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(Neuf heures quarante et une minutes)
La Présidente (Mme Harel): Je déclare ouverte la
séance de la commission de l'économie et du travail. Je rappelle
le mandat de cette commission, à savoir de mener une consultation
particulière afin d'examiner la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction et ses règlements.
Je vais demander au secrétaire de la commission de nous faire
part des remplacements, s'il y a lieu, parmi les membres de la commission.
Le Secrétaire: Mme la Présidente, les remplacements
sont les mêmes que pour les séances précédentes,
soit M. Bourbeau (Laporte) remplacé par M. Côté
(Charlesbourg), M. Rocheleau (Hull) remplace Mme Dougherty (Jacques-Cartier),
M. Laplante (Bourassa) remplace M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata) et M. Middlemiss (Pontiac) remplace M. Maciocia
(Viger).
La Présidente (Mme Harel): Au cours de cette séance
de l'avant-midi, nous allons entendre les groupes suivants qui ont
été convoqués devant la commission, à savoir la
municipalité régionale de comté de Pontiac, par la suite
la municipalité régionale de comté de Mékinac,
ensuite l'Administration régionale Kativik, en souhaitant pouvoir
entendre l'Association nationale des travailleurs en
réfrigération, climatisation et protection incendie, la
Corporation des maîtres entrepreneurs en réfrigération,
avant de terminer la séance de ce matin. Nous reprendrons cet
après-midi avec les groupes convoqués pour la séance de
cet après-midi.
Je pense que la parole est au maire de Shawville, M. Allan Black.
M. Dempsey (Gérald): M. Black n'y est pas.
La Présidente (Mme Harel): Je vous invite à vous
présenter, à présenter les personnes qui vous accompagnent
et à présenter votre mémoire.
La MRC de Pontiac
M. Dempsey: Mme la Présidente, mon nom est Gérald
Dempsey, je suis maire de la municipalité de Waltham et
Bryson et préfet de la MRC de Pontiac. Je veux d'abord vous
présenter les membres du comité de notre conseil qui ont
été responsables de la question à l'ordre du jour.
À ma gauche, M. Robert Ladouceur, maire de Mansfield, M. Denis
Larivière, maire de Campbell's Bay, M. Lucien Brousseau, maire de
l'Île-du-Grand-Calumet et M. Paul Ryan, maire suppléant de
Waltham.
Mme la Présidente, il n'était pas possible que les membres
du conseil soient présents aux auditions depuis lundi. Les maires ont
donc délégué le secrétaire-trésorier,
Jacques Ledoux, pour assister aux auditions. Hier soir, il nous a fait rapport
et nous avons autorisé certains ajouts qu'il vous présentera.
Tous les membres sont prêts à discuter avec vous. Je cède
donc la parole à notre secrétaire-trésorier, M. Jacques
Ledoux.
La Présidente (Mme Harel): M. Ledoux.
M. Ledoux (Jacques): Mme la Présidente, M. le ministre du
Travail, M. Middlemiss, notre député, messieurs les autres
membres de la commission, Pontiac est une des régions les moins
développées du Québec. Pour s'en convaincre, la commission
n'a qu'à prendre connaissance du rapport "Pontiac, profil
socio-économique et avenues de développement" tel que
préparé par l'OPDQ avec la collaboration de la Conférence
administrative régionale de l'Outaouais, la CARO, laquelle regroupe les
délégués de tous les ministères en région.
J'ouvre une parenthèse, Mme la Présidente; je vous invite
à lire ce rapport. Ce n'est pas une lecture difficile et cela peut
être très intéressant.
Le rapport de l'OPDQ déposé en avril 1984 indique, aux
pages 23 et 24, que Pontiac est 74e sur 76 divisions de recensement au
Québec sur la question du revenu médian des ménages, alors
que ce revenu n'atteint que 74,8% de celui de l'ensemble du Québec.
Il est donc évident que Pontiac a un besoin urgent de
développement économique.
Dans ce contexte, c'est l'opinion unanime des 20 maires qui
siègent au conseil de la MRC de Pontiac qu'un des obstacles les plus
importants à ce développement est le coût excessif et
injustifiable de la construction, lequel coût est directement
relié à l'application du décret et des
règlements qui découlent de la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction.
C'est donc l'objectif du présent mémoire de
démontrer le bien-fondé de nos allégations et de
suggérer les avenues de solution qui faciliteraient, pour Pontiac en
particulier et les autres régions rurales en général, la
relance du développement économique nécessaire au
mieux-être des populations impliquées.
Le conseil des maires de la MRC de Pontiac n'est pas ignorant des
antécédents historiques de la présente Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction. Le conseil ne
préconise pas un retour à la situation anarchique qui a
précédé les deux commissions d'enquête qui ont
abouti à la réglementation actuelle.
En fait, la MRC de Pontiac ne propose aucun changement, ni à la
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction ni
à la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de
construction. Les modifications proposées sont éminemment
possibles à l'intérieur de ces lois telles que
sanctionnées. C'est plutôt au niveau des décrets et
règlements qui découlent de ces lois que des accommodations sont
nécessaires pour rejoindre les réalités du milieu
rural.
Il n'est sûrement pas nécessaire de faire la preuve aux
membres de cette commission parlementaire que les milieux urbains et ruraux
sont différents, que les salaires sont plus élevés en
ville qu'en campagne et que les dépenses sont aussi plus
élevées en ville qu'en campagne. Par exemple, les revenus
médians dans Pontiac n'égalent que 72,14% de ceux de Hull, alors
que le loyer brut moyen mensuel n'est que de 68,06% de celui de Hull. Et c'est
comme cela sur toute la ligne.
Depuis toujours, les collectivités urbaines et rurales sont
régies par des règles différentes: la Loi sur les
cités et villes et le Code municipal, sans compter évidemment les
lois spéciales des grandes municipalités. Tant qu'est maintenu
l'équilibre entre les aspects crédit et débit de ces
différences, le mieux-être des populations des deux milieux est
possible.
Le conseil des maires de la MRC de Pontiac soutient que la parité
des salaires dans toute la province dans l'industrie de la construction est
à l'origine d'un déséquilibre suffisamment important pour
affecter négativement le rythme de développement dans toutes les
régions rurales et, sûrement, dans celle de Pontiac.
Malgré ce qui précède, le conseil n'est pas sans
comprendre le bien-fondé du principe de la parité salariale dans
toute la province dans certains domaines. Dans certains cas, la parité
salariale est le gage essentiel du traitement juste et équitable de la
clientèle desservie par les salariés en question. Le domaine de
l'éducation est un exemple évident. Il ne faudrait pas que la
qualité de l'éducation dans Pontiac soit moindre qu'en milieu
urbain pour la seule raison que les professeurs sont moins bien
payés.
Toutefois, la parité au niveau des salaires des professeurs,
comme celle d'autres spécialistes dans d'autres domaines reliés
au principe de justice sociale, existe toujours dans un contexte de
péréquation provinciale. Tous les Québécois paient
en fonction de leurs revenus alors que les jeunes sont éduqués
selon des normes provinciales, par des professeurs qualifiés selon des
normes provinciales, et payés selon des normes provinciales.
Dans le domaine de la construction, la parité des salaires n'est
pas contrebalancée par un système de péréquation,
et nous ne voyons pas la possibilité d'en instaurer un à moins de
faire de tous les travailleurs des travailleurs de l'État. La
régionalisation des salaires nous semble donc la seule façon
d'assurer justice et équité tant pour les travailleurs de la
construction que pour la clientèle rurale qu'ils pourraient desservir si
cette clientèle était mieux motivée vers le
développement par des coûts plus abordables.
Ce qui précède ne touche que la petite et la moyenne
entreprise. Nous ne voulons pas vous faire croire que les salaires
prévus par le décret élargi et les dépenses de
déplacement prévues au règlement empêcheraient la
compagnie Consolidated Bathurst d'agrandir son usine près de
Portage-du-Fort. La grande entreprise, à cause de ses structures,
administre pour elle-même une sorte de système de
péréquation tantôt national, tantôt même
international.
Toutefois, la PME est la clef du développement chez nous et la
PME ne réussit localement que si elle s'adapte aux
réalités économiques locales. La PME ne peut
espérer la rentabilité économique en milieu rural si ses
infrastructures sont assujetties à une réalité
économique urbaine. Cette vérité est
particulièrement évidente au niveau des équipements
touristiques et de ceux nécessaires aux services à la
collectivité locale. La PME en place végète donc au seuil
de la rentabilité par peur des effets du coût trop
élevé des améliorations possibles alors que l'investisseur
potentiel de l'extérieur opte pour le milieu urbain où ses
chances de rentabilité sont meilleures en regard d'un investissement
identique ou supérieur dans les dépenses de construction.
Le slogan "Les vrais bâtisseurs" est celui qui transpire dans
toute la documentation publiée par l'Office de la construction du
Québec, l'OCQ, pour informer et pour défendre les lois et
règlements que cet office doit administrer. Et, entre
parenthèses, les vrais bâtisseurs,
les vrais entrepreneurs, les vraies toutes sortes de choses ont
été mentionnés plusieurs fois depuis deux jours à
cette commission.
Ce slogan illustre très bien le biais urbain de toute la
réglementation relative à la construction. La cité moderne
est, par définition, un rassemblement de spécialistes qui
s'échangent des services. L'équilibre entre ces
spécialistes est essentiel à la survie économique de la
cité. Et le contrôle de la spécialité dite
"construction" était et continue d'être nécessaire à
cet équilibre en milieu urbain.
En milieu rural, d'autre part, c'est une philosophie essentiellement
différente qui en assure la survie. Le superspécialiste est
beaucoup moins évident et les attributs qui étaient ceux du colon
demeurent toujours de mise. Le travailleur rural est bâtisseur... et
plus, car l'influence et la réalité de son milieu l'orientent
vers le plus haut degré possible d'autosuffisance, donc vers une gamme
variée de compétences techniques.
Celui qui veut devenir le vrai bâtisseur au sens de l'OCQ
déménage en ville et son apport possible est perdu par la
collectivité locale.
Le bâtisseur, d'autre part, qui se reconnaît des racines
dans sa place natale ou adoptive, ne peut être exclusivement
bâtisseur; il ne lui est pas possible de trouver, année
après année, 500 heures de "bâtissage" à faire!
Le rapport de l'OPDQ fait état, à la page 33 - c'est une
correction au mémoire -du fait que Pontiac compte plus de travailleurs
en construction que la moyenne au Québec. Ce que le rapport ne dit pas,
c'est qu'une forte proportion de ces travailleurs ont leur emploi à
Pembroke, Renfrew et Ottawa, en Ontario. Pour le travailleur dans l'ouest du
comté, il est préférable de trouver un travail
régulier à Pembroke plutôt que d'être à la
merci de déplacements un peu partout à l'intérieur de la
sous-région de Hull. En conséquence, les travaux à faire
au coeur du Pontiac impliquent trop souvent le paiement de frais de
déplacement pour des travailleurs en provenance de Hull.
Depuis la sanction de la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction, les conventions collectives ont toujours
été étendues à l'ensemble de l'industrie au
Québec, conformément aux articles 47 et suivants de la loi
précitée.
Il se peut que, jusqu'à ce jour, la conjoncture économique
ait été telle que ce prolongement était ou bien
justifié, ou bien sans conséquences perçues par le milieu
rural. Les conséquences négatives d'une extension uniforme sont
maintenant ressenties, et le prochain prolongement devrait reconnaître la
différence entre les facteurs économiques tels qu'ils affectent
les milieux urbains et ruraux.
Deux zones sont donc proposées: la zone urbaine, laquelle
inclurait les municipalités régies par la Loi sur les
cités et villes, et la zone rurale, laquelle inclurait les
municipalités régies par le Code municipal. Les salaires dans la
zone rurale seraient moindres que ceux dans la zone urbaine dans une proportion
fixée selon un système de pondération qui tient compte des
réalités économiques rurales. Ce pourcentage se situerait
probablement entre 70% et 80%.
Entre parenthèses ici, particulièrement pour le
député de Bourassa: il n'est pas question de parler de salaire
à rabais; il n'est pas question de mettre sur le dos des travailleurs le
coût apporté, mais il n'est pas question non plus de payer une
surprime à une catégorie de travailleurs lorsque les autres
travailleurs de la région n'ont pas cette surprime.
Le conseil des maires de la MRC de Pontiac recommande donc que
l'extension juridique de la prochaine convention collective ne soit pas
accordée, si elle ne différencie pas les zones urbaines et
rurales au niveau des salaires, et qu'au besoin, dans l'intérêt
public, le gouvernement fixe unilatéralement les deux zones salariales
en question, tel que le lui permet le quatrième alinéa de
l'article 51 de la loi.
Ici, on ouvre une autre parenthèse, Mme la Présidente. Il
convient ici de faire un commentaire sur la question soulevée au tout
début par le ministre du Travail et reprise par certains autres
intervenants. C'est la question de l'interventionnisme. Aucune loi que nous
connaissons ne donne la compétence aux municipalités
régionales de comté dans le domaine des relations du travail.
Toutefois, traditionnellement, sans doute parce qu'ils sont l'instance
gouvernementale la plus près du peuple, les conseils municipaux ruraux
ont dû se mêler de choses qui ne relèvent pas officiellement
de leurs compétences juridiques. Ils se reconnaissent toutefois une
compétence morale pour répondre aux attentes de leurs commettants
en qualité de consommateurs. La question à l'ordre du jour
prévoit des négociations et des ententes bipartites. La question
des relations du travail a toutefois suffisamment évolué dans
certains domaines, dont la construction, pour que soit considérée
la nécessité de négociations tripartites. La
troisième partie doit évidemment être le
représentant du consommateur. Nous ne croyons pas qu'il faille libeller
d'interventionnisme l'apport du gouvernement provincial dans cette question. Le
gouvernement ne fait que prendre ses responsabilités vis-à-vis
des consommateurs. Les élus municipaux font la même chose. Nos
maires sont prêts à passer du principe à l'action et
à s'asseoir à la table avec les deux autres parties pour
négocier un règlement qui serait équitable pour le
consommateur, qu'il soit bâtisseur ou qu'il soit autre chose. (10
heures)
Un autre élément de solution touche le règlement
sur le placement des salariés. Tel qu'expliqué plus tôt, le
bâtisseur rural moyen n'est pas seulement bâtisseur. C'est un
travailleur versatile et compétent dans d'autres métiers que ceux
reliés à la construction. Les heures requises par le
règlement précité le forcent, à plus ou moins
courte échéance, à quitter le métier en l'absence
du droit au travail. Chez nous, certains continuent à pratiquer leur
métier en Ontario, même si les revenus moyens dans cette province
ne sont que de 86% de ceux du Québec. Le service doit alors être
fourni par le bâtisseur urbain à coût plus
élevé. De plus, le phénomène engendre un
déséquilibre entre la masse des bâtisseurs urbains et celle
des bâtisseurs ruraux.
Le conseil des maires de la MRC de Pontiac recommande donc: 1. que soit
ajoutée une nouvelle définition à l'article 1 du
règlement sur le placement des salariés qui se lirait comme suit:
"milieu rural: tout le territoire dans une municipalité régie par
le Code municipal"; 2. que soit modifié l'article 3 du règlement
sur le placement des salariés pour prévoir un quatrième
type de classification, soit le certificat AR ne pouvant être émis
qu'à un bâtisseur domicilié en milieu rural et ne
l'autorisant pas à travailler en milieu urbain; 3. que soit
modifié le même règlement pour diminuer de moitié
les heures requises aux articles 7, 8 et 9 pour être admissible au
certificat de classification AR; 4. que soit modifié l'article 35 du
même règlement pour prévoir les priorités d'embauche
suivantes, un peu comme les autochtones: a le titulaire d'un certificat AR
à l'intérieur des limites de la municipalité rurale
où est situé le chantier; b le titulaire d'un certificat AR dans
les limites de la MRC où est située la municipalité rurale
dans laquelle est situé le chantier; c le titulaire d'un certificat
À dans la région où les travaux relatifs au travail offert
sont exécutés; d à la personne inscrite à l'office
suivant l'article 49.
Ce qui précède est évidemment un
énoncé de principe formulé de façon
spécifique. Il est évident qu'il faudrait adapter l'article 38 de
ce même règlement à ce même principe, la question des
entrepreneurs qui amènent leurs employés, peu importe d'où
ils viennent. C'est discutable parce que, dans certains cas, les
employés sont spécialisés et ils doivent accompagner
l'entrepreneur. Dans certains autres cas, ce n'est pas le cas.
Nulle part dans notre mémoire officiel nous ne parlons du travail
au noir. Nous considérons ce phénomène comme étant
un effet plutôt qu'une cause du problème, mais, vu que tout le
monde en a parlé jusqu'à maintenant, nous nous devons d'ajouter
nos commentaires. Le conseil des maires de la MRC de Pontiac déplore lui
aussi l'incidence marquée du travail au noir. Sa seule raison pour ce
faire, toutefois, est celle du principe qui veut que le développement et
le maintien d'une société saine ne puissent se faire que dans un
contexte de respect des lois et règlements. Toutefois, le conseil des
maires ne croit pas qu'il faille s'attarder à s'attendrir sur les
conséquences économiques ou autres qui frappent les pratiquants
de ce marché noir. Le phénomène des fonds de retraite, par
exemple, autres que ceux administrés par l'État, est un
phénomène essentiellement urbain. Aucune des 20
municipalités qui, ensemble, constituent notre MRC n'administre de fonds
de retraite pour ses employés et les conditions de travail pour les
employés de ces municipalités reflètent fidèlement
celles généralement présentes dans votre milieu.
Quant aux conséquences économiques du travail au noir pour
notre société, nous croyons utile de cerner certaines
hypothèses qui méritent un examen plus approfondi par votre
commission. Les interventions à ce jour nous semblent suggérer
que si, par des mécanismes quelconques, il avait été
possible d'empêcher le travail au noir, la masse salariale
impliquée aurait bénéficié aux vrais entrepreneurs,
aux vrais travailleurs et a leur vrai gouvernement. Nous croyons que
l'hypothèse contraire mérite d'être étudiée,
car nous y souscrivons. Nous croyons que l'argent utilisé pour payer le
travailleur au noir n'aurait pas été dépensé dans
la construction. Il serait demeuré à l'épargne ou il
aurait été dépensé pour le bénéfice
d'industries moins motrices que celle de la construction.
Un autre aspect de la même question touche, justement, l'effet
domino des emplois créés dans la construction. Au moins un
intervenant a souligné qu'un emploi créé dans la
construction en crée quatre autres ailleurs. À notre
connaissance, ce phénomène n'est pas réservé aux
situations qui impliquent des travailleurs syndiqués de la construction.
Un emploi au noir est bel et bien un emploi créé. Les quatre
autres emplois créés par le travailleur au noir peuvent fort bien
bénéficier aux membres en règle d'un syndicat quelconque
et ces mêmes travailleurs peuvent fort bien être des citoyens
honnêtes et payer leurs impôts. Le bénéfice net du
travail au noir n'est peut-être pas aussi négatif pour la
société que certains veulent nous le laisser croire. Le sens
commun, très répandu en milieu rural, nous dit que les
bénéfices accrus des quatre
travailleurs légaux compensent généreusement les
bénéfices perdus à cause d'un travailleur illégal.
Nous ne suggérons pas l'encouragement du travail au noir, mais nous
suggérons à tous de regarder la réalité en
face.
La question du champ d'application a aussi été
soulevée à maintes reprises. Nous ne voulons pas nous inscrire en
faux contre les déclarations du président de l'Union des
municipalités régionales de comté dont nous sommes
membres, mais nous suggérons que, si nos autres recommandations sont
acceptées concernant les différences entre le milieu urbain et le
milieu rural, le gouvernement pourrait éliminer l'article 19 de la
loi.
Notre prochaine recommandation au mémoire officiel a
été écrite, comme les autres, en langage simple et
très peu imagé. Avant de la répéter, il convient
toutefois d'ouvrir une parenthèse vu - et je m'excuse d'avance du mot
choisi - le dégobillage auquel nous avons été
exposés depuis deux jours concernant cette noble profession qu'est celle
d'entrepreneur artisan. Il est peut-être vrai que, pour le milieu urbain,
l'artisan a été inventé en février 1979, mais
à la campagne il existe depuis toujours.
Les mêmes gens qui voudraient voir l'artisan disparaître,
endossent pourtant la création d'un métier de
"jack-of-all-trades" et endossent un certain décloisonnement des
métiers. Qu'on leur donne le nom qu'on veuille, on parle d'artisans.
Toutes les critiques à l'endroit de l'entrepreneur artisan
semblent suggérer que les permis étaient donnés trop
facilement. On a laissé sous-entendre qu'il existe un manque de
compétence au niveau des artisans accrédités. Pourtant,
c'est la même régie qui émet les permis de tous les
entrepreneurs. Doit-on douter de la compétence de tous ces entrepreneurs
accrédités?
La régie est administrée par des fonctionnaires tout comme
ceux qui décident de la compétence des travailleurs
syndiqués au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Doit-on s'interroger sur la compétence
de tout le monde dans la construction? Nous suggérons que toute
l'argumentation avancée jusqu'à maintenant contre l'artisan doit
être rejetée. Si nous espérons continuer de progresser dans
le développement de notre belle province nous devons considérer
l'artisan comme étant un travailleur qui prend son devenir en main. Nous
vous suggérons que le progrès significatif a toujours
été fondé sur des gens de cette trempe.
Nous retournons au mémoire officiel. Le dernier
élément de solution touche le règlement qui découle
de la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs en
construction. Le milieu rural est particulièrement propice à
l'évolution de l'entrepreneur artisan si l'on tient compte des
particularités de ce milieu. Dans ce contexte, les droits exigibles
annuellement sont quelque peu élevés compte tenu du volume de
travail disponible. Il y aurait aussi lieu de permettre à l'artisan en
milieu rural d'employer un salarié apprenti afin d'assurer la
relève à partir de ce même milieu rural. De plus, vu la
nécessité de l'adaptation de l'artisan à la
réalité salariale du milieu rural, il y aurait aussi lieu de lui
permettre d'engager un manoeuvre journalier pour le libérer de certaines
tâches ne nécessitant d'autres connaissances
spécialisées que celles reliées à la
sécurité au travail.
Le conseil des maires de la MRC de Pontiac recommande donc: 1. Que soit
ajoutée une nouvelle définition à l'article 1 du
règlement de la Régie des entreprises de construction du
Québec, qui se lirait comme suit: "Milieu rural: Tout le territoire dans
une municipalité régie par le Code municipal." 2. Que soit
ajoutée une nouvelle définition à l'article 1 du
même règlement qui se lirait comme suit: "Entrepreneur artisan
rural: Une personne physique faisant affaires seule ou avec l'aide d'un
salarié apprenti et/ou manoeuvre journalier qui exécute
elle-même des travaux de construction en milieu rural, sans donner de
contrat, dans la ou les sous-catégories telles que définies
à l'annexe B du même règlement." 3. Que soit ajouté,
à l'article 7 du même règlement, un deuxième
alinéa se lisant comme suit: "Dans le cas du milieu rural, la
priorité sera donnée à l'entrepreneur artisan rural". 4.
Que soit modifié l'article 21 du même règlement pour
prévoir un droit exigible de l'entrepreneur artisan rural d'un montant
de 100 $ plutôt que de 250 $.
En conclusion, c'est l'opinion du conseil des maires de la MRC de
Pontiac que la prise de conscience de la nature et de l'étendue des
problèmes de développement reliés aux
particularités de l'industrie de la construction est le résultat
du dialogue intermunicipal rendu plus efficace par suite de la création
des MRC.
Si, au moment de l'adoption des lois mises en cause dans le
présent mémoire, il y avait eu, dans les milieux ruraux de la
province, des organismes comme les MRC avec compétence dans le domaine
du développement, le débat aurait sûrement cerné le
mal-fondé de l'extension juridique de la parité salariale.
Il n'est jamais trop tard pour changer le cap. Merci, Mme la
Présidente. (10 h 15)
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Ledoux. La parole est
au ministre du Travail.
M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente. MM. les
maires, M. le secrétaire-trésorier, je vous remercie de nous
avoir livré votre mémoire et aussi de l'intérêt que
vous avez manifesté à cette commission. Vous êtes, sous
réserve de ce que la mémoire peut faire, un des premiers
organismes qui a manifesté son intention d'être entendu dès
le début et c'est au moment où vous avez manifesté cette
intention que vous nous avez également fait parvenir ce document, cette
étude sur le profil socio-économique de Pontiac. Je ne peux,
quant à moi, que renchérir ou réitérer l'invitation
que vous nous avez faite de lire avec autant d'attention que possible le
document que vous nous avez fait parvenir. Cela ne fera qu'enrichir les
connaissances de ceux et de celles qui trouvent votre région magnifique
et qui prennent le temps d'aller la voir pour constater toutes les richesses
qu'on y retrouve.
Dans votre mémoire écrit, vous faites
référence essentiellement à deux points bien particuliers,
l'un étant la parité salariale, l'autre étant la question
de la formation professionnelle. Par ailleurs, comme vous aviez un observateur
qui a suivi les travaux depuis le début, vous avez ajouté un
certain nombre d'autres commentaires qui touchent d'autres aspects de
l'ensemble du dossier que nous sommes à étudier.
Vous émettez l'opinion que la loi elle-même ne devrait pas
être changée. Du moins, c'est ce que votre rapport écrit
signale, sauf que vous avez, après avoir entendu les autres
mémoires, ajouté un certain nombre de commentaires qui viennent
un peu modifier cette première position. Vous nous dites, par exemple:
Si nos recommandations étaient acceptées, il faudrait, à
toutes fins utiles, prendre les dispositions pour que l'article 19 de la loi
soit abrogé purement et simplement. Enfin, il y a une espèce de
rajustement qu'il va falloir faire par rapport à ce qui a
été écrit et ce que vous venez de nous dire en ajout au
mémoire que vous nous avez soumis.
Vous êtes d'avis, et vous l'avez dit de façon très
claire, que les problèmes que vous vivez découlent
essentiellement pas tant de la loi que des décrets et règlements
qui en procèdent, enfin qui sont adoptés en vertu des
dispositions de cette loi. C'est à partir de cette prémisse que
vous développez cette thèse en vertu de laquelle il faudrait
faire disparaître la parité salariale dans tout le territoire du
Québec. C'est essentiellement votre thèse de fond. Pour y
arriver, votre première série de recommandations, c'est en
quelque sorte - là-dessus, vous me corrigerez si j'interprétais
mal la suggestion que vous nous faites - de resserrer davantage les
dispositions de l'actuel règlement de placement en y ajoutant un certain
nombre de restrictions. C'est comme cela que j'ai compris la suggestion et je
vous signale qu'à tout moment vous pourrez m'interrompre pour me dire
que j'interprète mal.
Depuis deux jours, nous avons entendu toute une série de
témoignages et d'opinions sur le règlement de placement allant
d'un extrême à l'autre, dans le sens que les uns suggèrent
qu'il disparaisse purement et simplement, et essentiellement cette thèse
est basée sur les principes suivants: le règlement de placement
crée des espèces de ghettos. Le règlement de placement est
ainsi balisé qu'il pose des contraintes à la liberté
individuelle. Le règlement de placement est à ce point restrictif
qu'il empêche des gens qui le voudraient de pouvoir gagner leur vie
et travailler dans le secteur de la construction.
La question que je me pose et que, par voie de conséquence, je
vous pose aussi, est la suivante: Est-ce que vous n'êtes pas d'avis que,
si la suggestion que vous nous faites quant aux amendements éventuels
à apporter au règlement de placement devait être retenue,
nous procéderions alors à resserrer davantage la situation qui a
été décrite et nous contribuerions, à
l'intérieur même du territoire du Québec, à
créer -entre guillemets - un "ghetto"? Entendons-nous bien: c'est
expressément pour essayer d'exprimer mon opinion le plus clairement
possible. Mais, est-ce que cela n'aurait pas comme conséquence
immédiate de faire une démarcation très nette entre les
régions qu'on est convenu d'appeler rurales et urbaines au Québec
et que cela n'accentuerait pas ce phénomène dont on parle depuis
deux jours? Vous avez été très clair: il faudrait faire en
sorte que les travailleurs de la construction des villes du Québec ne
puissent pas travailler dans la construction dans les sections rurales. C'est,
essentiellement, votre argumentation. Enfin, je vous pose la question. Sans
doute avez-vous une argumentation de fond pour tenter de nous convaincre de la
justesse de cette position. Mais c'est une première clarification que je
souhaiterais obtenir.
M. Ledoux: Mme la Présidente, M. le ministre, pour
répondre à votre question, il n'est pas tout à fait exact
de dire... On ne dit pas spécifiquement dans le mémoire que les
travailleurs urbains ne pourraient venir travailler en région rurale. On
donne simplement la priorité aux travailleurs locaux et certains des
intervenants, hier et avant-hier, ont exprimé cette même
approche.
Deuxièmement, la raison pour laquelle le comité et le
conseil des maires n'ont pas demandé la disparition du règlement,
c'est qu'ils se croient réalistes. On est en 1984; on est dans
une situation où il y a un besoin de réglementation et on a
rejeté l'approche de demander l'abolition du règlement; on
souhaite qu'il soit adapté. Ce qu'on demande
enfin... Vous êtes, M. le ministre, le ministre du Travail.
L'extension dans la province n'est pas, à ma connaissance, ailleurs que
dans la construction. On a des comités paritaires régionaux dans
toutes sortes d'autres métiers et ces comités paritaires
régionaux fixent les salaires selon les réalités
économiques régionales. C'est exactement ce qu'on vous demande,
M. le ministre. Je voudrais souligner que le conseil des maires, je vous
l'assure, parle de principes dans le mémoire. Si vous trouvez un autre
mécanisme pour donner le même résultat, je vous assure que
ses membres vont vous applaudir.
M. Fréchette: Oui, je pense qu'on est sur la bonne voie
quant à la possibilité de clarifier cette situation. Vous
répondez à ma question en me disant que votre objectif n'est pas
d'empêcher que le travailleur du milieu urbain se retrouve dans la
région rurale. Vous précisez en disant: Il faudrait, cependant,
qu'il y ait une priorité d'embauche accordée aux travailleurs du
milieu rural. Mais, M. Ledoux, est-ce que les dispositions qu'on retrouve
actuellement dans le règlement de placement et qui parlent d'embauche
par priorité régionale ne rejoignent pas très
précisément l'objectif que vous poursuivez?
M. Ledoux: Malheureusement, non, parce que nous sommes dans la
sous-région de Hull. Cela veut dire que les travailleurs qui ont
accumulé un nombre d'heures suffisant et qui sont inscrits au bureau de
placement ne seront pas des travailleurs du comté de Pontiac; ce seront
des travailleurs des villes de Hull, Gatineau et Aylmer plutôt que des
travailleurs du comté de Pontiac. Quand on parle de régions, le
règlement prévoit de trop grandes régions. Si vous
changiez simplement la définition des régions, vous pourriez
peut-être arriver exactement à la même...
M. Fréchette: ...exemple. C'est intéressant ce que vous
êtes en train de me dire là. Si, par exemple, en termes de
délimitation géographique, de délimitation de
régions, cela crée les embêtements que vous êtes en
train de nous décrire, que penseriez-vous d'une formule - là, je
mets cela sur la table à tout hasard - qui pourrait ressembler à
la suivante: Si la priorité d'embauche se faisait par le choix des
travailleurs qui demeurent le plus près, dans le rayon du chantier de
construction... Au lieu de parler, par exemple, d'une région
géographique bien délimitée, si l'on disait: II se
construit dans l'une ou l'autre de vos municipalités une aréna,
un édifice municipal ou tout autre genre de construction, la
priorité d'embauche des travailleurs se fera en considération de
leur lieu de résidence par rapport à l'endroit où se fait
le chantier, qu'est-ce que cela dirait? Là, encore une fois, c'est
strictement et uniquement une hypothèse pour pousser plus à fond
notre discussion.
M. Ledoux: J'ai l'impression, Mme la Présidente, que votre
suggestion est exactement ce qu'on demande.
M. Fréchette: Maintenant...
M. Ledoux: M. le ministre, avant que vous ne répondiez, je
ne sais pas si vous êtes très conscient de la géographie,
mais notre municipalité régionale de comté de Pontiac a
100 milles de long sur 100 milles de large.
M. Fréchette: Oui.
M. Ledoux: Lorsqu'on parle d'un travailleur de Hull - on vient de
l'Outaouais, on n'est pas contre le député Rocheleau, je vous le
garantis - tout de même, pour aller travailler à Campbell's Bay,
on parcourt plus de 60 milles. À ce moment-là, il faut payer des
frais de déplacement aux travailleurs de Hull. En plus d'un salaire qui
n'est pas le même que celui payé à Campbell's Bay, on doit,
en plus de cela, payer des frais de déplacement. Cela veut dire qu'on
abandonne l'idée de faire de la construction, qu'on l'abandonne tout
simplement. C'est pour cela qu'on parle de régionalisation des salaires
et de régionalisation de la priorité d'embauche.
M. Fréchette: Cela va sur ce point. L'autre aspect du
mémoire que j'apprécierais que vous puissiez expliciter un peu
plus, c'est l'objectif que vous visez de faire en sorte que la parité
salariale disparaisse. Disons les mots comme il faut les dire. En d'autres
mots, votre opinion, c'est qu'il devrait y avoir une différence au
niveau des salaires pour quelqu'un qui travaille en région, chez vous,
par rapport à quelqu'un qui travaille à Québec, à
Montréal ou ailleurs, en considération du principe que les moyens
de payer ne sont pas essentiellement les mêmes. C'est un principe, bien
sûr, mais en vertu de quel autre principe, M. Ledoux, faudrait-il qu'un
électricien qui a la même formation, la même qualification,
la même expérience chez vous, qui donne des services
d'électricien qualifié, ne reçoive pas le même
salaire que l'électricien qui travaille à bâtir un
hôtel à Montréal?
M. Ledoux: Ce n'est pas un principe à ce moment-là,
Mme la Présidente, M. le ministre, c'est plutôt la
réalité économique. On dit au tout début de notre
mémoire que les gens de notre région paient des loyers de 200 $
par mois tandis qu'à Montréal ils paient 400 $ par mois. Le
même électricien aussi qualifié, mais qui demeure à
Campbell's Bay, a des dépenses moindres, et il a donc
besoin d'un revenu moins élevé que celui de
Montréal, point.
M. Fréchette: Je parie avec vous que, si on est capable de le
convaincre de cela, on va faire un bout dans ce sens. Je ne sais comment on va
réussir, vous et moi, avec M. Middlemiss et les autres, à
convaincre ces gens qu'il faudrait...
M. Ledoux: L'ajout...
M. Fréchette: ...s'en aller dans cette direction.
M. Ledoux: ...concernant la question d'interventionnisme se
dirigeait vers cela.
M. Fréchette: Ah!l vous voudriez que l'État...
M. Ledoux: C'est votre responsabilité d'être la
troisième partie à la table. (10 h 30)
M. Fréchette: Ah bon! Je pense que, dans ces
circonstances, je vais plutôt suivre les conseils qui nous ont
été donnés depuis deux jours, de nous retirer
complètement du champ d'intervention.
Il y a autre chose, M. Ledoux. Toujours en fonction de cette question
des salaires, vous signalez dans votre mémoire que les coûts
excessifs de la construction ne proviennent pas tant de la loi, dites-vous, que
des décrets et règlements qui en découlent.
Je ne sais pas si c'est vraiment là votre opinion fondamentale ou
si elle ne doit pas être mitigée quelque peu, mais est-ce que vous
êtes en train de nous dire que l'augmentation des coûts de la
construction n'est que la conséquence de l'augmentation des
salaires?
J'aimerais qu'ensemble, M. Ledoux, on fasse rapidement une petite
étude comparative de l'augmentation des autres coûts et du
coût de la main-d'oeuvre. Nous serions surpris, l'un et l'autre, de voir
dans quelle proportion l'un et l'autre ont augmenté. Si, dans votre
mémoire, vous nous disiez: Prenez aussi des dispositions pour que les
autres coûts soient diminués, je serais davantage convaincu de la
nécessité de vous suivre. Je retiens du mémoire que vous
nous soumettez que votre organisme, quant à lui, n'identifie que le
coût de la main-d'oeuvre comme étant la cause de l'augmentation
des coûts de la construction. Est-ce qu'il faut tempérer un
certain nombre de choses ou si c'est là votre opinion?
M. Ledoux: Mme la Présidente, évidemment, j'ai
assisté depuis deux jours aux débats; alors, je suis fort au
courant qu'une augmentation de cinq huitièmes pour cent sur une
hypothèque est équivalente à 10% d'augmentation de salaire
dans la construction. Je sais que seulement 30%, je crois, des coûts dans
la construction résidentielle sont pour les salaires et que 70% sont
attribuables à autre chose que les salaires.
D'autre part, le conseil des maires est constitué de politiciens.
Les gens, qui sont des êtres humains, perçoivent certaines choses.
Qu'ils aient tort ou raison, ils les perçoivent d'une certaine
façon et ils agissent selon leur perception. Je ne vous dis pas qu'il
n'y aurait peut-être pas lieu de faire une campagne d'éducation
pour mieux informer nos gens au sujet des coûts relatifs des
matériaux, du terrain, de tout ce que vous voudrez. Malgré cela,
à cause de la perception telle qu'elle existe dans le moment, les gens
ne dépensent pas en construction parce qu'ils perçoivent que
c'est trop élevé.
De l'autre côté, on ne parle pas nécessairement de
proportions, mais on parle de voisins. N'oubliez pas qu'on n'est pas à
Montréal; les voisins se connaissent à la campagne. Si Untel
gagne 6 $ l'heure et qu'un autre gagne 17 $ et qu'ils font à peu
près le même genre de travail, ça n'a pas de bon sens.
Surtout si les 17 $, c'est le gouvernement qui dit que tu es obligé de
les payer. Si c'est l'offre et la demande, on va peut-être lui dire: Tu
es un chanceux. Mais si c'est le gouvernement qui le dit, on dit: Il n'y a pas
de justice. C'est la perception qu'on a de ce problème.
M. Fréchette: Une dernière question, quant à
moi, Mme la Présidente. Dans l'élaboration de votre argumentation
quant à la parité des salaires, je crois avoir compris - j'ai
pris des notes, je ne sais pas si j'ai bien écrit ce que vous nous avez
dit - qu'il n'était pas question d'avoir des travailleurs à
rabais. Qu'est-ce qu'on doit comprendre de cette affirmation? Voulez-vous
préciser davantage le sens d'une telle affirmation quand,
précisément, vous plaidez pour l'absence de parité?
M. Ledoux: La raison, c'est le fondement même de notre
mémoire. On ne parle pas de travailleur à rabais dans la
construction, on parle simplement d'une équité ou d'une
parité régionale plutôt que provinciale. C'est
essentiellement la thèse que nous mettons sur la table, à savoir
que les travailleurs dans n'importe quel autre domaine que la construction sont
moins payés dans le comté de Pontiac qu'ils ne le sont à
Montréal. Pourquoi les travailleurs de la construction seraient-ils
payés le même prix que ceux de Montréal? C'est cela, notre
thèse.
M. Fréchette: Cela va. Merci.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Pontiac.
M. Middlemiss: Mme la Présidente, je dois
premièrement féliciter les membres de la MRC de Pontiac d'avoir
pris l'initiative et d'avoir mis le temps que cela leur a pris pour
préparer un mémoire qui - je dois le dire - reflète aussi
les appels que j'ai comme représentant des gens du comté de
Pontiac. Un problème que le ministre n'a peut-être pas saisi,
c'est que... Le problème présentement, c'est que, dans le
comté de Pontiac, tous les gens ont perdu leur carte de classification.
Donc, que ce soit dans n'importe quel chantier de construction, les personnes
locales qui y travaillent sont des gens de l'extérieur selon le
règlement de placement. Je suis convaincu que le ministre est au courant
que ceci représente 185 $ par semaine de plus que le taux de
rémunération des travailleurs. Et c'est chambre et pension parce
que les gens sont obligés de se déplacer et on est obligé
de payer pour cela. Ceci représente, sur une semaine de 40 heures
à 4,50 $ l'heure de plus, peut-être 20 $ l'heure, à peu
près un cinquième. C'est 20%. Donc, lorsqu'on dit que le
règlement de placement occasionne aujourd'hui des problèmes
économiques dans la région de Pontiac, en voici la raison.
Toutefois, ceci dit, puisque vous avez, les maires, pris l'initiative de
préparer ce mémoire, pouvez-vous me dire ce qui vous a
poussés, pourquoi vous avez cru bon - vous êtes certainement le
gouvernement le plus près de la population - de préparer un
mémoire et de le présenter ici à la commission?
M. Ryan (Paul): Mme la Présidente, j'aimerais
précisément répondre à la question. Nous, maires
des municipalités qui se trouvent dans le comté de Pontiac, je
pense qu'il s'est développé dernièrement dans la province
de Québec, pour les affaires municipales, un enthousiasme sans
précédent après les nouvelles lois, telle la loi 125, tel
le choix des régions sur lequel nous sommes encore en discussion, toutes
sortes de commissions. Donc, à cause de cela, je pense que les maires
ont commencé peut-être à se réveiller et à
dire: On va revendiquer justement les besoins de nos contribuables. À un
moment donné, on a la tâche ingrate peut-être de leur
répondre, d'essayer de trouver des réponses pour eux et d'essayer
de travailler pour eux, parce que notre politique n'est pas semblable à
celle d'un gouvernement provincial. Elle est bien différente. Nos
couleurs ne transparaissent pas. Elles ne sont pas perçues parce qu'on
n'a pas chez nous, au point de vue politique, pour un maire d'une petite
municipalité, on n'a pas de parti. Donc, on a la tâche ingrate
d'essayer de trouver des réponses pour ces gens-là. C'est pour
cette raison qu'à un moment donné, ensemble, la MRC et tous les
maires se sont dit: C'est un problème qui est bien réel chez nous
et nos petites municipalités dans le comté de Pontiac, si on veut
les développer économiquement, il va falloir qu'on prenne nos
responsabilités et qu'on essaie de trouver une solution au
problème. Je pense que ce ne serait pas correct de demander au
gouvernement et dire: On va abolir telle et telle chose. Non. Il n'est pas
question qu'on abolisse quoi que ce soit, mais c'est là que cela devient
intéressant, quand on peut s'asseoir et peut-être amender des
choses ou les adapter à notre réalité.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Pontiac.
M. Middlemiss: Je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre qui
aurait...
M. Larivière (Denis): J'aimerais peut-être donner un
très bon exemple de ce qui se passe dans le comté. À
Campbell's Bay, depuis quatre ans, on a vu un édifice à logements
qui a été bâti par le truchement de la
Société d'habitation du Québec, un nouveau centre de
main-d'oeuvre et une école polyvalente. Le coût était
d'environ 4 000 000 $. Ces 4 000 000 $ n'ont pas produit deux emplois dans ma
municipalité. Quand je parle de 4 000 000 $ dans trois ans, c'est
environ 20 fois mon budget qui crée beaucoup plus d'emplois que deux.
C'est ça l'exemple de ce qui se passe dans le comté.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Pontiac.
M. Middlemiss: Vous mentionnez, à la page 4, que la
proximité frontalière de Pontiac crée des
problèmes. Toutefois, hier, des syndicats sont venus ici pour dire qu'en
réalité il n'y a pas tellement de gens qui travaillent en
Ontario. Dans le document de l'OPDQ en page 33, on dit qu'il y a 610
travailleurs de la construction de Pontiac, sans spécifier combien
travaillent au Québec et combien travaillent en Ontario. Pouvez-vous
nous donner une idée du pourcentage de gens qui travaillent en Ontario
et au Québec?
M. Ledoux: Malheureusement, Mme la Présidente, je ne
pourrais pas vous donner une idée exacte, sauf que, lorsqu'on rencontre
des travailleurs de la construction - on en rencontre tous les jours - ils
travaillent en Ontario. C'est peut-être aussi élevé que
90%.
M. Middlemiss: En d'autres mots, ces gens-là travaillent
en Ontario; toutefois, ils
ne peuvent pas intégrer les chantiers au Québec. Quant aux
autres qui pourraient être des travailleurs de la construction, on dit
que, depuis 1978, ils ont perdu leur carte de classification parce qu'ils
n'avaient pas atteint les 1000 heures qu'on avait établies.
M. Ledoux: On a inclus la question frontalière parce
qu'elle nous est spécifique, mais elle n'est pas nécessairement
applicable partout dans la province. C'est une sorte de cercle vicieux. On ne
blâme pas le travailleur qui veut gagner sa vie en Ontario, c'est
très bien. Cependant, à un moment donné, il y a du travail
au Québec, il travaille donc au Québec, il accumule des heures
et, tout à coup, se produit une ouverture en Ontario et il va travailler
en Ontario. 11 aurait une autre ouverture au Québec, mais il est
très bien où il est dans le moment, il est assuré de
quelques semaines de travail alors que ce qu'on lui offre au Québec
n'est pas équivalent. Il continue donc à travailler en Ontario.
Comme résultat, il n'accumule pas les heures nécessaires pour
faire renouveler sa carte et, à un moment donné, il dit: Le
système québécois, dehors! Je vais essayer de continuer
à survivre en travaillant en Ontario. C'est évidemment une
situation particulière.
En suggérant de couper de moitié les heures requises et en
suggérant la catégorie AR, cela pourrait peut-être, nous
l'espérons du moins, permettre au travailleur québécois de
travailler au Québec quand il y a du travail et en Ontario quand il n'y
en a pas au Québec. J'espère que vous ne nous trouvez pas trop
gourmands.
M. Middlemiss: Vous faites deux recommandations pour le milieu
rural, soit un AR et, pour l'artisan, vous demandez de changer pour lui
permettre d'avoir un aide. Qui est-ce qui vous a poussé à faire
des recommandations de ce genre? Est-ce qu'une des raisons, c'était le
fait que les gens ont perdu leur carte de classification et qu'on voudrait les
réintégrer au marché du travail dans la construction?
M. Ledoux: En partie, c'est sûrement cela, la
réalité actuelle, mais l'autre raison, celle de l'artisan, c'est
qu'en préparant le mémoire - parce que cela fait à peu
près un an que le comité travaille ensemble - on a
réalisé qu'il y a un besoin d'information dans notre comté
et on a déjà pris des mesures officielles pour que le CLSC de
Pontiac organise des cours pour former des travailleurs qualifiés pour
qu'ils puissent passer les examens de la régie pour devenir artisans.
Comme on le dit dans le mémoire, cette approche est
particulièrement valable au niveau rural et un artisan pourrait se
qualifier dans plus d'une spécialité, dans plus d'un
métier, et gagner sa vie localement.
(10 h 45)
M. Middlemiss: D'accord. Mme la
Présidente, vu que d'autres collègues autour de la table
voudraient-La Présidente (Mme Harel): Ils vont poursuivre.
M. Middlemiss: Oui.
La Présidente (Mme Harel): Je laisse la parole au
député de Bourassa, qui me l'avait demandée. Par la suite,
ce sera au député de Hull et au député de
Chapleau.
M. Laplante: Merci, Mme la Présidente. À mon tour,
je dois vous féliciter pour votre mémoire. À la page 2 de
votre introduction, vous parlez du développement socio-économique
de votre région. Vous dites qu'elle est 74e sur 76 divisions avec 74,8%
de la masse salariale ou du revenu, si vous voulez, comparativement à
l'ensemble du Québec. Pourtant, vous revenez avec d'autres suggestions
qui appauvriraient encore votre région au point de vue des revenus, de
la masse salariale. Je voudrais vous poser une question. Si les travailleurs
vont en Ontario, avant cela, avant la classification, les cartes, etc., est-il
exact que cela a toujours été le cas dans Pontiac d'aller
travailler en Ontario le plus possible? Cela dure peut-être depuis 50
ans. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Qui peut me
répondre?
M. Ledoux: Mme la Présidente, évidemment, dans
votre première question, vouloir continuer à appauvrir Pontiac,
ce n'est pas cela qu'on a à l'idée. On parle de système de
pondération pour fixer à l'avenir les salaires pour qu'ils
atteignent le niveau des métiers autres que ceux dans le domaine de la
construction. Évidemment, la MRC se reconnaît le devoir
d'améliorer la qualité de vie de sa population par toutes les
mesures dont elle dispose en vertu de la loi. On veut ramener les travailleurs
de la construction au même niveau que les autres, mais, si on peut faire
évoluer vers le haut l'ensemble de la population, le travailleur de la
construction évoluerait parce qu'on suggère un système de
pondération qui établit le niveau de la population en
général. Le phénomène du travail en Ontario - vous
avez absolument raison - est un phénomène réel. Ce qu'on
vous suggère, c'est pour contourner le phénomène. Dans le
moment, cela ne vaut pas la peine pour le travailleur en construction de se
bâdrer de vouloir passer par toute la réglementation
administrée par l'OCQ et c'est plus facile pour lui d'obtenir un emploi
en Ontario. Si on lui facilitait les choses, il viendrait peut-être
travailler au Québec. Je dis peut-être parce que,
évidemment, ma boule de cristal ne peut pas
me dire si cela se produirait. Mais le bénéfice, on ne le
cherche pas simplement pour le travailleur en question. On ne veut pas que ce
soit le travailleur en question qui bénéficie de venir travailler
au Québec. On veut que le milieu bénéficie d'un
travailleur qui va faire du développement, qui va participer au
développement de notre région.
M. Laplante: Ainsi, la perte de cartes d'accréditation,
vous ne le dites pas clairement, mais c'est presque volontaire dans votre
région de vouloir aller travailler en Ontario, de ne pas s'occuper des
jobs qu'il y a au Québec, puisque cela a toujours duré depuis 50
ans, vous l'avez avoué tout à l'heure.
Vous avez parlé tout à l'heure...
Une voix: ...
M. Laplante: Je ne vous ai pas dérangé. Je vous ai
laissé poser des questions. Écoutez;
Une voix: ...fais de la présomption.
M. Laplante: Vous avez parlé du coût de
construction. C'est beaucoup plus élevé dans votre région
que si on construisait à Montréal, à Ottawa ou à
Hull. Je ne crois pas qu'on puisse trouver dans les milieux urbains tels que
Montréal, Hull ou d'autres grands centres des terrains à un cent
le pied carré. Dans nos régions, Montréal et les autres,
c'est 2 $, 3 $, 4 $, jusqu'à 6 $ le pied carré qu'on est
obligé de payer pour un terrain. Cela augmente drôlement le
coût de construction qui peut être équivalent au
Québec sur une masse salariale.
Ce que j'ai de la difficulté à comprendre pour les
régions éloignées...
Une voix: Sur tout.
M. Laplante: ...c'est lorsque, à un moment donné...
Quand il y a un besoin de professeurs, on est obligé de payer des
salaires beaucoup plus élevés dans les régions
éloignées. Cela a commencé avec le gouvernement Bourassa,
pas seulement avec le gouvernement péquiste.
Une voix: Ce sont des primes d'éloignement.
M. Laplante: Les primes d'éloignement. Les grèves
qu'on subit aujourd'hui par les médecins, les spécialistes des
régions éloignées pour aller chercher 200 $ de plus par
nuit... Pourquoi le travailleur de la construction serait-il encore pris dans
des régions à faire du "cheap labour"? Il faut comparer, comme je
le disais hier, avec les professionnels. Cela ne me rentre pas dans la
tête de faire deux catégories de citoyens.
Lorsqu'une loi est votée pour le salaire des maires - je sais que
ce ne sont pas les petites municipalités qui en prennent le plus, mais
c'est une pratique générale quand même - beaucoup de
municipalités s'empressent de prendre le "top"; la loi est votée
tout de suite. On n'entend jamais dire: On va couper nos salaires, parce
que...
M. Ledoux: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): M. Ledoux.
M. Laplante: C'est tout cela que je ne comprends plus dans vos
argumentations. Vous voulez faire une différence entre l'ouvrier - le
journalier - et le professionnel.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Bourassa.
Une voix: M. le député.
La Présidente (Mme Harel): M.
Larivière ou M. Ledoux? M. Larivière.
M. Larivière: M. le député de Bourassa,
j'aimerais vous dire que, dans le comté de Pontiac, on croit que
travailler pour 8 $ l'heure, c'est mieux que de ne pas travailler du tout.
C'est cela le prix qui est...
M. Laplante: C'est le travail au noir que vous voulez avoir? En
somme, c'est cela.
M. Larivière: On n'a pas le choix, peut-être.
M. Laplante: ...
M. Ledoux: Mme la Présidente, pour répondre
à votre dernière question avant de répondre à la
première, le salaire des maires fixé par la loi... Les 20 maires
du comté de Pontiac ne se paient pas le salaire maximum fixé par
la loi; ils sont obligés, à cause d'une petite population, de se
payer le salaire minimum fixé par la loi. Cette argumentation ne
s'applique pas dans le comté de Pontiac. Si elle s'applique ailleurs, on
n'est pas au courant.
Deuxièmement, vous avez mentionné le coût de
construction en général. Vous dites qu'on a dit que cela
coûtait plus cher qu'à Montréal; je ne crois pas qu'on ait
dit cela. Vous avez fait référence à des terrains à
un cent le pied carré alors que vous, en ville, vous payez un gros prix.
Je voudrais vous faire remarquer, M. le député de Bourassa, que
le terrain à un cent le pied carré est disponible à un
cent le pied carré pour le travailleur de la construction comme pour
tous les autres travailleurs. C'est cette thèse qui sous-tend notre
mémoire. Tout le monde fait moins d'argent; tout le monde paie moins.
Pourquoi sort-on le travailleur de la
construction et le met-on dans une niche spéciale pour le payer
comme quelqu'un qui fait le même travail à Montréal? On
dit: Cela ne s'applique pas ailleurs; cessez de l'appliquer à la
campagne. C'est tout ce qu'on demande.
M. Laplante: Oui, mais ce qui est plus dur à avaler pour
un bonhomme comme moi, c'est le fait de faire tout porter sur les salaires des
travailleurs, parce que votre région ne se développe pas. Je
comprends que les libéraux d'en face veuillent creuser le fossé
pour les travailleurs du Québec. Pour les professionnels, ils sont
très ouverts là-dessus...
M. Kehoe: Vous ne comprenez pas, M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: ...cela va bien, payons les professionnels; on a vu
certaines conventions collectives comme cela. Mais, quand on arrive aux vrais
travailleurs, à ceux qui travaillent au pic et à la pelle et au
marteau, on paie toujours trop et il faut toujours les diviser.
M. Côté: On fait comme vous autres: on coupe de
20%.
M. Laplante: II faut se souvenir de ces choses-là. J'ai de
la difficulté à comprendre votre mémoire: aller
jusqu'à faire tomber l'article 19 pour essayer de
récupérer d'autres pouvoirs. Des amendements à la loi...
Je ne sais pas. Moi, en tout cas, je ne serais pas en faveur de votre
mémoire, c'est certain, parce que ce serait aller contre les
travailleurs.
La Présidente (Mme Harel): M.
Brousseau. Par la suite, je reviendrai au député de Hull
et au député de Chapleau. M. Brousseau, vous vouliez ajouter
quelque chose?
M. Brousseau (Lucien): Oui. Il y a une chose qui m'a fait
sursauter un peu. Mon salaire de maire: je fais 160 $ par mois; je suis un
maire bénévole.
Deuxièmement, dans l'autre intervention, on dit que les terrains
se vendent à tel ou tel prix. Le comté de Pontiac, c'est un
comté où il y a des zones blanches et des zones agricoles. Je
peux vous assurer, monsieur, que, chez nous, les zones blanches sont de plus en
plus rares, parce qu'elles ne sont pas très grandes; même que,
dans les municipalités, à un moment donné, les terrains
sont considérés comme des morceaux d'or dans les zones blanches.
Je peux vous dire une chose: aujourd'hui, les gens qui ont des terrains dans
les zones blanches, ils ont plus que quadruplé le montant qu'ils ont
donné. Ce n'est peut-être pas le même prix qu'à
Montréal, mais j'imagine que, dans un avenir rapproché, dans cinq
ans, ce sera à peu près le même prix qu'à
Montréal.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Brousseau. M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, Mme la Présidente. Je ne commenterai
pas les dires de mon collègue de Bourassa concernant le mémoire
présenté par les maires de la municipale régionale de
comté de Pontiac, mais je voudrais profiter de l'occasion pour souhaiter
la bienvenue au président de la MRC de Pontiac, M. Dempsey, ainsi qu'aux
maires qui l'accompagnent et à M. Ledoux qui est le
secrétaire-trésorier de cette municipalité
régionale de comté.
Je pense qu'il faut comprendre, Mme la Présidente, que le
comté de Pontiac appartient à l'Outaouais, cela fait partie
intégrante de la région de l'Outaouais, mais c'est une
région ou une sous-région qui connaît des problèmes
peut-être plus particuliers que l'ensemble de la région. On
connaît des problème semblables dans la Haute-Gatineau. Les
représentants du peuple de cette municipalité régionale de
comté, étant conscients des problèmes que vivent leurs
commettants et commettantes dans leurs municipalités respectives, ont
présenté ce mémoire dans le but de sensibiliser le
gouvernement aux problèmes que vivent ces gens et que vivent la
majorité des gens du Québec situés dans des secteurs
ruraux plutôt qu'urbains.
Il est bien évident, Mme la Présidente, que, dans le
contexte actuel, on tente de chercher la bête noire, de trouver ce qui ne
va pas. Il faudrait peut-être examiner davantage la
réglementation, les règlements et les lois que le gouvernement a
adoptés au cours des dernières années, tel le
règlement de placement sur la construction qui a possiblement
favorisé et qui favorise sûrement une grande partie du travail au
noir qui se fait actuellement.
D'autre part, si on tient compte de la situation économique, un
autre élément très important et, j'espère,
passager, cela pourrait sûrement favoriser l'ensemble des travailleurs du
Québec. Je voudrais faire une remarque ici. M. le député
de Bourassa, les libéraux, nous ne sommes pas là pour creuser
davantage le fossé. Au contraire, si on examine certaines lois
adoptés par le gouvernement actuel, par exemple la loi 43 sur la
restauration, vous exploitez actuellement les travailleurs de la restauration
par une loi semblable, et je pense que vous pouvez difficilement nous attribuer
cet objectif.
M. Ledoux, vous avez mentionnné tantôt - Mme la
Présidente, j'ai quelques questions à poser - qu'une grande
partie des
travailleurs de la construction de Pontiac travaillaient à
Renfrew, Pembroke, Ottawa ou dans certaines autres villes ontariennes. Vous
avez mentionné aussi que vous ne recommandiez pas de modifications
particulières au règlement de placement dans la construction. Au
contraire, vous vous demandiez peut-être, en tenant compte des
impératifs de 1984 et de l'avenir, si on ne devrait pas
concrétiser davantage l'application de certains règlements. C'est
un élément important, tenant compte de la situation de
l'Outaouais québécois, qui est une région
frontalière au Québec, qui dépend ou qui a une certaine
dépendance du côté ontarien, tenant compte de la
proximité de la capitale du Canada et tenant compte du fait qu'il y a un
règlement de placement qui existe actuellement et qui empêche les
travailleurs de l'Ontario de venir travailler au Québec. (11 heures)
Là, j'ouvre une parenthèse en disant qu'il est bien
évident qu'un travailleur de l'Ontario ne peut pas venir travailler au
Québec aujourd'hui, parce qu'il n'y a pas de travail ici; mais, dans
l'hypothèse où il y aurait du travail au Québec... On
parle toujours de l'offre et de la demande; s'il y a de la demande, il y a de
l'offre. C'est bien évident que le travailleur de l'Ontario ne peut pas
venir travailler au Québec parce qu'il n'y a pas de demande. Le principe
fondamental d'un règlement de placement qui oblige à avoir
travaillé un certain nombre d'heures au cours des années
précédentes afin de maintenir la carte de classification dans le
domaine de la construction, par le fait même, élimine la
présence ou la venue de travailleurs en périphérie, du
côté de l'Ontario vers le Québec, ce qu'on peut appeler la
mobilité de la main-d'oeuvre. Le gouvernement de l'Ontario, comme cela a
été le cas en 1978 - plusieurs syndicats ontariens font
actuellement des pressions auprès du gouvernement à cet effet -
veut restreindre la mobilité de la main-d'oeuvre en tenant compte du
fait que nous, au Québec, restreignons la mobilité du
côté ontarien.
Vous dites dans votre mémoire que la majorité des
travailleurs de la construction gagnent leur vie du côté de
l'Ontario. Si le gouvernement ontarien adoptait une loi semblable à
celle du Québec pour ouvrir les chantiers de construction uniquement aux
gens de l'Ontario qui auraient travaillé les heures nécessaires
en Ontario, cela ne voudrait-il pas dire que vos travailleurs de la
construction qui résident actuellement dans votre municipalité
régionale de comté se verraient complètement sans
travail?
M. Ledoux: Mme la Présidente, votre hypothèse
semble plausible, mais ce n'est qu'une hypothèse. D'abord, juste pour
clarifier, vous avez dit qu'on ne propose pas de changement au règlement
de placement. Ce n'est pas tout à fait exact, on propose des adaptations
à notre milieu, premièrement, en diminuant de moitié les
heures requises et, deuxièmement, on demande la priorité aux
travailleurs qui sont dans les municipalités où le chantier est
situé. Quant à la question de l'éliminer
complètement, évidemment, si le ministre du Travail
décidait d'éliminer le règlement, je suis certain que
ça n'irait pas à rencontre de la philosophie du conseil des
maires de la MRC. Je suis positif.
Quant à la question des travailleurs de l'Ontario ne pouvant pas
venir au Québec, j'ai cru comprendre, par les interventions
précédentes, que, effectivement, si un entrepreneur de l'Ontario
a un contrat au Québec il peut, par un mécanisme quelconque,
accréditer ses travailleurs. On me dit que c'est très facile, on
a semblé dire qu'on avait simplement à en faire la demande.
M. Rocheleau: Je ne voudrais pas ramener le cas d'un contrat
très important de plus de 40 000 000 $ qui a été
effectué dans l'Outaouais concernant l'usine d'épuration, mais on
se souvient qu'une compagnie ontarienne, V.K. Mason, avait soumissionné
et que le gouvernement du Québec avait refusé sa soumission
étant donné que c'était un entrepreneur de
l'extérieur du Québec. On avait alors dû attendre une
année complète avant de demander de nouvelles soumissions et la
compagnie V.K. Mason avait obtenu le contrat une deuxième fois,
étant donné qu'elle était encore le plus bas
soumissionnaire. Par contre, cela avait coûté 6 000 000 $ de plus
pour la construction de l'usine d'épuration à cause du geste
qu'avait posé le gouvernement du Québec à ce moment.
Où je voudrais en venir, M. Ledoux, c'est qu'actuellement il y a
peut-être un élément qui n'est pas ressorti. Actuellement -
je pense que le maire de Campbell's Bay y a fait allusion tantôt - le
taux de sans-emplois ou d'assistés sociaux est très important
dans le comté de Pontiac. Le maire de Campbell's Bay, tantôt,
mentionnait que, plutôt que de ne rien gagner, il valait peut-être
mieux gagner 8 $ l'heure et avoir un salaire convenable pour au moins tenter de
faire vivre sa famille. Le maire de Campbell's Bay a fait allusion à
certains projets importants qui ont été réalisés
dans sa municipalité au cours des dernières années au
coût d'environ 7 000 000 $, ce qui n'a pas amené chez lui la
création de nouveaux emplois. C'étaient des entrepreneurs de
l'extérieur, des matériaux de l'extérieur, tout
était importé. À ce moment-là, on en a
bénéficié au niveau des équipements, mais
pas au niveau de la création d'emplois.
Nous allons sûrement examiner l'ensemble de la
problématique et l'ensemble des revendications qui se font et qui ont
été faites hier, entre autres, par un certain nombre de
municipalités régionales de comté
représentées par leur président, M. Asselin. Nous allons
entendre d'autres mémoires en provenance de l'Union des
municipalités du Québec et de certaines autres MRC qui
revendiquent aussi certains changements à la loi ou au règlement
actuel. Tenant compte du fait qu'un nombre important de municipalités
régionales de comté, par leur président, ont
demandé certaines modifications dans le sens de soustraire non seulement
les communautés urbaines et régionales, mais aussi certaines
municipalités qui relèvent de la Loi sur les cités et
villes à l'application du règlement, est-ce que vous favorisez,
vous aussi, cette soustraction au règlement tel qu'il est
appliqué actuellement dans le but de permettre aux municipalités
de votre municipalité régionale de comté qui
bénéficieraient de certaines subventions d'appui des
gouvernements supérieurs de faire des travaux en retenant les services,
soit d'artisans, soit de bénévoles, pour effectuer certaines
améliorations à certains de vos équipements à des
coûts peut-être moindres, sans pour autant être sur le dos du
travailleur comme semble le répéter assez souvent le
député de Bourassa, mais en favorisant, par des programmes de ce
gouvernement et d'autres gouvernements supérieurs, la création
d'emplois?
M. Ledoux: Pour répondre à votre question, M.
Rocheleau, je vous assure que le comité ici présent et le conseil
des maires en entier ont passé beaucoup de temps à examiner la
possibilité de demander que la loi et les règlements ne
s'appliquent pas. D'autre part, on est obligé de croire que ce serait
demander deux poids deux mesures. On demande un salaire différent parce
qu'on est capable de le baser sur une réalité défendable,
mais, quand on examine la sécurité et les biens que les
municipalités doivent fournir à leurs contribuables, on a de la
difficulté à ne pas être soumis à une
réglementation quelconque. Évidemment, si le ministre
décidait qu'il en sera ainsi, le conseil des maires se
réjouirait.
Vu que vous avez abordé la question du dos des travailleurs - je
ne connais pas le règlement - j'aimerais répondre de nouveau au
député de Bourassa, à moins, Mme la Présidente, que
je ne sois dans l'erreur, que le but de la commission est d'étudier les
problèmes reliés à la construction. La raison pour
laquelle la commission a été convoquée, c'est parce qu'il
y a un écart de 31% dans les demandes salariales. C'est pour cette
raison qu'on se limite aux demandes salariales. Si le mandat de la commission
est de faire identifier les problèmes de développement de toutes
sortes du comté, je vous assure qu'il y a d'autres sortes de
problèmes dans le comté de Pontiac qu'on serait prêt
à demander au gouvernement de régler, mais ce n'est pas la bonne
place aujourd'hui. C'est tout.
M. Rocheleau: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député
de Hull, en terminant, parce qu'il y a aussi le député de
Chapleau, je pense, qui veut prendre la parole et on a déjà
dépassé le temps alloué à la municipalité
régionale de Pontiac.
M. Rocheleau: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
simplement souligner à M. Ledoux qu'en ce qui me concerne les demandes
qui ont été formulées par l'Union des municipalités
régionales de comté sont très intéressantes
à examiner. Je pense que vous entrez plus en profondeur pour expliciter
davantage le problème quotidien vécu dans vos
municipalités comme dans l'ensemble des municipalités rurales du
Québec.
Au tout début de votre mémoire, M. Ledoux, vous faites
allusion au fait que les salaires payés aujourd'hui dans la construction
semblent être excessifs. J'aimerais tenir compte d'un
élément très important. Je ne considère pas le
salaire tellement excessif. Je critique davantage le facteur le plus important
dans la construction actuellement, c'est la question de la productivité.
Si l'employé produisait à 80% ou 85% pour le salaire qui lui est
payé, l'entrepreneur en profiterait davantage et en ferait davantage
profiter le consommateur. C'est peut-être une cause majeure du
problème qui existe et qui dépend en grande partie du
gouvernement et des syndicats ou des centrales syndicales qui ont davantage
défendu les indésirables de la construction plutôt que de
défendre le mieux-être de l'ensemble des travailleurs de la
construction. On aura sûrement l'occasion de revenir
là-dessus.
Dans une dernière question, j'aimerais simplement vous demander
de me confirmer, s'il y a lieu, si, étant donné que vous
n'êtes pas sur la liste des municipalités régionales de
comté annexée au mémoire du président, M. Asselin,
hier, vous endossez quand même a priori les positions que l'ensemble des
municipalités régionales de comté ont prises au
Québec, en tenant compte du fait que votre mémoire est
complémentaire et apporte des éléments nouveaux qui sont
intéressants à regarder.
M. Ledoux: Mme la Présidente, si vous le permettez, je
préférerais qu'un des maires réponde à cette
question parce qu'elle est
d'ordre politique.
M. Brousseau: Je pense que nous appuyons exactement les
revendications qui ont été faites ici hier.
M. Rocheleau: Merci, Mme la Présidente. Cela
complète les questions que j'avais à poser.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Le député de Hull a volé ma
question, mais a posé la plupart des questions que j'allais poser et
fait la plupart des commentaires que je voulais faire.
J'ai une question très spécifique à poser. Dans la
préparation de votre mémoire, avez-vous consulté d'autres
MRC et des unions de municipalités de la province de Québec? Je
trouve que les suggestions et les recommandations que vous faites dans votre
mémoire sont très justes et raisonnables. Quand on voit, comme le
décrit le maire de Campbell's Bay, qu'il n'y a que deux personnes de la
région de Pontiac qui ont travaillé dans un projet de 4 000 000
$, je trouve que c'est une injustice flagrante. Je pense que les propositions
et les recommandations que vous faites dans votre mémoire devraient au
moins être étudiées non seulement par la MRC de Pontiac,
mais peut-être par les Unions de municipalités de la province de
Québec ou d'autres MRC dans la province de Québec.
Je réitère ma question: Est-ce que vous avez fait des
consultations avec d'autres MRC ou plus spécifiquement avec l'Union des
MRC de la province de Québec avant de prendre position et de faire les
recommandations que vous faites dans votre mémoire?
M. Ledoux: Mme la Présidente, la réponse est non.
Une partie de la raison vous a été expliquée hier par le
président de l'Union des municipalités régionales de
comté, M. Asselin. Étant donné le peu de temps entre le
moment où il a été annoncé qu'il y aurait
probablement une commission parlementaire et la tenue de cette commission et le
fait que c'est le temps des vacances, il n'était pas question de
consulter les autres avant de savoir ce que la MRC de Pontiac voulait. Le temps
que cela a pris pour décider cela a empêché la consultation
avec l'Union des MRC. Comme je vous l'ai dit, le travail dure depuis plus d'un
an. Nous avons déjà eu un visiteur de la MRC de Mékinac
qui est venu exposer son point de vue au conseil des maires il y a quelques
mois. Dans ce sens-là, on n'est pas entièrement en vase clos. On
aurait espéré pouvoir demander aux 94 municipalités
régionales de comté d'endosser notre mémoire ou,
alternativement, le présenter à l'Union des municipalités
régionales de comté pour qu'elle le fasse sien plutôt que
ce soit le nôtre, parce qu'on n'est pas suffisamment nombreux au niveau
rural dans le moment pour faire des représentations. On est convaincu
pourtant que notre situation n'est pas unique, que la même situation est
réelle partout dans les secteurs ruraux. (11 h 15)
M. Kehoe: Si je comprends bien, vous avez l'intention de pousser
l'affaire plus loin. Ce n'est pas seulement de présenter un
mémoire ici. C'est d'aller plus loin, de tenter d'obtenir l'appui de
l'Union des MRC et que cela fasse partie de son programme, de ses
recommandations.
M. Ledoux: Évidemment, Mme la Présidente, si, ce
soir, M. le ministre du Travail annonce la prolongation du décret avec
une région rurale, on ne poussera plus.
M. Kehoe: Ne comptez pas là-dessus. Une voix: Ce
soir.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce que c'est
terminé, M. le député de Chapleau?
M. Pagé: Cela peut attendre à demain, oui.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Beauharnois, en terminant.
M. Lavigne: Mme la Présidente, je voudrais d'abord faire
une correction. On a dit tout à l'heure - je ne me souviens pas si c'est
M. Ledoux ou un autre maire qui est à la table - que si les
employés de la construction de la région allaient travailler du
côté ontarien, ils ne se faisaient pas reconnaître leurs
heures quand ils voulaient revenir du côté
québécois. Quand on examine le règlement de placement,
à l'annexe 3, on dit: "Toutefois le salarié visé par le
paragraphe 4 de l'article 18 obtient l'équivalence complète des
heures de travail exécutées à l'extérieur du
Québec." Qu'il aille travailler en Algérie, en Ontario, n'importe
où, dans n'importe quelle autre province canadienne ou même dans
n'importe quel pays du monde, on lui reconnaît, quand il revient au
Québec, les heures travaillées à l'extérieur. C'est
une correction que je voulais faire parce que vous sembliez tout à
l'heure interpréter le règlement en ce sens que les heures
n'étaient pas créditées quand le salarié
était allé travailler ailleurs et qu'il revenait au
Québec. Soyez rassurés là-dessus. Je pense que
c'était une précision importante particulièrement dans
votre cas, parce que vous nous dites que plusieurs de vos travailleurs de la
construction qui vont travailler du côté ontarien se
sentiraient
pénalisés quand il s'agirait de faire créditer ces
heures-là par l'OCQ.
M. Ledoux: Mme la Présidente, je suis forcé de
demander au ministre du Travail de préciser, pour le membre de la
commission, que ce qu'on a dit était exact. Il est question de domicile.
Si un individu accumule des heures de travail en Ontario pendant qu'il est
domicilié en Ontario, ces heures-là sont reconnues. Mais s'il est
domicilié au Québec et va travailler en dehors du Québec,
ces heures-là ne sont pas reconnues. À moins que j'aie tort - je
pourrais avoir tort - je voudrais...
M. Lavigne: Dans ce sens-là, je pense que c'est une
précision importante à apporter. Si l'employé dont vous
donnez l'exemple est domicilié en Ontario, évidemment il devient
un Ontarien et n'est plus un Québécois. Il pourra toujours venir
travailler au Québec, mais par le truchement d'un entrepreneur ontarien
qui l'emploierait. Cela est différent. J'avais compris, selon mon
interprétation de ce que vous avez dit tout à l'heure, que
c'était un Québécois qui traversait du côté
ontarien pour aller travailler dans la construction et que, parce qu'il
travaillait dans la construction en Ontario, on ne lui reconnaissait pas ses
heures de travail.
M. Ledoux: C'est cela.
M. Lavigne: Si tel était le cas, ce serait faux. Mais s'il
est domicilié en
Ontario, c'est différent, bien sûr. C'est une distinction
importante à faire.
J'ai quelques réflexions à faire sur votre document. J'ai
de la difficulté, un peu comme mon collègue de...
Des voix: Bourassa.
M. Lavigne: ...Bourassa, à comprendre que, chez vous, les
maires de la MRC incitent le gouvernement, lors de la négociation qui
devrait être faite entre les parties patronales et syndicales dans le
monde de la construction, à un rabais horaire. Plus souvent qu'autrement
et presque toujours, les gens incitent les gouvernements, lors des
négociations, à la hausse des salaires. C'est plutôt rare
qu'on demande une baisse des salaires. C'est peut-être parce qu'on n'est
pas habitués qu'on a de la difficulté à comprendre, mais
c'est un peu étonnant. Il y aurait à ce moment-là une
espèce de discrimination que j'ai de la difficulté à
saisir. Pourquoi, chez vous, dans votre région, les gens qui auraient
à scier du bois, à planter des clous, à construire une
maison seraient-ils moins payés pour faire ce travail que ceux qui le
feraient à Québec, à Montréal, ou ailleurs?
L'explication fondamentale que vous développez, c'est que, chez vous,
cela coûte moins cher pour tout. Est-ce que le beurre, le pain, chez
vous, coûtent moins cher qu'à Montréal? Est-ce que les
taxes et les impôts fédéraux et provinciaux, chez vous,
sont moins chers que pour les Montréalais ou les gens de Québec?
Est-ce que, par ailleurs, le policier provincial est moins payé chez
vous que s'il est affecté à Drummondville, à
Trois-Rivières ou à Sorel? Est-ce que, comme mon collègue
le disait tout à l'heure, le professeur ou le médecin qui va
aller travailler chez vous... Au contraire, bien souvent, s'il se trouve dans
une région éloignée, il a même une prime
d'éloignement. Non seulement il n'est pas payé selon le taux de
Montréal, mais il est payé en plus du taux de Montréal. On
vient d'accorder un peu la même chose aux médecins, parce qu'on
savait que les médecins n'étaient pas tentés d'aller dans
les régions éloignées. Il y avait une pénurie de
médecins; ils se regroupaient autour des grands centres de Québec
et de Montréal et on en manquait en région. On a dû,
évidemment, intervenir au cours de l'année et donner des
surprimes aux médecins pour qu'il y ait une répartition un peu
plus équitable de médecins sur le territoire.
À partir de tous ces exemples - je ne veux pas condamner votre
thèse; je veux essayer de la comprendre - j'ai de la difficulté
à comprendre que, dans le monde de la construction, dans un monde bien
précis, pendant que tout le monde reçoit une augmentation en
allant travailler au loin, chez vous, dans le monde de la construction, les
gens travailleraient à rabais. À ce moment-là, est-ce que
les gens de la Gaspésie, par exemple, qui est considérée
comme une région éloignée, ne pourraient pas
réclamer aussi de travailler à rabais? Est-ce que, entre la
Gaspésie et Québec, il y aurait un très bas taux en
Gaspésie, un taux moyennement bas entre la Gaspésie et
Québec et un haut taux à Québec? Il y aurait un paquet de
zones susceptibles d'être inférieures ou supérieures selon
qu'elles sont plus ou moins rapprochées des grands centres. Je pense que
cela deviendrait, premièrement, difficile à administrer;
deuxièmement, cela serait discriminatoire pour les gens qui vivraient
dans ces différentes régions, parce qu'ils auraient des salaires
différents pour un travail semblable.
Je pense que c'est beaucoup plus une question d'économie qu'une
question de salaire. Si l'économie québécoise, par
exemple, devait se redresser, je pense que le problème ne se poserait
plus. Mais parce que nous vivons un problème économique depuis
quelques années, c'est surtout là qu'il faut chercher la source
du mal. Je ne pense pas qu'on puisse corriger ce mal en diminuant le salaire
horaire des travailleurs de la construction.
C'est une opinion personnelle. Je vous la donne comme je la ressens.
Mais, j'aimerais entendre votre argumentation à ce sujet.
M. Dempsey: M. le député, vous dites qu'on veut
baisser leurs salaires. Ce n'est pas correct. Je suis certain que le gars qui
va aller travailler en Ontario ne fera pas la "piastre" qu'il fait au
Québec aujourd'hui. Il serait bien content de travailler dans le
comté de Pontiac pour ce salaire au lieu de traverser en Ontario. On
aimerait mieux le garder chez nous que de l'envoyer ailleurs.
M. Larivière: Le député dit que c'est rare
qu'on diminue les salaires. Si je ne me trompe pas, votre gouvernement a
réduit les salaires des professeurs l'an dernier?
M. Lavigne: Oui. Mais c'étaient les salaires de tout le
monde. On n'a pas fait de discrimination; c'était équiable...
M. Larivière: Vous ne trouvez pas? M. Lavigne: On
n'a pas coupé plus...
M. Larivière: Je pense que les professeurs trouvent que
vous l'avez fait.
M. Lavigne: Non, mais on n'a pas coupé plus les salaires
des professeurs de Montréal que ceux de Gatineau. On a
décidé que les professeurs de Gatineau, ceux de Québec,
ceux de Trois-Rivières et de la Gaspésie seraient coupés
équitablement.
M. Pagé: Faites ce qu'on dit; ne faites pas ce qu'on
fait.
M. Lavigne: On n'a pas fait de discrimination. Non. Si on
décidait de tout couper, de réduire le taux horaire du monde de
la construction partout, il y aurait de bonnes raisons pour le faire,
j'imagine, mais cela serait partout. Qu'on coupe chez vous et qu'on ne coupe
pas ailleurs, cela m'apparaît discriminatoire.
La Présidente (Mme Harel): M. Ledoux, je vais vous
demander de conclure, parce que vous voyez qu'on a très largement
dépassé le temps qui était alloué. Alors, je vais
vous demander de conclure dans votre prochaine intervention.
M. Ledoux: Je serai très bref, Mme la Présidente.
Il est très important de souligner qu'on ne parle pas de rabais, je le
répète. On parle de ne pas payer une surprime aux travailleurs de
la construction, lorsqu'on les compare aux autres catégories de
travailleurs.
Quant à la question de donner des salaires différents dans
diverses régions, le ministre du Travail pourrait vous assurer que les
comités paritaires fonctionnent bien dans la province. Ils auraient tous
des salaires différents, parce que ce seraient des négociations
différentes. L'administration n'est donc pas un problème.
Finalement, la question des policiers et des autres, on l'a
soulevée très nettement. S'il n'y a pas de
péréquation, on demande une régionalisation des salaires;
s'il y a péréquation, on n'a pas besoin de régionalisation
des salaires, le salaire peut être le même dans toute la province.
Le policier qui est localisé à Campbell's Bay -il y en a une
douzaine - a le même salaire que celui localisé à
Montréal, mais ce n'est pas nous qui payons, ce n'est pas la population
locale, ce sont les gens qui font beaucoup d'argent à Montréal
qui paient des impôts élevés et qui paient les policiers de
Campbell's Bay. C'est cela la péréquation.
La Présidente (Mme Harel): Je veux vous remercier, M.
Ledoux, ainsi que M. Larivière, M. Brousseau, vous qui
l'accompagnez.
Je vais inviter immédiatement la municipalité
régionale de comté de Mékinac à vous remplacer et
à nous présenter son mémoire. Merci. Oui, M. le
préfet, je crois.
M. Dempsey: Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les
membres de la commission, je vous remercie du temps que vous avez pris pour
nous écouter.
La Présidente (Mme Harel): Très bien.
M. Paquin, je vais vous demander de présenter les gens qui vous
accompagnent et de nous présenter votre mémoire.
La MRC de Mékinac
M. Paquin (Jules): Mme la Présidente, je vais céder
la parole immédiatement à notre secrétaire qui va tout
vous défricher cela.
La Présidente (Mme Harel): C'est Me Tessier.
M. Paquin: Oui, c'est cela, madame. Me Tessier, s'il vous
plaît!
La Présidente (Mme Harel): II y a Me Lemay qui vous
accompagne également.
M. Paquin: Elle va tout vous dire cela.
Mme Tessier (Josette): Mme la Présidente, M. le ministre
du Travail, mesdames, messieurs, membres de la commission, il me fait plaisir
de vous présenter les gens qui composent la délégation de
la MRC de Mékinac aujourd'hui: le préfet, M. Jules Paquin, et
notre procureur, Me André Lemay, de la firme Tremblay, Bertrand,
Morisset, Bois et Associés, et moi-même, Me Josette Tessier,
secrétaire-trésorière de la MRC de Mékinac.
Dans l'assistance, je me dois de souligner la présence de
différents représentants du domaine municipal, préfets,
maires et autres et, en particulier, certains maires de notre
municipalité régionale de comté: M. Guy Veilleux,
préfet de la MRC Haut-Saint-Maurice ainsi que le président et le
directeur général de la commission scolaire de Normandie.
Pour vous situer géographiquement, notre municipalité
régionale de comté est localisée au nord-est de
Grand-Mère-Shawinigan et au sud de La Tuque. Nous englobons des
localités situées dans les comtés de Laviolette et de
Portneuf. Elles sont énumérées à l'annexe A . Le
chef-lieu est à Saint-Tite, dans le comté de Laviolette.
En tant que municipalité régionale de comté, nous
représentons ces douze municipalités locales qui ont toutes,
à un moment ou à un autre, besoin d'engager de la main-d'oeuvre
pour exécuter différents travaux de construction.
Nous tenons également à vous remercier d'avoir bien voulu
accepter de nous recevoir au sein de cette commission afin de nous permettre de
faire valoir de vive voix notre point de vue sur la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction et ses règlements.
Nous traiterons de quelques points seulement qui nous apparaissent plus
pertinents pour les petites municipalités.
Ayant connu d'épineux problèmes avec cette loi, notre
municipalité régionale a cru utile de s'informer auprès
d'autres municipalités afin d'apprécier l'étendue
réelle des dommages causés à nos contribuables. Ainsi,
solidaires dans nos revendications, nous requérons une exemption de
l'application de cette loi pour les travaux de construction
exécutés par les municipalités de 5000 habitants et
moins.
Il importe tout d'abord de souligner que l'opinion émise
aujourd'hui a reçu, depuis un an, l'appui d'une quarantaine de MRC, tel
qu'il appert à la liste produite en annexe B. Ce rassemblement illustre
bien la vive préoccupation du monde municipal face à cette loi
contraignante dont certaines clauses abusives causent un préjudice
à nos contribuables. (11 h 30)
Étant le palier de gouvernement le plus près des citoyens,
nous osons croire qu'il est encore de nos responsabilités d'offrir les
meilleurs services à nos concitoyens et ce, à des coûts
raisonnables.
En période économique difficile, alors que nos
gouvernements nous incitent à la relance, comment expliquer que les
projets municipaux qui comptent en partie sur le bénévolat et
l'utilisation de la main-d'oeuvre locale, le plus souvent chômeurs et
assistés sociaux, soient anéantis par de telles normes
irréalistes? Les exemples qui illustrent le ridicule de la situation
abondent. Nous en avons énuméré plusieurs à
l'intérieur du mémoire. Qu'il nous suffise de mentionner les plus
significatifs et d'en ajouter de nouveaux.
La municipalité de Mont-Laurier, par exemple, a dû
acquitter une amende pour le simple déplacement d'un poteau. La
municipalité de Saint-Georges de Champlain connaît depuis
longtemps des démêlés judiciaires avec l'OCQ qui lui
réclame au-delà de 33 000 $. Ce n'est toujours pas
réglé. La municipalité de Haute-Mauricie fait l'objet
d'une poursuite de l'ordre de 19 000 $ pour avoir démoli un
entrepôt désaffecté devenu une nuisance publique.
Saint-Aimé-du-Lac-des-îles a connu, quant à elle, pour la
démolition d'un ancien moulin acquis au prix de 1 $ en vue de la
promotion touristique, une sanction de 18 000 $, soit 26,50 $ par habitant. De
nombreux autres exemples aussi scandaleux pourraient s'ajouter à cette
liste qui parle d'elle-même.
Comment se fait-il que les amendements de 1979 acceptent de soustraire
à la portée de la loi le gouvernement du Québec et les
institutions des réseaux de l'éducation et des affaires sociales?
Nos demandes justifiables dans le même sens n'ont jamais porté
fruit, malgré que les municipalités constituent un
véritable gouvernement élu démocratiquement.
À la lumière de ce qui vient d'être
énuméré, simplement réparer, démolir,
déplacer, rénover et même entretenir des constructions
n'apparaît plus que comme illusion pour les petites municipalités.
Comment, avec de tels exemples, pouvons-nous aider les municipalités
à faire preuve d'initiative, à organiser des services
adéquats, à répondre aux besoins des leurs?
Les salaires et embauches exigés par la loi rendent
irréalisables des projets pourtant essentiels à nos gens. Il ne
faut quand même pas se méprendre avec les arguments des syndicats
et du patronat soutenant que pour eux cela occasionne des pertes de travaux
appréciables. Prenons conscience que l'utilisation de leurs services est
d'avance impossible en raison des coûts exorbitants auxquels devraient
faire face les municipalités de population restreinte, alors qu'elles
peuvent compter sur une main-d'oeuvre locale adéquate et à des
coûts raisonnables.
Il ne faut pas négliger non plus les frais inhérents aux
poursuites judiciaires intentées par l'Office de la construction du
Québec contre les municipalités. Lorsqu'on invoque la
défense au sujet d'une perte d'heures de travail importante, doit-on
en
imputer la faute à de petites municipalités, alors que le
véritable problème vient du fait que nous n'en sommes plus
à l'époque des travaux d'envergure parrainés par le
gouvernement, à savoir: polyvalentes, Manie, Baie James, Stade
olympique? Il devient inacceptable de nous faire porter le fardeau d'une
absence d'infrastructures gigantesques. Pourtant, chaque citoyen de
Saint-Aimé-du-Lac-des-îles a dû débourser plus de 26
$ à l'Office de la construction du Québec, malgré qu'il
contribue déjà comme les autres Québécois aux
coûts de ces grands travaux.
Les obstacles dont nous vous entretenons aujourd'hui diffèrent
dans le cas de grandes villes en raison de leur capacité
financière plus importante et des subventions considérables
auxquelles elles ont droit. N'oublions pas, de plus, que nos petites
municipalités se voient dans l'obligation de recourir à une
main-d'oeuvre extérieure pour respecter la loi. Leurs ressources
humaines limitées ainsi que l'absence de cartes qui donnent droit
à leurs citoyens de travailler causent des difficultés
insurmontables.
Indépendamment du point de vue financier dont nous venons de
parler, abordons maintenant le problème social que tous ces
démêlés entraînent. Pour un conseil municipal,
l'objectif principal demeure toujours l'amélioration de la
qualité de vie des citoyens. L'objectif accessoire, lui, réside
dans la redistribution d'une partie de la richesse au sein de la
communauté. Or, ce dernier, inévitablement, ne peut être
atteint avec les normes de l'OCQ. Il en ressort un préjudice certain
pour une partie importante de la population. Les jeunes de 18-30 ans sont du
nombre, d'ailleurs. Le bagage de connaissances qu'ils ont acquis à
l'école ne peut être mis à profit. Notamment, les
étudiants des cours professionnels dans nos polyvalentes
reçoivent une formation adéquate qu'ils n'ont pas le droit de
mettre en application. Pour travailler, il faut détenir sa carte. Pour
détenir sa carte, il faut avoir travaillé. C'est un tunnel sans
fin pour des individus qui assumeront demain la relève de la
société. Ces gens se voient encerclés par
l'oisiveté et un découragement inévitable, malgré
une bonne volonté qu'ils croyaient si fermement inébranlable.
En voulant les aider à sortir de ce marasme, lorsque nous leur
confions des responsabilités, comme encouragement, ils sont reçus
à grands coups de: Avez-vous votre carte de compétence? Avez-vous
de l'expérience? Il s'agit d'une perspective bien sombre pour une
jeunesse que l'on veut audacieuse et innovatrice. On leur demande d'oser. Ils
s'épuisent dans des démarches sans issue.
Soyez assurés que vous êtes face à un
problème que nous connaissons bien, côtoyant quotidiennement cette
jeunesse désespérée. Notre présence ici en
témoigne. Nous étions impatients de vous faire part de cette
situation lamentable. Le présent discours peut paraître
défaitiste, mais c'est la bien triste réalité. Inutile de
se fermer les yeux; les jeunes aspirent à de meilleurs jours. Ce serait
irresponsable de les ignorer.
Seulement deux choix s'offrent alors aux municipalités: une
taxation additionnelle aux contribuables ou encore ne pas entreprendre de
travaux pourtant nécessaires à la collectivité, causant
ainsi la détérioration d'équipements publics. Devant ce
cul-de-sac, nos citoyens y perdent toujours.
Nous souhaitons donc que la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction et ses règlements soient modifiés
afin que les travaux effectués par les municipalités de 5000
habitants ou moins soient exclus de leur application.
Nous tenons à vous remercier de votre bonne attention et
espérons de nombreuses questions.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: Merci, Mme Tessier. Messieurs, je vous
signale aussi la satisfaction que nous ressentons en constatant
l'intérêt que vous portez à la commission. Votre
mémoire est fort bref, mais par ailleurs très éloquent. En
fait, il décrit une situation vécue, réelle, dont nous
sommes tous conscients. D'ailleurs, depuis que les travaux de la commission ont
commencé, cet aspect de la question a été soulevé
à plusieurs reprises et particulièrement - évidemment,
cela va de soi - par des représentants municipaux.
J'aurais, Mme Tessier ou MM. les maires, quelques questions d'ordre
strictement factuel et je ne serais pas étonné que vous ne
puissiez pas me donner les informations que je sollicite. Nous pourrions tenter
de les obtenir d'une autre façon, mais cela pourrait être utile
pour les fins de la conclusion qui peut se dégager de votre
mémoire. Aux pages 4 et 5 de votre mémoire, vous faites allusion
à certaines situations en vertu desquelles des municipalités se
sont retrouvées dans l'obligation de payer des amendes, un certain
quantum d'amendes. Je souhaiterais pouvoir savoir ceci, dans le cas par exemple
de la municipalité de Lac-Saint-Paul, qui a déboursé une
amende de 3000 $ pour des travaux d'amélioration de la salle municipale:
Est-ce que quelqu'un est en mesure de nous dire quel était le montant
global ou total des travaux qui ont été effectués à
cette salle municipale?
M. Paquin: Mme la Présidente, je voudrais répondre
à M. le ministre. Mais, étant donné le temps des vacances
et le fait
que le secrétaire de la corporation était en vacances
comme les autres, on n'est pas capable de vous apporter cette précision.
On a reçu ce document par la poste. On ne nous a pas donné le
montant global des travaux qui avaient été faits. Par contre,
pour Saint-Aimé-du-Lac-des-îles, on connaît l'ordre de
grandeur des travaux. Je suis en mesure de vous donner plus de
précisions, ayant été moi-même antérieurement
dans l'industrie du sciage, j'ai acheté la machinerie qui se trouvait
dans ce moulin-là. Elle a été transportée ailleurs,
ledit moulin est resté debout et ils l'ont vendu à la
municipalité pour 1 $.
M. Fréchette: Les cas que vous connaissez, vous dites
qu'il y a deux cas en particulier qui vous sont plus familiers et pour lesquels
vous êtes en mesure de donner des chiffres quant au montant global du
coût des travaux; voulez-vous nous les donner, s'il vous plaît?
M. Paquin: C'est celui de
Saint-Aimé-du-Lac-des-îles. C'est clair comme de l'eau de roche,
le moulin a coûté 1 $, ils l'ont démoli et cela leur a
coûté 18 000 $ de prêt. En Haute-Mauricie, ils ont
démoli un hangar du CN qui était à la veille de tomber sur
la tête du monde, au bord du chemin. Ils ont payé ça 1 $
aussi et ça coûte 19 260 $ de prêt. On ne vient pas
défendre les positions à savoir qu'on ne veut pas que la loi
s'applique pour que je me fasse construire un bungalow ou qu'on fasse des
maisons sur une rue, c'est régi par la loi et ce n'est pas ce qu'on
voudrait faire exempter de la loi. Ce sont des choses que la
municipalité elle-même peut faire pour aider ses citoyens les plus
dépourvus. C'est ça qu'on vient défendre.
M. Fréchette: C'est suffisamment clair, monsieur. À cet
égard-là, le message est très évident et
très clair aussi. On a compris expressément, autant par ceux qui
vous ont précédés que par votre argumentation, que c'est
l'objectif que vous visez, cela ne fait aucun doute dans l'esprit de qui que ce
soit.
Vous comprenez pourquoi je vous pose ces questions-là, c'est
à partir de la conclusion à laquelle en est arrivé hier M.
Asselin. Vous avez eu connaissance de la recommandation qu'il a faite. C'est
à partir de cette suggestion que j'essayais d'obtenir ces
renseignements.
Vous faites référence à deux cas où c'est de
la démolition qui a été faite. Est-ce qu'il y a des cas
que vous citez dans votre mémoire ou des cas qui, sans être
cités, sont à votre connaissance pour des travaux de
construction?
M. Paquin: Nous avons la municipalité de
Notre-Dame-de-Montauban.
M. Fréchette: Est-ce une construction? M. Paquin:
C'est une construction. M. Fréchette: Une patinoire?
M. Paquin: Oui, avec une bâtisse
préfabriquée.
M. Fréchette: Bon! Quel est le coût du projet?
M. Paquin: 165 000 $. M. Fréchette: 165 000 $.
M. Paquin: C'est cela, comprenant le matériel.
M. Fréchette: D'accord. Cela a été fait
à partir d'une subvention gouvernementale?
M. Paquin: Oui. Quelqu'un avec des cartes conduisait les travaux.
Des assistés sociaux ont été engagés pour assembler
cela. Ce n'est pas bien difficile de mettre une "bolt" dans un trou. Quand tu
vois le soleil dehors, tu n'as qu'à mettre la "bolt" dans le trou. Le
gars en haut, avec son "wrench" à l'air, n'a qu'à mettre la noix
dessus et la visser. S'il n'est pas assez intelligent pour ça, il y a
des endroits pour le placer. Ils étaient assez intelligents, ces
assistés sociaux, ce ne sont pas des fous, ce sont des gens qui ont
été à l'école, des fois plus longtemps que moi. On
les a, ils viennent en partie des grandes villes et ils viennent s'arranger
chez nous.
M. Fréchette: Je veux bien vous suivre dans votre
argumentation, mais je n'ai pas besoin non plus de vous faire la liste de ce
genre d'immeubles qui sont tombés sur la tête du monde, même
si c'est facile de poser une "bolt".
M. Paquin: D'accord, mais, M. le ministre, je vous
répondrai qu'il y a des plans d'architectes et d'ingénieurs, on a
suivi les travaux et il n'y a pas de danger, cela respecte les normes de
sécurité et tout. (11 h 45)
M. Fréchette: Revenons aux conclusions de votre
mémoire. Il y a effectivement une conclusion et elle est simple, c'est
que, dans toutes les municipalités où on retrouve une population
de 5000 habitants et moins, tous les travaux de construction, de
démolition, enfin les travaux qui sont actuellement décrits dans
la loi, devraient être exclus du champ d'application.
Vous êtes, par ailleurs...
M. Lemay (André): Si vous me le permettez, M. le ministre.
Je pense qu'il y a confusion. Tantôt, la MRC de Pontiac a fait
un exposé sur les travaux exécutés sur le
territoire des municipalités alors que la position de la MRC de
Mékinac - je pense que c'est aussi la position de l'Union des
municipalités - c'est de dire les travaux municipaux. Il y a une
distinction importante.
M. Fréchette: Oui.
M. Lemay: Ce sont uniquement les travaux faits par les
municipalités.
M. Fréchette: D'accord.
M. Lemay: C'est important, je pense.
M. Fréchette: Cette distinction étant faite et revenant
à votre principale conclusion, c'est que tous les travaux municipaux
effectués dans des municipalités de 5QQ0 habitants ou moins
soient exclus du champ d'application. C'est votre recommandation.
Par ailleurs, sous réserve d'erreur, bien sûr, vous
êtes cosignataire, si je peux m'exprimer ainsi, en tout cas votre
municipalité régionale de comté a souscrit à la
position prise par l'Union des municipalités régionales de
comté que nous avons entendue hier en audition. En tout cas, la liste en
annexe du mémoire de l'Union des municipalités régionales
de comté indique que la MRC de Mékinac souscrit à la
suggestion qui est faite par votre municipalité régionale de
comté. Dans votre mémoire, il y a aussi à l'annexe B une
longue liste de municipalités régionales de comté qui
souscrivent à votre position et qu'on retrouve dans le mémoire de
l'Union des municipalités régionales de comté.
Pour éviter toute confusion possible et pour que l'on sache
très précisément quelle est la position que vous soutenez
- je ne suis pas en train de vous dire qu'il y a un dédoublement; je
comprends très bien la façon dont cela peut procéder,
l'appui qui a pu vous être demandé; je sais que, sur le fond, tout
le monde municipal est d'accord -laquelle des deux solutions
préconisez-vous? Vous savez que l'Union des municipalités
régionales de comté préconise, quant à elle, dans
sa conclusion, que les travaux municipaux de 250 000 $ et moins -
là-dessus, j'ai compris que M. Asselin était flexible, enfin
c'était négociable, pour utiliser son expression - tous les
travaux municipaux de 250 000 $ et moins qui sont actuellement assujettis ne
devraient pas l'être. Quelle est la solution que vous
privilégiez?
M. Paquin: M. le ministre, quand on a préparé notre
mémoire, on a pensé à dire à 5000 habitants et
moins parce que le gouvernement lui-même, dans plusieurs domaines,
sépare les municipalités de cette façon. Par exemple, la
police ou n'importe quoi, c'est 5000 habitants et moins. Nous avons dit: 5000
et moins, cela devrait cadrer avec les programmes du gouvernement. C'est de
cette façon qu'on a pensé. On n'est pas en désaccord avec
ce que l'UMRCQ dit. Par contre, pour vous situer, ce pourquoi on dit 5000,
c'est un peu pour en arriver à votre niveau.
M. Fréchette: D'ailleurs, je suis tout à fait
conscient que, depuis que des représentations sont faites à cet
égard, c'est toujours le critère qui a été
utilisé: la municipalité de 5000 habitants et moins. Quant
à moi, la suggestion faite par M. Asselin hier, c'est quelque chose de
nouveau, d'original quant à la nature de la recommandation. Ce n'est
peut-être pas parce que, pour moi, c'est original que d'autres ne
connaissaient pas déjà cette suggestion, mais cela apparaît
nouveau comme élément dans le dossier très
spécifique que nous sommes en train de voir.
La conclusion que je me permets de tirer, c'est que vous avez votre
conclusion à vous, mais celle de l'UMRCQ ne vous répugne pas non
plus.
M. Paquin: Non, pas du tout, M. le ministre. Ils ont pris une
autre tangente pour s'exprimer. Nous avions adopté cette
démarcation pour qu'on soit bien compris par vous, étant
donné qu'il semblait que, dans les politiques gouvernementales, les
petites municipalités étaient considérées en
partant de 5000 habitants et moins. On n'a pas pris le même chemin pour
être explicite.
M. Fréchette: Je pense que c'est clair, quant à
moi. Je vous remercie beaucoup.
M. Paquin: Merci, M. le ministre.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
remercier Me Tessier, M. Jules Paquin, le préfet de la MRC de
Mékinac, et Me Lemay, de leur présence ce matin et du
témoignage qu'ils viennent de nous donner. Je voudrais aussi leur
indiquer qu'on apprécie les recommandations qui nous sont
formulées. J'aurai un commentaire. J'aurai quelques questions
ensuite.
Essentiellement, la façon dont on doit interpréter et
surtout ce qu'on doit retenir de votre témoignage, c'est une demande
provenant du milieu municipal. Je sais que votre MRC a consulté
plusieurs des autres municipalités du Québec affectées par
le même problème. Vous venez, finalement, vous faire le porte-voix
de plusieurs municipalités du Québec de faible densité de
population qui bien souvent ne sont pas
rapprochées des grands centres urbains où la main-d'oeuvre
spécialisée est surtout localisée. Ces
municipalités, comme vous le disiez un peu plus loin dans votre
mémoire, ont l'obligation de donner des services à la population,
mais, en contrepartie, ont des montants de disponibles qui ne sont
peut-être pas aussi grands que dans les grands centres urbains. Je crois
que tous les députés autour de cette table peuvent
connaître et vivre avec beaucoup d'acuité la situation
financière de ces municipalités qui doivent composer avec des
projets communautaires, des projets particuliers qui sont là pour
améliorer les services, mais aussi pour relancer l'emploi là
où la situation est plus dure et plus difficile.
Ce matin, je retiens de votre mémoire que vous demandez à
peu près ceci au gouvernement. J'ose croire que le gouvernement sera
sensible à cette requête. Vous dites: En 1979, les lois et les
règlements ont été modifiés de façon que: 1.
Le gouvernement lui-même ne soit pas assujetti à ces lois,
à ces règlements. 2. Les hôpitaux, les écoles. Vous
demandez que, comme gouvernement municipal, comme gouvernement local, vous ayez
vous autres aussi le privilège d'être administrés par un
régime particulier qui serait le même que celui du gouvernement,
soit dit en passant. Quand le gouvernement du Québec décide de
faire des travaux de rénovation ou d'amélioration dans le parc
des Laurentides, dans la réserve de Portneuf, il n'a pas à faire
référence à l'OCQ. Le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche n'a pas à faire référence
à l'OCQ. Quand l'hôpital de Sherbrooke - je peux utiliser
l'exemple parce que c'est à celui-là auquel on a fait souvent
référence - décide de faire des travaux de
rénovation, c'est la même chose. Chez vous, vous n'avez pas le
choix en vertu de la loi et des règlements actuels. Vous devez composer
avec cette situation de droit.
Voici la première question que je voudrais vous poser. Vous avez
confirmé tout à l'heure que la municipalité de
Notre-Dame-de-Montauban a procédé à la construction d'une
patinoire recouverte préfabriquée. Vous avez confirmé que
les travailleurs qui étaient responsables du chantier étaient des
travailleurs qualifiés. La première question que je voudrais vous
poser, c'est: Aviez-vous de disponibles dans votre municipalité ou dans
votre secteur de la MRC des travailleurs qualifiés possédant les
certificats de classification pour faire de tels travaux? Deuxièmement,
il y a une dimension que le gouvernement ne saisit peut-être pas tout le
temps, mais qu'il devrait saisir, c'est le deuxième aspect de ma
question: Souventefois, les municipalités ont enclenché un
chantier ou un projet quelconque en disant à la population: Nous avons
un projet, supposons, de 150 000 $, nous avons une possibilité de
subvention pour tel montant, tel pourcentage, cela peut aller de 50% à
60%, nous aurons une partie de ces sommes qui seront redistribuées dans
la municipalité parce qu'on prévoit embaucher des gens de la
municipalité à tel taux de salaire. Ce qui est en
deçà du décret, j'en conviens.
Avez-vous déjà quantifié ou avez-vous
déjà évalué l'impact qu'aurait eu sur un projet
comme le vôtre le fait d'imputer les niveaux de
rémunération du décret, auquel cas vous auriez pu voir une
décision différente des citoyens, c'est-à-dire appel d'un
référendum pour valider un règlement d'emprunt et
peut-être un projet refusé?
M. Paquin: Pour ce qui est des travailleurs qualifiés,
dans notre municipalité, il n'y en avait pas. Alors, on a
été obligé d'engager quelqu'un qui a une carte, qui est
reconnu par l'Office de la construction du Québec. On a engagé
quelqu'un de l'extérieur qui avait les cartes, qui connaissait cela, qui
avait la compétence pour conduire les travaux. Nous autres, chez nous,
il ne s'en fait pas de travaux, une fois à tous les 25 ans. On ne peut
pas avoir de gars avec des cartes. Chez nous, un gars qui a une carte, c'est un
gars qui reste à l'extérieur, qui reste en ville. C'est là
qu'il y a des travaux. Dans les petites campagnes, c'est rare qu'on vient
à bout d'avoir des travaux.
Concernant votre deuxième question, c'est bien clair que, si on
avait su, premièrement, qu'on était régi par l'OCQ... Vous
allez me dire qu'on n'a pas le droit d'être ignorant, mais on n'a pas
fait cela en cachette. On ne le savait pas. Je pensais qu'on était comme
le gouvernement. Je n'ai pas lu la loi; cela ne fait pas assez longtemps que je
suis maire. Je n'ai pas eu le temps de me tremper là-dedans. Mais
là, je suis trempé jusqu'au cou; je suis correct. J'ai appris ce
que c'était. Si c'était à recommencer, on ne ferait rien,
comme on fait présentement.
On ne fait rien du tout, malgré qu'on ait des gens qui viennent
nous trouver et qui pleurent pour avoir du travail; des assistés sociaux
à 154 $ par mois, qu'on paie pour qu'ils se reposent dans le jour et qui
viennent nous "faire" la nuit. Ils ne sont pas plus bêtes que les autres.
Que voulez-vous? Il faut qu'ils vivent. On est pris avec ces problèmes.
De temps en temps, c'est la maman qui vient nous trouver et qui dit: II fume
"du pot en mautadit", mon gars, et il est en train d'entraîner mes
jeunes. Ne pourriez-vous pas faire quelque chose, monsieur? Pauvre madame, on
n'est plus capable de rien faire. Arrangez-vous avec vos problèmes.
Nous, on n'est pas capable de rien faire et on ne fera rien.
On n'achète pas de matériaux, ce qui n'aide pas à
la relance. Couper des branches le long des chemins, il va venir un temps
où
il n'y en aura plus à couper. Cela n'avance pas grand-chose. Cela
n'apporte pas beaucoup de ventes de matériaux de construction. C'est
comme cela qu'on essaie de fonctionner. Si on avait voulu adopter un
règlement pour construire cela, on aurait été battu. Cela
n'aurait pas été fait.
M. Pagé: Vous confirmez ce matin que vous avez investi une
somme d'environ 150 000 $ ou 160 000 $ et que, si vous aviez dû recourir
à l'Office de la construction du Québec - malgré
qu'après on vous ait réclamé 6000 $ - si, au lancement du
projet, vous aviez dû établir votre rapport de coût et le
présenter aux citoyens sous forme de règlement avec les
prévisions d'un niveau de rémunération autre que celui que
vous avez effectivement payé, le projet ne se serait jamais
réalisé.
M. Paquin: Exactement. De plus, on n'aurait pas encouragé
à travailler nos jeunes assistés sociaux, eux qui sont
découragés. Il y en a quelques-uns dont on pensait qu'ils
n'étaient pas bons. On leur a montré qu'ils étaient
capables de faire quelque chose. Ils passent là et ils se pètent
les bretelles. Ils se disent: "Mautadit", on est bon; on ne pensait pas qu'on
était capable de faire cela, nous. Cela faisait longtemps qu'ils
étaient dépréciés; ils pensaient qu'ils
n'étaient plus bons pour la société. Imaginez, on les a
valorisés et on se fait punir pour cela. Sans être missionnaire,
vous savez, à un moment donné, tu te demandes, "batèche",
ce qui se passe, comment cela tourne.
M. Pagé: Je vais revenir sur la recommandation concernant
les 5000 habitants et moins. Je dois dire qu'il est explicable pour deux
motifs, selon moi, que vous vous soyez référés à
une exclusion pour des travaux faits par des municipalités dans les
municipalités de moins de 5000 habitants, pour le motif que vous donniez
tantôt auquel a fait référence le ministre, d'ailleurs. On
catalogue ou on identifie souventefois les municipalités de moins de
5000 et de plus de 5000.
Un autre aspect qui est intéressant, c'est que Mme Marois, la
collègue de M. le ministre Fréchette, appuyait une
résolution il y a peu de temps, ici à Québec, à un
congrès de leur formation politique, à savoir que le
règlement de placement dans l'industrie de la construction ne s'applique
pas dans les municipalités de moins de 5000 habitants. C'est
probablement inspiré par cet aspect aussi, ou après avoir pris
connaissance de cela, que vous formulez cette proposition aujourd'hui.
Mais pour revenir à la recommandation que vous faites par rapport
à celle de l'Union des municipalités régionales de
comté, si vous aviez à privilégier...
Autrement dit, seriez-vous satisfait si le gouvernement, ce soir,
demain, ou peu importe quand, décidait de placer les gouvernements
locaux sur le même pied que le gouvernement du Québec et les
commissions scolaires, et que, pour des travaux avec un quantum,
c'est-à-dire des travaux de 100 000 $ ou de 150 000 $ et moins, vous
aviez le droit d'effectuer vos travaux?
M. Paquin: Oui, Mme la Présidente, je peux répondre
au député de Portneuf qu'on serait satisfait et qu'on appuie
l'Union des municipalités régionales de comté. (12
heures)
M. Pagé: Une dernière question concernant le cas de
Saint-Aimé-du-Lac-des-îles. Vous m'avez bien dit que, pour
illustrer l'application parfois discutable et même douteuse dans certains
cas, de ces fameux règlements, que la municipalité avait acquis
cet immeuble pour la somme de 1 $. Les 26,50 $, c'était par citoyen, par
habitant. Cela fait beaucoup par famille, cela peut vouloir dire jusqu'à
60 $ par famille en moyenne. C'est en pénalités et en sanctions
payées à l'OCQ.
M. Paquin: Exactement, selon le nombre de gens qu'il y a dans
cette municipalité, on en arrive à ce montant.
M. Pagé: C'est 60 $ par famille. Cela est probablement
aussi cher que la taxe d'eau, certainement plus cher que la taxe de loisir et
probablement plus cher que la taxe d'incendie ou d'ordures
ménagères.
M. Paquin: Oui.
M. Pagé: D'accord. Mme la Présidente, un dernier
commentaire. À la suite du commentaire du ministre, je voudrais
témoigner de mon appréciation à l'égard des
différentes initiatives que vous prenez, parce qu'on sait que ce n'est
pas toujours facile, dans des municipalités de faible densité de
population, de fonctionner avec un pouvoir de taxation limité, compte
tenu de la population et de l'évaluation. Avec un développement
qui a été radicalement freiné par l'application de la Loi
sur le zonage agricole et le coup de pinceau vert qui a été
donné sur à peu près toutes les municipalités
rurales du Québec, {'obligation que vous avez est, d'une part, de
maintenir un niveau de taxation assez faible et, en même temps, de donner
des services à votre population.
Je vous remercie de votre mémoire aujourd'hui et, à la
suite des commentaires que le ministre faisait sur le fait que les
bâtisses construites comme cela par des gens qui ne possédaient
pas toujours de certificat de qualification et de classification, je tiens
à vous dire que, si vous m'invitez, M. le maire, à aller faire un
coup de patin dans
votre aréna, je vais y aller et je vais me sentir en
sécurité certainement, parce que d'ailleurs, on a
déjà vu, et pas loin de Québec ici, un immeuble qui avait
supposément été construit par des travailleurs, avec des
architectes, des ingénieurs, qui avait même reçu la visite
des gens de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail le matin, tomber le soir à cause du manque d'un bout de bois et,
paraît-il, il n'y aura pas plus d'enquête qu'il n'en faut dans ce
dossier. C'est en sécurité qu'on va aller chez vous. Ne vous
sentez pas inquiet des propos du ministre, M. le maire.
M. Paquin: II n'y a pas de problème, la bâtisse est
bonne. Soyez assuré de cela.
M. Pagé: Merci.
La Présidente (Mme Harel): M. Paquin, Mes Tessier et
Lemay, on vous remercie.
M. Rocheleau: Une minute!
La Présidente (Mme Harel): Ah! M. le député
de Hull. M. le député de Hull, vous demandez d'intervenir.
M. Rocheleau: C'est cela, Mme la Présidente. Je vous
remercie. M. le préfet, M. Paquin, on pourrait se poser la question si
Noé avait sa carte de compétence ou s'il avait sa carte de
classification, parce qu'on sait qu'il a fait un maudit grand tour de bateau et
qu'il s'est rendu à bon port. Mais pour revenir à la question qui
me préoccupe davantage dans votre mémoire, vous faites allusion
à plusieurs municipalités qui ont été
pénalisées à la suite du règlement de placement
dans la construction qui, plus particulièrement, ne
bénéficiaient pas d'exemptions comme certaines
municipalités régionales ou certaines communautés urbaines
ou régionales.
Il y a un point qui me préoccupe davantage. Je sais pertinemment
que plusieurs autres municipalités ont connu le même sort que ceux
dont vous faites mention dans votre mémoire aux pages 4 et 5. On sait
qu'une municipalité, tant pour la démolition que pour la
construction, doit émettre un permis. On sait que les inspecteurs qui
font la surveillance soit des chantiers de construction, dans l'ensemble des
municipalités et des régions du Québec, doivent tenir
compte des permis qui sont émis par les municipalités et qu'ils
sont à même de consulter fréquemment les
municipalités, à savoir les permis qu'elles ont émis pour
aller visiter les chantiers. Plusieurs de ces municipalités ont eu des
amendes pour avoir fait, entre autres, des travaux de démolition, parce
que, dans plusieurs cas, on relate des travaux de démolition à la
suite de dons, car on a payé une somme de 1 $ pour certains
équipements ou certains édifices qui leur ont été
cédés. Ces municipalités ont-elles été
avisées au début des travaux par l'Office de la construction du
Québec ou ont-elles été avisées à la fin des
travaux du fait qu'elles avaient enfreint le règlement de l'Office de la
construction du Québec?
M. Paquin: Mme la Présidente, je vais répondre au
député. C'est dommage que Noé ne soit pas dans le groupe
de gens qui sont en bateau, cet été, il aurait gagné la
course, vous pouvez en être sûr; il serait arrivé de l'autre
côté le premier.
Pour ce qui est de votre question à savoir si les travaux ont
été arrêtés au début ou à la fin, les
travaux ont été arrêtés à la fin dans les cas
que nous connaissons, surtout à Saint-Aimé-du-Lac-des-Iles, dans
la Haute-Mauricie et chez nous, à Notre-Dame-de-Montauban, deux jours
avant que les travaux soient terminés.
M. Rocheleau: II est intéressant de remarquer les
commentaires que faisait mon collègue de Chapleau concernant la ville de
Gatineau, hier, alors que cette municipalité a été
pénalisée d'une somme de 250 000 $ par l'OCQ à la suite de
la procédure prise. C'est arrivé deux jours avant la fin des
travaux. On sait que pour avoir une pénalité de 250 000 $, ce
devait être des travaux de l'ordre de plusieurs centaines de milliers de
dollars et cela a dû prendre plus d'une semaine pour les effectuer.
Je me pose la question suivante, et je souhaiterais que le ministre,
étant donné qu'on parle précisément de ces cas,
puisse s'enquérir auprès de l'Office de la construction du
Québec si plusieurs cas semblables se produisent à
répétition dans l'ensemble des municipalités du
Québec et si ça n'a pas été préjudiciable
aux municipalités d'être avisées, plutôt au
début des travaux qu'à la fin de ceux-ci. Je me pose une
sérieuse question à savoir si ce n'est pas fait par malice. Si
ces municipalités n'ont pas été avisées au
début des travaux, le ministre ne devrait-il pas considérer
certaines modifications à apporter, comme notre parti le souhaite, qui
pourraient permettre aux municipalités de 5000 habitants ou moins
d'être soustraites pour les travaux municipaux de l'ordre de 250 000 $ ou
moins par année? N'y aurait-il pas lieu de faire en sorte de rembourser
ces municipalités qui ont été pénalisées
d'un tel montant si, dans l'examen de chacun des cas, on se rend compte qu'il
n'y a pas eu une surveillance et une information pertinente à savoir que
ces municipalités allaient à l'encontre du règlement?
Je tiens à préciser que le mémoire qui a
été déposé par l'Union des municipalités
régionales de comté, hier, qui regroupait plus
de 40 municipalités régionales de comté et qui est
appuyé par l'ensemble des municipalités du Québec,
concerne aussi d'autres municipalités qui viendront se faire entendre
par l'entremise de l'Union des municipalités du Québec qui
regroupe les municipalités régies par la Loi des cités et
villes. Je tiens à préciser, pour le bénéfice du
ministre, que le mémoire présenté par l'Union des
municipalités régionales de comté n'a pas
été déposé ici pour la première fois hier,
en cette commission. Nous en avons discuté alors que plusieurs demandes
ont été adressées au cours de rencontres en commission
parlementaire pour traiter plus particulièrement des
municipalités, lors du dépôt, par le ministre des Affaires
municipales, des projets de loi omnibus pour modifier la Loi sur les
cités et villes et le Code municipal.
À plusieurs reprises les municipalités nous ont fait des
demandes similaires dans le but d'être soustraites à l'application
de la loi. Plus particulièrement, les gouvernements favorisaient, par la
mise sur pied de différents programmes, la création d'emplois
pour soustraire de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale certaines
personnes qui voulaient travailler. De la main droite, le gouvernement mettait
sur pied des programmes intéressants et, de la main gauche,
malheureusement, il adoptait d'autres lois et d'autres règlements
faisant en sorte de pénaliser ces mêmes municipalités qui
voulaient faire profiter leur population de cette relance économique.
Comme le préfet, M. Paquin, l'a mentionné tantôt - et
j'aimerais peut-être l'entendre le confirmer -s'il n'y a aucun changement
apporté à la loi ou aux règlements existants, est-ce que
votre municipalité ou l'ensemble des municipalités que vous
représentez ont l'intention de continuer ou d'amorcer de nouveaux
travaux pour faire bénéficier vos commettants respectifs?
M. Paquin: Mme la Présidente, je répondrai à
M. le député que, si la loi n'est pas changée, il va y
avoir un congrès provincial de l'Union des municipalités
régionales de comté et soyez assuré qu'on va être
sur le plancher pour demander à chacune des municipalités de ne
pas faire de travaux. On n'est pas capable d'en faire. Fermez cela. Fermez
boutique. C'est tout. Et on continuera de payer nos gens les plus
défavorisés à 154 $ par mois. On continuera à
perdre ces gens-là. C'est une génération qu'on est en
train de perdre. On les a charriés, premièrement, dans le domaine
scolaire et là ils continuent dans la société de se faire
garrocher d'un bord et de l'autre. C'est comme cela. C'est la
réalité. Il ne faut pas se leurrer et se mettre la tête
dans le sable. Il faut regarder ce qui se passe. Ces gens ne resteront
peut-être pas toujours paisibles comme ils le sont maintenant. À
un moment donné, il y en a qui vont se fâcher et c'est
dangereux.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Une dernière question. Je pensais que mon
ami, M. le député de Bourassa, poserait une question. Il l'a
souvent posée et elle mérite d'être posée.
D'ailleurs, je pense que, s'il avait été ici, il vous l'aurait
posée. Il aurait très certainement commencé par dire: Moi,
ce que je ne comprends pas, M. le maire... Et il aurait poursuivi en disant:
Comment pouvez-vous être justifié de demander un régime
particulier pour la municipalité qui, s'il était appliqué,
ferait en sorte que le citoyen de votre municipalité paierait un niveau
de rémunération prévu au décret et que vous autres,
vous paieriez moins? C'est probablement la question qu'il vous aurait
posée s'il avait été ici. Je sais que vous êtes
capable d'y répondre.
M. Paquin: Ah oui! II n'y a pas de problème là.
La Présidente (Mme Harel): M. Paquin.
M. Paquin: Mme la Présidente, je puis vous dire que je ne
sais pas... J'aimerais bien que le député et ceux qui ont la
même opinion - il n'est probablement pas le seul à avoir ce point
de vue - viennent dans nos petites municipalités pour essayer de vendre
cette politique à nos gens qui ne gagnent pas cher l'heure, leur faire
payer des salaires comme cela pour les travaux qu'il y a chez eux. À
part cela, bien souvent, dans nos municipalités, il y a des gens qui ont
de la difficulté à payer leurs taxes et ils nous demandent, pour
payer leurs taxes, de faire des travaux en acompte sur leur compte de taxes. Si
la majorité de vos gens travaille pour 8 $ ou 10 $ l'heure et que vous
arrivez avec des gens de l'extérieur à 20 $ l'heure,
d'après moi, il y a quelqu'un qui va manger des coups de pied dans le
derrière. Je ne pense pas que cela se passe ainsi et qu'on soit
exonéré par ces gens-là. Ils ne comprendront pas que c'est
une loi, tout cela. Non, non. Cela ne marchera pas ainsi, surtout quand ils ont
pris une bière et qu'ils ont fumé deux touches de "pot". Dans ce
temps-là, ils ne veulent rien comprendre. Soyez bien assurés
qu'ils nous arrangent. Vous ne vivez pas cela, vous autres. Vous êtes ici
dans la grande bâtisse, mais nous, on est "poignés" avec cela tous
les jours. C'est un devoir social. Vous essayez de nous le donner, mais il va
falloir que vous nous aidiez. Cela n'a pas de maudit bon sens. On n'est pas
pour s'arranger tout seul avec cela.
La Présidente (Mme Harel): On vous remercie, M. Paquin, Me
Tessier et Me Lemay.
Je vais inviter immédiatement l'Administration régionale
Kativik, à moins que M. Paquin ait quelque chose à dire en
conclusion.
M. Paquin: Mme la Présidente, j'aimerais vous remercier et
remercier les gens de la table, M. le ministre et MM. les
députés, qui nous ont écoutés. On a
travaillé pour venir se faire entendre. On vous remercie beaucoup de
nous avoir écoutés. On aurait aimé que le
député de Bourassa soit là. On aurait pu causer
amicalement avec lui. Nous autres, on ne fait pas de grandes choses comme il se
fait à Montréal. Des stades olympiques, on n'a pas les moyens de
faire cela, mais on paie, par exemple, pour le stade olympique.
Des voix: Ah! Ah!
M. Paquin: II ne sait pas cela, lui. Nous autres, même si
on marche chez nous avec des bottes à fourreau beurrées d'un peu
de fumier de vache et que lui, il marche avec de petits souliers fins, on paie
quand même, nous autres, chez nous. Je ne voulais pas passer cela sans...
Cela mérite considération, je pense. On vous remercie infiniment
de nous avoir écoutés. (12 h 15)
La Présidente (Mme Harel): On vous remercie, M.
Paquin.
M. Paquin: Merci.
La Présidente (Mme Harel): J'appelle maintenant
l'Administration régionale Kativik qui comprend et qui regroupe, je
pense, l'Administration régionale Kativik, la Société
Makivik de même que la Fédération des Coopératives
du Nouveau-Québec. Je crois savoir que Mme Mary Simon, qui est la
présidente de la société, va nous présenter et nous
lire le mémoire en langue inuttituut.
L'Administration régionale Kativik
Mme Simon, peut-être pourriez-vous nous présenter les
personnes qui vous accompagnent?
Mme Simon (Mary): (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp (Marielle): Mme Simon va présenter les
membres de son groupe au début de sa présentation. D'abord elle
voudrait dire qu'elle va faire sa présentation en inuttituut, qui est la
langue des Inuits, et que j'interpréterai en français.
Pendant la période des questions il serait probablement plus
pratique de répondre à vos questions en anglais et je pourrai
traduire en français. Mme Simon ne fera pas lecture de notre
mémoire mais plutôt une présentation un peu plus
courte.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce qu'elle compte faire
toute la présentation du mémoire ou si vous allez, au fur et
à mesure, nous interpréter en français?
Mme Beauchamp: Au fur et à mesure de la
présentation, j'interpréterai en français.
La Présidente (Mme Harel): Très bien! Mme Simon:
(S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Je m'appelle Mary Simon, je suis la
présidente de la Société Makivik. On m'a demandé de
présenter ce mémoire à la commission au nom de la
commission scolaire Kativik, de l'Administration régionale Kativik et de
la Société Makivik. Les autres représentants à la
table sont: de l'Administration régionale Kativik, Willie Makiuk,
gérant général; Jimmy Johannes, agent de
développement; Marc Voinson, coordonnateur. De la Commission scolaire
Kativik, Annie Lock, directrice générale; Jim Deslauriers,
adjoint au directeur de l'éducation des adultes et Marielle Beauchamp,
interprète.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: C'est au nom de ces trois organismes que je tiens
à remercier la commission d'avoir accepté d'entendre nos
représentations. Nous visons ici à mettre en lumière les
principales difficultés auxquelles les Inuits sont confrontés
lorsque nous cherchons de l'emploi dans l'industrie de la construction et nous
proposons des solutions à nos problèmes.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Avant la signature de la Convention de la Baie
James et du Nord québécois, les Inuits participaient, en effet,
plus activement aux activités de construction qu'ils ne le font à
présent. Cela s'explique du fait que l'industrie de la construction
n'était pas organisée comme telle. En effet, les
ministères du provincial et du fédéral exécutaient
eux-mêmes la plupart des travaux et embauchaient à cette fin la
main-d'oeuvre locale. Les travailleurs recevaient alors une formation dans les
principaux métiers. Cependant, des changements majeurs sont survenus
dans des activités de construction, après la signature de la
convention. On modifia le type de maisons
construites, on introduisit des techniques modernes, on adopta le
processus d'attribution des contrats selon la soumission la plus basse et on
appliqua étroitement les lois et les règlements en vigueur.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Certes, tout cela contribua à
améliorer les conditions de logement dans le Nord. Cependant, les Inuits
qui avaient acquis une certaine expérience ne purent désormais
plus travailler dans l'industrie de la construction en raison du manque de
qualification professionnelle. En dépit des efforts accomplis pour
former les travailleurs inuits, la réglementation actuelle ne permet pas
de relier adéquatement cette formation à l'apprentissage sur le
tas pour mener éventuellement à la classification.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Bien plus, l'application étroite des
règlements ne tient pas compte de l'environnement nordique, de la courte
saison de construction, du type de maison construite dans le Nord, ni de la
distance entre les collectivités. N'est-il pas contradictoire qu'au
moment même où s'accélèrent les activités de
construction dans leur région, les Inuits puissent y participer de moins
en moins? Nous formons pourtant la majorité de la population dans le
Nord. De plus, ce sont les efforts de nos trois organismes qui ont donné
lieu au programme de construction accélérée de logements
et d'écoles ainsi qu'au programme d'amélioration des pistes
d'atterrissage.
Nous croyons qu'il est injuste que les sociétés
coopératives et travailleurs inuits ne puissent être les
principaux bénéficiaires de cet accroissement des
activités économiques. Enfin, non seulement l'article 29051 de la
convention prévoit-il expressément l'attribution d'emplois et de
contrats aux Inuits dans le domaine de la construction, mais elle leur
confère priorité à cet égard.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Nos collectivités nordiques
requièrent la formation d'une main-d'oeuvre locale pouvant assurer
l'entretien de leurs édifices, de leurs résidences et de leur
équipement. Le coût de l'entretien de la construction doit
diminuer, ce qui ne risque pas de se produire si les entrepreneurs doivent s'en
remettre à une main-d'oeuvre importée. Enfin, le coût
social du chômage est incalculable. Il faut passer immédiatement
à l'action et créer pour les Inuits des occasions d'emplois dans
la construction. (12 h 30)
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Même lorsque des contrats du gouvernement du
Québec obligent les entrepreneurs à donner priorité
à la main-d'oeuvre locale, nous éprouvons des difficultés
à obtenir ces emplois, parce que nous ne possédons pas les
certificats de classification et autres documents requis. Cette question des
cartes et documents de classification pose un problème tout particulier
aux Services d'entretien Sanak Inc., l'une des filiales de Makivik. Lorsque
cette société entreprit d'exécuter tous les travaux
d'entretien du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement,
elle s'imposa comme politique de conserver la main-d'oeuvre autochtone
déjà au service de ce ministère. Tant que le MTPA
procédait lui-même aux travaux d'entretien, ni lui, ni ses
employés n'étaient soumis aux règlements régissant
l'industrie de la construction. Maintenant que le travail est
exécuté par une tierce partie, l'entrepreneur doit y
adhérer. Or, les employés autochtones ne possèdent pas les
cartes et documents exigés, bien qu'ils remplissent, évidemment,
leurs fonctions avec compétence.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Les règlements posent aux Inuits les
principaux problèmes suivants. La plupart des Inuit ignorent les
implications causées par l'appartenance aux syndicats et ne connaissent
pas les services offerts par ces derniers. Pour l'instant, l'exigence
d'appartenir à un syndicat n'est simplement qu'un obstacle de plus
à l'obtention d'un emploi. Les travailleurs inuits ont besoin
d'être sensibilisés à des activités syndicales,
mais, également, les syndicats devront aussi être
sensibilités aux besoins particuliers des Inuits et, par
conséquent, adapter leurs services.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Le nombre d'heures requis pour obtenir la
qualification dans un métier donné est beaucoup trop
élevé dans le contexte nordique. Signalons qu'au rythme actuel
des activités de construction un Inuk mettrait plus de treize ans
à obtenir la qualification alors qu'un travailleur du sud n'y mettrait
que huit ans.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Les règlements sur l'apprentissage et sur
le renouvellement des certifications posent un autre problème en ce
qu'ils exigent un trop grand nombre d'heures par année. Dans le Nord,
les activités de construction sont sporadiques. Une année
d'activité intense peut être suivie de plusieurs années
d'inertie. Il s'ensuit que l'on doive diminuer le nombre d'heures requis
pour les apprentis et que la période pendant laquelle les heures
pourront être accumulées doit être prolongée afin de
garder les certificats.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Bien qu'on puisse émettre un certificat
spécial en vertu du règlement sur le placement des
salariés, il n'existe aucun mécanisme permettant aux
détenteurs d'un tel certificat d'obtenir des certificats de classe
À ou d'apprenti.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: La convention et l'article 36 du règlement
sur le placement donnent tous deux priorité aux travailleurs
autochtones. Cependant, l'article 38 du même règlement permet
quand même à un entrepreneur d'embaucher une équipe de
travailleurs provenant de l'extérieur du territoire.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Les règlements exigent que, lors de
l'embauche d'un apprenti, un entrepreneur doit engager un certain nombre de
travailleurs qualifiés dans le corps de métier visé sur le
chantier. Dans le contexte nordique ces rapports apprenti-travailleur
qualifié sont complètement ridicules. Il arrive souvent, en
effet, qu'on ne puisse trouver sur un chantier donné suffisamment de
travailleurs qualifiés dans un métier pour pouvoir engager
même un seul apprenti. Cela est particulièrement
décourageant lorsqu'on considère le besoin de programmes
permettant d'accélérer la formation des Inuits.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: S'il est vrai que nous avons besoin de
travailleurs spécialisés, il nous faut surtout, en particulier
dans l'entretien, des généralistes compétents,
c'est-à-dire des ouvriers polyvalents. Nous ne pouvons arriver à
ce résultat puisque les règlements exigent des travailleurs
qualifiés dans chaque métier.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue)
Mme Beauchamp: Pour les fins du placement, notre territoire fait
partie de la région Côte-Nord où la saison de construction
est plus longue et la population plus nombreuse. Ainsi, les travailleurs du sud
de la région ont un avantage sur les nôtres en regard des
règlements d'apprentissage et de placement. Nous recommandons que le
territoire situé au nord du 55e parallèle soit constitué
en une région distincte de façon que le placement des
travailleurs se fasse sur une base régionale correspondant à la
réalité géographique et sociale du nord.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue)
Mme Beauchamp: Afin de surmonter la multitude de problèmes
que cause l'application des règlements et de permettre aux Inuits de
participer pleinement à l'industrie de la construction, nous proposons
d'imposer un moratoire quant à l'application de ces règlements
aux Inuits. Ce moratoire permettrait de modifier les règlements en
tenant compte de la réalité nordique et de prévoir la
juste participation des Inuits à l'industrie de la construction tout en
permettant au gouvernement de faire honneur à ses obligations en vertu
de la convention.
Permettez-nous de vous signaler l'erreur typographique qui s'est
glissée à la page 36 de notre mémoire où nous
recommandons un moratoire de trois ans plutôt que de quatre ans. Cette
erreur montre bien que ce n'est pas tant la durée du moratoire qui
importe, mais l'imposition d'un moratoire suffisamment long pour apporter les
modifications nécessaires.
Enfin, si l'on fait preuve de bonne foi, le moratoire pourrait
être de courte durée. (12 h 45)
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Nous avons déjà adressé une
requête semblable à Mme Pauline Marois, ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et nous avons
participé à un chassé-croisé de réunions
avec les représentants du ministère en vue de trouver des
solutions. Ces représentants ont reconnu que les règlements ne
convenaient pas du tout dans le contexte, mais ont conclu que seule une
solution politique permettrait d'apporter les modifications requises. Plus
récemment, ils nous ont aussi signalé qu'une procédure de
modification risquerait de contrevenir à la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Comme nous l'avons déjà noté,
l'article 29031 de la convention nous accorde priorité d'emploi dans la
région. Cependant, dans le domaine de la construction, cette
priorité perd tout son sens si les règlements nous
empêchent d'accéder à l'emploi. Devant la commission
parlementaire tenue en novembre dernier sur les droits des peuples autochtones,
Makivik signalait que les mesures positives prévues au chapitre 29 de la
convention pourraient être interprétées par certains comme
une contradiction de la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec. Nous suggérions alors qu'afin d'éviter des
litiges
inutiles et coûteux, il importait de préciser par voie
législative que la charte du Québec ne porte en rien atteinte aux
droits et aux obligations prévus à la Convention de la Baie James
et du Nord québécois.
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
Mme Beauchamp: Comme tous les Québécois nous
souhaitons et avons la ferme intention de participer activement au
développement économique de notre région. Nous
espérons sincèrement que vous recommanderez la poursuite des
démarches qu'on vous a présentées aujourd'hui, sinon notre
participation dans l'industrie de la construction, dans le cadre des lois et
règlements actuels, ne pourra être que marginale. Merci.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au ministre du
Travail.
M. Fréchette: Mme la Présidente, permettez que je
demande ceci à Mme Beauchamp. Comment souhaitez-vous que l'on
procède pour les fins de l'échange et pour les fins de la
traduction également?
Mme Beauchamp: Si vous voulez juste faire une petite pause de
temps à autre pour que je puisse traduire au fur et à mesure.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je voudrais, bien
sûr, dans un premier temps, remercier nos invités de
l'intérêt qu'ils ont manifesté aux travaux de notre
commission. Je comprends que les représentations qu'ils nous font
contiennent, dans un premier chapitre, tout un historique de la situation qui a
prévalu chez eux mais dans le secteur très précis de la
construction.
Mme Beauchamp: Madame President, I would like, first, to thank
our guests for their interest in the work of our commission. 1 understand that
their representations include a historical summary of everything that happened
in their territory, specifically in the sector of construction.
M. Fréchette: Could we make a contract? I will try to do
my best in English and, if I say something wrong, please call me to order. Is
that correct?
Mme Beauchamp: With pleasure.
M. Fréchette: The second think I would like to tell to our
guests is this: It is the first time, as far as I am concerned, that we have
the pleasure to meet together and I hope it is not the last one. I listened to
the reading of the brief and I pay attention to the problems that you
specifically identify in it. At page 3, the first problem that you bring to our
attention is this: "La plupart des Inuits ignorent les implications
causées par l'appartenance aux syndicats et ne connaissent pas les
services offerts par ces derniers. Pour l'instant, l'exigence d'appartenir
à un syndicat n'est simplement qu'un obstacle de plus à
l'obtention d'un emploi. Les travailleurs inuits ont besoin d'être
sensibilisés à des activités syndicales mais,
également, les syndicats devront aussi être sensibilisés
aux besoins particuliers des membres inuits et, par conséquent, adapter
à leurs services."
The only thing I would like to tell you as far as this situation is
concerned is that the Government has effectively no jurisdiction on this
matter. I think this should be an initiative coming from the syndicates and
unions to meet you and give you all the details you need, all the information
you need and would like to know. Maybe I could ask them to take such an
initiative, but you will understand, I am sure, that it is impossible for me or
for the Government to give any order in this sense. I know there are members of
the unions here, and I hope that they have understood your invitation to them,
because I understand this is an invitation.
I also understand that your whole plea is based on this article 29.0.3.1
of the Convention, and this article, as far as I am concerned, is quite clear.
I am one of those who think that this article of the Convention should be
applied. And, if this article of the Convention should be applied, this means
that the conclusion is clearly the one you ask for.
Vous me permettrez de continuer en français maintenant. Vous avez
indiqué dans votre mémoire que, jusqu'à maintenant, vous
aviez entrepris des démarches pour effectivement soumettre le genre de
problèmes qui, quant à moi en tout cas, doivent de toute
évidence d'abord retenir notre attention et, ensuite, être
résolus à la satisfaction de tout le monde. Vous avez fait des
démarches dans ce sens-là. Je suis l'un de ceux qui croient que
non seulement les démarches doivent être continuées, mais
elles doivent arriver à une conclusion et rapidement à une
conclusion.
La traduction, Mme Beauchamp.
Mme Beauchamp: You stated in your brief that up to now you have
made representations to submit problems that, in my opinion, obviously require
attention and solutions. I believe these problems need immediate attention and
solutions.
M. Fréchette: Dans ce sens-là - c'est strictement
une suggestion que je mets sur la table et que vous aurez, évidemment,
toute liberté de retenir ou de rejeter - je suis tout à fait
disposé à suggérer que, dans
les quelques jours qui suivront la fin de nos travaux, une équipe
interministérielle ait un mandat spécifique pour que des
rencontres aient lieu entre vos organismes et les représentants du
gouvernement pour voir quelles sont les solutions possibles.
Je vous laisse parler, Mme Beauchamp. Je vais essayer de ne pas perdre
le fil, quant à moi.
Mme Beauchamp: In this sense, this is only a suggestion that you
are free to accept or reject, but I am willing to suggest that, within a few
days after the conclusion of the works of this commission, a special mandate
could be given to an interministerial team to set up meetings between your
representatives and ministerial representatives in order to seek solutions.
M. Fréchette: Ce comité interministériel
pourrait regrouper des représentants du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du ministère du
Travail, du ministère de l'Habitation, de l'Office de la construction du
Québec et de tout autre groupe et/ou organisme pouvant être utile
dans les travaux de ce comité. (13 heures)
Mme Beauchamp: This interministerial committee could have
representatives from the Ministry of Manpower and Income Security, the Ministry
of Labour, the Ministry of Housing, the Québec construction Office and
any other group or organization that could serve a purpose within it.
M. Fréchette: Ce même comité aurait un mandat avec
un échéancier très précis dans le temps et devrait
faire rapport quant à l'état de la situation et quant aux
suggestions à être faites le ou avant le 15 novembre prochain.
Mme Beauchamp: This committee would have a very specific mandate
with a very specific schedule and would have to make a report which would be
both an assessment of the situation and recommandations on or before November
15.
M. Fréchette: Si le comité avait un tel mandat, c'est
évidemment parce que j'ai l'intention, quant à moi, de
suggérer au gouvernement qu'après que ce comité aura fait
rapport, des amendements aux lois et règlements soient adoptés
aux fins de faire respecter l'article 29.03.1 de la convention.
Mme Beauchamp: And if this committee would have such a mandate,
obviously it is because it is my intention to suggest to the Government that
further to the report of this committee, laws and regulations be amended in
order to comply with Section 29.03.1 of the Agreement.
M. Fréchette: Une dernière observation, une
dernière remarque. Je comprends que le problème majeur, en tout
cas, l'un des problèmes majeurs que vous nous soumettez est celui de la
qualification et de la formation professionnelles.
Mme Beauchamp: As a last comment, I would like to say that 1
realize that one of the major problems that you are submitting is that of
manpower qualification and training.
M. Fréchette: Mrs President, this is my suggestion. I do
not know how it will be accepted or how they will answer to this suggestion but
as far as I am concerned, I am quite ready to listen to any other kind of
suggestion.
Mme Simon: I would like to just respond for a couple of minutes.
Thank you very much, Minister Fréchette, Mr. Commissionner. It is a
pleasure to me with you as well. I hope that we will have the opportunity to
meet with you. I am very glad to hear that you support our case. I just like to
go through the points that you have raised very briefly. We can discuss them
further, I guess, outside of the hearing but just on No 1, on the issue of
unions, we wanted to highlight the fundamental problems related to the
construction industry. Therefore, we brought out the problem with the unions,
but, we would certainly be very opened to have direct negotiation discussions
with the unions. The other point in regard to the second point that you raised
with the section of the James Bay and Northern Quebec Agreement regarding
29.03.1, that is a specific clause that states that we should be given priority
in terms of employment and contracts. But, in fact, the whole section of that
agreement, section 29, relates to economic development. There are other
sections that relate not only to employment and contracts, but give priority to
other types of economic opportunities for Inuit, as a result of the James Bay
Agreement. So, 1 just wanted to point out that there are other clauses related
to economic development.
The third recommendation that you have made is very welcomed. We would
welcome the setting up of this special interministerial committee that would
immediately start dealing with the very mature and immediate problems that we
have facing us today. The only thing that I would want to point out, I guess,
is that you said that it would give its assessment and recommendation on or
before November 15th. What we would like to see is that, because the
accelerated construction has started -
like not this year - let us say last year and the year before, we felt
that if there was immediate action taken as a result of the hearings, we could
benefit from this construction season as well, because our construction season
is just starting in the North. I am not saying that what you are recommending
is not good. I really like what you are saying, but I would also like to try
and address the immediate problem.
M. Fréchette: Là-dessus, Mme Beauchamp, mon
commentaire est le suivant. Il y a effectivement dans le mémoire, dans
les représentations qui nous sont soumises, des problèmes qui ont
un double volet: les uns ayant besoin d'une correction immédiate - et
c'est la raison pour laquelle je suggère que ce comité
interministériel commence dès maintenant ses travaux - alors que
d'autres situations, peut-être un peu plus compliquées sont
à moyen ou à plus long terme. C'est la raison pour laquelle je
parlais du 15 novembre. Mais ce n'est pas, par ailleurs, un motif suffisant
pour ne pas prendre dans l'immédiat des décisions qui tombent
sous le sens et sur lesquelles tout le monde s'entend.
Mme Beauchamp: There are, indeed, in the representations
submitted today, some problems that are two-sided or many-faceted, some which
have immediate repercussion or immediate needs, and others may be more
complicated, that may take a little longer and might be solved in the middle or
the long term, which is why he suggested November 15th as the date. But there
is no reason not to take immediate action for those issues that are obvious and
on which everybody agrees.
Mme Simon: If I could make a suggestion in that regard, for the
short term, maybe one of the things that the commission could recommend - aside
from the fact that there will be this special committee to make changes to the
law and regulations during the interim... Perhaps, one of the ways of getting
around the problem would be to allow initial hiring without having to have
classification cards and that the contractors would be responsible for
classification cards and union cards; not to impose the fact that you have to
have the card before you can be hired, but to get the card after you are hired.
That may be a possible solution for the interim period.
M. Fréchette: It is, in fact, a matter that we will have
to look after right now.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le ministre du
Travail. M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Je vous remercie, Mme la
Présidente. Mrs. Simon and colleagues, I would like, as a member
of the Liberal Party, to thank you very much for the presentation of your brief
this morning. We appreciate very much our exchange with you. You gave us a good
presentation of your problems and be sure that we have now a better
understanding about this kind of problems. We know and we realize that you gave
us the demonstration that the North of Québec has a demographic,
geographic and social reality which is different from the other parts of
Québec. I have to tell you my satisfaction, my own satisfaction about
the answers given to you by the minister this morning about his interest for
your problems and, for all of us, I would like to tell you first that we accept
your recommendation that the territory north of the 55th parallel be
constituted as a distinct region. Be sure that, if the Government decide to act
in this sense, we will not critic him about that and that we accept this
recommendation.
We are also glad that we heard the minister about the interministerial
committee which will have to seat to have a meeting with you as soon as
possible which will have to make a report. I hope that this kind of report will
be presented here at the commission and I hope that we will have the
opportunity to discuss, all of us if necessary, about the result of this
committee and his conclusions.
We know and we understand that you have few problems and few special
problems, first, about the apprenticeship of the Inuits. We understand very
well all the problems you have with the possibility for you to obtain a
certificate of qualification and also of classification.
I will have one question to ask. We would appreciate to hear about the
formation you have at school, about what is done by the Federal Government on
this matter, what is done by the Québec Government on this matter,
first, about the problems you have with the apprenticeship actually and about
what is done actually and, in your own opinion, about what we might do for you
about this fact.
Mme Simon: Mr. Deslauriers will respond to that question.
M. Deslauriers (Jim): The Kativik School Board in its adult
education services organizes training programs in the construction trades.
M. Pagé: Who organizes it?
M. Deslauriers: The Kativik School Board...
M. Pagé: O.K. Thank you.
M. Deslauriers. ...in the three principal trades: carpentry,
electricity and plumbing. The provincial curriculum has been completed for all
groups of workers seeking training except in electricity, and that will be
completed this winter. The problem is, once having followed a completed
training program, of course the second part of training which is apprenticeship
on the work side, and that is where there is a severe fault. People do not have
access to apprenticehip on the job.
M. Pagé: O.K. I understand that you will have the
opportunity to discuss about this matter with the interministerial committee
which was announced by the Minister this morning. Thank you very much and, as I
said, be sure that we are really sensitized about the request you made this
morning, first. We accept your proposition and we hope that, as soon as
possible, all of us will have the opportunity to exchange again about your
problems - at this time, I hope it will be about the solution of your problems
- and we accept a special regulation for you. We recommend also to the Minister
to accept it, and we understand that, following the demographic and social
realities in the North, you need some special regulation for you. We will
support you about that, be sure.
Une voix: Thank you.
M. Pagé: You're welcome.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Mme la Présidente, la question que je veux
poser est un peu du type de l'interrogation que le député de
Portneuf vient de soulever. J'ai compris qu'il y avait des cours de formation
dans les métiers donnés par la Commission scolaire Makivik, je
crois. Par ailleurs - ça rejoint un peu les éléments du
mémoire aux pages 3 et 4, à l'article 2, en particulier - il
semblerait que pour ce qui est de la période d'apprentissage et les
heures requises pour obtenir les certificats de qualification, cela pose un
problème, en plus de l'obtention de la classification auprès de
l'OCQ, c'est-à-dire des permis de travail, à toutes fins
utiles.
Déjà, pour l'obtention de la qualification
première, du moins pour les stages pratiques requis pour cela, il semble
qu'il y a un problème, et c'est ce que j'aimerais préciser avec
les représentants. Je vais traduire ce que j'ai dit.
On page 3 of your document, you are talking about the certificate of
classification and, on page 4, article 2, you are talking about the certificate
of qualification. From the answer that Mr Deslauriers has just given, should I
understand that, after the theorical courses at the school, the required
apprentice period to get the certificate of qualification is difficult to make
because the construction period is not long enough and it takes many years to
acquire the number of hours required to get this qualification? Is that the
problem that you want to explain at articles 2 and 3 of your document? We have
a two steps problem here: first, qualification; second, classification. Is it
so?
M. Bussières (Paul): Peut-être que je pourrais
répondre pour faciliter la compréhension et parler en
français. Il y a toute une multitude de problèmes
interreliés. Premièrement, donner de la formation pour aider les
gens à mieux comprendre leur métier...
M. Rodrigue: Cela, c'est déjà fait, il y a des gens
qui ont déjà une formation théorique.
M. Bussières: Exactement, des efforts ont
été faits. Il faut, après cela, que les gens puissent
avoir accès au travail, obtenir des certificats.
M. Rodrigue: La période d'apprentissage.
M. Bussières: Non, avoir un permis de travail, un
certificat de classification. C'est une procédure très
compliquée et qui empêche des gens de travailler en règle,
d'être, à proprement parler, enregistrés et d'accumuler des
heures reconnues par l'OCQ. Par la suite, il y a la durée d'un
apprentissage, quand on parle d'une période de construction de 400
heures, au maximum, ce qui fait que les gens vont devoir passer dix à
quinze ans à travailler sporadiquement avant d'avoir la
possibilité d'avoir accès à un test de qualification.
Dans ce sens, cependant, un effort a été fait du
côté du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour essayer de trouver des façons
d'aider ou d'accélérer un peu la formation et la qualification en
donnant plus d'importance à la formation en institution. Le seul
problème, c'est qu'il faut mettre en application des recommandations que
des fonctionnaires du ministère de la Main-d'Oeuvre ont mises de l'avant
de façon, justement, à permettre aux gens du territoire de
pouvoir accélérer leur apprentissage et leur accès
à la qualification.
M. Rodrigue: Pour les travaux qui seraient lancés demain
matin sur le territoire, actuellement, il y a des gens qui ont une formation
théorique prise à l'école dans trois métiers de
base, si j'ai bien compris la réponse de M. Deslauriers. Par ailleurs,
ils n'ont pas réussi à faire les
heures requises au point de vue de l'apprentissage sur le chantier pour
obtenir les certificats de qualification, c'est-à-dire pour être
des électriciens ou encore des plombiers. Est-ce que c'est cela ou s'il
y a déjà des gens qui ont ces certificats?
M. Bussières: Il y a quelques personnes qui ont finalement
réussi à obtenir leur certificat.
M. Rodrigue: Après leur apprentissage, une fois leur
apprentissage complété.
M. Bussières: Ah non! M. Rodrigue: Non?
M. Bussières: Non. Actuellement, il y a des gens qui ont
beaucoup d'heures accumulées dans la construction d'un autre type. On
est obligé de leur donner une formation pour les mettre à jour
sur les nouvelles techniques de construction. Ils vont devoir, pendant un
certain temps, continuer à acquérir leur expérience dans
les métiers sur le site de construction. Cela n'empêche pas
cependant que ces gens-là vont se retrouver avec des problèmes
techniques, des cartes qui vont être annulées, parce qu'ils ne
travaillent pas assez d'heures, etc. C'est déjà un petit nombre
de gens qui ont réussi à légaliser leur statut de
travailleur de la construction, parce qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs qui
n'engagent pas directement les gens. Donc, ils ne peuvent pas être
enregistrés sans certificat de classification. Tout est
interrelié. Si vous n'avez pas le certificat de classification, vous
n'avez pas le carnet d'apprenti. Vous ne pouvez pas enregistrer vos heures. Mis
à part cela, il y a possibilité aussi, par la formation en
institution, par... Il y a eu des suggestions du ministère, comme je le
disais, d'examens modulaires où une partie du métier peut
être testée à ce moment-là par des examens pratiques
adaptés parce qu'il y a un problème de langue. Il y a un
problème de culture où les gens, devant un test écrit de
50 questions à choix multiples, ne sont pas capables de se faire
évaluer réellement sur leurs connaissances. Il y a eu des
suggestions et je pense que la question maintenant est de pousser pour que ces
suggestions soient mises en application, ce qui va donner une
possibilité à des gens, dans un an ou deux ans d'ici,
après avoir continué à acquérir un peu plus
d'expérience sur les chantiers, de retourner en cours de formation et de
finir par avoir accès à des tests de qualification.
La Présidente (Mme Harel): Une dernière
intervention, M. le député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, Mme la
Présidente. I would like to say that I fully appreciate the
problems that you brought up and I sympathize because earlier this morning,
people in my riding, not necessarily for the same reasons but because of the
lack of work, people are not able to get their apprenticeship done and they do
not have a classification card. This all comes from the present regulations
that do exist. I fully sympathize and I am glad that you have brought up this
problem because although it may not be exactly the one that exists in other
areas, there are other factors in your area as a shorter construction season
and so on, but I can tell you that 1 fully sympathize with the situation. I do
hope that we can bring changes that would give the opportunity to the people to
be able to exercise whatever trade they have taken and also to feel productive
and participate in the economic development of the province of
Québec.
Mme Simon: Just on that point, Mr. President, I just want to
point out an additional problem that we have is that due to the efforts of our
organization such as Makivik, the regional government and the school board, we
do have an accelerated construction program for the next four or five years.
Otherwise, construction in the North is not that big but eventhough we
politically have managed to get some additional houses and some schools for our
communities, no employment is being created for our people. That is an
additional problem that we have. So, we want that to be addressed in the
immediate, right away so that in fact we can get some benefits out of the
construction.
La Présidente (Mme Harel): Mme
Simon, Mme Beauchamp et les gens de la Société Makivik,
merci. Excusez-moi... Makivik, c'est bien le cas. Merci pour votre
présentation et la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h
45. Il faudrait que les membres de la commission soient présents
à 14 h 45 pour que nous puissions reprendre et poursuivre pour
l'après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 25)
(Reprise de la séance à 14 h 56)
La Présidente (Mme Harel): La séance est ouverte.
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je vais
demander à toutes les personnes qui veulent rester dans cette salle de
prendre place. Cet après-midi, nous allons procéder de la
façon suivante: Nous allons d'abord entendre le Grand Conseil des Cris
du Québec. Par la suite, très brièvement, nous entendrons
l'Association nationale des travailleurs en
réfrigération, climatisation et protection et la
Corporation des maîtres entrepreneurs en réfrigération du
Québec. Par la suite, nous entendrons l'Union des municipalités
du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux
du Québec et, finalement, l'Association provinciale des constructeurs
d'habitation du Québec.
De façon à être équitable à
l'égard de chacun des organismes qui ont a se faire entendre devant
cette commission, la commission souhaite pouvoir allouer une période de
temps d'au plus une heure à chacun des organismes qui a a
présenter un mémoire devant la commission, étant entendu
que les groupes d'entrepreneurs et de travailleurs en
réfrigération pourront utiliser une période d'au plus 20
minutes.
J'invite immédiatement le Grand Conseil des Cris du Québec
à nous présenter son mémoire. Je crois que c'est M. Robert
Ottereys qui est porte-parole du groupe.
Le Grand Conseil des Cris du Québec
M. Ottereys (Robert): Oui, Mme la Présidente. M. le
ministre, membres de la commission, permettez-moi de me présenter. Je
m'appelle Robert Ottereys; à ma gauche, vous avez John Hurley,
conseiller juridique du Grand Conseil des Cris du Québec; à ma
droite, Gaston Langlois, directeur général de la Compagnie de
construction crie.
Je voudrais d'abord, au nom des particuliers et organismes cris qui, en
ce moment, sont à Eastmain à leur assemblée annuelle, vous
remercier de nous donner l'occasion de nous faire entendre à cette
commission. Je suppose que vous avez lu le mémoire du Grand Conseil des
Cris.
Je vous présente en bref les recommandations et les
revendications concernant l'industrie de la construction pour les Cris.
Dans un premier temps, les Cris veulent, comme vous l'avez vu dans le
mémoire, un comité spécial auquel M. Fréchette a
fait référence lors de la présentation des Inuits ce
matin, pour étudier les modifications à la législation
québécoise sur la construction par rapport au statut particulier
des Cris. Par "statut particulier", j'entends le statut juridique par lequel on
peut se référer à la Convention de la Baie James et du
Nord québécois, chapitre 28, aux nos 28.9 et 28.10 qui stipulent
des mesures spéciales en faveur des Cris, touchant la création
d'emplois, les cours de formation et le placement des candidats cris. L'autre
statut, c'est le statut concret, c'est-à-dire la culture distincte, une
langue différente et l'isolement géographique.
Nos revendications regroupent en général celles que vous
avez déjà entendues présentées par les Inuits. On
demande, en premier lieu, la modification de la législation
québécoise afin de réaliser nos revendications
spécifiques.
En bref, vous avez, à la page 6 du mémoire, nos
revendications. Je vais vous dire comment on les interprète, comment on
aimerait présenter notre situation comme telle. En premier lieu, c'est
d'adapter au milieu cri les conditions de travail fixées dans le
décret. À ce sujet, des changements mineurs seront
considérés par les Cris. Ici, il convient de signaler que bon
nombre de Cris, quoiqu'ils participent à la construction, continuent
à s'adonner à leurs activités traditionnelles, tels que la
chasse, la pêche et le trappage.
Deuxièmement, c'est d'exempter les Cris de l'obligation, mais
l'obligation immédiate, d'appartenir à une association
représentative et à un syndicat. Ce que les Inuits ont entrepris
ce matin, c'était peut-être pour sensibiliser les Cris à la
syndicalisation, afin de les introduire progressivement à une
association représentative ou à un syndicat.
Troisièmement, c'est de modifier les conditions d'obtention du
certificat de classification décerné par l'OCQ en vertu du
règlement sur le placement des salariés dans l'industrie de la
construction. Nous ne pouvons pas remplir les conditions, plus
particulièrement le nombre d'heures travaillées au cours des deux
dernières années, en raison du volume de travail et de la courte
saison de travail de construction dans le Nord.
Quatrièmement, c'est de modifier pour les travailleurs cris les
conditions d'inscription et de maintien sur la liste de disponibilité
des salariés préparée par l'Office de la construction du
Québec. Le règlement de placement requiert un nombre d'heures
pour conserver l'inscription, la disponibilité d'un salarié,
c'est à cause de leur activité traditionnelle crie.
Cinquièmement, c'est de modifier les conditions d'annulation de
la carte et du carnet d'apprentissage pour les travailleurs cris. Une des
conditions, c'est d'avoir travaillé dans les deux mois qui suivent
l'obtention du carnet d'apprentissage.
Sixièmement, c'est de modifier les ratios, les proportions
d'apprenti par travailleur qualifié prévues au règlement
sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre dans
l'industrie de la construction.
Septièmement, c'est de modifier l'examen de qualification et
mettre l'accent plutôt sur l'aspect pratique que sur l'aspect
théorique à cause du statut particulier du Cri,
c'est-à-dire le langage comme tel et la formation, surtout le
langage.
Bref, c'est le mémoire du Grand Conseil des Cris du
Québec.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce que
votre présentation est terminée?
M. Ottereys: Mon confrère signale qu'aux pages 1 et 2, on
mentionne aussi, par rapport à la construction, qu'on fait affaires avec
une autre compagnie crie et les lois ne s'appliquent pas. Les lois
québécoises ne s'appliquent pas, mais la construction, c'est la
construction, je pense que c'est un bâtiment et non pas une construction
commerciale.
M. Hurley (John): Je pense que l'idée ici, c'est que,
lorsqu'il s'agit de travaux effectués par des Cris, pour le
bénéfice des Cris, pour des fins communautaires cries, les Cris
considèrent que le décret de la construction ou la loi
québécoise ne s'applique pas, surtout en raison de la Convention
de la Baie James qui est approuvée par une loi québécoise
et aussi en raison de considérations d'ordre constitutionnel. On ne
voudrait pas insister sur ce point. Ce qui importe pour nous, c'est de
souligner la Convention de la Baie James qui prévoit des mesures
spécifiques. Vous avez entendu ce matin la présentation des
Inuits. Eux ont signalé le chapitre 29 de la convention. Il existe un
pendant pour les Cris de ce chapitre, qui est le chapitre 28, qui
prévoit essentiellement les mêmes dispositions quant à la
formation des travailleurs cris, quant à la création d'emplois et
surtout quant à la priorité d'embauche pour les Cris dans des
projets de construction dans le territoire de la Baie James.
La Présidente (Mme Harel): Très bien. La parole est
au ministre du Travail à moins que vous n'ayez à compléter
votre présentation. M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: Aussi brièvement que possible. Je remercie
nos invités d'abord d'avoir préparé ce mémoire et
ensuite d'avoir consacré du temps pour venir rencontrer les membres de
la commission, le leur soumettre verbalement et se déclarer
disposés à répondre aux questions. Comme on vient tout
juste d'en faire mention, je pense qu'il est de capitale importance de retenir
les dispositions de la Convention de la Baie James, particulièrement ce
chapitre 28 dont vous venez de parler. De façon encore plus
précise, l'article 28.91 de ce chapitre. Je ne crois pas faire erreur en
prétendant que toute votre argumentation de même que les
réclamations que vous nous soumettez se basent spécifiquement
là-dessus. Cela m'apparaît, quant à moi, une assise
passablement confortable.
Je vous signale également, comme je l'ai dit à ceux qui
vous ont précédés ce matin, que les circonstances ont fait
que nous n'avons pas eu souvent l'occasion de nous rencontrer, j'espère
que ces occasions, quant à moi, seront plus nombreuses à l'avenir
et qu'elles pourront nous permettre d'expliciter davantage l'ensemble de la
situation que vous nous soumettez.
Dans votre mémoire, à la page 6, où l'on retrouve
vos revendications spécifiques, j'apprécierais un commentaire sur
la deuxième recommandation que vous nous soumettez. Exempter les Cris de
l'obligation d'appartenir à une association représentative et
à un syndicat. Peut-être parce que j'étais distrait ou pour
n'importe quel autre motif, je n'ai pas tout à fait bien saisi
l'argumentation que nous a soumise M. Ottereys. Est-ce que j'ai compris, M.
Ottereys, que vous êtes disposés, par ailleurs, à ce que
des centrales syndicales, par exemple, au sens très large du terme,
prennent les dispositions nécessaires pour vous donner des explications,
des renseignements sur l'ensemble du processus d'un syndicat, ou alors si c'est
le texte qu'on retrouve à la page 6 qui est votre position ferme,
c'est-à-dire l'exemption totale de l'obligation d'appartenir à
une association représentative ou à un syndicat?
M. Ottereys: J'ai dit l'exemption immédiate pour les Cris
d'appartenir à un syndicat. Comme les Inuits, ce matin, à cause
d'un statut ou de la façon dont on se situe en ce moment, la formation,
on l'a, mais on ne l'a pas vraiment selon les qualifications. Ce que les Cris
connaissent des unions... Peut-être qu'il nous revient d'établir
un programme où les syndicats les sensibiliseraient à leurs
droits proprement dits et d'introduire ces syndicats progressivement.
M. Fréchette: Je vais réitérer à cet
égard ce que je disais à ceux qui vous ont
précédés ce matin. Il est évident que le
gouvernement, sous un chapitre comme celui-là, n'a aucune espèce
de pouvoir pour réaliser les objectifs que vous visez. Mais je serais
fort étonné que les représentants des centrales syndicales
qui sont ici n'aient pas compris et n'aient pas été
sensibilisés à la requête ou à la revendication que
vous soumettez.
J'apprécierais, quant à moi, si c'est possible, une
description peut-être un peu plus précise quant au chapitre de la
formation et de la qualification professionnelles. Vous savez, ce n'est pas que
les Inuits ce matin, ce n'est pas que vous qui vous préoccupez de la
qualification et de la formation professionnelles, mais tous les organismes que
nous avons entendus depuis le début de nos travaux sont très
préoccupés par la question de la formation et de la qualification
professionnelles. Ce que je souhaiterais, quant à moi, c'est que vous
puissiez nous résumer l'état actuel de la
situation et peut-être aussi nous indiquer en termes concrets
quels sont les souhaits que vous nous soumettez.
M. Ottereys: Si vous regardez tous les points de nos
revendications, les derniers concernent plus ou moins la qualification,
après avoir obtenu un apprentissage, après avoir obtenu la
formation de la commission scolaire crie. Il y a des demandes d'adultes dont la
commission scolaire crie s'occupe ainsi que la direction du Grand Conseil des
Cris et l'administration régionale crie. On donne cette formation au lac
Hélène, c'est-à-dire une formation pour la machinerie
lourde, la menuiserie, l'électricité et la plomberie. Mais la
situation dans laquelle on vit, c'est que, pour être vraiment
qualifié... Même les Inuits ont dit: On l'a notre formation, on
fait notre propre formation par le biais de la Catholic School Board. Pour
nous, c'est la même chose. C'est au moment de l'apprentissage qu'on ne
peut pas remplir les conditions après deux ans pour être
qualifié comme menuisier, électricien ou plombier. La formation
se fait par le service des adultes de la commission scolaire crie.
M. Fréchette: Est-ce que quelqu'un voulait ajouter quelque
chose?
M. Hurley: Si M. Ottereys le permet, je pense qu'on pourrait
apporter plusieurs précisions. En fait, la situation que vivent les Cris
actuellement dans le Nord est essentiellement la même que celle des
Inuits. Vous avez entendu les problèmes exposés par les Inuits ce
matin; on a les mêmes problèmes. C'est donc dire que, pour obtenir
le certificat de qualification, il faut avoir passé tant d'heures dans
un programme d'apprentissage. Étant donné que la période
de construction dans le Nord est assez courte et que le volume de travail de
construction effectué dans le Nord, surtout dans les villages, est assez
petit aussi, il est très difficile pour les Cris de satisfaire à
cette exigence d'atteindre un certain nombre d'heures pour obtenir le
certificat de qualification. Voilà un point. (15 h 15)
Deuxièmement, la nécessité de travailler dans les
deux mois suivant l'émission de la carte d'apprentissage est souvent
très difficile à envisager pour les Cris. Je reviens au point
touchant le volume de travail. En supposant que les Cris obtiennent une carte
d'apprentissage ou leur carnet d'apprentissage, rien ne garantit qu'ils vont
obtenir un emploi dans les deux mois suivant l'émission de la carte.
Troisièmement, pour garder la carte d'apprentissage, il faut
travailler chaque année; il faut être enregistré comme
apprenti auprès d'un employeur tous les ans. Là encore, cela pose
un problème pour les
Cris, parce que souvent les postes ne sont pas disponibles.
Quatrièmement - j'avais un quatrième point à
soulever - le ratio des apprentis par travailleur qualifié, cela pose
énormément de problèmes pour nous, parce qu'il n'y a pas
beaucoup de travailleurs qualifiés dans les villages et on a tellement
besoin de former des apprentis. Il existe un besoin si grand à ce point
de vue que, même si on faisait venir énormément de
travailleurs qualifiés dans la région, on ne pourrait pas
satisfaire à ce besoin actuellement. Donc, je pense que c'est cela la
substance de nos préoccupations quant à un minimum
d'apprentissage.
La Présidente (Mme Harel): M.
Ottereys.
M. Ottereys: Si vous me permettez, ce que je viens de dire, c'est
que les travailleurs, selon moi, sont qualifiés en tant que tels, mais
non pas d'après les règlements de formation et de qualification
professionnelles. Je pense, Mme la Présidente, que M. Langlois avait
quelques mots à dire concernant la formation sur le tas.
La Présidente (Mme Harel): M.
Langlois.
M. Langlois (Gaston): Merci. Seulement un commentaire un peu
terre à terre pour ajouter un peu à ce que disait M. Ottereys
quant à l'aspect pratique par rapport à l'aspect
théorique. Je pense qu'on est en mesure d'affirmer qu'en dépit de
tous les programmes de formation théorique la formation sur le tas
demeure très efficace et, une fois qu'un travailleur a atteint un
certain niveau de compétence, il n'est pas nécessairement
classifié classe À et, si le ratio mentionné dans vos
règlements devait être observé, il s'ensuivrait que la
proportion des travailleurs autochtones sur un chantier serait très
mince - il y en aurait peut-être un sur cinq - et, par notre
expérience, nous savons qu'un autochtone sur cinq ou sur quatre ne
produit pas. Il se sent perdu pour toutes sortes de raisons, comme le langage,
la communication ou autre chose et, généralement, la façon
d'obtenir une bonne productivité, etc., est de l'acclimater un peu, de
faire un certain travail de communication qui ne se fait pas sur un chantier
normal. Or, dans ce cadre-là, nous apprécierions beaucoup que la
formation sur le tas reçoive plus d'attention par rapport aux examens
théoriques.
M. Fréchette: En fait, lorsque vous nous signalez que,
substantiellement, la situation ressemble beaucoup à celle qui nous a
été décrite ce matin, à tous égards ou
à peu près, vous faites évidemment référence
à
ce phénomène de la formation et aux problèmes que
cela peut créer, par exemple, en parlant du ratio compagnons-apprentis.
On nous disait ce matin: On n'a pas, dans certains endroits, deux menuisiers
qualifiés. Comment peut-on, dans ces conditions, respecter le ratio
compagnons-apprentis à cet égard? Par cet exemple, je crois
savoir que c'est à peu près la même chose dans votre
situation.
Ce matin, M. Ottereys, j'ai fait une suggestion aux Inuits - je pense
que vous étiez là - suggestion dont vous connaissez sensiblement
les grands paramètres. Il s'agit, dès la fin de nos travaux, la
semaine prochaine ou dans des délais très courts, d'amorcer avec
votre groupe des travaux avec des représentants gouvernementaux des
différents secteurs touchés: travail, main-d'oeuvre et
sécurité du revenu, pour le chapitre le plus important, celui de
la formation, l'Office de la construction du Québec dont le mandat
très précis, avec l'échéancier dont nous avons
parlé ce matin, serait de faire rapport, le ou avant le 15 novembre, des
solutions possibles et éventuelles aux problèmes que vous
soulevez.
Encore une fois - il m'apparaît que c'est l'argument le plus
fondamental qu'on puisse invoquer - même juridiquement, le gouvernement
est presque encadré à cause de la Convention de la Baie James
dont on parlait tout à l'heure. Sans parler de ce comité, ni de
son mandat, ni de son échéancier puisque, je pense, vous en
connaissez les grandes lignes à partir de la discussion qu'on a eue ce
matin, ma seule et unique question serait la suivante. Est-ce que, quant
à vous, vous êtes disposés à collaborer avec ce
comité pour arriver, dans les mêmes délais, à des
suggestions précises quant aux changements à être
apportés?
M. Ottereys: Je pense que vous trouvez la réponse à
votre question à la page 5 où nous notons que nous voulons que ce
comité soit créé et que nous voulons y participer si vous
le formez. Si vous recommandez de le former, les Cris sont disposés
à participer à ce comité.
M. Fréchette: Cela va, quant à moi. Merci, encore
une fois.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Mme la Présidente, il me fait plaisir, au
nom de notre formation politique, de souhaiter la bienvenue aux Cris, à
M. Ottereys ainsi qu'à ceux qui l'accompagnent. Nous avons pris
connaissance de votre mémoire et on s'aperçoit effectivement que
vos revendications ressemblent beaucoup à celles que faisaient ce matin
les Inuits concernant des problèmes très similaires aux
vôtres.
Il est bien évident que le ministre, ce matin, annonçait
la formation d'un comité interministériel qui pourrait permettre
d'analyser, d'étudier et de voir à trouver certaines solutions
qui préoccupent davantage les régions comme la vôtre. Il y
a certains points ou certaines revendications très spécifiques
que vous faites. Le règlement de placement dans l'industrie de la
construction, particulièrement en ce qui a trait à la
classification, existe depuis 1978. Nous sommes en 1984 et le gouvernement
semble se rendre compte que ce règlement vous crée
particulièrement des problèmes, étant donné que le
ministre annonçait ce matin la formation d'un comité.
Depuis 1979, vous avez certainement, parmi votre population, des gens
qui ont été actifs dans le domaine de la construction. J'aimerais
savoir de quelle façon on a procédé pour effectuer des
travaux de construction depuis 1979, plus particulièrement dans votre
région.
M. Ottereys: En ce qui concerne ces questions, il faut vous
adresser à M. Langlois, qui est directeur général de la
compagnie de construction qui est établie depuis 1978. M. Langlois.
M. Langlois: D'abord, notre existence remonte à 1977, plus
particulièrement 1978. Au tout début de notre existence, pour
prendre avantage des dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois, nous nous en sommes tenus principalement à des
travaux non assujettis au décret de la construction, par exemple le
déboisement, les travaux de correction à l'environnement et ces
choses-là. Par la suite, petit à petit, à
l'intérieur même des communautés, notre compagnie de
construction a été amenée à gérer seulement
des projets de construction au nom du conseil de bande cri; autrement dit, ces
gens-là avaient des coopératives de main-d'oeuvre et ainsi de
suite et la compagnie de construction fournissait le personnel de
gérance seulement. C'est donc dire qu'au tout début, en 1978, le
problème ne se posait pas comme il se pose actuellement, parce que nous
en étions à nos débuts et il fallait commencer, se donner
certaines infrastructures, partir quelque part. À ce moment-là,
le projet de La Grande battait son plein et il était possible de trouver
de l'emploi pour les ouvriers autochtones sans nécessairement toucher au
décret de la construction, par exemple les travaux de déboisement
et ainsi de suite qui ne sont pas assujettis.
Maintenant, le contexte est tout autre. Ces travaux sont à la
baisse. En même temps, après six ans, certains autochtones,
particulièrement les opérateurs de machinerie
lourde et ainsi de suite, ont pris de l'expérience et nous devons
regarder dans d'autres directions afin de continuer à faire vivre ceux
qui ont vécu avec nous depuis quatre ou cinq ans.
M. Rocheleau: Mme la Présidente, parmi ceux de la bande
des Cris qui ont pu bénéficier de formation au cours des
dernières années, peut-on évaluer ou avoir des
statistiques qui dénotent le nombre d'étudiants qui ont
reçu un diplôme, soit comme menuisier, comme plombier, comme
électricien ou autre métier, et qui peuvent être fournies
au niveau de la formation?
M. Ottereys: Les cours de formation sont donnés par la
commission scolaire crie qui peut avoir les statistiques en tant que telles. En
ce qui concerne la machinerie lourde, c'est parfois un certificat et c'est
plutôt par crédits que cela marche pour la machinerie lourde. En
ce qui concerne la menuiserie, elle se fait au lac Hélène et au
moyen de cours où il y a quelquefois des traductions. Ces formations
sont reconnues par le ministère de l'Éducation et la commission
scolaire crie les gère. En ce qui concerne toutes les
communautés, je pense que tout le monde a son "fair share" de la
formation en tant que telle pour les métiers que j'ai nommés.
M. Rocheleau: Maintenant, M. Ottereys, dans l'ensemble, le
règlement existant tel qu'on le connaît aujourd'hui, si on tient
compte de l'ensemble des recommandations et des revendications très
spécifiques que vous faites, ne peut absolument pas s'appliquer, tel que
le règlement de placement existe actuellement et tel que le
décret est fait présentement.
M. Ottereys: Dans le règlement de placement, la seule
affaire, c'est l'article 36 qui donne la priorité d'engagement ou
d'embauche aux Cris. Cela nous donne un certificat de qualification
spécial. Qu'est-ce qu'on en fait? D'après ta formation et tes
cours, tu peux obtenir une carte d'apprenti même si tu ne remplis pas les
fonctions ou les conditions de formation pour la classification À dans
n'importe quel métier en tant que tel. Donc, on ne peut pas continuer
avec le règlement sur le placement. On pense à des modifications
et on pourrait peut-être, avec le comité, voir ce qu'on peut en
faire.
D'après le décret de la construction, les conditions de
travail pourraient s'appliquer aux Cris ou à n'importe qui, mais c'est
plutôt le mode de vie des Cris... Comme je l'ai dit, à ce point,
ce sont des changements mineurs en ce qui concerne le décret de la
construction à cause peut-être du mode de vie ou du cas
particulier des
Cris. (15 h 30)
M. Rocheleau: J'aimerais savoir de M. Ottereys combien de Cris
détiennent actuellement une carte de classification.
M. Ottereys: Classification "apprentis" ou...
M. Rocheleau: Une carte de classification leur permettant de
travailler, de faire des heures dans les différents métiers de la
construction. Autrement dit, la carte qui suit le règlement de
placement.
M. Langlois: Si vous permettez, Mme la Présidente, je vais
tenter de répondre. À un moment donné, plusieurs Cris,
à cause de l'intervention de l'Association des employeurs de la Baie
James, ont trouvé un emploi pour un entrepreneur donné sur le
chantier La Grande. On a invoqué à plusieurs reprises l'article
qui concerne les conditions à remplir si un apprenti veut garder sa
carte. Je crois que la plupart l'ont perdue. On en a demandé encore
récemment. Un certain nombre en ont, à ma connaissance au moins
une trentaine. À un moment donné, il y en a peut-être eu
100 ou 150, je ne sais pas, mais elles ne sont certainement plus en vigueur si
on s'en tient à la rigueur des règlements.
Dans ce même ordre d'idées, tantôt, on mentionnait
quelles sont les personnes qui travaillent, etc. Il y a des choses positives,
comme l'a mentionné Robert, du côté des opérateurs
de machinerie lourde. Je crois qu'on emploie à temps plein
peut-être une cinquantaine d'opérateurs d'équipement lourd
dans les travaux non assujettis au décret. Dans la menuiserie, il y a au
moins, en date de l'automne dernier, de 15 à 25 candidats
diplômés du centre de formation du lac Hélène qui
ont trouvé de l'emploi pour nous, mais encore là dans des travaux
non assujettis au décret, ce qui revient à dire, pour
répondre à votre question d'une façon précise,
qu'actuellement leur carte ou leur classification n'est plus valable.
La Présidente (Mme Harel): Excusez-moi, M. le
député de Hull. Vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Hurley: Oui, Mme la Présidente, si vous me permettez.
Quant à l'application du règlement sur la formation et la
qualification, je pense que deux questions se posent ici. Dans un premier
temps, le règlement sur la formation et, dans un deuxième temps,
le règlement sur le placement. Les deux sont interreliés. Si je
comprends bien, on peut obtenir un certificat de classification pour apprenti,
un certificat de classification À et spécial. Il existe des
mesures prioritaires. L'article 36 de ce règlement prévoit une
embauche prioritaire
pour les Cris. Cela ne résout pas le problème parce qu'il
faut quand même satisfaire aux exigences du règlement sur la
formation et la qualification. Donc, il faut prendre conscience de tous les
problèmes qu'on a notés tout à l'heure,
c'est-à-dire le ratio d'apprenti par travailleur qualifié, le
nombre d'heures qu'il faut travailler dans une certaine période,
l'exigence de travailler dans les deux mois suivant l'émission de la
carte, l'exigence de travailler à chaque année suivant
l'émission de la carte sinon la carte est annulée. Ces exigences
font qu'il est très difficile pour les Cris, même s'ils terminent
un cours de formation théorique, de travailler comme apprentis et de
conserver leur statut d'apprenti en vue d'obtenir leur certificat de
qualification qui leur permettrait éventuellement de détenir le
certificat de classification À . Donc, pour répondre à
votre question de façon bien spécifique, je crois que, dans
l'ensemble, le règlement sur la formation et la qualification en entier
pose de sérieux problèmes.
M. Rocheleau: Mme la Présidente, en d'autres mots, nous
avons, ce matin, pris connaissance du mémoire des Inuits qui nous
présente sensiblement les mêmes problèmes -il y a plusieurs
similitudes - que ceux que connaissent les Cris. Cela veut dire, à
toutes fins utiles, que cela commanderait un statut particulier pour les
régions nordiques qui connaissent des problèmes particuliers dans
l'application du règlement tel qu'il existe. Le ministre - je le
répète - ce matin, acceptait de mettre sur pied un comité
interministériel dans le but d'étudier, à court terme,
à moyen terme et à plus long terme, les modalités qui
pourraient être apportées dans le but de solutionner la
complexité de l'application de ce règlement dans votre
région en particulier.
Vous demandez également, dans votre mémoire, un moratoire
sur l'application du règlement. Je souhaite personnellement que le
ministre, même si on s'attend, d'ici le 15 novembre, date fatidique,
à un rapport quelconque sur la situation qui existe présentement,
puisse accorder un certain moratoire sur l'application de certains articles du
règlement tel qu'il existe aujourd'hui, dans le but de vous faire
profiter ou de faire profiter aux Cris de l'essor économique actuel et
qui ne persistera peut-être pas, malheureusement.
Nous allons, notre formation politique, vous apporter toute l'aide
nécessaire. Nous vous offrons nos services si nous pouvons être
d'une aide quelconque pour que le gouvernement puisse vous accorder une
certaine forme de priorité tenant compte des problèmes
très particuliers que ce règlement vous crée.
Je vous remercie pour la présentation de votre
mémoire.
La Présidente (Mme Harel): Je vous remercie, M. Ottereys,
ainsi que les personnes qui vous accompagnent. À moins que vous n'ayez
à compléter votre présentation...
M. Hurley: Mme la Présidente, j'aurais un bref commentaire
concernant la suggestion qui a été faite ce matin quant à
la création d'une région spéciale, pour les fins du
règlement de placement, au nord du 55e parallèle. Je ne veux pas
préjuger de la création d'une telle région ni parler au
nom des autres parties autochtones. Je voudrais simplement signaler qu'il
existe, au nord du 55e parallèle, une communauté à
Poste-de-la-Baleine qui regroupe à la fois des Inuits et des Cris. La
création d'une telle région, nous ne refusons pas une telle
région en partant, mais je voudrais simplement souligner que le statut
des Cris à Poste-de-la-Baleine devrait être étudié
si une telle région était effectivement créée.
La Présidente (Mme Harel): Cela complète votre
présentation.
M. Rocheleau: Seulement une question.
La Présidente (Mme Harel): Une dernière
question.
M. Rocheleau: Elle s'adresse à vous et peut-être que
le ministre, par le biais, pourra répondre. Étant donné
que les régions nordiques présentent certains points très
particuliers et que ce matin on a eu l'occasion d'entendre les Inuits et les
Cris, je sais qu'il y a d'autres bandes, effectivement, qui connaissent
peut-être des problèmes similaires, est-ce que le ministre se
propose, dans la formation de son comité interministériel, de
regrouper l'ensemble de la région nordique et de la faire
bénéficier du même temps afin de trouver les solutions qui
pourront être appropriées à tous et chacun?
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: C'est une question qui m'est adressée
par un biais, comme dirait le député de Hull. C'est sûr que
je suis très sympathique à une demande de la nature de celle que
me fait le député de Hull. Je pense, par ailleurs, qu'il faut
donner une certaine "priorité", entre guillemets, aux associations, aux
regroupements qui sont liés par la Convention de la Baie James. C'est
d'abord à cet égard qu'il faut tenter de régulariser des
situations, mais cela ne répugne pas du tout qu'on englobe les autres
situations dont vous parlez.
La Présidente (Mme Harel): J'inviterais
l'Association nationale des travailleurs en réfrigération,
de même que la Corporation des maîtres entrepreneurs en
réfrigération à prendre place. Je vous remercie.
Une voix: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Harel): Je vous rappelle que le temps
alloué à la présentation de votre mémoire - c'est
entendu, je pense, de part et d'autre - est d'au plus 20 minutes. La parole est
à vous, M. Rivard. Vous allez nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
La Corporation des maîtres entrepreneurs en
réfrigération du Québec et l'Association
nationale des travailleurs en
réfrigération, climatisation et protection
M. Rivard (Jean-Paul): Jean-Paul Rivard, directeur
général de la FTQ-Construction. Je voudrais vous présenter
les personnes représentant la Corporation des maîtres
entrepreneurs en réfrigération du Québec. À mon
extrême droite, M. Michel Rivard, aucune parenté, membre de
l'exécutif de la corporation, Mme Monique Guérot, directrice
administrative de la corporation. À ma gauche, M. Jules Bergeron,
gérant d'affaires élu du local 3 de l'Association nationale des
travailleurs en réfrigération, climatisation et protection
incendie.
Je voudrais, Mme la Présidente, M. le ministre et MM. les membres
de la commission, vous remercier d'avoir bien voulu accepter d'entendre ces
deux associations. Je voudrais passer la parole pour quelques instants à
Mme Monique Guérot.
Mme Guérot (Monique): Nous avons demandé
d'être entendus aujourd'hui conjointement avec le local 3 et la
Corporation des maîtres entrepreneurs en réfrigération afin
de vous exposer certains problèmes survenus dans l'application du
métier de la réfrigération, particulièrement en
regard des travaux de service, d'entretien et de réparation qui ne sont
plus assujettis au décret de la construction depuis environ 1978,
à la suite d'une décision de l'Office de la construction du
Québec. Étant donné le peu de temps qui nous est
alloué, je vais céder directement la parole à M. Jean-Paul
Rivard, que nous avons désigné d'un commun accord pour exposer la
situation.
M. Rivard (Jean-Paul): Je voudrais souligner aux membres de la
commission que c'est peut-être un précédent où des
parties syndicale et patronale se sont entendues pour avoir un porte-parole
unique qui vient de la partie syndicale. Je crois que c'est un bon exemple
à suivre et l'AECQ devrait s'en inspirer. Je suis disponible.
(15 h 45)
Mesdames, messieurs, dans les secteurs de la réfrigération
et de la climatisation, avant l'avènement du projet de loi 290 en 1968,
ces travailleurs étaient couverts par une accréditation en vertu
du Code du travail et les salariés embauchés par un employeur qui
était accrédité - presque 99% des employeurs
l'étaient - ces salariés, peu importe qu'ils fassent
l'installation de la machinerie - ce qui est aujourd'hui régi par la loi
- ou qu'ils fassent de l'entretien et de la réparation, étaient
régis par la même convention collective et
bénéficiaient des mêmes conditions de travail, des
mêmes salaires. Or, en 1968, quand la loi a été mise en
vigueur et qu'une définition du mot "construction" a été
déterminée, ainsi que le règlement no 1 qui a
apporté une meilleure définition - plus détaillée,
sinon meilleure -toutes ces accréditations se sont envolées et
ont été remplacées par la loi 290, Loi sur les relations
du travail. Sont entrés dans le métier de nouveaux
salariés, de nouveaux employeurs; d'autres sont partis et il n'y a plus
aucune accréditation qui existe aujourd'hui.
Jusqu'à 1978, tous les salariés et les employeurs
croyaient qu'ils étaient régis par le décret de la
construction et toutes les conditions de travail étaient
appliquées. Or, en 1978, il y a un "smart" qui a pensé à
demander à l'OCQ de donner une interprétation, de donner son avis
sur l'assujettissement des travaux d'entretien et de réparation et
l'Office de la construction, toujours disponible, a rendu une décision
à savoir que les travaux d'entretien et de réparation
n'étaient pas inclus. Je ne rouspète pas contre cette
interprétation, je crois qu'elle était logique et exacte;
c'étaient des machineries de production et, effectivement, les travaux
n'étaient pas couverts.
Depuis ce temps, certains employeurs -très peu, il faut le dire,
mais la menace est constante - ont décidé de passer à
côté des conditions de travail qui ont toujours été
celles de leurs salariés. La corporation, comme association patronale
responsable, a toujours tenté et réussi - et je pense qu'elle a
eu pas mal de chances - à empêcher les employeurs de violer le
décret et de généraliser les violations du décret -
ce n'étaient pas des violations "illégales" - mais au moins de
sortir des cadres du décret, un décret qu'ils ont toujours
respecté.
Or, l'association nationale, qui était auparavant le local 796 de
l'union internationale - les salariés ont quitté cette
association pour joindre le local 3 de la FTQ-Construction - a toujours fait
des démarches depuis ce temps pour essayer de réassujettir ces
salariés et le travail.
En 1982, à la suite de démarches constantes depuis 1978,
il y a eu un arrêté
en conseil concernant l'installation de cette machinerie, des
systèmes de réfrigération et de climatisation de plus de
200 watts. Cela n'a pas changé grand-chose, parce que effectivement, si
l'installation a été effectuée par des salariés de
la construction d'un employeur professionnel, c'était couvert de toute
façon. Cela n'a rien changé. Ce qu'il aurait fallu faire, c'est
d'assujettir des travaux d'entretien et de réparation pour redonner aux
salariés les mêmes droits: droit au fonds de pension, à une
convention collective, qui existaient auparavant, avant l'avènement de
la loi 290.
Parallèlement à ces activités, à ces
démarches, l'association nationale des travailleurs a commencé
à présenter des requêtes en accrédiation. Elle a
inondé le ministère du Travail, à un moment donné,
avec ces requêtes. Mais le problème auquel on faisait face, c'est
que l'employeur qui prétendait ne pas être dans la construction
pour se soustraire au décret, en de très rares cas - il faut le
dire encore - venait plaider devant le commissaire du travail qu'il
était régi par le décret de la construction. D'un
côté, il l'était et de l'autre, il ne l'était pas.
Le cas a été référé au commissaire de la
construction qui dit, parce que la majorité des travaux de l'employeur
étaient des travaux d'installation: C'est un employeur professionnel;
donc, il ne peut être régi par le Code du travail. On se trouvait
dans une situation où pour le travail que certains salariés
faisaient, ils ne pouvaient être régis par une convention
collective, parce qu'ils ne pouvaient être accrédités et
ils n'étaient pas régis par le décret non plus. Il y avait
une sorte de "no man's land" dans la loi qu'il aurait peut-être fallu
pousser plus loin en allant à la Cour suprême pour contester, mais
cela n'a pas été fait. On a plutôt décidé de
mettre nos oeufs dans le panier du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre.
Depuis 1978, des démarches sont faites constamment au niveau du
conseil consultatif. Il y a eu plusieurs démarches, plusieurs rencontres
avec des membres du conseil consultatif et avec le conseil consultatif
lui-même.
En décembre 1982, j'étais également le porte-parole
des deux associations devant le conseil consultatif. Nous avions
présenté le cas et un document stipulant clairement quelle sorte
d'amendement nous voulions. Il y a eu plusieurs recontres du conseil
consultatif et de tous les membres et, finalement, en septembre 1983, il y a eu
un accord dans le sens d'inclure dans la définition du mot
"construction", les travaux d'installation de réparation et d'entretien
des systèmes de réfrigération et de climatisation.
Un peu plus tôt, avant cette entente, un membre du conseil
consultatif nous avait fait part de ses appréhensions quant à ce
qui pourrait arriver au consommateur, au petit commerçant, etc. Sans
prendre trop de temps, afin de vous éclairer sur ce qu'étaient
nos intentions, je vais vous faire la lecture de la lettre qu'on avait
écrite à M. Alexandre Beaulieau, qui était la personne du
côté patronal qui avait des appréhensions. Nous lui disions
ceci: "La présente lettre fait suite à notre rencontre du 1er
décembre 1982 et contient des informations ainsi que notre position sur
le sujet en rubrique. Nous croyons que cette position rencontre et
reconnaît le bien-fondé de vos préoccupations à
l'égard des petits détaillants que vous avez comme fonction de
représenter et protéger. "Nos préoccupations à nous
se trouvent au niveau des "grosses jobs" et non pas au niveau des appareils
électro-ménagers et des petits commerçants. Depuis
toujours, ces derniers ont toujours fait à leur guise et souvent font
effectuer des réparations par des "bricoleurs" sans certificat de
qualification et ce malgré l'article 3.01 du règlement no 2
relatif à la formation et la qualification professionnelles - le
règlement secteur hors-construction - lequel article fait une obligation
à ceux qui exercent le métier de frigoriste, notamment, de
posséder un certificat de qualification."
Aussi la Loi sur les appareils sous pression fait une obligation
à quiconque répare ou travaille sur des appareils de
réfrigération d'être un salarié qualifié ou
une personne qualifiée. "Nous n'avons jamais, au grand jamais,
tenté de faire respecter cet article, lequel, en fait, touche une infime
quantité de personnes car même les petits commerçants font
appel à des maisons qualifiées et reconnues pour faire effectuer
leur installation et réparation. Nous voulons continuer dans cette
veine. "Quant aux appareils électro-ménagers, ils sont exclus par
l'article 2.02-E) dudit règlement lequel est annoté et
annexé à la présente..." "Donc, il est établi que
le frigoriste doit posséder un certificat de qualification en vertu du
règlement no 2. De plus, la Loi sur les appareils sous pression stipule
à l'article 1, alinéa 3 du premier paragraphe, qu'un appareil
frigorifique est considéré comme étant un appareil sous
pression, ce qui nécessite une main-d'oeuvre qualifiée. "Vous
savez que le règlement no 1 relatif au champ d'application a
été amendé afin de couvrir l'installation des
systèmes de réfrigération de plus de 200 watts. Afin de
rencontrer encore mieux vos préoccupations, nous sommes disposés
à exempter du règlement no 1, les systèmes de
réfrigération et de climatisation localisés dans une
bâtisse où ne sont installés plus de deux systèmes
ayant une capacité maximum de 600 watts." Au lieu de 200 watts, on
montait à 600
watts. "Cela exclu le système de 200, 250, 375 et 560 watts..."
"Nous vous avons déjà fait connaître notre position unanime
sur le sujet et nous vous répétons brièvement les raisons
qui la motivent. 1. Depuis des années et aussi depuis l'adoption du bill
290 en 1968 et la publication du règlement no 1 relatif au champ
d'application en 1971, tous les travaux de réfrigération et de
climatisation (montage, installation, réparation et entretien)
relevaient du décret de la construction." Peut-être faussement,
mais ils en relevaient. "2. Les règles du jeu étaient connues et
acceptées de tous (syndicats et employeurs). "3. Les travailleurs
bénéficiaient des avantages du décret et se
bâtissaient un fonds de pension, lequel, bien que modeste, leur accordait
une certaine sécurité financière. "4. Les employeurs
n'avaient pas à craindre une multitude d'accréditations et des
centaines de négociations différentes à travers la
province, évitant ainsi la surenchère qui existe dans d'autres
secteurs. "5. Ce sont les mêmes catégories d'employeurs et de
travailleurs qui sont impliqués, peu importe les conditions sous
lesquelles le travail est effectué (décret ou hors construction).
"Vous remarquerez que notre demande fait presque l'unanimité au CCTMO et
notre proposition d'amendement devrait, à notre avis, vous satisfaire
pleinement. Si jamais vous avez besoin d'explications supplémentaires,
nous nous ferons un plaisir de nous rendre à votre demande. "Nous vous
rappelons que, peu importe les circonstances, notre métier est toujours
soumis aux mêmes obligations et à la même qualification.
Tout ce qui reste à faire est de vous assurer que les travailleurs sont
protégés et que les employeurs se font une concurrence loyale par
le biais de la modification demandée au règlement no 1 en
question. Nous ne voulons rien de nouveau, nous voulons rétablir une
situation qu'une interprétation de l'OCQ a chambardée et qui
n'était pas une source de problèmes pour ceux que vous
défendez. "Espérant, cher monsieur, que nous avons su vous
convaincre...". C'était signé par les deux associations.
Un peu plus tard en 1983, le CCTMO, le 20 septembre, s'entend
unanimement pour proposer des amendements dans le sens que nous avions
demandé. C'est en septembre. En décembre, M. Beaulieu demande que
quelqu'un fasse une enquête afin de déterminer si ces travaux sont
couverts ou non. Une enquête est faite. M. Évariste Bernier, qui
devait faire l'enquête, demande à l'OCQ de la faire et l'OCQ, le 5
juin 1984, donne le résultat de l'enquête. C'est
interprété comme suit: Quand c'est couvert, c'est couvert; quand
ce n'est pas couvert, ce n'est pas couvert. On savait cela. On se retrouve
encore au bâton. On n'a absolument rien.
Le 14 juin, une manifestation est faite par les travailleurs et les
employeurs du domaine devant le ministère du Travail, à
Montréal, où plus de 400 camions, dans la rue, ralentissent la
circulation. À la suite de notre intervention, l'intervention des
dirigeants élus du local, on s'est assuré que le blocage
était de très courte durée. On voulait faire
connaître au ministère notre désapprobation ainsi qu'au
CCTMO, que c'était une folie furieuse de nous priver de droits acquis.
C'était un précédent. Des employeurs et des travailleurs
étaient, on pourrait dire, sur la même ligne de piquetage sans que
la police ne les sépare.
Les problèmes que cela cause, c'est que cela crée une
désyndicalisation des travailleurs qui étaient auparavant
syndiqués, cela détruit les conditions de travail dans certaines
circonstances et dont les salariés bénéficiaient,
notamment le fonds de retraite, les vacances de la construction.
Également, qu'est-ce qui arrive dans le cas de grief en vertu de la
procédure de grief? Si l'employeur, même si je le
représente aujourd'hui - on n'est pas assez fou parfois pour donner un
grief au syndicat; ce n'est quand même pas obligé - a un grief
levé contre lui et arrive devant l'arbitre, il va être fort
tenté de dire: M. l'arbitre, vous n'avez pas juridiction parce que
l'employé, le salarié en question n'est couvert par aucune
convention collective. Et il aurait raison. Même si les employeurs
respectaient le décret et les conditions de travail, s'il y avait un
grief à cause d'un problème de congédiement, le
salarié ne serait pas couvert.
En conclusion, devant les retards causés par le blocage au CCTMO,
il nous faut aller un peu plus haut ou beaucoup plus haut, au ministre du
Travail. Voici ce que nous vous demandons. Au mois de septembre 1983, un
rapport a été préparé par le secrétaire du
CCTMO et je cite quelques extraits de ce rapport. Il disait: "Enfin, le CCTM a
complété la première étape de l'étude de la
demande conjointe du 31 mars 1983 de l'Association nationale des travailleurs
en réfrigération, climatisation et protection incendie, local 3,
et de la Corporation des maîtres entrepreneurs en
réfrigération du Québec, à l'effet de modifier le
paragraphe b) de l'article 1 du règlement. Le présent avis porte
sur la recommandation du CCTM à l'égard de cette demande. Il
donnait un avis au ministre du Travail. C'est dans le dossier qu'on vous a
remis. Un peu plus loin, le CCTMO, dans son rapport, disait ceci: "Les motifs
à l'appui de l'assujettissement. Les trois motifs suivants ont
amené le CCTM à conclure qu'il y aurait
effectivement lieu de modifier le règlement no 1 afin
d'assujettir au champ d'application certains travaux de
réfrigération - et il faudrait ajouter "climatisation". Les
frigoristes peuvent invoquer des droits acquis. Ce sont les mêmes
catégories d'employeurs et de travailleurs qui exécutent des
travaux d'installation, de montage, d'entretien et de réparation de
systèmes de réfrigération et de climatisation, que ces
travaux soient assujettis ou non au règlement no 1. Les frigoristes ne
demandent pas que la totalité des travaux relatifs au montage, à
l'entretien et à la réparation de ces systèmes soit
assujettie au règlement no 1; en fait, ils demandent le
rétablissement de la situation qui prévalait avant 1978." Avant
1978 et depuis l'adoption, en 1968, de la loi sur les relations du travail, de
même que depuis l'adoption du règlement no 1 en 1971, et
jusqu'à ce que l'Office de la construction du Québec fournisse
une interprétation contraire, tous les entrepreneurs en
réfrigération et tous les salariés à leur emploi
étaient convaincus que la définition de l'expression "machinerie
de bâtiment" contenue au règlement englobait les systèmes
de réfrigération. (16 heures)
Un peu plus loin il disait ceci: "Quand on parle d'une perte de droits
acquis, on réfère aux salariés des entrepreneurs en
réfrigération qui ne détiennent pas le statut d'employeur
professionnel. Avant 1977, ces salariés étaient
considérés comme des travailleurs de la construction et
bénéficiaient des conditions de travail prévues au
décret relatif à l'industrie de la construction. Il
apparaîtrait normal et raisonnable de leur donner de nouveau ce statut de
travailleurs de la construction." Cela était unanime. On parlait un peu
d'un des inconvénients que cela pourrait causer, la multiplicité
des conventions collectives. On disait ceci: "En multipliant ainsi le nombre de
conventions collectives, on risquerait de se retrouver dans le secteur de la
réfrigération avec des conditions de travail qui pourraient
être fort différentes, selon qu'un individu travaille pour tel ou
tel entrepreneur. Il semblerait que la très grande majorité des
entrepreneurs en réfrigération et que la très grande
majorité des travailleurs de la réfrigération ne
souhaitent pas voir se développer une telle approche conflictuelle."
La Présidente (Mme Harel): En conclusion, M. Rivard.
M. Rivard (Jean-Paul): En conclusion nous demandons au ministre -
il a peut-être le temps de le faire au Conseil des ministres
d'aujourd'hui s'il a lieu - d'adopter la recommandation qui avait
été faite par le CCTMO le 20 septembre 1983 qui donnait un projet
de règlement d'un avis à être présenté dans
la Gazette officielle par le ministre du Travail que vous avez d'ailleurs dans
votre dossier.
Je terminé sur ce et je passe la parole à M. Michel
Rivard.
La Présidente (Mme Harel): M. Michel Rivard, très
rapidement, très brièvement.
M. Rivard (Michel): Mme la Présidente, M. le ministre,
messieurs, j'abonde en tout point avec les énoncés de Me Rivard.
La corporation dont je suis membre regroupe 250 à 300 entrepreneurs et
c'est un voeu unanime. Nous voulons revenir à la situation
antérieure au 30 juin 1978. Présentement, dans notre
métier, c'est l'anarchie. Des compagnies respectent le décret de
la construction, d'autres en profitent pour avoir des taux inférieurs.
Je pense également que pour la sécurité des citoyens, on
se doit d'avoir des employés qualifiés et seuls les
employés qualifiés, à mon sens, sont assujettis
présentement au décret de la construction et on va se ramasser
avec des gens incompétents qui vont être formés pour faire
une piastre, comme on dit, pour certains entrepreneurs.
Je voudrais seulement citer un exemple. S'il y a dans la salle ici un
système de 10 tonnes de climatisation, il sera, bien sûr,
installé par un employé qualifié. Avec la conclusion de M.
Bernier, n'importe qui pourrait le réparer. Concernant la
sécurité il y a donc autant de risques pour l'installation et il
y a encore plus de risques pour la réparation. À partir de ce
raisonnement, nous vous supplions de nous ramener à la situation
antérieure au 30 juin 1978.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, très
rapidement. Comme M. Rivard, je suis heureux de constater ce
précédent finalement. Je ne sais pas si cela s'est
déjà présenté mais dans cette commission-ci en tout
cas, c'est un précédent de voir patrons et travailleurs à
la même table pour présenter des revendications. Vous savez qu'en
droit britannique, M. Rivard, le précédent a presque force de
loi. Dans ces conditions-là, j'espère bien que c'est le
commencement d'une longue série de rencontres de même nature dans
d'autres secteurs qui se produiront à partir, encore une fois, du
précédent que vous venez de créer.
Quelques renseignements seulement sur le dossier que vous nous soumettez
parce que, effectivement, il est là depuis tellement longtemps que son
contenu, ses tenants et aboutissants sont connus. J'apprécierais obtenir
la précision suivante: Comment s'est
faite l'exclusion en 1978? Est-ce une décision du commissaire,
est-ce un avis d'un organisme? Enfin! comment s'est faite cette exclusion?
M. Rivard (Michel); C'est une plainte qui a été
déposée par le syndicat auprès de Laval
réfrigération, une compagnie qui n'existe plus aujourd'hui. Cela
a été traité à l'OCQ et M. Bernier a donné
raison à cette compagnie à savoir qu'elle pouvait employer
n'importe qui pour l'installation. L'anarchie a donc commencé à
cette date.
M. Fréchette: C'est le commissaire?
M. Rivard (Michel): Le commissaire, M. Évariste
Bernier.
M. Fréchette: Bon. Juste une autre précision. Vous
nous informez, M. Rivard, que le CCTM, le 29 septembre, a émis et
écrit un avis quant à la position qu'il prenait dans ce dossier.
Je voudrais simplement vous demander ceci: Est-ce que vous êtes certain
que l'avis a été envoyé au ministre du Travail?
M. Rivard (Jean-Paul): L'avis n'a pas été
envoyé au ministre du Travail parce qu'il y a eu après cela une
demande d'enquête quant à l'autre réunion du CCTM, le
rapport du secrétaire avait été présenté.
C'est là que la demande d'enquête a été
soulevée. Je crois que c'est ce qui s'est passé.
M. Fréchette: De sorte que dans l'état actuel des choses,
le CCTM n'est pas encore dessaisie du dossier, si vous me passez l'expression.
Enfin, je comprends très bien les inconvénients et la
réaction de votre collègue. Je comprends cela. Mais,
factuellement parlant, c'est un peu équipé comme cela.
M. Rivard (Jean-Paul): J'ai oublié une dimension assez
importante de l'affaire. C'est que dernièrement, le 14 juin, le CCTM,
quand le sujet est revenu, a décidé de mettre cela de
côté parce que les patrons hors construction s'opposaient
maintenant à ce qu'ils avaient accepté avant sous prétexte
que cela pourrait amener d'autres secteurs à demander aussi d'assujettir
l'entretien et la réparation, notamment la machinerie de production.
C'est une belle excuse là pour nous refuser ce qu'ils nous avaient
donné et empêcher la syndicalisation des travailleurs.
M. Fréchette: Cela peut permettre de répondre
à l'autre question que je voudrais vous poser, que je pourrais savoir
autrement, mais peut-être le savez-vous. Est-ce que pour autant que le
conseil consultatif est concerné, il a terminé le dossier quant
à lui?
M. Rivard (Jean-Paul): Je ne sais pas si le conseil consultatif
pense cela, mais si les patrons s'opposent, il n'y aura pas unanimité et
ils se sont opposés. Je ne vois pas pourquoi ils changeraient d'avis la
semaine prochaine. Je voudrais aussi... Pour encourager M. le ministre au
niveau des relations dans la construction, l'AECQ m'a autorisé à
dire qu'ils étaient d'accord avec notre position d'aujourd'hui.
M. Fréchette: Écoutez, c'est évident que
pour autant que le ministère du Travail est concerné, il va nous
falloir savoir très précisément à quelle
étape on en est au conseil consultatif. Il est également
évident qu'une décision va devoir être rendue dans les
meilleurs délais. Comme vous le disiez, cela ne prend pas une loi. Une
décision gouvernementale est suffisante. Si votre requête est
maintenue, une décision gouvernementale est suffisante. C'est le genre
de problème qui a besoin d'être réglé à
très court terme. Nous allons prendre les dispositions pour clarifier
l'ensemble de la situation et vous donner une réponse.
M. Rivard (Jean-Paul): Exactement. Dans le mémoire de la
FTQ, dans les demandes de la FTQ-Construction comme telle pour les amendements
à la loi, nous prenons des extraits du règlement no 1, nous les
transposons dans la loi. Si vous acceptiez de modifier le règlement, il
va de soi donc que cette modification à la loi viendrait automatiquement
pour l'inclure dans le champ d'application de l'article 19.
La Présidente (Mme Harel): M. Michel Rivard, une
dernière intervention.
M. Rivard (Michel): C'est ma dernière intervention. Je
voulais seulement faire remarquer à M. Rivard, mon collègue de
gauche, que le fait historique devant lequel nous sommes aujourd'hui qu'on soit
d'accord sur un sujet, cela ne veut pas dire que pour les autres clauses du
décret de la construction, les frigoristes sont avec le syndicat. Nous
sommes membres de l'AECQ et nous respectons les efforts faits par l'AECQ pour
que nos gens reviennent au travail.
M. Fréchette: Vous comprenez, M. Rivard, qu'on a fait des
blagues.
La Présidente (Mme Harel): II y a le député
de Viau qui veut également vous poser une question.
M. Cusano: Merci. J'aimerais remercier nos invités de nous
avoir exposé le problème. Après avoir entendu qu'il y a un
certain accord chez vous, c'est assurément un bon
précédent. Après avoir entendu le ministre
du Travail, on s'aperçoit qu'il se hâte lentement pour
régler le problème. Une question, puisque le temps est court, qui
s'adresse à M. Rivard: Vous avez quasiment la totalité, je
pourrais dire, et la représentativité totale chez vous. Il a
été dit que la position était unanime du côté
des patrons. Est-ce que votre position est aussi unanime chez les autres
syndicats qui sont minoritaires?
M. Rivard (Jean-Paul): II n'y a pas de syndicats minoritaires.
Nous représentons 98% des travailleurs de ce secteur. On a le monopole
syndical là-dedans. Les quelques autres travailleurs qui existent, il y
en a peut-être un ou deux au conseil provincial, un à la CSN,
peut-être un à la CSD, pas plus que cela. On n'a pas
consulté.
M. Bergeron (Jules): On va préserver... M. Cusano:
Pardon?
M. Bergeron: ...les conditions de travail que les salariés
ont présentement. On va s'assurer qu'ils vont garder ce qu'ils ont
toujours eu.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. Rivard, seulement une courte question. Vous avez
parlé tout à l'heure des patrons qui s'opposaient à ce que
ce règlement paraisse dans la Gazette officielle et soit
entériné par le Conseil des ministres, en fait. Pourriez-vous
nous dire si les patrons dont vous parlez sont actuellement
représentés au sein du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre?
M. Rivard (Jean-Paul): C'est un M. Dufour du CPQ qui s'y oppose.
Je ne sais pas d'où vient...
M. Perron: Du Conseil du patronat?
M. Rivard (Jean-Paul): Oui, oui. Je ne sais pas d'où vient
son mandat de s'opposer, mais il s'oppose parce que cela pourrait donner
l'exemple aux autres. Pas parce qu'il a une bonne raison, mais cela pourrait
donner l'exemple aux autres.
M. Perron: D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Merci, madame, messieurs. Je
vais inviter immédiatement l'Union des municipalités du
Québec à prendre place et à nous présenter son
mémoire. M. Jean Corbeil, maire d'Anjou et président de l'Union
des municipalités du Québec, à qui on souhaite la
bienvenue. M. Corbeil, vous allez nous présenter les gens qui vous
accompagnent?
L'Union des municipalités du
Québec
M. Corbeil (Jean): Oui. À ma gauche, M. Marc
Laperrière, conseiller juridique de l'Union des municipalités du
Québec, et, à ma droite, M. Sylvain Gonthier, qui est
chargé du dossier des relations du travail à l'Union des
municipalités du Québec.
La Présidente (Mme Harel): M. Corbeil, dans une enveloppe
de temps d'une heure, compte tenu de l'échange qu'on peut avoir
après la présentation de votre mémoire, vous
considérez que c'est réalisable?
M. Corbeil: Je vais sûrement faire l'impossible, puisque je
dois être à Montréal à 19 h 30.
Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, dans ce mémoire, l'UMQ tient à réaffirmer la
nécessité de maintenir les exclusions prévues à la
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et
touchant l'exécution de certains travaux par des employés
municipaux. Il s'agit de travaux de canalisation d'eau et d'égout,
pavage et trottoirs et autres travaux du même genre. De plus, nous
réitérons les recommandations maintes fois exprimées par
les municipalités d'exclure des effets de la loi tous les travaux
d'entretien, de rénovation, de réparation et de modification
effectués par des employés municipaux ou par des personnes
embauchées par les municipalités dans le cadre de programmes
gouvernementaux de création d'emplois.
Les problèmes d'interprétation, de juridiction et
d'application de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction ne sont pas des préoccupations nouvelles pour les
municipalités. Déjà, en 1970, dans un mémoire
présenté à la commission du travail et de la main-d'oeuvre
de l'Assemblée nationale, l'Union des municipalités du
Québec recommandait d'exclure spécifiquement des effets de la loi
tous les travaux de construction, réfection, réparation,
démolition et autres travaux accomplis par des employés
municipaux.
Au cours de la même année, le gouvernement se rendait
à une partie des recommandations de notre organisme et amendait la loi
de façon suivante: "La présente loi s'applique aux employeurs et
aux salariés de l'industrie de la construction. Toutefois, elle ne
s'applique pas aux travaux de construction, de canalisation d'eau,
d'égout, de pavage et de trottoirs et à d'autres travaux du
même genre exécutés par les salariés des
communautés urbaines ou régionales et des corporations
municipales."
En 1977 et en 1978, lors de mémoires présentés au
gouvernement du Québec et au comité d'étude et de
révision de la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction, l'UMQ
réitère ses recommandations de 1970.
Les amendements de 1979 acceptent de soustraire à la
portée de la loi le gouvernement du Québec et les institutions
des réseaux de l'éducation et des affaires sociales.
Malgré des demandes identiques et tout à fait justifiables, les
municipalités n'obtiennent pas le même traitement.
En 1983, les difficultés entraînées par
l'application et l'interprétation de la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction dans la mise sur pied de programmes
gouvernementaux de création d'emplois amènent l'UMQ à
faire part une fois de plus de ses recommandations dans un mémoire
présenté au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre
sans toutefois obtenir davantage satisfaction. (16 h 15)
La Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction
donne aux municipalités un statut ambigu. D'une part, le
législateur a reconnu la spécificité du monde municipal en
excluant des effets de la loi l'exécution par les employés
municipaux des travaux de canalisation, d'égouts, des pavages et des
trottoirs et autres travaux du même genre. D'autre part,
l'accomplissement de tout autre genre de travaux soumet les
municipalités aux dispositions de la loi au même titre que toute
personne physique ou morale.
Pourtant, les municipalités sont de véritables
gouvernements. Elles offrent des services publics nécessaires à
la santé et à la sécurité des citoyens. Leurs
administrateurs sont élus démocratiquement et leur financement
s'effectue par le biais de la taxation.
Alors que la loi soustrait déjà le gouvernement du
Québec et les institutions des réseaux de l'éducation et
des affaires sociales, non seulement pour les travaux d'entretien et de
réparation, mais aussi pour les travaux de modification et de
rénovation, nous ne pouvons comprendre en vertu de quel principe les
gouvernements locaux ne bénéficient pas du même traitement.
Il y a selon nous une question d'équité à respecter. Les
traits distinctifs qui expliquent cette politique d'exception s'appliquent
intégralement aux municipalités.
Dans les deux cas, les services rendus sont de nature publique et non
privée. Ni le gouvernement du Québec, ni les municipalités
ne sont des employeurs professionnels au sens de la loi. Leurs
préoccupations premières sont tout à fait
étrangères au monde de la construction. Les activités de
construction, ou considérées comme telles, sont marginales et
connexes à leur vocation. De plus, les deux niveaux de gouvernement ont
une gestion à but non lucratif.
Les problèmes d'interprétation et d'application de la Loi
sur les relations du travail dans l'industrie de la construction amènent
régulièrement les municipalités et l'OCQ à
s'affronter devant les tribunaux. À notre avis, il n'y a aucun avantage
pour la collectivité de voir s'affronter des organismes publics à
propos de travaux exécutés dans l'intérêt et au
profit du public.
En vertu de quel principe les contribuables municipaux devraient-ils
assumer, pour des travaux à caractère public, un fardeau plus
élevé alors que les mêmes travaux pourraient être
menés à bien meilleur compte par les employés municipaux?
Il est reconnu que les citoyens sont de plus en plus sensibles au niveau de
taxation et s'attendent à obtenir les meilleurs services au meilleur
coût possible. Ces attentes sont à notre avis tout à fait
légitimes.
Les coûts supplémentaires que les municipalités ont
à absorber ne sont pas reliés simplement aux taux horaires, mais
également aux frais qu'entraînent les différends entre les
municipalités et l'OCQ. Les causes commandent des
déboursés substantiels pour préparer la preuve et
défrayer les services de témoins et de conseillers juridiques.
Les coûts supplémentaires sont forcément, en fin de compte,
intégrés au compte de taxes des contribuables.
Il y va de l'intérêt de tous que ce genre de conflits ne se
produise plus.
Les relations du travail dans les municipalités se
caractérisent par un très fort taux de syndicalisation et une
longue tradition de négociation de conventions collectives. En effet, le
monde municipal embauche plus de 63 000 personnes dont plus de 90% sont
couvertes par environ 600 conventions collectives.
De ces quelque 600 conventions collectives, plus de 50% régissent
le groupe des employés manuels, lequel comprend des corps de
métier identiques à ceux couverts par le décret de la
construction. Exemple: menuisier, électricien, peintre,
mécanicien, etc.
D'abord préposé à l'entretien et à la
réparation, ce groupe d'employés est également
appelé à effectuer un certain nombre de travaux
d'aménagement tels que la construction de patinoires et d'abris,
l'érection de murs mitoyens ou de cloisons à l'intérieur
des bâtiments municipaux, etc.
Force nous est de constater que la législation actuelle, en
essayant d'éviter un empiétement sur la juridication de
l'industrie de la construction, rend problématique l'affectation de la
main-d'oeuvre municipale dans l'exécution quotidienne des travaux
énumérés plus haut.
En plus de priver les municipalités de main-d'oeuvre
compétente, capable
d'accomplir efficacement et à moindre coût les services
auxquels les contribuables ont droit, la loi rend beaucoup plus difficile la
gestion des relations du travail.
Les employés municipaux sont régis par conventions
collectives et bénéficient de conditions de travail fort
avantageuses, tout en ayant l'assurance d'un emploi permanent par le biais de
la sécurité d'emploi. Malgré un salaire plus
élevé, les travailleurs de la construction sont sans cesse
menacés par le chômage et ont souvent à se déplacer
en quête d'un emploi. Selon les renseignements disponibles, les
travailleurs de la construction ont travaillé en moyenne 27 semaines en
1982. L'application restrictive de la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction, en plus d'entraîner des mises à
pied, amènera beaucoup de tracasseries administratives dans la gestion
des conventions collectives, entre autres au niveau des clauses de
sous-traitance. Plusieurs conflits de travail pourraient éclater dans
les municipalités par les simples effets de la loi. De plus, les
employés municipaux que les municipalités devront mettre à
pied auront beaucoup de difficulté à se retrouver un emploi
conforme à leurs compétences puisqu'ils ne possèdent par
la carte de compétence requise par l'OCQ.
Il est tout à fait inacceptable que la loi ne prenne pas en
considération le contexte particulier des relations du travail dans les
municipalités. Les règlements négociés entre les
municipalités et leurs associations de salariés tiennent compte
de l'ensemble des facteurs qui définissent l'unité
d'accréditation, tout comme le décret de la construction tient
compte du contexte particulier du marché du travail dans l'industrie de
la construction. Notre secteur se distingue par la garantie d'un emploi stable
et la nature des services rendus aux contribuables, payeurs de taxes. Les
travailleurs de la construction, quant à eux, sont soumis aux
aléas des cycles économiques et saisonniers.
Nous avons donc deux réalités distinctes. Pourquoi venir
imposer artificiellement aux municipalités un régime de relations
du travail négocié dans un tout autre contexte?
Le gouvernement provincial a développé des politiques de
sauvegarde du patrimoine, de réhabilitation d'édifices scolaires,
de mise en place de centres culturels et communautaires. On se plaît
à répéter, avec raison, que les municipalités ont
un rôle à jouer dans ce domaine.
Afin de rendre ces édifices utilisables, en vertu de leurs
nouvelles vocations, les municipalités sont souvent obligées de
faire effectuer des rénovations et des modifications. Cependant, les
litiges avec l'OCQ que peut entraîner l'exécution de ces travaux
par les employés municipaux ou encore les coûts prohibitifs
qu'entraîne l'embauche de travailleurs de la construction, amènent
souvent les municipalités à retarder ou tout simplement annuler
ces projets.
Il en est de même pour les programmes de création d'emplois
mis sur pied par les gouvernements provincial et fédéral pour
pallier le chômage. Malgré la bonne volonté des
municipalités et de leurs syndicats qui s'entendent facilement sur la
mise sur pied de tels programmes dans les municipalités, les
commissaires de la construction ont souvent émis l'opinion que les
projets sont soumis au décret de la construction. Par conséquent,
les travailleurs sont soumis aux exigences et au régime de relations du
travail prévus par le décret.
Cette interprétation amène les municipalités
à refuser de mettre à profit des programmes qui pourraient
réduire le chômage dans leur milieu, mais qui grèveraient
indûment les finances de la municipalité.
En guise de conclusion, nous voulons réitérer que la
demande d'exclusion qui est formulée par le monde municipal s'appuie sur
le caractère public de l'institution municipale. Nous croyons que les
gouvernements municipaux devraient être pleinement reconnus comme tels
pour les fins de l'application de la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction.
À cette fin, nous recommandons au ministre, premièrement,
que les corporations municipales, les communautés urbaines et
régionales et les municipalités régionales de comté
ne soient pas assujetties à la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction eu égard aux travaux
exécutés par les salariés à leur emploi;
deuxièmement, que les corporations municipales, les communautés
urbaines et régionales et les municipalités régionales de
comté ne soient pas assujetties à la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction eu égard aux travaux
exécutés par les personnes embauchées dans le cadre de
programmes de création d'emplois mis sur pied par les gouvernements
fédéral, provincial et municipaux dans le but de pallier le
chômage.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Corbeil. La parole
est au ministre du Travail.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je voudrais
remercier M. Corbeil, le président de l'Union des municipalités
du Québec, de même que ceux qui l'accompagnent, pour la
présentation de ce mémoire. Encore une fois, l'organisme fait
preuve de son intérêt dans toutes les discussions qui touchent,
d'une façon ou d'une autre, les populations que les maires et les
conseils municipaux gouvernent.
De toute évidence, M. Corbeil, votre
mémoire est axé strictement et exclusivement aussi sur la
question du champ d'application de la loi. Vous avez fait
référence à votre "comparution" - entre guillemets -
devant le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre où vous
aviez été essentiellement soumettre la même argumentation
et vous n'avez pas eu, nous dites-vous, jusqu'à maintenant, de
réponse à la requête que vous aviez déposée.
Est-ce qu'il serait exact de dire, M. Corbeil, qu'au moment où cette
rencontre s'est faite certains renseignements factuels et précis vous
avaient été demandés par les membres du conseil
consultatif, par exemple, quant au volume de travaux, les travaux qui n'ont pas
ou qui n'auraient pas été faits à cause du
phénomène dont on parle? À remarquer que je vous donne
cela sous toutes réserves, mais je pense que vous étiez là
et vous êtes sans doute le mieux placé de nous tous ici pour
répondre à cette question.
M. Corbeil: C'est une question fort intéressante, M. le
ministre. Mais je pense que c'est comme si on demandait à un homme
castré combien il aurait eu d'enfants s'il n'avait pas été
castré. Nous avons fait des démarches et il est bien
évident qu'il n'existe nulle part des statistiques pour dire que, si
cette loi n'avait pas existé, j'aurais fait tels ou tels travaux. Alors,
c'est...
M. Fréchette: Je ne suis pas en train de porter un jugement sur
la nature de la question, mais est-ce que le renseignement que vous nous donnez
aujourd'hui, vous l'avez transmis au conseil consultatif?
M. Corbeil: Non.
M. Fréchette: Non? Avec l'exemple qui vous plaira,
remarquez.
M. Corbeil: D'accord.
M. Fréchette: II y aurait sans doute un
intérêt très évident à avoir une très
longue discussion sur le sujet, mais je vous signale que nous avons entendu les
deux thèses avec des argumentations bien étoffées de part
et d'autre. Enfin, je suis d'avis que, même si on prolongeait notre
conversation et nos échanges là-dessus, on reviendrait
finalement... Le problème est bien circonscrit; il est très
clair. C'est à partir de toutes les représentations qui nous ont
été faites que le gouvernement va devoir décider. Mais il
y a une chose, cependant, quant à votre suggestion plus précise
qu'on retrouve à la page 10. Vous suggérez que les corporations
municipales, les communautés urbaines et régionales ne soient pas
assujetties à la loi. Est-ce que je dois comprendre que votre objectif
vise autant les travaux de construction de grande envergure, par exemple, que
les travaux de rénovation, de réparation, de démolition ou
de toute autre nature?
M. Corbeil: Cela nous satisferait davantage d'englober tout cela,
mais on se contenterait très bien d'être inclus au paragraphe
huitième de l'article 19 et de se retrouver exactement sur le même
pied que le gouvernement lui-même et les commissions scolaires.
M. Fréchette: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Merci, Mme la Présidente. Je veux profiter
de l'occasion pour saluer d'une façon toute particulière M. Jean
Corbeil, président de l'Union des municipalités, ainsi que MM.
Laperrière et Gonthier qui l'accompagnent. J'ai pris connaissance du
mémoire de l'Union des municipalités ainsi que de celui de
l'Union des municipalités régionales de comté qui nous a
été présenté hier et je dois dire, Mme la
Présidente, que ce n'est pas parce que j'ai changé de chaise que
mes positions antérieures ont changé. Au moment où
j'étais maire de Hull et membre de l'Union des municipalités du
Québec comme administrateur, nous avions recommandé des positions
similaires, positions qui ont été répétées
à plusieurs reprises par l'Union des municipalités du
Québec face aux problèmes assez percutants que le
président, M. Corbeil, a mentionnés tantôt, à savoir
qu'il y a eu et qu'il y a encore des causes pendantes entre l'Office de la
construction du Québec et les municipalités qui sont
coûteuses pour les municipalités et pour les contribuables dans
chacune des municipalités où des problèmes sont
soulevés.
Les revendications des dernières années se sont fait
sentir avec beaucoup plus d'acuité récemment, compte tenu de
l'aspect économique, d'une part, et, d'autre part, des programmes que
les gouvernements mettaient à la disposition des municipalités
dans le but de favoriser la création d'emplois. Il y a un
élément fort important qui a été soulevé par
M. Corbeil, à savoir que le gouvernement du Québec est soustrait,
à toutes fins utiles, de l'application de la loi comme telle, et que ce
même gouvernement ne pense pas à donner le même
privilège à d'autres gouvernements qui sont probablement plus
importants que le gouvernement du Québec, c'est-à-dire aux
gouvernements locaux. On sait que, lorsque cela va bien dans l'ensemble des
municipalités du Québec, effectivement, le Québec va bien
et que c'est l'ensemble des municipalités qui font en sorte, de par leur
dynamisme, de favoriser l'essor économique, la relance et on doit
leur
donner les outils nécessaires dans le but de favoriser cette
relance que nous souhaitons tous. Je voudrais peut-être un commentaire de
M. le président de l'Union des municipalités du Québec.
(16 h 30)
Comme on le sait, hier, le président de l'Union des
municipalités régionales de comté faisait les mêmes
revendications, à savoir d'être soustrait aussi, pour les
municipalités relevant davantage du Code municipal, de l'application de
cette loi et de ces règlements. Par contre, je sais pertinemment que
l'Union des municipalités régionales de comté parlait
davantage pour les municipalités de moins de 5000 habitants. On sait
qu'il y a encore au Québec des municipalités régies en
vertu du Code municipal et qui ont un nombre supérieur à 5000 de
population. On sait que l'Union des municipalités a comme membres des
municipalités qui ont moins de 5000 de population. En tout cas, il y en
a sûrement quelques-unes- Les recommandations faites par M. Asselin se
limitaient, pour l'ensemble des travaux à être effectués
par les municipalités, à des travaux de l'ordre de 250 000 $. Je
pense que, tantôt, vous y avez touché un peu. L'Union des
municipalités partage-t-elle ces mêmes opinions ou si elle
souhaiterait davantage être sur le même pied que le gouvernement du
Québec concernant l'exemption, tenant compte de l'ampleur des travaux,
dans les municipalités à caractère plus urbain?
M. Corbeil: Oui. Nui doute, M. le député, que nous
préférerions être assimilés, comme je le disais
tantôt, au gouvernement du Québec et aux commissions scolaires en
ce qui concerne le paragraphe 8 de l'article 19. Personnellement, je respecte
l'opinion du président de l'UMRCQ, mais je pense que mettre un
barème en signe de dollars dans une loi amène des
problèmes par la suite puisqu'il y a des phénomènes
d'inflation qui entrent en jeu. C'est souvent difficile de changer les lois
pour suivre l'inflation. Si on met 250 000 $, est-ce que c'est parce que les
travaux coûtent 251 000 $ et sont exclus? On en vient à des
problèmes, je pense, par la suite, assez considérables. Je pense
que le paragraphe 8 de l'article 19 exclut tout simplement l'application de la
loi en ce qui concerne le gouvernement du Québec et les commissions
scolaires pour tous travaux d'entretien, de réparation, de
rénovation et de modification. Je pense que, si on était inclus
dans ce groupe, nous serions tout à fait d'accord.
M. Rocheleau: Je pense qu'il y a un point important que
j'aimerais peut-être souligner, Mme la Présidente, et
peut-être que le président de l'Union des municipalités du
Québec pourrait confirmer. Dans plusieurs municipalités du
Québec - des municipalités importantes, entre autres - comme le
faisait remarquer le président, où les employés sont
couverts à l'intérieur d'une convention collective
négociée entre la municipalité et le syndicat
représenté, où des travaux doivent se faire, des travaux
qui frisent souvent ou qui chevauchent le règlement ou l'application du
règlement de l'Office de la construction du Québec, dans le cas
où les municipalités font ou feront ces travaux, cela
n'enlève aucunement du travail à des syndiqués de la
construction, tenant compte du fait que c'est beaucoup plus en fonction de
clarifier la réglementation existante actuellement que de se lancer dans
de grands projets de construction, étant donné que la majeure
partie des municipalités au Québec, pour des travaux d'envergure,
procède par soumissions publiques et vont sur le marché du
travail pour faire effectuer ces travaux.
M. Corbeil: Je pense qu'on peut faire allusion aux travaux de
construction de rues, pavages, trottoirs et ainsi de suite qui sont
déjà exclus de l'application de la loi en vertu du paragraphe 3
de l'article 19. Il n'y a pas de municipalités, même les plus
grandes qui font elles-mêmes des travaux considérables de
construction de rues. Même à la ville de Montréal, qui est
la plus grande ville du Québec, quand il y a des travaux majeurs de
construction de rues, ainsi de suite, cela va par soumission et est
donné à l'entreprise privée. C'est le même cas dans
toutes les villes du Québec. Les villes ne profitent pas du paragraphe 3
de l'article 19 pour se créer des entreprises de construction de pavage
de rues et de trottoirs. Il n'y a aucun doute et ce n'est dans les intentions
d'aucune municipalité du Québec de s'aventurer dans ce domaine.
C'est simplement pour éviter, dans un premier temps, des querelles qu'on
mentionnait tantôt avec l'OCQ parce que actuellement on peut, en
interprétant la loi, intervenir contre les municipalités dans une
foule de cas où les municipalités s'aventurent avec la meilleure
des bonnes fois.
On parlait tantôt de la construction de patinoires d'hiver. Si
quelqu'un veut interpréter strictement la loi, on peut prétendre
que ce sont des travaux de construction et amener les municipalités
devant les cours à ce sujet.
M. Rocheleau: Cela complète certaines questions, mais je
voudrais faire allusion et je me souviens pertinemment, entre autres, que la
ville de Hull, dont j'étais maire il y a à peine quelques
années, terminait le paiement de certains règlements
adoptés durant la grande guerre mondiale et où on avait
confié aux municipalités le soin de distribuer des jetons ou des
pitons afin de faire travailler les gens qui étaient dans le
besoin et qui pouvaient bénéficier de programmes tout
à fait particuliers. On a souventefois répété que
la crise que nous venions de traverser était pratiquement aussi grave
que la crise qu'on avait traversée antérieurement, et sans les
mesures sociales appropriées, les gens et plusieurs de nos citoyens
auraient eu davantage de difficultés qu'ils n'en ont eues.
Je pense que, si on a confié pendant si longtemps à nos
municipalités des responsabilités très
particulières, le ministre devrait prendre en considération les
revendications qui ont été faites à plusieurs reprises
auprès du ministre des Affaires municipales en commission parlementaire
où, à chaque année, on recevait la visite des
municipalités qui demandaient certaines modifications à la loi et
plus particulièrement à ce qui touchait le monde municipal. Quant
à nous, nous offrons toute notre collaboration à l'Union des
municipalités et nous sommes totalement en accord avec les
revendications que l'union fait. Nous souhaitons que le gouvernement, s'il est
réellement responsable et conscient de ses propres
responsabilités, corrigera les ambiguïtés qui existent au
niveau de la loi actuelle.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le
député de Hull. M. le maire Corbeil, vous voulez ajouter quelque
chose à votre présentation? Je vous remercie au nom de cette
commission et je vous souhaite un bon retour à Montréal. Il y a
M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Si on regarde la loi à l'article 19, au
paragraphe 2: aux travaux d'entretien et de réparation
exécutés par des salariés permanents embauchés
directement par un employeur. Cela veut dire que, si vous avez des permanents
chez vous parmi vos employés, vous êtes capables de faire des
travaux d'entretien et de réparation. Vous avez ce droit actuellement.
Pour autant que ce soient vos employés réguliers. L'exception,
c'est un employeur autre qu'un employeur professionnel. Vous n'êtes pas
des employeurs professionnels. Déjà, vous avez un article
là-dessus. Vous n'avez pas l'air à vous en servir de la
manière que vous présentez votre mémoire.
M. Corbeil: C'est que la notion entre entretien,
réparation et modification est assez vague. La raison: on m'a toujours
enseigné que le législateur ne parlait pas pour rien. S'il a
jugé à propos, au paragraphe 8, de préciser davantage pour
dire que le gouvernement du Québec et les commissions scolaires ne sont
pas assujettis en ce qui concerne des travaux d'entretien, de
rénovation, de réparation et de modification, c'est parce qu'il y
avait là des problèmes spécifiques qui se posaient.
M. Laplante: Parce que vous êtes régis à peu
près comme si j'avais une usine et si j'avais besoin de gens pour
l'entretien; je parle d'ouvriers permanents que j'engage à l'usine
à un salaire que le patron définit. Il n'a pas le droit de
construire et il n'a pas le droit de faire de grandes rénovations sans
aller chercher des ouvriers à l'extérieur.
M. Corbeil: Exactement, sauf qu'on dit qu'on n'est pas
assimilable à des employeurs privés parce que, comme le
gouvernement du Québec et comme les commissions scolaires, nous sommes
des gens élus, nous représentons une administration publique qui
n'a pas un motif de profit dans ses opérations, qui a habituellement une
structure bien plus large qu'un employeur qui est limité à un
produit quelconque. Nous sommes impliqués dans un très large
volet d'activités et notre action, notre mission est plus semblable
à celle du gouvernement du Québec et des commissions scolaires
qu'à celle d'un employeur privé.
M. Laplante: Ce qui me fait peur là-dedans, M. Corbeil,
c'est qu'à un moment donné vous alliez chercher des travailleurs
à l'extérieur pour les payer au prix que la ville voudrait les
payer.
M. Corbeil: C'est sûr. Comme on le disait dans le
mémoire, les villes ont 600 conventions collectives. Il y a à peu
près 90%, si ce n'est pas plus, des employés municipaux qui sont
syndiqués et ces gens-là reçoivent actuellement en moyenne
environ 30% de moins en salaire horaire que l'employé de la
construction, sauf que cela est compensé par des avantages sociaux.
D'abord, 2080 heures de travail garanties par année, ce qui doit
compenser un peu pour l'insécurité qui existe dans le domaine de
la construction, des avantages sociaux beaucoup plus avantageux et une
sécurité d'emploi absolue.
M. Laplante: Je vais être très direct. Je vais
prendre le cas d'Anjou. Vous avez eu l'intelligence - la bonne administration
-d'acheter plusieurs millions de pieds carrés de terrain. Supposons
qu'à un moment donné la ville, dans un but humanitaire,
décide de former elle-même une corporation, construit des logis
à prix modique pour les citoyens d'Anjou, que, par ladite corporation,
vous décidez d'exécuter vos choses, comme utilité
municipale, et que vous engagez des travailleurs de la construction à
prix réduit pour construire les 300, 400 ou 500 logements que vous
auriez à construire. Si on vous donnait cet élargissement, cela
vous donnerait ce droit-là et j'ai peur de cela.
M. Corbeil: D'accord. Supposons que je
vous suis dans cette hypothèse et je dis, à ce
moment-là, est-ce qu'il y a des perdants? Si je prends le même
ouvrier de la construction qui, actuellement, gagne 17 $ -qui est le salaire
moyen du décret de l'ouvrier de la construction - combien d'heures
travaille-t-il par année? Je prends le même employé, je lui
donne 30% de moins si je négocie à l'intérieur de ma
convention collective actuelle - mais je lui donne 2080 heures de travail par
année, sécurité d'emploi jusqu'à la fin de ses
jours et des avantages sociaux à peu près trois fois ce qu'ils
sont dans le domaine de la construction.
Pour le public en général il n'y a pas de perte
là-dedans. Il y a au moins le même nombre d'hommes qui vont
travailler, et pas à des conditions désavantageuses, et le
gagnant sera le public.
M. Laplante: Comme bon administrateur que vous êtes, est-ce
que vous allez prendre la chance d'engager 50 ou 75 employés permanents
de plus avec une garantie à vie de sécurité d'emploi pour
une construction?
M. Corbeil: Je n'aurai pas le choix. Si je les engage comme
employés, je vais être tenu par ma convention collective
d'accorder à tout employé municipal une sécurité
d'emploi absolue.
M. Laplante: II n'y a pas des arénas à tous les ans
à faire, mais des logements, oui.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Bourassa, je vais vous demander de conclure.
M. Laplante: Oui, ce ne sera pas long. Une voix: ...
M. Corbeil: C'est justement parce que je n'en aurai pas à
chaque année que je ne les engagerai pas. (16 h 45)
M. Laplante: La différence avec le gouvernement, c'est que
ce dernier, en vertu de la loi 50, la Loi sur la fonction publique... C'est
vrai. Mais le gouvernement, à chaque construction nouvelle, est
obligé également d'aller en soumissions publiques en vertu de la
loi. En allant en soumissions publiques, il donne le contrat effectivement
à l'entreprise privée, sauf que, pour des réparations
à faire dans certains édifices, il va engager des
employés. Mais il n'engagera pas des employés pour faire des
réparations et leur donner un statut de permanent. C'est illogique.
M. Corbeil: Ce sont les bons principes de gestion naturelle,
c'est bien certain. Je continue avec l'exemple que vous mentionniez
tantôt. Je prévois que la ville va s'impliquer dans une
construction de 50 maisons. C'est ce qui explique précisément
que, pour les travaux de pavage, d'égout et d'aqueduc, les villes n'y
sont pas engagées, parce que c'est temporaire; donc, la très
grande majorité de ces travaux, elle les confie à l'entreprise
privée. Je dis que les villes vont continuer à le faire dans le
domaine de la construction même si elles étaient exemptées
au même titre que le gouvernement du Québec et les commissions
scolaires, en vertu du paragraphe 8. Ce que l'on cherche à faire, c'est
que, pour les travaux normaux de réparation et de modification, on ne se
retrouve pas inutilement dans des conflits avec l'OCQ.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le maire.
J'inviterais l'Association des constructeurs de routes et grands travaux
du Québec à prendre place.
M. Corbeil: ...
La Présidente (Mme Harel): Vous avez peut-être une
conclusion?
M. Corbeil: Je veux simplement vous remercier de nous avoir
entendus.
Le Président (M. Lavigne): À l'ordre, s'il vous
plaît:
J'invite donc les représentants de l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec à bien
vouloir se présenter pour les fins du journal des Débats et
à présenter leur mémoire.
ACRGTQ
M. Houle (Fernand): M. le Président, je suis Fernand
Houle. Je suis le président de l'Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec. À ma droite, M. Serge Poulin, le
directeur technique de notre association; également, M. Pierre Roux, le
vice-président de notre association. À ma gauche
immédiate, M. Carol Wagner, le directeur général de notre
association; à mon extrême gauche, Me Marie-Andrée
Gauthier, notre conseillère juridique.
Le Président (M. Lavigne): Merci, M. Houle. Si vous voulez
maintenant présenter votre mémoire, s'il vous plaît!
M. Houle: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres
de cette commission, comme nous le savons tous, cette commission se tient dans
le contexte de la présente négociation. Nous avions cru au
départ que seules les parties directement impliquées dans la
présente convention collective seraient invitées à cette
table.
Nous avons appris la semaine dernière que les associations
patronales qui s'occupaient autrefois des relations du travail étaient
également les bienvenues. Nous nous en sommes réjouis. Nous avons
aussitôt fait une demande. M. le Président ou M. le ministre a
donné son accord. Nous voulons vous en remercier. Cet accord nous a
été donné mercredi. Vous comprendrez que notre
mémoire sera bref, mais je pense qu'à ce stade-ci de la
commission, personne ne nous en fera grief.
L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du
Québec incorporée en 1944 regroupe, sur une base volontaire,
quelque 600 membres qui oeuvrent dans le domaine des travaux de génie
civil dont ils exécutent environ 90% du volume total.
Ces entrepreneurs établis dans le Québec exécutent
des contrats pour différents donneurs d'ouvrage publics, parapublics et
privés. Notons par exemple qu'au niveau provincial, nos entrepreneurs
ont, comme différents donneurs d'ouvrage, Hydro-Québec, le
ministère des Transports, la Société d'énergie de
la Baie James, le ministère de l'Environnement, la Société
québécoise d'assainissement des eaux, la Communauté
urbaine de Montréal, celle de Québec, le Bureau de transport
métropolitain de Montréal et les municipalités.
Des 12 000 000 000 $ que représente le volume total de tous les
travaux de construction qui se font au Québec, environ 4 000 000 000 $
sont consacrés à la réalisation de travaux de génie
civil. Notre secteur d'activité représente donc en volume 20% ou
25% de l'ensemble de l'industrie de la construction au Québec. Cela
implique des dizaines de milliers de travailleurs directement à l'emploi
de la construction de génie civil.
Notons, par ailleurs, que les entrepreneurs de génie civil
doivent posséder un parc d'équipement lourd qui peut
représenter jusqu'à 20% de leur volume d'affaires annuel.
Notre association, consciente de sa représentativité
importante dans l'industrie de la construction, veut porter à votre
attention certains points qui la préoccupent.
À la suite des conclusions de la commission Cliche, le
législateur a cru bon de reconnaître en vertu de la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction, un agent patronal
unique qui est l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec.
L'AECQ, en vertu de sa constitution, a le mandat de s'occuper des
relations du travail et de représenter les entrepreneurs auprès
de différents organismes. À notre avis, la
sécurité, la formation et la qualification professionnelles de la
main-d'oeuvre, le placement des salariés sont, tout autant que les
négociations des conditions de travail proprement dites, des notions qui
sont incluses dans les mots "relations du travail". Voilà pourquoi
l'ACRGTQ considère l'AECQ comme le seul porte-parole officiel
habilité à s'occuper de ces quatre mandats.
En effet, l'AECQ est représentative de tous les entrepreneurs en
construction en vertu de la loi. Elle possède les ressources humaines et
financières propres à mener à bien la gestion de ces
quatre dossiers. De plus, les entrepreneurs y trouvent leur compte par une
économie de moyens, une absence de duplication d'énergie, une
meilleure canalisation de l'information et une plus grande efficacité
d'action.
Pour permettre à des associations comme la nôtre de faire
connaître son point de vue sur des sujets qui la concernent plus
particulièrement, il serait approprié de mettre en place un
processus formel de consultation entre ces associations et l'AECQ.
Pour résumer, un seul organisme patronal habilité à
parler au nom de tous les entrepreneurs dans toutes les questions relatives
à la sécurité, à la formation et à la
qualification de la main-d'oeuvre, au placement des salariés, tout
autant que pour les négociations, sera à l'avantage de
l'industrie de la construction.
Au fil des années, nos membres ont eu et ont encore à
vivre des situations de fait et de droit, génératrices de
diverses difficultés. Nous aimerions ici vous entretenir plus
spécifiquement de ces situations problématiques.
Formation et qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Pour
travailler sur un chantier de construction au Québec, un salarié
doit détenir un certificat de qualification émis par le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Ce certificat atteste du degré de qualification acquis dans un
métier. En vertu du système actuel, les cours sont
dispensés par un centre de formation professionnelle et les certificats
sont émis sans tenir compte des besoins réels et des
particularités propres à l'industrie de la construction.
Nous croyons qu'une gestion directe de la formation et de la
qualification de la main-d'oeuvre servirait beaucoup mieux les
intérêts de l'industrie de la construction. Cette gestion devrait
relever des entrepreneurs en construction par le biais de l'AECQ, des
organismes syndicaux et du gouvernement. Une telle gestion permettrait une
meilleure planification et éviterait des problèmes de
pénurie de main-d'oeuvre, comme cela s'est produit pour les soudeurs
à haute pression lors du début de la construction du gazoduc.
Placement des salariés. L'une des particularités de
l'industrie de la construction au Québec, c'est qu'en plus du certificat
de
qualification, le travailleur doit détenir aussi un certificat de
classification émis par l'Office de la construction du Québec. Un
certificat de classification atteste de la catégorie de son
détenteur pour fins d'embauche, de référence et de
placement. Nous estimons que ce certificat de classification, dans le contexte
actuel, n'a plus sa raison d'être. Son maintien entraîne des
complications administratives pour les entrepreneurs et des coûts
supplémentaires en vertu de la clause de priorité
régionale.
Un travailleur détenant un certificat de classification et
résident de la région où s'exécutent les travaux a
priorité d'embauche. Si l'employeur épuise la banque des
travailleurs classifiés d'une région, il doit engager des
travailleurs classifiés d'autres régions et assumer par le fait
même des coûts supplémentaires pour le gîte et le
couvert, coûts imprévisibles au moment de la soumission.
L'abolition des certificats de classification permettrait à
l'entrepreneur de pouvoir engager régionalement du personnel strictement
sur le critère du certificat de qualification.
Champ d'application du décret. La Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction, à l'article 19, exclut de
son champ d'application, pour certains travaux, les salariés des
communautés urbaines, des corporations municipales, d'entreprises
minières, d'entreprises d'exploitation forestière,
d'Hydro-Québec, etc. Comme le décret de la construction est
adopté en vertu de la même loi, cela signifie que les
salariés de ces donneurs d'ouvrage ne sont pas soumis aux mêmes
conditions de travail que les salariés des entrepreneurs.
La situation est acceptable lorsque ces donneurs d'ouvrage
exécutent en régie des travaux routiniers d'entretien ou des
travaux urgents de réparations. Elle est cependant inacceptable
lorsqu'il s'agit de constructions neuves, de réparations majeures,
d'additions importantes, etc.
Nous croyons que cette exclusion permet à ces donneurs d'ouvrage
de ne pas respecter la définition du mot "construction" apparaissant
dans la loi. De plus, elle crée une situation inéquitable pour
les entrepreneurs lorsque mis en compétition avec ces mêmes
donneurs d'ouvrage pour l'exécution des travaux, comme cela s'est
passé à quelques occasions où des municipalités
soumissionnaient elles-mêmes sur les appels d'offres qu'elles
lançaient aux entrepreneurs.
M. le ministre, on vous a parlé hier du Centre hospitalier de
l'Université de Sherbrooke pour certains travaux de construction.
Malheureusement, la ville de Sherbrooke a cette mauvaise habitude
d'exécuter elle-même des travaux. La ville de Coaticook aussi
n'est pas très loin, mais celle qui a le championnat dans ce domaine,
c'est la ville de Hull...
M. Rocheleau: On est bon.
M. Houle: ...qui exécute, bon an mal an, une moyenne de 2
000 000 $ de travaux de construction elle-même, même après
que des soumissions sont demandées.
M. Pagé: Je ne pensais pas que cela sortirait.
M. Houle: Je continue. De plus, cette exclusion restreint
indûment le volume des travaux disponibles pour les entrepreneurs. Enfin,
même s'il est difficile de le faire admettre par les donneurs d'ouvrage,
les projets de construction confiés aux entrepreneurs privés
coûtent beaucoup moins cher que ceux exécutés en
régie par les donneurs d'ouvrage.
Autre exemple dans ce domaine: HydroQuébec vient de
décider d'un investissement de 400 000 000 $ pour l'amélioration
des réseaux de distribution. Nous ne pouvons certes pas être
contre un tel investissement fait dans le cadre de la relance. Nous pouvons,
cependant, déplorer le fait qu'Hydro-Québec exécutera
elle-même plus de la moitié de ces travaux, privant ainsi les
entrepreneurs de travaux qui leur seraient normalement dévolus.
Nous estimons que cette commission devrait se pencher d'une façon
toute particulière sur les inéquités engendrées par
le statut particulier accordé à certains organismes dans la Loi
sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.
Le camionneur artisan. En vertu de la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction, le camionneur artisan est un travailleur
autonome et est assimilé à un entrepreneur. Il doit
détenir un permis de la régie.
Cependant, en matière de santé et de
sécurité du travail, le camionneur artisan est assimilé
à un employé de l'entreprise. L'entrepreneur doit donc payer les
cotisations à la CSST pour ce camionneur artisan et se trouve
pénalisé, advenant un accident, à son dossier de
mérite-démérite, même s'il n'y a aucun lien de
subordination entre lui et le camionneur artisan.
Nous considérons que le statut du camionneur artisan en ce qui
concerne la santé et la sécurité du travail est identique
à celui prévu dans la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction.
Nous en sommes à la conclusion. Nous n'avons sûrement pas
abusé du temps précieux de cette commission jusqu'ici.
Permettez-nous, en terminant, de rappeler quelques points importants pour notre
association. (17 heures)
Premièrement, les coûts de la construction sont trop
élevés, de sorte que tout le monde - vous avez pu le constater
-essaie de sortir de son champ d'application. En conséquence, le volume
des travaux diminue. La solution, selon nous, réside donc dans une
baisse et un contrôle des coûts de la main-d'oeuvre.
Deuxièmement, les certificats de classification n'ont plus leur
raison d'être. Il faut les supprimer et contrôler plutôt la
main-d'oeuvre par les certificats de qualification qu'on appelle aussi la carte
de compétence.
Troisièmement, les bureaux de placement syndicaux doivent
être supprimés et les entrepreneurs devraient fonctionner avec le
bureau de référence de l'OCQ. La priorité régionale
doit également disparaître et on doit favoriser plutôt la
mobilité de la main-d'oeuvre.
Quatrièmement, il est primordial de réviser toute la
législation et la réglementation existantes qui étouffent
l'entreprise et viser à une simplification, sinon à une
déréglementation.
Notre industrie en est une qui fluctue selon les saisons, les taux
d'intérêt et les cycles économiques. Il faut être
prudent et se garder d'avant-gardisme inconsidéré et quantifier
les coûts avant de mettre en application toute nouvelle
réglementation. Ainsi, par exemple, le revenu garanti nous
apparaît être une utopie. Toute législation de ce genre est
responsable d'une hausse abusive des coûts de l'industrie dont le
contribuable fait toujours les frais en fin de compte.
De plus, il faudrait désétatiser les relations du travail
dans l'industrie de la construction. Le cadre actuel donne à la partie
syndicale la certitude que le législateur lui donnera davantage que le
patron.
Nous souhaitons, enfin, un système basé sur la
concertation et la collaboration et non sur la confrontation
perpétuelle. Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Lavigne): Je vous remercie beaucoup, M.
Houle, de la brièveté avec laquelle vous avez passé
à travers votre mémoire. J'inviterais donc maintenant le ministre
à commenter.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je vais tenter
de suivre l'exemple qu'on vient de nous donner et d'être très bref
sans, cependant, omettre de vous signaler, M. Houle, qu'effectivement je ne
pense pas que personne vous fasse grief de la brièveté de votre
mémoire, d'autant plus qu'il est à ce point clair que le message
ou les revendications que vous voulez nous soumettre sont vite compris. Je m'en
tiendrai, quant à moi, à une ou deux questions qui touchent les
conclusions de votre mémoire et qu'on retrouve à la page 12. Je
vais prendre, par exemple, la première de vos recommandations ou de vos
observations: "Les coûts de la construction sont trop
élevés, de sorte que tout le monde essaie de sortir de son champ
d'application. En conséquence, le volume des travaux diminue. La
solution réside donc dans une baisse et un contrôle des
coûts." C'est le texte que j'ai devant moi, mais j'ai cru comprendre que,
dans votre présentation verbale, vous avez ajouté "de la
main-d'oeuvre".
M. Houle: De la main-d'oeuvre, c'est évident. Nous avons
peut-être procédé rapidement à la rédaction
du mémoire. Moi, j'ai une copie corrigée. Malheureusement, je
vois que tout le monde n'a pas la même copie.
M. Fréchette: Bon! Je ne suis pas en train, non plus, de
vous faire grief de cette situation, sauf que cela m'autorise à essayer
d'obtenir certains renseignements de votre part. Votre opinion à cet
égard est partagée par plusieurs associations que nous avons
entendues. Vous allez, par ailleurs, comprendre qu'elle est aussi
sérieusement contredite par d'autres. Vous qui êtes des
entrepreneurs ou des employeurs et qui travaillez, par exemple, avec de la
machinerie lourde, vous est-il possible de nous donner un aperçu de
l'échelle ou de la courbe de l'augmentation des coûts de la
construction, en général? C'est sûr que la main-d'oeuvre a
augmenté. Elle a augmenté dans une proportion que l'on
connaît, dont on a parlé ici avec abondance depuis trois jours,
mais, par exemple, les équipements dont vous vous servez, la machinerie
lourde que vous utilisez quotidiennement dans l'exécution de vos
travaux, dans quelle proportion, depuis dix ans, ont-ils augmenté quant
à leur coût d'achat pour commencer, bien sûr, et d'entretien
par la suite?
M. Houle: M. le ministre, j'ai restreint les coûts à
la main-d'oeuvre - je pense que c'est évident, parce qu'on parle des
relations du travail, c'est dans le contexte des relations du travail - mais je
peux vous assurer d'une chose, c'est que les coûts de la machinerie n'ont
pas augmenté. Ils diminuent. Je peux vous dire que, depuis au moins cinq
ans, vous êtes en mesure de constater que les compagnies distributrices
d'équipement font faillite, elles ferment régulièrement.
Ce qui se vend actuellement et ce qui s'achète par nos entreprises,
c'est de l'équipement usagé qu'on retrouve, disons, à bon
marché. De l'équipement neuf, il y en a très peu. D'abord,
parmi les gros donneurs d'ouvrage, vous aviez la Société
d'énergie de la Baie James, mais on sait qu'actuellement c'est
pratiquement arrêté; les autres travaux, vous avez au
provincial les travaux d'assainissement des eaux qui commencent, qui
requièrent des excavatrices. Il y en a beaucoup sur le marché.
Très peu ont à acheter de l'équipement neuf.
Maintenant, je suis conscient que, s'il y avait un programme
considérable d'investissement dans l'équipement et qu'il fallait
aller acheter de l'équipement, disons, qui vient des États-Unis
ou de l'extérieur, les prix, surtout avec la déflation du dollar
canadien, seraient considérables. Je pense qu'actuellement nous n'en
sommes pas rendus à cette hausse qui pourrait, un jour ou l'autre, se
greffer sur les coûts de construction. Dans le contexte actuel, nous
procédons tous par soumissions publiques. Les coûts de la
machinerie ou de l'équipement sont réduits au minimum pour
essayer d'obtenir les contrats. Le seul point qui, en fin de compte, ne fait
pas l'objet de soumissions, c'est celui des salaires qu'on doit prendre. On ne
peut pas aller négocier un salaire, disons, avec les salariés,
leur demander: Peux-tu travailler à 8 $, à 10 $? Alors, il faut
prendre le taux du décret. Je pense que c'est normal, à un
certain point de vue. C'est pour cela qu'on dit que les salaires sont trop
élevés, parce que ce qu'il faut bien comprendre - vous l'avez vu
tout à l'heure - c'est que tout le monde essaie de sortir du champ
d'application, que ce soient les municipalités, que ce soient d'autres
personnes. Pourquoi? Parce qu'on nous dit que les salaires sont trop
élevés. Je pense que c'est le cas.
Le problème qui se pose ici au Québec, on est le seul en
Amérique du Nord, c'est qu'on compare toujours un salaire qui se paie
soit en Colombie britannique, en Ontario ou bien aux États-Unis avec
celui qu'on a établi. Ici, on a un secteur de la construction. Les taux,
ce sont des taux syndiqués pour l'ensemble des salariés, pour les
100 000 salariés. Vous allez en Colombie britannique, en Ontario ou au
États-Unis, vous allez peut-être en avoir 30% ou 40% qui sont
syndiqués. Supposons qu'on dise ici: 50-50 syndiqués et d'autres
non syndiqués. Si le non-syndiqué travaille à 10 $ l'heure
et l'autre travaille à 20 $ l'heure, cela fait 15 $ tous frais compris,
alors qu'actuellement on paie dans la construction 21 $ et plus. Je pense que
c'est le point fondamental et, si on ne l'accepte pas, le problème
persistera. Même le syndicat doit en être conscient; autrement, il
va perdre son volume de travail, il va perdre ses emplois. Tout cela est
relié - on pourra en parler plus loin aussi - au placement. Il les perd,
les gens s'en vont. Un type qui est qualifié, qui perd sa
classification, il faut qu'il travaille.
Je pense que c'est un problème, d'abord, le salaire, qui est
très important. Si on veut prendre une moyenne et établir une
comparaison avec quiconque en Amérique du Nord, il faudrait prendre la
même échelle de comparaison. Si on donne à 100% de nos
salariés un salaire, disons, de 20 $ alors qu'ailleurs on donne à
une partie, peut-être à 10% de la population, 20 $ et qu'aux
autres 90% on donne la possibilité de travailler de 8 $ à 15 $,
on change complètement le marché. Je ne sais pas si on a les
moyens, nous au Québec, de faire cela si on est plus riches que tout le
monde. Je n'ai rien contre le fait que les 100 000 salariés puissent
tous gagner 20 $ l'heure; ce serait parfait si ce n'était pas
rêver.
M. Fréchette: M. Houle, je prends...
M. Houle: Cela dépend du volume de construction qui est
donné.
M. Fréchette: ...acte de vos informations, de vos
renseignements. Je ne suis pas en train de remettre en cause ou de contester ce
que vous me dites. Je vous signale que cela m'étonne un peu, le
renseignement que vous me donnez quant au prix des équipements. Mais je
prends votre parole, vous êtes un expert dans ce domaine.
Dans cette même foulée des coûts de la construction,
est-ce que vos observations sont les mêmes...
M. Houle: M. le ministre, je m'excuse. Je voudrais apporter une
précision. Je voudrais, quand même, être clair. C'est
entendu que, si j'ai acheté une pièce d'équipement il y a
cinq ans, qui coûtait 150 000 $, si je vais l'acheter aujourd'hui, elle
en coûtera 300 000 $. Je pense que...
M. Pagé: Écoutez le reste.
M. Houle: ...c'est évident. Mais ce que je veux vous dire,
c'est qu'actuellement de l'équipement neuf, il ne s'en vend pas beaucoup
et il ne s'en achète pas beaucoup. Le jour où le travail
reprendra, on aura besoin d'équipement neuf. Je pense que ce n'est pas
pour cette année ni pour l'année prochaine.
M. Fréchette: Alors...
M. Houle: On peut s'attendre à payer une note
supplémentaire pour l'achat d'équipement neuf.
M. Fréchette: Je vous remercie de cette
précision.
Quelle est votre appréciation, toujours quant à
l'augmentation des coûts des matériaux utilisés dans votre
secteur d'activités? Je pense, par exemple, à la pierre
d'asphalte, je pense au béton, enfin, à tous les autres
matériaux utilisés par vos
membres.
M. Houle: Quand il y a des années de dépression,
vous savez comme moi que les prix baissent. Actuellement, on n'est pas à
la hausse. Alors, que ce soit la pierre, le sable, les autres matériaux,
vous savez que cela baisse. Il y en a un, cependant, qui est à la
hausse, c'est le bitume; tout le monde le sait. Vous savez ce que les Arabes
ont fait. Le prix est à la hausse; alors, on n'a pas le choix. C'est le
seul produit, à mon point de vue, qui est à la hausse, et
considérablement.
Sûrement que tous les autres matériaux sont
légèrement à la hausse, parce qu'il faut suivre chaque
année l'augmentation des salaires. Je pense que c'est normal. On ne peut
pas dire que des coûts restent stables continuellement.
M. Fréchette: Cela va pour ce chapitre. Je voudrais une
dernière précision. Ce n'est pas une question. Je pense que, par
un oui ou un non, je vais être définitivement fixé. J'ai
très clairement compris que votre association favorise l'abolition pure
et simple du règlement de placement dans sa forme actuelle.
M. Houle: M. le ministre, je pense que je n'ai peut-être
pas été assez clair...
M. Fréchette: Non, non, vous avez été clair.
Je voulais simplement...
M. Houle: Non. Je m'excuse si on vous a donné cette
impression, mais on ne prône pas l'abolition du bureau de placement, pas
du tout.
M. Fréchette: Du règlement de placement.
M. Houle: D'une partie du règlement de placement.
M. Pagé: Le contingentement.
M. Houle: Concernant le bureau de placement, c'est sûr que
l'abolition du bureau de placement syndical est une recommandation de la
commission Cliche. Cela ne veut pas dire que cela ne prend pas de bureau de
placement. Hier, un patron a demandé pourquoi les patrons n'auraient pas
leur bureau de placement; les syndicats voudraient avoir leur bureau de
placement. Mais le problème a été étudié. La
commission Cliche a recommandé un bureau de placement centralisé
qui est à l'office, et nous vivons avec cela. Dans le texte, je pense
que c'est ce que j'ai dit: Nous serions d'accord pour vivre avec ce bureau de
placement qui serait un bureau de référence où les trois
parties, que ce soit les patrons, les syndiqués, le gouvernement,
pourraient contrôler l'organisation de l'Office de la construction du
Québec, comme d'autres organismes reliés à la construction
mais à condition que les pouvoirs soient réellement donnés
aux composantes de cet organisme. Nous ne prônons pas l'abolition du
bureau de placement. Ce que nous avons prôné, par exemple, c'est
la disparition du certificat de classification.
M. Fréchette: Oui, vous réclamez l'abolition ou la
disparition du certificat de classification, de même que de la
priorité régionale.
M. Houle: La priorité régionale...
M. Fréchette: La priorité régionale
d'embauche.
M. Houle: On trouve que la priorité régionale
d'embauche, c'est superflu; cela ne rime à rien. Un employeur va en
soumissions publiques; il faut que ses coûts soient les plus bas possible
s'il veut obtenir le contrat. Si je vais travailler à Sept-Îles,
si je soumissionne à Sept-Îles, qu'est-ce que je vais faire? Je
vais chercher à employer le plus possible la main-d'oeuvre
régionale. Je ne suis pas intéressé à payer le
transport et la pension même au plus petit nombre de mes propres hommes
où est mon bureau d'affaires. Il s'agit d'engager le plus possible dans
la région. (17 h 15)
On va même plus loin; on veut cela non seulement pour celui qui a
une classification À , avec 2000 heures - c'était trop, 1500
heures et 1000 heures; même aujourd'hui, s'il ne les a pas, on lui donne
un certificat - mais pour le gars qui a sa qualification. On le prendrait,
même s'il n'avait pas le nombre d'heures voulu. Nous autres, on veut
faire disparaître la classification et miser uniquement sur la
compétence. Alors, d'une façon absolue, on favorise l'emploi
régional.
Personnellement, j'ai un contrat à Bécancour, Pechiney.
Sur 100 personnes sur le chantier, de Québec, j'ai un ingénieur.
Même j'amène habituellement le surintendant sur les chantiers; on
en a trouvé un excellent sur place. On l'a engagé. Si j'avais le
mien là-bas, je lui paierais du transport, une pension. Tous les
entrepreneurs font cela. Je pense que c'est le bon sens. Même pour le
salarié, la certification et la priorité régionale, je
pense que cela joue contre lui. À mon point de vue, cela joue contre
lui. Pourquoi ne pas plutôt lui faciliter la mobilité d'emploi?
Pourquoi vouloir le garder dans sa région, alors qu'on sait qu'il n'y a
pas un volume de travail réparti uniformément dans toute la
province? Pourquoi lui mettre des obstacles à aller
chercher ses heures dans la région voisine ou dans une
région plus éloignée? Nous pensons que, pour favoriser
l'emploi dans la construction qui n'est pas illimité, on devrait faire
disparaître la classification.
M. Fréchette: Merci, M. Houle. J'ai
complété.
Le Président (M. Lavigne): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. Houle. MM. les membres et les
représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands
travaux du Québec, je tiens à vous exprimer toute la satisfaction
que notre groupe a de vous rencontrer aujourd'hui et d'avoir l'occasion
d'échanger pendant quelques minutes. Votre association et ses membres
est un donneur d'ouvrage important au Québec. Le premier souhait que je
formulerai sera que, dans les plus brefs délais, le niveau de
dépenses du gouvernement du Québec au chapitre du
ministère des Transports et de l'Approvisionnement, plus
particulièrement en ce qui vous touche, redevienne ce qu'il était
il y a quelques années parce que vous avez eu certainement à
subir une baisse sensible dans votre industrie compte tenu des montants,
même des montants bruts, qui ont non seulement suivi l'inflation, mais
qui sont diminués par rapport aux montants bruts il y a quelques
années.
Votre mémoire est intéressant. Il est clair. Vous dites ce
que vous pensez. Vous le dites franchement et ouvertement, d'une façon
très brève, mais clairement exprimée. J'aurais une
première question qui porte sur la formation. Vous avez
évoqué toute la question de la formation de la main-d'oeuvre.
Depuis que je suis en politique, j'ai été à même de
constater qu'on avait, comme société, plusieurs problèmes
à cet égard. Vous faites référence à la
possibilité de participer - c'est tout à fait légitime -
à la gestion de la formation et de la qualification de la main-d'oeuvre
qui vous préoccupera éventuellement. J'aimerais que vous
m'indiquiez si vous êtes d'accord avec la proposition qui a
été préalablement formulée, hier je crois. Cela a
été évoqué par l'AECQ; cela a été
repris par le Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction; cela a été repris par la FTQ-Construction aussi,
cette possibilité que la formation de la main-d'oeuvre, qui est
actuellement sous la juridiction du milieu scolaire, redevienne une formation
professionnelle spécifique au monde de la construction sous une
structure tripartite où la partie patronale, la partie syndicale et le
gouvernement seraient représentés pour l'établissement des
programmes de formation pour mieux adapter ces programmes et cette formation
aux modifications technologiques, aux besoins de l'industrie, etc. J'aimerais
savoir, dans un premier temps, si c'est cela que vous voulez dire. J'aimerais
aussi avoir votre commentaire ou votre appréciation sur le genre de
contrôle de la qualification.
Vous savez, il faut être député pour voir
régulièrement les problèmes qu'ont les travailleurs de la
construction, les apprentis, lorsqu'ils terminent leur apprentissage et qu'ils
vont passer un examen de qualification au ministère, plus
particulièrement dans le cas de travaux comme ceux dont vous faites. Je
me rappelle très bien les travailleurs qui étaient
habitués à travailler sur ce qu'on appelle des "graders", qui
devaient passer des examens sur des machines à asphalte, etc. Ils
avaient un paquet de problèmes: refus aux examens, requête pour
attestation d'expérience. J'en suis venu à la conclusion que ces
examens-là n'étaient pas toujours collés au métier
vers lequel se dirigeait le travailleur en question et c'est pourquoi
j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Houle: Si on commence par la dernière question, le
contrôle de l'apprentissage, je pense que le problème premier,
c'est la fameuse carte de classification qui bloque l'apprenti. Il aurait beau
avoir son certificat d'apprentissage, s'il n'a pas les heures
travaillées, il ne pourra pas entrer sur les chantiers de construction.
Si on enlevait la classification - le compagnon est qualifié, il a sa
carte de compétence et l'apprenti est également qualifié,
il a son carnet d'apprentissage - je pense qu'à ce niveau-là le
problème serait réglé.
C'est entendu que l'organisme tripartite qui serait formé
concernant la formation établirait les programmes de formation, de
quelle façon les cours seraient donnés et également le
contrôle de cette formation-là. Si ce n'est pas adapté aux
besoins de la construction, ils feront des modifications. Actuellement, c'est
beaucoup plus difficile de le faire, car ce ne sont pas les parties
impliquées directement au jour le jour qui ont le contrôle
là-dessus.
Je pense qu'avec un organisme semblable le problème serait
réglé ou, pour le moins, facilité. C'est donc dire que
nous sommes d'accord avec la première partie de votre question sur
l'organisme. Je n'ai pas été témoin oculaire des
propositions faites, mais c'est ce que nous suggérons.
M. Pagé: Vous demandez que le règlement de
placement soit non seulement modifié, mais purement et simplement
retiré en ce qui regarde le contingentement de la main-d'oeuvre. J'ose
espérer que le ministre en prend bonne note. Par contre, en ce qui
concerne le placement, vous demandez en même temps que les syndicats
n'aient plus leurs agences de placement et vous
demandez que le placement puisse, quand même, continuer à
se faire par l'OCQ. Sous quels critères le placement se ferait-il
à ce moment-là?
M. Houle: Quand on disait tout à l'heure qu'on
enlève le contingentement, etc., je pense que le contingentement n'est
pas totalement enlevé. Une carte de qualification, c'est une certaine
façon de contingenter. Quand vous parliez tout à l'heure de
bloquer un paquet de jeunes, c'est peut-être en vue d'un contingentement,
parce qu'il n'y a pas de travail dans la région. Vous en avez une
dizaine. Alors, ils n'iront pas faire croire à dix jeunes qu'il y a des
possibilités pour eux, ils n'en ont pas. Qu'est-ce qu'ils font? Ils les
bloquent.
Le contingentement peut se faire d'une certaine façon comme cela
se fait dans les différentes professions...
M. Pagé: Par la qualification.
M. Houle: ...dans les différentes universités par
la qualification. Donc, au point de vue du contingentement, je pense qu'il
n'est pas totalement enlevé.
Quand on parle d'abolition des bureaux de placement syndicaux, ce n'est
pas une bombe. Ce qu'on ne veut pas, ce sont les problèmes qui ont
été vécus avec le 144 des plombiers qui a fait l'objet de
la commission Cliche. Ce qu'on ne veut pas, ce sont les problèmes qui
ont été vécus avec les mécaniciens d'ascenseur et
ce qu'on ne veut pas, ce sont les problèmes qui ont été
vécus dernièrement avec les soudeurs dans le gazoduc. Ce n'est
pas parce qu'il n'y a pas de discussions et pas de coopération avec les
syndicats. Ce n'est pas vrai. La plupart du temps, on vit bien ensemble, on
peut se parler. Ce n'est pas parce que leur bureau de placement aboutit
toujours à des cas semblables. Cependant, on voudrait trouver une
formule où le placement soit centralisé et sous un contrôle
tripartite, mais où les pouvoirs des parties constituantes seraient
réellement entre leurs mains.
La possibilité la plus facile qu'on voit actuellement, c'est le
bureau de référence, qu'on considère comme tel, que
l'office dirige. Une personne quitte l'emploi, s'inscrit, revient. Quand on a
besoin de main-d'oeuvre, actuellement, l'employeur peut engager lui-même
sur les chantiers. L'employeur peut même s'adresser à un syndicat.
Je peux vous dire que plusieurs de nos membres le font. Ce n'est pas mauvais en
soi. D'autres peuvent s'adresser à l'Office de la construction. Ce qu'on
veut, c'est un système qui soit vivable par les parties et qui fasse
disparaître les problèmes qu'on peut rencontrer.
M. Pagé: Merci, M. Houle. J'ai une dernière
brève question. Je pensais que le ministre y répondrait. Cela m'a
surpris. Il pourra peut-être y répondre par la suite. Vous avez
évoqué, à la page 11 de votre mémoire, le
fait que le camionneur artisan soit considéré comme un
travailleur autonome, donc comme un entrepreneur. Vous dites:
"Cependant, en matière de santé et de sécurité au
travail, le camionneur artisan est assimilé à un employé
de l'entreprise et l'entrepreneur doit donc payer les cotisations pour ce
camionneur artisan et se trouve pénalisé, advenant un accident,
à son dossier de mérite-démérite, même s'il
n'y a aucun lien de subordination entre lui et le camionneur artisan." C'est
donc dire que, pour certains travaux, vous avez la fameuse clause 75-25 qui
vous oblige à recourir à un certain nombre d'artisans au niveau
local pour assumer une partie du transport. Si un de ces camionneurs a un
accident, cela implique une imputation à votre dossier de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. Est-ce que c'est
cela?
M. Houle: Oui, et même plus que cela. Même si ce
n'est pas un contrat important d'une municipalité, j'ai besoin d'un
voyage de sable et je ne peux pas aller le chercher; je fais appel à un
camionneur artisan et il vient me le porter. En retournant, il a un accident,
il tue une personne ou deux; cela apparaît à mon dossier de
mérite-démérite.
M. Pagé: Par surcroît, vous n'avez pas...
M. Houle: C'est moi qui suis obligé de payer la CSST.
C'est le moyen que la CSST a trouvé pour essayer de faire indemniser les
accidentés dans ces circonstances. Pour elle, c'est un moyen facile.
M. Pagé: Si ma mémoire est fidèle, vous
n'avez pas le choix de ce camionneur, parce que ce dernier peut vous être
référé par les bureaux régionaux.
M. Houle: Par ce qu'on appelle les bureaux d'affectation...
M. Pagé: Les bureaux d'affectation.
M. Houle: ...dans les différentes régions. Dans
certaines régions, on peut avoir le choix. Dans d'autres régions,
leur choix nous est imposé. Surtout dans les régions où le
choix nous est imposé, c'est encore pire, mais je pense que le
problème demeure le même, même si c'est une personne qui est
à son compte. C'est un genre d'entrepreneur à son compte qui dans
la journée, peut avoir trois ou quatre employeurs différents.
S'il a un accident sur un chantier - peut-être que son voyage est fini le
matin; cela a peut-être lieu à une autre heure - il va
apparaître au dossier de l'un des entrepreneurs l'ayant
appelé.
M. Pagé: C'est vous qui payez.
M. Houle: C'est nous qui payons. Nous trouvons que c'est
une...
M. Pagé: Vous avez le gars tout choisi devant vous pour
répondre à cela. M. le ministre, vous pourriez peut-être
leur donner une réponse satisfaisante aujourd'hui. Que pensez-vous de
cela?
M. Fréchette: Ils ne posent pas une question; ils mettent
un problème sur la table.
M. Pagé: Si j'avais été de l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec, je me serais au
moins attendu que vous répondiez là-dessus. C'est le moment tout
choisi.
Le Président (M. Lavigne): M. le député de
Portneuf, s'il vous plaît!
M. Pagé: Non? Bon! En tout cas. Je dois dire que je
regrette que le ministre ne réponde pas à cette question
spécifique parce que c'est un problème. Il m'apparaît non
seulement surprenant, mais inéquitable d'affecter cette
responsabilité à un tiers, parce que vous êtes vraiment un
tiers. Vous requérez les services d'un camionneur artisan. Bien souvent,
vous n'avez même pas le contrôle du camionneur en question; c'est
décidé par un poste d'affectation. Il arrive un accident et c'est
imputé à votre dossier. Le ministre responsable de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail est ici. C'est
vrai qu'on n'a pas celui qui est responsable de la Régie de l'assurance
automobile, mais il aurait été certes utile d'avoir une
réponse très précise. Cela ne demande pas une étude
très poussée pour répondre à une question comme
celle-là.
Merci, messieurs. Bonne chance!
Le Président (M. Lavigne): Merci, M. le
député de Portneuf.
M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. D'abord, je dois dire
que je suis d'accord avec votre association sur un point et c'est celui qui a
été soulevé par le député de Portneuf. Je
pense que le gouvernement devrait se pencher sur la question pour faire en
sorte que les camionneurs artisans, vu que leurs équipements sont
immatriculés au ministère des Transports du Québec,
relèvent de la Régie de l'assurance automobile et non pas de la
CSST ou quoi que ce soit. Là-dessus, je vous donne entièrement
raison.
Sur deux autres points, je ne vous donne pas raison.
M. Pagé: C'est toi qui devrais le dire.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
(17 h 30)
M. Perron: Sur deux autres points, je ne vous donne pas raison,
parce qu'il y a une nette différence entre la qualification et la
classification. Si on abolissait, par exemple, la carte de classification,
selon moi, il n'y aurait pratiquement plus de contingentement, contrairement
à ce que vous avez mentionné tout à l'heure. À ce
moment-là, il n'y aurait pas seulement les gens qui sont des
travailleurs de la construction qui pourraient en profiter, mais il y aurait
tout le reste des personnes qui travaillent dans les usines et qui ont les
qualifications au niveau des métiers. Cela pourrait être
très dangereux. Pour moi, on retournerait en arrière, à ce
qui se passait dans les années soixante-dix, 1975, 1976 et même
1977 dans le cadre du règlement de placement.
Il y a une chose qui est sûre et certaine - on en a discuté
ici, on a entendu les entrepreneurs le mentionner, on a entendu les syndicats
le mentionner aussi -pour régler le problème des travailleurs de
la construction et pour faire travailler le maximum de gens, ce n'est pas
d'abolir le règlement de placement, en tout cas, selon ce que je pense,
ou une partie du règlement de placement; c'est plutôt de faire en
sorte que des contrats soient donnés, qu'il y ait une remontée
économique et qu'on puisse créer des emplois au maximum.
Attention, il n'appartient pas, comme l'a dit mon collègue d'en face,
seulement au gouvernement du Québec de régler ce problème.
Cela appartient à l'ensemble de la collectivité de régler
le problème des emplois. Cela appartient au gouvernement
fédéral, cela appartient au gouvernement du Québec, cela
appartient aux entrepreneurs, cela appartient aussi aux syndicats.
Cela dit, je voudrais revenir sur un des points que vous avez
mentionnés dans votre document à la page 12 où vous parlez
des bureaux de placement syndicaux. Dans le règlement de placement tel
qu'il est conçu actuellement, il y a, en fait, trois instances qui
peuvent faire du placement. Vous avez les bureaux des syndicats qui peuvent
faire le placement en vertu de l'article 25; ils doivent obtenir, cependant, un
permis. Vous avez, en vertu des articles 44 et 52, l'OCQ qui peut faire du
placement à la demande d'un entrepreneur et même à la
demande d'un syndiqué. Vous avez aussi, en vertu de l'article 45,
l'employeur qui lui-même peut engager sur place un travailleur de la
construction. Donc, vous avez trois instances qui peuvent engager.
Dans le comté de Duplessis, sur la Côte-Nord, et dans
plusieurs régions du
Québec il y a plusieurs entrepreneurs qui s'adressent directement
aux bureaux syndicaux pour le placement. J'en ai dans mon comté autant
qu'ailleurs. Ces gens se trouvent très satisfaits - d'ailleurs, des gens
qui sont même membres de votre association - des résultats obtenus
auprès des bureaux de placement syndicaux. Maintenant, je ne parle pas
à l'Opposition, je parle à d'autres personnes. La question que je
voudrais vous poser: Est-ce que dans votre association il y a plusieurs
entrepreneurs qui font appel régulièrement aux bureaux de
placement syndicaux, par exemple, dans le cas des monteurs de lignes ou encore
dans d'autres métiers?
M. Houle: Je l'ai mentionné tout à l'heure, je
pense, chez nous, comme dans les autres associations, beaucoup d'employeurs
engagent eux-mêmes. D'autres font appel à des bureaux de placement
ou à des représentants syndicaux avec qui on travaille et qui
viennent nous visiter sur le chantier. D'autres font référence
à l'Office de la construction. Même chez nous on va utiliser
parfois les trois. Cela va dépendre de la région où nous
sommes, de la disponibilité de la main-d'oeuvre. Quand on a besoin de
main-d'oeuvre, on essaie de chercher par tous les moyens la main-d'oeuvre la
plus appropriée pour les travaux qu'on a à faire. Les
problèmes qu'on veut éviter, c'est que, dans des périodes
difficiles, lorsqu'on est coincé, un syndicat se serve de son bureau de
placement pour influencer la négociation ou les opérations, comme
cela s'est produit dans le passé. Tout le monde est au courant. C'est
cela qu'on voudrait corriger, mais corriger tout le monde ensemble, sans brimer
les droits des gens. Même le syndicat, cela n'empêche pas qu'il ait
sa liste de syndiqués à lui et qu'il contrôle avec la liste
de l'office. Ce n'est pas cela qu'on veut faire disparaître. C'est
l'opération globale et à long terme, pas à court terme. Ce
n'est pas parce qu'on en a contre les syndicats. Ce n'est pas vrai, parce que
chez nous... Vous me demandez: Y en a-t-il beaucoup? Je ne sais pas combien il
y en a, mais il y en a et, personnellement, on le fait nous-mêmes
à l'occasion.
M. Perron: Bon! Maintenant, je vais clarifier encore plus ma
question. Est-ce que vous-même ou encore d'autres personnes qui sont
à la table font appel actuellement à des bureaux de placement
syndicaux pour obtenir de la main-d'oeuvre?
M. Houle: Personnellement, je le fais à l'occasion.
M. Perron: Vous le faites à l'occasion et d'autres
aussi.
M. Houle: Peut-être pas moi directement, mais mes
employés. J'imagine qu'aujourd'hui mes hommes le font eux-mêmes
sans que je leur dise, lors de la préparation d'une soumission, on
vérifie la disponibilité de la main-d'oeuvre. J'ai
déjà appelé moi-même, personnellement, il y a
plusieurs années, un chef syndical pour savoir quelle était la
disponibilité de la main-d'oeuvre. Je pense que c'est normal. Vous
me demandez s'il y en a qui le font chez nous. C'est certain qu'il y en a
qui le font.
On n'aimerait pas, cependant, être obligés d'appeler les
quatre centrales ou les cinq pour savoir si elles en ont, oui ou non. Si
c'était à un endroit centralisé, je pense que ce serait
plus efficace et plus rapide.
M. Perron: La réponse qu'on vous donne à ce
moment-là, lorsque vous faites une demande au bureau de placement du
syndicat, est-ce que tout est dans l'ordre et tout va bien avec le syndicat
lui-même?
M. Houle: Cela va bien.
M. Perron: Dans la majorité des cas.
M. Houle: Cela peut bien aller. Si on appelle, par exemple, une
semaine avant les travaux et qu'on arrive sur le chantier trois semaines
après, on ne s'offusque pas si le gars en a moins qu'il ne le pensait ou
bien s'il en a plus. La construction, cela varie de jour en jour. Si vous allez
actuellement à Bécancour, par exemple, ne vous attendez pas
à trouver beaucoup de main-d'oeuvre dans le coin; il n'y en aura pas.
Mais allez voir dans un an et demi, il peut y en avoir en abondance.
Le Président (M. Lavigne): Cela va, M. le
député de Duplessis?
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Lavigne): M. le député de
Hull, s'il vous plaît!
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. À la suite de
certains commentaires que faisait le président, M. Houle, vous me
permettrez sûrement de commenter afin d'expliciter. Je veux vous assurer
auparavant, après avoir pris connaissance du mémoire
présenté par l'Association des constructeurs de routes, que je
partage votre opinion sur plusieurs points. Je pense que notre formation
politique, en tout cas, sur la question de la classification, a
énoncé à plusieurs reprises que les certificats n'ont plus
leur raison d'être et nous l'énonçons de nouveau.
Par contre, M. Houle, à la suite des commentaires que vous avez
faits tantôt, vous avez fait allusion à la ville de Hull,
à
savoir que la ville de Hull faisait elle-même plusieurs contrats,
entre autres d'égout, parce que les contrats de pavage et autres sont
faits par l'entreprise privée. Ils l'ont toujours été,
à moins de légères réparations. Mais je tiens
à l'expliquer pour le bénéfice de ceux qui ont entendu
cela tantôt, parce qu'au cours des derniers jours j'ai eu quelques
critiques de la part de la FTQ et de la CSN. On a interprété le
fait que j'étais peut-être antisyndical. Je suis heureux
aujourd'hui d'avoir un peu de critiques de la part des patrons. Cela
équilibre les choses un peu. Je voudrais vous dire, entre autres, que
durant les bonnes années où on avait un excellent gouvernement au
Québec, c'est-à-dire entre 1970 et 1976, alors qu'il y avait plus
de 150 000 travailleurs dans la construction, alors qu'il y avait
énormément de travaux de voirie...
Une voix: Pertinence.
M. Rocheleau: C'est de la pertinence en maudit, je vous le dis!
M. le Président, durant les années 1973, 1974 et 1975,
effectivement, tenant compte de la construction de l'usine d'épuration
qui commandait énormément de contrats très importants,
étant donné qu'on n'avait pas tellement de firmes locales, pour
les plus petits contrats, les contrats qui variaient peut-être entre 200
000 $ et 700 000 $ ou 800 000 $, la ville de Hull établissait des
données, des estimations sur les contrats pour lesquels on allait en
soumissions et on s'apercevait souvent que nos estimations étaient de
20% à 25% moindres que celles du plus bas soumissionnaire, et on avait
peut-être trois, quatre ou cinq soumissionnaires. La ville de Hull a
décidé, à un moment donné, de soumissionner elle
aussi, parce que nous pouvions refuser ou accepter la plus basse soumission et,
par le fait même, contrôler un peu plus le coût de nos
soumissions ou ce que nous anticipions comme coûts. La ville de Hull a
effectivement procédé à plusieurs soumissions pour la
construction d'égouts dans la ville qui sont très bien faits. Je
dois vous dire, en passant, que les employés de la ville sont
sûrement parmi les meilleurs employés au Québec dans les
municipalités. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous le
faisions.
Mais je veux vous assurer, pour le bénéfice de votre
association, que, depuis que les années de vaches maigres sont revenues
au Québec, c'est-à-dire depuis la fin de 1976, nous nous sommes
retirés considérablement de ces travaux et nous recourons
davantage aujourd'hui à l'entreprise privée pour les faire.
D'autant plus que vous avez dit qu'il y avait passablement de problèmes
dans ce domaine.
Je voulais simplement clarifier cela, M. Houle, parce que je sais que ce
n'était pas malicieux de votre part. Mais je tenais, pour le
bénéfice de tous, à démontrer l'excellente gestion
que la ville de Hull a toujours fournie et dont elle a fait profiter ses
commettants et commettantes.
M. Houle: Est-ce que je pourrais ajouter un mot à ce
commentaire? Je vous remercie. J'espère que vous pourrez faire jouer
votre influence dans la région de l'Outaouais, à Hull même,
parce que les travaux exécutés par la ville continuent,
même en 1984.
M. Rocheleau: Je pourrai peut-être leur parler.
Le Président (M. Lavigne): M. le député de
Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Dans le
déroulement de nos travaux depuis trois jours maintenant, on a pu
établir certaines statistiques relatives aux différents
coûts des travaux, par exemple, dans la construction
résidentielle. On a établi, entre autres, que le coût des
salaires dans la construction résidentielle pouvait représenter
environ 30%. Il y a eu des chiffres de 25% ou de 30% qui ont été
mentionnés. Est-ce que vous auriez des statistiques relatives aux
travaux importants, qui indiquent le pourcentage des salaires que peut
représenter un contrat de 5 000 000 $, par exemple?
M. Houle: Quant aux travaux que nos entrepreneurs
exécutent, si vous parlez du terrassement, de la manutention de terre,
déblai, remblai, etc., cela peut représenter 25% du montant du
contrat. Si vous parlez des ponts, des viaducs, cela peut ressembler au
résidentiel, c'est-à-dire être aux environs de 30%. Si vous
parlez du transport d'énergie, ce sont majoritairement des salaires
puisque beaucoup de matériaux sont fournis par Hydro-Québec; on
me dit tous les matériaux. Les salaires peuvent représenter
peut-être 80% du montant du contrat. Faire une moyenne
générale, je pense que cela ne rime pas à grand-chose.
Cela va dépendre des secteurs où nous travaillons. Il y a
même des gens chez nous qui travaillent dans le bâtiment. La
moyenne des salaires va se situer aux environs de 30%.
M. Desbiens: Je pose cette question pour vous permettre de faire
un commentaire, parce qu'il semble avoir été établi -
même si certains mémoires ont déjà mentionné
le fait qu'on attribuait aux salaires les coûts élevés dans
la construction - à la suite des mémoires, des discussions et des
réponses qu'on a pu obtenir que, finalement, ce n'étaient pas
tellement les salaires qui posaient un problème dans le coût des
travaux. Vous avancez également de
façon très claire que les salaires constituent le
principal handicap dans l'augmentation du coût des travaux. (17 h 45)
M. Houle: Je ne voudrais pas qu'on dise que c'est causé
uniquement par les salaires ou qu'on essaie d'évaluer la partie des
salaires et la partie de l'équipement ou d'autres matériaux. Je
ne vois pas où cela mènerait. Je voudrais plutôt qu'on
étudie le problème en fonction des salaires payés dans le
contexte nord-américain. On vit dans un contexte nord-américain.
Les salaires qu'on paie chez nous pour la construction, est-ce que c'est normal
ou si on va se retrouver dans une situation où on va développer
un marché parallèle, parce que les gens ne paieront pas ces
salaires? Pour chacun de nous, si on ne peut pas faire venir un
électricien, si on ne peut pas faire venir un plombier, si on ne peut
pas faire venir un gars de métier à notre résidence pour
nos travaux, je pense qu'il y a un sérieux problème qui se pose.
Le problème, ce n'est pas le coût global; c'est la partie des
salaires. Je pense qu'on est ici surtout pour la question des salaires et la
question des relations du travail. Je pense qu'on ne discute pas beaucoup
d'autres choses.
C'est la partie syndiquée. C'est sûr que, lorsque le
gouvernement décide de syndiquer tout le monde, on doit étudier
en même temps le barème des salaires et en discuter avec le
syndicat, surtout lors d'une législation semblable. Qu'est-ce que cela
implique? Normalement, cela devrait impliquer des taux inférieurs
à ceux qui sont payés à la partie syndiquée en
Colombie britannique, en Ontario ou à Chicago. Si on dit: On syndique
100% des gens, allons totaliser les salaires qui sont payés à
100% de ces gens ailleurs. Si on payait 50 $ l'heure à 1% des
syndiqués à Boston, cela n'aurait pas tellement d'importance si
les 99% autres travaillaient à un taux de beaucoup inférieur. Je
pense qu'il faut faire ce calcul. C'est la base, je pense, de nos
représentations.
M. Desbiens: J'aimerais poser une question supplémentaire.
Je regrette, je n'ai pas le tableau, mais on nous soumettait dans un
mémoire, justement, un tableau comparatif entre les salaires
payés ici au Québec et ceux payés dans d'autres villes
comme Toronto, je crois, et Vancouver.
Une voix: Des salaires syndiqués.
M. Desbiens: Syndiqués, bon, d'accord.
Une voix: Je pense que c'est là qu'est le point.
M. Houle: Le fond du problème est là. Tant qu'on ne
l'abordera pas ouvertement, je ne pense pas qu'on puisse le régler. M.
Desbiens: Merci.
Le Président (M. Lavigne): Vous avez terminé, M. le
député de Dubuc? Donc, M. Houle, je vous remercie, ainsi que vos
collègues et votre association de nous avoir présenté
votre mémoire. J'inviterais donc maintenant, pour faire suite,
l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec. Je
crois que c'est M. Édouard Deslauriers qui en est le
président.
APCHQ
M. Deslauriers (Édouard): Mme la
Présidente, je vais demander à M. Rousseau de bien vouloir
faire les présentations.
La Présidente (Mme Harel): Très bien. M.
Deslauriers...
M. Deslauriers: Oui.
La Présidente (Mme Harel): ...une remarque peut-être
avant que nous entamions nos travaux. Nous vous avons gardé pour le
dessert, mais vous nous présentez un gros gâteau. C'est 67 pages,
je pense, que contient votre mémoire. Je voulais vous demander si vous
aviez l'intention de le lire ou de nous le résumer dans ses grandes
lignes, sans omettre les aspects importants que vous vouliez transmettre
à la commission.
M. Rousseau (Omer): Mon nom est
Omer Rousseau. Je suis directeur général de
l'organisation. Effectivement, vous avez un mémoire de 70 pages,
à part les annexes ou les tableaux. Nous avons préparé
à votre intention un résumé que vous devez avoir. Ce
résumé est sur des pages blanches. Est-ce que vous l'avez, parce
que nous en avons d'autres copies? Évidemment, c'est un
résumé qui est assez volumieux. Il a 35 pages, mais cela va aller
quand même plus vite que de lire 70 pages.
La Présidente (Mme Harel): On souhaiterait que vous
puissiez nous en transmettre des copies ici.
M. Rousseau: Oui. Je crois que la majorité des gens en a
une copie.
Une voix: On a celui-ci. M. Rousseau: Ah bon!
M. Deslauriers: C'est le mémoire complet que vous avez; on
va vous donner le résumé. Non, c'est le résumé.
Une voix: C'est le résumé.
M. Deslauriers: Celui qui est broché sans couverture est
le résumé.
La Présidente (Mme Harel): Certains membres de la
commission qui ont déjà en main votre mémoire me font
savoir qu'ils souhaiteraient que vous résumiez votre
résumé, parce que c'est encore considérable,
semble-t-il.
M. Rousseau: C'est considérable, mais résumer une
matière aussi importante, ce serait très difficile. Enfin, je
pense qu'on perdrait peut-être les gens un peu dans nos explications. En
fait, Mme la Présidente, permettez-moi de vous présenter la table
des intervenants parce que ni le président, ni moi n'allons intervenir
tout le temps. Il y a d'autres personnes qui vont le faire. À
l'extrême gauche, il y a M. Conrad Gosselin, qui est administrateur au
sein du comité exécutif de l'APCHQ. Suit M. Serge
Crochetière, qui est avocat-conseil. À mon extrême droite,
M. Hughes Moisan, qui est directeur du service de recherches économiques
à l'association provinciale.
Si vous voulez, le président va lire une des premières
parties. Après quoi, je vais suivre. Enfin, pour s'assurer qu'il n'y ait
pas trop de monotonie, je demanderais au directeur du service de recherches
économiques de commenter quelques tableaux et les graphiques, ce qui va
peut-être apporter un assouplissement à la présentation,
pour, enfin, laisser au président le mot de la fin. M. Deslauriers, si
vous voulez.
M. Deslauriers: L'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec, fondée en 1962, est un organisme sans
but lucratif regroupant plus de 4200 entreprises (sous l'égide de douze
associations régionales affiliées) qui oeuvrent principalement
dans la construction domiciliaire tant unifamiliale que multifamiliale. Les
travaux exécutés par les membres de l'association provinciale
représentent plus de 85%, je répète plus de 85% de la
production totale d'habitations du Québec.
L'APCHQ est à la fois une association professionnelle, une
association de services, et un organisme voué à la protection du
consommateur depuis la mise sur pied en 1976 de son programme de certification
de maisons neuves. Le programme réunit quelque 1300 entrepreneurs
offrant aux consommateurs un produit fiable et de qualité reconnue. De
plus, au chapitre de la recherche, l'APCHQ est également le
maître-d'oeuvre du programme R-2000 au Québec. À ce titre,
l'APCHQ gère pour Énergie, Mines et Ressources Canada la mise en
chantier de maisons à haut rendement énergétique.
Pourquoi tenir une commission parlementaire? Comme nous en effectuerons
le constat dans ce mémoire, la réalité des années
1983 - 1984 nous montre que, pour soutenir le marché de la construction
résidentielle, non seulement faut-il des subventions gouvernementales de
toutes sortes, directes et indirectes, non seulement faut-il également
que ces subventions soient conjuguées les unes avec les autres, mais
encore faut-il maintenant qu'elles acquièrent un caractère de
permanence.
En effet, l'expérience nous le démontrant par la phase V
de Corvée-habitation, dès que le gouvernement décide de
retirer non pas toutes les subventions, mais une seule d'entre elles, l'effet
s'en fait sentir immédiatement et la demande chute de façon
dramatique.
Dans l'intervalle, le gouvernement a convoqué la commission de
l'économie et du travail pour connaître les difficultés de
l'industrie de la construction. Le gouvernement veut savoir, semble-t-il,
quelles sont les difficultés avec lesquelles est aux prises l'industrie
de la construction, difficultés se faisant sentir, précisons-le
tout de suite, d'une façon extrêmement prononcée au niveau
du secteur de la construction résidentielle. Le gouvernement manifeste
le désir de connaître par les intervenants de l'industrie de la
construction les divers problèmes affectant leur industrie et avec
lesquels ils sont confrontés quotidiennement.
Pour sa part, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations
du Québec met sérieusement en doute l'à-propos de
convoquer une commission parlementaire sur le sujet. En effet, le gouvernement
connaissait, au 31 mai 1982 et même bien avant, toutes les
difficultés affectant l'industrie de la construction et, en particulier,
le secteur de la construction résidentielle.
Dans cette optique, l'on peut affirmer que le gouvernement convoque
l'ensemble des intervenants de l'industrie de la construction pour se faire
dire ce qu'il sait déjà. En effet, tant dans son document de
travail soumis au sommet d'avril 1982 que dans toutes ses interventions
antérieures, l'APCHQ a dénoncé avec vigueur et à
moult reprises les effets négatifs de la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction, ainsi que les problèmes
engendrés par le règlement sur le placement des salariés,
le règlement sur la formation et la qualification professionnelles de la
main-d'oeuvre, les ratios compagnons-apprentis, le cloisonnement des
métiers et des tâches dans le secteur de la construction
résidentielle, de même que les nombreuses interventions
gouvernementales dans le processus des relations du travail.
Toutes ces règles obligatoires et ces interventions
extérieures ont été dénoncées par l'APCHQ
non seulement pour leur
caractère impraticable, mais également pour leur
contribution à la croissance exponentielle des coûts dans
l'industrie, en particulier dans le secteur de la construction
résidentielle.
De fait, le document de travail soumis par l'APCHQ au sommet
économique d'avril 1982 concluait en ces termes: "En effet, deux aspects
majeurs empêchent l'industrie de la construction résidentielle de
réaliser les 40 000 logements qui seraient nécessaires pour
satisfaire le besoin annuel de la population québécoise: les
coûts de financement hypothécaire et de construction."
Parfaitement mis au courant en 1982 des divers problèmes
affectant l'industrie et, en particulier, le secteur de la construction
résidentielle, le gouvernement décidait néanmoins de
passer outre et décrétait des hausses salariales de 10% par
année pour une période de deux ans. Maintenant que cette
période est écoulée, maintenant que les problèmes
dénoncés à l'époque se font sentir avec d'autant
plus d'acuité, le gouvernement convoque les divers intervenants de
l'industrie devant la commission de l'économie et du travail afin de
connaître les difficultés affectant l'industrie de la
construction.
Qu'y a-t-il de changé vraiment entre la situation qui existait au
31 mai 1982 et celle que nous vivons aujourd'hui? Sauf en ce qui concerne une
tentative de bonification du règlement sur le placement des
salariés dans l'industrie, aucun changement n'est survenu. C'est
l'immobilisme parfait. Les entrepreneurs sont toujours aux prises avec le
règlement sur le placement des salariés, le règlement sur
la formation professionnelle, les ratios compagnons-apparentis, le
problème du cloisonnement des métiers, en plus de s'être vu
imposer des hausses salariales particulièrement impossibles à
assumer dans le secteur de la construction résidentielle.
En 1984, le gouvernement doit connaître les difficultés
affectant le secteur de la construction résidentielle puisqu'il est
à mettre au point depuis bientôt deux ans sa politique sur
l'habitation. On ne peut quand même pas procéder à
l'élaboration d'une politique sur l'habitation en ne connaissant pas les
problèmes affectant le secteur de la construction résidentielle,
en ne possédant pas toutes les données et en ne sachant pas de
quoi il en retourne.
Le premier ministre, M. Lévesque, déclarait
récemment que les coûts étaient trop élevés,
du moins dans le secteur de l'habitation et de la rénovation. "Nous ne
pouvons maintenir un système avec lequel les gens ne peuvent supporter
les taux officiels et doivent recourir au marché noir pour faire
effectuer leurs travaux." Article du Daily Commercial News du 10 avril
1984.
Lors d'une allocution que prononçait le ministre de l'Habitation,
le 13 novembre 1982, dans le cadre du congrès provincial des
constructeurs d'habitations du Québec, il s'exprimait ainsi: "Par
ailleurs, votre association a, à juste titre, souligné les
dangers d'inefficacité de la réglementation touchant la
sécurité dans les bâtiments et les lieux publics:
dédoublement et chevauchement des compétences sont pour les
entrepreneurs non seulement des obstacles qui ralentissent leur entreprise,
mais peuvent être aussi un frein à leur évolution. Maintes
fois au cours de mon mandat, il m'a été donné d'entendre
des griefs en ce sens. Le premier ministre lui-même, lors du discours
inaugural en 1980, avait parlé de la nécessité
d'allégement et d'assainissement de la réglementation dans le
secteur de la construction."
D'emblée, le ministre avalisait une position adoptée
depuis longtemps par l'APCHQ concernant la réglementation affectant
particulièrement le secteur de l'habitation dans l'industrie de la
construction au Québec. Poursuivant dans la même voie, le ministre
faisait état d'un premier geste concret posé par le gouvernement
en annonçant l'adoption par le Conseil des ministres de la
décision 82-303.
Plus tard, en 1984, lorsque fut rendue publique l'étude de
l'économiste Danièle Tanguay-Renaud sur la situation de
l'industrie de la rénovation résidentielle au Québec, le
ministre Tardif s'est dit favorable à la création de nouvelles
catégories de travailleurs pour le secteur spécifique de la
rénovation résidentielle, "mais cela relève du domaine des
relations du travail", a-t-il précisé. Le ministère de
l'Habitation s'est déjà résolument engagé dans la
voie d'une déréglementation. Cette commission est-elle enfin un
signe de la volonté du ministre du Travail d'emboîter le pas? (18
heures)
Introduction. Dans son mémoire préparé le 31 mai
1982 à l'intention de la commission parlementaire du travail, de la
main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, mémoire
intitulé "Le régime des relations du travail dans l'industrie de
la construction et son impact sur le secteur de la construction
résidentielle", l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec concluait en ces termes: "La période
1979-1981 est celle où le ménage québécois moyen a
perdu ses espoirs d'accession à la propriété. En effet, au
cours de cette période, qui correspond à la période du
dernier décret, le prix des maisons s'est accru de 19% alors que le
revenu moyen a à peine crû de 12%. Cette évolution
divergente nous porte à conclure qu'une baisse importante des taux
d'intérêt ne peut à elle seule ramener la vigueur de 1976
au marché de l'habitation. Elle doit se coupler d'une
amélioration significative du revenu moyen du ménage
québécois ou d'une baisse des
coûts de construction... La construction résidentielle ne
peut plus supporter les salaires payés dans les autres secteurs de la
construction... Il est temps que l'on réfléchisse et que l'on
agisse, à défaut de quoi, la réalité des
années 1983-1984 forcera les événements."
De fait, quelle est-elle, cette réalité des années
1983-1984? Quels sont ces événements auxquels faisait allusion
l'APCHQ? Aurions-nous pu prévoir que nous serions en commission
parlementaire aujourd'hui pour démontrer encore une fois les effets
négatifs de la législation et de la réglementaiton de la
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction
résidentielle? Voyons d'abord les principales préoccupations dont
faisait état le mémoire de mai 1982 de l'APCHQ.
Je vais demander à M. Rousseau de continuer avec le rappel sur le
mémoire.
M. Rousseau: Dans la prochaine section, il s'agit,
évidemment, du rappel de certains éléments que nous avions
annoncés dans notre mémoire de 1982.
Dans son mémoire de 1982, l'APCHQ expliquait que le cadre des
relations du travail dans l'industrie de la construction force le secteur de la
construction résidentielle à vivre avec des conditions de travail
négociées en vertu des besoins et des réalités
issus des secteurs du bâtiment non résidentiel et des travaux de
génie et de voirie.
Malgré le fait que le gouvernement actuel ait reconnu
implicitement, par la création du statut d'entrepreneur artisan, que la
capacité de payer de la clientèle du secteur de la construction
résidentielle était inférieure à celle de la
clientèle des autres secteurs, malgré le fait aussi que la
syndicalisation obligatoire pour toute l'industrie de la construction
québécoise est un cas unique en Occident, on continue à
ignorer le caractère singulier du secteur de la construction
résidentielle en lui imposant, par le biais d'une négociation
unique pour toute l'industrie, des conditions impraticables sur ses chantiers
et des niveaux de coûts de main-d'oeuvre démesurés pour sa
clientèle; la famille québécoise à revenu moyen.
Ces niveaux de salaires élevés sont, d'ailleurs, les premiers
responsables de l'éclosion du travail au noir dans la construction et la
rénovation résidentielles.
On peut démontrer clairement que les coûts reliés
à la main-d'oeuvre sont la principale cause de la hausse des prix des
maisons neuves. Pour ce faire, on n'a qu'à comparer la hausse du
coût de la main-d'oeuvre, (taux horaire auquel on additionne tous les
autres frais supportés par l'employeur) avec la hausse du coût des
matériaux de construction et la hausse de l'indice des prix à la
consommation. Les coûts de main-d'oeuvre sont passés de l'indice
100 en 1971 à l'indice 404 en 1983, alors que l'indice des prix à
la consommation, ayant sa base 100 en 1971, plafonne à 280. On ne peut
être plus clair et plus précis. Ces chiffres démontrent que
les coûts de main-d'oeuvre ont presque deux fois plus augmenté que
l'indice sur la période étudiée. En d'autres termes, si
l'inflation a été un problème grave de l'économie,
imaginez ce qu'une telle inflation des coûts de main-d'oeuvre a
représenté pour le secteur de la construction
résidentielle. Seuls les aveugles ou, pire, seuls ceux qui ne veulent
pas reconnaître l'évidence vont s'obstiner à ne pas
reconnaître ces faits d'ailleurs confirmés par des documents
originant du gouvernement du Québec.
Notre mémoire fait ensuite un survol historique de
l'évolution des coûts de construction. Pour le secteur de la
construction résidentielle, les conclusions qui ressortent sont les
suivantes. D'abord, le prix de la maison type a connu une augmentation de 184%
durant la dernière décennie. La source la plus importante de la
hausse des coûts est l'augmentation de la valeur des terrains, 224%. Il
faut toutefois souligner que celle-ci est relativement récente,
c'est-à-dire depuis 1976.
En ce qui a trait à la structure proprement dite, hausse globale
de 179%, on s'aperçoit que la main-d'oeuvre connaît une hausse de
230% comparativement a 136% pour les matériaux. Quant à la marge
bénéficiaire brute, elle suit globalement les conditions du
marché résidentiel et se maintient depuis 1979.
En définitive, le coût de la main-d'oeuvre apparaît
comme le facteur principal de la hausse du prix de vente des maisons au cours
des dix dernières années; suivent le terrain et, à peu
près sur un pied d'égalité avec la main-d'oeuvre, les
autres frais de construction et, finalement, les matériaux.
Si vous voulez, M. Hugues Moisan pourra vous donner quelques
explications sur le tableau qui suit et également sur le graphique.
M. Moisan (Hugues): En fait, vous avez le tableau avec les
données chiffrées. À la page suivante, le graphique
indique l'indice des coûts de main-d'oeuvre dans la construction
résidentielle, indice basé sur la rémunération d'un
charpentier-menuisier, le métier le plus couramment exercé dans
notre industrie. Il atteint 330 en 1981. L'indice du revenu annuel familial
moyen jusqu'en 1981 est à 263; donc, il a été largement
dépassé par l'indice des coûts de main-d'oeuvre. Vous avez
aussi l'indice des prix à la consommation, 237 pour 1981.
À la page suivante, vous avez un peu le même graphique
qu'on a repris pour le mettre à jour, c'est-à-dire jusqu'à
l'année
1983. Vous voyez que l'indice du coût de la main-d'oeuvre
était à 403.7 alors que sur ce graphique on a ajouté
l'indice des coûts des matériaux qui, on le voit, suit de
façon très rapprochée l'indice des prix à la
consommation. On en tire la conclusion qu'entre les deux coûts, entre les
deux sources de hausses de coûts pour une bâtisse, pour un
bâtiment, c'est l'indice des coûts de la main-d'oeuvre qui
remporte, si vous voulez, le championnat haut la main.
M. Rousseau: Nous passons les deux ou trois autres pages et nous
allons au prochain chapitre, "La réalité des années
1983-1984 dans le secteur de la construction résidentielle. La
nécessité des subventions." En 1982, lorsque les gouvernements
ont voulu relancer l'économie par le biais de la construction
résidentielle, ils ont rapidement identifié les causes du malaise
dans notre industrie: les coûts de financement et les coûts de
construction. De la sorte, une série de programmes de subventions et de
mesures fiscales sont venus corriger les niveaux prohibitifs que les
coûts de financement de la construction atteignaient à ce moment.
Une véritable manne était dirigée vers les nouveaux
propriétaires qui recevaient une conjugaison de subventions et d'aides
diverses atteignant jusqu'à 10 000 $ en vue de compenser pour la moyenne
des ménages québécois les coûts trop
élevés d'accession à la propriété.
Aujourd'hui, malgré l'assurance d'un taux de 9,5% garanti pour
trois ans en vertu de Corvée-habitation, des signes évidents de
l'affaiblissement du rythme des mises en chantier se font sentir. La
réduction importante des subventions forfaitaires (de 6500 $ en 1983
à moins de 1500 $, soit celles provenant du REEL fédéral
seulement) constitue l'explication majeure de cette baisse d'activité.
Ces faits font aussi ressortir hors de tout doute que les rabais
d'intérêt ne suffisent pas. La chaîne des
événements se résume facilement grâce au tableau
suivant.
M. Moisan: Dans ce tableau-là, on a calculé le prix moyen
d'une maison individuelle neuve au Québec pour les années du
tableau, c'est-à-dire de 1979 à 1984, auquel on a soustrait les
subventions forfaitaires qui étaient versées aux acheteurs de
maisons neuves dans les années 1982, 1983 et 1984. On en tire un total
de subventions forfaitaires qu'on soustrait du prix moyen d'une maison au
Québec et on obtient le prix effectif payé qui est finalement la
quatrième ou la cinquième ligne du tableau. Vous voyez que, pour
les années 1982 et 1983, finalement, lorsqu'on avait soustrait du prix
moyen les subventions qu'on obtenait à l'achat d'une maison neuve, on
ramenait le prix entre le niveau de 1980 et de 1981. Donc, on avait vraiment un
effet sur les coûts de construction. On les réduisait à
coups de subventions et, lorsqu'en 1984, les subventions ont fortement
diminué, on remonte au niveau de prix beaucoup plus élevé,
de sorte qu'on a un effet sur la dernière ligne de ce tableau,
c'est-à-dire sur les mises en chantier puisqu'on prévoit que les
mises en chantier vont se réduire considérablement par rapport
à l'année 1983.
M. Rousseau: Je continue à la page suivante. Grâce
aux diverses subventions versées, les prix effectifs payés par
les ménages québécois pour une maison neuve gravitent
entre 1982 et 1983 autour de 52 500 $. C'est à ce moment que la reprise
des mises en chantier est la plus forte. En 1984, le prix effectif d'une maison
passe à 58 500 $ et le marché retrouve sa faiblesse des
débuts des années quatre-vingt.
Il ne faut pas se surprendre d'un tel résultat, il était
prévisible. Des documents originant du gouvernement du Québec en
fournissent l'explication lorsqu'ils estiment "le nombre de ménages
familiaux locataires de 25 à 54 ans pouvant assumer les
mensualités de diverses valeurs de logement selon différents taux
d'intérêt sans consacrer plus de 25% de leur revenu aux frais de
logement en 1981." Selon ces estimations, le passage du prix des logements
neufs de 50 000 $ à 55 000 $, à taux d'intérêt
constant, retire du marché environ 30% à 35% d'acheteurs
potentiels. Il ne faut donc pas se surprendre lorsqu'avec la phase V de
Corvée-habitation, où nous avons vu que les prix effectifs moyens
sont passés graduellement entre 1983 et 1984 de 52 603 $ à 58 500
$, le marché se resserre fortement et que possiblement 50% des acheteurs
potentiels ne peuvent plus acheter une maison neuve.
Connaissant l'effet du retrait des subventions et l'incapacité
des ménages québécois à faire face aux vrais
coûts de construction, c'est-à-dire sans subvention forfaitaire,
l'APCHQ voit difficilement comment les mises en chantier pourraient
dépasser de beaucoup le niveau des 30 000 nouvelles unités en
1984. Ce niveau de 30 000 unités a été atteint en pleine
récession, soit en 1980 et 1981.
Encore une fois, nous vous rappelons que les besoins de la population en
logement sont de 40 000 nouvelles unités par année. Donc, il est
inutile d'épiloguer très longtemps sur les deux dernières
années. Si une aide substantielle provenant de la conjugaison de
subventions (Corvée, PCEAP, municipalités) ne vient pas
réduire le coût d'une unité de logement neuve, les
ménages québécois ne peuvent, ni ne veulent fairel'achat d'une maison neuve et ce, malgré des conditions de
financement fort avantageuses et stabilisées pour trois ans.
La logique du marché noir. Le terme "marché noir" rime
dans le discours syndical avec braconniers, chaudrons, artisans, "jobineux",
etc. Nous reconnaissons qu'il est dommageable pour une société
qu'un tel marché puisse exister. Il faut, cependant, dédramatiser
ce concept de travail au noir et étudier sa logique et sa
rationalité pour à la fois le comprendre et savoir comment
aborder le problème qu'il représente.
D'entrée de jeu, nous aimerions faire ressortir l'aspect suivant
de la position des travailleurs de la construction au Québec en rapport
avec le travail au noir. Chaque fois qu'une hausse du taux horaire
prévue au décret est annoncée, tous sont gagnants sur tous
les points. En effet, les travailleurs encore détenteurs d'une carte de
classification - en vertu du règlement de placement, ceux ayant
travaillé au moins 1000 heures dans la dernière année -
peuvent travailler sur des chantiers de construction et être payés
aux taux prévus au décret. Ils font ainsi partie d'une classe de
travailleurs industriels privilégiés puisqu'ils reçoivent
un salaire horaire près de deux fois plus élevé que le
salaire horaire moyen dans l'industrie au Québec. Nous reviendrons plus
loin sur cet aspect de la question. Si l'activité de construction est
suffisamment prolongée, ils travaillent au moins 1000 heures, soit 25
semaines à 40 heures par semaine.
Il y a fort à parier qu'ils ne travaillent pas beaucoup plus que
cela. En atteignant ce chiffre magique de 1000 heures, ils conservent leur
classification et ils sont, de plus, admissibles aux prestations
d'assurance-chômage pour les 52 semaines qui suivent. Bien entendu, tout
en étant prestataires de l'assurance-chômage pendant la saison
morte, ils acceptent volontiers d'arrondir les fins de mois en exécutant
pour des particuliers des travaux de réparation, de rénovation ou
de construction. Lorsque les beaux jours reviennent, ils recommencent le
même manège.
Si, par malheur, ils ne réussissent pas à conserver leur
carte de classification, plusieurs options s'offrent à eux. Ils peuvent
devenir entrepreneurs artisans ou spécialisés. Ils peuvent aussi
décider d'offrir leurs services sans autres procédures:
marché noir. Chaque fois que des hausses sont consenties dans le
décret, ce marché augmente sa clientèle. Bien entendu, ne
déclarant jamais leurs revenus au fisc, leur valeur augmente à un
niveau souvent très proche du taux horaire du décret. Donc, pour
ces raisons, il faut donner très peu de crédit aux larmoyantes
représentations des syndicats qui n'utilisent que les statistiques
officielles de l'Office de la construction pour déterminer le salaire
annuel moyen d'un travailleur de la construction. Pour eux, le travail au noir
est exécuté par des travailleurs provenant d'autres industries
alors qu'en réalité ce sont les vrais travailleurs de la
construction, classifiés ou non en vertu du règlement sur le
placement, qui occupent ce champ d'activité.
Le véritable fondement du marché au noir: la
rationalité économique de l'intérêt individuel. En
général, hormis l'attrait de réaliser des gains qui ne
sont pas déclarés au fisc ou d'avoir des intentions malicieuses
et malhonnêtes, un individu a très peu d'intérêt
à rechercher des occasions de participer activement et consciemment
à des échanges de services ou de marchandises sur le
marché noir. Par conséquent, certaines conditions de base sont
nécessaires pour que des individus rationnels cherchent activement
à participer à un marché noir. Il doit être
relativement facile de rassembler ou de présenter les compétences
et les moyens nécessaires à l'exercice d'une activité
rémunératrice. Cependant, cette condition nécessaire est
insuffisante pour qu'un marché noir soit créé. En effet,
si l'approvisionnement en matières premières est facile et peu
coûteux et si les méthodes de travail sont connues et
nécessitent des moyens techniques accessibles à tous, les
coûts de production sont, toutes choses étant égales,
relativement bas, les prix aussi et la quantité de biens ou de services
offerts est fonction de la demande car elle peut s'ajuster rapidement à
la hausse comme à la baisse.
Toutefois, si un élément extérieur au marché
intervient pour restreindre artificiellement l'entrée dans ce secteur
d'activité et/ou imposer des conditions autres que celles que le
marché détermine librement, alors les éléments
nécessaires à l'éclosion d'un marché noir sont
réunis. Ces restrictions artificielles sont souvent
réclamées par des intérêts corporatistes en place
qui désirent restreindre l'entrée dans leur industrie pour leur
permettre de tirer des avantages économiques plus grands que ceux que la
libre concurrence peut permettre. Ce marché noir créé de
toutes pièces n'est rien d'autre que le marché qui existait
auparavant, mais devenu illégal par voie de réglementation plus
souvent qu'autrement.
On ne peut échapper à cette logique économique: la
demande recherche l'offre au meilleur coût possible. Alors, comme des
règlements ou des facteurs externes viennent restreindre la concurrence,
des prix plus élevés sont exigés sur le marché
réglementé, créant automatiquement une demande pour les
mêmes biens et services, mais aux prix concurrentiels n'existant que sur
le marché noir. De plus, l'importance d'un marché noir est une
mesure de l'écart entre les conditions normales - prix, quantités
- du marché en situation de concurrence et les conditions artificielles
résultant de l'introduction d'entraves réglementaires ou
autres à la concurrence. Un marché où plus de 25%
des échanges sont faits à des conditions différentes de
celles qui doivent exister constitue une indication certaine que les
règlements ou les conditions impliqués surpassent d'une bonne
mesure ce que la libre concurrence avait fixé.
Le marché noir dans l'industrie de la construction au
Québec. Il est symptomatique d'observer qu'en entendant parler du
marché noir dans l'industrie de la constuction au Québec on se
réfère automatiquement aux services de main-d'oeuvre. En effet,
entend-on parler du marché noir des matériaux? Jamais. (18 h
15)
Deux éléments de la réglementation qui régit
l'utilisation de la main-d'oeuvre de la construction peuvent être la
cause du marché du travail au noir dans la construction: le
règlement de placement et le décret de la construction qui fixe
les taux horaires et les autres éléments d'une entente entre
patrons et employés. Nous avons déjà vu les effets du
règlement de placement dans le contexte d'une industrie en constante
baisse d'activité. Le décret, en fixant les salaires horaires des
travailleurs, fournit le deuxième ingrédient nécessaire
à la prospérité du marché du travail au noir. En
déclarant les salaires horaires des travailleurs de la construction
à des niveaux différents de ceux déterminés par un
marché concurrentiel, on fournit une incitation suffisante pour
l'éclosion d'un marché noir. Le règlement de placement, en
raison de l'instabilité de l'activité de construction et de son
déclin constant depuis 1976, vient augmenter l'offre du travail sur le
marché noir en déclassifiant les ouvriers qualifiés et
expérimentés. Une dernière source de travail au noir
provient de la main-d'oeuvre venant de l'extérieur de la province et qui
désire venir profiter des conditions salariales offertes par notre
marché puisqu'elles sont meilleures que les siennes.
Au stade où nous en sommes, nous avons démontré que
le travail au noir peut être une activité rationnelle si les taux
du décret sont trop élevés. La première partie du
chapitre sur la réalité des années 1983-1984 dans le
secteur de la construction résidentielle, intitulée "La
nécessité des subventions" prouve on ne peut plus clairement que
les coûts de main-d'oeuvre sont pour le secteur de la construction
résidentielle la cause la plus importante de la hausse du prix des
maisons neuves. Cette croissance du prix des maisons neuves, on l'a vu, est
beaucoup trop forte pour être suivie par le revenu familial annuel moyen
au Québec. C'est la cause principale de la faiblesse actuelle de la
demande de logements neufs, prévue à 30 000 unités pour
1984, par rapport aux besoins de la population, 40 000 unités selon
plusieurs sources. En raison de cette inadéquation entre les revenus des
ménages québécois désirant accéder à
la propriété et les coûts et prix des logements neufs, on a
une preuve indirecte du niveau trop élevé des salaires horaires
décrétés par le secteur de la construction
résidentielle à cause de la négociation unique pour toute
l'industrie de la construction.
Deux preuves supplémentaires de nos prétentions peuvent
être apportées. La comparaison des taux horaires prévus au
décret de l'industrie de la construction avec les taux horaires
payés dans d'autres industries au Québec pour des tâches
équivalentes nous donne une première justification. Nous
compléterons cette preuve en faisant l'analyse des conditions des
travailleurs du secteur de la construction résidentielle des provinces
canadiennes et des États américains voisins du Québec. En
effet, les aspects majeurs du fonctionnement de l'industrie y sont semblables
à ceux du Québec.
La seconde preuve nous sera fournie par les évaluations de
l'activité totale de travail au noir que nous obtiendrons. Comme nous
l'avons vu, plus le travail au noir est important par rapport au travail
officiel, plus l'écart entre les taux du décret et les taux que
la libre concurrence déterminerait est grand.
Comparaison des taux horaires décrétés pour le
secteur de la construction résidentielle au Québec et des taux
payés dans d'autres activités industrielles comparables.
La partie 1 des documents d'appui du mémoire
présenté par l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec contient une foule de renseignements qui appuient notre
argumentation.
Une première comparaison nous est donnée par le rapport de
la firme Econosult sur "L'impact des coûts de main-d'oeuvre sur le volume
des travaux de construction." Dans la section 1.2, ce rapport compare les
salaires dans la construction avec les salaires versés dans d'autres
secteurs industriels comme l'abattage et les mines. Citons-le.
Ces secteurs ont été choisis à titre comparatif
à cause des facteurs "danger" et "risque d'accident" qui résident
dans ces trois secteurs. L'industrie de la construction s'apparente
également au facteur saisonnier qui caractérise le secteur de
l'abattage et aux facteurs cycliques ou conjoncturels qui caractérisent
le secteur des mines.
Comme il peut être constaté, le taux le plus
élevé parmi les trois types de travailleurs est celui du
journalier de la construction. Son taux est de 12,71 $ l'heure comparativement
à 10,92 $ pour le journalier de l'abattage et à 12,11 $ pour le
journalier des mines. Aussi, il est à noter que le taux du journalier de
la construction se trouve
davantage plus élevé que les taux des autres secteurs du
fait que certains avantages sociaux propres à la construction ne sont
pas inclus: vacances, assurances collectives, régime
supplémentaire de rentes et CSST.
Vous avez l'évolution comparative des salaires horaires
construction, abattage, mines pour un journalier. Si vous voulez, nous allons
passer par dessus ces chiffres pour nous rendre au prochain paragraphe.
Nous pouvons même préciser l'argumentation du second
paragraphe de la citation en rappelant que, pour un journalier de la
construction, le coût à l'employeur, c'est-à-dire
comprenant toutes les contributions de l'employeur aux avantages sociaux, est
de 16,47 $ en 1983 alors qu'il était de 9,95 $ en 1977. Avec ces
chiffres, il n'est pas difficile de montrer que les journaliers de la
construction supportent de façon outrancièrement avantageuse la
comparaison avec d'autres activités industrielles comparables.
Un autre rappport poursuit l'argumentation dans le même sens. Il
ne fait pas partie des documents d'appui de l'AECQ et a été
préparé par M. Conrad Gosselin. Ce dernier est membre du conseil
d'administration et président du comité du secteur
résidentiel de l'AECQ. Il est aussi membre du conseil d'administration
de l'APCHQ. Nous nous permettons de résumer son approche et de faire
part de ses résultats.
La méthode de ce rapport consiste à diviser les secteurs
industriels des biens et services en deux regroupements: les secteurs à
concurrence forte et ceux à concurrence faible. On y argumente que la
concurrence entre les producteurs locaux et celle provenant des producteurs
étrangers contrôle les coûts de salaires à un niveau
équilibré avec la capacité de payer de la
clientèle. Par contre, en l'absence de concurrence, la situation du
marché laisse le rapport de force prendre le consommateur en otage pour
augmenter indûment les prix de ces biens et services. L'industrie de la
construction est assimilée à ce secteur non concurrentiel.
Les résultats de l'analyse de M. Gosselin sont très
éloquents: la moyenne des taux horaires des salariés du secteur
concurrentiel est de 7,37 $ l'heure, alors que la moyenne des taux horaires des
salariés du secteur non concurrentiel est de 14,36 $ l'heure. M.
Gosselin poursuit en démontrant que, sans le décret et le mode de
négociation actuel, le secteur de la construction résidentielle
serait très concurrentiel, le travail au noir témoignant de cette
possibilité puisque les taux de salaires y sont considérablement
plus bas.
D'ailleurs, la preuve ultime des avancés de M. Gosselin nous est
fournie par le document IV de la partie I des documents d'appui de l'AECQ,
"Étude sur les conditions de travail dans le secteur non syndiqué
de l'industrie de la construction hors Québec". En plus de
démontrer que les taux de salaires payés dans le secteur de la
construction résidentielle (non syndiqué de 90% à 100%
selon le cas) de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Angleterre
sont substantiellement inférieurs (de 10% à 63% selon le cas)
à ceux payés dans le reste de l'industrie de la construction, il
fait, de plus, ressortir que les avantages sociaux sont très
limités, ce qui diminue d'autant le coût final à
l'employeur.
En effet, pour les deux métiers les plus couramment
embauchés dans le secteur de la construction résidentielle, le
charpentier-menuisier et le manoeuvre, les Québécois doivent
payer de 18% à 85% plus cher lorsque les taux du décret sont
observés à la lettre. Avec de telles différences si
près de nous, il n'est pas surprenant de retrouver au Québec un
marché du travail au noir assez important.
Évaluation du travail au noir dans le secteur de la construction
résidentielle au Québec. Depuis le début de 1984, les
mesures de l'importance du marché noir foisonnent. Celles que l'AECQ a
faites sont citées dans ses documents d'appui. En gros, elles se
résument à ce que 30% de l'activité de la construction au
Québec est réalisée avec l'aide du travail au noir. Nos
propres estimations nous portent à croire que l'évaluation de
l'AECQ est conservatrice, particulièrement au niveau des travaux de
réparation et de rénovation. En effet, nous sommes d'avis que
Statistique Canada sous-évaiue les montants impliqués par ce
genre d'activité et que les travailleurs au noir y opèrent plus
facilement que dans la construction neuve. De plus, d'autres secteurs que la
construction résidentielle commencent à développer leur
marché noir.
Quoi qu'il en soit, si un minimum de 30% des travaux sont
réalisés au noir, c'est un niveau bien suffisant pour constituer
un signe qu'on a dépassé la mesure par une bonne marge. Seul un
rajustement à des niveaux plus réalistes de toutes les
règles d'utilisation de la main-d'oeuvre dans le secteur de la
construction résidentielle va permettre de faire décroître
le volume de l'activité faite grâce au travail au noir. Essayer de
réduire le travail au noir par une nouvelle réglementation
constitue une erreur grave qui ne peut que coûter cher et pousser plus de
travailleurs vers le marché noir.
La conclusion. Il n'y a rien qui a vraiment changé depuis le 31
mai 1982; la situation est simplement plus détériorée
qu'elle ne l'était il y a deux ans. Nous avons démontré
que les coûts de construction - les coûts de main-d'oeuvre
largement en tête -ont atteint des niveaux que le ménage
québécois moyen ne peut plus payer. Lors de
cette démonstration, nous avons étayé notre preuve
en montrant que les subventions forfaitaires des années 1983-1984
ramenaient le prix des logements neufs à des niveaux plus compatibles
avec la capacité de payer des ménages. Ces faits font,
évidemment, ressortir que la disparition des subventions forfaitaires
entraîne une baisse marquée des ventes de maisons neuves.
Nous avons aussi démontré que le travail au noir est une
conséquence directe et logique de la réglementation actuelle.
Bien plus, le travail au noir est la soupape de sécurité du
système actuel, car il permet à ceux qui n'en ont pas les moyens
de faire exécuter des travaux à des coûts
inférieurs.
En définitive, l'APCHQ n'a pas changé d'avis sur le
diagnostic et encore moins sur le remède: le dynamisme du secteur de la
construction résidentielle est rongé par un cancer malin
appelé la surréglementation et sa cure commande une bataille
rangée contre les forces de l'inertie afin d'obtenir un jour une
déréglementation de l'industrie et le retour final à la
concurrence. Nous ne souhaitons pas la loi de la jungle. Cependant, nous sommes
d'accord pour que des conditions minimales de protection des
intérêts de tous les intervenants soient conservées.
La main-d'oeuvre. Le règlement relatif à la formation et
à la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre dans l'industrie
de la construction. Depuis l'adoption de la Loi sur la formation et la
qualification professionnelles de la main-d'oeuvre en 1969, l'APCHQ a
dénoncé le caractère à la fois inopérant et
rétrograde en regard de la loi qu'elle est venue elle-même
remplacer, la Loi de l'aide à l'apprentissage. Depuis toujours
également, l'APCHQ a démontré l'aspect contraignant et
immuable du règlement relatif à la formation et à la
qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, lequel régit
notamment l'exercice des métiers et les ratios compagnons-apprentis.
Partie représentative aux négociations au cours des
années 1970 à 1976 et conséquemment reconnue partie
contractante à la convention collective (ou le décret), l'APCHQ
n'a cessé de mettre en évidence l'erreur commise par le
gouvernement, lors de l'adoption de la loi 49, en abolissant les centres
d'apprentissage appartenant à l'industrie de la construction et en
assujettissant à cette loi tous les autres secteurs de l'industrie en
général.
Depuis cette époque, l'industrie de la construction est
totalement privée d'un système d'apprentissage adéquat et
se retrouve, en conséquence, avec une main-d'oeuvre de plus en plus
vieille et de moins en moins qualifiée parce qu'on y retrouve dans les
faits un système de contingentement; le règlement relatif
à la formation et à la qualification professionnelles de la
main-d'oeuvre a toujours été, selon l'opinion de l'APCHQ, un
règlement de contrôle quantitatif. L'un des aspects contraignants
de ce règlement est, notamment, le rapport compagnons-apprentis. Par
ailleurs, ce règlement établit l'échelle des salaires des
apprentis, alors qu'il incomberait normalement aux parties concernées de
l'établir dans le cadre des négociations. Mais au-delà de
ces énoncés de principe, un autre problème
préoccupe les entrepreneurs particulièrement: reliés
à l'application des rapports compagnons-apprentis, d'une part, et au
cloisonnement de l'exercice des métiers, d'autre part.
En effet, il faut savoir que le secteur de la construction
résidentielle est essentiellement composé de petites entreprises
employant souvent moins de cinq salariés. Soumises elles aussi à
l'application du règlement sur la formation et la qualification
professionnelles de la main-d'oeuvre, ces petites entreprises sont astreintes
à respecter le rapport 5-1 et sont donc, en conséquence, tenues
d'engager cinq travailleurs qualifiés pour un apprenti. Comme elles
exécutent la majorité de leurs travaux sur des chantiers de
construction réunissant cinq travailleurs ou moins, l'on peut donc
affirmer que ces entreprises sont presque constamment limitées à
n'avoir qu'un seul apprenti à leur emploi. On peut donc imaginer
facilement toutes les économies qui résulteraient en coût
de main-d'oeuvre pour ces PME si le rapport compagnons-apprentis était
ramené à 1-1. Outre l'avantage énoncé ci-dessus,
l'assouplissement de cette norme permettrait aux entrepreneurs de participer
davantage à la formation de la main-d'oeuvre et d'éviter ainsi
d'avoir à faire face à une pénurie de travailleurs
qualifiés pendant les périodes de forte production ou, pis
encore, de devoir agir dans l'illégalité.
Historiquement les définitions de tâches ont
été préparées dans un esprit corporatiste et de
protection des acquis de la part de chacun des métiers, ceux-ci
étant plus soucieux d'établir des chasses gardées que de
tenir compte des réalités économiques. Mais cette
démarche nous a menés à un système de plus en plus
complexe et artificiel dont ne s'embarrassent guère les constructeurs
propriétaires, notamment en matière de rénovation, et
c'est là la démonstration irréfutable de
l'inutilité de ce système.
Par ailleurs, plusieurs travaux exécutés quotidiennement
sur des chantiers de construction résidentielle ne requièrent pas
de qualifications particulières, mais simplement de l'habileté de
la part du travailleur. Ceci nous amène à affirmer que le secteur
de la construction résidentielle devrait faire l'objet d'une
libéralisation de la juridiction des métiers, en d'autres termes,
le décloisonnement des tâches.
Enfin, la règle de l'exécution des tâches d'un
apprenti sous la surveillance immédiate d'un travailleur qualifié
est appliquée de façon étroite, pour ne pas dire
bornée, par les inspecteurs. De cette façon, les employeurs
concernés font fréquemment l'objet d'amendes
imméritées et injustes.
Dans le même ordre d'idées, l'APCHQ aimerait attirer
l'attention de la commission sur la situation créée par le
jugement rendu le 27 octobre 1983 par la Cour d'appel dans la cause Office de
la construction du Québec versus Aluminium J. Labelle Inc., lequel a
décidé que les travaux de pose de déclin d'aluminium,
jusqu'ici visés par le décret du verre plat, étaient
désormais assujettis à la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction. Par l'effet de ce jugement, un grand nombre de
travailleurs, autrefois qualifiés pour l'exécution de ces travaux
en vertu du décret de la construction, devaient désormais
s'inscrire comme apprentis dans le métier de ferblantier ou de
charpentier-menuisier.
Les conséquences pratiques de ce rapatriement sont les suivantes:
premièrement, tous les monteurs-mécaniciens antérieurement
régis par le décret du verre plat doivent désormais se
rapporter à l'Office de la construction du Québec et obtenir leur
certificat de classification de ferblantier ou de charpentier-menuisier.
Deuxièmement, les employeurs doivent engager des salariés qui
détiennent des cartes de qualification de ferblantier ou de
charpentier-menuisier, alors qu'ils payaient le monteur-mécanicien 14,20
$ l'heure pour les travaux de pose de déclin d'aluminium.
Troisièmement, les monteurs-mécaniciens reçoivent une
carte d'apprenti ferblantier et d'apprenti charpentier-menuisier et doivent
subir les examens appropriés. Quatrièmement, pendant la
période où le travailleur est apprenti ferblantier ou apprenti
charpentier-menuisier, il doit évidemment travailler sous la
surveillance immédiate d'un travailleur qualifié.
À cause de la norme 5-1, il en résulte que la grande
majorité de ces travaux est maintenant exécutée par des
charpentiers-menuisiers à des taux horaires plus élevés.
Pourtant, ces travailleurs ne sont ni plus qualifiés ni plus
compétents que les autres travailleurs en provenance de l'industrie du
verre plat. De fait, nous oserions même affirmer que ces derniers
possèdent une plus grande expérience en ce domaine et travaillent
avec une plus grande rapidité. Nous nous retrouvons donc devant la
situation où des travailleurs classés comme apprentis supervisent
le travail d'autres travailleurs classés comme qualifiés.
Devant cet état de fait, la conclusion suivante s'impose. D'une
part, les coûts de main-d'oeuvre seront beaucoup plus
élevés pour l'exécution des travaux concernés.
D'autre part, les travailleurs autrefois qualifiés qui ne peuvent
ou ne veulent obtenir les certificats requis prennent le chemin du travail au
noir.
Le règlement sur le placement des salariés dans
l'industrie de la construction. Tout le monde sait ou devrait savoir, et plus
spécialement ceux qui ont à légiférer, que le
secteur de la construction résidentielle a un caractère cyclique
essentiellement attribuable à deux facteurs importants: le climat et la
Loi sur la Régie du logement. Ces deux éléments font que,
dans une grande proportion, les gens emménagent dans leur
propriété ou logement entre juin et septembre et, plus
particulièrement, le 1er juillet. Il va sans dire que les
entreprises de construction en subissent les contrecoups et doivent produire
avec une plus grande intensité dans un laps de temps relativement court,
ce qui entraîne une augmentation importante dans l'embauche des
salariés.
De ce seul fait, les entreprises se retrouvent très souvent face
à une pénurie de main-d'oeuvre. À titre d'exemple, en
avril 1983, les employeurs ont dû faire face à une pénurie
de main-d'oeuvre causée par une production importante conjuguée
à des conditions climatiques peu clémentes au printemps,
retardant ainsi l'échéancier des travaux. Au cours de cette
période, les employeurs n'ont pu trouver sur le marché des
travailleurs qualifiés pour l'exécution des travaux de fondation,
de pose de planches de gypse, de pose de revêtement et, notamment, la
pose de briques. (18 h 30)
Ils auraient dû, en conséquence, payer leurs
salariés à temps et demi ou à temps double pour être
en mesure de respecter les délais de livraison de leurs unités.
Toutefois, nous sommes persuadés que les heures déclarées
à l'OCQ ne reflètent certainement pas cet état de fait.
Pourtant, le nombre de mises en chantier pour 1983 s'est soldé par 40
318 unités. On peut alors se demander quelle aurait été la
situation si les secteurs commercial et industriel avaient connu une
période normale de construction.
Ceci nous amène donc à poser la question classique: Alors
que l'on déplore un haut taux de chômage et que l'on a
disqualifié 30 000 travailleurs en 1982, comment peut-on justifier que
l'offre de la main-d'oeuvre ne soit pas suffisante pour répondre
à la demande?
Il est évident que le contingentement produit par l'application
du règlement sur le placement des salariés de la construction est
responsable des difficultés de recrutement de la main-d'oeuvre. Le
renouvellement des certificats de classification étant fondé sur
le nombre d'heures effectuées par les salariés, les bassins
régionaux de main-d'oeuvre sont substantiellement réduits
lorsqu'il y a une diminution de l'activité
économique. En effet, le contingentement ainsi provoqué
par le règlement sur le placement entraîne des pénuries de
main-d'oeuvre ne permettant pas aux entrepreneurs de satisfaire à la
demande durant les périodes plus actives de l'année ou dans les
situations de reprise économique.
Ceux qui embauchent des salariés sont généralement
des employeurs spécialisés qui doivent solliciter des contrats
dans les régions limitrophes et même un peu partout dans la
province. Ainsi, lorsqu'ils ont à exécuter des travaux à
l'extérieur de leur région, ils doivent accorder priorité
aux salariés domiciliés dans la région où sont
effectués les travaux et ce, au détriment de leurs propres
salariés non permanents. Par ailleurs, lorsqu'ils ont à
exécuter des travaux dans leur propre région dans une situation
de pénurie de main-d'oeuvre, les employeurs se doivent d'engager les
salariés classifiés provenant d'une autre région,
entravant ainsi la formation d'une relève compétente, sans
compter que ceci . entraîne de surcroît des frais de
déplacement ou d'hébergement.
M. Deslauriers: Conclusion et recommandations. L'activité
économique a atteint son plus haut niveau en 1976 avec 68 748 mises en
chantier et son plus bas niveau en 1982 avec 23 492 ventes, pour ensuite
atteindre 40 318 en 1983. Le service de recherches économiques de
l'APCHQ prévoit pour 1984 un maximum de 30 000 unités. Nous
retenons aussi de notre exposé qu'au cours des années 1976
à 1983 la construction faisait l'objet, d'une façon ou d'une
autre, de programmes de subventions.
D'autre part, nous avons démontré que deux
éléments importants empêchaient l'industrie de la
construction résidentielle de réaliser les 40 000 logements qui
seraient nécessaires pour satisfaire le besoin annuel de la population
québécoise: les coûts de financement hypothécaire et
les coûts de construction. Le Québec a peu de contrôle
sur le premier aspect bien que l'APCHQ ait proposé un
régime enregistré de prêts hypothécaires, couramment
le REPHY, qui adoucirait considérablement l'impact des taux
d'intérêt élevés. Nous réitérons au
gouvernement québécois notre invitation à poursuivre son
étude du REPHY en vue de relancer les négociations avec le
gouvernement fédéral, afin que cette mesure ou une mesure
semblable voie son application dans les plus brefs délais possible.
Cependant, le Québec peut faire beaucoup pour réduire les
coûts de construction et ainsi résoudre une crise de logement qui
n'ira qu'en s'aggravant si rien n'est entrepris. Dans une approche assez
générale, un train de mesures de rationalisation et une plus
grande cohérence des interventions des pouvoirs publics
additionnés de certaines actions concrètes du gouvernement, en
plus d'une compréhension du monde syndical, seraient suffisants pour
ramener notre industrie à un état concurrentiel.
Voyons les principales mesures. Le secteur de la construction
résidentielle est depuis 1968 à la remorque des secteurs
commercial, industriel et institutionnel. Comme on le mentionnait, il n'y a
aucune rationalité qui puisse supporter cet état de fait, sinon
le fait sociologique du syndicalisme et la volonté politique d'antan
d'une négociation unique pour l'industrie de la construction.
Nous sommes donc d'avis que le gouvernement reconnaisse un statut
particulier pour le secteur résidentiel en vue de permettre la
négociation de conditions particulières, tout en
décrétant un salaire minimum susceptible de concurrencer le
marché noir, ainsi qu'un salaire maximum équivalant au salaire
versé dans les autres secteurs de l'industrie de la construction. De
cette façon, on permettra aux vraies forces du marché, l'offre et
la demande en main-d'oeuvre, de se manifester dans un monde réaliste.
Cette mesure permettra aussi à l'employeur de payer ses salariés
selon leur compétence et leur rentabilité.
Le secteur de la construction résidentielle est essentiellement
composé de petites entreprises employant souvent moins de cinq
salariés. Cela a été mentionné tantôt.
Soumises elles aussi à l'application du règlement sur la
formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, ces petites
entreprises sont astreintes à respecter le rapport 5-1 et sont donc, en
conséquence, tenues d'engager cinq travailleurs qualifiés pour un
apprenti. Comme elles exécutent la majorité de leurs travaux sur
des chantiers de construction réunissant cinq travailleurs ou moins,
l'on peut donc affirmer que ces entreprises sont presque constamment
limitées à n'avoir qu'un seul apprenti à leur emploi. On
peut donc imaginer facilement toutes les économies qui
résulteraient en coûts de main-d'oeuvre pour ces petites et
moyennes entreprises si le ratio compagnon-apprenti était ramené
à un pour un. Outre l'avantage énoncé ci-dessus,
l'assouplissement de cette norme permettrait aux entrepreneurs de participer
davantage à la formation de la main-d'oeuvre et d'éviter ainsi
d'avoir à faire face à une pénurie de travailleurs
qualifiés pendant les périodes de forte production ou, pis
encore, de devoir agir dans l'illégalité.
Plusieurs travaux exécutés quotidiennement sur des
chantiers de construction résidentielle ne requièrent pas de
qualifications particulières, mais simplement une habileté de la
part du travailleur. Cela nous conduit à affirmer que le secteur de la
construction résidentielle devrait faire l'objet d'une
libéralisation de la
juridiction des métiers; en d'autres termes, le
décloisonnement des tâches.
Aux fins d'assurer aux employeurs une main-d'oeuvre qualifiée et
en quantité suffisante pour satisfaire la demande; aux fins de respecter
la liberté des entrepreneurs d'engager les travailleurs qualifiés
de leur choix et de respecter le droit des salariés compétents de
travailler; finalement, pour permettre une diminution des coûts de la
construction, l'APCHQ recommande l'abrogation du règlement de
placement.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente. Merci
également à nos invités, particulièrement à
ceux qui nous ont présenté le mémoire. Je ne vais pas
entreprendre de le discuter longuement, ni non plus d'amorcer un dialogue qui
pourrait être long, parce que j'ai essentiellement conscience qu'on
reprendrait, à toutes fins utiles, les discussions qui ont
été faites depuis les trois jours que nous sommes là.
Cependant, puisque la Loi sur les relations du travail dans l'indusrie
de la construction est celle qui prévoit les modalités de
négociation de conventions collectives, j'aurais un renseignement
à vous demander à cet égard. Cette loi a de telles
dispositions qu'elle a réuni, sous une même association, et
strictement pour les fins de la négociation d'une convention collective,
tous les représentants patronaux sous l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec. Est-ce que, dans l'état actuel des
choses, au-delà, évidemment des difficultés tout à
fait normales que n'importe quelle relation humaine peut engendrer, votre
association est satisfaite du mandat exercé par l'association
habilitée à vous représenter, pour les fins, encore une
fois, de la négociation d'une convention collective?
M. Deslauriers: Je vais demander à M. Gosselin de
répondre à votre question, M. le ministre.
M. Gosselin (Conrad): D'abord, M. le ministre, à titre
d'administrateur des deux associations, je crois qu'il va de soi que la
structure actuelle, la loi étant ce qu'elle est, répond
exactement aux besoins des constructeurs d'habitations. Actuellement, l'AECQ et
le conseil d'administration défendent très bien le dossier du
secteur résidentiel. Dans le passé, les entrepreneurs du
résidentiel eux-mêmes ne se sont probablement pas suffisamment
occupés de participer à leur association. Il semble maintenant y
avoir une prise de conscience de ce côté et tout semble être
rentré dans l'ordre.
M. Fréchette: Le mémoire de quelques-unes des
associations patronales qu'on a entendues plaide dans le sens qu'il faut
conserver cette négociation sectorielle et qu'il faut conserver ce
décret unique, tel que le prévoit actuellement la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction. Par ailleurs, vous
prenez la position qui va à l'encontre de cette position; et il n'y a
rien d'extraordinaire là-dedans et il n'y a rien de
répréhensible là-dedans non plus. Pourriez-vous, pour la
bonne compréhension du dossier, seulement préciser les motifs
pour lesquels vous croyez, vous les membres de l'APCHQ, qu'il devrait y avoir
effectivement deux décrets, si j'ai bien compris votre
argumentation?
M. Rousseau: En fait, M. le ministre, pas nécessairement.
Ce que nous désirons, c'est que, dans la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction, il soit reconnu dans la
négociation, en tout cas à tout le moins pour le secteur de la
construction résidentielle, que les vrais entrepreneurs en construction
résidentielle soient en mesure de statuer sur leurs propres conditions.
On ne veut plus être à la remorque des autres entrepreneurs des
autres secteurs. On veut dire par là qu'il est possible, dans un
même décret, de négocier des conditions
particulières, mais que les conditions s'adressant à tel type
d'entrepreneur soit décidées par lui, surtout au niveau du
secteur résidentiel.
M. Fréchette: Est-ce que vous avez complété,
M. Rousseau?
M. Rousseau: Oui.
M. Fréchette: Oui. Cela clarifie la situation, parce que au lieu
de parler de deux décrets ou de deux conventions collectives, on parle
d'une seule, mais qui aurait cependant des chapitres distincts pour les deux
secteurs concernés.
M. Rousseau: On n'est pas à cheval sur les
modalités à ce chapitre.
M. Fréchette: Non, mais je pense que c'est important de
clarifier cette situation pour être bien sûr qu'il n'existe aucune
espèce de confusion.
M. Rousseau: Pour la simple raison, si vous me permettez
d'ajouter, aussi qu'il y a certaines conditions, soit au niveau du normatif,
qui s'appliquent dans les autres secteurs et qui s'appliquent également
au secteur résidentiel, avec lesquelles les gens sont capables de vivre.
Mais au niveau salarial, je pense que vous serez d'accord avec nous pour dire
qu'à un moment donné, cette question ne fonctionne plus; on
n'est
plus capable d'absorber les taux des salaires dans le domaine
résidentiel, au même titre que dans les secteurs commercial et
industriel, alors que les contrats émanent pour la plupart des
gouvernements et que la capacité de payer n'est pas la même. Chez
nous, nous faisons affaires avec des consommateurs, tandis que les autres
entrepreneurs font affaires avec des gouvernements. Le donneur d'ouvrage n'est
pas le même et sa capacité de payer n'est pas la même. Je
pense qu'il y a peut-être quelqu'un qui voudrait ajouter quelque
chose.
M. Deslauriers: Cela complète.
M. Fréchette: Cela va pour cet aspect du dossier. Quant au reste,
je l'ai dit tout à l'heure, vous avez essentiellement abordé les
questions que d'autres associations, autant patronales que syndicales, ont
abordées. Que l'on pense, par exemple, au phénomène qu'on
a convenu d'identifier comme étant le travail au noir ou
l'économie souterraine ou occulte, la qualification et la formation
professionnelles, le placement, le ratio. Tout cela est très clair dans
votre mémoire. Cela va évidemment faire partie de tout le
matériel dont nous allons disposer pour rendre les décisions.
Cela va quant à moi. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: C'est M. le député de Pontiac.
La Présidente (Mme Harel): De Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. Je dois
féliciter et remercier les gens de leur mémoire. Je pense qu'il
était clair, précis et très à point. Vous avez
identifié les problèmes qui existaient. Vous avez
démontré par des statistiques quels étaient les facteurs
qui affectaient le plus l'augmentation du coût des maisons. Vous avez
aussi démontré que les subventions du gouvernement et de tous les
paliers de gouvernement dans les années creuses ont certainement
compensé pour l'augmentation des salaires et que cela rendait votre
produit acceptable, selon la capacité de payer des gens aujourd'hui. On
voit maintenant qu'avec le départ des subventions, le coût
augmente de beaucoup, que la capacité de payer des gens n'est plus la
même puisque leurs revenus n'ont pas augmenté en
conséquence.
Je suis moi-même de l'entreprise privée. On
s'aperçoit que vos marges de profits sont de l'ordre de 12%. Je ne pense
pas qu'on puisse vous dire que vous retirez des profits exorbitants. Vous avez
fait une analyse et je me fie sur vos statistiques. Je pense aussi que votre
analyse est à point et cela démontre bien que vous cherchez une
solution. Car vous avez un marché qui est là et celui-ci ne
pourra pas se permettre le luxe d'acheter une maison si les prix continuent
d'augmenter. (18 h 45)
Vous voulez trouver un moyen de maintenir votre marché et de
vendre votre produit. La façon dont vous le voyez, c'est que si on peut
maintenir le coût de la main-d'oeuvre à un taux raisonnable, on
pourra satisfaire à la demande de 40 000 unités de logement, ce
qui représente les besoins de la société
québécoise.
Vous demandez d'enlever le règlement de placement et l'Office de
la construction du Québec. De quelle façon envisageriez-vous de
faire le placement si cette solution était retenue par le ministre?
Avez-vous des solutions à suggérer sur la façon de faire
le placement?
M. Deslauriers: M. Gosselin.
M. Gosselin: En ce qui concerne le règlement de placement,
je pense qu'il a été bien discuté au sein de cette
commission. La position que défend l'AECQ, bien sûr, est la
position de l'habitation. Dans l'habitation, les conditions de placement sont
différentes parce que les employeurs utilisent plus
régulièrement les mêmes travailleurs. On a vu que la
plupart des entreprises utilisent très peu de travailleurs. Normalement,
ce sont les mêmes. Des inconvénients majeurs sont causés,
bien sûr, par le règlement de placement; lorsqu'il y a eu
diminution de la demande, les entreprises dont les travailleurs n'ont pu
effectuer les 1000 heures requises se sont vues dans l'obligation d'employer
des travailleurs qui provenaient, par exemple, de la Baie James parce que, bien
sûr, il y avait moins de travaux là-bas. Les entreprises de
construction doivent et ont dû utiliser des travailleurs habitués
à travailler dans des chantiers industriels et commerciaux pour faire
des travaux d'habitation. C'est un des inconvénients majeurs subis. Je
pense que la position défendue par l'AECQ en regard du règlement
de placement correspond exactement aux attentes de l'habitation.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de l'Habitation,
vous avez demandé la parole. Il nous faut le consentement de cette
commission.
Des voix: Consentement.
La Présidente (Mme Harel): Consentement. La parole est au
ministre de l'Habitation.
M. Tardif: Mme la Présidente, je remercie l'APCHQ de son
mémoire qui va nous permettre justement d'appuyer peut-être
sur des chiffres certaines impressions que nous pouvions avoir quant
à l'évolution des coûts dans la construction. C'est vrai
que l'APCHQ s'est préoccupée depuis plusieurs années - en
tout cas, depuis le temps qui m'a été donné d'être
en contact avec elle comme ministre de l'Habitation - de maintenir un volume
d'activités dans la construction. C'est spontanément que cette
association s'est associée à cette activité qu'a
été Corvée-habitation pour laquelle, d'ailleurs, je la
félicite, tout comme les autres associations patronales qui ont fait
leur bout de chemin.
Je voudrais, Mme la Présidente, essayer de concilier un certain
nombre de chiffres parce que je prends cela très au sérieux. J'ai
essayé de faire de petits calculs rapides. Cela va être difficile
parce que le résumé qu'on nous a donné n'est pas
paginé, mais si on va à la page intitulée "Introduction",
on dit: "La période 1979-1981 est celle où le ménage
québécois moyen a perdu ses espoirs d'accession à la
propriété." Je voudrais simplement faire remarquer à ce
sujet que depuis 1981, il y a maintenant une majorité de
propriétaires au Québec et une minorité de locataires. La
tendance est inversée depuis 1976, précisément. Donc, tous
les espoirs ne sont pas entièrement perdus. Mais je constate ceci, par
exemple. On dit: "En effet, au cours de cette période - je
présume qu'on fait allusion à celle de 1979-1981 qu'on vient de
citer - qui correspond à la période du dernier décret..."
J'ai vérifié et le dernier décret couvre la période
du 1er mai 1982 au 30 avril 1984. Donc, on ne parle pas de la même
période, si je comprends bien. C'est cela?
Une voix: M. Gosselin.
M. Gosselin: Si vous me le permettez, M. le ministre, cette
partie du mémoire reprenait les arguments qui avaient été
présentés en 1982. C'est dans ce contexte qu'il faut situer ces
allégations.
M. Tardif: Bon! Alors, on ne parle pas de la période du
décret...
M. Gosselin: Lorsqu'on parle du dernier décret, on parle
bien de 1979-1981.
M. Tardif: ...et on ne parle pas...
M. Gosselin: Parce qu'ici, on répète ce qui avait
déjà été dit en 1982.
M. Tardif: D'accord. Donc, on ne parle pas du décret de
1982 qui a prévu le 10%-10% d'augmentation, parce qu'une bonne partie de
l'argumentation est fondée là-dessus plus loin. On le verra.
Donc, on parle de deux périodes différentes.
Il y a une deuxième chose dont je veux m'assurer. On dit: "En
effet, au cours de cette période - donc, qui correspond à ce
décret - le prix des maisons s'est accru de 19%. Je présume qu'on
fait référence à la période 1979-1981 et non pas
à celle de 1982-1983, donc pas celle du dernier décret, encore
une fois. Est-ce que c'est exact?
M. Deslauriers: La période 1979-1981 est celle où
le ménage québécois moyen a perdu ses espoirs d'accession
à la propriété. C'est, en effet, au cours de cette
période, 1979 à 1981. C'est cela?
M. Tardif: Je lis tout cela, sauf qu'évidemment, quand on
parlait de la période qui correspond à celle du décret, si
je fais référence, environ dix pages plus loin, à votre
tableau, je constate que vous donnez le prix moyen des maisons, en 1982,
à 57 000 $, et, en 1984, à 60 000 $, soit une augmentation de
3000 $. Est-ce que c'est exact?
Des voix: Oui.
M. Tardif: 3000 $, sur la base de 57 000 $, cela fait, selon moi,
5,2% d'augmentation. Est-ce que c'est cela?
M. Moisan: C'est cela. Si vous avez fait le rapport entre 60 114
$ et...
M. Tardif: 3000 $ sur 57 000 $, cela fait donc une augmentation
de 5,2%. Est-ce que c'est cela?
M. Moisan: Oui.
M. Tardif: Quand on parle d'augmentation de 19% au cours de cette
période et qu'on relie cela au 10%-10% du décret qu'on a
évoqué un peu plus loin, je pense qu'on fait
référence à deux choses distinctes. L'augmentation, en
fait, n'est que de l'ordre de 5,2% au cours de ces deux années.
Finalement, l'augmentation des deux derniers 10% dans le décret se
traduit par une augmentation inférieure à 6% et, dans les faits,
comme j'ai eu l'occasion de le dire hier à la suite du
témoignage, je pense, de la FTQ, étant donné que la
main-d'oeuvre représente 30% du coût d'une maison...
Une voix: ...
M. Tardif: Pardon?
M. Rousseau: ...un peu plus.
M. Tardif: 30%, enfin... Selon Statistique Canada - vous me
corrigerez - on nous dit que c'est 30% pour la main-d'oeuvre, 41% pour les
matériaux et 29% pour ce qu'ils appellent la marge
bénéficiaire brute, mais qui, en réalité, inclut le
coût du
terrain et un tas de choses. Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Rousseau: Si je me rappelle bien, nos statistiques indiquaient
environ 35%, je pense, en main-d'oeuvre, 35% à 40% pour
l'habitation.
M. Moisan: En fait, dans le mémoire de 1982, on avait pris
des chiffres qui provenaient du ministère de l'Industrie et du Commerce
pour l'année 1974. À ce moment-là, on avait fait une
tournée des chantiers de construction et on avait relevé les
coûts, etc. Dans le prix de vente d'une maison, on avait 15% pour le
terrain et 85% pour la structure. Ces 85% se divisaient en 39% pour la
main-d'oeuvre, 34% pour les matériaux et 13% pour le reste qui comprend
la marge bénéficiaire brute et tous les autres frais.
M. Tardif: Vous aviez exclu le terrain de cela...
M. Moisan: C'est cela, parce que en fait...
M. Tardif: ...alors que dans les chiffres de Statistique Canada,
le 30-41-29...
M. Moisan: Non. Ce que je vous donne, c'est 39% en 1974. Je ne
sais pas de quelle année sont ceux que vous citez de Statistique
Canada.
M. Tardif: D'accord. En gros, vous dites: Le coût de la
main-d'oeuvre à 35%, une augmentation de 10% du coût de la
main-d'oeuvre, cela se traduit donc par une augmentation du coût de la
maison de 3,5%. Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Moisan: Ce seraient des mathématiques directes.
M. Tardif: D'accord. Ce sont des mathématiques
élémentaires, mais qui visent à replacer, les choses, je
pense. J'essayais de comprendre d'où venaient les 19% et je me rends
compte qu'on ne faisait pas référence, encore une fois, à
la même période.
L'autre donnée importante qui me préoccupe comme ministre
de l'Habitation et que vous évoquez dans votre mémoire, c'est
quand vous dites: La source la plus importante de la hausse des coûts est
l'augmentation de la valeur des terrains qui est égale à
224%.
M. Moisan: Oui.
M. Tardif: C'est cela.
M. Moisan: En 1979, c'est ce qu'on avait calculé à
l'aide des...
M. Tardif: Est-ce que ce phénomène est relié
à la pratique qui se répand de plus en plus et que vous
évoquez, mais très brièvement, de l'inclusion par les
municipalités du coût des infrastructures dans le coût des
terrains?
M. Moisan: Pas vraiment, pas à ce moment-là. Quand
on est arrivé au chiffre de 224%, on avait fait un tableau en partant de
1974, la répartition dont je viens de faire état, et on avait
indexé chaque coût pour les années jusqu'en 1981, et on
voyait le résultat du terrain et de la marge bénéficiaire
brute qui, finalement, étaient des résultats, parce qu'on n'a pas
d'indice de croissance des coûts des terrains viabilisés et de la
marge bénéficiaire brute. C'est un résultat, si vous
voulez, un résidu après la répartition pour les
coûts dont on connaît les marges, les parts et les croissances.
Dans ce tableau, on arrête en 1981.
M. Tardif: Je constate, par ailleurs dans le tableau À ,
indice des coûts de la main-d'oeuvre dans la construction
résidentielle au Québec, base charpentier-menuisier, 1971
à 1981, est-ce que c'est ce que vous me donnez? Là vous donnez
ici, taux horaire, coût à l'employeur, indice du coût
à l'employeur, on constate que sur la base 100 en 1971, l'indice du
coût à l'employeur vous le situez à 330,3 en 1981. C'est
cela? J'essaie de m'expliquer peut-être parce que vous n'avez pris qu'un
seul métier.
M. Moisan: ...le plus important dans la construction
résidentielle.
M. Tardif: Encore une fois, en faisant référence au
rapport de Statistique Canada pour tous les corps de métiers dans le
domaine de la construction, sur la base 100 en 1971, Statistique Canada donne
260 indice en 1981 et non pas 330.
M. Moisan: Cela est l'indice pour toute la main-d'oeuvre
impliquée dans une construction résidentielle?
M. Tardif: C'est cela.
M. Rousseau: II parle pour l'ensemble des secteurs.
M. Tardif: Pour tout le Québec... M. Rousseau: Pour
tout le Québec.
M. Tardif: ...Statistique Canada, le numéro de l'annuaire,
je vous le donnerai. On part à la base 100 en 1971 pour arriver à
la base 260 en 1981. C'est parce que cela m'apparaît une très
grosse différence par rapport à 330.
M. Rousseau: Est-ce qu'ils font la distinction au niveau des
secteurs? Non. Ils prennent l'ensemble...
M. Tardif: Évolution de l'indice des prix dans la
construction, main-d'oeuvre, matériaux et marge
bénéficiaire, Statistique Canada. Alors que pour les
matériaux, incidemment, vous me donnez un indice de 236. Statistique
Canada me donne 234. C'est très près. D'accord.
M. Moisan: Ce qu'on cite dans le tableau, ce n'est pas l'indice
de Statistique Canada, c'est l'indice qu'on développe et faites
attention aussi, c'est le coût à l'employeur. Je ne sais pas, je
ne me rappelle pas exactement ce que Statistique Canada utilise pour faire son
indice, mais dans le coût à l'employeur, on a tous les frais qui
sont payés par l'employeur. Les 10% de vacances, la CSST qui varie,
l'Office de la construction, etc.
M. Rousseau: De toute façon, ce sont les chiffres
réels qu'on a pris au décret et quand on fait les calculs,
ça arrive à cela. Ce que Statistique Canada a pris comme
chiffres, je n'ai aucune idée. Ce sont vraiment les chiffres en vertu du
décret.
M. Moisan: Quant à moi, je pense que Statistique Canada a
utilisé le taux horaire plus peut-être un taux pour les vacances
ou quelque chose du genre parce qu'il faut qu'ils fassent quelque chose de
comparable pour les autres provinces aussi et qu'on puisse comparer sur le
même pied.
M. Tardif: Écoutez, encore une fois sujet à
vérification, ce qu'on utilisait au ministère et ce qu'on a, ce
sont les données publiées par Statistique Canada qui nous donnait
une augmentation de 260 sur dix ans et non pas de 330 alors que pour les
matériaux, à 2% près, c'est assez semblable.
M. Rousseau: Comme on vous le disait, ce sont les taux
payés en vertu du décret. Il n'y a qu'à faire une addition
mathématique.
M. Tardif: D'accord. Maintenant, dans le mémoire, a un
moment donné, il est fait état de ces conditions qui seraient
beaucoup plus contreignantes au Québec. Je reprends toujours Statistique
Canada pour l'Ontario parce qu'il nous donne les chiffres pour l'Ontario,
où il nous donne des indices de 239, toujours sur la base 100 en 1971.
Donc, de 239 en 1981 pour la main-d'oeuvre et de 238 pour les matériaux.
En d'autres termes, un petit peu plus pour la main-d'oeuvre. Enfin, une
augmentation moins forte pour la main-d'oeuvre et plus forte pour les
matériaux.
M. Moisan: Dans la construction résidentielle, cela ne
sert pratiquement à rien de comparer les indices de coût de la
main-d'oeuvre pour les autres provinces parce que la main-d'oeuvre des autres
provinces pour la construction résidentielle n'est pas syndiquée.
Cela a été relevé au mémoire de l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec à pratiquement
au-delà de 90%. De sorte que Statistique Canada ne fait pas une
enquête de marché. Elle fait référence aux
conventions collectives. Donc, la comparaison est...
M. Tardif: C'est parce qu'à un moment donné on
prend les données de Statistique Canada pour les matériaux.
Prenons le coût des terrains. (19 heures)
M. Moisan: On ne l'a pas fait ressortir dans les statistiques ici
parce qu'on n'a pas de départ en 1971, mais on l'a en 1976, d'accord? On
a fait un deuxième tableau de 1971 à 1983 et, de 1976 à
1983, les coûts de la main-d'oeuvre pour l'employeur dans la construction
résidentielle ont augmenté de 95%; et de 1976 à 1983, le
coût des terrains, tel que calculé par Statistique Canada, a
augmenté d'environ 79%. On retrouve donc, encore une fois...
M. Tardif: Ce qui situerait le prix moyen d'un terrain à
Montréal, par exemple, à combien?
M. Moisan: Dans les chiffres de Statistique Canada, on n'a pas le
coût...
M. Tardif: Le dernier chiffre de Statistique Canada de 7000 $
a-t-il du sens dans la région de Montréal?
M. Moisan: Pour quelle année? Pour 1983?
M. Tardif: Pour l'année 1981.
M. Moisan: Pour l'année 1981.
M. Tardif: Un coût de 7000 $.
M. Moisan: C'est très difficile...
M. Tardif: Le prix moyen?
M. Moisan: C'est assez difficile de...
M. Tardif: Comparativement à 35 000 $ à Toronto,
cela se peut-il?
M. Moisan: C'est dans l'ordre des choses.
M. Tardif: Cela est possible. Il y a donc un avantage
comparé à certains égards, du moins quant au prix des
terrains?
M. Rousseau: Tout à fait d'accord.
M. Tardif: Vous êtes tout à fait d'accord? À
un moment donné... Pardon?
M. Rousseau: Une chance qu'on a cet avantage.
M. Tardif: C'est cela. À un moment donné, il y a
quelque chose qui doit expliquer que, pendant les six premiers mois de
l'année 1984, la construction résidentielle dans l'ensemble du
Canada et en Ontario a baissé de 25% alors qu'au Québec, elle a
baissé un peu, mais de 2%. Il doit y avoir quelque chose qui explique
qu'il se bâtit des maisons quand même.
M. Rousseau: Les programmes. Bien oui, vous voulez qu'on vous
dise que c'est à cause de Corvée-habitation?
M. Tardif: Non, mais je ne voudrais pas...
M. Rousseau: Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?
M. Tardif: Je pense qu'on n'a pas intérêt, ni vous,
ni nous, à ce qu'on dépeigne la situation tellement noire,
n'est-ce pas, que les gens disent qu'il ne faut plus bâtir, qu'il ne faut
plus rien faire. J'essayais de comprendre les pourcentages qui sont
cités; cela me préoccupe également. Je cite le
résumé du mémoire, à la page qui suit le tableau
Prix des effectifs payés après subvention et mise en chantier
où vous dites: "II ne faut pas se surprendre d'un tel résultat
qu'en 1984, le prix effectif d'une maison passe à 58 000 $ et que le
marché retrouve sa faiblesse du début des années
quatre-vingt". Vous dites: "II ne faut pas se surprendre d'un tel
résultat; il était prévisible. Des documents originant du
gouvernement du Québec en founissent l'explication lorsqu'ils estiment
le nombre de ménages familiaux locataires de 25 à 54 ans pouvant
assumer les mensualités de diverses valeurs de logements, selon
différents taux d'intérêt sans consacrer plus de 25% de
leurs revenus aux frais de logement en 1981. Selon ces estimations, le passage
des prix de logements neufs de 50 000 $ à 55 000 $, à taux
d'intérêt constant, retire du marché environ 30% à
35% d'acheteurs potentiels." Je présume que vous faites
référence à un tableau que j'ai remis à l'OPCHQ il
y a quelques jours seulement?
M. Rousseau: Enfin, non. Je pense que je fais simplement
référence à des documents qui ont servi...
Évidemment, lors de la préparation du programme
Corvée-habitation, il fallait savoir exactement quel était le
taux d'intérêt qui pouvait permettre...
M. Tardif: Bon. Écoutez, à partir de ces
données, vous dites: "À taux d'intérêt constant,
cela retire du marché - le fait d'augmenter de 5000 $ - de 30% à
35% des acheteurs." En faisant des calculs, j'arrivais à 22% des
acheteurs et non pas 30% à 35%, mais il faudrait peut-être voir
sur quelle base c'est calculé.
M. Moisan: À quel taux avez-vous calculé cela?
À 9 1/2%?
M. Tardif: Moi, j'ai calculé au taux actuel, soit environ
14%.
M. Moisan: Pour l'année 1981?
M. Tardif: Enfin, à 50 000 $ - peu importe l'année
- par rapport à 55 000 $. Mais ce à quoi je veux en venir...
M. Moisan: Oui.
M. Tardif: ...c'est qu'une augmentation de 2% du taux
d'intérêt produit le même résultat. Vous êtes
d'accord avec cela?
M. Moisan: C'est fort probable, oui, que cela revient au
même.
M. Tardif: Si bien que le passage des taux d'intérêt
de 10% à 14% récemment a eu le même effet que si le prix
des maisons avait augmenté de 10 000 $.
M. Moisan: C'est fort probable. M. Tardif: C'est cela?
M. Moisan: C'est fort probable, parce que... Oui.
M. Tardif: Or, on consacre beaucoup d'énergie ici à
démontrer l'impact du coût des maisons et l'impact du coût
d'un facteur qui est la main-d'oeuvre, alors que le facteur de loin le plus
important est celui des taux d'intérêt.
M. Moisan: Nous, on a un problème: on n'a absolument aucun
contrôle sur les taux d'intérêt.
M. Tardif: Nous non plus. On voudrait en avoir un.
M. Moisan: Voulez-vous qu'on essaie d'avoir un contrôle sur
ce sur quoi on peut en avoir un? D'accord?
M. Gosselin: M. le ministre. M. Tardif: Oui.
M. Gosselin: J'aimerais ajouter ceci: En plus de n'avoir aucun
contrôle sur le taux d'intérêt, tout comme vous
d'ailleurs... Le taux d'intérêt est variable. Il arrive qu'il
monte; il arrive qu'il descend. Lorsqu'il descend, bien sûr, il permet
à un bassin de population plus grand d'accéder à un
logement, tandis que le taux de la main-d'oeuvre ne descend pas après
avoir été négocié, et on doit vivre avec cela.
M. Tardif: Mme la Présidente, il est vrai qu'il y a des
fluctuations du taux d'intérêt, à part cette année
record qu'on invoque justement, 1976. C'est d'ailleurs celle qu'on
connaît comme étant le sommet dans l'habitation, sauf qu'il a
quelque chose, méthodologiquement parlant, d'un peu dangereux de prendre
une année repère qui est une année exceptionnelle. Si on
prend la décennie soixante-dix, il faudrait parler de 52 000 mises en
chantier en moyenne, mais de prendre ceci justement à un moment
où les taux d'intérêt réels étaient
négatifs, une fois déduit le taux d'inflation... Là, c'est
une situation qui influe beaucoup. Je pense que l'APCHQ, lorsqu'elle a
décidé de souscrire à Corvée-habitation, s'est
attaquée au problème des taux d'intérêt. À
l'heure actuelle, cela reste de facteur no 1, au moment où nous nous
parlons.
M. Rousseau: En partie, je pense que vous avez raison, mais
regardez l'année 1976 où on fait allusion à 68 000
unités d'habitation. Il y a une chose qui est certaine: à ce
moment-là, il y avait deux programmes, je pense, sur le marché.
Il y avait le programme PAT et le programme PALL. D'ailleurs, je pense que le
programme PALL a été sorti en 1975. Déjà, la
Société canadienne d'hypothèques et de logement, cet
automne précisément, avait pris des engagements et les mises en
chantier se sont reflétés au cours de l'année 1976. C'est
évidemment, je pense, peut-être souffler un peu la production en
1976 à cause des engagements de 1975, mais il n'en demeure pas moins que
le seul temps où on a eu des grandes années de production depuis
quelques années, c'est lorsqu'il y avait des programmes de subvention.
Regardez encore actuellement. Vous dites: C'est le taux d'intérêt;
c'est seulement le taux d'intérêt. Corvée-habitation est
à 9,5% pour des maisons de 60 000 $ excluant le terrain, les
infrastructures, etc. On sait, depuis la phase V, qu'à toutes fins
utiles le marché est complètement tombé. Pourtant, le taux
d'intérêt est alléchant; 9,5% pour trois ans, cela fait
longtemps que je n'ai pas vu cela. Il n'y a pas que le taux
d'intérêt; il y a d'autres éléments, et le
coût de construction est vraiment important.
M. Tardif: Mme la Présidente, je pense que je vais
demander aux gens de mon ministère de regarder attentivement avec
l'APCHQ cette progression des coûts, parce qu'elle nous préoccupe
également. Je voudrais quand même revenir sur un point où
on dit: Depuis 1982, qu'y a-t-il de changé entre la situation qui
existait au 31 mai 1982 et celle que nous vivons aujourd'hui? En ce qui
concerne une tentative de bonification du règlement sur le placement des
salariés dans l'industrie, aucun changement n'est survenu. Il ne
faudrait quand même pas oublier que l'adoption récente du Code du
bâtiment est venue apporter une simplification très importante
dans le secteur de la construction. Évidemment, je ne parle pas de
Corvée, d'Équerre et d'autres mesures semblables.
Puisque vous vous préoccupez - vous y revenez dans la conclusion
- de la surréglementation, j'ai demandé à un certain
nombre d'associations un projet de regroupement de la DGI, la Direction
générale de l'inspection, et de la RECQ, la Régie des
entreprises en construction, visant précisément à refondre
dans une seule loi celles existant actuellement. C'est
précisément dans le but de simplifier, de
déréglementer. Là-dessus, il me fera plaisir
évidemment, en dehors du cadre de cette commission, d'entendre des
commentaires de votre association ainsi que toute suggestion qu'elle pourrait
nous faire pour maintenir un volume d'activité, enfin de besoin en
logements évalué entre 35 000 et 38 000 unités par
année. Là-dessus, je suis aussi préoccupé que
l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec,
croyez-moi, à maintenir ce rythme d'activité, parce que 38 000
logements, c'est 38 000 emplois au bas mot. C'est donc très important
dans l'économie. Toutes les suggestions sont les bienvenues. Merci, Mme
la Présidente.
M. Rousseau: Je m'excuse, pour autant que ces constructions
soient exécutées par des entrepreneurs, cela va créer des
emplois. Si c'est exécuté par des
propriétaires-constructeurs ou si c'est fait au noir, la création
d'emplois, c'est vrai, mais cela n'a pas la même signification.
M. Tardif: Est-ce que l'APCHQ - une question, Mme la
Présidente - a... Vous évoquez cela dans votre mémoire.
Vous parlez de l'autoconstruction. Est-ce que vous avez des chiffres quant au
pourcentage des propriétaires québécois qui construisent
eux-mêmes leur maison?
M. Rousseau: Je n'ai pas de chiffres précis, mais je n'ai
qu'à prendre la rue chez nous - pourtant, je vis dans un milieu qui est
relativement à l'aise - et sur 20 maisons, il y en a à peu
près douze qui ont été
construites par des constructeurs- propriétaires. Le même
individu en a même construit deux ou trois et ce n'est pas par des
salariés. C'étaient effectivement des artisans. La seule qui a
été construite, je pense, c'est peut-être la mienne, parce
que j'étais peut-être trop innocent.
M. Gosselin: Mme la Présidente, je pense que dans rapport
de l'AECQ, il y a des chiffres qui sont produits là-dessus et qui
varient selon les régions. En région éloignée, en
extrême périphérie, c'est catastrophique
présentement.
M. Tardif: Qu'est-ce qui est catastrophique?
M. Gosselin: L'autoconstruction.
La Présidente (Mme Harel): C'est l'autoconstruction qui
est catastrophique.
M. Tardif: Pour les constructeurs.
M. Gosselin: Pour les constructeurs. Je dis que c'est
catastrophique pour les constructeurs, bien sûr.
La Présidente (Mme Harel): D'accord.
M. Tardif: Il y a des gens qui prennent le marteau...
La Présidente (Mme Harel): Le député de
Bourassa a demandé la parole.
M. Laplante: Ce ne sera pas long. Je voudrais savoir, dans le
domaine de la maison préfabriquée, où il n'y a pas de
syndicalisation - je parle seulement de l'usine, cela ne touche pas aux
métiers de la construction en sortant - combien il s'en fait?
M. Deslauriers: M. Gosselin étant un spécialiste de
la préfabrication, je vais lui demander de répondre à la
question.
M. Gosselin: J'aimerais demander au député de
Bourassa de préciser sa question, s'il vous plaîti
M. Laplante: J'ai un voisin qui est arrivé avec une maison
préfabriquée. Il a mis cela sur son terrain et apparemment, il a
épargné quelque 12 000 $ sur sa maison. Je veux savoir comment
cela se fait, vu que les syndiqués de la construction ne sont pas
dedans, qu'il ne s'en fait pas plus que cela?
Des voix: Ah! Ah!
M. Gosselin: Pourquoi on ne construit pas plus de maisons
préfabriquées qu'on ne le fait présentement en usine?
M. Laplante: Pourtant, elle est belle, celle-là.
M. Gosselin: Bien sûr. C'est parce que les coûts de
préfabrication en usine - la main-d'oeuvre est meilleur marché,
mais il y a des coûts de fabrication... Autrement dit, le coffre d'outils
pour le travailleur d'usine ou pour l'employeur d'usine est presque le double
du salaire payé dans l'usine, ce qui fait que lorsqu'on additionnel
à cela le coût du transport, votre voisin n'a pas vraiment
économisé 12 000 $ s'il a fait les travaux sur le chantier avec
des travailleurs et des employeurs qualifiés.
M. Laplante: Le salaire moyen en usine est quoi?
M. Gosselin: Le taux horaire moyen en usine peut varier
sensiblement autour du coût du décret du bois ouvré, entre
8 $ et 10 $ l'heure.
M. Laplante: D'accord. Maintenant, on va faire un petit examen de
conscience, les constructeurs, entre nous. Vous êtes favorables à
la protection du consommateur. C'est louable. Vous avez sorti des programmes.
Si je ne suis pas satisfait de ma maison, je peux avoir des recours
auprès de vous. Bravo là-dessus. Vous parliez des terrains tout
à l'heure. Je sais qu'un terrain, il y a dix ans... Celui que j'ai
acheté, 37 pieds et demi sur 90 pieds, m'a coûté 2100 $.
Aujourd'hui, le même terrain se vend 20 000 $. À Laval, je suis
allé en marchander un autour de l'hôpital. Il y a un nouveau
développement qui commence là-bas. J'ai voulu en acheter un de 40
pieds sur 100 pieds. On m'a demandé 23 000 $ pour le même terrain
qui est un grand champ. Cela fait beaucoup plus que les 200% dont vous parlez,
depuis dix ans. Cela fait 1000% de plus seulement sur le terrain. Le salaire de
l'ouvrier, je ne crois pas qu'il ait été aussi loin que cela. Il
y a une part de responsabilité des entrepreneurs aussi. Il faut
retourner en 1967. Dans le temps de l'abondance, de l'Expo, cela ne vous a pas
gêné à ce moment-là de donner 1 $ de plus aux
travailleurs de la construction.
Des voix: Oh!
M. Laplante: Non! Une minute! De là, les maisons de 1965,
1966 et 1967 ont aussi fait un bond au point de vue du coût. En 1955,
j'ai acheté une maison pour 17 000 $ d'un de vos membres qui
était un ancien président. En 1967, la même maison
était déjà montée à 24 000 $ ou 25 000 $.
Cela a monté comme ça. Il y a eu après cela un gel des
prix. Il y a eu aussi un gel de la construction en 1970, 1971 et 1972 où
les maisons ne se vendaient à peu près pas à ce
moment-là. Il y a eu une stabilité. (19 h 15)
Les Olympiques sont arrivées. C'est la manne qui est
arrivée pour vous, si bien que quand on avait besoin d'un entrepreneur
électricien, pour un job qui lui coûtait 1000 $, il nous en
coûtait 3000 $. On nous disait, à ce moment-là, que l'offre
et la demande, cela ne se contrôlait plus et qu'il fallait demander le
gros prix. Vous vous êtes fichés du consommateur à ce
moment-là et, aujourd'hui, vous êtes en difficulté. Vous
faites appel au consommateur aujourd'hui. Sans faire un examen de conscience
sur le passé de l'industrie de la construction, on en est arrivé
aujourd'hui concernant ces prix, dans la spéculation des terrains...
M. Rocheleau: Mme la Présidente, est-ce que les micros
fonctionnent?
Des voix: Ah! Ah! Ah! Une voix: Oui, c'est
enregistré. M. Laplante: Oui, c'est enregistré. M.
Pagé: Continuez, M. le député.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Bourassa, vous m'avez fait signe tantôt que vous aviez une toute
brève question à poser.
M. Laplante: Oui, ce ne sera que cela. Je voudrais vous faire
réfléchir à ceci: ce n'est pas toujours l'ouvrier qui est
la cause de la hausse de la construction ici. La partie patronale a cette
tendance de mettre tout sur le salaire des ouvriers pour essayer de faire
bénéficier le consommateur de rabais. Le prix de la maison
"usagée" a aussi augmenté. La maison de 17 000 $ s'est vendue 85
000 $, ce que je lui ai dit, une maison payée en 1955.
M. Deslauriers: Votre question, quelle est-elle
précisément? À quelle question doit-on
répondre?
Une voix: II demande si on se sent responsable.
M. Rousseau: Est-ce qu'on se sent responsable de tout cela?
Est-ce que c'est cela que vous voulez savoir?
M. Laplante: Oui.
M. Rousseau: Je vais commencer la réponse et mon
ami...
M. Laplante: Ce sera non, mais cela ne fait rien.
M. Rousseau: Non, ce ne sera pas long.
M. Laplante: D'accord.
M. Rousseau: La première chose, c'est que dans notre
mémoire, on est très clair. On dit que, depuis fort longtemps, le
secteur de la construction résidentielle est à la remorque du
secteur commercial, industriel et institutionnel. C'est clair? Cela
répond à votre question des Jeux olympiques et d'Expo 67. Lorsque
le gouvernement à l'époque est arrivé avec une indexation
de 0,85 $ l'heure, on est allé en commission parlementaire pour la
dénoncer, mais on n'a pas eu le choix; elle nous a été
imposée. À part cela, on a dénoncé le fait
qu'à ce moment-là les entrepreneurs avaient même
signé des contrats, avaient donné des contrats à des gens
pour avoir une unité résidentielle et ne pouvaient pas revenir
sur le prix pour être capables de l'ajuster. Or, ce que vous soulevez,
c'est-à-dire Expo 67, les grands travaux, etc., vous pouvez
peut-être faire ce reproche aux autres secteurs, mais ce n'était
certainement pas nos employeurs qui étaient sur ces chantiers. Nous
sommes dans la petite construction résidentielle, enfin la petite, toute
la construction résidentielle, mais ce ne sont pas des employeurs qui
font des grands travaux, dans le domaine industriel.
M. Laplante: Un "building" de 20 étages.
M. Deslauriers: Quant à la valeur des terrains, M.
Crochetière pourrait peut-être...
M. Crochetière (Serge): Pour renchérir sur ce que
M. Rousseau vient de vous exposer, c'est là précisément le
sens de notre mémoire. On ne veut plus avoir à subir des taux
imposés ou conditionnés par d'autres secteurs, où les
donneurs d'ouvrage n'ont pas la même capacité de payer, où
ils ont des clauses d'indexation plus une participation sur l'augmentation des
coûts, ce qui n'existait pas pour les gars de l'habitation en 1975 et en
1976.
Quant aux terrains de Laval, ceux dont vous parlez plus
particulièrement, ils se situent dans une poche qui a été
exemptée du zonage agricole. Tout le pourtour a été zone
agricole et, de plus, Laval, depuis l'an dernier, je crois, a commencé
à introduire une politique de financement du coût des
infrastructures imposé aux entrepreneurs, ce qui explique en grande
partie l'augmentation des coûts dont vous venez de parler.
M. Laplante: Simplement pour rectifier.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Bourassa, en terminant.
M. Laplante: II n'y a pas de services. C'est le prix brut du
terrain que j'ai
mentionné, sans services. Les services sont additionnels.
M. Pagé: C'est à cause du zonage agricole. C'est
encore pire pour vous.
M. Gosselin: J'aimerais ajouter un dernier détail, si Mme
la Présidente me le permet.
M. Pagé: Le zonage agricole.
M. Gosselin: J'ai entendu plusieurs fois le député
de Bourassa parler des coûts des matériaux, des coûts des
terrains. Je lui ferai remarquer que nous n'avons pas tellement de
contrôle sur le coût des matériaux. Nous n'en avons
même pas du tout. Vous pouvez faire confiance aux entrepreneurs pour
magasiner adéquatement concernant le coût de l'achat de leurs
matières premières et le prix des terrains. Une des composantes
de nos coûts sur laquelle nous avons un certain contrôle, du moins
nous l'espérerions si le décret n'était pas toujours
décrété, c'est la main-d'oeuvre. C'est pour cette fin
qu'on est ici et on veut défendre, bien sûr... On se demande aussi
pourquoi un travailleur de la construction au Québec doit gagner le
double des autres travailleurs de l'industrie. On ne voit pas la raison.
M. Laplante: Donnez-leur de l'ouvrage douze mois par
année.
La Présidente (Mme Harel): Messieurs de l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, je voudrais vous
remercier au nom de cette commission d'être venus présenter votre
mémoire. Nous allons maintenant entendre les propos du ministre du
Travail et du porte-parole de l'Opposition en matière de travail. Nous
vous remercions et nous vous prions de rester avec nous. La parole est au
ministre du Travail. Je crois comprendre que le ministre du Travail et le
critique officiel comptent prendre au plus chacun quinze minutes pour clore
cette présente commission parlementaire.
Déclarations de clôture
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Mme la Présidente, MM. les membres de
l'Opposition, mesdames, messieurs, nous sommes effectivement au terme de cette
commission parlementaire et je vais répondre à votre invitation
de prendre quelques minutes pour émettre certains commentaires ou
certaines appréciations sur ces trois jours de travaux.
Je suis l'un de ceux qui croient, et c'est évidemment fort
subjectif, que nous avons, au cours des trois journées de cette
commission parlementaire, participé au plus significatif débat
sur l'ensemble de l'industrie de la construction à s'être
déroulé au cours des dernières années.
Différents intervenants de l'industrie sont venus nous exposer et nous
décrire les situations problématiques qu'ils rencontrent, qu'ils
ont rencontrées et, toutes choses étant ce qu'elles sont
maintenant, qu'ils rencontreraient dans l'avenir. Permettez, Mme la
Présidente, qu'à ce stade-ci, je remercie tous les invités
qui se sont présentés, que nous avons entendus devant nous pour
la qualité exceptionnelle de la recherche qui a été
effectuée pour étayer les argumentations respectives qu'on nous a
soumises. Cette remarque, quant à moi encore, s'applique de façon
générale et à toutes les associations, à tous les
groupes qui se sont fait entendre devant la commission.
Permettez également, Mme la Présidente, que je prenne dix
secondes pour vous remercier vous et le député d'Outremont qui
vous a précédé lors de la première journée
de nos travaux pour la façon avec laquelle vous avez dirigé ces
travaux. Je voudrais aussi - et vous allez le comprendre - remercier les
membres de la commission des deux côtés de la table. Chacun
évidemment pourra faire son appréciation, son bilan, son
évaluation de nos travaux. Il me semble - en tout cas, pour autant que
les parlementaires sont concernés - que tout s'est fait dans la plus
grande sérénité sans pour autant empêcher l'un ou
l'autre, les uns et les autres d'aller au fond des questions et c'est dans cet
esprit que nous souhaitions que nos travaux se déroulent.
Je voudrais aussi, le plus rapidement possible, remercier les
fonctionnaires des différents ministères qui ont
été là avec une assiduité remarquable. Les
fonctionnaires du ministère du Travail, du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du ministère de
l'Habitation et de la Protection du consommateur, de même que les
fonctionnaires des différentes sociétés, ou organismes, ou
offices qui sont directement concernés et intéressés par
les travaux que nous avons faits au cours de ces trois derniers jours.
Un mot d'appréciation également pour les membres du
Secrétariat des commissions parlementaires, à tout le personnel
de soutien. Finalement, au conciliateur, M. Leboeuf, qui lui aussi a
été là avec passablement d'assiduité bien qu'ilait fait quelques courses dans les corridors de temps en temps; mais ce
sont des choses qui sont tout à fait normales. Sans faux-fuyant,
directement, les parlementaires ont eu l'occasion d'approfondir chacun des
témoignages, permettant ainsi d'identifier plus
précisément les enjeux et les hypothèses de solutions
possibles. En ce sens, je crois pouvoir affirmer que les représentants
des
groupes témoins ont répondu au premier appel que je leur
lançais, lorsque nous avons commencé nos travaux. Nous avons, il
me semble, dépassé la période de l'analyse des
problèmes pour entreprendre maintenant et, véritablement, la
phase de la recherche de solutions crédibles et acceptables. Je crois
pouvoir dire que nous avons évolué, au cours de ces travaux, et
nous sommes prêts à des changements.
Par contre, la nature même des changements ne s'impose pas
d'elle-même, même s'il ressort des points de convergence des
différents témoignages. Que ce soit, à titre d'exemple
seulement, le travail au noir ou le règlement de placement. Il existe
chez les intervenants des positions fort divergentes sur les causes des
problèmes et sur les correctifs à y apporter, même si une
réflexion approfondie nous permettrait sans doute d'espérer
pouvoir identifier des points de convergence pour la majorité.
Par contre, à titre d'exemple également, d'autres sujets,
comme l'idée de la création d'un tribunal de la construction ou
alors d'un organisme quasi judiciaire, peu importe le nom qu'on pourrait lui
donner, mais la création d'une instance habilitée à
entendre tous les litiges procédant de la loi, de la
réglementation, de la convention collective ou du décret semblent
non seulement recueillir, mais recueillent, de toute évidence,
l'unanimité des parties que nous avons entendues.
Au terme de nos travaux, deux scénarios pouvaient être
retenus par le gouvernement: ou alors nous allions conserver, garder cette
approche de procéder à la pièce, ou alors nous relevions
le défi de procéder avec une approche que l'on dit globale.
Compte tenu de la diversité des sujets qui ont été
abordés et, très souvent aussi, de leur intime interrelation, le
gouvernement a décidé que le changement serait global et en
profondeur.
Pour réaliser cet objectif, avec l'accord de mes collègues
impliqués, j'annonce la création - là, je sais d'avance
comment on va réagir - d'un comité multidisciplinaire
formé de représentants des ministères de l'Habitation et
de la Protection du consommateur, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu ainsi, évidemment, que du Travail
auxquels s'adjoindront des représentants d'organismes tels l'Office de
la construction du Québec et la Régie des entreprises en
construction du Québec. Le mandat premier de ce comité sera
d'analyser l'ensemble des témoignages de la commission parlementaire,
d'en dégager les consensus ou de préparer différentes
hypothèses de solutions sur les différents points litigieux, tout
en tenant compte de l'intérêt général.
Le travail devra être terminé à la mi-septembre. (19
h 30)
Par la suite, le gouvernement identifiera les options qu'il veut
proposer et préparera pour dépôt à l'automne un
projet de loi modifiant les différentes lois concernées et/ou les
règlements concernés après avoir reçu l'avis du
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et du Comité mixte
de l'industrie de la construction sur les intentions gouvernementales. À
la suite de cet avis autant du conseil consultatif que du comité mixte
et après dépôt du projet de loi en première lecture,
une commission parlementaire avant la deuxième lecture du projet de loi
sera convoquée en février et le projet de loi modifié,
s'il y a lieu, reviendra à l'Assemblée nationale pour adoption.
La réforme sera donc globale et, s'il n'y a pas d'accord entre les
centrales, le gouvernement devra aussi statuer sur l'épineuse question
de la représentativité syndicale.
À ce chapitre, au moins trois des associations syndicales que
nous avons entendues ont clairement plaidé dans le sens qu'il y avait
effectivement un problème qui se présentait chaque fois
qu'arrivaient l'échéance d'une convention et/ou d'un
décret et la nécessité d'en négocier un nouveau.
Non seulement ces trois associations ont-elles identifié le
problème de façon très expresse, mais chacune des trois a
également proposé un mécanisme avec lequel elles seraient
en mesure de vivre pour l'avenir. Il m'est apparu que dans ces circonstances -
et chacune a également indiqué très clairement qu'il
s'agissait de matières négociables - il fallait à nouveau
qu'elles fassent tous les efforts nécessaires pour essayer de trouver un
modus Vivendi par rapport à cette situation que tout le monde,
finalement, soulève, mais pour laquelle - et je n'en disconviens pas -
la ou les solutions ne sont pas faciles. Il est également fort clair que
la dernière solution envisagée à cet égard serait
une loi.
Le cheminement, donc, qui a été adopté et qui a
été décrit précédemment permettra de plus
une évolution constante des positions des parties impliquées et
le projet de loi tiendra compte des suggestions et des avis soumis. Je sais
que, pour les uns, l'échéancier est trop court; pour les autres,
il est trop long mais, dans l'appréciation que j'en fais, il s'agit
d'une matière qu'il est absolument impossible de bousculer. Il s'agit
d'une matière qui exigera encore, après que les étapes
préliminaires du conseil consultatif et du comité mixte auront
été franchies, que les associations et les regroupements
intéressés aient l'occasion de s'exprimer sur ce que pourrait
être un éventuel projet de loi. Il me semble que cet
échéancier pourrait permettre également
l'élaboration de certains consensus sur des matières sur
lesquelles il n'en existe pas actuellement mais sur lesquelles aussi on
identifie très
expressément des problèmes importants.
En outre des étapes dont je viens de parler, au-delà du
processus législatif normal en semblable matière, il est
évident que l'actuelle commission à l'intérieur de
laquelle nous sommes sera régulièrement et constamment
informée de l'évolution des travaux.
Comme cette réforme pose la question de la place des parties dans
l'industrie et de leur volonté de coopérer ensemble, je voudrais
- et qu'on me le permette - dans le cadre de la négociation du
décret, leur adresser une invitation pressante. J'ai toujours
été convaincu depuis avril dernier -et je vais en étonner
plusieurs en disant que je suis encore convaincu - qu'une entente est possible.
Est-ce que je peux, sans donner d'ordres à qui que ce soit, vous dire:
Entendez-vous sur le décret? J'ai besoin de cette preuve de bonne foi
pour mieux identifier l'importance des nouvelles responsabilités qui
peuvent être confiées aux différents intervenants. Je veux
vous impliquer dans le processus décisionnel, mais il me faut une preuve
que vous avez la volonté voulue pour maintenir un dialogue permanent et
l'assurance que le progrès de l'industrie ne sera pas enrayé.
Nous avons, au terme des travaux de cette commission,
l'opportunité de dynamiser à l'intérieur de brefs
délais, compte tenu de l'importance des sujets abordés, toute
l'industrie de la construction au Québec et nous avons des
possibilités réelles d'entente sur le décret. Je m'engage,
pour ma part, à tout mettre en oeuvre pour que la refonte du cadre
législatif et réglementaire de l'industrie de la construction
soit menée le plus rapidement possible dans le meilleur esprit de
concertation et de consultation. Cette même concertation, cette
même consultation peut et doit engendrer la conclusion d'une entente
négociée sur le décret.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Mes
premières paroles seront pour remercier, au nom de notre groupe
parlementaire, au nom de mes collègues de ce côté-ci de la
table, les intervenants qui ont accepté de venir participer a cette
commission parlementaire pour faire part au ministre et aux
députés de leur appréciation à l'égard de la
situation dans le monde de la construction, qui ont contribué utilement,
de bonne foi, ouvertement à nos débats et à
l'échange, à l'interaction auxquels on a assisté depuis
lundi matin. Messieurs, mesdames, qui avez témoigné, merci
beaucoup.
Je dois cependant regretter à la fin de nos travaux - je dois le
faire à ce moment-ci - l'indélicatesse - pour ne pas dire
l'insulte - qu'a eue le ministre du Travail, M. Fréchette, cet
après-midi. En effet, pendant que nous siégions cet
après-midi, pendant qu'on délibérait ensemble
jusqu'à 19 heures 15, la position du ministre était
adoptée. À cet égard, je tiens à inviter toutes les
dames et tous les messieurs qui sont ici à être prudents ce soir
lorsqu'ils arriveront et diront à leur conjoint que les travaux se sont
terminés à 20 heures. Car la position du ministre est connue;
elle est véhiculée par la presse, à la suite de la
rencontre qu'il a eue avec celle-ci dans le bureau du leader, à 14 h 15
cet après-midi; l'annonce a été reproduite aux nouvelles
de ce soir. Tous les auditeurs étaient donc convaincus que
c'était terminé depuis cet après-midi. C'est vraiment
manquer de délicatesse à l'endroit de nos intervenants de cet
après-midi, M. le ministre.
Hier, vous avez laissé voir - hier matin - si ma mémoire
est fidèle, ou lundi en fin d'après-midi, que vous auriez des
choses assez intéressantes et probablement précises à
annoncer à la fin de nos travaux. Vous dites dans votre texte: "Nous
avons évolué et nous sommes prêts à des changements"
des changements qui seront globaux et en profondeur, mais ce que vous nous
annoncez aujourd'hui, c'est bien différent de l'appétit que vous
avez créé par le commentaire que vous avez fait plus tût au
cours de ces travaux. Vous annoncez la création d'un
comité multidisciplinaire qui sera formé des gens des
ministères de l'Habitation et de la Protection du consommateur, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du Travail, de
l'Office de la construction et de la Régie des entreprises en
construction ayant comme mandat d'analyser l'ensemble des témoignages,
de dégager des consensus et de préparer des hypothèses,
lesquelles hypothèses, du moins certaines d'entre elles, seront retenues
par le gouvernement. Un avis sera demandé au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre et au comité mixte pour en arriver
éventuellement à un projet de loi qui sera déposé
à l'automne -cela veut dire peut-être à la
mi-décembre -qui sera étudié en commission parlementaire
après le dépôt en première lecture, en
février 1985.
J'ai peut-être été, comme vous l'avez
été parfois et comme vous le confessez, M. le ministre, un peu
naïf de croire, au cours de ces jours où on a dialogué, que
vous n'arriveriez peut-être pas avec toutes les solutions - ce serait
trop demander et j'en conviens - mais que vous seriez arrivé ce soir
à dégager au moins de votre conception à vous comme
titulaire du ministère du Travail certaines solutions aux
problèmes qui confrontent l'ensemble de l'industrie.
J'ai probablement été trop naïf, parce qu'il faut
savoir que c'est normalement la façon dont le député de
Sherbrooke et ministre du Travail fonctionne. C'est d'ailleurs dans ce sens
que, lors de l'étude des crédits du ministère du Travail,
au mois d'avril, je vous demandais d'être plus précis,
d'être plus ferme, d'être plus décisif. Mais non, vous
répétez ce soir ce que vous avez déjà fait à
l'égard de la refonte du Code du travail qui était imminente au
début de l'année 1984 et pour laquelle vous avez
créé la commission Châtillon pour reporter tout cela
à la fin de l'année 1985 ou au milieu de l'année 1985. Le
problème est reporté. Pendant ce temps, on peut vaquer à
d'autres occupations. Tout comme vous êtes demeuré jusqu'à
maintenant absent des négociations dans les secteurs public, parapublic
et des travaux préparatoires à des réformes en ce sens,
tout comme vous êtes absent du comité. Comme des groupes l'ont
évoqué il y a peu de temps ici, vous êtes absent du
comité qui siège actuellement sur la formation de la
main-d'oeuvre au Québec, comme s'il n'y avait pas seulement les
politiciens fédéraux qui donnaient des tapes sur les fesses,
probablement que la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu a tassé allègrement le ministre
du Travail.
C'est la même chose dans la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, M. le ministre. Il y a dépôt,
à l'automne 1983, une commission au début de 1984, un nouveau
projet de loi déposé à la fin de la session de
l'été 1984 pour étude et adoption éventuellement au
début 1985. C'est regrettable, parce que vous auriez pu préciser,
au moins comme je vous le disais, vos intentions comme ministre sur une foule
de choses. Je m'attendais à autre chose que cette déclaration.
Vous confirmez ce soir... et finalement, on doit comprendre que vous n'avez pas
un mot à dire sur l'implantation, la création éventuelle
d'un tribunal de la construction où il y avait un consensus de tous les
intervenants. Il n'y a pas un mot à dire de la part du ministre du
Travail à la fin de nos travaux sur le champ d'application du
décret où il y avait un consensus, sauf dans le cas des
municipalités qui demandaient finalement d'être régies par
les mêmes dispositions que le gouvernement est régi.
Il n'y a pas un mot de la part du ministre du Travail ce soir sur la
possibilité de modifier les dispositions pour qu'à l'avenir, la
prolongation du décret aille jusqu'à son renouvellement. Il n'y a
pas un mot de la part du ministre du Travail, membre du gouvernement, sur la
possibilité que le gouvernement donne suite à un voeu
formulé par tous les intervenants - et il y avait un consensus - lui
demandant de mieux planifier ses travaux à l'avenir et, ainsi, aider
l'industrie. Pas un mot là-dessus. Pas un mot du ministre du Travail, ce
soir, sur le statut des artisans. Tout le monde s'inquiète. Tout le
monde s'interroge sur l'opportunité de maintenir les dispositions de la
loi 110, adoptée lorsque M. Pierre-Marc Johnson était ministre du
Travail. Consensus là aussi. Pas un mot du ministre du Travail.
Aucune volonté clairement exprimée de la part du ministre
du Travail d'éliminer ou, au moins, de diminuer substantiellement le
travail au noir; une simple référence comme mandat du
comité. Pas un mot du ministre du Travail sur la formation
professionnelle de la main-d'oeuvre dans le secteur de la construction, alors
que tous ceux qui sont venus nous parler depuis lundi matin ont
préparé des documents là-dessus, ont étudié,
ont analysé cette situation qui les préoccupe et l'ont fait
valoir de façon adéquate. Pas un mot sur la formation
professionnelle de la main-d'oeuvre, alors que ces gens-là demandaient
que le ministre du Travail prenne ses responsabilités et que le
gouvernement modifie son approche.
Même pas un mot pour défendre les travailleurs de l'OCQ,
les gens de l'OCQ et de la Régie des entreprises en construction du
Québec qui ont été attaqués, à l'occasion.
Même pas un mot, sauf de la part du ministre de l'Habitation, sur
l'appréciation du gouvernement à l'égard des coûts
dans la construction. Je pensais, lorsqu'on a fait allusion à la
déclaration du premier ministre, qu'au moins le ministre du Travail
pourrait en parler. Là-dessus comme sur d'autre chose, le gouvernement
dit blanc à certaines occasions et noir à d'autres occasions.
Cela me rappelle un peu la phrase de M. Truman qui, parlant d'un autre
politicien, disait: "You lie from both sides of your mouth."
Mme la Présidente, finalement, c'est bien mince, mais les gens
qui se sont fait entendre ici partent avec la conviction d'avoir
participé de bonne foi et probablement avec la déception,
à la suite de la déclaration du ministre, parce que le ministre
du Travail, s'il l'avait voulu, aurait été capable de faire plus
et de préciser davantage sa position à lui... Pas de cadeau
à qui que ce soit, sauf peut-être un petit cadeau aux
travailleurs. Ces travailleurs repartent avec le souvenir qu'ils auront
reçu, le 21 juin dernier, dans leur chèque de paie de vacances un
beau message de publicité et de propagande de la part du ministre Guy
Tardif.
Mme la Présidente, je pensais au moins que, dans sa
déclaration, le ministre nous dirait: J'invite la commission à
m'appuyer dans ma volonté de faire en sorte que les parties se
rencontrent dans les meilleurs délais et qu'elles renouvellent le
décret sur une base négociée. Le ministre n'a même
pas eu la déférence d'inviter les membres de la
commission à agir dans ce sens.
Motion au sujet du décret
En son absence, je vais le faire et c'est ce sur quoi je termine. Je
fais motion pour que la commission parlementaire de l'économie et du
travail demande à Me Raymond Leboeuf de convoquer dans les meilleurs
délais les parties habilitées à négocier le
renouvellement du décret tenant lieu de convention collective dans
l'industrie de la construction échu le 3 avril 1984 et renouvelé
jusqu'au 30 août prochain.
Voilà l'essentiel des commentaires que j'avais à formuler,
Mme la Présidente, en guise de conclusion de nos travaux. Encore une
fois, merci à vous tous et à vous toutes qui y avez
participé loyalement et franchement, avec ouverture et de façon
très contributive, aux travaux. J'ose espérer que, dans les
délais qu'on espère les plus brefs, il y aura moyen de
régler les problèmes de votre industrie. Si ce n'est pas eux qui
le font, d'autres le feront. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Je crois comprendre, M. le
ministre du Travail, que vous demandez la parole.
M. Fréchette: Oui, très brièvement, Mme la
Présidente, si le règlement me le permet, évidemment.
La Présidente (Mme Harel): Oui, il le permet.
M. Pagé: Notre gentilhommerie va vous le permettre.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Mme la Présidente, je n'entreprendrai
pas de relever tous et chacun des points que vient de soulever le
député de Portneuf. On a, évidemment, chacun nos
méthodes de travail. On a chacun nos façons de voir les choses.
Pour ma part, j'ai toujours pensé - et je vais continuer de penser comme
cela malgré cette argumentation - qu'en des matières aussi
importantes il faut, de toute évidence, éviter de bousculer les
parties. Si j'avais annoncé ce soir des positions fermes à
l'égard de l'un ou l'autre des sujets qu'on a étudiés, je
suis convaincu qu'il s'en serait trouvé plusieurs pour indiquer qu'il
s'agissait là d'une forme de "bulldozage". Le député de
Portneuf peut bien vouloir tout régler d'un seul coup et d'un simple
trait de plume; si c'est sa méthode de travail, tant mieux, mais il y a
plein de lois auxquelles il a participé qu'on est en train de rediscuter
parce qu'elles ont été mal faites, peut-être un peu trop
rapidement.
Le seul autre aspect que je veux soulever, Mme la Présidente - ce
sera le terme, quant à moi - c'est de référer à
cette indélicatesse, cette impolitesse dont j'aurais fait preuve
à l'égard des invités que nous avons entendus cet
après-midi. Je suis capable de prendre des accusations de cette
nature-là. Je voudrais bien, cependant, que ceux et celles envers qui
une indélicatesse aurait été commise soient en mesure
d'apprécier les circonstances dans lesquelles cette situation s'est
produite.
Nous avons eu, tout au cours des trois jours de nos travaux, des gens de
la presse écrite et parlée, des journalistes et des commentateurs
spécialisés en matière de relations du travail, qui ont
suivi avec beaucoup d'assiduité et d'intérêt tous les
travaux de notre commission. Ce midi, la plupart d'entre eux sont venus me
rencontrer pour me demander si, pour les fins de leurs publications et pour
assurer le suivi de leurs publications, il était possible que je puisse,
ce midi, leur donner, ne serait-ce que globalement, un aperçu des
commentaires que j'allais faire ce soir. À la demande de ces personnes,
parmi lesquelles on retrouve plusieurs amis du député de
Portneuf, j'ai convenu que nous allions effectivement nous voir cet
après-midi, mais que, pour aucune espèce de considération,
aucune publication ne serait faite avant 18 heures, ce soir, alors que nous
aurions commencé à entendre tous les groupes et le dernier.
Voilà, Mme la Présidente, la mise au point que je voulais
faire. Une accusation vient d'être portée contre moi. Devant les
tribunaux, on dirait que je plaide peut-être coupable, mais avec
explications. J'ai donné ces explications, Mme la Présidente.
M. Pagé: La sentence?
M. Fréchette: Ce n'est pas le député de
Portneuf qui est juge, ce sont ceux qui sont supposés avoir
été offensés qui disposeront de ce litige.
La Présidente (Mme Harel): Merci à tous les membres
de la commission. Je dois informer les membres de la commission, ainsi que les
parties intéressées que les documents qui ont été
transmis à cette commission, comme peut le permettre le
règlement, seront déposés et donc rendus publics, pour
ceux et celles qui sont intéressés, à la
bibliothèque de l'Assemblée nationale. C'est en vertu de
l'article 158 de notre règlement qu'un tel dépôt sera
fait.
M. le ministre de l'Habitation, vous invoquez quel article du
règlement? Il faut le consentement.
M. Tardif: J'allais, justement, vous demander une directive.
Étant donné que le député de Portneuf a fait
allusion à un document que j'aurais envoyé aux travailleurs
de la construction en date du 21 juin, j'aurais voulu lui demander qu'il
fasse lecture de ce document pour voir en quoi il était offensant parce
que, si ma mémoire est bonne - c'est toujours une question de directive
- il s'agissait de remercier les travailleurs de la construction d'avoir
participé à Corvée-habitation. C'est la deuxième
année que je fais cela. J'ai écrit aux 1500 maires des
municipalités du Québec, aux milliers d'entrepreneurs pour faire
la même chose et, si on me reproche d'avoir remercié les gens, je
compte récidiver à la première occasion.
La Présidente (Mme Harel): Je demanderais aux membres de
rester. Une motion est faite par le député de Portneuf. Je vais
lui demander d'en faire lecture.
M. Pagé: Mme la Présidente, comme je vous le disais
tantôt, je fais motion pour que la commission parlementaire de
l'économie et du travail demande à Me Raymond Leboeuf de
convoquer, dans les meilleurs délais, les parties habilitées
à négocier le renouvellement du décret tenant lieu de
convention collective dans l'industrie de la construction, échu le 30
avril 1984 et renouvelé jusqu'au 31 août prochain.
Essentiellement, je n'ai pas l'intention d'être long en termes de
débat. Premièrement, on a...
La Présidente (Mme Harel): Si vous me le permettez, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Oui.
La Présidente (Mme Harel): Une telle motion doit
être mise aux voix pour s'assurer qu'elle sera débattue.
M. Rodrigue: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Vimont, à quelle disposition de notre règlement faites-vous
référence?
M. Rodrigue: Mme la Présidente, je pense que cette motion
est irrecevable du fait qu'elle n'entre pas dans le cadre du mandat qu'a
reçu cette commission. Cette commission-ci a été
réunie pour faire une consultation et entendre des mémoires afin
d'examiner la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction, de même que ses règlements. Elle n'a pas
été réunie pour régler la question des
négociations actuelles dans l'industrie de la construction.
Une voix: On n'a pas de mandat pour cela.
M. Rodrigue: On n'a pas le mandat. Cette commission-ci, en vertu
du mandat qu'elle a reçu de l'Assemblée nationale, n'est pas
mandatée pour examiner la question qui est soulevée par le
député de Portneuf; elle n'est pas mandatée pour adopter
une telle motion. Cette motion, en regard même du mandat qui est imparti
à cette commission-ci par l'Assemblée nationale, m'apparaît
irrecevable.
M. Pagé: Mme la Présidente, très
brièvement sur la recevabilité.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: On sait qu'une commission parlementaire, c'est la
prolongation de l'Assemblée. On sait qu'il est bien inscrit dans notre
droit parlementaire - si l'honorable député avait un peu plus
d'expérience, il aurait pu en convenir -qu'une commission est
maîtresse de ses travaux. Il s'agit non pas de décider, mais de
formuler un voeu et de demander au conciliateur de convoquer les parties qui,
si elles veulent négocier, vont pouvoir le faire. Si elles veulent
négocier avec lui, elles vont pouvoir le faire. Si elles veulent
négocier seules, elles pourront le faire. Ce serait, finalement, ajouter
purement et simplement, de façon unanime, au voeu qu'a formulé le
ministre, à savoir que les parties puissent négocier dans les
meilleurs délais. C'est pour renforcer l'appel chaleureusement
lancé par le ministre tout à l'heure, purement et simplement. Si
vous ne voulez pas, votez contre; un point, c'est tout. Ce sera
réglé. Mais nous autres, on aura fait notre "job".
La Présidente (Mme Harel): Toujours sur la
recevabilité, M. le député de Dubuc.
M. Desbiens: Mme la Présidente, je n'ai pas
l'expérience du député de Portneuf, mais une commission
parlementaire est maîtresse de ses travaux à l'intérieur du
mandat qui lui a été confié par l'Assemblée
nationale.
M. Pagé: Êtes-vous pour ou contre? Une voix:
C'est cela.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce qu'il y a d'autres
membres de cette commission qui veulent intervenir avant que je statue sur la
recevabilité de cette motion?
Je considère cette motion comme irrecevable. Le mandat de notre
commission était de mener une consultation particulière afin
d'examiner la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction et ses règlements.
Une voix: Cela fait longtemps qu'il est député,
mais il n'a pas l'expérience.
Une voix: Cela fait jurisprudence.
La Présidente (Mme Harel): La présente commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 19 h 58)