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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 10 avril 1984 - Vol. 27 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de Travail


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

La Présidente (Mme Harel): Messieurs, la commission permanente de l'économie et du travail commence ses travaux.

Je vais demander au secrétaire de la commission de nous indiquer immédiatement les remplacements parmi les membres de la commission qui vont siéger pour l'étude des crédits.

M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Maltais (Saguenay) remplace M. Bourbeau (Laporte); M. Polak (Sainte-Anne) remplace M. Kehoe (Chapleau).

La Présidente (Mme Harel): Cette séance de la commission permanente de l'économie et du travail a pour objet d'étudier les crédits budgétaires du ministère du Travail conformément au mandat qu'elle a reçu de l'Assemblée nationale. Je voudrais d'ailleurs profiter de cette première séance de notre commission, en présence de ses membres et du ministre du Travail, pour nous souhaiter, dans le cadre de l'étude de ces crédits, mais aussi dans le cadre des travaux que nous entreprendrons durant l'année qui vient, un travail très substantiel et très fructueux.

Avant d'entreprendre l'étude du premier programme, parce que je crois comprendre qu'il y a consentement pour siéger immédiatement, M. le secrétaire, en dépit de l'absence de quorum et qu'il y a également consentement pour les remarques préliminaires, je rappelle que, théoriquement, chaque membre de la commission peut utiliser vingt minutes de temps de parole. Je crois comprendre que M. le ministre et le critique officiel de l'Opposition en matière du travail utiliseront leur temps de parole de vingt minutes pour procéder aux remarques préliminaires. Nous allons immédiatement, de consentement, étudier le programme 2, je crois, qui porte sur la santé et la sécurité du travail. C'est bien le cas?

M. Fréchette: C'est de cette façon que nous nous sommes entendus. La procédure que vous venez de suggérer me va parfaitement bien.

La Présidente (Mme Harel): La parole est au ministre du Travail et nous en sommes à l'étape des remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente. Au cours du mois de mars dernier, lorsque la commission du travail a terminé ses travaux sur la loi 42, je me souviens que le président de la commission, le député de Rivière-du-Loup, avait signalé à la toute fin de nos travaux que cette commission tournait la page, en quelque sorte, sur l'ancien règlement et que cela constituait un fait historique.

Nous nous retrouvons effectivement, ce matin, Mme la Présidente, à l'étude des crédits du ministère du Travail, conformément à la nouvelle procédure qui est la nôtre et qui procède de la volonté des deux partis qui sont représentés à l'Assemblée nationale. Il me semble que cette volonté commune va contribuer à inculquer à chacun une plus grande responsabilisation du travail des parlementaires et, cela, bien sûr, quelle que soit leur allégeance politique.

Je vous remercie, Mme la Présidente, de l'accueil que vous me faites à la commission. Puis-je profiter de ces remarques préliminaires pour vous indiquer que toute ma collaboration vous est acquise, à vous et à tous les membres de cette commission? Je prendrais aussi une minute pour vous offrir mes meilleurs voeux de succès dans votre nouvelle fonction, à vous et au vice-président de la commission, le député d'Outremont, et, en même temps, bien sûr, à toute l'équipe des fonctionnaires qui vous secondent régulièrement dans l'exécution des fonctions qui sont les vôtres.

Je prendrai une minute également, Mme la Présidente, pour vous présenter, autant du ministère du Travail que des différents organismes et/ou sociétés qui relèvent du ministre du Travail, les sous-ministres, les fonctionnaires et les présidents. Je commence à ma droite, sans aucune espèce de préférence: M. Robert Sauvé, qui est le président-directeur général de la Commission de la santé et de la sécurité du travail; à ma droite immédiate, M. Raymond Désilets, qui est sous-ministre adjoint aux relations de travail au ministère du Travail; à mon extrême gauche, M. Raymond Parent, qui est le président du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; M. Bernard Bastien, qui est le président du Conseil des services

essentiels; M. Alcide Fournier, qui est le président de l'Office de la construction du Québec; et, à ma gauche immédiate, M. Maurice Bernier, qui est mon directeur de cabinet.

Je pense utile de souligner dès maintenant, Mme la Présidente, que le ministère du Travail vient de terminer sa première année complète d'autonomie, autant au plan budgétaire qu'au plan du fonctionnement. On se rappellera en effet que c'est le 9 septembre 1982 que la décision avait été prise de scinder, en quelque sorte, l'entité administrative qui s'appelait Travail, Main-d'Oeuvre et Sécurité du revenu pour en faire deux entités administratives: Travail, d'une part, référant plus spécifiquement aux relations du travail, et Main-d'Oeuvre et Sécurité du revenu.

Dans les quelques remarques préliminaires que je m'apprête à vous livrer, je pense que l'on va percevoir que la décision, qui a alors été prise, était tout à fait justifiée et que, une année seulement après que cette réforme a été effectuée, déjà les effets bénéfiques s'en font sentir. Je repasserai brièvement, Mme la Présidente, quelques dossiers d'actualité qui ont marqué cette année dont je viens de parler autant au niveau du ministère du Travail qu'au niveau de l'un ou l'autre des organismes dont j'ai présenté, tout à l'heure, les représentants. Je veux simplement et brièvement rappeler, Mme la Présidente, l'adoption, au cours du mois de juin 1983, de la loi 17. Vous vous souvenez que l'adoption de cette loi s'inscrivait dans le cadre du discours inaugural du 23 mars 1983 à l'intérieur duquel le gouvernement, par le premier ministre, indiquait très clairement son intention de procéder par étapes à la réévaluation du Code du travail. La première étape étant l'adoption d'une loi dont les objectifs allaient parer au plus pressant et au plus urgent, c'est effectivement cette loi 17, encore une fois, qui a été adoptée, comme je viens de le signaler, et sanctionnée au mois de juin 1983.

Dans ce même discours inaugural, Mme la Présidente, du 23 mars 1983, le premier ministre indiquait également l'intention du gouvernement de procéder à la réévaluation, à la réforme, à la révision globale du Code du travail. Cependant, il indiquait à la même occasion qu'il fallait procéder à ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la deuxième phase avec prudence, avec circonspection, dans le respect des opinions des principaux intervenants et en essayant de dégager les plus grands consensus possible. C'est à partir de ces principes, qu'on retrouve dans le discours inaugural du mois de mars 1983, qu'a été mise sur pied cette commission itinérante dont nous aurons très certainement l'occasion de reparler au cours des heures que nous allons consacrer à l'étude des crédits du ministère du Travail.

Permettez, Mme la Présidente, que je vous dise également un mot sur les intentions du ministère du Travail quant à Loi sur les décrets de convention collective. On le sait tous, il s'agit là d'une loi qui a plus de cinquante années d'existence maintenant et qui a très certainement atteint, à travers les âges, à travers cette longue période de temps, les objectifs que le législateur de l'époque s'était fixés. Maintenant, après autant d'années d'expérience, après autant d'années d'exercice, il nous semble que le temps est venu de procéder à une évaluation des mécanismes de la loi, des objectifs qu'elle visait à atteindre au moment où elle a été adoptée par rapport à ceux que maintenant nous voulons atteindre et, à partir de là, Mme la Présidente, je voudrais signaler aux membres de la commission que depuis plusieurs mois, près d'une année, en fait, j'ai demandé à un groupe d'étude du ministère de procéder effectivement à faire le bilan, en quelque sorte, de la Loi sur les décrets de convention collective. Au moment où l'on se parle, je suis en mesure de vous indiquer que ce comité a, à toutes fins utiles, terminé son travail et qu'il soumettra très bientôt trois solutions par rapport à la Loi sur les décrets de convention collective. Faut-il purement et simplement abroger cette loi, la faire disparaître complètement de nos statuts? Faut-il la remanier ou l'amender en profondeur? Ou alors, faut-il purement et simplement l'ajuster sur le plan strictement technique, l'ajuster pour qu'elle puisse répondre aux exigences des années quatre-vingt? Ce sont, je vous le signale, les trois avenues qui sont ouvertes par ce comité d'étude dont je viens de parler et, à ce stade-ci, je ne pourrais pas indiquer aux membres de la commission laquelle des trois solutions sera retenue par le gouvernement, sauf qu'il nous apparaît évident qu'il nous faudra effectivement procéder à des amendements à cette loi.

Mon collègue de Portneuf m'a déjà, à cet égard, posé une question à l'Assemblée nationale et je lui avais indiqué à ce moment, Mme la Présidente, que ce printemps-ci, je procéderais à ce que j'avais qualifié à l'époque d'un dépôt d'un avant-projet de loi à l'Assemblée nationale de façon que le document soit le plus largement possible diffusé à travers les intervenants, les groupes, les instances intéressées pour que, ensuite, nous puissions recueillir les observations, les recommandations de ces groupes ou organismes. Informations prises, il semble que, quant à la forme, ce ne serait pas par le dépôt d'un avant-projet de loi qu'il faudrait procéder mais par un autre moyen, soit le dépôt pur et simple d'un document qui pourrait avoir l'allure d'un livre vert ou n'importe quelle autre allure,

mais qui contiendrait, de toute façon, tous les renseignements pertinents et utiles à la discussion pour la réévaluation de la Loi sur les décrets de convention collective.

Je vous signalerai également, Mme la Présidente, dans ce bilan rapide que je suis en train de vous faire, que la commission d'enquête qui avait été mise sur pied à la suite des incidents que l'on connaît à la compagnie Expro de Saint-Timothée dans le comté de Beauharnois a effectivement complété son mandat, qu'elle a remis son rapport écrit au mois de novembre dernier en présence de toutes les parties intéressées à Valleyfield. Cette commission d'enquête a tiré des conclusions dans lesquelles on retrouve au-delà d'une trentaine de recommandations tant en termes de santé et de sécurité du travail qu'en termes de modernisation de l'entreprise. Et je vous signale, Mme la Présidente, qu'au moment où l'on se parle, un comité interministériel a été formé, présidé par le ministre du Travail, et auquel se sont joints le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministère de la Science et de la Technologie, le ministère du Commerce extérieur et un autre dont l'identification m'échappe, le ministère de la Main-d'Oeuvre, et les représentants de tous ces ministères ont déjà tenu trois ou quatre séances de travail aux fins de concrétiser les recommandations de la commission Beaudry.

Je voudrais également, Mme la Présidente, brièvement rappeler à l'attention des membres de la commission une action du ministère du Travail qui a été prise à la fin du printemps dernier, au début de l'été dernier, et qui était en relation avec les travaux du gazoduc qui se sont amorcés à ce moment. On va se souvenir que le ministère avait pris l'initiative, à peu près à ce temps-ci l'année dernière, de procéder par étapes pour que ces travaux puissent se faire le plus "sereinement possible", si vous me passez l'expression. Nous avions donc procédé à rencontrer autant les parties patronales que syndicales pour d'abord connaître leurs perpectives quant au début et à la poursuite des travaux du gazoduc et en même temps leur faire savoir les intentions du ministère du Travail quant à la politique de placement sur les chantiers du gazoduc. Je suis très heureux de signaler à la commission que, effectivement, par la collaboration de toutes les parties intéressées, par le travail presque quotidien et inlassable de l'Office de la construction du Québec, les travaux du gazoduc se sont amorcés, se sont poursuivis tout au cours de l'été sans que nous n'ayons aucune espèce d'embêtement. (10 h 30)

Mme la Présidente, à un autre chapitre, je rappelle aux membres de la commission la tenue de la commission parlementaire au mois de décembre dernier sur l'administration et le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Les travaux se sont poursuivis pendant cinq jours. Ils ont permis, je pense, à ceux et à celles qui en avaient manifesté le désir, autant les parlementaires que les parties externes, de pouvoir venir dans ce forum qu'est une commission parlementaire s'exprimer au chapitre de l'administration et du fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cette commission du mois de décembre a été suivie par une autre à la fin du mois de février et au début du mois de mars sur la loi 42, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette deuxième commission, vous le savez, Mme la Présidente, a duré une bonne dizaine de jours. Nous avons entendu quelque 43 organismes qui sont venus faire des représentations, après avoir reçu au Secrétariat des commissions quelque 46 mémoires. Cette commission parlementaire, du moins je le prétends, a permis de réévaluer en profondeur le projet de loi 42 et elle s'est terminée par cette motion de réécriture qui a été adoptée par la commission parlementaire et qui fait en sorte que, lorsque le projet de loi 42 sera redéposé à l'Assemblée nationale, il sera, comme les termes l'indiquent, Mme la Présidente, réécrit et contiendra des amendements majeurs à plusieurs égards et à plusieurs chapitres.

C'étaient essentiellement les remarques préliminaires que je voulais vous soumettre, Mme la Présidente, en insistant peut-être, en terminant, sur un dernier aspect qui concerne l'administration du ministère du Travail plus spécifiquement.

Mme la Présidente, on le sait, la Direction générale des relations du travail se compose du service de la conciliation, du service d'arbitrage et il y a aussi un service qui s'appelle celui de la médiation préventive, qui est peut-être un peu moins connu du grand public et qui a pourtant jusqu'à maintenant, depuis qu'il est institutionnalisé, obtenu des résultats, des succès remarquables. Le service de la médiation préventive, Mme la Présidente, en est un en vertu duquel les parties intéressées, lorsqu'elles s'entendent, peuvent avoir recours pendant la vie d'une convention collective, non pas à l'approche d'une négociation, non pas non plus, bien sûr, en plein coeur d'une négociation mais pendant la vie d'une convention collective, par exemple, une convention de trois ans qui est signée depuis six mois ou un an... Lorsque les parties en manifestent le désir, lorsqu'elles s'entendent, des spécialistes de la médiation préventive peuvent aller dans l'entreprise pour procéder à l'évaluation, non pas précisément des conditions de travail à proprement parler, mais des relations humaines qui se vivent à

l'intérieur de l'entreprise. Vous savez, si, pendant la vie d'une convention collective les relations humaines commencent à se détériorer et qu'effectivement tout au cours de la vie de la convention collective elles se détériorent complètement, il y a de fortes chances qu'à l'expiration de la convention collective, le moment arrivé pour amorcer une négociation, non pas nécessairement, encore une fois, à cause des conditions de travail à proprement parler mais à cause de l'atmosphère qui s'est développée à l'intérieur de l'entreprise, les parties soient déjà à des distances absolument infranchissables pour amorcer une négociation. Alors, la médiation préventive est donc au service des parties qui le veulent, pendant le cours d'une convention collective, et elle a comme objectif "d'assainir" les conditions de vie à l'intérieur de l'entreprise.

Mme la Présidente, en terminant, je vous signalerai simplement que ce service a déjà une soixantaine d'expériences à son crédit et que, parmi ces expériences, il y en a qui ont été menées à l'intérieur d'entreprises où presque historiquement les conditions de travail étaient invivables pour tout le monde. Aucune convention ne se terminait sans qu'un conflit n'éclate, ne se prolonge longuement dans bien des cas et soit marqué au coin, parfois, de la violence physique.

Alors, dans ces soixante entreprises où l'expérience de la médiation préventive a été menée et vécue par les deux parties, je pense pouvoir dire que les résultats ont partout été au-delà de ce que les parties elles-mêmes et les membres du service eux-mêmes en attendaient. Je pourrais vous donner l'exemple d'entreprises où les relations étaient ce dont je viens de vous parler et qui, à la grande surprise de tout le monde, ont signé des conventions collectives à l'expiration d'une antérieure, sans conflit et dans un laps de temps record. Or, il m'apparaissait utile, Mme la Présidente, d'attirer l'attention des membres de la commission sur ce service de la médiation préventive qui est institutionnalisé maintenant depuis un peu plus d'une année et qui donne, encore une fois, des résultats qui dépassent ce que tout le monde avait espéré. Nous pourrons sans doute y revenir. Merci.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le ministre. Nous aurons certainement l'occasion durant toute la journée d'aborder chacun des aspects dont vous avez parlé. La parole est maintenant au député de Portneuf, qui est aussi le porte-parole de l'Opposition en matière du travail.

M. Michel Pagé M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. M. le secrétaire de la commission, chers collègues, membres de la commission de l'économie et du travail, M. le ministre, je voudrais évidemment ajouter ma voix à celle de M. le ministre pour vous faire part de toute la confiance que les parlementaires ont témoignée lorsqu'ils ont accepté unanimement votre élection comme présidente de cette commission.

Mes premières paroles seront pour saluer bien cordialement et amicalement, et leur témoigner mon appréciation personnelle et celle de mon groupe parlementaire, messieurs et mesdames les fonctionnaires qui accompagnent le ministre du Travail ce matin, que ce soit au niveau du sous-ministre, des sous-ministres adjoints, des services connexes du ministère du Travail. Souventefois, nous avons l'occasion, soit par des questions, soit par des commentaires, de mettre en relief le travail que vous abattez dans vos secteurs respectifs; je voudrais ce matin, parce que le moment est privilégié lors de l'étude des crédits, saluer bien cordialement la contribution significative que vous apportez à l'évolution de notre société par votre engagement et votre travail au sein du ministère.

Nous sommes là pour adopter 40 000 000 $ de crédits. L'observateur de l'étude des crédits pourrait se dire que c'est bien peu sur un budget de plusieurs milliards de dollars, mais il suffit d'être un peu familier avec le monde des relations du travail, avec les objectifs poursuivis par le ministère du Travail et avec le mandat confié au ministre du Travail et à son équipe, pour constater comment ces sommes peuvent être importantes dans l'économie du Québec au chapitre du climat des relations entre les employés, les employeurs et de ceux qui, finalement, travaillent et besognent quotidiennement au Québec. Nous aurons l'occasion dans dix ou onze heures qui nous sont allouées de scruter plus attentivement l'affectation de ces sommes, leur ventilation, ce à quoi elles servent et ce à quoi, plutôt, elles devraient servir.

Mme la Présidente, pour avoir assisté à l'étude des crédits depuis déjà plusieurs années, vous aurez certainement constaté que l'étude des crédits est un moment privilégié pour voir quelles sont les intentions du ministre du Travail, voir jusqu'où le mandat qui lui est confié par la loi est respecté intégralement. Ces crédits nous permettent généralement, du côté des parlementaires, d'échanger avec le ministre et de dégager les orientations que le titulaire du ministère est à donner, prévoit donner aux actions de son ministère.

M. le ministre du Travail, le 16 décembre 1982, vous avez été désigné par le premier ministre comme ministre délégué au Travail. Vous preniez l'héritage de deux de vos prédécesseurs, MM. Johnson et Marois.

Je pourrais insister assez longuement sur l'héritage qui vous a été cédé, mais là n'est pas l'objectif de notre démarche ce matin. Mais, je retiens que vous n'avez certainement pas eu, comme peu d'ailleurs l'ont, l'occasion de faire un bénéfice d'inventaire avant d'accepter la nomination parce que rares sont les hommes politiques qui disent au premier ministre: On va attendre une semaine et je vais vérifier cela et je te rappellerai. Ils se dépêchent à revêtir leur habit bleu marin, à téléphoner à leur femme et à venir se faire assermenter.

Vous avez été nommé le 16 décembre. Vous avez été confronté dès le début à des problèmes fort délicats, fort particuliers. Vous avez très probablement, comme d'autres, pris quelques mois pour faire le tour de votre ministère, apporter les réaménagements nécessaires, former votre cabinet, etc. Votre ministère a fait l'objet de déclarations importantes dans le discours inaugural de la part du premier ministre et vous êtes venu aux crédits de 1983. À ce moment, l'équipe parlementaire dont je suis, l'Opposition, vous avait posé - c'était au début du mois de mai ou juin -...

Une voix: Mai.

M. Pagé: ...au début du mois de mai -plusieurs questions sur les volets particuliers de l'administration de votre ministère. De plus, on se rappellera... M. le juge Sauvé, que je salue, se rappellera très certainement qu'une partie importante du temps qui nous était alloué avait servi à vous interroger sur les orientations de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Cependant, nous n'avions pas eu l'occasion de voir ensemble quelle était votre position comme ministre du Travail, les grandes orientations que vous entendiez donner. Vous veniez d'arriver. On voulait vous ménager, on voulait vous laisser une chance. Vous étiez, comme vous l'êtes encore aujourd'hui, un bon gars et on se disait: On va lui laisser le temps de s'installer puis on l'interrogera l'année prochaine.

Mme la Présidente, en ce printemps 1984, on ne peut que s'interroger sur les conditions qui entourent les relations du travail au Québec, sur les conditions qui entourent les droits des travailleurs et des employeurs, sur la situation de cette dynamique sociale entre deux groupes, deux entités. On ne peut que s'interroger sur l'opportunité de certaines orientations politiques qui ont été données par les gouvernements qui ont précédé au chapitre des relations du travail.

Force nous est de constater que la situation qui prévaut actuellement témoigne d'un certain flottement, d'une certaine imprécision. Des lois importantes ont été adoptées à l'Assemblée nationale depuis quelques années. Qu'il me suffise de faire référence au projet de loi 45, à son expérience, le vécu des travailleurs et des employeurs avec cette loi, à la loi 17 à laquelle le ministre a fait référence, pour laquelle des appréhensions nombreuses avaient été signalées, desquelles on ne peut que commencer à tirer certaines conclusions qui, encore là, sont bien incertaines.

Il y a tout cet aspect de l'effet de la crise économique sur les relations du travail, plus particulièrement dans le secteur privé; il y a le comportement de l'employeur, le comportement de l'employé qui doivent nécessairement être jaugés, mesurés et analysés en fonction des actions qu'un ministère comme le vôtre doit enclencher; il y a l'orientation de certains groupes. Qu'il me suffise de vous donner, à titre d'exemple - cela, vous en êtes bien conscient - cette orientation qui semble être caractérisée par une approche de fermeté de la part de l'Association des entrepreneurs en construction, dans le cadre du présent décret. Il y a cette orientation qu'on semble percevoir dans les milieux syndicaux d'une plus grande solidarité à l'égard des problèmes économiques que notre société vit. Qu'il suffise de référer au fonds de solidarité de la FTQ. Mais, encore là, force nous est aussi de constater que cet objectif tout à fait louable qui a été concrétisé par une loi, ici à l'Assemblée, a impliqué un débat assez serré à l'intérieur des rangs mêmes de la FTQ. (10 h 45)

II y a des phénomènes particuliers auxquels le ministre du Travail ne peut demeurer insensible. Il y a le phénomène de la désaffiliation. On sait que nos lois sous-tendent ou ont eu comme objectif, depuis quelques années, de favoriser l'exercice par les travailleurs du droit de se réunir, de se syndiquer et de défendre leurs droits. Comment expliquer que notre société, que le Québec connaisse sensiblement un phénomène analogue à celui qui se passe un peu partout en Amérique du Nord? Exemple: en Californie, le taux de désaffiliation syndicale et de désyndicalisation est palpable à chaque année.

C'est le tableau; il est imprécis, il est peut-être flou, mais c'est un tableau auquel le ministre du Travail se doit de consacrer beaucoup de temps et beaucoup d'efforts pour que les solutions qui se dégageront ici devant le Parlement ou l'action du ministère soient les meilleures possible.

Depuis un an, vous avez posé des gestes, vous avez défendu vos lois, mais on s'attendait à un peu plus que cela de votre part. Depuis quelques années, M. Marois et M. Johnson y ont référé, votre gouvernement a dit souhaiter, ce qui est nécessaire selon nous, "une réforme globale du Code du

travail", de tout le phénomène de l'aspect contentieux, l'aspect judiciaire, la déjudicia-risation des relations du travail, des problèmes fort épineux que notre société vit, que des travailleurs et travailleuses vivent, en raison de cet état de droits qui débouche sur une situation de faits déplorable.

C'est à se demander où votre gouvernement a relégué son programme politique parce qu'un gouvernement, normalement, agit en fonction d'un programme politique qu'il a adopté et c'est ce qu'il présente à la population. Ce furent hésitations sur hésitations depuis quelques années à cet égard. Qu'on se rappelle le vocabulaire utilisé par vous au début de votre désignation comme ministre du Travail, par vos prédécesseurs, à l'égard de l'accréditation multipatronale et de la négociation sectorielle. Un bout de temps, l'observateur des relations du travail au Québec croyait que c'était une volonté politique de votre gouvernement de s'y diriger. Cela a débouché sur des hésitations, des contradictions dans certains cas, entre le groupe économique de votre gouvernement et le groupe "socio", entre guillemets.

Force nous est de constater M. le ministre, on vous le dit bien amicalement, que vous témoignez actuellement d'un manque de leadership évident à cet égard. Vous avez annoncé, il y a quelques semaines, la formation d'un groupe de travail qui enclencherait une journée de consultation, laquelle pourrait déboucher éventuellement sur une conférence socio-économique: absence de leadership encore là. Il nous apparaît que ce fut improvisé et pourquoi? Parce qu'on a senti de l'inquiétude dans le milieu, des doutes sur le mandat, sur l'opportunité de tenir une commission, une démarche, comme vous l'avez annoncé. Vous avez, à notre grand regret, mis de côté les recommandations qui nous apparaissent justifiées d'un organisme qui est là pour vous guider, pour vous aider et pour vous assister, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui voulait un mandat plus large touchant l'ensemble des lois du travail dans le secteur privé et dans le secteur public, qui voulait éviter ou qui craignait l'opération strictement politique, qui voulait une commission mandatée et encadrée par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et c'était tout à fait légitime. Le conseil exigeait que le président, sans apporter quelque grief que ce soit à l'égard de M. Châtillon, soit une personne d'expérience dans les relations du travail. Vous avez manqué de leadership à cet égard. On ose espérer que les imprécisions et l'improvisation qui a animé l'annonce de tout cela ne déboucheront pas sur un échec de la démarche.

Vous avez témoigné et vous témoignez encore d'un manque de leadership évident dans la situation qui est faite à des milliers et des milliers de travailleurs qui ne sont pas syndiqués mais qui sont régis par des décrets de convention collective. En 1983, ce sont 112 000 travailleurs qui oeuvrent au sein de 20 000 entreprises qui sont régis par de tels décrets.

Sans revenir à l'historique qui a expliqué le pourquoi de l'adoption d'une telle loi, on se rappelle - tout le monde doit le constater aujourd'hui - que la Loi sur les décrets de convention collective doit être mise à jour. Plusieurs groupes s'interrogent sur l'opportunité du maintien de tel ou tel décret. Tout le monde se demande pourquoi, quel est l'objectif d'un décret. On sait qu'au début l'objectif des décrets était de sécuriser les patrons dans ces années-là, pour freiner la syndicalisation. On constate aujourd'hui que, dans plusieurs cas où un décret s'applique, ni la partie patronale n'a l'impression, et encore moins la conviction, de participer au processus de renouvellement de ces décrets. On se retourne de bord et on consulte les employés et ni les employés soumis à de tels décrets n'ont l'impression, et encore moins la conviction, de participer à l'échange, à la négociation, pour établir leurs conditions de travail. Il y a des situations de désuétude. Il y a des problèmes épineux au niveau des régions; qu'il me suffise de référer à la coiffure, à ce qui se passe dans la région de Québec et dans la région de Montréal par rapport aux autres régions.

Nous devions avoir pour ce printemps-ci un avant-projet de loi, une position gouvernementale bien encadrée nous disant: C'est ce qu'on veut et c'est la volonté politique du gouvernement. Nous apprenons ce matin, à notre grande déception, qu'on aura droit à un livre vert, un livre rose ou peu importe la couleur, qui débouchera sur un mécanisme de consultations. Finalement, ce qu'on doit retenir ce matin, c'est que le gouvernement a décidé de laisser porter une situation déplorable pendant encore trop longtemps.

Je vais terminer rapidement, Mme la Présidente. Je dois déplorer un manque de leadership de la part du ministre du Travail concernant toute la question des négociations dans le secteur public et parapublic. Un ministre du Travail dans un gouvernement -quel qu'il soit - doit être au coeur même de l'équipe ministérielle qui a à déterminer par le Conseil des ministres, et parfois avec l'assentiment de l'Assemblée nationale, toutes les questions relatives au régime de négociations dans le secteur public et parapublic et toute la structure qui se rattache à la négociation, au maintien des services essentiels, etc. Vous savez, le gouvernement a formé des comités paritaires. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Vous vous êtes opposé ou vous n'avez pas cru opportun,

comme ministre du Travail, que le mandat de la commission Châtillon touche entre autres les négociations dans le secteur public et parapublic; cela aurait été important, selon nous, que ce pan ou ce secteur soit touché par la commission.

Le secteur de la construction est le dernier secteur que je veux toucher avant d'aborder les programmes. Vos prédécesseurs, et tout particulièrement M. Johnson, vous ont laissé un héritage certainement pas des plus motivants à l'égard du placement dans l'industrie de la construction, un règlement dont l'objectif est louable, à savoir... Parce que l'objectif du règlement de placement, il ne faut pas se faire d'histoire, c'est de s'assurer que ce sont les vrais travailleurs de la construction qui puissent travailler dans ce secteur et c'est aussi s'assurer que le gâteau, le nombre d'heures travaillées dans une année, puisse être distribué équitablement de façon à garantir un revenu décent aux travailleurs de la construction.

Depuis 1978, la volonté politique du gouvernement du Parti québécois, dont vous êtes, s'est exprimée par des modifications à la pièce, par des amendements périodiques, témoignant par là des problèmes profonds d'opération et de vécu avec ce fameux règlement. Encore tout récemment, vous avez fait ratifier par le Conseil des ministres un règlement permettant de reconduire pour deux ans le certificat de classification de ces travailleurs, alors que la même chose vous était demandée l'année passée et que vous n'avez pas osé le faire. Il y a un problème au niveau du placement, vos députés vous l'indiquent régulièrement dans vos caucus - et ils ont raison - comme on peut le faire par des questions avec débat, des interpellations, etc. Il y a maintenant cinq ans, il y a maintenant un an et demi que les parlementaires à l'Assemblée nationale du Québec, des deux côtés de la Chambre, tentent de vous convaincre non seulement de réfléchir, mais de faire quelque chose avec ce règlement. Pour ce faire, il faut une volonté politique et un leadership.

Toute la question de la juridiction, de l'application du décret de la construction, que de problèmes! Encore là, absence de leadership, Mme la Présidente. Ce sont des milliers et des milliers d'heures qui se travaillent actuellement au Québec et qui ne sont pas soumises au décret de la construction. Ce n'est pas considéré comme étant de la construction alors que les travailleurs syndiqués, entre autres, ont les yeux tournés vers ce type de travaux beaucoup plus que la réparation de la galerie dans le comté de M. Blais ou dans le mien. Absence de leadership au niveau de la juridiction. Il faudra que cela se règle une fois pour toutes. Et encore là, là ou cela a été fait - on pourrait y revenir tantôt... Qu'on regarde l'industrie du verre plat, la situation de droit que vous avez modifiée est davantage susceptible de créer des problèmes de fait qui auront des répercussions pour les contribuables et les citoyens.

Toute la question du travail au noir. Il ne faut pas se faire de cachette, ce secteur est tellement réglementé que des travailleurs doivent - ils doivent parce qu'ils le font -s'adonner à du travail au noir pour être capables de vivre. Et, par surcroît, des citoyens et des citoyennes doivent contracter et transiger avec des travailleurs au noir pour être capables de faire des travaux, incapables qu'ils sont de payer 400 $ pour une journée pour deux travailleurs qui viennent réparer leur galerie. Sur ce, les députés de l'autre côté vont être d'accord avec moi, on pourra revenir.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf, je vais vous demander de conclure, votre temps est déjà expiré.

M. Pagé: Oui, je termine. Il y a toute la question du renouvellement du décret. On doit déplorer que, malheureusement, encore une fois, compte tenu d'un manque de leadership, parce que c'est une situation contre laquelle on vous avait prévenus... Il y a quelques années on vous avait prévenus qu'en modifiant certaines lois vous n'auriez pas de majorité syndicale dans le monde de la construction et que vous auriez des problèmes. Aujourd'hui, on doit constater, malheureusement, que cette situation prévaut. On se retrouve dans une situation où les deux parties sont en position de force. L'AECQ est en position de force actuellement. Les 20%, ce n'est pas compliqué, ils viennent de l'exemple du gouvernement. La construction semble prendre son envol et est dans une position de force pour négocier. Les syndicats sont dans une position de force aussi.

La Présidente (Mme Harel): En conclusion.

M. Pagé: Je reviendrai, au cours des questions que je vous poserai, en vous disant, M. le ministre, bien amicalement, que cette année on ne peut pas laisser passer tout cela. Pour nous, vous devez assumer un meilleur leadership des responsabilités que vous avez sur plusieurs secteurs, dans les plus brefs délais, et la commission de l'économie et du travail sera là pour vous appuyer dans ces cas. Mais bon Dieu de bon Dieu, manifestez-vous! Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Toujours sur les remarques préliminaires. M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Mme la Présidente, je ne voudrais pas laisser passer sous silence les propos qu'a tenus le député de Portneuf relativement à l'attitude des membres du caucus des députés du Parti québécois sur le règlement de placement. On dit souvent: Qui ne dit mot consent. Je crains qu'à ne rien dire, notre collègue de Portneuf aille dire par la suite que, à ses propos n'ayant rien dit, on a vraiment consenti au contenu. Mme la Présidente, je voudrais dire que jamais les députés ministériels n'ont remis en question fondamentalement le règlement de placement. Ils nous apparaît toujours important que ce règlement de placement existe parce qu'on en a besoin fondamentalement. On sait qu'il existe énormément trop de travailleurs dans la construction, qu'il n'y a pas de travail pour tout ce monde et qu'il est important d'assurer du travail d'abord aux vrais travailleurs de la construction. Cependant, il nous est apparu, Mme la Présidente, qu'il fallait améliorer le sort de certains travailleurs potentiels de la construction - je pense aux jeunes particulièrement - qu'il y avait quelque chose à faire du côté des apprentis. Nous avons fait des représentations et nous avons été entendus par le ministre. C'est ce que je voulais dire, Merci. (11 heures)

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le député de Châteauguay.

D'autres membres de cette commission veulent intervenir en remarques préliminaires?

M. le député de Beauharnois.

M. Laurent Lavigne

M. Lavigne: Mme la Présidente, très rapidement aussi. C'est un peu pour enchaîner parce qu'effectivement le député de Portneuf a été un peu sévère quant à la discussion qu'il y a eu sur le règlement de placement dans la construction. On ne reprendra pas ici tout le débat qui s'est tenu autour de la commission parlementaire sur le saccage de la Baie James, de l'enquête Cliche. On ne reprendra pas ce débat, Mme la Présidente, mais je suis sûr que le député de Portneuf est quand même un député qui a essayé, en tout cas, de se tenir au courant des choses du monde du travail. Il n'est sûrement pas ignorant de ce qui se passait dans la construction avant la venue du règlement de placement dans la construction.

Un peu comme mon collègue de Châteauguay, à ne rien dire sur cela, je ne voudrais pas qu'on prétende que les députés ministériels mettent en doute le bien-fondé du règlement de placement dans la construction. Je considère que ce règlement est là pour demeurer fondamentalement, au niveau de ses principes de fond, ses principes de base. On ne voudrait pas revivre au Québec ce que nous avons vécu dans le passé dans le monde de la construction, avec des tentatives d'un monopole syndical, etc. Le principe est là pour demeurer.

Bien sûr qu'instaurer le règlement de placement dans la construction, cela a amené dans certains cas des irritants auprès de certaines personnes, mais il y a un principe fondamental qui est de donner aux gens de la construction, aux vrais travailleurs de la construction, le premier droit de gagner leur vie dans la construction et, par le règlement de placement dans la construction, d'éloigner ou de faire passer au second rang ou en deuxième lieu les gens qui ne sont pas des vrais travailleurs de la construction. Quant à ce principe de fond, nous serons là pour le maintenir, mais cela ne veut pas dire que nous aurons les yeux fermés sur les modifications ou les aménagements qu'on pourra y apporter éventuellement.

Dernièrement, les députés ministériels et les responsables de l'OCQ ont eu justement des réunions afin de regarder et examiner quels pourraient être les modifications et les aménagements qu'on pourra apporter au règlement de placement dans la construction. Je suis sûr que, d'ici peu de temps, le ministre aura à se prononcer sur certaines modifications à apporter à ce règlement. Je m'en voudrais de mettre de côté ce règlement de placement, parce que je suis certain qu'à ce moment on risquerait de connaître dans l'avenir ce que nous avons connu dans le passé, et Dieu merci! j'espère qu'on ne connaîtra jamais le temps où on engageait les gens sans règlement dans la construction. Je ne voudrais pas partager ici, et je le dis bien clairement, les propos du député de Portneuf, qui semblait trouver que le règlement de placement dans la construction était un règlement de trop.

Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): D'autres membres de cette commission veulent formuler des remarques d'ordre général?

M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je m'en voudrais en tant que député ministériel de ne pas intervenir sur les remarques amicales, dit-on, de l'Opposition sur ce sujet. Mais, en tant que personne qui ai travaillé pendant seize ans dans la construction, ayant été directement impliqué dans le domaine de 1951 à 1966, il faut absolument que je fasse des remarques. Ayant connu la période où l'OCQ n'était pas en force, ayant connu sur la construction même, sur les chantiers de construction, de

1951 à 1959, de façon très directe, ayant connu, avant l'arrivée du gouvernement Lesage, le droit de syndicalisation n'étant pas là, ayant connu cette période, ayant connu de 1960 à 1966-1967 beaucoup de remous sur les chantiers de construction, je me dois de venir à la défense de l'OCQ ici de façon directe. C'est un témoignage comme gars qui a travaillé dans la construction, qui a travaillé aussi pour aider la syndicalisation dans la construction; je me dois d'intervenir. L'OCQ d'après moi est là, il doit rester, les députés ministériels ne mettent jamais en cause le bien-fondé de l'OCQ. Bien sûr, il n'y a aucun organisme de cette ampleur où on ne peut pas trouver des lacunes à l'intérieur du fonctionnement. Des fois, nous sommes quatre ou cinq dans une famille et il y a des problèmes. Quand on est 100 000 et 150 000, aujourd'hui, cette noble crise nous vaut de prendre conscience des problèmes que nous avons. Je l'appelle la noble crise parce que cette noble crise nous fait voir les inconvénients de certaines de nos lois, mais cette noble crise qui nous fait voir les inconvénients de certaines de nos lois nous fait aussi prendre conscience que, autant les travailleurs que le patronat, devant l'association qui s'appelle l'OCQ, on a des obligations que cette crise rend plus tangibles encore. Je comprends beaucoup les travailleurs de la construction qui sont à peu près 100 000 aujourd'hui. Il y a encore beaucoup de chômage. Si on était en période de prospérité comme cela a été le cas au Québec de 1945 à 1975, les 30 années de prospérité, hé bien! à ce moment-là s'il y avait eu un OCQ, cela aurait été fameux. C'est en force.

Aujourd'hui, dans cette période de crise, à cause du chômage c'est facile de dire: Cela ne fonctionne pas, il y a des gens dans la construction qui ne travaillent pas. Mais ce n'est pas à cause de l'OCQ, ce n'est pas le problème majeur. C'est loin d'être le problème majeur; au contraire, c'est la protection de ceux qui sont dans le domaine de la construction. Il ne faut jamais oublier non plus que, dans le domaine de l'industrie, il y a au-delà de 200 000 postes qui représentent les gens de métiers et c'est une ouverture aussi pour ceux qui ne sont pas dans la construction. La construction n'est pas le réceptacle de tout ce qui existe en fait de métiers: le plombier, l'électricien, etc. Il y a d'autres endroits dans la société où ces gens peuvent se placer. Si les gens de la construction se sont unis au Québec pour former une association et des syndicats pour protéger leur métier, leur gagne-pain, c'est aussi valable pour eux que cela l'est pour d'autres métiers qui se sont protégés, ne fût-ce que le secteur public ou parapublic où, là, c'est extrêmement protégé.

Je me dois de dire que, jamais, du côté ministériel on n'a mis en doute le bien-fondé de l'OCQ et je veux ici, pour un ancien travailleur de la construction, le dire avec force. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je crois comprendre qu'avec le consentement il y a d'autres membres de cette commission qui veulent formuler des remarques?

M. Cusano: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je vais procéder puisqu'on a passé des messages publicitaires depuis les trois dernières interventions.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau, j'avais appelé l'étude du programme 2 parce que je crois comprendre...

M. Cusano: Ah bon!

La Présidente (Mme Harel): ...du consentement unanime des membres de cette commission que nous allons procéder à l'étude du programme 2 et que nous allons revenir au programme 1 par la suite pour étudier dans l'ordre les cinq programmes. Je vous rappelle simplement ceci: En vertu de cette nouvelle réforme, la présidence ou la vice-présidence de la commission peut dorénavant intervenir. J'entends pouvoir me prévaloir de ces nouvelles dispositions durant la journée. Je vais faire immédiatement l'appel du programme 2.

M. le ministre ou des membres de cette commission, voulez-vous prendre la parole?

M. Cusano: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Viau.

Administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail

M. Cusano: J'écoutais le discours du ministre tout à l'heure et il semblait se vanter du travail qui a été fait par les parlementaires, spécifiquement en ce qui concerne la Commission de la santé et de la sécurité du travail. J'aimerais rectifier certaines choses. S'il y a eu une interpellation du ministre, cela a été à la demande de l'Opposition. S'il y a eu une commission parlementaire pour examiner le fonctionnement et l'administration de la CSST, c'est à la demande aussi d'une motion que j'avais formulée en Chambre à laquelle le ministre a consenti. J'aimerais spécifier que la plupart du travail dans ce domaine a été entrepris par l'Opposition. C'est mon

petit message publicitaire, Mme la Présidente, ce matin.

Si vous permettez, et ne vous gênez pas pour m'interrompre si je ne suis pas les règlements, je vais procéder à des questions adressées au ministre sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je dois avouer que je suis un peu déçu de procéder ce matin à l'étude de la commission pour examiner encore une fois son administration. Malheureusement, nous n'avons pas entre les mains le rapport annuel de la commission.

M. le ministre, l'article 163 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail exige que la commission fasse rapport de ses activités au ministre pour l'exercice financier précédent. Ce rapport doit être soumis au ministre avant le 1er avril. Est-ce que vous avez reçu ce rapport?

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, pour répondre expressément à la question du député de Viau, je vous signale... Je m'excuse. C'est Mme la Présidente. Il va falloir que je revienne à de meilleurs sentiments, madame.

La Présidente (Mme Harel): Non, je ne doute pas de vos sentiments. C'est une question d'usage, M. le ministre.

M. Fréchette: Je disais donc au député de Viau qu'au moment où l'on se parle je n'ai pas encore expressément reçu le rapport de la commission de santé et sécurité. Ce que je peux lui dire cependant, c'est qu'un projet de rapport est maintenant finalisé, qu'il va devoir être soumis au conseil d'administration à sa prochaine réunion régulière qui va se tenir le 19 avril et, dès lors que le conseil d'administration aura donné son placet à la publication du rapport, il est évident qu'il me sera soumis et, par la suite, déposé à l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Vous avez pris connaissance de ce rapport préliminaire, M. le ministre?

M. Fréchette: Non, Mme la Présidente. Je n'en ai pas pris connaissance.

M. Cusano: Vous ne pouvez donc pas répondre à certaines questions.

M. Fréchette: Enfin, je suggère que le député de Viau pose ces questions, Mme la Présidente. Si je ne peux y répondre, je le lui dirai aussi sereinement que je suis en train de le faire et je répondrai avec plaisir aux autres questions auxquelles je pourrai répondre.

M. Cusano: Ma première question, M. le ministre, serait pour savoir quels ont été les revenus de la commission pour l'année.

M. Fréchette: Vous allez comprendre, Mme la Présidente, qu'il va nous falloir parler strictement en termes de projection et qu'au moment où on se parle tout cela n'a pas encore été finalisé.

Encore une fois, si l'on accepte la réserve que je viens de faire, en termes de prévisions, la situation se présenterait de la façon suivante: les cotisations des employeurs généreraient des revenus de 715 692 000 $ et les revenus de placements seraient de 186 448 000 $. Je n'ai pas besoin d'insister ici, Mme la Présidente, pour vous dire quel est le bon état de santé du fonds actuariel de la commission de santé et de sécurité. C'est pour cela qu'on peut compter sur des revenus de placements de près de 200 000 000 $, plus précisément 186 448 000 $. Finalement, une troisième source de revenus anticipés, ce sont les intérêts sur les cotisations et d'autres revenus pour un montant de 25 138 000 $, de sorte que le total de ces revenus atteindrait le chiffre de 927 278 000 $ par rapport à 887 896 000 $ pour l'année 1982.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: II y a peut-être une différence, M. le ministre. Comme vous le dites, puisque c'est seulement un rapport préliminaire, je sais qu'il va être ajusté.

M. Fréchette: Je pense que j'ai suffisamment pris de réserve pour...

M. Cusano: Ah! Vous le faites toujours, M. le ministre. (11 h 15)

M. Fréchette: ...signaler aux membres de la commission. Oui, je comprends bien, mais c'est particulièrement important dans un cas comme celui-là.

M. Cusano: Oui, sachant les revenus, est-ce que vous avez une indication des dépenses?

M. Fréchette: Oui, Mme la Présidente, et toujours avec la même réserve. Je vous signale que cela peut prendre un peu de temps que de faire la ventilation des dépenses prévues, mais je pense qu'il est important qu'on le fasse.

Quant aux différents programmes de réparation, les coûts prévus pour 1983: d'abord, l'assistance médicale serait de l'ordre de 96 445 000 $; les paiements pour les incapacités temporaires seraient de

l'ordre de 276 820 000 $; pour les incapacités permanentes, 199 966 000 $ et pour les décès, 23 017 000 $. Donc, au chapitre des programmes de réparation, l'évaluation globale nous amènerait au montant de 596 248 000 $.

M. Cusano: Vous dites 596...?

M. Fréchette: 596 248 000 $. Il faut parler des programmes de prévention qui sont évalués à 38 158 000 $. Les frais d'administration, et je sais que c'est un sujet qui, généralement, intéresse beaucoup le député de Viau, seraient de l'ordre de 88 402 000 $, alors qu'en 1982 - je le signale avec beaucoup de satisfaction, Mme la Présidente - les frais d'administration étaient de l'ordre de 94 888 000 $. Il y a aussi, là comme ailleurs, des créances que l'on doit imputer au chapitre des créances irrécouvrables. Il y en aurait pour 23 404 000 $ en 1983. Il y a, bien sûr, les contributions au régime de retraite des fonctionnaires qui sont relatives à des services antérieurs pour 4 923 000 $, de sorte que, tout compte fait, en procédant à l'addition de ces différents chiffres au chapitre des dépenses, nous arrivons à un total global de 968 154 000 $, ce qui nous amène donc, toujours en termes de prévisions, à la fin de l'exercice, à un excédent des dépenses sur les revenus de l'ordre de 40 876 000 $. Je ne veux pas revenir sur la petite histoire du déficit de 1983, mais des gens très pessimistes ont soulevé, à un moment donné, la possibilité que pour 1983 l'on se retrouve avec un déficit qui allait, et je me souviens des chiffres qui étaient mentionnés, rejoindre les 80 000 000 $, les 85 000 000 $, les 90 000 000 $, quand ce n'était pas les 100 000 000 $, et le député de Viau les connaît ces gens qui ont fait ces références. Il les connaît très bien. Ce qui est maintenant anticipé par rapport à cette atmosphère de pessimisme qu'on a connue à un moment donné, c'est la moitié moins de ce qui était prévu comme excédent des dépenses, soit 40 876 000 $.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Oui, Mme la Présidente. M. le ministre, pour une personne qui n'a pas vu les états financiers précis, vous semblez être bien certain de vos chiffres. On verra, une fois que le rapport annuel sera déposé, exactement comment on peut jouer avec ces chiffres, spécialement lorsque vous dites que les frais d'administration ont baissé de 95 000 000 $ à 88 000 000 $...

M. Fréchette: À 88 402 000 $.

M. Cusano: Oui, il s'agira de voir exactement si ce sont des transferts ou si ce sont des économies réelles. En ce qui regarde un déficit de 40 000 000 $, oui, ce n'est pas 80 et non plus zéro. Comme on dit en anglais: "What is in a million"; aujourd'hui, il n'y a rien là. Je m'en tiens à cela et on verra plus précisément où cette économie a été faite ou si l'économie a été transférée ailleurs. Je vois l'honorable juge qui fait signe que non de la tête. Il a peut-être raison, je n'ai pas les chiffres devant moi. Vous avez un déficit de 40 000 000 $. Je présume que vous êtes très heureux.

M. Fréchette: Mme la Présidente, puisqu'on me lance la perche, allez-vous imaginer que je ne vais pas sauter dessus? Par rapport à tout ce pessimisme dont je parlais tout à l'heure, pessimisme qu'on a allègrement - on le sait - associé à toute espèce de situations qui étaient supposées prévaloir à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il est bien évident que, lorsque j'ai devant moi des chiffres de la nature de ceux dont je viens de communiquer la teneur aux membres de la commission, je suis très heureux, Mme la Présidente. Cela dénote, me semble-t-il, d'une façon ferme, d'une façon claire ce que j'ai toujours pensé, quant à moi, au niveau de l'administration et du fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail: on ne pouvait presque pas espérer mieux que ce qu'on est en train d'évaluer et d'analyser actuellement. Cela devrait permettre à certaines gens de bonne foi ou en toute bonne volonté, à l'intérieur des différentes assises parlementaires ou à l'extérieur, de réévaluer un certain nombre de choses ou un certain nombre de conclusions auxquelles on était rapidement arrivé et qui avaient très souvent l'allure d'un jugement sans que toute la preuve ait été analysée. Il me semble qu'on est en train - j'espère que le député de Viau va continuer dans le même style ou dans le même sens quant à ses questions - de mettre sur la place publique une situation qui, encore une fois, m'apparaît tout à fait heureuse dans les circonstances que l'on connaît.

Malgré l'année que cet organisme vient de passer, il a eu plus que son lot - me semble-t-il - de critiques sur la place publique. À travers tout cela, contre vents et marées, les responsables de la Commission de la santé et de la sécurité du travail ont continué d'accomplir un très bon boulot. Il me semble que la preuve la plus éloquente de ce que je suis en train de dire, c'est ce que je suis en train de vous livrer en termes de chiffres. C'est pour cela que j'invite le député de Viau à continuer dans le même sens. On va continuer de lui donner des renseignements tout aussi intéressants et aussi longtemps qu'il le souhaitera.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Votre optimisme, Mme la Présidente, est vraiment frappant. Tout le monde a tort et vous avez raison. Le juge a raison. Vous oubliez ce qu'on a entendu à la commission de décembre. Vous semblez oublier ce qu'on a entendu - même si ce n'était pas le mandat - à la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi 42. La plupart des intervenants revenaient toujours sur le problème de l'administration de la CSST. Cela ne s'est pas enregistré quelque part dans votre tête. Tout le monde qui est venu témoigner ici a tort. L'Opposition a tort, mais de votre côté tout va bien: Un déficit de 40 000 000 $? Bravo! C'est tout un accomplissement, ce déficit de 40 000 000$. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est mieux qu'un déficit de 80 000 000 $, mais ce n'est pas zéro non plus et ce n'est pas un surplus.

M. Fréchette: Est-ce une question, Mme la Présidente?

M. Cusano: Non, ce n'est qu'un commentaire.

M. Fréchette: Bon! je reviendrai sur ce commentaire.

M. Cusano: Je me permets un commentaire.

Sur les effectifs de la CSST, vous en avez combien? Quel est le personnel à la CSST?

M. Fréchette: Je m'excuse, j'ai mal saisi.

M. Cusano: Je parle du personnel. Les postes autorisés à la CSST sont de combien?

M. Fréchette: Si on veut simplement me donner le temps, Mme la Présidente. Le député de Viau me demande, si j'ai bien compris sa question, quel est le nombre des postes autorisés.

M. Cusano: Je suis enrhumé ce matin et je m'excuse si ma voix ne porte pas aussi bien.

M. Fréchette: Je vous entends très bien. Depuis le temps qu'on travaille ensemble, je commence à vous connaître très bien.

M. Cusano: On s'habitue.

M. Fréchette: Le nombre de postes autorisés est de 2694. Je présume que la question suivante sera de me demander combien de ces postes sont occupés. Si c'est cela, 2540, Mme la Présidente; 163 postes sont vacants.

M. Cusano: Est-ce que vous incluez le personnel de l'institut de recherche de la CSST?

M. Fréchette: M. le député de Viau sait certainement que l'institut de recherche est un organisme tout à fait autonome, qu'il a été créé par une loi spécifique et qu'en vertu de cette autonomie il a son propre fonctionnement. Quand je donne les chiffres dont je viens de parler, je n'inclus pas le nombre de postes autorisés et/ou occupés à l'institut de recherche sur la santé et la sécurité.

M. Cusano: Est-ce qu'il y a d'autres individus qui sont payés directement ou indirectement par la CSST, à part les 2540?

M. Fréchette: La précision là-dessus est de la nature suivante: le député de Viau sait très bien que dans plusieurs secteurs qui sont couverts par la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail, il existe des associations sectorielles. Les membres qui sont à l'intérieur de ces associations sectorielles ne font évidemment pas partie de la fonction publique. Donc, ils ne détiennent pas de poste, d'aucune espèce de façon. Cependant, la Commission de la santé et de la sécurité du travail finance, entre guillemets, certaines de ces associations sectorielles par voie de subventions. C'est également vrai pour les départements de santé communautaire que la CSST, aux fins de l'application de sa loi et l'atteinte de ses objectifs, va aussi subventionner.

Maintenant, si le député de Viau veut avoir des précisions quant aux montants qui sont alloués à ces deux groupes d'organismes, on pourra les lui donner.

M. Cusano: Non, les montants, on les verra plus tard. Ma préoccupation, à ce moment-ci, est plutôt de tenter de chiffrer, de façon directe ou indirecte, combien de personnes sont à l'emploi directement ou indirectement de la CSST.

M. Fréchette: Directement, je reviendrai au chiffre de 2540. Maintenant, indirectement, je ne voudrais pas que l'on fasse référence à un emploi ou à un lien employeur-travailleur. Eu égard aux associations sectorielles ou alors aux DSC, il n'y a aucune relation de droit d'employeur à à travailleur. Il y a une seule relation de désir d'atteindre les objectifs dont on parle et un des moyens d'y arriver, c'est par la voie des subventions ou de l'aide - s'il faut appeler cela comme cela - que la CSST, la commission, va accorder à ces différents

organismes ou groupes, mais il n'y a pas de lien direct ou indirect d'employeur à travailleur chez les personnes qui oeuvrent à l'intérieur des associations sectorielles ni non plus à l'intérieur des DSC. (11 h 30)

M. Cusano: M. le ministre, si les services de santé communautaire n'existaient pas tels quels, la CSST aurait du personnel pour s'occuper de cela. Ce à quoi je veux en venir, et je pense que vous comprenez très bien ma question, c'est que, dans l'ensemble de la santé et de la sécurité du travail, est-il possible de chiffrer - je ne parle pas des gens dans les universités, je parle des gens qui sont directement impliqués dans la santé et la sécurité du travail - combien de personnes travaillent à ces fins?

M. Fréchette: Mme la Présidente, c'est le genre de renseignement que l'on peut obtenir. Si le député de Viau est suffisamment patient pour nous donner quelques minutes, on va tenter de se procurer le détail très précis qu'il nous demande et, dès qu'il sera disponible, on vous...

M. Cusano: Je pourrais passer à une autre question.

M. Fréchette: Absolument, si vous le voulez.

M. Cusano: Y a-t-il des contractuels qui sont engagés à la CSST?

M. Fréchette: Je pourrais, dès maintenant, donner des renseignements quant au personnel "subventionné" des DSC: il y a 795 postes et demi dans les DSC. En termes de budget, si mes renseignements sont exacts, ce serait de l'ordre de 17 000 000 $, M. Bertrand? 17 000 000 $ pour les DSC. Quant aux associations sectorielles, il va nous falloir aller un peu plus à fond, plus avant dans le détail que veut avoir le député de Viau.

M. Cusano: Je comprends que la tâche n'est pas facile et je ne l'exigerai pas présentement, mais, d'ici à la fin de nos travaux, j'apprécierais recevoir des chiffres sur cela. L'autre question que je posais, M. le ministre, c'était sur les contractuels.

M. Fréchette: Vous voulez avoir le nombre?

M. Cusano: Oui, le nombre de contractuels.

M. Fréchette: II faut faire la distinction, me semble-t-il, entre les contractuels qui y sont pour un contrat global de 25 000 $ et plus, et ceux qui y sont pour un contrat global de 25 000 $ et moins. Je vous dirai que dans les deux volets il y a actuellement huit personnes qui travaillent à titre de contractuels à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Cusano: Actuellement, mais durant l'année combien y en a-t-il eu?

M. Fréchette: L'indication qu'on me donne, c'est que cela aurait été le même nombre pendant toute l'année.

M. Cusano: Le même nombre, mais pas nécessairement les mêmes personnes, je présume.

M. Fréchette: Mme la Présidente, est-ce qu'à ce stade-ci vous me permettriez de demander au président-directeur général de donner ces réponses qui sont d'ordre technique?

La Présidente (Mme Harel): Parfaitement, M. le ministre. D'ailleurs, c'est à votre discrétion et l'ensemble des personnes qui vous accompagnent pourront, dans le cours de nos travaux, prendre la parole. La parole est au président-directeur général de la CSST.

M. Sauvé (Robert): Pourquoi ce sont les mêmes, Mme la Présidente? Parce qu'il y en a quatre qui sont des boursiers, comme on les appelle. Nous avons fait une promotion pour permettre à des gens d'aller recevoir une formation supplémentaire, soit un doctorat, soit une maîtrise, à l'extérieur du pays ou au pays. Vous savez que l'institut, maintenant, a pris ce programme, mais pendant trois ans nous avons eu un tel programme et nous avons demandé aux gens qui avaient cette bourse de nous donner deux ans de travail par année d'étude. C'est pour cela que ces quatre sont toujours les mêmes. Ils finissent au cours de 1984 leurs deux ans d'engagement. Est-ce qu'ils resteront chez nous ou s'ils iront... On ne peut pas ouvrir de concours. Ils peuvent aller travailler dans les DSC, ou à l'institut, ou dans des programmes de recherche à l'université. Pour nous, c'était un excellent placement.

M. Cusano: Dois-je comprendre, M. Sauvé, que des personnes vont suivre des cours et que vous subventionnez ces cours pour que celles-ci se retrouvent ailleurs par la suite?

M. Sauvé: Non. Partout dans l'institut, nous avons cette façon de procéder qui est bien connue dans le monde de la santé et de la sécurité. Il s'agit de promouvoir, par exemple, des médecins de la santé, des ergonomistes, des hygiénistes, des spécialistes

en toxicologie et de toutes les spécialités possibles et impossibles qu'on n'avait pas au Québec.

Je vous dirai à titre d'exemple que l'institut a un programme de 80 boursiers qui fonctionne présentement et que nous maintenons. L'institut dépense au-delà de 1 500 000 $ en bourses pour permettre aux gens de la santé et de la sécurité d'être les plus compétents possible et qu'on en forme à tous les niveaux. La seule condition qu'on demande, c'est qu'ils reviennent travailler au Québec et qu'ils nous donnent deux ans de travail par année d'étude. Vous savez que les concours sont plutôt rares et il serait assez difficile de faire des concours pour des toxicologues à ce temps-ci, pour donner un exemple.

On fait la promotion et, si jamais on a des concours, on leur suggère alors de se présenter aux concours.

La Présidente (Mme Harel): Le député de Viau.

M. Cusano: Est-ce que ces bourses sont données aux employés de la CSST? Je veux faire une distinction entre les bourses qui sont données "at large" - excusez l'expression - et les bourses ou permissions d'études avec frais payés pour les employés de la CSST.

Je voudrais toucher à l'aspect des employés de la CSST. Vous avez justement un programme de perfectionnement, de recyclage et tout cela. Quel est le budget consacré à cela?

M. Sauvé: Je vérifie, mais je pense que c'est 200 000 $ par année.

M. Cusano: Est-ce que vous pouvez me donner la ventilation, à savoir si ces 200 000 $ par année, c'est pour des cours de groupe ou des cours individuels? Pouvez-vous nous indiquer la durée de ces cours individuels: est-ce pour une semaine, un mois, un an et à quelles universités?

M. Sauvé: Exact. Je pourrais vous faire parvenir, Mme la Présidente, tout le programme de bourses internes à la commission et tout le système de formation. En 1983, nous avons dépensé exactement 250 000 $ en formation et perfectionnement. Cela comprend des cours individuels. Par exemple, il y a des gens qui finissent leur baccalauréat, ou des choses du genre, sur la base d'un ou deux cours par semaine. Cela est permis en vertu des conventions collectives. Des cours d'anglais, pour du personnel qui a à travailler fréquemment en anglais, se donnent. Également, cette année, nous avons un boursier qui est allé se spéciliser en Californie en informatique et qui revient au mois de juin, et un autre qui finit une maîtrise en administration à l'Université de Sherbrooke.

M. Cusano: Ces gens, si j'ai bien compris...

M. Sauvé: Ce sont nos employés.

M. Cusano: Ce sont vos employés et vous exigez qu'ils restent avec vous deux ans pour chaque année d'études.

M. Sauvé: Exact, c'est la politique interne.

M. Cusano: Ma question sur cela: Plusieurs fois, on a vu - je parle d'expérience - dans le domaine scolaire, justement, à cause des ententes collectives, que des gens allaient suivre certains cours et que c'étaient des cours, dans un sens, qui n'étaient pas tout à fait reliés au domaine pédagogique. Dans votre cas, pouvez-vous nous dire combien de ces personnes depuis les deux ou trois dernières années sont allées se chercher un diplôme et ont quitté par la suite la CSST?

M. Sauvé: Quand vous me demandez combien de ces personnes sont allées se chercher un diplôme...

M. Cusano: Ce à quoi je veux en venir, M. le président-directeur général, c'est de comprendre un peu la philosophie de telles subventions. Est-ce pour perfectionner l'individu dans quelque chose qui lui plaît ou bien s'assurer que la CSST finance justement des cours qui seront rentables dans un sens pour la CSST, dans les années à venir?

M. Sauvé: Mme la Présidente, on a mis l'accent, si on me permet cette expression, sur la santé et la sécurité. Ce n'étaient pas des cours qui étaient ouverts pour aller étudier l'écologie ou des choses du genre, c'étaient des cours qui s'appliquaient directement à nous, et les gens qui ne sont pas restés sont allés dans les DSC. Nous en sommes très heureux, c'est-à-dire qu'ils sont restés dans le domaine. Par exemple, si des personnes avaient fait une année d'études à l'extérieur ou au pays, elles travaillaient à nouveau deux ans chez nous, mais il n'y avait pas de poste d'ouvert chez nous. Par voie de conséquence, elles ont eu à l'occasion des offres dans les DSC et je les comprends de les avoir acceptées plutôt que de rester contractuelles. Alors, on considère que c'est un bon placement.

M. Cusano: Lorsque les gens sortent du pays - vous avez mentionné l'exemple de la Californie - vous payez les frais de scolarité.

M. Sauvé: Exact.

M. Cusano: Vous payez le transport. Qu'est-ce qui est inclus dans la bourse que vous accordez à l'individu?

M. Sauvé: La personne garde son salaire pour l'année et a ses frais de scolarité payés et ses frais de transport. C'est la même chose à l'institut.

M. Cusano: C'est très généreux.

M. Sauvé: Les bourses varient suivant les spécialités et suivant les candidats entre 20 000 $, je dirais, et 40 000 $.

M. Cusano: 20 000 $ au-delà de leur salaire?

M. Sauvé: Non, cela comprend le salaire et tout. Quand un professionnel part aux études, la moyenne d'un professionnel chez nous est de 40 000 $ à peu près. Ce qu'on paie, ce sont les frais de scolarité selon l'endroit.

M. Cusano: Excusez-moi, peut-être que je vous ai mal compris. Vous avez dit qu'ils gardent leur salaire pour l'année.

M. Sauvé: Oui.

M. Cusano: Bon, alors, la personne a son salaire plus...

M. Sauvé: Mais, quand j'ai parlé de 20 000 $ à 40 000 $, c'est l'ensemble. C'est le salaire, les frais de scolarité et les frais de transport.

M. Cusano: Pendant qu'ils sont à l'extérieur, à part le transport, ils ont leur plein salaire, le transport, la scolarité. Est-ce qu'il y a d'autres dépenses qui sont incluses dans cela?

M. Sauvé: Je ne crois pas. Je peux vérifier, mais je vais vous envoyer le programme, vous allez voir. Il n'y a pas de cachette, c'est public chez nous.

M. Cusano: C'est public... M. Sauvé: C'est un livre.

M. Cusano: ...mais des fois très bien camouflé, M. le président-directeur général.

M. Sauvé: Pas du tout. Je pense qu'il y a assez de vérificateurs chez nous pour qu'il n'y ait pas de camouflage.

M. Cusano: Le perfectionnement ou recyclage interne, cela est fait par qui? Avec toutes les nouvelles méthodologies et les nouveaux appareils que vous avez chez vous, qui fait ce perfectionnement? Est-ce des gens de la CSST ou bien si vous êtes obligés d'aller à l'extérieur?

M. Sauvé: Cela dépend, Mme la Présidente. La grosse partie se fait à l'intérieur et il y en a qui se fait à l'extérieur. Ce sont des cours donnés ordinairement dans les universités ou dans les endroits spécialisés. (11 h 45)

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Mon autre question s'adresse au ministre.

Une voix: Excusez-moi.

M. Fréchette: Vous n'avez pas à vous excuser, je vous en prie.

La Présidente (Mme Harel): M. le président-directeur général, peut-être qu'il serait utile pour le bénéfice des membres de la commission que vous fassiez parvenir au secrétaire de la commission copie des brochures dont vous nous parliez. On en fera la distribution, cela peut être intéressant.

M. Sauvé: Avec plaisir, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Merci.

M. Cusano: Cette question au ministre sera très courte. Au cours de la commission parlementaire de décembre, on a appris - et même, je crois, le ministre - qu'il semblait y avoir un problème au conseil d'administration en ce qui touchait l'article 154 de la loi sur la CSST. Le ministre songe-t-il à changer cet article?

M. Fréchette: M. le Président... Mme la Présidente, je m'excuse. Au bout de onze heures, je vais finir par y parvenir, Mme la Présidente. Vous savez, il en est de ce secteur-là, si vous me prêtez l'expression, comme de bien d'autres. Le travail de l'Opposition, c'est d'essayer de pointer autant dans les lois, dans les règlements et dans les politiques administratives des choses qui, dans son évaluation, semble faire problème. Tout à l'heure, le député de Portneuf parlait du règlement de placement; le député de Viau est en train de parler de l'article 154 de la loi. Je veux bien, Mme la Présidente, que l'on identifie ces phénomènes, mais je n'ai encore entendu d'aucune espèce de façon des suggestions quant à une possible avenue pour modifier ce qui leur paraît ne pas être conforme.

M. Cusano: Mais, M. le ministre...

M. Fréchette: Je n'ai pas terminé, Mme

la Présidente. J'achève cependant.

M. Cusano: Je m'excuse, il est chatouilleux ce matin.

M. Fréchette: Ce que je voudrais simplement ajouter, Mme la Présidente, c'est que cet article 154, s'il n'était pas là et s'il n'accordait pas au président-directeur général de l'organisme les pouvoirs que l'on sait et qui lui sont accordés, je ne sais pas comment l'administration quotidienne d'un organisme comme celui-là pourrait être faite sans que cela crée régulièrement des embêtements de toute espèce.

Je comprends très bien que le député de Viau - il l'a dit tellement souvent depuis qu'on parle de la commission - ne parle pas précisément du titulaire de la fonction actuel, mais de la politique ou de la philosophie elle-même qu'on retrouve à l'article 154. Encore une fois, quand le gouvernement a fait adopter cette loi 17, il savait ce que contenait l'article 154. Il en était tout à fait conscient et c'est comme cela qu'il l'a voulu, Mme la Présidente. Je ne sache pas qu'après maintenant bientôt cinq ans d'exercice il faille revoir cette disposition de l'article 154, à moins que l'Opposition soit à ce point prête à cet égard qu'elle nous dise, ici ou ailleurs, par quoi il faudrait remplacer le mécanisme que l'on retrouve à l'article 154. C'est le genre de suggestion que je n'ai jamais encore entendue depuis une année maintenant que presque régulièrement, pour ne pas dire quotidiennement, on parle de la commission. Mais, dans l'état actuel des choses, je ne vois pas pourquoi on procéderait aux changements dont parle le député de Viau.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je ne voudrais pas faire lecture du journal des Débats sur la commission, lorsque les membres du conseil d'administration nous ont dit très clairement combien l'article 154 les embêtait. Ce conseil d'administration, selon vous, a des pouvoirs similaires à ceux d'autres conseils d'administration; ce n'est pas ce que l'on a constaté à la commission parlementaire, M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis heureux que le député de Viau soulève cet aspect de la question. Cela me permet de rappeler un certain nombre de choses. C'est évident que les membres du conseil d'administration, à l'occasion de la commission parlementaire de décembre dernier, ont fait état d'un certain nombre de difficultés que cela pouvait présenter par rapport aux pouvoirs qui sont accordés au président- directeur général en vertu de l'article 154.

Cependant, il faudrait bien relire tous les témoignages jusqu'au bout. Tous ont également dit devant la commission, autant au mois de décembre qu'aux mois de février et mars derniers, deux choses bien importantes: par rapport à la situation qui prévalait auparavant, lorsqu'on avait la Commission des accidents du travail, c'est, ont-ils tous dit, une amélioration considérable par rapport à la situation qui existait auparavant où deux ou trois et peut-être quatre commissaires décidaient entre eux des orientations à donner à la commission à tous égards: sur le plan administratif, sur le plan de la réglementation, sur le plan des décisions à prendre au niveau de la réparation, des politiques de réadaptation, de la prévention et ainsi de suite. Faisant ce parallèle entre les deux organismes, tous ont très clairement indiqué, à l'occasion de ce débat, que c'était une amélioration à tous égards.

Deuxièmement, autant les représentants des parties syndicales que des parties patronales, tout en identifiant un certain nombre de difficultés presque inévitables, se sont déclarés satisfaits de pouvoir participer aux décisions qui se prenaient à l'intérieur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail à telle enseigne qu'aucun de ceux que nous avons entendus, qu'ils aient été des représentants des parties syndicales ou patronales, à mon souvenir, en tout cas - on pourra refaire la lecture des témoignages qu'on a entendus - n'a suggéré de changements à cet égard, tout en soulevant les difficultés que cela pouvait présenter.

Rappelez-vous, Mme la Présidente, la commission parlementaire du mois de mars, quand nous avons entendu l'Association des mines d'amiante, il me semble. Un des invités que nous avions dans cette délégation était un membre du conseil d'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. J'engage ceux qui auraient le goût de le faire à lire la conclusion de son témoignage. Il nous a dit être très heureux de ce qui s'était passé depuis que la commission de santé et sécurité était là et il nous a dit également qu'au fur et à mesure que le temps passerait les difficultés qu'actuellement les parties doivent vivre allaient s'aplanir et qu'on allait apprendre à vivre heureux ensemble.

J'essaie de vous résumer le témoignage d'un membre du conseil d'administration qui est venu le dire ici à cette table. Mme la Présidente, dans ces circonstances, je pense qu'on est devant un régime, entre guillemets, qui est en train de faire ses preuves. Tous ceux qui ont un tant soit peu d'expérience en matière de santé et sécurité vont savoir, vont se rappeler qu'il n'existe pas de situations parfaites, d'une part, qu'il n'existe pas de systèmes parfaits, et tous ceux qui

ont cette expertise de la santé et de la sécurité et l'expertise d'un organisme analogue ou qui ressemble à celui qu'on a vont tous vous dire qu'avant cinq ans d'exercice, qu'avant cinq ans de pratique -cinq ans et un peu plus dans certains cas -personne n'est en mesure de passer un jugement qui soit définitif, qui soit clair. Nous avons à peine cinq ans. Il me semble que dans les circonstances l'exercice doit être complété jusqu'à sa limite et, au train où vont les choses, je suis l'un de ceux qui est convaincu que les objectifs qui étaient visés par le législateur vont être atteints par les dispositions actuelles de la loi 17 et les dispositions de la loi 42, lorsqu'elle sera amendée et adoptée par l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Si tout va si bien que cela, M. le ministre, comment expliquez-vous... Si des changements ont été faits, vous pouvez les annoncer. Le conseil d'administration nous a dit qu'à plusieurs reprises il a demandé au président-directeur général et au conseil de direction d'implanter des systèmes de vérification interne et qu'il aurait aimé, en tant que bon administrateur, d'abord, des mandats très clairs et précis et, ensuite, d'en connaître les résultats. En ce qui me concerne, à ma souvenance, M. le ministre, il me semble que c'était impossible de le faire. C'est là qu'est arrivée la question de l'article 154. Est-ce que cela a changé depuis, M. le ministre?

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais fouiller un peu dans mes souvenirs, mais, pour autant que ces souvenirs sont exacts, ce à quoi ont référé un certain nombre de nos invités à la commission parlementaire tenue en décembre, autant membres que non-membres du conseil d'administration, c'était d'évaluer la possibilité que la Commission de la santé et de la sécurité du travail soit sujette à une vérification externe. Je ne me souviens pas qu'on ait parlé de la possibilité de faire procéder à une vérification interne, il y en a déjà une. Il y en a déjà une, Mme la Présidente, et je vous signalerai à ce chapitre qu'elle est peut-être plus intense, plus poussée que dans n'importe lequel des autres organismes gouvernementaux ou n'importe lequel des ministères du gouvernement. Il y a cette vérification interne qui se fait périodiquement, à quelques reprises dans une année, et il y a aussi le Vérificateur général qui est là régulièrement. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux qui soient l'objet de plus de vérification que la Commission de la santé et de la sécurité du travail elle-même. Dans ces conditions, je ne sais pas ce que l'on pourrait ajouter de plus à ce qui se fait déjà pour avoir l'heure juste, si encore le député de Viau prétend que ce n'est pas l'heure juste.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau, peut-être une dernière question sur ce sujet, votre temps de parole est temporairement expiré. Je passe la parole au député de Beauharnois et on reviendra avec vous par la suite.

M. Cusano: Oui, c'est que nous sommes très loin de la boîte de la CSST, M. le ministre, du conseil d'administration et du conseil de direction. Il me semble que, lorsque les membres du conseil d'administration, eux qui regardent périodiquement, plus souvent que nous, le fonctionnement de cette boîte, ont suggéré à plusieurs reprises qu'il y ait une vérification externe, d'après moi, leur dernière demande était justifiée. Je suis certain qu'ils ne l'ont pas fait par simple caprice, M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, c'est effectivement vrai que vous et moi, M. le député, sommes loin de la boîte. C'est effectivement vrai qu'on ne peut pas se mettre le nez dans l'administration quotidienne, journalière ou de toute autre nature, mais c'est également vrai que le législateur l'a voulu cette boîte. Il est également vrai de dire que l'intention très précise du législateur est là, et pour des motifs sur lesquels on n'a pas besoin de plaider longtemps, me semble-t-il, pour faire la démarcation très nette qui doit exister entre l'organisme lui-même et l'appareil gouvernemental. (12 heures)

Mme la Présidente, l'occasion est peut-être appropriée, choisie, pour une autre remarque qui m'apparaît s'imposer. Il est évident que, lorsqu'on a procédé à la commission parlementaire de décembre dont le mandat était spécifiquement de procéder à évaluer l'administration et le fonctionnement de la commission - ce fut aussi vrai, à certains égards, à l'occasion de la commission parlementaire sur la loi 42 - il est évident qu'il ne fallait pas nous attendre, de la part de nos invités, à des témoignages de satisfaction totale, à des témoignages qui nous auraient amenés à la conclusion qu'il n'existe pas de problèmes. C'est évident parce que les gens qui y sont venus, et c'était de bonne guerre de le faire, ont précisément mis le doigt sur des situations qui leur causent ou qui leur ont causé des problèmes. Personne, par ailleurs - c'était aussi normal - n'est venu devant ni l'une ni l'autre des deux commissions parlementaires pour dire qu'il y avait un taux de

satisfaction de la clientèle de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui se situe entre 70% et 75%. Il me semble que c'est un élément fort important dans le dossier. Je veux bien que l'on s'applique à mettre le doigt sur ce qu'on pourrait convenir d'appeler des bobos, pour les besoins de notre discussion, ou des problèmes même majeurs. Il ne faudrait pas non plus que l'on perde de vue qu'à peu près 73% de la clientèle de l'organisme est satisfaite des services qui sont rendus, de la façon dont les demandes sont traitées et des délais qui sont mis pour traiter les demandes. Il me semble que l'objectif majeur de cette commission est précisément d'arriver à donner satisfaction à la clientèle qu'elle doit desservir.

Maintenant, je vois le député de Viau clignoter de l'oeil et opiner du bonnet, Mme la Présidente. Je sais que j'ai pris un long détour pour arriver de façon plus précise à sa question. Une vérification externe... S'il arrivait, par exemple, que les vérificateurs internes, que le Vérificateur général ou des intervenants à un autre palier signalent qu'il serait peut-être indiqué, à cause de telle et telle circonstance et pour tel et tel motif, qu'une vérification externe soit faite, personne ne va s'opposer à une décision de cette nature. Il me semble que, lorsque le Vérificateur général procède à son travail et qu'il arrive à des conclusions qui sont généralement acceptables en cette matière, il n'y a pas l'utilité expresse d'aller vers l'externe et de demander que l'opération recommence, à toutes fins utiles, à zéro ou à peu près. Que les vérificateurs qui sont déjà là indiquent qu'il serait souhaitable qu'une vérification externe se fasse, il n'y a personne qui va faire une guerre de tranchée là-dessus et qui va dire: Non, il n'en est pas question. C'est évident.

La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au député de Châteauguay. Nous reviendrons avec vous, M. le député de Viau.

M. Cusano: J'avais une autre petite question.

La Présidente (Mme Harel): J'imagine que vous en avez de nombreuses. Nous allons terminé nos travaux à 12 h 30 et nous aurons l'occasion de revenir avec vous. Votre premier temps de parole est très largement expiré.

M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente.

M. Cusano: Vous le dites avec un beau sourire, Mme la Présidente. Je vais me soumettre.

La Présidente (Mme Harel): J'espère que c'est plutôt mon argumentation qui vous convainc.

M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. Il y a sûrement d'autres choses intéressantes à faire à cette commission que de s'apitoyer sur les craintes du député de Viau, quoiqu'il aura l'occasion de revenir sur ses messages publicitaires, comme il le disait lui-même tout à l'heure, ainsi que son collègue de Portneuf.

La Présidente (Mme Harel): II n'y a pas de préambule en commission, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: II n'y a pas de préambule. Merci, Mme la Présidente. C'est que la question était quand même d'actualité, Mme la Présidente. On voit le député de Portneuf qui est parti tout de suite après ses remarques préliminaires. C'est un spectacle qu'il vient régulièrement faire en commission. Il s'en retourne après comme s'il n'était pas intéressé à entendre les réponses aux questions qu'il pose. Ceci dit...

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Mme la Présidente, question de règlement.

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Viau. Vous savez, encore un rappel au règlement...

M. Cusano: Cela n'existe pas maintenant?

La Présidente (Mme Harel): Oui, encore faut-il citer l'article du règlement qu'on veut invoquer.

M. Cusano: Vous savez, la réforme qu'on a eue dernièrement...

La Présidente (Mme Harel): On dit: demande de directive.

M. Cusano: Demande de directive. Peut-être que le député de Châteauguay n'était pas ici au début de nos travaux. Il a été entendu qu'à cause de certains travaux du whip en chef de l'Opposition...

M. Blais: II n'y a pas de directives là-dedans.

M. Cusano: Non, je veux seulement qu'il comprenne que le député a dû s'absenter à cause d'autres engagements. Je suis sûr et certain qu'il lira attentivement la transcription pour vous répondre, M. le

député.

La Présidente (Mme Harel): Je pense qu'on va demander au député de Châteauguay et au député de Viau de faciliter nos travaux. La parole est au député de Châteauguay et je l'invite à immédiatement interpeller le ministre.

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. Je vous promets que je vais poser des questions et que je vais rester ici pour entendre les réponses. M. le ministre, comme adjoint parlementaire du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il m'est arrivé dans le passé d'entendre des gens d'affaires exprimer des points de vue sur les cotisations qu'ils avaient à payer à la commission. Je dois dire que, dans un passé assez lointain maintenant, les remarques ont souvent été acerbes, mais il me semble que dans les derniers temps j'ai beaucoup moins entendu de remarques là-dessus. C'est peut-être parce qu'on a créé des espérances qui satisfont les gens d'affaires pour le moment.

D'abord, je voudrais vous poser une question sur le financement de la CSST. On sait que la CSST a annoncé un nouveau mode de financement en 1983. J'aimerais savoir si cette annonce de politique de financement nouveau va avoir un effet sur le taux de cotisation en 1984 et, si oui, de quel ordre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, le député de Châteauguay fait référence à une situation dont on entend parler très souvent. Généralement, on en entend parler par une référence qui est faite aux situations qui existent dans d'autres provinces, l'exemple classique étant la comparaison avec l'Ontario. Je vous signalerai, Mme la Présidente, que le taux de cotisation moyen par 100 $ assurables était au Québec, pour 1983, de 2,05 $. On va se souvenir également que le conseil d'administration et celui qui vous parle également ont annoncé que le taux de cotisation pour 1984 était de 1,89 $ les 100 $ assurables, une diminution substantielle quand même d'une année à l'autre, soit 1983 et 1984. Il n'y a pas, au moment où on se parle, aucune espèce d'indication qui pourrait nous amener à la conclusion que des augmentations sont envisagées pour 1985, bien au contraire. S'il y avait des réévaluations ou des réajustements qui devaient être faits en termes de cotisation pour 1985, ce serait de toute évidence vers la baisse.

Une autre chose, Mme la Présidente, qu'il est important de signaler. Je me référais très rapidement tout à l'heure à des questions que me posait le député de Viau au fonds actuariel, au fonds capitalisé de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec. Là aussi, on fait très souvent des comparaisons avec ce qui existe en Ontario. Je vous dirai qu'au Québec, au moment où l'on se parle, le fonds actuariel capitalisé de la Commission de la santé et de la sécurité du travail dépasse 800 000 000 $. Quand je parlais de revenus d'intérêt tout à l'heure qui rejoignent 190 000 000 $, ce sont des intérêts qui sont générés par le placement de ce fonds actuariel à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Nous sommes capitalisés dans une proportion qui dépasse 70% de nos besoins. S'il fallait, demain matin, payer tous ceux à qui des indemnités sont dues, les capitaliser et les payer, nous pourrions payer 70% de toutes les réclamations qui nous seraient présentées. Et cela, c'est en tenant compte de la valorisation des indemnisations qui arrivent au premier jour de chaque année. On est capitalisé dans cette proportion en tenant compte, encore une fois, de la valorisation des indemnisations qui doivent être payées aux accidentés ou aux victimes de maladies professionnelles. En Ontario, ce taux de capitalisation est d'environ 50%, sans tenir compte de l'obligation qui incombe à la commission de l'Ontario de valoriser également ses paiements le permier jour de chaque année. Si on tenait compte de cette obligation de valoriser les indemnisations, on tomberait, en Ontario, à un taux de capitalisation - et je le donne sous réserve d'arrondir ou de préciser les chiffres -d'environ 30% des besoins - est-ce que c'est autour de 30%? - d'environ 30% des besoins auxquels il faudrait subitement faire face. Maintenant, je vous signale comme dernière information à cet égard que le taux de cotisation moyen en Ontario - par 100 $ assurables toujours - était, en 1983, de 1,98 $ les 100 $ assurables et, le 1er janvier 1984, il est passé à 2,17 $ les 100 $ assurables. La commission a récemment publié une petite brochure, une petite plaquette qui fait le tour précisément de tous ces chiffres dont on vient de parler à travers toutes les commissions au Canada, quels sont les taux de cotisation, quel est le capital actualisé dans chacune des provinces. Nous pourrions facilement, Mme la Présidente, mettre à la disposition de tous les membres de la commission cette petite plaquette dont je viens de parler et qui illustre beaucoup mieux que je ne peux le faire quel est très précisément au plan économique, au plan financier, la situation de notre commission par rapport à toutes celles qui existent au Canada.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Mme la Présidente, mon intuition était juste, les gens d'affaires ont sans doute eux aussi fait cette comparaison. C'est toujours en se comparant qu'on se

console. Un homme célèbre a dit les choses autrement, mais il les a dites dans ce sens. C'est donc que la comparaison nous permet de constater que maintenant notre situation est tout à fait satisfaisante.

Sur le plan de la dette non provisionnée, est-ce que la situation est aussi comparable et aussi intéressante avec l'Ontario et peut-être avec d'autres provinces du Canada?

M. Fréchette: Mme la Présidente, pour répondre à cette question, je vais demander au président-directeur général de donner les renseignements au député de Châteauguay, si vous le permettez.

La Présidente (Mme Harel): La parole est à M. Sauvé.

M. Sauvé: Mme la Présidente, nous tenons toujours compte de toutes les commissions au Canada. Il y en a douze, mais disons qu'il y en a quatre principales. Il s'agit de la Colombie britannique, de l'Alberta, de l'Ontario et du Québec qui ont vraiment, d'abord, une main-d'oeuvre importante et un nombre d'accidents qui dépasse partout les 100 000. Alors, cela varie entre 100 000 et 450 000 dans les commissions que je viens d'énumérer. Donc, c'est ce qu'on peut dire qui est comparable. Nous sommes capitalisés à 72%. L'Ontario, comme l'a dit le ministre tantôt, est capitalisé officiellement, et ce ne sont pas des inventions, cela a été déposé devant le Standing Committee on Resources

Development, un comité de la Chambre en Ontario qui étudie le projet de loi à venir... Le professeur Weiler a fait deux rapports. Il doit soumettre son dernier rapport au cours du mois d'avril de façon que le gouvernement adopte une loi en 1984. Ses chiffres actuariels déposés étaient de 50,2%, soit une dette de 1 939 000 000 $. S'il capitalisait, comme l'a expliqué le ministre tantôt, avec l'indexation, comme nous on le fait, il serait capitalisé à 30,6%, avec une dette de 4 375 000 000 $.

Quant à la Colombie britannique, les gens de cette province sont en mission ici au Québec présentement pour regarder la situation parce qu'eux sont capitalisés à 69%, avec un déficit de 504 000 000 $. Ils veulent savoir s'ils peuvent améliorer leur situation et comment ils pourraient le faire; ils sont en discussions ici. L'Alberta est capitalisée à 70%. C'est donc que de l'ensemble des provinces comparables nous sommes capitalisés à 72%. Nous avons donc un fonds qui est supérieur à toutes les autres commissions, avec 1 800 000 000 $ à la caisse de dépôt. Nous n'avons aucune crainte et toutes les études actuarielles... Quand nous avons adopté le mode de financement -les données nous sont fournies jusqu'en l'an 2032 - mais, pour s'en tenir jusqu'en l'an 2008, nos prévisions actuarielles sont de l'ordre que nous serons toujours capitalisés à 70%, ce qui est amplement suffisant selon les experts. Pour faire plaisir à tout le monde, les actuaires externes sont venus au conseil d'administration poser les questions à nos actuaires et aux actuaires-conseils avant qu'on n'adopte le mode de financement. Tout le monde a donné son accord, cela a été adopté à l'unanimité, ce mode de financement. (12 h 15)

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois.

M. Dussault: Mme la Présidente, je veux remercier le ministre et M. le juge des réponses qu'ils nous ont données et inviter le parti de l'Opposition à mettre cela dans ses analyses. Peut-être qu'il sera plus optimiste l'avenir, Mme la Présidente. Merci encore.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, je voudrais faire une espèce de parallèle entre ce que l'on disait dans les remarques préliminaires à propos de l'OCQ. On disait que c'était un organisme qui était là et qui devait rester là au niveau de ses principes de fond. Je voudrais faire un parallèle avec la CSST. C'est un organisme qui est là pour rester au niveau de ses principes de fond aussi, quoi qu'en dise le député de Viau et les inquiétudes qu'il manifeste.

C'est sûr qu'un organisme qui a à administrer tout près de 1 000 000 000 $ par année et qui a à administrer une nouvelle loi, qui est la loi 17 et la loi 42 qui sera effective bientôt. Il ne peut pas dans un si court laps de temps être rodé et huilé comme tout le monde l'espérerait. Il n'en reste pas moins, comme le ministre le disait tout à l'heure, qu'à l'intérieur des commissions parlementaires que nous avons tenues en décembre à propos des analyses de l'administration de la CSST, aussi bien que des commentaires que nous avons entendus en commission parlementaire sur la loi 42, ni la partie patronale ni la partie syndicale n'ont mis en doute le bien-fondé de l'organisme. C'est sûr qu'il y a des améliorations à apporter et nous sommes là pour cela. Certaines commissions parlementaires que nous avons tenues cette année témoignaient de l'intérêt de tout le monde de voir à améliorer, parce qu'il y a de la place pour de l'amélioration, c'est sûr, mais le ministre mentionnait tout à l'heure qu'au-delà de 70% des gens qui utilisent les services de la CSST en sont satisfaits. C'est important d'insister là-dessus.

Je voudrais au niveau de mes questions

revenir sur les montants globaux perçus par la CSST annuellement, tout près de 1 000 000 000 $, je crois que c'est 968 000 000 $. Les 20 000 000 $ que le gouvernement donne à la CSST tous les ans sont-ils inclus dans les 927 000 000 $ en question ou sont-ils à part?

M. Fréchette: C'est effectivement à part, Mme la Présidente. Ce n'est pas inclus dans la liste des revenus que j'ai donnée tout à l'heure et non plus, évidemment, dans le total.

M. Lavigne: Donc, cela nous porterait à un total d'environ 947 000 000 $. Comme deuxième question, les 20 000 000 $ qui passent du gouvernement à la CSST cette année, le gouvernement ou le ministre du Travail a-t-il des directives précises quant à l'utilisation de ces 20 000 000 $ ou si ce montant entre dans les fonds généraux et qu'il est administré à la discrétion de l'organisme?

M. Fréchette: Mme la Présidente, à cet égard, le montant très précis est de 20 360 000 $. Il doit être affecté exclusivement au service d'inspection de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Quant aux modalités à être suivies pour son utilisation, c'est le Conseil du trésor qui, dans un décret, une directive, une décision, indique à la Commission de la santé et de la sécurité du travail comment les sommes d'argent qui lui sont données à ce chapitre de l'inspection doivent être dépensées.

M. Lavigne: II y a une autre constatation qu'on peut faire, c'est quand le ministre se disait relativement satisfait tout à l'heure quand on a pu constater que, finalement, malgré tout, la CSST arrive à un déficit pour 1983 d'environ 40 000 000 $. C'est sûr qu'il y a toujours de la place pour amélioration, je le disais tout à l'heure, mais, quand on compare avec l'année 1982, le montant global de la CSST se situait en deçà de 900 000 000 $ - c'étaient environ 880 000 000 $, si je me souviens bien - et elle a accusé, avec un montant global moindre, un déficit supérieur, qui était autour de 60 000 000 $; je pense que c'était 57 000 000 $.

M. Fréchette: 57 809 000 $.

M. Lavigne: Quand on regarde le portrait global: avec des revenus globaux d'environ 880 000 000 $, on accuse un déficit de 57 000 000 $ pour l'année 1982, c'est normal qu'on se réjouisse de voir que l'année financière 1983, avec un montant global accru de 947 000 000 $, si on ajoute les 20 000 000 $ du gouvernement, qu'on ferme l'année financière avec un déficit de 40 000 000 $.

Je pense donc que c'est bon ou moins bon, toujours en comparant avec l'année antérieure. Si on avait accusé un déficit plus grand que l'an passé, évidemment, on aurait pu se poser des questions et essayer de corriger notre tir davantage. Je pense que le tir a été corrigé dans une certaine mesure, dans le sens qu'on est parti avec un montant plus gros à administrer et qu'on ferme l'année avec un déficit inférieur à l'année d'avant. Je pense donc qu'il est important de faire cette remarque. Je dis qu'il y a encore des améliorations. Je suis sûr que le président de la commission aussi bien que le ministre et tous les gens concernés par l'administration de la CSST souhaitent un déficit qui va descendre d'année en année. C'est bien évident.

Inspection et prévention

Je voudrais aussi poser quelques questions. Lorsqu'on regarde le programme de la prévention, on s'aperçoit qu'entre l'année 1982 et l'année 1983 il y a eu une augmentation d'environ 8 000 000 $ à ce chapitre. Je pense que sur le fond, c'est une question de principe, c'est une question de philosophie, on l'a toujours dit dans nos débats concernant l'administration et la volonté gouvernementale et la CSST, c'est de mettre l'accent d'année en année et de plus en plus sur la prévention plutôt que la réparation. Je suis donc fier de voir qu'il y a une augmentation de 8 000 000 $ à ce chapitre.

Je voudrais savoir si l'expérience de la CSST est suffisamment grande pour qu'on puisse déceler, au fur et à mesure qu'on augmente le chapitre de la prévention, des signes sensibles quant au chapitre de la réparation. Est-ce qu'il y a une relation de cause à effet directe?

M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis évidemment tout à fait d'accord avec les deux évaluations que vient de faire le député de Beauharnois, d'une part, quant à l'explication, les motifs qu'il y a de se réjouir de la diminution du déficit par rapport à 1982. Il est peut-être indiqué d'ajouter ici un élément important quant au déficit. Les revenus anticipés de la commission sont basés, évalués à partir d'une estimation qui est faite de la masse salariale prévisible pour une année. La commission doit procéder à cette évaluation de la masse salariale qui est prévisible et c'est à partir de cette évaluation qu'elle fait qu'elle bâtit son budget. Le déficit, autant de 1982 que de 1983, s'explique en bonne partie, sinon totalement, par le fait que l'évaluation de la masse salariale qui a été faite par la commission ne s'est pas concrétisée à cause des problèmes d'ordre économique qu'on a

connus: la diminution de l'emploi, le chômage et ainsi de suite. Cela explique donc pourquoi il y a ce déficit dont on parle.

Quant au deuxième aspect de la question, et il est, quant à moi, Mme la Présidente, d'une importance capitale, la nécessité de mettre l'accent sur la prévention, je me souviens avoir lu et relu à profusion le livre blanc sur la santé et la sécurité qui a été publié en 1978. Le livre blanc consacrait une bonne partie des objectifs que visait le gouvernement très précisément sur l'aspect de la prévention. C'est aussi simple que de dire: plus il y aura de prévention, moins il y aura de réparation.

M. Jean-Louis Bertrand, le vice-président à la prévention, peut effectivement donner au député de Beauharnois plus de précisions quant à l'utilisation des 8 000 000 $ de plus au chapitre de la prévention.

M. Bertrand (Jean-Louis): Effectivement, ces montants d'argent ont été utilisés pour l'implantation des services de santé au niveau du réseau des affaires sociales, de même qu'une augmentation au niveau des subventions aux associations sectorielles, pour parler des deux points principaux d'augmentation dans les budgets de transfert.

Au niveau de l'effet sur le plan des lésions professionnelles, il est peut-être trop tôt pour voir pleinement l'effet de ces programmes de prévention. On pense qu'il faut une période d'environ cinq ans avant qu'on n'en voie vraiment l'effet. Cependant, il est intéressant de noter que, dans les statistiques qu'on est en train de finaliser, on s'aperçoit qu'il y a une diminution de la gravité des accidents, ce qui est évidemment très favorable aux travailleurs. Cependant, au niveau du nombre de travailleurs touchés, c'est sensiblement le même nombre que l'année précédente même si l'on s'aperçoit, d'après nos statistiques, qu'il y a une certaine augmentation du nombre de travailleurs à l'emploi au cours de la dernière année.

Nous avons tenu hier une réunion avec les associations sectorielles qui sont en formation, de même que celles qui fonctionnent; il y en a sept actuellement. Cela réunissait autour de la table les sept associations qui fonctionnaient, plus une dizaine qui sont en voie de formation à divers niveaux. C'est une des questions qui ont été mises sur la table concernant les échanges, à savoir: Est-ce que, parmi les associations qui fonctionnent, vous pouvez commencer à voir des effets de vos programmes de prévention? Je peux vous citer deux témoignages: celui de M. Pierre Boucher, directeur de l'association sectorielle des affaires sociales, de même que M. Chatelois, qui est le directeur général de l'association du textile, et les deux ont dit constater qu'il y a diminution de la fréquence et de la gravité.

Dans le secteur des affaires sociales, on assistait depuis plusieurs années à une augmentation rapide de la fréquence et de la gravité qu'ils ont réussi à contenir, pensent-ils, grâce, entre autres, à leurs programmes - dans le cas de l'ASSTAS, ils fonctionnent depuis un certain nombre d'années. Du côté du textile, on constate la même chose. Je pense que c'est bon signe. Ces gens étaient accompagnés de leurs coprésidents patronal et syndical. C'est aussi un témoignagne tant patronal que syndical qui fait que cela vaut la peine d'investir dans la prévention. Cela semble commencer à être rentable, mais cela prendra une période de cinq ans avant qu'on puisse vraiment évaluer tout cela.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que, dans le même ordre d'idées, en ce qui a trait à la prévention, on peut commencer à percevoir suffisamment d'efforts ou pas assez de la part des employeurs? Est-ce que les employeurs remplissent bien leur rôle dans le sens de la prévention? Je voudrais immédiatement greffer d'autres questions à la prévention.

Est-ce que l'exercice du droit de refus, par exemple, qu'on accorde maintenant dans la loi est un élément important qui épargne des blessures, qui épargne des accidents? Est-ce qu'on peut quantifier? Est-ce qu'on a des chiffres sur cela, parce que je pense que l'élément du droit de refus est important dans le monde du travail? J'aimerais savoir si le fait d'avoir mis cet élément dans la loi a été profitable non pas uniquement à la prévention des accidents, mais est-ce que cela a aussi des effets sur les coûts? Est-ce possible d'évaluer aussi, d'une façon mercantile, cet aspect?

Il y aurait comme troisième question touchant l'inspection: Comment sont réparties les ressources de l'inspection? Est-ce qu'il y a plus d'inspecteurs dans certains chantiers donnés, dans certaines activités données que dans d'autres? Est-ce que, par exemple, au niveau de la construction et des mines, on met suffisamment d'inspecteurs? On sait que ce sont là des champs d'activités où l'on retrouve un taux d'accidents assez élevé.

Pour terminer, quel est l'impact des programmes de prévention sur les interventions de l'inspection? J'aimerais, si possible, que vous me fassiez un compte rendu de ces quelques points.

La Présidente (Mme Harel): Si vous le permettez, M. le juge Sauvé, je constate qu'il est près de 12 h 30 et que nous devons terminer nos travaux à 12 h 30. Je vais ajourner la commission sine die et vous inviter à être de retour après la période des questions.

M. Lavigne: Très bien, Mme la Présidente, j'attendrai les réponses au retour. Merci.

La Président (Mme Harel): À moins qu'il y ait consentement unanime à poursuivre. Oui, M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je voudrais m'enquérir d'une situation. Remarquez que ce n'est pas un désir ou un voeu que j'émets, mais s'il n'y avait pas d'autres questions, à part celles du député de Beauharnois, est-ce qu'on ne pourrait pas même au-delà de l'heure prévue régler le cas du programme 2? Je ne sais pas si le député de Viau a fait le tour de ses questions. Enfin, je mets cela sur la table comme cela.

La Président (Mme Harel): M. le ministre, le député de Viau m'avait déjà indiqué qu'il entendait compléter par d'autres questions l'étude du programme 2.

M. Fréchette: Très bien, cela va. (Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise de la séance à 15 h 20)

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Cette séance de la commission de l'économie et du travail a pour objet d'étudier les crédits budgétaires du ministère du Travail conformément au mandat que nous avons reçu de l'Assemblée nationale. Je vais immédiatement vous rappeler que nous allons siéger ce soir. Nous terminerons l'étude des crédits du ministère du Travail demain matin. Comme nous avons quatre autres programmes à examiner au cours de cette séance, j'inviterais les membres de cette commission à conclure rapidement l'étude du programme 2. Je passe la parole au député de Viau. M. le député de Viau.

M. Lavigne: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je ne voudrais pas intervenir indûment dans le débat, mais j'ai posé, immédiatement avant l'heure du dîner, quelques questions. Juste avant de passer la parole au député de Viau, si vous me le permettiez, j'aimerais entendre les réponses, s'il vous plaît!

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois, vous avez entièrement raison. Je cède donc la parole à M. Sauvé ou au vice-président...

M. Fréchette: M. Bertrand.

La Présidente (Mme Harel): ...à la réparation, je crois.

M. Bertrand (Jean-Louis): Prévention et inspection.

La Présidente (Mme Harel): À la prévention.

M. Bertrand (Jean-Louis): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Avec votre permission, j'espère que j'ai bien noté les questions de M. le député de Beauharnois. Si jamais j'en avais oublié une, veuillez me rafraîchir la mémoire. Votre première question portait un peu sur l'attitude générale des employeurs par rapport à l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et peut-être que nous pouvons mieux faire ressortir cette attitude à l'égard des programmes de prévention. Je pense qu'actuellement on peut dire, globalement, que les employeurs se sont soumis à la réglementation concernant les programmes de prévention et ont produit des programmes de prévention.

Par exemple, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, nous avons reçu plus de 65% des programmes de prévention demandés. Dans le secteur de la chimie, on dépasse maintenant 82%; dans le secteur de la forêt et de la scierie, 95%; dans le secteur des mines et carrières, 91%, et dans le secteur des produits de métal -qui est peut-être l'endroit où on a actuellement le plus de difficulté - c'est 62%, pour un total de programmes reçus, pour le secteur prioritaire I, de 76%. Cette attitude des employeurs se reflète aussi au niveau des dérogations émises de la part de l'inspection où on assiste à une baisse notable de même qu'à des arrêts de travaux ou des scellés apposés.

Cette attitude qu'on peut percevoir par l'accumulation des avis de dérogation ou des scellés apposés traduit un changement d'attitude du côté des employeurs où il y a un désir de plus en plus grand de prendre en charge la prévention et de s'organiser à l'intérieur même de l'établissement pour surveiller la prévention. C'est un changement d'attitude très positif. Tantôt, M. le ministre a fait référence à des témoignages en commission parlementaire. Je pense que dans plusieurs secteurs maintenant on assiste à un changement d'attitude du patronat vis-à-vis de la mise en place de programmes de prévention et on peut le ressentir dans les chiffres que nous compilons.

La deuxième question portait sur les cas de droits de refus. Au niveau du droit de refus, en 1981, on a eu 229 cas; en 1982,

233, et, en 1983, 212. Donc, nous avons une diminution. Si on regarde le nombre de travailleurs affectés: en 1981, il y en avait 1584; en 1982, il y en avait 969 et, en 1983, 576. Quand on regarde au niveau du détail, il y a un certain nombre de compagnies un peu plus problématiques où il y a beaucoup de droits de refus et qui couvrent, dans le cas d'une compagnie, plus de 10% des droits de refus. Évidemment, c'est relié au problème de cette compagnie.

Si on examine ce qui se passe au niveau des droits de refus, selon nos statistiques, environ 30% des cas sont justifiés. Dans notre jargon, cela veut dire que l'inspecteur indique que, oui, le droit de refus au sens de la loi est utilisé et donne droit au travailleur de cesser de travailler jusqu'à ce qu'une réparation soit faite. On assiste en même temps à un nombre de plus en plus grand de cas où, finalement, l'inspecteur n'a pas à se prononcer, où l'intervention de l'inspecteur se règle par accord entre les parties. On a 39 cas maintenant dans cette situation par rapport à l'année 1981 où il n'y en avait que sept.

Les cas que je vous donne sont seulement ceux référés à la commission. On s'aperçoit de plus en plus qu'il y a des droits de refus de travail qui s'exercent dans les établissements, mais qui se règlent au sein même de l'établissement, sans intervention de l'inspecteur. Évidemment, on n'a pas de statistiques dans ces cas, mais, lorsqu'on rencontre les comités de santé et de sécurité j'ai été dernièrement à la compagnie Kruger, à Trois-Rivières - on s'aperçoit que là où il y a des comités de santé et de sécurité qui fonctionnent - dans ce cas, il est prévu par convention collective - on a mis en place des mécanismes pour régler les cas de droits de refus.

On peut dire globalement que ce droit est bien utilisé, mais certains diront que 30% des cas, c'est-à-dire 61 justifiés par rapport aux cas non justifiés, cela peut sembler peu. Quand on sait que, dans les méthodes traditionnelles au niveau de l'inspection, on peut découvrir à peu près 30% des problèmes réels, on voit qu'on atteint à peu près le même niveau de la part des travailleurs qui examinent leur milieu de travail et qui décèlent des cas justifiés d'arrêt.

Dans plusieurs autres cas, même si le droit de refus de travail n'est pas justifié au sens de la loi, où il y a certaines techniques qui y sont inscrites. Souvent, cela amène des corrections et on traite le droit de refus comme un cas de plainte. Globalement, on peut dire que cela a amené un phénomène d'autosurveillance au niveau des établissements et les cas qui nous sont référés nous ont permis de les régler avant que cela ne devienne dramatique et cause des accidents. Sur ce plan, le programme est positif. Si on compare avec l'expérience en

Ontario, on s'aperçoit qu'en Ontario, en 1982-1983, il y a eu 304 cas de refus. Donc, je pense qu'au Québec le droit est bien utilisé, comme la tendance dans les autres provinces canadiennes.

Au niveau des ressources de l'inspection, nous tentons d'affecter nos ressources selon les divers programmes que nous avons et, dans ces programmes, il y en a sur lesquels nous devons porter une attention plus grande. Le total des inspecteurs durant la présente année est de 233, pour 1984-1985. Il y a plus de ressources, il y a 362 postes qui nous sont accordés pour la prochaine année, mais 233 inspecteurs parmi cet ensemble de postes. L'an dernier, c'était le même nombre d'inspecteurs.

Si nous regardons maintenant au niveau du secteur mines et carrières - c'est un des points que vous avez demandé - lors du transfert des ressources d'inspection du ministère de l'Énergie et des Ressources, il y eu 18 inspecteurs qui ont été transférés. Au cours de l'année 1981, nous avons monté ce nombre à 22; en 1982, il était de 27 et, en 1983, il est de 26. Nous avons quand même augmenté le nombre de ressources affectées à l'inspection du côté des mines et carrières. C'est un peu le même phénomène du côté de l'inspection du secteur bâtiment et travaux publics. Lorsqu'il y a eu transfert de l'OCQ à la commission, à l'époque, en 1981, il y a eu 45 inspecteurs qui ont été transférés. Nous avons augmenté ce nombre à 68 et, en 1982, nous avions 73 inspecteurs; maintenant, nous en avons 69. Il faut dire que le territoire du Nouveau-Québec a beaucoup moins d'activités maintenant. Nous avons réduit de beaucoup le nombre d'inspecteurs sur ce territoire, lequel est maintenant desservi à partir du Nord-Ouest québécois, de l'Abitibi-Témiscamingue. Il y a 69 inspecteurs affectés à ce secteur. C'est un secteur où il faut continuer l'inspection traditionnelle, entre autres, à cause du phénomène des petits chantiers où il est difficile d'avoir le phénomène d'autosurveillance dont je parlais plutôt. Il faut donc avoir constamment des gens qui font la surveillance. Vous savez que les programmes de prévention ne s'appliquent que dans les chantiers de construction où il y a plus de 25 travailleurs. Dans les autres cas, il faut assurer une surveillance adéquate. (15 h 30)

Au niveau des relations entre les activités d'inspection et l'ensemble des programmes de prévention-inspection, il y a une diminution du nombre de dossiers. Par exemple, un niveau des inspections de conformité, il y a une baisse. L'an dernier, il y avait 11 806 dossiers ouverts d'inspection de conformité. Cette année, pour 1983, il y en a 9643. Cette baisse est due à un changement d'attitude par rapport à nos

programmes. Nous visons de plus en plus la mise en place de programmes de prévention. Pour nous, l'inspection de conformité devient un instrument pour permettre de déceler un certain nombre de problèmes à l'intérieur d'un établissement et permettre à l'employeur et au syndicat de mettre en place des programmes de prévention et les corriger eux-mêmes, ce qui fait qu'il y a un changement au niveau des interventions habituelles de l'inspection qui se retrouve surtout au niveau des inspections de conformité, mais aussi, comme je l'ai dit tantôt, au niveau des droits de refus. Plus la prise en charge va avoir lieu, moins on va intervenir d'une façon traditionnelle, entre guillemets, c'est-à-dire un intervenant de l'extérieur qui va dans un établissement et dit: Corrigez ceci ou cela. De plus en plus, cela va être le milieu lui-même qui va corriger les choses et l'appel à l'inspecteur va se faire dans les cas plus graves. Déjà, on peut ressentir que cela se règle au niveau du milieu de travail. C'est un peu ce qu'on retrouve dans nos chiffres pour un total de 14 114 interventions par rapport à 16 980 en 1982. Donc, il y a une baisse de l'intervention traditionnelle.

Maintenant, les inspecteurs sont affectés de plus en plus, d'une part, à l'analyse des programmes de prévention pour s'assurer qu'ils couvrent les principaux problèmes et, d'autre part, au suivi des programmes de prévention. Tantôt, je vous citais des chiffres pour les entrées des programmes. Les inspecteurs doivent examiner les programmes, s'assurer qu'ils sont conformes, qu'ils respectent les règlements. Par la suite, ils doivent retourner au niveau de l'établissement faire un suivi du programme de prévention, s'assurer que les échéances qui y sont prévues sont respectées. Évidemment, si elles ne sont pas respectées, on revient à l'inspection plus traditionnelle et on prend les mesures de contrôle, etc.

Vous avez, M. le député, dans votre comté un cas qui illustre bien cela. Je pense que la compagnie Expro est un cas qui a fait l'objet d'une enquête où il y avait beaucoup de difficultés. On assiste à un mécanisme de prise en charge intéressant où les deux parties, employeur et travailleur, se mettant d'accord sur des échéanciers et c'est la tendance qu'on tente d'implanter de plus en plus dans toutes les usines, parce qu'on pense que ceux qui sont encore les mieux placés pour régler les problèmes de santé et de sécurité, ce sont les premiers intéressés, soit travailleur et employeur sur la place même. Expro est peut-être un exemple intéressant, même si parfois cela revient. Récemment, il y a eu un arrêt de travail à Expro, mais, globalement, on peut dire que depuis six mois les parties ont décidé de se prendre en charge, de se donner de la formation, de faire des suivis et je crois que l'employeur démontre du sérieux dans le suivi de ses engagements.

M. Lavigne: Tout ce qu'on pourrait souhaiter avant de terminer, Mme la Présidente, c'est qu'on donne - on a commencé d'ailleurs, comme vous le disiez vous-même, à rencontrer des gens aussi bien de la partie patronale que de la partie syndicale de la compagnie Expro - suite, dans les plus brefs délais, aux recommandations qu'on retrouvait dans le rapport Beaudry; je pense qu'elles étaient judicieuses. Dès qu'on aura tout mis en oeuvre pour apporter les correctifs nécessaires, tel que le recommande la commission Beaudry, je pense que tout le monde ne s'en portera que mieux. J'espère que tout cela sera fait dans les meilleurs délais. Merci.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Bertrand. La parole est au député de Viau.

M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. Une question au ministre: l'Association des entrepreneurs en construction du Québec vous a demandé, ici, en commission parlementaire, si vous aviez l'intention de nommer un de ses représentants au conseil d'administration de la CSST. Si je me rappelle bien, vous aviez dit à ce moment que vous étiez prêt à étudier la situation. Est-ce que vos études sont avancées, M. le ministre? Est-ce que l'AECQ sera représentée?

M. Fréchette: Si je me rappelle bien, le Président, je n'ai pas dit aux représentants de l'association...

M. Cusano: C'est Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Cela va venir.

M. Fréchette: Je m'excuse.

La Présidente (Mme Harel): Je ne me décourage pas.

M. Pagé: Cela prend du temps pour changer les mentalités.

M. Cusano: II est aussi pire que le premier ministre.

M. Fréchette: On va finir par passer au travers, vous savez. Je me reprends, Mme la Présidente. Si mon souvenir est exact, au moment où l'Association des entrepreneurs en construction du Québec s'est présentée ici, en commission parlementaire, au moment de l'étude du projet de loi 42, je ne lui ai pas dit que sa demande était à l'étude. Je lui ai dit qu'une décision avait été prise en relation avec sa demande. Je voudrais

simplement rappeler au député de Viau, ne serait-ce que pour mémoire, que ce n'était pas la première fois que l'Association des entrepreneurs en construction me soumettait cette requête. En fait, depuis septembre 1982, cette même association est constamment revenue à la charge pour insister et obtenir une représentation au conseil d'administration de la CSST. J'ai toujours indiqué aux représentants de l'AECQ que leur requête m'apparaissait effectivement bien fondée. Cependant, il m'était difficile, pour ne pas dire impossible, de procéder à une nomination au moment même où on me le demandait, compte tenu que tous les postes au conseil d'administration étaient remplis, avaient des titulaires et qu'il fallait de toute évidence attendre le renouvellement de l'ensemble du conseil d'administration. Ce renouvellement doit se faire au mois d'août et l'engagement que j'ai pris vis-à-vis de l'AECQ est toujours le même. Comme elle est d'une prudence extrême, elle m'a écrit récemment pour me redemander mes intentions à cet égard. Je l'ai encore informée que, le temps venu, sa requête serait effectivement agréée.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Puisqu'on est un peu limité par le temps... Le ministre n'est peut-être pas au courant de nos règlements, c'est que, dans mes vingt minutes, ce sont seulement mes paroles qui comptent et non les vôtres.

M. Fréchette: Monsieur, vous êtes d'une amabilité consommée.

M. Cusano: Sur les voyages, on parlait justement ce matin...

M. Pagé: J'aurais une question additionnelle.

La Présidente (Mme Harel): Vous pourrez le faire avec le consentement des membres de la commission et surtout avec le consentement de votre collègue de Viau.

M. Pagé: Vous dites, M. le ministre, qu'au moment venu on procédera à la nomination. Selon vous, quand viendra ce moment?

M. Fréchette: Je viens de vous signaler que la loi est ainsi faite et que c'est au mois d'août de l'année qui vient que les postes seront comblés au conseil d'administration. Ou bien tous les gens qui y sont actuellement peuvent être reconduits, quelques-uns d'entre eux seulement peuvent être reconduits et les autres remplacés par de nouveaux venus. Tout cela doit se faire au mois d'août. Au moment où on se parle, il y a cette consultation qui est prévue par la loi et qui est en train de se faire pour que les différentes associations, autant syndicales que patronales, acheminent des recommandations. Dès lors que tout cela sera complété, le temps venu, encore une fois, les nominations se feront.

M. Pagé: Donc, un représentant de l'AECQ.

M. Fréchette: Voilà, vous devinez très bien. Je vous signale que Mme Grimard, qui est au conseil d'administration, est une membre active, me dit-on, de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec.

M. Pagé: Mais elle ne représente pas l'AECQ.

M. Fréchette: Non, elle ne représente pas l'AECQ, je suis d'accord avec vous, mais elle est membre de l'organisme.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Je regardais les voyages à l'étranger depuis le 1er janvier 1983. Je remarque qu'il y a eu un total de 45 000 $ de dépensés en voyages. Avant que j'entre dans les détails, une question. Lorsque des employés de la CSST vont en dehors du Québec ou dans le Québec même, lorsqu'ils assistent à une conférence, à un congrès ou lorsqu'ils suivent des cours, est-ce qu'ils remettent un rapport à leurs supérieurs? Est-ce que les rapports sont disponibles pour les voyages qui sont mentionnés ici, dans l'information que vous nous avez fournie, M. le ministre?

M. Fréchette: Mme la Présidente, à la première question du député de Viau, je lui signalerai que la règle, c'est qu'effectivement des fonctionnaires de la commission, qui sont en mission ou qui font des voyages à l'extérieur du Québec, doivent à leur retour faire rapport des travaux auxquels ils ont assisté, quelle a été leur participation et qu'est-ce qu'ils en retiennent. Maintenant, je ne connais ni de règlement ni de directives administratives qui feraient que ces rapports ne puissent pas être publiés ou soumis à qui voudrait les voir. À cet égard, je pense bien qu'il n'y aurait aucune espèce d'hésitation, si le député de Viau demandait de façon précise...

M. Cusano: Oui, je vais le faire, M. le ministre.

M. Fréchette: Alors, il n'y a pas de problème. Je ne vous dis cependant pas qu'on peut les avoir sous la main cet après-midi.

M. Cusano: Non, non. Je suis très patient, et vous le savez.

Pour revenir à ces voyages, je crois que quelques explications sont toutefois nécessaires, mais, s'il y a des erreurs de frappe, on les accepte. Vous avez M. Jacques Simard qui a passé au-delà de 24 jours en Californie pour un montant de 1507,84 $. À la même page, vous avez un M. Robert Rouleau qui a passé une journée en Californie et cela a coûté 1989,52 $. Est-ce qu'on pourrait nous expliquer...

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.

M. Cusano: II y a plusieurs voyages en Californie et on sait fort bien que le billet d'avion est de 950 $. Alors, avec les allocations qu'on connaît, les 24 jours, c'était bon marché, mais celui de M. Rouleau: une journée pour une visite des installations d'IBM à 1989,52 $, je crois qu'on doit se poser des questions.

M. Fréchette: Oui, je pense, Mme la Présidente, que le député de Viau est tout à fait justifié de se poser des questions. Je lui réitère ce que je viens de lui dire. Nous allons lui fournir les explications qu'il demande, mais on n'est pas capable de le faire sur-le-champ. Nous pourrions faire parvenir au secrétariat de la commission les renseignements demandés par le député de Viau.

M. Cusano: Quel poste occupe M. Robert Rouleau?

M. Sauvé: Les deux sont à la direction des systèmes à Québec, au siège social.

M. Cusano: La visite a duré une journée?

M. Sauvé: Écoutez, il y a quelque chose qui ne va pas, cela me paraît étonnant.

M. Cusano: D'accord, je continue.

M. Sauvé: J'en profiterais pour faire une correction, M. le député.

La Présidente (Mme Harel): M. le juge Sauvé, c'est pour les fins de l'enregistrement de nos travaux.

M. Sauvé: Excusez-moi, mais j'en profiterais pour faire une correction. À la fin des voyages, l'avant-dernier nom, André Laurin, qui est allé au BIT, nous avons été remboursés depuis. Il faut donc soustraire 4323 $.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Sauvé: C'est remboursé par le gouvernement fédéral, quand on participe aux...

La Présidente (Mme Harel): M. le juge Sauvé.

M. Sauvé: ...conférences internationales à la demande du gouvernement fédéral.

M. Cusano: II y a une bonne collaboration de ce côté. C'est très bien.

M. Sauvé: Excellente.

M. Cusano: Ce n'est pas cela que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation nous disait aujourd'hui. Je continue encore...

La Présidente (Mme Harel): Cela n'est pas pertinent à nos travaux.

M. Cusano: C'est vrai, vous avez raison, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Pagé: Je pense que M. le juge voulait ajouter quelque chose.

M. Cusano: Vous avez aussi M. Roger Tremblay, un voyage en Allemagne. Le but du voyage, selon la fiche que vous nous avez donnée, c'est un voyage d'études.

M. Sauvé: II est allé dans une mission interministérielle, je crois - c'est le directeur des ressources humaines - pour développer une politique pour les cadres à la commission et au gouvernement. M. Tremblay est bien connu, je pense. Il était autrefois au ministère de la Fonction publique. Il est chez nous directeur des ressources humaines depuis quatre ans.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau.

M. Cusano: Puisque vous allez...

M. Sauvé: On peut fournir le rapport, c'est très intéressant.

M. Cusano: Pardon?

M. Sauvé: On pourra fournir le rapport, c'est très intéressant.

M. Cusano: Je l'ai demandé officiellement, j'aimerais bien voir les rapports de tous ces voyages parce qu'il y en a qui semblent très intéressants. Encore sur la question des voyages, il y a ici: Boston, Massachusetts, une dénommée Jacqueline

Cadoret. Pour trois jours, cela coûte 846,99 $ et je présume, au bas de la page, M. Régis Tremblay, Boston, Massachusetts, encore: suivre un cours sur la qualité de l'air ambiant. Celui-ci y est pour cinq jours et cela coûte 659 $. Est-ce que ce sont des erreurs d'informatique? Je commence à m'inquiéter. Ce matin, le ministre nous a cité toutes sortes de chiffres en disant que les états financiers démontrent sûrement un déficit de 40 000 000 $, mais, si les états financiers sont de la même précision que ceci, je crois qu'on va s'attendre à des surprises.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.

M. Fréchette: Je m'excuse, Mme la Présidente, j'étais distrait. Est-ce que c'est une question et, si oui, de...

La Présidente (Mme Harel): C'est un commentaire.

M. Cusano: Non, non, c'est un commentaire, M. le ministre. (15 h 45)

M. Fréchette: Ah bon!

M. Cusano: Je me demande quelle est la précision de ce document, s'il reflète les chiffres que vous avez donnés ce matin.

M. Fréchette: Je pense que pour être fixé là-dessus, Mme la Présidente, il va falloir attendre...

M. Cusano: C'est cela.

M. Fréchette: ...les renseignements précis que le député de Viau nous a demandés. Le député de Viau va comprendre que, lorsqu'on discute... Je ne suis pas en train de vous dire que ce n'est pas important de faire l'examen qu'on fait là, mais, sur un budget global de la nature que vous savez, demander des précisions aussi claires par rapport au dossier qu'on a sous les yeux actuellement, il va falloir de toute évidence faire les recherches et vous fournir la documentation ou les réponses par écrit.

M. Cusano: M. le ministre, d'habitude, en administration - c'est une question d'opinion à ce moment-ci - lorsqu'on regarde l'exactitude des petits dossiers, on est capable d'extrapoler sur l'exactitude des gros dossiers.

M. Fréchette: Enfin, on verra quand la documentation sera acheminée à qui de droit.

M. Cusano: Puisque vous allez nous fournir cela avec toutes les précisions, je ne veux pas savoir ce que M. Rouleau a mangé quand il était là. À une autre annexe, on donne la liste des contrats de moins de 25 000 $; une opinion a été demandée à Andrée Lajoie. On nous indique ici: pouvoir CSST. Qu'est-ce que c'est?

La Présidente (Mme Harel): M. Sauvé.

M. Sauvé: Mme Lajoie est bien connue comme ayant été la directrice du centre de recherche de droit public à l'Université de Montréal. Elle a écrit de gros volumes fort importants et intéressants sur le droit à la santé et elle a été consultée pour nous donner une opinion sur le pouvoir à déterminer le lieu de prestation des services de santé aux accidentés en vertu du droit à l'assistance médicale.

M. Cusano: Vous allez nous faire parvenir cela, M. Sauvé?

M. Sauvé: Certainement.

M. Cusano: Je continue. Au bas de la page: Me Claude Marcoux, frais: collection, dossier CUM, Gilles Beaulieu, un montant de 3604 $. Qu'est-ce que c'est?

M. Sauvé: Je vais le vérifier, M. le député de Viau. Si vous vous souvenez, depuis un certain temps, ce sont les avocats plaideurs qui plaident les causes du gouvernement et des organismes. Le système auparavant était donné aux avocats de pratique privée. Alors, avant 1976 ou 1977 -je ne saurais vous dire la date exacte du changement de politique gouvernementale - il y a un certain nombre d'avocats qui ont fait de la "collection" ou des causes pour défendre la commission. Ce sont des dossiers qu'ils avaient dans leur système.

M. Cusano: Ah! c'étaient des montants qui étaient dus à des avocats?

M. Sauvé: C'est cela.

M. Cusano: Ah bon, très bien.

M. Sauvé: Ce sont des honoraires pour des frais de cour. Alors, il n'y a pas d'opinion.

M. Cusano: D'accord. Je continue à l'autre page: Dr Laurent Pilat, projet de recherche. Je sais qu'il y a de l'économie qui est faite, mais je trouve que la description est un peu maigre. Qu'est-ce que c'est? C'est un projet de recherche pour 10 557 $.

M. Sauvé: Vous avez peut-être remarqué que nous avons dix monographies pour les dix secteurs prioritaires. Le Dr Pilat, qui est à l'Université McGill, a

travaillé sur une des monographies qui touchent les minéraux non métalliques. On pourra vous faire parvenir la publication.

M. Cusano: On va avoir beaucoup de lecture. Encore plus loin: "Recherche d'espaces pour location à Montréal payée à M. Maurice Farragi, 1850 $." Est-ce un courtier?

M. Sauvé: Non, Mme la Présidente. Le conseil d'administration a demandé un appel d'offres public, dans les journaux, pour des locaux à Montréal, soit pour la direction régionale de Montréal, soit pour le centre administratif de Montréal. À la suite de l'appel d'offres, le conseil d'administration, pour avoir la plus grande garantie possible d'impartialité, a demandé que nous demandions à deux experts externes d'évaluer et de conseiller le conseil, en plus de nos experts internes.

M. Farragi en est un et l'autre - le compte n'était pas arrivé au moment où on l'a fait - n'est pas là.

M. Cusano: Cela va. D'accord. Ce sont des recherches d'espaces strictement pour Montréal?

M. Sauvé: Oui.

M. Cusano: Par qui se fait la recherche d'espaces à Saint-Jérôme?

M. Sauvé: II n'y a pas encore de décision du conseil d'ouvrir un bureau à

Saint-Jérôme, c'est à l'ordre du jour de la réunion du 19 avril.

M. Cusano: Oui. Est-ce que M. Dean vous a suggéré un espace?

M. Sauvé: Ni M. Dean ni personne ne nous a suggéré quoi que ce soit parce que la décision n'est pas prise.

M. Cusano: Alors, sa déclaration dans le journal de Saint-Jérôme n'était pas...

M. Sauvé: À ma connaissance, Mme la Présidente, la déclaration n'est pas de M. Dean, mais d'un des attachés politiques qui a dit qu'il y aurait possiblement un bureau qui ouvrirait à Saint-Jérôme.

M. Pagé: C'est de l'enthousiasme.

M. Cusano: Oui.

M. Sauvé: Cela n'est pas...

Une voix: II faudrait le lui demander.

M. Sauvé: Ne me demandez pas cela.

M. Cusano: Alors, il n'y a pas de décision de déménager dans les édifices qui ont été suggérés par l'attaché politique de M. Dean.

M. Sauvé: Tout ce que je peux dire, c'est que la décision est à l'ordre du jour du conseil du 19 avril. Si jamais on ouvrait un bureau à Saint-Jérôme, ce serait un bureau local par rapport au bureau régional qui est à Laval et ce serait au cours de l'année 1984. On ne peut donc pas avoir loué un local sans avoir eu l'autorisation budgétaire.

M. Cusano: Vous avez certainement fait des études. Vous n'arrivez pas au conseil d'administration en demandant aux gens autour de la table de choisir un local à Saint-Jérôme.

M. Sauvé: Nous avons prévu un budget et on a fait des études pour savoir le coût des loyers à Saint-Jérôme. Nous avons le coût des loyers à Saint-Jérôme et nous ne savons aucunement où nous nous situerons quand nous ouvrirons et si nous ouvrons un bureau à Saint-Jérôme.

M. Cusano: C'est bien...

M. Pagé: Donc, ce n'est pas certain que vous ouvrirez un bureau à Saint-Jérôme.

M. Sauvé: Je ne peux vous répondre, c'est le 19 avril que la décision doit être prise.

M. Cusano: M. Sauvé, vous me démontrez, ainsi qu'au député de Portneuf, que c'est bien le conseil d'administration qui prend les décisions.

Je termine, Mme la Présidente. Encore le document que vous nous avez fourni. Vous avez une page sur les sondages faits par la direction des communications. Je présume que le sondage entrevue-groupe et le sondage général, la première étape est précisément pour valider les questions qui seraient posées.

M. Sauvé: M. le député de Viau, la première, l'étape 1, c'est pour valider le questionnaire.

M. Cusano: C'est cela. Et le deuxième, les 20 000 $, c'est pour le sondage. C'est ce sondage qui vous a amené à dire que tout va bien, qu'il y a beaucoup de gens qui sont satisfaits du fonctionnement de la CSST. C'est bien cela?

M. Sauvé: C'est un sondage qui nous a indiqué des besoins de satisfaction et des questions que nous essayons de corriger.

M. Cusano: Ce sondage a été fait en 1983. C'est bien cela?

M. Sauvé: En 1983.

M. Cusano: Et il n'y a pas eu d'autres sondages de faits, à part ceux qui sont mentionnés ici?

M. Sauvé: Aucun autre.

M. Cusano: Aucun autre. Le sondage sur l'écoute électronique, qu'est-ce que c'est?

M. Sauvé: Vous devez savoir que nous sommes devant les tribunaux et que nous bâtissons notre cause.

M. Cusano: Je parle du sondage, M. le juge.

M. Sauvé: C'est cela. Nous bâtissons notre cause et je ne vous en dirai pas plus que cela. Ce sera un élément de preuve pour montrer ce qui a été fait.

M. Cusano: Le sondage a été fait en 1983?

M. Sauvé: En 1984. C'est une erreur.

M. Cusano: Ah bon! Une autre erreur! Quand le sondage a-t-il été fait?

M. Sauvé: En 1984, au cours du mois de mars, je pense.

M. Cusano: À la suite...

M. Sauvé: C'est à la suite de la déclaration qui a été faite devant la commission parlementaire.

M. Cusano: ...de M. Harguindeguy. Alors, c'est à la suite de la déclaration de M. Harguindeguy. Si je comprends bien, vous avez fait un sondage auprès de la population pour savoir...

M. Sauvé: Je ne vous en dirai pas plus que cela, Mme la Présidente, parce que cette question est devant les tribunaux. Je ne déclarerai pas les éléments de preuve que nous avons à déposer devant la cause... Nous avons déposé une action devant les tribunaux et c'est un des éléments de preuve. Je ne pourrai pas vous en dire beaucoup parce que je ne pense pas qu'on ait à déclarer la preuve.

M. Cusano: Et tout cela, M. le juge, ce sont les employeurs qui paient pour.

M. Sauvé: Mme la Présidente, je vous dirais que les employeurs du conseil d'administration ont été très choqués de cette déclaration malheureuse. Je n'en dirai pas plus...

M. Cusano: Oui, mais vous avez pris la décision de poursuivre M. Harguindeguy avant d'arriver au conseil d'administration, n'est-ce pas?

M. Sauvé: ...parce que, Mme la Présidente, si vous connaissiez l'influence que ce genre de déclaration a eue sur les 2556 membres du syndicat, il faudrait peut-être regarder cet aspect.

M. Cusano: Sur l'équipement téléphonique...

M. Pagé: Avant, Mme la Présidente, vous me permettrez de demander ceci à M. le juge: Vous confirmez que des sommes provenant des budgets réguliers de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, laquelle se finance principalement des contributions des employeurs du Québec, servent à bâtir une preuve au soutien de l'argumentation invoquée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans une démarche judiciaire qu'elle a avec le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et que cette poursuite a été annoncée avant que le conseil d'administration ne l'accepte. C'est cela que vous nous confirmez aujourd'hui.

M. Sauvé: Mme la Présidente, c'est très simple: le règlement de régie interne de la commission a été adopté par le conseil d'administration et il prévoit que toutes les poursuites judiciaires sont du ressort du président-directeur général.

M. Cusano: M. le juge, sur cette décision, le ministre nous avait bien expliqué en commission parlementaire les règlements qui vous permettaient d'agir de la façon que vous avez agi, mais vous n'avez pas - c'est sûr, le règlement est là et je ne le discute pas présentement. On sait comment vous vous servez de l'article 154 de la loi, alors je ne suis pas étonné - avez-vous consulté quelqu'un avant d'entamer tout le processus?

La Présidente (Mme Harel): M. le juge Sauvé, avant que vous répondiez, je voudrais simplement rappeler aux membres de cette commission, et peut-être au député de Viau qui en est déjà informé, qu'il y a un article dans nos règlements qui nous interdit de parler d'une affaire qui est devant les tribunaux. Dans ce contexte, la parole est à vous, M. le juge Sauvé.

M. Cusano: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Viau.

M. Cusano: Je lui demande quand et qui il a consulté avant de prendre cette

décision. Je ne vois pas comment on pourrait influencer les résultats.

M. Sauvé: Mme la Présidente, je voudrais expliquer l'une des raisons qui sous-tend que les règlements prévoient que le P.-D.G doit prendre les procédures lui-même. Vous allez comprendre que, dans bien des cas, il y a des conflits d'intérêts. Par exemple, s'il fallait que nous demandions aux employeurs du conseil d'administration si l'on doit poursuivre un employeur, je pense qu'on aurait quelques problèmes. La même chose quand nous poursuivons un travailleur: s'il fallait demander à la partie syndicale de voter en faveur, ce serait probablement lui demander beaucoup. En plus de cela, comme tout le monde sait, il y a des délais d'appel, les choses doivent être prises rapidement et les avocats nous demandent de prendre des décisions. Le comité de direction conseille le P.-D.G. sur ces cas. Dans ce cas-là, nous avons consulté beaucoup de personnes, y compris des syndiqués chez nous.

M. Cusano: M. Sauvé, je reviens aux voyages. M. Pierre Perron a fait un séjour à San Antonio, au Texas, pour suivre un cours sur le fonctionnement du nouveau système téléphonique à être implanté au service de l'indemnisation. Quel système est-ce? (16 heures)

M. Sauvé: Mme la Présidente, nous avons un système téléphonique à Montréal, à la DRIM. C'est un investissement qui a été décidé par le conseil d'administration, si mon souvenir est bon, d'environ 500 000 $ pour donner de meilleurs services et permettre un certain nombre de choses techniques. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on puisse parler à plusieurs personnes. Nous avons à Montréal comme tout le monde le sait - 24 téléphonistes; alors, cela prend un système développé. M. Perron est allé voir, à la demande des services auxiliaires chez nous, des systèmes comparables pour pouvoir décider, avant la décision finale sur l'appel d'offres, ce que nous devions faire.

M. Cusano: Les gens qui se servaient de ce système à San Antonio faisaient-ils de l'écoute électronique ou téléphonique?

M. Sauvé: Je pense, Mme la Présidente, qu'on a suffisamment répondu à ce genre de questions.

M. Cusano: Je vous demande plus d'informations sur ce système que M. Perron est allé voir.

M. Sauvé: Ce que j'ai dit clairement, Mme la Présidente, dans une émission d'affaires publiques à la télévision, c'est qu'il ne s'est jamais fait, il ne se fera jamais et il ne se fait pas d'écoute électronique à la

CSST. Tant que je serai P.-D.G., il ne s'en fera pas.

M. Cusano: Alors, pourquoi le sondage...

M. Sauvé: Je pense que là-dessus c'est...

M. Cusano: Pourquoi le sondage sur l'écoute électronique? Je ne comprends pas.

M. Sauvé: Je comprends fort bien...

M. Cusano: Vous dites qu'il ne s'en fait pas. Alors, pourquoi faire un sondage?

M. Sauvé: J'ai expliqué tantôt ce que j'ai fait dans ce cas-là, c'est que nous avons des éléments de preuve. C'est un des éléments de preuve que nous avons jugé opportun d'avoir en main sur les déclarations malheureuses qui ont été faites, qui attaquaient la crédibilité des employés de la commission.

M. Perron: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je voudrais vous demander une directive. Est-ce qu'il ne serait pas de rigueur, lorsqu'une cause est devant les tribunaux, donc sub judice, que les gens d'un côté comme de l'autre de la table et même les intervenants n'en parlent pas du tout? Cela devient risqué de la part de toutes les personnes qui sont membres de cette commission, pour faire achopper la cause devant les tribunaux, autant que pour les personnes qui sont intervenantes devant nous.

La Présidente (Mme Harel): Pour le bénéfice des membres de la commission...

M. Pagé: Mme la Présidente, sur cette question...

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf, je vais vous entendre et je vais faire lecture par la suite de la disposition...

M. Pagé: ...et comme suite...

La Présidente (Mme Harel): ...de notre règlement sur cette question. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: À la suite de l'intervention de notre savant collègue de Duplessis, on doit retenir que les dispositions de notre règlement prévoient qu'on ne peut référer à une cause qui est devant les tribunaux, mais vous aurez certainement compris que mon collège de Viau ne réfère pas à la cause, ne

réfère pas au fond de la question mais au pourquoi de l'affectation d'une somme qui a enclenché cette procédure devant les tribunaux. C'est tout à fait différent, il y a le fond et la forme. Mon collègue réfère à la forme et il est en droit et légitimé de poser de telles questions.

La Présidente (Mme Harel): Je vous fais lecture, M. le député de Duplessis, pour le bénéfice des membres de la commission et pour le bénéfice de nos invités, de cet article qui s'intitule "Paroles interdites" et qui se lit comme suit: Le député qui a la parole ne peut - troisième paragraphe -parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou qui fait l'objet d'une enquête si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit.

On ne fait pas de distinction dans cette disposition sur les modalités concernant le fond ou la forme. J'apprécierais beaucoup qu'on puisse, peut-être, relativement terminer cette affaire. Peut-être, M. le député de Viau, que vous pourrez procéder à d'autres interventions.

M. le député de Viau.

M. Cusano: Mme la Présidente, je ne veux pas vous rendre la tâche difficile. Je veux tout simplement faire encore une fois la demande, au cas où on ne l'aurait pas comprise, de recevoir tous les rapports des gens qui ont fait des voyages à l'étranger, ceux qui sont ici et peut-être d'autres qui ont été oubliés, à savoir exactement quels sont les coûts engendrés et quel a été le but de leurs visites et le rapport qu'ils étaient censés donner. J'apprécierais que ces rapports ne soient pas faits rétroactivement.

Ma dernière question va être très brève mais va peut-être engendrer une longue réponse. La question s'adresse au ministre et en même temps au juge Sauvé. À la suite des deux commissions parlementaires que nous avons eues, celle du mois de décembre qui a tenté de regarder de plus près le fonctionnement de l'administration de la CSST et, comme je l'ai dit ce matin, même la commission du mois de février, les gens qui sont venus témoigner ont, même si ce n'était pas le mandat de la commission, très souvent référé à l'administration de la CSST.

Puis-je vous demander quels changements, quelles améliorations vous avez faits? Quelles opérations avez-vous mises en marche? Lorsque vous parliez des rapports internes, je vous avais souligné celui de Longueuil où on démontrait qu'il y avait au-delà de 20% des dossiers qui étaient erronés. Pouvez-vous nous dire, aussi brièvement que possible, M. le ministre ou M. Sauvé, quels sont les changements fondamentaux que vous avez apportés au fonctionnement de la CSST?

M. Fréchette: Mme la Présidente, dans son préambule, le député de Viau a évalué que, bien que la question pouvait être courte, la réponse pouvait être longue et je pense qu'il a été prudent lorsqu'il m'a signalé cet aspect de sa question. Je vous dirais essentiellement que les deux commissions parlementaires, autant celle de décembre 1983 que celle de février et mars 1984, ont effectivement permis de mettre le doigt ou d'identifier des processus, autant administratifs, réglementaires que législatifs qu'il faut corriger.

Est-ce que je peux tout de suite vous signaler, Mme la Présidente, que ce ne sont pas les gens de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui vont se plaindre, par exemple, du fait que plusieurs pouvoirs réglementaires, qui sont actuellement de leur juridiction, soient incorporés dans une loi? Par exemple, vous savez tout aussi bien que moi que, dans l'état actuel des choses, la Commission de la santé et de la sécurité du travail a un pouvoir réglementaire qui réfère à 26 juridictions différentes. Elle peut faire des règlements dans 26 champs d'action différents.

Le projet de loi 42, tel que déposé, limitait ses champs de juridiction à six volets particuliers. Il y en avait un parmi ces six, le dernier, qui était de la nature d'une espèce de clause omnibus qui permettait de la réglementation presque à tous égards. Le député de Viau le sait très bien, cet article a été amendé de façon à retrancher le sixième paragraphe qui permettait une réglementation ouverte à tous égards, encore une fois.

Les règlements qui existent actuellement - et je le dis, Mme la Présidente, sans aucune réserve - le pouvoir réglementaire a été l'objet d'un sentiment d'agressivité et de méfiance de la part de bien des gens qui font quotidiennement affaires avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail. La commission de décembre a révélé cette situation. Celle de février et de mars a confirmé cette situation. Et, à partir de ces observations, la décision a été prise - elle a été annoncée à plusieurs occasions pendant la commission parlementaire - de procéder à une série, que je considère impressionnante, d'amendements au projet de loi 42 qui vont avoir très précisément pour objectif de réduire considérablement le pouvoir réglementaire, d'inclure dans la loi la réglementation qui existe actuellement et c'est particulièrement vrai au chapitre de la réadaptation sociale. Le député de Viau qui a suivi avec beaucoup d'assiduité tous les travaux de la commission sait très bien quelle préoccupation avaient les invités à cet égard.

Ce qu'on nous a demandé, ce qui faisait, ce qui fait aussi l'objet d'agressivité

et de méfiance - dont je parlais tout à l'heure - c'étaient précisément les politiques de réadaptation. Qu'est-ce qui a été convenu, Mme la Présidente? Il a été convenu que, dans le projet de loi 42 amendé, nous allions incorporer dans la loi le principe général du droit à la réadaptation, de même que nous allions procéder à décrire quelles sont les politiques de réadaptation et quels sont les droits auxquels peut prétendre un accidenté du travail. J'ai cependant indiqué - et le député de Viau va s'en souvenir - en commission parlementaire que nous n'étions pas à la fin de nos embêtements à cet égard. Les embêtements qu'on a actuellement proviennent de l'interprétation qu'on fait de la réglementation. Et l'interprétation qu'on fait dans bien des égards nous amène à bien des conclusions qu'il y a de la discrétion, enfin, qu'on interprète mal et ainsi de suite. Mais ce ne sera pas la fin de nos problèmes si tout cela est maintenant incorporé dans la loi; il va falloir, à moins que le député de Viau n'ait d'autres suggestions à nous faire, que les tribunaux épuisent l'interprétation qu'il faudra donner à la politique de réadaptation, par exemple, qu'on retrouvera dorénavant dans la loi. Il sait tout aussi bien que moi qu'avant que la Cour suprême ne se soit prononcée sur l'interprétation qu'il faut donner à la définition de telles politiques de réadaptation, bien, on va devoir vivre dans une espèce d'incertitude. Mais, les parties nous ont toutes signalé qu'elles préféraient, et de beaucoup, qu'on retrouve dans la loi à la fois la consécration du principe du droit à la réadaptation de même que les politiques générales.

Mme la Présidente, je pourrais épiloguer longuement sur le chapitre de l'assistance médicale. Je pourrais épiloguer longuement sur le chapitre des mécanismes d'appel. Je pourrais repasser avec le député de Viau tous les chapitres de la loi 42 qui vont faire l'objet d'amendements importants. Et nous sommes d'avis, à tort ou à raison -je pense bien que l'exercice confirmera ou infirmera l'opinion que l'on a - nous sommes d'avis que la loi 42 et les amendements qui vont y être inclus vont précisément contribuer à faire disparaître ces sentiments dont je viens de parler et qui, dans bien des égards, étaient fondés.

Vérification interne

M. Cusano: J'apprécie votre exposé sur la loi 42 et certaines lacunes vont certainement être corrigées. C'est peut-être un peu ma faute, je vous ai posé la question trop large pour que vous restiez sur le sujet.

Ma question - et là, je vais la préciser davantage - est la suivante: Si l'on prend tous les exemples - et je pense que je n'ai pas besoin d'en faire l'énumération, je vous ai mentionné la question des surpayés administratifs, des erreurs, justement, dans le rapport de vérification interne du bureau de Longueuil; j'avais mentionné aussi dans le temps d'autres rapports - quelles mesures ont été prises pour diminuer cette marge d'erreurs? Quelles mesures ont été prises pour s'assurer que les médecins de la CSST, avant d'écrire un rapport médical, examinent au moins le patient? C'est cela, la "day to day operation"; qu'est-ce qui a été fait depuis pour améliorer la situation?

M. Fréchette: Mme la Présidente, au chapitre de l'assistance médicale, je me suis volontairement abstenu d'entrer dans des détails que le député de Viau connaît parfaitement bien et qui sont de la nature des amendements qui ont été annoncés. Il sait, par exemple, que la loi sera ainsi faite qu'elle devra privilégier...

M. Cusano: Mme la Présidente, la loi n'a pas encore été réécrite et n'a pas été déposée. Moi, je veux savoir ce qui a été fait depuis décembre, du côté de l'administration, pour s'assurer que la boîte fonctionne bien.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais référer mon collègue...

M. Cusano: La loi, on ne sait pas. Peut-être pouvez-vous nous dire quand elle va être déposée et, là, nous pourrons faire une projection, à savoir quand ces mesures entreront en place.

La Présidente (Mme Harel): Si je comprends bien, M. le député de Viau, c'était votre dernière question.

M. Cusano: Bien, c'est que la réponse du ministre a suscité d'autres questions de ma part.

La Présidente (Mme Harel): D'accord. M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je parlais d'assistance médicale parce que c'est un des exemples très concrets et très précis auxquels a référé le député de Viau. J'entreprenais de lui expliquer quelles étaient nos intentions, mais je n'irai pas plus loin.

Quant aux mesures très concrètes que la commission a prises depuis décembre, avant décembre, je vais simplement référer mon collègue au rapport que vient de déposer à l'Assemblée nationale...

M. Cusano: Oui, je l'ai lu.

M. Fréchette: ...le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et les citoyennes du Québec. Il y constatera qu'une page complète de ce rapport est consacrée à la

Commission de la santé et de la sécurité du travail, que ce rapport identifie très précisément les actions qui ont été prises et qu'il y a à ce stade une évaluation qui est faite par le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et les citoyennes qui va dans le sens... (16 h 15)

M. Cusano: Mais il dit aussi que c'est trop tôt pour se prononcer.

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre. La parole est au ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, donc l'évaluation qui est faite par le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et les citoyennes à ce stade, c'est que la commission a effectivement fait des efforts qu'il faut souligner pour améliorer son système de service à la clientèle, qu'il reste un certain nombre d'autres choses à faire et que, si le passé doit être garant de l'avenir quant à la nature des décisions et aux intentions d'améliorer ce service, il y a tout lieu d'espérer que dans de courts laps de temps nous allons atteindre cet objectif.

Maintenant, si vous me le permettiez, Mme la Présidente, quant aux autres aspects d'ordre plus technique comme, par exemple, la référence au cas de Longueuil. Incidemment, le cas de Longueuil n'était pas le meilleur qui pouvait être cité en exemple. On nous reprochait, on reprochait à la commission d'avoir payé une femme longtemps après le décès de son mari, de l'avoir payée en trop. Je vous signalerai que, toutes les démarches ayant été faites, on a constaté qu'après le décès du mari elle n'était pas suffisamment payée et c'est la commission qui lui en devait après que la découverte a été faite. Alors, je vais demander au président-directeur général de donner plus de précisions sur cet aspect précis de la question.

M. Cusano: M. le ministre...

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Viau, vous avez posé une question. Est-ce que nous laissons la parole à M. le juge Sauvé?

M. Cusano: Je voudrais préciser avant que le ministre... Lorsque j'ai soulevé ces cas, M. le ministre, ce n'était pas le fait de dire qu'une personne avait reçu trop ou moins. La question, vous venez de le dire vous-même, c'est que c'était une erreur en partant, et cela démontre un peu l'inefficacité de la boîte; vous venez de le dire.

M. Sauvé: Merci.

La Présidente (Mme Harel): M. le juge Sauvé.

M. Sauvé: Mme la Présidente, je voudrais donner quatre exemples. Je vais commencer par ce dernier cas qui sera dans ma première série d'exemples sur la vérification interne. Ce qui est arrivé dans le cas de cette veuve, c'est que son mari recevait un déficit anatomophysiologique de tant pourcent. Vous savez qu'avec la nouvelle loi de 1979 la veuve ou les survivants ont droit à 55% de la rente. Alors, par voie de conséquence, on devait donner 55% des 90% à cette madame. On avait fait une erreur technique. Je me souviens fort bien des cas suggérés par le député de Viau lors de la commission parlementaire de décembre. Je pensais qu'on avait donné des réponses claires à ce moment. Dans le cas des décès, Mme la Présidente, il est évident que nous ne perdons jamais un sou; comme je l'ai expliqué à ce moment: Quelqu'un qui signe un chèque, c'est un acte frauduleux s'il n'est pas adressé à la personne. Par voie de conséquence, nous nous retournons vers la banque et c'est la banque qui poursuit et nous rembourse avant même le résultat de sa poursuite. Nous n'avons jamais perdu un sou dans les cas de décès. Jamais un sou à la commission.

Nous recevons des rapports de vérification interne parce que tous nos services sont vérifiés par seize vérificateurs chez nous, en plus du Vérificateur général. Ces services sont tous vus sur une période de trois ans. Alors, on a toutes les régions, tous les services et, maintenant, pour accélérer le processus on a demandé aux gens de la vérification interne, sans influencer leur façon de procéder, s'il n'était pas possible, par exemple, quand ils vont dans un bureau régional de faire la vérification interne complète du bureau plutôt qu'un service à l'intérieur du bureau, comme ils procédaient auparavant. J'ai expliqué à ce moment ce que nous faisons avec les rapports de la vérification interne. Le rapport est envoyé aux services concernés. Ils doivent faire des commentaires. Ils ont 30 jours pour le faire et pour l'appliquer. Nous en recevons une copie, nous recevons les commentaires de la direction impliquée. Une fois ces commentaires analysés, si nous ne sommes pas d'accord sur la suite donnée au rapport, nous écrivons à la direction impliquée et nous donnons un délai de suivi de trois mois. Ceci fait que les rapports de la vérification interne... Vous n'avez qu'à lire les rapports annuels, vous verrez que nous donnons suite à tous les rapports de la vérification interne. C'est de la saine administration.

Au moment de la commission parlementaire, on nous avait parlé de l'accueil auprès des médecins. C'est mon deuxième point,

Mme la Présidente. Maintenant nous avons une personne à Québec et une personne à Montréal où se font les expertises. Ce sont les deux seuls endroits dans la province où se font les expertises chez nous par des médecins experts externes. Ce ne sont pas des employés de la commission. Il y a une personne infirmière et travailleuse sociale de formation qui explique au patient avant de voir le médecin, parce qu'il y a toujours un certain traumatisme à voir le médecin, ce qui devrait se passer et si en sortant il n'a pas eu toutes les réponses voulues, il revient voir cette personne qui va chercher la réponse si le médecin ne l'a pas donnée. Le taux de succès est fantastique. C'est très intéressant.

Quant à la téléphonie, nous avons fait d'énormes efforts et nous sommes maintenant dans toute la province de Québec avec des délais variant de sept secondes à une minute. Nous avons beaucoup d'appels téléphoniques et nous essayons encore d'améliorer ce système.

Un des derniers points qui avaient été mentionnés, c'est le retrait préventif de la travailleuse enceinte. J'ai envoyé à chacun des membres de la commission parlementaire copie des lettres que j'avais envoyées aux responsables des 32 DSC pour leur dire de retirer leur interprétation. Depuis le 24 janvier 1984, nous avons une politique interne qui fait que, lorsqu'il y a contestation de la part de la personne enceinte, cela doit être entendu dans les 21 jours de la contestation et la décision doit être rendue dans les sept jours.

Mme la Présidente, je pense que ce sont des efforts pour corriger les situations qui nous paraissaient déplorables. Quand nous en trouvons d'autres, nous passons notre temps... Je profite de l'occasion pour remercier tous les employés chez nous qui travaillent très fort et dans les conditions difficiles, pas physiquement, mais dans des conditions où il y a des conflits d'intérêts de part et d'autre. Alors, ce n'est pas toujours facile d'être pris entre l'employeur et le travailleur dans tous les cas que nous avons. Ces gens sont polis et gentils, donnent toutes les informations possibles et impossibles. Je dois les remercier.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le juge Sauvé.

M. Cusano: Une dernière question.

La Présidente (Mme Harel): C'est vraiment la dernière, M. le député de Viau?

M. Cusano: C'est vraiment la dernière. C'est sur les rapports de la vérification interne. Depuis notre rencontre ici au mois de décembre, combien de rapports avez-vous présentés au conseil d'administration?

M. Sauvé: Mme la Présidente, à ma connaissance et de mémoire, je n'ai soumis au conseil d'administration aucun rapport de vérification interne parce qu'on ne m'en a pas demandé non plus.

M. Cusano: II faudrait vérifier les galées du journal des Débats parce qu'il me semble qu'il y avait eu un engagement de votre part. C'est sous vérification.

M. Sauvé: Mme la Présidente, on pourra vérifier, mais si vous me le permettez, je dirai que toute la confusion vient du fait que la partie patronale au conseil d'administration ne demande pas de rapport de vérification interne. Ce qu'elle demande, c'est que ce soient des comptables externes qui fassent la vérification à la place du Vérificateur général. C'est ce que la partie patronale demande, comme cela se fait à l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail. Mais, elle ne demande pas plus que cela. Je pense qu'il faudra regarder avec le Vérificateur général s'il est prêt à céder sa place. Vous savez qu'en vertu de sa loi il fait la vérification par ses propres services dans une cinquantaine de ministères et d'organismes. Je pense que c'est 57, pour être précis. Dans d'autres cas, il délègue à des comptables privés des mandats pour faire la vérification. Tout ce que la partie patronale demande - j'espère que ce sera très clair - c'est que la vérification annuelle soit faite par des comptables externes plutôt que par le Vérificateur général du Québec.

M. Cusano: Ces gens n'ont jamais demandé des rapports de vérification interne.

M. Sauvé: Jamais. M. Cusano: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Est-ce que l'étude du programme 2 est terminée? Oui, nous allons devoir l'adopter. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je veux seulement souligner, parce que j'avais attaché beaucoup d'importance à cette partie, ce que le président-directeur général vient de nous annoncer, des règles du jeu améliorées en ce qui a trait au retrait préventif. On sait que, lorsque nous avons eu à discuter en décembre, autour de la loi 42, c'est un sujet qui est revenu à maintes reprises, qui semblait intéresser plusieurs des intervenants et membres de la commission. Avec ce que M. le président vient de nous annoncer, je pense que tout le monde pourrait s'en réjouir parce que, comme je le disais lors de ces commissions, cela nous a amené quelques embêtements dans nos bureaux de comté. Si cela pouvait faire en sorte qu'à l'avenir ce

problème soit en grande partie réglé, je pense que les gens n'en seraient que plus heureux. Je vous remercie donc, M. le président, d'être intervenu aussi rapidement.

M. Pagé: Mme la Présidente, une très brève...

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf, toujours sur le programme 2.

M. Pagé: Oui. Une très brève question à M. le juge Sauvé. Pourriez-vous nous indiquer dans quel cadre s'est exprimé le retrait de la partie patronale au sein de l'association de la sécurité de l'automobile?

La Présidente (Mme Harel): M.

Bertrand.

M. Bertrand (Jean-Louis): Avec votre permission, Mme la Présidente, M. le ministre, effectivement il y a eu retrait. Je me souviens qu'on avait discuté de ce sujet et il y a eu retrait d'une des parties au sein de la partie patronale à l'association au service à l'automobile. Ce sont les concessionnaires d'automobiles qui se sont retirés.

Il y a eu discussion au sein de la partie patronale et les autres membres patronaux ont décidé de continuer l'association sectorielle. Il y a donc eu à ce moment redivision des postes. Il y a eu échange de lettres entre, d'une part, ceux qui se sont retirés, la partie patronale qui s'est retirée, qui étaient envoyées au président, qui étaient déposées auprès du conseil d'administration, si ma mémoire est bonne, et aussi entre la partie patronale.

Si j'ai bien compris leur position, il semble que c'est là une question d'attitude à l'égard, d'une part, des budgets peut-être insuffisants pour faire tout ce qu'ils voudraient faire au niveau du secteur, ce que ne semble pas partager le reste de la partie patronale et, en même temps, certains débats qui se situent aussi un peu à l'extérieur. Je me souviens, M. le député, que vous aviez soulevé le fait qu'au niveau des comités paritaires il y avait aussi certains problèmes et cela m'apparaît aussi interrelié. On pourra vous envoyer copie des lettres qui ont été échangées et vous pourrez vous-mêmes faire un jugement sur cette situation.

On a eu une réunion des associations sectorielles hier où étaient présentes la partie patronale et la partie syndicale dans le secteur service automobile. Le sujet n'a pas été abordé. Cela semble fonctionner à nouveau correctement. Évidemment, ils déplorent l'absence de cette partie et ils souhaitent qu'elle va revenir sur sa décision.

Une voix: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Bertrand. Pour ma part, je voudrais aussi transmettre ma satisfaction et celle de plusieurs collègues quant aux suites que vous avez données à nos représentations sur l'application du retrait préventif. Je peux vous dire que cela a été très apprécié. Le programme 2 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La Présidente (Mme Harel): Adopté. M. le ministre, vous allez nous permettre de remercier les membres et les représentants de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Fréchette: Bien.

La Présidente (Mme Harel): Ils ont maintenant une longue expérience de nos travaux.

Une voix: Merci. Merci bien.

La Présidente (Mme Harel): J'appelle l'étude du programme 1. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Nous reprenons immédiatement l'étude, dans l'ordre, de nos programmes. J'appelle le programme 1. La parole est au député de Portneuf. (16 h 30)

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je dois vous remercier, ainsi que le ministre, d'avoir accepté que notre commission aborde le programme 2, ayant dû m'absenter ce matin pour présider le caucus de ma formation politique, quoi qu'en pense, quoi qu'en dise le député de Châteauguay.

M. Dussault: La bonne gestion du temps de travail, cela existe.

M. Pagé: Vous devriez peut-être tenir plus de caucus; vous auriez peut-être moins de problèmes à l'intérieur de vos troupes. Vous devriez vous affirmer davantage...

M. Dussault: Nous avons planifié notre temps et nous sommes là, Mme la Présidente.

M. Pagé: ...cela vous donnerait peut-être plus d'assurance en Chambre.

M. Dussault: Et quand on pose des questions, on est là pour entendre les réponses.

M. Pagé: Mme la Présidente, ma première question au ministre...

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf - ma question s'adresse à tous les membres de cette commission - est-ce que nous allons procéder élément par élément ou si nous allons examiner le programme 1 dans son ensemble?

M. Pagé: Dans son ensemble.

La Présidente (Mme Harel): De consentement?

M. Fréchette: Quant à moi aussi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): La parole est au député de Portneuf.

M. Pagé: Mme la Présidente, j'aurais une très brève question à l'honorable ministre du Travail. Vous nous avez fourni différents documents dont les noms des membres de votre cabinet au 29 février 1984. On y remarque la présence de M. Bernier qui est directeur de cabinet; M. Jean-Marc Biron qui est attaché politique; M. Richard Bonin qui est attaché politique; Mme Julie Cardinal qui est attachée politique; M. Jean-Guy Dagenais qui attaché politique et aussi Mme France Racine qui est attachée politique. Comment pouvez-vous expliquer, M. le ministre, que, dans votre cabinet, à titre, à fonction et à responsabilités égales une femme gagne moins cher qu'un homme?

M. Fréchette: J'ai mal compris la question, Mme la Présidente.

M. Pagé: Comment pouvez-vous expliquer que, dans votre cabinet, à titre, à fonction et à responsabilités égales, une femme gagne moins cher qu'un homme?

M. Fréchette: Mme la Présidente, avant d'arriver à déterminer la rémunération de tous et chacun des attachés politiques du cabinet du ministre du Travail, je demande à la direction du personnel du ministère du Travail de procéder à l'évaluation du dossier de tous et de toutes. C'est à partir des évaluations qui sont faites, c'est à partir des expertises qu'on retrouve dans les dossiers de ces attachés politiques, de leur expérience de travail, que les différents services habilités à le faire nous indiquent quel serait normalement le salaire que telle ou telle personne serait en droit d'exiger si elle se trouvait dans un autre champ d'action. C'est donc à partir de cette évaluation que les salaires des attachés politiques sont fixés. C'est le processus qui a été suivi dans le cas des personnes auxquelles le député de Portneuf vient de référer.

M. Pagé: Nous devons comprendre que, dans votre cabinet, ce n'est pas vous qui établissez le niveau de rémunération des employés qui entrent.

M. Fréchette: C'est moi qui l'établis, mais après consultation avec des personnes qui, encore une fois, ont l'expertise de ce genre d'évaluation et qui sont habilitées à cause, sans doute, de la gérance de ressources de personnel à faire des évaluations - cela veut dire ce que cela veut dire et on va me comprendre - du salaire auquel peut avoir droit un attaché politique, qu'il soit un homme ou une femme. C'est donc le seul critère qui entre en ligne de compte et c'est à partir, encore une fois, de ces évaluations-là que, par la suite, conformément à la loi, conformément à la réglementation, conformément aux règles administratives, je prends la décision de déterminer quel sera le salaire de l'un par rapport à l'autre et ainsi de suite. Ce n'est rien de moins ni rien de plus que cela.

M. Pagé: Vous allez comprendre, M. le ministre, que si vous occupiez le fauteuil que j'occupe actuellement et que vous preniez connaissance de tels documents, confirmant des écarts au niveau de la rémunération qui vont jusqu'à 10 000 $ ou 12 000 $ par année, vous vous inquiéteriez d'un tel état de fait. Je comprends qu'il y a une volonté -il n'y a peut-être pas une volonté - tout au moins un verbe politique, un langage politique utilisé par les membres de votre gouvernement, entre autres par le premier ministre, qui évoque l'égalité dans l'emploi, l'égalité des chances, l'égalité de la rémunération. Force nous est de constater cela et surtout conscients qu'il y a loin de la coupe aux lèvres - c'est le cas de le dire - quand on voit des tableaux comme ceux-là, il y a certainement matière à s'inquiéter de notre côté et à se poser des questions. C'est ce pourquoi je voulais qu'on aborde cette question au tout début.

M. Fréchette: Je suis assez satisfait, Mme la Présidente, d'entendre l'argumentation du député de Portneuf parce c'est à une argumentation tout à fait contraire que je m'attendais. Je m'attendais de me faire dire que tout le monde est trop bien payé, que les salaires n'ont pas d'allure...

M. Pagé: ...là-dessus...

M. Fréchette: ...et qu'il fallait réviser tout cela à la baisse.

M. Pagé: ...Mme la Présidente...

M. Fréchette: C'est exactement le contraire que le député de Portneuf est en train de me dire. Vous allez comprendre que je suis très heureux de cette évaluation que

fait le député de Portneuf. J'ajouterais un seul élément, Mme la Présidente, si vous me le permettiez, pour arriver à faire les distinctions ou les différences que l'on retrouve dans la liste des salaires: il faut de toute évidence tenir compte, par exemple, de l'expérience pertinente d'une personne. Est-ce qu'on est en train de plaider, par exemple, qu'un attaché politique qui aurait une expérience de dix, douze ou quinze ans dans la fonction publique, fût-il un homme, devrait avoir le même salaire qu'une femme qui vient à peine de faire son entrée dans le secteur ou dans la fonction? Je ne pas si c'est cette argumentation-là que le député de Portneuf est en train de développer, mais il va avoir un bon bout de chemin à faire avant de me convaincre de la pertinence de cette argumentation. Je vous dirai cependant que, lorsqu'un homme aura plafonné et qu'une femme l'aura rejoint en termes d'années d'expérience, en termes d'expertise, il n'y a aucune espèce d'hésitation à faire en sorte que les salaires soient effectivement les mêmes.

M. Pagé: Bon, tant mieux, nous sommes bien heureux de vous l'entendre dire. C'est évidemment avec le sourire, Mme la Présidente, que je prends note des commentaires du ministre qui s'attendait -comme il le disait - à ce que je lui pose des questions sur la justification de payer tel niveau de rémunération à tel employé. Au contraire, Mme la Présidente, je retiens que le ministre du Travail a plusieurs employés dans son cabinet. C'est normal et explicable. Je retiens qu'ils ont non seulement droit mais, qu'ils auront toujours droit à un niveau de rémunération acceptable parce que cela ne doit pas être facile de "coacher" le ministre du Travail tout le temps. Je comprends que ces gens ont beaucoup de travail à abattre, beaucoup d'efforts à déployer, beaucoup de recherches, des préparations de dossiers, etc. Ils gagnent leur salaire à travailler avec vous et il n'y a pas de problème.

M. Fréchette: Voilà qui est bien dit. Commission consultative sur le travail

M. Pagé: Maintenant, Mme la Présidente, je voudrais aborder avec le ministre - ce matin on n'a malheureusement pas eu l'occasion d'échanger, mais le moment est arrivé - une des questions principales de mon propos qui était la commission consultative sur le Code du travail. C'était la refonte du Code du travail. C'était l'inquiétude manifestée chez les intervenants ou chez tous ceux et celles qui sont intéressés au monde des relations de travail au Québec de voir l'évolution du propos gouvernemental depuis quelques années et, plus particulièrement, de celui du ministre du Travail. J'ai fait référence aux possibilités que vous aviez déjà évoquées ou à l'intérêt que vous aviez manifesté pour la négociation sectorielle, l'accréditation multipatronale. À une certaine époque on croyait que c'était l'avenue que voulait privilégier le gouvernement dans son action législative. On a entendu à de nombreuses reprises des volontés clairement exprimées de modifier nos lois afin de déjudiciariser les relations de travail au Québec. Tout cela a abouti, il y a quelques semaines, par l'annonce faite par vous, M. le ministre, de la constitution, de la formation d'une commission consultative.

Le principe de la démarche a trois volets: la consultation, la concertation et, éventuellement, la législation dans 18 ou 24 mois. J'ai eu l'occasion de vous poser des questions à l'Assemblée nationale et j'y reviens aujourd'hui. Ce sur quoi je veux me référer, évidemment, ce sont les oppositions et les appuis, des deux côtés, qui ont été manifestés par les parties concernées. On sait que le Conseil du patronat a clairement indiqué qu'il était déçu de certains paramètres qui entourent ou qui ont entouré la mise sur pied de la commission. Si mes informations sont exactes, vous devriez avoir des rencontres - sinon d'ici quelques jours, tout au moins peut-être d'ici quelques heures - avec le Conseil du patronat.

M. Fréchette: M. le député, vous êtes très bien informé.

M. Pagé: Le Conseil du patronat argumentait que l'opération pouvait devenir une opération à caractère politique; il s'est référé à la composition de la commission, à son mandat. La Confédération des syndicats nationaux s'est opposée, elle avait des inquiétudes à l'égard de l'exercice: démarche qui fait preuve d'irréalisme, doute sur le choix de la personne qui sera appelée à présider cette commission, non pas à titre personnel, mais à titre professionnel. La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) a déclaré que la centrale, évidemment, participait pleinement aux travaux de la commission. Cela, on devait s'y attendre. La Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) se pose des questions sur l'utilité et souhaite que tout le volet des négociations dans le secteur public et parapublic soit inclus dans le mandat de la commission.

Mme la Présidente, je voudrais demander au ministre comment il peut expliquer aujourd'hui... Je comprends que, lorsque des représentations lui sont faites par des parties patronales ou syndicales, il soit légitimé d'en prendre et d'en laisser, qu'il doive jauger, qu'il doive mesurer les représentations de chacun des groupes, mais des représentations et un document lui ont été envoyés, si ma mémoire est fidèle, par

le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui, lui, voulait un mandat plus large touchant l'ensemble des lois du travail dans le secteur privé et dans le secteur public, voulait éviter que cette commission devienne une opération politique, une opération d'image. Sans que vous soyez obligé de me le confesser, vous savez que votre gouvernement a une relative habilité à cet égard. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre voulait une commission mandatée et encadrée par le conseil consultatif plutôt. Et cela n'était pas hors d'entendement, c'était à sa face même très intéressant. Il exigeait que le président de la commission soit quelqu'un ayant une grande connaissance des relations de travail, que les commissaires et tout ce monde puissent bénéficier d'une crédibilité auprès de toutes les parties.

Première question qui touche le mandat de la commission: Êtes-vous toujours en faveur que le mandat se limite aux relations de travail dans le secteur privé? Si oui, pourriez-vous nous faire part des échanges que vous avez eus avec vos autres collègues du Conseil des ministres qui sont certainement concernés par l'extension ou non d'un tel mandat? Toujours sous l'aspect des négociations dans les secteurs public et parapublic, comme je le disais ce matin, il serait hors de question pour nous que le ministre du Travail du Québec ne soit pas associé à une démarche touchant les négociations dans les secteurs public et parapublic, que ce soit le régime de négociation, que ce soit la façon de négocier, les documents d'appui, enfin, tout ce qui touche les négociations. Vous êtes ministre du Travail. Vous êtes légitimé d'être placé au coeur même de ces débats et j'aimerais savoir une chose: Est-ce que vous maintenez la limitation du mandat? Je reviens avec les échanges - si vous pouviez nous déposer des documents, ce serait certainement très intéressant - avec vos autres collègues et, ensuite, on abordera votre rôle comme ministre du Travail dans les négociations des secteurs public et parapublic.

M. Fréchette: Mme la Présidente, le député de Portneuf a terminé une longue intervention par deux questions fort précises, très précises. Je présume que je ne contreviendrais pas aux règlements si je prenais le temps de toucher l'un et l'autre des aspects qu'il a lui-même soulevés dans sa question.

D'abord, au risque de me répéter, je dois référer les membres de la commission au discours inaugural du 23 mars 1983. On va se souvenir que, dans ce discours inaugural, le gouvernement manifestait l'intention d'intervenir à trois chapitres qui touchent les relations de travail à proprement parler, la santé et la sécurité à un autre égard.

Quant aux relations de travail, on va s'en souvenir, il fallait procéder au plus urgent, au plus pressant à la suite d'un jugement de la Cour d'appel dans une affaire de Shell Canada, lequel jugement ouvrait une brèche très grande dans des dispositions de la loi 45, à propos de la politique "antiscabs". Cette première démarche a été faite, Mme la Présidente; la loi 17 a été déposée le printemps dernier, adoptée et sanctionnée au mois de juin 1983 avec, comme le disait le député de Portneuf ce matin, des commentaires parfois très acides à cette époque, mais il semble que, depuis un certain moment, on en entende moins parler ou, enfin, qu'il y ait moins d'inquiétude qu'il n'y en avait à ce moment-là. (16 h 45)

Le deuxième aspect du discours inaugural référait à la nécessité de procéder à amender la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le projet de loi 42 a donc été déposé et est en processus législatif d'adoption.

Finalement, Mme la Présidente, le discours inaugural du 23 mars démontrait aussi l'intention gouvernementale de procéder à ce qu'on est maintenant convenu d'appeler la deuxième phase de la révision du Code du travail, qui allait être plus globale, plus générale et qui allait revoir, dans l'intention du gouvernement en tout cas, tous les mécanismes que l'on retrouve actuellement dans le Code du travail.

Cependant, il y a eu dans la présentation qui a été faite à ce moment-là des balises qui ont été posées par le premier ministre, quand il a dit: Nous allons effectivement procéder à cette deuxième phase, mais en prenant tout le temps qu'il faut, avec autant de prudence que requiert la situation, dans le respect des opinions et, bien sûr, en essayant de dégager les plus larges consensus possible.

Mme la Présidente, quand on se réfère à la nécessité de procéder à amender une loi à partir de consensus le plus large ou les plus larges possible, il faut, me semble-t-il, en tout cas, que l'on utilise les mécanismes qui ont démontré au cours des dernières années que les consensus se dégagent à la suite de la consultation et à la suite de la concertation.

Au cours des sept dernières années, cette expérience a été faite à l'intérieur d'au-delà d'une cinquantaine de sommets de toute espèce qui ont tous débloqué ou débouché sur des consensus, mais qui ont été précédés d'une longue période de consultation et de concertation. Alors, après analyse et évaluation de la situation, il fallait donc prendre une décision quant au véhicule qu'il fallait utiliser pour arriver à la réforme du

Code du travail. Allions-nous procéder par la classique commission parlementaire au cours de laquelle des élus entendent des invités qui se succèdent les uns les autres et qui viennent faire des suggestions? Allions-nous retenir cette avenue-là? Allions-nous plutôt choisir de procéder par ce qu'on est pompeusement convenus d'appeler la commission royale d'enquête, avec ce que cela donne comme résultat dans bien des situations? Cela aussi a été dans les plateaux de la balance quant à l'évaluation du moyen à retenir. Après analyse, Mme la Présidente, toujours à partir de la nécessité d'y aller avec prudence, c'est le mécanisme qui a été annoncé qui a été retenu, celui, donc, de la consultation, de la concertation et de la législation.

Le député de Portneuf, et c'est tout à fait normal dans les circonstances dans lesquelles nous sommes, fait état de l'avis qui a été émis par le conseil Consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je vous signalerai que j'ai d'abord rencontré les membres du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre le 9 février pour, dans un premier temps, les renseigner sur la nature de la démarche, les objectifs qu'elle poursuivait et le mandat qui allait être confié à l'organisme qui serait habilité à mener l'opération. C'était le 9 février et il a été convenu entre les membres du conseil consultatif et celui qui vous parle que le 21 ou le 22 février - je cite de mémoire - le conseil consultatif allait émettre un avis écrit.

J'attire cependant l'attention des membres de la commission sur le fait qu'avant de recevoir cet avis écrit dont je parle, la plupart des intervenants qu'on retrouve au conseil consultatif - c'était le 10 ou le 11 février - ont tous déclaré que tout le monde était d'accord sur l'objectif qui était poursuivi, à telle enseigne, Mme la Présidente, que, dans la Presse du samedi 11 février, il y a une manchette dont je me souviens presque du mot à mot: Le CPQ, la CSN, la FTQ, d'accord avec Fréchette. Et cela m'apparaissait tout à fait extraordinaire de pouvoir lire, à un moment donné, dans un journal qu'autant les associations patronales que les associations syndicales étaient d'accord avec le ministre du Travail.

Il reste qu'au plan du principe même ou au plan de l'objectif à atteindre personne n'a mis en doute ou n'a plaidé dans le sens qu'il ne fallait pas aller vers l'objectif d'amender notre Code du travail en profondeur. D'ailleurs, c'étaient aussi les conclusions de différents sommets. Pensons à Montebello, Mme la Présidente, pensons à Pointe-au-Pic, pensons au dernier sommet de Québec en 1982 où tous les intervenants se sont dits d'accord pour que l'opération s'enclenche.

Le conseil consultatif a émis quatre réserves bien claires et sur lesquelles je reviens rapidement. D'abord, le conseil consultatif m'a indiqué, autant dans les propos que j'ai échangés avec ses membres que dans l'avis écrit, que pour eux le président de cette commission eût dû être un spécialiste des relations du travail. C'est une opinion pour laquelle j'ai beaucoup de respect et qui se défend sans doute et qui peut être appuyée aussi d'arguments solides.

Je vous dirai essentiellement le motif principal - il y en a plusieurs autres - pour lequel ce choix a été fait: S'il avait fallu retenir la candidature d'une personne qu'on appelle experte en relations de travail, c'eut été un avocat, un juge, un professeur de relations industrielles d'un département de l'une ou l'autre de nos universités mais je ne pense pas qu'on ait pu trouver un tel spécialiste qui ne se soit jamais prononcé sur l'un ou l'autre des nombreux problèmes qui vont être soumis à la commission et qui n'a déjà émis des opinions sur, par exemple, les modalités d'accès à la syndicalisation, l'accréditation multipatronale, comme le souligne le député de Portneuf.

Eût-il été raisonnablement pensable qu'un expert en relations de travail eût pu présider cette commission sans jamais s'être prononcé soit dans des écrits - qu'ils aient été des sentences arbitrales, qu'ils aient été des volumes, qu'ils aient été des ouvrages -soit verbalement? C'était un des objectifs qui étaient poursuivis, de faire en sorte que le président de cette commission n'ait jamais été impliqué d'une façon ou d'une autre dans des discussions, dans des opinions, dans des évaluations en matière de relations de travail.

Deuxièmement, il nous fallait aussi tenir compte de l'objectif quant aux amendements éventuels, c'est-à-dire l'atteinte des consensus. Il nous fallait alors un coordonnateur habilité à faire dégager des consensus.

La position du ministre aurait été tout à fait différente si cette commission avait été composée de trois membres au lieu de cinq. Si elle avait été composée de trois membres au lieu de cinq, je suis tout à fait disposé à retenir l'argumentation du député de Portneuf et, de surcroît, des membres du conseil consultatif qui plaidaient dans ce sens. Comme elle est composée de cinq membres et que les quatre autres membres, dans un champ d'activités ou dans l'autre, syndical ou patronal, sont des experts des relations de travail, il m'apparaissait qu'en fonction des deux principes dont je viens de parler il était plus important de procéder comme on l'a fait.

L'autre réserve importante de plusieurs représentants d'associations, autant patronales que syndicales au conseil consultatif, est en relation avec le mandat de la commission, les uns disant avec beaucoup d'insistance: Cela ne devrait pas être limité au seul Code

du travail dans le secteur privé, mais cela devrait également rejoindre toutes nos lois du travail, notamment, disait-on - je pense que c'est l'expression qu'on a utilisée dans l'avis écrit - le Code du travail. À partir de ce texte, j'ai interprété que le Code du travail devenait un petit peu secondaire dans le sens très littéral du terme par rapport à l'ensemble de la démarche. Quand on sait, Mme la Présidente, que dans le seul Code du travail il y a quatre grands chapitres qui peuvent retenir l'attention de plusieurs spécialistes pendant de longs mois, il fallait à cet égard considérer la question de l'échéancier. Déjà, on nous a signalé que, même étant limité au seul secteur du privé et au seul secteur du Code du travail, l'échéancier est fort étroit. Il est déjà fort limité et il faudra qu'il y ait de la part de tous ceux qui travailleront dans le dossier une diligence particulière pour arriver à l'expiration des quinze mois et à une législation, comme on le souhaite. C'est donc un premier aspect qui nous a fait prendre la décision que le processus de négociation dans le secteur public et parapublic ne devait pas être inclus dans le mandat de la commission. Par exemple, vous savez, quand on va entreprendre de discuter de ce chapitre du code qui concerne l'accès à la syndicalisation, quand on va entreprendre de discuter le mode de négociation, quand on va entreprendre de discuter le chapitre qui concerne le règlement des griefs, des différends, l'arbitrage des premières conventions collectives, l'arbitrage des conventions des policiers-pompiers et, finalement, quand on va entreprendre d'étudier les mécanismes qui entourent l'exercice des droits de grève et de lock-out, on a déjà là, me semble-t-il, Mme la Présidente, un menu suffisamment élaboré pour retenir l'attention de la commission pendant la période de temps qui est prévue, soit une quinzaine de mois.

Deuxièmement, quant à la question de retenir que la commission devrait également évaluer le processus de négociation dans la fonction publique et parapublique, je signalerai ou rappellerai plutôt au député de Portneuf une chose qu'il sait déjà, puisque c'est la réponse que je lui ai faite à l'Assemblée nationale à une question qu'il m'a posée récemment, qu'il y a déjà au gouvernement un processus qui est engagé aux fins d'arriver très précisément à la réévaluation de tout notre secteur des relations de travail dans la fonction publique et parapublique. Je le dis, Mme la Présidente, pour y avoir participé, le comité interministériel qui a été habilité à travailler ce dossier, qui en a reçu le mandat, s'est réuni maintenant à plusieurs reprises. Il n'a pas arrêté des décisions, mais il a arrêté des suggestions, il a arrêté des propositions qui devront maintenant suivre les deux étapes suivantes: d'abord, être évaluées, bien sûr, par le Conseil des ministres et, deuxièmement, soumises aux intervenants qui généralement sont ceux qui négocient avec le gouvernement, les différentes centrales syndicales, les syndicats indépendants, enfin, ceux qui sont les partenaires habituels du gouvernement lorsqu'arrive le temps des négociations. C'est un des motifs pour lequel nous n'avons pas jugé utile... Maintenant, Mme la Présidente, là comme ailleurs, est-ce que notre évaluation a été la bonne? Est-ce que le temps démontrera que c'étaient les décisions qu'il fallait prendre? J'espère. Je ne vous dis pas non plus qu'on est infaillible. On a pensé que c'était comme cela qu'il fallait cheminer le dossier. Alors, comme, donc, le travail de ce côté est déjà largement engagé et l'était avant même que la composition de la commission, son mandat soit annoncé, il n'était plus pertinent que l'on inclue dans le mandat de la commission le dossier du public et du parapublic.

Troisièmement, Mme la Présidente, je vous signalerai - cela, je le dis aussi objectivement que la situation elle-même l'est - que l'on va convenir que c'est dans le secteur privé que les organisations, autant patronales que syndicales, sont les moins fortes. On va également convenir qu'au niveau, par exemple, de la syndicalisation, c'est là qu'il y en a le moins. Quand on sait que, dans le secteur strictement privé, le taux de syndicalisation, par exemple, se situe autour de 24% ou 25%, il est apparu que c'est un des aspects du dossier dont il fallait également tenir compte. (17 heures)

Ce sont les trois motifs pour lesquels le mandat de la commission ne comporte pas ce volet de procéder à l'étude du public et du parapublic. Cela n'exclut pas - je veux être bien clair là-dessus - que, tout au cours de ses travaux, la commission ait à se pencher sur le dossier des secteurs public et parapublic. Elle ne va pas aller interdire à des invités qui le souhaiteraient de venir émettre des opinions à cet égard. Rien n'est exclu non plus quant à l'opportunité pour la commission, dans ses recommandations, de dire au gouvernement: Vous devriez avoir un seul et unique Code du travail qui regroupe toutes les lois ouvrières ou vous devriez avoir un Code du travail pour le secteur privé et un Code du travail pour le secteur public. Rien n'exclut, dans le mandat de la commission, qu'elle puisse faire de semblables recommandations.

L'autre réserve que m'a soumise le conseil consultatif du travail est en fonction ou en relation des audiences publiques que tiendra la commission. J'ai cru comprendre -c'est une interprétation strictement personnelle que j'en fais, peut-être bien que ce n'est pas ce qui sous-tend l'évaluation qu'en fait le conseil consultatif - des

intervenants du conseil qu'il y avait une espèce d'inquiétude quant au fait, par exemple, que les audiences régionales allaient devenir à ce point publiques qu'il n'y aurait pas de limitation dans le nombre d'invités qui pourraient s'y présenter, dans l'origine des invités. C'est la crainte que j'ai cru comprendre.

Si je devais retenir cette réserve et baliser le mandat de la commission de telle sorte qu'en audiences, autant régionales que nationales, elle doive se limiter à entendre des invités qu'elle-même choisirait ou que le conseil consultatif identifierait, je vous signale très honnêtement que je manquerais complètement l'objectif qui est visé. L'objectif est de permettre aux travailleurs et aux travailleuses qui, autrement, ne pourraient pas le faire, qui, autrement, ne pourraient pas s'exprimer, d'aller devant un forum habilité à recevoir des recommandations, faire état de leur situation à eux et à elles, de dire s'ils veulent être syndiqués ou non, de dire comment ils vivent nos lois sur les relations de travail. Ce sont ces "sans-voix" qu'on ne pourrait pas ne pas entendre au cours des auditions. Là-dessus, je vous signale qu'il y a une espèce de divergence de fond entre celui qui vous parle et le conseil consultatif.

Quatrièmement, Mme la Présidente, la réserve du conseil consultatif est en relation autant avec la composition des tables sectorielles ou du sommet de concertation qu'avec la méthode de travail qu'arrêtera ou qu'adoptera la table de concertation, le conseil consultatif argumentant avec des motifs très certainement valables que ce devrait être lui, le conseil consultatif, qui prenne l'initiative de tenir les audiences de concertation et qu'il en soit le maître d'oeuvre. J'espère qu'on va comprendre que je ne suis pas en train de mettre en doute l'habileté, l'expertise, la capacité - si on me passe l'expression - du conseil consultatif à mener ce genre d'activité.

Toujours en fonction des principes généraux dont je viens de parler et des objectifs qui sont poursuivis, la décision à laquelle nous en sommes arrivés quant à la composition des tables de concertation a été de dire: Oui, il faudra que les intervenants que l'on retrouve au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, s'ils veulent, soient des intervenants à la table de concertation. Il est impensable que l'on puisse aller plus avant dans les travaux si, par exemple, il fallait tenir pour acquis, dès maintenant, qu'aucune des parties qui siègent au conseil consultatif du travail ne sera présente au moment de la table de concertation. En d'autres mots, la table de concertation devrait être un conseil consultatif du travail élargi, composé de toutes les personnes qui y siègent actuellement, mais auquel on ajoutera d'autres intervenants qui peuvent être des représentants de syndicats indépendants, par exemple, qui peuvent être des représentants de travailleurs et de travailleuses non syndiqués, qui peuvent être des représentants de l'Union des municipalités du Québec qui a très certainement un mot à dire au chapitre de l'arbitrage des conventions collectives des policiers-pompiers. Enfin, c'est dans ce sens que je parle de conseil consultatif du travail élargi.

Alors, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Harel): Je vous demande de conclure, votre temps de parole est maintenant expiré.

M. Fréchette: Je termine en vous disant que, malgré ces réserves, malgré les argumentations dont je viens de parler, je ne sache pas, en tout cas, au moment où on se parle, qu'aucun des organismes n'ait pris la décision de ne pas participer aux travaux de la commission. Plusieurs ont émis des réserves, encore une fois, mais personne n'a dit publiquement en ma connaissance qu'il n'allait pas participer aux travaux. Bien au contraire, le député de Portneuf parlait tout à l'heure de la Centrale de l'enseignement du Québec qui, au conseil consultatif, a eu ce même genre de réserve, mais qui vient de décider au cours du dernier week-end, dans une de ses instances syndicales, de participer pleinement à la commission Châtillon.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Le ministre a essentiellement repris l'argumentation au soutien de la position qu'il a adoptée. Je dois d'abord convenir avec lui que, sur le principe, l'objectif qui est recherché pour en arriver à une législation adéquate et répondant davantage aux besoins des parties, tout le monde ne peut qu'être d'accord avec cela. C'est plutôt le style de démarche ou la façon avec laquelle la démarche a été enclenchée et ses modalités qui étaient mises en doute. Je dois confesser que, moi aussi, j'ai été agréablement surpris de lire le titre du journal auquel vous référiez tantôt. Ce n'est pas souvent que, dans l'histoire des relations de travail au Québec, on lit que la CSN, la FTQ, la CEQ, le CPQ, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre sont d'accord avec Fréchette. Ce matin-là, j'étais tellement surpris que je me suis imaginé certaines choses. J'ai presque envie de vous le dire. Je me suis dit que très probablement le premier ministre avait dû appeler son ministre du Travail pour lui dire: Écoute, Raynald, "good job"; tu as moins de panache que Pierre-Marc, mais tu es plus efficace. Tout cela venait de mon imagination, évidemment.

II y a quand même une question qui arrive et qui est très importante dans tout cela. C'est un pari que prend le gouvernement parce que vous auriez pu -c'est là une première possibilité - donner un mandat à cette commission de consulter, d'écouter et de recommander à partir d'une proposition gouvernementale, alors que l'exercice que vous vous apprêtez à mener actuellement est que toutes les parties intéressées aient l'occasion de venir définir, selon leur concept, la façon de modifier ce Code du travail. Le pari implique que, autant il aurait pu être difficile si vous aviez retenu la première possibilité d'avoir un consensus sur une politique donnée, autant on peut s'interroger sur les chances qu'un consensus se dégage de par la base et de par les intervenants, sans que ce consensus porte initialement sur une proposition formelle du gouvernement.

Ce sont là deux questions bien particulières et bien spécifiques. Devons-nous comprendre de votre propos que vous n'avez pas l'intention d'apporter de modification du côté du fonctionnement et du mandat de la commission?

M. Fréchette: Je m'excuse, Mme la Présidente, le sous-ministre vient d'arriver avec une information que je lui demandais et j'ai perdu la question du député de Portneuf.

M. Pagé: Alors, on va souhaiter la bienvenue à M. Blain. Nous sommes bien heureux qu'il se joigne à nous. Devons-nous comprendre de votre propos que le ministre du Travail du Québec n'a pas l'intention de modifier quoi que ce soit dans ce qui a été annoncé à l'égard du mandat, du mode de fonctionnement et de la composition de la commission? Est-ce que votre opinion est faite et que c'est comme cela, point final, à la ligne?

M. Fréchette: Mme la Présidente, quand le député de Portneuf évalue que l'opération qui a été enclenchée est un pari, un défi en quelque sorte, je vous signale que, sans aucune hésitation, je suis d'accord avec lui. C'est le genre d'appréciation que je n'ai pas craint de dire, même publiquement. C'est à ce point un défi et un pari que, aujourd'hui, au moment où on se parle, je pense qu'il n'y a personne d'entre nous - ni aucun des membres de la commission - qui peut garantir le succès de l'opération.

La situation dans laquelle on est depuis une bonne dizaine d'années maintenant, c'est de se poser la question suivante: Est-ce que, parce que c'est un pari, parce que c'est un défi et parce que les conclusions ne sont pas garanties ou assurées, il faille continuer de remettre de six mois en six mois, d'année en année et continuer de vivre avec des modus que plusieurs évaluent comme étant maintenant dépassés? Alors, je suis conscient qu'il s'agit d'un défi, mais je préférerais, Mme la Présidente, le relever, risquer l'échec plutôt que de me faire reprocher par le député de Portneuf de manquer de leadership et de n'avoir rien fait.

M. Pagé: Vous ne l'avez pas digérée, celle-là!

M. Fréchette: Non, non. Maintenant, le député de Portneuf me demande très précisément: Est-ce que, au niveau de la composition de la commission, votre opinion est arrêtée, est définitive et est finale? Je vous dirai que, au moment où on se parle, il n'y aurait pas de motif qui ferait en sorte que l'on puisse ou bien modifier la composition de la commission ou, alors, l'amender en ajoutant ou en retranchant des membres qui y sont déjà. Je vous réitère que, à ce stade-ci, encore une fois, je ne vois pas pourquoi ce devrait être fait. Quant au choix du président, j'ai expliqué pourquoi, tout à l'heure, il était là. Je rappellerai essentiellement que les cinq commissaires totalisent ensemble au-delà de 82 années d'expérience en relations de travail. Le commissaire issu du monde patronal est un directeur de ressources humaines dans une entreprise privée; il y a travaillé pendant 40 ans et il a gagné ses galons partout, autant dans son entreprise qu'auprès des associations syndicales avec lesquelles il a transigé. Le commissaire qui est issu du monde syndical a, lui aussi, me semble-t-il, gagné tous ses galons. Il a une expérience de 30 années dans le syndicalisme actif, dans le syndicalisme privé actif. C'est un commissaire, à ce que j'en sache, en tout cas, qui a le respect des travailleurs avec lesquels il a passé une bonne partie de sa vie - cela ne fait aucun doute - et d'un bon nombre d'autres. Quant au commissaire qui est issu du service des relations industrielles de l'Université de Montréal, ceux qui ont l'expérience des relations de travail, qui ont l'habitude de lire des sentences arbitrales, par exemple, vont tout de suite réaliser que le commissaire Larouche est un expert en relations de travail, qui a une réputation à double volet: la réputation de régler des problèmes et de les bien régler. Finalement, l'autre commissaire, Mme McNeil, qui est de l'École des hautes études commerciales, est une spécialiste en économie du travail, qui a même été invitée à des colloques du Parti libéral; dans son curriculum vitae, on voit cela. Elle a été conférencière invitée à des colloques du Parti libéral, pour aller expliquer comment on devait prendre le virage technologique et comment il fallait envisager l'avenir par rapport aux relations de travail. Je suppose... (17 h 15)

M. Pagé: Je comprends qu'avec 26%,

vous ayez de l'intérêt pour le Parti libéral du Québec.

M. Fréchette: Pardon?

M. Pagé: Je comprends qu'avec 26% de sondage...

M. Fréchette: Non, mais c'est une information que je voulais ajouter au dossier pour que vous la reteniez. À partir de cette composition et de l'expérience qui est celle de ses cinq commissaires, je réitère au député de Portneuf que je ne vois pas actuellement comment et pourquoi il faudrait retrancher, ajouter ou retirer des gens qui y sont.

Quant à l'autre aspect de sa question, le mandat de la commission. Si on me parle du fond du mandat, c'est-à-dire quelles sont les législations qu'il faut évaluer, quelles sont les recommandations qu'il faut faire, si c'est de cela qu'on me parle, je signale au député de Portneuf qu'à cet égard également, à ce stade-ci en tout cas, je ne vois pas comment on pourrait changer le mandat.

Si, par ailleurs, on me parle de la façon de tenir les audiences en région, de la façon de tenir les audiences nationales, de la façon de tenir - et, là-dessus, le conseil consultatif avait une réserve importante - les séances de travail des tables de concertation, si elles doivent être publiques ou non publiques, la première, la dernière, celle du milieu, ce sont des choses sur lesquelles je n'ai aucune espèce d'objection à reconsidérer des situations autant avec les parties qui seraient intéressées à le faire qu'avec la commission elle-même.

M. Pagé: Sur cette question spécifique, êtes-vous en consultation avec les parties actuellement?

M. Fréchette: Je disais tout à l'heure au député de Portneuf qu'il est fort bien renseigné, du moins dans certains milieux, et effectivement je rencontre demain des représentants du Conseil du patronat qui ont manifesté le désir de venir discuter du dossier, ce que j'ai accepté sans aucune hésitation dès lors que la demande m'en a été faite. Je vous signale également que j'ai été en communication assez constante depuis une couple de semaines avec des représentants de la CSN et que le dialogue se poursuit à cet égard.

Je ne vous dis pas, au moment où on se parle, que tous les obstacles sont levés et qu'on peut y aller comme s'il n'y avait aucune réserve, ce n'est pas cela que je suis en train de vous dire. Je suis en train de vous dire que la discussion se continue et que j'espère, quant à moi en tout cas, qu'on pourra arriver à un consensus qui fera en sorte que tout le monde s'impliquera dans l'opération.

M. Pagé: Sous cet aspect spécifique du fonctionnement, prévoyez-vous avoir des échanges avec le conseil consultatif à nouveau?

M. Fréchette: Écoutez, quand j'aurai terminé ces consultations tout à fait informelles dont je vous parle quant à moi, je serai en aucun temps disposé à retourner au conseil consultatif du travail et, à sa demande ou à ma propre initiative, on évaluera en temps et lieu l'état du dossier et on lui fera part de ce qui a pu se produire depuis le temps que ces échanges dont je vous parle ont été tenus. Il ne me répugne pas du tout de faire la démarche dans ce sens.

M. Pagé: Alors, ce n'est pas "en aucun temps", c'est "en tout temps".

M. Fréchette: Ah! Je m'excuse. En tout temps, effectivement.

M. Pagé: Pour le bénéfice de ceux qui peuvent vous citer.

M. Fréchette: Je vais dire comme le député de Saguenay, au moment de la commission parlementaire sur le projet de loi 42: Je suis disposé à regarder cela d'une oreille attentive.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Pagé: Si j'y avais été, j'aurais fait comme vous, j'aurais souri, M. le ministre.

M. Fréchette: Juste une information additionnelle, Mme la Présidente, si vous me le permettez. Cela rejoint un peu beaucoup la préoccupation du député de Portneuf. Je suis en mesure de lui dire que les membres de la commission sont également disposés, en tout temps, à rencontrer aussi le conseil consultatif.

M. Pagé: Concernant le volet du monde de la construction, quel a été votre cheminement, depuis l'annonce que vous avez faite de la constitution de la commission, à l'égard de la possibilité que le mandat de la commission touche aussi le secteur de la construction?

M. Fréchette: Je dois vous signaler, Mme la Présidente, que - en tout cas, je fais état des renseignements qui m'ont été acheminés depuis le temps que la commission a été formée et que l'annonce a été faite du commencement de sa mise en place - je n'ai pas eu du monde de la construction, autant du côté syndical que patronal, de

représentation particulière quant à l'opportunité de porter une attention spéciale à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Ce qu'on a dit, et c'est également vrai pour la Loi sur les décrets de convention collective, c'est également vrai pour la loi sur les normes minimales du travail, ce qu'on a dit, c'est essentiellement ceci: Si la commission permet, par exemple, de dégager qu'il existe des incohérences entre les différentes lois, de dégager qu'il y a des problèmes de concordance, mais des problèmes de concordance qui peuvent, dans certains cas, déboucher sur des interprétations quant au fond même de l'une ou l'autre de ces lois, il n'y a pas d'objection. Bien au contraire, il n'y a pas d'objection à ce que la commission nous fasse des recommandations à cet égard. Maintenant, la même remarque s'applique, Mme la Présidente, pour les lois sur les relations de travail dans la construction et pour les lois sur les relations de travail dans le public et le parapublic. S'il faut ajouter ce volet au mandat, il est évident que l'échéancier qui est fixé ne permettrait jamais de pouvoir arriver aux conclusions qu'on souhaite avoir dans une quinzaine de mois.

M. Pagé: Sur cet aspect particulier du mandat, en regard des relations de travail dans le monde de la construction, vous allez quand même convenir avec moi, M. le ministre, que tant les parties patronales que syndicales qui oeuvrent dans le secteur de la construction ont leur pensée ailleurs, actuellement, avec les négociations, si on peut utiliser le terme de négociations. D'autre part, on doit retenir qu'à l'intérieur de la partie syndicale les associations qui représentent les employés de la construction, actuellement, ont déjà un peu de difficulté à échanger entre elles sur l'opportunité de s'asseoir à telle table ou non. J'hésite à croire qu'elles se rencontrent tous les matins pour discuter du mandat de la commission. Quand je référais au leadership que vous devez assumer, c'est ce à quoi, entre autres, je référais ce matin. On a toujours convenu que le monde de la construction était un monde particulier. Ce secteur a d'ailleurs toujours fait l'objet de mesures, de lois particulières, de lois spéciales, de décrets, etc. Ce matin, quand je référais au leadership que vous devez assumer, ce sont des exemples comme ceux-là que je voulais donner parce que le monde de la construction est un monde où on a besoin, je crois, notre société, les parties ont besoin d'une refonte et d'une grande question à poser: Qu'est-ce qu'on fait, est-ce que nous sommes légitimés, comme société, à continuer à oeuvrer à l'intérieur de mécanismes comme ceux-là ou si on ne devrait pas tenter de trouver au moins des solutions sous d'autres formes? C'est ce qui me faisait regretter votre position à cet égard. Devons-nous comprendre que durant le mandat qui est de quinze à dix-huit mois, au cours de cette période le ministre du Travail s'abstiendra, évidemment, d'apporter des modifications au Code du travail à l'Assemblée nationale?

M. Fréchette: Le principe général devrait être effectivement ce que le député de Portneuf vient d'émettre. Compte tenu de la nature de l'opération qui est enclenchée, des objectifs qu'elle vise, il ne devrait pas y avoir de modifications qui soient suggérées au Code du travail avant que les recommandations nous arrivent. Il y a une seule réserve, cependant...

M. Pagé: Ah!

M. Fréchette: ...et je pense que le député de Portneuf va très facilement comprendre pourquoi je fais cette réserve. S'il arrivait qu'un jugement de cour, - je parle évidemment d'une Cour de droit commun et je pense, pour sûr, au plus haut tribunal du pays, la Cour suprême - s'il arrivait que la Cour suprême rende une décision judiciaire en vertu de laquelle le Tribunal du travail, par exemple, serait déclaré inconstitutionnel, ou si une décision judiciaire nous amenait à la conclusion que l'une ou l'autre des juridictions exercées, autant par les commissaires du travail que par les juges du Tribunal du travail, n'est pas celle sur laquelle ils ont juridiction pour se prononcer, je retourne la question au député de Portneuf: Qu'est-ce qu'on ferait si demain matin on se retrouvait dans un immense vacuum juridique? Qu'est-ce que l'on ferait autant par rapport à toutes les décisions déjà rendues par ces instances, à celles qu'elles se préparent à rendre et, enfin, au fonctionnement général de tout le système d'accréditation et de toutes les procédures qui sont de la juridiction du tribunal et des commissaires? C'est à peu près - évidemment, Mme la Présidente, je n'ai pas la prétention de tout couvrir - la seule situation qui ferait en sorte que le gouvernement devrait rapidement intervenir par législation afin qu'il n'y ait pas ce vide juridique, si encore les tribunaux de droit commun, les tribunaux supérieurs arrivaient à la conclusion que le tribunal est inconstitutionnel.

M. Pagé: Merci de la réponse à cette question, Mme la Présidente. Ma dernière question concerne un article de la Presse du jeudi 5 avril: "Fréchette accepte de s'expliquer sur la commission consultative, accédant aux demandes du CPQ et de la CSN", sous la signature de Mme Lisa Binsse. "Le ministre aurait alors déclaré que ces

réactions négatives étaient non seulement normales mais presque voulues par le gouvernement qui ferait maintenant porter son préjugé favorable sur les 80 p. cent des travailleurs du secteur privé qui ne sont pas syndiqués, en leur permettant de s'exprimer sur le genre de relations de travail auxquelles ils aspirent. "Une telle déclaration, dit le vice-président exécutif, Ghislain Dufour, si elle est exacte, confirmerait que les dés sont pipés à l'avance et enlèverait toute crédibilité à la commission."

C'était jeudi. Je m'attendais, Mme la Présidente, à une déclaration du ministre du Travail soit jeudi, soit ce matin à l'Assemblée nationale pour vraiment rétablir les faits et reprendre ce propos ou cette interprétation qui est, pour le moins qu'on puisse dire, inquiétante.

M. Fréchette: Je suis très heureux, Mme la Présidente, que le député de Portneuf soulève cette question. D'abord, cela va me donner l'occasion d'apporter un certain nombre de précisions et de lui dire également que je n'ai pas, jusqu'à maintenant, jugé utile de relever cette déclaration très précisément parce que je voulais, de façon privilégiée, indiquer aux parties elles-mêmes de quoi retournait ce genre d'article qu'on retrouve dans le journal du 5 avril. D'ailleurs, ce n'était pas la première fois que c'était publié comme cela. On l'a retrouvé le lundi 2 avril sous la plume de Pierre Vennat. Je vous invite, Mme la Présidente, enfin j'invite par vous le député de Portneuf à jeter un coup d'oeil sur l'article du lundi 2 avril 1984, et je ferai les observations suivantes: D'abord, à aucun endroit, le texte auquel vient de faire référence le député de Portneuf - est-il entre guillements? - ne rapporte une citation au mot à mot que celui qui vous parle aurait faite à l'occasion d'une manifestation politique de sa formation politique. Ce genre de chose était à ce point inquiétant que j'ai fait une démarche additionnelle et je me suis informé auprès du journaliste lui-même qui couvrait l'événement aux fins de savoir de lui si j'avais effectivement échappé une phrase de cette allure ou si, alors, c'était une interprétation qu'il faisait à partir de mes propos. La réponse qu'il m'a donnée a été essentiellement la suivante: Vous avez indiqué à ce conseil national de votre parti politique que les réactions, autant du patronat que de certaines associations syndicales, étaient à toutes fins utiles normales dans les circonstances. Un de vos collègues, ministre du Revenu, a aussi fait des commentaires sur la syndicalisation dans le secteur privé, sur, effectivement, les réactions de l'une ou l'autre des parties. C'est à partir de ces déclarations que le journaliste a tiré la conclusion qu'on retrouve autant dans la Presse du lundi 2 avril que dans celle du jeudi 5 avril. Mme la Présidente, je réitère qu'en aucun moment je n'ai dit de semblables choses. Enfin, je ne demanderai pas au député de Portneuf de faire un acte de foi par rapport à ce que je suis en train de lui dire, mais qu'on me donne au moins le bénéfice du doute. Je suis capable de faire l'évaluation quant à la nature d'une déclaration qui serait aussi grosse que celle-là. (17 h 30)

M. Pagé: Vous allez convenir avec moi, M. le ministre - c'est d'ailleurs pourquoi je voulais vous donner la chance de vous expliquer cet après-midi, avec toute la générosité qui me caractérise, vous allez en convenir - que, lorsque deux ministres d'un gouvernement, du même gouvernement parlent, c'est le gouvernement qui parle.

M. Fréchette: Si c'est une opinion que vous me demandez là-dessus, je suis, comme vous, d'avis que, lorsque deux ministres s'expriment sur un sujet donné et que les opinions vont dans le même sens, il y a de fortes chances que cela engage le gouvernement lui-même. Encore faut-il cependant que ce soit aussi précisément que possible le texte de ce que vraiment ils ont dit. Encore une fois, je vous réitère qu'en aucune circonstance je n'ai dit de semblables choses.

M. Pagé: Pour clore sur cet aspect du programme...

M. Fréchette: J'ai un renseignement additionnel. M. Vennat à qui on a demandé des renseignements - je voulais vraiment savoir - nous a indiqué que c'était effectivement sa propre interprétation. Je signale en dernière instance qu'il semble que je ne sois pas le seul qui ait pris des informations auprès de M. Vennat quant à cette déclaration. Il aurait dit la même chose à tout le monde.

M. Pagé: Mme la Présidente, on ne peut que souhaiter que le travail de cette commission porte fruit dans les délais prévus et que les résultats seront ceux escomptés.

Nous avons abordé de façon incidente les négociations dans les secteurs public et parapublic. Le gouvernement a mis sur pied des comités paritaires au lendemain des négociations ardues, lourdes et difficiles que vous avez vécues, que le gouvernement a vécues, dont l'Assemblée nationale a été témoin et pour lesquelles la population du Québec a payé le prix en 1983. À la fin de l'année 1983 - si ma mémoire est fidèle - le président du Conseil du trésor de l'époque annonçait la volonté gouvernementale de former des comités paritaires composés de représentants syndicaux et patronaux pour

tenter de revoir l'ensemble de la question des négociations dans le secteur public et pour que les écueils et les aléas que la société québécoise a eu à vivre et dont elle a dû souffrir ne se répètent pas.

Pourriez-vous nous indiquer, comme ministre du Travail qui, nous le présumons ou l'espérons, devez être intimement associé à ce comité ministériel, le degré d'avancement du dossier? Quelle a été l'implication du ministère du Travail et du ministre du Travail au sein de ce comité ministériel et de ces comités paritaires? Pourriez-vous nous indiquer si cet aspect de la négociation qu'on appelle la négociation permanente a été abordée, où en sont rendues les réflexions du gouvernement sur cet aspect, si le droit de grève, si l'utilisation du recours à la grève a été abordé et, encore là, où en est rendue la réflexion du gouvernement?

M. Fréchette: Mme la Présidente, je pense que, face à une question comme celle-là, il y a peut-être une petite précision qui s'impose. Il faut faire la distinction entre ce qu'on pourrait convenir d'appeler un comité interministériel et un comité paritaire. On ne retrouve pas à l'intérieur des comités paritaires auxquels on réfère les mêmes gens qu'on peut retrouver à l'intérieur d'un comité interministériel qui a le mandat d'étudier ce dossier.

Quelle a été l'implication du ministère du Travail? Je pense que c'est la première question du député de Portneuf. Je vous dirai que, lorsque les travaux ont commencé, le sous-ministre du Travail a été très intimement associé aux travaux de ce comité, de cette commission, de ce groupe de travail, de ce groupe d'experts qui a procédé à une première évaluation, qui a procédé à un premier déblayage et qui a tiré certaines conclusions. Ces travaux préliminaires ayant été faits, le comité interministériel dont parle le député de Portneuf a effectivement été réuni, à ma connaissance - et je vous donne cela sous réserve encore une fois, une erreur de mémoire étant toujours possible - jusqu'à maintenant, quatre ou cinq fois. C'est le comité auquel participaient le président du Conseil du trésor, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Éducation, le ministre de la Fonction publique et le ministre du Travail.

Ce comité interministériel, à partir des travaux préliminaires auxquels se sont livrés les experts dont je vous parlais tout à l'heure, a effectivement, quant à lui, évalué des situations, des recommandations qui ont été tirées des études qui avaient été menées.

Mme la Présidente, à ce stade-ci le député de Portneuf me demande de lui dire quelles sont les conclusions du comité interministériel. Je serai malheureusement obligé de vous dire que je ne peux répondre à ce genre de question parce qu'il s'agit, à ce stade-ci, en tout cas, des travaux, purement et simplement, de recommandations, de conclusions ou de suggestions que ce comité interministériel va soumettre - comme je le disais tout à l'heure - autant au Conseil des ministres qu'à ses partenaires du monde de la négociation. À ce stade-ci, encore une fois, on ne peut pas parler en termes de décisions fermes, formelles. On ne peut parler qu'en termes de recommandations. Cela n'aiderait la cause de personne si j'entreprenais de disserter sur la place publique sur les points qui ont été retenus par le comité interministériel avant que la consultation n'ait été faite avec les intervenants particulièrement touchés et intéressés par le sujet.

M. Pagé: À quel moment les recommandations du comité interministériel seront-elles déposées au Conseil des ministres?

M. Fréchette: Cela tombe bien, Mme la Présidente, parce que je recevais l'ordre du jour du conseil pour demain et cette rubrique y est.

M. Pagé: Pour prise de connaissance ou pour décision?

M. Fréchette: Enfin, je serais plutôt porté à croire que c'est plutôt pour prise de connaissance et pour première évaluation que pour décision.

M. Pagé: D'accord.

M. Fréchette: Mais je sais que c'est à l'ordre du jour du conseil pour demain.

M. Pagé: Nous sommes en avril 1984. Il faut retenir du processus que celui-ci prévoit une décision du Conseil des ministres, une consultation - si je peux utiliser le terme parce que consulter une fois la décision prise, c'est assez délicat - un échange, tout au moins avec vos partenaires patronaux et tout cela devrait déboucher, par la suite, sur un échange au sein des comités paritaires.

Croyez-vous vraiment, M. le ministre du Travail, que cette oeuvre saura résulter sur des modifications importantes et significatives pour la ronde de négociations qui s'annonce en 1985?

M. Fréchette: II y a une chose sur laquelle je voudrais être un peu plus clair, Mme la Présidente. C'est évident que le Conseil des ministres, et non plus le gouvernement, ne va pas adopter des politiques ou des lois sans procéder à la consultation. S'il y a imbroglio là-dessus, je voudrais être bien clair: C'est sûr que c'est

le processus de consultation qui doit prévaloir.

Le député de Portneuf me demande s'il y a des espoirs que des modifications soient apportées au système avant une prochaine ronde de négociations. Je pense que les intentions du gouvernement ont été - et je dois le dire - à plusieurs reprises très clairement énoncées à cet égard. Je dois également dire qu'il est finalement fort simple de procéder à identifier la nature très précise des problèmes qui reviennent chaque fois qu'il y a une négociation dans le secteur public et parapublic. Si, alors, l'identification des dispositions législatives qui sont problématiques est déjà faite, il y a déjà un bon bout qui est réalisé au niveau du quantum de temps que cela peut requérir pour débloquer sur des lois qui seraient le fruit du consensus des parties. Encore une fois, il ne sera pas nécessaire de procéder à l'identification de tout ce qui fait obstacle ou problème: c'est déjà, pour toutes les parties, à toutes fins utiles, connu. Il va rester, comme je le signalais il y a un instant, à identifier maintenant les moyens par lesquels il faudra tenter de contourner ces difficultés et je suis l'un de ceux qui croient que le gouvernement n'a pas de choix et qu'il doit, de toute évidence, avant une prochaine négociation dans le secteur public et parapublic, avoir revu l'ensemble de tout le processus et voir quelles sont les décisions qu'il faut arrêter et vers quelle avenue il faut aller.

M. Pagé: Sans, M. le ministre, divulguer les recommandations du comité interministériel qui seront déposées devant le Conseil des ministres pour appréciation, dans une première étape, pouvez-vous au moins nous indiquer si des recommandations portent sur le régime des négociations?

M. Fréchette: Sur ce, Mme la Présidente, je ne transgresserais pas de secret d'Etat si je disais au député de Portneuf qu'effectivement les travaux sont strictement centrés sur le mode de négociation dans les secteurs public et parapublic et sur le bilan que tout un chacun peut faire depuis que le Code du travail existe dans l'état actuel, c'est-à-dire depuis 1964.

Le député de Portneuf va très certainement se rappeler, par exemple, que le droit de grève dans le secteur public a été accordé à l'unanimité des partis qui siégeaient à l'Assemblée nationale en 1964. C'est le gouvernement libéral du temps qui a introduit cette disposition dans notre code et c'est le ministre du Travail, député de Sherbrooke, qui avait parrainé le projet de loi à cette époque et tout le monde n'avait aucune espèce d'hésitation quant aux objectifs à atteindre.

Est-ce qu'à partir du bilan qu'on peut maintenant faire, placé en parallèle avec les objectifs que tout le monde avait, en 1984 -20 ans après, comme dirait un animateur de télévision - nos objectifs ont été atteints?

M. Pagé: Selon vous?

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf, si vous permettez, M. le ministre...

M. Pagé: II y avait une question intéressante: Selon vous?

La Présidente (Mme Harel): ...si vous me permettez simplement de vous signaler que, par équité pour les autres membres de la commission, votre temps de parole est largement expiré temporairement puisque vous pouvez revenir. J'aimerais savoir si d'autres membres de cette commission entendent intervenir sur ce programme 1 et non pas nécessairement les inviter à le faire. Je vous cède la parole, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Vous reprenez votre question?

M. Pagé: Oui. Selon vous?

M. Fréchette: Mme la Présidente, si l'on retient l'objectif - je ne sais si c'est l'article 2 ou 3 du Code du travail qui dit que l'objectif du Code du travail est de faire en sorte que l'on vive des relations de travail harmonieuses, le sous-ministre me signale que c'est l'article 3 - et que l'on fait ce bilan dont je viens de parler, je suis l'un de ceux qui croient que les objectifs qu'avaient, autant le législateur en 1964 que les parties qui étaient directement intéressées au processus et qui ont toutes déclaré qu'elles étaient disposées à vivre ce mécanisme comme tout le monde souhaitait qu'il soit vécu... Je dois dire que non. Par rapport au bilan que l'on peut faire, en fonction de relations de travail harmonieuses, mon opinion à moi, c'est que les objectifs n'ont pas été atteints.

M. Pagé: Votre opinion comme ministre du Travail, les objectifs n'ayant pas été atteints, ça commande l'action qui a été enclenchée, laquelle devra déboucher sur des modifications fondamentales au régime de négociations et des lois éventuelles.

M. Fréchette: II me semble que tout cela va de soi, cela s'enchaîne. C'est l'objectif vers lequel il faut tendre.

M. Pagé: Question qui est peut-être un peu expectative: Croyez-vous que les lois ou les projets de loi - le ou les - qui devront être déposés le seront par le député de Sherbrooke, là aussi, s'il est ministre du Travail?

M. Fréchette: C'est effectivement très hypothétique, Mme la Présidente.

Conseil des services essentiels

M. Pagé: D'accord. Le Conseil des services essentiels?

M. Fréchette: Ah oui!

La Présidente (Mme Harel): Je dois comprendre que M. le député de Portneuf nous suggère d'entreprendre l'étude du programme 3. (17 h 45)

M. Pagé: Je reviendrai.

La Présidente (Mme Harel): Toujours sur le programme 1, d'autres membres de cette commission veulent-ils intervenir?

M. Pagé: Non, c'est que...

La Présidente (Mme Harel): Nous pouvons simplement suspendre et revenir...

M. Pagé: Sans sauter au programme 3, nous étions aux services essentiels et on pourrait vider cette question-là tout de suite.

La Présidente (Mme Harel): S'il y a consentement des membres de cette commission.

M. Fréchette: Est-ce que les services essentiels sont un autre programme?

La Présidente (Mme Harel): Oui, c'est le programme 3. Nous pouvons suspendre temporairement le programme 1 et...

M. Fréchette: Je n'ai pas du tout d'objection, je ne sais pas ce que mes collègues du côté ministériel en pensent, mais je n'ai pas d'objection.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: On sait que les principales activités du conseil se sont déroulées dans huit secteurs différents, considérés comme des services publics. On retient que les municipalités constituent le niveau principal sur lequel le conseil a exercé sa juridiction. On retient qu'au cours de l'année 1983 274 municipalités ont été assujetties par le décret du gouvernement, par la loi 72. Si on inclut les autres secteurs comme le transport, l'enlèvement des ordures ménagères, l'électricité, le téléphone, 306 employeurs et 402 syndicats ont maintenant l'obligation de maintenir les services essentiels s'il doit y avoir une grève dans leur établissement.

Or, lors du conflit de travail à la Commission de transport de Laval, la CTL et ses employés n'étaient pas assujettis à la loi sur les services essentiels puisque les syndicats avaient acquis leur droit de grève avant l'entrée en vigueur des dispositions pertinentes de la loi. Je crois que l'ensemble des députés à l'Assemblée nationale du Québec et l'ensemble des intervenants ont déploré cette situation de droit qui a débouché sur une situation de fait qui était particulièrement inquiétante et que les usagers et les citoyens de Laval ont dû vivre.

Est-ce qu'il y a d'autres situations similaires qui pourraient être vécues avec les effets que cela a eus à la CTL?

M. Fréchette: Je comprends que le député de Portneuf se réfère à des organismes qui, normalement, auraient dû être assujettis...

M. Pagé: Devraient...

M. Fréchette: ...qui devraient être assujettis et qui ne l'ont pas été. Il me semble qu'il y a un cas ou deux qu'on a échappés, si vous me passez l'expression. Heureusement, par ailleurs, il n'y a pas eu, dans ces cas-là, de conflit. Nous avons maintenant pris des dispositions pour faire en sorte que chaque fois qu'une convention vient à expiration, quinze jours avant l'acquisition du droit de grève, il n'y ait plus de ces espèces d'échappatoires qui font en sorte que quelqu'un qui devrait être assujetti ne l'est pas. Les deux qu'on a échappés, il n'y a pas eu conflit.

M. Pagé: C'était dans quel domaine?

M. Fréchette: Dans le domaine municipal.

M. Pagé: Domaine municipal.

M. Fréchette: Oui, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, je pense.

M. Pagé: Dans votre rapport annuel, il est indiqué que le conseil s'apprête à lancer une campagne de sensibilisation au niveau du transport scolaire. On sait que le Québec, depuis quatre ans, cinq ans, a vécu des conflits de travail assez durs; entre autres, ici dans la région de Québec on a vécu de tels conflits. Ce sont des régions entières qui ont été privées de transport scolaire pendant des périodes plus ou moins longues et

coûteuses pour la société. On doit retenir de l'exercice que le transport scolaire qui était fait par des entreprises artisanales il y a 15 ou 20 ans est devenu une véritable entreprise avec un taux de syndicalisation qui est plus élevé. Cela débouche sur les négociations de conventions collectives; cela débouche sur des représentations, des demandes syndicales qui sont légitimées jusqu'à une certaine mesure, en ce qu'elles s'appuient sur des conventions collectives signées dans d'autres régions.

Pourriez-vous nous indiquer, M. le ministre, le degré d'avancement de ce dossier, surtout en termes d'échéancier probable? On sait qu'il y a des conventions collectives qui viendront à échéance sous peu; on connaît tous les effets dommageables que cela peut créer dans une région lorsque le transport scolaire est en grève. J'aimerais bien profiter de votre présence ici à la table pour avoir le plus de détails là-dessus.

M. Fréchette: Mme la Présidente, il me fait plaisir de passer la parole au président du Conseil des services essentiels, Me Bastien.

La Présidente (Mme Harel); La parole est à vous, Me Bastien.

M. Bastien (Bernard): Mme la Présidente, il me fait plaisir de signaler aux membres de la commission que, au cours de l'année 1983, le conseil a procédé à une analyse de toute la situation du transport scolaire dans la province de Québec. Il s'est agi, pour l'enquêteur du conseil, d'identifier où étaient les zones qui étaient particulièrement syndiquées, où se trouvaient, si vous voulez, les syndicats qui faisaient du transport scolaire, si le transport était fait par la commission scolaire ou par des entrepreneurs.

Alors, nous avons eu un rapport, qui a été finalisé à la fin de décembre 1983 ou en novembre 1983, qui nous a été soumis. Il nous permet d'avoir tout le portrait de la situation du transport scolaire, à l'heure actuelle. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que c'est le gouvernement qui assujettit, un par un, chacun des organismes, syndicats ou employeurs qui, selon lui, devrait être assujetti en fonction de deux critères, ceux de la santé ou de la sécurité de la population.

Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas retenu, en tout cas, dans les assujettissements... Il y a un comité qui a été formé pour évaluer, au préalable, avant que la grève soit déclarée, quels sont les problèmes de santé ou de sécurité qui peuvent se poser dans une grève appréhendée. Alors, au niveau du transport scolaire, nous avons certaines difficultés à nous astreindre à la question de santé ou de sécurité, c'est-à-dire: L'éducation comme telle, dans la loi, n'est pas identifiée comme un service essentiel, ni comme un service essentiel à la santé ou à la sécurité. Le transport scolaire en soi est un transport qui, je veux bien le croire, peut transporter des handicapés, à l'occasion; mais il est plus facile de voir le lien quand on parle d'une grande commission de transport, qui transporte des handicapés, puisqu'elle transporte des handicapés pour la réhabilitation, pour les nourrir, pour les envoyer travailler et pour un tas de choses, alors que le transport scolaire se résume tout simplement à la question de savoir si on les transporte à l'école ou pas, alors que d'autres pourraient être en grève et ils n'iraient pas à l'école?

Alors, jusqu'à maintenant, la situation du dossier est la suivante: On a une enquête, on a identifié les zones. Il va s'agir de prendre une décision préalable, de dire: Est-ce qu'on assujettit le transport scolaire? et de le faire. Pour cela, il va falloir évaluer des critères. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que, dès qu'un organisme est assujetti, le droit au lock-out pour l'employeur est perdu aussi. Il devient interdit dès le moment où l'assujettissement se fait. Alors, il faut penser en fonction des possibilités de règlement du conflit, qui est la convention collective; il faut évaluer un tas de choses, ce que nous n'avons pas fait jusqu'à présent, mais que nous nous apprêtons à faire en collaboration avec les fonctionnaires du ministère et avec le ministre pour voir si on adopte comme politique que tout le transport scolaire est assujetti et que, définitivement, chacune des grèves dans le transport scolaire donnerait lieu à une obligation de maintenir les services essentiels. Alors, c'est une situation qu'il faut évaluer. Il faut tenir compte aussi du fait que, du côté syndical, cela modifie, jusqu'à un certain point, un certain rapport de forces qu'on a normalement puisque le droit de grève est maintenu. Alors, il faut évaluer cela dès le départ, avant de nous engager plus loin, ce que nous n'avons pas fait jusqu'à présent.

M. Pagé: Est-ce que le conseil a une recommandation à formuler dans le contenu du décret?

M. Bastien: Pas exactement. Ce qui a été fait, c'est une collaboration administrative entre le conseil, le ministère du Travail et les fonctionnaires du ministère où, tout simplement, sont identifiés les secteurs où le conseil peut intervenir en fonction de l'échéance de la grève. À ce moment-là, il y a une personne du ministère, une personne du cabinet et une personne du bureau du sous-ministre du Travail qui, à

toutes fins utiles, soumettent un dossier que le ministre approuve pour recommander au Conseil des ministres.

M. Pagé: Quel est l'échéancier? Est-ce que vous vous êtes fixé un échéancier en ce qui concerne le transport scolaire?

M. Bastien: Je croyais, comme président d'organisme, qu'on devrait régler cela d'ici septembre, pour voir si on a une...

M. Pagé: C'est donc dire que, si le transport scolaire devient assujetti par un décret, ce sera fait avant l'année scolaire de 1984-1985.

M. Bastien: C'est-à-dire qu'on commencerait à assujettir au fur et à mesure des échéances de conventions collectives tous les transporteurs scolaires pour l'avenir.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Est-ce que d'autres membres de la commission veulent intervenir? M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, très brièvement, Mme la Présidente. Je suis heureux que le président du Conseil des services essentiels ait l'occasion de s'exprimer sur une question très précise, mais, quant à moi, je voudrais profiter de l'occasion pour dire publiquement ce qu'on n'a pas encore dit publiquement et qui mérite d'être dit. Souvenez-vous, Mme la Présidente, que, lorsque cette loi 72 a été adoptée il y a plusieurs mois maintenant, plusieurs personnes étaient sceptiques quant à la vocation du Conseil des services essentiels, quant à la possibilité pour lui de réaliser le mandat qui était le sien. Lorsque je dis plusieurs personnnes, j'inclus celui qui vous parle. J'étais d'autant plus à l'aise pour être inquiet que je n'étais pas au ministère du Travail à ce moment-là. Je suis bien obligé aujourd'hui de dire, mais je le dis avec beaucoup d'empressement, que non seulement le Conseil des services essentiels a atteint les objectifs pour lesquels il a été mis sur pied et pour lesquels il a été fondé, mais qu'il est en train de se tailler une réputation enviable dans le monde des relations du travail au Québec. À cet égard, je ne ferai que rappeler aux membres de la commission qui le veulent de prendre le temps de lire un récent éditorial du Devoir. Je pense qu'il était sous la signature de M. Roy. Il émettait des opinions, il faisait une évaluation et il portait même un jugement très précis sur le travail du Conseil des services essentiels à la suite du règlement du conflit à la Commission de transport de la rive sud de Montréal. Je pense qu'il fallait profiter du très peu de temps qu'on avait à notre disposition pour signaler cet aspect du travail que fait le Conseil des services essentiels.

La Présidente (Mme Harel): Oui. M. le ministre, j'aimerais poser une question à M. Bastien. Je partage les propos du ministre sur le travail réalisé par le conseil. En vertu de la loi 72, votre mandat était très large. On en a suspendu l'application au moment des négociations dans le secteur public, mais, présentement, avez-vous à intervenir? Je fais référence, par exemple, au cas de l'arrêt de travail à l'hôpital de Chicoutimi. Son application est-elle toujours écartée pour les établissements de santé et les services sociaux?

M. Bastien: Toute la partie de la loi qui concerne le secteur public dans le code n'est pas proclamée actuellement, de sorte que je ne peux pas dépenser des montants et des budgets pour une partie de la loi qui n'est évidemment pas appliquée.

M. Fréchette: Si vous me le permettiez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre.

M. Fréchette: Dans l'évaluation ou dans le dossier des relations du travail dans les secteurs public et parapublic, c'est évidemment, selon moi en tout cas, un aspect dont il faut absolument tenir compte. Il faut absolument tenir compte des résultats qu'ont donnés les interventions du Conseil des services essentiels là où il a exercé son mandat. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il faudra promulguer in extenso les actuels articles qui ne l'ont pas été, mais il me semble que c'est un aspect du dossier qu'on ne peut pas ignorer dans l'évaluation globale de tout notre système des secteurs public et parapublic.

M. Bastien: Je voudrais ajouter ceci, c'est...

La Présidente (Mme Harel): Me Bastien.

M. Bastien: ...qu'il faut faire attention lorsqu'on parle de ce type de grève auquel vous faites allusion. Dans le cas de l'hôpital de Chicoutimi, il s'agissait d'une grève illégale et les mandats du conseil sont exercés en fonction des grèves légales. Il faut éviter de créer une ambiguïté autour de cela. Dès que le droit de grève est acquis, que le syndicat a le droit de la faire, le conseil intervient. Lorsqu'il s'agit d'une grève spontanée, illégale, pour toutes sortes de motifs à l'intérieur d'un hôpital ou d'un secteur donné, la loi ne permet pas actuellement au conseil d'intervenir.

La Présidente (Mme Harel): On aura peut-être l'occasion d'y revenir, puisque, en termes de médiation préventive...

M. Pagé: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): ...ou en termes d'interventions, je sais qu'il y a des services au ministère du Travail qui interviennent dans le secteur privé, nonobstant le caractère légal ou illégal de la grève. On y reviendra en poursuivant nos travaux ce soir. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: J'ai une très brève question à poser à M. Bastien. Je lui laisse le soin d'y répondre ou non. Le ministre du Travail vous a-t-il indiqué à quel moment cette section de la loi pourrait être proclamée?

M. Bastien: Non. M. Pagé: Non.

M. Bastien: Je ne lui ai pas demandé non plus.

M. Pagé: Ah! vous devriez le faire.

La Présidente (Mme Harel): Je constate qu'il est 18 heures. Nous allons suspendre nos travaux et les reprendre à 20 heures.

M. Fréchette: Mme la Présidente, me permettez-vous une simple question d'information?

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le ministre.

M. Fréchette: J'ai constaté que le député de Portneuf avait déclaré ne plus avoir de questions au président du conseil. Est-ce que d'autres membres de la commission ont des questions? Sinon, on pourrait tenir pour acquis que le programme 3 pourrait être adopté ce stade-ci.

La Présidente (Mme Harel): Le programme 3 est le programme qui traite...

M. Fréchette: Conseil des services essentiels.

La Présidente (Mme Harel): Oui, du Conseil des services essentiels. Le programme 3 est adopté?

M. Fréchette: Adopté.

La Présidente (Mme Harel): Adopté. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise de la séance à 20 h 14)

La Présidente (Mme Harel): La commission de l'économie et du travail entreprend ses travaux; elle a pour objet d'étudier les crédits budgétaires du ministère du Travail. Nous sommes à l'examen du programme 1 que nous avons à compléter. Nous devons également examiner les programmes 4 et 5 pour ainsi terminer l'étude des crédits du ministère du Travail.

Sur le programme 1, est-ce que l'étude est terminée, messieurs les membres de la commission?

M. Pagé: Nous avons d'autres questions.

La Présidente (Mme Harel): Alors, la parole est au député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Une très brève question au ministre: Comment expliquer qu'on ne reçoive plus le relevé des grèves et des lock-out?

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vous signale que c'est la première nouvelle que j'en ai. La situation ne m'a jamais été évoquée jusqu'à maintenant. Quant à moi, je continue de recevoir cette liste. Le sous-ministre nous signale qu'il y aurait sans doute un point d'information qu'il faudrait ajouter à ce renseignement.

La Présidente (Mme Harel): M. Blain.

M. Blain (Yvan): Mme la Présidente, c'est tout simplement le fait que les listes de grèves ont toujours été acheminées par les mêmes canaux depuis plusieurs années. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui a arrêté de les envoyer aux députés, mais, nous, on en envoie à tout le monde qui doit se charger... Je ne sais pas si la machine a arrêté de fonctionner, mais on ne s'y s'opposait pas. La seule chose qu'on extrayait de la liste de grèves ou de lock-out, c'étaient les commentaires que le ministère envoyait au ministre du Travail pour son information, parce que cela pouvait être délicat des fois. La liste comme telle, avec les noms des parties, a toujours été envoyée en je ne sais combien d'exemplaires aux députés de l'Asssemblée nationale. Je ne sais pas qui a arrêté...

M. Pagé: Mme la Présidente, je dois exprimer ma surprise. Je ne sais si la machine est allergique au député de Portneuf, mais on ne la reçoit plus. Cela nous inquiète de ne pouvoir assurer le suivi régulier de l'évolution des conflits.

M. Fréchette: II s'agira simplement, Mme la Présidente, de faire les vérifications qui s'imposent dans les circonstances et

d'essayer de voir pourquoi cela n'existe plus. J'étais, quant à moi, et le sous-ministre me le signale également, tout à fait convaincu que la procédure continuait à être suivie.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre, si vous permettez. Cette distribution a été interrompue il y a plusieurs mois. Je ne sais s'il serait utile de la reprendre pour l'ensemble de nos collègues de l'Assemblée, mais il faut convenir que, certainement, les membres de la commission parlementaire de l'économie et du travail devraient continuer à recevoir, très régulièrement, cette liste-là.

M. Fréchette: J'en prends bonne note, Mme la Présidente, et nous allons aussi prendre les dispositions nécessaires pour qu'au moins les membres de la commission reçoivent leur liste, évacuée cependant des commentaires dont parlait le sous-ministre tout à l'heure.

M. Pagé: Ce qui est normal et explicable. Il y a un conflit de travail qui a touché, de façon particulière, la région de Plessisville. Vous comprenez que je me réfère au problème du lock-out chez Forano.

M. Blain: Alors, si vous permettez, c'est que dans le cas de Forano, qui est très présent au moment où l'on se parle, il est possible qu'il y ait une assemblée générale qui ait lieu aujourd'hui - qui a peut-être déjà eu lieu - et il y a à la table une entente de principe. L'on croit que les dirigeants syndicaux et patronaux en sont venus à une entente et nous attendons le résultat de l'assemblée générale quant à Forano.

M. Pagé: Vous croyez?

M. Blain: On croit. On croit toujours! Quand il y a une entente de principe à la table avec les officiers syndicaux et patronaux, on pense qu'il y a de grosses chances que ce soit accepté.

M. Pagé: Quand est-ce que l'entente de principe a été convenue?

M. Blain: Elle est prévue pour?

M. Pagé: Quand a-t-elle été convenue entre les parties à la table?

M. Blain: Samedi. M. Pagé: Samedi?

M. Blain: Samedi. Alors, c'est en fin de semaine. Il s'agissait pour les gens de regrouper les membres pour tenir l'assemblée générale.

M. Pagé: D'accord.

M. Blain: Je demandais justement à M. Sainte-Marie, le directeur du service de la conciliation, en arrivant ici si l'assemblée avait eu lieu et il n'était pas au courant encore si l'assemblée avait été tenue.

M. Pagé: Je n'ai pas besoin de vous dire comme ce problème, vécu par près de 500 travailleurs là-bas, a pu jeter de l'inquiétude dans les familles. Elles ont eu non seulement à subir un lock-out, qui a perduré depuis le 27 janvier, mais les renseignements qui étaient donnés aux employés sous-tendaient une diminution substantielle des effectifs, la fermeture de certains secteurs d'activité de l'entreprise. À cet égard-là, je n'ai pas besoin de vous dire non plus que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on entend vos commentaires sur cette question. Demain matin, on pourra peut-être y revenir selon la décison.

M. Blain: J'espère que demain matin on sera en mesure de vous donner plus de détails quant à l'issue de ce conflit.

M. Pagé: D'accord. Le renouvellement du décret.

M. Fréchette: Vous permettez, Mme la Présidente? Question d'actualité surtout.

La Présidente (Mme Harel): Est-ce que je comprends, M. le député de Portneuf, que vous aimeriez qu'on aborde le programme 4, si je ne fais erreur...

M. Pagé: Non, non, le programme 4, c'est pour...

La Présidente (Mme Harel): ...concernant l'Office de la construction?

M. Pagé: Non, c'est différent.

La Présidente (Mme Harel): Oui, je sais que c'est différent.

M. Pagé: L'office comme tel, on va l'aborder probablement demain matin.

La Présidente (Mme Harel): Alors, on poursuit, toujours à l'intérieur du programme 1.

M. Fréchette: Oui, d'accord.

M. Pagé: Cela va. Dans le programme 1, soutien aux relations du travail dans la construction, 565 000 $ pour 1984-1985. Comment expliquer une diminution de 170 000 $ au budget?

M. Fréchette: Voulez-vous réitérer, s'il

vous plaît, la question?

M. Pagé: En 1983-1984...

M. Fréchette: Oui.

M. Pagé: ...la prévision budgétaire était de 753 000 $; en 1984-1985, elle est de 565 000 $. Qu'est-ce qui va coûter moins cher?

M. Fréchette: À quel chapitre, Mme la Présidente?

M. Pagé: Programme 1, élément 3. La Présidente (Mme Harel): Élément 3.

M. Fréchette: L'écart auquel se réfère le député de Portneuf, Mme la Présidente, est principalement dû à un réaménagement d'effectifs. Quatre postes qui étaient affectés à cet élément ont été affectés à d'autres éléments du programme, de sorte que cela explique l'écart entre les montants de 1982-1983 et 1983-1984. Cette procédure s'est inscrite dans le cadre de la réorganisation totale de la structure du ministère à compter du moment où, en décembre 1982, le ministère du Travail est devenu une entité autonome et que le Conseil du trésor a donné son autorisation à un programme d'organisation, d'administration supérieure.

M. Pagé: Les gens qui étaient là et qui n'y sont plus faisaient quoi et font quoi maintenant? C'est bien beau les réaménagements d'effectifs, un ministère autonome...

M. Fréchette: II y avait, Mme la Présidente, des gens qui se voyaient octroyer des mandats ad hoc, qui n'étaient pas nécessairement des fonctionnaires affectés à des postes permanents du ministère. Alors, on n'a plus recours à ces gens de l'extérieur. Il y a également à tenir en compte le fait que cette catégorie dont on parle comprenait aussi des montants d'argent qui étaient affectés aux différentes tutelles que l'on connaît et qui existent encore, d'ailleurs. Un réaménagement budgétaire permet d'équilibrer maintenant les dépenses entre les autres éléments du programme.

Décret de la construction

M. Pagé: Mme la Présidente, je voudrais aborder avec le ministre la négociation qui devrait avoir cours actuellement entre l'Association des entrepreneurs en construction du Québec et les représentants syndicaux de la FTQ-Construction, du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction

(international), de la CSN-Construction, de la CSD et du Syndicat des travailleurs de la Côte-Nord.

Comme je l'évoquais ce matin, force nous est de constater, encore une fois, qu'on se trouve placé devant une situation où les négociations n'ont pratiquement pas eu lieu, où les parties se retrouvent dans une position véritablement de force pour s'affronter à compter du 1er mai prochain; finalement, l'économie du Québec est susceptible de vivre le résultat de lois adoptées, ici, à l'Assemblée nationale du Québec. On se rappelle que, lors de l'adoption de la loi qui a créé la cinquième centrale dans le monde de la construction, j'avais évoqué à l'époque le fait qu'il était difficile de croire qu'une majorité syndicale pourrait se dégager du vote exprimé par les travailleurs de la construction. C'est la situation qui prévaut actuellement.

D'autre part, l'absence de consensus -si je peux utiliser le terme - du côté syndical place la partie patronale dans une position privilégiée et... Pourquoi souriez-vous, M. le député de Duplessis? Cela n'est pas vrai?

M. Perron: Je n'ai rien dit, Mme la Présidente.

M. Pagé: Vous souriez.

M. Perron: Ce n'est pas enregistré, le sourire, Mme la Présidente.

M. Pagé: Celui-là devrait être enregistré. Je disais donc, avant ce sourire particulier du député de Duplessis, que l'absence de consensus du côté de la partie syndicale place la partie patronale dans une position de force, une position privilégiée. Par surcroît, la partie patronale, avec ses offres - si on peut qualifier ce qui a été évoqué comme étant des offres, c'est-à-dire une diminution de salaire de 20% - est placée aussi dans une position de force, parce que la diminution de 20% semble coïncider curieusement avec l'approche déjà donnée dans ses propres négociations par le gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec est certainement mal placé pour condamner une approche comme celle-là, à sa face même. De plus, on sait que la construction a repris un peu d'élan, il y a un peu plus d'air dans les poumons du monde de la construction; les pronostics, les probabilités sont encourageantes. C'est évident qu'un conflit à compter du 1er mai viendrait placer l'économie du Québec dans une situation délicate pour les mois à venir. Qu'on ajoute les impératifs nombreux, que ce soient les fêtes qui s'en viennent dans la région de Québec, notamment, tout cela pourrait finalement contribuer à placer le ministre du Travail dans une position

particulière.

Ma première question: Comment expliquez-vous votre retard à nommer un conciliateur? On sait que la demande avait été formulée par le Conseil provincial de la CSN, si ma mémoire est fidèle. Quelques jours après, la FTQ a fait la demande à laquelle vous vous êtes empressé, évidemment, de donner suite. Comment pouvez-vous expliquer un retard comme celui-là?

M. Fréchette: Mme la Présidente, à ce chapitre de la négociation de la convention collective ou du décret, vous allez comprendre que je n'entreprendrai pas de commenter les positions de négociation de l'une ou l'autre des parties qui sont impliquées dans le dossier pour des motifs qui vont de soi, me semble-t-il, et pour lesquels il n'est certainement pas nécessaire de donner des explications.

La question que le député de Portneuf me soumet est tout à fait pertinente: Pourquoi, dès lors que l'une des parties syndicales demandait la nomination d'un conciliateur, ne pas avoir immédiatement donné suite à cette demande? Mme la Présidente, c'est très précisément pour le motif que le député de Portneuf a lui-même soulevé au tout début de ses remarques. Il y a cinq associations syndicales représentatives qui sont expressément et nommément incluses dans la loi. La conciliation nous était demandée par une seule de ces associations qui était, en l'occurrence, le Conseil provincial des métiers de la construction. Il s'agit d'une association qui représente 30% de l'ensemble de la main-d'oeuvre de la construction. Or, si nous avions immédiatement accédé à la demande du Conseil provincial des métiers de la construction et confié un mandat à un conciliateur, la question que nous nous posions - et c'est une question d'ordre strictement juridique - était: Qui allaient être les interlocuteurs du conciliateur du côté des parties syndicales? Le Conseil provincial des métiers de la construction, ne représentant pas la majorité de l'ensemble de la main-d'oeuvre, il n'était donc pas - dans notre évaluation juridique, en tout cas -habilité à parler pour et au nom de l'ensemble de toute la main-d'oeuvre de la construction. Aucune autre association syndicale à ce moment-là n'avait fait la demande. (20 h 30)

C'est la raison pour laquelle il n'a pas été possible de donner suite à la première demande qui nous a été soumise par le Conseil provincial des métiers de la construction qui représente plus précisément 31% de l'ensemble de la main-d'oeuvre. C'est 48 ou 72 heures plus tard que la FTQ s'est jointe au Conseil provincial des métiers de la construction pour demander, elle aussi, la conciliation. Or, la FTQ, on le sait, Mme la Présidente, représente 41% de l'ensemble de la main-d'oeuvre dans la construction. Nous avions donc, à la suite de la demande de la FTQ, la représentativité qui nous paraissait suffisante pour nommer un conciliateur et permettre à celui-ci d'avoir des intervenants syndicaux qui allaient parler au nom de la majorité, puisqu'il recueillait maintenant 72% de représentativité. C'est la seule et unique raison pour laquelle le conciliateur n'a pas été nommé dès lors que le Conseil provincial des métiers de la construction l'a demandé. Il y a des gens à l'imagination fertile qui ont fait toute espèce d'interprétation parce que le conciliateur a été nommé immédiatement après la demande de la FTQ. Il n'y a pas d'autre motif, Mme la Présidente, que celui dont je viens de parler.

M. Pagé: Vous confirmez donc que l'absence de majorité du côté de la partie syndicale, en plus de causer, entre guillemets, un certain "préjudice" aux intérêts et aux droits des travailleurs, parce qu'à chaque négociation doit être réglée la fameuse question de qui parle au nom de qui et qui s'exprime au nom de la majorité, avec les coalitions, etc., en plus de cela, vous nous confirmez que le fait qu'il n'y a pas de majorité a constitué un motif suffisant pour que le ministre du Travail retarde à nommer un conciliateur.

M. Fréchette: Non seulement je le confirme, Mme la Présidente, mais, si la même question était posée à chacune des cinq associations syndicales qui sont là, je suis moralement et, à toutes fins utiles, tout à fait convaincu que chacune des associations répondrait dans le même sens et plaiderait qu'effectivement le fait qu'aucune des cinq centrales n'a recueilli - en tout cas, depuis les deux derniers maraudages - la majorité absolue, cela crée effectivement ce genre de problème qu'on est en train d'évoquer. Cela retarde d'autant le début des négociations et cela crée des embêtements dont tout le monde est conscient.

Je ne vais pas entreprendre de faire tout l'historique de cette Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, ni non plus tenter de justifier pourquoi elle est comme cela. Il y a cependant une chose qu'il apparaît important de mettre sur la table à ce stade-ci, ne serait-ce que pour les fins de la discussion et pour tenter de trouver une avenue de solution à ce genre de problème, c'est que, lorsque les négociations seront terminées, peu importe de quelle façon elles se termineront, est-ce qu'il ne serait pas indiqué - je vous signale que c'est la question que je suis en train de me poser; je n'y ai pas, quant à moi, encore donné de réponse, mais cela fait

l'objet de réflexions passablement intenses, surtout à voir ce qui se passe et ce à quoi se réfère le député de Portneuf - dès lors que la période de négociation sera terminée, ne serait-il pas indiqué de demander aux cinq parties syndicales de prendre sur elles-mêmes le mandat d'essayer de cheminer une décision sans que personne d'autre n'intervienne, ni du ministère, ni du côté patronal? Aucun tiers dans le dossier, mais les cinq parties syndicales ensemble, la négociation étant terminée, pourraient-elles s'asseoir ensemble et procéder à l'exercice d'identifier un moyen sur lequel elles pourraient s'entendre pour faire en sorte qu'à l'avenir on ne se retrouve plus dans ce genre de situation? Qu'on leur donne six mois, huit mois, un an pour faire le tour du dossier et essayer d'identifier une solution à ce genre de problème, il me semble que c'est un exercice qu'on peut leur demander et qu'elles accepteraient sans doute de jouer à la limite pour essayer de contourner la difficulté, conscientes qu'elles sont, les parties syndicales, tout autant que nous tous ce soir, qu'il y a là effectivement un problème important.

M. Pagé: Devons-nous comprendre, M. le ministre, que vous retenez que la situation actuelle cause préjudice aux travailleurs, à l'ensemble de l'exercice, finalement, et que, selon vous, le gouvernement aurait dû, lorsqu'il a modifié la loi - je pense que c'était 109 ou 110 - prévoir de telles situations et prévoir dans la loi qui serait l'interlocuteur de la majorité?

M. Fréchette: Mme la Présidente, ce que le député de Portneuf est en train de me demander, c'est d'agréer la thèse qu'il dit avoir plaidée au moment où cette loi à laquelle il fait référence a été adoptée. Je n'étais pas là. Je n'ai pas non plus participé ni suivi les débats qui ont marqué l'adoption de cette loi. La seule constatation que je puisse faire, Mme la Présidente, c'est qu'étant plus expressément dans le dossier depuis maintenant 18 mois je suis en mesure de faire une constatation fort simple et c'est la situation dont on vient de parler et qu'on vient de décrire: Est-ce qu'à l'époque où la loi a été adoptée les circonstances étaient les mêmes? Est-ce que les conditions étaient les mêmes? Est-ce que les dispositions des parties étaient les mêmes? Je ne le sais pas, Mme la Présidente. Je n'y étais pas. Je constate une situation aujourd'hui avec laquelle, pas particulièrement le gouvernement, mais avec laquelle les parties doivent vivre et qui créent, il me semble, en tout cas, des préjudices autant aux parties syndicales qu'à la partie patronale et qu'à l'ensemble du monde de la construction.

Si le député de Portneuf, en abordant le sujet, veut me faire une suggestion de procéder à réévaluer cette situation dans les meilleurs délais, je vais être très réceptif à une suggestion de ce genre. Je lui expliquais que c'est effectivement le genre de question que je suis en train de me poser.

M. Pagé: À partir du constat auquel vous en venez, auquel tout le monde se doit de souscrire parce que c'est une situation qui paraît claire et nette, vous dites qu'au lendemain de la présente ronde de négociations vous inviterez les cinq associations à réfléchir ensemble à la façon dont ce problème de représentation de la majorité pourrait être réglé.

Au cas où, peu importe pour quel motif, la réflexion à laquelle seront conviées les cinq associations achopperait, est-ce que vous seriez disposé à revoir ou à nous présenter un projet de loi qui pourrait être débattu en commission, avec tous les mécanismes que cela implique, qui permettrait au législateur de modifier cette loi de façon à s'assurer que la majorité pourra être obtenue en termes d'interlocuteurs?

M. Fréchette: Mme la Présidente, ce que je peux ajouter en réponse à cette question, c'est que, si effectivement la décision était prise après la négociation de demander aux parties elles-mêmes de faire ce genre d'exercice dont on est en train de parler, que les parties acceptent de faire cet exercice, tout le monde, y inclus les parties elles-mêmes, aura convenu qu'il y a une situation qu'il faut corriger et, autant que faire se peut, à la satisfaction de tout le monde, ce qui n'est pas simple, on va en convenir par ailleurs.

Si donc on constate le malaise, si donc il fallait aussi constater que les parties elles-mêmes - j'entends les parties intéressées - ne pouvaient pas trouver la solution qui ferait que la difficulté disparaisse, il va falloir que quelqu'un quelque part tente de trouver une solution, parce qu'il est fort évident qu'en termes de négociations - et les expériences sont là pour le démontrer - on va prendre un mois, deux mois, trois mois pour essayer de s'entendre entre les parties syndicales pour déterminer qui sera ou qui seront le ou les porte-parole de la partie syndicale. C'est évidemment le genre de situation qu'il faut corriger maintenant. Maintenant, les moyens et quand? C'est autre chose, mais il est clair qu'il faut y arriver.

M. Pagé: Cela arrivera nécessairement après la présente négociation.

M. Fréchette: Oui, de toute évidence.

M. Pagé: Ce qui veut dire qu'on peut s'attendre qu'au mois de septembre ou

octobre le ministre du Travail pourra nous donner sa position sur cette question.

M. Fréchette: Je ne sais pas si le député de Portneuf se réfère, quand il parle de la fin des négociations, à septembre ou à octobre...

M. Pagé: Non, mais je présume, M. le ministre, qu'on ne siégera ni en juillet ni en août.

M. Fréchette: Moi aussi, j'espère pouvoir le présumer.

M. Pagé: C'est donc dire que la prochaine occasion, après la fin de la session, d'échanger ensemble sur des questions aussi intéressantes, ce sera en septembre ou en octobre.

M. Fréchette: II y aura certainement un bout de fait à ce moment-là. Je serai aussi en mesure de préciser davantage l'attitude que j'entends prendre dans le dossier.

M. Pagé: D'accord. Maintenant, Mme la Présidente, je voudrais aborder un aspect, et je veux être bien clair. Je ne voudrais pas, par les questions que je vais poser, qu'on s'immisce, comme dirait le premier ministre, ni de près ni de loin dans les présentes négociations ou dans les représentations patronales, les réactions syndicales, etc. J'aurais des questions à poser à M. le sous-ministre adjoint et à son équipe qui sont responsables de la recherche et des enquêtes, de la documentation du ministère. Est-ce que vos services ont effectué des études sur la rémunération dans le monde de la construction, sur l'évolution des taux de rémunération dans le monde de la construction par rapport à d'autres secteurs depuis quelques années? Si oui, on pourrait certainement prendre quelques minutes du présent échange pour être informé de ces études, à quel moment elles ont été effectuées, auprès de combien de travailleurs, quels sont les points de comparaison, les secteurs, la segmentisation, les métiers, etc.

Je comprends qu'on n'a que quelques heures, mais, si vous pouviez nous donner des indications les plus précises possible et déposer des documents pour le bénéfice des membres de la commission, cela serait intéressant pour la réflexion de tous les membres de la commission parlementaire.

M. Fréchette: Je comprends, pour les besoins du journal des Débats, que le député de Portneuf s'adresse au sous-ministre adjoint à la recherche, M. Parent.

M. Pagé: C'est cela.

La Présidente (Mme Harel): Si vous me le permettez, M. Parent, le député de Portneuf s'adresse au ministre. Il a été ainsi décidé que, dans le cadre de l'étude des crédits en commission parlementaire, c'est à la discrétion du ministre de laisser ses collaborateurs répondre. Dans ce cadre, la parole est à vous, M. Parent.

M. Parent (Réjean): Merci. Pour répondre de façon très précise à la question du député de Portneuf, il n'y a pas d'étude de rémunération qui est faite dans le secteur de la construction pour la raison suivante: c'est un marché unique, c'est-à-dire que ce sont des taux qui sont dans le décret. Lorsqu'on fait des enquêtes de rémunération salariale, c'est effectivement pour évaluer ce que paie le marché pour les différentes occupations. Il n'est donc pas nécessaire de faire ce genre d'étude comparative au Québec puisque ce sont des taux uniques pour chaque occupation et ces taux sont dans le décret de la construction.

M. Pagé: Je comprends, M. Parent, que les taux de rémunération sont dans le décret. Cependant, l'objectif de ma question était de savoir si, par exemple, vos services pouvaient comparer le salaire annuel moyen gagné par un menuisier qui oeuvre dans le secteur de la construction par rapport au revenu annuel moyen gagné par un autre menuisier qui, lui, peut oeuvrer en industrie, qui peut oeuvrer dans une polyvalente, avec d'autres gammes de métiers comparables. Vous avez le plombier qui oeuvre dans le secteur de la construction, vous en avez un autre qui peut oeuvrer dans un autre secteur. Il serait peut-être intéressant pour le législateur d'avoir des points d'appui en termes de comparaison. Je ne parle pas de niveau horaire, de rémunération annuelle pour ces deux travailleurs. (20 h 45)

L'autre question que je voulais vous poser: Est-ce que vous avez des études sur la situation au Québec par rapport à la situation au niveau des rémunérations payées dans d'autres provinces ou encore dans les États du Nord-Est des États-Unis?

M. Parent: À la première question, en fait, ce que vous demandez, c'est plus précisément une enquête de revenus salariaux pour différentes occupations, que ce soit dans le secteur de la construction par rapport à des métiers similaires au niveau des entreprises. C'est non, on n'a pas d'études comparatives de revenus à ces niveaux.

En ce qui concerne votre deuxième question, nous n'avons pas, au moment où on se parle, d'étude comparative des salaires -je dis bien: la structure salariale - dans le domaine de la construction par rapport aux

autres provinces. Il est possible que cela puisse être réalisé. Par ailleurs, il faut bien comprendre que le marché de la main-d'oeuvre dans le domaine de la construction dans les autres provinces n'est pas un marché unique car il y a des taux payés selon les différentes régions. Par exemple, la région métropolitaine de Toronto est beaucoup plus dispendieuse que la région d'Ottawa. C'est beaucoup plus difficile d'obtenir ces données, mais il serait possible de les obtenir du ministère du Travail de l'Ontario, si le besoin se faisait sentir.

M. Pagé: Qui a la responsabilité de déterminer si vos équipes se pencheront sur telle ou telle analyse? Par exemple, la première question à laquelle je faisais référence: qui a le pouvoir chez vous de vous demander de requérir une telle étude?

M. Parent: En fait, les pouvoirs - je ne sais pas comment les traduire, ce n'est pas nécessairement en termes de réglementation - mais ce qu'on fait généralement, c'est qu'une fois par année, et même deux fois par année, nous soumettons nos projets de programmation d'enquête et d'autres études à la consultation d'un comité spécial du CCTM, le comité 26. Généralement, les avis sortent du comité 26, comme vous le savez, qui sont les représentants des parties dans un comité qui touche le domaine de la recherche et des statistiques. Évidemment - en tout cas, à ma connaissance, depuis que je suis là - on a toujours tenu compte des avis du CCTM. Les efforts d'enquête durant l'année 1983 et l'année 1984 sont mises sur l'enquête en trois repères généraux: 90 emplois, 300 établissements et on va ajouter le volet avantage social ou le coût des avantages sociaux pour l'année 1984-1985. Les résultats viennent d'être rendus publics dans la publication du ministère, du centre de recherche et du ministère, la revue Le marché du travail d'avril. Vous avez tous les résultats. Vous avez quatorze tableaux de statistiques très bien présentés là-dedans. Nos efforts, l'an passé, en 1983-1984, l'année qu'on vient de terminer, et en 1984-1985 sont principalement pour alimenter les comités paritaires dont vous avez parlé tantôt, M. Pagé.

M. Pagé: Vous n'avez donc jamais effectué d'études pour voir ce qui se passait dans d'autres provinces ou dans le Nord-Est des États-Unis dans le domaine de la construction?

M. Parent: Dans le domaine de la construction, spécifiquement non. Je me souviens qu'on a monté un dossier il y a un certain nombre de mois, mais ce n'est pas un dossier que j'appellerais récurrent. On a fait cela à des fins strictement comparatives, il y a une dizaine de mois, je pense. Cela n'avait pas le but de faciliter, si vous voulez, ou de comparer le champ de la construction.

Travail au noir

M. Pagé: Est-ce que vos services ont déjà effectué de la recherche sur le travail au noir?

M. Parent: Nos services ont effectué un travail qui consistait à déterminer les conditions de travail des travailleuses à domicile dans le secteur du vêtement. Le document a été rendu public il y a déjà plusieurs mois; on pourrait vous en transmettre des copies. En ce qui concerne le travail au noir, en soi, c'est très difficile de se documenter, comme vous le savez. On cherche à se documenter. On y a songé, à un certain moment, mais les méthodologies sont à peu près inexistantes; comment découvrir le travail au noir?

M. Pagé: Le quantifier surtout. Au ministre, maintenant, Mme la Présidente. Ne voyez-vous pas une relation directe entre un niveau de rémunération qu'on peut qualifier d'élevé dans le monde de la construction -et je ne parle pas nécessairement de ce que reçoit le travailleur, mais je fais référence à la facture remplie lorsqu'un citoyen fait affaires avec un entrepreneur pour réparer, ne serait-ce que sa galerie - ne voyez-vous pas une relation directe entre le taux élevé pour se doter des services d'un professionnel de la construction et le travail au noir?

M. Fréchette: Mme la Présidente, il y a sans doute une relation entre les deux phénomènes auxquels le député de Portneuf fait référence. Je suis en train de me demander si on est passé au programme de l'Office de la construction, parce que je...

M. Pagé: De consentement.

M. Fréchette: De consentement, bon.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que nous terminions l'étude du programme 1 pour procéder ensuite, en bonne et due forme, à l'étude du programme 4, l'Office de la construction, ce qui vous permettrait, de même qu'à nous, d'aller plus à fond dans ces questions?

M. Pagé: Je n'ai aucune objection à ce qu'on aille plus à fond. Le seul problème, c'est que je voudrais revenir au décret, non pas au décret de la construction, mais à la Loi sur les décrets de convention collective.

M. Fréchette: Oui, oui.

M. Pagé: Alors, je ne voudrais pas qu'on... On peut, de consentement, aborder tout le secteur de la construction...

M. Fréchette: Oui, je n'ai pas d'objection.

M. Pagé: ...que ce soit le décret, l'office et...

M. Fréchette: Je n'ai pas précisément d'objection là-dessus, à la condition, Mme la Présidente, que, si je le croyais utile, je puisse demander, par exemple, au président de l'office...

M. Pagé: Oui, oui. Il n'y aucun problème.

M. Fréchette: ...d'expliciter des réponses que je pourrais donner à la commission.

La Présidente (Mme Harel): Oui, sous réserve, M. le ministre et M. le député de Portneuf, que le temps passe et que votre temps de parole sera bientôt épuisé.

M. Pagé: Oui, mais, Mme la Présidente, moi, je pose des questions brèves et le ministre parle longtemps. Le problème, c'est que je pose une question et qu'ils sont deux à répondre, parce que monsieur... Moi, je ne peux pas lui poser de questions, mais il peut me répondre.

La Présidente (Mme Harel): Mais vous savez qu'on ne comptabilise strictement, avec un chronomètre, que vos interventions, M. le député de Portneuf, et non pas les réponses qui vous sont données. Simplement, je sais très bien que...

M. Pagé: On se permettra du supplémentaire.

La Présidente (Mme Harel): ...l'étude de chacun des programmes donne lieu à des interventions. Alors, je suis très favorable, comme, je pense, l'ensemble des membres de cette commission, à ce que nous soyons très souples, mais il faudrait peut-être accepter, si tant est qu'on étudie à la fois les programmes 1 et 4, que d'autres membres de la commission puissent intervenir avant la fin de la soirée.

M. Pagé: II n'y a aucun problème.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf... M. le ministre plutôt.

M. Pagé: M. le ministre.

M. Fréchette: Oui. J'étais en train de dire, Mme la Présidente, qu'il y a sans doute une relation entre les deux phénomènes dont parle le député de Portneuf. J'ai cru comprendre qu'il faisait référence plus précisément au taux horaire qu'on retrouve dans la construction, le taux horaire négocié et, par la suite, élargi juridiquement par décret, et la nature des travaux qui sont à effectuer. Il y a une relation, cela m'apparaît évident. Si on me demandait ce soir de quantifier en termes proportionnels cette relation, je ne serais sûrement pas en mesure de le faire.

Je voudrais simplement signaler à l'attention de la commission que le 19 décembre dernier j'ai rencontré tous les membres du comité mixte de l'Office de la construction et nous avons ensemble convenu de procéder à identifier les problèmes spécifiques de l'industrie de la construction, les problèmes sur lesquels les deux parties s'entendaient au niveau de l'identification des difficultés. C'était le 19 décembre. À cette même date, il a été convenu que nous allions nous revoir le 24 janvier suivant et qu'à l'occasion de cette deuxième rencontre les membres du comité mixte qui regroupe les parties patronale et syndicale allaient avoir fait l'exercice de procéder à l'identification des problèmes dont je viens de parler. Effectivement, le 24 janvier, les deux parties, à l'occasion d'une rencontre qui a duré toute la journée, ont procédé à identifier les problèmes que les unes et les autres parties vivaient dans l'industrie et qui faisaient consensus des deux côtés. Tout le monde s'entendait pour dire, par exemple, que le travail au noir, c'était un des problèmes dans l'industrie de la construction, que le champ d'application de la loi était également un dossier à revoir. Il y a eu six dossiers très précis qui ont été identifiés par les parties elles-mêmes. On réclame avec beaucoup d'insistance, depuis longtemps, un tribunal de la construction. On a parlé à ce moment-là du règlement sur les conditions de vie, particulièrement dans les chantiers éloignés.

Donc, le 24 janvier, après que ce deuxième exercice eut été fait, la chose sur laquelle tout le monde s'est également entendu a été de procéder à la préparation d'un document conjoint des parties, écrit par les deux parties, non plus, bien sûr, en termes d'identification des problèmes - cette opération était faite - mais en termes de solutions à suggérer pour remédier à ces situations que les parties avaient soulevées.

Le délai sur lequel nous nous étions entendus, tout le monde ensemble, était d'une quinzaine de jours. Le 24 janvier, les parties m'avaient donné l'assurance que dans une quinzaine de jours elles allaient être en mesure de me soumettre les solutions qu'elles suggéraient par rapport aux

problèmes qui avaient été identifiés. Nous sommes aujourd'hui le 10 avril et je n'ai pas encore eu ce document des deux parties, pour des motifs que je comprends très bien, Mme la Présidente: on s'est engagé par la suite dans la période des négociations. Sans doute que des difficultés de rédaction de textes ont été rencontrées par les deux parties, mais toujours est-il que je n'ai pas le document en question. Le dossier du travail au noir était un des dossiers importants.

Allons un petit peu plus avant sur des causes possibles du travail au noir. Je présume que le député de Portneuf, comme plusieurs autres collègues de l'Assemblée nationale, ont reçu hier la visite de représentants d'une centrale syndicale qui sont venus effectivement soumettre ce dossier et suggérer des moyens d'arriver à régler le problème. Une autre cause possible, Mme la Présidente, ce sont les limites dans lesquelles se retrouve l'office de pouvoir procéder à autant d'inspections qu'il le souhaiterait, autant en nombre qu'en qualité, qu'en termes de choix des périodes de temps pendant lesquelles ces inspections devraient se faire. Pour arriver à évaluer l'ensemble de la situation, il faudrait augmenter considérablement le nombre d'inspecteurs qu'on retrouve à l'Office de la construction. Or, les parties, parce que cela nécessiterait des déboursés additionnels importants, ont beaucoup de réserves sur la possibilité d'augmenter le nombre d'inspecteurs. Malgré ces réserves, je dois vous signaler qu'au cours de 1983 le nombre des visites d'inspection par rapport à 1982 est passé à 36 000, alors qu'en 1982 il avait été de 29 000. Avec le même personnel, le même nombre d'inspecteurs, les activités ont augmenté dans la proportion que je viens de vous signaler. Cela nous a amenés au bilan net suivant: en 1982, 12 817 infractions au décret, à la qualification, à la classification avaient été constatées, alors qu'en 1983 ce nombre d'infractions a doublé et est passé à 24 065. Il faut dire, cependant, qu'il faut ajouter à 1983 les inspections faites pour et au nom de la Régie des entreprises de construction, ce qui n'était pas le cas en 1982. Il y a donc eu 3655 inspections qui ont été faites pour le compte de la régie alors qu'en 1982 il n'y en avait pas. Enlevons ces 3000 et nous sommes quand même à 9000 constatations d'infractions de plus en 1983 qu'en 1982.

M. Pagé: Dois-je comprendre de la réponse du ministre - et là, je dois vous exprimer ma surprise en toute honnêteté -que, pour vous, un des éléments de solution du travail au noir passe par davantage d'inspecteurs, plus d'efforts déployés au niveau de l'inspection? Si c'est cela, on n'est pas du tout sur la même longueur d'onde.

(21 heures)

M. Fréchette: Ce n'est pas ce que le député de Portneuf doit comprendre.

M. Pagé: C'est quoi?

M. Fréchette: Ce que je suis en train de tenter d'expliquer, c'est que l'inspection est l'un des moyens permettant de faire la vérification plus spécifique du phénomène. Quelle est précisément la solution au problème? Je serais fort heureux d'entendre le député de Portneuf me suggérer des solutions au problème. Le sous-ministre adjoint à la recherche signalait tout à l'heure que le ministère du Travail a entrepris une étude importante sur le travail au noir dans l'industrie du vêtement, par exemple, qu'il a réussi à identifier le phénomène, qu'il a réussi également à identifier l'ampleur du phénomène, mais là où se trouve la difficulté, c'est d'arriver à déterminer ou à cheminer une solution quant au règlement du problème.

Je vous signalerai qu'à l'occasion de deux tables sectorielles sur le vêtement, les parties, autant patronales que syndicales, ont abondamment discuté du sujet. Les parties ont également convenu de part et d'autre que le phénomène existait sauf que, lorsqu'on arrive à l'étape de demander aux uns et aux autres de suggérer des solutions pour contourner cette difficulté, malgré la bonne volonté de tout le monde, personne n'a encore réussi à en faire l'identification.

Ce qui nous est actuellement suggéré comme solution, c'est la tenue d'une commission parlementaire. En tout cas, les représentations qui nous ont été faites hier, celles qui m'ont été faites dans ma région, chez moi, dans mon comté, à mon bureau de comté, c'était précisément la tenue d'une commission parlementaire en particulier, mais non limitativement, sur le travail au noir. J'ai répondu à ceux qui sont venus me voir qu'après les négociations qui sont actuellement en cours que, si c'est encore le désir des parties de tenir une commission parlementaire de cette nature pour permettre à ceux qui le veulent de venir s'exprimer, d'abord, sur la nature du phénomène, son ampleur, et surtout sur des solutions pour arriver à contourner le phénomène, j'étais tout à fait disposé à tenir cette commission parlementaire, mais, évidemment, après l'actuelle période de négociations. Ces dispositions demeurent toujours les mêmes.

Qu'est-ce que suggère la CSN, par exemple? La CSN suggère que la vérification sur les chantiers se fasse par les délégués syndicaux. Elle suggère également qu'une infraction ou des infractions étant constatées, ceux qui font cette constatation aient le pouvoir par la loi d'arrêter immédiatement les travaux afin de libérer les chantiers de ce qu'on est convenu

d'appeler le travail au noir. Est-ce le genre d'avenue qu'il faut privilégier et retenir? À ce stade-ci, je ne suis pas en mesure de vous dire que ce devrait être cela, mais c'est un chemin sur lequel on pourrait s'engager en termes d'exploration et d'évaluation de la situation. S'il y avait cette commission parlementaire dont on parle, je suis tout à fait convaincu que l'ensemble des intervenants aurait très certainement des suggestions à faire qui permettraient, sinon de faire complètement disparaître le phénomène, tout au moins de l'atténuer considérablement.

M. Pagé: Si on se réfère aux statistiques de l'industrie de la construction pour l'année 1982, nous avions, au Québec, 77 864 salariés dans le monde de la construction. C'est 73 600 000 heures qui ont été travaillées.

M. Fréchette: Vous parlez de 1982?

M. Pagé: Qui ont été déclarées à l'Office de la construction du Québec en 1982, pour une moyenne annuelle d'heures travaillées de 945 heures et un salaire annuel moyen de 14 960 $, ce qui veut dire un taux de rémunération moyen de 15 $ l'heure.

M. le ministre, vous êtes ministre du Travail, vous êtes en contact régulier, soutenu, avec les représentants des travailleurs et avec les travailleurs eux-mêmes. À la lumière de l'expérience que vous avez, croyez-vous que le travailleur de la construction préfère travailler 945 heures par année à un niveau de rémunération de 15 $ plutôt que d'en travailler 2000 à un niveau de rémunération qui soit inférieur en termes de quantum horaire, mais qui lui permette d'occuper dans le monde de la construction peut-être 2000 heures par année?

M. Fréchette: Mme la Présidente, la question m'est adressée et je ne suis pas en mesure de répondre pour et au nom des travailleurs de la construction.

M. Pagé: Votre perception.

M. Fréchette: Si, par exemple, comme le député de Terrebonne, j'avais été un travailleur de la construction, je serais pas mal plus en mesure de vous donner mon appréciation à cet égard, mais je ne l'ai jamais été. Je présume qu'un travailleur de la construction souhaiterait davantage faire un plus grand nombre d'heures, avec une reconsidération sans doute du taux horaire du salaire qu'il reçoit, plutôt que d'être obligé de se limiter au nombre d'heures que l'on connaît et retirer le salaire moyen que l'on connaît. Je vous signale que c'est une présomption qui ne procède d'aucun autre motif que de ma propre évaluation de la situation.

M. Pagé: M. le ministre, je vais vous donner mon impression. Je peux me tromper, mais c'est mon impression. Vous pourrez ajouter et j'apprécierais si vous pouviez la commenter.

Mon impression, c'est que nous sommes, le législateur par les lois qu'il a adoptées ici, le gouvernement par les structures qu'il a mises sur pied, dont un pouvoir réglementaire important consenti à l'Office de la construction du Québec qui s'appuie sur un comité mixte, les parties, nous sommes dans un cercle vicieux qui est susceptible d'aggraver la situation délicate qu'on vit dans le monde de la construction et faire mal à peu près à tout le monde.

Le règlement de placement dans l'industrie de la construction et les mesures qui ont été adoptées par l'OCQ, par le gouvernement, visent, visaient et continuent à viser essentiellement une meilleure protection du revenu pour les travailleurs de l'industrie de la construction. Essentiellement, ce que le règlement de placement dit, c'est que le gâteau est grand comme cela et qu'il doit être distribué équitablement à un certain nombre de travailleurs qu'on qualifie, entre guillemets, de vrais travailleurs. Le partage de ce gâteau doit garantir à ces travailleurs un revenu moyen acceptable à la fin de l'année.

Depuis quelques années, pour plusieurs motifs, le gâteau a diminué substantiellement. Plus le gâteau diminue, plus il est légitime pour les travailleurs de rechercher au moins à garder la part qu'ils avaient dans ce gâteau.

Aujourd'hui, nous avons au Québec 77 000 ou 78 000 travailleurs qui ont leur certificat de classification de l'OCQ, alors qu'on a déjà eu, si ma mémoire est fidèle -M. le directeur général de l'OCQ pourra le confirmer - près de 105 000 ou 110 000 travailleurs. Le nombre de travailleurs a diminué et le gâteau a diminué. Autant le gâteau diminue d'un côté, on peut présumer que le travail au noir, le gâteau du travail au noir augmente aussi. Je mets personnellement en doute, de même que mon groupe, l'opportunité de maintenir de telles normes sur l'ensemble du territoire pour tous les métiers de la construction et pour tous les types de construction. Le travail au noir peut être effectué autant sur un chantier de construction avec un entrepreneur bien accrédité qui a un contrat et qui est membre de la Régie des entreprises de construction, etc. Il peut et il est souven-tefois dans une relation directe qu'a un consommateur avec un travailleur.

Je comprends que ce n'est pas quantifiable - c'est bien difficile à quantifier et à juger - mais c'est là. À titre d'exemple, dans combien de municipalités du Québec un

citoyen, un consommateur, se lève-t-il un matin et veut se trouver un peintre? Cherchez-en un, un peintre qualifié ayant sa carte de l'OCQ dans une municipalité. Il ne l'a pas. Qu'est-ce que le consommateur fait? Il téléphone à l'individu qui est peintre, mais qui n'a pas de carte et il le paie. Il a un service. Vous allez convenir avec moi que cela fait mal à tout le monde. Cela fait mal au consommateur qui bénéficie d'une protection qui est moins bonne, qui est moins garantie, qui est moins sécuritaire. Cela fait mal à ce travailleur qui ne peut se payer aucun régime d'avantages sociaux, de sécurité de revenu, d'assurance ou de quoi que ce soit sur le salaire qu'il gagne, ce à quoi il serait en droit de s'attendre. Pas de commission de santé et de sécurité du travail, pas de couverture des accidents du travail. Cela fait mal au gouvernement du Québec et cela fait particulièrement mal: pas d'impôt, pas de contribution à nos régimes de retraite, pas de contribution à la Régie de l'assurance-maladie. Pour le gars, c'est du "cash" dans ses poches. Tant mieux pour lui et tant pis pour nous.

Je suis persuadé que, si le gouvernement acceptait - et on va s'associer à cette démarche, je vous en donne l'assurance au nom de notre groupe politique - de s'asseoir autour d'une table pour étudier la possibilité de modifier de fond en comble ce règlement... Je comprends que l'aspect placement est un aspect qui est, lui aussi, très important, qu'on ne peut pas se permettre demain matin de dire: On fait table rase et c'est le "free for all", mais la volonté du gouvernement de régler le problème du placement syndical, du placement des employés dans le monde de la construction, a engendré toute une série de normes, de mécanismes qui embêtent à peu près tout le monde au Québec, qui font en sorte que le consommateur, pour construire sa maison, fait venir un artisan, un entrepreneur et, ensuite, ce sont les frères, les beaux-frères, les "chums", le gars sur la "sly", comme on dit dans le langage, qui finissent cela. Combien y en a-t-il de centaines, de milliers, de millions de dollars de travaux par année qui sont ainsi effectués, sans aucune protection, sans aucun contrôle? Le règlement de placement dans l'industrie de la construction, qu'on le veuille ou non, prête flanc et donne ouverture à des situations comme celle-là.

Autre chose maintenant. Quand je parlais tantôt des niveaux de rémunération, je comprends qu'on doit avoir comme objectif qu'un groupe de travailleurs comme ceux de la construction doit améliorer ses conditions de revenus sur une base annuelle. Ce n'est pas vrai que tous les travailleurs de la construction veulent travailler seulement 900 heures par année. Si ces gens-là pouvaient travailler 2000 heures, ils seraient bien heureux. La majorité - je peux me tromper et vous me corrigerez - de ceux que je rencontre me disent: Monsieur, on aimerait beaucoup mieux travailler à un niveau de rémunération moins élevé, mais travailler régulièrement, pouvoir travailler dans certains chantiers qui ne sont pas considérés comme relevant de la construction et qui devraient l'être. C'est un autre élément. Quand les syndicats et quand les représentants des employés plaident pour un plus grand nombre d'heures... Je fais référence, évidemment, à la Loi sur les relations du travail dans la construction. Qu'on prenne l'article 19 sur le fameux champ d'application du décret, on retient que cela ne s'applique pas aux exploitations agricoles. Le législateur l'a voulu ainsi. Cela ne s'applique pas aux travaux d'entretien et de réparation exécutés par des salariés permanents embauchés directement par un employeur autre qu'un employeur professionnel. Ce sont des milliers et des milliers d'heures qui sont travaillées chaque année par des travailleurs du Québec, lesquelles heures ne sont pas régies par l'Office de la construction du Québec, lesquelles ne sont pas créditées dans le gâteau de la construction. Vous savez probablement comme moi que, dans plusieurs de ces cas, la démarcation à faire pour savoir si c'est de la construction ou non est assez délicate et assez particulière et qu'il n'y a pas de jurisprudence très ferme qui est établie. (21 h 15)

Mme la Présidente, je soutiens que l'élimination la plus substantielle possible du travail au noir avec tous les bénéfices que cela pourrait comporter pour l'ensemble des intervenants passe par une modification aux règlements de placement dans l'industrie de la construction, passe par des modifications au champ d'application du décret, passe par une volonté ferme du gouvernement de régler des problèmes selon les problèmes auxquels on a à faire face. Construire un hôtel de 20 étages, construire un immeuble ou une usine, construire un projet comme une aluminerie, ce n'est pas le même type de construction, d'après moi, et je peux me tromper, que de construire un bungalow, finir un sous-sol.

Vous savez, quand vous avez un travailleur - je termine là-dessus, je ne veux pas abuser. Peut-être que d'autres voudront ajouter - qui gagne, je ne sais pas, 16 000 $ par année, 15 000 $ par année, je vois mal ce travailleur être capable de payer pour faire faire une construction à sa maison, finir un sous-sol, le lambrissage extérieur, etc., parce que le lambrissage, c'est maintenant dans le décret. Payer des gens 30 $ l'heure pour faire cela, le gars n'est pas capable. Il ne faut pas se faire de cachette. Qu'est-ce qu'il fait? Sur la "sly",

le samedi après-midi, le dimanche matin. Là, tout le monde est perdant.

Si une volonté du ministre du Travail s'exprime dans ce sens de s'asseoir autour d'une table, que ce soit en commission parlementaire, que ce soit une sous-commission de la commission de l'économie et du travail, et qu'on regarde objectivement, que notre groupe s'associe, les spécialistes, qu'on ait les données, les informations, je suis persuadé qu'on est capable de régler ce problème.

Règlement de placement

M. Fréchette: Mme la Présidente, je pense qu'on est en train de s'engager dans un débat qu'on a souvent fait et qui est revenu à plusieurs occasions à l'Assemblée nationale dans les commissions parlementaires. Je vous ferai remarquer que le fait qu'on y revienne si souvent est assez éloquent de l'importance que toute la question peut avoir. En fait, ce qu'on remet en question, c'est l'existence même du règlement de placement lui-même et de certaines autres réglementations ou normes qui existent dans le secteur de la construction. Je ne ferai que quelques commentaires à cet égard pour ajouter un élément à celui qu'a soulevé le député de Portneuf quand il donnait son appréciation du règlement de placement et qu'il indiquait l'un des objectifs qu'il avait. Il faudrait aussi ajouter que le règlement de placement n'est rien de moins ni rien de plus que la clause d'ancienneté que l'on retrouve dans n'importe laquelle des conventions collectives qui sont négociées entre deux parties habilitées à le faire.

Dans des conventions collectives négociées entre des parties, le sens commun des choses nous indique que, lorsqu'un employeur doit procéder à des mises à pied, il le fait en demandant à ceux de ses travailleurs et à celles de ses travailleuses qui ont le moins d'ancienneté de se retirer pour le temps que doit durer la baisse de la productivité. Quand il y a rappel au travail, il va procéder de façon inverse en rappelant ceux de ses travailleurs et de ses travailleuses qui ont accumulé la plus grande ancienneté. Il faut aussi retenir que le règlement de placement est très précisément la reproduction, dans le secteur de la construction, de cette clause d'ancienneté qui est classique dans toutes les conventions collectives.

Il y a un autre aspect qu'il est important de retenir, et c'est le suivant: je suis d'opinion, quant à moi, que ce n'est pas parce qu'il existe un règlement de placement, avec les conditions qu'il renferme, les clauses qu'il renferme, qu'il y a plus ou qu'il y a moins de travail dans la construction. Qu'on fasse disparaître ce soir et de façon absolue le règlement de placement, il va continuer d'y avoir 105 000 travailleurs classifiés pour la construction et il va continuer d'y en avoir seulement 70 000 qui seront actifs.

Qu'il y ait un règlement de placement ou qu'il n'y en ait pas, c'est la vérité brutale devant laquelle on est. Cela n'est pas parce que demain matin, encore une fois, ce règlement de placement n'existera plus que les 35 000 qui, actuellement, n'ont pas de travail seront automatiquement rappelés au travail. Quand on plaide avec tellement d'insistance que le règlement de placement est une entrave à la possibilité d'obtenir un emploi, je suis obligé de m'inscrire en faux contre une assertion de cette nature, toujours, cependant, en tenant pour compte les principes d'ancienneté dont je parlais tout à l'heure.

Qu'il y ait cependant nécessité de revoir un certain nombre de choses, de procéder à une certaine réévaluation depuis le temps que le règlement de placement est là, je n'en disconviens pas du tout, bien au contraire. Un de mes collègues l'a signalé ce matin, j'ai un peu de peine à me souvenir qui a soulevé la question, mais je crois utile de rappeler qu'au mois de novembre dernier, à l'occasion d'un Conseil des ministres qui avait été tenu à Compton, la décision a été prise de procéder à certaines suggestions quant à des changements possibles au règlement de placement. Cette décision du Conseil des ministres, c'est important de le souligner, procédait, quant à elle, d'un travail qui avait été mené à l'intérieur d'un comité auquel ont siégé des députés ministériels qui ont procédé à identifier un certain nombre de problèmes.

Qu'est-ce qui a été fait par la suite? Nous avons demandé à l'Office de la construction d'établir immédiatement le contact avec toutes les parties concernées, de faire part aux parties du désir que le gouvernement avait manifesté de procéder à certains changements au règlement de placement et de demander à ces parties de donner leur opinion sur les changements qui étaient envisagés. Nous venons à peine de recevoir les opinions de toutes les parties à qui nous les avions demandées. Il faut également retenir qu'il y a, à l'intérieur de l'Office de la construction et à l'intérieur du monde en général de la construction, un organisme qui s'appelle le comité mixte. Il y a aussi l'office en tant que tel et nous n'allons pas procéder à imposer d'autorité des changements à un règlement de placement sans que tout au moins les principales parties qui sont intéressées au mécanisme de ce règlement de placement n'aient eu l'occasion de se prononcer. C'est à ce stade-là qu'on en est, Mme la Présidente. Quand, par exemple, on nous demande s'il n'y aurait pas un moyen qui

pourrait permettre qu'un jeune diplômé, par exemple, puisse obtenir de l'emploi lorsqu'un employeur lui garantit un travail, il y a effectivement un moyen d'y arriver. Le moyen auquel on a pensé, on l'a soumis à l'appréciation des parties. Le comité mixte sera appelé à l'évaluer, l'office également et après cette évaluation le gouvernement devra procéder à arrêter une décision.

Que cela fasse - et c'est mon dernier point - l'objet d'une discussion à l'occasion d'une commission parlementaire qui pourrait être de la nature de celle dont on a parlé tout à l'heure, cela non plus ne répugne pas, cela ne fait aucune espèce d'objection. Je serais fort heureux que le député de Portneuf garde ses bons sentiments de collaboration et qu'ensemble nous puissions arriver à trouver des solutions à d'éventuels changements. Si vous me demandez, par ailleurs, de faire disparaître totalement le règlement de placement, je vous signale que là-dessus je suis loin d'être convaincu qu'il faille revenir à ce genre de situation qu'on a connue et qui existait au début des années soixante-dix.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Terrebonne. Par la suite, je donnerai la parole au député de Duplessis.

M. Pagé: Je pourrai revenir ce soir ou demain sur le même sujet, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Harel): Oui, certainement. Le temps est très comptabilisé et, si vous le voulez, je vous en donnerai une indication. Je me sens, d'une certaine façon, magnanime à distribuer les droits de parole comme cela en m'évitant moi-même, parce que j'aurais beaucoup souhaité intervenir dans ce débat. J'espère que les membres de la commission accepteront que demain, si tant est que je ne puisse pas en avoir le temps ce soir, je le fasse.

M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci, Mme la Présidente. J'aurais quelques questions sur le domaine des relations de travail, mais, avant, j'aimerais vous poser une question, M. le ministre. Je vois que l'intervention du député de Portneuf a ouvert pour une fois une porte à l'OCQ et j'espère que je la comprends bien. Je vous demande si c'est comme cela que vous l'avez compris. Je crois que c'est la première fois que j'entends le Parti libéral nous dire qu'on ne doit pas enlever l'office, l'OCQ, parce que cela ferait un "free for all" et qu'on ne peut pas se permettre de faire cela. Normalement, on entend plutôt dire que c'est l'office du crime du Québec. Cela fait un peu changement et il me fait plaisir de l'entendre.

M. Pagé: Si vous me permettez, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Avec plaisir.

M. Pagé: L'Office de la construction du Québec est issu de la Commission de l'industrie de la construction et son mandat était différent à l'époque. Il était tout aussi louable sous ce volet des régimes sociaux, des avantages, et on pourra revenir, si on a quelques minutes à la fin, sur la distinction à faire entre l'abolition et des modifications substantielles. Cela peut parfois vouloir dire la même chose.

M. Blais: D'accord, mais je voudrais savoir si M. le ministre a compris cette intervention de la même façon que moi. Le député de Portneuf est maintenant favorable à l'Office de la construction et dit que, si on l'abolissait, ce serait un "free for all" indésirable. Deuxièmement, au contraire des positions qui étaient défendues par son parti avant, il dit qu'il n'y a même pas assez de gens couverts par l'Office de la construction parce qu'il se perd beaucoup d'heures par ceux qui sont exclus. Je crois que c'est une philosophie complètement nouvelle. Je ne sais pas si c'est comme cela que vous l'avez compris et je vous demande si c'est ainsi que vous l'avez compris, M. le ministre.

M. Pagé: Vous êtes en train de faire de la démagogie, monsieur.

M. Fréchette: Effectivement, depuis un certain nombre de mois, j'ai constaté une évolution dans la position du Parti libéral. Je me rappelle, par exemple, que les premières questions avec débat, puisque c'est ainsi qu'on les appelait à l'époque, qui touchaient le règlement de placement étaient toujours dans le sens de procéder à l'abolition pure et simple du règlement. La dernière qu'on a tenue - j'aurais un peu de peine à en déterminer l'époque précise a vu sa formulation modifiée; là, on suggérait de modifier le règlement de placement plutôt que de l'abolir. L'intervention du député de Portneuf ce soir, pour répondre à la question du député de Terrebonne, me paraît être dans la suite logique de la dernière question avec débat qu'on a tenue à cet égard. Il y a effectivement eu une évolution.

M. Blais: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Terrebonne.

M. Pagé: Vous êtes bien parti, allez.

M. Blais: M. le ministre, vous avez dit tantôt que, pour trouver un interlocuteur valable dans le domaine de la construction,

lorsque toutes les parties multireprésentatives des syndicats ne donnent à aucune des parties la majorité absolue, soit qu'on le trouve de façon normale ou qu'on soit obligé de l'imposer si on ne s'entend pas.

Dans le cas d'une imposition - c'est la question que je vous pose - est-ce que vous envisageriez une représentation unique dans le domaine de la construction au Québec comme solution?

M. Fréchette: On remettrait en question tout le problème du pluralisme syndical. Je suis convaincu - évidemment, il restera à vérifier la pertinence de cette conviction et surtout la justesse de cette conviction - que les parties syndicales elles-mêmes, étant tellement sensibilisées par cette situation, ayant à la vivre chaque fois qu'une négociation s'annonce et doit se faire, elles vont très certainement, ensemble, essayer de trouver le moyen ou la solution qu'il faut pour éviter qu'on ne se retrouve dans des situations semblables à l'avenir.

Maintenant, à supposer que cet exercice échoue et que les parties elles-mêmes n'arrivent pas à une suggestion qui retienne l'opinion de tout le monde, quelle serait alors la position gouvernementale? Je pense qu'il est peut-être un peu tôt actuellement pour le déterminer, mais il est clair qu'il va falloir nous acheminer vers cette solution qui ferait en sorte que nous arriverions à l'étape d'une négociation avec un ou des interlocuteurs qui sont déjà identifiés et qui sont déjà habilités à entreprendre la négociation.

M. Blais: S'il vous plaît...

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je ne voudrais pas qu'on en arrive à un représentant unisyndical, je préfère le pluralisme. Dans certains domaines, un seul syndicat représente un groupe; pour donner un exemple, parlons de la Guilde des musiciens du Québec. C'est une charte fédérale avec une exclusivité de représentativité sur le territoire. On a essayé d'avoir un pluralisme syndical, on a essayé de fonder l'Association des musiciens du Québec et des professionnels de la musique -dans le temps, j'étais dans le domaine et cela m'a coûté les yeux de la tête et je ne sais trop quoi en plus - et cela a été extrêmement difficile parce qu'il y avait déjà une charte d'exclusivité. C'est très malsain, cela entraîne des conséquences dans le domaine très néfastes à l'expansion des salles de spectacle, par exemple. (21 h 30)

Pour vous donner un inconvénient de cette représentation monolithique syndicale, supposons qu'un visiteur de France nous arrive, Aznavour, pour ne pas le nommer. Il arrive avec ses musiciens, il n'a pas le droit d'avoir ses musiciens dans nos salles au Québec. Mais, supposons qu'il arrive avec douze musiciens, il est obligé de payer douze autres musiciens à l'union américaine. Dans le domaine du spectacle, de la scène et de la variété, il y avait deux syndicats et c'étaient deux syndicats américains. On est venu à bout de gagner la représentation de l'Union des artistes au Québec, mais avec de la violence. En 1964, à la Place des Arts, il a fallu manifester pour que l'Union des artistes entre à la Place des Arts. Maintenant, nos chanteurs dits de variété ont l'Union des artistes qui les représente dans nos salles.

Il reste encore, dans l'Union des musiciens, une seule union qui est accréditée et comme on dit dans le métier, on appelle cela le bordel. L'Union des musiciens, c'est un bordel parce qu'on ne peut pas du tout donner de franchises à des syndicats québécois pour unir les musiciens, pour leur plus grand bien d'ailleurs. Je ne voudrais pas que dans la construction on en vienne à un seul syndicat et la pluralité, je crois, est beaucoup plus décente dans ce domaine comme dans d'autres. Je vous repose la question: Est-ce que c'est sûr qu'on ne s'en ira pas vers une seule représentation syndicale dans la construction?

M. Fréchette: II est une chose sur laquelle mes convictions sont assez fermes, c'est qu'il va très certainement falloir conserver cette partie du processus en vertu de laquelle les travailleurs de la construction ont l'occasion de s'exprimer quant à leur allégeance syndicale. En d'autres mots, je ne pense pas, quand on parle de ce dossier, à la possibilité d'éliminer ce qu'on est convenu d'appeler actuellement la période de maraudage et le vote d'allégeance. Il faudra, de toute évidence, que les travailleurs puissent continuer d'exprimer à quelle centrale syndicale ils souhaitent adhérer, mais c'est après que cette expression aura été faite et dans les cas où aucune des centrales syndicales n'obtient la majorité absolue de 50 plus 1. C'est un mécanisme consécutif au vote qu'il va falloir trouver pour faire en sorte que lorsqu'arrive le temps de la négociation il y ait un porte-parole négociateur pour l'ensemble des parties syndicales.

Quel genre de mécanisme faudra-t-il trouver? Cela est autre chose. C'est probablement à cet égard que les parties seront invitées à réfléchir à cet aspect de la question. Je voudrais être clair aussi, par ailleurs, et cela rejoint, je pense, la question du député de Terrebonne: il n'est pas question, dans ma tête, dans mon esprit, de faire disparaître le système qui existe actuellement et en vertu duquel les

travailleurs peuvent s'exprimer tous les deux ans quant à leur appartenance syndicale.

M. Blais: Une autre question et ce sera ma dernière, M. le ministre. Dans le domaine de la construction domiciliaire, j'ai rencontré l'association patronale et les associations syndicales au mois de novembre passé une à une. Je leur ai toutes demandé si elles seraient d'accord pour avoir, dans le domiciliaire, un décret d'été et un décret d'hiver à des taux différents pour justement permettre que le gagne-pain de ces gens s'étende sur une plus longue période. Est-ce que c'est envisageable dans des négociations futures?

M. Fréchette: Mme la Présidente, ce sont les parties elles-mêmes qui vont devoir décider d'un aspect comme celui-là parce que, comme le député de Terrebonne le signale, cela fait partie des conditions de travail et, alors, les conditions de travail sont négociées par les parties elles-mêmes. Quand par bonheur elles arrivent à s'entendre sur l'ensemble d'une convention collective, ce qui reste au gouvernement, c'est de prolonger le tout par voie de décret et le problème, à cet égard, est réglé. Il appartiendra aux parties, d'ici le 30 avril -je conviens que le délai est fort court -d'envisager cet aspect de la question si elles le souhaitent.

M. Pagé: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: La proposition ou l'interrogation du député de Terrebonne est intéressante à prime abord. Dans votre esprit à vous, est-ce que cela coûterait plus cher l'été que l'hiver?

M. Blais: C'est le contraire, monsieur.

M. Pagé: Cela coûterait plus cher l'hiver que l'été.

M. Blais: Non, pour construire. M. Pagé: Pour construire.

M. Blais: Cela dépend... Votre question s'adresse-t-elle au syndicat ou au patron?

M. Pagé: Non, à vous.

M. Blais: À moi? Je peux me...

M. Pagé: Vous, si vous aviez à écrire le décret...

M. Blais: Est-ce que vous me permettez de répondre, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Terrebonne, si vous y consentez.

M. Blais: Oui, avec plaisir, mais de façon très brève.

M. Pagé: Expliquez-nous cela.

M. Blais: C'est bien sûr que la construction coûte beaucoup plus cher l'hiver.

M. Pagé: Qui.

M. Blais: Donc, si on avait deux décrets dans le domaine domiciliaire seulement, un l'été et un l'hiver, cela permettrait d'établir un décret plus bas l'hiver, bien sûr, pour compenser les dépenses du patronat pour entretenir le chauffage, etc.

M. Pagé: Donc, c'est cela.

M. Blais: Cela permettrait de prolonger les semaines de travail. Les gens de la construction ne travaillent environ que sept mois et demi ou huit mois par année. Cela permettrait de prolonger au moins à onze mois et cela permettrait de mieux répartir et, peut-être, de faire plus de construction au Québec.

M. Pagé: Est-ce que cela se greffe à la proposition que vous aviez déjà formulée de modifier l'heure avancée?

M. Blais: Je n'ai jamais fait cette proposition.

M. Pagé: Oui, oui, ici, une fois en commission parlementaire.

M. Blais: Non, pas moi. M. Pagé: Oui, oui, vous.

La Présidente (Mme Harel): Ce serait un excellent sujet...

M. Pagé: On y reviendra.

La Présidente (Mme Harel): ...à examiner en séance de travail. Notre commission de l'économie et du travail pourrait examiner ce genre de chose. On y reviendra d'ailleurs. M. le député de Beauharnois.

M. Pagé: J'ai une autre question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Une autre question au député de Terrebonne?

M. Pagé: Non, non, non. Surtout pas. Que Dieu m'en garde!

La Présidente (Mme Harel): À M. le ministre? Si vous permettez, M. le député de

Portneuf, je vais passer la parole au député de Beauharnois...

M. Pagé: D'accord.

M. Lavigne: Brièvement.

La Présidente (Mme Harel): Non, pas nécessairement brièvement, M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Non, c'est parce que c'est brièvement...

La Présidente (Mme Harel): Je pense que vous pouvez utiliser le temps de parole...

M. Lavigne: Je ne me sens pas...

La Présidente (Mme Harel): ...qu'il vous convient d'utiliser.

M. Lavigne: C'est brièvement que j'ai l'intention d'intervenir, Mme la Présidente.

M. Pagé: C'est bien. Vous aurez plus de temps demain, Mme la Présidente.

M. Lavigne: Ce que je voulais dire, Mme la Présidente, c'est que je constate que le député de Portneuf, contrairement à ce qu'il a déjà dit... J'ai l'impression de me répéter ou de répéter ce que les autres ont dit, mais, pour moi, c'est important de le redire. Depuis un certain nombre d'années, on sait qu'en Chambre et aux commissions parlementaires le député de Portneuf a toujours été, ou à peu près, le critique du monde du travail. Son attitude générale face au règlement de placement dans la construction a toujours été extrêmement...

M. Pagé: Si vous voulez... Non, question de règlement, j'ai le droit, vous me citez...

M. Lavigne: Je trouve cela important.

La Présidente (Mme Harel): Question de règlement? Oui, il va vous falloir évidemment me citer l'article du règlement que vous invoquez.

M. Pagé: Je me demande si l'intervention du député de Beauharnois vise à étudier les crédits, à questionner le ministre ou à faire de la démagogie, comme l'autre l'a fait tantôt, auquel cas je vais répliquer tout de suite ou dès le moment où vous me céderez la parole, parce que je suis mal cité. Vous n'avez pas compris. On va vous expliquer cela tantôt et cela va être très clair. Vous allez comprendre, j'espère.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois... Oui, en fait, c'est l'article 205, M. le député de Portneuf. Peut-être pourriez-vous...

M. Pagé: Vous me donnez la parole tout de suite?

La Présidente (Mme Harel): C'est tout simplement quand un député estime que ses propos ont été mal compris...

M. Pagé: Je comprends que...

La Présidente (Mme Harel): ...ou qu'ils sont déformés...

M. Pagé: Je comprends que... M. Lavigne: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je ne veux pas être arrogant avec le député de Portneuf. La seule chose que je veux dire - et j'en suis fort heureux et je pense que tous les membres de la commission, y compris le ministre... Contrairement à l'attitude que le député de Portneuf a déjà eue...

M. Pagé: Vous avez mal compris.

Question de règlement, Mme la Présidente.

Vous avez mal compris ou vous ne comprenez pas les deux facettes du règlement de placement.

M. Lavigne: On lira les galées, M. le député de Portneuf. Je ne vous dis pas de bêtises.

M. Pagé: Je vais y revenir tantôt.

M. Lavigne: Je suis fier...

M. Pagé: Vous êtes démagogue!

M. Lavigne: ...que vous trouviez que le règlement de placement est un règlement important.

M. Pagé: Vous êtes d'une démagogie honteuse.

Une voix: À l'ordre! À l'ordre!

La Présidente (Mme Harel): Écoutez, messieurs les membres de la commission, M. le député de Portneuf...

M. Pagé: Vous êtes démagogue, cela n'a pas de bon sens!

La Présidente (Mme Harel): ...et M. le député de...

M. Lavigne: Je veux être gentil, Mme la Présidente.

M. Pagé: Soyez ce que vous voulez, mais soyez honnête.

M. Lavigne: S'il m'y force, le député de Portneuf va m'obliger à l'être moins. Je veux être gentil avec lui.

M. Pagé: Comme si cela m'énervait.

M. Lavigne: Bien non, il n'est pas question d'énerver personne. Je veux seulement dire que je me réjouis...

M. Pagé: Jouissez.

M. Lavigne: ...que les libéraux, par la voix du député de Portneuf, trouvent que...

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavigne: ...le règlement de placement dans la construction est une chose importante. Je l'ai dit ce matin, je considère qu'au niveau du principe fondamental c'est un peu comme l'existence de la CSST: même si c'est un organisme qui peut être critiqué à l'occasion et qui mérite d'être amélioré, je dis que le règlement de placement, au niveau des principes, est là et doit rester là. Cela ne veut pas dire, par ailleurs, que, parce que l'OCQ existe, il n'y a pas lieu de se pencher sur des modifications à apporter au règlement de placement. C'est ce que je veux dire aux membres de la commission et particulièrement au député de Portneuf. Je dis que, sans cela, on reviendrait aux années noires de la construction. Je le disais ce matin et je le répète: personne ne veut revivre au Québec - pas plus les députés libéraux, j'espère, que les députés du Parti québécois et les gens du monde de la construction - les années du saccage de la Baie James. Personne ne veut revivre cela. C'est l'une des raisons pour laquelle... Le règlement de placement dans la construction nous sert de balise pour éviter ce genre de situation. Donc, je dis et j'insiste sur le principe qu'il faut maintenir le règlement de placement.

Par ailleurs, le ministre a fait une ouverture tout à l'heure. Il a dit qu'il y aurait peut-être possibilité, soit par le truchement de la commission que nous représentons, soit par une commission parlementaire, soit par des rencontres avec les gens intéressés, qu'on examine à nouveau tout le règlement de placement et qu'on y apporte des adoucissements ou qu'on y enlève certains irritants.

Je vais être un de ceux-là et si le député de Portneuf veut être un de ceux-là -il semblait avoir des suggestions à faire tout à l'heure - je l'invite. Je ne le dis pas avec arrogance. Je le dis sincèrement. Si le député de Portneuf peut avoir quelque chose de positif dans la commission du travail pour améliorer le règlement de placement, je l'invite à le faire. J'insiste là-dessus, je ne le dis pas avec agressivité ou rancoeur. Je le dis honnêtement et sincèrement parce que je crois à une commission comme la nôtre et je crois qu'en dépit de nos allégeances politiques on peut apporter de part et d'autre des points positifs à un problème qui peut exister.

Si on constate ensemble qu'il y a des lacunes dans le placement dans la construction et qu'ensemble on veut y travailler pour l'améliorer, j'invite tout le monde à le faire et objectivement.

Je voudrais aussi, et cela m'embarrasse un peu... Dans les propos qu'énumérait le député de Portneuf tout à l'heure, en tout cas, je pense l'avoir bien interprété, il disait que le fait que les taux soient fort élevés dans la construction - il parlait même de 30 $ l'heure - cela incitait les gens qui avaient des sous-sols à finir ou des galeries à peinturer ou des petits travaux de menuiserie à faire autour de leur propriété, à engager des gens au noir parce que la personne qui gagne 12 000 $, 15 000 $ ou 17 000 $ ne peut se permettre d'engager des gens à 30 $ l'heure. Cela incite les gens à travailler au noir.

Est-ce qu'on pourrait descendre le salaire qui est d'environ 30 $ l'heure à 25 $, à 28 $, à 20 $ ou à 15 $ et à quel prix? Je ne le sais pas. Où serait la bonne ligne ou le bon salaire par lesquels on pourrait inciter les gens de la construction à accepter, pour faire en sorte que le travail au noir n'existe pas ou, pour le moins, existe moins?

À mon avis, ce n'est pas facile de décider, même si on le décidait ensemble, du salaire juste qui ferait en sorte qu'il y aurait moins de travail au noir. En tout cas, la question est posée. Si on vient à avoir une table ronde pour étudier ou réviser la question du règlement de placement, j'espère que cette question fera partie de nos débats et qu'on trouvera le bon salaire. Je vous assure que cela ne sera peut-être pas facile de demander aux gens qui gagnent 30 $ l'heure de descendre à 20 $ ou à 25 $ l'heure.

Mme la Présidente, c'étaient les quelques propos, M. le député de Portneuf et M. le ministre... J'ai hâte qu'on ait à se pencher sur les améliorations qu'on pourra apporter au niveau du placement dans la construction. Vous avez fait quelques ouvertures, M. le ministre, tout à l'heure, en parlant de l'intrusion des jeunes finissants, par exemple, dans nos polyvalentes ou dans les cégeps, pour leur permettre peut-être plus facilement qu'actuellement d'entrer dans le monde de la construction. Je pense que

cela serait très important et il y a aussi d'autres choses dont on pourrait discuter autour du règlement de placement. Il y a sûrement des améliorations à apporter de ce côté. Je termine en disant que le règlement de placement est là pour y rester.

La Présidente (Mme Harel): Je vous remercie, M. le député de Beauharnois. M. le député de Portneuf, si on convenait que vous gardez les dix dernières minutes et que nous accordions le droit de parole au député de Champlain pour cinq minutes. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Vous me limitez.

La Présidente (Mme Harel): De façon que le total des interventions du côté ministériel ait fait un peu plus de 20 minutes. Si on comptabilise, c'est un peu plus d'une heure et quarante qui a été utilisée.

M. Pagé: Mais cela a été instructif pour la majorité.

La Présidente (Mme Harel): Oui. En fait, je pense bien que cela l'est de part et d'autre. La parole est au député de Champlain. Les dix dernières minutes seront allouées...

M. Gagnon: Au député de Champlain.

La Présidente (Mme Harel): ...au député de Portneuf. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir. Je ne suis pas certain d'avoir compris tantôt les bons chiffres que le ministre a avancés lorsqu'on parlait de travail au noir et de visites effectuées sur les chantiers. (21 h 45)

J'ai noté qu'au cours de la dernière année il y avait eu 36 000 visites et qu'on avait dénombré, trouvé 24 000 infractions au règlement de placement. Cela m'apparaît beaucoup par rapport au nombre de visites. Je voudrais savoir si ces visites qu'on fait sont uniquement des visites qu'on fait sur les gros chantiers. En fait, de quelle façon les inspecteurs font-ils leur travail? Est-ce que, par exemple, cela prend une plainte? Est-ce à la suite de plaintes qu'on va vérifier sur les chantiers de construction? Ceci voudrait dire qu'à ce moment-là aussi, je voudrais savoir, concernant les petits travaux dont parlait le député de Portneuf, des travaux mineurs - on sait que les propriétaires de maison font pour environ 700 $ à 1000 $ par année de travaux d'entretien dans leur maison familiale - si, dans le cas de ces travaux, certaines visites sont aussi effectuées par les inspecteurs. Je vous laisse la parole là-dessus pour savoir si j'ai bien compris ces chiffres.

M. Fréchette: Mme la Présidente, brièvement, d'abord quant aux chiffres, le député de Champlain a effectivement bien compris. Il y a eu, en 1983, 36 032 visites de chantiers qui ont débloqué sur un nombre total d'infractions de 24 065. Quand on parle d'infractions, cela peut être des infractions autant au décret de la construction qu'au chapitre de la qualification ou de la classification des salariés. Cela n'a pas d'égard à la nature des chantiers, Mme la Présidente. Cela peut être tout aussi bien de gros chantiers de construction que des chantiers de travaux domiciliaires.

Finalement, quant au troisième volet de la question du député de Champlain, qu'est-ce qui fait qu'une décision est prise de procéder, à un moment donné, à une inspection? C'est tout simplement à partir de plaintes qui peuvent être cheminées aux bureaux régionaux de l'Office de la construction. Cela peut également procéder d'une initiative d'un bureau régional sans qu'aucune plainte n'ait été formulée. Je vous signalerai, Mme la Présidente, que le nombre d'augmentation des visites de chantiers a été conditionné - ce n'est pas le terme exact -mais procède du fait que, depuis que le programme Corvée-habitation est là, les travailleurs de la construction qui y contribuent dans une proportion de 0,125 $ l'heure ont insisté, évidemment, pour que ces inspections se fassent à un rythme plus accéléré. C'est un des motifs pour lesquels les inspections ont effectivement été augmentées le soir, la nuit et au cours des fins de semaine, très souvent.

C'est très succinct, mais j'espère que cela répond aux deux ou trois questions que le député de Champlain m'a posées.

M. Gagnon: Est-ce qu'on peut dire que la plupart des chantiers sont visités, disons, je ne le sais pas, une fois au cours du chantier ou si, en fait, seulement un certain pourcentage des chantiers sont visités?

M. Pagé: Si vous me le permettez, Mme la Présidente, il y a eu 9992 chantiers actifs en 1982. Alors, faites les chiffres. Calculez.

M. Fréchette: II peut y avoir plus d'une infraction par chantier, c'est évident. Maintenant, Mme la Présidente, je ne sais pas si le temps nous le permet...

M. Pagé: Non.

M. Fréchette: ...mais, le président del'Office de la construction pourrait...

M. Pagé: Demain.

M. Fréchette: ...ou il pourra le faire demain, bien sûr.

M. Gagnon: Juste une dernière...

La Présidente (Mme Harel): Tout d'abord, M. le ministre, je dois vous dire qu'on avait convenu que les dix dernières minutes seraient réservées au député de Portneuf.

M. Fréchette: Ah, madame!

M. Gagnon: II me reste encore une minute.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je vais inviter...

Une voix: Champlain.

La Présidente (Mme Harel): ...le député de Champlain, oui.

M. Gagnon: Juste une dernière remarque. On parlait des taux horaires des travailleurs de la construction et on disait que, peut-être, un moyen d'éviter le travail au noir serait, entre autres, de diminuer le taux horaire de façon que les gens engagent plutôt des spécialistes qualifiés en construction. Si on dit qu'on remarque sur les gros chantiers un certain nombre d'infractions aussi, cela veut dire que ce ne sont pas nécessairement seulement des gens qui travaillent à plus bas salaire, à ce moment-là.

La solution ne serait peut-être pas de diminuer le salaire. Il y aurait peut-être d'autres solutions à envisager.

M. Fréchette: Un seul commentaire à cet égard, Mme la Présidente. C'est, de toute façon, une décision qui appartient aux parties elles-mêmes, parce que c'est un objet de négociation, bien sûr.

La Présidente (Mme Harel): Je crois comprendre que le président de l'OCQ sera avec nous, de toute façon, demain. Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Vous savez, je voyais une nette distinction ce soir entre le verbe utilisé par certains députés, lorsque la réforme parlementaire a été adoptée, qui vantaient les mérites et les espoirs nouveaux qui naissaient avec la réforme des commissions parlementaires en termes d'échanges utiles, fructueux, d'échanges sur le fond des questions... Quand j'ai entendu le propos teinté de démagogie du député de Terrebonne, auquel s'est complu d'ajouter sa voix le député de Beauharnois, évidemment sur l'interprétation à donner aux propos que j'avais tenus antérieurement, je remarque qu'il y a loin de la coupe aux lèvres en matière de réforme parlementaire. Je vais vous expliquer cela pour une couple de minutes, vous allez comprendre, j'espère.

La Présidente (Mme Harel): Je...

M. Pagé: J'ai dit et j'ai bien dit tout à l'heure que, si - vous pourrez vérifier avec le texte - le volet placement était aboli, purement et simplement, ce serait un "free for all" et c'est vrai. Mais cela ne veut pas dire que je suis favorable au règlement de placement. Cela ne veut pas dire qu'on pourrait maintenir le règlement de placement. Cela ne veut pas dire qu'il soit opportun de maintenir le règlement de placement et l'Office de la construction du Québec.

Dans le mandat qui est confié à l'OCQ en vertu de la loi, le pouvoir réglementaire, il y a deux volets bien importants: le placement et l'autre volet qu'il sous-tend, le contingentement de la main-d'oeuvre. Le gouvernement a adopté un règlement de placement en 1978 et vous constaterez avec moi que l'opportunité du maintien de ce règlement a été revue assez régulièrement: 1977, adoption du règlement - et là, je pourrais vous faire toute la nomenclature des décisions administratives et politiques qui ont été posées - 1er mars 1978, modifications; 1er juillet 1978, intervention du gouvernement; 23 août 1978, modifications du règlement en élargissant les conditions d'un certificat de classification A; 14 février 1978, 28 février 1978, 20 juin 1979, février 1980, 27 août 1982; là, 1983; et mars 1984, modifications au règlement de placement.

C'est un règlement qui a été critiqué, qui a fait l'objet de consensus des parties; d'ailleurs, certaines des parties, actuellement, demandent l'abolition du règlement, pure et simple. Nous avons, à plusieurs reprises, parlé de l'abolition du règlement et c'est vrai que tout le volet, tout l'aspect contingentement doit être éliminé, Mme la Présidente, complètement. D'ailleurs, c'est avec un certain intérêt que je voyais les députés péquistes, tout à l'heure, acquiescer du signe de la tête, comme ils sont probablement habitués de le faire en Chambre, aux propos que je tenais. Ils entendaient probablement là ce qu'ils entendent dans leur caucus mais ce qu'ils n'osent pas dire ici, autour de la table!

Mme la Présidente, j'ai encore huit minutes et je vous demanderais, s'il vous plaît, de me protéger!

La Présidente (Mme Harel): Peut-être en vous rappelant...

M. Pagé: De protéger mon droit de parole.

La Présidente (Mme Harel): ...l'article 35 de nos règlements qui dit qu'un député qui a la parole ne peut imputer des motifs à un autre membre de la commission.

M. Pagé: Je vous demande de protéger mon droit de parole.

Alors, j'en étais dans les commentaires que j'ai faits au ministre et j'aimerais bien qu'on revienne demain là-dessus. Le problème du gouvernement et de l'Office de la construction du Québec, c'est que le nombre d'heures déclarées à l'OCQ diminue substantiellement d'année en année. N'êtes-vous pas surpris de constater une telle diminution? D'accord, il y a eu la situation économique qui a prévalu. Ne comprenez-vous pas, M. le ministre, que, plus il y a de travail au noir, plus il y a d'heures non déclarées, moins il y a d'heures déclarées? Ne comprenez-vous pas - non, non, ce n'est pas la question d'être fort, mais c'est cela, c'est un cercle vicieux - que la solution du travail au noir passe par une révision complète de tout le volet contingentement de la main-d'oeuvre? Est-ce que l'on peut légitimement croire que le travailleur, qui a un certificat de qualification dans ses poches depuis 20 ans, qui oeuvrait dans un métier donné, qui se fait dire par l'OCQ: C'est regrettable, ton certificat de classification n'est pas renouvelé, il va s'asseoir chez lui, se limiter à une couple de visites dans les bureaux de députés péquistes pour se faire dire: Bien, écoute, c'est regrettable, le gâteau, la main-d'oeuvre, tatata? Non, non, il part bien souvent et il va travailler; il va travailler au noir. Et tout le problème, qui a été mis en relief par la CSN dans les conférences de presse qu'elle a tenues et les contacts qu'elle a établis, touche ce volet de la question et il est bien important.

D'ailleurs, encore cette année, vous avez, comme ministre du Travail, confirmé l'échec de votre règlement de placement en reconduisant, pour 24 mois, tous les détenteurs de certificats de classification. Vous êtes pris avec la patate chaude dans les mains, vous ne savez pas quoi faire, vous n'osez pas reculer, vous explorez des avenues comme celles qui ont été dégagées au colloque régional de votre formation politique ici, dans la région de Québec, où une résolution a été adoptée disant que le règlement de placement ne s'applique pas dans les municipalités de moins de 5000 habitants. C'est exactement la proposition que je formulais au nom de mon groupe politique, il y a quelques années, au ministre du Travail. Vous dites, ce soir, comme ministre du Travail: Cela peut revêtir un certain intérêt pour autant que les parties sont intéressées et qu'elles l'acceptent. Pierre-Marc Johnson disait que c'était irresponsable, il y a trois ans, que cela n'avait pas d'allure et que cela n'avait pas de bon sens, il y a quatre ans.

On évoque la possibilité, ce soir, par les députés: Pourquoi le secteur résidentiel serait-il soumis aux mêmes normes? Lorsqu'on a eu la commission parlementaire avant l'adoption de ce règlement, deux députés à l'Assemblée nationale du Québec, Fabien Roy, député de Beauce, et moi-même avons évoqué cette possibilité. Le ministre du Travail nous a dit: Cela va être invivable, incontrôlable, impraticable. Vous vous dirigez maintenant vers ces solutions. Je persiste à croire, Mme la Présidente, que le gouvernement a une responsabilité. Quand je parlais de leadership, ce matin, c'est le genre des responsabilités auxquelles je réfère, sans vouloir vous insulter, mais dans l'intérêt de l'économie du travail au Québec et dans l'intérêt d'un monde plus paisible et plus productif dans le monde de la construction et avec moins d'irritants. Je crois que votre premier ministre est sensibilisé à cela. Le gouvernement se doit de revoir... On ne vous demande pas un acte de contrition, on ne vous demande pas de confession, on ne sera pas démagogues au point de vous dire: Ah! On avait raison. Non, non, on vous demande de convenir franchement, loyalement et ouvertement dans le cadre d'une commission comme celle-ci... Faites-vous donner le blanc-seing par une sous-commission de la commission de l'économie et du travail, si vous voulez.

Vous devez revoir complètement, premièrement, le volet placement. Est-il opportun de le laisser à l'OCQ? Pourquoi les centres de main-d'oeuvre du Québec ne seraient-ils pas capables de s'occuper d'une telle responsabilité? Le mandat initial de l'OCQ, comme je le disais au député de Terrebonne tout à l'heure, lorsqu'il était à la Commission de l'industrie de la construction, était de voir à l'administration des régimes d'avantages sociaux des travailleurs de la construction. Ce volet a été délaissé de plus en plus, il faut en convenir, pour s'occuper du placement, des cartes, des récriminations et d'essayer de vous suivre dans vos modifications et les adapter aux ordinateurs et le diable à quatre. Premièrement, placement. Quand j'ai indiqué, tout à l'heure, qu'on ne pouvait pas, demain matin, abolir le placement et dire: C'est fini, n'importe qui va se placer n'importe où, on reviendrait à un statu quo ante qui est non souhaitable. Mais, entre placement et contingentement, M. le député, il y a une différence très nette. N'allez dire nulle part que notre formation politique est pour l'OCQ et pour le règlement de placement et pour le maintien des contingentements. Vous ne seriez pas honnête parce que ce qui est important, cela je l'ai dit et je le répète, c'est le volet placement qu'il faut conserver. C'est bien différent du volet embêtement, tracas, ennuis, préoccupations et tout ce qui

est créé par ce mardi règlement avec lequel vous êtes pris, vous aussi.

Mme la Présidente, je termine en indiquant au ministre qu'il devra se pencher là-dessus. Je comprends qu'il a un carcan qui lui est fixé par les déclarations de ses prédécesseurs. Je vous ai dit ce matin: Quand vous avez pris l'héritage, vous ne l'avez pas pris avec bénéfice d'inventaire, vous l'avez accepté tout de suite. Que le gouvernement, s'il veut être sérieux avec le verbe qu'il utilise, soit donc responsable pour accepter de revoir l'ensemble de cette question. Il y a des hypothèses nombreuses. Je conviens que le placement, il faut continuer à s'en occuper, les critères, on pourra les voir ensemble, mais pas des critères de contingentement comme ceux-là. Vous allez régler le problème du travail au noir. Vous allez augmenter le nombre d'heures travaillées dans la construction. Permettez! Donnez donc le droit à un travailleur qui est qualifié, qui a un certificat de qualification obtenu dans votre propre ministère, donnez donc le droit aux finissants d'une école, où le ministre de l'Éducation a investi temps, argent, effort, argent des contribuables pour le former, donnez donc le droit à ce jeune de travailler dans la construction, donnez donc le droit au jeune travailleur qui va se chercher un bon d'emploi au centre de main-d'oeuvre et qui veut travailler. L'OCQ dit: Non, tu n'as pas le droit de travailler. Donnez donc un peu plus de liberté et assoyez-vous donc à la table. À cet égard, j'aimerais bien vous entendre demain matin parce qu'on va ajourner dans quelques minutes. Vous aurez toute la nuit pour dormir là-dessus. J'aimerais bien avoir votre opinion, comme ministre du Travail, sur la possibilité que le règlement de placement ne s'applique pas dans les municipalités de moins de 5000 habitants, la possibilité que ce règlement, que vous ne voulez pas abolir - vous y tenez comme à la prunelle de vos yeux parce que Pierre-Marc a dit que c'était important -que ce règlement ne s'applique pas aux secteurs résidentiels.

Le Présidente (Mme Harel): Alors, en conclusion, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Le ministre pourra nous répondre demain. Après les réponses du ministre, c'est avec, évidemment, beaucoup d'enthousiasme qu'on entendra M. le président-directeur général de l'OCQ. Merci, Mme la Présidente.

M. Gagnon: Sur une question de règlement.

La Présidente (Mme Harel): Sur une question de règlement, M. le député de Champlain.

M. Pagé: Mme la Présidente, il est 22 heures.

M. Gagnon: Juste avant de terminer, c'est pour savoir si tantôt j'ai bien compris. Demain notre formation a encore du temps de parole. Tantôt, quand vous m'avez donné les cinq minutes, est-ce que c'était la fin...

La Présidente (Mme Harel): C'est une question de directive, M. le député de Champlain?

M. Gagnon: Une question de directive. Oui.

La Présidente (Mme Harel): Alors, pour chacune des formations politiques, je pourrai demain, dès l'ouverture de nos travaux, vous indiquer le temps qui a été utilisé jusqu'à maintenant. Nous le répartirons donc en conséquence.

M. Pagé: On retient que le temps du PQ est compté.

La Présidente (Mme Harel): Pas celui de la présidente.

M. Fréchette: Étant entendu, Mme la Présidente, c'est d'ailleurs l'invitation que me fait le député de Portneuf, que mes droits sont réservés pour commenter la dernière intervention du député de Portneuf.

La Présidente (Mme Harel): M. le ministre, lors de l'étude des crédits en commission, le ministre peut intervenir aussi souvent qu'il le désire. C'est l'article 279 de nos règlements.

M. Fréchette: Merci, madame.

La Présidente (Mme Harel): Je constate qu'il est 22 heures et donc...

M. Pagé: On se souhaite mutuellement bonne nuit.

La Présidente (Mme Harel): ...la commission suspend ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures, ici même dans cette salle.

M. Fréchette: De 10 heures à 11 h 30?

La Présidente (Mme Harel): De 10 heures à 11 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 1)

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