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(Quinze heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Lafrenière): À l'ordre! Le
mandat de la commission de l'économie et du travail est l'étude
du projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la Société de
récupération, d'exploitation et de développement
forestiers du Québec. Je demanderais au secrétaire de nous donner
les changements, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Les
remplacements pour cette séance sont les suivants: M. Bordeleau
(Abitibi-Est) remplace M. Beaumier (Nicolet); M. Baril (Arthabaska) remplace M.
de Bellefeuille (Deux-Montagnes); Mme Juneau (Johnson) remplace M. Gagnon
(Champlain).
Le Président (M. Lafrenière): Bon. Pas d'autres
changements? D'accord. M. le ministre, vos remarques préliminaires, s'il
vous plaît.
M. Duhaime: Vous pouvez aborder l'article 1, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrenière): Pas de remarques
préliminaires?
M. Duhaime: Non.
Le Président (M. Lafrenière): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Pas de commentaire.
Le Président (M. Lafrenière): J'appelle l'article
1.
M. Duhaime: J'en propose l'adoption, M. le Président.
Calendrier des investissements
M. Fortier: Juste une question, M. le Président. Pour les
quatre projets qui sont, d'une part, les scieries en Gaspésie, d'autre
part, la papeterie de Matane, une usine de panneaux gaufrés au
Témiscamingue et une usine MDF à Mont-Laurier, est-ce que le
ministre peut nous rappeler les chiffres, en gros? Je pense que le
capital-actions serait autour de 40 000 000 $ - mais je n'ai pas les chiffres
devant moi - pour la papeterie de Matane. Est-ce que vous avez les chiffres, M.
le ministre?
M. Duhaime: J'ai les chiffres pour chaque cas.
M. Fortier: De mémoire, je pense que, pour les scieries en
Gaspésie, c'est une dizaine de millions de dollars; 40 000 000 $ pour la
papeterie, une dizaine de millions de dollars pour les deux autres.
M. Duhaime: Je peux vous les donner en détail, ici. Alors,
réorganisation de l'industrie du sciage en Gaspésie,
l'équité de REXFOR...
M. Fortier: C'est cela.
M. Duhaime: ...8 000 000 $; MDF Mont-Laurier, 11 000 000 $;
papeterie de Matane, 36 000 000 $; l'usine de panneaux du Témiscamingue,
2 000 000 $. Cela fait 57 000 000 $ en chiffres arrondis.
M. Fortier: C'est cela. Ce que j'aimerais savoir du ministre pour
chacun de ces investissements, c'est le calendrier le plus précis
possible. Pour les scieries, cela semblerait être assez immédiat.
Est-ce que le ministre peut dégager - cela va être ma
première question - un calendrier approximatif pour chacun de ces quatre
projets? Soit approximatif ou le plus précis possiblel Mais je dis
approximatif, car le ministre ne semble pas savoir quand les projets
commenceront. Cela lui facilitera la tâche.
M. Duhaime: M. le Président, il y a le projet de
réorganisation de l'industrie du sciage en Gaspésie, qui est
prêt à démarrer. Cela devrait se faire dans le courant de
l'été, avec le Centre régional de traitement du bois
à Matane, la modernisation des quatre petites scieries. Nous sommes
à compléter, le ministère de l'Énergie et des
Ressources et REXFOR, des discussions avec les créanciers actuels ou
leurs représentants dans les dossiers mont Logan et Marsoui. Cela
devrait, je pense, se régler dans les prochains mois de sorte que le
dossier de la réorganisation de l'industrie du sciage devrait être
mis en route complètement cette année.
Pour ce qui est de la papeterie de Matane...
M. Fortier: Un mot sur le bois de sciage, si vous me le
permettez.
M. Duhaime: D'accord.
M. Fortier: Dans le programme que vous aviez établi lors
de la conférence de presse du mois de février, il avait
été dit que vers la fin de l'année l'usine de traitement
du bois à Matane commencerait son exploitation, mais que la coupe du
bois, je crois, dans la région de Grande-Vallée commencerait au
printemps. Qu'en est-il de cette promesse que la coupe du bois commencerait
à Grande-Vallée? Est-ce que cela a commencé ou si tout
cela est retardé jusqu'à ce que le projet soit plus affermi?
M. Duhaime: Pour ce qui est de Grande-Vallée et de
Lac-au-Saumon, les informations que je vous donne sont transmises par la
direction de REXFOR. Les premières coupes de bois pour alimenter les
usines, une fois rénovées, devraient se faire en août et
septembre de cette année. Nous allons, cependant, commencer des travaux
à Grande-Vallée, à Lac-au-Saumon et au centre
régional de Matane dès juin de cette année pour que les
usines de Grande-Vallée et de Lac-au-Saumon soient prêtes vers
novembre-décembre à recevoir les premières coupes de
bois.
Recherche de partenaires de REXFOR
M. Fortier: Passons maintenant à la papeterie de Matane.
Je crois que la commission parlementaire a invoqué que, depuis trois
ans, on recherchait un partenaire. On croyait avoir le même que celui de
la papeterie ou de l'usine de F.F. Soucy. Ce partenaire ne semble pas
intéressé présentement. Est-ce que le gouvernement s'est
fixé un objectif et est-ce que les pourparlers ou les discussions qui
peuvent se dérouler dans le moment laissent prévoir que d'ici
peu, dans un horizon visible, ce projet pourrait voir le jour?
M. Duhaime: Nous étions presque convaincus, au cours de
1983, que les morceaux étaient à peu près attachés
avec deux partenaires, soit Québecor et BATO, une firme
américaine qui a des intérêts dans F.F. Soucy, à
Rivière-du-Loup. Comme vous le savez, le groupe BATO, pour des raisons
qu'on pourrait, bien sûr, énumérer, mais qui sont
reliées davantage à la situation interne de BATO, nous a
avisés qu'il se retirait du projet. Une des raisons - je crois que c'est
la principale - c'est qu'une nouvelle papeterie a été construite,
il y a déjà trois ans, je crois, à Bear Island en
Virginie. Ils ont eu des problèmes très coûteux lors du
démarrage de leur usine. Ils ont encaissé des pertes,
semble-t-il. De toute manière, ils nous ont avisés que
c'était rompu.
Depuis ce temps, REXFOR travaille à refaire les contacts avec
d'autres partenaires. Il y a eu beaucoup de rencontres. Il y en a
continuellement avec des firmes québécoises, canadiennes,
américaines et même européennes pour tenter de trouver un
troisième partenaire. Aux dernières nouvelles, malgré ce
qui a pu paraître dans les journaux, le groupe Québecor maintient
son intérêt dans le dossier.
Quant à nous, le scénario est de vous dire: Nous serions
prêts maintenant à y aller. REXFOR a son mandat depuis fort
longtemps, mais je ne serais pas en mesure aujourd'hui de vous donner un
calendrier, puisque nous n'avons pas de troisième partenaire à
l'heure où on se parle. Il est bien évident que, si on trouvait
un troisième partenaire, cela pourrait aller très rapidement
parce que les études de préfaisabilité sont faites, les
études de faisabilité sont faites, l'étude du
marché est faite, le terrain est trouvé, la firme
d'ingénieurs, je pense, a même été retenue. On
attend le troisième partenaire. Si on décidait, par
hypothèse, d'aller de l'avant et, ensuite, de miser sur le fait qu'un
troisième viendrait nous rejoindre, il est bien évident qu'on
serait dans une curieuse situation sur le plan du partnership à
être négocié. Je n'ai pas de calendrier à vous
fournir sur cela.
M. Fortier: Le ministre vient de nous dire que les études
de marché étaient faites; il va donc sûrement accepter ma
remarque en ce sens que, si le début des travaux devait avoir lieu dans
deux ans, l'étude du marché serait à refaire. Avec la
construction de nouvelles usines et la valeur du papier, etc., c'est
certainement une étude qui doit être mise à jour eu
égard à la concurrence et aux conditions financières, en
particulier, du moment.
Voici la question que j'aimerais lui poser. Peut-être en a-t-on
parlé en commission parlementaire. Je voudrais savoir quelles
étaient les directives du ministre à REXFOR dans le cas de la
papeterie. Est-ce que REXFOR va jouer à peu près le même
rôle qu'à Tembec, c'est-à-dire qu'elle ne sera pas le
"managing partner", qu'elle ne sera pas l'âme dirigeante? Vous recherchez
un partenaire semblable à BATO, qui connaît les papeteries et les
marchés et qui peut assurer l'écoulement du stock sur les
marchés. Est-ce la stratégie du gouvernement dans son projet de
papeterie? REXFOR n'agirait sans doute que comme promoteur jusqu'à ce
qu'on trouve le promoteur officiel ou les deux promoteurs officiels. Est-ce que
le rôle de REXFOR serait plutôt un rôle de catalyseur, afin
qu'on s'assure de l'approvisionnement en bois?
M. Duhaime: Bon! Je ferai un parallèle en disant que dans
le dossier de Bécancour, par exemple, l'aluminerie, le ministère
de
l'Énergie et des Ressources a mené ses négociations
jusqu'à terme et, ensuite, le porteur du ballon est devenu la
Société générale de financement qui a pris la
relève dans une société en commandite. Dans le cas de
Matane, ce que nous envisageons sur le plan du scénario financier, c'est
une société en commandite, parce qu'il y a beaucoup d'avantages
fiscaux rattachés à cette formule. Bien sûr, c'est un des
points à être négociés. C'est un des points qui,
éventuellement, seraient négociés, à savoir si
c'est la société REXFOR qui se porterait garante des
approvisionnements, s'engageant à aller au-delà d'une simple
garantie d'approvisionnement, mais à livrer le bois à l'usine.
C'est une chose qui va être discutée, j'imagine bien.
Or, les approvisionnements, pour autant que le ministère de
l'Énergie et des Ressources est concerné, nous les avons
confirmés et les approvisionnements sont là. REXFOR est donc le
promoteur du projet et c'est son mandat de trouver des partenaires. On en a un.
Cela a été dit très clairement à plusieurs
reprises: Une compagnie comme BATO, qui a une expérience tant sur les
marchés du papier journal à l'échelle du monde entier que
dans l'exploitation quotidienne d'une usine, c'est ce genre d'associé
que nous recherchons. REXFOR, qui a déjà des
intérêts plus que nominaux dans F.F. Soucy - dans une des machines
à papier, devrais-je dire - entendrait développer son propre
"know-how" sur le plan de la gérance d'un projet comme celui-là,
mais pour ce qui est de Matane REXFOR n'exploiterait pas cette entreprise.
Le meilleur profil que je pourrais vous dessiner, comme partenaire, ce
serait celui qui pourrait gérer l'usine ou bien se porter
acquéreur d'un volume de papier journal, ou encore qui nous offrirait
suffisamment de garanties pour prendre le risque de sortir une production sur
le marché.
Je voudrais donner l'assurance que nous suivons REXFOR de très
près, au ministère, et également l'évolution du
marché international du papier journal qui, comme vous le savez, est
cyclique. Nous sommes au courant qu'il vient s'ajouter de la capacité de
production un peu partout dans le monde et il est évident que nous
tenons ce dossier à jour, ou presque. Alors, aussitôt que nous
aurons le troisième homme ou le troisième groupe, il est bien
certain qu'avec eux nous serons en mesure d'arrêter le détail du
contrat en "partnership" ou encore en société de commandite. Mais
pour être très clair avec vous, nous n'entendons pas donner
à REXFOR le mandat de gérer l'entreprise.
Donc, à Matane, si vous regardez le chiffrier, on parle
d'immmobilisations autour de 320 000 000 $, 330 000 000 $;
l'équité des partenaires serait de l'ordre de 150 000 000 $. Je
vous donne des chiffres arrondis. La part de REXFOR dans l'équité
pourrait être de 36 000 000 $, 38 000 000 $; alors, c'est une
participation nettement minoritaire.
M. Fortier: II y a aura une société en commandite
probablement avec trois associés. On peut être minoritaire
à 25%, 30% et quand même être le "managing partner", mais ce
que vous me confirmez, c'est que votre politique présentement est que
quelqu'un d'autre soit la société agissante, le gestionnaire de
la société en commandite.
Vous avez fait allusion à la recherche peut-être d'un
partenaire dont le profil serait une compagnie qui achèterait le papier.
Je ne sais pas si le ministre s'est mal exprimé mais, dans ce
cas-là, M. Péladeau remplit ce profil et on pourrait même
trouver une autre société à New York qui achèterait
du papier journal.
Je ne crois pas que ce soit le profil qui permette à REXFOR, qui
n'a pas le "know-how" dans le domaine de la papeterie, de donner à ce
groupe le "know-how" nécessaire pour s'assurer de la rentabilité
d'une telle entreprise. Je croyais que le ministre venait de me répondre
qu'il recherchait une société dont le profil permettrait au
groupe de réussir; ce profil-là serait plutôt celui d'une
compagnie qui possède, gère, connaît les marchés et
qui est capable de gérer une telle société en
commandite.
M. Duhaime: II est entendu que ce que l'on vise et ce que l'on
recherche, c'est un grand groupe dans le secteur du papier journal. Nous
parlerons des Européens; ils sont un peu plus loin, donc les nouvelles
vont moins vite. Si le groupe finlandais A. Ahlström, par exemple,
décidait de s'y joindre, ce serait un partenaire intéressant, car
ils sont déjà propriétaires de plusieurs entreprises dans
ce secteur à l'échelle mondiale.
À notre échelle à nous, est-ce que Consol pourrait
s'y intéresser, CIP, etc? Beaucoup de ces entreprises, presque toutes
ont été vues, mais on cherche d'abord et avant tout un
opérateur.
M. Fortier: II y a une rumeur disant que M. De Bané et M.
Bérubé devaient rencontrer le président de CIP
prochainement. Est-ce que la réunion a eu lieu? Si oui, est-ce que cela
a donné de bons résultats?
M. Duhaime: Je sais que CIP et REXFOR ont parlé
récemment de ce dossier-là. Que mon collègue, M.
Bérubé, ait rencontré M. Fenigan, c'est très
possible. J'ai moi-même aussi déjà rencontré M.
Fenigan souvent. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de concluant
à l'horizon pour
l'instant, en tous cas pas avec CIP.
M. Fortier: La question que je posais au ministre - et je suis
satisfait de la réponse - c'était justement quelles
étaient les directives ou la politique du ministre. Quand je lui posais,
l'autre fois, des questions sur un plan de développement, c'est ce genre
de stratégie que j'aurais voulu que le ministre nous dise, sans
nécessairement nous spécifier les projets. À mon avis, il
est important de définir pour l'avenir si, d'une part, le
développement de REXFOR va vers la promotion de certains projets en
région, en trouvant des partenaires pour en faire la gestion. C'est une
possibilité. L'autre possibilité, bien sûr, c'est de faire
ce que le président de REXFOR a souhaité l'autre jour en
commission parlementaire, soit que la compagnie devienne elle-même
autonome dans ce secteur.
C'est pour cela que je pose la même question vis-à-vis des
panneaux gaufrés et de l'usine MDF. Dans le cas de l'usine MDF, M.
Duchesneau nous a dit qu'il cherchait un partenaire. Encore là, quelle
est la politique du ministre et celle du gouvernement? Je crois qu'on a dit
que, dans le cas de Mont-Laurier, on permettra à REXFOR d'être
partenaire à 55%. Est-ce à dire que le gouvernement se
départira de la voie qu'il a tracée pour la papeterie et qu'il
permettra à REXFOR d'être le "managing partner", le gestionnaire,
d'une telle usine qui est nouvelle?
D'ailleurs, depuis qu'on a eu la commission parlementaire, je dois
souligner au ministre que M. Duchesneau nous a dit qu'il y avait un
marché de remplacement pour ceux qui s'approvisionnent en panneaux MDF
au Canada même. J'ai obtenu une information de MacLaren, à savoir
que ce marché ne serait que de 10 000 000 de pieds carrés sur
environ 60 000 000 qu'il prévoyait. C'est donc dire que la substitution
d'approvisionnement pour le panneau MDF tiendra compte que le marché
canadien représente un sixième ou un septième de la
capacité de l'usine; on devra donc aller sur les marchés
extérieurs. Les marchés sont volatiles et ils changent, mais il
ne faudrait peut-être pas répéter l'erreur de Panneaux de
la Vallée lorsque Kunz avait dit à REXFOR qu'il y avait un gros
marché en Europe, alors que ce marché n'existe pas. C'est la
raison pour laquelle une concurrence se fait ici même au Canada.
Dans le cas de MDF, comme on compte, selon l'information que j'ai, sur
un potentiel de six septièmes ou de cinq sixièmes d'un
marché américain ou d'un marché étranger, s'il
fallait qu'on se lance dans une entreprise comme celle-là, on va encore
arriver avec une autre usine qui, malgré ce qu'on m'a dit, concurrencera
les usines existantes, y inclus Panneaux de la Vallée indirectement et
les autres.
C'est la raison pour laquelle je pose la question au ministre. Dans ces
deux cas, celui des panneaux gaufrés et de MDF, quelle est la politique?
C'est pourquoi j'aurais voulu avoir une stratégie d'ensemble. Est-ce que
l'idée, c'est de demander à REXFOR d'être promoteur et,
ensuite, de trouver un partenaire qui, lui, agira comme gestionnaire ou de dire
à REXFOR: Vous êtes le promoteur et vous êtes
également le gestionnaire? C'est dans ce sens que je pose la question
concernant l'usine de panneaux gaufrés et l'usine MDF. Est-ce que, dans
ces deux cas, la politique du ministre et du gouvernement est de demander
à REXFOR de faire comme dans le cas de la papeterie de Matane,
c'est-à-dire d'être le promoteur, de trouver un partenaire, mais
de laisser ce partenaire, qui a le "know-how", qui connaît le
marché et qui a les assises pour faire le marketing d'ensemble, assurer
la réussite de ces entreprises?
M. Duhaime: Bon, prenons le dossier MDF. Si REXFOR en
était venue à la même conclusion que MacLaren quant aux
analyses de marché et quant au rendement de l'investissement, il n'y
aurait pas de projet MDF, ni à Mont-Laurier, ni nulle part ailleurs.
Maintenant, MacLaren a fait sa propre évaluation du
marché. Peut-être ont-ils raison et peut-être ont-ils tort?
C'est un jugement d'opportunité d'investissement qui a été
posé. MacLaren, selon ce qu'ils m'en ont dit, évalue que la
percée sur le marché sera difficile. Ils évaluent
également que le retour sur l'investissement dans les MDF est moins
intéressant pour eux. Cela s'explique parce que MacLaren a de gros
investissements dans le secteur du papier journal déjà et des
produits forestiers. Si j'ai une entreprise qui me rapporte 15%, 16% ou 17%, je
vais vraisemblablement y laisser mon investissement plutôt que d'aller
investir où le rendement anticipé est plus faible, sur un
marché qui sera plus difficile à conquérir.
C'est le raisonnement qu'a fait MacLaren et cela rejoint ce que M.
Duchesneau nous disait en commission parlementaire: Si nous ne sommes pas
à Maniwaki, c'est parce qu'on ne voulait pas nous y voir. Ce n'est pas
le ministre de l'Énergie et des Ressources qui a fait cette
déclaration; c'est le président de REXFOR qui a travaillé
à ce dossier depuis le début et qui a été en
contact très étroit avec tout ce qui grouille ou grenouille dans
la région de Maniwaki et de la Haute-Gatineau. (15 h 45)
Pour ce qui est de Mont-Laurier, il m'apparaît très
plausible que MDF aille se situer où se trouve aujourd'hui l'entreprise
appelée Les produits forestiers Bellerive-Ka'N'Enda Inc. REXFOR a besoin
d'un
partenaire pour réaliser cet investissement-là. C'est un
investissement de 70 000 000 $, selon l'évaluation qu'on en fait; cela
donnerait du travail à 140 personnes, une fois l'usine en marche. Le
délai de construction est d'une bonne année. REXFOR n'investira
pas seule dans ce projet; MDF, qu'on envisage, serait la première usine
en production dans le Nord-Est américain. Si les prévisions
pessimistes du marché se réalisent, il est évident que
cela sera plus difficile. Vous avez raison de dire: Lorsqu'on pousse MDF, qui
est-ce qu'on va aller concurrencer? Très certainement, même si la
qualité des produits est différente, même si la gamme des
produits est différente, même si les prix peuvent être
différents, théoriquement, tout ce qui s'appelle panneaux, que ce
soit panneaux gauffrés ou panneaux-particules, va rencontrer les
produits MDF sur le marché. Je ne dis pas nécessairement sur le
même marché, mais sur le marché.
Si cela est vrai, que fait-on? On ne fait rien? Quand je rencontre les
patrons d'industries du papier journal et qu'ils me font presque un concerto en
andante ou en allegro pour me dire que cela n'a pas de bon sens de construire
Matane parce qu'on va ajouter de la capacité, cela ne m'apparaît
pas résister très longtemps à une analyse de marché
sur l'avenir. Pendant que nous piétinons ici avec un projet comme
celui-là, cela n'empêche pas les Scandinaves d'ajouter de la
capacité, d'accélérer leurs propres machines; cela
n'empêche pas les Brésiliens d'ajouter de la capacité sur
le marché mondial; cela n'empêche pas les Argentins, les Chiliens.
Cette espèce d'idée qu'on a de vouloir travailler sur un
marché qu'on souhaiterait fermé ne m'apparaît pas une
évaluation réaliste du développement économique. Je
pense que les entreprises qui vont rester sur le marché, surtout celles
qui ont pris du plomb dans l'aile avec les années, ces
entreprises-là qui ont vieilli vont devoir se moderniser. Elles vont
devoir faire face à une concurrence nouvelle; elles vont devoir prendre
des mesures pour satisfaire aux normes de l'environnement; elles vont devoir
investir pour faire des économies d'énergie très
importantes, pour accélérer les machines, augmenter la
qualité du produit fini. C'est vrai dans le marché du papier
journal et des pâtes, c'est vrai aussi dans le dossier MDF. Ceux qui
déroulent du merisier ou du bouleau jaune pour faire une feuille de 4 x
8 ont peut-être plusieurs années devant eux, mais leurs
concurrents directs sont ces technologies nouvelles, les panneaux-particules,
surtout pour la construction de meubles. Je pense qu'on avait des
échantillons l'autre jour en commission parlementaire; c'est un
très beau produit presque fini; il ne reste qu'à le tailler et
à l'assembler.
Si on a un scénario très pessimiste, dans cela comme dans
d'autres choses, on ne fera jamais rien. On pense que, si on intéresse
un partenaire, je parle du projet MDF, qui va investir dans le capital de
risque, qui va accepter de risquer sa signature sur des emprunts à long
terme, le projet va aller de l'avant. Je souhaiterais qu'on puisse commencer ce
projet en 1984.
M. Fortier: Pour répondre à ma question
spécifique, je pense que vous l'avez dit sans le dire: qui va être
le gestionnaire du groupe? Est-ce que c'est le partenaire que vous recherchez
qui apporte un "know-how" particulier dans les marchés? Vous
espérez que ce soit là la même philosophie, que ce soit cet
associé qui devienne le gestionnaire du groupe. Le panneau gaufré
est un produit moins sophistiqué.
M. Duhaime: Dans le cas du MDF, je dirais que c'est moins
essentiel d'avoir quelqu'un qui maîtrise et qui connaît absolument
la technologie, parce que cette technologie s'acquiert. Prenons un exemple, la
compagnie Malette, une entreprise établie au Québec en Mauricie,
qui a également des activités en Ontario...
M. Fortier: D'ailleurs, M. Malette est au conseil
d'administration.
M. Duhaime: ...et qui n'a pas d'associé comme tel - oui,
c'est le même M. Malette qui siège au conseil d'administration de
REXFOR - qui a fait l'acquisition d'une technologie allemande. J'ai
visité cette usine. Les employés et la direction ont appris
à travailler avec cet immense engin; ils le font tourner aujourd'hui
à plein rendement et à plein régime. Si on trouvait
quelqu'un pour le MDF qui a développé ou utilisé pendant
de longues années ce genre de technologie, tant mieux! Mais ce n'est pas
un obstacle infranchissable parce que ce genre de machinerie s'achète et
s'apprend. On pourrait l'apprendre. Les Québécois peuvent
apprendre cela aussi bien que d'autres. REXFOR pourrait gérer le projet.
Cela va dépendre aussi de ce à quoi nos négociations vont
aboutir. Si on trouve un partenaire intéressé à investir,
disons, 60% de l'équité, il n'y a rien d'incompatible à ce
que ce partenaire accepte de gérer le projet ou même accepte que
ce soit REXFOR qui le gère. J'ajouterais que pour l'usine de panneaux
gaufrés dans le Témiscamingue, c'est Temfor, une filiale à
part égale de la scierie Béarn et de Tembec, qui est en train de
faire une étude de faisabilité pour le projet. En gros, si vous
prenez Matane, le MDF, l'usine de panneaux gaufrés, ces trois projets
vont impliquer nécessairement que REXFOR s'associe.
Dans le programme de relance de l'industrie du sciage, là aussi
on aura très probablement une association, mais ce sera
une association qui peut être différente. Quand il s'agit
de trouver un partenaire de l'entreprise privée, avec toutes les vertus
que je peux reconnaître à l'entreprise privée, il n'y a pas
une file à la porte du ministère pour se porter volontaire pour
aller dans le sciage en Gaspésie, surtout dans cette partie, parce que
les approvisionnement sont serrés, le bois est de très petite
dimension etc. C'est évident que, si on ne faisait pas le regroupement
des six scieries pour sortir un bois équarri pour être
acheminé en un seul centre de traitement, il n'y a aucune
rentabilité pour personne. Nous avons des partenaires qui vont prendre
plus qu'un montant nominal. Les discussions sont en cours avec eux, mais ils
sont très exigeants sur le plan de la garantie de leur mise de fonds. Si
quelqu'un vient me voir pour m'offrir d'entrer dans un projet en m'offrant des
actions et que je dise: Très bien, je vais acheter des actions, mais je
voudrais avoir un rendement garanti et je voudrais qu'au bout de cinq ans, en
déposant mes actions sur la table, vous me remettiez mon argent plus la
garantie sur l'intérêt, ils vont dire: C'est aussi bien d'aller
emprunter à la banque. Cela sera plus simple.
Nous pensons, cependant, qu'en poussant nos négociations avec un
groupe actuellement nous pourrons les intéresser à vraiment
prendre une participation dans ce que j'appelle le capital de risque dans le
sens que, si cela marche, on va se partager les profits; si cela ne marche pas,
on va se partager les pertes. Dans ces quatre projets, la tendance - c'est ce
que j'ai souligné en Chambre l'autre jour et peut-être que c'est
la partie de mon intervention que vous avez jugée la plus
sérieuse - ...
M. Fortier: Ce n'était pas bien sérieux,
franchement.
M. Duhaime: ...c'est qu'on avait l'intention de travailler en
association, tantôt d'une façon majoritaire, comme dans la relance
de l'industrie du sciage; on n'a vraiment pas le choix; dans les autres cas,
sur la base d'une participation qui, à moins de surprises, pourrait
être minoritaire; je n'exclus pas la possibilité qu'on prenne 51%
par exemple.
Rentabilité des projets
M. Fortier: La raison pour laquelle j'ai posé cette
question était, bien sûr, d'essayer de définir quelle
était la politique du gouvernement. Dans le cas de MDF, le ministre m'a
dit: MacLaren a fait une étude, REXFOR en a fait une autre; elles sont
arrivées à des conclusions différentes. Sans être
méchant pour la direction de REXFOR, M. Duchesneau, je suis
obligé d'admettre que, quand je regarde les profits et pertes de
MacLaren, c'est un peu mieux que les profits et pertes de REXFOR. C'est une
chose de répondre à ses actionnaires chaque mois et chaque trois
mois et de justifier un rendement sur l'investissement. C'est une autre chose
que de se lancer dans un projet sans savoir si, éventuellement, on va
faire un profit en ayant toujours l'excuse de dire: Cette fois-ci, ce
n'était pas nécessairement une entreprise pour faire de l'argent,
c'était une entreprise sociale. Comme le ministre le disait ce matin en
réplique, c'est difficile. Il disait que j'avais fait mon analyse pour
rien, parce que, de toute évidence, dans certains cas, on demandait
à REXFOR de faire des projets supposément pour assurer une
certaine rentabilité, l'exemple est Bellerive Canada. Malheureusement,
ce n'est pas le cas. Dans d'autres cas, ce sont des mandats du
gouvernement.
Le ministre admettra avec moi que, quand on regarde les profits et les
pertes, malheureusement, il n'y a pas une colonne pour les projets qui devaient
faire de l'argent et une autre colonne pour le travail social. Quand on regarde
les profits et pertes dans leur ensemble, on ne le sait plus. C'est la raison
pour laquelle je posais la question. Comme il est assez difficile de
démêler les deux dans le moment, de la façon dont REXFOR
est organisée, je posais la question: Est-ce qu'on va s'assurer que
REXFOR sera minoritaire et laissera quelqu'un d'autre faire la gestion afin que
celui qui est majoritaire et qui s'occupe de la gestion le fasse, justement,
dans le meilleur intérêt et selon les normes du secteur
privé?
Bien entendu, quand REXFOR est majoritaire à 100% et qu'on
regarde les profits et pertes de REXFOR, on ne peut plus dire, au bout d'un an,
si c'était un projet qui était supposé faire de l'argent
ou un projet pour aider la Gaspésie. Il n'y a aucune règle et
c'est la raison pour laquelle j'ai dit que c'était tout à fait
confus et qu'à mon avis des changements s'imposaient. Nous allons
continuer notre réflexion là-dessus.
M. Duhaime: Me permettez-vous une remarque là-dessus?
M. Fortier: Ce que j'aimerais souligner, en conclusion, c'est
qu'il semble que le ministre ait une politique pas tout à fait
arrêtée, extrêmement flexible. J'admets qu'en
Gaspésie cela puisse être difficile, je suis le premier à
le reconnaître, mais il me semble que ce serait préférable
si le plan de développement de REXFOR définissait des politiques
beaucoup plus arrêtées que celles que le ministre vient
d'évoquer.
Le sentiment que j'ai eu, quand M. Duchesneau est venu en commission
parlementaire, était: si ses souhaits se réalisaient, il pourrait
bâtir le plus grand empire possible dans le domaine du bois. Je
me demande si c'est le rôle de REXFOR. Le rôle de REXFOR est
d'aider les régions. J'admets qu'en tant que minoritaire Tembec et
Temfor sont de bons exemples -elle doit laisser les gens du secteur
privé gérer l'affaire; elle est là pour suppléer,
pour aider et je suis le premier à reconnaître que cette
orientation est la meilleure. Si ceux qui sont en place, si les gestionnaires
de REXFOR disent: Ce n'est pas ce que l'on voudrait faire, que le gouvernement
définisse l'orientation de REXFOR et les gestionnaires devront faire un
choix. Si ce n'est pas ce qu'ils veulent faire, on va trouver d'autres
gestionnaires qui veulent faire ce que le gouvernement leur demande de faire.
C'est dans ce sens que je me demandais pour quelle raison... Je suis quand
même heureux de voir que dans une certaine proportion le ministre semble
croire que REXFOR ne devrait pas être majoritaire et devrait laisser la
gestion à d'autres.
Je lui pose une autre question: Lequel de ces quatre projets est un
projet d'aide sociale? Les scieries, en Gaspésie, cela constitue
certainement une forme d'aide car le secteur privé ne veut absolument
pas y aller à ce moment-ci. Je suis quand même heureux que le
ministre fasse des recherches pour trouver quelqu'un du secteur privé.
Dans les trois autres cas, est-ce qu'il s'agit de rentabilité? Il s'agit
de quoi? Quand on va regarder le bilan financier, dans trois ou quatre ans,
est-ce qu'on sera en mesure de dire lequel de ces projets est imposé
à REXFOR, parce que le gouvernement a dit qu'il faut aider les gens,
comme en Gaspésie? Si on regarde les deux ou trois autres projets, on
pourra dire: Dans ces cas, vous n'avez pas fait d'argent, pour quelle raison?
Est-ce que REXFOR utilisera l'excuse de dire: On nous a demandé de le
faire et on l'a fait; ce n'était peut-être pas rentable, mais on y
est allé quand même. C'est ce genre de confusion, à mon
avis, que l'on devrait éliminer une fois pour toutes.
M. Duhaime: II y a peut-être quelque chose que votre
recherchiste aurait intérêt à regarder, parce qu'il s'est
mêlé dans ses papiers d'une façon pas ordinaire. Il vous a
aussi entraîné dans des sentiers... J'ai parlé à des
comptables qui ont écouté attentivement votre intervention et ils
m'ont dit: On a beaucoup de respect pour le député d'Outremont,
mais il s'est mis les pieds dans les plats royalement.
M. Fortier: Vous avez consulté probablement les
mêmes comptables.
Une voix: Est-ce qu'ils ont dit la même chose?
M. Duhaime: Si vous prenez les états financiers de REXFOR
- si vous voulez être sérieux - le rapport annuel de 1982-1983
-quand celui de 1983-1984 sera prêt, on le déposera - à la
page 20, vous avez les revenus de placement. En 1982, cela a donné 7 193
849 $; en 1983, 5 633 095 $. (16 heures)
M. Fortier: Pour des investissements de 35 000 000 $.
M. Duhaime: Votre recherchiste voudrait qu'on enlève ces
revenus. Cela n'a pas de bon sens.
M. Fortier: Ce n'est pas cela que j'ai dit.
M. Duhaime: Je vais vous donner quelques détails. Par
exemple, REXFOR est actionnaire dans F.F. Soucy pour 4 400 000 $. Cela rapporte
de l'argent. REXFOR a des actions ordinaires dans Tembec, Tembois, Nouveler,
Papier Cascades (Cabano), Panneaux de la Vallée et Les entreprises
Matabois pour 2 700 000 $, en chiffres arrondis. Cela, c'est du risque, c'est
du placement. Des actions privilégiées, écoutez bien les
noms des compagnies: Tembec, Papier Cascades (Cabano), Panneaux de la
Vallée, Les entreprises Matabois, soit à peu près les
mêmes entreprises, pour 1 600 000 $. Des prêts hypothécaires
pour 500 000 $. À qui? Ce n'est pas au notaire qui a fait un placement
dans un trust. C'est à J.-R. Lumber, Scierie Unifor. Des obligations
dans Forex, Papier Cascades (Cabano), Panneaux de la Vallée,
Société forestière Mont-Logan, Les bois d'oeuvre de
Lamontagne. Cela vous donne 8 500 000 $.
M. Fortier: Le ministre est en train de confirmer ma
thèse.
M. Duhaime: Non, non. Attendez, je vais finir la mienne;
après cela, on verra si on se rejoint. Ensuite, il y a un bloc de 16 600
000 $, prêts et avances avec intérêts dans Tembois, 7 000
000 $, des intérêts courus pour 1 400 000 $ consolidés,
Papier Cascades (Cabano) pour environ 1 400 000 $, Scierie Nazaire Gagnon -
cela ne vaut pas cher - Panneaux de la Vallée 2 000 000 $, Produits
forestiers Saguenay 4 200 000 $ et là on va perdre de l'argent. Cela
vous donne 16 600 000 $. Ensuite, REXFOR a fait une avance, ou encore sous
forme de prêt sans intérêt, à Nouveler au moment du
démarrage de l'entreprise pour 1 300 000 $. Cela vous fait un total de
35 700 000 $. Cela serait quand même assez curieux si vous nous demandiez
d'enlever des états financiers les revenus de placement qui entrent,
comme dans n'importe quels états financiers de n'importe quelle
entreprise, dans les revenus, de sorte que sur les
activités globales de REXFOR, c'est vrai qu'il y a eu un
déficit ou deux dans les dernières années, mais quand
l'Alcan a fait une perte, à son compte d'exploitation, de 50 000 000 $
en 1981, je crois, ce n'est pas trop gênant pour REXFOR d'en perdre un
dans la même année. Je pense qu'on va se rejoindre
là-dessus.
Mais quand on fait le combiné et qu'on regarde la consolidation,
on se rend compte que REXFOR, depuis le début de ses activités, a
un bénéfice net consolidé. Cela c'est positif. Maintenant,
il est sûr et certain qu'il va toujours y avoir de
l'ambiguïté. Je vais vous donner un exemple. Pendant plusieurs
années, je me suis occupé, au ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, de la Société de développement
industriel. Il y a des fois où la Société de
développement industriel intervient et prend des risques très
élevés. Prenons le programme qu'on appelle le plan Biron 1 et le
plan Biron 2. Quand une entreprise se présente au ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ou à la SDI et qu'elle veut
avoir des crédits additionnels, son banquier lui dit: On trouve que
c'est trop serré, on ne l'avance pas à moins que vous n'alliez
nous chercher une garantie de remboursement. Si cela prend 1 000 000 $ et que
la SDI dit: D'accord, on va garantir votre banquier pour les 2/3, c'est le plan
Biron qui est en marche sur ce projet qui devrait produire pour 2 000 000 000
$. La banque fait quoi là-dedans? Elle va porter, toute seule avec
l'entreprise, le risque sur le tiers, les deux autres tiers sont garantis. Ce
sont ce que j'appellerais des risques élevés.
Dans le dossier de la relance de l'industrie du sciage, c'est faire
insulte aux Gaspésiens que de leur dire qu'on fait de l'aide sociale
avec leurs entreprises, parce que ce n'est pas de l'aide sociale. C'est un
investissement dont on sait que le rendement, sur une base annuelle, a des
chances d'être moins élevé que le rendement
d'Hydro-Québec, par exemple. On le sait au départ. On sait aussi
que les risques sont plus élevés. Mais c'est cela, la mission de
REXFOR, une partie de sa mission. Si on disait à REXFOR: Vous allez vous
comporter comme toute entreprise privée et tant et aussi longtemps que
vous n'aurez pas la garantie d'un rendement projeté de 16%, 17% ou de
22% avant impôt, on oubliera l'industrie du sciage en Gaspésie.
Cela va toujours être ambigu parce que... C'est ambigu et ça ne
l'est pas. C'est ambigu dans le résultat, mais dans la mission, ce n'est
pas ambigu. Alors, je pense qu'on se rejoint là-dessus. Il ne faudrait
pas charrier inutilement.
M. Fortier: Non, mais je revenais à ce que vous disiez
tout à l'heure, on parlait de MDF. Vous dites: MacLaren fait une
étude et dit que ce n'est pas rentable. REXFOR fait une étude et
dit que c'est rentable. Simplement, ce que je dis, c'est qu'à ce
moment-là, si on fait la comparaison entre l'étude de MacLaren et
l'étude de REXFOR, il faudra qu'on s'entende. Parce que là vous
dites: REXFOR n'est pas allée à Mont-Laurier parce que MacLaren
ne voulait pas y aller. Ils disaient que ce n'était pas rentable. On ne
peut pas aller à Maniwaki, on va à Mont-Laurier.
Lorsqu'on parle de rentabilité, il faudra qu'on se comprenne
parce que, si je prends le MDF en particulier, je ne crois pas qu'il y avait
des démonstrations dans les rues. Je comprends que c'est le rôle
normal de REXFOR de tenter de susciter de nouveaux investissements et j'en
suis. Si on compare l'étude de rentabilité de REXFOR avec celle
de MacLaren en disant: MacLaren a jugé que ce n'était pas
rentable pour telle ou telle raison; nous on a fait l'étude, on est plus
agressif, on va y aller, la question que je pose, c'est en vertu de quels
critères? Lorsqu'on se retrouvera dans trois ou quatre ans, est-ce que
REXFOR pourra nous dire: Écoutez, nous on est allé dans le MDF
à Mont-Laurier, on savait que ce n'était pas trop rentable, on y
est allé quand même? C'est la raison pour laquelle je pose la
question. Si je prends le MDF en particulier et qu'on compare le MDF REXFOR,
Mont-Laurier, et le MDF MacLaren, Maniwaki, est-ce qu'on compare des pommes
avec des pommes ou si on compare des pommes avec des oranges?
Si, chaque fois que REXFOR se lance dans un projet, l'entreprise
privée dit: On n'y va pas pour telle ou telle raison et que REXFOR fait
l'évaluation et dit: Nous, on y va pour telle ou telle autre raison et
que le ministre dit à ce moment-là: Vous voyez, c'est bien
malheureux, mais les gens du secteur privé ne sont pas assez hasardeux,
ils ne prennent pas assez de risques, REXFOR va y aller, je me dis: En vertu de
quels critères? Je comprends pertinemment ce que le ministre m'a dit. En
Gaspésie, je suis le premier à reconnaître qu'il faut que
l'État prenne des risques. Je ne sais pas si c'est la faute de
l'État ou la faute d'un peu tout le monde. Quelqu'un me disait l'autre
fois que, sous Maurice Duplessis, même les curés avaient leur
propre scierie, ils se promenaient en Buick et ils coupaient du bois. Tout le
monde a abusé de la forêt sous Maurice Duplessis.
M. Duhaime: Notre sainte mère l'Église aurait fait
cela? C'est scandaleux.
M. Fortier: On a abusé de la forêt en
Gaspésie. C'est la faute de l'État, il y avait du patronage et
maintenant on se retrouve avec une situation déplorable. C'est certain
que c'est peut-être difficile d'être rentable.
II faut que l'État intervienne, je suis le premier à le
reconnaître. Mais quand même, tout en essayant de préciser
la mission de REXFOR, je pose la question. C'est trop facile de dire que le
rôle de REXFOR est d'aider. Dans quel cas faut-il absolument aider? En
Gaspésie, je pense que c'est clair. Dans quels cas est-ce parce que
REXFOR dit: Le secteur privé ne veut pas y aller, alors nous, nous
allons y aller car nous croyons que c'est rentable? Je pose la question. En
vertu de quels critères? Est-ce que dans le cas de MDF, Mont-Laurier,
c'est un cas d'aide semblable à celui de la Gaspésie ou si c'est
un cas où vous dites vous-même: Parce que MacLaren n'a pas
été assez agressive dans son évaluation, REXFOR s'est
montrée agressive et a décidé d'y aller? Je trouve que les
critères sont mal définis, dans ce cas en particulier.
M. Duhaime: On pourrait multiplier les exemples. Je vais vous en
donner trois. Vous ne trouverez pas de critères de rentabilité
où on exige de REXFOR: Sur tel projet, sur tel investissement, on veut
avoir un retour de tant pour cent. Vous ne les trouverez pas. Cela explique
sans doute pourquoi l'actionnaire n'a pas approuvé le plan de
développement qui a été soumis.
Je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à ce
niveau. Je vais vous donner trois exemples. À Amos, pendant des
années, tout le monde a regardé le dossier pour l'implantation
d'une papeterie. Les approvisionnements étaient là, les analyses
de marché étaient là. Si je ne me trompe pas, je crois que
c'est une usine thermomécanique. Si vous demandez à MacLaren de
porter un jugement sur le projet d'Amos, ils vont le reconnaître
aujourd'hui. MacLaren, comme CIP, Consol, Kruger ou n'importe quel autre
diront: Amos, c'est trop risqué, on n'y est pas allé. Tous les
prophètes de malheur avaient prédit aux frères Perron
qu'ils allaient se culbuter et que la SGF faisait un mauvais investissement.
Surprise pour tout le monde, la papeterie d'Amos roule à plein
régime et fait de l'argent comme de l'eau.
Une voix: Ils ont perdu un peu d'argent l'an dernier.
M. Duhaime: Tout le monde a perdu de l'argent l'an dernier ou
presque. Il n'y a qu'Hydro-Québec qui passe des années sans
perdre d'argent. C'est un exemple.
Lorsqu'on fait des évaluations, c'est une décision que
prend un homme d'affaires de dire: Mon pif me dit que cela sera bon. Lorsque
cela arrive serré dans les derniers moments avant de prendre une
décision, c'est plus souvent une question de volonté qu'autre
chose.
Prenez la scierie Taschereau...
M. Fortier: Restons sur Donohue et Perron. Dans le cas de Donohue
et de Perron, ce sont là deux compagnies qui ont des objectifs de
rentabilité. Elles ont pris le risque, elles y sont allées et
elles vont faire de l'argent. Bravo! Alors, là on s'entend.
M. Duhaime: Mais ce n'est pas de cela qu'on parle.
M. Fortier: Non, non, ce n'est pas de cela qu'on parle,
précisément.
M. Duhaime: On parle de question d'opportunité et de la
façon dont on s'établit des critères. Vous pouvez
établir des critères tant que vous voudrez. Je vous dis que la
scierie Taschereau est tombée, le gouvernement l'a reprise en donnant un
mandat. Quand elle a été rentabilisée, on l'a
retournée. Bon. Vous faites la même chose avec Samoco: faillite,
REXFOR la reprend, la remet sur le piton; on la vend et elle culbute encore une
fois.
Je l'ai dit très clairement à l'Assemblée
nationale: REXFOR ne retournera pas à Sacré-Coeur pour
gérer et exploiter cette usine. On a 4 300 000 $ d'intérêts
là-dedans. Il faut en effacer un peu, parce que ce qu'on avait, en
actions ordinaires et en actions privilégiées j'appellerais cela
des prix coco à l'heure actuelle - pour environ 2 300 000 $, il reste
une première hypothèque de 2 200 000 $, si ma mémoire est
bonne. Cela fait une mèche qu'ils n'ont pas payé les
intérêts sur cette hypothèque. J'ai dit: On va être
coopératifs.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'on va faire comme la
banque. REXFOR va prendre une perte. REXFOR ne prendra pas une perte comme
telle à ses états financiers, parce que le gouvernement va la
rembourser, c'est garanti. Alors, c'est une décision que le gouvernement
prendra. Est-ce qu'on se nettoiera pour 1 200 000 $ pour la totalité de
la dette? Je pense que notre boulot est de faire en sorte que ces 400
travailleurs de la région de Sacré-Coeur repartent. Mais, si vous
venez dans six mois, que vous regardez et que vous dites: Vous aviez 4 300 000
$ dans Produits forestiers Saguenay et le gouvernement l'a tout perdu, je vais
être obligé de conclure que c'est vrai. Quel est mon
critère de rentabilité là-dedans? C'est moins que
zéro. C'est un exposant moins je ne sais combien, mais moins quelque
chose. Alors, il n'y a pas de règle qu'on est capable de définir
de façon très précise.
M. Fortier: Le ministre a dit ce matin dans le discours de
réplique que c'était confus, parce que, dans certains cas, il y
avait des normes de rentabilité et, dans d'autres cas, il n'y en avait
pas. Je demande tout simplement s'il n'y a pas moyen de
s'assurer que, lorsque REXFOR prend des décisions... Je remets
cela dans un contexte économique plus général où le
gouvernement, je pense, a fait des efforts, après six ou sept ans, et
s'est aperçu qu'il devait compter un peu sur le secteur privé.
Là, il a compris qu'il devait collaborer avec le secteur privé.
Je suis le premier à reconnaître - je crois que, à
l'intérieur de ma formation politique, j'ai défendu cette
thèse - que l'État avait un rôle à jouer.
D'ailleurs, d'autres l'ont supportée.
Je ne suis pas de ceux qui veulent s'assurer que l'État n'ait
plus aucun rôle à jouer. Mais, tout simplement, je crois qu'il
faut quand même le discipliner et s'assurer que les décisions
économiques qui sont prises ne le soient pas seulement à
l'avantage d'une ville en particulier, à moins que cette ville ne soit
extrêmement mal prise et que ce soit la seule industrie sur place. Mais,
dans la mesure où le gouvernement, le ministère et REXFOR font
des efforts de développement économique, il faudrait bien que les
décisions se prennent, finalement, dans le contexte
québécois et nord-américain où le secteur
privé a un rôle à jouer et que, à moins que ce ne
soit un rôle d'aide très spécial, elles se prennent en
fonction des décisions économiques qui sont normalement
prises.
Dans ce cas - et c'est pour cela que j'ai cité Donohue - Donohue
a des objectifs de rentabilité. Quand ils prennent une décision,
comme Normick-Perron, d'aller à Amos, ils ont regardé le bilan,
ils ont regardé les difficultés, les garanties, les risques
et...
Une voix: Les subventions.
M. Fortier: ...les subventions, peut-être. Mais la
différence, c'est que, à ce moment, quand on lit le rapport
financier de Normick-Perron et de Donohue, on sait au moins à quoi s'en
tenir. Ils ont eu des subventions et ils font un profit ou une perte.
Lorsque vous prenez des décisions pour aller à
Mont-Laurier MDF pour l'usine de panneaux gaufrés et papeterie, je pose
la question: Sur quelle base les décisions se prendront-elles et dans
quelle mesure auront-elles un impact?
Le ministre est au courant, même s'il n'a pas voulu l'admettre
nécessairement à l'Assemblée nationale, des critiques et
il a voulu rassurer le secteur privé. D'ailleurs, c'était dans
l'Argus de ce matin; il a réussi à faire passer son message: On
ne fera rien pour concurrencer indûment le secteur privé.
J'étais heureux de l'entendre, parce que ce ne sont pas les directions
qu'a semblé prendre REXFOR dans le passé; dans certains cas, elle
ne semblait pas aller dans cette direction. Alors, si le débat a, au
moins, permis au ministre de préciser une partie de l'orientation de
REXFOR, tant mieux, l'Opposition n'aura pas perdu son temps.
C'est pour cela que j'ai posé la question tout à l'heure:
D'une part, qui sera le gérant de ces projets? Quels sont les risques
que prendra REXFOR? Est-ce qu'il y a des risques que REXFOR prendra parce que
son étude de marketing semble meilleure que celle de MacLaren? Est-ce
uniquement une question d'opinion? Si M. Duchesneau était
président de MacLaren, serait-il arrivé à la même
opinion que le président actuel dont je ne connais pas le nom? Ou est-ce
dû au fait que REXFOR a le sentiment que, même quand ce n'est pas
trop rentable, elle peut y aller de toute façon? (16 h 15)
Si les critères sont différents et qu'il y a une
concurrence entre une ou deux compagnies du secteur privé, ou même
une société d'État qui a un objectif économique
comme Donohue, c'est bien certain que REXFOR va toujours trouver qu'elle peut y
aller parce que cela a du bon sens. C'était dans ce sens-là que
je me disais qu'il y aurait nécessité de discipliner un peu
l'exercice qui est fait lorsqu'on dit: REXFOR va y aller. Je suis le premier
à accepter qu'en Gaspésie il n'y a pas d'hésitation, mais
je suis très intéressé par le commentaire du ministre,
à savoir que l'on cherche quand même des gens du secteur
privé et qu'on devrait peut-être leur parler un peu plus fort. Je
suis le premier à parler en ce sens-là pour que le secteur
privé au Québec joue un plus grand rôle envers les
régions qui sont plus en difficulté. Je pense qu'il va falloir
qu'il assume une responsabilité plus grande.
Toute cette discussion-là - et je pense que le ministre le
comprend bien - c'est pour définir éventuellement quel est
l'objectif ultime de REXFOR. Est-ce que l'objectif de REXFOR - c'est la
question que je posais - c'est de se bâtir un empire ou si l'objectif de
REXFOR, c'est d'aider les gens en région à susciter des projets,
à développer des projets quitte à les laisser à
d'autres?
Je comprends que c'est frustrant. J'entendais M. Duchesneau dire: Vous
savez, on n'aime pas bien cela, nous; on lance des projets et puis ce sont les
autres qui les prennent. C'est comme le président de la SDI, j'imagine.
Le ministre tout à l'heure nous parlait de la SDI. C'est bien sûr
que le président de la SDI prête de l'argent, donne des
subventions, il prend 25%, 35% ou 40% du capital-actions. Ce n'est pas lui qui
dirige cette compagnie-là, mais, si quelqu'un accepte d'être
président de la SDI, il est président de la SDI, ce n'est pas lui
qui dirige la compagnie. C'est dans ce sens-là que je dis qu'il faudrait
bien définir une orientation. C'est pour cela que je disais tout
à l'heure: Si les dirigeants, ce n'est pas cela qu'ils veulent faire, il
faudrait, d'une part, que le ministre définisse l'orientation
de REXFOR et qu'après cela les dirigeants de REXFOR acceptent de
jouer le rôle que l'État voudra bien lui donner.
M. Duhaime: Je vais vous répondre bien simplement
là-dessus. Je ne crois pas aux grands diktats bibliques dans ce genre de
choses. Le président de la SDI, pas celui qui est en poste, M. Lebrun,
je n'ai pas travaillé longtemps avec lui, quoique c'est moi qui ai
proposé sa nomination, mais j'ai très bien connu M.
Labonté...
M. Fortier: C'est un autre qui était à Paris. C'est
la "gang" de Paris?
M. Duhaime: Qui cela? M. Fortier: M. Lebrun.
M. Duhaime: Je crois que oui, il a fait ses études en
Europe.
M. Fortier: II a connu des gens que je connais.
C'est le clan de Paris, quand il était un immigré à
Paris.
M. Duhaime: C'est un de nos excellents cerveaux qui a
décidé de faire carrière dans la fonction publique et qui
a été délégué à Toronto, je crois,
avant de prendre la direction de la SDI. Il fait un travail absolument
formidable. Je comprends qu'il y a des matins où ce président,
avec son conseil d'administration, doit être drôlement
frustré. Pourquoi? Parce que la SDI est une institution
financière de dernier recours. C'était même marqué
dans sa loi. Autrement dit, lorsqu'un homme d'affaires a fait le tour de toutes
les banques, de toutes les caisses populaires et que personne ne veut lui
prêter cinq sous, il s'en va à la SDI qui prend des risques
beaucoup plus élevés qu'une banque d'affaires normale. Alors, ne
demandons pas à ce moment-là à la SDI de comparer ses
états financiers avec la Banque de Montréal, cela ne tient pas
debout, vous l'admettez.
M. Fortier: Au moins on sait, tout le monde le sait.
M. Duhaime: Moi, il me semble qu'il y a des choses tellement
évidentes et tellement claires que cela n'a pas besoin d'être
dit.
M. Fortier: Bien, voyons donc!
M. Duhaime: II est bien évident que, sur REXFOR, quand vos
prédécesseurs dans votre parti étaient au gouvernement -
je ne veux pas recommencer le débat de deuxième lecture -
à huit occasions, en trois ans, ils sont intervenus. Je ne les
blâme pas, ils ont fait leur travail.
M. Fortier: Mais restons là-dessus, M. le ministre.
M. Duhaime: Si vous me le permettez, je vais juste finir. Vous me
demandez: Est-ce qu'il y a des critères de rentabilité? Cela
saute aux yeux. Lorsqu'on travaille pour intéresser un partenaire dans
le projet MDF, nous avons des chiffres. Ce partenaire, il n'investira pas pour
nous faire plaisir. Il n'investira pas pour faire plaisir à la
population de Mont-Laurier. Il va faire plaisir à la population de
Mont-Laurier dans un deuxième temps, lorsqu'il aura pris la
décision d'investir lui-même. Mais il prendra cette
décision d'investir lorsqu'il y aura un rendement qui lui sera non pas
assuré, mais qui sera au moins sur des pro forma. Et cela varie d'une
entreprise à l'autre.
Prenez le groupe Kruger. Le président du conseil
d'administration, M. Hermon me disait récemment: Je n'ai jamais vu une
famille comme cela, la famille Kruger, qui a des intérêts un peu
partout dans le monde entier. Ces gens se contentent de 5% de rendement sur
leurs investissements dans le papier journal.
Il y a des compagnies qui ont des exigences de retour sur
l'investissement beaucoup plus élevées. Il y a en qui prennent
moins de risques et se contentent d'un rendement plus faible. D'autres
investissent dans des technologies nouvelles; ils sont un peu plus "gambler",
si vous me passez l'expression, ils vont vouloir obtenir 22%, 23% ou 24% avant
impôt. Mais cela varie d'une entreprise à l'autre. C'est ce qui a
amené MacLaren non pas à dire que c'est une aventure qui va se
solder par un échec, ce n'est pas ce que M. Tom Kenney m'a dit. Je l'ai
rencontré à plusieurs reprises au sujet de ce dossier. Il a dit:
Nous, compte tenu du rendement que nous obtenons sur nos investissements dans
le papier journal, dans les produits forestiers, des évaluations que
nous faisons du marché, on aime mieux ne pas y aller pour le moment. Ce
n'est pas comme dire que cela n'a pas de bon sens.
Quand REXFOR fait une analyse, c'est entendu qu'elle n'a pas les
mêmes exigences de rentabilité dans l'ensemble de ses
activités qu'un groupe comme CIP ou Consol. Tout le monde sait cela. Il
me semble que cela n'a pas besoin d'être écrit. C'est dans ce
sens-là que, dans trois des projets qui sont ici, on s'en va en
"partnership" avec l'entreprise privée. Il n'y aura pas de patente
là-dedans où REXFOR va dire: On ne prendra pas notre part des
profits, on va les laisser à un partenaire. Cela n'a pas de bon sens.
Alors, on va être sur la même base. Chacun nos risques, on va
investir. Si on perd, on perdra. Si on gagne, on gagnerai C'est comme cela que
cela marche, j'ai l'impression. Il n'y a personne qui fait un investissement,
aujourd'hui, dans le monde
des affaires et qui va dire: Je fais un investissement, mais je suis
sûr de le perdre. Je n'ai jamais entendu dire cela. Il n'y a personne qui
est capable de vous dire: Je fais un investissement en toute
sécurité et je suis assuré que je vais faire de l'argent.
Un gars qui raisonne de cette façon, il achète des obligations
d'Hydro-Québec ou bien il laisse son argent à la caisse
populaire. Il n'est pas dans les affaires.
C'est la même chose pour REXFOR. Il n'y a pas
d'ambiguïté là-dedans; il y en a quand on veut en trouver;
là, il n'y en a pas. Vous avez regardé dans la lunette par le
mauvais bout. Vous avez regardé les états financiers. Vous avez
pris des projets, des exploitations forestières et vous avez
essayé de rebâtir les états financiers pour impressionner
je ne sais pas qui avec de petits tableaux à l'Assemblée
nationale. Cela ne m'a pas impressionné. M. le député
d'Outremont, si vous voulez vous rendre service, le recherchiste qui vous a
préparé votre travail là-dedans, mettez-le à un
autre dossier et sortez-le de la finance, car il n'est pas bien fort.
Il faut bien comprendre une chose. Est-ce que l'on peut raisonnablement
dire à un P.-D.G. ou à d'autres d'une entreprise comme REXFOR:
Vous êtes des bons gars, on vous demandera de travailler, on comparera
vos salaires à ceux de l'entreprise privée, on va faire circuler
vos noms dans l'opinion publique, à la télévision parce
que c'est une entreprise d'État? À la Consol, ils ne
répondent aux questions de personne une fois par année à
l'assemblée des actionnaires. On va essayer d'avoir les gens qui sont
responsables, qui ont de l'expérience dans les affaires, qui sont
capables et on va les démotiver en partant, en disant: Le moindrement
que vous allez faire 0,05 $ avec une entreprise, je vous avertis qu'on va la
retourner à l'entreprise privée. On va dire comme on dit: Un fou
dans une pochel
Je me souviens qu'à la Société
générale de financement, il y a trois ou quatre ans, dans le
portefeuille, il y avait les Tricot Lasalle. J'ai dit à M. Coulombe, qui
était P.-D.G. de la SGF: Êtes-vous capable de me dire, pour
l'amour du saint ciel, qu'est-ce que l'on fait dans le tricotage? Il a dit: On
va vendre cela. On l'a vendue. Je lisais dans les journaux de ce matin que la
SGF vient de vendre Volcano, je crois.
M. Fortier: Volcano.
M. Duhaime: La SGF a déplacé ses activités.
Autrefois, au tout début de la SGF, elle n'était pas très
forte dans le papier journal. Elle était dans les produits forestiers et
dans toute espèce de ribambelles. Même la compagnie qui
appartenait à la famille Gignac a été dans le groupe
à la SGF un bout de temps; elle a été retournée
à l'entreprise privée.
Il n'y a pas de cadre que vous seriez capable de définir. Je
comprends que, comme ingénieur, votre approche est peut-être de
dire: On va bâtir un projet sur notre table à dessin et tout cela
va être réglé. C'est tant de long et tant de large; sur la
résistance des matériaux, c'est ci c'est ça. Ce n'est pas
ainsi que cela marche. Il n'y a pas d'ambiguïté, c'est clair ce que
je vous dis. On investit pour gagner de l'argent. Mais on sait que dans
certains secteurs - c'est la double mission de REXFOR - il y a des projets
où les risques sont plus élevés. J'irais même plus
loin, je me demande si un jour on ne sera pas même dans l'obligation,
pour sauver certaines sous-régions du Québec qui sont
éloignées, pour toute espèce de raisons, de demander
à REXFOR ou encore à la SGF d'intervenir dans des projets
où l'on sait qu'on ne verra jamais de rentabilité. Ce n'est pas
impossible. Alors, arrêtons de nous braquer et de dire: On va demander
à REXFOR...
Vous nous avez rappelé le discours d'un de mes
prédécesseurs à ce ministère. J'ai relu le texte.
Il faut le placer dans un contexte. M. Bérubé dit: Quand les
entreprises sont rentables, on va les retourner à l'entreprise
privée. Ce n'est pas fou en soi comme affirmation. Mais il faut faire
attention jusqu'à quel point on va charrier cela. S'il arrive quelqu'un
cet après-midi chez REXFOR qui dit: Vous avez, M. le président
Duchesneau, des intérêts dans telle entreprise, cela nous
intéresserait de les acheter, ce n'est pas interdit de penser que le
conseil d'administration va regarder cela s'il y a une transaction qui est
intéressante. Pourquoi pas? C'est cela, la vie dans les affaires, il me
semble.
Ne me demandez pas de vous barioler ou de vous mettre entre deux
couverts, 106 pages de long, une série de directives et de travaux de
laboratoire pour une entreprise qui se bat tous les jours dans la concurrence
et dans les affaires. Je pense qu'il faut être plus flexible. C'est pour
cela qu'on a fait un projet de loi simple, court, pas compliqué et qui
permet d'appliquer concrètement ce que j'appellerais - les savants
appellent cela de l'imputabilité - la responsabilisation des hauts
fonctionnaires, des dirigeants des entreprises d'État qui ont aussi leur
fierté. Je peux vous dire que les P.-D.G. que j'ai connus, qui sont
membres des conseils d'administration, aiment beaucoup mieux déposer des
états financiers chaque année qui démontrent des profits
ou une route vers des profits que de se caler, d'une année à
l'autre, dans des déficits. On va fonctionner comme cela. Ne m'en
demandez pas plus que cela.
M. Fortier: M. le Président, je crois qu'il y a des
contradictions dans le discours que le ministre vient de nous tenir. Il
parlait
de la SDI. Il n'y a personne, à ma connaissance, qui a
accusé la SDI de ne pas faire l'argent ou d'en faire. Ce n'est pas sa
mission.
M. Duhaime: Vous téléphonerez à M.
Labonté.
M. Fortier: Le président de la SDI demande des subventions
à son ministère et on vote les crédits du ministère
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. On sait pertinemment qu'en fin
d'année il va y avoir un certain montant d'argent donné en
subventions. On regarde: il y a des subventions venant du gouvernement et il y
a des dépenses, et c'est cela. Mais quand même, il y a cette
déclaration de M. Bérubé que vous avez oubliée. Il
a dit: À un moment donné, il va falloir que toutes nos
sociétés d'État et REXFOR, en particulier, soient
rentables. Ce n'est toujours pas moi qui l'ai dit. C'est le ministre des Terres
et Forêts, en 1978. Le ministre a dit, également, que
différentes compagnies avaient différents niveaux de
rentabilité. Je suis le premier à accepter le fait que CIP,
Kruger ou d'autres ont différents niveaux de rentabilité, mais
elles en ont une, telle compagnie dit que c'est 20%, telle autre compagnie dit
que c'est 5%. Elles ont quelque chose à laquelle elles doivent se
référer.
L'analyse qu'on a voulu faire et que le ministre n'a pas eu l'air
d'aimer beaucoup essayait de démontrer qu'à la suite d'une
déclaration de M. Bérubé qui demandait à REXFOR
d'être rentable bien sûr ça ne l'était pas.
J'étais le premier à admettre que, parmi ces projets, il y avait
des mandats du gouvernement. Il y en avait d'autres qui étaient des
initiatives de REXFOR, comme Bellerive-Ka'N'Enda.
Étant donné les critiques du secteur privé, j'ai
posé la question: Comment peut-on faire la distinction, comment peut-on
s'assurer que les décisions que le gouvernement prend pour REXFOR dans
certains cas ou que REXFOR prend avec la collaboration du gouvernement dans
d'autres cas sont compatibles à l'intérieur du régime
économique dans lequel nous vivons? Comment peut-on s'assurer, lorsqu'on
revoit, de temps à autre, la performance de REXFOR, qu'on puisse poser
un jugement? Si j'étais dans la peau du président de REXFOR, je
serais le premier à ne pas aimer la situation présente où
c'est difficile de porter un jugement étant donné les impositions
qui ont été faites par les gouvernements passés et par le
gouvernement actuel, quoique, dans le cas de Tembec, cela va assez bien. Je
pense que, si on regarde les investissements de REXFOR dans Tembec, cela n'est
pas mauvais, cela rapporte quelque peu. Soucy, c'est même très
bien. Ce n'est pas sur la partie d'en bas du bilan financier qu'on a le plus
à redire. Bien sûr, il y aura peut-être des pertes dans
Produits forestiers Saguenay et autres, mais d'une façon
générale on ne peut pas dire que c'est mauvais. Ces critiques que
nous avons faites étaient dirigées vers ces
sociétés que contrôle REXFOR à plus de 51% et
où, surtout, les frais généraux ont crû d'une
façon fantastique durant les dernières années. M. le
Président, je crois que cela valait la peine de faire la discussion. Je
voulais savoir ce qu'il en était de chacun des projets. Je
m'aperçois que le ministre, malgré le fait que le gouvernement
est au pouvoir depuis 1976 et a, avec lui, une multitude de fonctionnaires qui
peuvent l'aider à faire son analyse, n'est pas plus avancé que
moi qui ai étudié ce dossier depuis un mois et demi. Si je suis
au même point que lui après un mois et demi, ce n'est pas si mal.
Alors, on va continuer à faire notre prospection. Avec les
progrès que j'ai faits en un mois et demi, je pense que je vais
être capable d'aller plus loin d'ici quelques mois.
Le Président (M. Lafrenière): Est-ce que l'article
1 est adopté?
M. Fortier: Adopté.
Le Président (M. Lafrenière): Article 2?
M. Fortier: Adopté.
Le Président (M. Lafrenière): Article 3?
M. Fortier: Adopté.
Le Président (M. Lafrenière): Article 4?
M. Fortier: Sur division.
Le Président (M. Lafrenière): Article 5?
M. Fortier: Adopté.
M. Duhaime: M. le Président, en terminant, je voudrais
préciser une information. En Chambre, lors du débat de
deuxième lecture, j'avais fait référence à la Loi
modifiant la Loi sur la Société générale de
financement, sanctionnée le 19 décembre 1980, et, de
mémoire, j'avais avancé 60 000 000 $ ou 65 000 000 $ qui
était un poste de dépense au plan de développement afin de
permettre une acquisition. Le montant n'est pas de 65 000 000 $; il
était de 77 000 000 $. Cette loi avait quatre articles et celle-ci en a
cinq pour lesquels nous avons eu beaucoup de félicitations de la part de
l'Opposition en commission parlementaire.
M. Fortier: Je pense que les
félicitations doivent aller à M. Coulombe qui était
président à ce moment-là, qui a institutionnalisé
ses plans de développement et ces objectifs et qui a continué
à HydroQuébec.
M. Duhaime: J'aurais pensé que vous alliez rendre hommage
au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Fortier: On ne l'a pas vu à ce moment-là. On a
vu M. Coulombe, mais on n'a pas vu le ministre.
M. Duhaime: Mais vous étiez pourtant là en
commission parlementaire, non?
M. Fortier: Oui, mais M. Coulombe était venu nous voir
dans nos bureaux avant. Alors, vous voyez, il n'y a pas de problème.
Quand on vient nous voir dans nos bureaux pour nous expliquer les choses, il
n'y a aucune difficulté.
M. Duhaime: Comme cela, c'est une bonne recette. Il s'agit de le
savoir.
M. Bordeleau: M. le ministre, dois-je comprendre que M.
Duchesneau ne vous a pas rencontré?
M. Fortier: Oui, il m'a rencontré en public, mais c'est
différent.
Le Président (M. Lafrenière): On peut terminer.
Après cela, vous pourrez continuer vos débats. Est-ce que le
titre du projet de loi est adopté?
Une voix: Oui, M. le Président.
M. Fortier: Adopté. Est-ce qu'on a adopté l'article
5?
Le Président (M. Lafrenière): Oui, on l'a
adopté.
Une voix: C'est déjà fait.
Le Président (M. Lafrenière): Est-ce que l'ensemble
du projet de loi est adopté?
Une voix: Adopté.
M. Duhaime: Bon, un autre.
Le Président (M. Lafrenière): La commission ajourne
ses travaux sine die.
M. Duhaime: On vous remercie. Une bonne loi, une bonne compagnie
et une bonne administration.
(Fin de la séance à 16 h 35)