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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 29 août 1984 - Vol. 27 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions des parties sur l'impossibilité de s'entendre sur les modifications à apporter au décret de la construction


Journal des débats

 

(Seize heures sept minutes)

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'économie et du travail commence ses travaux. Je vais demander au secrétaire de la commission de nous faire part des remplacements.

Le Secrétaire: Les remplacements pour cette séance sont les suivants: M. Bourbeau (Laporte) est remplacé par M. Rocheleau (Hull); Mme Dougherty (Jacques-Cartier) est remplacée par M. Middlemiss (Pontiac); M. Perron (Duplessis) est remplacé par M. Laplante (Bourassa) et M. Rodrigue (Vimont) est remplacé par M. Tremblay (Chambly).

La Présidente (Mme Harel): La présente commission est convoquée à la demande du leader du gouvernement en vertu de l'article 51 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Le mandat de la commission - je vous le rappelle - est donc d'entendre, conformément à l'article 51 de ladite loi, les parties impliquées dans la négociation du décret de la construction quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret.

Je vais immédiatement demander aux membres de cette commission leur consentement afin que le ministre du Travail soit membre de la présente commission.

M. Pagé: On a eu assez de difficulté à l'avoir, on va le prendre.

La Présidente (Mme Harel): Consentement. La proposition d'ordre du jour serait la suivante; il serait résolu que l'ordre d'audition des organismes soit le suivant et j'en fais lecture - cela a fait l'objet d'une discussion entre les membres de la commission parlementaire: l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, la Confédération des syndicats nationaux, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) et la Fédération des travailleurs du Québec.

Télégramme de l'AECQ

L'Association des entrepreneurs en construction du Québec nous a, un peu avant l'ouverture de cette commission, informés qu'elle n'entendait pas témoigner devant la commission et elle m'a transmis un télégramme. J'en ai fait faire une copie que je remettrai dès que je la recevrai aux membres de la commission parlementaire. Nous entendrons donc...

M. Pagé: ...

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Portneuf, je conclus. Nous entendrons donc dans l'ordre la Centrale des syndicats démocratiques - le Syndicat de la construction Côte-Nord de Sept-Îles a également informé le secrétaire de la commission qu'il ne serait pas présent - la Confédération des syndicats nationaux et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et la Fédération des travailleurs du Québec.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme la Présidente, vous confirmez que l'AECQ ne se présentera pas devant nous. C'est cela?

La Présidente (Mme Harel): Oui. Le représentant de cette association nous a fait savoir, immédiatement avant l'ouverture de cette commission, que le conseil d'administration avait pris hier soir cette décision. Vous aurez donc copie de ce télégramme qui en fait état.

M. Pagé: ...

La Présidente (Mme Harel): Donc, immédiatement avant de vous demander, M. le ministre et M. le député de Portneuf, de faire les déclarations d'ouverture, je voudrais inviter les parties qui témoigneront devant cette commission à se préparer pour une argumentation très serrée qui ne devrait pas dépasser vingt minutes de façon qu'il puisse y avoir également un échange de propos d'au plus vingt minutes avec les membres de la commission; ainsi, chacun des groupes concernés et impliqués dans cette négociation pourra bénéficier d'une période de temps d'au plus quarante minutes.

La parole est maintenant au ministre

du Travail.

Remarques préliminaires M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vous remercie de votre présentation. Je sais pertinemment que les événements des 24 dernières heures ont suscité un certain nombre de commentaires.

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'on peut fermer la porte de cette salle de commission? À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Fréchette: J'étais donc en train de vous dire que les événements des 24 dernières heures avaient suscité un brin de commentaires et c'est tout à fait normal. Je me suis même laissé dire que quelques-uns avaient le goût de me gronder parce que j'étais comme on dit communément "groundé", mais je vous signalerai essentiellement à cet égard deux choses: J'ai d'abord réalisé que la température avait quelques connotations ou parallèles avec la négociation qui se fait dans les relations du travail. De temps en temps, tout est au beau, tout permet d'espérer qu'on va atteindre le but qu'on s'est fixé et, peu de temps après, tout cela se modifie et cela se charge à ce point qu'on ne peut plus avancer.

L'autre réflexion que cela a suscité en moi a été la suivante: J'ai espéré que 24 heures de plus allaient pouvoir permettre de compléter le travail qui avait été amorcé et, plus particulièrement, depuis la commission parlementaire des 6, 7 et 8 août dernier. Malheureusement, nous devons en arriver à la conclusion, du moins au moment où on se parle, que cet objectif que tout le monde s'était fixé n'est pas réalisable dans un avenir immédiat ou prochain.

J'aurai des remarques préliminaires très brèves, Mme la Présidente, essentiellement pour faire un rappel chronologique et qui nous permettront de nous souvenir que la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction prévoit qu'à compter du 1er janvier 1984, cette année, les parties doivent commencer à négocier, essayer d'arriver à des ententes relativement au renouvellement d'une convention collective.

Je veux esentiellement aussi rappeler que le 30 avril dernier, une décision gouvernementale a fait en sorte que le décret qui existait à ce moment-là, était prolongé pour une période de 120 jours. Je me souviens fort bien avoir insisté, à l'époque, sur le fait que cette période de quatre mois paraissait, d'une façon réaliste, suffisante pour essayer de concrétiser une entente. C'est d'ailleurs là-dessus que, chaque fois que j'ai eu l'occasion d'intervenir publiquement, j'ai attiré l'attention de tous les intervenants en insistant sur le fait que quatre mois, encore une fois, paraissaient aux gens qui ont l'expertise de ce genre de relations du travail amplement suffisants pour concrétiser une entente.

Aujourd'hui, le 29 août 1984, il nous faut bien réaliser que, malgré la bonne foi de tout le monde, rien n'a encore été formellement concrétisé. En vertu de ces dispositions de la loi, Mme la Présidente, dispositions que vous avez vous-même rappelées au tout début de cette commission, plus particulièrement l'article 51 de la loi, le gouvernement doit prendre une décision avant l'expiration de l'actuel décret. Il y a, encore une fois, des hypothèses qui sont possibles, l'ultime hypothèse étant, bien sûr, une entente dans les heures qui restent, si encore il est permis d'espérer une telle entente, l'autre hypothèse étant une prolongation d'autorité en vertu des dispositions de la loi ou alors une troisième et dernière hypothèse, laisser arriver le vide juridique avec l'acquisition pour l'une et l'autre des parties ou bien du droit au lock-out ou alors du droit à la grève.

Cette commission parlementaire est essentiellement convoquée pour que les parlementaires puissent entendre l'argumentation des parties et pour qu'en deuxième instance, le gouvernement, à la suite de ces représentations et après analyse de ces représentations, en vienne à une conclusion qui peut être l'une ou l'autre des trois dont je viens de parler, Mme la Présidente.

Quant à moi, c'est essentiellement le rappel que je voulais faire. Je sais que c'est beaucoup plus la commission des parties elles-mêmes que la commission des parlementaires et, en conséquence, Mme la Présidente, cela constituera mes remarques préliminaires.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. C'est évident qu'au début de cette séance, je m'en voudrais de ne pas saluer cordialement tous ceux et celles qui sont avec nous cet après-midi, comme ils l'étaient hier, et de souhaiter la bienvenue au ministre du Travail, lui exprimer notre satisfaction de le voir avec nous et lui dire qu'on s'est un peu inquiété hier. À un moment donné, avant qu'on nous confirme que le ministre était en voyage, j'ai même pensé que c'était peut-être une technique d'un de ses prédécesseurs, M. Maurice Bellemare, mais je me suis aperçu qu'il n'avait pas siégé assez

longtemps avec lui au sein de l'Union Nationale pour en arriver à cela. Somme toute, on est bien heureux qu'il soit avec nous.

La commission est convoquée, comme le disait le ministre, pour voir comment a évolué la situation dans la négociation du renouvellement du décret ou de la convention collective tenant lieu de décret dans l'industrie de la construction. On s'est quitté le 8 août dernier dans cette même salle, un mercredi soir, après avoir complété les travaux où de nombreux groupes et intervenants, dont ceux qui témoigneront devant nous, sont venus se faire entendre sur les problèmes de fond dans l'industrie de la construction. Au cours de cette commission, tout le monde était unanime à exprimer une volonté de s'asseoir à une table de négociation et de régler une fois pour toutes le renouvellement de ce décret dans le cadre du délai qui était imparti, c'est-à-dire jusqu'au 1er septembre.

Il y a des faits qui ont marqué cette période de 21 jours depuis trois semaines. On doit retenir que des échanges ont eu lieu entre la partie patronale, c'est-à-dire l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, et la partie syndicale, en ce qui regarde la Centrale des syndicats démocratiques, la CSN et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, ces derniers représentant 57% du vote exprimé par les travailleurs lors du dernier maraudage. Le fait marquant aura été définitivement l'absence de la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ-Construction, à ces échanges.

On devra retenir, à la lecture des articles de journaux et des déclarations qui ont été faites tant par l'AECQ que par les représentants syndicaux, qu'il s'est dégagé pendant un certain temps une attitude conciliante et une certaine ouverture des parties pendant cette période. On doit retenir aussi qu'une volonté assez ferme s'est exprimée d'en arriver à une entente négociée pour le prochain décret. Je ne pense pas qu'aucun groupe souhaite un décret qui sera imposé par le ministre du Travail. Le tout s'est fait avec une expression de satisfaction de la part du ministre du Travail, avec sa bénédiction.

La commission parlementaire a été convoquée pour hier; elle a été convoquée à la fin de la semaine. C'est vendredi ou samedi, si ma mémoire est fidèle, qu'elle a été convoquée. Peut-être a-t-elle été convoquée trop tôt, ce qui a fait que les parties ont peut-être terminé leurs échanges à ce moment-là pour attendre la commission qui devait se réunir hier. De toute façon, à quoi bon revenir là-dessus! Nous en sommes aujourd'hui à deux jours de l'expiration du décret. Nous sommes ici tel que le prévoit l'article 51 de la loi pour entendre les parties. Le ministre du Travail doit convoquer cette commission, c'est ce qu'il a fait. Comme il l'a exprimé le 31 août, il y a trois possibilités. La première c'est de ne pas prolonger le décret ou de ne pas décréter, ce qui crée une situation de vide juridique, ce qui voudrait dire qu'à compter du 1er septembre le droit à la grève ou au lock-out serait acquis pour les deux parties. Je ne crois pas, M. le ministre, parlant au nom de notre groupe parlementaire, qu'il soit souhaitable et même acceptable que l'industrie de la construction du Québec se retrouve dans une situation de vide juridique au 1er septembre, vu tous les problèmes que cela pourrait engendrer et vous avez une responsabilité à remplir.

Évidemment, si vous mettez de côté la situation de vide juridique, cette responsabilité sera marquée soit par une prolongation du décret... Aujourd'hui, la commission a son importance et votre participation devant nous est importante en ce que peut-être qu'il serait souhaitable que le ministre du Travail accepte de prolonger le décret pour une autre période, mais limitée celle-là, en espérant que vous pourrez en venir, d'une part, à une véritable négociation et, d'autre part, à une véritable entente dans le délai qui serait imparti. Sinon, le ministre du Travail n'aura d'autre choix, je crois, que de décréter purement et simplement le contenu de la prochaine convention collective qui liera les parties en présence.

Vous êtes là. Nous sommes là pour vous entendre. C'est évident qu'aujourd'hui, les intervenants peuvent nous entretenir bien longtemps. Vous pourriez, certes, parler pendant des heures et des heures sur votre expérience dans le cadre de cette négociation. Compte tenu du régime de négociation actuel, on pourrait longuement parler de pluralisme ou de monopole syndical, on pourrait parler des problèmes que vous avez vécus comme syndicats, parce qu'on ne pourra pas causer avec l'AECQ qui vient de nous confirmer qu'elle ne serait pas ici. Mais vous pourriez nous entretenir bien longtemps sur les problèmes que vous avez vécus, particulièrement dans le cadre de cette négociation, compte tenu du pluralisme syndical.

Vous pourriez aussi nous entretenir bien longtemps sur la justesse des positions que vous revendiquez et des attitudes que vous avez adoptées dans le cadre de cette négociation comme vous pourriez nous entretenir longuement sur les difficultés pour quatre ou cinq centrales syndicales de négocier ensemble dans le cadre du renouvellement d'un décret.

Tout cela est bien intéressant. On a eu l'occasion d'en discuter lors de la commission parlementaire qui a siégé du 6 au 8 août mais aujourd'hui je crois, quant à moi, que

les parties doivent nous dire et doivent nous entretenir sur deux choses en particulier. Premièrement, ce qui peut être fait pour qu'on en arrive à une entente négociée. Si la réponse est oui, quel est l'effort que votre groupe, que votre syndicat est prêt à déployer pour en arriver à une telle négociation. À la lumière de ces éléments, je crois que le ministre du Travail, les membres de la commission seront suffisamment éclairés pour tirer les conclusions qui s'imposent.

Mme la Présidente, j'ose espérer que notre échange d'aujourd'hui soit utile. L'espoir est peut-être mince mais peut-être est-il encore possible - parce que tout est possible en ce bas monde - que d'ici au 31 août cela puisse se régler. Merci.

La Présidente (Mme Harel): J'inviterais immédiatement les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques, M. Carey et MM. Gingras et Lortie à nous présenter leurs points de vue. M. Gingras, je crois.

Auditions CSD

M. Gingras (Claude): Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission de la commission parlementaire de l'économie et du travail, je désire vous remercier de nous fournir une autre fois l'occasion de vous transmettre le témoignage des travailleurs membres de la CSD quant à leurs attentes face à la situation peu réjouissante des négociations dans l'industrie de la construction.

Pour l'occasion, je suis accompagné du président du syndicat ainsi que des membres de son exécutif. Dès le début, j'aimerais vous souligner que notre plus grand souhait était de ne pas avoir à revenir devant cette commission afin de chercher une solution aux problèmes rencontrés dans la négociation d'une convention pour les 75 000 travailleurs qui oeuvrent dans l'industrie de la construction. Cependant, la triste réalité est tout autre et nous voici de nouveau devant vous à quelques jours de l'échéance du délai qui aurait dû normalement suffire pour trouver un terrain d'entente et éviter le chaos qui risque de frapper cette industrie si importante pour notre économie, dans quelques jours.

À la suite de la dernière commission parlementaire tenue du 6 au 8 août dernier et du télégramme reçu du ministre qui faisait appel à la bonne foi des parties en présence, la CSD-Construction n'a ménagé aucun effort, a été disponible en tout temps et a participé à toutes les rencontres utiles avec l'objectif bien arrêté de trouver le terrain d'entente qui aurait permis la solution négociée de l'impasse dans laquelle s'est enlisée cette importante négociation au cours des six derniers mois.

Une attitude arrogante du patronat et le refus systématique de la FTQ-Construction de partager la négociation avec les autres associations syndicales représentant les travailleurs de la construction ont contribué à créer cette impasse qui a obligé le ministre à prolonger le décret de 120 jours pour permettre des négociations qui avaient jusqu'à ce moment été nulles pour ne pas dire inexistantes. Ce nouveau délai n'a pas changé les attitudes des parties en présence, chacune demeurant sur ses positions dans un dialogue de sourds jusqu'à la commission parlementaire à la suite de laquelle de véritables négociations ont débuté sans la présence de la FTQ-Construction et je le dis, malheureusement, qui a refusé de s'associer aux autres représentants des travailleurs à savoir le conseil provincial, la CSN-Construction, la CSD-Construction. Je vous souligne ici, en passant, que le 20 août dernier, on s'est rencontré à l'invitation de la FTQ même, les quatre associations syndicales, dans les locaux de la FTQ, réunion au cours de laquelle je lui ai lancé une invitation pressante de participer aux négociations avec les autres partenaires pour tenter de trouver une solution aux problèmes des travailleurs de la construction; elle a refusé catégoriquement.

Je voudrais ici quand même faire un petit aparté pour apporter une rectification à l'information qui paraît dans un quotidien de Québec à savoir que la CSD n'a pas d'affaire dans les négociations parce qu'elle ne représente que 9,2% des travailleurs. Je dois vous dire que la CSD se sent très à l'aise de représenter ses membres dans les rencontres de négociations. Premièrement, parce que nous avons toujours défendu qu'il s'agit d'un droit inaliénable de toute association syndicale qui représente des travailleurs. Deuxièmement, parce que les supposés interprètes du droit qui ont avancé une allégation aussi farfelue n'ont sûrement pas pris le temps de lire la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, articles 42 et 44 qui sont pourtant très clairs, à savoir que la CSD est une partie représentative habilitée à négocier et conclure une convention collective avec une ou plusieurs associations représentatives à un degré de plus de 50%.

Le degré de 15% prévu à l'article 42a de la loi ne vise qu'à prévoir qu'une association syndicale détenant ce pourcentage de représentation ne peut être écartée de la table de négociation ni du droit de soumettre des demandes dans le cas où les autres associations syndicales tenteraient de le faire. Soyez assurés, pour ceux qui s'inquiètent de nos droits que depuis

longtemps nous les avons fait vérifier juridiquement et que la légitimité de notre présence à la table des négociations ne nous inquiète sûrement pas.

Les quelques rencontres tenues au cours des deux dernières semaines ont permis d'identifier des pistes importantes de solution quant aux salaires, aux frais de chambre et pension, aux travaux domiciliaires, aux travaux industriels, au régime d'avantages sociaux, aux définitions ainsi qu'au ratio compagnons-apprentis.

Tenter d'en arriver à un accord complet en si peu de temps sur l'ensemble des préoccupations des travailleurs était pratiquement mission impossible; trop de temps avait été perdu ou consacré, au cours des six derniers mois, à élargir le fossé à franchir. (16 h 30)

La CSD-Construction aurait souhaité avoir plus de temps pour s'entretenir avec ses partenaires syndicaux et poursuivre cette négociation qui permettait d'entrevoir un espoir de solution aux conditions de travail devant régir l'industrie de la construction pour les prochaines années. Est-ce maintenant que nous allons revivre le même scénario que nous vivons depuis plus de dix ans alors que les commissions parlementaires ont servi à régler assurément les conditions de travail (le décret) par l'imposition de celles-ci en se substituant au processus de négociation alors qu'elles doivent être le lieu, l'occasion exceptionnelle où l'on doit en toute sérénité faire valoir ses points de vues sur des projets de loi, des règlements ou des situations particulières affectant le public en général?

Deux questions se posent. La première: Comment allons-nous éviter le chaos créé par le vide juridique qui risque de se produire après le 31 août dans une industrie qui a vécu et vit encore plus que sa part de problèmes?

Deuxièmement, comment allons-nous redonner aux travailleurs et aux employeurs de cette industrie la responsabilité de négocier de façon civilisée et respectueuse de l'intérêt des différents intervenants qui la composent?

À la première question, la CSD-Construction est convaincue qu'une seule hypothèse peut être retenue, soit la prolongation des conditions de travail du présent décret jusqu'à l'exercice du droit de grève ou de lock-out.

La CSD-Construction est d'avis qu'il serait indécent, irresponsable et peu inventif de croire que le vide juridique causé par l'absence de conditions de travail dans une industie d'une telle ampleur serait un incitatif à trouver un compromis acceptable à la présente négociation. Ce serait plutôt un encouragement à l'exploitation des travailleurs par des employeurs peu scrupuleux, à la concurrence déloyale et à l'établissement de l'anarchie devant laquelle les travailleurs n'auraient qu'un choix: recourir à la grève et à l'affrontement.

Dans l'intérêt général, personne ne peut souscrire consciemment à créer de toutes pièces un état d'affrontement quand d'autres hypothèses peuvent être envisagées, d'autant plus que le législateur a prévu, à l'article 59 du Code du travail, code qui s'applique en fait à tous les autres travailleurs sauf les travailleurs de la construction, que pour tous les travailleurs et employeurs qui y sont assujettis, il existe un droit de prolonger les conditions de travail jusqu'à la signature d'une nouvelle convention collective.

Il serait donc tout à fait normal et souhaitable qu'une décision du gouvernement en ce sens contribue à civiliser les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Quant à la deuxième question, la CSD-Construction croit que le temps est venu pour le gouvernement d'agir énergiquement et avec audace en mettant de l'avant un processus renouvelé de négociation dans l'orientation proposée par le rapport Hébert il y a plusieurs années.

Le temps de la remise en question du pluralisme syndical et celui de l'étude de l'hypothèse du monopole syndical est dépassé. L'heure est arrivée d'expérimenter une formule nouvelle par laquelle on redonnera aux travailleurs et aux employeurs de cette industrie les outils pour qu'ils assument leur véritable rôle.

Cet objectif sera atteint dans le processus suivant: la reconnaissance du pluralisme syndical et de la liberté de choix de leur association par les travailleurs; l'exercice du plein droit d'expression et de décision à la table de négociation de toute partie représentative; une seule négociation fixant les conditions de travail pour tous les métiers et les emplois sur le territoire du Québec; transformer le mandat du conciliateur en un mandat de médiateur avec le rôle suivant: Convoquer et fixer les réunions; présider les réunions de la table de négociation; recevoir les propositions et contre-propositions des parties; après vingt jours, si les conditions d'acceptation ne sont pas trouvées, soumettre aux parties une recommandation globale sur l'ensemble de la convention; après quinze jours, pour permettre la consultation de leurs membres par les associations syndicales et patronales, procéder à un scrutin postal auprès de tous les travailleurs, tenu sous la responsabilité d'un président neutre avec le maximum de garanties pour en assurer l'efficacité et l'intégrité. Le rapport du scrutin postal est produit dans les trente jours suivant le rapport de la commission;

la majorité absolue de ceux qui ont voté est requise pour l'acceptation ou le rejet de la recommandation et, suivant le résultat, l'exercice du droit de grève ou de lock-out suit son cours.

Cependant, si le gouvernement décidait de demeurer dans le sentier traditionnel en déterminant les conditions de travail devant s'appliquer à l'industrie de la construction, la CSD-Construction ne peut envisager comme acceptables des conditions décrétées qui ne contiendraient pas une clause d'indexation des salaires visant à conserver aux travailleurs leur pouvoir d'achat tout en leur assurant des augmentations minimum; n'assureraient pas une hausse de la participation des employeurs au régime d'avantages sociaux et au fonds d'indemnisation des travailleurs victimes de faillite; ne reconnaîtraient pas l'égalité des salaires dans le domiciliaire par rapport aux autres secteurs, à savoir le commercial et l'industriel, principe accepté par les employeurs au cours des négociations des derniers jours; n'assureraient pas une priorité de rappel au travail du travailleur mis à pied pour qu'enfin il existe un début de sécurité et de stabilité d'emploi pour celui-ci.

Quant aux frais de chambre et pension, aux travaux domiciliaires, aux travaux industriels, au ratio compagnons-apprentis et nouvelles définitions devant apparaître au décret, les consensus dégagés lors des rencontres de négociation pourraient s'avérer des pistes acceptables de solution.

La CSD profite aussi de l'occasion pour solliciter de la part du gouvernement une décision immédiate afin que les travailleurs de la construction soient traités équitablement par Revenu Québec lorsqu'ils présentent leur déclaration d'impôt annuelle.

Ce n'est un secret pour personne que les travailleurs de cette industrie doivent avoir une automobile et parcourir des distances nettement supérieures à tout autre travailleur pour accomplir leur travail. Une journée au nord, le lendemain à l'est, le jour suivant à l'ouest quand ce n'est pas au sud; dans plusieurs cas, ce sont deux ou trois chantiers au cours d'une même journée. Et nous pourrions multiplier les exemples. Ce faisant, ils doivent assumer des coûts qui sont nettement disproportionnés sans pouvoir, comme d'autres travailleurs dans la même condition, bénéficier d'exemption leur permettant d'équilibrer leurs revenus.

De plus, plusieurs travailleurs doivent fournir une liste impressionnante d'outils de toutes sortes, en assumer les coûts de réparation, d'entretien ou de remplacement, contrairement à tout autre travailleur d'usine ou d'établissement. Ces coûts importants et cette injustice flagrante devraient inciter le gouvernement du Québec à accorder aux travailleurs de la construction une exemption équivalente à 10% de leur revenu et à intervenir auprès du gouvernement fédéral pour qu'il en fasse autant.

Pour conclure, messieurs, madame, membres de la commission parlementaire, vous nous permettrez de vous rappeler que la CSD-Construction est désireuse de poursuivre les négociations engagées pour en arriver si possible à un règlement négocié d'ici le 31 août au plus tard, si les conditions le permettent, afin que l'intérêt des travailleurs que nous représentons soit préservé. Nous n'avons pas conditionné notre participation à la négociation mais, bien sûr, nous poursuivons des objectifs qui sont une convention collective acceptable par les travailleurs, une amorce de sécurité d'emploi, une stabilité pour permettre la poursuite de la relance de cette industrie et les transformations des lois et règlements qui permettront à cette industrie de se reprendre en main et de se développer. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je veux remercier M. Gingras et les deux personnes qui l'accompagnent. Vous faites essentiellement dans votre mémoire, M. Gingras, un historique des actuelles négociations en mettant l'emphase et l'accent sur les choses qui vous apparaissent des difficultés qui reviennent constamment depuis que ces mécanismes existent. Dans une deuxième partie de votre mémoire, vous renouvelez sous une autre forme et avec autant d'insistance des choses que vous nous avez rappelées lors de la commission parlementaire des 6, 7 et 8 août.

Si on en vient maintenant au dossier très précis qui nous concerne, il y a juste une ou deux précisions que j'apprécierais obtenir de votre part. D'abord, à la page 7 de votre mémoire, au troisième paragraphe, vous dites: "Vous nous permettrez de vous rappeler que la CSD-Construction est désireuse de poursuivre les négociations engagées pour en arriver, si possible, à un règlement négocié d'ici le 31 août au plus tard si les conditions le permettent, afin que l'intérêt des travailleurs que nous représentons soit préservé." Peut-être l'avez-vous dit ailleurs dans votre mémoire, mais pour accélérer les choses je vous pose la question: À supposer que le souhait que vous émettez dans votre mémoire ne se concrétise pas, c'est-à-dire qu'une entente négociée n'intervienne pas d'ici le 31 août, quant aux autres alternatives dont on a parlé, quelle est l'attitude ou la position de votre centrale à cet égard?

M. Gingras: L'ensemble de notre mémoire y fait référence. Quand on vous souligne que deux problèmes nous confrontent

actuellement, c'est le vide juridique dans lequel on va se retrouver à compter du 31. Il est difficile de prévoir qu'on puisse avoir des négociations raisonnables si on se retrouve dans un vide juridique. Si le ministre prenait la décision de diminuer l'impact de ce vide juridique, c'est qu'à ce moment-là, en prévoyant peut-être une période additionnelle de négociations cela nous permettrait d'allonger la période. Mais je me suis placé dans le cadre de ce qui existe actuellement. Si on n'en vient pas à une entente d'ici au 31 et qu'il n'y a pas prolongation du décret, j'ai l'impression qu'avec le vide juridique, les conditions ne seront pas très favorables à la poursuite de la négociation.

M. Fréchette: Je comprenais que l'esprit général de votre mémoire était dans ce sens, mais je voulais strictement le faire préciser. Un seul autre aspect sur lequel je souhaiterais pouvoir obtenir vos commentaires: Vous faites une analogie ou une "correspondance" - entre guillemets -entre la situation qu'on retrouve à l'article 59 du Code du travail qui prévoit que des conventions collectives peuvent contenir une disposition qui prolonge les conditions de travail jusqu'au renouvellement d'une nouvelle convention. Êtes-vous d'accord avec moi que même s'il arrivait un décret gouvernemental, toujours parmi les hypothèses dont on parle, les parties et toutes les parties ne peuvent en aucune espèce de circonstance et en aucun temps s'entendre sur des modifications qu'elles souhaiteraient incorporer à ce décret qui tiendrait lieu de convention collective à la condition évidemment qu'une requête en ce sens soit acheminée à l'instance appropriée par 50% plus 1 des gens qui sont concernés? Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Gingras: Oui, on s'entend sur cette partie. Mais le problème qui existe c'est qu'avec le mécanisme qu'on a retenu comme étant le mécanisme de la convention collective des travailleurs de la construction, on ne peut pas donner aux parties directement une prolongation légale des conditions de travail de notre convention collective ou du décret. On ne peut s'entendre pour faire cette prolongation sans que le gouvernement ne donne son accord. Or, vous voyez que c'est un peu différend de ce qui se passe dans toutes les conventions négociées en vertu du Code du travail. On n'a pas besoin de recourir au ministre pour décider qu'une convention va se prolonger jusqu'à la signature d'une nouvelle convention. Dans le cas de la construction, on est obligé d'y recourir. C'est la différence qui existe.

M. Fréchette: C'est quant à la forme bien sûr. En fait, ce que vous êtes obligé de faire comme partie, c'est de suivre le processus qu'on retrouve à la Loi sur les décrets de conventions collectives essentiellement. Quant au fond cependant, ce sont les parties elles-mêmes qui ont toute l'autorité et toute la juridiction nécessaire pour convenir de modifications ou de changements. Enfin, je pense qu'on s'entend là-dessus.

M. Gingras: Oui, sur cela, on s'entend.

M. Fréchette: Une dernière question, M. Gingras. Je le signalais tout à l'heure. Vous avez mis beaucoup d'emphase sur les difficultés rencontrées depuis janvier dernier, depuis avril dernier. Vous avez même écrit dans votre mémoire que la constatation que votre association a faite a été de se rendre compte que le fossé ne faisait que continuer à s'élargir. Compte tenu de l'appréciation que vous faites des travaux menés jusqu'à maintenant, qu'on ait appelé cela des rencontres exploratoires, des discussions enfin peu importe, quelle est votre évaluation de la possibilité d'un règlement négocié au moment où on se parle?

M. Gingras: Sur cela, j'aimerais passer la parole à M. Carey de la CSD qui a participé directement aux échanges et qui est peut-être plus en mesure de vous donner son appréciation sur la question que vous posez. (16 h 45)

M. Carey (Rénald): Je pense, Mme la Présidente, que vous avez eu l'occasion au cours des dernières semaines de prendre connaissance dans les journaux de certaines choses qui se négociaient ou de certains pourparlers entre les associations syndicales et l'association des employeurs. On l'a mentionné et on trouve, en tout cas, qu'il y a des pistes avancées actuellement qui pourraient peut-être permettre d'en arriver au règlement d'une convention collective. C'est bien sûr que lorsque vous négociez une convention ou un décret, une convention collective comme celle-là, vous êtes obligé de faire un choix à ce stade-ci de vos priorités. Le choix des priorités a été fait par les associations syndicales en présence et cela se négocie, au fond, sur la base d'un tout. Il y a un peu d'échanges là-dedans. On a participé à la dernière commission parlementaire où les associations patronales se sont fait entendre ainsi que les associations syndicales. On voit qu'il semble y avoir des problèmes dans l'industrie de la construction. Sur la base d'un tout, en tout cas, il y a des pistes avancées, des sujets qui ont été discutés et il nous semble qu'il n'y aurait pas un grand pas à faire de part et d'autre pour pouvoir conclure une convention. Si vous me demandiez de répondre sur chaque point, je vous dirais que

celui-là, cela veut dire, si c'est celui-là, parce que je pense que vous avez tous l'expérience des négociations, c'est un peu du "give and take".

M. Fréchette: Mme la Présidente, le commentaire de M. Carey me suggère une autre question. Je vous jure que ce sera la dernière. En se fiant à la bonne foi et à la bonne volonté de tout le monde, M. Carey et sur le désir que tout le monde a sans doute d'arriver à une entente négociée, à supposer que malgré ces dispositions, après un autre mois, deux autres mois, trois autres mois, il n'y ait pas encore de possibilité de signature d'une convention collective, que faudra-t-il faire à ce moment-là?

M. Carey: Je pense qu'à ce moment-là, il va falloir tout simplement qu'il y ait une intervention pour décréter les conditions ou il y aura un affrontement. Il y a deux choses là-dedans; on laisse aller le chaos et à un moment donné, il y a un affrontement. Je pense que vous vous souvenez tous des expériences passées. Il n'y a jamais eu de règlement lors d'affrontements. Cela a toujours été une intervention gouvernementale; que ce soit fait avant, après ou durant l'affrontement, cela a été une intervention gouvernementale.

M. Fréchette: Cela va. Merci, Mme la Présidente.

M. Gingras: Seulement pour ajouter à la réponse, M. le ministre, si vous le permettez, je pense que quant à la question que vous posez, on a énoncé une position très claire qu'on vous avait déjà énoncée -d'ailleurs, vous y avez fait allusion lors de la dernière commission parlementaire - quant à un mécanisme de négociation qu'on vous suggère d'expérimenter. Quant à nous, tout cela est basé quand même sur la possibilité pour l'ensemble des parties de jouer un rôle dans la négociation, d'exercer un rôle en présence de personnes qui va quand même leur permettre d'effectuer des rapprochements dans le meilleur intérêt de l'ensemble des partenaires de l'industrie de la construction. Mais cette négociation repose aussi sur un mécanisme qui prévoit la consultation de l'ensemble des travailleurs de la construction de sorte que ce soit tous les travailleurs qui décident de leurs conditions de travail, contrairement à ce qui est prévu actuellement par la loi actuelle. On n'a jamais expérimenté cette forme de négociation dans le cadre du pluralisme syndical. Je pense qu'il serait temps qu'on expérimente cette formule et qu'on en fasse un essai loyal.

M. Carey: Mme la Présidente, j'ajouterai à ceci qu'on a aussi mentionné que s'il y a une recommandation du médiateur, on s'engage à la soumettre. Elle sera rejetée ou elle sera acceptée, mais ce ne sera pas la convention de Rénald Carey. Ce sera la convention des travailleurs et ce sera à eux de décider s'ils l'acceptent ou s'ils la refusent.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Carey. La parole est au député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier M. Gingras, M. Carey et M. Lortie de leur présentation. Vous avez abordé avec beaucoup d'attention et plusieurs détails tout le problème du pluralisme syndical, tout l'aspect de l'éventuel régime de négociation qui pourrait être retenu. C'est, à prime abord, très intéressant et j'ose croire que le comité interministériel qui a été formé par le ministre du Travail le soir du 8 août dernier pourra se pencher sur cette hypothèse très intéressante pour laquelle on ne peut qu'avoir de la réceptivité et qui nous est soumise par vous, cet après-midi.

Pour revenir plus particulièrement à la question qui nous occupe, je retiens de la page 3 de votre mémoire que vous voulez éviter le chaos qui serait conséquent d'un vide juridique au matin du 1er septembre. Je suis entièrement d'accord avec vous. J'ai eu l'occasion de l'exprimer dans mon propos d'ouverture. Vous soutenez cependant qu'il n'y a qu'une seule hypothèse qui doive être retenue par le ministre du Travail, soit celle de la prolongation des conditions de travail du présent décret jusqu'à l'exercice du droit de grève ou du lock-out. À première vue, cela paraît assez intéressant, à savoir que les conditions actuelles sont reconduites. Les parties n'ont qu'à négocier si elles veulent véritablement une entente négociée pour une première fois dans le monde de la construction. Dans ce sens-là, qu'il suffise de rappeler les appels pressants qui ont été lancés par le ministre du Travail, l'appel à la maturité, si je le cite bien lorsqu'il a conclu, le soir du 8 août. Mais ne craignez-vous pas que si le ministre du Travail accepte votre hypothèse, il suffirait pour un syndicat de se mettre en grève en raison d'une insatisfaction ou d'un mécontentement à l'égard de ce qui se passe à la table de négociation alors que trois autres syndicats exploreraient possiblement non seulement des pistes mais donneraient un cheminement très intéressant qui pourrait éventuellement mener à un règlement? Il suffirait pour un syndicat, dis-je, de se mettre en grève et le ministre du Travail serait obligé d'intervenir à ce moment-là.

Dans ce cas, ne croyez-vous pas qu'il serait préférable de se prononcer clairement, premièrement, sur une prolongation du décret permettant une période de négociations ou,

deuxièmement, un décret pur et simple?

M. Carey: II est bien évident que si un syndicat posait un geste dans ce sens, la prolongation des conditions de travail sans qu'il y ait prolongation du décret, mais simplement en maintenant les conditions de travail, ce serait peut-être un petit peu plus difficile. On sait que pour avoir le droit de grève, il faut qu'il y ait des assemblées syndicales avec des votes majoritaires, des votes secrets. Enfin, vous vous souvenez comment la loi est faite. Que je sache en tout cas, il n'y a pas de mécanisme ou il n'y a pas eu de décision de la part d'aucune centrale syndicale dans ce sens.

Vous comprendrez que notre première priorité est de maintenir les conditions de travail. On ne rejette pas - ce sera à la discrétion du ministre, après avoir entendu toutes les associations - une prolongation de quelque durée que ce soit pour permettre la négociation. Si vous retenez le mécanisme que l'on vous suggère dans le sens qu'après un certain temps, il y ait des délais précis pour une recommandation de la part du médiateur qui sera soumise aux travailleurs et aux employeurs, je pense qu'il ne faut pas mettre cela de côté parce que cela va ensemble.

M. Gingras: En fait le mécanisme qu'on suggère se rend jusqu'à l'exercice éventuel d'un droit de grève ou d'un droit de lock-out pour l'employeur. En fait, c'est ce qu'on suggère. Cela fait partie d'un tout, d'un ensemble de moyens qui sont suggérés pour en arriver à une solution négociée dans l'industrie de la construction. Il est certain, quand on prend chaque hypothèse séparément, isolément, par rapport à la situation actuelle, qu'on peut se retrouver dans un bourbier, si on prenait un élément et qu'on laissait le reste de côté.

Il est certain que, dans l'ensemble, quand on a fait notre proposition, on l'a faite dans un cadre, dans un cheminement qui, pour nous, amènerait des négociations civilisées et aurait des chances d'amener aussi une solution négociée des conditions de travail dans l'industrie de la construction.

M. Pagé: Cette proposition s'inscrit dans un cadre global qui impliquerait éventuellement, s'il n'y a pas d'entente, un mécanisme de consultation des membres et que les membres se prononcent. Dans ce cas, je présume - le ministre pourra me corriger - qu'on devrait légiférer dans ce sens-là et adopter une loi ici à l'Assemblée nationale, ce qui prolongerait quand même les délais. Somme toute, votre proposition est intéressante. Je n'ai pas d'autres questions.

M. Carey: Sauf que je voudrais vous faire remarquer que nous offrons cette consultation comme association syndicale. Si les associations syndicales veulent consulter leurs membres sur une proposition, elles auront le droit de leur suggérer qu'elle peut être rejetée ou acceptée. Mais on ira voir si les travailleurs sont consentants à accepter un projet qui serait une recommandation du conciliateur.

M. Pagé: Mais on doit retenir, M. Carey, que le mécanisme qui est prévu et que vous indiquez ici, avec nomination du médiateur - il préside les réunions, il participe, il fait rapport dans tel délai, il y a tel vote dans tel autre délai - avec nomination d'un président qui va présider ce vote, cela implique nécessairement des modifications à nos lois dans ce sens-là, ce qui entraîne quand même, là aussi, des délais. Merci.

La Présidente (Mme Harel): D'autres interventions d'autres membres de la commission? Merci, MM. Gingras, Carey et Lortie.

J'inviterais immédiatement les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à prendre place.

M. Gauthier, voulez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

CSN

M. Gauthier (Michel): M. Jos. Caron, coordonnateur à la CSN-Construction; M. Ted McLaren, également coordonnateur à la CSN-Construction; M. Marcel Pepin, coordonnateur du service de recherche de la CSN; M. Roger Trépanier, conseiller syndical à la CSN.

On a déposé le mémoire hier; on l'a laissé aux membres de la commission parlementaire. Il y a un ajout au document qui est fait aujourd'hui, à la suite de certaines remarques qui ont été faites, qu'on intégrera dans le texte.

Il y a moins de trois semaines, les membres de cette commission parlementaire entendaient les témoignages des principaux intervenants de l'industrie de la construction.

La plupart des mémoires concentraient leurs arguments sur le principal problème qui touche l'industrie depuis quelques années, l'émergence d'un phénomène quasi généralisé de production clandestine et de travail au noir.

Pour la CSN-Construction, il demeure évident que l'on doit, d'urgence, trouver une solution politique à ce fléau dont l'ampleur échappe actuellement à toute forme de contrôle.

La réponse du ministre du Travail, à la fin des travaux de la commission, renvoyait les intervenants chez eux en les prévenant qu'un comité multidisciplinaire étudierait leurs mémoires et, à la mi-septembre,

déposerait un rapport préliminaire.

Le ministre . avait assorti sa réponse d'un avertissement: il nous fallait, d'ici la fin de la prolongation du décret, négocier ensemble les termes d'une nouvelle convention de travail.

Dans les heures qui suivirent, des rencontres exploratoires entre l'association patronale et quelques-unes des associations syndicales ont ouvert la voie à une possibilité sérieuse de négociation.

La CSN-Construction a, d'ailleurs, fait parvenir un télégramme aux autres associations syndicales représentatives, le 13 août, pour envisager une entente intersyndicale à la table de négociation. La réponse fut négative.

À ce moment-ci, il y a une mise au point que la CSN-Construction désire faire concernant certains articles de journaux et les affirmations erronées contenues dans le document de la FTQ-Construction déposé aujourd'hui à cette commission parlementaire.

Depuis deux semaines, la CSN-Construction constate que certains articles de journaux interprètent des rencontres exploratoires de la CSN-Construction avec l'association patronale comme des rencontres officielles de négociation. Nous tenons à préciser qu'à la suite d'un dialogue amorcé à la dernière commission parlementaire la CSN-Construction s'est dite d'accord pour discuter avec l'AECQ d'un cadre de règlement.

Comme nous l'affirmons dans notre mémoire, la CSN-Construction a, d'ailleurs, fait parvenir un télégramme aux autres associations syndicales représentatives, le 13 août, pour envisager une entente intersyndicale à la table de négociation. Une fois de plus, la réponse fut négative. (17 heures)

Dans un télégramme de réponse, la FTQ-Construction affirmait: "Nous croyons qu'en ce qui concerne les négociations les réunions entre nous ne donneraient rien car il appartient maintenant à l'AECQ de bouger selon les recommandations du ministre."

La première rencontre avec l'AECQ a eu lieu le 14 août 1984. Depuis cette rencontre, il a été impossible de définir avec l'AECQ un cadre de règlement, l'association patronale se refusant à inclure certaines des revendications des travailleurs membres de la CSN-Construction et tentant même de leur imposer des reculs.

Nous tenons également à préciser que, même si l'AECQ a invité la CSD à ces rencontres, il n'y a pas eu d'ententes avec nous et cette association.

Pour la CSN-Construction, qui dépose aujourd'hui devant les membres de cette commission le cahier des demandes des travailleurs de la construction qu'elle représente, il ne fait pas de doute que des négociations sont toujours possibles et souhaitables dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs de la construction du Québec. Cependant, nous nous permettrons d'idendifier les raisons majeures qui entravent actuellement le cours d'une telle démarche.

Nous croyons que le gouvernement doit affirmer, au préalable, à l'intention des parties intervenantes de l'industrie, sa volonté réelle de maintenir le pluralisme syndical dans l'industrie et d'avancer des solutions au fléau des chantiers noirs.

Tant et aussi longtemps qu'une association syndicale tentera de forcer le gouvernement à adopter, sans le consentement de la majorité des travailleurs de la construction, un principe de monopole syndical avant de s'asseoir pour négocier, les négociations s'avéreront difficiles. Le gouvernement doit afficher dès maintenant sa volonté de préserver nos traditions de liberté syndicale dans l'industrie de la construction.

Tant et aussi longtemps qu'une solution politique n'interviendra pas pour protéger les emplois des travailleurs de l'industrie, qu'il n'y aura pas une réglementation renforcée pour forcer les entrepreneurs de la construction, principalement du secteur domiciliaire, à effectuer leurs travaux dans le respect du décret qui régit les relations du travail de notre industrie, qu'en somme le gouvernement ne mettra pas un terme à la croissance d'une main-d'oeuvre parallèle et clandestine, les négociations s'avéreront difficiles, sinon impossibles. Le gouvernement doit répondre dès maintenant aux questions qui lui furent posées lors de la dernière commission parlementaire et renforcer sa réglementation au niveau du placement.

Représentant plus de 17 000 travailleurs de l'industrie de la construction, la CSN-Construction exige, depuis le début des négociations entreprises pour le renouvellement du décret régissant les relations du travail de l'industrie, une meilleure protection de l'emploi, tout en favorisant la création d'emplois dans notre secteur durement touché par la conjoncture économique.

Ces demandes de la CSN-Construction ont été élaborées à partir de tournées nationales, d'assemblées où, dans toutes les régions, les travailleurs impliqués nous ont parlé des effets désastreux du braconnage de leurs emplois qui se pratique ouvertement dans cette industrie.

Il n'est pas normal que l'industrie soit soumise à une économie souterraine qui permet au patronat d'augmenter ses profits aux dépens de la sécurité d'emploi des travailleurs de l'industrie.

En protégeant les emplois et en réduisant le temps de travail, l'industrie facilitera l'accès des emplois actuels et augmentera le nombre de ses travailleurs dont plusieurs milliers sont actuellement forcés, dans plusieurs régions, de chômer à

cause de la concurrence indue des braconniers et des entrepreneurs produisant sans respecter la réglementation de l'industrie.

Les travailleurs de la construction n'ont pas à payer de leur appauvrissement et de la détérioration de leurs conditions de travail les conséquences de l'incurie et du laisser-aller de l'application de la loi.

Ce qu'il faut, c'est une convention collective qui soit respectée par tous les intervenants de l'industrie, qui respecte le droit au travail des travailleurs de la construction et qui rejoigne les responsabilités sociales des gouvernements et des entreprises de créer des emplois.

Nos principales demandes s'articulent autour de ces principes fondamentaux. Elles sont: 1° La réduction du temps de travail par le paiement de 30 minutes de la période de repas d'une journée normale de travail. 2° Une formule d'ancienneté en cas de mise à pied et lors des rappels au travail. 3° La protection du pouvoir d'achat par une formule d'indexation au coût de la vie des salaires et des primes, ainsi qu'un taux d'enrichissement de 2,5% par année. 4° Le pouvoir des représentants syndicaux de vérifier les cartes de classification et les permis des entrepreneurs. 5° L'attribution des sous-contrats à des entreprises employant des salariés de l'industrie. 6° L'augmentation du fonds d'indemnisation pour mieux protéger les salaires des travailleurs dans les cas de faillite. 7° L'amélioration des avantages sociaux et, pour terminer, 8° une convention d'une durée de deux ans pour se prémunir contre la conjoncture imprévisible.

Lors des travaux de la dernière commission parlementaire, plusieurs intervenants ont témoigné de l'importance d'ouvrir les portes à l'industrie aux jeunes travailleurs. Cette préoccupation est partagée par les travailleurs de la construction membres de la CSN-Construction qui voient dans la réduction du temps de travail la création immédiate de près de 5000 emplois. En assumant le paiement de 30 minutes de la période de repas d'une journée de travail, l'industrie, par le fait même, permettra d'ouvrir les portes à des milliers de jeunes qui attendent l'épuisement du bassin de main-d'oeuvre pour obtenir des cartes de classification.

Cette proposition aurait pour effet de nous permettre de revoir les ratios compagnons-apprentis, mais l'impact d'un tel changement pour certains métiers ne devrait pas avoir pour effet de remplacer une main-d'oeuvre par une autre.

Cet effort de création d'emplois ne doit cependant pas suppléer aux responsabilités gouvernementales en matière de création d'emplois. Certains députés, lors de la dernière commission parlementaire, ont tenté de faire porter sur le dos des associations représentatives leur incapacité à mettre de l'avant des projets créateurs d'emplois pour l'industrie. Nous avons été étonnés d'entendre certains de leurs commentaires concernant le règlement de placement dans l'industrie et le présumé obstacle qu'il représentait pour la création d'emplois.

À la CSN-Construction, nous ne comprenons pas qu'on veuille ainsi, tout bonnement, remplacer des travailleurs âgés par des travailleurs plus jeunes, dont le droit au travail est incontestable, si en même temps aucun effort n'est fait pour garantir à ces travailleurs plus âgés une retraite ou une préretraite décente. Les investissements du gouvernement représentent près de 50% du capital investi annuellement dans l'industrie. Sa part de responsabilité est évidente. La CSN-Construction l'a exprimé dans son mémoire remis à la dernière commission parlementaire: Le gouvernement doit avancer des projets créateurs d'emplois pour ouvrir ainsi le bassin de main-d'oeuvre aux plus jeunes sans du même coup bannir les plus âgés de l'industrie.

Pour la CSN-Construction, cette revendication est la conclusion logique d'une analyse de la réalité actuelle de l'industrie qui a besoin d'une main-d'oeuvre et de son renouvellement pour fonctionner et rencontrer les besoins de la collectivité québécoise.

Depuis 1978, les travailleurs de la construction sont régis par le règlement de placement qui leur reconnaît une priorité d'emploi régionale. Mais cette sécurité d'emploi relative ne correspond aucunement avec la sécurité d'emploi des autres secteurs industriels. Dans la construction aucun travailleur n'est assuré d'une seule heure de travail.

En conséquence, la CSN a formulé une revendication qui tient compte du besoin des travailleurs de la construction d'accéder à un minimum de sécurité d'emploi par chantier, pour un employeur, par métier, soit l'ancienneté.

Une telle revendication, selon la CSN-Construction, pourrait devenir la clef des autres sécurités, telles la sécurité-santé et la sécurité du revenu. Il ne fait pas de doute que, dans cette industrie, il est difficile de revendiquer des droits quand l'employeur n'a pas l'obligation de respecter l'ancienneté du travailleur à son emploi.

L'Association des entrepreneurs en construction du Québec n'a eu de cesse depuis plus de six mois de répéter la nécessité de diminuer les taux de salaire dans cette industrie de 20%. Ils nous présentent les taux de salaire comme la

cause des maux de l'industrie et, en conséquence, nous proposent ce remède de cheval.

Pourtant, les facteurs qui ont présidé à la baisse des dépenses dans la construction, et particulièrement dans le domiciliaire, ont peu à voir avec l'augmentation des salaires dans l'industrie. Les véritables causes de cette baisse se retrouvent dans l'augmentation régulière du taux de chômage depuis plus de dix ans, dans les politiques de restriction des salaires poursuivies par les gouvernements et les entreprises et, finalement, dans la hausse drastique des taux d'intérêt ces dernières années.

La baisse de ces taux, à partir de la fin de 1982, a permis en très grande partie l'augmentation de 72% en 1983 de la construction domiciliaire et ce, alors que les taux de salaire augmentaient de 10%. On ne peut certainement pas ici conclure que le niveau d'activité dépend essentiellement des taux de salaire.

Rappelons qu'une hausse de 20% de la masse salariale a un impact moins important qu'une hausse de 1% des taux d'intérêt sur les paiements hypothécaires.

Quel serait l'impact d'une baisse des taux de salaire de 20%? Est-ce que cela permettrait une reprise suffisante, comme le prétend l'AECQ, pour augmenter le nombre d'heures travaillées de 20%?

Le nombre d'heures nécessaires à la construction d'une maison unifamiliale moyenne s'élève à 675. Le taux horaire moyen incluant les avantages sociaux s'élève à 21,47 $. Nous obtenons donc un total de 14 492 $ en coût de main-d'oeuvre pour une telle maison. Réduire les taux de salaire de 20% réduirait donc ce coût de 20%.

En premier lieu, nous ne croyons aucunement que cette réduction de coût de 2900 $ se traduirait par une baisse équivalente du prix de la maison pour les consommateurs. La plus grande partie ou la totalité contribuera plutôt à l'augmentation des profits des entrepreneurs.

En second lieu, cette somme, malgré son importance, si elle était entièrement transmise aux consommateurs ne pèse pas lourd à côté des frais d'intérêt quant à la décision de se faire construire ou non. Une telle mesure n'est donc pas de nature à revitaliser l'industrie. C'est du côté des taux d'intérêt qu'il faut se tourner.

Les salaires et le coût de la vie. On a pu entendre aussi à peu près tous les genres de prétentions par rapport aux salaires dans cette industrie et à l'inflation. Entre autres, certains prétendent qu'ils augmentent à un rythme double de celui des prix. Une étude un peu sérieuse de l'évolution de ces salaires démontre que, de 1971 à 1984, les taux de salaire ont augmenté annuellement d'une moyenne de 1,2% au-dessus de l'inflation, ce qui est nettement en dessous de l'augmentation moyenne du produit national pour cette période.

Par ailleurs, pour la période de 1978 à 1984, c'est d'un net recul du pouvoir d'achat qu'il faut parler et ce, pour tous les métiers et occupations.

Enfin, dans cette industrie, il faut tenir compte non seulement des taux, mais aussi des heures travaillées annuellement. Or, le revenu annuel moyen des travailleurs de la construction régresse par rapport à l'inflation. Cela explique la diminution des coûts de main-d'oeuvre par rapport aux coûts totaux de construction au Canada depuis le début des années soixante-dix.

C'est pourquoi, considérant l'ensemble de ces faits, nos demandes salariales consistent en l'indexation des salaires et des primes au coût de la vie et en un enrichissement de 2,5% par année.

L'application soutenue du règlement de placement de l'industrie de la construction ne peut vraiment être efficace sans l'attribution aux représentants syndicaux du pouvoir de vérifier les permis de travail des entrepreneurs. La vigilance des associations syndicales représentatives doit pouvoir s'exercer en tout temps, même les soirs et les fins de semaine, afin que l'application respectée du règlement de placement ait pour conséquence de redonner les emplois dérobés aux vrais travailleurs classifiés et qualifiés de l'industrie.

Cette revendication, contenue dans notre dossier sur les chantiers noirs, doit pouvoir s'appliquer de façon à empêcher l'existence des pyramides d'entreprises clandestines utilisant à rabais une main-d'oeuvre parallèle non protégée et ne pouvant bénéficier des conditions du décret.

La CSN-Construction a pu observer une augmentation inhabituelle, depuis deux ans, du nombre d'entreprises sous-traitantes qui n'emploient pas, même si elles effectuent des travaux de construction, une main-d'oeuvre classifiée de l'industrie.

Ce fut notamment le cas sur des chantiers gérés par des sociétés d'État, telles Gaz Inter-Cité et Gaz Métropolitain, alors que, sur le réseau en construction du gazoduc, elles employaient des opérateurs de machinerie lourde qui n'étaient pas des travailleurs classifiés, mais des entrepreneurs munis d'une licence de la Régie des entreprises en construction du Québec.

De telles embauches se font au détriment de la main-d'oeuvre classifiée de l'industrie. C'est pourquoi la CSN-Construction recommande que les contrats ainsi accordés prévoient que les tâches accomplies en sous-traitance le soient par des travailleurs de l'industrie.

Les faillites d'entreprises de la construction sont courantes, multiples et souvent imprévisibles. De nombreux travailleurs se retrouvent avec des chèques

sans provision parce que leur employeur ne peut assurer leur remboursement.

Ces travailleurs doivent être protégés contre de telles irrégularités. C'est pourquoi la CSN-Construction demande que les entrepreneurs ajoutent 0,01 $ par heure travaillée afin que les travailleurs ne perdent pas ainsi des revenus essentiels.

Les assurances et le fonds de pension. Il est essentiel qu'il y ait un rajustement des contributions aux régimes d'assurance et de retraite. Dans le premier cas, les contributions actuelles sont insuffisantes pour assurer le financement du régime. Il n'est pas possible de continuer sans arrêt à piger dans les réserves accumulées. Pour le maintien et l'amélioration de ces bénéfices d'assurance, les contributions doivent être augmentées immédiatement de 0,10 $ l'heure.

Quant au régime de retraite, le taux de rente assuré par 1000 heures de travail ne cesse de décroître depuis 1975 et ce, malgré les hausses de cotisations et de contributions. Alors que pour 1000 heures de travail en 1975 on obtenait une rente annuelle de 290 $, la rente gagnée pour 1000 heures travaillées depuis 1979 ne s'élève plus qu'à 200 $. Le vieillissement de la main-d'oeuvre compte pour beaucoup dans cette évolution, mais il ne faut pas négliger l'effet de la diminution de la cotisation de 0,125 $ l'heure depuis l'instauration de Corvée-habitation il y a deux ans.

On ne peut d'aucune façon penser que les travailleurs seront attirés par la préretraite s'ils constatent qu'ils n'auront pas les moyens de vivre. Cependant, beaucoup d'entre eux profiteront des mesures de préretraite si les rentes sont décentes, créant ainsi autant d'ouvertures pour les jeunes travailleurs.

Considérant le niveau actuel des rentes et le rattrapage à effectuer à cause de Corvée-habitation, nous demandons la fin immédiate des contributions à ce programme et la récupération de la cotisation de 0,125 $ l'heure, ainsi qu'une augmentation de la contribution patronale de 0,12 $ l'heure.

La durée de la convention. La CSN-Construction demande enfin que la durée de la convention soit de deux ans à compter du 1er mai 1984. Dans la conjoncture actuelle où l'inflation nous menace, une convention d'une durée de deux ans nous semble réaliste. (17 h 15)

Ces revendications sont les principales demandes contenues dans notre projet de convention collective qui fut déposé le 7 mars 1984 à la table des négociations. Cependant, vous retrouverez dans notre document, en annexe, d'autres modifications à la convention collective qui ont également leur importance dans la négociation.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Gauthier. La parole est au ministre du Travail.

M. Fréchette: Oui, Mme la Présidente, très brièvement. Je remercie M. Gauthier et ceux qui l'accompagnent. Vous mettez beaucoup de temps, M. Gauthier, dans votre mémoire pour nous rappeler des choses que vous nous avez soumises au début du mois d'août dernier et vous insistez pour voir certains correctifs introduits dans les lois ou dans les réglementations. Vous revenez, par exemple, sur la question du pluralisme syndical. On connaît très clairement votre position à cet égard. Vous revenez également sur le travail au noir; vous revenez sur la sécurité d'emploi. Vous faites - enfin, c'est l'interprétation que je retiens de la page 4 de votre mémoire - de la nécessité d'apporter certains correctifs une condition préalable à la possibilité de la négociation d'une convention collective.

Je veux bien que l'on voie la situation de cette façon, mais revenant encore une fois au dossier très ponctuel qui nous occupe et nous plaçant devant l'échéance des événements, devant l'impossibilité d'ailleurs, mon collègue de Portneuf l'a souligné tout à l'heure au groupe qui vous a précédé - d'adopter des lois qui pourraient être des réponses ou des amorces de réponses aux problèmes que vous soumettez, si la négociation est impossible, comme vous l'évaluez, qu'est-ce qui reste à faire selon l'appréciation de votre centrale?

M. Gauthier: Quant à nous, le premier problème qui doit être réglé - on le souligne à la page 4 - c'est tout l'aspect du travail au noir. Les principales demandes ou revendications entendues lors de la commission parlementaire précédente touchaient particulièrement le secteur de l'habitation. Dans les discussions qu'on a actuellement, il y a, comme on l'écrit dans le document, des reculs qui sont esquissés, proposés ou mis de l'avant pour tenter d'en arriver à un règlement négocié. Ces demandes de reculs se retrouvent principalement dans le secteur de l'habitation. Vous comprendrez qu'actuellement, le problème du travail au noir étant principalement dans ce secteur, on dise qu'il faut immédiatement régler ce problème. Une fois ce problème du travail au noir réglé, cela devrait permettre à tout le monde de travailler ou d'oeuvrer de la même façon dans le secteur domiciliaire et nous permettre, par la suite, de régler rapidement la convention collective actuelle.

M. Fréchette: C'est l'un des aspects, mais vous avez associé ces conditions... Sur le pluralisme, par exemple, je vous réitère que votre position est très bien connue. Vous

savez sans doute qu'à cet égard cela nécessiterait un amendement législatif. Mais là on est en face d'une échéance toute proche: c'est dans deux jours. Le gouvernement, après l'audition des positions respectives des parties, devra, sur recommandation du ministre du Travail, prendre une décision pour l'immédiat. C'est là-dessus, si vous le voulez - remarquez que je n'insisterai pas si vous souhaitez ne pas aller plus loin là-dessus - que, quant à moi, je souhaiterais vous entendre sur la façon que vous suggérez pour régler ce problème qu'on a sur la table actuellement.

M. Gauthier: Pour ce qui est du pluralisme, j'aimerais d'abord vous indiquer que, quant à nous, ce n'est pas un empêchement à la négociation.

M. Fréchette: J'ai compris cela.

M. Gauthier: II y a eu des discussions qui auraient pu aboutir à un règlement négocié. Chacune des organisations syndicales aurait pu aller consulter ses membres sur cela et, par la suite... Ce qu'on dit, c'est que le ministre doit annoncer immédiatement son intention. On n'a pas besoin d'un projet de loi pour savoir, de la part du ministre, que le pluralisme syndical est maintenu et qu'on ne reviendra pas là-dessus. Ce problème, quant à nous, va être éliminé.

Pour ce qui est de la négociation actuelle, je vous dirai qu'on a eu l'équivalent de quatre heures de discussions. Je ne pense pas qu'on soit capable de régler une convention collective présentée, entre autres, par la CSN-Construction en l'espace de quatre heures. Les discussions qui ont eu cours avec l'AECQ, cela a été pour tenter de voir s'il y avait des possibilités d'enclencher une négociation et pour tenter d'en arriver à un règlement. Il y a actuellement, au niveau de ces discussions, un blocage sur le genre de cadre de négociation qu'on doit mettre de l'avant pour tenter de trouver un règlement. Le problème se situe actuellement entre les parties qui ne trouvent pas le cadre nécessaire pour arriver à un règlement.

M. Fréchette: Cela va, quant à moi, madame.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier M. Gauthier et ses collègues de la présentation qu'ils nous font cet après-midi. Plusieurs des questions qu'ils abordent seront reprises nécessairement à l'Assemblée nationale comme le résultat du travail à produire par le comité interministériel qui doit être en réunion actuellement.

J'aimerais revenir plus spécifiquement, comme le ministre, à la présente négociation et au délai de deux jours qui reste. M. Gauthier, est-il exact que, dans les échanges que vous avez eus, avec vos collègues du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et de la CSD, avec l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, jusqu'à tout récemment les seuls points qui vous séparaient de l'AECQ en ce qui regarde les représentations que vous avez faites portaient sur la clause d'ancienneté et sur la clause d'indexation?

M. Gauthier: Je vous dirai ce qui nous sépare actuellement dans la présente négociation - vous retrouverez, quant à nous, le cadre de la négociation aux points 1 à 8 qu'on vous a soumis aux pages 7 et 8 du document - se situe à ce niveau. Quant à nous, il y a de la négociation possible à l'intérieur de ce cadre. Je ne serais pas en mesure à ce moment-ci de prendre à la pièce un ou l'autre des morceaux, mais on a indiqué assez clairement à l'Association des entrepreneurs en construction du Québec qu'on était disponibles, disposés à négocier, qu'il n'y avait aucun prérequis de négociation de notre part et qu'il y avait toujours moyen de trouver un règlement acceptable pour les travailleurs de la construction, principalement pour ceux qu'on représente.

M. Pagé: C'est donc dire qu'on doit conclure que les chances d'une négociation utile d'ici le 31 sont presque illusoires, si on ajoute à cela le fait que l'AECQ est absente aujourd'hui. Qu'est-ce que vous privilégiez, une prolongation du décret qui vous permettra de négocier ou un décret?

M. Gauthier: Quant à nous, on est prêts à négocier. On est prêts à tenter d'arriver à un règlement, que ce soit dans deux jours, dans trois jours ou dans trois semaines. On est disponibles et disposés à négocier. Je dois vous dire que, si jamais le ministre prolongeait le décret d'un mois pour permettre aux parties d'en arriver à un règlement ou s'il ne le prolongeait pas pour nous permettre d'exercer le rapport de force, il ne faudrait pas que le gouvernement intervienne après une semaine ou deux. Il faudrait, si le jeu de la négociation et l'exercice du rapport de force doivent se faire, que cet exercice puisse se faire jusqu'à la fin et non pas qu'il y ait une intervention en cours de route. Nous sommes prêts et disposés à négocier. S'il y a lieu, on va continuer à négocier, même après le 1er septembre. S'il n'y a pas d'imposition, on va continuer à négocier.

M. Pagé: Merci.

La Présidente (Mme Harel): D'autres questions?

M. Gauthier: Si vous le permettez, je voudrais ajouter ceci brièvement. On a attendu une journée et demie, je prendrai deux ou trois minutes de votre temps. Quant à nous, il y a deux choses importantes dans la présente négociation, c'est tout l'aspect de l'emploi. Cela nous fait réfléchir régulièrement quand on nous demande: Que va-t-on faire avec les jeunes dans l'industrie? Comment fera-t-on pour s'assurer que les travailleurs de la construction seront en mesure de prendre leur retraite décemment? Comment fera-t-on pour protéger le pouvoir d'achat des travailleurs de la construction? Vous retrouverez dans le document qu'on vous a présenté l'essentiel des préoccupations des travailleurs de la construction et si jamais le ministre décidait de décréter, ce qu'on souhaite, c'est que les modifications que nous avons proposées, qui sont contenues aux pages 7 et 8 et qui sont, quant à nous, les plus importantes, devraient se retrouver dans le cadre du prochain décret au niveau de la prolongation.

Il y a des éléments qui ne peuvent pas actuellement être laissés de côté dans le cadre d'une nouvelle prolongation, si jamais c'était le cas. Cela fait des années qu'il n'y a pas eu de véritables négociations au niveau de la construction. Des modifications doivent être apportées. On ne pourra pas seulement les laisser de côté et s'imaginer que, dans un an ou deux, on va recommencer l'opération. Si le ministre décidait de décréter, il faudrait absolument qu'il tienne compte de ce que sont, quant à nous, nos principales recommandations, nos principales propositions.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais demander à M. Gauthier si, parmi les huit points qu'on retrouve aux pages 7 et 8 - il semble, en tout cas, dans les derniers propos qu'il vient de tenir, espérer retrouver une partie de ces huit points dans un prochain décret - lors des négociations que vous avez eues en cours de route avec les autres parties syndicales ou même avec l'AECQ, il y a eu des consensus sur un, deux ou trois de ces huit points ou si vous êtes les seuls à les désirer.

M. Gauthier: Je pense que cela se déroule dans un cadre plus global. Les discussions qu'on a pu avoir ont tourné autour de ce qui est là.

M. Lavigne: Avez-vous senti des approbations, des consensus ou si...

M. Gauthier: Je vous dirai que, s'il y avait eu des approbations et des consensus, on aurait peut-être trouvé un règlement avec l'AECQ. Il y a eu quelques problèmes à ce niveau. Probablement que la raison pour laquelle il n'y a pas eu de règlement, quant à nous, de la CSN-Construction, c'est qu'on n'a pas pu se retrouver au niveau d'un cadre de règlement comme on le propose.

M. Lavigne: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Merci. J'inviterai maintenant les représentants du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction à se présenter. Vous avez un mémoire écrit à nous transmettre? M. Pouliot, je vais vous inviter à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

CPQMC

M. Pouliot (Maurice): Tout d'abord, M. Jacques Martel, gérant d'affaires de la Fraternité des charpentiers-menuisiers d'Amérique; Jean-Paul Cassey, gérant d'affaires des monteurs d'acier; Pierre Labelle, gérant d'affaires des opérateurs de machinerie lourde; Raymond Boucher, gérant d'affaires des couvreurs et ferblantiers; Maurice Pouliot, président-directeur général du conseil provincial.

Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les membres de la commission, ce qui devait se produire, à mon avis, s'est effectivement produit. On avait déploré le fait qu'on pourrait se retrouver exactement dans la même situation qu'en 1982 et c'est effectivement le cas: négociation de dernière minute, convocation de la commission parlementaire et, possiblement, imposition d'un décret. Je pense qu'au conseil provincial on est drôlement déçus de la tournure des événements. On aurait aimé, finalement, que les associations représentatives négocient de bonne foi. C'est sûrement dû, s'il y a une impossibilité actuellement de conclure une convention collective, à l'arrogance de l'Association des entrepreneurs en construction. Évidemment, l'AECQ refuse systématiquement de négocier ou a refusé de le faire pendant six ou sept mois. Ce n'est qu'à la toute dernière minute qu'on nous mentionne qu'on a entamé des négociations.

Le conseil provincial a été, lors du dernier vote d'allégeance syndicale, la seule association représentative dans la construction qui a obtenu la plus grande confiance des travailleurs. On a augmenté notre degré de représentativité. Je tiens à vous mentionner qu'à la suite de l'adoption du projet de loi 109 le conseil provincial a vu sa majorité chuter ou tomber à 19%.

Actuellement, le conseil provincial représente 31% du degré de représentativité et dans plusieurs métiers, spécialités ou occupations le conseil provincial international a le quasi-monopole de ces travailleurs qui sont membres des locaux affiliés chez nous. (17 h 30)

On va limiter notre intervention à ce qu'on peut appeler la négociation dans l'industrie de la construction. Évidemment, on est d'accord sur le fait que les augmentations du coût de la vie devraient être appliquées. Le ministre de l'Habitation a mentionné à la commission parlementaire du mois d'août que ce ne sont pas les augmentations de salaire qui vont influencer beaucoup l'industrie de la construction ou la relance; nous sommes bien d'accord là-dessus. Quant aux chiffres sur l'indexation, etc., qu'a effectivement mentionnés la CSN-

Construction je pense qu'effectivement on ne peut pas contester ces chiffres, car ce sont des chiffres officiels.

Quant à nous, au conseil provincial, dès le mois de décembre 1983, on a tenté d'avoir une entente avec les centrales syndicales dans l'industrie de la construction. C'est là que le problème surgit. On a mentionné dans notre mémoire qu'il fallait que la loi dans l'industrie de la construction soit modifiée. Je sais effectivement que ce n'est pas la commission appropriée pour modifier la loi. Même si on voulait changer les ratios ou changer la forme de négociation, je pense que ce n'est pas l'endroit approprié.

Le conseil provincial s'est vu placé dans une situation où la FTQ-Construction ne veut pas négocier avec la CSN. La CSN refusait de négocier avec la CSD. Tout le monde semblait d'accord pour avoir le conseil provincial dans le décor. Quant à nous, nous étions prêts et nous le sommes toujours à négocier ou à discuter. Effectivement, en ce qui concerne le conseil provincial, j'ai participé à plus que quatre heures de négociation avec l'Association des entrepreneurs en construction. Je pense qu'il est du devoir du conseil provincial d'aller voir ce qu'on peut obtenir pour nos membres et s'il y a une possibilité d'entente.

Effectivement, sur ce qui a été discuté entre le directeur général de l'AECQ et le directeur général du conseil provincial, il y avait une possibilité d'entente verbale. Lorsqu'il y a eu d'autres réunions vendredi -cela s'est terminé aux petites heures du matin, samedi, vers quatre heures du matin -en présence de la CSD-Construction, du conseil provincial et de la CSN-Construction et qu'on nous a soumis certains textes par écrit, évidemment, cela ne reflétait pas ce qui avait pu être discuté dans le cadre des rencontres antérieures à celle de vendredi dernier.

Donc, quant à nous, nous voulons une convention collective négociée et nous voudrions qu'il y ait une entente entre les parties. Sûrement que les demandes du conseil provincial, déposées le 4 mai 1984, avec la FTQ-Construction, sont les demandes officielles que le conseil provincial a tenté de négocier et continue de négocier. Il n'est pas question pour le conseil provincial de renier les demandes qui ont été déposées, de même que la signature du président-directeur général. Donc, c'est dans ce cadre-là qu'on a discuté et qu'on a négocié. On retrouve dans la position patronale certains points qui sont effectivement les demandes conjointes qui ont été déposées.

Quant à nous, il est clair que le salaire garanti, qui est proposé uniquement par la FTQ-Construction, on n'a rien contre si le ministre veut accorder cela aux travailleurs de l'industrie de la construction. Mais on a dit et je le répète: Le salaire garanti ne doit pas empêcher les négociations dans l'industrie de la construction et ne doit pas avoir comme implication que les travailleurs de la construction se retrouvent sans convention collective.

Quant à nous, ce qui a été fait continue d'être fait. Nous avons l'intention de jouer le rôle et de prendre la place qui nous revient dans l'industrie de la construction. Je ne pense pas que les autres associations syndicales représentatives soient effectivement en mesure de ce qu'on peut appeler "tasser" le conseil provincial international. Le conseil provincial est bien implanté. On a l'intention de demeurer et de jouer notre rôle.

Le ministre du Travail nous avait demandé d'être matures et de tenter de nous entendre. C'est effectivement ce que le conseil provincial a fait. Il y a eu une réunion - la CSN l'a mentionné - le 20 août 1984, à la suite d'échanges et de télégrammes, dans les bureaux de la FTQ-Construction: la CSD, la CSN, le conseil provincial et la FTQ-Construction. La FTQ-Construction nous a dit très clairement qu'il n'y aurait pas d'entente s'il n'y avait pas cela: réduction des heures de travail et salaire garanti. Quant à nous, c'était impossible et tout échappe.

Au conseil provincial, on maintient qu'on veut obtenir des négociations par métier. Vous savez, l'AECQ nous a dit: Écoutez! Il n'y a pas de négociations par métier; c'est quoi vos priorités? On a laissé de côté cette chose-là pour peut-être ne pas se retrouver devant la commission. On aimerait mieux se retrouver à une autre commission parlementaire pour régler les problèmes de l'industrie de la construction. Je pense qu'on avait mentionné assez clairement, lors d'une rencontre avec le ministre du Travail, par le truchement du comité mixte, qu'on devait obtenir des consensus et que le ministre s'engageait à

amender la loi. Effectivement, il n'y a pas eu de consensus et, à ce moment-là, on s'est aperçu de la mauvaise foi des entrepreneurs qui ont refusé de. négocier. De notre côté, il n'était pas question d'accepter une diminution de salaires.

Un des points majeurs qui nous échappe actuellement, où il n'y a pas d'entente, c'est concernant la définition de la construction résidentielle. Quant à nous, on est prêts à accepter, disons, des conditions différentes de travail pour le secteur résidentiel. On parle, pour commencer, de construction unifamiliale, même si on sait que ce ne sont pas les salaires ou les conditions de travail qui ont un gros impact sur le coût de la construction. Évidemment, l'AECQ, dans une discussion que j'ai eue hier soir vers 10 heures, nous a mentionné que, quant à elle, la définition de construction résidentielle, c'est quelque chose de trois ou quatre étages sans compter s'il peut y avoir 100 logements ou 200 logements. Quant à nous, on est totalement contre une semblable position. En ce qui nous concerne, c'est le point majeur. Cela ne veut pas dire que tout le reste est accepté, loin de là. Il y a autre chose.

Si les entrepreneurs avaient négocié avec les métiers, on aurait peut-être trouvé des formules d'accommodement concernant le ratio compagnons-apprentis, ce qui est effectivement en cause. On nous dit: Dans la construction résidentielle, on descend le ratio compagnons-apprentis à trois pour un. Actuellement, c'est à cinq pour un dans plusieurs métiers ou spécialités. En ce qui nous concerne, on a dit: Écoutez! Si la définition de construction résidentielle est limitée, disons, à la maison unifamiliale ou, à toutes fins, à ce qui existe actuellement dans le décret concernant huit logements et moins - je pense que huit logements et moins, c'est déjà assez large, c'est même trop large, mais on doit reconnaître que le conseil provincial et la FTQ-Construction, en 1982, avaient accepté cela; en tout cas, c'est une entente de principe dont on avait convenu à la toute dernière minute - au pis-aller, on pourrait laisser cela là, mais jamais le conseil provincial ne va accepter que ce soit trois étages ou quatre étages concernant la définition d'une construction résidentielle.

Il y a eu des discussions, il y a eu des négociations et on est prêts à continuer à négocier. Ce que le conseil provincial préconise, c'est une entente négociée entre les parties dans l'industrie de la construction ou le vide juridique. Cela fait de nombreuses années que l'AECQ nous dit: Écoutez! Il faudrait effectivement que le rapport de force s'exerce. C'est peut-être cette année qu'il va falloir que cela arrive, qu'il y ait un vide juridique. Quant à nous, la prolongation du décret ne réglera d'aucune façon l'actuel problème de la négociation. L'AECQ a eu sa réponse en 1982 à l'assemblée des membres lorsqu'ils ont dit: II n'est pas question d'accepter les recommandations et les ententes signées. Il semblerait que le même problème est en train de survenir en 1984 et c'est là qu'on nous dit: On ne peut pas donner beaucoup de choses dans les négociations parce qu'on va se faire renverser par l'association d'habitation et de construction du Québec. Les statuts de l'AECQ, comme vous le savez, M. le ministre, c'est encore un homme un vote. Cela aussi fait partie du mémoire du conseil provincial: 85% des membres de l'AECQ ont entre zéro et 5000 heures enregistrées à l'Office de la construction. Donc, évidemment, il faudrait qu'on arrive à une multitude de concessions pour plaire à ce qu'on appelle les gens de l'habitation. À notre avis - nous les avons toujours qualifiés ainsi - la grosse majorité de ces gens sont des "chaudrons", ce sont des braconniers, ce sont des gens qui travaillent sous la table, ce sont des gens qui volent les impôts et qui contrôlent l'AECQ.

En résumé, ce sont les commentaires que j'avais à mentionner. Évidemment, si vous nous demandez si on est prêts à négocier, on vous répond: Oui, on est prêts, avec les quatre ou cinq centrales. Aussi, je pense qu'il est dans l'intérêt de l'économie du Québec qu'il y ait une entente qui soit négociée. Que ce soit le syndicat de la Côte-Nord, CSN, CSD, l'International, la FTQ, quant à nous, on est prêts à négocier et à conclure une entente, mais pas à n'importe quel prix, une entente qui serait acceptée par les travailleurs de l'industrie de la construction. Il y a des représentants syndicaux qui sont en train de croire ou de penser que c'est leur convention qu'ils négocient. C'est la convention des travailleurs de la construction. Les conventions des représentants syndicaux, ça, c'est une autre affaire.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui. Merci, Mme la Présidente. M. Pouliot, je vous remercie, vous et les autres membres de votre conseil. En peu de temps, vous avez trouvé les mots qu'il fallait pour nous sensibiliser, bien que nous l'étions déjà un peu, vous allez le comprendre, à l'état actuel de la situation.

Votre intervention me suggère un commentaire. Je suis en train de me convaincre que les ententes verbales sont généralement faciles et que c'est au moment où on arrive à mettre les choses par écrit que les problèmes surgissent. Vous avez effectivement fait référence à cette rencontre que nous avions eue au mois de janvier dernier au comité mixte où tout semblait aller pour le mieux pour tous les intervenants qui étaient là, autant patronaux

que syndicaux. Mais lorsque, me dit-on, est arrivé le temps de signer un document qui aurait concrétisé les consensus, cela n'a pas été possible. Là, vous nous informez, M. Pouliot, que vous avez cru jusqu'à la dernière minute à une entente possible. J'ai cru comprendre de vos commentaires qu'effectivement une entente verbale serait intervenue entre les parties qui se sont rencontrées, qui se sont parlé, qui ont exploré des possibilités, mais qu'au moment où, encore une fois, il fallait transposer tout cela dans des textes on s'est retrouvé dans le même cul-de-sac que celui auquel on a fait référence pour le comité mixte.

D'ailleurs, M. Pouliot, à tort ou à raison - on a fait référence à des articles de journaux au début de la commission - vous êtes un de ceux qui ont assez formellement indiqué à un moment donné - je ne sais pas si les propos qu'on vous a prêtés sont réels et exacts - qu'une entente était possible, ce qui a donné beaucoup d'espoir à beaucoup de gens. Tout cela étant dit et étant placé devant cette situation qui est maintenant claire et qui nous amène à la conclusion qu'il y a des positions fermes de part et d'autre et quasi irréversibles, croyez-vous qu'une reprise des négociations avec un peu de chance de succès puisse exister au moment où on se parle? Vous avez entendu deux autres associations avant vous. Votre position, vous venez de la mettre sur la table. Est-ce que, compte tenu de tout cela, des négociations avec une raisonnable chance de succès existent encore dans un délai imparti relativement court?

M. Pouliot: Écoutez, M. le ministre, pour ce qui est des déclarations qui ont été écrites dans les journaux, évidemment, cela reflète ce que je pensais et ce qui avait été discuté. La CSN-Construction et la CSD sont là sûrement pour confirmer ce qui avait été dit verbalement mais quand on a eu des textes vendredi, ce n'était plus exactement la même chose. Pour répondre à votre question, je pense qu'actuellement la balle est dans le camp, si on veut, de l'association des entrepreneurs. Vous savez, du côté syndical, je l'ai mentionné, il y a plusieurs revendications qu'on a faites et qu'on maintient. Est-ce qu'on doit faire une grève pour telle et telle revendication? (17 h 45)

Les demandes déposées le 4 mai sont finalement des demandes conjointes et les demandes, on sait ce que cela veut dire. Cela ne veut pas dire de tout laisser tomber, mais finalement s'il y a quelque chose qui est raisonnable, qui est acceptable et accepté par les travailleurs, quant à nous, on est prêts à en faire la recommandation.

Je dois vous dire qu'il faut aussi regarder les conventions collectives qui sont signées à l'extérieur de la province de

Québec. Il y en a qui ont peur de regarder cela aussi. En ce qui nous concerne, je pense qu'il faut regarder la situation économique dans le monde; elle n'est pas tellement reluisante actuellement. Quant à nous, c'est pour cela qu'on était prêts à faire certaines concessions, mais pas à n'importe quel prix. Je dois vous dire que plus on négocie, plus on recule. Donc, il va falloir arrêter de négocier parce que cela n'a plus d'allure. Effectivement, c'est ce qui se produit. L'AECQ s'en va en reculant devant sa position de vendredi et nous autres on veut avancer; donc, c'est arrêté là.

M. Fréchette: M. Pouliot, à partir de cette argumentation, je retiens - et si mon interprétation n'est pas la bonne, n'hésitez pas à me corriger - que la position de votre conseil c'est: ou bien il faut en arriver à une entente négociée - vos derniers commentaires, vous allez en convenir, ne sont pas des plus optimistes quant à cette possibilité - ou alors c'est le vide juridique. C'est la position de votre conseil.

M. Pouliot: M. le ministre, c'est la position et je pense que c'est la position réaliste des travailleurs de l'industrie de la construction chez nous.

M. Fréchette: Merci.

M. Pouliot: J'aimerais mieux vous dire autre chose, que plus on négocie, plus on avance, mais c'est l'inverse qui se produit.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Brièvement, parce que M. Pouliot et le conseil provincial sont assez clairs dans les propos qu'ils tiennent cet après-midi, d'une part. D'autre part, le ministre a couvert des aspects intéressants des questions qu'on avait à vous poser. Ce qu'on doit retenir de votre témoignage, M. Pouliot, c'est qu'entre le 8 et le 28 août, des échanges réguliers et constants se sont tenus entre l'AECQ, la CSD, la CSN et le conseil provincial. Vous vous êtes référé à une possibilité d'entente dans la nuit de vendredi à samedi. Vous avez fait référence aux échanges que vous avez eus, aux communications, si brèves soient-elles, avec la FTQ-Construction. Vous avez même fait référence à des discussions qui se seraient tenues hier en soirée vers 22 heures portant sur le contenu ou la définition de la construction résidentielle.

Vous savez, il m'est arrivé à quelques reprises d'être présent et de participer à des commissions comme celle-ci. On doit retenir que, lorsqu'on fait référence à des contenus de négociation, c'est, d'une part, toujours très délicat et, d'autre part, pour les

intervenants, c'est toujours aussi très délicat de dégager et d'informer les membres de la commission sur les prises de position, sur ce qui faisait l'objet de certaines ententes, etc. J'aimerais avoir l'heure la plus juste possible. Premièrement, est-il exact que vous étiez très près d'une entente avec l'AECQ? Deuxièmement, si tel est le cas, qu'est-ce qui a fait que cela a achoppé? Qui a reculé et à quel moment cela s'est-il fait? Troisièmement, si vous avez négocié jusqu'à hier soir, devons-nous comprendre que, si la commission parlementaire avait été convoquée jeudi ou vendredi, on n'aurait peut-être pas eu à siéger? Quatrièmement, devons-nous retenir de l'échange que vous avez eu avec le ministre, de votre propos à la fin de votre intervention, que ce que vous souhaitez, c'est retourner négocier sans prolongation et que, si jamais le vide juridique devait impliquer un affrontement, vous êtes prêts à attacher votre ceinture?

M. Pouliot: Évidemment, vous me posez plusieurs questions, et je vais tenter d'y répondre. Voici ce qui s'est produit entre le 8 et le 28 août. Je peux vous dire officiellement que j'ai assisté à deux rencontres de négociation en présence de la CSD-Construction, de la CSN et du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international), les 10 et 24 août. Les trois centrales qui ont 58% de la représentativité se sont réunies. Cela a duré, à mon avis, plus de quatre heures. Lorsque cela finit à 3 heures et que cela commence à 16 heures, cela fait un peu plus de quatre heures, mais, finalement, je pense que le problème n'est pas là.

Il y a eu d'autres rencontres avec la CSN, je pense, et la CSD. On a rencontré l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Je ne sais pas combien de fois il y a eu des rencontres informelles ou formelles. On peut appeler cela comme on veut. Pour le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, j'ai rencontré, à certaines occasions, les représentants de l'AECQ. On a mentionné dans les corridors du parlement une possibilité d'entente; on en a discuté. Les deux autres centrales dans l'industrie de la construction ont-elles rencontré les représentants de l'AECQ? Je ne suis pas au courant. J'imagine qu'elles auraient dû les rencontrer, discuter et essayer d'avoir une entente, mais les autres centrales expliqueront leur point de vue. Je peux parler pour le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Effectivement, comme vous l'avez mentionné, M. Pagé, on était près d'une entente. Je l'ai mentionné. L'entente était verbale. Lorsque nous sommes arrivés avec les textes, le recul sur la question résidentielle était inacceptable; les 4% d'augmentation par année soumis lors de la réunion de vendredi dernier, cela n'a jamais été discuté non plus et c'est inacceptable. Il y a plusieurs choses qui sont inacceptables. Évidemment, si on me demande ce qui pourrait être accepté ou acceptable, c'est une négociation globale. Qu'on nous dise ce qu'il y a là-dedans et les gérants d'affaires du conseil provincial décideront s'ils acceptent ou s'ils refusent. À la suite des discussions, j'avais convoqué une assemblée des gérants d'affaires, qui a eu lieu lundi effectivement. À la suite du dépôt des positions patronales, cela a été refusé par les gérants d'affaires - par une forte majorité - comme étant des offres inacceptables. Dans le secteur de l'habitation, c'est l'un des problèmes majeurs et ce n'est pas le seul.

Concernant les reculs, hier soir, j'ai parlé au directeur générai de l'AECQ, M. Dion, qui m'a dit que son conseil d'administration demande que le salaire des apprentis de première année soit de 40%. Actuellement, cela découle de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles, le règlement no 3. Effectivement, le salaire d'un apprenti de première année est de 50%, comparativement au salaire du travailleur compétent. Cela n'avait jamais été discuté ou il n'y avait pas eu d'entente. Finalement, on m'apprend cela hier au téléphone.

La question de l'habitation. Au lieu d'être à quatre étages, cela pourrait être à trois étages; on est descendu d'un étage. Mais cela pourrait être 100 ou 200 unités de logement, peu importe la longueur de l'édifice. Cela aussi, quant à nous, est inacceptable.

On nous parle d'une augmentation qui pourrait être de 4,5% pour la première année, à compter du 1er mai 1985 et d'environ 5% au 1er mai 1986. Par contre, on voudrait geler les salaires des secteurs de l'habitation ou du résidentiel avec une définition très large. Quant à nous, j'ai dit au représentant de l'AECQ que cela ne donnait plus rien de parler ou de discuter puisque c'est totalement inacceptable. C'est ce qui est arrivé à ce sujet.

Mme la Présidente, la position du conseil provincial, c'est qu'on laisse le rapport de forces s'exercer dans l'industrie de la construction. On ne vous cache pas qu'on a un comité de stratégie. On est prêt à aller voir les petits entrepreneurs surtout, parce que ce sont eux qui empêchent la signature d'une convention collective et je pense que c'est bien important. C'est sûr qu'on n'a pas l'intention d'empêcher les gros entrepreneurs de fonctionner, mais qu'on nous laisse le droit d'exercer un rapport de forces. C'est ce qu'on demande s'il n'y a pas d'entente. Évidemment, il y a un conciliateur qui est nommé, qui est encore en poste, je pense, et qui fait un excellent travail. Mais

dans le contexte actuel, vous savez, ce n'est pas facile. Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions, M. le député de Portneuf.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. Pouliot, je vous remercie pour la réponse. On s'associe à vous et à la motion que vous nous présentez à l'égard de M. Leboeuf et on vous souhaite bonne chance.

La Présidente (Mme Harel): J'invite les membres de la commission à donner leur consentement pour poursuivre les travaux. À ce stade-ci, je propose une suspension d'une demi-heure pour entendre la FTQ-Construction qui sera présente à 18 h 30.

M. Pagé: 18 h 30?

La Présidente (Mme Harel): Y a-t-il consentement pour une motion de suspension...

M. Pagé: Jusqu'à 18 h 30.

La Présidente (Mme Harel): ...jusqu'à 18 h 30. Nous reprendrons nos travaux à 18 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise de la séance à 18 h 38)

La Présidente (Mme Harel): La commission parlementaire de l'économie et du travail reprend ses travaux.

FTQ-Construction

Je vais inviter les représentants de la FTQ-Construction, M. Laberge et M. Lavallée, à nous présenter les personnes qui les accompagnent. Je leur rappelle que les parties syndicales qui les ont précédés ont procédé avec une célérité hors du commun. Nous avions convenu d'un maximum de temps imparti à chacune des parties concernées dans cette négociation, à savoir 20 minutes pour la présentation de leur mémoire ou de leur point de vue et par la suite, un échange d'au plus 20 minutes avec les membres de la commission, également réparties entre les partis. M. Lavallée.

M. Lavallée (Jean): Mme la Présidente, nous avons aussi l'habitude de procéder avec célérité. Donc, nous allons respecter ces délais.

Il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À mon extrême droite, Gilbert Gour, du local des manoeuvres; Yves Paré, du local des opérateurs de machinerie lourde du Québec; mon confrère, le président de la FTQ, Louis Laberge; à mon extrême gauche, René Mathieu, des mécaniciens industriels, suivi de Louis-Marie Cloutier, des charpentiers-menuisiers et Jean-Paul Rivard, directeur général de la FTQ-Construction.

Avant de procéder à la lecture du document, il y a certaines explications que le confrère Rivard aimerait donner devant cette commission à la suite des allégations qui ont été formulées au cours de l'après-midi. Je demanderais donc au confrère Rivard de faire la mise au point.

M. Rivard (Jean-Paul): Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les membres de la commission, les autres centrales syndicales ou associations représentatives qui sont venues ici ont fait des allégations et à un moment donné, je me sentais comme le gros méchant loup qui représente la FTQ-Construction et qui empêchait les négociations dans l'industrie de la construction. Sachez que la FTQ-Construction a déployé des efforts considérables et fait des concessions énormes au mois de mai pour s'entendre avec le Conseil provincial des métiers de la construction afin de déposer un document commun de demandes sur lequel on pourrait se faire confiance mutuellement pour aller négocier sans avoir continuellement - on le pensait - à se guetter le dos. Un document a été déposé et on a fait des tentatives pour le négocier. Lorsque nous avons reçu le télégramme de la CSN qui demandait une réunion entre les parties, ils ont effectivement déposé une copie de notre télégramme et la balle était dans le camp de l'AECQ, comme la CSN est d'ailleurs venue le dire. La balle était dans le camp de l'AECQ. C'est à l'AECQ de vouloir négocier parce qu'on n'avait plus besoin d'interlocuteur. Un interlocuteur était là qui représentait 73% des travailleurs de la construction. C'était le conseil et la FTQ.

Quand on vient parler de la journée du 20 août, lorsque la FTQ-Construction avait pris l'initiative de convoquer les autres parties syndicales afin de parler de représentation syndicale, de représentativité syndicale telle que nous l'avait suggéré le ministre, le sujet de la négociation a été abordé et la même position a été prise. C'est qu'on n'avait pas besoin de refaire une nouvelle entente entre centrales. Il y avait un interlocuteur et il appartenait à l'AECQ de négocier. Il est faux que la CSD, comme elle le prétend, ait demandé d'être à la négociation. C'est faux. La CSD n'a jamais demandé d'être là. De plus, il avait été demandé par la CSN encore une fois de se réunir plus tard et pendant qu'ils parlaient de réunion, encore un peu plus tard, il y avait une rencontre qui était prévue avec

l'AECQ le même après-midi. On ne nous en a jamais soufflé mot et on vient ici parler d'unité qu'il faudrait faire entre les centrales pendant qu'ils préparaient un coup de Jarnac contre la FTQ-Construction sans la prévenir qu'il y avait une rencontre avec l'AECQ dans la soirée, rencontre qui aurait duré de 16 heures l'après-midi à 4 heures du matin. Quand on vient accuser la FTQ d'être responsable de toutes ces choses-là, je crois qu'on ment. Il est faux, comme le prétend la CSD, qu'on refusait de s'associer aux autres représentants des travailleurs, à savoir le conseil provincial, la CSN-Construction et la CSD-Construction. On avait une alliance avec le conseil provincial et nous l'avons respectée.

Quand le conseil provincial vient dire ici qu'il favorise une entente entre toutes les centrales, il le dit ici publiquement, mais en privé, entre nous - mon confrère, le président de la FTQ-Construction, peut vous le dire - il est content de ne pas voir la CSN et de ne pas voir la CSD là. C'est cela, madame et messieurs les membres de la commission, qui se passe dans le mouvement syndical dans la construction et c'est à cause du pluralisme syndical tout ce qui se passe à l'heure actuelle. Le conseil provincial vient dire que la FTQ ne veut pas abandonner sa demande de sécurité du revenu et il va négocier avec la CSN qui, elle non plus, ne veut pas lâcher sa demande d'ancienneté, mais eux sont là et nous, nous ne sommes pas là. C'est à vous de vous faire une opinion sur les déclarations qui ont été faites ici.

M. Lavallée: Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les membres de cette commission. Ce n'est pas avec plaisir qu'on se présente devant cette commission. On aurait préféré qu'on puisse régler le différend à l'intérieur des structures. Étant donné la situation, nous avons accepté de participer à cette commission, de faire valoir notre opinion sur les différents problèmes qui sévissent présentement dans l'industrie de la construction et de préciser quelles seraient pour nous les demandes acceptables qui pourraient être incluses, advenant le cas que le ministre imposerait un décret à la suite de cette commission parlementaire. La tenue de la présente commission parlementaire est un autre constat d'échec en regard du mode de négociation dans le secteur de la construction.

Loin de nous l'intention de jubiler, mais nous ne pouvons manquer l'occasion de vous rappeler que nous vous avions prédit qu'une telle situation arriverait. Il ne peut en être autrement et il en sera toujours ainsi tant et aussi longtemps que le gouvernement ne prendra pas le taureau par les cornes en faisant en sorte de mettre en présence deux interlocuteurs ayant des rapports de forces égaux et représentant la totalité des personnes au nom desquelles ils s'expriment. L'urgente nécessité d'une telle réforme est encore plus en plus évidente quand on fait une brève rétrospective des négociations de 1984. En voici les points saillants. D'ailleurs notre document contient aussi le sommaire. Je vais passer au sommaire: cela va peut-être éviter certaines lectures du document pour se conformer, comme Mme la Présidente l'a demandé, aux 20 minutes. Le présent mémoire porte principalement sur des amendements que la FTQ-Construction voudrait voir apportés au décret régissant les conditions de travail des salariés de la construction. Dû au fait qu'il semble que le gouvernement veut imposer ses conditions sans déplaire à personne, nous avons limité nos revendications aux points suivants: Premièrement, redéfinition de la mise à pied et introduction d'une définition du licenciement. Ces amendements auraient pour effet d'empêcher les congédiements déguisés en mises à pied à la suite de courtes interruptions de travail provoquées dans le but de se débarrasser d'un salarié sans avoir à se justifier devant un arbitre de grief.

M. Rivard: À cette définition qui était incorporée, qui était incluse au décret en 1979, malgré les pressions de quatre syndicats qui se sont battus et qui ont même fait la grève pour éviter... On a dû d'ailleurs se battre à l'intérieur de notre propre organisation, qui était le conseil provincial dans ce temps, et il a même fallu prendre une injonction pour empêcher le conseil provincial de nous signer une convention collective pendant que nous autres on se battait en grève. Cette définition de mise à pied a été incluse dans le décret et, s'il y a une interruption de travail pour une journée par manque de travail pour n'importe quelle raison, le lien salarié-employeur est cassé et un employé n'a plus aucun droit d'être réembauché par un employeur. Dans toute société civilisée et dans toute industrie où il y a des relations du travail normales, ce genre de chose n'existe pas; il y a toujours une période où le travailleur est protégé et peut être rappelé au travail.

M. Lavallée: Deuxièment, procédure de grief et d'arbitrage. Nous voulons civiliser la procédure de grief et d'arbitrage en incluant des notions existant au Code du travail, notamment les pouvoirs de l'arbitre de fixer le montant dû en vertu d'une sentence qu'il a rendue et d'entendre un grief même s'il y a eu omission ou erreur technique. Nous voulons également permettre à un salarié de présenter son propre grief à l'arbitrage afin d'éviter l'abandon d'un grief par un syndicat dont le plaignant quitte les rangs lors de la période d'adhésion syndicale.

M. Rivard: Là-dessus, il y a encore des problèmes. J'en ai vécu personnellement lorsque j'ai essayé de défendre un travailleur qui avait adhéré à la FTQ-Construction et qui avait un grief pendant avec son ancienne association. Parce que la période légale requise pour que le salarié devienne effectivement membre de l'association n'était pas encore terminée, c'était impossible pour la FTQ-Construction de le défendre. Effectivement, son grief est tombé à l'eau, parce que le syndicat qui le représentait ne l'a pas défendu. Je pense que c'est injuste envers ce travailleur, et il faut corriger cela. L'AECQ - j'en ai parlé lors de la dernière commission parlementaire - a la détestable habitude, chaque fois qu'un grief est présenté, de prendre toutes sortes de procédures pour essayer d'empêcher la mise en application de la décision d'un arbitre. Il faut que cela cesse à un moment donné. Tout ce qu'on veut, c'est ce qu'il y a dans le Code du travail à l'heure actuelle.

M. Lavallée: Troisièmement, l'entrepreneur artisan. Je pense qu'on a fait plusieurs représentations, qu'on en a discuté abondamment lors de la commission des 6, 7 et 8 août. Nous présentons un nouvel article, l'article 18.04, qui aurait pour effet de mettre fin au vol de nos emplois par toutes sortes de fraudeurs embauchés par des employeurs et des promoteurs sans scrupule qui sont en train de déstabiliser l'industrie pour des profits immédiats.

M. Rivard: Un peu tout le monde autour de la table, tous ceux qui se sont présentés ici ont parlé des chaudrons de l'industrie. Ce sont effectivement ces gens qui sont visés par l'article 18.04, que vous retrouverez en annexe, qu'on veut inclure. Le travail au noir va se régler non pas seulement par la loi et l'augmentation des amendes, mais par des dispositions de la convention collective qui seront applicables par l'Office de la construction du Québec, qui seront vérifiables par l'Office de la construction aussi et il pourra alors aussi prendre des procédures et traiter des procédures en cours. On veut que les contrats accordés par des entrepreneurs, des promoteurs le soient à des employeurs qui embaucheront des salariés. Cela respecterait, dans le résidentiel, l'entente qui a été signée, l'entente tacite, si vous voulez, qui a été faite, le minicontrat social lors de la création de Corvée-habitation alors qu'en ce qui concerne le résidentiel, les maisons devaient être construites par des salariés à l'emploi d'employeurs de la construction et non pas par toutes sortes de fraudeurs.

M. Lavallée: II y a aussi le point 4 qui concerne la réduction des heures de travail. Nous voulons réduire le nombre d'heures de travail afin que le travail disponible serve à créer des emplois et fasse vivre ceux qui sont présentement dans le bassin de la main-d'oeuvre de la construction.

Je remarquais ce matin dans un article de la Presse que nous ne sommes pas les seuls à revendiquer dans ce sens puisqu'on disait qu'un comité fédéral qui avait fait une étude ou qui venait de présenter un rapport sur toute la question de la réduction du temps de travail recommandait la réduction de la semaine de travail par rapport aux changements technologiques. J'espère qu'on aura aussi l'appui des gens de l'extérieur du Québec pour que cette réduction des heures de travail devienne applicable un peu partout dans tout le Canada.

Cinquièmement, les avantages sociaux. Le régime de retraite des travailleurs de la construction doit être amélioré: qu'un pourcentage décent de la masse salariale y soit versé afin de le rendre au pair avec la plupart des autres régimes. Cela est important et doit être mentionné; là-dessus, le pluralisme syndical occasionne souvent des chicanes pour rien.

En 1980, lorsque les électriciens ont négocié le régime de retraite spécialement pour eux, nous avons eu une publicité qui a été faite par nos adversaires, les autres centrales qui déclaraient que les électriciens négociaient un régime qui fraudait les travailleurs et que cela n'avait pas de bon sens de mettre tant d'argent dans un régime de retraite pour les électriciens parce qu'on voyait venir le maraudage. Juste à la veille du maraudage, on a fait une publicité qui a été envoyée à tous les électriciens. On a perdu des membres par rapport à cela. Il est vrai que certains ne sont pas contents lorsque des changements comme ceux-là sont faits. Nous avons pris des poursuites contre certains locaux du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qui nous accusaient d'avoir menti aux travailleurs, que le régime ne rapportait que 4%. Aujourd'hui, toutes les centrales syndicales font une priorité de négociation: que les avantages sociaux soient améliorés ainsi que le régime de retraite. Si le ministre devait imposer les avantages sociaux ou le régime de retraite, il faudrait être sûr que les électriciens ne soient pas pénalisés, étant donné qu'ils ont un régime de 1,5% et 8,5% déjà inscrit. Si on améliorait le régime des autres, qu'on n'exclue pas les électriciens de ce régime. Il faudrait regarder cela très attentivement.

La sécurité du revenu. Nous demandons qu'on mette fin à l'insécurité chronique vécue par les travailleurs de la construction et que le spectre du chômage cesse d'être un cauchemar pour eux. Le régime que nous proposons existe ailleurs et n'a pas eu comme effet de créer des profiteurs, comme le soutient la partie patronale. D'ailleurs,

vous verrez qu'on le commente et l'explique aussi dans notre document.

Septièmement, le fonds d'indemnisation. Nous demandons que les employeurs y versent 0,01 $ l'heure de plus afin de le renflouer et de lui permettre de remplir ses obligations.

M. Rivard: Toutes les centrales demandent la même chose à ce sujet. Si ce sont les employeurs qui sont responsables de leur faillite, ce sont eux qui doivent nécessairement payer dans ce fonds. Le fonds est à sec présentement ou presque. L'OCQ est obligé de retenir le paiement pour le règlement de certaines faillites. Ce sont les travailleurs qui en sont pénalisés. On veut qu'il y ait suffisamment d'argent là-dedans pour le financer. C'est seulement 0,01 $ l'heure qu'on demande.

M. Lavallée: Huitièmement, nous demandons que le décret se termine le 30 avril 1987.

Au point de vue des salaires, nous croyons que la période de quatre mois, du 1er mai au 31 août 1984, sans augmentation salariale était un cadeau injustifié aux employeurs. Nous demandons une augmentation immédiate de 1 $ à être versée dans le fonds du régime de sécurité du revenu et d'un montant égal à l'augmentation de l'indice des prix à la consommation plus 2% pour chacune des deux autres années du décret. Nous avons inclus en annexe les clauses auxquelles nous voulons apporter des amendements ainsi que les nouvelles clauses que nous voulons inclure.

À l'automne 1983 et l'hiver 1984, les blessures causées par la concurrence syndicale féroce lors de la période de maraudage et les manoeuvres politiques de l'AECQ empêchent une entente entre les centrales qui aurait permis un regroupement syndical majoritaire à la table de négociation. De mars à avril 1984, l'AECQ accuse hypocritement les centrales d'être responsables du retard à commencer la négociation pendant qu'un de ses dirigeants essaie d'amener le conseil provincial à faire échouer les tentatives de regroupement avec la FTQ-Construction. Le même dirigeant patronal suggère même, en cas d'alliance, de présenter des demandes salariales exorbitantes afin de miner la crédibilité de la FTQ-Construction. Pendant ce temps, la CSN, irritée par le refus de la FTQ-Construction de faire alliance avec elle, essaie de faire une alliance avec le conseil aux fins de s'engager réciproquement à ne pas faire d'alliance avec la FTQ-Construction tout en continuant publiquement à parler de la nécessité d'un regroupement permettant de négocier pour le bien des travailleurs de la construction et d'accuser la FTQ-Construction d'être responsable de la désunion.

Le 19 avril 1984, le conseil provincial et la FTQ-Construction annoncent devant le conciliateur qu'il y une entente entre eux pour présenter des demandes communes. J'aimerais spécifier qu'à ce moment-là, le conseil avait dit: Sauf la question de sécurité du revenu, on ne se battra pas pour, on ne se battra pas contre, on va rester muet. Je ne l'avais pas mentionné dans le document, mais je le mentionne ici. L'AECQ continue de crier contre le retard causé par le manque d'interlocuteurs. Le directeur général de l'AECQ suggère, pour se moquer de nous, de négocier sur le document déposé par la CSN, lequel a déjà été jugé "flaillé" et exorbitant par le même individu. Le 4 mai 1984... Je pense que le ministre doit savoir ce que cela veut dire, "flaillé", quand il est pris dans la brume comme il était pris.

Le 4 mai 1984, le conseil provincial et la FTQ-Construction font parvenir au conciliateur, Me Leboeuf et à l'AECQ un document conjoint contenant les demandes de deux associations, lesquelles représentent 73% des travailleurs de la construction. Le masque de l'AECQ tombe et il devient clair qu'elle ne veut pas négocier. Ne pouvant plus jouer sur le manque d'interlocuteurs, elle lance un ultimatum au ministre du Travail: pas d'amendement à la loi, pas de négociation, pas de commission parlementaire. Le 16 mai 1984, le conciliateur fait une tentative et réunit les parties. Le président et le directeur général de l'AECQ s'amusent comme de petits fous à ridiculiser tout le processus de négociation et essaient d'exploiter la division syndicale pour mieux s'amuser. L'AECQ dit clairement qu'il n'y aura pas de négociation tant que le ministre n'aura pas convoqué une commission parlementaire.

Le 12 juin 1984, réunion entre l'AECQ, le conseil et la FTQ-Construction à l'invitation du conciliateur. L'intransigeance de l'AECQ empêche toute négociation. Apprenant la nouvelle concernant la réunion, la CSN pousse les hauts cris et exige que son droit de négocier pour ses membres soit respecté. J'aimerais vous faire remarquer que lors de cette rencontre - j'espère que le conciliateur a fait rapport - nous avons ouvert les portes grandes et nous nous sommes sortis la tête pas mal loin pour essayer de voir les possibilités d'entente. Il n'y a eu aucune possibilité, même de rapprochement.

Le 20 juin 1984, les centrales syndicales signifient au ministre que la commission parlementaire devant avoir lieu dans la dernière semaine de juin est prématurée et qu'elles se sont préparées pour le mois d'août. Le ministre l'annule. Quelques jours plus tard, il annonce que cette commission sera tenue les 6, 7 et 8 août 1984.

Le 8 août 1984, à la fin des travaux de la commission, le ministre lance un appel à la maturité des parties et les invite a régler le décret. Pendant ce temps, les tractations sont déjà commencées entre l'AECQ, le conseil provincial, la CSN et la CSD pour contourner la FTQ-Construction et l'évincer de la négociation. L'AECQ exploite encore la division syndicale et les intérêts des centrales reprennent le dessus. La CSN en oublie ses exhortations à l'unité pour le bien des travailleurs de la construction.

Tous ces événements vous sont rappelés afin que vous puissiez mieux comprendre le jeu que jouent l'AECQ et les centrales minoritaires aux fins, pour ces dernières, de s'accrocher à leurs petits privilèges et aux quelques emplois que procure la division syndicale.

J'aimerais vous faire remarquer que la seule discussion qu'on a eue avec l'AECQ depuis la commission parlementaire, c'est simplement un appel téléphonique au directeur général pour lui demander si on voulait tasser nos priorités de négociation qui étaient la sécurité du revenu et la réduction des heures de travail. On a dit simplement qu'on ne tasserait pas nos priorités de négociation, mais que c'était négociable. Par la suite, on n'a entendu parler de personne. Lorsqu'on nous accuse ici de mettre les bois dans les roues, je ne pense pas qu'on ait été le groupe qui a mis des bois dans les roues. On ne nous a même pas invités.

M. Rivard: Le pharisaïsme syndical. Les 6, 7 et 8 août dernier, nous avions l'occasion de vous présenter un mémoire et, au chapitre de la représentation syndicale, nous écrivions ce qui suit: "Quand on parle de centrale unique dans la construction, les superdémocrates, les coeurs saignants et tous ceux et celles qui s'improvisent comme défenseurs des travailleurs et qui, dans la plupart des cas, n'ont jamais descendu à leur niveau, crient comme des putois contre ces velléités de la FTQ-Construction. Les autres centrales, dont une semble avoir oublié qu'elle a déjà réclamé la centrale unique, attaquent les visées monopolistiques de la FTQ-Construction et se rabattent sur les nobles principes de liberté syndicale, du droit à la différence, du droit de ci et du droit de ça. Cependant, dans leurs agissements de tous les jours, elles pèchent constamment contre ces beaux principes et il est évident que la seule et unique raison pour laquelle elles sont contre la centrale unique, c'est qu'elles ne sont pas en position d'être cette centrale unique. Nous savons qu'elles ne bernent personne."

Vous aviez également l'occasion d'entendre la CSD et la CSN réclamer le droit d'être à la table des négociations - je ne les en blâme; elles sont là - malgré le petit nombre de membres qu'elles représentent, et tout cela au nom des libertés fondamentales et du droit de leurs membres d'être représentés, etc. Qu'ont-elles fait de ce droit pour la centrale numériquement la plus importante au cours des derniers jours? Trop heureuses d'essayer de se faire du capital politique sur le dos de la FTQ-Construction, elles s'empressent d'accepter de rencontrer la partie patronale en catimini, avec la complicité d'un partenaire sans parole, soit le conseil provincial, pour essayer d'en venir à une entente sans la FTQ-Construction qui représente 42% des travailleurs de la construction. Vont-elles encore s'élever contre les visées monopolistiques de la FTQ-Construction? (19 heures)

Quand nous disions que toutes les autres centrales, dans leurs agissements de tous les jours, pèchent constamment contre les beaux principes qu'elles mettent de l'avant, nous savions ce que nous disions et leur vrai visage est maintenant à nu. Ce sont des pharisiens qui s'opposent à la centrale unique pour leurs propres intérêts et rien d'autre ne les motive. La preuve est maintenant faite qu'elles ne bernent personne en fait. Quand une centrale qui n'a même pas daigné présenter des demandes à la table des négociations se sert de ses maigres 9% de représentativité pour permettre une entente sans la FTQ-Construction, cela s'appelle du parasitisme syndical. Encore plus que cela - je sors du texte - le 7 mars 1984, il avait été convenu entre la partie patronale et les associations syndicales de tenir une réunion de négociations et on avait convenu de partager les coûts de location de la salle. Cette centrale ne s'est pas présentée parce qu'ils avaient à payer des coûts de la salle. Ils viennent aujourd'hui réclamer le droit de parler et de négocier pour des travailleurs qu'ils représentent, pour lesquels ils ne présentent pas de demandes, et vont négocier sans avoir un mandat, sans avoir préparé des demandes, en catimini, en cachette.

La Présidente (Mme Harel): M. Rivard, je dois vous signaler que le temps imparti à la commission pour chacune des parties concernées est maintenant dépassé. Je vais vous demander de conclure assez rapidement.

M. Rivard: II est temps que ces individus disparaissent du paysage car leur présence nuit à une véritable négociation, qui n'a pas eu lieu depuis trop longtemps. Nous espérons que le ministre verra clair maintenant dans le jeu de ces groupuscules qui veulent donner des leçons de démocratie à tout le monde sans comprendre la signification fondamentale du terme. Nous espérons également que le projet d'amendement à la loi qui sera présenté à

l'automne permettra ultimement aux travailleurs de se débarrasser des parasites qui n'ont jamais rien fait pour eux sinon les affaiblir.

Le pharisianisme patronal. À chaque négociation depuis 1979, l'AECQ dans ses déclarations publiques attaque le manque de maturité des associations syndicales et le fait qu'elles ne peuvent s'unir pour négocier. Encore cette année, elle réclamait un interlocuteur et nous blâmait, les centrales, du retard à commencer les négociations.

Or, le 4 mai 1984, une alliance leur fournissait cet interlocuteur. Qu'est-il arrivé des négociations depuis? Rien. L'AECQ refuse de négocier. Lorsque, acculée au pied du mur par l'appel du 8 août du ministre, elle pousse le mépris et le sarcasme jusqu'à ignorer cet interlocuteur et à jouer sur la division syndicale pour en arriver à ses fins, nous pouvons à juste titre nous demander si les dirigeants de l'AECQ ont la maturité nécessaire pour prendre en main les destinées d'une industrie aussi importante, tel qu'ils le réclament. Leurs agissements irresponsables les identifient comme des cabotins impénitents, et si le gouvernement se laisse continuellement intimider par ces tristes sires, nous nous demandons qui des deux est le plus coupable.

Depuis plusieurs mois, ces personnes bafouent ouvertement le processus de négociation civilisée institué par la loi sans que personne ne réagisse du côté gouvernemental. Pire que cela, chaque fois que le ministre fait allusion au pourrissement de la situation, il ne fait aucune nuance quant aux vrais responsables de cette situation. Pour l'homme de la rue, l'évidence s'impose. La concertation patronale dont nous parlions dans notre dernier mémoire contre le gouvernement fait son chemin et le paralyse. À quand une vraie négociation? Il est évident que la partie patronale savait que le gouvernement interviendrait avant le 31 août et imposerait un nouveau décret. C'est dans l'espoir de régler pour moins que ce qui pourrait être imposé qu'elle a décidé de tenter d'en arriver à une entente.

Cependant, le ministre doit se poser une question et c'est la suivante: Est-ce que l'intervention gouvernementale doit servir les intérêts de ceux qui refusent de négocier ou servir d'incitation à négocier? En 1982, l'AECQ jouait presque le même scénario et la négociation fut réduite à sa plus simple expression. En 1984, l'AECQ prend une position encore plus irresponsable et le gouvernement réagit. Toutes sortes de raisons sont invoquées pour qu'il n'y a pas de négociation: situation économique, chômage, salaires trop élevés, etc. Quand donc sera-t-il possible pour les syndicats de négocier les conditions de travail de leurs membres? Quand donc la situation économique sera-t-elle assez améliorée pour permettre une négociation véritable? Quand donc le chômage et les salaires seront-ils assez bas pour justifier des pourparlers entre les parties?

L'AECQ a pris l'habitude de ces simulacres de négociation au point d'en oublier que son mandat ce sont les relations du travail. Quant à nous, notre position n'a pas changé. Si le ministre veut imposer le statu quo ou son équivalent, nous n'avons pas besoin de son intervention quand nous pouvons signer cela nous-mêmes. Si le ministre ne veut pas que le rapport de forces s'exerce, qu'il ait au moins le courage de ne pas tomber dans le piège patronal et qu'il décrète des améliorations sensibles aux conditions de travail des travailleurs de la construction. Si le ministre n'est pas prêt à tenir compte des revendications traditionnelles, on pourrait dire depuis dix ans, telles que la sécurité du revenu et la réduction des heures de travail, qu'il laisse les parties négocier dans une situation où la grève et le lock-out sont permis. Cela ne veut pas dire qu'il va être exercé.

Cependant, si le ministre a déjà décidé qu'il se substituait aux parties, qu'il reconnaisse que le blâme du pourrissement des négociations n'appartient pas aux syndicats et qu'il impose au moins les articles apparaissant en annexe et présentés au début de ce mémoire.

En ce qui concerne la réduction des heures de travail, je crois qu'il est très important de souligner que c'est un comité sénatorial qui présentait ce matin un rapport suggérant la réduction de la semaine de travail. Cela a peut-être été négocié durant la nuit, mais je pense que le Québec est en train de s'en faire passer une vite encore une fois. Le fédéral va nous couper l'herbe sous le pied et il va réduire la semaine de travail pour les travailleurs régis par le Code du travail canadien avant que cela ne se fasse ailleurs dans les provinces.

Il est temps, je crois, de décider. Il y a des changements technologiques, tout cela. Je pense qu'il est temps de décider ensemble de réduire la semaine de travail afin de faire travailler plus de gens. C'est vrai que cela donnerait des chances aux jeunes. Plusieurs députés ici défendent les jeunes, et c'est noble de leur part, mais il faut leur créer des emplois à ces gens. Ce n'est pas en gardant le statu quo, soit 50 heures de travail par semaine dans l'industrie de la construction qu'on va créer des emplois à ces jeunes.

La sécurité du revenu - je voudrais conclure là-dessus - nous croyons que c'est la seule et unique façon à notre portée à l'heure actuelle pour réduire le travail au noir. Ce n'est pas vrai que les travailleurs de la construction accepteraient de travailler au noir continuellement sachant qu'un régime de sécurité du revenu leur appartiendrait,

dans lequel ils pourraient puiser en cas de chômage et qu'ils accepteraient que les employeurs ne déclarent pas leurs heures de travail à l'Office de la construction du Québec. Je pense qu'il est temps que cette chose arrive à point et que cela doit être fait. Si le ministre décide d'imposer cela, je pense qu'il est normal qu'il le fasse. D'ailleurs, c'est une recommandation de la commission Cliche. On ne reviendra pas tellement là-dessus, mais c'est une des bonnes recommandations qui n'ont pas été mises en vigueur. Je conclus là-dessus, et je passe la parole à mon confrère Lavallée.

M. Lavallée: Cela complète notre mémoire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, merci, Mme la Présidente. Je n'aurai, quant à moi, que quelques commentaires et une ou deux questions à poser sur deux points précis que vous avez soulevés. M. Rivard, M. Lavallée, je vous remercie incidemment de la présentation de votre mémoire, de même que tous ceux qui vous accompagnent, M. Laberge et vos autres confrères.

Il y a une chose sur laquelle j'apprécierais avoir un peu plus d'éclaircissements. Quand vous signalez que, lorsqu'une mise à pied d'une journée pour manque de travail ou pour n'importe quel autre motif qui pourrait être justifiée, le lien de droit est rompu entre l'employeur et le salarié licencié ou mis à pied, j'apprécierais que vous puissiez nous donner un peu plus de renseignements à cet égard. Est-ce cette clause que vous avez négociée en 1978-1979 dont vous nous parliez et pour laquelle vous vous êtes farouchement battus ou est-ce l'interprétation donnée par une sentence arbitrale? Qu'est-ce qui est arrivé à cette interprétation?

M. Rivard: II y a, en fait, plusieurs sentences arbitrales qui confirment l'interprétation que je donnais moi-même en 1979 dans un document où je mettais le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction en garde contre l'acceptation d'une telle clause. À l'époque, on avait été expulsé du conseil provincial parce qu'on n'était pas américain. Il était assez difficile de faire accepter notre point de vue. Au cours des négociations, il y eu grève de certains syndicats et, lorsque le règlement a été adopté, il n'a pas été possible de biffer cet article qui avait été accepté par le conseil provincial. Comme je le disais tout à l'heure, il a fallu se battre contre nos propres instances; il a fallu prendre une injonction contre le conseil provincial pour l'empêcher de signer une convention collective qui aurait privé du droit de grève exercé par quatre syndicats, un droit de grève qui n'ennuyait personne d'autre. Je ne comprends pas la hâte du conseil provincial de signer la convention collective, mais on venait d'être expulsés, et les syndicats en grève étaient des syndicats pro FTQ versus le conseil provincial, et il fallait absolument nous enlever la crédibilité d'une victoire. Un tas de reculs au décret ont été annulés à la suite de la grève qu'on a faite, à la suite de la bataille qu'on a faite, parce que le décret était encore, selon une expression employée couramment, "déconcrissé" à la suite de la censée négociation du conseil provincial. Il a fallu se battre pour aller chercher des droits qu'on avait perdus à cause du conseil provincial.

Les interprétations qui ont été données par des arbitres ont fait en sorte que si un employeur manque de travail temporairement ou en permanence, c'est considéré comme une mise à pied. Je peux lire le texte qui dit ceci: "Cessation. Une mise à pied, c'est la cessation de l'emploi d'un salarié chez un employeur. La cessation de l'emploi provoquée par une réduction des effectifs, suite à un manque temporaire ou permanent de travail..." J'avais attiré l'attention des représentants syndicaux à l'époque sur les termes "manque temporaire de travail". Quant au manque permanent, on l'accepte dans la construction, c'est-à-dire que lorsque le chantier est fermé, la "job" est terminée, il n'y a plus de lien entre employé et employeur. Mais, lors d'un manque temporaire de travail, comme lors de la fermeture des chantiers à la Baie James pour les vacances ou à cause du gel, on voulait conserver encore le lien employés-employeur. Cette clause est venue tout chambarder et fait en sorte qu'un employeur qui veut se débarrasser d'un salarié n'a qu'à dire à son fournisseur: N'amène pas le stock demain et avise-moi par lettre ou télégramme qu'il faudra quatre ou cinq jours pour ce faire; quant à moi, je mets mes employés à pied et je m'en débarrasse. C'est ce qui se passe dans la construction. Il y a ici un arbitre d'expérience qui s'adonne à être conciliateur, Me Leboeuf, vous pourriez lui en parler.

M. Fréchette: Je prends bonne note de votre suggestion.

L'autre sujet que vous avez abordé dans votre mémoire, c'est celui qui touche à la possibilité pour un salarié de présenter son grief. Dois-je retenir de cette observation, M. Rivard, que vous suggérez de permettre à un travailleur de la construction d'inscrire lui-même une procédure de grief au-delà de ce qui est déjà prévu dans le décret actuel et au-delà aussi de ce qui existe dans le Code du travail quand on parle de la subrogation du syndicat? Si c'était cela,

n'est-il pas exact de penser qu'il pourrait arriver, par exemple, qu'un salarié, en toute bonne foi, se croyant lésé dans les droits qui lui sont consentis dans son décret ou dans la convention collective qui existe, inscrive une procédure de grief et qu'il vous apparaisse, comme syndicat, que le grief, pour une raison ou pour une autre, n'est pas bien fondé? Dans ce cas, le salarié va-t-il lui-même continuer de plaider son grief devant l'instance appropriée jusqu'à ce que sentence soit rendue? Ou alors est-ce le syndicat qui prendra fait et cause pour ce salarié qui aura présenté le grief et qui le plaidera pour lui, même étant convaincu que, juridiquement ou autrement, il n'a pas de chance de réussir?

M. Rivard: Actuellement, il n'y a pas de disposition du Code du travail qui permette que le salarié puisse lui-même poursuivre un grief qui pourrait ne pas être valable. Ce que nous voulons faire, c'est de permettre à un salarié, à ses propres frais, dit-on, parce que la loi ne le couvre pas, de présenter son grief à l'arbitrage. Le salarié peut présenter un grief aux premières instances, mais de pouvoir le présenter à l'arbitrage permettrait à une association qui le représente depuis la dernière période de maraudage, d'être derrière lui et de l'appuyer parce que celui-ci peut légalement, en vertu du décret, présenter son grief lui-même à l'arbitrage. Actuellement, un grief pendant, qui n'est pas encore envoyé à l'arbitrage, appartient au syndicat au stade de l'arbitrage. On veut permettre au salarié de pouvoir présenter son grief à l'arbitrage, et à ses propres frais.

M. Fréchette: Je m'excuse, mais je veux que la situation soit bien claire. Vous nous dites que cela permettrait à son association de l'appuyer dans les démarches, de le conseiller, finalement de mettre à sa disposition l'expertise nécessaire pour mener à bien son dossier. Mais qu'arriverait-il dans le cas où son syndicat, après évaluation encore une fois du bien-fondé de sa réclamation, en venait à la conclusion, en toute bonne foi, que le grief ne sera pas gagné? Une centrale syndicale va-t-eile continuer d'appuyer une position à laquelle, à toutes fins utiles, elle ne croit pas?

M. Rivard: Ce n'est pas du tout cela qu'on recherche, M. le ministre. Il est certain que si un grief n'était pas bon et qu'on en jugeait ainsi comme syndicat ou association représentative, on dirait au salarié: Ton grief n'est pas bon. Peut-être que l'association refuserait de le défendre parce qu'il n'a pas un bon grief, mais il pourrait aussi avoir un bon grief. J'ai vécu personnellement la situation dans laquelle un salarié s'était fait dire par son employeur que s'il n'amenait pas son propre chapeau de sécurité, il ne pouvait pas avoir de job et qu'il était "clairé". C'est effectivement ce qui est arrivé et la loi dit que c'est l'employeur qui doit fournir le chapeau de sécurité. Il a congédié le salarié et son association représentative a refusé de le défendre.

M. Fréchette: Cela va. Cela répond à mes questions et cela me donne les explications nécessaires.

Quant aux autres aspects que vous soulevez dans votre mémoire, vous les avez déjà suffisamment plaidés pour qu'on soit sensibilisé à vos revendications. Il faut évidemment tenir compte des représentations que vous avez faites depuis déjà plusieurs mois et que vous réitérez aujourd'hui.

L'autre chapitre de votre mémoire est consacré strictement à l'historique des négociations. Cela arrive à la même conclusion que tous ceux qui vous ont précédés. On est devant ce qu'on est convenu d'appeler un constat d'échec qui a l'air tout à fait évident. Quant au reste, je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

M. Rivard: Pourrais-je faire un commentaire, M. le ministre, sur ce que vous venez de dire? Dans notre document, on demande une convention collective de trois ans si le ministre décide d'imposer, si le ministre décide de se substituer aux parties, et voici pourquoi. Le ministre a l'intention de présenter un projet d'amendement à la loi. Au niveau de la représentativité syndicale, il dit aux centrales: Si vous ne vous entendez pas, on va trancher. Je ne suis pas certain... Même s'il y a des gens qui pensent que le ministre n'a pas été assez rapide l'autre jour et qu'il aurait dû faire un tas d'annonces, je crois personnellement que le ministre a été pas mal rapide en disant qu'un projet de loi sera déposé à l'automne -parce que c'est une loi importante et il y a beaucoup de choses à changer - et qu'il y aura une commission parlementaire en février. Je trouve cela extrêmement rapide et nous avons un peu peur qu'à l'automne 1985, on se retrouve dans un maraudage sans que les règles du jeu soient changées, si le ministre a l'intention de les changer. C'est pour cette raison qu'on demande une convention collective de trois ans. On demande aussi au niveau des amendements à la loi - et on pense que cette demande est logique - que le vote soit tenu au moins un an avant l'expiration du décret pour permettre aux parties, s'il y en a encore plus d'une, de panser les blessures qui ont été causées pendant le maraudage et de faire une alliance - fût-elle respectée à un moment donné par tous les partenaires, non pas comme cela se passe aujourd'hui - pour permettre de négocier et préparer des

documents de négociation. Cela nous mènerait à peu près vers mai 1986, ce qui serait une période excellente, à notre avis.

M. Lavallée: Si, par contre, le ministre nous dit que c'est exact qu'il y aura un projet de loi avant le mois de juin l'an prochain, à ce moment-là, cela pourrait être différent.

Le Président (M. Lavigne): Avez-vous terminé, M. le ministre? M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Lavallée, M. Rivard, M. Laberge et leurs collègues de la FTQ d'être avec nous cet après-midi. Vous avez fait un historique des négociations, remontant même à des négociations précédentes pour le renouvellement du décret de l'industrie de la construction. C'est de bonne guerre, je pense. C'est presque devenu coutumier, lorsqu'on a à siéger ensemble et à vous entretenir du renouvellement d'un décret ou des modifications à apporter à un décret, qu'il y ait des commentaires de part et d'autre sur les positions ou les attitudes adoptées par nos collègues ou concurrents syndicaux. Vous avez été très clair et très explicite, M. Rivard, sur cette question, cet après-midi, particulièrement en ce qui concerne le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et la CSD, notamment.

Vous avez fait état des sacrifices que vous avez faits et pour vous citer exactement, des concessions énormes que vous avez faites en mai lorsque était venu le moment, avec le conseil provincial, de dégager un cadre de négociation. Vous avez par la suite évoqué le fait que ces gens-là n'avaient pas de parole. Vous avez déploré le fait qu'à la suite de ces concessions et de cette entente, il n'y ait pas eu de négociation comme telle. J'aurais une très brève question, parce que je ne veux pas parler longtemps sur les problèmes qui vous occupent entre syndicats - je sais qu'ils sont vivants et le but de la présente commission n'est pas de brasser cette sauce, comme on dit... Cela se réglera en fonction de la loi qui viendra éventuellement et qui réglera la fameuse question du pluralisme syndical. Ce sont des problèmes que cela peut engendrer. J'aimerais savoir s'il y avait eu un protocole d'entente de signé entre les syndicats à ce moment-là.

M. Rivard: On n'a pas eu de protocole d'entente de signé comme tel. Cela avait été refusé par le conseil provincial. Disons qu'on n'en parlait pas publiquement, mais on le savait. On le proposait. D'ailleurs, comme on l'a fait en 1982, on proposait une entente signée qui comporterait des amendes énormes ou des montants énormes en dommages à être versés à l'autre centrale en cas de violation de l'entente. On proposait, notamment - c'est cela qui a aussi causé des frictions avec une autre centrale - qu'il n'y ait pas de déclaration, qu'on ne se servirait pas des journaux pour essayer de mousser la cause de l'un plus que de l'autre. Si on faisait une entente, on faisait une entente et on était ensemble, tout le monde ensemble. En 1982, on l'avait proposé à la CSN et au conseil provincial. Maintenant, on est des gros méchants loups parce qu'on ne le propose pas à la CSN cette année, mais, en 1982, c'est nous qui parrainions la réunion à trois centrales.

M. Lavallée: D'ailleurs, il serait bon de mentionner également que, lors de la rencontre que nous avons eue le 16 mai 1984, à laquelle étaient présents la CSN, le conciliateur, l'AECQ, le conseil provincial ainsi que nous-mêmes, il avait été fait mention par le conseil et par la FTQ-Construction que le document qu'on présentait représentait, à ce moment-là, 73%, sauf qu'il n'y avait pas de consensus sur la question de la sécurité du revenu. À ce moment-là, le conseil avait bien mentionné qu'il ne parlerait pas pour et qu'il ne parlerait pas contre. Or, dans le document, il était clair que cette entente, en tout cas, était tacite et elle est devenue par la suite écrite; on l'a déposée lors d'une séance officielle à laquelle le conciliateur était présent.

M. Pagé: Malgré ces échanges, malgré cette entente qui n'était pas signée, mais que vous qualifiez d'entente tacite, vous vous êtes retrouvés sans négociation et vous vous êtes retrouvés un peu plus tard isolés car vous n'avez pas participé aux séances d'échanges, aux séances de négociation vous utilisez le terme - au cours du mois d'août.

M. Lavallée: C'est ce qu'on appelle un manque de parole de la part du conseil provincial.

M. Rivard: Plus que cela, M. le député de Portneuf, il y a eu un échange de documents. On vient ici plaider la bonne foi, toutes ces choses-là. Il y a eu un échange de documents. On était son partenaire. À un moment donné, ils s'accrochaient à notre queue de chemise.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rivard: On était son partenaire et il n'a pas eu la décence de venir nous donner une copie du document des offres qui avaient été présentées par l'AECQ. Quand nous avons présenté des demandes de la FTQ-

Construction et du conseil provincial, j'ai eu la décence, même si on n'avait pas d'entente avec la CSN et la CSD, de leur faire parvenir une copie du document qu'on avait déposé. J'ai eu cette décence-là, moi.

M. Pagé: M. Rivard, je ne prolongerai pas plus longtemps sur ce sujet. Je sais que c'est de bonne guerre. En fait, tout cela laisse place à de l'interprétation et à de l'appréciation. Je sais que c'est de bonne guerre de se passer la varlope un peu...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Pagé: ...ici en commission, de se faire un clin d'oeil dans le passage en disant: Je ne t'ai pas manqué, et de prendre un "drink" au Hilton.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Pagé: En tout cas, on va passer à autre chose.

M. Rivard: Il y a une chose, M. Pagé. M. Pagé: Oui.

M. Rivard: Ce genre d'amis, je vous conseille de vous en méfier.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Pagé: M. Rivard, je vous remercie de votre réponse. J'ai une question, soit pour M. Laberge ou M. Lavallée. M. Laberge, vous êtes le président de la FTQ. On sait que la FTQ-Construction est un syndicat important au Québec, qui représente des milliers de travailleurs. Comment se sent-on lorsque la FTQ-Construction a 41,9% des votes exprimés et qu'on ne participe pas aux négociations?

M. Laberge (Louis): En attente, parce qu'on savait qu'un jour ou l'autre on en entendrait parler. Je veux dire, on ne peut pas faire disparaître une association représentative de 42% des travailleurs en faisant semblant de l'ignorer. Cela peut se faire tant et aussi longtemps que cela reste officieux. Quand cela devient officiel, cela ne peut pas continuer. On n'était pas plus excités que cela. On attendait de voir les documents. Apparemment, il y avait eu d'immenses progrès de faits, nous disait-on, d'immenses progrès par en arrière. On aurait bien voulu mettre la main sur un tel document. C'est probablement pour cela qu'il n'y en a pas. Mais on attendait. Qu'il y ait eu une entente complète entre les quatre centrales syndicales, il est bien évident que l'AECQ refusait de négocier. Vous connaissez fort bien la position de l'AECQ. Elle a convoqué une réunion pour dimanche. Le 30.

Enfin. Oui, excusez-moi, le 30. C'est demain. Bon, je ne sais pas combien il va se présenter de gens là. Mais les vrais donneurs d'ouvrage dans l'industrie de la construction seraient tous là qu'ils n'auraient pas la moindre chance de faire passer quelque chose qui a de l'allure parce qu'un employeur, même s'il donne de l'ouvrage à 300 employés, n'a droit qu'à un vote à l'assemblée, comme l'autre qui ne donne de l'ouvrage à personne, sauf à lui, et qui rapporte juste les heures qu'il veut et tout le reste est en-dessous de la table. C'est pour cela que ce n'est pas possible. L'AECQ ne pouvait pas négocier. L'AECQ ne voulait surtout pas d'une entente. À moins, évidemment, que ce soit un recul sur toute la ligne, et là bien sûr il aurait pu arriver à leur assemblée et dire aux gens: Regardez, on est bon en maudit, on les a fait reculer partout.

À part cela, l'AECQ ne peut pas négocier, ne veut pas d'une entente. Elle veut se faire imposer. Excuse-moi, mais une autre preuve, c'est qu'ils ne sont pas ici. S'ils avaient eu quelque chose à dire, ils seraient venus.

M. Lavallée: Moi aussi... Comme le président vient de le mentionner, on n'a pas pris panique parce que l'AECQ ne consultait pas 42% des travailleurs. À l'intérieur des 42%, nous représentons des groupes de métiers à 100% tels que les monteurs de lignes, 99%, les frigoristes, les électriciens. Il y en a plusieurs autres qu'on représente majoritairement aussi. Il faut penser au lendemain des négociations. S'il y avait eu entente, moi j'avais confiance, malgré la division syndicale, qu'il y a peut-être une centrale syndicale dans cela qui n'accepterait pas de recul par rapport à la situation actuelle. Mais même s'il y avait eu une convention qui aurait été conclue, qu'on aurait ignoré les droits de ces groupes majoritaires, il y a l'après-négociation et il faut travailler sur les chantiers de construction.

Je pense que l'AECQ devait penser à cela aussi. C'est important cela. C'est beau de dire qu'on vient de régler le décret avec les trois centrales minoritaires, mais tu as quand bien même deux ans et demi encore à faire si c'est une convention collective décret de trois ans qui est signée. Il faut vivre, il faut travailler dans le champ, il faut aller travailler avec les autres travailleurs. Ce n'est pas vrai qu'on peut retirer des conditions de travail à des groupes qui n'ont même pas été consultés. Si on veut nous enlever des droits, qu'on nous convoque dans des négociations. On verra ce qui va se passer. Ce n'est pas en évinçant 42% des travailleurs de la construction qu'on va régler les problèmes de relations du travail dans l'industrie de la construction.

M. Pagé: M. Lavallée, j'apprécie votre commentaire et votre propos parce que tout comme vous, je reproche... je regrette que la situation de fait ait engendré ce que vous avez vécu à savoir qu'un groupe qui représente 42% des travailleurs n'ait pu participer ou n'ait pas participé à de telles négociations. Cependant, vous évoquez en plus un autre aspect qui est très intéressant, soit celui du pourcentage important que vous avez dans certains corps de métiers. On sait que certains syndicats peuvent représenter jusqu'à 80%, 85%, 90% et même 95% des travailleurs dans certains métiers. Compte tenu de votre déception, exprimée par vous, de ne pas participer avec 42%, compte tenu comme l'a si bien dit M. Laberge que lorsqu'on a 42% et qu'on ne participe pas aux négociations on se retrouve dans une situation d'attente purement et simplement, ne croyez-vous pas que si on acceptait le principe du monopole syndical on risquerait de se ramasser dans une situation presque régulière et même permanente où les syndicats représenteraient 30%, 35% et 40% sans pouvoir participer aux négociations? Dans ce cas, accréditez-vous ainsi la négociation par métier?

M. Laberge: La loi peut facilement prévoir cela de toute façon. D'ailleurs, la loi le prévoit déjà. Avec un certain pourcentage, vous avez le droit d'être à la table des négociations.

M. Lavallée: Mais la place où on a le moins de trouble... On l'a le "monopole syndical", entre guillemets, présentement. Les monteurs de lignes avec 99%, c'est un monopole syndical. Est-ce que vous avez tellement de problèmes avec les monteurs de lignes? Les frigoristes sont à 99% avec nous autres. Est-ce que vous avez des problèmes avec les frigoristes? Les calorifugeurs sont à 99% avec le conseil provincial. Monopole syndical. Pas de problème. Les électriciens ont 85%. Il n'y a pas tellement de problèmes. Les problèmes arrivent lorsque c'est 60%, 50%, 40% ou 35% et que c'est "splitté" un peu entre tout le monde. Partout où le monopole existe, entre 80% et 100%, il n'y a pas de problème. On ne me fera pas dire que le monopole syndical créerait des problèmes sur les chantiers de construction. Si on regarde ce qui se passe dans l'industrie, il y a le Code du travail et il y a un monopole syndical; cela ne crée pas plus de problèmes et beaucoup moins qu'avec le pluralisme syndical qu'on a dans l'industrie de la construction. (19 h 30)

Je suis convaincu qu'au moment où on se parle, s'il y avait un monopole syndical dans l'industrie de la construction, on pourrait régler cette convention en s'assoyant avec l'AECQ. Mais l'AECQ ne veut pas d'une négociation, ne veut pas une convention négociée. Cela a été comme cela chaque fois qu'on a eu à négocier avec l'AECQ. On est allé deux fois en conciliation, avec une médiation très spéciale en dernier. Les deux fois qu'on s'est tenus, finalement, il y a eu entente, mais il y a eu entente sur des miettes; les problèmes de l'industrie, on n'en a pas discuté. On part avec 50 points. On en arrive à 32 et, en dernier, il y en a 2, 3 ou 4.

Il faut aller beaucoup plus profondément que cela. Dans l'industrie de la construction, comme je le disais tout à l'heure, le lendemain de la négociation, il faut travailler. C'est cela qu'il faut régler. Je suis convaincu que la division syndicale face à une association patronale unique amènera toujours ce genre de situations où il n'y aura pas d'entente. Nous visons le programme de sécurité du revenu et la réduction des heures de travail. Le conseil provincial, lui, vise l'amélioration de l'industrie lourde, car il représente probablement beaucoup plus de monde que nous dans l'industrie lourde. Pour la CSN, c'est l'ancienneté. Comment fera-t-on pour mettre tout cela ensemble? Je pense qu'une fois que cela aura été réglé et que la représentation syndicale va faire en sorte, s'il n'y a pas monopole, qu'il y ait certainement une centrale fortement majoritaire dans cela on évitera certainement ces problèmes et, à ce moment-là, le ministre ou cette commission n'aura pas besoin de trancher chaque fois qu'il y a un litige. Il pourra laisser aller les forces du marché.

Mais, au moment où on se parle, c'est quasiment suicidaire. C'est cinq centrales complètement divisées par rapport à ce qui se passe. J'ai donné tout à l'heure l'exemple du régime de retraite des électriciens. C'est l'exemple frappant. Je pourrais vous donner toute la documentation qui a été préparée autant par la CSN, le conseil provincial et la CSD, qui décriait notre régime de retraite. Quatre ans après, c'est bon. Ce n'est pas parce que ce n'était pas bon à ce moment-là; c'était pour essayer d'aller chercher les électriciens. Voilà ce que cela crée. À un moment donné, une centrale a une bonne idée. Là, on se dit: Écoute, il ne faut pas parler de cela et appuyer cela. L'autre maraudage s'en vient et on risque de perdre nos membres. Je pense qu'il faudra regarder cela très sérieusement. D'ailleurs, on en a discuté abondamment lors de la commission des 6, 7 et 8 août. On espère toujours que les recommandations du ministre en ce qui concerne la loi iront dans ce sens.

M. Rivard: Je voudrais aussi ajouter, ceci si vous le permettez, sur la situation malsaine créée par le pluralisme. Au niveau de la sécurité du revenu, depuis la

recommandation de la commission Cliche... En passant, on était, à l'époque, au conseil provincial. C'était bon, il fallait négocier cela et cela a été demandé depuis 1976 par le conseil provincial.

Une voix: La FTQ.

M. Rivard: C'était la FTQ à l'époque. En 1979, la CSN a participé à la préparation du document. C'était bon, elle défendait cela. On aime dire que, lorsque la FTQ-Construction et le conseil provincial se sont séparés, les syndicats les plus militants se sont séparés du conseil provincial et ont formé la FTQ-Construction. On a continué à revendiquer des choses qui existent pour d'autres travailleurs et des choses aussi qui ont été négociées pour des travailleurs de la construction en dehors du Québec, la sécurité du revenu. On veut mettre fin au cauchemar que les travailleurs de la construction vivent lorsqu'à un moment donné ils se voient devant la perspective de perdre leur emploi à cause d'une mise à pied. On veut éviter ce qui nous arrive à l'heure actuelle dans les bureaux de placement syndicaux lorsqu'un travailleur arrrive avec sa femme et ses enfants et nous dit: Moi, je ne suis plus capable, prenez-les, vous autres. Il nous dit qu'on est presque responsables du fait qu'on ne soit pas capables de lui trouver une "job". Je ne sais pas si cela vous arrive dans vos bureaux de député qu'un homme arrive avec sa famille à votre bureau et vous dise: Faites-la vivre. Cela nous arrive, ces choses-là. Il y a même des choses qui arrivent sur les chantiers de construction lorsqu'un homme qui mesure six pieds quatre pouces se met à pleurer lors d'une mise à pied parce qu'il est pris aux tripes, parce qu'il est pris financièrement, qu'il est attaché et qu'il n'est pas capable de joindre les deux bouts et qu'il se voit devant une mise à pied. Ces choses arrivent. Si cela ne vous arrive pas, nous autres, on le voit. Il n'y a qu'une façon de régler ce problème, c'est la sécurité du revenu une fois pour toutes. Le travailleur de la construction dira: Au moins, si je n'ai pas de "job", j'ai de l'argent pour vivre décemment. Je me suis habitué à un standard de vie. Je serai peut-être capable de le maintenir, peut-être pas au même niveau, mais au moins de le maintenir durant un certain temps. Je n'aurai pas trop à souffrir du fait de ma mise à pied. C'est seulement normal.

Tout ce que demande l'AECQ en venant ici, c'est une réduction de salaire de 20%. On pourrait parler d'une réduction de salaire de 10% ou de 20% si, cependant, on nous garantissait 1500 heures de travail par année. Mais on n'a pas ces garanties, même si l'AECQ prétend qu'une baisse de salaire donnerait plus d'heures de travail. On est dans cette situation et il faut la corriger.

Ce genre de sécurité du revenu s'inscrit dans la ligne de pensée social-démocrate. S'il décide d'imposer quelque chose, le gouvernement devrait imposer la sécurité du revenu au moins au cours de la convention collective qui sera là.

Le Président (M. Lavigne): Une dernière question, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je remercie M. Lavallée pour sa réponse à ma question qui portait sur le pluralisme syndical. Je vous ai laissé aller, M. Rivard, vous avez tellement bien plaidé.

J'aurais une dernière question. À la page 10, vous touchez à l'os, vous dites: "Si le ministre veut imposer le statu quo ou son équivalent, on n'a pas besoin de son intervention car nous pouvons signer cela nous-mêmes."

M. Laberge: Ce n'est pas une offre!

M. Pagé: Ce n'est pas négociable. Devons-nous comprendre que vous êtes convaincus qu'il n'y a aucune possibilité d'entente, malgré une prolongation du décret qui pourrait prévoir un laps de temps pour permettre aux parties de négocier? Deuxièmement, s'il n'y a pas d'entente, êtes-vous en faveur d'un vide juridique, comme un autre syndicat l'a exprimé cet après-midi, ou d'un décret? Auquel cas, comme vous le dites ici, si le décret doit être réécrit par le ministre, vous avez très bien expliqué ce qu'il en est et ce que vous recherchez, en fait, dans le cadre de ce décret. Quelle est votre position?

M. Rivard: M. le député de Portneuf, on peut vous prendre pour toutes sortes de choses à part un imbécile. Notre position est clairement écrite. Si le ministre veut imposer le statu quo ou presque, qu'il ne l'impose pas; qu'il nous laisse aller dans une situation où on a le droit de grève et les employeurs le droit de lock-out. On ne dit pas qu'on sera en grève demain. On se rencontre sur une chose avec le conseil: Les petits entrepreneurs, qui sont responsables de tout cela, qui ont l'indécence de venir ici crier après nos salaires continuellement et de nous demander des baisses de salaire pendant qu'ils prennent notre fonds de retraite et que nous perdons complètement les 0,125 $ l'heure alors qu'eux, ils les refilent aux clients, on va essayer de régler leur problème et ils seront peut-être contents de devenir nos amis. On en a assez de toutes ces choses qui se passent. L'AECQ est actuellement prisonnière de ce genre de mentalité qui domine parce que la majorité de ses membres sont, justement, de petits entrepreneurs comme ceux-là.

Le vide juridique, ce n'est pas ce qui est le plus souhaitable, mais si on est pour

se faire passer des bouleaux encore, si on est pour avoir des conditions de travail qui ne sont vraiment pas adaptées à la réalité qu'on vit et aux besoins des travailleurs de la construction, on veut essayer d'avoir notre chance au bâton. C'est aussi clair que cela.

M. Lavallée: Je pense que la prolongation d'un mois ne changerait rien. Si on regarde ce qui s'est passé, on a eu une prolongation de quatre mois. On en a le résultat aujourd'hui. Il n'y a pas eu de discussions. On a essayé à maintes reprises de regarder et de discuter de la question des heures de travail et de la sécurité du revenu. Au tout départ, l'AECQ, sans même nous avoir écoutés et même avant la prolongation du décret lorsqu'on avait fait la présentation du programme de la sécurité du revenu, nous a traités de "flaillés", nous a traités de gens n'ayant aucune idée qui pourrait aider la construction et nous a dit qu'il ne serait jamais question de la sécurité du revenu. On l'a dit en présence du conciliateur.

Quant à la question de la réduction des heures de travail, on a dit: II n'est même pas question de diminuer cela d'une minute. Je pense qu'une prolongation d'un mois ne changera pas l'attitude de l'AECQ. L'AECQ a fait des représentations ici devant cette commission et elle veut un recul évident pour les travailleurs du domiciliaire, changer les ratios, couper les salaires, les "jacks-of-all-trades" et tout cela. Pensez-vous sérieusement qu'un mois de plus pourrait amener l'AECQ à changer de position et à dire: On repart à nouveau, on reprend le décret et, à partir de vos demandes, on négocie? Je suis convaincu que non. Dans un mois, on sera encore devant la même situation.

M. Pagé: Ce que vous demandez, c'est un décret amélioré selon vos représentations ou c'est un vide juridique?

Une voix: C'est cela.

Le Président (M. Lavigne): M. le ministre, avez-vous des remarques pour terminer?

M. Fréchette: C'est complet.

Le Président (M. Lavigne): C'est complet?

M. Fréchette: Oui.

Le Président (M. Lavigne): C'est complet. Donc, la séance de cette commission... Oui?

M. Fréchette: Ce sont les remarques de la fin.

Le Président (M. Lavigne): Oui. Je demande au ministre de conclure, s'il y a lieu.

M. Laberge: Sur la sécurité du revenu, M. le ministre, vous allez avoir un allié chez vous. Il y a quand même un membre de la commission Cliche qui est chez vous et on est en train d'obtenir un deuxième membre de la commission Cliche qui va avoir une grosse "job" tantôt, là.

Le Président (M. Lavigne): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Fréchette: M. Laberge...

Le Président (M. Lavigne): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Fréchette: ...ce n'est pas écrit dans votre mémoire, cela, n'est-ce pas?

M. Laberge: Non.

Conclusions M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Ah bon, bon! M. le Président, très brièvement, si vous me le permettez, je voudrais d'abord, bien sûr, réitérer mes remerciements à tous ceux qui sont venus nous faire part de leurs positions cet après-midi. Il y a au moins une chose qu'on peut dire, c'est que les travaux de la commission se sont déroulés dans un climat qui était bon, un climat serein. Là-dessus, il semble y avoir une espèce de consensus.

Vous comprenez qu'il ne m'appartient pas d'évaluer les motifs pour lesquels la partie patronale n'est pas là. Ce n'est pas à moi de porter un jugement sur ces motifs. C'était son droit le plus strict de le faire. Elle nous a informés par télégramme qu'il y a quatre points majeurs sur lesquels elle avait des observations ou des représentations à soumettre. Malheureusement, elle n'est pas là pour s'expliquer davantage. Je dois déplorer cette situation, sans, évidemment, porter un jugement, ni l'évaluer, ni, non plus, essayer de savoir quels sont les motifs pour lesquels cela s'est passé ainsi. Mais je pense qu'il eût été souhaitable pour les membres de la commission de connaître un peu plus en détail les quatre points très précis que soulève la partie patronale dans le télégramme qu'elle nous a fait parvenir aujourd'hui. Deuxièmement, il aurait été intéressant également - et plusieurs intervenants l'ont souligné - de connaître la position de la partie patronale par rapport à certaines prises de position de l'une ou l'autre des quatre associations syndicales qu'on a entendues cet après-midi. Or, encore une fois, M. le Président, je ne peux que

déplorer cette situation.

Quant au reste, les positions des parties sont fort claires. Évidemment, ces positions varient suivant l'appréciation qu'en fait l'une ou l'autre des associations syndicales que nous avons entendues. À partir des propositions qui nous ont été soumises par les gens qui sont venus se faire entendre, il se dégage trois possibilités, dont une que je n'écartais pas - je vous le dis, M. le Président - avant de venir ici en commission et à laquelle je songeais assez sérieusement, mais je dois vous signaler qu'après l'audition des mémoires et des représentations il est peu probable que cette solution soit retenue je parle de celle qui amènerait le gouvernement à prolonger d'un mois ou de deux mois le décret - pour deux motifs bien principaux - et il y en a d'autres sur lesquels on pourrait revenir qui sont plus secondaires - qui sont les suivants. D'abord, nous n'avons pas entendu là-dessus la partie patronale. Quelle aurait été sa position face à une éventualité comme celle-là? Cela m'apparaissait un élément important dans l'évaluation de la décision à prendre à cet égard. Est-ce que l'association patronale se serait déclarée favorable ou ouverte à continuer les "explorations", entre guillemets, dont on a parlé ou alors est-ce qu'elle nous aurait dit: Cela ne sert à rien d'aller plus loin, on ne pourra pas s'entendre? Même si vous prolongiez d'un mois, deux mois ou trois mois, il n'y a pas d'espoir possible quant à la conclusion d'une entente. C'est le premier motif pour lequel, vraisemblablement, cette position ne pourrait pas être retenue. (19 h 45)

Le deuxième motif - on en a fait mention au cours de nos travaux - c'est que, conformément à la loi et conformément à la décision du mois d'avril, il s'est déjà écoulé huit mois qui auraient permis la négociation. Durant ces huit mois, le conciliateur a rencontré les parties deux fois: au mois de mai - le 16, je pense, ou le 11 - et au mois de juin: inversement, 16 et 11 de chacun des deux mois. Et il n'y a pas eu d'autres rencontres à part les dernières dont on a parlé et dont il faut bien constater l'échec également. Si huit mois n'ont pas suffi pour qu'un réajustement de toutes les positions se fasse et pour la concrétisation d'une entente possible, je suis, à toutes fins utiles, convaincu que la prolongation d'un mois, de deux mois ou de trois mois, peu importe, ne nous mènerait nulle part ou à peu près nulle part. Je pense que, là-dessus, ma position est déjà arrêtée. Je ne pense pas qu'il soit utile de prolonger davantage.

Qu'est-ce qui reste donc comme alternative au gouvernement? Que faut-il retenir de tout cela? Il y a ces deux possibilités auxquelles les parties se sont toutes référées également: ou bien c'est l'imposition d'un décret qui va tenir lieu de convention collective pour une période de deux années ou de trois années - là-dessus, les propositions sont différentes également -ou alors c'est le vide juridique dans deux jours à compter d'aujourd'hui, lorsque cette prolongation du mois d'avril aura été écoulée. C'est l'une ou l'autre, évidemment, de ces deux possibilités que le gouvernement devra choisir et que le ministre du Travail devra recommander.

Je vous signale qu'au moment où on se parle je n'ai pas de position arrêtée quant à la recommandation que je devrai soumettre au Conseil des ministres, mais je vous signale qu'elle devra être soumise demain de sorte qu'à tous égards, à la même heure demain soir, nous serons tous fixés quant à cette décision.

Une dernière observation, M. le Président. Les travaux que nous avons poursuivis au cours de l'après-midi nous permettent, encore une fois, d'arriver à la conclusion - celle-là est presque unanime -que l'état actuel des choses ne peut plus durer. Cela semble tout à fait évident à partir des positions qui ont été exprimées par les parties et à partir également de ce qui s'est passé depuis le mois de janvier 1984. C'est cette constatation-là qu'il faut aussi retenir de nos travaux d'aujourd'hui. Pour ma part, je souhaite que, lorsque arrivera l'échéance d'une autre convention collective ou d'un décret en tenant lieu, nous ne nous retrouvions plus dans cette espèce de situation qui, à toutes fins utiles, est intolérable pour tout le monde, et où on ne peut jamais espérer des solutions, faites de compromis, bien sûr, mais qui soient celles des parties elles-mêmes. C'est ce genre de situation qui, quant à moi, je vous le réitère, ne peut plus durer. Je devrai très certainement livrer la marchandise dont on a parlé après la commission parlementaire des 6, 7 et 8 août dernier. C'était ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Président (M. Lavigne): Merci, M. le ministre.

Je vais maintenant donner la parole à M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être très bref. Je veux remercier les groupes qui sont intervenus cet après-midi et qui nous ont fait part de leurs positions, ainsi que de leurs attentes face au droit que le ministre du Travail a de formuler une recommandation. Le ministre vient d'écarter toute possibilité de prolongation d'un décret. Tout le monde convient qu'il est impossible d'en arriver à une entente d'ici au 31 août. Le ministre nous annonce qu'il n'y aura pas de prolongation. J'ai toujours cru comprendre, malgré que certains syndicats

étaient prêts à faire face à un vide juridique, que le gouvernement ne pouvait pas se permettre de créer une situation de vide juridique, ainsi que tout le chaos et tous les problèmes que cela pourrait entraîner. C'est donc dire que, très probablement demain, le ministre du Travail formulera sa recommandation en termes de contenu du décret qui tiendra lieu de convention collective de l'industrie de la construction pour les deux ou trois prochaines années. Le seul voeu que je voudrais formuler à ce moment-ci, c'est qu'au lendemain de ce décret les syndicats et les parties puissent vivre dans l'harmonie. Comme l'a si bien évoqué tout à l'heure, M. Lavallée, vous avez un vécu quotidien à assumer sur les chantiers de construction, vous avez une vie à vivre avec des collègues, avec des patrons, avec d'autres syndicats, d'autres corps de métiers, etc.

M. le ministre, vous aurez, évidemment, à rédiger ce décret. Vous aurez, je l'espère, l'occasion de tenir compte des mémoires qui ont été présentés ici cet après-midi. J'espère que vous pourrez faire référence aussi au contenu des documents qui avaient été déposés lors de la commission des 6, 7 et 8 août dernier, qui contenaient des éléments très intéressants. Qu'il suffise de faire référence à la comparaison des niveaux de rémunération d'une province à l'autre, etc.

Je terminerai en vous disant, M. le ministre, que la décision ne sera certainement pas facile, mais c'est le chapeau gouvernemental. Je termine en disant que c'est bien dur de faire plaisir à son père et à sa mère. Merci.

Le Président (M. Lavigne): Mesdames et messieurs, je vous remercie. Je remercie tous les intervenants à cette commission. La commission de l'économie et du travail s'est acquittée du mandat qu'on lui avait confié et elle ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 52)

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