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(Dix heures six minutes)
La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail commence ses travaux.
Je demanderais au secrétaire de la commission de nous annoncer les
remplacements des membres de la commission.
Le Secrétaire: Les remplacements pour cette séance
sont les suivants: M. Bissonnet (Jeanne-Mance) remplace M. Cusano (Viau); M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplace Mme Dougherty
(Jacques-Cartier).
La Présidente (Mme Harel): Cette séance de la
commission de l'économie et du travail a pour objet d'étudier
l'interpellation du député de Laporte au ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme sur le sujet suivant: L'administration de la
Société des alcools du Québec, y compris ses relations
avec ses employés, l'industrie privée et le gouvernement.
Avant d'entreprendre nos travaux, j'aimerais vous rappeler les
règles en usage lors d'une interpellation. D'abord, une intervention du
député interpellateur, le député de Laporte, pour
une durée totale de dix minutes et, par la suite, l'intervention du
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Pour bien faire respecter
le temps de parole de chacun des intervenants de cette commission, le
secrétaire, muni de son chronomètre, me permettra, un peu avant
la fin de vos interventions, de vous faire savoir le temps qu'il vous
reste.
La parole est au député de Laporte.
Exposé du sujet M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Nous sommes
réunis ce matin afin de discuter entre nous d'un sujet de la plus haute
importance, soit l'administration de la Société des alcools du
Québec, y compris ses relations avec ses employés, l'industrie
privée et le gouvernement. Sans vouloir remonter trop loin dans la nuit
des temps, j'aimerais quand même citer un extrait du rapport annuel de la
Société des alcools pour l'année 1975 dans lequel le
président de l'époque, M. Jacques Desmeules, faisait un
éloquent résumé du chemin parcouru par la
société. "Pour notre part, disait-il, nous avons pu constater,
dans les mois et les quelques années qui ont suivi la création de
la société, que l'héritage reçu par cette
dernière était pour le moins lourd. La Société des
alcools du Québec avait hérité d'une entreprise sans
gouverne où l'administration était faite au jour le jour, souvent
dans la confusion, avec des moeurs et des habitudes bien ancrées depuis
presque 50 ans et où seul le statut de monopole assurait la
rentabilité de l'entreprise et une certaine continuité. Il n'y
avait pas de budget, pas de mécanisme de prévision des revenus et
des dépenses, pas de contrôle réel des dépenses, pas
de vérificateur interne, pas de normes d'achat, pas de normes de
location, pas de normes pour traiter avec les fournisseurs, pas de service de
mise en marché, pas de planification réelle des besoins de
l'entreprise, de ses facilités de production, de manutention et de son
réseau de distribution, pas de politique administrative en
général. "Sous la gouverne du président Jacques Desmeules,
l'ancienne régie des alcools fut transformée en une
société des alcools moderne, bien administrée et
dotée éventuellement des installations matérielles et des
moyens de projection et de distribution efficaces. La société
décida également de décréter des normes rigides
pour le contrôle et pour la qualité de ses produits, normes qui
furent supervisées par un véritable service de contrôle de
la qualité. De la même façon, on commença à
décider de l'implantation des succursales selon des normes strictes et
établies selon des critères scientifiques. À partir de ce
moment, l'improvisation et l'arbitraire qui avaient prévalu
précédemment dans l'ancienne Régie des alcools du
Québec et l'ingérence politique dont on avait
déploré trop souvent, hélas! l'existence firent place
à une administration sérieuse, efficace, moderne dont les
véritables gestionnaires étaient les administrateurs de la
Société des alcools du Québec et non pas les politiciens
de l'heure ou leurs fonctionnaires.
À M. Jacques Desmeules avait succédé comme
président de la société, dans les années
soixante-dix, M. Daniel Wermenlinger, homme de grande compétence,
administrateur distingué et d'une intégrité à toute
épreuve. Sous son impulsion, la société avait
renforcé encore davantage sa réputation de société
bien gérée, efficace et éminemment rentable
pour l'État. C'est ainsi que la Société des alcools
du Québec, au cours des ans, acquit une réputation internationale
d'entreprise sérieuse et très soucieuse de la qualité et
du contrôle de ses produits. Cette réputation est maintenant
sérieusement menacée par un gouvernement qui a
décidé de revenir 20 ans en arrière et d'instaurer
à la Société des alcools du Québec des
procédés que l'on croyait à jamais disparus.
Malheureusement, certains intérêts privés
intéressés dans la fabrication et la distribution des boissons
alcooliques n'appréciaient pas ces succès de la
société d'État et voulaient à tout prix abattre la
proie pour s'en partager la dépouille.
Ces intérêts privés, à la suite d'un lobby
puissant et à la suite d'un voyage en France qu'effectua le ministre en
octobre 1983 avec plusieurs des individus qui en faisaient partie,
convainquirent le ministre de nommer l'un d'entre eux, M. Jean-Guy Lord,
à la présidence de la Société des alcools en
remplacement de M. Daniel Wermenlinger. M. Lord, qui était
vice-président de la compagnie Bright's, accéda donc au poste de
président. Dès le retour de la lune de miel en France, son
premier geste fut d'annoncer publiquement que la Société des
alcools du Québec s'apprêtait à démanteler son
réseau de succursales au profit de l'entreprise privée. Il fut
démenti rapidement par le ministre des Finances et par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, lequel s'empressa d'ajouter que ce
démantèlement se faisait plutôt au profit de travailleurs
oeuvrant dans les succursales de la société et regroupés
pour former des coopératives de commerce.
Malheureusement, le ministre avait oublié de consulter les
syndicats et le monde de la coopération, geste essentiel dans les
circonstances et qui dénote bien le mépris que le gouvernement
entretient envers ces organismes. Entre-temps, le gouvernement, par l'entremise
de son ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, a
procédé à des nominations politiques à la
Société des alcools du Québec, dont, entre autres, celle
de M. Pierre Allard, un ami intime du ministre, qui fut chargé de voir
à implanter au sein de la société le projet de convertir
des succursales en coopératives de commerce. Ce faisant, le ministre a
pratiquement mis de côté le conseil d'administration en place et
un nouvel axe d'autorité a été créé en vertu
duquel la Société des alcools du Québec est maintenant
gérée directement à partir du cabinet du ministre, lequel
se livre à un téléguidage systématique, à
une ingérence quotidienne et continue auprès des dirigeants et
des cadres de la Société des alcools du Québec. En
utilisant ces pions qu'il a placés au plus haut sommet de la
société, le ministre a mis sur une voie d'évitement le
conseil d'administration qui, à toutes fins utiles, n'a plus grand-chose
à dire dans l'administration de la société.
À ce sujet, le ministre pourrait-il nous dire pourquoi les
comités du conseil d'administration ne se réunissent pratiquement
plus depuis quelques mois; ces comités où siègent des
administrateurs permettaient au conseil d'administration de se renseigner et de
jouer un rôle efficace et éminemment utile dans l'administration
de la société. Pourquoi les comités de mise en
marché, de finances et d'administration, de développement et de
ressources humaines ne se réunissent-ils pratiquement plus depuis
quelques mois? La raison est simple: les décisions sont maintenant
prises en haut, ce qui rend inutile et même gênante la
présence des comités du conseil d'administration.
La question qu'il convient de se poser à ce moment-ci est la
suivante: Pourquoi le gouvernement tient-il mordicus à démanteler
le réseau des succursales de la Société des alcools du
Québec? Serait-ce, comme le prétendent les syndicats, pour faire
éclater les accréditations syndicales et permettre au
gouvernement de se débarrasser des syndicats, dont les moyens de
pression risquent de faire perdre des revenus importants au gouvernement en
temps de grève? Si c'est le cas, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas
la franchise de le dire clairement? Pourquoi le gouvernement veut-il donner les
succursales de la Société des alcools à des individus, si
excellents travailleurs soient-ils à l'intérieur des succursales,
alors que la Société des alcools représente un patrimoine
national constitué et pris à même les taxes de tous les
Québécois, un patrimoine qui a une valeur inestimable sur le plan
strictement financier. En effet, combien vaut une succursale de la
Société des alcools du Québec? Si on mettait en vente
aujourd'hui des succursales de la société, combien de dizaines de
millions de dollars le gouvernement ne pourrait-il pas recueillir sur le
marché libre? Les autres travailleurs québécois qui paient
des taxes à longueur d'année n'ont-ils pas autant droit aux
faveurs du gouvernement qu'un petit groupe dont le seul mérite consiste
à avoir eu l'occasion de travailler dans les succursales de la
Société des alcools?
Le ministre nous dira tout à l'heure qu'il s'agit de tenter
quelques expériences, de former des coopératives à qui on
remettra les baux, l'inventaire, quelques "fixtures" et voilà, le tour
est joué. On se concertera le matin pour savoir qui sera le patron de la
journée. On se concertera doublement et beaucoup plus longtemps pour
savoir qui ira transiger à la banque lorsque le fonds de roulement
viendra à manquer. (10 h 15)
Mme la Présidente, un problème majeur se pose. Le projet
du ministre Biron de
transformer les succursales de la Société des alcools en
coopératives de commerce est illégal. La loi actuelle sur les
coopératives ne reconnaît pas ces coopératives de commerce.
L'article 223 de ladite loi interdit même aux coopératives
ouvrières de production et de travail d'acquérir des biens pour
les revendre au public. En conséquence, le ministre devra donc inventer
dans une nouvelle loi ce nouveau concept de coopérative de commerce.
Pour innover davantage, notre bon ministre a même décidé de
réduire à deux personnes le nombre requis pour former une
coopérative. Ainsi donc, dorénavant, M. et Mme X pourront
ensemble former leur propre petite coopérative maison, de sorte que
chaque Québécois et chaque Québécoise pourront
dorénavant et conjointement former autant de coopératives qu'il y
a de couples mariés ou non au Québec. On comprend pourquoi le
monde de la coopération - et notamment le Conseil de la
coopération du Québec - s'est insurgé contre ce projet
farfelu du ministre, qui dénote une totale incompréhension de
l'essence même du coopératisme et un mépris pour les
travailleurs et le monde de la coopération en général.
Qu'il me suffise de citer un extrait de l'avis émis par le Conseil de la
coopération du Québec, avis que le ministre prétend ne pas
avoir reçu, mais qui a été rendu public le 27 mars dernier
et dans lequel le Conseil de la coopération du Québec affirme ce
qui suit: "L'origine, les objectifs et la teneur du projet actuel apparaissent
peu compatibles avec les exigences du mode coopératif d'organisation."
Après avoir énoncé les raisons pour lesquelles, selon lui,
le projet du ministre Biron n'est pas acceptable, le conseil conclut que, dans
sa forme actuelle, le projet de "coopérativation" des points de la vente
de la SAQ soulève beaucoup trop d'interrogations pour se mériter
l'appui du mouvement coopératif québécois et qu'il
considère qu'il revient au mouvement coopératif
québécois de débattre véritablement la question
avant qu'elle ne soit soumise à l'Assemblée nationale.
La Présidente (Mme Harel): M. le député,
pouvez-vous conclure? Votre temps de parole expire dans trente secondes.
M. Bourbeau: Je conclus, Mme la Présidente. "Étant
donné qu'il n'y a aucune urgence à procéder, dit le
Conseil de la coopération dans ce dossier, le Conseil de la
coopération demande au gouvernement de s'abstenir de poser les gestes
précités et l'invite, dans l'intérêt de toutes les
parties en cause, à travailler en plus grande consultation avec le
mouvement coopératif québécois relativement à cette
question." Mme la Présidente, le message est clair. La question que je
pose au ministre en terminant est la suivante: Le ministre a-t-il l'intention
de se rendre à la demande du Conseil de la coopération du
Québec et de mettre en veilleuse son projet de transformer en
coopératives de commerce les succursales de la SAQ ou va-t-il continuer
à attaquer de front les travailleurs et le monde de la
coopération afin de tenter de réaliser ces objectifs
nébuleux?
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre. La parole est
au ministre de l'Industrie et du Commerce.
Réponse du ministre M. Rodrigue Biron
M. Biron: Mme la Présidente, je voudrais d'abord remercier
le député de Laporte d'avoir apporté ce sujet ce matin,
c'est un sujet d'une extrême importance pour les citoyens et les
citoyennes du Québec: nous en avons discuté beaucoup au cours des
dernières années. Beaucoup de gens nous disent que c'était
le temps d'avoir une réflexion profonde sur la Société des
alcools du Québec et ses implications dans le milieu. Dans ce
sens-là, ce matin, nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous
ne ferons pas de politique partisane. Je ne suis pas ici, à
l'Assemblée nationale, pour jouer comme le chef de l'Opposition qui
vient jouer. S'il veut jouer au fou, il jouera au fou tout seul. Je suis ici
pour travailler sérieusement au mieux-être des citoyens du
Québec. C'est toute la différence entre l'Opposition, qui vient
jouer, et nous, qui travaillons sérieusement au mieux-être des
citoyens du Québec.
Dans ce sens-là, je voudrais juste rappeler l'évolution de
la Société des alcools du Québec au cours des
dernières années. Nous avons d'abord tenu une table de
concertation à la demande de l'entreprise privée, des entreprises
en général, des chambres de commerce et des citoyens qui
voulaient savoir ce qui se passait à la Société des
alcools du Québec et essayer de dépoussiérer, de
moderniser la gestion de la Société des alcools du Québec.
Il y avait eu un effort énorme de fait mais cela n'était pas
encore terminé. Je pense qu'il fallait franchir les dernières
étapes. Il y a eu une table de concertation tenue en février 1982
à laquelle ont participé tous les intervenants du milieu. Il y
avait même des députés de l'Opposition; si ma
mémoire est fidèle, je crois que le député
d'Outremont ou peut-être celui de Notre-Dame-de-Grâce était
présent à cette occasion.
Les intervenants ont établi un certain consensus pour demander au
gouvernement de faire des efforts pour que la Société des alcools
du Québec ne soit pas un adversaire pour l'entreprise privée mais
qu'au contraire
elle travaille en concertation avec l'entreprise privée. On sait
qu'à l'époque, la Société des alcools du
Québec était dans de nombreux cas juge et partie. Elle pouvait
empêcher une entreprise privée de vivre comme elle pouvait
favoriser telle autre entreprise. Nous avons réfléchi
sérieusement aux demandes faites par les entreprises, à la fois
les petites entreprises - les épiciers étaient
représentés, 10 000 épiciers du Québec
représentant 10 000 PME - les moyennes et les grandes entreprises. Nous
avons réfléchi sérieusement; nous avons eu de nombreux
contacts, de nombreuses discussions, et nous avons pris tout le temps voulu -
c'est d'ailleurs mon habitude de prendre le temps voulu - pour bien
étudier les dossiers avant de les amener au Conseil des ministres ou
à l'Assemblée nationale.
On a pris le temps nécessaire et, au début de 1983, nous
avons déposé la loi qui faisait en sorte que la
Société des alcools du Québec pouvait se moderniser ou
moderniser sa gestion; cette loi a été adoptée en juin
1983. Elle a été appliquée lentement. Je voudrais, Mme la
Présidente, citer quelques exemples de ce qui arrivait avec la loi 29.
Autrefois, la Société des alcools du Québec, dans le
domaine de l'embouteillage, produisait, embouteillait et était en
compétition avec onze entreprises privées, de petites ou moyennes
entreprises, qui, elles aussi, produisaient et embouteillaient. Il y avait donc
une compétition très féroce entre les deux et les produits
étaient vendus à la Société des alcools du
Québec, de sorte que celle-ci pouvait refuser un produit d'un de ses
compétiteurs sous prétexte qu'il était un
compétiteur sans le dire officiellement. On a donc essayé
d'établir des règles du jeu qui étaient les mêmes
pour la Société des alcools que pour les entreprises
privées de ce côté-là. On a dit: La SAQ peut
importer du vin à 100% de l'extérieur, l'embouteiller au
Québec et le vendre sur les tablettes des magasins ou des succursales.
On va faire la même chose. L'entreprise privée pourra importer du
vin jusqu'à 100%. Autrefois, la loi défendait aux entreprises
privées d'importer jusqu'à 100% et permettait aux entreprises
privées d'importer 30% de vin. Le restant, c'était du moût,
du concentré, c'était du jus de raisin. On mettait le boyau dans
le réservoir et on essayait de faire le meilleur mix possible.
Maintenant, tout le monde est considéré sur le même
pied.
Deuxièmement, la Société des alcools du
Québec, avec son contrôle de la qualité, pouvait refuser
certains produits sans donner aucune raison. Nous avons dit que,
dorénavant, ce n'est plus ce qui va exister. Il y aura un comité
interprofessionnel où vont siéger des représentants des
entreprises privées, des producteurs de vin, des distillateurs, des
agents promotionnels et les gens de la Société des alcools. Si
nous refusons un produit à la Société des alcools, il faut
donner les raisons. Si l'entrepreneur, lui, veut faire appel au comité
interprofessionnel, c'est à lui à faire appel. Si son produit
n'est pas de bonne qualité, c'est sûr qu'il ne fera pas appel,
parce que tous ses concurrents vont connaître sa pauvre qualité.
S'il est assuré de la qualité de son produit, il porte appel
devant le comité interprofessionnel, qui est composé
majoritairement des intervenants du milieu, et la décision se prend
à ce niveau. Donc, une plus grande ouverture vis-à-vis des
décisions pour l'entreprise privée.
La deuxième chose, pour la vente au détail, les magasins,
les épiciers, les 10 000 points de vente, c'est-à-dire les PME
québécoises - je répète que c'est le gouvernement
du Parti québécois qui a fait bénéficier ces gens
de permis pour la vente du vin. Il ne faut pas oublier que ces 10 000 points de
vente font un chiffre d'affaires d'environ 100 000 000 $. Ces 10 000
épiciers doivent être reconnaissants au gouvernement du Parti
québécois de leur avoir permis de faire des affaires
additionnelles et un profit additionnel. Mais ces 10 000 épiciers
étaient quand même limités par certaines règles
très strictes alors que les magasins de la Société des
alcools ne l'étaient pas. Les 10 000 épiciers étaient
obligés de prendre trois marques de vin de chacun des onze producteurs,
plus 15 marques de vin de la SAQ. Bon ou pas, que la qualité y soit ou
non, ils devaient prendre trois marques de vin de chacun. Ils n'avaient pas le
droit de prendre juste une marque et ils n'avaient pas le droit d'en prendre
plus. On a ouvert cela un peu plus. L'an dernier, cela a été
augmenté. L'épicier a maintenant le droit de choisir n'importe
quelle de cinq marques de l'entreprise privée. L'an prochain, il aura le
doit de choisir parmi dix marques de chacune des entreprises privées.
Cela veut dire qu'il y aura 110 marques disponibles. Dans deux ans, il aura le
droit de choisir parmi la gamme nécessaire que pourra lui offrir
l'entreprise privée.
En plus, la Société des alcools pouvait faire en sorte de
dire à l'entreprise privée, c'est-à-dire aux petits
épiciers du coin: Tu vas placer mes bouteilles à telle place,
parce qu'elles sont embouteillées par la SAQ et, les autres, celles des
onze entreprises privées, tu vas les mettre dans le bas de la tablette.
Maintenant, l'épicier a le droit de faire ce qu'il veut au point de vue
de la stratégie de marketing dans son magasin. Il peut mettre des
bouteilles de la Société des alcools en bas ou en haut, comme il
voudra. On a laissé une marge de manoeuvre parce que nous, contrairement
au Parti libéral, avons confiance dans le jugement et dans la
qualité de gestionnaires des entrepreneurs du Québec dans les
petites et moyennes entreprises, en particulier. Dans ce sens,
maintenant, il y a une plus grande marge de manoeuvre du
côté de l'entreprise privée. Il y a une plus grande marge
de manoeuvre du côté du détaillant et le consommateur ne
s'en porte que mieux, parce que, maintenant, il a la qualité qu'il veut
à un prix très concurrentiel. Je répète qu'on a
baissé le prix des vins embouteillés au Québec, il y a
quelques mois, de 0,55 $ la bouteille. C'est une baisse importante qu'on a
effectuée pour permettre aux consommateurs et aux consommatrices de
mieux bénéficier des produits embouteillés au
Québec. L'objectif primordial de tous ces changements était de
faire en sorte de créer davantage d'emplois au Québec, de faire
travailler davantage de Québécois et de
Québécoises. Autrefois, on pouvait importer du vin en bouteille.
Cela ne fait pas travailler beaucoup de gens, mais si on importe du vin en vrac
on ne se cachera pas la vérité, du raisin, on ne peut pas en
produire beaucoup au Québec, mais on peut en importer en vrac, et des
bouteilles, on est capable d'en produire; des étiquettes, des
boîtes, l'embouteillage, tout cela, on est capable de le faire au
Québec. Alors, on s'est dit: Favorisons l'importation de vin en vrac
pour l'embouteiller et créer ainsi le maximum d'emplois au
Québec. Ces emplois seront créés à la
Société des alcools, d'une part, bien sûr, mais aussi dans
les onze entreprises privées qui sont dans différentes
régions du Québec. Il y a un effort de ce
côté-là qui a été fait. Je pense que tout le
monde nous en félicite. Jusqu'à maintenant, sauf l'Opposition,
tout le monde a félicité le gouvernement du Parti
québécois de son action dans ce sens.
L'autre point que nous avons fait valoir c'est qu'on empêchait
l'entreprise privée de vendre à l'extérieur du
Québec. Je connais une entreprise qui a eu une commande un jour pour 1
000 000 de caisses. La SAQ a dit: Non, tu ne vendras pas cela à
l'extérieur; 1 000 000 de caisses à expédier aux
États-Unis, cela aurait fait des Québécois et des
Québécoises qui auraient travaillé pour faire des
bouteilles, des boîtes et tout cela. On les en a empêchés
dans le temps. Maintenant, la nouvelle loi dit: Non seulement on leur donne la
permission, mais, au contraire, on va travailler avec ces entreprises.
J'annonce aujourd'hui qu'on est en train de former un consortium d'exportation
avec les entreprises privées et la Société des alcools. La
Société des alcools n'est pas majoritaire au consortium
d'exportation, justement pour permettre à l'entreprise privée de
mettre tout son dynamisme dans l'exportation. Mais la Société des
alcools est présente d'une façon importante dans ce consortium.
On va vendre aux États-Unis du vin importé de France, d'Italie,
d'Espagne ou d'ailleurs qu'on va embouteiller au Québec. On va faire
travailler davantage de Québécois et de
Québécoises. Dans ce sens, l'objectif visé par la
loi 29 sur les changements, c'en est un de modernisation, c'est de faire en
sorte que la Société des alcools soit un levier de
développement économique d'importance au Québec, et,
là-dessus, je pense que l'Opposition devrait nous féliciter,
parce que tout le monde au Québec félicite le gouvernement de son
action dans ce sens. On veut faire avec les sociétés
d'État des instruments de développement économique, des
instruments de création d'emplois. Plus on va créer de l'emploi
au Québec, je pense, plus de citoyens et de citoyennes pourront
travailler.
Ce sont donc les principaux changements qu'on a faits. En plus, dans
certaines régions éloignées du Québec, je pense
entre autres à la Basse-Côte-Nord, à la Gaspésie, au
Bas-Saint-Laurent, au Nord-Ouest québécois et à dans
certaines autres régions où on était loin des succursales
de la Société des alcools, on a ouvert des agences
privées, on a fait appel à des gens qui avaient
déjà des permis de vente de bière. On a fait des
soumissions dans certaines municipalités et il y a maintenant 34 agences
privées qui vendent du vin et des spiritueux en plus petites
quantités, mais cela se trouve dans les régions
éloignées du Québec et c'est dans un souci de mieux servir
la clientèle et de faire davantage confiance aux citoyens et citoyennes
du Québec.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre, en conclusion,
il vous reste dix secondes.
M. Biron: En conclusion, je dis bravo à la
Société des alcools et à ses administrateurs. Je pense que
la Société des alcools a fait un excellent travail pour
développer l'économie du Québec et créer davantage
d'emplois non seulement à la SAQ, mais dans toutes les entreprises
privées au Québec, incluant les épiciers et les PME
québécoises.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au
député de Châteauguay. Ah! M. le député de
Laporte, sur une question de règlement.
M. Bourbeau: D'après les règlements en vigueur,
après l'intervention du ministre, c'est un député de
l'Opposition qui doit prendre la parole. C'est le premier article de votre
ordre du jour.
La Présidente (Mme Harel): Vous avez tout à fait
raison, M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Je vous prierais de reconnaître le
député d'Outremont, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme Harel): Très bien. Dans la
poursuite de nos débats, nous pourrons alterner de l'intervention d'un
député de l'Opposition à celle du ministre et, par la
suite, un député ministériel pourra intervenir pour
revenir à un député de l'Opposition et à une autre
intervention du ministre. M. le député d'Outremont.
Autres interventions M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Vous avez
très bien compris le sens de notre intervention. Le ministre, au
début de son allocution, a joué à la vierge
offensée en s'attaquant au chef de l'Opposition, qui n'est même
pas parmi nous ce matin. C'est tout à fait typique du genre
d'intervention du ministre, qui cherche à s'attaquer à des gens
qui ne sont pas dans cette Assemblée et qui s'insurge...
M. Biron: Mme la Présidente...
M. Fortier: Mme la Présidente, c'est moi qui ai le droit
de parole et le ministre répondra à son tour.
M. Biron: Question de règlement.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre. Vous allez
peut-être devoir me citer le règlement que vous venez
d'invoquer.
M. Biron: Oui, c'est sur une question de règlement, parce
que le chef de l'Opposition m'a attaqué hier, en Chambre, alors qu'il
savait que j'étais au sommet économique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je pense que, là-dessus, le
député d'Outremont devrait au moins commencer par regarder ce qui
se passe dans sa propre maison.
La Présidente (Mme Harel): Mais, M. le ministre, la parole
est au député d'Outremont et ce sont seulement les propos tenus
au cours de cette séance par le député d'Outremont et non
pas sur ceux échangés à la période de questions
d'hier. M. le député d'Outremont.
M. Bourbeau: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député
de Laporte.
M. Bourbeau: C'est plutôt une demande de directive. Quand
le ministre est intervenu pour enlever la parole au député
d'Outremont, d'après le chronomètre personnel que je tiens, il y
avait seulement 30 secondes d'écoulées sur le temps du
député d'Outremont. Je voudrais savoir si le temps qui s'est
écoulé depuis que le ministre, le député de
Lotbinière, a, d'une façon aussi inopportune, interrompu mon
collègue, compte ou ne compte pas dans les cinq minutes du temps de
parole du député d'Outremont.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Laporte, le secrétaire de notre commission chronomètre les
interventions. Il avait arrêté son chronomètre à 45
secondes du début de l'intervention du député d'Outremont,
à qui je donne maintenant la parole.
Des voix: Excellent!
M. Bourbeau: Merci. (10 h 30)
M. Fortier: Merci, Mme la Présidente. De toute
façon, j'affirmerai moi-même que l'attitude du ministre, en
réponse aux questions du député de Laporte, qui avait
posé des questions cette semaine au ministre, à savoir s'il avait
reçu oui ou non un avis du conseil de consultation et auxquelles il nous
a répondu, en bafouillant, qu'il ne l'avait pas reçu ou qu'il ne
faisait pas l'unanimité, cette attitude, à mon avis, est
inqualifiable. Elle est antiparlementaire et elle est typique du niveau de
parlementarisme que pratique le ministre dans ce dossier et dans d'autres
dossiers également, à l'Assemblée nationale.
Comme à l'accoutumée, le ministre ne répond pas
à la question qui est posée. Il nous a parlé de la SAQ. Il
nous a parlé d'un tas de choses qui n'ont pas été faites
ou qu'il a l'intention de faire. La question du député de Laporte
était très claire à la fin de son allocution: Va-t-il
mettre de côté son plan de "coopérativation" des points de
vente de la SAQ? La raison, Mme la Présidente, est très claire.
Il a reçu un avis du Conseil de la coopération du Québec
et cet avis lui dit précisément de mettre de côté
son plan jusqu'à ce que les membres des coopératives
étudient le projet plus en profondeur et de leur laisser le droit
d'étudier ce plan-là.
Le ministre nous a parlé des règlements qui sont
changés, paraît-il. Son gouvernement avait édicté
que les épiciers dans leurs magasins devaient mettre les bouteilles
rouges en haut et les bouteilles blanches en bas. Maintenant, il nous dit: Les
épiciers sont libres de faire ce qu'ils veulent. J'espère que le
ministre réalisera les règlements farfelus que son gouvernement
avait édictés; s'il les change, tant mieux, mais il
reconnaîtra que c'était son gouvernement qui avait adopté
des règlements aussi farfelus que ceux-là.
Mais là n'est pas la question, Mme la Présidente. Il y a
des gens qui s'inquiètent. Il y a des coopérants qui
s'inquiètent. Il y a un mouvement de coopératives au
Québec qui a fait la force et le dynamisme de
l'économie du Québec. Lorsque le ministre décide de
lui-même, sans avoir discuté de ce projet publiquement et sans
avoir informé en profondeur les travailleurs de tous les aspects des
implications de ce plan qu'il veut mettre de l'avant, je dis qu'il faut mettre
le holà! il faut soulever cette question ici et il faut
précisément demander au ministre de répondre d'une
façon plus précise.
Le Conseil de la coopération du Québec avait d'ailleurs
édicté quatre critères en particulier qui
démontraient que la proposition du ministre était inacceptable.
Dans un premier temps, on disait: La mise sur pied d'une coopérative
doit émerger de l'initiative des travailleurs et, à juste titre,
on dit que ce qui est fait présentement, cela ne vient pas des
travailleurs, cela vient de la direction de la SAQ et c'est
téléguidé d'ailleurs par le ministre et son cabinet. Cela
vient d'en haut, cela vient du ministère et cela vient de la direction
de la SAQ de chercher à imposer une espèce de mouvement
coopératif dilué qui ne tient pas compte de la tradition du
mouvement coopératif du Québec.
Le deuxième critère, on nous dit: La création d'une
coopérative constitue et doit constituer une réponse aux besoins
réels et communs des travailleurs. Je crois que la question doit
être posée. Poser la question, c'est y répondre: Combien
d'emplois seront créés dans les succursales de la SAQ? Le Conseil
de la coopération répond en posant la question, puisque ceux qui
travaillent dans les magasins ont déjà un emploi.
On pose la question, à savoir si ces unités d'action, si
ces unités d'opération, dans les succursales qui fonctionneront
en coopérative, auront une certaine autonomie. Autant que l'on sache, il
s'agira de franchises et ces présumées coopératives
recevront des directives très claires de la SAQ et, à toutes fins
utiles, il n'y a absolument rien qui sera changé.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je conclus... La Présidente (Mme Harel):
Votre temps de parole est entièrement expiré. La parole est
au ministre.
M. Dussault: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: On nous a remis, au début de nos travaux, une
liste sur laquelle on voit l'ordre d'intervention, c'est-à-dire l'ordre
d'alternance, à toutes fins utiles, des intervenants à cette
interpellation. Je voudrais vous rappeler, Mme la Présidente,
qu'à l'article 293 de notre règlement, il est dit ce qui suit:
"Les membres de la commission ont ensuite un temps de parole de cinq minutes
par intervention. Je ne conteste pas cela, Mme la Présidente. Il y a
alternance entre les députés du groupe formant le gouvernement et
ceux des groupes d'Opposition. Je ne conteste pas cela non plus par rapport
à la liste qu'on nous a donnée, mais c'est ce qui suit qui me
paraît être mal interprété dans cette liste qu'on
nous a remise, où on dit: "Le ministre peut intervenir aussi souvent
qu'il le désire." J'en conclus donc que M. le ministre pourrait
intervenir non pas seulement après un député de
l'Opposition, mais aussi après un député
ministériel. Je voudrais que cela soit bien clair, parce que cela va
poser des problèmes tout à l'heure, car nous, les
députés, dans la réforme parlementaire, je pense que nous
avons autant le droit que l'Opposition de poser des questions à un
ministre et de voir le ministre répondre à nos questions sans
attendre que l'Opposition ait parlé entre-temps pour ce faire.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Châteauguay, pour votre bénéfice et le
bénéfice de tous les membres de cette commission, je dois vous
dire que l'ordre des interventions a été convenu lors d'une
réunion des leaders, des groupes parlementaires, autant
ministériels que de l'Opposition. Je vais vous inviter, M. le
député de Châteauguay à faire vos
représentations, celle que vous venez de me transmettre, auprès
du leader du groupe ministériel, de façon que vous puissiez en
arriver à une entente modifiée. Pour la présente
interpellation, nous allons devoir appliquer l'ordre des interventions convenu
entre nos leaders et vous savez que nous utilisons ce nouveau règlement
et l'usage se fait au fur et à mesure que nous l'utilisons. Nous en
sommes aux premières interpellations dans l'application de ce nouveau
règlement. Si vous avez des représentations à faire, je
souhaiterais que vous les fassiez au leader de votre groupe ministériel.
La parole est au ministre.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Pour relever l'intervention du député
d'Outremont tout à l'heure, c'est vrai que le Parti libéral n'a
pas beaucoup d'idées actuellement. Le Parti libéral et plusieurs
des candidats à la direction du Parti libéral ont parlé il
n'y a pas tellement longtemps de vendre carrément la
Société des alcools au secteur privé, c'est-à-dire
aux grandes multinationales, alors que nous, nous voulons plutôt
protéger le vrai monde du Québec. Vous savez ce qu'est le vrai
monde du Québec qu'on veut protéger? Ce sont les
hommes et les femmes ordinaires du Québec, les travailleurs, les
travailleuses, les petits commerçants, le monde qui ne "flaille" pas
trop haut, tandis que, pour le Parti libéral, c'est toujours les grandes
affaires et il est contre le monde ordinaire. Aussitôt qu'on veut essayer
de donner une chance au monde ordinaire, aussitôt qu'on veut essayer de
donner une chance aux travailleurs et aux travailleuses, il est là pour
essayer de cogner sur la tête du monde. Cela n'a pas de bon sens. C'est
complètement inacceptable et, en plus, les libéraux viennent ici
à l'Assemblée nationale pour jouer alors que, nous autres, on
vient travailler sérieusement.
Du côté des coopératives, c'est sûr que c'est
nouveau, des coopératives de commerce, cela ne se discutait pas
autrefois, mais cela prend des idées pour faire évoluer le monde.
De ce côté-ci de la Chambre, du côté du Parti
québécois, on a des idées, on en discute avec le monde, on
les met sur la table pour fins de discussion, pour fins d'amélioration,
au lieu de toujours dire non. Le Parti libéral, dans le fond, est
reconnu, il dit non à n'importe quoi. Il ne sait pas quoi, mais il dit
non, alors que nous, on essaie d'apporter des idées pour faire
évoluer le monde de quelque façon et évoluer avec le
monde.
Hier matin, j'étais au sommet économique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean; savez-vous ce que les gens des coopératives ont
dit? Ils ont dit: Bravo, M. le ministre, c'est la première fois dans
notre vie, nous autres, comme coopératives, qu'on entend autant parler
des coopératives et qu'on a autant d'idées neuves et dynamiques
sur la table. Les gens des coopératives félicitaient le
gouvernement du Québec de mettre le mouvement coopératif sur la
place publique et d'en discuter. Entre vous et moi, je suis heureux de cela,
parce que j'aime cela que ça discute sur la place publique. Je suis
heureux que le Parti libéral finalement parle un peu des
coopératives. Il n'en a jamais parlé. Il ne s'est jamais
préoccupé des coopératives ni des coopérateurs et
c'est vrai qu'il n'a pas beaucoup de coopérateurs de son
côté.
Je suis content qu'il parle de plus en plus du mouvement
coopératif, parce qu'on va le mettre sur la place publique. C'est un
mouvement qui va compter dans l'avenir et de plus en plus de
Québécois et de Québécoises, de monde ordinaire, de
jeunes en particulier qui graduent des universités et des cégeps
présentement et qui veulent être des coopérateurs, qui
veulent devenir des propriétaires d'entreprises, qui veulent devenir
souverains économiquement, de plus en plus de ces gens vont faire partie
des coopératives ouvrières, des coopératives de
travailleurs, et ils vont devenir des chefs d'entreprises, ils vont devenir
souverains économiquement avant d'être souverains politiquement.
Si vous me dites que vous voulez parler de la souveraineté politique
avec le mouvement des coopératives, bien sûr que,
éventuellement, le monde va voir qu'ils sont mieux lorsqu'ils sont
indépendants économiquement. Ils vont dire si on est mieux
indépendant économiquement et on est mieux, on va devenir
indépendant politiquement.
Dans ce sens, le mouvement des coopératives des travailleurs,
c'est neuf, c'est vrai. Les gens du Parti libéral, qui sont
réactionnaires et d'arrière-garde, ultra-conservateurs, sont
contre tout ce qui est neuf; continuez d'être contre tout ce qui est
neuf, mais je vous mets en garde: vous vous êtes mis les pieds dans les
plats avec Pechiney. Vous avez voté contre l'implantation de
l'aluminerie et l'investissement de 1 500 000 000 $ au Québec, à
Bécancour. Vous avez voté contre cela. Aujourd'hui, vous
le regrettez, parce que vous vous êtes mis les pieds dans les plats. Vous
êtes en train de vous mettre les pieds dans les plats avec les
coopératives. Faites bien attention à ce que vous faites, parce
que tous les coopérateurs du Québec, tous les jeunes, tous ceux
qui sont moins jeunes aussi mais qui veulent être des
coopérateurs, des chefs d'entreprise, vont être contre vous
tantôt, parce que vous essayez de les détruire.
Nous, ce qu'on veut, ce n'est pas de vendre à l'entreprise
privée la Société des alcools mais, au contraire, de faire
profiter la population québécoise de ce patrimoine qui lui
appartient. En même temps, on va continuer à percevoir les
impôts, comme on perçoit les impôts pour le gouvernement
fédéral par la Société des alcools du
Québec. Ne nous le cachons pas, la vente des vins et spiritueux rapporte
environ 300 000 000 $ d'impôts au gouvernement fédéral. La
même chose vaut pour le gouvernement du Québec. Ces impôts
vont continuer à être perçus par la Société
des alcools comme grossiste de première distribution. On va simplement
remettre cela au gouvernement.
Tout à l'heure, on va vous faire part des lettres qu'on a
reçues. Faites attention, il y a des gens de vos comtés qui nous
écrivent, des travailleurs de la Société des alcools qui
veulent être indépendants économiquement. Ils vont
bientôt arriver dans vos bureaux de comté pour vous dire:
Qu'est-ce que vous faites, M. le député, vous ne voulez pas
prendre notre défense? Vous voulez prendre la défense des grandes
multinationales. Pourquoi ne voulez-vous pas prendre notre défense? Ils
vont aller vous voir; on va les envoyer dans vos bureaux de comté. Vous
allez voir que vous allez devoir patiner à reculons, parce que le
mouvement des coopératives de travailleurs ne s'arrêtera pas.
C'est commencé. On va en parler de plus en plus. On le met sur la
place
publique. Là-dessus, au moins, vous êtes utiles à
quelque chose, parce qu'en posant des questions à l'Assemblée
nationale, vous mettez le mouvement des coopératives de travailleurs sur
la place publique. Il va y en avoir de plus en plus au cours des années
à venir. Dans ce sens, je n'ai pas peur de dire que, selon notre vision
de l'avenir, d'ici cinq ans, il y aura des milliers et des milliers de
coopératives de travailleurs au Québec, il y aura des milliers et
des milliers de petits Québécois, des gens ordinaires, qui vont
être propriétaires de leur entreprise, qui vont être
indépendants économiquement, avant d'être
indépendants politiquement.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre, votre temps de
parole est épuisé. M. le député de Champlain.
M. Marcel Gagnon
M. Gagnon: Merci, Mme la Présidente. On sent bien qu'il y
a un autre débat sur la table depuis un certain temps. C'est finalement
toujours le même débat. De ce côté-ci de la Chambre,
nous montrons la confiance que nous avons envers les Québécois et
les Québécoises. De l'autre côté, il faut à
tout prix continuer d'écraser et d'empêcher les
Québécois et les Québécoises de se faire
valoir.
Rappelez-vous seulement les grandes réformes qu'on a
apportées - le ministre en a mentionné quelques-unes - dans le
domaine de la protection du territoire agricole, dans le domaine de l'assurance
automobile, dans plusieurs domaines. Chaque fois qu'on a apporté une
réforme qui faisait preuve d'innovation, les mêmes discours se
tenaient du côté libéral: on n'était pas capable, on
ne devait pas faire cela, il fallait laisser l'entreprise privée seule
travailler dans ces domaines. Chaque fois qu'on veut faire confiance aux
travailleurs, moi, j'y crois énormément, et je suis heureux de
voir que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme fait confiance
aux travailleurs et aux travailleuses québécoises. Je viens d'un
milieu où j'ai déjà été dans la direction
d'entreprise. Je me souviens d'avoir suggéré à mon patron
dans le temps qu'un des moyens d'assurer la rentabilité de l'entreprise,
c'était de faire participer ses travailleurs à la gestion de
l'entreprise.
Finalement, le débat ne me scandalise plus. De l'autre
côté, c'est le moins possible pour les Québécois et,
de ce côté-ci, c'est le plus possible pour les
Québécois et les Québécoises. Je pense que les
preuves commencent à être visibles et que la population commence
à comprendre et à voir ces preuves. On a lancé les sommets
économiques sectoriels, régionaux. Je me souviens, par exemple,
du sommet économique Mauricie-Bois-Francs, qui a connu un succès
semblable à celui d'hier dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Dans le domaine de la coopération pour les magasins de la
Société des alcools, c'est demandé aussi. Je ne sais pas
pourquoi le Parti libéral dit que ce ne l'est pas. Personnellement, j'ai
reçu énormément de visiteurs qui nous demandent d'y aller
non seulement sur une base expérimentale, mais d'y aller plus
rapidement. C'est l'avenir. On veut participer à la gestion de notre
entreprise. Dans ce sens, j'ai extrêmement confiance en nos travailleurs.
De plus, ce que je trouve formidable, c'est qu'actuellement, on est en train de
former ceux qui auraient le goût de participer, mais qui, pour une raison
ou une autre, trouvent qu'ils manquent un peu de formation, parce qu'on ne leur
a pas donné l'occasion de s'affirmer dans le passé. Il y a une
quantité de cours de formation qui se donnent actuellement et qui sont
fréquentés librement par plusieurs travailleurs. (10 h 45)
II y a par exemple des cours de formation sur la distribution ou sur la
façon d'employer les produits vendus par la Société des
alcools, les produits à base de boissons alcooliques, les vins rouges,
les vins blancs, les vins rosés, etc. Nos travailleurs sont en train de
se former de façon à être beaucoup plus
compétents.
Il en est de même dans le domaine de la gestion de l'entreprise.
On donne actuellement des cours à tous ceux qui le veulent, pour se
préparer à prendre en main leur succursale et former leur
coopérative sur la base expérimentale exigée pour
commencer. On donne des cours à l'entreprise, des cours sur l'approche
de la vente, des cours de comptabilité, de gestion des stocks, de
gestion des ressources humaines, de mise en marché, d'entretien, etc.
Actuellement, plus de 3431 personnes ont participé à l'ensemble
de ces cours. Je pense qu'il suffit seulement de la réponse que nous
avons de la part des travailleurs qui veulent s'impliquer dans la gestion de
l'entreprise, qui veulent s'améliorer, qui veulent devenir de plus en
plus compétents et rendre de meilleurs services à l'ensemble des
Québécois et par le fait même aussi se rendre de meilleurs
services à eux. Je ne sais pas si vous avez déjà eu
l'avantage de travailler pour une entreprise dont vous êtes en partie le
propriétaire ou le copropriétaire en vertu du système
coopératif par exemple, ou si vous travaillez pour une entreprise
où vous êtes tout simplement un numéro.
Je félicite le ministre et, au nom des travailleurs de mon
comté, je lui demande de continuer le plus rapidement possible cette
expérience des coopératives dans le domaine de la SAQ. Je suis
persuadé que l'expérience qu'on va faire va satisfaire à
un tel point les travailleurs et la population qu'à plus ou
moins long terme, ce sera peut-être l'ensemble des magasins de la
SAQ qu'on demandera de transformer. Merci.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que je peux
vous demander de me donner un avertissement quand il me restera trente secondes
afin que je puisse terminer mon intervention avec un minimum
d'élégance et de cohérence? Merci.
La Présidente (Mme Harel): Je vous ferai signe, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: D'accord. On a fait plusieurs discours ce matin au
sujet des faiblesses des deux partis politiques. Je veux revenir un peu sur
terre. C'est vrai que les gens du milieu parlent du projet du ministre. Je
parle maintenant du projet du ministre de créer des coopératives
à l'intérieur des succursales de la SAQ. C'est de cela que je
vais parler. Je vais poser des questions très précises au
ministre et j'aimerais qu'il me donne les réponses. Ce sont des
questions qui sont posées par les gens du milieu, les personnes qui
travaillent dans les succursales de la Société des alcools et
auxquelles ils veulent avoir des réponses. Le ministre m'a dit que tout
le monde est pour son projet de coopération. Moi, je ne suis pas
sûr. Il y a un tas de gens qui s'inquiètent beaucoup. Mais, au
moins, si on avait les réponses à certaines questions
précises, ce serait plus facile de tout évaluer. Le ministre a
dit ce matin, et je le cite à peu près textuellement, que son
habitude est de bien étudier les dossiers avant de procéder. Il a
décidé d'aller de l'avant avec une expérience d'une
vingtaine - si je comprends bien - de coopératives de vente de vins et
de spiritueux. J'aimerais qu'il réponde aux questions suivantes, qui
sont des questions de détail, mais qui sont très importantes. Je
suis certain que le ministre n'irait pas de l'avant avant de les régler
d'une façon précise. Je le répète, ce sont des
questions qui sont posées par les gens du milieu. J'aimerais que le
ministre réponde dans le même ordre que je vais les poser parce
que c'est plus ou moins dans leur ordre d'importance que je les pose.
Premièrement, il propose de donner à ces
coopérateurs un territoire exclusif. Est-ce que ce territoire exclusif
est pour un temps limité et, si oui, pour quelle limite de temps? Est-ce
que cette exclusivité veut dire que le ministre va empêcher une
épicerie ou un dépanneur de s'installer à
l'intérieur de ce territoire pendant la période
d'exclusivité ou est-ce qu'il s'agit uniquement d'une exclusivité
en ce qui concerne d'autres succursales de la SAQ? Deuxièmement, le
bail. Si le coopérateur a un bail qui ne lui convient pas, est-ce qu'il
peut changer de location? Est-ce qu'il peut déménager, si le
propriétaire de la bâtisse décide de hausser le loyer?
Est-ce qu'il a la liberté de changer l'endroit de sa succursale? Est-ce
qu'il est prisonnier du local où il se trouve?
Troisième question. Le ministre a parlé dans son projet de
garantir des marges sur la base des marges historiques. Est-ce qu'il garantit
à ces personnes une marge brute ou un profit net? Si c'est l'un ou
l'autre, qu'est-ce qu'il veut dire par les marges ou les profits
historiques?
Quatrième question, est-ce que les personnes qui dirigent ces
succursales auront un certain contrôle sur les prix de vente? Si elles
veulent vendre un produit un peu moins cher pour en vendre davantage,
seront-elles prisonnières de la politique de prix de détail de la
SAQ?
Cinquième question, est-ce qu'elles vont-La Présidente
(Mme Harel): Vous m'aviez demandé de vous faire signe; il vous reste
une minute avant que votre temps de parole ne soit expiré.
M. Scowen: Cela va très bien. Je vais terminer à
l'heure. Cinquième question, est-ce que ces personnes qui vont diriger
ces entreprises du secteur coopératif vont avoir le droit de vendre
d'autres produits que les vins et les spiritueux dans leur magasin? Par
exemple, est-ce qu'elles auront le droit de vendre des tire-bouchons? Est-ce
qu'elles auront le droit de vendre le Journal de Montréal comme les
dépanneurs? Est-ce qu'elles auront le droit de vendre un type
d'alimentation qui va avec les vins? Si oui, quelles seront les limites?
Sixième question...
La Présidente (Mme Harel): Votre temps est expiré,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ah! Je n'ai pas le temps pour la sixième?
La Présidente (Mme Harel): Vous pourriez sûrement
revenir dans une intervention ultérieure. À moins que, du
consentement des membres de la commission...
M. Biron: La sixième question...
La Présidente (Mme Harel): II y a donc consentement.
M. Biron: Je permettrais au député de
Notre-Dame-de-Grâce de poser sa sixième question.
La Présidente (Mme Harel): Avec consentement, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je ne poserai donc pas la sixième question,
mais la septième, parce que je la trouve plus intéressante. Je
voudrais savoir s'ils seront prisonniers de la politique des heures d'ouverture
et de fermeture ou s'ils auront la liberté de fermer quand ils le
veulent, à l'intérieur des règles
québécoises, comme, par exemple, le lundi matin. Est-ce qu'ils
auront le droit d'avoir le nombre d'employés qu'ils trouvent
nécessaire?
Voilà, j'en ai d'autres, mais si le ministre peut répondre
précisément à ces questions, je pense qu'il va aider
beaucoup tout le monde à comprendre ce qui se passe ici.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Mon premier commentaire est de remercier et de
féliciter le député de Notre-Dame-de-Grâce des
questions très précises et constructives qu'on se pose. Je pense
que je comprends pourquoi le Parti libéral l'a enlevé comme
critique en matière d'industrie et de commerce; c'est probablement parce
qu'il était trop cons-tructif.
M. Bissonnet: De la démagogie comme cela...
M. Biron: Je rends hommage au député de
Notre-Dame-de-Grâce, ne critiquez pas. Pour ce qui est du territoire
exclusif, c'est sûr que le dossier n'est pas complété,
mais, oui, il y aura un territoire exclusif pour les produits vendus
actuellement par la succursale, c'est-à-dire que les vins de plus haute
gamme et les spiritueux ne seront jamais vendus dans des épiceries, sauf
les huit marques d'appellation contrôlée qui sont
déjà, à l'heure actuelle, dans les épiceries. Quant
au reste, bien sûr que le magasin de la Société des alcools
du Québec sera en compétition avec l'épicerie dans la
gamme des vins de table, comme il l'est présentement. Cela veut dire
qu'il n'y aura pas de changement avec le système actuel, sauf qu'il y
aura une garantie de dix ans sur le territoire, à moins de changements
majeurs. Par exemple, Bécancour va doubler sa population dans quelques
années et il est possible que, la population doublant, on ait besoin
d'un deuxième magasin. À moins de conditions vraiment
extraordinaires comme cela, normalement, il y aurait un territoire exclusif qui
serait protégé pour les gens impliqués.
Pour ce qui est des baux, on me dit que les prix négociés
pour les baux actuels sont excellents et qu'il y a même un profit
à faire sur la vente du bail si on le vendait à une entreprise
privée. C'est sûr que les baux seront transférés
à ceux qui achèteront les magasins. Si, à la fin du bail,
les gens décident de changer d'endroit, de changer de coin de rue - si,
par exemple, à Québec, au carré d'Youville, il y a une
succursale sur un coin de rue et qu'elle décide d'aller à un
autre coin de rue, parce que cela fait mieux son affaire, question de
stratégie de marketing - pourvu qu'elle demeure dans le
quadrilatère qui sera déterminé par les gens de la SAQ, je
pense qu'il y aura une marge de manoeuvre pour les propriétaires.
Garantir les marges est, à mon avis, une question importante et
je reconnais l'expérience en affaires du député de
Notre-Dame-de-Grâce. Les marges seront garanties sur les marges brutes
actuelles de la Société des alcools. On sait que, dans un magasin
qui vend pour 3 000 000 $, la marge brute est autour de 12%. Le magasin qui
vend pour seulement 1 000 000 $ a marge brute de peut-être 15%. On fera
en sorte que, selon le chiffre d'affaires, il y ait une garantie pour la
coopérative de commerce d'avoir au minimum la marge brute actuelle. Ce
que les gens qui veulent ouvrir des coopératives nous disent, c'est
qu'il y a des façons d'économiser, dont un meilleur
contrôle d'inventaire.
C'est sûr que nous contrôlons les inventaires dans 360
succursales à partir du système informatique, mais les gens qui
vont contrôler l'inventaire de leur succursale vont décider de
tenir en plus grand nombre telle sorte de spiritueux ou telle sorte de vin et,
en plus petit nombre, une autre. Le contrôle des inventaires, je pense,
et le dynamisme du milieu vont faire en sorte d'augmenter d'une façon
appréciable le revenu net et le revenu brut de ces magasins. Quant au
contrôle sur le prix de vente, c'est sûr qu'il y aura un minimum et
un maximum, parce qu'on ne veut pas de guerre des prix ni de vente à
rabais. D'un autre côté, on ne veut pas non plus que, dans
certaines régions du Québec, où il y a un seul magasin, la
population soit surexploitée. Il y aura une marge de manoeuvre de
quelques points de pourcentage laissée à la discrétion des
gens pour assurer la concurrence dans les milieux urbains et pour assurer la
protection du consommateur dans les milieux ruraux. On ne pourra pas vendre
toutes sortes de produits, mais certains produits connexes, comme le
député de Notre-Dame-de-Grâce l'a mentionné, dont le
tire-bouchon; c'est fort possible que, pour certains produits connexes qui vont
avec la
bouteille de vin, on fasse une petite liste. Ce ne sera pas une liste
qui sera très longue, mais il y aurait quand même certains
produits connexes. Pour les journaux, la réponse, c'est non. Il y a une
décision à prendre là-dessus.
Jusqu'à maintenant, personne ne m'a parlé des heures
d'ouverture, mais il y aura lieu de regarder cela avec les gens de la
Société des alcools et les gens des magasins pour faire en sorte
que les heures d'ouverture puissent répondre aux demandes du
consommateur et de la consommatrice et aussi aux besoins du travailleur ou du
propriétaire, qui doit travailler pendant des heures normales. On ne
peut pas lui demander non plus d'ouvrir et de travailler 100 heures par
semaine. Ce sont les réponses les plus claires possible que je peux
donner actuellement au député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au
député de Châteauguay.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. Je vais mettre mon
chronomètre en marche.
Mme la Présidente, quand nous travaillons à
l'Assemblée nationale entre parlementaires, évidemment les
rôles sont différents. L'Opposition a un rôle de critique,
pas toujours positif malheureusement, mais quand même de critique, qui
mène parfois au résultat qu'une petite tache noire finit par
faire disparaître les bienfaits des réalisations
représentées en fait par la grande tache blanche. Pour le moment,
il m'intéresse de faire ressortir, Mme la Présidente, le fait que
les politiques gouvernementales de la SAQ, ont pour objectif, à toutes
fins utiles, le développement économique, mais, par le biais du
développement économique, le bien-être social, le
bien-être des gens concernés, le bien-être des travailleurs,
le bien-être des commerçants.
Ainsi, Mme la Présidente, vous n'êtes pas sans savoir que
c'est depuis 1919 que les commerçants demandaient d'avoir le vin dans
les épiceries. C'est en 1979, sous notre gouvernement, que cette
permission a été accordée et que, maintenant, les
épiciers peuvent vendre du vin dans les épiceries. Cela a pris
des proportions intéressantes, Mme la Présidente, je pense qu'il
faut le faire remarquer. C'est maintenant 10 000 points de vente de vin dans
les épiceries que nous connaissons. Je me rappelle avoir
participé, en 1979, à l'ouverture d'étalages de vin dans
certaines épiceries et je dois vous dire, Mme la Présidente,
qu'il y avait, à cette occasion, énormément de
fierté dans l'air, parce que c'était tellement attendu, cela
allait permettre des bénéfices tellement intéressants pour
les petits marchanus particulièrement qu'on comprendra pourquoi on
était très fier.
Le résultat pour l'année 1982-1983: dans les
épiceries il s'est vendu 835 083 caisses de vin. On sait qu'une caisse,
c'est 12 bouteilles de 750 millilitres. En 1983-1984, on est passé
à 1 022 875 caisses, une augmentation de 22,5%, alors que, dans les
succursales, on est passé, en 1982-1983, de 1 889 929 à 2 029 585
caisses. On voit tout de suite que notre politique de vente de vin dans les
épiceries n'a pas nui aux succursales, n'a pas été l'objet
de découragement dans les succursales puisqu'il y a eu aussi
augmentation dans les succursales. (11 heures)
C'est en fait l'an dernier que 100 000 000 $ de ventes de vin dans les
épiceries ont été réalisées,
c'est-à-dire en 1982. L'effet de cela - je pense bien qu'il faut le
reconnaître - c'est que non seulement on a permis à de petits
marchands de survivre et même de vivre, mais on ne parle plus maintenant,
grâce à cette politique gouvernementale, de la survie des petits
marchands, on parle maintenant de la vie normale des petits marchands, parce
que ce chiffre d'affaires que leur rapporte la vente des vins leur permet
maintenant de vivre. C'est le gros avantage pour les petits marchands
concernés, mais un des avantages aussi de cette politique, c'est que
cela a encouragé en fin de compte la production de vin au Québec,
puisqu'on a mis l'accent et qu'on continue de plus en plus à mettre
l'accent sur le vin québécois dans les épiceries. Le
résultat, c'est qu'il y a maintenant onze producteurs de vin
québécois. Cela veut donc dire que non seulement on assure la vie
des petits marchands, mais qu'on assure en plus la création d'emplois
dans des entreprises de production québécoise de vin. Je trouve
qu'on a là une occasion d'être fiers de cette politique
gouvernementale.
Je voudrais dire en terminant, Mme la Présidente, que ce
système de vente de vin dans les épiceries fait l'objet de la
curiosité de gens qui vivent autour de nous, par exemple, dans
l'ensemble canadien, il y a des provinces qui s'intéressent à
notre système. J'ai entendu parler de cela un peu. J'aimerais à
un moment donné que le ministre, dans ses prochaines interventions, nous
parle un peu de cet intérêt, nous dise comment cela se manifeste
concrètement. Je pense que cela pourrait intéresser les
téléspectateurs. Je vous remercie beaucoup, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au
député de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: Mme la Présidente, je me souviens des
paroles du ministre lorsqu'il parlait des visions de l'avenir, alors qu'il
était chef de l'Union Nationale. Je l'écoutais tantôt. Il a
toujours raison. Les autres ont toujours tort. M. le ministre, je pense qu'il
faut être plus sérieux que cela. Vous dites qu'on n'est pas pour
le monde ordinaire. Tout le monde vient dans nos bureaux de comté et je
tiens à vous dire que je fais du bureau tous les samedis, même
sans rendez-vous. Je ne sais pas combien de députés du Parti
québécois font du bureau sans rendez-vous et chez qui tous
peuvent aller à volonté. J'ai reçu les syndiqués
des magasins de la Société des alcools dans mon comté et
je tiens à vous dire qu'ils ne sont pas trop excités par votre
projet de coopératives. Cela ne les excite pas trop. Ils se posent
beaucoup de questions. Ils veulent obtenir encore beaucoup plus d'informations
qu'ils n'en ont actuellement.
J'écoutais mon collègue, le député de
Laporte, parler de certaines ingérences politiques à
l'intérieur de la Société des alcools du Québec. Il
mentionnait un voyage que vous avez fait en France avec les
représentants de l'entreprise privée. Il y a eu, à la
suite de ce voyage, la nomination de M. Lord comme président de la
Société des alcools du Québec. Les dépenses
relatives au voyage de M. Lord ont-elles été
défrayées par la Société des alcools du
Québec ou par votre ministère? On vous a interrogé
à l'Assemblée nationale au sujet de la nomination par la SAQ de
M. Pierre Allard, qui était président du Parti
québécois dans le comté de Lotbinière, c'est connu.
Ce même M. Allard donnait au Parti québécois en 1983, lors
de la campagne de financement, un montant de 495 $. M. Allard qui, dans ses
documents, dit toujours qu'il a une voix pour se faire entendre - je pense que
vous l'entendez très bien - a été nommé de
façon permanente pour un projet temporaire. Pourriez-vous nous expliquer
de quelle façon? Y a-t-il eu affichage? Y a-t-il eu une concours de
sélection pour la nomination de M. Allard? Pourriez-vous nous dire
quelle est la classification de M. Allard et quel est son travail
véritable?
Le député de Laporte a mentionné que les
décisions à la SAQ étaient chapeautées par votre
bureau de ministre. Vous avez également votre attaché politique,
M. Ouellet, qui a donné évidemment lui aussi une contribution
à la campagne de financement du PQ - ce qui est normal dans son cas -
nous nous posons des questions. Nous vous avons déjà posé
ces questions à l'Assemblée nationale à plusieurs
reprises. Vous n'avez pas répondu. Pourquoi? Ce sont des questions que
l'Opposition est en droit de vous poser. Nous vous demandons tout simplement
une réponse à la suite de cette décision de nommer M.
Allard, qui était le président de votre association et dont vous
avez dit qu'il faisait partie de la coopérative. Selon les
renseignements que nous avons, ce serait la coopérative de Manseau et on
dit que cela ne va pas trop bien. Nous regrettons que cela aille mal à
cette coopérative.
Nous voulons véritablement connaître le salaire de M.
Allard. Est-ce qu'il a été nommé par le service du
personnel? De quelle façon cela s'est-il fait? On s'interroge
là-dessus. De plus, nous pensons qu'à la suite de ces
nominations, il y a véritablement une ingérence politique. Il y a
aussi la première question qui vous a été posée par
le député d'Outremont. Encore une fois, on vous a posé la
question à savoir si vous avez eu un avis du Conseil de la
coopération. Quel était-il?
La Présidente (Mme Harel): II vous reste 30 secondes, M.
le député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Répondez aux questions que nous vous posons.
Nous vous posons des questions très directes, de la façon la plus
brève possible. Nous nous attendons que le ministre, dont relève
la Société des alcools du Québec, nous réponde ipso
facto aux questions que nous lui posons. Ce sont des questions très
légitimes et il est normal que l'Opposition pose de telles questions
à un ministre responsable d'un dossier comme celui-ci.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au ministre.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: D'abord, à la question concernant les
dépenses de M. Lord, je dirai que, tant et aussi longtemps que M. Lord
n'a pas été engagé par la Société des
alcools, il est certain que c'est l'entreprise pour laquelle il travaillait qui
a payé pour cela. Je dois même dire que ce voyage a
été très fructueux pour plusieurs entreprises et, en
particulier, pour les vins Bright's, parce que, là-bas, M. Lord a
négocié des contrats d'embouteillage pour l'entreprise dont il
était d'ailleurs vice-président.
Il a donc une excellente expérience dans le monde des affaires,
dans le monde de l'embouteillage, dans le monde du vin et dans le monde de
l'entreprise privée en général. Il a été
retenu pour ses qualités de gestionnaire dans ce sens. Au cours des
prochaines années, je pense que tout le monde au Québec pourra se
féliciter de pouvoir profiter de l'expérience et de la
compétence de gestion de M. Lord.
Quant aux coopératives de travailleurs, il est certain que si on
veut faire de telles
coopératives, on ne peut pas faire appel à quelqu'un qui
n'y croit pas. Il faut faire appel à quelqu'un qui croit aux
coopératives de travailleurs. Dans le cas de M. Allard en particulier,
si vous aviez seulement regardé dans les documents officiels de la
Société des alcools et dans la Gazette officielle, vous auriez vu
à peu près ce qu'un directeur de service peut gagner. Au fond, M.
Allard a été engagé parce qu'il était
vice-président du comité provincial des coopératives de
travailleurs du Québec et parce qu'il a une expérience dans le
domaine des coopératives de travailleurs. Si on organise des
coopératives de travailleurs, je pense qu'il faut prendre quelqu'un qui
connaît le domaine des coopératives de travailleurs.
Quant à la question plus fondamentale qu'a posée le
député de Jeanne-Mance, sur les gens qui sont pour et ceux qui
sont contre les coopératives de travailleurs, je dois dire d'abord que
le député de Jeanne-Mance a dit tout à l'heure qu'il
faisait du bureau de comté et qu'il est vrai qu'il fait du bureau de
comté, car il m'appelle de temps en temps pour des cas dans son
comté. Je pense qu'il peut toujours me rejoindre à mon bureau du
parlement ou à mon bureau de comté. Finalement, il réalise
que je fais aussi du bureau de comté à peu près les
mêmes journées que lui.
M. Bissonnet: Je n'ai pas dit que vous n'en faisiez pas.
M. Biron: Heureusement, en dehors de toute partisanerie
politique, on réussit à régler quelques cas pour des
entreprises du Québec. Là-dessus, je dois me féliciter, je
pense, de la collaboration que j'ai de tous les membres de l'Assemblée
nationale des deux côtés de la Chambre.
Quant aux cooopératives ouvrières, il y a des gens qui
sont pour et il y en a qui sont contre. C'est exact, et c'est normal, parce que
c'est une idée nouvelle. Il ne faut pas s'en faire. Mais il y a des gens
qui sont en train de promouvoir cette idée, puisque c'est une
idée nouvelle.
J'ai ici une lettre de gens d'une coopérative, d'une succursale
de la Société des alcools, dans le comté de mon ami, le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Ces gens m'écrivent:
"À la suite des discussions et des développements concernant la
nouvelle orientation de notre Société des alcools, ici, à
la succursale 23-145, il nous semble indiqué de soumettre notre
candidature afin de pouvoir participer à l'élaboration et
à la mise en marche du programme qui sera adopté dans un avenir
prochain. Le groupe d'employés se veut des plus intéressés
et enthousiastes face au programme malgré le fait que plusieurs
informations nécessaires et importantes n'aient pas été
encore clairement divulguées jusqu'à présent. Par cette
lettre, nous proposons nos services en tant que personnel compétent,
loyal et motivé, afin de pouvoir faire partie du premier wagon lorsque
le train se mettra en marche. Pour de plus amples informations..." Et les gens
signent.
Je pourrais en remettre une copie au député de
Notre-Dame-de-Grâce pour son information personnelle. C'est dans son
comté.
M. Bourbeau: Combien y en a-t-il?
M. Biron: On voit qu'il y a des gens qui sont
intéressés. C'est sûr que cela ne veut pas dire que tout le
monde est intéressé et il n'est pas question, à l'heure
actuelle, que le gouvernement du Québec force la
"coopérativation" de succursales de la Société des
alcools. Au contraire, on a dit qu'on voulait vivre une expérience avec
une vingtaine de succursales. On a déjà au-delà de 50
demandes de succursales complètes qui sont entrées: elles nous y
demandent de faire partie des coopératives, de l'expérience
pilote. On a donc l'embarras du choix. Si c'est réussi, nous
continuerons tranquillement à augmenter le nombre de coopératives
de travailleurs pour que, parallèlement, on puisse avoir les deux
systèmes, le système actuel de succursales et le système
de coopératives, jusqu'au jour où la grande majorité des
gens formeront des coopératives.
Vous en voulez une autre lettre? J'ai ici une lettre du comté de
Saint-Laurent; c'est un autre comté libéral. Des gens
m'écrivent: "Nous, soussignés, employés du magasin 23-166,
après avoir pris connaissance du projet de base de la franchisation
daté du 21 mars et après consultation entre nous, sommes
unanimement intéressés audit projet. Nous envisageons sa mise en
avant comme un défi commun à atteindre et à relever. Ayant
foi en l'avenir de notre société, le nouveau souffle
apporté par la privatisation permettra d'ouvrir des barrières
rigides, souvent poussiéreuses et sectaires, vers un nouvel horizon
dynamique et serein. Nous serions extrêmement flattés et
honorés de pouvoir participer avec toute notre compétence et
notre savoir à la réussite de ce projet qui nous tient à
coeur. Nous sentons que le moment est propice pour nous, citoyens de classe
moyenne, du monde ordinaire, d'aller de l'avant, de retrousser nos manches,
d'inventorier nos idées, nos concepts, de braver les intempéries
et les embûches pour faire de ce projet historique une réussite
à l'image du pays de demain. Dans l'attente, soyez assurés que
nous poursuivrons notre travail au sein de nous-mêmes..." Et les gens
signent. C'est dans le comté de Saint-Laurent.
La Présidente (Mme Harel): M. le
ministre, votre temps de parole est expiré. Il vous reste dix
secondes.
M. Biron: Je pourrais citer de nombreuses lettres dans ce
sens-là. Je veux simplement dire aux députés de
l'Opposition qu'il n'est pas question de forcer des gens à devenir des
coopérateurs. Il est simplement question de mettre de l'avant un
système qui sera une alternative à l'autre système qui
existe présentement.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au
député de Champlain.
Argumentation
M. Gagnon: Mme la Présidente, je suis heureux que le
ministre mentionne encore une fois - je crois qu'il faudra le faire le plus
souvent possible - que cette expérience est sur une base volontaire et
qu'il n'est pas question de forcer quelqu'un à s'embarquer dans cette
expérience. Je pense qu'au fur et à mesure, vous aurez
sûrement des demandes de plus en plus grandes de gens qui voudront faire
partie de cette expérience. Les libéraux nous disent: Nous
autres, on fait du bureau de comté et les gens viennent nous rencontrer
pour nous dire qu'ils ne sont pas d'accord. Un peu comme le mentionnait le
ministre, nous faisons aussi du bureau de comté. Pour ma part, j'en fais
très souvent et la période après Pâques n'a pas
été une période de vacances. Cela a été une
période pour visiter les gens de mon comté
précisément pour parler, entre autres, de ce dossier.
Je voudrais également vous citer, Mme la Présidente, une
lettre qui vient d'un groupe d'employés de succursale de la SAQ du
comté de Robert Baldwin. C'est également un comté
représenté par un libéral, M. O'Gallagher. La lettre
s'adresse à M. Lord, le président, et se lit comme suit: "Le
projet de privatisation du réseau de succursales de la
Société des alcools a suscité beaucoup d'attentes. Cette
déclaration d'intention de la part de nos dirigeants nous a
amenés à faire une réflexion personnelle sur notre
situation présente et future au sein de notre entreprise de la SAQ.
Après consultation, nous avons donc formé une équipe et
nous avons entrepris des démarches communes, évaluant nos forces,
nos faiblesses, nos aptitudes respectives, nos affinités et notre
capacité de travailler en équipe, notre facilité
d'adaptation, nos antécédents, nos aspirations et nos
disponibilités. Notre période de réflexion étant
terminée, nous vous prions de bien vouloir considérer notre
demande pour une participation active dans le cheminement expérimental
que vous semblez vouloir proposer." (11 h 15)
On en parle avec beaucoup d'éloquence et on demande au ministre,
on demande à la société de retenir ce groupement. C'est
signé par M. Réal Nadeau, M. Aubry, M. Walford, M. Comtois.
Des lettres comme celle-là et des intentions, des appels
téléphoniques de ce genre, on en a eu également dans nos
comtés, ce qui prouve bien que les travailleurs québécois
et les travailleuses québécoises ont le goût
d'expérimenter cette formule, sachant fort bien que ce n'est pas,
évidemment, sur la base du volontariat et que les employés ne
perdront pas leur privilège d'employé par rapport à
l'expérience. En terminant, je voudrais poser une question au ministre.
Je vois que, jusqu'à maintenant, 150 personnes environ veulent
participer et il y aurait 33 groupes de formés pour 62 succursales sur
360. Est-ce que la liste se termine là? Est-ce qu'il y a
possibilité de recevoir, si des gens d'autres régions voulaient
participer à cette expérience, encore des demandes ou si, sur une
base expérimentale, on considère que le nombre est suffisant
actuellement?
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Selon un document émis par la
Société des alcools du Québec et intitulé
"Politique de mise en marché", que j'exhibe ici, il est dit que toutes
les transactions de la Société des alcools doivent se faire dans
l'intérêt de toutes les parties concernées, dont tout
particulièrement les clients de la SAQ, et que cette dernière
doit assurer la protection qu'ils sont en droit d'exiger en tant que
consommateurs. Un peu plus loin, il est déclaré que l'achat de
produits de la SAQ est conditionnel au respect par le fournisseur des normes de
la SAQ concernant l'étiquetage des produits. En effet, toute indication,
appellation ou marque relative aux produits figurant sur une étiquette
doit être précise et ne prêter à aucune confusion ou
méprise possible de la part du consommateur.
Or, il se fait présentement dans l'industrie du vin un tripotage
d'étiquettes tel que le consommateur est très souvent
leurré. Les étiquettes de vins vendus au Québec doivent
porter l'une de deux mentions, soit que les vins ont été
élaborés au Québec ou soit qu'ils sont importés de
l'étranger.
Or, lors de la lune de miel du ministre en France l'automne dernier, le
ministre avait promis à ses amis de l'industrie du vin de réduire
de 0,75 $ le litre le prix des vins "élaborés" au Québec.
Il faut bien savoir qu'un vin "élaboré" au Québec est
traditionnellement un vin fabriqué à partir soit de raisins
pressés et fermentes sur place ou à partir de moût
importé, soit des
concentrés de vin dont on fait repartir la fermentation à
l'aide de ferments. Jusqu'à récemment, la loi permettait
d'ajouter au vin fermenté au Québec un maximum de 20% de vin
importé en vrac et mélangé au vin fermenté au
Québec. D'après les experts, le mot "élaboré"
signifie "vinifié" ou "fermenté" et il faut nécessairement
qu'il y ait un processus de vinification pour que puisse être
utilisée l'expression "élaboré". Comme l'industrie
québécoise du vin n'est plus tellement intéressée
à vinifier ou à fermenter ses vins au Québec depuis
qu'elle a obtenu du ministre la permission d'importer en vrac le vin
étranger, l'industrie a commencé à élargir le sens
du mot "élaboré" afin d'y inclure les vins importés.
Il suffit donc de mélanger entre eux deux vins importés
pour que, selon l'industrie et le ministre, on puisse dorénavant
utiliser l'expresion "vin élaboré" au Québec et avoir
ainsi accès à la réduction de 0,75 $ le litre qui s'y
rattache. Pourtant, le règlement gouvernemental sur le vin ne permet pas
cette interprétation puisqu'il spécifie à l'article 8 du
règlement: L'indication de l'origine d'un vin se fait selon l'une des
mentions suivantes. Produit élaboré au Québec ou
élaboré au Canada, lorsque le vin est élaboré au
Québec avec ou sans l'addition de vin provenant de l'extérieur du
Québec.
C'est donc essentiel qu'il y ait au départ un vin
québécois fabriqué au Québec, auquel on ajoute ou
non, selon le cas des vins qu'on mélange, des vins de l'étranger.
Il doit y avoir au départ un vin qui n'est pas étranger pour que,
selon le règlement, on puisse avoir droit à l'expression
"élaboré au Québec". C'est clair, c'est dans le
règlement. Le ministre, quant à lui, continue de prétendre
que le mot "élaboré" signifie également
"mélangé", sans distinction de la provenance du vin, ce qui est
un véritable contresens et une de ces pirouettes dont seul le ministre a
le secret. Où se trouve la protection du consommateur devant un tel
état de fait? Comment le consommateur peut-il distinguer
dorénavant entre un vin importé de France et un vin
élaboré au Québec puisque deux bouteilles d'un vin
identique pourront dorénavant arborer des étiquettes
différentes. Il s'agit, dans ce cas, de fausse représentation et
de tripotage d'étiquettes.
D'autre part, les consommateurs québécois savent-ils qu'on
permet aux producteurs de vins québécois de changer à
volonté le nom et, par conséquent, les étiquettes des vins
qu'ils fabriquent sans pour autant les avertir qu'il s'agit d'un même
vin? Dès qu'un vin commence à se vendre mal ou que les
consommateurs ne semblent plus en vouloir, on n'a qu'à trouver un
nouveau nom, changer l'étiquette et continuer à le
présenter sur les tablettes des succursales de la SAQ comme si
c'était un nouveau vin. Ainsi, les consommateurs savent-ils que certains
vins présentement en vente sur les tablettes de la SAQ ont changé
de nom plusieurs fois sans que les consommateurs soient avertis du fait que
seuls le nom et l'étiquette variaient d'une bouteille à l'autre?
Il me semble, Mme la Présidente, que si le ministre veut mettre à
exécution son projet d'exporter vers les États-Unis des vins
élaborés ou embouteillés au Québec, il devrait
réaliser qu'il est important que les consommateurs sachent exactement de
quoi il s'agit et qu'on cesse de tripoter ainsi les étiquettes, ce qui
ne peut avoir comme effet que d'enlever toute crédibilité
à l'industrie québécoise du vin et à la
Société des alcools du Québec. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au ministre.
M. Biron: Mme la Présidente, je voudrais commencer par
répondre au député de Champlain qui m'a posé la
question à savoir s'il y avait possibilité d'augmenter la liste
des expériences que nous allions vivre au Québec dans les
magasins coopératifs, parce qu'il y en a beaucoup d'autres dans d'autres
régions du Québec qui en font la demande.
Il est exact qu'à peu près chaque jour on reçoit
des demandes d'information de gens qui veulent y participer. Dans certaines
succursales, il y a parfois des groupes de six employés dont trois sont
intéressés et les trois autres ne le sont pas dans
l'immédiat. Ces trois-là nous demandent: Qu'est-ce qu'il arrive
de nous? Est-ce qu'on pourrait aller dans une autre succursale vivre
l'expérience avec d'autres qui sont intéressés? On est en
train de faire un choix. J'ai dit tout à l'heure qu'on avait l'embarras
du choix de ce côté-là. Pour la première
expérience, on a l'intention de choisir une vingtaine de succursales.
C'est sûr qu'il y en a qui vont être sur la liste d'attente pour la
suite de l'expérience, si elle est concluante. Mais nous croyons qu'avec
une vingtaine, on pourrait vivre l'expérience comme il faut et savoir si
c'est vraiment concluant, si c'est positif envers les travailleurs et les
travailleuses.
Je suis convaincu de la valeur de ce projet de loi. Je vois qu'il y aura
dans l'avenir des dizaines de milliers de travailleurs de commerce, des gens
qui vont se réunir dans un même commerce pour vendre de la
lingerie, des chemises; des gens qui vont se réunir dans un restaurant
pour former des coopératives de travailleurs, être
propriétaires, être économiquement souverains dans leur
propre commerce. Dans ce sens, je vois l'avenir s'orienter vers cette forme de
participation des travailleurs ou de coopératives de travailleurs.
Mais, au départ, comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis
quand même assez prudent habituellement, j'aime regarder les dossiers et
faire les pas au fur et à mesure que je suis capable de les faire. Je
juge qu'une vingtaine d'expériences en six mois pourraient être
suffisamment concluantes pour ensuite prendre une décision. Cela veut
dire qu'à la question du député de Champlain, je
réponds: Oui, nous recevons encore des demandes et s'il y a des gens
intéressés, bien sûr, on est intéressé
à étudier leurs demandes. Nous voulons vivre des
expériences non seulement dans une région du Québec, mais
dans toutes les régions. Cela veut dire qu'il y en aura dans la
Mauricie, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en Abitibi, en Gaspésie, en
Estrie, dans l'Outaouais - enfin partout - de même qu'à
Montréal et à Québec. Dans ce sens, les gens qui veulent
nous faire parvenir leur demande peuvent le faire, soit au président de
la Société des alcools du Québec, ou à
moi-même, on va étudier ces demandes pour être certain d'en
avoir dans toutes les régions.
Comme deuxième étape, on voudra préparer ces
gens-là. On a obtenu la collaboration de l'École des hautes
études commerciales qui offre un module de coopérative et il
n'est pas question de laisser aller les gens s'ils n'ont pas une formation de
coopérateurs. Déjà l'École des hautes études
commerciales nous assure de son appui pour donner un cours, relativement
restreint, mais un cours sur la coopération sur ce qu'est la vie
coopérative, comment on participe aux décisions dans une
coopérative, si c'est vrai que, chaque matin, on change de chemise, ou
s'il n'y a pas de planification stratégique qui se fait avec le temps.
Comme vous voyez, on ne veut pas y aller les yeux fermés, mais on veut
bien préparer nos étapes et y aller à petits pas. Nous
recevrons les demandes et nous en choisirons une vingtaine en vue de la
première expérience.
Quant à la question du député de Laporte concernant
le vin élaboré au Québec, je pense que c'est une question
qu'il faut se poser et qu'on s'est posée, nous aussi: Quel est
l'objectif qu'on veut atteindre? C'est la création du maximum d'emplois,
du maximum de transformation de produits québécois d'abord pour
atteindre le maximum d'emplois. Tout ce qu'on peut faire au Québec, on
essaie de le faire, mais ce qu'on ne peut pas faire au Québec, cela ne
donne rien de s'entêter, parce qu'on fait partie du marché
mondial. On vend beaucoup à l'extérieur du Québec. Le
Québec est un pays exportateur. Il ne faut pas s'attendre qu'on va
répondre à 100% de nos besoins, qu'on va être autosuffisant
à 100%, qu'on ne vendra jamais à l'extérieur, qu'on
n'achètera jamais de l'extérieur. Au contraire, je pense qu'il y
a du commerce et du va-et-vient qui sont reliés à cela.
Dans le fond, c'est une analyse économique, une analyse d'hommes
d'affaires qu'on a faite et on s'est demandé quelles étaient nos
forces et nos faiblesses. Nos forces: produire des bouteilles, des cartons,
faire de l'embouteillage, des étiquettes. On est assez fort dans la
vente et dans la stratégie de marketing. Quant à l'exportation,
le Québec est le pays qui protège le mieux ses exportateurs avec
tous les programmes qui existent à la fois à Québec et
à Ottawa. Dans ce sens, on est très fort dans l'exportation. Mais
on s'est demandé ce qu'on était capable de faire et ce qu'on
n'était pas capable de faire? On ne se cachera pas la
vérité. Je ne pense pas que jamais on ait de vignes au
Québec en très grande quantité. Ce sera difficile de
produire notre propre vin. On est mieux d'acheter le vin à
l'extérieur, de faire des affaires avec la France, l'Italie, l'Espagne,
etc. Le ministre de l'Agriculture de la France nous a offert cette semaine -
lundi -de participer à un consortium d'exportation: de produire son vin,
nous, on va produire les bouteilles, les étiquettes, on va le vendre aux
États-Unis. Je pense que c'est un signe évident de la
volonté du gouvernement de produire un produit de qualité, de
conquérir des marchés et de créer des emplois. Dans ce
sens, on est prêt à produire ce qu'on est capable de faire et on
va continuer à acheter le vin à l'extérieur,
mélangé au Québec, qui va être un vin
élaboré au Québec et un vin de qualité qui va
être vendu sur les tablettes des magasins et des épiceries.
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais aborder
deux questions, une première brièvement. Dans un passé
encore récent, il a été question à la SAQ de
construire un siège social. On sait que présentement la SAQ est
installée dans la bâtisse qui constituait l'ancienne Prison des
patriotes. Beaucoup de Québécois patriotes ont demandé que
l'on fasse en sorte qu'il existe, à partir de cette bâtisse, en
partie tout au moins, un Musée des patriotes. J'aimerais savoir de la
part du ministre s'il y a des projets à la SAQ à ce sujet?
Comment est-ce que cela pourrait se concrétiser?
Ma deuxième question, Mme la Présidente - on a encore des
réflexes à faire disparaître - je voudrais parler des
agents promotionnels. Il existait - et c'est mon inquiétude profonde -
sous le régime qui nous a précédés, sous les
libéraux et avant d'ailleurs, un système de listing qui
permettait à des gens de faire des pressions
sur les producteurs étrangers. Évidemment, ce genre de
système avait l'inconvénient de donner de mauvaises impressions
aux étrangers, des impressions en ce sens que, par exemple, des gens
proches de l'Assemblée nationale, proches du monde de l'Assemblée
nationale, puissent utiliser ce système de listing pour faire valoir
leurs intérêts personnels et à l'encontre de
l'intérêt général du Québec. Ma crainte,
à cause de certaines informations que j'ai eues, est que ce
système pourrait perdurer.
Il est toujours délicat évidemment de parler de ce genre
de choses, de nommer des personnes, mais il est parfois important, pour bien
démontrer l'importance de la question, de nommer des personnes. Par
exemple, dans la liste des personnes reliées à des agences
promotionnelles, je vois le nom de Mme Élaine Blank. Si je ne me trompe,
cette personne est une personne très proche du député de
Saint-Louis. On voit dans cette liste le nom de Mme Monique Bourbeau-Landry,
qui est une personne très proche parente du député de
Laporte. On voit dans cela, le nom d'une personne qui était un ancien
garde du corps du premier ministre Lesage. On voit une personne du nom de
Gilles Hébert qui, tout le monde le sait, est relié à la
caisse électorale des conventions pour la "chefferie" de M. Ryan,
l'ancien chef du Parti libéral. On pourrait en nommer plusieurs autres.
Mon inquiétude, M. le ministre, c'est qu'effectivement il y ait
là des indications - je ne dis pas que cela est le cas - mais je dis
qu'il y a des indices que ce système pourrait perdurer. M. le ministre,
je voudrais savoir s'il est possible que des gens qui ont des agences
promotionnelles puissent utiliser le fait qu'ils sont parents avec des membres
de l'Assemblée nationale, dans le passé et aujourd'hui, pour
faire des pressions sur les producteurs étrangers? Je voudrais savoir,
M. le ministre...
M. Bourbeau: La pression est très forte à la
SAQ.
M. Dussault: ...quels sont les revenus que ces personnes peuvent
aller chercher...
M. Bourbeau: ...on a bien du...
M. Dussault: ...par un possible système de listing? Par
exemple, on m'a dit qu'une personne...
M. Bourbeau: On est très populaire à la SAQ,
nous!
M. Dussault: ...qui a commencé des activités
économiques de cet ordre il y a trois ans en est rendue après
trois ans à un chiffre d'affaires de 300 000 $. Il y a lieu de vraiment
de se poser des questions sur cela. Je pense qu'il y aurait lieu aussi de
savoir quelles sont les personnes qui sont derrière ces agences
promotionnelles et qui permettent effectivement à des personnes de
profiter, si c'est le cas, d'un système de listing? (11 h 30)
M. le ministre, il me semble que cela mérite une enquête.
J'aimerais qu'on pousse cela, qu'on aille voir ce qui se passe derrière
tout cela. Je pense que cela satisferait tout le monde. S'il n'y a rien, on
sera tous satisfaits de savoir que les choses fonctionnent correctement. S'il y
a des gens qui doutent du système de "listing" qui existait sous les
libéraux, à ce moment-là, on en aura le coeur net. Il
faudra faire le nécessaire pour faire les corrections. J'aimerais, M. le
ministre, que vous m'éclairiez...
M. Bourbeau: ...
M. Dussault: ...sur cette question-là. Merci, Mme la
Présidente.
Le Présidente (Mme Harel): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Mme la Présidente, je crois que le
député de Châteauguay est ineffable. Dire que, parce que
les gens sont alliés avec l'Opposition, cela les aiderait à avoir
les faveurs du gouvernement péquiste, franchement, il faut
"déconner", ce n'est pas possible.
J'entendais le ministre répondre au député de
Laporte sur les étiquettes et sur les manipulations dont la SAQ se
rendait complice. J'ai compris qu'il favorisait la création d'emplois en
leurrant les consommateurs québécois. Sans aller plus loin de ce
côté-là, la proposition que le ministre fait d'une
façon générale est le genre de proposition d'un homme qui
vous veut du bien. Pour tous ceux qui ont été en affaires, quand
on reçoit des lettres qui concluent par "ceci est une lettre de
quelqu'un qui vous veut du bien", immédiatement, on commence à se
demander s'il n'y a pas anguille sous roche. Vous savez que, dans ces
cas-là, on fait des propositions très alléchantes mais on
se dit qu'il doit y avoir quelque chose sous cela, ce n'est pas possible.
J'entendais tout à l'heure le député de Champlain
dire qu'il était aussi favorable à cela. Je me demandais si
réellement il avait étudié les propositions d'une
façon bien approfondie. Il y a une question que je n'ai pas pu poser
tout à l'heure, parce que la présidente a été
très rigide dans l'application du règlement, et je n'ai pas pu
terminer mon intervention. Il y avait une question qui a été
posée par le Conseil de la coopération du Québec qui se
demandait ce qui arriverait aux employés actuels, s'ils ne veulent pas
faire partie d'une coopérative. Le projet de
loi qui a circulé et que le ministre a préparé dit
que deux employés pourraient faire une coopérative. Supposons
qu'il y a des magasins - il y en a sûrement dans toutes les villes du
Québec, que ce soit à Drummondville, à Sept-Îles,
à Shawinigan, à Rouyn-Noranda, à Jonquière - que
deux employés décident de former une coopérative,
qu'arrive-t-il aux autres? Est-ce qu'ils perdent leur emploi et que le ministre
leur dit de s'en aller à Montréal, à Chibougamau, à
Matagami? Qu'arrive-t-il aux autres? C'est une question à laquelle on
n'a pas de réponse. Il pourrait bien arriver que, dans le comté
de Champlain même, deux employés soient d'accord mais que les huit
ou les quinze autres ne le soient pas. Que feront-ils? C'est tout le principe
de la liberté d'adhésion à une coopérative et je ne
suis pas certain que la proposition du ministre va permettre de satisfaire aux
objections du conseil de la consultation.
Par ailleurs, les gens d'en face nous disent qu'ils veulent du bien aux
travailleurs. Ce qui est curieux, c'est que tous les syndicats sont contre;
c'est curieux. Je ne comprends pas. Le Devoir du 5 avril dit que la CSN est
contre le projet de la SAQ; le Soleil du 8 mars dit que les syndiqués de
la SAQ verseront 1% de leur salaire à une campagne d'information; la
Gazette du 23 février dit: "QLC staff wary of co-op idea"; le Soleil du
12 janvier: "Les employés de la SAQ veulent un siège au conseil
d'administration." On est bien loin de l'adhésion totale des
travailleurs. On nage en pleine contradiction. Quand je lis le programme du
Parti québécois, on est censé favoriser au Québec
l'avènement d'un syndicalisme dynamique et l'État
québécois doit favoriser la syndicalisation massive des
travailleurs.
Mme la Présidente, on nage en pleine confusion. Peut-être
que le Parti québécois, qui a perdu l'adhésion des
syndicats qu'il avait dans le passé, a décidé de mettre de
l'avant son programme justement pour liquider les syndicats qui
coopèrent un peu moins avec le gouvernement qu'ils le faisaient dans le
passé. Le projet qui est mis de l'avant par le ministre vient justement
de ce genre de proposition qui est faite dans le domaine des affaires,
très souvent, d'une personne qui vous veut du bien. Lorsqu'on scrute un
peu, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de difficultés qui
surviendront; on s'aperçoit que les travailleurs de différentes
villes du Québec pourront se retrouver sans emploi si jamais cette
proposition était mise de l'avant.
Je demande au ministre s'il peut nous dire s'il a eu des contacts
officiels avec les syndicats. Est-ce que les syndicats ont appuyé cette
démarche? Est-ce que les syndicats n'auraient pas plutôt
demandé de retarder tout le programme pour leur permettre
d'étudier ce projet en profondeur? Se pourrait-il que des
employés perdent leur emploi dans certaines villes du Québec et
que ces gens-là soient obligés de changer de ville pour trouver
un autre emploi?
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.
M. Biron: Mme la Présidente, je commence par la
dernière question du député d'Outremont. Cela ne se peut
pas que des employés perdent leur emploi. Avec le système que
nous préconisons - je le répète, je l'ai dit des dizaines
et des dizaines de fois, je comprends que le rôle du Parti
libéral, c'est de faire peur aux gens, il est habitué à
cela, mais c'est volontaire - là où les employés des
succursales veulent travailler ensemble et veulent former une
coopérative, si c'est unanime, nous l'acceptons. On a assez de demandes
pour vivre l'expérience; on a 50 à 60 demandes de succursales au
moins et on veut en vivre dans une vingtaine. On en a assez pour vivre la
première expérience. Après cela, les travailleurs et les
travailleuses ne sont pas fous, s'ils voient que c'est pour leur bien, que
c'est intéressant pour eux, que c'est plus payant, bien sûr qu'ils
vont y participer.
Dans le cas que citait tout à l'heure le député
d'Outremont en disant: S'il y a deux employés, qu'est-ce qui arrive des
huit autres? Il n'y aura pas de coopérative dans cette succursale
donnée parce qu'on a ailleurs d'autres coopératives, d'autres
succursales qui nous demandent d'être des coopératives et je pense
qu'on peut vivre notre expérience et, après cela, on verra les
autres étapes à franchir.
Vis-à-vis des syndicats, les gens de la Société des
alcools ont eu plusieurs rencontres avec les syndicats, moi aussi
personnellement. Avant de dire que les syndicats sont contre - c'est facile de
charrier - j'invite le député d'Outremont, s'il est trop
important pour rencontrer les syndicats, au moins qu'il prenne le
téléphone et qu'il les appelle. Il verra que ce n'est pas si vrai
ce qu'il vient de dire, il verra qu'il y a des nuances, et beaucoup,
là-dessus. Trois syndicats, à l'heure actuelle, se sont
dissociés du front commun parce qu'ils veulent laisser leurs membres
vivre l'expérience. Le quatrième continue à dire: Non,
pour le moment, nous ne sommes pas d'accord. Je comprends leur attitude. C'est
nouveau et il est difficile de comprendre quelque chose de nouveau, il y a une
certaine résistance au changement, je pense que c'est tout à fait
normal dans la population. Quand arrive une idée neuve comme cela, avant
de l'accepter, il y en a qui prennent plus de temps que d'autres. Il
faut leur laisser le temps nécessaire là-dessus.
Le conseil de la coopération, dans le fond, s'est penché
sur un avant-avant-avant-projet qu'on leur a fait parvenir par les voies
normales des fonctionnaires; personnellement, je n'ai pas encore demandé
l'avis du Conseil de la coopération là-dessus. Je me propose de
le faire. J'attendais que les consultations soient terminées. J'ai
discuté à plusieurs reprises avec beaucoup de gens
là-dessus pour savoir exactement ce qu'on va mettre dans notre projet.
Le projet est presque terminé, il y encore des améliorations
à y apporter. Je suis certain que si l'Opposition voulait collaborer au
projet, on pourrait encore l'améliorer. Ce matin, on a eu l'exemple du
député de Notre-Dame-de-Grâce qui a eu un discours
très positif, très constructif. Je pense que cela peut nous
forcer à réfléchir et à essayer d'améliorer
notre projet dans ce sens.
Si vous voulez savoir ce que les coopératives en pensent, je vous
disais que j'étais hier et avant-hier au sommet économique de la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le mouvement des coopératives
du Saguenay-Lac-Saint-Jean a décidé hier -cela a
été accepté unanimement autour de la table; il n'y a pas
eu un vote contre - a proposé que le Mouvement coopératif
régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean favorise la création de
sociétés coopératives ouvrières de production en
répondant aux besoins et demandes des individus intéressés
et participe au développement des SCOP existantes en mettant à
leur disposition des ressources humaines et financières. Les discours
qui se sont tenus autour de la table ont été des discours
avant-gardistes, des discours d'avenir. Tous les gens du monde de la
coopération du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont dit: c'est le temps plus que
jamais d'avoir des idées neuves et de développer le monde de la
coopération. Les syndicats ouvriers qui étaient autour de la
table ont accepté. Les chefs d'entreprises ont accepté, les
représentants des municipalités ont accepté. C'est vrai
que le Saguenay-Lac-Saint-Jean est peut-être une région qui est
plus à l'avant-garde que les autres, et bravo! j'aime cela. Il y a aussi
d'autres régions qui sont prêtes à aller dans ce sens parce
qu'il y a des individus, des hommes et des femmes plus dynamiques, qui sont
prêts à accepter des idées nouvelles dans ce sens.
Les coopératives ouvrières de production ne seront jamais
imposées - je le répète ici, je l'ai dit à
plusieurs reprises et je le répéterai toujours - à nos
travailleurs. Ce qu'on va faire tout simplement, c'est qu'on va prendre les
demandes qui nous viendront là où il y a unanimité. On va
essayer de former de ces coopératives et les faire travailler.
Ensuite, l'autre étape à franchir... Mme la
Présidente, juste une question de règlement maintenant. On m'a
dit que j'avais les dix avant-dernières minutes et que le
député de Laporte avait les dix dernières minutes. Est-ce
exact?
La Présidente (Mme Harel): C'est bien le cas. Mais il vous
reste encore une minute pour compléter votre intervention. Par la suite,
j'inviterai un député du côté ministériel et
un député de l'Opposition à intervenir au plus chacun
pendant deux minutes. Nous terminerons avec le ministre et l'interpellant,
c'est-à-dire le député de Laporte, pour les
dernières dix minutes.
M. Biron: Je termine sur ce point, Mme la Présidente. Je
garderai mes dix minutes pour plus tard. C'est tout simplement pour dire que je
répète, pour les députés de l'Opposition, qu'il ne
faudrait pas s'effrayer pour eux. Je leur recommande et je leur demande, en
toute amitié dans le fond, de ne pas faire peur aux gens. Le projet que
nous voulons vivre est un projet expérimental. On ne forcera personne.
Deux systèmes vont cohabiter, le système des succursales et le
système des coopératives. Au fur et à mesure que les
travailleurs et les travailleuses se sentiront prêts et aptes à
prendre toute la responsabilité et à devenir souverains
économiquement, nous sommes prêts à répondre
"présents" à leur demande. On va leur accorder la permission de
diriger des coopératives de travailleurs dans les magasins où les
gens se sentiront prêts à l'accepter.
La Présidente (Mme Harel): Pour terminer, M. le
député de Châteauguay, une intervention de deux minutes.
Par la suite, ce sera le député de Laporte avant qu'il ait
donné le temps de parole au ministre et à l'interpellant. Donc,
la parole sera au député de Châteauguay et, par la suite,
au député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. D'abord, deux
points. Je voudrais revenir sur l'éventuelle découverte qu'on
ferait du côté d'un système de listing, parce que c'est
trop facile pour l'Opposition de prendre cela à la légère
comme elle l'a fait tout à l'heure en disant: Voyons donc! Ce n'est pas
possible pour un libéral d'obtenir une faveur pareille d'un gouvernement
péquiste. Je pense que c'est ignorer ou feindre d'ignorer que ce ne
serait pas le gouvernement péquiste qui permettrait qu'on ait de telles
faveurs du côté libéral. Ce seraient des gens dans la SAQ
qui permettraient que de telles faveurs soient obtenues. C'est une distinction
très importante. Ces gens-là renvoient cela facilement comme cela
parce qu'ils ne voudraient pas, évidemment, qu'on découvre
des choses qui ne leur seraient pas très favorables.
L'autre point, c'est la question de la "coopérativation". Je
voudrais pour ma part conclure là-dessus comme ceci. Je voudrais que le
député d'Outremont fasse l'effort de vérifier dans son
comté s'il n'y aurait pas des travailleurs à la SAQ
intéressés à avoir une coopérative de commerce. Je
vais lui donner l'indication immédiatement. À la succursale
23-124, très spécifiquement au 5507, Côte-des-Neiges, tout
près d'Édouard-Montpetit, il y a un groupe de travailleurs
intéressés à avoir une coopérative. Ils ont fait
une demande très expresse à M. Lord de la SAQ. J'aimerais que le
député d'Outremont - et je termine là-dessus - fasse
l'effort de regarder s'il n'y a pas là la possibilité d'aider les
travailleurs de son comté, d'aider les travailleurs à se prendre
en main, à devenir, dans son coin, chez lui, dans le comté
d'Outremont, souverains économiquement. Cela me paraît important
qu'on fasse cet effort et s'il y a des problèmes sur le plan juridique,
on les réglera, si on pense qu'il y a un intérêt pour les
travailleurs à ce qu'on le règle dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Harel): Votre temps de parole est
maintenant expiré.
M. Dussault: J'ai terminé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ayant écouté le ministre ce matin en
réponse à mes questions, j'ai un message à lui transmettre
et un message à transmettre aux personnes de mon comté qui lui
ont écrit en lui manifestant le désir de participer à
cette expérience. Je leur propose de faire très attention.
Premièrement, le projet de coopérative comprenant deux ou trois
personnes, ce n'est pas une coopérative, c'est effectivement, si vous le
regardez, un système caché pour créer quelque chose du
secteur privé capitaliste. Une coopérative de trois personnes,
c'est effectivement le système capitaliste, ce n'est pas le
système coopératif. Les personnes qui vont s'installer dans cette
affaire vont se trouver dans le secteur en concurrence avec des compagnies
détaillantes qui vendent déjà de la bière et du
vin, avec une série de règlements très
sévères. Il va y avoir un règlement sur les prix minimums
et maximums, un autre règlement sur une liste de produits exclusifs, un
autre règlement sur une liste de produits obligatoires, un autre
règlement sur les heures d'ouverture, un autre règlement sur les
garanties de marge brute et peut-être un autre règlement sur les
déficits d'inventaire qui peuvent arriver, un autre règlement sur
la définition de leur territoire, un autre règlement sur les
droits de se déplacer à l'intérieur de ce territoire,
probablement un autre règlement sur les produits additionnels qu'ils
peuvent vendre ou pas vendre dans les magasins, et j'en passe. Vous serez les
prisonniers, dans le secteur privé, d'une gamme de règlements qui
vont, quant à moi, rendre très difficile le succès d'une
telle aventure. (11 h 45)
La Présidente (Mme Harel): La parole est au ministre. Le
temps de parole est de dix minutes.
Conclusion M. Rodrigue Biron
M. Biron: J'aborderai pour commencer l'intervention du
député de Notre-Dame-de-Grâce. Il a peut-être rempli
son rôle de critique de l'Opposition en se faisant brasser un peu par ses
collègues parce qu'il n'avait pas attaqué assez le gouvernement
tout à l'heure et il a fallu qu'il se reprenne un petit peu.
Il n'y aura pas de règlements. Il n'y en aura pas plus qu'il y en
a chez Mcdonald's. Chez Mcdonald's, c'est une franchise que les gens ont. Bien
sûr, ils sont obligés de suivre certaines règles strictes
parce que c'est la qualité du produit, l'environnement, etc., qui sont
concernés. Or, dans le sens que disait le député de
Notre-Dame-de-Grâce, qu'il y aurait un tas de règlements
tatillons, non, il y aura tout simplement des règles à suivre qui
seront normales comme partout dans le milieu des affaires.
Au fond, ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut fonctionner avec des
travailleurs et des travailleuses, enfin, avec du monde intelligent, des gens
qui sont capables de gérer leurs propres affaires et qui sont capables
d'être indépendants économiquement dans ce sens-là.
On va les aider. On va leur donner le coup de main nécessaire, on va
leur donner le coup de main dont ils ont besoin, et on fonctionnera comme pour
une franchise du secteur privé dans ce sens-là.
On a dit: Oui, mais s'il y avait deux, trois, quatre ou huit ou dix
personnes, ce n'est pas une coopérative. Il y a deux sortes de
coopératives: II y a les coopératives de consommateurs, et cela
prend plusieurs consommateurs, cela veut dire des centaines et des centaines de
consommateurs. D'autre part, il y a des coopératives de travailleurs. II
y a plusieurs coopératives de travailleurs qui ont un très grand
succès. Saviez-vous que, au cours de la dernière année, on
a fondé une quarantaine de coopératives de travailleurs dans la
province de Québec. La plupart ont un très grand succès.
Des coopératives de travailleurs ont repris des
entreprises qui étaient littéralement en faillite. Je n'ai
qu'à vous citer le cas de Cadimac, à Québec: dans toutes
les régions, on a formé une fédération avec cela.
Maintenant, on a des garages qui sont des coopératives de travailleurs
et qui sont un succès, à tous points de vue. Pourquoi? Parce que
le gouvernement du Québec a fait confiance à ces travailleurs. On
leur a donné le coup de pouce nécessaire. Aujourd'hui, la
qualité du produit est réelle.
Dans ce sens, une coopérative de travailleurs en soi, c'est plus
petit et les membres y sont moins nombreux que dans une coopérative de
consommateurs. Il peut y avoir trois, cinq ou huit ou dix travailleurs qui
réunissent leurs efforts.
L'exclusivité dont faisait part tout à l'heure le
député de Notre-Dame-de-Grâce, bien sûr que les gens
auront l'exclusivité dans nos coopératives de la
Société des alcools. Les spiritueux, par exemple, seront
exclusifs. Seuls les magasins de la Société des alcools et les
coopératives, pourront vendre des spiritueux. Seuls, les magasins de la
Société des alcools avec les coopératives vont vendre du
vin de marque renommée. Il y a de l'exclusivité mais pour une
certaine gamme de produits - à peu près le tiers des produits -
il y a de la concurrence, comme cela existe actuellement à la
Société des alcools. Je ne vous cache pas que la SAQ est
obligée de concurrencer Métro, Provigo, IGA et tout ce
monde-là. Alors, tout cela est normal.
Je voudrais aussi répondre maintenant à quelques questions
du député de Châteauguay, d'abord, par rapport aux
"listings". On a décidé - je l'annonce aujourd'hui - de donner
une préférence à ceux qui investissent au Québec,
donc, aux industriels dans le domaine du vin. Il y a onze industries qui ont
investi à partir de 500 000 $ jusqu'à plusieurs millions de
dollars dans des équipements qui font travailler plusieurs centaines de
Québécois. Eux, ils seront privilégiés à
compter de la semaine prochaine, car il y a seize "listings" additionnels qui
seront donnés automatiquement à compter de la semaine prochaine
à chacun des onze producteurs. On veut privilégier ceux qui
investissent au Québec. On va me dire: Cela va nuire un peu aux agents
promotionnels. C'est possible que cela nuise un peu, mais l'idée, c'est
de privilégier ceux qui ont investi dans l'économie du
Québec. Ceux qui n'investissent rien n'investissent rien; ils jouent le
jeu, ils jouent la règle de la concurrence. Pour ceux et celles qui ont
confiance en l'économie québécoise, à compter de la
semaine prochaine, seize "listings" additionnels seront donnés aux onze
producteurs québécois qui ont investi dans l'industrie, dans
l'économie, dans la création d'emplois au Québec. On
privilégie ces gens- là pour privilégier la
création d'emplois. Ces listings qu'on leur donne, c'est à la
condition d'embouteiller au Québec. Cela va faire en sorte d'importer
moins de vin en bouteille. C'est exact qu'on va importer moins de vin en
bouteille, mais on va produire plus de bouteilles au Québec, on va
produire plus de caisses au Québec, plus d'impressions et plus
d'embouteillage. Je pense que, de ce côté-là, c'est
intéressant.
Concernant les agents promotionnels, j'ai demandé qu'on fasse une
petite enquête là-dessus pour qu'on sache qui est en dessous de
quoi. À l'heure actuelle, on a des listes d'entreprises, mais il faut
connaître les noms des propriétaires, les véritables
propriétaires de ces entreprises, parce qu'il peut se passer n'importe
quoi comme cela est arrivé dans le passé. J'ai demandé
qu'on me fasse un rapport complet sur les agents promotionnels, pour savoir qui
est propriétaire de quoi et pour savoir s'il se joue des influences dans
cela.
Concernant le Musée des patriotes, la Société des
alcools avait décidé de rénover son siège social ou
d'en construire un. Le choix était entre les deux. Le choix est
définitif; c'est décidé. Nous allons rénover le
siège social actuel, mais, en le rénovant, on va faire attention
à l'histoire du Québec, parce que le siège social de la
Société des alcools, à l'heure actuelle, est au Pied du
courant, là où était l'ancienne Prison des patriotes,
là où ont été assassinés des
Québécois qui ont voulu prendre la défense des
intérêts du Québec. On se souvient de l'histoire des
patriotes. À la demande de plusieurs mouvement québécois,
on veut faire, à même le siège social de la
Société des alcools, un petit Musée des patriotes pour
rendre hommage à ceux qui ont donné leur vie pour la
liberté du Québec dans les années 1800. Dans ce
sens-là, je peux annoncer aujourd'hui qu'il y a des gens qui nous en ont
fait la demande, soit la Société Saint-Jean-Baptiste, le
Mouvement national des Québécois, ainsi que tous les individus
qui nous ont écrit pour protéger cette partie de la Prison des
patriotes. Je peux dire que la réponse du gouvernement du Québec,
c'est: Oui, nous allons faire en sorte qu'en reconstruisant et en modernisant
le siège social de la Société des alcools, nous
conservions à l'intérieur le Musée des patriotes pour
rendre hommage à ces défenseurs de la souveraineté du
Québec.
Finalement, tout le débat de ce matin se tenait autour
d'idées neuves de développement, d'une meilleure concurrence au
sein de l'industrie et du commerce, d'un meilleur service à la
clientèle, d'une meilleure qualité de produits sur les tablettes,
pour rendre accessible aux hommes et aux femmes du Québec, aux
consommateurs et aux consommatrices, un vin de qualité au meilleur prix
possible. Je
vous ai rappelé qu'il y a quelques mois, nous avons
annoncé une baisse de 0,55 $ la. bouteille de vin embouteillé au
Québec pour favoriser les consommateurs et les consommatrices et en
même temps pour les encourager à acheter du vin embouteillé
au Québec et, en contrepartie, à la fin, créer plus
d'emplois pour nos Québécois et nos Québécoises.
Dans ce sens-là, il y a un effort énorme. Il y a un souci de la
part du gouvernement du Québec d'aller privilégier la
création d'emplois et le développement économique au
Québec-La formule des coopératives des travailleurs, on en a
discuté beaucoup. Je dis, encore une fois, que c'est une nouvelle forme
de vie, c'est une nouvelle forme de développement économique.
J'ai vécu dans l'entreprise privée pendant une vingtaine
d'années. Je peux parler de mon expérience dans l'entreprise
privée. Cela fait déjà sept ans et demi que j'ai le
privilège de représenter les gens du comté de
Lotbinière à l'Assemblée nationale du Québec, de
les servir le mieux possible et de travailler sérieusement,
contrairement à l'Opposition qui vient ici pour jouer, au
développement du Québec et au développement
économique du Québec. Dans ce sens-là, je pense que la
formule de participation des travailleurs qui sera privilégiée au
cours des prochaines années, c'est une formule à pousser, c'est
une formule à développer, mais c'est une formule qui va
être améliorée aussi. Il faut vivre des expériences
pratiques. C'est une formule qui va pouvoir être améliorée
et je suis prêt à participer à l'amélioration de
cette formule. J'invite l'Opposition à y participer. Souvent
l'Opposition nous dit: Oui, mais si tu veux essayer cela, essaie-le avec des
entreprises littéralement en faillite. C'est cela qui est malheureux.
Habituellement, lorsqu'on fait appel aux travailleurs pour la participation
coopérative de travailleurs, on prend une entreprise qui est en
faillite. L'entreprise privée n'a pas pu réussir à
gérer adéquatement cette entreprise, cela vient en faillite
complètement et on se retourne vers les travailleurs et les travailleurs
sont obligés de sortir de là-dedans eux-mêmes. On se
retourne vers les travailleurs et on dit: Maintenant, prenez cela en main.
Une fois que c'est en faillite, une fois qu'on prend cela en main, c'est
de refaire tout le marché, refaire la gestion, moderniser la technologie
qui a été oubliée et, après cela, on est plus
sévère pour la gestion des travailleurs qu'on est
sévère envers une entreprise privée ordinaire et
traditionnelle. Moi je ne veux pas être plus sévère, je ne
veux pas être moins sévère. Je veux traiter les deux
systèmes sur le même pied. Je crois qu'il y a de la place pour
l'entreprise privée traditionnelle. Je viens de l'entreprise
privée et je vais toujours favoriser l'entreprise privée. Je
crois qu'il y a de la place. D'un autre côté, je pense qu'il y a
de la place aussi pour une nouvelle forme d'organisation du travail, une
nouvelle forme d'organisation de l'entreprise: c'est la forme de
coopérative de travailleurs. Autrefois, peut-être qu'on pouvait se
dire qu'on n'avait pas la formation, nous, les Québécois et les
Québécoises; on n'avait pas beaucoup de formation, mais on en a
de plus en plus dans le monde économique, si on songe qu'en 1960 ou vers
1960, il y avait 5% des étudiants canadiens en économie qui
étaient des Québécois et des Québécoises, et
qu'en 1983, il y en avait environ 33%.
Cela veut dire qu'on a beaucoup plus notre part maintenant. On a
beaucoup plus de gens qui s'en vont dans la gestion des entreprises.
Là-dessus, bien sûr, il y a un grand nombre de travailleurs, il y
a un grand nombre de cols bleus et il y a un grand nombre de cols blancs et ces
gens méritent d'être propriétaires, d'être patrons
d'entreprises et toutes les formules qui vont prévilégier la
forme des coopératives de travailleurs ou la forme de participation des
travailleurs, la forme de propriété des travailleurs, des
citoyens, des citoyennes, la propriété de leur entreprise; moi,
en tout cas, je vais privilégier cette forme pour faire en sorte que
finalement, il y ait deux systèmes qui cohabitent au Québec, le
système privé traditionnel et le système qui fera
confiance aux travailleurs et aux travailleuses du Québec, au monde
ordinaire du Québec. Je termine en faisant appel à l'Opposition
en lui disant: On a besoin de vous autres pour nous aider à
améliorer cette formule nouvelle, inédite, qui n'existe pas au
Canada, mais qui pourrait exister davantage si on se grouillait un peu. Il n'y
a pas de raison que le Québec ne soit pas à l'avant-garde comme
il est à l'avant-garde dans d'autres secteurs d'activité
économique.
Dans ce sens, je dis que l'avenir appartient à l'entreprise
privée, mais il appartient aussi aux hommes et aux femmes du
Québec qui voudront travailler en coopérative pour devenir
propriétaires de leur entreprise, devenir souverains
économiquement en attendant de devenir souverains politiquement.
La Présidente (Mme Harel): Le droit de réplique est
maintenant au député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci. Je tiens à déplorer l'attitude
désinvolte du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
à l'égard de son projet tellement contesté. Cette semaine,
on a eu un bon exemple en Chambre lorsque le ministre, pour tenter de sauver
son projet, a rappelé à la rescousse le
président du Mouvement Desjardins, M. Raymond Blais, en disant
à cette Chambre que M. Raymond Blais, le plus grand leader du mouvement
coopératif, est totalement d'accord avec ce projet. Cela va à
l'encontre des déclarations de M. Blais dans le Devoir du 21 mars 1984:
"Je vois pas mal de problèmes, disait-il. On ne peut pas forcer la
création d'une coopérative, former une coopérative et
trouver des coopérants après. Je ne suis pas certain que cela
fonctionne." On a un bon exemple du fait que le ministre ait induit la Chambre
en erreur.
Subséquemment, alors que le député d'Argenteuil
demandait au ministre s'il avait reçu l'avis du Conseil supérieur
de la coopération, le ministre a répondu: "Je n'ai pas
reçu l'avis du Conseil supérieur de l'éducation." En
jouant sur les mots, le ministre a tenté, encore une fois, d'induire la
Chambre en erreur. Tout le monde sait que l'avis du Conseil de la
coopération avait été rendu public le 27 mars. Dans le
même avis, le ministre a déclaré que les membres du Conseil
de la coopération sont divisés sur le sujet. D'après le
Soleil du 3 mai, il appert, selon un représentant autorisé du
Conseil de la coopération, que le conseil est unanime à rejeter
le projet du ministre. Encore un bel exemple du mépris du ministre pour
les Québécois et pour l'Assemblée nationale en tentant de
les induire en erreur.
Ce n'est pas la première fois que le ministre agit de
façon démagogique. On se souviendra que nous avions
critiqué la nomination de M. Pierre Allard à la
Société des alcools du Québec. M. Allard avait
été président-directeur général d'une
coopérative qui était pratiquement en faillite. Le ministre avait
fait une charge à fond de train contre une entreprise dont un des
actionnaires était censément de la famille de la femme du chef du
Parti libéral. Le ministre avait dit que la famille de la femme du chef
du Parti libéral était responsable des mises à pied. Si on
devait s'embarquer dans des exemples démagogiques comme celui-là,
on pourrait demander au ministre: Est-ce que le mari de la femme qui est
ministre actuellement, Mme Pauline Marois, par exemple, M. Claude Blanchet, qui
était directeur général de la Société de
développement coopératif, est responsable des mises à pied
survenues à la coopérative des magasins Cooprix ou des
Pêcheurs Unis? On voit bien que c'est ridicule. Pourtant, M. Blanchet, le
mari de Mme Marois, était directeur général et non
seulement actionnaire par intermédiaire interposé, alors qu'on
sait que la famille de Mme Bourassa avait même une société
de fiducie qui contrôlait ses actifs et qu'aucun des membres de la
famille ne siégeait au conseil d'administration. Nous ne
prétendons pas que M. Blanchet, le mari de Mme Marois, est responsable
des mises à pied. Nous sommes des gens responsables. J'invite le
ministre à faire de même à l'avenir dans ses
déclarations.
Le député de Champlain a fait preuve de démagogie
également tout à l'heure quand il a déclaré que 150
personnes s'étaient déclarées intéressées
par le projet du ministre. Ce que nous savons, c'est qu'il y a 150 personnes
qui ont déclaré être intéressées à
recevoir de l'information sur le sujet. Il y a toute une marge entre demander
de l'information et se déclarer intéressé par le projet et
être prêt à y participer. Voilà encore un exemple de
la démagogie dont fait preuve ce parti.
La question fondamentale qu'il convient de se poser est de savoir si
l'activité commerciale, si les coopératives de commerce telles
que préconisées par le projet Biron sont compatibles avec
l'essence même de la coopération? En effet, les
coopératives de commerce auront pour mission exclusive d'acquérir
des biens pour les revendre avec profit. Elles n'effectueront aucune
transformation des biens ainsi acquis et revendus. Or, ce faisant, les
coopératives de commerce deviennent des intermédiaires
commerciaux, intermédiaires que le système coopératif a
traditionnellement toujours voulu éliminer. Les activités
prévues par les coopératives de commerce sont à toutes
fins utiles illégales et interdites par l'article 223 du chapitre V de
la loi actuelle. En effet, dans la coopération, les membres tentent de
se donner des moyens et des services pour répondre à leurs
besoins économiques, moyens dont la mise en commun génère
une force économique collective, autonome et démocratique et qui
atténue leur dépendance envers les monopoles et les
intérêts privés des entreprises de capital-actions. En
conséquence, le mode coopératif d'organisation contribue à
éliminer les intermédiaires, les membres assumant collectivement
les responsabilités de se donner à eux-mêmes les biens ou
les services dont ils ont besoin collectivement.
Le projet d'amendement que veut soumettre le ministre réduirait
à deux personnes le nombre requis pour former une coopérative
ouvrière de production et de travail ou une coopérative de
commerce. Cette proposition est-elle réaliste? Deux individus agissant
collectivement peuvent-ils d'une façon réaliste contribuer par
leur apport en capital social à fonder une coopérative
financièrement viable sans tomber dans les normes du système
capitaliste? La réponse, Mme la Présidente, je pense, est
évidente.
Je voudrais citer également l'opposition unanime ou presque des
syndicats, mais je vois que le temps me manque. Mme la Présidente, nous
devons malheureusement constater que le ministre n'a pas voulu profiter de la
tribune que nous lui avons
offerte aujourd'hui pour informer la population québécoise
de ses projets de "coopérativation" de la SAQ et qu'il
préfère laisser les Québécois, les
véritables actionnaires de la SAQ, dans l'incertitude devant l'avenir de
cette importante société d'État. (12 heures)
Le ministre, se comportant de façon démagogique, nous a
répété ses cassettes préférées. Il
continue ainsi de s'enfouir la tête dans le sable en essayant de faire
avaler ses idées à la population entière du Québec
en général et aux travailleurs de la SAQ en particulier. Le
comportement du ministre est tout à fait inacceptable. Il est
déjà bien connu que le ministre aime bien placer ses amis
politiques dans des sociétés d'État telles que la SAQ. Le
ministre se propose maintenant de liquider les actifs de ces
sociétés d'État, actifs qui appartiennent à tous
les Québécois et qui sont les résultats de 60 ans de
travail. De plus, le ministre s'apprête à prendre des
décisions fondamentales sur l'avenir d'une société
d'État et, en conséquence, sur ses travailleurs, sans même
tenir compte des objections majeures des personnes et des organismes
impliqués.
On reconnaît bien là le parti Québécois. Le
même comportement avait prévalu dans le dossier de Quebecair, dans
celui des ordinateurs dans les écoles, ainsi que dans le dossier de la
Maison des sciences et des techniques. Dans chaque cas, le gouvernement a agi
d'une façon improvisée et en véritable amateur. Cette
façon d'agir du ministre démontre un réel manque de
respect pour les travailleurs. Le ministre décide du sort des
travailleurs, sans même les consulter véritablement et à
l'encontre de l'opposition formelle des syndicats qui les représentent.
C'est cela la notion de démocratie chez le gouvernement actuel. Le
ministre se doutait sans doute que ceux-ci ne seraient pas emballés par
son plan de société. Ce n'est pas étonnant que les
syndicats représentant les employés de la SAQ se soient si
vivement prononcés contre une "coopérativation" des succursales.
Ils ne voient pas du tout en quoi la SAQ, ses employés et la population
en général pourraient bénéficier d'un tel
projet.
Le ministre fait également preuve d'un manque de respect envers
le mouvement coopératif du Québec. Non seulement n'a-t-il pas
tenu compte des objections des porte-parole officiels de ce mouvement, il est
même allé jusqu'à les insulter en Chambre mercredi dernier
alors qu'il a insinué que seuls les gens du mouvement coopératif
qui donnent leur accord au projet du ministre peuvent être
qualifiés de progressistes. Or, il est maintenant de
notoriété publique que le Conseil de la coopération du
Québec, organisme porte-parole du mouvement coopératif du
Québec, s'est prononcé de façon unanime contre le projet
avancé par le ministre. Le conseil réclame que le gouvernement
laisse le mouvement coopératif débattre véritablement la
question avant de la soumettre à l'Assemblée nationale du
Québec.
Le ministre a aussi manqué de respect envers les contribuables du
Québec. Le ministre s'est dit prêt à sacrifier le
patrimoine que sont les succursales de la SAQ pour faire avaler son projet par
les employés de la SAQ. Le ministre a dit à plus d'une reprise
qu'il ne comptait pas tenir compte de la valeur de l'achalandage des
succursales à l'égard des employés désireux
d'adhérer à son projet mais plutôt qu'il leur en ferait
cadeau. Par quel droit le ministre s'autorise-t-il à donner ce qu'ont
acquis les contribuables du Québec depuis près de 60 ans? Ce
cadeau que veut faire le ministre aux employés de la SAQ vaut des
dizaines et peut-être même des centaines de millions de dollars.
C'est un actif important de la collectivité québécoise que
le ministre s'apprête à sacrifier pour rendre son projet plus
acceptable auprès des employés de la SAQ.
En dépit de cela, Mme la Présidente, il n'est pas du tout
assuré que les employés qui devront sacrifier les avantages de
leur situation actuelle y trouveront leur profit. De plus, pourquoi seulement
certains travailleurs pourraient-ils bénéficier de la très
grande générosité du ministre alors que nous sommes 6 000
000 au Québec et que bon nombre de ceux-ci sont sans emploi? Les
employés de la SAQ étaient-ils sous-payés? La
collectivité a-t-elle une dette spéciale envers eux? Ce sont des
dizaines et peut-être même des centaines de millions de dollars que
le ministre s'apprête à sacrifier dans un projet qui n'est
sûrement pas une priorité pour la reprise économique si
nécessaire au Québec et qui, de toute façon, ne
créera aucun nouvel emploi.
Le ministre, par son attitude et sa politique de laxisme et de
complaisance, fait également preuve d'un manque de respect inouï
envers les consommateurs. Ceux-ci se font continuellement leurrer par une
politique trompeuse concernant l'étiquetage des produits de l'industrie
du vin au Québec, politique connue et cautionnée par le ministre
lui-même.
Enfin, il est évident que le ministre a démontré un
manque éhonté de respect envers l'Assemblée nationale, et
ce depuis le tout début de cette histoire de la "coopérativation"
de la SAQ. Le ministre dissimule ses intentions et refuse
systématiquement d'informer l'Assemblée nationale des
modalités de son projet.
Souvenez-vous, Mme la Présidente, du spectacle honteux que nous a
offert le ministre mercredi dernier, alors qu'il a
esquivé toutes les questions venant de l'Opposition pour,
finalement, carrément induire la Chambre en erreur, tel que je l'ai dit
tout à l'heure.
Il faut que cette attitude du ministre cesse immédiatement et
qu'il commence à comprendre que, bien que ministre, il n'est pas seul
maître à bord et que toutes les personnes concernées ont
droit à plus de franchise de la part du ministre sur son projet.
Il est évident - et je conclus là-dessus que la seule
façon de rectifier le comportement du ministre dans ce dossier consiste
à convoquer une commission parlementaire dans les plus brefs
délais. Ainsi, toutes les personnes concernées: travailleurs,
mouvements coopératifs, consommateurs, enfin tous les
Québécois pourront savoir à quoi s'attendre. Si le
ministre refuse-La Présidente (Mme Harel): M. le
député de Laporte, je regrette.
M. Bourbeau: II me reste une ligne, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): D'accord.
M. Bourbeau: ...de soumettre son projet à la loupe d'une
commission parlementaire, les Québécois ne pourront que conclure
avec nous qu'il s'agit effectivement d'un projet improvisé et qui n'est
pas dans le meilleur intérêt des Québécois. Je vous
remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le ministre.
M. Biron: Je veux terminer. Le député de Laporte a
dit que j'avais induit la Chambre en erreur. Je dois dire que le
député de Laporte est dans l'erreur. Je ne veux pas dire qu'il a
menti, je dis juste qu'il est dans l'erreur, parce que je n'ai pas induit la
Chambre en erreur.
La Présidente (Mme Harel): II s'agit de l'article 205 que
vous pouvez évoquer, M. le ministre, lorsque vous considérez que
des propos que vous avez tenus ont été mal compris ou
déformés. Je constate qu'il est 12 h 5. J'ajourne nos travaux
sine die.
(Fin de la séance à 12 h 6)