l'extérieur. Il est très difficile d'établir, actuellement comment cela peut prendre de briqueteurs ou - je peux parler de mon métier - comment cela peut prendre d'électriciens pour maintenir actuellement tout le travail qu'il y a à faire au Québec. Il est très difficile d'établir le nombre que cela peut prendre. Mais il reste une chose. À partir des comités consultatifs qui vont être formés en vertu de ce projet de loi, je pense qu'il y a possibilité d'établir des paramètres qui vont permettre de prendre connaissance de l'envergure des travaux qui peuvent être faits dans la région et de s'assurer, premièrement, qu'il y a des gens pour les effectuer et, deuxièmement, vu la main-d'oeuvre qui vieillit, qu'une main-d'oeuvre de relève se crée,, Je pense qu'à partir de cela on serait capable de trouver des paramètres qui permettraient d'établir une structure qui s'élaborerait, au fil des années, avec l'évolution du système.

M. Rivard: J'ai une petite question concernant l'âge. Vous êtes de l'un des métiers les plus jeunes, d'après les statistiques - c'est un compliment que je vous fais - en termes d'âge moyen des compagnons ou des apprentis. Les apprentis, d'ailleurs, sont jeunes lorsqu'ils entrent dans votre métier. Pourquoi êtes-vous comme cela? Qu'est-ce qui a fait que vous avez probablement eu moins de problèmes de relève que d'autres métiers? Si je compare, en 1986, il y a une moyenne d'âge de 41 ans chez les compagnons, alors que, chez les briqueteurs, toujours le même exemple, c'est 48 ans.

M. Gagnon: Ce qui se produit, c'est qu'une personne fait d'abord son apprentissage et, aussitôt qu'elle devient électricien, quelques années après, elle peut être entrepreneur électricien. Vous savez, les gens sont éclairés chez nous et, au moment où ils comprennent, ils évaluent.

M. Rivard: En terminant, si vous me permettez un petit commentaire politique, vous n'avez pas à vous sentir mal, messieurs les électriciens, si vous trouvez dans notre projet de loi plus de bons coups que de mauvais coups.

Le Président (M. Charbonneau): M.

Nolet ou un des autres qui sont à la table, un certain nombre d'organismes patronaux nous ont indiqué que, directement ou indirectement - je pense, entre autres au Conseil du patronat - finalement, avec l'adoption de ce projet de loi, on aurait une réduction des coûts dans la construction. Comment voyez-vous que la réduction pourrait intervenir dans votre secteur?

M. Gagnon: Je n'ai pas compris votre question.

Le Président (M. Charbonneau): On nous a dit que l'adoption du projet de loi favoriserait une diminution des coûts de construction. Est-ce que c'est votre opinion?

M. Gagnon: On n'a pas les budgets qui pourraient être établis. Quant aux coûts...

Le Président (M. Charbonneau): Les coûts de construction. Autrement dit, pour le consommateur, pour celui qui achète une maison ou qui fait agrandir son entreprise, les coûts seraient...

M. Gagnon: C'est officiel. Avec un projet de loi semblable qui irait vers l'orientation de l'accès à l'industrie de la construction basé sur la compétence, il est certain que le travailleur serait plus compétent, donc, automatiquement, il serait plus productif.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que c'est la seule raison, à votre point de vue?

M. Gagnon: Je pense que c'est une raison primordiale.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que ce ne serait pas aussi parce que, quand vous allez élargir votre bassin de main-d'oeuvre, les employeurs vont souvent avoir recours plus aux apprentis qu'aux compagnons? Finalement, comme l'apprenti est payé moins cher que le compagnon, on va réussir de cette façon à générer des soumissions de contrats et des productions de constructions qui soient moins dispendieuses.

M. Gagnon: Ce n'est pas plus avantageux d'engager un apprenti qui est moins compétent qu'un compagnon qui est compétent; c'est prouvé statistiquement. Je pense que, du fait que l'ouverture va être faite, en régions, pour la main-d'oeuvre locale, une chose est certaine, cela va éviter d'ajouter les frais de déplacement sur la

facture que le consommateur aura à payer. Je pense que les frais de déplacement, c'est quelque chose qui est assez important dans un contrat, selon l'envergure du contrat.

Le Président (M. Charbonneau): Qu'est-ce que vous suggéreriez à l'égard de ce que la députée de Johnson indiquait tantôt...

M. Gagnon: On suggère ce qu'il y a dans notre mémoire.

Le Président (M. Charbonneau): Ce n'est pas cela que je veux dire; c'est ce que vous suggéreriez à l'égard de l'embauche locale ou régionale. Par exemple, est-ce que vous suggérez que l'on fonctionne à partir d'un point central et qu'il y ait une espèce de zone de tant de kilomètres?

M. Gagnon: II pourrait y avoir un point central qui serait établi à partir du chantier, point.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Saint-Maurice.

M. Lemire: J'aurais une question à poser. Après avoir regardé le projet de loi 119, comparativement avec ce que vous avez vécu dans les dix dernières années, est-ce que vous allez sentir une meilleure participation de votre part? On s'est aperçu, dans les dernières années... Je vais préciser un peu plus ma question. Les intervenants de la construction ne participaient pas à l'embauche de la main-d'oeuvre, comme cela aurait peut-être dû se faire. D'après ce que l'on a vu ce matin avec l'OCQ... Avez-vous senti que vous avez été assez consultés? Avec la nouvelle formule, allez-vous vous sentir plus à l'aise? (18 heures)

M. Gagnon: Une chose est certaine, je sais que dans le passé beaucoup de gens ont été consultés, beaucoup de gens ont travaillé dans des comités, à des commissions, etc. Par contre, où cela a-t-il fini? Cela a fini sur une tablette. Donc, les gens, à force d'être consultés, vont finir par dire, à un moment donné: Bien, cela ne donne rien de travailler à l'intérieur de ces dossiers. Je pense que l'évolution de l'orientation, du moins de celle qui est donnée actuellement avec le projet de loi 119, cela va réveiller des idées et cela va peut-être amener les gens, autant les parties patronales que les parties syndicales, à devenir plus enthousiastes et ils vont être plus intéressés à travailler pour en arriver à un consensus qui va faire évoluer le système en allant vers le progrès au Québec. L'économie va s'accentuer, etc. Tout va aller dans ce sens.

Le Président (M. Charbonneau:): Cela va. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je reviens sur la question de l'embauche locale et vous comprendrez que cela m'intéresse particulièrement, pour représenter un milieu nordique. Quand vous parlez d'embaucher localement, incluez-vous ou excluez-vous le fait que les entrepreneurs qui ont des contrats dans l'ensemble du Québec ont des employés permanents qu'ils traînent avec eux, généralement? Dans un petit milieu, dans un contrat qui n'a peut-être pas nécessairement une grosse importance, la plupart du temps les travailleurs permanents des entrepreneurs sont suffisants pour faire tout le travail. Si vous les traînez avec vous, à ce moment-là, vous venez de rompre votre principe.

M. Gagnon: Je vais vous dire ceci: Un entrepreneur qui fait la majeure partie de son travail à travers le Québec et qui se déplace d'un bord à l'autre avec sa main-d'oeuvre, s'il se déplace avec sa main-d'oeuvre actuellement, d'abord, primo, avec ce qui existe dans le décret, il est obligé de payer les frais de déplacement et la pension. Donc, automatiquement, s'il y a des gens dans la région où le travail s'effectue qui sont capables de faire les travaux, je veux dire un entrepreneur, automatiquement, cette personne, il viendra un temps où elle ne sera plus capable de soumissionner dans cette région, parce que si elle amène ses hommes, elle ne sera plus compétitive. Il reste une chose: S'il amène ses hommes aujourd'hui, pourquoi le fait-il? II faut se poser la question. Est-ce que c'est parce que, dans des régions données, il n'y a pas de main-d'oeuvre compétente pour être capable d'effectuer les travaux? Donc, si c'est cela, le cas va être réglé avec le nouveau programme, l'accès à l'industrie de la construction basé sur la compétence.

Deuxièmement, si la personne qui va effectuer les travaux dans ces régions continue d'amener sa main-d'oeuvre, comme je vous le mentionne, cela va finir qu'elle ne sera plus capable d'avoir le contrat parce qu'elle ne sera plus compétitive.

M. Claveau: D'accord. Cela veut dire, si je comprends bien, que, dans ce cadre, il faudrait voir que les employés permanents pour les entrepreneurs, petit à petit, finiraient par rester chez eux, eux aussi.

M. Gagnon: Peut-être pas nécessairement. Il reste que les personnes qui sont actuellement cadres au niveau des entrepreneurs qui font le tour du Québec a effectuer des contrats... La plupart du temps ces gens-là amènent leurs cadres. Ils vont peut-être amener d'autres personnes qui sont compétentes pour les travaux qu'ils ont à effectuer...

M. Claveau: Ils amènent d'autres personnes.

M. Gagnon: ...parce qu'ils ne les trouveront pas en région. Ils vont les amener parce qu'ils ne les trouveront pas en région.

M. Claveau: Permettez-moi de...

M. Gagnon: Je ne connais pas un entrepreneur qui va dépenser 200 $ ou 300 $ de frais de déplacement pour une personne s'il sait que dans la région où il s'en va travailler il y a une personne qui est disponible pour effectuer le travail au même titre que la personne qui travaille chez lui.

M. Claveau: En tout cas, en ce qui concerne les entrepreneurs généraux, permettez-moi de douter de vos affirmations, étant donné que j'ai des cas concrets que je pourrais vous citer.

M. Gagnon: Je vous parte des entrepreneurs électriciens. Je ne touche pas les entrepreneurs généraux.

M. Claveau: D'accord. Dans le cadre, par exemple, où on appliquerait votre concept - et je suppose que, si on fait une loi dans ce sens, ce ne sera pas uniquement pour les entrepreneurs électriciens - advenant que le recrutement se fait à partir du centre, tout près des travaux en s'éloignant, dans le cas, par exemple, de travaux à la Baie James, est-ce que vous favoriseriez, l'embauche dans les municipalités qui sont les plus proches des travaux?

M. Gagnon: Je pense qu'à ce moment-là il y a des exceptions qui sont prévues pour ces genres de choses et qui peuvent être prévues dans la loi. Ce sont des choses qui peuvent être ajoutées après.

M. Claveau: Donc, il y a une deuxième catérorie de citoyens pour ceux qui restent plus éloignés. C'est cela que vous me dites?

M. Gagnon: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Claveau: Parce que si cela s'applique quelque part, cela devrait s'appliquer sur l'ensemble du territoire, que je sache. Il n'y a pas deux Québec.

M. Gagnon: Le cas que vous soulevez, le cas de la Baie James, c'est une exception à la règle. Actuellement, que je sache, il n'y a personne qui reste là, à part des habitants qui étaient là antérieurement, mais des personnes qui ont un métier, il n'y en a pas beaucoup qui restent dans ce coin-là.

M. Claveau: Je pourrais vous en nommer plusieurs, monsieur l'ex-président, qui habitent actuellement sur le territoire régi par la convention de la Baie James.

M. Gagnon: Qui habitent - sur le territoire. S'ils habitent sur le territoire, automatiquement ils vont être des personnes locales.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Claveau: Cela me fait plaisir...

Le Président (M. Charbonneau:): Cela va, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être un volet qui n'a pas été abordé dans le mémoire et qui a fait l'objet de questions face à d'autres organismes qui sont venus aujourd'hui: le travail au noir. Est-ce que vous pensez, parce qu'il y eu des affirmations, à tort ou à raison, que le projet de loi viserait à augmenter ou aurait comme résultat d'augmenter le travail au noir dans l'industrie de la construction... Vous êtes des gens dans le milieu.

M. Gagnon: M. le Président, je pense que le fait d'affirmer que ce projet de toi pourrait aider à faire évoluer le travail au noir et d'avancer cette idée c'est se baser sur ce qui s'est produit dans le passé. Avec un projet de loi comme cela on sait que la main-d'oeuvre va devenir plus compétente. Donc, si elle est plus compétente, elle est plus productive. Si elle est plus productive à ce moment par rapport au prix que la main-d'oeuvre est payée et que l'entrepreneur charge pour et la responsabilité qu'a l'entrepreneur vis-à-vis de sa main-d'oeuvre je pense qu'il va y avoir de moins en moins de clients qui vont être intéressés à faire affaire avec une personne qui fait le travail au noir parce que cette personne qui fait le travail après cela elle s'en va chez elle et n'a aucune responsabilité. Le client ne peut pas la poursuivre d'aucune façon parce que c'est fait en dessous de la couverture. Tandis que de l'autre côté, cela va nous donner sûrement des outils supplémentaires pour être capable de convaincre un client de faire affaire avec quelqu'un de compétent.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que le travail au noir vous cause des problèmes actuellement?

M. Gagnon: Bien, c'est officiel.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des problèmes de quel ordre? Sérieux ou négligeables''

M. Gagnon: Nous, chez nous ce n'est pas du travail au noir c'est du braconnage.

Une voix: C'est quoi?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Du braconnage.

M. Gagnon: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela c'est Picotte. Pour que je comprenne bien, qu'est-ce que vous entendez par braconnage?

M. Gagnon: Du braconnage actuellement cela peut être des électriciens qui ne travaillent pas pour un entrepreneur et qui vont faire des travaux chez des clients surtout du côté résidentiel, on le voit moins dans l'industriel. C'est dans le résidentiel et un peu dans le commercial pour des petites "jobines" comme on dirait il y a des travaux qui s'effectuent de cette façon. C'est fait par une main-d'oeuvre qui est compétente mais par compte qui coûte meilleur marché et sur laquelle la personne qui aujourd'hui gagne 18 $ et quelque chose ou 19 $ comme électricien peut aller travailler peut-être pour 24 $ ou 25 $ l'heure parce qu'il n'y a pas d'autres déductions à enlever de ce qu'il va recevoir en tant que salaire et en argent. Alors, il va aller faire le travail sans que cela soit déclaré en aucun endroit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre estimation de la situation, est-ce important comme facteur dans le domaine de l'électricité ou si c'est marginal?

M. Gagnon: Cela va en s'agrandissant actuellement. Ce qui existe va en prenant une proportion je dois vous dire qui est même alarmante.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Ma question s'adresse à celui qui voudra répondre. Je voudrais tout d'abord nuancer les propos de l'ex-président, qui, à l'écouter parler a été beaucoup consulté mais cela n'a jamais rien donné. Je vous ferai remarquer que vous avez été consulté surla loi 53 M. l'ex-président. Cette loi a été le fruit d'un consensus unanime des partis d'une part et d'autre part ce n'est pas nous qui ne promulguons pas la loi actuellement c'est le ministre actuel. Vous envoyiez un communiqué de presse dernièrement pour réclamer la sanction ou la reconnaissance ou la mise en vigueur de cette loi, vous auriez pu au moins nuancer vos propos, M. l'ex-président dans les types de consultations que vous avez eues antérieurement.

La question que j'ai à vous poser maintenant est la suivante: Lorsque vous parlez de travail au noir, vous semblez vouloir dire que cela augmente et le bassin va augmenter à la fois en vertu de l'article 32 ou de l'article 33 par une certaine forme de compétence lorsque les critères seront établis etc., mais par une forme de non compétence plus ou moins parce que 16 ans jusqu'à 80 ans si l'on veut, à l'article 33, deuxième paragraphe, c'est ouvert à du monde. Vous dites que vos travailleurs vont être plus productifs, donc ils vont faire dans une journée le travail le travail de deux jours aujourd'hui. Vous allez vous imaginer qu'avec un bassin plus élevé qu'il va y avoir moins de travail au noir, j'aimerais que vous m'expliquiez celai

M. Gagnon: Premièrement, en ce qui concerne le fait que j'ai mentionné que nous n'avions pas été consultés, je veux vous dire que lorsque j'ai dit que nous n'avions pas été consultés c'était à une question bien précise qui mentionnait: Est-ce que vous avez été consultés en ce qui concerne les ouvertures probables pour l'entrée de nouveaux apprentis et de nouvelles personnes en ce qui a trait aux électriciens?

M. Chevrette: Vous aviez commencé votre réponse en disant: Par le passé, on a été consultés sur toutes de choses et ça n'a jamais rien donné.

M. Gagnon: Non, non. Je n'ai pas, je m'excuse. En tout cas, je veux ajouter...

M. Chevrette: En tout cas, on relèvera les qalées, mais c'est ce que j'avais saisi. Je m'excuse. Si j'ai mal compris, tant mieuxï Je trouvais cela ingrat de votre part.

M. Gagnon: Ah non! Au sujet de la consultation sur le bâtiment, je peux et je dois vous dire que nous avons, été consultés et nous avons travaillé. Je pense que nous avons fait un travail très fort au sujet de ce projet.

M. Chevrette: Pensez-vous qu'une loi comme la loi 53...

M. Gagnon: Et on est encore en attente.

Pardon?

M. Chevrette: Pensez-vous que la loi 53 pourrait être un modèle à suivre pour établir des concensus pour d'autres lois?

M. Gagnon: Je pense qu'on ne discute pas du sujet ici aujourd'hui.

Le Président (M. Charbonneau): La question du député de Joliette porte sur le travail au noir.

M. Gagnon: Pardon?

Le Président (M. Charbonneau): Finalement la question qui a été posée était aussi sur le travail au noir. La discussion a bifurqué vers la loi 53, mais j'aimerais cela avoir la réponse sur le travail au noir-.

M. Gagnon: Sur le travail au noir, en réponse à la question posée, j'ai mentionné que si la personne est plus compétente, elle pourra donner une plus grande efficacité au travail. Je ne veux pas dire à ce moment-là que le travail qu'elle faisait antérieurement et qui prenait une journée va dorénavant prendre quatre heures. Ce que je veux dire, c'est que le travail sera mieux fait. Étant donné que le travail sera mieux fait, il est certain que cela va sûrement prendre quelque temps de moins. Cela est certain.

M. Chevrette: Si cela prend quelque temps de moins et...

M. Gagnon: Oui.

M. Chevrette: ...s'il va être mieux fait, allez-vous vous imaginer, avec un bassin immense, que les gars n'iront pas s'offrir, ceux qui n'ont pas la chance de travailler, à un salaire moindre précisément?

M. Gagnon: J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi le bassin deviendrait immense. Ce n'est pas tout le monde qui est fait pour être électricien ou ouvrier ou n'importe quel corps de métier qui peut exister dans la société. Chacun a une vocation déterminée et il s'agit qu'on choisisse la bonne. Si on tombe dans la bonne, on peut évoluer correctement. Je me dis que les personnes qui veulent accéder à l'industrie de la construction pour devenir, selon le métier que je mentionne, électricien, il va falloir qu'elles aient les compétences. Ce n'est pas tout de suivre un cours. Si la personne n'a pas en elle le sens premier de vouloir travailler dans l'électricité, si elle n'a pas les notions fondamentales, même si elle a fait un cours de trois ou quatre ans, il est certain qu'elle peut avoir des problèmes à se trouve une "job". Elle peut peut-être s'en trouver, mais ce sera de tenir qui sera difficile. Si elle n'est pas compétente, automatiquement il va venir un temps où elle ne pourra pas se trouver d'ouvrage pour parfaire les connaissances de son apprentissage et automatiquement elle sera obligée de changer de métier. Donc, je ne vois pas pour quelle raison il y aurait à un moment donné un bassin immense qui se créerait dans les métiers. L'épuration va se faire automatiquement.

M. Chevrette: Reconnaissez-vous le droit aux salariés de la construction...? J'adresse ma question au président. Reconnaissez-vous aux salariés de la construction le droit, aux salariés aussi, à une certaine forme de sécurité d'emploi?

M. Nolet: II y a quand même assez d'ouvraqe sur le marché quand le gars travaille bien. Je ne suis pas prêt à dire qu'il devrait avoir une sécurité d'emploi s'il n'est pas capable de me satisfaire ou s'il n'est pas capable de remplir le mandat qu'on lui confie. Je ne serais pas d'accord pour assurer 2000 heures par année à un employé qui ne fait pas mon affaire. Mais s'il est compétent - je peux vous dire que je travaille dans le métier depuis 1959-1960, je n'ai jamais été sur l'assurance-chômaqe et je n'ai jamais manqué d'ouvrage - il y a toujours de l'ouvrage pour les gens compétents.

M. Chevrette: Mais reconnaissez-vous aux compétents - je reviens avec ma question - à ceux que le ministre considère comme compétents, à qui il va distribuer un carte de compétence en vertu des articles 32, 33, 35 et 37 - à ceux qui ont leur certificat de compétence, le droit d'avoir une priorité d'emploi?

M. Nolet: Je n'ai rien contre cela, peut-être locale. Mais je peux vous dire que je ne suis pas sûr que j'aurai de l'ouvrage demain matin, je ne suis pas sûr que je vais avoir plusieurs appels à faire demain. Pour autant que j'ai de l'ouvrage, je n'ai rien contre cela.

M. Chevrette: Je vous dis cela pour les motifs suivants. Je trouve inconcevable, M. le Président, que les patrons veuillent élarqir le bassin pour pouvoir choisir qui ils veulent, quand ils veulent, n'importe quand et qu'on ne tienne pas compte que ces gens sont peut-être les travailleurs, dans tout le Québec, qui ont le moins de sécurité d'emploi. Après chaque chantier, c'est une mise à pied s'il n'y a pas d'autre contrat. Et on ne leur reconnaîtrait même pas la priorité d'emploi. Comme patrons, vous n'avez pas à penser toujours seulement à vos intérêts. Vous avez à penser aussi à la paix sociale sur les chantiers. Vous avez à penser que ces gens, s'ils sont quatre à se partaqer une "job", n'ont pas le même réflexe. Après, on viendra nous demander dans quatre ou cinq ans: Qu'est-ce qui se passe? On me tord le bras pour que j'engage seulement quelqu'un de tel groupe.

Rappelez-vous un peu ce que vous avez vécu en 1970 et 1971 avant de vous prononcer ex cathedra pour vous servir, pour servir vos propres fins. Il faut peut-être penser au climat social aussi. C'est une mise en garde que je veux faire, même aux groupes patronaux. Car c'est facile d'avoir le réflexe, en pensant à des intérêts à court terme, d'oublier qu'il y a un vécu et un

passé au Québec et une attitude de travailleurs qui s'est dégagée. Il y a des droits fondamentaux qu'on doit reconnaître aussi au minimum à un groupe. Je trouve que vous avez le réflexe facile d'applaudir, parce que le gouvernement offre plus que ce que le client demande, sans penser au lendemain et sans penser aux conséquences.

Je vous remercie de vous être déplacés et de nous avoir donné votre point de vue.

Le Président (M. Charbonneau): M. !e ministre, est-ce que vous voulez adresser un mot de remerciements?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je voudrais remercier la corporation. Vous avez présenté un mémoire qui, comme je l'ai dit, reconnaît que les principes du projet de loi sont bons et nous suggère des modifications à certains articles. Vous avez pris la peine de les rédiger pour qu'il soit plus facile de les incorporer. Nous porterons une attention particulière aux recommandations qui vont dans le sens de l'application des principes que vous nous faites. Je vous remercie du "trouble", si je puis utiliser l'expression, que vous vous êtes donné pour bien faire votre travail.

Le Président (M. Charbonneau): M.

Nolet, madame et messieurs, merci d'être venus et à la prochaine.

Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur la consultation particulière sur le projet de loi 119. J'invite M. Michel Gauthier de la CSN à nous présenter ceux qui l'accompagnent. Je vous rappelle que la discussion sur votre mémoire est d'une heure et que, pour la présentation de votre mémoire, vous disposez de quinze minutes. Le reste du temps sera consacré à l'échange de propos entre vous-même et les deux formations politiques. M. Gauthier, s'il vous plaît!

CSN-Construction

M. Gauthier (Michel): Bonsoir! C'est peu de temps mais on va tenter de circonscrire notre intervention dans le temps qui nous est consenti. Je vous présente MM. Ted McClaren, coordonnateur de la CSN-Construction, Jacques Thuot qui a travaillé dans l'un des comités prévus par le ministre du Travail au printemps dernier, Marcel

Saint-Germain qui a travaillé dans l'un de ces comités et Roger Trépanier. Si jamais il y avait des questions à propos des trois comités de travail, j'ai emmené avec moi les trois personnes qui ont travaillé dans ces comités, disons les trois experts de la CSN en la matière.

M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, la CSN-Construction participe à cette commission parlementaire sur le projet de loi 119 qui modifie les relations du travail dans l'industrie de la construction avec certaines réserves. Nous croyons toujours à la nécessité d'un moratoire d'un an. Un moratoire de cette durée permettra aux parties syndicale et patronale de travailler sérieusement à la préparation des réformes qui leur permettront de prendre en charge la formation et la qualification des travailleurs de l'industrie de la construction et d'assurer que l'entrée des nouveaux travailleurs dans ce secteur, et tout particulièrement des jeunes, corresponde aux besoins réels de l'industrie et se fasse harmonieusement.

La CSN-Construction émet des réserves quant à cette commission car elle estime que ce n'est pas en deux jours qu'on pourra élaborer des solutions permettant de mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction.

Nous avons également des réserves sur cette commission car nos expériences avec le ministre du Travail nous ont appris qu'il y avait un écart entre ce qu'il soutient et les véritables buts qu'il vise. Ainsi, le 12 novembre dernier, le ministre a voulu se faire rassurant lors du dépôt du projet de loi 119. Selon lui, ce projet de loi prévoit les mécanismes pour empêcher l'arrivée massive de nouveaux travailleurs dans l'industrie de la construction et devrait viser la compétence des travailleurs de la construction.

Mais, au contraire, ce projet de loi ouvre plutôt les portes de l'industrie à de nouveaux venus de toutes les régions du Canada qui pourraient venir grossir les ranqs des travailleurs de ce secteur au Québec.

D'autre part, avec ce projet de loi, les parties syndicale et patronale n'auront pas le pouvoir de prendre des décisions concernant la formation. Le ministre s'est réservé le privilège de tout décider dans ce domaine. De plus, ce projet de loi met de l'avant qu'à l'avenir les travailleurs devront financer leur formation professionnelle.

Ajoutons à cette expérience récente qui nous permet de douter du sérieux du gouvernement libéral, celle du fameux Comité sur la qualification de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et sur l'abolition du certificat de classification, mieux connu sous le nom du comité Paradis. Ce comité avait terminé ses travaux le 27 juin dernier et il n'avait pas encore déposé ses recommandations qu'un autre comité gouver-

nemental, piloté par le député Reed Scowen, celui-là, a remis dès le 4 juillet un rapport disant de déréglementer la construction, d'abolir le règlement de placement, d'éliminer la carte de classification et de créer deux secteurs distincts dans la construction, soit le secteur industriel et le secteur domiciliaire. Ce fameux comité composé uniquement de représentants du monde patronal est allé même jusqu'à suggérer l'abolition de la formule Rand ou l'abolition du prélèvement des cotisations syndicales à la source.

Aujourd'hui, le ministre nous propose également deux autres comités de travail auxquels nous devrions travailler à partir des recommandations du rapport Scowen. On vous dira qu'on est très inquiets des travaux de ces deux prochains comités auxquels nous avons accepté de participer à ce moment-ci.

Cette idée illustrait bien les intentions réelles de ce comité: déréglementer la construction pour la désyndiquer. Plus tard, en novembre, à la lecture du projet de loi 119, la CSN-Construction et d'autres organisations syndicales réalisent que le ministre n'a pas retenu les propositions émises au comité Paradis. La CSN-Construction et d'autres organisations syndicales se sont senties trompées par le ministre et elles se demandent si ce dernier ne les a pas invitées à participer à ce comité afin de gagner du temps.

Vous comprendrez, M. le ministre, M. le Président, et vous les membres de cette commission, que nous ayions des réserves quant, répétons-le, au sérieux du gouvernement liberal. Jusqu'ici nous avons plutôt été habitués à un simulacre de démocratie qu'à un véritable exercice démocratique.

Je passerai rapidement les diverses recommandations de la CSN-Construction. D'abord, la première recommandation, c'est qu'on pense que l'Office de la construction devrait maintenir son nom. On ne devrait pas changer cela par la nouvelle Commission de la construction du Québec. On prétend également que la structure de l'Office de la construction devrait être une structure paritaire, que le conseil d'administration devrait être composé uniquement de représentants patronaux et syndicaux avec un président choisi par les parties syndicales et les parties patronales. On pense que les comités administratifs proposés par le projet de loi sont inutiles. Le conseil d'administration, avec les pouvoirs qui lui reviendront, décidera s'il a besoin de former différents comités.

Une des recommandations qui nous sont chères et cette recommandation, nous l'avons déjà déposée devant le ministre du Travail actuel et devant d'autres ministres du Travail du temps, c'est d'améliorer les pouvoirs de3 représentants de l'Office de la construction du Québec et d'améliorer les pouvoirs des représentants syndicaux, quant à la matière de la vérification sur les chantiers de construction des cartes de classification, des permis de travail et surtout la capacité des représentants syndicaux de faire appliquer le code de sécurité.

Quant à la formation professionnelle, évidemment, nous pensons que ce sont les parties qui doivent contrôler tout l'aspect de la formation professionnelle et que, si jamais il devait y avoir des représentants du gouvernement, ces représentants pourraient assister à nos travaux comme des observateurs et non pas comme des personnes qui pourraient décider.

Pour ce qui est du statut de l'artisan, quant à nous, si on doit le régir, les travaux de l'artisan devraient se limiter strictement aux travaux de réparation et d'entretien pour des fins personnelles à but non lucratif et pour aucune personne physique. Il me semble qu'il est temps que le gouvernement décide d'encadrer le travail des artisans. Pour ce qui est de l'ensemble des amendes et des poursuites pénales, notre recommandation est que l'office doit maintenir ces pouvoirs et les amendes doivent être déposées à l'Office de la construction pour permettre de continuer à financer l'Office de la construction du Québec.

Pour ce qui est des articles 32, 33, 34, 35, 36 et 37, quant à nous, c'est le coeur du projet de loi du ministre. Effectivement, le ministre tente par ce projet de loi de nous faire croire qu'il n'y avait pas de problème, que ce n'est pas n'importe qui qui peut entrer dans l'industrie de la construction. La lecture qu'on a faite de ces articles nous indique le contraire. À l'article 32, il est clair que tous ceux qui ont un certificat de compétence, une carte de qualification actuellement pourront obtenir sur demande une carte de compétence promise par le ministre du Travail. Pour ce qui est des apprentis, c'est clair aussi que, facilement, n'importe qui pourrait devenir un apprenti. La seule garantie dont il aurait besoin, ce serait une garantie de 500 heures qu'un employeur pourrait lui donner. Et pour les manoeuvres, c'est exactement la même chose, le même problème se pose, la lecture des textes nous démontre que deux choses sont nécessaires pour être manoeuvre dans l'industrie de la construction, je dirais trois: avoir au moins 16 ans, avoir une qarantie d'emploi de 500 heures et avoir suivi un cours de sécurité de 24 heures. C'est ce qui est prévu dans la loi, dans ces principaux articles et, quant à nous, ces articles devraient être retirés du projet de loi.

Notre proposition à ce niveau-là est la suivante: Que les articles 32 à 37 disparaissent du projet de loi. Nous recommandons également de laisser aux parties le soin de déterminer les besoins de formation dans l'industrie de la construction

et, conséquemment, d'ouvrir ou non les bassins de la main-d'oeuvre. Nous demandons également au ministre d'ajouter une disposition particulière afin de reconnaître une compétence et une juridiction exclusive aux occupations. C'est tout le problème des manoeuvres, cela fait assez longtemps que les parties en parlent. Il y a des consensus également qui se sont dégagés aux tables. Nous recommandons un moratoire d'une durée d'un an, le renouvellement automatique des cartes de classification en vertu du règlement de placement actuel et cela, pour permettre aux parties de travailler sérieusement et de faire en sorte de réformer d'une façon civilisée et harmonieuse l'industrie de la construction. (20 h 15)

Avec le projet de loi 119, le gouvernement répond aux attentes des entrepreneurs de l'industrie de la construction en abolissant le permis de travail pour les manoeuvres et pour les travailleurs des autres métiers. Cela revient à enlever l'ancienneté acquise et reconnue aux travailleurs et aux travailleuses des autres entreprises syndiquées. C'est ce que souhaitent les patrons de la construction depuis plusieurs années. Avant la commission Cliche, les entrepreneurs avaient d'abord obtenu l'abolition du permis de travail pour les manoeuvres. Ils avaient failli l'obtenir également pour les autres métiers, mais l'état de mobilisation syndicale a poussé le ministre du Travail d'alors à mettre ce projet aux oubliettes.

Depuis, le patronat n'a pas lâché prise et a constamment ramené sa revendication d'abolir le permis de travail dans l'industrie de la construction et d'ouvrir toutes grandes les portes de cette industrie à des gens qui sont complètement étrangers. Avec l'adoption du projet de loi 119, le monde patronal obtiendra la formation d'un réservoir de main-d'oeuvre le plus large possible. Le projet de loi 119 ouvre les portes de la construction à ceux qui recherchent un double emploi, qui subissent une mise à pied temporaire ou une fermeture d'usine. Ainsi, avec ou sans baisse de l'activité dans la construction, les vrais travailleurs de cette industrie devront se partager la somme des heures de travail disponibles avec des milliers et des milliers de nouveaux venus qui ne seront pas nécessairement des jeunes travailleurs. Ils verront donc diminuer leur nombre d'heures travaillées chaque année. En moyenne, 1016 heures pour l'année 1985 et, conséquemment, le revenu annuel d'environ 18 000 $ pour 1985 chutera également.

Ce n'est pas vrai que les entrepreneurs - souhaitent abolir la carte de classification au nom de la compétence. C'est le débat que le ministre a fait depuis le début, il a tenté de mêler le monde en disant que c'était la compétence qu'il recherchait. Il s'agira de faire le tour des chantiers de construction, pour constater que c'est vrai qu'il y a quelques travailleurs oui ne sont pas toujours égaux comme tout le monde. Visitez les grands travaux, les grands chantiers au Québec. L'ensemble des grands travaux au Québec, depuis les quatre ou cinq dernières années, sont entrés dans les échéanciers, ont été construits dans des délais plus courts que prévus et ont été construits à des coûts inférieurs à tous les budgets qui avaient été prévus. Je peux prendre, à titre d'exemple, l'usine d'aluminium de Reynolds, l'usine d'aluminium Pechiney, tous les travaux du gazoduc en 1983, 1984 et 1985 au Québec, l'usine de Domtar actuellement à Windsor, et j'en passe. À ce niveau, il ne faudrait pas faire croire aux gens qu'on va abolir la carte de classification pour remplacer cela par la carte de compétence. Les travailleurs de la construction, de façon générale, sont déjà des travailleurs compétents.

Comme le travailleur de la construction n'est protégé par aucune clause d'ancienneté, il est toujours susceptible d'être mis à pied sans aucun recours. Et même après avoir oeuvré plusieurs années dans la construction, il risque d'être licencié et d'être remplacé par un nouveau venu dans l'industrie s'il n'est pas assez accommodant, s'il veut faire respecter les mesures de sécurité sur les chantiers ou encore tout simplement s'il veut faire appliquer la convention collective, notamment, quant au temps supplémentaire, aux primes de déplacement, de toqement, etc.

En considérant que, dans la construction, il y a un roulement important d'employeurs, c'est-à-dire un bon nombre d'entre eux - on parle d'environ 4000 par année - ne sont en affaires que pour une courte période, le temps d'effectuer un ou deux contrats, on comprendra que, dans leur recherche de profit au maximum, ces mêmes entrepreneurs qui apparaissent et disparaissent au gré des contrats ne se soucieront pas du traitement accordé aux travailleurs, du respect du code de sécurité et de l'application du décret. Il est déjà difficile de faire respecter les. mesures de santé et de sécurité sur les chantiers. Avec la disparition du peu de protection d'emploi dont disposent les vrais travailleurs de la construction, la situation sera pire.

Ainsi, on assistera à une augmentation du nombre d'accidents mortels comme ceux qui se sont produits ces dernières années, au pont de la rivière Sainte-Marguerite, à Sept-Îles, au chantier d'Habitat Sainte-Foy, en banlieue de Québec, au chantier de la Société québécoise d'assainissement des eaux, à La Guadeloupe, dans la région de l'Amiante. De plus, on peut s'attendre que le nombre d'accidents du travail déclarés et non déclarés augmente considérablement. Déjà, avec 5 % de la main-d'oeuvre totale, les travailleurs de l'industrie de la construction

sont victimes de 17 % des accidents du travail mortels. Tout cela se produira parce que ces salariés n'auront pas un minimum de protection d'emploi et qu'ils n'oseront pas faire respecter leurs droits les plus élémentaires de peur de se voir remercier de leurs services et ainsi d'être incapables de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

On devine également qu'avec l'abolition du permis de travail sans aucune forme d'ancienneté et sans aucune façon de contingenter l'accès à l'industrie, ce sera le retour à la situation qui prévalait avant la commission Cliche. En plus de travailler dans des conditions dangereuses, les travailleurs devront parfois acheter carrément leurs emplois pour pouvoir travailler ou encore se battre pour obtenir un emploi. Ce sera le retour du patronage et de la violence sur les chantiers. Le règlement de placement et la carte de classification avaient permis de civiliser les relations du travail dans l'industrie et de faire en sorte que les travailleurs de ce secteur stabilisent leurs nombres d'heures travaillées et leurs revenus, principalement dans leurs régions respectives, à proximité de leurs parents et amis. C'est tout cela qui risque de disparaître avec l'adoption du projet de loi 119.

Quant à l'argument voulant que la carte de classification empêche les personnes qui ont perdu leur carte avant 1982 d'entrer dans la construction, il est faux. Rappelons que l'OCQ leur offre régulièrement de renouveler leur carte. On comprendra que ceux qui n'ont pas recours à cette formule ont fait le choix d'être des braconniers de l'industrie et de priver la société de leurs impôts. Le président de l'Office de la construction du Québec en a parlé ce matin.

Enfin, il est également erronné de vouloir abolir la carte de classification sous prétexte qu'elle empêcherait les jeunes d'accéder à cette industrie. En effet, près de 30 000 travailleurs selon les données émanant de l'office ont fait leur entrée dans ce secteur depuis deux ans. Sur ces 30 000 travailleurs, on peut prétendre que les deux tiers sont des jeunes.

Le ministre déclare - encore dans les journaux, hier - que son principal objectif est de permettre aux jeunes pour qui l'industrie de la construction était fermée, d'y entrer; que c'était pour permettre aux jeunes d'être la relève de l'industrie de la construction. On peut vous dire avec le recul des deux dernières années, que les jeunes ont commencé à revenir dans l'industrie de la construction. Les preuves sont sur la table. La moyenne d'âge a baissé. L'industrie rajeunit. C'est vrai que tous les problèmes ne sont pas réglés, mais il y a des problèmes que les parties peuvent régler si elles ont l'occasion de le faire.

Le Président (M. Théorêt): Je vous rappelle tout simplement, si vous aimez conclure, qu'il vous reste juste un peu plus d'une minute.

M. Gauthier (Michel): C'est cela. J'ai presque terminé, M. le Président. J'arrive à la fin.

Le projet de loi 119 est loin de régler le problème du travail au noir dans l'industrie de la construction et au contraire, il le légalise. Le projet du ministre Paradis n'avance aucun moyen pour récupérer les centaines de millions - on parle de 500 000 000 $ imposables - qui échappent au gouvernement du Québec. Plutôt que de faire des suggestions pour récupérer cet argent, le projet du ministre consacre et favorise l'entrée dans l'industrie de la construction. On comprendra que les employeurs préféreront embaucher en toute impunité ces nouveaux travailleurs reconnus pour travailler dans des conditions inférieures et des salaires moindres. Ils pourront d'autant plus faire appel à cette main-d'oeuvre illégale que les vrais travailleurs de la construction, ceux qui ont passé toute leur vie dans cette industrie, ne possèdent aucune protection d'emploi, aucune formule d'ancienneté comme cela existe dans les autres secteurs, dans les autres industries syndiquées.

Avec le projet de loi 119, les vrais travailleurs de l'industrie devront garnir les rangs des sans emploi ou rabaisser leurs conditions. On se demande même si ce projet de loi n'est pas la première étape d'un plan gouvernemental visant à créer deux types de main-d'oeuvre sur les chantiers de construction au Québec: une main-d'oeuvre syndiquée et une autre non-syndiquée comme cela existe ailleurs au Canada. S'il est adopté par l'Assemblée nationale, le projet de loi 119 se trouvera à donner aux employeurs ce que ceux-ci ont été incapables d'obtenir en négociation, à savoir: l'élimination de la protection d'emploi des vrais travailleurs de la construction qui a été accordée par règlement, une diminution des salaires, et finalement installer les premiers jalons d'un plan visant à désyndiquer ce secteur.

Si le ministre du Travail veut toujours abolir la carte de classification, nous lui demanderons alors de prendre les moyens légaux nécessaires pour donner une véritable formule d'ancienneté aux travailleurs de l'industrie de la construction, la seule façon, rappelons-le, pour stabiliser le revenu des travailleurs et faire en sorte qu'ils oeuvrent dans des bonnes conditions de santé et de sécurité.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que le ministre du Travail, M. Pierre Paradis, à défaut de donner une véritable sécurité d'emploi aux vrais travailleurs de

l'industrie de ia construction, instaure un moratoire d'un an pour permettre aux parties syndicales et patronales de travailler harmonieusement et d'apporter des réformes dans l'industrie de la construction, particulièrement au chapitre de la qualification, sans chambardement violent pour les salariés de cette industrie.

Pour la quatrième fois, je poserai encore la même question au ministre: M. le ministre, quelle est la véritable raison, à l'exception de ce qui est écrit dans votre programme électoral, qui vous incite à abolir la carte de classification ou le permis de travail des vrais travailleurs de la construction?

Là-dessus, j'ai déjà eu une discussion avec le ministre du Travail et à mon avis je n'ai jamais eu de réponse satisfaisante. Je vais lancer un défi à ce moment-ci au ministre du Travail. Le ministre m'a déjà dit dans une conversation publique que le gouvernement libéral avait été élu pour abolir le règlement de placement dans l'industrie de la construction, qu'il avait été élu pour abolir la carte de classification. À ce moment-là, je lui ai répondu que sûrement les travailleurs de la construction qui ont voté pour le Parti libéral n'ont pas voté pour lui pour qu'il abolisse cette carte de classification.

Ce que je proposerais à ce moment-ci, serait un scrutin pour l'ensemble des travailleurs de la construction où le ministre mettrait en jeu son "poste sur la carte de classification. Si les travailleurs de la construction votent pour la proposition du ministre, la CSN-Construction arrêtera de s'opposer au projet du ministre. Si les travailleurs de la construction votent pour le maintien de la carte de classification, ce qu'on propose à ce moment-là, c'est que le ministre retire son projet de loi et qu'il démissionne, parce qu'un ministre du travail ne peut pas décider, lui, d'abolir la carte de classification, le permis de travail, l'ancienneté des travailleurs de la construction.

Je vous remercie beaucoup messieurs, mesdames, et membres de la commission.

Le Président (M. Théorêt)î Merci, M. Gauthier. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne m'attendais pas à recevoir des félicitations, ni sur le plan des principes ni sur le plan des modalités, de la part de la CSN-Construction. J'avais eu des rencontres préliminaires avec leur représentant. Je vous dirai toutefois que, quand une formation politique est élue, elle est élue par l'ensemble d'une population à partir d'un programme électoral. Moi, je serais prêt à aller sur la place publique demain matin avec les principes contenus dans le projet de loi 119, face à la population du Québec, expliquer que les nouveaux critères d'accès à l'industrie de la construction seront basés sur la compétence; que sur le plan de la formation, les parties seront impliquées; que les parties, à partir de la formation de la Commission de la construction du Québec, feront les estimations de marché et qu'elles feront en sorte que le nombre de pupitres dans les écoles corresponde aux besoins anticipés du marché pour les années à venir. Je serais prêt, moi, à aller en élection sur la place publique avec cela. Ce qui m'inquiète, par exemple, ce sont les espèces de contradictions que j'ai retrouvées - cela je le regrette et je le déplore - dans l'information qui a été véhiculée. Je vais vous donner un exemple. Prenez votre mémoire à la paqe 21, en haut de la page: "Avec le projet de loi 119, le gouvernement répond aux attentes des entrepreneurs de l'industrie de la construction en abolissant le permis de travail pour les manoeuvres et pour les travailleurs des autres métiers. Cela revient à enlever l'ancienneté acquise et reconnue aux travailleurs et aux travailleuses des autres entreprises syndiquées". Ce matin, il s'agissait d'acheter le journal, j'étais à Québec, j'ai acheté le Journal de Québec, il y avait de la publicité payée par la CSN et la FTQ-Construction. Au deuxième paragraphe de l'article payé pour organiser la manifestation de demain où vous attendez 10 000 travailleurs:"Dans la construction, il n'y a ni ancienneté, ni droit de rappel au travail."

M. Gauthier (Michel): II y a la carte de classification.

M. Paradis (Brome-Missisquoi); À un moment donné, il faut s'entendre.

M. Gauthier (Michel): II y a la carte de classification qui a pour objet ce que les travailleurs et les travailleuses syndiqués des autres secteurs ont: une protection, une protection en ce qui concerne le rappel au travail. C'est ce que ça fait, la carte de classification.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne faut pas que dans la tête des qens... Et je vais vous poser la question. Vous prétendez, dans votre texte, qu'il y a de l'ancienneté et dans les annonces payées dans les journaux, vous prétendez qu'il n'y en a pas. On va se poser la vraie question. Demain matin, un employeur a besoin d'un travailleur de la construction s'il veut fonctionner légalement, je ne parle pas du marché noir. Il doit embaucher quelqu'un qui est classifié et qui détient un permis de travail. Quelle est la différence entre celui qui détient un permis de travail qui a été délivré le mois passé ou un permis de travail qui a été délivré il y a

dix ou quinze ans? Est-ce que l'employeur est obligé de privilégier celui qui a eu un permis de travail délivré dans le passé ou s'il n'a pas le libre choix entre les deux?

M. Gauthier (Michel): L'employeur est obligé de privilégier, à ce moment-ci, quelqu'un qui a un certificat de classification par rapport à quelqu'un qui n'a pas de certificat de classification.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exact.

M. Gauthier (Michel): C'est clair, il y a un bassin, il y a une réserve. On dit: À même la réserve, on pige.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord,

M. Gauthier (Michel): Ce n'est pas parce que les organisations syndicales n'ont pas tenté, depuis quelques années, à l'intérieur de la convention collective, de négocier des clauses plus claires et plus applicables pour l'ancienneté. Sauf que, vous savez, on a eu deux ou trois problèmes; la loi 106 nous a empêchés comme cela de faire un bout dans la négociation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voulais seulement que, sur cela, on se comprenne bien. On ne peut pas dire dans un texte qu'il y a de l'ancienneté et dans les annonces payées, qu'il n'y en a pas et se contredire. Maintenant quant à l'accès...

M. Gauthier (Michel): II n'y a pas d'ambiguïté, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! Il n'y en a pas, alors je vais continuer à lire vos annonces payées.

M. Gauthier (Michel): C'est bon!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais avoir des problèmes quand je vais arriver en commission parlementaire avec vos textes. Le journal le matin et le texte l'après-midi.

M. Gauthier (Michel): On verra cela demain matin.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne le bassin de main-d'oeuvre, je vous ai dit, à l'occasion de 'nos rencontres, que, dans la préparation du projet de loi, j'avais une préoccupation particulière. Je vous pose la question parce que vous êtes peut-être la centrale syndicale dont le membership le plus important est composé de travailleurs qui, traditionnellement, ont été les plus vulnérables. Il s'agit non pas des gens de métier ou des gens qui sont en apprentissage. Si l'on regarde les statistiques, quel que soit le règlement, ces gens ont réussi à maintenir un bassin de main-d'oeuvre à peu près équivalent au cours des années. Mais vous représentez majoritairement des gens qui sont des manoeuvres qu'on a appelés les non-qualifiés de l'industrie de la construction. Je vous ai toujours dit - je le répète publiquement - que je suis prêt à prendre toutes les précautions raisonnables et nécessaires pour que ces gens, les manoeuvres dans l'industrie de la construction, ne subissent pas négativement les soubresauts des modalités dudit projet de loi. Ce que j'ai compris de votre intervention, c'est: Retirez les articles 32, 33, 34, etc. (20 h 30)

II faut que vous compreniez que l'Assemblée nationale, en fin d'avant-midi, a adopté les principes du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Les principes ayant été adoptés, je suis prêt à ce qu'on discute des modalités qui vont faire en sorte que les gens que vous représentez et que vous avez un devoir de défendre ne soient pas affectés négativement par l'entrée en vigueur d'un tel projet de loi. Je le déplore, peut-être parce que je l'ai mal lu, je n'ai pas retrouvé cette approche constructive dans le mémoire que vous me présentez. J'aimerais et j'ai besoin de l'avoir, si je veux faire un travail plus complet, si je veux être capable de bonifier le projet de loi qu'il y a devant nous et dont les principes ont déjà été approuvés - sur division, je l'admets - par l'Assemblée nationale du Québec.

M. Gauthier (Michel): Vous comprendrez... D'abord, je voudrais lire la recommandation 19. Dès le début du texte, on vous dit que notre première préoccupation est un moratoire d'un an pour permettre aux parties et non pas au gouvernement de décider de l'avenir des travailleurs de la construction. À la recommandation 19, on précise clairement ce qu'on recherche, c'est-à-dire un moratoire pour une période d'une année, le renouvellement des cartes de classification et que l'industrie, les employeurs et les syndicats voient à tout l'aspect de la formation et de la qualification. À partir de cela, on verra comment on contingentera l'industrie de la construction. Cela est aussi à partir des principes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut se comprendre. À propos du contingentement, à partir du permis de travail, de la carte de classification, sur le principe - qu'on aime cela ou non, on peut être d'accord ou non -les élus du peuple se sont prononcés. Sur les modalités d'application, les élus du peuple ne se sont pas prononcés. Il y aura une commission parlementaire pour l'étude article par article. Vous nous dites: Un moratoire d'un an. Il y a des gens qui nous ont dit, cet

après-midi: Un moratoire de quatre mois. Est-ce une condition sine qua non, votre moratoire d'un an? Seriez-vous prêts à accepter, en l'espace de quatre mois, de vous asseoir, de travailler de façon que les manoeuvres pour qui on a indiqué dans la période transitoire les conditions et de dire: Je serais peut-être prêt à les regarder de nouveau. On est peut-être prêt à dire: Pour quatre mois, pour trois mois, pour deux mois, il y a des possibilités de s'entendre. Mais ne venez pas nous demander de dire: II va y avoir une carte de classification à compter de janvier, si l'Assemblée nationale adopte le projet de loi. Si l'Assemblée nationale ne l'adopte pas, on verra ce qui se passera. Si l'Assemblée l'adopte, êtes-vous prêts à regarder... On a dit, en phase d'implantation du système, que le manoeuvre aurait un certificat de compétence et que, pour l'obtenir, il faudrait qu'il suive un cours de sécurité sur le chantier, le fonctionnement des chantiers, droits et obligations du travailleur et autres. Êtes-vous prêts à travailler, à vous asseoir et à en inclure d'autres si vous pensez qu'il en faut d'autres?

M. Gauthier (Michel): Je vais commencer par la fin. L'énoncé que vous venez de faire ne se retrouve pas dans votre projet de loi; peut-être que cela se retrouve ailleurs, mais dans le projet de loi, cela ne se retrouve pas. Lisez-le votre texte.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, je vous expliquerai...

M. Gauthier (Michel): Deuxièmement, pour la période d'un an, s'il faut quatre mois, cela prendra quatre mois. On propose: un an. On se connaît un peu dans cette industrie. On sait qu'il va nous falloir un peu de temps pour travailler. On dit qu'une période d'un an, cela a de l'allure, cela va nous permettre de faire les vraies affaires. S'il faut six mois, cela prendra six mois, mais on se dit que, dans une période de douze mois, avec les gens à l'oeuvre pour travailler à cela, on va le faire.

La deuxième remarque que je voulais faire: Oui, on représente des manoeuvres, on représente un certain nombre de manoeuvres, mais on représente aussi des travailleurs de tous les métiers. On ne représente pas seulement des manoeuvres, mais 23 000 travailleurs.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, cela va.

M. Gauthier (Michel): II est vrai qu'on occupe 1000 manoeuvres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, j'aurais dû l'indiquer.

M. Gauthier (Michel): Là-dessus, il n'y a pas d'ambiguïté dans votre tête. Il n'y a pas juste le problème des manoeuvres, il y a aussi le problème de l'apprentissage, des apprentis et celui de la formation et de la qualification. Vous lez ouvrez les portes, c'est ce que dit votre projet. S'il dit autre chose que cela, écrivez-le, faites-lui dire autre chose que cela, mais à la lecture, pour ceux qui l'ont lu, il se peut qu'on lise mal, qu'on comprenne mal, mais on l'a lu comme on vous l'explique.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous parlez d'ouverture de portes. Vous étiez ici au cours de la journée. J'ai bâti quelques petits dossiers au cours de la dernière année depuis que je suis ministre du Travail et il y en avait des portes d'ouvertes cette année dans l'industrie de la construction. Pas nécessairement en faveur des jeunes et pas nécessairement en faveur des compétents non plus; on se demandait quels étaient les critères. J'ai donné l'exemple, pour la région de Montréal, des peintres, ce matin, vous l'avez entendu, au moment où il y avait environ 2000...

M. Gauthier (Michel): Oui, eux-autres sont au noir, on le sait.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. Vous autres, à ce moment-là, avez-vous donné votre accord, en vertu du principe de pénurie anticipée, à ce que le bassin soit ouvert?

M. Gauthier (Michel): Je vais vous répondre plus largement. À ma connaissance, l'opinion de la CSN a été demandée de façon régulière. À savoir si cela a été précisément sur ce cas-là? À mon avis, cela devrait être oui. L'office fait en sorte d'appliquer les règlements et il communique avec nous quand c'est te temps.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pénurie anticipée au mois de mai. Je vais vous donner un exemple dans les métiers et vous regarderez les personnes qui étaient disponibles, les permis de travail qui étaient là et tout cela. Avez-vous donné votre accord? Dans pénurie anticipée, pas pénurie réelle: pour des briqueteurs maçons compagnons pour la région de Montréal, pour les serruriers bâtiments compagnons, pour les carreleurs compagnons... Au mois de mai, peintres compagnons, cimentiers apprentis compagnons; Montréal: les serruriers bâtiments compagnons; Montréal: poseurs en revêtement souple compagnons; Montréal: ferblantiers compagnons; Montréal. Je pourrais continuer, mais je ne veux pas vous "tanner" avec cela.

M. Gauthier (Michel): Je ne vous

donnerai pas une réponse sur chacun. À mon avis, on est consulté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et vous avez toujours donné votre accord?

M. Gauthier (Michel): Ah non! Il y a des occasions où nous n'avons pas donné notre accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans les cas que je vous mentionne?

M. Gauthier (Michel): Je n'en ai aucune espèce d'idée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Aucune espèce d'idée au mois de mai?

M. Gauthier (Michel): Aucune espèce d'idée.

M. Paradis (Brome-Missîsquoi): À partir de quels critères donnez-vous votre accord quand vous le donnez?

M. Gauthier (Michel): Je consultais... Ah? Pourquoi dites-vous qu'on ne le sait pas?

Une voix: Vous avez dit que vous ne le saviez pas.

M. Gauthier (Michel): Ah non! Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! À l'ordre'

M. Gauthier (Michel): Quand on est consulté, on nous explique les raisons pour lesquelles on nous consulte. Souvent, on fait des appels aux autres organisations syndicale? et on vérifie nos propres listes dans nos bureaux de placement pour savoir si, effectivement, selon notre opinion, ces bassins, et selon les travaux de construction qui sont en vigueur... Je vous dirai qu'à Montréal la construction est en effervescence cette année et il y avait des besoins de main-d'oeuvre importants dans cette région.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne nie pas les besoins de main-d'oeuvre, mais j'ai encore le même problème que ce matin: 120 000 personnes détiennent un permis de travail, pour faire un chiffre rond, dans le meilleur mois 80 000 travailleurs actifs, c'est-à-dire à l'ouvrage, 40 000 entre les deux. On en ouvre pour 18 000. À partir de quels critères? On ne l'ouvre... Il faut qu'on se comprenne, la moyenne d'âge de ceux qui sont entrés est de 28 ans; ce ne sont pas des jeunes dans la construction.

M. Gauthier (Michel): II doit y avoir quelques jeunes pour que la moyenne soit de 28 ans.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas un critère de jeunesse et ce n'est pas un critère de compétence. Sur quel critère donnez-vous votre accord?

M. Gauthier (Michel): D'abord, il y a l'apprentissage. Avant d'être compétent, il faut commencer quelque part. Pour rajeunir les bassins de main-d'oeuvre, cela prend du monde qui fait de l'apprentissage. Il y a sûrement plein d'apprentis. Les statistiques nous démontrent que la majorité des travailleurs qui sont entrés depuis les deux dernières années sont des apprentis. Les apprentis, c'est la relève, ce sont les futurs compagnons dans cette industrie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moyenne d'âge, 28 ans.

M. Gauthier (Michel): Eh oui! Moyenne d'âge, 28 ans. Si j'en avais le temps, je vous sortirais toutes sortes de statistiques pour vous démontrer que les 18, 19, 20 et 21 ans sont ceux qui ont le plus d'accidents du travail sur la construction quand ils y sont. Il y a peut-être un problème là. Peut-être que la maturité dans la construction s'acquiert quelques années plus tard qu'à 16 ans.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais que vous répondiez à ma question. Quand vous donnez votre accord sur une pénurie anticipée, vous me dites que vous appelez d'autres centrales. Vous, comme centrale, à partir de quels critères donnez-vous votre accord?

M. Gauthier (Michel): Quand l'office nous pose une question, on présume que l'office est là pour administrer correctement et s'assurer qu'une main-d'oeuvre est disponible dans l'industrie de la construction. C'est le premier critère. L'office nous pose la question. C'en est un bon critère. Nous payons ces gens pour faire cette "job".

M. Paradis (Brome-Mîssisquoi): Cela, M. Gauthier, c'est la question posée.

M. Gauthier (Michel): Oui, mais que voulez-vous que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La réponse est donnée à partir de quels critères?

M. Gauthier (Michel): Je vous ai dit: Premièrement, l'Office de la construction nous parle. Deuxièmement, on vérifie nos propres bassins de main-d'oeuvre. Troisièmement, on vérifie l'état de la construction, le genre de construction et le genre de main-

d'oeuvre disponibles. On sait combien il y a de travailleurs dans cette industrie et on sait où elle s'en va. C'est à partir de ces critères qu'on prend nos décisions.

Une autre chose'. Quand vous parlez d'une marge de manoeuvre entre 80 000 et 120 000, on a prétendu. On vous l'a dit, à vous, au mois de mars et on l'a dit à d'autres moments, les bassins de main-d'oeuvre, on est prêt à les revoir; on pense qu'une certaine épuration des listes doit être faite. Là-dessus, il n'y a pas de cachette. Le président de l'office l'a dit ce matin et les autres organisations syndicales le prétendent aussi: On est prêt à faire cette "job". Il y a plein de monde qui... La marge entre 80 000 et 120 000 peut être beaucoup plus petite que vous n'essayez de le démontrer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse. Quand vous me dites qu'elle est beaucoup plus petite, vous pouvez soustraire, si vous le voulez, les entrepreneurs qui ont moins de cinq employés qui détiennent une carte. Vous pouvez peut-être soustraire les 5000 qualifiés qui ont en haut de 65 ans, mais, même là, il y en a qui ont plus de 65 ans, j'en connais qui sont là, qui sont productifs et qui travaillent bien. Vous pouvez soustraire quelques artisans, mais vous ne pourrez pas effacer complètement les 40 000. Si vous arrivez à 20 000, vous aurez fait des efforts d'extrapolation qui vous vaudront beaucoup de mérite.

M. Gauthier (Michel): Si on s'entendait - car on vous a aussi parlé de cela, M. le ministre - pour dire qu'une grosse partie de ces gens sont forcés de travailler au noir, que les heures ne sont pas toutes déclarées et qu'il y a des choses qui se font là. Ce ne sont pas les gars qui cherchent cela et nous vous l'avons déjà dit aussi. C'est l'obligation de, l'incapacité actuelle de faire appliquer les différents règlements, l'incapacité actuelle du gouvernement à mettre en place les mécanismes nécessaires pour poursuivre les contrevenants. On vous l'a dit dans le mémoire et il n'y a pas seulement nous qui en parlons, le journal Les Affaires disait l'autre jour: Au moins 500 000 000 $ non imposables ne sont pas déclarés et sont cachés au noir. Ce ne sont pas les gars qui cachent cela. Ce n'est pas leur volonté. Il y en a peut-être quelques-uns là-dessus qui sont là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On se comprend là-dessus. On n'a pas de difficulté avec cela. Pour une fois qu'on a un point d'entente, je vais laisser la parole à...

M. Chevrette: M. le président, c'est la première fois que je vois un ministre du Travail se choquer parce que vous ne répondez pas sur les amendements qu'il projette, parce que vous avez été invités à vous prononcer sur son texte. C'est la première fois que je vois cela, être déçu que les gens ne parlent pas des amendements qu'ils ne connaissent pas. On vous a invités pour vous prononcer sur le texte de sa loi puis, tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de dépôt d'amendements officiel, on ne peut toujours pas parler des amendements qu'on ne connaît pas, que seul le ministre connaît, et je n'en suis pas sûr. Donc, à partir de là, on va se parler nous aussi, mais à partir du texte.

L'article 33 se lit comme suit: "La Commission de la construction du Québec délivre un certificat d'apprentissaqe à une personne". Deuxième alinéa: "âgée d'au moins 16 ans - ce n'est pas écrit "diplômée", sortant d'une école de formation - pour laquelle - si j'ai dit diplômée, c'est que je relie cela au discours sur la compétence - un employeur enregistré à la Commission de la construction du Québec formule une demande de main-d'oeuvre et fournit à son égard une garantie de travail d'une durée d'au moins 500 heures échelonnées sur une période d'au plus une année." Selon vous, est-ce ouvrir la porte à la compétence? Deuxièmement: Quel est le danger d'un tel article? C'est écrit noir sur blanc. Il n'y a pas d'amendement anticipé là-dessus. C'est le texte et on vous a fait venir pour nous parler du texte.

Sur la même question, pour laquelle le ministre semblait très offusqué tantôt, l'article 35 dit ceci: La Commission de la construction du Québec délivre un certificat d'occupation à un salarié âgé d'au moins 16 ans, qui n'est pas visé aux articles 32 à 34, pour lequel un employeur enregistré à la commission formule une demande de main-d'oeuvre et fournit à son égard une garantie de travail d'une durée d'au moins 500 heures échelonnées sur une période d'au plus une année et une attestation que ce salarié a suivi avec succès un grand, grand cours de sécurité exigé par le code de 24 heures.

C'est du texte intégral de la loi. Vous dites que vous demandez le retrait. Est-ce que c'est parce que vous anticipez le grossissement indu du bassin et quels types de problèmes vous vous imaginez que cela va créer, concrètement? Vous aurez compris qu'on a eu les mémoires à la toute fin de la journée et qu'on n'a pas le don de lire cela tout le monde ensemble tout en vous interrogeant intelligemment.

M. Gauthier (Michel): Je laisserai Marcel Saint-Germain répondre à une partie de la question. Il a travaillé sur l'ensemble de l'opération des non-qualifiés.

M. Saint-Germain (Marcel): Pour ce qui est de l'article 35, cela nous donne l'occasion de pouvoir reprendre un peu la table de travail, parce que tantôt M. le

ministre a ouvert certaines portes sur des modalités qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. À mon avis, l'article 35 va faire que, si le projet de loi est adopté comme tel, au 1er janvier, demain matin, l'ouverture est faite à un nombre que l'on pourrait qualifier de plusieurs milliers qui pourraient revenir. Mais ce qu'il est important de regarder, c'est toute la question de la table de travail des non-qualifiés où il y a eu des consensus très clairs de la part des deux parties, syndicale et patronale. Le premier sur le contingentement, qui est clair: maintien d'un contingentement pour les non-qualifiés dans l'industrie de la construction. Tout le monde était d'accord là-dessus. C'est une partie que l'on aurait pu retrouver facilement à l'intérieur du projet de loi. Le consensus 2, c'est sur la formation. Là aussi, on a même établi à l'intérieur du consensus toute la façon de procéder, de former le cours des 120 heures, la connaissance, tout le "kit". Tout était en fonction... Il y a à peu près 25 consensus dont une grande partie a été unanime de la part des deux parties. Et même, au consensus 25, le dernier, on demandait, le temps de préparer toute la nouvelle réglementation, que l'on maintienne le règlement actuel. Cela aussi a été unanime. À l'heure actuelle, dans le projet de loi, à l'article 35, à partir du 1er janvier, il n'y en a pas de protection pour les journaliers. Demain matin, cela va entrer facilement avec l'article 35, sauf que, si on avait repris une partie des consensus qui étaient à la table de travail, parce qu'il me semble que la table de travail était là pour formuler au ministre des façons précises de fonctionner en vertu d'une nouvelle réglementation... On a bien voulu embarquer et travailler à l'intérieur de cela, malgré qu'au départ on avait prévenu qu'on voulait maintenir la carte de classification et que l'on était prêts et de bonne foi à travailler à l'intérieur du document. Pour la table des non-qualifiés, je pense qu'il y a un paquet de consensus et on ne retrouve absolument rien à l'intérieur du projet de loi 119 présentement. Il peut y avoir des abus à partir du 1er janvier, s'il n'y a pas d'amendements qui se font. Tantôt il demandait à voir des amendements; vous n'avez qu'à reprendre les premières recommandations, ce sont des amendements. Ils sont là bien écrits en noir sur blanc. Ils ont été faits par tout le monde des deux parties et unanimement. (20 h 45)

M. Gauthier (Michel): On peut continuer. C'est à peu près la même règle à l'alinéa 2 pour les apprentis où tout ce qu'il faut, c'est d'avoir seize ans et d'avoir une garantie d'emploi de 500 heures. C'est assez évident que tous ceux qui connaissent quelqu'un qui connaît quelqu'un...

Un des arguments de M. Paradis a été intéressant à mon avis: il m'a déjà dit que les députés avaient un problème dans leur vie. Quand il y avait quelqurun qui entrait dans leur bureau de comté et leur demandait du travail dans la construction, ils n'étaient pas capables de leur en donner parce qu'il y avait le règlement de placement, la carte de classification. Avec la disparition de la carte, avec cette nouvelle réglementation, tel qu'elle est là, c'est assez simple pour un employeur de donner une garantie de 500 heures et d'embaucher un nouvel apprenti ou un manoeuvre.

M. Chevrette: C'est ma conviction. Cela, c'est ma conviction profonde. Il va y avoir des appels téléphoniques et du tordaqe de bras disant: Prends mon neveu, mon petit cousin, mon petit mon oncle, c'est clair et net.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sauf qu'on n'a pas obtenu de réponse à savoir comment cela se fait présentement.

M. Chevrette: Ce n'est toujours pas à l'abri. Je ne sais pas si vous faites pression au bureau de placement, mais nous on n'en fait pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pardon! M. Chevrette: Nous, on n'en fait pas. M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pardon!

M. Chevrette: On n'en fait pas. D'accord! De mon siège, je n'en fais pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En avez-vous déjà fait?

M. Chevrette: J'en connais qui annoncent dans leur comté qu'ils abolissent tout et rendu ici ils abolissent seulement la certification. Je ne suis pas de ce genre. Quand j'ai quelque chose à dire, je n'envoie pas mes messages.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'en avez jamais fait!

M. Chevrette: Je continue parce que c'est moi qui ai la parole. Vous parlerez à votre tour et vous parlerez plus intelligemment.

Il revient avec les briqueteurs. Imagi-nez-vous!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ne vous choquez pas!

M. Chevrette: II ne s'est pas fait de briquetage depuis je ne sais pas combien d'années; cela commence. Il est surpris qu'il y ait un vieillissement dans la brique. Ne

soyez pas surpris qu'il soit offusqué que vous répondiez à son texte.

Ceci dit, la clause d'ancienneté dans l'industrie de la construction que le ministre ne semble pas comprendre, je pense que ce n'est pas trop sorcier. On va la lui expliquer en essayant de vous poser une question. Il me semble que c'est clair et net quand il y a un bassin suffisant, que c'est ceux qui ont un certificat de classification, donc qui ont un certain nombre d'heures. C'est le seul critère qui les protège présentement par rapport, en comparaison avec l'article 35 où n'importe qui pourrait l'avoir par certificat de complaisance; il faut le dire, cela existe. La semaine dernière, j'ai vécu une expérience, dans ma propre circonscription électorale, il y a un gars qui voulait avoir une carte et il en a une. Il peinture. Imaginez-vous, c'est un constructeur de route qui lui a donné ses 500 heures de garantie. On n'est pas fou. Il cherchait ses 7000 ce matin à I'OCQ. J'avais un peu le fou rire. Cela se fait quotidiennement et ils seront surpris quand ils seront trop dans l'industrie, surtout les manoeuvres, et vous le savez, pour se partager une "job". Qu'est-ce qui arrivera?

Je ne suis pas marié avec le certificat de classification à tout prix. Qu'on me trouve un autre mécanisme de contingentement et je m'en balance. Je pense que cela en prend un efficace. C'est cela qu'il faut dire. Je ne suis pas nécessairement pour la classification à tout prix, je m'en balance. Si on trouve quelque chose de mieux, tant mieux. Mais qu'on ne vienne pas faire accroire au monde, qu'on ne dégage pas des consensus à des tables disant qu'on est pour un... Le quantitatif, c'est un élément fondamental. Tous les patrons ont écrit cela. Quand ils arrivent en avant - je comprends, il leur en donne plus que le client n'en a demandé - ils tombent d'accord avec lui, c'est évident. Il faut être correct: il faut être capable de le dire. Il faut être capable de se rendre compte de ce qui se passe.

Je vous avoue que j'ai vécu une petite expérience assez longue merci, même si c'était court dans le temps, un an, pour me faire comprendre une chose. C'est que, si on ne met pas de mécanisme de contingentement, ce n'est pas le consommateur québécois qui va en profiter. J'espère que je suis bien compris. Il va s'en faire du travail au noir de trois ou quatre façons différentes. Cela va être des gars qui vont réendosser les chèques. Il y en a même qui vont venir témoigner devant nous et qui avaient hâte de retirer leur chèque de l'OCQ parce qu'ils étaient coupables de violation de décret. Vous le savez cela.

Je pense qu'on va arrêter de s'emplir réciproquement même ici au Parlement. Il y a des faits. Le passé est garant de l'avenir dans cela. On sait ce qu'on a vécu dans la construction et quelles sont les origines et quelles sont les causes. S'il fallait qu'on enlève toute notion de contingentement et toute notion d'épuration, on ne se donnera pas long pour revivre d'autres problèmes majeurs. On ne se donnera pas long, je peux vous le dire. Dès qu'il va y avoir un chantier d'envergure, vous allez voir ce qui se passera. Je le sais très bien. On doit être certainement capable de contingenter d'une façon très intelligente et d'accorder aux salariés de la construction une certaine forme de priorité d'emploi, une certaine forme de sécurité d'emploi. On la reconnaît pour tous les syndiqués du Québec, les mises è pied se font par ancienneté, les rappels se font par ancienneté. Dans la construction, on ne peut pas parler d'ancienneté comme telle, mais on peut au moins parler d'un minimum qui garantit qu'on garde les vrais travailleurs. C'était cela qui existait. Si on a une formule meilleure, je suis prêt à l'acheter, mais pas les articles 35 et 33 qui ouvrent la porte absolument à n'importe qui, surtout à n'importe qui qui a des "connexions". On a juste à enlever la notion de placement, la dimension placement aux centres de main-d'oeuvre.

Il y a eu des tordages de bras pour placer du monde dans les sociétés d'État et dans certains ministères. Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas s'assujettir. On veut avoir le beau rôle. On veut avoir l'exclusivité. On veut faire ce qu'on veut. Moi, je pense que si on veut reconnaître le droit... C'est même un droit fondamental sur le plan syndical et surtout que cela répond à un critère fondamental dans l'industrie de la construction: la stabilité. Si on veut former des compétences, il faut parler de stabilité. Si on ne donne aucun élément de stabilité, on va essayer de nous faire croire après que c'est la compétence qu'on recherche. Mon oeil! Je n'y crois pas. Donc, la question s'est transformée en une expression d'opinions. Moi, je n'en ai plus, pour le moment.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être deux secondes, M. le Président, avant que vous passiez la parole. C'est juste pour vous dire que le contingentement de la main-d'oeuvre est prévu dans le projet de loi. Je pardonne au député de Joliette de ne pas l'avoir vu; ce n'est pas la seule chose qui lui a échappé. Sauf qu'au lieu de se faire par le nombre d'heures et par permis de travail, il se fait à partir d'un critère de compétence. Il n'a sans doute pas vu dans le projet de loi que la Commission de la construction du Québec qui, majoritairement, est formée de travailleurs ou de représentants de travailleurs et d'employeurs, fera les estimations des besoins en collaboration avec le ministère de l'Éducation et que le nombre de pupitres nécessaires sera ouvert en ce qui a trait à l'école secondaire à partir des

estimations qui auront été faites par la Commission de la construction du Québec. Le nombre de pupitres ayant été ouvert, on en ouvrira un petit peu plus que les besoins, parce qu'on en échappe en cours du système dans tous les domaines de l'activité économique.

Les jeunes poursuivront leurs études secondaires pour obtenir soit un certificat d'études ou un diplôme d'études, selon la nature des métiers. Cela, c'est tout l'aspect que le député de Joliette n'a pas vu parce qu'il n'est pas en même temps critique en matière d'éducation, À partir de ce moment-là, les jeunes gradueront. Une fois qu'ils auront gradué, à partir des estimations du marché qui auront été faites par les patrons, les travailleurs auront un carnet d'apprentissage. Ils apprendront le métier pour lequel ils ont été formés. Il ne nous arrivera pas ce qui arrive dans nos bureaux de comté au moment où on se parle. On dépense de l'argent. On forme des jeunes à l'école sans estimation de besoins, sans la collaboration des travailleurs et sans la collaboration des patrons. On paie des impôts pour cela. Quand il en arrive un dans nos bureaux de comté - il a raison le député de Joliette, il en fait du bureau de comté - on dit à ce jeune: As-tu fais 2000 heures durant les deux dernières années? Il dit: Es-tu fou?

M. Gauthier (Michel): On ne dit cela à personne.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. C'est ce qui arrive, M. Gauthier.

M. Gauthier (Michel): Non, non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela fait six ans que je suis député et cela fait six ans que je fais du bureau de comté à tous les samedis dans Brome-Missisquoi, sauf quelques exceptions. Et là, on lui dît: Tu n'as pas le droit de travailler. Quand le bassin s'ouvre, on pose des questions aux représentants de la CSN. Avez-vous donné votre accord? Ils disent: Oui. En fonction de quels critères? On ne le sait pas.

M. Gauthier (Michel): Il me semble que j'ai été clair tantôt. Je peux vous en ajouter d'autres critères, si vous voulez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excusei Ce système-là a tellement fait son temps...

M. Gauthier (Michel): On peut vous en ajouter d'autres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce système-là a tellement fait son temps que sur le plan des chiffres, on a 120 000 travailleurs avec des permis de travail et dans le meilleur des mois, on a 80 000 travailleurs à l'ouvrage; plus généralement, c'est 60 000 travailleurs. Mais les 60 000 autres, ils les ont eu comment leurs certificats ou leurs permis de travail? On pose la question. On ne le sait pas, on n'a pas de réponse.

Comme ministre du Travail, je m'excuse, mais j'aimerais cela, je souhaiterais avoir une réponse parce que je me sens une obligation de connaître cette réponse de façon à mieux légiférer.

M. Gauthier (Michel): Moi, j'ai l'impression que vous plaidez exactement ce qu'on dit. Un moratoire d'un an pour placer les affaires pour nous permettre de se placer dans la construction et non pas .pour que n'importe qui rentre dans la construction dans les douze prochains mois, comme vous le proposez dans les articles 32, 33, 34, 35 et 37.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous voulez parler d'un moratoire? J'ai fait une ouverture. Je l'ai indiqué cet après-midi au Conseil provincial des métiers de la construction. Vous étiez présent. Ils ont demandé quatre mois pour tout le monde. Je vous dis que, quels que soient les changements qui sont intervenus dans le passé, je peux vous démontrer avec les statistiques les plus fiables possibles - parce qu'elles ne sont jamais très fiables dans le domaine de la construction, il y a bien du noir - que ce ne sont pas les gens de métier - ce n'est pas le lendemain matin que cela change beaucoup quelle que soit la situation - et pas tellement les apprentis non plus, mais les manoeuvres, oui cela peut changer beaucoup, si la réglementation n'est pas bien faite. À ce niveau-là, on peut peut-être prendre le temps nécessaire. Mais demander un an, c'est peut-être discutable. Je ne ferme pas la porte là-dessus. Je suis prêt à vous en parler sérieusement. Ce n'est pas en disant: II y a du patronage de bureaux de comté.

Je vais vous dire une chose: Du patronage, c'est bien plus facile à faire avec des heures supposément travaillées qu'en fonction d'un examen de compétence et de qualification. Je ne vous dis pas que cela l'élimine complètement, mais si vous aviez à faire un choix en fonction... J'avais ce matin 99 codes subdivisés à l'OCQ en fonction desquels on pouvait émettre des permis de travail. 99 codes subdivisés! Ce n'est toujours pas le Parti libéral du Québec qui a mis ce système sur pied avec 99 codes subdivisés. Il y avait même un critère - de mémoire -être âgé de plus de 80 ans ou de moins de 16 ans. 11 y a des limites! 11 y a quasiment autant de codes qu'on émet de cartes. Cela se fait et je vous le souligne, M. le secrétaire général, avec le consentement -en tout cas, c'est ce qu'on m'a démontré; si

vous pouvez me démontrer le contraire, tant mieux - de votre centrale syndicale.

M. Chevrette: On n'a pas assisté aux mêmes périodes de questions.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député...

M. Chevrette: Ilveut répondre, allez-y.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que...

M. Gauthier (Michel): Je peux vous garrocher des chiffres tout l'avant-midi, tout l'après-midi et toute la soirée. À mon avis, ce n'est pas ce qui va changer le problème. Le vrai problème, c'est ce qui est écrit de 32 à 37. Vous pouvez me "pitcher" des codes, cela me passe six pieds par-dessus la tête, des codes. Ce que je comprends, c'est ce que je lis et ce que je lis, c'est clair. C'est que vous ouvrez les portes à tous ceux qui veulent entrer. Si vous ne voulez pas appeler cela du patronage, appelez-le autrement. C'est comme cela que cela va se passer quand même. D'accord? C'est comme cela que cela va se passer. On n'a pas d'autres méthodes. On n'en a pas vu d'autres.

Dans la lettre qu'on vous a adressée, dans notre mémoire qu'on vous a déposé le 27 juin, on vous a dit qu'on était prêt à regarder toute autre formule supérieure - je ne sais pas si c'est le terme qu'on a utilisé - mais qu'on ne "scraperait" pas une formule qui fait notre affaire actuellement pour rien de moins. Si vous voulez changer la formule, on est prêt à regarder et à discuter, si ce n'est pas la carte de classification, cela s'appellera autre chose, mais au moins équivalent ou supérieur à ce qui existe.

Ce que vous proposez, M. le ministre, ce n'est pas égal, ce n'est pas supérieur. C'est inférieur et c'est nous ramener avant 1977. C'est ce que vous proposez et c'est avec cela qu'on est en désaccord. Je viens de tenir, huit soirs en ligne, des assemblées générales dans les régions et je pourrais vous parler un peu de la région de l'Outaouais. Je vous dirai que, dans l'Outaouais, du côté du Québec, il y a 4300 travailleurs syndiqués de la construction. L'autre bord du pont, 16 000 travailleurs. D'accord? 20 % syndiqués, 80 % non syndiqués. Tout ce qu'ils attendent, c'est l'occasion de traverser de l'autre bord du pont, car ceux qui ne sont pas syndiqués gagnent 6 $, 7 $ ou 8 $ l'heure.

Pensez à cela. 12 000 travailleurs disponibles dans la région de l'Outaouais. Cela va nous envahir. Juste à titre d'exemple, c'est l'article 37. On n'est pas d'accord avec cela. On ne veut pas reculer en arrière.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: À la page 13 du mémoire de l'ACMQ, cet après-midi - c'est patronal - il était dit: Au niveau des apprentis et des manoeuvres, n'importe qui pourra entrer. Aux articles 35 et 33 du projet de loi, où est-ce marqué "contingentement qualitatif et quantitatif"? A aucun endroit dans ces articles! Au niveau du discours, cela paraît bien. Qui est contre la vertu? On recherche la compétence et on veut absolument que les jeunes entrent. Où est-ce marqué, la compétence, aux articles 33 et 35?

Cela prend 16 ans et une garantie de 500 heures. Ils ne disent pas 16 ans avec un diplôme seulement. 16 ans et une qarantie de 500 heures. Quand on sait toutes les manoeuvres qui peuvent se faire pour en arriver à grossir les rangs, je vous accorde toutes les inquiétudes que vous avez. Je tes trouve fondées et je trouve que c'est irresponsable tel que libellé pour l'industrie.

Je dirais ceci: si le ministre est sérieux dans son moratoire de quatre mois qu'il vous offre, comme la Chambre doit ajourner pour trois mois seulement, est-ce qu'il ne pourrait pas refaire ses devoirs, tenir compte précisément des mémoires qui passent ici et présenter une loi qui a de l'allure au mois de mars? Ce serait beaucoup plus cohérent. Ce serait le défi que je lui lancerais, d'être capable de présenter un projet de loi qui fasse consensus. Cela aurait de l'allure. S'il est prêt à prendre quatre mois pour faire travailler du monde, il doit être capable de prendre quatre mois pour corriger ses devoirs mal faits.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne pense pas pouvoir avoir un consensus avec l'Opposition. Elle a voté contre le dépôt. Elle est contre les principes.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! À l'ordre!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On peut peut-être s'obstiner sur les modalités, mais...

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...elle a voté contre le dépôt. Elle ne veut pas de changement, l'Opposition veut que cela demeure ainsi. (21 heures)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que vous êtes en train d'épuiser les 50 secondes qui restent au député de Mille-Îles.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi.

M. Chevrette: Vous compterez son "jappage" dans son temps.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Une autre question. Vous êtes en faveur d'une institution paritaire. Vous voulez que les gens du ministère soient des observateurs. Que répondez-vous à l'association des maîtres électriciens qui disait tantôt que, pour elle, la parité est dangereuse parce qu'il y aurait possiblement des impacts négatifs et que le président serait obligé de trancher?

M. Gauthier (Michel): C'est pour cette raison qu'on propose qu'il y ait un président nommé par les parties en qui on aura confiance. Quand il y aura un litige entre la partie patronale et la partie syndicale, on espère que le président nous aidera à régler ce litige. On pense qu'on n'a pas besoin des représentants du gouvernement pour faire cela à ce niveau. On pense que le président qu'on choisira aura la décision entre ses mains. On est d'accord avec cela. On le propose. On ne voit pas de problème là, pour autant que ce soit nous qui choisissions et nous qui contrôlions, surtout que c'est nous qui allons payer en plus.

M. Chevrette: Effectivement. Une autre question que je voudrais vous poser, c'est sur la fameuse question du tribunal de la construction. Les représentants du conseil des métiers de la construction ont proposé un tribunal de la construction, cet après-midi. Vous les avez sans doute écoutés. Comme je n'ai pas eu le temps de lire en détail votre proposition, est-ce que c'est dans le même sens que ce qui a été proposé par le Conseil provincial des métiers de la construction?

M. Gauthier (Michel): C'est dans le même sens. Je pense que cela fait déjà plusieurs années que les parties syndicales et même patronales se sont entendues sur le principe d'un tribunal de la construction. Il nous semble que, rendu à ce moment-ci, le gouvernement devrait mettre de l'avant cette proposition. Comme cela a été expliqué, à un certain moment, par Me Toupin - je pense que c'est à ce débat que vous faites référence - il n'y a pas de problème à ce qu'il y ait la mise sur pied d'un tribunal de la construction.

M. Chevrette: Une dernière question, si mes collègues veulent en poser par la suite. En ce qui concerne le chapitre - j'ai de la misère à le lire - "Formation professionnelle", il y a les articles 85.2, 85.3 et 85.4. Vous avez trois articles. Je dois vous poser des questions non pas sur des amendements anticipés, mais sur le fond des choses. Il est dit ceci: "Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu élabore et propose au gouvernement les politiques et mesures relatives à la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction." Donc, on se rend compte que c'est le ministre qui a le pouvoir d'élaborer ces politiques. Dans le deuxième article, c'est: "La commission élabore des programmes relatifs à la formation professionnelle après consultation du comité sur la formation et les soumet à l'approbation du ministre." Donc, encore consultatif. À l'article 85.4: "La commission donne au ministre de l'éducation des avis sur toute question relative à la formation...". On se rend compte que, dans les trois articles, c'est plutôt un rôle consultatif que vous avez. Quelle est votre position réelle là-dessus?

M. McClaren (Ted): Nous, nous ne sommes pas d'accord à avoir seulement un rôle, j'appelle cela un rôle bidon, dans le sens qu'on ne nous consulte pas vraiment et on ne décide pas vraiment. De la manière dont la proposition est faite, cela fait en sorte que, en dernière analyse, c'est le ministre qui décide à toutes les fois. S'il y a des malentendus ou s'il n'est pas d'accord avec la ligne... qui peut avoir été prise par les parties prenantes de l'industrie de la construction, en dernière analyse, c'est lui qui va avoir le dernier mot. Nous autres, on dit: C'est nous qui sommes dans l'industrie, nous savons quels sont les besoins de l'industrie compte tenu des compétences de chacune des parties et des sensibilités qu'on a par rapport au milieu. Il me semble -que c'est nous qui devrions décider pour notre industrie.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Est-ce que c'est l'alternance?

Le Président (M. Charbonneau): Non, c'est l'alternance. Je m'excuse. Je le vois avec ses gros yeux. M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: M. le Président, je suis embarrassé par les recommandations sept et huit. J'aimerais que vous m'expliquiez ta recommandation 7: "Que le législateur donne les pouvoirs adéquats aux représentants syndicaux de vérifier les permis des entrepreneurs et les permis de travail." La recommandation 8: "Que le législateur donne les pouvoirs adéquats aux représentants syndicaux et aux inspecteurs de l'OCQ de

faire arrêter les travaux sur les chantiers au noir." Ne trouvez-vous pas, M. Gauthier, que c'est aller pas mal loin? C'est être à la fois partie et officier de justice. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu exagéré?

M. Gauthier (Michel): D'abord, on a déjà eu des pouvoirs qui ressemblaient un peu à cela avant la commission Cliche. Ce qu'on prétend, c'est que le travail au noir, actuellement - c'est admis par tout le monde - représente environ 30 % des travaux dans l'industrie de la construction au Québec. Les inspecteurs de l'office n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour arrêter ces chantiers et ils ne sont pas également en nombre suffisant pour surveiller l'ensemble des chantiers.

Nous disons deux choses. Premièrement, il faut avoir ces pouvoirs pour faire ces vérifications, pour s'assurer que les travailleurs qui oeuvrent dans l'industrie sont de vrais travailleurs et qu'ils ne volent pas les "jobs" de ceux qui devraient être ià. Deuxièmement, la capacité d'arrêter les chantiers, c'est presque la seule façon qu'on a de faire comprendre à ceux qui utilisent des travailleurs au noir, qui fraudent le gouvernement et qui volent la société en ne payant pas de taxes qu'ils doivent respecter la réglementation qui existe dans l'industrie de la construction, et cette réglementation est claire.

Alors, on dit: Oui, il faut accroître le pouvoir de ceux qui sont sur les chantiers pour contrôler le travail au noir dans cette industrie. Si les représentants syndicaux et les inspecteurs de l'office n'ont pas ces pouvoirs, on va continuer à faire ce qu'on fait là. Les représentants de l'office vont aller faire une inspection sur les chantiers. Ils sont parfois obligés d'y aller avec la police. Parfois, ils se présentent sur le chantier et tout le monde sort, et, parfois, tout le monde est sur le chantier, mais ce sont tous des visiteurs. Ils sont de passage sur le chantier, ils n'y travaillent pas, ils sont visiteurs. À Québec, la semaine dernière, des militants sont allés visiter un chantier. Sur huit travailleurs, six n'avaient pas de carte, mais ils avaient tous de bonnes raisons. Il y en a un qui était assis dans la pelle mécanique et il disait qu'il faisait juste regarder l'appareil, qu'il ne travaillait pas dessus. C'est ce que cela prend, des pouvoirs aux représentants syndicaux.

M. Bélisle: Je vais vous dire une chose, pour ma part, M. Gauthier: Je suis totalement contre ce que vous demandez. Donner les pouvoirs aux gens de l'Office de la construction, d'accord, mais à la partie syndicale comme telle, "no way". Mon autre question concerne l'article 22.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Je veux juste savoir une chose, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Est-ce que l'article 22.3...

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Mille-Îles, s'il vous plaît! Si on peut avoir le consentement, cela ne me dérange pas que vous ayez un peu plus de temps de parole, sauf que je voudrais qu'on s'entende bien. Il y a eu de longues discussions à la séance de travail pour savoir comment on répartirait le temps. Le temps de votre formation est écoulé. S'il y a consentement, il me fera plaisir de vous céder la parole pour quelques instants.

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Je pense qu'on pourrait peut-être finir le temps qui est réservé à l'Opposition et si, éventuellement, nous n'avons plus de questions, nous lui en laisserons une. À ce moment-là, on verra.

M. Chevrette: On a eu assez de misère à faire partager le temps et à vouloir leur donner une heure et demie, ils n'ont pas voulu, une heure et quart, ils n'ont pas voulu, de grâce, s'il vous plaît, on va au moins prendre notre tempsl

Le Président (M. Charbonneau): À ce moment-ci, comme le temps est écoulé, je vais laisser intervenir la députée de Johnson. Éventuellement, si le député de Mille-Îles, après que le temps de chaque côté sera écoulé, veut demander le consentement, on verra à ce moment-là. Cela va? Merci de votre collaboration. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je voudrais, M. Gauthier ou n'importe qui parmi vous, que vous nous expliquiez la recommandation 18 que vous faites. Je pense que cette recommandation est relativement nouvelle. Je ne l'ai pas vue ailleurs. Voulez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire par la recommandation 18 qui dit: "Nous demandons également au ministre d'ajouter une disposition particulière afin de reconnaître une compétence et une juridiction exclusive aux occupations"? Je suis allée voir votre annexe où vous parlez de la table des non-qualifiés. J'aimerais que vous nous expliquiez à peu près ce qu'est cette recommandation, s'il vous plaît!

M. Gauthier (Michel): M. Saint-Germain

qui a siégé au comité va se faire un plaisir de vous répondre.

M. Saint-Germain: Quand on regarde cette recommandation, déjà sur le programme, c'était de trouver des critères de compétence. À la table des non-qualifiés, on a, à l'intérieur de notre dossier, trouvé la façon de reconnaître une compétence aux non-qualifiés. Ensuite, si on a trouvé une façon de donner une compétence aux non-qualifiés, il faut leur donner une juridiction, car les non-qualifiés n'ont pas de juridiction et ils n'ont pas de métier. N'importe qui peut toucher à leur travail. Un gars de métier peut faire, demain matin, un travail de manoeuvre, s'il n'y a pas de travail à l'intérieur de son métier. Ce qu'on veut, ce qu'on demande et ce qu'on a mis aussi en annexe à notre mémoire, c'est la juridiction comme telle, ce qui veut dire que demain le manoeuvre, et tous les non-qualifiés auraient une juridiction et un métier comme n'importe quel autre à l'intérieur de la construction.

Mme Juneau: Cela voudrait dire que les gars, les apprentis ou autres, qui n'auraient pas de travail dans leur juridiction ne pourraient pas, à ce moment-là, aller -utilisons le terme - "bumper" une personne qui serait un manoeuvre. C'est cela que vous voulez dire?

M. Saint-Germain: II ne pourrait pas faire exactement le travail du manoeuvre comme tel. Ce qui lui appartiendrait en propre serait fait par les manoeuvres. Prenons un exemple: demain matin, le manoeuve ne peut pas prendre la place de l'électricien, du plombier ou du menuisier, sauf que l'inverse peut se faire. La demande, c'est de maintenir une juridiction tout simplement pour le manoeuvre. C'est une demande qui existe depuis longtemps. Puisqu'on parle de compétence, comme le ministre parle depuis longtemps des nouveaux critères de compétence, c'est pour cela qu'on l'a soumis tout simplement. C'était déjà une demande depuis longtemps. Cela a déjà été essayé en négociation. Maintenant, on fait la demande tout simplement parce que l'occasion est là. À l'heure actuelle, ce qu'on peut dire, c'est que chez nous, à la CSN, il y a eu des assemblées dans la dernière année et la juridiction aux manoeuvres a été votée dans toutes les assemblées.

Mme Juneau: D'accord. Dans l'article 19, vous parlez d'un moratoire d'un an. Le ministre a entrouvert une petite porte, tout à l'heure, en disant à une autre formation qu'on pourrait laisser trois ou quatre mois. Est-ce que vous souhaiteriez qu'il y ait un an de moratoire là-dessus? Vous parlez aussi - on ne le lit pas - de formule équivalente.

Que verriez-vous comme formule équivalente?

M. Gauthier (Michel): Ce qu'on dit, c'est qu'on ne peut pas décider le 1er janvier d'appliquer le projet de loi du ministre tel qu'il le propose. À notre avis, cela va être l'anarchie. Ce qu'il faudra, durant cette période d'une année, c'est, d'abord, régler l'ensemble des problèmes de formation. Une fois que ces problèmes seront réglés, il faudra régler le problème du contingentement. À partir de la façon dont on va s'entendre sur la formation, le problème du contingentement va suivre. On va déterminer que, dans un tel métier, on a besoin de telle formation, on a besoin de tant de main-d'oeuvre et c'est de cette façon qu'on va contingenter l'industrie. On dit: un an. Il nous semble qu'une année, ce n'est pas nécessairement trop pour faire ce travail. Il y a un travail de longue main qui est à faire là-dedans. Cela fait une quinzaine d'années qu'on n'a pas réellement travaillé cela. On ne prétend pas que les comités qui ont siégé aux mois d'avril et mai ont fait tout le travail. Comme base de travail, ils nous ont donné des documents pour nous permettre de continuer le travail qu'il y a à faire et d'arriver à une solution satisfaisante pour les travailleurs de la construction.

Mme Juneau: Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Mille-Îles. Oui.

M. Théorêt: C'est pour que soit enregistrée la demande de cinq minutes additionnelles pour chaque parti, pour tes fins des débats.

Le Président (M. Charbonneau): Oui, c'est cela. J'allais le dire. En donnant la parole au député de Mille-Îles, je lui indiquais qu'il y a eu une entente pour qu'il y ait cinq minutes de plus de chaque côté, ce qui nous donne l'occasion de revenir. M. le député de Roberval.

M. Gauthier (Roberval): Juste avant de concourir à ces cinq minutes supplémentaires, j'espère au moins que cela servira de leçon au gouvernement quand on demandera du temps supplémentaire pour écouter de3 parties aussi importantes...

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre!

M. Gauthier (Roberval): ...que la CSN. J'espère qu'ils diront oui.

Une voix: On n'a pas besoin d'être démagogue.

Une voix: Il n'a pas compris.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez un petit consentement. Il n'y a pas de trouble. Cela va bien.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! À l'ordre!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est tranquille. Paisible.

Le Président (M. Charbonneau): II est 21 h 10. On a encore deux heures devant nous.

Une voix: II faudrait retirer notre demande, M. le député de Roberval.

M. Gauthier (Roberval): M. le Président, j'ai une demande d'information.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, qu'il demande à son leader de lui donner un vrai droit de parole. C'est parce que son leader ne veut pas le laisser parler, M. le Président, qu'il fait des questions de règlement.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Chevrette: Ce n'est pas comme chez nous, les neuf gars n'arrivent pas pour voter une proposition du ministre qui est absent.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Paradis (Brome-Missisquai): M. le Président, voyez-vous, il n'a pas le droit de parole.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Je pense que cela va. M. le député de Mille-Îles.

M. Gauthier (Roberval): Vous permettez que je pose une question?

Le Président (M. Charbonneau): Vous avez le droit de poser une question au président. Allez-y.

M. Gauthier (Roberval): M. le Président, mon intervention a soulevé un tollé de protestation. Je voudrais vous poser la question suivante: Est-ce que c'est vrai ou non que c'est le gouvernement qui ne voulait entendre ni la CSN ni les autres groupes syndicaux suffisamment longtemps pour qu'on puisse vider les questions?

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Roberval...

Une voix: Hors du sujet.

Le Président (M. Charbonneau): ...je pense que cette question a été soulevée. Je pense que nos invités sont très au fait de la situation. Cela étant dit, M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: M. le Président, je vous remercie d'avoir rétabli la paix parlementaire autour de cette table.

Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie de m'avoir aidé à la rétablir tantôt.

M. Bélisle: Cela étant dit, voici une mini-question dans la même veine que celle que j'ai posée tantôt. Je voudrais savoir, M. Gauthier, si la CSN-Construction est d'accord ou est en désaccord avec l'article 22, 3° du projet de loi. Vous parlez beaucoup de contrôle du travail au noir et du travail qui est fait illégalement par des ouvriers qui ne sont pas qualifiés. Si vous êtes en accord, est-ce que vous considérez que cette disposition est une nouvelle disposition qui n'existe nulle part ailleurs dans notre droit des relations du travail au Québec dans le domaine de la construction?

M. Gauthier (Michel): Voulez-vous me donner l'article?(21 h 15)

M. Bélisle: 22,3° , paqe 15, M. Gauthier, juste au bas de la page: commet une infraction et est passible, en outre du paiement des frais, "quiconque utilise les services d'un salarié ou l'affecte à des travaux de construction sans que ce dernier soit titulaire soit d'un certificat de compétence, etc." D'accord ou en désaccord?

M. Gauthier (Michel): Quelle est votre question?

M. Bélisle: Êtes-vous en accord ou en désaccord, la CSN? C'est clair.

M. Gauthier (Michel): Nous, ce qu'on cherche, c'est assez clair, ce sont des mesures coercitives pour s'assurer que le travail au noir va se régler au Québec. Est-ce que c'est clair?

M. Bélisle: M. Gauthier, êtes-vous en désaccord ou en accord avec l'article 22,3° ?

M. Gauthier (Michel): Je vous donne mon interprétation de ce que je comprends et de ce que je souhaite. C'est ce que nous considérons comme devant exister au Québec. Il faut s'assurer que tous ceux qui travaillent

au noir ou qui n'ont pas de certificat ou qui n'ont pas ce qu'il faut pour travailler...

M. Bélisle: Donc, c'est un bon article pour vous?

M. Gauthier (Michel): Peut-être.

M. Bélisle: C'est un article nouveau, c'est excellent, dites-le quand c'est bon.

M. Gauthier (Michel): J'en ai une bonne. Je vous l'ai dit dans le document...

M. Bélisle: Vous ne voulez pas répondre.

M. Gauthier (Michel): Vous nous avez donné le nom de CSN-Construction. Entre parenthèses, là-dessus, cela fait plusieurs ministres qui ne nous l'avaient pas donné. Celle-là est bonne et on l'a soulignée. Mais on n'a pas eu le temps de passer tous les paragraphes l'un après l'autre, car votre commission a été convoquée rapidement. Si jamais vous recommencez vos travaux et vous voulez un document paragraphe par paragraphe, on vous en donnera un.

M. Bélisle: Mais vous êtes en accord avec l'article 22,3°?

M. Gauthier (Michel): Ce qu'on souhaite, c'est d'avoir les pouvoirs nécessaires...

M. Bélisle: Vous êtes en accord, M. Gauthier?

M. Gauthier (Michel): Écoutez. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec la réponse que je vais vous donner, mais je vais vous donner la mienne.

M. Bélisle: Je n'en ai pas de réponse jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: II ne montrera pas à un vieux négociateur comment faire la grimacel

Une voix: II ne me fera pas chanter ma "toune cacasseuse".

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Charbonneau): Tout le monde a bien ri. Maintenant, on va laisser à nos invités le soin de répondre.

M. Gauthier (Michel): J'ai la même réponse que j'ai donnée tantôt, je ne veux pas me répéter.

Le Président (M. Charbonneau):

D'accord. Alors, c'est à mon tour et je voudrais vous poser une seule question. Le ministre tantôt vous a parlé d'un moratoire possible de quatre mois, en particulier à la suite de l'intervention du Conseil provincial des métiers de la construction. Vous êtes arrivés plutôt avec une demande d'un moratoire d'un an. Je me rappelle bien que le ministre tantôt a indiqué qu'il ne fermait pas complètement la porte et qu'on pourrait discuter de cela. Si jamais le gouvernement, acceptait de ne pas adopter le projet de loi en troisième lecture et de le suspendre, à cette étape-ci, après la consultation, avant d'aller à l'étude détaillée, donc à l'étude article par article, puis que le gouvernement demandait aux parties de s'entendre suffisamment tôt pour qu'avant la fin de la session du mois de juin prochain il puisse terminer l'adoption de ce projet de loi ou d'un projet de loi qui serait substantiellement modifié, est-ce que ce délai qui serait moins qu'un an vous serait acceptable?

M. Gauthier (Michel): Ce que je souhaite vous dire, M. le Président, c'est que si cela prend quatre mois, cela prendra quatre mois; si cela en prend six, cela en prendra six? si cela en prend huit, cela en prendra huit. Prenons le temps de faire la "job" correctement, c'est seulement cela qu'on veut. C'est seulement cela qu'on demande. On prétend que la période d'une année, c'est réaliste, sachant la façon dont on fonctionne dans l'industrie de la construction, sachant les débats que nous devrons avoir entre nous, la partie syndicale et la partie patronale, pour nous entendre et pour arriver à conclure quelque chose qui satisfera l'ensemble des parties.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. M. le député de Rosemont.

M. Rivard: J'ai une question actuelle, sans émotion aucune.

M. Gauthier (Michel): Je ne suis pas émotif du tout.

M. Rivard: Moi non plus. Lorsque vous êtes passé à la page 24 de votre mémoire, vous avez mentionné pour la première fois, je pense, aujourd'hui, qu'à votre avis, on assistait à un rajeunissement du personnel, des gens qui travaillent dans la construction. Ceci est complètement en opposition avec ce que je retrouve dans la déclaration des sept présidents des associations patronales du jeudi 27 novembre dernier et je cite la première page de l'allocution: "Le système a provoqué des pénuries artificielles, contribué au vieillissement de la main-d'oeuvre et défavorisé les réqions à faible taux d'activité." Ce matin, l'OCQ a présenté dans

son mémoire, en annexe, un tableau. Je vous donne le numéro: le tableau J en page 27. Je ne sais pas si vous l'avez sous la main, je peux vous le passer immédiatement si vous voulez. De toute façon, ce tableau montre à tout le moins un vieillissement des compagnons, le statu quo pour les apprentis et un vieillissement assez marqué pour la catégorie manoeuvres. J'ai de la difficulté à concilier le jugement que vous faites quant au rajeunissement de la main-d'oeuvre avec ce que je viens de vous citer comme autre source.

M. Gauthier (Michel): Moi, j'ai deux sources: une qui est la mienne, une qui n'est pas la mienne. Si vous voulez vérifier mes sources, vous viendrez aux assemblées générales qu'on fait, vous allez voir.

La deuxième source, c'est l'Office de la construction du Québec. À mon avis, ces deux dernières années, si j'ai bien lu ou si j'ai bien entendu les statistiques, ce matin, la moyenne d'âge était d'un peu plus de 39 ans en 1984; en 1985, elle était de 38,6 ans. Je prétends que, quand les chiffres de 1986 vont sortir, la moyenne d'âge se situera sûrement aux alentours de 38 ans sinon, un peu en bas de 38 ans. Avec 18 000 nouveaux travailleurs qui ont eu une carte de classification cette année dans l'industrie de la construction et, là-dessus, 13 000 apprentis, vous comprendrez que la moyenne d'âge va baisser. Les statistiques, on ne les a pas; on les aura dans le prochain rapport de l'office, au printemps prochain.

M. Rivard: Et votre autre source?

M. Gauthier (Michel): Ce sont mes assemblées générales. Il y a de plus en plus de gens à mes assemblées.

M. Rivard: C'est une source de journaliste.

M. Gauthier (Michel): C'est une très bonne source. En plus, dans les assemblées, vous allez voir que cela discute fort, ces temps-ci.

Une voix: Vous allez voir cela demain.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le député de Rosemont? M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, une dernière question, on m'a dit qu'il nous reste deux minutes et demie. Est-ce que votre titre est secrétaire général de la CSN-Construction?

M. Gauthier (Michel): De la CSN. M. Chevrette: De la CSN?

M. Gauthier (Michel); Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De la CSN-Construction. Si vous vous opposez, ce ne sera plus de la CSN-Construction.

M. Gauthier (Michel): Je vous l'ai dit dans mon mémoire, cela ne m'empêchera pas de dormir.

M. Chevrette: Ce n'est pas pris sur mes deux minutes. Pardon?

Le Président (M. Charbonneau): Vous avez quelques instants, deux minutes et demie.

M. Chevrette: Non, je peux permettre au ministre... On va allonger à volonté.

Le Président (M. Charbonneau):

N'ouvrez pas la boîte de Pandore. Il n'y a plus de temps, c'est à votre tour.

M. Chevrette: M. le Président, ma question est la suivante. À la nouvelle Commission de la construction du Québec, il y a quatre comités différents: il y a un comité administratif, il y a un comité administratif pour la formation, il y a un comité mixte et il y a le conseil d'administration. À partir de cela, j'aimerais que vous me disiez quels sont les effets de la multiplication de ces comités par rapport à la structure que l'on vit présentement.

M. Gauthier (Michel): II me semble que plus il va y avoir de comités formés par d'autres personnes que celles qui doivent administrer le secteur, cela aura sûrement pour effet de créer des distorsions dont on n'aurait pas besoin. Dans notre mémoire, on prétend qu'il devrait y avoir un conseil d'administration et, s'il y a des comités administratifs à former, que le conseil d'administration de l'Office de la construction les forme. Le comité mixte garde son rôle de s'occuper de l'ensemble des avantages sociaux. Le comité sur la formation et la qualification professionnelles aura un rôle important à jouer et devra se rapporter au conseil d'administration de l'office. Il nous semble que cette structure est suffisante. Finalement, les comités administratifs, ce sont des comités de travail. Le nouveau conseil d'administration que l'on propose, composé de neuf personnes, décidera s'il a besoin de ces comités de travail.

M. Chevrette: D'accord. M. le Président, je voudrais remercier la CSN d'être venue exprimer son point de vue sur le texte pour lequel on avait demandé une opinion, non pas un autre texte. Je dois vous dire que j'aurai sans doute des amendements

à proposer sur la question du moratoire, qui n'iront sûrement pas dans le sens de quatre mois, mais qui vous permettront de faire un travail, à moins que le ministre ne nous fasse une surprise, ne nous donne un cadeau de Noël et ne nous dise: Je vais refaire mes devoirs, étant donné que j'annonce des amendements chaque fois que j'ai un point d'interrogation. Il annonce des amendements depuis le matin. Cela prouve que cela ne doit pas être trop bien fait. Soyez assurés qu'en tant qu'Opposition nous allons veiller au grain et que nous allons présenter des propositions qui, je l'espère, pourront satisfaire l'ensemble du monde de la construction.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Messieurs de la CSN, je tiens également à vous remercier de votre travail et de votre participation. Je ne m'attendais pas que cela se passe en harmonie. Je dois même vous dire que vous m'avez surpris quand vous avez mentionné l'article 50. J'étais convaincu que vous ne le mentionneriez pas au cours de la soirée. Je tiens à m'excuser d'avoir haussé le ton un peu dans le vif des discussions. Je ne pense pas avoir prononcé de paroles injurieuses pour qui que ce soit, mais seulement haussé le ton. Je m'en excuse, en tout cas, je ne voulais pas le faire.

On a toujours de la difficulté avec les membres de l'Opposition. Quand on n'accepte pas d'amendements, ils nous disent que l'on est têtu; quand on en accepte, ils nous disent qu'on en accepte trop. En tout cas, je tiens à vous dire que les amendements qui pourraient faire en sorte de nous assurer mutuellement que ceux qui sont les moins protégés, les manoeuvres, puissent bénéficier d'une protection en fonction d'une compétence pourront être apportés. C'est un critère sur lequel vous avez travaillé et je le reconnais.

Quant au moratoire comme tel, je ne vous demanderai pas de prendre ma parole. S'il y avait un amendement au moratoire, il sera légiféré. Ainsi, il sera dans la loi; tout le monde étant tenu de respecter la loi, le ministre respectera le moratoire. Vous n'aurez même pas besoin de prendre ma parole, vous pourrez lire le texte de loi. Je vous remercie de votre travail.

M. Gauthier (Michel): Je peux vous dire, en passant, que je ne hais pas lever le ton, moi non plus.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, sur ce ton amical, messieurs, bonsoir et à la prochaine.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération de la construction du Québec.

Alors, M. Leprohon, bonsoir. Je voudrais d'abord vous demander de présenter les collègues qui vous accompagnent pour les fins du Journal des débats et, par la suite, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire et nous avons 45 minutes prévues pour la discussion avec les membres de la commission.

Alors, sans plus tarder, M. Leprohon.

Fédération de la construction du Québec

M. Leprohon (Michel): Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, î! me fait plaisir de présenter, en commençant par mon extrême gauche, un membre de l'exécutif et exrégisseur à la régie, M. René Lafontaine; le directeur des services juridiques à la fédération, M. Michel Paré; à mon extrême droite, le vice-président de la fédération, M. Gaston Tremblay et celui qui va vous présenter notre document, le directeur régional, M. Raymond Quirion. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le président.

M. Quirion (Raymond): M. le Président, la Fédération de la construction du Québec remercie le gouvernement du Québec d'avoir permis que les divers intervenants de l'industrie de la construction aient l'occasion de faire connaître leurs positions relativement au projet de loi 119.

Dans un premier temps, nous vous énoncerons la philosophie que véhiculent les entrepreneurs de notre organisme en relation avec les principes et objectifs du projet de loi. Ensuite, nous traiterons du comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction, de son rôle, ainsi que de sa composition.

Une section particulière sera consacrée à la Commission de la construction du Québec, son rôle, son conseil d'administration, sa composition et son mode de nomination.

En dernier lieu, nous vous formulerons quelques commentaires sur le règlement de placement et autres sujets qui y sont reliés.

M. le Président, nous comprenons, à la lecture du projet de loi, que les modifications proposées visent à permettre à l'industrie de la construction d'assumer une responsabilité accrue en matière de formation professsionnelle de la main-d'oeuvre, ainsi qu'à établir un mécanisme d'accès à l'industrie fondé sur la compétence. La fédération a eu l'occasion d'exprimer au présent gouvernement, de même qu'à celui qui a précédé, ses revendications, lesquelles ont toujours été dans le sens des objectifs que l'on retrouve aujourd'hui dans le projet de loi 119.

Comme nous l'avons maintes fois répété, notre préoccupation fondamentale est de disposer dans toutes les régions, pour tous les métiers et emplois, d'une main-d'oeuvre

suffisante et compétente pour l'exécution des travaux de construction. La prise en charge du dossier de la formation par les parties tant patronales que syndicales, l'abolition du règlement de placement, l'élimination des priorités régionales, l'accessibilité universelle à l'industrie, le libre choix de l'entrepreneur de choisir sa main-d'oeuvre parmi les salariés disponibles, l'établissement des ratios compagnons-apprentis à un pour un, la reconnaissance de la polyvalence des métiers sont, à notre avis, les bases sur lesquelles doit reposer la présente loi. (21 h 30)

Or, le projet de loi 119, dans sa rédaction actuelle, loin de s'inscrire dans la perspective des consultations et discussions passées et des solutions proposées à l'unanimité par les différents intervenants, s'égare dans des sentiers jusqu'alors imprévisibles. De plus, la philosophie véhiculée par le projet de loi 119 dans son aspect organisationnel est, selon nous, une vision erratique et les solutions retenues ne correspondent absolument pas à nos revendications.

Parlons maintenant du Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction. D'abord, ce qui est réclamé par l'industrie au chapitre de la formation professionnelle, c'est la prise en charge effective par les parties tant patronales que syndicales et non une quasi-tutelle, comme ce serait le cas si le projet de loi était adopté sans modification. Ce n'est pas par la création d'un comité consultatif sans pouvoir effectif que l'on peut prétendre remettre aux parties la prise en charge du dossier de la formation. Pour donner un sens véritable à la notion de responsabilisation et de maturité des parties, nous réclamons que les pouvoirs actuellement dévolus au gouvernement aux articles 123, 8 , et 123.1 soient accordés au comité sur la formation professionnelle, les articles 85.2 et 85.4 devant être modifiés en conséquence.

Ainsi, le comité sur la formation proposerait directement au gouvernement, pour approbation, ses projets de réglementation en la matière. Nous croyons que la mise en place d'un comité paritaire s'inscrit parfaitement dans le processus de restructuration du système de formation et qu'il permettrait de réajuster dans les meilleurs délais tous les paramètres d'apprentissage, de recyclage et de perfectionnement de la main-d'oeuvre en fonction des nouvelles réalités. La création d'un tel comité, qui pourrait s'apparenter aux associations sectorielles paritaires, s'impose, à notre avis, pour que puisse être adéquatement établie et vérifiée la connaissance de base requise de ceux qui veulent accéder à notre industrie. Ce comité doit avoir pour principal mandat d'établir les modalités d'apprentissage, le genre et le contenu appropriés des examens de passaqe.

Quant à la Commission de la construction du Québec, M. le Président, cet organisme qui se voit principalement confier le double mandat d'administrer l'application de la convention collective et les programmes relatifs à la formation professionnelle, nous sommes d'accord avec ce recoupement administratif à la condition, toutefois, que la commission n'ait pas à intervenir au niveau de l'élaboration et de la conception des différents programmes relevant de" la formation professionnelle, ni dans le domaine des négociations des relations du travail. La commission doit posséder un rôle strictement d'application des décisions prises par les parties, soit en matière de convention collective, soit en matière de formation ou des autres mandats indiqués à l'article 4. L'article 4.1, pour sa part, constitue une source d'abus possibles de la part du qouvernement de transférer à la commission l'application de certaines lois ou règlements non identifiés considérés comme connexes à l'industrie. À notre avis, cet article devrait disparaître.

Au chapitre du pouvoir des administrateurs de la commission, M. le Président, nous sommes de ceux qui croient que ce sont ceux qui financent qui doivent administrer. Donc, seuls les administrateurs issus du milieu patronal et syndical doivent avoir droit de vote au conseil d'administration de la commission. Nous y reviendrons sans doute lors de la discussion, un peu plus tard.

Enfin, l'augmentation potentielle que permet l'article 15, de l'ordre de 15 000 000 $ annuellement, des revenus de la commission, répartie sur le dos des employeurs et des travailleurs, ne s'inscrit certes pas dans l'optique d'une réduction des coûts de la construction. Au moins une partie de cet argent devrait servir au comité sur la formation professionnelle. Pour ce qui est des 2 000 000 $ de revenus 1 700 000 $ en 1985 - provenant des amendes et des pénalités, nous nous opposons fermement à ce qu'ils soient retournés au fonds consolidé du revenu. En cette matière, nous préférons le statu quo.

Enfin, M. le Président, parlons du règlement de placement. Le système de placement que nous vivons depuis plusieurs années, basé essentiellement sur le nombre d'heures déjà travaillées dans la construction, a malheureusement provoqué des pénuries artificielles de main-d'oeuvre, a concouru au vieillissement de cette main-d'oeuvre et a défavorisé les régions à faible taux d'activité. La FCQ est, évidemment, d'accord pour qu'il existe des normes d'entrée pour travailler dans l'industrie de la construction. Nous n'avons aucunement envie d'ouvrir l'accès aux chantiers aux touristes, travailleurs de passage, pour lesquels

l'industrie de la construction n'est pas le principal gagne-pain.

Il nous apparaît, cependant, nuisible de maintenir des restrictions d'accès à notre industrie pour le seul motif de contrôler arbitrairement la quantité, alors que le volume de travaux à effectuer est, par essence, en constante fluctuation. Bien sûr, les employeurs de l'industrie de la construction souhaitent qu'il y ait une persévérance et une stabilité dans la main-d'oeuvre. Pour ce faire, nous croyons qu'il faut éliminer les embûches purement administratives pour favoriser l'accès aux candidats qui, tantôt, pourront franchir les étapes de qualification utiles pour notre milieu. Ce n'est pas par un simple contingentement aveugle ou par une réglementation qui impose l'embauche de personnes inhabiles ou incompétentes que notre industrie va atteindre un niveau approprié de productivité, mais plutôt par une qualité professionnelle acquise au sein d'un système adéquat de formation.

La philosophie fondamentale des associations patronales de l'industrie de la construction est la suivante, M. le Président. Toute personne voulant travailler dans l'industrie de la construction doit avoir la possibilité de le faire, pour autant qu'elle soit compétente à y exercer un métier ou une occupation de façon que l'industrie dispose en tout temps, pour tous les métiers et tous les emplois, d'une main-d'oeuvre suffisante et compétente pour l'exécution des travaux de construction. L'abolition de la carte de classification constitue le premier jalon d'un véritable système de qualification basé sur la compétence et en ce sens constitue un geste positif de ce projet de loi 119a Toutefois, nous ne pouvons souscrire à l'article 42 qui a pour effet de maintenir le règlement de placement, même si ce règlement est amputé de la carte de classification.

D'autre part, nous devons également vous faire part de notre déception de voir maintenues les priorités régionales. Historiquement, la priorité régionale visait à protéger les emplois dans les régions où généralement le volume de travail était plus faible, car en principe on voulait garder le peu qu'on avait. Malheureusement, l'application de cette règle a donné des résultats contraires. En effet, lorsque le volume de travail diminue dans une région, les travailleurs cessent d'être "qualifiés" et, au moment d'une reprise, ce sont les salariés de l'extérieur qui sont habiles à obtenir le travail.

Nous réitérons également le droit pour un employeur de choisir sa main-d'oeuvre parmi les salariés disponibles. Il serait, à notre avis', très contraignant, pour ne pas dire aberrant, que, par l'entremise d'un mécanisme impersonnel, l'attribution d'un poste de travail n'ait comme critère que la priorité d'inscription.

Permettez-nous en terminant de vous répéter que maintenir artificiellement dans l'industrie de la construction une pénurie de main-d'oeuvre en pleine période de prospérité, comme ce fut le cas jusqu'à maintenant, nous apparaît tout à fait inacceptable. C'est pourquoi la Fédération de la construction est favorable à l'adoption du projet de loi 119. Il n'y a pas de réserve sur le principe de la loi. Quant à la mécanique pour rendre opérants les mandats dévolus au comité sur la formation professionnelle et à la Commission de la construction, nous nous y opposons, car, à notre avis, elle constitue une tutelle déguisée pour l'industrie. Notre démarche vise essentiellement à bonifier le projet de loi. Lorsque nous avons dénoncé une partie de la loi, nous nous sommes efforcés de soumettre une alternative, avec la conviction que, si nos suggestions étaient retenues, le législateur pourrait mieux atteindre tes objectifs qu'il s'était fixés en initiant cette démarche législative.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous adresser la même question que j'ai adressée à presque tous les groupes. Vous avez passé la journée parmi nous, donc cela me permettra de formuler ma question plus rapidement. Quant au bassin de main-d'oeuvre en tant que tel, aux pénuries de main-d'oeuvre ou aux pénuries de main-d'oeuvre anticipées lorsqu'il y a ouverture de bassin, est-ce que votre organisme a été consulté?

M. Quirion: Nous n'avons pas de consultation directe, dans le sens que vous l'entendez, je pense bien, è savoir si, oui ou non, on est d'accord avec l'ouverture de tel ou tel bassin. Cela se fait peut-être au niveau régional, notre organisme étant très décentralisé; il est possible que l'OCQ fasse ce genre de consultation au niveau régional. Cela ne se fait pas au niveau provincial.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'à votre connaissance cela s'est déjà fait au niveau régional ou si vous l'ignorez?

M. Quirion: Cela ne semble pas se faire, non plus, au niveau régional.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela ne se fait pas, non plus, au niveau régional. Quant à la moyenne d'âge des travailleurs, il y a des gens qui ont prétendu ici aujourd'hui, à tort ou à raison, que les travailleurs de la construction vieillissaient, qu'il y avait du vieillissement dans la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. D'autres ont prétendu que la main-d'oeuvre, pour la

première fois rajeunissait, si je peux utiliser l'expression, cette année. L'Office de la construction du Québec m'a soumis des statistiques pour novembre 1986 et un des tableaux qui ont été distribués ce matin portait sur l'âge moyen des salariés actifs de 1975 à 1985. Il faut bien comprendre, ce ne sont pas les 120 000 actifs; ce sont les 60 000 ou 70 000 au maximum 80 000. En 1975, les compagnons dans l'industrie de la construction avaient une moyenne d'âge de 40 ans. En 1985, ils ont 42,8 ans. En 1984, ils avaient 42,5 ans. Donc, même dans la dernière année où les statistiques sont disponibles, il y a vieillissement. Les apprentis, en 1975: 27 ans, en 1985: 26,9 ans, en 1984, c'était 26,6 ans. Donc on peut dire que, chez les apprentis, il y a eu un rajeunissement, depuis 1975, de 27 ans à 26, en 9 ans.

Occupation: en 1975, la moyenne d'âge était de 33 ans. En 1985, c'était 38,5 ans et en 1984, c'était 38,7 ans. Sur l'ensemble, c'est passé, de 1975 à 1985, en dix ans, de 35 ans à 38,7 ans. Est-ce que comme organisme, dan3 le champ, à partir de votre expérience, vous envisagez un vieillissement de la main-d'oeuvre ou un rajeunissement de la main-d'oeuvre?

M. Paré (Michel): II est très évident, M. le ministre, que les chiffres que vous avez paraissent refléter la réalité, à savoir qu'il semble y avoir un vieillissement de la main-d'oeuvre. Ce que l'on avait constaté aux tables de travail des présidents, c'est qu'il y avait aussi, selon les informations reçues, un vieillissement de la main-d'oeuvre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tantôt vous avez adressé - c'est votre droit le plus strict - des blâmes au gouvernement en disant: Finalement, pour ce qui est de la formation, c'est le gouvernement qui va tout décider. J'aimerais que l'on s'attarde un peu, pour quelques minutes, aux articles 85.3 et 85.4. Il faudrait peut-être que je vous explique de quelle façon on en est arrivé à la rédaction de ces articles. C'est difficile de les modifier et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

L'article 85.3: "La commission - qui est majoritairement, je le répète, majoritairement formée de représentants de travailleurs et d'employeurs - élabore des programmes relatifs à la formation professionnelle après consultation du comité sur la formation -également composé très majoritairement de représentants d'employeurs et de travailleurs - et les soumet à l'approbation du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu."

Ce que l'on m'a expliqué et ce que je lis, c'est que le seul droit que s'est conservé le ministre - présentement, c'est le député de Brome-Missisquoi; plus tard, ce sera un autre - c'est d'homologuer les programmes de formation qui auront été élaborés par une commission où les parties ont le contrôle majoritaire, travailleurs et employeurs. Est-ce que vous pouvez demander a un ministère, en matière de formation, d'aller plus loin que cela, de se conserver un contrôle d'homologation, c'est-à-dire de pouvoir dire: Oui, cela va dans le sens de l'intérêt public; je suis d'accord avec ce que vous me proposez? Est-ce que vous pouvez sérieusement demander à un ministre de la Main-d'Oeuvre, quel qu'il soit, libéral, péquiste, que ce soit le député de Brome-Missisquoi ou un autre, d'évacuer complètement et de dire aux parties: Faites vos programmes, on ne veut même pas avoir le pouvoir de les approuver?

M. Paré (Michel): M. le ministre, si on comprend bien ce qui est écrit, c'est que la commission élabore des programmes relatifs...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela.

M. Paré (Michel): ...à la formation, après consultation. Rien ne garantit effectivement qu'on va suivre ce qui a été élaboré par le comité sur la formation. S'ils veulent bien, cela va. S'ils ne veulent pas pour des raisons qu'ils prétendent justifiées, à ce moment-là, quelles garanties avons-nous que ce qui va être suggéré par le comité sur la formation va être suivi et va être formulé par la commission en tant que telle?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, le comité sur la formation est composé de quinze membres: sept issus des centrales syndicales et sept issus des centrales patronales. Cela fait quand même un contrôle quasi absolu et c'est consultatif. La commission qui est composée de treize membres dont huit majoritairement des parties, après avoir discuté, présente ses conclusions au ministre qui peut juste les approuver. Est-ce qu'on peut vraiment - je le demande en toute honnêteté - demander au ministre de dire: Je ne veux même pas les approuver. Je ne le fais pas pour moi. J'ai suffisamment de dossiers sur mon bureau; je ne cherche pas d'ouvrage, mais j'ai prêté serment comme titulaire du ministère de la Main-d'Oeuvre de m'assurer que l'intérêt public soit respecté et je me dis que je vais juste mettre le sceau du ministère dessus. Je me fie aux parties pour les élaborer. Est-ce que je peux vraiment aller plus loin que cela'?

M. Paré (Michel): Je crois qu'on peut quand même avoir confiance que le ministre, que ce soit vous ou un autre, aille selon les recommandations de la commission; je suis d'accord avec cela. Rien ne nous assure que

la commission va aller dans le même sens que le comité sur la formation. Il n'y a pas de garantie, c'est tout simplement consultatif. (21 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il n'y a pas de garantie, mais encore une fois, le comité consultatif est composé très majoritairement, pour ne pas dire unanimement, des parties patronale et syndicale, divisées en parts égales. Au conseil d'administration de la commission, majoritairement, huit de ses membres sur treize sont des gens issus des parties patronale et syndicale. J'ai appris, peut-être que cela a changé depuis que j'ai quitté le monde des affaires, qu'avec 51 %, on avait le contrôle. Avec huit sur treize, on doit être capable d'avoir le contrôle aussi, non?

M. Paré (Michel): Oui, cela devrait, sensément. Si la loi ou la réalité va dans ce sens-là, on n'est certainement pas contre, mais tout simplement on pose des doutes pour s'assurer que, effectivement, le comité sur la formation sera l'organisme qui préparera et donnera le mandat à la commission de s'assurer que c'est fait à l'intérieur des normes ou des recommandations formulées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va dépendre de la bonne volonté des parties en place. Mais je n'y serai pas. Alors, je vais être obligé de me fier à la bonne volonté de toutes les parties qui viennent se faire entendre ici aujourd'hui.

L'article 85.4 est un peu différent et j'attire votre attention sur ce point. "La commission donne au ministre de l'Éducation des avis sur toute question relative à la formation professionnelle dispensée dans des établissements d'enseignement après consultation du comité sur la formation." Si vous me servez l'argumentation qu'il s'agit d'un comité consultatif, que c'est un rôle de consultation, je vais vous dire: Oui, vous avez raison. Je vais vous expliquer pourquoi il y a une différence entre les articles 85.3 et 85.4. C'est une raison historique et une raison politique.

Quand je suis arrivé comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, les gens de l'éducation, si je peux utiliser l'expression, la machine de l'éducation et la machine de la main-d'oeuvre ne se parlaient pas, c'étaient des chasses gardées. Maintenant, ces deux machines ne parlaient ni aux employeurs ni aux représentants des travailleurs, ce qui a fait en sorte que notre système, de formation dans le domaine de la construction a dépéri et qu'il est complément, au moment où on se parle, déconnecté des besoins du marché.

Je tente, avec le projet de loi, de ramener tout le monde dans le giron grâce à l'excellente collaboration et ouverture d'esprit de l'actuel ministre de l'Éducation. On a réussi à les intéresser, à siéger et à prendre des avis. Pour le monde de l'éducation, c'était un pas de géant. Je ne vous dis pas que je n'aurais pas souhaité que ce soit aussi un rôle d'homologation au ministère de l'Éducation, mais au moment où on se parle, au rythme où les grosses boîtes évoluent, c'est le plus loin qu'on puisse aller. Moi aussi, je souhaiterais qu'un jour, au ministère de l'Education, ce soit un rôle d'homologation comme ce sera le cas peut-être pour le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je vous explique mes difficultés et je ne vous demande pas d'accepter que je ne sois pas capable d'aller plus loin pour le moment, je vous demande seulement de comprendre quel cheminement a dû être effectué en dix mois, à partir d'un réseau qui était déconnecté des besoins en matière de formation des chantiers de construction, ramener le ministère de la Main-d'Oeuvre à un rôle d'homoloqation et faire accepter par le ministère de l'Éducation, grâce à la collaboration du ministre actuel - et j'insiste que c'est à ce niveau-là que cela s'est décidé - de s'impliquer avec les parties à un conseil d'administration. Trouvez-vous que c'est de voguer dans la bonne direction quant à la formation?

M. Quirion: M. le ministre, notre préoccupation est d'éviter l'intermédiaire qu'est la commission de la construction entre le comité consultatif ou le comité sur la formation professionnelle et le gouvernement. On est d'accord avec la formation du comité, mais on se dit que, comme il y a des mécanismes au niveau des relations du travail qui ne sont pas sous le contrôle de la commission: l'AECQ versus les syndicats qui négocient en dehors du contrôle de la commission, le comité consultatif sur la formation devrait avoir le même statut, c'est-à-dire de passer directement ses recommandations au gouvernement dans le même sens où les associations sectorielles paritaires prévues dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, qui sont des organismes autonomes en soi qui ont leurs employés, leur budget, font leurs recommandations directement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas d'objection sur le plan des principes, sauf que, quand je suis arrivé au ministère du Travail, dans le domaine de la construction, il y avait suffisamment d'organismes et d'intervenants qu'il m'a fallu un peu de temps pour me retrouver moi-même. Je me suis placé dans les bottes jaunes d'un travailleur de la construction et je me suis

dit: Est-ce que, lui, se retrouve? C'est peut-être en fonction du travailleur et de l'employeur que je tente de faire les projets de loi. Je me suis dit: Si je commence - sur le plan théorique, voua avez peut-être raison - à doubler ces systèmes, je n'arriverai plus. Le travailleur ne comprendra plus, la loi ne sera pas accessible et à ce moment-là je me dis: On part d'un comité consultatif quasiment totalement paritaire: 14 sur 15, on s'en va à un conseil d'administration de 8 sur 13 formé des représentants des parties, donc, le contrôle absolu. Le ministère de la Main-d'Oeuvre, s'il est d'accord avec le cours, approuve. Le ministère de l'Éducation suit les avis et les conseils.

Je pourrais compliquer cela, vous avez raison.

M. Quirion: M. le ministre, ce que l'on dit, c'est que la Commission de la construction du Québec devrait être un organisme administratif et non pas un organisme politique qui prend des décisions politiques. C'est dans ce sens-là qu'on n'ajoute rien, on n'ajoute pas de comité, on n'ajoute pas de mécanisme additionnel. On se dit que ce comité, avec les mêmes pouvoirs, avec les mêmes raisons d'être, devrait être en relation directe avec le gouvernement et non pas passer par l'intermédiaire de la commission, à moins qu'il n'y ait des changements. Il y a quand même trois parties d'impliquées, c'est-à-dire les patrons, le syndicat et aussi le gouvernement qui, théoriquement, pourrait avoir la balance du pouvoir à certains moments.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Tout le monde s'est entendu là-dessus: Lorsqu'il n'y aura pas entente entre les parties patronales et syndicales, il faut que quelqu'un tranche. Dans notre société, plus souvent qu'autrement, malheureusement quand il n'y a pas entente, c'est le gouvernement qui tranche, parce que c'est te gouvernement, quel qu'il soit, qui doit porter le fardeau de la décision. Mais, lorsqu'il y aura entente, lorsque les parties feront preuve de la maturité nécessaire pour en arriver à des ententes, à 8 contre 5, je ne peux pas voir comment, même s'ils étaient tous présents, les représentants gouvernementaux pourront renverser vos décisions, à moins que les mathématiques n'aient tellement changé depuis que j'ai quitté l'école.

Une voix: Les maths modernes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les maths modernes, comme on dit.

M. Quirion: C'est une précaution additionnelle que l'on veut prendre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

C'est une police d'assurance additionnelle. Cela va pour le moment.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, dans l'article 85.4, tel que libellé, il pourrait y avoir unanimité entre patron et syndicat et le ministre décide de ne pas suivre l'avis. C'est un avis.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministre de l'Éducation.

M. Chevrette: Oui, l'article 85.4.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On n'a pas tous... Le ministre de l'Éducation?

M. Chevrette: Oui, c'est exact. Il pourrait y avoir un avis unanime, effectivement, comme vous le disiez tantôt, et ce ne sera pas suivi. C'est ce qui est aberrant si on parle de contingentement. Si les besoins de l'industrie décidés par les employeurs et les syndicats disent, par exemple: Arrêtez de former des électriciens, on en a trop, cela pourrait être un avis formel unanime et le ministre pourrait continuer à ouvrir des options dans les polyvalentes.

En vertu de l'article 32, je crois, il y a un certificat de compétence automatique. C'est ce qui est contradictoire par rapport au certificat de compétence. C'est une notion de contingentement. C'est probablement la plus grande aberration par rapport à la notion de contingentement. C'est un fait, c'est une porte toute grande ouverte et c'est automatique, la certification en plus. Donc, à mon point de vue, il y a là un grave danger.

Ceci dit, je vous l'ai dit lors de votre colloque auquel vous avez eu l'amabilité de m'inviter et la gentillesse de m'avoir accepté. On s'était parlé et le président présent ici, M. Leprohon, m'a lu une lettre du 27 juin. C'est là que j'ai appris qu'il y avait une lettre, du 27 juin; il semblait surpris que je ne sois pas au courant, mais, pour lire une lettre, il faut bien qu'on nous l'envoie. Je l'ai eue par la suite. Je veux demander au président de la Fédération de la construction du Québec de me dire s'il y avait un représentant de sa fédération à la table des apprentis.

M. Leprohon: Oui, certainement.

M. Chevrette: Est-ce que vous vous souvenez que votre représentant a participé à un consensus qui' est le suivant: Que la notion quantitative en fonction des besoins de l'industrie de la construction en est une fondamentale et qu'on ne peut dissocier les besoins qualitatifs des besoins quantitatifs?

M. Leprohon: Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous adhérez toujours à ce projet?

M. Leprohon: II y a deux positions. Je vois votre cheminement. La position de président n'est pas la même...

M. Chevrette: II n'est pas caché. J'essaie de vous le montrer.

M. Leprohon: II faudra considérer que les sept présidents réunis n'avaient aucune contrainte. Il n'y avait personne vis-à-vis, personne des syndicats, ni personne du gouvernement. C'était une discussion entre présidents d'associations qui ont pris, à leur avis ou à notre avis - j'étais un de ceux-là -la position idéale face à l'industrie de la construction tout en considérant les parties impliquées, autant le gouvernement, autant les syndicats. Il n'y avait aucun compromis à faire pour nous. Il n'y avait pas de contrepartie qui était représentée. Nous étions unanimes à ce qu'il n'y ait pas de contingentement de la main-d'oeuvre parce que les forces du marché vont faire ce travail.

Tantôt, M. Gauthier mentionnait lui-même qu'il y a peut-être 20 000 personnes qui sont non qualifiées actuellement, qu'on devrait faire un ménage - c'est ce qu'il a dit. Je pense que c'est réaliste. Il y a des gens qui ne sont plus aptes à exercer le métier qu'ils ont exercé pendant plusieurs années. Je pense que c'est un peu illusoire d'essayer de leur faire accroire qu'ils peuvent rester là jusqu'à ce qu'ils puissent prendre leur retraite.

M. Chevrette: M. le président Leprohon, vous êtes en train de me dire, si je vous interprète bien - vous me reprendrez si j'interprète mal - ceci: Quand on était assis avec les syndicats et qu'on cherchait un consensus, on était d'accord là-dessus. Quand on est tombé seuls, on tombait en désaccord là-dessus. Est-ce cela?

M. Leprohon: Non, je pense que je vais vous reprendre là. En fait, ceux qui ont travaillé aux tables syndicales, ce ne sont pas les mêmes personnes qui ont travaillé entre présidents. Entre présidents, je pense que la position des sept présidents était d'arriver, pour une fois, pour la première fois, à moins que je ne me trompe, à un consensus dans le domaine de l'industrie de la construction. La question que vous soulevez, définitivement a été soulevée lors de nos discussions. On savait qu'on n'était pas nécessairement d'accord avec ce qui était fait aux tables de travail. Pour nous, ce n'était pas un manque de confiance envers ceux qui étaient là. C'était leur posi- tion à l'intérieur de leur qroupe de travail, et vous le savez avec votre expérience que vous allez avoir trois groupes de travail qui vont être des personnes aussi compétentes l'une que l'autre et elles vont arriver avec peut-être trois solutions différentes.

Je pense qu'on ne peut pas mettre un tort à une place ou à l'autre. L'objet de notre rapport, qui était unanime, c'était de donner un son de cloche au gouvernement qui va à la position et qui l'analyse au meilleur de sa connaissance, de prendre ce qu'il y a de mieux dans le rapport comme de prendre ce qu'il y a de mieux dans l'étape de travail et de faire une loi qui reflétait l'industrie de la construction.

M. Chevrette: Dans les cinq tables de travail, il n'y a pas de contradiction, si j'ai bien compris la lecture que j'en ai faite.

M. Leprohon: Elles étaient à différents niveaux sur différents projets. Je ne dis pas qu'il y a des...

M. Chevrette: Je n'ai pas compris qu'il y avait des contradictions.

M. Leprohon: ...contradictions, je vous dis tout simplement qu'on peut prendre trois tables de travail, qui ont exactement le même sujet à discuter, et elles peuvent arriver à des solutions différentes. Cela ne fait pas que l'une est moins compétente que l'autre et qu'une solution n'est pas la bonne. Il s'agit de choisir dans les trois et de prendre la meilleure. C'est l'objet des présidents qui ont fait un consensus et c'est au législateur de prendre ce qu'il y a de mieux dans le rapport et de le mettre à l'utilité de...

M. Chevrette: II y avait un autre consensus qui était le suivant: c'est que les droits acquis des travailleurs apprentis ayant par le passé exercé une activité dans l'industrie de la construction soient reconnus sur la base d'une priorité d'emploi. Êtes-vous toujours d'accord avec ce consensus qui s'était dégagé à ce niveau? (22 heures)

M. Leprohon: Je crois qu'effectivement il faut respecter ceux qui exercent déjà un métier dans la construction. S'ils sont apprentis de la construction et qu'ils ont été acceptés, compte tenu des modalités de la loi, il faudra qu'ils suivent le processus comme tout le monde. On ne veut certainement pas donner accès aux métiers de la construction, la priorité, à d'autres personnes qu'on laisse passer devant celles qui sont déjà des apprentis dans la construction. Je pense que c'est normal.

M. Chevrette: Vous êtes d'accord que pour ceux qui ont quitté et qui avaient

oeuvré dans la construction, car ce consensus était au sujet d'une liste d'attente, si ma mémoire est fidèle, à la table des apprentis - il y en a qui étaient dans l'industrie et qui ont quitté - le consensus qui s'est dégagé aux tables fut que ceux qui ont déjà travaillé dans la construction et qui ont une certaine expérience devraient être sur une liste "d'ancienneté" à toutes fins utiles, avec le mot "ancienneté" entre guillemets, mais sur une liste prioritaire, avant tout nouveau. C'est le consensus qui s'était dégagé. Êtes-vous toujours d'accord avec ce consensus'?

M. Leprohon: Je crois qu'il est normal que les gens de la construction soient considérés avant toute autre personne.

M. Chevrette: Concernant les manoeuvres - je vais vous sortir cela maintien d'un contingentement pour les non-qualifiés dans l'industrie de la construction. Premier consensus dégagé à la table des manoeuvres, Êtes-vous toujours d'accord avec cela?

M. Leprohon: C'est la position des tables de travail. Certainement qu'ils sont d'accord. Notre représentant est également d'accord avec cela.

M. Chevrette: Mais vous?

M. Leprohon: Personnellement, j'ai dit qu'on ne voit aucun contingentement sauf les forces du marché. C'est cela.

M. Chevrette: Êtes-vous en train de me dire que, comme employeur, vous ne reconnaissez aucun droit aux manoeuvres d'avoir une certaine forme d'encadrement ou de contingentement?

M. Leprohon: Si le manoeuvre, qu'il soit manoeuvre, compagnon ou apprenti, est qualifié pour faire le travail, je pense qu'il n'y a pas de problème. Dans le contexte nord-américain, c'est ce qui est important et tous ceux qui vont survivre, soit dans le commerce, dans des professions ou dans des métiers, ce sont ceux qui sont compétents.

Malheureusement, et les syndicats le disent, les patrons sont conscients qu'un bon nombre de la main-d'oeuvre n'est plus adaptée au marché actuel. Si ces gens ne font rien pour se qualifier ou pour se tenir à jour, les forces du marché vont faire qu'ils n'auront plus de travail. C'est malheureux, mais c'est à eux de faire... Si je ne suis pas compétent dans le métier que j'exerce, c'est sûr et certain que quelqu'un d'autre va passer devant moi.

M. Chevrette: Je parle de manoeuvres, M. le président Leprohon. On parle de manoeuvres. Cela prend un cours de sécurité de 24 heures. Voici ce que je vous demande. Vous me dites, à toutes fins utiles: J'en avais dix, demain matin, je peux aller m'en choisir dix autres, indépendamment qu'ils avaient oeuvré un an ou deux. Est-ce cela que vous me dites?

M. Leprohon: Non, M. le député.

M. Chevrette: Alors, qu'est-ce que c'est?

M. Leprohon: S'ils sont compétents et s'ils font le travail, pourquoi irais-je en choisir d'autres quand je sais qu'il y en a dix qui font le travail adéquatement? Pourquoi en choisirais-je d'autres que je ne connais pas et qui ne feront peut-être pas le travail? J'aime bien me servir de ceux qui font bien le travail, qui sont consciencieux et intéressés à travailler. Point.

M. Chevrette: À un moment donné, ces gars sont en négociation. Ils font très bien leur travail, mais ils sont en négociation. Ils veulent se négocier une couple de clauses corsées. Vous décidez qu'ils ne font plus bien leur travail, mais c'est pour des motifs autres. Est-ce que cela peut arriver?

M. Leprohon: Les autres seront aussi en négociation.

M. Chevrette: Non, M. le président, car, de la façon dont c'est prévu, c'est avec une garantie de 500 heures et un cours de 24 heures. Ce que vous dites est faux.

M. Leprohon: Mais, en réalité, lorsqu'on est dans le monde de la construction, on veut avoir des personnes compétentes. On ne fait pas le changement d'une personne à l'autre, juste pour le plaisir de le faire.

Qu'on ait des différends, c'est normal. Vous êtes de l'Opposition et vous avez des différends. Moi, je vis du gouvernement; parfois je suis en désaccord avec lui et parfois je suis d'accord. C'est normal qu'il y ait des différends. Je pense qu'il faut vivre avec cela. Il n'y a pas de raison de changer pour le plaisir de changer et de dire: Écoute, on ne s'accorde pas sur deux petites clauses, je vais aller en prendre d'autres. Ils ne s'accorderont pas, eux non plus, sur deux autres clauses différentes des deux premiers.

M. Chevrette: Quand il n'existe d'aucune façon de clause de sécurité d'emploi, vous savez très bien que ce sont les aléas du jour qui peuvent faire que votre jugement sur la compétence, surtout celle des manoeuvres, puisse changer, selon vos humeurs même. Personnellement, M. le président Leprohon, je trouve un peu inconcevable, avec le passé vécu au Québec dans l'industrie de la construction, qu'on

puisse soutenir que seule la loi du marché est la règle d'usage dans la construction. Il me semble que, pour quelqu'un qui a vécu dans le secteur de la construction depuis quinze ou vingt ans, c'est très bien. M. Jean Cournoyer qui était assis à mes côtés, lors de votre colloque, vous disait: "Ne touchez donc pas à la dynamite!" Pourquoi? Il me semble qu'il y a plus que des intérêts à court terme auxquels on doit penser, nous, les élus du peuple. On doit penser au climat social, à !a paix sociale. Quand on sait qu'une situation comme celle que vous préconisez a déjà existé et que cela a été bordélique. Je suis surpris, je suis très surpris et même étonné qu'une fédération préconise un système qui a été mis à l'épreuve et qui a été bordélique.

J'aimerais connaître vos intérêts à court terme pour commencer, je vous parlerai des moyen et long termes par la suite.

M. Leprohon: Mais, il y a une chose, c'est que, si nous ne touchons pas à la dynamite, il n'y a pas grand-chose qui va se bâtir quand on est sur un cap de roches. Je pense que cela va être normal de s'approcher de cela.

M. Chevrette: Vous avez raison, mais vous risquez de sauter vous aussi.

M. Leprohon: Oui, mais si on est expert en la matière, on ne saute pas; il y a des gens que je connais, cela fait longtemps qu'ils oeuvrent là-dedans et ils n'ont pas sauté.

M. Chevrette: Vous allez juger que c'est un expert si vous lui faites suivre un fameux cours de 24 heures en sécurité.

M. Leprohon: Non, mais je crois qu'on est encore là, M. Chevrette. Je pense que les patrons sont encore là et ils sont consciencieux. Les entrepreneurs ne veulent pas, contrairement à votre ligne de pensée, changer de monde pour un autre monde juste pour le plaisir de l'affaire.

Je pense qu'on veut revenir à la compétence, revenir à des gens qui veulent vraiment oeuvrer dans la construction; nous, comme entrepreneurs, si les employés font de l'argent, on en fait aussi. S'ils n'en font pas, on n'en fait pas. Je pense qu'il est normal de penser... on dirait que vous voulez absolument nous séparer, les employés et les patrons. Effectivement, c'est qu'on veut se rapprocher de plus en plus, on a les mêmes préoccupations au niveau de la construction.

M. Chevrette: Bon, vous me faites sourire là-dessus. Vous dites: Vous voulez nous séparer des employés. Ils ont fait des consensus avec vous autres, avec vos représentants aux tables et vous venez me dire, comme président, que vous vous dissociez de ces consensus qui avaient rapproché les parties. Il ne faut quand même pas nous prendre pour des dindons de la farce. Vous-même, comme président, m'avez dit tantôt quand je vous ai signalé deux consensus où votre monde s'était rapproché des employés où ils avaient tiré des conclusions unanimes; nous autres, on se retire et on veut pas autre chose. Écoutez une minute, c'est sérieux. Vous êtes quand même interrogés par des parlementaires qui doivent comprendre un peu l'objet de vos réponses. Il y a une contradiction dans vos propres réponses par rapport à l'accusation que vous me portez. Je vous demande pourquoi vous ne respectez pas les consensus précis que vous avez conclus avec les travailleurs et vous m'accusez de vouloir vous séparer. Où trouvez-vous la logique dans cela, expliquez-le-moi'?

M. Leprohon: C'est votre droit de penser ce que vous voulez.

M. Chevrette: Non, avez-vous répondu...

M. Leprohon: Mais, ce que je vous dis, c'est que l'intérêt des présidents ou des tables de travail est d'essayer de travailler le plus près possible de la main-d'oeuvre et de travailler ensemble. Que notre interprétation soit différente de celle des tables de travail, c'est possible. Nous disons que le seul contingentement qu'il devrait y avoir: ce seront Ies forces du marché et la compétence. Ce n'est peut-être pas la recette, on ne prétend pas détenir la vérité et uniquement la vérité, c'est notre position. Je vous donne la raison qui nous a motivés à prendre cette décision, c'est à vous de juger si elle est valable ou pas.

M. Chevrette: Oui, mais je vais vous poser une question parce que vous avez porté un jugement vous-même. Vous avez dit: Votre ligne de pensée semble vouloir nous diviser. Qui a nié les consensus qu'il y avait eu entre employeurs et employés où ceux-ci s'étaient rapprochés assez pour établir des consensus, est-ce moi ou vous?

M. Leprohon: C'est-à-dire que les deux positions étaient différentes, je suis d'accord avec vous.

M. Chevrette; Donc, c'est vous qui avez nié le consensus? Est-ce vous ou moi?

M. Leprohon: Non, je ne vous ai pas accusé d'avoir nié le consensus.

M, Chevrette: Donc, ce n'est pas moi qui ai nié le consensus d'une lettre du 27 juin, c'est vous. Donc, à partir de là, je ne

vous ai pas accusé de vouloir vous séparer, vous ne respectez même pas les consensus que vos représentants ont établis avec les syndicats.

M. Leprohon: Ce que je vous ai dit, c'est tout simplement que vous semblez penser que les patrons et les employés sont deux forces différentes et deux forces opposées. Nous, on le prend différemment. Nous sommes deux secteurs d'activité à l'intérieur de l'industrie de la construction.

M. Chevrette: Je vais faire une conclusion là-dessus, M. le Président, pour laisser la chance à mon collègue d'Unqava de poser des questions. Je dirai tout simplement ceci: Quand une fédération ou une association se présente devant nous, prône une loi du marché après avoir participé à des consensus et reproche à un député de vouloir séparer des individus, je trouve que cela ne fait pas sérieux. Une crédibilité, cela se bâtit.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, monsieur? M. le député de Taschereau, vos remarques.

M. Leclerc: D'abord, je voudrais simplement faire remarquer au leader de l'Opposition, lorsqu'il cite M. Cournoyer, qu'il ne devrait pas oublier de dire que M. Cournoyer, après ses déclarations, a fait amende honorable en disant que, depuis sept ans, il était quelque peu décroché du monde de la construction. Je pense qu'il faut remettre cela dans le contexte, lorsqu'on le cite.

Revenons-en aux apprentis, si vous voulez. J'aimerais brièvement connaître votre opinion sur la phase transitoire qui permet aux apprentis d'accéder au marché du travail en présentant une demande d'embauche d'un employeur avec une garantie de 500 heures.

M. Quirion: Je n'ai pas compris la question exactement.

M. Leclerc: Je vais recommencer. J'aimerais avoir votre opinion sur la mesure transitoire que nous proposons dans le projet de loi qui permet à un apprenti d'accéder au marché du travail de la construction en présentant une demande d'embauche d'un employeur avec une garantie de 500 heures.

M. Quirion: Actuellement, selon le projet de loi, l'apprenti doit d'abord obtenir la garantie de 500 heures en plus d'être qualifié selon le métier qu'il a choisi de pratiquer. Cette garantie de 500 heures, c'est le moyen que l'on a actuellement, pendant les mesures transitoires. Je pense que c'est acceptable présentement, parce qu'on n'a pas d'autres moyens d'aller plus loin pour le moment.

M. Leclerc: C'est acceptable, vous êtes en faveur de cela. Vous considérez que...

M. Quirion: La garantie de 500 heures? Oui.

M. Leclerc: ...c'est une formule intéressante.

M. Claveau: M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, M. le député de Taschereau? M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il ne reste plus beaucoup de temps, alors, mes questions vont être brèves. Cinq minutes?

Une voix: Une minute pour la question, quatre minutes pour la réponse.

M. Claveau: Lors de son discours sur l'adoption du principe du projet de loi en deuxième lecture, le député de Saint-Maurice a fait allusion à la notion de concurrence. Il disait qu'un des éléments importants pour la question de ce...

M. Lemire: Question de règlement, s'il vous plaît.

Le Président (M. Charbonneau): Qu'est-ce qui arrive?

M. Lemire: La concurrence. Il va falloir que vous précisiez un peu plus.

Le Président (M. Charbonneau): Minute! Non.

M. Lemire: C'est en première lecture.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre!

M. Lemire: Vous vous trompez de lecture.

Le Président (M, Charbonneau): À l'ordre, M. le député! À l'ordre! À l'ordre, M. le député de Saint-Mauricel Vous pouvez différer d'opinion avec le député d'Ungava, c'est votre droit, votre privilège, mais je pense qu'à ce moment-ci c'est au député d'Ungava d'utiliser son droit de parole.

M. Claveau: Merci. De toute façon, toujours est-il que, dans la nuit de lundi à mardi...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Claveau: ...à 3 heures du matin, le député de Saint-Maurice a fait allusion à la notion de concurrence comme étant un élément qui justifiait le projet de loi en question. J'aimerais savoir si, pour vous, la notion de concurrence entre les travailleurs -il faut s'entendre - est une notion importante quand on parle, entre autres, de la question de l'abolition de la carte que vous semblez lier beaucoup, d'ailleurs, à la notion de compétence. Est-ce qu'il y a effectivement, à votre avis, une concurrence qui devrait s'établir entre les travailleurs afin de faire en sorte qu'il soit facile de dégager des compétences?

M. Quirion: Je pense que, dans n'importe quel métier, dans n'importe quel secteur d'activité, surtout dans notre monde, en Amérique du Nord, la concurrence est le point de base dans tout domaine. À notre avis, autant dans le domaine de la construction que dans un autre domaine, une saine concurrence entre les parties, entre les personnes impliquées, ne peut qu'améliorer la compétence. Pour pouvoir obtenir du travail, les ouvriers de la construction devront améliorer leurs compétences; sans cela, ils ne seront plus concurrents avec d'autres. C'est une notion qui est très acceptable autant dans le domaine de la construction que dans d'autres domaines. (22 h 15)

M. Claveau: À partir du moment où vous reniez le principe du contingentement et, à toutes fins utiles, tout mécanisme d'accès aux métiers de la construction, n'avez-vous pas peur que ce genre de concurrence, que vous souhaitez voir établir, puisse dégénérer, à cause du nombre, entre autres, important de nouveaux arrivants dans le métier, de ceux qui sont déjà là et du très peu de postes disponibles par rapport au nombre de travailleurs qu'il va y avoir, n'avez-vous pas peur que cette concurrence dégénère en certains incidents fâcheux qui pourraient nuire à vos chantiers?

M. Quirion: D'abord, je ne me souviens pas que nous ayons dit que nous niions tout mécanisme d'accès à l'industrie de la construction. Je pense qu'accéder à l'industrie de la construction par le biais de la compétence, c'est une forme de contingentement surtout face aux ouvriers qualifiés, que ce soient les apprentis ou les compagnons.

En ce qui a trait aux manoeuvres, en ce qui a trait aux ouvriers non qualifiés, il est évident que le mécanisme de la compétence est plus difficile à appliquer, mais, autant que je sache, il devrait sûrement y avoir possibilité de trouver certains mécanismes. Le ministre l'a mentionné au cours de la journée, certains mécanismes pouront être analysés et, s'il y avait des suggestions que certains organismes pouvaient faire, il était prêt à les entendre. Le fait qu'il y ait des mécanismes d'entrée sur le marché du travail, ce n'est pas une chose à laquelle on ne croit pas, au contraire. On ne veut pas ouvrir le marché de la construction à n'importe quel passant, comme on l'a mentionné dans notre mémoire.

M. Claveau: D'après le projet de loi, à moins que je ne comprenne pas, tout passant de seize ans et plus va pouvoir frapper à la porte, si je ne m'abuse.

Toujours est-il que, dans votre énoncé d'ouverture, vous avez beaucoup fait référence à la relation qui pourrait exister entre l'abolition de la carte et la compétence des travailleurs. Est-ce que vous voulez nous dire par là que, à cause de la carte, d'une espèce de contingentement qui est relié à la détention d'une carte comme c'est le cas actuellement, cela a empêché la construction d'avoir des travailleurs compétents?

M. Quirion: II est arrivé, dans certains cas, que des bassins étaient complètement vides ou qu'il n'y avait que très peu d'ouvriers qui étaient disponibles. Dans le texte de notre mémoire, on y fait référence à un certain moment. Vous avez, au 12 juillet 1985 - c'est une date relativement récente - malgré un taux global de chômage de l'ordre de 17 %, on ne comptait aucun apprenti disponible dans plus de 54 bassins; 39 bassins ne comptaient qu'un salarié, 35 bassins deux salariés et 13 bassins trois salariés.

Donc, 56 % des bassins de main-d'oeuvre ne comptaient que trois salariés et moins. Il est évident que, quand il reste très peu d'ouvriers dans un bassin, on risque que ceux qui restent sur le carreau ne soient pas les plus compétents. Il est évident qu'on ne veut pas par là dire que les ouvriers sont nécessairement incompétents parce qu'il en reste peu dans un bassin, mais c'est quand même une constatation qui a pu être faite et qui nous laisse songeurs.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va?

M. Claveau: Cela va, M. le Président.

M. Lemire: Selon le règlement, M. le Président, en vertu de l'article 213, est-ce que vous me permettriez de poser une question à M. Claveau?

Mme Juneau: Vous n'êtes pas en Chambre.

M. Lemire: J'aimerais demander une certaine précision.

Le Président (M. Charbonneau): À la condition qu'on n'abuse pas des...

M. Lemire: Non. C'est parce que le député d'Ungava tantôt a dit que, à partir de seize ans, toute personne pouvait entrer sur le marché du travail, dans le domaine de la construction. Je pense que vous allez être obligé de relire le projet de loi et de relire un peu...

Une voix: Pas le relire, le lire.

M. Lemire: ...le lire, c'est-à-dire, parce qu'on dit qu'il va être obligé de participer à un programme de performance, à un programme de compétence. Il va falloir qu'il passe un examen et, après que son examen va être passé, il va falloir qu'il aille voir un entrepreneur pour la phase transitoire et demander à l'entrepreneur de l'engager pour au moins 500 heures. Mais on ne dit pas que toutes les personnes en haut de 16 ans vont...

Mme Juneau: M. le Président, question de directive.

M. Lemire: ...pouvoir entrer sur le marché du travail.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée. À l'ordre, s'il vous plaît, dans ce cas-là!

Mme Juneau: Si vous voulez lui donner un cours, vous lui donnerez après. Ne prenez pas le temps de la commission pour cela.

M. Lemire: D'accord. Prenez rendez-vous à mon bureau.

Le Président (M. Charbonneau): Non, non, il n'y a pas de problème pour le droit de parole de la députée de Johnson, mais maintenant que j'ai permis au député de Saint-Maurice de donner son cours, je demande à l'élève d'Ungava de répliquer.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Claveau: Je pourrais lui répondre. Je peux même me lever debout et vous faire un discours là-dessus, M. le Président. Cela n'affecte pas...

Le Président (M. Charbonneau): Non, non, allez-y!

M. Claveau: Entre nous. J'essaie de lire, contrairement à ce que le ministre a fait tout à l'heure en essayant de nous démontrer qu'il y avait peut-être un contingentement quand il n'y en avait pas, etc., où il semblait lire beaucoup plus entre les lignes que sur la ligne même. Je lis sur la ligne même.

À l'article 35, on dit: "La Commission de la construction du Québec délivre un certificat d'occupation à un salarié âgé d'au moins 16 ans, qui n'est pas visé aux articles 32 à 34 - cela veut dire qu'il n'est pas visé par cela - pour lequel un employeur enregistré..." etc., 500 heures. Vous ne viendrez pas me dire qu'à partir de cet article, n'importe quel jeune qui, après avoir suivi un petit cours de 24 heures en santé et sécurité au travail, n'est pas en mesure de cogner, comme je l'ai dit, à la porte d'un entrepreneur et dire: As-tu 500 heures pour moi? Cela m'intéresse de travailler. Où voyez-vous la contrainte qui fait que l'on peut exclure quelqu'un de 16 ans et plus de l'industrie de la construction, à partir de ce qui est vraiment écrit sur la ligne? S'il y a des "entrelignes", il faudra que le ministre les mette dans les lignes à un moment donné pour que l'on comprenne tous la même chose. Mais sur la ligne, c'est ce qui est dit.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! Non, non. À l'ordre! Non. À l'ordre!

M. Gauthier: J'ai une demande.

Le Président (M. Charbonneau): J'ai toléré de part et d'autre. On n'est pas en Chambre, on n'est pas à l'étape de la discussion des principes. Si on commence cela, on n'en finira plus.

Mme la députée de Johnson.

M. Gauthier: Est-ce qu'on peut vous demander une directive?

Le Président (M. Charbonneau): Ne faites pas exprès.

M. Gauthier: Je ne fais pas d'histoire, M. le Président. C'est prévu dans nos règles que l'on peut demander des directives au président. Acceptez-vous de m'en donner une, M. le Président?

Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais je me méfie de vos demandes, M. le député de Roberval.

Une voix: II y a de quoi vous en méfier, M. le Président.

M. Gauthier: M. le Président, j'aimerais savoir, puisque vous accordez au député de Saint-Maurice le privilège de poser des questions comme cela se fait en Chambre, si d'autres députés, entre autres ceux de l'Opposition, peuvent se prévaloir du même article pour poser une question au ministre? Je suis certain que le ministre accepterait avec plaisir.

Le Président (M. Charbonneau): C'est évident qu'à partir du moment où on commence à donner des consentements pour déroger à nos règles de fonctionnement, on peut aller très loin. Je regarde la députée de Johnson qui attend avec impatience son droit de parole et je vous indique que je vais donner d'abord la parole à la députée de Johnson qui, elle, va fonctionner selon nos règles, c'est-à-dire qu'on a des invités et que les questions s'adressent d'abord aux invités.

M. Gauthier: Alors votre réponse est non?

Le Président (M. Charbonneau): C'est non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il s'agit d'une bonne question, il y a une période de questions demain matin à 10 heures à l'Assemblée nationale. Cela me fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, ne continuez pas le débat. Vous admettrez que votre collègue de Saint-Maurice a créé un précédent; on a finalement toléré le député d'Ungava qui était prêt à répondre. Mais on n'en finira plus si on veut fonctionner avec un minimum d'ordre. On pourrait commencer ce soir, mais on va passer la nuit à s'échanger des questions et réponses. Ce n'est pas l'objet de la consultation. Il y a des gens qui viennent ici et on leur donne l'occasion premièrement, de présenter leur point de vue et deuxièmement, on engage la discussion avec eux. Mme la députée de Johnson.

M. Gauthier: M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Charbonneau): Non, non, je m'excuse là.

M. Gauthier: Est-ce que votre décision repose sur les articles - j'ai besoin de le savoir, cela va m'aider à l'avenir dans nos débats - du règlement ou sur le jugement que vous portez quant au déroulement de nos travaux? Je voudrais seulement savoir cela. Je ne veux pas vous embêter plus que cela.

Le Président (M. Charbonneau): II repose sur l'obligation pour le président d'organiser les travaux de la commission, de faire en sorte que l'ordre soit maintenu et que le mandat soit exécuté.

M. Gauthier: C'est rien que cela que je voulais savoir.

Le Président (M. Charbonneau): Comme le mandat est de procéder à une consultation particulière, nous allons donc continuer dans cet ordre-là.

M. Gauthier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Bienvenue, M. le député de Roberval. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. C'est un problème d'avoir la parole.

J'aimerais bien que nos invités, M. Leprohon ou M. Tremblay, puissent m'indiquer ce qu'ils veulent dire quand ils ont eu un consensus aux tables parlant de sanctions sévères envers l'employeur concernant la garantie d'emploi de 500 heures. Qu'entendez-vous par un consensus pour cette garantie? Vous voulez que je le lise au complet. Je m'excuse.

Le Président (M. Charbonneau): Non, ce que je disais, c'est: Cela va. Vous pouvez continuer votre intervention, Mme la députée.

Mme Juneau: D'accord. Je voulais demander si la qarantie d'emploi doit être assortie de sanctions sévères vis-à-vis de l'employeur?

Une voix: C'est dans la loi, M. le....

Mme Juneau: Qui, sans raison valable, ne la respecte pas nécessairement.

M. Paré (Michel): II me semble que l'article 7.2 du projet qui insère le nouvel article 119.1, à son paragraphe 3, répond à la question. On est d'accord avec cet article.

Mme Juneau: Ah oui! En tant qu'employeur, seriez-vous d'accord pour déposer une espèce de bon de qarantie pour une personne qui ne respecte pas...

M. Paré (Michel): L'article dit: Commet une infraction et est passible d'amendes celui qui utilise les services d'un salarié qui n'est pas titulaire du programme.

Mme Juneau: Je ne vous parie pas de l'article, je vous demande...

M. Paré (Michel): II y a des amendes, Madame.

Mme Juneau: ...si vous seriez d'accord en tant que patron.

M. Paré (Michel): M. le Président, des amendes sont prévues dans la loi avec cet article et la fédération est d'accord avec cela. Si on me pose la question à savoir si on est d'accord, oui on l'est.

Mme Juneau: Vous êtes d'accord. Vous seriez d'accord aussi pour...

M. Paré (Michel): On est d'accord avec l'article 119.1.

Mme Juneau: ...déposer un bon de garantie? Si, éventuellement, on en venait là, vous seriez d'accord?

M. Leprahon: On ne voit pas nécessairement le bien-fondé de donner une garantie comme cela, quand des lois prévoient des sanctions assez sévères si on désobéit aux rèqlements. II va de soi de tout simplement se plier aux règlements...

Mme Juneau: II dit l'article 113?

M. Leprahon: ...avec lesquels nous sommes d'accord.

M. Paré (Michel): On a déjà assez de garantir tout ce qui est exécuté dans le domaine de la construction: "bond" d'exécution par dessus "bond".

M. Chevrette: À quel article faites-vous référence?

M. Paré (Michel): À la paqe 15, au dernier paragraphe où il y a des sanctions de prévues...

M. Chevrette: Où prenez-vous l'interprétation dans cet article ou dans ce paragraphe qu'un employeur pourrait être poursuivi s'il ne respecte pas la garantie de 500 heures?

M. Paré (Michel): Quiconque utilise les services d'un salarié... Qui va utiliser les services du salarié?

M. Chevrette: II y a un certificat quand il y a une garantie. Je vais essayer de clarifier ce que je veux dire. Vous dites qu'il y a une pénalité d'encourue. Le gars reçoit un certificat de compétence si vous lui avez garanti 500 heures avec un cours. Le gars reçoit son certificat de compétence puisque vous lui garantissez 500 heures. Pouvez-vous me dire, si vous ne respectez pas vos 500 heures comme employeur, où est la pénalité dans l'article 119.3?

M. Paré (Michel): D'accord. Non, ce n'est pas à l'article 119 à ce moment-là.

M. Chevrette: Bon, il me semblait.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Mme la députée de Johnson, on a déjà pas mal utilisé le temps...

Mme Juneau: On a utilisé le temps des questions, mais des réponses...

Le Président (M. Charbonneau): Cela compte aussi dans le temps. Sinon, on n'en finira pas.

Mme Juneau: On pourrait peut-être demander une prolongation.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Juliette, voulez-vous remercier nos invités?

M. Chevrette: Oui. Je vous remercie infiniment de votre mémoire. Merci de vous être déplacés.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci de votre collaboration à partir du moment où les consultations ont été entreprises et tout au long du processus. Je m'excuse de mon absence à l'occasion de votre colloque, mais je pense que j'étais bien représenté par mon adjoint parlementaire, le député de Saint-Maurice. Pour le travail que vous avez effectué pour votre mémoire, je vous indique que vous avez apporté des éclaircissements à certaines questions qu'on se posait. Il y aura, comme vous avez pu le comprendre, des amendements sur le plan des modalités qui seront apportés au projet de loi. Je doute que l'on satisfasse entièrement toutes vos demandes, mais nous tenterons quand même de bonifier dans le sens de certaines des interventions que vous avez faites. Merci de votre collaboration.

Le Président (M. Charbonneau): Messieurs, merci. (22 h 30)

M. Leprohon: Merci, M. le ministre. Je tiens à vous faire remarquer que nous avons un autre colloque le 23 janvier, ici, à Québec. Je voulais me servir de vos mots, M. le ministre, envers M. Chevrette. Moi aussi, je m'enflamme un peu et je m'excuse si j'ai élevé le ton, mais c'était sans arrière-pensée. C'est tout simplement parce que je suis bien convaincu.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Charbonneau): Le

Parlement étant une soupape de démocratie, c'est entre autres ici qu'il faut...

M. Leprohon: Merci de nous avoir entendus.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Bonsoir et à la prochaine. J'invite maintenant les représentants de la Corporation des maîtres mécaniciens en

tuyauterie du Québec.

M. Chevrette: Dans un premier temps le ministre Paradis posera des questions et je reviendrai. Je dois aller faire une intervention de l'autre côté.

Le Président (M. Charbonneau): Messieurs, bienvenue à la commission de l'économie et du travail. M. Bureau, je vous demanderais d'abord de présenter les gens qui vous accompagnent et je vous indique que vous avez quinze minutes pour la présentation de votre mémoire et de votre point de vue. Par la suite, nous procéderons à un échange qui devrait normalement durer 45 minutes et nous conduira à 23 h 30; ceci complétera la longue journée d'aujourd'hui. M. Bureau.

CMMTQ

M. Favre (Michel): M. le Président, mon nom est Michel Favre. Je suis le directeur général de la corporation. Je vous présente d'abord, à ma gauche, M. Fernand Latouche.

Le Président (M. Charbonneau): Vous êtes mieux de vous asseoir, M. Favre. D'abord, vous savez, le formalisme ici est balisé et, en plus de cela, on veut entendre vos commentaires dans le micro.

M. Favre: D'accord. À ma gauche, Fernand Latouche, entrepreneur. À mon extrême droite, Georges Saint-Cyr et François Lemay qui sont tous deux entrepreneurs, John White, conseiller juridique et, à ma droite, Normand Bureau président de la corporation.

M. Bureau (Normand): M. le Président, M. le ministre, messieurs et mesdames de la commission. Les membres de la commission n'ont possiblement pas pu prendre connaissance des mémoires que toutes les parties ont soumis aux fins de la présente commission parlementaire. Le délai dans lequel la commission a été convoquée pour entendre les parties ayant été très court, il aurait été difficile de faire autrement.

Nous sommes d'ailleurs un peu désolés que le projet de loi n'ait été déposé qu'au mois de novembre dernier et qu'ainsi la consultation à laquelle il nous fait néanmoins extrêmement plaisir de participer n'ait pu se faire d'une façon moins bousculée.

Évidemment, notre corporation est en principe d'accord avec l'élément fondamental de la réforme proposée. En effet, la corporation est d'accord pour donner une plus grande accessibilité au marché du travail dans l'industrie de la construction. Cette plus grande accessibilité doit évidemment respecter un principe important, celui de la compétence. Il s'agit en somme d'un pas dans la bonne direction. Ce bon pas amènera, nous en sommes sûrs, un progrès marqué dans l'industrie.

Malheureusement, le progrès anticipé est quelque peu contré par des dispositions du projet de loi qui ne s'harmonisent ni avec la volonté du milieu, ni avec la philosophie gouvernementale déjà exprimée à l'effet de responsabiliser le milieu. L'État doit ici reconnaître qu'il devrait se retirer des champs d'activité qui, dans le contexte, devraient logiquement revenir aux parties impliquées.

Nous sommes déçus de la structure que le gouvernement s'apprête à créer. Il nous aurait en effet semblé plus approprié que le conseil d'administration de la commission soit plus représentatif du milieu. Pourquoi le gouvernement nomme-t-il les membres de la commission? II est préférable de s'assurer que toutes les associations patronales que les entrepreneurs se sont données depuis quelques quarts de siècle soient représentées à cette commission. Tel que composé, le projet de loi laisse au gouvernement le plein contrôle effectif de l'organisme dans toutes ses fonctions et dans toutes ses décisions, même celles prises au jour le jour. Cette volonté de l'État ne nous semble pas appropriée dans les circonstances, L'État devrait faire confiance aux partenaires pour que ceux-ci puissent en arriver à des solutions sur des questions d'intérêt commun.

Dans ce même état d'esprit, il nous semble inadéquat que le gouvernement se réserve l'exclusivité de la réglementation touchant à l'ensemble des domaines visés dans le projet de loi. Nous sommes donc en total désaccord avec les articles 123 et 123.1 tels que proposés dans le projet de loi. Nous croyons au contraire que le pouvoir de réglementation devrait revenir à l'organisme proposé. Cela est d'autant plus vrai que ce sera le milieu, tant patronal que syndical, qui en financera totalement les activités.

Si vous nous faites confiance pour payer, pourquoi ne faudrait-il pas aussi nous faire confiance pour décider? Nous sommes aussi très préoccupés par le mode de financement proposé. Nous nous demandons sur quels critères le gouvernement s'est basé pour évaluer les besoins futurs de cette commission. Nous savons que l'office, dans son contexte actuel, avait déjà besoin de l'augmentation prévue dans le projet de loi. Comment pouvons-nous alors entrevoir les financements qui seront accordés à la commission dans le projet de loi? Pour que la loi projetée soit adéquate, nous recommandons donc que l'employeur ait le droit de choisir sa main-d'oeuvre, suivant ses propres critères, une fois reconnue la compétence de ces personnes, et que les pouvoirs réglementaires soient exercés par la commission sous réserve de l'approbation du gouvernement.

Nous recommandons que la composition du conseil d'administration soit élargie, que l'association d'employeurs et les associations d'entrepreneurs aient chacune un représentant au conseil d'administration et que le nombre de représentants syndicaux soit augmenté en conséquence.

Nous recommandons aussi et insistons pour que la nomination des membres représentant les associations représentatives, l'association d'employeurs et les associations d'entrepreneurs se fasse par les associations et non par le gouvernement.

Nous recommandons que les comités administratifs ne soient pas contrôlés par le gouvernement, mais le soient plutôt par les parties. En conséquence, les membres nommés sur recommandation d'un ministre du gouvernement ne devraient pas y siéger. Le nombre de membres devrait rester à cinq, les parties patronale et syndicale ayant droit chacune à un siège de plus.

Nous recommandons, entre autres, et insistons encore fortement pour que l'article 4.1 édicté par ce projet de loi n'existe pas, soit éliminé. En effet, nous croyons que le gouvernement, s'il veut confier à la Commission de la construction d'autres rôles, devrait le faire à la suite d'un débat public et, donc, à la suite de l'adoption d'une loi. Un tel article se retrouve rarement dans une loi constitutive d'un organisme semblable. Nous ne voyons pas présentement la nécessité d'un tel article. Comment le gouvernement peut-il conserver le pouvoir de confier à cette commission d'autres tâches, alors que c'est l'industrie dans son ensemble qui paie?

Nous recommandons aussi que le comité sur la formation professionnelle soit composé de treize personnes, c'est-à-dire six nommées par chacune des associations d'entrepreneurs définies au projet de loi, six par les associations représentatives, et d'un président suivant la formule prévue au projet de loi.

Nous recommandons qu'il soit clairement établi que c'est la commission qui intente les poursuites pénales et que les amendes lui soient versées.

M. le Président, messieurs et mesdames de la commission, je vous remercie de votre bienveillante attention et je suis disposé à répondre aux questions au meilleur de mes connaissances.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Strictement en commençant, une précision sur la formation du conseil d'administration. Au moment où on se parle, et peut-être parce qu'on néglige à un moment donné de relire attentivement les textes de loi, l'Office de la construction du Québec est formé de cinq membres, dont un président, nommés pour au plus cinq ans par le gouvernement qui fixe leur traitement et leurs conditions de travail. Au moment où on se parle, le gouvernement a plein choix sans mécanisme de consultation pour nommer à l'OCQ les cinq membres qu'il croit bon de nommer. 11 pourrait nommer cinq fonctionnaires, cinq employeurs, cinq syndicats, ou les mêler, etc. La discrétion dans la loi est totale.

Voici ce qui est proposé dans le projet de loi 119. La commission est composée d'un conseil d'administration formé de treize membres, dont un président. Sauf le président, les membres sont nommés de la façon suivante: quatre, après consultation de l'association d'employeurs et des associations d'entrepreneurs; quatre après consultation des associations représentatives; deux, recommandés par le ministre du Travail; un, recommandé par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et un recommandé par le ministre de l'Éducation. Ce n'est pas ce que l'on appelle le paritarisme à l'état pur, je le concède, mais dans le domaine de la construction on a - on peut se le dire entre quatre yeux - des associations patronales qui ne rejoignent pas des consensus à tous les jours, en tout cas pas de façon fréquente. J'ai été témoin de quelques-uns depuis que je suis ministre. Je félicite les gens de leur maturité, mais il paraît que c'est nouveau. Il y a des associations syndicales également, qui n'ont pas toujours les mêmes points de vue, qui sont un peu en compétition les unes avec les autres et qui doivent faire le jeu de la politique à cause du maraudage, etc.

On dit: On est prêts à faire confiance à tout le monde, mais on connaît les différends traditionnels qui existent entre chacune des parties patronales, syndicales, interpatronales et intersyndicales. On se dit: Si vous réussissez à vous entendre - et le défi est grand - si vous réussissez à faire preuve de suffisamment de maturité, c'est vous qui allez contrôler la Commission de la construction du Québec. Si vous n'êtes pas capables de vous entendre, si vous n'êtes pas capables de faire preuve de suffisamment de maturité, quelqu'un doit trancher. Il y en a qui me disent: Cela devrait être le président qui tranche.

Si vous remarquez, dans le projet de loi - on doit l'avoir fait, j'ai donné instruction qu'on le fasse - on a enlevé le droit de vote au président, sauf en cas d'égalité des voix, pour ne pas que la personne qui préside soit à un moment donné étiquetée "propatronale ou prosyndicale, pro tel représentant ou pro tel autre représentant" de façon qu'elle puisse créer encore plus d'harmonie et tenter d'amener les parties vers des consensus.

On aurait peut-être pu faire mieux. On aurait peut-être pu dire que le conseil d'administration se composait de plus de membres, tenter d'ajuster le conseil

d'administration aux structures syndicales existantes. Il y en a cinq; là, on va nommer quatre représentants. Les patrons nous auraient dit: Pourquoi ajustez-vous cela sur la structure syndicale existante? On aurait pu l'ajuster sur la structure patronale existante: six ou sept, selon de qui on parle. Là, les syndicats nous auraient dit; Vous l'avez ajusté en fonction des patrons. On a tenté d'avoir un conseil d'administration dont le contrôle appartiendrait aux parties - si tes parties réussissent à s'entendre - et qui pourrait prendre des décisions. On risque gros, mais si on ne s'entend pas il y aura quatre hauts fonctionnaires qui seront là et qui tenteront de départager et de prendre la meilleure des décisions possible. Mais je souhaite qu'ils n'aient jamais à voter ou qu'ils n'aient jamais à intervenir. Je souhaite que les gens qui seront là fassent preuve de suffisamment de maturité. Est-ce que le défi est trop grand? (22 h 45)

M. Bureau: M. le ministre, je ne sais pas pourquoi vous reliez cela à la loi de l'Office de la construction du Québec. Si vous pensez que c'est le même projet de loi, je ne sais pas pourquoi on change de nom et qu'on donne d'autres mandats à cette commission; de toute façon, là n'est pas la question. Ce que je veux souligner, c'est que je suis le président d'une corporation qui fait partie de six associations patronales et d'une association d'employeurs. Cela a une raison, vous l'avez mentionné tout à l'heure, il n'y a pas toujours unanimité. S'il y en a six, M. le ministre, c'est justement parce que chacune a certaines particularités que l'on veut voir représentées au conseil d'administration. On ne demande pas une priorité du côté syndical, on dit: Ajustez le côté syndical en conséquence. On voudrait que l'on tienne compte du fait que chacune des associations patronales a ses propres particularités. Autrement, M. le ministre, il n'y aurait qu'une association patronale si l'on avait tous les mêmes buts et les même objectifs. C'est la raison pour laquelle on demande sept représentants au conseil et d'augmenter le nombre de membres au conseil d'administration.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends le problème, mais à ce moment-là on s'en va... Sept représentants patronaux plus sept représentants syndicaux, cela fait quatorze; pour les ministères qui vont être présents, on en ajoute quatre, cela fait dix-huit et, avec le président, dix-neuf; cela commence à faire un bon conseil d'administration. Tout à coup, avec les évolutions technologiques, il y a une autre corporation d'employeurs qui se crée le lendemain matin. Automatiquement, on lui donne un siège. Et, tout à coup, sur le plan syndical - cela s'est vu dans les annales récentes - il y a une nouvelle centrale syndicale. On grossit encore le conseil d'administration. Est-ce que vous pensez que le conseil d'administration d'une commission de la nature et du type de celle que l'on tente de mettre sur pied doit fluctuer en fonction de ces impératifs? Ne doit-il pas fonctionner en fonction des impératifs d'équilibre, d'une saine représentation, d'un nombre suffisant pour que le conseil d'administration fonctionne assez aisément? Présentement, on passe cela de cinq à treize. Si je suis prêt à m'entendre pour passer cela à 19, vous comprendrez que je m'entends pour 20, pour 21, pour 22; je ne connais pas l'avenir.

M. Bureau: Encore une fois, on se réfère au nombre de cinq à treize. Quand on veut faire référence à ce qui existe aujourd'hui, on s'en sert; quand on ne veut pas, on dit: Ce ne sera pas la même chose. II faudrait peut-être faire le point là-dessus. De toute façon, M. le ministre, je suis le président d'une corporation où siège un conseil d'administration de 27 personnes qui ont toutes des particularités aussi. Il y en a en mécanique du bâtiment, il y en a en brûleur à l'huile, il y en a plomberie, il y en a en chauffage, il y en a en ventilation et ainsi de suite. Chacun peut avoir des opinions différentes et l'on s'entend très bien; cela fonctionne très bien. Si vous avez peur du chiffre 19 pour l'entente, je pense que c'est une fausse peur. Je connais des associations qui ont 50 membres à leur conseil d'administration et qui fonctionnent. Je pense qu'il ne faudrait pas avoir peur de cette situation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez passé la journée parmi nous. À chacune des parties qui se sont présentées, j'ai parlé de la question du nombre de personnes qui détiennent des permis de travail, de la différence entre les 120 000 et les 80 000 qui sont actifs, des 40 000 qui seraient supposés être disponibles, de l'émission de 18 000 cartes cette année et de 12 000 l'an passé. À l'occasion de l'ouverture des bassins, soit par pénurie ou par pénurie anticipée si je me réfère aux documents que l'on m'a transmis, est-ce que votre organisme a été consulté dans ces cas-là?

M. Bureau: Voulez-vous préciser ce que vous entendez par le mot "consulté"?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Est-ce qu'avant d'ouvrir le bassin pour des motifs de pénurie ou de pénurie anticipée l'Office de la construction du Québec a communiqué avec vous et vous a demandé si vous aviez de la main-d'oeuvre disponible, si vous étiez d'accord qu'il allait y avoir une pénurie anticipée ou s'il y avait une pénurie

présentement?

M. Bureau: Pas à ma connaissance, à moins que le directeur général...

M. Favre: On n'a pas été consulté, non. Il n'y a pas eu de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais peut-être une intervention à faire en ce qui concerne la formation, pour que cela soit bien compris. Je reviens sur le rôle de la commission sur le plan de la formation et sur le contrôle quantitatif par la compétence des travailleurs de l'industrie de la construction. On a parlé du rôle du conseil d'administration qui, sur le plan consultatif -cela, je l'admets - aura à dire au ministère de l'Education du Québec quels sont les estimations de besoins quantitatifs pour l'an un, l'an deux, l'an trois, l'an quatre, l'an cinq, de façon que le ministère de l'Education puisse ouvrir, dans son milieu, le nombre de pupitres requis. Le conseil d'administration de la commission fera également la planification des cours à dispenser pour les années à venir, les devis de formation, les choix des centres de formation, l'élaboration et la mise à jour des programmes de formation et des examens, la sélection des candidats, la formation et l'évaluation, la sanction des études, etc. Est-ce que vous considérez que c'est suffisant que la commission, sur le plan consultatif, avise le ministère de l'Éducation de ses voeux et que, sur la main-d'oeuvre, sur ce qui se fait en chantier, elle élabore le plan, le communique au ministère de la Main-d'Oeuvre et que le ministère de la Main-d'Oeuvre l'homologue? Est-ce qu'on est allé dans la bonne direction lorsqu'on est allé dans cette direction?

M. Bureau: Effectivement, je crois que c'est la bonne direction, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.

Le Président (M. Charbonneau): M.

Bureau, vous avez sans doute vu l'article 33, paragraphe 2° qui finalement ouvre l'industrie non seulement aux personnes qui seraient compétentes, mais également à toute personne âgée de 16 ans et plus à qui on fournirait une garantie de travail de 500 heures. Est-ce que voua considérez cela compatible et conciliable avec le fait que, pour vous... Tantôt, vous disiez qu'on devrait choisir selon ses propos critères, mais une fois que la compétence est reconnue. Est-ce que vous considérez que c'est cohérent par rapport au critère de la compétence?

M. Bureau: Effectivement, le projet parle de 500 heures. Il ne détermine aucune sanction présentement. Quant à choisir selon ses critères, je parle d'une particularité, moi aussi, de notre industrie dans la mécanique du bâtiment, alors que tous les employés présentement sont appelés tuyauteurs. On sait très bien que, si on demande à l'OCQ présentement - cela continue et c'est ce qui doit arrêter - si on demande un plombier ou une personne pour brûleur à l'huile, ils sont tous appelés tuyauteurs. Ils ont leur carte de qualification de tuyauteur, mais ils n'ont pas la compétence pour une. fonction appropriée dans l'ensemble de la mécanique du bâtiment.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, on peut régler ce problème avec une meilleure formation. Ce que je vous demande, c'est dans quelle mesure vous considérez que de dire à quelqu'un qui a 16 ans et plus: On te donne une garantie d'emploi de 500 heures et cela équivaut à la compétence... Je pense que le problème que vous signalez, c'est que même avec une qualification particulière il y a des spécialisations qui méritent une amélioration de la formation pour finalement permettre une spécialisation, même dans certains types de qualification. Là-dessus, on s'entend. Le problème n'est pas là. À l'article 33, paragraphe 2°, on ouvre la porte - et c'est un des reproches majeurs - à toutes sortes d'arbitrages, à toutes sortes de "rackets". On le sait très bien. À partir du moment où vous dites que vous avez 16 ans, on a une garantie d'emploi de 500 heures... J'ai vu des gens en faisant du bureau de comté qui me disaient: Je cannais quelqu'un qui est prêt à me donner une "job". Ils n'avaient aucune compétence, ils n'avaient jamais travaillé dans la construction, mais ils avaient leur garantie d'emploi. Est-ce que vous pensez que cela va régler le problème ou est-ce que cela va l'aggraver? Est-ce que vous pensez que cet article est cohérent par rapport à l'exigence de la compétence? On se rabat sur ce critère de compétence depuis qu'on parle de ce projet. J'ai l'impression que cela va à l'encontre du critère de compétence. Si on a 16 ans, une garantie d'emploi de 500 heures, on peut obtenir une "job".

M. Bureau: Vous avez fini?

Le Président (M. Charbonneau): J'ai fini, mais j'aimerais avoir votre opinion. Considérez-vous que c'est cohérent par rapport à ce que vous avez indiqué tantôt?

M. Bureau: En fait, M. le Président, on préconise que cette mesure soit, a priori, transitoire jusqu'à ce que soient définis un régime d'apprentissage et un ratio apprentis-compagnons.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que, vous, vous considérez, par ailleurs, comme employeur, qu'il est normal, dans une

industrie comme l'industrie de la construction, comme dans n'importe quelle autre industrie, que les travailleurs, qui sont les travailleurs de cette industrie, aient des mécanismes de protection qui fassent en sorte qu'ils aient une certaine priorité d'embauche? Est-ce que vous ne considérez pas qu'actuellement le règlement de placement, tel qu'il est formulé, malgré ses imperfections, fournit aux travailleurs de la construction qui sont les vrais travailleurs, une protection qu'ils n'avaient pas auparavant et qu'ils sont en droit d'avoir comme n'importe qui dans n'importe quelle autre industrie?

M. Bureau: Ma conception du vrai travailleur, M. le Président, c'est te bonhomme qui a la qualification et la compétence nécessaires pour accomplir le travail donné. Ce n'est pas une carte de classification qui rend un travailleur compétent.

Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais ce que je vous demande, quel que soit le mécanisme de contingentement, et on a vu que ce mécanisme était compromis dans sa cohérence, mais, quel que soit le mécanisme de contingentement, est-ce que vous ne trouvez pas normal que dans une industrie comme celle de la construction ce ne soit pas n'importe qui qui puisse avoir accès à cette industrie et qu'en conséquence les gens qui sont les vrais travailleurs de la construction, ceux qui travaillent régulièrement - ce n'est pas seulement d'être compétent mais il s'agit de travailler régulièrement - aient un privilège ou une possibilité, une priorité d'embauche par rapport à ceux qui ne sont pas de vrais travailleurs?

M. Bureau: Effectivement, M, le Président. Le type qui est compétent et qui travaille chez nous depuis 20 ans, 10 ans ou 15 ans va sûrement avoir priorité sur n'importe qui qui veut entrer dans l'industrie de la construction. Je n'ai rien contre cela.

Le Président (M. Charbonneau): Bon. Quelle est votre opinion à l'égard de la priorité d'embauché locale ou régionale?

M. Bureau: Nous préconisons l'universalité d'embauche dans la province de Québec, l'abolition pure et nette des régions comme préconisé et comme cela existe aujourd'hui.

Le Président (M. Charbonneau): Pour n'importe quel type de construction?

M. Bureau: Pour n'importe quel type de construction.

Le Président (M. Charbonneau): Vous ne trouvez pas que, finalement, lorsque vous préconisez une approche comme celle-là, vous faites fi des réalités locales et régionales?

M. Bureau: Nous croyons, M. le Président, que la compétence des personnes locales, régionales, provinciales ou fédérales parle par elle-même dans le contexte de la construction d'aujourd'hui. Nous croyons qu'à cause du côté économique de la construction, avec toute la compétition qui y existe, l'entrepreneur, s'il veut demeurer entrepreneur, regardera dans la localité ou la région donnée afin de s'exempter de payer des frais de déplacement pour minimiser ses coûts dans la construction.

Le Président (M. Charbonneau): Je veux bien comprendre qu'un certain nombre d'entrepreneurs, peut-être la majorité même, vont tenir compte néanmoins des réalités locales et régionales. Mais cela prend juste quelques exemples assez frappants dans un certain nombre de régions et de localités pour qu'à un moment donné vous vous retrouviez avec des situations explosives. Dans une région où il y a un fort taux de chômage et où un entrepreneur, pour toutes sortes de raisons, aurait eu un contrat parce qu'il était le plus bas soumissionnaire et qu'il arriverait avec son groupe de travailleurs d'une autre région de l'autre extrémité du Québec, comment pensez-vous que la population locale réagirait? Comment réagiriez-vous si vous viviez dans cette région? Vous ne trouvez pas que, comme législateurs, on a une certaine responsabilité, celle de faire en sorte qu'il y ait un équilibre relatif qui s'établisse, qu'il y ait une qarantie relative à l'égard de la paix sociale, une certaine répartition et une certaine justice sociale? Il y a des régions au Québec où le taux de chômage est de 40 %. Comment réagiriez-vous si vous viviez dans cette région et si vous voyiez les emplois disponibles dans un chantier qui s'ouvrirait enfin dans votre région être pris par des gens d'une autre région de l'autre bout du Québec? Si vous étiez député ou ministre, quelle serait votre position? Est-ce que vous trouvez acceptable qu'on puisse aller dans la direction dans laquelle vous vous dirigez, c'est-à-dire pas de considérations locales ou régionales? (23 heures)

M. Bureau: Alors, M. le Président, si j'étais député ou ministre, je tenterais de prendre les dispositions appropriées pour combler les lacunes sociales dans des régions données et non pas remettre dans les bras des entrepreneurs le fardeau du bien-être social.

L'entrepreneur, M. le Président, est en compétition. Il a à remplir des normes

compétitives pour faire certains travaux et si vous lui remettez le fardeau du bien-être social pour déprendre... Si j'étais député ou ministre, je tenterais d'aborder d'autres avenues pour régler les problèmes de bien-être social dans des régions moins fortunées. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de régions moins fortunées, mais n'en laissez pas le fardeau aux entrepreneurs et le soin d'être le bien-être social dans des régions défavorisées. Ce n'est pas équilibré, M. le Président. On voit des organismes paragouvernementaux qui ne sont pas liés autant que cela.

Regardez Hydro-Québec, ils ne commencent pas à faire choisir. Y a-t-il quelque chose, des dispositions dans la loi, qui obligent Hydro-Québec, lorsqu'il y a du travail à Rimouski ou à Hull, à embaucher du monde de là? Pourquoi l'imposez-vous à l'industrie de la construction? Pourquoi tentez-vous de l'imposer et de donner tout le fardeau aux entrepreneurs qui doivent être concurrentiels?

Le Président (M. Charbonneau): Vous prenez l'exemple d'une entreprise à l'échelle québécoise alors qu'ici on parie non pas d'une entreprise mais d'une industrie. Dans une industrie, il y a plusieurs entreprises qui sont en concurrence. Dans la mesure où ces entreprises sont en concurrence ne doit-on pas baliser les règles du jeu pour les amener, dans la concurrence à laquelle ils se livrent, à tenir compte aussi des considérations locales et régionales et aussi de la considération sociale? D'après l'attitude que vous développez, les entrepreneurs s'occupent de faire de l'argent et le gouvernement va s'occuper du bien-être social comme s'il n'y avait pas de relation, finalement, entre la production économique et le soulagement d'une certaine réalité sociale et le problème de misères humaines qui existent dans des régions.

En tout cas, permettez-moi de ne pas être d'accord avec cette approche-là.

M. Bureau: Vous me permettrez de ne pas être d'accord avec vous non plus, M. le Président, puisque vous profitez du fait... Vous avez dit vous-même qu'en général vous comprenez que les entrepreneurs embaucheront localement. Mais, par rapport à une petite exception que vous avez mentionnée vous-même, M. le Président, vous tentez de changer tout un processus. La petite minorité des entrepreneurs pourraient déroger et ne pas employer localement, ce sont vos propres paroles.

Le Président (M. Charbonneau): C'est cela, sauf que le problème...

M. Bureau: Et là vous tentez de changer tout le processus.

Le Président (M. Charbonneau): Mais le processus, actuellement, c'est qu'il y a une priorité d'embauché régionale. C'est vous qui voudriez le changer et, d'autre part, il faut bien être conscient que cela ne prend pas beaucoup de cas pour, à un moment donné, foutre le bordel dans certains milieux et dans certaines régions. Cela prend juste une situation dramatique dans un endroit pour qu'à un moment donné toute une population d'une localité, d'une région se révolte.

Ceci dit, M. le député de Vimont.

M. Théorêt: Tout d'abord, je vais amener un point que vous avez soulevé dans votre mémoire, M. le président de la corporation. À la page 6, vous mentionnez que, dans la recherche de l'excellence et en reconnaissant la compétence comme le critère de base, on pourrait peut-être trouver étonnant une disposition semblable à celle qui se retrouve à l'article 33, c'est-à-dire celle concernant les 500 heures de garantie. Une telle disposition, dites-vous, devrait être a priori transitoire. Alors, je vais juste vous rappeler que, dans le projet de loi, à la page 19, il y a un sous-titre qui se lit comme suit: Dispositions diverses et transitoires, Et à la page 20, dernier paragraphe, deuxièmement, il est bien écrit que cela concerne les personnes qui sont âgées d'au moins 16 ans pour lesquelles un employeur enregistré à la Commission de la construction du Québec formule, une demande de main-d'oeuvre et fournit à son égard une garantie de travail d'une durée d'au moins 500 heures échelonnées sur une période d'au plus une année. Alors, c'est bien écrit. C'est sous-titré et c'est transitoire. Cela corrige peut-être l'inquiétude que vous aviez.

Aujourd'hui, la plupart des intervenants nous parlaient de problèmes de relève, de vieillissement des travailleurs, surtout dans certains secteurs. Est-ce que, dans votre secteur à vous, vous avez le même problème quant à la relève et à la formation? Est-ce que, chez vous, l'âge moyen des travailleurs est élevé''

M. Bureau: M. le Président, je crois que les relevés nous indiquent que l'âge moyen des employés en mécanique du bâtiment est de 45 ans et que l'âge moyen des apprentis est de 27 ans. Si cela ne commence pas à être un âge avancé, on est mieux de se poser des questions.

M. Théorêt: Est-ce que, dans ce secteur particulier, c'est devenu un point critique où des mesures urgentes doivent être prises ou pensez-vous que cela peut encore être échelonné de cette même façon pour encore quelques années?

M. Bureau: Depuis le temps que le milieu le réclame, M. le député, je pense

que cela ne peut plus être échelonné. Cela doit être fait maintenant.

M. Théorêt: Bon. Merci. M. le Président...

M. Bureau: Le président est parti. Une voix: M. le député d'Abitibi.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Tout à l'heure, je suivais les discussions entre vous, M. le président, et le président de la commission. Vous avez dit que les mesures du projet de loi vous semblaient insuffisantes quant au contingentement. J'ai cru comprendre cela à une question qui était posée par le président, à savoir si vous pensiez qu'il y avait du contingentement là-dedans. Vous lui avez répondu, sauf erreur, qu'il s'aqit là de quelque chose de transitoire en attendant qu'il y ait des examens permettant de déterminer la compétence. Est-ce que je vous interprète bien quand je dis cela?

M. Bureau: De déterminer les...

M. Favre: Les 500 heures.

M. Bureau: Oui.

M. Favre: Vous parlez des 500 heures,

M. Bureau: Oui.

M. Gauthier: Je vais reprendre ma question. D'accord? Le président faisait état des articles 32 et 33 principalement, en disant que les 500 heures élargissaient considérablement le bassin. Vous avez dit: On considère cela comme quelque chose de transitoire tant qu'il n'y a pas en place des examens pour mesurer la compétence. C'est à peu près cela.

M. Bureau: Effectivement, pour mesurer l'aptitude à l'entrée dans le milieu du travail et pour déterminer le...

M. Gauthier: Si vous acceptez ce préalable, puisque vous considérez les mesures du projet de loi comme étant des mesures transitoires en attendant de baliser autrement l'entrée dans le monde de la construction, en l'occurence par des examens de compétence, pouvez-vous me donner votre opinion concernant la suggestion qui a été faite cet après-midi par des représentants de centrales syndicales, à savoir que le projet de loi ouvrait beaucoup trop le marché de la construction et surtout qu'on maintienne le décret comme mesure transitoire, qu'on ait un moratoire de quatre mois ou d'un an - il y avait deux suggestions à cet égard - et qu'on se penche sur de véritables solutions qui peuvent être des examens de qualification ou autres procédures?

Compte tenu du danger que représente l'application intégrale des articles 31, 35 et 37 dans le projet de loi, ne convenez-vous pas avec les centrales syndicales qu'il serait plus sage, pour éviter d'inonder les bassins de main-d'oeuvre dans le monde de la construction, de maintenir comme mesure transitoire le décret avec un moratoire et une recherche de solutions plus appropriées qui pourraient ressembler à ce que vous proposez ou à ce que d'autres personnes veulent avoir?

M. Bureau: Lorsqu'on parle d'inondation, il ne faut quand même pas partir comme cela. Les entrepreneurs ne sont pas pour embaucher de nouveaux employés par centaines parce qu'il y a une mesure de transition. II faut quand même qu'il y ait des projets ouverts pour donner de l'ouvrage à ces bonshommes, d'une part.

D'autre part, je vois mal l'entrepreneur qui laisserait aller des personnes qui travaillent présentement pour lui et qu'il considère compétentes et qualifiées pour le simple plaisir d'aller embaucher parce qu'il y a une mesure transitoire et qu'il lui serait permis d'embaucher quelqu'un d'autre. Il ne laissera pas aller des personnes qui sont des permanents depuis nombre d'années pour commencer à embaucher quelqu'un d'autre pour le simple plaisir de le faire, lorsqu'il n'y a pas d'ouvrage pour ces personnes.

M. Gauthier: Ne convenez-vous pas, M. le président, que cet argument que vous avancez, que les entrepreneurs, bien sûr, n'iront pas engager n'importe qui sous prétexte qu'ils ont de la main-d'oeuvre compétente, cela peut être justifié dans des domaines plus spécialisés. Quand on parle de manoeuvres et d'apprentis, en début d'apprentissage dans certains cas, ne croyez-vous pas qu'il s'agit de remettre le sort de plusieurs milliers de travailleurs entre les mains de la bonne foi de l'ensemble des entrepreneurs du Québec, en supposant qu'effectivement ils n'auront pas envie d'engager des journaliers ou des manoeuvres - pour prendre le terme consacré - qui, pour une raison ou pour une autre, satisferaient davantage à certaines conditions particulières?

M. Bureau: J'aimerais que vous explicitiez davantage "pour une raison ou une autre", parce que je n'étais pas ici cet après-midi, malheureusement, pour entendre les revendications des syndicats. Mais encore une fois - vous dites bien dans notre domaine, peut-être qu'en tuyauterie c'est moins applicable - quel que soit

l'entrepreneur, je ne peux pas concevoir l'entrepreneur qui a déjà des employés dont il est satisfait - à moins que ces employés ne lui aient été forcés par la carte de classification et qu'il en soit mécontent et qu'il ne puisse pas en avoir d'autres - je ne peux pas voir pourquoi il les laisserait aller pour en embaucher d'autres. Si quelqu'un énonce cet effet-là, c'est tout simplement d'avoir peur que les employés détenant une carte de classification présentement ne soient pas compétents. Ils ont peur qu'ils ne soient pas compétents.

M. Gauthier: Vous avez parlé un peu plus tôt en répondant à une question, que d'après vous le seul critère de protection que les employés devraient avoir, c'était leur compétence. N'admettrez-vous pas que tous les secteurs de la société, y compris les entrepreneurs dont vous faites partie, bénéficient d'une certaine quantité de normes et de protection? À titre d'exemple, comment pourriez-vous concevoir une société qui, demain matin, enlèverait toutes les règles d'attribution de contrat aux entrepreneurs, règles qui obligent les entrepreneurs à se qualifier, à avoir un certain nombre de compétences, de personnes compétentes avec eux, à répondre à des critères de qualité, mais qui les protègent aussi? Quand vous soumissionnez sur un contrat gouvernemental, par exemple, ou dans la plupart des industries, c'est en général la plus basse soumission, à moins de raisons spéciales. Que penseriez-vous, comme entrepreneurs, si, demain matin, on permettait à n'importe qui d'aller faire de la tuyauterie, à n'importe quel "chaudron" d'aller vous concurrencer sur des contrats, de faire cela à peu près comme cela vient selon les lois du marché? On pourrait dire: Les entrepreneurs spécialisés comme vous, ils ont la compétence, il y aura bien des "chaudrons" ou des gars qui vont s'essayer dans le domaine, ils vont faire une "job", on ne sera pas satisfait, on va les laisser de côté et les bons vont continuer à percer. Est-ce que vous trouveriez, comme entrepreneurs, que le fonctionnement que la société retiendrait à ce moment-là vous garantirait suffisamment de droits et de possibilités de compétitionner avec n'importe qui? Vous avez des qualifications professionnelles, vous avez des employés qualifiés, vous répondez à ces normes et vous exigez une protection, vous exigez d'avoir un champ exclusif d'intervention. Vous n'accepteriez pas que n'importe quel amateur vienne soumissionner, vous couper les deux jambes, comme cela se fait dans un autre secteur qui n'est pas celui de la construction. Cela se comprend mieux dans le domaine de la conciergerie où des entreprises organisées se font couper les deux jambes par n'importe qui qui décide de faire des soumissions. Est-ce que vous ne trouvez que vous avez droit à une certaine protection, à une certaine exclusivité de pratique, mais, à ce moment-là, que tes employés ont aussi droit à un minimum de sécurité? (23 h 15)

M. Bureau: D'une part, je crois que la compétence devrait primer. Il faudrait que quelqu'un se décide ici. Vous posez la question. D'une part, vous parlez de continuité d'emplois employeur-employé et, d'autre part, le même employeur de Montréal, par exemple, s'il va travailler à Chicoutimi, vous ne lui permettez pas d'amener son employé. Vous dites: Mettez-le dehors, lui. Décidez-vous là-dessus et on continuera à s'en parler. Si le bonhomme de Chicoutimi...

M. Gauthier: Monsieur... Je m'excuse.

M. Bureau: M. le député, si l'entrepreneur, qui travaille pendant cinq ans sur un projet donné dans une région donnée, qu'il emploie des personnes de cette région qu'il trouve compétentes, qu'il les a formées dans une spécialité donnée, et qu'il revient pour travailler à Montréal ou à Québec, il n'a pas le droit parce que c'est régional. Vous me parlez de maintien de la main-d'oeuvre et vous me dites: Annule cela et...

M. Gauthier: Comprenons-nous bien, M. le président. Vous êtes entrepreneur et vous connaissez la construction; je suis député et je sais comment faire des lois. Si je connaissais la construction, je serais assis à votre place et, si vous saviez comment faire des lois, vous seriez assis ici. Donc, c'est moi qui vous pose des questions et je vous demande votre avis. J'ai donné le mien au ministre et je vais continuer à le donner au cours de ces travaux. Mais c'est le vôtre que je veux avoir, pas le mien.

M. Bureau: Mon avis, M. le député, si vous voulez protéger les emplois, laissez donc te loisir aux entrepreneurs de choisir leur monde où ils veulent et quand ils travaillent où ils veulent. Les vrais employés de la construction vont garder leur emploi à ce moment-là.

M. Gauthier: Une dernière question. J'aimerais savoir, M. le président, ce que vous pensez de la suggestion, pour éviter les certificats de complaisance, qui a été faite d'exiger un dépôt parce que ces entrepreneurs engagent de façon sérieuse et donnent des certificats sérieux de travail à des gens qui veulent entrer sur la construction. Que pensez-vous de l'idée qui a été émise de faire faire le dépôt par l'entrepreneur, finalement? Cela pourrait être sous une autre forme, sous forme d'engage-

ment face au nouvel organisme, pas l'office de la construction, de payer les 500 heures pour s'assurer qu'il n'y a pas de certificats de complaisance qui sont donnés au petit frère, à la belle-soeur, au cousin ou au "chum" de la fille ou au garçon du voisin? Est-ce que vous trouvez que c'est là une mesure qui serait applicable et qui vous conviendrait comme entrepreneur?

M. Bureau: Pas du tout.

M. Gauthier: Pour quelle raison?

M. Bureau: Parce que ce sont les premières centaines d'heures qui coûtent le plus cher à un employeur lorsqu'il embauche un nouvel employé, surtout un débutant dans la construction. Ce n'est pas après 200, 300 ou 400 heures, si l'employé est satisfaisant, s'il a l'aptitude au travail, que l'employeur va le laisser partir. C'est le temps que cela lui coûte le plus cher pour former cet employé. Alors, les certificats de complaisance... Je reviens peut-être à une infime minorité où cela peut se faire, mais est-ce qu'on construit une loi par l'infime minorité ou si on...

M. Gauthier: Avez-vous d'abord une suggestion? Prenons la question différemment? Vous comprendrez que, lorsqu'on fait des lois, il faut éviter que s'installe un marché noir ou s'installent des pratiques frauduleuses. C'est notre objectif et c'est l'objectif également du ministre de la même façon que c'est le nôtre à l'Opposition. Quelles mesures pourriez-vous nous suggérer pour éviter - parce qu'il faut absolument éviter cela » que ne s'établisse cette pratique du marché noir des certificats de travail garanti qui ne se traduira jamais par autre chose qu'une simple intention sur une feuille de papier? Quelles mesures nous suggéreriez-vous pour éviter que cela se produise?

M. Bureau: Je n'ai pas d'autres mesures à suggérer présentement que le coût que l'employeur doit débourser pour la formation d'un employé dès son début. C'est une mesure tout à fait économique qui parle par elle-même.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de l'Abitibi...

M. Bureau: On n'a pas besoin d'être législateur pour cela.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Abitibi-Est.

Une voix: Non, non.

Le Président (M. Charbonneau): Non, de Rouyn-Noranda-Témiscaminque.

M. Baril: M. Bureau...

Le Président (M. Charbonneau): Je m'entends bien avec votre homonyme.

M. Baril: Je demeure dans une région éloignée qui vit le problème de l'ancienne loi selon laquelle les fameuses classifications font que - ce n'est pas parce que nos gens ne sont pas compétents, qu'ils n'ont pas de carte de compétence - parce que nous n'avons pas assez de gros contrats, nos gens ont de la difficulté à garder leur carte de classification.

J'abonde un peu dans votre sens lorsque vous parlez de l'entrepreneur. En ce qui me concerne, je vous fais confiance, venant de ce milieu: lorsque vous allez présenter une soumission pour venir travailler en Abitibi, vous allez certainement vérifier si des tuyauteurs sont disponibles dans la région. Il y a un exemple que je veux vous donner pour parler un peu du problème du président tantôt. À Témiscaming, on a bâti une usine à papier. J'étais assis dans une salle d'un hôtel avec une douzaine de tuyauteurs de ma région, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qui avaient leur carte de compétence, mais non leur carte de classification car ils n'avaient pas complété leurs heures normales. Dans l'autre salle, la salle à manger, il y avait aussi là une douzaine de tuyauteurs qui venaient de la région de Hull, car nos gens ne pouvaient travailler à cause de la fameuse carte de classification. Est-ce que vous pensez, M. Bureau, que la nouvelle loi 119 va régler votre problème, en ce qui concerne... Est-ce que vous allez amener vos employés de Montréal, de Québec ou de Sherbrooke si vous savez que nous en avons en Abitibi qui sont licenciés et compétents?

M. Bureau: Je pense que la question se répond par elle-même. Strictement au point de vue économique pour l'employeur, il va d'abord rechercher des employés qualifiés et compétents dans une région donnée avant de commencer à payer des frais de déplacement à d'autres employés pour faire le même travail.

M. Baril: Peut-être que la loi de la concurrence fera que vous allez venir engager des employés avant d'amener des gens de l'extérieur?

M. Bureau: Effectivement.

M. Baril: C'est pour cela que je vous dis que je suis totalement d'accord avec vous en ce qui concerne les emplois locaux, régionaux et provinciaux.

En deuxième question, à titre de renseignement, dans votre première

recommandation, en haut de la page 8, vous dites que vous n'êtes pas d'accord que le gouvernement nomme des personnes dans votre conseil d'administration. J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous ne voulez pas qu'on ait des représentants du ministère de l'éducation, à un moment donné... Ne pensez-vous pas que, si vous aviez une de ces personnes avec vous qui pourrait... On sait qu'on a un problème en éducation présentement. Est-ce que vous pourriez...

M. Bureau: Non, je pense qu'il serait peut-être bon qu'on relise ensemble notre recommandation. Ce qu'on recommande, c'est que les nominations des membres représentant les associations représentatives, l'association d'employeurs et les associations d'entrepreneurs se fassent par les associations et non par le gouvernement, c'est-à-dire que les membres des associations d'entrepreneurs qui vont siéger, on ne veut pas que ce soit le gouvernement qui les nomme, même après consultation des associations.

Si on nous fait confiance pour siéger, on devrait laisser assez de confiance aux associations et aux syndicats pour nommer les personnes qu'ils veulent bien nommer pour siéger. Je pense qu'on a encore cette compétence de reconnaître les qualifications d'une personne qui peut siéger à un conseil d'administration en tant que tel.

On n'élimine personne. On dit tout simplement: Plutôt que le gouvernement nomme nos personnes, laissez-nous nommer nos personnes. Si je veux avoir M. Untel pour siéger au conseil d'administration, c'est lui que je veux avoir. Si les maîtres électriciens veulent en nommer un, qu'ils nomment celui qu'ils croient le plus apte et compétent pour siéger à ce conseil. C'est tout.

M. Baril: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mes propos vont simplement viser à clarifier l'intervention du président, et je vous le dis avec respect, M. le président. Quand vous avez parlé tantôt des garanties de 500 heures pour tout le monde, il y a deux précisions qu'il faut apporter.

La garantie de 500 heures s'applique, premièrement, strictement dans une phase transitoire. C'est tel que rédigé, sans amendement. Cette phase transitoire commence, si le projet de loi est adopté quant aux modalités, le 1er janvier, jusqu'à ce que la commission ait, dans ce secteur, soumis un programme de formation, etc. À partir de ce moment, la phase transitoire se termine. Cela peut prendre un mois, deux mois, trois mois, quatre mois, cinq mois ou six mois, cela dépend de la vitesse avec laquelle les partenaires de la commission travailleront.

Maintenant, vous dites que 500 heures, cela veut dire que quelqu'un ne sera pas compétent. Il va pouvoir entrer sur la construction. Cela va à l'encontre du principe de la compétence. Je vous dirai qu'il n'est pas question de 500 heures pour les travailleurs qualifiés. Pour les travailleurs qualifiés, même dans la phase transitoire, il n'est pas question de 500 heures parce que quelqu'un ne devient pas qualifié - vous avez raison là-dessus - du jour au lendemain. Il en est question dans le cas des apprentis et des manoeuvres. Mais quelqu'un qui est apprenti, il apprend, justement. Quand il a fini de faire son apprentissage, selon le métier, selon le module, il devient qualifié. C'est pendant la phase transitoire et cela s'applique aux apprentis, tel que rédigé présentement, et aux manoeuvres. Vous pouvez consulter les statistiques de l'Office de la construction du Québec en ce qui concerne les travailleurs actifs et, si vous retournez loin en arrière, vous constaterez que les règlements ont été changés à plusieurs reprises. Le règlement sur le placement a été modifié, les cartes ont été émises, épurées ou réémises automatiquement. J'ai indiqué, dans le cas des travailleurs qualifiés, quel que soit le règle-ment en place, quel que soit le critère d'accès, que les fluctuations sont mineures. En ce qui concerne les apprentis, c'est également mineur. Les gens qui ont été les victimes des plus importantes fluctuations au moment des changements de réglementation dans le domaine de la construction, ont été les manoeuvres. C'est pour cela qu'on s'acharne - j'ai fait des ouvertures aujourd'hui - à trouver des solutions de façon que les manoeuvres ne subissent pas, sur le plan de leur priorité d'emploi, si je peux employer l'expression, une secousse, qu'il n'y ait pas, comme vous l'avez dit ou comme le leader l'a dit en Chambre, 300 000 manoeuvres le lendemain matin qui inondent les marchés de la construction. C'est sur cela qu'on travaille. C'est sur cela qu'on a entendu des suggestions des parties aujourd'hui. C'est sur cela qu'on continuera à entendre des suggestions des parties demain. Vous avez une phase transitoire dans le projet de loi. Vous lisez la phase transitoire pour la période où elle doit s'appliquer - je viens de vous l'indiquer - et, après cela, vous avez l'implantation d'un nouveau système basé sur la compétence.

Que veut dire le nouveau système pour les travailleurs qualifiés? Il faut être titulaire d'une carte de compétence. Il n'y a pas de 500 heures non plus une fois que c'est en place. Pour l'apprenti, 16 ans ou plus, être titulaire du certificat d'études

professionnelles ou diplôme d'études professionnelles du ministère de l'Éducation. Je ne sais pas si vous avez eu la chance d'en prendre connaissance. C'est la réforme dans le domaine scolaire que le ministre de l'éducation a annoncée, il y a quelques mois, et qui prévoit la délivrance, dans le domaine de la construction comme dans d'autres domaines de métiers, de certificats ou de diplômes ou d'une équivalence pour les adultes parce que ce n'est pas tout le monde qui va être au secondaire. Mais cela va prendre, pour entrer comme apprenti, une scolarisation dans ce domaine. Après cela, cela va être l'apprentissage sur le chantier. L'estimation des besoins par les parties, le contenu du cours, etc., vont être faits et décrits par les parties. Pour les manoeuvres, ce qu'on a suggéré dans la phase d'implantation, après la phase transitoire, tel que c'est présentement, 16 ans ou plus, c'est d'avoir réussi le cours spécialement conçu -c'est la commission qui va concevoir le cours - qui comprendra la sécurité sur le chantier. Présentement, vous avez raison, un cours de sécurité sur le chantier se passe dans une journée, au moment où on se parle. Mais peut-être que la commission va décider que c'est plus important que cela. On nous dit que ce sont les jeunes travailleurs qui ont le plus haut taux d'accidents. Peut-être que la commission va décider que le contenu du cours va être modifié. Il va peut-être être un peu plus long et un peu plus sérieux qu'il ne l'est présentement parce que présentement, tous s'entendent pour dire que cela se passe rapidement. II y aura un cours sur le fonctionnement dans les chantiers. Un manoeuvre qui travaille sur un chantier doit savoir ce qui se passe, ce que les autres font, etc. Il y aura un cours en droits et obligations aux travailleurs et on a inscrit "etc.", parce qu'il appartiendra à la commission de déterminer ces critères.

Quand vous regardez cela, je me demande comment vous pouvez affirmer comme vous l'avez affirmé de l'autre côté -dans le salon bleu; mais pas trop ici, aujourd'hui - que cela va être tout le monde qui va entrer ou que cela va prendre juste 500 heures avec une garantie qui ne veut rien dire, comme la garantie de 150 heures présentement, et que c'est comme cela que ça va fonctionner. Je ne vous en blâme pas, ce n'est pas un domaine qui est facile. On vient d'entendre, pendant toute la journée, des experts qui nous ont dit, à un moment donné: Faites-vous une idée. Voulez-vous la priorité régionale ou si vous voulez qu'on garde nos emplois? On ne peut pas avoir les deux. C'est d'une logique implacable à un moment donné. Il y a des choix politiques à faire. On est obligé de faire des choix politiques là-dedans. On ne pourra pas satisfaire tout le monde.

Ce que je demande aux gens de l'Opposition, c'est de prendre le temps de bien prendre connaissance de la phase transitoire, de constater que c'est une phase transitoire avant l'implantation du nouveau système. S'il y a des modifications et des améliorations, je les invite à mes les faire parvenir, à me les dire Ici ou la semaine prochaine lors de l'étude article par article. II y a de la place pour des améliorations et nous allons le faire.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ce, je vous invite, M. le ministre, à remercier nos invités.

M. Paradis (Brome-Missisquoï): Oui. Vous avez peut-être été ceux qu'on a fait patienter le plus longtemps. C'est toujours plus difficile de se présenter en commission parlementaire en toute fin de journée. Vous avez pu le remarquer, les parlementaires sont eux aussi un petit peu plus fatigués de leur journée; c'est un peu plus indiscipliné.

On vous remercie pour la façon dont vous avez présenté votre mémoire, pour la logique avec laquelle vous avez défendu vos arguments, qu'on partage parfois et qu'on ne partage pas d'autres fois, pour la qualité des modifications qui nous sont présentées dans le mémoire et leur rédaction. On vous remercie pour aujourd'hui et on vous remercie également du travail que vous avez effectué entre les mois de mars et de juin. On a pu compter sur votre collaboration et elle nous a été fort utile.

Le Président (M. Charbonneau): M. le président, je vous remercie également de la participation que vous avez bien voulu donner aux travaux de la commission. Je crois que les collègues, tant de l'Opposition que ministériels, ont apprécié votre présence. J'espère que le résultat qui sera produit par l'Assemblée nationale finira par faire en sorte que l'industrie de la construction s'en trouvera un peu mieux.

M. Bureau: Vous me permettrez, au nom de mes collègues, de vous remercier ainsi que le ministre et les membres de la commission pour votre bienveillante attention. J'apprécie les questions pertinentes qui ont été posées. J'ai tenté d'y répondre le plus sincèrement possible dans la mesure de mes connaissances tout en tentant de représenter le plus adéquatement possible les quelque 2200 personnes que je représente ici. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Charbonneau): Alors merci, bonsoir et bon retour.

Les travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 11 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine.

Une voix: Joyeux Noël à vous aussi!

(Fin de la séance à 23 h 32)

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