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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 7 août 1984 - Vol. 27 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation sur la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et ses règlements


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-deux minutes)

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, à savoir mener une consultation particulière afin d'examiner la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et ses règlements. Je vais demander au secrétaire de la commission de nous faire part des remplacements à la présente commission aujourd'hui.

Le Secrétaire: Les remplacements pour cette séance sont les suivants: M. Côté (Charlesbourg) remplace M. Bourbeau (Laporte); M. Rocheleau (Hull) remplace Mme Dougherty (Jacques-Cartier); M. Gravel (Limoilou) remplace M. Dussault (Châteauguay); M. Laplante (Bourassa) remplace M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) et M. Middlemiss (Pontiac) remplace M. Maciocia (Viger).

M. Fortier: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): M. le député d'Outremont, si c'est une question de règlement que vous soulevez, il faut que vous nous précisiez quel article du règlement vous invoquez.

M. Fortier: Oui. Je voulais seulement souligner que le journaliste qui était à la table des députés hier n'y est pas et que le député de Bourassa a mis une cravate aujourd'hui. Alors, je crois que tout le monde est bien servi.

M. Laplante: Très bien.

La Présidente (Mme Harel): Nous allons entendre aujourd'hui durant la séance de ce matin le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et par la suite, la Fédération des travailleurs du Québec. Nous compléterons l'ordre du jour cet après-midi avec l'audition de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec Inc. de même que l'audition du Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec et l'Union internationale des journaliers d'Amérique du

Nord, local 62. Si le temps nous le permet, nous aurons également l'occasion d'entendre, je pense, la Corporation des maîtres-entrepreneurs en réfrigération de même que l'Association nationale des travailleurs en réfrigération, climatisation et protection des incendies.

Je vais inviter les représentants du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction à nous présenter leur mémoire. Je leur rappelle l'entente, à savoir qu'ils peuvent bénéficier, je pense, de deux heures devant la présente commission, un total de deux heures. Je vais donc inviter immédiatement les représentants du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

CPQMC

M. Pouliot (Maurice): Mme la

Présidente, mon nom est Maurice Pouliot, président-directeur général du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Pour commencer, je vais présenter les membres de l'exécutif qui m'accompagnent. À ma droite, Eugène Gauthier, le secrétaire-trésorier; Yvan Bertrand, secrétaire-archiviste; Raymond Boucher, vice-président; Me Robert Toupin, procureur du conseil provincial de même que Jean-Paul Caissy, vice-président du conseil provincial. Me Toupin va faire la lecture du mémoire du conseil provincial et on va les commenter. On va intervenir, Me Toupin et moi-même.

Avant de commencer, j'aimerais apporter une mise au point sur certaines déclarations qui ont été faites dans d'autres mémoires à savoir que le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction de même que l'AECQ ont conclu en 1976 une première convention collective sans intervention de l'État, de même qu'en 1980 où le conseil provincial du Québec et l'Association des entrepreneurs ont signé une convention collective sans l'intervention de l'État et sans conciliateur, contrairement à ce qui peut avoir été dit. Il y a eu effectivement, par la suite, une commission parlementaire pour modifier certaines choses. Je pense qu'il fallait donner cette information à la commission et je pense qu'il est possible de conclure une convention collective.

Je sais que le but de la commission est

d'en arriver à des amendements à la loi dans l'industrie de la construction. On réservera les commentaires pour plus tard, s'il y a lieu, pour la négociation. Donc, je vais céder la parole à Me Toupin.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Pouliot. Me Toupin.

M. Toupin (Robert): Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, dès l'annonce de cette commission parlementaire notre association s'est réjouie de la décision du ministre. En effet, nous espérons beaucoup de cette commission et nous sommes persuadés que la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction doit être substantiellement modifiée afin d'y inclure des modifications vitales qui sont toujours attendues et afin d'assurer une uniformité à cette loi.

D'ailleurs, depuis l'adoption de la loi 290, cette loi a toujours été modifiée à la pièce tous les ans et parfois à deux reprises au cours de la même année, sans pour autant s'assurer d'un suivi dans toutes ces modifications. Le résultat en est simple aujourd'hui, la loi a des trous et des inégalités.

À telle enseigne, les lois qui ont suivi le rapport de la commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, soit les lois 29, 30 et 47, ne donnent absolument pas lieu à un bilan positif. Les recommandations de cette commission reproduites dans ces lois ont affaibli le mouvement syndical. Visa le noir, tua le blanc. Nous sommes loin de partager l'opinion de cette commission lorsqu'elle mentionne que les entrepreneurs étaient les victimes du système. Bien au contraire, une forte majorité de ces employeurs sont des profiteurs qui exploitent les salariés de l'industrie de la construction. A cette commission très peu d'employeurs ont été appelés à témoigner.

Des 134 recommandations soumises par la commission, seules celles qui avaient pour but de diminuer ou d'affaiblir le mouvement syndical ont été retenues. En voici quelques unes: La recommandation 48, c'est-à-dire l'abolition de la Commission de l'industrie de la construction appelée à l'époque la CIC, de même que l'abolition du Comité des avantages sociaux de l'industrie de la construction remplacé par la formation de l'Office de la construction du Québec.

Nos commentaires concernant l'Office de la construction du Québec sont regroupés au chapitre intitulé: Office de la construction du Québec.

Il y a également la recommandation 25. La mise sous tutelle pour une période de trois ans des locaux des électriciens, c'est-à-dire 1677, des plombiers, 144, des opérateurs de machinerie lourde, 791, et des mécaniciens d'ascenseurs, 89. Il est étonnant de constater que, même si l'article 16 de la loi 29 stipule que ces tutelles doivent expirer le 22 mai 1978, après neuf ans, le local 144 des plombiers de l'association unie est toujours sous tutelle. Une telle loi d'exception ne peut avoir d'effet véritable aussi longtemps dans le temps. Quelque chose ne va vraiment pas et ce sont, pendant tout ce temps, les libertés fondamentales qui en prennent un coup.

Recommandation 12. L'exclusion du poste de délégué de chantier, d'agent d'affaires, de représentant syndical, de toute personne condamnée pour certaines infractions criminelles. Comment peut-on exclure une personne d'un poste de permanent syndical ou de délégué de chantier pour une infraction au Code criminel alors que telle exclusion ne vise pas les patrons, les contremaîtres et même les députés et ministres? Nous sommes d'avis que cette épuration devrait s'appliquer à tous sans distinction ou être appliquée avec justice et égalité. C'est la raison pour laquelle le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction préconise de suivre et de respecter les articles 16 et 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Recommandation 21. La modification à la clause de délégué de chantier. L'amputation de pouvoirs au délégué de chantier a été adoptée très rapidement. Évidemment, les entrepreneurs et employeurs se réjouissent aujourd'hui de cette mesure qui les laisse à toutes fins utiles sans surveillance syndicale et libres de violer facilement le décret et le code de sécurité.

Nous pourrions continuer très longtemps de parler des recommandations qui visaient précisément le mouvement syndical, mais nous croyons que ces quelques exemples devraient suffire à vous sensibiliser aux effets néfastes et injustes des recommandations appliquées de la commission Cliche.

Poursuivons maintenant avec le même exercice concernant les recommandations que le législateur n'a pas jugé utile de retenir. Pourtant, à notre avis, ces recommandations étaient indispensables pour améliorer le climat de l'industrie de la construction. À titre d'exemples, signalons les recommandations 51 à 65, l'institution d'un tribunal de la construction. Ces recommandations visaient à regrouper des juges hautement spécialisés dans la matière et par le fait même à éliminer les délais d'audition et de délibéré beaucoup trop longs. À titre d'expérience actuelle, nous pouvons citer le cas de la compagnie Désourdy au chantier de la Reynolds à Baie-Comeau et, à cet effet, vous avez une plainte du conseil en annexe 1 du mémoire. Même si l'OCQ a entrepris une poursuite contre cet employeur

depuis plus d'un an, nous attendons toujours une décision des tribunaux. Il est important de mentionner que cette poursuite représente une réclamation d'environ 100 000 $ qui reviennent de droit aux travailleurs affectés sur ce chantier. Nous croyons fermement que l'institution d'un tribunal de la construction pourrait accélérer considérablement les délais dans de telles poursuites.

La recommandation 77. L'application du décret après son expiration jusqu'à la promulgation du suivant, sans préjudice, cependant, aux droits de grève et de lockout. Avec l'application de cette recommandation, la totalité des conditions établies au décret serait l'objet d'un statu quo assurant ainsi l'équité pour tous. Cette simple recommandation appliquée assurerait la paix industrielle - cet idéal qui est toujours recherché - pendant cette période cruciale.

Recommandations 101 à 128. La planification par le gouvernement des travaux de construction. Nous devons déplorer le fait que rien n'a été retenu de ces recommandations relatives à la politique de la main-d'oeuvre, même si ces dernières étaient, néanmoins, indispensables à notre industrie. Il est évident que l'État demeure le principal responsable d'une planification adéquate. Nous sommes conscients des problèmes économiques actuels. Cependant, cela ne devrait pas empêcher une planification des investissements. D'ailleurs, faut-il rappeler que la commission Cliche a d'abord et surtout insisté sur l'aspect planification des travaux de construction avec pour objectif un étalement plus rationnel des travaux de construction dans le temps. Une fois cette planification établie, la commission Cliche recommande d'adopter pour la suite une planification de la main-d'oeuvre. Sans planification des travaux de construction, le gouvernement adopte un règlement de placement qui, lui, est de la planification de main-d'oeuvre. C'était mettre la charrue devant les boeufs.

M. Pouliot: Mme la Présidente, je veux faire un commentaire à ce stade-ci. Il y a eu un document concernant la stabilisation de l'industrie de la construction du Québec fait par l'Office de la construction et qui parle, effectivement, d'une planification des investissements, etc. Finalement, je pense que ce rapport n'a jamais été retenu par le gouvernement. Quant à nous, on pense qu'il est extrêmement important pour la santé de l'industrie de la construction qu'il y ait une planification des investissements dans la construction et que le gouvernement soit l'un des principaux responsables des investissements dans l'industrie de la construction. On doit déplorer ce fait ainsi que d'autres rapports ou recommandations demeurés sur les tablettes.

M. Toupin: Je poursuis la lecture du mémoire: Nous désirons également vous souligner une autre injustice créée par l'adoption du projet de loi 30 qui stipule à l'article 24: "Dans une poursuite par suite d'une telle grève ou d'un tel ralentissement de travail, la preuve incombe au prévenu qui ne l'a pas ordonné, encouragé ou appuyé ou n'y a pas participé." Cette disposition est contraire à l'article 33 de la Charte des droits et libertés de la personne qui consacre la présomption d'innocence. Cette disposition de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction doit être abrogée. Pourquoi faut-il que, dans l'industrie de la construction, les lois soient contraires aux droits et libertés de la personne? N'est-il pas plutôt un secteur dans lequel de tels droits devraient être respectés?

Au cours des rencontres du 21 décembre 1983 et du 24 janvier 1984, le ministre s'est engagé à modifier la loi dès qu'il y aurait un certain consensus provenant des parties. À la suite de plusieurs rencontres les revendications des parties ont été regroupées dans deux documents, l'un représentant les revendications syndicales et l'autre représentant les revendications patronales. Une rencontre entre la partie patronale et la partie syndicale a été prévue pour le 11 avril 1984 afin de dégager des consensus qui auraient été soumis au ministre.

Malheureusement, nous avons constaté la mauvaise foi de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, qui a annulé cette rencontre sous prétexte que les négociations n'avançaient pas assez rapidement. À ce sujet, vous avez un communiqué de l'AECQ à l'annexe 2. Nous sommes d'avis que la loi n'est pas négociable. Un sujet tel que le champ d'application de la loi aurait dû être clarifié bien avant que ne commencent les négociations en vue du renouvellement des conditions de travail des salariés de la construction.

Le 16 mai dernier, Me Raymond Leboeuf, conciliateur, invitait les parties à une rencontre de négociation. Encore là, nous avons été témoins de la mauvaise foi de l'association patronale qui ne voulait que négocier des reculs et refusait même de parapher un article tel que: Définition: "ld) "Ministre" signifie ministre du Travail.

L'AECQ a été la première à demander la tenue d'une commission parlementaire au mois d'avril. Par contre, cette même association exige le retrait de l'"ingérence" de l'État en contestant auprès des tribunaux la promulgation du décret et en exigeant le retrait de l'article 51 de la loi qui donne au ministre le pouvoir de prolonger, d'abroger ou de modifier le décret. Le moins que l'on puisse dire est que cet organisme semble bien confus dans ses prises de position.

Enfin, nous tenons à spécifier que certains chapitres de ce mémoire représentent des consensus syndicaux auxquels même l'AECQ avait donné son accord. Parmi ces derniers, nous pouvons énumérer les points suivants: la définition du mot "construction", le champ d'application de la loi, l'artisan, l'entrepreneur spécialisé, le tribunal de la construction, le travail au noir, la pénalité et le salarié occasionnel.

Nous avons procédé à la lecture du préambule au mémoire du conseil provincial; nous allons maintenant lire la partie traitant du règlement de placement.

En 1978 devait se produire un chambardement inqualifiable dans l'industrie de la construction, soit l'adoption du règlement de placement. Ce règlement a été conçu par l'Office de la construction du Québec, qui avait reçu tel mandat du gouvernement. En demandant à l'OCQ de concevoir ce règlement, on pulvérisa du même coup le travail accompli depuis 100 ans par des travailleurs de la construction qui s'assuraient, par le biais des agences de placement, de trouver de l'emploi aux salariés de la construction. Par la même occasion, on paralysa leur champ d'action.

On ne leur reconnaissait plus, ou presque plus, leur compétence dans le placement des travailleurs.

Historiquement, ces hommes cons-cieusement répondaient aux demandes des employeurs qui réclamaient de la main-d'oeuvre compétente pour un travail donné. Ces agences de placement syndicales connaissaient mieux que quiconque les disponibilités des travailleurs, et mieux encore, leurs qualifications. Par leur compétence, ces hommes savaient répondre avec exactitude aux demandes des employeurs qui étaient dès lors assurés de n'avoir que des travailleurs consciencieux et compétents. L'efficacité des agences de placement était directement proportionnelle à la réputation de fierté et de crédibilité recherchée par l'union.

Mais voilà qu'il y a eu l'enquête de la commission Cliche, remettant en question l'existence des agences de placement syndicales. Elle recommanda alors au gouvernement d'abolir purement et simplement ces agences de placement syndicales qui avaient été désignées comme étant à l'origine des problèmes de relations du travail dans l'industrie de la construction. La commission, dans son rapport, n'a fait aucune distinction. Pour elle, toutes les agences syndicales étaient du "pareil au même". Malheureusement, la commission a cru résorber tous les problèmes de l'industrie de la construction en jetant principalement son dévolu sur les agences de placement. Cependant, ce n'étaient pas toutes les agences de placement qui agissaient dans l'illégalité, comme a bien voulu le laisser croire la commission.

Nous ne pouvons que nous interroger sérieusement pour savoir si, vraiment, il y avait corruption au sein de certaines agences de placement. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas alors rappelé à l'ordre ces agences soi-disant illégales? Il possédait à cet effet tous les pouvoirs à cette époque, comme aujourd'hui, d'ailleurs. Il pouvait certainement remédier à ce problème, si problème il y avait, en se servant des pouvoirs prévus par la loi qui régissait les agences de placement. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait? Pourquoi avoir décidé de pénaliser toutes les agences de placement syndicales de l'industrie de la construction? Pourquoi imputer aux agences de placement syndicales toutes les carences, si vraiment il y avait carence? (10 heures)

Nous avons nettement l'impression que, depuis la parution du rapport Cliche, les travailleurs de la construction sont devenus les boucs émissaires de toute cette prétendue foire ou, pis encore, de toute cette chasse aux sorcières. Conséquemment, le gouvernement a décidé d'élargir les pouvoirs de l'OCQ en lui demandant de concevoir le règlement de placement. Dès lors, le gouvernement modifia volontairement l'orientation première de cet organisme, soit de veiller à l'application du décret et des régimes des avantages sociaux de l'industrie de la construction. S'exécutant, l'OCQ a implanté un système de contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre caractérisé par une sévérité et une complexité qui dépasse les recommandations de la commission Cliche.

Le certificat de classification en est l'expression ultime et a pour vice fondamental d'exiger du travailleur qu'il risque au jeu son droit légitime au travail. En effet, traditionnellement, le travailleur de la construction devait exclusivement obtenir un certificat de qualification du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu du Québec, c'est-à-dire sa carte de compétence. Cela aurait dû être suffisant pour qu'il puisse travailler librement dans l'industrie. Mais non, il a fallu que l'OCQ implante la carte de classification qui deviendra une manifestation magistrale de schizophrénie. En effet, l'exigence de ce certificat entraînera par la suite une série de complications inimaginables. Pour obtenir son certificat de classification, un travailleur se devait de rencontrer les exigences prévues aux articles 7 à 23 de la section trois du règlement, soit le décret 1946-82 qui s'intitule "Délivrance et renouvellement du certificat de classification". Plusieurs milliers de travailleurs ont perdu leur droit au travail en 1982 parce qu'ils ne rencontraient pas les exigences prescrites par le règlement à l'égard du renouvellement. Plus de certificat, plus de travail. Cela a d'ailleurs entraîné ni plus ni moins une pénurie de travailleurs

spécialisés. Le règlement est clair; l'article 2 de la section 2 intitulé "Certificat de classification" stipule: "Une personne doit être titulaire d'un certificat de classification pour travailler dans l'industrie de la construction et un employeur ne peut employer que des personnes titulaires d'un tel certificat."

Cette exigence a donc créé en 1980 une pénurie artificielle de travailleurs de la construction. Ainsi, à titre d'exemple, mentionnons le cas des opérateurs de machinerie lourde de la Gaspésie. À cette époque, s'il avait fallu entreprendre des travaux de construction de routes, où aurait-on recruté les travailleurs? Selon le règlement de placement, un employeur ne doit embaucher que des travailleurs possédant un certificat de classification. Par conséquent, il aurait donc fallu embaucher des travailleurs provenant d'autres régions et possédant un certificat de classification pour effectuer un travail que les travailleurs de la Gaspésie pouvaient effectuer en temps normal puisqu'ils détenaient un certificat de qualification, gage de leur compétence en pareille matière. L'OCQ a donc décidé, en 1982, de renouveler automatiquement les certificats de classification des travailleurs et ceci, pour combler cette lacune. Elle en a fait de même, le 1er mars 1984 pour éviter, à nouveau, une pénurie de travailleurs dans certains métiers. D'ailleurs, depuis son adoption, le règlement de placement a été modifié plus de sept fois. C'est la recherche de la stabilité, nous dit-on candidement.

Un nombre alarmant de travailleurs ont alors décidé d'offrir leurs services à des taux réduits afin de préserver illégalement leur gagne-pain. Ce geste a eu pour conséquence d'enlever énormément de travail aux "vrais travailleurs" - entre guillemets - de la construction qui offrent évidemment leurs services aux conditions établies par le décret. Paradoxalement, le règlement de placement est responsable d'une recrudescence du travail au noir.

Il n'y a pas seulement l'exigence du certificat de classification qui soit contraignante dans le règlement de placement. L'ensemble du règlement l'est également. S'il fallait souligner toutes les contradictions fourmillant dans ce règlement, nous serions encore ici demain à les énumérer. Entre autres, certaines sections de ce règlement méritent d'être portées à votre attention. Il y a celle que l'on retrouve dans la section 5 intitulée "Embauche et placement", l'article 35.1 qui stipule: "L'embauche et le placement des salariés disponibles dans l'industrie de la construction doivent se faire en tenant compte des exigences reconnues pour le travail offert et selon une préférence d'emploi en tenant compte des critères suivants, le premier étant: "Pour tous les travaux à l'exclusion de ceux exécutés dans un endroit isolé et sur un chantier éloigné, priorité est accordée au salarié titulaire d'un certificat de classification "A" ou "apprenti" selon le cas, domicilié dans la région où les travaux relatifs au travail offert sont exécutés."

Ce qui veut dire que pour un travail donné dans une région précise, l'employeur doit embaucher un travailleur de ladite région. Ce même règlement se contredit, puisque l'article 38 stipule: "Un employeur peut affecter un salarié titulaire d'un certificat de classification "A" ou "apprenti" partout au Québec si ce salarié satisfait aux conditions suivantes: "1. Avoir, au cours des deux années civiles précédant la date du renouvellement du certificat de classification, effectué les trois quarts ou plus de ses heures de travail dans l'industrie de la construction pour cet employeur; et "2. Avoir, au cours de cette même période de référence, travaillé 1500 heures ou plus pour cet employeur dans l'industrie de la construction." Le nom de l'employeur apparaît à ce certificat de classification.

Cela signifie que le règlement qui oblige, à l'une de ses dispositions, un employeur à embaucher des travailleurs de la région où les travaux sont exécutés, permet, à une autre disposition, à un employeur d'embaucher des travailleurs de l'extérieur de la région où les travaux doivent avoir lieu. Afin d'illustrer ce phénomène pour le moins étrange, citons à titre d'exemple la construction d'une aluminerie pour le compte de la compagnie Alcan à La Baie au Saguenay-Lac-Saint-Jean en 1982. Une compagnie montréalaise a obtenu le contrat. Cette dernière a préféré se rendre sur place avec ses propres travailleurs. L'embauche des travailleurs de cette région fut donc limitée même si l'on y retrouvait un taux de chômage élevé. Cela a soulevé l'ire des travailleurs de l'endroit. Peut-on les en blâmer?

Pour éviter une multitude d'injustices et d'erreurs préjudicielles, pourquoi ne pas retirer carrément le règlement de placement? En termes de ressources humaines et matérielles, l'OCQ, pour mettre à exécution ce règlement, doit s'assurer d'une infrastructure scandaleusement dispendieuse. Ainsi, l'office a dû accroître son personnel et surcharger son informatique à un point tel qu'il ne peut répondre que difficilement à d'autres services pourtant essentiels pour lequel il a été créé. Pour la seule année 1983, il en a coûté à l'office 5 700 000 $ obtenus sous forme de subventions gouvernementales, donc de taxes payées entre autres par les travailleurs de la construction eux-mêmes pour une exécution plus ou moins efficace mais controversée du règlement. Avec les agences de placement syndicales cela ne coûterait rien.

La commission Cliche, dans son rapport, reprochait aux agences de placement syndicales de faire du favoritisme en désignant continuellement les mêmes travailleurs. L'article 44.1 des dispositions générales du règlement de placement reproduit exactement ce favoritisme. Cet article stipule: "L'office voit notamment à: "1. Référer à un employeur une personne disponible, apte à accomplir le travail offert. "À cette fin, l'office tient compte des personnes qui ont travaillé le plus grand nombre d'heures au cours des dix années civiles précédant la date du renouvellement en référant d'abord la personne de la sous-région où les travaux relatifs à l'emploi offert sont exécutés, tout en respectant les critères prévus à l'article 35. "Pour le cas du diplômé, l'office le réfère en tenant compte de l'ordre chronologique d'inscription."

Ce favoritisme - basé sur les heures faites par les salariés au cours des dix dernières années - réglementaire est la base d'un cercle hautement vicieux: ne travaillent que ceux qui ont le plus d'heures et ne font plus d'heures que ceux qui travaillent. Ce sont donc toujours les mêmes salariés qui travaillent. Aussi, qu'arrive-t-il d'un travailleur qui réside dans une région donnée et qui est en chômage parce qu'il n'a pas accumulé assez d'heures? Il n'est pas inscrit sur la liste de référence de l'office et ne peut plus travailler. On lui préfère alors un travailleur d'une autre région. Pour leur part, les agences de placement syndicales ne référaient pas les travailleurs par le nombre d'heures accumulées mais plutôt par un système de priorité de référence des salariés en chômage. En d'autres mots, celui qui n'avait pas travaillé depuis un certain temps pouvait espérer être appelé à travailler quand c'était l'agence de placement syndicale qui s'en occupait. Aujourd'hui, à cause des prescriptions du règlement de placement, ce travailleur ne peut plus espérer travailler dans l'industrie de la construction. Il est frappé d'interdit.

Le 17 février 1984, la CSN-Construction, la FTQ-Construction et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) faisaient parvenir conjointement à Me Hugues Ferron, secrétaire de l'OCQ, une requête concernant les modifications à être apportées au règlement de placement des travailleurs de la construction. Cette requête contenait des changements que vous trouverez en annexe 1 du chapitre dont on fait lecture.

Quatre mois suivant le dépôt de cette dernière requête on ignorait toujours si nos demandes avaient été retenues. Le 6 juin 1984 nous apprenions qu'encore une fois nos revendications n'avaient pas pesé lourd. Nous apprenions également, par une lettre signée par M. Jean-Luc Pilon, directeur du service recherche et organisation à l'OCQ, qu'il avait fait parvenir aux charpentiers-menuisiers un questionnaire dans le but de déterminer leur compétence et établir un recensement. Cette correspondance nous a révélé que nos revendications n'avaient pas été retenues. Nous déposons en annexe 2 la lettre de M. Pilon.

Le règlement de placement, dans toute sa complexité, a divisé le Québec en 9 régions et 31 sous-régions. Ce fait illustre la lourdeur administrative engendrée et le carcan dans lequel se retrouve le travailleur de la construction. Cette division de la province empêche un travailleur de pouvoir oeuvrer partout au Québec et contribue à maintenir un haut taux de chômage. Pourquoi maintenir ces régions? Pourquoi maintenir telle injustice? Pourquoi opter pour cette multitude de murs de la honte?

Le règlement de placement couvre également un autre type d'injustice, mais, cette fois-ci, mesquine et au profit d'une mentalité de terroir. En effet, le règlement n'empêche pas un travailleur québécois d'aller travailler ailleurs au Canada. Cependant, le travailleur qui est appelé à travailler au cours d'une période d'absence à l'extérieur risque de voir son nom retiré de la liste de disponibilité comme le précise l'article 53.1 de la section six des dispositions générales du règlement de placement qui se lit comme suit: "L'office retire de sa liste de disponibilité la personne qui: Après deux appels téléphoniques effectués dans un intervalle variant entre 4 et 24 heures, n'a pu être rejoint par un représentant de l'office..."

Le règlement de placement cultive au surplus un climat d'agressivité entre les travailleurs du Québec et ceux des autres provinces. En effet, bien qu'à l'extérieur du Québec les portes soient ouvertes aux travailleurs québécois, l'inverse ne s'applique pas aux travailleurs des autres provinces. Ces derniers ne peuvent évidemment pas satisfaire aux critères d'admissibilité pour l'obtention d'un certificat de classification. En abolissant le règlement de placement, les travailleurs pourront oeuvrer librement à travers le Canada. Ceci s'appliquera également pour les travailleurs des autres provinces qui réaliseront qu'ils sont les bienvenus chez nous.

Comment concilier le fait que le gouvernement désire maintenir un nombre élevé d'heures travaillées par les vrais travailleurs de l'industrie de la construction et le fait qu'il permet au commissaire de la construction d'émettre, à volonté, des cartes de salariés occasionnels? Compte tenu du fait que, sur 100 000 travailleurs, un nombre de 50 000 sont en chômage, nous croyons que ces derniers pourraient effectuer le

travail présentement assigné aux nombreux salariés occasionnels. D'ailleurs, les salariés non spécialisés font partie des problèmes qu'entraîne le règlement de placement. Ces derniers sont en très grand nombre et n'ont aucune qualification reconnue dans l'industrie de la construction. Il est souhaitable d'établir une forme de contrôle quantitatif qui pourrait être régi par un comité d'occupation.

En étudiant le règlement de placement de plus près, on se rend à l'évidence qu'il ne dessert pas les intérêts de l'industrie de la construction. Toutes les parties sont unanimes sur un point: ce règlement est pour l'essentiel et, dans sa forme actuelle, il est néfaste à notre industrie. Nous exigeons donc l'abolition de ce règlement et nous revendiquons l'exclusivité du placement.

C'est pourquoi le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) recommande:

Que seules les agences de placement syndicales puissent être habilitées à effectuer du placement dans l'industrie de la construction.

Que ces agences de placement soient assujetties à un code d'éthique.

Que la surveillance du code d'éthique soit la responsabilité d'un organisme indépendant de l'OCQ.

Que les activités relatives à la surveillance du code d'éthique soient défrayées par le gouvernement.

Que le contingentement de la main-d'oeuvre soit exclusivement régi par la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.

Que les comités de métier régionaux et provinciaux reprennent la place qui leur revient de droit.

Toute autre formule est vouée à l'échec.

M. Pouliot: Mme la Présidente, je voudrais faire une intervention concernant le salarié occasionnel. Comment le gouvernement peut-il expliquer le fait, selon les informations obtenues du ministère du Travail, que 4000 travailleurs ont des cartes de salariés occasionnels et sont souvent sans carte de compétence lorsque le véritable travailleur de l'industrie de la construction est en chômage? Cela nous apparaît totalement un non-sens et, quant à nous, il doit sûrement y avoir des cartes de salariés occasionnels qui peuvent être émises dans des cas d'exception, mais je pense que c'est rendu une règle générale. On détourne de cette façon les heures des travailleurs de l'industrie de la construction par le truchement des pouvoirs du commissaire à la construction sur le salarié occasionnel.

M. Toupin: On va procéder maintenant au chapitre sur la formation et la qualification professionnelles qu'on retrouve à la page 30 du mémoire du conseil provincial. (10 h 15)

Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) s'est toujours prononcé contre certains effets de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles, projet de loi 49 adopté au cours de l'année 1969. Avant l'adoption de cette loi, les parties de l'industrie de la construction possédaient un certain contrôle sur l'apprentissage et les cours de recyclage. Les centres de formation professionnelle relevaient de l'industrie de la construction qui en défrayait les coûts. Des sessions étaient organisées par région pour les différents métiers et spécialités de notre industrie. Nous avions une structure qui fonctionnait bien et qui comblait les besoins du secteur. Malheureusement, le législateur a décidé qu'il fallait modifier cette structure afin de pouvoir offrir ces mêmes services aux autres industries. En imposant ce changement, on venait d'anéantir une structure qui fonctionnait adéquatement et à la satisfaction de tous les intéressés.

Nous avons tout de même tenté honnêtement de nous adapter à la superstructure que nous imposait cette nouvelle loi. Les résultats sont néanmoins très négatifs. En effet, notre main-d'oeuvre québécoise qui était reconnue comme l'une des plus compétentes dans l'Amérique du Nord ne jouit malheureusement plus de cette réputation en 1984. Parmi les raisons qui pourraient expliquer ce malheureux chavirement, on peut citer le fait qu'à l'époque les apprentis de plusieurs métiers devaient passer des examens avant de changer de catégorie. Cette exigence avait donc pour effet d'assurer un suivi sur l'évolution de l'apprenti qui devait posséder une formation et une qualification adéquates.

En 1973, un comité formé de représentants syndicaux et patronaux a eu pour tâche d'étudier les modalités d'un projet de règlement relatif à la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Vous trouverez à l'annexe 1 le projet contenant les recommandations qui avaient obtenu l'accord dudit comité. Malheureusement, ce projet qui devait être adopté au cours de l'année 1974 est toujours demeuré sur les tablettes.

En 1978, à la suite de nombreuses revendications des parties préoccupées par la compétence des travailleurs de la construction, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre constitua un comité qui fut chargé de proposer un devis d'apprentissage pour les différents métiers de la construction. Vous trouverez copie de la correspondance du ministre à l'annexe 2. Au cours de plusieurs rencontres, les représentants de ce nouveau comité

consacrèrent un temps énorme afin que les devis d'apprentissage soient révisés pour permettre une évaluation adéquate des métiers. Cependant, encore une fois, nous devons déplorer le fait que le travail de ce comité n'a jamais reçu l'approbation du ministre.

Présentement, les examens auxquels sont confrontés les travailleurs de la construction sont loin de refléter les exigences actuelles. Les lettres ci-jointes de certains travailleurs peintres qu'on retrouve à l'annexe 3 sont très explicites à ce sujet.

Où se trouvent aujourd'hui les recommandations des parties, les recommandations qui ont fait l'objet d'un accord de principe entre les parties et les fonctionnaires de la main-d'oeuvre? Un seul point demeurait en litige, soit le ratio compagnons-apprentis. Nous sommes toujours d'opinion que cette question doit relever des comités de métiers de la construction et non d'un comité central d'apprentissage. Il est trop facile de modifier le ratio à un pour un, tel que le demandent les employeurs. Nous croyons que les métiers doivent envisager les conséquences d'un tel geste. Certains métiers ou spécialités se disent pourtant prêts à discuter d'une modification. Nous tenons à préciser que cette décision leur revient de plein droit.

Récemment, nous demandions par exemple à la Commission de formation professionnelle de mettre sur pied un cours de formation de peintres-tapissiers. Cette dernière nous répondait qu'à cause de contraintes budgétaires un tel cours était reporté à une date indéfinie. On peut donc se poser des questions à savoir à quoi servent au juste les 700 000 000 $ de subventions provenant du gouvernement fédérai. Nous constatons à regret que nos travailleurs ne profitent que très peu de cette aide.

Nous tenons également à rappeler qu'une évolution technologique semblable à celle apparue dans les secteurs industriels existe aussi dans l'industrie de la construction avec tous les problèmes de recyclage qu'elle comporte. Et pourtant, dans l'industrie de la construction, le gouvernement se comporte comme si les techniques utilisées étaient toujours celles des années soixante.

Nous sommes d'avis que le malaise actuel relève particulièrement du fait que trop d'orgnaismes sont impliqués dans ce dossier. À titre d'exemple, on peut se rappeler qu'en 1978 il y avait dédoublement entre deux ministères, soit celui du Travail et de la Main-d'Oeuvre et celui de l'Éducation. À ce dédoublement, se sont ajoutés le gouvernement fédéral, par ses subventions, et l'Office de la construction du Québec, chargé de régir le contingentement de la main-d'oeuvre par l'entremise de son règlement sur le placement.

Voilà en résumé l'imbroglio qui existe actuellement avec la formation professionnelle dans l'industrie de la construction. Encore récemment, plus précisément le 19 juin dernier, nous apprenions de Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qu'un comité ministériel formé de cinq ministres, ceux de la Condition féminine, de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, de la Science et de la Technologie, et de l'Éducation, était chargé de recommander au gouvernement une politique à l'égard des programmes d'éducation et de formation. Il est très étonnant de constater que le ministère du Travail ne soit pas présent dans ledit comité. Quel rôle jouera-t-il dans ce dossier? Qu'est-il advenu de nos revendications en ce sens que la formation et la qualification professionnelles doivent relever du ministère du Travail? À première vue, cette tentative démontre la volonté des autorités de faire bouger un dossier inactif depuis de nombreuses années.

Cependant, quand on constate le nombre de secteurs régis par le comité, des doutes nous viennent à l'esprit quant à son efficacité pour le secteur bien particulier de la construction.

Pour toutes les raisons énumérées précédemment, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) recommande que, considérant que la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction est une loi d'exception, la Loi sur la formation et la qualité professionnelles ne doit pas s'appliquer à l'industrie de la construction et cette responsabilité doit relever plutôt du ministre du Travail; que l'article 80 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction soit immédiatement proclamé; que la responsabilité de l'apprentissage, de la formation et du recyclage des travailleurs des différents métiers de la construction revienne aux parties de cette industrie; que le contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre soit sous la responsabilité des parties par l'entremise de comités paritaires de métiers, spécialités ou occupations régis par un comité paritaire provincial possédant un pouvoir décisionnel.

On va maintenant aller au chapitre du tribunal de la construction, à la page 54 du mémoire du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Le tribunal de la construction. Un des consensus véritables et sans équivoque qui se dégagent des documents de travail, des rapports et des mémoires des parties, partenaires et intervenants de l'industrie de la construction est la création et la mise en place d'une instance judiciaire et quasi-judiciaire spécialisée et centralisée: le

tribunal de la construction. Même son nom fait l'objet du consensus. Loin d'être contemporaine, cette demande existe depuis plus de dix ans.

En effet, en mai 1975, la commission Cliche, dans son rapport à la suite de l'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, constatait que le régime juridique dans l'industrie souffrait d'une dispersion et multitude de recours, d'un éparpillement des juridictions, d'une lenteur des procédures, d'une caducité des jugements à cause du caractère temporaire des chantiers et d'une activité arbitrale restreinte. Pour correctif, la commission a recommandé le regroupement, sous la juridiction d'une instance spécialisée pouvant être appelée tribunal de la construction, division du Tribunal du travail, de toutes les plaintes pénales relatives à l'industrie de la construction. De plus, la commission a recommandé un élargissement de la juridiction de l'arbitre de griefs.

En 1977, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec faisait à son tour le constat de la complexité, de la diversité, de la lenteur et de l'inefficacité du régime juridique. Elle suggérait alors la création d'un tribunal spécialisé avec divisions civile et pénale, ajouté d'une juridiction sur les griefs.

En janvier 1978, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction dépose son mémoire au comité d'étude et de révision de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le CERLIC, dans lequel le conseil recommande la création d'un tribunal de la construction ayant pour juridiction: "1. Entendre et disposer de toutes les plaintes pénales en ce qui concerne la sécurité. "2. Entendre et disposer de toutes les plaintes pénales concernant l'application de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. "3. Entendre et disposer de façon sommaire de tous les recours civils basés sur l'application du décret et de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction institués par l'office et les salariés ou syndicats. "4. Entendre et disposer de toutes les plaintes concernant les libertés syndicales. "5. Décider du champ d'application de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction."

En juin 1978, le comité d'étude et de révision de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction publicise ses recommandations et, à ce chapitre, le comité suggère la création d'un commissariat de la construction composé de commissaires à la négociation, au champ d'application, aux conflits de juridiction et aux plaintes. Enfin, le comité préfère que les recours civils continuent de relever des tribunaux civils, mais souhaite que les plaintes pénales soient référées au Tribunal du travail.

Enfin, en janvier 1984, un groupe de travail formé par le comité mixte de l'industrie de la construction remettait au ministre du Travail un rapport concluant, entre autres, à la création d'un tribunal de la construction rattaché au Tribunal du travail.

Aujourd'hui, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) désire plus que simplement requérir la création d'un tribunal de la construction. En effet, le conseil vous offre un projet de structures dudit tribunal afin de mieux visionner ses efficacité et simplicité éventuelles. En d'autres mots, le conseil provincial veut montrer que la création d'un tribunal de la construction est possible et propose à cet effet un modèle répondant aux principales attentes du consensus.

Il est intéressant de noter que l'obstacle majeur que doit affronter le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) dans l'élaboration de son modèle d'un tribunal de la construction est l'existence actuelle d'une crise de la justice administrative au Canada. En effet, les jugements rendus par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Procureur général du Québec c. Joseph Farrah et Pierre Crevier c. Procureur général du Québec, arrêts rendus en 1978 et 1981, nous ont forcés à élaborer un modèle modeste dans ses prétentions juridictionnelles aux fins de sauvegarder la constitutionnalité éventuelle d'un tel tribunal en regard de l'article 96 de la constitution canadienne. Nous avons tiré leçon des tests judiciaires auxquels ont été soumis le Tribunal des professions, le Tribunal des transports, la Régie du logement et, surtout, le Tribunal du travail.

Comme modèle, dans un premier temps, il y a lieu de créer dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction un chapitre distinct sur la création du tribunal de la construction. À ce titre, ce chapitre pourrait contenir les dispositions suivantes:

Du tribunal de la construction. 1. Un tribunal chargé de la décision des litiges concernant l'industrie de la construction est créé par la présente loi, sous le nom de "Tribunal de la construction", avec les juridictions spécifiées ci-dessous. 2. Après consultation du conseil général du Barreau du Québec et du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le gouvernement nomme les membres du tribunal parmi les juges de la Cour provinciale, en nombre suffisant pour expédier rapidement les affaires qui sont soumises au tribunal.

Il nomme aussi de la même manière, parmi les membres du tribunal, un juge en chef et un juge en chef adjoint de même qu'un juge coordonnateur. Les dispositions de la Loi sur les tribunaux judiciaires relatives aux fonctions et au mandat des juges en chef, juges en chef adjoints et juges coordonnateurs s'appliquent à eux. 3. Le greffier du tribunal ainsi que les autres fonctionnaires et employés jugés nécessaires au bon fonctionnement du tribunal sont nommés et rémunérés conformément à la Loi sur la fonction publique. 4. Les membres du tribunal sont soumis à la surveillance, aux ordres et au contrôle du juge en chef en ce qui regarde la distribution des causes, la tenue des séances et généralement toutes matières d'administration qui les concernent. 5. Au cas d'incapacité d'agir du juge en chef par suite d'absence ou de maladie, il est remplacé par le juge en chef adjoint. Lorsque le juge en chef adjoint est aussi incapable d'agir par suite d'absence ou de maladie, il peut être remplacé par un autre membre du tribunal nommé par le gouvernement pour exercer ses fonctions pendant que dure son incapacité. 6. Lorsqu'un membre du tribunal doit voyager pour l'exercice de ses fonctions, il lui est payé, à titre d'allocation de dépenses, en outre de ses frais réels de transport, une indemnité dont le montant et les modalités de paiement sont déterminés par le gouvernement, le tout subordonnément aux dispositions suivantes.

La demande de paiement des frais de transport et de l'allocation de dépenses doit être accompagnée d'un certificat signé par le membre du tribunal, établissant l'exactitude du nombre de jours et, le cas échéant, du nombre de nuits pour lesquels il demande l'allocation de dépenses, et l'exactitude du montant des frais réels de transport.

Les dépenses occasionnées par l'application des dispositions du présent article sont payées à même le fonds consolidé du revenu.

À ces six articles d'un projet d'institution d'un tribunal de la construction, nous avons des remarques, qui sont les suivantes. Pour les projets d'articles 1 à 6 que nous venons d'énumérer et de lire, nous avons reproduit avec quelques changements les articles 112 à 117 inclusivement du Code du travail de la province de Québec. Comme vous pouvez le remarquer, nous avons opté pour la création d'un tribunal composé de juges de la Cour provinciale, donc de juristes. La réputation de compétence et d'efficacité des juges de la Cour provinciale siégeant au Tribunal du travail nous incite à vous recommander fortement d'en reproduire la composition et l'esprit pour un tribunal de la construction.

(10 h 30)

Enfin, il serait sage que le tribunal de la construction soit unique et autonome. En d'autres mots, nous croyons préférable de ne pas en faire une division du Tribunal du travail car les spécialisations et administrations en cause ne sont pas du tout identiques ou similaires et au surplus, nous devons respecter l'esprit de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et en particulier, l'article 124 qui édicte que les dispositions du Code du travail ne s'appliquent pas dans l'industrie de la construction. Il n'y a pas lieu d'en faire une mention expresse. Au contraire.

Dans notre projet de structure du tribunal de la construction, nous avons élaboré d'autres articles qui sont les suivants. Article 7 - et c'est le principal article puisqu'il est juridictionnel - "Ce tribunal a juridiction pour connaître et disposer en première instance, à l'exclusion de tout autre tribunal, en outre des autres matières qui sont déclarées par la loi être de sa compétence: "a) de toute difficulté d'interprétation ou d'application de l'article 19 ou des règlements adoptés en vertu de l'article 20." Aujourd'hui, c'est le commissaire de la construction qui a juridiction là-dessus. "b) de tout conflit de compétence relatif à l'exercice d'un métier ou d'un emploi commun ainsi que d'entendre et de disposer de la demande de toute personne qui se croit lésée par l'application de toute loi ou règlement relatif à la formation et à la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction." Et au moment où on se parle, c'est le tribunal d'arbitrage qui a juridiction en pareille matière. "c) de toute plainte logée en vertu de l'article 105 de la loi." C'est un arbitrage pour discrimination syndicale au moment où on se parle. "d) de toute plainte logée en vertu des article 227 à 233 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, lesquels doivent s'appliquer mutatis mutandis. "e) De toute poursuite civile résultant de la convention collective, du décret ou de la loi. "f) de toute poursuite pénale intentée en vertu de la présente loi, de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre et la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi que de leur réglementation respective."

Nous avons également un autre article qui, cette fois-ci, est l'article 8 dans le projet: "Ce tribunal a juridiction pour connaître et disposer - cette fois-ci - en appel à l'exclusion de tout autre tribunal, en outre des autres matières qui sont déclarées par la loi être de sa compétence: "a) que toute décision rendue par

l'office refusant à une personne la délivrance ou le renouvellement d'une licence d'agence de placement ou annulant ou suspendant une licence de placement ou refusant ou retirant à une personne l'autorisation d'exploiter une succursale de placement; et b), en appel de toute décision rendue par l'office refusant à une personne la délivrance ou le renouvellement d'un certificat ou délivrant à une personne un certificat qu'il n'estime pas approprié. Et enfin, le tribunal de la construction aurait juridiction en appel de toute décision rendue par le président de l'office quant à l'admissibilité d'une personne aux régimes complémentaires d'avantages sociaux ou quant au montant d'une prestation due en vertu de ces régimes.

Les remarques que nous avons sur l'assiette ou l'assise juridictionnelle du tribunal de la construction sont les suivantes: Les articles 6 et 7 ci-haut suggérés, de nature strictement juridictionnelle, constituent le fond de la réforme proposée. Comme on peut facilement le constater, tous les litiges concernant les difficultés d'interprétation du champ d'application de la loi de la construction, les conflits de compétence relatifs à l'exercice d'un métier ou d'un emploi commun suivant la législation et la réglementation relatives à la formation et à la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, les plaintes de discrimination syndicale, les plaintes de mesures disciplinaires à la suite de l'exercice d'un droit résultant de la loi et des règlements sur la santé et la sécurité du travail, les poursuites civiles en exécution des obligations contenues à la convention collective ou au décret, les poursuites pénales pour infraction à toute loi et à tout règlement relatifs à l'industrie de la construction et les appels de certaines décisions de l'Office de la construction du Québec relèveraient désormais de la juridiction exclusive du tribunal de la construction. Le résultat est dès lors patent. Tous les recours relatifs à des litiges existant dans l'industrie de la construction seront acheminés vers un seul et unique tribunal, spécialisé de surcroît. Il ne sera plus question de parler de commissaire de la construction, de conseil d'arbitrage, d'arbitre, de commissaire du travail, de cour de droit commun, de commissaire au placement et de Tribunal du travail. Toutes les parties, partenaires et intervenants s'accorderont pour ne penser qu'à une seule et unique instance, le tribunal de la construction.

Cette réforme exige quelques autres modifications subsidiaires à la loi que le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) juge approprié ici de rappeler au ministre du Travail.

Ainsi, il y aurait évidemment lieu d'abroger les articles 21, 22 et 23 de la loi qui ont trait au commissaire au placement.

Au même titre, l'article 80.3 de la loi doit être abrogé, celui qui donne juridiction au Conseil d'arbitrage pour les conflits de compétence.

Aux fins de permettre au tribunal de la construction d'être régulièrement saisi des poursuites civiles résultant de la convention collective, du décret et de la loi, il y a lieu, en sus de la modification proposée par consensus à l'article 62 de la loi... Cet article se lirait ainsi, à la suite du consensus et de la modification: "Toute plainte portant sur l'interprétation ou l'application de la convention collective ou du décret en tenant lieu, peut, au choix du salarié, du syndicat, de l'union ou de l'association représentative concernée, faire l'objet d'un grief ou d'une plainte à l'office". Il y aurait lieu d'amender l'article 81 de la loi afin qu'il débute désormais comme suit: "En vue d'assurer la mise à exécution de la convention collective ou du décret, l'office peut exercer tous les recours qui naissent de la convention collective ou du décret en faveur des salariés."

Quant à la plainte en vertu de l'article 105 de la loi, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) suggère les amendements suivants:

L'article 105 de la loi actuelle telle que la modification est proposée par le conseil se lirait ainsi: "Toute association représentative ou tout salarié peut soumettre au ministre toute plainte qui naît de l'application des dispositions du présent chapitre au moyen d'un avis écrit qu'il doit lui faire parvenir dans les quinze jours qui suivent la date à laquelle a eu lieu le fait dont il se plaint. "Le ministre peut alors nommer un enquêteur et le charger de lui faire rapport dans les huit jours qui suivent. Si, huit jours après l'expiration de ce délai, le salarié n'a pas reçu satisfaction, la question est soumise au Tribunal de la construction."

Article 106: "S'il est établi à la satisfaction du Tribunal de la construction que le salarié exerce un droit lui résultant du présent chapitre, il y a présomption en sa faveur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui à cause de l'exercice de ce droit et il incombe à l'association de salariés ou à l'employeur, selon le cas, de prouver qu'il avait un motif juste et suffisant de poser le geste dont le salarié s'est plaint."

Article 107: "Le Tribunal de la construction peut ordonner à l'employeur de réintégrer le salarié dans son emploi dans les huit jours qui suivent la signification de la décision, avec tous ses droits et privilèges et de lui payer, à titre d'indemnité, l'équivalent du salaire et des autres avantages dont il a été privé illégalement. "Le Tribunal de la construction peut

aussi ordonner à l'association de salariés de réintégrer le salarié dans ses rangs avec le maintien des avantages dont il a été privé illégalement."

Quant aux appels au tribunal de la construction, nous croyons qu'il y a lieu de procéder à l'abrogation des articles 108.1 à 108.17 inclusivement de la loi. Enfin, il suffirait également de remplacer les termes "Tribunal du travail" au dernier paragraphe de l'article 93 par les termes "Tribunal de la construction".

Au chapitre de la procédure et pour compléter nos suggestions, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) propose, toujours quant à des suggestions de dispositions, les articles suivants: "9. L'appel en vertu de l'article 8 - qui est l'appel au tribunal de la construction -doit être formé dans les 30 jours de la date de connaissance de la décision dont appel. "10. Le tribunal siégeant en appel peut confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier lieu. "11. Tout membre du tribunal est compétent pour instruire et décider, seul, toute affaire soumise au tribunal. "12. Lorsqu'ils siègent autrement qu'en matière pénale, le tribunal ainsi que chacun de ses membres sont investis des pouvoirs et immunités des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. "13. Le tribunal et chacun de ses membres, siégeant en matière pénale, ont les mêmes pouvoirs qu'un ou plusieurs juges de paix. "14. Le tribunal a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction et il peut, notamment, rendre toute ordonnance qu'il estime propre à sauvegarder les droits des parties. "15. Toute décision rendue en vertu de l'article 7 a, b, c ou d ou de l'article 8 est finale et lie les parties. L'article 19.1 du Code du travail s'applique à telle décision du Tribunal de la construction, mutatis mutandis. "16. Toute décision rendue en vertu de l'article 7e peut faire l'objet d'un appel à la Cour d'appel du Québec sur requête pour permission d'en appeler déposée au greffe de ladite cour dans les 30 jours de la réception de la décision du Tribunal de la construction. Les articles 491 à 524 inclusivement du Code de procédure civile s'appliquent mutatis mutandis. "17. L'appel d'une décision du Tribunal de la construction rendue en vertu de l'article 7f doit être logé conformément à la partie II de la Loi sur les poursuites sommaires. "18. Sur une question de compétence, aucun des recours extraordinaires prévus aux articles 834 à 850 du Code de procédure civile ne peut être exercé ni aucune injonction accordée contre le Tribunal de la construction agissant en sa qualité officielle. "19. Sauf sur une question de compétence, l'article 33 du Code de procédure civile ne s'applique pas aux personnes visées à l'article 18 agissant en leur qualité officielle. "20. Un juge de la Cour d'appel peut sur requête annuler sommairement toute ordonnance prononcée à rencontre des articles 18 et 19."

Nos commentaires sont les suivants. Tant à l'égard des juridictions conférées au tribunal de la construction qu'à l'égard du choix des clauses privatives aux articles 18 et 19 tels que suggérés, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) s'en est tenu strictement aux exigences constitutionnelles établies particulièrement par la Cour suprême dans l'arrêt Procureur général du Québec et la Régie du logement C. Marcel Grondin. Un jugement qui a été rendu récemment, soit le 3 novembre 1983.

En guise de conclusion à ce chapitre, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) ne peut que constater la constance infaillible dans le temps des demandes des parties, partenaires et intervenants quant à la création et la mise sur pied d'un tribunal de la construction. Tout a été dit et écrit. Il ne reste qu'à agir.

La Présidente (Mme Harel): Me Toupin, je vous rappelle qu'il vous reste au plus une heure pour poursuivre l'audition du mémoire et l'échange avec la commission. Je vais vous inviter, peut-être, à résumer les prochains chapitres si tant est que vous souhaitez cette période d'échange avec la commission.

M. Toupin: Mme la Présidente, je pense que c'est possible de les lire parce que les chapitres qu'il reste ont deux pages chacun environ, en accélérant encore la lecture.

La Présidente (Mme Harel): Cela me permet également de fortement insister auprès de toutes les personnes qui sont dans cette salle, compte tenu du grand nombre que nous sommes, pour qu'il s'y installe un silence qui ne soit pas que relatif. Me Toupin.

M. Toupin: Merci. Le chapitre de l'Office de la construction du Québec, page 67, Mme la Présidente. À la suite du rapport de la commission Cliche, les parties dans l'industrie de la construction ont perdu beaucoup de pouvoirs au profit de l'Office de la construction du Québec. Il est cependant très intéressant de faire une rétrospective de

l'administration de cet organisme depuis sa formation en 1975.

Les présidents se sont succédé. Les congédiements de ses permanents ont été très nombreux et souvent injustifiés. D'ailleurs, plusieurs griefs à cet égard ont été plaidés avec succès. Les postes d'agents d'information sur les avantages sociaux ont été abolis. Les postes d'inspecteurs de chantiers et d'inspecteurs de livres ont été fusionnés pour en restreindre le nombre. Plusieurs fermetures de bureaux régionaux ont eu lieu. Les mandats du gouvernement se sont succédé sans arrêt. À titre d'exemples: le règlement de placement, Corvée-habitation, la Régie des entrepreneurs, etc. Les déficits de l'office se sont accrus d'année en année. Cette année, le gouvernement a été dans l'obligation d'endosser un prêt qui est en sérieuse difficulté. L'office a même l'audace de demander aux parties d'augmenter la contribution des salariés de 0,5% en sus du montant de 7 000 000 $ imputé à l'administration des régimes complémentaires d'avantages sociaux.

Surtout, les parties n'ont aucun véritable pouvoir sur l'OCQ. Les comités ne sont que consultatifs. À titre d'exemple, le comité mixte de la construction n'administre rien. Même si le budget annuel de l'office doit être soumis aux parties deux mois avant la fin de chaque année, si ce dernier n'est pas déjà adopté, il est automatiquement effectif au 1er janvier de l'année qui suit. Contrairement aux dires de l'opinion publique et de certains députés, le comité mixte ne possède aucun pouvoir et n'existe que pour fins de consultation.

Il est important de souligner que la loi 27 a même retiré aux parties le pouvoir qu'elles ont toujours détenu d'interpréter leur convention collective ou décret. Le comité ne peut désormais que donner son avis sur tous les litiges relatifs à l'interprétation de ladite convention ou décret et sur toute autre question que veut bien lui soumettre l'office. Nous estimons que l'article 4 de la loi doit être modifié afin de reconnaître un véritable pouvoir aux parties qui élaborent, négocient et appliquent les conditions de travail dans l'industrie de la construction. Le libellé du nouvel article devrait se lire comme suit: "L'office est formé de cinq membres, dont un président nommé pour au plus cinq ans, de deux représentants des plus importantes associations syndicales et de deux représentants de l'association patronale. Les associations doivent désigner leurs représentants." (10 h 45)

De plus, l'article 16 devrait être modifié pour se lire ainsi: "Ce comité est chargé de décider de tout litige quant à l'interprétation de la convention collective ou du décret."

La représentativité syndicale et patronale. Il est bien évident qu'un sérieux malaise existe dans l'industrie de la construction à l'égard de la représentativité tant syndicale que patronale. Présentement, alors que la loi oblige un monopole patronal, elle permet un pluralisme syndical. Les rapports de force sont donc inégaux. Vu les structures actuelles, il est difficile pour les parties de conclure une convention collective. Bien que l'AECQ bénéficie d'un monopole, les événements survenus lors des négociations de 1982 démontrent jusqu'à quel point il est impérieux d'apporter certaines modifications à ce monopole. Que l'on se rappelle alors que, bien que le conseil d'administration de l'AECQ concluait une entente de principe avec les associations syndicales majoritaires, les membres de l'association patronale se prononçaient contre ladite entente de principe lors de leur assemblée générale tenue le 19 mai 1982. Notre constat fut dès lors simple: il est inacceptable que 83% des membres qui contrôlent l'AECQ soient des entrepreneurs qui ont enregistré de 0 à 5000 heures à l'OCQ. À ce sujet, nous avons inclus des statistiques à l'annexe 1.

Tel que le recommanda la commission Cliche, le gouvernement, avec l'adoption de la loi 192, constitua l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Cela mit fin à une mésentente incontrôlable au sein de la partie patronale, sans régler toutefois le problème décrit dans le paragraphe précédent. En regard d'une telle situation, l'AECQ, dans son mémoire remis au comité d'étude et de révision de la loi, le CERLIC, recommanda un vote pondéré. Cette recommandation n'a malheureusement pas été retenue.

Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) insiste pour vous recommander que le vote pour l'acceptation ou le refus de la convention collective soit un vote pondéré par les membres de l'AECQ.

La représentativité syndicale. Les dispositions actuelles de la loi sont l'occasion de nombreux problèmes pour les associations syndicales. L'adoption du projet de loi 109 qui a permis la reconnaissance d'une cinquième association syndicale représentative enlevait sciemment au conseil provincial sa légendaire majorité syndicale, soit un degré de représentativité de 69%. Cela a donc eu pour conséquence qu'aucune association syndicale ne détient aujourd'hui la majorité. Lors du renouvellement de la convention collective, les associations doivent donc procéder à une prénégociation intersyndicale, souvent longue et ardue, afin de tenter d'obtenir la majorité requise pour négocier et conclure une convention collective.

Le conseil provincial est respectueux et en accord avec le principe du pluralisme syndical. Nous croyons que l'article 28 de la

loi devrait demeurer tel quel et cela, afin de respecter le choix des travailleurs de la construction et le principe fondamental consacrant cette liberté de choix d'adhésion du salarié. Notre association a vu son degré de représentativité augmenter continuellement. Alors qu'en 1981 notre degré était de 19%, il est passé à 23,7% en novembre 1981 et à 30,9% en novembre 1983. Le conseil provincial se dirige lentement mais sûrement vers une majorité absolue, tel que l'exige l'article 44 de la loi qui stipule: "Pour être considérée comme convention collective, une entente doit être conclue par une ou plusieurs associations représentatives à un degré de plus de cinquante pour cent et par l'association d'employeurs."

Au surplus, notre organisme demande que le troisième paragraphe de l'article 32, soit la présomption, soit abrogé. Ce paragraphe stipule qu'"un salarié qui, ayant droit de faire connaître son choix, ne l'a pas exprimé suivant le premier alinéa est réputé, pour l'application des articles 33, 35 et 38, avoir choisi l'association en faveur de laquelle il a fait connaître son choix lors du scrutin précédent ou à laquelle il a adhéré suivant l'article 39 depuis ce scrutin...".

Cette disposition et le principe qu'elle sous-tend a été trop souvent l'occasion d'injustices et de situations déplorables. Les erreurs commises à cette occasion par les travailleurs nous conduisent à répudier ce mode de votation par présomption donnant ouverture à des manoeuvres déloyales et à de la fausse représentation nettement préjudiciables aux travailleurs. Que l'on pense seulement, et à titre d'exemple, à l'expression publicitaire ayant souvent cours durant cette période de maraudage: "Ne pas voter, c'est voter et voter c'est changer d'association représentative." Faut-il se surprendre dès lors des méprises des travailleurs? On doit permettre l'expression claire, nette et précise du droit d'adhésion.

Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) suggère également que l'article 34 de la loi devrait être amendé afin que le certificat de représentativité prenne effet dès le quatrième mois précédant l'expiration de la convention collective ou du décret. Présentement, lorsqu'un travailleur décide publiquement et officiellement de changer son allégeance syndicale, ce changement n'est effectif que deux mois avant l'expiration de la convention collective ou du décret. À notre avis, cette disposition est aussi l'occasion d'injustices et de manoeuvres déloyales, car elle incite les associations à une certaine discrimination très préjudicielle envers les travailleurs. Il est bien évident que les efforts, par exemple, d'une association pour trouver du travail à un salarié qui l'a quittée sont pratiquement inexistants. Au surplus, cette situation à elle seule peut être suffisante pour inciter un travailleur à ne pas exercer son droit de vote. Nous croyons que les travailleurs devraient être en mesure, dès l'exercice de leur droit de vote, de présenter des revendications auprès de l'association de leur choix, que ce soit à l'égard de leurs demandes pour les prochaines conditions de travail ou pour tout autre service donné par l'association représentative choisie.

Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) recommande également que l'article 38, alinéa 2 soit modifié de la façon suivante: "L'office remet les cotisations syndicales ainsi reçues directement aux unions ou syndicats affiliés à chacune des associations, avec un bordereau nominatif. Il remet également aux associations représentatives les cotisations auxquelles elles ont droit, avec un bordereau nominatif."

Cette modification aura donc pour effet d'éliminer l'article 8.03 du décret qui stipule en résumé que l'office remet les cotisations aux associations représentatives, mais qu'il est loisible aux associations représentatives et à l'office de conclure une entente dans le sens de les verser directement aux unions.

Notre recommandation a pour but de rendre conforme à la réalité les mécanismes de revendication et de propriété des cotisations syndicales et d'éviter que l'association représentative se réclame d'un pouvoir de rétention des ressources financières de ses affiliés.

Mais il reste le chapitre, et c'est le dernier, du consensus de la partie syndicale, page 78, Mme la Présidente, du mémoire du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Cette section résume les consensus de la partie syndicale relativement aux amendements qui devraient être apportés à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Il nous apparaît totalement inacceptable que des millions d'heures travaillées soient exclues du champ d'application de la loi. Les décisions rendues par le commissaire de la construction, en conformité avec l'article 21, sont une des causes de la situation actuelle. À titre d'exemples, nous désirons citer deux cas où nous sommes d'avis que les travaux exécutés devraient faire partie du champ d'application.

Voici la décision 321 du commissaire de la construction: II s'agit de travaux qui ont trait à la construction d'une usine pour le compte de la Société minière du Canada Ltée. Le commissaire a décidé que ces travaux n'étaient pas assujettis au champ d'application de la loi, étant donné qu'ils font partie des exclusions bien établies, l'article 19.4 de la loi stipulant que la loi ne s'applique pas "aux travaux de construction se rattachant directement à l'exploration ou

à l'exploitation d'une mine..."

Il y a également la décision 289. Il s'agit de travaux de peinture exécutés pour le compte du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

Le commissaire de la construction a décidé que ces travaux n'étaient pas assujettis au champ d'application, et ceci en conformité avec l'article 19.8 de la loi stipulant que la loi ne s'applique pas "aux travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de modifications exécutés... par des salariés permanents embauchés directement par les établissements publics visés dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux".

Nous croyons qu'il est très important de modifier la définition du mot "construction", afin que cette dernière vise finalement tous les travaux exécutés par les travailleurs de la construction. De plus, nous sommes d'avis que les exclusions du champ d'application sont beaucoup trop nombreuses et portent à confusion. Il est donc urgent que le champ d'application de la loi soit amendé et très bien défini.

Les artisans et les braconniers qui oeuvrent dans l'industrie de la construction représentent une plaie à laquelle il faut impérativement remédier. La loi ne devrait leur permettre que d'exécuter certains travaux d'entretien et de réparation. Nous devons déplorer qu'après vérifications, un nombre imposant d'artisans ont oeuvré sur des chantiers d'envergure tels que le Palais des congrès, la Tour Bell Canada, le complexe Guy-Fabreau et le palais de justice dans la ville de Québec. Il est de commune renommée que les artisans et les braconniers qui ont travaillé à ces chantiers ne respectaient aucunement les conditions établies au décret en plus de se soustraire des impôts que les véritables travailleurs de la construction doivent payer. En plus de contribuer à la diminution constante des heures enregistrées à l'OCQ, soit 68 700 000 heures en 1983, selon un rapport préparé par l'Office de la construction du Québec, toujours à l'annexe 1, les artisans profitent des régimes d'assurance collective, et ce au détriment des travailleurs de l'industrie qui en font les frais. En effet, l'article 92.4 de la loi stipule: "L'artisan peut participer et contribuer aux régimes complémentaires d'avantages sociaux pour un maximum de 40 heures par semaine."

Les artisans ont appris très rapidement comment profiter des régimes tout en y contribuant au minimum. Nous avons demandé à plusieurs occasions, par le truchement du comité mixte, qu'un régime particulier soit créé pour les artisans, ces derniers assumant normalement ainsi les frais de leur propre régime. Cependant, selon le contentieux de l'OCQ, cette demande allait à l'encontre de la loi. Nous sommes d'avis que les artisans devraient au moins faire une contribution selon la moyenne des heures établies. Cette position pourrait sûrement aider à réduire le déficit actuel des régimes. Alors que les actuaires de l'OCQ nous suggèrent d'augmenter les prestations ou de couper les avantages, nous ne pouvons tolérer la façon dont l'artisan se prévaut desdits régimes tout en y contribuant à des montants minimes.

Il est également incroyable de constater l'appui qu'accordent les entrepreneurs aux artisans. Ce sont les entrepreneurs qui accordent des contrats aux artisans. Selon les statistiques du programme Corvée-habitation, 50 000 unités de logement ont été construites au cours de l'année 1983. Comparativement au nombre d'heures enregistrées à l'OCQ pour cette même période, nous pouvons donc conclure que ces travaux ont été exécutés par des artisans et des braconniers.

D'ailleurs, à la suite de nombreuses plaintes relatives au travail au noir, les inspections effectuées le samedi ont démontré clairement et scandaleusement que les travaux qui découlent du programme Corvée-habitation étaient exécutés principalement par des artisans. Alors que les véritables travailleurs de la construction doivent contribuer d'un montant de 0,12 $ l'heure travaillée pour ledit programme, les artisans sont ceux qui effectuent en grande partie ces travaux. Voilà pourquoi le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) a demandé le retrait du programme Corvée-habitation.

Enfin, vous trouverez dans les pages qui suivent des recommandations d'amendements à la loi faisant l'objet du consensus syndical.

M. Pouliot: Mme la Présidente, il y a peut-être un autre chapitre qui fait l'objet d'un consensus, mais qui n'est pas à l'intérieur du mémoire du conseil provincial. Lors des rencontres avec le ministre du Travail, il avait effectivement été question du règlement sur les chantiers à baraquements. Un rapport a été remis au ministre du Travail de l'époque, en 1979, et il est encore sur les tablettes. On nous dit que c'est rendu à la CSST. Quant à nous, on pense que l'industrie de la construction doit avoir des conditions minimales pour les chantiers à baraquements, ce qui est loin d'exister actuellement.

C'est encore là un comité que le ministre du Travail avait formé, c'est un rapport qui a fait l'unanimité au sein des parties dans l'industrie de la construction, il a été remis en octobre 1979 et il se promène d'un organisme à l'autre, on ne sait plus où c'est rendu exactement. Même si on nous dit que la CSST devait nous le soumettre pour les besoins des membres de la commission parlementaire, le Conseil

provincial du Québec des métiers de la construction (international) ne siège pas au conseil d'administration de la CSST. Merci.

La Présidente (Mme Harel): Merci M. Pouliot et M. Toupin. J'inviterai maintenant M. le ministre à ouvrir cette période d'échanges. Je pense que la commission va disposer d'au plus 45 à 50 minutes d'échanges. On verra à allouer des enveloppes de temps. La parole est au ministre.

M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente. Ce que je peux vous dire en remarques préliminaires, c'est qu'au fur et à mesure que nos travaux progressent je m'interroge à savoir si je ne devrais pas demander qu'on fasse des vérifications dans les 121 autres comtés de la province. De la façon dont les choses vont, c'est toujours le comté de Sherbrooke qui est cité en exemple.

Une voix: Avec raison.

M. Pagé: Cela se comprend.

M. Fréchette: Je me demande...

M. Pagé: C'est parce que siège à cet endroit le député qui a le plus de pouvoirs.

M. Fréchette: J'essaie de voir quels sont les motifs.

Mme la Présidente, vous permettrez que je remercie M. Toupin, M. Pouliot et tous les membres qui les accompagnent pour la présentation de leur mémoire, le soin qu'ils ont sans doute mis à le préparer et le temps qu'ils ont dû y consacrer. Vous l'avez constaté, le conseil provincial a touché à tous les aspects des situations dont nous discutons depuis un bon moment, et à chacun des chapitres, à chacun des dossiers étudiés, il y va de ses recommandations. (11 heures)

Vous avez - il fallait s'y attendre, c'est tout à fait normal - consacré beaucoup de temps à donner votre appréciation, à donner votre évaluation du règlement de placement. D'ailleurs, la position de votre conseil à cet égard est connue depuis toujours. Elle est par ailleurs très claire. Il s'agit simplement de lire le commentaire que vous faites à la page 17 du mémoire où toute votre pensée peut être résumée dans les trois mots suivants: le retirer carrément. Je ne voudrais pas, à ce stade-ci de nos travaux, entrer dans la discussion de fond à cet égard. Il y a cependant une ou deux questions qui pourraient permettre d'éclairer un certain nombre de choses et pour lesquelles les réponses pourraient également être fort utiles au moment opportun, quand arrivera le temps de prendre des décisions. Une première observation ou, en tout cas, un premier éclaircissement que je souhaiterais pouvoir obtenir en est un qui concerne le commentaire que vous faites à la page 21 de votre mémoire lorsque vous affirmez au deuxième paragraphe - et je vous cite au texte: "Toutes les parties sont unanimes sur un point: ce règlement est pour l'essentiel et dans sa forme actuelle, néfaste à notre industrie."

C'est, par interprétation, la répétition de ce que vous disiez à la page 17, à savoir de le retirer carrément. Cela m'apparaît être cela assez clairement comme situation. Mais quand vous dites que toutes les parties s'entendent sur ce point, je souhaiterais que vous puissiez, à partir des mémoires qu'on a entendus hier - et je fais allusion de façon plus particulière à celui de la CSD et à celui de la CSN - attirer notre attention dans l'un ou l'autre de ces mémoires sur une observation ou une recommandation qui serait de même nature. On a tellement parlé de consensus depuis le début de nos travaux que si vous arrivez à nous faire la preuve ou à nous convaincre que toutes les autres parties vous suivent sur cette avenue, il y a probablement beaucoup de difficultés qui pourraient disparaître. Où et comment dans les mémoires qu'on a entendus jusqu'à maintenant, des conclusions semblables peuvent-elles être tirées?

M. Pouliot: Mme la Présidente, lorsqu'on mentionne que les parties sont unanimes sur un point et que "ce règlement est, pour l'essentiel et dans sa forme actuelle, néfaste...", cela veut dire que pour d'autres centrales syndicales comme la CSN, la CSD et la FTQ, il est clair qu'ils ne demandent pas l'abolition du règlement de placement comme le demande le Conseil provincial international ou l'AECQ, mais vous avez en annexe une lettre ou une entente qui a été signée par la CSN-Construction, la FTQ-Construction et le Conseil provincial à la page 25 où on demande que le règlement soit modifié concernant la référence que fait l'Office de la construction des travailleurs. Donc, ce qu'on veut dire, c'est que le règlement, dans sa forme actuelle fait une chose. Il fait l'unanimité. Tout le monde est contre pour différentes raisons. L'Association des entrepreneurs en construction du Québec est contre parce qu'elle veut l'abolition des bureaux de placement syndicaux. C'est l'inverse de la position des unions internationales. On est contre, mais on veut l'exclusivité du placement syndical. Donc, ce n'est pas pour les mêmes raisons. C'est pour cette raison qu'on dit qu'il y a effectivement des modifications à apporter.

Quant à nous, chaque fois que le gouvernement ou l'Office de la construction a amendé le règlement de placement, il ne l'a pas fait dans l'intérêt de l'industrie de la

construction, à notre avis, et cela cause une multitude de problèmes. Il ne faut sûrement pas éliminer les problèmes des frontières qui existent dans tout le Canada et l'Amérique du Nord. Pour l'International, il est clair qu'on pense qu'il ne devrait pas y avoir de frontières et qu'un travailleur devrait avoir le droit de travailler librement partout dans tout le Canada, même dans la province de Québec.

M. Fréchette: Votre position, M. Pouliot - je l'ai dit il y a un instant - est très claire. Elle l'a toujours été, d'ailleurs. L'AECQ demande également l'abolition pure et simple du règlement, mais cette observation m'a un peu surpris. Les commentaires que vous venez de faire contribuent à clarifier la situation, sauf que ceux qui ne sont pas satisfaits du règlement dans sa forme actuelle demandent qu'il soit renforcé. S'il y a des contraintes, comme vous le plaidez, il y a des gens qui demandent qu'il y en ait davantage. Vous avez répondu à ma satisfaction à la question que je vous ai posée.

Il y a une autre observation que je voudrais vous faire et qui pourra prendre, bien sûr, la forme d'une question. Sous réserve de toutes les objections que vous manifestez à l'endroit du règlement, sous réserve aussi de votre revendication principale qui est celle de l'abolir, je voudrais simplement vous poser la question suivante. Ce n'est pas à des syndicalistes comme vous l'êtes que je vais apprendre que l'ancienneté, dans n'importe quelle convention collective, est le principe à peu près le plus sacré qui puisse exister. Est-ce que vous êtes d'opinion qu'au moins à cet égard-là essayons de faire abstraction des autres difficultés que le règlement peut amener - le règlement de placement, dans sa forme actuelle, peut être l'équivalent de n'importe quelle clause d'ancienneté qui existe dans toute convention collective qui a le moindrement de bon sens?

M. Pouliot: II est clair qu'il y a un contrôle quantitatif et une forme d'ancienneté ou de sécurité d'emploi qui existe dans le règlement de placement. Il faut aussi regarder l'autre aspect concernant tous ceux à qui on a interdit de travailler dans l'industrie de la construction. Il s'agit de parler d'un plombier qui a travaillé six ou sept années comme apprenti et qui, finalement, a réussi à obtenir la carte de compétence et se retrouve, parce qu'il y a du chômage dans une région quelconque ou qu'il est en chômage par rapport à la situation économique, sans certificat de classification. Il faudrait regarder aussi le problème qui a existé au cours de l'année 1977. Lorsqu'on parle du règlement de placement, on peut voir qu'en 1975, les heures travaillées dans l'industrie de la construction étaient de 155 000 000 enregistrées à l'Office de la construction. Il y avait aussi du travail au noir à l'époque, selon notre opinion.

On a effectivement pénalisé certains travailleurs en ne leur donnant pas le certificat de classification. Pour répondre directement à votre question, je pense que le règlement de placement est effectivement une forme d'ancienneté et de sécurité d'emploi dans l'industrie de la construction. On pense qu'on peut atteindre les mêmes objectifs avec un remplacement du règlement de placement par le truchement de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles dans l'industrie de la construction. Nous l'avons mentionné très clairement lors de différentes rencontres que nous avons eues avec vous, M. le ministre, à savoir que nous pensons que cela devrait relever du ministère du Travail. La formation et la qualification professionnelles, le règlement de placement et le contrôle quantitatif et qualificatif de la main-d'oeuvre font un tout et doivent effectivement faire l'objet de consensus et de discussions au cours des prochaines semaines ou des prochaines années.

M. Fréchette: Bien. Je fais référence maintenant à un autre chapitre de votre mémoire, celui du tribunal de la construction. Votre mémoire est très probablement celui qui a le plus approfondi cette suggestion-là. Vous y êtes allés, comme je le disais hier, non seulement de suggestions très précises, mais d'une espèce de proposition de loi, si je peux m'exprimer comme cela, en rédigeant un texte législatif dont pourrait éventuellement s'inspirer le législateur.

J'ai compris également que l'ensemble des associations que nous avons entendues jusqu'à maintenant semble souscrire aux propositions que vous faites tant au niveau du principe de la formation d'une instance habilitée avec toutes les juridictions exclusives en matière de construction qu'au niveau de la forme que pourrait prendre cette institution.

M. Toupin, je voudrais simplement essayer d'obtenir votre appréciation du texte que l'on retrouve à la page 60 de votre mémoire, plus particulièrement le paragraphe e) de ce que pourrait être éventuellement un article 7. Vous suggérez que ce tribunal de la construction puisse être habilité à disposer "de toute poursuite civile résultant de la convention collective, du décret ou de la loi." Vous devinez sans doute ce à quoi je vais faire référence vu qu'hier on a soulevé la question. Elle est davantage pertinente parce que, dans votre mémoire, vous faites référence à une cause civile de 100 000 $ dans laquelle le jugement tarde à venir. Ma

question, c'est la suivante: Que ce tribunal de la construction soit créé, peu importe la forme qu'il pourrait prendre, peu importe le genre d'institution que ce pourrait être, vous nous suggérez, quant à vous, que le tribunal soit formé de juges de la Cour provinciale, mais est-ce que vous n'êtes pas d'opinion que, dans l'état actuel du droit, ce tribunal ne pourrait pas être saisi de dossiers dans lesquels les intérêts en jeu déborderaient 15 000 $ pour les motifs que, lorsqu'on déborde les 15 000 $, vous le savez, depuis les amendements récents à la loi, on doit se retrouver devant la Cour supérieure? Qu'est-ce qui arriverait dans cette situation-là?

M. Toupin: Dans l'étude des arrêts de la Cour suprême qui ont été mentionnés au mémoire sur la validité constitutionnelle des tribunaux administratifs ou des tribunaux inférieurs, comme on les qualifie en regard de la Cour supérieure, on a regardé les textes qui peuvent conclure ou qui font conclure la Cour suprême à savoir si ces tribunaux, comme le Tribunal du travail, la Régie du logement, sont constitutionnels ou non en regard de l'article 96 de la constitution canadienne. Après vérification et lecture des différents textes judiciaires concernant une assiette financière de juridiction comme celle dont vous parlez, 15 000 $, aucun des arrêts de la Cour suprême en regard d'un texte de constitutionnalité ne s'arrête sur le montant que peut allouer un tribunal inférieur. À titre d'exemple, un arbitre de grief peut, à la suite d'un congédiement illégal, ordonner à l'employeur de verser au salarié une somme qui pourrait être de 25 000 $, 30 000 $, à titre de salaire perdu; certains cas de violation à la convention collective pourraient, par exemple, dans un grief collectif comportant une centaine de travailleurs, amener des milliers de dollars de dommages et intérêts. Cela ne semble pas préoccuper la Cour suprême quant à la constitutionnalité du tribunal inférieur.

Ce sont plutôt d'autres critères, d'autres textes, à savoir si, au moment où la constitution canadienne a été adoptée, ces cours supérieures avaient tel pouvoir ou pas. En relations de travail, c'est toute la particularité du secteur. Au moment où la constitution canadienne a été adoptée, le partage des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire, les relations du travail ou le droit du travail n'existait pas comme cela existe aujourd'hui.

Pour revenir à votre question, l'assiette financière, jusqu'où un tribunal administratif ou inférieur peut adjuger au niveau financier, cela n'est pas, au moment où on se parle, en tout cas, une préoccupation de la Cour suprême sur la constitutionnalité des tribunaux administratifs. C'est peut-être à analyser parce qu'ils peuvent, dans un jugement éventuel, le soulever puisque cela n'a pas été soulevé jusqu'ici. Pour l'instant, cela ne semble pas être une préoccupation d'ordre constitutionnel de la Cour suprême. C'est ce que je peux vous dire là-dessus.

M. Fréchette: Je comprends également que votre recommandation indirecte, c'est d'être prudent à cet égard. Il faut fouiller davantage la question.

M. Toupin: Parce que je ne doute pas des compétences. Par exemple, le gouvernement peut établir ses lois en conséquence. C'est que, comme nous le disons, à un moment donné, dans le mémoire, il y a une crise, présentement, de la justice administrative au Canada. En d'autres termes, les tribunaux rendent beaucoup de jugements et les auteurs de doctrines, en tout cas, se demandent jusqu'où va aboutir la présente crise. C'est là-dedans que s'inscrit, évidemment, notre suggestion d'un autre tribunal administratif alors que, si vous me permettez l'expression anglaise, les autres tribunaux administratifs sont "challengés" présentement devant la Cour suprême. (11 h 15)

M. Fréchette: Cela va là-dessus. Une dernière question, quant à moi, toujours à propos de la suggestion de la formation du tribunal de la construction. Je voudrais être sûr d'avoir bien compris la forme de structure que vous suggérez, ou plutôt d'avoir mal compris. Enfin, vous m'éclairerez là-dessus. Dans un premier temps, vous suggérez la formation de ce tribunal de la construction qui serait habilité à entendre un certain nombre de litiges que vous identifiez aussi très clairement. Est-ce que j'ai compris que ce serait le même tribunal qui serait habilité à siéger en appel de ses propres décisions?

M. Toupin: Pas du tout, M. le ministre.

M. Fréchette: C'est ce que je voulais clarifier.

M. Toupin: Pas du tout. Vous allez remarquer dans le projet que le tribunal de la construction aurait une juridiction de première instance. Donc, c'est le premier endroit où on irait avec les litiges énumérés à l'article 7 qui sont tous des recours existant présentement dans la loi, mais à différents tribunaux administratifs tels que le commissaire du travail, le commissaire de la construction, le tribunal d'arbitrage. Donc, le tribunal du travail aurait une juridiction de première instance à ce niveau. On a prévu qu'il y aurait une possibilité d'appel devant les tribunaux de droit commun lorsque le tribunal de la construction décide en matière civile, pour des réclamations civiles, et décide en matière pénale, pour des plaintes

pénales. Tout le reste: juridiction finale. Lorsqu'on dit, par contre, à l'article 8, que le tribunal de la construction a une juridiction en appel, cette fois, c'est en appel de décisions rendues par l'office en première instance. D'accord?

M. Fréchette: Cela va. Cela clarifie très bien la situation. J'ai terminé, Mme la Présidente, merci.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier Me Toupin, M. Pouliot et les représentants du conseil provincial pour le mémoire assez exhaustif et bien documenté qu'il nous ont présenté ce matin.

Avant de passer aux questions, j'aurais quelques commentaires à formuler. Il faut dire que j'y ai décelé seulement une petite erreur et c'est probablement une erreur de frappe. C'est à la page 68 où vous dites: "Cette année, le gouvernement a été dans l'obligation d'endosser un prêt qui est en sérieuse difficulté." Je suis d'avis qu'on aurait dû y lire: Cette année, le gouvernement, qui est en sérieuse difficulté, a été dans l'obligation d'endosser un prêt.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Pagé: Je voudrais vous remercier pour les propositions qui sont peut-être apparues à plusieurs comme étant un peu trop détaillées, trop exhaustives, concernant le tribunal de la construction. On sait que l'implantation éventuelle d'un nouveau tribunal administratif au Québec fait l'objet de larges consensus chez les intervenants, d'une part; d'autre part, le gouvernement se doit d'être plus que très judicieux dans son analyse concernant la possibilité d'implanter un tribunal de la construction au Québec, compte tenu de l'expérience et des décisions des tribunaux supérieurs à l'égard de la validité ou de la constitutionnalité de ces tribunaux. Quand même, l'effort de réflexion et les propositions que vous nous soumettez ce matin pourraient très certainement constituer un document de base et un texte d'appui pour permettre aux gens du ministère du Travail et au ministre de se guider dans la préparation d'une loi éventuelle qui, je l'espère, sera annoncée par le ministre à la fin de nos travaux, tel qu'il s'y est engagé hier - je vais tenter de le citer le mieux possible - lorsqu'il nous disait à la fin de la séance: Là où il semble y avoir des consensus, je prendrai des positions bien déterminées, bien établies. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on anticipe ce moment-là.

On prend bonne note aussi - et je suis persuadé que le ministre du Travail en a pris bonne note - de votre recommandation qui a beaucoup de sens et qui touche l'application du décret, à savoir que le décret s'applique jusqu'au renouvellement du décret suivant, c'est-à-dire qu'on n'ait pas de vide juridique qui oblige, malheureusement, le ministre du Travail à décréter une prolongation du décret. Tout cela est bien intéressant.

Vous comprendrez que vos commentaires sur le règlement de placement ont trouvé une oreille attentive puisque vous n'êtes pas sans savoir la position que nous avons adoptée à l'égard de ce règlement de placement. Votre argumentation diffère de façon très substantielle de la position adoptée hier, entre autres, par la CSN à l'égard du règlement de placement. Vous soutenez, vous acceptez comme nous le fait que le règlement de placement aura contribué à éliminer des milliers et des milliers de vrais travailleurs de la construction. Depuis l'application de ce règlement, des gens qui possédaient un certificat de qualification, des gens qui, en 1978, se sont vu octroyer un certificat de classification des gens qui étaient de véritables travailleurs de la construction l'ont perdu en raison de l'application de ce règlement. Des représentations vous sont faites par vos membres. Vous représentez un pourcentage fort appréciable des travailleurs de la construction, comme d'autres syndicats pour d'autres métiers. Par exemple chez les calorifugeurs, 94% sont affiliés à votre syndicat; chez les chaudronniers, 96%; chez les ferblantiers, 81%; chez les mécaniciens d'ascenseur, 76,9%; chez les monteurs d'acier, 86%, etc. Vous avez donc été très certainement en mesure de voir et de constater les fluctuations de permis de travail et de certificats de classification chez vos travailleurs. Pourriez-vous nous indiquer le nombre de travailleurs qui étaient de véritables travailleurs, au sens de Pierre-Marc Johnson lorsqu'il a présenté le règlement, qui sont devenus des illégaux, des interdits et qui seraient allés enrichir le nombre de travailleurs qui s'adonnent au travail au noir? C'est le premier volet de la question.

Le deuxième volet de la question, toujours concernant le règlement de placement. Vous avez fait référence à l'effet de l'application de ce règlement sur les autres provinces. J'aimerais - on pourrait profiter de votre venue ce matin - que vous nous indiquiez le nombre de travailleurs qui sont affiliés au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qui sont régulièrement à l'extérieur, dans d'autres provinces du Canada, dans d'autres pays, dans des États américains. J'ai déjà eu des informations disant que c'était un chiffre assez appréciable, le nombre de travailleurs québécois qui étaient sur les chantiers un peu partout en Amérique. Vous avez très

certainement eu des réactions des travailleurs ou des syndicats des autres provinces à la suite de l'application du règlement de placement au Québec.

Le troisième volet de la question, toujours sur le règlement de placement. Vous soutenez que l'application du règlement de placement par l'OCQ coûte cher en capital financier et en capital humain chez les travailleurs et les travailleuses de l'OCQ. Vous faites référence à l'intégration de services qui est obligatoire. Voulez-vous dire par là que, du fait que le règlement a été adopté, cela a réorienté ou modifié substantiellement la mission de l'OCQ? Deuxièmement, est-ce que cela s'est fait au détriment des services que doit normalement consentir l'OCQ aux travailleurs?

La Présidente (Mme Harel): M. Pouliot.

M. Pouliot: Mme la Présidente, je pense qu'il est très difficile de savoir effectivement combien de travailleurs travaillent au noir dans l'industrie de la construction dans différents métiers et de donner un chiffre là-dessus. Lorsqu'un travailleur a perdu son certificat de classification, même s'il détient une carte de qualification et qu'il est compétent, finalement ce type n'a pas d'autre choix que d'aller travailler illégalement. Plusieurs travailleurs sont sur la liste d'attente. D'un métier à l'autre, le laps de temps varie pour un travailleur avant qu'il revienne dans son métier. Il y a même eu une directive de l'Office de la construction. On veut réserver une moyenne d'heures et vanter le règlement de placement, disant que les vrais travailleurs augmentent leurs heures de travail. Effectivement, on peut prendre un ferblantier et l'inciter à aller dans un autre métier où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, comme celui d'électricien. C'est le même travailleur. Mais qu'est-ce qu'on fait dans le cas du ferblantier qui détient une carte ds compétence, qui a perdu son certicat de classification ou qui ne l'a jamais obtenu? Cela a aussi comme conséquence un vieillissement de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Lorsqu'on dit à un travailleur de la construction de 50 ou 55 ans d'apprendre un autre métier, je pense que le travailleur n'en a plus les moyens. Une décision qui a été rendue le 7 juillet 1982 par l'Office de la construction a été l'incitation aux travailleurs d'apprendre un deuxième métier. Il y a donc des centaines de travailleurs qui sont obligés de travailler au noir et qui sont membres du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Concernant les travailleurs des unions internationales qui oeuvrent à l'extérieur de la province de Québec, ce qu'on peut dire, c'est qu'au minimum 10% de nos travailleurs annuellement vont à l'extérieur du Québec, soit dans les autres provinces du Canada ou aux États-Unis. Il y a même des chiffres que l'Office de la construction peut nous donner. Ce sont des chiffres qui ne sont pas définitifs concernant les ententes de réciprocité sur les fonds de retraite. Donc, effectivement, il y a des ententes entre les provinces et les locaux affiliés au conseil provincial concernant les millions d'heures que les travailleurs québécois vont effectuer à l'extérieur de la province de Québec. La même réciprocité n'existe pas vis-à-vis des travailleurs des autres provinces qui peuvent difficilement venir travailler dans l'industrie de la construction au Québec.

Concernant les coûts, effectivement, je pense que vous êtes conscients de l'impact et des complications qu'ont occasionnés les coûts d'administration du règlement de placement et tout le chambardement que cela a apporté. L'entrepreneur est obligé d'avoir un numéro avant d'embaucher un travailleur et, quand le travailleur est licencié ou congédié, le même phénomène se produit. Des numéros sont donnés aux entrepreneurs des différentes régions.

Cela a également occasionné des problèmes dans d'autres services. L'Office de la construction du Québec a été créé pour veiller à l'application de la convention collective ou du décret. Ce qui arrive, c'est que, de plus en plus, on donne des mandats à l'Office de la construction et cela a comme conséquence de surcharger, entre autres, l'informatique de l'office. Malheureusement, on a besoin des informations et l'Office de la construction du Québec nous répond: C'est un problème d'informatique. La pauvre machine ne parle pas. C'est toujours le problème d'informatique. Effectivement, il y a des problèmes sérieux qui existent par rapport à toute l'organisation et au travail de bureau que causent le rencensement que fait l'Office de la construction, les permis de placement, ainsi de suite.

M. Pagé: M. Pouliot, toujours sur le règlement de placement, vous êtes président d'un syndicat qui représente 30,9% des travailleurs de la construction. C'est un nombre de travailleurs, quand même, très substantiel, c'est près de 22 000 travailleurs qui ont adhéré à votre syndicat. Vous soutenez, contrairement à d'autres syndicats, à d'autres associations représentatives, que le règlement de placement devrait être aboli. Devons-nous comprendre de vos propos que le règlement de placement aurait contribué à augmenter le nombre de travailleurs au noir? Deuxièmement, est-ce que, selon vous, l'abolition du règlement de placement contribuerait, de façon indirecte, mais quand même significative, à la diminution du travail au noir? C'est ce que je veux vous entendre dire, ce matin.

M. Pouliot: C'est effectivement ce qu'on croit. L'élimination de la carte de classification aurait comme conséquence de faire travailler les salariés de l'industrie de la construction légalement. Entre parenthèses, pour moi, lorsqu'un travailleur a réussi a obtenir une carte de compétence, c'est un vrai travailleur de l'industrie de la construction. Il y a plusieurs avocats à cette commission parlementaire et, même s'ils sont députés, ils sont aussi avocats.

Du fait que le travailleur ne puisse pas travailler légalement, il devient un illégal, il travaille sous la couverture, il ne paie pas les impôts, avec toutes les conséquences concernant l'administration de l'Office de la construction du Québec. Souvent, ces travailleurs oeuvrent sur des chantiers subventionnés par Corvée-habitation avec l'argent des travailleurs de l'industrie de la construction. Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) se doit de le dénoncer. C'est 0,125 $ l'heure qui sont pris à même nos fonds de retraite pour faire travailler les braconniers, les artisans et aussi les chaudrons. Effectivement, je pense que, si on élimine le règlement de placement, ce sera une source d'élimination du travail au noir.

Évidemment, il faut bien comprendre aussi qu'on n'est pas d'accord que les pompiers, les policiers, les chauffeurs de taxi viennent prendre les emplois des travailleurs de l'industrie de la construction. On veut un contingentement de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, mais on pense qu'on n'a pas besoin de l'Office de la construction ou d'un règlement de placement qui délimite différentes frontières à l'intérieur du Québec. Cela nous apparaît totalement inacceptable.

M. Pagé: Plusieurs vous répondront, M. Pouliot, que l'abolition du règlement de placement et du certificat de classification ne donnera pas plus d'heures de travail. Ce à quoi vous répondez, je pense, si j'ai bien compris votre mémoire, que l'abolition du règlement de placement devrait, dans les réformes qui devraient être acceptées par le ministre, être accompagnée par l'élargissement du champ d'application de la loi. (11 h 30)

M. Pouliot: Effectivement, je pense que lorsqu'on parle du champ d'application de la loi, c'est le problème no 1 dans l'industrie de la construction et là-dessus je pense qu'il se dégage un certain consensus, tant du côté patronal que du côté syndical. Lorsqu'on parle des travaux comme les mines, comme la machinerie de production qui sont exclus de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction ou du décret, finalement, cela a comme conséquence de perdre des millions d'heures qui devraient normalement être effectuées par les salariés de l'industrie de la construction. Si des compagnies comme Mines Noranda - on pourrait parler d'autres grosses industries -n'ont pas la capacité de payer, comment le consommateur peut-il avoir la capacité de le faire? Finalement, c'est ce qu'on a demandé.

Avant de commencer les négociations dans l'industrie de la construction, on voulait savoir exactement ce qu'on négociait. Le décret de la construction contient tellement d'exceptions qu'on vise à enlever les exceptions pour savoir exactement ce qu'est l'industrie de la construction, parce qu'on est en train de se poser une question, M. Pagé: Est-ce que l'industrie de la construction, ce n'est pas finalement juste la construction des maisons unifamiliales que le consommateur a à payer? Les grosses industries ont tellement de formules et de tours pour échapper au champ d'application de la loi et c'est ce qu'on veut éliminer. Les municipalités, je pense, ont sûrement les moyens de payer. Le gouvernement du Québec, lorsqu'il fait exécuter des travaux de construction, a aussi les moyens de payer, à ce que je sache.

Il y a aussi tout le problème des rénovations. Je pense que les rénovations doivent être assujetties au décret de la construction, contrairement à ce qui existe actuellement. J'ai souvent entendu les entrepreneurs mentionner le pauvre gars qui est obligé de prendre cinq ou six corps de métiers pour enlever un morceau de gyproc ou pour poser une hotte; cela prend un électricien, un ferblantier, un charpentier-menuisier. Mais cela se fait, à un moment donné, dans un chantier de construction; il y a une journée où il va y avoir de l'électricité dans cette maison, il va y avoir un ferblantier qui va aller là. Les métiers sont là.

Donc, je pense que, sur des travaux de réparation et d'entretien, on est d'accord pour qu'il y ait des exclusions pour la protection du consommateur, pour que cela se fasse à des taux réduits. On n'a pas d'objections. Ce sont les recommandations syndicales. C'est ce qu'on vous demande. Mais il ne faudrait surtout pas sortir du champ d'application tous les problèmes qu'il y a, les exclusions, les décisions rendues par le commissaire. Le commissaire a toujours tendance - il "avait" cette tendance, parce que le commissaire de la construction a tout de même été remplacé - à exclure du champ d'application de la loi certains travaux qui, à notre avis, doivent être clairement identifiés comme des travaux faits par des salariés de l'industrie de la construction, exécutés à pied d'oeuvre. De là vient sûrement le phénomène ou la raison pour laquelle la construction a diminué autant que cela. Il y a la situation économique. Il y a sûrement le travail au noir, mais il y a souvent aussi le champ d'application de la loi.

M. Pagé: Vous semblez avoir fait une analyse des décisions rendues par le commissaire de la construction. Vous avez, d'ailleurs, référé dans votre mémoire à des cas dont un dans le comté de Sherbrooke.

Des voix: Ah! Ah!

M. Pagé: Je ne veux pas dire que le ministre a appelé Évariste, là. Au contraire. Je ne veux pas prétendre cela. Loin de moi cette idée. À la lumière de l'analyse que vous avez faite, si la loi avait été modifiée pour inclure dans le champ d'application et inclure dans la construction toute la notion des équipements de production ou encore si la définition était beaucoup plus restrictive et plus limitée, avez-vous pu évaluer combien on aurait eu d'heures de plus dans la construction au Québec depuis quelques années?

M. Pouliot: Si on parle de l'année 1983, selon les informations qu'on peut obtenir, c'est quelque chose de l'ordre de 10 000 000 d'heures. Même à la Baie James, des turbines ont été installées par des travailleurs hors construction, par Marine Industrie et ainsi de suite. Tout cela représente des millions d'heures qui échappent à l'industrie de la construction. Elles n'y échappaient pas avant, mais à la suite de toutes les décisions, il est urgent que le ministre du Travail amende la loi sur le champ d'application.

M. Pagé: De toute façon, il y a un large consensus. On se rappelle avec combien de force l'AECQ a plaidé hier pour l'élargissement du champ d'application et je pense que tous les syndicats seront d'accord. Ce sera au ministre de décider.

Une dernière question. Sur la formation professionnelle, vous avez aussi un volet qui est assez exhaustif. C'est un problème particulier, assez important et assez grave, dirais-je, la formation des jeunes. Pouvez-vous nous indiquer si, comme syndicat, vous participez à l'élaboration des programmes, tel que se fait la formation actuellement? J'apprécierais aussi avoir vos commentaires sur l'accès des jeunes, de ceux qui sont formés au marché du travail. J'aimerais avoir vos commentaires sur le contrôle en cours d'apprentissage. Enfin, vous avez fait référence, dans vos annexes, aux examens. Est-ce que vous remettez en cause les examens tels qu'ils sont rédigés ou conduits par les autorités? Je voyais que, dans le cas des peintres entre autres, ce sont trois examens que certains travailleurs ont subis et ils ont échoué. À l'expérience, je retiens, pour ma part, que dans certains cas ce sont tous les travailleurs qui se présentent à leurs examens qui, bien souvent, échouent en même temps. C'est assez curieux et bien souvent ils ont tous la même note. J'apprécierais donc si vous pouviez nous faire part de vos commentaires et de votre expérience à l'égard de tout cet aspect de la formation et du contrôle de la qualification.

M. Pouliot: Concernant les centres de formation professionnelle, le conseil provincial participe. Je peux même vous dire que j'ai été très récemment élu président des CCR-Construction pour la région de Montréal métropolitain. On a donc l'intention que cela fonctionne. Dans toute cette superstructure qu'est la formation et la qualification professionnelles, on s'aperçoit qu'on est inondé par des métiers hors construction dans les centres de formation professionnelle qui, à notre avis, appartenaient à l'industrie de la construction. On nous a dépossédés et, finalement, ce qui se produit actuellement, c'est un recul de 25 ans en arrière.

Quant aux examens qu'on vous a mentionnés - vous avez certaines copies des peintres en annexe - j'ai limité cela à quelques exemples, mais le même phénomène se produit dans le cas des couvreurs, des ferblantiers, des plombiers et dans tous les métiers. Tout le système d'examens doit être mis à jour. Lorsqu'on parle des examens que les travailleurs ont à subir, il y a un pourcentage très élevé de travailleurs qui manquent ce qu'on appelle le "red seal" qui fait que le travailleur peut travailler partout au Canada lorsqu'il réussit l'examen prévoyant le sceau rouge. Tout cela est donc à regarder.

Quant à la question des jeunes, pour le conseil provincial, ce qui se produit actuellement est totalement inacceptable. On incite les jeunes, dans les cégeps, à aller dans les métiers de l'industrie de la construction sans en connaître réellement les débouchés. Cela devrait faire partie du consensus des parties dans l'industrie de la construction. Il n'est pas question d'éliminer l'entrée des jeunes dans l'industrie de la construction. On l'a mentionné, certains métiers chez nous sont d'accord pour que le ratio soit changé et sont prêts à en discuter afin qu'il y ait des jeunes qui entrent dans l'industrie de la construction.

Que le ministère de l'Éducation cesse, cependant, d'orienter les jeunes dans l'industrie de la construction parce qu'on en fait tout simplement des chômeurs par la suite. Lorsqu'on sait que 50% des travailleurs de la construction sont en chômage, à quoi sert-il d'orienter les jeunes dans un métier d'électricien dans l'industrie de la construction? Je pense qu'il faudrait faire travailler ceux qui sont déjà en place et, par la suite, penser à en entrer d'autres. Je pense que ce doit être la décision des parties dans l'industrie de la construction. Là-dessus, je dois vous dire qu'on s'entend

avec le patronat sur toute la question de la formation et de la qualification professionnelles. Les cours doivent sûrement être tous révisés pour tenir compte de la réalité de 1984 et non des années soixante-dix. Je pense que le ministère de la Main-d'Oeuvre, le ministère du Travail ou le ministère de l'Éducation ont tous ces documents sur des tablettes. Je parlais récemment avec un haut fonctionnaire et il disait: On pourrait sortir le dossier, enlever la poussière dessus et la formation professionnelle, ça pourrait fonctionner. Il n'y a absolument rien qui se fait là-dedans, à notre avis, ou presque rien.

M. Pagé: M. Pouliot, en terminant, je dois vous dire que nous souscrivons à l'opinion que vous émettez, à savoir que le gouvernement du Québec devrait s'engager, dans les meilleurs délais, à revoir toute la politique de la formation professionnelle de la main-d'oeuvre dans le monde de la construction. Je suis persuadé que le ministre pourra peut-être nous formuler des indications plus précises à la fin des travaux de cette commission. Aussi, j'ose espérer que le ministre et le gouvernement auront entendu la proposition que vous avez formulée ce matin, à savoir que le ministre du Travail soit invité à participer au comité ministériel qui est chargé d'étudier cette question de la formation de la main-d'oeuvre.

M. Pouliot, une dernière question qui va être très brève. Nous sommes ici pour étudier les problèmes de fond de l'industrie de la construction. Il semble se dégager des consensus. Tout le monde espère que cela pourra déboucher sur des modifications qui seront acceptées par les parties, par les intervenants dans le monde de la construction. Il y a aussi un autre élément qui est là en toile de fond. C'est qu'on a un décret dans le monde de la construction qui s'applique jusqu'au 1er septembre. Je ne voudrais pas revenir sur toutes les péripéties qui ont accompagné les négociations, les rencontres, la médiation, etc. Très brève question. Les travaux de la commission se terminent mercredi. Êtes-vous prêt, dans des délais assez brefs, à commencer à négocier?

M. Pouliot: M. Pagé, je pense que le conseil provincial a toujours été prêt à négocier de bonne foi. D'ailleurs, c'est le conseil provincial qui a demandé au ministre du Travail de nommer un conciliateur pour faire avancer le dossier dans l'industrie de la construction. Nous, on veut négocier de bonne foi. Il nous apparaît très évident que, actuellement, l'Association des entrepreneurs en construction n'a pas l'intention de négocier de bonne foi lorsqu'on va chercher simplement les conventions collectives qui ont eu des reculs. On va aller chercher, de notre côté, des conventions collectives qui ont aussi eu des augmentations de salaire. Donc, pour répondre à votre question, oui, on est prêts à négocier sept jours par semaine s'il le faut et on est disponibles, je le dis devant la commission parlementaire.

La Présidente (Mme Harel): M. Pouliot, il reste au plus cinq minutes pour l'audition de l'organisme que vous représentez. Plusieurs membres de la commission m'ont demandé d'intervenir. Je vais, malheureusement, devoir limiter aux cinq prochaines minutes les droits d'intervention. Il y a le député d'Outremont qui a demandé la parole. Il y a le député de Hull, le député de Beauharnois, il y a moi-même. On va y aller d'abord avec le député d'Outremont. On verra ensuite le temps qu'il nous restera. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci. Depuis hier, on étudie une situation complexe, bien sûr: manque de travail, travail au noir, loi qui doit être améliorée, qui est un peu dépassée, rivalités intersyndicales, difficultés de négociation. Il est un fait quand même -vous y faites allusion, d'ailleurs, dans votre mémoire - c'est la formation des travailleurs. Dans votre section sur la formation et la qualification professionnelles, vous faites état de la nécessité de qualifier ou de former les travailleurs de plus en plus. Hier, il y a un syndicat qui a proposé l'abolition de la représentation par métier sur la base que, lorsqu'on cantonne les travailleurs dans certains métiers, ces métiers deviennent périmés avec le temps. On a l'exemple des plâtriers qui, avec le temps, sont dépassés parce qu'il n'y a plus de travail de plâtrier comme tel. Ce sont les tireurs de joints maintenant.

La question que j'aimerais vous poser -je ne vous demanderai pas si vous êtes d'accord ou non avec la recommandation qui a été faite hier - porte plutôt sur le développement technologique. Votre conseil représente, je crois, les métiers peut-être les plus sophistiqués, du moins dans la grande industrie, d'après ce que j'en sais, et vous êtes conscient du développement technologique. Dans quelle mesure le cantonnement des travailleurs par métier permet-il, justement, que les développements technologiques puissent être pris en considération? Dans quelle mesure, lorsqu'on cantonne des travailleurs dans certains métiers bien spécifiques, est-il possible de faire face au développement technologique? Quelle que soit la loi, quels que soient les syndicats, quelles que soient certaines des données de la conjoncture d'aujourd'hui, nous savons, vous et moi, que nous aurons à faire face au développement technologique de l'avenir. La question que je vous pose, c'est comment y faire face sur la base de l'organisation qui est la vôtre présentement.

M. Pouliot: En ce qui nous concerne, notre chapitre sur la formation est tout de même assez clair. Quant aux changements technologiques, si on remonte un peu dans les années antérieures, les maisons étaient toutes construites en plâtre. Aujourd'hui, c'est du gyproc. Il y a des tireurs de joints. Donc, les plâtriers sont devenus des tireurs de joints. Ils se sont recyclés. Ils se sont adaptés aux changements technologiques. Donc, il faut une adaptation et c'est là, quant à nous, qu'on espère beaucoup de la loi, de la formation, pour former des gens qui peuvent s'adapter aux changements technologiques dans l'industrie de la construction. (11 h 45)

M. Fortier: Alors, vous ne trouvez pas que l'organisation présente est une contrainte néfaste; vous dites qu'il y a, quand même, moyen de faire des aménagements avec des cours, tel que vous le proposez dans votre section sur la formation.

M. Pouliot: Le conseil provincial est une association représentative; les 23 métiers sont regroupés à l'intérieur du conseil provincial. Donc, lorsque des modifications sont apportées par des changements technologiques, il appartient à un corps de métier d'aller se recycler. Je ne comprends pas exactement le sens de changer. C'est une structure de métiers. Que le travail appartienne à un tireur de joints ou à un peintre, etc., cela ne change absolument rien. Il faut une adaptation. Le cas des peintres-tapissiers mentionné dans notre mémoire est un exemple frappant. On veut recycler les travailleurs pour qu'ils puissent exécuter ces travaux.

M. Fortier: Ce que vous dites, c'est que les structures ne sont pas un problème?

M. Pouliot: Aucun problème. M. Fortier: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, Mme la Présidente. Je souscris très volontiers à la proposition que vous faites à la page 17 concernant le règlement de placement; vous l'avez très bien explicitée, M. le président.

Par contre, à la page 32, concernant le ratio des apprentis et des compagnons, vous n'explicitez pas davantage le fait que certains métiers semblent être d'accord pour apporter certaines modifications. Est-ce qu'il y a eu un consensus dans certains métiers? Est-ce que des propositions concrètes ont été établies? Vous ne semblez pas tenir compte ici de la possibilité d'ouvrir davantage à l'apprenti les possibilités d'accroître son accès à des positions sur le marché du travail.

M. Pouliot: Ce qui s'est produit, c'est qu'on a demandé aux entrepreneurs, par l'entremise des comités de métiers, d'avoir des tables rondes et de discuter de ces problèmes. On a reçu un non catégorique de la part des entrepreneurs à ce sujet.

Chez nous, à l'intérieur de certains métiers affiliés au conseil provincial, on est prêts à apporter certaines modifications aux ratios. Dans l'industrie de la construction, il y a des ratios qui sont actuellement de 1-1. Prenons les mécaniciens d'ascenseur: le ratio est de 1-1. Dans le cas des plombiers, des électriciens et de plusieurs autres, c'est le ratio 1-2. Certains autres ratios, tels que ceux des menuisiers et des briqueteurs, sont de 1-5. Certains travailleurs m'ont dit qu'ils étaient prêts à discuter de certaines modifications, mais ce n'est pas l'association représentative, à notre avis, qui doit dire: On est d'accord pour modifier le ratio compagnons-apprentis à 1-3, ou 1-2, ou 1-1. Cela appartient aux travailleurs des métiers. Il y a matière à discussion. Je pense que cela revient aux entrepreneurs de discuter avec les travailleurs des métiers impliqués.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Dans un autre ordre d'idées, vous avez mentionné tantôt que vous souhaitiez vous soustraire au programme Corvée-habitation dans sa forme actuelle ou dans sa forme précédente, tenant compte du fait que cela semblait favoriser davantage le braconnage ou les artisans, lesquels ne contribuent pas, ou contribuent d'une façon très minime, au programme Corvée-habitation alors que les principales centrales versent actuellement une contribution de 0,125 $ l'heure.

Dans d'autres programmes existants, est-ce que vous avez constaté un avantage particulier? Je pense au programme des bons d'emploi de 3000 $ accordés aux jeunes afin de les aider à se tailler une place dans le domaine de la construction. Est-ce que, pour vous, cela a eu un certain succès pour créer des positions stables et à long terme ou si cela a simplement fonctionné pour des périodes très courtes et contribué à faire bénéficier ces jeunes de l'assurance-chômage par la suite?

M. Pouliot: Effectivement, les bons d'emploi donnent lieu à des périodes de travail très courtes pour un travailleur de la construction.

Quant à Corvée-habitation, je pense qu'en 1982, lors de l'adoption du projet de loi 82, le taux d'intérêt était de 19% ou de 20%; il y avait sûrement un besoin de créer Corvée-habitation. Le taux d'intérêt ayant chuté, on s'est aperçu par la suite qu'on

volait les "jobs" des travailleurs de l'industrie de la construction. C'est 0,125 $ l'heure - je le répète - qu'on prend à même les fonds de retraite des salariés de l'industrie de la construction. Ce n'est pas l'entrepreneur. L'entrepreneur exige 0,125 $ l'heure ou 0,15 $ l'heure du consommateur, mais le salarié de la construction, lorsqu'il va prendre sa retraite, va s'apercevoir des conséquences de Corvée-habitation. Si, au moins, c'étaient les travailleurs qui faisaient le travail, on serait d'accord, mais on s'est aperçu que c'est loin d'être cela.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois. Vous avez terminé, M. le député de Hull?

M. Rocheleau: J'aurais simplement une petite question additionnelle à poser, Mme la Présidente. Si, d'une part, à même les fonds de retraite, on utilise un montant de 0,125 $, à combien s'élève la part du gouvernement pour ce programme? Quelle est sa participation?

M. Pouliot: Je pense que le ministre Tardif est peut-être plus en mesure que moi de répondre à cette question. Selon les chiffres que j'ai pu obtenir, la participation du gouvernenemnt n'est pas très élevée actuellement. Elle le sera par la suite, mais la participation du gouvernement devait être très élevée. Je ne peux pas vous le dire. J'ai siégé à quelques reprises au conseil d'administration de Corvée-habitation.

Lorsque le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction a demandé le retrait du projet Corvée-habitation, j'ai démissionné comme membre de son conseil d'administration. Je ne détiens donc pas ce chiffre.

La Présidente (Mme Harel): Je pense qu'on termine nos travaux. M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, vous me demandez la parole?

M. Tardif: Je vais répondre à la question posée par le député.

La Présidente (Mme Harel): Oui. Vous savez que cette commission est convoquée surtout pour entendre les organismes...

M. Pagé: Sauf que, Mme la Présidente, la réponse ne sera pas longue. Apparemment, il n'a pas tellement d'argent. Tout ce qu'on veut savoir, c'est ceci: Quel est le montant jusqu'à maintenant?

La Présidente (Mme Harel): ... et les associations représentatives. S'il y a consentement, la parole est au ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

M. Tardif: Le député de l'Opposition pose une question; s'il veut une réponse, d'accord.

La Présidente (Mme Harel): Consentement. M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

M. Tardif: Pour chaque 1000 $ de subvention reçue dans le cadre de Corvée-habitation, les 0,125 $ l'heure des travailleurs représentent 20%, c'est-à-dire 200 $, les 0,125 $ de l'employeur un autre montant de 200 $ et le gouvernement paie 600 $. Les 20%, 20% et 60% sont la répartition totale du montant des subventions accordées dans le cadre de Corvée-habitation, qu'il s'agisse des 3000 $ comptant ou du rabais d'intérêts.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le ministre. La parole est au député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais demander très brièvement à M. Pouliot - on sait que le temps nous presse -ce qu'il pense de ceci. Dans trois ou quatre mémoires, on a fait allusion au fait que les travaux agricoles, ceux exécutés par les commissions scolaires, les municipalités pourraient éventuellement se retrouver sous la coupe du décret de la construction. On a aussi fait allusion à toute la question du verre plat. Je sais que, dans votre cas, vous êtes touché de très près par la question du verre plat, à cause de votre association et de vos membres. On ne retrouve pas dans votre mémoire une opinion ou une recommandation qui viendrait de votre syndicat sur cette question. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Pouliot: À l'intérieur du mémoire du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, on n'a pas lu toutes les modifications proposées au champ d'application, à la définition de l'entrepreneur, à celle de l'entrepreneur spécialisé, etc., mais, effectivement, l'exclusion du verre plat qui existe actuellement à l'article 19, on demande qu'elle soit abrogée et que le verre plat soit assujetti au décret de la construction. C'est le consensus syndical que vous retrouvez à la fin du mémoire.

M. Lavigne: D'accord. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Une dernière question, M. Pouliot. Votre mémoire plaide contre la complexité du règlement de placement, notamment la division en régions et en sous-régions. Toujours à la page 17, vous nous donnez l'exemple d'un contrat au

Lac-Saint-Jean de la compagnie Alcan. Je ne suis pas parvenue à savoir - c'est très clair que vous réclamez le placement syndical -quelle était votre opinion sur la préférence d'emploi régionale. Vous dites dans votre mémoire qu'il ne faut pas blâmer, et avec raison, les travailleurs du Lac-Saint-Jean de solliciter ces emplois et, au paragraphe suivant, vous proposez l'abolition du règlement de placement incluant, j'imagine, la préférence régionale qui s'y trouve, aussi fragile puisse-t-elle être, puisqu'on en voit les difficultés d'application. Je veux savoir quelle est l'opinion de votre association en regard de la préférence d'emploi régionale.

M. Pouliot: On cite le règlement de placement pour démontrer jusqu'à quel point c'est un non-sens. On dit dans un article que le règlement de placement doit donner une priorité régionale. Par contre, dans un autre article, on dit que l'employeur peut amener sa main-d'oeuvre à l'extérieur de sa région. Donc ça devient totalement un non-sens.

Le conseil provincial (international) est d'accord avec une véritable priorité régionale, que le travailleur dans une région puisse travailler en premier lieu. On a demandé que l'article 38 du règlement de placement soit abrogé, qu'on fasse travailler les gars dans les régions, contrairement à ce qui se produit actuellement. Le règlement de placement permet à un entrepreneur d'exécuter des travaux avec tous ses permanents et la main-d'oeuvre régionale en prend pour son rhume.

La Présidente (Mme Harel): Je conclus que vous êtes pour un resserrement des dispositions concernant la préférence d'emploi régionale.

M. Pouliot: On veut une priorité du placement régional, comme on l'a toujours donnée.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Pouliot, Me Toupin et les gens qui vous accompagnent.

FTQ-Construction

J'inviterai immédiatement M. Lavallée et les gens qui l'accompagnent à prendre place pour présenter leur mémoire.

A l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux.

Je demanderais aux personnes qui ont à prendre place dans la salle de la commission de le faire immédiatement. M. le président de la FTQ-Construction, M. Lavallée.

M. Lavallée (Jean): J'aurais une demande à formuler. Étant donné qu'on doit suspendre les travaux de la commission à 13 heures, est-ce que ce serait possible qu'on continue jusqu'à 14 heures ou qu'on suspende immédiatement et qu'on reprenne plus tôt? Vous comprendrez que ça va aller mal, étant donné qu'on a un mémoire assez volumineux, assez long à présenter, d'arrêter en plein milieu.

La Présidente (Mme Harel): M.

Lavallée, je pense que, du consentement de cette commission, nous nous proposons de vous entendre faire toute la lecture de votre mémoire; nous suspendrons pour le dîner et nous reviendrons à 14 h 30 pour procéder à l'échange avec vous. (12 heures)

M. Lavallée: Ce qui veut dire que vous nous donnez environ une heure pour notre mémoire. C'est assez serré.

La Présidente (Mme Harel): C'est cela. On verra, M. Lavallée. De consentement, la commission verra dans une heure si on suspend immédiatement ou si on continue la lecture.

M. Lavallée: Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les membres de cette commission, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent qui sont toutes des officiers de la FTQ-Construction. À ma droite, Gilbert Gour, un des vice-présidents du local des manoeuvres de la FTQ-Construction, suivi de Yves Paré du local 791 des opérateurs de machinerie lourde, René Mathieu du local des mécaniciens de chantier; à mon extrême gauche, Louis-Marie Cloutier du local des charpentiers-menuisiers, ainsi que Jean-Paul Rivard, directeur général de la FTQ-Construction.

Cela nous fait plaisir de participer à cette commission et nous allons nous diviser le mémoire, le confrère Rivard et moi-même. Nous serons aussi les personnes qui vous donneront les renseignements, mais à l'occasion il se peut qu'une autre personne qui a contribué à la préparation du mémoire puisse aussi vous donner des renseignements. Donc, à ce moment-là, je pourrai répondre aussi à certaines questions que le ministre a posées à M. Pouliot, du conseil provincial, concernant le règlement de placement et exprimer clairement notre position. La parole est au confrère, Jean-Paul Rivard.

M. Rivard (Jean-Paul): Mme la

Présidente, M. le ministre et MM. les membres de la commission, cette commission parlementaire tant attendue et réclamée sera l'occasion, nous l'espérons, de vraiment faire entendre la voix de l'industrie de la construction. Osons espérer qu'elle permettra de cerner les problèmes qui la minent lentement et sûrement et de corriger sa trajectoire afin d'éviter qu'elle ne redevienne

comme jadis le lieu de passage de tous ceux qui perdaient leur emploi ou s'en cherchaient un, des policiers, pompiers, chauffeurs de taxi et bricoleurs de tout poil qui venaient y chercher un revenu d'appoint. Cela se faisait au détriment de ceux qui se formaient et sacrifiaient des jours, des mois et même des années pour acquérir une formation spécialisée et gagner leur vie de façon décente dans cette industrie ingrate, impitoyable et qui a le triste honneur d'être à la fine pointe des accidents du travail.

Nous savons que le ministre a convoqué la présente commission afin de répondre au voeu exprimé par les associations syndicales et exprimé également, mais de façon beaucoup plus virulente, par l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Nous croyons que le ministre veut bien faire et qu'il espère qu'une commission parlementaire au début d'août va satisfaire l'AECQ et permettre le déblocage de la négociation pour le renouvellement du décret de la construction. Nous espérons que le ministre n'est pas naïf au point de ne pas s'apercevoir que le chantage-à-la-commission-parlementaire de l'AECQ a d'autres buts que celui évoqué publiquement de "discuter des problèmes de l'industrie."

Quant à nous, nous voyons clair dans son jeu. Nous le disons sans ambages: L'AECQ poursuit des objectifs politiques qui font partie de la concertation patronale pour discréditer le gouvernement, lui rendre la vie difficile en le mettant continuellement sur la défensive pour le forcer à l'inertie socio-politique en attendant de lui donner le coup de grâce à la prochaine élection.

Et là-dessus, nous appuyons nos dires de deux exemples, soit l'association sectorielle dans la construction, le refus de l'AECQ de participer à sa formation en dépit de la loi qui le dit et son mémoire sur la CSST qui demandait de donner à l'entreprise privée la rémunération ou l'indemnisation des travailleurs accidentés. Nous espérons nous tromper, mais nous vous prédisons que l'AECQ ne voudra pas plus s'asseoir et négocier après cette commission, car elle dira que "le ministre ne s'est pas engagé à modifier la loi et les règlements dans le sens que nous l'avons demandé." Dernièrement, une circulaire de l'AECQ est venue confirmer nos prétentions. Vous retrouverez à l'annexe 7 de notre document cette circulaire qui dit que, si le ministre pose des gestes utiles, il pourra y avoir un déblocage des négociations. Des gestes utiles, pour nous, c'est d'accéder aux demandes de l'AECQ.

Depuis des années, la FTQ et la FTQ-Construction d'alors et d'aujourd'hui ont réclamé et réclameront toujours que les travailleurs qui oeuvrent dans la construction puissent compter sur un nombre d'heures suffisant pour leur permettre d'ébaucher des projets d'avenir comme tout être humain a le droit de le faire, d'acheter ce qu'il produit, de se bâtir un capital qui lui permettra de profiter de la vie et de faire face à ses responsabilités quand l'industrie l'aura rejeté de ses rangs parce qu'il sera trop vieux ou accidenté. L'espérance de "vie active" dans la construction se situe autour de la cinquantaine. Devenu plus prudent et n'étant plus "un travailleur de course", ce dernier s'aperçoit très vite que la sécurité d'emploi n'a pas grand-chose à voir avec son désir de bien faire son travail tout en assurant sa sécurité physique.

D'ailleurs, la prétention patronale quant au vieillissement de la main-d'oeuvre et ses demandes répétées d'abolir le règlement de placement sont symptomatiques des raisons qui la poussent à ce faire. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir son jeu et son désir d'écrémer encore plus les jeunes années des travailleurs de la construction et d'en tirer le maximum tout en contractant le minimum d'obligations envers eux. Cela explique assez facilement sa position sur nos demandes au niveau des négociations en ce qui a trait, notamment, à la sécurité du revenu, à la réduction des heures de travail et aux avantages sociaux.

La sécurité d'emploi. La FTQ-Construction croit que la sécurité d'emploi dans la construction est possible par le biais d'outils comme le régime de sécurité du revenu, entre autres. En attendant, il y a des choses à faire pour améliorer la situation actuelle et c'est, d'ailleurs, vers cela que tend le règlement de placement. Il faut donc continuer à pousser dans cette direction en éliminant le travail au noir et en chassant de l'industrie tous les parasites qui sucent sa vigueur, aidés en cela par des entrepreneurs sans scrupules qui en tirent des profits tout en bénéficiant du fonds de retraite des travailleurs qui contribuent à Corvée-habitation afin d'essayer de créer des emplois pour eux-mêmes et pour leurs camarades en chômage.

Nous aurions aimé que l'association qui représente ces employeurs ait une plus grande vision de son rôle social et de la contribution qu'elle se doit d'apporter aux efforts qui sont faits pour corriger les aberrations vécues par l'industrie. Au lieu de cela, elle a choisi de se replier dans une position patronale traditionnelle en réclamant une baisse des salaires et d'autres concessions qui auraient comme effet de soumettre les travailleurs encore un peu plus aux abus de certains employeurs. La demande patronale pour une modification du ratio compagnons-apprentis nous fournit encore la preuve qu'un des soucis des employeurs est d'injecter du jeune sang dans l'industrie au détriment de ceux qui y ont laissé leurs meilleures années. Ce serait abdiquer nos responsabilités que d'accepter pareille

tartuferie et, malgré les beaux discours de la partie patronale, nous ne croyons pas que l'industrie soit si mal en point que les travailleurs doivent la transporter sur leurs épaules tout en assurant des profits aux employeurs.

On parle de récession, de la plus grande crise économique depuis le "crash" de 1929 et de fermetures d'usines sans précédent. Pourtant, à la lecture des journaux, on s'aperçoit que les entreprises semblent s'en tirer assez bien et que, finalement, ce sont les travailleurs au bout du compte qui mangent la "dégelée de bois vert" du siècle par la perte de leurs emplois et par le renouveau d'arrogance du patronat qui essaie de les faire reculer sur des conditions de travail chèrement acquises. J'avais près de moi - et je l'ai perdu - un article de journal publié récemment par Statistique Canada - cela doit être fiable -qui dit que les employeurs profitent de la reprise sur le dos des travailleurs.

L'attitude de l'AECQ. Il est très difficile de comprendre le raisonnement de l'AECQ et les motifs secrets qui sont derrière ses agissements. Le 19 décembre 1983 et le 24 janvier 1984, le ministre du Travail nous consacrait son temps et discutait avec le comité mixte de l'industrie de la construction des problèmes de l'industrie. Les parties s'étaient alors engagées à lui soumettre des propositions unanimes sur des points bien précis qui pourraient faire l'objet d'amendements à la loi et le ministre s'engageait à les défendre auprès du gouvernement. Contrairement à ce qui a été prétendu, le ministre n'avait pas dit qu'il amenderait la loi, il avait dit qu'il défendrait, auprès de ses collègues du Conseil des ministres, les amendements proposés. Ces points étaient: le champ d'application de la loi; le rôle des parties au comité mixte et au conseil d'administration de l'office; le tribunal de la construction; la formation et la qualification professionnelles; les artisans et le braconnage (travail au noir); les amendes et le règlement sur les conditions de vie dans les chantiers éloignés.

Qu'est-il advenu de toutes ces belles intentions? Le 17 janvier 1984, lors d'une réunion dans le cadre du comité mixte, les parties discutaient des amendements à proposer au ministre et l'AECQ s'offrait gracieusement à rédiger le document qui pourrait devenir la position des parties. Comme ça! Sans discussions préliminaires! Tout de suite, nous avons senti anguille sous roche et, déjà, la stratégie de l'AECQ commençait à poindre. Cette stratégie allait englober tant la négociation pour le renouvellement du décret que les amendements à la loi.

Le 14 février, la partie syndicale était convoquée par l'AECQ en matinée pour la négociation et en après-midi pour discuter du document qu'elle avait préparé sur les amendements à la loi. À la rencontre en matinée, on nous rechantait le vieux refrain du moins 20% sans qu'aucun document ne nous soit présenté. On nous annonçait également que les dirigeants de l'AECQ ne seraient pas disponibles avant le 7 mars prochain à cause d'une tournée d'assemblées qui commençait dans toutes les régions. Il apparut clairement à tous ceux présents que la raison derrière une rencontre aussi pitoyablement vide de contenu était que l'AECQ avait besoin d'une excuse pour sa tournée d'assemblées et cette excuse était: rapport sur la première rencontre avec la partie syndicale. J'en passe.

La rencontre de l'après-midi fut tout aussi vide de contenu que celle de la matinée. On nous présenta un document et il nous fut loisible de jouer aux linguistes, de corriger quelques erreurs de frappe et de souligner quelques omissions. L'AECQ nous fit comprendre très vite qu'il n'y avait pas de discussion sur le document et que ce document commun devait être accepté tel quel, tel que rédigé par l'AECQ.

Que contenait donc ce document qui devait devenir commun? Au niveau du champ d'application, une tentative logique de récupérer du travail traditionnellement considéré comme du travail de construction au niveau de la machinerie de production. Là où le manque d'imagination ou de désir réel était vraiment évident, c'était au niveau des artisans et des amendes. Examinons ces deux points, le reste n'étant que du vite bâclé sur les pouvoirs des parties au comité mixte, sur la formation et la qualification professionnelles et sur le tribunal de la construction. Je dois dire que l'AECQ a été beaucoup plus explicite dans son mémoire présenté ici.

Au sujet de l'artisan, ce chancre de l'industrie, l'AECQ proposait, contrairement à une philosophie patronale bien connue, un peu plus de "red tape" en obligeant, notamment, l'artisan et celui qui l'embauche à faire un rapport mensuel à l'office, lequel rapport devrait contenir, entre autres, le nombre d'heures travaillées, l'horaire de travail, etc. Le président de l'AECQ nous disait, sans sourciller, que ces obligations allaient rendre la vie tellement difficile aux artisans qu'ils préféreraient devenir salariés plutôt que de courir le risque de faire un faux rapport qui pourrait être contredit par celui qui l'embauche.

Lorsque nous lui avons proposé d'éliminer l'artisan de la construction neuve, sa réponse fut: "Je suis politiquement incapable de faire ça", démontrant par là que l'AECQ n'avait pas le mandat de régler les problèmes de l'industrie, problèmes causés en grande partie par les agissements de ses membres, les employeurs. Le seul mandat qu'elle avait en était donc un à courte vue

et socialement sclérosé, soit une diminution de salaires, une modification du ratio compagnons-apprentis et le décloisonnement des métiers dans le secteur résidentiel; bref, légaliser l'illégalité. En d'autres mots, peindre les feux rouges en vert pour ne pas avoir à s'y arrêter.

Quant aux amendes, l'AECQ modifiait légèrement l'article 114 en doublant les amendes qui sont de 50 $ à 100 $ pour les porter de 100 $ à 200 $. Ces amendes s'appliquent à une violation du décret et concernent autant le travailleur que l'employeur avec la différence que, si le décret est violé, c'est l'employeur qui empoche la différence et c'est le travailleur qui se fait avoir. Une autre rencontre eut lieu avec la partie patronale vers le 29 février 1984 et n'avait pour but que de constater certaines corrections de texte et ajouts d'omissions.

Entre-temps, les associations syndicales se rencontraient à plusieurs reprises et, malgré la fin de non-recevoir de l'AECQ, nous lui faisions parvenir, début mars, un document faisant l'objet d'un accord syndical unanime sur les points que nous pensions pouvoir encore discuter avec l'AECQ. Soulignons, en passant, qu'après de longues discussions nous avions évité d'inclure dans ce document des revendications syndicales que nous croyons toujours légitimes, mais que nous savions être inacceptables pour une partie patronale butée et réfractaire à tout changement pouvant signifier un droit de regard syndical.

Après plusieurs tentatives, l'AECQ acceptait finalement de nous rencontrer le 11 avril. À la FTQ-Construction, nous étions certains que l'AECQ se décommanderait à la dernière minute. Nous commencions à nous poser des questions sur le bien-fondé de nos appréhensions quand l'avis nous parvint par téléphone à la toute dernière minute dans l'après-midi du 10 avril. Cela nous était confirmé par télégramme le 11 avril même. La raison donnée pour annuler la rencontre était que le "dossier des négociations n'était pas assez avancé." Selon l'AECQ, il fallait négocier le décret avant de parler d'amendements à la loi. Rappelons ici qu'à cette date il n'y avait pas d'entente entre associations syndicales pour négocier et que l'AECQ pouvait aisément jouer sur ce tableau.

Dans les jours qui suivirent, nous apprîmes par la voie des journaux que l'AECQ réclamait une commission parlementaire sur les amendements à la loi et qu'il ne serait pas possible de négocier tant et aussi longtemps que les problèmes que le "gouvernement avait lui-même causés avec sa loi" - cela remonte à 1968 - ne seraient pas réglés. Nous ne fûmes pas étonnés outre mesure de cette nouvelle pirouette. Qu'à cela ne tienne! Si l'AECQ veut négocier, nous sommes prêts. Si elle veut parler d'amendements à la loi, nous sommes encore prêts. C'est donc pourquoi, le 9 mai 1984, nous écrivions une lettre à l'AECQ (que vous retrouverez à l'annexe 5) et nous lui faisions part de notre disponibilité à la rencontrer pour discuter de la loi et nous lui laissions savoir que, si elle changeait encore d'avis et voulait négocier, nous y étions également disposés.

Le 4 mai 1984, le conseil provincial et nous faisions parvenir au conciliateur, Me Raymond Leboeuf, ainsi qu'à l'AECQ un document commun contenant nos demandes au niveau des clauses générales du décret. Nous remettions également un document contenant une demande de la FTQ-Construction maintenant bien connue, soit un régime de sécurité du revenu pour les travailleurs de la construction. Le 16 mai, le conciliateur réunissait encore les parties et c'est là qu'il devint évident que l'AECQ ne voulait ni négocier, ni discuter d'amendements à la loi et que son ultimatum au gouvernement pour une commission parlementaire n'était qu'une autre étape vers ses objectifs politiques. Une autre partie de son paravent tomba ce jour-là.

À la page suivante, je vous fais état de ce qui s'est passé cette journée-là. (12 h 15)

On va à la page 10. Le 12 juin 1984, le conciliateur réunissait à nouveau les associations syndicales qui avaient déposé des demandes communes et l'AECQ afin d'essayer de dénouer l'impasse. Malgré les efforts sincères tentés par Me Leboeuf et malgré des ouvertures sans équivoque de la FTQ-Construction, l'AECQ maintenait son attitude inconciliante. Nous en ressortions de plus en plus convaincus que, pour les dirigeants de l'AECQ, il ne fallait pas qu'il y ait de règlement car, dans la poursuite de ses objectifs politiques, le chaos dans la construction était nécessaire.

Mesdames et messieurs, membres de la commission, devant cette attitude "trigger happy" de l'AECQ, il ne reste plus aux parties syndicales qu'à faire cavalier seul et à proposer des amendements à la loi qui permettront aux travailleurs de la construction de récupérer le travail qui leur appartient et de mettre un peu d'ordre dans la baraque. Nous espérons que tous et chacun de vous saurez vous hisser au-dessus de la partisanerie politique car la présente commission pourrait bien être la commission du siècle. Je félicite, d'ailleurs, tous les membres de la commission. Je n'ai pu déceler aucune partisanerie politique, sinon quelques bribes d'humour.

M. Fortier: II faut avoir le sens de l'humour en politique.

M. Rivard: En annexe au présent

mémoire, nous vous présentons un document intitulé "Propositions d'amendements à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction." Ce document se veut exhaustif et couvre tous les amendements que nous croyons nécessaires. Les sujets qui y sont traités sont les suivants. On énumère les 18 sujets dont nous parlons; il y en a 13 et 5 autres qui ne font pas partie de cette annexe.

Concernant les définitions, on dit que, pour être applicables, les définitions doivent dire exactement ce qu'on a voulu qu'elles disent. C'est donc pourquoi nous avons modifié la définition du mot "construction" afin qu'il comprenne tout ce que le règlement d'application de la loi définit comme étant des travaux de construction. De plus, notre définition redresse une situation qui se détériore de plus en plus au niveau de la machinerie de production.

Traditionnellement, les travaux d'installation, de réparation et d'entretien de la machinerie de production, lorsqu'ils n'étaient pas effectués par les salariés du fabricant ou de l'utilisateur, étaient effectués par des salariés de la construction. À force de vouloir plaire à Dieu et au diable, on a tellement joué avec le règlement d'application que, finalement, la machinerie de production est devenue la chose de tout le monde. À tel point qu'en 1983 SIDBEC-Dosco essayait de faire effectuer des travaux en passant par une société fantôme créée pour l'occasion par un ancien cadre de cette compagnie afin de contourner le décret de la construction et sa propre convention collective. Il fallut paralyser ses opérations pour qu'elle entende raison et mette fin à cette situation.

La définition peut paraître large, mais les exceptions prévues à l'article 19 ramènent cette définition dans son contexte véritable. De plus, en acceptant cette définition, le gouvernement réglerait le problème que constituent la réparation et l'entretien des systèmes de climatisation et de réfrigération de 600 watts et plus. Le CCTM en est déjà venu à un accord sur le sujet et c'est la partie patronale (hors construction) qui a changé d'avis, non pas parce que notre demande de réintégrer la réparation et l'entretien de ces systèmes dans le décret était déraisonnable, mais parce qu'elle avait peur que le fait de restituer des droits à un groupe de travailleurs encourage d'autres groupes à demander la même chose. D'ailleurs, ces associations syndicales et patronales vont être entendues à cette commission.

La nouvelle définition de l'employeur professionnel fait l'obligation à ce dernier d'avoir un ou des salariés pour exécuter ses travaux.

La définition du grief permet, en conjonction avec l'amendement apporté à l'article 62, de présenter un grief sur tout le décret de la construction, cela afin d'accélérer les procédures et d'épargner des sommes énormes en frais de procédures.

De plus, nous proposons des amendements aux articles 70 et 71, lesquels auraient pour effet de civiliser les relations du travail dans la construction et de mettre un frein à la détestable habitude qu'a prise l'AECQ de faire de la "procédurite" chaque fois qu'un arbitre donne raison à un salarié ou à un syndicat. À cause de contestations continuelles, quand on gagne un grief, tout ce qu'on gagne, c'est une facture d'avocat. Nous croyons qu'une procédure de grief doit avoir pour but de permettre à un arbitre de se prononcer sur le mérite d'un grief et de le régler de façon civilisée. L'AECQ nous a appris que ce n'était pas possible avec elle et c'est pourquoi nous vous demandons d'insérer dans la loi les dispositions du Code du travail traitant des griefs et des pouvoirs de l'arbitre.

La définition du salarié permanent que nous proposons fermerait la porte à ceux qui profitent des trous dans la loi et dans le règlement pour venir prendre le travail qui fut toujours nôtre.

Quant à la définition d'artisan, elle s'explique d'elle-même. Nous en parlerons plus amplement un peu plus loin.

Les nouvelles définitions que nous proposons font aussi partie d'un consensus de toutes les parties, y compris la partie patronale, et certaines d'entre elles sont extraites du règlement sur l'application de la loi.

Le champ d'application. Nous ne croyons pas que les exceptions existantes pour certaines catégories d'entreprises, municipalités, commissions scolaires, etc., doivent être maintenues. L'entretien et la réparation sont toujours du ressort de leurs salariés permanents et nous sommes d'accord avec le maintien de cette exception au niveau de bâtiments et d'ouvrages de génie civil et, nécessairement, cela couvre les mines, les forêts, les entreprises agricoles, etc. 0e voudrais faire une remarque. Hier, dans un mémoire présenté par la CSN qui proposait des amendements au champ d'application, celle-ci proposait de garder le statu quo au niveau du travail de construction fait par certaines institutions publiques. J'ai trouvé cela curieux parce qu'on avait un consensus: cela aussi, on demandait que ce soit biffé. Mais j'ai pu comprendre après cela que les travailleurs qui font ce travail de construction sans être des gars de la construction sont représentés par la CSN.

Quant à l'exception pour le verre plat, la plus grande partie des travaux que ces salariés effectuaient étaient des travaux qui nous étaient volés et les tribunaux viennent

de le confirmer. Il faut donc tirer la ligne de façon claire et mettre fin à un décret qui existait seulement parce qu'il braconnait notre travail. D'ailleurs, tout le monde connaît l'histoire de la loi 9 du 1er juin 1973.

L'inhabilité d'occuper un poste syndical. Nous demandons que l'article 26 de la loi soit biffé, parce qu'on connaît les raisons qui ont amené l'article 26 de la loi et on pense que cela entre en contradiction avec les articles 16 et 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne. Ici, je passe la parole à mon confrère Jean Lavallée.

M. Lavallée: Le mode de représentation syndicale. Depuis l'adoption de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, en 1968, la FTQ-Construction d'alors, dont le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction faisait partie, n'a cessé de réclamer un vote qui aurait permis aux travailleurs de se choisir une seule et unique centrale. Pour des raisons qui ne sont pas toutes connues, les hommes politiques d'alors refusèrent cette demande répétée à satiété.

Il y eut, pendant les années soixante et jusqu'au milieu des années soixante-dix, des batailles intersyndicales rangées dans le but, dans certaines occasions, d'avoir la priorité d'emploi pour ses membres et, dans d'autres occasions, pour ne pas se faire évincer complètement d'un chantier. Rien ne sert d'essayer de démontrer quelle centrale endosse la responsabilité première de tous ces événements, la première responsable étant la pluralité syndicale. Le dernier acte, fracassant celui-là, survint en 1974 avec le saccage de la Baie James. La réaction gouvernementale fut immédiate. La commission Cliche fut formée et, pendant plusieurs mois, se déroula devant nous un film dont les acteurs, ceux qu'on nous montra, avaient peu de raisons d'être fiers.

Le rapport Cliche fut présenté en mai 1975 et, immédiatement, les recommandations répressives qu'il contenait furent transformées en texte de loi. Nous ne voulons pas accuser la commission Cliche d'avoir été volontairement antisyndicale, mais le résultat en fut le même.

En essayant de faire une analyse de la violence et dans la recherche des moyens pour arriver à y mettre fin, les commissaires se sont plutôt acharnés à trouver une façon d'éliminer certaines personnes par des recommandations qui s'appliquaient à tous les représentants syndicaux et à tous les travailleurs. Dans ce sens, on peut qualifier la commission Cliche d'immense chasse aux sorcières. Plutôt que d'associer la violence au régime de concurrence syndicale continuelle qui existait contre toute logique et qui existe toujours aujourd'hui avec encore moins de logique, la commission s'est attardée à s'attaquer aux individus qui personnifiaient cette violence parce que c'étaient eux qui étaient en poste à ce moment-là.

Les recommandations de la commission Cliche. Parmi ses recommandations ayant pour objectif de museler les syndicats et pour effet de livrer les travailleurs pieds et poings liés aux employeurs et à une AECQ dirigée par des individus en mal de vengeance, la commission Cliche proposait entre autres: l'interdiction de négocier une clause de délégué de chantier et l'élection de ce dernier par les sept premiers travailleurs membres d'un syndicat ou d'une union sur le chantier. Les autres centrales en ont fait état et on est absolument d'accord avec elles. C'est à ce moment-là que les travailleurs de la construction ont aussi perdu leur délégué auprès de l'employeur. On m'avait dit que ce n'était pas le but de cette recommandation de la commission de faire perdre le délégué auprès de l'employeur. On proposait aussi qu'en cas de poursuite le fardeau de la preuve soit contre le représentant et le délégué syndical en cas de grève, de ralentissement, etc.; la disparition des bureaux de placement syndicaux et leur remplacement par un contrôle de l'Office de la construction sur le placement; l'interdiction d'occuper un poste syndical pour cinq ans dans certains cas et pour la vie dans certains autres cas à toute personne trouvée coupable de certains actes criminels; un régime de sécurité du revenu pour les travailleurs de la construction. La FTQ-Construction le propose depuis plusieurs années et en fait une de ses principales revendications en 1984. On dit que le juge Cliche voulait bâillonner les syndicats, mais cela faisait partie des recommandations de la commission Cliche. D'ailleurs, c'est une des seules qui n'ont pas été mises en application.

Qu'est-il devenu de ces recommandations? Dans les mois qui suivirent le dépôt du rapport Cliche, le projet de loi 47 fut déposé et adopté en un temps record. Il contenait toutes les recommandations qui devaient ramener la "démocratie et la liberté syndicales" sur les chantiers. Rien pour les travailleurs!

Le point "a". Le point "a" concernant le délégué de chantier y était. Les employeurs en sautaient de joie. Enfin, ils pouvaient se débarrasser de tous ces trouble-fête qui osaient faire respecter la sécurité et le décret de la construction. C'était une aubaine extraordinaire. À cause de quelques cas isolés d'exagérations, le législateur manquant d'imagination frappait aveuglément tout ce qui bougeait et déréglait tout le mécanisme mis en place pour assurer la défense des travailleurs sur les chantiers dans le cadre de relations du travail établies depuis belle lurette.

Les nouvelles dispositions de la loi rendaient illégale toute clause sur le délégué de chantier et imposaient l'élection du premier délégué parmi les sept premiers salariés membres d'un syndicat donné. De plus, la loi venait éliminer le "délégué auprès de l'employeur"; c'est ce dont je vous parlais tout à l'heure. Ce délégué était dépêché par le syndicat auprès de l'employeur et représentait les salariés de ce dernier même s'il est à son emploi sur un autre chantier. Cela permettait donc d'assurer la représentation des salariés travaillant pour un employeur embauchant un très petit nombre de travailleurs sur plusieurs chantiers. De plus, la loi venait mettre fin à la clause accordant le droit d'embauche préférentielle au travailleur que le syndicat désignait comme délégué de chantier au commencement des travaux sur un chantier industriel. Cette embauche préférentielle était similaire à ce qui se négocie couramment dans les conventions collectives, et ça s'appelle l'ancienneté préférentielle pour le délégué ou pour un officier quelconque d'un syndicat.

Cet article de loi qui voulait réprimer des abus eut plutôt pour effet de priver un grand nombre de travailleurs d'une représentation syndicale adéquate sur les chantiers dans les cas où le syndicat ne pouvait pas convaincre un employeur d'embaucher un travailleur ayant reçu la formation de délégué. Profitant de la loi, certains employeurs se chargeaient de voir à ce que les sept premiers salariés sur le chantier soient des travailleurs fiables. Ils s'assuraient ainsi que le délégué élu soit du genre compréhensif. Nombre de batailles eurent lieu entre syndicats et employeurs sur ce sujet.

Une multitude d'employeurs, afin de s'éviter la présence d'un délégué, veillent à embaucher des travailleurs membres de toutes les centrales. La situation est telle que parfois des syndicats négocient avec l'employeur qui sera le délégué de chantier, quand ce n'est pas l'absence d'un délégué qui est négociée. Tout cela afin d'obtenir de l'employeur qu'il embauche les membres d'une centrale plutôt que d'une autre.

Le projet de loi 47 contenait effectivement une disposition faisant obligation a un représentant syndical, un syndicat ou un salarié de prouver qu'il n'a pas ordonné, encouragé, appuyé ou participé à une grève ou à un ralentissement de travail. Nous demandons que l'article 57 de la loi soit modifié pour enlever ce fardeau de la preuve.

Le législateur n'alla pas aussi loin que recommandé au niveau des bureaux de placement. De toute façon, l'office n'était pas en mesure de fournir les services de placement nécessaires et ne détenait pas assez d'informations sur la main-d'oeuvre de l'industrie pour s'aventurer sur cette voie. Cependant, nous nous apercevons bien que l'office est en train de roder sa division du placement afin d'essayer de prendre la place des bureaux de placement syndicaux et ce, à coups de millions de dollars en subventions, tout simplement pour perpétuer le rêve de voir le placement effectué par ordinateur. Parions que jamais l'office n'y parviendra, malgré les rapports optimistes de ceux dont le chèque de paie provient de cette mission de l'office.

L'article 26 de la loi 47 était identique à la recommandation du juge Cliche. Afin d'éliminer quelques éléments douteux, on adopta une loi d'exception qui enlevait la nécessité de faire un procès pour des crimes dont on aurait pu les accuser. Cet article était, d'ailleurs, inutile car les personnes visées avaient déjà démissionné et n'étaient plus dans le mouvement. L'effet direct fut plutôt de rappeler à des gens qui avaient eu le malheur de tomber, qui avaient payé leur dette à la société et qui s'étaient amendés, qu'ils étaient marqués au fer rouge de la honte. Ils ne pouvaient plus devenir ou demeurer des officiers de leur syndicat, même à titre bénévole, ni devenir des représentants à temps plein. C'est-à-dire qu'ils ne pouvaient plus représenter un petit groupe restreint de travailleurs. Mais tout n'était pas perdu; ils pouvaient toujours se recycler et devenir des membres de cette Chambre et même devenir employeurs. D'ailleurs, je rejoins le conseil. Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, mais, sur ce point, je suis d'accord. Ils pouvaient représenter des milliers et même des millions de personnes, mais pas quelques centaines de travailleurs de la construction.

Le projet de loi 47 ne contenait rien sur le régime de sécurité du revenu. Il faut bien comprendre que c'était la fête des employeurs et qu'il ne fallait pas la gâcher. Le rapport Fantus de l'époque le disait bien, d'ailleurs: Les syndicats étaient trop forts. C'est donc pourquoi nous demandons que l'article 61 soit amendé de façon à rendre obligatoire un régime de sécurité du revenu dans le décret. C'est une des seules recommandations qui n'avaient pas été mises en vigueur à la suite du rapport de la commission Cliche.

La commission avait même recommandé que le chiffre magique de représentativité pour négocier seule le décret pour une centrale soit de 75% au lieu de 50%. Le gouvernement fut assez intelligent pour ne pas accepter cette recommandation. Cependant, dans la loi 47, il donnait l'occasion à quiconque voulait se faire reconnaître comme association de faire inscrire son nom sur le bulletin de vote.C'est de cette façon que le Syndicat Côte-Nord de Sept-Îles Inc., ayant son siège social à Saint-Hyacinthe - je ne sais pas s'il est

encore là, mais il y était tout récemment; on me dit qu'il était à Ragueneau dernièrement - prit naissance et continue d'exister avec moins de 1% des travailleurs. (12 h 30)

Quand on parle de centrale unique dans la construction, les superdémocrates, les coeurs saignants et tous ceux et celles qui s'improvisent comme défenseurs des travailleurs et qui, dans la plupart des cas, n'ont jamais descendu à leur niveau crient comme des putois contre ces velléités de la FTQ-Construction. Les autres centrales, dont une semble avoir oublié qu'elle a déjà réclamé la centrale unique, attaquent...

Ce matin, le conseil provincial nous parlait de toutes les recommandations qu'il avait faites au CERLIC, mais à l'époque ça s'appelait le Conseil provincial des métiers de la construction (FTQ) dont nous faisions partie. À ce moment-là, la recommandation du conseil provincial était qu'on vote par élimination et que si une centrale syndicale n'avait pas 25% des votes, il y ait un deuxième tour de scrutin. Aussi on était d'accord avec la notion... On va vous les lire, ce sera plus exact.

M. Rivard: Ce sont des extraits du rapport présenté au CERLIC par le conseil provincial; les mêmes porte-parole, d'ailleurs, étaient à cette table en 1978. "Le conseil provincial tient à souligner qu'il s'oppose au pluralisme syndical et qu'il aspire à obtenir démocratiquement le monopole syndical." Un peu plus loin, on dit: "Cependant, lorsque le résultat du vote sera connu - un premier vote - les principes suivants seront appliqués. Parmi les associations représentatives syndicales, celles qui n'auront pas obtenu un degré de représentativité égal ou supérieur à 25% seront automatiquement éliminées et leurs membres devront revoter dans un délai de quinze jours de la date du résultat pour une des associations ayant obtenu au moins 25% des votes."

Un peu plus loin, on disait ceci: "De plus, compte tenu des coûts impliqués, nous suggérons que seuls ceux qui veulent changer d'allégeance syndicale soient obligés de se présenter au bureau de l'office à une date fixe. Ainsi, on éviterait des milliers de déplacements inutiles et des pertes économiques." Il faut remarquer qu'ils ont changé d'avis depuis.

M. Lavallée: Je pense que c'est en contradiction avec le mémoire de ce matin.

Les autres centrales, dont une semble avoir oublié qu'elle a déjà réclamé la centrale unique, attaquent les visées monopolistiques de la FTQ-Construction et se rabattent sur les nobles principes de la liberté syndicale, du droit à la différence, du droit de ci et du droit de ça. Cependant, dans leurs agissements de tous les jours, elles pèchent constamment contre ces beaux principes et il est évident que la seule et unique raison pour laquelle elles sont contre la centrale unique, c'est qu'elles ne sont pas en position d'être cette centrale unique. Nous savons qu'elles ne bernent personne. Je parle au niveau de toutes les centrales.

Plusieurs des personnes ci-haut décrites poussent les hauts cris, mais ne s'arrêtent pas à penser un seul instant que le monopole syndical existe à plusieurs endroits et cela, sans accroc apparent à la démocratie et sans que les chantres de la liberté syndicale se fassent entendre.

Voici quelques exemples. Les 200 000 salariés du gouvernement fédéral sont tous syndiqués par un seul syndicat, soit l'Alliance de la fonction publique du Canada qui est affiliée au Congrès du travail du Canada. Tous les salariés d'Hydro-Québec sont membres du Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ). Tous les fonctionnaires provinciaux sont membres d'un seul syndicat, soit le SFPQ.

Qu'y a-t-il de si mal pour la FTQ-Construction à réclamer la même chose pour les travailleurs de la construction du Québec que ce qui existe déjà pour d'autres groupes de travailleurs? L'industrie de la construction se présente comme une immense unité de négociation dont les tâches pour chaque métier, spécialité ou occupation sont presque identiques, sinon identiques, peu importe le secteur ou la région d'activités.

Qu'y a-t-il de si mal à réclamer un mode de représentation syndicale qui unifierait les travailleurs de la construction et permettrait à la centrale unique de donner les services auxquels ils ont droit? À l'heure actuelle, pas une centrale, à moins de vouloir cacher la vérité, ne peut dire qu'elle a suffisamment de moyens financiers pour défendre adéquatement les travailleurs. Ce manque de moyens fait en sorte que nous ne sommes pas capables de contribuer pleinement à l'élaboration des différents programmes mis de l'avant, notamment par la CSST au niveau des soins de santé, des DSC, de la prévention, etc., et bientôt l'association sectorielle. Nos amis de l'AECQ devraient nous répondre dans ce domaine. Qu'en sera-t-il lorsque nous devrons apporter une collaboration un tant soit peu spécialisée à l'association sectorielle?

Toutes les centrales et tous les syndicats qui en font partie négligent, notamment au niveau des griefs, d'entreprendre ou de poursuivre des procédures à cause des coûts énormes qui sont impliqués, ce qui constitue un déni de justice à l'égard de ces travailleurs. La partie patronale, centrale unique, a beau jeu et se spécialise dans toutes sortes de procédures ayant pour but de décourager quiconque veut défendre les droits de ses

membres de le faire en soulevant toutes sortes d'objections et en jouant de manière sauvage sur tous les trous existant à la procédure de griefs et au manque de dispositions à cet égard dans la loi.

Notre position officielle sur le mode de représentation syndicale. Même si nous croyons que la solution idéale est qu'il n'y ait qu'une seule centrale dans l'industrie de la construction, nous sommes également conscients que nous sommes la seule centrale à le demander.

C'est donc pourquoi nous proposons des amendements qui pourraient recevoir l'appui d'autres organismes qui croient que la situation actuelle a assez duré. Pour ce faire, nous demandons: a) que la loi soit amendée de façon à éliminer les associations représentatives qui n'obtiennent pas 25% d'adhésion; b) que des votes soient tenus parmi les personnes qui auront voté pour les associations ayant obtenu moins de 25% afin qu'elles choisissent une association parmi celles qui restent; c) que, au cas où une association majoritaire n'émergerait pas en vertu de a) et b), des votes soient tenus parmi les personnes ayant voté pour la ou les associations ayant plus de 25%, mais qui est ou sont les moins représentatives - ce qui voudrait dire que, de cette façon, il y aurait certainement une association majoritaire; d) que le ou les votes soient tenus au moins un an avant l'expiration du décret afin de laisser le temps aux parties de se préparer à la négociation; e) que les négociations se fassent à une table centrale pour les clauses réputées générales et à des tables de métiers pour les clauses réputées particulières.

C'est à regret que nous prenons la présente position et nous sommes persuadés que cela réglera seulement le problème du porte-parole à la table des négociations. Les centrales continueront à se battre sur les chantiers et les travailleurs continueront à être victimes d'abus de toutes sortes, spécialement dans les mois précédant le vote dans la construction. Jamais aucune loi ne pourra empêcher certains syndicats et certains de leurs membres d'exercer des pressions, de faire des menaces et même, quelquefois, d'assaillir d'autres travailleurs. Nous pourrions vous parler pendant des heures de cas de sévices, d'assauts, de menaces et d'intimidation de toutes sortes. Cette situation existe parce que la pluralité syndicale existe et le besoin que ressentent les représentants syndicaux de placer leurs membres en priorité sur les membres des autres centrales continuera d'exister. Il ne faut pas les en blâmer car les bureaux de placement syndicaux existent depuis fort longtemps et donnent généralement de bons services à leurs membres. C'est la multiplicité des centrales et la rivalité qui en découle qui en sont responsables.

Le gouvernement pourrait former un comité composé des quatre principales associations représentatives afin d'étudier les possibilités de mise sur pied d'une centrale unique. Nous ne pouvons pas croire que tous ces hommes s'accrochent à leurs petits privilèges et à leur égoïsme de centrale pour refuser des changements qui pourraient signifier une aube nouvelle pour les travailleurs de la construction. Nous savons que toutes ces personnes réalisent présentement que les batailles intercentrales minent la crédibilité des structures syndicales et de leurs dirigeants auprès du public et, ce qui est pire, auprès des travailleurs eux-mêmes.

Dans un sondage que nous avons fait effectuer auprès des travailleurs de la construction par la firme Sorecom, 55% de ces derniers pensent que la pluralité syndicale nuit aux travailleurs de la construction, 64% pensent que les bureaux de placement syndicaux servent leurs intérêts, 54% souhaitent le retour du délégué de chantier et seulement 11% ressentent le fait d'avoir à être dans un syndicat. Nous relions ce ressentiment à la cotisation syndicale. Nous en concluons donc que les travailleurs de la construction veulent être syndiqués, qu'ils en ont marre des chicanes engagées par leurs élus et qu'ils désirent une seule centrale. Au gouvernement de jouer.

M. Rivard: Le conseil d'administration de l'office et le comité mixte. Dans les amendements que nous vous proposons aux articles 4, 14, 15, 16 et 17, nous voulons établir les principes suivants: l'office est contrôlé par les parties qui délèguent chacune deux membres et le gouvernement nomme le président; l'office doit considérer toute plainte d'un syndicat, d'une union ou d'une association représentative tout comme un arbitre de grief doit considérer un grief de ces organismes; l'office peut adopter lui-même le règlement sur les avantages sociaux car les argents servant à leur financement sont négociés par les parties qui décident de leur utilisation en vertu de l'article 18; le comité mixte doit devenir paritaire et décisionnel. Les pouvoirs qu'il avait avant la loi 27 lui sont remis (article 16); seules les associations représentatives à un degré de 25% siègent au comité mixte (article 17). Vous retrouvez cela dans l'annexe.

La loi antiscabs. À l'article 46 de la loi, nous demandons des ajouts qui mettraient les travailleurs de la construction sur le même pied que les autres travailleurs. Si le gouvernement accepte que ces dispositions du Code du travail s'appliquent à lui-même, il serait bien malvenu qu'il ne les fasse pas appliquer à l'industrie de la construction.

Il est fort possible que l'absence de telles dispositions dans la loi soit un facteur déterminant dans l'attitude arrogante et

antisociale de l'AECQ dans la négociation qui n'a présentement pas lieu. Elle espère que plusieurs travailleurs ne respecteraient pas un vote de grève et que cela provoquerait des affrontements violents qui pourraient mettre le gouvernement dans l'embarras. Cette évaluation des visées de l'AECQ cadre bien avec ses agissements des derniers mois.

Le gouvernement n'a pas d'excuse. Il doit inscrire des dispositions antiscabs dans la loi. De plus, nous introduisons des amendements aux articles 57, 60 et 112 traitant de la grève et du lock-out, du fardeau de la preuve, du droit pour un salarié de recouvrer son emploi à la fin d'un conflit et de l'obligation de négocier de bonne foi.

Le travail au noir et l'artisan. Un rare consensus s'est produit depuis quelque temps dans l'industrie de la construction: les diverses parties sont unanimes à reconnaître l'importance du problème du travail au noir, tant du côté patronal et syndical que du côté des organismes publics et gouvernementaux.

C'est quoi au juste? Mais de quoi parle-t-on au juste quand on parle de travail au noir? Parle-t-on de l'artisan, c'est-à-dire de ce travailleur de la construction qui, avec une licence spéciale de la régie, contracte directement auprès du consommateur individuel sans avoir à se soumettre au taux prescrit dans le décret, ou bien sous-contracte, en concurrence féroce avec les autres artisans, pour les entrepreneurs généraux ou, de plus en plus, pour les promoteurs (brokers)?

Ou bien parle-t-on de ceux que, dans le milieu, on appelle les braconniers, ces gens des autres industries qui, sans carte de compétence ou de classification, exécutent des travaux souvent d'envergure importante en dehors de toute légalité?

Ou parle-t-on de ces salariés en règle de l'industrie de la construction qui contractent directement avec le consommateur pour faire des travaux de réparation, d'entretien ou de rénovation de leur propre résidence?

Ou bien parle-t-on de ces travailleurs en règle de la construction qui travaillent plus d'heures qu'ils sont effectivement payés par leur employeur ou sont payés à temps simple des heures supplémentaires effectuées le soir, le samedi ou souvent le dimanche, ou se voient constituer une banque d'heures à temps simple?

Ou s'agit-il, enfin, de ces salariés de la construction qui, par une interprétation abusive du décret, se déguisent en entrepreneurs associés, échappant ainsi tant au décret qu'à de multiples autres réglementations et lois, et sous-contractent à la "job" pour les promoteurs ou les entrepreneurs généraux?

Tous ces gens ont en commun de faire un travail qui concurrence le travail normalement effectué par les salariés de la construction.

Pour la FTQ-Construction, le travail au noir est celui qui se fait, à des degrés variables, dans la clandestinité. C'est celui qui a une des caractéristiques suivantes: a) II est non rapporté légalement. Même si, dans certains cas, les autorités municipales, 5CHL, etc., sont mises au courant des projets de construction, le plus souvent le travail clandestin échappe complètement à la connaissance d'organismes chargés de la bonne marche de l'industrie, soit l'Office de la construction du Québec et la Régie des entreprises; b) II est non vérifié, dans un ou l'autre de ses aspects importants de contrôle de la qualité, soit au niveau de la qualification des exécutants (entrepreneurs ou travailleurs salariés), soit au niveau de la qualité des travaux exécutés, soit au niveau des conditions d'exécution (principalement les exigences de la sécurité de ceux qui travaillent ou le respect des conditions négociées entre les parties); c) II est non réglementé, c'est-à-dire qu'il se soustrait ou est soustrait des prescriptions de la loi ou du décret, en tout ou en partie.

Non rapporté, non vérifié, non réglementé, en tout ou en partie, de façon légale ou illégale, voilà ce qui, pour la FTQ-Construction, constitue le travail au noir.

En quoi les exemples cités plus haut constituent-ils du travail au noir?

Prenons le cas de l'artisan, pour commencer. Dans un sens, il échappe à la clandestinité puisque sa qualification est approuvée par la régie lors de la demande de permis, mais cette vérification se préoccupe surtout de la solvabilité du candidat artisan. Par contre, ceux qui oeuvrent de près dans l'industrie savent pertinemment qu'une part substantielle des travaux exécutés par les artisans n'est jamais rapportée à l'OCQ.

Dans un premier temps, la loi permet à l'artisan de se soustraire à la loi de l'industrie de la construction et du décret lorsqu'il offre ses services à un individu consommateur pour des travaux de construction dans le secteur résidentiel. D'autre part, lorsqu'il offre ses services à un entrepreneur ou à un donneur d'ouvrage, il doit légalement être rémunéré au taux du décret et faire rapport de ses activités à l'OCQ. Or, il faut vivre dans le milieu pour savoir qu'un nombre important de ces activités pour un entrepreneur se font à un tarif inférieur au décret et ne sont pas rapportées à l'office. Ainsi, l'office rapporte une diminution de 30% du nombre des artisans actifs entre 1980 et 1981, soit après l'adoption de la loi 110, produisant la disparition de 900 artisans rapportés à l'OCQ, dont près de 500 charpentiers

menuisiers. Alors même que la loi vient faciliter le travail des artisans, on assiste à une baisse de l'activité rapportée à l'OCQ que cette dernière tente de justifier en émettant l'hypothèse selon laquelle la majorité des artisans oeuvrent dans le secteur de la rénovation résidentielle. Pour la FTQ-Construction, lorsqu'on constate la disparition officielle de 30% des artisans à la suite d'une loi, l'industrie est en droit d'exiger plus qu'une hypothèse pour expliquer un phénomène d'une telle importance. Une enquête approfondie est exigée, d'autant plus qu'une connaissance quotidienne de l'industrie nous porte à croire sérieusement que le volume des travaux par les artisans non seulement n'a pas diminué, comme le laissent croire les rapports officiels de l'OCQ, mais qu'il a augmenté de manière draconienne. De plus, la baisse dans les données officielles ne viendrait pas du fait que les artisans sont surtout dans la rénovation résidentielle pour un consommateur individuel, mais plutôt que cette exception est utilisée massivement pour camoufler les travaux faits pour les entrepreneurs et autres donneurs d'ouvrage. L'exception donne ouverture à tout un champ d'activités clandestines dont l'OCQ n'a aucun rapport officiel. (12 h 45)

C'est ce que confirme d'ailleurs l'AECQ lorsqu'elle déclare publiquement, en 1982, ce qui suit, dans une lettre qui avait été envoyée à ses membres. Je cite: "On sait que, très souvent, la construction de maisons neuves est dominée par une foule de "brokers", des vendeurs qui donnent des contrats à des braconniers au lieu d'encourager les vrais employeurs qui respectent le décret." L'AECQ le reconnaissait; vous avez cette lettre qui est un bijou et qui est en annexe 1.

En ce qui concerne les autres exemples de travail au noir, leur situation de clandestinité est plus évidente, qu'il s'agisse du braconnier qui travaille sans carte de compétence ou même souvent sans aucune compétence, ou que ce soit ceux qui n'ont plus leur carte de compétence en raison des politiques de rationalisation de la main-d'oeuvre décrétées à la suite des recommandations de la commission Cliche qui voulait remplacer les bureaux de placement syndicaux par un règlement. Il en va de même pour les autres exemples cités. Dans tous les cas, on oeuvre dans l'illégalité ou à la limite de la légalité; de toute façon, toujours de façon plus ou moins clandestine dans les faits avec des conséquences importantes pour la majorité de l'industrie. Cette dernière industrie oeuvre ouvertement et dans le respect des prescriptions de la loi et du décret.

L'ampleur du cancer. Les travailleurs de la construction et leurs organisations syndicales, particulièrement la FTQ-

Construction, dénoncent depuis de nombreuses années le travail qui se fait sous la table dans l'industrie de la construction au Québec. Ce qui est nouveau, c'est qu'une fraction de plus en plus importante du patronat dans la construction commence à s'en plaindre et s'inquiète de l'ampleur qu'il a prise au cours des ans. Le président actuel de l'AECQ déclarait en décembre 1983 dans le journal de son association, et je cite: "Auparavant, le braconnage était le fait d'un petit réseau souvent actif dans un secteur plus ou moins surveillé, en l'occurrence le secteur résidentiel. Maintenant, on en voit dans tous les secteurs, ce que confirment, d'ailleurs, les mémoires qui ont été présentés ici. Le gouvernement se permet lui aussi de pirater l'industrie après avoir imposé un décret en augmentant la quantité de travaux qu'il entreprend lui-même hors décret."

On notera que c'est la partie patronale qui parle. Les secteurs forts de l'industrie commencent à se sentir menacés par le phénomène. Ils ont donc décidé d'en parler. C'est pourtant ce qu'on dénonce depuis de trop nombreuses années. On notera enfin que le gouvernement lui-même l'encourage par ses manoeuvres pour contourner le décret. Pourtant, c'est ce même gouvernement qui se fait le redresseur de torts et l'arbitre au-dessus de la mêlée.

Bref, le cancer se propage à une vitesse vertigineuse et menace tous les secteurs de l'industrie. Le système de la sous-traitance et l'émergence d'une nouvelle catégorie de patrons, les promoteurs "brokers" - qui ont été dénoncés par l'AECQ, ont brisé les règles du jeu et introduit une concurrence à ce point féroce et déloyale que les vrais entrepreneurs de la construction paniquent.

Mais comment fonctionne ce système qui amène les entrepreneurs à se couper le cou les uns les autres sur le dos des travailleurs, du consommateur et de l'État? Est-il possible de la quantifier même approximativement?

Disons tout d'abord qu'il n'est pas facile d'en faire un portrait précis car le patron qui engage au noir ne court pas sur les toits pour le déclarer à quiconque. Mais en faisant certains recoupements à partir des données officielles, on peut en dresser les grandes lignes.

L'AECQ, à partir des chiffres fournis par l'OCQ, estime à 27 200 000 heures le travail dans la construction fait au noir, soit, toujours selon l'AECQ, 28,5% des heures travaillées. Et encore, ces 27 200 000 heures ont été calculées à partir d'un taux horaire de 17,53 $. Dans son document, l'organisme patronal a estimé à 39 800 000 le nombre d'heures effectuées au noir en se basant sur un taux horaire de 12 $ au noir. Ce qui signifie que les vrais travailleurs de la construction ont perdu chacun, en 1982,

entre 351 heures et 506 heures par année.

Voilà pour la réalité froide et crue des chiffres. Voyons maintenant concrètement comment cela se passe dans la réalité et ce que cela a comme conséquence pour le travailleur. Nous prendrons l'exemple du secteur résidentiel. L'AECQ, comme on l'a vu plus haut, le reconnaît comme un secteur atteint depuis longtemps par le fléau.

Une tendance de plus en plus tenace dans l'industrie, c'est celle du promoteur ou "broker". Ce dernier achète des terrains pour bâtir, par exemple, 100 maisons. Il demande des soumissions pour le creusage, le coffrage, le carré de la maison, la couverture, la finition, les murs secs, etc. Il choisit pour chacune de ces activités celui qui soumissionne le plus bas. Au préalable, il a évidemment fourni les plans et devis d'un ou de plusieurs modèles de maisons. À leur tour, les soumissionnaires choisis demandent des soumissions à d'autres entrepreneurs. Par exemple, un contracteur général en coffrage donne des contrats à soumissions à des entrepreneurs spécialisés qui sont souvent des entrepreneurs qui travaillent seuls, d'anciens artisans qui sont devenus des entrepreneurs spécialisés ou des salariés qui sont devenus des entrepreneurs spécialisés. Le ministre de l'Habitation est parfaitement au courant de la tactique. Il arrive même fréquemment qu'il y ait une troisième étape de soumissionnaires. Nous pourrions donner de nombreux cas vécus de cette anarchie qui se développe dans l'industrie. Enfin, lorsque le dernier soumissionnaire de la chaîne vient pour construire, tous les profits ont été pris. La seule solution qu'il lui reste, c'est d'aller sur le marché noir. Il engage alors les travailleurs de préférence à la barrière, selon qu'ils acceptent ou non les conditions du décret: 25 à 35 heures rapportées à l'OCQ pour une semaine de travail de 40 heures et plus, des heures cachées, les outils électriques fournis par les salariés, les banques d'heures, les heures supplémentaires, le samedi ou le dimanche, non payées ou payées à temps simple ou bien ils demandent aux travailleurs de s'associer ou ils engagent des artisans ou des entrepreneurs spécialisés qui "contractent" à la "job" et qui ne déclarent pas leurs heures à l'OCQ ou bien, à la limite, ils engagent des gens sans cartes.

Le rapport des inspecteurs de l'OCQ est très explicite à ce sujet. Prenons l'exemple des inspections faites le samedi, 5 mai 1984. Sur 64 chantiers visités, on a dénombré 43 infractions dont huit au décret, huit à la qualification et 10 à la classification. Les inspecteurs eux-mêmes commencent à témoigner dans les journaux de ce climat de déstabilisation entretenu par les entrepreneurs qui engagent au noir.

Conséquences: Cette situation de clandestinité n'est pas sans conséquence importance pour toutes les parties intéressées, que ce soit les travailleurs, les entrepreneurs, les consommateurs ou l'État.

La première conséquence, c'est la clandestinité elle-même. À quoi ça sert de légiférer ou de signer des ententes avec l'autre partie si un grand nombre de personnes ne respectent pas ces prescriptions? On s'en va lentement d'autres diraient rapidement ou qu'on y est déjà - vers le règne du désordre et de l'illégalité dans la construction. Certains diraient vers le marché libre, tels certains promoteurs qui rêvent d'enlever tout taux de salaire décrété ou négocié. Ceux qui effectuent réellement les travaux de construction, à savoir les entrepreneurs et les salariés, savent d'expérience à quoi mène la concurrence sur les coûts de main-d'oeuvre.

L'existence d'un tel marché clandestin en compétition avec le marché régulier constitue une concurrence déloyale que les travailleurs, les entrepreneurs et les gouvernements ont cherché à tempérer depuis 1934 par le régime des décrets. Une telle concurrence offre non seulement une rémunération injuste et insuffisante à l'industrie pour un service compétent et hautement qualifié, mais affecte directement la qualité du produit et les conditions de travail de l'industrie de la construction. Une telle concurrence déloyale non seulement enlève du travail aux entrepreneurs et travailleurs qui investissent à temps plein dans l'industrie, mais elle les force à augmenter encore plus le rythme de production et le plus souvent, malgré la productivité accrue, au détriment de la qualité du produit et des conditions de sécurité des travailleurs. Il n'est pas étonnant que les employeurs aient à payer des primes de plus en plus élevées à la CSST puisque l'industrie représente un risque toujours plus grand pour la sécurité de ceux qui y oeuvrent. Une étude récente de l'OCQ démontre que l'industrie de la construction compte 11% des accidents du travail et 17% des jours indemnisés alors que l'industrie ne représente que 5% de l'emploi au Québec. Après le secteur de la forêt, c'est dans cette industrie que l'on retrouve non seulement le plus grand nombre d'accidents de travail mais aussi les plus graves.

Tout ceci ne semble pas améliorer le sort des consommateurs. Il serait bon de savoir si les maisons que les promoteurs ont fait construire en payant des artisans, des entrepreneurs spécialisés ou des braconniers en dessous des taux du décret ont été vendues à un prix réduit aux consommateurs. Parions que non. C'est bien beau de lancer des hypothèses gratuites, mais c'est de l'industrie la plus importante au Québec qu'on discute.

Je profite ici de la présence du

ministre de l'Habitation pour faire une déclaration qu'il peut confirmer ou infirmer. Dans le cadre de Corvée-habitation, M. Jean-Paul Beaulieu - je pense qu'il est rendu sous-ministre - m'a dit que, lors d'une rencontre qu'il a eue avec les entrepreneurs, lorsque le sujet du salaire des travailleurs de la construction est venu sur le plancher, il s'est dégagé une sorte de consensus à savoir que ce n'est pas ce qui influençait le coût des maisons et qui influençait la possibilité de vendre la maison ou de ne pas la vendre. C'est la loi de l'offre et de la demande qui est importante. Cela ne m'a jamais été confirmé par le ministre, ce genre de discussion.

Dans une situation de clandestinité, le risque d'accident représente un danger accru pour le travailleur et pour le consommateur. Ce dernier peut se faire poursuivre au civil en cas d'accident tandis que le travailleur n'est pas couvert par la CSST.

Dans une telle course, où le travailleur qui se fait concurrencer par une main-d'oeuvre plus ou moins qualifiée va-t-il trouver l'intérêt et le temps pour accroître sa formation et sa polyvalence professionnelles que certains réclament à grands cris? Il faut être logique!

Il faut savoir aussi que toute cette clandestinité ne se fait pas sans frais. Le plus souvent, les réductions de taux se font au détriment des caisses de l'impôt et des avantages sociaux. À quoi vous fait penser ce taux de réduction de 30% qu'offre le travail au noir, sinon au pourcentage de l'impôt et des avantages sociaux? Ce sont les réguliers qui paient pour les manques à gagner. Non seulement leurs investissements sont moins utilisés et donc plus coûteux pour les clients réguliers, mais ils paient pour les irréguliers. Une recherche de l'office sur les avantages sociaux et les artisans nous apprend que, depuis des années, l'artisan fraude et écrème le régime d'avantages sociaux des travailleurs de la construction. Nous ne voyons pas pourquoi les parties lui négocieraient des cadeaux. D'ailleurs, cette étude effectuée par l'office démontre que ces écumeurs retirent 2,05 $ du régime pour chaque 1 $ de contribution. De plus, ils constituent 4,16% du total des usagers du régime tout en ne comptant que pour 2% des heures travaillées.

Comment expliquer tout cela? Pour expliquer cette montée de l'illégalité et de la clandestinité ou semi-clandestinité, plusieurs explications ont été avancées par les diverses parties et les experts. À tout seigneur, tout honneur. Commençons par la plus simple: les salaires trop élevés.

Les salaires sont-ils trop élevés? Comparaisons interprovinciales. J'ai remis à M. Bédard un document qui est une étude qui a été effectuée par une firme, Blondeau et Compagnie, que nous avons engagée pour effectuer une étude sur les salaires des travailleurs de la construction au Québec en comparaison avec d'autres travailleurs et qui sont confirmés par Statistique Canada, des statistiques que le gouvernement a en sa possession. C'est un document que l'on va avoir à revoir.

L'une des remarques que l'on entend souvent lorsque l'on parle de l'augmentation du travail au noir dans l'industrie de la construction est que ce fléau est causé principalement par les taux de salaires trop élevés au point de pousser l'AECQ à réclamer une baisse de salaire de 20%.

Cette hantise du salaire trop élevé a atteint le public et favorise chez lui un nombre impressionnant de préjugés qui lui laissent croire que s'il ne peut s'acheter une maison c'est en grande partie à cause des coûts de main-d'oeuvre. Il faut arrêter de percevoir le travailleur de la construction comme étant une personne aisée et sans besoins. L'an passé, le salaire annuel moyen du travailleur de la construction a été de 14 900 $, ce qui n'est pas, on en conviendra, excessif.

Dans une étude réalisée pour nous par la réputée firme d'actuaires Blondeau et Compagnie, il a été démontré que, en ce qui a trait au taux de salaire dans l'industrie de la construction, le Québec a un taux inférieur à toutes les autres provinces situées à l'ouest même si on inclut les coûts des avantages sociaux. Le Québec se situe à un taux horaire moyen de 14,70 $ l'heure par rapport à une moyenne canadienne de 16,62 $ ou 16,70 $ par rapport à 19,72 $ si on inclut les contributions des employeurs aux avantages sociaux. Les avantages sociaux ici au Québec sont tellement bas que, quand on voit ce qui est versé dans le fonds des avantages sociaux au niveau du régime de retraite, on s'aperçoit que ce que l'AECQ, l'employeur, versait en 1973 était l'équivalent de 6% du salaire. Aujourd'hui, ce qui est versé par l'AECQ est l'équivalent de 2,4% du salaire.

Pour l'ensemble des provinces autres que le Québec, les taux de salaires sont plus élevés qu'au Québec de 13,1% en moyenne. Vous avez une référence en bas de la firme qui a fait l'étude.

Lorsque l'on ajoute les contributions des employeurs à l'égard des avantages sociaux, la situation relative de chacune des provinces s'améliore par rapport au Québec. Pour l'ensemble des provinces, l'écart de 13,1% passe à 18,1% ce qui veut dire que les autres provinces paient 6% de plus dans le fonds des avantages sociaux qu'au Québec.

Indice du coût de la vie. Contrairement aux affirmations de l'AECQ qui veut nous laisser croire que les salaires de la construction ont augmenté plus rapidement que le coût de la vie dans une proportion effarante, les données de Statistique Canada

démontrent que, pour la période allant de 1972 à 1983, l'évolution des taux de salaires fut supérieure d'à peu près 1% à celle du coût de la vie, cela étant basé sur une moyenne. Par contre, pour la période allant de 1978 à 1983, le pouvoir d'achat des travailleurs de la construction a diminué de 4% au total.

Devant de tels faits, nul ne se surprendra que, dans une lettre du 14 mai 1982, (annexe 1), le bijou dont on parlait, l'AECQ déclarait en parlant du renouvellement de la convention collective à ses membres: "II y a, à peu de choses près, autant de chômage chez les salariés de la construction des autres provinces. Et pourtant, notre entente de deux ans sera vraisemblablement la moins chère à être signée dans tout le Canada". Et tout de suite après on se met à crier après l'augmentation consentie et on demande aux travailleurs de renoncer à ces augmentations.

Importance des taux de salaires dans le coût des maisons. L'argument majeur que le patronat fait circuler depuis un certain temps déjà pour expliquer le marasme de l'industrie et la recrudescence du travail au noir dans le secteur résidentiel est que le taux des salaires des travailleurs de la construction est tellement élevé qu'il décourage le consommateur de s'acheter une maison. Voilà un argument choc qui plonge inévitablement le public dans une psychose antisyndicale. Si la fierté a une ville, le sensationnalisme a une association!

En effet, selon une étude menée aux États-Unis par Lee À . Saderstrom, de l'Université de Californie à Berkeley, la demande de logements est très peu influencée par les viariations du niveau des salaires des travailleurs de la construction.

D'autre part, plusieurs facteurs sont à considérer dans le prix d'achat d'une maison: les matériaux, le terrain, les frais généraux, les bénéfices et les taux d'intérêt. Tous ces facteurs subissent également les méfaits de l'inflation. On ne peut donc blâmer uniquement les taux de main-d'oeuvre. L'étude des actuaires de Blondeau et Compagnie révèle qu"'une variation de 5/8% dans les taux d'intérêt hypothécaire aurait un impact plus grand sur le versement mensuel de l'acheteur qu'une variation de 10% des taux de salaires des travailleurs de la construction." J'en profite pour souligner que les travailleurs de la construction... La FTQ-Construction, en tête, a été l'organisation qui a lancé Corvée-habitation et le gouvernement a saisi la balle et a fait une très bonne "job", pour autant que je suis concerné, au niveau des taux d'intérêt. Les travailleurs de la construction financent à peu près 6% des taux d'intérêt des acheteurs de maisons. Ce qui voudrait dire qu'on finance une augmentation de salaire de 50% à 60% sans que le coût des maisons soit affecté ou que le coût de l'intérêt soit affecté. Quand Corvée-habitation va tomber, cela veut dire que les acheteurs vont se réveiller avec des augmentations effarantes des taux d'intérêt et d'hypothèque mensuels. Ils vont regretter la participation des travailleurs et les employeurs aussi vont peut-être regretter leur action envers les syndicats, de toujours réclamer et crier après leurs salaires et de réclamer des baisses de salaires. (13 heures)

Tous les acheteurs et courtiers savent que l'élément le plus important que considère l'acheteur, ce n'est pas le coût des salaires, mais le taux d'intérêt qu'il doit subir. Il y a une limite à faire des analyses simplistes de l'industrie de la construction au Québec. D'ailleurs, l'AECQ, dans sa lettre du 14 mai 1982 à ses membres déclarait ceci: "Les taxes sur les matériaux et les taux d'intérêt font plus mal à notre industrie que les taux de salaire." Nous sommes parfaitement d'accord. C'est pour cela, d'ailleurs, que la FTQ a proposé d'aider le consommateur à réduire les taux d'intérêt en concevant et en réalisant l'idée de "Corvée-habitation". C'est là que réside le problème.

Je voudrais aussi vous référer aux pages 30, 31 et 32 du document d'étude sur les taux de salaire des travailleurs couverts par le décret de la construction qui fait état d'une étude menée par la firme Fantus commandée par le ministère fédéral de l'expansion industrielle régionale et qui fait état des coûts. À la page 32, il y a une comparaison des coûts des bâtiments industriels et du loyer d'un bureau dans certaines grandes villes. On part de Montréal avec 100%; à Toronto, les coûts des bâtiments industriels sont supérieurs de 4%; à Vancouver, 106% comparativement à 100% chez nous; à Chicago, 124%; New York, 125%; Düsseldorf - c'est loin - 123%; Londres, 160%; Milan, 115%; Paris, 121%; Tokyo, 275%. On est l'une des provinces - on peut dire que le même facteur existe dans toutes les autres villes au Québec - où les coûts de construction sont les plus bas sur le continent nord-américain. Et l'AECQ continue à crier contre les coûts de construction. Les travailleurs ne sont pas syndiqués dans la plupart de ces endroits où le travail se fait souvent par des travailleurs non syndiqués et cela n'influence pas les coûts à la baisse.

Il faut aller au-delà du mythe populaire selon lequel le travailleur de la construction gagne 35 $ l'heure, comme l'ont déjà titré certains journaux. Ce montant exigé par l'entrepreneur représente plus du double du salaire payé au travailleur. Ce tarif ne comprend pas le coût des matériaux, de l'équipement et les frais de financement.

Il faut en conclure que les taux de salaire dans la construction actuellement ne sont pas un facteur déterminant dans

l'accroissement du travail au noir et dans la baisse du pouvoir d'achat de maisons de la part des consommateurs.

Le règlement de placement. Le second bouc émissaire, c'est le règlement de placement qui complète le duo de ceux qui aimeraient bien employer n'importe qui et le payer à n'importe quel prix. Il fallait donc s'y attendre. Le raisonnement dans certains cas est simple: s'il y a des illégaux, c'est parce qu'il y a une loi. Même si toute loi est sujette à amélioration, on est en droit de se demander quels intérêts défendent ceux qui veulent permettre le libre accès au travail dans la construction. Sûrement pas ceux des travailleurs permanents de l'industrie, ni même ceux des consommateurs qui ont droit à une main-d'oeuvre qualifiée reconnue, ni même ceux des entrepreneurs pour qui des salariés compétents, réguliers et encouragés sont des garanties, non seulement de la qualité des travaux, mais de l'efficacité de leur entreprise. Quels intérêts défendent ceux qui veulent enlever à l'industrie de la construction son embryon de politique de rationalisation de la main-d'oeuvre? Sûrement pas ceux de l'industriel Au lieu d'abolir ce début de politique de stabilisation de la main-d'oeuvre, il faut la poursuivre, selon la FTQ-Construction, en instaurant un véritable régime de sécurité du revenu.

Les déficiences de la loi. Nous rejoignons ici le mandat précis de cette commission parlementaire. Si plus d'un s'entendent pour dire que c'est la loi elle-même qui encourage et explique la clandestinité, tous ne s'entendent pas sur la solution. Pour certains, dont la FTQ-Construction, c'est l'exception inscrite dans la loi qui donne ouverture et encourage la clandestinité, à savoir l'exclusion et le régime d'exception faits aux artisans. Comme remède, la FTQ-Construction croit qu'il faut limiter davantage l'exception et renforcer le régime général. D'autres cherchent plutôt dans la même voix que l'ex-ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, qui, à l'occasion de la loi 110 a légalisé et encouragé l'exception. Dans cette perspective, ils veulent amender la loi pour étendre l'exception et réduire graduellement l'importance du régime général qui devient et est jusqu'à un certain point devenu l'exception. Pour nous, un tel remède consiste à soigner la maladie en détruisant le malade; autrement dit, à modifier complètement le régime de relations du travail et, encore une fois, à réduire le rôle des parties et des ententes contractuelles dans l'industrie au profit de la concurrence féroce et de la réglementation étatique.

Le manque de contrôles. D'autres diront que la loi est bonne, mais qu'il y a des insuffisances au niveau des contrôles. Dans ce sens, certains proposent l'augmentation des amendes, surtout contre les salariés. Selon nous, il faut aussi regarder du côté de l'efficacité de la surveillance. À cet égard, il semble que l'État, cherchant à remplacer les parties dans la surveillance du placement et de la politique de main-d'oeuvre, n'a réussi qu'à alourdir l'administration de l'industrie sans parvenir à l'efficacité du système de placement d'autrefois qui, malgré des accrocs, avait quand même réussi à maintenir à un niveau négligeable le fléau croissant du travail au noir. Selon nous, le système actuel est pratiquement inefficace et il ne saurait être autrement, malgré un accroissement massif du personnel de surveillance. Il faut repenser les rôles des parties et adopter des moyens de dissuasion efficaces. Ce sont les amendes.

Le manque de qualification et de formation professionnelles. Le manque de qualification et de formation professionnelles adéquates est un encouragement direct au travail au noir, particulièrement la surspécialisation encouragée et produite par le système des sous-contrats. Le menuisier qui a été obligé de se spécialiser dans la pose de portes durant des années et qui a perdu graduellement sa polyvalence est plus susceptible d'aller travailler au noir qu'un autre qui peut faire avec efficacité un éventail plus large des travaux du chapentier-menuisier.

Les pressions économiques. Plusieurs reprochent aux travailleurs eux-mêmes d'accepter de travailler au noir. On dit aux syndicats de travailleurs et aux associations d'employeurs: "Mais ce sont vos membres qui font du travail au noir." Il est évident que, lorsqu'il y a trois travailleurs pour un seul emploi, et en l'absence d'une politique de sécurité du revenu, la tendance est forte de chercher à s'en sortir dans la clandestinité. Cela ne justifie rien, mais cela s'explique beaucoup. Il faut ajouter que, très souvent, il s'agit pour le travailleur de protéger son droit de travailler, puisqu'un grand nombre d'entrepreneurs refusent d'embaucher des travailleurs qui n'acceptent pas de travailler au noir. C'est à cela que mène la concurrence sauvage quant au coût de la main-d'oeuvre.

Les solutions. Le travail au noir peut être réglé. Il a toujours existé, mais pas avec l'ampleur qu'on lui connaît actuellement. Il faut régler le problème en renforçant le régime général et non pas en étendant l'exception au détriment du régime général. Pour la FTQ-Construction, on doit prévoir une exception dans la loi, mais mieux la définir et s'y limiter. Nous ne cacherons pas, cependant, que nous ne voulons plus voir l'artisan voler le travail des vrais travailleurs de la construction. Ici, je répète ce qu'on a dit en 1981 et en 1982 à des commissions parlementaires: nous ne voulons pas éliminer l'artisan, mais nous ne voulons tout

simplement plus l'avoir dans nos jambes dans la construction neuve. Il choisit d'être un artisan, qu'il travaille comme artisan et que l'unité de négociation, qui est le travail des travailleurs de la construction, appartienne aux travailleurs de la construction. C'est pourquoi nous pensons que la notion de protection du travail de l'unité de négociation, qui existe dans une multitude de conventions collectives, doit aussi s'appliquer aux travailleurs de la construction. C'est la logique qui dicte notre recommandation d'exclure les artisans du secteur de la construction et de la rénovation. On pourrait ajouter ici la rénovation majeure.

Le travail de l'artisan. Les amendements que nous proposons auront pour effet de le confiner aux travaux de réparation et d'entretien aux fins personnelles et non lucratives d'une personne physique. Ces travaux sont, la plupart du temps, d'ordre mineur et englobent la marche d'escalier. Ils ne seraint donc plus considérés comme des travaux de construction lorsqu'ils sont effectués par un artisan. Je parle de la marche d'escalier, de la rampe du perron. Plusieurs politiciens, plusieurs députés pleurent quasiment en entendant dire qu'une pauvre personne n'a pas été capable de faire peinturer sa galerie, de faire poser sa marche, parce qu'elle devait prendre un entrepreneur. Cela est faux à l'heure actuelle, parce que l'artisan peut aussi faire ces travaux. Cependant, l'artisan devrait détenir un certificat de qualification pour avoir le droit d'oeuvrer dans les travaux de réparation et d'entretien. Le permis d'artisan serait délivré par l'office. Ces dispositions permettraient au consommateur d'avoir un minimum de garantie sur la qualité des travaux exécutés et sur des recours possibles. On veut que l'artisan soit une personne qualifiée, afin que le consommateur puisse l'engager avec confiance.

De plus, nous demandons que les artisans soient exclus des avantages sociaux. Il n'est pas normal qu'un groupe qui veut se soustraire aux règlements qui régissent la majorité puisse, par la bande, profiter d'avantages durement acquis par les vrais travailleurs de la construction. Le système des artisans, c'est qu'ils paient le minimum d'heures pour être admissibles. Cela ne leur coûte presque rien et ils ont continuellement des avantages sociaux.

Régulariser les autres travaux de construction. Selon la règle courante, celle-ci veut que des travaux de construction soient effectués par des salariés qualifiés au service d'un entrepreneur reconnu selon les prescriptions de la loi et les clauses convenues par entente collective entre une partie patronale et une partie syndicale. Il faut donc interdire à l'artisan de sous-traiter pour un entrepreneur ou un promoteur. Il faut limiter son champ d'action tel que décrit à l'article 19.5 apparaissant en annexe. Nous connaissons le phénomène de mutation de certains salariés et artisans en "entrepreneurs spécialisés". La plupart de ces pseudo-employeurs n'en sont pas et n'en seront jamais. C'est donc la raison pour laquelle nous proposons des amendements à l'article 54 et aux définitions qui auraient pour effet d'éliminer ces faux employeurs et de protéger le travail de l'unité d'accréditation que constituent les travailleurs de la construction. La FTQ-Construction demande que les divers organismes publics, municipalités, la SCHL, etc., soient obligés de vérifier la légalité de ceux qui sont appelés à effectuer des travaux de construction pour lesquels ils délivrent des permis.

La responsabilité solidaire. À l'article 54 de la loi, nous proposons des amendements qui rendront l'entrepreneur et le donneur d'ouvrage solidairement responsables, au même titre que l'employeur professionnel, du paiement par un sous-entrepreneur ou un sous-traitant des conditions salariales et autres conditions du décret. L'AECQ demande que cet article soit biffé parce que, supposément, il existe un fonds d'indemnisation à l'office. Cela veut dire: Réglons le problème en attendant des semaines et des mois pour faire payer le travailleur par le fonds d'indemnisation quand tout ce qu'on a à faire, c'est de rendre le donneur d'ouvrage, l'entrepreneur ou l'employeur solidairement responsable. Si c'est un employeur, entrepreneur ou donneur d'ouvrage solvable, il n'y aura aucun problème pour faire payer les salaires des travailleurs. De toute façon, le fonds d'indemnisation s'en va en banqueroute et l'AECQ, jusqu'à maintenant, a refusé de renflouer ce fonds en donnant un supplément de 0,01 $ l'heure pour maintenir ce fonds à flot.

De plus, les nouveaux paragraphes auraient pour effet d'empêcher le contournement du décret par des sociétaires d'occasion, de permettre à un petit employeur de travailler sur ses chantiers pour autant qu'il soit accompagné d'un salarié, et de définir qui peut être exempté de recevoir les conditions du décret, de posséder un certificat de classification et d'être membre d'un syndicat ou d'une association représentative.

Il est certain que l'association patronale va défendre l'employeur, le petit employeur qui va travailler sur ses chantiers. On n'a absolument rien contre le fait qu'un petit entrepreneur aille travailler sur son chantier. Par contre, on dit au départ qu'un employeur, c'est une personne qui contracte, qui devrait être occupée dans son bureau à faire des soumissions, à chercher des contrats pour faire travailler des employés.

C'est ça, un entrepreneur, un vrai employeur. Mais on est prêt à accepter que, dans les cas de baisse des travaux, l'employeur exécute du travail sur le chantier en compagnie d'au moins un salarié.

La Présidente (Mme Harel): M. Rivard, je vais vous demander de procéder plus rapidement, si c'est possible, pour que nous puissions terminer au plus tard à 13 h 30 l'audition de votre mémoire.

M. Rivard: II n'y aura pas de problème, je crois.

Le délégué de chantier. Nous avons parlé abondamment dans les pages précédentes du délégué de chantier et des abus patronaux depuis que la loi interdit de négocier une clause le concernant. Sachez que sur nombre de chantiers, c'est le syndicat qui pilote l'élection du délégué de chantier et non l'employeur. À certains autres endroits, le délégué est souvent désavoué par le syndicat car, plus souvent qu'autrement, il est la créature du patron.

Nous demandons donc que l'article 61 de la loi soit modifié pour stipuler que le décret doit contenir des dispositions sur le délégué de chantier et que les articles de la loi le concernant soient biffés en temps et lieu.

M. Lavallée: Le règlement de placement. Lorsque le règlement fut adopté en 1977 et mis en vigueur le 1er juillet 1978, nous y avons vu l'application par étapes des recommandations 116 et 117 du rapport Cliche. Jusqu'à présent, tout nous donne à penser que c'est exactement ce qui se passe sous le couvert d'améliorer le service de référence de l'office. Nous sommes contre le fait que l'office fasse du placement et de la référence de main-d'oeuvre. Le gouvernement subventionne ce service à coups de millions et le pourcentage du placement effectué par l'office demeure relativement bas. Mieux vaudrait affecter ces sommes à d'autres postes comme la formation professionnelle, par exemple. D'ailleurs, ce sont la pluralité syndicale et les batailles intersyndicales qui ont laissé croire au législateur qu'il fallait enlever le placement aux syndicats. L'immense majorité des employeurs n'ont que des éloges pour l'efficacité des bureaux de placement syndicaux et ce sont seulement quelques dirigeants de l'AECQ qui en font leur bête noire.

Les conventions collectives dans l'industrie de la construction au Canada contiennent des dispositions obligeant l'employeur à embaucher sa main-d'oeuvre par le biais de syndicats. Nous n'avons jamais entendu dire que cet état de choses créait des problèmes particuliers à l'industrie. Au contraire, l'AECQ prétend que les coûts sont plus élevés ici qu'ailleurs. Mettez fin au traumatisme de la commission Cliche et acceptez les syndicats de la construction comme les représentants légitimes des travailleurs une fois pour toutes.

Aujourd'hui, nous voyons le règlement de placement, avec nos réserves, comme une très bonne chose en ce sens qu'il exerce un contrôle quantitatif efficace. Nous espérons que le gouvernement ne cédera pas aux attaques des politiciens des deux partis qui le pourfendent à tour de bras pour des raisons purement électoralistes. Le problème dans la construction n'est pas le règlement de placement, mais bien le chômage. Pour nous, ce contrôle quantitatif est l'équivalent d'une clause d'ancienneté, clause que possèdent la presque totalité, sinon la totalité des travailleurs et travailleuses syndiqués travaillant en dehors de la construction. (13 h 15)

Le contrôle quantitatif fut demandé par toutes les parties dans les années soixante-dix. Maintenant que nous l'avons, nous voulons le garder. Si les patrons ont changé d'avis, c'est parce qu'ils s'aperçoivent qu'il remplit sa mission et favorise les vrais travailleurs de la construction, même ceux qui prennent de l'âge. Je trouve déplorable de voir, dans les mémoires de l'AECQ, qu'on parle du vieillissement de la main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre qui, à mon sens - on me corrigera - dans l'industrie de la construction, est autour de 40 ans, et, dans le métier que je représente, 34 ans, est-ce que c'est cela qu'on appelle le vieillissement de la main-d'oeuvre? Si on regarde autour de la table, c'est à peu près la moyenne d'âge.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lavallée: Quand on vient me parler de vieillissement de la main-d'oeuvre et qu'on veut absolument introduire des nouveaux dans l'industrie de la construction, il va falloir qu'on me prouve qu'il y a de la place pour ces nouveaux-là. On est entièrement d'accord que les jeunes viennent dans l'industrie de la construction. Je vais adhérer à la position de certains des centrales syndicales qui disaient, hier, que lorsqu'ils ont commencé dans l'industrie de la construction, ils ne venaient pas prendre la "job" d'un autre. Ils venaient parce qu'il y avait de l'ouvrage dans l'industrie de la construction. On parle d'abolir le règlement de placement. Est-ce qu'en abolissant le règlement de placement demain matin on va créer des jobs? Ce n'est pas le fait qu'il n'y ait pas de règlement de placement qui va créer des jobs dans l'industrie de la construction. Les gars de la construction travaillent à peine 1000 heures par année et on parle de leur enlever le petit peu qu'ils

ont encore. Qu'on essaie de me convaincre qu'abolir le règlement de la construction va créer une "job" et je vais embarquer. Ce n'est pas cela. On a besoin de jobs. On a besoin d'ouvrage pour les gars de la construction. Qu'est-ce qui serait arrivé, avec le chômage effarant qu'on vit présentement et les fermetures d'usines, s'il n'y avait pas eu de règlement dans la construction? Qu'est-ce qui serait arrivé sur la Côte-Nord? Là-bas, les gars syndiqués sont des membres de la FTQ. Tous les gars de l'Iron Ore seraient allés travailler sur le chantier de Baie-Comeau et les gars de la construction auraient crevé. Je pense qu'il faut considérer le travail de la construction comme une profession - ils ont besoin de cela pour vivre - et leur donner la chance d'avoir le petit peu de sécurité d'emploi qu'ils ont avec le règlement de placement.

On est d'accord avec le règlement. On veut bonifier le règlement et nous ne sommes pas, comme le conseil le dit, unanimes. C'est complètement faux. Nous sommes entièrement d'accord avec le règlement. Nous voulons le bonifier, le rendre plus fonctionnel et en faire une politique globale de sécurité du revenu pour les travailleurs de la construction. Même si on a un règlement de placement, on s'aperçoit qu'il y a des travailleurs qui réussissent quand même à avoir des autorisations de l'OCQ pour travailler sur le gazoduc. Avec les cadres et le personnel présentement là-bas, il y a une quarantaine de personnes qui ont eu des autorisations par l'Office de la construction pour travailler sur le gazoduc pendant qu'on a ici des gens compétents pour le faire qui crèvent de faim. C'est vous dire qu'on a un règlement de placement, qu'il y a des critères qui régissent ce règlement de placement et que même avec cela on s'en fait passer encore. Quand on parle du règlement de placement, on voit, dans le mémoire du conseil provincial, que cela empêche le libre accès partout au Canada. Ils ont leur règlement de placement à travers le Canada avec le "closed shop" qu'on appelle. Essayez d'aller travailler sur un chantier en Ontario ou dans d'autres provinces si vous ne faites pas partie du syndicat qui a la "closed shop". Si vous allez travailler, c'est parce que les travailleurs locaux auront tous travaillé et même, parfois, les "chums" des régions avoisinantes auront été travaillé. Je connais le système; je faisais partie de l'Union internationale auparavant. Donc, qu'on ne vienne pas charrier en disant que c'est cela qui détruit la mobilité de main-d'oeuvre. C'est faux.

Le ministre du Travail à l'époque, M. Pierre-Marc Johnson, avait essayé de négocier une entente de réciprocité avec le premier ministre de l'Ontario concernant le placement dans l'industrie de la construction.

Cela a fait les gros titres dans les journaux et vous n'en avez jamais entendu parler. Il a demandé au premier ministre de l'Ontario si les gars de la FIPOE, une petite union québécoise de 10 000 électriciens, pouvaient aller travailler en Ontario sur les chantiers avec les électriciens de l'Ontario. On n'a plus jamais entendu parler de l'entente de réciprocité avec l'Ontario. Je pense que c'est parfaitement légitime qu'on donne la chance aux travailleurs québécois de travailler avant d'en faire venir d'autres de l'extérieur. C'est faux quand on dit que les gars de l'Ontario n'ont pas le droit de venir travailler. Il y a des dispositions dans le règlement de placement qui le prévoient. Un salarié qui travaille pour un employeur de l'Ontario et qui peut le prouver a le droit de venir travailler au Québec. Je pense qu'il y a de la démagogie qui se fait autour du règlement de placement dans l'industrie de la construction et on serait prêt à en parler à une commission parlementaire qui siégeait uniquement sur cela. Ce n'est pas pour cela qu'on est ici aujourd'hui, mais je voulais soulever le point.

Les amendes, je pense qu'on en a parlé. Je suis d'accord avec les positions des autres centrales, mais il ne faudrait pas oublier non plus de modifier les amendes prévues à l'article 47 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles afin de les rendre compatibles avec celles de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Les pouvoirs des représentants de l'office et des représentants syndicaux sur les chantiers. Depuis plusieurs années, la FTQ-Construction réclame, notamment, le droit pour les représentants syndicaux de vérifier si les personnes travaillant sur un chantier sont habilitées à le faire en exigeant d'elles qu'elles exhibent les documents requis. Nous croyons que cela éviterait un tas de plaintes non fondées que l'office doit vérifier à coeur de jour. De plus, les associations représentatives devraient avoir le droit de vérifier le respect de la convention collective qu'elles ont signée.

C'est la raison pour laquelle nous proposons à l'article 84 une série d'amendements qui rejoignent en certains cas ceux demandés par l'office et qui auraient comme résultat final de forcer les employeurs récalcitrants à se conformer à la loi, aux règlements et au décret. Nous savons que l'AECQ s'oppose à nos demandes sous le fallacieux prétexte des droits de gérance. Pour nous, l'AECQ défend l'indéfendable car il ne s'agit pas ici de droit de gérance, mais du droit de frauder, de tromper, de tricher, de dissimuler, de comploter, de tronquer, de cautionner l'illégalité et même de détourner de l'argent.

Le règlement sur le champ d'application

de la loi. Le fait d'avoir modifié la définition du mot "construction" fait en sorte que la partie du règlement traitant de la machinerie de bâtiment et de production, des ascenseurs, des monte-charge, des escaliers mobiles, des centrales électriques ainsi que de la machinerie et de l'équipement de construction n'est plus utile dans le règlement.

Nous apportons des modifications à la section traitant du salarié occasionnel afin de boucher ce trou utilisé trop souvent, avec la complaisance du commissaire à la construction, par certains employeurs pour faire passer la parenté et les amis. Ils font notamment l'obligation à l'employeur et au candidat salarié occasionnel de prouver par assermentation que le salarié est à son emploi depuis au moins six mois et qu'il travaille la majorité de ses heures à l'extérieur du champ d'application.

Le tribunal de la construction. Je pense qu'on va passer cela. Nous sommes d'accord, d'ailleurs. On avait une entente. On est en désaccord avec le conseil provincial, mais on est d'accord sur plusieurs points. Nous sommes en désaccord sur certains points, mais nous sommes d'accord sur d'autres.

Quant au Tribunal du travail, on avait convenu que ces représentations seraient faites et on était d'accord, comme on avait convenu que l'étude pour les salaires, on se la partagerait.

Le ratio compagnons-apprentis. Cette demande de l'AECQ s'adresse au mauvais ministre. Cependant, nous devons vous laisser savoir que ce ratio, lequel a fait l'objet d'une entente entre les parties à l'époque où la formation et la qualification professionnelles étaient l'affaire des parties, est un peu le complément du règlement de placement. En effet, en favorisant qu'un plus grand nombre de compagnons que d'apprentis soient embauchés, il accorde une priorité d'emploi à ceux qui ont le plus d'ancienneté dans leur métier, spécialité ou occupation. La demande de l'AECQ laisse les employeurs à qui nous avons parlé indifférents et il semble que cette demande soit devenue une autre marotte d'un petit nombre de dirigeants de l'AECQ. Je ne ferai pas tout le débat sur le ratio compagnons-apprentis, mais ce n'est pas en changeant les ratios - à moins qu'il n'y ait entente entre les groupes, comme le conseil le mentionnait ce matin -qu'on va créer des "jobs", encore une fois. Ce n'est pas en plaçant un électricien, en le mettant à pied pour le remplacer par un autre jeune, que cela va créer une "job". Je pense que toute la question des ratios doit être discutée entre les parties. Il y a peut-être des métiers qui vont être d'accord pour faire des modifications, mais, lorsqu'on parle de formation professionnelle et qu'on parle de ratios, cela fait un tout. Il ne faudrait pas non plus traiter cela à la légère et dire:

Maintenant, on va placer cela un pour un comme l'AECQ le demande dans son mémoire et dire: Le problème de la construction domiciliaire est réglé parce qu'on a mis les ratios à un pour un. Je ne pense pas que... Je remarque qu'à cette commission le sujet qui ressort le plus, c'est l'habitation, mais on n'a pas uniquement l'habitation dans la construction. On a aussi les secteurs industriel et commercial. Donc, pour nous, c'est un sujet dont on doit discuter selon les métiers. Cette demande fait partie de sa stratégie politique de confrontation et nous lui disons encore une fois: Acceptez de vous asseoir à une table de négociation de façon civilisée sans arrière-pensée politique et nous sommes persuadés que nous pourrons nous entendre.

Quant au cloisonnement des métiers, c'est encore pareil. Je la trouve drôle, l'histoire de l'AECQ de dire que, pour poser une hotte de poêle, cela prend six personnes. Ils me montreront où ils prennent ces six personnes. Je pense que le conseil l'a exprimé ce matin. À un moment donné des travaux, on prépare l'endroit pour placer la hotte de poêle. Le menuisier est là. Quand l'électricien vient faire son travail, il vient placer ses fils. Ils ne font pas venir un électricien uniquement pour poser la hotte de poêle. Moi, le "jack-of-all-trades" dans le secteur domiciliaire... Vérifiez comme il faut avec les entrepreneurs domiciliaires si c'est le problème du domiciliaire. Ce n'est absolument pas le problème du domiciliaire et ce n'est pas en essayant de faire un "jack-of-all-trades" avec quelqu'un qu'on va obtenir une qualité supérieure ou une bonne qualité de travail.

Quant à la formation professionnelle, c'est aussi un débat. Maurice l'a bien souligné ce matin. D'ailleurs, j'ai siégé à plusieurs reprises avec lui à différentes commissions de formation dont celle de 1973 qui avait été mise sur les tablettes. C'est vrai qu'on a un problème dans la formation professionnelle et je pense qu'il va falloir le regarder de très près. D'ailleurs, je ne sais pas si on va pouvoir le faire à la commission Châtillon, mais on a demandé d'être entendus aussi, étant donné que la commission pourrait avoir à regarder dans le domaine de la formation professionnelle.

Je vous réfère à la page 46, au deuxième paragraphe: "Nous fermons ce chapitre en exprimant notre désir de participer de façon beaucoup plus poussée à la formation et la qualification professionnelles des travailleurs de notre industrie. Nous en avons assez d'être utilisés comme caution sous le couvert d'une consultation qui n'en est qu'un simulacre car notre participation au niveau des CFP se limite à servir d'estampille au conseil d'administration et au bureau de direction. Nous savons que la formation de la main-

d'oeuvre est de la juridiction de la ministre de la Main-d'Oeuvre et nous osons espérer que ce mémoire saura la sensibiliser à ce que nous ressentons."

Les statuts de l'AECQ. Encore une fois je veux soulever cela. Maurice disait, cet avant-midi, que le conseil provincial avait signé deux conventions collectives avec l'AECQ. Je vous ferais remarquer aussi que c'était le conseil provincial FTQ.

Une voix: D'accord.

M. Lavallée: D'accord? Lors de la dernière négociation j'ai remarqué que l'AECQ a critiqué à plusieurs reprises et dit dans ses bulletins: Le gouvernement nous a imposé une convention. Vous lirez la lettre -on l'a souvent mentionnée - en annexe signée par le président Claude Chagnon. Peut-être qu'il y en a qui diront qu'il était "flyé". On ne dit pas qu'il était "flyé" en termes de construction. Je pense que c'est un gars qui exprimait le voeu suivant dans sa lettre: On est un conseil d'administration, on a des pouvoirs, on a signé une bonne convention collective, 2% de moins que dans tout le Canada, et on demande aux employeurs d'entériner notre signature. Vous savez ce qui s'est passé, les entrepreneurs d'habitation ont refusé. Une commission parlementaire a été tenue et finalement l'AECQ a fait ses représentations et nous aussi et le ministre du temps a imposé l'entente qui était intervenue entre les parties. Donc, qu'on arrête de charrier et dire: Ce sont des conventions imposées. Je peux vous dire - je ne nommerai personne - que même à ce moment-là l'AECQ nous disait et avait dit au ministre: Donnez-en un peu plus pour que, à l'avenir, quand on fera une recommandation, ils la respectent. Pour ma part je suis tanné de me faire charrier et je pense qu'il faudra regarder comme il faut les statuts de l'AECQ. On est pris dans un pluralisme syndical, cinq associations syndicales se morcèlent et c'est de cela qu'on traite dans notre document. On essaie de trouver une façon de refaire l'unité quelque part, d'arrêter de se chicaner entre centrales syndicales.

Du côté patronal il y a une centrale, la centrale patronale unique. Je vous dis qu'elle tasse les associations qui en font partie. Au moins leurs statuts devraient mentionner qu'elles fonctionnent selon les votes exprimés, le nombre d'heures. De cette façon-là, avec qui allons-nous négocier? Si on a une entente avec l'AECQ demain matin, qui nous dit qu'elle ne sera pas revirée? Je pense qu'il faut regarder de très près. Je voulais soulever ce point parce que cela fait trop de fois qu'on nous accuse qu'il n'y a pas eu d'entente et que le gouvernement a imposé. Ce n'est pas le gouvernement qui a imposé, ce sont eux qui se sont fait virer.

En conclusion, nous aimerions revenir un peu sur le mode de représentation syndicale et vous dire que, si quelque chose n'est pas fait pour que cette pluralité syndicale malsaine prenne fin, les explosions de violence que nous déplorons auront toujours cours. Il y aura toujours des travailleurs qui feront abuser d'eux sans que la justice n'y puisse rien et ces abus sont d'ordres divers.

Il ne faudrait pas que le gouvernement croie y mettre fin avec des voeux pieux. Ce n'est pas avec des lois répressives et en minant le rapport de forces au profit des employeurs que le problème va se régler. Il faut regarder la situation en face et poser des gestes courageux au niveau du mode de représentation syndicale.

Nous vous remercions de nous avoir écoutés et nous sommes disposés à répondre à toutes vos questions.

La Présidente (Mme Harel): La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 45 alors que nous reprendrons avec la FTQ-Construction.

(Suspension de la séance à 13 h 30)

(Reprise de la séance à 14 h 57)

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre! La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Nous allons terminer l'échange à la suite de la présentation du mémoire de la FTQ-Construction et nous allons procéder par la suite avec l'Union des municipalités régionales de comté et le Conseil patronal de l'industrie de la construction. Je rappelle également que nous entendrons l'Union internationale des journaliers de l'Amérique du Nord. La parole est au ministre. M. le ministre.

M. Fréchette: Merci. Je voudrais aussi remercier M. Lavallée, M. Rivard et les gens qui les accompagnent. Je n'aurai, quant à moi, qu'une seule question qui touche un seul et même sujet. Les autres aspects sont à ce point précis que je ne sens ni la nécessité ni le besoin d'aller plus avant dans la discussion de ces sujets. Le chapitre que je veux tenter de clarifier un tout petit peu, c'est celui de la représentativité syndicale. Vous allez très certainement vous souvenir qu'au mois d'avril dernier, lorsque la décision a été prise de procéder à une prolongation du décret, lorsqu'elle a été annoncée publiquement, il y avait en même temps une espèce d'invitation qui était faite à l'ensemble des associations syndicales d'essayer de voir entre elles, de scruter entre elles les possibilités ou les moyens qui pourraient exister pour en arriver à réaliser cet objectif sous une forme ou sous une autre. Ce n'était pas tellement la

structure qui était importante, mais la possibilité d'en arriver à une conclusion à laquelle tout le monde se rallierait.

À la suite de l'audition des mémoires de la Centrale des syndicats démocratiques et de la Confédération des syndicats nationaux, je pense pouvoir m'autoriser à tirer la conclusion qu'à cet égard, depuis le mois d'avril dernier, il n'y aurait pas eu beaucoup de rencontres, pas beaucoup de discussions autour de ce sujet. Et encore, celles qui ont eu lieu auraient, à toutes fins utiles, échoué. Il n'y a évidemment pas de conclusion commune qui en est sortie.

Ma première question, M. Lavallée ou M. Rivard, serait de la nature suivante: Est-ce qu'effectivement, depuis avril ou avant, il y a eu des séances de travail entre les associations syndicales qui ont été expressément consacrées à cette partie du dossier?

M. Rivard: Pour répondre à votre question, il y a effectivement eu des tentatives d'approche faites par la FTQ-Construction auprès des autres centrales. À la CSN, on a accusé une fin de non-recevoir. On a tenté à plusieurs reprises de les rencontrer pour essayer de mettre fin à cette folie furieuse où les centrales syndicales se battent sur les chantiers et font battre les travailleurs pour une question d'idéologie syndicale qui, dans le fond, n'en est pas tellement une, parce que, comme centrales syndicales, on recherche toutes la même chose, soit de représenter les travailleurs, de négocier des conditions de travail et de les protéger quand ils en ont besoin. On recherche toutes le même but. Mais cela n'a pas été possible. Il n'y a pas une centrale qui est prête à laisser de côté son appartenance de centrale.

Cela a été la même chose à la CSD. Il y a eu des discussions aussi au conseil provincial à certains niveaux et cela ne veut pas déclencher. Nous, à la FTQ-Construction, sommes allés aussi loin que d'abandonner notre identification de centrale FTQ. On se disait: Ce qu'il faut, c'est qu'il y ait une seule centrale dans l'industrie de la construction et une centrale qui n'aurait d'affiliation syndicale à aucune autre centrale. On est d'assez grands garçons pour former une centrale. Si cela fonctionnait, on pourrait, lorsque nos structures seraient mises sur pied, décider si on s'affilie à une centrale syndicale déjà existante.

Nécessairement, je ne les blâme pas d'avoir analysé cela comme cela. Ce n'est pas vrai que la CSD gagnerait à ce qu'on s'y affilie; la CSN non plus, probablement. La FTQ-Construction a 42% des travailleurs à l'heure actuelle. Il y aurait de grosses chances que cela se fasse au niveau de la FTQ et une entente avec les unions internationales de la construction pour former cette centrale et les deux autres centrales seraient bannies.

C'est facile pour nous - je l'admets - à 42% de dire: On veut la centrale syndicale unique. Personnellement, par exemple, même si on avait 30%, je crois que cette situation a assez duré où on mine notre crédibilité auprès des travailleurs, où on en est rendu que, lorsqu'on va visiter les travailleurs pendant les campagnes de maraudage, ils nous disent: Quelle sorte de bebelle as-tu pour moi ce matin? On leur "dompe" toutes sortes de "junks", comme on dit en anglais, sur les chantiers pendant les campagnes de maraudage et, pour autant qu'on soit concerné, c'est un déshonneur. Si les centrales syndicales avaient assez de maturité, elles accepteraient notre proposition de se rencontrer pour former une seule centrale dans l'industrie de la construction et vraiment travailler pour le bien-être des travailleurs de la construction. Les travailleurs se détachent de leur propre centrale syndicale à cause de ces guerres intercentrales. Il faut que cela prenne fin. Nous, de la FTQ-Construction, on a fait des approches. Cela n'a pas marché et cela ne veut pas marcher.

M. Lavallée: M. le ministre, moi-même, à titre de président, j'ai rencontré, et Jean-Paul en a rencontré... Il y a des groupes de différents métiers chez nous qui ont rencontré d'autres groupes. Il y a eu de bonnes discussions. Les discussions que j'ai eues ont eu lieu avec certains membres du conseil provincial. C'est pour cela que je dis que quelquefois on est d'accord et, à d'autres occasions, on ne l'est pas. On était ensemble avant et il y a eu un "split". Comme Jean-Paul le mentionnait, au point de vue de l'idéologie syndicale, on a les mêmes idées, mais il y a peut-être certains points sur lesquels on n'accroche pas. J'ai la même opinion aussi. Plusieurs vont nous dire: Écoutez, cela va bien de parler avec 41%. Mais si on avait 30%, on prendrait la même position. Il faut absolument arrêter de se déchirer entre nous pour justement faire face à l'association patronale unique qui existe. On l'a dit dans notre document. Comment va-t-on faire tout à l'heure, en tant que centrale syndicale, pour donner les services aux travailleurs de la construction qu'ils sont en droit d'obtenir, avec les lois et règlements de la CSST par exemple, seulement cela? On n'a pas les moyens financiers de pouvoir suivre cela. Donc, il faut absolument se trouver une structure et arrêter de nous chicaner entre nous. On essaie - et on ne fait pas exprès pour jeter de l'huile sur le feu - par tous les moyens possibles de trouver la façon d'être ensemble. On a tous les mêmes points en commun; il suffit d'essayer de trouver un terrain d'entente. Je me mets à la place des centrales qui se sentent disparaître. C'est

dur à accepter, mais il faudra essayer de trouver le moyen de sauter par-dessus et d'en arriver à une entente.

M. Rivard: On a aussi proposé et envisagé à un moment donné que cette centrale syndicale unique soit composée de métiers. Ces métiers voteraient pour décider à quelle centrale adhérer. Cela voudrait dire que, techniquement, les électriciens feraient partie de la FTQ; les plombiers, du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Remarquez bien qu'il n'y aurait pas grand-chose pour les autres. Les plâtriers iraient peut-être à la CSN. Il y aurait donc une centrale unique, sans nom partisan, si vous voulez, mais chaque centrale pourrait être là, au niveau d'un métier. Il n'y aurait donc aucun intérêt d'avoir ce maraudage à longueur d'année pendant toute la durée d'une convention collective. Cette idée n'a pas été acceptée non plus.

M. Fréchette: Je suis content de vous entendre argumenter dans ce sens. Je retiens, de façon plus particulière, le désir que vous manifestez de voir cesser ces situations qu'on a connues depuis de nombreuses années et qu'on n'a pas besoin de décrire davantage. Je vais pousser l'exercice un peu plus loin, M. Rivard, M. Lavallée. Dois-je comprendre que vous êtes disposés encore à pousser plus loin la discussion? Deuxièmement - là, ce sera une question passablement précise - dois-je également comprendre que la formule qui est suggérée dans votre mémoire n'en est pas une qui est nécessairement coulée dans le ciment, non négociable, indiscutable, etc.? J'apprécierais que vous nous disiez aussi...

M. Rivard: Vous comprenez très bien, M. le ministre. C'est négociable; ce n'est pas coulé dans le ciment, mais on peut vous dire une chose. J'ai cru percevoir - peut-être que ma perception n'est pas exacte - qu'il y en a peut-être qui aimeraient qu'on se retrouve avec une structure de négociation et une structure de représentation. En ce qui concerne la négociation, on nous imposerait par la loi de ne plus se donner des coups de poing sur la gueule et de former un petit comité qui négocierait au nom de tout le monde. On se donne des coups de poing sur la gueule à l'Assemblée nationale. Cela s'est fait dans le passé, parce qu'il y a de la partisanerie et des rivalités. Ne demandez pas à un chat et un rat de s'entendre dans la même boîte. Il faut absolument que la représentation et la négociation soient considérées ensemble. Ici, j'aimerais citer encore une partie du mémoire qui avait été présenté par le conseil provincial FTQ à l'époque, lorsqu'il disait qu'il était contre le pluralisme syndical et qui citait le juge Robert Sauvé qui est maintenant à la

Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui est un ancien secrétaire général de la CSN. Voici ce qu'il disait: "La première question qui se présente à l'esprit lorsqu'on envisage la possibilité de négociation élargie touche au mécanisme de représentation des travailleurs. En effet, nous sommes habitués à un type de représentation unique des travailleurs dans le cadre de l'unité de négociation traditionnelle, l'établissement. Depuis 1944, pour Québec, la loi sur les relations ouvrières impose aux travailleurs le choix d'un seul porte-parole. C'est d'ailleurs une distinction importante en comparaison avec le système européen où les travailleurs ont la liberté d'appartenir à plusieurs associations et d'être représentés par ces associations, même au niveau de l'entreprise. Nous avons adopté le modèle américain, parce qu'il est un frein aux querelles intersyndicales."

C'est vieux, cela a été écrit en 1971. Le juge voyait cela aussi. "L'association qui a la majorité des travailleurs dans ses rangs est l'unique porte-parole de ces derniers. C'est un principe simple qui soutient toute la démocratie de type anglais." C'est le type américain ou anglais. "Il répond à des traditions séculaires, à une façon de penser propre à notre continent et à des valeurs sociales qui sont la base d'institutions importantes chez nous. La représentation unique des travailleurs d'une unité de négociation a, nous croyons, fait ses preuves. C'est à partir des lois qui reconnaissent ce principe que nous voyons s'instaurer un certain ordre des relations du travail, des avis de négociation, des délais de négociation, l'introduction d'étapes conciliatrices et médiatrices, l'encadrement de la grève, l'identification du responsable des négociations du côté des travailleurs. Si, aujourd'hui, l'on parle de certaines carences du système actuel des relations du travail, c'est beaucoup plus sur l'aspect de la dimension des unités de négociation que sur l'aspect du type de représentation des travailleurs. La solution est alors d'étendre l'aire des négociations sans toucher à l'idée d'un seul représentant syndical pour les travailleurs d'une unité de négociation qui prend les dimensions d'un secteur d'activité. L'unité de négociation qui prend les dimensions d'un secteur d'activité, c'est toute la construction où tous les métiers, peu importe la région où ils sont exercés, font les mêmes tâches."

En conclusion - j'en passe un bout - il disait ceci: "Parfois, le cartel est la seule solution - on parle d'un cartel syndical et on ne pense pas que ce soit la solution - mais cela ne veut pas dire que c'est la meilleure. Justement, à cause de notre expérience dans l'industrie de la construction, nous pouvons dire que de nombreux problèmes viennent directement du cartel syndical."

Si vous voulez nous imposer un cartel syndical - on ne fera pas exprès pour le faire sauter, il ne peut pas fonctionner -vous ne réglerez pas le problème des périodes de maraudage sur les chantiers de construction où des gens très peu scrupuleux frappent des gens, crachent sur eux continuellement, leur font peur, les intimident, essaient de les sortir des chantiers et de les faire congédier par les employeurs pour essayer de placer leurs membres ou les faire changer d'allégeance syndicale. Cela doit prendre fin! Tous ceux qui s'en sont rendus coupables... Il y en a chez nous - on ne se parle pas entre enfants - il y en a chez nous, mais cela a cessé chez nous et il faut que ça cesse ailleurs. Il y a une seule et unique façon de décourager ce genre d'attitude, c'est en ayant une seule centrale et en permettant périodiquement qu'il y ait un vote, pour que les travailleurs qui ne sont pas satisfaits puissent changer de centrale syndicale.

On proposait, dans un premier temps, que, si une centrale a obtenu au moins 15%, elle soit continuellement sur le bulletin de vote pour avoir une chance, peut-être un jour, de représenter les salariés. On ne voulait pas tenir les travailleurs en otage, les tenir dans un carcan. On voulait qu'il existe une liberté syndicale et une démocratie syndicale. La démocratie syndicale, ce n'est pas seulement d'avoir une bonne procédure parlementaire dans les assemblées, c'est aussi d'être capable d'aller rendre des services sur les chantiers et d'aider les travailleurs quand ils sont mal pris. Financièrement, à l'heure actuelle, il n'y a pas une centrale syndicale qui a les moyens de faire son travail. Tenez-vous-le pour dit, c'est ça. Il n'y a pas une centrale syndicale, aujourd'hui, qui a de l'argent devant elle et qui est capable de rendre service aux travailleurs. On est obligé d'abandonner des griefs, on est obligé d'abandonner des cas où il faut aller devant les tribunaux parce qu'on n'a pas l'argent nécessaire.

C'est dû au fait que le nombre de travailleurs dans l'industrie de la construction périclite et qu'on est pris dans une concurrence syndicale qui nous empêche d'avoir des augmentations de cotisation qui nous permettraient de vivre. Il nous faut du personnel et le personnel qui travaille pour nous, comme dans n'importe quel organisme, il faut qu'il soit payé. On n'est pas capable de se payer cela.

M. Lavallée: Chez nous, M. le ministre, on demande au gouvernement, et on le dit dans notre mémoire, s'il le faut, poussez-nous, formez un comité, donnez-nous un délai pour nous entendre. Si on n'est pas capable de s'entendre, faites comme vous avez fait avec l'AECQ, imposez-nous une structure.

Nous serons aussi clairs que cela.

M. Fréchette: J'allais effectivement faire référence, M. Lavallée à la suggestion que l'on retrouve à la page 22 de votre mémoire. Avant de le faire, cependant, j'aimerais essayer de vous faire part de mes commentaires quant à ce dossier particulier de la représentativité syndicale. Au moins trois des associations syndicales que nous avons entendues jusqu'à maintenant ont identifié très clairement une difficulté à cet égard. Évidemment, les moyens suggérés pour arriver à contourner la difficulté en question ne sont pas du tout les mêmes, on s'en rend compte rapidement. Au moins, ces trois centrales syndicales, qui en ont expressément discuté, un peu comme vous, conviennent qu'il faut songer à un régime qui ferait disparaître celui qu'on connaît actuellement.

Tout cela pour m'amener à la question suivante, qui est en relation directe avec le texte qu'on retrouve à la page 22 de votre mémoire. "Le gouvernement pourrait former un comité formé des quatre principales associations représentatives afin d'étudier les possibilités de mise sur pied d'une centrale unique." C'est le terme que vous indiquez, mais on sait très bien l'objectif que vous visez. Quelques-uns nous ont dit hier qu'ils étaient encore disposés à tenter un ultime effort dans ce sens. À partir autant de ce que vous venez de nous dire que du texte de votre mémoire, je crois comprendre que vous aussi êtes disposés à le faire.

M. Lavallée: C'est exact.

M. Rivard: Nous en sommes l'initiateur.

M. Fréchette: Bon. Je ne vois pas, au moment où on se parle - il faudrait peut-être pousser un peu plus loin l'exercice -comment le gouvernement pourrait imposer à des centrales syndicales l'obligation de s'entendre sur un aspect de fonctionnement interne. Je ne pense pas que ce soit par réglementation ou par loi qu'un gouvernement puisse faire cela. (15 h 15)

M. Lavallée: Comme je viens de le mentionner, il y a quatre centrales syndicales, ce sera difficile de trouver un terrain d'entente. Vous allez me dire: Ce que tu amènes là, c'est assez direct. Si on avait une épée au-dessus de la tête, peut-être qu'on trouverait un terrain d'entente. C'est difficile de dire à une centrale syndicale qui a 7%: Embarquez-vous avec nous autres dans un système? Elle se voit disparaître. C'est difficile aussi de le dire à une autre qui a 19%. Peut-être qu'elle va disparaître, peut-être que non. Si on n'a pas quelque chose qui nous force à le faire, peut-être qu'on ne s'entendra jamais, mais, si on avait quelque chose qui nous forcerait à le faire, au lieu

de se le faire imposer, peut-être qu'on trouverait la structure. C'est le genre de discussions qu'on a tenues. On comprend que cela va être difficile de faire un consensus des quatre. Lorsqu'on aura cette épée au-dessus de la tête, peut-être qu'on va se trouver une structure au lieu de s'en faire imposer une.

M. Rivard: Je voudrais ajouter, M. le ministre, les effets - pour répéter une expression employée ce matin - néfastes de la pluralité syndicale dans l'industrie de la construction. L'an dernier, au poste de La Vérendrye, à Parent - je ne veux pas faire d'attaque à une centrale; elle l'a fait parce qu'elle était obligée, je crois - la CSN a signé une entente avec un employeur à l'effet de faire travailler les travailleurs le samedi et le dimanche à temps simple pour que l'employeur favorise l'embauche de cette centrale. Effectivement, cela a fonctionné, mais quand cette centrale, la CSN, a manqué de main-d'oeuvre, parce qu'elle n'a pas de monteurs de ligne - cela s'appliquait aux monteurs de ligne - on a pris la majorité et, en vertu du décret, c'est nous qui décidions. Alors, on a éliminé cela. La CSN rognait sur le décret après entente avec l'employeur parce qu'elle voulait placer ses membres. Cela doit arrêter. Voici un autre cas. À Chapais, un employeur, Laval Fortin, ne remplissait pas les conditions du décret. À la FTQ, on a fait une plainte qui lui a coûté plus de 100 000 $. Il n'y a plus un gars de la FTQ-Construction qui a été capable de rentrer sur les chantiers de Laval Fortin après. Ils engageaient tous des gars de la CSN et de la CSD. La pluralité syndicale, en plus du travail au noir, force parfois les centrales à dériver du décret pour essayer de placer leurs membres. Cette situation malsaine doit arrêter.

M. Fréchette: Écoutez! Pour le moment, je n'ai pas d'autres moyens à ma disposition que celui de vous inviter à continuer cette discussion, mais probablement que, demain soir, dans le résumé de tous nos travaux, il y aura quelque chose de suggéré à cet égard.

M. Rivard: Je voudrais également faire un autre commentaire, M. le ministre. Quand on parle de liberté syndicale, de droit des travailleurs d'appartenir à leur association, etc., et quand je parle d'égoïsme de centrales, c'est pareil dans toutes les centrales. Quand on dit qu'elles pèchent continuellement là-dessus, c'est qu'à la CSN ils veulent avoir le droit de négocier, mais ils ferment la porte à 15% pour laisser la CSD dehors. Ils se sont toujours chicanés; ils ne s'aiment pas. Le conseil provincial a déjà demandé la pluralité syndicale, c'est-à-dire le monopole syndical, mais il n'est plus en position de l'avoir et il ne le veut plus. Ce sont des égoïsmes de centrales, des intérêts de centrales. Il faut, à un moment donné, faire abstraction de cela pour régler le problème.

M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier les représentants de la FTQ-Construction, plus particulièrement M. Rivard et M. Lavallée, du mémoire qu'ils nous ont livré aujourd'hui. C'est un document qui est très bien fait, soit dit en passant, qui est très clair, qui est précis et qui indique clairement ce que la FTQ-Construction attend de cette commission. Malgré qu'on diverge d'opinion sur certains des éléments de ce document, on doit quand même convenir et retenir que ce document ajoute, de façon particulièrement intéressante, à la réflexion des membres de cette commission et à l'action du gouvernement qui sera entreprise par la suite et dont certaines bribes nous seront probablement annoncées demain soir.

J'ai seulement quelques questions à vous poser, dont une, entre autres, qui touche le niveau de rémunération. On y a fait référence souvent. Souventefois, on a entendu dire, comme tout le monde, que les travailleurs de l'industrie de la construction au Québec avaient un niveau de rémunération beaucoup plus élevé que les travailleurs des autres provinces. Une vérification auprès des gouvernements des autres provinces nous permet de comparer certains niveaux de rémunération, mais on ne compare pas des choses toujours comparables, en ce sens que, dans certaines provinces, le niveau de rémunération est établi, mais il y a d'autres choses qui sont négociables selon les chantiers, avec des primes particulières, etc. De cette façon, on ne compare pas toujours des oranges avec des oranges.

Vous avez fait effectuer une étude par la firme Blondeau et Compagnie: "Taux de salaire des travailleurs couverts par le décret de la construction au Québec." C'est un document qui vous a été produit le 19 avril dans lequel on en arrive à la conclusion que les niveaux de rémunération au Québec sont en deça de ce qui est payé pour les mêmes métiers ou les mêmes occupations dans plusieurs autres provinces. On doit retenir cependant que, dans plusieurs provinces, on a un secteur qui est syndiqué et aussi un secteur qui est non syndiqué. Si je me réfère à la page 19, au tableau 9, vous avez les comparaisons interprovinciales des taux de salaires et des avantages sociaux entre le 1er novembre 1982 et le 31 octobre 1983.

C'est assez éloquent en ce que le taux de salaire pour les métiers au Québec serait de 15,84 $. Vous avez le document, M. Rivard? En Ontario, de 17,10 $; au Manitoba, de 16,80 $; en Saskatchewan, de 17,27 $; en Alberta, de 18,10 $ et enfin, en Colombie britannique, de 18,42 $; pour l'ensemble des provinces autres que le Québec, un niveau de 17,56 $ en moyenne comparativement à 15,84 $ au Québec. À prime abord, cela paraît assez éloquent, mais la question que je me pose - et je m'excuse, mais j'ai eu le document seulement ce matin - est la suivante: Est-il exact que le point de référence sur lequel s'appuie la firme Blondeau et Compagnie dans les autres provinces est à partir, premièrement, des entreprises de 500 employés et plus et, deuxièmement, seulement le secteur syndiqué, donc cela ne comprendrait pas la petite entreprise et cela ne comprendrait pas l'entreprise qui embauche des travailleurs non syndiqués?

M. Rivard: C'est exact que ce sont des entreprises syndiquées. Mais quand on parle des entreprises de construction, ce ne sont pas des entreprises de 500 employés ou plus. Quand on fait la comparaison dans certains autres tableaux, on fait la comparaison entre le secteur hors construction et les entreprises de 500 employés et plus. C'est exact dans ce sens-là, mais ce ne sont pas des entreprises de construction de 500 employés et plus parce que cela ne traîne pas dans les rues.

M. Pagé: C'est cela, mais vous convenez avec moi que, dans le document, la firme Blondeau et Compagnie se réfère au fait qu'elle s'est appuyée sur des entreprises syndiquées, mais aussi des entreprises de 500 employés et plus.

M. Rivard: Quand vous comparez nos taux de salaire avec l'autre secteur, le secteur privé hors construction, on compare des entreprises de 500 employés et plus. On n'a pas, d'ailleurs, à comparer des syndiqués à des non-syndiqués. On est syndiqué pour tenir des taux de salaire de syndiqués et on n'a pas à avoir honte de cela.

M. Pagé: Non, je ne prétends pas que vous puissiez ou que vous devriez avoir honte de cela. Ce que je veux dire, c'est que c'est éloquent - j'en conviens - mais, encore là, comme je vous le disais au début, on ne compare peut-être pas toujours nécessairement les mêmes choses...

M. Rivard: Non.

M. Pagé: ...parce que là-bas il y a des secteurs non syndiqués, ce qu'on n'a pas ici.

M. Lavallée: Mais moi, je m'appuie sur les positions de l'AECQ, il y a deux ans, lorsqu'elle mentionnait aux employeurs que les taux de salaire, ce n'était pas nécessairement ce qui augmentait le coût de la construction. Je regardais hier les représentants de l'AECQ qui étaient ici ainsi que les membres du conseil d'administration, et la plupart étaient présents à ce moment-là au conseil d'administration. C'est pour cette raison que je trouve un peu loufoque la position de l'AECQ qui maintenait, il y a à peine deux ans, après qu'on a eu une entente avec elle... Elle vient nous dire que maintenant, l'économie est toute virée à l'envers, que cela n'a plus de sens et que les taux dans l'industrie de la construction, c'est ce qui fait dégringoler le domiciliaire. Je pense aussi qu'il faudrait être sérieux.

M. Pagé: M. Lavallée, ne nous demandez pas de formuler une appréciation sur les qualificatifs que vous vous échangez. Mais il y a une chose qui est certaine: je dois convenir avec vous que c'est de bonne guerre que vous produisiez ce document parce que c'est un véritable bijou.

J'aurais une autre question.

M. Lavallée: Je pense que M. Chagnon avait intérêt aussi, et il voulait absolument régler les problèmes de l'industrie. J'ai eu à l'occasion plusieurs discussions avec lui et, dans son document, il disait très bien qu'il voulait régler les problèmes de l'industrie et que, si chacun se mêlait de ses affaires, cela irait peut-être un peu mieux. C'est dommage. Il n'est plus là aujourd'hui.

M. Pagé: D'accord. L'autre question, M. Lavallée. Vous vous êtes référé... C'est très intéressant et là-dessus on se rejoint. On a sensiblement les mêmes inquiétudes, je pense. Vous avez évoqué le caractère de représentativité des employeurs qui sont membres de l'AECQ et qui participent à des décisions importantes pour l'ensemble de l'industrie. Dans votre document, vous joignez un document dont j'avais eu l'occasion de prendre connaissance antérieurement et qui donne le nombre d'heures déclarées par certaines entreprises dont les représentants jouent un rôle de premier plan au sein de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Je dois vous dire que, tout comme vous, nous, de notre côté, on est surpris de constater que certains employeurs déclarent, par exemple, 2713 heures dans une année de référence à l'OCQ. C'est donc dire que ce n'est certainement pas une très grosse entreprise ou encore, si tel est le cas, elle n'a pas eu beaucoup de travail.

Ici, une entreprise a déclaré, entre le 27 février 1983 et le 28 janvier 1984, 767,5 heures; ce n'est pas beaucoup. Une autre,

par contre, M. Pomerleau, a déclaré 411 714 heures; il s'agit d'un entrepreneur de la Beauce. C'est donc dire que l'entrepreneur, celui qui donne l'ouvrage, qui fait travailler pour un total de 500 000 heures a le même poids que l'autre entrepreneur qui fait travailler pour 700 heures. C'est pourquoi vous formulez, à la page 46 de votre mémoire, une recommandation dans le sens que, pour l'acceptation ou le refus des offres, il devrait y avoir une pondération, un vote pondéré en vertu duquel chacun des entrepreneurs se prononcerait à partir d'une force différente selon le nombre d'heures travaillées.

Je trouve cela très intéressant, mais cela m'amène à une autre question qui vous concerne directement. Vous avez évoqué à plusieurs occasions toute la question du monopole ou du pluralisme syndical. Entre parenthèses, vous vous êtes référés à l'évolution qui a peut-être caractérisé certains groupes; entre autres, vous vous êtes référés à l'évolution du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Je vous dirai, M. Lavallée, que cela ressemble un peu à nous autres. Le pluralisme et le monopole syndical, c'est un peu comme le système de vote proportionnel chez les politiciens. Parfois, les partis politiques sont pour, selon qu'ils sont satisfaits ou non, et parfois ils reviennent au système uninominal. Il y a une évolution et il ne faut pas se surprendre de cela.

Ma question est la suivante: Si vous êtes prêts à recommander pour les entrepreneurs un vote pondéré, dois-je comprendre que vous accepteriez que vos travailleurs, que vos membres s'associent à un tel vote pondéré et que le travailleur vote selon le nombre d'heures qu'il a effectivement travaillées dans le secteur de la construction par rapport à sa représentativité syndicale?

M. Lavallée: Je pense que ce serait difficile à appliquer à l'intérieur de nos structures syndicales. Je peux vous confirmer, avec preuve à l'appui, que, lorsque nous avons un vote d'acceptation ou de refus d'une convention collective on a des structures, j'ai déjà amené 3000 électriciens à Montréal, au centre Paul-Sauvé ce n'est pas 200 personnes qui votent, c'est la vaste majorité des travailleurs de la construction qui vient aux assemblées.

On a souvent tendance à accuser les dirigeants syndicaux de faire des grèves. Même si, demain matin, j'allais voir les membres pour leur dire qu'on s'en va en grève, s'il y a 50 personnes dans la salle, je ne ferai pas de grève avec 50 personnes. Nos structures syndicales sont très démocratiques. Vous regarderez les statuts des syndicats. D'ailleurs, nous sommes obligés de déposer cela à l'Office de la construction. Nous, les syndicats professionnels, sommes obligés de faire accepter nos statuts par nos institutions. Nous ne pouvons donc pas essayer de truquer toute la question des votes, soit pour l'acceptation ou le refus d'une convention collective. Ce serait très difficile de mettre le système en application et de dire: On va y aller selon les heures. C'est un peu comme le fait que je suis contre le système de votation par la poste parce que cela peut être truqué.

M. Pagé: Vous êtes donc totalement contre cela.

M. Lavallée: Je serais contre le système de dire: On va voter pour l'acceptation ou le refus d'une convention collective selon la pondération des heures faites par un travailleur de la construction.

M. Pagé: Je me référais non seulement à l'acceptation d'une convention collective, mais aussi à la représentation syndicale. (15 h 30)

M. Lavallée: On avait un système, qui a déjà été pris en considération lors d'un vote de représentation syndicale en 1975, qui donnait le droit à un travailleur qui avait fait une heure et plus, je pense, de voter. On avait eu un vote pondéré selon les heures. C'est cette fois-là que la FTQ-Construction, le conseil provincial du temps, avait obtenu 50% plus une fraction pour obtenir la majorité syndicale. Dans ce genre de système, on a déjà été d'accord et nous serions encore d'accord. D'ailleurs, cela faisait partie de nos recommandations. Lorsqu'on parle d'acceptation ou de rejet de convention collective, il faut en discuter différemment.

M. Pagé: Dois-je comprendre qu'au chapitre de l'établissement de la représentation syndicale par le vote exprimé par les travailleurs vous seriez d'accord avec un vote pondéré de la même façon?

M. Lavallée: Oui.

M. Pagé: D'accord. C'est intéressant.

M. Rivard: On voudrait aussi, par exemple, souligner qu'au niveau de l'acceptation de la convention collective le problème ne se situe pas parmi les centrales syndicales où on n'a jamais été "reviré" aussi brutalement que le conseil d'administration de l'AECQ avait été "reviré". On n'a pas à régler un problème qui n'existe pas. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire.

M. Pagé: Ce n'est pas le même problème.

M. Rivard: Ce n'est pas le même problème. On soulève un problème qui a existé à l'AECQ et on dit que cela devrait être corrigé. D'ailleurs, les dirigeants de l'AECQ de l'époque voulaient le corriger de cette façon. Nous, on entérine cela. On dit que c'est comme cela que cela devrait être corrigé pour que ceux qui vraiment sont impliqués dans le travail de la construction au niveau des employeurs aient des votes. Quant aux salariés, le problème ne se pose pas. La convention collective qu'on avait signée avec l'employeur a été endossée par nos membres et il n'y a jamais eu de problème à ce niveau.

M. Pagé: Merci, M. Rivard. J'aurai un dernier commentaire à faire auquel vous pourrez ajouter, M. Lavallée. C'est avec beaucoup de chaleur et toute la conviction dont vous êtes capable que vous avez plaidé ce matin en faveur du maintien du règlement de placement dans l'industrie de la construction. Je dois retenir, cependant, qu'autant ce plaidoyer pouvait être vibrant, autant il témoigne et il indique que l'attachement de la FTQ-Construction à l'égard du règlement de placement, c'est davantage pour le volet du contingentement que pour le volet du placement comme tel; vous-même confirmiez, ce matin, M. Rivard, que l'OCQ finalement plaçait très peu de travailleurs. Vous confirmiez tantôt, il y a quelques minutes, que, sur certains chantiers, d'autres associations représentatives négociaient avec l'employeur des conditions à rabais par rapport au décret pour être capables de faire entrer leurs employés et, par surcroît, vous demandez avec autant de chaleur et de conviction, M. Lavallée, que le placement syndical, le placement des travailleurs de la construction, revienne aux agences de placement syndicales.

Donc, je retiens que le règlement de placement, vous y êtes attaché en fonction du contingentement de la main-d'oeuvre. Vous avez donné l'exemple - il y a deux choses que je voudrais relever - de travaux sur la Côte-Nord et vous avez indiqué que, dans ce cas, lorsque des gros chantiers comme ceux-là s'étaient ouverts, si on n'avait pas eu de règlement de placement, ce sont évidemment les travailleurs licienciés d'autres entreprises qui seraient là. Encore, faudrait-il - et je tiens à vous le rappeler -que ces travailleurs aient eu en main un certificat qui n'est quand même pas trop négligeable, je pense, même si on n'y fait pas référence trop souvent, et c'est le certificat de qualification. L'autre chose: Vous avez dit ceci: Ceux qui s'opposent au règlement de placement se laissent aller à des politicailleries et qu'on me prouve que l'abolition du règlement de placement dans l'industrie de la construction va donner une heure de plus de travail.

Vous savez, ce serait bien simpliste s'il fallait qu'on raisonne comme cela, parce que ce n'est pas du tout notre intention. Ce n'est pas ce qu'on constate. Je n'ai peut-être pas eu l'occasion de vous le dire parce que, quand les travailleurs de la FTQ sont venus me rencontrer, j'aurais aimé que vous y soyez, mais je voudrais vous répéter et vous réitérer ce que je leur disais. Pour nous, la sécurité de revenu des travailleurs de la construction passe par un volume d'activité économique évidemment plus important au Québec, deuxièmement, par l'élargissement du champ d'application de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le décret. Vous y avez fait référence dans votre document, c'est très intéressant. Probablement que le ministre aura des annonces à nous faire là-dessus demain soir, compte tenu du consensus de toutes les parties.

Pour nous, nous regrettons qu'en vertu de l'application du règlement de placement dans l'industrie de la construction, le travailleur qui était affilié à la FTQ-Construction, le travailleur de la FIPOE dont vous étiez et dont vous êtes toujours, je pense, le président, qui, en 1979, a été considéré par le législateur et le gouvernement qui a adopté ce règlement comme étant un véritable travailleur de la construction, que ce travailleur, aujourd'hui, parce qu'il a commis le péché combien odieux de ne pas faire ses 1000 heures ou de ne pas répondre à l'une des normes qui ont tellement changé, n'est plus un véritable travailleur de la construction et est considéré comme un travailleur tout à fait marginal, même s'il détient un certificat de qualification dans ses poches. N'allez pas croire qu'en nous prononçant contre l'application du règlement de placement en regard du contingentement ce sont des politicailleries. C'est pour nous une règle fondamentale et la sécurité de revenu de vos travailleurs que vous défendez par des propositions formelles que vous avez déposées passe davantage par l'augmentation du volume, l'élargissement du champ d'application que par des mesures de plus en plus restrictives et des dents de plus en plus serrées dans un règlement comme celui-là.

M. Lavallée: Je vais vous répondre. Je pourrais en parler longuement. Je vous ai parlé de la Côte-Nord ce matin. Pour nous, le règlement de placement est notre clause d'ancienneté. Il y a eu dans les usines de la Côte-Nord des mises à pied massives par rapport à la chute du prix du fer et à la fermeture de Schefferville. Donc, il est évident qu'il y a des travailleurs qualifiés et non qualifiés qui étaient prêts à prendre les emplois des gars de la construction. Lorsqu'on avait du travail sur la Côte-Nord, on n'avait pas de problème. Quand on

devient en chômage et que nos gars veulent aller travailler à l'Iron Ore, par exemple, ils ont une clause d'ancienneté à l'Iron Ore. Avant qu'on puisse aller travailler à l'Iron Ore, il faut que les gars qui ont été mis à pied aient réintégré le travail. Tu fais ta demande et, s'il y a des postes à combler, tu peux aller travailler.

General Motors à Sainte-Thérèse, encore syndiquée avec la FTQ, a imposé des mises à pied massives: 1200 travailleurs ont été mis à pied. Même si nos gars voulaient aller travailler à General Motors, il va falloir qu'ils attendent que les gens mis à pied soient de retour au travail.

J'ai demeuré à Sorel quatorze ans. Quand on a construit Sidbec-Dosco et Atlas Steel et toutes les grosses usines dans la région de Sorel, il y avait beaucoup de travail; le travail a diminué. Il y avait 3000 personnes qui travaillaient à Marine Industrie. Quand le travail était bon dans l'industrie de la construction, les gars de Marine allaient faire un petit tour dans la construction pour aller se chercher un revenu. Quand ils étaient rappelés - parce qu'ils avaient été mis à pied - à cause de leur clause d'ancienneté, ils retournaient à leur travail à Marine Industrie. Si nos gars de la construction voulaient aller travailler à Marine Industrie quand c'était tranquille, on disait: Non, tu as des clauses de rappel ici et on a encore des gars en mise à pied. Pour nous - et je pourrais vous citer des centaines d'exemples de ce genre - c'est la seule petite sécurité qu'on a. Vous allez me dire qu'il y a des gars de la FIPOE et des gars d'autres métiers qui ont été mis à pied. On a des gars qui sont sortis pendant cinq ou six ans faire un tour à l'extérieur et qui sont revenus. C'est vrai que ce sont des membres chez nous. L'un avait un petit dépanneur; l'autre avait un autre travail; un autre s'était essayé dans une autre industrie. La construction était, dans notre jargon, le "dépotoir". Tout le monde y venait à quelque moment que ce soit. Si on entendait dire qu'il y avait un gros chantier, on s'y dirigeait et on était prêt à aller travailler tout de suite parce que c'était un peu plus payant. Les cultivateurs - je n'ai rien contre eux; d'ailleurs, je viens de la campagne, moi aussi - lorsque le temps des foins était fini et qu'ils avaient du temps libre, venaient travailler dans la construction.

On nous parlait des métiers qui ont des permis de qualification. Il y en avait plusieurs chez nous qui étaient pompiers et qui venaient travailler dans l'électricité quand ils étaient en congé après avoir travaillé un certain temps. On avait des gens qui venaient dans la construction à tout moment. Le règlement de la construction, c'est seulement cela qu'il a fait. Il a contingenté; il a essayé de réglementer cela un peu. On nous a dit qu'en 1976 il y avait 145 000 travailleurs dans la construction; ce n'était pas 145 000. Demandez aux autres centrales qui sont ici; c'est 215 000 qui y ont passé. N'importe qui passait dans la construction. On a commencé à épurer cela un peu. Il n'y avait pas d'ouvrage pour 215 000 travailleurs. On est rendu à 100 000. Nos gars travaillent près de 1000 heures par année. Qu'est-ce qu'on va faire pour les protéger un peu, ces gars-là? C'est la seule chance qu'on a. Si on n'avait pas eu cela, présentement sur la Côte-Nord, on n'aurait pas un travailleur de l'extérieur de la région, parce que la priorité est accordée aux gars de la région. Mais quand il n'y en a plus dans la région, on sort un peu et on va chercher les autres gars de la construction qui gagnent leur vie avec cela. On a toujours été contre. C'est un point du règlement de placement qu'on a toujours fait valoir dans les différentes commissions. L'article 38 permet à l'entrepreneur d'amener sa main-d'oeuvre permanente. Le but de l'article 38, lorsque le règlement de placement a été mis en vigueur, c'était qu'il puisse amener avec lui ses hommes clefs, le contremaître, le surintendant, le gérant de projet. Lorsqu'on a amené un apprenti, 4e année, à Chandler, je comprends la raison pour laquelle les gars qui sont de la région de Chandler et en chômage l'ont sorti du chantier. Un entrepreneur est arrivé à Rivière-du-Loup avec quatre gars de la FIPOE qui travaillent pour lui à Québec. Quatre autres membres de la FIPOE qui ne travaillent pas depuis onze mois restent près de l'école. Qu'est-ce qu'ils font? C'est la raison pour laquelle on a toujours privilégié la main-d'oeuvre régionale. Je comprends très bien l'exemple que Maurice Pouliot donnait ce matin. Lorsque l'entrepreneur de Montréal est arrivé avec sa "gang" de Montréal, les gars de la région du Saguenay étaient en maudit et ils ont dit: On veut travailler chez nous. Ces temps-ci, essayez de voler les jobs des gars. Ils les "watchent". Ils sont là et ils regardent tout. Il y a des gars qui ne travaillent pas depuis 18 mois. D'autres reçoivent le bien-être. Il y en a partout. Ne me dites pas que faire sauter la clause du règlement de placement va aider. Il y a 42 000 permis en électricité qui sont présentement en circulation. Il y a 10 000 électriciens dans la construction dont au-delà de 40% sont en chômage. Vous voulez ajouter encore 30 000 permis. Pensez-y comme il faut lorsque vous critiquerez le règlement de placement.

M. Pagé: On s'entend au moins sur une chose. On ne passera pas la journée à parler du règlement de placement.

M. Lavallée: Non, d'accord, mais c'est vous qui m'avez posé la question.

M. Pagé: On va terminer là-dessus,

mais on s'entend au moins sur une chose, c'est que le problème, c'est la grosseur du gâteau à partager; le problème, c'est une diminution substantielle du nombre d'heures travaillées dans la construction depuis 1976 ou 1977 au Québec. Dans les 110 000 ou les 115 000 travailleurs qui travaillaient dans la construction en 1977 et qui sont 77 000 aujourd'hui, M. Lavallée, vous allez convenir avec moi qu'il y avait de véritables travailleurs de la construction dans cela, qu'il n'y avait pas 40 000 pompiers là-dedans ou 40 000 chauffeurs de taxi.

Je terminerai en vous disant qu'on s'entend au moins sur le fait que, si on augmente le volume des travaux au Québec, s'il y a une meilleure planification des travaux gouvernementaux, si l'exemple de la programmation d'Hydro-Québec, il y a deux ans, à la commission de l'énergie et des ressources, lorsque M. Laberge était venu nous rencontrer, avait été accepté, cela aurait été des gestes gouvernementaux concrets de nature à augmenter le nombre d'heures travaillées et si, à cela, venait s'ajouter l'élargissement du champ d'application de la loi, cela pourrait contribuer peut-être à faire en sorte qu'un jour on n'aurait probablement plus besoin du fameux règlement de placement.

M. Lavallée: Mais l'un n'empêche pas l'autre.

M. Pagé: C'est strictement une question de philosophie.

M. Lavallée: On est d'accord.

M. Pagé: Mais je dois dire en terminant que, selon nous, le règlement de placement, c'est un moyen en vertu duquel tu dis: Toi, maintenant, tu en auras moins ou toi, tu n'en auras plus. C'est ce qu'on appelle gérer la décroissance. Je suis surpris qu'un organisme comme la FTQ qui a été depuis plusieurs années associé au progrès social du Québec s'associe actuellement à une telle démarche de gestion de la décroissance.

M. Lavallée: Qu'est-ce que c'est une clause d'ancienneté?

M. Pagé: C'est un privilège qui est accordé à un travailleur.

M. Lavallée: C'est quoi le règlement de placement?

M. Pagé: C'est un privilège qui est accordé - on peut répondre, M. Lavallée; il n'y a pas de problème - à...

M. Lavallée: Il n'y a pas de différence. Voyons donc.

M. Pagé: ...un travailleur, mais à la suite d'une redistribution du gâteau, dans le sens que tu le prends dans la bouche de l'un et tu le mets dans la bouche de l'autre. Je ne suis pas persuadé que ce soit ce qu'il y a de plus équitable, que ce soit ce qu'il y a de plus fondamental dans une société comme la nôtre. Bonne chance!

M. Rivard: M. Pagé, je vais tracer un parallèle avec une entreprise syndiquée. On va prendre l'exemple de United Aircraft et celui de Pratt et Whitney qui ont une convention collective disant que, si des salariés, après un an ou deux ans de travail, sont mis à pied pour manque de travail, ils ont droit d'être rappelés au travail de façon prioritaire pendant une période de temps, six mois, un an, deux ans. Si, après deux ans, il n'y a pas eu de rappel au travail, qu'il n'y a plus de travail chez Pratt et Whitney, cet employé est enlevé de la liste d'ancienneté, automatiquement, il n'a plus aucun droit de rappel. Il n'y a pas un politicien qui viendra crier après le gouvernement ou après les associations syndicales et dire: Essayez donc de placer ce gars à Pratt et Whitney. Faites-le rentrer et débarquez les autres. Il n'y a pas de travail à Pratt et Whitney. On n'engagera pas de gars. La liste d'ancienneté et la liste de rappel n'existent plus. Le gars n'y est plus inscrit. Dans la construction, on est beaucoup plus magnanime que cela. Dans la constrution, à l'article 49 du règlement de placement, on parle d'une liste préférentielle après avoir perdu l'ancienneté, c'est-à-dire le certificat de classification, où c'est le salarié qui a un certificat de qualification. Le finissant, l'élève, si vous voulez, qui a fini son cours en menuiserie ou n'importe quoi peut s'inscrire et avoir priorité sur tous les autres qui n'ont jamais rien foutu dans l'industrie de la construction. Cet article 49 existe et va continuer d'exister pour autant que nous sommes concernés parce que nous sommes d'accord avec cette clause. (15 h 45)

Le travailleur de la construction qui, par malheur, à cause du chômage ou à cause de certaines choses qui se sont produites dans l'industrie de la construction, ne peut plus travailler doit avoir un droit de rappel préférentiel. C'est juste normal. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises ayant une convention collective qui le font. Dans l'industrie de la construction, on veut que ce soit fait.

Quand on parle des 32 000 travailleurs qui ont été exclus de leur droit de travailler, de leur droit de se partager un gâteau qui ne suffit pas à faire vivre décemment les travailleurs qui se partagent déjà ce gâteau, vous voulez en rajouter encore et ouvrir les portes à tout le monde. Vous n'êtes pas capable d'ouvrir la porte à la ville de Portneuf ou à la ville de Québec et de dire: Engagez des gens dont vous n'avez pas

besoin. Dans la plupart des endroits, il y a des conventions collectives qui régissent le travail de l'unité de négociation.

Parmi ces 32 000 travailleurs - vous répondrez quand j'aurai fini, s'il vous plaît -il y en a 15 000 qui ont été réintégrés dans l'industrie de la construction. Il y en a 7000 qui se sont réinscrits en vertu de l'article 49 et il y en a 10 000 qui n'ont jamais donné aucune réponse à l'OCQ, à la lettre qui leur a été envoyée. Cela veut dire qu'il y en a au moins 10 000 qui n'avaient rien à faire dans la construction et qui étaient de passage. Il faut arrêter cela.

Le taux de roulement dans l'industrie de la construction avant la mise en place du règlement de placement était de 40%. Cela veut dire qu'il y a beaucoup de gens qui venaient chercher seulement un revenu d'appoint. Ce taux de roulement est aujourd'hui de 10%, avec le règlement de placement. Les travailleurs les plus âgés, qui représentaient 14% de la main-d'oeuvre, les 50 ans et plus, représentent aujourd'hui 20% de la main-d'oeuvre. Cela veut donc dire que le règlement de placement fait son travail, qu'il favorise ceux qui ont le plus d'ancienneté, donc qui ont le plus d'années de travail dans leur métier. Si on veut que ça continue, on ne voit pas pourquoi on séparerait un gâteau qui est déjà trop petit avec encore plus de gens. C'est créer de faux espoirs.

Dans certains cas, pour certaines personnes, c'est peut-être être un peu malhonnête parce qu'on dit: On va ouvrir la construction à tout le monde, vous allez vous partager le gâteau, mais personne ne pourra en vivre à l'année, ce sera toujours un revenu d'appoint. Si on parle d'une politique de rationalisation de la main-d'oeuvre, c'est qu'on veut former des travailleurs pour des emplois qui seront disponibles.

Un des malheurs qui existent, c'est qu'on forme des gens, des menuisiers, des électriciens, on leur donne un certificat, un carnet d'apprentissage hors construction. Dans la tête de ce type, le débouché naturel pour l'électricien, le menuisier ou les travaux de construction, c'est la construction. Il y va dans l'espoir qu'un jour il va entrer dans la construction. Il entrera dans la construction quand l'unité de négociation prendra de l'expansion, comme dans toute autre entreprise syndiquée. C'est ainsi qu'on veut que ça fonctionne, et on pense que ça devrait fonctionner ainsi.

Le règlement de placement a eu un bon effet, celui de faire travailler les plus vieux. Les bureaux de placement syndicaux favorisent également cela, si vous ne le savez pas, faire travailler les plus vieux. Quand un employeur demande cinq employés, il se retrouve avec un qui a 50 ans et plus, qu'il aime ça ou non. Ce qu'il faut favoriser, c'est la clause d'ancienneté. Si l'employeur, dans une usine, n'est pas capable de se débarrasser du gars de 50 ans, pourquoi laisserait-on aux employeurs de la construction le droit de se débarrasser de ces gars? On veut que ça cesse et on veut que la construction devienne un endroit où les travailleurs pourront gagner un salaire décent et vivre décemment. 14 900 $ par année, ce n'est pas vrai que c'est un salaire décent.

M. Pagé: M. Rivard, votre réponse m'amène à une dernière question.

M. Rivard: Ma réponse va probablement vous amener à une autre question.

M. Pagé: Vous évoquez à juste titre -c'est fondamental en relations du travail dans une société comme la nôtre l'ancienneté d'un travailleur par rapport à un autre travailleur. Vous avez donné l'exemple d'une entreprise, Pratt et Whitney, vous dites: Lorsqu'un service ou un département ferme, les travailleurs qui ont le plus d'ancienneté demeurent; ceux qui en ont moins, c'est regrettable, mais c'est la situation, vous devez quitter. Après un certain temps, vous perdez vos droits, c'est "just too bad". C'est la philosophie sur laquelle vous vous appuyez, et c'est très intéressant.

Si je me réfère à cette philosophie et à cette prise de position qui est la vôtre, je présume que vous deviez être contre le fait que le ministre du Travail, le 31 mars dernier, reconduise pour deux ans les certificats de classification des travailleurs qui s'apprêtaient à perdre leur certificat de classification et à perdre leur ancienneté, si je suis votre raisonnement.

M. Rivard: Ah non, vous ne suivez pas mon raisonnement.

M. Pagé: Ah oui!

M. Rivard: Vous suivez le vôtre!

M. Pagé: Ce sont deux langages tout à fait différents parce que là vos gars étaient sur le point de perdre leur droit, vous dites: D'accord, passez-leur, et ils renouvellent leurs cartes. Il faudrait être conséquent.

M. Rivard: Tout le monde s'accorde pour dire que, depuis 1981, on vit une période de chômage jamais vécue ou pas vécue depuis bien longtemps dans la construction. Le raisonnement qu'on a eu, c'est ceci. Pourquoi, temporairement, parce qu'on s'attend toujours à une reprise, baisser un bassin de main-d'oeuvre qu'on croit peut-être suffisant à l'heure actuelle, même s'il y en aurait peut-être quelques milliers qui pourraient débarquer? On s'est dit: Pourquoi

ne pas faire passer les gens dans tout cela quand on sait que c'est temporaire? Donc, on va prolonger la période d'ancienneté ou la période de droit de rappel. Si la construction revenait à un rythme normal et si on pouvait évaluer le besoin de main-d'oeuvre à 75 000, il est certain qu'on dirait à l'OCQ: Le prochain coup, je ne pense pas qu'il soit question qu'on reconduise le certificat de tout le monde. Surtout les gens qui n'ont pas travaillé une heure dans l'industrie de la construction. On aurait été disposé la dernière fois, concernant ceux qui n'ont pas travaillé une heure sur deux ans, peut-être à ce qu'ils le perdent. C'est un petit nombre, mais c'est encore un nombre assez important, il est relativement petit si on regarde les 100 000 travailleurs de l'industrie de la construction, mais on ne s'est pas arrêté là. On a dit: Il y a un bassin de main-d'oeuvre qui est suffisant. S'il y a une reprise, cela va suffire amplement pour les besoins des employeurs et on va garder cela comme cela pour le moment. Cela montre la souplesse du règlement de placement. Je veux dire: Cela prend peut-être un arrêté en conseil, d'accord. Ce n'est pas compliqué de faire un arrêté en conseil. Cela se fait vite à part cela avant les élections, des affaires comme cela. Cela équivaut à une clause d'ancienneté qui serait prolongée de 12 mois à 36 mois.

M. Pagé: Comme un renouvellement de décret.

M. Lavallée: M. Pagé, cela équivaut à une clause d'ancienneté qu'on aurait dans une convention collective; on a douze mois pour le rappel et on déciderait, à un moment donné, d'un mutuel accord, de la prolonger à 36 mois par rapport à la situation critique.

M. Pagé: On va terminer là-dessus. Pourquoi le travailleur qui se voyait placé devant une situation où il aurait perdu son certificat de classification au 1er avril 1984 a-t-il le droit fondamental, lui, de voir son certificat reconduit alors que celui qui s'est vu placé dans la même situation en 1980 et qui était un de vos gars n'a pas eu ce privilège?

M. Lavallée: II y en a eu très peu parce que, si vous regardez les interdits, c'est mort dans l'oeuf, comme on dit. C'était effrayant les interdits, c'était pour nous virer à l'envers. On s'est aperçu que les interdits n'ont rien viré à l'envers et que ce n'étaient réellement pas des gars de la construction. Lorsque l'OCQ a fait parvenir aux gars une demande en leur disant de renouveler, on a fait le recensement de cela, il y en a 20 000 qui n'ont pas voulu et ils ne nous ont même pas répondu. Chez nous, à l'interne, on l'a fait. Un paquet de gens nous a répondu que cela ne les intéresse plus d'être dans l'industrie de la construction. C'est ce genre d'épuration qu'on a fait, pour ne pas garder sur nos listes des gens indéfiniment. Je ne voudrais pas qu'on rembarque les 42 000 permis qui traînent dans le décor au Québec non plus. Cela n'existe que dans mon métier. C'est à part des autres.

M. Rivard: Aussi, je voudrais souligner...

La Présidente (Mme Harel): En terminant.

M. Rivard: Je voudrais souligner qu'en 1978, quand le règlement a été implanté, il y avait 150 000 travailleurs dans l'industrie de la construction et il y a des certificats qui ont été émis à 135 000. Aujourd'hui, six ans plus tard, on se retrouve avec 100 000 certificats de classification avec toute la baisse de l'industrie. Il n'y a plus de gros chantier. La Côte-Nord, c'est fermé, la Baie-James, c'est fermé. Le maire de Montréal est en train d'écrire sa réponse à la commission Malouf. Donc, il n'a pas le temps de faire de gros projets. Les Olympiques sont finies. Il n'y a plus de construction. Je pense que 100 000 travailleurs, c'est amplement suffisant pour les besoins actuels.

M. Pagé: Merci. On continuera cet échange peut-être à d'autres occasions, peut-être à la fin du mois si vous ne négociez pas. C'est cela.

M. Rivard: On veut négocier.

M. Pagé: Êtes-vous prêts à négocier?

M. Rivard: Oui.

M. Pagé: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Alors, on va procéder très rapidement parce qu'il est déjà près de 16 heures. Dans l'ordre des interventions qui ont été demandées, il y a le député de Duplessis; il y a, je pense, le député de Chapleau qui a quitté, le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais apporter certaines corrections ici en rapport avec certains dires du député de Portneuf se rapportant, par exemple, aux gens qui ont été mis à pied à IOC, et c'est pour informer aussi les membres de cette commission et les personnes présentes devant cette commission. Lorsqu'on parle de la fermeture des installations minières de Schefferville, lorsqu'on parle des mises à pied qui ont été faites à la compagnie

minière IOC ou dans toute autre compagnie minière sur la Côte-Nord à cause de la situation dans le domaine du fer, il n'est pas exact de dire que toutes ces personnes n'ont pas bénéficié du retour dans la construction. À cause justement du fait que ces personnes, dans beaucoup de cas, avaient déjà des heures de faites dans la construction, il y avait une possibilité pour ces personnes, selon le nombre d'heures, de revenir dans la construction à la suite des mises à pied, d'une part, et, d'autre part, d'être placées sur une liste de rappel. Donc, il y en a beaucoup qui, aujourd'hui, ont été mis à pied, mais qui travaillent dans la construction parce que, justement, ces personnes-là avaient les qualifications nécessaires pour s"'embarquer" dans le domaine de la construction. Il ne faut pas oublier ceci: lorsqu'il y a eu des constructions dans le domaine minier sur la Côte-Nord en 1958 et aujourd'hui, à ce moment-là, c'étaient des travailleurs de la construction qui faisaient la construction, en d'autres mots, qui construisaient les équipements, qui mettaient les équipements en place, qui faisaient la construction des bâtiments, etc., et même des routes. Par la suite, ces mêmes travailleurs sont passés, par la force des choses, dans le domaine privé, soit en travaillant pour l'Iron Ore, soit en travaillant pour Québec Cartier Mining et même en travaillant pour SIDBEC-Normines et ITT lorsque c'était ouvert. Donc, la grande majorité de ces gens-là avaient la compétence et les qualifications pour travailler dans la construction, mais ils ont pu profiter jusqu'à un certain point de l'avantage de pouvoir revenir dans la construction à cause du nombre d'heures. C'était la première clarification que je voulais apporter.

Dans un deuxième temps, lorsque le règlement de placement a été déposé dans la Gazette officielle le 30 septembre 1977, à la suite d'un comité de travail, il y a eu des négociations et des pourparlers avec les syndicats de la construction à l'époque. Je siégeais à ce comité. Je m'en souviens très bien. M. Laberge, M. Lavallée et même M. Pouliot, il y a des groupes qu'on avait rencontrés au niveau du comité de travail, incluant aussi des membres et des représentants de la CSN de même que de la CSD. À ce moment-là, le règlement a été publié dans la Gazette officielle, mais il a été mis en vigueur seulement à compter du 1er juillet 1978. Là, les gens se sont inscrits dans la construction et c'est là justement qu'il y a eu le décalage de 253 000, de mémoire. Il y a eu des gens inscrits à peu près de toutes sortes de façons dans le domaine de la construction et qui n'en faisaient pas partie. Il y a eu des gens de l'Iron Ore. Il y a eu des gens de Québec Cartier Mining. Il y a eu des gens de Pratt et Whitney qui prenaient leurs vacances durant l'été et qui allaient pour aller travailler dans la construction. C'est vrai. Cela a été prouvé. Par contre, le règlement a été amendé à plusieurs reprises depuis 1978. En particulier, dans le cas du contingentement, il est sûr et certain qu'on l'a élargi; qu'on se rappelle 1982 et 1984. On l'a élargi en 1984 lorsqu'on a dit qu'on reconduisait les noms de toutes les personnes avec leur permis d'enregistrement pour les deux prochaines années. Cela a été fait à la demande des syndicats. On les a reconduits. Donc, il y a eu une ouverture. C'étaient, en fait, les corrections ou les clarifications que je voulais apporter en rapport avec le règlement de placement.

Si vous me demandez à moi, en tant que député de Duplessis, si je suis d'accord avec le règlement de placement, je vous dirai carrément oui. Il n'y a pas de tergiversations là-dessus. Je ne ferai pas de patinage artistique non plus là-dessus. Cependant, il est clair et net - et c'est là-dessus que vont porter mes questions - qu'on pourrait apporter des amendements au règlement de placement lui-même, en rapport avec certains articles à l'intérieur du règlement, afin de le bonifier. Je peux vous parler de l'article 38. Je peux vous parler d'une certaine ouverture qu'on pourrait avoir dans d'autres articles aussi.

Donc, il est clair que je suis d'accord avec le règlement de placement et là-dessus, je crois - j'en suis même assuré - que je vais à l'encontre des vues du conseil provincial. Cependant, le règlement de placement étant ce qu'il est et à cause des besoins qu'on avait de contingenter le nombre de personnes qui avaient des permis d'enregistrement dans le domaine de la construction, il était là et il fallait le faire. On a pris nos responsabilités de ce côté-là. Si on ouvrait la porte toute grande, d'après moi, ce serait ouvrir une porte de grange -et vous excuserez l'expression qui dit que ce serait ouvrir une canne de vers - parce que là, on se ramasserait peut-être avec 300 000 personnes qui feraient des demandes de permis dans le domaine de la construction, alors qu'il y a du travail pour 70 000 ou 80 000 travailleurs. Donc, ce serait carrément indécent de notre part d'ouvrir et de décontingenter.

Je reviens à l'article 38 en vous donnant un exemple. Je l'ai cité en commission antérieurement. Je vais le citer aussi aujourd'hui. On parlait de Hervé Pomerleau et Fils. En 1979, de mémoire, un contrat a été donné, à la suite du règlement de placement, à Sept-Îles pour un montant assez appréciable de 3 000 000 $ et, à un moment donné, il est arrivé un paquet de gens qui venaient de l'extérieur. Ce que je voudrais savoir, c'est de quelle façon vous verriez l'article 38 bonifié pour empêcher

qu'un entrepreneur, qui a un contrat dans une autre région que la sienne, dans un endroit comme Port-Cartier-Sept-Îles ou encore Rouyn-Noranda, amène un paquet de gens qui viennent de cette région. Vous connaissez très bien le truc de certains entrepreneurs concernant les pensions, par exemple. On donne un chèque de 160 $. On l'inscrit dans nos livres, mais toi, tu changes ton chèque et tu nous le remets en dessous de la table. Par contre, il entre cela dans ses dépenses. Vous savez que cela se produit. La preuve est dure à faire, mais vous savez que cela se passe. Nous, on le sait, et la preuve est encore difficile à faire. Donc, de quelle façon bonifier l'article 38 pour faire en sorte qu'un entrepreneur, qui a un contrat à l'extérieur de sa propre région, n'apporte que le strict nécessaire et qu'on embauche les personnes dans le bassin régional pour compléter la main-d'oeuvre dont il a besoin? C'est la première question. (16 heures)

M. Lavallée: La réponse à votre question, vous regarderez les documents qu'on a produits à l'OCQ à trois reprises concernant l'article 38. Au tout début, l'idée de l'article 38 était celle-ci: on ne peut pas empêcher un entrepreneur qui obtient un contrat à l'extérieur d'amener ses "key men", qu'on appelle dans notre jargon...

M. Perron: On est d'accord.

M. Lavallée: ...son gérant de projet, son contremaître, ses gars clés qu'on appelle. Mais on en a fait une clause qui lui permet d'amener avec lui les travailleurs qui ont contribué à faire un certain nombre d'heures. Je pourrais vous dire, pour citer un exemple, que BG Checo, à un moment donné, devait avoir au moins 500 travailleurs qui détenaient une carte de permanents de BG Checo, et c'était faux. Ils ne travaillaient plus pour BG Checo, mais ils avaient travaillé les heures nécessaires. BG Checo aurait pu, demain matin, arriver à Sept-Îles et faire une "job" avec des gars uniquement de l'extérieur. Ce n'était pas le but de l'article 38. L'article 38, c'était tout simplement de permettre à l'entrepreneur d'amener ses hommes clés et on est d'accord. On le demande depuis le tout début, depuis que le règlement de placement a été mis en vigueur.

M. Rivard: De plus, on demandait que cette clause s'applique seulement à des travaux qui "traversent" la province. Par exemple, le gazoduc ou une ligne de transport. Si une ligne de transport part de Montréal, ils peuvent aller jusqu'au bout de la ligne sans s'arrêter aux régions pour ne pas forcer les employeurs à faire un recrutement chaque fois qu'ils traversent une région. Ce serait de la folie furieuse. On entendrait parler des coûts de construction; une affaire épouvantable.

M. Perron: Voici ma deuxième et dernière question. Le conseil provincial, ce matin, s'est prononcé carrément contre le règlement de placement dans sa forme actuelle et même sous toute autre forme en préconisant autre chose. Un des arguments que le conseil provincial donnait, c'était qu'il n'y avait pas de mobilité de la main-d'oeuvre au niveau interprovincial. Est-ce que vous pourriez donner aux membres de cette commission des cas où des gens de l'extérieur sont actuellement au travail au Québec, ce qui n'a pas été empêché par le règlement de placement? C'est entendu que cela se fait aussi à l'inverse. Il y a des gens du Québec qui travaillent à l'extérieur.

M. Rivard: Ce qui a été soulevé par un député, hier, c'est absolument faux. Il n'y a rien dans le règlement de placement qui interdit à un travailleur de la construction de l'extérieur du Québec de venir travailler au Québec, mais il est régi par les mêmes modalités que l'autre travailleur de la construction dans une région; il ne peut pas aller travailler dans l'autre région s'il y a assez de main-d'oeuvre dans cette autre région. Le règlement, à l'article 11 et à l'article 14, en parle. À l'article 14, il dit ceci: "L'office délivre un certificat de classification au salarié domicilié hors du Québec pour lequel un employeur enregistré à l'office formule une demande et fournit une garantie de travail, premièrement, s'il n'y a pas de salarié titulaire d'un certificat de classification À ou apprenti, selon le cas, disponible pour le travail offert ou si le salarié a travaillé au moins 1000 heures dans l'industrie de la construction pour cet employeur au cours des douze mois précédant la demande. Cet employé doit faire partie de sa main-d'oeuvre au moment de la demande." Un entrepreneur en construction en dehors du Québec qui prend un contrat au Québec doit, en vertu de la loi, s'enregistrer à l'Office de la construction et, s'il a des employés permanents en dehors du Québec, il va les chercher pour leur faire faire le travail. Parfois même, on crie contre cela. On a beau parler de mobilité de la main-d'oeuvre, la constitution canadienne a beau parler de la circulation libre des biens et des personnes, dans le reste du Canada, il y a des Québécois qui s'en viennent à pleine poche depuis l'année passée - et ils ont probablement fini de s'en venir - de l'Alberta, parce qu'il n'y avait pas de travail pour eux autres et qu'ils favorisaient leurs gens en premier. Un local d'union là-bas qui a une convention collective avec un employeur va donner du travail à ses membres et, après, il va donner du travail à d'autres locaux de son organisation, aux

membres des locaux de son organisation. Quand il n'y en aura plus du tout, il va en prendre d'autres. Alors, c'est un "closed shop" dont on parle et c'est ainsi. Il y a des travailleurs du Québec qui ne sont pas capables d'aller travailler dans les autres provinces parce qu'ils ne sont pas capables d'avoir des "jobs". C'est aussi simple. Donc, c'est possible pour des travailleurs d'autres provinces de venir travailler au Québec. Je sais qu'à Hull, à un moment donné, il y a eu un comité, dont le porte-parole était le député Rocheleau, qui parlait de faire une petite clôture autour de la région de Hull pour...

M. Rocheleau: Voyons donc!

M. Rivard: ...l'exclure du règlement de placement. En tout cas, j'ai des documents qui disent cela.

M. Rocheleau: ...au Québec partout.

M. Rivard: II voulait exclure la région de Hull de l'application du règlement de placement et, à la blague, à un moment donné, je lui ai dit: Vous êtes plus séparatiste que le PQ; vous voulez juste séparer une petite région.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rocheleau: On voulait se séparer des séparatistes.

M. Rivard: Vous devriez peut-être aller du côté gouvernemental pour raviver un peu la flamme de l'indépendance.

On s'est opposé à cela naturellement parce qu'on ne voyait pas pourquoi, au Québec, on exempterait à cause de faux problèmes ou des situations mal interprétées causées par le règlement de placement.

M. Lavallée: Je vous rappelle aussi ce que j'ai mentionné cet avant-midi: En Ontario et dans les autres provinces, ils ont leur règlement de placement par la structure des "closed shops" qu'on appelle. Non, ce n'est pas notre syndicat, c'est ce qu'on veut vous expliquer. Parce qu'on est de petits syndicats québécois, on n'a pas le droit d'aller travailler en Ontario. Rappelez-vous le temps où le ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, avait tenté de faire une entente de réciprocité avec l'Ontario pour le libre échange. Vous n'en avez jamais entendu parler par la suite. C'est mort dans l'oeuf. Qu'on ne vienne pas nous dire que c'est nous qui empêchons les gens de l'Ontario de venir travailler. C'est l'inverse qui se produit; c'est nous qui ne pouvons pas aller travailler en Ontario ou dans d'autres provinces.

M. Rivard: À l'heure actuelle, c'est un cas que je veux soulever, il y a treize travailleurs de l'Ouest, des gars sur le pipeline qui sont ici pendant qu'on a des chômeurs qui sont capables de faire le travail. L'OCQ - on va lui parler - a donné le OK aux employeurs pour faire venir ces gens-là de l'Ouest quand on a du monde ici capable de faire le travail. On ne parle pas des soudeurs spécialisés; on parle des opérateurs de machinerie lourde.

Je ne pense pas que le règlement de placement a comme effet de paralyser ou d'empêcher complètement les travailleurs des autres provinces de venir ici. Ils viennent prendre nos emplois quand on a déjà du monde en chômage qui voudrait travailler et dépenser cet argent-là ici.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Duplessis, il est déjà 16 h 10 et nous avons pris plus d'une heure de retard dans nos travaux. Je vais vous demander...

M. Perron: Une courte dernière.

La Présidente (Mme Harel): C'était la dernière tantôt. Il ne faudrait pas, non plus, que la réponse soit plus longue que la question.

M. Perron: Est-ce que vous pourriez répondre à cette question qui n'a jamais été posée par aucun membre de la commission à savoir s'il y a beaucoup de travailleurs québécois, dans le domaine de la construction, qui sont intéressés à s'en aller travailler à l'extérieur?

M. Lavallée: Je peux répondre à cela. C'est sûr que, dans le contexte économique actuel, alors que les gars reçoivent de l'aide sociale et qu'on a tellement de monde en chômage, si on avait demain matin des demandes pour aller travailler à l'extérieur, ils seraient certainement prêts à aller travailler à l'extérieur. On en a plusieurs en Algérie, d'ailleurs.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de l'Habitation a demandé le droit d'intervenir. Il faudrait que cela se fasse avec le consentement de la commission puisqu'il n'est pas membre de cette commission.

Une voix: Encore une fois!

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de l'Habitation, la parole est à vous.

M. Tardif: Merci, Mme la Présidente et MM. les membres de cette commission. Comme il a été beaucoup question d'habitation depuis, en tout cas, ce matin

que j'assiste aux travaux de la commission, je voudrais revenir à la page 33 du mémoire de la FTQ où on dit ceci: "L'argument majeur que le patronat fait circuler depuis un certain temps déjà pour expliquer le marasme de l'industrie et la recrudescence du travail au noir dans le secteur résidentiel est que le taux de salaire des travailleurs de la construction est tellement élevé qu'il décourage les consommateurs à s'acheter une maison. Voilà un argument-choc - continue le mémoire - qui plonge inévitablement le public dans une psychose antisyndicale." Et on continue: "Si la fierté a une ville, le sensationnalisme a une association." À la suite de cela, Mme la Présidente, on citait M. Jean-Paul Beaulieu qui a été sous-ministre au ministère de l'Habitation pour dire que, finalement, selon lui, ce n'étaient pas les coûts de la main-d'oeuvre qui étaient vraiment un frein à la construction résidentielle. Ai-je bien compris cette référence qui a été faite d'abord par le sous-ministre Beaulieu?

M. Rivard: J'espère ne pas révéler de secret d'État. Dans une conversation amicale avec M. Beaulieu dans le cadre de Corvée-habitation, il m'avait dit que, lors d'une réunion avec des employeurs, ceux-ci avaient finalement dit: C'est vrai que ce ne sont pas les salaires des gars de la construction qui empêchent de vendre des maisons. Ce n'est pas ce qui établit le prix des maisons; c'est la question de l'offre et de la demande.

M. Tardif: Mme la Présidente, je voudrais profiter de cette occasion peut-être pour ramener l'importance du secteur domicilaire dans l'ensemble de l'industrie de la construction à sa juste proportion. Le nombre d'heures travaillées dans le secteur domicilaire représente, bon an mal an, à peu près 30% du volume de travail dans l'industrie. Ce n'est donc pas toute l'industrie. Ce matin, lors de certains témoignages, on semblait en mettre beaucoup sur le dos de la construction résidentielle comme étant responsable de tous les maux, du travail au noir, etc. Encore une fois, c'est à peu près 30% du volume des heures de travail.

Un deuxième élément, Mme la Présidente. Pour une maison "Corvée", une maison typique au coût moyen de 54 000 $ l'unité, le partage des coûts est à peu près le suivant: 40% pour les matériaux, c'est-à-dire 21 600 $; main-d'oeuvre, à peu près 30%, soit 16 200 $ et autres frais, incluant terrain, frais professionnels et autres, environ 16 200 $ également, 30% également, pour un total de 54 000 $. C'est donc dire que la main-d'oeuvre représente à peu près 30% et, effectivement, le calcul donné à la page 33, à savoir qu'une augmentation de 10% équivaut à peu près à une augmentation de 5/8 de 1% en faisant un calcul rapide des taux d'intérêt, c'est à peu près ce que cela donne.

Mais ce qui me préoccupe comme ministre de l'Habitation, c'est que, si on fait un tableau de la progression des coûts de construction, d'une part, et des taux d'intérêt, d'autre part, on constate qu'il y a une diminution substantielle au fur et à mesure que progressent et le coût des maisons et les taux d'intérêt. Par exemple, au coût moyen de la maison "Corvée", de 54 000 $ - ici, les chiffres que j'ai sont par tranches de 5000 $; donc, prenons la maison à 55 000 $ - lorsque les taux d'intérêt étaient à 10% il y a à peine quelques mois, il y avait possiblement un bassin de 236 000 locataires qui pouvaient s'offrir le luxe de posséder leur maison. Avec les taux d'intérêt qui sont rendus à 14 1/2% et même plus, ce bassin est tombé à 132 000. C'est donc, en l'espace de quelques mois 100 000 ménages-locataires de moins qui peuvent devenir propriétaires de leur maison. Cela, selon, évidemment, les tables utilisées par les institutions financières pour consentir un prêt. C'est donc dire l'importance, précisément, du coût des maisons en regard de ce que les gens peuvent se payer. Et tout facteur qui contribue à gonfler indûment ces coûts - les taux d'intérêt sont parmi les plus importants - nous préoccupe.

Je tenais à préciser cela Mme la Présidente, puisqu'on avait, d'une part, évoqué la citation de mon sous-ministre que je n'ai pas rejoint pour vérifier la justesse des propos qu'on lui prête. Mais c'est un fait que, toutes proportions gardées, les taux d'intérêt on eu un effet beaucoup plus délétère que tout le reste, y compris les taux de salaire, les matériaux de construction, les taxes municipales et autres. Les taux d'intérêt ont vraiment paralysé l'industrie de la construction domiciliaire.

M. Rivard: Merci, M. le ministre.

La Présidente (Mme Harel): Je vais en profiter pour vous remercier, M. Lavallée, M. Rivard, ainsi que tous ceux qui vous accompagnent et inviter l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec à prendre place pour nous présenter son mémoire. (16 h 15)

Le Président (M. Fortier): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à M. Asselin de décliner ses titres et de présenter ceux qui l'accompagnent, s'il vous plaît!

UMRC et municipalités locales du Québec

M. Asselin (André): M. le Président, mes titres ne seront pas long à décliner. Je suis président de l'Union des municipalités

régionales de comté. Je suis accompagné de M. Georges Filion, qui est maire de Saint-Sauveur et vice-président de l'union, et de Mme Gaétane Martel.

Le Président (M. Fortier): Vous connaissez les règles. On vous demanderait soit de lire ou de résumer votre mémoire.

M. Asselin: Oui, je vais plutôt le résumer que le lire au complet.

Le Président (M. Fortier): C'est cela. Cela va nous permettre d'échanger.

M. Asselin: Oui, je vais vous l'expliquer un peu. Depuis une heure que j'écoute les débats, je vois que le cas des municipalités que nous représentons... On me disait un jour que, lorsqu'on défriche ou qu'on travaille dans la grande forêt, on ne regarde pas si en chemin on écrase un pied de bleuets ou un pied de fraises. Parfois, je me sentais dans le débat un peu comme cela.

Ce que je viens présenter, c'est ceci: Nous avons annexé à notre mémoire la liste des quelque 40 MRC qui nous ont envoyé des résolutions qui nous demandent, évidemment, d'intervenir au niveau de l'application du décret et des règlements de l'OCQ.

Le Président (M. Fortier): C'est 40 MRC sur 76, donc.

M. Asselin: Sur 94 MRC. La moitié nous a fait des représentations.

Le Président (M. Fortier): Oui, je demanderais, s'il vous plaît, le silence dans la salle afin qu'on puisse procéder. Allez-y, M. Asselin.

M. Asselin: Il faut le comprendre, nous représentons quelque chose comme 1250 à 1300 des municipalités les plus petites au Québec, celles qui ne sont pas les grandes communautés urbaines ou les grandes villes du Québec, les grandes agglomérations urbaines. Or, dans nos petites municipalités, il n'y a pas d'employés permanents ou à peu près pas, mais, pour certaines villes, il y a des exceptions dans la loi et dans les règlements qui permettent l'utilisation des employés permanents de la municipalité pour faire un certain nombre de travaux. Chez nous, il n'y a pas ou à peu près pas d'employés permanents. Lorsque les associations de loisir ou les associations locales ont des travaux à faire qu'on pourrait voir à l'intérieur de projets, comme le gouvernement vient de le faire par des programmes de relance économique, on pourrait engager des gens de chez nous qui sont en chômage ou, justement, disponibles pour travailler, mais on ne peut pas le faire lorsque cela touche à la construction.

L'application du décret est très vaste. Ce que nous demandons, c'est d'être exemptés purement et simplement de l'application du décret. Les commissions scolaires et les villes les plus populeuses, du fait qu'elles ont la possiblité d'utiliser leurs employés permanents, le sont, mais nous sommes très défavorisés par rapport au reste du monde municipal et par rapport au reste des gens face à l'application de ce décret. Cela nous est réclamé constamment et cela n'a pas cessé d'être réclamé.

On va nous dire que le gâteau n'est déjà pas grand et qu'on essaie d'enlever une partie des emplois au secteur de la construction. Si la construction domiciliaire représente 30% de l'ensemble des travaux, d'après ce que j'ai pu comprendre de l'intervention de M. Tardif tantôt, je vous dirai que les travaux que nous faisons dans les petites municipalités du Québec doivent représenter un pourcentage encore plus infime.

Le Président (M. Fortier): Quel genre de travaux?

M. Asselin: II y a eu un cas, justement, encore la semaine dernière dans la Beauce où on doit démolir un vieil édifice pour agrandir un édifice existant. C'est une dépense d'environ 50 000 $ et ce travail peut être fait selon un programme de création d'emplois. On ne peut pas le faire et on a renoncé à le faire, parce que, après avoir calculé ce que cela coûterait si on donnait le taux salarial du décret de la construction, cela devient inabordable. Vous allez me dire: Cela représente peut-être 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ additionnels au lieu de payer les salaires prévus et subventionnés. À ce moment-là, la petite municipalité ne peut pas le faire. Il faut tenir compte du fait que ces petites municipalités que nous représentons n'ont pas une structure financière qui ressemble à celle des villes. Dans les villes, il y a de l'industrie, du commerce, la taxe d'affaires. Cela fait que, si une ville dépense 100 000 $, peut-être 25 000 $ touchent le propriétaire d'une maison unifamiliale ou le propriétaire d'un terrain ou d'une maison, tandis que, si nous dépensons 100 000 $ chez nous, on ira chercher carrément 95 000 $ en taxes foncières directes sur l'habitation. Cela rend un grand nombre de projets inabordables. Je sais que certaines MRC et certaines municipalités ont fait des demandes pour être entendues et qu'elles le seront probablement au cours de la journée de demain, et elles vous donneront des cas précis. Il y a quand même 40 ou 45 municipalités régionales de comté qui nous ont envoyé des résolutions et qui demandent, en fait, d'être exemptées.

Nous demandons, évidemment, d'être

exemptés de l'application du décret de la construction, sauf qu'il y aurait une possibilité, à notre avis, de limiter jusqu'à un certain point la valeur des travaux, quand ce sont des travaux en bas d'un certain montant. Vous avez l'exemple d'une municipalité de 1000 habitants qui acquiert de la commission scolaire, pour 1 $, une vieille école. On présente un projet de création d'emplois pour faire la réfection de cet édifice. À un endroit, cela a été fait -je pourrais vous donner le nom de la municipalité - personne n'a dit un mot pendant que ça s'est fait avec un projet de création d'emplois et, quand cela a été fini, ces gens se sont retrouvés devant les tribunaux, avec une réclamation de quelques dizaines de milliers de dollars de la part de l'OCQ. S'ils avaient su qu'ils auraient à payer 25 000 $ ou 30 000 $ additionnels, jamais les propriétaires de la municipalité n'auraient autorisé le conseil à aller chercher les fonds nécessaires pour faire ces travaux.

Autrement dit, on n'enlève pas de gâteau parce que, en réalité, ce qu'on vous demande, c'est de permettre que des travaux qui ne sont pas faits dans la grande majorité des cas puissent être faits et qu'on puisse, justement, utiliser cette formule dans les petites municipalités du Québec de 600, 800, 1000, 1200, 1500, 1800 habitants avec de tout petits budgets de 300 000 $, 400 000 $ ou 500 000 $ par année. Évidemment, autrefois, quand ça brûlait, les gens faisaient une corvée et rebâtissaient. L'église, dans mon village, avait été reconstruite après un incendie à l'aide d'une corvée avec les gens de la place. Elle est encore debout, ça fait 117 ans. Elle devait être bien construite. Actuellement, ce qu'on vous demande, c'est la possibilité d'être soustraits à l'application du décret.

Cela couvre aussi toutes les organisations de loisir qui font de petits travaux sur des bâtiments qui leur appartiennent, qui sont subventionnées par la municipalité ou qui appartiennent carrément à la municipalité. Pour bâtir un abri à côté d'une patinoire, faire un certain nombre de travaux communautaires, je pense que les municipalités, surtout les petites, devraient être exemptées de l'application du décret.

Le Président (M. Fortier): Je vous remercie, M. Asselin. M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je voudrais d'abord remercier M. Asselin d'avoir consacré une partie de son temps précieux pour venir nous exposer la position de son organisme. Je voudrais lui signaler que, dans le cadre des travaux, surtout depuis que ces travaux sont commencés, on commence à aller à contre-courant. C'est le premier des mémoires que nous avons entendus jusqu'à maintenant qui demande que le champ d'application ne s'applique pas aux municipalités, particulièrement aux petites municipalités. Je ne suis pas en train de vous dire, M. Asselin, que votre argumentation ne vaut pas d'être regardée de près, mais je vous signale que, depuis hier matin, tous les gens que nous avons entendus ont utilisé force arguments pour resserrer davantage le champ d'application. C'est l'argumentation inverse de celle que vous nous soumettez qu'on a entendue.

Faisant abstraction des structures municipales - quand je parle de structures, je parle de l'Union des municipalités régionales de comté - combien y a-t-il, en tout, de municipalités au Québec? 1500, 1600?

M. Asselin: 1600 à 1700 dont 400 villes qui représentent 80% de la population du Québec. Après cela, vous vous retrouvez avec 1350 municipalités plus petites, qui sont en majorité celles que nous représentons. Ces municipalités représentent à peu près 15% de la population et à peu près 1 500 000 habitants répartis sur un énorme territoire dans de petits villages, partout au Québec.

M. Fréchette: Je vous pose la question juste pour le cas où vous pourriez nous renseigner, ne serait-ce qu'approxi- mativement, d'autant plus que je devrais normalement avoir ces renseignements devant moi. À votre idée, dans combien de ces municipalités, existe-t-il des conventions collectives avec des employés permanents, salariés?

M. Asselin: Moins de 5%.

M. Fréchette: Moins de 5% de l'ensemble.

M. Asselin: Moins de 5%. Même dans les MRC, il y en a quelques-unes, qui ont deux employés et qui ont une convention collective. Cela commence. Il y en a quelques-unes. Dans nos petites municipalités, il n'y en a nulle part. En fait, l'inspecteur municipal est un officier municipal, le secrétaire-trésorier est un officier municipal et cela se limite parfois à une secrétaire comme employé ou parfois à une autre personne permanente qui aide à l'entretien des travaux de voirie, des fois à notre petit réseau d'aqueduc pour voir à son fonctionnement.

M. Fréchette: Je vais vous signaler aussi précisément que possible ce qui me vient à l'esprit à la suite de votre argumentation. Je comprends que vous avez fait une distinction très nette entre l'envergure que pourraient avoir les travaux. D'ailleurs, les conclusions du mémoire sont claires à cet égard. Vous dites: Tous les travaux qui pourraient être de 250 000 $ et

moins devraient être exclus. Est-ce que vous avez envisagé l'aspect de la qualité de la construction, l'aspect de la sécurité que doit avoir un immeuble, quelle que soit sa nature ou quelle que soit sa destination ou l'utilité qu'on veut en faire? Est-ce que cet aspect a été évalué également?

M. Asselin: Je le pense et il y a une chose qui est certaine là-dedans, c'est que, de toute façon, on n'est pas soustrait à la Loi sur les ingénieurs, par exemple, quand il s'agit d'un édifice public où des plans doivent être soumis. On est soumis à la Loi sur la sécurité dans les édifices publics; il faut faire accepter nos plans, faire accepter la bâtisse, etc. On a dit 250 000 $ parce qu'aujourd'hui avec les coûts, ce que cela représente parfois, l'achat des matériaux, c'est très gros, mais avec 250 000 $ on ne construit plus un centre communautaire dans une municipalité. Cela coûte toujours au-delà de 250 000 $. On parle vraiment des petites choses. Un garage, par exemple, pour les camions, pour l'équipement municipal, un petit édifice qui va servir à des fins de loisirs près d'une patinoire, c'est parfois autour de 35 000 $, 40 000 $. En réalité, ce ne sont pas de gros, d'énormes travaux. Dès qu'on dépasse 100 000 $, de toute façon, on est soumis aux autres lois et aux autres règlements aussi, quant à la sécurité des gens et tout cela.

Quant à nous, on n'a même pas d'objection à ce qu'un des employés soit une personne qualifiée en charge d'un projet, que ce soit une personne possédant la carte de compétence voulue, mais il y a toute une série de manoeuvres, de gens qu'on peut engager pour manoeuvrer des matériaux, pour aider à la construction, à la peinture, à un paquet d'affaires, des gens qui sont sans emploi chez nous. Les gens ne le font tout simplement pas. Les municipalités renoncent à y toucher. On dit: On ne le fait pas. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas les moyens de le faire. Tout simplement, on ne le fait pas. Ils y renoncent.

M. Fréchette: Moi, cela me renseigne suffisamment. Je vous réitère mes remerciements, M. Asselin.

Le Président (M. Fortier): Juste une brève question. La demande que vous faites, vous la faites au nom des MRC, des municipalités ou des deux?

M. Asselin: L'Union des municipalités régionales de comté, c'est l'ancienne Union des conseils de comté du Québec. Ce sont des municipalités locales qui en font partie et qui en sont membres. Quand l'appellation "conseils de comté" a changé, il a fallu changer le nom de l'union. Elle ne pouvait pas s'appeler l'Union des conseils de comté.

Mais, en réalité, il y a 20 villes chez nous qui ont adhéré cette année, ce qui est tout à fait nouveau. On n'a jamais eu de villes régies par la Loi sur les cités et villes qui étaient membres. Cette année, il y en a une vingtaine qui ont adhéré, surtout en province, dans les plus petites MRC, qui ont préféré être chez nous plutôt qu'ailleurs. Il y a aussi à peu près, jusqu'à maintenant, 1250 municipalités qui ont déjà payé leur cotisation chez nous, mais elles le font par le biais de la MRC comme elles le faisaient autrefois par le conseil de comté.

Le Président (M. Fortier): Le député de Portneuf a demandé d'être excusé. Je vais donner la parole au député de Hull qui va être le porte-parole pour le Parti libéral.

M. Rocheleau: Merci. Il me fait plaisir de remercier M. Asselin, président de l'Union des municipalités régionales de comté, ainsi que M. Filion et Mme Martel, de leur présence et de l'implication qu'ils démontrent par la présentation de leur mémoire. Il est sûrement intéressant de constater que l'Union des municipalités régionales de comté a, il y a quelques mois aussi, fait certaines représentations auprès du gouvernement du Québec afin d'être soustraite au décret pour que certains programmes subventionnés puissent être faits dans certaines municipalités du Québec. (16 h 30)

Par contre, on constate qu'actuellement la loi permet de soustraire au décret le gouvernement du Québec, les commissions scolaires, les communautés urbaines régionales et certaines corporations municipales. Dans cet ordre, la majeure partie ou la totalité des communautés urbaines ou régionales ou même le gouvernement ou des institutions scolaires ont des employés à plein temps qui ont une convention collective et qui sont payés d'après leur convention collective pour faire certains de ces travaux. Dans le cas où on souhaiterait le retrait de l'application du décret dans l'ensemble des municipalités du Québec - et vous l'avez souligné tantôt, M. le président - l'ensemble des municipalités rurales ne sont pas dotées de services d'entretien, de construction ou autres. La plupart ont à leur service un secrétaire trésorier ou inspecteur de bâtiments et parfois, quelques autres employés. De quelle façon, pour l'application de certains de ces programmes, la municipalité ferait-elle appel?

Vous avez dit ici dans votre mémoire, entre autres, "afin de favoriser les assistés sociaux, les chômeurs et ainsi de suite". Si on touche par contre à la construction, la municipalité souhaiterait-elle retenir à des taux moindres des employés qualifiés pour faire ce genre de travaux, c'est-à-dire des

employés qui détiennent déjà une carte de compétence dans le domaine de la construction?

M. Asselin: Surtout cela, parce que ce qui arrive finalement, c'est que dans nos petites municipalités, on a des gens qui ont des cartes et qui ne peuvent pas se placer, qui sont là et qui viendraient travailler à 2 $ ou 5 $ de différence. Ils prendraient ce qu'on a dans le programme pour venir travailler pour la municipalité dans le cadre d'une rénovation, d'une réparation ou pour la construction d'une petite affaire dans la municipalité. On aurait même un programme de subventions pour permettre de les placer tout de suite. On ne peut pas le faire. Ce ne sont pas tous des incompétents. Il n'est pas question de prendre quelqu'un qui ne sait pas travailler et de dire: On va prendre n'importe qui et on va les mettre là-dessus. Ce n'est pas vrai, mais il y a des gens dans toutes les petites municipalités du Québec qui, justement... On parlait tantôt de ceux qui ont été, d'une certaine façon, à cause de certaines normes minimales de nombre d'heures faites, etc., incapables de se replacer parce qu'il n'y a pas de travail dans cette région. Il y a des programmes de relance, il y a des programmes de subventions, il y a des programmes d'aide qui sont donnés aux municipalités dont on pourrait bénéficier. On pourrait très facilement engager ces gens-là et les faire travailler. Ils n'auraient pas les mêmes taux et les mêmes avantages que les autres, mais cela nous permettrait de le faire tandis qu'autrement, on ne le fait pas du tout. On n'a pas les moyens purement et simplement.

M. Rocheleau: Dans cette réponse, M. Asselin, vous mentionnez que si le gouvernement met à la disposition des municipalités certains programmes dans le but de faire bénéficier la collectivité, soit de nouveaux équipements, la rénovation ou l'amélioration de certains équipements, si la municipalité ne peut bénéficier de faire travailler à des taux préférentiels pour la construction ou la rénovation de ces équipements, la municipalité ne pourrait pas s'engager ou ne s'engagerait pas dans ces programmes même si elle avait une subvention.

M. Asselin: C'est cela.

M. Rocheleau: Cela veut-il dire que si vous ne pouvez obtenir le retrait du décret, même si vous aviez des subventions, vous ne pourriez pas vous permettre de le faire?

M. Asselin: On ne peut pas. C'est cela que... Ce qui arrive actuellement, c'est qu'on est obligé de faire des programmes qui ne sont pas nécessairement prioritaires pour nous. Bon! Ce qu'on fait, c'est que plusieurs municipalités font couper des branches, font peinturer des pancartes pour les noms des rues, font des choses qui sont plus ou moins importantes, alors qu'en réalité, on peut arriver, par exemple... Une municipalité a un petit surplus à côté. Elle pourrait le prendre avec un programme et dire: Boni Cela fait longtemps qu'on veut réparer l'abri dont on se sert pour faire nos petits travaux internes, un petit atelier ou quelque chose comme cela. On n'est pas capable de le faire. Rénover une vieille école qu'on vient d'acheter pour 1 $ pour y loger l'âge d'or et installer l'AFEAS. L'école est déjà bâtie bien des fois. Il reste à faire des travaux d'aménagement, de réparation, etc., mais on laisse faire cela. Là, ce qui arrive, c'est qu'une fois que c'est fini, on encaisse la subvention. On encaisse cela quelques mois après. Vous allez avoir des municipalités qui vont certainement vous en parler. Elles reçoivent des réclamations de plusieurs milliers de dollars. Elles ne sont pas capables d'y faire face et elles ne s'attendaient pas à cela non plus. On leur disait: Vous n'avez pas respecté le décret, parce que le décret, c'était cela. On demande d'être soustrait pour pouvoir précisément s'occuper de cette partie de notre affaire. Si le montant de 250 000 $ apparaît exorbitant et que finalement, on regardait à peu près... On se disait qu'en haut de 250 000 $ on parle vraiment d'une grosse affaire, mais en bas de cela, ce sont des petites choses qui, éventuellement, pourraient être faites. Actuellement, dans la grande majorité des cas, je vous dis qu'à 90% des cas les municipalités ne les font tout simplement pas parce que cela devient trop coûteux et elles ne sont pas capables de le faire à 100% avec leur argent.

M. Rocheleau: En somme, M. le Président, si je comprends bien, vous mentionnez qu'une municipalité dont les travaux à effectuer seraient évalués à une somme d'environ 250 000 $...

M. Asselin: Que ce soit 200 000 $ ou 200 $...

M. Rocheleau: ...cela peut être une enveloppe qui comprend des travaux totaux de 250 000 $.

M. Asselin: Le total. M. Rocheleau: Oui.

M. Asselin: C'est certain, mais cela ne nous soustrait pas des autres lois. Cela ne nous empêche pas de suivre les lois qui régissent la sécurité des travailleurs sur les chantiers. Cela ne nous soustrait pas à l'obligation, si c'est plus de 100 000 $, pour

un édifice public, de faire approuver les plans conformément à la Loi sur la sécurité dans les édifices publics. Cela ne nous soustrait à rien. Tout ce que cela fait, c'est que ça nous permet d'engager des gens qui sont disponibles dans notre milieu, de profiter d'une subvention provinciale et de faire un travail qui permettrait d'améliorer un équipement municipal, mais qu'on ne fait pas parce qu'on est soumis au décret, que c'est trop coûteux et on ne peut pas l'aborder. C'est tout.

M. Rocheleau: J'ai une autre question, M. le Président. On a parlé longuement, au cours de ce débat qui est engagé à cette commission, de braconnage par des travailleurs artisans et autres. À examiner la façon dont la demande est faite, on pourrait l'interpréter comme du favoritisme au braconnage ou à l'engagement d'artisans. Je me pose la question, à savoir s'il n'y aurait pas une modification qui serait apportée compte tenu que, dans l'ensemble des municipalités - je reviens à ce que je mentionnais tantôt - ce sont les travailleurs qui sont déjà à l'emploi des municipalités qui effectuent certains travaux comme les égouts, les trottoirs et autres, dans le cadre de leur convention collective et en regard de l'affectation qu'ils ont dans leur propre travail. Je voudrais qu'on m'indique si on prévoit... Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup des contribuables qui offrent d'effectuer bénévolement certains types de travaux.

M. Asselin: II y en a qui le font.

M. Rocheleau: Si on pense à embaucher des assistés sociaux ou des chômeurs, à ce moment-là, on vient quelque peu en contradiction avec le fait de favoriser la création de nouveaux emplois ou même d'emplois temporaires.

M. Asselin: Ce sont des emplois qui, de toute façon, n'auraient jamais été créés. Ils n'auraient pas été créés, parce qu'on ne le fait pas actuellement. C'est cela le problème. Ce n'est pas de l'ouvrage qu'on ferait faire de toute façon, qu'on enlève à quelqu'un qui va le faire pour le donner à d'autres. C'est de l'ouvrage que les petites municipalités ne font tout simplement pas. On n'enlève rien à personne. On permet à des gens, par exemple... Il faut regarder l'ensemble. Il y en a des gens qui sont là et qui attendent pour travailler. Tantôt, j'entendais un président, qui est juste devant moi, qui parlait, M. Lavallée. Il disait: Écoutez! On en a sur le bien-être et on en a en chômage. C'est clair qu'on serait prêt à les engager au tarif qu'on a dans la subvention et avec ce qu'on est capable de payer, mais ce n'est pas le tarif du décret de la construction qu'on paie. Il y en a qui sont même prêts à venir travailler à ce tarif-là. Ce n'est pas du braconnage. Ce n'est pas cela du braconnage. Du braconnage, c'est quand on se cache pour faire quelque chose qu'on n'a pas le droit de faire et qu'on le fait quand même. Quand on a le droit de le faire, on ne braconne plus. On permet simplement, dans des petites municipalités de 600, 800, 1000 et 1200 habitants, qui résident actuellement au Québec... Je vais vous dire une chose. On entend à rire bien des fois. Les loisirs dans la ville de Montréal et les loisirs à Sainte-Émélie-de-l'Énergie, ce n'est pas la même chose. D'accord? Vos enfants, à Hull, ont peut-être bien des chances de jouer au hockey et d'avoir même des arénas pour y jouer, mais dans les petites municipalités du Québec - j'ai visité 70 MRC cette année -je vais vous dire que c'est loin, on n'en voit pas à tous les coins de rue des arénas. Il n'y en a pas pour que les enfants patinent. Il y a des choses quand même qu'on est capable de faire chez nous. À un moment donné, un groupe de personnes dit: On a deux ou trois menuisiers; on a des gens; tout le monde est prêt à travailler à la bâtir. On a une subvention, on est capable d'arriver avec nos matériaux. La municipalité va les payer. Tous ensemble, cela va nous coûter 30 000 $ et on va avoir une bâtisse chauffée pour mettre nos patins, à côté de la patinoire, l'hiver, parce qu'on est loin de la patinoire couverte. À ce moment-là, on le prend et on le fait. Là, on ne peut pas le faire et on ne le fait pas. C'est aussi simple.

M. Rocheleau: Disons, M. Asselin, que le terme que j'ai employé, le "braconnage", c'est un terme que l'on retrouve dans les mémoires qui nous ont été présentés.

M. Asselin: Je sais ce qu'on veut dire.

M. Rocheleau: Je vous avoue que je ne suis pas tellement conciliant avec le terme "braconnage", parce que quand un homme est obligé de travailler pour gagner sa vie, qu'il est obligé de faire du travail au noir pour gagner sa vie et celle de sa famille et qu'on peut compter aujourd'hui, d'après les statistiques qu'on nous a fournies jusqu'à maintenant, qu'il y a à peu près 30% de ces gens qui sont soit des artisans, soit ceux qu'on appelle des "braconneurs" ou des chaudrons, la loi est malade et je pense qu'il est temps qu'on fasse quelque chose pour permettre de clarifier ces positions. Je pense que le gouvernement a une responsabilité, sinon qu'il est très responsable de la situation qui existe actuellement.

Je comprends aussi les municipalités qui veulent bénéficier de certains programmes dans le but de favoriser la création d'emplois ou l'amélioration de certains services

existants. Pour autant que nous sommes concernés, nous ne nous opposons pas; au contraire, je pense qu'on devrait examiner davantage cette possibilité dans le but de faire bénéficier davantage l'ensemble de nos municipalités qui, comme gouvernement local, sont préoccupées justement par les problèmes de leur collectivité, de trouver des moyens dans le but de favoriser certaines personnes qui ont besoin de gagner et de leur trouver des moyens légaux.

Nous vous remercions. Il y a peut-être d'autres de mes collègues qui auraient certaines questions à poser, M. le Président.

Le Président (M. Fortier): Si vous voulez conclure, d'autres de vos collègues vont prendre la parole.

M. Rocheleau: Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Fortier): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: II y a quelque chose que je ne comprends pas tout à fait là-dedans. Vous avez le droit de faire des corvées, rien ne vous en empêche en autant que c'est gratuit. Vous achetez votre matériel et vous le faites pour une petite cabane de patinoire, comme vous dites, à 35 000 $. Ce que je ne comprends pas c'est ceci: Pourquoi est-ce toujours le travailleur à rabais au lieu des matériaux à rabais, les manufacturiers qui vous fourniraient des matériaux à rabais? Pourquoi faut-il que ce soient toujours les travailleurs qui consentent des rabais même pour les municipalités?

M. Asselin: Je vous donne un exemple. J'ai 311 000 $ par année de budget pour entretenir 30 kilomètres de route, payer mes employés, faire fonctionner, ramasser les vidanges, voir à tout ce que j'ai à faire dans l'entretien de mes chemins, éclairer mes rues, etc. Pour aller chercher 311 000 $ j'ai 26 000 000 $ d'évaluation et cela me coûte à peu près 1.05 $ par 100 $ comme taux de taxe. C'est ce que j'ai et je suis à 100 kilomètres de Montréal. Je ne suis pas le seul comme cela dans la province de Québec, il y en a qui sont à 500 kilomètres et même plus. Qu'est-ce qu'on a pour s'organiser? Quand il s'agit de payer le strict nécessaire on est déjà serré. On ne demande pas des matériaux à rabais. Quand on est capable de les trouver pas cher, on va les chercher à rabais et on achète le bois directement du moulin à scie parce que j'ai six petits moulins à scie dans la municipalité où il y a deux ou trois employés à chacun, mais ils viennent à bout de survivre aux crises alors que les gros moulins à scie de 400 employés crèvent.

Chez nous on s'en tire à l'huile de bras. Mais quand vient le temps, dans un petit village, de construire quelque chose à côté et qu'il faut payer des matériaux, il faut avoir au moins quelques employés qualifiés aussi. On ne peut pas dire: on va engager dix gars qui n'ont jamais pris un marteau dans leur main de leur vie, parce qu'ils reçoivent de l'aide sociale, pour bâtir quelque chose. On en paie deux ou trois mais on a toute une série de gens qui peuvent aider à côté à faire des travaux d'assistance à ces gens-là. Ils sont là, on pourrait bénéficier d'une subvention. On ne les engage pas à rabais, on leur demande de le faire.

Il y a une autre chose aussi. Il y a des gens qui travaillent le jour à gros salaire pour des compagnies et ils travaillent le soir chez nous aussi à pas mal moins cher. Ils se braconnent eux-mêmes si vous voulez le savoir.

M. Laplante: Je vais vous poser une autre question. Lorsque vous avez besoin d'une firme d'ingénieurs, que faites-vous?

M. Asselin: On l'engage. Que voulez-vous qu'on fasse? On n'a pas le choix.

M. Laplante: Est-ce que vous marchandez sur leur salaire?

M. Asselin: Comment voulez-vous que je marchande là-dessus?

M. Laplante: Ah!

M. Asselin: Bon! On discute et on en parle. C'est normal, lorsqu'on est obligé d'engager un ingénieur, d'en engager un et de payer.

M. Laplante: D'accord. Vous allez aux vidanges. Je crois que toutes les municipalités vont en soumission aux vidanges. D'accord?

M. Asselin: Oui.

M. Laplante: Vous prenez le moins cher.

M. Asselin: Oui.

M. Laplante: Pourquoi, pour une construction, si la ville ou le village ne sont pas capables de la faire, les subventions accordées ordinairement par les gouvernements sont toujours au prorata de ce qu'une municipalité est capable de payer. Si on vous offre une subvention de 100 000 $ pour une bâtisse, avant de toucher aux 100 000 $ vous allez dire: La bâtisse va nous coûter à peu près 125 000 $ ou 150 000 $ dépendamment de la subvention que le gouvernement va vous donner. Vous allez analyser la différence de 25 000 $ ou

de 50 000 $ que la municipalité est capable d'assumer. Si elle n'est pas capable de l'assumer, vous allez dire non d'une manière ou d'une autre, parce que ce sera la même subvention au pourcentage de la construction que vous faites. La plupart du temps, c'est comme cela qu'on donne les subventions. (16 h 45)

Pourquoi ne pas aller en soumission et choisir la moins élevée? Pourquoi? C'est cela qui ne me rentre pas dans la tête. Je veux bien que cela nous coûte meilleur marché, les municipalités, mais pourquoi le spécialiste, le professionnel n'a jamais à faire de marchandage sur son salaire et quand cela arrive au poseur de clous, au gars qui travaille au pic et à la pelle, il y a toujours un marchandage sur son travail? C'est ce que je ne comprends pas.

M. Asselin: Pourtant, c'est bien facile à comprendre. Quand on est dans une petite municipalité, de toute façon, quand cela dépasse 5000 $, entre 5000 $ et 25 000 $, on est obligé de demander des prix à au moins deux personnes. Quand cela dépasse 25 000 $, il faut aller en soumissions publiques. Je n'ai pas le choix; je vais en soumissions et je donne cela à contrat. Je vais vous parler d'une réalité: en milieu rural. Mon organisme de loisirs est totalement bénévole. Ces gens-là, le soir, quand ils ont fini de travailler, pour que les enfants aient des loisirs et pour que les personnes âgées en aient et pour que tout le monde soit capable de s'organiser, forment des comités, travaillent, font des choses. Ils font des tirages; ils se ramassent un montant d'argent. À un moment donné, la municipalité a un montant d'argent. On a besoin d'équipements dans la municipalité et on dit: Écoutez, si vous investissiez 25 000 $ et qu'on y accordait 25 000 $, avec cela on a 50 000 $, on pourrait réaliser telle ou telle chose cette année pour la municipalité. On le met de côté, parce qu'on se dit qu'on pourrait peut-être aller chercher 15 000 $ additionnels... Vous savez que l'entente fédérale-provinciale sur l'amélioration des équipements municipaux n'a jamais été renouvelée. On ne l'a plus. Elle était "le fun" dans le temps, mais on ne l'a plus. Bon. On se ramasse aujourd'hui avec un "paddle" bien souvent. Le ministère du Loisir a un programme. Il va "embarquer" pour 20% ou 25%, suivant l'indice de richesse, suivant une série de choses dont on ne discutera pas ici, de sorte qu'à un moment donné, pour un travail de quelque 80 000 $, on a droit à une subvention de 18 000 $. On se dit que si, éventuellement, notre coût de construction est augmenté de 20 000 $, chez nous, ce n'est pas pensable de le ramasser, on dit: Laissez faire, on ne le fera pas. On ne le fait pas. Ce sont des travaux qui ne se font tout simplement pas.

Si 250 000 $, c'est trop gros, inscrivez 200 000 $, si vous ne voulez pas que les gars aillent plus loin. Mais en réalité, si on s'en va en soumissions, on n'a pas le choix, on est obligé d'y aller. Quand vous dites: Vous allez en soumissions pour les vidanges -on pourrait en parler longtemps, mais on en parle actuellement avec M. Ouellette, des vidanges... Je peux vous dire que cela coûte à peu près huit fois plus cher pour enfouir les vidanges cette année qu'il y a cinq ans.

Le Président (M. Fortier): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Je veux poser une question à M. le ministre. Dans son mémoire, l'Union des municipalités régionales de comté a demandé d'être exemptée du décret pour les raisons expliquées dans le règlement. À la deuxième page du mémoire, on parle des travaux de fondation, d'érection, d'entretien, etc. À la page 2 particulièrement, il est dit: Par contre, cette loi peut comporter des exemptions pour les municipalités, communautés urbaines et régionales. En ce qui concerne spécifiquement les problèmes des écoles qui sont données à des municipalités pour que celles-ci en fassent ce qu'elles veulent, que ce soit pour les convertir en centre communautaire ou administratif, etc., c'est un problème qui se présente assez souvent dans la province. Je sais pertinemment que dans mon comté, dans ma ville, le cas s'est produit. Je vous en déjà parlé, M. le ministre. L'OCQ a poursuivi la ville de Gatineau pour quelque 250 000 $ parce que la ville avait fait tous les travaux de conversion d'une école en un centre administratif. La ville de Gatineau a payé ses employés plein salaire suivant la convention collective en vigueur à la ville. Par la suite, l'OCQ est rentré dans le portrait et la ville de Gatineau a été obligée de payer un montant de quelque 250 000 $.

La question que je me pose, c'est de savoir si, depuis ce temps, vous avez été saisi du problème. J'ai eu une conversation avec vous. Vous m'avez dit que la question sera à un moment donné étudiée à fond par des experts de votre ministère et que, pour l'église et d'autres organismes comme les municipalités ou des cas semblables, il y aura une exemption. Je me joins à l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec qui demandent une exemption générale et je me demande si le ministre ne pourrait pas étudier la possibilité d'accorder dans la loi une exemption dans des circonstances semblables et spécifiques pour ce qui concerne la conversion d'une école à des fins municipales.

Le Président (M. Fortier): Un commentaire.

M. Fréchette: M. le Président, c'est assez inusité que la conversation s'engage de cette façon lorsqu'on a des invités à la table. Effectivement, j'ai déjà discuté avec le député de Chapleau de la situation qu'il vient de décrire. Je l'ai également informé à ce moment-là qu'à un moment donné, il faudrait faire le tour de toute la question. C'est précisément ce que nous sommes en train de faire.

M. Kehoe: C'est justement la raison pour laquelle j'aborde le sujet. Personne n'a discuté spécifiquement de ce dont je parle. Je vous demande si vous avez étudié la question, si vous êtes prêt à faire une recommandation et où en sont rendues les études à ce sujet.

Le Président (M. Fortier): M. le député, je crois que la règle va dans le sens qu'on doit poser des questions à nos amis qui sont en face de nous.

M. Kehoe: Je pense que le ministre y a quasiment répondu dans le cas présent.

M. Fréchette: Je pensais que le député de Chapleau allait dire que nous ne sommes pas de ses amis en face de lui, nous ici.

M. Kehoe: Cela dépendra de votre réponse.

M. Fréchette: Je pense que je l'ai donnée ma réponse, M. le Président. Nous sommes en train effectivement de faire le tour de l'ensemble de la question. Ce à quoi le député de Chapleau fait référence concerne précisément le champ d'application dans son ensemble. Nous avons tellement entendu parler de ce champ d'application depuis hier matin - on continuera sans doute d'en entendre parler - qu'il va falloir, à la suite des auditions de la commission, prendre des décisions à cet égard. C'est l'activité qu'on est en train de faire actuellement. Le sujet que soulève le député de Chapleau est incorporé dans l'ensemble des discussions qu'on a.

Le Président (M. Fortier): M. le député de Duplessis, brièvement, s'il vous plaît!

M. Perron: Merci, M. le Président. J'ai seulement un information à donner aux membres de cette commission ainsi qu'aux représentants de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec Inc. D'abord, à la page 12, vous mentionnez, au dernier paragraphe: "Par conséquent, notre organisme demande au ministre du Travail, l'honorable Raynald Fréchette, de modifier le décret de la construction de façon à permettre aux municipalités d'être exemptées du respect intégral des normes de l'Office de la construction." Je crois qu'on devrait lire non pas "de modifier le décret", mais "de modifier le champ d'application qu'on retrouve dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction", afin de faire en sorte que les salaires prévus au décret ne s'appliquent pas.

J'ai seulement une courte question à poser concernant les discussions qui ont été entreprises se rapportant aux municipalités par rapport à certains projets. Est-ce que, comme représentants de l'Union des municipalités régionales de comté, vous avez fait une demande aux syndicats de la construction pour les rencontrer sur le sujet que vous avez soulevé dans votre document?

M. Asselin: Non.

M. Perron: En tant que nouveau président?

M. Asselin: Non, en tant que nouveau président, je n'en ai pas fait. On a appris la tenue de la commission parlementaire quand même assez récemment chez nous. Pendant cette période, pendant trois semaines, plusieurs des gens étaient absents. C'est la raison pour laquelle on se présente devant vous avec ce mémoire. On pense que vous allez régler la question de toute façon.

M. Perron: Merci.

M. Asselin: D'un côté, la position du Conseil du patronat a déjà été donnée, celle des associations d'employeurs et de travailleurs. Le cas des municipalités est quand même... Nous ne sommes pas là pour discuter du jeu de l'intercommunication dans le domaine des relations du travail dans l'industrie de la construction et de tout cela; enfin ce n'est pas notre but. Que l'on trouve toute formule qui serait acceptable au niveau du gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui va décider de quelle façon il va placer l'assiette des travaux. Quant à nous, toutes les formules peuvent être discutées avec le gouvernement en ce sens qu'il y a... Si j'avais rencontré les syndicats, vous auriez pu me demander si on avait rencontré les employeurs ou si on avait rencontré d'autres personnes, parce que, en réalité, tout le monde est impliqué là-dedans, mais on ne voulait pas s'embarquer dans un débat comme celui-là. Pour nous, il s'agit de demandes constantes. Si vous trouvez que le montant est trop élevé, faites-le, si vous trouvez qu'il serait préférable de le calculer à partir de la population, faites-le. Je pense que, finalement, il y a quelque chose à régler dans les petites municipalités rurales, et il serait temps que ça se règle pour nous permettre, justement, de faire ces petits travaux sans être harassés.

Vous avez l'exemple d'une municipalité qui a acheté un édifice préfabriqué. Elle a fait faire la fondation par des gens qualifiés, elle a payé le prix des fondations et des ancrages et il restait l'assemblage à faire avec un plan qui était déjà fait d'un édifice en demi-lune pour serrer des équipements et un autre pour recouvrir une patinoire et un endroit de jeu.

Le Président (M. Fortier): Je vous demanderai de...

M. Asselin: Ils ont été poursuivis par la suite parce que les boulons n'avaient pas été vissés. Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Fortier): Je pense qu'on revient toujours avec les mêmes cas, malheureusement.

M. Asselin: C'est ça.

Le Président (M. Fortier): Vous avez voulu faire une demande, nous vous avons écouté, et j'aimerais faire accélérer le débat un peu. M. le député de Pontiac, s'il vous plaît!

M. Middlemiss: Merci. M. le président de l'Union des municipalités régionales de comté, je comprends fort bien les demandes que vous faites. Vous avez mentionné que les gens qui feraient le travail sont des gens qui, par malheur, n'ont pas leur carte de classification présentement, mais ce sont des gens compétents. Je pense que vous avez dit que la main-d'oeuvre payée serait certainement composée de gens qui ont une compétence et d'autres qui sont prêts à donner un coup de main bénévolement, des gens qualifiés.

Est-ce que vous avez des statistiques qui démontrent que, dans les régions, dans les municipalités rurales, il y en a plusieurs qui ont perdu leur carte de classification dû au fait qu'ils n'avaient pas les 1000 heures et parce que, dans les régions, il y a toujours moins de travail que dans les centres urbains?

M. Asselin: II s'agit de regarder les 44 résolutions dont j'ai pris connaissance. Vous avez vu le nombre, on a inclus la liste, à la fin, des résolutions qu'on a reçues. Presque partout on mentionne cet attendu qu'il y a chez nous des employés de la construction qui, actuellement, ne peuvent pas se placer, qui sont disponibles, qui seraient intéressés à travailler chez nous pour un prix moindre. Ils seraient prêts à le faire et on ne peut pas le faire parce qu'on sera poursuivis par la suite. Le coût est indirect, on va se retrouver avec une poursuite devant les tribunaux, on va payer 25 000 $ ou 30 000 $ de plus et, par la suite, il faudra aller récupérer cette somme en taxes, et c'est inabordable.

Le Président (M. Fortier): M. Asselin, je pense que vous avez été entendu, vous avez été convaincant à certains égards. Nous vous remercions d'être venu nous présenter votre point de vue et nous vous remercions de votre présentation.

M. Asselin: Merci.

Le Président (M. Fortier): J'appelle maintenant le Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec à venir présenter son mémoire. On sait que ce conseil regroupe l'Association de la construction de Montréal et du Québec et la Fédération de la construction du Québec. M. Théoret, je crois? Présentez-vous et présentez ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

CPICQ

M. Cliche (Michel): D'accord. M. le Président, MM. les députés, j'aimerais, en premier lieu, vous présenter la délégation qui compose...

Le Président (M. Fortier): Présentez-vous vous-même, s'il vous plaît!

M. Cliche: Michel Cliche, de la Fédération de la construction du Québec, je suis le directeur général. Nous sommes également tous, ici, membres du Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec, c'est-à-dire membres du conseil d'administration.

À votre extrême gauche, M. Gaétan Grégoire, conseiller juridique de l'ACMQ. À sa gauche, M. Gérald Laurin, président de l'Association de la construction de Montréal et du Québec. À ma droite, M. Jacques Théoret, directeur général de l'ACMQ. M. Claude Rodrigue, à ma gauche, président de la Fédération de la construction du Québec. M. Michel Le Prohon, vice-président du secteur industriel de la Fédération de la construction du Québec, et Me Michel Paré, directeur du service juridique à la fédération de la construction. (17 heures)

Le Président (M. Fortier): Est-ce que vous avez l'intention de lire votre mémoire au complet ou si vous allez le résumer?

M. Cliche: Si vous le permettez, M. le Président, nous allons nous fier au texte comme tel, quitte à procéder à une période de questions un peu plus restreinte par la suite, si ça vous convient.

Le Président (M. Fortier): Vous avez quarante pages, vous en avez pour une heure.

M. Cliche: Je vais faire ça vite, M. le

Président.

Le Président (M. Fortier): Allez-y. Nous avons deux documents, nous avons le document et un résumé. Vous allez lire le document...

M. Cliche: Le document complet. Le Président (M. Fortier): Merci.

M. Cliche: M. le Président, messieurs de la commission, le conseil patronal est essentiellement un porte-parole unique que se sont donné, via la Fédération de la construction du Québec et les seize associations régionales qui y sont affiliées, d'une part, et l'Association de la construction de Montréal et du Québec, d'autre part, plus de 6000 entreprises de construction générales ou spécialisées ou de fabrication et fourniture de matériaux, matériel et équipement de construction au Québec.

Le conseil patronal s'exprime donc ici au nom d'un groupe fort important d'entreprises dont les activités s'étendent, bon an mal an, à une proportion de 50% à 60% des travaux de construction exécutés au Québec, tout autant dans les domaines du résidentiel, des travaux de génie civil que dans celui des travaux de bâtiment et de construction institutionnelle, commerciale ou industrielle.

Rappelons que la construction exécutée au Québec a une valeur annuelle de plus de 10 000 000 000 $ et que l'on y a vu, au cours des dix dernières années, entre 70 000 000 et 150 000 000 d'heures de travail exécutées, à pied d'oeuvre seulement, sous la direction de très grandes entreprises, bien sûr, mais aussi dans une très forte proportion par les salariés de petites et moyennes entreprises qui sont parfois, par nature et à cause des marchés auxquels elles ont accès, quasi artisanales.

Quant aux deux groupements constituant le conseil patronal de l'industrie, ils ont ensemble une expérience fructueuse et prolongée comme représentants d'employeurs de la construction. Les années qu'ils cumulent au service de l'industrie totalisent près de 125. Tant l'Association de la construction de Montréal et du Québec que la Fédération de la construction du Québec étaient d'ailleurs, jusqu'à la création de l'AECQ, en 1976, des associations dites "représentatives" de par la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, et elles avaient eu jusque-là, et bien avant l'adoption de la loi en 1968, une expérience très pratique des négociations et des relations industrielles dans l'industrie de la construction.

C'est à plusieurs égards avec un sentiment partagé que nous nous retrouvons aujourd'hui devant la commission permanente de l'économie et du travail. Tout d'abord, comme nous l'avions indiqué dans des communications au ministre du Travail, "la situation dans l'industrie de la construction" - puisque ce sont les termes qui avaient été employés par le ministre dans un communiqué lorsque fut annoncée la prolongation du décret vers la fin d'avril -est évidemment un sujet qui nous intéresse. Mais nous étions loin de soupçonner qu'au lendemain de ces communications au ministre, l'Assemblée nationale réduirait, en quelque sorte, la portée de la consultation antérieurement annoncée en décidant que votre commission devrait procéder à "une consultation particulière afin d'examiner la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et ses règlements."

Le journal des Débats, qui rapportait cette décision et les discussions qui l'avaient entourée en date du 20 juin 1984, le courrier ne nous l'apportait que le 9 juillet. Qu'à cela ne tienne. Nous avions, entre-temps, le 4 juillet, appris presque par hasard que votre commission tiendrait des auditions à ces dates les 6, 7 et 8 août. Dans les jours qui suivirent, nous avons tenté sans grand succès de cerner la réalité et de déterminer si votre commission voudrait franchir le fossé qui sépare son mandat "officiel" et celui beaucoup plus large d'étudier "la situation dans l'industrie de la construction." Nos bureaux, comme les chantiers de la construction, devaient être fermés du 13 au 30 juillet. Ce n'est en fait que le 16, lors d'une conversation téléphonique, que nous avons officiellement été avisés des intentions de la commission de nous entendre.

Pourquoi, pourrait-on se demander, tenions-nous tant à participer à cette consultation? Après tout, nous ne sommes pas partie au décret et nous n'avons pas, en tant qu'organisme, voix au chapitre à la table des négociations puisque c'est l'AECQ -ce que nous reconnaissons - qui a exclusivement ce mandat du côté patronal et que les membres entrepreneurs de nos associations sont, de façon obligatoire, individuellement membres de l'association des entrepreneurs.

Bien évidemment, les négociations, le décret et toute l'administration qui en découle constituent à l'heure actuelle, en particulier, une préoccupation majeure pour les entreprises qui espèrent continuer de trouver leur raison d'être dans notre industrie.

Il pourrait, bien entendu, être délicat pour nous, à ce stade-ci, alors qu'il reste encore trois grosses semaines aux parties pour "négocier" une convention collective, d'aborder et de débattre certains sujets, même de principe, dont la discussion pourrait

mettre les parties en présence à la table de négociation dans des situations équivoques.

D'ailleurs, nous apprend le journal des Débats du 20 juin 1984, plusieurs des problèmes "urgents", aux fins des négociations, le "travail au noir" et le règlement de placement, par exemple, ont déjà été discutés entre le ministre du Travail et ceux qu'il appelle les "intervenants de la construction" dès décembre 1983, de même, nous le savons aussi, que par votre commission à l'occasion de l'étude des crédits du ministère du Travail.

Rappelons cependant que, si relativement restreint que soit le sujet de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et des règlements par rapport à la question plus vaste de "la situation dans l'industrie de la construction", la loi en question ne touche pas que les négociations. De fait, plusieurs des sujets qui y sont abordés et des principes qu'elle affirme ne sont pas négociables. De plus, les négociations et les problèmes qu'elles soulèvent ne constituent qu'une partie de l'environnement général qui est propre aux entreprises de construction. Il est plusieurs autres facteurs dont certains peuvent être classés sous la désignation générale de "relations industrielles", mais d'autres aussi qui affectent de façon inéluctable cet environnement dans lequel l'entrepreneur que nous représentons doit oeuvrer.

Pouvions-nous dès lors laisser passer une occasion qui ne se représentera peut-être plus prochainement de faire avancer le débat, même à moyen terme seulement? En toute conscience, nous ne l'avons pas cru et c'est pourquoi nous nous retrouvons devant vous aujourd'hui. Nous serons prudents, mais nous aurons des choses à dire que nous tenons à mettre devant vous parce qu'elles sont, à notre avis, essentielles à la bonne compréhension de la situation, même si tous les problèmes ne peuvent pas être réglés d'ici la fin du mois.

Afin de ne pas prolonger indûment le débat, il n'est peut-être pas opportun de reprendre ici en détail toutes les caractéristiques de l'industrie québécoise de la construction. Notons seulement certaines données qui pourront être utiles pour les fins de notre discussion aujourd'hui:

Quant à la valeur totale des travaux de construction exécutés au Québec, elle a été, en dollars constants de 1984, de 11 637 000 000 $ en 1981 et de 10 698 000 000 $ en 1983, soit une diminution de 8,1% sur deux ans.

En 1982, la valeur de ces mêmes travaux, toujours en dollars constants de 1984, avait été de 10 803 000 000 $, donc une diminution de 7,2% par rapport à 1981.

Selon certaines projections, il y aurait remontée en 1984 à des niveaux sensiblement comparables à ceux de 1981 et le tout, de façon générale, pourra être à peu près maintenu à un tel niveau jusqu'en 1990 avec des baisses prévisibles pour 1985 et 1986. Ce sont des statistiques compilées par l'Association canadienne de la construction.

En comparaison, pour des raisons qu'il faudra tenter de découvrir, le nombre d'heures de travail effectuées à pied d'oeuvre en 1982 et rapportées à l'OCQ n'était que de 73 600 000, soit 27,5% de moins qu'en 1981 - 101 500 000 heures - et il ne fut que de 67 400 000 en 1983, donc diminution de 33,6% sur deux ans. D'après les dernières prévisions, environ 73 000 000 d'heures seront rapportées à l'OCQ en 1984, donc un peu moins même qu'en 1982.

De 14 423 employeurs actifs en 1981, le nombre a diminué à 12 595 en 1982 et, pour 1983, le chiffre aurait été de 13 093.

Pourcentage à peu près constant celui-là, 85% des entreprises de construction enregistrées à l'office ont moins de cinq employés permanents. En majorité, donc, des petites, même très petites et moyennes entreprises.

Autre information pertinente. Le nombre d'entreprises qui employaient en moyenne plus de 100 salariés n'était que de 42 en 1982 (58 en 1981) et près de 60% des entrepreneurs en construction versaient annuellement en salaires moins de 25 000 $ alors que 162 employeurs, soit 1,3% seulement, versaient plus de 1 000 000 $ en salaires.

Pour information supplémentaire, nous avons reproduit ici en annexe un tableau tiré des analyses de notre industrie effectuées par l'Office de la construction qui en démontre de ce fait une certaine instabilité. Ces données nous serviront tantôt à tenter une appréciation de l'ampleur du phénomène du travail au noir. Il est surtout important de les retenir, de façon générale, comme illustration du genre d'industrie qu'est l'industrie de la construction et de la nécessité de lui assurer un marché raisonnablement stable.

La Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et ses règlements. Quant à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, on en connaît le contenu, assez complexe à certains égards. Notons simplement pour le moment que c'est une loi unique en son genre dans notre législation, par les principes qu'elle affirme, en particulier celui du décret provincial unique et de la négociation de tout ce secteur de l'économie en vue d'un tel décret.

Quant aux règlements qui en découlent, y compris le décret de la construction lui-même, qu'il suffise de dire que la liste à jour de ces textes au 1er janvier 1983 couvre trois pages imprimées de format Gazette officielle et qu'une quinzaine de

modifications ou d'avis concernant ces règlements ou la loi elle-même ont été publiés depuis un an.

L'analyse qui suit ne pouvait donc, pour des raisons évidentes, être exhaustive; ce ne serait probablement pas utile, d'ailleurs, dans le contexte de la présente consultation. Ce que nous tenterons de faire ici, c'est de revoir certains des grands principes qu'affirme la loi, d'analyser certaines des conséquences de ces principes et aussi des règlements les plus importants qui en découlent.

La négociation provinciale du secteur construction. D'abord, le principe moteur de toute la loi: l'industrie de la construction sera, quant aux travaux à pied d'oeuvre, régie par un décret unique, à la suite d'une négociation provinciale visant à une convention collective touchant l'ensemble du secteur de la construction.

Ce principe en vertu duquel sont établies les conditions de travail de toutes les spécialités et de toutes les entreprises de construction qui oeuvrent sur les chantiers, nous y tenons et nous y souscrivons. C'est, en passant, une des choses qui n'a pas changé depuis l'adoption en 1968 de la loi 290, et les motifs sous-jacents s'en retrouvent dans les caractéristiques elles-mêmes de l'industrie. L'entreprise de construction doit être aussi mobile et polyvalente que possible, ce qui est vrai pour l'entreprise générale, mais probablement encore plus pour l'entreprise spécialisée, et les conditions uniformes de travail d'un chantier à l'autre et d'une région à l'autre sont souvent un gage de survie essentiel pour l'entrepreneur et de stabilité pour l'industrie.

Sauf pour certains particularismes qui, à notre avis, doivent demeurer aussi peu nombreux que possible, pour tenir compte des difficultés du climat dans certaines spécialités, par exemple, il demeure donc essentiel que le principe de la négociation et du décret provincial demeure et que l'industrie soit, à ces fins, considérée comme un secteur unique de l'économie.

Pour des raisons aussi de stabilité du marché et de volume des travaux de construction à exécuter, il nous semble également essentiel que la définition du mot "construction" que l'on retrouve à l'article 1, sous-paragraphe f) de la loi, demeure aussi large et globale que possible. C'est pourquoi nous soutenons, quant à l'entretien, la rénovation ou la réparation de bâtiments et ouvrages de génie civil - notions "élastiques", s'il en fut - et aussi quant à l'installation, la réparation et l'entretien de machinerie et d'équipement, qu'il ne doit pas y avoir plus d'exceptions que de règles et que, sauf pour des cas bien particuliers, la règle doit demeurer que tout cela est de la construction régie par la loi et le décret.

Ce n'était pas, en effet, le but du second alinéa de l'article 1f que de permettre d'édicter des exceptions qui donnent naissance à une concurrence venant de l'extérieur même de l'industrie, qu'il s'agisse de l'installation, du montage ou même de l'entretien de machinerie de production par des "salariés habituels du fabricant ou de l'utilisateur de telle machinerie", ou bien, comme certains entrepreneurs et certains travailleurs ont tenté récemment de le faire comprendre aux autorités, que l'on parle d'installation, de montage, de réparation et d'entretien de systèmes de réfrigération.

Pour des raisons semblables - ce n'est pas le corporatisme qui nous motive, mais bien la nécessité d'assurer aux entrepreneurs de construction et aux salariés de cette industrie un marché aussi vaste que prévisible et, par conséquent, plus régulier -nous soutenons que les exclusions que comportent les sous-paragraphes 1 à 8 de l'article 19 doivent être réduites à leur plus simple expression.

Au-delà, en effet, de certaines considérations d'ordre social, il est à tout le moins peu élégant, sinon contraire à la logique, d'affirmer dans une loi que de larges sections de ce qu'on peut généralement considérer le marché de notre industrie lui échappent.

Sans vouloir en faire un cas d'espèce, signalons en particulier à ce sujet le régime spécial qu'édicte le sous-paragraphe 8 de l'article 19 quant aux institutions subventionnées, exception particulièrement pénible à avaler pour plusieurs petites et moyennes entreprises de notre industrie dont ce pourrait être un élément important de survie.

Et l'on pourrait ajouter ici certaines autres exceptions qui découlent d'autres lois, mais qui ont aussi un impact certain sur le volume de travaux qu'ont à exécuter les vrais entrepreneurs québécois et les vrais travailleurs de la construction.

Pourquoi, par exemple, serait-il, dans le même ordre d'idées, permis à un centre hospitalier de s'ériger en entrepreneur en construction? Ce fut le cas du Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke dans un dossier relatif aux entretiens des équipements ascenseurs.

Une voix: ...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Fortier: Vous avez tous cette région comme référence.

Une voix: C'est dans son comté.

M. Fréchette: C'est le même dossier.

M. Cliche: C'est un accident que ce

soit dans ce comté-là.

Pourquoi, en vertu de lois municipales, la loi 45 de décembre 1983, ou de chartes particulières, permet-on à des municipalités de court-circuiter le système et de faire exécuter leurs travaux elles-mêmes et/ou par l'intermédiaire de sociétés à but non lucratif?

L'on est clairement ici devant un train de règles ou plutôt d'exceptions qui privent l'industrie d'un volume très important et qui la déstabilisent.

C'est pourquoi nous nous opposons aussi en principe à des demandes d'exclusion comme celle qu'a formulée l'Union des municipalités du Québec au ministère du Travail ou même celle, aussi récente, mais moins publicisée, d'une grande entreprise minière.

Toutes ces exceptions et toutes les interprétations qui peuvent être faites de la phraséologie des textes officiels ne sont-elles pas autant de facteurs contributifs à la réduction du nombre d'heures de travail officiellement rapportées à l'Office de la construction du Québec, si l'on retient que la baisse du volume de travaux de construction exécutés est proportionnellement moins grande que la diminution du nombre d'heures ainsi rapportées? (17 h 15)

C'est ce que nous inspire le tableau qui suit et qui reprend certains des chiffres précédemment cités, c'est-à-dire que de 1981 à 1983, on assiste à une chute, en dollars 1984, de 8,7% du volume des travaux alors qu'au niveau des heures travaillées on assiste à une chute, entre les mêmes dates de référence, 1981-1983, à 33% des heures travaillées, 33,6% pour être plus précis. Selon une étude publiée à la fin de 1980 par le Conseil pour l'expansion de l'industrie de la construction, organisme parrainé par le ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce, près de 20% du volume total des travaux de construction exécutés au Canada auraient été exécutés par les propriétaires eux-mêmes plutôt que par des entreprises et des salariés de la construction en 1978 et 1980. Au Québec, ce pourcentage est encore plus élevé. Je vous réfère à l'annexe II du document pour ces statistiques relatives au Québec ou aux autres provinces.

N'est-ce pas cela aussi le travail au noir? N'y a-t-il pas là beaucoup plus de sources d'abus possible que dans le travail artisanal? N'est-il pas le temps de revenir à la règle, plutôt que de maintenir et d'augmenter les exclusions?

Parlons-en de l'artisan. D'abord, l'artisan n'est pas toujours un "illégal" (articles 1 et 19, dernier alinéa de la loi). Il est là.

Peut-être la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction comporte-t-elle à première vue des trous béants qui permettent à certains artisans de se constituer entrepreneurs et de passer ainsi officiellement - mais pas toujours illégalement - "en marge" de la règle. Mais le phénomène est-il aussi important et contraire aux intérêts de l'industrie qu'on le dit quelquefois?

Nous ne nierons pas que les abus existent en ce domaine. Dans quelle mesure? Bien malin celui qui saurait le dire avec exactitude, justement parce que les contrôles sont souvent eux-mêmes problématiques.

Que les règles de fonctionnement applicables à l'artisan soient resserrées, comme on l'a fait dans le cas de Corvée-habitation, et que des sanctions sévères soient mises en place via l'Office de la construction ou la CSST, pour tenter d'éliminer l'artisan-aventurier, d'accord. Et que l'on ne tente pas le diable en accordant trop de faveurs à l'artisan dit de passage, comme on le fait quelquefois à la Régie des entreprises de construction.

Mais l'on ne doit pas espérer - ce ne serait d'ailleurs pas sain - éliminer tous les artisans, les bons en même temps que les illégaux, même si le coût de la main d'oeuvre était moindre.

En matière d'embauche, nous préconisons essentiellement, en tant qu'organisme, la liberté de choix tant pour les employeurs que pour les employés qualifiés et, à ce titre, nous nous sommes opposés, et nous nous opposons encore, à une utilisation obligatoire ou forcée des bureaux de placement syndicaux pour l'embauche des ouvriers de la construction parce qu'elle restreint ces libertés ainsi que la disponibilité et la mobilité de la main-d'oeuvre.

C'étaient les bureaux de placement syndicaux qui constituaient, lors de l'enquête Cliche, le grand problème et c'est là le fondement même du règlement dont il est question ici. Et c'est pour cela qu'il ne faut pas penser, à notre avis - parce que ce serait un recul - à l'abolition pure et simple du règlement sur le placement.

Mais on y a probablement été trop fort depuis, de sorte que la liberté de choix que nous préconisons est pratiquement illusoire, du fait de certaines autres dispositions du règlement et surtout de la façon de les appliquer.

Mentionnons en particulier les barrières insurmontables, parce que trop littéralement gardées, que représente ce règlement contre l'entrée de main-d'oeuvre nouvelle sur le marché. Il y a moins de travail à une époque donnée, l'on contingente donc à court terme l'entrée d'apprentis dans certains métiers (et sans doute cela dépend-il aussi du règlement no 1 adopté en vertu de la loi 49), sans penser au moyen terme.

L'on ne semble pas non plus tenir compte du vieillissement de la main-d'oeuvre,

ni de l'indisponibilité quasi chronique de certains individus qui demeurent inscrits au rôle. Et, en période difficile comme celle que nous venons de vivre, il est évidemment problématique pour le salarié, même sérieux, d'accumuler dans l'industrie un nombre d'heures suffisant pour que son certificat de classification soit automatiquement renouvelé.

L'on peut dès lors imaginer ce qui arrive lorsqu'il y a flambée de la demande de main-d'oeuvre dans une spécialité donnée, ou à une époque occupée, ou dans une région en particulier, ou lorsqu'il y aura reprise soutenue de la demande de main-d'oeuvre.

L'un des grands problèmes, c'est qu'on ne connaît pas les besoins de main-d'oeuvre à moyen terme de notre industrie, parce qu'on ne connaît pas l'ampleur et le type des travaux que l'on aura à exécuter dans trois, quatre ou cinq ans.

L'autre grande lacune du règlement de placement, c'est son caractère exclusivement quantitatif. Ce ne sera qu'en procédant par essais et erreurs, à grands frais, que l'entreprise qui veut respecter les règles pourra embaucher une main-d'oeuvre valable et raisonnablement productive aux fins d'un contrat donné; et ceci découle d'abord de critères inscrits au règlement qui restreignent très sensiblement la liberté dont nous parlions tout à l'heure, la régionalisation à outrance, par exemple, et la rareté artificielle qui découle de l'article 38 ou de l'application trop rigide des critères de réémission des certificats de classification.

Le nombre d'heures de travail qu'a pu effectuer un salarié au cours d'une période de référence, et encore plus, son lieu de résidence ne devraient pas primer sur sa compétence. Donc, quantifier et, également, penser à l'aspect qualité.

Il y aurait donc lieu et de façon urgente de revoir et d'assouplir, à plusieurs égards le règlement sur le placement. Sinon - et c'est déjà le cas - certains ouvriers de la construction qui ne sont plus "qualifiés" prennent le maquis - avec la connivence, il faut bien le reconnaître, quelquefois, de certaines entreprises.

Il ne faut pas oublier non plus les problèmes que posaient et que posent encore en certains cas des contrôles "déraisonnables" sur l'embauche ou sur les sources d'embauche - à moins que l'on abolisse complètement les bureaux de placement syndicaux! - et en tirer la conclusion trop générale qu'il faut abolir le règlement sur le placement dans son entier.

Quant au décret, sans vouloir nous immiscer dans les négociations comme telles, nous croyons qu'il y a toujours lieu qu'en soit précisé dans la loi le contenu obligatoire, mais non pas seulement par une disposition comme celle de l'article 61, alinéas 1 et 2 de la loi. La loi devrait aussi interdire à notre avis l'inclusion dans un décret de clauses qui y sont étrangères, comme celles qui traitent directement ou indirectement de la santé et de la sécurité du travail, parce que nous continuons et que nous continuerons à soutenir qu'il s'agit là, en matière de sécurité, de choses non négociables.

De la même façon, mais à d'autres titres, nous comprenons mal pourquoi l'on peut retrouver dans un décret - comme si les négociateurs pouvaient, par convention, amender pour ainsi dire les lois générales -une disposition comme celle de l'article 18.03, intitulé "Sous-contrat, certains travaux", et qui prétend interdire et déclarer nul et non avenu un sous-contrat, en certaines spécialités, qui ne serait pas accordé selon certaines règles. Une telle clause, à notre avis, dépasse les compétences des parties en présence aux négociations.

Le pouvoir d'intervention du gouvernement. Une analyse de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, même si elle n'en touche pas tous les aspects, souffrirait d'une lacune grave si l'on n'y traitait pas des pouvoirs discrétionnaires du gouvernement que décrit l'article 51.

En principe, évidemment, ce pouvoir d'intervention, lorsqu'il est unilatéral, et même s'il est exercé à la suite d'une audition des parties sur les raisons pour lesquelles elles ne s'entendent pas, répugne à plusieurs égards. Rappelons-nous en effet diverses circonstances dans lesquelles il a été utilisé jusqu'ici: pour "régler" la guerre de l'indexation à la fin de 1974 en modifiant l'échelle des salaires pendant la durée du décret; pour modifier les conditions de travail de certains salariés sur les chantiers du gazoduc; en mai 1982, pour imposer des augmentations de salaires, malgré le désir exprimé par l'assemblée générale des employeurs.

S'il est, cependant, une raison qui nous fait hésiter à demander l'abolition complète de ce pouvoir d'intervention, c'est bien l'ordre public, que l'on voudra se donner le droit de préserver. Cet ordre public, il n'est évidemment défini nulle part; la notion devrait peut-être en être encadrée ou clarifiée pour limiter le pouvoir d'intervention. Il est anormal, à notre avis, que le gouvernement puisse intervenir unilatéralement pendant la vie d'une convention pour en modifier le contenu.

Par ailleurs, il peut quelquefois être inquiétant de devoir laisser aller les choses, compte tenu de l'importance qu'a l'industrie de la construction dans l'économie du Québec et les graves problèmes que pourrait quelquefois entraîner le vacuum juridique subséquent à une absence d'entente sur le contenu d'une convention entre les parties, ou face au désir légitime d'assurer la non-interruption de travaux dits "de prestige",

comme ceux d'une exposition universelle, par exemple. Mais encore faudrait-il distinguer entre des engagements internationaux de ce type, d'une part, et les intérêts strictement économiques d'un gouvernement qui est impliqué, directement ou indirectement, dans la réalisation d'un projet, ou même ceux d'une entreprise privée, toute multinationale qu'elle soit, et qui exerce des pressions plus que normales sur les parties aux négociations, ou même sur un ministre ou un cabinet.

Il ne faudrait pas non plus que, de par l'existence même de ce pouvoir d'intervention, s'il est trop général, les parties à des négociations soient démotivées quant à la nécessité de conclure une convention collective complète avant les échéances, ou que tel pouvoir soit leur "défaite" pour faire, d'entrée de jeu, des demandes ou des offres déraisonnables et y tenir mordicus.

Il faudrait peut-être se demander, en conséquence, si le pouvoir d'intervention dont il est question à l'article 51 de la loi demeurant, il ne devrait pas être limité et le décret qui pourrait en résulter réduit à sa plus simple expression quant à son contenu. On pourrait imaginer, par exemple, que le décret du gouvernement faisant suite à l'impossibilité pour les parties de s'entendre sur une convention collective complète, ne puisse contenir que les clauses essentielles dont parlent les deux premiers alinéas de l'article 61 de la loi, et que les augmentations de salaires ne puissent dépasser 50% de l'inflation courante, et même que les taux ne soient que reconduits sans plus, quitte à ce que les parties soient obligées de participer à une médiation obligatoire à l'intérieur d'un délai imparti; bref, sur la totalité de la convention.

On devrait également, en toute circonstance, édicter, tant pour la partie patronale que pour les représentants des salariés, une consultation obligatoire selon des modalités préétablies avant que ne puisse être exercé le droit de grève ou de lock-out et appliquer sans hésitation des sanctions sévères à ceux qui ne se comporteraient pas selon la loi.

Les cas dans lesquels le gouvernement se sentirait "obligé" d'intervenir s'en retrouveraient ainsi mieux encadrés et la volonté exprimée par les commettants des négociateurs aurait des chances d'être mieux observée.

Évidemment, nous n'avons pas l'impression, avec ces quelques suggestions, de pouvoir régler à court terme tout le contentieux qui entoure le pouvoir d'intervention du gouvernement. Que notre prestation à ce sujet soit évaluée, qu'on en discute et qu'on y revienne, nous n'y voyons pas d'objection, mais il nous faut faire quelque chose et c'est dans ce sens que nous avons formulé ces suggestions.

Je vais passer la parole à mon confrère, M. le Président, si vous me le permettez, pour la suite du mémoire.

M. Théoret (Jacques): Jacques Théoret, directeur général de l'association, M. le Président.

Avant de quitter le cadre de la loi, nous tenons aussi à traiter le sujet si souvent abordé ailleurs de la responsabilité de l'employeur professionnel pour les salaires impayés de ses sous-traitants.

Selon l'article 54 de la loi: "Tout employeur professionnel qui passe un marché avec un sous-entrepreneur ou un sous-traitant, directement ou par intermédiaire, est solidairement responsable, avec ce sous-entrepreneur ou ce sous-traitant et tout intermédiaire, du paiement du salaire fixé par le décret".

C'est encore là un principe qu'affirme la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction depuis le début, comme l'affirmait l'article 14 de la loi sur les décrets de convention collective auparavant.

À notre avis, cette responsabilité est une institution vétusté. Cet article ne tient absolument pas compte de la réalité plus récente des relations contractuelles dans l'industrie de la construction et édicté des responsabilités dont un entrepreneur, tout bon père de famille qu'il soit, ne peut absolument pas connaître l'étendue ni les conséquences possibles.

Et comme si l'on avait voulu compliquer encore l'existence de l'entrepreneur, les parties au décret y ont ajouté une disposition concernant un fonds spécial d'indemnisation dont la phraséologie, depuis décembre 1980, est devenue encore plus large et imprécise, lorsqu'il y est question, par exemple, de chèques sans provisions, ou du non-paiement du salaire par un employeur qui "cesse ses opérations" dans l'industrie de la construction. Clairement, ce texte risque de donner lieu à des abus plus graves et, comme nous l'avions affirmé dès 1981, il nous semblerait opportun d'en resserrer la trame. Lors du décret que l'on sait, en mai 1982, l'on n'a rien trouvé de mieux à faire que de doubler la contribution horaire des employeurs au fonds en question, sans modifier le texte de l'article 31.01 du décret actuel, parce que le fonds courait au déficit.

Aux dernières nouvelles, malgré l'augmentation des contributions il y a deux ans, le fonds est de nouveau de moins en moins liquide et risque fort de se retrouver déficitaire à très court terme, si ce n'est déjà fait, et si le texte lui-même de cet article du décret n'est pas sensiblement resserré, sinon aboli, si l'administration n'en est pas améliorée et si le principe même de

l'article 54 de la loi n'est pas lui aussi, et de façon urgente, revu et corrigé, sinon complètement mis de côté.

Ce ne sont là, évidemment, que quelques-unes des questions les plus importantes que soulèvent certaines des dispositions de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et les règlements qui s'y rattachent. Évidemment, s'il était question de régler d'urgence certains des problèmes que pose cette loi, c'est à ces questions que nous vous invitons à réfléchir d'abord. Nous croyons qu'il pourrait déjà découler de solutions bien pensées aux questions que nous venons de soulever une plus grande stabilité du marché dans lequel oeuvrent en même temps les salariés et les entrepreneurs de la construction et, dans de telles circonstances, une réduction des coûts de construction ou au moins un freinage important de l'augmentation de ces coûts serait déjà plus facilement réalisable.

Cela ne veut pas dire qu'il faut s'en tenir à moyen terme à ces questions. D'autres problèmes, s'ils paraissent actuellement moins urgents ou s'il est moins opportun de les traiter dans le cadre de cette consultation, n'en sont pas moins importants et doivent être abordés, que ce soit par votre commission ou ailleurs.

Nous pensons, par exemple, sans que l'ordre dans lequel nous les énumérons en indique nécessairement l'importance, à un examen de l'administration du décret, des mandats et des pouvoirs de l'office, y compris les mandats spéciaux qu'on y a ajoutés et qui coûtent cher, aux pouvoirs de réglementation de l'OCQ et au rôle du comité mixte; au rôle aussi du commissaire de la construction et du comité consultatif du commissaire; à toutes les questions qui se rattachent à la syndicalisation obligatoire: vote d'allégeance, degré de représentativité, nécessité de tenir des consultations objectives sur un projet de convention collective, par exemple; à l'association d'employeurs unique, à l'obligation d'adhérer et de cotiser, au rôle de l'AECQ, à son mandat et au rôle des structures patronales que s'est donné l'industrie de la construction au Québec, structures auxquelles elle tient et dont le gouvernement comme les autres intervenants doivent tenir compte; aux recours que peut exercer l'OCQ et aux amendes qu'il peut imposer; aux dispositions relatives aux délégués de chantier et à l'application des sanctions prévues par la loi par le ministère de la Justice. (17 h 30)

II y a également des questions d'autres ordres qui ne relèvent pas de la Loi sur les relations du travail, mais qui ont aussi leur importance dans la vie de tous les jours, et pour la survie de l'industrie. Nous avons déjà touché certains de ces sujets. Ainsi, toute la question de la formation de la main-d'oeuvre. À ce sujet, dans la mesure du possible, les rapports compagnon-apprenti doivent favoriser l'existence permanente d'un bassin de main-d'oeuvre suffisant et suffisamment polyvalent dans l'industrie. Par surcroît, seules des personnes dont la compétence est avérée doivent pouvoir exercer un métier dans l'industrie de la construction. À cette fin, nous favorisons l'existence d'un système de cours obligatoires pré-emploi et de cours périodiques pendant l'apprentissage, système qui s'adresse aux futurs ouvriers qualifiés et qui soit administré par une commission mixte formée de représentants des salariés et des patrons.

Nous voudrions aussi que la reconnaissance de la compétence des ouvriers de la construction se fasse au moyen d'un système d'examens de qualification parce que l'existence de tels contrôles qualitatifs est essentielle au maintien d'un bassin de main-d'oeuvre adéquat et compétent.

L'on pourrait d'ailleurs ajouter que, bien administré, un système satisfaisant de main-d'oeuvre et d'apprentissage pourrait faire de l'industrie une carrière attrayante pour le futur ouvrier, ce dont nous ne nous plaindrions pas.

Dans un autre ordre d'idées l'on ne pourrait que difficilement passer sous silence l'extrême complexité des lois et des règlements qui régissent pour les entreprises que nous représentons toute l'administration de la sécurité et de la prévention et les coûts énormes, sinon prohibitifs, qu'entraînent pour notre industrie en particulier la loi 17 de 1980 et la Loi actuelle sur les accidents du travail, sans parler du projet de loi 42, première ou deuxième version.

À titre indicatif, soulignons par exemple que, selon le rapport de la CSST pour 1983, les 17 222 employeurs identifiés "bâtiment et travaux publics" - par la CSST s'entend - ont versé en 1983 à la CSST un taux moyen de cotisation de 6,93 $ par 100 $ de salaire, soit plus de trois fois et demi le taux moyen pour tous les secteurs d'activité économique, de 1,88 $ par 100 $ de salaire sur une masse salariale totale estimée de 36 000 000 000 $.

Au total, les employeurs de la construction versent ces années-ci à la CSST aux environs de 125 000 000 $ par an, soit plus de 15% des cotisations totales d'employeurs que perçoit la commission. Et l'on ne comptabilise pas ici, bien évidemment, tous les coûts indirects encourus en ce domaine par nos entreprises.

Il est aussi plusieurs autres lois et règlements qui touchent directement l'industrie de la construction ou l'entreprise qui y oeuvre et qui, de diverses façons, ont une influence notable sur la stabilité et la viabilité de ce secteur important de

l'économie québécoise. Nous n'en mentionnerons que quelques exemples.

D'abord la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et la réglementation qui en découle. Cette loi trouve officiellement ses origines dans une recommandation de la commission Cliche, bien que l'industrie ait prâné l'adoption de telles mesures depuis le début des années soixante.

Malheureusement, après presque dix années d'existence, l'on est forcé de constater que les effets de cette loi sont loin d'être ceux auxquels on pouvait s'attendre.

Les buts que poursuivait l'industrie en prônant l'adoption d'une telle loi avant la commission Cliche étaient clairs: contrôle qualitatif des compétences techniques, administratives et financières d'une entreprise avant même qu'elle soit autorisée à offrir ses services comme entrepreneur de construction et, en conséquence, épuration du milieu au profit de l'acheteur de construction. Nous ne prônions pas le contrôle quantitatif, mais bien le contrôle qualitatif.

Malheureusement, l'organisme chargé d'administrer cette loi, par obligation peut-être, s'est tellement démarqué de l'industrie et des groupes qui la représentent que la loi est maintenant interprétée comme un véhicule de protection du consommateur et qu'en même temps, la régie se voit comme un organisme qui ne doit pas pour ainsi dire brimer la liberté de l'individu de devenir entrepreneur.

Loin de nous évidemment la pensée de prôner, contrairement au principe de la libre entreprise, le contrôle quantitatif dans notre industrie, même si cela se fait dans d'autres professions. Mais la Régie des entreprises manquerait à son devoir si elle ne revoyait pas sérieusement ses exigences, en haussant à un niveau crédible le minimum de passage des tests et les autres conditions d'obtention et de renouvellement d'une licence d'entrepreneur. Sinon, c'est le public qu'on leurre et c'est notre industrie qui s'en trouve lésée de façon quasi irréversible.

Et que sera le projet de loi sur la rationalisation et la normalisation que nous annonce depuis bientôt deux ans le ministère de l'Habitation?

Certaines consultations ont eu lieu mais rien de précis n'a encore été publié sur les intentions du législateur à ce sujet. lnterviendra-t-on encore une fois de façon ponctuelle pour régler certains problèmes particuliers sans étude préalable approfondie des effets généraux de la mesure? Nous ne le savons pas.

Et l'on pourrait aussi parler du programme Corvée-habitation, auquel toute l'industrie a contribué mais qui n'a pas profité à tous, malgré certaines suggestions en ce sens que nous avons faites au ministre responsable.

L'on pourrait également parler des lourdes responsabilités civiles et pénales qu'imposent les lois du Québec, y compris le Code civil, aux entrepreneurs en construction, pour protéger le public ou un certain public, mais qui n'ont plus, dans bien des cas, de rapport avec la réalité d'aujourd'hui.

Pensons même aux améliorations qui pourraient être apportées à notre système de fiscalité et de taxation pour tenir compte des caractéristiques de l'industrie de la construction et lui donner certains coups de pouce qui seraient les bienvenus.

Et que dire de toute la réglementation qui affecte directement ou indirectement l'industrie, qui l'empêche de consacrer des énergies précieuses à des tâches productives, et dont le premier ministre lui-même, dans son discours inaugural de l'automne 1980, avait annoncé - nous citons - "un nettoyage dans les plus brefs délais". S'il était déjà urgent à l'époque, un tel nettoyage s'impose de plus en plus. Mais nous attendons toujours.

Comme nous l'avons dit précédemment, il est impératif de réduire les coûts de la construction ou du moins de freiner considérablement l'augmentation de ces coûts sinon la concurrence déjà féroce dans cette industrie deviendra insupportable, le marché noir sous toutes ses formes y fleurira, les investissements privés se feront encore plus rares et l'économie en général y perdra.

Assurément, le sujet qui constitue le mandat principal de la commission permanente de l'économie et du travail, la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et ses règlements, valait la peine qu'on s'y arrête. C'est ce que nous avons tenté de faire dans notre présentation.

Mais c'est, à notre avis, trop peu. Même quant à la loi elle-même, nous croyons avoir démontré que les problèmes sont nombreux, mais qu'ils ne peuvent être réglés en 24 heures.

Et si ce n'était que celai

Je me permets ici, M. le Président, de sortir du texte pour vous citer certains chiffres intéressants. L'industrie de la construction constitue un secteur d'activité vital dans l'économie du Québec. Selon une étude publiée par l'Office de la construction du Québec en 1978, la valeur globale des travaux réalisés par l'industrie était, à l'époque, d'environ 14% de la production totale de biens et services au Québec. Malheureusement, selon l'économiste en chef de l'Association canadienne de la construction, ce pourcentage aurait diminué, pour la période de 1980 à 1982, à 10,6%.

Toujours selon l'association canadienne, à 100 emplois dans l'industrie de la

construction se rattachent 35 emplois dans d'autres industries, dont 15 dans l'industrie manufacturière, 10 dans celle de la distribution des matériaux et 10 autres dans les industries de services. Si - ce sont, évidemment, des chiffres basés sur Statistique Canada qui ne compte pas les emplois exactement de la même façon que l'Office de la construction; elle compte, en fait, des emplois qui ne sont pas des emplois de salariés sur les chantiers comme tels seulement - 28 000 emplois directs dans l'industrie de la construction ont été perdus entre 1977 et 1984, il y a donc eu en parallèle près de 10 000 emplois perdus dans les autres secteurs d'activité, et ce au Québec.

L'un des grands problèmes de l'industrie, c'est qu'elle est trop gouvernée de l'extérieur. Bien évidemment, certains facteurs qui provoquent ces hauts et ces bas sont difficilement contrôlables: par exemple, l'économie mondiale et les taux d'intérêt, mais d'autres facteurs qui sont plus contrôlables ont également une influence considérable sur cette industrie. Ce que nous disons, c'est que le secteur de la construction ne doit plus être considéré comme une industrie de services qui n'a qu'à en prendre pour son rhume chaque fois que des intervenants de l'extérieur décident de régler sur son dos des problèmes sociaux ou ponctuels. Compte tenu de son importance relativement au produit intérieur brut, notre industrie doit être franchement considérée comme un producteur dont la santé est essentielle à celle de l'économie, et il faut prendre les moyens de façon orchestrée et concertée pour y arriver.

Ce n'est, à moyen et à long terme, qu'en assurant une telle stabilité à l'industrie qu'il y aura stabilisation des coûts de construction et, conséquemment, moins d'orages du types de ceux qui ont si souvent poussé le gouvernement à intervenir pour promulguer ou modifier le décret. Cette stabilité ne pourra exister - je reviens au texte du mémoire au haut de la page 36 -que si toutes les lois, tous les règlements et toutes les situations qui affectent ce secteur à divers titres sont sérieusement examinés et que toutes les mesures nécessaires sont prises pour assurer cette stabilité.

L'industrie de la construction constituant un secteur d'activité vital, peut-être serait-il bon d'envisager sérieusement la mise en place d'un ministère de la construction qui soit franchement un ministère à vocation économique et qui soit en mesure de s'attaquer aux véritables problèmes qui empêchent l'industrie de la construciton d'accéder à un certain niveau de stabilité.

Un tel ministère pourrait être un instrument fort utile pour voir à la planification des investissements publics, à la sollicitation d'investissements privés, à l'assouplissement des mesures fiscales et à la coordination de différentes mesures d'autres ordres favorisant la santé économique de l'industrie.

Ce ministère pourrait aussi être chargé de la rationalisation des lois et règlements trop nombreux qui s'appliquent ou qui affectent l'industrie de la construction et possiblement de la coordination des pouvoirs d'intervention des divers organismes qui exercent une surveillance sur notre secteur, l'OCQ ou la Régie des entreprises par exemple, sinon de leur regroupement ou de leur unification.

Ajoutons qu'il serait essentiel à la réalisation des objectifs d'un tel ministère d'y instaurer une structure permanente de concertation avec l'industrie de façon à favoriser l'expression des aspirations légitimes des entreprises que nous représentons. Cette concertation devrait, à notre avis, se faire via un nombre restreint d'associations reconnues représentatives dont, en particulier, l'Association de la construction de Montréal et du Québec et la Fédération de la construction du Québec.

De toute façon, une grande conclusion s'impose. Une étude approfondie de toutes les interactions des diverses lois, règlements ou autres situations qui affectent le secteur important de l'économie qu'est l'industrie de la construction est essentielle. Et nous prônons à ce sujet la mise sur pied sans délai d'une commission d'étude spéciale qui pourrait être interministérielle, pourvue d'un mandat aussi large que voulu et des moyens financiers requis; qu'on prévoie la participation de tous les intéressés à l'étude, à l'élaboration d'un rapport complet et à la mise en oeuvre des recommandations qui y seront faites. Et ça presse!

Quant à nous, nous n'attendons qu'une invitation en ce sens, et nous avons hâte de pouvoir contribuer à une telle étude. Merci, M. le Président, messieurs les membres de la commission.

Le Président (M. Fortier): Je vous remercie. La parole est au ministre.

M. Fréchette: Oui, merci. Brièvement. D'abord, quelqu'un d'aimable autour de moi m'a suggéré une excellente défense pour ces références constantes qui reviennent et qui concernent le comté de Sherbrooke. Je voulais simplement vous signaler que l'hôpital auquel vous faites référence est effectivement dans le comté de Saint-François. Je pense que ça règle...

M. Pagé: ... vous le dire. Vous ne le saviez pas!

M. Fréchette: II y a ici des gens de Sherbrooke qui vont très certainement

corroborer ce que je suis en train de vous dire.

Je voudrais remercier M. Cliche, M. Théoret, pour leur présentation. Ils ont consacré deux ou trois pages de leur mémoire pour indiquer aux membres de la commission qu'ils n'avaient pas eu beaucoup de temps pour le préparer, pour le bâtir. Malgré cette difficulté, il faut bien nous rendre à l'évidence que vous avez quand même eu suffisamment de temps pour faire le tour d'à peu près toute la situation et toucher à tous les aspects qui sont préoccupants pour la commission.

Permettez que je fasse une remarque d'ordre général et qui rejoint essentiellement quelques-unes des conclusions qu'on retrouve dans votre mémoire, particulièrement à la page 36, lorsque vous insistez sur la nécessité qu'une certaine stabilité puisse exister dans la construction. Vous dites que cette stabilité ne pourra exister que si toutes les lois, tous les règlements et toutes les situations qui affectent ce secteur à divers titres sont sérieusement examinés et que toutes les mesures nécessaires sont prises pour l'assurer.

Je pense qu'il n'y a personne qui ne peut pas concourir à un objectif comme celui-là. D'ailleurs, ce n'est pas depuis la commission parlementaire à l'intérieur de laquelle nous sommes que cet objectif est visé. C'est depuis un bon moment. Je pourrais dire depuis 10, 15 et 20 ans maintenant. Je me permets simplement de vous signaler, et j'espère que l'objectif sera atteint, je me permets simplement de vous signaler que ce que nous sommes en train de faire maintenant a précisément comme objet principal d'arriver à atteindre cette stabilité que vous souhaitez. J'ai l'impression, au fur et à mesure que les travaux progressent, que nous allons devoir, de part et d'autre et quand je dis de part et d'autre je fais référence autant aux associations syndicales qu'aux associations patronales et au gouvernement, nous allons devoir, de part et d'autre, immédiatement après la fin de ces travaux de la commission, faire nos devoirs et, dans des délais relativement courts, relativement normaux, livrer la marchandise. Je pense que c'est uniquement de cette façon que nous allons pouvoir amorcer cette stabilité que vous souhaitez. (17 h 45)

Évidemment, il va nous falloir essayer -quant à nous, en tout cas - de livrer de la marchandise qui corresponde aux voeux exprimés par les différents intervenants que nous avons entendus. C'est particulièrement vrai là où un consensus se dégage clairement. Ce sera sans doute vrai également là où il faudra que le gouvernement agisse comme arbitre.

Je voudrais simplement, M. Cliche, revenir à quelques-uns des aspects que vous avez soulevés et essayer d'obtenir un peu plus de précisions, par exemple, à propos de votre commentaire quant à la nécessité de continuer dans l'état actuel du décret. Vous dites qu'il est nécessaire que le décret unique continue d'exister, que les mêmes conditions doivent continuer de s'appliquer partout dans les mêmes circonstances. Est-ce que je dois conclure, à partir de cette observation qui est présentée sous la forme d'un voeu, en quelque sorte, qu'au moins, à cet égard, les dispositions actuelles de la loi donnent satisfaction à votre regroupement?

M. Cliche: Effectivement.

M. Fréchette: Bon. À partir de là, il y a un autre pas à franchir pour obtenir un autre éclaircissement. On sait que l'association qui vous représente pour les fins des relations du travail, l'AECQ, la loi vous oblige à en faire partie. Vous n'avez pas le choix; cela a été imposé par la loi. Remarquez bien que je ne veux pour aucune espèce de considération entreprendre ici des discussions dont les conséquences ou les effets seraient de mettre sur la place publique des choses que vous ne souhaitez pas mettre sur la place publique, ou qui ne doivent pas l'être, parce que vous faites référence aussi dans votre mémoire au rôle de l'AECQ. Mais ma question serait la suivante: Est-ce que, malgré les difficultés normales qui peuvent se présenter dans des dossiers comme ceux-là, vous êtes satisfaits du rôle que votre association représentative a joué jusqu'à maintenant au plan des relations du travail et de la négociation de la convention collective et du décret?

M. Cliche: Effectivement, nous sommes satisfaits du rôle de l'AECQ dans le cadre de la négociation comme telle et de leur champ de responsabilités. Toutefois, la seule réserve que je voudrais exprimer à ce sujet serait de ne pas tenter de voir la problématique de l'industrie dans une stricte notion des relations du travail, mais d'essayer de passer le message à la commission que, d'accord, les relations du travail sont une très grande partie, fort importante d'ailleurs, mais qu'il y avait quand même à cela une quantité effarante de lois - 28 lois, soit dit en passant, concernent notre industrie, dont celle relative aux relations du travail - et ne pas limiter tous les problèmes de l'industrie à un strict balancement de pouvoir entre les syndicats et le patronat. Cela a beaucoup plus d'envergure d'où, précisément, la nécessité d'en arriver avec une commission spéciale dans laquelle il faudra évidemment regrouper les aspirations syndicales, les aspirations de l'AECQ également, qui sont légitimes dans le cadre du mandat de négociation, sans oublier aussi toutes les autres implications, dont celle de la loi 17,

entre autres, relative à la sécurité, dans le cadre d'une révision globale. Chaque fois qu'il y a eu dans le passé des commissions parlementaires relatives à l'industrie de la construction, elles ont été faites, soit dans le cadre de négociation d'un décret, ce qui veut dire que cela reflétait un problème assez urgent et, quelquefois, la nécessité pour le législateur de trancher. Mais cette fois, ce que nous voudrions passer comme message à la commission, c'est qu'il serait peut-être temps qu'on fasse une révision globale, et qu'on regroupe autour d'une table de concertation tous les intervenants, tout autant de la partie patronale. Distinguer l'AECQ de nos organisations, c'est relativement évident; la partie négociation leur appartient en exclusivité. On y souscrit d'ailleurs, mais il y a quand même pour l'industrie de la construction une quantité d'autres problèmes, d'autres tracasseries qui ne sont pas directement des relations du travail. On a à mettre cela ensemble une fois pour toutes.

M. Fréchette: Je suis tout à fait conscient, M. Cliche, de la distinction que vous faites, qui est d'importance, d'ailleurs, et qu'on ne doit jamais perdre de vue, sauf que, comme le mandat de négociateur unique procède aussi de la loi, je me croyais habilité à vous poser cette question dans le cadre général du mandat de l'actuelle commission.

Vous avez rapidement, mais de façon expresse, touché toute la question du champ d'application de la loi. Vous l'avez fait très rapidement. Vous êtes sans doute au fait également des représentations qui nous ont été soumises par l'ensemble des autres associations que nous avons entendues depuis hier matin. Vous avez probablement entendu tout à l'heure M. Asselin, de l'Union des municipalités régionales de comté.

Par présomption ou, enfin, par n'importe quel autre moyen utile, j'arrive à la conclusion que, comme l'ensemble des autres intervenants, votre souhait, c'est que ce champ d'application redevienne en quelque sorte ce qu'il a déjà été au moment où l'on retrouvait une définition du terme "construction" qui contenait tous les éléments que vous savez, ou à peu près.

M. Cliche: Effectivement, ce que nous voudrions surtout, c'est que le terme comme tel du champ d'application soit ce qu'il doit être, et nous ne comprenons absolument pas pourquoi cette règle de ce qui est trop dispendieux dans un tel marché pour un tel consommateur, qu'il soit public ou privé, si vous voulez, n'est pas suivie dans la plupart des municipalités ou de certains ministères. C'est pour cela que le cas auquel on faisait allusion tantôt nous a quelque peu choqués. Pour donner un petit détail à la commission, on s'est ramassé avec un centre hospitalier qui a, si vous voulez, la possibilité de procéder à l'entretien des ascenseurs s'il fait les siens; mais lorsqu'il est rendu avec une compagnie de construction, alors que la loi constitutive ne lui permet même pas de détenir le pouvoir de la créer, et qu'en même temps il fait l'entretien des ascenseurs au cégep de l'endroit, c'est de la concurrence directe. On fait mention de cet état de choses au ministère des Affaires sociales et ce qu'on nous répond, c'est que c'est de la saine gestion.

M. Fréchette: Je comprends que...

M. Cliche: Ce sont des cas très pratiques.

M. Fréchette: ...vous faites référence au cas du comté de Saint-François.

M. Cliche: Exactement, M. le ministre. Dans le cadre de l'industrie, cela fait partie, si vous voulez, de l'ensemble du champ d'application. Pourquoi c'est trop cher pour un petit dépanneur du coin? Souvent on parle du dossier de l'habitation, etc. Si une maison, c'est trop cher pour un consommateur, il faut penser aussi que, dans les domaines commercial et industriel, certaines des exclusions dans le fond font payer à notre structure industrielle, commerciale des coûts relativement élevés. Donc, il faudrait peut-être justement attaquer à la base le champ d'application en se disant: Si c'est valable pour le public, le gouvernement et ses offices ou sociétés, je ne verrais pas pourquoi cela ne serait pas applicable également à l'ensemble de tous les intervenants dont on retrouve la liste dans les exclusions à l'article 19.

M. Fréchette: II est un autre aspect sur lequel à peu près toutes les parties se sont prononcées. Quant à vous, vous ne faites par référence à ce dossier, peut-être parce que, dans les conclusions de votre mémoire, vous recommandez la création d'un ministère de la construction. Supposons que cette recommandation ne soit pas retenue. Toutes les parties, jusqu'à maintenant, avec la réserve dont je vous parle, ont fait beaucoup de représentations sur les difficultés qui étaient créées par le fait que les recours, les recours prévus autant par la loi que par l'ensemble de la réglementation, étaient, dans l'état actuel des choses, éparpillés dans quatre, cinq, dix instances différentes, autant en matière pénale qu'en matière civile, qu'en matière d'arbitrage de griefs, qu'en matière d'interprétation du décret, etc. Face à cette constatation, qui de toute façon saute aux yeux, plusieurs ont suggéré la création - pour le moment on appelle cela un tribunal de la construction - d'une instance unique qui

serait habilitée, qui aurait la juridiction pour disposer des cas litigieux qui, actuellement, comme je le disais tout à l'heure, sont répartis à travers toutes sortes d'instances. Parce que vous ne soulevez pas la question dans votre mémoire j'apprécierais connaître votre évaluation d'une suggestion de cette nature-là.

M. Cliche: Dans le cadre d'un mémoire qu'on avait présenté, dans le cadre d'un projet visant la normalisation, qualification et inspection, nous avions déjà d'ailleurs fait cette suggestion-là. Quant aux modalités de fonctionnement, je vais laisser à mon confrère qui est avocat lui-même - il y en a partout - le soin de répondre à cette question.

M. Fréchette: Il ne faudrait pas nous organiser pour que la chicane prenne.

M. Théoret: Non, non. M. le Président, je ne voudrais pas non plus aborder les problèmes constitutionnels que le ministre a signalés hier, ou les possibilités de problèmes constitutionnels, mais il nous semble évident que la présentation de cette solution à tout le problème serait un grand pas en avant pour l'industrie. D'ailleurs, si la fédération l'a soutenu dans un mémoire qu'elle a présenté au ministère de l'Habitation, je pense, elle l'avait également dit il y a, ma foi, une quinzaine d'années alors que l'Association de la construction de Montréal et du Québec - je ne vous raconterai pas les autres problèmes constitutionnels qui nous avaient occupés à ce moment-là - étaient membres de la fédération. Elle l'avait soutenu dans un mémoire à ce moment-là, je pense bien que c'était au ministre Cournoyer, sous quel règne je ne saurais le dire mais on l'avait déjà dit et on continue à être d'accord.

M. Fréchette: En identifiant le ministre, on peut identifier le règne, je pense bien.

Le Président (M. Fortier): C'est comme le ministre actuel.

M. Théoret: Non, pas nécessairement.

Le Président (M. Fortier): Le ministre perd la mémoire.

M. Pagé: C'est intéressant pour les péquistes. Vous voyez comment il se rappelle de ses collègues.

M. Fréchette: D'autant plus que je suis à peu près dans la même situation que lui, voyez-vous.

Le Président (M. Fortier): Exactement.

M. Fréchette: On regardera les années, Me Théoret et on va essayer de... De toute façon, au-delà de cela, il semble clair que vous concourez aux suggestions qui sont faites par les autres associations.

Une dernière observation quant à moi. Quelque part dans votre mémoire, M. Cliche, vous revenez, avec passablement d'insistance aussi, sur la question de l'intervention gouvernementale qui est constante, presque à répétition. Vous résumez le tout en disant que l'intervention gouvernementale répugne en soi. Ce n'est pas moi qui vais entreprendre de contester le sentiment que vous émettez de cette façon-là. Il faudrait peut-être par ailleurs, penser que l'inverse peut également être vrai. Si cela répugne à ceux à qui les décisions s'appliquent, cela peut aussi répugner à ceux qui doivent les appliquer. Tout cela pour vous dire que si les travaux que nous sommes en train de faire pouvaient permettre aux uns et aux autres encore une fois de s'engager sur des avenues qui feraient que le temps permette, aussi rapidement que c'est possible, de se désengager de cette intervention, je vous avoue bien honnêtement que je suis disposé à entrer dans cette avenue-là dans les meilleurs délais.

Nous allons voir ce que cela va donner comme résultats. Je vous disais tout à l'heure que les uns et les autres nous allons sans doute avoir de la marchandise à livrer. Nous avons fait hier, aujourd'hui et nous le ferons demain, la liste de nos commandes. Il s'agira de voir comment on livre par la suite et comment tout cela peut déboucher sur les voeux ou les souhaits mis sur la table par tout le monde et particulièrement au chapitre de l'intervention gouvernementale.

M. Cliche: II y a une dimension que je soulignerais à l'intérieur de cela, si vous me permettez, c'est qu'on crée pratiquement d'office l'intervention gouvernementale en tombant pratiquement à la fin de la convention dans un vide juridique s'il n'y a pas eu entente avec les parties. Si un mécanisme autre permettait d'attendre l'intérim dans le fond... C'est que le malheur de la convention prolongée, si vous voulez, sous la forme de décret par loi, cela implique qu'à la fermeture de la convention - la confrontation patronale-syndicale, il faut quelquefois qu'elle suive son cours, qu'elle fasse état des forces du marché. Mais, chaque fois, les justifications, entre autres, de votre confrère, M. Marois, à l'époque, disaient toujours: On se ramasse dans un vide juridique; il faut intervenir. C'est un peu, sans discuter la valeur de votre décision, la difficulté dans laquelle vous vous êtes retrouvés il y a quelque temps déjà. (18 heures)

M. Fréchette: À cet égard, une des associations que nous avons entendues -

j'aurais un peu de peine à identifier précisément laquelle - faisait une suggestion qu'à première vue, en tout cas, je considère très heureuse, et qui était essentiellement de dire ceci: Pourquoi ne retrouverait-on pas dans le décret une disposition que l'on retrouve dans plusieurs conventions collectives et qui ferait en sorte que les conditions du décret continuent de s'appliquer même à son expiration jusqu'à ce qu'une nouvelle convention intervienne entre les parties? Est-ce que ce n'est pas une avenue...

M. Cliche: II y aurait peut-être à pondérer cela, parce que certains pourraient peut-être avoir intérêt à ne pas prolonger...

M. Fréchette: Non, je ne fais que mettre l'idée sur la table pour le moment...

M. Cliche: ...ou à le prolonger.

M. Fréchette: ...en vous rappelant qu'elle est contenue dans un des mémoires qu'on a reçus. Quant à moi, en tout cas, c'est une avenue que je vais essayer de voir avec le plus de précision possible.

Merci encore, messieurs.

Le Président (M. Fortier): M. Cliche, je voulais simplement signaler que je vois que vous êtes très bien informé. À la page 2, je lis ceci. Le 4 juillet, vous avez appris que la commission tiendrait ses auditions les 6, 7 et 8 août et le règlement de l'Assemblée nationale qui régit le genre de commission qui siège aujourd'hui veut qu'un avis du leader du gouvernement soit envoyé à la commission. La commission n'a reçu cet avis que le 7 août. Je vois que vous êtes très bien informé.

Une voix: Le 7 juillet.

Le Président (M. Fortier): Le 7 juillet.

M. Cliche: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Fortier): Alors, on l'a reçu trois jours après vous. Je vois que vous êtes très bien informé.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement. Je voudrais remercier M. Cliche et Me Théoret pour la présentation de leur mémoire ainsi que le Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec. Vous avez fait valoir des points qui étaient très intéressants qui s'ajoutent au débat. Vous avez eu un échange sur certains points que j'aurais aimé aborder avec vous et avec le ministre. En ce qui concerne les questions, c'est mon collègue, le député de Pontiac qui s'occupe du dossier de l'habitation au sein de notre groupe parlementaire, qui va vous formuler ses questions.

Le Président (M. Fortier): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Cliche, vous mentionnez à la page 1 que vous représentez de 50% à 60% des travaux de construction partout au Québec. Quel pourcentage s'applique au domaine de la construction résidentielle?

M. Cliche: Cela pourrait s'échelonner aux environs de 1500 constructeurs au niveau résidentiel. Cependant, je fais tout de suite une mise en garde. Compte tenu de la structure même de l'entreprise de construction, il est quelquefois difficile de dire exactement dans quel secteur l'entreprise a exercé la majorité de son activité dans l'année. L'entreprise étant, règle générale, dans plusieurs des cas, dans le cas de la sous-traitance plus particulièrement... Par exemple, une entreprise en électricité n'aura pas nécessairement une vocation exclusive dans un secteur donné. Ce sont souvent les contingences du marché qui vont, à un moment donné, amener des entreprises à oeuvrer dans un secteur de préférence à un autre. Le dernier cas de Corvée-habitation illustre très bien que le marché commercial et industriel était relativement paralysé. Donc, plusieurs qui avaient quelquefois peut-être négligé dans le passé le domaine résidentiel s'y sont attelés parce qu'il y avait là quand même un marché intéressant, ce qui n'était peut-être pas le cas dans le passé. Souvent, selon la structure même de l'entreprise où les vocations multiples existent, c'est le secteur dans lequel il y a activité qui va entraîner, si vous voulez, l'activité même de l'entreprise. C'est pour cela qu'il est difficile de déterminer avec justesse ce qui peut être exclusivement résidentiel et ce qui peut être exclusivement commercial, industriel ou institutionnel.

M. Middlemiss: D'accord. Vous avez fait référence à l'article 38. Est-ce que c'est dans le même sens que vous dites que vous trouvez que c'est un peu lourd? Est-ce que vous partagez l'opinion de la FTQ qu'en région l'entrepreneur ait le droit d'avoir ses hommes clés, mais qu'il embauche la main-d'oeuvre qualifiée de la région elle-même?

M. Théoret: M. le Président, dans cette partie du mémoire où nous avons abordé le règlement de placement, en particulier l'article 38, je crois bien que, quant à nous, ce que nous voulions dire, c'est que l'article 38 est cet article qui détermine les cas dans lesquels un entrepreneur peut amener ses ouvriers avec lui dans d'autres régions. On

dit, en particulier, que cet ouvrier doit avoir travaillé 1500 heures pour cet employeur dans les deux dernières années et il y a une autre condition qui est celle que l'employé ait travaillé, je pense, trois quarts des heures qu'il a travaillées dans l'industrie pour cet employeur. C'est l'un ou l'autre.

Ce que nous recherchons, c'est la possibilité pour l'entrepreneur d'amener vraiment ses hommes clés. Pas qu'on en ait contre la région, mais les hommes clés sont aussi une partie intégrante de l'entreprise et nous croyons que l'entrepreneur doit être assez libre d'amener ses ouvriers avec lui. Le problème, évidemment, c'est - et il y en a probablement même dans la salle - que certains entrepreneurs n'ont pas eu la chance, certains disent qu'ils ont eu la chance de ne pas avoir de construction dans la dernière année, par exemple, ou dans les deux dernières années. Leur main-d'oeuvre, même si elle est là et même s'ils pouvaient la rappeler, ils ne peuvent plus vraiment s'en servir, même les hommes clés.

C'est une difficulté, pour répondre directement à votre question, ce n'est pas tout à fait... La FTQ-Construction semblait plutôt vouloir dire autre chose. Mais nous croyons qu'il faut de la souplesse à ce règlement pour tenir compte des difficultés passagères, nous l'espérons, de l'industrie et permettre aux entreprises de reprendre là où elles ont laissé sans être pénalisées.

M. Middlemiss: Ce à quoi la FTQ en venait, c'est qu'elle disait: On est d'accord que l'entrepreneur puisse avoir les hommes clés, mais, si une main-d'oeuvre qualifiée est classifiée dans la région, que lui soit donné la priorité. Parce que, si l'entrepreneur arrive là avec tout le monde nécessaire, tous les ouvriers nécessaires pour faire le travail, cela veut dire qu'en région il n'y a pas de travail qui est créé et que ces gens n'accumulent pas encore d'heures de travail. C'est un peu dans ce sens.

M. Théoret: C'est la situation "Catch-22" tout le temps, évidemment. L'employeur a quand même aussi la nécessité d'amener certains de ses ouvriers, remarquez bien. Pas tous. Où on trace la ligne?

M. Middlemiss: En d'autres mots, pour vous, ce sont encore des gens clés. Vous êtes un peu d'accord avec la FTQ, seulement les gens clés, et s'il a la main-d'oeuvre qualifiée vous l'engagez localement.

M. Théoret: C'est ce qui se fait la plupart du temps.

M. Middlemiss: D'accord. Maintenant, si on va à la page 16 où vous parlez du placement. Vous dites que vous êtes contre le placement par les syndicats. Vous ne semblez pas être trop en faveur du placement qui se fait par le truchement de l'OCQ. De quelle façon voyez-vous que le placement serait fait?

M. Théoret: Que la structure actuelle soit maintenue avec des améliorations. Ce que nous disons, c'est qu'au début un des principes qui a inspiré, si vous voulez, le règlement de placement, c'était l'élimination des bureaux de placement syndicaux comme source unique d'embauche dans certains cas -on n'a pas à y revenir - qui étaient particulièrement difficiles et cela continue jusqu'à un certain point malgré les contrôles qui peuvent être exercés. Mais ce que nous disons, c'est que cette liberté d'embauche que nous prônons - et c'est un principe qu'on affirme - elle est brimée, plus tellement, en tout cas, beaucoup moins par les bureaux de placement syndicaux parce que leur utilisation est moins obligatoire et moins forcée, mais maintenant par d'autres dispositions du règlement de placement dont celle dont on vient de parler; par exemple, l'article 38. Certains entrepreneurs vous diront qu'ils veulent amener tous leurs hommes. Elle est brimée. Elle est brimée aussi par une administration et une interprétation quelquefois malheureuses du règlement de placement. Nous nous demandons pourquoi, en fin d'exposé, les employeurs n'auraient pas, eux aussi, le droit d'avoir leurs bureaux de placement.

M. Middlemiss: Merci. En page 33, vous touchez la qualification des entrepreneurs. Qu'est-ce qui vous y pousse? Est-ce qu'il y a eu de mauvaises expériences? Si oui, dans quel sens? Pourquoi touchez-vous à la qualification des entrepreneurs?

M. Cliche: La régie, de prime abord, devait devenir, selon les intentions de la commission Cliche, un organisme de qualification pour les entreprises de construction. Avec le temps, on a vu la Régie des entreprises de construction passer sous la responsabilité du ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur. Donc, la régie, qui avait été créée dans une certaine mesure pour contrôler l'aspect qualitatif de la vocation d'entrepreneur - éliminer l'aventurier, comme on disait à la commission Cliche - est devenue, de fait, un organisme de protection des consommateurs. La question qu'on se pose: Qui, maintenant, véhicule les intérêts de l'industrie? De plus en plus, cette vocation de la Régie des entreprises de construction devrait être vue, entre autres, par l'augmentation de certains critères qui prévalent à l'émission d'un permis; également revoir l'aspect des droits acquis qui, dans une certaine mesure, doivent être révisés. Toutefois, on doit vous dire qu'actuellement

la régie est à revoir certaines des dimensions. Nous avons, quelque temps avant cette commission, reçu quelques textes de révision relatifs à certains statuts et règlements de la Régie des entreprises de construction. De ce côté, cela devient inquiétant de savoir que presque n'importe qui peut arriver dans l'industrie et y revenir sous une appellation différente et ainsi un peu contrevenir à l'intention de base de la commission Cliche qui était de se préoccuper quand même... Ce n'était pas une corporation professionnelle des entrepreneurs qu'avaient à l'esprit les commissaires de l'époque. C'était peut-être, précisément, de s'assurer d'une qualité, d'un certain contrôle ni plus ni moins de l'aspect de la sécurité, de l'aspect de la qualité administrative et également de la qualité technique des entreprises de construction.

M. Théoret: M. le Président, pour ajouter à cette remarque un petit exemple vécu, la régie des entreprises fabrique un projet d'examen pour une spécialité - je pense que c'est celle de briqueteur-maçon -et elle fait passer l'examen à titre de validation à certains entrepreneurs. On s'aperçoit que personne n'a obtenu la note de passage. Pourtant, l'examen avait été établi selon les normes du métier, normalement. Ce qu'on fait: on baisse la note de passage.

Le Président (M. Fortier): Est-ce que vous avez terminé? M. le député de

Duplessis, je crois, voulait poser une question?

M. Perron: Oui, M. le Président. Très brièvement, j'aurais deux questions à poser. La première se rapporte à l'article 38 du règlement de placement. Je suis très heureux, d'ailleurs, de constater que le groupe que nous avons devant nous favorise, non pas l'abolition du règlement de placement, c'est-à-dire l'abolition pure et simple, mais veut surtout des amendements au règlement de placement actuel, des assouplissements à l'article 38. Mais je vous avoue bien franchement que ce n'est pas la façon dont je verrais des amendements à l'article 38. C'est plutôt un resserrement pour que la main-d'oeuvre régionale puisse bénéficier... J'ai donné un exemple tout à l'heure que je n'ai pas expliqué de long en large, mais je pense que c'est un cas typique de ce qui se passe dans nos grandes régions, en particulier sur la Côte-Nord, se rapportant à des entrepreneurs qui obtiennent des contrats dans nos régions et qui amènent leurs personnes clés et d'autres personnes aussi. La question que je veux vous poser, c'est: De quelle façon définissez-vous les hommes clés qui travaillent pour un entrepreneur? Qu'est-ce, pour vous, un homme clé ou des hommes clés?

M. Cliche: Des opérateurs de machinerie qui ont entre les mains des équipements relativement dispendieux et qui nécessitent une connaissance plus approfondie de leur manutention; des contremaîtres, des gérants de chantier, des gens comme cela qui constituent ceux qui vont être les gestionnaires de ce chantier. Ce sont ceux qui, pour l'entreprise, sont considérés comme essentiels pour assurer une gestion administrative ou technique du chantier. Selon le chantier, il peut y avoir des interprétations à faire, mais c'est fondamentalement le personnel dont l'entreprise a besoin pour oeuvrer avec efficacité et surtout à des coûts abordables. (18 h 15)

M. Perron: Disons que cela clarifie en partie la définition, mais je peux vous assurer d'une chose, c'est que, pour certains entrepreneurs, des hommes clés, c'est à peu près tout le personnel de leur région. C'est là-dessus que j'en suis. C'est là notre problème de fond dans les grandes régions, que ce soit en Abitibi, au Témiscamingue ou ailleurs.

M. Cliche: Oui, mais on ne peut pas blâmer quelqu'un de vouloir atteindre l'efficacité...

M. Perron: Je m'excuse, mais, à ce moment-là...

M. Cliche: ...de traîner avec lui son personnel de façon que ses chantiers soient efficaces.

M. Perron: Là-dessus on est en désaccord, parce que les travailleurs de la construction dans ma région sont aussi efficaces que n'importe quel autre travailleur des autres régions du Québec.

M. Cliche: Non, ce n'est pas cela que j'ai dit, M. le député.

M. Perron: Ma deuxième question concerne la page 20, lorsque vous mentionnez les pouvoirs d'intervention du gouvernement du Québec. Vous mentionnez: "Une analyse de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, même si elle n'en touche pas tous les aspects, souffrirait d'une lacune grave si l'on n'y traitait pas des pouvoirs discrétionnaires du gouvernement du Québec que décrit l'article 51 de la loi. "En principe, évidemment, ce pouvoir d'intervention, lorsqu'il est unilatéral, et même s'il est exercé à la suite d'une audition des parties sur les raisons pour lesquelles elles ne s'entendent pas répugne à plusieurs égard."

Plus loin, vous continuez: "Rappelons-nous en effet diverses circonstances dans lesquelles il a été utilisé jusqu'ici, c'est-à-

dire le pouvoir discrétionnaire unilatéral." Là, vous mentionnez trois cas. Je voudrais continuer en vous parlant de la partie qui concerne "en mai 1982, pour imposer des augmentations de salaires malgré le désir exprimé par l'assemblée générale des employeurs."

Je continue plus loin: "Car il est anormal à notre avis que le gouvernement puisse intervenir unilatéralement pendant la vie d'une convention pour en modifier le contenu."

Je vous ai devancé quelque peu dans la lecture du document de votre mémoire et j'ai eu l'occasion au moment où vous terminiez votre mémoire de faire une vérification. N'est-il pas exact qu'en 1982, au moment où vous-même M. Cliche étiez directeur de la Fédération de la construction du Québec, et je pense que vous l'êtes toujours, vous aviez recommandé à vos membres d'accepter la formule 10-10? De mémoire, cela a même paru dans les journaux.

M. Cliche: M. le député, vous devez vous tromper d'organisation. Nous n'avons jamais recommandé cela à nos membres, et la seule déclaration qui fut faite, c'est qu'il appartient à notre association de négocier la convention selon, si vous voulez, les volontés des entrepreneurs. J'aimerais peut-être voir l'article auquel vous faites référence. Jamais nous n'avons déclaré cela et jamais nous n'avons incité nos membres à aller voter pour ou contre la ratification de la convention. De fait, ce n'était pas notre organisation, mais il y a effectivement eu une organisation qui a procédé de cette façon; ce n'était pas la Fédération de la construction. Nous reconnaissons et nous reconnaîtrons ce mandat exclusif à l'AECQ. Mais c'était surtout de façon à ne pas intervenir quand même en cours d'une convention.

M. Perron: Je vous remercie, M. le Président.

M. Cliche: Je m'excuse.

M. Théoret: M. le Président, je pourrais seulement expliciter un peu. L'organisation ou une des deux organisations qui avaient recommandé à ses membres d'aller à la réunion de l'AECQ et de voter pour le 10-10, l'une des deux c'était nous autres, l'Association de la construction de Montréal et du Québec. D'accord? L'autre, c'étaient les constructeurs de routes. Il reste que, dans la démocratie, dans le jeu normal de la démocratie, même si notre recommandation a été faite, l'assemblée générale des membres en a décidé autrement. Ce qu'on veut dire, c'est donc que le ministre est intervenu contre le voeu, le vote de l'assemblée générale. Il n'était pas unanimement contre le vote mais la majorité était contre.

M. Perron: D'accord. Je vous remercie d'avoir clairifié cette question.

Le Président (M. Fortier): On va conclure là-dessus. On vous remercie M. Cliche et M. Théoret, ainsi que ceux qui vous accompagnent. Merci beaucoup de votre présentation.

Nous appelons maintenant l'Union internationale des journaliers de l'Amérique du Nord, local 62.

La Présidente (Mme Harel): La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. J'invite les représentants de l'Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord, M. Tousignant et M. Goyette à nous présenter leur mémoire.

Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord

M. Tousignant (Normand): Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, nous tenons tout d'abord à vous remercier d'avoir accepté de nous entendre puisque le point que nous voulons soulever est un point excessivement important pour les manoeuvres dans l'industrie de la construction.

Nous allons procéder par un bref résumé, sans lire le mémoire. Il y a quelques copies disponibles ici, si quelqu'un en a besoin.

Notre mémoire et notre intervention porteront sur quelques aspects limités du secteur de la construction ou de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Si nous restreignons notre analyse ce n'est certes pas par manque d'intérêt mais plutôt pour circonscrire le débat à un minimum de questions qui s'avèrent déterminantes pour les manoeuvres en particulier ou l'industrie en général.

Il est évident que notre thème central tient à l'importance pour les manoeuvres d'obtenir une reconnaissance légale du principe de juridiction exclusif. En regard de ce dossier nous prétendons que les éléments de solution que nous soumettons devant cette commission sont dignes d'être étudiés avec le plus grand sérieux. Le local 62 a mis de l'avant cette théorie dans le but de garantir aux manoeuvres un sort sinon enviable du moins comparable aux autres salariés de notre secteur industriel.

Nos autres commentaires porteront sur des points de la loi présentant un intérêt général. Nous prétendons proposer une voie d'évitement à un affrontement probable. Nous désirons éviter ce conflit possible qui

mettrait fin à une paix industrielle déjà précaire. Nous serons quand même à votre disposition pour répondre à toute autre question ou pour discuter de tout sujet jugé digne d'intérêt par la commission dans le but de doter l'industrie de la construction d'une loi moins criminalisée et plus cohérente.

M. Goyette (Richard): En premier lieu, il serait bon d'aborder notre présentation en notant qu'on est un local d'union et non pas une association représentative au sens de la loi, donc qu'on n'a pas nécessairement les mêmes intérêts, les mêmes buts, les mêmes objectifs. Le local 62 est un local d'union regroupant des manoeuvres, des foreurs, des dynamiteurs, etc., regroupant donc une partie de ce que peut regrouper une association représentative en tant que métier, spécialité ou occupation.

Il est évident que le but avoué du local 62 est d'obtenir une meilleure sécurité d'emploi, une meilleure sécurité de revenu et des conditions de travail décentes pour un travailleur de la construction. À cet effet, il s'agirait qu'il y ait un minimum d'égalité entre le salarié qualifié et le salarié dit non qualifié ou l'occupation. Depuis plus de sept ans, le local 62 fait des démarches et des demandes incessantes afin de se voir reconnaître une juridiction exclusive dans ce qu'on appelle les occupations. Pourquoi le local 62 se présente-t-il avec cela? C'est précisément parce que c'est une demande que l'on croit particulière et qu'il ne serait pas nécessairement dans le rôle d'une association représentative de faire.

D'ailleurs, il y a une parenthèse que l'on peut faire. À l'intérieur de cette Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, on ne retrouve pas tellement d'espace pour ce qu'on appelle ou ce qu'on reconnaît dans l'industrie comme une entité qui est un local d'union. On parle beaucoup d'association représentative, mais peu de ce qui constitue l'association représentative.

Or, le local 62 a clairement énoncé les motivations, dans sa lettre adressée au ministre le 29 juin 1984, dont il faisait mention pour être entendu devant cette commission. J'en fais brièvement lecture. "Vous avez annoncé récemment la tenue d'une commission parlementaire, vers la mi-août 1984, relativement à plusieurs problèmes connexes à l'industrie de la construction, la Loi sur les relations du travail, la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Par la présente, nous voulons, M. le ministre, vous faire part des problèmes particuliers que vivent les manoeuvres dans l'industrie de la construction dû au fait que ces travailleurs n'ont jamais été définis au décret comme métiers ou spécialités et, par conséquent, tout travailleur détenant une qualification est autorisé à effectuer du travail de manoeuvre. Cette absence de définition occasionne sur les chantiers de construction des conflits sans fin et encourage les autres métiers à étendre leur juridiction en s'appropriant une partie du travail des manoeuvres. Il est évident qu'aucune association représentative au sens de la loi ne peut défendre notre point de vue. C'est pourquoi nous sollicitons votre appui pour être entendus en commission parlementaire puisque notre problème demeure particulier au sein de cette industrie, ceci dans l'intérêt de tous les manoeuvres de la construction et ce, sans égard à leur allégeance syndicale."

Or, il est fait mention que c'est un problème particulier. Cette idée de juridiction exclusive n'est pas nouvelle, comme on en faisait mention précédemment. Les trois ministres du Travail qui ont précédé l'actuel ministre du Travail en ont été saisis. Le ministère en fut alerté. L'Office de la construction en fut alerté. Quant aux associations syndicales ou patronales, elles sont au courant puisque le thème central de notre dernière négociation était basé sur la reconnaissance de la juridiction exclusive. C'est ce qu'on retrouve actuellement à la sous-annexe À de l'annexe B du décret relatif à l'industrie de la construction. (18 h 30)

Précisément, depuis 1977, dès l'avènement de la nouvelle direction du local 62, le premier mandat que s'étaient donné les manoeuvres, c'était d'obtenir cette juridiction. Dès juin 1977, le local 62 avisait le ministère du Travail de ce problème, ainsi que le ministre à l'époque, il attirait l'attention et faisait déjà parvenir des documents sur ce point particulier. Il ne faut pas oublier que, dans le contexte de 1977 et de la suite, est apparu le règlement de placement. Le règlement de placement, on peut laisser cela de côté, mais le contingentement de la main-d'oeuvre a eu un impact pour les manoeuvres assez important.

Tout à l'heure, il y a eu des interventions dans lesquelles on disait: Les métiers qualifiés sont protégés. Pourquoi parler... En tout cas, il y avait une question adressée un peu dans ce sens. Pourquoi avoir un règlement sur la classification? Les métiers sont qualifiés, donc, cela prend un apprentissage, etc. Or, les manoeuvres, eux, n'ont aucune protection, n'ont pas de juridiction; ils ne sont pas reconnus par la Loi sur la qualification et la formation professionnelles.

En ce sens, un des seuls règlements qui peuvent les protéger de voir leur emploi pris tous les jours par n'importe qui, c'est justement le règlement sur le placement. D'ailleurs, on sait que, si jamais cette partie du règlement sur le placement venait à sauter, la crise pour les manoeuvres, la crise de l'emploi serait d'autant augmentée que

cette année les manoeuvres ont en moyenne 815 heures travaillées malgré le règlement sur le placement.

Donc, pour continuer, en 1977 - une autre preuve du manque de travail pour les manoeuvres - apparaissait au décret le fameux article 28.05 où les manoeuvres pouvaient revoir les conditions d'application des avantages sociaux avec la partie patronale. Or, ces rencontres avec la partie patronale ont eu effet une seule fois parce que les statistiques émises par l'office donnaient déjà la vision que, malgré que les manoeuvres spécialisés, les occupations, cotisent à 50% pour les assurances, ils ne retiraient que la moitié de ce qu'ils cotisaient. Déjà, on s'apercevait que ces gens n'étaient pas admissibles à cause du manque d'heures travaillées.

En 1978, de nouveau le ministère est alerté par les foreurs de la Baie James qui font parvenir une pétition directement au ministre du Travail pour attirer son attention sur le travail des dynamiteurs et des foreurs à la Baie James, comme quoi c'est un travail spécialisé. Cela se poursuit jusqu'à la dernière négociation où on obtient la juridiction exclusive.

Enfin, en 1980, n'oublions pas une missive que nous a fait parvenir l'Office de la construction où il dit: On va revoir la définition des tables des spécialités et occupations. On n'a jamais eu de nouvelles de cela. Notons aussi d'autres rencontres en 1980 avec un troisième ministre du Travail, dont, non plus, on n'a jamais eu de nouvelles ou alors on nous a tout simplement répondu qu'on était très sensible au problème des manoeuvres.

Maintenant, pour expliquer un peu en quoi consiste la juridiction exclusive, en quoi, en regard du travail qu'on occupe, cela peut consister et de quelle façon on pourrait l'organiser dans le cadre soit d'une réglementation ou de la législation, je vais laisser la parole à M. Tousignant.

M. Tousignant: Lors de la négociation de 1979 qui s'est terminée en 1980, notre point prioritaire était une juridiction pour les manoeuvres. Nous avons obtenu une juridiction exclusive pour quatre spécialités qui étaient les dynamiteurs, les foreurs, travailleurs souterrains et manoeuvres pipeline, avec l'avis de la partie patronale qui nous disait, à ce moment: Écoutez, on tente l'expérience, mais cela va créer un charivari à l'extrême sur les chantiers de construction. Loin d'avoir créé cela, cette définition de juridiction exclusive a apporté pour ces quatre occupations la paix sur les chantiers. Cela n'a pas été pris comme un bouleversement, loin de là. Cela a été pris comme une protection pour un groupe. À ce moment, on parlait d'à peu près 4000 emplois. On disait: II y a 4000 emplois dans ces quatre spécialités. Il y a 34 000 ou 35 000 travailleurs dits non qualifiés; donc, nous réservons ces 4000 emplois aux 35 000 travailleurs. On ne peut pas dire que c'est un gros monopole, loin de là. Mais, au moins, cela donnait une certaine sécurité pour un minimum de travailleurs.

Le problème des manoeuvres ou des titres occupationnels, c'est que, lorsqu'on arrive en négociation, on est obligé de négocier nos tâches. Les métiers étant protégés par l'annexe A , pour les définitions, il n'y a pas de problème, sauf que nous, on doit aller négocier nos tâches avant de négocier quelque condition que ce soit. Même si on négocie certaines tâches, sauf les quatre spécialités dont je vous pariais tout à l'heure qui sont comprises dans le principe de la juridiction exclusive, tout autre travail occupationnel peut être fait par tous les travailleurs de l'industrie de la construction. Par exemple, un plombier, un opérateur, un menuisier, peut, en tout temps, s'embaucher comme manoeuvre sur n'importe quel chantier de construction. C'est un problème qui existe, qui a toujours existé, mais dans une période creuse comme celle qu'on vit présentement, c'est officiel qu'il y a beaucoup plus de gens de métiers qui viennent faire le travail de manoeuvres.

Ce qu'on demande à la commission, c'est de prendre la définition de juridiction exclusive et d'y inclure la définition du manoeuvre spécialisé et des titres occupationnels contenue à l'annexe B du décret. À ce moment-là, ce n'est pas quelque chose qui bouleverserait l'industrie de la construction, loin de là. Ce serait quelque chose qui apporterait un minimum de garantie. Au moment où on se parle, il y a environ 27 000 salariés de la construction qui ne détiennent pas de carte de qualification. Donc, ils sont manoeuvres, manoeuvres spécialisés, etc. L'an dernier, il y a eu 21 111 manoeuvres ou titres occupationnels qui ont fait une moyenne de 815 heures.

J'écoutais cet après-midi quelqu'un dire que 14 000 $, c'était en bas du seuil de la pauvreté. Si on regarde nos chiffres pour les manoeuvres, nous sommes en deçà de ce montant et de beaucoup. Pourquoi? Simplement parce qu'on n'a aucune protection concernant l'embauche. Pour l'entrepreneur, c'est normal, si un gars de métier travaille pour lui cinq ou six mois par année, pour le garder, il va peut-être lui faire faire deux mois comme manoeuvre. Mais, à ce moment-là, il y a un manoeuvre qui ne travaille pas. Cela apporte aussi le problème - il ne faut pas se le cacher - que, dès qu'un métier est en place sur un chantier, il est certain que la juridiction de la régie est toujours faite sur le dos des manoeuvres. C'est très rare qu'un métier va élargir sa juridiction envers un autre métier.

Je vous le donne textuellement: "Le principe de la juridiction exclusive consiste à restreindre à un groupe particulier de salariés l'exercice de certaines occupations dites exclusives. Toutefois, ce principe ne s'applique pas aux travaux relatifs aux lignes de transport et de distribution d'énergie électrique, ni au réseau de communications. Le groupe particulier est défini comme étant celui qui regroupe tous les salariés ne détenant aucun certificat de qualification, ni carnet d'apprentissage en vertu du règlement sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. En conséquence, un employeur ne peut affecter à ces occupations exclusives que des salariés ne détenant aucune carte de compétence ni carnet d'apprentissage."

Puisque nous vivons, depuis 1980, comme je l'expliquais tout à l'heure, avec cette juridiction qui s'est avérée bénéfique pour l'industrie de la construction, notre demande se veut une demande urgente. Comme il y aura possiblement des modifications au règlement, sans bouleverser quoi que ce soit, je crois qu'il est possible pour la commission, soit en annexe du règlement sur la qualification et la formation professionnelles, soit par un ajout dans la loi, de confirmer légalement une juridiction exclusive non pas simplement aux spécialités déjà inscrites selon ce principe, mais aussi par la définition de manoeuvre spécialisé et des titres occupationnels.

M. Goyette: Peut-être que, lancé comme cela, cela sort un peu du cadre général de ce que vous avez entendu depuis le début des travaux de la commission parlementaire, puisqu'elle porte, pour la plupart des autres intervenants, sur des fondements et des principes de fond de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Pour notre part, puisque 30% de la main-d'oeuvre ont des titres occupationnels qui ne sont pas reconnus, je pense qu'on commence à parler de fondement en matière de relations du travail dans l'industrie de la construction. Pourquoi y aurait-il une espèce de loi ou de règlement qui favoriserait, excusez l'expression, une certaine forme d'élitisme sur les chantiers de construction? On ne se le cachera pas: si tu as un métier protégé et qu'à côté tu en as un qui ne l'est pas, on protège quelqu'un. N'y a-t-il pas ou ne devrait-il pas y avoir une certaine égalité entre les travailleurs de la construction quant à la tâche qui n'est pas négociable?

Les métiers, c'est reconnu; un règlement dit: Un tuyauteur, c'est cela, A, B, C, D; un électricien, c'est cela, A , B, C, D; un monteur d'acier de structure, etc. Il y a dix groupes et c'est bien. Je n'ai rien contre le fait qu'ils soient protégés.

Pourquoi, à côté, y a-t-il 30% des gens dont on dit: Ce n'est rien? Non seulement nous sommes protégés, mais, au pis-aller, on ira bien prendre aussi vos occupations en période de crise économique. On ne dit pas que c'est concerté et que c'est voulu; on ne dit pas que les métiers se disent: Demain, on s'en va prendre la "job" des occupations. Ce n'est pas cela du tout et on se serait mal compris si on comprend cela. Ce n'est pas ce qu'on dit, mais en matière d'emploi, en matière de mobilité de main-d'oeuvre, dans une industrie aussi anarchique et incohérente que l'industrie de la construction, c'est cela qui se produit et ceux qui en paient le coût, ce sont ceux, bien sûr, qui sont les moins protégés.

Les décisions en ce sens du conseil arbitral - on me reprendra là-dessus - sont assez évidentes. Lorsqu'il s'agit d'un métier, souvent on va avoir une juridiction exclusive, mais lorsqu'on nous oppose à un métier, dans ce temps-là, cela tombe tout le temps dans des juridictions mixtes. Ce n'est pas une juridiction exclusive, c'est quelque chose dans les airs. Mais on ne peut pas toujours arriver avec quelque chose dans les airs lorsqu'on parle de 30% de la main-d'oeuvre. C'est pour le moins surprenant; c'est pour le moins, quant à moi, déraisonnable, fondamentalement déraisonnable de ne pas pouvoir garantir à 30% de la population active de l'industrie de la construction la sécurité dans ses tâches avant même qu'ils commencent à décider s'ils vont rentrer ou non sur le chantier, s'ils auront une prime, s'ils vont se casser la gueule sur le chantier aussi. C'est cela aussi, l'industrie de la construction et c'est le cas des manoeuvres, des manoeuvres spécialisés. Même si c'est en annexe au décret pour les foreurs, les dynamiteurs, les travailleurs souterrains, est-ce qu'on ne nous forcera pas à renégocier ou à accepter la prochaine fois, selon le rapport de force, quelque chose qui, pourtant, n'a pas fait de bruit puisque personne ne l'a soulevé durant la commission parlementaire ni au cours des années passées? Pourtant, ça fait partie intégrante du décret. Ce qu'on vous a lu sur le principe de la juridiction exclusive, c'est ce qui apparaît présentement au décret. Ce n'est pas "flyé", ça ne sort pas des nuages, ça existe présentement. (18 h 45)

Ce qu'on dit, c'est qu'il y a d'autres occupations: manoeuvres, manoeuvres spécialisés, titres occupationnels, etc. Pourquoi y aurait-il plus de ravages tout simplement parce qu'on reconnaîtrait qu'il y a une masse de salariés et qu'on va leur réserver une certaine masse d'emploi? C'est la base, c'est le principe de la juridiction exclusive. Sauf qu'on dit: Ne le faites pas renégocier constamment. Garantissons-le au même titre que les métiers.

Un autre point dans notre mémoire -

encore une fois, brièvement - c'est peut-être le point qui nous a le plus sensibilisés, à l'Union internationale des journaliers. Encore une fois, là-dessus, on ne veut pas jouer le rôle des associations représentatives. Il s'agit de l'Office de la construction du Québec. Je lirai tout simplement les trois pages qui concernent ce point et le mode de relations du travail.

La Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction fut modifiée à de si nombreuses reprises qu'il devient difficile d'y découvrir une suite logique et cohérente. Elle fut amendée au gré des événements, de certaines nécessités ou caprices, de certains intérêts et, d'autres fois, on ne sait pourquoi. On comprendra aujourd'hui pourquoi elle nécessite une réforme en pronfondeur afin de s'y retrouver, si tel est véritablement le but recherché.

Un des premiers points à soulever dans l'éventualité d'une telle réforme serait la remise du contrôle de l'Office de la construction du Québec entre les parties. Lors de la remise du rapport du Comité d'étude et de révision de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le CERLIC, en septembre 1977, on pouvait lire, en page 119: "En général, les parties syndicales et patronales souhaitent détenir un certain contrôle sur l'administration de l'OCQ. Quelques-uns recommandent même la création d'un comité mixte de gestion bipartite ou tripartite en incluant un représentant du ministère. Il serait tout à fait dans l'esprit premier de la loi que le comité mixte ait plein contrôle sur le fonctionnement de l'office; d'un autre côté, il est trop tôt pour oublier l'expérience de la CIC et les raisons qui ont amené la commission Cliche à recommander la création d'un office neutre et indépendant."

Non seulement aucun gain n'a été enregistré dans ce domaine, mais, encore dernièrement, on limitait le pouvoir du comité mixte à n'être que consultatif. Les associations patronales et syndicales ont totalement été évacuées du processus de décision. Les travailleurs n'ont plus aucun mot à dire, ou si peu, sur l'administration de leur argent. Il devient dérisoire de parler de processus démocratique dans le secteur de la construction en regard de l'office. Les parties qui paient entièrement pour l'entretien de l'OCQ se sont vu restreintes à un rôle de pourvoyeur muselé. On pourra toujours se faire imposer un décret tous les trois ans.

Pourtant, lors de la commission parlementaire portant sur le projet de loi 110, le ministre du Travail de l'époque déclarait: "Finalement au niveau de l'Office de la construction du Québec, j'aurai l'occasion d'apporter un amendement qui fera en sorte que le comité mixte, où siègent paritairement les représentants des salariés et des employeurs, puisse effectivement avoir un rôle dynamique et actif quant aux orientations, quant à la réglementation qui touche l'Office de la construction du Québec."

Pourtant, quand on réfère aux dispositions relatives au comité mixte dans la version actuelle de la loi, on ne peut certes pas conclure que ce but est atteint. Alors que, dans d'autres domaines tels que la santé et la sécurité du travail, on se plaît à ériger en modèle la concertation et la prise en charge par le milieu, dans la construction c'est le vide le plus complet. Deux poids, deux mesures.

Quant à la hantise de l'avant commission Cliche, elle fait bien l'affaire des chasseurs de sorcières qui peuvent se permettre d'en brandir le spectre chaque fois qu'il s'agit de faire un pas en avant. Pourtant, nous les trouvons énormément calmes, ces dangereux travailleurs de la construction. Nous les découvrons fort patients devant une crise qui, loin de se résorber, jette sur le pavé nombre d'entre eux. Encore pis, ils sont à ce point pacifiques qu'on leur a pris leur fonds de pension sans leur en demander la permission pour financer un projet qui leur aura permis de mieux chômer. Ces sommes qui, initialement, étaient destinées à aller grossir un fonds de retraite de crève-faim, ils ne les récupéreront jamais. Ces sommes, ils les ont données, même pas prêtées, pour financer qui? Leur propre chômage et leur propre misère.

Pourquoi ne veut-on pas remettre entre les mains des parties ce secteur industriel? Comment peut-on croire naïvement - et le mot est faible - qu'il existe au dire des commissaires du CERLIC "un office neutre et indépendant"? Comment peut-on être aveugle au point de croire que tout organisme n'a pas d'intérêt? Ce blocage du processus d'échange, de prise de décision, de discussion, voire même de litige et, conséquemment, de solution et d'impasse qu'est la prise en charge par le milieu vient encore retarder le rapprochement entre les parties. Comment peut-on se sentir responsable de son milieu de travail et de son secteur industriel quand on n'y décide rien? Par l'étatisation des relations du travail, par le rejet des intervenants, l'industrie de la construction vivra encore des crises et rien ni aucun mécanisme n'est en place pour une base de dialogue ou de rapprochement au moment voulu.

Bientôt, il n'y aura plus de terrain de rencontre entre les parties et l'on continuera à imposer des décrets qui n'ont connu aucun instant de négociation.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Tousignant et M. Goyette. La parole est au ministre.

M. Fréchette: Très brièvement, Mme la Présidente, quant au fond même du dossier que nous soumet le local 62, celui de la juridiction exclusive, je comprends que M. Tousignant et M. Goyette ont choisi - et, quant à moi, c'est tout à fait juste - de soumettre leur argumentation verbalement, mais qu'on retrouve dans le mémoire tout le rationnel derrière l'argumentation qui sous-tend leurs propositions. J'ajouterai, évidemment, parce que c'est reproduit au journal des Débats, l'argumentation que vous venez de faire au contenu du mémoire que vous nous avez soumis.

J'aurais juste une question qui concerne un passage de votre mémoire à la page 10. Doit-on comprendre - enfin, cela m'a l'air clair de la façon dont c'est exprimé, en tout cas - que vous souhaitez, pour autant que votre local est concerné, le maintien du règlement de placement?

M. Tousignant: Oui, notre position est très claire à ce sujet.

M. Fréchette: Votre position est claire là-dessus.

M. Tousignant: C'est le contingentement, en fin de compte, parce que, même si on avait une juridiction exclusive dans l'ensemble, si tous les travailleurs pouvaient entrer comme manoeuvres, cela ne changerait rien. On reviendrait dix ans en arrière. On ne parle pas pour les métiers, on ne parle pas pour les autres, mais, en ce qui concerne les manoeuvres, les titres occupationnels, il est capital que le contingentement qui est contenu dans le règlement de placement demeure là.

M. Fréchette: C'est en fonction de la notion de sécurité que vous maintenez cette position. Merci. C'est tout, quant à moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais remercier MM. Goyette et Tousignant pour nous avons éclairés peut-être sur un domaine dont on n'entend pas trop souvent parler.

Toutefois, les personnes que vous représentez ont droit au travail parce qu'elles ont obtenu une carte de classification. Elles ont une carte de classification et ceci a été obtenu par le nombre d'heures travaillées, même si elles n'ont pas de métier ou de spécialité. Lorsque, sur un chantier, on remplace un manoeuvre par un homme de métier, la personne qui le remplace a-t-elle le même salaire que le manoeuvre ou est-ce qu'elle a le salaire du métier?

M. Tousignant: II y a deux situations qui peuvent arriver. Vous avez le travailleur qualifié ou le travailleur de métier qui est embauché dans une période où il n'a pas de travail dans son métier, comme manoeuvre. À ce moment-là, il reçoit le salaire du manoeuvre. Vous avez l'autre situation que j'expliquais tout à l'heure où, surtout sur les gros chantiers, le travailleur qualifié va faire du travail de manoeuvre, mais au taux de travailleur qualifié.

M. Middlemiss: À la page 19, vous dites: "Encore pire, ils sont à ce point "pacifiques" qu'on leur a pris leur fonds de pension sans leur en demander la permission pour financer un projet qui leur aura permis de mieux chômer." Quel est le projet dont vous parlez?

M. Tousignant: C'est très clair. On parle de Corvée-habitation. En ce qui concerne les manoeuvres, loin de nous apporter du travail, toutes les associations qui vous ont parlé du travail au noir, la plupart du temps c'est le travail que les manoeuvres faisaient antérieurement sur les chantiers résidentiels. Je peux vous souligner, en passant, que présentement nous n'avons pratiquement aucun manoeuvre qui travaille dans le résidentiel.

M. Goyette disait tout à l'heure que les unions ou les syndicats n'existaient pratiquement plus au point de vue légal puisque ce sont aujourd'hui les associations représentatives qui ont le pouvoir de décider ou de donner certains accords sur certains projets comme cela. Nous sommes complètement en désaccord avec ce principe puisque les unions sont quand même là et que ce sont elles qui font affaires avec les travailleurs qu'elles représentent directement.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, Mme la Présidente. Pour être bien sûr que je vous identifie bien, vous relevez quand même de l'internationale?

M. Tousignant: Oui.

M. Lavigne: Bon! Si M. Pouliot avait à revenir à la barre, j'aurais des questions à lui poser parce que, lorsqu'il est passé plus tôt cet avant-midi, il s'est prononcé sur le règlement de placement. Je ne referai pas tout le débat sur cette question, vous deviez être ici pour l'entendre comme moi. Je trouve cela un peu curieux quand même, mais je comprends, par ailleurs, que vous soyez pour le règlement de placement parce que votre métier n'est pas reconnu dans le décret et que le seul moyen pour vous d'être

protégés, c'est par le règlement de placement.

Si votre métier de manoeuvre était reconnu comme on reconnaît celui des électriciens, des plombiers ou des autres, est-ce que vous seriez aussi pour le règlement de placement?

M. Tousignant: Oui, parce que, même si on était reconnu comme métier - c'est, d'ailleurs, le point qu'on vise - tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas une forme d'apprentissage ou quelque chose pour nous donner réellement le statut de métier, pour que ce soit défini au règlement comme tel, le règlement de placement doit demeurer là, quant à nous.

Je comprends M. Pouliot. Il représente aussi 23 métiers dans dix groupes à l'annexe A. M. Pouliot exprime l'avis majoritaire, mais cela n'empêche pas un affilié d'être en désaccord. On pourrait prendre exactement le même principe ici. Cela ne veut pas dire que tous les ministres sont toujours d'accord ensemble; indépendamment de cela, ils font toujours partie du même groupe. D'ailleurs, la plus belle preuve que cela ne crée pas trop de problèmes, c'est qu'on est ici et je ne pense pas que des pressions aient été faites par qui que ce soit pour qu'on ne soit pas ici. Je l'espère, en tout cas.

M. Goyette: II faut bien comprendre que, pour les métiers, du moins de la façon dont c'est présenté et pour les manoeuvres, ce n'est pas une question d'internationale. Cela n'a rien à voir. C'est relié à la tâche, à tout le processus qui fait qu'il y a un apprentissage, une qualification, des années, un ratio compagnons-apprentis, etc., qu'on retrouve à l'intérieur de notre document. Bien sûr, on a peut-être négligé un peu le côté juridique pour y aller d'une façon plus pratique. Une position est prise par les métiers qui, en fin de compte, n'est pas la même réalité pour les manoeuvres ou pour les titres occupationnels puisqu'ils ne sont pas dans la même loi. Bien sûr, la commission parlementaire parlait de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et les règlements, mais, en fin de compte, il y a un tas d'autres lois dont la Loi sur la qualification professionnelle et la réglementation qui est fort importante. Même si on n'est pas là, elle devient importante pour nous. (19 heures)

M. Lavigne: Là où vous me touchez le plus, c'est finalement au niveau d'un principe. Vous avez utilisé le terme deux poids deux mesures. L'homme de métier est protégé parce qu'on reconnaît son métier et il peut toujours, s'il manque de travail dans son métier, aller travailler chez vous, tandis que l'inverse ne se fait pas. Cela me chicote un peu. Dans la mesure où on pourra regarder cela, je peux vous annoncer que je suis, pour le moins, sympathique à votre demande.

M. Goyette: Une petite parenthèse. Souvent, le manoeuvre, malheureusement, il y en a qui ont encore à l'idée - bien sûr, je ne vise personne de la commission ici - que c'est le balayeur qui s'en va avec son balai et prépare... Mais ce n'est plus cela. Avec l'industrie de la construction qui se développe - de toute façon, cela n'a pas été cela non plus, les manoeuvres, par le passé, on les a retrouvés ailleurs - il y a des emplois de plus en plus spécialisés. Quand on parle d'un dynamiteur, il y a quand même quelque chose d'assez spécifique là-dedans. Quand on parle des gars de tunnel, ce n'est pas vrai qu'on fait descendre n'importe qui dans les tunnels avec les appareillages. Pour ceux qui ont vu la Baie James, entre autres, dans les tunnels, ce n'est plus vrai qu'on fait descendre n'importe qui. C'est fini. 11 commence à y avoir de plus en plus de spécialités à l'intérieur des modes de production de l'industrie de la construction. Ce sont ces travailleurs qu'il faut reconnaître. De toute façon, au pis-aller, même si c'étaient uniquement des balayeurs, avec le grand respect que je dois aux balayeurs en tant que travailleurs, ils auraient droit, de toute façon, à la même protection.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Cet après-midi, on nous disait que la classification de l'OCQ, c'était surtout pour protéger l'ancienneté. En d'autres mots, cela ne s'applique pas à vous autres. Qu'il y ait ancienneté ou non, si, sur un chantier, un corps de métier est là, on peut vous déplacer. Donc, on ne respecte pas cette clause d'ancienneté qu'on utilisait comme argument pour protéger le placement ou la carte de classification. C'était une façon de donner l'ancienneté à une personne qui travaillait dans le domaine de la construction.

M. Goyette: C'est-à-dire que la carte de classification permet quand même de contingenter la main-d'oeuvre. Elle permet qu'il n'y ait pas, demain matin, 10 000 nouveaux manoeuvres qui entrent dans l'industrie de la construction. Ils n'auraient pas d'emplois de toute façon, mais il y en aurait 10 000 flottant on ne sait pas trop où. Bien sûr, la classification et le règlement de placement, pour nous les manoeuvres, permettent d'empêcher cette masse de main-d'oeuvre d'entrer. Ce qu'on dit, de plus, c'est que, même si ces gars-là ont le droit de rentrer, ceux qui restent dans la construction ont le droit de rester sur un

chantier. Ce qu'on dit, c'est: Garantissons leur tâche. De toute façon, si on prend les textes et la coutume, c'est un peu cela. Ce qu'on dit, c'est qu'habituellement le travail de manoeuvre est fait par des manoeuvres. Mais on s'aperçoit de plus en plus, plus il y a de chiffres, plus on a des données, qu'il y a jusqu'à 30% de notre travail qui peut tomber entre les mains d'autres personnes.

Ce n'est pas la même chose quand on parle de qualification et de classification. On tente de contingenter, c'est-à-dire qu'on ait un certain nombre d'employés pour un certain nombre d'emplois, tout simplement. Pour cela, il faut empêcher un bassin, parce que, n'ayant pas d'apprentissage, de qualifications, etc., il y aurait un bassin, le lendemain matin, si on ouvrait le contingentement. On se retrouverait, comme on s'est retrouvé à un moment donné, avec plus de 52 000 personnes gravitant dans notre local, et c'était seulement des noms. On se souviendra de l'époque 1975. C'étaient des gens qui venaient, comme ça, au gré des chantiers, faire un tour. Mais la masse de main-d'oeuvre, les vrais travailleurs se partageaient le gâteau. On ne parle plus de se partager un gâteau. Je pense qu'il faudrait peut-être changer les termes de restauration. Il est fini, le gâteau. Ce sont les miettes, 815 heures par année, à part le fonds de retraite.

M. Middlemiss: En d'autres mots, si vous obteniez une classification de manoeuvre spécialisé, on pourrait dire: Oui, on va reconnaître l'ancienneté parce qu'on ne pourrait pas vous remplacer par d'autres.

Une voix: Effectivement.

La Présidente (Mme Harel): Cela prend un règlement de placement pour cela.

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Ce sera très court, Mme la Présidente. Vous avez dit tout à l'heure que votre groupe représentait 30% des travailleurs.

M. Goyette: Nous disons que, selon les dernières statistiques de 1983 - l'office va, d'ailleurs, sortir son rapport d'activités et son analyse de 1983 - les titres occupationnels représentent 30% des salariés de l'industrie de la construction, mais on ne les a pas tous. On n'a pas cette prétention d'avoir le monopole des titres occupationnels. Attention! Ils peuvent être diversifiés dans d'autres centrales et même, dans certains cas, dans d'autres locaux. Bien sûr, on parle pour les nôtres, principalement. Mais c'est le même problème pour tous les titres occupationnels. Il peut y avoir un manoeuvre à la CSN, à la CSD. Il peut y avoir un manoeuvre spécialisé...

M. Laplante: Ce que je veux dire, c'est qu'à votre centrale vous représentez quoi comme pourcentage de travailleurs?

M. Goyette: Concernant les manoeuvres?

M. Laplante: Les manoeuvres et les autres corps de métiers qu'il peut y avoir. Je ne sais pas combien de membres a la centrale.

M. Goyette: 33 000 membres.

M. Laplante: Sur 33 000, vous êtes combien, vous autres, qui êtes représentés à l'internationale?

M. Tousignant: Environ 4000 membres. M. Laplante: Environ le quart, 10%. M. Tousignant: 10%. M. Laplante: D'accord.

M. Tousignant: Mais ce qu'il faudrait bien comprendre, c'est que, dans notre intervention, ce que nous voulons protéger, ce sont les titres occupationnels, ce sont les manoeuvres de l'industrie de la construction. D'ailleurs, dans une lettre que nous avions adressée au ministre, nous l'avons bien spécifié. Ce n'est pas une question d'allégeance syndicale, loin de là. Notre priorité, c'est qu'on est des manoeuvres et on veut protéger les manoeuvres de l'industrie de la construction.

M. Laplante: Je vous comprends très bien. Je voulais savoir si votre centrale vous protégeait autant que vous voulez protéger vos manoeuvres. On n'a pas eu ici de rapport minoritaire dans la position de votre centrale, parce que cela a été présenté comme une position unanime.

M. Goyette: Non. Il faut faire attention. Notre mémoire ne se veut pas un mémoire minoritaire, loin de là. C'est tout simplement une réalité différente de celle de l'association représentative et qui est la nôtre.

M. Laplante: Elle est tellement différente que vous, vous êtes pour le règlement de placement et qu'elle est contre.

M. Goyette: Ah! non. Ce n'est pas...

M. Laplante: Où je veux en venir - je suis sensible à votre argumentation - c'est que cela voudrait dire que, sur un chantier de construction où il y aurait des manoeuvres, si un menuisier ou un autre corps de métier se trouvait en trop sur le chantier, on pourrait dire au menuisier: Prends la place de tel manoeuvre qui est là...

M. Goyette: C'est cela.

M. Laplante: ...sur le chantier même.

M. Goyette: Oui.

Une voix: C'est du "bumping".

M. Laplante: Je trouve cela dur un peu dans ce jargon.

M. Tousignant: C'est plus que "bumper".

M. Laplante: Si on se mettait à discuter de cela et qu'on voulait prendre une position pourrait-on demander qu'un journalier qui est déjà sur un chantier puisse continuer au moins jusqu'à ce que le chantier soit terminé sans qu'un autre homme de métier puisse venir prendre sa place en cours de route? Est-ce que ce serait un début acceptable?

M. Tousignant: Écoutez, sur un chantier de construction, c'est sûr que, lorsque cette position ou ce geste se pose, cela ne se fait pas directement. Les employeurs sont quand même plus intelligents que cela. Ils ne font pas cela directement en disant: Jos. Bleau, tu es "out"; lui, il s'en va comme manoeuvre. Non: réduction de personnel, mise à pied des manoeuvres et, entre-temps, élargissement du travail du gars de métier, peu importe son métier. Donc, légalement, on n'a aucune porte de sortie. Même si le principe suppose qu'aucun manoeuvre ne peut être mis à pied, en théorie, ce serait beau, mais, en pratique, ce ne serait pas applicable.

M. Laplante: Quand un chantier ouvre? M. Tousignant: Oui.

M. Laplante: C'est dans ce sens là que je vous pose la question.

M. Tousignant: Mais...

M. Laplante: Un homme de métier ne pourrait pas prendre la place d'un manoeuvre après que le chantier est ouvert.

M. Tousignant: Oui, mais le problème majeur, c'est que le gars de métier est embauché directement comme manoeuvre. Il n'y a pas de manoeuvres sur le chantier ou il y en a seulement quelques-uns. Donc, il est embauché comme manoeuvre et ni personne ni rien ne peut changer cela puisque cela est confirmé juridiquement. Si vous le demandez à l'Office de la construction, on va vous répondre: Oui, un gars de métier qui a une carte de classification a le droit de détenir l'emploi de manoeuvre.

Un point que je voudrais souligner, c'est que, si on parle non pas de métier comme tel, mais de juridiction exclusive telle que définie actuellement dans le décret, en définitive, ce principe ne va à l'encontre d'aucune loi ni d'aucun règlement. Ce n'est pas un bouleversement qu'on demande, loin de là. Il ne faut pas que tout soit changé de A à Z. Mais la partie qu'on a déjà au décret, c'est de légaliser cela tout simplement pour éviter que, demain matin, on n'ait pas à se battre pour garder cette juridiction exclusive et nos autres définitions. C'est simplement cela. À ce moment-là, c'est conserver un nombre X d'emplois, peut-être 20 000 emplois pour 35 000 salariés. Je pense que ce n'est pas...

M. Laplante: Est-ce qu'il y a déjà eu une consultation des syndicats de métiers? Qu'est-ce qu'ils en disent, eux autres?

M. Tousignant: En 1979, j'ai fait la négociation pour les manoeuvres. J'avais un document, que j'ai encore en ma possession, signé par la majorité des locaux - à ce moment-là, c'était le conseil provincial FTQ, nous étions tous de la même famille - signé par la majorité des gérants disant qu'ils appuyaient notre demande d'être reconnu comme métier. Je peux vous le faire parvenir demain, si vous voulez.

M. Laplante: C'est intéressant.

M. Goyette: Parce qu'en définitive il y a des tâches définies au décret et, les métiers, ordinairement, ont leur juridiction. Or, il s'agit tout simplement que les occupations au décret demeurent. On demande tout simplement de légaliser un état de fait. Mais il y en a tout le temps qui s'improvisent manoeuvres. C'est comme dans n'importe quoi: si tu ne mets pas une barrière, à un moment donné ton voisin saute. Ceux qui ont de bons voisins, je leur passe la remarque, mais c'est cela qui arrive. Ce qui arrive, c'est cela. En fin de compte les occupations sont censées revenir aux manoeuvres, mais, malheureusement, à un moment donné, il y en a qui sautent la clôture et cela se fait au détriment des manoeuvres. Cela ne peut pas se faire au détriment d'un métier spécialisé, parce que, demain, comme manoeuvre, je ne peux pas aller travailler comme plombier. Je vais

avoir de fortes pénalités ou il va m'arriver quelque chose. On va me dire: Écoute, tu n'as pas les qualifications requises. C'est la même chose, mais inversement. On ne demande pas de s'approprier quelque chose, on demande de légaliser quelque chose qui est dans les textes, un peu flou et un peu tout croche, qui a évolué tout croche.

La Présidente (Mme Harel): La parole est au député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, Mme la Présidente. Je ne suis pas d'accord avec le règlement de placement, mais je suis quand même sensible au fait de reconnaître le manoeuvre comme compétent dans son domaine ou d'examiner plus en profondeur l'impact que cela aurait. Mais si on prend comme exemple l'électricien, le plombier, l'ouvrier, l'ébéniste, pour à peu près tous les métiers un diplôme est accordé par les polyvalentes, par la formation professionnelle ou par d'autres. Dans le cas du manoeuvre comme tel, le manoeuvre conventionnel qui se présente sur un chantier de construction un matin et qui n'a aucune expérience de travail comme manoeuvre, de quelle façon concevez-vous le fait qu'une carte de compétence ou une carte de reconnaissance lui soit émise par le ministère du Travail? Dans ce contexte, est-ce que vous prévoyez non pas nécessairement un apprentissage, mais une certaine formation pour le travail que doit effectuer le manoeuvre dans le but d'obtenir cette carte de compétence qui le classifie comme manoeuvre et qui protège le travail de ce métier?

M. Goyette: Disons qu'a priori il y a, bien sûr, des groupes assez spécifiques qui sont faciles à identifier: prenons les travailleurs souterrains, les dynamiteurs boute-feux, les foreurs, les gars d'asphalte. Lorsqu'une compagnie t'appelle et cherche des gars d'asphalte, ils ne les piquent pas. Comme je le dis, à mesure que l'industrie se développe, on finit par avoir des bonshommes qui travaillent dans les mêmes secteurs et qui développent une habileté, même si ce n'est pas toujours selon l'apprentissage. Dans certains cas, c'en est une. Le foreur-dynamiteur, c'en est une; cela prend un permis, etc. C'est facile de reconnaître ces métiers. Pour les autres, c'est un apprentissage, si on me permet le terme, mécanique, ce n'est pas un apprentissage scolarisé. Mais un bon manoeuvre de béton, ce n'est pas vrai qu'il entre, non plus, comme cela. Or, c'est un apprentissage peut-être par des coutumes - comment pourrais-je l'expliquer? - par une expérience sur le chantier, par un vécu plutôt que de la scolarisation. Bien sûr, il y a certaines tâches qui sont très spécialisées, il y en a d'autres qui viennent par le nombre d'heures faites sur le chantier. (19 h 15)

M. Rocheleau: Dans le but, simplement, de permettre de reconnaître cette fonction à l'intérieur de la construction, puisque ça ne demande pas une scolarisation particulière à un métier, est-ce que vous concevez le fait que ça devrait être une période d'essai de six mois; après quoi, le travailleur pourrait faire une demande pour être reconnu comme manoeuvre par le ministère du Travail?

M. Tousignant: Ce serait peut-être une avenue intéressante à regarder dans un autre temps. Présentement, il y a au moins 25 000 travailleurs dits non qualifiés. Sans vouloir avancer des chiffres - je pense que ces chiffres pourraient être confirmés facilement par l'Office de la construction - à l'heure actuelle, alors qu'on est au plus haut de l'activité dans l'industrie de la construction, vous avez à peu près 8000 de ces travailleurs. Avant d'en engager d'autres, tentons de protéger les emplois d'au moins une partie de ces travailleurs. Si un jour on vient à manquer de manoeuvres, à ce moment-là, il n'y aura plus de commission parlementaire. Les négociations vont bien se dérouler parce que la construction sera à un niveau extraordinaire, tout le monde sera heureux. Pour le moment, je ne pense pas que ce soit le cas.

M. Rocheleau: Personnellement, Mme la Présidente, je comprends leur demande et je souhaiterais qu'on puisse trouver le mécanisme qui puisse nous mener à un débouché. Je reviens encore à ma question. Un employé spécialisé obtient habituellement un diplôme d'une polyvalente, a un stage d'apprenti a faire, 1, 2, 3, 4, admettons, et devient compagnon après quatre ou cinq ans. Dans le cas du manoeuvre, tantôt, on soulignait la possibilité qu'après une période d'essai de six mois il puisse demander au ministère du Travail d'être reconnu comme manoeuvre qualifié et de protéger son emploi afin qu'il n'y ait pas de "bumping" dans les cas que vous avez soulignés tantôt. C'est ce genre de mécanisme...

Je comprends quand vous parlez du dynamitage; cela devient aussi un travail plus spécialisé. Contrairement à d'autres provinces canadiennes, par exemple, en Ontario où il y a un éventail moindre de métiers, où c'est plus concentré au niveau de la reconnaissance, dans le cas actuel, on demande d'élargir l'éventail des métiers. On pourrait demander tantôt de reconnaître spécifiquement le dynamiteur, de reconnaître spécifiquement l'asphalteur.

M. Goyette: Cela n'augmenterait pas le nombre de métiers. Premièrement, ça pourrait être comme une famille de métiers. Les manoeuvres, habituellement, développent

certaines aptitudes, mais à l'intérieur de certaines entreprises ce n'est pas vrai que le travailleur en question fera seulement un type de travail. Si on me permet le parallèle, c'est comme le principe de définir dans un grand terme ce qu'est un tuyauteur. Si on prend la définition de tuyauteur, d'électricien ou autre, il y a quand même une foule de choses qui entrent dans ces définitions. Ce n'est pas: Tuyauteur: a) celui qui pose le joint, celui qui soude au plastique; c'est plus vaste que cela. C'est toute la mécanique, comment ça se produit, de telle place à telle place. Où est la juridiction, où elle s'arrête? Il y en a qui sont facilement identifiables et qu'on peut faire entrer facilement à l'intérieur du cadre du manoeuvre. Bien sûr, il reste des cas qui se placent peut-être un peu au milieu, mais, si vous prenez le décret, l'annexe fournie par l'office...

M. Tousignant: La sous-annexe B de l'annexe B.

M. Goyette: ...il y a, quand même, un tas de choses définies. Si on prend le manoeuvre spécialisé qui, présentement, n'apparaît pas à la juridiction exclusive - on a nommé ceux qui apparaissent - on dit: "Le malaxage manuel ou mécanisé des ciments et des mortiers; le sciage à l'aide de scie de maçonnerie; le montage et le démontage des échafauds préfabriqués; la remise de matériaux nécessaires, etc." Il y en a. C'est déjà défini. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne part pas de rien. On n'arrive pas à peu près, tout croche, en se demandant comment on pourrait faire cela. Ce n'est pas tout à fait cela. Bien sûr, on le présente un peu vite. On a une heure et vingt minutes. Cela aurait peut-être pris un mémoire de 50 pages ou de 100 pages pour aller chercher tous les arguments juridiques, mais ce qu'on dit, c'est que déjà, dans la base, il y en a au moins 75% d'écrits. Seulement le fait que les métiers ont une juridiction, cela ne sert à rien de penser à cela. Notre but, ce n'est pas cela, de toute façon. De plus, il y a déjà des choses qui existent dans le décret au niveau des occupations: manoeuvres, manoeuvres spécialisés, manoeuvres pipeline, travailleurs souterrains et dynamiteurs. C'est déjà écrit en partie. Il y a peut-être 75% à 80% de la "job" de faits. Est-ce qu'on va s'arrêter au fait que, bon, il manque peut-être de petits mécanismes? Au ministère du Travail, émet-on des cartes? Quel type de cartes? Y a-t-il un apprentissage pour le dynamiteur par rapport à celui qui va faire tel ou tel type d'ouvrage? Je pense qu'il y a 80% du travail qui sont faits. Ce n'est pas parce qu'il en reste 20% et qu'on est en période de crise qu'on devrait s'arrêter là. C'est peut-être là qu'est notre demande, à savoir que la commission recommande d'agir pour ces 20% qui peuvent occasionner certains problèmes peut-être législatifs dans le sens où il faudrait aller chercher la dernière virgule. Mais ce n'est quand même pas un conflit de juridictions puisque les métiers sont définis, puisque le manoeuvre spécialisé est défini au décret et que la sous-annexe À de l'annexe B est définie au décret. On n'a pas toute la "job", entre parenthèses, à faire, mais il reste simplement qu'il y a des questions d'ordre mécanique, à savoir comment on reconnaît maintenant ces gars-là et comment on leur garantit qu'eux aussi, en tant que travailleurs de la construction, ils ont le droit le lendemain matin, quand ils entrent sur le chantier, à leur "job". Dans le fond, c'est tellement rudimentaire comme demande, à savoir que demain matin tu as une "job".

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Hull, c'est terminé? Une simple question: II y a combien de femmes manoeuvres présentement?

Une voix: C'est une bonne question.

M. Tousignant: Je peux vous dire qu'à un moment donné, au cours de la période des Jeux olympiques, on avait plusieurs centaines de femmes à notre local, parce que les commis faisaient partie de notre syndicat, de même que les arpenteurs. Présentement, je peux vous dire que j'ai six membres en règle féminins.

La Présidente (Mme Harel): C'est un début.

M. Tousignant: C'est un début.

La Présidente (Mme Harel): On vous remercie, M. Tousignant et M. Goyette.

La commission de l'économie et du travail ajourne ses travaux à 9 h 30 demain, le 8 août.

(Fin de la séance à 19 h 24)

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