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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de l'énergie et des ressources se
réunit ce matin afin de poursuivre l'audition des mémoires pour
étudier les effets de la politique énergétique sur le
développement économique.
Sont membres de cette commission: M. Desbiens (Dubuc), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Beaumier
(Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M.
Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Dussault (Châteauguay), Mme
Harel (Maisonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay (Chambly) et M.
Vallières (Richmond).
Auditions
A l'ordre du jour, aujourd'hui, le premier mémoire est celui de
la Fédération des travailleurs du Québec. Ensuite,
suivront les organismes suivants: Gaz Métropolitain, la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, l'Association
des entrepreneurs en isolation de la province de Québec, l'Association
des entrepreneurs en construction du Québec et le groupe SNC.
Tout d'abord, la Fédération des travailleurs du
Québec. M. Louis Laberge en est le président. Je vous
demanderais, s'il vous plaît, de présenter les gens qui vous
accompagnent.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président, et membres de
la commission. À ma gauche, M. Claude Morrisseau, vice-président
de la FTQ et directeur au Québec du Syndicat canadien de la fonction
publique, représentant entre autres les employés
d'Hydro-Québec; Mlle Marie Pinsonneault vice-présidente à
la FTQ et représentant le Syndicat canadien des travailleurs en
communications... M. Claude Ducharme, vice-président à la FTQ et
directeur au Québec du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile.
À ma droite, M. Jean-Guy Frenette, directeur à la recherche
à la FTQ; M. Kémal Wassef, qui nous a donné un coup de
main, assis pas loin, et M. Jean-Paul Rivard, directeur de la FTQ-Construction.
En arrière, des officiers des sections locales d'Hydro-Québec et
des travailleurs de la construction.
Comme vous le savez, la FTQ est des plus intéressées au
dossier énergétique. Non seulement la FTQ, qui représente
au-delà de 400 000 travailleurs au Québec, mais dès la
dernière commission parlementaire en 1981, nous sommes venus
réclamer de la même commission une politique de
développement des ressources énergétiques qui stabilise et
maintienne les emplois liés à l'aménagement des ressources
hydroélectriques du Québec. À cette époque, la FTQ
déplorait l'instabilité des emplois associée au plan
d'aménagement d'Hydro-Québec qui se proposait de faire 12 600
mises à pied étalées sur la période de 1979
à 1984 et prévoyait en même temps une reprise des
activités qui devait porter les effectifs de 4400 en 1984 à 24
600 en 1990.
Malgré les assurances que nous avions reçues à
cette époque, la situation ne s'est pas améliorée, loin de
là. Les perspectives de 1981 sont, en 1983, encore plus sombres.
Hydro-Québec, cet été, a procédé au
démantèlement de la moitié de sa direction des
équipements et personne n'ignore plus que les prochains travaux à
mettre en chantier ont été reportés en 1988.
A toutes les semaines, Hydro-Québec change ses prévisions.
D'ailleurs, c'est un fait notoire que les prévisions
d'Hydro-Québec ne sont pas toujours ce qu'il y a de plus sûr.
Apparemment, en 1981, si vous vous souvenez, c'était la panique quasi
générale. On était pour manquer
d'électricité. Il fallait lancer un programme ambitieux pour
convaincre la population de ménager notre énergie. Cela a
été le programme d'isolation des maisons. Cela a
été une augmentation draconienne des taux
d'électricité. Je me souviens qu'en 1981, justement après
les travaux de la commission parlementaire, on avait eu la mauvaise nouvelle de
17% d'augmentation dans les tarifs de l'électricité. À ce
moment, nous avions aussi favorisé l'implantation du gaz naturel au
Québec, parce que cela fait partie du dossier
énergétique.
Depuis le début de 1983, la FTQ
réclame des gouvernements du Québec et d'Ottawa des
mesures destinées à protéger les emplois dans le secteur
du raffinage du pétrole. Cela aussi fait partie du dossier
énergétique. On sait que, depuis un an, ou à peu
près, il y a eu trois fermetures importantes de raffinerie au
Québec: Texaco, dont la capacité était de 74 500
barils-jour; BP, pour 71 000 barils-jour et Esso, pour 79 500 barils-jour. Les
syndicats affiliés à la FTQ ont réclamé des mesures
d'aide à l'industrie pétrochimique du Québec afin de
protéger les 20 000 emplois de ce secteur.
Aujourd'hui, nous sommes en droit de nous demander: Mais qu'est-ce qui
se passe donc dans le secteur de l'énergie? En très peu de temps,
nous sommes devenus des importateurs de pétrole raffiné, alors
qu'il n'y a pas si longtemps - quelques mois à peine - nous en
étions des exportateurs. Est-il possible que toutes ces situations aient
prévalu en même temps et dans un aussi court laps de temps?
Peut-on s'être fourvoyé de cette façon et quelle
crédibilité pouvons-nous accorder aux nouvelles
prédictions d'Hydro-Québec et du gouvernement? Nous ne savons pas
si le gouvernement a fait des prédictions dernièrement, mais nous
allons les écouter avec beaucoup d'attention.
Nous sommes convaincus qu'une partie importante de l'avenir
économique du Québec est associée au rythme de
développement des ressources énergétiques
considérables, naturelles et renouvelables que recèle notre
territoire et à la manière dont nous relèverons, comme
société, les défis qu'un tel développement
implique. L'énergie est un produit essentiel au maintien et au
développement de la société.
En 1978, dans un livre blanc sur l'énergie, le ministre Guy Joron
faisait le bilan énergétique du Québec et proposait une
politique énergétique pour le Québec qui visait à
accroître essentiellement la part de l'électricité dans le
bilan québécois à 42% en 1990 et 50% en l'an 2000, alors
que la part de l'électricité n'était que de 22% en 1975.
De même le gaz naturel, abondant au Canada et peu utilisé encore
au Québec, se voyait fixer une part, tout d'abord à 12% et
ensuite à 17%, dans le but de refléter plus activement son
rôle dans le bilan énergétique. Évidemment, le
pétrole qui, jusqu'à ce moment, assurait 70% des
approvisionnements du Québec, était déplacé pour ne
représenter que 40% à 45% des besoins énergétiques
du Québec en 1990 et 30% à 35% en l'an 2000.
La politique énergétique du Canada ne s'est jamais
réellement préoccupée du Québec et principalement
de nos développements hydroélectriques, du développement
de la pétrochimie de nos raffineries. On se rappelle toutes les
implications de l'établissement de la ligne Borden et l'appui
inconditionnel du gouvernement central à la filière
nucléaire canadienne CANDU, qui a profité surtout à
Hydro-Ontario par des subventions déguisées. Plus
récemment, cette politique a justifié la subvention directe
à la consommation pétrolière des Canadiens. Vue du
Québec, la politique énergétique fédérale
repose sur des postulats de base qu'il nous est difficile de cerner.
Peu ou pas d'emplois ont été créés depuis
l'adoption du PEN. En dehors de la création de Petro-Canada par l'achat
des actifs de Fina à un prix exorbitant, et de l'extension du
réseau gazier, la stratégie énergétique d'Ottawa
devait s'enliser pour de nombreuses raisons, notamment l'évolution des
prix pétroliers nationaux et internationaux, l'approche bureaucratique
engendrée par la mise en place du PEN.
La demande d'énergie au Québec a diminué de
façon très sensible. D'une part, les économies
d'énergie accélérées par l'augmentation
démesurée des prix et, d'autre part, la récession ont
contribué à réduire la croissance de la demande
d'énergie. Au cours de l'année 1982, marquée directement
par la récession, la chute de la consommation globale d'énergie a
été de 7,9% selon des données établies par SOQUIP.
Personne en dehors des producteurs ne dispose encore des données de la
consommation globale d'énergie pour 1983.
La part du pétrole dans le bilan québécois a
décliné, entre 1975 et 1981, de 2,8% par année; en
1981-1982, la chute de la consommation de pétrole a été de
10,5% et 11,2% respectivement. Il reste que le pétrole compte encore
pour 58% du bilan énergétique du Québec.
Le prix de revient de l'énergie électrique produite par la
filière nucléaire a connu des augmentations importantes. Les
nouvelles réglementations américaine et canadienne ont
entraîné des augmentations des coûts de construction d'une
centrale nucléaire. Près de nous, par exemple, Gentilly 2, dont
les coûts à l'origine étaient estimés à 350
000 000 $, a coûté près de 1 500 000 000 $. D'ailleurs, de
nombreuses sociétés américaines éprouvent de
grosses difficultés tel que: DE, GPU, Washington Public Power System.
Mais il faut dire que ce marasme, qui touche aussi Hydro-Ontario et la
filière CANDU, n'a pas encore touché de façon très
évidente Hydro-Québec qui se porte assez bien, merci.
La FTQ a identifié des priorités économiques et
sociales en matière d'énergie qui devraient, selon elle, guider
les grandes orientations et actions de l'État. Certaines de ces
priorités font déjà partie des intentions gouvernementales
formulées publiquement. Dans cette optique, la FTQ formule les
recommandations ci-après concernant: une énergie accessible
à tous; des approvisionnements suffisants, diversifiés et
à des prix concurrentiels; des importations
de gaz naturel et de pétrole, en corollaire des exportations
d'électricité; assurer un équilibre entre les diverses
formes d'énergie; trouver et encourager de nouvelles sources
d'énergie renouvelables; poursuivre les programmes d'efficacité
énergétique; poursuivre le développement
hydroélectrique comme levier de développement économique
du Québec.
Il est inadmissible que nous n'ayons pas encore pu trouver de solution
satisfaisante et durable pour les plus défavorisés de notre
société, assistés sociaux et personnes âgées,
qui ne peuvent payer le coût élevé de leur facture
d'énergie. À cause de notre situation géographique, entre
autres, nous considérons que l'énergie est un bien essentiel et
qu'à ce titre il doit être accessible à tous. Cela n'est
pas une parole en l'air pour nous puisque déjà le juge
Lagacé, dans un jugement qu'il rendait sur la demande d'une injonction
par Hydro-Québec, avait reconnu, pour les trois sections locales du
Syndicat canadien de la fonction publique, chez nous, représentant les
travailleurs et les travailleuses d'Hydro-Québec, l'absolue
nécessité de fournir les services essentiels, et le juge
Lagacé avait même refusé à Hydro-Québec cette
injonction. Et on touve absolument inadmissible, MM. les parlementaires - et ce
n'est pas une critique, nous sommes d'accord, je viens de le dire - les besoins
énergétiques en temps de conflit étant des services
absolument essentiels, que vous laissiez Hydro-Québec, Gaz
Métropolitain et les compagnies de pétrole couper les gens les
plus démunis quand ils sont en retard pour le remboursement de leur
facture. Nous, on trouve cela absolument inadmissible. C'est pourquoi nous
réclamons la mise sur pied d'un bureau d'appel expéditif afin que
ces cas extrêmes de non-paiement de factures d'énergie, avec
conséquences humanitaires, sociales et économiques sur la
population, soient entendus.
L'essor économique et industriel du Québec est directement
lié à l'existence d'un approvisionnement
énergétique suffisant, diversifié et concurrentiel pour
ses industries. Le gouvernement du Québec est certainement sensible
à ces conditions. Toutefois, la FTQ entend exprimer ses
préoccupations sur les questions de diversification et des prix de
l'énergie destinée à la pétrochimie.
En regard de notre situation énergétique, le taux de
pénétration visé pour le gaz au Québec nous
paraît réaliste. En regard des développements gaziers
futurs, nous rappelons notre intérêt pour la construction d'une
usine de liquéfaction dans l'Est du Québec et le transport par
méthaniers.
La FTQ met en garde le gouvernement du Québec contre le
déplacement trop rapide du pétrole. Le pétrole compte pour
beaucoup dans le bilan énergétique du Québec. C'est la
clé de voûte du système d'approvisionnement
énergétique industriel et cette situation demeurera encore ainsi
pour de nombreuses années.
La FTQ réclame, en regard des raffineries fonctionnant encore, un
plan de modernisation afin d'y intégrer l'activité de
revalorisation des huiles lourdes. De plus, la FTQ réclame le
démarrage d'entreprises liées au recyclage des huiles
usées. Plusieurs projets de cette nature ont été
formulés et dorment encore sur les tablettes, entre autres le projet
Carmont.
Pour la FTQ, il est primordial de conserver à Montréal et
ses environs la qualité de grand centre moderne de raffinage qui lui est
propre et servir de point d'attraction au secteur de la pétrochimie.
À la fin de 1983, la capacité de raffinage du
pétrole du Québec sera de 347 500 barils-jour. La capacité
était, en 1982, de 607 000 barils-jour. Le Québec a donc perdu,
en un an, quelque 260 000 barils-jour. C'est cela que nous trouvons absolument
inacceptable, c'est-à-dire que nous passerons d'un rôle
d'exportateur de produits pétroliers raffinés à un
rôle d'importateur.
Finalement, nous attirons votre attention sur l'importance de
l'industrie pétrochimique du Québec et sur le retard qu'elle
prend par rapport à l'industrie canadienne. Une industrie qui vivote
aujourd'hui veut dire qu'elle péréclitera demain. Des milliers
d'emplois sont en jeu; on ne peut laisser aller à la dérive cette
industrie qui a une place stratégique au Québec. (10 h 30)
II est utile de rappeler ici que 5% du baril de pétrole brut est
utilisé pour la pétrochimie. Ce petit 5% crée une valeur
ajoutée équivalente à toute l'activité de
l'industrie de la production du pétrole.
Jusqu'à présent, le Québec a exporté de
l'électricité excédentaire; une énergie de surplus
sans engagement ferme à long terme. Le temps est venu de régler
la question de l'exportation de l'énergie de base.
Le territoire québécois recèle une richesse
inestimable en termes de sites et de rivières pour la production
d'électricité de source hydraulique. Cette forme d'énergie
coûte relativement cher, mais elle a l'avantage unique d'être
renouvelable. Une fois construite, la vie d'une centrale est
théoriquement de 50 ans. Hydro-Québec opère encore des
centrales qui ont dépassé cet âge.
Si le gaz et le pétrole doivent continuer, au mieux, à
représenter 50% du bilan énergétique du Québec, il
faut, selon nous, s'engager dans la production d'énergie
électrique de base pour l'exportation afin de réduire ce
déficit énergétique.
II est maintenant connu que le coût de facteur énergie dans
le coût total d'un produit manufacturé en général
est de l'ordre de 6%. Certains ont soutenu que la disponibilité
d'énergie électrique était un facteur de localisation
important pour l'industrie et qu'il fallait, pour attirer l'industrie au
Québec, limiter les exportations d'électricité. Or, cet
argument ne vaut, selon nous, que pour quelques industries comme l'aluminium et
les avantages que l'on peut retirer de l'exportation nous semblent, à
moyen et long terme, bénéfiques pour le Québec.
Au sud du Québec, si on considère le triangle Buffalo,
Boston, Montréal, on relève un potentiel de l'ordre de 30 000 000
d'habitants. Si on considère Buffalo, New York, Montréal, c'est
un potentiel de 50 000 000 d'habitants. C'est tout un marché potentiel
extraordinaire et nous sommes capables de relever le défi de le
servir.
Par ailleurs, quand on examine le mode de production d'énergie
électrique utilisé par les États de la Nouvelle-Angleterre
et de New York, le potentiel remplaçable de centrales de production
électrique mues au mazout et au charbon, responsable des pluies acides,
est équivalent, en 1983, à 33 974 mégawatts, soit environ
10 000 mégawatts de plus que toute la capacité installée
d'Hydro-Québec en 1985, incluant LG 4 et Churchill Falls.
Pour la FTQ, il ne s'agit pas de donner notre énergie aux
États du Nord-Est américain, mais de la leur vendre en retirant
une rente de situation qui est susceptible de financer un fonds
d'investissement industriel.
Les sources nouvelles d'énergie: Bien que déjà
doté d'un potentiel de ressources hydroélectriques renouvelables
et considérables, le Québec doit continuer à se
préoccuper, en priorité, de rechercher et de développer
des énergies nouvelles. À cet égard, nous constatons que
de telles énergies nouvelles ne combleront qu'une très faible
partie des besoins énergétiques du Québec des
années 2000.
La FTQ est de ceux qui, encore aujourd'hui, misent sur le
développement des ressources hydroélectriques du Québec.
Le démantèlement de la Société d'énergie de
la Baie James, la mise en disponibilité de la moitié des
effectifs de la direction et de l'équipement d'Hydro-Québec,
l'aggravation du chômage des travailleurs de la construction par
l'arrêt des travaux de la Baie-James, nous ne pouvons pas l'accepter et
le gouvernement du Québec ne devrait pas pouvoir l'accepter pour les
mêmes raisons; il y a, au-delà de la saine gestion
financière, des défis à relever qu'il ne saurait
être question de repousser indéfiniment.
Le Québec dispose d'une ressource hydroélectrique
très concurrentielle. La détérioration de la position
concurrentielle du nucléaire au cours des dernières années
n'a échappé à personne.
L'ensemble du savoir-faire québécois accumulé dans
la production, le transport, la technologie reliée à
l'utilisation diverse de l'électricité (hydrogène,
accumulateurs, etc.) constitue un acquis important pour le Québec. La
mise en valeur de ce potentiel comprenant une très grande entreprise,
Hydro-Québec, des grandes, petites et moyennes entreprises, des bureaux
d'ingénieurs-conseils, passe par la formulation d'une stratégie
créatrice et innovatrice dans les formes qu'elle devra adopter pour
prendre pied, non seulement au Québec, mais aussi à
l'étranger. Des expériences récentes comme celle de
Pylonex, qui avait réussi à décrocher un important contrat
en Égypte et qui s'est, par la suite, perdu dans les dédales
gouvernementaux, nous ont appris que nous avons encore beaucoup de chemin
à parcourir pour livrer la marchandise.
L'urgence de la relance de la phase II de la Baie-James. La FTQ soumet,
dans ce chapitre, les principaux arguments reliés à la
réalisation immédiate de tous les ouvrages
hydroélectriques pour la production d'énergie de base de la phase
II de la Baie-James prévue maintenant par Hydro-Québec pour 1992,
ainsi que la continuation des travaux mis en chantier à Manic 5 pour une
puissance additionnelle.
On sait que le taux de chômage, au Canada, est passé de
7,6% en 1981 à 10,2% en 1982. On s'attend que le taux de chômage
atteigne les 12% ou 13%, en 1983, bien qu'il y ait eu une légère
diminution dernièrement. Quand on sait aussi qu'au Québec la
situation est encore pire, il faut certainement prendre des décisions
énergiques pour aider les quelque 500 000 chômeurs que nous avons
au Québec.
À moins que des investissements nouveaux et importants ne soient
réalisés au Québec afin de renforcer l'activité
économique et ainsi améliorer véritablement la situation
de l'emploi, les perspectives de croissance à court et à moyen
terme sont très faibles. C'est dans cette optique que nous acceptons le
principe de la vente de feu de notre énergie disponible à
Pechiney qui viendra investir au Québec, avec la SGF, plus de 1 000 000
000 $ étalés sur plusieurs années. En 1981, le PIB du
Québec était estimé à 82 000 000 000 $. Quand on
considère que, pour accroître le PIB de 1% par année, il
faut susciter des activités nouvelles de l'ordre de 820 000 000 $, on
réalise qu'il faudra plusieurs Pechiney pour ramener à un taux
raisonnable le taux de chômage éhonté que nous
connaissons.
Actuellement, les perspectives économiques du Québec,
tenant compte du retardement des projets énergétiques de la
Baie-James, situent la croissance réelle pour toute
cette décennie à moins de 2%. Après trois
années de vaches maigres, 1981, 1982 et 1983, de telles perspectives qui
tiennent compte des gains réalisables dans les industries reliées
aux ressources nouvelles (Pechiney) aux équipements de transport en
commun, à l'avionnerie, à la microélectronique sont
inacceptables pour nous. Nous sommes sûrs que vous partagez ce jugement
parce que le Québec dispose de nombreux atouts tant en ressources
humaines, naturelles, techniques, énergétiques que
financières et que vous ne pouvez pas accepter leur gaspillage de cette
façon.
Ce qui importe pour la FTQ présentement, c'est de relancer
l'économie du Québec par un ensemble de projets à fort
contenu québécois, tels ceux de la construction de la phase II de
la Baie-James et la poursuite des travaux de Manic 5. Le coût de ces
projets en dollars constants de 1983 est respectivement de 3 700 000 000 $ et
de 270 000 000 $. La phase II de la Baie-James se compose de: LG 1 pour 1350
mégawatts, Brisay pour 400 mégawatts et Laforge 1 pour 800
mégawatts, soit un grand total de 2550 mégawatts.
Dans le cas de Manic 5, il s'agit d'un projet déjà mis en
chantier et pour lequel la moitié des dépenses en immobilisations
ont été réalisées, mais Hydro-Québec
s'apprête à fermer le chantier et à reporter sa
réouverture à 1988. Combien va nous coûter une telle
décision pour le moins discutable: le déménagement, dans
les deux sens les entrepreneurs ne laisseront certainement pas tout leur
matériel sur place pour une période de cinq à six ans -
des équipements nécessaires à la finition des travaux,
l'éparpillement d'une main-d'oeuvre hautement spécialisée
et qui a déjà fait ses preuves, sans compter la
détérioration certaine des installations déjà
complétées devant une aussi longue période
d'activité?
Les projets de relancer immédiatement les travaux de construction
de la Baie-James et de Manic 5 n'ont pas que des retombées
économiques dans la construction. Les effets multiplicateurs porteront
des résultats tangibles dans toutes les industries
québécoises: alimentation, transport, équipement,
ressources diverses, etc. Dans le cas de Manic 5, la fermeture de ce chantier
intervient au moment où la Côte-Nord connaît son pire taux
de chômage, un taux record. Il est impensable de ne pas en tenir
compte.
Pour la FTQ, il sera possible d'assurer une plus grande stabilité
de l'emploi avec le devancement de la phase II, la continuation de Manic 5 et
un calendrier de mise en construction des équipements de pointe des
chantiers Delaney avec 2000 mégawatts en 1988, LG 2, puissance
additionnelle, avec 2000 mégawatts en 1990, turbines à gaz avec
1000 mégawatts en 1991, de même que la mise en chantier de
nouveaux équipements de base à Grande-Baleine avec 3000
mégawatts en 1993.
Si on retient dans l'immédiat le ratio des personnes
occupées, établi par Hydro-Québec, de 28 650
heures-personnes par mégawatt installé, entre 30 000 et 35 000
personnes-année seront requises pour la phase II uniquement en ce qui
concerne la construction des ouvrages de ce projet.
Le problème qui se pose maintenant est celui d'accroître la
consommation interne ou les ventes destinées au Québec et
accroître la consommation externe ou les ventes destinées aux
réseaux voisins dans un ordre de grandeur de près de 50 000 000
000 de mégawatts.
Tenant compte d'une augmentation prévisible de la demande de
consommation d'énergie, surtout dans le contexte de la récession
qui tire à sa fin, il nous semble possible que, dès 1983, la
croissance de la demande d'énergie reprendra légèrement et
que, dès 1984, elle pourrait augmenter à un rythme qui se situe
entre 3% et 5%, surtout si on tient compte de l'effet d'entraînement que
susciterait la réalisation du projet de la phase II de la Baie-James.
C'est donc de 40 000 000 000 de kilowattheures qu'il faudra augmenter les
ventes pour rentabiliser une augmentation du programme d'équipement. Il
faut donc prendre des moyens agressifs pour développer son
marché.
Hydro-Québec a déjà mis un léger accent
nouveau sur la commercialisation et la mise en marché de
l'électricité. Évidemment, après avoir
dépensé des millions pour convaincre le monde qu'on était
pour manquer d'électricité, on est un peu timide. On n'ose pas
dire: Dépensez plus d'électricité. On a trouvé un
slogan: "Dépensons mieux nos ressources naturelles." Mais il me semble
qu'on pourrait arrêter d'être timide et y aller carrément.
Il existe des moyens pour augmenter la consommation québécoise
d'électricité de 20 000 000 000 de kilowattheures, tant dans le
domestique que par un programme d'électrification de l'industrie. Ces
estimations ne sont pas les nôtres, mais celles établies par des
sources proches d'Hydro-Québec.
En écoulant agressivement les surplus d'électricité
sur les marchés industriels du Québec avec les technologies
déjà disponibles, entre 12 000 000 000 et 18 000 000 000 de
kilowattheures seraient potentiellement vendables dans les industries qui
commandent une grande puissance.
Hydro-Québec et le gouvernement du Québec devront faire un
effort supplémentaire de mise en marché. Cet effort nous le
demandons pour les travailleurs qui ont consacré plusieurs années
de leur vie à la mise en valeur de nos richesses
hydroélectriques. Nous le demandons aussi parce qu'il faut arrêter
tout de suite
de congédier une main-d'oeuvre aussi spécialisée
qui a fait ses preuves et qui constitue une somme incalculable
d'expériences variées et de connaissances acquises. Ceci est
également vrai en ce qui concerne de nombreux postes permanents
auparavant disponibles à Hydro-Québec: emplois de techniciens, de
bureaux, de métiers, d'ingénieurs, sans compter de nombreux
emplois temporaires et d'emplois d'été pour les étudiants,
et Dieu sait comment nous en avons besoin pour les étudiants.
Nous réalisons que le ralentissement économique que nous
connaissons au Québec a diminué la demande d'énergie
électrique, mais nous sommes convaincus que les augmentations de tarifs
déjà consentis à Hydro-Québec ont eu pour effet de
décourager la consommation d'énergie électrique et de
rétrécir ainsi les revenus d'Hydro-Québec. Pour relancer
la demande d'énergie électrique, la FTQ réclame une baisse
importante des tarifs d'électricité tant pour les individus que
pour les commerces et les industries déjà implantés au
Québec.
En conclusion, M. le Président, dès le début de
notre présentation, nous avons demandé à votre commission
de se pencher de façon particulière sur les tendances lourdes et
significatives de la problématique énergétique
québécoise. Vous avez entendu un grand nombre d'intervenants qui
ont dressé un tableau réaliste des problèmes et des enjeux
énergétiques du Québec. Il vous revient de dégager
les grandes orientations que le Québec doit prendre dans cet important
secteur. Quant à nous, nous sommes de ceux pour qui le secteur
énergétique est un secteur en développement et nous
voulons nous assurer que vous nous avez bien compris.
Il y a d'abord nos ressources hydroélectriques qui restent
à être exploitées. Nous avons tenté de mettre en
valeur toutes les possibilités que nous y avons vues, non seulement en
termes d'énergie, mais aussi en termes d'activités commerciales
et industrielles, des échanges possibles avec nos voisins. Le
Québec a des ressources- hydroélectriques suffisantes pour ses
besoins propres et aussi des ressources qu'il peut exporter compte tenu des
besoins domestiques, commerciaux, industriels et des technologies disponibles
jusqu'à l'an 2000. Le Québec peut aussi développer une
filière électrique. Nous en avons le potentiel. Il faut passer
à l'action.
Ensuite, nous avons spécifié que le réseau gazier
devrait rejoindre toutes les zones industrielles importantes du Québec
et que le rôle du gaz naturel avec un objectif de 17% du bilan
énergétique du Québec nous paraît
réaliste.
En troisième lieu, nous vous avons indiqué des voies
d'avenir pour conserver à
Montréal sa qualité de centre de raffinage de
pétrole et nos préoccupations en ce qui concerne toute la
pétrochimie. Par la modernisation des raffineries encore
opérationnelles, l'introduction de technologies de recyclage des huiles
usées, nous avons fait valoir nos vues sur cette industrie. Nous vous
avons demandé de vous préoccuper de la question de la
dépendance du Québec pour des importations de pétrole
raffiné et d'examiner les possibilités de rouvrir une des
raffineries fermées ou susceptibles de l'être d'ici la fin de
l'année. (10 h 45)
Également, nous avons indiqué nos préoccupations en
ce qui a trait à la question de l'accessibilité à
l'énergie pour les Québécois à faible revenu et des
mesures que nous jugeons pertinentes à leur égard et à la
formation d'un bureau d'appel expéditif pour les cas de facturation en
souffrance afin de faciliter le règlement des litiges entre individus,
commerces, industries et les sociétés distributrices
d'énergie.
En ce qui concerne les énergies nouvelles, nous vous avons
indiqué nos préférences qui portent sur la biomasse, une
énergie renouvelable douce que nous trouvons en abondance au
Québec.
Maintenant, c'est au gouvernement du Québec d'agir,
c'est-à-dire d'amorcer et de mettre en oeuvre une politique
stratégique de l'énergie fondée sur les certitudes et les
possibilités dont dispose le Québec.
Nous avons indiqué qu'il était nécessaire de
remettre à jour la politique de l'énergie, tant du Québec
que d'Ottawa, surtout en fonction des faits nouveaux que nous avons
indiqués, tant du côté de l'offre que du côté
de la demande globale d'énergie.
Avec l'adoption de la loi 4, Québec a déjà
élargi passablement le rôle d'Hydro-Québec; maintenant, il
faut s'assurer véritablement que le navire amiral va entrer dans le vif
de l'action rapidement.
La FTQ a également manifesté qu'elle était
intéressée à continuer le dialogue avec l'industrie et le
gouvernement. Il nous semble approprié de créer à cette
fin un conseil consultatif de l'énergie afin de sortir les acteurs
principaux de l'énergie de leur vase clos.
L'ensemble de ces mesures, quant à nous, constitue une
réponse favorable aux enjeux énergétiques. C'est une
question de cohérence, une affaire d'emplois et une proposition
d'avenir. Reste la question du très court terme soulevé par la
révision du plan d'aménagement d'Hydro-Québec et le report
de projets à l'an 2000.
La FTQ s'oppose catégoriquement à envisager une telle
possibilité. Au moment où le Québec connaît une
vague de chômage sans précédent, historique, en dehors de
la grande dépression des années trente, il n'est pas question
qu'un secteur aussi prometteur
et stratégique du Québec ne relève pas le
défi. Nous avons indiqué et suggéré au gouvernement
des moyens à court terme pour raffermir l'économie du
Québec et aussi les grands objectifs réalisables pour
écouler les surplus d'énergie d'Hydro-Québec. Nous sommes
prêts à travailler avec le gouvernement pour assurer que la phase
II de la Baie-James, avec ses implications sociales et économiques,
devienne une réalité. Le report de la phase II de la Baie-James
est, quant à nous, une trahison, une démission vis-à-vis
des travailleurs de la Baie-James et des défis de notre
société. Il en est de même en ce qui concerne Manic 5 pour
la Côte-Nord.
En terminant, M. le Président, nous souhaitons que votre
commission endosse l'ensemble de nos préoccupations et que le
gouvernement réagisse rapidement dans le sens que nous vous avons
indiqué.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Laberge. M. le
ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Laberge, pour ce que j'oserais appeler un
vigoureux plaidoyer. Je pense devoir le dire sans lancer de fleurs inutiles
à quiconque - je ne connais pas les auteurs de votre
mémoire...
M. Laberge: Pousseriez-vous votre micro une petite affaire?
M. Duhaime: Je ne connais pas les auteurs de votre
mémoire. Je sais que vous y avez mis la main. C'est un mémoire
qui est non seulement vigoureux, mais bien étoffé. Vous allez
comprendre facilement qu'il y a plusieurs questions qui sont posées.
Vous serez sans aucun doute déçu de repartir sans avoir toutes
les réponses, mais le but de cette commission parlementaire consiste
à recevoir le point de vue de tous les intervenants dans le secteur
énergétique.
Il y a un point que j'aimerais clarifier au départ. Vous
évaluez à environ 34 000 mégawatts le marché
éventuel d'exportation aux États-Unis. Je voudrais vous signaler
- si je comprends bien votre texte - que vous avez calculé les
capacités installées à New York et en Nouvelle-Angleterre
qui produisent de l'énergie électrique à partir
d'unités thermiques, qu'elles soient au charbon ou au pétrole. On
ne peut pas conclure de cette constatation que tout ce potentiel
déjà installé aux États-Unis peut être
déplacé et remplacé par des exportations d'énergie
ferme.
Hydro-Québec est venue en commission parlementaire. Cela rejoint
à peu près les chiffres et les scénarios au
ministère de l'Énergie et des Ressources, Nous évaluons
que le créneau ou le marché possible aux États-Unis
à l'heure actuelle est basé non pas sur la possibilité de
remplacer ce qui tourne déjà et qui produit, mais beaucoup plus
sur des investissements qui seraient requis par des utilités publiques
américaines pour remplacer des capacités existantes parce que
vétustes et très coûteuses, qu'elles soient au charbon ou
au pétrole.
L'identification qui a été faite tourne autour de 3000
à 3500 mégawatts dans les années qui viennent, ce qui
pourrait signifier des contrats très intéressants
d'énergie ferme. Nous avons exclu, sur un horizon de quatre ou cinq ans
devant nous, la possibilité de vendre davantage à moins de donner
nos chemises.
Là-dessus, je pense que nous rejoignons la problématique
de votre mémoire qui consiste à dire: si nous avons des surplus
d'énergie hydroélectrique, pourquoi ne pas faire un effort
additionnel de marketing tant sur notre propre marché domestique que sur
le marché externe? Je vous rappelle qu'il y a deux ans, tant à
New York qu'à Boston, nous avons signé les premiers grands
contrats de vente d'énergie excédentaire, qui devraient rapporter
à Hydro-Québec, pour la période de 1984 à 1997, et
1986 à 1997 dans l'autre cas, des revenus de l'ordre de 12 000 000 000 $
en dollars courants. On parle toujours de vente d'énergie
excédentaire.
La question qui se pose aujourd'hui est de voir si les Américains
ne seraient pas intéressés à acheter de l'énergie
ferme de ce côté-ci de la frontière. J'ai eu l'occasion de
dire moi-même aux Américains, et Hydro-Québec le leur a
répété depuis, que bien sûr nous sommes
intéressés à vendre de l'énergie ferme, mais nous
ne sommes pas intéressés à déplacer du Nord vers le
Sud un facteur positif de localisation industrielle. Autrement dit, le frein
qui va consister pour nous une assurance en quelque sorte que l'énergie
vendue ne servira pas à venir contrecarrer notre propre
développement industriel; c'est finalement le prix.
Je peux vous confirmer que des négociations sur deux tables se
poursuivent actuellement tant avec NEEPOOL qu'avec PASNY de New York sur des
contrats de vente d'énergie ferme. Nous en sommes sur la durée,
sur des quantités et sur des prix. Vous allez comprendre facilement avec
moi que nous ne sommes pas intéressés à signer
aveuglément un contrat de longue durée qui porterait sur 15, 20
ou 25 ans. Nous n'avons pas l'intention d'oublier en chemin une
mécanique d'indexation à l'intérieur d'un pareil contrat,
étant entendu au départ que nous tenterons d'obtenir le meilleur
prix pour l'énergie vendue, étant également entendu que
les Américains veulent l'obtenir le plus longtemps possible et pour le
meilleur marché possible.
De vos confrères sont venus ici - je crois que c'est la CSN -
qui, sur le plan du principe, n'étaient pas en mesure de se prononcer.
Ils nous faisaient une mise en
garde, une mise en garde de prudence en disant: II ne faudrait pas que
le parc de production d'Hydro-Québec devienne dans un tel état de
disponibilité ou de surplus de capacité, de manière
qu'Hydro-Québec soit presque condamnée à faire des ventes
de feu aussi bien sur le marché domestique que sur les marchés
extérieurs. Je voudrais vous donner cette assurance: là-dessus,
votre proposition s'inscrit exactement dans la trajectoire que nous avons
retenue, depuis maintenant deux ans et plus, en ce qui est des
négociations avec les Américains.
Est-ce que cela va marcher? J'ai bon espoir qu'en 1984 on puisse signer
un contrat de vente d'énergie ferme. Quand on pense à 2000
mégawatts de vente d'énergie ferme, dans les scénarios de
prix courants, cela veut dire des entrées de fonds dont le prix plancher
serait 1 500 000 000 $ par année et cela peut monter jusqu'à 2
000 000 000 $ et 2 250 000 000 $. Ce sont des montants d'argent
considérables. Il y a un gain à être réalisé
des deux côtés de la frontière et les Américains en
sont conscients.
Il faut bien comprendre que les propriétaires privés d'une
centrale thermique au pétrole ou au charbon ne sont pas prêts
à fermer leurs installations, qui sont payées dans beaucoup de
cas. Elles ont des coûts de fonctionnement qui sont reliés
à l'évolution du prix du pétrole importé, bien
sûr, mais les installations sont payées dans beaucoup de cas et
elles restent intéressantes pour eux sur leur propre marché. Il
ne faut pas penser qu'ils vont fermer leurs installations pour nos beaux yeux.
Il y a une réalité là-dedans, c'est une proposition de
vente de longue durée avec des prix qui font que cela se traduit par un
gain net pour nos voisins du Sud. S'il n'y a pas de gains pour eux, il n'y aura
pas de ventes de notre côté, la référence
étant le prix des énergies importées comme le
pétrole.
Il y a aussi le problème de la pollution dont vous avez
parlé rapidement qui n'est pas aussi populaire à Washington et
aux États-Unis qu'il l'est ici quant aux pluies acides, sauf dans les
États du Nord comme New York, le Vermont ou le Maine. Il faut aussi
comprendre que les Américains, comme nous d'ailleurs, sont beaucoup plus
conscients aujourd'hui - c'en est même devenu un problème que je
qualifierais d'ordre politique de la question du nucléaire. Je pense
qu'il n'y a personne aux États-Unis qui rêve d'avoir un Three Mile
Island dans sa cour. Cette espèce de syndrome, on le constate et on peut
très bien le ressentir au niveau des parlementaires. Alors, on a une
chance de se bâtir un marché, mais je suis plutôt du
côté des pragmatiques. Faisons le premier pas en faisant un bon
contrat de 1500 ou 2000 mégawatts avec PASNY ou avec NEEPOOL; signons-en
un deuxième et ensuite on verra.
Si vous voulez avoir mon avis, au cas où vous seriez enclins
à penser qu'il y a une solution de ce côté, nous lancer
à corps perdu dans une phase II à la Baie-James, et
suréquiper le parc d'Hydro-Québec, cela aurait comme
première conséquence de nous placer dans une situation encore
plus aiguë de surplus de capacité de production, d'augmenter la
dette d'Hydro-Québec. Il faut bien compendre que ce sont les
consommateurs qui paient la dette d'Hydro-Québec. Remarquez que, dans
votre mémoire, vous souhaitez non pas un gel ni même une hausse
faible de la tarification hydroélectrique, mais une diminution.
Il faut concilier tout cela. Si HydroQuébec investit 1 000 000
000 $ demain matin de ses fonds propres, elle mettra 250 000 000 $ sur la table
et elle ira emprunter 750 000 000 $ sur les marchés financiers.
L'intérêt sur la dette se répercute sur la facture
qu'à tous les mois les citoyens et citoyennes du Québec qui sont
branchés sur le circuit d'Hydro-Québec ont à assumer.
Je voudrais vous dire que - remarquez que ce ne sera pas la nouvelle de
la semaine, nous l'avons dit en juin dernier dans le Maine, je crois;
j'accompagnais M. Lévesque à une conférence des premiers
ministres du Québec et des provinces atlantiques et des gouverneurs de
la Nouvelle-Angleterre - c'est à peu près automatique qu'un
contrat d'énergie ferme avec le Sud permettrait très probablement
à Hydro-Québec de peser sur le bouton vert et d'aller de l'avant
sur l'accélération.
Mais il y a un "timing"; pour mes collègues autour de cette
table, cela va apparaître comme étant une
répétition, mais, de grâce, dans ce dossier, n'allons pas
nous placer nous-mêmes dans un marché de vendeurs parce
qu'à ce moment, ce n'est pas nous qui allons contrôler le prix. Si
nous sommes en état de surplus de capacité de production, ou nous
ramasserons le prix qu'on nous offrira ou nous nous condamnerons à faire
du déversement.
C'est ce que je voulais vous dire. Pour ce qui est de Manic 5, puissance
additionnelle, cela a été reporté d'au moins trois ans. On
pourrait retenir votre suggestion et dire: Allons-y. Il y a déjà
des montants d'argent qui sont engagés, remettons les gens à
l'ouvrage sur la Côte-Nord, etc., mais je pense que votre mémoire
nous indique ... Là-dessus, on est d'accord parce que je
soupçonne qu'à l'intérieur de votre organisme, il y a des
gens très bien informés sur les scénarios et sur la
prévision que peut faire Hydro-Québec. On parle de 50 000 000 000
de kilowattheures à l'heure actuelle. (11 heures)
Je voudrais que vous m'expliquiez en vertu de quelle logique nous nous
en irions augmenter la capacité de production actuelle
en tenant compte que, sur le scénario de
pénétration du gaz - votre mémoire nous dit que vous
êtes d'accord, autour de 17% ou 18% - il faut faire une rationalisation
dans le secteur pétrolier. Il faut bien comprendre que la donnée
de fond, c'est que la croissance de la demande globale d'énergie sous
toutes ses formes est à peu près à zéro à
l'heure actuelle et le Québec ne fait pas exception à la
règle nord-américaine. C'est exactement la même chose qui
se produit en Ontario et aux États-Unis, dans les États qui sont
les plus voisins des nôtres. Il y a des conciliations d'objectifs
à être faits. Il m'apparaît qu'il s'est dégagé
de cette commission - plusieurs l'ont dit - que le virage que nous avons pris
en 1978 se fait peut-être trop rapidement. Il y a beaucoup de gens qui
nous disent cela. Mais si cela est vrai et qu'on maintient un objectif de
pénétration de gaz, non seulement on n'ira pas dans le sens de
votre objectif, mais on va aller dans le sens contraire. S'il faut ralentir
l'objectif de déplacement du pétrole importé, cela veut
dire qu'on va mettre un frein à la pénétration du gaz
naturel et à la pénétration de
l'hydroélectricité. Si on met un frein à
Hydro-Québec en particulier, cela veut dire qu'on va ralentir les
investissements. Alors, il y a très certainement une conciliation
d'objectifs à être faite entre, disons, votre mémoire et ce
que nous envisageons dans l'immédiat.
C'est là-dessus que je voudrais vous entendre. Comment
concilie-t-on les différents objectifs qui sont dans votre
mémoire? Si on appliquait tout de suite le mémoire de la FTQ, non
seulement on aurait du gaz naturel en abondance, mais on maintiendrait un
secteur pétrolier actif et on investirait dans
l'hydroélectricité. On va être encore davantage dans une
situation de surabondance et je ne suis pas convaincu que le consommateur, en
particulier l'abonné d'Hydro-Québec, va y faire son compte, parce
que cela va se traduire par des hausses de prix, c'est évident. C'est
là-dessus que je vous laisse, à savoir s'il y a des conciliations
d'objectifs.
M. Laberge: Quand vous me parlez avec une telle assurance, vous
me faites frémir. Il n'y a pas longtemps, en 1981, on était assis
à la même place - pas vous, c'était un autre ministre
à ce moment-là - et on nous disait qu'on allait manquer
d'énergie électrique. Cela ne fait pas longtemps. C'était
en 1981. Dieu sait comment on s'est fourvoyé dans le temps. Qu'est-ce
que vous voulez que je vous dise? C'est un peu de notre faute. Vous n'avez pas
eu le temps, évidemment, d'étudier le mémoire, parce qu'on
a pensé à ces choses-là. C'est bien évident qu'on
n'est pas complètement naïf non plus. On ne veut pas
qu'Hydro-Québec développe d'autres énergies et ait un
surplus tel qu'elle serait obligée de s'en débarrasser, enfin pas
pour ne pas continuer, parce qu'elle n'a pas perdu d'argent encore, mais pour
ne pas commencer à perdre de l'argent.
Mais nous croyons qu'il y a moyen de développer la consommation
de l'électricité, d'abord en donnant une petite chance au
consommateur domestique. C'est bien beau d'attirer des projets comme Pechiney
et nous y avons applaudi. Nous sommes d'accord. Mais il y a peut-être un
tas d'entreprises déjà installées qui, si elles
bénéficiaient d'une telle réduction, seraient aussi
intéressées à prendre de l'expansion et à
créer d'autres emplois, sans parler des consommateurs. Peut-être
que les consommateurs monteraient leur thermostat d'un degré ou deux. Il
y en a qui, par patriotisme, ont dit: Ce n'est pas mon cas; j'étais
bâti pour faire un Esquimau; ce n'est pas moi qui dépense le plus
en chauffage. Mais il reste qu'il y a des consommateurs qui trouvent la note
très élevée et peut-être qu'on pourrait leur donner
un petit coup de main de ce côté-là.
Encore une fois, quel est le prix que nous devons payer pour 500 000
chômeurs? Je vois le gouvernement qui essaie, par toutes sortes de
façons, de créer des emplois. Je vois des centaines de millions
de dollars que le fédéral dépense pour créer des
emplois temporaires: le programme RELAIS, par exemple, quasi des emplois de
misère, 200 $ par semaine pour une période maximale de neuf mois.
Il nous semble que ce que nous devons le plus craindre, c'est la peur. Nous
pensons qu'il faut y aller, que cela relancerait l'économie, que cela
remettrait du monde à l'ouvrage, que cela ferait fonctionner d'autres
entreprises. Des entreprises qui fonctionnent, cela dépense de
l'électricité, du gaz ou autre chose, mais cela dépense de
l'énergie. Il est bien évident qu'il ne faut pas y aller les yeux
fermés, mais nous savons de façon assez pratique qu'il y a des
limites à ce que nos voisins américains soient disposés et
prêts à acheter de l'énergie de surplus. Si on pouvait leur
offrir un programme pour vendre de l'énergie de base, ils seraient sans
doute plus intéressés.
Bien sûr, on ne veut pas exporter une ressource naturelle et
perdre un avantage qu'on a pour attirer des entreprises, mais des entreprises
comme Pechiney, on n'en attirera pas plus de trois ou quatre par année,
je pense. Chaque fois que l'eau coule dans un cours d'eau non
aménagé, ce sont des revenus et de la puissance qu'on n'a pas et
dont on pourrait se servir. Nous demandons donc au gouvernement de
réviser la filière énergétique et nous sommes
convaincus qu'il y a moyen de faire beaucoup mieux que ce que nous faisons
actuellement.
M. Duhaime: Je voudrais vous donner
une assurance, M. Laberge. Vous me dites ce matin: Vous devriez offrir
aux industries des tarifs à la baisse. Cela est fait, cela a
été annoncé au mois de juin. Il y a un nouveau programme
de rabais, une politique d'écoulement des surplus pour la période
de 1983 à 1990: 50% de rabais pour tout le secteur manufacturier, peu
importe le genre d'activités; ensuite, c'est 40%, 20%, 10%
jusqu'à l'horizon du 1er janvier 1990. S'il faut faire davantage, nous
le ferons, mais il faut bien comprendre que le fait d'accorder un rabais sur
une consommation régulière, cela n'a aucune espèce d'effet
d'entraînement dans l'économie, sauf que cela se traduit par un
manque à gagner pour Hydro-Québec. Offrir de l'énergie
hydroélectrique à rabais pour inciter à l'investissement,
au développement et à la création d'emplois, cela
s'inscrit dans une dynamique et c'est ce que nous avons fait.
Le programme des chaudières industrielles a fait monter les
gaziers debout sur leur chaise, c'est bien connu. C'est la même chose
pour le programme de biénergie. Dans ce sens-là, on continuera et
je voudrais vous dire que je suis d'accord - je parle en tant que
député de Saint-Maurice, je n'engagerai pas le gouvernement
là-dessus ce matin - avec la proposition merveilleuse de votre
mémoire. Je pense qu'on a la mécanique qu'il faut pour
concrétiser votre proposition.
Vous dites: Les revenus d'exportation d'énergie
excédentaire ou d'énergie ferme devraient se retrouver dans un
fonds d'investissement industriel. Je dis: Bravo! Les comptables auront
peut-être des problèmes, parce qu'on ne peut pas ventiler les
revenus d'exportation et distraire cela des revenus bruts
d'Hydro-Québec. Ces revenus d'exportation entreront à
Hydro-Québec et c'est par la mécanique de la loi 16,
c'est-à-dire des dividendes qu'Hydro-Québec retourne à ses
actionnaires, que nous pourrions donner suite à votre proposition. Avoir
un fonds de développement ou un fonds d'investissement industriel, je
pense que c'est quelque chose à examiner de très près et,
pour employer votre langage, "à mettre en opération au plus
maudit".
Notre objectif un peu plus global est celui-ci: Les
Québécois paient actuellement chaque année - cela comprend
1983 - pour le pétrole et le gaz que nous importons
d'outre-frontières, 4 800 000 000 $. Les revenus d'exportation sont
autour de 500 000 000 $ ou 550 000 000 $. Si vous y ajoutez les revenus des
contrats déjà signés d'énergie excédentaire
tant avec New York qu'avec NEEPOOL - à partir de 1984, on a des revenus
de New York et, à partir de 1986, on aura des revenus du NEEPOOL - cela
augmente les entrées de fonds. L'objectif est de s'en aller vers une
situation d'équilibre sur la facture énergétique globale
et, si possible, vers un surplus. Je pense qu'on aidera au dollar canadien en
même temps, en attendant d'avoir le nôtre, j'imagine, parce que la
balance commerciale se corrige drôlement quand vous avez des revenus
d'exportation sur 2000 ou 3000 mégawatts d'énergie ferme.
Là-dessus, sur la problématique de fond, je pense que nous
nous rejoignons. Cela va se traduire vraisemblablement aussi, sur une plus
longue période, par une croissance très faible de la tarification
hydroélectrique au Québec. On a l'avantage de ne pas avoir un
grand parc nucléaire. Les Français vont être à 70%
à l'électronucléaire en 1990. Cela coûte moins cher
à produire, un kilowattheure électronucléaire, mais le
coût d'exploitation de ces centrales est beaucoup plus
élevé. C'est la même chose pour les centrales thermiques au
pétrole. L'avantage que le Québec a - c'est un avantage
mondialement reconnu - c'est d'avoir de l'énergie hydroélectrique
encore au meilleur prix sur ce continent. Ce qu'un Québécois paie
100 $ pour son énergie à sa résidence, cela coûte
484 $ pour le même niveau de consommation à New York. S'il y a des
gens qui savent compter à New York, ils vont voir qu'il y a
peut-être des affaires à transiger avec nous rapidement.
Je ne veux pas prendre tout le temps, pas plus de temps qu'il ne faut,
mais je pense qu'on a touché - vous l'évoquez très
largement; vous identifiez cela aux pages 31 et 32 de votre mémoire - le
problème des surplus d'électricité. Je me rends compte que
vous faites aussi preuve de réalisme quand vous dites: "S'il advenait
que la croissance de la consommation d'électricité était
plus faible, les surplus dégagés seraient colossaux. Dans ces
conditions, on peut comprendre les réticences d'Hydro-Québec
à s'engager sur la voie de maintenir les activités de
construction neuve de capacité de production hydroélectrique
additionnelle. D'autant plus que les engagements financiers déjà
contractés grèvent les moyens financiers de la
société d'État." C'est ce que je disais tantôt; on
se rejoint là-dessus. Non seulement concernant les ratios de financement
d'Hydro-Québec sur les emprunts à long terme, la tradition a
toujours été qu'Hydro-Québec autofinance ses
investissements à 25%. On l'a inscrit dans la loi 16. Alors, je prends
mon exemple de tantôt. Chaque milliard de dollars d'investissement
amène 750 000 000 $ d'emprunt et 250 000 000 $ qu'Hydro-Québec
met sur la table à partir de ses propres fonds. Je me rends compte que
votre mémoire y touche également.
Moi aussi, M. Laberge, j'ai connu la période où, avant
d'être en politique, j'entendais la fameuse campagne d'abandon du Cascade
40 pour un Cascade 60 et c'étaient des campagnes de promotion de
vente. Plus tard, cela a été des campagnes
d'économie d'énergie. Sans caricaturer, je pense que ce que vous
avez dit tout à l'heure en faisant référence à la
campagne d'Hydro-Québec, "Consommons mieux l'énergie d'ici", ou
quelque chose comme cela, que le mot "mieux" est important. Convaincre les
Québécois d'économiser ou de ménager
l'électricité, c'est à peu près comme essayer de
faire une campagne pour leur demander d'économiser l'eau. On est dans
une situation d'abondance et dans une tradition d'abondance. Mais tous les
calculs que nous avons faits au ministère et à
Hydro-Québec nous démontrent que cela coûte beaucoup moins
cher d'inciter les consommateurs à faire l'économie d'un
kilowattheure par des programmes d'économie d'énergie, comme
Énergain, comme Énergiebus, dans le secteur industriel et dans le
secteur commercial, que d'investir pour produire un kilowattheure neuf et le
mettre sur le marché. Je pense qu'il y a une conciliation d'objectifs.
Je ne perçois pas de votre mémoire que vous me diriez, ce matin:
On est en surplus; que le diable emporte les économies d'énergie
et allons-y. Ce n'est pas ce que je comprends de votre mémoire, à
moins de faire une erreur d'analyse. Je pense que vous êtes
fondamentalement d'accord avec une problématique d'économie
d'énergie dans le secteur électrique. Est-ce qu'on se rejoint
là-dessus?
Une voix: M. Laberge.
Une voix: Est-ce que c'est terminé, M. le ministre? (11 h
15)
M. Duhaime: Un point seulement sur le secteur pétrolier.
Vous avez manifesté des craintes de voir le Québec devenir
importateur de produits raffinés. C'est aussi la préoccupation
que nous avons, sauf que les chiffres pour l'année en cours - même
en tenant compte que Esso suspend ses activités, ce qui se dégage
de tout ce que j'ai entendu ici depuis le début des travaux de la
commission - et pour l'année 1984, indiquent que nous allons perdre un
avantage très important: celui d'être un exportateur de produits
raffinés. Votre mémoire le souligne très bien. La
rationalisation dans l'Est du Canada, c'est le Québec qui l'a
payée, et Montréal, en particulier. Avec Esso, qui reste un point
d'interrogation pour trois ans, d'après ce que la compagnie nous a dit,
à savoir si elle se remet en route ou non, cela est fondamental. Nous
allons faire porter notre action afin de maintenir notre capacité de
raffinage au Québec, parce que cela est directement relié aux
fameux 5% qu'identifie votre mémoire, c'est-à-dire la
pétrochimie.
Le jour où on va se retrouver dans une situation d'importateur,
le risque est grand que la pétrochimie s'écroule à
Montréal.
Tous ceux qui sont passés ici en commission l'ont dit, de
même que vous. Voici donc la question de fond: Est-ce que le gouvernement
doit s'impliquer dans la distribution, dans le raffinage? Je vous pose la
question carrément, si vous avez eu l'occasion de faire la
réflexion là-dessus: Est-ce que l'intervention du gouvernement
est nécessaire là-dedans de la même manière que
Petro-Canada s'est impliquée au niveau du raffinage, au niveau de la
distribution?
M. Laberge: Vous l'avez déjà fait pour le gaz
naturel. En 1981, vous avez augmenté les tarifs de 17%; M.
Bérubé, ministre du temps, l'a dit carrément: C'est pour
encourager les gens à utiliser le gaz naturel. Cela ne nous scandalise
pas que vous vous impliquiez, non.
M. Duhaime: Dans le sens de prendre des participations, de mettre
sur pied une compagnie qui s'en irait carrément sur les marchés
internationaux acheter le brut, le raffiner et le distribuer. Certains
intervenants ont été très clairs ici. Ils ont dit: Le
gouvernement devrait y aller et cela presse. D'autres ont dit: Ne touchez pas
à cela. Je pense que mes collègues de l'autre côté
de la table vont aussi vous donner leur point de vue là-dessus, mais la
FTQ, est-ce que sa position là-dedans, c'est: Allez-y? Faites un
investissement dans le secteur pétrolier. Ou bien si vous nous
suggérez d'attendre et de laisser les multinationales se battre avec
Petrocan.
M. Laberge: Vous allez trouver cela dans le mémoire,
d'ailleurs. On parle de la possibilité pour SOQUIP de s'impliquer
directement. Il n'y a pas d'hésitation de notre part.
M. Duhaime: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. Laberge, c'est un mémoire très
intéressant qui reflète certainement le cri du coeur de la base
syndicale, je dirais même de beaucoup de Québécois,
à savoir: écoutez, le problème énergétique,
c'est bien beau, mais ce qu'on veut, ce sont des jobs, des emplois et un
développement économique qui nous assure une continuité
d'emploi pour ceux qui en ont encore un. C'est dans ce sens que je disais que
votre mémoire est le reflet de la base et des citoyens du Québec
pour quiconque fait le tour du Québec présentement. Je pense que
votre mémoire reflète certainement ce désir d'être
plus dynamique et de vouloir développer l'économie à tout
prix. Là-dessus, vous avez des chiffres très précis. Vous
parlez de l'exportation de
possiblement 40 000 000 000 de kilowattheures, ce qui fait en gros 6000
mégawatts avec une centrale qui fonctionnera à peu près
à 80% du temps, ce qui est une bonne moyenne.
Quant à nous, vous le savez, enfin, je vais le redire ici, nous
avons dit qu'il fallait être plus dynamique justement pour
développer les marchés d'exportation, en premier lieu. Le
ministre vous a dit que, quant à lui, il ne considérait pas
l'ensemble de toutes les centrales qui pourraient être
déplacées, mais simplement les nouvelles qui pourraient
être construites. Mais même là, Hydro-Québec nous a
dit en commission parlementaire qu'il y avait une possibilité d'environ
8000 à 9000 mégawatts qui pourraient être
déplacés. Ici même, lorsque ses porte-parole sont venus, je
leur ai posé des questions sur les possibilités d'atteindre ce
marché de 8000 à 9000 mégawatts, et un objectif de 6000
s'inscrirait à l'intérieur de cette possibilité. Je me dis
d'accord, quant à moi, avec la page 34: il faut prendre des moyens
agressifs pour développer ce marché. Et quant à nous, ce
que nous croyons, c'est qu'Hydro-Québec fait certains efforts. Il est
évident que, pour atteindre un haut pourcentage de ce qui est possible
aux États-Unis, cela prendrait également une agressivité
dans la vente qui vienne des autorités politiques. Autrement dit, le
problème auquel on fait face aux États-Unis, lorsqu'on veut
vendre notre électricité, ce n'est pas uniquement un
problème d'ingénieurs, à savoir est-ce que vous croyez que
le réseau d'Hydro-Québec est assez stable, ou est-ce que vous
avez l'assurance que notre énergie est bon marché? Je pense bien
qu'on peut très certainement convaincre les autorités ou les
ingénieurs américains, ou les autorités des compagnies
d'utilité publique qu'il y a un bon marché à faire.
Autrement dit, quant à nous, nous ne croyons pas que le
problème concerne uniquement la rationalisation du problème en
disant: Écoutez, il y a des avantages pour vous, il y a des avantages
pour nous. Il y a d'autres problèmes. Ce sont des problèmes
politiques aux États-Unis. Quels sont-ils? Il y a tout le lobby du
charbon qui voudrait bien vendre du charbon aux États-Unis. Il y a aussi
un lobby de vos collègues travailleurs qui disent: Écoutez, on
préfère qu'on construise des centrales au charbon ici parce que
cela nous crée de l'emploi. Ce que j'essaie de dire, c'est que, quant
à nous, nous croyons qu'en plus du problème technique ou
commercial, qui peut être très bien résolu par
Hydro-Québec, il y a une autre donnée du problème qui est
une donnée politique et qui exigerait une plus grande implication de
certains membres du gouvernement et, au premier chef, je pense bien, du
ministre de l'Énergie et des Ressources. Comme de raison, le ministre a
des problèmes avec les terres et forêts de ce temps-là. Il
est obligé de se partager entre les problèmes des terres et
forêts, des mines et de l'énergie.
C'est ce que nous pensons lorsqu'on dit d'utiliser des moyens agressifs.
Autrement dit, l'implication ne viendrait pas uniquement d'Hydro-Québec.
D'ailleurs, nous avons voté pour la loi 4, qui lui permet d'être
beaucoup plus agressive lorsque vient le temps de faire son marketing au Canada
ou aux États-Unis. Également, il faudrait un marketing plus
agressif de la part des autorités politiques, justement pour contrer les
lobbies qui impliquent des données politiques aux États-Unis. Je
ne sais pas ce que vous avez derrière la tête quand vous dites: II
faut prendre des moyens agressifs pour développer le marché,
celui des États-Unis en particulier, mais je voulais juste vous faire
part de notre point de vue là-dessus. J'ose espérer que cela
répond à que vous aviez en tête ou peut-être aux
implications que vous aviez de ce côté.
M. Laberge: Nous sommes bien convaincus qu'au point de vue
technique, s'il y a des problèmes, ils ne sont pas insurmontables. Je
pense qu'on est assez avancé dans ce domaine et, comme vous le dites,
les experts américains aussi. Je pense bien qu'il y a moyen de trouver
des solutions à ces problèmes. Bien sûr, il peut y avoir un
problème politique et c'est de cela que nous parlons. Cette commission
va refléter, nous l'espérons, avec le résultat de ses
travaux, un engagement politique; pas juste un engagement
d'Hydro-Québec, mais un engagement politique dans le sens que nous
préconisons. C'est bien évident.
M. Fortier: Le ministre faisait allusion au mémoire de la
CSN. La CSN, il est vrai, a mis davantage l'accent sur la
nécessité de développer le secteur manufacturier au
Québec même. Je pense bien qu'il faut développer les deux.
Je crois que, de ce côté, Hydro-Québec semble s'orienter
dans la bonne direction en mettant l'accent sur la recherche et le
développement, l'innovation qui va peut-être créer de
nouvelles entreprises utilisant l'électricité. Mais il reste que
tout l'ensemble des investissements manufacturiers qui, comme vous dites, ne
dépendent pas de l'électricité en particulier, parce que
la consommation électrique n'est pas significative... Des entreprises
additionnées les unes aux autres, c'est ce qui crée de
l'emploi, c'est ce qui crée le développement économique.
Et là, je pense bien, on dépasse peut-être un peu les
données de cette commission parlementaire en disant: Qu'est-ce qu'on
pourrait bien faire au Québec pour créer, pour amener un plus
grand nombre d'investissements dans le domaine de la fabrication en
particulier qui
est là et qui crée le plus d'emplois?
On en a discuté à d'autres moments. Cela touche la
taxation. Cela touche les différents problèmes. Vous touchez
également à la pétrochimie qui dépend dans une
certaine mesure des raffineries. Les raffineurs nous ont dit qu'ils avaient de
la difficulté à comprendre, entre autres choses, pourquoi il y
avait eu une taxe spéciale sur les raffineurs qui ajoute à leurs
coûts de production. Toutes choses étant égales par
ailleurs, si la taxe sur la raffinerie crée un
déséquilibre par rapport à des coûts de production
dans d'autres provinces, cela peut influencer en leur faveur. Mais les chiffres
-je suis d'accord avec le ministre là-dessus -que nous avons eus
jusqu'à maintenant semblent prouver que, pour l'instant, la production
de produits raffinés au Québec est en équilibre avec la
demande. Malheureusement, il y a différents facteurs qui ont
provoqué une chute de la consommation de pétrole au Québec
et ceci a amené la fermeture de certaines raffineries.
Là où je rejoins ce que vous nous dites - cela devient une
question de priorité, je l'ai dit à d'autres moments et je vois
que vous recoupez certaines des préoccupations que nous avons eues
lorsque d'autres mémoires ont été présentés
- c'est qu'il faut à tout prix non seulement garder les raffineries
nécessaires pour répondre à notre demande - je pense que
c'est un acquis et notre formation politique est d'accord là-dessus -
mais il faut en garder également un minimum dans le domaine du
pétrole pour conserver des usines pétrochimiques. Quant à
moi - c'est une des conclusions à laquelle j'arrive à la fin,
parce que c'est la dernière journée que nous avons des auditions
- je crois qu'une des choses qui doit être faite par le ministère,
c'est de regarder d'une façon bien consciencieuse si l'objectif que nous
avions de déplacer le pétrole à tout prix ne devrait pas
être tempéré par la nécessité qu'il y a de
garder au Québec des usines pétrochimiques, ou Pétromont
en particulier.
À ce moment, on pourrait peut-être en arriver à la
conclusion que cette politique de déplacement du pétrole à
tout prix devrait être tempérée pour garder un minimum de
capacité dans le domaine du raffinage pour pouvoir conserver
Pétromont et notre pétrochimie. Si on regardait cela de plus
près, je crois qu'on tempérerait peut-être l'objectif qui
avait été mis d'avant par M. Joron, alors sous l'impact des
pénuries de pétrole, de ce qui était prédit
à ce moment comme étant un cataclysme à peu près
universel, c'est-à-dire qu'on aurait un manque de pétrole. Mais
les experts sont venus nous dire ici que la possibilité que nous
manquions de pétrole au Québec, même s'il est
importé, n'est pas tellement grande. Je ne parle pas de manquer de
pétrole pour une semaine ou dix jours - à ce moment-là, le
pétrole de l'Ouest américain pourrait venir à notre
rescousse -mais de manquer de pétrole s'il y avait un cataclysme
mondial, une guerre au Moyen-Orient, etc. Les experts nous ont dit:
L'importation qui est faite au Québec n'est pas si considérable
qu'on doive être traumatisé au point de dire: II faut
déplacer à tout prix jusqu'à temps qu'on n'utilise plus
une seule goutte de pétrole au Québec.
Dans ce sens, je crois que ce que vous dites, c'est qu'il faudrait
préserver cela. En conclusion - je me demandais si vos experts y avaient
pensé - dans quelle mesure faudrait-il remettre en question la politique
qui était alors pensée? Je pense bien qu'on n'est pas ici pour
critiquer ce que les gens ont fait en 1978. Ce qui a été fait en
1978 a été fait pour de nobles objectifs, et on est ici pour
regarder ce qui doit être fait en 1983. Compte tenu de cette situation,
est-ce que vous seriez d'accord avec cette conclusion qui, à mon avis,
s'impose, c'est-à-dire qu'il faudrait garder une activité
pétrolière minimale de façon à conserver une
pétrochimie qui soit en bonne santé au Québec?
M. Laberge: Quand vous aurez eu l'occasion de lire tout le
mémoire - c'est notre faute, je le répète, nous n'avons pu
l'envoyer à l'avance à personne, pas plus au ministre qu'aux
autres - vous allez voir que c'est dit très clairement que nous sommes
d'accord avec cela. Comme vous l'avez si bien dit, nos capacités de
raffinage actuelles peuvent répondre aux besoins actuels. Mais il est
bien évident qu'avec une reprise économique au Québec et
peut-être en rendant le pétrole un peu plus accessible à la
population - parce que les deux ont eu un effet assez sensible, sans aucun
doute - alors nos capacités de raffinage ne seraient pas
adéquates. Il est aussi évident que nous sommes bien convaincus
qu'il faut absolument préserver au Québec une capacité de
raffinage pour protéger notre industrie pétrochimique qui
crée plusieurs emplois. (11 h 30)
M. Fortier: Oui, car il y a eu un comité
fédéral pour réexaminer la politique
énergétique nationale pour - je l'espère et je pense qu'on
l'espère tous autour de la table - modifier la politique
énergétique nationale qui ferait que le pétrole canadien
disponible pour des besoins de pétrochimie serait vendu à un prix
moindre que celui qui est vendu pour le raffinage. Alors, ce serait une action
et, ayant moi-même proposé une motion qui a été
acceptée à l'unanimité à l'Assemblée
nationale, ayant proposé que l'Assemblée nationale demande au
gouvernement fédéral d'intervenir, je pense qu'on est d'accord
là-dessus. Cela, c'est une action du côté
fédéral. Et je pense que l'action qui s'impose du
côté du gouvernement provincial, c'est
justement de réexaminer très attentivement la masse
critique qu'il nous faut du côté du pétrole pour
préserver une quantité minimale de raffineries.
Maintenant, vous dites: Si la demande augmente... On nous a donné
certaines assurances de ce côté-là. Ultramar nous a dit
avec beaucoup de détails qu'avec certaines modifications additionnelles,
elle pourrait augmenter sa capacité encore un peu plus. Esso nous a dit
que, dans les circonstances, durant deux ou trois années, elle pourrait
encore repartir ses raffineries si c'était le cas. Et c'est la raison
pour laquelle, quant à nous, nous ne voyons pas, excepté une
intervention de l'État pour s'assurer que le bilan
énergétique ne s'oriente pas dans une direction trop grande pour
déplacer le pétrole à tout prix... Je crois que là,
il y a une intervention du gouvernement provincial. Par ailleurs, notre
formation politique ne croit pas que l'État doive intervenir pour
s'impliquer dans l'achat, l'utilisation ou la distribution du pétrole.
Nous croyons qu'un marché existe et qu'il doit se continuer.
Mais là où nous sommes d'accord, c'est qu'il nous faut
préserver cette masse critique du côté pétrolier et
ceci peut demander un réexamen de la politique énergétique
qui est présentement proposée, ou qui a été
proposée en 1978 par le ministre Joron, dans les circonstances que nous
connaissons.
La question que j'aimerais vous poser, le ministre y a fait allusion un
peu... Je pense bien que notre formation politique, comme je vous l'ai dit, est
d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut à tout prix être
hydroélectrique. D'ailleurs, sans entrer dans le débat que nous
aurons en fin de semaine, comme vous le savez, celui qui sera très
probablement notre chef politique à partir de lundi prochain est
très orienté et très sensible à ce genre
d'argumentation. Mais, indépendamment de cela, je crois que,
étant très sensible aux besoins de créer de l'emploi, cela
touche une corde à laquelle nous sommes très sensibles.
Personnellement, j'ai de la difficulté à accepter l'argumentation
du ministre qui se refuse même à se fixer un objectif de vendre
6000 à 7000 mégawatts. Tout le monde sait, pour avoir
été dans le secteur privé et ailleurs, que c'est seulement
lorsqu'on se fixe des objectifs très élevés qu'on
réussit à atteindre une partie de ces objectifs. Et quand un
vendeur se fixe à lui-même un objectif très bas, les
possibilités qu'il le dépasse se révèlent
extrêmement minimes. J'ai de la difficulté à comprendre
pourquoi on ne veut pas se fixer un objectif élevé alors que les
gens nous disent: Écoutez, vendre 2000 mégawatts, c'est bien,
mais, si vous vendiez 6000 ou 7000 mégawatts, ce serait encore mieux.
Pourquoi ne pas se fixer cet objectif et mettre tout en marche pour aspirer
à réaliser cet objectif, cette création d'emplois pour les
travailleurs du Québec?
On est d'accord pour dire hydroélectricité, oui, parce que
c'est la matière première que nous avons au Québec. Et, si
vous avez lu les notes liminaires que j'ai adressées à cette
commission, c'est justement ce que je disais moi-même: Je crois qu'au
Québec on se doit d'être hydroélectrique. De ce point de
vue, cela rejoint beaucoup des aspirations que vous avez notées dans
votre mémoire.
La deuxième chose, pour des raisons de créations d'emplois
et de développement industriel, il faut également créer un
secteur pétrolier et pétrochimique minimal qu'il faut
définir. Peut-être que la capacité actuelle
résiduelle est suffisante, mais je crois qu'il faudrait l'examiner plus
attentivement, que les experts du ministère devraient la regarder plus
attentivement. Par ailleurs, nous aussi nous sommes d'accord pour dire qu'il
faut également avoir la pénétration du gaz. Vous
dîtes également la même chose. Je vous pose la même
question. Si on est d'accord pour dire qu'il faut absolument être
hydroélectrique, que, par ailleurs, il nous faut une capacité
minimale sur le plan des raffineries de pétrole parce que cela a un
impact très important sur le secteur de la pétrochimie qui est un
secteur créateur d'emplois et que tous les gens impliqués dans la
création d'emplois, ceux qui sont responsables des parcs industriels
dans les différentes villes et les différents villages du
Québec disent qu'il leur faut également du gaz, voici la question
que je vous pose, parce que cela devient une question politique: S'il nous faut
faire un choix, à ce moment-là, de quel côté
devons-nous le faire? Vous avez établi comme première
priorité l'hydroélectricité. C'est ce que j'ai lu dans
votre mémoire. Vous êtes d'accord, je crois, avec un secteur
minimal pour le pétrole et on constate qu'il y a eu diminution de ce
côté-là. Est-ce que l'ajustement, s'il faut le faire,
devrait se faire aux dépens du pétrole ou aux dépens du
gaz?
M. Laberge: Vous allez retrouver cela aux pages 16 et 17 de notre
mémoire. "La FTQ met en garde le gouvernement du Québec contre le
déplacement trop rapide du pétrole. Le pétrole compte pour
beaucoup dans le bilan énergétique du Québec; c'est la
clé de voûte du système d'approvisionnement
énergétique industriel et cette situation demeurera encore ainsi
pour de nombreuses années. "La FTQ réclame, en regard des
raffineries encore en opération, un plan de modernisation afin d'y
intégrer l'activité de revalorisation des huiles lourdes. La FTQ
réclame le démarrage d'entreprises liées au recyclage des
huiles usées. Plusieurs projets
de cette nature ont été formulés. II est primordial
de conserver, à Montréal et ses environs, la qualité de
grand centre moderne de raffinage qui lui est propre et servir de point
d'attraction au secteur de la pétrochimie." Comme vous le voyez...
M. Fortier: Comme vous le dites, non seulement vous êtes en
faveur de garder un secteur minimal...
M. Laberge: Absolument.
M. Fortier: ...mais il faudrait même créer des
incitations pour que ces raffineries soient modernisées et à la
fine pointe du progrès. Est-ce que je conclus de ce que vous venez de
dire que vous êtes hydroélectriques, que vous êtes d'accord
avec un secteur pétrolier minimal et que, s'il y a un ajustement
à faire, d'après vous, il faut le faire avec le gaz?
M. Laberge: Aucune hésitation.
M. Fortier: D'accord. Il y a une autre chose qui répond
à une des demandes que nous avions faites. Je vous dis mon accord
là-dessus, il n'y a pas beaucoup de difficultés. À la page
39, lorsque vous parlez d'un bureau d'appel expéditif pour ceux qui ont
des difficultés de paiement dans le secteur de
l'électricité, en particulier, vous touchez une corde sensible
parce que j'ai organisé des débats, ce qu'on appelle les
débats du vendredi ici même à l'Assemblée nationale,
demandant la création d'un poste d'ombudsman ou d'un bureau d'appel
expéditif. À mon avis, cela s'impose. Je crois qu'il faudrait, si
nécessaire, modifier la Loi sur l'Hydro-Québec pour justement
protéger les petits consommateurs qui ne peuvent se faire entendre. Je
voulais simplement vous dire mon accord sur cette demande. Quant à nous,
cela fera partie dorénavant de notre programme politique, le cas
échéant.
C'étaient les principaux points, M. Laberge, puisque vous avez
touché l'ensemble du dossier énergétique en ce qui
concerne le bilan global. Je vous dis mon accord avec beaucoup des propositions
que vous avez faites. Cela nous fera plaisir d'en discuter plus longuement
lorsque nous aurons d'autres occasions de nous rencontrer.
M. Laberge: Nous sommes, évidemment, à la
disposition de tous les membres de la commission.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le ministre.
M. Duhaime: J'aurais une autre question. Je suis bien content de
la réponse que vous venez de fournir en nous référant
à la page 16. Lorsque je vous ai posé la question tout à
l'heure, je me référais à la page 17 du mémoire, au
premier paragraphe. Là, vous abordez la question d'une intervention dans
le secteur. Je vais reprendre. Vous venez de vous référer
à la page 17 de votre mémoire, cela est très clair, au
premier paragraphe. Vous avez des chiffres: 347 500 barils-jour pour 1983.
C'est un peu en bas des niveaux qui ont été estimés.
J'imagine que la même erreur statistique s'est peut-être faite
à SOQUIP, en sous-estimant la capacité de raffinage d'Ultramar,
à la suite de son projet de modernisation. De la même
façon, on a retrouvé chez Gulf 6500 barils-jour, lorsque ces gens
sont venus nous rencontrer. Donc, il y a un ajustement d'à peu
près 45 500 barils-jour de capacité pour l'année 1983. On
parle de l'horizon de 1985 et, selon les scénarios des diverses
compagnies, la moyenne se situe autour de 345 000 à 350 000 barils-jour,
mais on parle de 1985 parce que le marché est en
décroissance.
Tantôt, je n'ai pas posé ma question inutilement, M.
Laberge. Si vous allez à la page 17 de votre mémoire, à la
fin du paragraphe, on lit: Quels sont les effets d'un tel revirement de
situation et quels effets additionnels auront-ils sur le secteur de la
pétrochimie? Y a-t-il une place et un avenir pour la réouverture
d'une usine de raffinage à Montréal et, si oui, pourquoi SOQUIP
n'en serait-elle pas l'acquéreur ou le gestionnaire? C'est sous forme
interrogative, mais je comprends de votre réponse à ma question
de tout à l'heure que, s'il fallait aller jusqu'à l'intervention
de SOQUIP dans le secteur du raffinage et de la distribution, nous aurions
l'accord de la FTQ.
M. Laberge: Oui.
M. Duhaime: Maintenant, je voudrais réagir aux derniers
propos du député d'Outremont qui disait - cela me paraît
être l'état de ses réflexions - qu'il faudrait, à la
suite des travaux de notre commission, ralentir l'effort de déplacement
du pétrole importé. Je rappelle les scénarios: en 1975,
nous dépendions du pétrole importé pour 67% de nos besoins
énergétiques. Nous étions hydroélectriques à
22%, autour de 5% ou 6% en gaz naturel. Ce qui a été fixé
en 1978 comme objectif, cela ne fait pas tellement longtemps, cela fait cinq
ans. Il y a beaucoup de bouleversements sur le marché international du
pétrole, les prix en particulier, mais l'objectif est de faire qu'en
1990, nous soyons à 41% hydroélectriques pour satisfaire nos
besoins, 16% en gaz et autour de 40% en pétrole. C'est l'objectif actuel
de la politique énergétique. À l'horizon de l'an deux
mille, nous souhaitons que le Québec puisse satisfaire ses besoins
en énergie pour 50% en hydroélectricité, autour de
18% ou 19% en gaz naturel et, pour le pétrole, environ 32% ou 33%; les
variantes sont là.
Si je suis la logique du député d'Outremont qui consiste
à ralentir l'effort de déplacement, cela veut dire que nous
allons maintenir la part de marché du pétrole importé
beaucoup plus grande que ce que nous avons prévu dans nos
scénarios. Si le gaz naturel fait sa pénétration sur le
marché, il est bien évident que cela va se traduire, dans cette
logique, par un ralentissement des investissements d'Hydro-Québec. Alors
que, de mon point de vue, si vous voulez avoir mon avis très clair
là-dessus, non seulement on doit maintenir l'objectif de déplacer
le pétrole, mais je pense qu'il faudrait qu'on l'accélère
davantage. Au lieu de souhaiter être à 41% hydroélectrique
en 1990, si on l'est avant tant mieux; Et si on est à 50%
hydroélectrique avant l'an deux mille, tant mieux; Et si on peut aller
au-delà de 50%, tant mieux!
Le problème, c'est qu'il faut faire des choix. Il faut en
profiter, c'est la dernière journée qu'on a nos amis avec nous
à cette table. Quand les gens du gaz se présentent, le Parti
libéral souhaite que le gaz naturel pénètre; quand le
secteur pétrolier est ici pour déposer des mémoires, le
Parti libéral souhaite que le secteur pétrolier soit
présent et reste le plus longtemps possible sur le marché; quand
c'est Hydro-Québec...
M. Fortier: Cela ne doit pas être à la même
commission parlementaire certain.
M. Duhaime: ...il demande qu'elle maintienne ses niveaux
d'investissements, etc. On ne peut pas tout avoir en même temps. La
politique énergétique implique que nous fassions des choix. Les
choix, nous les avons faits. Je le répète ce matin. Si nous
pouvions déplacer plus vite le pétrole importé, on irait
rejoindre la première demande du mémoire de la FTQ qui
consisterait, après 1985, à maintenir le niveau d'investissement.
De notre discussion de ce matin, il ne faudrait pas que personne comprenne
qu'Hydro-Québec a cessé d'investir. Durant les années
1983, 1984 et 1985 - j'avais l'occasion de le rappeler récemment - de
mémoire, je pense que c'est 7 400 000 000 $ qui seront investis par
Hydro-Québec. Si on ajoute les investissements dans le secteur gazier
pour 1983, 1984 et 1985, si on ajoute durant ces trois mêmes
années les investissements qui seront faits dans la modernisation - je
pense à Ultramar, environ 240 000 000 $; Gulf nous annonce une bonne
décision pour bientôt dans la modernisation; Petro-Canada fait
aussi des investissements à Montréal - sur les trois
années que nous vivons, 1983, 1984 et 1985, c'est un niveau
d'investissement sans précédent dans le secteur de
l'énergie. (11 h 45)
Mais le problème, c'est qu'il faut qu'on fasse des choix.
À moins qu'on ne dise que, comme société, on sera en
surabondance en gaz, en surabondance en pétrole et en surabondance en
hydroélectricité. Mais, si on fait un effort de suivi dans les
objectifs, je ne sais pas si vous êtes d'accord avec la position du
ministère de l'Énergie et des Ressources et d'Hydro-Québec
là-dessus, il faut qu'on accélère le déplacement du
pétrole. En accélérant le déplacement du
pétrole et en privilégiant la pénétration de
l'hydroélectricité, c'est automatique que cela entraînera
des investissements par HydroQuébec et, au lieu de parler de report de
projets, on parlera de devancement. Si la FTQ me dit ce matin: II faut
maintenir un secteur pétrolier, qu'on soit d'accord pour dire qu'il faut
que la capacité de raffinage installée au Québec
réponde aux besoins en produits raffinés du Québec, on est
parfaitement d'accord là-dessus. Mais si on me demande de ralentir le
déplacement, c'est-à-dire qu'on va maintenir la part de
marché actuel du pétrole au détriment de
l'électricité et du gaz... Le Parti libéral, vous savez,
n'est pas à une contradiction près dans le dossier de
l'énergie.
Alors, j'aimerais savoir de la FTQ si vous êtes fondamentalement
d'accord avec le premier des objectifs de la politique
énergétique qui est de déplacer le pétrole
importé avec les scénarios qu'on a mis sur la table. La marge
d'erreur est là, on en convient. On travaille sur 1990. 41%
hydroélectrique en 1990, 50% hydroélectrique, en l'an deux mille,
16% à 18% en gaz naturel, c'est à peu près le tiers de nos
besoins en pétrole à l'horizon de l'an deux mille.
Êtes-vous fondamentalement d'accord avec cette trajectoire?
M. Laberge: M. le ministre, vous vous souviendrez qu'en 1978,
nous avons endossé le programme énergétique du
Québec de déplacer graduellement le pétrole et de faire
une certaine place au gaz. Il est bien évident que, pour nous, notre
premier choix, c'est l'hydroélectricité. Mais du gaz, on ne peut
pas en exporter aux États-Unis. Alors, si on déplace trop vite le
pétrole, cela veut dire que nos capacités actuelles en
hydroélectricité ne pourraient pas être suffisantes pour
pouvoir exporter de l'électricité, parce que apparemment il y a
un marché pour cela. On ne rêve pas en couleur non plus et on sait
qu'il y a des problèmes, bien sûr. Comme vous le dites si bien, il
est bien évident qu'aux États-Unis, ils ne sont pas prêts
à fermer leurs usines vétustes qui nous polluent pour nous faire
plaisir, mais il y a peut-être des pressions à mettre, par
exemple. Il y a un prix à payer pour la
pollution qu'ils nous envoient. Cela ne peut pas continuer
indéfiniment. C'est ce qu'on dit, on met en garde le gouvernement contre
le déplacement trop rapide du pétrole. On ne dit pas: Renversons
la vapeur et importons du pétrole en quantité comme on en
importait avant. Ce n'est pas ce que l'on dit, mais on dit qu'il faut quand
même un minimum de capacité de raffinage au Québec pour
l'industrie pétrochimique qui est extrêmement importante aussi
pour le Québec. Si on ne fait pas cela, on sera obligé d'aller
chercher nos produits en pétrochimie en Ontario, si cela continue. C'est
ce que l'on dit. Votre choix n'est pas si difficile que cela dans le fond.
Quand vous allez regarder cela, on demande qu'il y ait un équilibre;
mais, encore une fois, en déplaçant le pétrole trop vite,
on met en danger notre industrie pétrochimique et on se coupe d'une
possibilité d'exporter à peu près le seul produit qu'on
peut exporter aux États-Unis, c'est-à-dire
l'hydroélectricité.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Le ministre m'a mis en cause. Il faut que je corrige
certaines déclarations...
M. Laberge: Remarquez que je ne me suis pas mêlé
de...
M. Fortier: M. Laberge, je vous ai toujours connu comme un fin
politique, mais, comme le ministre est avocat, il n'est pas ingénieur.
Je sais qu'il a de la difficulté avec les équations a trois
inconnues, mais c'est vrai qu'il y a trois inconnues dans l'équation.
Tout le monde sait que, si on favorise l'électricité et qu'on
maintient le pétrole, c'est le gaz qui va en manger un coup. Mais le
ministre n'a pas l'air à vouloir en conclure ainsi. Je disais que c'est
une hypothèse qu'il faut considérer très
sérieusement pour les raisons... Je ne veux pas vous inclure dans notre
débat politique, mais je vous ai dit que, quant à moi, il faut
regarder cela très sérieusement, parce que je crois que les
données de 1978, à la lumière de ce qu'on connaît
maintenant, deviennent périmées. D'ailleurs, c'est pourquoi on a
une commission parlementaire: c'est pour examiner s'il faut continuer dans la
même lancée, constater les effets néfastes que la politique
de 1978 a pu créer et s'ajuster en conséquence. C'est tout ce que
j'ai dit. D'ailleurs, pour être bien juste, M. le ministre, vous auriez
dû dire également que, lorsque Gaz Inter-Cité est venue
ici, j'ai posé des questions très nombreuses sur sa chance de
rentabilité, vu la situation que l'on vient de décrire. Pour Gaz
Métropolitain, que l'on va entendre aujourd'hui, je suis moins
pessimiste parce que c'est une compagnie installée depuis plusieurs
années. Mais je crois qu'il est important, si on doit faire des choix
gouverner c'est choisir, je suis d'accord avec cela; le but de la commission
parlementaire est de permettre aux dirigeants de faire des choix - je crois
qu'il faudrait faire des choix à la lumière de ce que les
intervenants ont pu nous dire. Si vous avez vu des contradictions dans nos
propos, probablement que vous avez mal écouté parce que, quant a
nous, je crois que nous avons toujours été très logiques
dans la façon dont nous avons abordé le problème.
M. le Président, je crois que c'est tout ce que j'avais à
dire. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le député de Vimont.
M. Laberge: M. le Président, juste un petit mot...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Laberge.
M. Laberge: Nous parlons, dans notre mémoire, d'aider le
ministre, le gouvernement, l'Opposition et tous les gens qui ont des
responsabilités à prendre dans le dossier, en disant: Pourquoi ne
mettez-vous pas sur pied un conseil consultatif sur le programme
énergétique du Québec? On pourrait, ensemble, discuter,
changer, réviser au fur et à mesure. On ne dénonce pas la
politique de 1978; on l'a endossée. Il y a eu des prévisions un
peu erronées en 1981; c'était la grande panique. S'il y avait ce
conseil consultatif, cela pourrait aider le ministre. Le ministre pourrait au
moins consulter les gens et leur dire: Écoutez, on a un dilemme, voici
la situation. Il est bien évident qu'avec un conseil consultatif d'une
telle ampleur, d'une telle magnitude, il y aurait des informations qui
pourraient lui être données qui sont assez difficiles à
donner ici en commission parlementaire.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Laberge: Excusez-moi, M. Rodrigue.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Pourquoi, M. Laberge? De toute façon, mon
tour est arrivé. Je vais vous remercier à mon tour pour votre
contribution très substantielle aux travaux de la commission. Je pense
que, pour avoir l'occasion de discuter de temps à autre avec des gens
d'Hydro-Québec ou, d'autres secteurs d'activités reliés au
domaine énergétique, cela reflète assez bien les
préoccupations des travailleurs qui oeuvrent dans ces
secteurs-là.
Lorsqu'on parle du marché américain, bien sûr, on
est tenté... Il y a des gens qui, actuellement, se promènent dans
le décor au Québec et qui ont tout intérêt à
essayer de faire miroiter des objectifs difficilement accessibles, et qui
ressemblent peut-être aux 100 000 emplois qu'on a déjà
connus à l'époque. Effectivement, lorsqu'on parle d'un objectif
de 8000 mégawatts d'usines nouvelles à remplacer aux Etats-Unis,
il faut bien comprendre que les Américains ont révisé
leurs projections également. Lorsque Hydro-Québec a comparu
devant cette commission la semaine dernière, j'ai posé la
question aux représentants et ils m'ont indiqué qu'effectivement
il n'y a pas 8000 mégawatts d'usines nouvelles projetées d'ici
quatre ou cinq ans aux États-Unis, mais tout au plus 2500. Cela est de
nature à jeter un éclairage un peu différent sur les
chiffres qui sont lancés un peu à tort et à travers par
des gens qui, à mon sens, prennent une attitude un peu dangereuse et
irresponsable; car cela va simplement jeter de la poudre aux yeux des
Québécois; cela va faire miroiter des possibilités
d'emploi là où il n'y en a pas. Je pense que le réveil
risque d'être brutal lorsque les Québécois
réaliseront que ce qu'on leur fait miroiter, ce sont tout simplement des
ballons à saveur purement politique et que les Américains ne sont
pas acheteurs de ces blocs d'énergie, comme on tente de le
prétendre.
Il est évident que, lorsqu'une usine est installée,
même si c'est une usine qui utilise du pétrole, une fois qu'une
entreprise a absorbé les coûts de construction et d'installation
de l'usine et qu'il lui reste seulement à payer les coûts de
l'énergie pour la faire fonctionner, cela coûte beaucoup moins
cher que l'énergie qu'on peut leur vendre. C'est avant que les
Américains construisent des usines qu'il faut négocier avec eux
pour les convaincre que l'énergie qu'on peut leur offrir coûtera
moins cher que celle qu'ils obtiendraient par des usines nouvelles. Je fais une
exception. Il y a un certain nombre d'usines vétustes qui devront de
toute façon être remplacées parce que ce sont de
très vieilles usines et nous sommes capables de vendre de
l'énergie - l'énergie excédentaire que nous vendons
actuellement -à des prix qui sont inférieurs au coût de
production de ces usines.
Dans l'ensemble, si on veut envisager des ventes d'énergie ferme
aux Américains, c'est surtout dans l'optique de leur fournir de
l'énergie qu'ils seraient obligés de produire par des usines
nouvelles. Le potentiel chez les Américains - disons qu'ils avaient fait
des prévisions dans le temps, leurs prévisions ont subi le
même sort que les nôtres - alors qu'en 1979 ou 1980 ils parlaient
de 8000 mégawatts, aujourd'hui, ils ne parlent plus de 8000
mégawatts. Le chiffre qu'Hydro-Québec nous a fourni en
réponse à une question que j'ai posée la semaine
dernière est de l'ordre de 2500 mégawatts à court terme.
Ce qui explique d'ailleurs qu'Hydro-Québec travaille sur ce bloc
d'énergie, 2500 à 3000 mégawatts, et c'est ce qu'elle nous
a dit la semaine dernière.
En parlant des prévisions, je voudrais vous rappeler que,
même si les prévisionnistes se sont trompés, on peut au
moins accorder le mérite aux prévisionnistes du ministère
de l'Énergie et des Ressources qui ont travaillé à la
préparation du livre blanc de M. Joron, en 1978, de s'être
trompés moins que les autres et en particulier de s'être
trompés moins qu'Hydro-Québec. Les prévisions du
ministère sont celles qui se sont rapprochées le plus de la
réalité. Alors qu'Hydro-Québec parlait de 6% ou 7%
d'augmentation, les prévisions du ministère étaient de
l'ordre de 3% ou 4%. Finalement, ce sont les prévisions du
ministère qui ont collé davantage à la
réalité que celles qu'Hydro-Québec nous avait
présentées ici.
D'ailleurs, là-dessus, je voudrais reprendre une affirmation qu'a
faite le député d'Outremont tout à l'heure.
HydroQuébec n'a jamais dit devant cette commission, comme il vient de
l'affirmer, qu'il y avait un potentiel de 8000 à 9000 mégawatts
qui pourraient être déplacés sur le marché
américain. J'ai posé la question à ses porte-parole et ils
n'ont jamais dit cela. Ce qu'ils ont dit, c'est qu'il y avait un potentiel de
l'ordre de 2500 à 3000 mégawatts. On pourra relever la
transcription des travaux de cette commission et on pourra le constater.
Maintenant, lorsque Hydro-Québec s'est présentée
devant cette commission et qu'elle nous a dit qu'elle était
obligée, à cause de la récession économique, de
réviser ses prévisions à la baisse d'une façon
radicale, ce qu'on a demandé à Hydro-Québec - et ce que le
ministre avait demandé à HydroQuébec antérieurement
- c'est: Organisez-vous pour que les investissements que vous voulez faire dans
d'autres domaines d'activités soient accélérés de
façon à remplacer les investissements que vous ne ferez plus sur
les grands barrages. HydroQuébec a accepté de se plier à
cette demande de sorte qu'au cours des trois prochaines années, le
niveau d'investissement d'Hydro-Québec dans des immobilisations va
être de l'ordre 2 500 000 000 $ en moyenne. Ce qui correspond à
peu près au niveau d'immobilisations des bonnes années qu'on a
connues sur les aménagements de la Baie-James.
Le "problème" cependant est le suivant: les emplois qui vont
être créés par ces investissements qui vont concerner la
réfection et l'amélioration du réseau de distribution
d'Hydro-Québec et qui vont se
répartir dans toutes les régions du Québec, cela va
se faire en partie dans la construction pour les monteurs de lignes, mais cela
va se faire beaucoup aussi dans le domaine de la fabrication des
équipements électriques, que ce soient des transformateurs, des
disjoncteurs, des sectionneurs, des fils. Il faut améliorer le
réseau d'Hydro-Québec. Les gens d'Hydro-Québec nous ont
dit, à la suite des demandes qu'ils ont eues concernant leur programme
de bouilloires industrielles, que, dans certaines régions du
Québec - pas toutes - ils ont été obligés de mettre
la pédale douce parce que leur réseau de distribution, qu'ils
avaient prévu réviser d'ici sept, huit ou neuf ans, n'avait pas
la capacité de supporter des charges excédentaires trop fortes et
qu'ils risquaient, s'ils en mettaient trop, de faire sauter les fusibles,
à toutes fins utiles. (12 heures)
Hydro-Québec a accepté notre demande
d'accélérer ces investissements de façon qu'au cours des
trois prochaines années les immobilisations d'Hydro-Québec vont
être du même ordre, en termes de coûts, que pendant les
bonnes années de la Baie-James. Ce ne sont peut-être pas les
pointes qu'on a connues à la Baie-James, mais enfin c'est une bonne
moyenne. Cependant, ces emplois sont déplacés. Il va en rester
dans le domaine de la construction, mais il y en a qui vont aller dans la
fabrication d'équipements électriques. On a demandé aux
gens d'Hydro-Québec et ils nous ont assuré -et ce dossier reste
à suivre - que la fabrication des équipements électriques
va se faire au Québec dans toute la mesure du possible,
c'est-à-dire qu'ils vont maintenir leur politique d'achat d'injecter
massivement ces montants d'argent dans l'économie du Québec.
M. Laberge: Améliorer leur politique d'achat
peut-être.
M. Rodrigue: Bien, disons qu'ils étaient
déjà rendus à 80%. Évidemment, si on peut se rendre
à 90%...
M. Laberge: II y a encore de la marge.
M. Rodrigue: ...nous serons absolument d'accord parce qu'on est
aussi conscient que vous que le gros problème au Québec
actuellement, c'est le niveau de l'emploi. D'ailleurs, toute l'activité
du gouvernement est concentrée là-dessus présentement.
Maintenant, vous avez amené des suggestions très
pertinentes lors du sommet économique. Il y en a une de celles-là
qui a pris forme et c'est Corvée-habitation qui connaît le
succès que l'on sait. Cependant, pour atténuer l'effet dans le
domaine de la construction du fait qu'Hydro-Québec a
déplacé des investissements, Corvée- habitation vient
soulager une partie des travailleurs qui ont perdu des emplois à la
Baie-James et qui viennent travailler dans le domaine de la construction. Mais
il y aurait peut-être possibilité - j'ai fait la suggestion; en
tout cas, j'ai demandé que ce soit examiné à
l'intérieur du gouvernement et, comme vous êtes également
impliqué dans Corvée-habitation, peut-être pourriez-vous
vérifier de votre côté avec les gens qui gravitent autour
de Corvée-habitation - de prolonger le programme
Corvée-habitation de façon qu'on puisse l'appliquer non seulement
aux résidences, mais également qu'on puisse y aller aussi pour
les équipements touristiques entre autres parce qu'il y a des
régions du Québec qui sont faibles en termes d'équipements
touristiques, mais qui ont un potentiel touristique très
élevé. Je pense à la Gaspésie entre autres
où des hôtels, des motels, pourraient être construits pour
accueillir les visiteurs du Québec. Possiblement que ce serait un volet
qu'on pourrait ajouter à Corvée-habitation qui permettrait de
hausser le niveau d'emploi dans la construction. Enfin, vous pourrez voir de
votre côté. J'ai demandé que ce soit examiné
à l'intérieur du gouvernement.
Disons que ce sont des mesures comme celle-là finalement qui vont
peut-être nous permettre de faire le pont entre la phase I de la
Baie-James où on a connu un développement tout à fait
intensif pendant une période de temps et la phase II qui devrait
démarrer dans quatre ou cinq ans, à moins... Là-dessus, le
gouvernement travaille et Hydro-Québec aussi, mais, quand on veut signer
des contrats d'exportation, on a beau avoir la volonté d'en vendre, il
faut qu'il y ait des acheteurs. Les contacts se maintiennent et se sont
intensifiés depuis une année. Mais si on était capable,
par des modèles comme Corvée-habitation qui fonctionnent, de
prolonger le programme et peut-être aussi de voir d'autres aspects
où on pourrait relancer ou accélérer davantage les travaux
de construction au Québec, cela nous permettrait, pour les travailleurs
de la construction, de faire le pont entre la phase I et la phase II de la
Baie-James qui, de toute façon, va se réaliser un jour ou
l'autre. La question qui se pose n'est pas de savoir si cela va se
réaliser ou non, c'est quand.
Dans votre mémoire, vous avez parlé du nucléaire.
Vous savez que le nucléaire n'est pas notre option. Là-dessus, je
pense qu'il n'y a pas d'équivoque dans la politique du gouvernement:
c'est de réaliser des aménagements hydroélectriques pour
la simple et bonne raison que le nucléaire coûte plus cher que
l'hydroélectrique et qu'en plus, c'est moins fiable. Quand vous
installez du nucléaire, vous être obligés de
suréquiper parce qu'à un moment donné, si vous avez une
panne dans du nucléaire, cela peut durer
trois mois, six mois et parfois un an.
M. Laberge: On a parlé du nucléaire pour dire que
ce n'était pas bon.
M. Rodrigue: Alors, on est d'accord là-dessus. Je voudrais
tout simplement vous demander de vérifier un chiffre que vous avez
soulevé parce que mes chiffres ne correspondent pas avec les
vôtres, mais c'est une question peut-être à concilier. Je
sais que les coûts du nucléaire ont été
réévalués récemment. Quand vous parlez de 23 000
mégawatts hydroélectriques qui coûteraient moins cher que
le nucléaire, mes chiffres étaient plutôt de l'ordre de 15
000 mégawatts. Enfin, on pourrait peut-être vérifier cela
auprès d'Hydro-Québec. De toute façon, il est
évident qu'il reste un potentiel hydroélectrique
aménageable à des prix concurrentiels avec le nucléaire
qui est tel au Québec qu'on pourrait doubler notre capacité avec
de l'hydroélectrique. C'est dans cette ligne qu'on va continuer d'aller.
Là-dessus, il n'y a aucun doute quant aux intentions du
gouvernement.
En ce qui concerne les pluies acides, vous en avez glissé un mot
tout à l'heure en disant: II faut remplacer les centrales au charbon ou
enfin on pourrait remplacer les centrales au pétrole. D'abord, il y a
une bonne partie des pluies acides du Québec qui viennent du Midwest
américain et de l'Ontario parce que les vents dominants de ce
côté-ci viennent de l'Ouest et du Nord-Ouest. Dans la
Nouvelle-Angleterre, ils ont le même problème que nous finalement.
Eux aussi se plaignent des pluies acides. Je voulais tout simplement vous dire
que, de ce côté, cela fait au moins deux ans que le premier
ministre a soulevé ce problème des pluies acides, à
l'occasion de rencontres avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre, et que
Marcel Léger, à l'époque où il était
ministre, et le nouveau ministre de l'Environnement, M. Ouellette, ont
continué à travailler avec les Américains pour
sensibiliser le gouvernement américain aux problèmes que cela
cause ici. Évidemment, nous ne sommes pas sans savoir que, s'ils
transforment leurs centrales au pétrole ou au charbon, nous pouvons
avoir des retombées intéressantes. Alors, ces efforts ne sont pas
tout à fait désintéressés, mais il y a le facteur
fondamental qui est celui de maintenir une qualité de l'environnement
acceptable.
Or, il y a environ trois mois, le gouvernement central américain,
pour la première fois, parce qu'il y a eu des pressions, des contacts et
des discussions avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre, qui ont le
même problème que nous, qui sont convaincus, eux aussi, que c'est
un problème... Les gens de New York et de la Nouvelle-Angleterre ont
fait des pressions sur le gouvernement central américain et, pour la
première fois, il y a trois mois, le gouvernement central
américain a déclaré qu'il y avait un problème de
pluies acides et il a mis sur pied des comités d'étude pour
apporter des correctifs à ce problème. C'est à la suite
des efforts conjugués du Québec, de l'Ontario et des États
de la Nouvelle-Angleterre et de New York en particulier, plus des gens de la
Californie que j'ai eu l'occasion de rencontrer à un moment donné
et qui m'ont fait part du fait qu'ils avaient des problèmes semblables,
qui sont en train de porter leurs fruits, actuellement, du côté
américain. J'espère qu'on sera en mesure de vous donner des
nouvelles positives là-dessus dans des délais raisonnables.
Pour ce qui est de l'accroissement ou de l'accélération
des ventes d'Hydro-Québec, il y a les deux volets qu'Hydro-Québec
nous a expliqués: il y a le développement du marché
externe - on en a parlé abondamment - et il y a le développement
du marché interne. Là, on rejoint un peu toute la
problématique que vient d'exposer le ministre. Il est évident
que, dans la mesure où on développe davantage le marché
interne, on va déplacer autre chose. Par ailleurs, est-ce qu'on ne peut
pas conclure, dès le moment présent, que le développement
hydroélectrique ou encore la pénétration du gaz telle
qu'on la connaît actuellement, avec les retombées
économiques que cela entraîne dans le domaine de la construction,
cela a des effets d'entraînement, des effets créateurs d'emplois
qui, compte tenu des capitaux investis, sont beaucoup plus importants que la
création d'emplois qu'on peut espérer dans le domaine des
hydrocarbures ou, du moins, dans le domaine du raffinage des hydrocarbures?
Si tel est le cas, est-ce qu'il n'y a pas lieu, effectivement, de
maintenir la politique qui avait été énoncée en
1978 et de l'accélérer tout en prenant la précaution de
conserver, au Québec, les capacités de raffinage suffisantes pour
notre marché et surtout de protéger la pétrochimie? La
pétrochimie, contrairement à l'aspect du raffinage, est
créatrice d'emplois à cause de ce qui se passe en aval des usines
pétrochimiques. Par contre, le domaine du raffinage comme tel ne
crée pas beaucoup d'emplois, compte tenu des capitaux investis. Si on
veut que nos capitaux rapportent le plus possible, finalement, c'est surtout
dans le développement de l'électricité et dans la
pénétration du gaz, où il se fait des investissements
massifs et où il s'est créé beaucoup d'emplois au cours
des dernières années, que devraient tendre nos efforts, à
mon sens.
M. Laberge: M. le Président, je vais essayer de faire le
tour. Cela m'aurait tenté, chaque fois qu'il mentionnait un des
dossiers... La pénétration du gaz, nous nous sommes
prononcés pour parce que, pour l'industrie québécoise qui
peut se servir du gaz naturel, l'approvisionnement abondant et tout le reste,
cela peut nous aider à demeurer concurrentiels. Pour la création
d'emplois, la pénétration du gaz, c'est négligeable:
quelques centaines d'emplois dans l'industrie de la construction, c'est
à peu près tout. Bien sûr, les salaires sont
alléchants, mais ce n'est pas énorme au point de vue de la
création d'emplois.
Vous avez aussi parlé de la pétrochimie. Dans ce
sens-là, je pense que vous nous avez rejoints, sur le tard de vos
remarques. C'est ce qu'on dit. Il faut s'assurer qu'on a un minimum de
raffinage pour combler nos besoins d'abord et, deuxièmement, qu'on a une
industrie pétrochimique qui va pouvoir se garder à la fine
pointe.
Quant à Corvée-habitation, je laisserai tantôt
Jean-Paul Rivard, le directeur de la FTQ-Construction, vous en parler. Nous
sommes bien heureux d'avoir été à l'origine de cette
idée de Corvée-habitation qui a certainement aidé et nous
sommes prêts à faire notre part dans la création d'emplois.
Nous lançons le fonds de solidarité précisément
pour essayer de créer des emplois. Nous sommes fort conscients des
investissements d'Hydro-Québec pour les trois prochaines années
dans le domaine de la distribution. Soit dit en passant, son réseau ne
fait pas que défaut pour certaines usines, il fait ' défaut aussi
dans le domiciliaire, parce qu'il y a plusieurs coins au Québec qui se
sont développés et il est bien évident que le
réseau d'Hydro-Québec se doit d'être modernisé pour
répondre à cette nouvelle demande additionnelle. Nous en sommes
fort conscients et, encore une fois, améliorer le réseau de
distribution, il faut que cela se fasse et nous sommes d'accord.
Mais cela ne nous aidera pas à exporter une richesse
énorme que nous avons. Nous sommes d'accord, il faut que le
réseau de distribution d'Hydro-Québec soit modernisé, nous
sommes conscients des investissements qu'Hydro-Québec fera durant les
trois prochaines années, mais cela ne nous aidera pas à exporter
de l'électricité.
Vous nous disiez que les besoins estimés pour les nouvelles
entreprises aux États-Unis pour les cinq prochaines années seront
de 2500 à 3000 mégawatts et que, par conséquent, on n'a
peut-être pas un besoin immédiat de commencer à
aménager les autres cours d'eau que nous avons. Savez-vous combien cela
prend de temps avant qu'une décision soit prise pour se rendre à
la production de 3000 mégawatts?
M. Rodrigue: J'en suis très conscient, parce que je
faisais des études.
M. Laberge: Justement, vous êtes bien placé pour
cela. Alors, que nous prenions la décision aujourd'hui ou demain de
mettre en oeuvre la phase II de la Baie-James, on ne sera pas prêt trop
tôt pour les 2500 ou 3000 mégawatts dont les États-Unis
auront besoin, nous dites-vous. Qui sait, si le comité d'étude du
président Reagan - il faut qu'il se dépêche, par exemple,
s'il veut faire son rapport en temps utile - en arrive à la conclusion
qu'il faut absolument prendre des mesures draconiennes pour empêcher les
pluies acides, ce seront de nouveaux besoins que nous aurons. C'est pour cela
que nous disons que la décision doit être prise maintenant, parce
que mettre sur pied des installations pour produire 8000 mégawatts, cela
prend bien des années. Combien de temps la réalisation de la
Baie-James a-t-elle pris jusqu'à maintenant? Quatorze ans.
M. Rodrigue: Disons qu'une centrale hydroélectrique, de la
décision d'aller en appel d'offres et de faire les plans et devis
à la mise en service des premiers groupes, c'est une affaire qui joue,
selon la grosseur de la centrale et la complexité, entre huit et douze
ans.
M. Laberge: Huit et douze ans, et voilà! Les 8000
mégawatts ne seront pas prêts tous en même temps. C'est pour
cela que nous parlions d'une politique vraiment énergique du
gouvernement pour vendre de l'électricité, parce que chaque litre
qu'on laisse couler, parce qu'il y a trop d'eau dans les bassins, coûte
cher aussi. Probablement qu'on pourrait réduire le taux
d'électricité des consommateurs ordinaires; ce n'est pas
créateur d'emplois, mais cela aide en grand l'hiver. Jean-Paul,
veux-tu...
M. Rodrigue: Seulement une petite chose. Les 2500
mégawatts dont vous parlez, il est évident qu'avec les surplus
qu'on connaît présentement, on pourrait les fournir tout de suite,
nous n'aurions pas de problème là-dessus. On me dit entre 1987 et
1995 dans le mémoire. On pourrait les fournir pratiquement tout de suite
si on signait un contrat; cela prendrait deux ans pour mettre en place les
installations de transmission aux Américains. On pourrait les fournir,
parce qu'on a des surplus. Cependant, ce que cela aurait comme effet, ce serait
que, au lieu d'attendre à l'an 1988 ou 1990 pour mettre une autre
centrale en construction pour satisfaire nos besoins futurs, y compris ceux
d'exportation, on pourrait devancer cela possiblement à 1985, et ce
serait l'effet de la vente d'un bloc de 2500 mégawatts aux
Américains. Alors, demain matin, nous n'aurions pas à lancer la
construction d'un autre projet si on ne vend que cela, mais, par ailleurs, on
pourrait le leur fournir à même nos surplus actuels et devancer
de
trois ou quatre ans la construction des usines prévues vers 1988
ou 1990.
M. Laberge: II y a une autre chose qu'il ne faut pas oublier.
Vous avez dit aussi - je l'ai remarqué - que, de toute façon, la
phase II de la Baie-James devra être faite.
M. Rodrigue: Cela est sûr.
M. Laberge: II s'agit de savoir quand.
M. Rodrigue: Exact. (12 h 15)
M. Laberge: Pourrais-je vous suggérer que, si vous
décidez de la faire dans quinze ans, elle va coûter passablement
plus cher que si on décidait de la faire maintenant? Pourrais-je vous
suggérer qu'en attendant, cette équipe de spécialistes,
qui a devancé tout l'échéancier pour le projet de la
Baie-James, sera éparpillée dans les quatre coins du
Québec et possiblement en dehors, et que cela nous a coûté
très cher pour former une équipe aussi efficace? Bien sûr,
les gens de métier auront leur métier quand même, mais
travailler en équipe, c'est très différent. Et cela va
coûter cher au Québec. C'est un peu ce qu'on disait pour Manic 5.
Le Québec a déjà investi des sommes très
importantes dans le projet de Manic 5, pour augmenter sa puissance. Ces travaux
qui vont dormir pendant cinq ou six ans - enfin, on parle de cinq ans, de 1988
- il n'y a aucun doute dans mon esprit que cela va coûter très
cher au Québec. Cela va coûter très cher, encore une fois,
le déménagement de l'équipement, l'éparpillement de
cette équipe qui a fait une "job" qui est reconnue, la
détérioration qui va certainement se mettre de la partie, avec le
climat qu'on connaît au Québec, surtout dans ce coin-là.
Pour des travaux qui seraient arrêtés pendant cinq ans, quelle
sera la nature de la détérioration dans cinq ans? Peut-être
qu'Hydro-Québec pourrait nous le prédire.
M. Rodrigue: Pour conclure sur cet aspect de la question, il est
évident que des efforts se font actuellement d'une façon
très intensive, autant à Hydro-Québec qu'au gouvernement,
pour vendre de l'énergie ferme aux Américains. Le ministre l'a
souligné d'ailleurs lorsqu'il est allé signer le contrat de
NEEPOOL à Boston. Il a fait des ouvertures à ce moment-là.
Il y avait déjà eu des approches de faites auparavant. Je ne
voudrais pas que mes propos vous laissent croire qu'effectivement on a perdu la
foi dans ces hypothèses. Au contraire, on espère être en
mesure de conclure des contrats avec les Américains pour au moins leur
vendre un bloc d'énergie ferme de cet ordre-là, ce qui nous
permettrait de relancer nos travaux plus rapidement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Excusez-moi, c'est parce qu'on est dans le sujet de
l'exportation. Le député de Vimont m'a mis en cause en disant que
j'induisais la commission en erreur. Comme je ne voudrais pas passer pour ce
que je ne suis pas, j'aimerais simplement citer le journal des Débats,
page B-5416, du 10 juin 1983, quand j'ai posé la question à M.
Bourbeau, président du conseil d'Hydro-Québec. Je cite sa
réponse, c'est très bref: "On regarde le marché
américain et celui-ci qu'on peut desservir; on s'aperçoit qu'il y
a un marché qui se situerait à environ 8000 mégawatts.
Évidemment, c'est le marché total. On est en train de regarder,
on discute, on rencontre les Américains et on a des discussions. On
regarde la possibilité de faire des ventes fermes qui pourraient se
situer entre 1000 et 2000 mégawatts." Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): M. Rivard.
M. Rivard (Jean-Paul): M. le Président, concernant
l'intervention du député de Vimont en ce qui a trait aux
équipements touristiques de certaines régions, au début de
Corvée-habitation, la FTQ-Construction se serait opposée à
de telles demandes. Aujourd'hui, il est évident que l'affluence dans
certaines régions touristiques est en étroite relation avec la
saison d'été, et certainement que les propriétaires des
équipements touristiques n'ont pas le financement nécessaire pour
assurer aux touristes que ces équipements satisfont à toutes
leurs exigences. Alors, nous sommes d'accord, au moment où nous vous
parlons, avec l'extension du programme Corvée-habitation à autre
chose que la construction résidentielle. Et cela pourrait inclure
nécessairement les équipements touristiques.
Ce que nous sommes disposés à faire en ce moment, et
rapidement, c'est nous assurer que le programme est étendu à la
rénovation domiciliaire. C'est extrêmement important. On croit
qu'à peu près 25% de la construction, au moment où on se
parle, se passe dans la rénovation domiciliaire et que la plus grande
partie de ce travail se fait sous la table. Il est fait par des artisans, des
braconniers, ceux que j'ai toujours appelé les fraudeurs du fisc, des
gens à qui cela rapporte à peu près 7000 $ de revenu par
année et qui continuent, avec la grosse voiture, la grosse maison,
à travailler continuellement sous la table dans la construction. Cela
constitue une économie invisible que des économistes plus
qualifiés que moi évaluent à 20% de toute
l'économie dans la société. Nous, on l'évalue
à plus de 30% de l'activité dans la construction.
II ne faut pas croire non plus que Corvée-habitation a tout
réglé ou a fourni tellement de travail qu'il faudrait applaudir
à tout rompre. Corvée-habitation a tout simplement
empêché l'année 1983 d'être une catastrophe pour la
construction. Il y a encore à l'heure actuelle, selon nos
relevés, 47 500 chômeurs dans la construction. Qu'il suffise de
penser que plus de 25 000 travailleurs sur un total de 94 000 n'ont pas
travaillé 300 heures entre le 1er août 1982 et le 31 juillet 1983.
Ce qui ne leur donne même pas le droit de vote dans la campagne de
maraudage ou la campagne d'adhésion syndicale en cours actuellement. Une
telle chose ne s'est presque jamais vue depuis 1967, qui avait
été une année très creuse. Je crois qu'il faut y
remédier en prolongeant cela dans la rénovation domiciliaire. En
s'assurant que des critères très rigides quant à la
déclaration des heures travaillées sont mis en vigueur, nous
allons pouvoir avoir cette économie sur la table alors qu'elle est
invisible.
Le 17 mars dernier, nous avons proposé au gouvernement des
amendements à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction qui auraient fait en sorte que ce travail invisible serait en
grande partie, sinon totalement discontinué. Le gouvernement a
été un peu timide et n'a pas du tout pris nos demandes en
considération. Cependant, il a eu le courage de le faire en ce qui
concerne Corvée-habitation en amendant la loi 82 et en adoptant de
nouveaux décrets qui interdisaient ce genre de travail et rendaient
l'entrepreneur passible d'une amende de 2000 $ à 4000 $ pour toute
infraction. Cela fait plusieurs fois que nous le demandons, cela fait plusieurs
années que nous crions après les artisans. C'est un mot
très noble, mais qui, dans la construction, équivaut tout
simplement à des fraudeurs. Il est à peu près temps que le
gouvernement fasse quelque chose et qu'il nous écoute dans un
désir sincère d'en arriver à la fin de tout ce travail
invisible.
Le Président (M. Gagnon): M. Laberge.
M. Laberge: Me permettriez-vous deux mots? La phase II de la
Baie-James, 30 000 emplois. Corvée-habitation, d'après le
ministre Tardif, 17 000 emplois. On vient de trouver des jobs aux 47 000
chômeurs de la construction.
M. Rodrigue: 17 000 sont déjà là. Les 47
000, c'est en plus des 17 000, si je comprends bien.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Chapleau.
M. Rodrigue: L'addition arrivait bien, par exemple.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: M. le Président, une de vos
préoccupations concerne l'accessibilité à l'énergie
pour les Québécois à faible revenu. Vous mentionnez dans
votre mémoire que vous êtes contre la pratique courante, à
savoir qu'un abonné qui ne paie pas sa facture
d'électricité en soit privé. Vous mentionnez des mesures
que vous jugez pertinentes à son égard. Je me demande ce que vous
visez. Est-ce que ce serait plutôt un tarif réduit ou si vous
allez jusqu'à dire que - vous êtes contre le fait de couper
l'électricité - une personne à faible revenu ne paierait
pas sa facture d'électricité? Cela veut dire
qu'Hydro-Québec continuerait de fournir l'électricité.
Jusqu'à quel point? Voulez-vous dire que cela devrait être gratuit
pour des personnes à faible revenu? Est-ce un bien essentiel au point
que vous dites qu'elle devrait être fournie gratuitement par
Hydro-Québec pour des personnes dans une situation semblable?
Jusqu'où iriez-vous dans vos suggestions en ce domaine?
M. Laberge: Aussi loin qu'il faut aller du point de vue
humanitaire. Vous, messieurs de l'Assemblée nationale, quand il y a eu
des crises de travail à Hydro-Québec, avez jugé que
c'était un service essentiel. Mais comment pouvez-vous ne pas juger le
même service essentiel lorsque c'est quelqu'un qui est trop pauvre parce
qu'il est en chômage et qu'il ne paie pas son compte? Cela me
dépasse. Est-ce qu'on devrait demander à Hydro-Québec de
fournir l'électricité gratuitement? On n'est pas allé
jusque-là dans notre mémoire. Mais il pourrait peut-être y
avoir des tarifs spéciaux pour les personnes âgées, pour
les gens les plus démunis. Voilà ce qu'on dit.
M. Kehoe: Mais avez-vous fait des démarches auprès
d'Hydro-Québec? Quand vous parlez de la formation d'un bureau d'appel
expéditif pour les factures en souffrance, avez-vous fait des
démarches concrètes auprès d'Hydro-Québec ou
auprès du ministre? Pour aller plus loin dans votre préoccupation
dans ce domaine, où sont rendues vos suggestions? Est-ce seulement des
suggestions à ce stade-ci?
M. Laberge: Pas encore. Nous n'avons pas fait de
démarches, ni auprès du ministre, ni auprès
d'Hydro-Québec, mais on croyait que le temps était opportun de
venir devant la commission parlementaire et de parler de cela. Cela pourrait
faire partie de vos constatations, de vos discussions et de vos travaux.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je dirai seulement un mot là-dessus, M.
Laberge. Je comprends votre prudence dans la démarche et dans les
suggestions. Sur 2 500 000 abonnés actuellement... Je me souviens que,
l'an dernier, on a eu une commission parlementaire et M. Bernier, le
secrétaire d'Hydro-Québec, est venu expliquer en détail de
quelle manière Hydro-Québec procédait dans le cas de
comptes non payés. Je vous avoue honnêtement que cela a
été une des préoccupations que j'ai partagées avec
plusieurs de mes collègues, entre autres Mme Harel, la
députée de Maisonneuve, qui s'est intéressée au
dossier. Actuellement, prenons quelqu'un qui vit de l'aide sociale et qui a un
compte en souffrance élevé à HydroQuébec:
l'assurance que j'ai d'Hydro-Québec - j'espère que je ne serai
pas démenti demain matin dans le journal par une manchette disant qu'il
y a eu une coupure de courant - en période d'hiver en particulier, c'est
qu'il n'y a pas de coupure de courant, à moins que vous n'ayez en face
de vous un récalcitrant de tout acabit. Hydro-Québec a mis sur
pied un mécanisme dans chacune des régions et
délégué des responsabilités de sorte
qu'Hydro-Québec, l'agent de l'aide sociale et le
bénéficiaire de l'aide sociale essaient de se mettre sur la
même longueur d'onde sur le montant d'argent qui doit être
versé par l'abonné pour éviter justement des coupures de
courant. Je suis parfaitement d'accord avec vous qu'au Québec, on n'est
quand même pas pour laisser les gens geler à 35 sous zéro,
alors qu'on est en surplus de capacité. Cela n'a pas de bon sens.
Il faut aussi comprendre, et je partage votre prudence... On essaiera de
perfectionner un peu plus ce mécanisme qui est en place. J'avoue que
votre idée d'un tribunal expéditif fait son chemin. Le
consommateur qui se voit couper son courant: il y a le cas d'un abonné
peu fortuné et il y a aussi le cas d'un commerce ou d'une entreprise qui
peut avoir des discussions avec Hydro-Québec concernant une erreur sur
la facture, un compteur défectueux etc; il est drôlement
démuni le matin qu'Hydro-Québec a décidé de lui
couper le courant. Si on laisse les tribunaux réguliers s'occuper de ce
genre de choses, il est évident que cela prendra du temps. L'idée
d'un tribunal d'appel ou d'une procédure d'urgence n'est pas
réalisée dans les faits à l'heure actuelle. Il y a eu
amélioration, mais il y a encore de la place. La suggestion que vous
faites ce matin, son étude est très avancée au
ministère de l'Énergie et des Ressources.
M. Laberge: On peut essayer de vous aider un peu.
M. Duhaime: Je pense que la proposition que vous nous faites ce
matin va dans le sens d'essayer de mettre sur pied -je ne voudrais pas qu'on
s'embarque dans un autre tribunal administratif à ne plus finir -une
procédure expéditive qui permettrait de rendre justice aux
citoyens et aux abonnés d'Hydro-Québec. Là-dessus, on se
rejoint parfaitement. Je vous remercie de votre suggestion.
M. Laberge: Me permettriez-vous deux mots seulement
là-dessus? Si vous avez remarqué, on a pris bien soin de ne pas
dire: On accuse Hydro-Québe qui coupe... On a dit: C'est un service
essentiel; est-ce qu'il y a moyen de faire quelque chose pour protéger
les citoyens les plus démunis? Vous vous souviendrez qu'il y a deux ans
à peine, non pas dans le cas de l'électricité, mais dans
le cas du gaz naturel, un nommé Pilon, l'hiver, était allé
justement rebrancher des citoyens démunis parce que Gaz
Métropolitain avait coupé... Vous vous souvenez de cela. Et il a
même été condamné à la prison et tout le
reste. Donc, cela arrive. (12 h 30)
M. Duhaime: Un dernier point, si vous me permettez, M. le
Président. Je ne voudrais pas que vous partiez de notre commission avec
les propos de M. Bourbeau, qui viennent d'être lus, devant notre
commission parlementaire en juin dernier. J'ai le mémoire
d'Hydro-Québec ici, qui a été repris il y a moins d'une
semaine par Hydro-Québec. Le mémoire porte la date de mars 1983.
Je pense que ça vaut la peine que je vous lise six lignes du
mémoire d'Hydro-Québec, à la page 26 - s'il y a des gens
chez vous qui veulent s'y référer par la suite -
déposé ces jours derniers devant la commission. On parle du
marché d'exportation. "Au cours des 20 prochaines années - je
cite Hydro-Québec - on estime que la production
d'électricité de base par des centrales au mazout lourd devrait
demeurer supérieure à 2500 mégawatts dans le New York
Power Pool et à plus de 4500 mégawatts dans le New England Energy
Power Pool." 2500 plus 4500, cela fait 7000. Ce sont des centrales thermiques
alimentées au mazout lourd qui existent déjà et
HydroQuébec évalue que, d'ici 20 ans, ces 7000 mégawatts
vont rester installés. Le mémoire ajoute: "De plus, de nouvelles
centrales au charbon d'une puissance totale de 2500 mégawatts devraient
être mises en service sur ces réseaux entre 1987 et 1995. La
production de ces centrales pourrait être remplacée par la
conclusion de contrats fermes d'exportation à long terme." Alors le
créneau est là. On ne se chicanera pas pour 500 mégawatts:
2500 plus 4500 plus 2500, cela fait 9500 mégawatts.
Il faut réussir à convaincre les
Américains qu'investir dans les centrales au charbon,
premièrement, cela va continuer de nous envoyer les pluies fines, qu'on
appelle les pluies acides; deuxièmement, que cela leur coûtera
plus cher. C'est là qu'est notre créneau de 2500 mégawatts
dont on parle. C'est en toutes lettres dans le mémoire
d'Hydro-Québec. Pour être en mesure de convaincre les
Américains de cesser la production de centrales au mazout lourd sur
l'horizon des 20 prochaines années, des centrales qui sont
déjà existantes physiquement, il faut qu'on fasse des maudits
prix - on se comprend bien là-dessus. Actuellement, dans les
créneaux qui sont visés, sur les marchés de la
Nouvelle-Angleterre et de New York, on parle de 2500 à 3000
mégawatts comme étant des chiffres réalistes. Non pas sur
l'horizon de 1984 ou 1985, on parle de 1987 et 1995.
Vous me disiez tantôt que cela prend du temps à construire
les centrales, il faut prévoir d'avance. Je pense que là-dessus
on partage parfaitement votre point de vue, mais je fais l'hypothèse
que, si on signait un contrat d'énergie ferme tout de suite, c'est
entendu, et je pense qu'on l'a dit clairement, on va faire du devancement. Mais
dans les premières années de ces contrats, avec 50 000 000 000 de
kilowattheures en disponibilité, si vous divisez cela pour le mettre en
mégawatts, cela vous donne quelque chose autour de 4500 à 5000
mégawatts. C'est exactement là qu'est le créneau.
Je voudrais qu'on se comprenne bien. Quand Hydro-Québec parle de
10 000 mégawatts, cela inclut les centrales au mazout lourd
déjà installées et dont les activités sont
prévues pour durer au moins 20 ans. Le créneau c'est de pousser
de l'avant et de faire faire un choix aux Américains entre soit acheter
du Québec l'énergie ferme ou encore s'installer au charbon. Le
créneau de marché c'est 2500 -disons 3000 mégawatts pour
les fins de la discussion - tant pour la Nouvelle-Angleterre que pour New York.
Alors, il n'y a pas de contradiction entre ce que vient de dire mon
collègue de Vimont et ce que M. Bourbeau a dit en commission
parlementaire au mois de juin. Cela m'aurait surpris qu'il dise le contraire.
Le mémoire d'Hydro-Québec est daté de mars 1983.
M. Laberge: Quelle date?
M. Duhaime: Mars 1983, parce que notre commission a
été arrêtée pour les raisons que vous
connaissez.
M. Laberge: J'ai une coupure de journal datée du 4
octobre: "Hydro-Québec révise à nouveau à la baisse
ses prévisions d'investissements." À toutes les semaines on
pourrait avoir un nouveau mémoire d'Hydro-Québec.
M. Duhaime: Espérons que non.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame et messieurs de la
FTQ. J'invite maintenant les représentants de Gaz Métropolitain
à se présente.
M. Laberge: Merci.
Gaz Métropolitain
Le Président (M. Gagnon): M. Gaulin, si vous voulez nous
présenter les gens qui vous accompagnent. Avant que vous ne commenciez
à livrer votre mémoire, je pense qu'on s'entendrait pour la
lecture du mémoire avant de suspendre les travaux pour le dîner et
on reviendrait à 15 heures pour la période de questions.
M. Gaulin (Jean): Parfait. Si vous me le permettez, je vais vous
présenter les gens qui composent la table. À ma gauche, M. Gaston
Longval, vice-président à l'exploitation; M. André
Caillé, vice-président à l'administration et aux affaires
publiques; à mon extrême droite, M. Robert Noël, qui est
vice-président au marketing, et M. Baladi, qui est vice-président
au développement.
Il y a déjà six mois que nous avons déposé
notre mémoire. On sait que la situation énergétique
évolue rapidement; nos idées se sont précisées
aussi. Si vous me le permettez, je vais vous faire une présentation qui
vise à compléter notre mémoire et à le
préciser.
M. Fortier: Est-ce que cela veut dire qu'on peut détruire
l'autre mémoire? Celui-là est plus à jour.
M. Gaulin: C'est-à-dire qu'il est assez complet.
M. le Président, permettez-moi, au nom de Gaz
Métropolitain, de remercier les membres de cette commission pour
l'occasion qui lui est offerte, ainsi qu'à tous les intervenants du
secteur de l'énergie, de faire valoir ses vues et positions sur
l'utilisation de l'énergie comme facteur de développement
économique.
Il y a dix ans déjà que la crise énergétique
amenait les consommateurs à une perspective d'utilisation plus efficace
et beaucoup plus rationnelle de l'énergie. Elle mettait également
en évidence le rôle moteur important joué par les
investissements énergétiques sur la croissance du produit
national brut. On comprend donc maintenant clairement l'importance d'effectuer
les choix les plus judicieux en matière énergétique afin
que les retombées les plus avantageuses en découlent.
Comme le souligne le document de travail préparé à
l'intention des intervenants de cette commission, l'utilisation de
l'énergie
comme levier de développement économique constitue un
défi important pour le Québec. Ceux qui ont déjà lu
le mémoire de Gaz Métropolitain comprendront que c'est dans cette
veine que s'inscrit notre intervention. Mais, avant d'aborder les quatre
thèmes retenus pour fins de discussion par cette commission,
permettez-nous ces quelques précisions.
Les derniers mois ont été témoins d'importantes
modifications au niveau de la situation des mazouts lourds. On sait, en effet,
que ceux-ci étaient très abondants sur le marché
québécois et disponibles à bas prix il y a à peine
quelques mois alors qu'ils sont maintenant en position inverse. La
récession économique, la baisse de la demande pour l'essence qui
résulte de celle-ci et la fermeture de trois raffineries à
Montréal que cette situation a occasionnée sont
identifiées comme étant les principales causes de ce resserrement
de marché. Les prix ont maintenant atteint, compte tenu de la situation
mondiale des approvisionnements pétroliers et de la rationalisation
actuelle de l'industrie du raffinage, des niveaux relativement
élevés. Ces nouvelles conditions ont contribué à
modifier la position concurrentielle relative des formes d'énergie en
rendant l'utilisation d'autres formes d'énergie plus attrayantes, du
moins pour le moment.
Depuis quelques mois également, de nouveaux
éléments sont venus préciser les évaluations de
chacun quant à l'utilisation des surplus d'électricité.
Hydro-Québec annonçait en effet, au cours du printemps, qu'elle
avait observé, au cours du premier trimestre de 1983, une baisse de la
demande d'électricité d'environ 5,4% par rapport à celle
de l'année précédente. Peu de temps après, le
gouvernement du Québec annonçait, à l'occasion du
dépôt de son budget, son intention arrêtée d'utiliser
les surplus d'électricité aux fins de développement
industriel, c'est-à-dire en offrant des tarifs
d'électricité avantageux pour attirer de nouveaux
investissements. La signature des ententes avec Pechiney et Reynolds marque
d'ailleurs un premier pas dans cette direction. Il s'agit là, de l'avis
de Gaz Métropolitain, d'une avenue de développement à
privilégier et que nous appuyons avec empressement.
Pendant cette période d'ajustement, la distribution
gazière devait également faire face à des conditions
particulières. Ainsi, malgré des investissements
supérieurs à 100 000 000 $ et le raccordement de 23 500 logements
et de 2000 structures commerciales et industrielles, les ventes de Gaz
Métropolitain ont enregistré, en 1982, une baisse en volume de 6%
par rapport à celles de 1981. Cette baisse est imputable à un
recul des ventes du secteur industriel de 15,3%, principalement à cause
de la récession économique et de la présence d'importants
surplus de mazout lourd. Malgré cela, compte tenu du potentiel
réel de l'économie québécoise, Gaz
Métropolitain mettait de l'avant un audacieux plan de
développement 1983-1987, impliquant des investissements totaux de
près de 1 000 000 000 $. Gaz Métropolitain ajoutait
également à ses programmes de mise en marché pour rendre
l'option gazière encore plus attrayante.
Depuis le début de 1983, plusieurs signes sont venus confirmer
à chacun que la reprise économique était bel et bien
engagée.
II est temps, quant à nous, que les agents économiques
concertent leurs efforts afin de contribuer le plus possible à la
réalisation de cette reprise. Dans le contexte présent, au niveau
énergétique, cette reprise d'activité devrait passer par
une utilisation plus rationnelle de l'énergie tout en en faisant un
important levier de développement économique. Pour fins de
réflexion, quatre thèmes ont été
privilégiés par le document de travail préparé pour
cette commission. Nous nous proposons maintenant de les commenter
brièvement.
Le premier point d'intérêt soulevé par ce document
se réfère à la question de la recherche et du
développement. C'est au niveau du transfert technologique que Gaz
Métropolitain voit le plus de possibilités pour elle de
participer à cette activité de recherche et de
développement et de faire ainsi bénéficier le
Québec, le plus rapidement possible, des retombées
économiques importantes qui y sont associées.
Déjà, plusieurs pays sont impliqués dans des
activités ou programmes de recherche fondamentale au niveau du gaz
naturel. On consacre des sommes imposantes à la recherche sur les
utilisations du gaz, entre autres aux États-Unis, au Royaume-Uni, en
France et au Japon. De façon à profiter au maximum des
possibilités de transfert technologique et d'applications nouvelles du
gaz naturel, et cela dans les meilleurs délais, Gaz Métropolitain
a entrepris d'élargir ses rapports avec les différentes
associations et les nombreux intervenants du milieu et de suivre ainsi de
très près ce qui se fait à l'étranger.
Gaz Métropolitain voit son rôle comme celui d'un agent
catalyseur qui cherche, selon les moyens à sa disposition, à
stimuler le plus possible cette recherche de nouvelles applications
gazières. Elle a à son actif des réalisations
intéressantes dont la principale, jusqu'à maintenant, est sa
contribution à GNC Québec. Gaz Métropolitain s'est
impliquée dans la mise en marché du gaz naturel pour
véhicules pour le transport routier par la formation, de concert avec
SOQUIP et CNG Fuel Systems Ltd de Calgary, de GNC Québec Ltée.
GNC Québec
prévoit installer, d'ici à 1988, quelque 75 postes
d'alimentation, dont 10 dès cette année, mettre sur pied 25
centres d'adaptation pour véhicules et convertir à ce nouveau
carburant 25 000 véhicules. En tout, des investissements totalisant 70
000 000 $ seront effectués au cours des cinq prochaines années,
créant ainsi au moins 1000 emplois et produisant des revenus
intéressants pour la collectivité québécoise.
Gaz Métropolitain entend faciliter l'implantation de ce nouveau
débouché pour ses ventes par l'octroi, d'ici peu, de son propre
programme de subventions pour les véhicules. Sujette à
l'approbation de la Régie de l'électricité et du gaz,
cette subvention devrait s'élever à quelque 500 $ et s'ajouter
aux sommes déjà offertes au même effet par le gouvernement
fédéral.
Afin de transposer en termes concrets l'approche qu'elle entend suivre
en matière de recherche et de développement, Gaz
Métropolitain a déjà pris des mesures spécifiques,
dont un des éléments majeurs est l'entente-cadre
négociée avec l'École polytechnique de Montréal.
(12 h 45)
Cette entente, dont Gaz Métropolitain est très
fière, comporte cinq volets particuliers. Le premier, formation visant
la mise sur pied de cours et séminaires en technique gazière qui
débuteront en novembre prochain, il est destiné aux
différents intéressés du domaine gazier, notamment les
ingénieurs-conseils, les commissaires industriels et les manufacturiers.
Deuxième volet: documentation. Il porte sur la mise en place, de concert
toujours avec l'École polytechnique, d'un centre de documentation
gazière. Troisième volet: étude. Il consiste en l'analyse
des tendances et des perspectives technologiques relatives au gaz naturel.
Quatrième volet: concertation, où l'on cherchera à
susciter par de multiples moyens la recherche technologique chez tous les
groupes de chercheurs. Cinquième volet: projet de démonstration
qui consistera en l'installation et la surveillance de nouveaux
équipements et procédés issus de technologies
nouvelles.
Gaz Métropolitain est également impliquée dans des
projets de recherche avec le Centre de recherche industrielle du Québec,
projets qui devraient déboucher, sous peu, sur des résultats
concrets. Gaz Métropolitain a de même entrepris de resserrer ses
liens de collaboration avec l'Institut canadien de recherche sur le gaz,
particulièrement en relation avec les utilisations industrielles du gaz.
Notre participation et notre implication dans des associations et des instituts
de recherche canadiens et étrangers ont été
intensifiées, notamment, avec l'American Gas Association, le Gas
Research Institute aux États-Unis, l'Institute of Gas Technology et
l'Association de technique gazière de France. Il est à noter que
les deux derniers organismes collaboreront au volet "formation" de
l'entente-cadre entre Gaz Métropolitain et l'École polytechnique,
au niveau de la mise sur pied de cours sur les techniques gazières.
Pour ajouter encore plus de substance à son implication en
recherche et développement, Gaz Métropolitain consacrera à
son objectif d'implantation et de diffusion de techniques de pointe
relativement à la distribution et à l'utilisation du gaz un
pourcentage de son chiffre d'affaires annuel à partir de 1984. Cette
somme, sujette à l'approbation de la régie, servira à
stimuler les activités de recherche au niveau des applications de gaz
naturel et sera orientée spécifiquement vers des projets de
démonstration. L'entreprise compte privilégier la voie du
faire-faire plutôt que du faire dans l'implantation des programmes qui en
résulteront.
Par ailleurs, dans le but de réduire de façon sensible ses
coûts d'exploitation et d'améliorer ainsi sa position
concurrentielle, Gaz Métropolitain a également entrepris de
rationaliser ses activités. Dans ce cadre, elle a mis sur pied un
nouveau programme portant sur l'offre de biens et services
périphériques à la distribution du gaz naturel. Ce
programme vise l'affectation d'une partie des ressources nécessaires aux
activités présentes de la compagnie vers de nouvelles
activités dans lesquelles Gaz Métropolitain désire
s'impliquer.
Quatre projets spécifiques sont déjà
identifiés à cette fin. Le projet "salle de montre" vise la mise
sur pied d'un réseau de distribution d'appareils de chauffage et
d'appareils ménagers au gaz afin de rapprocher le consommateur et le
produit de consommation moderne. Un deuxième projet, "service aux
appareils", aura pour but d'offrir aux clients de Gaz Métropolitain une
gamme plus grande de services aux appareils. Un projet "construction de
branchement d'immeubles résidentiels" est également
envisagé et, finalement, un projet "consultation" a pour but d'offrir
l'expertise de Gaz Métropolitain en matière de distribution de
gaz naturel pour la réalisation de projets spécifiques à
ce secteur d'activité. Cette consultation s'effectuera tant au niveau
des études de faisabilité que du côté des techniques
et de la gestion des réseaux de distribution.
Ces activités de diversification entraîneront, pour
plusieurs de nos employés, une formation supplémentaire ainsi
qu'une occasion pour eux de progresser en développant de nouvelles
aptitudes, tout en élargissant leurs connaissances. Au niveau de la
formation, Gaz Métropolitain a déjà consenti des efforts
importants. En effet, qu'il suffise de rappeler que, pour répondre
à
la demande croissante en matière de conversion et d'entretien,
des cours préparés sous la gouverne de Gaz Métropolitain
ont été dispensés aux entrepreneurs-plombiers, aux
employés d'entreprises manufacturières ainsi qu'aux entrepreneurs
en construction. Près de 6500 jours-personnes de cours de formation ont
été donnés en 1981 et 1982. Gaz Métropolitain
poursuit toujours ses activités à cet effet et entend y mettre la
même emphase que par le passé.
Voilà en bref comment Gaz Métropolitain voit sa
contribution à l'objectif de recherche et développement dans le
secteur de l'énergie.
Le deuxième point retenu pour fins de commentaires traite de la
restructuration du secteur pétrolier. Cette restructuration s'inscrit
dans le cadre des politiques énergétiques canadiennes et
québécoises visant une réduction de notre
dépendance envers le pétrole, mais également dans un
contexte de rationalisation du secteur pétrolier à
l'échelle mondiale. Cette volonté politique, issue des
séquelles de la crise pétrolière de 1973, jointe aux
effets sur la demande de pétrole de la pire récession
économique de l'après-guerre, a conduit à une baisse
importante des ventes pétrolières au Québec et au Canada,
tout comme ailleurs dans le monde. La restructuration du secteur du transport
et ses effets sur la demande de produits pétroliers ont
occasionné la fermeture, en l'espace de quelques mois, de trois
importantes raffineries à Montréal. Elle a débouché
sur un besoin évident de rationalisation des activités de
raffinage.
La forte croissance des prix de l'énergie, le
rétrécissement des marchés énergétiques, la
vigueur des programmes de remplacement du pétrole et le rôle
important que le gaz naturel a été appelé à jouer
dans cette situation ont toutefois eu des aspects bénéfiques
à plusieurs égards. Ainsi, la pression concurrentielle
exercée par la pénétration du gaz naturel et le
rétrécissement du marché énergétique
québécois ont entraîné un besoin plus poussé
de rationalisation quant à la configuration du raffinage au
Québec, notamment pour la valorisation des mazouts lourds.
Par ces améliorations, l'industrie du raffinage au Québec
sera mieux en mesure de s'adapter aux différentes qualités de
bruts qu'elle sera inévitablement appelée à traiter. D'ici
quelques années, en effet, le pétrole d'origine canadienne,
presque uniquement de fraction légère, ne sera plus disponible
dans l'Est du Canada. Le Québec devra donc se tourner vers les
marchés internationaux pour son approvisionnement pétrolier. Ceci
implique évidemment une modification au niveau des proportions de
pétrole lourd et léger que devront traiter les raffineurs du
Québec.
La restructuration présentement en cours offre donc aux
raffineurs l'occasion de s'ajuster maintenant aux conditions futures du
marché. Il est également à prévoir que la demande
de produits pétroliers s'oriente vers les usages pour lesquels ils
offrent des avantages intrinsèques, c'est-à-dire la
pétrochimie, les carburants et les lubrifiants.
L'autre aspect important à souligner concernant ces
activités de valorisation touche les investissements importants qu'elles
sous-tendent. À cet effet, l'exemple de la société
Ultramar de Saint-Romuald est éloquent. Les investissements consentis
par cette société, de l'ordre de 240 000 000 $, comptent parmi
les investissements privés les plus imposants de la dernière
année. Au moment où une reprise économique s'engage, des
investissements de cette ampleur sont plus que souhaitables. Des efforts
similaires de la part des autres raffineurs devraient, selon nous, être
encouragés par le gouvernement par la mise en place des mesures
appropriées.
Il ne faudrait pas oublier non plus que la valorisation des
activités de raffinage, par la moins grande production de produits
lourds et généralement à haute teneur en soufre qu'elle
implique, apporte d'importants avantages au niveau de la pollution
atmosphérique. On éviterait notamment d'ajouter au
problème des pluies acides.
Une autre question retenue pour discussion à cette commission a
trait aux investissements du secteur de l'énergie. La hausse
prévue de la demande de gaz naturel dans !e territoire desservi par Gaz
Métropolitain a rendu nécessaire la mise en place d'un important
programme d'investissement. À la suite de nombreux commentaires, au
cours des premiers jours de cette commission parlementaire, relativement aux
dépenses d'immobilisation prévues par Gaz Métropolitain,
vous nous permettrez de vous citer quelques chiffres pour remettre le tout en
perspective.
Tout d'abord, Gaz Métropolitain a connu, au cours des cinq
dernières années, une progression rapide de ses dépenses
d'immobilisation. Ces dernières sont passées de près de 20
000 000 $ en 1978 à 50 000 000 $ en 1981 et à plus de 100 000 000
$ en 1982. Cette dernière année devait pourtant être
marquée par une baisse de 6% des ventes de gaz par rapport à
celles de l'année 1981. Face à cette situation et compte tenu des
aménagements structurels et organisationnels rapides auxquels elle avait
dû recourir pour entreprendre son expansion, Gaz
Métropolitain a abordé l'année 1983 par la mise en
place de mesures de consolidation. Elle s'est employée à mieux
assurer ses positions à partir desquelles elle pourra reprendre la
croissance accélérée de son développement au
bénéfice de sa clientèle,
de ses employés et de ses actionnaires.
Pendant cette année de consolidation, Gaz Métropolitain
prévoyait réaliser des investissements totaux de 50 000 000 $.
À la lumière des résultats anticipés, Gaz
Métropolitain prévoit non seulement atteindre les objectifs
qu'elle s'était fixés, mais encore les excéder grâce
aux programmes gouvernementaux qui sont venus assister ses efforts. Les
investissements de l'année 1983 devraient ainsi excéder 75 000
000 $.
Le plan quinquennal de développement 1983-1987
dévoilé l'an dernier prévoyait, au cours de la
période, des investissements totaux de 948 000 000 $ en dollars
courants. Près des deux tiers de cette somme devraient être
consacrés au développement du réseau de distribution;
environ un quart servira a améliorer le réseau existant, afin de
pouvoir répondre à une demande accrue sur les territoires
déjà desservis, et près de 10% iront vers les conversions
et raccordements de nouveaux abonnés.
Dans un contexte où les conditions nécessaires demeurent
réunies, Gaz Métropolitain demeure confiante de réaliser
ces objectifs. En effet, si, à l'aide des programmes incitatifs
fédéraux, les programmes de vente mis en place donnent les
résultats escomptés - et cela, nous le croyons - et si
l'harmonisation entre le gaz et l'électricité est
réalisée selon les orientations présentes du gouvernement
- et ceci, nous le souhaitons - il ne fait aucun doute dans notre esprit que
ces objectifs seront atteints.
Pour Gaz Métropolitain, l'harmonisation de la
pénétration du gaz et de l'électricité passe, d'une
part, par l'encouragement des exportations des surplus temporaires dont dispose
actuellement Hydro-Québec et, d'autre part, solution qui est de loin la
plus intéressante, par l'incitation à de nouveaux investissements
industriels, grands consommateurs de cette forme d'énergie. Les
distributeurs gaziers pourraient même s'associer aux efforts
d'Hydro-Québec à cette fin puisque, dans la plupart des cas, les
industries recherchées sont à la fois consommatrices
d'électricité et de gaz.
Un autre point d'intervention pourrait être celui des tarifs et
subventions. La détermination de ceux-ci en matière de vente
d'énergie est de nature complexe et commande généralement
une analyse en profondeur des coûts et de leur allocation
appropriée. Il pourrait être avantageux dans un tel contexte de
demander a un corps intermédiaire, telle la Régie de
l'électricité et du gaz, qui dispose de l'expertise en cette
matière, d'effectuer pareille évaluation et de recommander au
gouvernement les ajustements tarifaires requis. Le gouvernement disposerait
ainsi des données voulues et de l'assurance d'un équilibre
approprié entre les tarifs des principales formes d'énergie pour
parvenir aux décisions qui lui reviennent.
Gaz Métropolitain demeure convaincue que les investissements
gaziers sont importants pour l'économie québécoise,
particulièrement à un moment où Hydro-Québec
s'apprête à ralentir les siens. Les investissements prévus
par Gaz Métropolitain viendront s'ajouter à ceux prévus
par Hydro-Québec de façon à maximiser les retombées
des investissements énergétiques sur l'économie du
Québec.
De plus, les investissements dans des activités gazières
débouchent sur un effet multiplicateur intéressant sur l'ensemble
de l'industrie québécoise. Secteur d'activité encore jeune
et en pleine croissance, comparativement à d'autres qui ont
déjà atteint leur maturité ou leur phase de
décroissance, le gaz naturel suscitera une activité
économique nouvelle dont l'apport structurant bénéficiera
au produit intérieur brut du Québec.
Comme nous l'avons souligné à quelques reprises
déjà, Gaz Métropolitain a l'intention d'effectuer des
investissements importants dans les prochaines années. Ces
investissements gaziers influeront certainement sur la vigueur de la reprise
économique tant attendue au Québec. Il est possible
d'évaluer les contributions du gaz naturel au développement
économique par les effets d'entraînement en amont et en aval que
procurera ce dernier. (13 heures)
L'analyse des effets d'entraînement en amont porte à
conclure que les investissements gaziers auront un impact certain sur plusieurs
secteurs industriels du Québec. En effet, le contenu
québécois de ces investissements étant déjà
très élevé -on parle de plus de 80% pour les
dépenses d'immobilisation et de plus de 90% pour les dépenses
d'exploitation - cette proportion devrait continuer de croître au fur et
à mesure des implantations de nouvelles industries
québécoises pour répondre à la demande.
Le tuyau de plastique, entre autres, utilisé de façon
prépondérante par les gaziers et dont une partie devait
être importée il y a à peine quelques mois, est maintenant
entièrement fabriqué au Québec. La demande des gaziers
à ce niveau a en effet suscité l'émergence de nouvelles
entreprises dans la fabrication du tuyau de plastique tel Phillips 66, à
Boucherville, ou Manuplast, d'Alma, qui a d'ailleurs déposé
devant cette commission un mémoire fort éloquent sur les pouvoirs
industrialisants du gaz. Ce pouvoir industrialisant est également
visible dans d'autres activités reliées aux investissements
gaziers, notamment, au niveau des appareils à gaz. Giant Electric, par
exemple, fabrique à Montréal depuis environ deux ans des
chauffe-eau à gaz dont le contenu québécois approche les
100%. Brock Engineering, de
Montréal, fait l'assemblage depuis environ un an d'un autre
chauffe-eau à gaz. Les compteurs utilisés par les gaziers pour
mesurer la consommation de chaque client comportent de plus en plus de
composantes québécoises.
Le développement de ces nombreuses industries contribue
actuellement à la mise en place d'une infrastructure industrielle qui,
par la suite, étant donné l'"entrepreneurship"
québécois, prendra de l'expansion vers les marchés
d'exportation, contribuant ainsi à l'amélioration de la balance
commerciale du Québec.
Une évaluation sommaire de l'ensemble de ces impacts en amont des
investissements de Gaz Métropolitain au moyen du modèle
intersectoriel de l'économie du Québec montre que nos
dépenses d'immobilisation seront source d'emplois équivalant
à plus de 15 000 personnes-année au cours des cinq prochaines
années, soit en moyenne 3000 emplois par an. Ces dépenses
contribueront à plus de 875 000 000 $, en dollars de 1983, au produit
intérieur brut du Québec et représentent un volume
critique d'activité pendant une courte période susceptible de
créer les effets de synergie recherchés.
Au niveau de l'impact des dépenses d'immobilisation en aval,
l'évaluation est un peu plus difficile à effectuer. Ces effets,
que l'on peut qualifier de structurants, présentent cependant
d'énormes possibilités, ne serait-ce qu'au niveau des
différents procédés utilisant le gaz naturel plus
efficacement que toute autre source d'énergie. Comme l'ont fait valoir,
à maintes reprises, les industriels, les commissaires industriels et les
représentants de diverses municipalités, la présence du
gaz naturel dans une région joue souvent un rôle
déterminant lors d'une nouvelle implantation industrielle. L'avantage du
gaz, tant au niveau de son prix que de ses qualités techniques, est
reconnu par l'industrie comme l'ont spécifié, d'ailleurs,
plusieurs mémoires soumis à l'attention de cette commission.
Plus encore, comme il a été mentionné
précédemment, de multiples ressources sont présentement
consacrées à trouver de nouvelles utilisations industrielles et
de procédés pour le gaz, aux États-Unis et en Europe,
où le gaz naturel joue déjà un rôle fort important.
Soyez assuré qu'au niveau du transfert technologique et des
possibilités d'application de ces nouveaux concepts à l'industrie
québécoise, Gaz Métropolitain consacrera tous les efforts
nécessaires pour en maximiser les retombées et pour
accroître le caractère concurrentiel des firmes
québécoises.
En guise de conclusion, vous nous permettrez ces quelques commentaires.
L'importance du gaz n'est évidemment plus à démontrer. Que
l'on songe à la sécurité d'approvisionnement que nous
procurent les immenses ressources gazières de l'Ouest canadien, tout
particulièrement depuis l'implication de SOQUIP dans ce domaine. Cette
dernière devrait être à l'origine d'une part importante de
l'approvisionnement gazier du Québec d'ici quelques années. On
doit également compter avec les développements gaziers prenant
place dans plusieurs pays et avec l'importance croissante de la circulation du
gaz naturel à l'échelle mondiale. Cet avantage manifeste
lié au prix dont jouit le gaz et à ses caractéristiques
particulières au niveau du procédé en font une
énergie de premier plan tant dans les activités traditionnelles
que nouvelles.
Au rythme de progression actuel et étant donné le taux de
croissance de la demande pour l'électricité, l'objectif que lui
avait fixé le gouvernement de répondre à 41% du bilan
énergétique du Québec d'ici 1990 devrait être
atteint. De la même façon, nous croyons que le gaz naturel doit
jouer un rôle de plus en plus important au niveau du bilan
énergétique, sa part devant passer de 9% à 18% d'ici 1990.
Il est à noter également que cette croissance de la part du gaz
naturel se fait et continuera de se faire aux dépens du pétrole
importé et non de l'électricité, d'où la
nécessité d'un effort conjoint gaz-électricité en
vue de la substitution du mazout et la nécessité aussi d'une
harmonisation bien planifiée.
De plus, le gaz naturel a l'avantage de jouer le rôle essentiel
d'élément stabilisateur des prix de l'énergie. Par
exemple, dès 1957, la seule disponibilité du gaz se
répercutait sur le prix du mazout et en provoquait une baisse
appréciable. Le prix du mazout lourd à Montréal passait de
0,10 $ le gallon en 1957 à 0,06 $ le gallon en 1959. La situation se
répète encore aujourd'hui. En effet, lors de l'arrivée du
gaz naturel à Trois-Rivières, il y a peu de temps, on a
observé le même phénomène. Alors que le coût
marginal de l'électricité est croissant, que le prix des mazouts
est également à la hausse, le gaz naturel, à cause de son
abondance et de son prix avantageux, représente une possibilité
intéressante. Comme il l'a fait par le passé, il devrait
maintenir les prix de l'énergie à un niveau acceptable du fait de
la concurrence qu'il suscite.
L'absence d'un tel élément stabilisateur risquerait
d'entraîner une hausse des prix au détriment de l'ensemble des
Québécois en général et du secteur industriel en
particulier. Qu'il suffise de se rappeler que l'Ontario dispose
déjà de gaz naturel sur l'ensemble de son territoire. Elle
satisfait environ 30% de son bilan énergétique au moyen du gaz
naturel et son secteur industriel consomme près de 50% de tout le gaz
utilisé dans cette province. Advenant que le prix du gaz évolue
moins rapidement que celui d'autres formes d'énergie - il s'agit
là d'une hypothèse vraisemblable, puisqu'il est
établi que le coût marginal de production, du transport et
de la distribution du gaz naturel est moins élevé que celui de
ses concurrents l'industrie québécoise en serait
désavantagée d'autant.
En terminant, M. le Président, nous aimerions à nouveau
préciser que c'est en atteignant une participation appropriée au
bilan énergétique du Québec que le gaz naturel pourra
jouer le rôle dont nous vous avons fait état
précédemment. Cette participation, fixée à 18% en
1990, implique que les ventes de Gaz Métropolitain devront croître
de 40% d'ici les cinq prochaines années. Nous sommes fermement
engagés à y parvenir et nous croyons qu'ainsi nous pourrons
ajouter notre dynamisme propre à celui d'Hydro-Québec pour
contribuer étroitement à la relance économique
québécoise.
M. le Président, MM. les membres de la commission, nous vous
remercions de votre attention.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Gaulin. Nous vous
donnons rendez-vous à 15 heures pour la poursuite des questions des
membres de la commission. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 10)
(Reprise de la séance à 15 h 11)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Lors de la suspension de nos travaux, M. Gaulin avait terminé, je
pense, la lecture du mémoire et était prêt à
répondre aux questions des membres de la commission. M. le ministre,
est-ce que vous êtes prêt? Oui?
M. Duhaime: Si vous voulez y aller, M. Fortier.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Mon premier commentaire, M. Gaulin, c'est pour vous
dire jusqu'à quel point j'apprécie le fait que votre compagnie
ait mis l'accent sur la recherche et le développement. Pour ceux qui ont
lu mes notes liminaires au début de cette commission parlementaire,
j'avais justement posé des questions à savoir si, dans le domaine
du gaz en particulier, on faisait de la recherche et du développement
ici même au Québec, sachant qu'il s'en fait dans d'autres
provinces canadiennes où c'est une ressource naturelle. Je vois qu'ici
vous avez mis sur pied différents programmes dans le domaine de la
recherche et du développement ou dans le domaine du transfert de
technologie ou de l'innovation.
Je crois qu'on doit vous féliciter d'avoir mis sur pied ces
programmes-là.
Vous avez une référence bien précise sur le
pourcentage de vos ventes qui devrait être affecté - je ne le
retrouve pas ici - à la recherche et au développement. Je croyais
que la régie ne permettait pas d'inclure ce genre de dépenses
dans vos dépenses de fonctionnement qui seraient reconnues comme des
dépenses normales d'exploitation. Est-ce que vous avez des indications
à savoir s'il est possible que la régie reconnaisse ce genre de
dépenses? Si elle ne l'a pas fait jusqu'à maintenant, quelle
argumentation allez-vous développer pour qu'elle puisse
reconnaître ce genre de dépenses qui, à mon avis, est tout
à fait légitime à condition qu'on le maintienne à
l'intérieur de limites très précises?
M. Gaulin: Oui. D'abord, merci de vos commentaires, M. Fortier;
ils sont très encourageants. Je dois vous dire qu'on a
présenté à la Régie de l'électricité
et du gaz dans nos budgets de 1984 un montant de près de 1 000 000 $
pour ce genre de programme. Nous présumons que la régie va
l'accorder puisque, à la longue, c'est rentable et équitable pour
la clientèle d'offrir une technologie qui fera en sorte de rendre notre
clientèle plus concurrentielle et aussi d'accroître le
bien-être de la clientèle qui n'est pas industrielle, mais
résidentielle. Alors, nous avons bon espoir que la régie va le
reconnaître dans nos coûts d'exploitation, compte tenu du fait
qu'éventuellement ce sera rentable pour nos abonnés.
M. Fortier: Vous avez dit que c'était 1 000 000 $ sur des
ventes de combien?
M. Gaulin: L'année prochaine, cela constitue 600 000 000 $
à peu près. On démarre le programme. Donc, il s'agit de
roder un programme comme celui-là. Il est déjà
amorcé, c'est-à-dire qu'on a déjà conclu des
ententes avec, comme je l'ai dit dans mon allocution, certains instituts de
recherche américains et français qui vont venir donner des cours
ici. L'entente-cadre avec l'École polytechnique, on devrait tenir une
conférence de presse, le 26 octobre, pour l'annoncer.
M. Fortier: Oui.
M. Gaulin: Il y a certains projets de recherche qui sont
déjà engagés avec le CRIQ et qui vont aussi être
engagés avec l'École polytechnique. Donc, ce n'est pas une limite
de pourcentage qu'on recherche, mais, premièrement, de bien administrer
le programme et, deuxièmement, de trouver les applications rentables
pour les utilisateurs de gaz.
M. Fortier: Ici, si je regarde vos six mois terminés le 30
juin, je m'aperçois que les dépenses d'exploitation sont de
l'ordre de 29 000 000 $. Donc, vos dépenses d'exploitation sont de
l'ordre de 60 000 000 $. Alors, vous dites 1 000 000 $ sur 60 000 000 $. On
parle de combien? Cela fait 1,5% à peu près. Lorsque vous aurez
atteint votre vitesse de croisière, est-ce que ce serait l'ordre de
grandeur que vous envisagez, entre 1% et 2%??
M. Gaulin: Non, comme je vous l'ai dit, c'est un chiffre qui
tient compte du fait qu'on vient de lancer le programme...
M. Fortier: Oui.
M. Gaulin: ...et qu'on veut bien le roder. Dans certaines
entreprises, on fixe un certain pourcentage des ventes, selon le genre
d'entreprise, assigné à la recherche et au développement.
Chez nous, on veut d'abord être conscient du fait qu'on veut mettre des
choses rentables sur le marché. Les possibilités qu'on aura dans
les premières années détermineront le pourcentage de nos
ventes qu'on assignera à ces projets.
M. Fortier: Une chose qui m'intéresserait, ce serait de
mettre en perspective votre effort de pénétration du
marché. J'avais des chiffres que je n'ai pas sous la main, j'aimerais
que vous me les rappeliez en termes de milliards de pieds cubes, de BCF.
Pourriez-vous me rappeler les chiffres importants, comparés à Gaz
Inter-Cité? Dans votre cas, cela montait de 100 à 140 BCF, si je
me souviens bien. Est-ce que c'est l'objectif? En quelle année? En
1990?
M. Gaulin: C'est à la fin de notre plan quinquennal de
développement; c'est donc aux alentours de 1988. Nous comptons arriver
à vendre 140 000 000 000 de pieds cubes de gaz naturel.
M. Fortier: Alors, de 100 000 000 000 à 140 000 000 000 de
pieds cubes, de BCF en 1988. Est-ce que vous connaissez l'objectif de Gaz
Inter-Cité durant la même période? C'est simplement pour
mettre en parallèle votre effort et celui de Gaz Inter-Cité.
M. Gaulin: Je vais vous citer un chiffre approximatif.
M. Fortier: Oui.
M. Gaulin: On parle d'environ 50 000 000 000 à 60 000 000
000 de pieds cubes. Je ne suis pas certain que ce soit durant la même
période, mais c'est à peu près l'ordre de grandeur.
M. Fortier: C'est cela. Dans votre cas, cela a été
une augmentation de 40 000 000 000 de pieds cubes et, dans leur cas, cela
serait environ 60 000 000 000. Si l'on regarde les objectifs à
très long terme, l'objectif de 17% du bilan énergétique,
en quelle année se réaliserait-il? Au-delà des
années quatre-vingt-dix, lorsqu'on dit que, dans le bilan
énergétique québécois, le gaz représentera
environ 17%. Quelle est la part du marché de Gaz Métropolitain
dans ces 17%?
M. Gaulin: Compte tenu du fait que les territoires gaziers ne
couvrent pas toute la province, nos 140 000 000 000 représenteront
à ce moment 65% de la consommation de gaz naturel dans le bilan
énergétique du Québec.
M. Fortier: Alors, les deux tiers des 17%. Donc, Gaz
Métropolitain, dans ces années, représentera environ 12%
du bilan énergétique et Gaz Inter-Cité représentera
6%. Est-ce à peu près l'ordre de grandeur?
M. Gaulin: À peu près.
M. Fortier: À peu près l'ordre de grandeur, les
deux tiers; 12% et 6%, à peu près. Cela nous permet de
dégager les grands objectifs et de voir l'effort relatif de chacun. Pour
être juste envers Gaz Inter-Cité, on notera que vous aviez
déjà une base de départ et qu'eux partent à
zéro. Mais ce que vous dites, c'est que dans une dizaine ou dans une
quinzaine d'années la part du bilan énergétique que vous
représenterez sera d'environ 12%. C'est cela?
M. Gaulin: Oui.
M. Fortier: Vous avez parlé des difficultés face au
problème de la pénétration de l'électricité.
Vous avez dit que, si l'on pouvait harmoniser des politiques de
pénétration d'électricité avec celles du gaz, cela
permettrait d'atteindre l'objectif qui est dans le livre blanc de 1978, soit de
déplacer le pétrole. On en a discuté ici. On sait fort
bien que, dans certains cas, c'est vrai. Hydro-Québec et
vous-mêmes avez augmenté vos ventes. L'an dernier, les ventes
d'Hydro-Québec ont baissé et les vôtres également,
mais vous dites ici, dans votre rapport financier, que vos ventes augmenteront
cette année et c'est la même chose pour Hydro-Québec. Je ne
sais pas si celle-ci a eu des augmentations cette année, mais elle nous
a dit que, l'an prochain, cela serait 10%. On peut tenir pour acquis que, dans
une certaine mesure, il y a un déplacement du pétrole et cela
crée des inconvénients dont nous avons discuté ici.
Vu les surplus considérables dans le domaine de
l'électricité et vu que vous
cherchez à pénétrer a peu près les
mêmes marchés - je parle surtout des marchés industriels -
dans quelle mesure cela vous handicape-t-il? Quelles sont les solutions que
vous pourriez suggérer à la commission pour s'attaquer à
ce problème?
Je fais allusion, bien sûr, à des problèmes comme je
crois en avoir lu dans les journaux, à savoir que vous étiez
supposés aller à Saint-Jérôme et, du fait que vous
aviez perdu un ou deux clients importants entre les mains
d'Hydro-Québec, vous aviez décidé de ne pas aller a
Saint-Jérôme. De toute évidence, cela vous crée des
difficultés. Je crois que la commission serait intéressée
à connaître vos recommandations pour harmoniser davantage
l'électricité avec le gaz. Autrement dit, est-ce qu'il y a
possibilité de les harmoniser? Est-ce que c'est une guerre farouche que
les deux modes de combustible doivent se livrer ou est-ce qu'il y a
possibilité de favoriser la pénétration de l'un et de
l'autre? Quelles sont vos recommandations?
M. Gaulin: D'abord, M. le député, j'aimerais
établir le contexte dans lequel on traite toujours les surplus
d'Hydro-Québec parce que ces mêmes surplus se retrouvent un peu
partout dans l'industrie. Si on regarde l'industrie du pétrole, on
constate qu'il y a des surplus au niveau du raffinage et au niveau du transport
puisqu'il y a certaines raffineries qui ferment. Au niveau du gaz, c'est la
même chose: les producteurs qui sont assis sur des réserves de gaz
fonctionnent à environ 50% de leur capacité. Leur transporteur,
TransCanada, utilise son système à environ 50% et les
distributeurs sont prêts à faire l'expansion. Donc, dans le
contexte des surplus, il est bien entendu qu'en ce moment on vit une
époque pour laquelle on avait fait des prévisions dans le secteur
de l'énergie qui ne se sont pas réalisées. Ce n'est pas
typique à HydroQuébec, cela se retrouve un peu partout dans
l'industrie.
Bien entendu, quand on parle d'harmonisation, on ne veut pas dire
éliminer la concurrence. Je pense qu'on ne peut pas s'attendre à
éliminer la concurrence dans le secteur énergétique ou
ailleurs. D'ailleurs, dans nos prévisions d'expansion, on ne
prévoit pas occuper tout le territoire qui nous est donné, viser
tous les clients à l'intérieur de ce territoire et s'attendre que
tous ces clients optent pour le gaz. On a fait des prévisions de
pénétration qui laissent place aussi à la
pénétration de l'électricité.
On a aussi, selon les lectures que j'ai faites à la suite de la
comparution d'Hydro-Québec à cette commission, compris que ces
surplus sont temporaires. Autrement dit, on dit tout simplement que l'objectif
qui était fixé par le gouvernement de 41% en 1990 devrait
être atteint sans problème, même qu'il y a peut-être
un peu de surplus additionnel. Mais, si j'ai bien lu, on prétend que les
surplus sont temporaires et sont à court terme. C'est normal, si on doit
rencontrer une demande qui, elle, est croissante et qu'on ajoute une
capacité de production d'un coup sec, mais temporairement jusqu'à
ce qu'on rencontre les deux courbes, on a des surplus.
Dans ce contexte, je crois qu'il y a un rôle pour le gouvernement
d'harmoniser la pénétration dans le sens que,
premièrement, le gaz n'est pas partout au Québec et,
deuxièmement, l'hydroélectricité, elle, est étendue
comme réseau de distribution. Il ne faudrait pas négliger les
régions qui n'auront pas accès au gaz naturel et, si on ne
réussit pas à faire de pénétration à partir
de l'électricité, elles dépendront du pétrole
importé. Mais vous comprendrez que Gaz Métropolitain, qui est une
entreprise mi-publique, mi-privée, peut difficilement aller discuter
d'harmonisation avec Hydro-Québec.
Quant à nous, notre recommandation, comme je l'ai dit dans ma
allocution, c'est que toute l'harmonisation se fasse au niveau des tarifs, au
niveau des subventions. Il faudrait que les entreprises de distribution
d'électricité et de gaz soient confrontées au même
processus d'examen et de fixation des tarifs. Si on respecte cette condition et
a cause du fait qu'on a déjà prévu qu'une certaine part,
une large part de la pénétration serait faite par
l'électricité, je ne vois pas de problème sur les
marchés. On va gagner quelques clients et on va en perdre, mais je ne
verrais pas de problème à ce qu'on puisse atteindre nos objectifs
qu'on a mentionnés sur les montants d'investissement.
Il est arrivé dans le passé qu'on a perdu un cas
spécifique, c'est celui de Saint-Jérôme. Quand on dit
"perdu", c'est que c'était beaucoup plus facile de desservir une
municipalité où il y a un gros client industriel et,
naturellement, cela rentabilise les installations de distribution
gazière. Cela a été fait dans le cadre où il y a eu
un programme d'énergie excédentaire qui offrait des tarifs qui
n'ont pas connu peut-être ces contraintes que nous connaissons au niveau
de la réglementation de la Régie de l'électricité
et du gaz. Mais cela ne veut pas dire que l'on a abandonné l'idée
de desservir cette ville. On est encore à la recherche des moyens de
desservir la ville et c'est dans nos objectifs de la desservir, sinon
l'année prochaine, peut-être l'année d'après.
M. Fortier: Mais, bien sûr, lorsque vous prendrez cette
décision, en tant que président d'une compagnie qui a des
actionnaires publics, vous devrez, quand même, justifier un
investissement face à vos actionnaires. Vous n'avez pas le choix, vous
devez publier vos états financiers. Je notais
- j'allais dire votre concurrent; ce n'est pas votre concurrent, Gaz
Inter-Cité - qu'on n'a pas l'avantage de lire les états
financiers de Gaz Inter-Cité mais dans votre cas on peut les lire et les
analyser. J'imagine qu'avant de prendre des décisions comme celles que
vous venez d'évoquer vous devez les justifier à votre conseil
d'administration, vous devez les justifier devant vos actionnaires. Dans ce
sens-là, j'imagine que les clients industriels permettent une
justification économique qui permet d'autoriser la dépense.
Ce que j'aimerais que vous m'expliquiez, c'est l'intervention qui
pourrait être celle des tarifs. Bien sûr, je connais un peu la
dialectique. J'ai devant moi la Gazette officielle du Québec du 8
décembre 1982. Parlant du tarif de l'électricité
excédentaire, on dit, concernant Hydro-Québec: "Le prix unitaire
du combustible remplacé est déterminé par le distributeur
à partir de toute information qu'il juge pertinente ou au choix de
l'abonné sur le prix payé par ce dernier lors de la
dernière livraison". Il y a toujours moyen de se faire faire une
livraison à bon marché, cela détermine le prix à
partir duquel on peut négocier l'achat d'électricité.
J'imagine que, dans votre cas, vous n'avez pas exactement la même marge
de manoeuvre. Est-ce dans le sens d'avoir des règles du jeu qui seraient
à peu près les mêmes en ce qui concerne la tarification et
qu'à partir de ce moment vous seriez disposés à
concurrencer Hydro-Québec en utilisant à peu près les
mêmes règles du jeu qui s'appliqueraient et à l'un et
à l'autre? Ou est-ce que vous voyez d'autres mécanismes qui
feraient que la Régie de l'électricité et du gaz
interviendrait pour harmoniser? Vous nous dites dans le fond que, par le mode
des tarifs, on pourrait viser à une certaine harmonisation. J'aimerais
que vous détailliez un peu plus les raisons qui vous amènent
à faire une telle proposition. Dans quelle mesure les tarifs
pourraient-ils favoriser l'harmonisation? Je pense que c'est la question
fondamentale.
M. Gaulin: Comme vous l'avez soulevé tantôt,
lorsqu'on fait un investissement, il faut aussi se soucier de sa
rentabilité. Or, en ce moment, on sait qu'il y a des surplus
d'électricité qui persistent pour un certain temps. On pourrait
dire qu'étant donné que l'eau coule par-dessus les barrages on va
devoir la placer, et tant mieux si on peut la placer. Il y a quand même
ce souci d'arriver à rentabiliser le projet parce que,
éventuellement, si cette quantité d'énergie est
placée dans un marché et que, par la suite, on doive bâtir
de nouvelles installations pour satisfaire des besoins additionnels internes,
cela va coûter plus cher. Pour nous, cette problématique est
complexe. Je ne prétends pas connaître toutes les variables et les
contraintes auxquelles Hydro-Québec fait face. Mais ce que je dis, c'est
que si on veut que la libre concurrence joue, il faut avoir les mêmes
règles. Pour avoir les mêmes règles, je ne dis pas que la
régie devrait décider des tarifs d'Hydro-Québec - cela
restera toujours le devoir du gouvernement, je crois - mais je dis qu'elle
pourrait faire des recommandations qui tiendraient compte de la
complexité de la tarification en fonction des investissements, des
différentes classes de clients, des besoins et de la concurrence, des
règlements auxquels nous sommes soumis vis-à-vis de la
Régie de l'électricité et du gaz. À long terme,
cela rendrait la tâche du gouvernement beaucoup plus simple et celle
d'Hydro-Québec aussi parce qu'à ce moment-là les
investisseurs seraient assurés qu'au moins les tarifs sont
établis pour une saine gestion financière, et cela faciliterait
la tâche du gouvernement dans le sens que les éléments
complexes seraient bien exposés. (15 h 30)
C'est le seul moyen auquel on peut arriver parce qu'on est en
concurrence et qu'on n'a pas exactement les mêmes actionnaires. À
partir de là, cela n'empêcherait pas le gouvernement
d'établir ses politiques et la Régie de
l'électricité et du gaz d'en tenir compte. Je crois que ce qui
est démontré par notre présentation et celle
d'Hydro-Québec, c'est ce qu'on a toujours dit: II y a place pour les
deux, mais cela ne veut pas dire qu'il est simple d'y arriver. Il faut qu'on le
fasse selon les mêmes règles, l'un et l'autre.
M. Fortier: Quand vous dites qu'il y a place pour les deux, vous
parlez en tant que président de Gaz Métropolitain et vous parlez
du secteur pour lequel vous avez une franchise.
M. Gaulin: D'abord, pour cela, oui.
M. Fortier: Ce que vous venez de nous dire pour ce qui est des
tarifs, c'est que, si les règles du jeu étaient plus semblables,
la concurrence se ferait à visière levée, il y aurait
moins de prix de dumping d'un côté. J'imagine que, de votre
côté, vous êtes limités par les contraintes qui vous
sont imposées par la Régie de l'électricité et du
gaz. J'en conclus qu'il est arrivé quelque chose à
Saint-Jérôme où la concurrence a été un peu
plus agressive ou un peu plus dure. Qu'est-il arrivé exactement dans ce
cas-là? Est-ce que vous pouvez informer les membres de la commission sur
ce qui a fait que vous avez perdu le client aux mains
d'Hydro-Québec?
M. Gaulin: II n'y a rien de mystérieux à
Saint-Jérôme; des clients ont signé à
l'intérieur du programme d'énergie excédentaire
d'Hydro-Québec. Le programme, on le
sait, a été arrêté parce qu'il a obtenu un
certain succès; je pense qu'ils ont pu vendre
l'électricité disponible. On a fait valoir de bons points pour le
gaz auprès de ces clients-là et ils ont décidé. On
ne peut pas forcer le client, non plus. Les contraintes qu'on a, c'est que la
Régie de l'électricité et du gaz ne peut pas permettre
à une classe de clients de financer une autre classe de clients. On doit
se prêter à ces règles pour établir nos tarifs et on
n'a pas pu arriver au prix proposé par Hydro-Québec à ce
moment-là.
M. Fortier: En ce qui concerne votre recommandation pour
soumettre HydroQuébec à une revue - non pas a une
détermination - des tarifs, nous sommes sympathiques à cette
recommandation. J'aimerais avoir votre opinion sur deux ou trois points. Vous
dites, à la page 18 de votre mémoire: "De multiples ressources
sont présentement consacrées à trouver de nouvelles
utilisations industrielles et de procédés pour le gaz aux
États-Unis, où le gaz naturel joue déjà un
rôle fort important." N'est-il pas vrai que, selon les informations que
nous avons ici - je crois que c'est lorsque John Dindsmore de Pétromont
est venu faire sa présentation - lorsque le gaz traverse la
frontière de l'Alberta, il est "strippé" de certains
éléments, ce qui fait que les possibilités industrielles
du gaz que nous avons ici sont moins grandes que celles qui existent en
Alberta? Ne faudrait-il pas diminuer l'importance du paragraphe que vous avez
dans votre mémoire en précisant le fait qu'il y a certains
éléments qui existent dans le gaz naturel qui n'existent plus
lorsque le gaz naturel arrive à Montréal?
M. Gaulin: Permettez-moi d'apporter certaines précisions
là-dessus. D'abord, normalement, quand on trouve du gaz à
l'état pur dans la terre, il contient d'autres liquides qui, bien
souvent, sont du propane et du butane. Ces liquides sont, en Alberta,
recouvrés par la compagnie Dome qui les achemine à Sarnia
où on en fait la séparation et la revente à l'industrie
pétrochimique. Le gaz naturel comme tel qui est vendu n'a pas plus
d'avantages en Alberta qu'au Québec. Le seul désavantage, bien
entendu, est que, si on avait la possibilité d'avoir ces matières
premières qui pourraient servir à l'industrie
pétrochimique, on pourrait offrir des avantages à
Pétromont qui lui permettraient probablement d'être concurrente,
le gaz naturel ayant les mêmes caractéristiques, les mêmes
pouvoirs industrialisants.
Quant à l'industrie pétrochimique j'écoutais les
commentaires de M. Laberge, ce matin - je crois qu'il faut réaliser
qu'au Québec elle fait face à un problème en ce moment
à cause du fait que la matière première utilisée
par l'industrie pétrochimique canadienne à l'Ouest et
américaine dans le golfe s'alimente à partir du gaz naturel,
à partir de ces matières qui sont
récupérées.
Or, il faut se reporter au fait qu'il reste des raffineries à
Montréal qui produisent du propane et du butane à partir du
pétrole. Je dois vous dire que chez Gaz Métropolitain on a
commencé à conclure des ententes avec des raffineurs pour
remplacer le propane et le butane, qui en été est utilisé
pour chauffer la raffinerie, par du gaz naturel, leur offrant un prix beaucoup
plus intéressant pour leur combustible et permettant à ces
raffineries en retour de vendre cette matière première à
Pétromont. Donc, on a déjà contribué à
favoriser l'industrie pétrochimique au Québec avec le gaz
naturel.
Il reste à solutionner le problème pour l'hiver. Il n'est
pas impensable que la quantité de matières premières
propane et butane dont Pétromont a besoin durant l'hiver on la retrouve
chez les raffineurs qui l'utilisent durant l'hiver pour les carburants. Or, si
on trouvait le moyen de remplacer ces matières par du gaz naturel, on
pourrait offrir à Pétromont une solution très
intéressante pour lui permettre de survivre.
M. Fortier: Comment se fait-il que vous puissiez le faire
l'été, mais qu'en hiver cela n'est plus rentable?
M. Gaulin: Quand le raffineur produit son essence durant
l'été, la température étant plus clémente,
vous n'avez pas de problème à démarrer votre automobile,
la tension de vapeur est suffisante et vous n'avez pas besoin de mettre de
butane dedans. Le butane est donc brûlé à
l'intérieur de la raffinerie pour chauffer le pétrole. Durant
l'hiver, alors que la température est plus froide, l'essence doit avoir
une tension de vapeur plus élevée, on utilise le butane pour
l'augmenter; à ce moment-là le butane prend la valeur de
l'essence. Il faut trouver le moyen de le remplacer dans l'essence par le gaz
naturel.
M. Fortier: J'imagine qu'une autre raison serait le fait que Gaz
Métropolitain doit avoir plus de surplus de gaz l'été que
l'hiver et que, pour vous, c'est plus économique de faire des
arrangements avec les raffineries en été qu'en hiver. Autrement,
cela augmenterait votre pointe en hiver.
M. Gaulin: Oui, vous avez raison. Disons que c'est plus
avantageux pour nous l'été. Mais il ne faut pas penser qu'on ne
peut pas le faire l'hiver. Comme je vous l'ai dit tantôt, les surplus se
retrouvent partout et dans le gaz naturel en particulier. Je dois vous dire
qu'en hiver on n'a pas beaucoup de
difficulté à obtenir des contrats d'approvisionnement
additionnels.
M. Fortier: Est-ce que je peux vous demander une chose? Vous avez
signé des contrats d'achat de gaz. Bien sûr, Gaz Inter-Cité
nous a expliqué le mode contractuel qui fait qu'avec les subventions du
gouvernement fédéral durant trois ans il y a un certain moratoire
sur "les volumes d'achat pour lesquels la compagnie avait contracté". De
qui achetez-vous votre gaz, plus exactement de quelle compagnie?
M. Gaulin: En ce moment, avant que SOQUIP s'implique dans le
secteur de la production, on a acheté des volumes de Pan Alberta. On a
été les premiers à établir ces relations avec le
gouvernement de l'Alberta et, en fait, on les a mis au monde chez Gaz
Métropolitain, pas pendant que j'étais là, mais avant. Par
la suite, on a, tout d'abord, contracté, comme tout le monde, avec
TransCanada pour des volumes de base. Pour les volumes additionnels, je peux
vous dire qu'on est déjà engagé envers SOQUIP à
prendre les volumes additionnels qu'on placera sur le marché
québécois.
M. Fortier: Est-ce que c'est uniquement avec SOQUIP? Gaz
Inter-Cité nous disait que c'était moitié Inter-City Gas
et moitié SOQUIP.
M. Gaulin: Dans notre cas, c'est avec SOQUIP.
M. Fortier: Je vois ici que la décision tarifaire de la
Régie de l'électricité et du gaz pour cette année
était de vous fixer un rendement de 16%. Est-ce que ce rendement - qui
est un rendement selon les calculs de la Régie de
l'électricité et du gaz - est le rendement effectif que vous
atteindrez globalement dans vos états financiers pour l'année
1983? Autrement dit, en termes de ventes et en termes de rendement sur le
capital, est-ce que vous atteignez vos objectifs cette année?
M. Gaulin: Oui, nous atteignons nos objectifs et nous comptons
les atteindre. Je suis très heureux que vous me posiez cette question.
Il y a beaucoup d'interrogations qui se posent. Premièrement, la
Régie de l'électricité et du gaz établit, sur ce
qu'on appelle la base de tarification, le coût de cet argent dont on a
besoin pour financer nos actifs. La base de tarification, c'est, en fait,
l'investissement global qu'on met dans l'entreprise. Or, pour établir
ces coûts, elle se base sur des expertises en partant de financements
où il n'y a pas de risque et en calculant à quel niveau un
investisseur est prêt à investir, pour pouvoir attirer ses
investissements. Question très importante puisque dans une entreprise
réglementée on ne génère pas suffisamment
d'autofinancement pour financer nos projets d'investissement, surtout en
période d'expansion. Il n'est pas suffisant que la régie nous
donne ce rendement, il faut l'atteindre. L'an dernier, on ne l'a pas tout
à fait atteint; on a été à 17,4% contre 18%, mais
cette année on se dirige vers les 16% qui sont autorisés.
M. Fortier: Je n'ai pas suivi cela dernièrement; je n'ai,
malheureusement, pas acheté d'actions de Gaz Métropolitain, mais
c'est assez stable, si ma mémoire est fidèle. Est-ce que la
valeur de vos actions à la Bourse se maintient?
M. Gaulin: En ce moment, la valeur est à peu près
à 7,25 $ et elle était, il y a deux ans, à 4,25 $. Donc,
ceux qui ont acheté des actions dans le cadre du programme
d'épargne-actions n'ont pas à le regretter. C'est, d'ailleurs,
une caractéristique d'une entreprise de distribution gazière mais
cela dépend aussi fortement de la performance de l'entreprise quant
à son taux de rendement. Le taux de rendement étant atteint,
quand on fait une émission d'actions, plus la valeur de l'action est
élevée, moins cela coûte cher pour le financer et moins nos
clients le paient.
M. Fortier: Quel est le rapport entre l'équité et
la dette à long terme chez Gaz Métropolitain?
M. Gaulin: Si vous me le permettez, je vais consulter mes
collègues là-dessus. Nous maintenons en ce moment un ratio de 40%
d'équité en tenant compte aussi de la dette à court terme,
ce qui est au-dessus de la moyenne des entreprises d'utilité publique
canadiennes.
M. Fortier: Est-ce que vous devez faire une émission
d'actions prochainement? Présentement, j'imagine que vous
négociez vos investissements par des dettes à court terme.
M. Gaulin: On s'apprête à faire une émission
d'actions ordinaires à l'automne.
M. Fortier: Je crois que c'est la dernière année
pour les grandes entreprises pour bénéficier du programme
d'investissement. Ceux qui, comme le ministre, ont des hauts salaires peuvent
acheter des actions. Je crois que c'est la dernière année,
n'est-ce-pas, pour bénéficier du système
d'épargne-actions?
M. Gaulin: C'est la dernière année pour les grandes
entreprises, mais on ne doit pas se qualifier parce que cela continue pour
nous. On est à l'intérieur d'un actif de 1 000 000 000 $.
Alors, le programme continue pour nous l'année prochaine et les
années à venir.
M. Fortier: Une dernière question que j'aurais avant de
passer la parole à mes collègues. Quelle est en moyenne
l'augmentation du tarif domestique que vous avez l'intention de
réclamer? Autrement dit, si je vous demandais de faire une
prévision pour 1984, quelle serait l'augmentation des tarifs de Gaz
Métropolitain?
M. Gaulin: En moyenne, notre présentation en ce moment
à la régie prévoit une augmentation tarifaire de 3%. Je
dois vous dire que cela contient plus de 60% d'impôts que l'entreprise va
payer. Une caractéristique intéressante à retenir, c'est
que les impôts payés par une compagnie d'utilité publique
reviennent à 90% à la province. Donc, il y a la portion
provinciale qui reste et 90% de la portion fédérale reviennent
à la province.
M. Fortier: Je ne vois pas les impôts ici dans votre
bilan.
M. Gaulin: Oui. Si vous regardez en bas, vous allez en voir.
M. Fortier: D'accord. Oui. Quel est le montant des impôts
que vous payez en tout et partout?
M. Gaulin: En 1983, on va payer 11 000 000 $ et, en 1984, 18 000
000 $ d'impôts.
M. Fortier: Ah, mon Dieu! Ce sont des impôts sur les
profits?
M. Gaulin: Oui.
M. Fortier: Ah oui, oui! Et non pas des taxes incluses à
l'intérieur des coûts de fonctionnement comme tels?
M. Gaulin: Non.
M. Fortier: Alors, ce serait uniquement 3%. Maintenant, cette
augmentation prend en considération le fait que très probablement
le fédéral va diminuer sa taxe pour s'assurer qu'il n'y ait pas
d'augmentation de tarif. Je pense bien que pour le moment on tient cela pour
acquis.
M. Gaulin: Oui. Compte tenu du fait qu'il y a eu une entente
entre le gouvernement canadien et l'Alberta qui fixe le prix du gaz naturel
pour les 15 prochains - quand cela a été signé
c'était pour 18 mois; j'imagine qu'il en reste un peu moins - mois, du
moins jusqu'au 1er janvier 1985, à 65% du prix du pétrole, qui ne
devrait pas augmenter à moins que le prix international passe de 29 $
à 34 $, à peu près. On peut donc s'attendre qu'en 1984, il
n'y ait pas d'augmentation dans le coût du gaz. (15 h 45)
M. Fortier: Je vous remercie. J'ai pris note de votre
recommandation, qui me semble majeure, dans le sens qu'Hydro-Québec
soit, elle aussi, soumise à une revue de la Régie de
l'électricité et du gaz, et j'espère que Dieu vous
entendra.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Avant de céder la parole à M. le ministre,
je fais juste un petit calcul mathématique et je me rends compte qu'on a
couvert plus de quatre heures depuis le matin et que nous en sommes encore au
deuxième groupe d'invités sur six. Pardon?
Une voix: On siégera ce soir.
Le Président (M. Gagnon): On siégera ce soir, mais
je voudrais demander aux membres de la commission ainsi qu'à nos
invités peut-être d'aller un peu plus rapidement dans les
questions et aussi dans les réponses de façon qu'on puisse
terminer effectivement ce soir.
M. Fortier: Merci de votre recommandation, M. le
Président.
M. Duhaime: Je vais prendre un avis judicieux de votre conseil,
M. le Président. On essaiera d'aller vite, d'autant plus que beaucoup de
points ont été couverts.
D'après vos calculs et l'autorisation qui vous est donnée
par la régie, vous mentionnez que votre niveau de retour sur
l'investissement était à 17% l'an passé et à 16%
cette année. C'est cela?
M. Gaulin: 17,4% l'année dernière et 16% cette
année.
M. Duhaime: Je voudrais enchaîner à partir de ce
fait sur le résultat de ce qu'on appelle l'harmonisation dans la
concurrence ou la concurrence à travers l'harmonisation pour rappeler
que lorsque vos collègues de Gaz Inter-Cité sont venus, leur
niveau de retour sur l'investissement était à 16,5%. J'ai fait le
calcul sur les neuf dernières années d'Hydro-Québec et, si
ma mémoire est bonne, j'arrivais à 16,7%. On est, comme on dit,
dans le "ball park". Quand on regarde les résultats et en tenant compte
du fait que Gaz Inter-Cité est dans une phase de grande expansion - Gaz
Métro l'est également -finalement, même si on n'a pas une
situation où le tableau pourrait, soit par clientèle ou par
territoire géographique, se tasser un peu plus, il reste qu'en termes de
résultats nets, si j'ai bien retenu l'échange que vous avez
eu avec le député d'Outremont, vous pensez atteindre vos
objectifs de pénétration de marché à
l'intérieur de votre franchise, malgré les à-coups
où il y a un client qui vous échappe de temps à autre. Je
serais à peu près certain que le phénomène inverse
se retrouve également, que vous allez en chercher un de temps à
autre que vous aviez désespéré aller chercher. Mais l'un
dans l'autre, sur le scénario à l'horizon de 1987 ou encore de
1990, dans l'état actuel des choses et pour employer l'expression "toute
chose étant égale", vous restez optimistes sur l'atteinte de vos
objectifs de pénétration de marché.
M. Gaulin: Oui, dans les conditions que j'ai mentionnées
tantôt, vous avez parfaitement raison à savoir que tantôt on
en perd et tantôt on en gagne. Je n'ai pas voulu associer, par exemple,
la perte d'un client à Saint-Jérôme à l'arrêt
de notre effort dans l'expansion. Pas du tout. Je dis que, si ce programme se
répétait "at large", cela rendrait notre
pénétration plus difficile.
M. Duhaime: Je voudrais revenir sur vos objectifs de
marché. Vous me corrigerez si cela ne correspond pas avec ce que vous
avez sur la problématique 1982-1987. Pour Gaz Métro,
d'après ce que j'ai ici, c'est 142 BCF comme objectif et, sur l'horizon
de 1990, c'est 160. Est-ce que cela correspond à vos chiffres aussi?
M. Gaulin: Oui. M. Duhaime: Oui?
M. Gaulin: Du moins pour la portion jusqu'à 1988, les 142
BCF correspondent bien. Quant aux 160, je n'ai pas le chiffre précis en
tête.
M. Duhaime: Parce qu'on a évoqué 50 tantôt,
je voudrais préciser le chiffre. Gaz Inter-Cité est beaucoup plus
ambitieuse. Pour l'horizon 1987, l'objectif était de 74 BCF. En
l'additionnant à vos propres 142, cela nous mène à 216.
Gaz Inter-Cité a comme objectif, sur 1990, 100 000 000 000 de pieds
cubes par rapport à 160 000 000 000 pour Gaz Métro, ce qui veut
dire qu'à l'horizon de 1990, 260 BCF ou milliards de pieds cubes
correspondraient à peu près à 17% ou 18% du bilan
énergétique.
Vous avez mentionné les niveaux d'investissement de 1983 à
1987. J'ai noté 948 000 000 $ et vous avez donné la ventilation
dans le réseau de distribution, amélioration, conversion et
raccordement, etc. Est-ce qu'une évaluation a été faite du
contenu québécois de l'investissement? Je comprends que les
autres distributeurs doivent avoir une très grande partie en masse
salariale, mais est-ce que vous pourriez nous donner un peu d'information
là-dessus?
M. Gaulin: M. le ministre, au niveau du contenu
québécois, on a cité des chiffres de 82% quant aux
immobilisations et de 90% en termes de dépenses d'exploitation. Pour
apporter des précisions là-dessus, on s'est servi du
modèle intersectoriel du gouvernement qui date quand même de 1978
et on a tenu compte, dans nos évaluations, non seulement du fait que
c'était bâti au Québec, mais aussi que la
propriété était québécoise, que même
le transport était québécois. On a fait des
évaluations assez profondes à ce niveau. Comme je l'ai
mentionné dans ma présentation tantôt, de plus en plus
d'entreprises s'impliquent dans l'industrie du gaz naturel au Québec et
nous sommes en train de faire réviser ces prévisions par un
collègue de l'Université de Montréal pour préciser
ces chiffres. Nous pensons qu'ils devraient être supérieurs
à ce que je vous ai mentionné. Disons qu'en ce moment,
basé sur les faits, c'est 82%.
M. Duhaime: Bravo. Sur la question des prix - je vais terminer
avec cette question pour me conformer à votre invitation, M. le
Président - on parlait de la Régie de l'électricité
et du gaz, tout à l'heure, qui établit le prix du gaz. Je pense
qu'on va convenir que ce n'est pas la régie comme telle qui
établit le prix à l'entrée de la franchise, mais c'est
à partir de là. Le prix à l'entrée de la franchise
est important. Il y a aussi des programmes d'incitation à la conversion
au gaz; il y en a toute une série, et il y a la question de la
fiscalité. L'autre jour, nous avons établi que le niveau de
taxation du gouvernement fédéral était, si ma
mémoire est bonne, d'environ 1,30 $ sur 4,14 $ les 1000 pieds cubes.
C'est avant même l'intervention de la Régie de
l'électricité et du gaz et c'est avant même que le
gouvernement du Québec décide d'imposer une taxe de vente ou
non.
N'avez-vous pas l'impression que le gaz naturel est cher à
l'entrée de la franchise? C'est peut-être là qu'est la plus
grande difficulté pour Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité
de faire la pénétration sur le marché. Si le prix du gaz
baissait - on a beaucoup discuté de déréglementation -
s'il y avait une déréglementation du prix du gaz, il y a gros
à parier qu'avec les surplus qui existent, qui sont beaucoup plus
abondants, toutes proportions gardées, que ce qu'Hydro peut avoir dans
ses réservoirs, le prix s'en irait à la baisse. Je parle du prix
à l'entrée de votre franchise. Quelle est votre réaction
là-dessus? Beaucoup de gens me disent: Moi, le gaz, cela
m'intéresse, mais c'est encore trop cher. Nous autres, on a
enlevé la taxe de vente de 9%. Je pense que vous l'aviez demandé.
Je ne comprends pas pourquoi mon
collègue d'Outremont a oublié de mentionner que notre
gouvernement avait enlevé la taxe de vente de 9% sur le gaz, mais c'est
une réalité. Le Québec ne perçoit pas un seul
sou.
M. Fortier: On est d'accord. Il aurait fallu l'enlever...
M. Duhaime: C'est ma question. Il y a 1,30 $ et il y a les fameux
0,30 $ les 1000 pieds cubes quelque part pour les produits gaziers et les
produits pétroliers. Si on enlevait cela? Si le gouvernement
fédéral prenait la décision d'enlever les 0,30 $ chez
votre client dans l'hypothèse où vous décidiez de
répercuter complètement la baisse à votre
clientèle, n'est-ce pas là la clé pour non seulement
atteindre vos objectifs de pénétration de marché, mais les
augmenter?
M. Gaulin: M. le ministre, je prends l'occasion de vous
remercier, d'abord, pour avoir enlevé la taxe de vente sur le gaz, parce
que cela indique clairement que vous êtes favorable à la
pénétration du gaz naturel au Québec. Au sujet de la
déréglementation, je pense que vous avez parfaitement raison.
Tout d'abord, le niveau de taxation sur le gaz naturel est de beaucoup
supérieur à toute autre forme d'énergie. Selon nos
calculs, c'est deux fois et demie plus élevé que le
pétrole et sept fois plus élevé que
l'électricité. Il est bien entendu qu'on peut parler de
déréglementation, mais, dans les faits, on peut s'attendre que
cela ne se produise pas. La commission parlementaire en est un exemple.
L'énergie, c'est l'intérêt de tout le monde et je crois que
le rôle de l'État dans l'énergie est nécessaire. Par
contre, l'objectif poursuivi par la déréglementation est
atteignable. Je dois vous dire que Gaz Métropolitain a fait
d'énormes représentations auprès non seulement du
gouvernement fédéral et du gouvernement de l'Alberta, mais des
producteurs. Vous avez sans doute constaté dernièrement que, dans
l'entente, on a mentionné qu'on s'apprêtait à instaurer un
mécanisme de prix incitatifs a l'industrie et je crois qu'une bonne part
de cette initiative revient à Gaz Métropolitain. Les pourparlers
sont en cours. On est très actif dans ce domaine et je dois vous dire,
selon ce qu'on nous rapporte, que l'Alberta doit déposer une proposition
au gouvernement fédéral dans la prochaine semaine à cet
effet. Le gouvernement fédéral, par la suite, a promis de
consulter l'industrie. Nous comptons faire valoir notre point de vue
là-dessus et nous pensons que, d'ici février 1984, un
mécanisme sera en place. Il est à souhaiter que ce soit avant,
mais cela rejoint un des points que j'ai soulevés tantôt, à
savoir qu'il est très important que le gaz naturel occupe une place
importante dans le bilan énergétique parce que cette taxe fait
ressortir le fait que le gaz naturel est très peu dispendieux comme
coût, étant donné les immenses réserves qui
existent. Notre effort vise - compte tenu du fait que politiquement nous ne
pensons pas qu'une déréglementation puisse se produire - à
faire éliminer certaines taxes pour favoriser l'industrie au
Québec.
M. Duhaime: J'ai eu l'occasion de le dire l'autre jour, mais je
crois, au risque de me répéter, que le gouvernement
fédéral intervient dans un programme d'expansion du réseau
gazier en payant pour les conduites latérales. Il y a aussi les
programmes de conversion et il y en a une ribambelle qui s'additionne. C'est
drôle, mais je vois comme une espèce de contradiction et je
n'arrive pas à comprendre comment le gouvernement fédéral
n'y voit pas tout de suite son intérêt. Lorsque le gaz naturel
entre, c'est du pétrole importé qui se déplace
immanquablement - on s'entend là-dessus -mais sur chaque mille pieds
cubes de gaz qui se vend sur ce nouveau marché, le gouvernement
fédéral va chercher 1,30 $. Je fais un calcul rapide. Votre
objectif et celui de Gaz Inter-Cité - je parle à l'horizon de
1990 - est de 260 8CF, combiné. Supposons qu'on se trompe un peu tout le
monde. Pour les fins de la discussion, on dit: 240 000 000 000 de pieds cubes
à 1,30 $ les mille pieds, en taxes, cela fait entre 310 000 000 $ et 312
000 000 $ de revenus fiscaux à la hauteur de 1990. Donc, cela va aller
en progression au fur et à mesure. A chaque mille pieds cubes que vous
placez sur le marché, le gouvernement fédéral ramasse 1,30
$. C'est pour cette raison que j'appelle le programme de subvention
fédérale non pas une subvention, mais un investissement fiscal.
Je vous assure que le retour sur cet investissement fiscal est beaucoup plus
élevé que les maigres 16% dont vous vous contentez, si on le
prend sur une base annuelle. (16 heures)
Alors, nous allons tenter de convaincre le gouvernement
fédéral. Moi aussi, je serais surpris qu'il décide de
déréglementer, mais au moins qu'il abandonne certaines taxes. En
effet, j'aurais le sentiment que, si vous pouviez appeler tous vos clients
demain matin et tous vos prospects et leur dire: La taxe de 0,30 $ les 1000
pieds cubes (prenons celle-ci) vient d'être enlevée, cela vous
ferait un bon escompte à offrir à vos clients.
Je me demande si ce n'est pas de ce côté qu'il faut qu'on
pousse davantage. On parle beaucoup d'Hydro-Québec. HydroQuébec
est sur le marché de Montréal depuis des années; Gaz
Métro est là aussi depuis des années. On a fait
établir assez
clairement par votre collègue, M. Barbeau, qui lui est dans un
autre territoire, que la présence d'Hydro-Québec avec une
problématique de marketing agressif avait comme effet direct de faire
diminuer ses propres prix aux consommateurs de gaz. Est-ce que ce n'est pas la
même chose dans votre cas? Est-ce qu'Hydro-Québec, par le fait
même qu'elle soit sur le marché, à la chasse de clients
potentiels, ne force pas Gaz Métro à resserrer ses coûts
d'exploitation, à essayer de diminuer ses prix pour que, en fin de
compte, ce soit le consommateur, qu'il soit domestique, industriel ou
commercial, qui soit gagnant?
M. Gaulin: M. le ministre, c'est toujours l'effet de la
concurrence, bien entendu, et vous avez parfaitement raison de dire qu'il faut
travailler aussi sur la réduction des taxes - peu importe comment cela
viendra - sur la réduction du prix du gaz naturel, puisque si on regarde
les coûts il y a un fort contenu d'imposition gouvernementale. Mais,
compte tenu de tout cela, même si le prix baissait - ma proposition n'est
pas une proposition adverse - je demeure convaincu que la meilleure
façon pour le gouvernement d'exercer ses politiques
énergétiques, c'est que l'électricité et le gaz
soient sujets aux mêmes réglementations, aux mêmes
règles de fixation des tarifs. Cependant, vous avez parfaitement raison
au niveau du prix. D'ailleurs, je dois vous dire, à ce sujet, que non
seulement les distributeurs gaziers québécois tels que Gaz
Métropolitain en sont convaincus, mais que les producteurs et même
l'Association canadienne du gaz sont en arrière de nous, parce que,
comme je l'ai dit tout à l'heure, les problèmes qu'on vit ici, on
les retrouve en Ontario de plus en plus, on les retrouve en Colombie
britannique et on les retrouve partout dans le monde. Je crois que cela
favoriserait encore plus la saine concurrence si on le faisait sur une
même base. C'est mon point.
M. Duhaime: Je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Très brièvement, M. le
Président. M. Gaulin, juste pour revenir à la difficulté
que vous avez eue à vous implanter à Saint-Jérôme,
c'est un cas concret qui peut peut-être nous aider à comprendre
les différences qui existent entre ce que vous offrez et ce
qu'Hydro-Québec peut offrir à un client potentiel. Dans le cas
présent, on dit que c'est Hydro-Québec qui finalement a eu gain
de cause. Est-ce que c'était une nouvelle compagnie qui s'installait ou
si c'était une compagnie déjà installée qui a
marchandé ou négocié ses sources d'approvisionnement
énergétique?
M. Gaulin: M. le député, c'était une
compagnie existante qui consommait du mazout lourd.
M. Lavigne: Donc, ce n'est pas une nouvelle compagnie qui pouvait
bénéficier des 50% de rabais la première année,
puis des 40%, 30%, 20% et 10% des grandes politiques énergétiques
pour une nouvelle compagnie qui s'implante?
M. Gaulin: Non.
M. Lavigne: C'est un élément qui n'est pas
entré en ligne de compte dans la négociation du prix. En enlevant
cela, où Hydro-Québec a-t-elle pu être aussi agressive?
Pour autant que je le sache, il y a des programmes d'aide au niveau
domiciliaire pour quelqu'un qui veut avoir un système de chauffage
biénergie, par exemple, électricité-pétrole.
Peut-être avez-vous de la difficulté à cause de cette
subvention qui est offerte au client, mais je ne pense pas que cette
subvention, à moins que je ne sois ignorant de la chose...
M. Ouhaime: La subvention au niveau des chaudières.
M. Lavigne: La subvention au niveau des chaudières, c'est
là qu'Hydro-Québec est arrivée à être
agressive et à bénéficier d'un avantage gouvernemental.
C'est ainsi que le client a bénéficié d'une subvention et
il est arrivé à avoir un meilleur prix.
M. Gaulin: D'abord, M. le député, ce n'est pas moi
qui ai soulevé le cas de Saint-Jérôme comme étant un
problème. J'ai simplement voulu indiquer, en réponse à M.
Fortier et à M. le ministre, que si cette situation était
répercutée à travers le territoire, bien entendu, on
aurait de la difficulté parce que les prix qui ont été
offerts étaient plus bas que nos coûts à l'arrivée.
C'est le point que M. le ministre soulevait. La régie prend à
partir de là et nous empêche de vendre en bas de nos coûts,
parce que cela voudrait dire qu'une industrie en subventionne une autre. Mais
je n'ai pas voulu en faire un cas.
M. Lavigne: Non, mais moi, je le prends seulement à titre
d'exemple. Je ne veux pas en faire un cas non plus. C'est juste pour nous
permettre de comprendre de façon bien précise. Par ailleurs, M.
le ministre soulevait tout à l'heure la taxe fédérale de
1,30 $ par 1000 pieds cubes de gaz vendu. Une fois le contrat signé avec
Hydro-Québec pour la fameuse compagnie de Saint-Jérôme,
quelle était la marge ou la
différence? Est-ce qu'elle était énorme entre ce
que vous pouviez offrir à cette compagnie en quantité
énergétique, en BTU, par rapport au gaz ou à
l'électricité? Quant à la marge de 1,30 $ les 1000 pieds
cubes, si vous aviez pu en bénéficier, est-ce que cela vous
aurait fait un produit moins coûteux que ce que Hydro-Québec est
en mesure d'offrir?
M. Gaulin: Fort possiblement, compte tenu du prix auquel cela a
été conclu. Mais le point que j'essaie de souligner, c'est que la
régie - pour vous expliquer un peu ma recommandation - m'empêche
de vendre en bas de mes coûts. Or, si Hydro-Québec n'est pas
soumise à cette même réglementation, elle n'a qu'à
se placer en bas de mon coût: donc, la différence devient
énorme puisque je ne peux pas lui faire concurrence.
M. Lavigne: Oui, d'accord.
M. Gaulin: Et si la taxe de 1,30 $ avait existé - allons
à la limite - HydroQuébec aurait pu encore se fixer en bas de mon
coût.
M. Lavigne: Oui, oui.
M. Gaulin: C'est le point que j'essaie de souligner. Ce n'est pas
une position adverse. Je n'essaie pas d'éliminer la concurrence;
j'essaie simplement de m'assurer que les règles soient les mêmes
pour les deux.
M. Lavigne: Oui, oui. Maintenant, on arrive à la
conclusion suivante. Je ne suis pas un vendeur de gaz, mais si on veut se
consoler, on peut toujours regarder l'autre côté de la
médaille et se dire que, si la compétition est forte, les prix
vont être bas. Les prix étant bas, le coût de revient d'un
produit va être inévitablement plus bas. Et on est dans une
meilleure posture si cette compagnie, par exemple, fabrique un produit qui est
vendu à l'étranger, il est plus compétitif. Donc, cela
peut créer plus d'emplois et cela fait un peu boule de neige.
M. Gaulin: Ce que vous dites est très avantageux. Mais, il
ne faut pas se placer à trop court terme. Qu'est-ce qu'il arrive dans
l'hypothèse où ces surplus sont temporaires et qu'au bout de
quatre ans le client n'y a plus accès? Vers quelle source
d'énergie va-t-il se tourner si le gaz n'est pas là? C'est
là mon point. Il ne faut pas regarder la situation et établir des
politiques qui visent seulement le court terme. Il faut penser à plus
long terme.
M. Lavigne: D'accord, je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Je crois qu'il n'y a pas d'autres questions. Donc, je
dois vous remercier de votre présence à cette commission
parlementaire.
Maintenant, j'inviterais la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec à prendre place. En
vous souhaitant la bienvenue, je voudrais vous inviter à
présenter les gens qui vous accompagnent et à nous faire la
lecture de votre mémoire.
Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec
M. Boileau (Michel): Est-ce que tout le monde a lu le
mémoire? Oui. Alors, c'est simplement une introduction que je vais vous
lire. Ensuite, vous pourrez toujours poser des questions.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez nous
présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
M. Boileau: À ma droite, M. Delisle, M. Fernand Latouche,
M. André Plante, M. Maurice Prince, M. Cadorette et M. Gilbert.
Comme vous le savez, la Corporation des maîtres mécaniciens
en tuyauterie du Québec regroupe tous les entrepreneurs, environ 2300,
qui exécutent des travaux d'installation de tuyauterie, soit des
systèmes de chauffage utilisés pour la production de la force
motrice ou la chaleur sous quelque forme que ce soit, soit des systèmes
de plomberie pour l'alimentation en eau et pour l'alimentation en gaz, soit des
systèmes de brûleurs à l'huile ou au gaz naturel.
La corporation est depuis son origine très impliquée dans
le domaine énergétique du Québec, ses membres étant
le point de contact entre les compagnies distributrices d'énergie et les
utilisateurs tant au niveau résidentiel que commercial et industriel.
Nos membres sont présents lors de la conception et de la
réalisation des projets de construction et de conversion des
systèmes utilisant l'huile ou le gaz comme sources d'énergie,
autant que des systèmes utilisant des énergies nouvelles - comme
l'énergie solaire - ainsi que des projets d'économie
d'énergie. En ce sens, ils participent activement à la
réalisation des objectifs retenus dans le livre blanc de 1978. Nous
travaillons, d'ailleurs, en étroite collaboration avec les principales
compagnies distributrices d'huile, de gaz naturel et
d'électricité.
Les deux objectifs principaux qu'on a voulu présenter dans notre
mémoire sont: nous assurer de l'utilisation rationnelle des
énergies en place, ainsi qu'appuyer la pénétration du gaz
naturel au Québec. Nous croyons que la mise en valeur et l'accroissement
des investissements pour une pénétration accrue du gaz naturel
auront des effets bénéfiques pour l'économie du
Québec en général, l'industrie manufacturière,
l'industrie de la construction, la main-d'oeuvre, ainsi que nos
membres.
Messieurs, si vous avez lu le reste du mémoire, peut-on vous
être utiles en répondant à vos questions?
Le Président (M. Gagnon): Même si on a invité
les gens à aller plus rapidement, vous pouvez prendre le temps de faire
un résumé de votre mémoire. Cela va?
M. Boileau: Cela va.
M. Duhaime: Soyez assurés que j'ai fait mes devoirs au
printemps dernier, quand les mémoires sont entrés j'ai eu
l'occasion de relire des résumés que mon équipe me fait.
Je crois comprendre de votre mémoire que vous épaulez très
solidement l'objectif de pénétration du gaz naturel au
Québec et que vous êtes d'accord, semble-t-il, avec l'objectif qui
y est fixé. Vous parlez de 16,3% du bilan en 1990. Je ne sais pas si
j'ai bien saisi votre mémoire, mais vous semblez dire que cela est
insuffisant comme objectif. Est-ce que vous avez poussé plus loin votre
scénario pour nous contreproposer ce que vous avez en tête
exactement? Est-ce bien au-delà de 16%?
M. Boileau: Les objectifs visés au départ, lors du
lancement du programme, étaient de cet ordre. Mais en cours de route il
semble ne pas les avoir atteints, à la suite des chiffres qu'on a
obtenus. Dans le but de maintenir ce qui était visé au
départ, soit d'amoindrir les besoins énergétiques en
pétrole par la conversion à l'électricité et au gaz
naturel - d'ailleurs, on vous le dit dans le mémoire - la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie est complètement
d'accord sur la biénergie, mais on pourrait le faire d'une façon
plus rationnelle en favorisant le gaz naturel là où il doit
être ou devra arriver sous peu et en gardant la biénergie pour les
endroits où Hydro-Québec a déjà ses lignes de
transmission d'installées et où elle peut aller en tout temps.
C'est une utilisation plus rationnelle dans le but aussi de préserver et
de créer de l'emploi. Lorsqu'on installe et qu'on développe un
nouveau réseau de gaz naturel, il faut le bâtir ce réseau,
tandis que, si vous développez une région donnée pour la
biénergie, le réseau est déjà établi. Ils
peuvent le transporter n'importe où dans tout le Québec où
Hydro-Québec est présente. Alors, la création d'emplois
dans le gaz naturel semble beaucoup plus avantageuse à ces niveaux dans
les régions où il a été prévu qu'il serait.
(16 h 15)
M. Duhaime: Donc, ce que vous craignez, c'est que le rythme de
pénétration du gaz naturel sur le marché ne se fasse pas
assez rapidement de votre point de vue pour atteindre l'objectif de 16,3%. Mais
on vient d'entendre M. Gaulin, de l'équipe de Gaz Métro, et Gaz
Inter-Cité est venue récemment. Gaz Inter-Cité est la
compagnie qui est en expansion à l'extérieur de Montréal.
Je crois que son objectif était de 109% dans la Mauricie; c'était
106% dans la région de l'Estrie et, dans la région de
Québec, alors que le gaz vient tout juste d'arriver, ils étaient
déjà, si mon souvenir est bon, à 80% ou 90% de leur
objectif de pénétration. Je parle pour l'immédiat. Je
voudrais savoir si c'est une crainte que vous appréhendez sur les six ou
sept prochaines années ou si votre mémoire soutient que le rythme
de pénétration du gaz, au moment où l'on s'en parle, est
insuffisant pour atteindre l'objectif.
M. Boileau: Comme vous l'avez probablement vu dans le
mémoire, où on parle des statistiques de l'OCQ versus l'emploi
dans le monde de la construction, il est entendu que, même avec une
baisse, on prévoit obtenir 72%, mais à la condition que les
projets comme Corvée-habitation et les projets d'installation du gaz
soient maintenus et peut-être même améliorés.
M. Duhaime: Vous travaillez sur le terrain. Si je me souviens
bien, je crois que c'est M. Laberge, ce matin, qui a laissé tomber une
phrase qui m'a surpris en disant que, dans le gaz naturel, il n'y a pas
tellement d'emplois si on tient compte du nombre d'emplois dans les
investissements hydroélectriques. C'est drôle, mais je suis
impressionné par les plans quinquennaux de Gaz Métro et de Gaz
Inter-Cité. Chacun est venu en commission établir qu'au contraire
les niveaux d'emplois sont très élevés. Vous-mêmes
qui êtes des entrepreneurs, vous avez des employés. Je comprends
qu'il y a les gens qui travaillent pour les compagnies de distribution
gazière comme telles, mais il y a tous ceux qui vont en soumissions, en
sous-traitance; je pense que c'est votre association qui représente ces
gens. En dehors de scénarios de niveaux d'emplois des travailleurs de la
construction dans l'ensemble des travaux de construction au Québec,
est-ce que votre association a des chiffres pour le secteur gazier, sur les
niveaux d'emplois depuis que les deux réseaux, Gaz Métro et Gaz
Inter-Cité, sont en phase d'expansion? J'aimerais bien savoir si ces
chiffres sont disponibles.
M. Boileau: En 1978, pour ce qui est de l'agglomération de
Montréal, le nombre total de raccordements, d'installations et de
conversions au gaz était de 51 au niveau industriel. En 1982, il
était de 166. Si on calcule le nombre d'heures que cela demande pour
faire une conversion, surtout au niveau industriel, il y a sûrement eu
une création
d'emplois à ce niveau. Ce sont des emplois très bien
rémunérés aux fins de la construction; ce ne sont pas des
gens au salaire minimum. Donc, on devrait favoriser ce genre de création
d'emplois. Au niveau commercial, en 1978, vous en aviez 299; en 1982, cela
monte à 1885; là aussi, il y a une augmentation fantastique des
heures travaillées. Au niveau résidentiel, en 1978: 4497; en
1982: 23 500. Alors, quand on dit que l'implantation du gaz ne crée pas
d'emplois, je suis sceptique.
M. Duhaime: Je suis très heureux de constater que non
seulement la pénétration du gaz naturel crée de l'emploi,
mais je suis convaincu que mon collègue d'Outremont va apprécier
beaucoup les chiffres que vous venez de donner parce qu'il est tourmenté
et très inquiet de nos scénarios de pénétration du
gaz et d'Hydro-Québec sur le même marché. D'ailleurs, vous
aussi, vous avez Hydro-Québec dans vos mires, si je comprends bien. Vous
craignez la présence d'Hydro-Québec, mais vous êtes des
hommes d'affaires qui avez des entreprises. Je ne sais pas, mais
traditionnellement le milieu des affaires dit toujours au gouvernement:
Voulez-vous, s'il vous plaît, vous enlever de nos jambes et nous laisser
gagner notre vie, nous laisser travailler? On va faire des profits et on va
payer nos impôts comme tout le monde. Mais si j'ai bien compris une de
vos réponses tantôt, vous souhaiteriez que le gouvernement
intervienne davantage pour protéger ou encore accélérer
l'effort de pénétration du gaz naturel et mettre des brides
à Hydro-Québec en quelque sorte. Est-ce cela, votre
proposition?
M. Boileau: Sur la philosophie ou la façon d'administrer
les deux sortes d'énergie, on voudrait qu'il y ait une meilleure
coordination, comme je l'ai expliqué, au niveau de la biénergie;
il faudrait la favoriser surtout dans les régions où le gaz ne
pénétrera pas et favoriser le gaz naturel dans les régions
où il est prévu qu'on doive développer le réseau
à plus ou moins court terme.
M. Duhaime: Mais, de votre point de vue, vous seriez prêt
à nous recommander d'aller jusqu'où? Une politique de double
prix, de prix régionaux, dans les zones gazières et dans les
zones hors gaz? Comment voyez-vous cela? Ou bien est-ce qu'on laisse aller? Je
regarde le résultat net de ce qu'on appelle, entre guillemets,
"l'harmonisation". Je regarde le retour sur l'investissement chez Gaz
Métro, chez Gaz Inter-Cité et à Hydro-Québec. C'est
sur des bases comparables. On parle d'autour de 16%. Bien sûr que le
gouvernement veut intervenir par différents programmes de subventions.
La régie est là pour ce qui est de la fixation du prix du gaz
à partir de l'entrée de la franchise. Le gouvernement pourrait
aussi intervenir au niveau de la fiscalité. Je voudrais savoir de vous
jusqu'où vous proposeriez d'aller dans le sens de l'harmonisation.
M. Boileau: On parlait de Saint-Jérôme tout à
l'heure comme exemple où le gaz devait se rendre. Alors, parce
qu'Hydro-Québec pouvait avoir des prix beaucoup plus concurrentiels, le
réseau n'a pas été prolongé jusque-là. Donc,
il y a eu un manque de création d'emplois dans cette région
jusqu'à maintenant. C'est bien entendu qu'ils vont y aller, mais
quand?
M. Duhaime: En contrepartie, il y a de l'argent qui entre
à Hydro-Québec qui lui permet aussi de financer ses
investissements.
M. Boileau: Oui, mais on n'a pas créé d'emplois au
niveau de la ligne de transmission parce qu'elle était
déjà là. Cela fait longtemps qu'elle est là, tandis
que, si on avait fait un pipeline pour se rendre jusque-là, on aurait
créé des emplois.
M. Duhaime: Je vais réfléchir tout haut avec vous,
si vous me le permettez. J'ai énormément d'hésitation
à interdire l'accès à certains marchés...
M. Boileau: Sans l'interdire, on peut le favoriser.
M. Duhaime: ...ou encore de certaines clientèles à
Hydro-Québec parce que je pense que la réponse de M. Gaulin est
venue tout naturellement. Si Hydro-Québec n'était pas là
avec les programmes, soit sur la biénergie, soit sur les
chaudières, soit son programme d'écoulement des surplus, tout le
monde s'entend, dans le secteur du gaz, pour dire que nos prix seraient
peut-être plus hauts à nos consommateurs, de l'aveu même des
distributeurs.
Je n'ai pas d'autres questions, M. Boileau, c'est bien cela?
M. Boileau: Oui.
Le Président (M. Lavigne): Aviez-vous un dernier
commentaire, M. Boileau?
M. Boileau: C'est qu'en équilibrant les programmes de
subventions nous favoriserions le développement du réseau de gaz
naturel là où il peut être disponible. Dans les autres
régions, nous inciterions aux économies d'énergie
pétrolière au moyen de la biénergie plutôt
qu'à son remplacement pur et simple. Ainsi, nous maximiserions
l'énergie à titre de levier de développement
économique. Lorsque le programme a été pensé et mis
en place, le but premier était d'essayer de nous libérer
de l'emprise du monde pétrolier. Si on le faisait de façon
rationnelle, ce serait l'idéal autant pour les membres de la corporation
que je représente qui travaillent en tuyauterie que pour le
consommateur. Le gaz naturel a des prix très concurrentiels; il n'y a
pas de pollution; il y a une foule d'avantages autant pour nous que pour le
consommateur.
M. Duhaime: Je comprends, M. Boileau, que vous défendiez
très bien et avec éloquence l'intérêt des membres de
votre association, mais je douterais beaucoup que la Corporation des
maîtres électriciens du Québec partage votre
scénario. Je pense que, là-dessus, on se comprend très
bien. Il m'est arrivé de faire un discours sur le gaz, lors d'un
congrès de la Corporation des maîtres électriciens du
Québec, et ils m'avaient trouvé très amusant. Je vous
remercie.
Le Président (M. Lavigne): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Boileau, ma première question serait de
vous demander combien il y a de membres dans la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec. Combien y a-t-il de membres?
Oeuvrent-ils autant dans le domaine domestique qu'industriel? Comment se
répartit le genre de marché que vous couvrez?
M. Boileau: II y a 2300 membres, environ, à la
corporation. Je sais qu'à Montréal il y a environ 280 membres qui
s'occupent de gaz naturel; à Québec - parce que c'est nouveau -
il y a une soixantaine de membres qui sont en train de se perfectionner pour
développer cette industrie et, à Sherbrooke, c'est la même
chose; il y en a 75 à Trois-Rivières.
M. Fortier: Vous me dites, si je comprends bien que certains de
vos membres décident de se spécialiser quand ils veulent
travailler dans le secteur du gaz naturel. Est-ce qu'ils doivent passer des
examens ou s'il y a des cours spéciaux?
M. Boileau: II y a un cours auquel la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec a
participé à la création; il est reconnu, non pas de nos
propres dires, mais de gens de l'extérieur du Québec, comme
étant un des meilleurs. C'est un cours de 35 modules pour mieux former
nos membres, ainsi que les employés qui travaillent pour eux.
M. Fortier: On doit vous en féliciter. Sur 2300 membres,
vous dites qu'il y en a 280: 60 à Québec, 60 à Sherbrooke
et peut-être d'autres à Trois-Rivières. En termes de
nombre, c'est une minorité, mais je pense que parmi vos membres il doit
y avoir des grosses et des petites compagnies. Est-ce qu'en termes de volume
d'affaires - si j'additionne rapidement, au-delà de 400 membres sur
2300, environ 25% ont décidé de se spécialiser dans ce
domaine-là - cela représente la majorité? Est-ce que ce
sont les plus importants maîtres mécaniciens qui ont
décidé de se spécialiser dans ce secteur-là?
M. Boileau: Non, pas nécessairement.
M. Fortier: Les autres qui ont décidé de ne pas se
spécialiser sont restés dans les secteurs traditionnels.
M. Boileau: Plomberie, chauffage, rénovation, construction
industrielle et commerciale.
M. Fortier: À la page 3, vous dites: "À court
terme, il faudra remplacer beaucoup de systèmes de chauffage, soit parce
que leur durée d'utilisation est expirée, soit parce qu'ils sont
désuets. Nous devons viser à les remplacer par des appareils
à haut rendement énergétique; or, ceux qu'on retrouve sur
le marché québécois sont beaucoup trop coûteux; il
faut donc arriver à produire des appareils à efficacité
optimale à un coût moindre pour une utilisation rationnelle de
l'énergie." J'aimerais que vous explicitiez davantage ce que vous voulez
dire exactement.
M. Boileau: Est-ce que tu veux répondre? (16 h 30)
M. Delisle (André): II faut d'abord comprendre que la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec
est surtout impliquée au niveau de l'utilisateur. La majorité de
nos membres travaille au niveau des utilisateurs, soit en proposant des
systèmes complets, en les installant, très souvent sans
professionnel, c'est-à-dire sans ingénieur-conseil ou personne
qui fait des plans. On sait que des efforts de recherche sont faits au niveau
du développement et de l'équipement pour l'utilisation soit de
l'électricité ou du gaz ou d'autres formes d'énergie. On
voudrait que ces chercheurs qui se voient octroyer des contrats de recherche
consultent des groupes comme notre corporation. C'est vraiment nous qui sommes
en mesure de donner le pouls de ce que l'utilisateur cherche et aussi de donner
les informations au sujet de ce qui existe au niveau de la concurrence de
produits qui viennent d'autres provinces ou des États-Unis.
Actuellement, par exemple, pour prendre un cas concret, on vit dans le
domaine de la conversion au gaz naturel des
situations assez surprenantes au niveau des coûts
d'équipement de transformation. Si je prends, par exemple, l'ensemble
des transformations pour convertir un brûleur à l'huile au gaz
naturel, actuellement on obtient certains prix de compagnies
québécoises qui sont, dans certains cas, trois ou quatre fois le
prix d'un équipement équivalent en termes de qualité et
d'efficacité à des produits qui nous viennent de l'Ontario. On ne
voit pas ce qui peut justifier ces choses. Notre corporation pourrait
assurément participer à améliorer ces équipements
en donnant des idées, en participant à des projets conjoints afin
que les produits qu'on fabrique au Québec puissent atteindre un plus
haut rendement énergétique et soient compétitifs. C'est
très important. Le client qui nous demande une soumission pour
réaliser la transformation, ce qui l'intéresse surtout, c'est que
cela lui coûte le moins cher possible pour effectuer sa conversion,
indépendamment des subventions. Si on est en concurrence entre
entrepreneurs et si on peut utiliser un équipement qui nous vient de
l'Ontario et qui est à un moindre coût, ou s'il y a une
différence importante, c'est bien évident qu'on va d'abord
proposer à notre client cet équipement quand il pourrait
être fait et est déjà fait au Québec dans certains
cas. Cela pourrait très bien être un produit
québécois si le coût était compétitif.
Je pourrais prendre l'exemple des pompes à chaleur. Des efforts
de recherche importants ont été mis sur le développement
de pompes à chaleur eau-air, par exemple. On aurait très bien pu
mettre autant d'efforts pour développer des pompes à chaleur
air-air parce que c'est vraiment cela qui est le marché domestique
actuellement. Sûrement qu'on avait tout le potentiel de chercheurs ici,
s'ils avaient été appuyés, évidemment, par des gens
de la pratique, pour développer ces produits, prendre une part du
marché québécois et aussi viser l'exportation. C'est un
peu cela qu'on veut souligner dans la section I qui est recherche et
développement: en particulier, les équipements sont vraiment trop
coûteux.
M. Fortier: Est-ce que vous voulez me dire que, pour une personne
qui a un chauffage domestique - on parle de chauffage domestique dans le
moment, j'imagine - qui veut changer sa fournaise...
M. Delisle: Surtout.
M. Fortier: ...un produit québécois - je ne sais
pas si vous dites tous les produits québécois - peut coûter
trois ou quatre fois le prix du produit identique venant de l'Ontario?
M. Delisle: Si on prend le cas d'une fournaise
résidentielle de maison, dans le gaz, les prix sont
compétitifs.
M. Fortier: Alors, vous parlez de quel domaine?
M. Delisle: Je parle du domaine commercial et industriel.
M. Fortier: Commercial et industriel. M. Delisle:
Exactement.
M. Fortier: Vous dites que, dans le domaine commercial et
industriel, cela peut coûter trois ou quatre fois plus?
M. Delisle: Exact.
M. Fortier: Est-ce que cela coûte réellement plus
cher ou est-ce que, d'après vous, les fabricants veulent prendre
avantage du fait qu'il y a beaucoup de conversions et qu'ils veulent se faire
"une" cent en passant? Croyez-vous que cela reflète les coûts de
production?
M. Delisle: Cela ne reflète absolument pas les coûts
de production. Il y a d'autres raisons. Dans le cas que je citais, la
conversion d'une chaudière, il y a d'autres raisons qui font que le prix
est vraiment plus élevé. Ce ne sera pas nécessairement
dû à une qualité de produit supérieure ou à
une efficacité supérieure.
M. Fortier: Je ne veux pas rien vous faire dire. J'essaie de vous
poser des questions. Est-ce que vous nous dites que les gens vendent plus cher
parce qu'ils veulent profiter des subventions, vendent plus cher pour faire un
plus gros profit? Ou si vous nous dites que, s'il y avait une meilleure
recherche et un meilleur développement, le prix de production serait
meilleur marché et qu'on pourrait vendre meilleur marché? Ou
est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il y a des gens, dans le
domaine commercial et industriel, qui prennent avantage du fait qu'il y
beaucoup de conversions au Québec et qui se font "une" cent de plus,
font une passe, autrement dit dans ce secteur?
M. Delisle: Ce sont les deux choses. Dans certains secteurs, les
gens prennent avantage de cela et, dans d'autres secteurs, il y aurait avantage
à simplifier et à améliorer les produits.
M. Fortier: On parle d'un produit qui coûte combien? On
parle d'une chaudière qui peut coûter 2000 $ ou 3000 $.
M. Delisle: Oui. J'ai un cas. J'en ai des cas, mais on va mettre
des chiffres. Je
prends une chaudière de 50 forces. D'accord? Une chaudière
de 50 forces, c'est 50 fois 33 000, si on pouvait la traduire en millions de
BTU pour établir sa capacité. Pour cette chaudière que le
client demande de convertir de l'huile au gaz naturel, on peut avoir un
brûleur complet de conversion avec tous les accessoires, train de gaz,
appareils de contrôle, pour - je vous donne un chiffre -4500 $. Un
manufacturier québécois, toujours pour la même
capacité, nous vend ce qu'il appelle un "kit" de conversion pour 7300 $.
Vous voyez tout de suite la marge qu'il peut y avoir.
M. Fortier: En tout cas, il y a matière à examen,
soit par le ministère de l'Énergie et des Ressources ou par le
ministère de l'Industrie et du Commerce. Il me semble qu'il y a
quelqu'un qui prend avantage des conversions quelque part. Il y a des
coûts qui sont plus élevés, mais ce qui est pire, c'est
que, dans un cas comme cela, vous pouvez acheter le même produit de
l'Ontario. Si vous êtes en concurrence, à ce moment vous dites:
Que le diable l'emporte, je vais spécifier un produit de l'Ontario de
façon que mon offre soit meilleur marché que celle de mon
concurrent.
M. Delisle: C'est sûr.
M. Fortier: À ce moment, cela défavorise le
développement économique du Québec parce que ces gens,
voulant peut-être prendre avantage du marché, se nuisent à
eux-mêmes.
M. Delisle: Exact.
M. Fortier: C'est la première fois que j'entends parler de
cela. Je ne sais pas comment on peut faire passer le message, mais je pense
qu'il y aurait un message à passer à certaines personnes pour
qu'elles soient plus raisonnables et pour créer de l'emploi ici
même au Québec. Si c'est le cas, je pense que le ministre est
certainement en bonne position pour passer le message à ceux qui
profiteraient de la situation... Je ne sais pas comment ils font pour en
profiter. Ils en profitent peut-être dans certains cas, mais ils nuisent
certainement à l'économie du Québec, si c'est le cas.
Il y a une question que je veux vous poser parce que j'ai posé la
même aux maîtres électriciens, ayant passé par
là. J'ai gardé mon système à l'eau chaude; donc, le
maître mécanicien est venu chez moi, et tout cela. Le
problème auquel on fait face quand on fait faire ces conversions si on
est un peu paresseux - je ne parle pas de changer l'entrée
électrique; si c'est nécessaire il faut faire venir
l'électricien -lorsqu'on veut faire installer une fournaise, c'est qu'on
veut faire venir un seul entrepreneur. Je pense bien que, si on suit la norme
établie, dans un premier temps, il faut faire venir un plombier et
ensuite un électricien. Parfois, ni l'un ni l'autre ne s'occupe des
contrôles. Est-ce que, dans la formation que vous donnez à vos
gens, ils s'occupent du "package deal" au complet quand ils viennent installer
la fournaise? Est-ce qu'ils s'occupent même des contrôles? Je pense
aussi au contrôle extérieur qui fait qu'on peut économiser
de l'énergie en suivant la hausse ou la baisse des températures
à l'extérieur. Est-ce que vos gens ont appris à se
spécialiser au point de pouvoir offrir ce "package" à leur
clientèle?
M. Boileau: Notre corporation a juridiction sur cinq
catégories d'entrepreneurs. Ce n'est pas seulement un plombier ou un
maître mécanicien en chauffage. Il y en a cinq. Et une
catégorie avait déjà cette expertise au niveau des
installations de brûleurs à l'huile. Ils ont la capacité,
l'expertise et aussi le droit de toucher au contrôle, du compteur
jusqu'au contrôle, mais le raccordement électrique du
brûleur à la ligne de distribution électrique de la maison
appartient à l'électricien. Ce qui arrive habituellement pour un
contrat comme cela, c'est que le raccordement électrique est
donné à sous-contrat à un entrepreneur en
électricité dûment reconnu par la Corporation des
maîtres électriciens.
M. Fortier: Mais quand vous offrez le produit, quand vous faites
une offre, vous offrez la globalité de ce qui est nécessaire pour
faire un "package" le plus complet possible.
M. Boileau: C'est cela.
M. Fortier: À la page 9 vous dites que le gouvernement
"doit en outre permettre aux entreprises de l'industrie de la construction
l'accès aux mêmes avantages que les entreprises oeuvrant dans le
secteur de la transformation (support du ministère de l'Industrie et du
Commerce aux petites et moyennes entreprises)." De quel genre d'appui
parlez-vous? Dans le fond, ce que vous dites, c'est que vous êtes une
industrie comme une autre et que vous aimeriez avoir un certain appui. Quel est
le genre d'appui que vous souhaiteriez avoir? Est-ce un appui pour vous aider
à identifier les marchés?
M. Boileau: Comme on vient de vous le dire, premièrement,
de favoriser les entreprises locales qui manufacturent et s'il y a
possibilité, d'augmenter le volume de manufacturation, même la
diversité des appareils qu'ils manufacturent tout en allant chercher
l'expertise qui peut exister. En Europe, il y a quand même des produits
qui
sont manufacturés à très haute efficacité.
Donc, cela ne sert à rien de jumeler la recherche lorsqu'elle est
déjà faite. Il s'agirait de l'amener ici et d'en faire
bénéficier ces entreprises au niveau local.
M. Fortier: D'aider au transfert de technologies qui peuvent
venir d'ailleurs pour vous en faire bénéficier. C'est
plutôt une aide à l'information et au transfert de
technologies.
M. Boileau: Au niveau de la recherche, on pense que
l'énergie solaire est une nouvelle énergie. Si l'on
considère qu'on a seulement 19 000 heures en moyenne de soleil au
Québec, même si on avait les meilleurs appareils conçus ou
inventés, cela ne nous donnera pas plus de soleil. On pense que cet
argent, ces cerveaux, ce temps, cette énergie devraient être
placés plutôt vers des appareils que l'on pourrait utiliser
à meilleur rendement.
M. Fortier: Comme de raison, il y a certains chercheurs qui
aiment mieux faire de la recherche dans des domaines plus nobles que simplement
des chaudières à gaz et des choses tout à fait ordinaires.
Ce que vous dites, c'est qu'il ne faudrait pas négliger les choses
ordinaires où l'on peut faire des gains appréciables. Je vous
remercie, M. Boileau.
Le Président (M. Gagnon): Merci à la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec de son
rapport à cette commission parlementaire.
M. Boileau: Nous vous remercions de nous avoir convoqués,
de nous avoir consultés et on espère que cela se reproduira
souvent. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Maintenant, j'invite
l'Association des entrepreneurs en isolation de la province de Québec,
M. Claude Turcotte.
Association des entrepreneurs en isolation de la
province de Québec
M. Boisvert (Raymond): Non, M. Turcotte n'a pas pu être
présent aujourd'hui. Mon nom est Raymond Boisvert; je suis
secrétaire exécutif de l'association. Je suis seul de ma
délégation. Vu les changements de date qui se sont
effectués, l'organisation est tombée.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut vous demander
d'approcher votre micro?
M. Boisvert: Oui, monsieur. Est-ce que cela va comme cela?
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Boisvert: Est-ce que vous voulez que je lise?
Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez le résumer,
si vous le voulez.
M. Boisvert: Quoiqu'il n'est pas tellement long.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va, MM. les
membres de la commission? Son mémoire n'a que quatre pages. Allez-y.
M. Boisvert: J'ai un résumé ici. Les membres de
notre association sont impliqués dans la fourniture et l'installation de
99% de tous les travaux d'isolation exécutés au Québec
dans le domaine commercial et industriel. Il faut d'abord rappeler que nous
sommes dans l'isolation mécanique seulement. Notre association ne
comprend pas les entrepreneurs en isolation de résidence. L'isolation et
la réisolation dans le domaine commercial et industriel donnent un
pourcentage d'économie d'énergie qui n'est même pas
comparable à celui obtenu dans le programme d'isolation de
résidence et, pourtant, des subventions ont été
versées à des milliers de propriétaires.
Quand on pense que le secteur industriel au Canada dépense plus
de 25% de la consommation énergétique, cela veut dire que c'est
un secteur où l'on peut économiser beaucoup d'énergie.
Nécessairement, les industries, en économisant de
l'énergie, deviendront plus rentables et plus compétitives
chacune dans son domaine. Si elles sont plus compétitives, cela veut
dire plus de production. Si on produit plus, cela veut dire plus d'emplois.
S'il y a plus d'emplois, il y aura moins de chômage. Sans compter que
l'isolation fait partie du nouveau programme. Cela veut aussi dire plus de
production de produits isolants au Québec, plus de personnes pour
produire, donc une autre industrie plus rentable. Nous sommes prêts en
tant qu'association à travailler avec les organismes gouvernementaux
afin de rendre ce programme le plus rentable possible. (16 h 45)
Je dois vous dire que, lors de la préparation de notre
mémoire, on a pensé à présenter quelque chose
à la commission parlementaire concernant les programmes que le
provincial et le fédéral ont mis sur pied pour venir en aide
à l'économie de l'énergie dans les domaines industriel et
commercial. C'est dans ce but que le mémoire a été
préparé.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Duhaime: M. Boisvert, voulez-vous nous dire ce que cela veut
dire lorsque vous
parlez de réisolation mécanique?
M. Boisvert: La réisolation mécanique, c'est
simple. Par exemple, une raffinerie, tout le monde connaît cela. Dans une
raffinerie, toute la tuyauterie est isolée ou presque; c'est toujours
soit de la vapeur, soit de l'eau chaude, des produits qui se transfèrent
d'un réservoir à l'autre qui sont chauds. Anciennement, au prix
que cela coûtait pour l'énergie, les gens allaient à une
certaine épaisseur d'isolation qui convenait pour garder les produits
dans un état chaud, à peu près au degré qu'ils
voulaient avoir. Mais l'énergie étant tellement bon
marché, ils ne s'occupaient pas de la perte de chaleur et
d'économie au point de vue de l'argent. Maintenant que l'énergie
coûte les yeux de la tête, tout le monde pense à
réisoler et à augmenter l'épaisseur d'isolant sur la
tuyauterie et sur les réservoirs ou sur quoi que ce soit.
M. Duhaime: En fait, ce que vous nous proposez, c'est qu'on mette
sur pied - il y a gros à parier - soit un programme d'information, soit
un programme de sensibilisation auprès des entreprises, soit un
programme de subventions. Qu'avez-vous en tête exactement? Vous nous
faites une offre de service qui nous apparaît admirable à
première vue, mais on voudrait savoir dans quoi on s'embarque.
M. Boisvert: Êtes-vous au courant du programme
fédéral-provincial?
M. Duhaime: Oui.
M. Boisvert: Au sujet de la conservation de l'énergie, il
y a des subventions qui sont accordées aux secteurs industriel et
commercial et aux institutions. On voudrait que les travaux d'isolation
deviennent aussi admissibles aux subventions pour ces industries. Nous
calculons que, même si l'industrie change son système de
production, de chauffage pour manufacturer certains produits, si ces
systèmes ne sont pas isolés, cela coûtera très cher
même si elle change de système d'énergie.
M. Duhaime: M. Boisvert, votre association regroupe combien
d'entrepreneurs?
M. Boisvert: Nous sommes seulement 22 entrepreneurs dans toute la
province.
M. Duhaime: Sont-ils tous membres de votre association?
M. Boisvert: Quelques-uns des petits entrepreneurs ne sont pas
membres de notre association, mais tous ceux qui sont assez gros font partie de
l'association.
M. Duhaime: Très bien. Je vous remercie, M. Boisvert.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'ai une question à
poser à M. Boisvert. Si vous aviez mentionné cela, je suis
sûr que cela aurait été un argument pour convaincre le
ministre. J'étais pour vous demander: Dans cette réisolation,
est-ce que vous utilisez beaucoup d'amiante?
M. Boisvert: II n'y a plus d'amiante dans l'isolation.
M. Fortier: Non! Quel genre de produit est utilisé?
M. Boisvert: C'est surtout de la fibre de verre; il y a aussi de
la laine minérale.
M. Fortier: Mais pourquoi pas de l'amiante? Cela a
été utilisé pendant un certain nombre d'années.
M. Boisvert: Quand il y a de l'amiante dans les produits, cela
demande une protection supplémentaire pour tous les employés qui
travaillent dans cela. C'est défendu de travailler de la même
façon qu'on peut travailler avec n'importe quel autre produit, quand il
y a de l'amiante inséré dans le produit.
M. Fortier: C'est une contrainte de Santé et
Sécurité au travail, ce que vous êtes en train de nous
dire.
M. Boisvert: Oui.
M. Fortier: Étant donné cette contrainte, les
entrepreneurs préfèrent utiliser un autre produit.
M. Boisvert: C'est-à-dire qu'il ne s'en fait plus de
produits isolants pour la mécanique avec de l'amiante dedans.
M. Fortier: Non. M. Boisvert: Aucun.
M. Fortier: Mon Dieu! Il y a un objectif à atteindre de ce
côté. Je vais laisser la parole au ministre parce que je trouvais
que c'était une question qu'il devait vous poser.
Le Président (M. Gagnon): Je vois M. le ministre qui
lève le doigt.
M. Fortier: Là, il y a tout un marché à
aller chercher pour le ministre. Il peut m'engager comme consultant; dans
mes
temps libres, je suis disponible.
M. Boisvert: J'ai été en contact avec-Comment
l'appelle-t-on?
M. Duhaime: La Société nationale de l'amiante.
M. Boisvert: La Société nationale de l'amiante,
c'est cela. Je sais qu'ils sont en train de travailler sur des produits qui
vont remplacer la laine minérale pour l'isolation de résidences,
faits à même des fibres d'amiante décontaminées. Ils
sont en train de travailler à un isolant de tuyauterie fait avec de
l'amiante décontaminé. Les systèmes qu'ils emploient pour
décontaminer, je ne les connais pas.
M. Fortier: Cela fait assez longtemps que je n'ai pas
écrit un devis pour isoler des tuyaux. La dernière fois où
je l'ai fait, c'était pour la centrale thermique de Tracy. C'est pour
vous dire que cela fait un certain temps. À ce moment-là, on
parlait encore d'amiante. Je suis sûr que le ministre a pris note de la
possibilité qu'il y a de ce côté-là pour trouver les
solutions qui s'imposent. Il semble dire qu'il y a de la recherche qui se
fait.
M. Duhaime: Nous avons annoncé récemment la mise en
route d'une usine de production de laine de roche à Thetford-Mines. Je
crois que c'est le 24 ou le 25 que je me rends à Thetford-Mines pour la
pelletée de terre. Lorsque la production sortira à l'automne
1984, vous aurez là un matériau drôlement
intéressant qui va permettre à la Société nationale
de l'amiante d'offir sur le marché un produit parfaitement
sécuritaire et, espérons-le, à un prix concurrentiel.
Juste une dernière remarque, M. Boisvert. Vous insistez beaucoup
sur les économies réelles que les commerçants ou les
industriels pourraient réaliser à l'occasion d'un investissement
dans la réisolation. Est-ce que la visibilité de
l'économie est très claire? Dans l'affirmative, pourquoi
faudrait-il que nous y ajoutions, suivant votre recommandation, une
subvention?
M. Boisvert: Quand on connaît les gens du commercial autant
que de l'industriel, quand vient le temps de dépenser de l'argent, c'est
à peu près comme dans le résidentiel. Tout le monde a fait
non seulement isoler, mais réisoler sa maison parce qu'il y avait des
subventions. Dans le commercial et l'industriel, c'est sûr que les
affaires ne sont pas florissantes. C'est comme n'importe où ailleurs.
S'il n'y a pas de subvention qui leur est donnée pour changer leur
système, épargner de l'énergie, isoler leur
système, ils ne s'avancent pas d'eux-mêmes.
M. Duhaime: Je voudrais peut-être vous donner un
élément contraire. Le programme Énergain fonctionne d'une
façon fulgurante. On se rend compte qu'une fois que les gens ont leur
bilan en main bien souvent ils entreprennent eux-mêmes les travaux sans
même demander le coup de pouce que le programme Énergain comporte
en termes de subvention. Qu'un entrepreneur en isolation ou en
réisolation fasse un bilan d'une situation pour démontrer
à son futur client le gain réel qu'il va faire en économie
d'énergie, si la démonstration se fait clairement que dans trois
ou quatre ans le retour d'investissement sera réalisé et que pour
les années à venir ensuite ce sera un gain net pour l'entreprise
ou le commerce, il me semble que cela devrait marcher tout seul.
M. Boisvert: Oui, cela peut se faire. Ce qui arrive, c'est qu'on
n'a pas toujours des entrepreneurs qui sont qualifiés pour aller
rencontrer ces industries. Cela coûte cher d'aller rencontrer des
industries et des commerces pour leur démontrer que, s'ils font telle ou
telle chose en isolation, cela pourra leur faire épargner tant. Ce sont
des choses dispendieuses. Vous avez un système qui est
déjà en marche et qui produit déjà des chiffres.
Même à cela, on est prêt à s'asseoir avec n'importe
quel organisme pour sortir des chiffres et démontrer à certains
clients ce qu'ils peuvent épargner en énergie.
M. Duhaime: II y a le ministère, le Bureau des
économies d'énergie dans le secteur industriel. Le programme
Énergiebus fonctionne, se balade au Québec, va rencontrer
l'entreprise et fait un bilan. J'imagine que, si vous suivez Énergiebus,
vous trouverez là vos clients. Je raisonne tout haut.
M. Boisvert: Remarquez bien que notre mémoire a
été préparé pour être présenté
au mois de mars dernier. On essaye de suivre le programme de là. On est
rendu au mois d'octobre. Le programme fonctionne toujours.
M. Duhaime: II fonctionnait bien avant le mois de mars.
M. Fortier: Si le ministre me le permet, je ne suis pas tout
à fait au courant d'Énergiebus. Je pense qu'on parle de secteurs
industriels un peu complexes. Une recommandation qui nous avait
été faite par les municipalités rejoint un peu votre
demande. Au lieu d'avoir des subventions pour financer des coûts
d'installation, vous pourriez vous adjoindre à un bureau de
génie-conseil spécialisé qui vous permettrait de faire une
offre de service pour l'industrie
donnée. Je crois que ce serait beaucoup plus efficace.
D'ailleurs, je ne suis plus en conflit d'intérêts, n'étant
plus ingénieur-conseil. À mon avis, il reste que cela serait plus
efficace que de subventionner la réalisation du projet comme tel. La
définition du problème et une aide qui vous serait donnée
afin de vous permettre de faire une soumission seraient beaucoup plus
valables.
M. Boisvert: Ah oui, si on avait les montants pour le faire.
À ce jour, la seule chose que nous avons été capables de
faire -tout le monde doit avoir eu le dépliant avec le mémoire -
c'est un dépliant qui est très bien fait. On l'envoie par la
poste et cela ne donne pas les résultats que cela donnerait avec des
contacts personnels, c'est sûr.
M. Duhaime: Je pense que M. Fortier a un conseil très
pertinent et, en plus, aujourd'hui cela ne coûte rien. Tout cela pour
démontrer que les ingénieurs-conseils trouvent toujours moyen
de...
M. Fortier: Étant donné que ce n'est pas cher.
M. Duhaime: ...se placer au soleil. Il y a très
certainement un marché potentiel. D'ailleurs, je suis un peu
étonné qu'il n'y ait pas de firmes de génie-conseil qui,
de leur propre chef, décident de spécialiser des équipes
dans leur bureau. Il m'apparaît assez clair que, si les économies
sont dormantes en quelque sorte parce que l'isolation ou la réisolation
n'est pas faite, Énergiebus peut toujours se balader. On finance
actuellement des études détaillées sur des mesures
d'intervention très bien identifiées par un client
éventuel. Énergiebus n'est pas sur le marché pour faire
des profits; c'est beaucoup plus une agence du gouvernement qui donne de
judicieux conseils. Mais j'ai peine à croire qu'on sera obligés,
encore une fois, de mettre sur pied un programme de subvention. J'aime bien
l'idée qu'on puisse plutôt concentrer nos efforts sur
l'information et la préparation de bilans en espérant que cela
puisse créer un effet d'entraînement. Il y a des créneaux
de génie-conseil qui se développent. Il y a vingt ans au
Québec, dans le secteur de la pollution ou de la dépollution, par
exemple, ce n'était pas de grandes spécialités, sauf
exception, bien sûr. Mais aujourd'hui, même dans la plus modeste
région du Québec, il y a beaucoup d'ingénieurs-conseils
qui sont spécialisés dans ce domaine. C'est un nouveau
marché qui s'ouvre.
Vous parlez de la réisolation et de l'isolation sur des grandes
échelles. Si j'étais un industriel et que M. Boisvert venait me
démontrer que, dans l'espace de trois ou quatre ans, je retrouve mon
investissement et que pour quinze, vingt ou vingt-cinq ans par la suite, je
fais un gain net sur ma facture de consommation énergétique, je
serais enclin à regarder cela de près.
M. Boisvert: M. le ministre, est-ce que cela voudrait dire qu'on
devrait peut-être rencontrer les gens d'Énergiebus?
M. Duhaime: Rencontrez-les, ils ne sont pas farouches et vous
pouvez échanger avec le Bureau des économies d'énergie
chez nous.
M. Boisvert: J'imagine que les gens de ce bureau font des
études et qu'ils font des recommandations à l'industrie, qu'ils
donnent cela à l'industrie et que cela reste là, que cela dort,
cette affaire. Il n'y a pas de suite à savoir si le type va transformer
ses chaudières ou s'il va transformer sa tuyauterie ou s'il va faire
isoler ou s'il va faire telle ou telle chose. Ils donnent les recommandations,
un point c'est tout. S'il y avait une suite logique à cela, je pense que
ce serait une bonne chose pour tout le monde.
M. Duhaime: Je peux vous suggérer de prendre contact avec
les gens qui s'occupent du programme Énergiebus; il y aurait
peut-être un pont à établir.
M. Boisvert: Le but de tout cela est d'essayer d'aider les
entrepreneurs à avoir plus de travail et à garder des gens sur le
marché du travail; c'est le but principal.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. Boisvert, vous parliez d'une économie. M.
le ministre a obtenu une période de quatre ans pour payer
l'investissement de la réisolation. Je poserais la question autrement.
Sur un montant X que cela pourrait coûter en énergie pour une
industrie donnée dans une année après avoir fait
réisoler tout son système, on pourrait considérer le
pourcentage d'économie de l'ensemble de la facture annuelle, par
exemple. Est-ce que vous avez des chiffres? Même si cela n'est pas
précis, avez-vous des approximations? Est-ce 5% de la facture, est-ce
2%?
M. Boisvert: Je ne sais pas si vous avez eu une copie de notre
mémoire.
M. Lavigne: Non, je n'ai pas eu l'occasion de lire votre
mémoire.
M. Boisvert: Nous avions inséré un dépliant
dans notre mémoire avec des exemples surtout d'isolation, non pas de
réisolation. En ce qui concerne la réisolation, on peut dire que
ceux qui sont isolés normalement, comme cela se faisait
anciennement, peuvent aller chercher encore 20% ou 25% de leur facture
d'énergie.
M. Lavigne: Comme cela, c'est au niveau de la
réisolation?
M. Boisvert: Oui.
M. Lavigne: 25%? C'est assez considérable, je ne pensais
pas que c'était aussi important.
M. Boisvert: Les pertes de chaleur sont énormes, c'est
épouvantable.
M. Lavigne: Maintenant, cela devient peut-être un peu
secondaire, mais au niveau de la méthode utilisée pour
réisoler, est-ce fait à l'aide de fusils sous pression?
M. Boisvert: Non, c'est du recouvrement de tuyauterie
préformé.
M. Lavigne: D'accord, comme cela se faisait anciennement. Ce sont
seulement les matériaux qui sont différents.
M. Boisvert: Ce sont les matériaux qui ont changé.
Cela se fait exactement de la même façon, mais ils sont
améliorés, ils sont meilleurs.
M. Lavigne: Je vous remercie, M. Boisvert.
M. Boisvert: Bienvenue.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Nous vous remercions
beaucoup, M. Boisvert, de votre présence à cette commission.
M. Boisvert: Cela m'a fait plaisir, merci.
Le Président (M. Gagnon): J'inviterais maintenant
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec à
prendre place.
M. Duhaime: M. le Président, si vous vouliez nous accorder
cinq minutes de répit. Je ne sais pas s'il y a des gens de SNC qui sont
présents, nous pourrions les entendre ce soir. J'ai comme l'impression
qu'avec votre mémoire et la période de discussion on pourrait
peut-être terminer vers 17 h 45 quitte même, dans la mesure
où nous pourrons rejoindre au téléphone les gens de SNC,
à leur donner une demi-heure de plus pour le lunch afin de reprendre
à 20 h 30, pour autant que le Secrétariat des commissions nous
confirmera que c'est possible. On verra bien tantôt. Est-ce qu'on
pourrait suspendre pour quatre ou cinq minutes?
Le Président (M. Gagnon): Cela va? Si les membres de la
commission sont d'accord, nous allons suspendre nos travaux pour cinq
minutes.
(Suspension de la séance à 17 heures)
(Reprise de la séance à 17 h 08)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Franco Fava, je vous prierais de présenter les gens qui vous
accompagnent et de faire la lecture de votre mémoire.
Association des entrepreneurs en construction du
Québec
M. Fava (Franco): À ma droite, M. Michel Dion qui est le
directeur général de notre association; à ma gauche, M.
Yves Veronneau qui a travaillé plus particulièrement au dossier
qui est présenté à la commission.
En fait, le mémoire qu'on a soumis ce printemps établit
les grands paramètres, qu'on voulait soulever devant la commission. Au
départ, je tiens à vous dire que, contrairement à d'autres
mémoires de groupements qui sont venus devant la commission, le
nôtre est axé strictement sur l'aspect des relations du travail
puisque c'est le seul rôle que joue l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec au niveau, plus particulièrement, du
gazoduc et des autres formes d'énergie.
Donc, l'AECQ, pour vous situer un petit peu, a été
créée à la suite du rapport de la Commission
d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale, mieux connue
sous le nom de commission Cliche. Elle a été, évidemment,
formée par une loi. Nous regroupons, au sein de l'association,
approximativement 14 000 à 15 000 membres, selon les périodes.
Nous regroupons également tous les entrepreneurs en construction du
Québec qui sont membres de notre association en ce qui a trait à
la question des relations du travail et des dossiers connexes.
Messieurs, le mémoire comme tel touche, comme je vous le
mentionnais, surtout l'aspect des relations du travail et les interventions de
différents organismes dans le travail qu'on a à effectuer. Notre
objectif, en comparaissant devant la commission, est en quelque sorte de mettre
en lumière, au niveau du développement des ressources et de
l'énergie, les enjeux économiques que sous-tendent des relations
du travail ordonnées dans l'industrie de la construction. Nos propos,
tout en s'appuyant sur le dossier de la construction du pipeline pour le gaz
naturel, pourraient facilement, à quelques variantes près,
s'appliquer aux travaux de construction reliés au développe-
ment d'autres formes d'énergie.
En ce qui a trait au gazoduc, pour mieux situer le débat,
dès le départ, nous voulons souligner que ce qui constituerait
normalement un pipeline de gaz naturel au sens de l'industrie, on doit diviser
cela en deux parties, parce que, pour nous, les problèmes en ce qui
concerne les relations du travail ne sont pas pareils. Si on parle en termes de
gaz de "main pipeline", des conduites maîtresses, les problèmes
que nous rencontrons au niveau des relations du travail sont quelque peu
différents de ce qu'on rencontre au niveau de la distribution proprement
dite. Si nous tenions à faire cette distinction, c'est que la nature
même des problèmes de relations du travail qu'on rencontre sur le
pipeline et sur les réseaux de distribution sont tellement
différents.
Ainsi, sur le réseau de distribution, l'ampleur strictement
provinciale et même régionale des travaux et leur exécution
par des gens d'ici, sous la responsabilité des gens d'ici, ont
naturellement favorisé leur intégration au cadre
générai des relations du travail prévalant au
Québec. Dans ce sens, les règles qui y sont appliquées
sont les mêmes que pour le reste de notre industrie. Au contraire, lors
de la première phase du développement du pipeline, tant le
donneur de travail que les principaux entrepreneurs en construction venaient de
l'extérieur, ceci étant directement impliqué au niveau des
relations du travail dans une entente nationale, ce qu'on appelle
communément le "National Pipeline Agreement", avec les unions
internationales monopolisant la main-d'oeuvre active sur ces chantiers. La
tendance fut de nous imposer, avec succès d'ailleurs, des relations du
travail prévues dans cette entente. Il faut bien dire que, dans l'esprit
de tous ces gens, la construction d'un pipeline dans des conditions autres que
celles prévues à l'entente nationale était une chose tout
à fait impossible. C'est-à-dire que les donneurs de travail
à l'époque ne pensaient pas que les travaux de gazoduc pouvaient
se réaliser au Québec autour du décret provincial
puisqu'eux se sentaient liés par l'entente nationale, ce qu'on appelle
le "National Pipeline Agreement".
Malgré cette attitude, lors de la négociation de
1979-1980, nous avions déjà intégré à la
convention collective qui régit nos relations du travail un certain
nombre d'articles qui assuraient aux salariés oeuvrant sur les chantiers
des conditions de travail parmi les plus favorables dans le décret. Cet
effort de notre part devait certainement être suffisamment sérieux
puisque les travailleurs de trois des quatre métiers impliqués et
emplois directement visés acceptaient finalement nos propositions
à ce sujet. Il s'agissait là d'une étape importante vers
la réalisation de nos objectifs, à savoir l'obtention d'un
décret librement négocié incluant des provisions
particulières pour le pipeline, mais qui respectait l'économie
générale des conditions de travail applicables à
l'ensemble des emplois et des métiers de la construction du
Québec.
Nous avons rencontré certaines difficultés. Malgré
ce succès ou ce demi-succès, si l'on veut, en réussissant
à s'entendre avec les travailleurs de trois des quatres métiers
impliqués, les difficultés ont surgi par la suite en ce qui a
trait à certains aspects bien particuliers du dossier. Parmi ceux-ci, on
peut mentionner des difficultés en ce qui concerne la gestion au niveau
des relations du travail proprement dites. Comme on l'a déjà
mentionné, tant du côté du donneur de travail que des
principaux entrepreneurs venant de l'extérieur de la province, nous
étions convaincus de la nécessité d'appliquer l'entente
nationale à laquelle, de toute façon, ils étaient parties
dans d'autres provinces canadiennes.
Dans ce sens, nous croyons que l'effort déployé à
un moment donné pour briser le monopole exercé par les soudeurs a
été, au mieux, un massacre de bonnes intentions. D'ailleurs, on a
pu s'apercevoir dernièrement de ce qui pouvait arriver lorsqu'on
essayait vraiment. De plus, nous devons mentionner le statut du donneur de
travail du temps, une fois reconnu comme une entité à
caractère interprovincial par le tribunal. Cela nous a
empêché d'agir efficacement pour faire respecter le
caractère minimal et maximal du décret dans l'industrie de la
construction.
D'autres problèmes qu'on rencontrait, c'est au niveau de la
formation de la main-d'oeuvre. On rejoint là tout le problème des
soudeurs à haute pression et tous les problèmes du monopole qui
est, à toutes fins utiles, exercé par le local 144 des unions
internationales. Dès qu'on eut annoncé les projets d'expansion du
gaz au Québec, nous savions que notre principale difficulté
s'avérerait être la quantité insuffisante de main-d'oeuvre
qualifiée, surtout dans le cas des soudeurs, et son contrôle par
le local 144. L'association s'était impliquée pour faire
débloquer les cours de formation, en particulier pour les
opérateurs de tracteurs à grue latérale et pour les
soudeurs. De ce fait, on a su éviter une pénurie majeure de
main-d'oeuvre dans ces spécialités. Malheureusement, du
côté des soudeurs, le monopole exercé par le local 144 leur
a quand même permis de paralyser les chantiers jusqu'à ce qu'on se
rende à leurs conditions. (17 h 15)
Finalement, l'intervention gouvernementale dans les relations du
travail, pour nous, a été un obstacle qui nous a fait faire face
à deux aspects bien importants dans ce dossier. D'une part, il y avait,
bien sûr, les résultats de la commission parlementaire de
juin 1981 qui accordait non seulement aux soudeurs récalcitrants,
mais aussi aux opérateurs et journaliers des avantages substantiellement
plus élevés que ceux prévus au décret. Comme on
vous le mentionnait tout à l'heure, déjà il y avait, lors
de notre négociation, trois des quatre métiers qui avaient
accepté les conditions de travail négociées à la
table de négociation. Lorsqu'on est venu, par le truchement de la
commission parlementaire de juin 1981, augmenter de 2, $ l'heure le salaire des
soudeurs, on a fait en sorte que cette augmentation s'applique à tous
les autres métiers sur le chantier du gazoduc.
D'autre part, par son geste même, le gouvernement a
démontré le peu de cas qu'il faisait du décret qui,
pourtant, avait été agréé par les parties habiles
à négocier. Après s'être soumis aux diktats des
soudeurs et ce, malgré ses déclarations à l'effet
contraire, comment pouvait-il blâmer Trans Québec & Maritimes
de vouloir terminer la besogne qu'elle avait commencée? Il faut se
rappeler que les 2 $ l'heure qui avaient été imposés
à ce moment à la suite de la commission parlementaire n'ont pas
réglé le problème. On a vécu encore cette
année des problèmes avec les soudeurs du local 144 sur les
chantiers. Malgré ces 2 $ l'heure qui avaient été
consentis et qui avaient été décrétés, Trans
Québec & Maritimes se permettait de combler la différence qui
existait encore entre le "National Pipeline Agreement" et le décret de
la construction du Québec par un chèque additionnel que les
employés recevaient directement de Trans Québec &
Maritimes.
Vous savez que cet été, pour régler le
problème des soudeurs - qui vient, d'ailleurs, d'être
réglé au mois d'août, si je ne me trompe pas - on a
dû faire appel à des soudeurs de l'Ouest canadien pour finalement
mettre assez de pression sur les soudeurs du local 144 pour qu'ils reviennent
à l'ouvrage. À ce moment-là, on avait une cinquantaine de
soudeurs de différentes provinces canadiennes - qu'on appelle des
non-syndiqués, évidemment, dans les autres provinces - qui sont
venus en quelque sorte forcer un peu la main aux soudeurs du local 144 pour
qu'ils reprennent les travaux sur les chantiers du gazoduc et qu'ils
arrêtent de tenir les chantiers du gazoduc en otage pour se
négocier des conditions de travail vraiment démesurées par
rapport à ce qu'on paie aux autres salariés. Il faut se rappeler
que le décret de la construction, à l'époque,
prévoyait des taux de salaire d'environ 2000 $ par semaine pour les
soudeurs du gazoduc. Ce montant a été augmenté à
2200 $ par semaine après la commission parlementaire du mois de juin,
avec les 2 $ qui ont été imposés par décret. Il y
avait encore un écart d'environ 1400 $ avec ce qui se payait
d'après le "National Pipeline
Agreement" qui, à l'époque, était environ 3600 $.
Malgré les 2200 $ qui représentaient déjà une
augmentation de 200 $ par semaine sur le décret qui existait, TQM allait
encore combler cette différence d'à peu près 1400 $
à l'autre bout.
Nous constatons aujourd'hui que les travaux de construction du pipeline
se font bel et bien aux conditions spécifiées dans le
décret. Parmi les raisons qui ont conduit à cet état de
choses, nous retrouvons une série de raisons dont je vous ferai
l'énumération. Premièrement, il y a le budget restreint
prévu pour le prolongement du réseau, ainsi que la
marginalité des marchés à desservir.
D'autre part, le statut du nouveau donneur d'ouvrage en fait une
entreprise soumise aux lois et à la réglementation de la province
de Québec, dont entre autres les lois du travail. Effectivement, avec
Gaz Inter-Cité comme principal donneur d'ouvrage dans ce domaine, on
évite le problème qu'on avait avec Trans Québec &
Maritimes qui se voulait une entreprise interprovinciale, donc non soumise aux
lois du Québec et au décret de la construction.
Il y a également les contrats accordés majoritairement
à des entreprises du Québec qui ont l'habitude de fonctionner
avec le décret. Il faut se rappeler qu'à l'époque les
contrats se donnaient surtout à des entreprises qui étaient hors
du Québec, alors qu'effectivement le donneur d'ouvrage était
Trans Québec & Maritimes, qui se voulait une entreprise plutôt
d'envergure nationale.
Il y a également un autre facteur qui est venu contribuer
à cette paix relative qu'on connaît à l'heure actuelle sur
les chantiers du gazoduc - ce que je vous mentionnais tout à l'heure -
c'est le bris momentané qui s'est opéré sur le monopole de
la main-d'oeuvre au niveau du local 144. On a effectivement fait des efforts
pour former de la main-d'oeuvre malgré toutes les contraintes qu'on peut
retrouver dans le règlement de placement de l'industrie de la
construction qui nous empêche de faire accéder à
l'industrie de la construction une certaine main-d'oeuvre dont on a besoin en
période de pointe comme celle-là. Des cours, on a pu en mettre en
place pour que des soudeurs se qualifient en passant des tests de soudure. On a
réussi, en utilisant ces moyens, à pallier en quelque sorte le
problème du local 144. Encore là, je vous jure, d'après ce
qu'on a pu voir, que c'est partie remise puisque le local 144 est revenu au
niveau des chantiers avec une promesse formelle. Au printemps 1984, lors de la
prochaine période de négociations, ce qui est visé par
eux, c'est l'entente nationale du pipeline, c'est-à-dire les 3600 $ par
semaine. Donc, messieurs, je vous dis qu'on n'est pas au bout de nos peines
avec le local 144 pour la prochaine négociation.
Finalement, l'intervention gouverne-
mentale. Le gouvernement n'a pas à intervenir en dehors de la
lettre et de l'esprit de la loi et du décret. Je pense qu'il faut le
mentionner en passant puisque effectivement cet été - plus
particulièrement pour les soudeurs du local 144 - on a demandé au
gouvernement de ne pas intervenir dans ce dossier pour nous permettre de le
régler. Je vous félicite de ne pas être intervenus car je
pense que cela nous a permis de régler le problème avec les
règles du marché en faisant même appel à de la
main-d'oeuvre qui venait de l'extérieur du Québec, en faisant
appel à des machines à souder pour mettre toute la pression
voulue sur les soudeurs du local 144 pour qu'ils reviennent à l'ouvrage
et qu'ils cessent de demander des conditions vraiment irréalistes compte
tenu des salaires qui se payent dans l'industrie de la construction pour tous
les autres corps de métier et, en fait, pour les mêmes
métiers qui oeuvrent sur les chantiers autres que des chantiers du
gazoduc.
Je ne vois pas pourquoi un opérateur d'équipement lourd
sur un chantier de gazoduc gagnerait 3600 $ par semaine, alors que le
même bonhomme qui travaille sur le réseau routier à
câté en gagne 1200 $ ou 1300 $.
Cela m'amène à vous parler de l'avenir,
c'est-à-dire surtout de la négociation qui s'en vient au
printemps de 1984. Du côté syndical, on s'est bien promis, comme
je vous le disais, de revenir à la charge dès les prochaines
négociations qui s'annoncent pour le début de l'an prochain. Ceci
est tout à fait normal et, de notre côté, nous verrons
à étudier leurs revendications en profondeur et à y
répondre de la façon la plus adéquate, compte tenu de la
situation dans l'industrie et des intérêts des entrepreneurs que
nous représentons.
Sans prétendre lire dans une boule de cristal, on peut penser que
ces négociations se révéleront ardues. Effectivement, il
ne fait pas de doute dans notre esprit que le développement du pipeline
continuera à être marqué par un budget de construction
restreint, alors que les marchés à desservir resteront aussi
marginaux. Dans ces conditions, il est plus que probable qu'une augmentation
substantielle des coûts de construction ne pourra s'opérer qu'au
détriment du volume de la construction envisagé. Pendant ce
temps, du côté syndical, on revendiquera sûrement le
rétablissement des droits acquis perdus; ce sont les prétentions
du local 144 qui nous dit avoir perdu des droits acquis puisqu'il n'a pas
réussi à obtenir les mêmes conditions que le "National
Pipeline Agreement". Malgré tout, il n'y a pas de doute dans notre
esprit qu'une négociation normale est possible dans ce domaine comme
dans le reste de l'industrie de la construction. Pour ce faire, cependant, nous
devrions être assurés d'une façon non équivoque de
la non-ingérence du gouvernement dans ce dossier.
En terminant, M. le Président, MM. les députés, M.
le ministre, nous espérons que ce bref exposé et notre
mémoire auront su vous éclairer sur l'importance de notre champ
d'activités dans le développement des ressources
énergétiques au Québec. Nous voulons vous exprimer notre
reconnaissance pour l'opportunité que vous nous avez fournie de venir
vous exposer notre point de vue à ce sujet. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier M. Fava. En vous écoutant tantôt, cela m'a rappelle
certaines longues soirées de l'été et du printemps
derniers alors qu'en discussion avec mon collègue, M. Fréchette,
nous tentions de régler le problème. Vous nous remerciez pour
notre non-intervention; je vous en sais gré. Mais nous sommes intervenus
tout de même dans un sens. Nous avons dit aux travailleurs sur le
chantier du gazoduc qu'il était hors de question que nous permettions le
paiement des salaires suivant le "Canada Pipeline Agreement". Vous avez
mentionné juin 1981 lorsque 2 $ en rallonge par heure travaillée
ont été mis sur la table en modifiant le décret. Ce que
mon collègue avait en tête à l'époque, je crois,
c'était d'acheter la paix et d'essayer de régler. Heureusement,
aujourd'hui, c'est un souvenir et cela se déroule bien sur les
chantiers.
Je crois que c'est M. Barbeau, le président de Gaz
Inter-Cité, qui nous disait que, sur les investissements globaux de
cette compagnie, il y avait 70% en salaires. Quand vous nous parlez qu'un
soudeur au "Canada Pipeline Agreement" commande 3600 $ par semaine, on a l'air
d'une bande de crève-faim, nous ici, tous ce que nous en sommes, si vous
voulez mon avis. Je peux vous donner l'assurance de la même
fermeté, pour autant que votre humble serviteur est concerné,
surtout dans la conjoncture économique que nous traversons avec le
niveau de chômage. Je pense que c'est une revendication purement abusive,
qu'elle vienne du local 144 ou de tout autre syndicat, de réclamer
qu'une entreprise verse 3600 $ par semaine pour ce genre de travail.
Vous avez mentionné deux chiffres. Le décret de la
construction donnerait 2200 $ par semaine et le "Canada Pipeline Agreement",
3600 $. Est-ce que votre organisme a fait des représentations au
gouvernement fédéral afin d'examiner la possibilité que le
"Canada Pipeline Agreement" soit ramené à des scénarios un
peu plus réalistes? Quand le gouvernement fédéral a
décidé de ramener de
750 000 000 $ à 465 000 000 $ le montant des crédits
disponibles pour la phase de pénétration du gaz, je me souviens
que mon collègue, M. Chrétien, qui ne rate jamais pareille
occasion, avait dit que cela dépendait du gouvernement de Québec
si les coûts de construction du gazoduc, au moins pour la partie
exécutée par Trans Québec & Maritimes, étaient
aussi élevés. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je n'ai
pas cette preuve, mais si Trans Québec & Maritimes a payé le
prix du décret canadien plutôt que le prix du décret de la
construction du Québec, je ne suis pas trop surpris qu'elle ai
dépassé tous les coûts prévus.
M. Fava, M. Barbeau était ici, le président de Gaz
Inter-Cité; il a fait le point sur l'état des travaux et sur les
programmes. Ils sont à la fois à l'intérieur des
calendriers et de leur budget. Même qu'ils ont de la marge; si mon
souvenir est bon, ils font de la banque en chemin, en particulier en Mauricie.
Sans préjuger de ce qui pourrait se produire le printemps prochain, cela
m'étonnerait que les travailleurs sur le pipeline nous proposent des
réductions de salaires; ce serait assez renversant. (17 h 30)
M. Fava: On s'en charge, M. le ministre.
M. Duhaime: On verra. Tout ce que je souhaite, si
négociations il y a, c'est qu'elles se déroulent normalement. Je
voudrais vous donner l'assurance que le risque n'est pas bien grand que nous
allions nous aligner sur le "Canada Pipeline Agreement". Cela n'a pas de bon
sens pour un gazoduc. Cela n'en a pas plus ailleurs, sur d'autres chantiers.
L'effet d'entraînement est quand même là. On parlait ce
matin de projets d'investissements, que ce soit dans le secteur
pétrolier, que ce soit dans le secteur gazier, que ce soit dans le
secteur hydroélectrique. Il faut bien comprendre que tous les fins
connaisseurs en pareille matière examinent cela à la loupe, ce
genre de dispositions au décret de la construction.
Je n'ai pas la différence, en pourcentage, de 2200 $ par rapport
à 3600 $. Avez-vous des chiffres globaux sur ce que
représenterait le même gazoduc payé suivant le "Canada
Pipeline Agreement" par rapport à une rémunération suivant
le décret de la construction. Deuxièmement, voulez-vous nous
dire, au sujet des 3600 $ par semaine qui sont demandés pour combien
d'heures de travail c'est, s'il vous plaît?
M. Fava: Voici, M. le ministre. Si on regarde le "National
Pipeline Agreement", comme je vous le mentionnais tout à l'heure, cela
représente des salaires, au taux du "National Pipeline Agreement", de
3605,55 $ par semaine actuellement pour un soudeur. Si on prend le même
soudeur payé au taux du décret de la construction - encore
là, malgré les 2 $ l'heure que vous ou votre gouvernement a
imposés à la suite de la commission parlementaire - cela
représente 2113,32 $ par semaine. Ce même soudeur travaillant au
Québec en vertu du décret de la construction a, grosso modo, 1400
$ par semaine de moins que ce qu'il aurait en travaillant en vertu du "National
Pipeline Agreement".
Si on fait également des comparaisons en termes d'heures, j'ai
ici un tableau qui démontre qu'au Canada - donc suivant le "National
Pipeline Agreement" - le soudeur qui travaille 60 heures par semaine est
effectivement payé pour 124 heures de travail. Il ne faut pas oublier
qu'à ce salaire de base, c'est-à-dire à ces 60 heures,
vient s'ajouter une prime de rendement qui équivaut approximativement
à 40 ou 48 heures par semaine. Vous avez également des primes
journalières qui représentent 4 heures par jour. Vous avez
également une prime qu'on appelle 24, 1,5. En fait, ils ont des formules
assez spéciales. Vous voyez qu'en faisant le tableau du salaire de base
combiné avec toutes les primes qui s'ajoutent, pour une semaine de
travail de 60 heures, on est payé pour 124 heures.
M. Duhaime: Quand vous parlez de 60 heures, est-ce que vous
parlez de 60 heures travaillées?
M. Fava: Pour 60 heures travaillées, l'individu
reçoit l'équivalent de 124 heures de paie. Vous demandiez tout
à l'heure si nous avions dénoncé cette situation au
gouvernement fédéral à l'époque. Je vous
réfère à une lettre du 17 juin 1981 qu'on a fait parvenir
à tous les membres de l'Assemblée nationale du Québec et
de la Chambre des communes à Ottawa, dans laquelle déjà on
faisait état de cette situation et dans laquelle on prévoyait
déjà une pénurie de main-d'oeuvre au niveau des soudeurs.
On établissait nos besoins à l'époque à 200 ou 300
soudeurs pour réaliser le projet du gazoduc au Québec. On savait
qu'on en avait une soixantaine de disponibles. Donc, cela ne prenait pas un
génie pour déterminer qu'on aurait une pénurie
substantielle de main-d'oeuvre. On demandait à l'époque à
tous les députés et à tous les membres du Parlement
fédéral et de l'Assemblée nationale provinciale
déjà de se sensibiliser à ce problème. À
l'époque, je vous mentionne que c'était effectivement Trans
Québec & Maritimes qui était dans le portrait. Une partie de
ces problèmes se sont réglés.
Vous mentionniez tout à l'heure, M. le ministre, que je vous ai
félicité de ne pas être intervenus cet été
lors du dernier
problème avec le local 144. Effectivement, c'est le genre
d'intervention qu'on aime du gouvernement, qu'il n'intervienne pas dans nos
relations du travail. Vous savez que dans l'industrie de la construction on est
dans une situation où nos relations du travail sont quasi
étatisées. Comment voulez-vous que les parties négocient
de bonne foi à une table de négociation quand on sait que la loi
donne un pouvoir au ministre d'intervenir et d'imposer un décret
après trois heures de discussion en commission parlementaire, alors
qu'on sait qu'avant même la commission parlementaire le décret est
en train de se rédiger dans les corridors de l'Assemblée
nationale? C'est dans ce sens que nous vous disons que c'est absolument
impensable que les parties puissent s'asseoir autour d'une table de
négociation et négocier de bonne foi, quand on sait que la
décision se prendra probablement ici au salon rouge ou au salon bleu.
C'est très difficile de négocier.
Voici ce qu'on vous dit. Si on nous laisse négocier, il y a des
chances qu'on réussisse comme dans tous les autres secteurs. En voici la
preuve. Lors du règlement du dernier problème que nous avons eu
avec les soudeurs du local 144, on a réussi à régler le
problème avec l'intervention de l'État que vous mentionniez,
c'est-à-dire que l'État a renvoyé la balle aux parties en
leur disant: Réglez votre problème, on ne s'en mêle pas.
Quand les parties réalisent que le règlement final d'un
problème est à leur portée et dans leurs mains, elles font
des efforts pour le régler. Par contre, quand on sent que la porte est
ouverte ici pour venir régler les problèmes, les parties, M. le
ministre, ne négocient pas. C'est aussi simple que cela.
M. Duhaime: M. Fava, cependant, nous conviendrons que, lorsque le
gouvernement déclare très clairement qu'il est hors de question
de payer selon le "Canada Pipeline Agreement", cela doit enclencher une
négociation aux tables, j'imagine. Est-ce que je fais erreur?
M. Fava: Oui, effectivement. M. le ministre, il y a un historique
dans l'industrie de la construction et cela nous rend excessivement
méfiants face au pouvoir de l'État d'intervenir. Si on se replace
au niveau de la construction des chantiers olympiques, on a eu 0,85 $ l'heure
qui ont été imposés. En ce qui touche le gazoduc, il y a
eu 2 $ l'heure d'imposés. Lors de la dernière négociation,
je n'ai pas besoin de vous énumérer tous les problèmes
qu'on a rencontrés. Lorsque les parties syndicales et même la
partie patronale jusqu'à un certain point sentent que le
règlement n'est pas entre leurs mains, elles ont l'impression de faire
un exercice futile autour d'une table de négociation. Cela prend cinq,
six, sept mois, on a pris jusqu'à neuf mois pour négocier un
décret de la construction. Il n'y a pas eu de grève, il n'y a pas
eu de chambardement sur les chantiers. Je ne vois pas pourquoi ce serait pire
avoir une grève dans l'industrie de la construction que dans d'autres
secteurs. Ce que nous disons, c'est: Pourquoi intervenir de façon
spéciale dans la construction quand les lois dans l'ensemble sont
suffisantes pour régler le problème?
M. Duhaime: Nos prédécesseurs nous ont
laissé un dossier en lambeaux dans le domaine de la construction au
Québec. Je pense que les travaux de la commission Cliche ont
été éclairants à cet égard. On a eu
l'occasion de le rappeler, il n'y a pas tellement de mois, ici, autour de cette
table. Je suis parfaitement de votre sentiment que l'idéal
souhaité serait un retour absolu à la libre négociation au
Québec dans le domaine des relations du travail dans le secteur de la
construction. Cela étant un objectif à atteindre, je ne me fais
pas d'illusion, non plus. J'ai comme l'impression qu'il va falloir que l'on
continue d'être très vigilants.
M. Lavigne: M. Bourassa.
Une voix: M. Qui? M. Bourassa?
M. Duhaime: On a eu des échauffourées absolument
sans précédent dans le dossier du gaz naturel. Je me souviens
qu'un certain temps il y avait deux policiers et un soudeur autour de Joliette.
Je crois que je dois profiter de l'occasion pour remercier tous ceux qui ont
été impliqués d'avoir apporté chacun sa
contribution pour ramener un peu d'ordre et de paix sur les chantiers et en
arriver à une entente. Là, vous me dites que cela va rouvrir au
printemps de 1984. Je n'ai pas à vous souhaiter bonne chance. Vous
êtes en mesure de faire votre métier. Nous n'avons pas l'intention
de prendre parti pour l'instant dans cette affaire. Mais il y a une chose qui
est certaine: si la revendication est la même que l'été
dernier, alors que les travailleurs, les soudeurs en particulier exigeaient que
Gaz Inter-Cité paye selon le "Canada Pipeline Agreement", si vous voulez
avoir une idée de la réponse, je vais vous la donner tout de
suite, la réponse est non. À partir de là, on veut
travailler avec notre propre décret de la construction. Pour le reste,
je laisse et votre association et les travailleurs - incluant le local 144,
mais il y en a d'autres aussi qui sont impliqués dans ce dossier -
négocier. Je ne sais pas si c'est votre association qui directement
conduit ces négociations.
M. Fava: Oui.
M. Duhaime: Je crois que c'est vous qui représentez les
entrepreneurs dans ce
secteur. On va vous regarder aller et on va souhaiter que cela se
règle vite.
M. Fava: Pour le règlement du dernier problème qui
est survenu avec le local 144, on n'a pas à féliciter uniquement
le gouvernement de ne pas être intervenu. Je pense qu'il faut
féliciter aussi Gaz Inter-Cité qui a répété
continuellement qu'elle ne tolérerait pas que les travaux du gazoduc se
fassent à des taux autres que ceux du décret. Je pense
également que nos entrepreneurs ont fait leur part en mettant la
pression sur les soudeurs du local 144 pour qu'ils reviennent à
l'ouvrage. Quand chacun fait son bout de chemin dans un dossier semblable, on
arrive aux résultats qu'on connaît.
M. Duhaime: Quand il n'y a pas de monopole syndical sur un
chantier et quand un gouvernement décide de se tenir debout, il y a des
choses qui changent. Pour ceux qui sont assis à ma gauche et qui
n'étaient pas au gouvernement lorsque les événements se
sont produits dans le secteur de la construction dans le passé, je pense
que ce sont deux rappels très importants qui sont parmi les clés
du rapport assez éloquent de l'honorable juge Cliche, il y a plusieurs
années. Il faut aussi dire qu'il y a des blâmes qui ont
été donnés. Un monopole syndical sur un chantier de la
taille de la Baie-James ou encore à Mont-Wright, cela ne peut pas
s'installer sans que, premièrement, un syndicat soit d'accord;
deuxièmement, que les patrons soient d'accord pour le faire;
troisièmement, même dans l'illégalité parfois, un
gouvernement décide de couvrir l'opération. C'est exactement ce
qui s'est produit au Québec. Aujourd'hui, un peu tout le monde se plaint
que ce secteur est archiréglementé, etc. Je pense qu'on vit tous
un peu avec notre passé. On écope. Quand je dis avec notre
passé, je parle de notre collectivité. On est un des rares coins
du monde à avoir vécu un pareil charivari dans des chantiers de
construction, qu'on parle de la Baie-James, qu'on parle de Mont-Wright ou
même du chantier olympique. C'est bien évident. Enfin,
souhaitons-nous bonne chance et espérons que cela va fonctionner.
M. Fava: II y a peut-être une remarque additionnelle, si
vous me le permettez, M. le Président. J'aimerais retoucher un peu
à tout l'aspect de la formation professionnelle. Je pense que
l'expérience du gazoduc a été assez
révélatrice. Quand on décide de former des soudeurs pour
combler non pas uniquement nos besoins de main-d'oeuvre, mais aller
jusqu'à de légers surplus, des fois cela règle certains
problèmes.
Il y a également tout le problème du règlement de
placement dans l'industrie de la construction. Il faut se rappeler que ce
règlement de placement date de 1978; le ministre était M. Johnson
à l'époque, c'est lui qui nous l'a mis entre les bras, ce fameux
règlement de placement qui a été partiellement la cause de
nos problèmes au niveau du gazoduc. Si on n'avait pas eu les contraintes
du règlement de placement, on aurait pu agir plus librement avec notre
main-d'oeuvre. On aurait pu aller chercher nos 2000 ou 3000 soudeurs à
haute pression qu'on avait identifiés dans des secteurs commerciaux et
industriels, qui auraient très bien pu faire l'affaire sur les chantiers
du gazoduc en passant les tests habituels. Vous savez, on fait état de
ces tests comme étant des choses extrêmement épouvantables.
Entre vous et moi, cela nécessite deux ou trois semaines
d'apprentissage. On aurait pu régler ce problème à la
source et surtout le régler pour l'avenir. Je suis loin d'être
sûr aujourd'hui, M. le ministre, que le problème est
réglé définitivement. Comme je vous le dis, le local 144
est encore là. On a encore une pénurie de soudeurs dans le
gazoduc et les négociations s'en viennent à grands pas.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Outremont. (17 h 45)
M. Fortier: M. le Président, j'aimerais poser des
questions sur le règlement de la construction. Tout à l'heure,
vous avez fait mention de la possibilité que vous avez eue d'aller
chercher des soudeurs à l'extérieur de la province. Moi qui ne
suis pas familier avec les détails, pourriez-vous m'expliquer comment
cela a été possible? Je croyais que les règlements
imposaient à l'entrepreneur d'utiliser les employés du
Québec. Comment avez-vous pu aller chercher des gens de
l'extérieur du Québec pour ainsi "by-passer" ceux qui ne
voulaient pas travailler aux conditions définies dans le
décret?
M. Fava: Pour répondre adéquatement à cette
question, il faut à nouveau toucher au règlement de placement.
Comme vous le savez, dans l'industrie de la construction, on a de la
main-d'oeuvre qualifiée en vertu de la Loi sur la qualification
professionnelle de la main-d'oeuvre et du règlement 1 adopté en
vertu de cette loi en termes des ratios compagnons-apprentis qu'on peut avoir
sur les chantiers. Une fois l'employé qualifié,
c'est-à-dire une fois que l'opérateur d'équipement lourd a
sa carte dans les poches, il est soumis à une deuxième
réglementation qui est le fameux permis de travail émis en vertu
du règlement de placement dans l'industrie de la construction, le fameux
classement.
Donc, la position qui avait été prise par les soudeurs du
local 144 à l'époque, c'était de dire: Écoutez,
nous ne sommes pas en grève, nous ne sommes tout simplement pas
disponibles à travailler. Le règlement de
placement nous obligeait à épuiser les sources de
main-d'oeuvre à l'Office de la construction. Alors, on a joué le
jeu comme le local 144. On a épuisé la liste de l'Office de la
construction, c'est-à-dire qu'on a demandé à l'office de
nous référer de la main-d'oeuvre. Les soudeurs du local 144
refusaient de venir. Quand on a épuisé ce bassin, cela nous a
permis d'aller en Alberta et d'aller chercher les 50 soudeurs que cela nous
prenait. Là, on a dit au local 144: Vous retournez travailler ou bien on
finit le gazoduc avec des soudeurs de l'Ouest.
M. Fortier: Une fois que ces gens sont revenus sur les chantiers,
qu'est-ce qui est arrivé aux 50 soudeurs de l'Alberta? Vous leur avez
dit: Merci beaucoup, maintenant, on n'a plus de besoin de vous. Pouviez-vous
les garder? Qu'est-ce qui arrive dans des cas comme ceux-ci?
M. Fava: Je vous donnerai la même réponse que j'ai
donnée au local 144. Quand on les a rencontrés, ils voulaient en
quelque sorte que le "bumping" se fasse et qu'on dise aux Albertains:
Retournez-vous chez vous et nous, les employés du local 144, on va
reprendre les emplois que nous avions. Je m'excuse, mais ce n'est pas comme
cela que ça marche. Il y a un certain nombre des ces travailleurs qui
sont partis pour toutes sortes de raisons, mais on n'a pas mis à la
porte ces travailleurs pour donner la place d'honneur aux soudeurs du local 144
qui nous avaient emmerdés pendant six mois. Alors, ils ont payé
le prix de leur moyen de chantage, de leur refus de travailler. C'est comme
cela que cela s'est réglé.
M. Dion (Michel): Si vous le permettez, les gens qui
étaient venus de l'extérieur, parce qu'il n'y avait plus de
disponibilité, se retrouvaient admissibles et travaillant
légalement au Québec en vertu du règlement de placement.
Ils ne pouvaient pas aller à l'extérieur; ils étaient
déjà au travail légalement en vertu du règlement de
placement. Ils ont reçu les permis nécessaires de l'office. Les
entrepreneurs n'étaient pas obligés de les "bumper", de les
mettre dehors. Les employeurs aussi, pour des fins de garantie, parce que
c'était trop facile le lendemain de renvoyer tous ces travailleurs.
Là, le local 144 aurait pu facilement rebloquer les chantiers. Or, la
garantie que les travailleurs de l'Ouest restaient ici empêchait ce
jeu.
M. Fava: C'est une précision importante. Comme je vous le
dis, quand on a engagé ces travailleurs on était obligé de
passer par le règlement de placement qui existait dans l'industrie. Ces
travailleurs sont devenus tout à fait en règle.
M. Fortier: Est-ce que le permis qu'ils avaient était
"open"? Je veux dire que cela aurait pu durer des années et des
années si la personne était restée au Québec.
M. Dion: Le permis que le travailleur de l'Ouest recevait
était valable pour travailler au Québec. Il pouvait continuer
à travailler et à exercer son emploi tant et aussi longtemps
qu'il y avait un emploi. S'il se créait de nouveaux emplois et qu'un
gars du local 144 voulait se rendre disponible, à ce moment, il tombait
sur la liste des disponibles et il pouvait être engagé, mais il ne
pouvait pas "bumper" l'autre.
M. Fortier: D'accord.
M. Fava: Théoriquement, cette personne aurait pu continuer
à travailler au Québec. Si ce travailleur arrive ici et
réussit à faire suffisamment d'heures pour que sa carte soit
renouvelée l'an prochain...
M. Fortier: Pour se justifier.
M. Fava: ...l'an prochain, il aura le loisir de travailler
ici.
M. Fortier: De toute façon, cela a été des
cas limités. Vous dites 50, mais c'était suffisant pour mettre la
pression qu'il fallait.
M. Fava: Comme je vous le dis, avec le nombre de ceux qu'on a
amenés de l'Ouest canadien...
M. Fortier: Est-ce que c'était des gens très
qualifiés?
M. Fava: ...qu'on a formés en marge du local 144, cela
nous a permis d'en amener assez pour que le local 144 réfléchisse
à sa position. Finalement, la dernière rencontre qu'on a eue
lorsque ce dossier s'est réglé, c'est aux bureaux du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre à Montréal,
où tout s'est déclenché; ils ont décidé de
revenir au travail.
M. Dion: Si vous me le permettez, il faut aussi noter que,
lorsque le règlement s'est fait, les chantiers n'étaient pas tous
complètement en marche. Autrement dit, les travailleurs du local 144 ont
réalisé que, s'ils continuaient, ils perdraient tous les
chantiers, mais déjà il y avait qu'une partie des chantiers qui
était en marche.
M. Fortier: Quand vous faites ces travaux, le contrôle de
la qualité des soudures est-il fait par vous ou s'il est fait par le
client? Est-ce le client qui fait le contrôle de la qualité, qui
fait les rayons X pour déterminer si on respecte les normes? Je ne sais
pas à quelle pression vous
fonctionner mais ce doit être 100% de rayons X sur les grosses
soudures.
M. Fava: Effectivement, les normes sont établies par Gaz
Inter-Cité, mais celle-ci engage des firmes d'ingénieurs-conseils
pour vérifier la qualité de l'ouvrage. L'entrepreneur fait quand
même une certaine vérification. Disons que le contrôle de la
qualité finale est fait par Gaz Inter-Cité par l'entremise
d'experts qu'elle retient pour faire ce travail.
M. Fortier: Étant donné que Gaz Inter-Cité
nous a dit que les coûts finals étaient assez bas, sûrement
à cause des salaires plus bas qui avaient été
payés, j'imagine que le nombre de soudures qu'il a fallu refaire,
malgré l'inexpérience des nouveaux soudeurs, n'a pas
été très élevé. Est-ce que, de fait, la
qualité des soudures qui ont été faites s'est
avérée assez élevée pour éviter de refaire
le travail?
M. Fava: Je vous mentirais si je vous disais qu'au départ
la qualité du travail qu'on faisait avec les nouveaux bonshommes qu'on
avait formés était acceptable. C'est sûr qu'au
départ il y a eu une période de rodage. Certains entrepreneurs me
mentionnaient des taux d'échec au niveau des soudures de l'ordre de 40%
à 50% au début, ce qui était quand même
énorme. Les entreprises ont en quelque sorte fait les frais de cela
aussi, puisque c'est du travail qu'elles ont dû reprendre. Elles savaient
également pertinemment qu'au bout de deux, trois ou quatre semaines
d'apprentissage ces bonshommes donneraient un rendement acceptable.
Évidemment, quand on tient compte du fait qu'on paye à peu
près 1500 $ de moins par semaine pour les soudeurs qui travaillent en
vertu du décret que pour ceux qui le font selon le "National Pipeline
Agreement" et quand on sait, comme le disait M. le ministre tout à
l'heure, que la main-d'oeuvre représente à peu près 70%
des coûts totaux de la réalisation de projets semblables, le
coût de main-d'oeuvre est un facteur très important quand on
calcule les coûts totaux de ces projets.
M. Fortier: Est-ce que vous avez pris connaissance du rapport du
groupe de travail sur le coût de la construction des pipelines? C'est un
rapport qui est sorti récemment. C'est fait par un
commissaire-enquêteur, M. Horte, nommé par le ministre
Chrétien. Est-ce que vous en avez pris connaissance? Il fait certaines
recommandations; en particulier, il fait des constatations et des
recommandations qui affecteront éventuellement le Québec.
J'imagine que cela s'applique uniquement dans le cas des pipelines. Cela ne
s'applique pas dans le cas des conduites latérales. Ces recommandations
s'appliqueront quand le pipeline continuera vers l'Est. Je me demandais si vous
en aviez pris connaissance et si vous aviez des commentaires à
formuler.
M. Fava: Quant à nous - comme je vous le disais au
début, M. Fortier - on s'est strictement limité à l'aspect
des relations du travail, puisque c'est notre mandat exclusif, et qu'on est
impliqué à ce niveau. Effectivement, la relation coût
total, coût de la main-d'oeuvre est là. Globalement, le rapport
comme tel, on n'en a pas fait d'analyse spéciale à l'association
pour pouvoir arriver avec des recommandations.
M. Fortier: Je mentionne cela parce qu'il touche, justement, les
relations du travail. Il touche justement au fait que, d'après les
recommandations, le "National Pipeline Agreement" devrait s'appliquer à
travers le Canada, du moins pour les pipelines. C'est daté du 30 juin
1983. Ce serait peut-être bon que votre association en prenne
connaissance - j'en ai une couple de copies ici - pour vous permettre de
réagir face aux recommandations qui y sont faites. Je n'ai pas eu le
temps de le consulter au complet. J'essayais de le feuilleter pendant que vous
faisiez votre présentation.
M. Fava: Effectivement, on devra se pencher sur ce
problème. Évidemment, le contexte juridique dans l'industrie au
Québec est complètement différent de ce qu'il l'est dans
les autres provinces canadiennes. À la table de négociation, on
m'a dit que la construction dans les autres provinces canadiennes se faisait
à peu près au même taux que le décret de la
construction. Donc, ce n'est pas un problème spécial au
Québec. Ce qu'on oublie de nous dire, c'est que, dans les autres
provinces canadiennes, il y a 60% et plus de la construction qui se fait par le
secteur non syndiqué qui, lui, travaille à 25% ou 30% moins cher
que le secteur syndiqué. D'ailleurs, je me suis rendu
dernièrement à Toronto à un colloque de l'Association
canadienne de la construction; je puis vous assurer que les problèmes
qu'ils ont dans l'Ouest canadien par rapport au secteur syndiqué et au
secteur non syndiqué sont énormes. Le secteur syndiqué est
en train de perdre complètement le marché de la construction.
Elle se fait de plus en plus par des entrepreneurs non syndiqués qui,
eux, travaillent à 20% ou 25%, comme je vous le disais, moins cher que
nos taux de décret.
M. Fortier: En tout cas, je vais vous en donner une copie. Je
pense que, comme vous le dites - je suis d'accord avec vous - les conditions au
Québec sont différentes. Il serait malheureux que le ministre
fédéral de l'Énergie, des Mines et des Ressources
poursuive sa recherche dans ce secteur sans avoir le point de vue du
Québec. Je note que les ministères de l'Énergie et des
Ressources des différentes provinces ont été
consultés. J'imagine que le point de vue québécois leur a
été communiqué.
Quand M. Barbeau de Gaz Inter-Cité est venu, je l'ai
félicité parce que c'était certainement une
première réalisation de faire des travaux comme ceux-ci en dedans
des budgets et des coûts. Il semblerait que les tracés ont
été approuvés très rapidement, ce qui a
facilité les choses. Je ne voudrais pas enlever de mérite
à quiconque a pu aider à cette situation. Je crois que l'entente
qui existait entre Gaz Inter-Cité et le gouvernement
fédéral disait qu'il avait un budget maximum de 500 000 000 $
pour réaliser tant de conduites latérales, que, s'il y avait des
dépassements de coût, la différence devait être
assumée totalement par Gaz Inter-Cité. Cela donnait une
dialectique ou une conjoncture où M. Barbeau pouvait dire:
Écoutez, soit que l'on s'entende, nos estimations étant
basées sur le décret de la construction ou que l'on ne s'entende
pas. Si l'on ne s'entend pas, il n'y a pas de conduites latérales.
C'est une situation différente de celle que nous pouvions
retrouver lors des Jeux olympiques, où les syndicats savaient qu'il
fallait aller de l'avant, parce qu'on avait fait des promesses internationales
qu'il se tiendrait des jeux à un certain moment. Mais il reste que c'est
un premier succès et je crois qu'on doit continuer dans cette direction.
Cela prouve que, lorsqu'on peut arrêter les travaux, tout le monde
comprend que c'est dans le meilleur intérêt et des travailleurs et
des compagnies de s'entendre et d'arriver à des conclusions
positives.
M. Fava: Effectivement, M. Fortier. Je vous
référais tout à l'heure à une lettre qu'on avait
envoyée à tous les députés à
l'Assemblée nationale et à tous les membres de la Chambre des
communes. C'est une des choses que nous dénoncions du régime de
TQM. Ces gens étaient plus ou moins intéressés à
garder un certain contrôle des coûts, puisque plus cela
coûtait cher plus on retirait de subventions de l'autre bout. Finalement,
l'intérêt à comprimer les coûts n'était pas le
même que sous le régime de Gaz Inter-Cité. Nous, ce qui
nous surprend dans tout cela - c'est pour cela qu'on a insisté un peu
sur cela - c'est que, si l'on réussit à faire des projets aussi
gigantesques que les travaux hydroélectriques qui se font sur le
territoire de la Baie-James à des taux du décret, je ne vois pas
pourquoi on ne pourrait pas réussir, avec le concours de tout le monde,
à réaliser notre gazoduc au coût du décret de la
construction. Je ne peux pas dire lequel des deux projets est le plus
important. Je crois que les deux sont importants. Mais, dans un cas, on l'a
réalisé dans une paix relative. Sur le territoire de la
Baie-James, on n'a pu eu le genre de problèmes que nous avons eus sur
les chantiers du gazoduc, probablement parce qu'il n'y a pas de centrale
syndicale qui a le monopole d'un marché de main-d'oeuvre aussi rare que
les soudeurs sur le pipeline.
Nos principales sources de problèmes en ce qui a trait au gazoduc
et à la main-d'oeuvre viennent du fait que le local 144 a un
contrôle et un monopole effectif de la main-d'oeuvre
spécialisée qui travaille sur les chantiers du gazoduc. Le
règlement de placement venant aider la cause du local 144 nous oblige
à faire une série de pas de gymnastique pour passer à
côté et aller chercher une certaine concurrence pour cette
main-d'oeuvre dans les autres provinces canadiennes. On a actuellement une
main-d'oeuvre québécoise. On a une bonne partie de nos membres
qui travaillent sur des projets au Cameroun et en Algérie, qui
réalisent des travaux dans ces endroits à des taux même
inférieurs à ceux du décret de la construction, dans des
conditions beaucoup plus pénibles que celles qu'on a pu connaître
sur le territoire de la Baie-James ou ailleurs dans la province de
Québec. Alors, qu'on ne vienne pas me faire croire que nos travailleurs
ne sont pas prêts à travailler au taux du gazoduc. Cela fait
l'affaire d'un certain nombre de dirigeants syndicaux que cette pression puisse
s'exercer au niveau au gazoduc. Comme le disait M. le ministre tout à
l'heure, il y a, qu'on le veuille ou non un effet d'entraînement. Comme
je vous le disais tout à l'heure, l'opérateur d'équipement
lourd sur le gazoduc qui gagne 2 $ l'heure de plus que celui qui travaille
à côté, de deux choses l'une: soit que l'on baisse ce
travailleur ou, à la prochaine négociation, celui qui travaille
à côté va vouloir avoir le même salaire que l'autre.
Cela a un effet néfaste à long terme sur nos relations du
travail.
M. Fortier: En ce qui concerne le règlement de la
construction, est-ce que votre association a fait des recommandations à
ce sujet d'une façon formelle et officielle?
M. Fava: Absolument.
M. Fortier: Récemment? (18 heures)
M. Fava: Comme je vous le dis, la dernière rencontre
directe qu'on a eue avec les gens du ministère se situe à la fin
du mois d'août quand le problème s'est finalement
réglé avec les soudeurs du gazoduc.
M. Fortier: Je ne parle pas nécessairement du gazoduc. Je
parle "across the board".
M. Fava: Je peux vous dire qu'on a rencontré le ministre
et son adjoint en commission parlementaire et à son bureau au moins une
dizaine de fois depuis le mois d'octobre de l'an dernier. Il y a des
mémoires qui se font régulièrement. Il y a des
interventions qui se font au niveau de l'Office de la construction. Encore
vendredi dernier, j'ai rencontré des collègues du ministre pour
leur exposer les problèmes que nous avions plus particulièrement
avec le règlement de placement dans l'industrie de la construction. Nous
sommes intervenus au niveau des comités consultatifs régionaux
pour la formation de la main-d'oeuvre. Nous avons des représentants
à ces comités.
Il y a également une petite vite qu'on a tenté de nous
passer à la veille des vacances de la construction, le règlement
sur les juridictions des métiers qu'on a voulu modifier pour les
électriciens afin de leur donner l'exclusivité de la manutention.
C'est un amendement qui a été publié à la toute
veille des vacances de la construction et on est tombé dessus quasiment
par hasard. On s'en est rendu compte à temps et on a pu faire les
représentations voulues. Ce sont des choses que nous surveillons au jour
le jour. C'est notre principale raison d'être, à l'association, de
surveiller tout le contexte des relations du travail dans l'industrie de la
construction.
M. Fortier: Je vous posais la question parce que peut-être
que vous faites des représentations au ministre ou à l'office
comme tels, mais nous, parlementaires, aimerions être informés de
vos recommandations en ce qui concerne le règlement de la construction
en particulier. Si jamais vous aviez un document que vous pourriez nous faire
parvenir - je parle en mon nom et je crois que les autres membres de la
commission seraient intéressés j'aimerais bien en prendre
connaissance.
Je vous remercie, M. Fava.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
Avant de vous laisser la parole, M. le député de
Beauharnois, comme nous dépassons 18 heures, cela me prend la permission
de la commission. Vous êtes d'accord.
M. le député de Beauharnois.
M. Lavigne: J'ai quelques questions à poser à M.
Fava. Quand on a comparé le salaire des employés qui travaillent
sous le décret du Canada et ceux qui travaillent sous le décret
du Québec, il y a une énorme différence de 1400 $ par
semaine, grosso modo. Cela a amené, à un certain moment, la
partie patronale et les grands entrepreneurs à repenser tout le domaine
de la robotique. Je sais qu'il en a été question.
Est-ce que la venue des robots sur ces chantiers est seulement un moyen
de pression ou si c'est à ce point précis et perfectionné
que cela n'est plus au stade de l'expérimentation, mais que c'est
vraiment sérieux et que c'est appelé éventuellement
à prendre la place des soudeurs, ou en partie la place des soudeurs?
M. Fava: Ce n'est absolument pas une blague. Quand on a
rencontré les gens du local 144, on leur a dit qu'il y avait la
possibilité d'introduire des machines à souder sur le gazoduc. Ce
n'est absolument pas une farce. La technologie est assez
développée pour que ces machines puissent éventuellement
remplacer une main-d'oeuvre. Dans le contexte d'un règlement comme
celui-ci, quand on introduit des machines sur les chantiers, c'est sûr
que cela cause certains problèmes en ce qui a trait à la
main-d'oeuvre. Dans le contexte de tous les problèmes que nous avions
avec le local 144, cela a été plutôt utilisé comme
moyen de pression, mais c'était absolument à point en termes de
technologie. Ce n'était pas strictement des moyens de pression. C'est
quelque chose qu'on aurait sûrement recommandé à nos
membres. Finalement, ce sont des décisions qui reviennent à nos
membres individuellement, s'ils veulent ou non introduire ce genre de machines
sur les chantiers. Je vous assure que c'est une chose que nous envisagions
sérieusement, recommander à nos membres de mettre ces machines en
marche. Nous nous sommes dit: Le gazoduc va se faire avec ou sans le local 144
et il va se faire aux conditions du décret de la construction. S'il
fallait importer de la main-d'oeuvre de l'Alberta ou introduire des machines,
ce sont des solutions que nous envisagions très sérieusement.
M. Dion: Pour votre information, à la Baie-James, le bas
des turbines est fait comme un colimaçon. Vous avez dû prendre
connaissance de cela, la compagnie Marine Industrie utilisait des machines pour
faire les soudures de ces colimaçons où les pressions d'eau sont
énormes. Des tests électroniques devaient être
passés sur ces tuyaux-là pour s'assurer qu'il n'y avait pas de
perte d'eau. Ces soudures étaient faites par des machines à
souder. Si le gouvernement veut développer ce système ou
s'informer au sujet de ce système, cela a été fait
à la Baie-James avec succès et ces machines fonctionnaient.
Il y a peut-être une adaptation un peu plus précise
à faire pour le gazoduc selon la grosseur des tuyaux. L'utilisation de
la machine est peut-être différente sur un tuyau de 16 pouces de
ce qu'elle est sur un tuyau de quelque 40 pouces. Je sais que M. Fortier est
ingénieur et qu'il connaît cela bien plus que moi. Ce n'est pas un
robot "tentatif"; c'est une machine qui fonctionne
réellement et qui donne un rendement satisfaisant. Cela a
été fait à la Baie-James sans aucun problème.
M. Lavigne: Pour terminer - je ne voulais pas être trop
long, je vous l'avais dit, on dépasse déjà notre temps de
cinq minutes - si vous aviez à utiliser ces machines à souder,
ces robots - appelez-les comme vous voudrez - est-ce que cela ferait une
différence importante dans les coûts? On a dit que, pour la
réalisation d'un gazoduc, la main-d'oeuvre représentait 60% ou
70% du coût. Si l'entreprise remplaçait la main-d'oeuvre - ce qui
n'est pas souhaitable par les temps qui courent parce qu'on se dit qu'il y a
déjà beaucoup de chômage et on travaille au gouvernement
à mettre de l'avant des programmes de création d'emplois - par ce
type de machines à souder sur une haute échelle, est-ce que le
coût de revient serait dans les mêmes proportions qu'en utilisant
les soudeurs comme présentement au coût du décret de la
construction?
M. Fava: Pour répondre à votre question, je pense
que je dois le faire en deux volets. D'abord, il faut se rappeler qu'au niveau
de la soudure sur le gros tuyau plusieurs passes de soudure se font. La
première passe serait probablement difficile à faire avec une
machine à souder, mais toutes les autres pourraient très bien se
faire avec une telle machine.
Pour vous donner une idée du coût de ces machines, si ma
mémoire est bonne, lorsqu'on envisageait la possibilité de les
introduire sérieusement, c'était à peu près 7000 $
ou 8000 $ par unité. Quand on paie un soudeur 3000 $ par semaine, je
pense qu'on n'a pas besoin de faire plusieurs semaines pour rentabiliser notre
machine. C'est une machine qui a une longévité de plus de deux ou
trois mois.
Il est clair qu'éventuellement c'est une chose qui pourra
être considérée très sérieusement pour
réduire davantage les coûts de construction du gazoduc et pour
toutes sortes de raisons, y compris principalement la rareté de
main-d'oeuvre dans ce domaine. Pour l'instant, c'est une chose qu'on a voulu
éviter dans le but d'arriver à une certaine paix sur nos
chantiers et pour éviter, comme on dit, de mettre de l'huile sur le feu.
Comme je le disais tout à l'heure, c'est une chose qu'on envisageait
très très sérieusement dans le contexte du
règlement du problème du local 144.
M. Lavigne: Donc, si vous n'optez pas pour ledit robot ou ladite
machine, c'est uniquement pour des raisons de paix, des raisons humanitaires,
des raisons sociales, des raisons de création d'emplois, au fond. Si
c'était basé strictement sur une question de coût de
production, ce serait avantageux, d'après ce que vous nous dites.
M. Fava: Je crois que oui.
M. Lavigne: C'est pour toutes les autres considérations
que vous ne les introduisez pas.
M. Fava: Oui.
M. Lavigne: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Messieurs, je vous remercie. Il
n'y a pas d'autres questions?
Nous invitons le groupe SNC - je ne sais pas s'ils sont présents
- pour 20 h 30. Nous suspendons donc nos travaux jusqu'à 20 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 09)
(Reprise de la séance à 20 h 36)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Lors de la suspension de nos travaux, à l'heure du souper, il
nous restait à inviter le dernier groupe inscrit à l'ordre du
jour.
M. Duhaime: Et non le moindre.
Le Président (M. Gagnon): Et non le moindre,
sûrement. C'est le groupe SNC. J'inviterais M. Jean-Paul Gourdeau
à nous présenter les gens qui l'accompagnent et à nous
livrer son mémoire.
Groupe SNC
M. Gourdeau (Jean-Paul): Merci, M. le Président.
Permettez-moi d'abord de vous remercier pour le temps que vous nous accordez
aujourd'hui afin de discuter des propositions contenues dans notre
mémoire que j'ai le plaisir de vous présenter ce soir.
En premier lieu, pour mieux situer le contexte de notre intervention,
j'aimerais vous rappeler ce qu'est le Groupe SNC et résumer, en quelques
mots, l'éventail de notre expertise.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous pourriez, pour
les fins du journal des Débats, nous présenter les gens qui vous
accompagnent?
M. Gourdeau: Certainement. À ma droite, M. Jacques
Lefebvre, vice-président aux affaires publiques, et, à ma gauche,
M. Louis Morin, vice-président à la mise en marché. Mon
nom est Jean-Paul Gourdeau, président du Groupe SNC.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Gourdeau: Comme je le disais tout à l'heure, notre
groupe est au Québec depuis 75 ans et nous nous considérons comme
l'une des principales entreprises canadiennes dans le domaine de
l'ingénierie, l'approvisionnement et la construction et l'un des
principaux maîtres d'oeuvre du Canada. Nous comptons près de 4600
employés répartis dans 45 divisions, filiales et compagnies
associées, au Canada ainsi qu'à l'étranger.
Notre groupe a son siège social à Montréal et nous
avons des bureaux à Vancouver, Edmonton, Calgary, Lethbridge, Saskatoon
et Toronto. À l'étranger, nous avons des bureaux en Allemagne,
aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne, au Pérou et au
Venezuela. Environ la moitié de notre chiffre d'affaires, qui se
chiffrait par 200 000 000 $ en 1982, a été réalisée
à l'étranger. Notre entreprise est la propriété
totale de ses employés.
Nous desservons presque tous les secteurs industriels et nous avons
acquis une solide réputation, notamment dans les domaines des mines et
de la métallurgie, de la conception et de la réalisation de
barrages et de centrales hydroélectriques, dans la production, le
transport et la distribution d'énergie électrique, dans la
pétrochimie et le pétrole, dans l'industrie forestière,
ainsi que dans la conception et la réalisation d'usines pour la
protection du milieu où l'on vit. Nous avons joué un rôle
prépondérant dans l'exploitation d'expertises canadiennes et nous
avons oeuvré, au cours des deux dernières décennies, dans
plus de 100 pays.
Constamment à l'avant-garde dans le domaine de
l'ingénierie, nous sommes fiers de nos contributions aux techniques de
gestion de projets, au développement de systèmes associés
à la planification et au contrôle des projets sur ordinateur ainsi
qu'à l'utilisation de maquettes pour la conception d'usines
industrielles complexes. L'un des premiers groupes canadiens à se
tailler une réputation sur le marché étranger dans le
domaine de l'ingénierie, nous avons aussi réussi à
constituer une équipe de gestion de projets reconnue non seulement au
Canada, mais aussi d'envergure internationale.
Je vais passer rapidement par-dessus le processus qui, au cours des
dernières années, nous a permis d'acquérir et de
développer l'expertise que nous avons, puisque vous avez devant vous le
mémoire que nous vous avons soumis, et je vous fais grâce d'une
partie du mémoire parce que j'imagine que la plupart de vous nous
connaissez assez bien. J'aimerais simplement enchaîner vers la fin de la
page 5 où je mentionne qu'en 1960, nous comptions 130 employés;
en 1970, 900 et, en 1980, nous dépassions les 5000. Présentement,
comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes environ 4600. Quant
à notre chiffre d'affaires, il était de 7 400 000 $ en 1967 et de
plus de 200 000 000 $ l'an dernier, c'est-à-dire quinze ans plus tard.
Aujourd'hui, le Groupe SNC est toujours la propriété exclusive de
ses employés et compte présentement plus de 400 actionnaires.
Ce bref aperçu vous donne, je l'espère, une certaine
appréciation du temps et du travail qu'il faut consacrer pour
établir une entreprise telle que le Groupe SNC sur une base solide et
compétente. Face à l'incertitude du climat économique
actuel, nous souhaitons entretenir des échanges constructifs avec les
gouvernements et les autres membres de l'industrie afin d'établir des
politiques et des programmes pour empêcher l'affaissement et même
l'effritement d'entreprises essentielles à notre avenir collectif.
Quelle est la toile de fond du secteur de l'énergie au
Québec? Nul n'est besoin d'analyser ici les différentes facettes
du secteur énergétique puisque de nombreux organismes s'y
adonnent présentement, tant à l'échelle nationale
qu'internationale. Le document de travail présenté par le
ministère à l'intention des intervenants à la commission
permanente de l'énergie et des ressources résume dans ses grandes
lignes la situation énergétique au Québec.
Selon notre optique, les éléments suivants, pris dans leur
ensemble, caractérisent les réalités
socio-économiques de la scène énergétique
québécoise en 1983, à savoir, programmes d'économie
d'énergie, baisse de la demande d'électricité, surplus
important d'électricité pouvant être vendu, projets
hydroélectriques retardés, politique favorisant la
pénétration et la distribution du gaz naturel, projet CARMONT
retardé, huiles lourdes vendues à rabais, projets
nucléaires retardés indéfiniment.
Ces réalités, dont certaines paraissent menaçantes
par leurs répercussions possibles sur l'ensemble de nos
économies, représentent des défis de taille. Le
gouvernement et les entreprises doivent tout mettre en oeuvre pour trouver des
solutions qui permettent au Québec de sortir gagnant de la crise
actuelle. Nous vous soumettons donc notre point de vue afin d'apporter
l'expérience que nous avons au processus de réflexion
entamé par votre commission.
J'aimerais d'abord aborder l'industrie québécoise du
génie-conseil ou de l'ingénieur constructeur. Depuis plusieurs
années et à juste titre, d'ailleurs, le Québec se
félicite de compter sur son territoire trois des plus grands bureaux
d'ingénieurs-conseils au monde. Nous pourrions même ajouter que ce
succès remarquable a été largement facilité par une
participation active au développement hydroélectrique du
Québec. Le Québec exerce, par l'entremise de ces firmes, un
leadership incontesté qu'il doit
non seulement protéger, mais promouvoir.
Ces sociétés traversent actuellement une période
particulièrement difficile puisque la mise en veilleuse du programme de
développement hydroélectrique du Québec coïncide avec
un ralentissement de l'économie non seulement au Canada, mais à
l'échelle mondiale. Bien que nous comprenions volontiers que cette
période de pause et de réflexion soit nécessaire, nous
devons faire face à la situation actuelle avec tous les efforts et
l'imagination que cela implique. Chez SNC, nous avons pris les mesures
nécessaires pour améliorer encore davantage l'efficacité
et la productivité à tous les niveaux de notre entreprise. De
plus, tout comme il y a 20 ans, nous avons non seulement maintenu, mais
augmenté nos activités vers les marchés internationaux
afin de conserver notre expertise et être prêts pour la reprise
éventuelle chez nous.
Toutefois, le marché international est actuellement plus
difficile que jadis puisque le ralentissement économique qui frappe le
Québec s'étend à l'échelle mondiale. Partout, les
fonds manquent pour réaliser des projets pourtant
nécessaires.
Notre succès sur les marchés étrangers peut
s'améliorer avec un support judicieux fourni par les différents
paliers de gouvernement. Pour le Québec, ce support devrait se traduire
par des programmes complémentaires à ceux que le gouvernement
fédéral a mis en place pour obtenir une plus grande
flexibilité face à la concurrence étrangère de plus
en plus aguerrie. C'est par cette complémentarité des programmes
que le Québec peut nous aider à maintenir le leadership que nous
avons développé au cours des vingt-cinq dernières
années et qui nous a permis de créer, ici au Québec, un
bassin d'expertise nulle part égalé, particulièrement dans
le domaine hydroélectrique.
Il nous semble aussi extrêmement important de préserver
cette ressource unique et, à cet effet, nous suggérons que le
gouvernement du Québec autorise HydroQuébec à effectuer,
dès maintenant, certaines études et à mettre en marche des
programmes sélectifs en vue d'une reprise des travaux de la Baie-James.
Ces travaux d'ingénierie de base partagés par les quelques
bureaux d'importance qui ont développé cette expertise
permettraient de maintenir sur place des équipes de spécialistes
qui constituent une force de frappe francophone dans la technologie
hydroélectrique, évitant ainsi une migration qui ne saurait trop
tarder si le travail ne vient pas.
Cette suggestion sous-entend que le Québec pourra, dans
l'application de ses programmes, privilégier l'excellence afin
d'éviter le morcellement des ressources existantes et de ne pas
sacrifier pour des intérêts à court terme l'objectif ultime
du maintien de notre position concurrentielle sur le marché mondial.
En résumé, nous recommandons que le Québec supporte
les efforts des grandes sociétés du Québec sur les
marchés internationaux par des programmes complémentaires
à ceux du gouvernement fédéral, renforce le rôle du
secteur privé dans les domaines où il a fait ses preuves et
évite le double emploi ou la concurrence de la part d'organismes du
gouvernement, s'appuie sur la compétence déjà acquise et
disponible, et autorise dès maintenant Hydro-Québec à
mener des études afin de prévoir et de mettre en place les
programmes de réalisation future de développement
énergétique.
En ce qui concerne le gaz naturel, au cours des dernières
années, le gouvernement du Québec a favorisé le
développement du réseau de gaz naturel au Québec ainsi
qu'une plus grande pénétration de cette source d'énergie
dans tous les coins du Québec. Cette politique permettra d'offrir aux
Québécois une diversité de choix qui encouragera une saine
concurrence dont tous pourront bénéficier. Nous appuyons ce
principe d'assurer aux Québécois une plus grande gamme de choix
dans le domaine de l'énergie.
Nous nous réjouissons aussi de la politique du gouvernement de
retenir les entreprises du Québec dans la réalisation des travaux
prévus afin de développer l'expertise dans ce domaine et
être en mesure de concurrencer sur les marchés étrangers.
Nous encourageons donc le maintien de cette politique.
En ce qui concerne le pétrole, il va sans dire que nous
déplorons la fermeture de certaines des raffineries de
Montréal-Est. Ces fermetures auront non seulement un impact
économique sérieux, mais aussi des répercussions sur le
bilan énergétique dans son ensemble. Nous suggérons donc
au gouvernement du Québec de diminuer la redevance présentement
perçue sur l'essence afin de ne pas injustement pénaliser les
consommateurs qui utilisent l'essence et favoriser ainsi une plus grande
activité économique dans ces secteurs; de ne pas
considérer, comme solution possible, l'achat d'une raffinerie par un
organisme du gouvernement, car le pétrole est assujetti à la loi
des marchés, non seulement à l'échelle du Canada, mais
à l'échelle mondiale.
En ce qui concerne la stratégie de développement
industriel, nous nous devons de féliciter le gouvernement d'avoir su
tirer avantage du surplus d'électricité en rejoignant les
objectifs de certaines industries et du gouvernement pour attirer
l'implantation de nouvelles industries énergivores telles que Reynolds
et Pechiney. Toutefois, nous voudrions que ces premières initiatives
marquent le point de départ d'une stratégie
intégrée de développement
industriel favorisant l'implantation au Québec d'un nombre
varié d'industries qui pourraient être attirées par nos
ressources énergétiques. Une politique éclairée
dans ce domaine verrait le gouvernement, dans un premier temps, prendre les
mesures voulues pour créer un climat socio-économique favorable.
Par la suite, des mesures incitatives susceptibles d'attirer les investisseurs
possibles devraient être mises en place pour obtenir la participation
active de l'entreprise privée.
En ce qui concerne l'exportation, nous voyons de façon
très positive l'exportation accrue d'électricité. Cette
ressource renouvelable que nous avons en grande quantité pourrait
devenir un levier encore plus important de notre développement
économique. Nous encourageons le gouvernement à permettre la mise
en place par Hydro-Québec de programmes spécifiques d'exportation
d'énergie. De plus, nous reconnaissons et appuyons les efforts
d'Hydro-Québec pour obtenir des contrats de vente
d'électricité à nos voisins du Sud à des conditions
qui soient favorables au Québec. L'exportation d'énergie
engendrera des revenus, créera des emplois et permettra le
développement d'autres sources énergétiques, nous assurant
ainsi de maintenir au Québec le leadership que nous avons dans ce
domaine.
Nous désirons féliciter le gouvernement du Québec
pour les initiatives prises dans la recherche et le développement. En
effet, l'IREQ s'est acquis une réputation enviable dans le domaine
énergétique et contribue directement au développement de
nouvelles technologies. Dans le domaine des énergies nouvelles, comme
plusieurs membres de l'industrie, nous collaborons présentement, par
exemple, avec Nouveler afin d'assurer le développement et la
commercialisation de nouveaux choix énergétiques, dans le domaine
de la biomasse, par exemple. Il y aurait lieu, pour bénéficier
davantage de ces initiatives, de créer, par des méthodes
incitatives, un climat qui soit favorable à la participation de
l'entreprise privée dans la recherche industrielle.
Messieurs, je vous ai présenté ces quelques
réflexions au nom de notre groupe dans un esprit de collaboration, afin
de vous exposer les difficultés auxquelles fait face notre industrie et
les dangers que nous courons de voir s'effriter un acquis de grande valeur.
Nous espérons que nos commentaires et nos recommandations sauront vous
être utiles et restons toujours à votre disposition pour la
recherche de solutions qui satisfassent aux besoins et aux aspirations des
Québécois.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M.
Gourdeau, de votre contribution aux travaux de notre commission parlementaire.
Je voudrais aller tout de suite au coeur d'un certain nombre des
problématiques que vous avancez. À la page 8, votre
première proposition consiste à dire essentiellement... Pas
à la page 8, je m'excuse. Je vais prendre plutôt la conclusion
où vous nous demandez que des contrats d'étude soient
confiés - c'est repris à un ou deux endroits, mais on l'a
à la page 8, on le retrouve aussi à la page 12 - à des
firmes de génie-conseil. C'est un sujet dont j'ai eu l'occasion de
discuter avec la direction d'Hydro-Québec. Je dois vous avouer qu'il y a
un certain temps que nous n'avons pas parlé spécifiquement de ce
sujet, mais j'aimerais savoir, du point de vue des entreprises de
génie-conseil... À un certain moment, Hydro-Québec s'est
dit: II faut maintenir, bien sûr, une expertise dans le
génie-conseil à Montréal, maintenir un noyau solide et,
lorsque la période de redémarrage des grands chantiers viendra,
on aura encore nos gens en place. De ce côté-là,
concrètement, sur le terrain, je comprends que vous proposez que des
commandes soient passées sur des études d'avant-projets,
j'imagine. Je sais que M. Bourbeau a fait une tournée. Je ne sais pas
s'il a rencontré votre groupe de façon spécifique, mais,
du point de vue de la SNC, y a-t-il des développements là-dedans
ou si vous n'avez entendu parler de rien jusqu'à maintenant?
M. Gourdeau: Personnellement, je n'ai entendu parler de rien
jusqu'à ce jour. En fait, ce que nous suggérons, M. le ministre,
c'est qu'il faudrait identifier un peu - j'aime toujours le système
"aide-toi et le ciel t'aidera" - les compagnies, les organisations qui ont
déjà l'expertise et qui ont aussi démontré que, sur
le marché international, elles sont capables au moins d'apporter une
certaine contribution pour maintenir une certaine base. Une fois que vous aurez
identifié cela, je crois que vous allez arriver à un nombre de
pas moins de trois, pas plus de cinq. Il s'agit simplement de sous-traiter
certains mandats et il y en a plusieurs. Vous avez Delaney et Robertson. Vous
avez LG 1 et Brisay. Vous en avez plusieurs. Il s'agirait simplement de
maintenir en place un petit noyau. On parle peut-être de huit, dix ou
douze personnes au maximum par organisation.
Si on parle des investissements, on ne parle pas d'investissements
considérables pour les trois ou quatre prochaines années, si on
regarde la façon dont souvent certains gouvernements - j'inclus le
fédéral et parfois le provincial - pour attirer des entreprises,
ont fait des investissements assez importants pour créer peut-être
100 emplois, pour s'apercevoir, deux ans après, que l'entreprise
tombe sur le dos. De celles qui vont bien actuellement, on dit: Elles
vont bien, laissons-les aller. Dans ce domaine, je crois qu'il y aurait
avantage à maintenir certaines compétences. On ne parle pas de
beaucoup, peut-être de huit à douze spécialistes par
organisation.
Si vous parlez de budget, je suis bien prêt à en
discuter...
M. Duhaime: Je ne serais pas tout à fait...
M. Gourdeau: ...mais on ne parle pas de montants
impressionnants.
M. Duhaime: L'autre jour, en faisant le point sur un des dossiers
d'Hydro-Québec entre autres... Sauf erreur, le coût des
études sur différents projets d'investissement et d'avant-projets
à Hydro-Québec est rendu à un montant de l'ordre de 600
000 000 $. Ma réaction, c'est que cela commence à faire pas mal
d'études de projets et d'avant-projets, mais je peux vous confirmer, M.
Gourdeau, que si ce n'est pas déjà fait - des contacts ont
peut-être déjà été pris avec votre groupe, je
ne veux pas m'avancer au-delà - on m'avait donné l'assurance
à HydroQuébec qu'on ferait une espèce de tournée
pour informer un peu les gens et savoir quelles étaient leurs
disponibilités. Enfin!
M. Gourdeau: Cela n'a pas été fait chez nous.
M. Duhaime: Cela n'a pas été fait.
Vous nous envoyez un message très clair; je voudrais être
sûr qu'on le décode comme il faut. À la page 12, vous
demandez que le gouvernement, dans une de vos quatre recommandations dans le
premier bloc: "renforce le rôle du secteur privé dans les domaines
où il a fait ses preuves et évite la duplication ou la
concurrence de la part d'organismes du gouvernement." Est-ce que je relie cela
avec le paragraphe précédent où vous dites: Continuer de
supporter nos efforts sur l'international? Est-ce que vous visez Hydro
International? Qu'avez-vous en tête exactement? Je vais vous poser une
question simple. Est-ce qu'Hydro International est dans vos plates-bandes sur
les marchés internationaux à l'heure où on se parle,
aujourd'hui le 12 octobre?
M. Gourdeau: Jusqu'à il y a six mois, oui.
Récemment, il semble y avoir eu un changement d'orientation qui va dans
le sens d'une collaboration, mais c'est simplement au cours des six derniers
mois. Si on parle de la période avant ces six mois, oui, en fait, c'est
arrivé à plusieurs endroits où nous étions en
concurrence directe avec Lavalin, Asselin et Benoît et Hydro
International.
M. Duhaime: Je suis bien content d'apprendre que...
M. Gourdeau: Dans les derniers six mois, il y a eu certaines
modifications dans les personnes et les structures. Je dirais qu'on a eu des
discussions constructives depuis ce temps.
M. Duhaime: Je suis bien content, M. Gourdeau, de vous entendre
tenir ces propos. C'est un secret de polichinelle à Hydro-Québec
qu'on se réinterroge. C'est vrai à Hydro-Québec, c'est
vrai au ministère de l'Energie et des Ressources, c'est vrai aussi au
gouvernement. Il y a possiblement une réorientation à faire de la
mission d'Hydro International.
On voit aujourd'hui, sur les marchés internationaux, qu'une, deux
ou trois firmes de Montréal vont concurrencer jusqu'au fin fond de
l'Egypte, alors qu'il m'apparaît assez évident que très
souvent ces groupes qui travaillent l'un contre l'autre et isolément
font face à des consortiums franco-allemands, franco-suisses,
américano-japonais, etc.; il y en a de toutes les sortes. L'idée
qu'Hydro International joue davantage un rôle de support,
complémentaire à ce que les grandes firmes de
génie-conseil font déjà, cela n'empêcherait pas
Hydro International non pas de faire du missionnariat, mais, en tout cas,
d'apporter de l'assistance à certains pays en voie de
développement, entre autres à certains pays de l'Afrique noire
francophone où des techniciens d'Hydro International sont sur place et
donnent un coup de pouce. J'imagine qu'il y a peut-être des gens de votre
boîte ou d'autres maisons de génie-conseil qui y sont aussi.
Si vous constatez un changement depuis six mois, cela correspond
à peu près aux dates où on a passé un certain
nombre de messages, mais, sur le fond, je pense qu'il faudra un de ces bons
jours qu'on réexamine et réévalue la mission d'Hydro
International. Peut-être qu'on en viendra à la conclusion de dire:
Effectivement, cette boîte-là est dans la bonne direction; ou
encore, il ne faudra pas craindre, je pense, de lui donner des mandats
additionnels ou même des mandats neufs. Je ne sais pas comment vous
réagissez là-dessus, mais c'est une attitude d'ouverture. J'ai eu
l'occasion de le dire à des dirigeants de grandes firmes de
génie-conseil et ce qui est dit reste dit, dans ce sens-là. Je
pense qu'on ne craindra pas non plus d'aller chercher le point de vue de ceux
qui sont déjà dans ce secteur d'activité parce que je
pense que, comme société de 6 000 000 d'habitants, si on ne
s'épaule pas davantage sur les marchés internationaux, nous nous
sortirons nous-mêmes du marché international. Je ne sais pas
comment vous réagissez à cela. (21 heures)
M. Gourdeau: Non, disons qu 'HydroQuébec International -
pour prendre ce cas, il y en a eu d'autres aussi - a certainement un rôle
à jouer, un rôle complémentaire. On a collaboré avec
elle; par exemple, en Arabie Saoudite, elle a certainement apporté une
contribution très importante. Il est malheureux que, dans bien d'autres
cas, à cause de certains facteurs que je ne puis préciser, nous
étions en concurrence ouverte. Comme je vous l'ai dit, au cours des six
derniers mois, nous avons eu des discussions très constructives et cela
augure bien. Ce qu'il faut espérer, c'est qu'on collabore beaucoup plus
pour essayer de construire autour de ce que nous avons, plutôt que de se
détruire respectivement. La concurrence internationale est assez
importante à ce moment-ci.
M. Duhaime: Bon. Je passe vite sur la question du gaz naturel,
non pas que ce ne soit pas important. Je pense que vous êtes d'accord, au
moins en principe.
M. Gourdeau: Assurément.
M. Duhaime: Vous nous faites une mise en garde, à la page
14. Cela ne vous surprendra pas si je vous dis que vous n'êtes pas les
premiers à nous la faire, depuis le début des travaux de la
commission, pour ce qui concerne le secteur du pétrole. Je vais vous
poser une question là-dessus. Vous dites: "Ne pas considérer
comme solution possible l'achat d'une raffinerie par un organisme du
gouvernement, car le pétrole est assujetti à la loi des
marchés non seulement à l'échelle du Canada, mais à
l'échelle mondiale." Je pense qu'on est d'accord là-dessus, mais,
dans le processus de canadianisation des entreprises, Petro-Canada a
été créée, conçue et mise au monde et se
paie au fur et à mesure que les litres d'essence sont vendus.
Or, nous avons une crainte très sérieuse, actuellement, et
plusieurs intervenants l'ont soulignée depuis le début des
travaux de la commission, c'est que le Québec a soutenu le gros de
l'effort de rationalisation dans le secteur pétrolier pour ce qui est de
l'Est du Canada. On est peut-être en situation d'équilibre offre
et demande sur le plan des produits raffinés pour 1983 et possiblement
pour 1984, d'après ce que les grandes compagnies
pétrolières nous ont dit, mais on n'a pas de certitude pour
l'avenir.
Ce qui m'inquiète dans ce dossier, c'est l'avenir de la
pétrochimie. Si mon souvenir est bon, on parle de 10 000 à 12 000
emplois en aval. Est-ce que vous excluez toute hypothèse qu'une
société d'État puisse, sur la base d'un "partnership"
quelconque, non seulement s'impliquer pour le plaisir de faire fonctionner une
raffinerie et un réseau de distribution, mais viser bien au-delà,
c'est-à-dire protéger une capacité installée de
raffinage au Québec à un niveau tel qu'on aura l'assurance, dans
l'avenir, de maintenir un secteur important de la pétrochimie, ou si, de
toute manière, pour vous, c'est une question de principe?
M. Gourdeau: Je suis peut-être un peu trop radical, mais
j'ai toujours pensé que le gouvernement ne devait pas être en
affaires. Le gouvernement est beaucoup plus dans une position de créer
un climat où les gens qui veulent partir en affaires vont
réussir. La journée où le gouvernement s'implique à
faire des affaires, il réussit généralement lorsqu'il a
une position monopolistique. Aussitôt qu'il commence à être
obligé de faire de la concurrence, il a des problèmes. Cela est
vrai non seulement au Québec, mais partout. Les exemples sont là.
Je pense que cela arrive autant au niveau fédéral qu'au niveau
provincial. Je ne parle pas simplement pour le gouvernement du Québec;
je parle pour les gouvernements en général.
Si on parle du pétrole, il ne faut pas assumer que nous sommes
d'accord en principe sur le programme énergétique qu'ils ont
proposé. On pensait qu'on était pour créer le
marché et on s'est aperçu qu'on ne crée pas le
marché de l'énergie au Canada. On y est plutôt assujetti.
Ce n'est pas en essayant d'établir un climat où on pense qu'on va
tout nationaliser demain matin qu'on va créer réellement les
choses qui devraient être faites. Tout le monde, au Canada, a vécu
un réveil assez brutal en 1982, quand tout le monde pensait qu'on s'en
allait vers une euphorie collective et que, du jour au lendemain, tout a
été annulé. Cela, c'est la partie de la raffinerie.
Si vous parlez de la partie pétrochimique, je crois qu'il serait
préférable de créer des clauses d'"incentive", comme on
dit, de motivation, ou un climat fiscal qui coûtera moins cher au
gouvernement, un peu comme vous l'avez fait pour la partie
hydroélectrique. Si vous pouvez rejoindre les objectifs de l'industrie
de la région et créer un climat ou des "incentive" qui vont
l'attirer et la motiver à faire les choses elle-même, vous avez
des meilleures chances de succès que si vous essayez de le faire
vous-même. C'est une opinion personnelle.
M. Duhaime: II n'y a rien comme une bonne opinion personnelle
clairement exprimée.
Je voudrais prendre quelques minutes pour couvrir... Votre
mémoire suscite beaucoup de questions. J'imagine que mon collègue
d'Outremont, qui est votre confrère de métier jusqu'à un
certain point, aura lui aussi des questions. Mais celle qui m'intéresse
en particulier sous l'aspect de la recherche et du développement se
trouve à
la page 16 de votre mémoire. Ici, en commission parlementaire,
tous les intervenants du secteur énergétique sont venus, ceux qui
s'occupent des tuyaux de plastique pour le gaz, ceux qui plaident en faveur du
soleil comme énergie, de l'électricité, du vent, des
énergies nouvelles, etc. Selon mon raisonnement, je suis enclin à
croire qu'il va falloir qu'on se choisisse comme société certains
objectifs; on ne pourra pas développer en même temps tous les
secteurs de la recherche et du développement. Je m'adresse à vous
en votre qualité d'expert dans ce domaine. Il y a des choses assez
évidentes comme la biomasse, un secteur que des pays qui n'ont pas la
matière ligneuse que nous avons n'envisageront pas, on a au moins la
matière première. Dans le secteur de l'hydrogène liquide,
c'est un peu la même chose. Ici, nous avons la technologie et nous avons
la capacité hydroélectrique installée avec des
périodes de haute et basse pointe qui permettent, au lieu de faire du
déversement pendant un certain nombre d'heures par année, de nous
brancher sur un réseau de production d'hydrogène liquide et
d'oxygène et, en réalité, d'emmagasiner de
l'énergie. Quel serait le créneau que vous favoriseriez le plus,
étant des gens qui oeuvrez dans ces différents secteurs, sur le
plan des faisabilités, sur le plan des projets et des études? Si
vous aviez à répondre, quel est le créneau de recherche et
de développement que le Québec devrait choisir en
priorité? Cela pourrait être la fusion nucléaire, on l'a
oubliée, et il y a toute une gamme. Quel serait votre choix?
M. Gourdeau: Construire sur nos forces. La force première
est certainement l'hydroélectrique. Alors, tout ce qu'on peut
développer dans ce secteur et qu'on peut améliorer, comme le
transport de l'énergie et les nouvelles technologies. De plus, vous avez
mentionné la biomasse. Nous avons beaucoup de matières ligneuses.
C'est un endroit où on devrait faire des recherches, c'est-à-dire
améliorer la façon dont nous procédons actuellement. C'est
déjà commencé. Le gaz est déjà bien
implanté, ainsi que les éoliennes. Voilà les principaux
éléments sur lesquels je me concentrerais. Lorsque vous parlez de
l'hydrogène, j'ai peut-être certaines hésitations.
L'hydrogène, c'est comme changer quatre vingt-cinq cents pour un dollar.
Cela a certaines applications. Je ne sais pas si le coût de revient en
vaut réellement la chandelle. C'est pourquoi, à tort ou à
raison, on ne l'a pas mentionné. Quant au dernier point, je ne pense pas
-c'est vrai que le nucléaire n'est pas pour demain - qu'on devrait
complètement l'abandonner. Au contraire, une usine est construite et il
y aurait lieu de se maintenir un certain noyau d'expertise parce que
éventuellement, si on parle d'après les années 2000, il va
falloir y voir, mais cela est à plus longue échéance.
M. Duhaime: Là-dessus, je pense qu'Hydro-Québec a
été assez claire lorsqu'elle a comparu devant la commission cette
semaine. Sur le dossier du nucléaire, il y avait bien sûr une
équipe qui serait maintenue, ne serait-ce que pour exploiter Gentilly 2.
Sur le plan de la recherche et du développement, on s'en irait davantage
vers le dossier de la fusion. Je vous ai demandé, au sujet de
l'hydrogène liquide... C'est un secret de polichinelle qu'on est tous,
quant à moi en tout cas, à Hydro-Québec et chez Noranda,
sur le point de se lancer. J'ai appris récemment une chose
étonnante, c'est que la NASA n'a qu'un seul point d'approvisionnement
aux États-Unis pour ce qui est de l'hydrogène utilisé
comme carburant. Il y aurait peut-être quelque chose à regarder de
ce côté, mais, en termes de prix de revient, avec les technologies
actuelles et les prix des énergies concurrentielles, il est
évident qu'on ne mettra pas en route une usine de production de
l'hydrogène liquide pour obtenir ce carburant. Mais, en fractionnant la
molécule d'eau, j'ai l'impression qu'on va aussi se chercher de
l'oxygène qui va nous servir pour l'ammoniaque et tout le secteur des
fertilisants agricoles. C'est une des filières que nous retenons.
On fait exactement le même raisonnement pour ce qui est de la
biomasse. L'usine de Saint-Juste-de-Bretenières en est à sa phase
I pour arriver à mettre au point ce gazogène et, ensuite, voir si
on peut aller à l'étape de la production de méthanol.
Quand on regarde aussi aujourd'hui les prix de revient du méthanol au
litre par rapport aux énergies concurrentielles, c'est évident
qu'on aurait le goût de ne partir ni l'un ni l'autre des projets. Je
pense qu'il y a un prix à payer et il y a un effort de recherche et de
développement. Si ces technologies, dans dix ou quinze ans d'ici, nous
ouvrent des filières intéressantes, tant sur l'aspect du
marché que sur l'aspect aussi de la capacité d'exportation de ces
technologies nouvelles, je pense que ce sont au moins deux des créneaux
qu'il faut regarder. Vous avez ajouté le solaire. Mais, cet
après-midi, il y a quelqu'un de la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie, M. Boileau, qui nous a rappelé un
chiffre. Il y a, en moyenne, 19 000 heures de soleil au Québec dans une
année. Ils ont calculé cela; c'est intéressant comme
chiffre. C'est évident que le solaire va répondre à
certains objectifs. Le soleil se lève et brille à tous les matins
pour tout le monde. Pour le solaire, est-ce que vous avancez cela d'une
façon... Est-ce que vous avez mentionné l'éolienne
aussi?
M. Gourdeau: J'ai mentionné l'éolienne, mais je
n'ai pas mentionné le solaire.
M. Duhaime: Plutôt l'éolienne, non pas le solaire,
je m'excuse. Hydro-Québec avance énormément
là-dessus, mais cela reste une forme d'énergie qui coûte
énormément cher, encore aujourd'hui. Quant aux points
d'emplacement, il y a beaucoup de vent aux Îles-de-la-Madeleine, sur
certains coins bien précis qui ont été identifiés.
Ma question va dans ce sens: Comme effort de recherche et de
développement, que ce soit des sociétés d'État, que
ce soit Hydro-Québec ou que ce soit l'IREQ, on ne pourra pas aller, bien
sûr, dans toutes les directions en même temps. À partir de
la tourbe, par exemple, il y a d'autres scénarios. Ce que vous nous
proposez donc, quand vous avez parlé d'hydroélectricité,
c'est un effort de recherche et de développement dans les applications
industrielles de l'électricité, le maintien d'une équipe
dans la fusion, dans le secteur de la biomasse. Vous émettez des
réserves sur le dossier de l'hydrogène liquide. Est-ce que je
vous résume assez bien ou si j'en ai laissé tombé un?
M. Gourdeau: J'ai dit aussi que le solaire était à
long terme. Il y a certainement des applications qui seront beaucoup plus
domestiques qu'à large échelle. Pour ce qui est des
éoliennes, cela peut être intéressant dans certains cas
particuliers.
M. Duhaime: Des coins isolés sur des petites productions,
c'est ce que vous auriez en tête?
M. Gourdeau: Oui. (21 h 15)
M. Duhaime: Ma dernière question, vous ne l'avez pas
touchée dans votre mémoire. Hydro-Québec, depuis un an ou
deux, s'intéresse davantage au potentiel qui pourrait être mis en
valeur sur les rivières de moins de 100 mégawatts. On appelle
cela une mini-centrale, mais cela commence quand même à être
des quantités d'énergie importantes. Comment
réagiriez-vous là-dessus? Hydro-Québec ferait-elle un bon
coup d'ouvrir davantage ce créneau de spécialisation sur le plan
de l'expertise avec des objectifs, bien sûr, de pouvoir exporter cette
technologie? Je pense à des pays en voie de développement qui ont
possiblement des potentiels hydroélectriques de 1500 ou de 2000
mégawatts, mais le problème qu'ils ont, c'est de financer cela et
ensuite d'aller chercher le ou les clients industriels qui vont consommer cette
énergie.
M. Gourdeau: Je m'excuse, M. le ministre...
M. Duhaime: La réponse pour ces gens-là, c'est
probablement de débuter par des aménagements sur des centrales de
moindre capacité qui pourraient être de cinq, six et même
dix mégawatts. Comme expert en génie-conseil, ne croyez-vous pas
qu'il y aurait là un créneau intéressant qui pourrait
être développé?
M. Gourdeau: Je n'ai pas été spécifique,
mais, assurément, je peux vous dire qu'actuellement, dans l'Etat de New
York, par exemple, étant donné qu'il a eu certaines
difficultés, comme vous le savez, avec l'environnement, pour
développer certains projets hydroélectriques, nous avons
actuellement quatre projets pour lesquels nous avons déjà obtenu
deux licences pour construire des centrales "mini-hydro" dont la
capacité varie de cinq à quinze. Nous en avons actuellement une
autre que nous faisons pour les Indiens à la Baie-James. Alors, ce qu'on
appelle les "mini-hydro" auront certainement une utilisation très
valable dans des cas particuliers. Je n'ai pas mentionné de bases ici au
Québec parce que nous avons présentement un surplus
d'hydroélectricité, mais, dans des cas spécifiques, oui,
cela s'applique. Au point de vue de développement d'expertise, c'est
extrêmement intéressant parce qu'il y a beaucoup de pays, comme,
par exemple, les États-Unis, où actuellement... On a plusieurs
cas. Dans certains pays, comme en Inde, on y pense pour les endroits
éloignés où on peut construire de petites centrales pour
des coûts allant de 1 000 000 $ à 3 000 000 $, qui peuvent fournir
l'énergie dont on a besoin pour une communauté sans
dépenser des sommes astronomiques pour le transport de l'énergie.
La technologie des "mini-hydro", je l'incluais dans la partie
hydroélectrique. C'est assurément un créneau
extrêmement intéressant. Nous y sommes impliqués depuis
d'ailleurs plus de deux ans dans des études spécifiques.
M. Duhaime: C'est un peu curieux que l'expertise
québécoise dans un dossier aussi stratégique que
celui-là soit en train de se faire au Sud pour, sans aucun doute, dans
quelque temps d'ici, revenir lorsque sera donné le feu vert. Depuis
quelques années, on s'est lancé dans des grands
équipements. Si mon souvenir est bon, à Hydro-Québec, on a
recensé jusqu'à 10 000 mégawatts sur des rivières
qui offriraient jusqu'à 100 mégawatts.
M. Gourdeau: II y a plusieurs États aux États-Unis
qui ont des problèmes. Ils n'ont pas, d'abord, les sources
d'énergie hydroélectrique que nous avons et, deuxièmement,
ils ont le problème de l'environnement. Alors, ils ont
créé un climat, des "incentive", garantissant à
l'investisseur d'acheter automatiquement l'énergie à un taux X
et, à partir de ce taux, ils essaient d'obtenir des licences. Cela prend
deux composantes: une organisation comme la nôtre qui a l'expertise
pour faire l'engineering de la construction et le "packaging", et le
propriétaire de l'endroit ou du terrain, afin de mettre en place cette
mini-centrale. Nous sommes assurés que l'énergie va être
achetée par la compagnie d'utilité publique. Nous savons à
quel taux elle va la prendre. Il y a là des avantages assez
marqués; c'est pour cela qu'il y a une activité assez intense
dans ce domaine, surtout aux États-Unis.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas que vous nous mentionniez de cas
spécifiques comme tels, en donnant des noms ou des lieux, mais vous
mentionniez New York, je crois...
M. Gourdeau: L'État de New York, par exemple, et on en a
quatre actuellement.
M. Duhaime: Est-ce PASNY qui achète à ce
moment-là ou est-ce une compagnie d'utilité publique sur le
réseau intégré? La propriété de la centrale,
qui l'a, à ce moment-là?
M. Gourdeau: La propriété de la centrale, c'est
l'organisation qui va faire la construction et qui a la licence et le terrain.
Je vais vous donner comme exemple Crown Zeller Bach qui est propriétaire
du fond de la rivière à cet endroit. Elle se cherchait un
partenaire pour faire l'ingénierie et la construction. Nous avons pris
une entente avec elle de sorte que nous formons un groupe pour obtenir le
permis de l'État de New York. Une fois que nous aurons le permis, la
compagnie d'utilité publique de la région doit acheter
l'électricité produit par cette centrale à un taux
établi au préalable.
M. Duhaime: C'est sur la base du contrat d'achat que vous trouvez
le financement pour mettre cela en route?
M. Gourdeau: Exact. Mais la propriété va demeurer -
si on faisait ce projet-là - à Crown Zeller Bach-SNC.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. Gourdeau, à chaque fois qu'il y a des
mémoires qui sont présentés, on prend avantage de la
rencontre de gens de différents secteurs pour connaître
l'état de l'économie et l'état de l'intervenant ou du
secteur dans lequel se trouve l'intervenant. Nous avons eu l'occasion,
dernièrement, d'avoir des représentants de l'Association des
manufacturiers dans le domaine de l'électricité qui nous
faisaient un message semblable en ce qui concerne la grave perturbation que va
créer le délai d'une dizaine d'années à cause du
report des projets d'Hydro-Québec.
Ma question s'orientait, dans un premier temps, plus
spécifiquement vers le secteur du génie-conseil. C'est un secret
de polichinelle que, compte tenu de l'abandon de plusieurs mégaprojets -
je ne parle pas de SNC en particulier, je parle en général - les
bureaux de génie-conseil dans le monde et au Canada ont dû faire
des ajustements. Est-ce que cela signifie que, dans l'avenir, les bureaux, pour
assurer leur développement, devront suivre des stratégies
différentes de celles du passé? Il semble que, si on prend
Hydro-Québec ici au Québec, s'il y a des projets, cela prendra un
certain temps. Vous avez parlé de la possibilité d'engager des
fonds pour des études spécifiques. Indépendamment de cela,
est-ce que, d'une façon générale, on s'oriente vers un
mode de développement du génie-conseil qui va être
différent de celui qui se faisait dans le passé? Dans le
passé, c'était la vente d'hommes-heure, est-ce que, dans
l'avenir, le mode de développement des bureaux de génie-conseil
se fera sur une base différente?
M. Gourdeau: Si on regarde, en 1982, le relevé qui a
été fait par l'association d'ingénieurs-conseils, en
moyenne, le personnel a dû être réduit de 30% à 40%.
Cela veut donc dire que, l'an dernier, par l'annulation de très gros
projets, on a eu un réajustement assez important. Dans notre cas, nous
avions prévu cette chose et nous avons diversifié nos
opérations, de sorte que le choc n'a pas été de cette
envergure, loin de là.
Si je regarde l'avenir, il n'y a pas d'erreur que, jusqu'en 1981, tout
le monde partageait l'euphorie collective. On se voyait avec des projets
d'envergure. Si vous prenez Cold Lake où nous étions
impliqués, il s'agissait d'un projet d'environ 80 000 000 $ de revenus
par année, pendant huit ans. Lorsque vous en aviez deux comme cela, vous
devez vous imaginer qu'on prévoyait doubler le personnel à
Montréal, seulement dans les trois prochaines années. On a eu un
réveil un peu brutal quand tout a été annulé en
1982.
Aujourd'hui, nous avons pris les mesures - comme je l'ai dit dans le
mémoire - nous avons fait les ajustements, nous avons coupé nos
frais généraux. Si on regarde l'avenir, pour le secteur du
génie-conseil, il y aura moins de gros projets; il y aura plus de petits
projets. Par exemple, à Calgary, au lieu d'avoir un Cold Lake en 1987,
vous aurez l'équivalent d'un Cold Lake, mais en l'an 2000; ils vont y
aller par tranches de 100 000 000 $ à 300 000 000 $ au cours des 20
prochaines années. Cela va se faire, mais à un rythme beaucoup
plus... Cela veut dire qu'au point de vue du personnel dans le
génie-conseil, il y aura une certaine stabilisation. Il va se faire une
certaine
rationalisation; il va falloir être plus efficace,
développer de nouvelles technologies. Nous avons introduit ce qu'on
appelle la Computer Aided Design. Il y a trois ans, il n'y en avait presque pas
et aujourd'hui nous sommes un peu comme une manufacture. Nous exploitons
certaines de ces installations avec trois équipes. Il va se faire un
réajustement. Il va falloir diversifier, développer de nouvelles
avenues pour être en mesure de faire face à la concurrence dans
l'avenir. Alors, il va se faire un réajustement. On n'aura pas les
années grasses que tout le monde attendait en 1980-1981, et c'est
peut-être une bonne chose.
M. Fortier: Votre firme est elle-même impliquée dans
le domaine manufacturier, en particulier. Est-ce que cela va devenir une
tendance dans les grands bureaux de génie-conseil ou si, d'autre part,
les bureaux de génie-conseil vont investir davantage dans la recherche
et le développement? Les firmes de génie-conseil après
s'être consultées, vont-elles continuer à fonctionner comme
avant? Autrement dit, ma question est la suivante: Y aura-t-il des changements
substantiels dans le mode de fonctionnement dans l'avenir qui aura un impact
sur l'économie du Québec? Il n'y a pas qu'un grand bureau au
Québec, mais trois. J'imagine que, si les trois doivent s'ajuster dans
l'avenir, cela va avoir un impact assez important sur ce secteur qui,
jusqu'à maintenant, était un moteur économique assez
important.
M. Gourdeau: Notre principale activité, en ce qui nous
concerne, va demeurer ce que j'appelle l'"engineering construction", car ce
sont les choses qui nous tiennent en vie et qui nous motivent à nous
développer. Vous savez, maheureusement, dans l'industrie de
génie-conseil - j'exclus certaines grandes firmes - les gens n'ont pas
réinvesti. La plupart des capitaux sortaient au fur et à mesure
qu'ils entraient. Vous aviez les années de vaches grasses et les
années de vaches maigres. L'industrie du génie-conseil en
général, malheureusement, n'a pas réinvesti. Dans les
grand bureaux, oui, ils ont réinvesti.
Or, on a eu différentes stratégies. Ce qu'on essaie de
faire, c'est certainement de diversifier notre travail. La firme de
"manufacturing", cela a été une avenue. Cela nous a aidés
dans les années difficiles. Nous allons essayer de développer
d'autres créneaux comme celui-là. C'est un peu pour cela que nous
sommes associés, dans ROAM Communications, avec la technologie des
téléphones portatifs, si nous avons le permis international,
disons canadien, à Gaz Inter-Cité qui est notre partenaire. Il y
a aussi Electrohome. Si nous avions le permis, nous serions en mesure ni plus
ni moins de développer un réseau de
télécommunications à travers le Canada, avec les
téléphones portatifs. C'est une nouvelle technologie. Nous savons
que c'est important.
C'est ce genre d'"entrepreneurship" qui va non seulement nous assurer
des nouvelles choses, mais développer une nouvelle expertise. Si nous
sommes en mesure de développer cela, nous serons aussi en mesure
d'implanter cette même technologie dans les pays d'Afrique ou dans les
pays du tiers monde, pour être plus spécifique. Au lieu d'avoir
une infrastructure assez importante, comme Bell Canada, les
téléphones portatifs, c'est beaucoup plus flexible pour
développer les communications d'un pays à l'autre. Cela requiert
des investissements moindres.
Ce sont des choses comme celle-là que nous faisons pour
diversifier de nouvelles entreprises à partir de la technologie,
à partir des choses que nous avons pour essayer de diversifier notre
intérêt, nos activités et fournir des défis à
notre personnel pour continuer à oeuvrer comme on l'a fait dans le
passé. Qu'est-ce que les autres vont faire? Je ne le sais pas. J'imagine
qu'eux aussi pensent à différents créneaux.
M. Fortier: Pour revenir à votre recommandation, à
savoir qu'Hydro-Québec fasse des études spécifiques, vous
parlez d'une dizaine de personnes. Vous avez mentionné des projets, LG 1
et tout cela. J'aurais pensé que les études d'avant-projet que
vous avez mentionnées auraient déjà été
faites. Quel genre de travail serait fait par ces groupes d'une dizaine de
personnes sur des projets donnés? Est-ce qu'on parle de faire avancer
l'ingénierie ou quoi, exactement?
M. Gourdeau: En fait, c'est de faire progresser graduellement
l'engineering pour que, lorsqu'ils seront prêts dans ces travaux de
construction, au lieu de faire les travaux dans un an, vous les feriez
peut-être dans quatre ans.
M. Fortier: C'est de faire progresser l'ingénierie comme
telle.
M. Gourdeau: Exactement.
M. Fortier: Si on parle en termes de 18 000 ou 20 000 heures par
année, on parle de 1 500 000 $ par firme, à peu près.
M. Gourdeau: C'est à peu près ce que j'ai
calculé: 1 500 000 $. Vous avez de trois à cinq bureaux. Cela
veut dire que vous parlez de 5 000 000 $ à 8 000 000 $ par année.
Si on regarde les investissements d'Hydro-Québec, on ne peut pas dire
que ce sont des investissements importants, si on
regarde ce qui se fait dans la recherche et le développement un
peu partout. (21 h 30)
M. Fortier: Si vous faites la recommandation, c'est donc dire
qu'à peu près tout est arrêté dans le domaine du
design hydraulique; j'imagine qu'Hydro-Québec a arrêté
à peu près toutes ses études.
M. Gourdeau: Je ne peux pas...
M. Fortier: Si vous en faites la recommandation, c'est parce
qu'il y a un besoin.
M. Gourdeau: Certainement. Disons que je ne peux parler pour les
autres bureaux, mais, en ce qui nous concerne, nous avions certains travaux
avec Hydro-Québec, mais il n'y a plus rien. Actuellement, notre
équipe travaille sur des projets à l'étranger et nous
avons des choses qui viennent de partir en Tunisie, mais nous avons d'autres
choses qui devraient probablement fonctionner aux Indes. Nous avons
présentement aux Indes des choses qui sont en cours. Cela veut dire que
nous maintenons une certaine équipe sur certains de ces projets, mais je
crois qu'il y aura lieu aussi de maintenir certains de nos spécialistes
d'une façon plus continue. Cela ne prend pas une grosse équipe
pour cela, c'est un petit noyau.
M. Fortier: Avant votre groupe, avant le souper, il y a
l'Association des entrepreneurs en isolation qui nous a dit que, dans le
secteur industriel en particulier, il y avait des possibilités
d'économie d'énergie considérables, mais qu'il n'y avait
pas d'incitatifs pour certaines sociétés à réisoler
leur tuyauterie pour faire des économies d'énergie. Ces gens
considéraient qu'ils étaient un peu handicapés parce
qu'ils n'avaient pas l'expertise voulue pour faire une offre de services pour
prouver à cette industrie en particulier qu'il pourrait y avoir des
économies d'énergie telles que le capital investi serait
payé en trois ou quatre ans.
En termes d'économie d'énergie, est-ce que... Je sais
qu'il y a des bureaux qui se spécialisent dans ce secteur, c'est un
créneau assez spécialisé. À votre avis, vu que vous
êtes le premier bureau de génie-conseil qui intervient
après la présentation de cette association, est-ce qu'il y a un
besoin de ce côté? Est-ce qu'il y a un marché? Est-ce que
votre société a déjà accompli certains travaux pour
proposer à des industries de faire des économies
d'énergie, soit en tant que génie-conseil ou soit en
collaboration avec un entrepreneur qui pourrait éventuellement faire le
travail?
M. Gourdeau: Nous avons justement un groupe qui se
spécialise dans ce domaine. Je pense que, si vous parlez aux gens
d'Hydro-
Québec, ils vont vous dire que le groupe qui a probablement le
plus aidé à Hydro-Québec dans la vente de l'énergie
électrique par rapport à autre chose, dans certains cas, ce sont
des bureaux d'ingénieurs-conseils - je ne parle pas de la SNC, je parle
de génie-conseil en général - qui ont fait ces
études de "cost-benefit" et qui ont démontré que, dans
bien des cas, c'était valable. Il y a l'expertise, ici au Québec,
avec certains bureaux d'ingénieurs-conseils qui sont en mesure
d'évaluer les coûts associés à l'économie qui
devraient être établis et les bénéfices qui pourront
en résulter et l'entreprise en question prend des décisions
basées sur les coûts-bénéfices qui en
résultent et les dépenses capitales qu'elle doit faire. Mais
l'expertise est assurément là.
M. Fortier: Cette association recommandait au ministre de
créer un programme incitatif. Est-ce que, d'après vous, il y a
nécessité - surtout dans le secteur industriel, on parle dans le
grand secteur industriel...
M. Gourdeau: Si on regarde...
M. Fortier: ...ou si ceux qui sont actifs dans ce secteur
agissent déjà au fur et à mesure des besoins?
M. Gourdeau: Je pense qu'actuellement... Il y a toujours moyen de
le rendre plus incitatif suivant les personnes dont on parle, en nous incluant,
parce que chacun essaie d'obtenir certaines motivations additionnelles, mais il
y a certainement des incitations à l'heure actuelle pour pousser, si je
peux m'exprimer ainsi, les différentes entreprises à amener des
améliorations.
Cela se fait. Il y en a qui se font actuellement. La plupart des
entreprises le font. Je peux même vous dire qu'il y a des gens des
résidences ou des édifices à logements qui sont venus nous
voir ou d'autres firmes pour essayer d'établir de quelle façon
ils pourraient améliorer leur économie d'énergie, suivant
les économies qui pourraient résulter des travaux à faire.
Alors, je considère que cela se fait d'une façon continue et les
programmes sont là actuellement pour leur aider. Il y a toujours moyen
d'améliorer, mais je ne peux pas arriver... Mais je sais que cela se
fait d'une façon continue.
M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le Ministre.
M. Duhaime: Merci bien, M. Gourdeau.
Le Président (M. Gagnon): Alors, merci infiniment de votre
apport à cette commission.
Cela termine l'ordre du jour pour aujourd'hui et pour la commission. En
ce qui concerne les... Oui?
M. Duhaime: On peut peut-être libérer les gens de
SNC, de toute façon.
Le Président (M. Gagnon): D'accord. Alors, je vous
remerciais de votre participation à cette commission. Qu'aviez-vous
à ajouter?
M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je voudrais
peut-être corriger en faisant un calcul mathématique rapide. Cet
après-midi...
M. Fortier: II y a 8700 heures dans une année.
M. Duhaime: II y a 8760 heures et on nous a dit cet
après-midi, avec le plus grand sérieux du monde, qu'il y avait 19
000 heures d'ensoleillement. Alors, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas,
j'ai l'impression. Je ne voudrais pas conserver au journal des Débats
une pareille affirmation à mon compte. On va faire vérifier cela
exactement, mais j'ai plutôt l'impression que ce que M. Boileau a voulu
nous signifier, c'était peut-être 1900 heures utiles. Enfin, je ne
sais pas du tout.
M. Gourdeau: L'appareil à l'aide duquel on calcule,
révèle 1950 heures par année.
M. Duhaime: 1900 heures, au lieu de 19 000.
M. Gourdeau: Ce sont les heures ouvrables que l'on
considère dans un bureau comme le nôtre. C'est 1950.
M. Duhaime: C'est cela. Alors, au lieu de 19 000, nous lirons
donc 1900 heures, pour la bonne compréhension de nos propos. Je vous
remercie infiniment.
M. Gourdeau: Merci, messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
M. Duhaime: J'aurais un petit mot de la fin.
M. Fortier: Est-ce que ce sera bref? Oui.
M. Duhaime: Oui, je vais essayer. M. Fortier: D'accord.
Allez-y.
Le Président (M. Gagnon): C'est vous qui commencez, M. le
ministre.
Conclusions M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, nous arrivons au terme des
travaux de cette commission. C'est peut-être avec nostalgie qu'on va
penser au salon rouge dans les semaines ou dans les mois qui viennent...
M. Fortier: ...Conseil législatif.
M. Duhaime: ...mais la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources aura eu une année très active
et on n'a pas terminé, parce qu'on doit revenir en novembre pour
étudier la proposition tarifaire d'Hydro-Québec. Je pense que
nous sommes dans notre 73e heure de nos travaux et je vais profiter de ces mots
de conclusion, d'abord, pour remercier les 74 groupes - je devrais plutôt
dire les 69 - qui nous ont fait parvenir un mémoire sur le dossier de
l'énergie, et pour remercier aussi ceux qui sont venus devant notre
commission parlementaire où nous avons entendu 58 groupes incluant ceux
d'aujourd'hui.
Depuis le début de nos travaux en mars dernier, pour un jour ou
deux, et, ensuite, à la reprise, il y a trois semaines, nous avons
accumulé ici une masse d'information. Je pense que ce serait
téméraire d'imaginer qu'en quelques minutes, à la fin, on
va être en mesure de rendre justice à l'ensemble des interventions
qui ont été faites. Cependant, il nous reste à identifier
certaines lignes de force ou certaines propositions qui nous ont
été faites. Je pense qu'on a eu de très nombreuses
évaluations et informations de façon exhaustive dans toutes les
sphères d'activité du dossier énergétique, de
même qu'un grand nombre de recommandations.
Sur la situation énergétique actuelle, il y a eu beaucoup
d'analyses. On a même eu l'occasion d'entendre des experts. Tout le monde
s'entend pour souligner la très rapide évolution du contexte
énergétique international au cours des dernières
années. Presque sans transition, nous sommes passés d'une
période de pénurie à une conjoncture de demande
excédentaire, et cela pour à peu près toutes les formes
d'énergie. Espérons que ceux qui se sont prononcés dans ce
sens auront raison, mais beaucoup d'intervenants estiment peu probable un
nouveau retournement de conjoncture dans un avenir immédiat. Tout le
monde est très prudent sur la prévision. On dit donc que c'est
avec précaution qu'on doit travailler, avec la fragilité de la
prévision dans le secteur de l'énergie, en particulier pour
savoir quel sera le prix du baril de pétrole l'an prochain, dans deux
ans ou dans dix ans.
Globalement, à notre commission, on a parlé d'un accord.
Je pense qu'il y a un consensus qui se dégage, à savoir que tout
le
monde est d'accord qu'on doit continuer vers l'objectif d'une plus
grande sécurité de nos approvisionnements. Je pense aussi pouvoir
dire que beaucoup d'intervenant ont appuyé ou ont mis l'accent sur la
notion de diversification. Je pense que c'est intéressant.
Dans l'ensemble, aucun intervenant, sur le fond, n'a vraiment remis en
cause les hypothèses de base qui ont été retenues en 1978
et qui ont donné lieu au livre blanc. Il y a, bien sûr, des
hésitations ou des propositions quant au facteur du temps dans la
période que nous vivons, en particulier, où le déplacement
du pétrole se fait en faveur du gaz naturel et en faveur de
l'électricité dans notre bilan, mais, sur le fond même,
sauf ceux qui défendent les intérêts immédiats de
leurs groupes, on nous a proposé de remettre en cause les objectifs.
Dans le secteur du pétrole, par exemple, la plupart des
intervenants que nous avons entendus s'entendent - je l'ai mentionné, il
y a plusieurs points de consensus, mais, au moins, il y en a un qui se
dégage très clairement - sur la réduction du rôle
joué par le pétrole dans l'économie du Québec.
Donc, l'effort de remplacement devrait se poursuivre dans les années qui
viennent. Deuxième chose, les nouveaux chocs pétroliers semblent
exclus dans un proche avenir, à moins de crise politique
spécifique touchant le Moyen-Orient. Je pense, en particulier, à
M. Ayoub, du GREEN, qui nous disait qu'il y a une stabilité des prix du
brut qu'on peut envisager pour les dix ans qui viennent, ainsi qu'un
accroissement rapide des livraisons de pétrole international sur le
marché québécois au détriment du pétrole
canadien, au moins jusqu'au début des années
quatre-vingt-dix.
Le problème qui se pose et qui a été très
clairement identifié - on l'a abordé un peu tout à
l'heure, les avis sont divergents quant à l'évolution à
court terme - c'est, pour l'année 1983-1984 et sans aucun doute pour
1985, les échanges de produits pétroliers entre le Québec
et son marché et l'extérieur du Québec. Est-ce qu'on est
en situation d'équilibre? Est-ce qu'on devient importateur par rapport
à un rôle presque historique d'exportateur de produits
raffinés? Beaucoup d'intervenants ont souligné avec force le
danger d'une dépendance du Québec à ce niveau alors que
d'autres intervenants en sont arrivés à des conclusions
opposées. Ce qui me frappe, pour ma part, c'est que - j'ai eu l'occasion
de le dire également - nous sommes très préoccupés
d'avoir à faire face à une situation de dépendance quant
à nos produits raffinés, donc, à un
déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché
domestique du Québec.
Il est bien certain, cependant - je pense que c'est la conclusion qu'on
doit tirer des mémoires qui nous ont été
présentés par les pétrolières, en particulier -
qu'on peut prévoir un très haut niveau d'utilisation des
capacités installées dans les raffineries au Québec au
cours des prochaines années. Est-ce que cela va garantir une
stabilisation dans ce secteur? Je pense qu'à ce stade-ci, on peut se
permettre au moins de le souhaiter.
Nous avons, bien sûr, abordé un secteur fort important, la
recherche et le développement. Je vais aller rapidement aux autres
points. Il y a une grande inconnue, qui est précédée d'une
bonne nouvelle: c'est qu'après avoir quitté Montréal en
1944, je pense, Énergie atomique a décidé de revenir. On a
souligné que ce n'était pas trop tôt et elle a, quant
à elle, des projets, pour l'instant, dans le domaine de la recherche et
du développement. Que va-t-on faire de Gentilly 1? Que va-t-on faire de
La Prade? Il y a eu l'annonce d'un effort de recherche. Le créneau n'est
pas encore identifié. Souhaitons que ce sera fait également le
plus rapidement possible. Le Centre de recherches minérales,
l'Université de Sherbrooke et l'Université Laval nous ont
communiqué également des informations concernant leur effort de
recherche dans le secteur de l'énergie. Hydro-Québec
également, par sa contribution aux travaux de la commission, a
établi sa position de leader dans la recherche et le
développement. En particulier pour la période 1983-1985, les
investissements d'Hydro-Québec dans la recherche et le
développement vont atteindre 300 000 000 $. (21 h 45)
Si on va du côté des investissements -parce qu'on en a
beaucoup parlé; je vais essayer d'être le plus synthétique
possible dans mes propos - au cours de la période de 1980 à 1985,
pour des investissements réalisés, en cours de réalisation
ou connus, les investissements pour la période - donc, sur six ans -
vont atteindre un niveau sans précédent au Québec, soit 18
353 000 000 $. À l'horizon de 1983-1985, globalement, on parle de 8 000
000 000 $ à 9 000 000 000 $ d'investissements dans le secteur
énergétique. Cela comprend, bien sûr, les investissements
dans l'hydroélectricité, dans le gaz et dans le pétrole.
Les chiffres que je donne ce soir seront publiés incessamment et on
pourra, bien sûr, obtenir toute la ventilation. Dans le secteur de
l'électricité, par exemple, en 1983, 2 600 000 000 $; en 1984, 2
400 000 000 $ et, en 1985, 2 200 000 000 $ en arrondissant les chiffres. Dans
le secteur du gaz naturel, en 1983, 383 000 000 $; en 1984, 714 000 000 $ et,
en 1985, 560 000 000 $. Dans le secteur pétrolier, en 1983, 212 000 000
$; en 1984, 189 000 000 $ et, en 1985, 184 000 000 $. Ce niveau
d'investissement dans le secteur énergétique, avec tout l'effet
d'entraînement que cela peut avoir comme levier de développement
économique - je pense que là
on ne parle pas de scénarios futuristes ou de futurologie - c'est
la réalité que nous vivons en 1983 et que nous vivrons aussi en
1984 et en 1985.
Nous avions, au début de nos travaux, proposé quatre
sous-thèmes dans le document qui a été publié le
printemps dernier dans le cadre, bien sûr, du thème
général: L'énergie, levier de développement
économique. Le premier des sous-thèmes était la recherche
et le développement. Ce que je dégage, en tout cas, c'est d'abord
ceci. Il y a beaucoup d'intervenants qui ont formulé le souhait -c'est
venu du milieu universitaire en particulier; c'est venu de INRS-Énergie
aussi - que soit organisée une concertation multidisciplinaire sur la
recherche et le développement énergétique au
Québec. Il y a plusieurs voies de recherche qui ont été
identifiées: qu'on parle de mini-centrales hydroélectriques,
qu'on parle de la biomasse, qu'on parle du développement de petits
modules énergétiques autonomes, de la production de
méthanol ou même d'éthanol, de l'utilisation des
résidus de bois, de la fusion par confinement inertiel au laser, du
solaire thermique et photovoltaïque et aussi d'hydrogène.
Il est bien certain que, de l'ensemble des suggestions, nous devrons
dégager des priorités d'intervention dans le domaine de la
recherche et du développement, mais je note que la diversité et
la variété des voies de développement proposées
semblent être un gage très encourageant du dynamisme dont fait
preuve le secteur de l'énergie au Québec.
Sur le plan de la restructuration du secteur pétrolier, qui a
été un des thèmes majeurs abordés pendant les
travaux de la commission, l'analyse même de la situation effectuée
par beaucoup d'intervenants a été relativement concordante, si on
excepte, bien sûr, la question de l'évolution des échanges
de produits pétroliers entre le Québec et son marché
traditionnel et la situation qu'on vit aujourd'hui avec la diminution de la
capacité de raffinage. Par contre, il y a une divergence importante sur
le plan des chiffres. On a perdu en chemin 45 000 barils-jour de
capacité de raffinage qu'on a finalement retrouvée pour une
partie chez Ultramar et l'autre partie chez Gulf. Ces chiffres vont, bien
sûr, être conciliés.
Plusieurs nous ont proposé d'aller de l'avant avec un projet de
revalorisation des huiles lourdes. Bien sûr, il y a des gens qui nous
disent que ce n'est plus nécessaire maintenant. Ce qui m'apparaît
aussi être un des points de divergence - je pense que le point de vue de
la SNC, qui a été donné ce soir, est très clair
dans un des sens, en tout cas - c'est l'implication du Québec ou de
l'une de ses sociétés d'État dans le secteur du raffinage
et de la distribution. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les avis sont
partagés chez les intervenants. Les collègues à ma gauche
ont fait leur lit. Bien sûr, beaucoup d'intervenants nous ont
souligné l'importance que constitue et que continuera de constituer le
pétrole dans le bilan énergétique québécois
- même si on atteignait nos objectifs sur l'horizon de l'an 2000, on
parle encore de 32% ou 33% du bilan du Québec qui serait du
pétrole - et la nécessité pour le Québec de
défendre directement ses intérêts dans ce secteur. D'autres
intervenants nous formulent une interdiction absolue d'imiter Petro-Canada de
quelque manière que ce soit. Enfin, on verra. On aura l'occasion de
reprendre ce dossier-là.
Je ne reviens pas sur la question des investissements. J'ai donné
des chiffres pour les années 1983, 1984 et 1985 dans chacun des
secteurs. Je pense que ce qu'il faut viser maintenant avec ces niveaux
d'investissement, c'est la maximisation de leurs effets sur l'activité
économique québécoise et de leur effet
d'entraînement en aval.
Quant à la stratégie de développement à
partir de nos propres atouts énergétiques il est évident
qu'avec l'arrivée du gaz naturel au Québec nous avons un atout
énergétique additionnel, une diversification accrue de nos
approvisionnements. Il est bien certain que, sur le plan des applications
industrielles, dans les années qui viennent, on devrait être en
mesure d'en tirer des bénéfices.
Je ne peux pas m'empêcher de parler, au passage, de la question de
l'harmonisation entre le gaz naturel et l'hydroélectricité sur le
nouveau marché que l'un et l'autre développent en
déplaçant le pétrole importé. J'ai le sentiment -
à moins qu'on ne me fasse la preuve du contraire - que le
scénario d'intervention, ou de non-intervention à certains
égards, que nous avons retenu comme démarche permet de faire en
sorte que les deux entreprises de distribution du gaz, de leur aveu même,
retournent à leurs actionnaires, 16% dans un cas, et 16,5% dans l'autre.
Hydro-Québec a une moyenne, sur neuf années, de 16,7%. Je pense
que, si on se fie à ce résultat, l'harmonisation et la
concurrence n'ont encore détruit ni l'une ni l'autre. Bien sûr, il
y a des zones de danger, mais il reste que les objectifs de
pénétration du marché par les deux compagnies de
distribution du gaz sont atteints et que, sauf les accidents de parcours, sur
la période à moyen terme, les scénarios d'investissement
qu'elles avaient prévus sont retenus.
Je m'arrêterai ici, M. le Président. Je vous ai promis
d'être bref. Cependant, je voudrais donner à ceux et celles qui
ont été intéressés par les travaux de notre
commission l'assurance que nous allons approfondir notre réflexion et
procéder à un examen. Je pense qu'il faudra qu'on fasse l'analyse
et l'évaluation des différentes suggestions et recommandations
qui ont été portées à
l'attention de notre commission parlementaire. Je crois pouvoir dire que
nous allons faire publier un document qui devrait nous aider à
poursuivre et à prolonger notre réflexion. Quelle forme
prendra-t-il exactement? Je pense qu'on pourrait, en tentant d'être le
plus objectif et le plus juste possible, au moins rapporter dans ce document
quelques-unes des prises de position qui ont été formulées
par les intervenants. Ce document devrait nous faciliter la prise en compte et
l'intégration de l'ensemble des travaux de la commission. Plusieurs
intervenants m'ont signalé qu'ils ne pouvaient pas suivre tous les
travaux de la commission, mais qu'ils seraient drôlement
intéressés à savoir ce que d'autres ont dit devant la
commission. Nous allons mettre nos équipes au travail sur ce sujet et
tenter de faire en sorte que cette amorce de dialogue qui a été
entreprise à l'occasion de cette commission puisse connaître un
prolongement dans la mise à jour du programme d'action
énergétique que le gouvernement entend mettre en oeuvre au cours
des années.
Il me reste à remercier mes collègues ministériels
qui patiemment, pour autant que leur horaire et leur agenda le permettaient,
ont suivi les travaux de la commission. Je voudrais remercier aussi nos
collègues de l'Opposition qui ont une capacité de
résistance assez exemplaire. Je m'en voudrais également de ne pas
souligner le travail du personnel et de tout le secrétariat de la
commission élue permanente de l'énergie et des ressources. Nous
avons besoin de l'aide de ces gens qui nous assistent tout au long de nos
travaux et qui font plusieurs téléphones aussi à
l'occasion à cause de la bousculade des horaires et des chambardements.
En dernier lieu, mais j'aurais peut-être dû le dire en tout premier
lieu, je voudrais remercier l'équipe de fonctionnaires et de
collègues qui, au ministère de l'Énergie et des
Ressources, ont fait un travail gigantesque de lecture d'abord et de digestion
de l'ensemble de ces mémoires et qui vont continuer à pied
d'oeuvre à nous épauler.
M. le Président, je vous remercie. C'étaient mes
commentaires en conclusion.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, j'essaierai d'être
aussi succinct que le ministre l'a été. Je dirais, en premier,
que ce débat public -puisque ce fut partiellement un débat
public, enfin de la meilleure façon qu'il puisse être tenu en
commission parlementaire - a été dans une certaine mesure
bénéfique pour l'ensemble des intervenants. Du moins pour les
parlementaires qui ont suivi les débats, cela a été
l'occasion de poser des questions et de connaître d'une façon plus
précise les tenants et les aboutissants de plusieurs situations qui,
jusqu'à maintenant, nous étaient partiellement inconnues. De ce
fait, cela nous a permis d'en savoir davantage et de connaître ce que les
représentants du secteur privé, du secteur public et
différents intervenants représentant les différentes
associations intéressées par le domaine énergétique
avaient à nous dire. J'ose espérer que le tout sera pris en
sérieuse considération.
Dans une certaine mesure, je suis heureux d'avoir provoqué ce
débat public sur l'énergie. Si ma mémoire est
fidèle, j'avais demandé à plusieurs reprises, avant que le
député de Saint-Maurice soit nommé ministre de
l'Énergie et des Ressources, qu'il y ait un débat public sur
l'énergie. De fait, le ministre qui était en fonction avant celui
qui est parmi nous ce soir, le ministre Bérubé, l'avait
accepté publiquement, et j'ai la coupure de journal ici dans laquelle il
est dit: "Bérubé demande un débat public sur
l'énergie." C'était le 3 mars 1981. Nous l'avons eu en mars 1983,
mais, tout de même, après deux ans, nous l'avons eu. Je crois que
le nombre de mémoires qui ont été présentés
dénote l'intérêt que ce genre de débat
soulève dans le public. De plus, si j'ai pu aider le gouvernement
à remplir une de ses promesses, j'en suis fort aise. En effet, dans le
livre blanc, on dit spécifiquement, dans les objectifs, qu'il faut
impliquer les Québécois dans la mise en place de la politique
énergétique. C'était l'un des objectifs du livre blanc. Si
j'ai pu vous aider, M. le ministre, à atteindre cet objectif, j'en suis
fort aise. (22 heures)
Je suis un peu inquiet parce qu'il y a une multitude d'informations qui
nous ont été communiquées. J'oserais espérer que
cette information ne sera pas perdue. Mais, de toute évidence, il y
avait dans certains cas soit contradiction ou complémentarité
d'information. J'oserais espérer qu'il y ait une certaine consolidation
de toute l'information qui nous a été fournie, tout en respectant
l'esprit qui animait les différentes représentations qui nous ont
été faites.
Le ministre nous dit qu'il publiera un document. Je souhaite que la
réforme parlementaire se réalise le plus tôt possible,
puisque le document que le ministre dit qu'il publiera sera un document du
ministre, mais aussi du gouvernement. Je crois que, si nous travaillions comme
on le fait dans d'autres Parlements à cette commission parlementaire de
l'énergie et des ressources mandatée pour étudier la
question énergétique, le document publié n'aurait pas
été celui du gouvernement, mais celui de la commission
parlementaire et aurait représenté les différents
points de vue qui se sont exprimés autour de cette table.
Le ministre a dit publiquement qu'il était d'accord avec la
recommandation faite par l'Ordre des ingénieurs, par l'Association des
ingénieurs-conseils, par la FTQ, à savoir qu'il serait utile
d'avoir un conseil consultatif sur l'énergie. Sans souhaiter que ce
conseil se réunisse tous les six mois, je crois que ce genre de
débat public pour permettre au public de s'exprimer de temps à
autre sur toute la dynamique énergétique du Québec serait
le bienvenu et, à mon avis, si le ministre a l'intention d'aller dans
cette direction il aura l'appui de l'Opposition. Est-ce qu'il ira
jusqu'à faire ce que son prédécesseur avait
évoqué, à savoir qu'il y aurait peut-être une
transformation de la Régie de l'électricité et du gaz pour
en faire une régie de l'énergie qui serait mandatée pour
faire ce genre d'étude? Quant à moi, j'ose espérer qu'il
ne mettra aucune de ces possibilités de côté, de
façon à équiper le Québec des outils
nécessaires pour faire le travail technique, technico-économique
qu'il nous est difficile de faire autour de cette table. Je crois que, si un
office québécois de l'énergie avait pu faire une
étude plus systématique des différents mémoires qui
nous ont été présentés, cela aurait
été dans le meilleur intérêt du public. D'où,
M. le Président, ma recommandation ou, du moins, mon appui très
ferme au ministre puisqu'il a évoqué lui-même au cours de
nos entretiens à cette table qu'il étudiera avec beaucoup
d'intérêt cette recommandation qui avait été faite
par différentes associations.
En ce qui concerne l'énergie électrique, à peu
près tous les intervenants ou, du moins, une très grande
majorité est venue dire que l'énergie électrique doit
recevoir la priorité comme levier de développement
économique au Québec. Cela, pour plusieurs raisons. D'une part,
c'est presque la seule énergie que nous avons en propre, la seule
énergie pour laquelle nous sommes autonomes en termes de recherche et de
développement, la seule énergie que nous pouvons créer et
exporter nous-mêmes; la seule énergie que nous contrôlons -
je parle de l'Assemblée nationale du Québec - presque de A
à Z, à l'exception peut-être du fait que, lorsque nous
voulons exporter aux États-Unis, nous devons aller devant l'Office
national de l'énergie. Mais, néanmoins, cet aveu ou cette
recommandation qui nous est venue de presque tous les groupes de donner
priorité à l'énergie électrique s'inscrit dans les
lignes dominantes de tous les gouvernements qui se sont succédé.
Je n'ai aucune hésitation à croire, quant à moi, que cela
va continuer dans l'avenir.
Ce qui a inquiété plusieurs intervenants, c'est le report
sur plusieurs années de la construction des centrales
hydroélectriques.
Le ministre a évoqué le fait qu'il y aurait des
investissements de plusieurs milliards de dollars. Je crois qu'on aurait
mauvaise grâce à ne pas accepter les chiffres qu'il nous a
donnés. Ce que les intervenants nous ont dit, que ce soit SNC, en
parlant des bureaux d'ingénieurs-conseils, ou l'association des
manufacturiers dans le domaine de l'électricité - il y avait un
représentant de Marine Industrie - c'est leur désarroi de voir
que, dans le domaine du génie-conseil, dans le secteur manufacturier ou
même dans le domaine du travail, étant donné qu'il n'y
aurait aucun travail pendant plusieurs années, il y avait danger qu'on
se retrouve, dans cinq ou dix ans, avec des équipes d'ingénieurs
et de techniciens tout à fait brisées et avec des
sociétés, soit dans le génie-conseil ou dans la
fabrication, qui ne pourront pas perpétuer la technologie qui a
été développée au cours des ans. En particulier, je
songe à l'Association des manufacturiers d'équipement
électrique qui nous disait que, compte tenu des grands travaux qui se
sont développés au cours des dix ou vingt dernières
années à la Baie-James en particulier, on avait su attirer au
Québec, entre autres, des sociétés
spécialisées dans les lignes à haute tension et que cela
avait amené des fabricants spécialisés dans ce genre
d'équipement en particulier.
Même s'il faut accepter le fait qu'il y aura des investissements
dans le domaine énergétique, il reste que cette donnée du
problème n'a pas été résolue par ce que le ministre
vient de nous dire et que ce problème reste entier. Il a semblé
ouvert à la proposition des bureaux de génie-conseil de faire
certaines études, mais, quant à nous, nous sommes convaincus
qu'il faut faire encore plus que cela. Nous croyons qu'il faut faire deux ou
trois choses: la première, développer l'économie pour
attirer les compagnies manufacturières ici même au Québec;
d'ailleurs, le mémoire de la SNC y faisait allusion. Il faut
créer un climat social pour attirer ces compagnies et il faut examiner
les différentes lois et réglementations
québécoises. Il faut réexaminer notre taxation. En fin de
compte, il y a un ensemble de problèmes, qui débordent le
problème énergétique, qui font que, depuis un certain
nombre d'années, nous n'avons pas reçu au Québec la part
des investissements dans le domaine manufacturier que nous avions l'habitude de
recevoir dans le passé. Ceci a un impact également sur la
consommation électrique.
Mais ce n'est pas assez. Il faudra, de plus, exporter. Nous l'avons dit
et nous le pensons: II semblerait qu'Hydro-Québec fait un travail de
vente aux États-Unis qui soit louable. Mais en plus de cela, au niveau
politique, il faudrait qu'il y ait une implication du premier ministre et
du
ministre de l'Énergie et des Ressources pour sensibiliser les
politiciens américains et pour contrecarrer les lobbies
américains qui peuvent exister et qui peuvent s'opposer à la
vente d'électricité en grande quantité aux
États-Unis.
C'est donc un effort de marketing qui doit se faire à deux
niveaux: au niveau d'Hydro-Québec et au niveau politique.
Malheureusement, jusqu'à maintenant, de ce côté-ci de la
table, nous n'avons pas senti cette volonté du gouvernement de
s'impliquer dans ce marketing, dans ce "salesmanship" aux États-Unis
qui, à notre avis, est nécessaire.
Deux aspects aussi dans le domaine de l'électricité et
d'Hydro-Québec qui, à mon avis, devraient être
considérés, c'est que plusieurs intervenants nous ont dit qu'ils
voulaient qu'il y ait concurrence entre le gaz et l'électricité,
mais qu'ils voudraient qu'Hydro-Québec soit assujettie à peu
près aux mêmes règles. Ceci voudrait dire que nous devrions
considérer sérieusement la possibilité de soumettre
Hydro-Québec à une revue de ses programmes d'augmentation de
tarifs et de développement par la Régie de
l'électricité et du gaz ou, du moins, par un organisme qui
s'assurerait que le type de contrat et le genre de tarifs ou la
réglementation entourant le tarif offrent à peu près les
mêmes conditions, du moins en ce qui a trait à la
réglementation qui entoure ces tarifs, pour que le gaz et
l'électricité puissent se faire concurrence sur à peu
près le même pied.
Par ailleurs, la FTQ nous a rappelé qu'il fallait penser aux plus
démunis - ceci rejoint une de nos préoccupations - et qu'il
faudrait bien créer un bureau d'appel expéditif ou un ombudsman
à Hydro-Québec pour que, lorsqu'il y a coupure de courant, les
plus démunis puissent y faire appel de sorte que les règles
élémentaires, qui ont été mises de l'avant par
Hydro-Québec elle-même, soient respectées.
En ce qui concerne le gaz, je crois qu'il y a une
nécessité d'intervention de la part du gouvernement. J'y avais
fait allusion en mars dernier lorsque j'avais demandé au ministre
responsable du développement économique, M. Parizeau, de faire
des représentations auprès du gouvernement fédéral
pour s'assurer soit qu'il y ait déréglementation ou que le prix
du gaz soit baissé. Sans discuter de la nécessité de la
déréglementation, je crois qu'autour de la table on a fait le
consensus pour dire que, s'il y avait une baisse du prix du gaz
décrétée soit par le gouvernement fédéral,
soit par le gouvernement de l'Alberta ou par les deux ensemble, ceci
favoriserait la pénétration du gaz. Le ministre a semblé
dire qu'il était d'accord avec cela. Je déplore le fait qu'il
semblerait que publiquement, du moins, aucune déclaration n'a
été faite sur le sujet. Connaissant l'impact d'une
déclaration publique, soit du ministre des Finances responsable du
développement économique ou du ministre de l'Énergie et
des Ressources, je crois qu'une intervention publique sur ce sujet de la part
du gouvernement serait un pas dans la bonne direction.
En ce qui concerne le pétrole, l'Assemblée nationale a
adopté une résolution unanime demandant au gouvernement
fédéral de faire quelque chose pour Pétromont. Il y a un
comité d'instauré pour examiner les modifications qui devraient
être apportées à la politique nationale de
l'énergie, c'est-à-dire la politique du gouvernement
fédéral, pour s'assurer qu'un prix du pétrole moindre soit
établi pour favoriser le développement de la pétrochimie
à Montréal. Je crois que, des deux côtés de la
Chambre, nous sommes d'accord pour demander au gouvernement
fédéral d'acquiescer à cette demande de Pétromont.
En même temps que nous demandons au gouvernement fédéral de
modifier sa politique nationale de l'énergie, nous devons demander au
gouvernement provincial d'examiner sérieusement dans quelle mesure il
faudrait modifier la politique provinciale de l'énergie afin de
s'assurer qu'une présence minimale du pétrole au Québec
soit maintenue pour favoriser la pétrochimie québécoise.
C'est une chose de demander au gouvernement fédéral de faire un
pas, mais je crois que le gouvernement provincial doit également faire
un pas.
Sans tirer de conclusions à ce moment-ci, il me semble
évident qu'il faut examiner en détail la masse critique de la
présence pétrolière au Québec qu'il faut maintenir
pour assurer la survie de la pétrochimie au Québec. Cet examen,
lorsque les conclusions auront été tirées, pourrait avoir
de graves conséquences. Si on a dit qu'on favorisait
l'électricité et s'il faut, par ailleurs, maintenir une
présence minimale du pétrole au Québec, il se pourrait que
l'ajustement se fasse du côté du gaz. Gouverner, c'est
prévoir et gouverner, c'est faire des choix. Si nous voulons, au
Québec, favoriser la pétrochimie et si nous voulons absolument
favoriser l'électricité, il faudrait que les ajustements se
fassent.
De toute façon, je crois qu'il y a un message à passer au
secteur pétrolier: c'est de lui dire que nous avons besoin de lui, que
nous voulons sa présence au Québec. Contrairement,
peut-être, aux messages qui ont été envoyés par les
politiciens dans le passé, selon lesquels nous voulions la disparition
globale du secteur pétrolier au Québec, je crois que nous devrons
lui dire que nous désirons sa présence au Québec. Ceci
devrait peut-être se faire par l'élimination de la taxe Parizeau
sur les raffineries et par la création de programmes d'incitation qui
amèneraient les raffineries à
valoriser le pétrole lourd, à moderniser leurs
raffineries. Ainsi, nous atteindrons l'objectif désiré d'avoir au
Québec des raffineries rentables, modernes et qui correspondent aux
besoins du Québec.
Quant à moi, à la lumière de l'information qui nous
est donnée, je ne crois pas qu'on doive s'inquiéter outre mesure
du fait que la capacité de raffinerie du Québec soit en
deçà des besoins du Québec. En conséquence, j'ai
beaucoup de difficulté à comprendre les réticences du
ministre à conclure dès maintenant, compte tenu de cette
information qui nous est donnée, qu'il n'y a sûrement pas besoin
de la part du gouvernement du Québec d'intervenir dans le secteur
pétrolier. Il y a plusieurs raisons à cela. Il y a le fait que,
lorsqu'on regarde la part du PIB qui est entre les mains de l'État, on
s'aperçoit qu'il est très élevé. Il est beaucoup
plus élevé au Québec qu'en Ontario et que dans d'autres
provinces, et tous s'accordent à dire que, si nous voulons
rétablir les finances publiques du Québec, il faudrait bien
penser à réduire les interventions de l'État.
Quant à nous, du Parti libéral, nous n'en faisons pas une
politique doctrinaire. Il se pourrait que, dans l'avenir, il y ait des raisons
sérieuses pour demander à l'État d'intervenir, mais je
crois qu'il faudra être beaucoup plus critique, beaucoup plus exigeant en
évaluant les motifs qui pourraient amener l'État à
intervenir. Dans ce cas-ci, les difficultés des raffineries de
pétrole ont été créées par la politique
définie dans le livre blanc. D'ailleurs, le livre blanc y faisait
allusion. Je fais référence à la page 65 où on dit:
"Tout comme dans les pays européens où ce phénomène
- le phénomène du déplacement du pétrole - se
manifeste déjà, le raffinage et la commercialisation subiront le
contrecoup de cette évolution." Le ministre Joron avait
déjà prévu, en 1978, que les raffineries de pétrole
en prendraient un coup. Si c'est cela, la politique du gouvernement, il ne
faudrait pas s'étonner des ajustements qu'il faut faire. Si le
gouvernement a provoqué cet ajustement, je vois difficilement qu'on dise
maintenant qu'on va intervenir. Ayant provoqué le déplacement du
pétrole, maintenant nous devons intervenir pour corriger ce que nous
avons provoqué. (22 h 15)
S'il y avait d'autres raisons, je dirais de les examiner, mais, de toute
évidence, pour ma part, je ne vois aucune raison nécessitant
l'intervention de l'État, compte tenu de l'assurance qui nous a
été donnée par les compagnies pétrolières
non seulement de continuer à travailler au Québec, mais de
moderniser leurs usines. Je pense à Ultramar, à Gulf et à
d'autres sociétés; je pense même à Esso qui nous ont
dit que, durant les trois prochaines années, si le marché
revenait, si les prévisions dans le domaine de la consommation du
pétrole ne se révélaient pas aussi pessimistes que
l'ensemble des compagnies pétrolières nous l'ont dit,
elles-mêmes étaient prêtes à rouvrir leur raffinerie.
J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment un gouvernement
pourrait conclure qu'il doit intervenir dans ce secteur. Copier un gouvernement
supérieur parce qu'il a décidé de le faire est une
mauvaise excuse. Nous n'avons pas ici, oeuvrant dans le secteur provincial,
à passer des jugements sur ce qui s'est fait ailleurs. Compte tenu des
finances du gouvernement provincial, je crois que nous devons conclure, quant
à nous, qu'il serait un peu farfelu de penser à se lancer dans
une telle aventure.
En ce qui concerne le nucléaire, je crois qu'on va faire
l'unanimité, M. le ministre. Quant à moi - je rejoins une de vos
préoccupations - je crois qu'il faudrait inciter Hydro-Québec et
Énergie atomique du Canada Ltée à procéder au
démantèlement de Gentilly 1 puisqu'il s'avérerait que ce
démantèlement pourrait permettre - j'oserais espérer que
ce soit le secteur privé au Québec - à un groupe du
secteur privé d'acquérir une technologie justement dans le
domaine du démantèlement de réacteurs nucléaires
face à la contamination radioactive qui est présente dans un tel
réacteur. En ce faisant, nous pourrions -alors que le programme
nucléaire n'existe plus - aider le secteur privé à
acquérir une technologie qui n'est pas dans le sens de faire
l'ingénierie et la construction de centrales, mais qui est quand
même dans un domaine qui permettrait au secteur privé
québécois d'acquérir une technologie tout à fait
spéciale pour la décontamination et le
démantèlement de centrales nucléaires. De l'aveu
même de plusieurs experts, il semblerait qu'il y ait un marché
dans le secteur international. Des deux côtés de la Chambre, nous
pourrions même passer une motion unanime demandant à
Énergie atomique du Canada et à Hydro-Québec de
procéder dans ce sens et de donner à un bureau du secteur
privé québécois la responsabilité de voir à
ce démantèlement, acquérant ainsi l'expertise qui serait
bénéfique pour obtenir d'autres contrats sur les marchés
mondiaux.
M. le Président, ce sont les quelques commentaires que j'avais
à faire à ce moment-ci. J'ose espérer que les chiffres et
les données que le ministre nous a promis nous seront disponibles,
puisque, de part et d'autre, si nous voulons discuter d'une façon
logique et intelligible, il serait intéressant de le faire à
partir des mêmes données dès maintenant. Je vous remercie,
M. le Président. Je remercie tous ceux qui nous ont aidés
à faire de cette commission parlementaire un succès: le
Secrétariat des commissions, ainsi que ceux qui s'occupent de la
transcription des débats que nous ne voyons jamais, mais qui nous
entendent. Je les remercie pour le travail qu'ils font. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. La commission parlementaire, qui avait pour mandat
d'étudier les effets de la politique énergétique sur le
développement économique, a donc terminé ses travaux. Je
voudrais, au nom de la présidence, remercier de leur collaboration tous
nos invités, tous ceux qui sont venus à la table expliquer leur
point de vue sur cette politique. Je voudrais aussi remercier de leur
collaboration les membres de la commission parlementaire et tous les
employés de l'Assemblée nationale. Je prierais donc le
rapporteur, le député de Viau, de faire rapport dans les plus
brefs délais à l'Assemblée nationale du résultat de
nos travaux.
La commission parlementaire de l'énergie et des ressources
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 19)