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(Neuf heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Fortier): À l'ordre, s'il vous
plaît! Veuillez vous asseoir.
Je me présente, Pierre Fortier, député d'Outremont.
En l'absence de la présidente, qui sera avec nous demain, je vais
présider la séance d'aujourd'hui. M. le secrétaire, est-ce
que nous avons quorum?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons
quorum. Je pourrais peut-être donner immédiatement les
remplacements pour cette séance. M. Gravel (Limoilou) remplace M.
Dussault (Châteauguay); M. Laplante (Bourassa) remplace M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata); M. Middlemiss (Pontiac)
remplace M. Maciocia (Viger); M. Côté (Charlesbourg) remplace M.
Bourbeau (Laporte).
Mandat de la commission et ordre des travaux
Le Président (M. Fortier): Je déclare donc la
séance ouverte et je rappellerai le mandat de la commission. À la
suite d'un avis du leader du gouvernement en date du 3 juillet dernier, la
commission de l'économie et du travail, conformément à
l'article 142 des règles de procédure, se réunit
aujourd'hui pour exécuter un mandat que lui a confié
l'Assemblée nationale. Ce mandat est de procéder à une
consultation particulière afin d'examiner la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction et ses règlements.
Conformément au texte de la motion, le ministre du Travail est membre de
la commission.
À la suite d'une réunion d'organisation qui s'est tenue le
16 juillet dernier en présence de M. Jean Bédard,
secrétaire de la commission, M. Jean-Guy Dagenais, attaché
politique au cabinet du ministre du Travail, M. Raynald Fréchette,
ministre du Travail, M. Guy Godreau, attaché politique au cabinet du
leader du gouvernement, M. Michel Harvey, directeur du cabinet du whip en chef
de l'Opposition, M. Michel Hébert, attaché politique au service
de recherche de l'Opposition, M. Laurent Lavigne, député de
Beauharnois, Mme France Racine, attachée politique au cabinet du
ministre du Travail et moi-même, Pierre Fortier, député
d'Outremont et vice-président de la commission, il a été
convenu de proposer que la commission adopte, conformément à
l'article 165 des règles de procédure, la motion suivante: "II
est résolu que l'horaire des travaux des 6, 7 et 8 août soit le
suivant: "9 h 30: début de la séance; "13 heures: suspension de
la séance; "14 h 30: reprise de la séance; "19 heures:
ajournement."
J'ajouterais qu'il a été également conclu que,
même après l'adoption de cette motion, les membres de la
commission seraient très flexibles si c'était nécessaire.
"Qu'au début de la séance du 6 août 30 minutes soient
accordées au ministre et 30 minutes au porte-parole de l'Opposition pour
faire leur déclaration d'ouverture. "Que la durée d'audition de
chacune des cinq associations syndicales et de l'association des employeurs
représentative au sens de la loi soit de deux heures, une demi-heure
pour la présentation du mémoire et une heure et demie pour la
période d'échange avec les membres de la commission. "Que pour
tous les autres organismes la durée de leur audition soit d'une heure et
vingt minutes, soit 20 minutes pour la présentation du mémoire et
une heure pour la période d'échange avec les membres de la
commission. "Que la période d'échange avec les membres de la
commission soit répartie également entre les membres du parti
ministériel et ceux de l'Opposition; de plus, le temps utilisé
pour répondre aux questions des députés est inclus dans
l'enveloppe de temps dont dispose chaque parti. "Que les organismes qui seront
entendus ont jusqu'au 6 août pour faire parvenir leur mémoire au
secrétaire de la commission, exception faite des cinq associations
syndicales et de l'association des employeurs représentative au sens de
la loi qui avaient jusqu'au 1er août pour faire parvenir leur
mémoire. "Que l'ordre d'audition des organismes soit le suivant: premier
groupe, les associations syndicales et l'association des employeurs
représentative au sens de la loi: 1) l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, 2) le Syndicat de la construction
Côte-Nord de Sept-Îles, 3) la Centrale des syndicats
démocratiques, 4) la Confédération des syndicats
nationaux, 5) le
Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction et 6), la Fédération des travailleurs du
Québec-construction; deuxième groupe, les organismes
invités par la commission à la suite de leur demande: 7) l'Union
des municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec, 8) le Conseil patronal de
l'industrie de la construction du Québec qui regroupe l'Association de
la construction de Montréal et du Québec et la
Fédération de la construction du Québec, 9) l'Union
internationale des journaliers d'Amérique du Nord, local 62, 10) la
municipalité régionale de comté de Pontiac, 11) la
municipalité régionale de comté de Mékinac, 12)
l'administration régionale Kativik Regional Government qui regroupe
l'administration régionale Kativik, la Société Makivik et
la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec.
"Que les demandes des organismes qui désireraient être entendus
par la commission et qui formuleraient une demande en ce sens entre le 16 et le
27 juillet soient prises en considération par les quatre personnes
suivantes: M. Bédard, secrétaire de la commission, M. Fortier
(Outremont), vice-président de la commission, M. Fréchette
(Sherbrooke), ministre du Travail et M. Pagé (Portneuf), porte-parole de
l'Opposition en matière de travail. "Que la commission n'accepte pas les
demandes d'organismes formulées après le 27 juillet."
J'aimerais que les membres de la commission adoptent cette
résolution officiellement, si c'était possible ou si c'est
nécessaire. Est-ce adopté?
M. Fréchette: Adopté. Quant à moi, M. le
Président, cela reflète très précisément les
ententes dont nous avions convenu le 16 juillet dernier avec la réserve
que vous avez vous-même mise sur la table, c'est-à-dire que les
membres de la commission sont sans doute disposés à faire preuve
de toute la souplesse qui est nécessaire, autant au niveau de l'horaire
de nos travaux qu'au niveau du temps consacré aux associations
invitées.
M. Pagé: M. le Président, il est évident
que, de notre côté, on souscrit aussi à la
résolution, y ayant participé. J'aurais une question, cependant:
Est-ce que vous pouvez nous confirmer si un ou des groupes ont manifesté
le désir d'être entendus, auquel cas ces demandes auraient
été formulées après ou vers le 27 juillet?
Autrement dit, est-ce que tous ceux qui ont formulé le voeu d'être
entendus vont l'être ou si certains devront recevoir une réponse
négative?
Le Président (M. Fortier): Pour répondre à
votre question, M. le député de Portneuf, il y a eu trois
demandes qui ne furent pas agréées: une demande de la part d'un
individu, M. André Larose, et une demande conjointe, je crois, de
l'Association nationale des travailleurs en réfrigération,
climatisation et protection des incendies, local 3, et de la Corporation des
maîtres entrepreneurs en réfrigération du Québec.
Toutes deux font partie d'autres organismes qui seront entendus.
M. Pagé: Est-ce qu'il y a eu des désistements?
Le Président (M. Fortier): Pas à ma
connaissance.
M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Les Naskapis.
Le Président (M. Fortier): Oui, le groupe des
Naskapis.
Le Secrétaire: Les Naskapis se sont désistés
le 31 juillet.
Le Président (M. Fortier): Le groupe des Naskapis s'est
désisté le 31 juillet. Est-ce que cela répond à
votre question, M. le député?
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Fortier): L'ordre du jour pour
aujourd'hui le 6 août est le suivant: Premièrement, les
déclarations d'ouverture; immédiatement après, nous
entendrons l'Association des entrepreneurs en construction du Québec,
l'AECQ, le Syndicat de la construction Côte-Nord de Sept-îles Inc.,
la Centrale des syndicats démocratiques et, finalement, la
Confédération des syndicats nationaux, CSN.
M. le ministre.
Déclarations d'ouverture M. Raynald
Fréchette
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Messieurs de
la commission, mesdames et messieurs, nous entreprenons ce matin une
période de consultation qui comporte des dimensions multiples et dont le
résultat peut être extrêmement significatif pour l'avenir de
l'industrie de la construction, tant pour son économie que pour ses
membres, employeurs et travailleurs.
La commission permanente de l'économie et du travail - le
président vient d'ailleurs de le signaler - a reçu comme mandat
d'entendre différents invités sur la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction et ses règlements, tout le
monde s'entendant que l'on abordait ici l'ensemble des situations
perçues comme problématiques par les
intervenants. À ce stade-ci, je veux être sûr qu'on
comprenne bien clairement le sens de la démarche gouvernementale qui est
proposée.
La Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction
est une chose et le décret régissant l'industrie de la
construction en est une autre. Nous ne pouvons conditionner la
négociation de l'un à l'obtention de modifications à
l'autre. Les représentations que nous entendrons ici seront tellement
fondamentales de part et d'autre et s'orienteront souvent vers des directions
complètement opposées qu'il nous faudra essayer et essayer
ensemble, j'espère, d'identifier des points de rencontre sur l'ensemble
des sujets qui seront abordés.
Je voudrais, M. le Président, si les organismes eux-mêmes
me le permettent, leur faire un premier appel. Au-delà des analyses de
situations, je souhaite que l'on consacre une partie importante de nos travaux
à la recherche de solutions crédibles et acceptables par les deux
milieux, patronaux et syndicaux. Il faut donc accepter ensemble de remettre en
cause nos fonctionnements traditionnels et tenter de créer un
véritable dialogue entre les parties intéressées au
développement de l'industrie de la construction au Québec et au
mieux-être de l'ensemble de ses travailleurs. Peut-être que
jusqu'à maintenant et depuis nombre d'années, tout en poursuivant
des objectifs louables, n'avons-nous pas pris les bons moyens. Il faut
comprendre, bien sûr, que le terme "nous" fait référence
également au gouvernement. J'ai, pour ma part, et depuis que je suis au
ministère du Travail, toujours voulu établir des relations
franches, des relations cordiales, honnêtes et sans faux-fuyant avec
chacune des parties.
Lorsqu'on m'a souligné, de part et d'autre, par exemple, le trop
grand interventionnisme de l'État, j'ai souligné à
plusieurs de mes interlocuteurs que le gouvernement du Québec
interviendrait rapidement pour entériner des recommandations qui
recueilleraient le consensus des parties et qui ne porteraient pas atteinte aux
droits fondamentaux d'autres groupes de la population.
J'ai rencontré le comité mixte à l'Office de la
construction le 24 janvier dernier et nous avons travaillé toute une
journée à identifier les problèmes rencontrés. Tous
s'entendaient très bien sur les problèmes rencontrés. Au
terme de cette journée, on va s'en souvenir, et en accord avec les
membres du comité mixte, je leur avais demandé de continuer leurs
travaux afin de tenter d'esquisser des solutions aux problèmes
soulevés et de me transmettre leur rapport dans les plus brefs
délais. Pour nous rappeler à quel point la recherche de solutions
à des problèmes est parfois plus difficile que son analyse, je
dois dire aujourd'hui que j'attends encore le rapport dont il vient
d'être question.
Cela, à mon avis, souligne une autre caractéristique de
l'industrie de la construction: l'absence d'une véritable communication
entre les parties. J'ai constaté au cours de mes différents
échanges avec les parties qu'inconsciemment, peut-être, une fois
le message passé, on se repose sur le gouvernement pour la prise de
décision, quitte à la critiquer - cette décision - si elle
ne correspond pas à nos positions. Cela entraîne, il va de soi,
des positions très arrêtées de part et d'autre et, encore
plus sérieux, élimine toute volonté de recherche de
compromis, volonté qui m'apparaît essentielle dans toute
négociation digne de ce nom. Il m'apparaît donc primordial dans
ces circonstances que les thèses qui seront exposées devant nous
soient étayées et réalistes et, surtout, qu'elles puissent
être applicables.
Il y a eu dans nos sociétés occidentales au cours des
dernières années un changement marqué de la conjoncture
économique. Le Québec, du fait de sa structure industrielle, en a
souffert plus que d'autres pays. Il y a eu des remises en question qui ont
modifié profondément nos attitudes. L'industrie de la
construction ne peut échapper à ce phénomène et
chacune de ses composantes ne peut plus accepter le passé comme un
dogme, mais bien comme quelque chose d'aménageable pour mieux vivre le
présent et mieux préparer l'avenir.
Cela commande aux gens qui font partie de cette industrie l'obligation,
au nom des intérêts primordiaux des consommateurs
québécois et des travailleurs de l'industrie, de se parler et
d'échanger sur leurs problèmes sans nécessairement passer
par le canal gouvernemental.
C'est le deuxième appel que je me permets de faire aux parties
que nous entendrons: parlez-vous; négociez directement - je ne parle pas
du décret pour les fins de nos travaux aujourd'hui jusqu'à
mercredi, mais pour les fins du mandat qui est le nôtre - et surtout
suscitez des consensus.
L'approche que j'ai toujours défendue à la fois dans mes
échanges avec les parties et dans les différentes actions qui ont
été posées s'identifie toujours à une
volonté de responsabiliser les parties. Depuis le temps que l'on me
répète de part et d'autre qu'on est capable de prendre
l'industrie de la construction en main et de la faire progresser, qu'on n'a pas
besoin du gouvernement partout, je dois avouer bien humblement que j'y ai cru.
J'ai tout récemment recommandé la nomination au conseil
d'administration de l'OCQ de deux membres représentant chacune des
parties syndicale et patronale et cela me semble être une preuve assez
concrète de cette conviction que j'ai de la nécessité
de
l'implication des parties.
Toutefois, comme une prise en main véritable de l'industrie de la
construction par les parties implique le développement d'un nouveau
"partnership", l'établissement d'un réel dialogue et
l'acceptation de l'idée d'un compromis sur une question en litige, si je
me fie à l'expérience vécue particulièrement depuis
janvier dernier, les parties ne veulent pas ou ne peuvent pas créer ces
conditions nécessaires à l'émergence du leadership dans la
détermination des balises à l'intérieur desquelles
oeuvrera l'industrie.
Je réitère, M. le Président, que je ne suis pas un
partisan de l'interventionnisme à outrance de l'État. Je crois
à la nécessité de la participation des
représentants des parties syndicale et patronale dans le processus de
décision concernant l'industrie de la construction. Le gouvernement du
Québec est prêt à tout mettre en oeuvre pour avaliser des
accords des parties; mais, pour cela, il faut que les parties acceptent de se
mettre à table.
Si les normes, les règlements ou les lois qui régissent
l'industrie de la construction devaient être conditionnés au
dialogue qui existe présentement, le moins que l'on puisse dire, c'est
que les discussions seraient silencieuses et l'industrie un peu chaotique.
Le gouvernement du Québec dit oui à la participation, oui
à la prise en main par les parties, mais non aux monologues et non au
laisser-faire qui provoqueraient inévitablement une situation anarchique
dans l'industrie de la construction.
Cela dit, je crois que les parties ont, au cours de nos travaux, une
nouvelle occasion de créer ce climat propice au progrès de
l'industrie. Effectivement, cette fois-ci, ce débat se fera
publiquement. Chacun des arguments, chacune des affirmations, chacun des
projets, chacune des propositions ou des thèses avancés pourront
être analysés et commentés par d'autres témoins ou
par des observateurs, ce qui enrichira la somme de nos travaux. Du fait que ce
débat devient public, je pense que les parties prendront conscience de
son importance et de la nouvelle dimension qu'il prend. Je serais quant
à moi déçu, M. le Président, si nos travaux
prenaient la forme d'une opération de publicité de la
thèse de chacune ou de l'une ou l'autre des parties. Je pense - et je le
dis comme je le pense -que nous avons dépassé cette étape.
Nous devons identifier des ouvertures, des points de rencontre et des
idées de compromis et cela ne peut se faire à sens unique. Pour
que ce débat ne prête pas à confusion, je dois vous
indiquer, comme les points discutés couvriront probablement l'ensemble
de l'activité de l'industrie de la construction -et, je le
répète encore, là où il n'y aurait pas de consensus
- qu'il serait illusoire de penser, si le gouvernement devait trancher, qu'il
puisse le faire au terme des travaux de la commission ou même avant la
fin du mois d'août, période où se termine la prolongation
du décret de la construction. Je veux que cela soit très clair
pour tous.
Par ailleurs, M. le Président, à ce stade-ci - et je pense
que ce n'est que normal pour les parties - j'indique aux membres de la
commission de même qu'à nos invités qu'à l'occasion
de la déclaration de fermeture de nos travaux je serai en mesure,
évidemment, après avoir entendu tous nos invités,
d'indiquer de façon plus claire, plus précise et plus
concrète quelles sont très précisément les
intentions gouvernementales et de quelle façon le gouvernement entendra
procéder, toujours après avoir connu les positions respectives
des parties, parce que effectivement l'analyse des positions des parties, les
conséquences des décisions à prendre et le nombre de
ministères et d'organismes impliqués nous obligent à
prendre le temps d'élaborer les bonnes décisions pour ensuite
corriger les lois, les règlements ou les normes. (10 heures)
Comme toutes les parties - et cela, c'est un commercial - liées
à la négociation du décret sont ici, je me permets de leur
rappeler - et je suis convaincu qu'elles en sont conscientes - que le
décret n'est pas l'objet de cette commission et que la
négociation du décret n'a à peu près pas
progressé. Je le dis, M. le Président, sans aucune
réserve. J'ai eu la naïveté de croire aux confidences que
m'avaient faites les représentants de chacune des parties sur leur
volonté sincère de véritablement négocier. J'ai eu
l'amère désillusion de constater qu'il y avait souvent un bon
écart entre l'intention et la réalité du geste.
Quoi qu'il en soit, je rappelle aux représentants des parties
qu'ils ont encore du temps pour faire preuve de cette volonté de
négociation que l'on m'avait manifestée avant la prolongation. Je
leur souligne à la blague que leurs soirées sont libres, qu'ils
peuvent manger ensemble - il n'y a rien qui s'oppose à cela - et que le
conciliateur, M. Leboeuf, est à leur disposition. M. Leboeuf est
présent et il est prêt à rencontrer chacun de ceux qui le
souhaiteraient.
M. le Président, le gouvernement du Québec,
particulièrement cette année, souhaite ardemment que le
décret soit le fruit d'une entente entre les parties afin que nous
puissions réunir toutes les conditions favorables à un nouvel
essor de l'industrie de la construction.
Le gouvernement du Québec est également très
réticent à jouer le rôle qui lui est traditionnellement
dévolu. Nous croyons véritablement à la responsabilisation
des parties et nous voulons que cela se traduise par des modifications
profondes de
nos attitudes passées. Les intervenants, tant patronaux que
syndicaux, m'ont régulièrement confié qu'une entente
était possible. Il nous faut maintenant prendre les moyens pour la
concrétiser.
Quant à moi, M. le Président, messieurs les membres de la
commission, je conserve espoir dans la capacité des gens du milieu.
Mesdames et messieurs, bons travaux.
Le Président (M. Fortier): Merci, M. le ministre.
Je donne maintenant la parole à M. Pagé,
député de Portneuf et porte-parole de l'Opposition en
matière de travail. M. le député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je dois tout
d'abord, au nom de notre groupe politique, exprimer notre satisfaction
d'être réunis autour de cette table aujourd'hui, en ce
début du mois d'août, à quelques semaines de
l'échéance du décret tenant lieu de convention collective
dans le secteur de la construction à la suite de son report au mois
d'avril dernier, à la suite de son extension. Je voudrais tout d'abord
remercier le ministre du Travail, M. le député de Sherbrooke,
d'avoir accepté de convoquer cette commission, laquelle aurait pu
évidemment se tenir plus tôt; mais ce n'est pas là
l'essentiel de mon propos, ce matin. Ce qui est important c'est que nous y
soyons et surtout que les différents intervenants qui ont
été invités ou qui ont manifesté le désir de
se faire entendre devant cette commission, soient avec nous et soient
disponibles pour les trois prochaines journées où nous nous
occuperons ensemble.
Je voudrais remercier les participants et, en même temps,
souligner l'importance de l'industrie de la construction au Québec.
L'industrie de la construction a toujours été placée
à l'avant-scène du développement et de l'activité
économique au Québec. Ce sont plusieurs milliards de dollars qui
sont dépensés en travaux de construction exécutés
par l'ensemble des secteurs économiques, chaque année, au
Québec.
Nous avons tous les motifs, malgré les problèmes
particuliers que vivent ces entreprises, cette industrie, d'exprimer et
d'affirmer ce matin notre fierté à l'égard des
intervenants et des agents de ce secteur de l'industrie. C'est toujours avec
beaucoup de fierté qu'on retient et qu'on constate la présence
d'entreprises du Québec qui oeuvrent à l'étranger, dans
d'autres pays, et qui s'adonnent à des performances enviables, ces
milliers de travailleurs québécois qui sont dans d'autres
provinces ou à l'extérieur du Canada, aux États-Unis ou
ailleurs pour faire valoir leurs services avec toute la renommée et la
bonne réputation qu'ils ont, le "know- how", cette capacité de
faire qui provient du Québec. Qu'il suffise de rappeler ces grands
chantiers de la Baie James, le gazoduc qui se complète actuellement, les
grands projets industriels, tout l'effort qui a été
déployé par les agents du secteur dans le cadre de
Corvée-habitation, il y a quelques années.
Messieurs, mesdames qui êtes ici ce matin, nous apprécions
votre présence et nous croyons sincèrement et fermement, sans
aucune partisanerie, on doit en convenir, que ces trois jours permettront aux
membres de l'Assemblée nationale, de quelque parti qu'ils soient, ici
autour de cette table, d'échanger de façon utile avec les
différents intervenants, que ce soient les représentants
patronaux, les représentants des cinq syndicats représentatifs ou
les autres agents de l'activité économique qui vous occupe.
Cette commission, autant elle était attendue, autant aussi elle
est importante. On a eu, depuis quelques années, souventefois l'occasion
de se rencontrer ici en commission parlementaire; des membres autour de cette
table ont eu l'occasion d'échanger avec vous. C'était parfois
pour régler des problèmes bien spécifiques; on se rappelle
la commission sur le niveau de la rémunération sur le gazoduc, il
y a quelques années ou quelques mois. Des commissions ont
siégé pour entendre ou prendre connaissance de la position du
ministre du Travail dans le cadre du renouvellement des décrets des
conventions collectives, parce que les parties ne s'étaient pas toujours
entendues. Or, les trois jours qui nous occupent sont très importants
parce que enfin nous aurons l'occasion, tous ensemble, d'échanger, de
faire valoir nos points de vue respectifs, de nous interroger mutuellement sur
les problèmes de fond qui affectent votre industrie.
Tout comme le ministre, je suis pleinement d'accord qu'on doive retenir
tous ensemble - et ce sera peut-être plus difficile pour les intervenants
que pour nous - que cette commission parlementaire ne doit pas devenir une
négociation de trois jours. Je pense que les parties ne sont pas ici
pour négocier quoi que ce soit. On souhaite ardemment que cette
commission puisse déboucher sur une véritable négociation
qui pourrait s'amorcer dans les délais que tout le monde souhaite les
plus brefs possible, avec les résultats les meilleurs possible, avant la
date d'échéance du décret.
De notre côté, on s'attend donc à un débat le
plus ouvert possible. On s'attend à des échanges où la
contribution de chacun des intervenants devra être mise à partie.
Chacun peut contribuer de façon, comme je vous le disais, utile et
significative pour faire en sorte qu'ensemble, les parlementaires, on puisse
dégager les avenues de solution qui seraient les meilleures pour pallier
les nombreux problèmes - car ils sont
nombreux - qui vous occupent. On se permet même de penser et de
souhaiter qu'il puisse se dégager peut-être des consensus ou des
traits en commun ou plus de communs dénominateurs quant à des
solutions envisageables, des façons de modifier différentes
choses, différentes normes, différentes mesures susceptibles
d'affecter votre industrie.
Enfin, c'est évidemment avec beaucoup d'intérêt et
aussi avec beaucoup d'appréciation, je dois le dire, que j'entends le
ministre du Travail, ce matin, nous indiquer qu'il entend, à la fin des
travaux de cette commission, faire part à la commission et au public en
général de sa position, de son approche en regard de la situation
actuelle par rapport au décret, en regard aussi des modifications qui
pourraient être éventuellement apportées au régime
juridique de négociations, ou encore aux lois et règlements qui
prévalent et qui s'appliquent dans le secteur de l'industrie.
Pour nous, c'est un moment important. Ce forum auquel on se convie ce
matin, peut constituer - je dis bien peut - un moment privilégié
qui permettra, on l'espère, de trouver un peu plus de réponses
aux interrogations qui sont posées, aux problèmes qui sont
lancés, aux questions qui sont formulées, et que, finalement,
l'industrie dans son ensemble en sorte gagnante avec, on l'espère, des
consensus et une position gouvernementale qui permettront de répondre
à différentes questions. Si ce n'était pas cela, si cela
ne devait pas déboucher et conduire à un certain nombre de
consensus, on ne serait évidemment pas plus avancés, mais on
devrait s'inquiéter parce que dans ce cas, ce sera le ou les
gouvernements qui auraient à statuer et à décider de la
façon de régler ces problèmes de fond dans l'industrie de
la construction.
Pour nous, il y a quelques questions qu'on est en droit de poser
immédiatement dans le débat, questions auxquelles on n'a pas la
prétention d'avoir les réponses, évidemment. Mais les
réponses pourront venir par l'interaction des échanges de ces
trois jours auxquels on se convie. La première: Est-ce que les parties
sont satisfaites du régime juridique actuel, de ce qui est prévu
dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction?
M. le ministre a fait référence tout à l'heure
à l'opportunité de maintenir ces dispositions de la loi qui
prévoient l'intervention gouvernementale en cas de désaccord. Les
parties sont-elles satisfaites des dispositions de la loi ou des lois actuelles
en regard de la représentativité tant de la partie patronale que
des parties syndicales? Est-ce que cette forme de
représentativité syndicale est adéquate quand on constate
que, dans certains métiers, c'est peut-être 85% ou, dans certains
cas, 90% des travailleurs du métier en question qui adhèrent
à un syndicat? Mais compte tenu de la représentativité
globale, est-ce que ce travailleur se sent véritablement
représenté? Est-ce qu'il peut se retrouver dans cette
structure?
Les lois, les règlements et leur enchevêtrement - parce
qu'il y en a plusieurs - doivent-ils être modifiés? Ce serait
faire fausse route, je pense, si au cours de ces trois jours, nous n'abordions
pas, avec tout le temps qu'il faudra pour le faire, toute cette notion de
redistribution des revenus dans l'industrie de la construction. Les chiffres
sont clairs; ils sont éloquents. En 1975-1976, 149 000 et 146 000
travailleurs oeuvraient dans le secteur de la construction; en 1980, il y en
avait 97 000; en 1981, 95 000; en 1982, 78 000; en 1983, 73 000. En 1975, 1976
et 1977, quelque 135 000 000 heures étaient travaillées chaque
année et déclarées à l'Office de la construction du
Québec. En 1982, çaura été 74 000 000 d'heures et
en 1983, malgré Corvée-habitation, ç'aura
été 67 000 000 d'heures.
(10 h 15)
La redistribution des revenus est un élément important
dans ce débat et l'inquiétude des travailleurs est tout à
fait légitime quand on retient que le salaire moyen dans le monde de la
construction, en 1978-1979, était de 12 000 $. Il a été de
13 000 $ en 1980, de 15 000 $ en 1981, mais diminué à 14 000 $ en
1982 pour revenir aux environs de 16 000 $ en 1983. La diminution des revenus
des travailleurs de la construction, ce gâteau qui doit être
partagé entre les vrais travailleurs de la construction,
s'explique-t-elle uniquement comme un phénonène de
régulation résultant d'une diminution de la demande dans le
secteur de la construction ou encore n'est-ce pas plutôt le
résultat d'une autre interaction de plusieurs phénomènes,
de plusieurs éléments, que ce soit: 1, le placement qui est
très contrôlé? 2, possiblement, est-ce que cela peut
s'expliquer par le statut juridique qui a été donné aux
travailleurs artisans en vertu de la loi 110, si ma mémoire est
fidèle? 3, est-ce que ce gâteau à partager, ces revenus
à partager n'ont pas diminué en raison du travail au noir?
À cet égard, c'est avec beaucoup d'intérêt et
beaucoup d'attention qu'on va entendre évidemment le mémoire qui
nous sera présenté par la CSN. La diminution du travail dans le
monde de la construction n'est-elle pas le résutat, 4, d'une
interprétation souventefois restrictive donnée aux dispositions
concernant le champ d'application du décret de l'industrie de la
construction? On a bien hâte de vous entendre sur les différents
courants qu'on peut dégager des décisions prises par le
commissaire à la construction qui a à juger si tel ou tel travail
fait partie du champ
d'application et doit être soumis au champ d'application du
décret.
L'autre aspect qu'on devra voir ensemble, c'est tout l'aspect de la
politique de main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. La formation de
notre main-d'oeuvre peut-elle s'adapter aux besoins de l'industrie, aux
exigences techniques des différents métiers ou nouveautés
technologiques?
On devra aborder évidemment en même temps les dispositions
qui concernent l'apprentissage, les périodes, le ratio
compagnon-apprenti. On devrait aussi aborder pensons-nous le suivi de la
qualification du travailleur en cours d'apprentissage.
Voilà autant de questions auxquelles on devra faire
référence. Vous avez produit vos mémoires. Nous les avons
lus avec attention. Encore une fois, je voudrais vous indiquer au nom de mon
groupe politique combien nous sommes heureux d'être ici en commission ce
matin et combien nous espérons beaucoup des travaux de cette commission.
Nous osons croire que le débat sera non seulement ouvert, qu'il sera
utile, qu'il sera contributif et peut-être qu'une fois qu'un intervenant
aura livré son mémoire et répondu aux questions, que
l'échange sera terminé, pourra-t-il être invité
à nouveau pour échanger sur certains autres aspects qui auraient
pu ou qui pourraient être abordés par d'autres intervenants.
M. le Président, voilà l'essentiel du commentaire initial
que nous avions à faire. Nous sommes prêts à commencer et
on va se souhaiter mutuellement bonne chance. Merci.
Le Président (M. Fortier): Merci, M. le
député de Portneuf. Avant d'entendre l'Association des
entrepreneurs en construction, j'aimerais demander le consentement des membres
pour permettre au député de Hull de siéger en remplacement
de...
Le Secrétaire: ...de Mme Dougherty (Jacques-Cartier).
Le Président (M. Fortier): ...de Mme Dougherty
(Jacques-Cartier). Y a-t-il consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Fortier): J'en profite maintenant pour
souhaiter la bienvenue à tous ceux qui attendent impatiemment de nous
adresser la parole ou d'écouter les mémoires qui seront
présentés durant les trois prochains jours. On s'excuse
d'être obligés de procéder dans une salle aussi
exiguë. Comme vous le savez, la convocation indiquait que la commission
siégerait au salon rouge. Malheureusement, le ministère de
Travaux publics et de l'Approvisionnement a décidé de faire
certaines rénovations qui nous empêchent de siéger au salon
rouge, et nous devons procéder ici même dans un endroit beaucoup
plus restreint.
Quand même, à l'intérieur des limites de temps et
physiques qui sont les nôtres, nous allons procéder.
Déjà, nous sommes quelque peu en avant de notre horaire, puisque
nous avions donné une demi-heure à chacun des porte-parole. Nous
sommes dix minutes en avance et peut-être que cet exemple du ministre et
du porte-parole de l'Opposition sera un exemple donné aux organismes qui
auront à présenter leur mémoire pour qu'ils puissent faire
en sorte que nous puissions procéder durant les trois prochains jours
dans les limites de temps qui vous ont été accordées.
Je rappellerais à ceux qui présenteront des
mémoires qu'ils doivent s'adresser au président, et c'est le
président qui donne la parole. Bien sûr, ils doivent parler
clairement. On m'indique que le système d'enregistrement que nous avons
aujourd'hui est temporaire, puisque le système permanent est
débranché pour fins de modernisation, semble-t-il. Il est
très important qu'une seule personne parle à la fois et parle
dans le micro puisqu'il y a uniquement deux bandes d'enregistrement,
contrairement au système technique que nous avons d'habitude.
J'invite donc l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec à présenter son mémoire. Au
préalable, je demanderais à M. Michel Dion et à M. Franco
Fava de s'identifier et de présenter les personnes qui les accompagnent
à la table.
M. Dion (Michel): M. le Président, mon nom est Michel
Dion, je suis directeur général de l'Association des
entrepreneurs en construction.
M. Laplante: Avant de commencer, j'aimerais que les règles
de la commission soient bien établies. Selon les règlements des
commissions, seuls les députés peuvent être assis à
la table. J'aimerais qu'il n'y ait pas d'exception pour faire accroc aux
réunions futures.
Le Président (M. Fortier): Je laisse les membres de la
commission juger. Il est vrai que nous avons des règlements.
Malheureusement, comme vous pouvez le voir, M. le député, nous
sommes dans une salle très exiguë. Si les membres de la commission
l'exigent, bien sûr, nous allons demander à ceux qui
siègent à la table et qui ne sont pas députés de
s'en retirer.
M. Pagé: M. le Président, il faut convenir qu'on
devait siéger au salon rouge. Les travaux ne sont pas
complétés et nous sommes dans une salle qui, quoique
climatisée, n'est pas très grande. Très
probablement que, pendant les jours qui vont suivre, des gens qui nous visitent
s'assoiront non seulement face à la table, mais près de nous. Je
retiens que tous les fauteuils semblent être occupés, que les
fauteuils des honorables membres de la Tribune de la presse semblent être
tous occupés. Je dois comprendre visuellement que le propos du
député de Bourassa semble être dirigé vers un de nos
doyens de la presse parlementaire qui a manifesté le désir de
seulement placer son papier sur la table pour mieux écrire, pour mieux
rapporter les propos du député de Bourassa, évidemment. Je
ne vois aucune objection à ce que l'honorable journaliste demeure
là, M. le Président, tant qu'on aura de la place, au moins, pour
les députés.
M. Laplante: M. le Président, je voudrais que nos travaux
soient entrepris sérieusement. Je n'accepte pas qu'un journaliste puisse
faire des commentaires à haute voix à cette table, comme il l'a
fait pendant que vous parliez tout à l'heure. J'exige qu'il n'y ait que
des députés à cette table, tel que le règlement le
dit.
M. Pagé: Est-ce que vous permettez que le
secrétaire reste assis à la table?
M. Laplante: II est prévu dans le règlement.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, je conçois
que l'intervention du député de Bourassa procède du
désir profond qu'il a de faire respecter nos règlements. Je lui
signale que, toutes choses étant normales, par ailleurs, il est
évident que cette prescription du règlement devrait être
observée à la lettre. Cependant, je ne veux pas, non plus,
interférer dans la position ou l'argumentation du député
de Bourassa, je vous donne la mienne aussi spontanément qu'elle me
vient. Pour les motifs que vous avez expliqués il y a un instant,
peut-être pourrions-nous accepter de procéder de la façon
dont nous l'avons fait depuis le début.
Il était entendu, jusqu'à vendredi dernier, que les
travaux devaient se dérouler dans la salle du Conseil législatif.
Si les aménagements de la salle du Conseil législatif avaient
été disponibles, il n'aurait pas été
nécessaire ce matin de soulever cette question. Tout le monde est un peu
pris par surprise. Encore une fois, je comprends fort bien l'attitude et la
position du député de Bourassa. Je ne veux pas, non plus,
interférer dans le désir qu'il a de faire respecter le
règlement, mais quant à moi, compte tenu des circonstances que
vous avez soulevées, auxquelles je viens de référer,
à moins que, dans le cours de nos travaux, ils ne soient
perturbés par ce que le règlement avait l'habitude d'appeler des
"étrangers" à la table, il me semble qu'on pourrait amorcer les
travaux de cette façon et si jamais, encore une fois, des choses
n'allaient pas, il y aura toujours moyen de revenir sur la question.
Le Président (M. Fortier): J'ai retenu l'interpellation du
député de Bourassa, bien sûr, en ce qui concerne le droit
de parole et, là-dessus, je suis sûr que le doyen de la Tribune de
la presse connaît le règlement autant que d'autres. Y a-t-il
d'autres députés qui veulent se manifester?
M. Laplante: Seulement un petit point pour finir...
Une voix: ...
Le Président (M. Fortier): Un instant! Pour permettre au
député... Oui, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Seulement sur un petit point pour finir, M. le
Président. Au moins, qu'il s'éloigne de la table avec sa chaise.
Au moins.
M. Pagé: M. le Président, il y a des centaines de
personnes qui sont ici ce matin. Cela concerne des milliers de personnes. Je
pense qu'on devrait commencer dans les meilleurs délais et autant il est
inopportun de soulever cette question, autant il serait d'ailleurs inopportun
de retenir que le député de Bourassa est le seul qui n'a pas de
cravate autour de la table. On ne lui demandera pas de sortir, mais
commençons à travailler. Passons à des choses
sérieuses.
Le Président (M. Fortier): Messieurs, je crois que nous
allons procéder. Vous vous êtes fait entendre. Le local est exigu
pour les raisons que j'ai évoquées et que le ministre a
évoquées, le député de Portneuf également.
Je crois que nous allons procéder. M. Fava.
Auditions AECQ
M. Dion: M. le Président, de toute façon, si M.
Girard veut utiliser le coin de notre table, on est tout à fait
disposé à le lui sacrifier. On a aussi remarqué la
souplesse du ministre dans le débat.
M. le Président, on a ici à la table le conseil
d'administration au complet de l'Association des entrepreneurs en construction
du Québec. À ma droite, le président de l'association, M.
Franco Fava et effectivement, à sa droite, le vice-président
de l'association, M. Michel Thériault; à ma gauche, il y a
des gens du personnel de l'organisation qui ont travaillé à la
rédaction ou à la préparation des notes qu'on soumet
à cette commission, qui sont très volumineuses, comme vous avez
pu voir. Il y a également, en arrière de nous, tous les gens du
conseil d'administration que je ne nommerai pas -c'est quand même une
vingtaine de personnes - et des entrepreneurs de l'industrie de la construction
qui ont manifesté le désir de participer, de venir entendre et
voir la commission. Malheureusement, comme vous l'avez souligné, le
problème du local a causé certaines difficultés chez nous.
Il y avait beaucoup de gens qui devaient descendre pour venir voir la
commission et faire voir leur intérêt à régler les
problèmes de l'industrie. Certains ont dû être placés
dans une autre salle, semble-t-il, pour entendre au moins les débats
sans pouvoir y assister. C'est malheureux. Nous remercions quand même
tous ces gens d'avoir manifesté leur intérêt et on
espère que les travaux de la construction ne perturberont plus à
l'avenir les travaux de cette commission parlementaire. Au moins, cela fait
travailler les gens de la construction lorsque vous faites le ménage au
salon rouge.
M. le Président, on a un deuxième problème qu'on a
souligné. Je pense qu'on l'a laissé entendre. On nous a
alloué par écrit une période d'une demi-heure pour faire
la présentation de notre mémoire. On a mis
énormément de temps à étudier les problèmes
de l'industrie de la construction et à trouver des solutions que nous
pensons être des solutions plausibles, utiles et nécessaires pour
l'industrie. C'est une documentation qu'on aurait effectivement
intérêt à lire au complet. C'est sûr et certain qu'on
ne s'attend pas ce matin à présenter en entier le mémoire
de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. On va vous
présenter notre mémoire en résumé. C'est un peu
malheureux, parce qu'il y a peut-être des parties qui auraient eu
beaucoup d'intérêt... en tout cas, sur lesquelles on aurait
appuyé devant cette commission pour que vous saisissiez mieux les
difficultés qu'on a, mais, à toutes fins utiles, je pense que
l'essentiel de notre mémoire est contenu dans la synthèse qu'on
va vous présenter ce matin. Mais c'est clair et net; vous allez
comprendre, M. le Président, qu'on a besoin de plus d'une demi-heure
pour présenter cette synthèse. Si je comprends, on a
déjà... J'espère que je n'ai pas perdu les dix minutes que
vous aviez gagnées. Je pense que vous avez montré beaucoup de
compréhension dans vos exposés, autant M. le ministre, M.
Pagé que vous-même, M. le Président, et j'espère que
vous allez nous laisser le temps de lire notre synthèse. On va tenter de
ne pas perdre le temps de la commission. D'ailleurs, vous verrez à la
fin de notre exposé qu'on y a mis le meilleur de nous-mêmes.
Le Président (M. Fortier): M. Dion, en gros, nous avons
jusqu'à 13 heures. Vous avez une période de deux heures et demie.
Bien sûr, si vous prenez tout le temps pour lire votre mémoire, on
aura peu de temps pour échanger des questions et des réponses,
mais, si vous voulez prendre un peu plus d'une demi-heure, libre à vous.
Nous, on va essayer de nous entendre à l'intérieur de cette
enveloppe, mais, comme les membres de la commission l'ont indiqué, avec
une certaine flexibilité, mais pas une flexibilité au point
où vous prendriez toute la journée.
M. Dion: Bon! Vous avez quand même... Je remarque que vous
êtes très souple et je veux vous faire remarquer qu'on est la
seule partie reconnue dans l'industrie de la construction en vertu de la loi
des relations du travail. On a cinq vis-à-vis et, effectivement, ils
vont se partager une quantité de temps. Nous pensons qu'il serait normal
qu'on ait à peu près l'équivalent. Je voudrais que vous
teniez aussi compte de ce phénomène, à savoir qu'il y aura
cinq parties syndicales qui utiliseront le temps de votre commission. C'est
possible que nous ayons l'air de prendre plus de temps que n'importe quel autre
intervenant, mais il faut dire que notre temps, en théorie, devrait
être cinq fois ce qui est dévolu au côté syndical.
Mais je vous le dis d'avance, on va essayer d'accélérer et d'y
aller le plus rapidement possible. (10 h 30)
Le Président (M. Fortier): Je vous remercie de votre
collaboration.
M. Dion: Si vous me permettez...
Le Président (M. Fortier): Ce que nous aimerions savoir,
M. Dion...
M. Dion: Oui?
Le Président (M. Fortier): Nous avons reçu
plusieurs textes de votre part. Le texte que vous allez lire, est-ce un des
nombreux textes que nous avons reçus ou est-ce un texte
différent?
M. Dion: J'allais arriver à vous situer dans toute la
documentation pour qu'il n'y ait pas de difficulté. D'abord, c'est clair
et net qu'on va certainement se conformer à la demande de M. le ministre
et ce qui a été confirmé par M. Pagé. On vient ici
pour discuter de problèmes législatifs et réglementaires.
On est de ceux qui demandent qu'il n'y ait pas d'intervention du gouvernement
dans nos négociations. Donc, on ne vient pas faire la négociation
devant la commission parlementaire, il n'en est pas
du tout question.
Notre documentation est faite de la façon suivante: Le
mémoire comme tel comprend une introduction qui est un petit document
avec deux parties: partie I et partie II. L'introduction et les trois livres
beiges sont les textes du mémoire. Les copies bleues, qui sont
également volumineuses, sont les documents d'appui qui vont avec le
mémoire. Cela constitue - cet ensemble des cinq cahiers - le
mémoire de l'association. Nous allons travailler ce matin avec ce qu'on
appelle le document synthèse des positions défendues par
l'association. C'est le document brun.
Le Président (M. Fortier): Le no 6R pour les membres de la
commission.
M. Dion: On en prend note. C'est donc sur ce document qu'on va
travailler, qui est le résumé, comme je vous l'ai dit, de ce qui
est là.
Le Président (M. Fortier): M. Fava. Comme les
débats sont transcrits, nommez-vous avant de commencer à parler
pour qu'on puisse vous identifier.
M. Fava (Franco): Franco Fava, président de l'Association
des entrepreneurs en construction du Québec. M. le Président,
membres de la commission, mesdames et messieurs, nous ne prendrons pas ici le
temps précieux de cette commission pour établir notre
identité, décrire notre mandat ou situer nos vis-à-vis
syndicaux. Nous avons déjà, à plus d'une reprise, fait
état de ces données. Il est cependant important de vous rappeler
que l'AECQ, seul agent patronal reconnu par la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction, regroupe 14 500 membres actifs dans les
quatre secteurs de la construction, dont la grande majorité sont des
PME.
L'AECQ, malgré la diversité de son membership, est un
organisme homogène pour deux raisons essentielles: elle ne regroupe que
des employeurs et elle n'a qu'un mandat précis, les relations entre
employeurs et salariés.
Nous sommes donc bien à l'aise pour souligner que
l'avènement de l'AECQ dans la construction a été
bénéfique pour l'ensemble des employeurs, quoi qu'en pensent
certains individus ou groupements car, dès lors, s'est manifestée
une véritable organisation apte à défendre les
intérêts communs des employeurs de l'industrie de la
construction.
Il est certain, d'autre part, que nos statuts et règlements ont
besoin d'être améliorés. Nos membres avaient, en 1978,
voté très majoritairement des correctifs auxquels le ministre de
l'époque n'a pas donné suite. Quelque six ans plus tard, nous
sentons avec une plus grande acuité ce besoin de corriger nos statuts et
règlements. C'est le fruit d'une saine évolution. En temps
opportun nous vous sensibiliserons à nos besoins après avoir de
nouveau largement consulté nos membres. Pour avoir discuté, il y
a quelque temps, de ce sujet avec l'actuel ministre, nous avons
été heureux de constater son attitude très
réceptive et nous ne manquerons pas d'en profiter.
L'AECQ réclame la tenue d'une commission parlementaire depuis le
printemps, plus précisément depuis que, lors d'une rencontre avec
le comité mixte, le ministre a démontré un
intérêt à vouloir régler les problèmes de
notre industrie. Il est devenu évident ces dernières
années que la construction souffre d'une maladie grave et dangereuse
tant pour ceux qui y oeuvrent que pour l'ensemble de l'économie.
Le diagnostic est simple. Les coûts de construction, et
singulièrement la main-d'oeuvre, dépassent largement la
capacité de payer de la plupart de nos clients, y compris le
gouvernement.
Ces coûts sont fonction du décret, bien sûr, mais
aussi de l'impact des lois et règlements mal adaptés à
notre industrie. L'ampleur du mal est telle qu'elle dépasse largement le
cadre de la négociation classique. Des remises en question difficiles
sont nécessaires pour régler les problèmes et contrer la
poussée dramatique du marché noir. Une telle situation ne pouvait
que placer les parties à négocier aux antipodes. Pour engendrer
et faciliter le dialogue, pour permettre l'assouplissement des mandats de
négociation, il fallait trouver des solutions et des remèdes aux
problèmes et alors il serait possible d'envisager la négociation
libre d'une nouvelle entente réaliste dans la construction.
La prise de position syndicale, à savoir de discuter ces
questions entre les parties plutôt qu'en commission parlementaire, jointe
à leur boycottage de la convocation de juin aurait fait que les
remèdes n'ont pas encore été apportés et que les
négociations n'ont pu s'engager.
Si d'une part le gouvernement se limite à jouer dans les
meilleurs délais son rôle de législateur pour régler
les problèmes légaux et réglementaires qui lui sont soumis
durant cette commission, et déclare sans équivoque ni
réserve sa volonté ferme de ne pas intervenir dans le processus
de la présente négociation et si, d'autre part, certains
intervenants veulent bien laisser de côté les politicailleries et
cesser de jouer au Scapin, alors il y a des chances qu'une entente soit conclue
entre les parties.
Nous appuyons le fait qu'il ne faudrait surtout pas que cette commission
devienne le prélude à une nouvelle intervention directe du
gouvernement dans les négociations. Elle doit plutôt, selon nous,
être une manifestation de la volonté du gouvernement
de vraiment régler les problèmes fondamentaux d'ordre
législatif et réglementaire dans la construction.
Conséquemment, nous n'avons nulle intention de tenter de discuter
ici des questions qui relèvent de libres négociations qui doivent
ou devraient se faire entre les parties. Le pouvoir d'intervention du
gouvernement dans notre décret, au nom de la notion combien
élastique de l'intérêt public, a suffisamment
dénaturé le processus normal des discussions entre employeurs et
syndiqués que nous résistons à la tentation d'en
promouvoir l'usage.
Cela dit, nous allons commencer par cerner l'ampleur du marché
noir de la construction. Notre industrie s'est détériorée
à un rythme si rapide que la survie même des vrais employeurs et
des vrais travailleurs est menacée. C'est une réalité que
tous devraient reconnaître d'emblée. Nous pourrions ici faire
longuement état des nombreuses interventions qui, depuis plus d'un an,
ont été faites en ce sens, dont celle du premier ministre, M.
Lévesque, qui, publiquement, dénonçait les coûts
excessifs dans l'industrie de la construction.
Si personne ne nie qu'au moins 25% des heures travaillées dans
notre industrie échappent au cadre réglementaire qui nous
régit, certains tentent d'escamoter le problème en affirmant que
le marché noir a toujours existé et que rien ne justifie des
mesures urgentes pour y mettre fin. Ces gens se leurrent. Avant donc d'exposer
les problèmes de la construction et les avenues de solution que nous
proposons, il importe de bien saisir la portée du mal.
Le marché noir. Bien des chiffres et des affirmations ont
circulé depuis quelque temps sur le phénomène du travail
au noir dans l'industrie de la construction. C'est, par définition, un
secteur difficile à cerner. Ceux qui y participent ne font pas de
rapport à l'Office de la construction ni, fort probablement, au
ministère du Revenu. Néanmoins, tous ceux qui oeuvrent
quotidiennement dans notre industrie savent instinctivement qu'une part de plus
en plus importante des travaux de construction est réalisée par
ce marché parallèle.
Le service de recherche de notre association a pu, en comparant les
données de Statistique Canada à celles de l'Office de la
construction, démontrer hors de tout doute la croissance
phénoménale du travail au noir depuis 1979. Qu'il nous soit
permis de les résumer brièvement ici et de dégager les
principales conclusions auxquelles elles nous ont conduits.
Nous avons comparé les données de Statistique Canada avec
celles de l'Office de la construction et constaté qu'entre 1971 et 1978,
la masse salariale déclarée à l'Office de la construction
représentait en moyenne 70% de celle compilée par Statistique
Canada. Trois choses expliquent la différence entre les deux
séries de chiffres. Premièrement, certains travaux
considérés par Statistique Canada comme faisant partie de
l'industrie de la construction ne sont pas couverts par le décret.
Deuxièmement, certains travailleurs recensés par Statistique
Canada ne sont pas soumis au décret, tels les cadres et le personnel
technique. Troisièmement, certains travaux de cette époque
n'étaient pas déclarés à l'Office de la
construction même s'ils auraient dû l'être.
Pour la période de 1979 à 1981, les données
provenant de l'Office de la construction ne représentent plus que 62% de
la masse salariale compilée par Statistique Canada. L'entrée en
vigueur du règlement sur le placement et le nouveau statut
accordé à l'artisan ne sont certes pas étrangers à
cette disparition de quelque 200 000 000 $ dans la masse salariale
déclarée à l'Office de la construction.
Poursuivant notre étude des données pour les années
1982 et 1983, nous nous sommes rendu compte que, pour les deux dernières
années, la masse salariale de l'Office de la construction ne
représentait plus qu'environ 52% de celle de Statistique Canada. La
différence entre notre constante historique de la période
1971-1978 et les données de 1983 - le passage de 70% à 52% de la
masse salariale compilée par Statistique Canada - représente une
perte de 477 400 000 $ en salaires recensés par l'office en 1983.
Certains pourraient dire que la baisse enregistrée pour la
période de 1979 à 1981, soit la baisse de 70% à 62%, est
le reflet du statut accordé alors à l'artisan et ne peut,
à proprement parler, être comptée comme du travail au noir.
Nous serions tentés de répliquer que les dispositions de la loi
touchant l'artisan sont en pratique inapplicables et entraînent du
travail illégal. Mais soyons bons princes, admettons que le passage de
70% à 62% s'est fait légalement. La différence entre la
période de 1979-1981 et celle de 1982-1983 demeure quand même de
10%, soit 62% à 52%. Ces 10% de masse salariale disparue des
données de l'Office de la construction représentent, pour 1983,
plus de 255 000 000 $.
Ces 255 000 000 $ représentent à leur tour combien
d'heures de travail qui échappent au cadre réglementaire de notre
industrie? Pour le savoir, il faudrait connaître le taux horaire
payé au noir. Compte tenu de ce qu'il s'agit bien souvent de sommes
payées comptant, sans que le fisc y trouve sa part, l'hypothèse
de 10 $ l'heure semble réaliste. On aurait alors 25 500 000 heures
travaillées au noir dans l'industrie québécoise l'an
dernier. C'est là un chiffre conservateur, vous en conviendrez. D'une
part, on n'a même pas tenté de mesurer le travail au noir
traditionnel, celui qui avait
cours avant 1979. Était-ce 5%, 10%? Chose certaine, il
existait.
En outre, nous avons concédé à l'artisan qui
respecte la loi la différence entre les 70% de la période
1971-1978 et les 62% enregistrés entre 1979 et 1981. Or, nous verrons
plus loin pourquoi la loi n'est que théorique quand il s'agit de
l'artisan. Donc, on peut affirmer sans crainte que le nouveau marché
noir de la construction a accaparé l'an dernier au moins le quart des
activités de construction au Québec. Si rien n'est fait, tout
nous porte à croire que notre industrie glissera de plus en plus vers le
travail au noir et ce, très rapidement. Que peut-on faire? Pour
répondre à cette question, il importe de bien identifier les
causes de la maladie.
Les lois du marché. Pendant longtemps, les chefs syndicaux, les
gouvernements et, il faut bien l'admettre, certains de nos membres, ont cru que
les coûts de main-d'oeuvre dans la construction importaient peu puisque,
par le jeu du décret, les entreprises concurrentes faisaient face aux
mêmes coûts. Il s'agissait, bien sûr, d'une erreur. Les
entrepreneurs en construction du secteur résidentiel ont
été les premiers à s'en rendre compte. Faisant plus
directement affaires avec le consommateur, ils ont dû s'ajuster
rapidement à la capacité de payer de leurs clients. Plusieurs
facteurs ont influencé leur marché ces dernières
années: la baisse de la natalité, un solde migratoire
négatif, la hausse des taux d'intérêt hypothécaires
ont fait chuter le nombre de mises en chantier. Il ne suffit pas qu'une famille
ait envie d'acheter une maison neuve, encore faut-il -et son gérant de
banque le lui rappellera très vite - qu'elle en ait les moyens.
Une maison de 60 000 $ construite l'an dernier entraînait, selon
les conditions de travail du décret de la construction, des coûts
de main-d'oeuvre d'environ 15 600 $. Soulignons en passant que les deux hausses
de taux de salaires de 10% que le gouvernement a décrétées
en 1982 et en 1983 représentent à elles seules près de 50
$ par mois sur les paiements hypothécaires que doit assumer l'acheteur
pendant 25 ans. Comment peut-on demander aux consommateurs d'accepter de payer
21,47 $ l'heure en coûts de main-d'oeuvre pour la construction de leur
maison lorsqu'ils ne gagnent pas la moitié de cette somme par heure de
travail? (10 h 45)
Le nombre d'auto-constructeurs augmente rapidement. Dans la grande
région montréalaise, environ 15% des maisons neuves sont faites
par les propriétaires-constructeurs. Le taux s'élève
à 30% dans une région comme Sherbrooke et, à
Rivière-du-Loup, il atteint 70%. Dans presque tous les cas, ces
constructeurs-propriétaires font effectuer la plupart des travaux au
noir et rien ni personne ne garantit la qualité de la construction, si
ce n'est le coffre à outils du braconnier.
Mais les lois du marché ne touchent pas seulement les employeurs
de la construction résidentielle, loin de là. Combien
d'investisseurs éventuels et singulièrement de PME ont
retardé ou tout simplement abandonné des projets d'implantation
ou d'expansion au Québec ces dernières années à
cause des coûts trop élevés de construction?
De même, les usagers du réseau routier
québécois ont compris depuis quelques années
déjà que la réparation et la construction de routes ne se
font plus en fonction des besoins, mais en fonction de l'enveloppe
budgétaire, c'est-à-dire les ressources financières de
l'État. Pour l'employeur, entrepreneur en construction, cela signifie
que plus les coûts seront élevés, moins il y aura de
contrats.
Toutes les lois, tous les règlements et tous les inspecteurs du
monde n'empêcheront pas le jeu de l'offre et de la demande, lequel
demeure le fondement de notre système économique.
Le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord
où tous les travailleurs de la construction sont obligatoirement
syndiqués. Chez nos voisins du Sud, 30% seulement des travaux de
construction sont effectués par des syndiqués. Au Canada, la
situation varie d'une province à l'autre. Les syndiqués
réalisent entre 10% et 20% des travaux en Ontario, 40% à 50% au
Nouveau-Brunswick, 40% en Colombie britannique. Ces chiffres, nous les citons
cependant sous réserve, car, de jour en jour, le secteur syndiqué
perd du terrain.
Ce qu'il importe en effet de souligner, c'est la tendance
observée ces dernières années dans ces régions.
Partout, les travaux de construction sont de plus en plus
réalisés par des travailleurs non syndiqués. En Alberta,
par exemple, les travailleurs syndiqués réalisaient 75% des
travaux en 1981; aujourd'hui, leur part n'est plus que de 20% et tend encore
à baisser. On retrouve le même phénomène en
Saskatchewan où la construction syndiquée est passée de
63% des travaux à moins de 20% entre 1981 et 1983.
Y a-t-il une relation entre ce phénomène et les lois du
marché? Poser la question, c'est y répondre, car il est
clairement établi que la "désyndicalisation" a pour but de
soustraire les parties aux conventions trop onéreuses que l'acheteur du
produit ne peut plus et ne veut plus payer.
C'est donc la capacité de payer des clients de la construction
qui a dicté cette tendance et le Québec, en dépit de son
système de relations du travail, n'y échappe pas. Notre secteur
non syndiqué, dans les faits, c'est le "marché noir" de la
construction.
Au Québec, le salaire horaire moyen dans notre industrie
était, l'an dernier, selon les données de l'Office de la
construction, de 17,53 $ l'heure. Si on y ajoute les coûts des avantages
sociaux et de la santé et de la sécurité, nous atteignons
un coût de main-d'oeuvre moyen de 21,47 $ l'heure en 1983. Sans les 0,85
$ de 1975 imposés par l'État et les deux hausses de 10%
décrétées en 1982, le salaire horaire aurait
été de 14,05 $ et le coût horaire moyen de 17,21 $, soit
25% de moins.
Sans vouloir verser dans les discussions propres aux
négociations, qu'il nous soit permis une petite parenthèse
à l'égard de notre position de moins 20%, laquelle n'est
sûrement pas irréaliste en ce sens... Autrement dit, sans
l'intervention gouvernementale, nous n'en serions sans doute pas réduits
à exiger des baisses de coûts de main-d'oeuvre pour maintenir
notre industrie à flot. Et, soit dit en passant, tout nous porte
à croire que les chefs syndicaux prendraient une bonne dose de
réalisme s'ils devaient formuler leurs demandes en fonction d'une libre
négociation. On n'a qu'à regarder ce qui se passe ailleurs pour
s'en rendre compte. Aux États-Unis, sur 1007 conventions collectives
paraphées l'an dernier touchant tout près de 720 000
travailleurs, la hausse salariale moyenne pour la première année
était de 1,5%. En Ontario, 13 des 14 conventions signées en 1983
dans la construction prévoyaient un gel des salaires pour 1984 et, dans
la quatorzième, l'augmentation négociée a
été de 1,3%. On a même vu en Alberta le syndicat des
manoeuvres offrir aux employeurs une baisse de 2 $ l'heure et, dans cette
même province, les syndicats ont accepté, en début
d'année, des baisses de 35% à 50% pour les travaux de
distribution du gaz naturel.
Au Québec, pendant ce temps, les demandes syndicales pour la
prochaine année feraient augmenter les coûts horaires directs dans
la construction de 17% à 23%. Soyez assurés que les employeurs de
la construction, qui sont confrontés aux dures réalités
économiques de leur industrie, n'accorderont pas de si
désastreuses conditions de travail. Le gouvernement oserait-il le faire
à notre place?
Comme nous venons de le constater à vol d'oiseau, il est urgent
d'enrayer l'effritement de notre industrie et d'éliminer le mal
lui-même et toutes les causes qui le favorisent. Il faut surtout
éviter les cataplasmes.
Nous classerons en deux volets les solutions susceptibles de faire
cesser ce phénomène. Dans le premier, nous viserons la
réduction des coûts de la construction; dans le second, nous
traiterons de la recherche d'un encadrement législatif, lequel, d'une
part, sera apte à favoriser de saines relations du travail pour l'avenir
et, d'autre part, provoquera la récupération des heures de
travail pour les vrais travailleurs et employeurs de l'industrie de la
construction.
Nous sommes confiants que, lorsque le cadre de l'industrie sera
adéquatement circonscrit et que les conditions seront abordables pour le
consommateur, il y aura alors lieu d'espérer que le travail au noir
s'éliminera de lui-même parce qu'il n'aura plus sa raison
d'être, bien que, pour un court terme, il puisse être
nécessaire de favoriser la convalescence de notre industrie par un
régime mieux ordonné de surveillance et surtout orienté
vers l'éducation plutôt que vers la pénalisation.
C'est dans cette optique que les employeurs de la construction attendent
de cette commission parlementaire l'amorce de mesures concrètes pour
régler les problèmes découlant du cadre
réglementaire et légal de leur industrie, problèmes que
nous allons analyser maintenant un à un.
La réduction des coûts de construction. Ce n'est pas
d'aujourd'hui que l'AECQ affirme, preuves à l'appui, que des
réglementations ou législations adoptées en vue de
corriger certains problèmes dans la construction ont, au contraire,
augmenté les difficultés pour les parties parce que ces
règlements ou législations avaient trop souvent été
faits à la pièce. En effet, une réglementation
inappropriée ou une hausse injustifiée du coût de la
main-d'oeuvre provoquent presque instantanément une diminution de la
demande ou plutôt une perte des heures parce que les coûts
officiels deviendront prohibitifs pour le consommateur.
Nous sommes bien conscients que la réduction des coûts de
construction requise pour combattre le travail au noir peut apparaître
comme un objectif difficile à accepter au niveau de nos partenaires
syndicaux parce que, la plupart du temps, cet objectif est perçu sous
l'angle unique d'une réduction des taux de salaire. Il y a lieu
cependant de rectifier la conception partisane qui a été
véhiculée par les syndicats à ce sujet. Il est vrai que
cet objectif peut être en partie atteint par une baisse des taux et nous
ne cacherons pas que cette solution nous apparaît essentielle pour la
construction résidentielle, mais il existe également d'autres
moyens très valables qui peuvent réduire la pression à la
hausse sur les coûts.
En effet, il n'y a pas que le décret qui détermine les
coûts de main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Bon nombre
d'interventions de l'État ont également des implications
financières. Le règlement de placement crée des frais
administratifs, implique souvent des frais de déplacement importants et
influe sur la productivité. Le dossier de la formation et de la
qualification de la main-d'oeuvre a aussi des conséquences
économiques. Même les chefs syndicaux
admettent, en privé tout au moins, que la qualité de la
main-d'oeuvre québécoise de la construction, qui faisait l'envie
des autres provinces il y a dix ans, ne cesse de baisser depuis lors. Les
ratios compagnons-apprentis dressent des barrières artificielles et
coûteuses aux employeurs. Les juridictions de métiers trop rigides
engendrent, dans la construction résidentielle notamment, des situations
invivables.
Dans le cadre d'une solution adéquate et réaliste pour
réduire les coûts de construction, nous traiterons donc
ci-après du règlement de placement, de la qualification et de la
formation professionnelles de la main-d'oeuvre, des ratios compagnons-apprentis
et de la polyvalence des métiers.
Le règlement de placement. Amendé sept fois en autant
d'années, le règlement sur le placement des salariés dans
l'industrie de la construction tel que conçu actuellement est
inapplicable et dangereux. Le contrôle excessif de la main-d'oeuvre, en
fonction de critères strictement quantitatifs, présente des
dangers de distorsion du marché bien plus importants que les avantages
que les travailleurs peuvent en tirer. Dans les faits, si l'on favorise
l'embauche des vrais travailleurs, il contribue à leur enlever une part
sans cesse plus importante de leur gagne-pain. D'une part, les tracasseries
administratives que le règlement entraîne pour les employeurs
réduisent la productivité des entreprises. La part du
règlement de placement dans la hausse des coûts de fonctionnement
des entreprises de construction est difficile à chiffrer, mais elle
existe et elle est importante. Or, chaque augmentation des coûts de
production entraîne une baisse des activités dans l'industrie.
Par ailleurs, en amputant de plus de 30 000 personnes le bassin de
main-d'oeuvre de la construction "officielle" en 1982, le règlement a
poussé bon nombre de travailleurs bannis à se transformer en
entrepreneurs spécialisés sans salariés ou
carrément en braconniers.
L'AECQ ne s'oppose pas à ce qu'un règlement empêche
l'accès aux chantiers des travailleurs de passage et autres
catégories de personnes pour lesquelles l'industrie de la construction
n'est pas le principal gagne-pain. C'était, d'ailleurs, le but
visé au départ. Ce sont les salariés non
spécialisés qui étaient vulnérables à ce
genre de concurrence et les statistiques compilées par l'Office de la
construction montrent bien qu'ils ont connu ces dernières années
une augmentation des heures travaillées dans la construction.
Le règlement sur le placement n'a cependant pas eu d'impact sur
le volume des activités réalisé par les salariés
qualifiés.
Le règlement tel que conçu entraîne, en effet, des
pénuries de main-d'oeuvre qualifiée, et notamment hors des grands
centres. Le renouvellement de la classification basé sur les heures
effectuées, ainsi que la priorité régionale créent
forcément des ponctions importantes dans les bassins régionaux de
main-d'oeuvre lorsque survient une baisse sensible de l'activité comme
celle que l'industrie, entraînée par l'ensemble de
l'économie, connaît depuis quelques années.
Advenant une reprise, des pénuries artificielles risquent de
survenir et les délais nécessaires à la formation de
nouveaux salariés créeront, pour un temps, une situation
préjudiciable.
Dans un tel contexte, le règlement sur le placement pourrait
devoir supporter la responsabilité d'avoir empêché
l'industrie de profiter pleinement et rapidement de la reprise.
Un marché libre de la main-d'oeuvre porte en lui la dynamique qui
lui permet de s'ajuster aux fluctuations. À trop vouloir le
contrôler, on prend des risques considérables.
Parmi ces risques, il faut souligner le vieillissement de la
main-d'oeuvre et les restrictions à la mobilité
régionale.
Dans une industrie où la concurrence est vive, les employeurs
doivent pouvoir compter sur une main-d'oeuvre fiable et productive et dont ils
connaissent les possibilités avant même d'entreprendre les
travaux. Qu'il s'agisse du fonctionnement harmonieux d'une équipe
d'hommes habitués à travailler ensemble, dont les méthodes
particulières sont éprouvées, efficaces et connues par
tous; qu'il s'agisse d'une pièce d'équipement de grande valeur
dont l'opération nécessite un individu expérimenté
et jouissant de la confiance de son employeur, dans de tels cas et pour toutes
sortes de raisons qui ne regardent que lui, l'employeur ne peut pas logiquement
se voir forcé de supporter des coûts d'adaptation et de formation
onéreux. De là l'opposition patronale à des restrictions
à la mobilité inscrites dans un règlement.
Nous ne pouvons pas, par ailleurs, passer sous silence la question de
l'existence des bureaux syndicaux de placement. Qu'on ne cherche pas ailleurs
la cause réelle et profonde des soubresauts que nous connaissons
périodiquement et qui prennent parfois les allures d'un retour à
une forme de violence qu'on espérait bannie dans notre industrie. Qu'il
s'agisse des travaux du gazoduc, des perturbations sur les chantiers des
raffineries et surtout d'autres chantiers industriels, le problème n'est
pas réglé tout simplement parce qu'on n'a pas eu le courage de
l'attaquer à sa source. Pourtant, un relecture des extraits du rapport
Cliche à ce sujet nous fait vite constater qu'il n'y avait aucune
ambiguïté dans la recommandation d'abolir les bureaux de placement
syndicaux, recommandation que nous faisons nôtre encore aujourd'hui.
Qu'on les ait rebaptisés pompeusement "agences de placement",
qu'on leur ait collé l'obligation de détenir une licence, de se
conformer à certaines règles dont un code d'éthique, tout
cela n'a rien changé à leur nature. Les bureaux de placement
syndicaux font des syndicats des détenteurs d'un contrôle
démesuré et inacceptable sur l'offre de main-d'oeuvre. Tant qu'un
tel pouvoir, dont les implications sont énormes au niveau des relations
du travail, sera laissé aux mains d'une des parties, cela aura pour
effet de fausser tout le rapport de force entre les représentants
syndicaux et les employeurs. (11 heures)
En bref, il faut soustraire les salariés qualifiés et les
apprentis aux critères de classification. Le certificat de
classification devrait, selon nous, constituer un permis de travail auquel rien
ne pourrait plus être opposé à ce niveau. S'il faut
ralentir l'accès à l'industrie, cela doit se faire avant que la
formation ne soit engagée.
Quant aux salariés non spécialisés, nous sommes
d'accord avec le maintien d'une forme de contrôle quantitatif qui leur
serait applicable par le truchement du règlement sur le placement.
D'ailleurs, il y aurait lieu d'examiner certaines modalités qui
pourraient mieux coller à leur réalité propre.
Les priorités régionales d'embauche doivent être
abolies. Ces mesures d'empêchement à la mobilité se posent
en complète contradiction avec le droit légitime de
gérance que tout employeur doit avoir. Alliées au contrôle
quantitatif, elles sont génératrices d'augmentations de
coûts que l'industrie et ses clients n'ont pas les moyens de payer.
En ce qui concerne les bureaux de placement syndicaux, la seule solution
demeure leur abolition sans quoi nous continuerons de vivre
périodiquement des problèmes comme ceux que nous avons connus
récemment avec les travaux du gazoduc.
L'AECQ souhaite voir le règlement se transformer en
véritable règlement d'embauche et de placement. Dans notre
esprit, cela signifie qu'une fois l'embauche effectuée et la relation
entre l'employeur et le salarié établie, il n'y aurait plus de
possibilité d'empêcher la poursuite de ce contrat de travail sur
les chantiers de l'employeur.
Coûteux pour les employeurs et leurs clients, inefficace pour les
salariés, dangereux pour l'industrie de la construction, le
règlement sur le placement, dans sa forme actuelle, a déjà
fait grossir les rangs des braconniers avec des salariés
déclassifiés. Il est temps que cela cesse.
La formation dispensée aux compagnons et apprentis de la
construction est largement déficiente. En plus, pour une bonne partie,
les cours organisés à l'heure actuelle visent des métiers
populaires qui regroupent un grand nombre de salariés alors que certains
métiers pour lesquels on connaît des pénuries au niveau
provincial ou régional sont pratiquement absents de la liste des cours
offerts.
Cela nous amène à souligner les difficultés que
l'on rencontre quand vient le temps d'évaluer les besoins en
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Il n'existe pas de recette
miracle qui permette de connaître à l'avance la nature, l'ampleur
et la répartition des investissements en construction dans la province.
Tout de même, le système est déficient lorsqu'il s'agit de
faire face à des pénuries qui se font déjà sentir.
La piètre qualité de la consultation y est sûrement pour
beaucoup.
La qualité de la formation dispensée aux travailleurs de
la construction a beaucoup baissé. Jusqu'à ces dernières
années, les travailleurs québécois étaient reconnus
dans les autres provinces pour leur compétence et leur
productivité. Des commentaires récents rendent de moins en moins
réaliste cette perception qui était tout à notre
honneur.
Les travailleurs québécois sont maintenant ceux qui
obtiennent le plus haut taux d'échecs aux examens du sceau rouge dont la
réussite est conditionnelle à l'exercice de certains
métiers en dehors du Québec.
Notons au passage que les examens administrés en vue de
l'obtention de la qualification au Québec sont, de l'avis de plusieurs,
complètement dépassés, car ils n'ont pas été
adaptés à l'évolution des techniques qu'ont connues les
différents métiers. Tout le monde le reconnaît; pourtant,
personne ne s'est encore mis à la tâche d'une façon
sérieuse. La même inertie caractérise les autres
modalités prévues au règlement sur la qualification, qu'on
parle de la durée et de la surveillance de l'apprentissage, des ratios
compagnons-apprentis, des juridictions de métiers, etc.
La dégradation du dossier de la formation professionnelle des
salariés de la construction à la fois dans ses aspects qualitatif
et quantitatif a deux causes majeures: L'ensemble législatif qui touche
à notre main-d'oeuvre est incohérent, figé et
centralisé dans son contenu comme dans son administration et ainsi
constitue en lui-même une entrave de taille au développement de
celle-ci. L'implication des parties est mitigée, en ce sens qu'elles
n'exercent plus le leadership essentiel au fonctionnement et à la mise
à jour du système.
Il faut aussi comprendre que ces deux axes sont étroitement
liés. Pour aboutir à un système intégré et
efficace, il faut d'abord raviver l'intérêt des gens du milieu
vis-à-vis de cette question importante qu'est la formation des
salariés de l'industrie.
Diminution de la compétence technique, vieillissement de la
main-d'oeuvre, réduction draconienne du nombre de salariés
formés dans notre industrie sont autant de symptômes du
laisser-aller que nous avons connu depuis près de quinze ans, lesquels
ont un impact sur les coûts de construction. Le régime
d'apprentissage en vigueur dans notre industrie doit être
révisé au plus tôt afin que les apprentis
bénéficient d'une formation plus complète et mieux
adaptée aux chantiers et qu'ils soient l'objet d'un suivi plus
rigoureux. Une main-d'oeuvre mieux formée signifie une meilleure
productivité, d'où un produit de plus haute qualité
à un coût moindre. Les parties doivent être directement
impliquées dans la révision de ce régime qui les concerne
au premier plan. Nous ne pouvons plus laisser aux fonctionnaires le soin de
décider ce qui est bon pour nous.
C'est pourquoi l'AECQ demande la création d'une commission de
formation professionnelle tripartite formée à part égale
de représentants patronaux et syndicaux de la construction et de
représentants gouvernementaux. Cette commission aurait complète
autonomie et autorité sur la détermination des besoins de
main-d'oeuvre, la sélection des candidats, les besoins
généraux de formation, les connaissances à
acquérir, la formation à pied d'oeuvre et l'acquisition d'une
classe supérieure d'apprentissage ou de qualification finale. Elle
aurait un rôle consultatif sur le contenu pédagogique des cours et
la façon de les dispenser. Elle aurait enfin autorité sur la
détermination des relations employeurs-apprentis, telles que
présentement déterminées par le règlement sur la
formation et la qualification professionnelles.
Les modifications de structures que l'AECQ souhaite sont majeures et
signifient une reprise en main de ce dossier par les parties, même si les
autres secteurs industriels ne sont pas prêts à en faire autant.
Elles devraient toutefois s'accompagner d'un sérieux effort des
employeurs qui ont un rôle primordial à jouer dans le
succès d'un programme de formation. Nous croyons être en mesure de
susciter un tel effort chez nos membres.
Jusqu'en 1969, les ratios compagnons-apprentis étaient
négociés par les parties dans chaque région.
Dans les décrets, on trouvait une règle
générale, à savoir qu'un employeur ne pouvait avoir
à son emploi, dans un métier donné, plus d'un apprenti par
travailleur qualifié. Des exceptions étaient consenties à
cette règle de base pour certains métiers et dans certaines
régions, en tenant compte de divers facteurs.
À la base, il y avait le souci pour les employeurs de s'assurer
d'une relève compétente de salariés qualifiés en
nombre suffisant pour éviter les pénuries. Du côté
syndical se dessinait, bien entendu, une volonté plus ou moins
marquée de vouloir restreindre l'accès aux métiers de
façon à favoriser l'emploi des membres ainsi qu'une hausse du
niveau général de leurs conditions de travail.
Quoi qu'il en soit, la détermination des ratios s'effectuait dans
un cadre souple permettant aux parties de rajuster leur tir
périodiquement en tenant compte de plusieurs facteurs.
Un tel exercice tenait évidemment compte des conditions
régionales.
En 1969, la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de
la main-d'oeuvre était promulguée. Pour l'industrie de la
construction, une des conséquences principales de l'adoption de cette
loi a été le retrait du régime d'apprentissage de la liste
des points négociables par les parties.
Devant la perspective de voir les ratios fixés dans un
règlement, il est bien évident que plusieurs des syndicats de la
construction ont eu le réflexe de vouloir protéger
définitivement leur membership en limitant l'accès aux
métiers et les pressions ont été fortes sur le
gouvernement pour que les ratios ne laissent passer qu'un petit nombre
d'apprentis.
Les syndicats avaient visé juste, car depuis près de
quinze ans, mis à part le passage du ratio applicable aux
électriciens et aux tuyauteurs d'un pour un à un pour deux, nous
vivons avec les mêmes ratios compagnons-apprentis. Un seul changement a
été introduit au tout début pour couvrir la
spécialité de mécanicien en protection-incendie.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette réforme s'est
effectuée au détriment des employeurs. L'objectif syndical qui
consiste à vouloir limiter l'arrivée de nouvelle main-d'oeuvre a
primé dans la fixation des ratios de plusieurs des 23 métiers.
Ainsi, par rapport aux décrets qui incluaient les ratios avant 1971,
plusieurs ratios ont été haussés de façon à
imposer l'embauche de plus de travailleurs qualifiés avant qu'un nouvel
apprenti puisse être à son tour embauché.
On n'a qu'à examiner le tableau des ratios compagnons-apprentis
pour se convaincre de l'illogisme qui le caractérise.
Les ratios s'échelonnent d'un apprenti pour un travailleur
qualifié à un apprenti pour cinq travailleurs qualifiés.
Il s'avère intéressant de faire le décompte du nombre de
métiers pour chacun des ratios existants: 1 apprenti pour 5 travailleurs
qualifiés, 13 métiers; 1 pour 4, 1 métier; 1 pour 3, aucun
métier; 1 pour 2, 5 métiers; 1 pour 1, 4 métiers, en plus
d'une spécialité.
Il y a des coûts économiques inhérents aux ratios
élevés. En premier lieu, on empêche les employeurs de
recourir à une
main-d'oeuvre moins dispendieuse qui aide le travailleur qualifié
tout en permettant à un jeune d'acquérir les connaissances et les
habiletés pour pouvoir, plus tard, exercer le métier.
Si les ratios compagnons-apprentis doivent continuer d'être
fixés par règlement, il y a lieu de s'en tenir aux objectifs
premiers du règlement sur la formation et la qualification. C'est
pourquoi l'AECQ réclame, au nom de ses membres, qu'il n'y ait plus qu'un
seul ratio valide pour tous les métiers et en toutes circonstances, soit
un apprenti par travailleur qualifié.
Il est essentiel que le législateur rétablisse le
système sur des critères réels de formation. Ce faisant,
il rejoindrait les préoccupations de plus en plus présentes des
employeurs concernant la nécessité de s'assurer une relève
de qualité, de contrer le vieillissement de la main-d'oeuvre qu'ils
constatent et d'ouvrir les barrières des chantiers aux jeunes qui ont
acquis une formation et ont le désir d'oeuvrer dans l'industrie de la
construction. Finalement, les coûts de construction étant
réduits, il y aurait récupération possible des heures
travaillées illégalement.
Le cloisonnement des métiers. Les métiers de la
construction, tels qu'on les connaît actuellement, sont le fruit d'une
longue tradition. Dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, les pratiques
en matière de relations du travail et de main-d'oeuvre dans l'industrie
de la construction ont longtemps évolué dans la même
direction, quelle que soit la province canadienne ou l'État
américain. Cela n'est pas étranger aux structures d'organisation
syndicale centrées sur les "Building Trades" américains encore
très présentes de nos jours.
Jusqu'à l'avènement de la Loi sur la formation et la
qualification professionnelles et du règlement particulier relatif
à la construction qui devait l'accompagner au début de 1971, les
métiers étaient du ressort de la négociation entre les
parties. Ainsi, jusqu'à ce moment-là, les parties pouvaient
toujours modifier les définitions des métiers au moment de la
renégociation d'un décret pour faire face aux problèmes
qui se présentaient en cours de route.
Les techniques de construction évoluent: nous aussi, nous avons
nos "changements technologiques" même si la construction est une
industrie traditionnelle pour ne pas dire aussi vieille que l'homme
lui-même. Nouveaux matériaux, nouvelle machinerie, nouvelles
techniques de pose, tout le monde comprendra que ces questions sont intimement
liées à la juridiction des différents métiers.
Pour s'ajuster, l'industrie doit pouvoir évoluer dans un cadre
relativement souple. Or, la souplesse est un mot que le gouvernement a
rayé du vocabulaire de notre industrie lorsqu'il a, en 1971,
incorporé les définitions des métiers dans le
règlement sur la formation et la qualification professionnelles de la
main-d'oeuvre de l'industrie de la construction, car depuis l'inclusion des
définitions des métiers dans un règlement ayant
accompagné l'étatisation du régime d'apprentissage, toute
modification est pratiquement irréalisable.
Le cloisonnement des métiers donne souvent lieu à des
contraintes invraisemblables, à tel point que les employeurs et les
salariés sont couramment incités à violer le
règlement plutôt que de s'y plier. Le problème est
général, mais il est particulièrement aigü dans le
domaine de l'habitation.
De multiples exemples pourraient être apportés pour
illustrer les embêtements que cause le découpage des
métiers dans la construction résidentielle. Tous les jours, ces
entrepreneurs sont confrontés au dilemme: il y a une petite "job"
à compléter ou à réparer, est-ce qu'on doit faire
venir un salarié de ce métier pour une heure - il y a, bien
sûr, les barrières du règlement de placement, de
l'assurance-chômage, les frais de déplacement, etc - ou
l'effectuer avec les salariés déjà sur le chantier?
Certaines caractéristiques des travaux du résidentiel rendent
possible et souhaitable une forme de polyvalence entre les métiers que
l'on y retrouve le plus souvent.
Notre objectif n'est pas de rendre possible l'exécution de
n'importe quel travail par n'importe quel salarié. Il s'agit
plutôt de légaliser des façons de fonctionner qui, par la
force de la logique, sont pratiquées en catimini, illégalement,
à cause d'un contexte réglementaire abusif. Les employeurs
continueront de faire effectuer le gros des travaux par les spécialistes
de chacun des métiers impliqués. Il y a là une question de
productivité, de qualité et de coûts des travaux qui ne
leur échappe pas.
Par contre, il y a lieu de mettre au point une formule souple qui
permettrait, lorsque la présence d'un salarié d'un métier
n'est requise que pour une courte période et pour une tâche
relativement simple, d'y affecter un salarié d'un autre métier
apte à affectuer la tâche en question. Dans un tel contexte, nous
n'aurions pas d'objection à ce qu'une notion de "durée
limitée" ou de "circonstances occasionnelles" fasse partie d'un
amendement éventuel. (Il h 15)
De plus, nous ne tenons pas à inclure les électriciens et
les tuyauteurs dans le groupe de métiers que nous souhaitons voir faire
partie du bassin des polyvalents. Nous visons ici la pose ou l'installation des
systèmes électriques et de plomberie à l'exclusion de la
manutention et de la mise en place des appareils. Ces deux métiers
requièrent des techniques et des habiletés
moins accessibles aux salariés des autres métiers et les
travaux qu'ils exécutent ont sans doute plus d'impact sur la
sécurité d'un bâtiment.
La polyvalence réduirait d'une façon tangible les
coûts de main-d'oeuvre et augmenterait la sécurité
d'emploi. En assurant une présence plus grande de certains
salariés sur le chantier, on reculerait en effet le moment de leur mise
à pied et, ainsi, on ferait augmenter la moyenne d'heures
travaillées et leurs revenus.
Finalement, faut-il souligner qu'il est souvent impossible d'obtenir les
services d'un salarié pour une courte période. Le salarié
qui accepte ce genre de dépannage a habituellement des exigences
contraires aux règlements et lois en vigueur.
Il aurait été trop simple, à notre avis, de limiter
nos représentations aux seules solutions visant la réduction des
coûts, car ce seul moyen ne serait pas suffisant pour corriger les
problèmes, surtout le travail au noir. Nous avons cru qu'il fallait
également agir sur des éléments qui, indirectement,
privent l'industrie d'une grande partie de ses véritables
activités. L'ambiguïté de la définition du champ
d'application de la loi et l'interprétation restrictive donnée
à la réglementation provoquent une perte considérable
d'heures de travail dans la construction. Plus souvent qu'autrement, c'est au
détriment de la construction que les exclusions de la loi et des
règlements sont interprétées. Avec le temps, il n'y a pas
de doute que la montée incessante des coûts de construction a
favorisé la recherche d'échappatoires.
Pour arrêter, d'une part, ce phénomène de
désintégration et, d'autre part, pour redéfinir les
limites réalistes et justifiées, il est essentiel de
rebâtir le champ d'application de la loi et des règlements qui en
découlent. Ainsi, l'industrie pourra récupérer ses heures
de travail et reprendre son rythme normal d'activité au profit des vrais
travailleurs et employeurs de l'industrie de la construction.
Nous visons l'assainissement de notre industrie. C'est un objectif qui
exige également que les parties soient libérées de la
tutelle gouvernementale qui s'exerce par un pouvoir d'intervention que nous ne
pouvons retrouver dans aucune autre législation du travail.
Pour que le dialogue soit efficace au niveau de la négociation,
il faut que les parties soient mises en position de remplir leur mandat. Or, du
côté syndical, nous voyons des lacunes qui résultent
singulièrement de l'absence d'une majorité pour négocier
ou encore le manque de maturité pour former une coalition. Nous ne nous
attarderons cependant surtout pas à formuler des solutions visant le
processus décisionnel.
Nous traiterons du rôle des parties dans l'administration et la
surveillance du décret, car encore à ce niveau, avons-nous
l'impression d'être ou en tutelle ou étatisés. Revenir en
arrière de quelque dix ans pour demander à nouveau que notre
système soit rationalisé ne nous paraît pas inutile, car
ces dernières années, et plus particulièrement tout
récemment, nous avons expérimenté les difficultés
qui résultent de tous ces niveaux d'instance.
Nous étudierons finalement la complexité de l'exercice des
recours dans la construction, la responsabilité de l'entrepreneur selon
l'article 54, la protection que retire l'industrie de la Régie des
entreprises de construction, la tutelle du local 144 et le cadre
législatif de l'artisan. Nous émettrons, pour conclure, certains
commentaires sur le revenu garanti de la FTQ.
Le champ d'application. L'expérience a démontré
à tout le moins que le champ de travail ou d'activité qui se
devait d'être réservé au monde de la construction est
déficient, confus, incomplet et souvent préjudiciable aux
intérêts des partenaires actifs dans cette industrie.
La concurrence est vive face à notre industrie et les
intérêts sont souvent divergents. N'est-il pas tentant pour
l'entreprise textile ou l'entreprise métallurgique de réduire ses
coûts en tentant de faire construire ses usines ou de faire installer les
équipements qui en sont partie intégrante en dehors de ce
système structuré qu'est celui de la construction, avec leurs
salariés ou des salariés temporaires, syndiqués ou non,
mais qui, de toute façon, en fin de compte, entraînent des
obligations moindres pour ces propriétaires-investisseurs et
peut-être des coûts inférieurs? Ce type de
propriétaires-constructeurs a donc tenté, par tous les moyens, de
se soustraire à l'application de la loi et, par conséquent, du
décret.
Ce système parallèle est devenu à ce point monnaie
courante que, dès 1970, le législateur a décidé
d'intervenir en créant une nouvelle institution dans la loi: le
commissaire de la construction. Le législateur confiait à ce
commissaire le pouvoir de décider de toute difficulté
d'interprétation ou d'application des parties de la loi traitant de son
champ d'application et obligeait quiconque à déférer audit
commissaire toute difficulté.
En voyant ainsi l'inclusion dans la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction, donc dans la structure de notre industrie,
une institution appelée "commissaire de la construction", nous avions
présumé que ce commissaire, tout en motivant ses décisions
sur le texte de la loi et des règlements qui en découlent, avait
comme mandat de protéger le champ
d'application de notre loi.
L'expérience a malheureusement démontré que tel ne
fut pas le cas et les parties ont assisté à un effritement
systématique de leur gagne-pain depuis 1970.
Tous semblent oublier trop souvent que la plupart des décisions
du commissaire de la construction ont des incidences de plusieurs milliers et
souvent même de millions de dollars quant au coût des travaux
exécutés ou à être exécutés, notamment
dans le secteur industriel.
Il faut ajouter à cela - c'est là un point très
important - que ce secteur de la construction dit "industriel" a souvent servi
de terrain à des luttes intersyndicales devant mener à des prises
de contrôle de chantier par des individus que nous n'avons plus besoin
d'identifier.
L'installation de la machinerie de production constitue le coeur de la
construction industrielle. Une usine n'est en réalité qu'un
bâtiment contenant de la machinerie devant servir à la production
de biens quelconques. Exclure la machinerie de production du champ
d'application de la loi, c'est pratiquement exclure le secteur industriel. Cela
équivaut à saborder toute cette importante partie de notre
système des relations du travail.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que les requêtes en
accréditation sont ainsi déposées en vertu du Code du
travail. Les dernières, celles du local 144, si elles sont
accordées, auraient pour effet de soustraire à notre loi ce
secteur d'activité et permettre à certains individus de reprendre
le contrôle sur ce type de chantier. Nous ne croyons pas que ce soit
là l'objectif des autorités gouvernementales. Nous avons
souligné que les brèches faites au champ d'application depuis
plusieurs années étaient également dues aux textes
mêmes de la loi et des règlements.
À ce niveau, la seule solution consiste donc en
l'élaboration de textes modifiés ou de nouveaux textes qui, selon
notre expérience, pourraient certainement aplanir de nombreuses
difficultés d'interprétation et conduire à une application
uniforme de cette partie de notre législation.
Pour la révision des exceptions prévues à l'article
19 de la loi, nous devons nous laisser guider par le principe que la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction représente,
pour les travaux exécutés dans cette industrie, un cadre de
référence général.
Dans ce sens, nous croyons que pour les travaux qui sont
généralement reconnus comme travaux de construction, la
règle à suivre est celle de l'intégration au champ
d'application. Ainsi, en ce qui concerne les exceptions actuellement reconnues
par la loi, voici les changements que nous proposons.
Les exploitations agricoles sont maintenant de véritables
entreprises commerciales. Les constructions qui y sont nécessaires ont
une envergure nettement plus importante que la grange d'autrefois.
Conséquemment, la qualité des bâtiments requiert une
expertise en construction, de telle sorte que les exploitations agricoles
doivent être intégrées au champ d'application et leur
exception doit disparaître. Compte tenu que nous prévoyons que le
maintien de l'exception générale couvrant la réparation et
l'entretien par les salariés permanents, la portée de ce
changement ne devrait affecter que la construction neuve et les modifications
d'envergure faites aux exploitations agricoles. Dorénavant, ce serait de
la construction.
Une autre exception s'adresse aux travaux de construction de
canalisations d'eau, d'égout, de pavage et de trottoirs et à
d'autres travaux du même genre exécutés par des
salariés des communautés urbaines ou régionales et des
corporations municipales. Là encore, nous faisons face à des
problèmes d'ordre économique, du moins dans certains cas. Si les
employés municipaux représentaient une main-d'oeuvre
compétente dans ces domaines - ce dont nous doutons -les coûts de
construction de ces travaux devraient être moins élevés, vu
que les salaires sont inférieurs. Or, la preuve a souvent
été faite que des travaux de construction effectués par
des entreprises de construction coûtaient moins cher. Les raisons sont
bien simples: main-d'oeuvre plus compétente parce que plus
spécialisée, équipement technique adapté aux
besoins et expérience face aux difficultés rencontrées
dans ce genre de travaux.
La plupart des municipalités ont compris cela puisque la
majorité des travaux d'envergure qu'elles ont à effectuer sont
confiés à des entrepreneurs professionnels de la construction.
Les municipalités conserveraient la capacité de faire avec leurs
salariés permanents des travaux de réparation et d'entretien.
Des exceptions sont prévues au champ d'application pour ce qui
touche les travaux de construction qui se rattachent directement à
l'exploration et à l'exploitation d'une mine et qui sont
exécutés par les salariés des entreprises d'exploitation
forestière.
Si nous avons dû, dans le cas des trois premières
exclusions prévues à l'article 19 de la loi, tenir compte des
répercussions économiques possibles qu'entraînerait la
disparition de ces exclusions, on ne peut ici faire intervenir ce facteur.
Faute d'une justification claire en faveur de leur maintien et puisque
comme pour d'autres, il est loisible aux entreprises minières et
forestières pour les travaux de réparation et d'entretien de se
prévaloir de l'exception qui est maintenue à cet effet, ces deux
exceptions doivent donc être
éliminées.
La majorité des travaux de construction de lignes de transport de
force qu'Hydro-Québec a à exécuter sont confiés
à l'entreprise privée. Cette politique permet l'existence d'une
vingtaine d'entreprises de construction, pour la majorité petites et
moyennes, spécialisées dans ce genre de travaux.
Si cette politique ne s'était pas avérée efficace,
Hydro-Québec l'aurait certainement déjà abandonnée.
Nous parlons ici d'efficacité tant technique qu'économique.
Cette exclusion n'a donc pas sa place au niveau du champ d'application
de la loi d'autant plus que rien ne distingue vraiment ce secteur
d'activité des autres qui sont entièrement couverts par la
loi.
Une autre exclusion s'applique aux travaux de pose ou de montage du
verre plat assujettis à un décret; en vertu de la Loi des
décrets, elle s'étend à tout le Québec et si le
décret couvre à la fois les travaux de fabrication, de pose et de
montage.
On sait qu'une décision récente des tribunaux est venue
rectifier une partie du problème que nous éprouvions dans ce cas.
En effet, après de nombreuses années de procédures
légales, une décision de la Cour d'appel est venue dire de
façon claire et précise que la pose de gouttières et de
revêtement préfabriqué relevait bel et bien de la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction.
Malgré le récent jugement, le problème de
dédoublement du champ d'application des décrets du verre plat et
de la construction ne s'en trouve pas pour autant résolu. Sur une base
objective, on doit admettre que les conditions entourant la pose du verre plat
sur les chantiers de construction se comparent tout à fait avec celles
entourant la pose d'autres matériaux.
Pour mettre fin à cette situation incohérente et
sérieusement ridicule, nous demandons que l'installation à pied
d'oeuvre des produits du verre plat soit réintégrée dans
la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.
Enfin, la dernière des exceptions prévues à la loi
touche certains travaux exécutés par des organismes, tels les
commissions scolaires, les collèges, les hôpitaux, etc.
Cette exclusion est trop large et confuse dans son
interprétation. Il y a donc lieu d'en redéfinir la portée.
Une vraie définition du salarié permanent s'impose ici.
À remarquer que l'exception serait en partie maintenue dans la
loi et permettrait à ses organismes d'exécuter des travaux de
réparation et d'entretien avec de véritables salariés
permanents. En ce qui touche aux autres travaux prévus à cette
exception, rien ne distingue vraiment ces clients potentiels de notre industrie
des autres que nous servons déjà.
Justement parce que rien ne les distingue d'autres organismes
gouvernementaux ou paragouvernementaux, l'Union des municipalités, en se
basant sur cette exception et sur celle que s'est accordée le
gouvernement par l'entremise de la Loi sur la fonction publique, a entrepris
des démarches dernièrement pour étendre la portée
de cette exception. (11 h 30)
II nous apparaît enfin aberrant que le gouvernement nous impose
par interventions multiples des conditions de travail desquelles, par le jeu
d'un certain nombre d'exceptions, il s'exclut directement ou indirectement.
Le système des relations du travail québécois est
basé sur la confrontation des forces patronale et syndicale et cela
vaut autant pour les secteurs économiques assujettis au Code du
travail que pour le secteur de la construction, assujetti pour sa part à
une loi particulière.
C'est là une réalité que les citoyens et leurs
élus ont tendance à oublier facilement. Dès qu'un
arrêt de travail frappe une industrie ou une entreprise quelque peu en
vue, notre société a nettement tendance à crier au
scandale et à voir là le signe de relations du travail
malades.
Pourtant, la grève et le lock-out ne sont que des manifestations
légitimes, quoique extrêmes, des réalités du
système conçu par le législateur. Le recours à de
tels outils n'est certainement pas significatif de relations du travail
harmonieuses, mais il ne veut pas dire non plus que le système est
malade. Tout dépend, en fait, du degré de tolérance. Si on
ne la tolère pas, pourquoi laisser la grève comme moyen
théorique de pression?
Depuis 1968, époque où s'appliquaient à notre
industrie le Code du travail et la Loi sur les décrets de convention
collective, les relations du travail de la construction ont constamment
régressé vers l'étatisation. D'ailleurs, l'amorce des
négociations de 1984 n'est-elle pas une nette illustration de la
situation? Les syndicats comptaient à ce point sur une intervention
gouvernementale que leurs demandes générales, sauf celles de la
CSN, n'étaient même pas prêtes à la date
prévue d'expiration du décret.
Et que dire de leurs déclarations? On a même entendu
à la sortie des studios de Radio-Canada un certain représentant
syndical se vanter d'avoir assez de poids et d'influence sur le ministre et le
gouvernement pour être assuré d'avoir l'indexation et le SUB dans
le décret qui sera imposé.
Donc, à la lumière des expériences malheureuses que
les employeurs ont connues depuis la première intervention
unilatérale du gouvernement, l'AECQ recommande de modifier la loi en
biffant le quatrième alinéa
de l'article 51 i.e. enlever au gouvernement le pouvoir de modifier le
décret sans le consentement des parties.
De cette façon, les syndicats et l'association d'employeurs
seront en mesure d'exercer pleinement leur rôle de négociateurs
selon les règles normales des relations du travail dans un contexte qui
tiendra compte des contraintes du marché de la construction, comme c'est
le cas pour les autres secteurs industriels de notre économie.
Depuis la création de l'AECQ en 1976, deux négociations
ont abouti à la signature de deux conventions collectives, soit celle de
1976 et celle de 1980. Ceci illustre que le monde de la construction,
malgré l'ampleur du dossier, a su démontrer qu'il pouvait se
comporter en adulte quoi qu'on en pense ou qu'on en dise.
Il faut cependant bien noter ceci: à l'époque où
ces deux conventions ont été négociées et
signées, il y avait une seule partie représentative du
côté patronal alors que, du côté syndical, une des
associations représentatives avait également le pouvoir
d'accepter et de signer les conventions.
A compter du moment où, le processus de
représentativité syndicale étant ce qu'il est, aucune
partie syndicale n'a pu obtenir la majorité nécessaire pour
représenter l'ensemble des salariés à la table de
négociations, les choses se sont compliquées sérieusement.
La négociation de cette année illustre d'ailleurs nos propos de
façon très nette.
On peut l'expliquer par le fait qu'il est extrêmement difficile
pour des parties syndicales représentant des philosophies et des
intérêts différents de s'asseoir ensemble, de se comprendre
et de s'entendre pour en arriver à des compromis qui pourraient
être dans le meilleur intérêt de leurs membres respectifs au
moment où ces mêmes parties sortent d'une campagne de
maraudage.
Chaque fois qu'une association syndicale, à la suite du
maraudage, ne représente pas une majorité de salariés de
la construction, il s'instaure un climat et un processus de double
négociation: celle qui met en présence les parties syndicales
entre elles et celle qui met en présence le monde syndical et le monde
patronal.
Cette dernière négociation, qui est évidemment la
plus importante parce qu'elle constitue l'objectif fondamental de la loi, a
donc très peu de chances de réussite.
L'AECQ croit que le principe même de la libre adhésion d'un
salarié à un syndicat ne doit jamais être mis de
côté ou oublié et que l'obligation faite au salarié
d'adhérer à un syndicat pour avoir droit au travail dans
l'industrie de la construction ne doit pas être considérée
comme une mesure absolue et permanente. Le retour à un marché
libre et non syndiqué ne doit pas être définitivement
écarté pour l'un ou l'autre ou l'ensemble des secteurs de la
construction.
Toutefois, une chose est certaine: dans un contexte de syndicalisation
obligatoire, le salarié doit être libre d'appartenir à
l'association syndicale de son choix, qu'elle obtienne une
représentativité majoritaire ou non.
À la suite d'un certain nombre de changements à la loi, le
droit du salarié de choisir son syndicat nous semble avoir
été largement hypothéqué. L'AECQ recommande donc
d'amender la loi afin que ne puisse être permis le maintien d'une
allégeance syndicale simplement par une abstention du salarié au
vote. Ceci aurait d'ailleurs pour effet de stimuler l'intérêt de
tous les salariés envers leur syndicat, indiquerait plus sûrement
l'appui des salariés aux objectifs diffusés par la campagne de
publicité précédant le vote et surtout forcerait les
associations syndicales à un minimum de sains efforts en ce domaine.
L'AECQ croit de plus que l'ensemble de ce scrutin universel doit
être sous le contrôle d'un organisme neutre et extérieur au
syndicat. Nous ne croyons donc pas que l'Office de la construction
représente le choix idéal et nous favorisons de plus que le
président d'élection soit une personne non impliquée dans
l'industrie, tel un arbitre.
L'AECQ est favorable à la liberté d'adhésion
syndicale, mais prône une négociation centralisée. Pour les
fins de la négociation, nous recommandons que la loi soit
modifiée afin de permettre l'identification d'un interlocuteur syndical
unique. La loi doit tendre à déterminer laquelle des associations
représentatives syndicales est habilitée à
négocier.
Sans vouloir imposer un mécanisme particulier, nous croyons que
l'ensemble des salariés doit avoir le droit de se prononcer sur le choix
du porte-parole. Il est évident que nous faisons une nette distinction
entre le droit d'allégeance et ce droit de désigner un
négociateur.
La loi sur les relations du travail doit aussi, à notre avis,
prévoir directement un vote syndical secret sur l'acceptation ou le
rejet d'un projet de convention collective. On doit également y assortir
un processus de surveillance du scrutin par un organisme neutre.
À la suite des révélations faites devant la
commission Cliche et à la suite des recommandations de celle-ci, les
parties furent écartées de l'administration du décret en
faveur de l'Office de la construction. Même si, à l'époque,
on pouvait croire qu'il s'agissait là d'un changement nécessaire,
il faut bien reconnaître qu'il s'agissait en même temps d'une mise
en tutelle générale de l'industrie de la construction.
L'Office de la construction est donc un organisme d'exception qui
répondait à une situation particulière. Il est temps de
revenir
à un régime plus normal, et l'AECQ est d'avis qu'il faut
revenir au paritarisme.
Afin de répondre au souhait maintes fois exprimé par les
parties d'une participation à l'administration de l'Office de la
construction, le ministre du Travail a récemment nommé deux
nouveaux membres de l'office dont l'un provenait de la partie syndicale et
l'autre de la partie patronale.
Il faut certes se réjouir de cette récente décision
du ministre qui marque un pas dans la bonne direction.
Les parties sont extrêmement jalouses du peu de pouvoir qu'on a
bien voulu leur laisser par le biais du comité mixte. Aussi,
constations-nous avec consternation, à la lecture du projet de loi 27
sanctionné le 20 juin 1983, qu'on avait diminué le pouvoir du
comité mixte d'interpréter la convention collective ou le
décret. Pourtant, quoi de plus normal qu'un comité paritaire qui
interprète une convention collective ou un décret
négocié par les parties qui le composent?
Nous croyons donc que le comité mixte doit retrouver son
autorité sur l'interprétation de la convention collective ou du
décret. En cas de mésentente, nous vous suggérons
l'implantation d'une procédure d'arbitrage. Cette procédure
disparaîtrait lorsque le tribunal de la construction serait
créé.
Finalement, concernant l'autorité qu'exercent les parties sur les
avantages sociaux, la loi actuelle stipule seulement que les décisions
du comité mixte quant à l'utilisation des fonds de
sécurité sociale lient l'office. Cette formule imprécise
ne nous satisfait aucunement, d'autant plus que les membres de l'office lui
donnent une signification beaucoup trop restreinte. L'AECQ est d'avis que les
parties doivent clairement avoir le droit de participer pleinement aux
décisions concernant le fonds des avantages sociaux.
Le tribunal de la construction. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on
s'inquiète dans notre industrie de la complexité et, partant, de
l'accessibilité aux diverses juridictions habiles à assurer la
mise en application du décret, des lois et des règlements qui
nous régissent.
Déjà en 1974, la commission Cliche affirmait à ce
sujet ce qui suit: "La dispersion des recours, jointe à
l'éparpillement des juridictions, tend à faire des relations du
travail du secteur de la construction un domaine soustrait à
l'application de la loi". Depuis, la situation a très peu
évolué si ce n'est qu'elle s'est même
détériorée. Effectivement, la législation visant
notre secteur a continué de nous arriver par pièces
détachées, ajoutant à l'enchevêtrement
déjà constaté.
Pour ceux qui seraient moins familiers avec le domaine de la
construction, nous nous permettrons ici une brève
énumération des différents recours auxquels, en
théorie du moins, les employeurs et les salariés de notre
industrie ont accès.
Il appartient aux tribunaux de droit commun de décider en
matière civile du bien-fondé des réclamations de salaires
ou des manquements aux clauses financières prévues au
décret relatif à l'industrie de la construction. Dans ce cas, les
recours sont exercés par l'Office de la construction.
Les mêmes tribunaux, agissant en matière pénale, ont
à décider du bien-fondé des plaintes portées pour
manquements à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction, au décret et aux divers règlements adoptés
en vertu de cette dernière. Les recours, toujours exercés par
l'Office de la construction, visent, entre autres, le règlement sur la
formation et la qualification professionnelles et le règlement de
placement. De plus, des poursuites peuvent être intentées par le
Procureur général lorsque, à la suite d'une plainte
déposée selon l'article 121, il est d'avis qu'une infraction
à la loi a été commise.
En plus des tribunaux de droit commun, plusieurs autres juridictions
exclusives sont instituées par la loi: le commissaire de la
construction, l'arbitre de griefs, le président de l'office, l'arbitre
des plaintes au ministre, le tribunal du travail, le commissaire au placement
et le conseil d'arbitrage. À l'exception des tribunaux de droit commun,
tous les autres organismes judiciaires énumérés ont une
compétence exclusive et rendent des décisions finales et sans
appel, quel que soit le montant du litige.
En 1975, la commission Cliche proposait, afin d'améliorer cette
situation, la création d'un tribunal de la construction. L'AECQ demande
de nouveau la création de ce tribunal. Avec les pouvoirs que nous
suggérons de lui accorder, cela aurait certes pour conséquence
une rationalisation de tout l'appareil judiciaire dans l'industrie de la
construction. Elle assurerait une jurisprudence constante et suivie et serait
une garantie d'une compétence accrue.
De plus, il s'agirait sans aucun doute d'un pas dans la bonne direction
en ce qui a trait à l'objectif général du gouvernement
d'assurer aux citoyens un accès plus facile aux divers recours qui les
concernent.
Responsabilité solidaire de l'employeur professionnel. Une autre
contrainte majeure que les employeurs rencontrent dans l'ensemble
législatif et réglementaire qui leur est imposé vient de
l'article 54 de la loi, lequel se lit comme suit: "Tout employeur professionnel
qui passe un marché avec un sous-entrepreneur ou un sous-traitant,
directement ou par intermédiaire, est solidairement responsable avec ce
sous-entrepreneur ou ce sous-traitant et tout intermédiaire, du paiement
du salaire fixé par le décret". Ce n'est pas la première
fois
que l'AECQ demande le retrait de cet article. Nous avons maintes raisons
pour démontrer qu'il n'a plus sa justification; nous les reprenons dans
notre mémoire.
Il nous apparaît utile d'insister sur le fait que, dans la
construction, les parties ont mis sur pied, par le biais de la
négociation, un système d'indemnisation des salariés qui
subissent des pertes de salaire conséquentes à une faillite,
à une ordonnance de séquestre, à une cession de biens,
à l'émission de chèques sans provisions, etc. Ce
système est entièrement financé par les employeurs
à raison de 0,02 $ pour chaque heure travaillée par leurs
salariés. Ce fonds spécial d'indemnisation fait en sorte que
l'article 54 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction n'a plus sa raison d'être et c'est pourquoi nous demandons
qu'il soit retiré. (11 h 45)
La commission Cliche avait recommandé l'adoption d'une loi
régissant la qualification professionnelle des entrepreneurs ainsi
qu'une série de dispositions devant assurer à la fois la
protection des entrepreneurs et des consommateurs.
Le législateur ayant fait suite à la recommandation en
créant la Régie des entreprises de construction du Québec,
il y a lieu de se demander aujourd'hui si les objectifs originaux ont
été atteints.
Nous avons des raisons de croire que tel n'est pas le cas. D'une part,
on constate qu'au 31 mars dernier, près de 5000 entrepreneurs
détenant un permis de la RECQ n'étaient pas membres de l'AECQ, et
donc ne déclaraient comme employeurs à l'office aucune heure de
travail. N'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur le statut juridique de ces
milliers de constructeurs qui semblent avoir trouvé le moyen de
contourner certaines dispositions de la réglementation?
D'autre part, des analyses internes nous ont permis de conclure qu'au
minimum 25% des heures travaillées en 1983 ont été
effectuées au noir et une proportion alarmante l'a été par
de présumés entrepreneurs vraisemblablement ne détenant
pas de permis émis par la RECQ. Est-ce là une
démonstration du contrôle exercé par l'organisme
créé à cette fin?
Il ne faut donc pas se surprendre que, selon Consommation et
Corporations Canada, les faillites commerciales déposées dans
l'industrie de la construction, de 1978 à 1982, sont passées de
230 à 505, soit une augmentation de 120%.
Le juge Cliche précisait dans son rapport que, dans le cas des
faillites, les bons entrepreneurs étaient contraints de payer pour les
mauvais et que ces derniers continuaient à exploiter tout le monde.
À notre avis, la situation n'est guère
améliorée.
Une étude du sous-comité du Comité mixte de
l'Office de la construction nous a permis de découvrir récemment
des faits pour le moins alarmants.
En effet, une analyse effectuée par l'office de 336 faillites
dans lesquelles le fonds d'indemnisation a été appelé
à payer les salariés a démontré que dans 305 de ces
cas les entreprises concernées ne détenaient pas de permis
émis par la Régie des entreprises de construction du
Québec au moment de la déclaration de la faillite.
De ce nombre, 100 entrepreneurs avaient déjà détenu
un permis que la régie n'avait pas renouvelé ou, dans certains
cas, avait annulé. Nous constatons donc que 205 entreprises ayant failli
sur 336 n'avaient jamais détenu de permis de la régie
malgré que la loi les y obligeait depuis 1976.
Sans s'immiscer dans un dossier où elle n'est pas directement
impliquée, l'AECQ demande donc une meilleure coordination des efforts de
la RECQ et de l'Office de la construction pour épurer l'industrie.
Nous constatons en outre que la régie a accumulé chaque
année des surplus versés au fonds consolidé de la province
alors qu'elle n'a pas, de l'avis de tous, les ressources requises pour
réaliser pleinement son mandat.
Le local 144. Il va sans dire que nous ne pouvons que nous
réjouir à première vue de la récente
décision des tuteurs de nettoyer encore une fois le local 144,
décision qui apparaissait inévitable en considération des
nombreux événements qui avaient entouré "l'équipe
Sureau" depuis son élection. Nous prétendons même qu'un tel
geste aurait pu se produire bien avant puisque d'innombrables faits avaient
été portés à la connaissance des autorités
concernées.
Nous devons cependant espérer que la décision prise par la
tutelle ne constitue qu'une intervention préliminaire qui sera
complétée par la dénonciation formelle des gestes
illégaux. Il faudrait en effet que des mesures légales soient
prises à l'égard de tous les individus qui ont planifié,
encouragé, posé des actions illégales afin de
rétablir une fois pour toute la démocratie dans le local.
Toutefois, la solution récemment apportée par les tuteurs
ne garantit pas le déroulement "normal" des activités au sein du
local 144. En effet, l'ex-gérant d'affaires ne s'est pas caché
pour indiquer "que la décision des tuteurs ne faisait qu'ouvrir la porte
au pouvoir parallèle qui existait auparavant". Peut-on alors croire que
le dossier du local 144 est clos?
De toute façon, le problème va demeurer tant et aussi
longtemps que le gouvernement ne voudra pas couper le mal à sa racine.
L'AECQ croit qu'il faut interdire les bureaux de placement syndicaux, de telle
sorte que les salariés puissent retrouver leur liberté et
promouvoir sans danger la démocratie dans leur structure.
L'artisan. L'industrie de la construction assiste depuis quelque temps
à une prolifération d'artisans souvent transformés en
entrepreneurs spécialisés travaillant toujours sans
salariés. Il est donc évident que le statut légal
accordé à l'artisan en 1979 a donné naissance à une
situation dans laquelle tout contrôle réel est impossible.
Cependant, l'AECQ est convaincue que la raison première de
l'ampleur du phénomène artisan est les coûts prohibitifs de
la main-d'oeuvre conséquents au décret et aux multiples
règlements qui régissent les relations
employeurs-employés. Conséquem-ment, toute modification au statut
actuel de l'artisan doit tenir compte de la question primordiale des
coûts de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et de la
capacité qu'a l'économie québécoise de les
absorber.
Le revenu garanti. L'AECQ, nous l'avons déjà dit, ne s'est
pas présentée devant cette commission pour négocier le
prochain décret. Cependant, ayant constaté que la
FTQ-Construction, dans le mémoire qu'elle entend vous présenter -
mémoire qui, nous ne pouvons nous empêcher de le souligner,
contient beaucoup plus d'insinuations malveillantes envers des individus que
des solutions concrètes aux problèmes de l'industrie - fait grand
cas de son programme de revenu garanti, nous avons cru nécessaire de
préciser notre position à ce sujet.
La FTQ-Construction propose un programme à l'intérieur
duquel un salarié de la construction recevrait 150 $ par semaine (1983)
pour chaque semaine au cours de laquelle il serait admissible à des
prestations d'assurance-chômage. Ces prestations seraient tirées
d'un fonds constitué des cotisations minimales de 1 $ l'heure
travaillée payées uniquement par les employeurs.
L'industrie de la construction est un secteur d'activité
économique fort particulier; tout le monde s'entend là-dessus.
Bien que le programme de sécurité du revenu proposé par la
FTQ-Construction s'inspire, nous n'en doutons pas, de motifs très
nobles, un tel programme dans notre industrie aurait des effets vicieux et
pervers tels que quiconque s'intéresse réellement au
mieux-être de l'industrie rejettera ce projet du revers de la main.
Une étude préparée par la firme Econosult, du
groupe Lavalin, sur l'impact d'un tel programme dans l'industrie de la
construction au Québec, révèle que les coûts de
main-d'oeuvre des employeurs de la construction seraient augmentés de 7%
à la suite de l'introduction du programme proposé par la
FTQ-Construction. Les divers avantages sociaux payés dans l'industrie
représentent déjà de 20% à 25% des salaires, sans
parler des cotisations imposées par la CSST.
Les coûts de main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction au
Québec sont déjà beaucoup trop élevés et le
projet syndical alourdirait davantage la facture, provoquant un
déplacement d'heures travaillées vers le marché noir,
premier effet d'un projet visant justement à protéger le revenu
des travailleurs. Qui plus est, un tel programme, puisqu'il permettrait aux
travailleurs en chômage d'y rester encore plus longtemps, aurait un effet
multiplicateur sur le travail au noir, puisque les travailleurs auraient la
possibilité d'occuper ainsi leurs loisirs, par ailleurs fort
généreusement compensés.
De toute façon, un programme de sécurité du revenu
tel celui proposé aurait un effet démotivant certain sur les
travailleurs quant à leur propension à retourner au travail au
cours d'une période de chômage. Qui, en effet, serait
intéressé à retourner travailler alors qu'il touche
jusqu'à 92% de son salaire à ne rien faire?
Depuis 1972, le taux de salaire moyen du travailleur de la construction
a largement dépassé le taux d'inflation. Les syndicats ont
justifié cette différence par le caractère saisonnier du
travail dans l'industrie de la construction et l'AECQ évalue ce gain
net, depuis 1972, à 3,99 $ l'heure.
L'étude que nous avons commandée à la firme
Econosult est, à cet égard, sans équivoque. Il serait
profondément injuste et parfaitement indécent de demander aux
employeurs de financer en double un régime de sécurité du
revenu qui, d'une certaine manière, existe déjà dans
l'industrie de la construction, surtout que les effets de ce régime
seraient néfastes au point d'aller directement à l'encontre des
intérêts des travailleurs.
M. le Président, MM. les membres de la commission, en conclusion,
le travail que nous avons effectué pour préparer notre volumineux
mémoire démontre à quel point nous sommes
intéressés à trouver des solutions aux problèmes de
la construction et à assurer qu'à l'avenir nous puissions
fonctionner dans un système sain de relations du travail. Avant de nous
présenter devant cette commission parlementaire, nous n'avons
évidemment pas pris connaissance de l'ensemble des mémoires des
organismes syndicaux de la construction. Le fait de présenter notre
mémoire en début de commission nous empêche de pouvoir
répliquer, à moins que ce droit ne nous soit accordé.
Certains, nous en sommes convaincus, vous proposeront de vraies
solutions aux problèmes tels qu'analysés par eux; chacune des
propositions méritera votre attention. Malheureusement - nous le savons
- certains utiliseront les micros de cette commission pour éclabousser
à tort des organismes ou des individus. Nous n'en sommes pas
surpris.
Depuis quelques mois, en effet, ils auront été beaucoup
plus volubiles par leur salissage que par des propositions de solutions aux
problèmes. Nous reconnaissons en bonne partie dans les dix
premières pages du mémoire de la FTQ les propos d'une lettre
qu'un certain porte-parole a signée récemment.
Certains jugements fantaisistes et personnels sur les. faits et gestes
de l'AECQ et ses porte-parole et certains discours disgracieux et inutiles
peuvent être supportés en privé en tenant compte de celui
qui les dit, mais il n'en est pas ainsi en commission parlementaire.
Cependant, il faut tenir compte que cet "exposé" - entre
guillemets - fait partie de leur stratégie pour discréditer
l'AECQ, son président, son directeur général, son conseil
d'administration et ses membres. Il contient des faussetés, des
impolitesses et des interprétations vulgaires qui sont à la
mesure de celui qui les a écrites.
Nous ne pouvons que déplorer ce manque d'intelligence de la part
du rédacteur du mémoire de la FTQ et nous sommes convaincus que
vous ferez la part des choses et pour répéter un extrait de ce
mémoire, nous disons que "le ministre ne sera pas naïf au point..."
de les croire.
Quant à nous de l'AECQ, nous sommes convaincus que les membres de
cette commission sauront tous retenir des différents mémoires les
solutions positives relatives à nos problèmes dans la
construction. Merci.
Le Président (M. Fortier): M. Fava, on doit vous
féliciter pour ce marathon d'une heure et demie pour la lecture de votre
mémoire qui nous laisse sur notre appétit. Vous nous avez
présenté un menu très long de différents
problèmes et différentes solutions. J'aurais seulement une
miniquestion à vous poser avant de donner la parole au ministre. Vous
avez fait écho d'un rapport préparé par Econosult. Ce
rapport est-il disponible?
M. Fava: II fait partie de...
Le Président (M. Fortier): II est dans un des documents
que vous nous avez remis?
M. Fava: II fait partie intégrante des documents d'appui,
M. le Président.
Le Président (M. Fortier): Merci. M. le ministre.
M. Frechette: Merci, M. le Président. Évidemment,
je m'associe à vous, M. le Président, à la suite de la
lecture du mémoire présenté par M. Fava, pour
féliciter l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec. M. Fava soulignait au début de son intervention qu'il
avait fallu beaucoup de temps pour préparer cette documentation. Il est
revenu là-dessus lors de la conclusion de son mémoire. Le seul
matériel que vous nous avez fourni est déjà suffisamment
éloquent en soi pour être d'accord, au moins là-dessus, sur
l'ensemble du mémoire. Vous comprendrez que je blague un peu.
Comme le président le signale également, vous avez
à toutes fins utiles fait le tour de l'ensemble des situations qui font
problème, suivant, évidemment, l'évaluation que votre
organisme a faite. Je crois devoir signaler dès maintenant - parce que
la lecture des autres mémoires a été faite et par la
connaissance qu'on a également du milieu - qu'au moins au niveau des
problèmes, vous rejoignez essentiellement la plupart des intervenants
que nous avons déjà entendus dans d'autres lieux ou alors que
nous avons eu l'occasion de lire par les mémoires qu'ils ont
déposés. Donc, quant à l'identification de certains
problèmes ou de situations qui sont plus qu'irritantes, mais qui doivent
être corrigées, déjà, on peut conclure, même
si on ne fait que commencer, que les parties se rejoignent à bien des
égards.
Évidemment, les divergences d'opinions sur certains de ces
problèmes sont faciles à identifier aussi quant à la
solution qui doit être apportée, mais on est ici
précisément pour cela. On est ici précisément pour
essayer de voir ensemble quels sont les consensus qui peuvent se dégager
ou les moyens d'action qui peuvent se dégager et qui feraient qu'ils
retiendraient l'accord du plus grand nombre de parties. (12 heures)
II y a une première observation très courte, quant
à moi, à la suite de laquelle je vous demanderai un renseignement
et sur lequelle je n'insisterai pas. Vous ne donnerez ce renseignement que si
vous le souhaitez, je n'insiste pas plus qu'il ne faut et c'est pour mon
information, l'information des membres de la commission et de tous les gens qui
sont ici. Au début de votre mémoire vous nous avez
évidemment présenté votre association, ce qu'elle
était, le statut juridique qui lui est conféré, son mandat
très précis quant au chapitre des relations du travail. Vous avez
également indiqué, M. Fava, que son statut actuel ne
répondrait plus aux exigences du mandat qui est le sien. Vous avez, ne
serait-ce qu'indirectement, laissé entendre assez clairement que cette
situation est génératrice en soi de certaines difficultés.
Finalement, vous indiquez que vous souhaiteriez voir le ou les statuts de votre
association modifiés ou amendés. Je vous signale dès
maintenant que dès lors qu'une proposition en ce sens sera soumise et
qu'il ressortira clairement que cette proposition procède du voeu
majoritaire des
membres de votre association, étant donné que ce n'est
qu'elle qui est concernée, je ne vois pas pourquoi on ne retiendrait pas
les suggestions qui seraient faites en ce sens-là. La seule petite
question que je veux vous poser - encore une fois, je n'insisterai pas pour une
réponse si vous croyez utile de ne pas la donner maintenant - est
celle-ci: Pouvez-vous brièvement nous résumer ce qui peut faire
problème actuellement et dans quel sens devrait-on penser à une
nouvelle orientation ou à un nouveau statut de votre association pour
faire en sorte que ces difficultés soient sinon totalement disparues, du
moins aplanies?
M. Fava: Loin de ne pas vouloir répondre à la
question, j'apprécie cette question parce que, effectivement, comme il
est mentionné dans notre mémoire, depuis déjà 1978
nos membres s'étaient penchés sur des statuts de régie
interne révisés qu'on avait soumis au ministre de l'époque
et qui n'ont, à toutes fins utiles, jamais été
adoptés.
Comme vous le savez, pour modifier nos règlements internes, cela
doit nécessairement passer par arrêté en conseil. On n'a
donc pas le loisir, comme toute corporation, de modifier nos règlements
de régie interne sans l'intervention gouvernementale au moins au niveau
du cabinet.
Quand on parle de modifications a nos statuts, je peux vous donner
quelques exemples complètement farfelus. Je dois vous dire que depuis
presque la création de l'AECQ, notre siège social est
situé à ville d'Anjou alors que nos statuts prévoient
qu'il doit être situé dans la ville de Montréal. Même
au niveau de notre siège social on est, par rapport à nos
statuts, dans une situation plus ou moins légale. Vous allez me dire que
ce n'est quand même pas un problème énorme mais il reste
que notre siège social se trouve dans une ville autre que celle
prévue à nos statuts et règlements.
Je dois vous dire également que certaines difficultés nous
sont créées par le fait que notre exercice financier, par
exemple, ne coïncide pas avec celui de l'Office de la construction. Donc,
cela implique que chaque fois que des statistiques sortent de l'office, on doit
les adapter à notre année fiscale, ce qui crée un paquet
de problèmes encore.
Il y a évidemment une gamme de problèmes semblables qui
sont bien mineurs dans certains cas mais qu'on voudrait effectivement voir
corrigés. Comme je vous le disais, il y a déjà un projet
qui nécessiterait probablement aujourd'hui d'être revu, qui a
été approuvé à 88% par nos membres en
assemblée générale, qui a été
déposé au bureau du ministre de l'époque, en 1978, et
auquel il n'y a jamais eu de suite.
C'est pour cela qu'on appréciait énormément
l'ouverture que vous nous faisiez face à cette situation-là.
M. Fréchette: Je n'insiste pas davantage, M. Fava, sauf
peut-être pour vous dire essentiellement deux choses. Dans
l'énumération des difficultés auxquelles vous
référez, que vous venez de faire, il semble que par le sens
commun des choses il y ait un certain nombre de corrections qui vont de
soi.
M. Fava: En fait, on va se parler franchement. Je pense que vous
faites référence aux procédures de vote à
l'AECQ.
M. Fréchette: Vous procédez par présomption,
je ne contesterai pas votre conclusion.
M. Fava: On pourrait tout simplement relever les débats de
l'Assemblée nationale, je pense, et on trouverait le
problème.
M. Fréchette: Oui. L'autre aspect de la question qui
demande un peu plus de réflexion, c'est que, s'il s'agit pour vous
autres de modifier des orientations de fond, là, évidemment, je
veux revenir avec insistance sur la remarque que je vous faisais tout à
l'heure et sur la nécessité que ces changements procèdent
de la volonté de la majorité de vos membres.
M. Fava: Effectivement. Comme vous l'avez bien compris, M.
Fréchette, il ne s'agit pas d'élargir, législativement
parlant, notre mandat; on parle strictement de règlement de régie
interne qui, quant à nous, nous semble tout à fait normal. Je ne
vois pas pourquoi on a refusé de donner suite aux amendements qu'on
avait déposés qui, comme je vous le disais, ont été
acceptés par nos membres en assemblée générale
à 88%.
M. Fréchette: Cela va pour cet aspect de la question,
quant à moi. Je pense que, comme c'est une situation qui ne concerne que
votre groupe, on ne reviendra pas là-dessus tout au cours de nos
travaux. Remarquez également que je ne vais pas entreprendre de
commenter maintenant tous et chacun des chapitres que vous avez
soulevés.
Un autre sujet auquel vous avez consacré une bonne partie de
votre mémoire et qui, lui aussi, revient dans l'ensemble des
mémoires, qui n'est par ailleurs pas nouveau, mais qui semble être
un voeu de toutes les parties, tant patronale que syndicale, est celui de la
création d'un tribunal de la construction. Il y a beaucoup de gens, et
parmi ceux-là, bien sûr, des législateurs, pour qui la
décision de procéder à la création d'un nouvel
organisme répugne totalement en
soi. Cela peut procéder de motifs valables. Cependant, lorsque
l'on suggère la création d'un organisme qui, lorsque mis en
place, en remplacerait cinq, six, huit, dix, il me semble que l'on
procède à rationaliser une situation.
C'est un peu le cas qui nous concerne. Vous avez dans votre
mémoire fait référence effectivement à toutes les
instances à travers lesquelles les litiges sont soumis, à partir
du tribunal de droit commun, Cour supérieure, Cour d'appel, Cour
suprême, jusqu'au commissaire de la construction, jusqu'à
l'arbitre, enfin. Alors, vous suggérez donc la formation de ce tribunal
de la construction.
Il y a une association syndicale qui, dans son mémoire, non
seulement suggère la création d'un semblable organisme, mais
établit très clairement comment il devrait fonctionner,
établit très clairement quelle devrait être sa juridiction
et retient que ce pourrait être une chambre spéciale de la Cour
provinciale, par exemple. On en a déjà parlé ensemble
assez souvent. Je pense que sur le principe, finalement, tout le monde va finir
par s'entendre qu'il faut arrêter cette espèce
d'éparpillement de toutes les juridictions de sorte que dans bien des
circonstances une chatte ne retrouverait pas ses petits.
Le problème qui existe, enfin, dans l'esprit de ceux qui
jusqu'à maintenant ont regardé ce dossier de près, c'est
un problème d'ordre, mon Dieu, entre guillemets et surtout retenez que
je ne veux pas partir de discussion là-dessus, "constitutionnel". Je
prends un seul exemple pour illustrer ma pensée. Actuellement lorsqu'une
réclamation de salaire, par exemple, est présentée devant
un tribunal, elle l'est devant un tribunal de droit commun et le tribunal qui a
la juridiction pour l'entendre conformément au montant qui est
réclamé, 15 000 $ et moins depuis les amendements, en Cour
provinciale, 15 000 $ et plus, Cour supérieure et appel possible, et
ainsi de suite.
Si la décision était prise de créer un tribunal de
la construction pour entendre tous les litiges qui en procèdent, comment
disposerait-on d'une réclamation en salaire, par exemple, de 25 000 $?
Je vous pose la question comme ça. Je ne m'attends pas, non plus,
à une réponse tout à fait tranchée, claire et
précise là-dessus, mais ne serait-ce que pour le soumettre
à votre réflexion, il me semble que c'est une question importante
qu'il faut se poser et je ne sais pas, M. Fava, si vous avez des commentaires
à faire à cet égard.
Le Président (M. Fortier): M. Fava.
M. Fava: M. Frechette, vous avez raison. Nous, dans notre
mémoire, on suggère, par exemple, que ce tribunal pourrait
être une division du Tribunal du travail qui existe déjà.
Donc, peut-être qu'à ce niveau nous divergeons d'opinion par
rapport à certains autres organismes.
On croit qu'à l'exception de toutes les réclamations
d'ordre financier où les juridictions sont quand même très
bien définies par rapport aux tribunaux de droit commun, tout le reste
pourrait facilement être envoyé à une division du Tribunal
du travail. Remarquez que je ne suis pas un expert constitutionnel, et Dieu
sait que je ne veux pas m'embarquer dans ce débat non plus; je ne veux
pas parler de nos problèmes de constitution, ce sont nos
problèmes de construction qui m'intéressent pour l'instant. C'est
sûr que ce sont des difficultés sur lesquelles on devra
probablement se pencher, mais au moins sur le principe, je pense qu'on est tous
d'accord que c'est une voie qu'on devrait exploiter davantage pour tenter de
régler ces problèmes.
M. Frechette: Je vous remercie de vos observations, M. Fava.
Effectivement, c'est ce genre de question qu'on est en train de se poser
actuellement puisque plus on avance dans le dossier, plus on constate
l'état ou les revendications des parties, plus on se rend compte que le
voeu est en train de devenir une espèce d'unanimité et plus on se
rend compte également que, de toute évidence, il va falloir finir
par rapatrier quelque part toutes les juridictions qui sont actuellement
éparpillées de la façon qu'on le sait.
M. le Président, quant au reste, il y aurait évidemment
des discussions intéressantes qui pourraient se continuer. Je ne veux
pas empiéter sur le temps que mes collègues veulent consacrer
à la discussion, mais, s'il en restait à la toute fin, je
reviendrais sur certains autres sujets. En attendant, je vous
réitère mes remerciements.
Le Président (M. Fortier): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
également remercier M. Fava, M. Dion et les autres représentants
de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec pour les
documents qu'ils ont déposés auprès du Secrétariat
des commissions et qui nous ont été transmis au milieu de la
semaine dernière, lesquels ont été résumés
ce matin par M. le président de l'association. Je dois vous dire tout
d'abord qu'ils sont très intéressants et je suis persuadé
que plusieurs des éléments qu'ils contiennent seront de nature
à susciter et faire avancer la réflexion des législateurs,
et ce des deux côtés de la Chambre, dans une perspective de
modification éventuelle à différentes lois qui vous
concernent. Entre autres, pour ne pas revenir sur ce que M. le
ministre a souligné, que ce soit le tribunal de la construction,
que ce soit l'enchevêtrement des dispositions réglementaires et
législatives, il va de soi que nous y sommes bien sensibles et qu'on
poursuit sensiblement les mêmes objectifs, finalement, que ceux de votre
association.
J'aurai quelques questions que je voudrais les plus brèves
possible, mais qui nécessiteront des commentaires, évidemment.
Vous définissez ce que vous appelez "une maladie" au début de
votre mémoire, vous établissez un diagnostic et vous indiquez,
finalement, qu'un des éléments-problèmes de la
construction actuellement, c'est le coût de la construction et notamment
le coût de la main-d'oeuvre. Vous étayez votre argumentation par
plusieurs points dont un que vous avez touché de façon assez
spécifique. Cela m'a surpris et ça m'intéresse, soit dit
en passant.
Vous vous référez plus particulièrement au secteur
résidentiel où vous indiquez que le coût prévu au
décret, soit un salaire moyen de 17,53 $ l'heure, est un coût
effectivement chargé puisqu'il y a les frais connexes et les
différentes contributions, ce qui fait environ 21,47 $ l'heure. Vous
vous interrogez, comme plusieurs parlementaires à cette table, sur la
possibilité pour un travailleur ou une travailleuse, un consommateur qui
gagne un revenu de 10 $, 12 $ ou 14 $ l'heure, sur sa capacité de payer
un niveau de rémunération à 21,47 $ pour la construction
d'une résidence. (12 h 15)
Vous avez évoqué aussi les problèmes de juridiction
de métiers, entre autres, dans la construction résidentielle.
Vous avez donné de bons exemples. Parfois, à cause de la
spécificité des métiers, il devient nécessaire et
obligatoire pour un entrepreneur d'avoir recours à tel type
d'employé spécialisé, par exemple, un carreleur qui doit
travailler pendant quelques heures seulement dans une résidence
unifamiliale. Vous vous êtes référé à
l'application du règlement de placement dans ce cas-là. Vous vous
êtes référé aux problèmes que vous
connaissiez qui étaient plus spécifiques à ce type
d'industrie. Devons-nous comprendre que les propositions que vous formulez ce
matin, si elles étaient appliquées en tout ou en partie, seraient
susceptibles d'amener une diminution ou tout au moins un coût moins
élevé dans le domaine résidentiel? À la lecture de
vos documents en fin de semaine, à certaines pages, je me demandais
personnellement si vous n'alliez pas vers une proposition qui pourrait vouloir
dire à peu près ceci: que le secteur résidentiel à
propriétaire unique - je ne parle pas évidemment du promoteur qui
construit 50 maisons en rangée, mais je croyais que vous vous dirigiez
en termes de proposition vers un régime particulier, spécifique
au secteur résidentiel à propriétaire unique.
Ma question est bien simple: Comment en arriver dans ce secteur...
Premièrement, vous avez pointé particulièrement du doigt
dans le secteur résidentiel une telle diminution des niveaux de
rémunération ou une diminution des coûts pour le
consommateur; deuxièmement, comme association, vous demandez que soit
élargi le champ d'application du décret. C'est donc dire que si
on donnait suite à vos demandes en vertu desquelles les
équipements de production en industrie seraient couverts par le
décret, les travaux d'Hydro-Québec, les travaux gouvernementaux,
les travaux municipaux, etc., il va de soi qu'un volume accru et très
important s'ajouterait au nombre d'heures travaillées dans la
construction par des entreprises comme celles de vos membres. Devons-nous
comprendre que vous seriez disposés à demander ou à
accepter des propositions pour un régime particulier dans la
construction -des constructions résidentielles à
propriétaire unique - et que le vide que cela pourrait créer en
termes de volume pour vos membres pourrait être comblé par des
modifications au champ d'application du décret?
M. Fava: Bon! D'abord, M. Pagé, je dois vous dire
qu'effectivement, quand on compare le coût horaire moyen d'une heure de
travail dans l'industrie avec le salaire moyen payé
généralement dans toutes les industries au Québec, on
parle de 9,61 $ l'heure, qui est le salaire moyen global, par rapport à
21,47 $, qui est notre coût horaire moyen. Vous voyez que
déjà là on part de quelque chose qui va du simple au
double. Ce n'est pas strictement 10%, 15% ou 20% de plus. Deuxièmement,
effectivement, à la lecture de notre mémoire, vous voyez qu'on
arrête assez brusquement quand on touche à des sujets qui, quant
à nous, relèvent de la négociation proprement dite. C'est
pourquoi le cheminement qu'on a pris dans notre mémoire traite de la
réduction des coûts, oui, mais en ce qui a trait au fardeau
réglementaire et législatif qui nous régit. Effectivement,
l'approche que vous voyez dans notre mémoire est une approche qui vise
à la réduction des coûts par la rationalisation de la
réglementation.
Quant à l'autre partie, la réduction des coûts par
rapport à un secteur donné, par rapport aux taux et tout le
reste, nous croyons effectivement que c'est un sujet de négociation
qu'on a volontairement omis de traiter dans notre mémoire, sauf,
évidemment, dans les grandes lignes pour donner l'ampleur des
problèmes qu'on a.
Effectivement, vous vous doutez bien que dans le secteur
résidentiel on a des demandes qui sont tout à fait
particulières à la table de négociation et qui vont
traiter
des autres questions que vous soulevez. Donc, le coût horaire
moyen d'une heure de travail dans le secteur résidentiel... Pour nous,
il y a des demandes qui sont particulières à ce secteur quant au
taux de salaire payé. Évidemment, touchant également la
polyvalence des métiers dans le secteur résidentiel plus
particulièrement, on va chercher du travail et avec plus ou moins
d'encadrement législatif en termes de menus travaux. Je vous souligne
que dans notre mémoire, on ne parle pas de travaux faits
traditionnellement par des corps de métier. C'est en fait une
confirmation d'une réalité. Cela se fait déjà sur
les chantiers du résidentiel. Je vous donnais un exemple dans notre
mémoire, si vous l'avez lu d'un bout à l'autre, de la hotte de
cuisine qui nécessite l'interventin de six métiers
différents pour être posée. Il y a des limites à
l'absurdité quant à nous. On est rendu, à l'heure
actuelle, au point que pour poser une tige de fer dans un coffrage pour un
perron de porte, il faut faire entrer un homme de métier pour foutre
deux tiges de fer dans un coffrage de béton.
Effectivement, on parle bien de menus travaux et, comme on dit dans
notre mémoire qui est devant vous, on parle de notion de travaux
temporaires, occasionnels et non pas d'un travail continu qui pourrait... On
parle aussi des métiers généraux. On ne va pas toucher
à des corps de métier, comme on dit dans notre mémoire,
comme l'électricité ou la tuyauterie où on pense que cela
nécessite une spécialisation. Pour nous l'approche est logique.
Comme vous voyez dans notre mémoire, on parle de réduction de
coûts et, une fois les coûts réduits, on parle de
récupérer notre champ d'application. Et, M. Pagé, vous le
savez, le champ d'application de la loi est en train de s'effriter
d'année en année. Dans une large mesure, on tente strictement de
récupérer ce qu'on a perdu depuis une dizaine d'années par
différentes lois et par différentes exceptions qui ont
été introduites dans la loi.
M. Pagé: On pourra y revenir sur une question
spécifique. Mais dois-je comprendre, à votre réponse, que
vous êtes sensibles à une spécificité du secteur
résidentiel, mais que vous ne pouvez aller, à ce moment-ci,
jusqu'à émettre des commentaires, négatifs ou positifs,
sur la possibilité que le secteur résidentiel à
propriétaire unique soit administré par un régime
particulier?
M. Fava: M. Pagé, je ne veux pas faire du droit
constitutionnel ici, mais effectivement on vise à un régime
particulier pour le secteur résidentiel.
M. Pagé: Merci. Vous évoquez, entre autres pour le
secteur résidentiel, la difficulté de l'application du
décret. Vous donnez l'exemple qu'il faudrait faire
référence à cinq ou six métiers différents
pour changer une hotte de poêle. Comment concilier cette affirmation avec
la demande que vous formulez en ce qui concerne le champ d'application du
décret quand vous dites: Il faudrait inclure le verre plat, la pose,
l'installation, dans le décret de la construction, alors qu'on sait
pertinemment que les dispositions actuelles du décret qui régit
ce secteur de l'industrie... Exemple: lorsqu'une personne décide de
changer sa porte de 36 pouces en une porte patio, il peut faire changer cela
par un installateur, et bien souvent c'est un installateur qui travaille pour
une entreprise qui produit ce bien. Si c'était inclus dans le
décret tel que vous le formulez - actuellement, cela prend un homme qui
vient poser la fameuse porte en question - mais si c'était dans le
décret, il faudrait un menuisier, très probablement un
briqueleur, cela prendrait très probablement aussi un tireur de joints
à l'intérieur. Là il en faudrait quatre. Moi je me dis:
Comment concilier cette affirmation, qui est probablement justifiée
à cause des problèmes que cela rencontre dans le
résidentiel, avec la demande que vous avez formulée à un
autre chapitre sur l'application du décret spécifiquement dans le
verre plat?
M. Fava: Cela peut vous sembler contradictoire si vous regardez
de façon compartimentée chaque demande qu'on fait. Nous, ce qu'on
fait, l'approche qu'on a prise, M. Pagé, c'est une approche globale qui
vise d'abord à la réduction des coûts. Et je suis d'accord
avec vous: Si les coûts ne baissent pas, je pense qu'il faut faire
attention au champ d'application de la loi, puisqu'on risque d'aller augmenter
les coûts dans des secteurs où à l'heure actuelle cela se
fait encore à des coûts assez abordables. C'est pour cela qu'on
vous dit que tout cela pour nous est relié. On n'a pas voulu, on a
insisté pour avoir une commission parlementaire pour régler tout
l'encadrement réglementaire et législatif pour nous donner cette
souplesse dont on a besoin à la table des négociations pour
régler la convention collective. Pour nous tout cela est relié
ensemble. Je sais bien, je me fie à la déclaration que le
ministre a faite au début de la commission: on ne s'attend pas de
façon bien réaliste que le cadre réglementaire soit
modifié du jour au lendemain. Mais on espère bien aussi que dans
un avenir prochain, il y a des choses qui vont changer dans l'industrie au
niveau de ce cadre réglementaire pour amener des coûts à
des niveaux plus abordables.
Il est évident que, si vous regardez strictement notre demande au
niveau du champ d'application et que vous ne tenez pas compte de nos autres
demandes qui touchent la réduction des coûts par la
législation et par la réglementation et qui touchent aussi
la négociation - vous savez qu'on a un mandat assez connu,
d'ailleurs, à l'heure actuelle, dans la convention collective, en termes
financiers - pour nous, tout cela mis ensemble va faire en sorte qu'on va
retrouver l'industrie de la construction avec la vigueur qu'on a connue il y a
quelques années.
M. Pagé: Vous abordez un peu plus loin dans le document
avec beaucoup d'emphase -c'est légitime, parce que c'est un mal qui
n'est vraiment pas nécessaire - toute la question du travail au noir.
J'ai l'impression, d'ailleurs, que la majorité des intervenants va
porter à la connaissance des membres de la commission cet aspect du
problème de la construction qui n'est pas le moindre et qui n'est
certainement pas négligeable. Vous citez des chiffres; entre autres,
vous évaluez que 255 000 000 $ de la masse salariale de la construction
seraient allés au travail au noir. Vous formulez certaines propositions.
Vous soutenez, évidemment, comme tout le monde, qu'il doit être
aboli sinon réduit substantiellement, parce que ce sont des
règles du jeu différentes des règles normales. Tout le
monde est unanime à retenir que, lorsqu'il y a du travail au noir, celui
qui s'y adonne ne contribue pas à la société comme il
devrait le faire, en termes de contributions fiscales, assurances, etc. Ce
travailleur n'a pas les avantages que les autres travailleurs sont en droit
d'avoir normalement. Finalement, cela fait mal à tout le monde, ou
à peu près à tout le monde, avec l'absence de
sécurité, etc.
Vous évoquez plusieurs moyens, plusieurs avenues pour
éliminer le plus possible le travail au noir. Vous vous
référez, entre autres, au règlement de placement
-là-dessus, on ne fera pas de commentaire, parce que le ministre et moi
risquerions de ne pas nous entendre ce matin - et vous évoquez le fait
que le travail au noir ne serait pas attribuable uniquement au règlement
de placement, à ce que des milliers de travailleurs ont perdu le droit
au travail, mais que cet élément jouerait dans le volume d'heures
travaillées au noir.
Deux questions. La première: Comment définissez-vous -
vous avez fait des études, vous avez analysé un paquet de choses,
c'est vrai, c'est intéressant - ou comment pouvez-vous évaluer le
rôle joué ou le nombre d'heures effectuées par les artisans
dans le travail au noir? On sait que les dispositions de la loi 109 ou 110
prévoyaient que le travailleur possédant un certificat de
qualification peut aller à la Régie des entreprises de
construction pour travailler et peut contribuer jusqu'à 40 heures par
semaine à l'OCQ. Comment situez-vous l'artisan par rapport au travail au
noir? Est-ce que vous avez fait des études, des analyses à ce
sujet? Quelles sont vos conclusions? Quelles sont vos recommandations?
L'autre aspect que je voudrais aborder avec vous, c'est la question du
placement. Vous dites que le certificat de classification doit être
aboli. On doit s'appuyer sur la qualification, tant pour les apprentis que pour
les compagnons. Vous dites en même temps qu'il ne faut surtout pas
toucher au placement syndical, même si ce sont des agences de placement.
Comment se fait le placement?
M. Fava: Écoutez, je pense qu'il y a plusieurs volets
à votre question. En principe, c'est la même réponse.
Comment évaluer l'incidence, ou comment rattacher à la notion
d'artisan un certain pourcentage des heures travaillées? En fait, la
façon dont on a procédé, si vous regardez notre
mémoire, la brique - c'est le problème quand on résume des
choses - c'est qu'on a suivi une espèce d'ordre chronologique en termes
d'époques. Notre étude sur le marché noir a
été faite par étapes, c'est-à-dire qu'on est
arrivé à identifier ce qui était, à notre avis, les
causes du marché noir, ou ce qui a encouragé le marché
noir. On a vu, on a tenté de voir comment cela se reflétait sur
les heures travaillées, de sorte qu'on est parti de 1978. On a
comparé, par exemple, les chiffres de 1971 à 1978 et, en 1978, on
a repéré un mouvement. On a cherché ce qui est
arrivé de nouveau dans l'industrie en 1978: règlement de
placement. On y a donc vu une incidence. Quelque temps après, on a vu
arriver l'artisan dans l'industrie de la construction. Encore là, on a
constaté une baisse de quelque 200 000 000 $ avec l'arrivée de
l'artisan. Chronologiquement, on a pu pointer chaque moment où il
survenait un changement quelconque dans le cadre réglementaire de
l'industrie; on a vu l'effet que cela a eu sur les heures travaillées.
D'ailleurs, notre mémoire est rédigé de cette
façon. (12 h 30)
On dit également dans notre mémoire qu'on n'a pas tenu
compte du marché noir traditionnel. On a strictement mesuré la
croissance de ce phénomène. On s'est dit: Le coin de la galerie a
toujours été fait en dessous de la couverte et probablement qu'il
le sera toujours. On n'a donc pas tenu compte de cela dans notre
évaluation. On a donné le bénéfice du doute. On a
également donné le bénéfice du doute à
l'artisan lorsqu'il est arrivé dans le portrait et on s'est dit: On
présume que toutes les heures travaillées par l'artisan le sont
légalement. Encore là, il faut faire attention, M. Pagé,
puisque l'artisan c'est un phénomène qui est reconnu dans la loi.
On ne peut pas nécessairement rattacher toutes les heures
travaillées au noir à l'artisan comme tel. Du travail
légal se fait là aussi dans le cadre
réglementaire législatif, sauf que, lorsqu'on met tout
cela ensemble - je pense qu'il est vraiment là le problème - il
ne faut pas chercher une seule cause au travail au noir. Dans le travail au
noir, premièrement, je pense qu'il y a des coûts excessifs
à payer dans l'industrie de la construction. Il y a la situation
économique aussi qui est là et qui joue son rôle. Il y a
aussi le règlement de placement. Lorsqu'on prend 32 000 travailleurs et
qu'on les jette dehors de l'industrie, souvent ce sont des travailleurs
qualifiés avec des cartes de compétence dans leur poche, il ne
faut pas s'attendre que ces individus restent assis chez eux sur les fesses et
qu'ils ne bougent pas.
Déjà, en éliminant 32 000 travailleurs, on a vu le
résultat. Il y a 5000 permis qui ont été
délivrés par la régie quasiment en relation directe pour
reconnaître des entrepreneurs spécialisés n'ayant jamais eu
de travailleurs et qui n'en auront probablement jamais à leur service.
Il y a un certain nombre de ces travailleurs qui, du jour au lendemain, sont
allés chercher 5000 permis à la régie qui sont devenus des
entrepreneurs spécialisés. C'est un effet de relations causales.
On retrouve ce phénomène. Des 32 000 travailleurs, il y en a 5000
qui deviennent des employeurs. Il y en a également d'autres qui sont
carrément en dessous de la couverte qui ont décidé de
travailler carrément illégalement. Pour celui qui est allé
chercher un permis à la régie, il y a quand même un
semblant de légalité dans ce qu'il fait. Mais comment tout cela
est-il reporté à l'autre bout?
Selon nous, lorsqu'on parle de travail au noir, il faut parler de
coûts; il faut parler de la situation économique; il faut parler
du règlement de placement puisqu'il y a une relation directe. Il faut
parler de l'artisan aussi. Quel est le problème de l'artisan finalement?
C'est que c'est un système, c'est un statut juridique qui facilite
finalemement le contournement du règlement. Si on faisait en sorte que
l'artisan soit vraiment limité dans son cadre réglementaire et
qu'on puisse mettre des dispositions en place pour s'assurer que le travail se
fait dans ce cadre, l'artisan ne causerait probablement pas de problème,
mais il reste qu'à l'heure actuelle, compte tenu de l'encadrement
législatif, tous ces facteurs influent sur le travail au noir.
Lorsqu'on a parlé de 25 000 000 d'heures - M. Pagé, vous
avez vu notre étude - c'est un chiffre qui, selon nous, était
très modéré, c'est plutôt 40 000 000 d'heures, je
pense, qui ont été travaillées en dessous de la couverte,
mais étant donné que c'étaient des études
économiques et étant donné qu'on voulait que ce soient des
études inattaquables, on a été très
modéré dans le sens qu'on a évalué le travail au
noir en fonction d'une masse salariale qui disparaît dans la brume. Je
pourrais vous dire, par exemple, qu'à la Société
canadienne d'hypothèques et de logement, au fédéral, on a
constaté qu'il y a 100 000 unités de logement existant au
Québec qui ne sont recensées nulle part, mais ces logements ont
été construits par quelqu'un. Je peux aussi vous dire que 16 000
permis ont été délivrés à la régie et
que les membres ne sont pas chez nous. Ils sont alors quelque part dans le
décor. L'artisan est quelque part dans le décor aussi.
M. Pagé: M. Fava, je dois vous dire tout de suite que
j'apprécie vos commentaires et votre réaction sur le
règlement de placement. C'est sensiblement la même position ou la
même réaction face aux effets de ce règlement, mais il y a
une autre question. Je pensais que vous l'abordiez, mais je vais la poser plus
directement. L'artisan a un statut qui est susceptible, premièrement, de
faire concurrence à vos membres régulièrement, parce qu'il
a le droit de construire, mais il a aussi un statut qui est susceptible de vous
rendre service à l'occasion, parce que vos entrepreneurs ont le droit
d'embaucher des artisans. Exemple: la pose de gyproc dans un immeuble
commercial, un gros immeuble. Ils ont le droit de passer à
côté de l'Office de la construction du Québec, de ne pas se
référer aux salariés de l'office et de faire affaires avec
des artisans. C'est ainsi qu'on a vu des immeubles importants qui ont
été construits sans qu'un pouce carré de gyproc ne soit
posé par des gars référés par l'Office de la
construction du Québec. On a même vu tout récemment qu'un
entrepreneur d'ailleurs, il y a eu une annonce dans le journal régional,
la compagnie n'était pas identifiée - avait besoin de 40 artisans
pour aller à l'extérieur du pays pour travailler. Je voudrais
connaître votre position. En fait, la question est bien simple: Où
vous logez-vous par rapport aux artisans? Prenez plusieurs comtés des
députés ici, on avait et on a encore des entrepreneurs
compétents qui sont qualifiés, qui sont solvables, qui
fournissent des garanties jusqu'à 2 000 000 $ par année pendant
cinq ans, qui tentent de gagner leur pain le plus honorablement possible et
contribuer à l'État. Ces gens-là construisaient, il y a
quelques années, peut-être huit ou dix maisons par année
dans un village. Maintenant ils vont en construire deux ou trois alors que les
sept autres sont construites par les artisans. C'est tout à fait
légitime de comprendre l'inquiétude qui anime ces gens-là
qui sont vos membres. En même temps, vos membres, qui ne sont
peut-être pas les mêmes mais qui sont vos membres, vont profiter du
statut du travailleur artisan.
La question n'est pas compliquée: Où vous logez-vous par
rapport à eux?
M. Fava: Vous me demandez où on se situe-Le
Président (M. Fortier): Voulez-vous répondre, M. Fava?
M. Fava: II n'y a pas de problème. Vous me demandez
où on se situe par rapport à l'artisan. C'est clair que l'artisan
fait l'affaire de certains de nos membres. Posez-vous la question à
savoir pourquoi les entrepreneurs, plutôt que de faire des contrats en
entrepreneurs, les font faire par des artisans en donnant en sous-traitance la
pose de "gyproc" au pied linéaire, la pose de la brique probablement
à la brique ou je ne sais trop comment on procède. C'est certain
qu'au départ il y a un avantage économique à engager des
artisans. Dans ce sens-là, je vous dis que vous avez parfaitement
raison. C'est pour cela qu'on vous dit, dans notre mémoire: Vous ferez
les règlements que vous voudrez, vous ferez les lois que vous voudrez,
si cela ne tient pas compte des réalités économiques et de
la loi de l'offre et de la demande à l'autre bout, on va passer à
côté. J'espère que c'est clair. Je pense qu'il faut passer
à côté. On ne vit pas dans une tour d'ivoire parce qu'une
loi me dit que je ne dois pas faire ci, je ne dois pas faire ça. Si,
pour survivre en tant qu'entrepreneur, je dois "contracter" avec des artisans,
je "contracterai" avec des artisans.
Il faut surtout comprendre que la notion de l'artisan et le fait de
savoir pourquoi il y a tant d'artisans et pourquoi les entrepreneurs recourent
de plus en plus à des artisans pour faire faire des travaux, c'est tout
simplement parce que c'est la seule façon de survivre dans bien des
cas.
M. Pagé, quand vous parlez de la notion d'artisan par rapport au
secteur résidentiel, ce n'est pas uniquement dans le résidentiel
qu'on retrouve des artisans. Je peux vous nommer actuellement des chantiers de
gazoduc où, sur 100 opérateurs d'équipement, il y a 40
artisans qui travaillent. Le propriétaire de pépine qui s'engage
comme opérateur et qui loue son équipement...
Je peux vous dire également que dans les travaux de voirie et de
génie civil on n'a pas le choix, puisqu'il y a une clause de 75%-25%
dans le devis et cahier de charges du ministère des Transports qui nous
oblige à donner 75% de notre camionnage en vrac à des artisans
alors que mes camions sont arrêtés dans la cour.
Si on veut se pencher sur la question des artisans, messieurs, il va
falloir la voir par rapport à tous les secteurs et non pas strictement
par rapport au secteur résidentiel. Vous allez me dire que dans le
résidentiel c'est vrai que l'artisan est devenu monnaie courante puisque
c'est le seul moyen que le secteur a trouvé pour réussir à
construire un produit à un coût encore assez abordable pour que le
consommateur puisse l'acheter. C'est pour cela que je vous dis que je ne peux
pas regarder la notion de l'artisan de façon très
théorique a savoir que pensez-vous de l'artisan? Si vous me posez cette
question-là, je dois vous dire qu'il faut que vous me disiez au
préalable ce que vous pensez des taux de salaire qu'on paie dans la
construction. Si vous pensez que ce sont des taux de salaire acceptables, on
devra se résoudre à construire de cette
façon-là.
Il faut aussi toucher à un autre élément, M.
Pagé. Vous comprendrez que quand on engage quelqu'un pour poser du
gyproc à la pièce, il se grouille les fesses drôlement plus
que le type qui est engagé à l'heure et pour qui la
productivité a plus ou moins d'importance.
L'avantage de l'artisan n'est donc pas strictement au niveau du taux de
salaire. Il produit davantage que le travailleur qui est payé à
l'heure.
M. Pagé: Merci, M. Fava.
M. Fava: D'ailleurs, je pense qu'il n'y a pas de cachette
là-dedans. Si vous vous référez à des articles qui
ont paru dans la Presse du 12 juin 1984 - c'est tout récent -vous voyez
que les entrepreneurs ne se cachent pas pour dire qu'ils ont recours à
des artisans. Ils font même des déclarations dans les journaux
maintenant pour dire comment ils procèdent. C'est peut-être pour
mieux instruire leurs confrères.
C'est pour cela que je vous dis que si on ne prend pas le temps de faire
vraiment le nettoyage de toute la réglementation et si on ne
réussit pas à réduire les coûts de construction
à des coûts abordables, vous allez avoir une industrie qui va
fonctionner au noir. Il faut régler le problème maintenant avant
que ça devienne vraiment ancré dans nos moeurs et que ça
devienne une industrie parallèle.
M. Pagé: Je vous remercie. Votre réponse est
claire, votre plaidoyer est même vibrant à certains égards.
J'aurais une dernière question qui touche le champ d'application du
décret. Cela concerne autant les travailleurs que les entrepreneurs dans
le monde de la construction. Pour nous, la sécurité de revenu des
travailleurs de la construction, comme la sécurité
financière des entreprises dans le monde de la construction passe par un
volume d'heures accru. Entre autres, je crois, tout à fait
légitimement, que le gouvernement et le ministre devraient, à la
fin des travaux de cette commission, revoir l'ensemble de la question du champ
d'application du décret.
Comme vous le disiez dans votre mémoire, il est inconcevable de
constater qu'au Québec des chantiers de construction
qui commandaient des investissements de plusieurs dizaines de millions
de dollars ont été réalisés sans qu'il y ait aucune
heure travaillée dans le monde de la construction comme tel par le champ
d'application de la loi qui donne la définition de ce qui est ou n'est
pas de la construction.
Jusqu'à maintenant, le régime a été
particulier puisque, bien souvent, il suffisait de se présenter -
à l'époque, c'était à M. Bernier - pour obtenir une
décision disant que ce n'était pas couvert par le champ
d'application. Vous dites dans votre mémoire: "Les équipements de
production devraient être contenus au champ d'application et
prévus dans le monde de la construction." C'est très
intéressant, mais ça présente une difficulté,
cependant. Je ne crois pas qu'on puisse ici la préciser de À
à Z, mais comment réagissez-vous devant le fait où, bien
souvent, la compagnie ou l'entreprise qui vend un équipement de
production va accorder une garantie sur tel équipement à la
condition que ce soient ses propres employés qui l'installent? On me dit
que c'est une difficulté particulière qui constitue un frein
très appréciable à une extension ou à
l'élargissement du champ d'application du décret.
M. Fava: Vous semblez voir là-dedans des
difficultés que je ne vois pas. Il reste un fait. Marine Industrie, qui
construit des turbines dans ses usines à Sorel ou ailleurs, va les
installer sur le territoire de la Baie James dans des centrales
électriques. Je ne vois pas pourquoi, lorsqu'elle les installe sur des
chantiers comme ceux de la Baie James, elle ne serait pas soumise au
décret de la construction comme tout le monde. D'ailleurs, je dois vous
dire que la majorité de ces entreprises se soumettent volontairement
à payer les conditions du décret alors que, légalement,
peut-être il y aurait moyen de passer à côté.
Mon directeur général me souligne que, finalement, c'est
une question de surveillance des travaux. S'ils insistent pour que certaines
installations se fassent selon leurs normes ou leurs spécifications, je
ne vois pas ce qui empêcherait Marine Industrie ou qui que ce soit
d'envoyer des surveillants sur les chantiers pour s'assurer que les travaux se
font dans les normes. Le champ d'application de la loi, quant à moi, je
m'en fous comme de l'an quarante, si vous me permettez l'expression, puisque
pour moi, en tant qu'entrepreneur, n'oubliez pas que je ne suis pas
limité à ne travailler que dans le cadre réglementaire du
champ d'application de la loi. En tant qu'entrepreneur, si demain matin je
décide de faire des travaux qui sont hors décret ou hors la loi
dans le sens qu'ils ne sont pas compris dans le champ d'application de la loi,
libre à moi d'en faire. Je peux travailler dans le cadre de la loi comme
je peux travailler à l'extérieur de ce cadre
réglementaire.
Quand on vise à aller chercher des heures de travail, finalement,
par le cadre réglementaire, c'est du travail qu'on cherche pour nos
travailleurs, tout simplement. Moi, en tant qu'entrepreneur, que je fasse mon
profit en dehors du champ d'application de la loi ou que je le fasse à
l'intérieur du champ d'application de la loi, cela m'importe peu,
finalement.
Le Président (M. Fortier): Cela va?
M. Pagé: Une dernière question additionnelle, M. le
Président. Vous demandez, à l'égard du champ d'application
de la loi, qu'à peu près toutes les dispositions qui sont exclues
actuellement soient incluses. C'est ce que vous demandez au ministre du Travail
ce matin, de revoir cela. Si vous aviez une priorité à donner, ce
serait laquelle? Les équipements de production?
M. Fava: Si j'avais une priorité dans le cadre du champ
d'application ou globalement?
M. Pagé: Dans le champ d'application. (12 h 45)
M. Fava: Dans le champ d'application? Non, c'est parce que mon
directeur général me demande de relier autre chose à cela.
Si j'avais une priorité globalement, ce serait évidemment le
pouvoir d'intervention du gouvernement qui serait ma priorité, mais, si
vous parlez strictement du champ d'application de la loi, mon Dieu, je pense
que c'est un ensemble de choses, M. Pagé. Comme je vous le disais dans
le cas du travail au noir, on ne peut pas traiter du champ d'application de la
loi en vase clos. Pour moi, le travail au noir touche la régie, le
pouvoir d'émission des permis, peut-être sans critères
suffisants, le règlement de placement, la situation économique et
tout le paquet. On ne peut pas, je pense, parler de champ d'application de
façon bien hermétique. Je ne sais pas si mon directeur
général aurait des commentaires additionnels.
M. Dion: Si vous me donnez le micro, évidemment, ce qui
nous apparaît, en tout cas, être une situation qui serait
peut-être urgente, c'est qu'on comprend très mal qu'après
avoir fait un décret dans la construction - et souvent il nous est fait,
ce n'est pas nous qui faisons le décret, il nous est imposé - par
toutes sortes d'exceptions et de lois, le gouvernement s'extraie du
décret. Vous avez la Loi sur la fonction publique qui empêche le
gouvernement d'être sujet au décret de la construction. Vous
éliminez les commissions scolaires. Vous éliminez les
hôpitaux. Vous éliminez les
gouvernements municipaux et ces choses-là. Alors, c'est pour qui,
le décret de la construction? C'est pour le consommateur et,
effectivement, si c'est seulement pour le consommateur, il n'est plus capable
de payer à l'heure actuelle. Faisons le décret pour que le
consommateur le paie ou bien que tout le monde reste dans le décret, y
compris le gouvernement.
Le Président (M. Fortier): M. Fava, vous m'avez fort
ébranlé, moi qui avais confiance aux statistiques du
Québec et du Canada. Vous êtes en train de nous dire qu'il y a
beaucoup d'heures qui ne sont pas rapportées. Si je comprends bien, on
est rendu comme l'Italie où on ne peut pas lire les statistiques pour
connaître le bilan économique du pays. Non, mais j'avais seulement
une question, si vous me le permettez, avant de passer la parole à un de
mes collègues. À la page 9, vous citez des pourcentages d'heures
qui sont comprises. Vous parlez de 52% des heures, de celles qui sont
compilées par Statistique Canada et qui sont contrôlées par
l'OCQ. Peut-on dire, en termes de coûts de construction, que le
pourcentage est le même? Parce que l'an dernier, je crois que l'OCQ
évaluait le total de la valeur des coûts de construction au
Québec à 11 000 000 000 $, si je me fie au chiffre qui est ici.
Le pourcentage serait-il le même? Le pourcentage des heures correspond
à peu près au pourcentage de la valeur de la construction qui est
faite au Québec.
M. Fava: Notre service de recherche économique me dit
qu'effectivement, si on fait abstraction du fait que le champ d'application de
la loi ne couvre pas exactement ce que le gouvernement fédéral
couvre dans ces statistiques - comme on le mentionnait, les trois domaines,
finalement, qu'on exclut; les cadres, par exemple, nous, on ne les
considère pas comme étant régis par la loi, mais au point
de vue des statistiques fédérales, ils sont inclus - je pense
bien que les masses correspondent assez bien.
Le Président (M. Fortier): La deuxième brève
question est la suivante. Faudrait-il dire qu'il y aurait 52% des travaux, tel
que rapporté par Statistique Canada, qui ne seraient pas
contrôlés par l'OCQ, si on prend le prorata des salaires?
M. Dion: Il y en a 52% qu'on retrouve à l'Office de la
construction...
Le Président (M. Fortier): D'accord.
M. Dion: ...qui sont équivalents dans Statistique Canada.
Le reste n'y est pas. C'est parce qu'il y a des choses qui entrent dans
Statistique Canada qui n'entrent pas à l'office. Je vous recommanderais
d'aller au mémoire, il y a nettement plus d'explications dans le
mémoire. Vous aurez toutes les réponses aux questions que vous
posez, y compris dans les documents annexes où est l'étude qui a
été faite par notre département. Il y a trois
études dans le fond. Il y a celle d'Éconosult sur le SUB, il y a
celle d'Éconosult sur les coûts de construction et il y a
l'étude du département interne d'économie de l'AECQ qui a
été faite là-dessus. Tout cela va vous donner les
réponses. C'est un résumé du mémoire.
Le Président (M. Fortier): Je n'essaie pas de vous faire
dire ce que vous n'avez pas dit, je voulais tout simplement arriver à
une question très brève sur les changements au champ
d'application. Les changements que vous suggérez augmenteraient le
pourcentage de 52% ou plus si on inclut les cadres et les autres personnes qui
ne sont pas incluses dans l'OCQ. Vous chercheriez à atteindre combien?
Est-ce que vous avez une idée du pourcentage global des coûts de
construction totaux que vous irez chercher?
M. Dion: On est obligé, à ce moment, M. le
Président, de vous répondre qu'on n'est pas capable de chiffrer
carrément cela à l'heure actuelle. On n'a pas la
réponse.
Le Président (M. Fortier): Merci. Le député
de Bourassa.
M. Laplante: Merci. M. Fava, vous nous avez donné beaucoup
de travail avec votre mémoire. Il y aura de la recherche à faire
là-dedans. Maintenant, vous avez donné plusieurs solutions pour
abaisser les coûts de construction à partir des règlements
de la construction, de la formation professionnelle. Vous avez mis beaucoup
d'accent surtout sur la diminution des salaires des travailleurs de la
construction. Vous dites qu'ils sont exorbitants avec les
bénéfices marginaux qui les accompagnent. Vous ne parlez pas, par
exemple, dans votre mémoire, par ce que j'ai pu voir, sans faire de
recherches dans la brique, de la baisse du coût des terrains, par les
constructeurs qui sont pour plusieurs, spéculateurs en plus. Cela se
fait, en somme, sur le dos de l'ouvrier, sur le dos du petit. Vous ne parlez
pas non plus du coût des matériaux.
Je vous dis que le bois qui part du Québec et s'en va aux
États-Unis, on peut l'acheter à 30% meilleur marché aux
États-Unis qu'au Québec, le même boisi Ensuite, il y a tout
ce que nécessite une salle de bain, les accessoires de salle de bain.
J'ai pu vérifier que les matériaux, sont 50% meilleur
marché aux États-Unis qu'ici. Vous avez ensuite les accessoires
de cuisine, armoires, ces choses qu'on achète
préfabriquées ou
autrement qui coûtent 50% meilleur marché aux
États-Unis qu'ici. Vous avez longuement parlé aussi... Moi ce
dont je veux vous parler aussi, c'est du coût de ces matériaux,
des profits que vous autres ou que les manufacturiers prenez qui sont
exorbitants, qui sont absorbés encore par le petit consommateur. Vous
avez donné beaucoup de références aussi en allant vers
l'Ontario, l'Alberta ou la Colombie, mais comment se fait-il qu'une maison
unifamiliale coûte en Alberta de deux à deux fois et demie plus
cher qu'ici? Pourtant, les salaires sont censés être moindres
qu'ici. Ce n'est pas l'ouvrier encore.
Il y a des gens que je connais très bien dans la construction qui
m'ont dit que le coût d'un triplex, qui est un duplex, en somme, avec un
logement au sous-sol, est de 140 000 $, mais on vend 180 000 $ le même
duplex. Je vous donne là le prix pour aujourd'hui. Pourquoi, de votre
part à vous autres, des profits exorbitants de 40 000 $ pour un duplex?
Pourtant, ce n'est pas l'ouvrier qui l'a amené là. Je ne peux pas
faire la différence. Si vous voulez m'éclairer sur ces
questions.
M. Fava: Écoutez, je pense qu'il y a premièrement
une autre chose que je voudrais ajouter à votre exposé. Vous
dites que les matériaux coûtent moins cher aux États-Unis,
etc. Vous énumérez un certain nombre de matériaux. Je dois
vous dire aussi que la main-d'oeuvre aux États-Unis coûte 7 $
l'heure au lieu de 21,47 $.
Vous me demandez aussi de vous faire part de mes commentaires sur les
profits exorbitants des entreprises. Je mettrais peut-être certains
ministres au défi de faire la recherche, puisque vous avez accès
aux déclarations d'impôt des compagnies. J'aimerais savoir
lesquelles des compagnies font des profits par les temps qui courent. Je ne
vous dis pas qu'il n'y en a pas, mais il y en a sûrement moins qu'il y en
avait il y a quelques années.
Je vous ai cité tout à l'heure des statistiques venant de
l'Office de la construction qui nous parlent d'au-dessus de 300 cas de faillite
dans l'espace de deux ans, je crois. Vous pouvez également ajouter
à cela que, lors de notre intervention devant la commission aujourd'hui,
on discute du cadre réglementaire de l'industrie et surtout de tout ce
qui touche la réduction des coûts en termes d'administration, de
rationalisation de la réglementation, coût de main-d'oeuvre et
relations du travail. Évidemment si vous m'aviez demandé de
parler du coût des terrains j'aurais probablement fait des recherches
dans ce sens-là et on aurait pu évaluer pourquoi les coûts
des terrains sont si élevés. Il y aura probablement d'autres
intervenants par la suite devant cette commission, entre autres l'Union des
municipalités, etc, qui pourront peut-être vous éclairer
davantage sur ce point-là.
J'aimerais quand même faire un commentaire là-dessus. On
constate de plus en plus, si on regarde les demandes de soumission sur des
projets demandés par les différents ministères ou les
différentes municipalités, une croissance énorme du nombre
des soumissionnaires sur les projets. Je dois vous dire qu'il y a deux mois,
sur l'autoroute Ville-Marie dans la région de Montréal, il y
avait plus de 42 soumissionnaires pour un projet d'autoroute de 3 000 000 $ ou
4 000 000 $, alors que traditionnellement on retrouvait peut-être deux ou
trois soumissionnaires.
Je dois aussi vous référer à l'affaire Kerkoff, en
Colombie britannique, qui a été largement publicisée dans
les différents médias, où on voyait effectivement la
différence dans la cotation d'un entrepreneur syndiqué par
rapport à un non syndiqué. Il y avait au-delà de 1 200 000
$ de différence au niveau des coûts de construction qui
étaient strictement reliés à la main-d'oeuvre. Encore
là ce n'est sûrement pas l'entrepreneur qui en a
bénéficié. Cela lui a permis de coter 1 200 000 $ moins
cher que son concurrent syndiqué.
Pour ceux qui auraient peut-être encore des réticences
là-dessus, vous avez des déclarations du premier ministre faites
dans des journaux, Daily Commercial News, où il disait: "Lévesque
said however that costs are too high, at least in home building and home repair
sectors." Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est le premier ministre,
je pense, qui commence à être sensible également à
ce problème. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'en termes de
technologie on travaille avec des équipements de plus en plus puissants,
on travaille avec une meilleure organisation en termes de santé et de
sécurité du travail. On n'a qu'à penser au programme de
prévention qu'on doit instaurer maintenant au début de chaque
chantier.
Vous avez souligné tout à l'heure le fait que le
coût des matériaux en général baisse de façon
substantielle au Québec. Malgré tout cela, on ne réussit
pas à maintenir nos coûts de construction. On doit se poser des
questions. Malheureusement, mon seul champ possible d'intervention, c'est au
niveau des relations du travail et ce qui touche finalement tous les avantages
sociaux et les salaires au niveau de cette convention collective.
Malheureusement, je ne peux pas intervenir au niveau de ce que la Domtar va
exiger pour 1000 pieds de bois ou ce que d'autres vont faire.
Le Président (M. Fortier): M. Fava, juste pour les fins du
jouranl des Débats - je vous redonnerai la parole - vous avez
cité un premier ministre. Vous parlez de qui? Le premier ministre de
quelle province?
M. Fava: Le premier ministre du Québec.
Le Président (M. Fortier): C'est très bien, merci.
M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Je parlais surtout du domaine domiciliaire, non pas
des grandes constructions. Vous parliez de la survie de votre industrie et vous
avez dit, dans votre mémoire, que vous étiez 14 000 membres plus
5000 membres qui ne faisaient pas partie de votre association. Vous avez
également dit qu'il y avait quelque 300 faillites et vous avez
ajouté, pour donner de la force à votre association, que vous en
comptiez seulement 30 à l'intérieur de votre association qui
faisaient partie de ce groupe et que les autres étaient illégaux.
En somme, vous avez voulu les taxer d'illégaux tout à l'heure.
Cela veut dire que l'industrie de la construction ne se porte pas si mal,
globalement, étant donné qu'on est capable d'absorber 19 000 de
ces entrepreneurs, plus 5000 autres qui sont des artisans.
M. Fava: D'abord, je dois vous corriger au niveau des chiffres.
Ce que je vous ai dit, c'est que sur 306 cas recensés à l'Office
de la construction au niveau du fonds d'indemnisation il y en avait
au-delà de 200 qui n'avaient jamais détenu de permis
délivré par la régie. Il y en avait une centaine qui en
avaient déjà eu un, mais dont le permis n'avait pas
été renouvelé. Je pense que c'est une précision
à ajouter.
Au niveau de notre membership, je pense qu'il ne faut pas dramatiser la
situation dans le sens: Qu'est-ce que vous visez par les recommandations que
vous faites? Je dois vous dire, par exemple, qu'on a des études
économiques qui nous disent que, si on réduisait nos coûts
de main-d'oeuvre... Je parle bien des coûts de main-d'oeuvre, je ne parle
pas des salaires parce que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, pour
moi, il y a une nette distinction entre les deux. Pour moi, le coût de la
main-d'oeuvre, ça comprend la cotisation à la CSST, ça
comprend les coûts administratifs de toute la réglementation qu'on
doit subir et tout le reste.
Si on réussissait à réduire nos coûts d'une
heure de travail dans l'industrie de la construction, à la fin de
l'année, d'après nos études faites et
vérifiées par des firmes indépendantes de notre
association, ça équivaudrait à 16 000 000 d'heures
récupérées pour l'industrie de la construction,
strictement en termes de volume accru; je ne tiens pas compte de la
récupération qu'on pourrait faire en allant chercher le travail
au noir. 16 000 000 d'heures de travail dans l'industrie de la construction,
ça représente 16 000 emplois non pas pour des entrepreneurs, mais
pour des salariés.
Le Président (M. Fortier): Avec le consentement des
membres, je proposerais que nous continuions. Il est 13 heures. J'ai quatre
demandes d'interpellation: le député de Chapleau, le
député de Hull, le député de Viau et le
député de Beauharnois. Si j'ai le consentement, je
suggérerais que nous terminions, si c'était possible, d'ici
à 25 minutes au plus tard, pour reprendre quand même à 14 h
30 parce qu'on a un fardeau très lourd puisqu'il faut entendre trois
autres mémoires.
M. Laplante: Oui, pour activer...
Le Président (M. Fortier): Cela va. M. le
député de Chapleau, brièvement, s'il vous plaît.
(13 heures)
M. Kehoe: Aux pages 49 et suivantes de votre mémoire, vous
parlez des différentes exceptions que vous voulez faire changer, que ce
soit la question de l'exploitation agricole, que ce soient des
municipalités. Spécifiquement concernant des
municipalités, vous dites que pour les travaux de construction, de
canalisation d'eau, d'égout, ainsi de suite, les communautés
urbaines régionales et les commissions municipales ont le droit,
actuellement, de faire certains travaux dans ce domaine. Pour des raisons que
vous avez précisées à la page 52, vous dites que ça
ne devrait pas être compris dans le décret. Vous dites que la
plupart des municipalités ont compris cela puisque la majorité
des travaux d'envergure qu'elles ont à effectuer sont confiés
à des entrepreneurs professionnels de la construction. À la page
53, "les municipalités conserveraient la capacité de faire avec
leurs salariés permanents des travaux de réparation et
d'entretien." Depuis un certain temps, on fait face au phénomène
des écoles qui ferment leurs portes dans différentes
municipalités. En fermant leurs portes, les écoles remettent cela
à la municipalité pour que celle-ci puisse en faire ce qu'elle
veut, soit un centre administratif, etc.
Jusqu'à maintenant, l'expérience vécue - je sais
que dans la municipalité où je demeure, l'OCQ a toujours
considéré la réparation ou la conversion des écoles
dans des bâtisses municipales que les municipalités pouvaient
faire servir à leurs fins, comme étant sujette à des
décrets. D'ailleurs, dans la municipalité de Gatineau, les
employés ont fait les travaux et, par la suite, l'OCQ est venu et a
exigé quelque 250 000 $ supplémentaires en salaires à
l'égard des employés de la ville de Gatineau. C'est un
problème qui n'est pas limité à la ville de Gatineau, mais
qui existe dans toute la province. C'est un problème assez
sérieux et je me demande quelle est votre opinion à ce sujet.
M. Fava: En fait, dans notre mémoire, on parle de
récupérer, finalement, les travaux d'infrastructures municipales.
On parle de travaux d'aqueduc, d'égout, de voirie, de trottoirs, etc. Si
vous me parlez du cas précis, à savoir quelle serait notre
position vis-à-vis d'une situation semblable, ce qu'on dit dans notre
mémoire, c'est qu'on est prêt à faire en sorte que les
municipalités puissent continuer à faire les travaux de
réparation et d'entretien. Si vous me parlez de changer la destination
des bâtiments d'une école à je ne sais trop quoi, si les
réparations sont majeures au point qu'on change la vocation d'un
édifice, je pense que, pour nous, cela deviendrait des travaux de
construction et qu'ils devraient être assujettis à la loi.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Chapleau, avez-vous terminé?
M. Kehoe: Oui, d'accord.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Hull avait demandé la parole. Je vais les prendre dans l'ordre, je
pense. Oui, M. le député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je veux,
premièrement, féliciter l'association pour le mémoire
qu'elle a déposé à cette commission. Je trouve un peu
malheureux qu'on n'ait pas suffisamment de temps pour discuter l'ensemble du
mémoire, parce qu'il y a plusieurs questions qui se posent. Par contre,
à la page 3, vous établissez le diagnostic qui, a votre avis, est
très simple: "les coûts de construction et de main-d'oeuvre
dépassent largement la capacité de payer de la plupart de nos
clients, y compris du gouvernement qui n'est pas assujetti au décret."
Vous établissez aussi les coûts payés à un
salarié, c'est-à-dire 17,53 $ l'heure plus les avantages sociaux,
ce qui totalise 21,47 $. Je reprends un peu la question de mon collègue,
le député de Chapleau, à la page 52, je crois, qui touche
tout particulièrement le monde municipal. Vous avez traité
tantôt du gouvernement qui ne se laissait pas influencer plus
particulièrement par le décret, c'est-à-dire qu'il n'y
était pas assujetti. Il y a aussi les municipalités, comme les
hôpitaux, les commissions scolaires et autres. Je considère et je
voudrais que cela se traduise par une question, M. le Président... Si
vous trouvez que votre diagnostic démontre que les coûts de
construction sont prohibitifs et que le consommateur peut à peine
arriver à les défrayer, j'aimerais savoir de la part du
président, si c'est à cause de la "surréglementation",
à cause des nombreuses lois existantes. Vous avez mentionné
tantôt le règlement de placement dans la construction que,
personnellement, je critique depuis 1978. Mais si vous tentez d'amener les
municipalités à être incluses dans le décret, est-ce
que, par le fait même, vous n'obligez pas une autre catégorie de
consommateurs, par le biais des taxes municipales, à défrayer
encore là une partie plus importante des coûts? C'est
peut-être l'une des interventions qu'a faites l'Union des
municipalités et, plus particulièrement, l'Union des
municipalités régionales de comté quand elles ont
demandé au printemps dernier d'être relevées du
règlement de placement dans des municipalités inférieures
à 5000 âmes dans le but de permettre des travaux communautaires et
où les salariés ne seraient pas assujettis au règlement de
placement dans le but justement de leur permettre de gagner un salaire et de
faire vivre leur famille. La question que je me pose ici est celle-ci: Est-ce
que ce n'est pas particulièrement l'ensemble de la loi qui fait
défaut aujourd'hui et qui crée le nombre de travailleurs au noir
que nous connaissons à cause de la réglementation? Ces gars
doivent quand même gagner leur vie. S'ils n'ont pas leur carte de
compétence dans le domaine de la construction, ils ne peuvent plus
travailler. A ce moment-là, est-ce que ce n'est pas plutôt la
réglementation qui touche davantage le problème sans pour autant
y amener les municipalités qui, d'une part, ont des travaux à
faire exécuter et qui ont des employés déjà
syndiqués qui travaillent 35 ou 40 heures par semaine à longueur
d'année qui doivent être affectés à des travaux
particuliers?
M. Fava: Je pense que vous avez entièrement raison. C'est
pour cela que, finalement, ce que nous disons, c'est que tout remaniement de la
loi sur l'industrie de la construction doit passer avant tout par une
réduction des coûts de construction. Selon nous, vous avez raison,
la réglementation est excessive; elle coûte très cher, et
on pense qu'il y a des économies à réaliser en
rationalisant cette réglementation et en l'abolissant tout simplement
dans certains cas que je crois vraiment excessifs.
Vous avez également raison lorsque vous dites: Si vous
élargissez votre champ d'application, cela voudra tout simplement dire
que vous ferez finalement subir ces coûts excessifs à d'autres
secteurs, d'autres institutions ou d'autres organismes. Je pense que
voilà la question qu'on doit se poser ici. A l'heure actuelle, nous nous
demandons ceci: Est-on rendu au point où le décret ne s'applique
plus qu'au consommateur? C'est bien dommage, le consommateur n'a plus le moyen
de payer. À l'heure actuelle, on a fait en sorte de soustraire du champ
d'application de la loi tous ces beaux organismes. Je ne vois pas la raison
pour laquelle, si le consommateur doit payer les taux prévus dans le
décret, la régionale de
tel endroit, la commission scolaire de tel autre endroit ou la
municipalité de tel autre endroit pourrait se soustraire de
l'application de loi, y compris le gouvernement, comme on l'a vu dans certains
cas. Je me dis: "What is good for the goose is good for the gander." Si c'est
bon pour le consommateur, c'est bon pour les municipalités. Si c'est
excessif pour le consommateur, c'est excessif pour les municipalités. On
est d'accord avec vous qu'à l'heure actuelle les conditions
prévues dans le décret sont excessives. C'est pour cela qu'on est
à la recherche de moyens et de méthodes en
déréglementant, en rationalisant la réglementation. On
cherche à réduire nos coûts de production. Par la suite, on
pourra aller chercher les heures qui nous manquent afin que nos travailleurs
puissent arriver à gagner leur vie honorablement. On vous a dit qu'on a
fait des études économiques pour récupérer 16 000
emplois dans l'industrie de la construction dans l'année qui vient en
réduisant nos coûts de 20%. Cela ferait également en sorte
que le revenu annuel moyen des travailleurs passerait de 16 000 $ à 20
000 $ par année. Je pense que la question qu'on doit se poser est la
suivante: Doit-on travailler à 100 $ l'heure et travailler deux heures
pas semaine ou travailler à des taux de salaire raisonnables et
réussir à gagner notre vie dans l'industrie? Je pense que
voilà la question.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: J'aurais seulement une autre question à
poser, M. le Président. Le député de Portneuf a fait
allusion tantôt particulièrement au secteur résidentiel.
Souhaiteriez-vous que les taux appliqués au secteur résidentiel,
les maisons unifamiliales ou bifamiliales, soient moindres que ceux
appliqués actuellement? Je sais que vous en avez traité à
quelques reprises. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Fava: Comme j'ai dit tout à l'heure, selon nous, c'est
une question de négociation et on ne devrait pas en traiter à
cette commission-ci, mais pour vous donner une réponse claire, je dirais
oui. On cherche assurément des conditions mieux adaptées au
secteur résidentiel. Cela comprend les taux des salaires comme le reste
de ce qui est contenu dans le décret.
Le Président (M. Fortier): Merci. Tout le monde a reconnu
l'ex-maire de Hull qui s'intéresse aux questions des
municipalités. M. le député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. À cause des
contraintes de temps, je serai très bref. À un certain moment,
vous parlez d'un retour au paritarisme. En tenant compte d'autres occasions que
nous avons eues de discuter de certains problèmes de paritarisme,
souhaiteriez-vous que ce paritarisme soit basé sur le modèle de
la
Commission de la santé et de la sécurité du
travail?
M. Fava: Je m'attendais à cette question. Dieu nous garde
de ce genre de paritarisme! En fait, quand on parle de paritarisme, c'est tout
simplement pour nous une prise en charge de l'industrie par les parties
impliquées. Comme vous le dites, à l'heure actuelle - et, dans ce
sens, je disais dans mon mémoire qu'on n'a que des félicitations
à adresser au ministre, puisque je pense qu'il a déjà
posé un geste dans ce sens - il y a un paquet d'organismes qui existent
dans l'industrie de la construction qui nous régissent et qui nous
réglementent, où les parties ne sont pas présentes. Un
exemple frappant était l'Office de la construction. À l'heure
actuelle, je pense qu'on a fait un pas dans la bonne direction. Je
présume que le ministre va faire un pas dans la bonne direction aussi
d'ici le mois de septembre quand on va discuter de la CSST et j'espère
que cela va continuer dans ce sens. Mais c'est clair que, pour nous, même
au niveau de l'office, c'est mieux que rien, ce qu'on a, mais c'est loin
d'être parfait. On a donné les postes au conseil d'administration,
mais on a enlevé des pouvoirs au comité mixte où les
parties sont vraiment, je pense, représentatives. On fait un pas dans la
bonne direction et on recule de deux pas dans l'autre. C'est un peu ce qu'on
déplore dans l'industrie. On parle de la CSST. C'est la même
chose. Un des principaux problèmes qu'on a là, c'est
qu'effectivement les intérêts sont divergents. Pourquoi? D'un
côté, on dit que la loi 17 n'est faite que pour les
syndiqués et nous, on insiste, de l'autre côté, pour dire
que c'est une loi qui doit s'appliquer également à tout le
monde. Évidemment, je ne veux pas ouvrir la boîte de la CSST,
parce qu'on a déjà eu une ou deux commissions là-dessus,
mais il reste que c'est un exemple du vécu.
M. Cusano: Merci, M. Fava. Vous avez raison. Nous aurons
certainement l'occasion de parler de la CSST à une autre occasion.
M. Pagé: On en parle tout le temps.
M. Cusano: Oui, on en parle tout le temps.
M. Pagé: Souvent, souvent.
M. Cusano: Vous parlez des problèmes résultant du
cloisonnement des métiers, particulièrement dans l'habitation.
Vous le dites dans le mémoire. Vous avez donné
comme exemple tout à l'heure le fait que certains travaux
domiciliaires deviennent quasiment une gare centrale. Il s'agit d'effectuer des
travaux mineurs, mais, pourtant, il y a beaucoup de personnes qui sont
impliquées. Du côté du consommateur, il y a aussi la
question des coûts et parfois de la frustration à cause du temps
que cela prend pour effectuer tous ces travaux. Vous parlez d'une polyvalence
dans votre mémoire et vous tentez de définir qu'il y aurait des
exceptions, une durée limitée ou des circonstances
occasionnelles. Puisque le temps s'écoule, j'aimerais que vous puissiez
préciser, mais de façon très succincte, quel est le
mécanisme que vous envisagez pour former cette polyvalence. J'envisage,
par exemple, une espèce de "jack-of-all-trades" pour certains
travaux.
M. Fava: Vous m'enlevez l'expression de la bouche, M. Cusano.
M. Cusano: Ah bon! Justement, je voulais vous entendre sur ce
mécanisme. Comment et qui prendrait la décision sur la
durée limitée dont vous parlez et sur ces circonstances
occasionnelles?
M. Fava: Je pense qu'il faut dire ceci au départ. On ne
vise pas à sortir les sous-traitants de la construction
résidentielle, parce qu'on y voit un avantage net pour le consommateur
à l'autre bout, mais de là à arriver... Sur un chantier
résidentiel, comme on vous le disait tout à l'heure, il y a un
paquet de menus travaux qui doivent se faire en cours de route.
L'électricien passe; il y a un morceau de gyproc qui a été
arraché sur un mur pour passer le fil. Pourquoi faudrait-il faire
revenir un plâtrier dix minutes pour reboucher le trou? C'est un exemple
que je vous donne. Pour nous, un "jack-of-all-trades", ce serait un bonhomme
qui existe déjà à l'heure actuelle et qui fonctionne,
malheureusement, comme on vous le dit, en dessous de la couverte ou en patinant
à travers les différents règlements qui peuvent exister.
Mais pourquoi, par exemple, n'irait-on pas chercher une partie de la
juridiction de plusieurs métiers, finalement? On pourrait aller chercher
une partie de la définition du menuisier, une partie de la
définition du journalier, une partie de la définition du
plâtrier et définir vraiment dans la loi ou dans le
règlement un "jack-of-all-trades", en pigeant un peu dans les
différentes juridictions de métiers pour en faire un
"jack-of-all-trades".
Quant à nous, comme on vous le dit dans notre mémoire, on
serait prêts à limiter ce que ce bonhomme-là serait apte
à faire à des travaux qui seraient temporaires ou occasionnels en
trouvant les définitions qui s'imposeraient à ce
moment-là, mais ce serait vraiment pour de menus travaux. On ne veut pas
remplacer les juridictions de métiers ou les métiers par ces
"jacks-of-all-trades". C'est du dépannage qu'on veut faire. C'est tout
simplement ça. (13 h 15)
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Rapidement, je pense que tout le monde commence
à avoir faim. Il y a une chose finalement que tout le monde
reconnaît et c'est que cela coûte trop cher. Partant du fait que
cela coûte trop cher, on parle du travail au noir que tout le monde
déplore en même temps. Dans les éléments qui font
que cela coûte trop cher, la plupart des intervenants autour de la table
en ont souligné. Le député de Bourassa faisait part, par
exemple, du coût des matériaux; le bois, les appareils de cuisine,
de salles de bain coûtaient moins cher aux États-Unis qu'ici,
entre autres. Cela est un élément qui fait que ça
coûte cher ici. D'autres ont insisté sur la réglementation.
On est trop réglementé ici et c'est un autre facteur qui fait que
cela coûte trop cher. Vous insistez beaucoup sur le taux horaire de
l'employé qui est un autre élément qui fait que cela
coûte trop cher. Il y a aussi un autre élément que, je
pense, il est important de souligner: c'est le prix de l'entrepreneur.
Le consommateur va essayer, dans ces éléments qui font que
cela coûte trop cher, d'en éliminer. Il va plutôt engager un
artisan qu'un gars à plein taux horaire. Il va peut-être essayer
d'entreprendre sa propre maison plutôt que de prendre un entrepreneur. Il
va essayer de négocier ses matériaux, ainsi de suite. Est-ce
qu'on peut privilégier tout cela ou si on peut privilégier un
élément en particulier? Je sais que vous êtes revenu assez
souvent sur le taux horaire. Je ne suis pas sûr que ce soit sur cela
qu'il faut mettre le "focus" presque exclusivement pour faire descendre les
coûts de la construction et arriver en concurrence avec les gens des
autres provinces, des autres pays.
M. Fava: Je pense qu'on a été assez clair dans
notre mémoire. On vous a dit que les syndicats ont voulu
interpréter notre position comme étant surtout une attaque
directe sur le coût horaire. On vous a dit que, pour nous, le taux
horaire, ce qu'on vise, c'est de réduire notre coût horaire moyen.
Cela comprend les 10% qu'on verse à la CSST, les 0,02 $ du fonds
d'indemnisation, cela comprend nos frais d'administration, cela comprend, en
fait, l'écart entre 17,53 $ et 21,47 $. Pour nous, cet écart, ce
sont les charges administratives et tout le reste qu'on doit ajouter au taux de
salaire pour en arriver à payer un taux de salaire. Il y a
également toute la partie de la réglementation, comme je vous le
disais, qui nous oblige à payer des frais de pension
parce qu'un territoire est mal défini et on doit aller piger les
travailleurs dans telle autre région puisque le bassin de la
région est vidé; on doit payer, encore là, des frais de
pension. On doit payer un paquet de frais semblables qui, quant à nous,
sont contre-productifs et je pense qu'il faudrait rationaliser tout cela pour
en arriver à vivre dans une industrie qui serait quelque peu
dégagée de toute cette réglementation qui, effectivement,
nous étouffe. Écoutez, on nous oblige, par exemple, avec un
règlement de placement, avant de pouvoir engager un apprenti, d'aller
piger dans le fond du baril et d'aller chercher le dernier travailleur
disponible dans une région, avant de pouvoir engager un apprenti. Je
trouve que cela est complètement ridicule. Je pense que cela n'a aucune
raison d'être aujourd'hui.
M. Lavigne: Une dernière question, M. Fava. C'est que je
trouve un peu incohérent - vous m'excuserez si je n'y trouve pas de
cohérence - qu'en même temps qu'on déplore ces
éléments qui font qu'une construction coûte cher ou trop
cher, on voudrait en contrepartie embarquer les champs de juridiction de la
construction qui n'y sont pas telles les municipalités, les commissions
scolaires, l'agriculture etc. Comment peut-on y trouver une espèce de
cohérence? Parce que ces secteurs bénéficient du fait de
ne pas être dans le champ de la construction, de la
réglementation, vous favorisez, dans votre mémoire, l'intrusion
de ces champs dans le décret et les lois de la construction. À ce
moment, je n'y vois pas trop de cohérence. Le cultivateur qui a une
grange à construire actuellement, on sait qu'il est exclu du champ de la
construction et vous voulez l'embarquer dedans. Donc, cela veut dire
qu'à partir de maintenant le cultivateur paiera un taux plus
élevé pour la construction de sa grange ou la réparation
d'un bâtiment.
M. Fava: Je pense que je dois vous donner à peu
près les éléments de réponse que j'ai donnés
à M. Pagé tout à l'heure. Il est évident que, si
vous prenez notre position et que vous la regardez en vase clos, selon les
sujets qu'on traite, vous allez voir certaines incohérences. Vous avez
raison. Si vous regardez strictement le champ d'application et que vous dites:
Vous trouvez que cela coûte déjà trop cher et vous voulez
en inclure d'autres, c'est un peu contradictoire. Sauf que ce qu'on vous dit,
nous, dans notre mémoire, c'est qu'il faut passer par une
réduction de coûts. Autrement dit, je ne vois pas le champ
d'application distinctement de la réduction de coûts à
l'autre bout. Ce n'est qu'une fois qu'on aura pu faire tout ce
dépoussiérage, qu'on aura pu rationaliser la
réglementation qu'on pourra parler de retrouver notre champ
d'application. D'autant plus que je dois vous dire que certaines de ces choses
qu'on vise à récupérer aujourd'hui étaient incluses
dans le champ d'application de la loi et par décision du commissaire, au
fur et à mesure que les années sont passées, on les a
extraites. Je vous donne un exemple: le dossier du verre plat. On a sorti
certains travaux du champ d'application de la loi pour finalement, à la
suite d'une décision de la Cour d'appel du Québec, les retrouver
dans le champ d'application de la loi.
Finalement il n'y a rien de sorcier dans ce qu'on vise au niveau du
champ d'application de la loi, soit de récupérer finalement ce
qu'on a perdu par effritement au fur et à mesure où les
années sont passées, soit par des cahiers de charge et des devis
du ministère des Transports, comme je vous le disais tout à
l'heure, qui nous oblige à faire faire du camionnage par des artisans
alors que nos camions sont arrêtés dans nos cours, et toutes
sortes d'exemples comme cela.
M. Lavigne: Une dernière petite question très
courte, M. le Président.
Le Président (M. Fortier): II faut qu'elle soit mini.
M. Lavigne: Au niveau des métiers de la construction,
l'apprentissage des métiers dans nos polyvalentes, etc., est-ce que vous
favorisez le contingentement? Ma question est très courte parce que le
temps presse.
M. Fava: Je pense que notre mémoire est également
clair là-dessus. Pour nous, le contingentement de main-d'oeuvre doit se
faire au niveau de la formation. Ce n'est pas après qu'un jeune a
passé à travers quatre ou cinq ans de cours, des stages
d'apprentissage qu'on va lui dire que par un règlement de placement il
n'a pas accès à l'industrie. S'il doit y avoir contingentement de
main-d'oeuvre c'est au niveau de la formation que cela doit se faire. En
passant, messieurs, c'est ce qui se faisait à l'époque où
les parties avaient charge de la formation professionnelle. On négociait
les ratios compagnons-apprentis, on négociait l'accès à
l'industrie, évidemment avec la souplesse que cela impliquait, tandis
qu'aujourd'hui les fonctionnaires du ministère de la Main-d'Oeuvre nous
disent qu'il y a 14 000 apprentis disponibles, prêts à rentrer sur
le marché mais on les empêche d'entrer par le règlement de
placement. Ce n'est pas moi qui vous le dis, vérifiez avec les
fonctionnaires du ministère ou par les ratios.
Le Président (M. Fortier): M. Fava, je crois qu'on va vous
remercier. Est-ce que le ministre ou le porte-parole ont un mot de
conclusion?
M. Fréchette: M. le Président j'ai
déjà tout à l'heure tiré une conclusion. Je ne
voudrais que réitérer mes remerciements aux représentants
de l'Association des entrepreneurs en construction et leur dire
également que le travail qu'ils ont fait, la documentation qu'ils nous
ont soumise et les réponses verbales aux questions qui leur ont
été posées aujourd'hui vont très certainement
servir à continuer le travail qui s'amorce aujourd'hui parce qu'on est
tous conscients que ce ne sont que les prémisses qu'on est en train de
poser et qu'il va falloir arriver à une conclusion à un moment
donné. Je vous réitère mes remerciements et vous signale
qu'on pourra continuer le dialogue comme on l'a amorcé ce matin.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Portneuf, brièvement?
M. Pagé: Merci tout simplement et bon appétit.
Le Président (M. Fortier): Nous suspendons les travaux
jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 23)
(Reprise de la séance à 14 h 43)
Le Président (M. Fortier): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux
pour entendre les organismes qui veulent se faire entendre ou qui doivent
être entendus concernant la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction.
L'organisme qui est devant nous présentement et à qui je
demande de produire son mémoire est le Syndicat de la construction
Côte-Nord de Sept-Îles Inc. Je crois que ses représentants
sont MM. Marcel Gendron et Roger Lamothe. Si vous voulez bien vous identifier,
s'il vous plaît:
Syndicat de la construction Côte-Nord de
Sept-Îles
M. Gendron (Marcel): Marcel Gendron, secrétaire.
Le Président (M. Fortier): Merci.
M. Lamothe (Roger): Roger Lamothe, président.
Le Président (M. Fortier): Si vous voulez bien
présenter votre mémoire qui est bref et dont la
présentation le sera également, j'en suis sûr. Je vous
remercie.
M. Gendron (Marcel): C'est com- préhensible, vu le groupe
qu'on représente. Messieurs, en ce qui concerne notre organisme, les
membres sont, en très grande majorité, satisfaits de la loi
régissant l'industrie de la construction et de ses règlements.
Depuis 1968, malgré les imperfections de cette loi, une
amélioration constante du climat social sur les chantiers de
construction contraste avec ce que nous avions connu antérieurement et
prouve que, s'il y a des changements à apporter à cette loi et
à ses règlements, ils devront être minimes, de
manière à ne pas perturber à nouveau cette industrie.
Bien entendu, nous ne pouvons passer sous silence le rôle
joué par l'Office de la construction du Québec, tant par son
personnel qui se trouve sur la ligne de feu versus employeurs et
employés et, surtout, celui tenu par certains profiteurs qui gravitent
autour de notre industrie. Le vrai malaise qui, de notre point de vue, est
facile à corriger serait que les décisions importantes de cet
organisme soient réellement prises par les associations patronales et
ouvrières.
Les effectifs de notre organisme ne nous permettent pas d'y jouer un
rôle très efficace. Après enquête auprès de
nos membres, les critiques envers cet organisme visent plus le travail au noir
que tout autre problème. La plupart des profiteurs sont connus du
personnel de l'OCQ et une réglementation plus sévère
aiderait à corriger, en partie, cette situation. Notre organisme tient
fermement à ce que l'QCQ continue à jouer un rôle important
au niveau du placement.
En conclusion, nous croyons que, si malaise il y a, il ne vient pas de
la loi régissant l'industrie de la construction et de ses
règlements, mais plutôt de la situation économique et nous
croyons que le gouvernement ici présent et l'Office de la construction
du Québec n'ont pas à être blâmés de cet
état de fait.
Par contre, si les associations patronales n'avaient lancé si
tôt leurs offres salariales dans le grand public et avaient
réellement voulu négocier avec les trois associations syndicales
impliquées dans ladite négociation, notre présence
n'aurait pas été requise aujourd'hui en cet endroit.
Syndicalement vôtre. Le Syndicat de la construction Côte-Nord de
Sept-Îles Inc.
Le Président (M. Fortier): Je vous remercie, M. Gendron.
Avez-vous terminé?
M. Gendron (Marcel): J'ai terminé.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, très brièvement, M. le
Président, je vous dirai à la blague que si
ce matin vous nous avez félicités, le député
de Portneuf et moi, de la brièveté de nos propos nous venons,
chacun de nous, de perdre le championnat.
Je voudrais remercier M. Gendron et M. Lamothe, je pense, qui
l'accompagne, qui est le président du Syndicat de la construction
Côte-Nord de Sept-Îles Inc., de s'être déplacés
pour venir nous soumettre leurs commentaires, si brefs soient-ils. Même
si cela ne faisait que nous permettre de nous rencontrer et de nous
connaître, ce serait déjà un bon bout de fait sur le plan
humain, en tout cas.
Je retiens strictement des commentaires de nos invités, M. le
Président, que ce qui semble créer le plus de problèmes
pour eux, c'est toujours le phénomène dont on a longuement
discuté ce matin et dont on va continuer de discuter au cours des
prochains jours, celui du travail au noir.
Messieurs, je prends, quant à moi, acte de vos
représentations et je vous remercie à nouveau d'avoir
été là.
Le Président (M. Fortier): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf, le porte-parole de l'Opposition.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Très
brièvement moi aussi, je voudrais saluer le Syndicat de la construction
Côte-Nord de Sept-Îles Inc. et ses représentants qui
viennent nous rencontrer aujourd'hui et nous faire part de commentaires
peut-être brefs, mais quand même assez éloquents.
On doit retenir que vous semblez satisfaits du régime actuel de
négociation des conditions de travail dans le secteur de la
construction. Vous vous dites de façon assez claire, satisfaits du
travail effectué par l'Office de la construction du Québec dans
le cadre de son mandat. Je retiens que vous souhaitez que l'OCQ demeure
responsable au chapitre du placement des travailleurs de la construction. Je
retiens aussi que, selon vous, si malaise, si problème il y a, cela ne
vient pas de la loi régissant l'industrie de la construction et de ses
règlements, mais bien plus de situations de fait et qu'à cet
égard l'OCQ ne serait pas à blâmer.
J'aurais une seule question. Vous faites référence, comme
plusieurs le feront - c'est tout à fait légitime et
justifié - au travail au noir. Selon votre perception, qu'est-ce qui
devrait être fait par le législateur, par le gouvernement plus
particulièrement à l'égard du travail au noir?
M. Gendron (Marcel): C'est assez complexe. Parlons d'un cas qu'on
peut expliquer assez facilement. Un employeur, un entrepreneur qui construit
une habitation de six logements assez fréquemment va engager, pour la
peinture, des personnes qui travaillent dans une autre industrie. Le soir ou la
nuit, ces personnes vont peindre à 6 $ ou 7 $ l'heure. Lorsque les
inspecteurs de l'OCQ passent dans la journée, il peut y avoir un, deux
ou trois appartements qui sont peints. Le lendemain soir, on continue,
même quelquefois en fin de semaine. C'est un exemple, mais il y en a
tellement. Je parle au niveau de l'employeur.
Au niveau du particulier, lorsqu'on parle d'entretien, on est à
cheval sur l'entretien. Qu'est-ce que de la construction neuve et qu'est-ce que
de l'entretien réellement? Il y a un abus à ce niveau. C'est
incroyable! Tous les gens peuvent travailler à 7 $, 8 $, 9 $ ou 10 $
l'heure, même les artisans qui, au début, il y a trois ou quatre
ans, travaillaient au taux prévu par le décret, la convention
collective de l'industrie de la construction. Maintenant, les gens se mangent
entre eux et travaillent à 10 $, 11 $ ou 12 $ l'heure, quand ce n'est
pas 8 $ l'heure. Dans certains cas, on va jusqu'à étirer les
travaux et il y a des gens qui se font construire et qui ne sont
réellement pas d'accord parce que le coût d'un employeur qui a
fait une soumission si minime soit-elle, quand il a terminé les travaux,
bien souvent, ils ont coûté plus cher que s'ils avaient
été effectués par un employeur professionnel. On
reçoit des plaintes à ce niveau.
M. Pagé: Quant à votre explication des faits, je
pense qu'on pourrait parler assez longuement de la façon dont le travail
s'effectue, mais votre recommandation, si recommandation il y avait à
l'égard du gouvernement - le ministre est ici et je pense que c'est la
première fois que vous le rencontrez, d'ailleurs, puisqu'il le signalait
tantôt...
M. Gendron (Marcel): Ce n'est pas la première fois.
M. Pagé: Ah! Quelle serait votre recommandation au
ministre du Travail? Vous avez le privilège de l'avoir à cette
table, il est là pour vous écouter, c'est un gros
problème, quelle serait votre proposition?
M. Gendron (Marcel): De donner à l'OCQ, par l'entremise
des gens en place qui sont les associations patronales et les syndicats
représentatifs de la majorité, les moyens d'établir une
certaine réglementation afin d'être en mesure de poursuivre les
gens qui font de l'abus dans ce domaine. On sait qu'on n'arrêtera jamais
la "jobine", on le sait, mais, au moins, on peut réduire d'une
manière assez explicite le travail au noir; il y a une grande
possibilité. Il faut donner des moyens aux inspecteurs de l'OCQ et ils
vont faire le travail. Quand on arrive devant la cour, on donne des
explications, en disant qu'un homme est obligé de travailler, qu'il
est obligé de faire ceci, tout tombe à l'eau. Donnez-leur
les moyens et ils vont faire le travail.
Le Président (M. Fortier): J'aurais une question à
vous poser. On a dit que, lorsque les travailleurs ne font pas le nombre
d'heures requis par l'Office de la construction, ils ne sont plus aptes
à travailler. Sur la Côte-Nord - parce que vous représentez
surtout les travailleurs de la Côte-Nord; je ne sais pas dans quelle
proportion - s'il devait y avoir un grand chantier - on a parlé d'une
aluminerie à Sept-Îles et Port-Cartier - qu'est-ce qui arriverait?
J'imagine que, dans ce secteur, eu égard au fait qu'un certain nombre de
travailleurs, même de la Côte-Nord, ne sont plus en règle
avec l'OCQ, ceci amènerait, par nécessité, l'appel
à des travailleurs d'autres régions. Est-ce que vous avez un
commentaire à formuler là-dessus?
M. Gendron (Marcel): Certainement. Je dis que le vrai travailleur
de la construction, qu'il soit de n'importe où au Québec, a
toujours la préférence de travail. Par contre, on sait qu'il y a
des régions - on ne peut pas comparer Montréal et la
Côte-Nord - où, dans la loi, il devrait y avoir automatiquement un
pourcentage qui permettrait à ceux qui sont classés B d'avoir la
préférence d'emploi. Disons 20%. Si vous construisez une
aluminerie à Sept-Îles, cela va chercher pas loin de 800 à
1000 travailleurs. Même si c'étaient tous des gens classés
A, plus que la moitié viendraient de l'extérieur à cause
de la spécialité des métiers. Mais il faudrait au moins
que 20% des travailleurs... Avec 20%, vous venez de faire travailler tous les
gens de la région de Sept-Îles qui sont classés B et
même C.
Cela pourrait s'appliquer dans d'autres régions - je ne parle pas
de Montréal ou Québec - où on pourrait avoir des chiffres
un peu différents mais, au moins, ça permettrait à ces
gens de travailler chez eux. Je suis d'accord que les gens de la région
devraient avoir une certaine préférence, mais pas à 100%
pour empêcher les vrais travailleurs de la construction de
travailler.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Au troisième paragraphe de votre mémoire,
vous parlez du travail au noir. Dans les deux dernières lignes, vous
dites: "La plupart des profiteurs sont connus du personnel de l'OCQ et une
réglementation plus sévère aiderait en partie à
corriger cette situation." Les implications, dans cela, c'est que... Est-ce que
des plaintes ont été portées ou si le règlement est
fait de façon qu'on ne puisse porter plainte? Que voulez- vous dire
exactement par cela? Les profiteurs sont connus, mais... Est-ce qu'il y a
déjà eu des plaintes portées contre eux? Est-ce que des
actions ont été portées contre eux? Est-ce que c'est une
situation caractéristique de votre région seulement ou est-ce
répandu dans toute la province?
M. Gendron (Marcel): Officiellement, c'est répandu dans
toute la province. Prenez un inspecteur qui arrive sur un chantier de
construction. Il débarque de son automobile. Le bungalow est à
peu près à 60 pieds du trottoir. Il va descendre dans une cave ou
il va entrer dans un appartement. Tout le monde est assis. Tout le monde fume.
Personne ne travaille. Que peut faire l'inspecteur? Il ne voit pas la personne
qui va peinturer. Il ne voit pas la personne tirer les fils électriques,
parce que l'entrepreneur ou quelqu'un s'est entendu avec un
entrepeneur-électricien: Tu tires les fils et ainsi de suite. Il ne voit
rien. Si l'inspecteur veut demeurer là une ou deux heures, les gars vont
s'en aller. Ils vont partir chez eux. Ils sont venus faire un tour. Ils sont
venus visiter la maison, mais bien souvent ils sont en habit de travail. Il ne
peut pratiquement pas y avoir de plainte en vertu de la loi parce que ces
gars-là sont assis à la maison et ne travaillent pas. Les
inspecteurs ne peuvent pas se promener jour et nuit. Cela va finir par
coûter une fortune à l'OCQ. II y a quelque chose là. Les
travailleurs vont payer plus d'un demi pour cent. Il y a des gens qui
travaillent la nuit. Mon président est un peintre. Il peut vous dire la
même chose lui-même. Ils s'en vont pour faire des maisons. Bien
souvent, ils vont peinturer trois chambres. Le lendemain, le salon est
peinturé. Qui a peinturé le salon? Il y a quelqu'un qui a
peinturé le salon le soir ou pendant la nuit.
M. Kehoe: Est-ce qu'il manque des inspecteurs pour faire la
vérification, pour faire l'inspection? Est-ce là un
problème sérieux ou quoi?
M. Gendron (Marcel): Je dis: Peut-être que non, mais qu'ils
donnent des moyens plus sévères à la loi pour que l'OCQ
puisse travailler efficacement. Au point de vue des amendes, vous connaissez
les amendes qui....
M. Kehoe: Mais au point de vue du personnel, au point de vue des
inspecteurs, il y en a un nombre suffisamment grand pour appliquer la loi? Vous
dites, votre prétention c'est que les amendes ou les sanctions ne sont
pas assez sévères.
M. Gendron (Marcel): Je dis que oui, il y a assez d'inspecteurs.
Si vous les faites travailler les mêmes heures que celles de la
construction, de 8 heures à 17 heures, il va
y avoir assez d'inspecteurs.
Le Président (M. Fortier): Cela va? M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Je serai très court. Je vais vous donner un
exemple de ce qui se passe chez nous à Montréal. Vous avez
parlé de Montréal tout à l'heure. Je recevais lundi
dernier - ce n'est pas loin, il y a une semaine - un monsieur qui voulait avoir
sa carte de l'OCQ. Cela faisait neuf ans qu'il travaillait au noir, dont deux
ans et demi à l'aide sociale, les deux dernières années et
demie employé par un gros entrepreneur en démolition de
Montréal. Ce n'est pas un petit entrepreneur. Il a fait trois ou quatre
de ces entrepreneurs, et là il voulait avoir sa carte. À ce
moment-là, j'ai dit: On peut essayer d'avoir ta carte pour autant que
tes heures sont enregistrées à l'OCQ. Il a dit: II n'y a rien
d'enregistré. En même temps, il avait l'aide sociale et il
travaillait pareil comme cela. Chez vous, parmi les entrepreneurs que vous
avez, est-ce qu'on fait la même chose, en général? Est-ce
que ces entrepreneurs emploient soit des menuisiers, des peintres, comme vous
dites, ou d'autres corps de métier et encouragent, en somme, le travail
au noir comme cela?
M. Gendron (Marcel): Je suis obligé de dire oui. Ce n'est
pas la majorité, mais la petite minorité est agissante.
M. Laplante: Mais ce que je comprends moins, par exemple...
M. Gendron (Marcel): Oui.
M. Laplante: ...comme syndiqué, comme président
d'un syndicat, comment se fait-il que ces compagnies ne soient pas
dénoncées par vous?
M. Gendron (Marcel): Elles sont dénoncées et
même parfois, à certaines occasions, elles sont
dénoncées à l'AECQ.
M. Laplante: Mais toujours, je parle, là...
M. Gendron (Marcel): Elles sont connues.
M. Laplante: ...dénoncées publiquement, avec force.
Ce sont vos droits de travailleurs qui sont là. Nous, comme
gouvernement, cela nous aiderait parce qu'on les retrouve à peu
près tous sur l'aide sociale après cela. Ce sont vos taxes,
ça.
M. Gendron (Marcel): Oui, on le sait. Il y a des gens qui
retirent des prestations d'aide sociale et dans certains cas, c'est de
l'assurance-chômage.
M. Laplante: Parce qu'on a hâte que les syndicats se
grouillent un peu en dedans aussi pour nous aider à appliquer d'autres
règlements.
M. Gendron (Marcel): Si on avait eu le mémoire un peu
avant qu'on prenne nos vacances, je crois qu'on aurait peut-être
amené des suggestions concernant le travail au noir, mais je suis
convaincu que la CSN va apporter quelque chose à ce point de vue. (15 h
45)
Le Président (M. Fortier): Est-ce que d'autres
députés ont des questions? Sinon, au nom des membres de la
commission, je vais remercier MM. Gendron et Lamothe de la présentation
de leur mémoire.
J'appelle maintenant la Centrale des syndicats démocratiques,
CSD, à prendre place à la table pour présenter son
mémoire.
M. Carey, vous êtes le président du Syndicat des
travailleurs de la construction. Pourriez-vous présenter vos
collègues, s'il vous plaît?
Centrale des syndicats démocratiques
M. Carey (Renald): Je suis Renald Carey, président du
Syndicat des travailleurs de la construction, CSD. À ma gauche je suis
accompagné du vice-président de la CSD, Claude Gingras, et du
secrétaire du Syndicat de la construction, Raymond Lortie. M. Gingras va
faire la présentation du mémoire et je serai disponible avec lui
pour répondre aux questions des membres de la commission par la
suite.
Le Président (M. Fortier): En gros nous avions
prévu deux heures. J'ose espérer qu'à l'intérieur
de cette marge de temps il sera possible que vous présentiez le
mémoire et que nous ayons quelques questions et réponses. Si vous
voulez procéder.
M. Gingras (Claude): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les membres de la commission parlementaire, c'est avec beaucoup de
plaisir que nous acceptons cette possibilité que vous nous fournissez de
parler un peu des problèmes que vivent les travailleurs de la
construction.
J'étais présent ce matin à la commission. On a
beaucoup entendu parler des problèmes que les employeurs peuvent vivre
dans l'industrie de la construction. On a cependant oublié de parler des
véritables victimes de cette situation d'incohérence vécue
dans la construction qui sont les travailleurs.
Sans plus tarder, MM. les députés et M. le ministre, nous
vous communiquons notre position en ce qui a trait au mandat spécifique
de la commission. Quant à nous, c'est toujours l'impasse et à
chaque renouvellement des conditions de travail -
décret - dans l'industrie de la construction, c'est l'impasse.
Pour s'en sortir, c'est la prolongation du décret, c'est une commission
parlementaire et le gouvernement qui impose la plupart du temps les nouvelles
conditions.
Au cours d'avril dernier, face à l'impasse dans les
négociations, le ministre explique qu'il a à choisir une des
quatre possibilités suivantes: laisser les choses aller et compromettre
la relance économique; imposer un nouveau décret après
avoir entendu à la sauvette les parties et compromettre toute
possibilité de négociation; attendre une entente entre les
parties avant le 1er mai, c'est croire à un miracle; prolonger le
décret pour permettre aux parties de négocier.
Le gouvernement choisit donc le prolongement des pourparlers sans
affrontement, de peur de compromettre la relance économique dans
laquelle il est fortement impliqué, dit-il, et le ministre, dans une
tentative d'amener les partenaires de l'industrie à négocier,
annonce une prolongation de 120 jours du décret et la tenue d'une
commission parlementaire sur les problèmes de la construction.
Il n'en fallait pas plus pour que les employeurs contestent devant les
tribunaux la validité de la prolongation du décret et refusent de
négocier; l'AECQ exige une commission parlementaire pour tenter de
trouver des solutions aux perturbations de l'industrie avant de
négocier; les employeurs et les unions internationales
réaffirment que seule l'épreuve de force ramènera les
parties à la raison et que la décision du gouvernement ne fait
que reporter le vrai test. Ce n'est pas en commission parlementaire que l'on va
négocier.
La FTQ accepte la prolongation du décret, à condition
qu'il y ait une volonté politique évidente de régler les
problèmes de l'industrie dont celui du salaire garanti et du monopole
syndical.
Quant à la commission parlementaire annoncée sur tous les
problèmes de la construction, l'expérience des années
passées a fait la preuve et ce, en plusieurs occasions, que l'on n'y
avait recours que pour régler définitivement les conditions de
travail de l'industrie de la construction, le décret. C'était
l'occasion pour imposer, se substituer au processus de la négociation,
alors qu'elle doit être le lieu, l'occasion exceptionnelle où l'on
doit, en toute sérénité, faire valoir ses points de vue
sur des projets de loi, des règlements ou sur des situations
particulières qui mettent en cause le public en
général.
Comme depuis près de dix ans, cette année on est devant le
même scénario: blocage des négociations, prolongation du
décret, conciliation, commission parlementaire, imposition de nouvelles
conditions. Et, comme preuve, la négociation de 1976. Au 1er
mai, on annonce que les négociations ont échoué. Une
commission parlementaire est instituée pour s'enquérir des
raisons qui empêchent le renouvellement du décret. Il y a
prolongation du décret jusqu'au 31 juillet 1976 acompagnée d'une
augmentation de salaire de 0,55 $ l'heure. Il y a grève et une
convention est signée le 22 décembre 1976. Au 1er mai 1977, le
décret est renouvelé, mais en juin 1977, une nouvelle commission
parlementaire apporte des changements au décret en retirant certaines
conditions parce qu'elles ne sont pas conformes à la loi. La
négociation de 1979. Au 30 avril, il y a eu une rencontre
préliminaire. Les demandes syndicales n'ont même pas
été présentées aux employeurs. Il y a prolongation
du décret jusqu'au 31 juillet 1979. La Gazette du 20 mai 1979 confirme
une entente préliminaire prévoyant une augmentation de 0,30 $. Le
31 juillet, fin de la prolongation, plus de décret.
En février 1980, c'est encore le fouillis indescriptible dans la
négociation. On imposera encore un nouveau décret. La
négociation de 1982. Ce n'est qu'en mars 1982 que débutent les
négociations. Le 30 avril, on doit prolonger pour un mois le
décret. Une requête est présentée au ministre. Il y
a conciliation, médiation. Une intervention politique constitue une
table de négociations. Il y a entente, mais les employeurs sont
divisés. Le 31 mai 1982, une commission parlementaire est
convoquée. On impose, à toutes fins utiles, un nouveau
décret avec une hausse de salaire de 10%. Pour le reste, le
décret reste à peu près le même. La
négociation de 1984. C'est à peu près le même
scénario. Blocage des négociations, prolongation de 120 jours du
décret, une commission parlementaire est annoncée.
Ajoutons à ces scénarios de négociations
l'historique commission Cliche sur la liberté syndicale et son
expression, le comité Hébert sur l'étude et la
révision de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction et les nombreuses commissions parlementaires dites
spéciales pour amender cette loi, ses règlements, pour
déterminer les règles de maraudage, donner la
représentativité à la FTQ, modifier les règlements
de placement, la qualification, le champ d'application, etc.
Les intérêts des parties, tant des associations patronales
que syndicales, sont si divergents, la formule de monopole favoriserait-elle la
négociation? Le pluralisme syndical n'a jamais été
accepté par la FTQ, si ce n'est que pour sa propre reconnaissance comme
partie représentative. Elle tente par tous les moyens de faire croire
à la nécessité du monopole syndical. La
réalité est pourtant tout autre. La volonté des
travailleurs s'est exprimée en faveur du pluralisme syndical. En effet,
aux différents
maraudages, leur choix s'est exprimé ainsi. Vous avez un tableau
de toutes les années où les travailleurs ont eu à se
prononcer quant à leur allégeance syndicale et les pourcentages
obtenus par chacune des associations syndicales.
À trois occasions sur quatre, les travailleurs disent non.
Même au dernier maraudage en 1983, 58,2% des travailleurs ont dit non au
monopole syndical. La FTQ s'est servie du principe du pluralisme syndical pour
devenir une association représentative et cela en obtenant une loi
spéciale. La loi 109, en effet, adoptée en 1981, a exigé
que les travailleurs membres du CPQMC fassent un nouveau choix entre ce conseil
provincial et la FTQ. Le monopole syndical obtenu par le conseil provincial en
1978, 68%, fut alors divisé entre 44% à la FTQ et 24% au conseil
provincial. On voulait ainsi régler la guerre intersyndicale entre le
CPQMC et la FTQ qui se perpétuait depuis la négociation de 1979.
Si la FTQ avait toujours crié à la nécessité du
monopole syndical, elle n'y croyait plus. Cela faisait son affaire.
L'expérience des négociations de 1979 et 1982 n'a pas
prouvé que pour régler les problèmes de l'industrie, le
monopole syndical était essentiel. C'est le contraire.
Rappelons, à titre d'exemple, qu'au maraudage de 1978 le CPQMC
avait obtenu 68% des votes des travailleurs. À toutes fins utiles, il
avait le monopole syndical. Il était le seul habilité à
négocier et à signer un nouveau décret. Pourtant,
qu'est-il arrivé à la négociation? Au 30 avril 1979, le
décret a été prolongé jusqu'au 31 juillet; au 30
avril 1979, il n'y avait eu qu'une rencontre préliminaire et les
demandes syndicales n'avaient même pas été
déposées; une entente temporaire d'augmentation de 0,30 $ l'heure
avait été consentie à compter du 1er juillet 1979 en
échange du droit de négocier par métier; les
négociations s'enlisèrent dans les éternelles chicanes
d'unions, si bien que certaines unions ou métiers acceptent les offres,
alors que d'autres veulent la grève. En février 1980, c'est le
fouillis indescriptible où l'on se retrouve après treize mois de
négociation sans règlement; quatre métiers n'acceptent pas
les offres patronales et on doit imposer un règlement. La
difficulté de négociation n'était aucunement reliée
au principe du pluralisme syndical.
À la négociation de 1982, la FTQ, qui avait obtenu, en se
servant du principe du pluralisme, une représentativité, fait
à la sauvette une alliance avec le CPQMC, son ennemi juré une
année auparavant. On tente de réactiver la notion
dépassée de monopole syndical. Cédant à cet essai
de retour et renonçant au changement qu'il avait lui-même
implanté et que les travailleurs avaient démocratiquement
entériné, le ministère du Travail favorise, par son
intervention, la monopolisation de la négociation. En effet, à la
suite d'une requête présentée au ministre, on redonne aux
alliés naturels la plate-forme du monopole. Chose assez étrange,
c'est le monopole patronal qui éclate. Alors qu'il y a entente entre
l'AECQ et la FTQ-CPQMC, l'APCHQ s'oppose à l'entente. Le ministre devra
convoquer une commission parlementaire, décréter une hausse de
10%, le décret demeurant à peu près le même pour le
reste. La difficulté de négociation n'était aucunement
reliée au principe du pluralisme syndical.
Avant cette année, l'obstacle majeur au règlement des
conditions de travail négociées dans l'industrie de la
construction était, disait-on, l'absence du monopole syndical ou la
difficulté de former une coalition syndicale. Dans un cas comme dans
l'autre, c'est du trompe-l'oeil; c'est refuser d'admettre son impuissance
à négocier.
Cette année, on voudrait bien laisser croire que c'est encore le
même obstacle. Pourtant, la division du monde patronal et l'arrogance de
son association nous apparaissent comme les véritables motifs de
l'échec de la négociation.
Ce qui ressort des expériences de négociation, c'est que
le mode de représentation syndicale unique (le monopole syndical)
à la table de négociation n'a même pas
résisté aux pressions des rivalités internes, des
intérêts particuliers des unions, leur volonté de pouvoir.
Ce phénomème se retrouve même chez les employeurs dont le
monopole patronal existe par la loi même. Comment espérer que
cette formule monopolistique tienne bon devant les presssions internes de leur
propre association?
Il faut admettre que le fond du problème à la table de
négociation de l'industrie de la construction, c'est donc la guerre du
pouvoir du côté des unions de métiers et, voire même,
la guerre du pouvoir chez certaines associations d'entrepreneurs. Il nous
apparaît clair que cette formule est vouée à un
éclatement répété parce qu'elle n'est plus
adaptée à la réalité de 1984, en particulier du
côté syndical.
C'est pourquoi la CSD-Construction croit que le syndicalisme de
métiers, tel que préconisé par la FTQ et les unions
américaines, constitue une position irréaliste qui conduit
à une absurdité totale. Un syndicalisme dépassé,
replié et soucieux de protéger de vieilles juridictions qui n'ont
plus rien à voir avec la réalité d'aujourd'hui.
En se repliant sur leur métier et en cherchant constamment
à protéger leurs juridictions, les unions de métiers de la
FTQ et les unions internationales pratiquent un syndicalisme
dépassé qui ne va pas dans le sens de l'intérêt de
leurs commettants. C'était peut-être valable il y a 20 ou 30 ans
alors que les divers métiers travaillaient de
façon passablement isolée sur les chantiers. À
cette époque, par exemple, les structures de bois étaient
omniprésentes sur les chantiers. Le charpentier-menuisier y jouait un
rôle très important puisqu'il était responsable de la
fabrication des structures et des formes dans lesquelles le ciment était
coulé. Dans son travail, il ne côtoyait pas beaucoup les
représentants des autres corps de métiers, car la construction se
faisait par étapes. Lorsqu'il avait fini son boulot, il était
remplacé par l'électricien, le cimentier-applicateur, le
ferrailleur et le tuyauteur qui venaient à tour de rôle accomplir
leurs tâches. Le sentiment d'appartenance à un métier
plutôt qu'à l'industrie était dont très fort. (15 h
15)
Aujourd'hui, toutefois, avec la prolifération des nouvelles
techniques de fabrication et l'évolution des différents
métiers, cette vision de l'union de métiers est carrément
désuète et régressive. En effet, ce cloisonnement des
métiers entraîne la formation de nouvelles unions qui regroupent
diverses spécialités comme les poseurs de systèmes
intérieurs, les tireurs de joints, les poseurs de gycleurs à
incendie, les poseurs de systèmes de climatisation, etc. On pourrait en
ajouter. Cette surcompartimentation effrite le pouvoir de l'ensemble des
salariés et elle favorise l'arrivée de nouveaux venus dans
l'industrie et ce, au détriment des travailleurs qui y oeuvrent souvent
depuis de nombreuses années.
Le véritable résultat de ce cloisonnement est qu'on ne
favorise d'aucune façon la sécurité d'emploi. En outre, on
ne favorise pas la reconnaissance de l'ancienneté. Et, enfin, on
n'accorde aucunement la priorité aux vrais travailleurs de la
construction.
En somme, ce genre de syndicalisme ne permet pas aux vrais travailleurs
de la construction d'évoluer dans leur métier et de s'adapter a
l'évolution de l'industrie, à de nouvelles méthodes de
travail, à de nouvelles techniques, à la réorganisation du
travail sur les chantiers.
Le syndicalisme devrait s'adapter aux nouvelles tendances de l'industrie
de la construction. Nous présentons ici quatre aspects précis de
l'industrie de la construction qui tendent à démontrer que, loin
de se compartimenter, les différents métiers de la construction
ont plutôt tendance à se regrouper, à devenir
interdépendants. Cela est dû en grande partie aux changements
technologiques.
La préfabrication. On pense tout de suite aux maisons
préfabriquées, mais on a souvent tendance à oublier que
beaucoup d'édifices modernes comportent un très grand nombre de
dalles et de panneaux préfabriqués, habituellement en
béton. Le chantier olympique en a été un exemple frappant
et cette technologie se répand de plus en plus. L'emploi de grandes
surfaces de verre remet aussi en question le rôle traditionnel de ceux
qui s'occupent de finition extérieure. Les portes et les fenêtres
arrivent toutes faites dans leur cadre et il ne reste plus qu'à les
poser. Il en est de même pour les armoires qui sont
préfabriquées en usine. La fabrication de pièces de verre
est avantageuse sur le plan économique et elles constitue une tendance
qui, loin de se résorber, va continuer de s'accentuer. L'effet de cette
évolution est de favoriser la création de nouveaux postes et ceci
se fait au détriment des charpentiers-menuisiers qui ont parfois 15
à 20 ans d'expérience et qui voient leurs chances de trouver de
l'emploi réduire continuellement.
Ces nouvelles techniques ont aussi affecté les briqueteurs.
Pourtant, ces hommes de métier, qui sont par définition des
hommes de précision, auraient pu s'adapter graduellement pour accomplir
de nouvelles tâches connexes. La structure de métiers dans
laquelle leur syndicat les a emprisonnés les a empêchés de
s'ouvrir à ces nouvelles techniques.
Les grues. L'emploi systématique de grues sur les chantiers vient
bouleverser considérablement le rôle traditionnel dévolu
aux manoeuvres. La manipulation des matériaux est de plus en plus
mécanisée et de nombreux manoeuvres apprennent avec surprise que
l'occupation qu'ils ont choisie n'a peut-être pas autant d'avenir qu'ils
le croyaient.
Les plastiques. Dans la tuyauterie, le métal et en particulier la
fonte sont remplacés par les matières plastiques très
solides mais aussi très souples et très faciles à
manipuler. De nombreux tuyauteurs se retrouvent aujourd'hui
suréquipés en outils de toutes sortes et ils sont souvent
remplacés par d'autres personnes mieux au courant de la façon de
manipuler ces nouveaux matériaux.
Ces tuyauteurs, si on les avait incités à avoir une plus
grande polyvalence, auraient pu facilement se recycler et travailler à
l'installation de systèmes de gycleurs à incendie, de chauffage
ou de climatisation au lieu d'être mis au chômage et
remplacés par des nouveaux venus. Malheureusement, on a
préféré créer d'autres spécialistes pour
chacune de ces tâches et les tuyauteurs sont laissés pour
compte.
Le gypse, c'est un autre de ces exemples. L'emploi du gypse a
bouleversé les métiers de la truelle et, en particulier, le
métier de plâtrier. En fait, il a presque éliminé le
métier de plâtrier. Par contre, on a besoin de tireurs de joints.
On a encore une fois créé de nouveaux spécialistes et on a
laissé pour compte les plâtriers. Le résultat est qu'on
demande de moins en
moins de plâtriers et de plus en plus de tireurs de joints, alors
qu'il aurait plutôt fallu informer les plâtriers de cette nouvelle
tendance dans l'industrie de la construction et les inciter à ces
nouvelles techniques.
La négociation unique. Ni du côté des unions
internationales, ni du côté de la FTQ, voire même du
côté des associations patronales, on n'accepte le principe de la
négociation unique et d'une seule convention collective à
l'échelle de l'industrie et de la province. D'une part,
l'expérience démontre que les unions internationales et celles de
la FTQ veulent revenir aux conditions de travail suivant les différents
métiers. D'autre part, certaines associations d'employeurs recherchent
des conditions de travail différentes pour la construction industrielle,
commerciale et domiciliaire. Les intérêts sont donc
véritablement divergents. Il ne faut pas s'étonner des obstacles
rencontrés, des négociations en coulisse.
Il est inacceptable et on ne doit pas tolérer que des ententes
collectives établissent des classes salariales entre les travailleurs
assignés à la construction domiciliaire par rapport à
l'industriel et au commercial. Il ne faut pas créer de disparités
salariales entre les travailleurs de la construction. Tous les travailleurs de
la construction doivent être considérés sur un pied
d'égalité, quel que soit le secteur de construction où ils
oeuvrent. C'est un acquis capital obtenu par des luttes passées.
Si vous me permettez un aparté, toute l'argumentation entendue ce
matin concernant cette justification du domiciliaire par rapport à
l'industriel et au commercial ne tient pas du tout, à notre avis. Ce
n'est pas en fonction d'un secteur d'activités quelconque que les
travailleurs doivent être rémunérés, mais bien en
fonction de leurs qualifications. Souvent, des travailleurs de la construction
commerciale et industrielle sont appelés à travailler dans le
secteur de la construction domiciliaire. Ils changeraient de convention
à partir du moment où ils changeraient de construction et
l'employeur pourrait faire de la discrimination en envoyant certains
salariés sur des chantiers domiciliaires parce qu'ils gagneraient moins
et sur des chantiers commerciaux parce qu'ils gagneraient plus. C'est ce genre
de bordel qu'on n'accepte pas.
Le policier du gouvernement du Québec qui travaille dans les
zones rurales n'a pas les mêmes responsabilités que celui qui
travaille dans les zones urbaines et, pourtant, il n'a pas droit à un
salaire différent. C'est la même chose pour une infirmière
qui travaille dans un centre d'accueil et une autre qui travaille dans un
centre hospitalier universitaire avec des responsabilités de recherche.
Nous sommes absolument contre une division de l'industrie de la construction
faite de cette façon.
L'État a manqué d'agir énergiquement et avec audace
depuis plus de dix ans. Pour ne pas avoir retenu toutes les recommandations de
la commission Cliche, pour avoir mis de côté, à toutes fins
utiles, le rapport du comité Hébert, particulièrement les
recommandations touchant le processus de négociation dans un
régime de pluralisme syndical, l'État a hypothéqué
plusieurs retombées positives de ces différentes positions, et
que l'on ne nous objecte pas l'ignorance de ces rapports. Nous avons tout lieu
de croire que le ministre de l'époque et ceux en poste depuis en
connaissaient passablement la teneur.
L'État s'apprête-t-il à manquer encore
d'énergie lorsque son ministre du Travail actuel semble vouloir se
prononcer en faveur d'une remise en question du système de
représentation actuel, du principe du pluralisme syndical dont la
commission Cliche avait recommandé le maintien en 1975 et le rapport
Hébert, en 1977, qui l'avait à son tour maintenu?
La loi elle-même ne doit pas paralyser le processus de
négociation. Au lieu de jongler avec l'hypothèse du monopole de
représentation et celle de la négociation à
caractère sectoriel que son parti a pourtant dénoncées
chaque fois que le gouvernement libérai l'évoquait au
début des années soixante-dix, le ministre du Travail devrait
procéder avec fermeté pour que soit véritablement reconnu,
premièrement, le principe du pluralisme syndical comme outil de base
pour l'expression des travailleurs quant à leur choix
d'allégeance syndicale.
Pour que s'exprime ce choix en toute liberté et sans
représailles de quelque nature que ce soit, la loi doit être
modifiée à son article 32 de façon à faire
disparaître la présomption de choix. Au lieu de faire
connaître ce choix par voie de scrutin à l'office, il devrait
plutôt être fait par voie de vote postal. Ainsi, il en
coûterait beaucoup moins à l'office et le caractère
universel du vote des salariés serait respecté.
L'exercice du plein droit d'expression et de décision à la
table de négociation de toute partie représentative, c'est notre
deuxième recommandation. Il y a lieu d'accorder à chaque
travailleur le droit de décider de son allégeance syndicale. Ce
n'est pas uniquement permettre à un employeur par l'intermédiaire
de l'OCQ de savoir où diriger ses contributions. Dans ce cas, c'est
surtout reconnaître pleinement son droit d'association,
c'est-à-dire le droit de participer à toutes les activités
pendant tout le processus de négociation, particulièrement celui
de revendiquer, de manifester et de décider de ses propres conditions de
travail y compris le moment de décider de l'opportunité de la
grève. D'où la nécessité d'accorder à son
association le plein droit de le représenter à la table de
négociation.
Notre troisième recommandation: une seule négociation
fixant les conditions de travail pour tous les métiers, les emplois sur
tout le territoire du Québec, ce qui n'empêche pas que l'on puisse
retrouver dans le décret des taux différents d'un métier
à un autre, mais non pas d'une région à l'autre. Il n'est
cependant pas acceptable socialement qu'une prime de hauteur ou une prime
d'éloignement ou de conditions de transport soit différente parce
qu'on est peintre, menuisier, électricien ou mécanicien
d'ascenseur. Permettre la négociation par métier ou par secteur
à l'intérieur de toute l'industrie, ce serait revenir à
l'anarchie: des conditions d'heures de travail, de vacances, des congés,
de dates de fins de conventions différentes.
Un nouveau processus de négociation. La loi doit prévoir
pour l'industrie de la construction une commission de négociation
formée de trois personnes compétentes dans le domaine des
relations du travail, n'ayant aucun intérêt dans l'industrie et
dont le mandat serait le suivant: convoquer et fixer les réunions de la
table unique de négociation; recevoir l'avis de négociation, le
transmettre; recevoir les projets et les contre-projets et transmettre aux
parties; éliminer des projets et des contre-projets tout ce qui ne peut
être négociable en vertu de la loi et les signifier aux parties;
présider les réunions de la table unique de
négociation.
Après soixante jours de négociation, une des alternatives
pourrait être prise: être en accord sur le résultat et le
soumettre aux travailleurs ou recourir à la commission qui se transforme
en commission de médiation. Elle aurait trente jours pour tenter une
entente.
Au terme de la médiation, si la condition de l'unanimité
n'est pas trouvée, la commission de médiation soumet aux parties
un projet de règlement qui doit faire l'objet d'un scrutin postal
auprès de tous les travailleurs, tenu sous la responsabilité d'un
président neutre avec le maximum de garantie possible pour en assurer
l'efficacité et l'intégrité. Le rapport du scrutin postal
est produit dans les trente jours suivant le rapport de la commission.
La majorité absolue de ceux qui ont voté est requise pour
l'acceptation ou le rejet du rapport.
Suivant le rapport, l'exercice du droit de grève ou de lock-out
suit son cours. Sur ce chapitre, le moins que l'on puisse exiger comme
modification à la loi, c'est qu'on donne suite aux recommandations du
comité d'étude et de révision sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction, le comité Hébert.
La situation économique, bien sûr, n'aide pas.
L'année 1983 n'est pas passée à l'histoire comme une
année de reprise dans le domaine de la construction. Les effets de la
crise se sont fait davantage sentir, entraînant de graves
conséquences pour un nombre élevé de salariés. En
effet, le taux de chômage a atteint des niveaux record, alors que le
nombre de salariés actifs a continué de diminuer et qu'on a
assisté au surplus à une baisse totale d'heures
travaillées par l'ensemble des salariés de la construction. Et
cette situation a semblé s'expliquer par la paralysie presque totale des
activités dans les secteurs commercial, industriel et du
génie.
Les statistiques de l'Office de la construction du Québec
indiquent que plusieurs métiers de la construction demeuraient
décimés par le fléau du chômage. Au milieu de
l'année, on dénombrait chez les menuisiers près de 6000
personnes sans emploi. Chez les opérateurs de machinerie lourde, on
comptait près de 2500 chômeurs. Il y avait près de 3000
chômeurs chez les électriciens, 1500 chez les monteurs d'acier de
structure et près de 700 chez les ferblantiers. Au total, 34% de la
main-d'oeuvre disponible se trouvait sans emploi, soit 29 232 salariés,
sur un total de 86 000. (15 h 30)
On a constaté peu de nouvelles mises en chantier importantes au
cours de 1983. En fait, le secteur non-domiciliaire et celui du génie
ont tous deux connu des performances décevantes.
L'année 1984 ne laisse pas présager une meilleure
situation. En effet, les premières statistiques de 1984 concernant la
situation de l'emploi dans l'industrie de la construction ne sont guère
encourageantes. Au 18 janvier 1984, le taux de chômage officiel
s'établissait à 44% de toute la main-d'oeuvre disponible dans
l'industrie.
En effet, sur 96 356 salariés classifiés, 42 391 se
trouvaient en disponibilité. Les métiers qui s'en tirent le mieux
sont les poseurs de revêtement souple, les mécaniciens
d'ascenseurs, les carreleurs et les couvreurs. Ces groupes ne
représentent toutefois qu'une faible proportion de l'ensemble de la
main-d'oeuvre. Par contre, c'est chez les mécaniciens de chantier, les
chaudronniers et les mécaniciens de machinerie lourde que le
chômage sévit le plus. Dans ces trois cas, la main-d'oeuvre
inactive s'établit à plus de 60%. La situation est
également pénible pour les manoeuvres: 25 500 travailleurs dont
la moitié sont en chômage. Les statistiques ne sont pas
très roses non plus. Dans l'ensemble du Québec, ce sont les
régions de Hull et de Saint-Jean-sur-Richelieu qui s'en tirent le mieux
avec des taux de chômage respectifs de 27% et 29%. Dans la
péninsule gaspésienne, à Rivière-du-Loup et dans le
Bas-Saint-Laurent, le chômage atteint des proportions catastrophiques
avec des taux variant entre
60% et 78%. Même situation à Roberval et Chicoutimi.
L'Estrie fait meilleure figure avec un taux de chômage de 36% alors que
dans les Bois-Francs et en Mauricie, la proportion de chômeurs varie
entre 52% et 61%. Sur les 30 000 salariés classifiés de
Montréal, plus de 10 000 sont sans emploi alors qu'à
Québec, la moitié de la main-d'oeuvre est sans emploi.
Les perspectives pour 1984 varient d'un expert à l'autre. Alors
que certains prévoient un prolongement du boom dans le domaine
domiciliaire, d'autres croient que le marché de l'habitation neuve est
près d'atteindre un niveau de saturation.
En ce qui concerne les investissements dans les secteurs industriels et
commerciaux, il faut tenir compte de l'ensemble des perspectives de
l'économie québécoise et les prévisions vont d'un
optimisme prudent à modéré. Personne ne parle en tout cas
d'une reprise majeure. Enfin, les travaux de génie devraient être
sensiblement à la hausse puisque le Québec se retrouvera en
période électorale, ce qui favorisera l'octroi de subventions aux
municipalités et le lancement de quelques grands travaux routiers.
M. Rocheleau: Ah! Ah!
M. Gingras: Mais c'était la même chose avant:
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Hull, vous feriez mieux de ne pas parler.
M. Rocheleau: II devrait y avoir des élections à
tous les ans.
Une voix: Cela n'a pas changé depuis...
M. Gingras: Pas beaucoup, pour les travailleurs de la
construction en tout cas.
L'aspect belliqueux des patrons est des plus inconséquents et
rétrogrades. La situation économique est telle qu'il faut en
profiter. Le temps est à l'affrontement.
Le salaire est le grand responsable. Coupons de 20%, disent-ils.
Une voix: Cela n'a pas changé.
M. Gingras: Le grand responsable de la situation, c'est la hausse
du coût de production qui n'est pas due à la taxe sur les
matériaux ni au taux d'intérêt mais aux salaires. Ils ne
représentent pourtant que 30% à 35% du coût de production
dans la seule construction domiciliaire. Les statistiques des dernières
années sont à savoir que les coûts de main-d'oeuvre ont
baissé de façon radicale. Un petit exemple en passant: Quand le
taux d'intérêt hypothécaire augmente de cinq
huitièmes pour cent, cela équivaut à 10% d'augmentation
consentie aux travailleurs de la construction. L'impact est exactement le
même. Je vous laisse faire vos propres déductions avec la
situation de taux d'intérêt hypothécaire qu'on a connue
depuis quelques années. Le grand responsable de la situation c'est la
hausse du coût de la production. La diminution serait-elle due aux
matériaux usinés, aux nouvelles techniques de travail plus
mécanisées? Cette tendance n'a pas diminué surtout depuis
les dernières années. Faudrait-il plutôt songer à
rendre responsable du coût de production toute la gamme nouvelle de
spéculateurs, d'intermédiaires inutiles que sont les
sous-entrepreneurs ou les employeurs dits spécialisés, ou encore
les développeurs de tout acabit, véritables
spéculateurs?
B) II faudrait déréglementer tout au moins une portion de
l'industrie de l'habitation. Comme il existe une lutte politique à
l'intérieur des associations patronales, une fraction importante du
patronat concentrée dans le secteur domiciliaire ne se gêne pas
pour affirmer que pour qu'il y ait relance, on doit passer obligatoirement par
la reconnaissance d'un statut particulier pour le secteur domiciliaire avec une
petite "conventionnette", salaire minimum, conditions normatives
différentes, sans trop de coûts. Il faudrait au moins
déréglementer, disent-ils, cette portion de l'industrie de la
construction et l'enlever de ce qui dans la loi est identifié comme un
obstacle au profit. Donc, une amélioration de la situation
économique et attention: "Cela pourrait barder si les entrepreneurs des
autres secteurs demeuraient insensibles aux arguments de ce secteur de
l'habitation." C'est une citation de cette association de l'habitation.
Les employeurs ne respectent même pas leurs engagements. Le
décret est devenu presque une fiction. "Il y a de plus en plus
d'employeurs qui n'appliquent pas le décret. Comme il y a beaucoup moins
d'ouvrage, la concurrence devient plus violente. Les entrepreneurs coupent
alors leurs prix pour obtenir des contrats. D'autre part, l'employeur ne fait
pas plus d'argent en coupant les salaires parce que la raison pour laquelle il
coupe les salaires, c'est pour aller chercher un contrat pour lui et ses gars."
Voilà ce qu'affirment les employeurs. C'est à ne rien y
comprendre.
Les employeurs responsables en grande partie du braconnage et du travail
au noir. Le président Franco Fava, de l'AECQ, que vous avez eu
l'occasion d'entendre ce matin, l'a admis dans son journal la Stratégie,
le 16 décembre 1983: "D'après un sondage-maison, plus de 30% des
heures travaillées ne sont pas rapportées à l'office. Ce
matin, il nous disait 25%, mais dans son journal il disait 30%. Quant aux
heures rapportées par nos membres, dit-il, il est évident qu'une
bonne partie ne correspond pas à la paie des
salariés". C'est un ajouté qui est très
important.
Faut-il être cynique et arrogant pour ajouter: "Que les chefs
syndicaux se le tiennent pour dit: les taux du décret ne se paient plus
parce que le prix réel de main-d'oeuvre a été fixé
par l'offre et la demande."
Qui crée cette offre et cette demande si ce n'est l'employeur?
Nouvelle citation. "Nous avions prévenu les syndicats au début de
l'année quand nous avons essayé d'enlever 10% du 1er mai. Ils
n'ont rien voulu savoir. Eh bien, aujourd'hui, leurs membres travaillent
en-dessous de la table à 8 $ et 10 $ l'heure."
Enfin, que dire de toute cette économie souterraine de la
construction qui est en grande partie constituée de ces tentatives de
dissimulation délibérée des entrepreneurs afin
d'éviter le paiement d'impôts et des charges sociales.
Pour les vrais travailleurs de la construction, de telles pratiques
menacent non seulement leur droit au travail et leur sécurité,
mais affaiblissent dangereusement le pouvoir de négociation de leurs
associations représentatives et débalancent l'équilibre
déjà précaire qui s'était instauré dans les
relations du travail de l'industrie avec le règlement de placement en
1977. "Où nos jobs sont-elles passées", crient les vrais gars de
la construction? La situation dans l'industrie de la construction est de plus
en plus préoccupante. Les statistiques révèlent, en effet,
qu'il n'y avait plus, en 1982, que 77 000 salariés actifs dans
l'industrie. On est loin des 150 000 salariés qu'on a connus au milieu
des années 1970.
Le pourcentage de salariés qui, en 1982, ont travaillé
moins de 500 heures atteint des proportions alarmantes. D'un autre
côté, on constate, à l'extrême droite du tableau, que
le nombre de salariés ayant travaillé plus de 1500 heures a
diminué considérablement. Rappelons que 1500 heures
représentent l'équivalent de dix mois de travail. Nous avons un
tableau ici qui nous indique la moyenne des heures travaillées en
1982.
Forte de ces constatations, la CSD-Construction, en octobre 1983, a fait
au ministre du Travail la proposition qui suit: un gel total et temporaire des
effectifs dans l'industrie de la construction. Ce gel se ferait en deux
étapes: premièrement, il y aurait au 1er avril 1984 un
renouvellement automatique de toutes les cartes de classification émises
en 1982, peu importe le nombre d'heures travaillées.
Deuxièmement, entre le 1er avril 1984 et le 30 mars 1985,
aucune nouvelle carte de classification ne serait émise, ce qui
forcerait les employeurs à puiser à même la main-d'oeuvre
existante. Cette mesure pourrait même être reprise en 1985 si la
situation de l'industrie ne s'améliorait pas.
Il faut tout simplement ajuster l'offre à la demande de
façon à rétablir un certain équilibre. "Plus il y a
de chômeurs et plus il y a de main-d'oeuvre disponible, plus ça
fait l'affaire des employeurs. On négocie à rabais, on encourage
le travail au noir. On intimide les salariés et on fait du chantage avec
eux."
Il faut reconnaître qu'en interdisant l'accès à
l'industrie aux nouveaux venus on n'améliore d'aucune façon la
situation générale de l'emploi au Québec. Selon la CSD,
cette mesure risque même d'être impopulaire dans certains milieux.
Mais il faut protéger les gars de la construction. Le salarié de
la construction a déjà assez de problèmes dans sa propre
industrie sans qu'on vienne l'accabler avec les nouveaux venus qui travaillent
dans la clandestinité ou encore en créant de nouveaux
spécialistes de tout acabit qui viennent prendre le contrôle de
"jobs" que lui-même pourrait très bien effectuer.
Le ministre du Travail, M. Raynald Fréchette, a donné
partiellement raison à la CSD-Construction en décrétant
que les cartes de classification de tous les travailleurs de la construction
échues le 1er mars 1984 seraient renouvelées
automatiquement jusqu'au 1er mars 1986, peu importe le nombre
d'heures travaillées en 1983. La décision du ministre se
justifiait comme suit: "Cela va permettre à plusieurs vrais travailleurs
de la construction de conserver leur carte, même s'ils n'ont pas
travaillé le nombre minimum d'heures requises". Malgré cette
décision, le travail au noir n'est pas disparu.
Mais qui donc travaille sur les chantiers? Est-ce possible qu'il y ait
10 000 travailleurs clandestins, 4000 employeurs sans licence - l'OCQ, à
Montréal seulement, en a relevé 1000 - 9000 entrepreneurs
artisans ou spécialistes? Les chantiers regorgeraient d'une
main-d'oeuvre clandestine, illégale, dont les heures ne sont pas
déclarées. Ce phénomène de braconnage des emplois
est devenu un système organisé parallèlement provoquant
une crise dont les travailleurs sont victimes.
En effectuant des visites surprises sur plusieurs chantiers, des
représentants de la CSD-Construction ont pu relever plusieurs cas
d'embauche illégale. Pour illustrer ce phénomène, voici,
entre autres, trois cas. Un premier: le promoteur Recyclage Shafter, avec les
dates, les endroits et le projet: rénovation d'un édifice de
trois étages. Le représentant de la CSD-Construction constate que
Recyclage Shafter donne le contrat de la pose de la brique à un artisan
briqueteur qui, lui, engage des briqueteurs sans carte de classification et de
qualification. Les salaires et autres conditions ne sont pas
respectés.
De plus, on sait qu'un artisan n'a pas le droit d'embaucher des
salariés, mais cela se fait.
Un deuxième cas: la date, l'endroit, le projet, c'est un barrage,
l'entrepreneur, Trans-Nord Excavation, Saint-Donat. Le représentant de
la CSD-Construction constate qu'une dizaine de salariés travaillent sans
carte de classification et de qualification, à un salaire réduit.
De plus, ce contrat est subventionné par Environnement Canada.
Un troisième cas: la date, le 28 septembre 1983, l'endroit,
Saint-Gabriel-de-Brandon, l'entrepreneur, Malo Construction et d'autres
sous-traitants, pour la construction d'une aréna pour nos
municipalités. Sur ce chantier subventionné par le gouvernement
fédéral, un représentant de la CSD-Construction constate
qu'une vingtaine de personnes travaillent sans carte de classification et de
qualification et à un salaire inconnu.
De plus, nous reproduisons le témoignage d'un travailleur. En 25
ans de travail dans l'industrie de la construction, il affirme n'avoir jamais
manqué de travail pendant plus de six mois, sauf en 1982 alors qu'il a
dû trouver un emploi dans un autre secteur. (15 h 45)
II n'attribue pas cette situation aux conditions économiques mais
au travail au noir. Selon lui, l'embauche illégale atteint des
proportions jamais vues auparavant et les vrais travailleurs de la
construction, ceux qui suivent les règles, sont ceux qui en souffrent le
plus. Il fait part d'une expérience qu'il a lui-même vécue
au chantier du centre commercial Rockland alors que, à l'arrivée
des inspecteurs de l'OCQ, "la moitié des gars allaient se cacher dans
les corridors, les souterrains, les sous-sols, les remises, etc.
Le Président (M. Fortier): ...
M. Gingras: C'est cela. Il déplore à cet effet que
les inspections faites par l'OCQ soient totalement inefficaces. Selon lui, les
inspecteurs sont trop bien indentifiés. Ils ont tous l'uniforme à
présent, vous savez cela. De plus, il existerait un réseau de
communications entre les employeurs de chantiers rapprochés. Ainsi,
ceux-ci s'avertiraient entre eux de l'arrivée prochaine des inspecteurs.
"Le système de walkie-talkie fonctionne, je vous le dis. Ils sont
faciles à reconnaître", précise-t-il. "Les employeurs se
moquent d'eux. Ils embauchent n'importe qui, commettent des manquements
à la sécurité et ça leur coûte moins
cher."
Les pressions politiques. Si les employeurs sont en quelque sorte
responsables de ce problème de travail clandestin, il faudrait
sûrement rappeler que les pressions politiques semblent s'exercer avec un
certain succès sur l'organisation paragouvernementale chargée
d'appliquer les lois de l'industrie de la construction afin qu'elle laisse la
garde de la réglementation au profit du travail clandestin. Certains
députés ont réclamé le retrait de la carte de
classification, d'autres l'émission de permis spéciaux pour les
travailleurs occasionnels.
Pourrait-on croire qu'intentionnellement le gouvernement, en resserrant
le budget de l'Office de la construction, aurait forcé ce dernier
à laisser aller ses propres contrôles? Nous faisons
référence à ceci, à l'intervention dans la
négociation des inspecteurs de l'Office de la construction et du
personnel de l'Office de la construction où le Conseil du trésor
a imposé les politiques salariales, les heures de travail, etc. qui
étaient valables pour les fonctionnaires, mais qui sont nettement
inadéquates pour le genre de travail que ces inspecteurs doivent faire
pour contrer les abus et le travail au noir qui se fait dans l'industrie de la
construction.
Émiettement graduel du champ d'application. En plus du travail au
noir et des conditions économiques difficiles, un autre facteur est
identifié comme étant la source des problèmes que l'on
connaît aujourd'hui. Il s'agit de toute la question de la juridiction de
la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.
Le champ d'application qui constitue les limites du gagne-pain des
salariés de la construction subit des assauts constants de la part du
gouvernement et de ses instances encouragées par le patronat. Les
salariés de la construction valent-ils moins aux yeux du gouvernement
que ceux des professions médicales et juridiques?
Il faut redonner aux salariés de la construction ce qui leur
revient: leur droit au travail dans leur industrie.
Le champ d'application de la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction fait référence à trois
dimensions précises: le lieu, la population et les travaux. C'est au
niveau de la population et des travaux que le champ d'application a connu le
plus d'attaques. En 1970, le champ d'application professionnel et industriel
était défini dans chacun des décrets régionaux. Ce
champ d'application était alors négocié par les parties
contractantes et soumis à l'approbation du ministre.
Depuis décembre 1970, à la suite des modifications
apportées par le gouvernement, le champ d'application est
déterminé de trois façons.
Premièrement, il est défini dans la Loi sur les relations
du travail dans l'industrie de la construction. Il est ensuite clarifié
par l'adoption de règlements. Et, enfin, les litiges sont
arbitrés par le commissaire de la construction.
Avant 1968, la définition du champ d'application était
relativement large:
Construction, cela incluait les travaux de fondation, d'érection,
d'entretien, de rénovation, de réparation, de modification et de
démolition de bâtiments et d'ouvrages de génie civil
exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied
d'oeuvre, y compris les travaux préalables d'aménagement du sol.
Vous voyez la définition qui existait en 1968. Le caractère
principal est que tout travail exécuté sur les lieux mêmes
du chantier et à pied d'oeuvre est assujetti au décret de la
construction.
Or, depuis décembre 1970, le champ d'application du décret
a cessé d'être "négocié" et est devenu une
réglementation. Le champ d'application professionnel et industriel du
décret est maintenant celui déterminé par la loi. Cette
façon de procéder permet au gouvernement toutes les initiatives,
voire tous les abus dans la définition et l'interprétation du
champ d'application du décret de l'industrie de la construction,
particulièrement par le biais du pouvoir d'édicter des
règlements.
Qu'ont perdu les travailleurs de la construction depuis 1968? Le verre
plat. On en discutait ce matin et nous reprenons l'argumentation de M. Fava
dans le même sens. En 1973, on a exclu, sans trop
réfléchir, du champ d'application du décret de la
construction, les travaux de pose ou de montage de verre plat. Cependant, peu
de temps après, le décret du verre plat modifie son champ
d'application industriel pour inclure les travaux d'installation de
revêtements préfabriqués incluant, entre autres, le
revêtement en déclin d'aluminium. Ces travaux n'étant pas
reliés directement à la pose ou au montage du verre plat allaient
entraîner un conflit de juridiction entre le décret de la
construction et celui du verre plat.
Heureusement, la question a abouti devant les tribunaux et c'est la Cour
d'appel qui a tranché, en novembre dernier, en reconnaissant la
juridiction de l'industrie de la construction sur ce type de travaux et ce, je
vous le ferai remarquer, après dix ans d'efforts. Cette décision
favorise les vrais travailleurs de la construction et elle contribuera à
améliorer les conditions de travail des poseurs de revêtements
préfabriqués. Cependant, ce n'est pas encore complet. Comme le
disait M. Fava, toute la pose du verre sur les chantiers de construction
était de tradition le travail des travailleurs de la construction, et
ça leur a été retranché.
Les travaux de rénovation exécutés par des
salariés permanents d'institutions publiques et parapubliques et les
artisans. En 1979, on ajoute deux autres exclusions. La première exclut
les travaux de rénovation et de modification exécutés par
les salariés permanents des commissions scolaires, des collèges
et des établissements de services sociaux et de santé. En fait,
il s'agit d'un élargissement du genre de travaux que peuvent effectuer
les salariés permanents de ces établissements au détriment
des salariés de la construction.
Pour vous donner un exemple de ce à quoi cela a conduit, je
connais personnellement quatre plâtriers de l'industrie de la
construction avec certificat de classification qui ont été
embauchés au CHU de Sherbrooke à des conditions
différentes, dont les heures n'ont pas été
rapportées. C'est ce genre de situation qui se produit avec l'exclusion
de ces travaux. Qu'on ne nous fasse pas accroire que ce sont des
salariés permanents de l'employeur, bien sûr il y a une convention
collective, mais, quand il fait ce genre de travaux, il fait appel à des
salariés supplémentaires. Où va-t-il les chercher?
Où ils sont qualifiés, ce sont des travailleurs de la
construction disponibles. Là, on leur donne un salaire différent
parce qu'ils vont travailler dans ces endroits. Ils ne sont plus couverts par
leur convention collective, ils ne sont plus couverts par leur fonds de
retraite, ils ne ramassent plus d'heures pour conserver leur qualification et
leur certificat de classification. C'est ce qu'on fait avec eux.
La deuxième exclusion concerne les artisans qui exécutent
des travaux de construction aux fins personnelles autres que commerciales ou
industrielles d'une personne physique. Sous prétexte de favoriser les
consommateurs, on ouvre la porte au braconnage.
Les travaux agricoles. Tous les travaux exécutés par des
salariés à l'emploi d'entrepreneurs de la construction pour le
compte des entreprises agricoles sont exclus. Remarquez bien, tous les travaux
exécutés par des salariés à l'emploi
d'entrepreneurs de la construction sont exclus. Les fermes traditionnelles
n'existent plus, ce sont de grosses fermes industrielles. Allez voir les
équipements qui sont installés là-dessus. On fait appel
à des électriciens, à tout un personnel
spécialisé. Ils sont exclus. Comme les fermes ne sont pas
capables de faire ça avec leur personnel, elles font appel à des
entrepreneurs, mais parce que les travailleurs vont travailler sur ce genre de
chantier, ils ne bénéficient plus de leurs conditions de travail,
ils ne bénéficient pas des heures de travail rapportées
à l'office, ils n'ont plus de fonds de retraite, ils n'ont plus rien.
Ils s'en vont travailler aux conditions du marché et, assez souvent, au
salaire minimum.
Tous les travaux exécutés par des salariés à
l'emploi d'entrepreneurs de la construction pour le compte des entreprises
agricoles sont exclus. Par exemple, les opérateurs de machinerie lourde,
de pelles mécaniques, etc., et on peut même y ajouter les
électriciens et les plombiers qui vont y travailler.
Les décisions du commissaire de la construction maintenant. Le
manque de précisions dans la loi permet au commissaire de la
construction d'exclure les contremaîtres salariés, les commis, les
gardiens, les arpenteurs-chaîneurs et combien d'autres salariés.
Entre autres, il s'agirait seulement de rappeler tous les salariés qui
travaillaient à pied d'oeuvre sur les chantiers et qui ont
été exclus par des décisions du commissaire. Le
commissaire a été appelé à préciser la
notion de site de chantier et par le fait même, il a exclu les travaux
à pied d'oeuvre, tels que le transport de matériaux, le
terrassement, l'aménagement paysager, l'exploitation de bancs de sable
et de pierre à proximité des chantiers de route. Je ne parle pas
de carrières permanentes et tout cela, mais l'employeur se construit
littéralement sur le site du chantier un endroit pour faire la livraison
de son matériel, et cela c'est exclus. Pourtant ce sont des gars de la
construction qui font cela. Mais ils n'ont pas de conditions de travail. Ils
n'ont plus d'heures rapportées. Ils n'ont plus rien. Quand ils s'en vont
là, les conditions de leur convention ne s'appliquent plus à eux.
Pourtant, ils ne changent pas d'employeur. Ils sont avec le même
employeur et tout cela, mais ils ne sont plus sous la juridiction de la
construction. Ce sont des absurdités semblables qu'on retrouve, en fait,
dans ces décisions du commissaire de la construction.
Les salariés occasionnels. Un règlement prévoit un
statut particulier pour le salarié qui est appelé à
travailler occasionnellement sur un chantier de construction. Ce dernier peut
en effet obtenir du commissaire de la construction une carte de salarié
occasionnel qui décrit la durée, le genre de travaux et pour le
compte de qui ces travaux peuvent être exécutés. On dit
qu'environ 4000 cartes sont émises annuellement de cette façon.
Voilà autant de salariés de la construction privés d'un
travail qui leur revient de droit.
Les arpenteurs-chaîneurs, métreurs et hommes d'instrument.
Ces travailleurs regroupant 700 spécialistes ont été
retranchés, par décision du commissaire Bernier, du champ
d'application de la construction. Cette décision pouvait entraîner
la désyndicalisation de ces travailleurs, les priver de leurs droits
acquis. Bien qu'on ait exigé une action prompte de la part du
gouvernement afin de corriger la situation, on attend encore.
Au lieu de s'engager dans l'affrontement, les partenaires dans
l'industrie de la construction doivent s'asseoir et s'unir pour stabiliser
l'emploi. C'est le gros bon sens qui veut que l'on règle cet objectif
prioritaire. Par ailleurs, les employeurs doivent faire la démonstration
de leur capacité d'améliorer la productivité. Il faut
surmonter la crise économique que l'industrie subit
particulièrement, le haut taux de chômage et, d'autre part, le
taux de productivité soi-disant faible.
Nous sommes convaincus qu'une des façons d'aider efficacement les
salariés de la construction, c'est de travailler à la
stabilité de l'emploi.
Stabiliser l'emploi. Il ne s'agit pas de tenter de solutionner la crise
économique canadienne et particulièrement
québécoise, mais plutôt d'instituer des mécanismes
permettant aux agents économiques et gouvernementaux dans l'industrie de
la construction de prendre leurs responsabilités pour assurer le
redressement de cette industrie.
Un centre de planification. Le principal mécanisme à
instituer en vertu de la loi est un centre de planification dont l'objectif
général consisterait à assurer le plein emploi dans cette
industrie. Doté des instruments d'analyse économique
nécessaires, ce centre pourrait établir un programme de
construction d'institutions publiques, de réseaux routiers et
d'habitations afin d'aider les gouvernements à planifier leurs propres
investissements et dépenses. On pourra nous objecter les
difficultés réelles que présente cette prévision.
Elles s'expliquent beaucoup plus par l'absence de tradition dans ce domaine que
par une carence de données statistiques ou par l'absence d'une technique
appropriée ou de l'impossibilité de développer cette
technique pour évaluer le niveau des investissements dans ce secteur.
Sans pouvoir déterminer au dollar près le volume de ces
investissements, il y a lieu de croire qu'à la faveur d'un certain
effort de recherches statistiques et d'exploitation systématique de
certaines sources de données, certaines tendances au moins des
investissements dans le secteur de la construction pourraient être
utilement décelées: statistiques publiées par la
Société canadienne d'hypothèques et de logement, par le
Bureau de la statistique du Québec, par Statistique Canada,
investissements publics et privés. Il faut rappeler aussi que 52% du
volume des investissements dans le secteur de la construction émergent
directement ou indirectement des budgets publics, se prêtant d'autant
plus à cette prévision.
La proposition de création de ce centre a été
présentée par la CSD au sommet économique de Québec
et accueillie favorablement par toutes les parties. Une fois appliquée
avec succès dans la région de Québec, cette formule
pourrait ensuite être étendue progressivement à l'ensemble
du Québec. Elle permettrait alors de mesurer efficacement l'ensemble des
besoins en main-d'oeuvre et contribuerait à augmenter la
sécurité d'emploi des vrais travailleurs de la construction.
Quand le gouvernement y donnera-t-il suite?
Un renforcement du règlement de
placement. Il doit être centralisé. (16 heures)
La centralisation du placement. La commission Cliche avait
recommandé au gouvernement que le placement des travailleurs de la
construction soit fait par l'OCQ. Cela signifierait à toutes fins utiles
l'abolition de tous les bureaux de placement syndicaux.
Le gouvernement, un peu timide, en créant l'Office de la
construction lui donna le pouvoir de réglementer les bureaux de
placement privés syndicaux, de les abolir, de les remplacer par un
système contrôlé par l'office. L'office a choisi le plus
facile, le moins compromettant, celui de réglementer les bureaux de
placement existants et a prévu certains critères de
qualification, classification, priorité régionale et autres.
Les règlements concernant le placement. Même s'ils ont
constitué une amélioration relative, ils sont encore à
l'origine de discrimination. Tant et aussi longtemps que l'on n'aura pas le
placement totalement centralisé à l'Office de la construction du
Québec, les employeurs pourront refuser d'embaucher un salarié
parce qu'il est membre d'une telle association syndicale plutôt qu'une
autre. Le droit au travail doit être rattaché à des
critères objectifs de qualification et non pas à leur
allégeance syndicale.
Réglementation de mise à pied. Outre une telle
réglementation appropriée a l'embauche, il en faut une quant a la
mise à pied. Le travailleur embauché en vertu des nouveaux
règlements de placement devrait avoir la possibilité de conserver
son emploi lors d'une mise à pied. L'ordre inverse de l'embauchage
tenant compte des critères connus devrait être un principe reconnu
dans la loi tout en privilégiant la priorité
régionale.
L'application rigide du règlement de placement par l'arrêt
immédiat des travailleurs clandestins, entre autres ceux qui ne
possèdent pas de carte de classification s'avérerait un moyen
efficace pour enrayer en partie le travail au noir.
L'encouragement à la polyvalence et au recyclage des
salariés de la construction. Depuis plusieurs années, la
CSD-Construction préconise que l'on décloisonne les
métiers de façon à permettre aux salariés d'avoir
accès à des métiers connexes à celui qu'ils
pratiquent. Pourquoi, au lieu de créer de nouvelles
spécialités, ne permettrait-on pas aux salariés qui ont la
compétence et l'expérience d'une certaine technique, de pouvoir
utiliser cette technique dans des métiers connexes? On favoriserait
ainsi la stabilité et la sécurité d'emploi et on
permettrait de faire travailler les vrais salariés de la
construction.
Face aux changements technologiques qui affectent notre industrie, il
apparaît impérieux de permettre aux vrais travailleurs de s'ouvrir
aux nouvelles techniques et aux nouvelles compétences qui se
présentent. D'où l'importance, pour la formation des
salariés, que des programmes soient conçus et mis en application
par les agents économiques du milieu, en collaboration avec le
ministère de la Ma'm-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
La récupération du champ d'application. Devant
l'émiettement du champ d'application de la construction et de ses
conséquences sur l'industrie, particulièrement par
l'envahissement du travail au noir, toutes les parties syndicales
représentatives se sont mises d'accord non seulement pour
dénoncer la situation mais elles se sont unies pour confectionner et
soumettre conjointement à l'intention du ministre du Travail un document
sur des modifications profondes à apporter au champ d'application de la
loi. Il est joint comme annexe au présent mémoire. Je voudrais
vous dire ici qu'il n'a pas été remis à la commission au
même moment que notre mémoire mais il a été remis ce
matin au préposé à la commission et il est disponible pour
être distribué de la même façon que le
mémoire.
Il s'agit d'une entente sur une série de modifications a la loi
sur laquelle les parties syndicales se sont entendues entre elles. Je ne parle
pas bien sûr d'un consensus avec les employeurs mais de l'ensemble des
parties syndicales.
Cependant, nous avons cru important de signaler dans notre
mémoire quelques-unes des modifications suggérées et de
grande importance.
Le salarié permanent doit être mieux défini. On
entendait parler tout à l'heure des employés d'une commission
scolaire ou d'une municipalité. Je ne pense pas que les travailleurs de
la construction réclament le travail qui est habituellement
exécuté par les travailleurs permanents de ces entreprises, soit
des commissions scolaires ou autres. Mais, il y a lieu de définir qui
est la main-d'oeuvre de ces entreprises. Est-ce que ce sont tous les
occasionnels qu'ils peuvent se permettre d'embaucher, qu'ils soient 10 ou 1000,
ou bien si ce sont les salariés permanents qui ont ce statut acquis dans
l'entreprise?
L'artisan. Bien qu'il ne soit pas l'intention de le faire
disparaître, il apparaît essentiel de limiter son champ
d'activité et de mieux le contrôler.
Le salarié occasionnel: on cherche également à
mieux le définir.
Le donneur d'ouvrage apparaît dans les définitions.
L'employeur professionnel voit son obligation et son droit au travail
clairement définis.
Toute personne effectuant des travaux de construction se voit fixer un
certain
nombre d'obligations.
Certains travaux, tel le travail de construction en forêt ou sur
les sites miniers doivent être considérés en construction
et même faisant partie du champ d'application.
Le comité mixte n'aura plus simplement comme mandat de donner son
avis, mais il aurait un pouvoir de décision sur l'interprétation
de la convention ou le décret, si vous aimez mieux, qui sert de
convention dans l'industrie de la construction.
L'Office de la construction devra voir ses pouvoirs élargis
jusqu'à la possibilité, dans certains cas, de faire cesser les
travaux. Quand on parle de travaux au noir, je pense qu'il va falloir aller
aussi loin que cela si on veut enrayer ce cancer et cette plaie qui affecte les
travailleurs de la construction.
Enfin, l'on devra prévoir pour violation de la loi et du
décret, des amendes beaucoup plus importantes capables de
prévenir toute récidive.
La santé et la sécurité au travail. Le taux
d'accidents est encore trop élevé dans cette industrie. Et des
accidents comme Habitat Sainte-Foy ne sont pas étrangers à ce
problème que connaît la construction. Il faut voir un lien
étroit avec le travail au noir et la santé et
sécurité au travail. Cela ne peut être autrement. Les uns
veulent l'obtention de contrats de travail, les autres un plus grand profit. On
coupe non seulement sur les salaires, les conditions, mais aussi sur les
mesures de prévention.
Des mesures de prévention plus adéquates, une organisation
paritaire pour l'inspection plus efficace et une meilleure éducation des
employeurs et des salariés avec une loi révisée et
renouvelée contribueraient certainement à diminuer les
coûts économiques et sociaux de la santé et de la
sécurité sur les chantiers.
Il est plus que temps que les employeurs fassent preuve de moins
d'arrogance et se conforment à la Loi sur la santé et la
sécurité en s'associant avec tous les autres partenaires pour
former l'association sectorielle de l'industrie de la construction. Qu'ils se
rendent compte enfin qu'exiger le droit de veto sur la nomination du
président et du budget de l'association est irréaliste si ce
n'est le signe d'un simple manque de bonne foi.
Une plus grande productivité. Il est bien évident qu'avec
une stabilité d'emploi dans l'industrie de la construction
réalisée par les moyens appropriés et
suggérés, de même qu'une certaine qualité de vie au
travail (santé et sécurité) contribueraient à
accroître la productivité.
Nous sommes persuadés que si les partenaires prenaient le temps
de s'asseoir, des mesures appropriées pourraient être
suggérées et tout un plan d'action pourrait être
élaboré et mis en application avec succès, mais pour cela,
il faut qu'une certaine paix ait remplacé l'affrontement et que le
pluralisme syndical soit véritablement reconnu et que les luttes
larvées soient à jamais oubliées et que tous les
partenaires aient le désir et la fierté de faire la
démonstration qu'ils sont capables de se prendre en main, de prendre en
main leur secteur, le faire progresser, d'en vivre et d'en faire vivreses travailleurs. Pourquoi l'industrie de la construction ne
deviendrait-elle pas un rouage essentiel de toute notre économie comme
autrefois?
En conclusion, messieurs les membres de la commission parlementaire,
vous nous permettrez de réitérer nos principales
préoccupations devant l'étendue des problèmes qui minent
notre importante industrie de la construction.
Il vous faut penser d'abord et avant tout, dans la recherche de
solutions, aux travailleurs de cette industrie. C'est pourquoi nous
n'appuierons jamais assez sur: la liberté d'allégeance syndicale
assurée par le reconnaissance en fait et en droit du principe du
pluralisme syndical; l'exercice de plein droit d'expression et de
décision à la table de négociation de toute partie
représentative; une seule négociation fixant les conditions de
travail pour les métiers, les emplois sur tout le territoire du
Québec; l'établissement d'un nouveau processus de
négociation dont on a fait état plus avant.
De concert avec les partenaires, tout doit être fait pour enrayer
ce cancer qu'est le travail au noir. L'emploi doit être stabilisé
et pour cela, un centre de planification s'impose. Le placement des
travailleurs doit être centralisé et l'on doit avoir non seulement
une réglementation appropriée à l'embauche, mais il en
faut également une lors des mises à pied: l'ancienneté
doit devenir un critère.
La polyvalence doit être encouragée. De plus, le champ
d'application doit faire l'objet d'amendements importants afin de sortir
de cette industrie toute cette racaille de profiteurs et pour redonner aux
vrais gars de la construction leur gagne-pain. Et pour cela, l'Office de la
construction doit voir ses pouvoirs plus étendus et toute violation doit
être sévèrement réprouvée. Ainsi, l'industrie
de la construction retrouvera sa stabilité, la paix et prendra la place
qui lui était autrefois réservée. Je vous remercie.
Le Président (M. Fortier): Je vous remercie, M. Gingras,
pour la lecture de votre mémoire.
M. Carey: M. le Président, si vous me permettiez d'ajouter
un point qui n'est pas dans notre mémoire, mais qui a été
soulevé ce matin dans le mémoire de l'association des
employeurs...
Le Président (M. Fortier): Ce ne sera pas trop long,
j'espère?
M. Carey: Non, cela va être très court. Le
Président (M. Fortier): Merci.
M. Carey: M. le ministre a fait référence au fait
que l'une des associations syndicales aurait soumis ce point dans son propre
mémoire en ce qui concerne le tribunal de la construction. J'ai pris
connaissance de la discussion survenue entre les représentants de
l'association patronale. J'ai, personnellement, discuté aussi avec
l'association syndicale qui a proposé cette formulation dans son
mémoire et je peux vous assurer que la CSD-Construction serait en accord
avec un tribunal de la construction, ou que ce soit une annexe au Tribunal du
travail, mais qu'on ramasse au même endroit tous ces tribunaux que nous
avons actuellement.
Le Président (M. Fortier): Alors, je ferai remarquer aux
membres de la commission que nous avons un autre mémoire à
entendre avant 19 heures. J'ouvre donc la période des questions. M. le
ministre.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je comprends,
M. Carey que, pour ne pas le nommer, vous faites référence au
mémoire du conseil provincial, n'est-ce pas?
M. Carey: Oui.
M. Fréchette: C'est cela.
Je voudrais aussi, M. le Président, suivant votre exemple,
remercier M. Gingras, M. Carey, et le secrétaire du Syndicat de la
construction à la CSD, de la présentation de leur
argumentation.
J'ai particulièrement remarqué, M. le Président,
que les gens qui nous ont présenté ce mémoire ont
consacré l'entrée en matière et une bonne partie du
mémoire à refaire un historique des différentes situations
vécues depuis quelques années maintenant. Je pense, quant
à moi, que c'était très utile de nous rappeler cette
série d'événements parce que cela met davantage l'emphase
sur la nécessité, effectivement, de procéder à
modifier un certain nombre de choses pour éviter que,
perpétuellement, nous ne nous retrouvions dans ce genre de situations.
Nous sommes là, bien sûr, pour entendre des suggestions et des
propositions concrètes quant à des modalités de
changements ou d'amendements, mais ce genre de rappel historique que vous avez
fait est très utile pour les fins des décisions qui devront
être prises pour éviter qu'on ne se retrouve dans les mêmes
situations.
J'irai très rapidement, M. le Président. J'ai quelques
questions seulement. M.
Gingras, permettez que je vous renvoie à la page 52 de votre
mémoire sous le titre Réglementation de mises à pied,
particulièrement au deuxième paragraphe. Vous faites, de toute
évidence, référence à la nécessité de
donner des pouvoirs accrus aux inspecteurs de l'Office de la construction
quand, par exemple, vous dites: "L'application rigide du règlement de
placement par l'arrêt immédiat des travailleurs clandestins, etc."
Les gens qui vous ont immédiatement précédé ont
également insisté sur la nécessité de faire une
vérification très précise des pouvoirs qui sont
accordés aux inspecteurs de l'office. (16 h 15)
Les questions que certaines personnes se sont posées sont, entre
autres, mais pas exclusivement de la nature suivante: Est-ce que, par exemple,
l'inspecteur de la construction ne devrait pas être nanti des pouvoirs
nécessaires lui permettant d'obtenir l'identification d'une personne
à qui il s'adresse lorsqu'il fait l'inspection d'un chantier. Est-ce
qu'il ne devrait pas être nanti de la juridiction nécessaire pour
obtenir sur place - je pourrais parler d'à pied d'oeuvre dans ce cas
aussi - tous les renseignements pertinents à l'enquête ou enfin
à l'inspection qu'il est en train de mener? J'aimerais avoir une
précision cependant quant à ce deuxième paragraphe de la
page 52, lorsque vous parlez de l'arrêt immédiat des travailleurs
clandestins. J'apprécierais quant à moi que vous nous donniez un
peu de précisions quant au sens qu'il faut donner au terme
"arrêt". Je n'ai pas besoin de pousser plus loin. Vous comprenez
très certainement ce que je veux dire lorsque je vous pose cette
question.
M. Carey: Je vais répondre à votre question, M. le
ministre. Je vous signale immédiatement que, dans l'annexe que nous
avons déposée, qui est le mémoire ou le document de
travail conjoint des associations syndicales, nous couvrons ce point. Dans les
modifications que nous voulons voir apporter, nous demandons que, lorsqu'un
inspecteur de l'Office de la construction constate qu'un salarié ne
possède pas de certificat de classification, qu'il n'est donc pas un
travailleur de la construction au départ... On peut dire que, s'il ne
possède pas de certificat de qualification, il peut être un
travailleur de la construction, mais il peut faire des travaux et cela lui
prendrait un certificat de qualification. Mais la classification, c'est la
permission d'être un travailleur dans l'industrie de la construction et
les inspecteurs devraient avoir les pouvoirs, lorsqu'ils se rendraient compte,
sur un chantier de construction, qu'un de ces travailleurs ne possède
pas ce certificat de classification, de lui dire tout simplement: Bonhomme, tu
n'as pas le droit de travailler
sur ce chantier. Prends tes outils et sors. Si cela ne se faisait pas,
ils pourraient avoir un pouvoir d'arrêt.
Les pouvoirs d'arrêt, vous les avez donnés, M. le ministre,
aux inspecteurs en santé et sécurité lorsque des travaux
sont considérés dangereux. Cela s'arrête, un chantier de
construction. On a parlé des amendes et on pourra les revoir. Je ne veux
pas commenter toute l'annexe parce qu'elle est conjointe et que d'autres
associations auront à y revenir. On a parlé des amendes
modifiées par rapport à la loi. On pourra nous dire: Oui, mais
vos amendes nous semblent excessives. Est-ce que les amendes étaient
excessives lorsqu'on a légiféré pour permettre à la
ville de Montréal de saisir une grosse voiture avec le sabot de Denver?
Je ne pense pas. On a voulu faire cela afin que les gens ne passent pas
à côté de la réglementation de la ville de
Montréal. Or, on dit: II faut que, dans le secteur de la construction,
des pouvoirs soient donnés à l'office et que les amendes qui
seront données par la suite soient tellement élevées que
ces travailleurs quittent et même ne se présentent pas sur les
chantiers de construction.
M. Fréchette: M. Carey, la réponse que vous nous
donnez répond essentiellement à la question que je posais, mais
convenez que ce que vous venez de me dire et le texte qu'on retrouve à
la page 52, cela ne se rejoint pas tout à fait. Là, vous parlez
de l'arrêt immédiat des travailleurs clandestins, alors que, dans
l'explication que vous venez de nous donner, vous parlez de l'arrêt des
travaux. Il me semble qu'il y a une distinction tout à fait fondamentale
entre les deux situations dont on parle. Je comprenais, à la lecture du
texte, que vous suggériez l'arrestation immédiate et sans mandat
des personnes qu'on retrouverait sur des chantiers de construction sans permis
de classification, mais...
M. Carey: C'est l'arrêt de travail... M.
Fréchette: Ah bon! Je pense que...
M. Gingras: Non, c'est l'arrêt... Je pense que ce que M.
Carey a expliqué, c'est qu'au départ il faut que l'inspecteur
arrête le travailleur, l'empêche de continuer d'effectuer un
travail illégalement.
M. Fréchette: Cela va.
M. Gingras: C'est sur-le-champ. Vous savez qu'actuellement, ce
qui se produit, c'est que l'inspecteur émet une contravention au gars
concerné. Le gars a le temps de finir la "job" avant qu'il ne
repasse.
M. Carey: Ce n'est pas de l'emprisonner.
M. Fréchette: D'accord, c'est clair. C'était
simplement cette situation que je voulais clarifier pour être sûr
des intentions que vous aviez en faisant cette suggestion.
Une autre question rapide à M. Gingras, M. Carey. Vous avez
aussi, enfin, longuement discuté de la juridiction, du mandat ou des
autorisations dont est revêti l'artisan. Vous l'identifiez
également comme étant une cause de problèmes parmi toutes
les autres qui existeraient dans le secteur. Quel est, à cet
égard, votre position ferme? En d'autres mots, est-ce que la suggestion
que vous seriez prêt à mettre sur la table serait l'abolition pure
et simple de ce genre de métier ou de statut? Est-ce que ce serait de
resserrer les balises qui existent actuellement ou toute autre
possibilité qui existe? Quelle est votre position ferme à cet
égard?
M. Carey: Encore sur ce point, je réfère aux autres
associations parce qu'on est arrivé à une conclusion unanime
parmi les associations syndicales. Nous avons accepté et compris qu'on
ne peut pas faire disparaître l'artisan. La définition nouvelle
qui vous est suggérée par la partie syndicale, c'est qu'un
artisan est une personne physique détenant un certificat de
qualification du métier qu'il exerce et une licence de la Régie
des entreprises en construction - parce que c'est elle qui émet les
licences actuellement - faisant affaires pour son propre compte, qui
exécute lui-même, sans l'aide de salariés - je
précise - des travaux de réparation, d'entretien et de
rénovation définis à l'article 19.
Je vais à l'article 19 pour compléter la réponse.
On dit: "La présente loi ne s'applique pas aux travaux de
réparation, d'entretien et de rénovation exécutés
par un artisan aux fins personnelles et non lucratives autres que commerciales
ou industrielles d'une personne physique." En d'autres mots, on accepte qu'il y
ait des artisans, mais on accepte qu'ils soient artisans. Ils vont faire
certains travaux - on se fait dire continuellement que ça coûte
trop cher pour faire refaire la galerie, pour faire changer la porte - la
rénovation ou la réparation. Ils ne feront pas de construction
neuve, ils n'embaucheront pas et ils ne travailleront pas pour des employeurs
non plus. C'est la position des associations syndicales.
M. Fréchette: C'est très clair, M. Carey. Une
dernière question, quant à moi. Vous avez consacré un
chapitre important de votre mémoire au phénomène de la
représentativité syndicale. Il est clair, à la lecture et
à l'audition de ce mémoire, que vous êtes des partisans
farouches du pluralisme syndical. Le même mémoire
réfère
à des intentions que j'aurais manifestées d'arriver
à légiférer ou à réglementer pour faire
disparaître le pluralisme syndical. J'essaie de me souvenir quand,
comment et dans quelle circonstance des intentions de cette nature auraient
été manifestées et je n'arrive pas à les retrouver.
Vous pourrez peut-être me rafraîchir la mémoire. À
moins que l'on ne fasse un peu de confusion avec l'appel qui a
été fait aux parties au mois d'avril dernier.
En même temps que la prolongation du décret était
annoncée, j'avais pris sur moi de demander aux associations syndicales
si elles étaient disposées elles-mêmes à prendre le
temps qu'il faut, s'asseoir entre elles pour discuter de ce
phénomène et peut-être arriver elles-mêmes, les
associations syndicales, sans que le gouvernement y soit, sans, bien sûr,
que la partie patronale y soit, à faire des consensus, des ententes
autour de cette question. Je veux bien - qu'on soit clair là-dessus -
quant au pluralisme syndical, respecter la volonté majoritaire des
parties, mais, à la suite de cette demande, l'impression que j'avais,
c'est que, effectivement, au moins quatre des cinq associations étaient
disposées à faire cet exercice. Sauf que je n'en ai pas eu de
rapport depuis le 25 avril.
Lorsque j'ai fait la lecture des mémoires de chacune des
associations syndicales, je me suis bien rendu compte que l'invitation qui
avait été faite au mois d'avril dernier n'a pas été
acceptée. Ou alors, si elle a été acceptée, elle
n'a pas donné les résultats qu'on aurait pu espérer.
Au-delà de tout cela, tenant pour acquis votre défense
farouche du pluralisme syndical, je pense qu'on va accepter de convenir que
l'état actuel des choses -l'AECQ le soulevait ce matin dans son
mémoire - fait en sorte qu'avant d'amorcer la négociation avec
l'employeur, il faut essayer de s'entendre entre nous. Quand je dis "entre
nous", je tiens pour acquis que je suis du côté syndical. Cette
situation - et c'est tout à fait normal que ce soit ainsi -peut, de
toute évidence, créer des embêtements. Est-ce que, M.
Gingras et M. Carey, vous faites une distinction entre un mandat de
représentation de salariés et un mandat de négociation
d'une convention collective? Y a-t-il une distinction entre ces deux
phénomènes?
M. Gingras: II existe actuellement une distinction dans la loi.
Telle qu'elle est formulée actuellement, il y a un processus de
négociation et un processus d'allégeance syndicale qui
diffèrent, bien sûr. Quant à nous - je pense que cela a
été clairement exprimé dans le mémoire qu'on a
déposé devant vous - on est d'accord sur le pluralisme syndical,
mais on propose des modifications à la structure de
négociation.
Telle qu'elle est prévue actuellement, c'est impraticable. Je
pense qu'on a longuement expliqué la situation qu'on connaît
depuis 1968 dans l'industrie de la construction et c'est le même
scénario qui se reproduit. Pourquoi? Parce que quand on part du principe
du pluralisme syndical, quand on accepte cet état de choses, partant de
cela, c'est tout à fait différent de ce qu'on retrouve ailleurs
dans les unités accréditées en vertu du Code du travail.
Or, il faut absolument qu'on ait quand même une structure de
négociation qui soit adaptée à ce nouveau
phénomène du pluralisme syndical.
Bien sûr, le pluralisme syndical existe dans d'autres pays comme
la France et tout cela, mais les modes de négociation ont
été adaptés à ce phénomène du
pluralisme syndical, tandis qu'ici on applique le pluralisme syndical en ce qui
a trait à l'allégeance. Or, quand arrive le temps de
négocier, on exclut les travailleurs qui n'ont pas une certaine
représentativité de la possibilité de négocier des
conditions de travail ou d'être présents dans la
négociation des conditions de travail. Il y aurait moyen d'avoir un
processus où les travailleurs - les associations de travailleurs, tout
au moins -seraient présents dans le processus de négociation avec
le degré de représentativité qu'ils ont, bien sûr,
et avec la possibilité d'être partie à cette
négociation comme membres, dans un système qui ferait que les
règles du jeu seraient respectées pour l'ensemble des
travailleurs.
Tout cela pour en arriver finalement -et je pense qu'on a
précisé cela - à un projet de convention collective
déterminé dans une structure qui arriverait à une certaine
échéance à partir des demandes et d'une commission dont on
suggère la mise en place, une commission de négociation qui
arriverait inévitablement à une convention proposée. Si
elle n'est pas proposée par les travailleurs et les employeurs par la
négociation directe, elle arriverait de toute façon par
l'intervention de la commission de médiation après avoir entendu
l'ensemble des représentants des travailleurs et tous les
intérêts qui sont en cause. Ils émettraient une
recommandation et cette recommandation aurait au moins l'allure de conditions
complètes d'une convention collective qui pourrait être soumise
à l'approbation des travailleurs, non seulement les travailleurs de
l'association majoritaire, mais l'ensemble des travailleurs de la construction
pour qui ces conditions devront s'appliquer éventuellement, parce que
c'est l'ensemble des travailleurs de la construction qui seront couverts par la
convention et non pas une partie. Il est normal dans un contexte de pluralisme
syndical, quand arrive le temps d'accepter des conditions de travail, que ce ne
soit pas seulement une ou deux
associations qui aient intérêt aux conditions de travail
qui vont s'appliquer à leurs membres, mais l'ensemble des travailleurs.
Quand il s'agit d'accepter ce projet de convention, il est aussi
d'intérêt que tous les travailleurs - et non pas 10%, 15% ou 20%
-soient appelés à prendre des décisions de rejet ou
d'acceptation des conditions de travail.
Il en est de même aussi pour le droit de grève. Si les
conditions sont rejetées, ce n'est pas à une association de
décider pour l'ensemble qu'il va y avoir une grève, mais il
appartient à l'ensemble des travailleurs d'en décider. C'est dans
ce contexte que nous proposons une structure de négociation
adaptée au pluralisme syndical qui mettra fin à ce genre de
situation qu'on a connue jusqu'à présent. (16 h 30)
Le gros problème qu'on vit c'est qu'on ne réussit jamais
à former une table de négociation où on peut arriver
à présenter au travailleur des conditions de travail qui
pourraient être les siennes pendant une période de deux ou trois
ans à venir. On n'est jamais arrivé à cela depuis le
début. Or, il faut trouver le moyen d'y arriver et on en suggère
un justement.
M. Carey: Vous m'avez dit que je pourrais répondre si cela
me plaisait, M. le ministre. Au mois d'avril, lorsque vous avez posé la
question à savoir qu'on regarde la représentativité
syndicale... pour moi, le fait que vous posiez la question signifiait que vous
commenciez à penser que le pluralisme syndical n'était
peut-être pas la meilleure des choses. J'avais peut-être mal
interprété mais c'était...
M. Pagé: Je ne pense pas que vous ayez mal
interprété.
M. Carey: C'était mon interprétation à ce
moment-là.
Je voudrais aussi vous rappeler, à la suite de la réponse
que M. Gingras vient de faire, que j'étais ici en 1968 lorsqu'on a
étudié la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction à cette même table. C'était tout un maudit
changement de partir du Code du travail et de connaître deux associations
syndicales à ce moment-là, pluralisme syndical sur tous les
chantiers à l'échelle du Québec. Cela a été
une révolution à l'intérieur de l'industrie. Mais Claude
vient de mentionner... On n'a pas fait le même exercice au niveau du
chapitre de la négociation collective. On a laissé la
négociation collective se faire de la même façon qu'elle se
fait au niveau du Code du travail. Cela n'a pas changé, on n'a pas
permis des organismes pour recevoir - quand on parle d'une commission de
construction -toute cette documentation qui vient de part et d'autre. C'est
analysé, centralisé, convoqué... D'ailleurs la preuve nous
démontre qu'il n'y a pas eu une négociation, depuis, qui a
débuté sans l'intervention du conciliateur.
M. Fréchette: M. le Président, la réponse
que m'a donnée M. Gingras, les commentaires que vous y ajoutez, M.
Carey, répondent à la question que j'avais posée et
à plusieurs autres que j'avais inscrites et que je ne poserai pas
maintenant parce que j'ai mes réponses. Il faudrait peut-être que
l'on relise ensemble, M. Carey, le communiqué du 30 avril, et on verrait
très précisément la nature de l'interprétation
qu'il faut y donner.
Permettez-moi une dernière question; je vous laisse
là-dessus, je laisse à mes collègues ensuite l'occasion de
vous en poser. Si effectivement la même invitation était faite
aujourd'hui de prendre le temps nécessaire de regarder cette
situation-là entre vous de près et d'essayer d'arriver à
des suggestions qui pourraient recueillir l'unanimité à
l'intérieur des quatre ou cinq organisations représentatives,
seriez-vous prêts, quant à vous, à faire cet
exercice-là et à le faire intensément en tenant pour
acquis - je touche du bois - que la question de la convention et du
décret c'est réglé?
M. Carey: M. le ministre, la CSD-Construction ne s'est jamais
refusée à participer à quelque étude que ce soit,
sauf que pour avoir des partenaires qui veulent arriver à une conclusion
ou à un cheminement qui conclurait au même endroit que nous, il
faudrait qu'ils acceptent au départ qu'il faut travailler dans le
contexte qu'il y a un pluralisme syndical et qu'il faut trouver la conclusion
pour ledit pluralisme.
Si vous travaillez et que les partenaires disent: C'est le monopole,
c'est difficile d'avancer. On est vraiment ouvert à toute proposition
qui serait dans le sens d'améliorer le pluralisme syndical.
M. Frechette: Bien, merci.
Le Président (M. Fortier): M. Gingras, avant de passer la
parole à mon collègue de Portneuf, je voulais juste m'assurer que
le document auquel vous vous référiez tout à l'heure en
annexe est bien le document qu'on vient de distribuer qui est intitulé:
"Document préparé par les parties syndicales du comité
mixte de l'industrie de la construction". C'est bien celui-là?
M. Carey: C'est exact.
M. Gingras: C'est absolument celui-là.
Le Président (M. Fortier): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Gingras: Vous allez constater dans ce document, quand
même, une série de propositions concernant des modifications
à apporter à la loi, dont on ne fait pas nécessairement
état dans notre document mais qui sont en relation avec certains points
qu'on soulève et qui seraient de nature à améliorer
l'intervention dans l'industrie de la construction.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais aussi
m'associer au ministre pour remercier M. Carey, M. Gingras et les
représentants de la CSD-Construction pour le mémoire qu'ils nous
livrent, qu'ils ont préparé et qu'ils portent à notre
attention ainsi que les recommandations spécifiques qui y sont contenues
et qui pourront définitivement faire l'objet d'une réflexion
additionnelle et d'analyses plus poussées par les députés
des deux côtés de la Chambre.
Je voudrais, dans un premier temps, revenir sur la dernière
question qui a été abordée par M. le ministre et qui
concerne toute la question de la représentativité aux tables de
négociation et la question du pluralisme syndical et du monopole
syndical. Effectivement, je retiens de votre mémoire que vous ne jugez
pas que le pluralisme syndical ait servi pour le mieux les différentes
associations représentatives. Vous vous exprimez avec beaucoup de force
contre le monopole syndical et vous recommandez finalement une nouvelle
structure, une commission de la négociation qui aurait un mandat bien
spécifique, bien particulier avec des délais, etc.
J'aimerais profiter de l'occasion, puisque vous êtes avec nous
aujourd'hui devant les membres de cette commission -sans tomber,
évidemment, dans la réserve que tout le monde a formulée
ce matin à savoir qu'on n'est pas ici pour négocier le
renouvellement du décret - pour voir certains aspects avec vous. Vous
représentez 9,169% des travailleurs de la construction, presque 10%;
vous avez 6478 travailleurs qui ont adhéré à la
CSD-Construction au scrutin de novembre 1983. Vous avez vécu une
situation de représentativité syndicale où il n'y avait
pas de majorité qui s'était dégagée par le vote
exprimé par les travailleurs. Vous avez vécu aussi - c'est
mentionné dans votre mémoire - une situation où la
majorité syndicale était là lorsque le Conseil provincial
du Québec des métiers de la construction et la FTQ-Construction
volaient sous la même égide.
Pourriez-vous, pour le bénéfice des membres de la
commission... On sait qu'un syndicat comme le vôtre donne
différents services à ses membres, est en contact
régulier, même fréquent avec ses membres.
Il a aussi une responsabilité au niveau de la fixation et
l'établissement des conditions de travail de presque 7000 travailleurs
que vous représentez. Jusqu'à maintenant, est-ce que la
représentativité des travailleurs qui ont voté pour vous
à la CSO s'est vue mieux assumée dans un mécanisme de
pluralisme syndical que dans un mécanisme de monopole syndical. Si oui,
comment?
M. Gingras: Quand vous posez la question de cette façon,
je peux vous dire que, oui, la représentavité des travailleurs a
été mieux assumée parce que ce n'est pas seulement le
pluralisme syndical. Il y a eu des interventions et les différents
intervenants ont quand même réussi, au cours des années,
par leurs interventions... Ce n'est pas une association monopolistique qui a
décidé, à un moment donné; le gouvernement a
dû trancher différentes choses à partir des positions de
différentes associations syndicales. Il est sûr et certain que
même si le fruit de ces arrêtés qui ont décidé
des conditions de travail des travailleurs ne donne pas nécessairement
tout ce que les travailleurs recherchaient, plusieurs des revendications, si
elles avaient été représentées dans une formule
monopolistique, n'auraient pas eu de suite, en fait, dans la négociation
nécessairement. Elles ont eu des suites lorsque cela a dû
être tranché.
Vous dire si les travailleurs ont été mieux
représentés, pour répondre à cette question, quant
à nous, c'est oui. Cependant, il leur manque des éléments
pour assurer vraiment cette représentation dans un système de
négociation qui soit fait à la mesure du pluralisme syndical.
C'est ça que nous revendiquons. Actuellement, on peut dire que, parce
que ça s'est fait par le biais des commissions parlementaires, parce que
ça s'est fait par le biais du ministre et du gouvernement de
façon habituelle, on a pu représenter nos travailleurs à
ce niveau, mais pas dans la négociation directe avec les employeurs,
jamais, dans aucun système.
Ce n'est pas versus l'employeur qu'on a pu bien représenter nos
salariés nécessairement, mais par ceux qui ont dû prendre
des décisions sur leurs conditions de travail. On a pu assurer une
meilleure représentation qui a peut-être tenu compte de certaines
dimensions des revendications des travailleurs dont une seule association
n'aurait probablement pas tenu compte. Dans ce sens, ma réponse est
oui.
M. Pagé: C'est donc dire que les circonstances au cours de
ces années ayant voulu que les deux parties ne s'entendent pas sur la
totalité des clauses vous auront finalement servi comme syndicat
à représenter plus adéquatement ou plus fidèlement
les membres qui vous appuient.
M. Gingras: C'est cela. Il ne faudrait pas en faire une
règle. On ne dit pas que cela doit être conservé. Au
contraire, on voudrait être capables d'assumer nos obligations
d'association syndicale représentative au même titre que n'importe
quelle autre dans un contexte de pluralisme syndical.
M. Carey: D'ailleurs, M. Pagé, vous savez que l'Opposition
aide au gouvernement. C'est la même chose sur le plan syndical,
l'opposition ça y est pour quelque chose.
M. Pagé: S'ils nous écoutaient plus souvent, cela
irait peut-être mieux pour eux, mais cela est une autre affaire. C'est un
choix.
Vous avez abordé la question des artisans et vous recommandez,
finalement, qu'on revienne au statu quo ante de la loi 110. Vous recommandez -
et là je voudrais, si je n'ai pas bien compris, que vous ajoutiez - que
la juridiction du travailleur ayant le statut d'artisan soit limitée
à des travaux de rénovation pour des propriétaires
uniques.
M. Carey: C'est cela. Des réparations, de l'entretien.
M. Pagé: Devons-nous comprendre que vous faites
vôtres les argumentations qu'on a déjà fait valoir,
à savoir que, lorsque le ministre Johnson a prévu dans la loi 110
des mesures permettant à un travailleur possédant un certificat
de qualification de s'en aller à la Régie des entreprises de
construction du Québec, de payer 240 $, de passer un petit examen et de
sortir avec une carte d'artisan entrepreneur, ce qui lui donnait le droit
d'aller travailler sur les chantiers de construction, c'était une
façon de contourner le règlement de placement dans l'industrie de
la construction?
M. Carey: C'est une façon de contourner non seulement le
règlement de placement, mais de contourner tout le système. M.
Pagé, j'aimerais ajouter que j'ai pris connaissance, la semaine
dernière - je ne voudrais pas être forcé de nommer qui
parce que je serais mal placé - d'un salarié de la construction
qui travaille continuellement. En tout cas, disons que c'en est un de 1500
heures et plus. Depuis nombre d'années, il s'en va à la
Régie des entreprises de construction et il a obtenu une licence
d'entrepreneur en construction, entrepreneur général. Je lui
demande: Dis-moi donc, maudit, qu'est-ce que tu vas faire avec ça? Tu as
toujours été un salarié et tu travailles
régulièrement. Il dit: Je vais pouvoir faire des "jobines" et
quand mon comptable va faire mon impôt, tu vas t'apercevoir que je vais
avoir des moyens d'être capable de ne pas payer l'impôt sur tout ce
que j'ai gagné comme salarié de la construction. Le
système est ainsi aujourd'hui à tous les niveaux.
Quand on parle des 5000 employeurs spécialisés qui n'ont
pas de salariés, qui ont obtenu une licence de la régie, on les
retrouve occasionnellement comme salariés de la construction. Quand ils
sortent de là, ils font faire leur petit rapport d'impôt et
là l'office, comme ils sont des bons garçons, leur dit: Tu as une
licence de la Régie des entreprises et les contributions syndicales que
leur employeur d'aujourd'hui leur a enlevées, il leur retourne cela
à la fin de l'année. Ce sont des moins sur nos contributions
syndicales. Je suis convaincu qu'au niveau de l'impôt c'est la même
maudite affaire. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut que cela arrête et
qu'on mentionne dans le document qu'on a déposé conjointement,
les associations, et qui viendra sous une autre forme qu'à l'exception,
sur un chantier de construction, du propriétaire de l'oeuvre ou des
personnes visées au paragraphe précédent - on dit:L'employeur qui travaille avec des salariés ou une personne qui
représente une compagnie ou société - les personnes qui
travaillent sur des chantiers de construction doivent recevoir les conditions
pécuniaires prévues dans le décret, posséder un
certificat de classification selon le travail effectué, un certificat de
qualification, détenir la carte prévue à l'article 36
(c'est la carte d'allégeance syndicale) payer des cotisations syndipales
et autoriser le précompte. (16 h 45)
On cherche quoi comme association syndicale? On dit: Sauf les artisans
qu'on vous a mentionnés qui pourront aller faire des travaux de
rénovation, d'entretien, de réparation pour quiconque sans but
lucratif. Toutes les autres personnes devront être des salariés ou
des employeurs. Il n'y en a pas d'autres. Mais il ne faut pas que ces gens, qui
ont choisi d'être artisans, demain matin soient en même temps des
salariés et, après-demain, employeurs. Il va falloir qu'ils
fassent un choix.
M. Pagé: Vous n'avez pas abordé ce point dans votre
mémoire et je pensais que vous le feriez. Lorsqu'on en a pris
connaissance, j'ai été surpris de constater que vous n'aviez pas
abordé toute la question de la formation de la main-d'oeuvre, la
question de l'apprentissage. On sait que les règles d'accession à
la construction sont, quand même, très strictes. On se retrouve
dans une situation où un peu tout le monde, je pense, s'interroge sur
les politiques de formation de notre main-d'oeuvre et le renouvellement de
celle-ci. Ce matin, l'AECQ, comme d'autres auront l'occasion de le faire, a
abordé toute la question de la formation. Ne croyez-vous pas que le
gouvernement serait légitimé de revoir sa
politique de formation de la main-d'oeuvre? Avez-vous des commentaires
à formuler sur les anciennes commissions de formation professionnelle de
la main-d'oeuvre qui avaient, quand même, un mandat assez particulier et
assez valable? J'aimerais bien entendre votre expertise sur le sujet.
M. Gingras: M. le député, sur cette question
particulière de la formation professionnelle, bien sûr, comme
centrale syndicale, nous avons une position très bien définie.
Nous avons, d'ailleurs, eu l'occasion de la présenter à plusieurs
commissions. Nous avons peut-être omis de le faire à celle-ci.
Mais en ce qui a trait à la formation des travailleurs, on y a
touché en partie. Sur ce qu'on voit comme étant l'avenir de la
formation dans l'industrie de la construction, on vous parle de polyvalence des
travailleurs de la construction. On croit à cette dimension qui doit
être incorporée. C'est nouveau comme philosophie dans la
construction. On a toujours habitué les travailleurs de l'industrie de
la construction à se former dans un métier et, quand tu avais un
métier, tu venais de gagner ta vie pour la vie. Ce n'est plus cela, la
construction. On est rendu qu'avec les nouvelles méthodes les chantiers
de l'industrie de la construction ne se ressemblent pas par rapport à ce
qu'on connaissait traditionnellement, à tel point qu'il y a des
métiers où des gens se sentaient en complète
sécurité sur le plan de la formation qui sont
littéralement disparus de l'industrie de la construction. Et il y en
aura d'autres de ces métiers dans lesquels on a enfermé des
travailleurs qui disparaîtront à cause des techniques nouvelles,
etc. Ce qu'on propose, c'est d'arriver à un système où les
travailleurs de la construction atteindront un niveau de polyvalence. C'est
dans ce sens qu'on aborde la formation.
Quant à la partie des centres de formation existants, à la
politique existante, bien sûr, comme les autres, on l'a
décriée. On est en net désaccord, actuellement, avec ce
qui se passe au niveau de la formation professionnelle. Elle est nettement
inappropriée par rapport aux besoins de l'industrie. On sait comment
cela se passe. On avait des centres d'apprentissage. J'ai eu l'occasion
moi-même d'en être un des administrateurs à titre de
représentant des travailleurs. Ces centres avaient la vocation non
seulement de former la meilleure main-d'oeuvre possible pour la construction,
mais avaient aussi la vocation de remplir le besoin normal de remplacement des
travailleurs de cette industrie. Ils avaient ce souci. On a transformé
cette formation en confiant le mandat aux commissions scolaires de le faire.
Elles le font avec leur philosophie qui en est une d'ouverture
générale à quiconque veut s'en aller vers un métier
ou un emploi de l'apprendre, pas nécessairement en fonction d'un
débouché du marché. Le cours lui-même, dans sa
conception, n'est pas approprié à l'industrie de la construction.
On n'a qu'à observer ce qui se passe dans l'enseignement dans ces
institutions pour s'apercevoir que c'est nettement disproportionné par
rapport au travail que le travailleur aura à exécuter sur un
chantier de construction dans beaucoup d'endroits. Le système de
formation actuellement en place est nettement inférieur à ce
qu'on a connu avec l'ancienne formule des centres de formation professionnelle
qui existaient avant la réforme. Quand on avait ces centres de
formation, les travailleurs, de concert avec les employeurs,
définissaient les normes de sélection, définissaient aussi
les normes de qualification, le contenu des programmes et la durée de
l'apprentissage qui devait s'appliquer.
Je ne veux pas dire que, sur l'ensemble de ces questions, on doit
automatiquement revenir à ce qu'on connaissait comme système par
région, parce qu'il faut se souvenir qu'à ce moment-là il
existait au Québec - je me rappelle la première opération
dans l'industrie de la construction -721 définitions différentes
de "travailleur" dans les décrets régionaux; cela n'avait pas
d'allure. Un travailleur partait d'une région pour s'en aller dans une
autre, il portait un titre de menuisier dans une région et il portait un
autre titre ailleurs. Cela ne correspondait plus. C'était l'anarchie,
ça n'avait pas d'allure parce qu'il n'y avait pas d'uniformité
dans le métier.
Cependant, la première opération a été
faite, on a uniformisé les définitions à travers la
province et maintenant il y a, quand même, des définitions de
métiers qui existent. Cette tâche accomplie, il fallait qu'il y
ait un suivi et ce suivi n'a pas été fait, bien sûr. On n'a
pas adapté les définitions de métiers à la nouvelle
réalité des chantiers au fur et à mesure que les
techniques nouvelles ont évolué sur les chantiers. Les
définitions de métiers sont restées stables, sauf des
modifications très mineures, et pendant ce temps arrivaient de nouveaux
concepts de construction. Plutôt que de les incorporer dans les
définitions déjà existantes, parce que des travailleurs
étaient qualifiés, et ça remplaçait
littéralement à ce qu'ils faisaient comme travail, plutôt
que d'incorporer cela dans leurs possibilités, dans leur métier,
on a créé de nouvelles spécialisations à
côté. On a incorporé tout un nouveau groupe de travailleurs
et, pendant ce temps, on envoyait les travailleurs d'expérience de
l'industrie de la construction chez eux, en chômage, parce que leur
métier disparaissait.
C'est à tout ce système qu'il faut mettre fin. Cela n'a
pas d'allure que ça continue comme ça. Le travailleur de la
construction, actuellement, est nettement desservi par le système
de formation qui existe dans l'industrie de la construction. On doit revoir
toute cette question et la revoir en fonction, justement, de critères de
polyvalence où les travailleurs vont pouvoir récupérer de
nouvelles techniques de métier à partir d'un métier
déjà acquis, d'une base déjà acquise dans leur
métier plutôt que d'assister à la prolifération des
spécialisations, comme ça a été le cas depuis les
dernières années, depuis l'adoption de ce règlement qui
n'a pas subi de modification.
Cela, c'est la prémisse. Quand on veut faire de la formation, il
faut savoir dans quel sens on va faire la formation. Il y a des modus Vivendi
sur lesquels on doit s'entendre comme parties et, après cela, prendre en
main la formation, parce que je pense que, tant que les parties n'auront pas
pris en main leur formation comme elles en avaient le contrôle
antérieurement, on n'arrivera pas à mettre sur pied le
système de formation professionnelle adéquat pour les
travailleurs de l'industrie de la construction et aussi pour les besoins de
l'industrie de la construction.
M. Carey: Vous me permettrez d'ajouter à ce chapitre, M.
le Président, et sur ce point que, si ce n'est pas possible -je ne veux
pas entrer dans le débat et dire si je suis contre ou pour, je ne me
prononcerai pas - d'obtenir la sécurité du revenu pour les
travailleurs en chômage... Je ne suis pas un homme politique, mais j'ai
entendu parler de milliards à la disposition de la formation
professionnelle, dans les jours passés. Si j'étais un homme
politique, j'essaierais de fouiller ce point pour voir si on ne pourrait pas
aller chercher, parmi ces milliards qui seront distribués dans un avenir
rapproché, la possibilité que, lorsque des travailleurs sont en
chômage, on leur permette de se recycler dans des métiers connexes
où ils ont déjà la base actuellement. C'est juste un petit
à-côté.
Le Président (M. Fortier): Je ne voudrais pas qu'on
déborde dans la campagne fédérale. M. le
député de Portneuf, est-ce que vous avez terminé?
M. Pagé: Avant de terminer, je voudrais remercier bien
sincèrement messieurs les représentants de la CSD. J'aurais une
dernière petite question. Vous avez évoqué la
possibilité de la création d'un centre de planification que le
gouvernement pourrait consulter pour l'étalement de ses travaux. Vous
avez référé au sommet de la région de Québec
où des voeux avaient clairement été exprimés par
des représentants du gouvernement. Je présume que c'était
Jean-François, comme d'habitude. Est-ce que cela a eu des suites?
M. Carey: On aimerait avoir la réponse du
côté du gouvernement. J'ai écrit à nouveau au
gouvernement pour demander s'il y avait des suites et, par personne
interposée, on m'a dit: C'est en arrêt quelque part.
M. Gingras: Il n'y a pas eu de suite. Ce qui est d'autant plus
surprenant, c'est que tous les partenaires étaient d'accord, tous sans
exception. Je pense que c'était la première fois que ça
arrivait à ce sommet, qu'on avait l'unanimité.
Le Président (M. Fortier): Voyez-vous où cela
mène, les consensus? Je rappellerai à mes collègues qu'il
nous reste cinq minutes, mais on peut déborder quelque peu. J'ai deux ou
trois demandes d'intervention. Je rappellerai aux autres associations qui
viennent par la suite que, plus vous prenez de temps pour exposer, pour lire
votre mémoire, moins c'est de temps pour la discussion, mais c'est un
choix que vous faites vous-mêmes. Je passe la parole au
député de Bourassa en lui demandant d'être le plus succinct
possible.
M. Laplante: Ce sera très court, M. le Président.
À la page 34, vous vous demandez où sont passés les "jobs"
et les vrais travailleurs de la construction. Vous référez
à l'année 1970 avec 150 000 travailleurs. Dans mon cas, je
réfère aux travaux de la rivière des Prairies actuellement
où on fait un barrage à Montréal-Nord. Pour les
mêmes travaux, en 1929, il y avait 1500 travailleurs là-dessus et,
aujourd'hui, on les fait au moyen d'une mécanisation nouvelle avec 300
travailleurs. C'est une écluse qu'on est en train de reconstruire
aujourd'hui. En 1970, si on s'en souvient bien, il y avait des policiers, des
pompiers, des facteurs et des cultivateurs. Ils venaient tous travailler en
ville ou dans les chantiers. Je pense qu'à cause de l'OCQ il y a un bon
nombre d'entre eux qui sont partis. Cela fait un trou dans les 150 000
salariés sur lesquels vous vous posez des questions actuellement
à savoir où ils sont rendus.
Mais la vraie question que je voudrais vous poser fait suite aux
commentaires du député de Portneuf sur la formation de la
main-d'oeuvre. Chaque centrale syndicale s'efforce de plaire aussi aux jeunes,
c'est-à-dire qu'il faut de la place pour les jeunes dans n'importe quel
métier. Nous trouvons déplorable l'action syndicale, telle que
menée actuellement. Chaque fois qu'on arrive avec un jeune
diplômé dans le milieu de la construction, soit un
électricien, un menuisier ou un autre qui est apte à entrer dans
le métier, c'est une fin de non-recevoir actuellement pour ces jeunes,
pour les amener dans la construction, pour avoir une ouverture, eux aussi,
parce qu'ils sont les
hommes de demain. L'AECQ disait ce matin que le vieillissement des
hommes de la construction était préoccupant et le fait qu'il n'y
ait pas plus de sensibilisation au niveau des centrales syndicales me
préoccupe au nom des jeunes, ceux qui sortent avec un métier - je
ne parle pas de n'importe quels jeunes - qui sont déjà
orientés dans un métier et qui ne peuvent pas y entrer. Je pense
que la seule possibilité que nous avons quand ils viennent à nos
bureaux, c'est de dire: Les syndicats ne veulent pas et, en
réalité, c'est vrai. Si on veut amener le jeune à une
action syndicale pour qu'il croie au syndicat, je pense qu'on devrait avoir une
ouverture un peu plus large dans le métier que ce jeune-là a
voulu choisir pour qu'il commence l'apprentissage de son métier. Il y a
toutes sortes de règles qu'on peut appliquer avec des ententes avec les
patrons là-dessus pour pouvoir accepter ces jeunes. Je voudrais savoir
quel engagement vous pouvez prendre au nom de ces jeunes aussi.
M. Carey: Je voudrais répondre à votre question
parce que je dois vous avouer que je suis, moi aussi, un gars de la
construction. Mon métier, je l'ai appris dans ce milieu et, au moment
où je suis entré sur les chantiers de construction, comme Claude
le disait tout à l'heure, on avait une "job" presque pour la vie.
Évidemment, j'ai bifurqué du côté syndical en cours
de route, mais les gens -en tout cas, ceux de mon temps - sont devenus des
travailleurs. À ce moment-là, c'étaient des "jobs" presque
à longueur d'année.
On est tiraillé par les jeunes qui sortent des écoles, qui
ont une formation actuellement et qui ne peuvent pas entrer sur les chantiers
de construction, mais c'est dans la balance, être tiraillé par ces
nouveaux-là ou être tiraillé par les 34 000 qui sont
là et qui ne travaillent pas. Au moment même où on va faire
entrer ces 15 000 dont M. Fava a parlé ce matin, les 15 000 qui sont
là, qui ont leurs diplômes et qui sont prêts à
entrer, on va sortir 15 000 pères de famille, des gens qui sont
là. C'est cela. On ne crée pas d'emplois. On cherche quelque
part...
Une voix: On cherche à remplacer des travailleurs.
M. Carey: ...qu'il y ait une économie qui reprenne, mais,
d'ici ce temps-là, va-t-on en déclassifier? On a un
règlement de placement et on y tient. Si on n'a pas les heures voulues
pour ceux qui sont déjà là, ils seront
déclassifiés rendus à la fin de la course. Donc, c'est
vrai qu'on est tiraillé, mais, entre deux maux, lequel prend-on? On
choisit encore celui qui était déjà à
l'intérieur. Je pense que toute convention collective par des
travailleurs, c'est de protéger d'abord ceux qui sont là.
Une voix: Et on ne trouve pas cela normal.
M. Laplante: C'est la même argumentation que vous amenez
depuis au moins trois ou quatre ans. C'est une argumentation qui est difficile
à accepter, je pense, pour le jeune. Le jeune a une place dans la
société, lui aussi. Chaque politicien et chaque centrale
syndicale et partout dans les associations patronales, on est là et on
dit: II faut de la place pour le jeune. Et on lui fait croire ces
choses-là. Il me semble qu'on devrait être capable de trouver un
mécanisme pour que le jeune ait réellement sa place dans la
société québécoise de demain. On ne la lui
prépare pas et c'est dangereux pour nous autres. On s'en va sur l'autre
versant et vous aussi. (17 heures)
M. Gingras: Je voudrais quand même, M. le
député, vous passer la remarque suivante. Les jeunes ont toujours
eu de l'emploi parce qu'on a créé de l'emploi. Quand je suis
arrivé sur le marché du travail, on a créé des
emplois à ce moment-là. On ne m'a pas dit: Tu vas aller remplacer
tel père de famille qui a quatre enfants à la maison et qui gagne
sa vie. Ce n'est pas ce qu'on m'a dit. On avait suffisamment d'emplois qui se
créaient au fur et à mesure pour absorber ces jeunes
travailleurs.
Les centrales syndicales sont loin d'être contre
l'intégration des jeunes. Je pense qu'on doit - c'est la solution pour
notre société - les intégrer au marché du travail
le plus rapidement possible, Dieu merci, ça presse. Je pense qu'on est
en total accord avec cet objectif. Mais il faut les créer, ces
emplois-là. Il faut avoir des programmes de création d'emplois,
pas des programmes de remplacement de travailleurs comme il en existe
actuellement. Ce qu'on fait actuellement, c'est ceci. On dit à un:
Tasse-toi pour que l'autre se mette à ta place. C'est ce qu'on fait. On
prend des travailleurs, on les ote de leurs "jobs" et on dit: Toi, viens
prendre la place maintenant.
II n'y a pas d'emplois pour tout le monde et on est les premiers
à le regretter. Écoutez, actuellement, les pères de
famille qui ont ces jeunes-là chez eux sont les premiers à nous
dire: Maudit, mon jeune ne travaille pas, mais il faut que je l'entretienne.
Es-tu prêt, demain matin, à ce qu'on change notre
société, à t'en aller chez toi? Il dit: Oui, mais mon
jeune voudra continuer à venir chez nous et vivre gratuitement. Avec
quoi vais-je payer ça?
Écoutez, on fait un débat là-dessus et la solution
pour nous autres, c'est de créer des emplois et non pas de remplacer des
travailleurs par d'autres travailleurs. Tant
qu'on va faire ça, on va créer des injustices. Et la
meilleure justice encore pour ceux qui ont consacré 10, 20 ou 30 ans de
leur vie dans une industrie, à qui on demande de se déplacer pour
faire de la place aux autres et, eux, d'arrêter de gagner leur vie avec
ce qu'on leur donne comme maigre pitance pour assurer leur existence sur
l'assistance sociale, à qui on dit: Déplacez-vous et laissez la
place aux jeunes et qui voudraient le faire, c'est de leur donner un bon fonds
de retraite, de leur donner des conditions adéquates et alors ils vont
se retirer. Le gros problème qu'on vit, c'est l'absence d'emplois, de
développement ou de création d'emplois. Tout le monde essaie de
gagner sa gamelle comme il le peut. C'est difficile à vivre.
M. Laplante: Il y a une logique qui vous manque-Le
Président (M. Fortier): M. le député, je crois qu'il
s'agit d'un sujet extrêmement important et je vais vous laisser
continuer.
Je vous ferai juste remarquer que...
M. Laplante: Une minute.
Le Président (M. Fortier): C'est ça, allez-y!
M. Laplante: II manque une logique dans votre réponse.
Vous reconnaissez 150 heures au jeune sur le marché du travail lorsqu'il
a son diplôme de l'école et, quand il est rendu sur le
marché du travail, vous le refusez complètement. C'est la logique
que le jeune ne peut plus accepter aujourd'hui.
M. Gingras: Oui, mais quand on lui reconnaît 150 heures,
vous savez qu'un gars qui est actuellement formé dans le réseau
scolaire, c'est un travailleur qui peut être capable aussi d'aller faire
de la maintenance dans les entreprises. Le travailleur n'est pas uniquement
formé pour l'industrie de la construction. Votre électricien peut
se diriger vers la maintenance dans les entreprises. Il peut se diriger
ailleurs que dans la construction. Bien sûr que, s'il y a de la place
dans l'industrie de la construction, le travailleur qui est formé pourra
y avoir accès, bien sûr, comme il aura accès à une
entreprise si un travailleur s'en va à un moment donné; s'il perd
son ancienneté parce qu'il décide de partir, on va le remplacer
par un autre.
C'est sûr qu'il se fait du remplacement de façon
habituelle, et la construction n'est pas différente d'ailleurs. Quand
l'entreprise Northern Electric ou Général Électrique a
besoin d'électriciens pour faire la maintenance des usines, elle engage
des gars qui ont été formés et qui ont le statut
d'électriciens que vous mentionnez. La construction n'est pas le seul
domaine responsable de tout cela. Bien sûr, c'est le manque d'emplois
disponibles qui est responsable de tout cela. Et on fait croire aux
travailleurs dans le réseau scolaire actuellement, en les dirigeant vers
les métiers de la construction, que c'est le fourre-tout, qu'ils vont
arriver là et vont trouver de l'emploi. Ce n'est pas
nécessairement vrai. On n'a qu'à regarder la régression du
bassin de main-d'oeuvre depuis quelques années pour s'apercevoir que ce
n'est pas le débouché automatique de tous les travailleurs qui ne
peuvent pas aller ailleurs.
Le Président (M. Fortier): Parfait, M. Gingras.
M. le député de Charlesbourg, brièvement, s'il vous
plaît;
M. Côté: À la page 20 du mémoire, vous
faites allusion à certains amendements qui devraient être
apportés à la loi, principalement à l'article 32
concernant la présomption de choix. Vous n'aurez pas de
difficulté avec le Parti libéral à ce sujet. Or, je
m'inquiète un peu et j'aimerais avoir un peu plus d'explications quant
au choix que vous avez fait. Vous dites qu'au lieu de faire connaître ce
choix par vote, par scrutin de l'office, il devrait plutôt être
fait par vote postal. Pour ma part, dans l'exercice du droit
démocratique, je n'ai pas l'impression que le vote postal soit l'un des
plus sûrs en termes de contrôle. J'aimerais peut-être savoir
ce qui vous amène à choisir ce mode-là plutôt que de
confier, par exemple, à l'office, avec un mandat très
précis, ou au directeur général des élections, par
l'entremise des directeurs de scrutin dans chacun des comtés, le
contrôle de ce vote, ce qui serait, d'après moi, beaucoup
plus sûr en termes de sécurité que le vote postal.
M. Gingras: M. le député, on pense que, sur cette
question on est capable de prévoir une réglementation permettant
un contrôle approprié du vote, même s'il se tenait par voie
postale. Ce qu'on dénonce, c'est la formule actuelle où le
travailleur qui se présente dans un bureau de l'office pour aller voter
est immédiatement identifié comme étant un gars qui veut
changer d'allégeance syndicale. C'est cela, la situation qu'on
connaît. Or, il y a actuellement des craintes de la part des travailleurs
d'exprimer librement leur choix d'allégeance syndicale et il faut avoir
la tête dans le sable pour ne pas comprendre cette dimension. Je vous le
dis, c'est sérieux et je pense que cette liberté doit s'exprimer
par l'entremise de mécanismes appropriés.
Bien sûr, vous exprimez une crainte de contrôle. On a la
même crainte quand on suggère ce système, mais on pense
qu'il peut
se réaliser. On pourrait s'asseoir facilement et prévoir
une procédure de vote postal qui serait appropriée au
contrôle dont vous faites mention.
M. Carey: Ce sera très court, M. le Président. Je
voudrais juste ajouter que l'office a quand même
expérimenté les deux formules. On tient un vote par scrutin et,
pour ceux qui ne se présentent pas au vote par scrutin ou qui n'ont pas
les heures nécessaires, on leur envoie des bulletins postaux pour faire
un choix et un retour postal. Donc, on pense que cela pourrait se faire de
cette façon.
Le Président (M. Fortier): Alors, MM. Carey, Gingras et
Turcotte, de la CSD, nous vous remercions. Vous avez soulevé des points
extrêmement importants. Je crois que les membres de la commission vous
sauront gré de nous avoir éclairés sur votre
mémoire et sur les recommandations que vous nous avez faites par les
réponses que vous nous avez données.
M. Carey: Et quant aux "jobs" pour les jeunes, élargissons
le champ d'application de la loi.
CSN
Le Président (M. Fortier): Merci. La
Confédération des syndicats nationaux, la CSN, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. Gauthier, je sais que
vous êtes secrétaire général de la CSN, mais vous
êtes ici en tant que responsable. J'aimerais que vous nous donniez vos
titres et que vous présentiez les gens qui vous accompagnent, s'il vous
plaît!
M. Gauthier (Michel): Le seul titre que je possède, c'est
celui de secrétaire général de la CSN-Construction...
Le Président (M. Fortier): Bon, c'est bien, merci.
M. Gauthier (Michel): ...responsable du dossier de la
construction, cela va de soi. À ma gauche, M. Robert Guimond, conseiller
juridique.
Le Président (M. Fortier): Monsieur? M. Gauthier
(Michel): Robert Guimond. Le Président (M. Fortier):Merci.
M. Gauthier (Michel): M. Roger Trépanier, responsable du
placement à la CSN et M. Ted Me Laren, l'un des coordonnateurs de la
CSN-Construction, à l'extrême gauche. À ma droite, M.
Marcel Pépin, coordonnateur des services de recherche de la CSN; M.
Jean-Noël Bilodeau, responsable de l'information pour le dossier de la
construction, et M. Jos Caron, l'autre coordonnateur de la
CSN-Construction.
Le Président (M. Fortier): M. Gauthier, vous connaissez
les règles du jeu. Nous nous étions donné jusque vers 19
heures. On peut déborder de quelques minutes. Si vous prenez deux heures
pour lire votre mémoire, on aura moins de temps pour discuter. En
espérant que vous pourrez lire rapidement, si vous lisez tout votre
mémoire, vous en avez pour une heure dix minutes.
M. Gauthier (Michel): Environ. Avant de présenter le
mémoire, je voudrais d'abord dire aux membres de la commission qu'on est
satisfaits d'être convoqués en commission parlementaire pour
parler des problèmes de l'industrie de la construction. Ce qu'on
regrette, cependant, c'est que cette commission vienne tardivement. La
CSN-Construction avait réclamé dès l'automne passé
la tenue d'une commission parlementaire, une enquête publique sur les
problèmes dans l'industrie de la construction relatifs, en particulier,
au travail au noir.
On est contents d'apprendre aussi, conformément à une
remarque du ministre du Travail, que le conciliateur est toujours disponible,
disposé à entendre les parties ou à s'occuper d'un
règlement, ou à faire une tentative d'amorce de
négociation. La CSN a toujours été prête à
négocier; elle a toujours été disponible et
disposée. Ce qu'on espère, cependant, c'est qu'à la suite
de l'annonce du ministre ce matin les erreurs des semaines
précédentes quant à la conciliation ou quant aux demandes
de rencontres de la part du conciliateur ne se reproduisent pas et qu'on
n'oublie pas la prochaine fois de convoquer la CSN-Construction à ces
rencontres.
On vous a fourni quatre documents. Il y a d'abord le mémoire; il
y a une annexe qui est constituée de l'ensemble des modifications
à la loi que la CSN-Construction propose. Plusieurs de ces modifications
sont semblables, similaires ou identiques à celles
présentées par les autres organisations syndicales. On vous a
également fourni en annexe le dossier "Les chantiers noirs" qui avait
été publié par la CSN-Construction l'automne dernier et,
ce matin, on vous a remis un autre document de trois pages qui est un ajout au
mémoire qu'on vous présente cet après-midi.
Le Président (M. Fortier): À titre de
référence, M. Gauthier, ces documents portent, pour les membres
de la commission, les numéros 2 M, 2 MA, 2 MB et 2 MC. Je vous
remercie.
M. Gauthier (Michel): Jamais dans
l'histoire de la construction du Québec, la situation de
l'industrie de la construction n'a été aussi périlleuse
pour les travailleurs. Péril de leurs emplois, péril de leurs
revenus, péril de leurs métiers, péril de leur
santé, péril de la relève et péril des relations du
travail où toutes leurs volontés se trouvent
contrariées.
On nous parle de crise, de récession pour excuser les torts
irréparables qui nous sont causés. Il est pourtant connu que la
situation de l'industrie conditionne largement la durée et la
sévérité d'une récession. Lors des
récessions antérieures, l'industrie de la construction
était ainsi la première soutenue, la première
relevée. Les grands projets collectifs avancés par les
gouvernements, mis sur pied avec les contributions de l'ensemble des citoyennes
et des citoyens, propulsaient alors les énergies et redonnaient
confiance à l'économie chancelante.
Pendant les années de la Manie, à la fin des années
cinquante, pendant les années de l'Exposition universelle dans les
années soixante, pendant les années de la Baie James, pendant
celles du chantier olympique, des dizaines de milliers de travailleurs
travaillaient, assuraient le revenu de leur famille et se qualifiaient dans des
métiers et des occupations exigeant des connaissances nouvelles, des
habiletés particulières. (17 h 15)
Les travailleurs se sont ainsi adaptés facilement à
l'introduction de la haute technologie hydroélectrique, à
l'architecture taillibertienne, comme ils se sont adaptés aux cerveaux
électroniques des grues géantes, aux planchers IBM et aux
matériaux et composants que les promoteurs introduisent
régulièrement dans la construction commerciale et industrielle.
Ce à quoi ils n'ont pu s'adapter, c'est aux politiques créatrices
de chômage que votre gouvernement s'acharne à mettre sur pied dans
l'irrespect de leurs droits les plus fondamentaux au travail.
Le phénomène, accentué par la récession
actuelle, du travail clandestin et illégal n'aura, à toutes fins
utiles, qu'exposé avec plus d'acuité l'instabilité d'un
secteur économique devenu, ces dernières années,
"ingouvernable".
Depuis la défense de "l'artisan braconnier", le gouvernement
actuel a versé dans la défense de concepts artisanaux de relance
économique dans la construction. En moins de temps qu'il ne faut pour le
dire, il nous a fait revivre l'époque des années quarante avec
ses productions quasi artisanales dans le secteur résidentiel, alors que
foisonnaient les petites entreprises peu productives, au capital inexistant,
où les travailleurs salariés connaissaient mille misères.
La comparaison des deux périodes est révélatrice.
Avec ses programmes de "rénovation- bricolage", il a
renvoyé, avec arrogance, l'industrie à la petite école.
Troquant les projets d'envergure pour des programmes de soutien à
l'achat d'habitation, il a totalement oublié qu'on ne soutient pas un
secteur économique de 10 000 000 000 $ par an avec des incitations de 50
000 000 $ distribués à la hâte, sans contrôle
réel, qui ne desservent même pas les besoins criants des
travailleurs qualifiés en termes de revenu et d'emploi.
On ne planifie pas l'essor économique avec du folklore; on le
bâtit avec des idées nouvelles, avec le développement
technologique, avec la science acquise des travailleurs et travailleuses dans
l'exercice de leurs métiers respectifs. Il aurait fallu, comme le
suggérait en 1974 la CSN-Construction, créer un organisme de
planification pour les investissements publics dans ce secteur
économique. À ce moment-là, nous disions qu'un
investissement de 1 $ dans la construction en représente 4 $ pour
l'économie et qu'un seul emploi dans la construction en produit cinq
dans les secteurs connexes. Or, il ne faut pas oublier que les investissements
des gouvernements représentent près de 50% du capital investi
dans l'industrie.
En 1981, devant les membres de la commission parlementaire de
l'énergie et des ressources, nous rappelions cette absence de
planification et nous revendiquions des politiques créatrices d'emplois,
des budgets d'urgence à cette fin et l'intensification des travaux
à caractère social: construction de HLM, d'hôpitaux,
d'usines d'épuration des eaux. La situation dans l'industrie est-elle
réellement ingouvernable ou n'est-elle tout simplement pas
"gouvernée"?
Ainsi, les interventions gouvernementales sont des facteurs importants
de l'instabilité de l'industrie, alors qu'elles devraient normalement
être des facteurs de stabilisation. Plusieurs travailleurs sont
convaincus que le programme mis sur pied par votre gouvernement,
Corvée-habitation, n'a pas donné les emplois attendus, qu'il fut
utilisé principalement par des braconniers. Plusieurs travailleurs
croient que le programme Équerre lancé à grand renfort de
publicité par votre gouvernement au printemps dernier, sert d'appui
à l'activité réduite des braconniers depuis que
Corvée-habitation a ralenti.
S'agit-il de nonchalance, de légèreté ou de
désintéressement graduel de la part de votre gouvernement
à l'endroit d'un secteur économique où les parties sont
jalouses de leur autonomie, où les revendications des travailleurs
s'expriment autrement qu'en prières?
L'État québécois joue constamment de nombreux
rôles dans notre industrie. Il y est enquêteur, policier,
administrateur, juge,
partie, médiateur, investisseur. Il décrète des
conditions de travail au gré de ses technocrates planificateurs. Il
intervient dans les structures des associations représentatives. En
d'autres mots, il a en main tous les moyens pour gouverner "absolument"
l'industrie.
Comment comprendre alors qu'il ait laissé, en si peu de temps, le
bassin de main-d'oeuvre se vider de plus de la moitié de ses
travailleurs qualifiés? Comment comprendre alors qu'il ait permis la
légalisation des travaux de milliers de braconniers par l'entremise de
la Régie des entreprises de construction du Québec au
détriment des milliers de travailleurs classifiés? Comment
comprendre qu'il ait laissé dériver les droits les plus
élémentaires des travailleurs en ne fournissant pas les services
d'inspection nécessaires pour garantir l'application du décret en
vigueur?
Comment comprendre que, sous son règne, les travailleurs de la
construction soient obligés de travailler à rabais pour des
entrepreneurs sans vergogne et se garantir à peine un revenu qui frise
le seuil de la pauvreté? Comment comprendre qu'il laisse la construction
domiciliaire entre les mains d'entrepreneurs comme ceux d'Habitat Sainte-Foy
qui obtiennent des subventions du programme Corvée-habitation, alors
qu'ils n'ont pas la moindre compétence ni les qualifications pour mener
un chantier de construction?
Nous sommes parvenus, après plus d'une année de pressions
diverses, à faire en sorte que votre gouvernement daigne nous entendre
en commission parlementaire et prenne bonne note des recommandations que nous
lui faisons pour corriger la situation.
L'an dernier, dans un dossier largement publicisé, "Les chantiers
noirs", qui traitait du travail clandestin et du braconnage des emplois dans
l'industrie de la construction, la CSN-Construction a soumis quelques-unes de
ses recommandations en souhaitant que le gouvernement trouve d'urgence une
solution politique au problème qui paralysait et dépassait la
capacité d'intervention et de négociation des parties patronale
et syndicale de l'industrie. Depuis, la situation n'a fait que s'aggraver. Une
enquête récente de nos conseillers syndicaux dans toutes les
régions du Québec nous permet de le démontrer.
Malgré tout le pouvoir que votre gouvernement détient dans notre
industrie, nous sommes forcés de constater que plusieurs des
problèmes que nous dénoncions n'ont pas encore été
résolus et cela, malgré les mises en garde
répétées de notre association syndicale. À ce
moment-ci, ce qu'il faut désormais sauver, c'est le solage d'un
édifice qui s'est écroulé en espérant que, cette
fois, nous rebâtirons avec des matériaux durables, sûrs et
capables de résister aux secousses prochaines.
Dans le mémoire qu'elle dépose aujourd'hui, la
CSN-Construction compte donc réaffirmer l'urgence de protéger les
emplois des travailleurs de la construction et proposer des solutions pour que
le droit au travail des vrais travailleurs de l'industrie soit respecté.
À cet effet, nous recommanderons une application plus
sévère et plus soutenue du règlement de placement de
l'industrie de la construction et des changements à la loi qui auront
pour effet d'écarter de l'industrie le fléau des entreprises au
noir et des braconniers. La CSN-Construction compte également rappeler
la nécessité historique du maintien du pluralisme syndical dans
la représentativité des travailleurs de la construction.
Nous recommanderons ainsi que la loi rétablisse une
représentativité équitable des membres de la
CSN-Construction à la table de négociation de l'industrie. Pour
permettre un minimum de sécurité d'emploi et de revenu à
ceux qui travaillent dans cette industrie, la CSN-Construction compte enfin
suggérer des mécanismes qui agiront comme éléments
stabilisateurs dans ce secteur économique, tout en redonnant aux parties
le pouvoir nécessaire pour assurer cette stabilité. La
CSN-Construction recommandera donc des modifications à la loi qui
permettront de redéfinir les pouvoirs et les responsabilités du
comité mixte de l'industrie de la construction. Les travailleurs de la
construction sont conscients qu'un coup de barre doit être donné
d'urgence et que ce coup de barre doit venir d'une solution politique au
braconnage de leurs emplois, car rien n'est négociable dans cette
industrie avec des entrepreneurs qui, au fil des années, ont
poussé le manque de sérieux jusqu'à favoriser et
protéger l'entreprise au noir afin d'éviter d'assumer leur part
du coût social de la récession.
Depuis 1978, un règlement de placement contrôle l'offre de
travail au moyen de l'émission d'un permis de travail, appelé la
carte de classification, pour les travailleurs qui peuvent justifier leur
emploi régulier et non occasionnel dans l'industrie. Ce règlement
de placement revendiqué par les négociateurs de la
CSN-Construction à la fin des années soixante devait permettre,
de 1978 à 1981, d'augmenter sensiblement la sécurité
d'emploi des vrais travailleurs de la construction aux dépens des
travailleurs dits occasionnels. Ainsi, de 1979 à 1981, les heures
travaillées annuellement par les "vrais" et leurs revenus annuels
ont-ils augmenté. Les effets du règlement ont été
principalement sentis par la main-d'oeuvre non qualifiée, manoeuvres et
manoeuvres spécialisés, pour qui les resserrements contenus dans
le texte de loi ont permis d'en stabiliser l'effectif et d'améliorer le
revenu.
À la lumière des données de l'Office de la
construction du Québec, publiées dans son
"Analyse de l'industrie de la construction du Québec en 1982", la
tendance à l'amélioration s'est toutefois inversée.
Durement touchés, semble-t-il, par ladite conjoncture économique
difficile, 32 000 travailleurs légaux, incapables de cumuler les heures
nécessaires, perdent cette année-là leur permis de
travail. Les revenus et les heures travaillées sont nettement à
la baisse pour les autres. Un deuxième contingent de 23 035 travailleurs
n'ont pas atteint le seuil de 500 heures au cours de 1983 et sont alors
directement menacés de perdre à leur tour le permis de travail
nécessaire pour occuper un emploi dans l'industrie de la
construction.
A la suite des demandes de la CSN-Construction et d'une pétition
nationale des travailleurs de la construction lancée par la CSN, le
gouvernement a décidé, au 1er mars 1984, de renouveler
automatiquement les cartes de classification pour les travailleurs
menacés. L'an dernier, les travailleurs de la construction se
partageaient quelque 67 800 000 heures travaillées.
Vous avez, sur le tableau ici, à droite, de 1973 à 1982,
la progression et la régression du nombre d'heures travaillées.
Elle est équivalente à la régression du nombre de
travailleurs dans cette industrie. En 1973, on est passé à 140
000 000 d'heures travaillées avec à peu près 147 000
travailleurs et en 1982, selon les mêmes statistiques, on est rendu avec
67 000 000 d'heures travaillées pour environ 77 000 travailleurs dans
l'industrie.
Au cours du premier trimestre de 1984, à peine 32 800
travailleurs étaient actifs sur les chantiers. En 1982, les travailleurs
s'étaient partagé 74 000 000 d'heures travaillées. Ils
étaient 77 000, une moyenne annuelle de 947 heures. Qu'en sera-t-il en
1984 dont les premières données s'apparentent à celles de
l'an dernier?
Pourtant, dix ans plus tôt, le Québec pouvait compter sur
une main-d'oeuvre active dans l'industrie de la construction de plus de 147 000
travailleurs, soit plus que le double, et le nombre d'heures travaillées
affichait la même tendance. Que s'est-il produit alors que, durant la
même période, la valeur des travaux de construction passait de 4
000 000 000 $ en 1973 à plus de 10 000 000 000 $ en 1983? On a la
même démonstration actuellement où on peut voir la
montée de la valeur des travaux. Cependant, dans le bas, c'est la valeur
de la masse salariale qui, elle, a baissé en valeur réelle de 40%
par rapport à la valeur des travaux.
Il y a un problème qui se situe à ce niveau-là et
il y a une partie de ce manque à gagner - une partie de la masse
salariale étant disparue - qui, quant à nous, est passée
dorénavant sur ce qu'on peut appeler du travail au noir, le travail sous
la table. C'est toute une partie du travail non déclaré.
Le Président (M. Fortier): Excusez-moi, monsieur. La
courbe en haut consiste en dollars courants année après
année?
M. Gauthier (Michel): Oui.
Le Président (M. Fortier): La courbe en bas consiste en
heures?
M. Gauthier (Michel): Non, en bas, il s'agit de la masse
salariale.
Le Président (M. Fortier): La masse salariale en dollars
courants?
M. Gauthier (Michel): Oui.
Le Président (M. Fortier): Les deux en dollars
courants.
M. Gauthier (Michel): Les deux sont en dollars courants.
Le Président (M. Fortier): Merci.
M. Gauthier (Michel): II y en a une autre qui peut vous
démontrer, en dollars... Si on prenait la même chose sans
l'indexation, la valeur de 1973 était d'environ 4 000 000 000 $ et, en
1982, c'est environ la même valeur. On peut voir que la masse salariale,
en bas, a baissé d'environ 40%.
Le Président (M. Fortier): En dollars constants.
M. Gauthier (Michel): En dollars constants.
Le Président (M. Fortier): Merci.
M. Gauthier (Michel): Les données sont troublantes: la
valeur des travaux a toujours augmenté pendant que le nombre des
salariés n'a cessé de diminuer et les heures travaillées
de décroître.
L'arrivée de nouvelles technologies, le coût inflationniste
des matériaux, le type de travaux exécutés peuvent-ils,
à eux seuls, expliquer les nouvelles règles qui s'appliquent
maintenant au marché du travail de l'industrie de la construction
où les chances d'emploi sont devenues inversement proportionnelles
à la croissance en valeur des travaux, où les possibilités
de revenus pour les travailleurs décroissent sur la même pente
douce, alors que la masse salariale s'est affaissée de plus de 40% par
rapport à la valeur des travaux?
Est-il possible qu'entre ces deux périodes des entrepreneurs de
la construction du Québec aient dissimulé à l'Office de la
construction du Québec une quantité aussi importante d'heures
travaillées et, du même
coup, au ministère du Revenu du Québec les millions de
dollars d'impôts que la clandestinité de ces travaux peut
représenter?
L'écart grandissant entre la valeur des travaux de construction
et le niveau d'emploi laisse pourtant croire qu'il existe un trou de plusieurs
centaines de millions de dollars entre les travaux légaux et
déclarés à l'OCQ et les travaux illégaux ou
légaux, mais non déclarés par les entrepreneurs de
l'industrie de la construction.
À la lumière des témoignages recueillis parmi les
membres et les représentants de la CSN-Construction, la production au
noir des entrepreneurs aurait toutes les apparences d'un véritable
phénomène. C'est désormais sur une large échelle
qu'on rencontre aujourd'hui les braconniers, les artisans, les "jobineux" dans
tous les secteurs de cette industrie au bord de la
déréglementation.
Il aura ainsi fallu, en mai 1983, l'intervention de la CSN-Construction
pour que le gouvernement oblige les entrepreneurs, contractant dans le cadre de
Corvée-habitation, à embaucher les travailleurs classifiés
sur leurs chantiers. Ce sont les "vrais travailleurs" qui subventionnaient des
travaux effectués par les entrepreneurs braconniers. (17 h 30)
Quelques mois plus tôt, des travailleurs de la construction
accusaient l'Association des constructeurs d'habitation du Québec de
favoriser les pratiques illégales du programme Corvée-habitation.
Un document de l'APCHQ y indiquait, en effet, comment il était possible
pour les braconniers de se procurer des permis d'entrepreneurs
spécialisés et de travailler pour un entrepreneur
général qui n'engage pas des salariés...
L'AECQ elle-même avouera dans l'un de ses bulletins que
près de 491 000 000 $ ont été versés par des
entrepreneurs au noir en une seule année, soit 1982, toutes des heures
travaillées clandestinement par leurs employés.
Une étude du ministère de l'Habitation et de la Protection
du consommateur sur la situation de l'industrie de la rénovation
résidentielle au Québec établissait l'an dernier que plus
de 50% du travail était effectué par des entrepreneurs au noir et
que, pour les rénovations partielles ou de petite envergure, cette
proportion atteignait 75%.
Pour les travailleurs de la construction du Québec, ce
phénomène bouleverse les conditions actuelles de l'industrie et,
à moins d'un changement radical, menace la réglementation du
placement, leur dernier rempart contre l'exploitation quotidienne qui s'exerce
déjà sur un nombre important de travailleurs en situation
d'illégalité.
Si l'on observe généralement que le travail au noir
"contribue à la détérioration des conditions
générales du travail de l'ensemble des travailleurs
réguliers, affaiblit le pouvoir contractuel des syndicats, modifie la
structure des emplois et les fondements du droit du travail dans le sens d'une
plus grande instabilité et d'une plus grande précarité de
ces emplois", on peut généralement affirmer, depuis la
tragédie survenue à Sainte-Foy le 5 août 1983, qu'un tel
phénomène peut également causer une catastrophe
économique pour le public consommateur et provoquer directement la mort
des travailleurs non protégés soumis à cette loi de la
jungle.
Dans le dossier "Les chantiers noirs" publié par la
CSN-Construction à la fin de l'année dernière, nous avons
soutenu que le gouvernement avait une responsabilité directe dans le
développement de ce phénomène. En adoptant la loi 110, en
février 1979, qui légalisait le statut d'entrepreneur artisan, le
gouvernement venait d'ouvrir toutes grandes les portes de l'industrie aux
braconniers et aux "jobineux" qui, ni salariés ni syndiqués, ni
soumis aux normes du décret de l'industrie, travaillent à rabais
et passent outre le plus souvent aux règles élémentaires
de sécurité.
Pour les membres de la CSN-Construction, la loi 110 sera une volte-face
tragique du ministre du Travail qui vient à peine de donner un
début de sécurité d'emploi aux travailleurs de la
construction du Québec lors de la mise en place du règlement de
placement attendu par la CSN depuis 1969.
Ce qui deviendra la loi 110 légalisera en fait le braconnage des
emplois de la construction et permettra ainsi à ceux qui furent
rejetés quelques mois plus tôt par le règlement de
placement de se trouver des emplois dans l'industrie en obtenant de la
Régie des entreprises de construction du Québec un permis
d'artisan.
Dans la réalité, la loi 110 reniait d'un trait de plume
plus de 20 ans de luttes syndicales pour tirer le travailleur de la
construction de l'exploitation et de la misère. Le règlement de
placement, à peine mis en place, était devenu caduc; la
brèche ne pouvait que s'élargir.
Alors que l'OCQ dénombre à peine 1029 artisans
"légaux" dans son fichier, l'enquête de la CSN-Construction a
révélé que plus de 10 000 entrepreneurs artisans porteurs
d'un permis de la Régie des entreprises de construction du Québec
travaillent aujourd'hui dans l'industrie et embauchent clandestinement des
salariés sans carte de classification ni de qualification, sans
toutefois y déclarer leurs heures et leur production réelle.
À cela s'ajouteront plus de 5000 entrepreneurs-braconniers sans permis
effectuant des travaux sur une base quasi permanente.
Plus de 30%, selon l'évaluation de la CSN-Construction, de
l'ensemble des travaux de l'industrie sont entrepris au noir et cela, au vu et
au su du gouvernement et des organismes de contrôle paragouvernementaux
de l'industrie.
Personne n'échappe au phénomène. Les gouvernements
municipaux, les propriétaires voulant effectuer des rénovations
connaissent la concurrence agressive de ces coupeurs de prix et sont souvent
bernés par leur faconde.
Quant à l'Office de la construction du Québec, il n'exerce
pas, comme la loi de l'industrie le spécifie, le pouvoir de
contrôle qui lui est dévolu. Des coupures de budget, des
restrictions de personnel, des directives limitant les inspections de soir et
de fin de semaine ont eu les effets désastreux prévisibles.
Malgré une amélioration sensible, ces derniers mois, de
son service d'inspection des chantiers, la CSN-Construction constate qu'elle
est à son tour dépassée par l'ampleur du
phénomène illégal et que les interventions de l'organisme
paragouvernemental ont autant d'effets qu'une goutte d'eau dans la mer.
Que peut faire cet organisme si, à la première infraction
constatée, le coupable court légaliser son statut a la
débonnaire Régie des entreprises de construction du Québec
qui lui attribue un permis sans vérification d'aucune sorte? Que peut
faire cet organisme si sa surveillance s'exerce uniquement sur la base des
plaintes reçues à ses bureaux? Comment peut-il contrôler
s'il n'est même pas informé de l'existence des chantiers
clandestins, dont certains sont subventionnés directement par le
programme Corvée-habitation, mais dont l'OCQ n'a jamais reçu la
moindre copie des subventions accordées? Nous ne pouvons certes pas
excuser les maladresses de sa direction générale qui aurait pu
prévoir qu'en coupant dans les effectifs du service d'inspection elle
coupait directement ses sources de revenus, mais nous constatons,
malheureusement, que le rôle que cet organisme doit exercer devient
anachronique. Il a le pouvoir de contrôler, mais il ne l'exerce pas,
faute de moyens ou faute de volonté?
La vigilance de l'Office de la construction du Québec doit
s'exercer en tout temps, les soirs et les fins de semaine. Un changement
d'attitude de la direction politique et administrative de l'OCQ s'impose avec
la même urgence. Les coupurées budgétaires privent les
utilisateurs de l'office des services d'aide nécessaires à
assurer leur droit au travail. Ce n'est que par l'application respectée
du règlement de placement que les emplois dérobés seront
redonnés aux vrais travailleurs classifiés et qualifiés de
l'industrie.
Lors d'une commission parlementaire, le 10 avril dernier, le ministre du
Travail, tout en réaffirmant l'engagement du gouvernement à ne
pas remettre en question l'existence du règlement de placement, constate
à son tour l'incapacité de l'OCQ d'assumer entièrement et
seul son rôle de chien de garde de l'exercice du droit au travail des
travailleurs de la construction. Puisqu'en 1982 l'OCQ signalait 12 017
infractions au décret et qu'en 1983 ce nombre avait doublé et
était passé à 24 065 infractions, le ministre soulignait
qu'avec le même nombre d'inspecteurs il devenait difficile
d'évaluer la situation. Reprenant alors la suggestion faite par la CSN
d'attribuer le pouvoir aux représentants syndicaux de vérifier
les permis des entrepreneurs et les permis de travail, le ministre soulignait
qu'il s'agissait là "d'un chemin sur lequel on pourrait s'engager en
termes d'exploration et d'évaluation de la situation".
Depuis cette date, des rencontres avec les autres associations
syndicales nous ont permis de les convaincre de la justesse de nos
recommandations contenues dans le dossier "Les chantiers noirs", et votre
gouvernement pourra trouver dans le document annexé sur les divers
changements que nous voudrions voir apparaître dans un nouveau texte de
loi sur l'industrie le contenu de ces recommandations.
Nous croyons que la vigilance des associations représentatives et
le renforcement des services d'inspection et d'enquête de l'OCQ sont les
meilleures garanties du maintien et de l'application du règlement de
placement de l'industrie. Le déséquilibre actuel des relations du
travail est la preuve tangible de l'échec de tels contrôles aussi
bien dans la construction domiciliaire qu'industrielle. La présence des
braconniers et "jobineux" y travaillant à sous-contrat et à
rabais ne doit plus être tolérée sur les chantiers du
Québec, autant dans la construction neuve que dans la
rénovation.
Pour cela, il n'y a pas d'autre choix que d'exiger que les travaux d'un
chantier noir illégal soient arrêtés dès la
confirmation d'une infraction. Ces travaux ne devraient continuer
qu'après une régularisation complète de la situation. Des
amendes sévères et la suppression des licences devraient
être éventuellement imposées à des entrepreneurs qui
récidivent. Les entrepreneurs, qui font bénéficier les
entrepreneurs artisans de priorité d'embauche et qui pratiquent
même à l'endroit des travailleurs syndiqués le 30-50,
devraient être mis lourdement à l'amende et éliminés
de l'industrie.
Le 5 août 1983, la section sud d'un édifice à
condominiums construit à Sainte-Foy s'écroule, entraînant
la mort de deux travailleurs dont l'un ne possédait ni carte de
qualification, ni carte de classification: il n'avait que dix-sept ans.
L'enquête a révélé qu'une douzaine de travailleurs y
avaient été
embauchés clandestinement par la compagnie Habitat Sainte-Foy
dont les promoteurs seront par la suite accusés de négligence
criminelle. Il ne s'agissait pas d'un accident survenu dans les conditions
normales de travail. Des vices de constructon majeurs, l'absence de permis de
construire, l'utilisation de la main-d'oeuvre clandestine et l'insouciance des
organismes de contrôle donnaient à cette tragédie une
dimension qui révélait l'ampleur tragique du
phénomène des "chantiers noirs".
Pour la CSN-Construction, cet exemple est suffisant pour
témoigner de l'importance de donner des dents à une loi de
l'industrie afin d'empêcher que de telles tragédies ne se
répètent. Tant et aussi longtemps que l'industrie de la
construction permettra l'existence de tels chantiers ou la poursuite de leurs
travaux, il y a tout lieu de croire que le phénomène
s'institutionnalisera.
Les entreprises clandestines ne s'organisent pas du jour au lendemain,
mais une fois organisées il y a peu de chance de pouvoir les
démanteler aisément. Les millions de dollars fraudés
à l'impôt et les milliers d'emplois illégaux devraient
être suffisants pour amener les autorités gouvernementales
à réagir. Les amendes prévues par le législateur
n'empêchent pas les récidives. Les inspecteurs de l'OCQ constatent
l'activité d'entreprises sans permis, mais rien n'est fait pour
empêcher le phénomène de s'étendre. Seule la
capacité de pouvoir arrêter les travaux, une fois l'infraction
constatée, donnera des résultats positifs. L'entrepreneur qui
récidive devrait alors être mis à forte amende et perdre
son permis, s'il ne peut régulariser sa situation en regard de
l'impôt sur le revenu ou les contributions aux régimes d'avantages
sociaux de l'industrie. De plus, les travaux ne devraient reprendre qu'une fois
l'amende acquittée et cela, sans perte de salaire pour les travailleurs
qualifiés et classifiés concernés.
La tolérance du système de surveillance actuel a
causé la tragédie du 5 août 1983 et en cause
régulièrement d'autres. Pour arrêter cette folie
criminelle, il est nécessaire que le législateur donne des
pouvoirs adéquats aux représentants syndicaux pour faire
arrêter les travaux de ces chantiers au noir et à l'Office de la
construction du Québec en lui permettant de révoquer le permis
des entreprises agissant illégalement.
Depuis 1968, la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction régit les rapports des diverses associations
représentatives des travailleurs et des employeurs. La CSN
s'était fermement opposée à l'époque, par la voie
de son président, Marcel Pepin, à cette loi spéciale. "Il
faut se rappeler, affirmait-il, que si une loi contient une disposition une
autre loi peut l'annuler. Le syndicalisme peut-il se permettre de vivre dans un
mécanisme arbitraire dont le contrôle exclusif repose dans les
mains du gouvernement?"
Après avoir mis de côté le Code du travail et
instauré un nouveau système d'associations représentatives
de travailleurs et d'employeurs, cette loi 290, voulue par les entrepreneurs de
la construction et appuyée par les "unions" américaines
regroupées à la FTQ, visait à briser la résistance
des travailleurs membres de la CSN pour se donner une véritable
sécurité d'emploi.
Le marasme dans lequel on vit aujourd'hui dans l'industrie trouve
là son origine historique. La loi 290 est venue mater la volonté
des travailleurs de la CSN de protéger leurs emplois dans les
régions autres que Montréal. Sous le couvert de l'instauration
d'un soi-disant régime juste, équilibré et
égalitaire, la loi permettait de créer un vaste "pool" de
main-d'oeuvre libérée des tracasseries de la vie syndicale, mais
assujettie à l'arbitraire politique. Ce qui, à ce
moment-là, touchait directement les membres de la CSN s'avère
aujourd'hui toucher l'ensemble des travailleurs de la construction. Pour Marcel
Pepin, la question n'était pas de faire le compte de celui qui y
gagnerait ou y perdrait le plus. "Il faut, affirmait-il, carrément poser
le problème: est-ce que le syndicalisme y gagnera? Est-ce que les
travailleurs y gagneront?"
La loi 290 prévoyait que les deux centrales syndicales devenaient
présentes dans toutes les régions. Ce changement radical
n'affectait que les syndicats de la CSN. L'effectif des unions
américaines (FTQ) était centralisé surtout à
Montréal où la CSN était, d'ailleurs, déjà
présente. Cette loi abolissait le concept de l'accréditation,
alors qu'en fait - et tous l'ont reconnu lors des événements de
1982 sur le réseau du gazoduc lorsque les soudeurs, membres d'un
syndicat international, ont voulu faire reconnaître le National Pipeline
Agreement - les accréditations existantes entre les grands entrepreneurs
aux niveaux international et national et les unions américaines
continuaient d'exister. La loi 290 ne nuisait effectivement qu'aux syndicats
affiliés à la CSN, négociant régionalement les
conditions de travail de leurs membres.
Un tel modèle de fonctionnement n'a jamais "fonctionné" et
fut, à un degré incomparable, source de tensions nouvelles et
continuelles, tout en exacerbant les luttes intersyndicales, dont
l'épisode du saccage de la Baie James a marqué
l'apogée.
Pour éviter les abus légalisés de cette loi qui
venait, d'un trait de plume, d'écarter les membres de la CSN des
chantiers importants du Québec où les employeurs gardaient leurs
liens avec les unions américaines de la FTQ et pour éviter
l'absence totale de protection non seulement des membres de la CSN, mais de
toute allégeance syndicale, les travailleurs de la
construction firent, dans plusieurs régions, une grève de
neuf semaines pour un nouveau régime de sécurité d'emploi
et déjouer ainsi certains effets de la loi 290.
Ce ne fut que partie remise pour les adeptes du monopolisme syndical
qui, Louis Laberge en tête, réclamait alors le pluralisme syndical
dans l'industrie de la construction afin d'y faire reconnaître ses unions
américaines. (17 h 45)
Après l'échec des premiers règlements de placement
qui mettaient en doute la volonté politique réelle du
gouvernement libéral de Jean Cournoyer et de Paul Desrochers, nous avons
alors assisté à l'une des périodes les plus sombres de
l'histoire des relations du travail de notre industrie, période qui
s'est terminée avec la tombée de rideau de la commission
Cliche.
L'histoire nous démontre aujourd'hui que la loi 290, une fois
devenue réalité, servit de cheval de Troie aux unions
américaines pour exercer, à l'endroit des travailleurs de la
construction du Québec un chantage à l'emploi, forçant les
travailleurs à se rallier à elles. Avec la complaisance
patronale, certains fiers-à-bras ne se gênaient pas pour menacer
et violenter les récalcitrants.
Dans son mémoire préliminaire devant la commission Cliche
sur la liberté syndicale dans la construction, le 3 juillet 1974, la CSN
affirmait, exemples à l'appui, que la loi 290 n'avait fait qu'empirer
les choses au point de transformer une situation de conflits épisodiques
en un état de chaos permanent.
Pour des raisons qu'il est facile de discerner, la CSN observait que
c'était surtout à l'occasion des périodes légales
de maraudage et l'ouverture des chantiers importants que la violence
s'érigeait en loi.
L'année 1973 fut, à ce titre, un tournant important de
l'évolution de la loi sur les relations du travail de l'industrie.
Cédant sous les pressions des unions affiliées à la
FTQ-Construction, le gouvernement libéral supprime, par l'adoption de la
loi 9, le droit de veto reconnu par la loi 290 aux associations
représentatives en changeant les règles de
représentativité.
Cette loi accordait un monopole de négociation à
l'échelle de l'industrie à l'association choisie par le
législateur. Entre une industrie de 150 000 travailleurs et une fabrique
de trois employés, il n'y avait plus de différence. Ouvrant la
porte aux négociations secrètes, comme le soulignait la CSN dans
un mémoire remis au CERLIC, Comité d'étude et de
révision de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction en janvier 1978, cette loi légitimait les méthodes
illégales de la FTQ pour parfaire son monopole en le rendant permanent
et en excluant la CSN.
Lors d'un colloque de l'Association du barreau canadien, Me Jacques
Desmarais, en avril 1974, soulignait que c'était là rendre en
définitive illusoire et impossible l'obligation de
représentation; en définitive, avouait-il, ce modèle, tout
en prétendant reconnaître le droit à la liberté
d'adhésion, met sur pied dans les faits un monopole et une
exclusivité de représentation mais nie l'obligation de
représentation.
C'est en fait, disait ce juriste, transporter à l'échelle
de toute une industrie le modèle de l'exclusivité réelle
de représentation sans s'assurer que l'obligation de
représentation sera valablement garantie.
La CSN croit aujourd'hui que cette injustice, qui exclue des
décisions les concernant un nombre aussi important de travailleurs est
l'une des causes profondes du climat de malaise qui sévit actuellement
à la table de négociation de l'industrie.
Le pluralisme syndical ne doit pas être une vague intention du
législateur. Il doit être confirmé dans le texte de sa loi
et être protégé contre les agents monopolistes qui, depuis
1968, utilisent leurs appuis politiques pour désavouer et
détruire dans les faits l'exercice de la liberté et de la
démocratie syndicale.
L'absence d'une association véritablement majoritaire avec une
FTQ-Construction représentant moins de 42% des travailleurs, l'Inter qui
en représente environ 31% et la CSN-Construction qui en
représente à son tour environ 18%, renvoie la Loi sur les
relations du travail à la table d'ébauche. Ce qui était
prévisible en 1968, au moment de l'adoption de la loi, devient
réalité en 1984.
Les velléités monopolistes de la FTQ enraient
indubitablement le processus de la négociation et paralysent l'exercice
de la liberté syndicale. La FTQ veut négocier seule, selon ses
seuls intérêts et sans pouvoir s'entendre avec les autres
associations syndicales représentatives. Même le ministre du
Travail, lors de la dernière commission parlementaire, a relevé
l'anomalie.
La question formulée alors par le ministre Reynald
Fréchette était la suivante: "Les parties syndicales
pourraient-elles s'asseoir ensemble et procéder à l'exercice
d'identifier un moyen sur lequel elles pourraient s'entendre pour faire en
sorte qu'à l'avenir on ne se retrouve plus dans ce genre de
situation?"
Cette démarche, la CSN-Construction l'a amorcée. Elle fut
écoutée par les représentants de Tinter, elle fut
malencontreusement rejetée par la FTQ-Construction dont le directeur
général Jean-Paul Rivard clamait à tout venant que la
CSN-Construction n'était plus dans le décor, quant à nous.
On signera pour tout le monde et tant pis pour la CSN-Construction.
Cette attitude nous était bien connue mais la CSN-Construction
n'a jamais accepté et n'acceptera jamais d'être tassée de
la
table des négociations de l'industrie de la construction. Elle
n'acceptera pas non plus qu'il y ait un règlement qui se fasse au-dessus
de la tête des travailleurs de la construction, qu'ils soient CSN, Inter
ou FTQ.
Nous croyons que la présence des négociateurs de la CSN
à la table des négociations de l'industrie est la meilleure
garantie de protection des intérêts de l'ensemble des vrais
travailleurs de la construction. Qui peut nous blâmer de vouloir informer
les travailleurs de la construction de ce qui se trame à cette table ou
autour de cette table quand c'est l'avenir de plus de 100 000 travailleurs qui
s'y décide?
La FTQ-Construction veut négocier seule le prochain décret
de l'industrie, mais elle n'a ni la capacité ni la majorité pour
le faire. Son seul choix, c'est de s'asseoir et de s'entendre avec ses
partenaires, la CSN-Construction et le Conseil provincial des métiers de
la construction.
Pour sortir de cette impasse malheureuse et essayer de trouver, comme le
ministre le suggérait, un moyen ou une solution pour éviter qu'on
se retrouve dans des situations semblables à l'avenir, la
CSN-Construction croit qu'il faut adopter un mécanisme qui obligerait
les associations syndicales à s'entendre.
Le droit de négocier est une condition préalable, il va
sans dire, à l'adoption d'un tel mécanisme. Cette proposition en
neuf points est semblable à celle que nous avons fait parvenir aux
autres associations syndicales au printemps dernier.
Premièrement, que l'on forme un comité de
négociation composé d'une personne par association syndicale
représentative en vertu de l'article 42 de la loi.
Que ces personnes soient les porte-parole autorisés de chacune
des associations syndicales.
Que ce comité ait tous les pouvoirs en ce qui concerne la
négociation et son déroulement.
Que toutes les décisions concernant la négociation et son
déroulement soient prises par la majorité des membres du
comité de négociation.
Que les décisions de ce comité lient les associations
syndicales.
Ce comité, une fois formé, a le mandat de préparer
le projet de convention collective en y incluant les priorités de
négociation de chacune des associations syndicales.
Toutes les décisions d'acceptation ou de rejet de la convention
collective sont prises par chaque association syndicale conformément
à ses statuts et règlements.
Le vote de grève doit être pris par chaque association
syndicale conformément à ses statuts et règlements.
Pour être signée, la convention collective doit être
adoptée par la majorité des associations représentatives
habilitées à négocier selon l'article 42 de la loi.
Cependant, lorsqu'une association représentative comporte plus de 50%
des travailleurs de la construction, son accord est requis.
Si le gouvernement a la volonté affirmée de
protéger le pluralisme syndical, il doit effacer de la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction tout ce qui peut faire
en sorte d'exclure ou de proscrire l'une ou l'autre des associations syndicales
représentatives habilitées à négocier à la
table des négociations selon l'article 42 de la loi.
Ce que la loi reconnaît aujourd'hui, c'est le droit pour plusieurs
associations syndicales de se disputer un monopole de négociation
provinciale, d'où l'impasse actuelle. On doit éliminer, comme la
CSN-Construction le soulignait dans son mémoire au CERLIC, le dangereux
raccourci pris par la loi 9 qui permet à une minorité de
décider pour la totalité des travailleurs d'une industrie. La
stabilité de l'industrie doit passer par une loi qui protège
véritablement les libertés démocratiques et syndicales des
travailleurs de cette industrie. Cette reconnaissance permettra, du même
coup, aux travailleurs de la construction de se prévaloir de leur droit
au travail sans la menace constante des maraudages hors-délai et des
chantages à l'emploi.
Les patrons de l'industrie, regroupés à l'Association des
entrepreneurs de construction du Québec, l'AECQ, bloquent actuellement
la négociation entreprise pour renouveler les conditions de travail
contenues dans le décret de la construction. Ils la bloquent
systématiquement.
La décision du ministre du Travail de maintenir, l'année
dernière, les salaires négociés l'année
précédente, a rencontré une résistance patronale
qui s'est traduite dans la réalité par une attitude
générale de forcer une baisse des salaires de 20% en profitant du
haut taux de chômage de l'industrie.
La CSN-Construction a pu relever de nombreux cas où des patrons,
principalement du secteur domiciliaire, ne respectaient plus ouvertement les
conditions du décret. Dans toutes les régions du Québec,
notre enquête nous démontre que les patrons de cette industrie
forcent leurs salariés à accepter, sous peine de se retrouver
subitement au chômage, des conditions de salaires inférieures
pouvant varier de 20% à 40%. Ainsi certaines entreprises versent-elles
des salaires correspondant aux obligations décrétées sur
une base de 40 heures et les déclarent à l'OCQ alors qu'en fait,
les travailleurs demeurent à leur emploi pour des semaines de 50 heures
et plus, la différence étant gratuite. Il va sans dire que l'OCQ
n'y voit que du feu. Les plaintes, à cause de la
peur exercée par le chantage à l'emploi, sont rares, mais
une enquête sérieuse dans les livres de telles entreprises
démontrerait, sans laisser le moindre doute, l'ampleur des exactions et
des infractions commises quotidiennement.
Des rumeurs persistantes nous laissent même croire que la
croissance des illégalités commises par ces entrepreneurs
coïncident avec des mots d'ordre venant de la direction même de
l'AECQ, organisatrice de ce mouvement réactionnaire. Cette
réaction dirigerait toujours, malgré des courants dissidents
importants, les destinées politiques de l'association patronale. Ce qui
expliquerait certaines des manoeuvres plus récentes du patronat de cette
industrie à l'endroit des associations syndicales et du
gouvernement.
Le 19 décembre 1983, après la publication du dossier noir
de la CSN sur la situation de l'industrie, le ministre du Travail rencontrait
les membres du comité mixte afin d'identifier l'ensemble des
problèmes de l'industrie et de tenter de trouver des pistes de solution.
Le ministre du Travail a, d'ailleurs, lui-même informé les membres
de la commission parlementaire du 10 avril des discussions qu'il a poursuivies
le 24 janvier 1984 avec les membres du comité mixte alors que toutes les
parties s'entendaient pour affirmer que le travail au noir devenait le
problème majeur de l'industrie et qu'il fallait revoir le champ
d'application.
Le ministre avait alors demandé aux membres du comité
mixte de l'industrie de lui remettre, le plus rapidement possible, un document
"conjoint" qui suggérerait des solutions aux problèmes
identifiés ensemble.
La CSN-Construction, présente à ces rencontres, peut vous
confirmer que des rencontres ont eu lieu pour rédiger un tel document et
que les parties syndicales ont endossé ledit document conjoint
préparé dans le sens des demandes du ministre. D'ailleurs, la
plupart des éléments se retrouvent aujourd'hui dans les
changements proposés par la CSN au contenu de la loi.
Mais, quand vint l'heure pour les représentants de l'AECQ
d'endosser le document, la réponse fut négative. Dès lors,
nous avons compris que l'AECQ, dont une majorité d'entrepreneurs sont,
vous nous excuserez l'expression courante, des "chaudrons" participant à
la partique illégale de la "production au noir" sur une vaste
échelle, était réfractaire à affirmer une
volonté réelle de régler les problèmes de
l'industrie. Les "réactionnaires" montraient là leur vrai visage.
C'est, d'ailleurs, là une raison importante qui motive la CSN à
recommander que le statut d'employeur soit confié uniquement à
celui qui emploie un ou des salariés.
Dès lors, ce fut l'impasse non seulement dans les
démarches entreprises de bonne foi par les représentants
syndicaux du comité mixte, mais ce fut l'impasse dès les
premières rencontres d'une négociation alors que les patrons ont
invoqué les problèmes contenus dans le document "conjoint" (non
entériné de leur part) pour signifier, sans discussion possible,
leur intention de baisser radicalement et unilatéralement les salaires,
de réinstaurer le double taux, de reconnaître la polyvalence des
métiers dans le secteur domiciliaire et, à toutes fins utiles, de
"déréglementer" l'industrie.
Les patrons de l'AECQ ont choisi de faire passer la négociation
par le "non-négociable" en obligeant les représentants syndicaux
et le gouvernement à accepter les nouvelles règles qu'ils nous
dictent péremptoirement. C'est, d'ailleurs, dans ce même esprit
que certains de leurs dirigeants parlent de paralyser, le 1er septembre
prochain, l'industrie avant même qu'il y ait eu de véritable
négociation.
Dans notre dossier "Les chantiers noirs", nous avons fait part de notre
inquiétude à la suite d'observations concernant l'érosion
progressive de nos libertés syndicales et de nos droits syndicaux.
L'affaiblissement de la structure syndicale était devenu l'objectif des
technocrates gouvernementaux qui, pour satisfaire de quelconques visées
électorales, s'étaient rangés dans le camp des 20 000
petits patrons de notre industrie. Les moyens utilisés: une loi
imprécise à volonté, un laisser-aller des contrôles
et le feu vert à la Régie des entreprises de consctruction du
Québec pour donner à tout venant des licences d'entrepreneurs
artisans remplaçant la carte de classification et l'obligation
d'adhérer à une association syndicale.
Invoquant la volonté politique du gouvernement de "normaliser" le
secteur de la construction "afin que les règles du jeu qui y
règnent soient au diapason de celles que l'on retrouve dans les
relations du travail ailleurs dans l'ensemble de la société",
Pierre-Marc Johnson, alors ministre du Travail, fait adopter d'abord en 1979
une loi qui transfère le statut de l'artisan de salarié à
entrepreneur.
Prétextant la protection de l'artisan dans une industrie aussi
fortement réglementée, le ministre affirme tout bonnement
qu'ainsi, "dans un premier temps, le travailleur de la construction choisit
s'il désire être un salarié syndiqué ou un artisan".
La loi 110 deviendra ainsi la pierre d'assise d'une activité qui ouvrira
d'abord tout grand le marché de l'emploi de l'industrie à des
travailleurs non syndiqués, puis amorcera le mouvement de
déréglementation.
Aujourd'hui, à peine cinq ans plus tard, le message des
travailleurs membres de la CSN-Construction est le même dans toutes nos
assemblées. "Nous sommes écoeurés, disent-ils, de ne plus
nous voir offrir
d'emplois, parce que n'importe qui, qui accepte des conditions et des
salaires inférieurs, peut travailler à notre place."
Pourtant, même le commissaire de la construction avait l'habitude
d'émettre des cartes de travailleurs "occasionnels", des permis
spéciaux en quantité inhabituelle. Des chiffres obtenus en 1983
confirmaient la présence d'au moins 4000 possesseurs de tels permis et
cela, sur des chantiers où l'embauche des vrais travailleurs de la
construction ne se fait pas.
L'exemple des Roulottes UNIK est à ce sujet
révélateur. Les propriétaires de cette compagnie qui
fabrique des roulottes et des maisons usinées obtiennent
régulièrement des permis spéciaux pour des travailleurs
qui effectuent l'installation de ces maisons sur les terrains des acheteurs,
une activité relevant du champ d'application de la loi. (18 heures)
Or, ces industriels n'embauchent même pas les travailleurs de
leurs propres usines pour effectuer de telles tâches ni les travailleurs
de la construction. Ils s'adressent directement au commissaire de la
construction qui leur signe à volonté des permis de travailleurs
occasionnels sans même vérifier le statut des travailleurs
embauchés. Il va sans dire que ces travailleurs occasionnels ne sont ni
syndiqués à l'usine ni syndiqués dans l'industrie et que
leurs conditions de travail et de salaires passent outre à toute
convention signée ou décrétée.
En somme, le commissaire de la construction devenait d'usage courant un
canal de déviation des droits syndicaux et une menace constante de la
sécurité d'emploi des travailleurs de la construction.
D'ailleurs, par le biais de décisions sans appel, ce même
commissaire favorise à sa manière le processus de
désyndicalisation. Ainsi, au cours des dix dernières
années, nous pouvons affirmer que près de 15 000 travailleurs ont
été exclus par le commissaire dans l'application de la loi de
l'industrie.
La loi est imprécise. Le commissaire est autoritaire, mais il y a
plus lorsque la volonté politique manque pour protéger les droits
des travailleurs dans l'application de la loi et de ses règlements.
Au printemps 1983, le député libéral de Hull
prône ouvertement le retrait de la carte de classification dans la
construction. Dans une résolution présentée et
adoptée par le 53e congrès biennal du Conseil central des
syndicats nationaux de l'Outaouais (CSN), le syndicat de la construction (CSN)
répond au député en lui expliquant que le problème
dans notre secteur, c'est le manque d'emplois. En retirant la carte, cela ne
créera pas plus d'emplois. Si un travailleur sans carte travaille, ce
sera un autre avec une carte qui sera sans emploi.
Il n'y a pas que le député Rocheleau qui, parmi les hommes
politiques du Québec, rage contre le règlement de placement et la
syndicalisation. Depuis, les politiciens fédéraux qui
préconisent la mobilité "coast to coast" des travailleurs de la
construction et leur libre accès aux marchés provinciaux du
travail jusqu'aux associations locales de parti qui veulent profiter des
occasions de contrats gouvernementaux pour exercer leur patronage, le monde
politique québécois fourmille de "lobbyists", petits ou gros, qui
dénoncent régulièrement le règlement actuel.
Le plus étonnant, toutefois, est venu d'une corporation
grassement subventionnée par le gouvernement du Québec dans le
comté de Matane, une région où sévit le
chômage permanent. La corporation "Action-Travail" de Matane (142 000 $
de subventions en 1983) a fait circuler des résolutions
rédigées au préalable et uniformes, demandant dans tous
les villages de la région la suspension des règles de l'Office de
la construction du Québec concernant les travaux communautaires.
Ces travaux communautaires ne sont pas autre chose que des constructions
d'édifices publics municipaux ou scolaires (garages, écoles,
rénovations diverses), toutes soumises au champ d'application du
décret de la construction.
Et en suspendant les règles, toute l'industrie de la construction
se verrait amputée d'un pourcentage important de travaux; il ne faut pas
oublier que le gouvernement demeure le plus important donneur d'ouvrage de
l'industrie québécoise de la construction.
La suspension des règles demandée par cette corporation,
financée par le gouvernement et animée par l'association
péquiste du comté, n'aborde plus le problème du
chômage par la création d'emplois, mais par le vol
systématique des emplois actuels des travailleurs de la construction par
des amis du parti ou des travailleurs sans qualification et sans
protection.
Nous assistons là à une opération qui vise à
discréditer les salaires versés dans l'industrie et à
justifier par là le chômage des autres secteurs industriels. Le
prétexte invoqué: "une foule de projets communautaires utiles
à la collectivité ne se réalisent pas, dû aux
exigences salariales..."
Le gouvernement, qui accorde les subventions aux municipalités,
aux commissions scolaires et aux corporations sans but lucratif, est le
même gouvernement qui décrète les salaires dans l'industrie
de la construction.
Ce gouvernement est pourtant celui-là même qui utilise la
structure de main-d'oeuvre parallèle de la RECQ pour opérer
à son tour la désyndicalisation.
Profitant de cette loi 110, il a permis de transférer plusieurs
milliers de travailleurs syndiqués des listes de l'OCQ aux carnets
secrets de la RECQ. Ainsi, plusieurs entrepreneurs
généraux voulant n'embaucher que des travailleurs non
syndiqués sur leurs chantiers ont cautionné des licences à
la RECQ. Une demande d'entrepreneur-artisan ou d'entrepreneur
spécialisé effectuée de cette manière est rarement
refusée à la RECQ.
Le travailleur devenu un entrepreneur-artisan n'est plus syndiqué
et il ne contribue plus aux régimes d'avantages sociaux au-delà
du minimum requis; de plus, l'entrepreneur général qui l'embauche
n'a plus ainsi à respecter les conditions salariales du décret et
profitera de la baisse de demandes d'emplois pour exercer sur le nouvel
entrepreneur une pression à la baisse telle que ce dernier acceptera des
conditions inférieures et pourra conserver son emploi qui sera
enlevé au "vrai", pénalisé par les exigences du
décret pourtant négocié par l'ensemble des entrepreneurs
de construction du Québec.
L'an dernier, les transferts les plus importants de salariés
à entrepreneurs-artisans ont touché les secteurs suivants: la
machinerie lourde, la charpenterie-menuiserie, les systèmes
intérieurs, l'électricité et la tuyauterie. Ainsi, en
trois mois, du 31 décembre 1982 au 31 mars 1983, la régie a
accordé 1542 permis d'entrepreneurs artisans ou
spécialisés dans une industrie où le chômage variait
selon les régions de 50% à 80% parmi la main-d'oeuvre
qualifiée. De ce nombre, 1068 étaient de nouveaux entrepreneurs
de machinerie lourde. À la même période, les travailleurs
de la construction affectés aux travaux du gazoduc constataient la
présence inhabituelle sur leurs chantiers de nouveaux entrepreneurs
embauchés par les compagnies Gaz Inter-Cité et Gaz
Métropolitain, deux compagnies appartenant au gouvernement du
Québec. Aussi peut-on conclure que la loi 110 a bien servi son
inspirateur, alors que le chômage sévit dans les rangs des
opérateurs d'équipement lourd plus que dans toutes les autres
catégories professionnelles, des entrepeneurs artisans de machinerie
lourde aux travailleurs salariés sur les principaux chantiers de
financement gouvernemental, pavage, construction, routes et gazoduc.
Le budget annuel de la Régie des entreprises en construction du
Québec se situe autour de 3 300 000 $, alors que cette même
régie perçoit des entreprises contribuantes la somme de 4 500 000
$, l'excédent étant porté au fonds consolidé de la
province. L'Office de la construction du Québec, lui, d'autre part, fait
face à un déficit budgétaire annuel d'au-delà de 2
000 000 $ à la suite de la baisse observée des cotisations
fixées en regard des heures travaillées de l'industrie.
L'excédent de l'un ne comble pas le déficit de l'autre,
les deux organismes paragouvernementaux étant indépendants l'un
de l'autre, malgré le dédoublement constant de certains
contrôles. Les travailleurs de la construction n'ont pas à assumer
un coût supplémentaire pour l'existence de l'Office de la
construction du Québec qui exécute des mandats pour d'autres
organismes et qui ne remplit pas ses obligations à l'endroit des
travailleurs de la construction.
Entre le 31 mars 1982 et le 31 mars 1983, la régie a
accordé 3134 licences. Cette année-là, le nombre
d'entreprises s'est accru de 18,6% pendant que le nombre de travailleurs
s'affaissait de 19,3%.
Depuis 1979, année où la RECQ a commencé à
distribuer généreusement ses permis et à compiler des
données indépendantes des ordinateurs de l'OCQ, le nombre des
entreprises de la construction a doublé: en trois ans et demi, il a
augmenté de 11 687 à 21 176. Vous pouvez constater sur le
graphique de 1979 à 1982 ce qui s'est passé, la petite ligne
étant ceux qui sont inscrits à l'Office de la construction du
Québec, la grande ligne étant les entrepreneurs inscrits à
la Régie des entreprises en construction du Québec. La croissance
de l'un est équivalente à la décroissance de l'autre.
À l'OCQ, d'autre part, on enregistra à 12 595 le nombre
d'entreprises déclarant leurs activités. Et près de 60% de
ces entreprises, soit 7329, avouaient, en 1982, verser moins de 25 000 $ en
salaires.
Combien y a-t-il d'entreprises actives au Québec dans l'industrie
de la construction? 12 595 ou 21 176 ou plus si l'on ajoute les 4000
entreprises considérées comme illégales par les
inspecteurs de la RECQ?
Il semble difficile de connaître le nombre d'entreprises dans la
construction. L'illégalité ou la dissimulation des
activités d'un trop grand nombre dénature la
réalité de l'industrie.
Une chose est maintenant claire: des contraintes sévères
sont imposées par l'Office de la construction du Québec pour
l'émission des cartes de classification -permis de travail - aux vrais
travailleurs de la construction, alors que la RECQ émet des licences
d'entrepreneur sans aucune forme véritable de contrôle.
Depuis 1979, la tendance s'est affirmée: dans une économie
en débandade accélérée, alors que le chômage
peut atteindre jusqu'à 70% de la main-d'oeuvre lorsque les conditions
saisonnières, cycliques et intermittentes se joignent, le nombre
d'entreprises croît, se multiplie et rien ne permet de croire que le
phénomène se résorbe.
Près de 15 000 entrepreneurs artisans ou
spécialisés travaillent seuls - ou presque -et échappent
aux contrôles et à la réglementation de l'industrie.
C'est pourquoi la CSN croit également que la Régie des
entreprises en construction du Québec devrait être abolie et les
pouvoirs d'émission et de contrôle des permis d'entrepreneurs
remis au Comité mixte de l'industrie de la construction.
La RECQ n'a pas été instituée pour créer une
main-d'oeuvre parallèle aux salariés de l'industrie. Mais son
comportement actuel laisse présumer qu'elle participe activement
à une vaste opération de désyndicalisation et de
déréglementation. Les milliers de permis accordés par la
RECQ sur la période des quatre dernières années devraient
être vérifiés soigneusement. Cette régie est devenue
une véritable passoire où n'importe qui peut obtenir des permis
d'entrepreneur sans aucune forme de vérification ou de contrôle de
solvabilité.
Une fois remis au Comité mixte de l'industrie de la construction
ces pouvoirs d'émission et de contrôle, la CSN croit
également que le comité mixte doit pouvoir étudier un
mécanisme universel d'octroi de permis de construction au Québec.
Ce mécanisme pourrait éventuellement contrôler la
qualification des entrepreneurs et la classification des travailleurs par
l'introduction de clauses dans l'octroi des permis qui garantiraient l'embauche
des travailleurs classifiés et qualifiés de l'industrie de la
construction.
Nous croyons que pour enrayer véritablement le fléau de
l'entreprise au noir dans l'industrie de la construction il faut enrayer
à l'origine même de toute production dans ce secteur
d'activité, la possibilité de frauder la réglementation.
Un mécanisme universel d'octroi de permis de construction serait alors
le premier moyen pour le gouvernement de stabiliser l'industrie et donnerait
aux parties la capacité de réagir à temps lorsque des
déséquilibres, tels que ceux que l'on connaît, menacent
l'ensemble du secteur.
Depuis la loi 27, qui permettait encore une fois l'année
dernière au gouvernement de modifier la loi sur l'industrie, le
comité mixte est relégué au statut d'organisme
"consultatif" inacceptable.
Rien ne peut expliquer ce statut, puisque ce sont les travailleurs et
les autres intervenants de l'industrie qui financent de leurs contributions la
gestion de l'OCQ, dont le mandat est d'appliquer et d'administrer les avantages
sociaux et les bénéfices contenus dans le décret
négocié par les parties.
L'interprétation et l'application du décret
dépendent désormais totalement de l'OCQ et font de cet organisme
paragouvernemental le seul et unique décideur dans ce domaine. La loi 27
a même supprimé toute forme d'appel relativement à toute
interprétation ou application du décret. Elle a concentré
entre les mains des fonctionnaires le pouvoir de décider sur
l'interprétation des décrets ou des conventions collectives
régissant les conditions de travail des travailleurs de la construction
tout en enlevant ce pouvoir aux associations représentant les
travailleurs eux-mêmes.
Il est donc essentiel que des changements à la loi redonnent au
comité mixte le pouvoir de décider de tout litige relativement
à l'interprétation et à l'application du
décret.
Parallèlement au comité mixte, la CSN voit d'un bon oeil
la création d'un tribunal de la construction qui pourrait être une
section du Tribunal du travail. Dans le document de travail
préparé d'ailleurs par le comité mixte à la suite
de la rencontre du 24 janvier avec le ministre du Travail, il est fait mention
d'un tel tribunal. Déjà, en 1974 puis en 1978, les
mémoires de la CSN suggèrent la création du tribunal de la
construction pour rassembler, sous un seul organisme, la sanction de toutes les
lois et de tous les règlements régissant la construction.
Pas un seul acheteur de maison ne peut affirmer qu'il a payé
moins cher parce que les travailleurs embauchés étaient
rémunérés à des taux inférieurs de salaires.
Pas un seul propriétaire de maison qui fait affaires avec un "jobineux"
n'est capable d'obtenir une garantie valable sur la qualité des travaux.
Ce que l'entrepreneur-artisan, en travaillant à rabais, ne charge pas au
taux horaire, il le chargera sur les matériaux utilisés pour
obtenir son profit.
Actuellement, nous ne comprenons pas l'acharnement des entrepreneurs
à faire campagne pour faire porter la responsabilité de nos
difficultés économiques sur le dos des 100 000 travailleurs de la
construction qui arrachent difficilement un salaire annuel moyen ne
dépassant pas 15 000 $, soit le seuil de la pauvreté. 86 maisons
bâties en banlieue sud de Montréal ont rapporté l'an
dernier 1 000 000 $ de profit à l'entrepreneur qui les a bâties.
Aucun travailleur de la construction de ces chantiers n'a été
payé selon les taux prévus du décret et aucun acheteur n'a
payé un prix inférieur au prix du marché pour se procurer
l'une de ces maisons.
L'augmentation de décimales de pourcentages en taux
d'intérêt exerce plus d'influence sur les coûts des travaux
que des augmentations importantes de salaires des travailleurs. À titre
d'exemple, une augmentation de 10% de la masse salariale, lors de la
construction d'une maison, égale 2,4% d'augmentation du coût de la
maison. À titre d'exemple également, l'augmentation de 1% du taux
d'intérêt égale 6,5% du coût d'augmentation de
l'achat d'une maison. Cela n'était pas dans le document, c'est un
ajout.
Ce que les travailleurs de la
construction constatent vraiment aujourd'hui c'est que plus un seul
d'entre eux ne peut se garantir la moindre sécurité d'emploi ou
de revenu, tant et aussi longtemps qu'on permettra la présence sur les
chantiers d'une main-d'oeuvre parallèle occupant les emplois auxquels
seuls les travailleurs qualifiés et classifiés devraient avoir
droit.
Ce que les travailleurs de la construction attendent vraiment
aujourd'hui du gouvernement c'est qu'il traduise par un texte de loi ses
revendications à l'exercice de ses droits et libertés
fondamentales que le patronat de cette industrie ne respecte plus.
Ce que les travailleurs membres de la CSN-Construction revendiquent
aujourd'hui, c'est le respect de leurs droits et principalement celui de leur
droit au travail. C'est pourquoi la CSN-Construction recommande entre
autres:
L'application plus sévère et plus soutenue du
règlement de placement de l'industrie de la construction;
Que le législateur donne les pouvoirs adéquats aux
représentants syndicaux de vérifier les permis des entrepreneurs
et les permis de travail;
Que le législateur donne les pouvoirs adéquats aux
représentants syndicaux et à l'Office de la construction du
Québec de faire arrêter les travaux des chantiers noirs; (18 h
15)
Que le législateur affirme le caractère inaliénable
du pluralisme syndical en effaçant de la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction tout ce qui peut faire en sorte
d'exclure ou de proscrire l'une ou l'autre des associations syndicales
représentatives habilitées, selon l'article 42, à
négocier à la table des négociations;
Que le législateur rétablisse une
représentativité équitable des membres de la
CSN-Construction à la table des négociations de l'industrie;
Que le comité mixte de l'industrie de la construction ait le
pouvoir de décider de tout litige relativement à
l'interprétation et à l'application du décret;
Que la Régie des entreprises de construction du Québec
soit abolie et que les pouvoirs d'émission et de contrôle des
permis d'entrepreneurs soient remis au comité mixte de l'industrie de la
construction;
Que le comité mixte étudie un mécanisme universel
d'octroi des permis de construction du Québec qui garantirait l'embauche
des travailleurs classifiés et qualifiés de l'industrie de la
construction.
Les trois dernières pages du dernier document qu'on vous a
soumis... Vous trouverez en annexe de notre mémoire une série
d'amendements appuyant les positions que nous venons de développer.
En premier lieu, ils visent à établir une
définition plus adéquate et plus claire du champ d'application de
la loi, tout en limitant les exceptions contenues à l'article 19.
Celles-ci se limitent aux travaux d'entretien et de réparation de
bâtiments exécutés par des salariés permanents d'un
employeur autre que professionnel ou aux travaux de réparation ou
d'entretien d'ouvrages de génie civil exécutés par les
salariés permanents du propriétaire. Les exceptions de l'article
19 ne doivent recevoir d'application que lorsque les travaux sont
exécutés par des salariés permanents, c'est-à-dire
des salariés qui sont à l'emploi de leur employeur depuis au
moins six mois.
Les amendements proposés visent aussi à restreindre la
place de l'artisan. Ainsi, tout employeur exécutant les travaux de
construction doit employer au moins un salarié pour exécuter le
travail. Il faut donner au comité mixte, lieu où se retrouvent
les représentants des associations syndicales ou patronales, un
rôle déterminant en regard de l'économie
générale de la loi. C'est à lui que doivent revenir
l'administration de l'office, la rédaction et l'adoption des
règlements pertinents ainsi que l'interprétation du
décret. C'est à lui que revient le rôle d'émettre
tout permis permettant de devenir entrepreneur en construction.
Vous trouverez à l'article 42 nos recommandations relatives
à la structure de négociation. Elles créent un cadre
permanent du côté syndical, soit la formation d'un comité
syndical de négociation où les décisions se prennent
à la majorité des voix des associations représentatives
habilitées à négocier. Les dispositions concernant
l'arbitrage des griefs sont aussi modernisées et adaptées au
genre d'industrie en contenant des clauses déjà contenues au Code
du travail.
Pour assurer le respect de la loi par rapport à la production au
noir, non seulement des pénalités plus sévères
pourront être imposées aux contrevenants, mais l'office ou un
représentant syndical pourra arrêter les travaux en cours
jusqu'à ce que les employeurs se conforment à la loi et ce, sans
perte de salaire pour les travailleurs.
Par ailleurs, la CSN-Construction réclame le maintien du
règlement sur le placement. Il ne devrait pas y avoir quelque
modification que ce soit sans l'accord du comité mixte. Les seuls
amendements proposés concernent le rôle de l'office, à qui
nous donnons la responsabilité de surveiller l'application du
règlement, le placement des travailleurs de la construction demeurant la
responsabilité exclusive des organisations syndicales.
Le Président (M. Fortier): Je vous remercie M. Gauthier.
Vous avez sûrement suivi des cours de lecture rapide pour avoir pu lire
ce rapport très dense dans un temps
relativement court. Je vais demander au ministre de poser la
première question.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Avant de le faire,
cependant, je voudrais aussi remercier M. Gauthier et ceux qui l'accompagnent,
ceux et celles qui ont travaillé à la préparation du
mémoire qu'on vient de nous soumettre. Ce mémoire, on l'a vite
compris, fait le tour de l'ensemble des problèmes les plus
préoccupants. Au fur et à mesure que les travaux de la commission
avancent, il faut bien se rendre compte qu'essentiellement, ce sont presque
toujours les mêmes problèmes qui sont mis sur la table.
Évidemment, l'analyse de la situation peut varier, les causes des
phénomènes peuvent être différentes, mais on en
arrive toujours à l'identification d'à peu près les
mêmes situations. Vous avez, par exemple, mis beaucoup d'emphase sur le
travail au noir. Vous avez essentiellement ajouté ou
complété, s'il ne l'était déjà, le document
déjà publié qui contient, à la toute fin, des
recommandations très précises. Vous avez également
apporté des précisions sur le phénomène du
pluralisme syndical et vous vous êtes déclarés d'accord
avec la création d'un tribunal de la construction. Finalement, vous avez
émis vos opinions sur l'artisan, le champ d'application.
Je n'ai pas, quant à moi, l'intention de revenir sur chacun de
ces phénomènes. Vous l'avez fait avec suffisamment d'exactitude
et d'ampleur dans le mémoire pour que l'on connaisse très
précisément vos positions à cet égard. Permettez
simplement que j'essaie d'obtenir quelques précisions quant à
votre position sur le pluralisme syndical. Le coeur de votre argumentation se
retrouve aux pages 25 et suivantes du mémoire. Je voudrais d'abord
obtenir une petite précision quant au dernier paragraphe de la page 30
de votre mémoire. Vous nous dites, dans les trois dernières
lignes: "La CSN-Construction croit qu'il faut adopter un mécanisme qui
obligerait les associations syndicales à s'entendre." De cette
observation, M. Gauthier, je suis tout près de conclure que le
mécanisme qui avait été suggéré au mois
d'avril dernier a, à toutes fins utiles, échoué, n'a pas
donné les résultats que l'on escomptait. Est-ce que c'est cela
qu'il faut comprendre lorsque vous demandez d'obliger les associations
syndicales à essayer de s'entendre?
M. Gauthier (Michel): En avril, on avait fait une proposition aux
diverses associations syndicales. Ce qu'on dit aux pages 30 et 31, c'est que
cela devrait dorénavant être inscrit dans la Loi sur les relations
du travail dans l'industrie de la construction, à l'article 42, ce qui
ferait en sorte qu'on inscrirait dans la loi l'obligation de s'entendre tel que
proposé en neuf points.
M. Fréchette: L'obligation de s'entendre autant sur les
mécanismes de négociation que le contenu d'un éventuel
projet, c'est dans ce sens qu'il faut comprendre la dernière phrase de
votre page 30.
M. Gauthier (Michel): Exactement.
M. Fréchette: Revenant aux modalités que vous
suggérez à la page 31, je retiens, par exemple, la
première suggestion que vous formulez et qui est celle de
procéder à la formation d'un comité de négociation
composé d'une personne par association syndicale représentative,
ce qui m'amène à la conclusion que, dans l'état actuel des
choses, il y aurait à ce comité cinq personnes.
M. Gauthier (Michel): En vertu de l'article 42 de la loi, cela
veut dire les associations ayant le droit d'être à la table de
négociation en représentant plus de 15%.
M. Fréchette: D'accord. Seulement une autre
précision quant aux paragraphes 7 et 8 de cette page 31. Le paragraphe
8, on le retrouve à la page 32. Je voudrais simplement vous demander un
éclaircissement suivant que telle ou telle éventualité se
présente. Vous dites, par exemple: "Toutes les décisions
d'acceptation ou du rejet de la convention collective sont prises par chaque
association syndicale conformément à leurs statuts et
règlements." Je tiens pour acquis que ce comité dont vous parlez
est formé et que le mécanisme de négociation s'enclenche,
que les associations représentatives y ont des représentants,
mais qu'à un moment donné de la négociation, votre
association doit aller consulter ses membres, qu'une autre association
représentative doit également aller consulter ses membres, et on
revient à la table avec, par exemple, des mandats tout à fait
différents sur un point précis et de même nature. Dans
quelle situation serions-nous à ce moment-là? De quelle
façon une semblable difficulté peut être
contournée?
M. Gauthier (Michel): L'ensemble des problèmes devrait
être réglé à la suite de la tournée, si on
prend l'exemple que vous donnez, des assemblées générales
par les associations représentatives. À la suite du mandat qui
serait donné par les assemblées, le comité de
négociation composé d'un représentant par association
syndicale aurait à trouver le moyen de présenter une position qui
représenterait ce que la majorité des associations syndicales a
convenu ou des demandes provenant des assemblées générales
des membres. Il s'agirait de fonctionner par voie de majorité
continuellement à même le mécanisme de ce comité. Si
on prend
l'exemple actuel, il y a trois associations qui représentent plus
de 15%. Sur un point donné, on pourrait aller en tournée de
consultation. Deux des trois associations adopteraient le point. L'autre
association serait liée à ce moment-là par la
décision des deux autres.
M. Fréchette: Cela va pour cet aspect. Je comprends que
là, on parle d'un problème qui se soulèverait en
négocations, qui aurait besoin d'être avalisé par des
assemblées générales. Qu'en serait-il maintenant si on se
retrouvait dans la même situation, mais au niveau de la décision
à prendre quant à, par exemple, la tenue d'une grève? Chez
vous, vous dites: Bon, il n'y a pas lieu d'aller en grève sur l'ensemble
du dossier alors qu'une autre association pourrait évaluer,
déterminer qu'il y a lieu d'exercer le droit de grève. Est-ce que
le même phénomène...
M. Gauthier (Michel): La majorité ayant
décidé.
M. Fréchette: Cela me va, M. le Président. Ce sont les
seules explications additionnelles que je voulais avoir.
M. Gauthier (Michel): La majorité ayant
décidé et il y a un autre phénomène, je pense, qui
est dans le neuvième point qui est important, la majorité ayant
décidé en termes de nombre d'associations, mais pour signer la
convention collective, si jamais il y avait une association qui avait plus de
50%, cela prendrait l'accord automatiquement de cette association syndicale. Il
y aurait comme un droit de veto qui existerait pour une association qui
pourrait, elle, obtenir la majorité absolue en termes de
représentation.
M. Fréchette: Merci.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci. Dans le cas de la CSN, évidemment,
nous avons pris connaissance de différents documents qui ont
été produits. Je voudrais, avant de formuler quelques questions,
faire un commentaire. M. Gauthier, je suis un peu surpris de la teneur du
mémoire que vous nous présentez aujourd'hui à certains
égards. Comme on le sait, la commission parlementaire a comme mandat et
ce qui a été souhaité de chacun des côtés de
la table ici, cela a été qu'on puisse vivre un forum
d'échange d'opinions, d'expériences avec différents
intervenants lequel forum serait susceptible de convaincre tout le monde ou
tout au moins le gouvernement d'apporter les modifications qui s'imposent en
regard des problèmes fondamentaux que vit quotidiennement l'industrie de
la construction.
Parmi ces problèmes, vous avez fait référence avec
beaucoup d'insistance à toute la question de la
représentativité syndicale, de la négociation des
conventions collectives et, à cet égard, les propositions que
vous formulez sont intéressantes et mériteront certainement
d'être étudiées davantage comme d'autres propositions qui
sont venues, cet après-midi, de la part de la CSO. Vous abordez aussi la
question du statut de certains travailleurs, entre autres, les travailleurs
artisans. Mais là où je suis surpris, c'est que vous ayez
abordé très brièvement, par un addenda en date
d'aujourd'hui, la question du champ d'application du décret, entre
autres, qui est un élément de première ligne, si je peux
utiliser le terme, en regard du gâteau à partager et, par
conséquent, de la sécurité du revenu des travailleurs.
Il faut convenir aussi que dans plusieurs pages, votre mémoire
est peut-être teinté d'une certaine agressivité
dûment écrite. Vous crêpez évidemment un peu le
chignon de la partie patronale. Plusieurs flèches sont lancées
à la FTQ-Construction. L'Office de la construction du Québec
prend sa part de griefs ou de reproches. La Régie des entreprises en
construction du Québec doit être abolie. On accroche les
péquistes au passage, les libéraux au passage. Je retiens qu'il y
a à peu près seulement le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction qui n'a pas été trop trop
accroché dans votre mémoire.
C'est ce pourquoi, M. Gauthier, je vous dis, je ne vous connais
peut-être pas intimement, mais je dois vous dire que j'ai
été surpris parce que je m'attendais à une
réflexion plus poussée de la part de la CSN concernant le champ
d'application du décret. Par la fin de ce commentaire, je vais aborder
ma question. Vous dénoncez, à juste titre, je pense, une
situation de droit et de fait qui prévaut actuellement où des
milliers pour ne pas dire des millions d'heures qui normalement devraient
être considérées comme de la construction, sont
travaillées en dehors des règles prévues aux lois et
règlements actuellement. Vous devez retenir et je pense que cela a
été clairement exprimé de part et d'autre une
volonté claire et précise de tout le monde autour de cette table
de tenter d'enrayer ce fléau, parce que fléau il y a: paiements
sous la table, pas de contribution au Régime d'assurance-maladie,
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, au Régime de retraite, absence de sécurité dans
plusieurs cas, etc.
Vous avez une approche qui est particulière en ce que vous dites:
Pour régler le problème du travail au noir, il faut donner plus
de force et plus de dents au règlement de placement dans l'industrie de
la construction et là, vous prévoyez toute une série de
mesures allant jusqu'à la fermeture
des chantiers de construction sur requête d'un représentant
syndical. Ne croyez-vous pas que le règlement ou une bonne part de la
solution de ce problème passe par l'élargissement de ces normes
plutôt que par leur restriction? Et je m'explique. Nous nous retrouvons
aujourd'hui avec 70 000 travailleurs classifiés à l'Office de la
construction du Québec. Vos tableaux indiquaient qu'en 1975-1976,
c'étaient 145 000 travailleurs qui n'étaient pas là pour
le "fun", seulement une carte de pompier ou un permis de chauffeur de taxi.
C'étaient les gens qui avaient obtenu un certificat de qualification du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre de l'époque comme
résultat soit d'une attestation d'expérience ou encore d'un
apprentissage qui, dans certains cas, pouvait aller jusqu'à 6000 ou 8000
heures, si ma mémoire est fidèle, auxquels travailleurs le
ministère du Travail avait délivré un certificat de
qualification leur reconnaissant une compétence pour oeuvrer dans un
métier donné. Si le gouvernement du Québec n'avait pas, au
mois de février ou mars dernier -peu importe la date précise -
reconduit pour une période de deux ans les certificats de classification
émis par l'OCQ, ce serait probablement beaucoup moins aujourd'hui que 70
000 travailleurs que nous aurions de dûment inscrits à l'OCQ.
Où sont allés, finalement, tous ces travailleurs, ces
dizaines de milliers de travailleurs, quantifiés à environ une
trentaine de mille qui, en 1978, ont reçu la sacro-sainte
bénédiction du règlement et se sont vu dire: Monsieur,
vous êtes, vous, un véritable travailleur de la construction,
voici votre certificat de classification? Il faut convenir que ces
gens-là ne sont pas tous allés enrichir le nombre
d'assistés sociaux au Québec qui est déjà trop
élevé et le nombre de chômeurs. On peut présumer que
plusieurs de ceux-là sont allés s'enrichir, si je peux utiliser
le terme, par le biais du travail au noir. C'est donc dire qu'on se retrouve
dans une situation où celui qui était jugé par vous, M.
Gauthier, et par les autres syndicats comme étant un véritable
travailleur de la construction, que vous défendiez avec toute la
conviction dont vous étiez capables, il y a quelques années, il
l'était. Il ne l'est plus maintenant. Il demeure, quand même, un
travailleur qualifié, même s'il n'a pas son certificat de
classification.
Ne croyez-vous pas - et c'est là le sens de ma question - qu'une
bonne part de la solution du problème du travail au noir et aussi une
bonne part de la solution en termes de sécurité de revenu des
travailleurs ne passe pas par des dents plus sévères dans un
règlement de placement parce que, si les dents avaient été
aussi sévères que cela, on serait dans une situation où 20
000 travailleurs auraient encore perdu leur permis cette année? Entre
parenthèses, j'aimerais bien que vous nous disiez si vous étiez
d'accord avec cette reconduction, oui ou non. La sécurité de
revenu des travailleurs, ne croyez-vous pas qu'elle doit davantage passer par
1) plus d'heures travaillées dans la construction? Cela implique quoi?
Cela implique l'élargissement du champ d'application du décret.
La partie patronale, l'AECQ, malgré tous les reproches que vous avez
à lui adresser - et là, je ne veux pas juger - formulait ce matin
le voeu que les équipements de production soient inclus, que les travaux
d'Hydro-Québec, que le gouvernement, ses instances et ses agences se
voient inclus aussi dans le champ d'application du décret, les
bâtiments de ferme, etc.
Essentiellement - c'est ce que nous soutenons et j'aimerais bien avoir
votre commentaire - ne croyez-vous pas qu'on serait plus
légitimés comme législateurs, peu importe de quel
côté de la table nous sommes, d'accroître le nombre d'heures
travaillées dans la construction par le champ d'application du
décret, d'assouplir les règles du règlement de placement
dans l'industrie de la construction pour permettre au travailleur
qualifié qui était classifié, qui était dans la CSN
jusqu'à il y a quelques années et que vous défendiez, de
pouvoir reprendre la place qu'il avait au soleil à ce moment-là
et de travailler?
M. Gauthier (Michel): Vous avez posé plusieurs questions
en même temps. D'abord pour ce qui est du mémoire de la
CSN-Construction, notre première préoccupation, c'était,
évidemment, de faire le portrait de l'ensemble de la situation quant au
travail au noir. On avait, dès septembre dernier, demandé au
gouvernement de tenir une commission ou une enquête sur l'ensemble des
problèmes de l'industrie et particulièrement sur tout ce qui
touche le travail au noir. Dans notre mémoire, le travail au noir prend
une partie importante.
Quant aux modifications à la loi, je peux toujours faire la
lecture de l'annexe qu'on a mise; on l'a résumée dans trois
pages, mais l'ensemble des modifications à la loi que la
CSN-Construction propose est contenu dans cette annexe. Vous pouvez donc y
retrouver l'ensemble des éléments tels le champ d'application, le
statut d'entrepreneur, le statut d'employeur, le statut d'artisan. On touche
l'ensemble des éléments. Nous, on est convaincus que, lorsque les
parlementaires auront à étudier ce que seront les modifications
à la loi, vous tiendrez compte de ce qui est déposé en
annexe comme modifications à la loi présenté par la
CSN-Construction. J'aurais pu vous entretenir longuement sur le fait
qu'à l'article 28 on a demandé de changer le nom de la
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
pour CSN-Construction, mais on est convaincu que, lorsque l'analyse des
amendements à la loi proposée va se faire, vous retrouverez
l'ensemble des éléments.
Quant à nous, comme on s'est entendu avec l'ensemble des autres
associations syndicales, avec la FTQ, l'International et la CSD, sur la
majorité des modifications proposées dans ce document, vous
retrouverez les mêmes modifications proposées par les autres
associations syndicales. On a donc pris une plus grande partie de notre temps
pour traiter d'autres sujets qui nous étaient aussi à coeur, mais
que nous voulions voir traiter plus prioritairement.
Pour ce qui est du renouvellement de la carte de classification des
travailleurs de la construction le 1er mars 1984, je vous rappellerai, comme on
le cite dans notre document, qu'à la CSN une pétition a
été mise en branle au mois de mai 1983 dans tout le Québec
pour demander au gouvernement de renouveler automatiquement les cartes de
classification des vrais travailleurs de la construction. Notre demande
était la suivante: Renouveler automatiquement pour deux ans. La raison:
ceux qui ne travaillent pas actuellement ou ceux qui n'ont pas
complété le nombre d'heures suffisant en vertu du
règlement de placement, ce n'est pas parce que ces gars-là ne
sont pas des vrais travailleurs de la construction, c'est parce que,
actuellement, le haut taux de chômage au Québec ne leur permet pas
de travailler.
Quand, au Québec, on a 13% de chômage et 12%
d'assistés sociaux, donc 25% de la main-d'oeuvre active qui ne travaille
pas, on comprend que le secteur de la construction est durement
touché.
Le deuxième élément, par rapport à la carte
de classification: En 1981, la carte de classification de 32 000 travailleurs
n'avait pas été renouvelée. À la suite de demandes
de renouvellement, il y en a au-delà de 10 000 de ces 32 000 qui ont
récupéré leur carte de classification. Ceux qui n'ont pas
eu leur carte de classification ont été maintenus sur des listes
prioritaires à l'Office de la construction du Québec.
Dans les régions, dès que les bassins de main-d'oeuvre se
vident, normalement, ces travailleurs doivent être appelés sur les
listes prioritaires pour être ceux qui vont venir travailler au niveau du
métier où ils n'ont pas eu leur carte de classification.
Ces travailleurs sont toujours disposés et disponibles à
travailler dès que les besoins s'en font sentir.
M. Pagé: Vous me permettrez une dernière question
là-dessus. Comment pouvez-vous - je comprends que vous avez des
intérêts à défendre - être
légitimé de dire aujourd'hui: Le gouvernement a bien fait et on
lui a demandé, par pétition, de renouveler le certificat de
classification de tous les travailleurs et, par conséquent, de ceux qui
s'apprêtaient à le perdre, compte tenu d'une conjoncture de
chômage, etc., alors que vous n'avez pas la même solidarité
à l'égard de travailleurs qui étaient de véritables
travailleurs de la construction, qui avaient un certificat de classification,
qui ont déjà détenu, soit en 1978 ou en 1979 ou 1980, le
certificat de classification, qui étaient membres chez vous? Dans leur
cas à eux, vous dites: Ils ont des mécanismes, lorsque les
bassins de main-d'oeuvre seront libres, ils vont être placés en
priorité, etc. Je m'excuse, mais, pour moi, ce sont deux langages
différents. Je comprends que vous avez des exposés additionnels
dans les différents documents que vous avez produits et je reviens
là-dessus. L'essentiel de la question est ceci: Ne croyez-vous pas que
la sécurité de vos membres passe davantage par un volume accru de
la construction, par l'élimination du travail au noir,
l'élargissement du champ d'application du décret que par des
dents et un règlement de plus en plus sévère qu'on est
obligé d'amender, non pas comme gouvernement parce que nous n'y sommes
pas, mais on a quand même assisté à une modification par
année depuis que ce fameux règlement est en application?
M. Gauthier (Michel): Quant à l'élargissement des
lois, on est sûrement d'accord avec cette position. Je vous le dis, on
l'exprime dans l'annexe, quant à l'élargissement du champ
d'application, à l'article 19. Quant au travail au noir, à la
façon actuelle d'éliminer le travail au noir, nous croyons
qu'à ce moment-ci il doit y avoir des mécanismes serrés,
parce que ce qui existe actuellement n'arrive pas à l'éliminer.
Ce n'est pas en réduisant les salaires de 20%, comme le demande l'AECQ,
qu'on va réduire le travail au noir. Ce qu'on va faire en
réduisant les salaires de 20%, c'est réduire de 20% le taux
actuel de ceux qui sont au noir. Ce qu'on va faire, c'est qu'au lieu d'avoir
une main-d'oeuvre à 8 $, 9 $ ou 10 $ l'heure on va l'avoir à 6 $
ou 7 $ pendant que les vrais travailleurs de la construction baisseront
également de 20%. Il faut trouver des moyens et des mécanismes.
Quant à nous, il y a des mécanismes qu'on propose. Les amendes
sont légèrement modifiées par rapport à ce qu'elles
étaient. La possibilité d'arrêter les chantiers, on pense
qu'effectivement c'est une des façons de le faire. Si les inspecteurs de
l'office ou les représentants syndicaux avaient la capacité
d'arrêter le chantier lorsqu'il y a des travailleurs illégaux sur
le chantier, ce serait probablement la meilleure façon de régler
rapidement ces problèmes. Plus souvent qu'autrement actuellement
lorsqu'on
dépose des plaintes à l'Office de la construction du
Québec, lorsque les inspecteurs de l'office arrivent sur le chantier,
soit que les travailleurs ne sont plus présents, qu'ils ont disparu ou
sont ailleurs que sur le chantier et, lorsque l'inspecteur de l'office est
parti, ces gens recommencent à travailler. Si les représentants
syndicaux avaient également le pouvoir de vérifier les cartes et
d'arrêter ces chantiers, deux genres de personnes circuleraient sur les
chantiers et on aurait une plus grande facilité à ce
moment-là de régler une partie de ce problème.
M. Pagé: J'aurais une très brève question
à poser, M. le Président, sur la question de la participation des
différentes associations représentatives. Vous dites, à la
page 53 de votre mémoire, dans les recommandations au no 5: "Que le
législateur rétablisse une représentativité
équitable des membres de la CSN-Construction à la table des
négociations de l'industrie". D'une part, vous avez recueilli 17%
l'automne dernier. Vous êtes à la table. Concrètement, vous
avez le ministre devant vous. Cela voudrait dire quoi?
M. Gauthier (Michel): À la page 31, il y a les neuf
recommandations qu'on a faites quant à une véritable
négociation; c'est le principe qu'on développe là.
M. Pagé: D'accord, merci.
Le Président (M. Fortier): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. M. Gauthier, au
printemps, plusieurs syndiqués m'ont livré à mon bureau de
comté de Hull votre petit livre noir. Je m'attendais à ce qui
était dit là-dedans. Même si je n'en partageais pas les
opinions, je tentais de comprendre, mais, à la page 41 de votre
mémoire, vous mentionnez, entre autres: "II n'y a pas que le
député Rocheleau qui, parmi les hommes politiques du
Québec, rage contre le règlement de placement et la
syndicalisation." Je voudrais que l'on fasse une distinction. Je n'ai pas la
rage contre le règlement de placemement, mais j'aimerais qu'il soit
éliminé le plus rapidement possible.
En ce qui a trait à la syndicalisation, M. Gauthier, je suis
obligé aujourd'hui de défendre les syndiqués que vous avez
laissé tomber depuis 1978, à toutes fins utiles, parce qu'on se
rend compte qu'un grand nombre de syndiqués n'ont plus aujourd'hui leur
carte de classification. Dans votre mémoire, vous parliez, entre autres,
d'un statut particulier demandé pour Hull et l'Outaouais et vous le
commentiez. J'aimerais savoir, M. Gauthier, si vous êtes d'accord avec
les quelques petites lignes que je vais vous lire. J'aimerais entendre vos
commentaires là-dessus. "La carte de compétence est un
contrôle qualitatif de la main-d'oeuvre de la construction, alors que le
certificat de classification est un contrôle quantitatif de la
main-d'oeuvre autorisée à travailler. En accordant une importance
prioritaire au certificat de classification, on brime le droit de l'individu
compétent au travail, on encourage de façon incontrôlable
le braconnage; on condamne à l'avance au chômage les jeunes que
l'on continue à former dans les écoles
spécialisées, tout en sachant qu'ils n'auront aucune chance de
gagner leur vie dans le métier pour l'apprentissage duquel ils auront
consacré plusieurs années de leur vie étudiante et on
élimine les chances de créer une relève jeune, dynamique
et dont les employeurs pourraient tirer avantage." J'aimerais que vous
commentiez ces propos que j'ai tenus dans notre...
M. Gauthier (Michel): Pourriez-vous parler du début par
rapport à la carte de classification? Je n'ai pas saisi.
M. Rocheleau: Par rapport à la carte de classification, je
dis que l'on brime le droit de l'individu compétent au travail. S'il a
sa carte de compétence, si c'est un vrai travailleur de la construction,
c'est sa carte de classification qui l'autorise à travailler et, s'il
n'a pas fait les heures requises au cours des années passées, il
a perdu sa carte de classification.
M. Gauthier (Michel): Actuellement, on défend le
règlement de placement; on défend la carte de classification.
M. Rocheleau: M. Gauthier, vous êtes d'accord avec
l'ensemble du principe qui est établi là.
M. Gauthier (Michel): Ce que je vous dis, c'est que nous, on
défend le principe de la carte de classification actuellement.
M. Rocheleau: En ce qui concerne l'Outaouais, M. Gauthier - et
les commentaires de la CSN sont venus aussi de l'Outaouais -
conformément à ce qui est enregistré en 1984, il y a 1996
travailleurs dans la région de l'Outaouais. C'est l'une des
régions où il y a apparemment le moins de chômage dans la
construction, une région qui est peut-être même
privilégiée.
M. Gauthier (Michel): C'est l'une des régions où
plusieurs travailleurs ont repris leur carte de classification qu'ils avaient
perdue.
M. Rocheleau: Précisément. J'aimerais savoir de
votre part, M. Gauthier, étant
donné le fait que la carte de classification permet seulement au
travailleur québécois d'exercer son métier du
côté québécois, ce que vous feriez si, d'une part,
le gouvernement ontarien passait une loi semblable et empêchait les
travailleurs du Québec d'exercer leur métier du côté
de l'Ontario, comme il y en a à peu près 40% ou 50% qui le font
actuellement?
M. Gauthier (Michel): On aurait les mêmes problèmes
qu'on connaît ici.
M. Rocheleau: Alors, cela veut dire qu'actuellement, le
travailleur de l'Ontario qui ne peut pas venir travailler au Québec
parce qu'il n'est pas accepté, parce qu'il n'a pas de carte, pourrait de
son côté demander à son gouvernement d'interdire aux
Québécois de travailler du côté ontarien?
M. Gauthier (Michel): Non, on ne demandera pas aux travailleurs
ontariens d'interdire... Ce que je vous dis, c'est qu'actuellement, il existe
ici au Québec une réglementation qui protège l'emploi au
Québec. C'est la réglementation qui nous satisfait, nous,
actuellement.
M. Rocheleau: Mais je me pose la question à savoir si on
protège, si c'est réellement une protection de l'emploi quand on
est parti de près de 150 000 et qu'on est descendu à près
de 70 000 cette année. Vous demandez dans vos commentaires de renouveler
les cartes au 1er mars 1984, ce que le gouvernement a fait, je pense, jusqu'au
1er mars 1986, pour deux ans. Cela veut dire qu'il y a une discrimination
à l'égard de ceux qui, depuis 1978, ont perdu leur carte jusqu'en
1983, alors que le gouvernement vient de reporter pour deux ans la même
carte de classification.
M. Gauthier (Michel): La mise en place du règlement de
placement en 1978 a fait en sorte d'abord d'éliminer, comme on le dit
dans le document, beaucoup de personnes qui étaient de passage dans la
construction, aux périodes de pointe, mais qui ne gagnaient pas leur vie
dans la construction. En 1978, le règlement de placement a permis cela.
En 1981, comme je vous l'ai dit tantôt, il y a eu 32 000 travailleurs
dont la carte n'a pas été renouvelée. À la suite de
demandes de vérification des heures, au-delà de 10 000 ont
récupéré leur carte de classification. Plusieurs des 22
000 n'ont jamais fait de demande de récupération de la carte. Ce
que je vous ai dit aussi tantôt, c'est qu'il en reste: ceux qui avaient
leur carte de classification sont demeurés sur les listes prioritaires
d'embauche dans les régions lorsque les bassins de main-d'oeuvre sont
vides. Actuellement, il n'y a pas assez de travail pour l'ensemble des 90 000
travailleurs. Quand on parle de 70 000, on peut dire qu'en 1982, 77 000
travailleurs ont fait une heure ou plus de travail, mais il y a peut-être
95 000 travailleurs inscrits à l'Office de la construction du
Québec. Il n'y a pas de travail pour l'ensemble de ces travailleurs. Ce
n'est pas la faute des organisations syndicales actuellement s'il n'y a pas de
travail. Il y a une conjoncture économique qu'on ne contrôle pas.
Ce qu'on dit, c'est qu'il faut remettre le monde au travail. Il faut que les
gens travaillent. Il faut qu'il y ait des projets pour faire travailler les
travailleurs. Lorsque les travailleurs de la construction travailleront, ceux
qui ont perdu leur carte de classification pourront revenir aisément
dans la construction, comme les jeunes pourront entrer aisément dans la
construction.
M. Rocheleau: J'aimerais poser une autre question à M.
Gauthier. On ne semble pas se préoccuper tellement de la relève
dans le, sens que les jeunes qui sortent des polyvalentes, qui ont leur
certificat, leur diplôme dans différents métiers de la
construction, qui ont même bénéficié à
l'occasion de bons d'emploi de 3000 $ par année pour aller se chercher
un emploi et aider l'employeur à leur payer un salaire raisonnable...
J'aimerais savoir ce que vous faites pour protéger ou pour tenter de
valoriser le rôle du jeune dans l'avenir de la construction au
Québec. D'autant plus qu'on retrouve dans plusieurs mémoires le
fait que l'ensemble de la main-d'oeuvre dans la construction connaît
actuellement un certain vieillissement.
M. Gauthier (Michel): Notre principale préoccupation
à ce moment-ci, comme d'autres l'ont dit, ce n'est pas de prendre un
nouveau travailleur et d'en sortir un pour en faire un chômeur. Le
problème actuel de l'économie québécoise, c'est de
créer de l'emploi, de remettre les gens à l'ouvrage, ce qui
n'existe pas actuellement. On ne peut pas prendre les jeunes qui sortent de
l'école actuellement, les faire entrer dans la construction et prendre
les travailleurs de 45, 47 ou 50 ans et les faire sortir de la construction
pour faire travailler la relève. Il faut créer de l'emploi pour
permettre à ces travailleurs d'entrer sur le marché du travail.
À ce moment-ci, le principal problème, c'est de créer de
l'emploi.
M. Rocheleau: Une dernière question, M. le
Président: Est-ce que l'ensemble des syndicats qui représentent
le monde de la construction au Québec sont tous favorables au
règlement de placement dans la construction?
M. Gauthier (Michel): Je ne suis pas en mesure de parler pour les
autres
organisations syndicales, mais je peux vous dire qu'à la CSN on
est favorable au règlement de placement.
M. Roeheleau: J'en ai rencontré d'autres, M. le
Président, qui ne semblaient pas partager cette opinion, mais on aura
peut-être l'occasion d'en discuter avec eux.
Le Président (M. Fortier): Merci, M. Gauthier, et merci
à ceux qui vous accompagnent de la C5N. Merci pour la
présentation de votre mémoire.
Ce matin, j'avais mentionné que deux associations ont fait une
demande conjointe d'être entendues; il s'agit de l'Association nationale
des travailleurs en réfrigération, climatisation et protection
des incendies, local 3, et de la Corporation des maîtres entrepreneurs en
réfrigération du Québec. Après en avoir
parlé au ministre et au député de Portneuf, nous allons
tenter de leur trouver une ouverture pour qu'elles puissent exprimer leur
opinion. Elles ont demandé de 15 à 20 minutes. Le
secrétaire a été mandaté pour essayer de trouver un
moment où ces gens-là pourraient s'exprimer à
l'intérieur des trois jours de séance. Il n'y a pas de
mémoire.
Ah! Pour demain? Demain matin, à 9 h 30, nous commencerons -
à l'ordre, s'il vous plaît! - par le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (international). Nous
ajournons donc nos travaux à demain matin, 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 51)