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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons poursuivre la consultation particulière sur
l'avant-projet de loi sur les forêts. Je souhaite la bienvenue à
MM. les ministres, à messieurs les membres de l'Assemblée et
aussi à tous les gens qui assistent depuis le début à nos
travaux.
J'inviterais la Fédération des travailleurs du papier et
de la forêt à se présenter. Mais, avant, j'aimerais que le
secrétaire nous fasse part des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a
plusieurs remplacements pour cette séance. D'abord, Mme Bélanger
(Mégantic-Compton) est remplacée par M. Gauvin
(Montmagny-L'Islet); M. Filion (Taillon) est remplacé par M. Perron
(Duplessis); M. Fortin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Bradet
(Charlevoix); M. Gobé (Lafontaine) est remplacé par Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata); M. Leclerc (Taschereau) est remplacé
par M. Middlemiss (Pontiac); M. Lefebvre (Frontenac) est remplacé par M.
Paradis (Matapédia); M. Maltais (Saguenay) est remplacé par M.
Thérien (Rousseau); M. Paré (Shefford) est remplacé par M.
Jolivet (Lavioiette); M. Parent (Bertrand) est remplacé uniquement pour
la matinée par M. Desbiens (Dubuc); M. Philibert (Trois-Rivières)
est remplacé par Mme Bleau (Groulx).
Le Président (M. Baril): M. Perron.
M. Perron: M. le Président, pour la forme. Hier soir,
dès le début de la commission parlementaire, j'ai oublié
de mentionner un remplacement. Parce qu'il est intervenu en commission, est-ce
qu'on pourrait rétroactivement y placer M. Desbiens qui
remplaçait M. Parent (Bertrand) en soirée hier?
Le Président (M. Baril): Est-ce qu'on a le
consentement?
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Baril): Consentement.
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Baril): J'invite la
Fédération des travailleurs du papier et de la forêt
à se présenter à la table. Nous vous souhaitons la
bienvenue. Je tiens à vous rappeler que, selon une entente au sujet de
votre temps, vous disposez d'une heure trente, sauf que vous aurez trente
minutes pour votre exposé.
J'aimerais souligner, en tant que président de la commission ce
matin, que nous sommes chagrinés du fait que nous ayons eu vos documents
seulement ce matin. Si on vous semble un peu moins préparés
à vous poser des questions concernant votre document, c'est malheureux,
mais c'est que l'équipe ministérielle et l'Opposition n'ont pas
eu le temps de lire votre document. Espérons que nous ferons le mieux
possible avec ce que vous nous direz-Fédération des
travailleurs du papier et de la forêt
M. Cantin (Georges): Merci, M. le Président. Je voudrais
m'identifier et identifier mes collègues qui sont avec moi. À ma
gauche, la vice-présidente de la CSN, Mme Céline Lamontagne qui,
cet après-midi, présentera le mémoire de la CSN comme tel.
Vous allez remarquer, parmi les dossiers que vous avez eus ce matin, que l'on
aurait voulu que le mémoire de la CSN soit présenté avant
le nôtre. Étant donné qu'il n'y a pas eu d'entente de ce
côté, on va procéder comme la commission nous le demande.
Le mémoire de la CSN, cet après-midi, va présenter
vraiment l'ensemble de la politique forestière. Nous, en tant que
membres de la Fédération des travailleurs du papier et de la
forêt, nous nous occupons des travailleurs et de leurs conditions de
travail. Cela s'intègre au mémoire de la CSN. Étant
donné que les rôles ont été inversés, on va
procéder de cette façon.
Je vous présente ma camarade, Céline Lamontagne, qui est
la vice-présidente de la CSN; à mon extrême gauche, le
camarade Yvon Lechasseur, vice-président du secteur forestier, forestier
lui-même depuis trente ans et, en même temps, en chômage
depuis 1982; la camarade Thérèse Montpas, coordonnatrice de la
fédération; le camarade Daniel Malenfant, employé de la
fédération et de la CSN; et aussi Denis Lambert, qui a
contribué à la rédaction du mémoire, employé
de la fédération.
M. le Président, nous allons essayer de
respecter ce que vous nous avez dit ce matin, trente minutes. Vous
comprendrez que cela fait longtemps que les travailleurs attendent pour parler.
Ils ne sont pas entendus tellement souvent dans cette société.
Depuis 1937, c'est la troisième fois que l'on parade. On espère
que vous allez nous écouter. Vous nous questionnerez, si vous avez du
temps, mais on veut que vous nous écoutiez. C'est cela que l'on vient
vous dire ce matin et c'est très important pour les travailleurs du
papier et de la forêt.
Le Président (M. Baril): Vous avez trente minutes.
M. Cantin: Merci, cela pourra peut-être en prendre
trente-cinq, je vous le dis d'avance.
M. le Président, membres de la commission, nous hésitons
à vous remercier d'avoir invité la Fédération des
travailleurs du papier et de la forêt à venir exprimer son point
de vue sur le soi-disant nouveau régime forestier que le gouvernement
s'apprête à décréter. Nous disons bien
"décréter" puisque, au moment du processus de consultation sur la
révision de la gestion forestière, le public n'a pu s'exprimer et
faire valoir son point de vue de façon convenable. Les quelques groupes
qui y sont parvenus. malgré tout, c'est ici, en commission
parlementaire, mais tout a probablement déjà été
décidé dans les officines des ministres qui ont été
chargés de ce dossier depuis cinq ou six ans, en compagnie des
industriels.
Vous savez, on ne lance pas comme ça des remerciements trop
gratuitement, surtout quand on a l'impression qu'on nous a toujours
considérés persona non grata dans cette triste histoire de
similiconsultations. Les quelques rares séances de travail où
nous avons réussi à imposer notre présence,
c'est-à-dire deux rencontres au Château Bonne-Entente, à
Québec, en juin et en août derniers, nous ont permis de constater
quelles étaient les véritables préoccupations du
gouvernement et surtout quels intérêts prévalaient dans
l'élaboration du régime forestier. Tout ce qu'on a pu faire dans
ces rencontres, c'est effectivement constater que l'essentiel et même le
détail du régime forestier, les compagnies et le gouvernement les
avaient déjà élaborés entre eux.
Et ce n'est pas nouveau. Les industriels, eux, ont toujours eu une place
privilégiée en participant directement et de façon suivie
aux travaux préparatoires à cette réforme timide de la
gestion forestière. Le régime qui nous est proposé en
témoigne amplement quand on se met à y recenser les avantages
financiers et politiques dont ils bénéficieront. Pas
étonnant, d'ailleurs, qu'on les appelle les bénéficiaires
de l'avant-projet de loi. Mais tous les autres, nous, on les considère
comme des victimes.
On a accepté l'invitation de venir vous rencontrer non pas pour
échanger sur le régime forestier, mais bien pour que vous nous
écoutiez attentivement, surtout vous, M. le ministre, ainsi que les
sous-ministres qui vous accompagnent et, je dirais, les anciens qui sont dans
la place aussi. Nous avons l'impression et même la quasi-certitude que
vous vous foutez des problèmes des travailleuses et des travailleurs qui
peinent quotidiennement en forêt. À preuve, aucun article dans
l'avant-projet avant la fin de l'année qui ne s'adresse aux aspects
sociaux des problèmes forestiers québécois. Qui plus est,
M. Côté, vous ajoutez l'affront à l'insulte en refusant
carrément de vous intéresser aux problèmes de vie et de
travail de la main-d'oeuvre forestière.
Pour vous rafraîchir la mémoire, voici un bref extrait de
l'allocution que vous avez prononcée lors du congrès annuel de
l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage, le 6 mai dernier.
"J'ai affirmé qu'il n'était pas nécessaire d'effectuer une
vaste enquête coûteuse puisque le problème est connu et, par
ailleurs, fort limité quant au nombre de travailleurs
affectés".
On ne sait pas trop, M. Côté, si vous avez fait là
preuve d'ignorance ou de mauvaise volonté quand des études et des
commissions sérieuses ont émis un avis contraire en constatant
l'ampleur des problèmes de l'organisation du travail en forêt.
La commission consultative sur la réforme du Code du travail,
présidée par le juge René Beaudry, recommandait à
peine quelques mois avant votre allocution: "Compte tenu des nombreuses
demandes faites à la commission consultative sur la réforme du
Code du travail et du rapport d'étape du Groupe de travail sur
l'exploitation forestière, que le ministre du Travail ouvre, dans les
plus brefs délais possible, une enquête sur l'ensemble des
activités en forêt. Cette enquête devrait cerner tous les
sujets susceptibles d'influencer les droits et les conditions de travail de la
main-d'oeuvre forestière, et certainement l'influence de la
planification et de la production sur les besoins et les conditions de travail
des ressources humaines, les effets de la mécanisation sur la
santé, la sécurité et la rémunération du
travail forestier, la qualité et la quantité de formation des
ouvriers, la pratique de la sous-traitance et les répercussions sur les
conditions de travail et sur le droit d'association, la qualité de la
vie en forêt, les effets des divers modes de rémunération
sur les revenus nets des travailleurs en forêt, les coûts de
production, la productivité, les effets sur l'accréditation et
sur son droit de suite lors de la rétrocession d'une concession
ou d'un changement de territoire de coupe pour des raisons
incontrôlables."
Le juge Beaudry est reconnu comme une sommité. J'espère
qu'il a une certaine crédibilité dans le Québec.
Et que dire de cet extrait de l'étude intitulée "Le
secteur forestier, recherche et développement", datant de 1983, à
laquelle participaient des représentants du ministère de
l'Énergie et des Ressources: "La main-d'oeuvre forestière, cette
inconnue? L'industrie forestière souffre d'une pénurie de
main-d'oeuvre spécialisée en forêt, qui semble s'expliquer
par une dévalorisation des tâches afférentes à la
coupe des bois, l'éloignement des aires de coupe des villages et des
petites villes, le caractère saisonnier des coupes, l'exode rural, la
structure sociale des camps forestiers et finalement l'organisation des
opérations dans son ensemble. Ces camps éloignés
existeront-ils dans l'avenir? Si oui, quelles structures sociales
répondant aux aspirations des travailleurs devrait-on y instaurer pour
attirer la main-d'oeuvre qui sera de plus en plus spécialisée vu
l'intensification de la mécanisation et de la robotisation? I! y a un
manque évident de connaissances sur la dynamique de la main-d'oeuvre
forestière au Québec, tant au niveau de la réalisation des
travaux sylvicoles qu'au niveau de l'exploitation des bois. La stabilisation et
la formation de la main-d'oeuvre forestière ne passent-elles pas par une
intégration à un programme approprié d'activités
dans les forêts des zones habitées et industrielles?"
Si le ministre Côté n'a pu mettre la main sur ce document,
nous nous ferons un plaisir de lui en fournir une copie en main propre. D'autre
part, notre mémoire pourra parfaire ses connaissances, puisqu'on
décrit en long et en large, les conditions de vie et de travail
prévalant en forêt.
Quant aux entrepreneurs que le ministre Côté qualifiait de
"batcheux" le 6 mai dernier, ils sont plus nombreux qu'il ne le prétend.
S'ils sont si peu, comme il le soutenait, alors qu'il nous les nomme! On pourra
ainsi voir si on a les mêmes critères pour la classification des
entrepreneurs qui manquent carrément de respect envers leurs
employés.
Comme peuvent le constater les membres de cette commission, nous sommes
surtout venus vous parler de ce qui a été oublié ou
laissé de côté par le ministre dans l'avant-projet de loi
sur les forêts: la dimension humaine. La forte* dégradation de la
ressource forestière, décriée par plusieurs des
intervenants qui se sont succédé ici, n'a d'égal que les
conditions de vie et de travail dégradées des travailleuses et
des travailleurs qui tentent de gagner décemment leur vie dans les
secteurs de la récolte de bois et du reboisement.
L'exploitation forestière. Autant les compagnies, avec la
complicité des gouvernements, n'ont jamais eu de considération
pour notre patrimoine forestier collectif en le dilapidant de façon
éhontée, autant elles ont manqué de considération
pour les travailleurs forestiers. Nous affirmons même qu'une grande part
de l'activité économique du Québec repose sur
l'exploitation abusive et nettement irrespectueuse des ouvriers forestiers et
de la ressource forestière.
Les travailleurs et leurs organisations syndicales sont des
témoins privilégiés du gaspillage forestier. Les
travailleurs ont une connaissance pratique de la destruction des forêts,
des méthodes sauvages de coupe, de l'enfouissement de bois et du
non-respect des règlements d'exploitation. Finalement, ce sont les
travailleurs qui sont traités par les compagnies, leurs
ingénieurs et autres savants spécialistes de la même
façon que ces derniers traitent la forêt: une ressource naturelle
que l'on exploite jusqu'à épuisement, à une
différence près qu'elle ne coûte pas cher à
remplacer.
Il faudrait commencer à considérer les conditions de
travail à forfait épuisantes imposées aux ouvriers
forestiers comme des entraves aux droits de la personne. Une étude de
l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail du
Québec affirmait que: "le secteur des exploitations forestières
détenait, en 1981, le taux de fréquence des accidents et des
maladies professionnelles le plus élevé, soit 33,9 %, ainsi que
le plus haut taux de mortalité: 85 décès pour 10 000
travailleurs. Le taux de fréquence des accidents, toutes régions
confondues, se chiffre à 37 accidents par 100 travailleurs
occupés." Cela commence à être du monde.
Etre payé à l'arbre abattu sans aucun salaire de base,
sans jamais être sûr de son revenu, cela a des impacts sur la
façon de travailler. Pour s'assurer d'un salaire décent, le
travailleur doit se surmener, se dépasser, aller le plus vite possible.
N'y a-t-il pas un lien évident entre le nombre d'accidents...
Le Président (M. Baril): M. Cantin? Une voix:
Oui.
M. Cantin: Non, mais je ne voudrais pas parler au mur. Je ne me
suis pas déplacé pour rien. C'est depuis 1971 que je me bats; je
suis à la veille de m'en aller dans mes terres, parce que je commence
à vieillir comme n'importe qui d'entre vous. Je voudrais avoir quelque
résultat avant de mourir, si possible.
Le Président (M. Baril): On va vous écouter, M.
Cantin.
M. Cantin: Merci beaucoup. Pour s'assurer d'un salaire
décent, le travailleur doit se surmener, se dépasser, aller le
plus
vite possible. N'y a-t-il pas un lien évident entre le nombre
d'accidents en forêt et le mode de rémunération?
Tellement de facteurs incontrôlables influent sur le revenu des
travailleurs à forfait: la température, la topographie du
terrain, la qualité des arbres, les mouches, et j'en passel Vous tous
ici présents, même s'il pleut à verse, recevez votre plein
salaire. Le travailleur forestier, lui, cela peut influencer son chèque
de paie à la baisse. (10 h 30)
À ceux qui affirment ou pensent que les travailleurs forestiers
désirent conserver leur rémunération au rendement, nous
répondons tout simplement que c'est faux. Ils donnent cette
réponse parce qu'ils n'ont pas le choix; ils le savent et ne voient pas
l'heure de s'en sortir. Certains diront que, lorsqu'un travailleur est
rémunéré au rendement, il est libre: libre de son horaire,
libre de son rythme, etc. Nous répondons qu'il a la liberté de
l'esclave à qui on permet d'organiser son travail comme il le veut
à la condition qu'il fasse tout ce que le maître lui demande et
à ses conditions.
Le travail à forfait doit être aboli parce qu'il cause des
préjudices graves à des milliers de travailleurs, M. le ministre.
Vous leur manquez carrément de respect en affirmant, comme vous l'avez
fait "que la sécurité individuelle relevait de chacun des
travailleurs et que, dans la plupart des cas, les accidents qui surviennent en
forêt résultent d'une imprudence personnelle" et encore plus en
réitérant par la même occasion que, pour vous, le travail
à forfait est: "une formule essentielle permettant de maintenir le
niveau d'emploi en forêt".
Qu'entendez-vous par là? Voulez-vous dire qu'en maintenant une
formule où les salaires sont incertains et bas, cela permet d'exploiter
plus de monde?
La propriété des machines. Les compagnies de pâtes
et papiers - c'est un fait reconnu - règnent en rois et maîtres
dans le secteur forestier au Québec. Ces grandes entreprises dictent
leur loi à tous: aux entreprises de sciage en leur versant un prix
dérisoire pour leurs copeaux. Une étude réalisée
par Lavalin démontre que l'industrie des pâtes et papiers, qui
contrôle près de 75 % de la demande de matière ligneuse au
Québec, ne verse en moyenne que 70,25 $ pour une tonne de copeaux. Le
coût de production moyen d'une tonne de copeaux serait d'environ 102,88
$.
Les copeaux représentent environ le tiers de la production des
usines de sciage, leur assurant 30 % de leurs revenus en moyenne. L'industrie
des pâtes et papiers, en contrôlant fortement la demande globale de
matière ligneuse et en s'approvisionnant à plus de 50 % en
copeaux, fixe le prix à sa guise; sans compter que 30 % des scieries
sont contrôlées par des compagnies papetières et que ces
dernières contrôlent plus de 48 % de l'offre totale de
matière ligneuse.
L'exploitation des scieurs par les papetières a
inévitablement des conséquences similaires sur les travailleurs
des scieries qui font les frais des pertes de leurs employeurs. Les petits
propriétaires de boisés privés, dont la production
répond à peu près au quart des besoins annuels en bois de
l'industrie papetière, négocient difficilement des prix couvrant
à peine leurs frais d'exploitation. Compte tenu du contrôle
exercé par les papetières sur la fixation, en complicité
avec le gouvernement, du prix de la matière ligneuse, la somme
perçue par un producteur de la forêt privée pour un
mètre cube apparent vendu pour la pâte a à peine
augmenté d'un demi-cent entre 1970 et 1985. Comment espérer vivre
décemment de la production du bois dans ces conditions?
Les travailleurs du secteur de l'exploitation forestière, en plus
d'être rémunérés à forfait avec toutes les
incidences que cela comporte, se sont vu transférer massivement la
propriété de la machinerie depuis une quinzaine d'années.
Les compagnies forestières se sont ainsi déchargées de la
responsabilité d'une technologie d'exploitation coûteuse qui doit
opérer sur des territoires de plus en plus éloignés et
accidentés, donc des frais d'entretien onéreux.
Pourquoi traite-t-on les travailleurs forestiers différemment des
travailleurs des usines à papier? Pourtant, je travaille pour la
compagnie Domtar à Donnacona, je suis opérateur d'une machine et
je n'ai jamais eu à débourser aucun sou pour le camion que je
fais fonctionner chez Domtar. Les travailleurs forestiers de Domtar à
Quévillon ont été obligés d'acheter une machine de
250 000 $ pour vivre de la même façon que moi. Pour quelle raison
ne sont-ils pas traités de la même façon que moi, ouvrier
de Domtar?
Une étude de l'INRS-Urbanisation datant de décembre
dernier fixe la valeur du parc d'équipements d'exploitation
forestière -abatteuses, débusqueuses et ébrancheuses -en
forêt publique à près de 1 600 000 000 $. Nous serions
prêts à parier que ce sont les travailleurs qui supportent au
moins 70 % de la valeur de cet outillage, soit environ 1 000 000 $.
En plus du coût d'achat, un travailleur propriétaire d'une
machine doit supporter les coûts d'entretien, d'inventaire de
pièces de rechange, de carburant, de transport et de main-d'oeuvre pour
les réparations du véhicule nécessaire au transport de ses
équipiers de travail, d'assurances diverses, de dévaluation de la
machine, etc.
Plusieurs doivent s'improviser comptables et mécaniciens en plus
de leurs
longues heures de travail à la récolte du bols,
occupations secondaires pour lesquelles ils ne reçoivent aucune
rémunération, mais qui ont permis aux compagnies de couper des
emplois.
Si la propriété de la machinerie avait été
le moindrement lucrative, vous pouvez être assurés que les
compagnies n'en auraient pas transféré la possession aussi
massivement aux travailleurs!
Le bois ne vaut pas grand-chose maintenu à un prix ridiculement
bas pour et par l'industrie papetière et le gouvernement. Comment
espérer qu'on assure aux travailleurs des conditions de travail et
salariales décentes quand ils récoltent quelque chose qui n'a pas
de valeur?
Des conditions de vie toujours de plus en plus difficiles. Par-dessus le
marché, nos travailleurs se font littéralement voler leurs camps
et leurs cuisines. Plusieurs compagnies, au cours des dernières
années, ont décidé de fermer certains de leurs camps
forestiers n'assurant plus le gîte et le couvert aux travailleurs,
faisant d'eux des travailleurs itinérants. C'est le cas de la compagnie
Donohue à Clermont, de la compagnie Scierie des Outardes sur la
Côte-Nord. C'est aussi le cas des compagnies Québec North Shore de
la Côte-Nord et Domtar à Lebel-sur-Quévillon qui ont
décidé de fermer leurs camps et cuisines les fins de semaine,
forçant les travailleurs habitant loin du camp soit à voyager
chaque fin de semaine, soit à habiter à l'hôtel ou
ailleurs. Cela coûte de plus en plus cher aux travailleurs pour se
maintenir à l'ouvrage, surtout que la forêt n'arrête pas de
reculer.
Le reboisement. La situation est loin d'être plus rose pour les
travailleurs et les travailleuses du reboisement. Les contrats et sous-contrats
de reboisement en forêt publique sont pour la plupart octroyés au
plus bas soumissionnaire. Comme la lutte pour l'obtention des contrats est
féroce, la loi de la jungle résineuse impose le travail à
forfait comme mode privilégié d'organisation du travail.
C'est donc la main-d'oeuvre qui écope encore une fois dans un
système où l'on dépense le moins possible pour la
ressource. Imaginez le nombre de plants qu'il faut mettre en terre pour payer
son épicerie à la fin de la semaine quand les entrepreneurs
versent en moyenne 0,06 $ à 0,07 $ du plant! De plus, les heures de
chargement et de déchargement des plants ne sont pas
rémunérées aux travailleuses et aux travailleurs.
Mais ce faible revenu n'est pas entièrement garanti, loin de
là. Plusieurs déductions sont faites du chèque de paie des
reboiseurs. Par exemple, les entrepreneurs récupèrent sur la paie
des employés des pénalités qui leur sont imposées
par le MER pour diverses infractions. C'est ce qu'ils nous disent.
Nommons-en quelques-unes: manque d'eau dans les contenants, 50 $; plants
échappés, 1 $ chacun; compactage du plant avec la pelle ou autres
outils utilisés par le reboiseur, 5 $ du plant. La liste s'allonge.
L'équipement de base requis pour effectuer le travail, les reboiseurs
doivent le louer ou l'acheter. Cela comprend une pelle, un sac pour transporter
les plants, un support à godets, un pic, une mante de pluie, des bottes,
un chapeau de sécurité et des gants.
Comme ces travailleurs ne sont pas logés, il faut ajouter des
dépenses comme l'achat d'une tente ou la location de chambres, les frais
de transport, un sac de couchage, bref, des équipements complets de
camping sauvage!
Comme conditions de vie, c'est loin d'être le paradis. Pas de
facilité d'hygiène fournie par les employeurs. L'eau potable
n'est pas toujours disponible. Les travailleurs doivent pourtant
débourser de 10 $ à 15 $ par jour pour la nourriture et les
"facilités" de camp qui n'existent pas, il faut bien se comprendre.
Certains sont même devenus végétariens par obligation - et
c'est sérieux - puisqu'ils ne peuvent conserver de la viande par manque
d'équipement de conservation alimentaire!
Par-dessus tout, une personne qui en aurait plein son casque et
quitterait son emploi avant l'échéance fixée au contrat
s'expose à une pénalité de 20 % de son salaire! Il n'y a
pas grand députés qui, quand ils démissionnent, paient 20
% de leur salaire en quittant. Si c'est ça, les emplois que nous offre
le gouvernement avec son régime forestier, les plants ne sont pas sortis
de la terre et les travailleurs ne sont pas sortis du bois non plus!
Un régime forestier élaboré en vase clos. Il y a un
dernier point sur lequel nous tenons à vous entretenir. C'est la
façon dont les gouvernements ont procédé à cette
révision de la gestion forestière: en vase clos. Quand on dit les
gouvernements, ce sont tous les gouvernements qui se sont
succédé. Je vous l'ai dit: Depuis 1971, je patauge dans les
corridors ici et j'en ai vu, des affaires. Vous ne montrerez pas à un
vieux singe comment faire des grimaces.
Malgré ce beau discours sur la concertation, la consultation, la
collaboration, les deux gouvernements ont élaboré ce soi-disant
nouveau régime forestier à l'abri des oreilles indiscrètes
de ceux à qui on entend faire payer une note de plusieurs milliards de
dollars: les Québécoises et les Québécois
collectivement propriétaires de la forêt.
Au cours des deux seules réunions privées auxquelles une
de nos représentantes a pu participer nous avons mis la main sur des
documents qui sont pour le moins accablants pour le gestionnaire de notre
patrimoine collectif. Le ton et la nature des discussions qui se sont
déroulée à huis clos
entre, principalement, les industriels et le gouvernement tranchent
radicalement sur les propos tenus auprès des autres groupes
d'utilisateurs et d'intéressés, ainsi qu'auprès de la
population.
Un coup l'enrobage pseudo-écologiste ou environnemental
retiré, les vrais enjeux et objectifs de la réforme
forestière deviennent évidents, de même que la forme des
mesures que l'on entend appliquer.
Voici quelques exemples tirés des procès-verbaux des
séances de travail d'un groupe de consultation sur la politique
forestière, tel qu'on l'indique sur ces documents, tenues le 20 mai et
le 20 juin derniers. Le ministre a décrété un moratoire
sur la création de nouveaux parcs. Les engagements de matière
ligneuse envers les utilisateurs seront secrets.
Ici, j'ouvre une parenthèse pour poser une question avant qu'il
m'en soit posé. On a eu une rencontre avec les représentants de
la compagnie Kruger, M. le ministre, vous vous le rappelez, et on n'a pas eu de
réponse à notre demande de ce côté-là. On a
fait une concertation avec la compagnie Kruger. Les syndicats sont "mal
à main" de temps en temps, mais, de temps en temps, ils sont aussi
à l'écoute des compagnies. Vous savez que la compagnie Kruger est
en difficulté d'approvisionnement de bois puisqu'elle est obligée
d'aller chercher son bois à 850 kilomètres de son usine à
Bromptonville, tandis que la moyenne sur le territoire québécois
est de 250 kilomètres. On a fait une demande au printemps et on n'a pas
eu de réponse à ce sujet.
Les engagements de bois envers les actuels concessionnaires ont
été évalués par le MER selon une méthode
dont il est difficile de préciser l'exactitude. Le MER ne tient pas
compte dans ses simulations d'une différence entre bois résineux
aptes au sciage ou à la pâte, car il considère que
l'industrie ne la prend pas en considération en pratique. Et on nous
parle d'une utilisation optimale quand on fait une pareille planification
pêle-mêle!
Le MER travaille actuellement à l'établissement d'une
politique d'utilisation des produits chimiques au Québec. À
quelles fins? Ne devrait-on pas tendre à recourir à l'utilisation
des produits biologiques? Concernant l'entretien des plantations, la loi de
l'environnement entre actuellement en conflit avec l'avant-projet de loi sur
les forêts, notamment en ce qui a trait à l'utilisation des
phytocides, pesticides, etc. D'ici à six mois, le Conseil des ministres
pourrait être appelé à se prononcer sur la question de
l'usage des produits chimiques.
Sur des terrains à grande fertilité, l'entretien devient
une activité indispensable, car la compétition de la
végétation est plus forte. Si aucune politique rationnelle
d'utilisation des produits chimiques homo- logués n'est adoptée,
le programme de régénération de la forêt est remis
en cause.
Le MER étudie la possibilité d'émettre un contrat
d'aménagement complémentaire pour assurer l'approvisionnement
d'usines en cas de manquements des sources normales d'approvisionnement. Le
besoin de l'usine justifiera-t-il encore une fois la surexploitation? Les
producteurs privés vont devoir adapter leur production aux
marchés existants. Ils devront produire moins de bois à
pâte car les usines de pâtes et papiers en consomment moins et
préfèrent les copeaux. Les producteurs privés devront donc
produire des bois de sciage ou des copeaux.
La planification des chemins du réseau de voirie
forestière provincial sera faite par le MER. L'exécution des
travaux de construction et d'entretien, par l'utilisateur. Un droit d'usage
pourra être imposé aux autres utilisateurs pour aider à
défrayer en partie les coûts de construction et d'entretien. La
mise en application du "Guide des modalités d'intervention en milieu
forestier" implique pour l'industrie une facture annuelle totale de 18 900 000
$.
De l'avis même des comités ministériels, environ 75
% de cette facture sont attribuables à des activités
reliées à la protection des ressources autres que la
matière ligneuse. M. Gilbert Paillé demande à l'industrie
de lui suggérer les moyens à envisager afin de refiler cette
facture aux autres utilisateurs de la forêt. Je pense que, sur ma paie,
il en part assez de ce temps-ci.
Mais n'est-ce pas la récolte de matière ligneuse qui rend
nécessaire l'application de ces modalités d'intervention?
Pourquoi les faire payer par les autres utilisateurs? Pour les zones où
le droit de coupe sera négatif, le MER envisage une valeur nominale du
droit de coupe. Dans ces zones, le coût de remise en production serait
supérieur à la valeur marchande des bois. Doit-on alors
procéder aux travaux? (10 h 45)
Le MER devrait plutôt se poser la question contraire: Va-t-on
exploiter les zones où les coûts de remise en production seraient
trop élevés afin de préserver l'environnement? Il est
à craindre que la "zone pâte", au nord du 50e parallèle,
soit exploitée sur une base de "liquidation": on coupe tout à
blanc et on se sauve!
Selon certaines personnes, non nommées dans le document, les
coûts de remise en production des sites exploités sont
sous-évalués. Selon M. Paillé, la valeur des coûts
de remise en production varie de 0,35 $ à 9,94 $ le mètre cube au
Québec. Le MER n'a pas les données pour les forêts
feuillues. Seront-elles laissées pour compte ou exploitées sur
une base de liquidation?
D'autre part, une note de service circulant au Service canadien des
forêts, dont nous avons obtenu copie, indique que le
calcul de la possibilité avec reboisement établi par le
MER est contesté par certains ingénieurs forestiers. Mais M.
Paillé, dit-on dans ce document, "a fortement insisté pour que ce
point ne soit pas soulevé lors des audiences de la commission
parlementaire, prétendant que ce point devrait faire l'objet de
discussions entre forestiers lors de réunions techniques plutôt
que de faire l'objet d'un débat public". Le calcul de la
possibilité n'est donc pas un critère objectif universel, mais un
calcul arbitraire modifiable selon des intentions données. Aurait-on des
choses à cacher à la population, propriétaire de la
forêt?
Ce même document mentionne que l'on se fait désormais
plutôt discret sur les mesures d'aide financière à
l'industrie "à cause de l'enquête actuelle des États-Unis
en vue de l'imposition de droits compensatoires".
Cette liste exhaustive d'éléments susceptibles de
controverse démontre à maints égards que la ressource
forestière n'est pas plus considérée par le MER et
l'industrie, sauf pour le bois, que la main-d'oeuvre forestière. Comment
peut-on attendre de ceux qui n'ont même pas à coeur d'assurer le
gîte, le couvert et le mieux-vivre aux travailleuses et aux travailleurs
qu'ils préservent le gîte et le couvert d'une faune et d'une flore
variées? Comment s'attendre qu'ils s'intéressent au
développement d'une utilisation polyvalente ou à un respect
écologique de la forêt? Ce n'est certes pas le "Guide des
modalités d'intervention en milieu forestier" rendu public
récemment qui changera quelque chose.
C'est pourquoi nous profitons de cette tribune pour demander que soient
réglementées, et ce de façon très stricte, des
modalités revues et adaptées d'intervention en milieu forestier.
Un guide d'intervention qui serait préparé par des
spécialistes de diverses disciplines, indépendants du MER,
servirait de document de référence pour préparer une
réglementation adéquate. Dans le passé, même s'il y
avait des règlements, ils n'ont jamais été
respectés, et on voit où on en est aujourd'hui. Si les
règlements peu nombreux qui avaient été adoptés
à l'époque avaient été respectés, on ne
serait peut-être pas ici aujourd'hui, en commission parlementaire.
Le guide gouvernemental est trop incomplet, inadéquat et
carrément insuffisant pour assurer une modification des interventions de
récoltes de bois pratiquées actuellement et reconnues
coûteuses et néfastes pour l'environnement: coupes à blanc
sur de grandes superficies, machinerie lourde dévastatrice, etc.
À preuve, cet extrait du guide gouvernemental démontrant un
laxisme évident: "L'application des modalités d'intervention
forestière, pourra être essentiellement assurée par le
ministre de l'Énergie et des Ressources en s'appuyant sur la
réglementation existante et par le truchement des permis de coupe
concédés "pourra", n'oubliez pas cela, ce n'est pas écrit
"devra", mais "pourra" - À cet égard, les circonstances
très spéciales (lesquelles?) liées, entre autres, aux
conditions du milieu peuvent amener les gestionnaires à autoriser un
resserrement ou un assouplissement de ces modalités par une prescription
au permis de coupe."
La réglementation actuelle nous a menés dans un
cul-de-sac. Bien entendu, tout sera négocié à l'amiable et
en privé. Ne demeure-t-on pas là dans la plus totale
incertitude?
Des besoins supplémentaires en bois d'une usine pourraient-ils
amener l'assouplissement des modalités? Il faut soustraire
l'environnement de règles trop arbitraires de gestion qui ont, par le
passé, été insuffisantes pour éviter sa constante
dégradation.
Une réglementation formelle et appliquée rigidement par un
groupe multipartite indépendant est nécessaire si on souhaite que
cesse l'appauvrissement de notre patrimoine.
Le Parti libéral, en février 1985, dans un document
intitulé "Pour une politique écologique de la forêt"
préconisait, à moins que cela n'ait été qu'un
exercice de récupération politique: "la formation d'un groupe de
travail indépendant (tel que préconisé par le BAPE) et
devant relever du Conseil exécutif. Le mandat confié aux membres
de ce groupe de travail consisterait à produire la documentation
pertinente à l'ensemble du dossier relatif à la forêt et
également à préparer les paramètres d'une gestion
douce de la forêt." Un discours d'Opposition non engageant à
l'époque. Le Parti libéral, par la voix de Mme Lise Bacon et de
M. Pierre Fortier, allait jusqu'à affirmer qu'il semblait
"réaliste de croire que le ministre québécois de
l'Énergie et des Ressources ne possède pas tous les moyens et les
connaissances pour solutionner les multiples problèmes reliés au
monde de la forêt". Pourquoi ne pas profiter du pouvoir pour insuffler de
véritables changements au mode de gestion de la forêt?
Peut-être le pouvoir raccourcit-il la mémoirel
Loin d'assurer l'utilisation polyvalente et le respect écologique
de l'ensemble du territoire forestier, le plan gouvernemental d'affectation du
territoire et de mise sous contrat avec l'industrie forestière d'une
grande partie du Québec constitue une privatisation à peine
voilée de notre forêt. Les compagnies forestières
privées se voient assurées d'une priorité d'utilisation et
cela, à perpétuité, des ressources de ces territoires. Une
véritable polyvalence reconnaîtrait la multiplicité des
fonctions écologiques de la forêt et des usages qui peuvent en
être faits
sur l'ensemble du territoire forestier et non seulement sur quelques
parcelles. Le plan d'affectation malléable et proindustriel que propose
le gouvernement est une soumission aux intérêts de l'industrie
léguant notre patrimoine à une poignée de compagnies qui
le modèleront à leur avantage et selon leurs besoins
spécifiques.
Les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers ne
doivent pas voir le jour tels qu'ils sont conçus actuellement.
L'État doit prendre ses responsabilités et confier la gestion et
l'aménagement de la forêt à une société
publique qui en assurera la pérennité dans le respect
écologique et l'utilisation poiyvalente intégrée de
l'ensemble du territoire.
En guise de conclusion, nous tenons à vous souligner que les
éléments que nous soulevons ici ne constituent qu'un
avant-mémoire, puisque vous proposez un avant-projet de loi. Lorsque le
ministre délégué aux Forêts disposera d'un projet de
loi en bonne et due forme, nous exigerons que soit tenue une commission
parlementaire itinérante et publique afin que tous les
propriétaires du patrimoine collectif qu'est la forêt aient la
possibilité d'exprimer leurs attentes et leurs aspirations. Les
consultations privées et les travaux en catimini ont assez duré.
Si le ministre délégué aux Forêts a l'audace de nous
tenir collectivement responsables, au côté des gouvernements et de
l'industrie, de l'état lamentable de nos forêts, qu'il ait au
moins le courage d'en discuter publiquement avec toute la population.
Nous sommes assez surpris depuis la tenue de ces audiences du peu de
couverture qu'on a vue dans les journaux. On ne sait pas si les journalistes
sont désintéressés, on ne sait pas si c'est un manque de
volonté politique afin de lancer cela plus à l'avant. Pas plus
tard qu'hier, à la télévision, on disait que le bois
était l'une des richesses les plus importantes au Québec et
même la plus importante. On couvre dans le moment la commission
parlementaire de l'éducation à Radio-Québec et celle qui
concerne la richesse la plus importante au Québec - vous comprendrez
que, si on la perd, et on est en train de la perdre... elle n'est même
pas couverte par Radio-Québec. Cela nous fatigue un peu. On trouve cela
un peu... Ou bien vous voulez continuer en catimini. On aurait voulu que la
population soit plus informée sur ce qu'il y a de plus important au
Québec, la richesse collective qui nous appartient, la forêt, dont
on n'entend pratiquement pas parler, sauf dans le Soleil et le Journal de
Québec. Mais, dans les grands journaux de Montréal, on n'en
entend pratiquement pas parler, et la majorité de la population est
à Montréal, qu'on le veuille ou non. Cela nous surprend
énormément.
Il y a une certaine agressivité, bien sûr, dans ce qu'on a
présenté, mais vous comprendrez que les travailleurs forestiers,
depuis 1937, parlent de leurs problèmes. M. le ministre, si vous avez lu
1er' livre que je vous ai vendu, que vous avez acheté... Oui, oui, vous
l'avez payé, à rabais, mais vous l'avez payé. Je vous ai
fait un spécial.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai
négocié.
M. Cantin: Vous avez négocié. Si vous l'avez lu,
vous vous êtes aperçu que les travailleurs, depuis 1937 et, avant
cela, depuis 1907, se sont battus pour garder leur patrimoine et les meilleures
conditions de travail. Il est spécifié dans le livre qu'en 1921
les travailleurs du papier demandaient au gouvernement une
réglementation sur la pollution de l'air et de l'eau; 1921, ça
fait longtemps, M. le ministre et messieurs les représentants du
gouvernement. Ce n'est pas d'aujourd'hui et on fait juste commencer à la
mettre en application. Je ne voudrais pas mourir avant d'avoir vu un peu de
résultats. C'est juste ça que je demande au gouvernement.
Si vous avez des questions, allez-y, on va vous écouter. J'ai des
camarades pour répondre à toutes les questions.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup de
votre mémoire, M. Cantin. À moins que vous n'ayez d'autres
commentaires, je vais laisser la parole à M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. Cantin
et à chacun et chacune des membres de votre équipe.
Évidemment, vous m'aviez prévenu de votre agressivité
avant de faire votre discours. Cela ne m'a pas causé de surprise du
tout.
J'aimerais vous parler de la machinerie pour quelques minutes et du
"Guide des modalités d'intervention en milieu forestier". Je vous ai
dit, lors d'une rencontre privée, que je n'avais jamais
recommandé et que je ne recommanderais jamais à un ouvrier
forestier de se porter acquéreur de la machinerie. Vous souvenez-vous de
cela?
M. Cantin: Je n'ai pas bien entendu. Excusez-moi, vous auriez
dû me rappeler à l'ordre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est parce que
vous n'écoutiez pas, comme moi, tout à l'heure.
M. Cantin: C'est ce que je vous dis, M. le ministre. Vous auriez
dû me rappeler à l'ordre comme je l'ai fait avec vous.
D'accord?
M. Côté: (Rivière-du-Loup): Cela viendra, ne
vous en faites pas.
M. Cantin: D'accord. Allez-y!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais vous
entretenir un peu de machinerie pour, ensuite, avoir votre opinion. Je vous ai
dit, lors d'une rencontre privée, que je n'avais jamais, comme
forestier, recommandé et exigé qu'un ouvrier forestier se porte
acquéreur d'une machine. Est-ce vrai? Comment se fait-il que les
ouvriers se portent quand même acquéreurs d'une machinerie? Vous
dites qu'ils sont forcés, mais si vous leur conseillez de ne pas le
faire, comment se fait-il qu'ils ne vous écoutent pas?
Mme Montpas (Thérèse): Si vous me le permettez, je
vais répondre à cette question, M. le ministre. Il faudrait voir
comment les choses sont arrivées, d'abord. On a préparé
quelque chose pour votre compréhension. Je suis un peu surprise que vous
ne sachiez pas ce qui se passe. Vous dites toujours que vous êtes dans le
secteur depuis 30 ans. Alors, je ne comprends pas. Il y a un document qui
s'appelle "Les conditions de travail et de vie des travailleurs forestiers du
Québec affectés à la récolte de bois". À la
page 12, on explique l'histoire de la propriété des machines.
Pour le bénéfice de la commission, je vais faire un exposé
qui résume le chapitre. Cela a commencé en 1970. À
l'époque, des compagnies avaient ce qu'on appelait de la petite
machinerie. Pour diminuer des frais, évidemment - mais cela, elles ne
l'ont pas dit aux travailleurs à l'époque - elles ont offert aux
travailleurs d'acheter les machines. Les machines avaient l'air,
évidemment, beaucoup plus efficaces que la seule scie ou les bras des
travailleurs ou le cheval. Les compagnies ont donc commencé à
vendre la machinerie à des taux tellement bas que c'était
alléchant pour les travailleurs. Effectivement, les premières
années, les travailleurs ont fait un peu d'argent avec cela.
Sauf qu'il y avait d'autres sortes de machines qui s'en venaient. Les
travailleurs ne le savaient pas, mais les compagnies le savaient. Au fur et
à mesure des années, les premières machines
achetées étaient plus ou moins intéressantes pour la
production des compagnies. À ce moment-là, les travailleurs ont
dû acheter des machines beaucoup plus onéreuses. Pourquoi les
compagnies ont-elles vendu cela aux travailleurs? Cela s'explique très
bien. Parce qu'elles ont vu là l'occasion de faire des économies
importantes. Â l'époque, je vais donner l'exemple de la compagnie
CIP en Mauricie, il y avait un inventaire de pièces de 1 000 000 $ dans
le bois. Quand les compagnies ont vendu la machinerie aux travailleurs, elles
se sont débarrassées de l'inventaire. Aujourd'hui, les
travailleurs traînent cet inventaire dans leur "pick-up". Elles se sont
débarrassées de la main-d'oeuvre: les mécaniciens, parce
qu'étant moins propriétaires de machines elles avaient besoin de
moins de mécaniciens. Parce qu'il faut savoir que, dans le bois, les
propriétaires de machine et leurs coéquipiers, quand la
journée de treize heures est finie, si la machine a eu des avaries dans
la journée, ils doivent la réparer la nuit pour qu'elle soit
prête le lendemain. (11 heures)
Les économies - si on peut appeler cela des économies -
sont allées plus loin, en plus. Aujourd'hui, il y a des compagnies que
vous connaissez très bien, Quebec North Shore, d'autres compagnies qui,
pour l'utilisation du garage qui est déjà dans le bois quand les
gars veulent réparer l'hiver leur machine à l'abri, vont charger
un taux horaire pour l'utilisation du garage. Si le gars n'est pas assez expert
en mécanique, à ce moment-là, il va prendre le
mécanicien de la compagnie. On va lui charger 27 $ ou 30 $ l'heure pour
réparer la machine. Vous irez voir, pour éviter cela aujourd'hui,
les gars s'installent des garages en polythène. Quand vous avez de la
soudure à faire ou autre chose du genre, c'est très
dangereux.
Pourquoi les travailleurs n'obéissent-ils pas? C'est assez
simple. C'est parce que, aujourd'hui, les compagnies exigent, par exemple,
différents types de machines si les travailleurs veulent garder un
emploi. Et vous savez très bien, M. Côté, que de
l'ancienneté, en forêt, il n'y en a pas. Les compagnies ont
toujours encouragé ce système: quelqu'un qui arrivait avec son
équipement amenait des gars qu'il aimait voir travailler pour lui. On
n'a jamais été capable de faire appliquer des clauses
d'ancienneté qui protègent les travailleurs abatteurs entre
autres et même les propriétaires de machines dans le bois.
Alors, ce que les compagnies ont fait, surtout avec la crise en 1981 et
ce qui a suivi, elles disaient: Si tu veux garder ta "job", cela nous prend tel
type d'abatteuse. C'est comme cela que cela se passe. Les travailleurs n'ont
pas le choix. Ils le savent. Ils ne nous écoutent pas. Mais, M.
Côté, vous étiez à la Scierie des Outardes quand il
y a eu une grève en 1980: 2500 travailleurs forestiers pour combattre
quoi? La propriété des machines et le travail à forfait.
Rappelez-vous que ce qu'on tentait de négocier à ce moment
c'étaient des prix pour les machines.
Je vais vous parler des contrats de location de machinerie que les
compagnies passent avec les travailleurs. Et vous le savez que c'est cela,
entre autres à la Scierie des Outardes. M. Aubert Tremblay qui est dans
la salle, ici, était directeur du personnel dans le temps. Vous avez
manoeuvré pour que la lutte des travailleurs soit un échec et
vous savez ce qui est arrivé après. J'aime bien ce genre de
questions
quand vous connaissez toutes les réponses.
Des contrats de machines, on va vous en parler. Allez à la page
un peu plus loin. Je vai3 vous parler des contrats de la CIP. Je vais vous
faire une petite lecture de certains contrats qui sont passés par la
compagnie CIP avec ces propriétaires de machines - à la page 25
du document - des contrats tout à fait illégaux. Le document
s'appelle: "Les conditions de vie et de travail des ouvriers affectés
à la récolte du bois".
M. Cantin: Vous allez le trouver dans la chemise jaune, page
25.
Mme Montpas: Alors, je vous suggère le troisième
paragraphe: "Le locateur assumera l'entière responsabilité et
s'engage à protéger et dédommager la compagnie contre
toute réclamation ou perte provenant de blessures corporelles ou autres
dommages aux biens personnels causés au locateur, à ses
employés, s'il en a, ou à des tiers par l'exécution du
présent contrat. "La compagnie ne sera pas tenue responsable par le
locateur - elle est forte, écoutez-la bien - des conditions de chemins
ou de terrains ou des accidents résultant de ceux-ci et le locateur ne
fera aucune réclamation contre la compagnie à ce compte. Le
locateur devra se conformer, le cas échéant, aux
règlements de la Loi sur les accidents du travail en vigueur dans la
province de Québec, où se déroulent les
opérations."
Vous savez, M. Côté, qu'il y a des compagnies qui
enlèvent actuellement des primes et différentes obligations qui
relèvent des employeurs sur le revenu des machines. Ce que, à
titre d'employeurs comme concessionnaires forestiers, ils doivent payer, ils
prennent cela sur le revenu des machines. Cela mériterait une bonne
enquête.
Je termine. "Le locateur convient d'accepter aux fins de paiement le
fichier des heures de service que tient la compagnie de même que la
quantité ou le volume de travail qui a été établi
par la compagnie. Il s'engage en outre à ne pas présenter de
réclamations pour retard ou perte de temps. "Dans les cas où la
compagnie aurait fourni au locateur des carburants, des lubrifiants ou des
appareils, le locateur s'engage à accepter les rapports de coûts
et de volume de la compagnie et à rembourser à celle-ci, sur
demande, la somme qui y est indiquée. Des versements en acompte des
sommes dues seront faits de temps à autre et ce, à la
discrétion de la compagnie."
C'est là le genre de contrat qui est passé par CIP. Si la
commission est intéressée, on a des contrats que la compagnie
Kruger a passé avec ses travailleurs, la compagnie Barette et
Saucier.
Ce qu'on veut vous dire aussi, c'est qu'une des conséquences sur
les travailleurs de la propriété des machines, vous allez voir
à la lecture du dossier que des travailleurs... On a vu le parc
d'équipement. Les machines valent, pour une débusqueuse
actuellement, en 1985, entre 125 000 $ et 250 000 $ pour une abatteuse ou une
ébrancheuse. Ces travailleurs ont ce coût d'achat,
l'intérêt, l'entretien et tout ce qu'il peut y avoir avec cela.
Vous comprendrez que 250 000 $ - il y a peut-être des hommes d'affaires
dans la salle - c'est souvent plus que ce qu'il faut pour lancer une PME,
tellement populaire par les temps qui courent.
Ce qui arrive, c'est qu'avec le temps la PME du travailleur forestier ne
prend pas de valeur; même s'il a produit des arbres, sa machine ne prend
pas de valeur. Elle se dégrade elle aussi. Au bout de dix ans, au bout
de huit ans, s'il a la chance de pouvoir travailler encore avec la même
machine, s'il n'y a pas eu trop de problèmes, ou encore si la compagnie
veut l'accepter avec ce genre de machine, il est obligé d'en acheter une
autre. Vous avez trois sortes d'exemples qui sont donnés un peu plus
loin ou un peu plus avant dans le document qui sont des contrats d'achat de
machines. L'exemple qu'on cite est celui d'un travailleur qui achète une
machine de la compagnie Traders, par exemple. On constate que dans un certain
cas il a à peu près 6000 $ pour sa machine quand il la vend pour
en acheter une plus grosse. Il est obligé de recapitaliser 47 000 $.
Dans certains cas, c'est 80 000 $. Les mensualités sont de 5000" $, 6000
$, 12 000 $.
Quand le système est organisé comme cela... Depuis 1981,
les saisons de coupe ont diminué. Vous savez qu'il y a une demande en
bois rond qui est moins forte. Il y a eu la crise. Les travailleurs avaient les
mêmes machines et moins de temps pour travailler. Il y a des compagnies
qui ont embauché plus de monde sur une plus courte saison pour
éviter des frais de gardiennage, de camp et ce qu'on pourrait appeler
les frais fixes ou les frais de service. Les travailleurs poussent leurs
machines davantage et beaucoup ont fait des faillites. Évidemment, c'est
pour cela qu'on réclame une enquête. Les travailleurs sont pris
à la gorge. Ils ont essayé en 1980 de s'en sortir et ils n'ont
pas pu le faire. Moi, je pense qu'il faut lire attentivement cette
situation.
Les machines sont payées à forfait. On n'a jamais pu
négocier des taux pour les machines parce que les compagnies disaient:
Les machines? Ce n'est pas syndiqué, une machine ne vote pas! Sauf que
nous on considère qu'une machine c'est un outil de travail, au
même titre que la scie mécanique du travailleur qui abat du bois
et pour lequel on a négocié des pourcentages de compensation pour
son utilisation de scie. Pour un mécanicien en forêt qui a un
coffre d'outils qui peut valoir de 1500 $ à 2000 $,
on négocie des assurances, le remplacement de l'outillage quand
il est perdu ou brisé par l'usure. Quand on arrive aux machineries
forestières, on ne peut rien faire. La proposition qu'on faisait
à l'époque c'était de se baser sur les taux payés
par le gouvernement quand il louait de la machinerie de cette sorte. Le
problème de la propriété des machines, cela se
résume, si ceci est un résumé, à ce que je viens de
vous dire. Des scandales, on pourrait en sortir à la tonne dans ce
secteur.
Si quelqu'un voulait regarder les contrats comme il faut... D'ailleurs,
on avait fait étudier les contrats - les contrats de Kruger, entre
autres, Barette et Saucier - de vente de machines d'autres compagnies par des
spécialistes en droit et on nous disait, c'est rapporté dans le
document, qu'il s'agissait de contrats soumis à la Loi sur la protection
du consommateur, et les contrats étaient tout à fait
illégaux. Je vais arrêter ici. J'aimerais vous parler des ouvriers
de la plantation pour lesquels on a aussi un document important.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Madame, vous
parlez de contrats illégaux, mais je vous dirai que la grève de
la Scierie des Outardes Enr. que vous nous avez faite en 1980-1981 était
aussi illégale.
Mme Montpas: Une grève c'est toujours légitime. Un
contrat illégal, cela ne l'est jamais, M. le ministre.
M, Côté (Rivière-du-Loup): C'est devenu
légal avec le temps. Il reste que je suis parfaitement conscient que, si
les compagnies offrent aux ouvriers d'acheter de ta machinerie, c'est par
économie. Je suis parfaitement conscient de cela. Je me demande pourquoi
les ouvriers le font, pourquoi ne vous écoutent-ils pas? C'était
ma question.
Mme Montpas: Cela se comprend très bien. J'ai
expliqué tout cela. Ils n'ont pas le choix, ils veulent travailler.
M. Côté (Rivière-du-Loup): S'ils
étaient solidaires, les compagnies ne les forceraient pas. Oui, M.
Cantin.
Une voix: II y a des travailleurs en arrière.
M. Cantin: Demandez-vous donc pourquoi ceux qui vont ramasser des
tomates en Ontario y vont. C'est parce qu'ils ont besoin. Ceux qui ramassent
des raisins dans la Californie ou dans ces coins, avec des conditions
énormes, c'est parce qu'ils ont besoin. Ne vous demandez pas pourquoi
ils font cela. C'est parce qu'ils ont besoin. Ils ont besoin de travailler, il
faut qu'ils travaillent. Même si vous pensez que le monde aime vivre de
l'aide sociale, c'est tout le contraire. Parce que quelqu'un qui va à
l'aide sociale sait qu'il vient de perdre son entité humaine. À
partir de ce moment-là, il n'est pas intéressé à
cela, il veut travailler, mais il travaille à des conditions telles
qu'il est obligé de le faire. Ce n'est que cela. Ce n'est pas pour le
"fun" que ces gens vont à l'aide sociale; il y vont par obligation, pas
pour autre chose. Les jobs, cela ne court pas les rues en ce moment.
Ceux qui peuvent se sortir de la forêt pour aller travailler dans
une usine, dans les usines à papier... Vous n'avez qu'à regarder
mon monde, vous allez vous apercevoir qu'on commence à avoir de
l'ancienneté. Cela dégringole, ce sont 125 jobs, à
l'usine, chez nous, à Donnacona, que nous avons perdus. Les vieux sont
en dedans et les jeunes attendent pour entrer. Les gens n'ont pas d'ouvrage,
alors ils prennent ce qu'ils peuvent prendre. Les gars de la forêt, ils
s'arrachent avec ce qu'ils peuvent. C'est seulement pour cela.
Pour être solidaires, ils sont solidaires. S'ils avaient
l'avantage d'avoir la solidarité... Mais ils ne sont pas capables de le
faire dans le moment.
Mme Montpas: Je vais vous donner un autre exemple de ce qui se
passe, M. Côté. La compagnie Consol, à Basse-Matawin - je
pense qu'il y a des gens qui doivent le savoir ici... C'est seulement pour dire
que les travailleurs sont toujours coincés, même quand ils
essaient de faire quelque chose dans le respect des lois. En 1983 ou 1984, ils
ont fermé les camps. Les travailleurs, quand ils ont été
rappelés au travail, coupaient du bois exactement au même endroit
que l'année précédente, mais la compagnie avait
décidé de se débarrasser de ses camps, de la cuisine,
etc., par économie encore, et de donner cela à un mouvement scout
pour 1 $. Cela lui faisait une belle jambe, mais les travailleurs se sont
retrouvés, du jour au lendemain, obligés de voyager soir et matin
-il y en a qui faisaient jusqu'à 200 kilomètres par jour - et
d'assumer le coût de ce transport. Ceux qui n'ont pas voulu voyager soir
et matin ont décidé de loger dans des autobus ou de loger dans
une roulotte qu'ils avaient achetée, sans eau courante, sans eau
potable, sans salle de toilette, sans douche, sans salle de séchage et
de lavage pour leur linge et, évidemment, sans tout le reste que l'on
trouve normalement dans le camp organisé que la compagnie Consol avait
là.
L'année suivante, tes travailleurs se sont plaints à la
CSST. La compagnie Consol leur a installé un lavabo. Vous avez dû
voir le dossier dans la revue de la CSST de janvier et février 1986;
c'était écrit: La compagnie Consol, Basse-Matawin. Tout le monde
connaît la Consol, elle s'insurge
facilement. À ce moment-là - vous voyez -il y avait un
tuyau dans la terre pour l'eau qui s'égoutte et il y avait quatre
poteaux avec une toile de polythène et les travailleurs allaient se
laver le corps là, les deux pieds dans la boue, évidemment. Ce
n'était pas chaud non plus, à l'automne, vous comprendrez
cela.
L'année suivante, parce que la CSST est venue et qu'elle a fait
des recommandations... Les travailleurs ont fait revenir la CSST. Savez-vous ce
qui s'est passé cette année? Cette année, la compagnie
Consol, le 1er mai, lors d'une réunion, leur a dit: On n'a pas
aimé la photo qui est parue dans la revue de la CSST, on vous
enlève le lavabo.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Montpas: La compagnie Consol, cette année, par
obligation par la CSST... Je vous donnerai le dossier si cela vous
intéresse et les lettres; Mme Jérôme Forget a
été avisée de cela aussi. On lui a dit: II faut que vous
mettiez quelque chose pour sécher le linge des gars. Quand on arrive de
la forêt et qu'on a travaillé toute la journée, on est
mouillé, il a plu ou il a neigé. Alors, ils ont mis une
espèce de cabane qu'ils ont peinturée du mieux qu'ils pouvaient,
ils ont installé des cordes à l'intérieur et ils y ont mis
une truie. Savez-vous ce qu'ils ont dit aux gars? Si vous voulez chauffer la
truie, allez vous couper du bois de chauffage. Les abatteurs, à la fin
de leur journée de travail, vont couper le bois de chauffage pour
chauffer la truie qui sèche le linge. Cela, c'est la compagnie
Consol.
M. Côté, je suis obligée de vous le demander:
Est-elle sur la liste de vos "batcheux", la compagnie Consol de Basse-Matawin?
Si vous voulez en savoir plus, il y a derrière nous le président
de ce syndicat à Basse-Matawin. S'il y en a qui veulent aller lui
parler, il va vous expliquer l'histoire de leur lavabo et de leur salle de
toilette.
Ils s'approvisionnaient en eau potable. À un moment donné,
ils ont fait une expertise; l'eau n'était pas bonne. La compagnie a dit:
Allez vous approvisionner en eau potable au camping plus loin. Qu'est-ce que la
compagnie a économisé? Elle a économisé le
personnel de cuisine, les gardiens, évidemment, le chauffage et tout ce
que vous voulez, mais les travailleurs, vous savez qu'aujourd'hui, ils n'ont
plus de repas chauds. Alors, ils mangent des cannes de bines et, quand ils
reviennent le soir, ils sont obligés de faire leur souper. Ils ont
treize heures de travail dans le corps, ils sont fatigués,
épuisés. Ceux qui connaissent cela un peu savent dans quelles
conditions les travailleurs reviennent. (11 h 15)
Pourtant, j'ai retrouvé, dans une petite brochure écrite
par M. Vernon Price qui a travaillé dans des camps, dans l'Outaouais,
dans les années trente, une photo où on voyait des travailleurs
assis sur un billot, dans le bois. Il y avait deux chevaux - un "team" comme on
l'appelait - qui avaient apporté la nourriture chaude de la cuisine et
les travailleurs lui expliquaient qu'ils mangeaient des bines - des choses
comme cela - de la soupe et des desserts. C'était chaud, et
c'était en 1930. Aujourd'hui, les travailleurs n'ont plus de repas
chauds dans le bois, c'est fini celai Tout ce qu'on avait négocié
dans les clauses des conventions collectives comme horaires de travail, comme
repas - les cuisines satellites où les travailleurs pouvaient aller. le
midi manger des repas chauds - tout ce qu'on avait négocié de
conditions de vie un peu humaines et de conditions d'hygiène, ce n'est
plus respecté dans les conventions à cause de la crise, à
cause des camps qui ont fermé et à cause de la courte saison et
des économies que les compagnies de papier et de sciage,
évidemment, réalisent sur le dos des travailleurs de cette
façon. Peut-on accepter au Québec qu'il y ait une main-d'oeuvre
qui soit traitée comme cela? On n'est pas seuls à dire qu'on ne
sait pas vraiment ce qui se passe dans le bois. Nous on le sait parce qu'on a
le contact avec les travailleurs et le comité de recherche et de
développement le dit aussi. C'est pour cela qu'on veut une enquête
publique.
Je vais vous parler tout de suite, si vous permettez, des travailleurs
de la plantation. C'est encore pire que les travailleurs forestiers. On vous a
préparé ce dossier. Je vous demande de le lire attentivement.
Vous avez une liste. Il était dans la chemise; je l'ai enlevé de
la chemise. Je ne me souviens pas de la couleur.
Des voix: Rouge.
Mme Montpas: C'est la chemise rouge. Toute la
réglementation à laquelle devraient être soumis ces gens,
comme les compagnies de papier d'ailleurs, la CSST, le peu de
réglementation qui existe, la CSST, la Commission des normes du travail,
le ministère de l'Environnement, n'est pas respecté par ces gens,
c'est-à-dire les sous-traitant à qui vous donnez des contrats. La
rapporteuse qui a dit les choses qu'il ne fallait pas dire, qu'on n'avait pas
le droit de dire et qu'il fallait cacher, c'est moi. Quand j'ai entendu M.
Defrasne, un des fonctionnaires, dire à la demande du
vice-président de la compagnie CIP: Écoutez, de la
réglementation il y en a en Ontario et au Nouveau-Brunswick, ici au
Québec, on ne voudrait pas se retrouver avec une réglementation
sévère; le gouvernement du Québec serait d'avant-garde
s'il ne régie-
mentait pas avec le manuel de l'aménagement forestier. J'ai
trouvé cela magnifique. Mais M. Defrasne répond: Nous avons
promis au comité Scowen qu'il y aurait le moins de réglementation
possible. On n'avait pas encore été entendus mais en tout cas la
promesse a été faite. Comprenez un peu notre agressivité.
Là, je me suis demandé: Est-ce que cela veut dire que les
règlements de la CSST, de la Commission des normes du travail, du
ministère de l'Environnement qui ne sont pas respectés
actuellement vont en plus de cela disparaître?
Vous avez eu une certaine description tantôt de tout ce que les
travailleurs de la plantation sont obligés d'acheter pour travailler. Ce
sont d'autres sortes de travailleurs qui paient pour travailler. Ils ont toutes
sortes de problèmes qu'on décrit très bien ici. Ils sont
payés à forfait. La moyenne que vous accordez ou qu'un
sous-traitant peut payer avec les contrats que vous accordez, c'est 0,06 $
à 0,07 $ le plant. Au taux où vous accordez les contrats, il ne
peut pas s'organiser pour respecter les normes de la CSST, semble-t-il. Vous
avez dans votre contrat de plantation que vous faites signer à des
exécutants, comme vous les appelez, 20 pénalités. On en a
nommé quelques-unes. Ces 20 pénalités sont
facturées à l'exécutant. Savez-vous ce que fait
l'exécutant? Il se retourne vers les travailleurs et il prend leur paye
et il divise les pénalités entre les travailleurs; 0,06 $
à 0,07 $ le plant, cela paie mal une épicerie en fin de semaine
quand on est obligé de payer des pénalités imposées
par le MER. Plus que cela, et peut-être que vous ne le savez pas, M. le
ministre ou M. Ciaccia, le déchargement des plants se fait à
n'importe quelle heure sur le site de plantation. Il peut être 14 heures
de l'après-midi, 11 heures du matin, les travailleurs sont partis au
loin sur leur bloc de plantation, et il faut qu'ils reviennent au pas de
course, et vous savez pourquoi? Parce que si cela prend plus de deux heures
pour décharger la van qui est obligée de se déplacer d'un
bloc à l'autre bien souvent, vous chargez 45 $ l'heure de
pénalité. Les travailleurs qui sont obligés et qui
arrêtent la plantation pour aller décharger les vans ne sont pas
payés pendant ce temps.
Une voix: Pas un sou.
Mme Montpas: On a ri tantôt quand on a dit qu'ils sont
devenus végétariens par obligation. II y a un sous-traitant qui a
fait signer des contrats à des travailleurs où le contrat disait
qu'ils acceptaient la nourriture végétarienne. Pourquoi? Parce
qu'il ne voulait pas acheter ce qui fallait pour conserver la nourriture.
L'alimentation est terrible. Ce n'est pas que cela ne se peut pas, M. Ciaccia,
c'est la vérité. On a visité douze plantations de
coopérative cet été. On a six heures de bobines de
vidéo. D'ailleurs, M. Paillé que j'ai vu tantôt dans la
salle le sait. Quand on est allé à CIP, pour les plantations de
CIP, il était là sur place.
Une voix: II est dans le vidéo.
Mme Montpas: On a un vidéo où les travailleurs
s'expriment et on démontre comment cela se passe, tout ce qu'ils sont
obligés d'acheter et que j'ai dit tantôt, les règlements
qui ne sont pas observés et tous les problèmes qu'ils ont en plus
dans le travail. Il y a des problèmes ergonomiques, des problèmes
de tendinite, des problèmes à la cage thoracique qui,
après deux, trois ou quatre ans, vous créent une impression de
paralysie parce que ce qu'ils transportent sur leur dos est très pesant
à la longue. Ce sont des maladies qui ne sont pas reconnues par les
médecins; les médecins pensent que c'est parce que les gens sont
paresseux.
Vous dire la situation de ces gens-là... On a soutenu au
Québec la lutte des travailleurs, vous vous souvenez, ceux qu'on
appelait les raisins de la colère, les Mexicanos, qui étaient
dans les plantations du sud de la Californie, les plantations de laitue. Je
suis sûr qu'il y en a qui ont appuyé cela ici. Si on vous disait
que les travailleurs de la plantation sont dans des situations pires que
cela.
Le Président (M. Baril): Madame...
Mme Montpas: Ils n'ont pas de place pour sécher leur linge
eux non plus; peut-être pas pires, mais aussi pires.
Le Président (M. Baril): Pourriez-vous conclure, s'il vous
plaît...
Mme Montpas: Oui.
Le Président (M. Baril): ...parce qu'il reste seulement
deux minutes au temps du ministre? On ira ensuite à M. le
député de Duplessis.
Mme Montpas: Je vais seulement ajouter qu'on pense que les
contrats que vous faites signer sont responsables en grande partie de la
situation des travailleurs, bien que certains entrepreneurs soient plus ou
moins, je dirais, recommandables. De plus, l'efficacité du travail
à cause de cela n'est pas bonne. Les résultats des plantations
peuvent être mis en cause et on ne peut pas compter qu'on va avoir de la
qualité et hypothéquer la possibilité de la forêt
pour plusieurs années avec une situation semblable. Je vous engage
à lire attentivement le dossier; on ne s'est pas promené dans le
bois pour rien et le vidéo dure 35 minutes; pour ceux qui sont
intéressés, on
peut vous le passer après l'entrevue.
Le Président (M. Baril): Merci. Nous allons...
M. Jolivet: M. le Président, avant que mon collègue
ne prenne la parole, il est évident que nous sommes d'accord pour
prolonger le temps et permettre au ministre de tutelle, le ministre de
l'Énergie et des Ressources, de prendre la parole.
Le Président (M. Baril): S'il y a consentement, on est
d'accord. Nous allons donner la parole à M. Perron, du comté de
Duplessis, et, selon le principe d'alternance, nous reviendrons.
M. Perron: Merci, M. le Président. Après avoir
écouté votre exposé du début et avoir
écouté M. Cantin et la dame qui est à votre droite, je
pense qu'on ne peut faire autrement que de prendre ce genre
d'agressivité, si je peux m'exprimer ainsi, que vous avez face aux
conditions de travail des travailleurs et des travailleuses de la forêt
et des plantations. Je voudrais tout de même profiter de l'occasion, si
vous me permettez, pour souhaiter la bienvenue à M. Cantin ainsi
qu'à son groupe et vous remercier du mémoire très direct
de votre part qui a été présenté aujourd'hui,
mémoire qui soulève non pas plusieurs aspects, mais beaucoup
d'aspects des problèmes que vous vivez au niveau forestier.
De ce côté-là, quant à moi, personnellement,
comme ancien syndicaliste, je peux vous exprimer le fait que les syndicats ont
toujours eu énormément d'importance non seulement dans mon
esprit, mais aussi dans mes actions, peu importe le syndicat. C'est la
première occasion que j'ai aujourd'hui, comme critique en matière
forestière, d'intervenir à ce niveau auprès d'un syndicat
organisé comme vous l'êtes. Je voudrais vous souligner que, lors
de mon allocution au début de cette commission, j'ai mentionné
que, d'abord, les organismes qui étaient entendus devant cette
commission n'avaient pas assez de temps pour qu'on puisse poser les questions
qui s'imposaient et pour que ces questions aient des réponses
convenables de la part des intervenants et des intervenantes. J'ai
mentionné aussi que l'avant-projet de loi ne dit pas un mot de l'impact
du nouveau régime forestier sur les relations du travail et la formation
des travailleurs et travailleuses de la forêt parce que l'abolition des
concessions forestières et la création de l'industrie de la
sylviculture vont avoir des impacts sur l'organisation du travail en
forêt. Cela vous touche de près, les hommes et les femmes.
À la fin de cette partie de mon allocution, j'ai mentionné ceci:
À cette fin, un groupe de travail interministériel a
été mandaté en 1985 et il est éminemment
souhaitable que ses recommandations soient connues avant l'adoption
définitive de la loi et, s'il y a lieu, que les amendements
législatifs soient effectués dans le même mouvement
à l'intérieur du Code du travail.
Je voudrais, en passant, avant de procéder à quatre ou
cinq questions, parce que mon collègue de Laviolette veut aussi
intervenir, vous dire que c'est la première fois que je reçois de
tels documents de la part de travailleurs forestiers.
Vous pouvez être assurés d'une chose, c'est que je ne
remettrai pas ces documents à des personnes pour qu'elles puissent me
faire des recommandations, mais je vais me charger, dans les prochains jours,
de lire moi-même les deux documents se rapportant aux travailleurs et
travailleuses forestiers, ainsi que dans le domaine des plantations. Nous
allons sûrement nous en reparler.
J'ai aussi la forte intention de faire en sorte que le gouvernement
accepte que cette commission parlementaire de l'économie et du travail
puisse siéger avec un mandat d'initiative pour entendre toutes les
parties concernées, c'est-à-dire les syndicats impliqués
en forêt et dans les plantations. Ce que je vais demander, ce sera
spécifiquement ceci: Qu'un mandat d'initiative de la commission de
l'économie et du travail soit donné au plus vite - quand je dis
"au plus vite", ce n'est pas dans la semaine des quatre jeudis, parce que cela
n'existe pas, tout le monde le sait - sur les conditions de travail et de vie
des travailleurs et travailleuses forestiers et sur les conditions des
travailleurs et travailleuses du reboisement.
Vous pouvez être assurés que je vais faire tout ce qui est
nécessaire pour obtenir que le leader du gouvernement accepte ce mandat
d'initiative. Je m'en fais un devoir devant vous, parce que je pense que la
santé des travailleurs et des travailleuses a trop d'importance dans
notre société pour passer à côté de toutes
les questions que vous soulevez dans votre mémoire et dans les
annexes.
J'aimerais, si vous permettez, relever deux points seulement de votre
mémoire pour faire un commentaire. D'abord, à la page 2, vous
mentionnez "persona non grata". Vous avez l'impression d'être
considérés comme ça. Quant à moi, quant à
l'Opposition, je peux vous assurer que c'est peut-être par
déformation parce que je suis un ancien syndicaliste, mais vous n'avez
jamais été, ni les gens de la CSN, ni les gens de la FTQ,
considérés par le député de Duplessis, Denis
Perron, ancien travailleur à Hydro-Québec, comme "persona non
grata".
C'est la raison fondamentale pour laquelle j'ai toujours accepté
et même recommandé que les commissions parlementaires qui
siègent puissent obtenir la
présence des syndicats, peu impartent lesquels. D'autre part -
c'est un commentaire que je veux faire et je ne peux pas passer à
côté - à la page 10 vous mentionnez "que la
sécurité individuelle relevait de chacun des travailleurs et que,
dans la plupart des cas, les accidents qui surviennent en forêt
résultent d'une imprudence personnelle". Je sais que c'est l'affirmation
de quelqu'un qui est probablemenmt ici dans cette salle. Mais, quant à
cette affirmation, je peux vous assurer que je ne suis aucunement d'accord,
parce que quand on regarde l'ensemble des aspects et des problèmes
vécus par les travailleurs et les travailleuses, peu importent les
secteurs et, en particulier, dans le secteur forestier, il n'y a pas seulement
l'individu, la personne humaine, qui peut faire des erreurs, mais il y a aussi
la question du territoire qui peut faire en sorte de causer des accidents. Il y
a aussi la machinerie qui, très souvent, n'est pas réparée
comme elle le devrait et qui cause des accidents. Il y a aussi la
température qui peut apporter d'énormes problèmes aux
travailleurs forestiers et, bien sûr - ce que j'ai mentionné tout
à l'heure - il y a le domaine de la formation, et j'en passe. J'en
passe, je pense que tout le monde le sait. J'en oublie et j'en ai laissé
de côté, parce que je dois procéder à quelques
questions à l'endroit du syndicat que vous représentez.
D'abord, je voudrais vous poser une question. Lorsque vous parlez d'un
travailleur propriétaire d'une machine... On sait que c'est de plus en
plus en vogue; c'était très en vogue entre 1970 et 1978. Des
changements se sont effectués, c'est-à-dire que les compagnies se
sont acharnées à vendre de la machinerie à des
travailleurs syndiqués ou non pour faire en sorte de se
débarrasser de certains problèmes que vous avez soulevés
dans votre mémoire. Je voudrais savoir ceci. Quelle est la proportion
actuelle, en pourcentage, de travailleurs forestiers qui sont
propriétaires de machine, ceux qui sont syndiqués et ceux qui ne
le sont pas? C'est sûr qu'en cours de route vous avez perdu des effectifs
syndicaux à cause de personnes qui devenaient propriétaires de
machine. Dans votre syndicat, quel est le pourcentage de travailleurs
propriétaires d'une machine qui sont syndiqués par rapport
à l'autre facteur? (11 h 30)
Mme Montpas: Toutes nos unités couvrent les
propriétaires de machine. Partout où on est présent, les
propriétaires de machine sont couverts. Ce sont des syndiqués au
même titre que l'abatteur.
M. Perron: Par obligation.
Mme Montpas: Par choix. Ils ont décidé de se
syndiquer.
M. Perron: Par choix, d'accord.
Mme Montpas: Ils sont inclus dans l'unité parce qu'il y a
une disposition du code qui dit que tous ceux qui travaillent à
l'abattage, à la récolte, etc., pour un concessionnaire forestier
sont couverts par le certificat d'accréditation.
M. Perron: Cela veut dire que cela ne couvre pas l'ensemble du
Québec, mais seulement le territoire où vous êtes
accrédité.
Mme Montpas: Tous les syndicats, parce qu'il y a d'autres
syndicats que la CSN qui représentent les forestiers, couvrent tous les
propriétaires de machine. Mais, là où il n'y a pas de
syndicat, ils ne sont pas couverts, évidemment, alors que partout
où il y a des syndicats les propriétaires de machines sont
couverts. Je dois vous dire qu'il y a eu des tentatives des compagnies. H.C.
Leduc, par exemple, a conseillé et a aidé des travailleurs
à s'organiser en incorporant leurs machines, pensant par là
pouvoir les soustraire au certificat d'accréditation. Il y a eu une
décision du Tribunal du travail qui établissait que ce n'est pas
parce qu'on a une machine incorporée en compagnie qu'on est soustrait au
certificat d'accréditation. Il y a eu des essais en ce sens.
M. Perron: Merci. Si vous permettez, M. Cantin ou madame, il y a
un comité interministériel qui a été formé
en 1985 pour étudier précisément ta question des
travailleurs et travailleuses forestiers quant aux retombées du livre
blanc qui avait été déposé le 11 juin 1985. Je
voudrais vous poser une question: Est-ce que ' ce comité vous a
approché en tant qu'entité syndicale pour avoir votre opinion sur
les retombées d'un futur régime forestier? Aucunement?
Mme Montpas: II n'y a pas eu de contact officiel nous demandant
des avis ou des choses semblables. On savait que le fameux comité
patronal-syndical-gouvernemental avait avorté et avait été
remplacé par une espèce de comité interministériel.
On sait que ces gens sont censés travailler, mais on n'a pas eu de
contact officiel.
M. Cantin: Mais il y a déjà eu un comité de
la main-d'oeuvre forestière, sous le gouvernement libéral, en
plus. Je vous rappellerai que c'est M. Bérubé qui l'a fait
disparaître, à l'époque où il a été
ministre des Terres et Forêts. J'aime bien clarifier Ies affaires.
Sous le gouvernement libéral, il y avait un comité
ministériel qui fonctionnait et on réglait des problèmes.
Quand M. Bérubé a été nommé ministre des
Terres et Forêts, dans sa grande logique, il a fait sauter ce
comité. Aujourd'hui, c'est autre chose.
M. Perron: Là-dessus...
Mme Montpas: M. Perron, si vous permettez, pour dire la
vérité aussi, il y a quelque chose qui me revient. J'ai
reçu un appel téléphonique d'un fonctionnaire, M. Lord,
qui, la semaine dernière ou il y a quinze jours, nous convoquait
à une réunion sur la formation des travailleurs. On a
été convoqués à seulement trois ou quatre jours
d'avis. Nos horaires ne nous permettaient pas d'y assister. Je ne sais pas, par
contre, si cela relevait du groupe d'étude dont vous parliez.
M. Perron: Merci de l'information, madame. Maintenant, un
commentaire sur ce que vient de dire M. Cantin, quant à la disparition
du comité dont vous venez de parler. D'abord, je voudrais vous dire que
je ne suis pas nécessairement d'accord avec mon ancien collègue.
J'ai toujours été direct avec lui comme avec d'autres, même
si je faisais partie de l'ancien gouvernement. C'est peut-être une
mauvaise chose que cela ait été fait dans ce sens parce qu'on a
perdu alors un outil qui, selon moi, aurait été important dans
une journée comme celle d'aujourd'hui et comme celles qu'on vient de
passer et que l'on passera.
N'allez pas penser que nous sommes d'accord avec l'avant-projet de loi
déposé par le ministre. J'ai l'impression qu'il va falloir qu'il
fasse ses devoirs pour inclure certains aspects quant aux modifications, par
exemple, dans le cas du Code du travail. J'aimerais bien, là-dessus, si
c'est possible pour vous en tant qu'entité syndicale, dans les plus
brefs délais possible - je sais que c'est peut-être vous demander
beaucoup -que vous essayiez de faire parvenir certaines recommandations aux
membres de la commission, pour que les députés
ministériels et les députés de l'Opposition soient
informés sur la question des travailleurs et travailleuses forestiers,
syndiqués ou non, pour qu'on puisse voir la possibilité d'inclure
cela dans un prochain projet de loi. Il en va autant de l'avenir des
travailleurs et travailleuses forestiers que du reste.
Je voudrais vous poser une question. À la page 19, vous
mentionnez: "Voici quelques exemples tirés de procès-verbaux de
séances de travail d'un "groupe de consultation sur la politique
forestière", tel qu'on l'indique sur ces documents, tenues les 20 mai et
20 juin derniers." Avez-vous fait partie de ce groupe de travail?
Mme Montpas: Je vais vous expliquer comment c'est arrivé.
On n'était pas partie au groupe de travail. Vous verrez la liste des
membres du groupe de travail; on n'apparaît pas sur la liste. Ce qui est
arrivé, c'est qu'un des participants à la première
réunion, m'a-t-on raconté, a demandé comment il se faisait
que les représentants des travailleurs n'étaient pas là.
Le responsable du comité -je pense que c'était M. Paillé,
mais je ne fais que rapporter ce que l'on m'a dit - a dit: On va réparer
l'oubli la prochaine fois. Mais nous ne recevions toujours pas l'invitation.
Alors, à l'occasion d'une rencontre, je ne sais pas trop à quel
événement, j'ai vu M. Paillé et lui ai demandé: II
paraît que vous devez réparer un oubli. Est-ce que... est-ce
que... et est-ce que... J'ai dû m'y prendre à deux fois. Alors, au
nom de la fédération, j'ai assisté à la
deuxième et à la troisième réunion. Je dois dire
que nous sommes la seule organisation de travailleurs qui a été
acceptée. Je ne sais pas pourquoi, mais comme organisation on s'est
retrouvé là et c'est pour cela que l'on a pu apprendre ce qui se
passait, quel était l'état des débats
révélés, parce que l'on n'a pas le droit d'accepter qu'un
patrimoine collectif soit traité à huis-clos comme cela.
La première réunion avait lieu le 20 mai.
M. Perron: C'est celle à laquelle vous avez
assisté.
Mme Montpas: Non, j'ai assisté aux réunions du mois
d'août et du mois de juin; mais le 20 mai nous rencontrions M.
Côté pour deux autres questions, une fois le matin et une fois
l'après-midi. Mais on n'avait pas été invités.
M. Perron: Cette rencontre que vous avez eue le 20 mai se
rapportait probablement à la question Kruger.
Une voix: Non, cela n'a pas été soulevé.
M. Perron: Cela n'a pas été soulevé. Je vais
toucher la question Kruger. Vous l'avez mentionné tout à l'heure,
M. Cantin, on se doit d'être d'accord avec vous, lorsque vous mentionnez,
par exemple, que les coupes de Kruger sont situées à quelque 850
kilomètres et, pour des travailleurs forestiers, cela n'est pas un
cadeau. D'autre part, la compagnie elle-même a des difficultés
financières. On devra tenir compte des permis de coupe pour allouer des
bois plus près du site de la compagnie. D'ailleurs, c'est la raison
fondamentale pour laquelle nous sommes parfaitement d'accord que l'on mette
l'accent, dans le domaine de la reforestation, sur des arrérages, du
"backlog", qui sont énormes pour rapprocher des usines les futures
coupes dans 30 ou 40 ans pour que cela puisse profiter à tout le monde.
D'autre part, on est parfaitement d'accord avec le fait que l'on doive
procéder à ce que l'on appelle la forêt proche des usines,
autant la terre publique que la terre privée.
La question que je veux vous poser est
la suivante: Est-ce que dans la demande faite par Kruger, qui est
d'ailleurs appuyée, si j'ai bien compris, par le syndicat que vous
représentez, Kruger qui fonctionne à Brompton et à
Trais-Rivières, il y a un territoire délimité qui a
été demandé ou si c'est seulement une demande sans
mentionner de territoire?
M. Cantin: Peut-être que la compagnie Kruger a
elle-même demandé un territoire donné, mais, lors de la
rencontre avec M. Ciaccia, c'était pour rapprocher le plus possible
Kruger. Alors il faut dire que M. Ciaccia nous a dit qu'il regarderait cela
très sérieusement, puis il n'était pas en désaccord
avec nous le matin qu'on l'a rencontré, il faut le dire, sauf qu'on a
des relations avec Kruger, même si vous pe.nsez que les syndicats et les
compagnies se "maganent". On sait que Kruger a toujours été en
difficulté, pas en difficulté économique parce qu'elle
fait de l'argent comme n'importe quelle compagnie. Elle en fait peut-être
un peu moins, puis elle voudrait en faire autant que les autres. C'est une de
ces questions, mais je veux dire que l'entente que l'on avait avec Kruger,
c'est qu'elle fait dans le moment des changements technologiques à son
usine de Bromptonville et elle fera disparaître ce que l'on appelle la
chambre à bois. S'il y a au moins une quarantaine d'employés qui
en sortent et s'ils peuvent se rapprocher de leur territoire, ils vont
continuer à faire leurs propres copeaux à l'intérieur de
l'usine. On conserve l'emploi à l'intérieur de cette usine. C'est
important.
Tout le monde le dit et le gouvernement aussi: II faut conserver les
emplois et il faut créer des emplois. On s'est embarqué avec eux
et on a dit: Eh, on embarque là-dedans. On vous trouve de notre
goût. On les aimait. C'est à partir de ce moment-là que
l'on a eu une rencontre avec M. Ciaccia, sauf qu'ils n'ont pas eu de
réponse, puisqu'ils nous ont demandé de consulter pour voir s'ils
pouvaient avoir des réponses là-dessus. C'est le syndicat local
-je ne parle pas de la compagnie - qui nous a demandé cela. Il nous a
téléphoné et nous a dit: Vous êtes en commission,
demandez donc cela en même temps. C'est pour cela qu'on la
réitère. Les gens sont inquiets à Bromptonville à
cause des changements technologiques qui se font dans le moment.
M. Perron: Merci des informations et des réponses, M.
Cantin. Maintenant, je voudrais faire un commentaire. J'aurai d'autres
questions à vous poser éventuellement. À la page 28 de
votre mémoire, vous mentionnez: "que soit tenue une commission
parlementaire itinérante et publique". Compte tenu de l'importance d'un
futur régime forestier, avec de la législation et une
réglementation énorme tel que c'est proposé actuellement,
en plus de tous les pouvoirs ministériels - au nombre de 58 - qui font
partie de l'avant-projet de loi, nous considérons, nous de l'Opposition,
qu'il est important de se rendre à votre demande, une commission
parlementaire itinérante et publique, pour faire en sorte qu'avant
l'adoption du projet de loi qui sera déposé à
l'Assemblée nationale on puisse obtenir l'ensemble des recommandations,
l'ensemble des évaluations faites dans le domaine régional, dans
le domaine syndical et dans tous les autres domaines connexes, environnementaux
ou autres pour la simple raison que, lorsque le projet de loi sera
adopté, il faudra vivre avec. Ce projet de loi doit être un objet
capital pour l'avenir de notre forêt collective du Québec et de
toutes les personnes qui y travaillent ou qui y travailleront.
M. Cantin: M. Perron, est-ce que je pourrais vous répondre
là-dessus? Nous, on voudrait que la commission recommande au
gouvernement que le projet de loi ne soit pas adopté avant 1990. Il
faudrait absolument qu'à cette commission on prenne le temps de bien
faire des choix pour l'avenir. C'est important qu'on fasse les choix pour
l'avenir parce qu'il y va de l'avenir du Québec.
Pour ceux qui ont encore des questions et qui doutent qu'on soit dans
une rupture de stock, je vous dirai, M. le ministre, MM. les
représentants gouvernementaux, qu'on a une usine qui est fermée
à l'heure actuelle: Presse Falardeau dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Elle a été construite il y a deux ans et elle n'a jamais
fonctionné, une usine flambant neuve de la compagnie Price qui vient de
fermer pour rupture de stock.
On nous a donné le choix, nous, comme syndicat, entre deux
usines: Kénogami qui va fonctionner pendant quinze ans ou Presse
Falardeau qui pourrait fonctionner, en même temps, pendant dix ans. La
compagnie a dit: Si on ne ferme pas Presse Falardeau définitivement, la
scierie, c'est quinze ans à Kénogami. Vous avez le choix: quinze
ou trente ans. Trente ans, on a le temps de renouveler la forêt. C'est
là où on en est rendu. C'est beaucoup plus important que vous
pensez. Je pense qu'on devrait faire une enquête beaucoup plus
approfondie et itinérante partout dans la province pour aller voir tout
le monde. Il y a des gens qui voudraient se prononcer mais ils n'ont pas
l'avantage qu'on a eu et les capacités financières non plus de
venir vous parler ici.
Quant à nous, les travailleurs paient des cotisations et on a
l'avantage de venir vous parler ici. Il y a beaucoup de gens, de petites
organisations, dans les régions, qui ne peuvent pas dire ce qu'elles ont
envie de dire parce qu'elles n'ont pas les moyens de le faire. C'est
très important et on espère que vous allez y penser très
sérieusement
avant d'adopter ce projet de loi. D'abord, cela fait depuis le
commencement de la colonie qu'on est mal géré; qu'on le soit
pendant quelques années de plus, cela ne dérangera pas
grand-chose.
M. Perron: Vous me permettrez quand même, M. Cantin,
à la suite de ce que vous avez mentionné concernant 1990, d'avoir
certaines restrictions. Et je vais vous dire pourquoi. D'abord, c'est que
toutes les études qui ont été faites actuellement au
niveau de la forêt démontrent qu'on est en perte de vitesse, qu'il
y a des ruptures de stock qui vont apparaître dans les prochaines
années dans certaines régions du Québec:
l'Abitibî-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie
ainsi que le Saguenay-Lac-Saint-Jean en particulier. Je pense qu'il faut mettre
en place un régime forestier correct et dans les plus brefs
délais, pas nécesairement en 1990, mais qu'on le fasse pour 1987,
après avoir fait le tour du Québec, comme vous le mentionnez. Je
suis parfaitement d'accord. (11 h 45)
D'autre part, j'aimerais soulever un deuxième point à ce
sujet relativement à ce que vous avez demandé pour 1990; j'ai
toujours été très favorable à l'abolition des
concessions forestières. Tout le monde sait que, lorsqu'on parle de
concessions forestières - et je vais vous citer un exemple
précis, sans nommer la compagnie, mais je vais nommer ma région -
il y a un endroit sur la Côte-Nord où il y a des
possibilités, par le biais de concessions, de 755 000 mètres
cubes. Mais le prélèvement au cours des cinq dernières
années est en moyenne de 471 000 mètres cubes.
Je ne vois pas pourquoi on devrait laisser la différence,
actuellement; cela empêche d'autres institutions de
bénéficier de notre bois qui est à maturité. Je
suis clair là-dessus. Quant à 1990, à mon avis c'est non.
Mais, par contre, il va falloir faire le tour du Québec et on prendra te
temps qu'il faut pour le faire. J'endosse entièrement votre demande de
commission parlementaire itinérante.
M. Cantin: M. le député, 1990 est
négociable. Vous êtes un syndicaliste, vous comprenez ce qu'on
veut dire. On parle de 1990, mais c'est négociable.
M. Perron: D'accord, M. Cantin. Tantôt lorsque vous
mentionniez que vous n'étiez pas toujours d'accord avec la compagnie,
encore là, en tant qu'ancien syndicaliste, je peux vous dire que je sais
ce que c'est un rapport de forces. Il faut que cela existe dans notre
société, entre le syndicat et les compagnies, c'est normal, cela
fait partie du jeu de la démocratie.
Le Président (M. Baril): Est-ce que vous avez d'autres
commentaires, M. Cantin?
M. Cantin: Non.
Le Président (M. Baril): D'accord. Comme il y a eu
consentement tout à l'heure qu'on dépasserait le temps, on va
donner la parole à M. Ciaccia, le ministre de l'Énergie et des
Ressources. J'aimerais qu'on se limite à quatre ou cinq minutes pour
votre question et pour la réponse, pour qu'on puisse accorder le
même temps.
Il faut se rappeler que nous avons aussi à entendre le
mémoire de l'Union des municipalités régionales de
comté.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vais essayer
d'être bref. Je comprends, M. Cantin, et je sympathise sincèrement
avec les objectifs de votre mémoire. On espère tous
améliorer les conditions de travail et les conditions de vie de tous les
Québécois. Je ne pense pas que les conditions de travail soient
une question partisane. C'est quelque chose qu'il faut constater et qu'il faut
essayer d'améliorer.
C'est vrai que, dans tous les systèmes, il y a des abus. Cela ne
justifie pas les abus, mais ils existent. J'aimerais que les discussions ou les
améliorations puissent se faire dans une atmosphère sans
confrontation, mais je comprends que, si les abus sont tels que vous et madame
les avez décrits, il soit parfois difficile de ne pas élever le
ton de voix.
Vous m'avez parlé d'un manque d'intérêt dans les
journaux. Je pense que vous comprenez, la commission parlementaire est
publique, tout le monde y est invité. Je déplore moi aussi qu'on
ait pas donné plus d'information, car, si les gens des grandes villes
comprenaient vraiment les problèmes, cela faciliterait les
solutions.
Quand je vous ai rencontré avec les représentants de la
compagnie Kruger, vous étiez, et vous l'êtes encore,
sincèrement intéressé à aider à
résoudre les problèmes de la compagnie qui affectaient aussi les
travailleurs. Ils affectaient la compagnie, mais, directement ou indirectement,
ils affectaient les travailleurs. À ce moment-là, j'ai
écouté les représentations que Kruger avait faites et je
me suis informé; c'est vrai que la compagnie doit se rendre un peu loin
pour aller chercher son bois et que, s'il lui en manque, ce sont les
travailleurs de Bromptonville qui en souffriront. Le lieu où elle aurait
souhaité avoir des concessions est situé dans les Cantons de
l'Est et c'est dans un secteur privé. On ne peut pas les lui donner dans
cette section. Je puis vous assurer qu'on continue de discuter avec Kruger pour
essayer de trouver des solutions. On est conscient des problèmes. On n'a
pas cessé nos rencontres avec eux et nous
cherchons, par tous les moyens possibles, à lui venir en aide,
car on reconnaît que, lorsqu'on aide la compagnie Kruger, ce n'est pas
seulement Kruger qu'on aide, c'est aussi les travailleurs qui en
dépendent.
C'est un avant-projet de loi que nous avons déposé. Cela
veut dire que ce n'est même pas le projet de loi. Cela veut dire qu'il y
aura des changements. C'est pour cela que nous avons invité beaucoup
d'intervenants pour nous faire des représentations. Des articles seront
modifiés et des articles seront ajoutés à la suite des
représentations qui ont été faites, incluant les
représentations que vous nous faites aujourd'hui.
Puisqu'on est limité dans le temps, j'ai seulement une question.
On vous pose des questions, mais on en pose aussi à l'industrie. On se
fait faire des représentations par l'industrie. Il faut qu'elle soit
compétitive sur le marché international et elle a toutes sortes
de contraintes. À la page 11, lorsque vous parlez du prix des copeaux
vous dites que leur coût de production est d'environ 102 $ et qu'ils se
vendent 70 $ ou 75 $. On a posé la même question à
l'industrie parce que cela ne semble pas être vraiment raisonnable.
À mon point de vue, si cela coûte 102 $, pourquoi les vendre 75 $?
Il y a une perte. Il faut que quelqu'un subisse cette perte. Cela tombe sur les
travailleurs parce que c'est eux qui ont le moins d'argent. Je me fais
répondre: Écoutez, c'est le marché libre. Alors, je vous
demande: Qu'est-ce qu'on peut faire comme gouvernement? Je ne parle pas
d'imposer des prix parce que je ne pense pas qu'on puisse le faire. Mais
quelles mesures peut-on prendre pour nous assurer qu'il n'y ait pas cette
différence dans les prix et que vraiment il y ait un prix
équitable qui puisse bénéficier à tout le
monde?
M. Malenfant (Daniel): Je vous poserai une question: N'est-ce pas
vous qui fixez le prix de la matière ligneuse au Québec
actuellement?
M. Ciaccia: Pardon?
M. Malenfant: C'est vous qui fixez le prix de la matière
ligneuse par les droits de coupe?
M. Ciaccia: On fixe les droits de coupe, mais je ne pense pas
qu'on fixe les prix des matières qui sont vendues.
M. Malenfant: II faudrait que vous relisiez le texte
attentivement. On ne peut pas parler de marché libre quand il y a un
"offreur" qui détient 90 % de la ressource. C'est un peu délicat
de parler de marché libre dans ces conditions-là. Ce sont les
papetières qui contrôlent une grande part de la demande.
M. Ciaccia: Que suggérez-vous qu'on fasse comme
gouvernement pour nous assurer qu'il y ait des prix plus équitables?
M. Cantin: Je vous dirai que vous allez trouver la réponse
dans le mémoire de la CSN de cet après-midi.
M. Ciaccia: On va écouter attentivement.
M. Cantin: Vous allez l'avoir dans le mémoire de la CSN.
On ne peut pas empiéter dessus. Si on avait pu le passer tout de suite
ce matin, vous auriez eu votre réponse ce matin. Mais vous allez avoir
votre réponse cet après-midi. Ce que vous allez retrouver dans le
mémoire de la CSN, cela a déjà été soumis en
1972 devant la même commission parlementaire, dans la même salle.
Cela a été soumis en 1977 devant la même commission
parlementaire, dans la même salle et on vous le redit encore une fois en
1986. C'est amélioré. C'est sûr que cela a
évolué. On va vous redire cela et on espère qu'avec
l'évolution du temps cela sera intégré quelque part.
M. Ciaccia: Merci. Une voix: Un instant!
Le Président (M. Baril): Alors, pour l'alternance, vous
avez neuf minutes à votre disposition.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Baril): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Pour ne pas être accusé d'être
sans péché, je vais donc m'accuser et demander pardon dès
le départ. Effectivement - et ce n'est pas une farce que je veux faire,
même si cela peut amener des sourires - il y a des choses, pour
l'ensemble des travailleurs forestiers, qui ont été dites,
redites et qui continuent à être redites. Chose certaine, sur ce
dossier de l'ensemble des travailleurs en milieu forestier, il y a beaucoup de
points que les gens qui ont des responsabilités, à certaines
occasions, n'ont peut-être pas saisis, mais que vous avez mis sur
vidéo. Je vous dis, au départ, que je serais
intéressé à le voir comme j'avais dit que j'étais
intéressé à aller faire un tour en forêt pour aller
voir ce qui se passait parce que les rapports qu'on avait oralement de
l'ensemble des dossiers indiquaient effectivement qu'il y avait des choses pas
correctes.
Deuxièmement, il y avait aussi des personnes qu'on rencontrait
dans nos comtés, au sujet de l'achat de machinerie, qui nous
disaient aussi la même chose. J'ai posé une question
à la Fédération des travailleurs forestiers du
Québec qui m'a dit qu'effectivement il y avait peut-être eu
certaines choses qui avaient été faites à la suite de ce
conseil qui était prévu par le Conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre, mais que ce n'était pas disponible parce que ce
n'était pas terminé. J'aimerais savoir si,, en plus des documents
que vous avez fournis, vous avez un rapport du Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre qui démontre le problème qui existait
concernant l'achat de machinerie par des employés, forcés un peu
par les compagnies forestières. Sûrement qu'il n'y en avait pas
pour les autres travailleurs au niveau du reboisement parce que c'était
au départ, à ce moment-là.
Mme Montpas: Excusez-moi, cela remonterait à quand?
M. Jolivet: À 1977, 1978, 1979.
Mme Montpas: À la suite du conseil de la
main-d'oeuvre?
M. Jolivet: Oui. Il n'y en a pas eu?
Une voix: Cela a été repris par la commission
Beaudry.
M. Jolivet: Non, dans la deuxième partie, je parlerai de
la commission Beaudry.
Une voix: D'accord.
M. Jolivet: Dans ce contexte, il est évident qu'il a fallu
arriver à une conclusion, qui a été le rapport Beaudry
déposé dernièrement. Je suis d'accord avec vous qu'il
faudra se rendre à la recommandation que vous faites aux pages 4 et 5 de
votre mémoire concernant la commission Beaudry. Il y aurait une autre
formule. Mon collègue proposait un mandat d'initiative - ce serait
peut-être aussi bon - avec la possibilité d'aller dans le milieu.
C'est une des propositions. À partir de cela, entre la
préparation du livre blanc et l'adoption de la loi, il y a donc un
délai où on doit tenir compte de ce que vous dites à ce
moment-ci.
Mais je ne serais peut-être pas d'accord-avec vous pour dire que
la loi devrait être adoptée en 1990. Rien n'empêche le
projet de loi d'être adopté, peut-être pas cet automne, mais
au printemps, pour permettre au ministre de bien digérer l'ensemble des
recommandations qui lui sont faites depuis un bout de temps. Il faut s'assurer
que cette nouvelle loi pourra entrer en vigueur. Cela permettrait, entre-temps,
de faire ce que vous demandez. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec
moi là-dessus.
M. Cantin: Comme je l'ai dit à M. Perron tout à
l'heure, 1990, c'est négociable. Mais, en attendant, il peut y avoir des
mesures transitoires. Il peut y avoir des arrêtés
ministériels de réglementation. On n'empêche pas cela, mais
on voudrait que ce soit le plus sérieusement possible. Nous ne sommes
pas en désaccord avec ce que M. Perron a appelé tout à
l'heure...
M. Jolivet: Un mandat d'initiative.
M. Cantin: Nous ne sommes pas en désaccord avec cela. Je
vous dirai en même temps que si vous voulez aller en forêt, nous
pouvons vous inviter. Nous avons invité la commission Beaudry, nous
avons organisé quelque chose, mais les travailleurs ont eu tellement
peur de la compagnie Consol qu'on a été obligé de
renoncer. Le commissaire, M. Beaudry, était prêt à y aller.
On faisait tout cela en cachette. Il y a des gens qui ne veulent pas perdre
leur emploi, et on en est rendu la. S'il y a des gens qui ne nous croient pas,
vous pouvez rencontrer des gens en cachette et vous verrez ce qui se passe.
C'est sérieux.
M. Jolivet: J'y suis déjà allé, j'y suis
allé dernièrement, mais il y a une décision de la
population qui. a fait que mes actions ont peut-être changé de
place pour le moment, mais mes préoccupations demeurent les mêmes.
Je peux vous dire que mon collègue est allé voir des gens durant
l'été, il a pris une partie de ses vacances pour le faire.
Vous avez répondu à ma question, mais j'aimerais que vous
insistiez là-dessus. Vous parlez des petits exploitants, des
entrepreneurs qui ont des contrats en vertu des soumissions. Vous avez
parlé aussi des coopératives. Êtes-vous en train de me dire
que ce n'est pas mieux avec les coopératives qu'avec les
exploitants?
Mme Montpas: Vous avez, dans le document, deux exemples à
la suite de visites qu'on a faites chez des coopérateurs. Par exemple,
une coopérative qui exige des frais de gardiennage pour les effets
personnels des travailleurs. C'est un petit exemple. Vous retrouverez dans le
document les coopératives, les grandes compagnies et les petits
entrepreneurs.
M. Jolivet: Étant donné le temps qui a
été limité à la suite d'une décision prise
de l'autre côté, je vous poserai une dernière question en
ce qui a trait à l'utilisation de l'ensemble des usagers de la
forêt. C'est une question qui préoccupe mon collègue
d'Ungava et, compte tenu de l'alternance, étant donné qu'il ne
reste plus de temps de l'autre côté, si mon collègue
d'Ungava voulait la poser, je serais prêt à lui laisser
la parole pour le faire. Cela concerne les utilisateurs de la
forêt.
Le Président (M. Baril): Est-ce qu'il y a consentement?
Oui.
M. Claveau: M. le Président, il me fait toujours plaisir
de parler du problème. Quand on parle du problème des
utilisateurs de la forêt, on parle de financement, de qui doit payer pour
toute cette question du reboisement. Or, étant moi-même d'un
milieu très près du secteur forestier et sachant que, dans mon
milieu, une grande partie des activités de loisir des travailleurs
forestiers est reliée à la forêt, à la chasse et
à la pêche, etc., j'aimerais savoir ce que vous pensez des propos
du ministre lorsqu'il dit que tous les utilisateurs de la forêt devront
payer. Encore là, on ne sait pas qui, moi, je ne le sais pas, parce que,
de mon salon, tout ce que je vois, c'est la forêt; je ne sais pas si
c'est une utilisation de la forêt. (12 heures)
Mme Montpas: Si vous permettez, personnellement, je
considère proprement scandaleux qu'on décide de refiler la
facture à des gens qui ne sont pas là pour en discuter. En
parlant des autres utilisateurs, on visait, à mon avis, les chasseurs et
les pêcheurs; on prétend que c'est à cause d'eux qu'on
aménage les zones de conservation. C'est aussi, dans les parcs et
réserves, s'il y a des loisirs, si vous y allez avec votre famille, si
vous allez camper, etc. Je pense que c'est tout ce monde qui va payer. Il y a
un semblant de réforme qui a l'air commencée avec M. Picotte qui
a le goût de remettre ces choses-là à sous-contrat. Mais il
faut remarquer ceci: dans l'étude socio-économique de 1980 du
MLCP, il est établi que seulement en tarification de permis de chasse et
pêche au Québec, les chasseurs ont payé 20 000 000 $ au
Trésor québécois pour une utilisation d'à peu
près 5 % du territoire forestier. Les compagnies, en 1985, pour une
utilisation de 92 % du territoire, ont versé 22 000 000 $ endroits de coupe. Il me semble qu'il y a là une sorte de
déséquilibre et qu'on devrait laisser tranquilles ceux qui ont le
goût d'aller dans le bois faire autre chose que d'y couper du bois.
M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Je demande, pour
le mot de la fin, au député de Duplessis de faire les
remerciements d'usage.
M. Perron: M. le Président... Oui?
M. Malenfant: On aurait juste un petit point à ajouter en
terminant. On espère que, s'il se fait des études sur les
conditions de travail et de vie en forêt, tout le monde ne partira pas
avec le préjugé favorable aux compagnies qu'a exprimé M.
Côté devant l'AMBSQ. Je le cite: "Je suis par ailleurs convaincu
que chacun de vous - il s'adresse aux industriels - fait tous les efforts pour
assurer les meilleures conditions de travail et que les cas contraires qui sont
rapportés constituent des exceptions." Il faut vous rendre sur le
terrain pour voir que, justement, ce ne sont pas des exceptions.
M. Perron: M. le président Cantin, mesdames et messieurs
qui l'accompagnez, je pense que ce matin a été une occasion trop
courte, mais quand même intéressante de vous rencontrer. Au risque
de me répéter, c'est au nom de l'Opposition que je dois vous
remercier et c'est avec plaisir que je ie fais, dans un premier temps. Dans un
deuxième temps, je peux vous dire que les trois engagements que j'ai
pris, je vais, dans la mesure où j'aurai des réponses de l'autre
côté, continuer à me battre dans ce sens. D'abord, je vais
lire moi-même les deux mémoires concernant le travail forestier
quant aux conditions de travail. Je vais lire aussi l'annexe au mémoire
que vous avez déposée se rapportant à l'autre secteur
d'activité qui concerne le reboisement, les pépinières,
etc. Je vais faire le maximum pour obtenir du gouvernement le mandat
d'initiative couvrant ces deux secteurs importants concernant les conditions de
travail et une commission parlementaire itinérante face au projet de loi
qui sera déposé éventuellement par le gouvernement. Encore
une fois, je vous remercie. Cela nous a donné l'occasion ce matin, en ce
qui me concerne et en ce qui concerne les membres de l'Opposition, de
comprendre une fois pour toutes qu'il faut qu'on fasse des choses
intéressantes et pas seulement en parler; il faut qu'on agisse.
M. Cantin: En terminant, on espère que le gouvernement
n'amoindrira pas non plus la réglementation à la CSST, parce que
les premiers qui vont être touchés là-dedans, ce sont les
travailleurs les moins protégés au point de vue santé et
sécurité. Vous le savez, on l'a dit, les statistiques sont
là. On espère que le gouvernement ne déréglementera
pas. Vous êtes dans une vague de déréglementation, mais
attention! Regardez ce qui se passe aux États-Unis. On a
déréglementé dans des États il y a 18 ans et on est
en train de faire des règlements plus forts qu'il y a 18 ans.
N'embarquez donc pas dans ce "bag", s'il vous plaît! Une autre chose
qu'on espère, c'est qu'on n'ait pas besoin du jouer du coude pour
participer à des comités à l'intérieur du
gouvernement. On espère que vous allez inviter tous les utilisateurs de
la forêt; il y en a beaucoup au Québec. Vous êtes en train
de vouloir
leur refiler la facture. Est-ce qu'il y a possibilité de savoir
comment cela va se payer?
Une autre chose qu'on voudrait vous conseiller: étant
donné que, moi, je travaille chez Domtar, j'étais heureux que ma
compagnie appartienne au gouvernement. Je vous parle en tant qu'ouvrier et
représentant d'ouvriers: Ne touchez donc pas à ça. De la
compétition, il n'y en aura plus parce que ce sera Consol qui
l'achètera ou bien Cascades, ils sont tous dans un club privé.
 partir de ce moment-là, de la compétition il n'y en aura
plus. Tandis que là le gouvernement avait une conscience collective
là-dessus et en plus c'était payant pour la collectivité.
Dans un grand discours fait hier vous annoncez que vous allez vous
débarrasser de la compagnie Donohue et de Domtar qui sont rentables pour
la collectivité, et vous allez prendre des canards boiteux à
même notre argent.
Tâchez donc de rester dans une des richesses les plus importantes
du Québec, qui nous représente comme Québécois, qui
a toujours été notre force au Québec. C'est une des
entreprises où on finit notre produit plutôt que de le faire faire
aux États-Unis. Ici, on vend notre produit fini. C'est une des seules
entreprises au Québec. On vous demande de ne pas faire ça. Les
travailleurs de Domtar et de Donohue sont heureux et fiers de travailler pour
une institution qui appartient au gouvernement et non pas à l'entreprise
privée. C'est le message que j'ai à vous passer.
Le Président (M. Baril): Pour le mot de la fin j'aimerais
demander au ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: M. Cantin, je vous remercie ainsi que vos
collègues pour la présentation que vous nous avez faite ce matin
pour nous souligner le problème qui existe et le porter à notre
attention. On peut vous assurer que nous allons chercher des solutions, que
nous prendrons bonne note des commentaires que vous avez faits.
Quant à la réglementation, on se fait accuser que, dans le
projet de loi actuel, il y a trop de réglementation. Je peux vous
assurer que nous serons très prudents - non seulement sur la
réglementation mais sur la déréglementation aussi - dans
les décisions que nous prendrons. Ce n'est pas une question
idéologique de déréglementer pour le plaisir de
déréglementer. Nous cherchons des solutions: nous cherchons
à alléger certains fardeaux, mais nous reconnaissons aussi que
dans certains endroits il doit y avoir des règles du jeu pour
protéger tout le monde. Dans ces cas-là ce n'est pas notre
intention de nous dégager de notre responsabilité.
Vous avez mentionné tantôt, à la suite d'une
question que je vous avais posée sur les prix, à savoir ce que le
gouvernement pouvait faire... Vous m'avez dit que cet après-midi la CSN
me donnerait la réponse. Malheureusement, personnellement je ne peux
assister à la séance de cet après-midi parce que je dois
absolument assister au Conseil des ministres. Cependant, je peux vous assurer
que je vais non seulement prendre note du document qui sera
déposé par la CSN mais je me rendrai même disponible pour
que, si des représentants de la CSN veulent me rencontrer, ils puissent
me faire de vive voix, à moi et à mon collègue s'ils le
veulent, les représentations que je ne pourrai pas écouter cet
après-midi. Vous pouvez être assuré de ma collaboration. Ce
n'est pas par manque de respect que je ne serai pas ici cet après-midi,
mais parce que je suis absolument obligé de m'absenter. Encore une fois,
je vous remercie de votre présentation et des points que vous avez
portés à notre attention.
Le Président (M. Baril): M. Cantin et votre groupe, je
vous remercie beaucoup pour votre mémoire qui était très
intéressant.
J'invite l'Union des municipalités régionales de
comté à prendre place, s'il vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, M. le
président. Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais que vous me fassiez
la présentation des personnes qui sont avec vous, s'il vous
plaît!
Union des municipalités régionales de
comté du Québec
M. Nicolet (Roger): M. le Président, c'est avec plaisir
que je présente à ma gauche M. Alonzo Lemay. M. Lemay est maire
de Saint-Marc-du-Lac-Long et préfet de la MRC de Témiscouata.
À ma droite, Me Gaétane Martel, qui est directrice du service de
recherche à l'UMRCQ.
Le Président (M. Baril): M. le président, je dois
vous dire que voua avez 18 minutes pour votre présentation. Ensuite, par
alternance, nous avons chacun 36 minutes de chaque côté.
M. Nicolet: M. le ministre, madame, messieurs les membres de
l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, l'UMRCQ vous remercie
d'avoir bien voulu l'accueillir ce matin pour permettre au porte-parole du
monde municipal de présenter au gouvernement du Québec les
réflexions que nous inspire l'étude de l'avant-projet de loi sur
les forêts, premier élément d'un train de mesures
législatives et réglementaires sur l'ensemble des terres du
domaine public.
La problématique de la réorientation de l'administration
des terres publiques est d'envergure et il n'est pas surprenant que le
gouvernement ait choisi de l'aborder par étapes en fonction des
priorités que lui dictent ses fonctions de gestionnaire.
Vous comprendrez toutefois que pour les municipalités qui
considèrent qu'il s'agit là d'une question d'importance capitale
pour leur développement autant social qu'économique cette
approche séquentielle soulève interrogations et
appréhensions. Une vision plus globale des objectifs que poursuit le
gouvernement, présentée de façon claire pour ne pas dire
limpide, éviterait les malentendus que risque de créer la
parcimonie de l'information officielle. Nous en avons été
réduits à procéder par extrapolation à partir de
documents qui ne représentent que des hypothèses de travail de
diverses instances gouvernementales. Une telle méthode présente
des risques et nous sommes les premiers à le reconnaître.
Nous vous prions donc de faire preuve d'indulgence quand, au cours de
cette présentation, nous déborderons du projet de loi qui fait
l'objet de la présente commission parlementaire. II nous apparaît
néanmoins essentiel de souligner les réserves que suscitent
certains articles du projet de loi et d'en exposer les motifs avec toute
l'insistance que nous dicte notre souci de vous inciter â y apporter les
modifications et clarifications qui s'imposent.
Pour bien souligner l'intérêt que portent
municipalités et MRC à la teneur du projet dont vous avez
assumé l'étude, nous nous permettons dans un premier temps de
vous exposer le cheminement suivi par les UMRCQ dès que le gouvernement
du Québec a entrepris, il y a plus d'un an de cela, une première
campagne d'information du public sur une nouvelle politique
forestière.
Un comité a été formé sous la
présidence de M. Lemay, composé d'élus et de
personnes-ressources. Le comité a orienté son travail en fonction
de la problématique qu'abordait l'énoncé de politiques
forestières. Il a choisi de faire préciser aux membres de l'union
leur perception des enjeux par le biais d'un questionnaire qui a
été transmis aux MRC du Québec. La compilation des
résultats a fait l'objet d'un mémoire qui vous a
été remis et que je demanderais à M. Lemay de vous
présenter. M. Lemay.
M. Lemay (Alonzo): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les commissaires. Â la suite de la démarche
expliquée par M. Nicolet, il me fait plaisir de vous présenter un
résumé du mémoire que vous avez déjà
reçu. L'affectation des terres publiques et des terres privées.
À partir du questionnaire-sondage transmis aux 95 MRC du Québec
et à partir des rencontres avec les principaux intervenants oeuvrant
dans le secteur forestier au Québec, le comité de travail sur la
forêt a pu constater que l'ensemble des MRC du Québec a une posi-
tion claire en ce qui a trait à l'affectation des terres publiques et
des terres privées du Québec. Dans les deux cas, plus de 75 % de
ces dernières veulent être étroitement associées
à l'aménagement et à la planification de l'exploitation
forestière particulièrement en ce qui a trait aux milieux
naturels sensibles, aux activités récréo-touristiques,
à la coupe à blanc, à la planification et aux traitements
sylvicoles. (12 h 15)
Cet intérêt pour l'aménagement et la planification
des territoires forestiers publics et privés découle de la
volonté des MRC d'assurer pleinement les mandats qui leur ont
été confiés par la loi 125 en plus de vouloir participer
aux décisions qui affectent l'aménagement de leurs territoires
respectifs.
La politique forestière de rendement soutenu. Dans le contexte de
la politique forestière de rendement soutenu proposée par le
gouvernement du Québec, le comité de travail sur la forêt a
constaté l'intérêt manifeste des MRC en ce qui a trait
à la régionalisation et à la décentralisation de la
gestion forestière. Considérant que l'éloignernent des
ingénieurs forestiers des parterres de coupe pose de sérieux
problèmes d'efficacité et de rentabilité, les MRC
insistent aussi pour que la compilation des données techniques relatives
aux inventaires forestiers tiennent compte des limites territoriales des MRC.
Considérant que cette information est essentielle à une
planification efficace à une saine administration du territoire, 87 %
des membres donnent leur accord à ce sujet.
Pour ce qui est des moyens proposés pour une politique
forestière de rendement soutenu efficace, bon nombre de MRC donnent leur
accord de principe, mais sans pour autant pouvoir discerner lesquels pourraient
être garants d'une utilisation optimale de la ressource. Une combinaison
des moyens proposés, ajustée à une stratégie de
développement forestier plus rationnelle, permettrait d'éviter
une rupture des stocks. Parmi les mesures à préconiser, il faut
mettre l'accent sur la diminution graduelle des prélèvements
forestiers, l'arrêt subit des coupes de surplus, la création
d'incitatifs en zone pâte, l'allocation de la matière ligneuse et
l'allocation des droits de coupe. Dans le même ordre d'idées, les
MRC suggèrent quelques stratégies d'intervention pouvant
éviter une probable rupture des stocks. Autant en forêt publique
qu'en forêt privée, on propose une augmentation des
activités de sylviculture et de plantation, incluant les feuillus.
Doublée d'une surveillance accrue de ces traitements,
l'accélération des programmes de pulvérisation
d'insecticides et de phytoeides et l'implication des deux paliers de
gouvernement en ce qui a trait au problème de pollution causé par
les pluies
acides sont considérées comme prioritaires par les MRC si
l'on veut protéger la forêt et assurer sa pérennité.
Finalement, on considère capital que le gouvernement du Québec
mette sur pied une stratégie de développement forestier qui
puisse être fonctionnelle et efficace autant au niveau de l'exploitation
et de la ressource que du développement industriel. Le gouvernement a la
responsabilité morale de gérer ce qu'on appelle maintenant
"l'après-tordeuse" et axer la coupe forestière en fonction des
potentiels réels et disponibles. Au-delà des
considérations politiques, le gouvernement doit maintenant envisager
à court terme une réduction systématique des droits de
coupe avec toute l'implication qui en découle. Merci.
M. Nicolet: Nous entendons, dans les derniers volets de cette
présentation, insister davantage sur les impacts de la loi
proposée sur les pouvoirs des MRC en matière d'aménagement
du territoire. Pour compléter notre analyse, nous faisons
référence dans le cadre de cet exposé aux intentions
annoncées par le gouvernement dans le document "Les activités et
les pouvoirs du gouvernement et des MRC en matière d'aménagement
du territoire" déposé à la table
Québec-municipalités, le 27 juin 1986, de même qu'au "Guide
des modalités d'intervention en milieu forestier" rendu public
récemment.
Dans un premier temps, I'UMRCQ déplore que la consultation sur
l'avant-projet de loi sur les forêts se fasse avant le dépôt
du projet de loi sur les terres du domaine public. En effet, les politiques de
gestion de la forêt élaborées dans la loi sur la
forêt reposent sur l'identification de zones de production
forestière exclusive ou mixte. Or, cette identification de zones de
production forestière exclusive ou mixte se fera en vertu de la loi sur
les terres du domaine public comme l'indiquent les articles 8 et 11 de la Loi
sur les terres et forêts.
À la lecture du projet de loi sur la forêt, on constate
qu'il n'y a que peu de dispositions qui établissent une relation directe
avec les pouvoirs des MRC en matière d'aménagement.
L'UMRCQ reconnaît bien volontiers la compétence du
ministère de l'Énergie et des Ressources pour mettre en valeur
des ressources sur les terres publiques. Cependant, elle désire que,
dans ce processus de mise en valeur de celles-ci, des pouvoirs reconnus aux MRC
en matière d'aménagement ne soient pas escamotés. Dans ce
contexte, il nous semble essentiel de soulever quelques problèmes qui
nous sont apparus dans ce projet de loi. L'article 8 fait
référence au plan d'affectation approuvé en vertu de
l'article 11 de la loi sur les terres du domaine public et plus
particulièrement aux parties des terres affectées à la
production de matières ligneuses. Mais quelles sont ces parties?
Lorsqu'en l'absence dudit projet de loi l'on consulte le "Guide des
modalités d'intervention en milieu forestier", on constate qu'il est
prévu qu'une zone de production forestière est permise, mais
subordonnée aux exigences de conservation. Cette zone regroupe les
refuges fauniques, les sites fauniques, les sites récréatifs, les
sites d'utilités publiques et les sites agricoles. Il existe
évidemment des zones où la production forestière est
prioritaire: les zones forestières et fauniques, les zones
forestières et récréatives et les zones forestières
de production.
En outre, à l'article 27 du projet de loi, il est question d'une
aire qui cesse d'être affectée à la production du bois.
L'UMRCQ aimerait s'assurer que les MRC auront leur mot à dire dans
l'identification des terres publiques qui seront affectées à la
production du bois, dans la délimitation des diverses zones
précitées et dans les modifications qui pourront y être
apportées. Sans cela, comment s'assurer que les zones de production sont
compatibles avec les objectifs du schéma d'aménagement et les
affectations du territoire qui y sont définies?
Aucune référence au droit de regard des MRC à ce
chapitre n'est faite dans la Loi sur les forêts. On nous répondra
qu'il faut attendre le projet de loi sur les terres du domaine public pour
répondre à cette question. En attendant, l'UMRCQ est
inquiète car elle constate que, dans le document déposé
à la table Québec-municipalités, il n'y a aucune
référence spécifique à un processus de consultation
des MRC quant à l'affectation des terres publiques.
Rappelons que les MRC sont intéressées au plus haut point
par ces affectations, que ce soit dans le cadre de l'importance
économique de la production forestière pour la région ou
encore dans la perspective de l'influence de la délimitation des zones
forestières sur des projets d'utilisation de la forêt à des
fins de loisirs ou plus largement à des fins de promotion
touristique.
L'avant-projet de loi sur les forêt3 contient d'autres
éléments où le désir d'harmonisation des politiques
gouvernementales avec les préoccupations des MRC semble absent. Nous
parlons, entre autres, des chemins forestiers et des établissements de
transformation du bois; ainsi, aux articles 11 et suivants il est question de
construction de chemins publics.
Donc, il semble que tout chemin sur les terres publiques est un chemin
forestier. Or, à l'article 12 on prévoit l'autorisation du
ministre pour la construction d'un tel chemin. Est-ce à dire que la MRC
n'a aucun mot à dire sur l'établissement des chemins forestiers?
Pourtant, l'article 149 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme
prévoit
que, lorsque le gouvernement, ses ministères ou mandataires
désirent intervenir, entre autres, par la réalisation de travaux
sur le territoire d'une municipalité régionale de comté
où est en vigueur un schéma d'aménagement, le ministre
doit adresser un avis de son intention à la MRC, cet avis
déclenchant le mécanisme de consultation défini aux
articles suivants.
S'il s'agit de construction de chemin par un tiers, les exigences
imposées seront-elles limitées aux conditions
déterminées par le ministre pour accorder l'autorisation ou bien
le schéma d'aménagement de la MRC ou les règlements
applicables aux TNO devront-ils être pris en considération? Rien
n'est prévu à ce sujet dans l'avant-projet de loi sur les
forêts.
Si on se fie au document de la table Québec-municipalités,
il semble que l'intention du gouvernement soit de soustraire au contrôle
des MRC les chemins forestiers, à l'exception de la planification du
réseau routier forestier principal. Or, rien de cela ne semble
prévu dans l'avant-projet de loi sur les forêts. L'article 103
réfère bien à des chemins forestiers classifies principaux
et l'article 88 prévoit que le gouvernement établit, par
règlement, la classification des chemins forestiers. Mais rien ne
prévoit une quelconque consultation des MRC. Cela est d'autant plus
troublant vu le pouvoir du ministre d'interdire l'accès à un
chemin forestier.
Un autre article semble faire fi des pouvoirs des MRC. Il s'agit de
l'article 81 où, pour la construction d'un établissement de
transformation du bois, on prévoit une autorisation du ministre aux
conditions qu'il détermine et un permis du ministre pour l'exploitation
de l'établissement. Est-ce que l'autorisation du ministre est une
exigence imposée à l'exclusion de toute autre qui pourrait venir
du schéma ou des règlements de la MRC? L'avant-projet de loi est
muet à ce sujet.
L'UMRCQ est sensibilisée à l'urgence de mettre en place
une nouvelle politique sur la forêt, mais elle se refuse à
compromettre les acquis des MRC en matière d'aménagement du
territoire pour réaliser cet objectif. Il semble fondamental que le
gouvernement fasse connaître de façon officielle son projet de loi
sur les terres du domaine public de même que, le cas
échéant, les modifications qu'il a l'intention d'apporter
à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour faciliter la mise
en place de sa politique d'affectation des terres publiques.
Compte tenu de ces incertitudes ainsi que de l'opposition du monde
municipal à toute réforme de la loi 125 et bien que l'objet de la
présente consultation en commission parlementaire soit limité
à l'avant-projet de loi sur les forêts, l'UMRCQ juge qu'elle se
doit d'exprimer publiquement sa réaction préliminaire aux
propositions contenues dans le document intitulé "Les activités
et les pouvoirs du gouvernement et des MRC en matière
d'aménagement du territoire". À notre avis, le vrai débat
se trouve à ce niveau. L'UMRCQ désire manifester d'ores et
déjà son désaccord avec certaines prémisses qui y
sont exprimées: Que toute intervention gouvernementale dans le cadre de
la gestion des ressources est soutraite au contrôle de la MRC; que des
modifications dans l'affectation de certaines terres ne soient pas assujetties
à une modification du schéma à l'initiative de la MRC ou
à l'initiative du gouvernement, mais qu'elle fasse plutôt l'objet
d'avis d'intervention; que certaines interventions ne soient pas sujettes
à l'application des articles 149 et suivants de la loi de
l'aménagement puisque les travaux sont réalisés par des
tiers; que la procédure prévue aux articles 149 et suivants ne
soient pas utilisée pour la multitude de travaux réalisés
par le gouvernement, ses ministères et mandataires qui ont peu
d'incidence sur le schéma d'aménagement ou sur les dispositions
du règlement de contrôle intérimaire; que les projets de
création de territoires ayant un statut particulier fassent l'objet d'un
avis d'intervention, mais que la réalisation des équipements dans
ce territoire, une fois ces territoires créés, ne soit pas
assujettie à un avis d'intervention. Il ne s'agit pas là d'une
liste exhaustive, mais plutôt d'une indication générale de
notre réaction face à l'ensemble du document.
En conclusion, nous voulons réitérer la volonté des
municipalités régionales de comté du Québec
d'exercer pleinement les pouvoirs qui leur ont été dévolus
par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. D'une part, nous exigeons
que tous les ministères respectent les dispositions de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme et ne tentent pas par divers moyens de se
soustraire aux dispositions de l'article 149 de ladite loi. D'autre part, nous
demandons au ministre délégué aux Forêts, M. Albert
Côté, de tenir compte du rôle joué par les
municipalités régionales de comté en matière
d'aménagement lors de l'adoption de son projet de loi. Finalement, nous
invitons également le ministre à déposer le plus
rapidement possible son projet sur les terres du domaine public. Merci de votre
attention.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le président.
La parole est maintenant au ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. le
président, Mme Martel et M. Lemay. Nous nous sommes rencontrés
une première fois lors de votre dépôt en commission
parlementaire. Je vous ai posé quelques questions que je
répéterai encore ici, s'il vous plaît!
Évidemment, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme vous
confère des pouvoirs et il est de notre intention de nous harmoniser,
mais en même temps de répondre aux responsabilités qui me
sont confiées comme ministre. Comme vous le dites, on transmet souvent
des avis suivant les articles 16 et 11 et, de temps en temps, suivant l'article
149. Quand vous dites que vous voulez être associés
étroitement à l'aménagement et à la planification
de l'exploitation forestière, le mot "associés" peut prendre
beaucoup d'extension ou d'ampleur. Dans votre esprit, quelle est la
définition qu'on devrait accoler à ce mot dans votre texte?
Le Président (M. Cusano): M. le président.
M. Nicolet: M. le ministre, je crois que j'ai eu l'occasion de
vous le mentionner lors de notre dernière rencontre, la distinction
à établir entre la fonction de gestionnaire et celle de
planificateur est délicate. Je suis bien prêt à vous
concéder qu'il s'agit de part et d'autre d'approfondir la
réflexion. J'ose espérer que nous trouverons conjointement un
modus vivendi, si je peux m'exprimer ainsi, entre les responsabilités
qui, en tant que gestionnaire, vous incombent naturellement, et nous serions
bien malvenus de les remettre en question, mais, d'autre part, il faut
reconnaître que, pour le monde municipal, la fonction aménagement
est devenue d'importance critique puisque, pour une première fois, le
milieu, par le truchement de ses élus de première instance, est
en position de faire valoir son point de vue quant à l'orientation
même qu'elle veut donner à son cadre de vie et à son
milieu. C'est dans cette optique, je crois, qu'il faut comprendre notre souci
de nous associer au ministère tout simplement au niveau du dialogue et
des échanges de manière à faire valoir des perceptions qui
sont probablement plus locales et moins impliquées dans une vision plus
globale de la gestion, nous le reconnaissons bien volontiers. (12 h 30)
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Nicolet, vous
voulez dire: Nous voulons faire valoir notre point de vue, comme
associé. Mais un associé cela va parfois plus loin que cela. Il
peut participer à une décision, il peut bloquer une
décision, il peut prendre des décisions aussi.
M. Nicolet: M. le ministre, il y a des associés
minoritaires, il y a des associés majoritaires. Je pense bien que nous
n'avons pas de fausses prétentions quant à notre rôle en ce
qui concerne le gouvernement. Je crois que la loi 125 est ainsi
structurée que vous conservez en tout temps le pouvoir ultime
d'arrêter les décisions que vous jugez importantes dans votre
perspective de l'intérêt national. Par contre, et c'est simplement
là-dessus que nous voulons insister, nous considérons qu'une
vision imprégnée d'une connaissance intime du milieu peut parfois
infléchir intelligemment un train de mesures ou de politiques qui sont
conçues et articulées de façon centralisée. C'est
là-dessus, je crois, que la MRC peut être la plaque tournante, le
véhicule ou la courroie de transmission, si vous voulez, qui vous
transmet cette vision de la population qui vit dans ce milieu et où le
ministère aurait avantage, je crois, à puiser plus abondamment
que ce n'était le cas par le passé.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Le ministre, qui
est aussi député, et les fonctionnaires aussi vivent dans le
milieu, M. Nicolet. Mais vous indiquez ici, parce qu'on parle de gestion et
d'aménagement... Dans les avis qui vous ont été transmis
on fait la distinction entre les deux; la distinction n'est pas facile à
faire. Mais dans les intentions de certaines MRC... Je peux vous en lire
quelques extraits si vous voulez, à titre d'exemples. Voici un extrait
de l'annexe: "Pour les peupliers et bouleaux, sauf le bouleau jaune et les
cèdres, le diamètre minimum est de six pouces, mesuré
à douze pouces au-dessus du sol. Pour les pins et les épinettes,
le diamètre est de douze pouces. Pour toutes les autres essences, !e
diamètre est de quatre pouces. Les contrevenants pourront être
sujets à 5000 $ d'amende ou à trois mois d'emprisonnement et
pourraient être obligés à reboiser". Mais là on
tombe carrément dans la gestion, quand on vous dit des choses
semblables.
M. Nicolet: Je m'excuse M. le ministre, de quel document
faites-vous lecture?
M. Côté (Rîvière-du-Loup): Je parle
d'un projet de règlement d'une MRC. Je peux vous parler d'une autre MRC
qui dit à peu près des choses semblables.
M. Nicolet: Si je comprends bien, vous faites allusion à
un document, à un projet de règlement qui serait inclus sous
forme de document complémentaire à un schéma d'une MRC
particulière.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Nicolet: Je suis malheureusement en désavantage par
rapport à vous, ne connaissant pas le contexte qui peut avoir
incité ladite MRC à faire de telles propositions. Je puis
simplement vous dire que, de façon générale, lorsque les
MRC se sont attaquées au problème de la coupe à blanc, ou
de certains types de coupe, c'était en réponse ou en
considération de certains impératifs qu'elles jugeaient
prioritaires.
J'ose espérer que le ministère que vous
représentez, s'il a l'occasion de s'asseoir avec les élus en
question, pourra peut-être mieux saisir la portée ou la
volonté sous-jacente ou ce qui a pu précipiter cette prise de
position dans ce cas spécifique. Si vous me donnez la
référence exacte, on ira aux sources et on vous fournira
l'information.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On dit, dans une
autre MRC, M. Nicolet: "Toute personne se doit d'obtenir un certificat
d'autorisation avant de procéder à l'abattage des arbres. Les
coupes à blanc, qu'elles soient pratiquées d'une façon
uniforme, totale ou par bandes ou par trouées", etc. On dit encore
là: "Le pourcentage des tiges récoltées ne devra pas
excéder 50 % du nombre de tiges originales, et les tiges de 30 pouces",
etc. C'est l'intention générale. J'ai l'impression que le
ministère n'a plus d'affaire là du tout. On n'a qu'à
laisser administrer et gérer les MRC et cela va aller.
M. Nicolet: Sur cela, je crois que, de façon très
précise et très catégorique, je peux vous rassurer. Notre
intention n'est pas de nous ingérer dans la gestion des terres
publiques. Je pense que cela est une politique de l'Union des
municipalités régionales de comté et il n'y a aucune
réserve quant à cette affirmation.
M. Lemay: Pour ajouter un élément
nécessaire, M. Côté, je pense qu'avant même la
création du comité de l'UMRCQ il y avait plusieurs MRC qui
avaient inscrit davantage des choses semblables dans leur schéma
d'aménagement. Avec les rencontres qu'on a faites avec nos membres qui
sont les MRC, on a eu quand même une sensibilisation à cet
égard. Quand on a fait notre questionnaire, il y avait 44 % des MRC qui
étaient au début intéressées à la gestion.
On a analysé tout le contexte de la gestion et l'implication et, par la
suite, on a réalisé qu'il y avait des choses impossibles et qu'on
ne voulait pas prendre la place du ministère.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Lemay, je parle
de définir clairement ce qu'on entend par associé
impliqué. Si, être associé, c'est imposer une amende de
5000 $ et trois mois d'emprisonnement pour avoir manqué aux directives
de la MRC, vous êtes directement impliqués dans la gestion, et
vous parlez de coupe par bandes et de directives de coupe et de contrôle
des permis autant sur les terrains privés que sur les terrains publics.
Dans certains endroits, les exigences des MRC, qui évidemment ne sont
pas reconnues par le gouvernement, vont jusqu'à faire de l'expropriation
sans compensation.
M. Lemay: Je sais que le mot "associé" n'est pas facile
à définir; on en a parlé à plusieurs occasions,
tout comme le fait de la gestion, de la planification et de
l'aménagement aussi. En ce qui a trait à l'associé, nous
avons une démarche aussi à faire en ce qui concerne l'UMRCQ.
Cette démarche va se faire dans les prochains jours, puisque nous
commençons un congrès demain, je vous en ai parlé la
semaine dernière; samedi, nous parlerons de la forêt avec tous nos
membres. Â la suite de cette rencontre, je crois que nous serons
passablement harmonisés sur ce qu'on vous présente
aujourd'hui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Disons
qu'on parle d'affectation du territoire. Pour toutes les MRC qui avaient leur
territoire forestier ou des territoires non organisés dans leur limite,
nous avons préparé avec l'aide du ministère de
l'Environnement et du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche des cartes d'affectation du territoire, c'est connu cela. On
demande aux MRC d'en tenir compte dans leur schéma
d'aménagement.
Une voix: Exactement.
M. Nicolet: M. le ministre, ces cartes sont parvenues au courant
de l'été, si mon information est bonne. C'est sûr qu'il a
pu y avoir des divergences de vues quant à la portée ou
l'intention même de ces cartes. J'ose espérer que le fait que le
ministère ait déposé une carte ne signifie pas que le
milieu ne puisse pas demander des clarifications et, le cas
échéant, suggérer des modifications. J'ose espérer
également que c'est dans cet esprit que les échanges de vues ont
eu lieu entre le ministère et les représentants municipaux.
M. Côté (Rivière-du-Loup); Vous mentionnez,
dans le mémoire, le fait de faire connaître l'affectation du
territoire. Sur cela, vous avez obtenu la collaboration du ministère et
celle de l'Environnement et du MLCP pour faire connaître l'affectation
des territoires proposés, comme vous le dites. Ce n'est pas
définitif. C'est tout comme le guide d'intervention en forêt. On
tient compte des autres fonctions de la forêt, et cela permet à
chacun des ministres impliqués de réaliser ses
responsabilités.
M. Nicolet: M. le ministre, je m'excuse de revenir sur cela, mais
ce qui est peut-être fondamentalement différent entre votre
perception de la réalité et la nôtre, c'est que nous
considérons que le milieu peut avoir un apport à faire dans la
définition finale du partage et de l'assignation des terres. Tout ce
qu'on demande finalement au gouvernement, c'est de créer des
mécanismes par lesquels cette vision du local peut se communiquer et
peut être ventilée face aux visions et aux orientations que le
gouverne-
ment peut vouloir établir.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Vous avez certainement entendu des remarques et des
recommandations qui nous été faites au cours de la semaine
dernière et de cette semaine concernant les interventions des MRC en
forêt publique. Plusieurs souhaitent n'avoir qu'un interlocuteur, soit le
ministère de l'Énergie et des Ressources, en forêt
publique.
Évidemment, ça n'empêche pas le ministère de
collaborer et de discuter avec les MRC, comme vous le proposez. Mais on ne peut
pas demander aux intervenants d'aller demander quatre, cinq ou six permis avant
de pouvoir intervenir. Ce n'est pas votre intention non plus, n'est-ce pas?
M. Nicolet: Non. Là-dessus, je voudrais aussi être
très clair. Nous ne prétendons pas émettre de permis. Nous
ne prétendons intervenir d'aucune espèce de façon
vis-à-vis de votre clientèle. C'est une relation entre vous et
les utilisateurs dans laquelle nous n'avons aucune place. Je pense que
là-dessus c'est très clair.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, pour l'instant, je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La parole
est maintenant au député de Duplessis. Je crois qu'il fera
quelques remarques préliminaires avant de passer la parole au
député de Laviolette.
M. Perron: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
M. Nicolet de s'être présenté devant cette commission
parlementaire avec ses collègues. Bien sûr que j'entends
intervenir au cours de cette commission, concernant le mémoire que vous
avez présenté en particulier, sur différents sujets. Vous
me permettrez, pour le moment, de passer la parole à mon collègue
de Laviolette qui a un engagement - il ne pourra pas demeurer jusqu'à la
fin de la commission - mais qui voudrait tout de même intervenir sur la
question des MRC par rapport au futur régime forestier, ou en tout cas
à l'avant-projet de loi que nous avons ici actuellement.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je pense que vous
êtes à même de bien connaître ma pensée,
l'ayant exprimée il y a déjà près d'un an et
pendant presque un an. Effectivement, les nuances qui ont été
apportées, à la toute fin de la discussion avec le ministre
délégué aux Forêts, indiquent la difficulté
d'associer, tout en voulant de part et d'autre être associé
à un territoire pour des fonctions différentes...
Il est évident que si le ministre continue dans la même
veine de dire que la gestion des ressources à l'intérieur du
territoire est la responsabilité du ministère de l'Énergie
et des Ressources et de son ministre délégué aux
Forêts, peu importent les modalités, quant à d'autres
possibilités à venir, quant aux terres et quant à la
partie récréative, comme interlocuteurs auprès des
municipalités régionales de comté, une chose est certaine,
c'est que la gestion de la ressource doit dépendre d'un seul et unique
responsable. Qu'il y ait maintenant à partir de ça association
avec tous les autres qui doivent intervenir, que ce soient les
ministères ou les municipalités régionales de
comté, soit, mais dans des conditions qui le leur permettent.
Je dois dire que je suis très sensibilisé à ce
problème ayant eu de nombreuses discussions avec la municipalité
régionale de comté du Haut-Saint-Maurice et les
représentants de différents ministères à
différents sujets, en particulier, pour des coupes dans le secteur du
grand lac Wayagamack, sur le versant du lac.
Il y a une question que je me pose cependant. Quand vous faites mention
à la page 21 de votre document initial - je ne parle pas du
résumé, parce que je veux aller à vos recommandations du
document initial -que le gouvernement du Québec donne son accord
à une politique de régionalisation et de décentralisation
de la gestion forestière, qu'est-ce que vous sous-entendez ou qu'est-ce
que vous entendez? Est-ce que ça veut dire que le ministère
décentralisera à partir des bureaux qu'il a dans le territoire du
Québec ou si ce sont les municipalités régionales de
comté que vous voulez dire en termes de régionalisation et de
décentralisation? C'est quoi?
M. Lemay: On veut dire par cette phrase que c'est le
ministère qui devrait déléguer beaucoup plus de pouvoirs
à ses bureaux régionaux.
M. Jolivet: Donc, c'est dans le sens d'une possibilité que
des décisions locales, régionales soient prises?
M. Lemay: Oui. (12 h 45)
M. Jolivet: C'est pour ça qu'à la deuxième
recommandation que vous faites à la même page, la recommandation
4, on dit: "Que le gouvernement du Québec autorise la
délimitation des limites territoriales des MRC sur les cartes
d'inventaire des unités de gestion". Souventefois, les MRC disent: Nous
avons des territoires qui sont délimités en vertu de la loi 125
et on voudrait que les unités de gestion du ministère soient
collées
à ces territoires. Est-ce bien ce que vous voulez dire? Avec les
difficultés que comporte la question des versants, il ne sera pas
possible de le faire dans certains cas. Qu'est-ce que vous entendez par cette
recommandation?
M. Lemay: Dans cette question, vous voulez dire qu'on demande au
ministère d'avoir une unité de gestion par MRC?
M, Jolivet: Oui, c'est ce que je veux savoir.
M. Lemay: Non, ce n'est pas ce qu'on veut.
M. Jolivet: D'accord. Qu'est-ce que vous voulez avoir?
M. Lemay: Je pense que cela rejoint l'histoire des cartes
d'inventaire au chapitre des possibilités pour savoir si chacune des MRC
peut contrôler la matière ligneuse qui en sort à chaque
année et pour voir aussi la productivité. Actuellement, je pense
qu'on ne peut avoir les cartes par MRC au chapitre des parterres de coupe qui
sont alloués à chaque année. Il nous est très
difficile actuellement de savoir si une MRC est perdante ou gagnante ou si elle
se tient à peu près au même niveau qu'un rendement soutenu.
C'est en rapport avec le rendement soutenu qu'on voudrait avoir ces cartes de
délimitation des territoires.
Si on examine une unité de gestion comme la mienne, je pense
qu'on aurait globalement la matière soutirée après un an.
Mais, si je le demande pour ma MRC, ce serait quand même difficile de
l'avoir. Mais c'est ce qu'on veut avoir nous autres.
M. Jolivet: Disons, au départ, qu'il y a un
problème. Effectivement, dans certains cas, il est possible d'ajuster
l'ensemble des unités de gestion aux limites territoriales des MRC.
Mais, dans plusieurs autres cas, cela ne sera pas possible. Ce que vous
demandez au ministère finalement, c'est de tenir un inventaire qui est
difficile à faire et qui est basé sur autres choses que sur les
limites territoriales qu'il a lui-même.
M. Lemay: Mais, quand même, on ne demande pas d'ajuster les
unités de gestion.
M. Jolivet: Mais c'est parce que l'inventaire, lui, est
basé sur les unités de gestion. Il n'est pas basé sur
l'inventaire des municipalités régionales de comté. Donc,
ce que vous demandez, c'est un travail énorme. Je veux simplement savoir
si c'est bien ce que vous demandez.
M. Lemay: C'est bien ce qu'on demande. Vous dites un travail
énorme. Je ne sais pas, mais, d'après les informations qu'on a
eues d'autres personnes, cela semblait possible. C'est pourquoi, dans le
document, en tout cas, il sera possiblement...
M. Jolivet: En tout cas, le ministre pourra répliquer,
selon les droits qu'il a.
M. Lemay: C'est cela.
M. Jolivet: L'autre question qui surgit, quand vous demandez
d'avoir, sur votre territoire de MRC, une image du rendement soutenu, est-ce
que vous sous-entendez qu'en même temps vous voulez, même si vous
ne le dites pas comme tel dans le texte - mais c'est ce que j'ai senti dans
tout le Québec -une mainmise sur les allées et venues des bois
dans la forêt? Je vous donne un exemple, celui de La Tuque, en
Haute-Mauricie, région qui fait partie de mon comté.
J'étais le ministre responsable à l'époque et je suis
encore le député de cette région et je tiens le même
langage qu'à l'époque. Je dis, quant à mai, que si demain
matin vous nous demandez de limiter le bois qui est chez vous pour qu'il reste
chez vous, pour vos industries, vous êtes mieux de fermer la ville de La
Tuque au complet parce que 85 % des résidus de sciaqe viennent
d'Abitibi-Ouest, de l'Abitibi-Témiscamingue.
Dans ce contexte, si on réagissait de la même façon
que vous réagissez là-bas, il faudrait demander une
deuxième machine à Amos et fermer La Tuque. Or, le rôle du
ministre responsable est de s'arranger en même temps que de recevoir des
pressions. C'est normal, cela fait partie de la "game" de pressions qui se font
chez l'ensemble des intervenants. Mais, d'un autre côté, il a une
responsabilité encore plus grande, c'est celle de ne pas, selon
l'expression, déshabiller Paul pour habiller Pierre. Il doit donc
s'assurer que des secteurs qui existent actuellement ne soient pas
fermés parce que des pressions sont faites et que des gens ferment des
routes pour garder le bois chez eux. Si on se fie là-dessus, il y a des
usines qui fermeraient dans certains secteurs pour ouvrir ailleurs. Mais ce
n'est pas ce que vous demandez, même si on sent parfois des pressions
dans ce sens.
M. Lemay: Il est certain qu'on a eu des pressions en ce sens. Il
est certain aussi qu'il s'en est fait beaucoup et qu'il s'en fait
peut-être encore. En tout cas, c'est ce qu'on va voir à l'exercice
de samedi. Mais ce n'est pas du tout ce qu'on veut. On sait pertinemment qu'il
est impossible de faire cela. Comme vous le disiez tantôt, c'est d'en
déshabiller un pour habiller l'autre et c'est impossible. Ce n'est pas
du tout ce qu'on veut.
M. Jolivet: Comme groupe, je vous incite à continuer dans
la même veine, c'est-à-dire de faire en sorte que vos membres, qui
sont les municipalités régionales de comté, comprennent
bien qu'il y a un geste à poser qui s'appelle la gestion sous la
responsabilité du ministre et l'autre geste à poser est,
celui-là, conjoint - c'est inscrit tel quel - sur les capacités
de l'aménagement du territoire. Parce que la deuxième question
qui va surgir, c'est: Est-ce que vous me donnez du terrain pour faire une
réserve écologique parce que j'ai découvert des arbres qui
sont tellement beaux qu'il faudrait les protéger, alors que,
peut-être, au point de vue écologique, cela n'est pas ce qu'il
faut protéger? Donc, l'aménagement c'est une chose et la gestion
c'est autre chose. J'ai donc bien compris?
M. Lemay: Oui. Aussi, samedi, par l'exercice que l'on va faire
avec tous nos membres, on pourra clarifier ces questions que vous venez de
soulever, parce que jusqu'à maintenant notre démarche a
été un questionnaire envoyé à chacune de nos MRC et
on a eu un élément de réponse, mais on n'a pas eu
tellement d'échanges, à part le questionnaire aux MRC, sauf que
l'on a fait parvenir aussi les résultats. Samedi, cela sera
réellement un exercice dans le même sens.
M. Jolivet: J'ai une autre question qui se situe à la page
22. La proposition 7: "Que le gouvernement du Québec mette plus
d'emphase sur la protection des forêts", je suis d'accord avec cela.
Quand on aura aussi des plantations, l'acte ultime que l'on doit poser en
forêt et qui est le plus dispendieux des actes à poser... C'est
évident que, si on place en forêt des petits plants, il faut
s'assurer qu'ils survivent. On est tous d'accord avec cela. "Qu'il accentue ses
programmes de pulvérisation." Je dois vous dire que cette année
on a essayé de me faire accroire que, parce que l'on a fait simplement
50 000 hectares, c'est parce qu'il y avait une régression de
l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette
alors que l'année passée c'étaient 700 000 hectares. II ne
faut pas charrier. C'est parce qu'il y a des compressions budgétaires et
qu'il y a quelqu'un qui a eu des ordres de diminuer. Il a décidé
avec son équipe de travail, parce que le ministre le lui a
demandé, de faire moins de pulvérisation. Mais il reste que la
régression n'est certainement pas de 700 000 à 50 000 hectares.
C'est certain.
Deuxièmement, vous dites: "qu'il accentue ses programmes de
pulvérisation". Iriez-vous jusqu'à proposer que le
ministère utilise pour la protection des forêts, malgré la
pression... Là, je vais vous poser une question bien émotive:
Est-ce que le ministère devrait utiliser autre chose que le
BT? Là, j'arrive aux phytocides, malgré l'autre partie, ce
que vous dites ensuite: "et qu'il intervienne quant à la pollution
causée par les pluies acides." La question posée, c'est: Est-ce
que l'on doit intervenir dans la question des pluies acides? Est-ce que l'on
doit intervenir aussi dans l'utilisation des produits chimiques et biologiques
pour la protection de la forêt, aussi bien de celle en croissance parce
qu'elle vient d'être plantée ou qu'elle est aménagée
en conséquence ou pour celle déjà attaquée?
M. Lemay: Dans la pulvérisation, les nouvelles formules
éprouvées dans les dernières années ont
apporté beaucoup de commentaires et d'audiences en ce qui concerne les
DSC, tout ce que l'on connaît et ce que l'on a connu dans l'Est du
Québec, J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs de ces
audiences. Cela reflète la pensée de la question qui a
été posée à nos MRC et il ne faudrait quand
même pas utiliser les formules les plus dangereuses. Il y a actuellement
des formules biologiques qui ont été sensiblement
acceptées par tout le monde. On devrait utiliser ces formules
biologiques.
Pour ce qui est des pluies acides, je suis quand même assez loin
de la région des Bois-Francs voisine des Américains. Ils ont,
eux, beaucoup d'interventions concernant les pluies acides actuellement. On a
aussi dit dans un premier temps: On a des arbres qui sont debout et qui
progressent continuellement. On parle beaucoup d'aménagement et de
plantation, mais il va aussi falloir trouver un moyen pour protéger ceux
qui sont debout, qui sont presque à maturité et que l'on est en
train de perdre. Je parle de la région des Bois-Francs, voisine des
lignes américaines. C'est l'intervention que l'on a eue sur les pluies
acides. On ne retrouvait pas grand-chose sur les pluies acides.
M. Jolivet: Le problème des pluies acides, on pourra y
revenir quand même parce qu'il y a des équipes qui y travaillent.
Cela n'est peut-être pas suffisant, mais c'est selon les moyens que l'on
connaît actuellement. Y a-t-il un lien de cause à effet des pluies
acides sur le périssement des érables? C'est une question qu'il
faut se poser. L'autre question qu'il faut aussi se poser, c'est: Est-ce que
les pluies acides n'ont pas la responsabilité d'accentuer
l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette,
dans la mesure où ce sont des stress additionnels? Prenez n'importe quel
être humain. Souvent, il travaille comme un forcené, il
lâche et le lendemain matin il a la grippe et la fièvre et il ne
sait pas pourquoi. C'est justement parce qu'il a lâché trop vite.
Finalement, au moment où vous pensiez être en pleine forme, il y a
un virus qui vous attaque plus rapidement parce que vous avez moins de
résistance.
Ces questions font partie de l'ensemble du décor, mais je reviens
à l'autre partie de l'utilisation des BT. Vous savez que c'est la
méthode la plus dispendieuse. La protection de la forêt est aussi
importante pour vous que pour les jobs que cela crée et pour les
industries qui produisent le travail. Dans votre esprit, faudrait-il aller
jusqu'à... Le danger, cette année, c'est de permettre des choses
si on continue dans cette voie. Est-ce que cela va permettre, comme on l'a fait
à l'île du Cap-Breton, à la tordeuse de tout manger et ne
rien laisser?
En Nouvelle-Écosse, il y a eu un problème. Les gens
étaient contre les produits chimiques. On ne les a pas utilisés,
mais on n'a pas de forêt non plus; donc, on n'a pas de jobs en plus.
Est-ce qu'on doit la laisser dépérir parce que c'est un
phénomène naturel, "act of God", ou si on doit la
protéger? Comment la protéger? Avec les moyens les plus
dispendieux ou avec des moyens qui, parce qu'ils sont émotifs, sont
considérés comme étant malheureusement non utilisables
actuellement, mais qui pourraient l'être?
M. Lemay: Je dois vous dire que nous ne nous sommes pas
arrêtés tellement au prix, quand on dit dispendieux. Nous, les
MRC, on ne connaît pas tellement le prix que cela coûte
actuellement pour arroser une forêt avec un insecticide ou autre chose.
Par contre, on s'est dit que l'on devrait prendre les moyens les plus
sécuritaires en ce qui concerne la santé des gens, que l'on
devait arroser, mais avec les moyens les plus sécuritaires. On ne s'est
pas arrêté à une formule dispendieuse ou non dispendieuse.
On ne la connaît pas d'ailleurs.
M. Jolivet: En tout cas, je dois vous dire qu'effectivement le BT
est plus dispendieux que l'utilisation des phytocides et il n'est pas sûr
que l'un et l'autre ne causent pas les mêmes problèmes et qu'ils
ne soient pas ceux que l'on pense. Actuellement, on a l'impression, parce que
l'on veut utiliser des phytocides, que l'on empêche à cause des
pressions publiques... Peut-être qu'un débat devrait s'engager
là-dessus. Je ne suis pas un spécialiste, mais je me suis fait
conseiller par des spécialistes, cependant. Il y a une chose qui est
certaine, c'est que, sur ce plan, il y a certainement des discussions qui
devraient être amorcées sur la protection que l'on devrait
accorder à l'ensemble des plantations à venir et des plantations
actuelles. Sinon, à quoi cela sert-il comme gouvernement, comme
société, comme industriels, de mettre de l'argent là, si
l'on sait que demain matin cela peut risquer de mourir rapidement? Ce serait,
en tant qu'administrateur, jeter de l'argent à l'eau et cela pourrait
avoir des conséquences néfastes pour l'ensemble de la
société.
Toujours à la page 21, vous dites: "Que le gouvernement du
Québec augmente et accentue les programmes de sylviculture et de
plantation." Vous êtes au courant qu'il y a un dossier qui comporte en
particulier la plantation de 300 000 000 d'arbres d'ici 1988 et qui est
toujours en marche. Quand on en arrive aux programmes de sylviculture, le
ministère dit: Nous allons, dans le contrat d'approvisionnement et
d'aménagement forestier, obliger les industriels dont le territoire sera
délimité - non exclusif, comme on l'a bien dit - à faire
des travaux pour assurer, comme vous le dites, la pérennité de la
forêt, donc à rendement soutenu. Le ministre dit: Je ne veux pas
vous obliger à des règlements disant: Vous devez avoir telle et
telle action à poser. Il dit: Vous avez un objectif et, pour y parvenir,
prenez les moyens qui, pour vous, sont les meilleurs et les plus rentables du
point de vue des investissements - donc, travaux sylvicoles et ensemble des
moyens de récolte - de telle sorte qu'au bout de la course on en arrive
à s'assurer qu'il y ait pérennité. Le ministère
dit: Je me garde le pouvoir d'examiner tous les ans, sur une période de
cinq ans pour le contrat de vingt-cinq ans qui est prévu, si les
objectifs sont atteints ou non. S'ils ne sont pas atteints, on va vous y
obliger selon des formules et, s'ils sont atteints, pour ce qui est de la
croissance, il y a d'autres formules qui prévoient qui doit le garder ou
comment on doit le garder. Quand vous dites des programmes de sylviculture,
est-ce que vous dites que c'est la responsabilité du ministère ou
la responsabilité des utilisateurs de la forêt de s'assurer qu'il
y ait de plus en plus de travaux sylvicoles?
M. Lemay: Je dois vous dire qu'on ne s'est pas penché sur
la question de savoir si c'était la responsabilité du
ministère ou la responsabilité des utilisateurs. Dans un premier
temps, je pense que c'est toujours la responsabilité du
ministère, peu importe celui qui est le maître d'oeuvre. Si le
ministère décide de donner des contrats à ses utilisateurs
et que ceux-ci sont jugés à la performance de leurs travaux, je
pense que cela peut aussi se faire. Pour ce qui est des MRC, on n'a pas
poussé l'exercice assez loin pour... J'ai écouté les gens
hier, j'ai assisté à la séance d'hier et j'ai
remarqué ce que tous les intervenants ont dit sur ce sujet. J'ai
remarqué que nous n'avions pas poussé notre exercice
jusque-là.
M. Jolivet: C'est normal.
M. Lemay: Je pense que ce n'était pas dans notre
idée, non plus, de le faire. (13 heures)
M. Jolivet: Je vais terminer, car je
veux laisser à mon collègue le soin de poser d'autres
questions par la suite. Quand j'ai dit et je pense que c'est de commune
renommée - que tout arbre coupé doit être remplacé,
je n'ai jamais dit que tout arbre coupé devrait être
replanté. Je pense que c'est important, car c'est la partie la plus
dispendieuse.
Tous les moyens de sylviculture permettant de remettre la forêt en
production sont donc appropriés et je vous dis: Continuez dans ce sens.
Une chose est certaine, je dis: Plantation si nécessaire, mais pas
nécessairement plantation. Je vous remercie.
M. Lemay: Je pense qu'on est d'accord avec cela.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député de Laviolette. M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Nicolet, vous
faites allusion, dans votre présentation, au projet de loi sur les
terres. Nous avons l'intention de déposer ce projet de loi à
l'automne et de procéder à des consultations publiques
après le dépôt du projet de loi, de la même
façon que nous le faisons ici. La seule différence est que ce ne
sera pas un avant-projet de loi, mais un projet de loi et que les consultations
auront lieu avant l'étude de deuxième lecture article par
article. Vous aurez l'occasion de faire vos représentations concernant
le projet de loi sur les terres avant son adoption.
En ce qui concerne le rôle des MRC, je puis comprendre votre
souhait que le gouvernement ne prenne pas ses décisions
unilatéralement, sans discussion et sans implication du milieu. Quel
rôle souhaiteriez-vous voir jouer par les MRC dans l'aménagement
et la planificiation des territoires forestiers publics et privés: un
rôle consultatif ou un rôle décisionnel?
Le Président (M. Cusano): M. le président.
M. Nicolet: M. le ministre, tout d'abord, si je puis revenir
à votre première intervention, je vous remercie de la
clarification quant à l'échéancier que vous entendez
suivre. J'ose espérer que nous aurons l'occasion d'échanger
informellement sur ce projet de loi avant qu'il atteigne le stage du
dépôt à l'Assemblée nationale et des auditions en
commission parlementaire, car je crois qu'il existe - et cela m'amènera
à votre deuxième point - un malaise profond entre votre
ministère et les instances municipales sur toute cette question du
chevauchement des rôles des deux parties.
La fonction aménagement, quant à nous, dans un premier
temps, ne distingue pas entre une terre publique et une terre privée.
Nous nous devons de regarder le territoire dans sa totalité. Nous
devons, en tant qu'administrateurs municipaux, orienter les assignations en
fonction du meilleur usage tel que nous le percevons. Cela ne veut pas dire que
vous serez d'accord avec nous, mais, dans un premier temps, un schéma
bien conçu et bien pensé doit regarder la totalité des
territoires et non pas refléter ou s'efforcer de tenir compte d'un
découpage artificiel qui ne tient compte, finalement, que de la nuance
entre public ou privé. C'est un continuum, une totalité qui ne
peut pas être regardée à la pièce.
Cela étant dit, c'est sûr que nous ne pouvons pas - et ce
serait une illusion de prétendre que nous voulons intervenir de
façon plus directe dans la gestion des terres publiques dont vous
êtes le propriétaire -prétendre le faire sur une terre
privée. Je pense bien que, ultimement, le pouvoir de zoner - car
l'aménagement conduit à l'exercice du pouvoir de zoner - est
essentiel à la nature même de la fonction municipale. Nous ne
voulons pas nous ingérer de façon décisionnelle, sauf
indirectement par le truchement de ces pouvoirs qui sont traditionnellement des
pouvoirs municipaux.
M. Ciaccia: Est-ce que je dois comprendre, d'après votre
réponse, que vous voyez les MRC jouer un rôle consultatif et non
pas décisionnel?
M. Nicolet: Vous êtes un propriétaire particulier en
ce sens que, par les mécanismes de la loi 125, vous pouvez faire
imposer' à la MRC votre volonté, quelle qu'elle soit. Mais j'ose
espérer, contrairement à un propriétaire privé, que
cet exercice ne se fera qu'après une ventilation de part et d'autre et
un effort sincère de compréhension des objectifs poursuivis.
M. Ciaccia: Alors, si je peux comprendre, vous ou votre
collègue avez mentionné la création de mécanismes
pour communiquer au gouvernement la vision locale. Alors, si ces
mécanismes sont créés et s'il y a une discussion, une
consultation, le pouvoir décisionnel...
M. Nicolet: II est le vôtre.
M. Ciaccia: ...va appartenir au ministère de
l'Énergie et des Ressources.
M. Nicolet: On ne le contestera jamais. Vous êtes le
gouvernement et nous sommes vos créatures.
M. Ciaccia: On ne peut pas manger nos petits.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Ciaccia: À la page 17 de votre mémoire, vous
dites: "Au-delà des considérations politiques, le gouvernement
doit maintenant envisager à court terme une réduction
systématique des droits de coupe avec toutes les implications qui en
découlent."
Est-ce que cela veut dire que vous préconisez des fermetures
d'usines comme une des conséquences?
M. Lemay: Je pense qu'on sait actuellement qu'il se coupe quand
même un peu plus de bois que, normalement, il s'en génère.
C'est la peur des MRC actuellement d'être obligées de fermer des
usines. Ce n'est pas, non plus, à notre avantage. Je vis, d'ailleurs,
dans une région bien affectée par cela actuellement. J'ai eu
l'occasion de parler de mes inquiétudes avec M. le ministre
Côté. Je lui en ai fait part, il y a très peu de temps, en
ce qui concerne la région du Bas-Saint-Laurent et du Témiscouata.
On ne veut sûrement pas fermer des usines. Au lieu d'en fermer, je ne
sais pas si on ne devrait pas regarder pour fermer peut-être un "shift"
à des endroits. Ce n'est pas ce qu'on souhaite. Mais si on est
obligé d'en venir à cela, c'est qu'au cours des dernières
années on a coupé énormément de bois en forêt
publique, et c'était normal à cause de la tordeuse des bourgeons
de l'épinette. Mais, on en a coupé aussi énormément
en forêt privée pour les mêmes raisons. Actuellement, on ne
peut plus compter tellement, non plus, sur la forêt privée, parce
que les propriétaires de forêt privée, en temps normal, ce
sont des gens qui coupent un peu de bois chaque année pour des besoins
bien spécifiques. L'an passé et depuis quatre ou cinq ans, ils
ont coupé beaucoup plus de bois à cause de la tordeuse. Je pense
que, si cela peut arrêter un peu ou si cela semble vouloir diminuer, ces
gens vont vouloir diminuer leur coupe pendant quelques années. La
forêt privée ne pourra pas pallier du tout au manque à
gagner pour les usines de sciage. La forêt publique, étant
déjà assez bien entreprise pour l'alimentation des usines, chez
nous en tout cas, on se dit: Probablement qu'une réduction des droits de
coupe...
Chez nous, ce qu'on a vécu, c'est qu'on a actuellement une
augmentation des droits de coupe à cause de la tordeuse. Je ne sais pas
comment cela se passe ailleurs, mais je parle de mon coin. On n'a pas de coupes
régulières. Je sais que cela se passe comme cela en Abitibi et
dans d'autres endroits, parce que ce raisonnement n'est pas venu seulement chez
nous. C'est venu d'un peu partout. C'est clair qu'on ne veut pas de fermetures
d'usines, mais je ne sais pas si vous-mêmes, un bon matin, vous ne
penserez pas qu'on va être obligés d'en fermer. Je vous pose la
question, parce que vous pouvez répondre à cette question
beaucoup mieux que nous. Mais, actuellement, on ne peut pas couper du bois plus
qu'on n'en a en production chaque année et ne pas finir par en manquer.
Je pense qu'on finira par en manquer. Dans une région comme la
nôtre ou comme, l'Abitibi, de 80 % à 85 % des gens vivent de la
forêt. Une région qui en vit à 50 % a peut-être moins
de problèmes que nous, mais nous, au Témiscouata, 85 % de notre
revenu provient de la forêt. Je pense qu'il faut y penser encore un peu
plus que les autres.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. te
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
sur la première question du ministre délégué aux
Forêts. À la page 20 de votre mémoire, dans la
première recommandation, vous dites: "Que le gouvernement du
Québec associe les MRC...". A mon sens, quand on parle d'associer,
normalement, on parle de partager un pouvoir décisionnel. On ne
s'associe pas avec quelqu'un dans le but de le consulter. Les associés,
généralement, partaqent le pouvoir décisionnel. Quand vous
dites cela, j'ai plutôt l'impression que vous voulez avoir un pouvoir
décisionnel sur l'affectation des forêts.
D'autant plus qu'en page 6, vous revenez sur le fait que, dans plusieurs
MRC, il y a "des sites d'intérêts fauniques et
récréatifs qui méritent d'être
protégés, etc.," ce qui n'est pas, non plus, complètement
indépendant ou complètement dissocié du plan d'affectation
ou d'aménagement que vous devez faire en tant que MRC. C'est mon
interprétation, dans un premier temps.
Face à cela, on sait qu'il y a toutes sortes de démarches
qui se font présentement. Il y a des propositions de mise en place
d'organismes de consultation ou de mécanismes de consultation continue
qui ont été faites de votre part. Le ministre des Affaires
municipales rétorque en proposant, à toutes fins utiles, une
modification de la loi 125 qui pourrait peut-être, à la limite,
permettre un nouveau mode de fonctionnement quant à cette
consultation.
J'aimerais que vous nous donniez brièvement votre
compréhension ou votre état d'esprit face aux différends
interministériels dont vous nous avez fait part tout à l'heure,
à savoir qui, entre le ministère des Affaires municipales et le
ministère de l'Énergie et des Ressources, détiendra le
pouvoir décisionnel quand on aménagera ou zonera les territoires
des MRC. Je suppose que vous devez avoir une opinion un peu plus précise
là-dessus que ce que vous venez de nous exprimer tout à
l'heure.
M. Nicolet: Dans un premier temps, vous faites allusion à
une affirmation contenue à la page 20. J'ai eu l'occasion de
répondre à M. le ministre tout à l'heure que,
essentiellement, quant à nous, les mécanismes de la loi sont ce
qu'ils sont et il serait prétentieux, quant à nous, de vouloir
les modifier.
Par contre - c'est là-dessus que j'aimerais insister - même
si ces mécanismes sont unilatéraux quant à leur
aboutissement, ils ont un avantage qui me semble important, c'est de permettre
à des populations de s'impliquer de façon beaucoup plus directe
dans des processus qui, jusqu'à l'adoption de la loi 125, étaient
conclus en vase clos. C'est là-dessus que nous voulons insister,
même si les mécanismes sont lourds. Finalement, toute une
série de gouvernements ont produit cette Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme, puisque c'est l'aboutissement d'interventions de différents
gouvernements pendant vingt ans. Cela a permis une approche beaucoup plus
humaine et beaucoup plus directe de participation de la population à des
fonctions de gestion de l'État. C'est dans cette perspective que nous
jugeons qu'il serait malencontreux de faire fi de cet acquis d'une
génération de gouvernements qui se sont succédé. Ce
n'est pas que nous voulions nous impliquer dans une fonction qui, finalement,
relève du gouvernement en tant que propriétaire terrien. (13 h
15)
Ceci m'amène à aborder la deuxième question que
vous soulevez, à savoir une vision des choses peut-être divergente
qui pourrait exister entre certains ministères. Voua devez avoir de
l'information que je n'ai pas. Quant à nous, les avis nous parviennent
signés par le ministre des Affaires municipales. On nous dit que c'est
par le biais d'un mécanisme, le COMPADR, que le gouvernement a
créé pour permettre, justement, aux échanges
interministériels de se faire. J'ose espérer que la position
gouvernementale, quand elle nous est communiquée, représente
effectivement une synthèse des points de vue des différents
ministères impliqués.
M. Claveau: Une autre question dans la même ligne de
pensée. Ayant moi-même été maire d'une petite
municipalité dont une bonne partie des activités
économiques dépend de la forêt, je suis très au fait
de la pensée municipale en ce qui concerne la volonté que je
qualifierais de légitime d'avoir . plus de capacité ou de
possibilités d'intervention dans la gestion de la ressource
forestière et l'aménagement des sites. Face à cette
préoccupation et au contexte dans lequel vous avez à
évoluer dans ce rapport de forces entre le ministère de
l'Énergie et des Ressources et le ministère des Affaires
municipales, n'avez-vous pas peur que la guillotine ne s'abatte sur vos
revendications ou sur ce que vous croyez être juste en ce qui concerne
votre pouvoir de participation? Il y a toujours une possibilité que le
ministre dise: Écoutez, c'est bien beau, toutes vos affaires, mais,
à partir de demain matin, cela va être comme cela.
M. Perron: Ils attendent avec impatience le discours du
ministre.
M. Nicolet: C'est sûr que...
Une voix: Non, non; ce n'est pas notre genre.
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Une voix: C'est une hypothèse.
M. Nicolet: M. le député, vous soulevez un
scénario qui est, évidemment, la hantise de tout contribuable
québécois. Mais je crois qu'à l'heure actuelle le monde
municipal s'est responsabilisé, si je peux employer cette expression. Ce
que le monde municipal avance - et nous essayons de vous l'exprimer aujourd'hui
- ce sont quand même des positions qui sont modérées,
légitimes et qui correspondent à des acquis de toute une
collectivité qu'une guillotine, en 1986, trouverait plus difficile
à trancher de façon brutale et soudaine, parce que retourner en
arrière, c'est difficile.
M. Claveau: On en a des cas récents dans la
privatisation.
Le Président (M. Cusano): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député?
M. Claveau: On me fait signe que je devrais avoir
terminé.
Le Président (M. Cusano): Ce n'est pas moi qui vous fais
ce signe, M. le député.
Une voix: C'est la guillotine qui tombe sur lui.
Le Président (M. Cusano): C'est une guillotine
imposée.
M. Perron: C'est le critique. Le critique a des questions
à poser.
Le Président (M. Cusano): Bon. Je cède la parole au
député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président.
J'aimerais revenir aux pouvoirs municipaux. Vous demandez d'être
consultés et d'être associés à l'aménagement
du territoire forestier. Est-ce que c'est une demande de droit, de
privilège ou de
pouvoir? Je fais la dinstinction, parce qu'on est aussi à
évaluer, comme vous le savez très bien, aussi bien au niveau de
l'UMRCQ que de l'UMQ, de quelle façon on pourrait aménager les
pouvoirs des municipalités par rapport aux villes. Si c'était un
pouvoir... Parce qu'on sait que les revendications des municipalités,
c'est aussi de dire au gouvernement: On ne veut pas d'autre pouvoir s'il n'y a
pas d'argent d'accolé. Ma question, vous l'avez vue venir: Si vous avez
le pouvoir d'être associé et de participer à
l'aménagement du territoire forestier et à son affectation,
est-ce que vous demandez aussi de l'argent pour le faire?
M. Nicolet: M. le député, la problématique
que nous abordons aujourd'hui, je crois que c'est une problématique de
fait, de situation légale telle que créée par l'adoption
de la loi 125. Ce que nous prétendons faire aujourd'hui, c'est
plutôt sensibiliser les parties impliquées à la situation
de fait qui découle d'un texte législatif qui a été
dûment adopté par l'Assemblée nationale. Quant à
nous, il n'est pas question ici ce matin de revendiquer de nouveaux pouvoirs ou
de nouvelles compétences. Nous voulons simplement faire comprendre la
nature, le niveau de nos préoccupations pour nous assurer que toutes les
parties impliquées continueront vraiment à jouer selon les
règles que nous considérons être en vigueur depuis
1979.
Étant donné que tout cela fait partie d'un ensemble de
responsabilités qui ont été conférées au
monde municipal par la loi en question, je voudrais ne pas déborder dans
le chapitre du financement des MRC, mais il n'est pas question de nouvelles
sommes pour exercer une compétence qui est nôtre depuis cinq ans
environ.
M. Paradis (Matapédia): Ceci veut dire, finalement, que
vous continueriez dans cette même ligne de pensée de jouer un
rôle de contrôle ou de coordination de l'intervention
gouvernementale sur un territoire qu'on appelle une MRC?
M. Nicolet: Essentiellement, si vous prêtez au mot
"coordination" la notion d'asseoir autour d'une même table divers
intervenants qui parfois ont de la difficulté à se concerter,
oui. Je pense qu'il faudrait se limiter à cette volonté
d'harmonisation des interventions. Si c'est cela que vous voulez dire par
"coordination", j'accepte volontiers votre prémisse.
M. Paradis (Matapédia): Cela veut dire aussi que ce n'est
pas un nouveau pouvoir que vous demandez, c'est un pouvoir qui vous est
déjà conféré par la loi 125 et qu'en
conséquence vous ne demandez pas de l'argent pour pouvoir être
associé au processus d'affectation du territoire forestier. M.
Nicolet: C'est exact. M. Paradis (Matapédia): Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député de Matapédia.
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, est-ce
que vous avez une question?
Mme Dionne: Oui, M. le Président. Ce serait
peut-être pour compléter un peu la question du
député de Matapédia sur le sens de certains mots que vous
avez cités tout à l'heure, M. Lemay. On parle de
régionalisation de la gestion de la forêt et on a aussi
parlé des ingénieurs forestiers sur le terrain. J'aimerais que
vous m'expliquiez un peu cela. Est-ce que vous pensez que le ministère
doit être plus sur le terrain?
M. Lemay: Oui. On voudrait quand même attacher plus
d'importance à la décentralisation. Je pense que cela s'est senti
chez nous depuis un bon bout de temps et que cela se sent ailleurs aussi parce
que, dans les rencontres qu'on a eues avec d'autres utilisateurs de la
forêt - il faut dire que nous avons rencontré des organismes qui
sont passés ici devant vous, qui sont des utilisateurs de la forêt
- ils ont semblé aller dans le même sens que nous autres quant
à rapprocher le centre de décision de la ressource. Je pense que
cela est tout à fait normal.
Remarquez qu'on a, quand même, en régions des
ingénieurs forestiers, mais je ne sais pas où se situe la
portée de leurs interventions et de leurs décisions via le
ministère, ici à Québec. Si on donne plus d'importance aux
gens du milieu, par contre, on sait que les ingénieurs n'ont pas trop
l'occasion ni le temps non plus... Je ne connais pas leur emploi du temps dans
une journée, on ne les voit pas tellement souvent et on aimerait,
surtout dans une région comme le Témiscouata où on est...
J'insiste sur cette région-là parce qu'on vient de perdre un
bureau, en plus, au niveau de l'Énergie et des Ressources. Cela ne
relève pas d'ici, mais c'est important de dire qu'on voudrait avoir des
personnes-ressources compétentes dans notre région. C'est quand
même général au niveau de l'interrogation que vous posez
parce que cela a semblé être, pour plusieurs, des interventions
normales.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lemay. Merci, Mme la
députée. M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
nous savons qu'hier - je
ne vous demande pas de commenter, je pense que ce sera peut-être
fait en. fin de semaine; je m'adresse surtout au gouvernement - en commission
parlementaire le ministre des Affaires municipales a refusé d'indiquer
la position gouvernementale se rapportant au financement des MRC après
le 31 décembre 1986. Je peux vous dire que, quant à nous, de
l'Opposition, nous trouvons cette façon de procéder vraiment
déplorable et je crois qu'il faut lever tous les doutes face à
l'avenir des MRC, parce qu'il s'agit aussi d'un financement des MRC.
M. le Président, vous avez mentionné tout à
l'heure, à moins que je ne me trompe, que vous n'étiez pas
intéressés à vous ingérer à
l'intérieur de l'émission des permis de coupe, si j'ai bien
compris; pas exactement dans ces mots, mais à peu près de cette
façon. Je suis heureux de constater cela. Quant à notre position
concernant les détenteurs de permis de coupe forestière, c'est
clair que le prélèvement de la matière ligneuse doit
s'effectuer à l'intérieur d'un cadre normatif établi par
le gouvernement lui-même en vue d'assurer la conservation des autres
ressources du milieu. Pour nous, la définition de ce cadre normatif
relève entièrement du gouvernement en raison des
responsabilités qu'il exerce en matière de gestion des ressources
sur les terres publiques. C'est cette responsabilité que l'Opposition
endosse, en passant, et entièrement. Les détenteurs de permis de
coupe sont, toutefois, liés par la réglementation des MRC pour
les activités autres que la coupe de bois. Comme ces activités
sont généralement essentielles à l'exercice du droit de
coupe lui-même concernant, par exemple, les chemins forestiers, les
camps, etc., la réglementation des MRC, pour nous, ne doit pas
être contraignante au point de remettre en question l'exercice de ce
droit gouvernemental que j'ai mentionné tout à l'heure. Je pense
que Ià-dessus on peut s'accorder.
Si je mentionne cette question, c'est surtout parce que, malgré
ce que vous avez mentionné, il y a tout de même certaines MRC, je
crois, en Abltibi-Témiscamingue, qui voudraient obtenir ce droit
d'émettre des permis de coupe. Là-dessus, on a
énormément de restrictions, je peux vous l'assurer.
D'autre part, j'aurais quelques questions. Je vais procéder
plutôt aux questions directement; j'aurais d'autres commentaires à
faire, mais je vais procéder aux questions. Lorsque, à la page 3
de votre mémoire, vous faites allusion, en parlant de la forêt
publique, au fait que vos membres veulent être associés aux
interventions qui régissent l'aménagement et la planification du
territoire public, j'en conviens. Maintenant, est-ce que vous pourriez
expliquer les différences que vous faites entre les trois types
d'interventions qui sont mentionnées, c'est-à-dire
l'aménagement et la planification forestière, l'affectation de
l'exploitation forestière et la gestion de la ressource
forestière? En fait, ce qu'on voudrait, c'est votre
interprétation des différences entre ces trois secteurs.
Le Président (M. Cusano): M. Lemay.
M. Lemay: On en a déjà parlé, je pense, avec
M. Côté. C'est très difficile de dissocier les trois
choses. Quand on pense aux ingénieurs forestiers, ce que j'ai appris en
cours de route en présentant ce mémoire, c'est que beaucoup
d'ingénieurs forestiers ne veulent pas dissocier cela. Un bon
gestionnaire est quand même un bon aménagiste, un bon
planificateur et tout. D'accord, mais on n'est peut-être pas tous de bons
gestionnaires. En tout cas, il y a des points d'interrogation face à
cela, quand même.
Pour nous, c'est sûr, comme vous le disiez tantôt, qu'il y a
peut-être quelques MRC qui veulent émettre des permis de coupe,
mais dans l'ensemble, en tout cas, ce n'est pas majoritaire et, dans notre cas,
c'est la majorité toujours qui prévaut. Alors, je pense que de ce
côté on s'accorde. Pour ce qui est de la gestion, on ne veut pas
du tout toucher à cela.
Quand on parle d'affectation des territoires, ce sont les cartes
d'affectation des milieux naturels. Vous avez dit affectation des
activités ou des...
M. Perron: L'affectation de l'exploitation forestière.
M. Lemay: Ah, l'affectation de l'exploitation forestière!
Bon! C'est parce qu'on voudrait quand même savoir où se situent
chaque année les permis qui sont donnés aux utilisateurs de la
forêt. On ne voudrait pas le savoir après que ces permis sont
donnés. On sait que le ministère fait au cours des mois de
janvier, février les plans d'affectation pour l'année qui vient.
On voudrait quand même être consultés, discuter avec le
ministère des plans d'affectation, des parterres de coupe qui sont
alloués pour l'année qui vient. C'est là une chose. (13 h
30)
Au niveau de l'aménagement et de la planification de la
forêt, c'est à peu près l'ensemble de l'aménagement
et de la planification de la forêt. Je ne sais pas si cela répond
un peu à votre question.
M. Perron: Oui. Disons que cela clarifie votre position en
rapport avec cela.
M. Lemay: D'accord.
M. Perron: Maintenant, M. le président, vous en tant que
MRC qui pratiquez ce qu'on appelle communément la concertation,
puisque des MRC sont formées de représentants de chacune
des municipalités du territoire concerné, je voudrais vous
demander quelle est votre opinion sur la création d'un conseil
consultatif de la recherche, ainsi que sur la création d'un conseil
permanent de la forêt. Ce dernier pourrait avoir des entités
régionales ou des entités nationales ou les deux?
M. Nicolet: Malheureusement, je n'en sais que trop peu sur la
proposition à laquelle vous faites allusion d'un tel conseil, mais dans
la mesure où c'est un organisme consultatif, je serais certainement en
faveur d'encourager la concertation des intervenants. Là-dessus, si
c'est une réaction de principe que vous me demandez, elle est
certainement favorable. Par contre, quant aux modalités, j'aimerais
avoir l'occasion d'approfondir votre question pour pouvoir y répondre de
façon plus intelligente.
M. Perron: C'est que, lorsqu'on parle, par exemple, du conseil
permanent de la forêt - juste à titre d'information, après
cela je vais vous poser une autre question - cet organisme serait formé
de plusieurs instances qui sont impliquées dans le domaine forestier.
Donc, il aurait une représentativité nationale avec possiblement
une représentativité régionale. Cet organisme n'aurait que
des pouvoirs de recommandation face au gouvernement et au domaine forestier. La
question que je voudrais vous poser est la suivante: Est-il possible, en tant
que représentants des MRC, que votre organisme puisse aller de l'avant
et, justement, envoyer quelque chose de concret à chacun des membres de
la commission parlementaire sur la création de ce conseil
consultatif?
M. Nicolet: M. le député, certainement. Si,
après cette audition, vous pouviez nous donner l'information à
savoir où on peut avoir un résumé de la nature de la
proposition, cela nous fera certainement plaisir de le faire circuler parmi nos
membres pour obtenir leurs réactions. J'aimerais avoir un document de
référence qu'on puisse consulter.
M. Perron: C'est dans le livre blanc du 11 juin 1985, que vous
avez sûrement, le livre blanc sur la politique forestière. Une
autre question.
Le Président (M. Cusano): II vous reste 45 secondes, M. le
député.
M. Perron: Oui. C'est court. Vous parlez de rupture de stocks et
vous parlez, à la page 13, de "l'allocation des droits de coupe en
escomptant ou en empruntant sur les potentiels forestiers futurs".
Là-dessus nous sommes parfaitement d'accord. C'est ce qu'on a
appelé la forêt électronique.
La question que je voudrais vous poser, c'est par rapport à
l'émission de nouveaux droits de coupe. On sait que la Loi sur le
ministère des Terres et Forêts permet au ministre
délégué aux Forêts et à son ministre de
tutelle d'accorder des garanties d'approvisionnement sur la forêt
publique. La question est la suivante: Au moment où d'ici à
quelques mois s'appliquera la nouvelle règle du jeu, ne croyez-vous pas
que les deux ministres devraient être prudents d'ici là et
renoncer entièrement à donner des garanties d'approvisionnement
additionnelles sur la forêt publique?
Le Président (M. Cusano): M. Lemay.
M. Lemay: II faut quand même toute la documentation
à ce niveau pour être un bon juge de cette question. Je pense que
cela a été discuté hier ici et cela a été la
volonté de plusieurs intervenants: vu que la politique forestière
va sortir d'ici quelques mois, il serait peut-être maladroit actuellement
d'attribuer des permis de coupe additionnels parce qu'on sait que la
forêt est déjà surexploitée.
Le Président (M, Cusano): Une très courte
question.
M. Perron: Une très courte question. À la page 14,
vous parlez de l'augmentation des activités de sylviculture et de
plantation. La question que je voudrais vous poser - ce sera la dernière
parce que je n'ai plus de temps à ma disposition - est la suivante. On
sait que certaines MRC veulent s'impliquer directement dans la
réglementation des techniques sylvicoles. Ma question est la suivante:
Est-ce que les MRC disposent actuellement des compétences
professionnelles pour intervenir au niveau de la réglementation de ce
secteur?
M. Nicolet: Les MRC qui ont voulu s'impliquer dans la
définition des techniques d'exploitation sylvicole l'ont fait - et je
dois parler spécifiquement de l'expérience que nous avons
vécue nous-mêmes dans notre MRC - de façon très
ponctuelle en fonction d'objectifs beaucoup plus globaux. Dans notre cas
particulier, c'était pour le développement de l'industrie
touristique et de villégiature. Cela a été fait
après consultation et avec l'aide technique de professionnels en
matière de gestion forestière.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le président.
La parole est maintenant au ministre délégué aux
Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Je voudrais signaler au député de
Duplessis que les interventions sylvicoles dans la forêt ne sont
pas des activités électroniques, comme il le prétend.
M. Perron: Ce n'est pas ce que j'ai mentionné.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Hier soir, j'ai
écouté avec beaucoup...
M. Perron: II mélange les choux et les carottes.
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous
plaîtî La parole est au ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup); ...le Dr
André Lafond qui est venu nous exposer ce qu'on pouvait faire en
forêt. Il nous a signalé, avec beaucoup d'éloquence, qu'on
pouvait escompter le double de la possibilité que nous avons
actuellement. Ce n'est pas exagéré quand on vise un rendement de
1,23 mètre cube à l'hectare. Les 100 000 000 d'arbres qu'on a
plantés cette année et d'autres qui ont été
plantés depuis 1920, cela fait 65 ans qu'on le fait, ce ne sont pas des
arbres électroniques non plus. Il faut en tenir compte dans nos
calculs.
Maintenant, en ce qui concerne les unités de gestion et les
limites territoriales des MRC, c'est évidemment, comme le signalait le
député de Laviolette, un très gros travail au
ministère. C'est coûteux de le faire. Quand on peut vous
accommoder, on le fait et je pense qu'on l'a fait dans le cas de Labelle. Cela
a été fait dernièrement.
Je voudrais également vous parler des chemins. Vous signalez dans
votre mémoire d'aujourd'hui: II semble que tout chemin sur une terre
publique est un chemin forestier. Est-ce le cas? À l'article 12, on
prévoit l'autorisation du ministre pour la construction d'un tel chemin.
Est-ce à dire que la MRC n'a aucun mot à dire sur
l'établissement des chemins forestiers? Pourtant, l'article 149 de la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit que, lorsque le
gouvernement, ses ministères ou mandataires désirent intervenir,
entre autres... Vous dites: Quand ce sont des tiers qui le font, on n'a pas
affaire à en discuter avec les MRC. C'est ce que vous mentionnez?
Le Président (M. Cusano): M. le président.
M. Nicolet: Effectivement, c'est ce qu'on a cru comprendre
à la lecture du texte.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Lorsque le
ministère construit un chemin principal, il le fait.
M. Nicolet: Quant à nous, notre...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Les autres chemins
forestiers dont il est question, cela va avec le permis d'intervention ou cela
va avec le permis de coupe. Et le ministère n'intervient pas,
excepté pour les grands chemins, c'est-à-dire les chemins
principaux. Ces chemins principaux, quand le ministère intervient,
relèvent de l'article 149 de la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme.
M. Nicolet: M. le ministre, si je peux intervenir
brièvement, je crois que la question s'est soulevée dans des cas
bien précis. J'ai souvenir d'un cas, celui de la MRC de La
Côte-de-Gaspé, en bordure de la rivière York. Il y a eu une
cause célèbre qui remonte maintenant à près de dix
mois. Effectivement, il y a eu là construction de chemins sur des terres
publiques. Ici, mon information n'est pas à jour. Je ne sais pas s'il
s'agissait d'une intervention exécutée par le ministère
lui-même ou par quelqu'un qui bénéficiait d'un droit de
coupe. Il n'en demeure pas moins que cette intervention s'est faite sans
consultation de la MRC de La Côte-de-Gaspé. Cette intervention
s'est faite en dépit de toutes les normes de protection de
l'environnement et au détriment de frayères à saumons si
importantes pour toute la vie économique de la région.
C'est ce genre de cas bien précis que nous aimerions cerner,
tâcher de les démonter avant que cela devienne une
prolifération dans le territoire. En d'autres termes, ce que nous vous
disons, c'est qu'en impliquant plus directement les municipalités qui
sont responsables de faire respecter ces normes de protection environnementale
pour l'ensemble de leur territoire il y aurait peut-être moyen
d'éviter des situations comme celle-là.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. Nicolet.
Lorsqu'on parle, à la page 12 de votre mémoire, de la zone
pâte, on parle des difficultés d'accès et
d'éloignement, d'accord, mais vous nous suggérez "d'axer les
efforts sur des programmes d'aménagement forestier efficaces et
davantage dans les zones forestières situées à
proximité des entreprises de sciage". Vous éliminez pratiquement
les zones pâte en disant: "Les difficultés d'accès et
d'éloignement des territoires de coupe amèneraient des
coûts supplémentaires à la collectivité et ne
devraient combler qu'en partie le problème de la rupture de stocks."
Vous nous incitez à ne pas aller dans la zone pâte?
M. Lemay: On ne vous incite pas, mais on dit quand même que
cela devrait être le dernier recours en cas de rupture de stocks. Il
semble que cela devrait être beaucoup plus recommandable si on dit:
"À proximité des usines, on doit mettre beaucoup plus
l'emphase sur la sylviculture et le reboisement et, en zone pâte
on y va s'il y a rupture de stocks. On ne vous dit pas de ne pas y aller, par
exemple.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous
suggérez, M. Lemay, un incitatif financier, parce que c'est seulement
l'argent qui va faire que les gens vont peut-être pouvoir y aller?
M. Lemay: Un incitatif financier dans les deux cas. C'est pour
cela qu'on voua recommande plus d'incitatifs financiers à
proximité des usines. Mais si, par contre, on est obligé d'aller
en zone pâte, on sait que c'est un incitatif financier qui est
très considérable.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
Considérez-vous que les efforts qu'on fait sur la forêt
privée sont suffisants parce que ce sont les terrains qui sont
près des usines et des infrastructures existantes?
M. Lemay: Parlez-vous d'efforts sur la forêt
privée?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Lemay: À ce sujet, on a eu quelques commentaires. En ce
qui concerne les efforts que vous faites, je pense que c'est très
louable. Par contre, si dans notre région on compare un peu les efforts
du ministère avec ceux du Plan de l'Est, il semble que ceux du Plan de
l'Est ont plus d'accommodations - et j'imagine que c'est monétaire - en
ce qui concerne les incitatifs, pour ce qui est des producteurs
privés.
Le Président (M. Cusano): II vous reste une minute, M. le
ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Une minute. C'est
sûr. Le Plan de l'Est est plus généreux pour certains
travaux, ce qui fait que vous l'aimez davantage. On donne plus cher pour
certains travaux, mais on tente de s'harmoniser parce que la main gauche ne
sait pas ce que la main droite fait. Ce sont les gouvernements
fédéral et provincial qui paient dans les deux cas.
M. Lemay: Oui. Je vous dis actuellement que votre plan est
très louable aussi et vous devez peut-être l'augmenter un petit
peu.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.
M. Lemay: D'abord il est plus nouveau et moins connu un peu. Chez
nous c'est un déblocage.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le
député de Duplessis pour les remarques d'usage.
M. Perron: M. le président Nicolet, ainsi que votre
groupe, au nom de l'Opposition, je vous remercie beaucoup pour la
présentation de votre mémoire. Vous pouvez être
assurés qu'il y a plusieurs éléments qui vont être
retenus par l'Opposition en rapport avec le futur projet de loi qui sera
présenté par le ministre délégué aux
Forêts. Bien sûr qu'on s'attend à ce sujet à avoir
beaucoup de boulot pour faire en sorte que le gouvernement comprenne certaines
recommandations que nous lui ferons. Merci à vous, encore une fois, M.
le président ainsi qu'aux deux collègues qui vous
accompagnent.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup M. le
député de Duplessis. M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
président, M. Lemay, Mme Martel, merci de votre présence ici ce
matin. C'est toujours agréable de discuter de ces questions.
J'espère bien et je n'en doute aucunement que nous certainement par
préciser notre vocabulaire et nos termes pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté dans nos relations entre les MRC et les
ministères. Je vous remercie de votre présentation, de votre
présence et de votre dévouement à la cause
forestière.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Au nom de
tous les membres de la commission, je vous remercie de votre présence.
Les travaux de la commission de l'économie et du travail sont suspendus
jusqu'à 15 heures cet après-midi lorsque nous entendrons
l'Association des mesureurs de bois licenciés du Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 45)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend sa consultation
particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts.
Je voudrais demander le consentement unanime pour que le
député de Dubuc remplace, pour cet après-midi, le
député de Roberval.
M. Cusano: Consentement.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Viau et merci également de votre collaboration
pour cet avant-midi.
M. Cusano: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): D'après les
commentaires que j'ai eus, la commission était entre bonnes mains ce
matin.
M. Cusano: Merci.
Mémoires déposés
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, il y a
encore de la place dans l'Opposition si le député de Viau veut
changer d'idée.
Par ailleurs, je voudrais avoir le consentement aussi pour... En fait,
je pense que je n'en ai pas besoin. J'ai simplement à indiquer qu'il y a
un mémoire qui nous a été soumis par Les Placages de
l'Outaouais, Multigrade Inc. et divers organismes, Produits forestiers
Maniwaki, Industrie manufacturière Mégantic Inc., la compagnie
Commonwealth Plywood Ltée. Ce sont des entreprises de déroulage
de feuillus durs au Québec qui ne peuvent pas être entendues, mais
qui déposent leurs mémoires. Comme les autres mémoires
déposés de la même façon, ce sera consigné au
secrétariat de la commission et ce dépôt est au
procès verbal. Cela va?
Nous allons maintenant entendre les représentants de
l'Association des mesureurs de bois licenciés du Québec. Je crois
que le président est M. Marc Parent, si mes informations sont exactes.
Messieurs, veuillez vous approcher à la table, s'il vous plaît. Je
demanderais à M. Parent de présenter la personne qui
l'accompagne. Je vous indique que la durée de présentation de
votre mémoire a été déterminée à
douze minutes comme vous l'a sans doute indiqué le secrétaire de
la commission. Par la suite, les échanges de propos dureront
vingt-quatre minutes par formation politique, avec les députés
ministériels et ceux de l'Opposition. Alors, s'il n'y a pas d'autres
questions, je vous inviterais à commencer votre présentation.
Un instant: M. le député de...
M. Perron: M. le Président, pour corriger une erreur de
parcours que nous aurons sûrement vers 18 heures, l'Opposition accepte
tout de suite de dépasser 18 heures si c'est nécessaire.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Merci, M.
le député de Duplessis.
M. Cusano: À la suite des discussions que nous avons eues
cet avant-midi sur ce sujet-là, on est d'accord pour dépasser 18
heures, mais il ne faudrait pas dépasser 18 h 30.
M. Perron: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Que les uns et les autres
s'organisent pour que tel soit le déroulement des travaux de cet
après-midi. M. Parent.
Association des mesureurs de bois licenciés du
Québec
M. Parent (Marc): M. le Président, M. le ministre Albert
Côté, membres de cette commission, cela nous fait plaisir
d'accepter votre invitation et on vous remercie en même temps de nous
permettre de présenter notre exposé et de faire nos
revendications. Je vous présente, à ma droite, M. Gaétan
Bérubé, secrétaire-gérant de l'association qui va
vous lire notre mémoire. M. Bérubé.
M. Bérubé (Gaétan): Merci, Marc.
L'Association des mesureurs de bois licenciés du Québec est
heureuse de profiter de l'occasion qui lui est offerte pour présenter
son opinion à cette commission de l'économie et du travail, dans
le cadre de cette consultation particulière sur l'avant-projet de loi
sur les forêts.
Dans cette quête d'opinions, à l'association des mesureurs,
nous reconnaissons l'harmonie entre le but et le processus, qu'une parfaite
compréhension de la situation de nos forêts au Québec doit
être recherchée.
Notre opinion sera donc essentiellement d'essayer modestement de faire
valoir les intérêts nobles et altruistes de l'importance du
mesureur de bois spécialisé et autonome pour correspondre aux
besoins de la réalité d'aujourd'hui. En somme, bien sûr,
les motifs qui sont derrière nos applications sont extrêmement
importants parce qu'ils déterminent réellement ce que sera le
résultat final.
Le sens et l'importance des besoins clairement identifiés
commandent d'une façon sûre de connaître les
quantités de bois qui sont coupées dans les différentes
forêts. Aussi, dans son propre intérêt, l'association des
mesureurs n'est pas indifférente à l'égard de ces besoins
dont nous analysons objectivement et évaluons les conséquences
et/ou les implications présentes et futures. Dans un but constructif,
tout en visant au progrès selon les besoins, l'association des
mesureurs, son objectif majeur est de se situer comme entièrement
responsable dans l'exercice de ses activités professionnelles parce que
nous savons que, pour restaurer le milieu, il faut une volonté, mais une
volonté basée sur des principes.
Parmi les besoins qui nous sensibilisent le plus et qui sont
évidemment très importants pour que les quantités
coupées dans les différentes forêts du Québec en
soient contrôlées de façon efficace, il y a l'approche de
plus en plus imminente des ruptures de stock; l'importance de s'assurer, autant
dans les forêts publiques que dans les forêts privées, que
les plans de coupe soient
respectés et de déterminer avec précision les
quantités de bois sur les terres publiques, pour établir le
montant des droits de coupe et autres redevances à payer à
l'État; l'importance accrue des transactions impliquant les bois
provenant de la forêt privée; le mesurage des bois coupés
qui est reconnu comme étant le meilleur moyen de contrôle et de
gestion et le mesurage, qui est également un moyen efficace pour
contrôler la qualité de l'aménagement forestier.
Pour plusieurs régions du Québec, le secteur forestier
représente justement l'élément important qui permet
à des populations de vivre, de s'épanouir et de se
développer. Le mesurage des quantités a donc un impact direct sur
le chèque de paie.
Enfin, et ce n'est pas le moindre des besoins, il y a l'obligation, pour
le gouvernement du Québec, d'investir davantage dans le domaine des
forêts pour assurer la prospérité et l'avenir des
Québécois.
Sans ambages, cela nous permet d'affirmer que les
bénéficiaires de nos forêts sont justifiés de
s'inquiéter de la compétence et de l'intégrité des
gens qui déterminent les quantités de bois coupé dans les
différentes forêts.
La Loi sur les mesureurs de bois a été promulguée
pour la première fois au Québec en 1890. Elle instituait un
bureau des examinateurs des mesureurs de bois qui avait comme objectif
d'assurer le gouvernement des quantités coupées. À cette
époque, 99 % des forêts étaient du domaine public et
l'intensité de ces forêts était telle qu'un
épuisement des stocks n'était même pas pensable. Il faut
dire aussi que le principe directeur de cette époque était:
dominant, dominé. Depuis 1979 que l'association des mesureurs faisait
valoir la nécessité de modifier cette loi dont la dernière
révision remontait à 1941. Depuis le 1er septembre 1985, nous
avons devant nous une loi sur les mesureurs de bois modifiée dont les
modifications sont bien en deçà de ce que l'association des
mesureurs escomptait. Dans cette nouvelle loi, le bureau des examinateurs qui
existait en 1890 demeure, à l'exception que, parmi le personnel qui
composera ce bureau, un représentant de l'association en fera
partie.
Pour ce qui est des transactions de bois provenant des terrains
privés, la seule protection qu'offre cette nouvelle loi, c'est que le
ministère peut alors offrir d'effectuer un service pour vérifier
si le mesureur a accompli son travail conformément aux clauses de
mesurage mentionnées au contrat liant les parties et ce, à la
suite d'une plainte. En terrain privé, avec cette nouvelle loi, tout ce
que le mesureur peut maintenant faire dans l'exercice de ses fonctions, c'est
qu'elle l'autorise à entrer et passer sur une terre privée et,
sur demande, le mesureur doit produire sa carte d'identité attestant de
sa qualité de mesureur de bois. Nous croyons que cette loi ne peut
résulter en une croyance générale pour entourer le pouvoir
d'une loi vers qui elle est dirigée.
Aujourd'hui, le mesureur de bois est un spécialiste. Sa formation
relève du ministère de l'Éducation. Détenteur d'un
diplôme, il se spécialise de plus en plus, avec l'évolution
des nouvelles techniques et des nouvelles méthodes de mesurage. Il .ne
fait pas que lire une règle mesurant le diamètre d'une bille, il
s'attarde à la peser, il s'occupe des mesurages par
échantillonnage, de l'évaluation des quantités de bois au
moyen de la photographie, au moyen de la télévision en circuit
fermé et de toute autre méthode d'évaluation. Le mesureur
est l'un des seuls qui peut appliquer avec responsabilité les techniques
d'évaluation précise de l'échantillonnage. Le mesurage est
donc actuellement une spécialisation comme celle des ingénieurs
forestiers et celle des techniciens forestiers.
Il faut être réaliste. L'association des mesureurs est
d'avis et croit que le problème du mesurage du bois au Québec se
situe tout simplement au niveau de l'entendement des paliers de
responsabilité. Ces niveaux de responsabilité sont,
premièrement, l'établissement des normes et des techniques de
mesurage, responsabilité qui incombe directement au gouvernement;
deuxièmement, l'application fonctionnelle qui s'explique par
elle-même et qui a la responsabilité de ceux qui font effectuer du
mesurage de bois coupé; troisièmement, ce troisième niveau
de responsabilité est le contrôle de la compétence des
mesureurs de bois. Cette responsabilité devrait incomber à
l'Association des mesureurs de bois licenciés . du Québec parce
que c'est l'organisme naturel des mesureurs de bois.
En conclusion, ceux qui mesurent les quantités de bois qui
sortent de nos forêts sont et seront dorénavant de plus en plus
importants. L'association des mesureurs est, et nos législateurs
devraient le reconnaître, la forme la plus pure pour diriger et
contrôler la compétence et l'intégrité des mesureurs
de bois du Québec dont la qualité des services serait
nécessairement augmentée, parce que, premièrement, dans
l'émission de permis ou dans le cas de la révocation de permis,
le mesureur serait jugé par ses pairs; deuxièmement, le mesureur
qui serait titulaire d'un permis délivré par l'Association des
mesureurs de bois, son droit d'exercice s'étendrait à l'ensemble
du secteur et non seulement au secteur public; troisièmement,
l'association assurerait la compétence de ses membres et la
vérifierait en cas de défaillance; quatrièmement, dans ce
cadre, le mesureur serait beaucoup plus responsable de ses actes. Il sentirait
dans l'exercice de ses fonctions un appui réel et
le public en général ainsi que les
bénéficiaires des forêts seraient assurés d'un
contrôle impartial et uniforme dans la détermination des
quantités de bois. À la suite de ce travail, nous croyons qu'il a
les renseignements nécessaires pour prendre des décisions
éclairées.
Cette semaine, nous avons, à la suite de notre travail,
préparé un addendum qui vous a été distribué
tout à l'heure. On va en produire la lecture. On y trouve: 1
Tarification. Dans le cas où le gouvernement maintiendrait sa position
de conserver les redevances payables sur le volume alloué plutôt
que sur le volume récolté, que les mêmes standards pour le
mesurage soient appliqués pour la gestion des stocks. 2°
Préoccupation légitime concernant la profession du mesureur.
Regrouper l'acte de mesurage de bois au Québec sous l'autorité de
l'association, afin de a) permettre au gouvernement de se départir de la
tâche d'examinateur pour l'émission des licences de mesurage; b)
permettre à l'association d'agir à titre de gardien des normes
établies pour le mesurage, cette dernière devant veiller au
maintien des standards de qualité dans l'application des normes de
mesurage par l'émission de permis de mesurage aux personnes
compétentes.
Tout en effectuant une vérification de l'aire; la
vérification ne remplacerait pas les vérifications du mesurage
par le gouvernement mais servirait plutôt à maintenir les
standards auprès du mesureur. Cette mesure, en plus d'alléger la
tâche du gouvernement dans l'émission et le contrôle des
permis de mesureur, assurerait la protection des intérêts du
public pour les transactions privées en assurant que le mesurage serait
effectué suivant des standards uniformes; les cas de litige seraient
réglés par l'association sans l'intervention du gouvernement.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour M. Parent
et bonjour M. Bérubé. Je suis très heureux de vous revoir.
Tout dernièrement, je vous ai manifesté mon admiration pour le
travail que vous avez exécuté.
Au cours de ma carrière, j'ai été heureusement
associé au travail des mesureurs pendant de nombreuses années.
J'ai été en mesure de connaître la tâche souvent
ingrate que vous exécutez. Ce qui m'a le plus impressionné chez
vous et chez la plupart de vos membres, c'est l'honnêteté et
l'impartialité avec lesquelles votre travail a été
exécuté. C'était principalement dans
l'intérêt de l'ouvrier forestier et pour protéger son
salaire, de façon équitable et de faire en sorte que le
gouvernement perçoive ses redevances sur une base juste.
Je vous remercie de votre mémoire. Je connais l'importance, pour
les raisons que je viens de mentionner, du rôle du mesureur de bois au
Québec, étant donné l'ampleur des terrains publics et je
me demande si on ne devrait pas étendre vos responsabilités au
mesurage des bois privés, comme vous le mentionnez dans votre
rapport.
Vous mentionnez également qu'il est très important,
à la veille de l'installation d'un nouveau régime forestier, que
le mesureur ait un statut reconnu de toutes parts. Je voudrais vous poser une
question. Vous dites, dans votre mémoire, que la formation du mesureur
relève du ministère de l'Éducation. Est-ce que vous
obtenez votre permis du ministère de l'Éducation ou si, comme
c'est indiqué à la dernière page de votre mémoire,
. c'est le ministère de l'Énergie et des Ressources qui vous le
délivre?
M. Bérubé: Présentement, le ministère
de l'Éducation forme les mesureurs. Si vous avez souvenance, M. le
ministre, les mesureurs étaient formés, au début, par le
ministère des Terres et Forêts à Berthier et puis,
après, à Duchesnay sous le ministère des Terres et
Forêts. Cela a été transféré, je crois, au
ministère de l'Éducation dans les années 1960. Comme c'est
transféré, nous croyons qu'il serait normal que la
compétence soit reconnue par l'Association des mesureurs, tel qu'on le
mentionne dans notre mémoire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais dans d'autres
organismes, dans d'autres métiers, le ministère de
l'Éducation décerne directement un certificat de
compétence, est-ce que cela ne vous conviendrait pas?
M. Bérubé: II faut quand même que la
compétence et l'intégrité...
M. Côté (Rivière-du-Loup):
L'intégrité, c'est un autre point.
M. Bérubé: ...soient reconnues. On reconnaît
au ministère de l'Éducation l'autorité d'émettre un
certificat.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, le mesureur
peut être reconnu par le ministère de l'Éducation mais, par
la suite, il peut être tenu de faire partie de votre association, comme
cela arrive dans d'autres professions. Parce qu'en fait, la compétence,
c'est le ministère de l'Éducation, de par son cours, de par son
intervention, qui donne la formation et qui reconnaît la
compétence des mesureurs.
Quand on arrive à l'intégrité, à mon avis,
c'est beaucoup plus le rôle de l'association des mesureurs de surveiller
et de contrôler ses membres sur cet aspect. Je ne sais pas si cela...
M. Bérubé: Je comprends votre intervention. Il est
difficile d'y répandre pour la raison que les relations qu'on a eues
avec le ministère de l'Éducation remontent déjà
à trois ans. La seule rencontre qu'on a eue avec lui a été
plutôt vague. On nous a dit qu'il était capable de donner une
bonne formation aux mesureurs. Mais la seule chose que nous croyons, c'est que
l'association devrait peut-être voir au contenu des cours, afin qu'ils
répondent réellement aux besoins du gouvernement et de
l'industrie, que le mesureur soit réellement formé pour
répondre aux besoins d'aujourd'hui. Quand on parle
d'échantillonnage, il est extrêmement important que le mesureur
ait cette formation.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Que les
représentants de votre association discutent avec les gens du
ministère de l'Éducation du contenu des cours pour mieux
répondre aux besoins que vous connaissez peut-être mieux qu'eux,
d'accord. Sauf qu'une fois que le cours est donné et que les examens
sont passés, je pense que le mesureur qui a réussi ses examens
est compétent, mais il reste à savoir s'il doit joindre les rangs
de votre association pour pratiquer sa profession, comme cela arrive dans
d'autres professions.
M. Bérubé: Exactement. L'acte a besoin d'être
vérifié.
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Je vous
ai dit, quand on s'est rencontré privément, qu'au cours de ma
carrière, on avait jugé à propos de mesurer
nous-mêmes les produits que nous vendions. En forêt, il arrive
très souvent que c'est l'acheteur qui mesure les produits qu'il
achète. De votre côté, est-ce qu'il serait plus avantageux
et plus équitable pour les deux parties, acheteur et vendeur, que le
mesureur soit quelqu'un de neutre et qu'il serve d'équilibre, disons,
dans la transaction? Comme cela arrive dans une épicerie, par exemple,
quand on va acheter quelque chose et qu'une balance nous dit qu'on en a
acheté pour une livre et demie ou pour 550 grammes. C'est neutre.
Mais ce qui se passe actuellement dans l'industrie forestière,
c'est pratiquement toujours, sauf exception, l'acheteur qui mesure et qui paie,
suivant sa mesure, le produit qu'il a acheté, c'est-à-dire des
copeaux, du bois rond, etc. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus,
M. Bérubé ou M. Parent.
M. Bérubé: Si le mesureur est vérifié
par un organisme responsable, nous ne voyons pas pour quelle raison le mesureur
ne serait pas intègre, comme un ingénieur forestier, comme un
médecin, etc. Qu'il soit payé par l'un ou l'autre, il doit agir
complètement libre d'influence.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ah! Celui qui
paie, vous savez, a toujours de l'influence. Parce qu'on dit souvent à
des employés: Regarde d'où vient ton chèque de paie.
M. Bérubé: Oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je peux vous
donner des exemples quand on disait à des mesureurs qui faisaient des
tests sur des copeaux: Vous " faites des tests pour mesurer l'écorce. Le
type, tout en étant intègre, était influencé dans
son subconscient et il surveillait le déchargement de copeaux. Quand il
voyait passer une écorce, il la prenait. Ce qui fait que cela
pénalisait évidemment le vendeur. Mais l'acheteur était
correct, lui, parce qu'il avait dit de faire un test d'écorce. Cela rne
préoccupe un peu au point de vue de l'équité par rapport
au vendeur et à l'acheteur, parce que c'est à peu près le
seul domaine où c'est l'acheteur qui mesure le produit qu'il
achète. Est-ce que cela ne vous préoccupe pas, vous?
M. Bérubé: Oui, il est certain qu'on est
préoccupé par cela, mais on croit à
l'intégrité professionnelle. C'est ce en quoi on croit
exactement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. D'accord.
Pour l'instant, cela me va, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le
député de Duplessis.
(15 h 30)
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter
la bienvenue au nom de l'Opposition à M. Marc Parent et à M.
Gaétan Bérubé. J'ai senti au mémoire que vous avez
présenté devant les membres de la commission que vous
n'étiez pas d'accord avec la loi de 1985. C'est assez clair. D'autre
part, puisque nous sommes actuellement à une commission parlementaire
pour entendre des mémoires se rapportant à l'avant-projet de loi
sur les forêts qui a été déposé par le
ministre délégué aux Forêts en juin dernier, je me
pose la question à savoir si vous êtes devant la bonne commission
parlementaire, malgré que je ne vous en tienne pas grief pour la raison
suivante. En tant que mesureurs, vous êtes quotidiennement reliés
au domaine forestier et à certains intervenants forestiers, que ce soit
les papetières, ou le ministère de l'Énergie et des
Ressources ou autres.
J'ai d'abord une question à vous poser et j'en aurai une autre
par la suite. Mon collègue de Laviolette va intervenir en rapport avec
votre mémoire. Combien de membres votre association a-t-elle
actuellement?
M. Bérubé: En tant qu'association,
présentement nous avons 462 membres.
M. Perron: Est-ce que cela représente l'ensemble des
mesureurs de bois du Québec?
M. Bérubé: Non, cela ne représente pas
l'ensemble des mesureurs de bois du Québec, pour la simple et unique
raison que les mesureurs de bois réclament depuis cinquante ans te
statut particulier de s'administrer eux-mêmes. Les mesureurs de bois ne
comprennent pas.
M. Perron: Comme corporation?
M. Bérubé: Comme corporation. C'est la raison pour
laquelle le "membership" diminue.
M. Perron: Combien y a-t-il de mesureurs de bois au Québec
actuellement?
M. Bérubé: Au Québec, au-dessus de 4000
actuellement détiennent leur licence puis entre 1000 et 1500 pratiquent.
Il y a des mesureurs qui détiennent les licences et il y a les
pratiquants.
M. Perron: Dans votre mémoire vous mentionnez que depuis
la nouvelle lai vous obtenez des mandats du ministère de
l'Énergie et des Ressources d'une certaine façon. Est-ce
exact?
M. Bérubé: Je ne comprends pas votre question.
M. Perron: Pour aller mesurer.
M. Bérubé: Je ne comprends pas votre question,
M. Parent (Marc): La question n'est pas précise.
M. Perron: Je vais y revenir, je l'ai vu dans votre projet. Je
vais trouver l'endroit exact et je reviendrai sur cela. M. le Président,
j'ai terminé pour le moment, mais je reviendrai plus tard.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va» M. le
ministre, y a-t-il d'autres questions de ce côté-ci? M. le
ministre?
M, Côté (Rivière-du-Loup): Oui, oui.
Excusez-moi.
Le Président (M. Charbonneau): Vous avez le droit.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, en parlant de la loi de 1985 vous dites que: pour ce qui est
des transactions des bois provenant des terrains privés, la seule
protection qu'offre cette nouvelle loi, le ministère peut alors offrir
d'effectuer un service pour vérifier si le mesureur a accompli son
travail conformément aux clauses de mesurage mentionnées au
contrat liant les parties et ce, qu'à la suite d'une plainte. Quand vous
dites: "mentionnées au contrat", cela n'est pas suivant les normes de
mesurage reconnu ou édicté par le ministère?
M. Bérubé: Non.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela peut
être un contrat sous seing privé. Est-ce cela?
M. Bérubé: C'est cela, exactement. Si vous voulez
avoir notre position exacte sur un terrain privé, on peut vous la
donner.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, s'il vous
plaît, c'est ce que je veux avoir.
M. Bérubé: Alors, tous les bois vendus à des
fins industrielles devraient être mesurés par un mesureur
licencié. Pour la protection du public, les bois provenant des terrains
privés devraient être mesurés suivant les mêmes
normes techniques que les bois exploités sur les terres de la couronne,
à cette exception près que le contrat de vente entre les parties
déterminera quels bois sont achetés ou ne sont pas
achetés, comme les essences, les diamètres maximums et minimums,
les longueurs maximums et minimums, les défauts de forme, etc.
Il est bien entendu que l'on ne peut forcer un utilisateur à
acheter des billes qui ne lui conviennent pas. Le contrat de vente
déterminera donc quelles billes sont achetées et quelles billes
ne le sont pas. Le mesureur respectera ce contrat. Pour Ies billes
achetées, elles seraient mesurées suivant les mêmes normes
que les billes provenant des terres publiques.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vous dites
que ce sont les normes du contrat et dans votre recommandation vous voulez que
ce soient les normes édictées par le ministère.
M. Bérubé: Non, lorsqu'un acheteur achète du
bois, il est restreint selon le produit qu'il usine. Il y a des sortes
d'essences qu'il achète et d'autres qu'il n'achète pas. Il y a
des diamètres maximum et minimum, des longueurs maximum et minimum et
des défauts de forme. Par exemple, on pense au merisier. Le merisier est
acheté pour faire du déroulage; le reste du merisier n'est
presque pas employé, à notre connaissance, alors c'est une perte
de bois.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Un organisme est
venu nous dire ici qu'on ne faisait presque plus de vérifications sur
les terres publiques. Avez-vous une opinion sur cette affirmation? Vous avez
certainement des vérificateurs qui vérifient vos membres de temps
à autre et certains de vos membres qui travaillent comme
vérificateurs. Est-ce qu'on devrait maintenir cette pratique
passée de vérification, pour la protection, comme je l'ai dit
tout à l'heure, des ouvriers et pour celle des redevances au
gouvernement?
M. Bérubé: Oui, M. le ministre. Le gouvernement
devrait maintenir la vérification de ses bois. L'association
vérifierait l'acte du mesureur. Comment le vérifierait-elle? Par
un échantillonnage et par une analyse de l'échantillonnage.
M. Côté (Rivière-du-Loup): À quel
niveau pensez-vous qu'on devrait vérifier les bois coupés sur les
terrains publics?
M. Bérubé: Nous avons l'impression que,
présentement, le gouvernement a un bon système de
vérification. Justement, lors de notre dernier congrès, on en a
eu un exposé par un représentant de votre ministère. Nous
croyons que, au Québec, le bois est vérifié et très
bien vérifié.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'est pas ce
qu'on nous a dit cette semaine.
M. Bérubé: Enfin, on a des... Oui, d'accord, mais
quand même il faut regarder, du côté professionnel, ce qui
se passe. Vous disiez tout à l'heure que l'association avait des
vérificateurs pour vérifier nos gens. Non, l'association n'a pas
encore de vérificateur pour vérifier ses gens. Elle ne peut pas
vérifier l'acte actuellement, car son statut ne le lui permet pas.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On me dit qu'au
ministère, on vérifie de 2 % à 4 % des bois coupés
sur les terrains publics. Est-ce que ce chiffre vous semble acceptable?
M. Bérubé: Si l'échantillonnage est bien
suivi et bien pris, à notre avis, oui, c'est acceptable.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Le syndicat des
travailleurs nous a affirmé, cette semaine, que les vérifications
n'étaient pas assez fréquentes et qu'on ne protégeait pas
l'ouvrier de façon adéquate 3ur les terrains publics. Il existe
un règlement qui dit que les bois doivent rester sur le parterre des
coupes pendant 48 heures, je pense Il semble que ce règlement ne soit
pas suivi. À votre connaissance, est-ce que cela se produit de temps
à autre?
M. Bérubé: Franchement, on ne peut pas
répondre à cette question, car ce n'est pas dans notre domaine.
Comme on vous l'a expliqué, actuellement, ce n'est pas l'association des
mesureurs qui contrôle la compétence et l'intégrité
de ses mesureurs, mais plutôt un bureau d'examinateurs qui est sous votre
responsabilité, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous
souhaiteriez que tous les mesureurs, pour pratiquer leur profession, fassent
partie de votre association, comme cela se produit dans le cas des
ingénieurs forestiers ou dans d'autres professions?
M. Bérubé: Certainement que cela serait
souhaitable.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pourquoi le
législateur ne vous l'a-t-il pas donné? Lui avez-vous
demandé?
M. Bérubé: Bien certain qu'on l'a demandé.
Cela fait dix ans qu'on lui demande. M. le député de Laviolette
pourrait peut-être vous répondre là-dessus, s'il a lu les
dossiers depuis dix ans.
Une voix: Posez-lui la question.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour l'instant, M.
le Président, cela me va.
Le Président (M. Charbonneau): M, le député
de Duplessis.
M. Perron: M. le Président, j'ai fait un lapsus tout
à l'heure, ce n'était pas un mandat. J'aurais une question.
À la page 3 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous
écrivez: "Pour ce qui est des transactions des bois provenant des
terrains privés, la seule protection qu'offre cette nouvelle loi, le
ministère peut alors offrir d'effectuer un service pour vérifier
si le mesureur a accompli son travail conformément aux clauses de
mesurage mentionnées au contrat liant les parties et ce, qu'à la
suite d'une plainte". Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire
exactement par cette partie du paragraphe, pour la bonne compréhension
de votre position se rapportant à cela?
M. Bérubé: Un propriétaire d'un terrain
privé de l'autre bois vend son bois et ce propriétaire est
insatisfait de la mesure qu'il obtient. À ce moment-là, il peut
demander au gouvernement une vérification sur son bois. C'est cela qui
est la plainte.
M. Perron: D'accord. Cela donne l'explication que je voulais
avoir. Merci; mon collègue de Laviolette va maintenant intervenir. M. le
Président, est-ce que mon
collègue de Laviolette peut intervenir? Le Président
(M. Charbonneau): Qui.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Pour les
députés libéraux de l'autre côté, je pourrais
peut-être répondre, à la question sur la corporation
professionnelle posée par l'organisme qui est devant nous aujourd'hui,
que la question désormais ne s'adresse plus à moi, mais au
ministre responsable. C'est un peu surprenant qu'il ne soit pas au courant des
demandes répétées au moment où il vient à la
commission parlementaire. Il aurait dû savoir qu'effectivement depuis
nombre d'années vous n'êtes pas des "lâcheux", vous demandez
une corporation professionnelle.
Une voix: ...
M. Jolivet: C'est son rôle, c'est lui qui est ici comme
ministre aujourd'hui tout comme moi quand je suis arrivé. On m'a
posé l'ensemble du problème, je l'ai examiné, j'ai pris
des décisions et ces décisions sont contenues dans une loi de
1985. Que vous me disiez aujourd'hui que vous n'êtes pas satisfaits de
cette position, j'en conviens, vous l'aviez dit, lors des mémoires qui
ont précédé, à mes collègues avant moi et
à moi-même, nous disant que vous en vouliez plus. Cependant, il y
a des décisions qui doivent se prendre. Si les gens d'en face veulent
décider par l'intermédiaire du ministre responsable, si le
ministre de l'Éducation et responsable du Code des professions veut
donner, à la suite d'une recommandation faite par le ministre
délégué aux Forêts cette capacité, c'est
à eux de prendre la décision. La seule chose, c'est que vous
allez devoir vérifier pourquoi vous le donnez et quelles sont les
conditions dans lesquelles vous le donnez, dans la mesure de ce qui s'est
passé dans l'histoire et dans la mesure où des décisions
ont été prises. Il y a des décisions qui ont
été négatives jusqu'à maintenant. Je n'ai pas
à expliquer ici aujourd'hui pourquoi on les a prises. On l'a
discuté lors de la commission parlementaire, article par article. M.
Fortier, député d'Outremont était en face de moi et posait
des questions et cette loi de 1985 a été adoptée à
la majorité et même à l'unanimité sur certains
points. Il est évident que la loi de 1985 apportait beaucoup de
modifications sur des tracasseries administratives, sur des normes
réglementaires ou sur des pouvoirs discrétionnaires du ministre.
Mais il y en a une qui ne vous a pas satisfaits parce que, quand on regarde
l'ensemble, je pense que vous n'êtes pas en désaccord avec ce qui
a été donné, mais que vous en vouliez plus.
Vous dites aujourd'hui que vous êtes en désaccord avec la
loi. C'est que vous n'avez pas obtenu tout ce que vous vouliez. On peut le
comprendre, on peut aussi être en désaccord. Une question que
j'aimerais poser concerne ce qui se situe à la page 5 de votre
mémoire, au paragraphe 4 . Cela m'inquiète un peu quand vous la
posez ainsi. Ou j'ai mal compris ou j'ai bien compris. Alors, comme je veux me
le faire expliquer je ne donnerai pas mon opinion, mais je vais le lire pour
simplement vous poser une question: "Dans ce cadre, le mesureur serait beaucoup
plus responsable de ses actes. Il sentirait dans l'exercice de ses fonctions un
support réel et pour le public en général ainsi que pour
les bénéficiaires des forêts qui seraient assurés
d'un contrôle impartial et uniforme dans la détermination des
quantités de bois." Comme vous êtes une association qui,
même si vous n'avez pas tous les pouvoirs de forcer les gens à
accéder à votre association parce que vous n'êtes pas une
corporation professionnelle... Est-ce qu'il faut se dire que, compte tenu de
cela, il y aurait donc de mauvaises mesures prises en forêt? Si c'est
cela et que vous êtes une association qui dit avoir une certaine
responsabilité, je m'inquiéterais. Si ce n'est pas cela,
j'aimerais avoir des renseignements supplémentaires sur ce que vous
affirmez là.
M. Bérubé: Ce que l'on croit, c'est que
l'association des mesureurs est la forme la plus pure pour contrôler la
compétence et l'intégrité des mesureurs et s'il y a de la
fraude qui s'est produite, probablement que les autres organismes ont dû
venir vous le dire ici en commission.
M. Jolivet: Je vous pose la question comme association, je
m'inquiéterais si je n'avais pas la réponse cet
après-midi. Le ministère a des responsabilités. Il y a des
compagnies qui ont des responsabilités et il y a des contrats dans le
privé. Ce dont vous faites mention, c'est que vous voulez avoir aussi
l'ensemble du mesurage dans le territoire public et dans le territoire
privé. Même si c'est sous forme de contrat privé parce
qu'une personne peut dire - et je vais reprendre mes exemples de
l'époque: - Ma vieille tante pourrait être responsable du mesurage
parce que dans mon contrat privé j'ai prévu une forme de mesurage
qui n'est pas celle reconnue par la Loi sur les terres et forêts. Si
c'est cela, si j'ai un contrat privé et qu'elle a mesuré selon ce
que je lui ai demandé, je n'ai pas à m'inquiéter. Mais si
vous me dites: II faudrait que tout le monde suive les normes prévues
par la Loi sur les terres et forêts et que vous n'êtes pas capable
de me dire aujourd'hui... Si vraiment là où cela s'applique votre
association n'a pas les yeux 'assez ouverts pour nous dire cet
après-midi qu'effectivement il y a eu des abus, je serais inquiet. Je
vous la pose bien directement. Je n'ai jamais eu de cachette et je la pose
comme je la
pense. (15 h 45)
M. Bérubé: Je vous répondrais
peut-être par... Quelle est l'importance du mesurage pour les
intervenants autres que l'État? C'est à peu près votre
question?
M. Jolivet: Tous les mesurages, même ceux de
l'État.
M. Bérubé: Tous les mesurages? Premièrement
pour les bois provenant des forêts privées, le mesurage est la
base de la facturation et du paiement. Deuxièmement, beaucoup d'ouvriers
forestiers sont payés en fonction de la quantité de bois
produite. Donc, le mesurage a un impact direct sur leur chèque de paie.
Troisièmement, les, entrepreneurs sont à peu près tous
payés en fonction des quantités de bois produites ou
transportées. Quatrièmement, les ventes de bois entre producteurs
primaires et utilisateurs finaux ou entre industries différentes sont
facturées d'après les quantités de bois livrées. Ce
commerce est particulièrement important dans le cas des copeaux vendus
par l'industrie du sciage et l'industrie des pâtes et papiers.
La précision du mesurage a donc un impact économique
important au Québec. On prévoit que cette année, au
Québec, il va se transiger environ 5 000 000 de tonnes de copeaux.
M. Jolivet: Si vous me parlez spécifiquement d'une
compagnie... Je prendrai des exemples typiques sans dire qu'elles ont fait des
erreurs, seulement pour bien camper le sujet. Dans ma région, la Scierie
Crête a des copeaux à vendre à la Consolidated Bathurst de
Grand-Mère. Qui, actuellement, fait le mesure de la tonne
métrique?
M. Bérubé: C'est un laboratoire qu'ils ont dans
l'usine, un laboratoire...
M. Jolivet: Est-ce que c'est le vendeur ou l'acheteur? Je sais
bien qu'à la Consol, lorsque arrive le camion, on le pèse et on
détermine le poids du camion selon certaines normes et, après
avoir fait des expertises sur la qualité du bois d'après
l'humidité, on détermine le poids que contient le camion. Qui
fait cette expertise, l'acheteur ou le vendeur?
M. Bérubé: C'est l'acheteur.
M. Jolivet: Bon. Si c'est l'acheteur, c'est à la suite
d'un contrat intervenu entre les deux. Est-ce que l'État doit intervenir
dans la mesure où on demande de plus en plus, et de l'autre
côté en plus une déréglementation? Est-ce que
l'État doit intervenir dans un contrat privé? Si oui,
peut-être avez-vous raison, à ce moment-là, de demander
votre incorporation. Sinon, pourquoi aller s'Interposer dans un contrat
privé? C'est de ma vieille tante de tout à l'heure dont je
parle.
M. Bérubé: Oui. Pour le bois provenant de la
forêt privée, quelle est l'étendue de la juridiction que
vous réclamez? C'est à peu près votre question. Tous les
bois vendus à des fins industrielles devraient être mesurés
par un mesureur licencié. Pour la protection publique, les bois
provenant des terrains privés doivent être mesurés suivant
les mêmes normes techniques que les bois exploités sur les terres
de la couronne, à cette exception près que le contrat de vente
entre les parties déterminera quels bois sont achetés ou ne sont
pas achetés. Il est bien entendu qu'on ne peut pas forcer un utilisateur
à acheter des billes qui ne lui conviennent pas, je l'ai dit tout
à l'heure. Le contrat de vente déterminera donc les
quantités.
Ce qu'on veut dire, c'est que si un acheteur et un vendeur ont
signé un contrat et ne veulent pas de mesureur, ils n'en veulent pas,
c'est tout. Ce n'est pas cela qu'on veut.
M. Jolivet: Je prends un autre exemple. Si un cultivateur, par
l'intermédiaire de son syndicat producteur de bois, a tant de billots
à vendre et que la compagnie Crête est acheteuse de ces billots,
un mesurage est fait. Actuellement, par qui sera-t-il fait? Sera-t-il fait par
le regroupement forestier ou par Crête qui achète les billots?
M. Bérubé: Selon l'entente des deux parties
prenantes.
M. Jolivet: Ce que j'essaie de vous faire dire...
Là-dessus, je n'ai jamais réussi à obtenir la
réponse, et je ne l'aurai peut-être pas encore. On dit: Nous
voudrions que l'État intervienne. Nous, comme association, voudrions
regrouper tous les mesureurs de bois, à quelque niveau que ce soit,
privé ou public, pour protéger, dites-vous, les besoins de la
société. Sauf qu'il y a un contrat privé. Ce que vous
dites, en fait, c'est: Si le gouvernement nous donnait, comme corporation, tous
les pouvoirs de poser ces gestes, il devrait adopter une loi; qu'il intervienne
par réglementation pour s'interposer dans un contrat privé.
Est-ce que c'est ce que vous demandez? Je veux bien comprendre. J'ai
peut-être mal compris, j'ai compris que c'est ce que vous vouliez.
M. Bérubé: Je vous référerais
peut-être aux lettres de la Fédération des producteurs de
bois qui, lorsqu'elle réclame des mesureurs, demande un mesureur
licencié. C'est la façon dont on interprète la position de
l'association. Lorsqu'un mesureur est
demandé, il accomplit son acte qui peut être
vérifié par l'association pour voir sa compétence et son
intégrité.
M. Jolivet: Je pense que personne n'est en désaccord avec
vous. Quand vous dites que, si quelqu'un engage un mesureur licencié il
faut que cette personne soit régie en vertu des lois et
règlements prévus par la Loi sur les terres et forêts.
Personne ne va vous contredire sur le fait que, si on engage une personne, il
faut qu'elle soit évaluée pour éviter ce que vous dites au
quatrième paragraphe de la page 5. La question, c'est si, moi, je suis
un particulier et que j'engage un mesureur, qui peut-être une personne
même de votre association, est-ce que je dois, en vertu dé ce que
vous proposez, évaluer cette personne en vertu du contrat privé
que j'ai signé ou si je dois le faire en vertu de la Loi sur les terres
et forêts? Qu'est-ce que vous demandez?
M. Bérubé: Ce qu'on demande... Le premier devoir du
mesureur serait de s'informer du contrat et de prendre connaissance du contrat.
Ce serait son premier devoir.
M. Jolivet: J'essaie de revoir votre demande. Si vous demandez
qu'une corporation soit constituée, c'est parce que vous trouvez qu'il y
a des choses qui sont peut-être mal faites par des gens qui ne font pas
partie de votre association et qui portent peut-êre le nom de mesureurs
de bois, mais qui ne sont pas licenciés. C'est une question. En
contrepartie, j'ai parlé du privé, je vais aller dans le secteur
public. Il y a des travailleurs forestiers - le ministre en a fait mention tout
à l'heure - qui sont venus nous dire que le gouvernement se faisait
voler dans le mesurage. C'est l'expression qu'ils ont employée. Ils ont
même dit de mon collègue Duhaime, à l'époque, qu'il
aurait dit une phrase, qui ne me surprend pas de sa part, d'une façon ou
d'une autre, parce que c'est la façon directe qu'il avait de
répondre: Cela coûte moins cher de faire tel geste plutôt
que de faire tel autre. Des fois, cela coûte plus cher de surveiller que
de laisser aller les choses, sachant que ce n'est pas tout le monde qui fait
cela. Indépendamment de cela, ce que vous nous dites, c'est que, si
c'est sur un terrain public, ce serait automatiquement, en vertu de la Loi sur
les terres et forêts, une personne licenciée qui le ferait et
membre de votre association ou de la future corporation que vous demandez.
Est-ce que c'est cela que j'ai compris?
M. Bérubé; Oui. Ce qu'on dit, c'est de permettre
à l'association d'agir à titre de gardien des normes
établies pour le mesurage.
M. Jolivet: Et vous croyez que cela aurait un lien de cause
à effet, le fait qu'on soit membre d'une corporation, alors
qu'actuellement on n'est pas membre automatiquement d'une corporation, mais on
peut être membre, si on le désire, d'une association. Vous croyez
que le fait d'être en corporation résulterait en votre
quatrième alinéa, à la page 5. C'est ce que je
comprends?
M. Bérubé: Exactement.
M. Jolivet: Je vous remercie.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le
député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): J'aimerais, dans le même
ordre d'idées, parler de l'état... On parle de forêts, on
parle de réserve faunique, on parle d'industries, mais on parle peu des
travailleurs de la forêt. Ce qui m'a surpris depuis mon entrée en
politique, c'est de voir les plaintes que les travailleurs forestiers nous
amènent. Évidemment, ces plaintes s'adressaient à votre
association ou, du moins, à des mesureurs. Les gars nous disent que
l'état misérable dans lequel ils se retrouvent... Vous disiez
tout à l'heure, et j'en suis, que vous jouiez un rôle important
sur le plan financier dans le domaine des forêts, parce que c'est vous
qui mesurez le bois, ce qui correspond évidemment au chèque de
paie des travailleurs forestiers. J'aimerais que vous commentiez certaines
accusations assez graves qui disaient que vous seriez, selon les contrats qu'il
y a entre les acheteurs et les vendeurs, complices, ni plus ni moins, pour
essayer de soutirer de l'argent aux travailleurs forestiers, qu'il y a des
travailleurs forestiers qui se présentent en forêt et qui
demandent un remesurage de leur bois et, souventefois, ont gain de cause quand
ils sont avec le mesureur pour mesurer le bois. Comment expliquez-vous
cela?
M. Bérubé: Vous parlez toujours en terrain
privé?
M. Paradis (Matapédia): Privé ou public, les
deux.
M. Bérubé: Un mesureur qui fait partie d'une
corporation devient professionnel. Son intégrité professionnel
entre en ligne de compte. Si une plainte est acheminée vers
l'association, le devoir de celle-ci serait d'aller vérifier si c'est
réellement fondé ou non.
M. Paradis (Matapédia): À mon humble avis, si on
suit votre raisonnement, il faudrait que les gars soient continuellement chez
vous pour porter plainte.
M. Bérubé: On en a quelques-unes qui sont
entrées à l'association. On les transfère au bureau des
examinateurs tout simplement.
M. Paradis (Matapédia): Oui, mais cela prend combien de
temps? Le gars doit vivre. S'il y a du travail pour huit ou dix semaines, il
doit vivre durant l'hiver. Il n'a pas le temps de se promener chez vous pour
porter plainte. Il doit avoir son chèque de paie. Il doit accepter que
le tas de bois a tant de mètres et donne-moi mon chèque. Je vous
parle d'un comté comme le mien, celui de Matapédia.
M. Bérubé: Oui.
M. Paradis (Matapédia): Vos bureaux ne sont pas à
Mont-Joli, ni à Amqui, que je sache.
M. Bérubé: Si vous nous parlez de votre
comté, les fédérations des producteurs de bois ont des
vérificateurs. Le ministère de l'Énergie et des Ressources
a des vérificateurs.
M. Paradis (Matapédia): Vous semblez demander...
M. Bérubé: On ne demande pas de vérifier le
bois de la province de Québec...
M. Paradis (Matapédia): Non, non, je ne demande pas...
M. Bérubé: ...on demande de contrôler l'acte
du mesureur. C'est complètement différent.
M. Paradis (Matapédia): Mon intervention n'est pas
à savoir si vous voulez demander une vérification ou pas, c'est
pour savoir si vous demandez d'être incorporés, d'être une
corporation strictement indépendante qui n'a aucun lien avec l'acheteur,
le vendeur, ni avec les travailleurs forestiers pour contrôler
dorénavant correctement vos mesureurs. J'en suis fortement parce que je
pense qu'il y a un ménage sérieux à faire là. C'est
beau de parler de la forêt, mais il faut regarder aussi les travailleurs
forestiers qui en vivent. Qu'on pense aux scieries, aux industries de
pâtes et papiers, c'est important qu'ils fassent de l'argent, qu'ils
investissent et qu'ils développent la forêt, mais il faut aussi
protéger nos travailleurs forestiers qui en vivent directement.
Pour clarifier peut-être l'histoire des plaintes, combien en
avez-vous eu?
M. Bérubé: Cette année on en a eu deux.
M. Paradis (Matapédia): J'en ai eu plus que .vous.
M. Bérubé: Probablement, je suis d'accord avec
vous. Comme on vous expliquait tout à l'heure, l'association des
mesureurs n'a pas de statut.
M. Paradis (Matapédia): Moi, j'ai ça par semaine
à peu près.
M. Bérubé: Oui, d'accord.
M. Paradis (Matapédia): Si vous êtes
incorporés, évidemment vous allez discipliner vos membres.
M. Bérubé: Certain qu'on les disciplinerait. On
aurait un vérificateur qui vérifierait l'acte du mesureur.
M. Paradis (Matapédia): Ce n'est pas à cette
commission-ci et ce n'est pas au ministre délégué aux
Forêts de justifier votre incorporation. J'imagine que vous vous
êtes adressés à l'Office des professions du
Québec.
M. Bérubé: Oui, on s'est adressé à
l'Office des professions du Québec. On peut vous dire là-dessus
qu'on a été un peu surpris de voir l'avis de l'Office des
professions du Québec. On croit que son mandat concerne les professions
libérales. Nous n'exerçons pas un profession mais un
métier. Le mesureur n'est pas un professionnel.
M. Paradis (Matapédia): À cet égard, on vous
refuse votre incorporation.
M. Bérubé: C'est normal qu'on nous refuse parce que
le mandat de l'office ne reconnaît que les professions libérales,
et l'office a raison. On s'est toujours demandé comment il se fait que
l'office s'est permis d'émettre un avis. Il aurait simplement dû
nous dire: Vous faites partie des métiers professionnels, vous ne ferez
pas partie d'une profession libérale.
M. Paradis (Matapédia): Compte tenu de cet avis, qu'est-ce
que vous prétendez faire pour pouvoir avoir un certain contrôle
sur les mesureurs? Que ce soit inclus dans la loi que c'est obligé de
passer par chez vous?
M. Bérubé: On a un projet de loi privé
actuellement, le projet de loi 150.
M. Jolivet: Qu'il demande l'appui du ministre
délégué aux Forêts.
M. Paradis (Matapédia): Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Dans le métier
de mesureur de bois que vous pratiquez, est-ce que vous pourriez nous donner
les modes de rémunération que vous avez pour les membres de votre
association?
M. Bérubé: II n'y a pas de
rémunération dans l'association. Les membres ne sont pas
rémunérés.
M. Perron: Ce que je veux dire c'est que, sur le terrain,
lorsqu'un de vos membres s'en va sur le terrain, de quelle façon est-il
rémunéré et selon quel mode? (16 heures)
M. Bérubé: Aucun de nos membres n'est encore
allé sur le terrain pour vérifier l'acte d'un mesureur.
M. Perron: Je ne parle pas du conseil d'administration.
M. Bérubé: Ni du conseil d'administration non
plus?
M. Perron: Non, non. D'accord.
M. Bérubé: On n'a pas de vérificateur.
M. Perron: On va essayer de se comprendre. Lorsqu'un mesureur
s'en va mesurer, comment est-il rémunéré? C'est cela que
je veux dire. Par qui?
M. Bérubé: II est rémunéré par
qui il est engagé. S'il est engagé par l'employeur, il est
rémunéré par l'employeur et s'il est engagé par
l'État, il est rémunéré par l'État. Tout
simplement par l'employeur.
M. Perron: Selon des barèmes déjà
établis?
M. Bérubé: Nous n'avons pas de barème pour
les mesureurs de bois.
M. Perron: C'est du cas par cas?
M. Bérubé: Non. Non plus. On ne rentre pas
là-dedans. Ce sont des conditions de travail de syndicats. Nous, c'est
pour la compétence et l'intégrité. On ne veut rentrer dans
aucun autre problème.
M. Perron: D'accord. Tenant compte de ce qui s'est dit en
commission parlementaire par rapport à certains mesureurs, savez-vous
s'il y a des mesureurs non licenciés qui auraient la compétence
de le faire mais qui n'auraient pas de permis pour le faire? Est-ce que vous
êtes informés s'il y a des mesureurs au Québec qui font le
travail que vous en tant que licenciés êtes supposés faire,
mais comme non licenciés?
M. Bérubé: Sur les terrains privés
certainement qu'on est informé. Cela se produit
régulièrement.
M. Perron: Cela représente combien de mesureurs à
peu près au Québec?
M. Bérubé: On n'a pas de chiffres exacts
là-dessus. Comme on vous le disait, il y a environ 4200 ou 4300
mesureurs qui détiennent un permis délivré par le
ministère de l'Énergie et des Ressources et environ de 1000
à 1500 mesureurs pratiquants selon le besoin puis il y en a 462 qui font
partie de notre association.
M. Perron: Donc, il est tout à fait possible - ce fut
soulevé en commission parlementaire par deux ou trois
représentants d'organismes - que le problème soulevé par
ces organismes et ces représentants provienne justement de ces
personnes, pas nécessairement des membres licenciés.
M. Bérubé: C'est possible.
M. Perron: Je crois que les non licenciés font du mesurage
seulement dans te secteur privé, n'est-ce pas?
M. Bérubé: Exactement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Votre vieille
tante.
M. Perron: Pardon?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Votre vieille
tante.
M. Perron: Ah! Ma vieille tante. En ce qui a trait à ce
mémoire, M. le Président, nous avons terminé de notre
côté.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Est-ce que c'est
terminé aussi de ce côté ou si vous avez d'autres
questions?
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aurais une
petite question. À la page 5 de votre mémoire, vous dites au
troisième paragraphe: "L'association assurerait la compétence de
ses membres et la vérifierait en cas de défaillance." J'aurais
préféré que vous écriviez: et la vérifierait
de temps en temps. Parce que c'est seulement quand cela va mal que vous
vérifiez.
M. Bérubé: Non. C'est une correction qu'on a
apportée dans notre addenda que tout en effectuant une
vérification de l'acte l'association organiserait un système de
vérification de l'acte, pour vérifier continuellement ses
mesureurs.
M. Côté (Rivière-du-Loup): De temps en
temps.
M. Bérubé: De temps en temps. Même, à
cet effet, on croyait que la question nous serait posée, on s'est
préparé un budget fictif.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ah! Oui. Mais vous
dites que quand vous trouvez un membre qui s'égare un peu vous le
référez au bureau des examinateurs?
M. Bérubé: Exactement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour quelle raison
le référez-vous là?
M. Bérubé: Parce qu'on n'a pas le pouvoir.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est la loi qui
vous dit que c'est le bureau des examinateurs qui délivre les
permis.
M. Bérubé: Qui délivre les permis et c'est
le bureau des examinateurs qui contrôle la compétence et
l'intégrité des mesureurs.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Avec la
recommandation de lui enlever son permis?
M. Bérubé: Oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais tout de
même, il peut continuer à mesurer s'il le veut.
M. Bérubé: Sur les terrains privés
seulement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Sur les terrains
privés. D'accord. Je vous remercie.
Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, je demanderais
à M. le député de Duplessis de remercier nos
invités.
M. Perron: M. le Président, je voudrais vous remercier
pour les réponses que vous avez données. Maintenant, je peux vous
assurer d'une chose, c'est qu'avec la façon dont vous avez
travaillé au cours des dix dernières années pour obtenir
l'incorporation et avec l'entêtement que vous avez pour le futur, j'ai la
forte impression qu'un jour ou l'autre vous allez arriver à bon port. Je
ne dis pas que je ne vous le souhaite pas mais tout ce que j'espère
c'est que les problèmes que vous rencontrez en cours de route soient
réglés dans les plus brefs délais. Je peux vous assurer
que de mon côté, même si cela me surprend un peu de voir les
mesureurs de l'Association des mesureurs de bois aujourd'hui, je vais tout de
même prendre la peine de regarder attentivement votre dossier au complet
pour voir ce qu'on pourrait faire, nous, en tant que membres de l'Opposition,
incluant bien sûr mon collègue de Laviolette pour essayer de vous
aider à régler les problèmes que vous vivez actuellement.
Merci, M. le Président, ainsi qu'à votre collègue.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Parent, M.
Bérubé, je vous remercie de votre participation à cet
échange. Aussi, je veux remercier votre association pour la
préparation de ce mémoire qui fait état un peu de vos
préoccupations comme association, et surtout cela. Soyez assurés
que, comme je vous l'ai dit au tout début, je suis très
sympathique à votre cause. Si on peut faire en sorte que les droits des
ouvriers, leurs salaires et les redevances gouvernementales soient
protégés et que l'intégrité et la compétence
de vos membres soient en soi une protection, soyez assurés de mon appui.
Je vous remercie encore de votre participation et soyez assurés de ma
collaboration.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
Messieurs, merci, bon retour et bonne chance.
M. Bérubé: Merci, MM. les membres de
l'Opposition.
M. Parent (Marc): On vous remercie de votre collaboration et on
compte beaucoup sur l'appui que vous pouvez nous donner. Je vous remercie de
nous avoir entendus.
Mémoire déposé
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, j'aimerais déposer un mémoire qui m'a
été transmis ce matin. Il concerne la compagnie Kruger Inc., qui
voudrait déposer un mémoire à cette commission.
Une voix: Peut-on l'entendre?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non. Comme nous
l'avons annoncé, nous acceptons les mémoires et nous nous sommes
engagés à les étudier et à les examiner
séparément, sans les entendre.
Le Président (M. Charbonneau): J'accepte ce
dépôt de mémoire. On en fera mention au
procès-verbal de la commission et le document pourra être
consulté au secrétariat de la commission.
J'invite maintenant la Confédération des syndicats
nationaux à prendre place. En particulier, je crois que le porte-parole
sera M. Georges Cantin, président de la Fédération des
travailleurs du papier et de la
forêt, si mes informations sont exactes, à moins que...
Confédération des syndicats
nationaux
Mme Lamontagne (Céline): Ce matin, c'était M,
Georges Cantin. Cet après-midi, c'est Céline Lamontagne,
vice-présidente de la CSN.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien,
madame.
Mme Lamontagne: M. Georges Cantin sera avec nous quand
même.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Alors,
madame, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous
accompagnent. Je vous rappellerai ce que le secrétaire de la commission
vous a sans doute indiqué. Vous avez douze minutes pour la
présentation de votre mémoire, ce qui n'est pas tellement long.
Donc, il va falloir être concis. Il y aura une période
d'échange de vues de 24 minutes par formation politique. Cela va?
Mme Lamontagne: Oui. Je vais tenter de respecter les limites de
temps.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Allez-y,
madame.
Mme Lamontagne: Je vous présente M. Daniel Malenfant
conseiller à la CSN et qui a travaillé à la recherche pour
le mémoire; Mme Thérèse Montpas, conseillère
à la Fédération des travailleurs du papier et de la
forêt; M. Georges Cantin, président de la FTPF et M. André
L'Heureux, aussi conseiller syndical à la CSN et qui a aussi
travaillé à la recherche pour le mémoire.
Ce matin, on a remis un ensemble de documents qui comprenaient des
documents et de la fédération et de la CSN. Vous avez dans ce
document un résumé du mémoire parce qu'on ne fera pas la
lecture du volumineux mémoire qu'on vous a déposé. Je vais
tenter, dans le temps qui nous est alloué, de faire la lecture du
résumé du mémoire. Est-ce que cela va aller?
Le Président (M. Charbonneau): Cela va.
Mme Lamontagne: Ce matin, on s'est particulièrement
attaché à démontrer les conditions désastreuses
dans lesquelles sont les travailleurs de la forêt et aussi les
travailleurs de la plantation. Mais aussi, comme centrale syndicale, on a une
autre préoccupation. On est aussi très préoccupé
par l'avenir de notre patrimoine forestier et de l'ensemble de la forêt
au Québec. Je pense que la nécessité d'une nouvelle
politique forestière ne fait aucun doute. D'ailleurs, le piètre
état de la forêt est reconnu par l'ensemble des groupes qui sont
intervenus au cours des dernières années dans le débat
forestier. Le gouvernement, les regroupements de travailleurs, les
écologistes, les ingénieurs forestiers et même les
industries s'entendent pour constater la gravité de la situation.
Il s'agit, cependant, du seul élément où il semble
exister un consensus sur la question forestière parce qu'en effet de
profondes divergences surgissent quand vient le temps de discuter de la nature
du problème forestier, de ses conséquences sociales et
écologiques de même que sur les orientations à prendre pour
assurer la pérennité de la forêt.
Un regard rapide sur l'histoire de la forêt
québécoise permet de voir à quel point nous avons
collectivement été dépossédés d'un bien
collectif, d'une richesse naturelle sur laquelle on doit pouvoir s'appuyer si
on veut s'assurer de garanties certaines pour l'avenir du Québec.
Des régions entières ont vu le jour à cause du
potentiel économique de la forêt. C'est le coeur de notre
économie, près de 250 000 emplois directs ou indirects en
dépendent. Mais, malheureusement, historiquement le puissant cartel des
industries des pâtes et papiers a toujours dominé directement les
lois et les décisions gouvernementales dans ce secteur.
Le ministère de l'Énergie et des Ressources, pour sa part,
a surtout été un outil, un conseiller et un exécutant
soumis et docile des grandes sociétés qui ont exploité nos
forêts. Si collectivement nous sommes propriétaires du patrimoine
forestier, nous devons cependant constater que les gouvernements que nous avons
élus pour administrer ce patrimoine n'ont jamais joué le
rôle de gestionnaire qui aurait été essentiel.
Il y a à peine plus de 50 ans, de larges secteurs de la
forêt québécoise étaient composés de pins
blancs géants de trois à six pieds de diamètre et qui
s'élevaient à une hauteur de 150 pieds. Là, on
décrit un peu quelle était la forêt à ce
moment-là et ce qu'on constate. En l'espace d'une soixantaine
d'années, ces forêts de pins géants ont été
détruites et vers l'année 1920 la forêt du sud de la
vallée de la rivière Saint-Maurice, par exemple, était
devenue une forêt dominée par les bois durs.
Par la suite, les épinettes et les autres sortes d'arbres
propices à la fabrication de pâtes et de papiers furent à
leur tour abattus et ce de façon tellement peu respectueuse du bien
collectif par les locataires de la forêt que sont les grandes compagnies
que la quantité de bois et la valeur en produit forestier de ces bois
n'étaient plus alors évaluées qu'au cinquième de ce
qu'elles étaient auparavant.
À cette période déjà, en 1920, on notait le
gaspillage énorme de bois dans l'ensemble des chantiers non seulement au
Québec, mais aussi ailleurs au Canada. On abattait sans discernement
tout ce qui gênait. Pour certaines essences, le volume de bois
gaspillé était de trois fois supérieur au volume de bois
utilisé. Ce gaspillage s'est poursuivi et on peut qualifier la cause
principale, c'est la coupe à blanc. Les compagnies ont de cette
façon écrémé la forêt et causé des
dégâts inestimables à notre patrimoine, dégâts
d'ordre économique et dégâts d'ordre écologique, qui
ont également des répercussions sociales.
On doit attribuer une grande partie des problèmes d'aujourd'hui
à ces dégâts: problèmes de
régénération de la forêt, épidémies
dévastatrices. À ces grandes compagnies forestières, nos
gouvernements successifs ont donné carte blanche en forêt tout en
fermant les yeux sur leurs agissements. Si bien qu'aujourd'hui non seulement le
bilan de santé de la forêt québécoise est
négatif, son état est critique. Ce bilan, nous le tirons de
documents qui sont disponibles au ministère de l'Énergie et des
Ressources du Québec.
Si on fait un peu le portrait très rapidement de certaines
régions du Québec, on constate que dans la forêt nordique
marginale il y a de sérieux problèmes de
régénération après la coupe à blanc.
Voilà que certains intervenants voudraient carrément liquider ce
qui reste de bois propice à la fabrication de pâtes à
papiers dans ces secteurs sans songer aux désastres écologiques
à venir.
En Abitibi, au Lac-Saint-Jean, en Gaspésie, dans le
Bas-Saint-Laurent, on note une forte surexploitation des bois propres au
sciage, dans certains cas, jusqu'à deux fois la possibilité. Dans
la Beauce et dans l'Estrie, la forêt est dans son ensemble fortement
dégradée. Dans le centre du Québec, la
régénération est trop dense en sapins, d'où des
peuplements mûrs de faible diamètre moyen. (16 h 15)
On rencontre aussi dans la plaine du Saint-Laurent des problèmes
de reboisement des terres en friche. Les forêts de la Beauce, du Centre
du Québec, de la Gatineau, du Témiscamingue, des régions
de Lanaudière, de Québec et des Laurentides, de l'Abitibi, du
Bas-Saint-Laurent et du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont infestées et, dans
certains cas, ravagées par la tordeuse du bourgeon de l'épinette.
Pendant qu'on surexploite certaines régions, dans une région
comme la Côte-Nord, la récolte de bois est nettement
inférieure à la possibilité, car on n'exploite pas selon
une logique d'État soucieuse du bien-être de l'ensemble des
citoyens, mais 3elon la logique des grandes compagnies, logique basée
sur la réalisation de profits immédiats et sans cesse
croissants.
Une exception importante dans l'histoire: de mémoire d'homme, un
seul ministre a osé fustiger sur la place publique l'attitude des
grandes compagnies papetières et forestières. En 1972, Kevin
Drummond mentionnait, et nous le soulignons: "Ce n'est pas dans le statu quo
que réside l'avenir d'une politique forestière visant d'abord
à servir le bien public plutôt que l'intérêt d'un
groupe privilégié". Mais le gouvernement de l'époque a
cédé aux pressions des géants de l'industrie
papetière et le projet de société de gestion
forestière mis de l'avant devait disparaître, et ce n'est pas une
coïncidence, un remaniement ministériel peu de temps plus tard
devait amener le ministre Drummond à d'autres fonctions.
Les grandes compagnies se sont servies à même notre
patrimoine forestier sans tenir compte des intérêts de la
collectivité. Petit à petit, elles se sont arrogé des
droits, des pouvoirs et les gouvernements qui se sont succédé ont
fermé les yeux. Elles sont devenues un État dans l'État.
Dans les faits, les gouvernements ont concédé cette immense
richesse naturelle qu'est la forêt à des locataires qui l'ont
littéralement saccagée, qui l'ont épuisée sans
égard aux exigences écologiques de cette ressource renouvelable.
En 1962, il a fallu une élection générale pour
nationaliser 75 % de nos installations hydroélectriques, mais il n'est
pas nécessaire de nationaliser la forêt, elle nous appartient
déjà à plus de 85 %, plus précisément
à 89 %. Ce sont les pouvoirs accordés aux locataires de la
forêt, les grandes compagnies papetières, qui sont tels que nous
avons plutôt l'impression qu'ils en sont les propriétaires avec la
complaisance et la complicité des gouvernements. Ils ont pratiqué
des coupes à blanc - on ne le dira jamais assez - sur d'immenses
superficies, favorisé la monoculture, utilisé des méthodes
de coupe et une machinerie qui brise et écorche mortellement les jeunes
plants, désorganise les sols, favorise les épidémies et
mêmes les incendies. Comment pouvons-nous espérer que ceux qui ont
spolié aussi massivement et impunément notre patrimoine collectif
apprennent tout à coup à respecter la forêt et les milliers
de familles qui en dépendent? Nous revenons ici sur la qualité
des emplois en forêt: de la même façon qu'ils ont
laissé dépérir la forêt, ils ont laissé
volontairement se dégrader une grande partie des emplois
générés par l'activité forestière.
Nous ne reviendrons pas sur le passé. Tous les
Québécois et toutes les Québécoises connaissent
fort bien les conditions dans lesquelles nos ancêtres, pas si lointains,
d'il y a à peine une ou deux générations se retrouvaient
lorsqu'ils montaient dans les chantiers forestiers. Ce qu'ils connaissent moins
bien, ce sont les conditions actuelles
qui ont été mises en place par les compagnies. En effet,
elles se sont non seulement arrogé la gestion des ressources
forestières, mais également la gestion de l'ensemble des
ressources humaines qui oeuvrent en forêt. C'est ainsi qu'à partir
des pouvoirs que les différents gouvernements leur ont consentis, elles
ont bâti un système d'approvisionnement des usines de pâtes
et papiers qui repose essentiellement sur la concurrence entre les
différents fournisseurs, leurs propres chantiers forestiers et les
producteurs indépendants etc., ces derniers pour l'approvisionnement en
copeaux qui entrent de plus en plus dans la fabrication de la pâte et du
papier qu'elles paient, en certains cas, un prix plus bas que la valeur
réelle.
Là, on pourrait passer. On reparle des conditions des
travailleurs de la forêt et on accuse les compagnies d'avoir
instauré, avec la complicité silencieuse du gouvernement, une
organisation du travail qui viole certains principes d'ordre moral et qui
condamne des milliers d'individus à un système qui,
collectivement, les appauvrit à tous les degrés, que ce soit au
degré moral, familial et, évidemment, des conditions de vie et de
travail. La majorité de ces travailleurs provient des régions les
plus défavorisées du Québec. La gestion de la forêt
devrait normalement tenir compte de certaines données économiques
régionales. En laissant le contrôle de forêts aux grandes
compagnies, l'État québécois a fermé les yeux sur
des pratiques qui l'empêcheront, tant que ces pratiques existeront,
d'avoir une véritable politique économique pour les
régions défavorisées puisque c'est surtout de ces
régions que proviennent les travailleurs forestiers.
Le Président (M. Charbonneau): Mme Lamontagne, votre temps
est terminé. Est-ce qu'il vous en reste encore pour longtemps?
Mme Lamontagne: Pour terminer, on peut peut-être sauter
immédiatement aux recommandations?
Le Président (M. Charbonneau): Combien vous faudrait-il de
temps pour livrer les recommandations?
Mme Lamontagne: Elles sont assez longues, c'est à partir
de la page 19.
Le Président (M. Charbonneau): Si j'ai le consentement des
membres de la commission, cela ne me dérange pas.
M. Perron: Consentement. Tout le monde sait pourquoi.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. On va prendre le
temps un peu partout quoii Allez-y, mais je voudrais que vous soyez consciente
que, dans la mesure où vous prendrez tout le temps, il en restera moins
pour que les gens puissent discuter avec vous et poser des questions ou obtenir
des éclaircissements.
M. Jolivet: Sachez que ce n'est pas nous qui avons
déterminé le temps pour vous entendre; c'est en face. C'est vrai
pareil; ne chiâlez pas, c'est vrai. C'est le seul moment pour parler
quand on nous agace.
M. Cannon: C'est une décision du comité.
Une voix: Non, non.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel
Mme Lamontagne: Très rapidement.
M. Cannon: J'ai une question, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Un instant! Les
problèmes de famille avant, si vous voulez.
Mme Lamontagne: D'accord.
M. Cannon: J'aimerais simplement, M. le Président,
rétablir les faits. Vous savez que c'est une décision du
comité...
Des voix: Non.
M. Cannon: ...que d'aljouer le temps. Je pense que nous avons
pris unanimement cette décision.
M. Jolivet: Vous n'étiez pas présent.
M. Cannon: Vous n'étiez pas présent, monsieur.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de La Peltrie, je m'excuse, mais ce n'est pas une décision du
comité directeur, c'est une décision de la commission prise
à la majorité des voix.
Une voix: C'est ça. C'est une décision de la
commission, c'est bien.
Le Président (M. Charbonneau): À la majorité
des voix.
Une voix: À la majorité.
Le Président (M. Charbonneau): Mme
Lamontagne, consciente des problèmes de famille que nous avons et
des contraintes de temps, je vous demanderais d'accélérer si
possible.
Mme Lamontagne: Avant de passer directement aux recommandations,
je veux seulement dire ce que contiennent les pages qui ne seront pas lues. La
question posée est: Qui paiera pour les dégâts actuels dans
la forêt? Il y a aussi une partie sur les droits de coupe où l'on
constate le bas coût des droits de coupe et, ensuite, les
problèmes d'approvisionnement présents et aussi futurs. On a des
interrogations sur cela. On fait quelques commentaires sur l'avant-projet de
loi.
Les recommandations sont à la page 19, je vais les lire; je vais
essayer d'avoir un débit rapide. La première recommandation: En
conséquence, nous exigeons que soit mise sur pied une
société publique de gestion et d'aménagement de la
forêt responsable de la gestion, de la planification et de la
réalisation de l'aménagement forestier ainsi que la mise en
marché des ressources ligneuses. Toutes les responsabilités
actuelles du ministère de l'Énergie et des Ressources en ce qui a
trait à la gestion de la forêt publique seront confiées
à cette société de même que le devoir d'assurer la
planification et la réalisation de tous les travaux de récolte de
bois, de reboisement, de voirie, de protection et de sylviculture en
général.
La société serait également chargée de la
mise en marché de tous les bois de la forêt publique et de la
forêt privée; elle aurait comme premier mandat de voir à
l'établissement d'une valeur du bois reflétant l'ensemble des
coûts qu'entraîne une exploitation respectueuse de la
plurifonctionnalité de la forêt en aménagement sain et
écologique des revenus et des conditions de travail équitables
pour les gens qui y oeuvrent ainsi qu'une rente profitable pour la
collectivité à qui appartient la ressource.
Le prix du bois. Un taux qu'on tendrait à uniformiser permettrait
de donner un sérieux coup de pouce au développement
régional en entraînant une décentralisation de la structure
industrielle. L'uniformisation des prix du bois favoriserait également
le développement social et économique de la forêt
privée pour qu'elle demeure productive et non pas uniquement son
exploitation pour un profit immédiat. Des mesures pourraient alors
être prises pour abolir le travail au noir qui est aussi répandu
en forêt privée. Il n'est pas exclu que cette régie
intervienne directement dans la transformation de façon à assurer
la décentralisation de la production pour aider au développement
régional de même que la diversification de la structure
industrielle.
Je vais aller tout de suite à la deuxième recommandation.
On considère qu'une hausse réelle, substantielle, des droits de
coupe doit être décrétée, afin que cessent au plus
tôt le pillage et les abus qui ont cours jusqu'à
présent.
Pour réaliser ces mandats de gestion et d'aménagement de
la forêt publique, la société devrait être
assurée d'un financement suffisant et constant. Donc, nous recommandons
que soit créé un fonds du patrimoine forestier. Nous avons des
précisions sur ce fonds.
Si je vais à la page 24, on demande aussi qu'une enquête
publique, indépendante, sur l'évaluation de l'état de la
forêt et l'élaboration d'alternatives de gestion et d'utilisation
de la ressource forestière doit être instituée
immédiatement.
Le MER a failli à la tâche, en laissant de concert avec
l'industrie, se dégrader notre patrimoine, mais surtout en planifiant la
continuité de ce scandale où la ressource, les travailleurs et
les travailleuses, de même qu'une grande partie de la population sont de
plus en plus exploités et perdants.
Alors, nous croyons que les Québécois et les
Québécoises ont droit de savoir la vérité sur
l'ensemble des questions relatives à la forêt. Nous demandons
aussi cinquièmement - avant que soit entreprise sur une grande
échelle l'exploitation de la zone dite "pâte", que soit
réalisée une étude d'impact environnementale par des
groupes de spécialistes indépendants.
Il y a tout lieu de croire que la récolte de bois prévue
avec les méthodes et types de coupe priviligié actuellement par
l'industrie forestière risquent fort de causer des dommages
irréparables à ces écosystèmes sensibles.
Ensuite - sixièmement - nous demandons que soit
créé un institut national de la recherche forestière. Nous
développons quel va être le rôle de l'institut.
Septièmement, nous disons qu'en collaboration avec la
Société de gestion et d'aménagement, l'institut
favoriserait le développement de technologie, d'exploitation et de
transformation de la matière ligneuse aidant ainsi à la
fabrication au Québec de l'outillage requis.
Ensuite - huitièmement - nous demandons que le gouvernement fasse
une campagne dans toutes les municipalités, afin de
récupérer et de recycler papier et carton usagés.
Neuvièmement - c'est non la moindre des recommandations - nous
nous opposons, comme nous l'avons mentionné ce matin, à la
privatisation des actifs d'entreprises de transformation de matière
ligneuse sous contrôle total ou partiel de sociétés ou
d'organismes publics.
Comme vous savez, nous faisons allusion à la vente des actions de
la SGF, de Domtar et de Donohue.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, Mme Lamontagne.
Je vais demander à M. le ministre...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président et Mme Lamontagne. Vous arrivez avec plusieurs
recommandations. Comme vous l'avez dit ce matin, vous voulez être
entendue et non écoutée. Je suis bien d'accord avec ça. Je
vous ai écoutée respectueusement ce matin et, évidemment,
je n'ai posé qu'une question et cela a pris tout mon temps de
parole.
Vous arrivez avec des recommandations qui sont, pour le moins,
innovatrices, ce qui me surprend. J'aimerais les lire, mais je n'ai pas la
science infuse pour dire que je prends le paquet et je le... Sauf que quand
vous parlez d'une société publique de gestion et
d'aménagement qui aurait les responsabilités de la forêt
totale, à aller jusqu'à la mise en marché, est-ce que vous
avez réalisé que nous exportons la majeure partie de nos produits
forestiers? À quel coût allons-nous rester concurrentiels sur la
base que vous proposez, de façon à continuer à
préserver les emplois et notre compétition sur les marchés
internationaux?
Cela se résume à ça, en réalité,
n'est-ce pas?
M. L'Heureux (André): Vous demandez?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Avez-vous
évalué l'impact d'une telle société publique de
gestion et d'aménagement sur tout ce qui concerne la forêt, la
mise en marché et tout ça avec les conditions que vous posez
concernant, mettons, l'exploitation de la forêt, l'aménagement,
les conditions de travail, le respect écologique, le respect
environnemental...
Vous avez tout évalué ça. Vous savez fort bien, que
ce soit dans le papier ou dans le bois de sciage, que nous exportons une
très grande partie de notre production, que nous sommes une
société exportatrice et que nous ne consommons pas tous nos
produits au Québec.
Si nous nous refermons sur nous-mêmes et que nous ne sommes pas
compétitifs, autrement dit, qu'est-ce que nous allons faire avec tous
nos emplois et avec notre forêt? (16 h 30)
M. L'Heureux: Si vous permettez, ce que je ne comprends pas, au
début, c'est ce que laisse sous-entendre votre question, à savoir
que si on instituait une société d'aménagement et de
gestion forestière publique, cela pourrait signifier que cette
société ne serait pas suffisamment efficace pour concurrencer les
autres entreprises. Votre question me surprend à plusieurs titres. Par
exemple, il me semble que la compagnie Donohue et Rexfor, lorsque vous en avez
été le président, et d'autres entreprises qui sont sous le
contrôle public, ont démontré jusqu'à maintenant
leur efficacité et leur rentabilité.
Ceci dit, je pense, M. le ministre, qu'il faut voir la raison profonde
pour laquelle on propose une société d'aménagement
publique pour la gestion et l'aménagement de la forêt. À la
lecture du mémoire de base...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous impliquez les
forêts privées également, n'est-ce pas? Vous incluez
tout?
M. L'Heureux: Non. Les forêts privées vont demeurer
sauf que la société, évidemment, va s'occuper aussi de la
mise en marché et des conditions d'exploitation des forêts
privées.
Mais pourquoi en sommes-nous arrivés là? Ce n'est pas pour
des raisons idéologiques, comme on dirait ou parce qu'on veut une
société publique à tout prix. Si on prend connaissance -
comme on espère que vous allez le faire - du mémoire de base, on
parle, par exemple - on l'a énuméré un peu tantôt -
des observations de grands spécialistes, non pas des syndicalistes comme
nous - c'est peut-être un préjugé - mais des doyens de
facultés d'universités, de Toronto, de l'Université Laval,
d'un peu partout. À diverses époques, ils ont lancé des
cris d'alarme importants quant à la façon dont on exploitait, on
aménageait et on regénérait la forêt.
Or, on en arrive là et on l'a démontré. M. Lussier,
en 1983 - c'est le portrait qu'on a tracé tantôt - a
démontré, comme vous-même dans plusieurs
déclarations et plusieurs autres spécialistes qui le
reconnaissent, qu'on est dans un cul-de-sac, dans une situation de crise grave.
On reconnaît cela pour la première fois depuis plusieurs
années.
En voyant la façon dont la forêt a été
exploitée au Québec, on se dit - je pense que c'est bien clair -
qu'on ne peut pas compter sur les moyens utilisés depuis des
générations par les divers ministères ou par les
gouvernements successifs et qu'il faut un changement radical dans la
façon d'exploiter ce patrimoine collectif qui est aussi - sinon
davantage - important que notre réseau hydroélectrique, par
exemple.
On a aussi passé par-dessus votre projet, faute de temps. Mais
c'est très explicite dans le mémoire. L'avant-projet de loi qui
est devant nous - lequel sera modifié de façon importante, on
l'espère - est une politique à court terme, encore une fois, pour
permettre aux entreprises de continuer d'aller chercher du bois en comptant sur
les succès fort hypothétiques, d'après l'Ordre des
ingénieurs et d'après plusieurs spécialistes, de la
politique de reboisement actuelle qui est axée sur une sorte de formule
magique, sur une sorte de panacée, les 300 000 000 de plants, comme si
c'était cela qui allait régler le problème.
Or, vous le savez plus que moi, je pense, le problème, sur le
plan technique, est beaucoup plus complexe que cela. Ce sont toutes les
méthodes d'exploitation de la forêt
qui doivent être modifiées radicalement. Nous estimons donc
qu'il nous faut à tout prix, collectivement, compte tenu de l'importance
de cette richesse forestière, s'y attaquer vraiment de façon
rentable socialement, économiquement, écologiquement, pour les
Québécois. Orr pense qu'elle pourrait être efficace, M. le
ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vous, M.
L'Heureux, vous faites référence à Donohue et à
Domtar. Mais la participation de l'État dans Donohue et Domtar n'a pas
tellement changé leur façon ou leur habitude d'exploiter la
forêt et de se rentabliser. Si vous êtes capable de m'expliquer la
différence qu'il y a entre Donohue et Price, vous êtes pas mal
bon.
M. L'Heureux: Non, mais votre question initiale portait sur la
rentabilité...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais vous ne
m'avez pas répondu. Vous avez fait référence à
Donohue.
M. Malenfant (Daniel): Je pourrais peut-être donner un
élément de réponse, parce que votre question, je ne la
comprends pas. Elle est posée tout de travers, selon moi. On n'a jamais
parlé de contrôler toute la vente des produits et de se refermer
sur soi-même. Je ne vois pas où vous pêchez cela. Je regarde
à la page 20 de notre liste de recommandations, on parle d'une
société chargée de la mise en marché de tous les
bois de la forêt publique et de la forêt privée. Il ne
s'agit pas de la mise en marché des produits finis au plan mondial. Je
ne comprends pas du tout la tournure de votre question. Si vous pouviez la
clarifier...
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est parce que
vous savez, M. Malenfant, que l'on exporte la majorité de nos
produits.
M. Malenfant: Bien oui. Une voix: On vacontinuer.
M. Malenfant: Cela n'empêche rien, on va continuer
d'exporter la majorité de nos produits, M. Côté.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais, avec toutes
les obligations que vous donnez à cette société,
allez-vous rester rentables et être encore capables d'exporter?
M. Malenfant: Mais le choix que l'on fait est-il de saccager
littéralement la forêt pour pouvoir continuer à exporter?
J'arrive difficilement à comprendre votre position. Vous pourriez
peut-être m'éclairer. Dans l'analyse que l'on a faite, an en
arrive à des constats que la forêt en 150 ans a subi une mutation
écologique quasi irréversible. On retrouve dans les textes de M.
Paillé, entre autres, des indications sur la dimension des arbres
exploités actuellement. Cela m'inquiète grandement.
Jusqu'où va-t-on aller dans cette logique-là? On parle d'aller
exploiter la zone des pâtes sur une base de liquidation. On songe
même à ne pas réaménager, parce que cela serait trop
coûteux, on a lu cela dans certains textes. On se demande jusqu'où
cela va aller puis on récolte cela immédiatement, on gonfle la
possibilité de la forêt en faisant des pratiques comme cela pour
récolter plus intensivement aujourd'hui et pour maintenir notre
capacité d'exportation et notre part de marché mondial. Mais
jusqu'où va-t-on dans une pareille logique. Est-ce qu'il n'y a pas un
équilibre à rechercher? C'est la question que je vous pose.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous
parlez d'un rendement hypothétique sur les travaux que le
ministère projette de faire? Hier soir vous avez également
parlé de forestiers renommés, dont un que vous avez
mentionné, le Dr André Lafond, était ici et nous disait
qu'il n'y avait pas tellement de problème et de difficulté
à doubler la possibilité annuelle des forêts du
Québec.
M. Malenfant: On n'a pas nommé M. Lafond, je m'excuse.
M. Côté (Rïvîère-du-Loup): Vous ne
le connaissez pas?
M. Malenfant: On n'a pas nommé M. Lafond. On le
connaît, mais on ne l'a pas nommé.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Un nommé
Lussier?
M. Malenfant: On a nommé M. Lussier.
M. Côté (Riviôre-du-Loup): M, Lussier est
moins compétent que l'autre.
M. Malenfant: Pardon?
M. Côté (Rivière-du-Loup): II est moins
compétent que l'autre, mais il l'est pareil.
Mme Montpas: Si vous me le permettez, ce que l'on a su, parce que
vous avez dû constater ce matin qu'il y en a qui ne peuvent pas parler,
mais qui nous informent, c'est que des possibilités d'augmenter la
possibilité de la forêt, vous en avez dans votre ordinateur. Vous
en avez une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. On s'est même
laissé dire qu'à un moment donné l'ordinateur ne pouvait
plus en faire.
C'est le choix que l'on fait et la façon dont on va le faire. Ce
que vous proposez,
c'est un nouveau régime forestier; cela n'est pas une politique
forestière. Il faudrait apprendre à parler aux gens et leur dire
de quoi on parle exactement. Dans ce nouveau régime forestier, te seul
élément que vous apportez pour régler le problème
du déficit forestier auquel on assiste actuellement, c'est de reboiser
le Québec: Allons-y, sans, évidemment, prendre en plus...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Pardon,
madame.
Mme Montpas: Un instant! ...l'engagement de suivre ce que vous
allez faire d'année en année parce que cela va être soumis
au budget de l'Assemblée nationale d'année en année.
Ce que l'on dit, c'est que l'on peut faire différemment sans
mettre en danger l'avenir des entreprises, comme vous le dîtes, parce que
l'avenir des entreprises dans le sciage et tout cela... Je lisais un texte de
1930 d'une association forestière canadienne qui disait qu'avec le bois
de sciage, c'était donc dommage, on était mal pris en 1930. Mais
la question est de savoir ce que l'on va faire avec notre forêt, comment
on va l'exploiter actuellement. Ce que l'on remet en cause, c'est que ce que
l'on va faire aujourd'hui va nous amener dans 20 ans dans une situation pire
que celle que l'on connaît actuellement. Alors, notre
problématique, qui est très bien décrite dans le
mémoire, n'est pas du tout celle que vous avancez.
Les prescriptions sylvieoles que vous avez publiées dans le
manuel d'aménagement, c'est de la poudre aux yeux. En fait, que va-t-on
faire dans les zones de production forestière? Le manuel n'en parle pas.
J'ai personnellement demandé ceci à un de vos directeurs: Est-ce
que les coupes à blanc vont encore être un choix sur de grandes
superficies? Il m'a répondu: Oui, madame. C'est ce que l'on
dénonce et le reboisement, à notre avis, "enrésiner" le
Québec, cela n'est pas ce qui va régler la question
économique de moyen terme et de long terme du Québec. C'est tout
notre avenir qui est à l'enjeu, puis ce que l'on dit, c'est que les
choix que vous faites aujourd'hui, c'est notre demain. C'est demain que l'on va
en connaître les conséquences. Je vais terminer ici. On s'est dit:
Peut-on regarder dans la documentation scientifique s'il n'y a pas quelqu'un
qui aurait écrit quelque chose qui appuierait toutes vos
prétentions: Des coupes à blanc, l'enrésinement, la
monoculture, la ligniculture, et tout ce que vous vaudrez? On n'a rien
trouvé de cela. Quand vous regarderez notre mémoire, vous verrez
à la partie "Historique" que ceux qui ont parlé dans la
littérature ont jeté les mêmes cris d'alarme que ceux qu'on
jette actuellement. Nous ne sommes pas les seuls à les jeter, il y en a
d'autres qui les jettent. Il y en a qui ne peuvent pas les jeter. Ils en
parlent dans les corridors, mais ils ne peuvent pas le faire officiellement.
Dites-nous à quel endroit vous trouvez, dans l'histoire, dans la
littérature, des encouragements aux prescriptions que vous avez et
où cela a mené. Tous ceux qu'on peut reconnaître comme
experts dans le passé vous ont jeté des cris d'alarme. Relisez
cela et vous le constaterez.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je reconnais,
chère madame, que la forêt est dans un état pitoyable,
lamentable. C'est pourquoi on propose un changement, on propose d'intervenir.
Évidemment, vous faites état des 300 000 000 de plants. C'est
seulement un chiffre. Si on n'a pas les moyens de le faire, de préparer
le terrain et de l'entretenir... C'est la méthode la plus coûteuse
d'intervention en forêt. Il y a des méthodes qui sont moins
coûteuses et qu'on favorise grandement. Allez voir nos méthodes et
notre contribution à la forêt privée. On participe à
d'autres méthodes d'intervention en forêt que le reboisement;
c'est la dernière solution, sauf qu'on peut escompter un peu sur le
potentiel de la forêt si elle est bien traitée, chose qu'on n'a
pas faîte dans le passé, je le reconnais.
Mme Montpas: Où sont les prescriptions sylvicoles?
Qu'est-ce qu'on va faire différemment?
M. Côté (Rivière-du-Loup): On dit à
maints endroits que, même la méthode d'exploitation, c'est le
départ de l'aménagement. Il faudra qu'on fasse attention à
la régénération naturelle; c'est une des suggestions qu'on
fait. Pour faire cela, il faudra certainement qu'on change la méthode
d'exploitation à plusieurs endroits.
Mme Montpas: C'est là qu'est le problème, M. le
ministre. Vous faites une suggestion pour aller vers la
régénération naturelle. C'est une suggestion, vous ne
l'imposez pas. Nous, nous disons que c'est ce qu'il faut faire, ce sera aussi
rentable et on aura autant de bois que par le reboisement, sinon plus.
Une voix: Et il y aura plus d'emplois.
M. Côté (Rivière-du-Loup): On n'imposera pas
les moyens, mais on exigera des résultats à très court
terme.
Mme Montpas: Vous dites dans votre loi que vous vérifierez
tous les cinq ans la réussite des plantations.
M. Côté (Rivière-du-Loup):
C'est-à-dire qu'il y aura une évaluation tous les cinq ans. Cela
ne veut pas dire qu'on ne suivra pas
l'évolution des travaux. Nous recommandons fortement d'autres
méthodes que le reboisement. 300 000 000, c'est un ballon qu'on a
lancé. C'est une évaluation qui a été lancée
comme ça et cela a été forcé un peu. Depuis que je
suis là, j'ai parlé d'intervenir beaucoup dans le feuillu parce
qu'on l'avait mis de côté, on l'avait oublié.
M. Malenfant: Mais quelle est la...
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est un ballon
qui vient de Comterm, vous le savez fort bien.
M. Malenfant: Quel est le pourcentage de
non-régénération de la forêt
québécoise, M. le ministre, avec les méthodes de coupe
actuelles?
M. Côté (Rivière-du-Loup): De
non-régénération adéquate, c'est 45 % de la
forêt que se régénère très mal. C'est
cela?
M. Malenfant: D'accord. Et sur quel pourcentage du territoire
pourront se continuer les coupes à blanc sur de grandes superficies en
gardant des petits zoos pour les orignaux, par exemple?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai pas
compris la question.
M. Malenfant: Sur quel pourcentage du territoire vont pouvoir se
poursuivre les coupes à blanc sur de grandes superficies? Je suis
allé en forêt et j'ai trouvé un peu dramatique ce que j'ai
vu entre Lebel-sur-Quévillon et Matagami, par exemple. Vous savez, en
hiver, on pourrait partir en motoneige et faire cette distance assez
aisément, il ne reste plus grand-chose.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela ressemble
à de grands champs. En hiver, c'est tout blanc. Oui.
Mme Montpas: Sur le reboisement, on s'est laissé dire que,
même si vous faites des vérifications au bout de cinq ans et que
vous constatez qu'il y a 85 % de réussite des plantations, il y a des
plantations regarnies tous les ans; après cinq ans, vous constaterez
qu'il y a une bonne réussite, mais, finalement, c'est le regarnissage
qu'on aura effectué pendant quatre ans. On nous a dit aussi que, plus
tard, au bout de quinze ans, par exemple, c'est la croissance des arbres qui
est remise en question; Ies arbres ne croissent plus à ce
moment-là, ou si peu. Cela reste à de petits diamètres. Il
y a. des expériences là-dessus. Ce sont des choix de court terme.
Vous dites: On a lancé cela, on ne le sait pas. Ce qu'on pense, c'est
qu'on ne sait pas, au Québec, ou on ne veut pas savoir.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Si vous usez ce
qui a été émis par le ministère, il est bien dit
qu'on favorise la régénération naturelle 'et qu'on
suggère fortement de changer les méthodes de coupe.
M. Malenfant: Vous allez continuer à payer les plants, les
travaux d'aménagement en les déduisant de la valeur marchande du
bois sur pied. Vous allez continuer à tout payer. Comment pensez-vous
qu'un industriel sera intéressé à changer sa
méthode de coupe pour une méthode qui va lui coûter de
l'argent si on continue à faire comme ça et que tout lui est
fourni gratuitement? (16 h 45)
M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous
dites en page 22: "Entretemps, une hausse réelle substantielle des
droits de coupe doit être décrétée afin que cessent
au plus tôt le pillage et les abus qui ont eu cours jusqu'à
aujourd'hui." De quelle façon l'augmentation des droits de coupe
fera-t-elle cesser les abus et le pillage dont vous faites mention?
M. Malenfant: On l'attendait, celle-là. M.
Côté (Rivière-du-Loup): Bien oui.
M. Malenfant: Elle nous a été posée ce matin
par M. le ministre de l'Énergie. C'était sur la valeur du bois.
Ce qu'on critique un peu, c'est votre perception. Je vais l'imager par une
photo qui est parue dans un bulletin, Le Papetier, de l'Association des
industries forestières québécoises. La photo est
très explicite. On a une bûche qui entre dans un moulin à
viande et ce sont des dollars qui sortent. Vous réduisez la forêt
exclusivement à ça, M. le ministre.
Ce qui a de la valeur, c'est la transformation. La ressource, vous ne
lui accordez aucune valeur et cela se reflète par les droits de coupe
qui sont exigés. Vrai ou faux?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Écoutez! Je
ne réduis pas la valeur au strict point de vue de la production en
matière ligneuse. Car si on a déposé un guide
d'intervention en forêt, on tient compte un peu des autres fonctions de
la forêt, un peu beaucoup.
M. Malenfant: On va prendre ça d'abord. Le pourcentage du
territoire qui sera réservé à la production
forestière prioritaire, quel est-il? Mettez-moi un chiffre
là-dessus. Je ne sais pas si ces messieurs de l'Opposition sont au
courant? Sûrement, parce qu'ils l'ont travaillé
eux-mêmes.
M. Côté (Rivière-du-Loup): 89 %...
M. Malenfant: Mais au total les zones
où on pourra exploiter?
M. Côté (Rivière-du-Loup): 89 %.
M. Malenfant: Non, les zones où on pourra exploiter de la
matière ligneuse. Au total, ce n'est pas 89 %, il s'agit de quel
pourcentage, M. le ministre?
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est 89 %...
M. Malenfant: C'est 95 % ou 96 %, d'après mes calculs.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non.
M. Malenfant: Si on met des chiffres à chaque zone
identifiée ici on arrive à un total où la production
forestière sera permise ou prioritaire de 95 % approximativement. Est-ce
que je me trompe?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela dépend
de la façon dont vous voulez le compter.
M. Malenfant: On n'a pas la Loi sur les terres du domaine public
en main, nous autres. On y fait allusion dans l'avant-projet de loi. On aurait
bien aimé l'avoir en main parce que cela change pas mal de choses, M. le
ministre. Quand on voit les proportions de territoire qui seront
consacrées à la production forestière prioritaire, les
zones forestières de production, c'est assez alarmant. Je peux vous
donner des chiffres. D'après des tableaux qui viennent de votre
ministère, à la page 63 du mémoire, vous avez un tableau
qu'on a fait. En pourcentage, la zone de conservation où la production
forestière sera permise est de 4,8 %; la zone où la production
forestière sera exclue est de 1,9 % et la zone où la production
forestière sera prioritaire est de 93,2 %. Dans ces 93,2 %, la zone
forestière et faunique c'est 1,4 %, la zone forestière et
récréative c'est 3,1 %. Est-ce que je me trompe?
M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudrait que je
reprenne les tableaux pour les recompter, mais à mon avis c'était
89 %.
M. Malenfant: C'est un tableau que vous avez dressé
à votre ministère.
Sur la valeur de la matière ligneuse, M. Paillé a toujours
été assez explicite là-dessus et surtout dans un discours
qu'il a lu à Mexico en 1985 dans un congrès forestier mondial
auquel j'assistais: "La matière ligneuse est un levier". .Est-ce que je
me trompe? Vous reconnaissez que c'est un levier dont on se sert pour faire la
promotion du développement économique.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, cela a
été offert comme levier.
M. Malenfant: D'accord.
M. Côté (Rïvière-du-Loup): En maintes
occasions.
M. Malenfant: La valeur qui est donnée, c'est en fonction
d'encourager le développement industriel et non une valeur qui
reflète les vrais coûts de récolte, de reproduction, de
dommages environnementaux qui sont causés - et on peut en mettre - lors
de l'exploitation. Est-ce que j'ai raison?
M. Côté (Rivière-du-Loup): Continuez, je vous
écoute.
M. Malenfant: Est-ce que j'ai raison?
M. Côté (Rivière-du-Loup):
Répétez-moi cela.
M. Malenfant: Page 41 du mémoire. On va lire un peu: "La
matière ligneuse n'a pas de valeur en tant que telle." On va tenter de
lui en donner une. C'est peut-être pour déjouer les
Américains. J'ai lu les journaux encore aujourd'hui et on dit qu'il y a
des choses qui se négocient. On va augmenter les droits de coupe pour
faire taire les pressions américaines pour les droits compensateurs qui
vont être imposés sur le sciage. Nous, on soupçonne que la
formule que vous offrez ne change pas grand-chose à la valeur marchande
du bois sur pied, parce qu'on ne redonnera pas réellement de valeur
à la forêt. La valeur marchande qu'on va lui donner va être
retirée pour compenser pour les frais d'aménagement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est un peu cela
qu'on fait.
M. Malenfant: C'est vrai, c'est cela que vous faites.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est ce qu'on a
l'intention de faire.
M. Malenfant: Donc, vous lui donnez une valeur et vous lui
retirez une valeur. Qui doit assumer cette valeur? On dit que le bois doit
payer pour l'aménagement. Je me suis promené en forêt et il
n'y a jamais une épinette qui m'a tendu un cinq.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Jusqu'à
maintenant...
Le Président (M. Cusano): M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, c'est
correct, j'écoute.
M. Malenfant: Cet argent, nous doutons fort qu'il va venir de la
poche des contribuables. Les industries dans cet avant-projet de loi ont un
paquet d'avantages qui font qu'elles vont encore disposer de la matière
ligneuse pour trois fois rien. La technique de coupe, la question de M. Ciaccia
ce matin... Pas la technique de coupe, la méthode de calcul pour
établir la valeur marchande du bois sur pied va être
établie à l'aide de la méthode comparative.
Je vais citer des textes du ministère de l'Énergie et des
Ressources: "Pour appliquer cette méthode, il est possible d'utiliser
différentes techniques dont le choix dépend principalement de la
façon dont le bois est vendu - enchères, soumissions,
négociations -des caractéristiques du marché et des
informations disponibles. La technique choisie par le MER est celle de la
parité. Cette technique dite de preuve directe du marché vise
essentiellement à prédire le prix de vente le plus probable d'un
immeuble, bois sur pied, en le comparant à d'autres du même type
récemment vendus. De plus, lorsque les données comparables sont
suffisantes, cette technique se révèle la preuve par excellence
de la valeur marchande, car rien n'est plus important dans le domaine de
l'évaluation que l'étude des transactions qui se font sur le
marché. L'utilisation de cette technique nécessite la cueillette,
l'analyse et la comparaison de données sur les immeubles essentiellement
semblables à celui qu'on évalue."
Ce sont toujours des textes du ministère de l'Énergie et
des Ressources: "En raison de l'immensité du Québec et de la
diversité des conditions d'exploitation et de marché qu'on y
retrouve, les redevances seront établies par essences ou groupes
d'essences en fonction d'une stratificatiion du territoire en zones tenant
compte principalement de l'homogénéité des conditions
d'exploitation."
Sur un marché libre, l'établissement de la valeur
marchande du bois sur pied par le recours à une telle méthode,
cela pourrait se concevoir mais, au Québec, cela n'est pas le cas. Un
marché libre au Québec, je ne pense pas que cela existe, de vente
de bois à l'industrie. "Environ 80 % des approvisionnements des usines
de transformation en matière ligneuse proviennent d'un même
vendeur, le gouvernement. Or, il appert que le râle dévolu
à la ressource, celui de levier économique majeur pour le
Québec - "cela vient du dernier fascicule expliquant le nouveau
régime forestier - a toujours eu un impact déterminant sur les
droits exigés aux utilisateurs de bois chez nos principaux - il
manquerait une phrase ici - ...droits exigés aux utilisateurs de bois
chez nous. La matière ligneuse au Québec est depuis longtemps un
instrument entre les mains de l'État pour la promotion de
l'activité économique. Les gouvernements perçoivent
d'ailleurs, dans le contexte qui prévaut actuellement, beaucoup plus de
ressources financières par des impôts et taxes sur le travail et
les produits, bref sur toute l'activité de production découlant
de la récolte et de la transformation de la matière ligneuse que
sur ... de la matière ligneuse elle-même..."
Le Président (M. Cusano): Je m'excuse, monsieur. Je
voudrais vous informer que le temps alloué au côté
ministériel est malheureusement écoulé et que je dois
passer la parole au député de Duplessis.
M. Malenfant: Pour résumer brièvement...
Le Président (M. Cusano): En conclusion, s'il vous
plaît!
M. Malenfant: Oui, en conclusion. Je démontre
là-dedans le rôle dévolu à la ressource par des
citations du texte que M. Paillé a lu à Mexico. Il dit
carrément que c'est l'État qui fixe le prix de la matière
ligneuse au Québec, dans ce texte.
Je vais lire seulement cet extrait et cela va conclure: "Lorsqu'un
propriétaire possède la majeure partie des ressources
forestières d'un pays, il est indéniable qu'il a une influence
sur le prix de la matière ligneuse et, par le fait même, sur le
développement industriel. Si l'allocation des ressources est
réalisée à l'enchère, c'est la loi de l'offre et de
la demande qui détermine le prix du bois." C'est ce qu'on nous dit qui
est fait - pas à l'enchère - mais nous disons que c'est l'offre
et la demande, le marché qui va établir le prix du bois. Par
contre, dans le but de mieux satisfaire à ces objectifs
économiques et sociaux, l'État peut décider de fixer le
prix du bois. La tarification devient ainsi un outil incitatif puissant. Qu'on
ne dise pas que le bois va refléter la valeur de ces fonctions
écologiques qu'on ne peut pas estimer en termes financiers, etc. La
tarification constitue donc un outil puissant pour orienter le
développement économique, surtout lorsque, comme au
Québec, le secteur forestier est une composante majeure de
l'économie.
Le Président (M. Cusano): Merci, monsieur.
M. Malenfant: II n'y a pas de libre marché. Le prix est
fixé.
Le Président (M. Cusano): Merci.
Une voix: Ce n'est pas nous qui le disons.
Le Président (M. Cusano): Un instant! Je vais permettre un
bref commentaire de la part du ministre et ensuite...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Suivant mon
entendement qui n'est peut-être pas le vôtre, l'industrie va payer
les travaux de sa poche dans la nouvelle tarification. Il restera au
gouvernement à peu près les montants actuels ou peut-être
un peu plus. Ce seront des investissements que l'industrie va faire de sa
poche.
M. Malenfant: Je vous demanderais de lire attentivement la
démonstration là-dedans. Ce n'est pas du tout ce que sous-tend
votre avant-projet de loi.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est mon
entendement.
Le Président (M. Cusano): D'accord. Merci, M. le ministre.
M. le député de Duplessis.
M. Perron: M. le Président, je tiens d'abord à
remercier Mme Lamontagne et ses collègues d'être venus devant
cette commission parlementaire. Nul doute que de notre cûté on
trouve certaines recommandations que vous faites drôlement
intéressantes; des recommandations qui sont une façon nouvelle de
voir les choses. J'aimerais aborder certaines d'entre elles.
D'abord, lorsque, à la page 19, vous parlez de la création
d'une société publique, je présume que vous faites
allusion à une société d'État. On sait très
bien quelle est l'attitude du gouvernement actuel au sujet des
sociétés d'État parce qu'on est en train d'en perdre une
qui s'appelle la SGF. On a appris cela hier et je peux vous assurer que ce
n'est pas l'intention de ce gouvernement de créer des
sociétés d'État. Cependant, je ne dis ni oui ni non
à votre position concernant la création d'une telle
société. Je vais vous expliquer pourquoi.
M. le Président, en vertu de l'article 39 de notre
règlement, lorsqu'un député a la parole, est-ce qu'on
pourrait demander aux ministériels - je ne dirai pas ce que je pense, je
vais le dire d'une autre façon -de laisser celui qui a la parole parler,
s'il vous plaît!
Le Président (M. Cusano): M. le député de
Duplessis, vous avez la parole.
M. Perron: J'aimerais bien qu'on les rappelle à l'ordre de
temps en temps, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): ...quand le besoin se fera
sentir.
M. Perron: Je reviens sur la question que j'ai soulevée
se rapportant à la société d'Étal que j'ai
mentionnée. Je ne dis ni oui ni non à votre hypothèse
parce que je la trouve d'abord intéressante à regarder et de
très près. Mais je trouve, dans la définition que vous en
faites assez brièvement d'ailleurs, qu'il y a des responsabilités
énormes qui seraient dirigées vers cette société
d'État et je pense que cela prendrait énormément de
personnes pour en arriver à régler l'ensemble de toutes les
suggestions que vous faites.
Vous parlez de la gestion, de l'aménagement, de la planification;
vous revenez à la question de la gestion de la forêt publique, la
planification, la réalisation de tous les travaux de la récolte
du bois, de reboisement, de voirie, de protection, de sylviculture en
général et même de prix du bois. Dans l'ensemble, je trouve
intéressant tout ce que vous soulevez parce que c'est là
exactement que sont les problèmes.
La question que je voulais vous poser en rapport avec cette
société est la suivante: Selon vous, de quelle structure serait
tirée la composition de cette société? C'est-à-dire
de quelle structure présente au Québec actuellement, syndicale,
industrielle, etc, seraient tirés les membres de cette
société? Parce que c'est complexe.
Mme Montpas: Ce que nous souhaiterions, c'est que la
société soit représentative de l'utilisation polyvalente
de la forêt. C'est d'ailleurs indiqué au mémoire.
Une voix: Aux pages 21 et 22. Une voix: Au dernier
paragraphe.
M. Perron: D'accord. Vous comprendrez qu'on n'a pas eu le temps
de lire tout le mémoire.
Mme Montpas: C'est cela. Alors, on voudrait que ce soit
représentatif de l'utilisation polyvalente, c'est-à-dire qu'on
n'y retrouve pas seulement, comme c'était suggéré au
conseil permanent de la forêt, des industriels, des producteurs et
propriétaires de boisés privés mais qu'on retrouve
là les autres utilisateurs, c'est-à-dire les chasseurs et les
pêcheurs. Il y a des associations au Québec qui sont
formées pour cela: les groupes environnementaux, les travailleurs
évidemment et les industriels et l'État qui aurait ses
représentants aussi. Mais, vous savez, ces fonctions sont
réunies. Elles sont toutes actuellement assumées par
l'État. La voirie forestière est financée par
l'État; le prix du bois, on l'a vu tout à l'heure par les
extraits, c'est l'État qui le fixe. Il y a des problèmes
actuellement - on en a parlé un petit peu, on l'a abordé ce matin
- dans la répartition des allocations. On a vu dans un document que le
ministère
ne voyait pas l'intérêt de modifier les endroits
d'allocations. Il y a des aberrations qui existent. Alors, cela serait
planifié. (17 heures)
Ce sont des fonctions qui sont assumées par le maire ou d'autres
ministères mais on pense qu'elles sont mal assumées. Et comme le
lobby puissant des compagnies domine les décisions, à ce moment,
on pense qu'avec une société semblable qui respecte l'utilisation
polyvalente on serait mieux servis.
M. Perron: Merci de votre réponse. Elle a
débordé quelque peu la question. Oui, Mme Lamontagne.
Mme Lamontagne: Premièrement, c'est juste pour
préciser que ce n'est pas la première fois qu'on fait une telle
recommandation. C'est sûr que, dans le contexte actuel, cela peut
paraître à contre-courant quand on parle de réglementer, de
privatiser, etc., mais on pense que c'est essentiel. D'autre part, on pourrait
dire aussi que si on avait, au niveau gouvernemental, au niveau politique, pris
en main la politique forestière, peut-être que ce ne serait pas
nécessaire, cette société d'État. Ce qu'an constate
- et c'est toute l'histoire de la forêt - c'est qu'on a laissé
aller la forêt aux compagnies. On pense qu'il faut, à ce stade-ci,
une société qui soit indépendante et composée comme
Mme Montpas le disait. C'est sûr que, dans le contexte actuel, il va
falloir y tenir beaucoup et ne pas lâcher parce que c'est un peu à
contre-courant, mais c'est nécessaire, si on pense à
l'état dans lequel est la forêt.
M. Perron: Merci, Mme Lamontagne. Vous avez dit tout à
l'heure que les gouvernements n'ont pas vraiment fait des choses
extraordinaires se rapportant au domaine forestier. Cela, je le concède
très bien, mais j'ajoute: Peu importent les gouvernements qui se sont
succédé, la raison fondamentale de ce qui existe aujourd'hui,
c'est qu'on a effectivement commencé à s'en occuper à peu
près en 1983. Cela est revenu en 1984, en 1985 avec le livre blanc et
aujourd'hui avec l'avant-projet de loi.
Mais je voudrais revenir sur un autre aspect à la page 22 de
votre mémoire. Et je sais que vous ne reliez pas... Malgré cela,
je peux avoir une divergence d'opinions avec vous. Vous avez mentionné
tout à l'heure la question des droits compensatoires de 27 % qui
seraient imposés par l'industrie américaine. On a demandé
au gouvernement américain de se prononcer là-dessus. Je crois
que, dans le cas des droits de coupe, s'il y a une hausse des droits de coupe,
cela pourrait être relié à cela et cela pourrait même
amener certains industriels américains à changer d'opinion
là-dessus. Vous mentionnez exactement ceci: "Entre-temps, une hausse
réelle substantielle des droits de coupe doit être
décrétée afin que cessent au plus tôt le pillage et
les abus qui ont eu cours jusqu'à aujourd'hui."
En principe, je suis d'accord avec vous sur cette question de la hausse
des droits de coupe. Quant à savoir combien du mètre cube et de
quelle façon on va procéder, c'est à voir, parce que je ne
connais vraiment pas, sur le fond, les intentions du gouvernement. Je voudrais
faire allusion ici à l'article 37 de l'avant-projet de loi qui dit au
deuxième paragraphe: "Si, au moment de la révision quinquennale
du contrat, le ministre est d'avis qu'un rendement plus grand sera obtenu, il
alloue au bénéficiaire un volume additionnel correspondant
à la majoration escomptée. Ce volume supplémentaire n'est
pas compris dans le volume alloué pour l'établissement des droits
payables par le bénéficiaire en vertu de l'article A." On fait
allusion à l'article 4. Cela veut dire qu'il y aurait pratiquement, dans
ces cas, l'abolition des droits de coupe ou à peu près. Nous, on
dit oui à un incitatif, mais on dit non à zéro parce qu'il
faut absolument, selon nous, que les droits de coupe soient augmentés
pour permettre d'en retirer des bénéfices financiers, pour
permettre, justement, de mettre l'accent sur la
régénération naturelle dont vous avez parlé, en
faisant des aménagements, et permettre aussi, dans plusieurs cas, la
reforestation à partir de nos centres de production de plants.
La question que je vous pose, c'est la suivante: D'abord, est-ce que
vous êtes d'accord avec cet article 37? Deuxièmement, lorsque vous
parlez de "hausse réelle substantielle", pourriez-vous nous dire un peu
ce que vous entendez par "substantielle"? Il ne faudrait pas, non plus, que
cela soit tellement haut que cela mette en péril certaines institutions
comme l'industrie du sciage que nous avons et même d'autres domaines.
M. Malenfant: Je dirais que je suis contre l'article 37. On a
analysé cela, nous autres. Cela s'ajoute au reste. Déjà,
on entend surexploiter encore la forêt publique. C'est laissé
à la discrétion du ministre en plus. Ce ne sont pas des choses
qu'on va pouvoir savoir publiquement et aisément. Comment va-t-on
pouvoir contrôler ces transactions entre les compagnies? On a l'exemple
de l'histoire et l'état de la forêt est là pour nous le
prouver. On a un exemple concret. Il va falloir qu'il soit fort en tabarouette,
le ministre qui va décider dans cinq ans qu'il va priver une compagnie
d'approvisionnement parce qu'elle n'a pas réalisé ses travaux,
par exemple.
Je ne sais si vous êtes d'accord avec moi, mais l'état de
la forêt le démontre.
Chaque fois qu'il y a des problèmes d'approvisionnement ou des
complications, plutôt que d'appliquer des règlements et
d'être sévère, on refait un régime forestier. C'est
encore la même chose que l'on fait aujourd'hui. On ne peut pas prendre
l'article 37 strictement comme cela sans comprendre un peu la critique globale
que l'on fait. Vous comprendrez cela, M, Perron. Je trouve qu'au lieu de
laisser la forêt s'enrichir on va permettre aux compagnies de s'enrichir
encore un peu plus avec une mesure comme celle-là.
M. Perron: En fait, c'est retirer d'une main et donner de
l'autre.
M. Malenfant: Vous en retirez un peu et vous en donnez plus,
d'après moi.
M. Perron: C'est cela. Maintenant, est-ce qu'on pourrait avoir
votre opinion puisque vous connaissez - en tout cas, je vais vous l'expliquer -
la nôtre? Dans le livre blanc, il était mentionné...
M. Malenfant: Sur les droits de coupe?
M. Perron: Oui, sur les permis, d'accord.
M. L'Heureux: Sur les droits de coupe.
M. Perron: Sur les droits de coupe, oui, l'augmentation
substantielle.
M. L'Heureux: ...on n'a pas de chiffres à vous proposer
aujourd'hui. Cependant, entre ce que l'on a constaté, 1,20 $, en
1982-1983, en moyenne, pour les scieries comme pour les pâtes et papiers,
et 1,22 $, en 1983-1984, pour des totaux d'environ 23 000 000 $ - en tout cas,
cela varie; peut-être davantage en 1985, compte tenu de l'estimation du
MER pour la coupe prévue -c'est ridicule. C'est la preuve, et c'est une
des démonstrations que l'on fait, que le bois, au Québec, n'a
jamais eu de valeur aux yeux des gouvernements et des compagnies. D'ailleurs,
quand on connaît toute l'importance qu'a cette industrie, qui a une
valeur totale d'au-delà de 8 000 000 000 $, avec une matière
première qui rapporte comme rente collective, à peine 20 000 000
$, c'est assez ridicule. Le lobby américain sur le bois de sciage, sur
les droits de coupe, nous a permis de découvrir bien des choses. Les
forêts ne se comparent pas. Il ne faudrait pas comparer l'Ouest
américain, c'est sûr, la taille des arbres, le climat et tout, ou
le sud. Si on regarde le Maine, par exemple... Aux États-Unis, je pense
qu'il y a un marché un peu plus libre. Il faudrait peut-être
aussi, objectivement, analyser les conditions qui sont rattachées au
prix de vente. Cependant, on constate qu'en 1984, par exemple, en vertu de la
US International Trade Commission, par mille pieds de planche, le prix, au
Maine - on ne peut pas le comparer à certaines régions du
Québec, mais à une bonne partie du Québec - était
de 44,28 $, en dollars US, et, au Québec, en dollars US, il,
était de 11,96 $, officiellement. On ne parle pas de3 déductions
qui s'appliquent dans la pratique, on ne parle pas de ce que des
ingénieurs forestiers nous ont raconté. On aimerait bien cela
qu'on soit plus indépendant, au ministère. Les coupes qui se font
où il y a la tordeuse, il y a des crédits pour cela. Si le
terrain est escarpé, il n'y a pas de redevances. Des ingénieurs
nous ont dit qu'il peut arriver que des contrats soient déchirés
après la coupe et écrits à nouveau en fonction de la
coupe.
Quant au montant, quel est-il? Quelle est la marge? Les principes, je
pense qu'on les énonce dans le mémoire. Il faut tenir compte de
tous les coûts à court et à long terme pour
régénérer cette immense richesse collective. Il faut
donner une valeur réelle au bois. Je pense, M. le Président, que
l'on oublie l'importance de cette immense richesse; on l'a peut-être
sous-estimée collectivement, nous tous, qui que nous soyons. Quand on
dit que c'est une richesse qui s'étend sur un territoire grand comme la
Suède et la Norvège! Aux États-Unis, Le National Center
for Future Resources a voulu chiffrer la valeur de la forêt publique
américaine. Il l'a estimée à plusieurs dizaines de
milliards de dollars. Présentement, on sait qu'il y a toutes sortes de
contraintes, de limites à vouloir faire cela - on tente de chiffrer la
valeur de la forêt québécoise et de tout ce qui pourrait en
découler comme rentabilité. Au départ, le prix du bois n'a
pas d'allure. Il faut donc l'augmenter sensiblement.
M. Perron: Je vous remercie de votre réponse. Maintenant,
j'ai plusieurs questions à vous poser.
Mme Montpas: Oui, je me dépêche. Je veux juste vous
dire que l'augmentation des droits de coupe, Cela pourrait être ce qu'on
pourrait décider de refuser de verser aux Américains quand ils
auront fixé le taux des droits compensatoires. Pourquoi verser aux
Américains de l'argent quand on pourrait le garder au Québec en
élevant les droits de coupe? Maintenant, est-ce que ce sera 10 $ ou 20
$? II me semble qu'on devrait être assez intelligents pour choisir de le
verser chez nous. Cela nous fera un revenu dans le fonds forestier pour
entretenir nos forêts...
M. Perron: On parle de 10 $ actuellement.
Mme Montpas: ...ou peut-être nos
plantations, plutôt que de donner cela aux Américains.
M. Malenfant: J'ai fait un calcul rapide, M. Perron, à
partir des chiffres que voua avanciez, soit 10 $ le mètre cube. Est-ce
que c'est le bois transformé?
M. Perron: Le?
M. Malenfant: Le bois transformé, exporté à
10 $ le mètre cube, sur lequel ils veulent imposer un droit de 27 %?
Combien cela prend-il de bois pour produire...
M. Perron: Les 27 % équivalent à environ 10 $
d'augmentation du mètre cube.
M. Malenfant: Calculez le bois qui est exploité au
Québec. Donnez-lui seulement cette valeur, 10 $ le mètre cube,
tabarouette, on commence à avoir un peu d'argent dans notre fonds
forestier.
M. Perron: Un peu de revenus, un peu pas mal.
M. Malenfant: Ajoutez à cela l'argent que ça prend
pour avoir des méthodes de coupe qui respectent l'environnement et tout
cela. Là» on se trouve à toujours rejeter en dehors du
cycle de production les coûts environnementaux et ces choses-là.
Mais qu'on commence à les compter et à les appliquer au bois,
parce que ce sont des prix qui découlent d'une exploitation abusive et
destructrice, vous allez voir qu'on va avoir de l'argent pour exploiter
écologiquement notre forêt.
M. Perron: Dans un autre ordre d'idées, le livre blanc
disait: La priorité d'achat par les papetières devra aller, dans
la mesure du possible, d'abord, aux usines de sciage pour les copeaux et,
parallèlement à cela, aux boisés privés pour
enlever la pression qu'il y a actuellement sur nos forêts publiques. Je
pense qu'on n'a pas besoin de faire de portrait de cela. Tout le monde a le
dessin comme il faut depuis plusieurs mois et, surtout, depuis les derniers
jours. Quelle est votre opinion en tant qu'organisation syndicale en rapport
avec cette position du livre blanc par rapport à ce qui est fait
aujourd'hui? J'ai constaté et nous, de notre côté, avons
constaté que les priorités allaient toujours selon le libre
marché.
M. Malenfant: II n'y en aura pas, la priorité à la
forêt privée est abandonnée dans l'avant-projet de loi. Ce
n'est pas une question qui touche essentiellement de près la CSN,
l'augmentation. Réviser à la hausse la valeur du bois,
établir une valeur réelle du bois en fonction de tout ce qu'on
vous a énuméré, cela donnerait une saprée belle
indépendance aux propriétaires de la forêt privée
qui sont obligés de dépendre de subventions gouvernementales pour
l'aménagement parce que le bois ne génère pas l'argent
nécessaire pour refaire leurs forêts, pour entretenir leurs
forêts. Cela nous touche du fait qu'il y a du travail au noir qui est
obligé d'exister en forêt privée parce que le bois n'a pas
de valeur. On n'est pas capable de rentabiliser cette production. Les
conditions de travail sont un peu dures à cause de cela. C'est dans ce
sens-là que ça peut nous toucher. C'est évident que, pour
les propriétaires de forêts privées, une hausse des droits
de coupe comme on l'entend, qui donnerait une véritable valeur au bois,
pas un prix comme il est actuellement où on n'arrive pas à
cornpétionner... Compétionner l'État pour la vente des
bois, c'est tout un contrat. La Fédération des producteurs de
bois est passée ici et elle a été assez explicite
là-dessus.
M. Perron: Oui, d'accord. Maintenant, je ne suis pas
nécessairement d'accord avec vous. Vous disiez tout à l'heure que
c'était une propriété collective. Je pense
qu'autant...
M. Malenfant: La forêt publique.
M. Perron: ...la CSN que tout le monde devraient regarder tous
les aspects, y compris la question des copeaux, y compris la question..,
M. Malenfant: Oui, la forêt publique. M. Perron:
...de la forêt privée aussi...
M. Malenfant: De la forêt privée. On regarde la
forêt privée...
M. Perron: ...pour protéger la forêt publique.
M. Malenfant: ...parce qu'on a des travailleurs qui sont
obligés de travailler en forêt privée aussi. (17 h 15)
M. Perron: D'accord. Ouf! Une autre question: Les industriels du
sciage sont venus devant la commission parlementaire et nous ont dit que,
lorsqu'il y a des coupes de bois, on devrait faire en sorte que les bois qui
sont utiles au sciage soient dirigés vers toutes les usines de sciage au
lieu de voir le bois en billes ou encore en longueurs d'arbre se diriger vers
les papetières pour en faire des copeaux ou autre chose. Qu'est-ce que
vous pensez de cette suggestion?
M. Malenfant: Les droits de coupe pour les scieurs sont
inférieurs aux droits de coupe imposés aux papetières.
Vous pouvez faire le dessin vous-même. Pour les
propriétaires de la forêt privée, s'ils doivent se
diriger vers la production de copeaux, assumer encore une phase
supplémentaire de transformation pour alimenter l'industrie
papetière, qui ne manque pas d'argent, loin de là, c'est leur
faire assumer une phase supplémentaire qui leur en coûtera, alors
qu'ils n'arrivent même pas à obtenir un prix valable qui couvre
les frais d'exploitation.
M. Perron: Je vais passer la parole à mon collègue
de Laviolette, à mon collègue de...
Le Président (M. Cusano): M. le député de
Duplessis. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais
peut-être sortir un peu du dossier global tel qu'on l'a abordé
depuis le début, quoique c'est très intéressant, pour
aller vers une recommandation plus spécifique que vous faites quand vous
parlez des modifications des techniques de coupe; c'est la cinquième ou
sixième recommandation que vous avez dans votre liste. "Les changements
nécessaires aux méthodes de coupe" et tout cela. Il y a un
problème concret qui m'apparaît. Je rencontre souvent les gens qui
travaillent en forêt. J'ai généralement de bonnes relations
avec eux. Cela va bien, on se parle beaucoup des problèmes forestiers et
généralement, quand on parle des techniques de coupe et des
méthodes qui sont appliquées actuellement ou qui leur sont
imposées par les compagnies, je peux vous dire que ces gens ne sont pas
plus enthousiastes qu'il ne faut. Comme vous le savez, ils doivent faire face
à des problèmes financiers qui sont énormes. Il faut
qu'ils utilisent leurs machines au maximum. On parle des gens qui ont de gros
investissements sur des bûcheuses, des "skiddeuses", des
ébrancheuses et tout cela. Quand on leur demande, finalement, de
réduire, à toutes fins utiles, leur rythme de production pour
modifier ou pour faire attention à certaines techniques de coupe, la
réponse est souvent un peu violente. Je ne sais pas si vous avez la
même impression. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas d'accord, mais
c'est parce qu'ils ont à faire face à des problèmes bien
réels, bien précis, qui sont de rentabiliser dans un minimum de
temps - parce que le temps de coupe en forêt a tendance à diminuer
d'une année à l'autre - leur investissement. Pour ce faire, il
faut que leur machinerie produise au maximum et ils n'ont pas le temps de faire
le tour des quatre-temps et du thé des bois, il faut que cela marche. Je
ne sais pas de quelle façon vous abordez ce problème avec vos
gens.
Mme Montpas: Si vous le permettez, je peux répondre
à cela. Si j'étais à la place des ingénieurs
forestiers concernés, je n'hésiterais pas à être
violente, non plus. Je n'aurais pas de misère naturellement, non plus.
Je pensais ce matin qu'on avait été bien compris quand on a
expliqué toute l'organisation du travail en forêt. Les
travailleurs sont d'accord avec les coupes différentes, les coupes par
bande, les coupes en damier, à faire attention aux plantations. Ils sont
conscients - il y en a encore des travailleurs forestiers en arrière -
de l'impact de la grosse machinerie et sur les arbres et sur les petits plants
et sur les sols, sur le compactage des sols.
La seule chose qu'il faut faire, à notre avis, pour eux autres,
c'est abolir le travail à forfait. Je vais juste vous donner un petit
exemple, REXFOR. REXFOR à qui on veut confier seulement les canards
boiteux. Dans les Appalaches, durant une année, je pense que c'est 1979,
REXFOR avait fait de la plantation et les travailleurs là-bas avaient
refusé de faire cela à forfait. Il y avait eu une entente avec la
compagnie pour faire la plantation à l'heure. Il y a eu un taux de
réussite, quand cela a été vérifié dans les
années subséquentes, de plus de 90 %. Ailleurs, où cela
s'est fait à forfait, les taux de succès étaient plus bas.
Tant et aussi longtemps que le système d'organisation du travail va
être celui qu'on connaît, c'est évident que les travailleurs
vont rager.
De plus, une chose qu'on n'a pas dite ce matin, c'est que les tables de
bois en longueur, c'est à peu près comme une vérité
divine. Essayez d'aller négocier, de modifier la table de bois en
longueur, les tables forfaitaires qu'on retrouve dans une convention avec une
compagnie, vous avez besoin de vous lever de bonne heure. Ce sont des calculs
très compliqués, très complexes, c'est presque
intouchable.
Ce qui se passe chez les forestiers actuellement, c'est que le
diamètre moyen des arbres a diminué, tout le monde le
reconnaît. Mais les tables de bois datent de plusieurs années, dix
ans ou quinze ans. La table était faite pour être plus payante
pour le diamètre moyen dans un parterre de coupe. Dans les années
qui ont suivi, on a toujours donné des augmentations au pourcentage. Je
pourrais vous dire qu'à l'époque, un six pouces était
vendu à peu près 0,07 $, 0,10 $, 0,08 $ l'arbre ou quelque chose
comme ça. Vous comprendrez que 2 % d'augmentation sur 0,08 $, ça
ne fait pas beaucoup. Quand, en plus, votre diamètre moyen diminue et
que vous n'êtes pas capable de rétablir l'équilibre de
votre table en fonction de cela, les gars disent que, depuis 1976, ils font
moins d'argent. Cela, c'est un des facteurs.
La seule solution pour les travailleurs -et ils vont bien travailler,
ils vont faire attention parce qu'ils sont intéressés à la
forêt - c'est d'abolir le travail à forfait. Quand les compagnies
disent: J'espère que M.
Côté va réviser ses positions là-dessus,
elles disent: On aura moins de productivité, il faudrait aller voir en
Suède ce qui s'est passé. Je ne pense pas que vous connaissiez
bien les travailleurs forestiers. Un travailleur forestier habitué
à travailler dans le bois, tout à coup, du jour au lendemain, ne
va pas s'asseoir sur la souche pour, tranquillement pas vite, attendre que les
mouches le mangent ou mangent ses sandwichs. Ils ont une habitude de travail,
ils travaillent rapidement.
La seule chose, c'est qu'on économisera peut-être sur le
plan des coûts de la santé et de la sécurité, et
là, les employeurs vont moins se plaindre que la CSST coûte cher.
Je pense que c'est cela qu'il faut régler. II ne faut pas voir le
problème comme si les travailleurs étaient responsables parce
que, en soi, ils ont des machines, non. Il faut dire qu'ils sont pris dans une
situation qu'on leur impose et, si on modifie cette situation, la
qualité de leur travail va s'améliorer parce que c'est une
qualité dont ils ne sont pas responsables actuellement et cela vaut
aussi pour les ouvriers de la plantation.
Le Président (M. Cusano): Merci, madame. M. le
député, je voudrais vous dire que le temps est
écoulé, mais puisque, tout à l'heure, j'ai permis au
ministre de dépasser son temps de quelques minutes, je vais céder
la parole au député de Laviolette pour quelques minutes.
M. Jolivet: Je serai bref, compte tenu du temps limité qui
nous a été imposé pour vous rencontrer.
Une voix: Ne recommencez pas!
M. Jolivet; Oui, c'est vrai.
À la page 22, deuxième recommandation, on parle d'une
hausse réelle substantielle des droits de coupe. Je dois simplement vous
dire que des rumeurs circulent parmi les associations du milieu, à
savoir que Mme Pat Carney, au fédéral, et probablement M.
Ciaccia, au Québec, parce que c'est lui le ministre de tutelle,
augmenteraient sensiblement, soit de 5 $ le mètre cube, le coût
à l'exportation pour régler le problème de "stumpage"
américain. Quand vous parlez d'une hausse substantielle réelle,
est-ce que c'est dans cette hypothèse que vous parlez ou si c'est autre
chose?
M. Malenfant: C'est autre chose. Cela comprend plus qu'un montant
pour faire taire les industriels américains. Cela comprend un montant
pour respecter notre forêt, celle qu'il nous reste, celle qui existe et
préparer la forêt de demain en fonction de critères
écologiques plus respectueux, ne pas attendre les créateurs
d'emplois. Cet article m'a un peu surpris parce que nous, les syndicats, sommes
censés être au courant, nous sommes censés avoir
été consultés.
M. Jolivet: J'ai su cela tout dernièrement.
M. Malenfant: On n'en a pas entendu parler, M. le
député.
M. Jolivet: Je l'ai entendu dernièrement.
Une deuxième chose, pour terminer sur ce sujet. Comme vous
êtes, au départ, avec la société que j'ai
appelée SOGAFOR, Société de gestion et
d'aménagement de la forêt, et que vous êtes à
contre-courant des pensées modernes de Gobeil et compagnie -je m'excuse,
du président du Conseil du trésor et compagnie - est-ce que ce ne
serait pas la même chose avec votre proposition no 6 concernant
l'institut national de recherche forestière, alors qu'on parle de faire
sauter les instituts de recherche? Deuxièmement, est-ce que vous
n'auriez pas oublié une compagnie, à votre proposition no 9, qui
s'appelle REXFOR, quand vous dites de ne pas toucher à la privatisation
des actifs d'entreprises de transformation de la matière ligneuse?
Avez-vous oublié REXFOR ou si c'est volontaire?
Mme Montpas: On l'a oubliée, ce n'est pas volontaire.
M. Malenfant: Pour répondre à votre question sur la
pensée moderne de M. Gobeil et compagnie, vous lirez les extraits d'un
livre qui est paru en 1944 sous la direction d'Esdras Minville. Vous allez voir
qu'il ne trouvait pas cela trop moderne, même à l'époque.
Il trouvait cela déjà démodé, des thèses
comme cela.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup.
Brièvement, M. le député de Duplessis, vos remarques de la
fin.
M. Perron: Merci, M. le Président. Comme je le mentionnais
ce matin - je pense qu'il faut le répéter, on ne le
répétera jamais assez - les mémoires qui nous ont
été présentés, on devra en tenir compte sous
plusieurs aspects lorsque le projet de loi sera définitif de la part du
gouvernement. Mais, avant de l'endosser, j'ai hâte de le voir; j'aime
autant vous le dire tout de suite. Je réitère ce que j'ai dit ce
matin quant à la lecture que je ferai des annexes que vous nous avez
soumises ce matin, ainsi que de celles que vous nous avez soumises cet
après-midi. Je le ferai moi-même personnellement et vous pouvez
être assuré que je vais faire mes devoirs le plus correctement
possible.
Deuxièmement, quant au mandat d'initiative sur les conditions de
travail et de
vie des travailleurs forestiers, ainsi que sur les conditions des
travailleurs et travailleuses du reboisement, vous pouvez être
assurés que je vais talonner le gouvernement pour qu'on obtienne
cela.
Troisièmement, je réitère qu'il faut absolument;
pour avoir un projet de loi potable, que nous ayons une commission
parlementaire itinérante pour que toutes les parties puissent se faire
entendre et ce, dans l'ensemble du Québec, avant d'arriver à une
décision finale de la part du gouvernement. En terminant, je vous
remercie, encore une fois, pour ce matin et aussi pour cet après-midi.
Je crois qu'il était vraiment essentiel qu'on vous entende quant aux
recommandations que vous aviez à faire sur le projet de loi et sur
l'avenir de notre forêt collective du Québec. Merci à tous
et à toutes.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. Quant à moi, j'aurais aimé avoir le temps de
parcourir vos documents afin d'avoir une discussion plus précise et plus
adéquate sur les problèmes que vous soulevez. Je suis convaincu
que nous aurons la chance de le faire très prochainement. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup.
Mme Lamontagne: M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Oui, madame.
Mme Lamontagne: ...on répète ce qu'on a dit ce
matin, on souhaite que, s'il y a un projet de loi, il y ait une consultation
beaucoup plus large et régionale; deuxièmement, compte tenu que
la plupart de nos documents sont arrivés aujourd'hui, nous sommes
disponibles, sur l'ensemble des dossiers qu'on a présentés, pour
donner plus d'explications à d'autres rencontres.
Le Président (M. Cusano): Merci, madame. Au nom de tous
les membres de la commission, je vous remercie et je demanderais à la
Fédération des travailleurs du Québec de prendre place
à la table.
M. Cantin: S'il y en a qui veulent venir se promener avec moi en
forêt prochainement, je vous invite.
M. Perron: Je le ferai.
Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'aimerais demander aux membres de la Fédération des
travailleurs du Québec de s'identifier pour les fins du Journal des
débats.
(17 h 30)
FTQ
M. Daoust (Fernand): M. le Président, mon nom est Fernand
Daoust. Je suis le secrétaire général de la FTQ.
M'accompagnent à cette table M. Yvon Martel, du Syndicat canadien des
travailleurs du papier, Jean Martin, du même syndicat; Louis-Marie
Cloutier, de la Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers,
forestiers et travailleurs d'usines, ainsi qu'Yvon Royer, du Syndicat des
métallos.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Daoust. J'aimerais
vous rappeler que vous avez douze minutes pour faire l'exposé de votre
mémoire. Ensuite, les deux partis se partageront les 48 minutes, soit 24
minutes de chaque côté de cette table.
M. Daoust: Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Je
vais peut-être dépasser quelque peu les douze minutes, mais je
vais essayer de...
Le Président (M. Cusano): Je serai tolérant.
M. Daoust: Merci beaucoup. Vous venez tout juste d'avoir le
mémoire de la FTQ. Je ne le lirai pas en entier, je vais choisir les
extraits qui nous semblent les plus pertinents. Je suis assuré que vous
aurez le temps de lire le reste.
La présentation de la FTQ, je ne la fais pas, sauf pour vous
rappeler qu'elle représente au-delà de 400 000 travailleurs et
travailleuses syndiqués ici au Québec. Plusieurs milliers de nos
membres travaillent dans l'industrie forestière de première
transformation: scieries, déroulage, placage et les pâtes et
papiers. Trois de nos syndicats sont plus directement impliqués: le
Syndicat canadien des travailleurs du papier, 30 000 travailleurs et
travailleuses dont 8000 oeuvrant dans la forêt; la Fraternité
nationale des charpentiers-menuisiers, forestiers et travailleurs d'usines, 15
000 membres au Québec, dont 3500 actifs dans la première
transformation et, enfin, le Syndicat des métallos qui regroupe
près de 1000 syndiqués dans ces secteurs.
Notre intérêt, il est fort évident. Pour nous, pour
nos membres et la population du Québec, la forêt alimente le plus
important secteur industriel de l'économie du Québec. Cela
constitue un emploi sur cinq dans les secteurs primaire et secondaire de
l'économie québécoise et 20 % de sa valeur ajoutée.
Chaque emploi, on le sait, entraîne deux autres emplois
créés indirectement dans le transport, la construction, la
machinerie et
les services. En 1984, 75 000 emplois au Québec
dépendaient directement de la foresterie, du bois et du papier, et 150
000 autres y étaient reliés; 2 000 000 000 $ en salaires, des
livraisons pour une valeur de 8 500 000 000 $. En outre, la distribution
géographique des activités de ces secteurs fait de
l'activité reliée aux produits de la forêt l'épine
dorsale de l'économie de la plupart des régions du
Québec.
Hors de tout doute, comme nous le mentionnons dans notre document, nous
dépendons largement de la forêt. Toute négligence
entretenue à son égard créera non seulement du
chômage, mais également des coûts afférents à
une telle situation, coûts que nous devrons supporter collectivement.
Les constatations sont loin d'être rassurantes. Quoi qu'il soit
responsable de la régénérescence des forêts depuis
1972, le MER reconnaît encore en 1986 l'apparente faillite de ses
interventions lorsqu'il affirme que la zone pâte est actuellement
inaccessible, que le renouvellement naturel de la forêt est insuffisant,
que les superficies coupées ne se régénèrent
adéquatement que dans une proportion de 45 %, que, faute
d'aménagement approprié, le potentiel de production du territoire
forestier reste largement sous-utilisé. Il est évident pour la
FTQ que la base de la prospérité des économies
régionales et de la croissance stable de l'embauche et des revenus
relève en grande partie d'une bonne gestion de la forêt.
Malheureusement, cela a toujours fait défaut et les gouvernements
successifs en sont les principaux responsables par leur manque de
fermeté.
Les performances de la gestion forestière et les
stratégies de régénérescence de la forêt du
gouvernement nous laissent fort inquiets. Nous avons quelques données
que vous pourrez lire. Sur le plan pratique, la FTQ compte de nombreux agents
et ressources expérimentés de la forêt et compte être
un interlocuteur actif dans la formulation des politiques et, aussi, dans
l'évaluation des programmes qui doivent nous garantir un renouvellement
adéquat et une exploitation contrôlée de nos ressources
forestières.
Nous souhaitons vous donner quelques exemples de l'urgence de
s'impliquer. Kruger Inc., de Trois-Rivières. En 1976, Kruger a obtenu
une concession forestière dans la région de Chibougamau, en
Abitibi. En 1973, Kruger a acheté l'usine Domtar de
Trois-Rivières qui avait été laissée à
l'abandon et, jusqu'à maintenant, l'employeur a investi des sommes
considérables. La distance qui sépare l'usine de
Trois-Rivières de cette concession est de 645 kilomètres. Aucun
utilisateur de bois au Québec n'effectue un transport de bois sur une
aussi grande distance.
Nous sommes préoccupés par le fait que Kruger pourrait
ralentir considérablement ses investissements à cette usine si le
handicap économique que constitue l'éloignement de sa concession
n'est pas corrigé. Kruger doit avoir la possibilité d'alimenter
rationnellement son usine en matière ligneuse.
En 1985, Kruger a acquis une autre usine en voie de fermeture à
Terre-neuve. Depuis cette acquisition, Kruger a investi là plusieurs
millions de dollars. Le gouvernement terre-neuvien a décidé de
privilégier cet employeur en lui octroyant un territoire de coupe
imposant et en lui offrant des garanties d'approvisionnement sur une
période de 99 ans et ce, dans la cour arrière de l'usine. En
outre, cette division de Kruger produit son énergie électrique
à même sa propre centrale, ce qui lui permet de réduire
considérablement ses coûts de fabrication du papier. Cette
situation nous inquiète pour l'avenir des installations de Kruger
à Trois-Rivières.
Nos 1600 membres de l'usine de Trois-Rivières, surnommée
la capitale mondiale du papier, sont aussi inquiets des positions que prendra
le gouvernement concernant l'application de la nouvelle Loi sur les
forêts. Ces mêmes travailleurs ont été victimes d'une
fermeture lorsque l'usine était la propriété de Domtar.
Ils sont à nouveau inquiets de leur avenir.
Il faut que les nouvelles règles d'allocation puissent assurer la
distribution des territoires boisés afin que des usines comme celle de
Kruger puissent rivaliser avec les autres producteurs de papier de la
région de la Mauricie, à ce moment-ci largement favorisés
par la proximité de leurs concessions. Kruger est un exemple qui
démontre l'urgence de réformer en profondeur les principes
d'allocation de la ressource favorisant un maximum d'efficacité
économique. C'est la survie des usines et des emplois qui est en
cause.
Maintenant, il s'agit de la scierie Bellerive et de l'usine de
déroulage scierie Bellerive Ka'n'enda à Mont-Laurier. Le cas
suivant peut fournir une belle illustration des situations qui peuvent
être créées par les pratiques actuelles de gestion de la
ressource forestière.
Au moment même où le gouvernement propose un nouveau
régime forestier dont l'un des objectifs serait d'assurer un
approvisionnement suffisant aux établissements existants de
transformation du bois, la FTQ désire attirer l'attention des membres de
cette commission sur la situation aberrante qui se vit présentement
à Mont-Laurier. Depuis le 25 juillet dernier, l'usine de
déroulage-placage et la scierie Bellerive Ka'n'enda à
Mont-Laurier, qui appartiennent à la société d'État
REXFOR, sont fermées. Environ 150 travailleurs membres de la FTQ se
retrouvent sur le pavé sans connaître ce qui les attend. Sans
compter que quelque 80
autres avaient été mis à pied l'an dernier.
Le problème de Bellerive n'est pas un problème de
marché, mais un problème d'approvisionnement en bois de
qualité pour le déroulage et le sciage. En théorie,
Bellerive a droit a 12 860 mètres cubes de feuillus venant
principalement des concessions MacLaren pour le déroulage et à 59
700 mètres cubes de bois pour le sciage. Selon nos informations,
Bellerive n'a accès qu'à environ 7000 mètres cubes de bois
de déroulage et se retrouve, de plus, avec une grande quantité de
bois de piètre qualité pour le sciage.
Là où la situation devient non seulement aberrante, mais
totalement inacceptable pour les travailleurs, ainsi que pour la population de
Mont-Laurier, c'est lorsque les principaux compétiteurs de Bellerive
Ka'n'enda viennent s'approvisionner dans les Hautes-Laurentides, autour de
l'usine de Mont-Laurier. À titre d'exemple, un des principaux
compétiteurs de Bellerive vient chercher 8000 mètres cubes de'
feuillus pour déroulage dans la Haute-Gatineau et 4200 mètres
cubes dans la Lièvre supérieure, sur une allocation de 19 500
mètres cubes au total.
Un autre cas confirme nos dires. Alors que l'usine Bellerive fermait ses
portes en juillet, les industries manufacturières Mégantic,
à Lac-Mégantic, rouvraient les leurs avec une allocation de 4000
mètres cubes provenant de chez MacLaren, de 2000 mètres cubes de
la région Coulonge-et-Noire, et de 5000 mètres cubes pour le
déroulage et le sciage provenant de Val-d'Or.
Une privatisation en douce? La FTQ se demande si le gouvernement
québécois n'a pas décidé de sacrifier la seule
usine de déroulage appartenant à l'État au profit de
compétiteurs privés. Assistons-nous à une privatisation en
douce faite sur le dos des travailleurs et de la population des
Hautes-Laurentides?
Nous savons que les principaux compétiteurs de Bellerive lorgnent
de ce côté; des approches auraient été faites pour
l'acheter, mais leur principal intérêt serait de la fermer afin de
mettre la main sur son approvisionnement.
Les travailleurs de Bellerive et la population de Mont-Laurier n'ont pas
oublié la promesse faite par le ministre délégué
aux Forêts lors de l'annonce récente de l'implantation de la
nouvelle usine Panfibre, à Mont-Laurier. Le ministre déclarait
alors: "D'une part, l'usine MDF répond à des besoins souvent
exprimés par la population locale; d'autre part, cette usine permettra
de consolider les opérations de l'usine Bellerive-Ka'n'enda." M. le
ministre, nous vous demandons de prendre position rapidement dans ce dossier
afin d'assurer un approvisionnement de qualité et en quantité
suffisante à Bellerive Ka'n'Enda, ainsi que sa réouverture
immédiate.
Nous croyons que le gouvernement doit se prononcer clairement pour un
principe logique et simple, à savoir que les établissements de
transformation devraient pouvoir s'alimenter aux ressources les plus
rapprochées de leurs installations afin de rationaliser l'allocation des
sources d'approvisionnement.
Notre position de base pour une politique forestière. La
forêt fait partie intégrante de notre patrimoine collectif et
constitue l'une de nos plus importantes ressources naturelles
périssables. Cette ressource alimente un important secteur de
l'activité économique et doit, à ce titre, être sous
le plein contrôle des pouvoirs publics.
Nous n'avons jamais accepté et nous n'accepterons jamais que
cette ressource soit remise aux simples forces du marché privé;
ce serait nous faire reculer dans le temps et mettre en péril une
industrie tout entière. C'est parce que cette ressource est
périssable et que son renouvellement doit être planifié sur
une langue période que l'État seul doit assumer cette
responsabilité.
L'État doit gérer la demande présente concernant
diverses essences en fonction des possibilités à long terme et se
donner les moyens de régulariser la demande sur les ressources. Il doit
donc jouer un rôle clé dans le marché de
l'approvisionnement en matière forestière et dans la coupe de
celle-ci.
L'actuel gouvernement, avec son obsession en faveur du secteur
privé, ne doit donc pas abdiquer ses responsabilités et oublier
l'inefficacité et les lacunes inhérentes aux politiques actuelles
qui compromettent l'avenir de la forêt québécoise.
L'expérience démontre avec éloquence que l'exploitation
efficace de la forêt ne peut reposer entre Ies mains du seul secteur
privé si on désire qu'elle se fasse en harmonie avec les besoins
de l'industrie.
Notre réaction à l'avant-projet de loi. Les principes. On
retrouve dans l'avant-projet de loi des éléments positifs qui
sont avancés depuis longtemps par la FTQ et ses affiliés: gestion
de la forêt fondée sur un inventaire décennal,
révocation des concessions forestières, rôle
multifonctionnel de la forêt, protection de l'écologie
forestière, aménagement et remise en production de la
forêt. Cependant, l'histoire de la forêt montre que les principes
et même les lois n'ont pas toujours pu protéger les ressources
forestières du Québec. Les réserves de grands pins blancs
créées en 1883 furent abolies quelques années plus tard et
les récoltes massives qui suivirent firent disparaître
l'espèce à toutes fins utiles. Plus tard, le merisier et les
feuillus connurent une surexploitation.
En 1972, on a dû changer les règles du
jeu. On va manifester la volonté de révoquer les
concessions forestières. Les objectifs de l'époque furent:
rationaliser la gestion des forêts et la production de bois, la
réallocation des aires de coupes, planifier la distribution du bois,
réorienter et développer la recherche. Douze ans plus tard, les
résultats sont exposés dans la problématique
d'ensemble.
Le Président (M. Cusano): M. Daoust, j'aimerais vous
souligner qu'il vous reste deux minutes. Je serai tolérant, mais au
maximum il vous reste cinq minutes.
M. Daoust: Bon. Alors, je vais passer peut-être
immédiatement aux propositions de la FTQ qu'on retrouve à la page
17.
Pour la FTQ, la politique forestière doit pouvoir poursuivre deux
objectifs fondamentaux: sauver la forêt immédiatement -
protéger l'avenir - et créer des emplois. Sur le plan des
objectifs, la FTQ rejoint le ministre responsable lorsqu'il déclare: "Il
faut qu'un nouveau régime forestier maintienne et stimule la
création d'emplois en forêt. Il faut développer une
nouvelle industrie pour traiter la forêt."
Cette nouvelle industrie, c'est aussi, pour la FTQ, la sylviculture.
Elle est la réponse aux problèmes de la forêt et au
problème d'emploi de la région, à la condition, comme le
disait le ministre, qu'elle doive fournir du travail permanent.
La FTQ propose deux moyens. Pour que la remise en production du
patrimoine forestier se réalise il faut remplir deux conditions.
D'abord, protéger la forêt contre les pressions politiques qui
s'exercent sur les gouvernements, principalement de la part des
papetières. À cet égard, nous proposons qu'un poste de
protecteur de la forêt soit créé qui serait responsable non
au gouvernement, mais à l'Assemblée nationale, qui pourrait mieux
arbitrer les conflits en étant plus autonome. La plus grande autonomie
dont il disposera lui permettra de mieux défendre les
intérêts à long terme de la forêt. Au plan canadien,
déjà une commission a innové dans le sens de cette
recommandation en Nouvelle-Écosse. (17 h 45)
Cependant, pour donner au protecteur des moyens pratiques de
réaliser son mandat, nous proposons, deuxièmement, la
création d'une société d'État de la sylviculture,
ce qui permettrait de séparer la responsabilité de couper les
arbres de celle de les faire repousser. La mission serait d'assurer le
renouvellement de la ressource à prix compétitif et de
réaliser le potentiel de création d'emplois que cette industrie
représente surtout dans les régions. Selon nous, cette
société mettra fin au conflit d'intérêts entre
couper des arbres et les replanter, ce qui a été en partie
à l'origine de l'échec des politiques précédentes.
La forêt est publique et sa gestion doit être publique.
Il me reste à peine une page ou deux, cela va aller
rapidement.
Le Président (M. Cusano): Allez-y, M. Daoust.
M. Daoust: Oui. Les deux principaux acteurs du milieu forestier
auront dorénavant un seul intérêt majeur, couper ou planter
des arbres. Nous mentionnons le nom de groupes ou de compagnies qui sont
intéressés. De l'autre côté, on retrouvera la
société d'État, ainsi que des forêts privées
qui seront responsables d'assurer le développement de la ressource
à prix compétitifs. L'activité conjuguée des deux
groupes devra assurer la survie et le progrès économique de 114
municipalités, de laquelle dépendent directement - non pas des
municipalités, mais de l'activité - 225 000 emplois directs et
indirects.
Deuxièmement, à partir de cette division des
responsabilités, nous pourrions envisager quelques règles de
fonctionnement pour ce qui est du financement de cette société
qui pourrait vendre les résultats de ses travaux sous forme de droits de
coupe, selon ses prix de revient. Les établissements de transformation
pourront acheter ces droits en fonction de leurs besoins à court et
à moyen terme et ce système mettra fin aux concessions. Ce
principe permet d'instaurer une plus grande efficacité économique
et représentera un pas vers le rétablissement d'une certaine
forme d'efficacité dans l'attribution des ressources
forestières.
Troisièmement, les plantations se feront dans la recherche d'un
équilibre entre les besoins potentiels des différents secteurs de
transformation et en fonction des besoins de l'utilisation.
À court terme, comme les forêts de résineux sont
constituées à 58 % de peuplements mûrs, des travaux
d'aménagement auront des impacts positifs, car ils permettront d'y
augmenter la récolte immédiatement.
À long terme, cette société fera l'équilibre
entre la récolte telle que pratiquée par les utilisateurs et
l'aménagement dont la responsabilité incomberait au gouvernement.
Les frais de bureaucratie publics et privés seront réduits. Il y
aura réduction des frais entraînés par les
procédures actuelles pour l'obtention d'allocations. Une rationalisation
des allocations se fera sur la base des coûts de transport. Enfin, cette
société serait responsable d'assurer la vocation
multifonctionnelle de la forêt.
Je passe aux conclusions. Le financement, on pourra en reparler. La
forêt, ressource collective. L'expérience montre que
l'exploitation de la forêt requiert un contrôle
public et un organisme responsable de son application devant
l'État afin d'assurer l'aménagement de la forêt et une
allocation rationnelle de la ressource. Nous ne croyons pas que la forêt
puisse continuer à être soumise aux aléas des pressions
politiques. L'avant-projet de loi ne va pas dans ce sens, tant en ce qui
concerne la notion du contrôle que celle d'une bonne gestion
éventuelle de la forêt. Sans une solution adéquate à
ces deux problèmes, l'exploitation rationnelle et le
développement de la qualité de la forêt ne seront jamais
assurés.
Compte tenu de l'urgence de la situation, cet avant-projet de loi ne
peut être considéré comme un outil valable pour faire face
aux tâches requises pour le redressement de la situation dans la
forêt. Le but de la politique gouvernementale doit être de
rétablir le contrôle public sur le patrimoine forestier et de
fournir la garantie à l'industrie que la ressource forestière
sera disponible à un prix compétitif. Cet avant-projet de loi ne
nous offre pas les garanties suffisantes que les producteurs vont faire les
travaux qui s'imposent. C'est à l'État de s'assurer de la remise
en production de la forêt.
En ce sens, nous nous opposons catégoriquement à la
poursuite des pourparlers de vente des actifs de REXFOR avant que ne soit
déterminée la nouvelle politique forestière qui devrait
mieux définir le rôle de l'État dans ce secteur
névralgique. Il est tout à fait prématuré de nous
priver des faibles instruments collectifs, comme REXFOR, que nous
possédons dans ce secteur, ce qui renforcerait la position des
papetières qui n'ont jamais pu garantir à long terme la
viabilité de la ressource forestière.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. Daoust. Avant de
céder la parole au ministre, je tiens à vous remercier de votre
collaboration pour la présentation du mémoire. M. le ministre
délégué aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président. M. Daoust, soyez le bienvenu, ainsi que votre équipe,
à cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les
forêts. Évidemment, vous nous présentez un mémoire
intéressant que l'on a passé rapidement. Nous n'avons pas eu le
temps d'y réfléchir tellement, mais, tout de même, on va
essayer de se parler et de discuter de certaines de vos propositions.
Quand vous parlez de Kruger à Trois-Rivières, je ne suis
pas au courant. Lorsqu'en 1973, Kruger a acheté l'usine
désaffectée ou abandonnée par Domtar, cette compagnie
était absolument au courant des garanties d'approvisionnement qu'elle
pouvait obtenir. Est-ce que c'est le cas, M. Daoust?
Le Président (M. Cusano): M. Daoust.
M. Daoust: Peut-être que je pourrais faire appel à
M. Jean Martin ou à...
Une voix: Oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Elle était
absolument au courant. Kruger a investi et elle n'a pas été
trompée sur la question des approvisionnements.
M. Martel (Yvon): Oui, sauf que plus tard, au cours des
années, ce producteur a perdu une partie de ses approvisionnements, de
ses concessions en Abitibi. On a offert, comme solution alternative, de les
refouler quelque 250 kilomètres plus loin, ce qui est leur source
actuelle, soit à 645 kilomètres.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Un autre syndicat
est venu nous parler du problème de Kruger à Brompton. Les gens
de Kruger, avec l'autre syndicat, sont venus nous rencontrer pour nous demander
de leur accorder des concessions forestières - c'est le terme qu'on a
employé - plus près de l'usine alors qu'on sait que dans les
Cantons de l'Est, ce n'est pas facile de trouver des secteurs publics
disponibles, parce que c'est majoritairement un secteur privé.
Évidemment, on ne peut pas donner ce qu'on n'a pas. Dans le temps,
c'était peut-être convenu et Kruger a investi en sachant fort bien
qu'il n'y avait pas de concessions forestières ou de garanties
d'approvisionnement disponibles près de Trois-Rivières. Remarquez
bien que je réalise que la compagnie Kruger a investi
énormément au Québec depuis qu'elle a acheté en
tout premier l'usine de Brompton. Ses investissements sont remarquables, mais
encore une fois, quand je pense au secteur des Cantons de l'Est ou du
Saint-Maurice, on ne peut pas accorder ce qu'on n'a pas.
Ce que vous souhaitez dans votre mémoire, c'est que, lors de la
révision des allocations, on tienne compte de la proximité des
usines, c'est cela?
M. Martin (Jean): Exactement, M. le ministre. Quant à
nous, dans la région immédiate de la Mauricie où est
située l'usine de Kruger, s'il y avait une politique plus rationnelle de
redistribution de la forêt, à ce moment-là, cela n'aurait
que des effets bénéfiques pour le centre du Québec. Par
exemple, tout le monde est au courant dans cette région-là qu'on
a un investissement potentiel d'environ 500 000 000 $ pour la construction
d'une machine à papier; les fondations, la machinerie et les
investissements potentiels sont là. La seule raison pour laquelle cette
machine à papier n'est pas en construction actuellement et
éventuellement en service, c'est qu'on n'a
pas d'approvisionnement en bois. Sauf qu'actuellement on s'expose
à ce que cette machine s'en aille carrément chez nos voisins de
l'Est, dans la province de Terre-Neuve, parce que là, on a du bois dans
la cour de l'usine, comme on le dit dans le mémoire.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Actuellement, nous
avons des demandes au ministère pour au-delà de 5 000 000 de
mètres cubes de bois, alors qu'on en a déjà alloué
31 000 000 de mètres cubes et que la possibilité reconnue en
résineux, sapin, épinette et pin gris est de 18 000 000 de
mètres cubes de bois. Vous voyez le problème. C'est pour vous
dire... J'ai l'habitude de dire à ceux qui demandent des augmentations
ou qui veulent avoir davantage de bois: Si la forêt peut le fournir, je
n'ai pas de problème. C'est aussi le cas de Kruger, si la forêt
peut le fournir. Mais lorsqu'on fera une révision des territoires devant
être attribués à des établissements, c'est sûr
que, si on peut l'accommoder, on va faire tout notre possible pour trouver
quelque chose. Soyez assurés de cela. C'est notre intention d'essayer de
rapprocher la forêt des usines, s'il y a un moyen.
Dans le cas de Bellerive Ka'n'Enda, je vous dirai que, quand REXFOR a
acheté cette compagnie, c'est avec l'intention d'avoir une
présence dans le déroulage, dans le "veneer". REXFOR aussi
était au courant, par le Dr Lachapelle, des garanties
d'approvisionnement qu'il y avait là. Elles sont encore là, sauf
que, dans le territoire ou dans le secteur d'approvisionnement qui lui est
réservé, elle ne trouve pas le bois de qualité qu'elle
espérait trouver. Encore là, cela ne fait pas pousser les arbres,
un investissement dans une usine. Si elle était là, nous serions
bien heureux, nous aussi.
Si j'ai endossé la venue de MDF à Mont-Laurier, c'est
justement parce que j'espère qu'avec cette usine de panneaux qui va
utiliser du bois impropre au déroulage et au sciage on va pouvoir
parcourir plus de terrain en forêt et peut-être l'aménager
de façon plus adéquate. Cela donnera peut-être la chance
à Bellerive Ka'n'Enda de trouver le volume nécessaire pour se
rentabiliser un peu. Je dois vous dire que REXFOR, depuis qu'elle a
acheté Bellerive Ka'n'Enda, a perdu, en moyenne, 1 500 000 $ par
année. REXFOR ne pouvait pas continuer dans cette même
foulée, mais son intention est d'ouvrir Bellerive Ka'n'Enda
aussitôt que l'usine MDF sera en opération, ou un peu avant. C'est
pourquoi j'ai soutenu la venue de MDF à Mont-Laurier, même s'il y
avait des choses à régler en sus du décret du 27 novembre
1985, à savoir qu'il y avait un problème d'infrastructure, de
subvention "in sight" qui n'était pas prévu. C'était un
problème de 2 500 000 $ et on a dit: Tu régleras ce
problème à même ton budget. Est-ce que cela vous satisfait?
C'est un peu ce que j'ai dit à Mont-Laurier quand j'y suis
allé.
M. Cloutier (Louis-Marie): Ce que l'on souligne, M. le ministre,
à la page 8, c'est la situation aberrante que l'on retrouve dans ce cas
particulier. D'accord, REXFOR a pris cela, sachant ce qu'elle avait comme
droits de coupe. Dans les droits de coupe qui lui sont alloués, elle en
a seulement 7000 mètres cubes. On sait que, pour REXFOR, ce n'est pas un
problème de rentabilité, c'est un problème
d'approvisionnement. Comme je le disais tantôt, ce que l'on trouve
aberrant, c'est que l'on vient chercher le bois dans cette région
particulière, dans la cour de cette usine, pour s'en aller à 300
et à 400 kilomètres de là. C'est cette politique qui fait
que l'usine de Mont-Laurier est fermée. Ce n'est pas un problème
de rentabilité.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais les
approvisionnements destinés à Gatineau...
M. Cloutier: Oui.
M. Côté (Rivière-du-Loup): ...étaient
déjà là lorsque C1P gérait l'usine de Gatineau.
Cela a été transféré au nouveau
propriétaire, j'imagine.
M. Cloutier: Oui, ils étaient là, excepté
que l'usine fonctionnait.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'était
pas du nouveau, cela.
M. Cloutier: Mais, depuis juillet dernier, l'usine est
fermée. Il y a là une situation nouvelle.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bellerive
Ka'n'Enda fonctionnait, oui.
M. Cloutier: C'est cela, le placage aussi, tout fonctionnait.
Mais là, c'est fermé. Il y a 225 travailleurs qui sont en
chômage. Ces personnes se disent qu'il est complètement illogique
de voir les "vans" de bois passer en avant sur le boulevard à
Mont-Laurier et s'en aller à 400 kilomètres de là.
M. Côté (Rivîère-du-Loup): Oui, mais
REXFOR a reçu les mêmes approvisionnements que du temps du Dr
Lachapelle, à Bellerive Ka'n'Enda. L'usine de Gatineau, qui appartenait
à CIP dans le temps, qui est devenue Les Placages de l'Outaouais, avait
les mêmes approvisionnements qu'aujourd'hui, non?
M. Cloutier: Ce qu'elle avait comme approvisionnement il y a
trois ans, il y a quatre ans, il y a cinq ans, je ne le sais pas. Les
politiques changent. Il y a des droits de coupe. Bellerive Ka'n'Enda, au moment
où
l'on se parle, a un droit d'approvisionnement de 12 000 mètres
cubes. Si elle avait 12 000 mètres cubes effectivement, ce serait bon,
cela fonctionnerait et les gens travailleraient, mais elle n'a pas cela. Dans
le territoire qu'on lui a alloué, elle ne peut pas
récupérer 12 000 mètres cubes de bois.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est le
même territoire que du temps du Dr Lachapelle.
M. Cloutier: Écoutez, il faudrait que j'entre dans les
problèmes politiques...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien non.
M. Cloutier: ...qui peuvent exister dans le coin et je ne
voudrais pas jouer là-dedans.
M. Côté (Rïvière-du-Loup): Cela
n'améliore pas la qualité des arbres quand il y a changement de
propriétaire, vous savez.
M. Cloutier: Dépendant des territoires que l'on donne.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est le
même territoire. On aurait peut-être dû l'examiner
attentivement avant.
M. Cloutier: Ce que l'on veut soulever ici, M. le ministre...
M. Côté (Rivière-du-Loup): II y a du bois qui
va à l'extérieur, c'est sûr. (18 heures)
M. Cloutier: ...c'est qu'il y a une nouvelle politique
forestière qui vient. On veut soulever des faits aberrants qui font que
l'on va chercher du bois dans la cour d'une usine fermée qui appartient
au gouvernement ou à REXFOR, pour l'amener à 400
kilomètres de là. Cela, c'est aberrant, c'est illogique. Cela me
fait penser quand, il y a sept ou huit ans, on descendait le poisson de
Montréal pour le vendre en Gaspésie, l'hiver.
M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est comme du
bois de MacLaren qui va à Mégantic. Il y a un an, on a dit
à Mégantic Manufacturing; Si vous ouvrez votre usine dans un tel
délai, vos approvisionnements sont toujours là. Cet
été, elle a décidé d'ouvrir. C'est un engagement
qui était pris depuis un an à savoir que Mégantic
s'approvisionnait chez MacLaren avant et elle s'approvisionne encore là
parce qu'elle a ouvert ses portes. Elle a répondu à une des
conditions du ministère.
M. Cloutier: Mais le gouvernement a toléré.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne trouve pas
ça diable, non plus; je ne vous dis pas que c'est correct, mais je vous
l'explique.
M. Cloutier: Le gouvernement a toléré que son usine
ferme et qu'on en ouvre une autre, même si des engagements avaient...
M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, elle n'en a
pas ouvert d'autre, sauf que, si on avait voulu que ça aille ailleurs,
cela n'aurait pas été plus logique. On a dit non, c'est la
condition qui a été posée il y a plus d'un an, ou deux
ans. C'est pourquoi, l'été dernier, Mégantic a
décidé d'ouvrir son usine pour se conformer à la condition
que le ministère lui avait posée. Sinon, elle aurait perdu son
approvisionnement, et là on aurait pu le distribuer parce qu'il l'avait
déjà été.
M. Cloutier: Sur ce point, personnellement, je prends ce que vous
dites. Mais une chose est claire, c'est que, les travailleurs impliqués
et les personnes résidant dans la région, je ne suis pas
sûr qu'ils vont tolérer cette situation éternellement.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je sais bien.
M. Cloutier: À un moment donné, quand la population
en a assez, elle réagit, et je pense qu'elle va réagir.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je comprends votre
point de vue mais je vous donne les explications qu'on m'a données
lorsque je suis arrivé au ministère, remarquez bien.
M. Cloutier: Les choses aberrantes, je pense que vous avez les
moyens de les régler ou de les corriger.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais
revenir, M. Daoust, sur vos recommandations concernant la proposition de la
FTQ, soit les deux moyens que vous proposez. Évidemment, on n'a pas eu
le temps de réfléchir sur ces deux moyens, mais je le ferai
certainement, soyez-en assuré. Vous proposez un poste de protecteur de
la forêt de façon à le soustraire aux pressions politiques.
Est-ce que ce poste de protecteur de la forêt est étanche à
ce point qu'il ne subit aucune pression politique ni de la part de l'industrie,
ni de la part des syndicats?
M. Daoust: Je pense que le pouvoir des papetières et de
l'industrie est autrement plus lourd que celui des syndicats dans ce domaine.
Somme toute, il s'agit de trouver un moyen de soustraire le ministre à
l'influence des papetières ou à d'autres influences, si vous
voulez, influences de nature politique, le soustraire de ces poids pour confier
la responsabilité à quelqu'un qui sera dégagé de
toutes ces contingences dans
lesquelles on vit quand on est un homme politique, et même un
gouvernement. Quel que soit le nom qu'on lui donne, protecteur de la
forêt ou gestionnaire de la forêt, nous souhaitons que quelqu'un
soit muni et nanti des pouvoirs indispensables pour éviter qu'il y ait
dilapidation des biens publics.
Nous avons pensé à cette formule qui n'a rien d'original
puisque, déjà, une commission d'enquête fait sien ce type
de recommandation comme étant à peu près le seul moyen qui
empêcherait les intérêts de toutes sortes de peser de tout
leur poids sur les décideurs politiques, quelqu'un qui soit responsable
à l'Assemblée nationale, mais dégagé de toutes ces
pressions et qui puisse arbitrer adéquatement les conflits. Je pense
qu'on peut donner toutes sortes d'exemples. Les ministres sont des
députés qui viennent de telle ou telle circonscription
électorale. La forêt est partout au Québec. À moins
qu'on soit un député d'une région fortement
urbanisée, quand on est un député, on est sensible aux
pressions de toutes sortes qui viennent du milieu.
Cela peut être la population, ce n'est pas anormal, cela peut
être les syndicats, c'est dans l'ordre normal des choses quand ils
représentent les travailleurs et les travailleuses de telle ou telle
usine, et ça peut être les compagnies, et ce n'est pas anormal non
plus. Mais il ne faut pas non plus sombrer dans les pressions des
papetières qui sont immenses, on le sait tous, et faire en sorte que les
hommes politiques et même le ministre, qui est un des décideurs
dans ce domaine, et le Conseil des ministres soient obligés à
certains moments de se plier aux diktats de ceux qui ont les pouvoirs
économiques et qui ont les moyens de les exercer sur le plan politique.
C'est pour cela qu'on parle d'un protecteur de la forêt. On ne
décrit pas son rôle de façon précise, mais on estime
qu'il serait muni d'une plus grande autonomie, ce qui lui permettrait de
défendre, comme on le dit dans notre mémoire, les
intérêts à long terme de ceux qui se préoccupent de
ce problème.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Je trouve cela
intéressant, M. Daoust, parce que j'ai vécu et j'ai vu des
pressions exercées sur des ministres. Comme vous le dites, c'est vrai,
c'est un fait. Je me demandais s'il n'y avait pas un moyen de le soustraire
à ces pressions et lui donner l'appui même de l'Assemblée
nationale, étant donné qu'on parle d'un patrimoine collectif, du
patrimoine forestier. Je trouve cela intéressant. Je ne vous dis pas
que... Je me suis informé depuis quelques mois. On m'a dit que cela sera
lourd, que cela sera difficile. Je trouve cela intéressant, parce qu'on
parle du bien de tout le monde et il faut que tout le monde en ait
connaissance.
M. Daoust: Oui. Cela permettrait une plus grande transparence
dans les décisions qui sont prises et qui devraient être
justifiées inévitablement. Ce protecteur de la forêt, ou
quel que soit le nom qu'on lui donnerait éventuellement, encore une
fois, serait responsable à l'Assemblée nationale des gestes qu'il
pose et devrait justifier ses décisions, mettre en place un tas de
mécanismes pour permettre à la population, aux différents
groupes, quels qu'ils soient, de s'exprimer. Ses décisions seraient donc
dégagées, encore une fois, de toute influence politique dans le
sens qu'on l'a exprimé dans notre mémoire et que j'ai
mentionné un peu plus tôt. C'est un mécanisme, c'est une
structure, c'est une institution à mettre sur pied mais qui permettrait,
à notre sens, d'arriver aux fins que, collectivement, on souhaite
tous.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Quand vous parlez
de la création d'une société d'État de la
sylviculture, est-ce que cela ne pourrait pas être le rôle de
REXFOR plutôt qu'un rôle d'investisseur, comme on en a fait depuis
quelques années?
M. Daoust: Vous savez que nous ne souhaitons pas que le
rôle de REXFOR soit amoindri, que cette société
d'État soit vidée de son mandat et vouée à une
disparition en douce. Nos positions sont connues là-dessus. Quand on
parle d'une société qui s'occuperait de la sylviculture, en
principe, il ne peut pas y avoir d'objections à ce que ce soit REXFOR,
mais il faudrait bien dégager les mandats pour ne pas qu'il y ait de
contradictions ou de conflits d'intérêts entre certains des
rôles assumés par REXFOR et le rôle qu'on voudrait voir
assumer par une société d'État de ce type. Somme toute, on
veut faire une distinction très nette entre la forêt qui doit
continuer potentiellement à fournir les produits aux utilisateurs et les
utilisateurs de cette dernière. On trouve qu'il y a là une
espèce de conflit d'intérêts quand les grands utilisateurs
sont en même temps responsables de l'avenir de la forêt. II y a
toutes sortes d'exemples qu'on peut donner qui justifient notre position
là-dessus et qui nous convainquent qu'il faut absolument que ces deux
fonctions soient nettement distinguées. La forêt,
propriété collective des Québécois, doit être
gérée de façon très rationnelle et de façon
qu'elle puisse fournir les produits à ceux qui l'utilisent. Mais on voit
carrément une contradiction - je pense qu'on le souligne dans notre
mémoire - dans le rôle actuel des utilisateurs qui sont en
même temps responsables de l'avenir de la forêt et cela nous semble
une situation inacceptable.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aimerais
prolonger, mais on m'avise que mon temps
est écoulé. Je ne vois pas de contradiction dans le fait
que l'État demeure responsable, étant donné qu'il est
propriétaire, et qu'il fasse exécuter les travaux
d'aménagement en forêt, peu importe par qui, pour autant qu'il
s'assure des résultats et que les objectifs soient atteints.
Là-dessus, j'ai terminé.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La parole
est maintenant au député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je
tiens à saluer personnellement M. Daoust que je connais depuis de
nombreuses années. Et, au nom des membres de l'Opposition qui
siègent à cette commission parlementaire, je voudrais aussi ie
saluer ainsi que ses collègues qui l'accompagnent.
M. le Président, je trouve très intéressants les
deux sujets qui ont été apportés par la FTQ. Bien
sûr que, mises à part les deux recommandations qui ont
été faîtes, vous me permettrez sûrement, M. Daoust,
de poser des question en à côté de votre mémoire,
à la suite de ce que nous avons entendu de certains organismes, sans
pour autant vous imposer l'obligation de répondre si vous n'avez pas
étudié la question.
D'abord, la chose qu'on a entendue à peu près de tout le
monde ici - je pense que personne n'a dit le contraire - c'est que la
forêt fait partie intégrante de notre patrimoine collectif en tant
que Québécois et Québécoises et constitue l'une de
nos plus importantes ressources naturelles, périssable mais renouvelable
si on s'en occupe. J'admets d'emblée aussi qu'au cours des
décennies les gouvernements qui se sont succédé, peu
importe lesquels, n'ont peut-être pas apporté l'attention qu'ils
auraient dû apporter à ce patrimoine forestier et collectif dont
vous parlez.
Lorsque vous parlez d'une politique forestière, vous connaissez
sûrement nos positions sur l'avant-projet de loi qui a été
déposé. Je ne vous demanderai pas aujourd'hui de prendre position
sur chacun des 113 articles de cet avant-projet de loi. Cependant, quelques
articles soulèvent des points drôlement importants pour la
collectivité du Québec.
Ma première question: Etes-vous d'accord avec l'abolition des
concessions forestières telles qu'elles existent actuellement pour
permettre une réallocation des bois, en rapport avec la moyenne des cinq
dernières années? Je voudrais que vous parliez surtout des cinq
dernières années. Êtes-vous pour cette position quant
à la moyenne des cinq dernières années?
M. Daoust: À l'égard de la première partie
de votre question, notre position est très claire, nous sommes pour
l'abolition des concessions forestières. Cela est très
précis. C'est pour cela que nous revenons inévitablement à
cette proposition d'un organisme quelconque - on l'appellera comme on voudra
qui puisse être doté de toute l'indépendance voulue pour
disposer des demandes qui lui sont faites, tenant compte du bien commun.
La deuxième partie de votre question est un peu plus technique
pour moi, je ne sais pas si d'autres peuvent la commenter. Est-ce qu'on devrait
se baser sur ce qui a été fait depuis les cinq dernières
années? Cela devient un peu plus complexe, mais si on revient à
notre position de départ, dès qu'on aura un organisme, une
institution, une personne dont le mandat, le rôle et la
légitimité seraient consignés dans des textes de loi, cet
organisme pourrait disposer des demandes qui lui sont faites en tenant compte,
évidemment, des précédents et d'un tas de
réalités extrêmement complexes qui ne lui
échapperaient pas, étant donné que sans aucun doute cette
personne ou cet organisme aurait à sa disposition tous les faits, toutes
les statistiques, toutes Les données qui lui permettraient de prendre
des décisions.
Je ne sais pas si d'autres veulent commenter le problème des cinq
dernières années?
M. Martel: Je pense que cette deuxième question est le
pendant direct de la première question. Si on doit abolir les
concessions forestières tel qu'on les connaît dans le moment, oui,
on est aussi d'accord pour que cela soit fait selon le vécu des cinq
dernières années et révisé par la suite
périodiquement, selon ce que la FTQ et ses syndicats affiliés
proposent et qui serait sous la gouverne dudit protecteur de la forêt.
(18 h 15)
M. Perron: D'accord. Merci de votre réponse. Je pense
qu'elle est assez claire concernant les cinq dernières
années.
M. Daoust, vous avez parlé... Avant de revenir à la
société que vous mentionnez, je voudrais vous demander votre
opinion en tant qu'entité syndicale sur la création d'un conseil
permanent de la forêt qui regrouperait l'ensemble des instances
forestières, incluant les syndicats, et qui procéderait à
recommander au gouvernement, toujours dans le cadre du livre blanc, les
façons d'agir dans tel ou tel dossier, que ce soit l'approvisionnement,
que ce soit dans le domaine des coupes, des permis de coupe, ou autres.
M. Daoust: Oui. Vous connaissez notre position à
l'égard de nombreux conseils et comités que les gouvernements
précédents ont mis sur pied.
M. Perron: C'est pour cela que je vous pose la question.
M. Daoust: Et qui ont permis aux citoyens et aux groupes,
à ceux qui étaient directement visés par tel ou tel type
de législation ou telle ou telle réglementation, de faire valoir
leur point de vue. Je ne ferai pas I'enumeration de tous ces organismes. Nos
positions sont connues. Nous souhaitons le maintien de la plupart des
organismes qui ont été mis sur pied au Québec depuis de
nombreuses années puisqu'ils permettent véritablement que le
débat public puisse s'engager et qu'ils évitent des formes de
lobbying privés qui sont néfastes, dans bien des cas, puisqu'ils
se font de façon clandestine dans certains cas et, dans d'autres cas, de
façon plus ou moins correcte. Que les groupes, quels qu'ils soient,
puissent autour d'une même table exprimer leur point de vue
ponctuellement sur des projets qui font l'objet de réflexions
gouvernementales, puissent dégager des orientations qui sont les leurs,
puissent procéder à des consensus quand c'est possible,
voilà un type de recommandation que nous appuyons fortement, que nous
avons vécu et que nous vivons encore au Québec et qui donne des
résultats.
Alors, qu'on trouve un lieu quelque part qui permettrait à tous
ceux qui sont intéressés par l'avenir de la forêt au
Québec de pouvoir s'exprimer, examiner la situation, émettre des
avis et tout ce qui en découle et procéder à des
échanges de vues entre eux, cela ne peut être que sain sur le plan
de la vie démocratique dans notre société. S'il y avait un
comité quelconque, un conseil quelconque ou un lieu quelconque qui
permettrait aux intéressés de s'exprimer, cela ne ferait que
renforcer, à notre sens, la nécessité qu'en un autre lieu
il y ait un arbitrage qui puisse se faire et des décisions qui puissent
se prendre, dégagées des contingences politiques qui sont celles
de n'importe quel gouvernement, avec des balises évidemment. On ne peut
pas entrer dans tous les détails, mais ce type d'organisme ou d'homme ou
de personne qu'on a appelé dans notre mémoire le protecteur de la
forêt, que ce dernier puisse s'appuyer sur un comité, un conseil
de nature consultative ne ferait qu'ajouter, à notre sens, à des
prises de décision qui seraient fort valables.
M. Perron: Merci, M. Daoust. Maintenant, je voudrais passer
directement à la page 17 de votre mémoire concernant le
protecteur de la forêt. C'est sûr que les deux points que vous
recommandez sont extrêmement reliés, d'après ce que j'ai pu
voir, avec ce que vous mentionnez en haut de la page, premièrement,
sauver la forêt immédiatement et la protéger pour l'avenir
afin d'assurer une ressource à prix compétitif et,
deuxièmement, créer des emplois. Je pense que tout cela est
interrelié.
Je vous avoue honnêtement que ce que vous soulevez, ce que vous
avez comme approche en rapport avec la création d'un poste de protecteur
de la forêt, c'est tout à fait nouveau. C'est la première
fois qu'on en parle depuis deux semaines au cours de cette commission
parlementaire. Cela fait dix ans que je suis en politique et c'est la
première fois que j'en entends parler et je trouve cela très
intéressant. Quant à vous dire aujourd'hui si je vous
répondrais oui ou non à la création de ce poste, je pense
qu'il faudrait avoir des informations additionnelles quant à ses
pouvoirs réels, quant aux mandats qu'il pourrait recevoir, quant
à un ensemble de choses à cause de la complexité de tout
le système forestier que nous avons au Québec actuellement et de
tout ce que nous devrons avoir à l'avenir pour protéger,
aménager, etc.
La question que je vous pose en rapport avec ce poste de protecteur de
la forêt est celle-ci: Est-ce que vous pourriez nous expliquer en gros
quels pourraient être ses pouvoirs face à l'appareil politique que
nous représentons? Bien sûr que je comprends très bien ce
que vous avez dit en rapport avec les pressions qui très souvent sont
énormes autant envers les députés qu'envers les ministres,
selon le cas que nous avons devant nous; les pressions sont fortes et elles
viennent d'à peu près toutes les directions. Quels seraient les
pouvoirs réels pour satisfaire aux objectifs que vous visez en rapport
avec la création de ce poste? C'est assez...
M. Daoust: Vous avez raison, M. le député, de
rappeler et de souligner les pressions énormes qui sont faites sur
l'ensemble de la députation et particulièrement les
députés les plus touchés par les décisions dans le
domaine forestier. On l'indique dans notre mémoire. Il y a 57 compagnies
papetières en cause. Il y a 645 scieries commerciales, 114
municipalités, 75 000 travailleurs, 225 000 emplois directs et indirects
qui en découlent. On voit que c'est l'ensemble du Québec qui
bouge quand on touche à la forêt.
Le mandat qu'on pourrait imaginer rapidement, ce serait de permettre
à cette personne, qui serait appuyée par une équipe de
gens qui connaissent toutes les complexités du secteur et une
équipe inévitablement multidisciplinaire qui aurait accès
à toutes les données et qui doterait le Québec d'un lieu
qui permettrait aux intervenants de toutes sortes d'appuyer leurs
revendications et de les structurer avec beaucoup plus de rigueur que c'est
fait à ce moment-ci... Ses mandats, ou son mandat, seraient d'arbitrer
les conflits, de disposer
des décisions qui doivent être prises, d'entendre les
parties, les revendications de toutes sortes, les demandes qui lui seraient
soumises inévitablement et de disposer, de décider, autrement
dit, de façon formelle au moment où des demandes lui seraient
soumises. Je ne veux pas aller dans tous les détails. On peut imaginer
d'autres types d'institutions semblables qui existent sans aucun doute dans
d'autres pays et peut-être ici même au Canada et au
Québec.
De temps à autre, on nous a souligné le rôle du
Vérificateur général. Je ne veux pas faire d'analogie,
c'est extrêmement complexe, mais il y a des gens qui occupent des postes
dans notre société, des fonctions gouvernementales et qui sont
dégagés de l'influence quotidienne des hommes politiques, que ce
soit le président de la Banque du Canada ou le Directeur
général des élections. II y a des gens à certains
endroits qui relèvent ou de l'Assemblée nationale ou du Parlement
du Canada et qui jouissent d'une très grande liberté de
manoeuvre, d'une très grande autonomie. On permet à ceux qui
détiennent ces postes de prendre des décisions qui ne sont pas
colorées par les contingences politiques qui existent dans toutes les
sociétés et qui permettent une incroyable transparence.
Si on juxtapose au protecteur de la forêt la création d'un
conseil "aviseur" consultatif où se retrouveraient toutes les parties et
si on ajoute à tout cela, évidemment, la présence du
ministre, du Conseil des ministres et des députés qui ont un
rôle à jouer, sans aucun doute, on pourrait voir un type de
protecteur du citoyen qui pourrait accomplir des tâches, encore une fois,
sans qu'il ne soit influencé par des intérêts inavouables,
dans certains cas, mais qui s'expriment malgré tout.
Le Président (M. Cusano): M. Daoust, le temps du
côté ministériel étant écoulé, je
cède la parole au député de Laviolette.
M. Jolivet: Malgré tout?
Le Président (M. Cusano): Non, le côté
ministériel.
M. Jolivet: D'accord. Merci, j'ai eu peur. Merci, M. le
Président. J'ai deux commentaires à faire. Il ne nous reste pas
beaucoup de temps. Je suis un peu surpris de voir l'attitude de M. le ministre
qui semble dire qu'il regarde avec beaucoup d'attention la question du
protecteur de la forêt alors qu'il a complètement ignoré le
conseil permanent de la forêt qui avait un rôle à jouer qui
était un rôle de régulateur, justement.
On doit aussi tenir compte d'une chose. Quand le conseil permanent de la
forêt a été proposé, c'était dans un but
précis qui était reconnu par le. fait que la politique
forestière va déterminer les territoires à venir. On se
pose la question suivante. Est-ce que ce sera sur 18 000 000 de mètres
cubes, sur les 26 000 000 de mètres cubes prévus ou les 21 000
000 de mètres cubes coupés actuellement? Peu importe. Une chose
est certaine, c'est qu'il y aura un partage du territoire. Reconstruit
régionalement, ce conseil permanent de la forêt avait pour but de
régler les problèmes régionaux. Je suis un peu surpris de
voir qu'il semble accorder une attention particulière au protecteur de
la forêt. Cela peut être facile, comme vous êtes !e dernier
intervenant de l'ensemble de ceux qui ont présenté un
mémoire, de nous dire une chose semblable. C'est intéressant de
nous le dire, mais je ne suis pas sûr qu'il y aura une
réalité à la fin, vu qu'il a refusé le conseil
permanent de la forêt.
La raison pour laquelle j'arrive à cela, c'est parce que je
voulais parler de Kruger. Je suis très intéressé,
aujourd'hui, de voir que la compagnie Kruger a réussi à
convaincre deux syndicats de l'appuyer en commission parlementaire, ceux qui
travaillent à Brompton et ceux qui travaillent à
Trois-Rivières. Cela me surprend, mais je les comprends parce que le
seul moyen qu'il reste actuellement, dans le cas du partage, c'est de s'assurer
que les travailleurs soient derrière elle pour Taire les pressions qui
s'imposent. Quand vous parlez de pressions sur le ministre, vous en faites
actuellement aujourd'hui. Je ne sais pas si on devrait avoir un protecteur pour
l'empêcher de quelque geste malencontreux. Une chose est certaine, c'est
que le nombre de mètres cubes qui sera alloué à cette
compagnie dépend de sa localisation. J'en suis conscient: 32 voyages par
jour, 24 camions qui font en double l'aller retour de La Tuque, Chibougamau,
Trois-Rivières, les gens les connaissent sur la route.
Chibougamau-Chapais, excusez-moi, M. le député d'Ungava.
Ce que je veux dire, c'est qu'effectivement il va y avoir un partage
nouveau du territoire. Je ne viendrai pas dire aujourd'hui que, comme CIP a
ouvert un nouveau territoire sur la rive ouest de La Tuque, peut-être que
ce serait un des plans que pourrait avoir, au camp Jean-Pierre ou ailleurs, la
compagnie Kruger; ce sera dans les négociations qui doivent se faire.
Une chose est certaine si on veut avoir un moyen de répartir cela
équitablement, un des moyens qui existent, c'est le conseil permanent de
la forêt. Je vous dis cela parce que, effectivement, Kruger est en
difficulté quant à son approvisionnement, mais, comme le disait
M. le ministre, il faut dire que, dans l'historique où elle était
placé, elle savait où elle allait, sauf le problème de
révocation de concessions forestières que l'on connaît.
Certainement, Kruger fait ses pressions en disant qu'elle en
difficulté pour l'approvisionnement, mais -peut-être que le
député d'Ungava pourra en témoigner; il n'a
peut-être pas le temps de le faire - il n'y a pas eu beaucoup de coupes
dans le coin de Chibougamau-Chapais. Elle est allée s'assurer d'un
approvisionnement, dans bien des cas, dans le secteur privé ou avec des
ententes avec d'autres et même par bateau. Ce n'est pas seulement par
camion et par train qu'elle s'approvisionne, c'est même par bateau.
Dans ce contexte, il est évident qu'il va falloir que l'on
s'assoie pour regarder attentivement le portrait régional. Je vais
terminer en vous disant que je trouve malheureux que le ministre semble vouloir
dire: Oui, d'accord, c'est une bonne idée, on regardera cela, mais c'est
difficile d'ajuster le protecteur de la forêt alors que, du revers de la
main, il a enlevé le conseil permanent de la forêt qui avait pour
but de régler ces problèmes et de discuter, avec tous les gens
qui auront des allocations, du partage nouveau des bois. C'est plutôt un
commentaire.
Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce que vous avez un
commentaire à faire, M. Daoust? Il vous reste une minute. Il n'y a pas
de commentaire, alors je cède la parole au député de
Duplessis. (18 h 30)
M. Perron: J'ai une question à soulever. À la page
18 de votre mémoire, vous écrivez: Cependant, pour donner au
protecteur des moyens pratiques de réaliser son mandat, nous proposons
la création d'une société d'État de la
sylviculture. Pourriez-vous me dire quelles seraient les relations entre la
société en question et le protecteur de la forêt puisque
vous avez mentionné cette première phrase au début? On
voit une relation entre la recommandation 1 et la recommandation 2.
M. Daoust: Oui, dans la deuxième recommandation, qui est
aussi fondamentale pour noua - on le mentionne dans le mémoire - c'est
de séparer la responsabilité de couper les arbres de celle de les
faire repousser. Nous estimons que c'est fondamental qu'il y ait vraiment une
démarcation très nette entre ces deux rôles fondamentaux.
D'un côté, on les utilise et, de l'autre, on s'occupe de les faire
repousser. Lorsque ce sont les mêmes personnes, l'histoire le prouve
depuis toujours au Québec, on estime qu'il y a des difficultés
quasiment insurmontables qui peuvent éventuellement mettre en
péril la forêt du Québec. Alors, une société
d'État de la sylviculture dotée de ces pouvoirs et de ce
rôle, avec tout ce que cela peut impliquer d'explicitations, permettrait
au Québec de reprendre véritablement la mainmise sur sa
forêt qui est publique au point de vue propriété, mais
privée assez souvent dans son exploitation. Alors, ces deux rôles
étant définis, d'un côté, on s'occupe 'de la
forêt pour faire repousser les arbres et, de l'autre, on cède
telle ou telle partie de la forêt à ses utilisateurs. Cela
donnerait au protecteur de la forêt une vue d'ensemble et un partage des
tâches qui nous sortiraient peut-être du fouillis dans lequel on
s'est tous plongés depuis de nombreuses années.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. M. le
député de Duplessis, vos remarques de fin d'intervention.
M. Perron: M. le Président, avant de remercier les
représentants de la FTQ, je voudrais souligner certains engagements que
j'ai pris en tant que critique de l'Opposition en matière
forestière, et en particulier aujourd'hui. Il est sûr que dans les
prochains jours je vais écrire au président de la commission de
l'économie et du travail afin que les membres de cette commission se
réunissent en séance de travail pour regarder de très
près les possibilités pour un mandat d'initiative de la
commission de l'économie et du travail afin d'entendre des personnes et
des groupes sur les conditions de travail et de vie des travailleurs forestiers
ainsi que sur les conditions des travailleurs et des travailleuses dans le
domaine du reboisement. Cela est un premier engagement. Le deuxième
engagement, c'est de faire en sorte que - il va falloir qu'on fasse toutes les
pressions qui s'imposent auprès du leader du gouvernement et
auprès des ministériels -siège une commission
parlementaire itinérante lorsque le projet de loi définitif du
gouvernement sur la forêt collective du Québec sera
déposé à l'Assemblée nationale dans le but
précis d'entendre ce qu'ont à dire les gens des régions.
Tout le monde sait qu'on a entendu très peu de commentaires des gens des
régions à cette commission parlementaire, et pour cause. Je tiens
fortement à vous souligner que quant à nous il y a un profond
désaccord entre l'Opposition et le gouvernement sur le temps qui a
été alloué pour entendre des mémoires, lors de
cette commission, parce que, justement, cette commission avait pour but
d'entendre ce qu'avaient à dire les gens et les organismes concernant
une propriété collective qui s'appelle notre forêt
québécoise.
M. le Président, je voudrais terminer en vous demandant...
Le Président (M. Cusano): M. le député,
j'aimerais seulement...
M. Perron: Oui, je termine, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Un instant, je vous ai
demandé de faire vos remarques. Une fois qu'on aura remercié les
gens qui sont ici, vous aurez l'occasion de faire un discours de fin de
travaux.
M. Perron: M. le Président, je m'excuse. Après ce
qu'on a vécu à cette commission parlementaire, je n'ai pas
l'intention de revenir par la suite. J'aurais plutôt aimé poser
des questions aux représentants et représentantes qui se sont
présentés devant nous plutôt que de faire des commentaires
à la fin. Les commentaires que je viens de faire, ils demeurent, je les
maintiens.
M. le Président, je termine en remerciant M. Daoust
lui-même, qui a pris la peine de se déplacer pour venir
ici-aujourd'hui en tant que représentant de la FTQ, ainsi que les
personnes qui l'accompagnent et, enfin, tous les représentants et toutes
les représentantes des organismes qui se sont présentés
devant nous au cours de ces six journées que nous avons eues pour
entendre ce qu'ils et ce qu'elles avaient à dire. Merci à vous,
M. Daoust, et à votre équipe. On se souhaite, je crois,
mutuellement bonne chance pour atteindre les fins que nous nous sommes
proposées envers la protection de notre forêt
québécoise et sa meilleure utilisation. Merci.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre, votre remerciement, s'il
vous plaît.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, MM. les membres de la FTQ, j'aimerais revenir... On voit
peut-être d'une façon différente, mais à mon avis,
actuellement et dans le passé, la récolte et l'aménagement
ont été exécutés séparément; et vous
nous dites que le contraire s'est produit. Je crois que ces deux
activités sont intimement liées pour autant que l'État
propriétaire fixe les objectifs sylvicoles à atteindre et qu'il
s'assure de leur réalisation. J'aimerais que vous
réfléchissiez sur cela, parce que je crois que c'est de
même que cela s'est passé au Québec depuis de nombreuses
années. C'est là ma perception. Je suis peut-être dans
l'erreur, mais c'est ma perception. L'État s'engageait à faire
l'aménagement, et la récolte était faite par d'autres.
C'était séparé dans le passé, et on voulait encore
le séparer. Cela n'a pas donné de résultats heureux.
De toute façon, je tiens à vous remercier pour la
présentation de votre mémoire. Vous notez dans ce mémoire
des commentaires et des recommandations fort intéressants qui nous font
réfléchir. Soyez assurés que si c'est possible on se
reverra pour en discuter de façon à pouvoir l'insérer dans
le projet de loi qu'on a l'Intention de déposer prochainement. Je vous
remercie de votre intérêt à la cause forestière et
à la cause de vos membres. L'activité forestière
dépend d'une foule de travailleurs, comme vous l'avez signalé
dans votre mémoire, mais c'est aussi une intervention qui va tenir
compte des autres activités en forêt, soit la
récréation et l'environnement. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup, M. le ministre.
À mon tour, j'aimerais vous remercier, M. Daoust, pour votre
collaboration ainsi que vos collègues qui vous accompagnent de la
Fédération des travailleurs du Québec. À ce moment,
j'aimerais demander s'il y a des remarques finales de la part de
l'Opposition.
M. Perron: M. le Président, juste une remarque, puisque
j'en ai faites tout au cours de cette commission sur d'autres sujets. Je
voudrais remercier, bien sûr, mes collègues de l'Opposition, qui,
au cours de ces six jours de commission parlementaire, m'ont appuyé et
pour la bonne connaissance de leur dossier, contrairement à l'ensemble
des ministériels que nous avons en face de nous.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, tout au long des dernières semaines, nous avons eu
l'occasion d'entendre des commentaires et des suggestions autour de
l'avant-projet de loi sur les forêts. Au cours de ces
présentations, j'ai eu l'occasion, avec mes collègues du parti
gouvernemental et de l'Opposition évidemment, d'échanger des
idées et des opinions avec des intervenants publics
intéressés de près à ce que nous avons l'intention
de faire au chapitre de la réforme de la gestion forestière du
Québec.
Qu'il me soit d'abord permis de remercier et de féliciter chacun
des intervenants pour la qualité et la diversité des
interventions faites devant cette commission. Le but de l'exercice consistait
à recueillir le plus large éventail possible d'opinions externes
permettant de valider ou de bonifier l'avant-projet de loi sur les
forêts. En somme, l'objectif de cette commission visait à obtenir,
de la part des différents intervenants impliqués dans le secteur
forestier, les commentaires, les propositions et les avis me permettant de
parvenir à la proposition d'une définition du meilleur
régime forestier possible pour le Québec.
Dans cette optique, mes collègues de la commission ont eu
à démontrer une ouverture d'esprit exceptionnelle et je les en
remercie. Les membres de cette commission et les intervenants ont
favorisé l'émergence
de nombreuses suggestions qui nous permettront d'arriver à la
meilleure définition possible des nouvelles règles de gestion des
forêts. Il s'agit là, en effet, de notre principal souci. Les
travaux de cette commission parlementaire démontrent clairement la
volonté gouvernementale d'écouter ses partenaires et de
répondre à leurs inquiétudes. L'avant-projet de loi et
cette commission parlementaire démontrent également la
volonté de mon ministère d'assumer l'avenir en tenant compte des
capacités des différents intervenants à gérer les
contraintes issues du passé. Je pourrais épiloguer longuement sur
ces contraintes du passé mais, en soumettant une proposition pour
l'établissement d'un nouveau régime forestier, je tire des
leçons de ce passé, bien sûr, et j'invite tout le monde
à se tourner résolument vers l'avenir.
En déposant l'avant-projet de loi sur les forêts, en juin
dernier, je savais qu'il était perfectible. C'est la principale raison
pour laquelle j'ai opté pour la formule de l'avant-projet de loi et les
résultats des travaux de cette commission parlementaire justifient le
bien-fondé de ma décision. Parce que nous devons
reconnaître que, dans l'ensemble, la très grande majorité
des groupes consultés a exprimé son appui en ce qui concerne les
principes sous-jacents à l'avant-proje.t de loi sur les
forêts.
M. le Président, faut-il mentionner ou rappeler ici le nombre
impressionnant des intervenants impliqués dans le se'cteur forestier qui
ont manifesté leur appui au principe mis de l'avant dans la proposition
gouvernementale? Est-il utile ou nécessaire, en fait, de dresser la
liste de tous ces organismes qui, au cours des travaux de cette commission, ont
témoigné de leur accord sur les principes fondamentaux contenus
dans cet avant-projet de loi et sur l'urgence d'intervenir et de changer nos
habitudes? Qu'il me suffise de mentionner, entre autres, l'appui de
l'Association des techniciens forestiers du Québec, du Comité
consultatif sur l'environnement de la Baie James, de l'Université Laval,
de l'Association forestière du Québec, de la Chambre de commerce
du Québec, de l'Université du Québec, de l'Union
québécoise pour la conservation de la nature, de la
Fédération des associations pour la protection de l'environnement
des lacs, de la Fédération québécoise de la faune,
du Centre de recherche en foresterie de Sainte-Foy, du Grand Conseil des Cris,
de la Conférence des coopératives forestières du
Québec, de l'Association des biologistes du Québec, de
l'Association des pourvoyeurs du Québec, de la Fédération
des sociétés de conservation du Québec, de l'Union des
municipalités régionales de comté, de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec, de l'Association des
intervenants des Hautes-
Laurentides, de l'Ordre des ingénieurs forestiers - dont je fais
partie - de la Fédération des travailleurs du papier et de la
forêt, de l'Association des industries forestières du
Québec, de l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage, du
Fonds de recherches et de développement forestier, de l'Ordre des
technologues, du Barreau du Québec, de l'Association des banquiers, de
l'Association des scieries de la Rouge, de l'Association des mesureurs de bois.
Tous ces organismes voués à la cause forestière ont
donné leur appui au principe du projet de loi, mais il ne s'agit pas
d'un appui inconditionnel ou aveugle. Au contraire, ils sont d'accord quant au
principe et la plupart de ces organismes ont aussi exprimé des
divergences de vues quant aux moyens que nous suggérons pour atteindre
les objectifs recherchés par le gouvernement et par nos amis de
l'Opposition que je dois remercier pour leur collaboration et pour leur rapport
généralement constructif au cours des deux dernières
semaines.
M. le Président, il faut reconnaître qu'un projet de loi
d'une telle ampleur et qui se répercute par des impacts aussi
considérables que diversifiés sur l'économie
générale du Québec ne peut faire l'unanimité. En ce
sens, certains groupes ont exprimé leurs divergences en regard non pas
des principes mais davantage sur les moyens retenus jusqu'à
présent par le gouvernement pour réaliser et mettre en place le
nouveau régime forestier. Il faut souligner que ces divergences
s'expriment surtout par le truchement de questions et d'inquiétudes qui
apparaissent dans plusieurs mémoires, mais ces divergences ne
constituent pas une opposition formelle ni au principe ni à la forme du
projet soumis. (18 h 45)
II est, par ailleurs, évident que nous tenterons de
répondre à ces inquiétudes dont celle qui semble la plus
répandue et qui concerne l'utilisation optimale des forêts du
Québec. À cet égard, le "Guide des modalités
d'intervention en milieu forestier", auquel nous ferons référence
de manière plus explicite dans la loi, constitue un instrument de
première importance permettant d'assurer cette optimisation. Le "Guide
des modalités d'intervention en milieu forestier" est en effet le fruit
d'une concertation sans précédent de mon ministère avec
celui du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ainsi que celui de
l'Environnement,
La Loi sur le fonds forestier se préoccupe de la matière
ligneuse pour l'essentiel, ce qui correspond à la responsabilité
qui m'est dévolue en tant que ministre délégué aux
Forêts, mais elle s'inscrit également dans une vaste mosaïque
gouvernementale impliquant divers ministères dont le MLCP,
l'Environnement, les Affaires municipales concernant l'utilisation et la
gestion du territoire.
Il en va de même des inquiétudes soulevées par
plusieurs intervenants en ce qui concerne la mise en valeur des forêts
feuillues et mélangées. Elles seront prises en compte par le
ministère, en particulier dans le cadre de la confection du manuel
d'aménagement à laquelle pourraient participer les
différents intervenants impliqués et ceux que j'ai
sollicités au cours des travaux de cette commission. Il en va ainsi pour
d'autres aspects spécifiques reliés à l'implantation du
régime.
Cette commission parlementaire a surtout été l'occasion
pour la majorité des groupes impliqués de nous faire part de
leurs commentaires et de leurs propositions. Je tiens à assurer tous les
intervenants que nous tiendrons compte de leurs remarques constructives et
qu'elles pourront se traduire de façon explicite dans la future loi.
Bien que l'analyse de toutes les propositions formulées au cours des
travaux de cette commission ne soit pas complétée, je me
permettrai d'en relever certaines qui m'apparaissaient pertinentes. Le souci de
clarification, le balisage des pouvoirs réglementaires et
discrétionnaires, l'intégration dans la future loi du plus grand
nombre possible de règles d'intervention sont autant
d'éléments pertinents soulevés par plusieurs groupes et
dont j'entends tenir compte de façon spécifique lors de la
rédaction de la version finale du projet de loi.
D'autre part, les objectifs d'aménagement et les obligations des
utilisateurs seront davantage précisés dans la loi. Le respect du
rendement soutenu par l'application des techniques des sciences
forestières reconnues sera aussi plus explicitement
suggéré et étendu à toutes les essences et tous les
territoires forestiers.
Il est également de mon intention de clarifier et de
préciser l'importance des différentes sources d'approvisionnement
dans le calcul des volumes qui seront garantis par contrat à chaque
usine. D'un autre côté, le désir d'une majorité
d'intervenants de retrouver dans la loi les préoccupations de plusieurs
organismes et du gouvernement en matière de recherche forestière
sera pris en considération. Je peux vous assurer qu'il est dans mes
intentions de. recommander la création d'un organisme permettant
d'assurer la coordination des efforts de recherche forestière au
Québec.
Je m'engage également à sensibiliser mes collègues
ministres au chapitre de leurs responsabilités respectives, que ce soit
concernant la santé et la sécurité, le Code du travail, la
formation de la main-d'oeuvre forestière ou encore la façon de
réaliser les travaux sur le terrain. Quant aux garanties de
suppléance, je n'ai pas l'intention de favoriser outre mesure ce genre
d'engagement, mais je n'ai pas non plus l'intention d'inclure des interdictions
à cet effet dans la loi.
Sur la question du maître d'oeuvre dans les territoires où
plusieurs utilisateurs se chevaucheront, je n'ai pas l'intention, pour
l'instant du moins, d'aller plus loin que ce que prévoit l'article 31 de
l'avant-projet de loi. Je me réserve à cet effet la
possibilité d'utiliser REXFOR en dernier recours.
Pour ce qui est des représentations formulées au sujet de
la consultation libre de documents, je dois rappeler à ceux qui
s'intéressent à cette question que nous agissons
déjà, aux forêts, sur la base de consultations, par
exemple, dans la confection du manuel d'aménagement, le partage des
coûts, le "Guide des modalités d'intervention en milieu
forestier", etc. Il me serait difficile de donner libre cours à la
consultation des documents qui émanent des entreprises privées.
Mais, dans l'ensemble, je tiens à rassurer tout le monde que je
reconnais le principe et respecte toutes et chacune des dispositions de la loi
sur l'accès à l'information.
Il faut reconnaître, en outre, que nous faisons des efforts
à ce sujet, si on considère que le "Guide des modalités
d'intervention en milieu forestier" et le plan d'affectation sont d'ores et
déjà du domaine public.
Concernant le droit du premier refus revendiqué par les
exploitants qui se sentent dépossédés de droits
fondamentaux par la rétrocession des concessions forestières, je
peux les rassurer, en rappelant que le contrat d'approvisionnement et
d'aménagement remplacera équitablement et même
avantageusement la tenure actuelle et qu'en toute logique nous ne ferons pas
exprès pour établir des distances coûteuses entre les
usines et les nouveaux territoires d'approvisionnement.
Nous sommes cependant satisfaits que des exploitants de la
matière ligneuse soient d'accord sur les objectifs visés de
rendement forestier. Actuellement, nous comptons sur une possibilité de
0,87 mètre cube l'hectare et, avec le plan d'aménagement que nous
suggérons et que l'industrie accepte, nous visons un objectif de 1,23
mètre cube l'hectare pour les essences résineuses, soit: sapin,
épinette et pin gris. Je pense, M. le Président, qu'il s'agit
là d'un objectif souhaitable, réaliste et conservateur, de l'avis
des experts forestiers du ministère. Je remercie d'avance les
entreprises d'y adhérer.
Au cours de nos travaux en commission parlementaire, plusieurs
intervenants ont soulevé la question de la possibilité
réelle de nos forêts par rapport aux allocations. Nous
suggérons, quant à nous, que le volume total alloué dans
le nouveau régime forestier le sera en fonction d'une partie de la
capacité de produire de nos forêts avec aménagement
et non pas seulement en fonction de la capacité actuelle.
L'Opposition a fait des gorges chaudes à ce sujet en parlant de la
forêt électronique.
Je veux préciser que le calcul de ce que nos amis appellent la
forêt électronique est basé sur des réalités,
par exemple, sur des plantations québécoises de 45 ans
d'âge qui rapportent actuellement 4 mètres cubes l'hectare dans
les Cantons de l'Est. Ce calcul fait aussi référence à
d'autres pays, notamment la Finlande, où l'on peut compter sur une
moyenne de 2,50 mètres cubes l'hectare ou en Suède, où
l'on compte généralement une variante de 2 à 3
mètres cubes l'hectare, après aménagement. Ce sont
là des réalités tangibles. Dans cette optique, l'objectif
d'un rendement de 1,23 mètre cube l'hectare pour le Québec est
fort conservateur et n'a rien d'irréel.
M. le Président, je ne veux pas m'éterniser parce qu'il
est déjà tard. Mais qu'il me soit permis cependant d'insister sur
le thème positif, parce qu'à certains égards je dois
avouer que j'ai été déçu par certaines
réponses ou même par l'absence de réponse à nos
questions, notamment en ce qui a trait à la contribution
financière des autres utilisateurs et à la notion de
qualité de bois de sciage par rapport au bois à pâte. Nous
ferons appel à notre imagination et à notre expérience
pour améliorer nos interventions. Quant au pouvoir réglementaire,
on en a reproché l'ampleur, mais on ne m'a pas suggéré
beaucoup de solutions pour faire face aux réalités quotidiennes
forestières.
Dans l'ensemble, en concluant, permettez-moi, M. le Président,
d'affirmer que les travaux de cette commission étaient essentiels. Les
intervenants ont tous manifesté beaucoup de compétence, et la
qualité des mémoires ne fait aucun doute. Tous, sauf exception,
ont reconnu l'urgence de l'implantation d'un nouveau régime forestier.
Nous ferons en sorte que la nouvelle loi sur les forêts soit la plus
juste et la plus utile pour nous permettre d'assurer, pour nous et pour les
générations à venir, la pérennité de ce
patrimoine providentiel. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La
commission de l'économie et du travail, ayant accompli le mandat qui lui
a été confié par l'Assemblée, ajourne ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 18 h 54)