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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 12 octobre 1983 - Vol. 27 N° 152

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'énergie et des ressources se réunit ce matin afin de poursuivre l'audition des mémoires pour étudier les effets de la politique énergétique sur le développement économique.

Sont membres de cette commission: M. Desbiens (Dubuc), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Beaumier (Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay (Chambly) et M. Vallières (Richmond).

Auditions

A l'ordre du jour, aujourd'hui, le premier mémoire est celui de la Fédération des travailleurs du Québec. Ensuite, suivront les organismes suivants: Gaz Métropolitain, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, l'Association des entrepreneurs en isolation de la province de Québec, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec et le groupe SNC.

Tout d'abord, la Fédération des travailleurs du Québec. M. Louis Laberge en est le président. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de présenter les gens qui vous accompagnent.

Fédération des travailleurs du Québec

M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président, et membres de la commission. À ma gauche, M. Claude Morrisseau, vice-président de la FTQ et directeur au Québec du Syndicat canadien de la fonction publique, représentant entre autres les employés d'Hydro-Québec; Mlle Marie Pinsonneault vice-présidente à la FTQ et représentant le Syndicat canadien des travailleurs en communications... M. Claude Ducharme, vice-président à la FTQ et directeur au Québec du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile. À ma droite, M. Jean-Guy Frenette, directeur à la recherche à la FTQ; M. Kémal Wassef, qui nous a donné un coup de main, assis pas loin, et M. Jean-Paul Rivard, directeur de la FTQ-Construction. En arrière, des officiers des sections locales d'Hydro-Québec et des travailleurs de la construction.

Comme vous le savez, la FTQ est des plus intéressées au dossier énergétique. Non seulement la FTQ, qui représente au-delà de 400 000 travailleurs au Québec, mais dès la dernière commission parlementaire en 1981, nous sommes venus réclamer de la même commission une politique de développement des ressources énergétiques qui stabilise et maintienne les emplois liés à l'aménagement des ressources hydroélectriques du Québec. À cette époque, la FTQ déplorait l'instabilité des emplois associée au plan d'aménagement d'Hydro-Québec qui se proposait de faire 12 600 mises à pied étalées sur la période de 1979 à 1984 et prévoyait en même temps une reprise des activités qui devait porter les effectifs de 4400 en 1984 à 24 600 en 1990.

Malgré les assurances que nous avions reçues à cette époque, la situation ne s'est pas améliorée, loin de là. Les perspectives de 1981 sont, en 1983, encore plus sombres. Hydro-Québec, cet été, a procédé au démantèlement de la moitié de sa direction des équipements et personne n'ignore plus que les prochains travaux à mettre en chantier ont été reportés en 1988.

A toutes les semaines, Hydro-Québec change ses prévisions. D'ailleurs, c'est un fait notoire que les prévisions d'Hydro-Québec ne sont pas toujours ce qu'il y a de plus sûr. Apparemment, en 1981, si vous vous souvenez, c'était la panique quasi générale. On était pour manquer d'électricité. Il fallait lancer un programme ambitieux pour convaincre la population de ménager notre énergie. Cela a été le programme d'isolation des maisons. Cela a été une augmentation draconienne des taux d'électricité. Je me souviens qu'en 1981, justement après les travaux de la commission parlementaire, on avait eu la mauvaise nouvelle de 17% d'augmentation dans les tarifs de l'électricité. À ce moment, nous avions aussi favorisé l'implantation du gaz naturel au Québec, parce que cela fait partie du dossier énergétique.

Depuis le début de 1983, la FTQ

réclame des gouvernements du Québec et d'Ottawa des mesures destinées à protéger les emplois dans le secteur du raffinage du pétrole. Cela aussi fait partie du dossier énergétique. On sait que, depuis un an, ou à peu près, il y a eu trois fermetures importantes de raffinerie au Québec: Texaco, dont la capacité était de 74 500 barils-jour; BP, pour 71 000 barils-jour et Esso, pour 79 500 barils-jour. Les syndicats affiliés à la FTQ ont réclamé des mesures d'aide à l'industrie pétrochimique du Québec afin de protéger les 20 000 emplois de ce secteur.

Aujourd'hui, nous sommes en droit de nous demander: Mais qu'est-ce qui se passe donc dans le secteur de l'énergie? En très peu de temps, nous sommes devenus des importateurs de pétrole raffiné, alors qu'il n'y a pas si longtemps - quelques mois à peine - nous en étions des exportateurs. Est-il possible que toutes ces situations aient prévalu en même temps et dans un aussi court laps de temps? Peut-on s'être fourvoyé de cette façon et quelle crédibilité pouvons-nous accorder aux nouvelles prédictions d'Hydro-Québec et du gouvernement? Nous ne savons pas si le gouvernement a fait des prédictions dernièrement, mais nous allons les écouter avec beaucoup d'attention.

Nous sommes convaincus qu'une partie importante de l'avenir économique du Québec est associée au rythme de développement des ressources énergétiques considérables, naturelles et renouvelables que recèle notre territoire et à la manière dont nous relèverons, comme société, les défis qu'un tel développement implique. L'énergie est un produit essentiel au maintien et au développement de la société.

En 1978, dans un livre blanc sur l'énergie, le ministre Guy Joron faisait le bilan énergétique du Québec et proposait une politique énergétique pour le Québec qui visait à accroître essentiellement la part de l'électricité dans le bilan québécois à 42% en 1990 et 50% en l'an 2000, alors que la part de l'électricité n'était que de 22% en 1975. De même le gaz naturel, abondant au Canada et peu utilisé encore au Québec, se voyait fixer une part, tout d'abord à 12% et ensuite à 17%, dans le but de refléter plus activement son rôle dans le bilan énergétique. Évidemment, le pétrole qui, jusqu'à ce moment, assurait 70% des approvisionnements du Québec, était déplacé pour ne représenter que 40% à 45% des besoins énergétiques du Québec en 1990 et 30% à 35% en l'an 2000.

La politique énergétique du Canada ne s'est jamais réellement préoccupée du Québec et principalement de nos développements hydroélectriques, du développement de la pétrochimie de nos raffineries. On se rappelle toutes les implications de l'établissement de la ligne Borden et l'appui inconditionnel du gouvernement central à la filière nucléaire canadienne CANDU, qui a profité surtout à Hydro-Ontario par des subventions déguisées. Plus récemment, cette politique a justifié la subvention directe à la consommation pétrolière des Canadiens. Vue du Québec, la politique énergétique fédérale repose sur des postulats de base qu'il nous est difficile de cerner.

Peu ou pas d'emplois ont été créés depuis l'adoption du PEN. En dehors de la création de Petro-Canada par l'achat des actifs de Fina à un prix exorbitant, et de l'extension du réseau gazier, la stratégie énergétique d'Ottawa devait s'enliser pour de nombreuses raisons, notamment l'évolution des prix pétroliers nationaux et internationaux, l'approche bureaucratique engendrée par la mise en place du PEN.

La demande d'énergie au Québec a diminué de façon très sensible. D'une part, les économies d'énergie accélérées par l'augmentation démesurée des prix et, d'autre part, la récession ont contribué à réduire la croissance de la demande d'énergie. Au cours de l'année 1982, marquée directement par la récession, la chute de la consommation globale d'énergie a été de 7,9% selon des données établies par SOQUIP. Personne en dehors des producteurs ne dispose encore des données de la consommation globale d'énergie pour 1983.

La part du pétrole dans le bilan québécois a décliné, entre 1975 et 1981, de 2,8% par année; en 1981-1982, la chute de la consommation de pétrole a été de 10,5% et 11,2% respectivement. Il reste que le pétrole compte encore pour 58% du bilan énergétique du Québec.

Le prix de revient de l'énergie électrique produite par la filière nucléaire a connu des augmentations importantes. Les nouvelles réglementations américaine et canadienne ont entraîné des augmentations des coûts de construction d'une centrale nucléaire. Près de nous, par exemple, Gentilly 2, dont les coûts à l'origine étaient estimés à 350 000 000 $, a coûté près de 1 500 000 000 $. D'ailleurs, de nombreuses sociétés américaines éprouvent de grosses difficultés tel que: DE, GPU, Washington Public Power System. Mais il faut dire que ce marasme, qui touche aussi Hydro-Ontario et la filière CANDU, n'a pas encore touché de façon très évidente Hydro-Québec qui se porte assez bien, merci.

La FTQ a identifié des priorités économiques et sociales en matière d'énergie qui devraient, selon elle, guider les grandes orientations et actions de l'État. Certaines de ces priorités font déjà partie des intentions gouvernementales formulées publiquement. Dans cette optique, la FTQ formule les recommandations ci-après concernant: une énergie accessible à tous; des approvisionnements suffisants, diversifiés et à des prix concurrentiels; des importations

de gaz naturel et de pétrole, en corollaire des exportations d'électricité; assurer un équilibre entre les diverses formes d'énergie; trouver et encourager de nouvelles sources d'énergie renouvelables; poursuivre les programmes d'efficacité énergétique; poursuivre le développement hydroélectrique comme levier de développement économique du Québec.

Il est inadmissible que nous n'ayons pas encore pu trouver de solution satisfaisante et durable pour les plus défavorisés de notre société, assistés sociaux et personnes âgées, qui ne peuvent payer le coût élevé de leur facture d'énergie. À cause de notre situation géographique, entre autres, nous considérons que l'énergie est un bien essentiel et qu'à ce titre il doit être accessible à tous. Cela n'est pas une parole en l'air pour nous puisque déjà le juge Lagacé, dans un jugement qu'il rendait sur la demande d'une injonction par Hydro-Québec, avait reconnu, pour les trois sections locales du Syndicat canadien de la fonction publique, chez nous, représentant les travailleurs et les travailleuses d'Hydro-Québec, l'absolue nécessité de fournir les services essentiels, et le juge Lagacé avait même refusé à Hydro-Québec cette injonction. Et on touve absolument inadmissible, MM. les parlementaires - et ce n'est pas une critique, nous sommes d'accord, je viens de le dire - les besoins énergétiques en temps de conflit étant des services absolument essentiels, que vous laissiez Hydro-Québec, Gaz Métropolitain et les compagnies de pétrole couper les gens les plus démunis quand ils sont en retard pour le remboursement de leur facture. Nous, on trouve cela absolument inadmissible. C'est pourquoi nous réclamons la mise sur pied d'un bureau d'appel expéditif afin que ces cas extrêmes de non-paiement de factures d'énergie, avec conséquences humanitaires, sociales et économiques sur la population, soient entendus.

L'essor économique et industriel du Québec est directement lié à l'existence d'un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié et concurrentiel pour ses industries. Le gouvernement du Québec est certainement sensible à ces conditions. Toutefois, la FTQ entend exprimer ses préoccupations sur les questions de diversification et des prix de l'énergie destinée à la pétrochimie.

En regard de notre situation énergétique, le taux de pénétration visé pour le gaz au Québec nous paraît réaliste. En regard des développements gaziers futurs, nous rappelons notre intérêt pour la construction d'une usine de liquéfaction dans l'Est du Québec et le transport par méthaniers.

La FTQ met en garde le gouvernement du Québec contre le déplacement trop rapide du pétrole. Le pétrole compte pour beaucoup dans le bilan énergétique du Québec. C'est la clé de voûte du système d'approvisionnement énergétique industriel et cette situation demeurera encore ainsi pour de nombreuses années.

La FTQ réclame, en regard des raffineries fonctionnant encore, un plan de modernisation afin d'y intégrer l'activité de revalorisation des huiles lourdes. De plus, la FTQ réclame le démarrage d'entreprises liées au recyclage des huiles usées. Plusieurs projets de cette nature ont été formulés et dorment encore sur les tablettes, entre autres le projet Carmont.

Pour la FTQ, il est primordial de conserver à Montréal et ses environs la qualité de grand centre moderne de raffinage qui lui est propre et servir de point d'attraction au secteur de la pétrochimie.

À la fin de 1983, la capacité de raffinage du pétrole du Québec sera de 347 500 barils-jour. La capacité était, en 1982, de 607 000 barils-jour. Le Québec a donc perdu, en un an, quelque 260 000 barils-jour. C'est cela que nous trouvons absolument inacceptable, c'est-à-dire que nous passerons d'un rôle d'exportateur de produits pétroliers raffinés à un rôle d'importateur.

Finalement, nous attirons votre attention sur l'importance de l'industrie pétrochimique du Québec et sur le retard qu'elle prend par rapport à l'industrie canadienne. Une industrie qui vivote aujourd'hui veut dire qu'elle péréclitera demain. Des milliers d'emplois sont en jeu; on ne peut laisser aller à la dérive cette industrie qui a une place stratégique au Québec. (10 h 30)

II est utile de rappeler ici que 5% du baril de pétrole brut est utilisé pour la pétrochimie. Ce petit 5% crée une valeur ajoutée équivalente à toute l'activité de l'industrie de la production du pétrole.

Jusqu'à présent, le Québec a exporté de l'électricité excédentaire; une énergie de surplus sans engagement ferme à long terme. Le temps est venu de régler la question de l'exportation de l'énergie de base.

Le territoire québécois recèle une richesse inestimable en termes de sites et de rivières pour la production d'électricité de source hydraulique. Cette forme d'énergie coûte relativement cher, mais elle a l'avantage unique d'être renouvelable. Une fois construite, la vie d'une centrale est théoriquement de 50 ans. Hydro-Québec opère encore des centrales qui ont dépassé cet âge.

Si le gaz et le pétrole doivent continuer, au mieux, à représenter 50% du bilan énergétique du Québec, il faut, selon nous, s'engager dans la production d'énergie électrique de base pour l'exportation afin de réduire ce déficit énergétique.

II est maintenant connu que le coût de facteur énergie dans le coût total d'un produit manufacturé en général est de l'ordre de 6%. Certains ont soutenu que la disponibilité d'énergie électrique était un facteur de localisation important pour l'industrie et qu'il fallait, pour attirer l'industrie au Québec, limiter les exportations d'électricité. Or, cet argument ne vaut, selon nous, que pour quelques industries comme l'aluminium et les avantages que l'on peut retirer de l'exportation nous semblent, à moyen et long terme, bénéfiques pour le Québec.

Au sud du Québec, si on considère le triangle Buffalo, Boston, Montréal, on relève un potentiel de l'ordre de 30 000 000 d'habitants. Si on considère Buffalo, New York, Montréal, c'est un potentiel de 50 000 000 d'habitants. C'est tout un marché potentiel extraordinaire et nous sommes capables de relever le défi de le servir.

Par ailleurs, quand on examine le mode de production d'énergie électrique utilisé par les États de la Nouvelle-Angleterre et de New York, le potentiel remplaçable de centrales de production électrique mues au mazout et au charbon, responsable des pluies acides, est équivalent, en 1983, à 33 974 mégawatts, soit environ 10 000 mégawatts de plus que toute la capacité installée d'Hydro-Québec en 1985, incluant LG 4 et Churchill Falls.

Pour la FTQ, il ne s'agit pas de donner notre énergie aux États du Nord-Est américain, mais de la leur vendre en retirant une rente de situation qui est susceptible de financer un fonds d'investissement industriel.

Les sources nouvelles d'énergie: Bien que déjà doté d'un potentiel de ressources hydroélectriques renouvelables et considérables, le Québec doit continuer à se préoccuper, en priorité, de rechercher et de développer des énergies nouvelles. À cet égard, nous constatons que de telles énergies nouvelles ne combleront qu'une très faible partie des besoins énergétiques du Québec des années 2000.

La FTQ est de ceux qui, encore aujourd'hui, misent sur le développement des ressources hydroélectriques du Québec. Le démantèlement de la Société d'énergie de la Baie James, la mise en disponibilité de la moitié des effectifs de la direction et de l'équipement d'Hydro-Québec, l'aggravation du chômage des travailleurs de la construction par l'arrêt des travaux de la Baie-James, nous ne pouvons pas l'accepter et le gouvernement du Québec ne devrait pas pouvoir l'accepter pour les mêmes raisons; il y a, au-delà de la saine gestion financière, des défis à relever qu'il ne saurait être question de repousser indéfiniment.

Le Québec dispose d'une ressource hydroélectrique très concurrentielle. La détérioration de la position concurrentielle du nucléaire au cours des dernières années n'a échappé à personne.

L'ensemble du savoir-faire québécois accumulé dans la production, le transport, la technologie reliée à l'utilisation diverse de l'électricité (hydrogène, accumulateurs, etc.) constitue un acquis important pour le Québec. La mise en valeur de ce potentiel comprenant une très grande entreprise, Hydro-Québec, des grandes, petites et moyennes entreprises, des bureaux d'ingénieurs-conseils, passe par la formulation d'une stratégie créatrice et innovatrice dans les formes qu'elle devra adopter pour prendre pied, non seulement au Québec, mais aussi à l'étranger. Des expériences récentes comme celle de Pylonex, qui avait réussi à décrocher un important contrat en Égypte et qui s'est, par la suite, perdu dans les dédales gouvernementaux, nous ont appris que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour livrer la marchandise.

L'urgence de la relance de la phase II de la Baie-James. La FTQ soumet, dans ce chapitre, les principaux arguments reliés à la réalisation immédiate de tous les ouvrages hydroélectriques pour la production d'énergie de base de la phase II de la Baie-James prévue maintenant par Hydro-Québec pour 1992, ainsi que la continuation des travaux mis en chantier à Manic 5 pour une puissance additionnelle.

On sait que le taux de chômage, au Canada, est passé de 7,6% en 1981 à 10,2% en 1982. On s'attend que le taux de chômage atteigne les 12% ou 13%, en 1983, bien qu'il y ait eu une légère diminution dernièrement. Quand on sait aussi qu'au Québec la situation est encore pire, il faut certainement prendre des décisions énergiques pour aider les quelque 500 000 chômeurs que nous avons au Québec.

À moins que des investissements nouveaux et importants ne soient réalisés au Québec afin de renforcer l'activité économique et ainsi améliorer véritablement la situation de l'emploi, les perspectives de croissance à court et à moyen terme sont très faibles. C'est dans cette optique que nous acceptons le principe de la vente de feu de notre énergie disponible à Pechiney qui viendra investir au Québec, avec la SGF, plus de 1 000 000 000 $ étalés sur plusieurs années. En 1981, le PIB du Québec était estimé à 82 000 000 000 $. Quand on considère que, pour accroître le PIB de 1% par année, il faut susciter des activités nouvelles de l'ordre de 820 000 000 $, on réalise qu'il faudra plusieurs Pechiney pour ramener à un taux raisonnable le taux de chômage éhonté que nous connaissons.

Actuellement, les perspectives économiques du Québec, tenant compte du retardement des projets énergétiques de la Baie-James, situent la croissance réelle pour toute

cette décennie à moins de 2%. Après trois années de vaches maigres, 1981, 1982 et 1983, de telles perspectives qui tiennent compte des gains réalisables dans les industries reliées aux ressources nouvelles (Pechiney) aux équipements de transport en commun, à l'avionnerie, à la microélectronique sont inacceptables pour nous. Nous sommes sûrs que vous partagez ce jugement parce que le Québec dispose de nombreux atouts tant en ressources humaines, naturelles, techniques, énergétiques que financières et que vous ne pouvez pas accepter leur gaspillage de cette façon.

Ce qui importe pour la FTQ présentement, c'est de relancer l'économie du Québec par un ensemble de projets à fort contenu québécois, tels ceux de la construction de la phase II de la Baie-James et la poursuite des travaux de Manic 5. Le coût de ces projets en dollars constants de 1983 est respectivement de 3 700 000 000 $ et de 270 000 000 $. La phase II de la Baie-James se compose de: LG 1 pour 1350 mégawatts, Brisay pour 400 mégawatts et Laforge 1 pour 800 mégawatts, soit un grand total de 2550 mégawatts.

Dans le cas de Manic 5, il s'agit d'un projet déjà mis en chantier et pour lequel la moitié des dépenses en immobilisations ont été réalisées, mais Hydro-Québec s'apprête à fermer le chantier et à reporter sa réouverture à 1988. Combien va nous coûter une telle décision pour le moins discutable: le déménagement, dans les deux sens les entrepreneurs ne laisseront certainement pas tout leur matériel sur place pour une période de cinq à six ans - des équipements nécessaires à la finition des travaux, l'éparpillement d'une main-d'oeuvre hautement spécialisée et qui a déjà fait ses preuves, sans compter la détérioration certaine des installations déjà complétées devant une aussi longue période d'activité?

Les projets de relancer immédiatement les travaux de construction de la Baie-James et de Manic 5 n'ont pas que des retombées économiques dans la construction. Les effets multiplicateurs porteront des résultats tangibles dans toutes les industries québécoises: alimentation, transport, équipement, ressources diverses, etc. Dans le cas de Manic 5, la fermeture de ce chantier intervient au moment où la Côte-Nord connaît son pire taux de chômage, un taux record. Il est impensable de ne pas en tenir compte.

Pour la FTQ, il sera possible d'assurer une plus grande stabilité de l'emploi avec le devancement de la phase II, la continuation de Manic 5 et un calendrier de mise en construction des équipements de pointe des chantiers Delaney avec 2000 mégawatts en 1988, LG 2, puissance additionnelle, avec 2000 mégawatts en 1990, turbines à gaz avec 1000 mégawatts en 1991, de même que la mise en chantier de nouveaux équipements de base à Grande-Baleine avec 3000 mégawatts en 1993.

Si on retient dans l'immédiat le ratio des personnes occupées, établi par Hydro-Québec, de 28 650 heures-personnes par mégawatt installé, entre 30 000 et 35 000 personnes-année seront requises pour la phase II uniquement en ce qui concerne la construction des ouvrages de ce projet.

Le problème qui se pose maintenant est celui d'accroître la consommation interne ou les ventes destinées au Québec et accroître la consommation externe ou les ventes destinées aux réseaux voisins dans un ordre de grandeur de près de 50 000 000 000 de mégawatts.

Tenant compte d'une augmentation prévisible de la demande de consommation d'énergie, surtout dans le contexte de la récession qui tire à sa fin, il nous semble possible que, dès 1983, la croissance de la demande d'énergie reprendra légèrement et que, dès 1984, elle pourrait augmenter à un rythme qui se situe entre 3% et 5%, surtout si on tient compte de l'effet d'entraînement que susciterait la réalisation du projet de la phase II de la Baie-James. C'est donc de 40 000 000 000 de kilowattheures qu'il faudra augmenter les ventes pour rentabiliser une augmentation du programme d'équipement. Il faut donc prendre des moyens agressifs pour développer son marché.

Hydro-Québec a déjà mis un léger accent nouveau sur la commercialisation et la mise en marché de l'électricité. Évidemment, après avoir dépensé des millions pour convaincre le monde qu'on était pour manquer d'électricité, on est un peu timide. On n'ose pas dire: Dépensez plus d'électricité. On a trouvé un slogan: "Dépensons mieux nos ressources naturelles." Mais il me semble qu'on pourrait arrêter d'être timide et y aller carrément. Il existe des moyens pour augmenter la consommation québécoise d'électricité de 20 000 000 000 de kilowattheures, tant dans le domestique que par un programme d'électrification de l'industrie. Ces estimations ne sont pas les nôtres, mais celles établies par des sources proches d'Hydro-Québec.

En écoulant agressivement les surplus d'électricité sur les marchés industriels du Québec avec les technologies déjà disponibles, entre 12 000 000 000 et 18 000 000 000 de kilowattheures seraient potentiellement vendables dans les industries qui commandent une grande puissance.

Hydro-Québec et le gouvernement du Québec devront faire un effort supplémentaire de mise en marché. Cet effort nous le demandons pour les travailleurs qui ont consacré plusieurs années de leur vie à la mise en valeur de nos richesses hydroélectriques. Nous le demandons aussi parce qu'il faut arrêter tout de suite

de congédier une main-d'oeuvre aussi spécialisée qui a fait ses preuves et qui constitue une somme incalculable d'expériences variées et de connaissances acquises. Ceci est également vrai en ce qui concerne de nombreux postes permanents auparavant disponibles à Hydro-Québec: emplois de techniciens, de bureaux, de métiers, d'ingénieurs, sans compter de nombreux emplois temporaires et d'emplois d'été pour les étudiants, et Dieu sait comment nous en avons besoin pour les étudiants.

Nous réalisons que le ralentissement économique que nous connaissons au Québec a diminué la demande d'énergie électrique, mais nous sommes convaincus que les augmentations de tarifs déjà consentis à Hydro-Québec ont eu pour effet de décourager la consommation d'énergie électrique et de rétrécir ainsi les revenus d'Hydro-Québec. Pour relancer la demande d'énergie électrique, la FTQ réclame une baisse importante des tarifs d'électricité tant pour les individus que pour les commerces et les industries déjà implantés au Québec.

En conclusion, M. le Président, dès le début de notre présentation, nous avons demandé à votre commission de se pencher de façon particulière sur les tendances lourdes et significatives de la problématique énergétique québécoise. Vous avez entendu un grand nombre d'intervenants qui ont dressé un tableau réaliste des problèmes et des enjeux énergétiques du Québec. Il vous revient de dégager les grandes orientations que le Québec doit prendre dans cet important secteur. Quant à nous, nous sommes de ceux pour qui le secteur énergétique est un secteur en développement et nous voulons nous assurer que vous nous avez bien compris.

Il y a d'abord nos ressources hydroélectriques qui restent à être exploitées. Nous avons tenté de mettre en valeur toutes les possibilités que nous y avons vues, non seulement en termes d'énergie, mais aussi en termes d'activités commerciales et industrielles, des échanges possibles avec nos voisins. Le Québec a des ressources- hydroélectriques suffisantes pour ses besoins propres et aussi des ressources qu'il peut exporter compte tenu des besoins domestiques, commerciaux, industriels et des technologies disponibles jusqu'à l'an 2000. Le Québec peut aussi développer une filière électrique. Nous en avons le potentiel. Il faut passer à l'action.

Ensuite, nous avons spécifié que le réseau gazier devrait rejoindre toutes les zones industrielles importantes du Québec et que le rôle du gaz naturel avec un objectif de 17% du bilan énergétique du Québec nous paraît réaliste.

En troisième lieu, nous vous avons indiqué des voies d'avenir pour conserver à

Montréal sa qualité de centre de raffinage de pétrole et nos préoccupations en ce qui concerne toute la pétrochimie. Par la modernisation des raffineries encore opérationnelles, l'introduction de technologies de recyclage des huiles usées, nous avons fait valoir nos vues sur cette industrie. Nous vous avons demandé de vous préoccuper de la question de la dépendance du Québec pour des importations de pétrole raffiné et d'examiner les possibilités de rouvrir une des raffineries fermées ou susceptibles de l'être d'ici la fin de l'année. (10 h 45)

Également, nous avons indiqué nos préoccupations en ce qui a trait à la question de l'accessibilité à l'énergie pour les Québécois à faible revenu et des mesures que nous jugeons pertinentes à leur égard et à la formation d'un bureau d'appel expéditif pour les cas de facturation en souffrance afin de faciliter le règlement des litiges entre individus, commerces, industries et les sociétés distributrices d'énergie.

En ce qui concerne les énergies nouvelles, nous vous avons indiqué nos préférences qui portent sur la biomasse, une énergie renouvelable douce que nous trouvons en abondance au Québec.

Maintenant, c'est au gouvernement du Québec d'agir, c'est-à-dire d'amorcer et de mettre en oeuvre une politique stratégique de l'énergie fondée sur les certitudes et les possibilités dont dispose le Québec.

Nous avons indiqué qu'il était nécessaire de remettre à jour la politique de l'énergie, tant du Québec que d'Ottawa, surtout en fonction des faits nouveaux que nous avons indiqués, tant du côté de l'offre que du côté de la demande globale d'énergie.

Avec l'adoption de la loi 4, Québec a déjà élargi passablement le rôle d'Hydro-Québec; maintenant, il faut s'assurer véritablement que le navire amiral va entrer dans le vif de l'action rapidement.

La FTQ a également manifesté qu'elle était intéressée à continuer le dialogue avec l'industrie et le gouvernement. Il nous semble approprié de créer à cette fin un conseil consultatif de l'énergie afin de sortir les acteurs principaux de l'énergie de leur vase clos.

L'ensemble de ces mesures, quant à nous, constitue une réponse favorable aux enjeux énergétiques. C'est une question de cohérence, une affaire d'emplois et une proposition d'avenir. Reste la question du très court terme soulevé par la révision du plan d'aménagement d'Hydro-Québec et le report de projets à l'an 2000.

La FTQ s'oppose catégoriquement à envisager une telle possibilité. Au moment où le Québec connaît une vague de chômage sans précédent, historique, en dehors de la grande dépression des années trente, il n'est pas question qu'un secteur aussi prometteur

et stratégique du Québec ne relève pas le défi. Nous avons indiqué et suggéré au gouvernement des moyens à court terme pour raffermir l'économie du Québec et aussi les grands objectifs réalisables pour écouler les surplus d'énergie d'Hydro-Québec. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement pour assurer que la phase II de la Baie-James, avec ses implications sociales et économiques, devienne une réalité. Le report de la phase II de la Baie-James est, quant à nous, une trahison, une démission vis-à-vis des travailleurs de la Baie-James et des défis de notre société. Il en est de même en ce qui concerne Manic 5 pour la Côte-Nord.

En terminant, M. le Président, nous souhaitons que votre commission endosse l'ensemble de nos préoccupations et que le gouvernement réagisse rapidement dans le sens que nous vous avons indiqué.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Laberge. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. Laberge, pour ce que j'oserais appeler un vigoureux plaidoyer. Je pense devoir le dire sans lancer de fleurs inutiles à quiconque - je ne connais pas les auteurs de votre mémoire...

M. Laberge: Pousseriez-vous votre micro une petite affaire?

M. Duhaime: Je ne connais pas les auteurs de votre mémoire. Je sais que vous y avez mis la main. C'est un mémoire qui est non seulement vigoureux, mais bien étoffé. Vous allez comprendre facilement qu'il y a plusieurs questions qui sont posées. Vous serez sans aucun doute déçu de repartir sans avoir toutes les réponses, mais le but de cette commission parlementaire consiste à recevoir le point de vue de tous les intervenants dans le secteur énergétique.

Il y a un point que j'aimerais clarifier au départ. Vous évaluez à environ 34 000 mégawatts le marché éventuel d'exportation aux États-Unis. Je voudrais vous signaler - si je comprends bien votre texte - que vous avez calculé les capacités installées à New York et en Nouvelle-Angleterre qui produisent de l'énergie électrique à partir d'unités thermiques, qu'elles soient au charbon ou au pétrole. On ne peut pas conclure de cette constatation que tout ce potentiel déjà installé aux États-Unis peut être déplacé et remplacé par des exportations d'énergie ferme.

Hydro-Québec est venue en commission parlementaire. Cela rejoint à peu près les chiffres et les scénarios au ministère de l'Énergie et des Ressources, Nous évaluons que le créneau ou le marché possible aux États-Unis à l'heure actuelle est basé non pas sur la possibilité de remplacer ce qui tourne déjà et qui produit, mais beaucoup plus sur des investissements qui seraient requis par des utilités publiques américaines pour remplacer des capacités existantes parce que vétustes et très coûteuses, qu'elles soient au charbon ou au pétrole.

L'identification qui a été faite tourne autour de 3000 à 3500 mégawatts dans les années qui viennent, ce qui pourrait signifier des contrats très intéressants d'énergie ferme. Nous avons exclu, sur un horizon de quatre ou cinq ans devant nous, la possibilité de vendre davantage à moins de donner nos chemises.

Là-dessus, je pense que nous rejoignons la problématique de votre mémoire qui consiste à dire: si nous avons des surplus d'énergie hydroélectrique, pourquoi ne pas faire un effort additionnel de marketing tant sur notre propre marché domestique que sur le marché externe? Je vous rappelle qu'il y a deux ans, tant à New York qu'à Boston, nous avons signé les premiers grands contrats de vente d'énergie excédentaire, qui devraient rapporter à Hydro-Québec, pour la période de 1984 à 1997, et 1986 à 1997 dans l'autre cas, des revenus de l'ordre de 12 000 000 000 $ en dollars courants. On parle toujours de vente d'énergie excédentaire.

La question qui se pose aujourd'hui est de voir si les Américains ne seraient pas intéressés à acheter de l'énergie ferme de ce côté-ci de la frontière. J'ai eu l'occasion de dire moi-même aux Américains, et Hydro-Québec le leur a répété depuis, que bien sûr nous sommes intéressés à vendre de l'énergie ferme, mais nous ne sommes pas intéressés à déplacer du Nord vers le Sud un facteur positif de localisation industrielle. Autrement dit, le frein qui va consister pour nous une assurance en quelque sorte que l'énergie vendue ne servira pas à venir contrecarrer notre propre développement industriel; c'est finalement le prix.

Je peux vous confirmer que des négociations sur deux tables se poursuivent actuellement tant avec NEEPOOL qu'avec PASNY de New York sur des contrats de vente d'énergie ferme. Nous en sommes sur la durée, sur des quantités et sur des prix. Vous allez comprendre facilement avec moi que nous ne sommes pas intéressés à signer aveuglément un contrat de longue durée qui porterait sur 15, 20 ou 25 ans. Nous n'avons pas l'intention d'oublier en chemin une mécanique d'indexation à l'intérieur d'un pareil contrat, étant entendu au départ que nous tenterons d'obtenir le meilleur prix pour l'énergie vendue, étant également entendu que les Américains veulent l'obtenir le plus longtemps possible et pour le meilleur marché possible.

De vos confrères sont venus ici - je crois que c'est la CSN - qui, sur le plan du principe, n'étaient pas en mesure de se prononcer. Ils nous faisaient une mise en

garde, une mise en garde de prudence en disant: II ne faudrait pas que le parc de production d'Hydro-Québec devienne dans un tel état de disponibilité ou de surplus de capacité, de manière qu'Hydro-Québec soit presque condamnée à faire des ventes de feu aussi bien sur le marché domestique que sur les marchés extérieurs. Je voudrais vous donner cette assurance: là-dessus, votre proposition s'inscrit exactement dans la trajectoire que nous avons retenue, depuis maintenant deux ans et plus, en ce qui est des négociations avec les Américains.

Est-ce que cela va marcher? J'ai bon espoir qu'en 1984 on puisse signer un contrat de vente d'énergie ferme. Quand on pense à 2000 mégawatts de vente d'énergie ferme, dans les scénarios de prix courants, cela veut dire des entrées de fonds dont le prix plancher serait 1 500 000 000 $ par année et cela peut monter jusqu'à 2 000 000 000 $ et 2 250 000 000 $. Ce sont des montants d'argent considérables. Il y a un gain à être réalisé des deux côtés de la frontière et les Américains en sont conscients.

Il faut bien comprendre que les propriétaires privés d'une centrale thermique au pétrole ou au charbon ne sont pas prêts à fermer leurs installations, qui sont payées dans beaucoup de cas. Elles ont des coûts de fonctionnement qui sont reliés à l'évolution du prix du pétrole importé, bien sûr, mais les installations sont payées dans beaucoup de cas et elles restent intéressantes pour eux sur leur propre marché. Il ne faut pas penser qu'ils vont fermer leurs installations pour nos beaux yeux. Il y a une réalité là-dedans, c'est une proposition de vente de longue durée avec des prix qui font que cela se traduit par un gain net pour nos voisins du Sud. S'il n'y a pas de gains pour eux, il n'y aura pas de ventes de notre côté, la référence étant le prix des énergies importées comme le pétrole.

Il y a aussi le problème de la pollution dont vous avez parlé rapidement qui n'est pas aussi populaire à Washington et aux États-Unis qu'il l'est ici quant aux pluies acides, sauf dans les États du Nord comme New York, le Vermont ou le Maine. Il faut aussi comprendre que les Américains, comme nous d'ailleurs, sont beaucoup plus conscients aujourd'hui - c'en est même devenu un problème que je qualifierais d'ordre politique de la question du nucléaire. Je pense qu'il n'y a personne aux États-Unis qui rêve d'avoir un Three Mile Island dans sa cour. Cette espèce de syndrome, on le constate et on peut très bien le ressentir au niveau des parlementaires. Alors, on a une chance de se bâtir un marché, mais je suis plutôt du côté des pragmatiques. Faisons le premier pas en faisant un bon contrat de 1500 ou 2000 mégawatts avec PASNY ou avec NEEPOOL; signons-en un deuxième et ensuite on verra.

Si vous voulez avoir mon avis, au cas où vous seriez enclins à penser qu'il y a une solution de ce côté, nous lancer à corps perdu dans une phase II à la Baie-James, et suréquiper le parc d'Hydro-Québec, cela aurait comme première conséquence de nous placer dans une situation encore plus aiguë de surplus de capacité de production, d'augmenter la dette d'Hydro-Québec. Il faut bien compendre que ce sont les consommateurs qui paient la dette d'Hydro-Québec. Remarquez que, dans votre mémoire, vous souhaitez non pas un gel ni même une hausse faible de la tarification hydroélectrique, mais une diminution.

Il faut concilier tout cela. Si HydroQuébec investit 1 000 000 000 $ demain matin de ses fonds propres, elle mettra 250 000 000 $ sur la table et elle ira emprunter 750 000 000 $ sur les marchés financiers. L'intérêt sur la dette se répercute sur la facture qu'à tous les mois les citoyens et citoyennes du Québec qui sont branchés sur le circuit d'Hydro-Québec ont à assumer.

Je voudrais vous dire que - remarquez que ce ne sera pas la nouvelle de la semaine, nous l'avons dit en juin dernier dans le Maine, je crois; j'accompagnais M. Lévesque à une conférence des premiers ministres du Québec et des provinces atlantiques et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre - c'est à peu près automatique qu'un contrat d'énergie ferme avec le Sud permettrait très probablement à Hydro-Québec de peser sur le bouton vert et d'aller de l'avant sur l'accélération.

Mais il y a un "timing"; pour mes collègues autour de cette table, cela va apparaître comme étant une répétition, mais, de grâce, dans ce dossier, n'allons pas nous placer nous-mêmes dans un marché de vendeurs parce qu'à ce moment, ce n'est pas nous qui allons contrôler le prix. Si nous sommes en état de surplus de capacité de production, ou nous ramasserons le prix qu'on nous offrira ou nous nous condamnerons à faire du déversement.

C'est ce que je voulais vous dire. Pour ce qui est de Manic 5, puissance additionnelle, cela a été reporté d'au moins trois ans. On pourrait retenir votre suggestion et dire: Allons-y. Il y a déjà des montants d'argent qui sont engagés, remettons les gens à l'ouvrage sur la Côte-Nord, etc., mais je pense que votre mémoire nous indique ... Là-dessus, on est d'accord parce que je soupçonne qu'à l'intérieur de votre organisme, il y a des gens très bien informés sur les scénarios et sur la prévision que peut faire Hydro-Québec. On parle de 50 000 000 000 de kilowattheures à l'heure actuelle. (11 heures)

Je voudrais que vous m'expliquiez en vertu de quelle logique nous nous en irions augmenter la capacité de production actuelle

en tenant compte que, sur le scénario de pénétration du gaz - votre mémoire nous dit que vous êtes d'accord, autour de 17% ou 18% - il faut faire une rationalisation dans le secteur pétrolier. Il faut bien comprendre que la donnée de fond, c'est que la croissance de la demande globale d'énergie sous toutes ses formes est à peu près à zéro à l'heure actuelle et le Québec ne fait pas exception à la règle nord-américaine. C'est exactement la même chose qui se produit en Ontario et aux États-Unis, dans les États qui sont les plus voisins des nôtres. Il y a des conciliations d'objectifs à être faits. Il m'apparaît qu'il s'est dégagé de cette commission - plusieurs l'ont dit - que le virage que nous avons pris en 1978 se fait peut-être trop rapidement. Il y a beaucoup de gens qui nous disent cela. Mais si cela est vrai et qu'on maintient un objectif de pénétration de gaz, non seulement on n'ira pas dans le sens de votre objectif, mais on va aller dans le sens contraire. S'il faut ralentir l'objectif de déplacement du pétrole importé, cela veut dire qu'on va mettre un frein à la pénétration du gaz naturel et à la pénétration de l'hydroélectricité. Si on met un frein à Hydro-Québec en particulier, cela veut dire qu'on va ralentir les investissements. Alors, il y a très certainement une conciliation d'objectifs à être faite entre, disons, votre mémoire et ce que nous envisageons dans l'immédiat.

C'est là-dessus que je voudrais vous entendre. Comment concilie-t-on les différents objectifs qui sont dans votre mémoire? Si on appliquait tout de suite le mémoire de la FTQ, non seulement on aurait du gaz naturel en abondance, mais on maintiendrait un secteur pétrolier actif et on investirait dans l'hydroélectricité. On va être encore davantage dans une situation de surabondance et je ne suis pas convaincu que le consommateur, en particulier l'abonné d'Hydro-Québec, va y faire son compte, parce que cela va se traduire par des hausses de prix, c'est évident. C'est là-dessus que je vous laisse, à savoir s'il y a des conciliations d'objectifs.

M. Laberge: Quand vous me parlez avec une telle assurance, vous me faites frémir. Il n'y a pas longtemps, en 1981, on était assis à la même place - pas vous, c'était un autre ministre à ce moment-là - et on nous disait qu'on allait manquer d'énergie électrique. Cela ne fait pas longtemps. C'était en 1981. Dieu sait comment on s'est fourvoyé dans le temps. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est un peu de notre faute. Vous n'avez pas eu le temps, évidemment, d'étudier le mémoire, parce qu'on a pensé à ces choses-là. C'est bien évident qu'on n'est pas complètement naïf non plus. On ne veut pas qu'Hydro-Québec développe d'autres énergies et ait un surplus tel qu'elle serait obligée de s'en débarrasser, enfin pas pour ne pas continuer, parce qu'elle n'a pas perdu d'argent encore, mais pour ne pas commencer à perdre de l'argent.

Mais nous croyons qu'il y a moyen de développer la consommation de l'électricité, d'abord en donnant une petite chance au consommateur domestique. C'est bien beau d'attirer des projets comme Pechiney et nous y avons applaudi. Nous sommes d'accord. Mais il y a peut-être un tas d'entreprises déjà installées qui, si elles bénéficiaient d'une telle réduction, seraient aussi intéressées à prendre de l'expansion et à créer d'autres emplois, sans parler des consommateurs. Peut-être que les consommateurs monteraient leur thermostat d'un degré ou deux. Il y en a qui, par patriotisme, ont dit: Ce n'est pas mon cas; j'étais bâti pour faire un Esquimau; ce n'est pas moi qui dépense le plus en chauffage. Mais il reste qu'il y a des consommateurs qui trouvent la note très élevée et peut-être qu'on pourrait leur donner un petit coup de main de ce côté-là.

Encore une fois, quel est le prix que nous devons payer pour 500 000 chômeurs? Je vois le gouvernement qui essaie, par toutes sortes de façons, de créer des emplois. Je vois des centaines de millions de dollars que le fédéral dépense pour créer des emplois temporaires: le programme RELAIS, par exemple, quasi des emplois de misère, 200 $ par semaine pour une période maximale de neuf mois. Il nous semble que ce que nous devons le plus craindre, c'est la peur. Nous pensons qu'il faut y aller, que cela relancerait l'économie, que cela remettrait du monde à l'ouvrage, que cela ferait fonctionner d'autres entreprises. Des entreprises qui fonctionnent, cela dépense de l'électricité, du gaz ou autre chose, mais cela dépense de l'énergie. Il est bien évident qu'il ne faut pas y aller les yeux fermés, mais nous savons de façon assez pratique qu'il y a des limites à ce que nos voisins américains soient disposés et prêts à acheter de l'énergie de surplus. Si on pouvait leur offrir un programme pour vendre de l'énergie de base, ils seraient sans doute plus intéressés.

Bien sûr, on ne veut pas exporter une ressource naturelle et perdre un avantage qu'on a pour attirer des entreprises, mais des entreprises comme Pechiney, on n'en attirera pas plus de trois ou quatre par année, je pense. Chaque fois que l'eau coule dans un cours d'eau non aménagé, ce sont des revenus et de la puissance qu'on n'a pas et dont on pourrait se servir. Nous demandons donc au gouvernement de réviser la filière énergétique et nous sommes convaincus qu'il y a moyen de faire beaucoup mieux que ce que nous faisons actuellement.

M. Duhaime: Je voudrais vous donner

une assurance, M. Laberge. Vous me dites ce matin: Vous devriez offrir aux industries des tarifs à la baisse. Cela est fait, cela a été annoncé au mois de juin. Il y a un nouveau programme de rabais, une politique d'écoulement des surplus pour la période de 1983 à 1990: 50% de rabais pour tout le secteur manufacturier, peu importe le genre d'activités; ensuite, c'est 40%, 20%, 10% jusqu'à l'horizon du 1er janvier 1990. S'il faut faire davantage, nous le ferons, mais il faut bien comprendre que le fait d'accorder un rabais sur une consommation régulière, cela n'a aucune espèce d'effet d'entraînement dans l'économie, sauf que cela se traduit par un manque à gagner pour Hydro-Québec. Offrir de l'énergie hydroélectrique à rabais pour inciter à l'investissement, au développement et à la création d'emplois, cela s'inscrit dans une dynamique et c'est ce que nous avons fait.

Le programme des chaudières industrielles a fait monter les gaziers debout sur leur chaise, c'est bien connu. C'est la même chose pour le programme de biénergie. Dans ce sens-là, on continuera et je voudrais vous dire que je suis d'accord - je parle en tant que député de Saint-Maurice, je n'engagerai pas le gouvernement là-dessus ce matin - avec la proposition merveilleuse de votre mémoire. Je pense qu'on a la mécanique qu'il faut pour concrétiser votre proposition.

Vous dites: Les revenus d'exportation d'énergie excédentaire ou d'énergie ferme devraient se retrouver dans un fonds d'investissement industriel. Je dis: Bravo! Les comptables auront peut-être des problèmes, parce qu'on ne peut pas ventiler les revenus d'exportation et distraire cela des revenus bruts d'Hydro-Québec. Ces revenus d'exportation entreront à Hydro-Québec et c'est par la mécanique de la loi 16, c'est-à-dire des dividendes qu'Hydro-Québec retourne à ses actionnaires, que nous pourrions donner suite à votre proposition. Avoir un fonds de développement ou un fonds d'investissement industriel, je pense que c'est quelque chose à examiner de très près et, pour employer votre langage, "à mettre en opération au plus maudit".

Notre objectif un peu plus global est celui-ci: Les Québécois paient actuellement chaque année - cela comprend 1983 - pour le pétrole et le gaz que nous importons d'outre-frontières, 4 800 000 000 $. Les revenus d'exportation sont autour de 500 000 000 $ ou 550 000 000 $. Si vous y ajoutez les revenus des contrats déjà signés d'énergie excédentaire tant avec New York qu'avec NEEPOOL - à partir de 1984, on a des revenus de New York et, à partir de 1986, on aura des revenus du NEEPOOL - cela augmente les entrées de fonds. L'objectif est de s'en aller vers une situation d'équilibre sur la facture énergétique globale et, si possible, vers un surplus. Je pense qu'on aidera au dollar canadien en même temps, en attendant d'avoir le nôtre, j'imagine, parce que la balance commerciale se corrige drôlement quand vous avez des revenus d'exportation sur 2000 ou 3000 mégawatts d'énergie ferme.

Là-dessus, sur la problématique de fond, je pense que nous nous rejoignons. Cela va se traduire vraisemblablement aussi, sur une plus longue période, par une croissance très faible de la tarification hydroélectrique au Québec. On a l'avantage de ne pas avoir un grand parc nucléaire. Les Français vont être à 70% à l'électronucléaire en 1990. Cela coûte moins cher à produire, un kilowattheure électronucléaire, mais le coût d'exploitation de ces centrales est beaucoup plus élevé. C'est la même chose pour les centrales thermiques au pétrole. L'avantage que le Québec a - c'est un avantage mondialement reconnu - c'est d'avoir de l'énergie hydroélectrique encore au meilleur prix sur ce continent. Ce qu'un Québécois paie 100 $ pour son énergie à sa résidence, cela coûte 484 $ pour le même niveau de consommation à New York. S'il y a des gens qui savent compter à New York, ils vont voir qu'il y a peut-être des affaires à transiger avec nous rapidement.

Je ne veux pas prendre tout le temps, pas plus de temps qu'il ne faut, mais je pense qu'on a touché - vous l'évoquez très largement; vous identifiez cela aux pages 31 et 32 de votre mémoire - le problème des surplus d'électricité. Je me rends compte que vous faites aussi preuve de réalisme quand vous dites: "S'il advenait que la croissance de la consommation d'électricité était plus faible, les surplus dégagés seraient colossaux. Dans ces conditions, on peut comprendre les réticences d'Hydro-Québec à s'engager sur la voie de maintenir les activités de construction neuve de capacité de production hydroélectrique additionnelle. D'autant plus que les engagements financiers déjà contractés grèvent les moyens financiers de la société d'État." C'est ce que je disais tantôt; on se rejoint là-dessus. Non seulement concernant les ratios de financement d'Hydro-Québec sur les emprunts à long terme, la tradition a toujours été qu'Hydro-Québec autofinance ses investissements à 25%. On l'a inscrit dans la loi 16. Alors, je prends mon exemple de tantôt. Chaque milliard de dollars d'investissement amène 750 000 000 $ d'emprunt et 250 000 000 $ qu'Hydro-Québec met sur la table à partir de ses propres fonds. Je me rends compte que votre mémoire y touche également.

Moi aussi, M. Laberge, j'ai connu la période où, avant d'être en politique, j'entendais la fameuse campagne d'abandon du Cascade 40 pour un Cascade 60 et c'étaient des campagnes de promotion de

vente. Plus tard, cela a été des campagnes d'économie d'énergie. Sans caricaturer, je pense que ce que vous avez dit tout à l'heure en faisant référence à la campagne d'Hydro-Québec, "Consommons mieux l'énergie d'ici", ou quelque chose comme cela, que le mot "mieux" est important. Convaincre les Québécois d'économiser ou de ménager l'électricité, c'est à peu près comme essayer de faire une campagne pour leur demander d'économiser l'eau. On est dans une situation d'abondance et dans une tradition d'abondance. Mais tous les calculs que nous avons faits au ministère et à Hydro-Québec nous démontrent que cela coûte beaucoup moins cher d'inciter les consommateurs à faire l'économie d'un kilowattheure par des programmes d'économie d'énergie, comme Énergain, comme Énergiebus, dans le secteur industriel et dans le secteur commercial, que d'investir pour produire un kilowattheure neuf et le mettre sur le marché. Je pense qu'il y a une conciliation d'objectifs. Je ne perçois pas de votre mémoire que vous me diriez, ce matin: On est en surplus; que le diable emporte les économies d'énergie et allons-y. Ce n'est pas ce que je comprends de votre mémoire, à moins de faire une erreur d'analyse. Je pense que vous êtes fondamentalement d'accord avec une problématique d'économie d'énergie dans le secteur électrique. Est-ce qu'on se rejoint là-dessus?

Une voix: M. Laberge.

Une voix: Est-ce que c'est terminé, M. le ministre? (11 h 15)

M. Duhaime: Un point seulement sur le secteur pétrolier. Vous avez manifesté des craintes de voir le Québec devenir importateur de produits raffinés. C'est aussi la préoccupation que nous avons, sauf que les chiffres pour l'année en cours - même en tenant compte que Esso suspend ses activités, ce qui se dégage de tout ce que j'ai entendu ici depuis le début des travaux de la commission - et pour l'année 1984, indiquent que nous allons perdre un avantage très important: celui d'être un exportateur de produits raffinés. Votre mémoire le souligne très bien. La rationalisation dans l'Est du Canada, c'est le Québec qui l'a payée, et Montréal, en particulier. Avec Esso, qui reste un point d'interrogation pour trois ans, d'après ce que la compagnie nous a dit, à savoir si elle se remet en route ou non, cela est fondamental. Nous allons faire porter notre action afin de maintenir notre capacité de raffinage au Québec, parce que cela est directement relié aux fameux 5% qu'identifie votre mémoire, c'est-à-dire la pétrochimie.

Le jour où on va se retrouver dans une situation d'importateur, le risque est grand que la pétrochimie s'écroule à Montréal.

Tous ceux qui sont passés ici en commission l'ont dit, de même que vous. Voici donc la question de fond: Est-ce que le gouvernement doit s'impliquer dans la distribution, dans le raffinage? Je vous pose la question carrément, si vous avez eu l'occasion de faire la réflexion là-dessus: Est-ce que l'intervention du gouvernement est nécessaire là-dedans de la même manière que Petro-Canada s'est impliquée au niveau du raffinage, au niveau de la distribution?

M. Laberge: Vous l'avez déjà fait pour le gaz naturel. En 1981, vous avez augmenté les tarifs de 17%; M. Bérubé, ministre du temps, l'a dit carrément: C'est pour encourager les gens à utiliser le gaz naturel. Cela ne nous scandalise pas que vous vous impliquiez, non.

M. Duhaime: Dans le sens de prendre des participations, de mettre sur pied une compagnie qui s'en irait carrément sur les marchés internationaux acheter le brut, le raffiner et le distribuer. Certains intervenants ont été très clairs ici. Ils ont dit: Le gouvernement devrait y aller et cela presse. D'autres ont dit: Ne touchez pas à cela. Je pense que mes collègues de l'autre côté de la table vont aussi vous donner leur point de vue là-dessus, mais la FTQ, est-ce que sa position là-dedans, c'est: Allez-y? Faites un investissement dans le secteur pétrolier. Ou bien si vous nous suggérez d'attendre et de laisser les multinationales se battre avec Petrocan.

M. Laberge: Vous allez trouver cela dans le mémoire, d'ailleurs. On parle de la possibilité pour SOQUIP de s'impliquer directement. Il n'y a pas d'hésitation de notre part.

M. Duhaime: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Laberge, c'est un mémoire très intéressant qui reflète certainement le cri du coeur de la base syndicale, je dirais même de beaucoup de Québécois, à savoir: écoutez, le problème énergétique, c'est bien beau, mais ce qu'on veut, ce sont des jobs, des emplois et un développement économique qui nous assure une continuité d'emploi pour ceux qui en ont encore un. C'est dans ce sens que je disais que votre mémoire est le reflet de la base et des citoyens du Québec pour quiconque fait le tour du Québec présentement. Je pense que votre mémoire reflète certainement ce désir d'être plus dynamique et de vouloir développer l'économie à tout prix. Là-dessus, vous avez des chiffres très précis. Vous parlez de l'exportation de

possiblement 40 000 000 000 de kilowattheures, ce qui fait en gros 6000 mégawatts avec une centrale qui fonctionnera à peu près à 80% du temps, ce qui est une bonne moyenne.

Quant à nous, vous le savez, enfin, je vais le redire ici, nous avons dit qu'il fallait être plus dynamique justement pour développer les marchés d'exportation, en premier lieu. Le ministre vous a dit que, quant à lui, il ne considérait pas l'ensemble de toutes les centrales qui pourraient être déplacées, mais simplement les nouvelles qui pourraient être construites. Mais même là, Hydro-Québec nous a dit en commission parlementaire qu'il y avait une possibilité d'environ 8000 à 9000 mégawatts qui pourraient être déplacés. Ici même, lorsque ses porte-parole sont venus, je leur ai posé des questions sur les possibilités d'atteindre ce marché de 8000 à 9000 mégawatts, et un objectif de 6000 s'inscrirait à l'intérieur de cette possibilité. Je me dis d'accord, quant à moi, avec la page 34: il faut prendre des moyens agressifs pour développer ce marché. Et quant à nous, ce que nous croyons, c'est qu'Hydro-Québec fait certains efforts. Il est évident que, pour atteindre un haut pourcentage de ce qui est possible aux États-Unis, cela prendrait également une agressivité dans la vente qui vienne des autorités politiques. Autrement dit, le problème auquel on fait face aux États-Unis, lorsqu'on veut vendre notre électricité, ce n'est pas uniquement un problème d'ingénieurs, à savoir est-ce que vous croyez que le réseau d'Hydro-Québec est assez stable, ou est-ce que vous avez l'assurance que notre énergie est bon marché? Je pense bien qu'on peut très certainement convaincre les autorités ou les ingénieurs américains, ou les autorités des compagnies d'utilité publique qu'il y a un bon marché à faire.

Autrement dit, quant à nous, nous ne croyons pas que le problème concerne uniquement la rationalisation du problème en disant: Écoutez, il y a des avantages pour vous, il y a des avantages pour nous. Il y a d'autres problèmes. Ce sont des problèmes politiques aux États-Unis. Quels sont-ils? Il y a tout le lobby du charbon qui voudrait bien vendre du charbon aux États-Unis. Il y a aussi un lobby de vos collègues travailleurs qui disent: Écoutez, on préfère qu'on construise des centrales au charbon ici parce que cela nous crée de l'emploi. Ce que j'essaie de dire, c'est que, quant à nous, nous croyons qu'en plus du problème technique ou commercial, qui peut être très bien résolu par Hydro-Québec, il y a une autre donnée du problème qui est une donnée politique et qui exigerait une plus grande implication de certains membres du gouvernement et, au premier chef, je pense bien, du ministre de l'Énergie et des Ressources. Comme de raison, le ministre a des problèmes avec les terres et forêts de ce temps-là. Il est obligé de se partager entre les problèmes des terres et forêts, des mines et de l'énergie.

C'est ce que nous pensons lorsqu'on dit d'utiliser des moyens agressifs. Autrement dit, l'implication ne viendrait pas uniquement d'Hydro-Québec. D'ailleurs, nous avons voté pour la loi 4, qui lui permet d'être beaucoup plus agressive lorsque vient le temps de faire son marketing au Canada ou aux États-Unis. Également, il faudrait un marketing plus agressif de la part des autorités politiques, justement pour contrer les lobbies qui impliquent des données politiques aux États-Unis. Je ne sais pas ce que vous avez derrière la tête quand vous dites: II faut prendre des moyens agressifs pour développer le marché, celui des États-Unis en particulier, mais je voulais juste vous faire part de notre point de vue là-dessus. J'ose espérer que cela répond à que vous aviez en tête ou peut-être aux implications que vous aviez de ce côté.

M. Laberge: Nous sommes bien convaincus qu'au point de vue technique, s'il y a des problèmes, ils ne sont pas insurmontables. Je pense qu'on est assez avancé dans ce domaine et, comme vous le dites, les experts américains aussi. Je pense bien qu'il y a moyen de trouver des solutions à ces problèmes. Bien sûr, il peut y avoir un problème politique et c'est de cela que nous parlons. Cette commission va refléter, nous l'espérons, avec le résultat de ses travaux, un engagement politique; pas juste un engagement d'Hydro-Québec, mais un engagement politique dans le sens que nous préconisons. C'est bien évident.

M. Fortier: Le ministre faisait allusion au mémoire de la CSN. La CSN, il est vrai, a mis davantage l'accent sur la nécessité de développer le secteur manufacturier au Québec même. Je pense bien qu'il faut développer les deux. Je crois que, de ce côté, Hydro-Québec semble s'orienter dans la bonne direction en mettant l'accent sur la recherche et le développement, l'innovation qui va peut-être créer de nouvelles entreprises utilisant l'électricité. Mais il reste que tout l'ensemble des investissements manufacturiers qui, comme vous dites, ne dépendent pas de l'électricité en particulier, parce que la consommation électrique n'est pas significative... Des entreprises additionnées les unes aux autres, c'est ce qui crée de l'emploi, c'est ce qui crée le développement économique. Et là, je pense bien, on dépasse peut-être un peu les données de cette commission parlementaire en disant: Qu'est-ce qu'on pourrait bien faire au Québec pour créer, pour amener un plus grand nombre d'investissements dans le domaine de la fabrication en particulier qui

est là et qui crée le plus d'emplois?

On en a discuté à d'autres moments. Cela touche la taxation. Cela touche les différents problèmes. Vous touchez également à la pétrochimie qui dépend dans une certaine mesure des raffineries. Les raffineurs nous ont dit qu'ils avaient de la difficulté à comprendre, entre autres choses, pourquoi il y avait eu une taxe spéciale sur les raffineurs qui ajoute à leurs coûts de production. Toutes choses étant égales par ailleurs, si la taxe sur la raffinerie crée un déséquilibre par rapport à des coûts de production dans d'autres provinces, cela peut influencer en leur faveur. Mais les chiffres -je suis d'accord avec le ministre là-dessus -que nous avons eus jusqu'à maintenant semblent prouver que, pour l'instant, la production de produits raffinés au Québec est en équilibre avec la demande. Malheureusement, il y a différents facteurs qui ont provoqué une chute de la consommation de pétrole au Québec et ceci a amené la fermeture de certaines raffineries.

Là où je rejoins ce que vous nous dites - cela devient une question de priorité, je l'ai dit à d'autres moments et je vois que vous recoupez certaines des préoccupations que nous avons eues lorsque d'autres mémoires ont été présentés - c'est qu'il faut à tout prix non seulement garder les raffineries nécessaires pour répondre à notre demande - je pense que c'est un acquis et notre formation politique est d'accord là-dessus - mais il faut en garder également un minimum dans le domaine du pétrole pour conserver des usines pétrochimiques. Quant à moi - c'est une des conclusions à laquelle j'arrive à la fin, parce que c'est la dernière journée que nous avons des auditions - je crois qu'une des choses qui doit être faite par le ministère, c'est de regarder d'une façon bien consciencieuse si l'objectif que nous avions de déplacer le pétrole à tout prix ne devrait pas être tempéré par la nécessité qu'il y a de garder au Québec des usines pétrochimiques, ou Pétromont en particulier.

À ce moment, on pourrait peut-être en arriver à la conclusion que cette politique de déplacement du pétrole à tout prix devrait être tempérée pour garder un minimum de capacité dans le domaine du raffinage pour pouvoir conserver Pétromont et notre pétrochimie. Si on regardait cela de plus près, je crois qu'on tempérerait peut-être l'objectif qui avait été mis d'avant par M. Joron, alors sous l'impact des pénuries de pétrole, de ce qui était prédit à ce moment comme étant un cataclysme à peu près universel, c'est-à-dire qu'on aurait un manque de pétrole. Mais les experts sont venus nous dire ici que la possibilité que nous manquions de pétrole au Québec, même s'il est importé, n'est pas tellement grande. Je ne parle pas de manquer de pétrole pour une semaine ou dix jours - à ce moment-là, le pétrole de l'Ouest américain pourrait venir à notre rescousse -mais de manquer de pétrole s'il y avait un cataclysme mondial, une guerre au Moyen-Orient, etc. Les experts nous ont dit: L'importation qui est faite au Québec n'est pas si considérable qu'on doive être traumatisé au point de dire: II faut déplacer à tout prix jusqu'à temps qu'on n'utilise plus une seule goutte de pétrole au Québec.

Dans ce sens, je crois que ce que vous dites, c'est qu'il faudrait préserver cela. En conclusion - je me demandais si vos experts y avaient pensé - dans quelle mesure faudrait-il remettre en question la politique qui était alors pensée? Je pense bien qu'on n'est pas ici pour critiquer ce que les gens ont fait en 1978. Ce qui a été fait en 1978 a été fait pour de nobles objectifs, et on est ici pour regarder ce qui doit être fait en 1983. Compte tenu de cette situation, est-ce que vous seriez d'accord avec cette conclusion qui, à mon avis, s'impose, c'est-à-dire qu'il faudrait garder une activité pétrolière minimale de façon à conserver une pétrochimie qui soit en bonne santé au Québec?

M. Laberge: Quand vous aurez eu l'occasion de lire tout le mémoire - c'est notre faute, je le répète, nous n'avons pu l'envoyer à l'avance à personne, pas plus au ministre qu'aux autres - vous allez voir que c'est dit très clairement que nous sommes d'accord avec cela. Comme vous l'avez si bien dit, nos capacités de raffinage actuelles peuvent répondre aux besoins actuels. Mais il est bien évident qu'avec une reprise économique au Québec et peut-être en rendant le pétrole un peu plus accessible à la population - parce que les deux ont eu un effet assez sensible, sans aucun doute - alors nos capacités de raffinage ne seraient pas adéquates. Il est aussi évident que nous sommes bien convaincus qu'il faut absolument préserver au Québec une capacité de raffinage pour protéger notre industrie pétrochimique qui crée plusieurs emplois. (11 h 30)

M. Fortier: Oui, car il y a eu un comité fédéral pour réexaminer la politique énergétique nationale pour - je l'espère et je pense qu'on l'espère tous autour de la table - modifier la politique énergétique nationale qui ferait que le pétrole canadien disponible pour des besoins de pétrochimie serait vendu à un prix moindre que celui qui est vendu pour le raffinage. Alors, ce serait une action et, ayant moi-même proposé une motion qui a été acceptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ayant proposé que l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral d'intervenir, je pense qu'on est d'accord là-dessus. Cela, c'est une action du côté fédéral. Et je pense que l'action qui s'impose du côté du gouvernement provincial, c'est

justement de réexaminer très attentivement la masse critique qu'il nous faut du côté du pétrole pour préserver une quantité minimale de raffineries.

Maintenant, vous dites: Si la demande augmente... On nous a donné certaines assurances de ce côté-là. Ultramar nous a dit avec beaucoup de détails qu'avec certaines modifications additionnelles, elle pourrait augmenter sa capacité encore un peu plus. Esso nous a dit que, dans les circonstances, durant deux ou trois années, elle pourrait encore repartir ses raffineries si c'était le cas. Et c'est la raison pour laquelle, quant à nous, nous ne voyons pas, excepté une intervention de l'État pour s'assurer que le bilan énergétique ne s'oriente pas dans une direction trop grande pour déplacer le pétrole à tout prix... Je crois que là, il y a une intervention du gouvernement provincial. Par ailleurs, notre formation politique ne croit pas que l'État doive intervenir pour s'impliquer dans l'achat, l'utilisation ou la distribution du pétrole. Nous croyons qu'un marché existe et qu'il doit se continuer.

Mais là où nous sommes d'accord, c'est qu'il nous faut préserver cette masse critique du côté pétrolier et ceci peut demander un réexamen de la politique énergétique qui est présentement proposée, ou qui a été proposée en 1978 par le ministre Joron, dans les circonstances que nous connaissons.

La question que j'aimerais vous poser, le ministre y a fait allusion un peu... Je pense bien que notre formation politique, comme je vous l'ai dit, est d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut à tout prix être hydroélectrique. D'ailleurs, sans entrer dans le débat que nous aurons en fin de semaine, comme vous le savez, celui qui sera très probablement notre chef politique à partir de lundi prochain est très orienté et très sensible à ce genre d'argumentation. Mais, indépendamment de cela, je crois que, étant très sensible aux besoins de créer de l'emploi, cela touche une corde à laquelle nous sommes très sensibles. Personnellement, j'ai de la difficulté à accepter l'argumentation du ministre qui se refuse même à se fixer un objectif de vendre 6000 à 7000 mégawatts. Tout le monde sait, pour avoir été dans le secteur privé et ailleurs, que c'est seulement lorsqu'on se fixe des objectifs très élevés qu'on réussit à atteindre une partie de ces objectifs. Et quand un vendeur se fixe à lui-même un objectif très bas, les possibilités qu'il le dépasse se révèlent extrêmement minimes. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on ne veut pas se fixer un objectif élevé alors que les gens nous disent: Écoutez, vendre 2000 mégawatts, c'est bien, mais, si vous vendiez 6000 ou 7000 mégawatts, ce serait encore mieux. Pourquoi ne pas se fixer cet objectif et mettre tout en marche pour aspirer à réaliser cet objectif, cette création d'emplois pour les travailleurs du Québec?

On est d'accord pour dire hydroélectricité, oui, parce que c'est la matière première que nous avons au Québec. Et, si vous avez lu les notes liminaires que j'ai adressées à cette commission, c'est justement ce que je disais moi-même: Je crois qu'au Québec on se doit d'être hydroélectrique. De ce point de vue, cela rejoint beaucoup des aspirations que vous avez notées dans votre mémoire.

La deuxième chose, pour des raisons de créations d'emplois et de développement industriel, il faut également créer un secteur pétrolier et pétrochimique minimal qu'il faut définir. Peut-être que la capacité actuelle résiduelle est suffisante, mais je crois qu'il faudrait l'examiner plus attentivement, que les experts du ministère devraient la regarder plus attentivement. Par ailleurs, nous aussi nous sommes d'accord pour dire qu'il faut également avoir la pénétration du gaz. Vous dîtes également la même chose. Je vous pose la même question. Si on est d'accord pour dire qu'il faut absolument être hydroélectrique, que, par ailleurs, il nous faut une capacité minimale sur le plan des raffineries de pétrole parce que cela a un impact très important sur le secteur de la pétrochimie qui est un secteur créateur d'emplois et que tous les gens impliqués dans la création d'emplois, ceux qui sont responsables des parcs industriels dans les différentes villes et les différents villages du Québec disent qu'il leur faut également du gaz, voici la question que je vous pose, parce que cela devient une question politique: S'il nous faut faire un choix, à ce moment-là, de quel côté devons-nous le faire? Vous avez établi comme première priorité l'hydroélectricité. C'est ce que j'ai lu dans votre mémoire. Vous êtes d'accord, je crois, avec un secteur minimal pour le pétrole et on constate qu'il y a eu diminution de ce côté-là. Est-ce que l'ajustement, s'il faut le faire, devrait se faire aux dépens du pétrole ou aux dépens du gaz?

M. Laberge: Vous allez retrouver cela aux pages 16 et 17 de notre mémoire. "La FTQ met en garde le gouvernement du Québec contre le déplacement trop rapide du pétrole. Le pétrole compte pour beaucoup dans le bilan énergétique du Québec; c'est la clé de voûte du système d'approvisionnement énergétique industriel et cette situation demeurera encore ainsi pour de nombreuses années. "La FTQ réclame, en regard des raffineries encore en opération, un plan de modernisation afin d'y intégrer l'activité de revalorisation des huiles lourdes. La FTQ réclame le démarrage d'entreprises liées au recyclage des huiles usées. Plusieurs projets

de cette nature ont été formulés. II est primordial de conserver, à Montréal et ses environs, la qualité de grand centre moderne de raffinage qui lui est propre et servir de point d'attraction au secteur de la pétrochimie." Comme vous le voyez...

M. Fortier: Comme vous le dites, non seulement vous êtes en faveur de garder un secteur minimal...

M. Laberge: Absolument.

M. Fortier: ...mais il faudrait même créer des incitations pour que ces raffineries soient modernisées et à la fine pointe du progrès. Est-ce que je conclus de ce que vous venez de dire que vous êtes hydroélectriques, que vous êtes d'accord avec un secteur pétrolier minimal et que, s'il y a un ajustement à faire, d'après vous, il faut le faire avec le gaz?

M. Laberge: Aucune hésitation.

M. Fortier: D'accord. Il y a une autre chose qui répond à une des demandes que nous avions faites. Je vous dis mon accord là-dessus, il n'y a pas beaucoup de difficultés. À la page 39, lorsque vous parlez d'un bureau d'appel expéditif pour ceux qui ont des difficultés de paiement dans le secteur de l'électricité, en particulier, vous touchez une corde sensible parce que j'ai organisé des débats, ce qu'on appelle les débats du vendredi ici même à l'Assemblée nationale, demandant la création d'un poste d'ombudsman ou d'un bureau d'appel expéditif. À mon avis, cela s'impose. Je crois qu'il faudrait, si nécessaire, modifier la Loi sur l'Hydro-Québec pour justement protéger les petits consommateurs qui ne peuvent se faire entendre. Je voulais simplement vous dire mon accord sur cette demande. Quant à nous, cela fera partie dorénavant de notre programme politique, le cas échéant.

C'étaient les principaux points, M. Laberge, puisque vous avez touché l'ensemble du dossier énergétique en ce qui concerne le bilan global. Je vous dis mon accord avec beaucoup des propositions que vous avez faites. Cela nous fera plaisir d'en discuter plus longuement lorsque nous aurons d'autres occasions de nous rencontrer.

M. Laberge: Nous sommes, évidemment, à la disposition de tous les membres de la commission.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Outremont. M. le ministre.

M. Duhaime: J'aurais une autre question. Je suis bien content de la réponse que vous venez de fournir en nous référant à la page 16. Lorsque je vous ai posé la question tout à l'heure, je me référais à la page 17 du mémoire, au premier paragraphe. Là, vous abordez la question d'une intervention dans le secteur. Je vais reprendre. Vous venez de vous référer à la page 17 de votre mémoire, cela est très clair, au premier paragraphe. Vous avez des chiffres: 347 500 barils-jour pour 1983. C'est un peu en bas des niveaux qui ont été estimés. J'imagine que la même erreur statistique s'est peut-être faite à SOQUIP, en sous-estimant la capacité de raffinage d'Ultramar, à la suite de son projet de modernisation. De la même façon, on a retrouvé chez Gulf 6500 barils-jour, lorsque ces gens sont venus nous rencontrer. Donc, il y a un ajustement d'à peu près 45 500 barils-jour de capacité pour l'année 1983. On parle de l'horizon de 1985 et, selon les scénarios des diverses compagnies, la moyenne se situe autour de 345 000 à 350 000 barils-jour, mais on parle de 1985 parce que le marché est en décroissance.

Tantôt, je n'ai pas posé ma question inutilement, M. Laberge. Si vous allez à la page 17 de votre mémoire, à la fin du paragraphe, on lit: Quels sont les effets d'un tel revirement de situation et quels effets additionnels auront-ils sur le secteur de la pétrochimie? Y a-t-il une place et un avenir pour la réouverture d'une usine de raffinage à Montréal et, si oui, pourquoi SOQUIP n'en serait-elle pas l'acquéreur ou le gestionnaire? C'est sous forme interrogative, mais je comprends de votre réponse à ma question de tout à l'heure que, s'il fallait aller jusqu'à l'intervention de SOQUIP dans le secteur du raffinage et de la distribution, nous aurions l'accord de la FTQ.

M. Laberge: Oui.

M. Duhaime: Maintenant, je voudrais réagir aux derniers propos du député d'Outremont qui disait - cela me paraît être l'état de ses réflexions - qu'il faudrait, à la suite des travaux de notre commission, ralentir l'effort de déplacement du pétrole importé. Je rappelle les scénarios: en 1975, nous dépendions du pétrole importé pour 67% de nos besoins énergétiques. Nous étions hydroélectriques à 22%, autour de 5% ou 6% en gaz naturel. Ce qui a été fixé en 1978 comme objectif, cela ne fait pas tellement longtemps, cela fait cinq ans. Il y a beaucoup de bouleversements sur le marché international du pétrole, les prix en particulier, mais l'objectif est de faire qu'en 1990, nous soyons à 41% hydroélectriques pour satisfaire nos besoins, 16% en gaz et autour de 40% en pétrole. C'est l'objectif actuel de la politique énergétique. À l'horizon de l'an deux mille, nous souhaitons que le Québec puisse satisfaire ses besoins

en énergie pour 50% en hydroélectricité, autour de 18% ou 19% en gaz naturel et, pour le pétrole, environ 32% ou 33%; les variantes sont là.

Si je suis la logique du député d'Outremont qui consiste à ralentir l'effort de déplacement, cela veut dire que nous allons maintenir la part de marché du pétrole importé beaucoup plus grande que ce que nous avons prévu dans nos scénarios. Si le gaz naturel fait sa pénétration sur le marché, il est bien évident que cela va se traduire, dans cette logique, par un ralentissement des investissements d'Hydro-Québec. Alors que, de mon point de vue, si vous voulez avoir mon avis très clair là-dessus, non seulement on doit maintenir l'objectif de déplacer le pétrole, mais je pense qu'il faudrait qu'on l'accélère davantage. Au lieu de souhaiter être à 41% hydroélectrique en 1990, si on l'est avant tant mieux; Et si on est à 50% hydroélectrique avant l'an deux mille, tant mieux; Et si on peut aller au-delà de 50%, tant mieux!

Le problème, c'est qu'il faut faire des choix. Il faut en profiter, c'est la dernière journée qu'on a nos amis avec nous à cette table. Quand les gens du gaz se présentent, le Parti libéral souhaite que le gaz naturel pénètre; quand le secteur pétrolier est ici pour déposer des mémoires, le Parti libéral souhaite que le secteur pétrolier soit présent et reste le plus longtemps possible sur le marché; quand c'est Hydro-Québec...

M. Fortier: Cela ne doit pas être à la même commission parlementaire certain.

M. Duhaime: ...il demande qu'elle maintienne ses niveaux d'investissements, etc. On ne peut pas tout avoir en même temps. La politique énergétique implique que nous fassions des choix. Les choix, nous les avons faits. Je le répète ce matin. Si nous pouvions déplacer plus vite le pétrole importé, on irait rejoindre la première demande du mémoire de la FTQ qui consisterait, après 1985, à maintenir le niveau d'investissement. De notre discussion de ce matin, il ne faudrait pas que personne comprenne qu'Hydro-Québec a cessé d'investir. Durant les années 1983, 1984 et 1985 - j'avais l'occasion de le rappeler récemment - de mémoire, je pense que c'est 7 400 000 000 $ qui seront investis par Hydro-Québec. Si on ajoute les investissements dans le secteur gazier pour 1983, 1984 et 1985, si on ajoute durant ces trois mêmes années les investissements qui seront faits dans la modernisation - je pense à Ultramar, environ 240 000 000 $; Gulf nous annonce une bonne décision pour bientôt dans la modernisation; Petro-Canada fait aussi des investissements à Montréal - sur les trois années que nous vivons, 1983, 1984 et 1985, c'est un niveau d'investissement sans précédent dans le secteur de l'énergie. (11 h 45)

Mais le problème, c'est qu'il faut qu'on fasse des choix. À moins qu'on ne dise que, comme société, on sera en surabondance en gaz, en surabondance en pétrole et en surabondance en hydroélectricité. Mais, si on fait un effort de suivi dans les objectifs, je ne sais pas si vous êtes d'accord avec la position du ministère de l'Énergie et des Ressources et d'Hydro-Québec là-dessus, il faut qu'on accélère le déplacement du pétrole. En accélérant le déplacement du pétrole et en privilégiant la pénétration de l'hydroélectricité, c'est automatique que cela entraînera des investissements par HydroQuébec et, au lieu de parler de report de projets, on parlera de devancement. Si la FTQ me dit ce matin: II faut maintenir un secteur pétrolier, qu'on soit d'accord pour dire qu'il faut que la capacité de raffinage installée au Québec réponde aux besoins en produits raffinés du Québec, on est parfaitement d'accord là-dessus. Mais si on me demande de ralentir le déplacement, c'est-à-dire qu'on va maintenir la part de marché actuel du pétrole au détriment de l'électricité et du gaz... Le Parti libéral, vous savez, n'est pas à une contradiction près dans le dossier de l'énergie.

Alors, j'aimerais savoir de la FTQ si vous êtes fondamentalement d'accord avec le premier des objectifs de la politique énergétique qui est de déplacer le pétrole importé avec les scénarios qu'on a mis sur la table. La marge d'erreur est là, on en convient. On travaille sur 1990. 41% hydroélectrique en 1990, 50% hydroélectrique, en l'an deux mille, 16% à 18% en gaz naturel, c'est à peu près le tiers de nos besoins en pétrole à l'horizon de l'an deux mille. Êtes-vous fondamentalement d'accord avec cette trajectoire?

M. Laberge: M. le ministre, vous vous souviendrez qu'en 1978, nous avons endossé le programme énergétique du Québec de déplacer graduellement le pétrole et de faire une certaine place au gaz. Il est bien évident que, pour nous, notre premier choix, c'est l'hydroélectricité. Mais du gaz, on ne peut pas en exporter aux États-Unis. Alors, si on déplace trop vite le pétrole, cela veut dire que nos capacités actuelles en hydroélectricité ne pourraient pas être suffisantes pour pouvoir exporter de l'électricité, parce que apparemment il y a un marché pour cela. On ne rêve pas en couleur non plus et on sait qu'il y a des problèmes, bien sûr. Comme vous le dites si bien, il est bien évident qu'aux États-Unis, ils ne sont pas prêts à fermer leurs usines vétustes qui nous polluent pour nous faire plaisir, mais il y a peut-être des pressions à mettre, par exemple. Il y a un prix à payer pour la

pollution qu'ils nous envoient. Cela ne peut pas continuer indéfiniment. C'est ce qu'on dit, on met en garde le gouvernement contre le déplacement trop rapide du pétrole. On ne dit pas: Renversons la vapeur et importons du pétrole en quantité comme on en importait avant. Ce n'est pas ce que l'on dit, mais on dit qu'il faut quand même un minimum de capacité de raffinage au Québec pour l'industrie pétrochimique qui est extrêmement importante aussi pour le Québec. Si on ne fait pas cela, on sera obligé d'aller chercher nos produits en pétrochimie en Ontario, si cela continue. C'est ce que l'on dit. Votre choix n'est pas si difficile que cela dans le fond. Quand vous allez regarder cela, on demande qu'il y ait un équilibre; mais, encore une fois, en déplaçant le pétrole trop vite, on met en danger notre industrie pétrochimique et on se coupe d'une possibilité d'exporter à peu près le seul produit qu'on peut exporter aux États-Unis, c'est-à-dire l'hydroélectricité.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Le ministre m'a mis en cause. Il faut que je corrige certaines déclarations...

M. Laberge: Remarquez que je ne me suis pas mêlé de...

M. Fortier: M. Laberge, je vous ai toujours connu comme un fin politique, mais, comme le ministre est avocat, il n'est pas ingénieur. Je sais qu'il a de la difficulté avec les équations a trois inconnues, mais c'est vrai qu'il y a trois inconnues dans l'équation. Tout le monde sait que, si on favorise l'électricité et qu'on maintient le pétrole, c'est le gaz qui va en manger un coup. Mais le ministre n'a pas l'air à vouloir en conclure ainsi. Je disais que c'est une hypothèse qu'il faut considérer très sérieusement pour les raisons... Je ne veux pas vous inclure dans notre débat politique, mais je vous ai dit que, quant à moi, il faut regarder cela très sérieusement, parce que je crois que les données de 1978, à la lumière de ce qu'on connaît maintenant, deviennent périmées. D'ailleurs, c'est pourquoi on a une commission parlementaire: c'est pour examiner s'il faut continuer dans la même lancée, constater les effets néfastes que la politique de 1978 a pu créer et s'ajuster en conséquence. C'est tout ce que j'ai dit. D'ailleurs, pour être bien juste, M. le ministre, vous auriez dû dire également que, lorsque Gaz Inter-Cité est venue ici, j'ai posé des questions très nombreuses sur sa chance de rentabilité, vu la situation que l'on vient de décrire. Pour Gaz Métropolitain, que l'on va entendre aujourd'hui, je suis moins pessimiste parce que c'est une compagnie installée depuis plusieurs années. Mais je crois qu'il est important, si on doit faire des choix gouverner c'est choisir, je suis d'accord avec cela; le but de la commission parlementaire est de permettre aux dirigeants de faire des choix - je crois qu'il faudrait faire des choix à la lumière de ce que les intervenants ont pu nous dire. Si vous avez vu des contradictions dans nos propos, probablement que vous avez mal écouté parce que, quant a nous, je crois que nous avons toujours été très logiques dans la façon dont nous avons abordé le problème.

M. le Président, je crois que c'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Vimont.

M. Laberge: M. le Président, juste un petit mot...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Laberge.

M. Laberge: Nous parlons, dans notre mémoire, d'aider le ministre, le gouvernement, l'Opposition et tous les gens qui ont des responsabilités à prendre dans le dossier, en disant: Pourquoi ne mettez-vous pas sur pied un conseil consultatif sur le programme énergétique du Québec? On pourrait, ensemble, discuter, changer, réviser au fur et à mesure. On ne dénonce pas la politique de 1978; on l'a endossée. Il y a eu des prévisions un peu erronées en 1981; c'était la grande panique. S'il y avait ce conseil consultatif, cela pourrait aider le ministre. Le ministre pourrait au moins consulter les gens et leur dire: Écoutez, on a un dilemme, voici la situation. Il est bien évident qu'avec un conseil consultatif d'une telle ampleur, d'une telle magnitude, il y aurait des informations qui pourraient lui être données qui sont assez difficiles à donner ici en commission parlementaire.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Laberge: Excusez-moi, M. Rodrigue.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Pourquoi, M. Laberge? De toute façon, mon tour est arrivé. Je vais vous remercier à mon tour pour votre contribution très substantielle aux travaux de la commission. Je pense que, pour avoir l'occasion de discuter de temps à autre avec des gens d'Hydro-Québec ou, d'autres secteurs d'activités reliés au domaine énergétique, cela reflète assez bien les préoccupations des travailleurs qui oeuvrent dans ces secteurs-là.

Lorsqu'on parle du marché américain, bien sûr, on est tenté... Il y a des gens qui, actuellement, se promènent dans le décor au Québec et qui ont tout intérêt à essayer de faire miroiter des objectifs difficilement accessibles, et qui ressemblent peut-être aux 100 000 emplois qu'on a déjà connus à l'époque. Effectivement, lorsqu'on parle d'un objectif de 8000 mégawatts d'usines nouvelles à remplacer aux Etats-Unis, il faut bien comprendre que les Américains ont révisé leurs projections également. Lorsque Hydro-Québec a comparu devant cette commission la semaine dernière, j'ai posé la question aux représentants et ils m'ont indiqué qu'effectivement il n'y a pas 8000 mégawatts d'usines nouvelles projetées d'ici quatre ou cinq ans aux États-Unis, mais tout au plus 2500. Cela est de nature à jeter un éclairage un peu différent sur les chiffres qui sont lancés un peu à tort et à travers par des gens qui, à mon sens, prennent une attitude un peu dangereuse et irresponsable; car cela va simplement jeter de la poudre aux yeux des Québécois; cela va faire miroiter des possibilités d'emploi là où il n'y en a pas. Je pense que le réveil risque d'être brutal lorsque les Québécois réaliseront que ce qu'on leur fait miroiter, ce sont tout simplement des ballons à saveur purement politique et que les Américains ne sont pas acheteurs de ces blocs d'énergie, comme on tente de le prétendre.

Il est évident que, lorsqu'une usine est installée, même si c'est une usine qui utilise du pétrole, une fois qu'une entreprise a absorbé les coûts de construction et d'installation de l'usine et qu'il lui reste seulement à payer les coûts de l'énergie pour la faire fonctionner, cela coûte beaucoup moins cher que l'énergie qu'on peut leur vendre. C'est avant que les Américains construisent des usines qu'il faut négocier avec eux pour les convaincre que l'énergie qu'on peut leur offrir coûtera moins cher que celle qu'ils obtiendraient par des usines nouvelles. Je fais une exception. Il y a un certain nombre d'usines vétustes qui devront de toute façon être remplacées parce que ce sont de très vieilles usines et nous sommes capables de vendre de l'énergie - l'énergie excédentaire que nous vendons actuellement -à des prix qui sont inférieurs au coût de production de ces usines.

Dans l'ensemble, si on veut envisager des ventes d'énergie ferme aux Américains, c'est surtout dans l'optique de leur fournir de l'énergie qu'ils seraient obligés de produire par des usines nouvelles. Le potentiel chez les Américains - disons qu'ils avaient fait des prévisions dans le temps, leurs prévisions ont subi le même sort que les nôtres - alors qu'en 1979 ou 1980 ils parlaient de 8000 mégawatts, aujourd'hui, ils ne parlent plus de 8000 mégawatts. Le chiffre qu'Hydro-Québec nous a fourni en réponse à une question que j'ai posée la semaine dernière est de l'ordre de 2500 mégawatts à court terme. Ce qui explique d'ailleurs qu'Hydro-Québec travaille sur ce bloc d'énergie, 2500 à 3000 mégawatts, et c'est ce qu'elle nous a dit la semaine dernière.

En parlant des prévisions, je voudrais vous rappeler que, même si les prévisionnistes se sont trompés, on peut au moins accorder le mérite aux prévisionnistes du ministère de l'Énergie et des Ressources qui ont travaillé à la préparation du livre blanc de M. Joron, en 1978, de s'être trompés moins que les autres et en particulier de s'être trompés moins qu'Hydro-Québec. Les prévisions du ministère sont celles qui se sont rapprochées le plus de la réalité. Alors qu'Hydro-Québec parlait de 6% ou 7% d'augmentation, les prévisions du ministère étaient de l'ordre de 3% ou 4%. Finalement, ce sont les prévisions du ministère qui ont collé davantage à la réalité que celles qu'Hydro-Québec nous avait présentées ici.

D'ailleurs, là-dessus, je voudrais reprendre une affirmation qu'a faite le député d'Outremont tout à l'heure. HydroQuébec n'a jamais dit devant cette commission, comme il vient de l'affirmer, qu'il y avait un potentiel de 8000 à 9000 mégawatts qui pourraient être déplacés sur le marché américain. J'ai posé la question à ses porte-parole et ils n'ont jamais dit cela. Ce qu'ils ont dit, c'est qu'il y avait un potentiel de l'ordre de 2500 à 3000 mégawatts. On pourra relever la transcription des travaux de cette commission et on pourra le constater.

Maintenant, lorsque Hydro-Québec s'est présentée devant cette commission et qu'elle nous a dit qu'elle était obligée, à cause de la récession économique, de réviser ses prévisions à la baisse d'une façon radicale, ce qu'on a demandé à Hydro-Québec - et ce que le ministre avait demandé à HydroQuébec antérieurement - c'est: Organisez-vous pour que les investissements que vous voulez faire dans d'autres domaines d'activités soient accélérés de façon à remplacer les investissements que vous ne ferez plus sur les grands barrages. HydroQuébec a accepté de se plier à cette demande de sorte qu'au cours des trois prochaines années, le niveau d'investissement d'Hydro-Québec dans des immobilisations va être de l'ordre 2 500 000 000 $ en moyenne. Ce qui correspond à peu près au niveau d'immobilisations des bonnes années qu'on a connues sur les aménagements de la Baie-James.

Le "problème" cependant est le suivant: les emplois qui vont être créés par ces investissements qui vont concerner la réfection et l'amélioration du réseau de distribution d'Hydro-Québec et qui vont se

répartir dans toutes les régions du Québec, cela va se faire en partie dans la construction pour les monteurs de lignes, mais cela va se faire beaucoup aussi dans le domaine de la fabrication des équipements électriques, que ce soient des transformateurs, des disjoncteurs, des sectionneurs, des fils. Il faut améliorer le réseau d'Hydro-Québec. Les gens d'Hydro-Québec nous ont dit, à la suite des demandes qu'ils ont eues concernant leur programme de bouilloires industrielles, que, dans certaines régions du Québec - pas toutes - ils ont été obligés de mettre la pédale douce parce que leur réseau de distribution, qu'ils avaient prévu réviser d'ici sept, huit ou neuf ans, n'avait pas la capacité de supporter des charges excédentaires trop fortes et qu'ils risquaient, s'ils en mettaient trop, de faire sauter les fusibles, à toutes fins utiles. (12 heures)

Hydro-Québec a accepté notre demande d'accélérer ces investissements de façon qu'au cours des trois prochaines années les immobilisations d'Hydro-Québec vont être du même ordre, en termes de coûts, que pendant les bonnes années de la Baie-James. Ce ne sont peut-être pas les pointes qu'on a connues à la Baie-James, mais enfin c'est une bonne moyenne. Cependant, ces emplois sont déplacés. Il va en rester dans le domaine de la construction, mais il y en a qui vont aller dans la fabrication d'équipements électriques. On a demandé aux gens d'Hydro-Québec et ils nous ont assuré -et ce dossier reste à suivre - que la fabrication des équipements électriques va se faire au Québec dans toute la mesure du possible, c'est-à-dire qu'ils vont maintenir leur politique d'achat d'injecter massivement ces montants d'argent dans l'économie du Québec.

M. Laberge: Améliorer leur politique d'achat peut-être.

M. Rodrigue: Bien, disons qu'ils étaient déjà rendus à 80%. Évidemment, si on peut se rendre à 90%...

M. Laberge: II y a encore de la marge.

M. Rodrigue: ...nous serons absolument d'accord parce qu'on est aussi conscient que vous que le gros problème au Québec actuellement, c'est le niveau de l'emploi. D'ailleurs, toute l'activité du gouvernement est concentrée là-dessus présentement.

Maintenant, vous avez amené des suggestions très pertinentes lors du sommet économique. Il y en a une de celles-là qui a pris forme et c'est Corvée-habitation qui connaît le succès que l'on sait. Cependant, pour atténuer l'effet dans le domaine de la construction du fait qu'Hydro-Québec a déplacé des investissements, Corvée- habitation vient soulager une partie des travailleurs qui ont perdu des emplois à la Baie-James et qui viennent travailler dans le domaine de la construction. Mais il y aurait peut-être possibilité - j'ai fait la suggestion; en tout cas, j'ai demandé que ce soit examiné à l'intérieur du gouvernement et, comme vous êtes également impliqué dans Corvée-habitation, peut-être pourriez-vous vérifier de votre côté avec les gens qui gravitent autour de Corvée-habitation - de prolonger le programme Corvée-habitation de façon qu'on puisse l'appliquer non seulement aux résidences, mais également qu'on puisse y aller aussi pour les équipements touristiques entre autres parce qu'il y a des régions du Québec qui sont faibles en termes d'équipements touristiques, mais qui ont un potentiel touristique très élevé. Je pense à la Gaspésie entre autres où des hôtels, des motels, pourraient être construits pour accueillir les visiteurs du Québec. Possiblement que ce serait un volet qu'on pourrait ajouter à Corvée-habitation qui permettrait de hausser le niveau d'emploi dans la construction. Enfin, vous pourrez voir de votre côté. J'ai demandé que ce soit examiné à l'intérieur du gouvernement.

Disons que ce sont des mesures comme celle-là finalement qui vont peut-être nous permettre de faire le pont entre la phase I de la Baie-James où on a connu un développement tout à fait intensif pendant une période de temps et la phase II qui devrait démarrer dans quatre ou cinq ans, à moins... Là-dessus, le gouvernement travaille et Hydro-Québec aussi, mais, quand on veut signer des contrats d'exportation, on a beau avoir la volonté d'en vendre, il faut qu'il y ait des acheteurs. Les contacts se maintiennent et se sont intensifiés depuis une année. Mais si on était capable, par des modèles comme Corvée-habitation qui fonctionnent, de prolonger le programme et peut-être aussi de voir d'autres aspects où on pourrait relancer ou accélérer davantage les travaux de construction au Québec, cela nous permettrait, pour les travailleurs de la construction, de faire le pont entre la phase I et la phase II de la Baie-James qui, de toute façon, va se réaliser un jour ou l'autre. La question qui se pose n'est pas de savoir si cela va se réaliser ou non, c'est quand.

Dans votre mémoire, vous avez parlé du nucléaire. Vous savez que le nucléaire n'est pas notre option. Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas d'équivoque dans la politique du gouvernement: c'est de réaliser des aménagements hydroélectriques pour la simple et bonne raison que le nucléaire coûte plus cher que l'hydroélectrique et qu'en plus, c'est moins fiable. Quand vous installez du nucléaire, vous être obligés de suréquiper parce qu'à un moment donné, si vous avez une panne dans du nucléaire, cela peut durer

trois mois, six mois et parfois un an.

M. Laberge: On a parlé du nucléaire pour dire que ce n'était pas bon.

M. Rodrigue: Alors, on est d'accord là-dessus. Je voudrais tout simplement vous demander de vérifier un chiffre que vous avez soulevé parce que mes chiffres ne correspondent pas avec les vôtres, mais c'est une question peut-être à concilier. Je sais que les coûts du nucléaire ont été réévalués récemment. Quand vous parlez de 23 000 mégawatts hydroélectriques qui coûteraient moins cher que le nucléaire, mes chiffres étaient plutôt de l'ordre de 15 000 mégawatts. Enfin, on pourrait peut-être vérifier cela auprès d'Hydro-Québec. De toute façon, il est évident qu'il reste un potentiel hydroélectrique aménageable à des prix concurrentiels avec le nucléaire qui est tel au Québec qu'on pourrait doubler notre capacité avec de l'hydroélectrique. C'est dans cette ligne qu'on va continuer d'aller. Là-dessus, il n'y a aucun doute quant aux intentions du gouvernement.

En ce qui concerne les pluies acides, vous en avez glissé un mot tout à l'heure en disant: II faut remplacer les centrales au charbon ou enfin on pourrait remplacer les centrales au pétrole. D'abord, il y a une bonne partie des pluies acides du Québec qui viennent du Midwest américain et de l'Ontario parce que les vents dominants de ce côté-ci viennent de l'Ouest et du Nord-Ouest. Dans la Nouvelle-Angleterre, ils ont le même problème que nous finalement. Eux aussi se plaignent des pluies acides. Je voulais tout simplement vous dire que, de ce côté, cela fait au moins deux ans que le premier ministre a soulevé ce problème des pluies acides, à l'occasion de rencontres avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre, et que Marcel Léger, à l'époque où il était ministre, et le nouveau ministre de l'Environnement, M. Ouellette, ont continué à travailler avec les Américains pour sensibiliser le gouvernement américain aux problèmes que cela cause ici. Évidemment, nous ne sommes pas sans savoir que, s'ils transforment leurs centrales au pétrole ou au charbon, nous pouvons avoir des retombées intéressantes. Alors, ces efforts ne sont pas tout à fait désintéressés, mais il y a le facteur fondamental qui est celui de maintenir une qualité de l'environnement acceptable.

Or, il y a environ trois mois, le gouvernement central américain, pour la première fois, parce qu'il y a eu des pressions, des contacts et des discussions avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre, qui ont le même problème que nous, qui sont convaincus, eux aussi, que c'est un problème... Les gens de New York et de la Nouvelle-Angleterre ont fait des pressions sur le gouvernement central américain et, pour la première fois, il y a trois mois, le gouvernement central américain a déclaré qu'il y avait un problème de pluies acides et il a mis sur pied des comités d'étude pour apporter des correctifs à ce problème. C'est à la suite des efforts conjugués du Québec, de l'Ontario et des États de la Nouvelle-Angleterre et de New York en particulier, plus des gens de la Californie que j'ai eu l'occasion de rencontrer à un moment donné et qui m'ont fait part du fait qu'ils avaient des problèmes semblables, qui sont en train de porter leurs fruits, actuellement, du côté américain. J'espère qu'on sera en mesure de vous donner des nouvelles positives là-dessus dans des délais raisonnables.

Pour ce qui est de l'accroissement ou de l'accélération des ventes d'Hydro-Québec, il y a les deux volets qu'Hydro-Québec nous a expliqués: il y a le développement du marché externe - on en a parlé abondamment - et il y a le développement du marché interne. Là, on rejoint un peu toute la problématique que vient d'exposer le ministre. Il est évident que, dans la mesure où on développe davantage le marché interne, on va déplacer autre chose. Par ailleurs, est-ce qu'on ne peut pas conclure, dès le moment présent, que le développement hydroélectrique ou encore la pénétration du gaz telle qu'on la connaît actuellement, avec les retombées économiques que cela entraîne dans le domaine de la construction, cela a des effets d'entraînement, des effets créateurs d'emplois qui, compte tenu des capitaux investis, sont beaucoup plus importants que la création d'emplois qu'on peut espérer dans le domaine des hydrocarbures ou, du moins, dans le domaine du raffinage des hydrocarbures?

Si tel est le cas, est-ce qu'il n'y a pas lieu, effectivement, de maintenir la politique qui avait été énoncée en 1978 et de l'accélérer tout en prenant la précaution de conserver, au Québec, les capacités de raffinage suffisantes pour notre marché et surtout de protéger la pétrochimie? La pétrochimie, contrairement à l'aspect du raffinage, est créatrice d'emplois à cause de ce qui se passe en aval des usines pétrochimiques. Par contre, le domaine du raffinage comme tel ne crée pas beaucoup d'emplois, compte tenu des capitaux investis. Si on veut que nos capitaux rapportent le plus possible, finalement, c'est surtout dans le développement de l'électricité et dans la pénétration du gaz, où il se fait des investissements massifs et où il s'est créé beaucoup d'emplois au cours des dernières années, que devraient tendre nos efforts, à mon sens.

M. Laberge: M. le Président, je vais essayer de faire le tour. Cela m'aurait tenté, chaque fois qu'il mentionnait un des

dossiers... La pénétration du gaz, nous nous sommes prononcés pour parce que, pour l'industrie québécoise qui peut se servir du gaz naturel, l'approvisionnement abondant et tout le reste, cela peut nous aider à demeurer concurrentiels. Pour la création d'emplois, la pénétration du gaz, c'est négligeable: quelques centaines d'emplois dans l'industrie de la construction, c'est à peu près tout. Bien sûr, les salaires sont alléchants, mais ce n'est pas énorme au point de vue de la création d'emplois.

Vous avez aussi parlé de la pétrochimie. Dans ce sens-là, je pense que vous nous avez rejoints, sur le tard de vos remarques. C'est ce qu'on dit. Il faut s'assurer qu'on a un minimum de raffinage pour combler nos besoins d'abord et, deuxièmement, qu'on a une industrie pétrochimique qui va pouvoir se garder à la fine pointe.

Quant à Corvée-habitation, je laisserai tantôt Jean-Paul Rivard, le directeur de la FTQ-Construction, vous en parler. Nous sommes bien heureux d'avoir été à l'origine de cette idée de Corvée-habitation qui a certainement aidé et nous sommes prêts à faire notre part dans la création d'emplois. Nous lançons le fonds de solidarité précisément pour essayer de créer des emplois. Nous sommes fort conscients des investissements d'Hydro-Québec pour les trois prochaines années dans le domaine de la distribution. Soit dit en passant, son réseau ne fait pas que défaut pour certaines usines, il fait ' défaut aussi dans le domiciliaire, parce qu'il y a plusieurs coins au Québec qui se sont développés et il est bien évident que le réseau d'Hydro-Québec se doit d'être modernisé pour répondre à cette nouvelle demande additionnelle. Nous en sommes fort conscients et, encore une fois, améliorer le réseau de distribution, il faut que cela se fasse et nous sommes d'accord.

Mais cela ne nous aidera pas à exporter une richesse énorme que nous avons. Nous sommes d'accord, il faut que le réseau de distribution d'Hydro-Québec soit modernisé, nous sommes conscients des investissements qu'Hydro-Québec fera durant les trois prochaines années, mais cela ne nous aidera pas à exporter de l'électricité.

Vous nous disiez que les besoins estimés pour les nouvelles entreprises aux États-Unis pour les cinq prochaines années seront de 2500 à 3000 mégawatts et que, par conséquent, on n'a peut-être pas un besoin immédiat de commencer à aménager les autres cours d'eau que nous avons. Savez-vous combien cela prend de temps avant qu'une décision soit prise pour se rendre à la production de 3000 mégawatts?

M. Rodrigue: J'en suis très conscient, parce que je faisais des études.

M. Laberge: Justement, vous êtes bien placé pour cela. Alors, que nous prenions la décision aujourd'hui ou demain de mettre en oeuvre la phase II de la Baie-James, on ne sera pas prêt trop tôt pour les 2500 ou 3000 mégawatts dont les États-Unis auront besoin, nous dites-vous. Qui sait, si le comité d'étude du président Reagan - il faut qu'il se dépêche, par exemple, s'il veut faire son rapport en temps utile - en arrive à la conclusion qu'il faut absolument prendre des mesures draconiennes pour empêcher les pluies acides, ce seront de nouveaux besoins que nous aurons. C'est pour cela que nous disons que la décision doit être prise maintenant, parce que mettre sur pied des installations pour produire 8000 mégawatts, cela prend bien des années. Combien de temps la réalisation de la Baie-James a-t-elle pris jusqu'à maintenant? Quatorze ans.

M. Rodrigue: Disons qu'une centrale hydroélectrique, de la décision d'aller en appel d'offres et de faire les plans et devis à la mise en service des premiers groupes, c'est une affaire qui joue, selon la grosseur de la centrale et la complexité, entre huit et douze ans.

M. Laberge: Huit et douze ans, et voilà! Les 8000 mégawatts ne seront pas prêts tous en même temps. C'est pour cela que nous parlions d'une politique vraiment énergique du gouvernement pour vendre de l'électricité, parce que chaque litre qu'on laisse couler, parce qu'il y a trop d'eau dans les bassins, coûte cher aussi. Probablement qu'on pourrait réduire le taux d'électricité des consommateurs ordinaires; ce n'est pas créateur d'emplois, mais cela aide en grand l'hiver. Jean-Paul, veux-tu...

M. Rodrigue: Seulement une petite chose. Les 2500 mégawatts dont vous parlez, il est évident qu'avec les surplus qu'on connaît présentement, on pourrait les fournir tout de suite, nous n'aurions pas de problème là-dessus. On me dit entre 1987 et 1995 dans le mémoire. On pourrait les fournir pratiquement tout de suite si on signait un contrat; cela prendrait deux ans pour mettre en place les installations de transmission aux Américains. On pourrait les fournir, parce qu'on a des surplus. Cependant, ce que cela aurait comme effet, ce serait que, au lieu d'attendre à l'an 1988 ou 1990 pour mettre une autre centrale en construction pour satisfaire nos besoins futurs, y compris ceux d'exportation, on pourrait devancer cela possiblement à 1985, et ce serait l'effet de la vente d'un bloc de 2500 mégawatts aux Américains. Alors, demain matin, nous n'aurions pas à lancer la construction d'un autre projet si on ne vend que cela, mais, par ailleurs, on pourrait le leur fournir à même nos surplus actuels et devancer de

trois ou quatre ans la construction des usines prévues vers 1988 ou 1990.

M. Laberge: II y a une autre chose qu'il ne faut pas oublier. Vous avez dit aussi - je l'ai remarqué - que, de toute façon, la phase II de la Baie-James devra être faite.

M. Rodrigue: Cela est sûr.

M. Laberge: II s'agit de savoir quand.

M. Rodrigue: Exact. (12 h 15)

M. Laberge: Pourrais-je vous suggérer que, si vous décidez de la faire dans quinze ans, elle va coûter passablement plus cher que si on décidait de la faire maintenant? Pourrais-je vous suggérer qu'en attendant, cette équipe de spécialistes, qui a devancé tout l'échéancier pour le projet de la Baie-James, sera éparpillée dans les quatre coins du Québec et possiblement en dehors, et que cela nous a coûté très cher pour former une équipe aussi efficace? Bien sûr, les gens de métier auront leur métier quand même, mais travailler en équipe, c'est très différent. Et cela va coûter cher au Québec. C'est un peu ce qu'on disait pour Manic 5. Le Québec a déjà investi des sommes très importantes dans le projet de Manic 5, pour augmenter sa puissance. Ces travaux qui vont dormir pendant cinq ou six ans - enfin, on parle de cinq ans, de 1988 - il n'y a aucun doute dans mon esprit que cela va coûter très cher au Québec. Cela va coûter très cher, encore une fois, le déménagement de l'équipement, l'éparpillement de cette équipe qui a fait une "job" qui est reconnue, la détérioration qui va certainement se mettre de la partie, avec le climat qu'on connaît au Québec, surtout dans ce coin-là. Pour des travaux qui seraient arrêtés pendant cinq ans, quelle sera la nature de la détérioration dans cinq ans? Peut-être qu'Hydro-Québec pourrait nous le prédire.

M. Rodrigue: Pour conclure sur cet aspect de la question, il est évident que des efforts se font actuellement d'une façon très intensive, autant à Hydro-Québec qu'au gouvernement, pour vendre de l'énergie ferme aux Américains. Le ministre l'a souligné d'ailleurs lorsqu'il est allé signer le contrat de NEEPOOL à Boston. Il a fait des ouvertures à ce moment-là. Il y avait déjà eu des approches de faites auparavant. Je ne voudrais pas que mes propos vous laissent croire qu'effectivement on a perdu la foi dans ces hypothèses. Au contraire, on espère être en mesure de conclure des contrats avec les Américains pour au moins leur vendre un bloc d'énergie ferme de cet ordre-là, ce qui nous permettrait de relancer nos travaux plus rapidement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Excusez-moi, c'est parce qu'on est dans le sujet de l'exportation. Le député de Vimont m'a mis en cause en disant que j'induisais la commission en erreur. Comme je ne voudrais pas passer pour ce que je ne suis pas, j'aimerais simplement citer le journal des Débats, page B-5416, du 10 juin 1983, quand j'ai posé la question à M. Bourbeau, président du conseil d'Hydro-Québec. Je cite sa réponse, c'est très bref: "On regarde le marché américain et celui-ci qu'on peut desservir; on s'aperçoit qu'il y a un marché qui se situerait à environ 8000 mégawatts. Évidemment, c'est le marché total. On est en train de regarder, on discute, on rencontre les Américains et on a des discussions. On regarde la possibilité de faire des ventes fermes qui pourraient se situer entre 1000 et 2000 mégawatts." Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. Rivard.

M. Rivard (Jean-Paul): M. le Président, concernant l'intervention du député de Vimont en ce qui a trait aux équipements touristiques de certaines régions, au début de Corvée-habitation, la FTQ-Construction se serait opposée à de telles demandes. Aujourd'hui, il est évident que l'affluence dans certaines régions touristiques est en étroite relation avec la saison d'été, et certainement que les propriétaires des équipements touristiques n'ont pas le financement nécessaire pour assurer aux touristes que ces équipements satisfont à toutes leurs exigences. Alors, nous sommes d'accord, au moment où nous vous parlons, avec l'extension du programme Corvée-habitation à autre chose que la construction résidentielle. Et cela pourrait inclure nécessairement les équipements touristiques.

Ce que nous sommes disposés à faire en ce moment, et rapidement, c'est nous assurer que le programme est étendu à la rénovation domiciliaire. C'est extrêmement important. On croit qu'à peu près 25% de la construction, au moment où on se parle, se passe dans la rénovation domiciliaire et que la plus grande partie de ce travail se fait sous la table. Il est fait par des artisans, des braconniers, ceux que j'ai toujours appelé les fraudeurs du fisc, des gens à qui cela rapporte à peu près 7000 $ de revenu par année et qui continuent, avec la grosse voiture, la grosse maison, à travailler continuellement sous la table dans la construction. Cela constitue une économie invisible que des économistes plus qualifiés que moi évaluent à 20% de toute l'économie dans la société. Nous, on l'évalue à plus de 30% de l'activité dans la construction.

II ne faut pas croire non plus que Corvée-habitation a tout réglé ou a fourni tellement de travail qu'il faudrait applaudir à tout rompre. Corvée-habitation a tout simplement empêché l'année 1983 d'être une catastrophe pour la construction. Il y a encore à l'heure actuelle, selon nos relevés, 47 500 chômeurs dans la construction. Qu'il suffise de penser que plus de 25 000 travailleurs sur un total de 94 000 n'ont pas travaillé 300 heures entre le 1er août 1982 et le 31 juillet 1983. Ce qui ne leur donne même pas le droit de vote dans la campagne de maraudage ou la campagne d'adhésion syndicale en cours actuellement. Une telle chose ne s'est presque jamais vue depuis 1967, qui avait été une année très creuse. Je crois qu'il faut y remédier en prolongeant cela dans la rénovation domiciliaire. En s'assurant que des critères très rigides quant à la déclaration des heures travaillées sont mis en vigueur, nous allons pouvoir avoir cette économie sur la table alors qu'elle est invisible.

Le 17 mars dernier, nous avons proposé au gouvernement des amendements à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction qui auraient fait en sorte que ce travail invisible serait en grande partie, sinon totalement discontinué. Le gouvernement a été un peu timide et n'a pas du tout pris nos demandes en considération. Cependant, il a eu le courage de le faire en ce qui concerne Corvée-habitation en amendant la loi 82 et en adoptant de nouveaux décrets qui interdisaient ce genre de travail et rendaient l'entrepreneur passible d'une amende de 2000 $ à 4000 $ pour toute infraction. Cela fait plusieurs fois que nous le demandons, cela fait plusieurs années que nous crions après les artisans. C'est un mot très noble, mais qui, dans la construction, équivaut tout simplement à des fraudeurs. Il est à peu près temps que le gouvernement fasse quelque chose et qu'il nous écoute dans un désir sincère d'en arriver à la fin de tout ce travail invisible.

Le Président (M. Gagnon): M. Laberge.

M. Laberge: Me permettriez-vous deux mots? La phase II de la Baie-James, 30 000 emplois. Corvée-habitation, d'après le ministre Tardif, 17 000 emplois. On vient de trouver des jobs aux 47 000 chômeurs de la construction.

M. Rodrigue: 17 000 sont déjà là. Les 47 000, c'est en plus des 17 000, si je comprends bien.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Chapleau.

M. Rodrigue: L'addition arrivait bien, par exemple.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le Président, une de vos préoccupations concerne l'accessibilité à l'énergie pour les Québécois à faible revenu. Vous mentionnez dans votre mémoire que vous êtes contre la pratique courante, à savoir qu'un abonné qui ne paie pas sa facture d'électricité en soit privé. Vous mentionnez des mesures que vous jugez pertinentes à son égard. Je me demande ce que vous visez. Est-ce que ce serait plutôt un tarif réduit ou si vous allez jusqu'à dire que - vous êtes contre le fait de couper l'électricité - une personne à faible revenu ne paierait pas sa facture d'électricité? Cela veut dire qu'Hydro-Québec continuerait de fournir l'électricité. Jusqu'à quel point? Voulez-vous dire que cela devrait être gratuit pour des personnes à faible revenu? Est-ce un bien essentiel au point que vous dites qu'elle devrait être fournie gratuitement par Hydro-Québec pour des personnes dans une situation semblable? Jusqu'où iriez-vous dans vos suggestions en ce domaine?

M. Laberge: Aussi loin qu'il faut aller du point de vue humanitaire. Vous, messieurs de l'Assemblée nationale, quand il y a eu des crises de travail à Hydro-Québec, avez jugé que c'était un service essentiel. Mais comment pouvez-vous ne pas juger le même service essentiel lorsque c'est quelqu'un qui est trop pauvre parce qu'il est en chômage et qu'il ne paie pas son compte? Cela me dépasse. Est-ce qu'on devrait demander à Hydro-Québec de fournir l'électricité gratuitement? On n'est pas allé jusque-là dans notre mémoire. Mais il pourrait peut-être y avoir des tarifs spéciaux pour les personnes âgées, pour les gens les plus démunis. Voilà ce qu'on dit.

M. Kehoe: Mais avez-vous fait des démarches auprès d'Hydro-Québec? Quand vous parlez de la formation d'un bureau d'appel expéditif pour les factures en souffrance, avez-vous fait des démarches concrètes auprès d'Hydro-Québec ou auprès du ministre? Pour aller plus loin dans votre préoccupation dans ce domaine, où sont rendues vos suggestions? Est-ce seulement des suggestions à ce stade-ci?

M. Laberge: Pas encore. Nous n'avons pas fait de démarches, ni auprès du ministre, ni auprès d'Hydro-Québec, mais on croyait que le temps était opportun de venir devant la commission parlementaire et de parler de cela. Cela pourrait faire partie de vos constatations, de vos discussions et de vos travaux.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le

ministre.

M. Duhaime: Je dirai seulement un mot là-dessus, M. Laberge. Je comprends votre prudence dans la démarche et dans les suggestions. Sur 2 500 000 abonnés actuellement... Je me souviens que, l'an dernier, on a eu une commission parlementaire et M. Bernier, le secrétaire d'Hydro-Québec, est venu expliquer en détail de quelle manière Hydro-Québec procédait dans le cas de comptes non payés. Je vous avoue honnêtement que cela a été une des préoccupations que j'ai partagées avec plusieurs de mes collègues, entre autres Mme Harel, la députée de Maisonneuve, qui s'est intéressée au dossier. Actuellement, prenons quelqu'un qui vit de l'aide sociale et qui a un compte en souffrance élevé à HydroQuébec: l'assurance que j'ai d'Hydro-Québec - j'espère que je ne serai pas démenti demain matin dans le journal par une manchette disant qu'il y a eu une coupure de courant - en période d'hiver en particulier, c'est qu'il n'y a pas de coupure de courant, à moins que vous n'ayez en face de vous un récalcitrant de tout acabit. Hydro-Québec a mis sur pied un mécanisme dans chacune des régions et délégué des responsabilités de sorte qu'Hydro-Québec, l'agent de l'aide sociale et le bénéficiaire de l'aide sociale essaient de se mettre sur la même longueur d'onde sur le montant d'argent qui doit être versé par l'abonné pour éviter justement des coupures de courant. Je suis parfaitement d'accord avec vous qu'au Québec, on n'est quand même pas pour laisser les gens geler à 35 sous zéro, alors qu'on est en surplus de capacité. Cela n'a pas de bon sens.

Il faut aussi comprendre, et je partage votre prudence... On essaiera de perfectionner un peu plus ce mécanisme qui est en place. J'avoue que votre idée d'un tribunal expéditif fait son chemin. Le consommateur qui se voit couper son courant: il y a le cas d'un abonné peu fortuné et il y a aussi le cas d'un commerce ou d'une entreprise qui peut avoir des discussions avec Hydro-Québec concernant une erreur sur la facture, un compteur défectueux etc; il est drôlement démuni le matin qu'Hydro-Québec a décidé de lui couper le courant. Si on laisse les tribunaux réguliers s'occuper de ce genre de choses, il est évident que cela prendra du temps. L'idée d'un tribunal d'appel ou d'une procédure d'urgence n'est pas réalisée dans les faits à l'heure actuelle. Il y a eu amélioration, mais il y a encore de la place. La suggestion que vous faites ce matin, son étude est très avancée au ministère de l'Énergie et des Ressources.

M. Laberge: On peut essayer de vous aider un peu.

M. Duhaime: Je pense que la proposition que vous nous faites ce matin va dans le sens d'essayer de mettre sur pied -je ne voudrais pas qu'on s'embarque dans un autre tribunal administratif à ne plus finir -une procédure expéditive qui permettrait de rendre justice aux citoyens et aux abonnés d'Hydro-Québec. Là-dessus, on se rejoint parfaitement. Je vous remercie de votre suggestion.

M. Laberge: Me permettriez-vous deux mots seulement là-dessus? Si vous avez remarqué, on a pris bien soin de ne pas dire: On accuse Hydro-Québe qui coupe... On a dit: C'est un service essentiel; est-ce qu'il y a moyen de faire quelque chose pour protéger les citoyens les plus démunis? Vous vous souviendrez qu'il y a deux ans à peine, non pas dans le cas de l'électricité, mais dans le cas du gaz naturel, un nommé Pilon, l'hiver, était allé justement rebrancher des citoyens démunis parce que Gaz Métropolitain avait coupé... Vous vous souvenez de cela. Et il a même été condamné à la prison et tout le reste. Donc, cela arrive. (12 h 30)

M. Duhaime: Un dernier point, si vous me permettez, M. le Président. Je ne voudrais pas que vous partiez de notre commission avec les propos de M. Bourbeau, qui viennent d'être lus, devant notre commission parlementaire en juin dernier. J'ai le mémoire d'Hydro-Québec ici, qui a été repris il y a moins d'une semaine par Hydro-Québec. Le mémoire porte la date de mars 1983. Je pense que ça vaut la peine que je vous lise six lignes du mémoire d'Hydro-Québec, à la page 26 - s'il y a des gens chez vous qui veulent s'y référer par la suite - déposé ces jours derniers devant la commission. On parle du marché d'exportation. "Au cours des 20 prochaines années - je cite Hydro-Québec - on estime que la production d'électricité de base par des centrales au mazout lourd devrait demeurer supérieure à 2500 mégawatts dans le New York Power Pool et à plus de 4500 mégawatts dans le New England Energy Power Pool." 2500 plus 4500, cela fait 7000. Ce sont des centrales thermiques alimentées au mazout lourd qui existent déjà et HydroQuébec évalue que, d'ici 20 ans, ces 7000 mégawatts vont rester installés. Le mémoire ajoute: "De plus, de nouvelles centrales au charbon d'une puissance totale de 2500 mégawatts devraient être mises en service sur ces réseaux entre 1987 et 1995. La production de ces centrales pourrait être remplacée par la conclusion de contrats fermes d'exportation à long terme." Alors le créneau est là. On ne se chicanera pas pour 500 mégawatts: 2500 plus 4500 plus 2500, cela fait 9500 mégawatts.

Il faut réussir à convaincre les

Américains qu'investir dans les centrales au charbon, premièrement, cela va continuer de nous envoyer les pluies fines, qu'on appelle les pluies acides; deuxièmement, que cela leur coûtera plus cher. C'est là qu'est notre créneau de 2500 mégawatts dont on parle. C'est en toutes lettres dans le mémoire d'Hydro-Québec. Pour être en mesure de convaincre les Américains de cesser la production de centrales au mazout lourd sur l'horizon des 20 prochaines années, des centrales qui sont déjà existantes physiquement, il faut qu'on fasse des maudits prix - on se comprend bien là-dessus. Actuellement, dans les créneaux qui sont visés, sur les marchés de la Nouvelle-Angleterre et de New York, on parle de 2500 à 3000 mégawatts comme étant des chiffres réalistes. Non pas sur l'horizon de 1984 ou 1985, on parle de 1987 et 1995.

Vous me disiez tantôt que cela prend du temps à construire les centrales, il faut prévoir d'avance. Je pense que là-dessus on partage parfaitement votre point de vue, mais je fais l'hypothèse que, si on signait un contrat d'énergie ferme tout de suite, c'est entendu, et je pense qu'on l'a dit clairement, on va faire du devancement. Mais dans les premières années de ces contrats, avec 50 000 000 000 de kilowattheures en disponibilité, si vous divisez cela pour le mettre en mégawatts, cela vous donne quelque chose autour de 4500 à 5000 mégawatts. C'est exactement là qu'est le créneau.

Je voudrais qu'on se comprenne bien. Quand Hydro-Québec parle de 10 000 mégawatts, cela inclut les centrales au mazout lourd déjà installées et dont les activités sont prévues pour durer au moins 20 ans. Le créneau c'est de pousser de l'avant et de faire faire un choix aux Américains entre soit acheter du Québec l'énergie ferme ou encore s'installer au charbon. Le créneau de marché c'est 2500 -disons 3000 mégawatts pour les fins de la discussion - tant pour la Nouvelle-Angleterre que pour New York. Alors, il n'y a pas de contradiction entre ce que vient de dire mon collègue de Vimont et ce que M. Bourbeau a dit en commission parlementaire au mois de juin. Cela m'aurait surpris qu'il dise le contraire. Le mémoire d'Hydro-Québec est daté de mars 1983.

M. Laberge: Quelle date?

M. Duhaime: Mars 1983, parce que notre commission a été arrêtée pour les raisons que vous connaissez.

M. Laberge: J'ai une coupure de journal datée du 4 octobre: "Hydro-Québec révise à nouveau à la baisse ses prévisions d'investissements." À toutes les semaines on pourrait avoir un nouveau mémoire d'Hydro-Québec.

M. Duhaime: Espérons que non.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame et messieurs de la FTQ. J'invite maintenant les représentants de Gaz Métropolitain à se présente.

M. Laberge: Merci.

Gaz Métropolitain

Le Président (M. Gagnon): M. Gaulin, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Avant que vous ne commenciez à livrer votre mémoire, je pense qu'on s'entendrait pour la lecture du mémoire avant de suspendre les travaux pour le dîner et on reviendrait à 15 heures pour la période de questions.

M. Gaulin (Jean): Parfait. Si vous me le permettez, je vais vous présenter les gens qui composent la table. À ma gauche, M. Gaston Longval, vice-président à l'exploitation; M. André Caillé, vice-président à l'administration et aux affaires publiques; à mon extrême droite, M. Robert Noël, qui est vice-président au marketing, et M. Baladi, qui est vice-président au développement.

Il y a déjà six mois que nous avons déposé notre mémoire. On sait que la situation énergétique évolue rapidement; nos idées se sont précisées aussi. Si vous me le permettez, je vais vous faire une présentation qui vise à compléter notre mémoire et à le préciser.

M. Fortier: Est-ce que cela veut dire qu'on peut détruire l'autre mémoire? Celui-là est plus à jour.

M. Gaulin: C'est-à-dire qu'il est assez complet.

M. le Président, permettez-moi, au nom de Gaz Métropolitain, de remercier les membres de cette commission pour l'occasion qui lui est offerte, ainsi qu'à tous les intervenants du secteur de l'énergie, de faire valoir ses vues et positions sur l'utilisation de l'énergie comme facteur de développement économique.

Il y a dix ans déjà que la crise énergétique amenait les consommateurs à une perspective d'utilisation plus efficace et beaucoup plus rationnelle de l'énergie. Elle mettait également en évidence le rôle moteur important joué par les investissements énergétiques sur la croissance du produit national brut. On comprend donc maintenant clairement l'importance d'effectuer les choix les plus judicieux en matière énergétique afin que les retombées les plus avantageuses en découlent.

Comme le souligne le document de travail préparé à l'intention des intervenants de cette commission, l'utilisation de l'énergie

comme levier de développement économique constitue un défi important pour le Québec. Ceux qui ont déjà lu le mémoire de Gaz Métropolitain comprendront que c'est dans cette veine que s'inscrit notre intervention. Mais, avant d'aborder les quatre thèmes retenus pour fins de discussion par cette commission, permettez-nous ces quelques précisions.

Les derniers mois ont été témoins d'importantes modifications au niveau de la situation des mazouts lourds. On sait, en effet, que ceux-ci étaient très abondants sur le marché québécois et disponibles à bas prix il y a à peine quelques mois alors qu'ils sont maintenant en position inverse. La récession économique, la baisse de la demande pour l'essence qui résulte de celle-ci et la fermeture de trois raffineries à Montréal que cette situation a occasionnée sont identifiées comme étant les principales causes de ce resserrement de marché. Les prix ont maintenant atteint, compte tenu de la situation mondiale des approvisionnements pétroliers et de la rationalisation actuelle de l'industrie du raffinage, des niveaux relativement élevés. Ces nouvelles conditions ont contribué à modifier la position concurrentielle relative des formes d'énergie en rendant l'utilisation d'autres formes d'énergie plus attrayantes, du moins pour le moment.

Depuis quelques mois également, de nouveaux éléments sont venus préciser les évaluations de chacun quant à l'utilisation des surplus d'électricité. Hydro-Québec annonçait en effet, au cours du printemps, qu'elle avait observé, au cours du premier trimestre de 1983, une baisse de la demande d'électricité d'environ 5,4% par rapport à celle de l'année précédente. Peu de temps après, le gouvernement du Québec annonçait, à l'occasion du dépôt de son budget, son intention arrêtée d'utiliser les surplus d'électricité aux fins de développement industriel, c'est-à-dire en offrant des tarifs d'électricité avantageux pour attirer de nouveaux investissements. La signature des ententes avec Pechiney et Reynolds marque d'ailleurs un premier pas dans cette direction. Il s'agit là, de l'avis de Gaz Métropolitain, d'une avenue de développement à privilégier et que nous appuyons avec empressement.

Pendant cette période d'ajustement, la distribution gazière devait également faire face à des conditions particulières. Ainsi, malgré des investissements supérieurs à 100 000 000 $ et le raccordement de 23 500 logements et de 2000 structures commerciales et industrielles, les ventes de Gaz Métropolitain ont enregistré, en 1982, une baisse en volume de 6% par rapport à celles de 1981. Cette baisse est imputable à un recul des ventes du secteur industriel de 15,3%, principalement à cause de la récession économique et de la présence d'importants surplus de mazout lourd. Malgré cela, compte tenu du potentiel réel de l'économie québécoise, Gaz Métropolitain mettait de l'avant un audacieux plan de développement 1983-1987, impliquant des investissements totaux de près de 1 000 000 000 $. Gaz Métropolitain ajoutait également à ses programmes de mise en marché pour rendre l'option gazière encore plus attrayante.

Depuis le début de 1983, plusieurs signes sont venus confirmer à chacun que la reprise économique était bel et bien engagée.

II est temps, quant à nous, que les agents économiques concertent leurs efforts afin de contribuer le plus possible à la réalisation de cette reprise. Dans le contexte présent, au niveau énergétique, cette reprise d'activité devrait passer par une utilisation plus rationnelle de l'énergie tout en en faisant un important levier de développement économique. Pour fins de réflexion, quatre thèmes ont été privilégiés par le document de travail préparé pour cette commission. Nous nous proposons maintenant de les commenter brièvement.

Le premier point d'intérêt soulevé par ce document se réfère à la question de la recherche et du développement. C'est au niveau du transfert technologique que Gaz Métropolitain voit le plus de possibilités pour elle de participer à cette activité de recherche et de développement et de faire ainsi bénéficier le Québec, le plus rapidement possible, des retombées économiques importantes qui y sont associées.

Déjà, plusieurs pays sont impliqués dans des activités ou programmes de recherche fondamentale au niveau du gaz naturel. On consacre des sommes imposantes à la recherche sur les utilisations du gaz, entre autres aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et au Japon. De façon à profiter au maximum des possibilités de transfert technologique et d'applications nouvelles du gaz naturel, et cela dans les meilleurs délais, Gaz Métropolitain a entrepris d'élargir ses rapports avec les différentes associations et les nombreux intervenants du milieu et de suivre ainsi de très près ce qui se fait à l'étranger.

Gaz Métropolitain voit son rôle comme celui d'un agent catalyseur qui cherche, selon les moyens à sa disposition, à stimuler le plus possible cette recherche de nouvelles applications gazières. Elle a à son actif des réalisations intéressantes dont la principale, jusqu'à maintenant, est sa contribution à GNC Québec. Gaz Métropolitain s'est impliquée dans la mise en marché du gaz naturel pour véhicules pour le transport routier par la formation, de concert avec SOQUIP et CNG Fuel Systems Ltd de Calgary, de GNC Québec Ltée. GNC Québec

prévoit installer, d'ici à 1988, quelque 75 postes d'alimentation, dont 10 dès cette année, mettre sur pied 25 centres d'adaptation pour véhicules et convertir à ce nouveau carburant 25 000 véhicules. En tout, des investissements totalisant 70 000 000 $ seront effectués au cours des cinq prochaines années, créant ainsi au moins 1000 emplois et produisant des revenus intéressants pour la collectivité québécoise.

Gaz Métropolitain entend faciliter l'implantation de ce nouveau débouché pour ses ventes par l'octroi, d'ici peu, de son propre programme de subventions pour les véhicules. Sujette à l'approbation de la Régie de l'électricité et du gaz, cette subvention devrait s'élever à quelque 500 $ et s'ajouter aux sommes déjà offertes au même effet par le gouvernement fédéral.

Afin de transposer en termes concrets l'approche qu'elle entend suivre en matière de recherche et de développement, Gaz Métropolitain a déjà pris des mesures spécifiques, dont un des éléments majeurs est l'entente-cadre négociée avec l'École polytechnique de Montréal. (12 h 45)

Cette entente, dont Gaz Métropolitain est très fière, comporte cinq volets particuliers. Le premier, formation visant la mise sur pied de cours et séminaires en technique gazière qui débuteront en novembre prochain, il est destiné aux différents intéressés du domaine gazier, notamment les ingénieurs-conseils, les commissaires industriels et les manufacturiers. Deuxième volet: documentation. Il porte sur la mise en place, de concert toujours avec l'École polytechnique, d'un centre de documentation gazière. Troisième volet: étude. Il consiste en l'analyse des tendances et des perspectives technologiques relatives au gaz naturel. Quatrième volet: concertation, où l'on cherchera à susciter par de multiples moyens la recherche technologique chez tous les groupes de chercheurs. Cinquième volet: projet de démonstration qui consistera en l'installation et la surveillance de nouveaux équipements et procédés issus de technologies nouvelles.

Gaz Métropolitain est également impliquée dans des projets de recherche avec le Centre de recherche industrielle du Québec, projets qui devraient déboucher, sous peu, sur des résultats concrets. Gaz Métropolitain a de même entrepris de resserrer ses liens de collaboration avec l'Institut canadien de recherche sur le gaz, particulièrement en relation avec les utilisations industrielles du gaz. Notre participation et notre implication dans des associations et des instituts de recherche canadiens et étrangers ont été intensifiées, notamment, avec l'American Gas Association, le Gas Research Institute aux États-Unis, l'Institute of Gas Technology et l'Association de technique gazière de France. Il est à noter que les deux derniers organismes collaboreront au volet "formation" de l'entente-cadre entre Gaz Métropolitain et l'École polytechnique, au niveau de la mise sur pied de cours sur les techniques gazières.

Pour ajouter encore plus de substance à son implication en recherche et développement, Gaz Métropolitain consacrera à son objectif d'implantation et de diffusion de techniques de pointe relativement à la distribution et à l'utilisation du gaz un pourcentage de son chiffre d'affaires annuel à partir de 1984. Cette somme, sujette à l'approbation de la régie, servira à stimuler les activités de recherche au niveau des applications de gaz naturel et sera orientée spécifiquement vers des projets de démonstration. L'entreprise compte privilégier la voie du faire-faire plutôt que du faire dans l'implantation des programmes qui en résulteront.

Par ailleurs, dans le but de réduire de façon sensible ses coûts d'exploitation et d'améliorer ainsi sa position concurrentielle, Gaz Métropolitain a également entrepris de rationaliser ses activités. Dans ce cadre, elle a mis sur pied un nouveau programme portant sur l'offre de biens et services périphériques à la distribution du gaz naturel. Ce programme vise l'affectation d'une partie des ressources nécessaires aux activités présentes de la compagnie vers de nouvelles activités dans lesquelles Gaz Métropolitain désire s'impliquer.

Quatre projets spécifiques sont déjà identifiés à cette fin. Le projet "salle de montre" vise la mise sur pied d'un réseau de distribution d'appareils de chauffage et d'appareils ménagers au gaz afin de rapprocher le consommateur et le produit de consommation moderne. Un deuxième projet, "service aux appareils", aura pour but d'offrir aux clients de Gaz Métropolitain une gamme plus grande de services aux appareils. Un projet "construction de branchement d'immeubles résidentiels" est également envisagé et, finalement, un projet "consultation" a pour but d'offrir l'expertise de Gaz Métropolitain en matière de distribution de gaz naturel pour la réalisation de projets spécifiques à ce secteur d'activité. Cette consultation s'effectuera tant au niveau des études de faisabilité que du côté des techniques et de la gestion des réseaux de distribution.

Ces activités de diversification entraîneront, pour plusieurs de nos employés, une formation supplémentaire ainsi qu'une occasion pour eux de progresser en développant de nouvelles aptitudes, tout en élargissant leurs connaissances. Au niveau de la formation, Gaz Métropolitain a déjà consenti des efforts importants. En effet, qu'il suffise de rappeler que, pour répondre à

la demande croissante en matière de conversion et d'entretien, des cours préparés sous la gouverne de Gaz Métropolitain ont été dispensés aux entrepreneurs-plombiers, aux employés d'entreprises manufacturières ainsi qu'aux entrepreneurs en construction. Près de 6500 jours-personnes de cours de formation ont été donnés en 1981 et 1982. Gaz Métropolitain poursuit toujours ses activités à cet effet et entend y mettre la même emphase que par le passé.

Voilà en bref comment Gaz Métropolitain voit sa contribution à l'objectif de recherche et développement dans le secteur de l'énergie.

Le deuxième point retenu pour fins de commentaires traite de la restructuration du secteur pétrolier. Cette restructuration s'inscrit dans le cadre des politiques énergétiques canadiennes et québécoises visant une réduction de notre dépendance envers le pétrole, mais également dans un contexte de rationalisation du secteur pétrolier à l'échelle mondiale. Cette volonté politique, issue des séquelles de la crise pétrolière de 1973, jointe aux effets sur la demande de pétrole de la pire récession économique de l'après-guerre, a conduit à une baisse importante des ventes pétrolières au Québec et au Canada, tout comme ailleurs dans le monde. La restructuration du secteur du transport et ses effets sur la demande de produits pétroliers ont occasionné la fermeture, en l'espace de quelques mois, de trois importantes raffineries à Montréal. Elle a débouché sur un besoin évident de rationalisation des activités de raffinage.

La forte croissance des prix de l'énergie, le rétrécissement des marchés énergétiques, la vigueur des programmes de remplacement du pétrole et le rôle important que le gaz naturel a été appelé à jouer dans cette situation ont toutefois eu des aspects bénéfiques à plusieurs égards. Ainsi, la pression concurrentielle exercée par la pénétration du gaz naturel et le rétrécissement du marché énergétique québécois ont entraîné un besoin plus poussé de rationalisation quant à la configuration du raffinage au Québec, notamment pour la valorisation des mazouts lourds.

Par ces améliorations, l'industrie du raffinage au Québec sera mieux en mesure de s'adapter aux différentes qualités de bruts qu'elle sera inévitablement appelée à traiter. D'ici quelques années, en effet, le pétrole d'origine canadienne, presque uniquement de fraction légère, ne sera plus disponible dans l'Est du Canada. Le Québec devra donc se tourner vers les marchés internationaux pour son approvisionnement pétrolier. Ceci implique évidemment une modification au niveau des proportions de pétrole lourd et léger que devront traiter les raffineurs du Québec.

La restructuration présentement en cours offre donc aux raffineurs l'occasion de s'ajuster maintenant aux conditions futures du marché. Il est également à prévoir que la demande de produits pétroliers s'oriente vers les usages pour lesquels ils offrent des avantages intrinsèques, c'est-à-dire la pétrochimie, les carburants et les lubrifiants.

L'autre aspect important à souligner concernant ces activités de valorisation touche les investissements importants qu'elles sous-tendent. À cet effet, l'exemple de la société Ultramar de Saint-Romuald est éloquent. Les investissements consentis par cette société, de l'ordre de 240 000 000 $, comptent parmi les investissements privés les plus imposants de la dernière année. Au moment où une reprise économique s'engage, des investissements de cette ampleur sont plus que souhaitables. Des efforts similaires de la part des autres raffineurs devraient, selon nous, être encouragés par le gouvernement par la mise en place des mesures appropriées.

Il ne faudrait pas oublier non plus que la valorisation des activités de raffinage, par la moins grande production de produits lourds et généralement à haute teneur en soufre qu'elle implique, apporte d'importants avantages au niveau de la pollution atmosphérique. On éviterait notamment d'ajouter au problème des pluies acides.

Une autre question retenue pour discussion à cette commission a trait aux investissements du secteur de l'énergie. La hausse prévue de la demande de gaz naturel dans !e territoire desservi par Gaz Métropolitain a rendu nécessaire la mise en place d'un important programme d'investissement. À la suite de nombreux commentaires, au cours des premiers jours de cette commission parlementaire, relativement aux dépenses d'immobilisation prévues par Gaz Métropolitain, vous nous permettrez de vous citer quelques chiffres pour remettre le tout en perspective.

Tout d'abord, Gaz Métropolitain a connu, au cours des cinq dernières années, une progression rapide de ses dépenses d'immobilisation. Ces dernières sont passées de près de 20 000 000 $ en 1978 à 50 000 000 $ en 1981 et à plus de 100 000 000 $ en 1982. Cette dernière année devait pourtant être marquée par une baisse de 6% des ventes de gaz par rapport à celles de l'année 1981. Face à cette situation et compte tenu des aménagements structurels et organisationnels rapides auxquels elle avait dû recourir pour entreprendre son expansion, Gaz

Métropolitain a abordé l'année 1983 par la mise en place de mesures de consolidation. Elle s'est employée à mieux assurer ses positions à partir desquelles elle pourra reprendre la croissance accélérée de son développement au bénéfice de sa clientèle,

de ses employés et de ses actionnaires.

Pendant cette année de consolidation, Gaz Métropolitain prévoyait réaliser des investissements totaux de 50 000 000 $. À la lumière des résultats anticipés, Gaz Métropolitain prévoit non seulement atteindre les objectifs qu'elle s'était fixés, mais encore les excéder grâce aux programmes gouvernementaux qui sont venus assister ses efforts. Les investissements de l'année 1983 devraient ainsi excéder 75 000 000 $.

Le plan quinquennal de développement 1983-1987 dévoilé l'an dernier prévoyait, au cours de la période, des investissements totaux de 948 000 000 $ en dollars courants. Près des deux tiers de cette somme devraient être consacrés au développement du réseau de distribution; environ un quart servira a améliorer le réseau existant, afin de pouvoir répondre à une demande accrue sur les territoires déjà desservis, et près de 10% iront vers les conversions et raccordements de nouveaux abonnés.

Dans un contexte où les conditions nécessaires demeurent réunies, Gaz Métropolitain demeure confiante de réaliser ces objectifs. En effet, si, à l'aide des programmes incitatifs fédéraux, les programmes de vente mis en place donnent les résultats escomptés - et cela, nous le croyons - et si l'harmonisation entre le gaz et l'électricité est réalisée selon les orientations présentes du gouvernement - et ceci, nous le souhaitons - il ne fait aucun doute dans notre esprit que ces objectifs seront atteints.

Pour Gaz Métropolitain, l'harmonisation de la pénétration du gaz et de l'électricité passe, d'une part, par l'encouragement des exportations des surplus temporaires dont dispose actuellement Hydro-Québec et, d'autre part, solution qui est de loin la plus intéressante, par l'incitation à de nouveaux investissements industriels, grands consommateurs de cette forme d'énergie. Les distributeurs gaziers pourraient même s'associer aux efforts d'Hydro-Québec à cette fin puisque, dans la plupart des cas, les industries recherchées sont à la fois consommatrices d'électricité et de gaz.

Un autre point d'intervention pourrait être celui des tarifs et subventions. La détermination de ceux-ci en matière de vente d'énergie est de nature complexe et commande généralement une analyse en profondeur des coûts et de leur allocation appropriée. Il pourrait être avantageux dans un tel contexte de demander a un corps intermédiaire, telle la Régie de l'électricité et du gaz, qui dispose de l'expertise en cette matière, d'effectuer pareille évaluation et de recommander au gouvernement les ajustements tarifaires requis. Le gouvernement disposerait ainsi des données voulues et de l'assurance d'un équilibre approprié entre les tarifs des principales formes d'énergie pour parvenir aux décisions qui lui reviennent.

Gaz Métropolitain demeure convaincue que les investissements gaziers sont importants pour l'économie québécoise, particulièrement à un moment où Hydro-Québec s'apprête à ralentir les siens. Les investissements prévus par Gaz Métropolitain viendront s'ajouter à ceux prévus par Hydro-Québec de façon à maximiser les retombées des investissements énergétiques sur l'économie du Québec.

De plus, les investissements dans des activités gazières débouchent sur un effet multiplicateur intéressant sur l'ensemble de l'industrie québécoise. Secteur d'activité encore jeune et en pleine croissance, comparativement à d'autres qui ont déjà atteint leur maturité ou leur phase de décroissance, le gaz naturel suscitera une activité économique nouvelle dont l'apport structurant bénéficiera au produit intérieur brut du Québec.

Comme nous l'avons souligné à quelques reprises déjà, Gaz Métropolitain a l'intention d'effectuer des investissements importants dans les prochaines années. Ces investissements gaziers influeront certainement sur la vigueur de la reprise économique tant attendue au Québec. Il est possible d'évaluer les contributions du gaz naturel au développement économique par les effets d'entraînement en amont et en aval que procurera ce dernier. (13 heures)

L'analyse des effets d'entraînement en amont porte à conclure que les investissements gaziers auront un impact certain sur plusieurs secteurs industriels du Québec. En effet, le contenu québécois de ces investissements étant déjà très élevé -on parle de plus de 80% pour les dépenses d'immobilisation et de plus de 90% pour les dépenses d'exploitation - cette proportion devrait continuer de croître au fur et à mesure des implantations de nouvelles industries québécoises pour répondre à la demande.

Le tuyau de plastique, entre autres, utilisé de façon prépondérante par les gaziers et dont une partie devait être importée il y a à peine quelques mois, est maintenant entièrement fabriqué au Québec. La demande des gaziers à ce niveau a en effet suscité l'émergence de nouvelles entreprises dans la fabrication du tuyau de plastique tel Phillips 66, à Boucherville, ou Manuplast, d'Alma, qui a d'ailleurs déposé devant cette commission un mémoire fort éloquent sur les pouvoirs industrialisants du gaz. Ce pouvoir industrialisant est également visible dans d'autres activités reliées aux investissements gaziers, notamment, au niveau des appareils à gaz. Giant Electric, par exemple, fabrique à Montréal depuis environ deux ans des chauffe-eau à gaz dont le contenu québécois approche les 100%. Brock Engineering, de

Montréal, fait l'assemblage depuis environ un an d'un autre chauffe-eau à gaz. Les compteurs utilisés par les gaziers pour mesurer la consommation de chaque client comportent de plus en plus de composantes québécoises.

Le développement de ces nombreuses industries contribue actuellement à la mise en place d'une infrastructure industrielle qui, par la suite, étant donné l'"entrepreneurship" québécois, prendra de l'expansion vers les marchés d'exportation, contribuant ainsi à l'amélioration de la balance commerciale du Québec.

Une évaluation sommaire de l'ensemble de ces impacts en amont des investissements de Gaz Métropolitain au moyen du modèle intersectoriel de l'économie du Québec montre que nos dépenses d'immobilisation seront source d'emplois équivalant à plus de 15 000 personnes-année au cours des cinq prochaines années, soit en moyenne 3000 emplois par an. Ces dépenses contribueront à plus de 875 000 000 $, en dollars de 1983, au produit intérieur brut du Québec et représentent un volume critique d'activité pendant une courte période susceptible de créer les effets de synergie recherchés.

Au niveau de l'impact des dépenses d'immobilisation en aval, l'évaluation est un peu plus difficile à effectuer. Ces effets, que l'on peut qualifier de structurants, présentent cependant d'énormes possibilités, ne serait-ce qu'au niveau des différents procédés utilisant le gaz naturel plus efficacement que toute autre source d'énergie. Comme l'ont fait valoir, à maintes reprises, les industriels, les commissaires industriels et les représentants de diverses municipalités, la présence du gaz naturel dans une région joue souvent un rôle déterminant lors d'une nouvelle implantation industrielle. L'avantage du gaz, tant au niveau de son prix que de ses qualités techniques, est reconnu par l'industrie comme l'ont spécifié, d'ailleurs, plusieurs mémoires soumis à l'attention de cette commission.

Plus encore, comme il a été mentionné précédemment, de multiples ressources sont présentement consacrées à trouver de nouvelles utilisations industrielles et de procédés pour le gaz, aux États-Unis et en Europe, où le gaz naturel joue déjà un rôle fort important. Soyez assuré qu'au niveau du transfert technologique et des possibilités d'application de ces nouveaux concepts à l'industrie québécoise, Gaz Métropolitain consacrera tous les efforts nécessaires pour en maximiser les retombées et pour accroître le caractère concurrentiel des firmes québécoises.

En guise de conclusion, vous nous permettrez ces quelques commentaires. L'importance du gaz n'est évidemment plus à démontrer. Que l'on songe à la sécurité d'approvisionnement que nous procurent les immenses ressources gazières de l'Ouest canadien, tout particulièrement depuis l'implication de SOQUIP dans ce domaine. Cette dernière devrait être à l'origine d'une part importante de l'approvisionnement gazier du Québec d'ici quelques années. On doit également compter avec les développements gaziers prenant place dans plusieurs pays et avec l'importance croissante de la circulation du gaz naturel à l'échelle mondiale. Cet avantage manifeste lié au prix dont jouit le gaz et à ses caractéristiques particulières au niveau du procédé en font une énergie de premier plan tant dans les activités traditionnelles que nouvelles.

Au rythme de progression actuel et étant donné le taux de croissance de la demande pour l'électricité, l'objectif que lui avait fixé le gouvernement de répondre à 41% du bilan énergétique du Québec d'ici 1990 devrait être atteint. De la même façon, nous croyons que le gaz naturel doit jouer un rôle de plus en plus important au niveau du bilan énergétique, sa part devant passer de 9% à 18% d'ici 1990. Il est à noter également que cette croissance de la part du gaz naturel se fait et continuera de se faire aux dépens du pétrole importé et non de l'électricité, d'où la nécessité d'un effort conjoint gaz-électricité en vue de la substitution du mazout et la nécessité aussi d'une harmonisation bien planifiée.

De plus, le gaz naturel a l'avantage de jouer le rôle essentiel d'élément stabilisateur des prix de l'énergie. Par exemple, dès 1957, la seule disponibilité du gaz se répercutait sur le prix du mazout et en provoquait une baisse appréciable. Le prix du mazout lourd à Montréal passait de 0,10 $ le gallon en 1957 à 0,06 $ le gallon en 1959. La situation se répète encore aujourd'hui. En effet, lors de l'arrivée du gaz naturel à Trois-Rivières, il y a peu de temps, on a observé le même phénomène. Alors que le coût marginal de l'électricité est croissant, que le prix des mazouts est également à la hausse, le gaz naturel, à cause de son abondance et de son prix avantageux, représente une possibilité intéressante. Comme il l'a fait par le passé, il devrait maintenir les prix de l'énergie à un niveau acceptable du fait de la concurrence qu'il suscite.

L'absence d'un tel élément stabilisateur risquerait d'entraîner une hausse des prix au détriment de l'ensemble des Québécois en général et du secteur industriel en particulier. Qu'il suffise de se rappeler que l'Ontario dispose déjà de gaz naturel sur l'ensemble de son territoire. Elle satisfait environ 30% de son bilan énergétique au moyen du gaz naturel et son secteur industriel consomme près de 50% de tout le gaz utilisé dans cette province. Advenant que le prix du gaz évolue moins rapidement que celui d'autres formes d'énergie - il s'agit là d'une hypothèse vraisemblable, puisqu'il est

établi que le coût marginal de production, du transport et de la distribution du gaz naturel est moins élevé que celui de ses concurrents l'industrie québécoise en serait désavantagée d'autant.

En terminant, M. le Président, nous aimerions à nouveau préciser que c'est en atteignant une participation appropriée au bilan énergétique du Québec que le gaz naturel pourra jouer le rôle dont nous vous avons fait état précédemment. Cette participation, fixée à 18% en 1990, implique que les ventes de Gaz Métropolitain devront croître de 40% d'ici les cinq prochaines années. Nous sommes fermement engagés à y parvenir et nous croyons qu'ainsi nous pourrons ajouter notre dynamisme propre à celui d'Hydro-Québec pour contribuer étroitement à la relance économique québécoise.

M. le Président, MM. les membres de la commission, nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Gaulin. Nous vous donnons rendez-vous à 15 heures pour la poursuite des questions des membres de la commission. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 10)

(Reprise de la séance à 15 h 11)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Lors de la suspension de nos travaux, M. Gaulin avait terminé, je pense, la lecture du mémoire et était prêt à répondre aux questions des membres de la commission. M. le ministre, est-ce que vous êtes prêt? Oui?

M. Duhaime: Si vous voulez y aller, M. Fortier.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Mon premier commentaire, M. Gaulin, c'est pour vous dire jusqu'à quel point j'apprécie le fait que votre compagnie ait mis l'accent sur la recherche et le développement. Pour ceux qui ont lu mes notes liminaires au début de cette commission parlementaire, j'avais justement posé des questions à savoir si, dans le domaine du gaz en particulier, on faisait de la recherche et du développement ici même au Québec, sachant qu'il s'en fait dans d'autres provinces canadiennes où c'est une ressource naturelle. Je vois qu'ici vous avez mis sur pied différents programmes dans le domaine de la recherche et du développement ou dans le domaine du transfert de technologie ou de l'innovation.

Je crois qu'on doit vous féliciter d'avoir mis sur pied ces programmes-là.

Vous avez une référence bien précise sur le pourcentage de vos ventes qui devrait être affecté - je ne le retrouve pas ici - à la recherche et au développement. Je croyais que la régie ne permettait pas d'inclure ce genre de dépenses dans vos dépenses de fonctionnement qui seraient reconnues comme des dépenses normales d'exploitation. Est-ce que vous avez des indications à savoir s'il est possible que la régie reconnaisse ce genre de dépenses? Si elle ne l'a pas fait jusqu'à maintenant, quelle argumentation allez-vous développer pour qu'elle puisse reconnaître ce genre de dépenses qui, à mon avis, est tout à fait légitime à condition qu'on le maintienne à l'intérieur de limites très précises?

M. Gaulin: Oui. D'abord, merci de vos commentaires, M. Fortier; ils sont très encourageants. Je dois vous dire qu'on a présenté à la Régie de l'électricité et du gaz dans nos budgets de 1984 un montant de près de 1 000 000 $ pour ce genre de programme. Nous présumons que la régie va l'accorder puisque, à la longue, c'est rentable et équitable pour la clientèle d'offrir une technologie qui fera en sorte de rendre notre clientèle plus concurrentielle et aussi d'accroître le bien-être de la clientèle qui n'est pas industrielle, mais résidentielle. Alors, nous avons bon espoir que la régie va le reconnaître dans nos coûts d'exploitation, compte tenu du fait qu'éventuellement ce sera rentable pour nos abonnés.

M. Fortier: Vous avez dit que c'était 1 000 000 $ sur des ventes de combien?

M. Gaulin: L'année prochaine, cela constitue 600 000 000 $ à peu près. On démarre le programme. Donc, il s'agit de roder un programme comme celui-là. Il est déjà amorcé, c'est-à-dire qu'on a déjà conclu des ententes avec, comme je l'ai dit dans mon allocution, certains instituts de recherche américains et français qui vont venir donner des cours ici. L'entente-cadre avec l'École polytechnique, on devrait tenir une conférence de presse, le 26 octobre, pour l'annoncer.

M. Fortier: Oui.

M. Gaulin: Il y a certains projets de recherche qui sont déjà engagés avec le CRIQ et qui vont aussi être engagés avec l'École polytechnique. Donc, ce n'est pas une limite de pourcentage qu'on recherche, mais, premièrement, de bien administrer le programme et, deuxièmement, de trouver les applications rentables pour les utilisateurs de gaz.

M. Fortier: Ici, si je regarde vos six mois terminés le 30 juin, je m'aperçois que les dépenses d'exploitation sont de l'ordre de 29 000 000 $. Donc, vos dépenses d'exploitation sont de l'ordre de 60 000 000 $. Alors, vous dites 1 000 000 $ sur 60 000 000 $. On parle de combien? Cela fait 1,5% à peu près. Lorsque vous aurez atteint votre vitesse de croisière, est-ce que ce serait l'ordre de grandeur que vous envisagez, entre 1% et 2%??

M. Gaulin: Non, comme je vous l'ai dit, c'est un chiffre qui tient compte du fait qu'on vient de lancer le programme...

M. Fortier: Oui.

M. Gaulin: ...et qu'on veut bien le roder. Dans certaines entreprises, on fixe un certain pourcentage des ventes, selon le genre d'entreprise, assigné à la recherche et au développement. Chez nous, on veut d'abord être conscient du fait qu'on veut mettre des choses rentables sur le marché. Les possibilités qu'on aura dans les premières années détermineront le pourcentage de nos ventes qu'on assignera à ces projets.

M. Fortier: Une chose qui m'intéresserait, ce serait de mettre en perspective votre effort de pénétration du marché. J'avais des chiffres que je n'ai pas sous la main, j'aimerais que vous me les rappeliez en termes de milliards de pieds cubes, de BCF. Pourriez-vous me rappeler les chiffres importants, comparés à Gaz Inter-Cité? Dans votre cas, cela montait de 100 à 140 BCF, si je me souviens bien. Est-ce que c'est l'objectif? En quelle année? En 1990?

M. Gaulin: C'est à la fin de notre plan quinquennal de développement; c'est donc aux alentours de 1988. Nous comptons arriver à vendre 140 000 000 000 de pieds cubes de gaz naturel.

M. Fortier: Alors, de 100 000 000 000 à 140 000 000 000 de pieds cubes, de BCF en 1988. Est-ce que vous connaissez l'objectif de Gaz Inter-Cité durant la même période? C'est simplement pour mettre en parallèle votre effort et celui de Gaz Inter-Cité.

M. Gaulin: Je vais vous citer un chiffre approximatif.

M. Fortier: Oui.

M. Gaulin: On parle d'environ 50 000 000 000 à 60 000 000 000 de pieds cubes. Je ne suis pas certain que ce soit durant la même période, mais c'est à peu près l'ordre de grandeur.

M. Fortier: C'est cela. Dans votre cas, cela a été une augmentation de 40 000 000 000 de pieds cubes et, dans leur cas, cela serait environ 60 000 000 000. Si l'on regarde les objectifs à très long terme, l'objectif de 17% du bilan énergétique, en quelle année se réaliserait-il? Au-delà des années quatre-vingt-dix, lorsqu'on dit que, dans le bilan énergétique québécois, le gaz représentera environ 17%. Quelle est la part du marché de Gaz Métropolitain dans ces 17%?

M. Gaulin: Compte tenu du fait que les territoires gaziers ne couvrent pas toute la province, nos 140 000 000 000 représenteront à ce moment 65% de la consommation de gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec.

M. Fortier: Alors, les deux tiers des 17%. Donc, Gaz Métropolitain, dans ces années, représentera environ 12% du bilan énergétique et Gaz Inter-Cité représentera 6%. Est-ce à peu près l'ordre de grandeur?

M. Gaulin: À peu près.

M. Fortier: À peu près l'ordre de grandeur, les deux tiers; 12% et 6%, à peu près. Cela nous permet de dégager les grands objectifs et de voir l'effort relatif de chacun. Pour être juste envers Gaz Inter-Cité, on notera que vous aviez déjà une base de départ et qu'eux partent à zéro. Mais ce que vous dites, c'est que dans une dizaine ou dans une quinzaine d'années la part du bilan énergétique que vous représenterez sera d'environ 12%. C'est cela?

M. Gaulin: Oui.

M. Fortier: Vous avez parlé des difficultés face au problème de la pénétration de l'électricité. Vous avez dit que, si l'on pouvait harmoniser des politiques de pénétration d'électricité avec celles du gaz, cela permettrait d'atteindre l'objectif qui est dans le livre blanc de 1978, soit de déplacer le pétrole. On en a discuté ici. On sait fort bien que, dans certains cas, c'est vrai. Hydro-Québec et vous-mêmes avez augmenté vos ventes. L'an dernier, les ventes d'Hydro-Québec ont baissé et les vôtres également, mais vous dites ici, dans votre rapport financier, que vos ventes augmenteront cette année et c'est la même chose pour Hydro-Québec. Je ne sais pas si celle-ci a eu des augmentations cette année, mais elle nous a dit que, l'an prochain, cela serait 10%. On peut tenir pour acquis que, dans une certaine mesure, il y a un déplacement du pétrole et cela crée des inconvénients dont nous avons discuté ici.

Vu les surplus considérables dans le domaine de l'électricité et vu que vous

cherchez à pénétrer a peu près les mêmes marchés - je parle surtout des marchés industriels - dans quelle mesure cela vous handicape-t-il? Quelles sont les solutions que vous pourriez suggérer à la commission pour s'attaquer à ce problème?

Je fais allusion, bien sûr, à des problèmes comme je crois en avoir lu dans les journaux, à savoir que vous étiez supposés aller à Saint-Jérôme et, du fait que vous aviez perdu un ou deux clients importants entre les mains d'Hydro-Québec, vous aviez décidé de ne pas aller a Saint-Jérôme. De toute évidence, cela vous crée des difficultés. Je crois que la commission serait intéressée à connaître vos recommandations pour harmoniser davantage l'électricité avec le gaz. Autrement dit, est-ce qu'il y a possibilité de les harmoniser? Est-ce que c'est une guerre farouche que les deux modes de combustible doivent se livrer ou est-ce qu'il y a possibilité de favoriser la pénétration de l'un et de l'autre? Quelles sont vos recommandations?

M. Gaulin: D'abord, M. le député, j'aimerais établir le contexte dans lequel on traite toujours les surplus d'Hydro-Québec parce que ces mêmes surplus se retrouvent un peu partout dans l'industrie. Si on regarde l'industrie du pétrole, on constate qu'il y a des surplus au niveau du raffinage et au niveau du transport puisqu'il y a certaines raffineries qui ferment. Au niveau du gaz, c'est la même chose: les producteurs qui sont assis sur des réserves de gaz fonctionnent à environ 50% de leur capacité. Leur transporteur, TransCanada, utilise son système à environ 50% et les distributeurs sont prêts à faire l'expansion. Donc, dans le contexte des surplus, il est bien entendu qu'en ce moment on vit une époque pour laquelle on avait fait des prévisions dans le secteur de l'énergie qui ne se sont pas réalisées. Ce n'est pas typique à HydroQuébec, cela se retrouve un peu partout dans l'industrie.

Bien entendu, quand on parle d'harmonisation, on ne veut pas dire éliminer la concurrence. Je pense qu'on ne peut pas s'attendre à éliminer la concurrence dans le secteur énergétique ou ailleurs. D'ailleurs, dans nos prévisions d'expansion, on ne prévoit pas occuper tout le territoire qui nous est donné, viser tous les clients à l'intérieur de ce territoire et s'attendre que tous ces clients optent pour le gaz. On a fait des prévisions de pénétration qui laissent place aussi à la pénétration de l'électricité.

On a aussi, selon les lectures que j'ai faites à la suite de la comparution d'Hydro-Québec à cette commission, compris que ces surplus sont temporaires. Autrement dit, on dit tout simplement que l'objectif qui était fixé par le gouvernement de 41% en 1990 devrait être atteint sans problème, même qu'il y a peut-être un peu de surplus additionnel. Mais, si j'ai bien lu, on prétend que les surplus sont temporaires et sont à court terme. C'est normal, si on doit rencontrer une demande qui, elle, est croissante et qu'on ajoute une capacité de production d'un coup sec, mais temporairement jusqu'à ce qu'on rencontre les deux courbes, on a des surplus.

Dans ce contexte, je crois qu'il y a un rôle pour le gouvernement d'harmoniser la pénétration dans le sens que, premièrement, le gaz n'est pas partout au Québec et, deuxièmement, l'hydroélectricité, elle, est étendue comme réseau de distribution. Il ne faudrait pas négliger les régions qui n'auront pas accès au gaz naturel et, si on ne réussit pas à faire de pénétration à partir de l'électricité, elles dépendront du pétrole importé. Mais vous comprendrez que Gaz Métropolitain, qui est une entreprise mi-publique, mi-privée, peut difficilement aller discuter d'harmonisation avec Hydro-Québec.

Quant à nous, notre recommandation, comme je l'ai dit dans ma allocution, c'est que toute l'harmonisation se fasse au niveau des tarifs, au niveau des subventions. Il faudrait que les entreprises de distribution d'électricité et de gaz soient confrontées au même processus d'examen et de fixation des tarifs. Si on respecte cette condition et a cause du fait qu'on a déjà prévu qu'une certaine part, une large part de la pénétration serait faite par l'électricité, je ne vois pas de problème sur les marchés. On va gagner quelques clients et on va en perdre, mais je ne verrais pas de problème à ce qu'on puisse atteindre nos objectifs qu'on a mentionnés sur les montants d'investissement.

Il est arrivé dans le passé qu'on a perdu un cas spécifique, c'est celui de Saint-Jérôme. Quand on dit "perdu", c'est que c'était beaucoup plus facile de desservir une municipalité où il y a un gros client industriel et, naturellement, cela rentabilise les installations de distribution gazière. Cela a été fait dans le cadre où il y a eu un programme d'énergie excédentaire qui offrait des tarifs qui n'ont pas connu peut-être ces contraintes que nous connaissons au niveau de la réglementation de la Régie de l'électricité et du gaz. Mais cela ne veut pas dire que l'on a abandonné l'idée de desservir cette ville. On est encore à la recherche des moyens de desservir la ville et c'est dans nos objectifs de la desservir, sinon l'année prochaine, peut-être l'année d'après.

M. Fortier: Mais, bien sûr, lorsque vous prendrez cette décision, en tant que président d'une compagnie qui a des actionnaires publics, vous devrez, quand même, justifier un investissement face à vos actionnaires. Vous n'avez pas le choix, vous devez publier vos états financiers. Je notais

- j'allais dire votre concurrent; ce n'est pas votre concurrent, Gaz Inter-Cité - qu'on n'a pas l'avantage de lire les états financiers de Gaz Inter-Cité mais dans votre cas on peut les lire et les analyser. J'imagine qu'avant de prendre des décisions comme celles que vous venez d'évoquer vous devez les justifier à votre conseil d'administration, vous devez les justifier devant vos actionnaires. Dans ce sens-là, j'imagine que les clients industriels permettent une justification économique qui permet d'autoriser la dépense.

Ce que j'aimerais que vous m'expliquiez, c'est l'intervention qui pourrait être celle des tarifs. Bien sûr, je connais un peu la dialectique. J'ai devant moi la Gazette officielle du Québec du 8 décembre 1982. Parlant du tarif de l'électricité excédentaire, on dit, concernant Hydro-Québec: "Le prix unitaire du combustible remplacé est déterminé par le distributeur à partir de toute information qu'il juge pertinente ou au choix de l'abonné sur le prix payé par ce dernier lors de la dernière livraison". Il y a toujours moyen de se faire faire une livraison à bon marché, cela détermine le prix à partir duquel on peut négocier l'achat d'électricité. J'imagine que, dans votre cas, vous n'avez pas exactement la même marge de manoeuvre. Est-ce dans le sens d'avoir des règles du jeu qui seraient à peu près les mêmes en ce qui concerne la tarification et qu'à partir de ce moment vous seriez disposés à concurrencer Hydro-Québec en utilisant à peu près les mêmes règles du jeu qui s'appliqueraient et à l'un et à l'autre? Ou est-ce que vous voyez d'autres mécanismes qui feraient que la Régie de l'électricité et du gaz interviendrait pour harmoniser? Vous nous dites dans le fond que, par le mode des tarifs, on pourrait viser à une certaine harmonisation. J'aimerais que vous détailliez un peu plus les raisons qui vous amènent à faire une telle proposition. Dans quelle mesure les tarifs pourraient-ils favoriser l'harmonisation? Je pense que c'est la question fondamentale.

M. Gaulin: Comme vous l'avez soulevé tantôt, lorsqu'on fait un investissement, il faut aussi se soucier de sa rentabilité. Or, en ce moment, on sait qu'il y a des surplus d'électricité qui persistent pour un certain temps. On pourrait dire qu'étant donné que l'eau coule par-dessus les barrages on va devoir la placer, et tant mieux si on peut la placer. Il y a quand même ce souci d'arriver à rentabiliser le projet parce que, éventuellement, si cette quantité d'énergie est placée dans un marché et que, par la suite, on doive bâtir de nouvelles installations pour satisfaire des besoins additionnels internes, cela va coûter plus cher. Pour nous, cette problématique est complexe. Je ne prétends pas connaître toutes les variables et les contraintes auxquelles Hydro-Québec fait face. Mais ce que je dis, c'est que si on veut que la libre concurrence joue, il faut avoir les mêmes règles. Pour avoir les mêmes règles, je ne dis pas que la régie devrait décider des tarifs d'Hydro-Québec - cela restera toujours le devoir du gouvernement, je crois - mais je dis qu'elle pourrait faire des recommandations qui tiendraient compte de la complexité de la tarification en fonction des investissements, des différentes classes de clients, des besoins et de la concurrence, des règlements auxquels nous sommes soumis vis-à-vis de la Régie de l'électricité et du gaz. À long terme, cela rendrait la tâche du gouvernement beaucoup plus simple et celle d'Hydro-Québec aussi parce qu'à ce moment-là les investisseurs seraient assurés qu'au moins les tarifs sont établis pour une saine gestion financière, et cela faciliterait la tâche du gouvernement dans le sens que les éléments complexes seraient bien exposés. (15 h 30)

C'est le seul moyen auquel on peut arriver parce qu'on est en concurrence et qu'on n'a pas exactement les mêmes actionnaires. À partir de là, cela n'empêcherait pas le gouvernement d'établir ses politiques et la Régie de l'électricité et du gaz d'en tenir compte. Je crois que ce qui est démontré par notre présentation et celle d'Hydro-Québec, c'est ce qu'on a toujours dit: II y a place pour les deux, mais cela ne veut pas dire qu'il est simple d'y arriver. Il faut qu'on le fasse selon les mêmes règles, l'un et l'autre.

M. Fortier: Quand vous dites qu'il y a place pour les deux, vous parlez en tant que président de Gaz Métropolitain et vous parlez du secteur pour lequel vous avez une franchise.

M. Gaulin: D'abord, pour cela, oui.

M. Fortier: Ce que vous venez de nous dire pour ce qui est des tarifs, c'est que, si les règles du jeu étaient plus semblables, la concurrence se ferait à visière levée, il y aurait moins de prix de dumping d'un côté. J'imagine que, de votre côté, vous êtes limités par les contraintes qui vous sont imposées par la Régie de l'électricité et du gaz. J'en conclus qu'il est arrivé quelque chose à Saint-Jérôme où la concurrence a été un peu plus agressive ou un peu plus dure. Qu'est-il arrivé exactement dans ce cas-là? Est-ce que vous pouvez informer les membres de la commission sur ce qui a fait que vous avez perdu le client aux mains d'Hydro-Québec?

M. Gaulin: II n'y a rien de mystérieux à Saint-Jérôme; des clients ont signé à l'intérieur du programme d'énergie excédentaire d'Hydro-Québec. Le programme, on le

sait, a été arrêté parce qu'il a obtenu un certain succès; je pense qu'ils ont pu vendre l'électricité disponible. On a fait valoir de bons points pour le gaz auprès de ces clients-là et ils ont décidé. On ne peut pas forcer le client, non plus. Les contraintes qu'on a, c'est que la Régie de l'électricité et du gaz ne peut pas permettre à une classe de clients de financer une autre classe de clients. On doit se prêter à ces règles pour établir nos tarifs et on n'a pas pu arriver au prix proposé par Hydro-Québec à ce moment-là.

M. Fortier: En ce qui concerne votre recommandation pour soumettre HydroQuébec à une revue - non pas a une détermination - des tarifs, nous sommes sympathiques à cette recommandation. J'aimerais avoir votre opinion sur deux ou trois points. Vous dites, à la page 18 de votre mémoire: "De multiples ressources sont présentement consacrées à trouver de nouvelles utilisations industrielles et de procédés pour le gaz aux États-Unis, où le gaz naturel joue déjà un rôle fort important." N'est-il pas vrai que, selon les informations que nous avons ici - je crois que c'est lorsque John Dindsmore de Pétromont est venu faire sa présentation - lorsque le gaz traverse la frontière de l'Alberta, il est "strippé" de certains éléments, ce qui fait que les possibilités industrielles du gaz que nous avons ici sont moins grandes que celles qui existent en Alberta? Ne faudrait-il pas diminuer l'importance du paragraphe que vous avez dans votre mémoire en précisant le fait qu'il y a certains éléments qui existent dans le gaz naturel qui n'existent plus lorsque le gaz naturel arrive à Montréal?

M. Gaulin: Permettez-moi d'apporter certaines précisions là-dessus. D'abord, normalement, quand on trouve du gaz à l'état pur dans la terre, il contient d'autres liquides qui, bien souvent, sont du propane et du butane. Ces liquides sont, en Alberta, recouvrés par la compagnie Dome qui les achemine à Sarnia où on en fait la séparation et la revente à l'industrie pétrochimique. Le gaz naturel comme tel qui est vendu n'a pas plus d'avantages en Alberta qu'au Québec. Le seul désavantage, bien entendu, est que, si on avait la possibilité d'avoir ces matières premières qui pourraient servir à l'industrie pétrochimique, on pourrait offrir des avantages à Pétromont qui lui permettraient probablement d'être concurrente, le gaz naturel ayant les mêmes caractéristiques, les mêmes pouvoirs industrialisants.

Quant à l'industrie pétrochimique j'écoutais les commentaires de M. Laberge, ce matin - je crois qu'il faut réaliser qu'au Québec elle fait face à un problème en ce moment à cause du fait que la matière première utilisée par l'industrie pétrochimique canadienne à l'Ouest et américaine dans le golfe s'alimente à partir du gaz naturel, à partir de ces matières qui sont récupérées.

Or, il faut se reporter au fait qu'il reste des raffineries à Montréal qui produisent du propane et du butane à partir du pétrole. Je dois vous dire que chez Gaz Métropolitain on a commencé à conclure des ententes avec des raffineurs pour remplacer le propane et le butane, qui en été est utilisé pour chauffer la raffinerie, par du gaz naturel, leur offrant un prix beaucoup plus intéressant pour leur combustible et permettant à ces raffineries en retour de vendre cette matière première à Pétromont. Donc, on a déjà contribué à favoriser l'industrie pétrochimique au Québec avec le gaz naturel.

Il reste à solutionner le problème pour l'hiver. Il n'est pas impensable que la quantité de matières premières propane et butane dont Pétromont a besoin durant l'hiver on la retrouve chez les raffineurs qui l'utilisent durant l'hiver pour les carburants. Or, si on trouvait le moyen de remplacer ces matières par du gaz naturel, on pourrait offrir à Pétromont une solution très intéressante pour lui permettre de survivre.

M. Fortier: Comment se fait-il que vous puissiez le faire l'été, mais qu'en hiver cela n'est plus rentable?

M. Gaulin: Quand le raffineur produit son essence durant l'été, la température étant plus clémente, vous n'avez pas de problème à démarrer votre automobile, la tension de vapeur est suffisante et vous n'avez pas besoin de mettre de butane dedans. Le butane est donc brûlé à l'intérieur de la raffinerie pour chauffer le pétrole. Durant l'hiver, alors que la température est plus froide, l'essence doit avoir une tension de vapeur plus élevée, on utilise le butane pour l'augmenter; à ce moment-là le butane prend la valeur de l'essence. Il faut trouver le moyen de le remplacer dans l'essence par le gaz naturel.

M. Fortier: J'imagine qu'une autre raison serait le fait que Gaz Métropolitain doit avoir plus de surplus de gaz l'été que l'hiver et que, pour vous, c'est plus économique de faire des arrangements avec les raffineries en été qu'en hiver. Autrement, cela augmenterait votre pointe en hiver.

M. Gaulin: Oui, vous avez raison. Disons que c'est plus avantageux pour nous l'été. Mais il ne faut pas penser qu'on ne peut pas le faire l'hiver. Comme je vous l'ai dit tantôt, les surplus se retrouvent partout et dans le gaz naturel en particulier. Je dois vous dire qu'en hiver on n'a pas beaucoup de

difficulté à obtenir des contrats d'approvisionnement additionnels.

M. Fortier: Est-ce que je peux vous demander une chose? Vous avez signé des contrats d'achat de gaz. Bien sûr, Gaz Inter-Cité nous a expliqué le mode contractuel qui fait qu'avec les subventions du gouvernement fédéral durant trois ans il y a un certain moratoire sur "les volumes d'achat pour lesquels la compagnie avait contracté". De qui achetez-vous votre gaz, plus exactement de quelle compagnie?

M. Gaulin: En ce moment, avant que SOQUIP s'implique dans le secteur de la production, on a acheté des volumes de Pan Alberta. On a été les premiers à établir ces relations avec le gouvernement de l'Alberta et, en fait, on les a mis au monde chez Gaz Métropolitain, pas pendant que j'étais là, mais avant. Par la suite, on a, tout d'abord, contracté, comme tout le monde, avec TransCanada pour des volumes de base. Pour les volumes additionnels, je peux vous dire qu'on est déjà engagé envers SOQUIP à prendre les volumes additionnels qu'on placera sur le marché québécois.

M. Fortier: Est-ce que c'est uniquement avec SOQUIP? Gaz Inter-Cité nous disait que c'était moitié Inter-City Gas et moitié SOQUIP.

M. Gaulin: Dans notre cas, c'est avec SOQUIP.

M. Fortier: Je vois ici que la décision tarifaire de la Régie de l'électricité et du gaz pour cette année était de vous fixer un rendement de 16%. Est-ce que ce rendement - qui est un rendement selon les calculs de la Régie de l'électricité et du gaz - est le rendement effectif que vous atteindrez globalement dans vos états financiers pour l'année 1983? Autrement dit, en termes de ventes et en termes de rendement sur le capital, est-ce que vous atteignez vos objectifs cette année?

M. Gaulin: Oui, nous atteignons nos objectifs et nous comptons les atteindre. Je suis très heureux que vous me posiez cette question. Il y a beaucoup d'interrogations qui se posent. Premièrement, la Régie de l'électricité et du gaz établit, sur ce qu'on appelle la base de tarification, le coût de cet argent dont on a besoin pour financer nos actifs. La base de tarification, c'est, en fait, l'investissement global qu'on met dans l'entreprise. Or, pour établir ces coûts, elle se base sur des expertises en partant de financements où il n'y a pas de risque et en calculant à quel niveau un investisseur est prêt à investir, pour pouvoir attirer ses investissements. Question très importante puisque dans une entreprise réglementée on ne génère pas suffisamment d'autofinancement pour financer nos projets d'investissement, surtout en période d'expansion. Il n'est pas suffisant que la régie nous donne ce rendement, il faut l'atteindre. L'an dernier, on ne l'a pas tout à fait atteint; on a été à 17,4% contre 18%, mais cette année on se dirige vers les 16% qui sont autorisés.

M. Fortier: Je n'ai pas suivi cela dernièrement; je n'ai, malheureusement, pas acheté d'actions de Gaz Métropolitain, mais c'est assez stable, si ma mémoire est fidèle. Est-ce que la valeur de vos actions à la Bourse se maintient?

M. Gaulin: En ce moment, la valeur est à peu près à 7,25 $ et elle était, il y a deux ans, à 4,25 $. Donc, ceux qui ont acheté des actions dans le cadre du programme d'épargne-actions n'ont pas à le regretter. C'est, d'ailleurs, une caractéristique d'une entreprise de distribution gazière mais cela dépend aussi fortement de la performance de l'entreprise quant à son taux de rendement. Le taux de rendement étant atteint, quand on fait une émission d'actions, plus la valeur de l'action est élevée, moins cela coûte cher pour le financer et moins nos clients le paient.

M. Fortier: Quel est le rapport entre l'équité et la dette à long terme chez Gaz Métropolitain?

M. Gaulin: Si vous me le permettez, je vais consulter mes collègues là-dessus. Nous maintenons en ce moment un ratio de 40% d'équité en tenant compte aussi de la dette à court terme, ce qui est au-dessus de la moyenne des entreprises d'utilité publique canadiennes.

M. Fortier: Est-ce que vous devez faire une émission d'actions prochainement? Présentement, j'imagine que vous négociez vos investissements par des dettes à court terme.

M. Gaulin: On s'apprête à faire une émission d'actions ordinaires à l'automne.

M. Fortier: Je crois que c'est la dernière année pour les grandes entreprises pour bénéficier du programme d'investissement. Ceux qui, comme le ministre, ont des hauts salaires peuvent acheter des actions. Je crois que c'est la dernière année, n'est-ce-pas, pour bénéficier du système d'épargne-actions?

M. Gaulin: C'est la dernière année pour les grandes entreprises, mais on ne doit pas se qualifier parce que cela continue pour

nous. On est à l'intérieur d'un actif de 1 000 000 000 $. Alors, le programme continue pour nous l'année prochaine et les années à venir.

M. Fortier: Une dernière question que j'aurais avant de passer la parole à mes collègues. Quelle est en moyenne l'augmentation du tarif domestique que vous avez l'intention de réclamer? Autrement dit, si je vous demandais de faire une prévision pour 1984, quelle serait l'augmentation des tarifs de Gaz Métropolitain?

M. Gaulin: En moyenne, notre présentation en ce moment à la régie prévoit une augmentation tarifaire de 3%. Je dois vous dire que cela contient plus de 60% d'impôts que l'entreprise va payer. Une caractéristique intéressante à retenir, c'est que les impôts payés par une compagnie d'utilité publique reviennent à 90% à la province. Donc, il y a la portion provinciale qui reste et 90% de la portion fédérale reviennent à la province.

M. Fortier: Je ne vois pas les impôts ici dans votre bilan.

M. Gaulin: Oui. Si vous regardez en bas, vous allez en voir.

M. Fortier: D'accord. Oui. Quel est le montant des impôts que vous payez en tout et partout?

M. Gaulin: En 1983, on va payer 11 000 000 $ et, en 1984, 18 000 000 $ d'impôts.

M. Fortier: Ah, mon Dieu! Ce sont des impôts sur les profits?

M. Gaulin: Oui.

M. Fortier: Ah oui, oui! Et non pas des taxes incluses à l'intérieur des coûts de fonctionnement comme tels?

M. Gaulin: Non.

M. Fortier: Alors, ce serait uniquement 3%. Maintenant, cette augmentation prend en considération le fait que très probablement le fédéral va diminuer sa taxe pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'augmentation de tarif. Je pense bien que pour le moment on tient cela pour acquis.

M. Gaulin: Oui. Compte tenu du fait qu'il y a eu une entente entre le gouvernement canadien et l'Alberta qui fixe le prix du gaz naturel pour les 15 prochains - quand cela a été signé c'était pour 18 mois; j'imagine qu'il en reste un peu moins - mois, du moins jusqu'au 1er janvier 1985, à 65% du prix du pétrole, qui ne devrait pas augmenter à moins que le prix international passe de 29 $ à 34 $, à peu près. On peut donc s'attendre qu'en 1984, il n'y ait pas d'augmentation dans le coût du gaz. (15 h 45)

M. Fortier: Je vous remercie. J'ai pris note de votre recommandation, qui me semble majeure, dans le sens qu'Hydro-Québec soit, elle aussi, soumise à une revue de la Régie de l'électricité et du gaz, et j'espère que Dieu vous entendra.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. Avant de céder la parole à M. le ministre, je fais juste un petit calcul mathématique et je me rends compte qu'on a couvert plus de quatre heures depuis le matin et que nous en sommes encore au deuxième groupe d'invités sur six. Pardon?

Une voix: On siégera ce soir.

Le Président (M. Gagnon): On siégera ce soir, mais je voudrais demander aux membres de la commission ainsi qu'à nos invités peut-être d'aller un peu plus rapidement dans les questions et aussi dans les réponses de façon qu'on puisse terminer effectivement ce soir.

M. Fortier: Merci de votre recommandation, M. le Président.

M. Duhaime: Je vais prendre un avis judicieux de votre conseil, M. le Président. On essaiera d'aller vite, d'autant plus que beaucoup de points ont été couverts.

D'après vos calculs et l'autorisation qui vous est donnée par la régie, vous mentionnez que votre niveau de retour sur l'investissement était à 17% l'an passé et à 16% cette année. C'est cela?

M. Gaulin: 17,4% l'année dernière et 16% cette année.

M. Duhaime: Je voudrais enchaîner à partir de ce fait sur le résultat de ce qu'on appelle l'harmonisation dans la concurrence ou la concurrence à travers l'harmonisation pour rappeler que lorsque vos collègues de Gaz Inter-Cité sont venus, leur niveau de retour sur l'investissement était à 16,5%. J'ai fait le calcul sur les neuf dernières années d'Hydro-Québec et, si ma mémoire est bonne, j'arrivais à 16,7%. On est, comme on dit, dans le "ball park". Quand on regarde les résultats et en tenant compte du fait que Gaz Inter-Cité est dans une phase de grande expansion - Gaz Métro l'est également -finalement, même si on n'a pas une situation où le tableau pourrait, soit par clientèle ou par territoire géographique, se tasser un peu plus, il reste qu'en termes de résultats nets, si j'ai bien retenu l'échange que vous avez

eu avec le député d'Outremont, vous pensez atteindre vos objectifs de pénétration de marché à l'intérieur de votre franchise, malgré les à-coups où il y a un client qui vous échappe de temps à autre. Je serais à peu près certain que le phénomène inverse se retrouve également, que vous allez en chercher un de temps à autre que vous aviez désespéré aller chercher. Mais l'un dans l'autre, sur le scénario à l'horizon de 1987 ou encore de 1990, dans l'état actuel des choses et pour employer l'expression "toute chose étant égale", vous restez optimistes sur l'atteinte de vos objectifs de pénétration de marché.

M. Gaulin: Oui, dans les conditions que j'ai mentionnées tantôt, vous avez parfaitement raison à savoir que tantôt on en perd et tantôt on en gagne. Je n'ai pas voulu associer, par exemple, la perte d'un client à Saint-Jérôme à l'arrêt de notre effort dans l'expansion. Pas du tout. Je dis que, si ce programme se répétait "at large", cela rendrait notre pénétration plus difficile.

M. Duhaime: Je voudrais revenir sur vos objectifs de marché. Vous me corrigerez si cela ne correspond pas avec ce que vous avez sur la problématique 1982-1987. Pour Gaz Métro, d'après ce que j'ai ici, c'est 142 BCF comme objectif et, sur l'horizon de 1990, c'est 160. Est-ce que cela correspond à vos chiffres aussi?

M. Gaulin: Oui. M. Duhaime: Oui?

M. Gaulin: Du moins pour la portion jusqu'à 1988, les 142 BCF correspondent bien. Quant aux 160, je n'ai pas le chiffre précis en tête.

M. Duhaime: Parce qu'on a évoqué 50 tantôt, je voudrais préciser le chiffre. Gaz Inter-Cité est beaucoup plus ambitieuse. Pour l'horizon 1987, l'objectif était de 74 BCF. En l'additionnant à vos propres 142, cela nous mène à 216. Gaz Inter-Cité a comme objectif, sur 1990, 100 000 000 000 de pieds cubes par rapport à 160 000 000 000 pour Gaz Métro, ce qui veut dire qu'à l'horizon de 1990, 260 BCF ou milliards de pieds cubes correspondraient à peu près à 17% ou 18% du bilan énergétique.

Vous avez mentionné les niveaux d'investissement de 1983 à 1987. J'ai noté 948 000 000 $ et vous avez donné la ventilation dans le réseau de distribution, amélioration, conversion et raccordement, etc. Est-ce qu'une évaluation a été faite du contenu québécois de l'investissement? Je comprends que les autres distributeurs doivent avoir une très grande partie en masse salariale, mais est-ce que vous pourriez nous donner un peu d'information là-dessus?

M. Gaulin: M. le ministre, au niveau du contenu québécois, on a cité des chiffres de 82% quant aux immobilisations et de 90% en termes de dépenses d'exploitation. Pour apporter des précisions là-dessus, on s'est servi du modèle intersectoriel du gouvernement qui date quand même de 1978 et on a tenu compte, dans nos évaluations, non seulement du fait que c'était bâti au Québec, mais aussi que la propriété était québécoise, que même le transport était québécois. On a fait des évaluations assez profondes à ce niveau. Comme je l'ai mentionné dans ma présentation tantôt, de plus en plus d'entreprises s'impliquent dans l'industrie du gaz naturel au Québec et nous sommes en train de faire réviser ces prévisions par un collègue de l'Université de Montréal pour préciser ces chiffres. Nous pensons qu'ils devraient être supérieurs à ce que je vous ai mentionné. Disons qu'en ce moment, basé sur les faits, c'est 82%.

M. Duhaime: Bravo. Sur la question des prix - je vais terminer avec cette question pour me conformer à votre invitation, M. le Président - on parlait de la Régie de l'électricité et du gaz, tout à l'heure, qui établit le prix du gaz. Je pense qu'on va convenir que ce n'est pas la régie comme telle qui établit le prix à l'entrée de la franchise, mais c'est à partir de là. Le prix à l'entrée de la franchise est important. Il y a aussi des programmes d'incitation à la conversion au gaz; il y en a toute une série, et il y a la question de la fiscalité. L'autre jour, nous avons établi que le niveau de taxation du gouvernement fédéral était, si ma mémoire est bonne, d'environ 1,30 $ sur 4,14 $ les 1000 pieds cubes. C'est avant même l'intervention de la Régie de l'électricité et du gaz et c'est avant même que le gouvernement du Québec décide d'imposer une taxe de vente ou non.

N'avez-vous pas l'impression que le gaz naturel est cher à l'entrée de la franchise? C'est peut-être là qu'est la plus grande difficulté pour Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité de faire la pénétration sur le marché. Si le prix du gaz baissait - on a beaucoup discuté de déréglementation - s'il y avait une déréglementation du prix du gaz, il y a gros à parier qu'avec les surplus qui existent, qui sont beaucoup plus abondants, toutes proportions gardées, que ce qu'Hydro peut avoir dans ses réservoirs, le prix s'en irait à la baisse. Je parle du prix à l'entrée de votre franchise. Quelle est votre réaction là-dessus? Beaucoup de gens me disent: Moi, le gaz, cela m'intéresse, mais c'est encore trop cher. Nous autres, on a enlevé la taxe de vente de 9%. Je pense que vous l'aviez demandé. Je ne comprends pas pourquoi mon

collègue d'Outremont a oublié de mentionner que notre gouvernement avait enlevé la taxe de vente de 9% sur le gaz, mais c'est une réalité. Le Québec ne perçoit pas un seul sou.

M. Fortier: On est d'accord. Il aurait fallu l'enlever...

M. Duhaime: C'est ma question. Il y a 1,30 $ et il y a les fameux 0,30 $ les 1000 pieds cubes quelque part pour les produits gaziers et les produits pétroliers. Si on enlevait cela? Si le gouvernement fédéral prenait la décision d'enlever les 0,30 $ chez votre client dans l'hypothèse où vous décidiez de répercuter complètement la baisse à votre clientèle, n'est-ce pas là la clé pour non seulement atteindre vos objectifs de pénétration de marché, mais les augmenter?

M. Gaulin: M. le ministre, je prends l'occasion de vous remercier, d'abord, pour avoir enlevé la taxe de vente sur le gaz, parce que cela indique clairement que vous êtes favorable à la pénétration du gaz naturel au Québec. Au sujet de la déréglementation, je pense que vous avez parfaitement raison. Tout d'abord, le niveau de taxation sur le gaz naturel est de beaucoup supérieur à toute autre forme d'énergie. Selon nos calculs, c'est deux fois et demie plus élevé que le pétrole et sept fois plus élevé que l'électricité. Il est bien entendu qu'on peut parler de déréglementation, mais, dans les faits, on peut s'attendre que cela ne se produise pas. La commission parlementaire en est un exemple. L'énergie, c'est l'intérêt de tout le monde et je crois que le rôle de l'État dans l'énergie est nécessaire. Par contre, l'objectif poursuivi par la déréglementation est atteignable. Je dois vous dire que Gaz Métropolitain a fait d'énormes représentations auprès non seulement du gouvernement fédéral et du gouvernement de l'Alberta, mais des producteurs. Vous avez sans doute constaté dernièrement que, dans l'entente, on a mentionné qu'on s'apprêtait à instaurer un mécanisme de prix incitatifs a l'industrie et je crois qu'une bonne part de cette initiative revient à Gaz Métropolitain. Les pourparlers sont en cours. On est très actif dans ce domaine et je dois vous dire, selon ce qu'on nous rapporte, que l'Alberta doit déposer une proposition au gouvernement fédéral dans la prochaine semaine à cet effet. Le gouvernement fédéral, par la suite, a promis de consulter l'industrie. Nous comptons faire valoir notre point de vue là-dessus et nous pensons que, d'ici février 1984, un mécanisme sera en place. Il est à souhaiter que ce soit avant, mais cela rejoint un des points que j'ai soulevés tantôt, à savoir qu'il est très important que le gaz naturel occupe une place importante dans le bilan énergétique parce que cette taxe fait ressortir le fait que le gaz naturel est très peu dispendieux comme coût, étant donné les immenses réserves qui existent. Notre effort vise - compte tenu du fait que politiquement nous ne pensons pas qu'une déréglementation puisse se produire - à faire éliminer certaines taxes pour favoriser l'industrie au Québec.

M. Duhaime: J'ai eu l'occasion de le dire l'autre jour, mais je crois, au risque de me répéter, que le gouvernement fédéral intervient dans un programme d'expansion du réseau gazier en payant pour les conduites latérales. Il y a aussi les programmes de conversion et il y en a une ribambelle qui s'additionne. C'est drôle, mais je vois comme une espèce de contradiction et je n'arrive pas à comprendre comment le gouvernement fédéral n'y voit pas tout de suite son intérêt. Lorsque le gaz naturel entre, c'est du pétrole importé qui se déplace immanquablement - on s'entend là-dessus -mais sur chaque mille pieds cubes de gaz qui se vend sur ce nouveau marché, le gouvernement fédéral va chercher 1,30 $. Je fais un calcul rapide. Votre objectif et celui de Gaz Inter-Cité - je parle à l'horizon de 1990 - est de 260 8CF, combiné. Supposons qu'on se trompe un peu tout le monde. Pour les fins de la discussion, on dit: 240 000 000 000 de pieds cubes à 1,30 $ les mille pieds, en taxes, cela fait entre 310 000 000 $ et 312 000 000 $ de revenus fiscaux à la hauteur de 1990. Donc, cela va aller en progression au fur et à mesure. A chaque mille pieds cubes que vous placez sur le marché, le gouvernement fédéral ramasse 1,30 $. C'est pour cette raison que j'appelle le programme de subvention fédérale non pas une subvention, mais un investissement fiscal. Je vous assure que le retour sur cet investissement fiscal est beaucoup plus élevé que les maigres 16% dont vous vous contentez, si on le prend sur une base annuelle. (16 heures)

Alors, nous allons tenter de convaincre le gouvernement fédéral. Moi aussi, je serais surpris qu'il décide de déréglementer, mais au moins qu'il abandonne certaines taxes. En effet, j'aurais le sentiment que, si vous pouviez appeler tous vos clients demain matin et tous vos prospects et leur dire: La taxe de 0,30 $ les 1000 pieds cubes (prenons celle-ci) vient d'être enlevée, cela vous ferait un bon escompte à offrir à vos clients.

Je me demande si ce n'est pas de ce côté qu'il faut qu'on pousse davantage. On parle beaucoup d'Hydro-Québec. HydroQuébec est sur le marché de Montréal depuis des années; Gaz Métro est là aussi depuis des années. On a fait établir assez

clairement par votre collègue, M. Barbeau, qui lui est dans un autre territoire, que la présence d'Hydro-Québec avec une problématique de marketing agressif avait comme effet direct de faire diminuer ses propres prix aux consommateurs de gaz. Est-ce que ce n'est pas la même chose dans votre cas? Est-ce qu'Hydro-Québec, par le fait même qu'elle soit sur le marché, à la chasse de clients potentiels, ne force pas Gaz Métro à resserrer ses coûts d'exploitation, à essayer de diminuer ses prix pour que, en fin de compte, ce soit le consommateur, qu'il soit domestique, industriel ou commercial, qui soit gagnant?

M. Gaulin: M. le ministre, c'est toujours l'effet de la concurrence, bien entendu, et vous avez parfaitement raison de dire qu'il faut travailler aussi sur la réduction des taxes - peu importe comment cela viendra - sur la réduction du prix du gaz naturel, puisque si on regarde les coûts il y a un fort contenu d'imposition gouvernementale. Mais, compte tenu de tout cela, même si le prix baissait - ma proposition n'est pas une proposition adverse - je demeure convaincu que la meilleure façon pour le gouvernement d'exercer ses politiques énergétiques, c'est que l'électricité et le gaz soient sujets aux mêmes réglementations, aux mêmes règles de fixation des tarifs. Cependant, vous avez parfaitement raison au niveau du prix. D'ailleurs, je dois vous dire, à ce sujet, que non seulement les distributeurs gaziers québécois tels que Gaz Métropolitain en sont convaincus, mais que les producteurs et même l'Association canadienne du gaz sont en arrière de nous, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, les problèmes qu'on vit ici, on les retrouve en Ontario de plus en plus, on les retrouve en Colombie britannique et on les retrouve partout dans le monde. Je crois que cela favoriserait encore plus la saine concurrence si on le faisait sur une même base. C'est mon point.

M. Duhaime: Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Très brièvement, M. le Président. M. Gaulin, juste pour revenir à la difficulté que vous avez eue à vous implanter à Saint-Jérôme, c'est un cas concret qui peut peut-être nous aider à comprendre les différences qui existent entre ce que vous offrez et ce qu'Hydro-Québec peut offrir à un client potentiel. Dans le cas présent, on dit que c'est Hydro-Québec qui finalement a eu gain de cause. Est-ce que c'était une nouvelle compagnie qui s'installait ou si c'était une compagnie déjà installée qui a marchandé ou négocié ses sources d'approvisionnement énergétique?

M. Gaulin: M. le député, c'était une compagnie existante qui consommait du mazout lourd.

M. Lavigne: Donc, ce n'est pas une nouvelle compagnie qui pouvait bénéficier des 50% de rabais la première année, puis des 40%, 30%, 20% et 10% des grandes politiques énergétiques pour une nouvelle compagnie qui s'implante?

M. Gaulin: Non.

M. Lavigne: C'est un élément qui n'est pas entré en ligne de compte dans la négociation du prix. En enlevant cela, où Hydro-Québec a-t-elle pu être aussi agressive? Pour autant que je le sache, il y a des programmes d'aide au niveau domiciliaire pour quelqu'un qui veut avoir un système de chauffage biénergie, par exemple, électricité-pétrole. Peut-être avez-vous de la difficulté à cause de cette subvention qui est offerte au client, mais je ne pense pas que cette subvention, à moins que je ne sois ignorant de la chose...

M. Ouhaime: La subvention au niveau des chaudières.

M. Lavigne: La subvention au niveau des chaudières, c'est là qu'Hydro-Québec est arrivée à être agressive et à bénéficier d'un avantage gouvernemental. C'est ainsi que le client a bénéficié d'une subvention et il est arrivé à avoir un meilleur prix.

M. Gaulin: D'abord, M. le député, ce n'est pas moi qui ai soulevé le cas de Saint-Jérôme comme étant un problème. J'ai simplement voulu indiquer, en réponse à M. Fortier et à M. le ministre, que si cette situation était répercutée à travers le territoire, bien entendu, on aurait de la difficulté parce que les prix qui ont été offerts étaient plus bas que nos coûts à l'arrivée. C'est le point que M. le ministre soulevait. La régie prend à partir de là et nous empêche de vendre en bas de nos coûts, parce que cela voudrait dire qu'une industrie en subventionne une autre. Mais je n'ai pas voulu en faire un cas.

M. Lavigne: Non, mais moi, je le prends seulement à titre d'exemple. Je ne veux pas en faire un cas non plus. C'est juste pour nous permettre de comprendre de façon bien précise. Par ailleurs, M. le ministre soulevait tout à l'heure la taxe fédérale de 1,30 $ par 1000 pieds cubes de gaz vendu. Une fois le contrat signé avec Hydro-Québec pour la fameuse compagnie de Saint-Jérôme, quelle était la marge ou la

différence? Est-ce qu'elle était énorme entre ce que vous pouviez offrir à cette compagnie en quantité énergétique, en BTU, par rapport au gaz ou à l'électricité? Quant à la marge de 1,30 $ les 1000 pieds cubes, si vous aviez pu en bénéficier, est-ce que cela vous aurait fait un produit moins coûteux que ce que Hydro-Québec est en mesure d'offrir?

M. Gaulin: Fort possiblement, compte tenu du prix auquel cela a été conclu. Mais le point que j'essaie de souligner, c'est que la régie - pour vous expliquer un peu ma recommandation - m'empêche de vendre en bas de mes coûts. Or, si Hydro-Québec n'est pas soumise à cette même réglementation, elle n'a qu'à se placer en bas de mon coût: donc, la différence devient énorme puisque je ne peux pas lui faire concurrence.

M. Lavigne: Oui, d'accord.

M. Gaulin: Et si la taxe de 1,30 $ avait existé - allons à la limite - HydroQuébec aurait pu encore se fixer en bas de mon coût.

M. Lavigne: Oui, oui.

M. Gaulin: C'est le point que j'essaie de souligner. Ce n'est pas une position adverse. Je n'essaie pas d'éliminer la concurrence; j'essaie simplement de m'assurer que les règles soient les mêmes pour les deux.

M. Lavigne: Oui, oui. Maintenant, on arrive à la conclusion suivante. Je ne suis pas un vendeur de gaz, mais si on veut se consoler, on peut toujours regarder l'autre côté de la médaille et se dire que, si la compétition est forte, les prix vont être bas. Les prix étant bas, le coût de revient d'un produit va être inévitablement plus bas. Et on est dans une meilleure posture si cette compagnie, par exemple, fabrique un produit qui est vendu à l'étranger, il est plus compétitif. Donc, cela peut créer plus d'emplois et cela fait un peu boule de neige.

M. Gaulin: Ce que vous dites est très avantageux. Mais, il ne faut pas se placer à trop court terme. Qu'est-ce qu'il arrive dans l'hypothèse où ces surplus sont temporaires et qu'au bout de quatre ans le client n'y a plus accès? Vers quelle source d'énergie va-t-il se tourner si le gaz n'est pas là? C'est là mon point. Il ne faut pas regarder la situation et établir des politiques qui visent seulement le court terme. Il faut penser à plus long terme.

M. Lavigne: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. Je crois qu'il n'y a pas d'autres questions. Donc, je dois vous remercier de votre présence à cette commission parlementaire.

Maintenant, j'inviterais la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec à prendre place. En vous souhaitant la bienvenue, je voudrais vous inviter à présenter les gens qui vous accompagnent et à nous faire la lecture de votre mémoire.

Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec

M. Boileau (Michel): Est-ce que tout le monde a lu le mémoire? Oui. Alors, c'est simplement une introduction que je vais vous lire. Ensuite, vous pourrez toujours poser des questions.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

M. Boileau: À ma droite, M. Delisle, M. Fernand Latouche, M. André Plante, M. Maurice Prince, M. Cadorette et M. Gilbert.

Comme vous le savez, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec regroupe tous les entrepreneurs, environ 2300, qui exécutent des travaux d'installation de tuyauterie, soit des systèmes de chauffage utilisés pour la production de la force motrice ou la chaleur sous quelque forme que ce soit, soit des systèmes de plomberie pour l'alimentation en eau et pour l'alimentation en gaz, soit des systèmes de brûleurs à l'huile ou au gaz naturel.

La corporation est depuis son origine très impliquée dans le domaine énergétique du Québec, ses membres étant le point de contact entre les compagnies distributrices d'énergie et les utilisateurs tant au niveau résidentiel que commercial et industriel. Nos membres sont présents lors de la conception et de la réalisation des projets de construction et de conversion des systèmes utilisant l'huile ou le gaz comme sources d'énergie, autant que des systèmes utilisant des énergies nouvelles - comme l'énergie solaire - ainsi que des projets d'économie d'énergie. En ce sens, ils participent activement à la réalisation des objectifs retenus dans le livre blanc de 1978. Nous travaillons, d'ailleurs, en étroite collaboration avec les principales compagnies distributrices d'huile, de gaz naturel et d'électricité.

Les deux objectifs principaux qu'on a voulu présenter dans notre mémoire sont: nous assurer de l'utilisation rationnelle des énergies en place, ainsi qu'appuyer la pénétration du gaz naturel au Québec. Nous croyons que la mise en valeur et l'accroissement des investissements pour une pénétration accrue du gaz naturel auront des effets bénéfiques pour l'économie du Québec en général, l'industrie manufacturière,

l'industrie de la construction, la main-d'oeuvre, ainsi que nos membres.

Messieurs, si vous avez lu le reste du mémoire, peut-on vous être utiles en répondant à vos questions?

Le Président (M. Gagnon): Même si on a invité les gens à aller plus rapidement, vous pouvez prendre le temps de faire un résumé de votre mémoire. Cela va?

M. Boileau: Cela va.

M. Duhaime: Soyez assurés que j'ai fait mes devoirs au printemps dernier, quand les mémoires sont entrés j'ai eu l'occasion de relire des résumés que mon équipe me fait. Je crois comprendre de votre mémoire que vous épaulez très solidement l'objectif de pénétration du gaz naturel au Québec et que vous êtes d'accord, semble-t-il, avec l'objectif qui y est fixé. Vous parlez de 16,3% du bilan en 1990. Je ne sais pas si j'ai bien saisi votre mémoire, mais vous semblez dire que cela est insuffisant comme objectif. Est-ce que vous avez poussé plus loin votre scénario pour nous contreproposer ce que vous avez en tête exactement? Est-ce bien au-delà de 16%?

M. Boileau: Les objectifs visés au départ, lors du lancement du programme, étaient de cet ordre. Mais en cours de route il semble ne pas les avoir atteints, à la suite des chiffres qu'on a obtenus. Dans le but de maintenir ce qui était visé au départ, soit d'amoindrir les besoins énergétiques en pétrole par la conversion à l'électricité et au gaz naturel - d'ailleurs, on vous le dit dans le mémoire - la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie est complètement d'accord sur la biénergie, mais on pourrait le faire d'une façon plus rationnelle en favorisant le gaz naturel là où il doit être ou devra arriver sous peu et en gardant la biénergie pour les endroits où Hydro-Québec a déjà ses lignes de transmission d'installées et où elle peut aller en tout temps. C'est une utilisation plus rationnelle dans le but aussi de préserver et de créer de l'emploi. Lorsqu'on installe et qu'on développe un nouveau réseau de gaz naturel, il faut le bâtir ce réseau, tandis que, si vous développez une région donnée pour la biénergie, le réseau est déjà établi. Ils peuvent le transporter n'importe où dans tout le Québec où Hydro-Québec est présente. Alors, la création d'emplois dans le gaz naturel semble beaucoup plus avantageuse à ces niveaux dans les régions où il a été prévu qu'il serait. (16 h 15)

M. Duhaime: Donc, ce que vous craignez, c'est que le rythme de pénétration du gaz naturel sur le marché ne se fasse pas assez rapidement de votre point de vue pour atteindre l'objectif de 16,3%. Mais on vient d'entendre M. Gaulin, de l'équipe de Gaz Métro, et Gaz Inter-Cité est venue récemment. Gaz Inter-Cité est la compagnie qui est en expansion à l'extérieur de Montréal. Je crois que son objectif était de 109% dans la Mauricie; c'était 106% dans la région de l'Estrie et, dans la région de Québec, alors que le gaz vient tout juste d'arriver, ils étaient déjà, si mon souvenir est bon, à 80% ou 90% de leur objectif de pénétration. Je parle pour l'immédiat. Je voudrais savoir si c'est une crainte que vous appréhendez sur les six ou sept prochaines années ou si votre mémoire soutient que le rythme de pénétration du gaz, au moment où l'on s'en parle, est insuffisant pour atteindre l'objectif.

M. Boileau: Comme vous l'avez probablement vu dans le mémoire, où on parle des statistiques de l'OCQ versus l'emploi dans le monde de la construction, il est entendu que, même avec une baisse, on prévoit obtenir 72%, mais à la condition que les projets comme Corvée-habitation et les projets d'installation du gaz soient maintenus et peut-être même améliorés.

M. Duhaime: Vous travaillez sur le terrain. Si je me souviens bien, je crois que c'est M. Laberge, ce matin, qui a laissé tomber une phrase qui m'a surpris en disant que, dans le gaz naturel, il n'y a pas tellement d'emplois si on tient compte du nombre d'emplois dans les investissements hydroélectriques. C'est drôle, mais je suis impressionné par les plans quinquennaux de Gaz Métro et de Gaz Inter-Cité. Chacun est venu en commission établir qu'au contraire les niveaux d'emplois sont très élevés. Vous-mêmes qui êtes des entrepreneurs, vous avez des employés. Je comprends qu'il y a les gens qui travaillent pour les compagnies de distribution gazière comme telles, mais il y a tous ceux qui vont en soumissions, en sous-traitance; je pense que c'est votre association qui représente ces gens. En dehors de scénarios de niveaux d'emplois des travailleurs de la construction dans l'ensemble des travaux de construction au Québec, est-ce que votre association a des chiffres pour le secteur gazier, sur les niveaux d'emplois depuis que les deux réseaux, Gaz Métro et Gaz Inter-Cité, sont en phase d'expansion? J'aimerais bien savoir si ces chiffres sont disponibles.

M. Boileau: En 1978, pour ce qui est de l'agglomération de Montréal, le nombre total de raccordements, d'installations et de conversions au gaz était de 51 au niveau industriel. En 1982, il était de 166. Si on calcule le nombre d'heures que cela demande pour faire une conversion, surtout au niveau industriel, il y a sûrement eu une création

d'emplois à ce niveau. Ce sont des emplois très bien rémunérés aux fins de la construction; ce ne sont pas des gens au salaire minimum. Donc, on devrait favoriser ce genre de création d'emplois. Au niveau commercial, en 1978, vous en aviez 299; en 1982, cela monte à 1885; là aussi, il y a une augmentation fantastique des heures travaillées. Au niveau résidentiel, en 1978: 4497; en 1982: 23 500. Alors, quand on dit que l'implantation du gaz ne crée pas d'emplois, je suis sceptique.

M. Duhaime: Je suis très heureux de constater que non seulement la pénétration du gaz naturel crée de l'emploi, mais je suis convaincu que mon collègue d'Outremont va apprécier beaucoup les chiffres que vous venez de donner parce qu'il est tourmenté et très inquiet de nos scénarios de pénétration du gaz et d'Hydro-Québec sur le même marché. D'ailleurs, vous aussi, vous avez Hydro-Québec dans vos mires, si je comprends bien. Vous craignez la présence d'Hydro-Québec, mais vous êtes des hommes d'affaires qui avez des entreprises. Je ne sais pas, mais traditionnellement le milieu des affaires dit toujours au gouvernement: Voulez-vous, s'il vous plaît, vous enlever de nos jambes et nous laisser gagner notre vie, nous laisser travailler? On va faire des profits et on va payer nos impôts comme tout le monde. Mais si j'ai bien compris une de vos réponses tantôt, vous souhaiteriez que le gouvernement intervienne davantage pour protéger ou encore accélérer l'effort de pénétration du gaz naturel et mettre des brides à Hydro-Québec en quelque sorte. Est-ce cela, votre proposition?

M. Boileau: Sur la philosophie ou la façon d'administrer les deux sortes d'énergie, on voudrait qu'il y ait une meilleure coordination, comme je l'ai expliqué, au niveau de la biénergie; il faudrait la favoriser surtout dans les régions où le gaz ne pénétrera pas et favoriser le gaz naturel dans les régions où il est prévu qu'on doive développer le réseau à plus ou moins court terme.

M. Duhaime: Mais, de votre point de vue, vous seriez prêt à nous recommander d'aller jusqu'où? Une politique de double prix, de prix régionaux, dans les zones gazières et dans les zones hors gaz? Comment voyez-vous cela? Ou bien est-ce qu'on laisse aller? Je regarde le résultat net de ce qu'on appelle, entre guillemets, "l'harmonisation". Je regarde le retour sur l'investissement chez Gaz Métro, chez Gaz Inter-Cité et à Hydro-Québec. C'est sur des bases comparables. On parle d'autour de 16%. Bien sûr que le gouvernement veut intervenir par différents programmes de subventions. La régie est là pour ce qui est de la fixation du prix du gaz à partir de l'entrée de la franchise. Le gouvernement pourrait aussi intervenir au niveau de la fiscalité. Je voudrais savoir de vous jusqu'où vous proposeriez d'aller dans le sens de l'harmonisation.

M. Boileau: On parlait de Saint-Jérôme tout à l'heure comme exemple où le gaz devait se rendre. Alors, parce qu'Hydro-Québec pouvait avoir des prix beaucoup plus concurrentiels, le réseau n'a pas été prolongé jusque-là. Donc, il y a eu un manque de création d'emplois dans cette région jusqu'à maintenant. C'est bien entendu qu'ils vont y aller, mais quand?

M. Duhaime: En contrepartie, il y a de l'argent qui entre à Hydro-Québec qui lui permet aussi de financer ses investissements.

M. Boileau: Oui, mais on n'a pas créé d'emplois au niveau de la ligne de transmission parce qu'elle était déjà là. Cela fait longtemps qu'elle est là, tandis que, si on avait fait un pipeline pour se rendre jusque-là, on aurait créé des emplois.

M. Duhaime: Je vais réfléchir tout haut avec vous, si vous me le permettez. J'ai énormément d'hésitation à interdire l'accès à certains marchés...

M. Boileau: Sans l'interdire, on peut le favoriser.

M. Duhaime: ...ou encore de certaines clientèles à Hydro-Québec parce que je pense que la réponse de M. Gaulin est venue tout naturellement. Si Hydro-Québec n'était pas là avec les programmes, soit sur la biénergie, soit sur les chaudières, soit son programme d'écoulement des surplus, tout le monde s'entend, dans le secteur du gaz, pour dire que nos prix seraient peut-être plus hauts à nos consommateurs, de l'aveu même des distributeurs.

Je n'ai pas d'autres questions, M. Boileau, c'est bien cela?

M. Boileau: Oui.

Le Président (M. Lavigne): Aviez-vous un dernier commentaire, M. Boileau?

M. Boileau: C'est qu'en équilibrant les programmes de subventions nous favoriserions le développement du réseau de gaz naturel là où il peut être disponible. Dans les autres régions, nous inciterions aux économies d'énergie pétrolière au moyen de la biénergie plutôt qu'à son remplacement pur et simple. Ainsi, nous maximiserions l'énergie à titre de levier de développement économique. Lorsque le programme a été pensé et mis en place, le but premier était d'essayer de nous libérer

de l'emprise du monde pétrolier. Si on le faisait de façon rationnelle, ce serait l'idéal autant pour les membres de la corporation que je représente qui travaillent en tuyauterie que pour le consommateur. Le gaz naturel a des prix très concurrentiels; il n'y a pas de pollution; il y a une foule d'avantages autant pour nous que pour le consommateur.

M. Duhaime: Je comprends, M. Boileau, que vous défendiez très bien et avec éloquence l'intérêt des membres de votre association, mais je douterais beaucoup que la Corporation des maîtres électriciens du Québec partage votre scénario. Je pense que, là-dessus, on se comprend très bien. Il m'est arrivé de faire un discours sur le gaz, lors d'un congrès de la Corporation des maîtres électriciens du Québec, et ils m'avaient trouvé très amusant. Je vous remercie.

Le Président (M. Lavigne): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Boileau, ma première question serait de vous demander combien il y a de membres dans la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Combien y a-t-il de membres? Oeuvrent-ils autant dans le domaine domestique qu'industriel? Comment se répartit le genre de marché que vous couvrez?

M. Boileau: II y a 2300 membres, environ, à la corporation. Je sais qu'à Montréal il y a environ 280 membres qui s'occupent de gaz naturel; à Québec - parce que c'est nouveau - il y a une soixantaine de membres qui sont en train de se perfectionner pour développer cette industrie et, à Sherbrooke, c'est la même chose; il y en a 75 à Trois-Rivières.

M. Fortier: Vous me dites, si je comprends bien que certains de vos membres décident de se spécialiser quand ils veulent travailler dans le secteur du gaz naturel. Est-ce qu'ils doivent passer des examens ou s'il y a des cours spéciaux?

M. Boileau: II y a un cours auquel la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec a participé à la création; il est reconnu, non pas de nos propres dires, mais de gens de l'extérieur du Québec, comme étant un des meilleurs. C'est un cours de 35 modules pour mieux former nos membres, ainsi que les employés qui travaillent pour eux.

M. Fortier: On doit vous en féliciter. Sur 2300 membres, vous dites qu'il y en a 280: 60 à Québec, 60 à Sherbrooke et peut-être d'autres à Trois-Rivières. En termes de nombre, c'est une minorité, mais je pense que parmi vos membres il doit y avoir des grosses et des petites compagnies. Est-ce qu'en termes de volume d'affaires - si j'additionne rapidement, au-delà de 400 membres sur 2300, environ 25% ont décidé de se spécialiser dans ce domaine-là - cela représente la majorité? Est-ce que ce sont les plus importants maîtres mécaniciens qui ont décidé de se spécialiser dans ce secteur-là?

M. Boileau: Non, pas nécessairement.

M. Fortier: Les autres qui ont décidé de ne pas se spécialiser sont restés dans les secteurs traditionnels.

M. Boileau: Plomberie, chauffage, rénovation, construction industrielle et commerciale.

M. Fortier: À la page 3, vous dites: "À court terme, il faudra remplacer beaucoup de systèmes de chauffage, soit parce que leur durée d'utilisation est expirée, soit parce qu'ils sont désuets. Nous devons viser à les remplacer par des appareils à haut rendement énergétique; or, ceux qu'on retrouve sur le marché québécois sont beaucoup trop coûteux; il faut donc arriver à produire des appareils à efficacité optimale à un coût moindre pour une utilisation rationnelle de l'énergie." J'aimerais que vous explicitiez davantage ce que vous voulez dire exactement.

M. Boileau: Est-ce que tu veux répondre? (16 h 30)

M. Delisle (André): II faut d'abord comprendre que la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec est surtout impliquée au niveau de l'utilisateur. La majorité de nos membres travaille au niveau des utilisateurs, soit en proposant des systèmes complets, en les installant, très souvent sans professionnel, c'est-à-dire sans ingénieur-conseil ou personne qui fait des plans. On sait que des efforts de recherche sont faits au niveau du développement et de l'équipement pour l'utilisation soit de l'électricité ou du gaz ou d'autres formes d'énergie. On voudrait que ces chercheurs qui se voient octroyer des contrats de recherche consultent des groupes comme notre corporation. C'est vraiment nous qui sommes en mesure de donner le pouls de ce que l'utilisateur cherche et aussi de donner les informations au sujet de ce qui existe au niveau de la concurrence de produits qui viennent d'autres provinces ou des États-Unis.

Actuellement, par exemple, pour prendre un cas concret, on vit dans le domaine de la conversion au gaz naturel des

situations assez surprenantes au niveau des coûts d'équipement de transformation. Si je prends, par exemple, l'ensemble des transformations pour convertir un brûleur à l'huile au gaz naturel, actuellement on obtient certains prix de compagnies québécoises qui sont, dans certains cas, trois ou quatre fois le prix d'un équipement équivalent en termes de qualité et d'efficacité à des produits qui nous viennent de l'Ontario. On ne voit pas ce qui peut justifier ces choses. Notre corporation pourrait assurément participer à améliorer ces équipements en donnant des idées, en participant à des projets conjoints afin que les produits qu'on fabrique au Québec puissent atteindre un plus haut rendement énergétique et soient compétitifs. C'est très important. Le client qui nous demande une soumission pour réaliser la transformation, ce qui l'intéresse surtout, c'est que cela lui coûte le moins cher possible pour effectuer sa conversion, indépendamment des subventions. Si on est en concurrence entre entrepreneurs et si on peut utiliser un équipement qui nous vient de l'Ontario et qui est à un moindre coût, ou s'il y a une différence importante, c'est bien évident qu'on va d'abord proposer à notre client cet équipement quand il pourrait être fait et est déjà fait au Québec dans certains cas. Cela pourrait très bien être un produit québécois si le coût était compétitif.

Je pourrais prendre l'exemple des pompes à chaleur. Des efforts de recherche importants ont été mis sur le développement de pompes à chaleur eau-air, par exemple. On aurait très bien pu mettre autant d'efforts pour développer des pompes à chaleur air-air parce que c'est vraiment cela qui est le marché domestique actuellement. Sûrement qu'on avait tout le potentiel de chercheurs ici, s'ils avaient été appuyés, évidemment, par des gens de la pratique, pour développer ces produits, prendre une part du marché québécois et aussi viser l'exportation. C'est un peu cela qu'on veut souligner dans la section I qui est recherche et développement: en particulier, les équipements sont vraiment trop coûteux.

M. Fortier: Est-ce que vous voulez me dire que, pour une personne qui a un chauffage domestique - on parle de chauffage domestique dans le moment, j'imagine - qui veut changer sa fournaise...

M. Delisle: Surtout.

M. Fortier: ...un produit québécois - je ne sais pas si vous dites tous les produits québécois - peut coûter trois ou quatre fois le prix du produit identique venant de l'Ontario?

M. Delisle: Si on prend le cas d'une fournaise résidentielle de maison, dans le gaz, les prix sont compétitifs.

M. Fortier: Alors, vous parlez de quel domaine?

M. Delisle: Je parle du domaine commercial et industriel.

M. Fortier: Commercial et industriel. M. Delisle: Exactement.

M. Fortier: Vous dites que, dans le domaine commercial et industriel, cela peut coûter trois ou quatre fois plus?

M. Delisle: Exact.

M. Fortier: Est-ce que cela coûte réellement plus cher ou est-ce que, d'après vous, les fabricants veulent prendre avantage du fait qu'il y a beaucoup de conversions et qu'ils veulent se faire "une" cent en passant? Croyez-vous que cela reflète les coûts de production?

M. Delisle: Cela ne reflète absolument pas les coûts de production. Il y a d'autres raisons. Dans le cas que je citais, la conversion d'une chaudière, il y a d'autres raisons qui font que le prix est vraiment plus élevé. Ce ne sera pas nécessairement dû à une qualité de produit supérieure ou à une efficacité supérieure.

M. Fortier: Je ne veux pas rien vous faire dire. J'essaie de vous poser des questions. Est-ce que vous nous dites que les gens vendent plus cher parce qu'ils veulent profiter des subventions, vendent plus cher pour faire un plus gros profit? Ou si vous nous dites que, s'il y avait une meilleure recherche et un meilleur développement, le prix de production serait meilleur marché et qu'on pourrait vendre meilleur marché? Ou est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il y a des gens, dans le domaine commercial et industriel, qui prennent avantage du fait qu'il y beaucoup de conversions au Québec et qui se font "une" cent de plus, font une passe, autrement dit dans ce secteur?

M. Delisle: Ce sont les deux choses. Dans certains secteurs, les gens prennent avantage de cela et, dans d'autres secteurs, il y aurait avantage à simplifier et à améliorer les produits.

M. Fortier: On parle d'un produit qui coûte combien? On parle d'une chaudière qui peut coûter 2000 $ ou 3000 $.

M. Delisle: Oui. J'ai un cas. J'en ai des cas, mais on va mettre des chiffres. Je

prends une chaudière de 50 forces. D'accord? Une chaudière de 50 forces, c'est 50 fois 33 000, si on pouvait la traduire en millions de BTU pour établir sa capacité. Pour cette chaudière que le client demande de convertir de l'huile au gaz naturel, on peut avoir un brûleur complet de conversion avec tous les accessoires, train de gaz, appareils de contrôle, pour - je vous donne un chiffre -4500 $. Un manufacturier québécois, toujours pour la même capacité, nous vend ce qu'il appelle un "kit" de conversion pour 7300 $. Vous voyez tout de suite la marge qu'il peut y avoir.

M. Fortier: En tout cas, il y a matière à examen, soit par le ministère de l'Énergie et des Ressources ou par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Il me semble qu'il y a quelqu'un qui prend avantage des conversions quelque part. Il y a des coûts qui sont plus élevés, mais ce qui est pire, c'est que, dans un cas comme cela, vous pouvez acheter le même produit de l'Ontario. Si vous êtes en concurrence, à ce moment vous dites: Que le diable l'emporte, je vais spécifier un produit de l'Ontario de façon que mon offre soit meilleur marché que celle de mon concurrent.

M. Delisle: C'est sûr.

M. Fortier: À ce moment, cela défavorise le développement économique du Québec parce que ces gens, voulant peut-être prendre avantage du marché, se nuisent à eux-mêmes.

M. Delisle: Exact.

M. Fortier: C'est la première fois que j'entends parler de cela. Je ne sais pas comment on peut faire passer le message, mais je pense qu'il y aurait un message à passer à certaines personnes pour qu'elles soient plus raisonnables et pour créer de l'emploi ici même au Québec. Si c'est le cas, je pense que le ministre est certainement en bonne position pour passer le message à ceux qui profiteraient de la situation... Je ne sais pas comment ils font pour en profiter. Ils en profitent peut-être dans certains cas, mais ils nuisent certainement à l'économie du Québec, si c'est le cas.

Il y a une question que je veux vous poser parce que j'ai posé la même aux maîtres électriciens, ayant passé par là. J'ai gardé mon système à l'eau chaude; donc, le maître mécanicien est venu chez moi, et tout cela. Le problème auquel on fait face quand on fait faire ces conversions si on est un peu paresseux - je ne parle pas de changer l'entrée électrique; si c'est nécessaire il faut faire venir l'électricien -lorsqu'on veut faire installer une fournaise, c'est qu'on veut faire venir un seul entrepreneur. Je pense bien que, si on suit la norme établie, dans un premier temps, il faut faire venir un plombier et ensuite un électricien. Parfois, ni l'un ni l'autre ne s'occupe des contrôles. Est-ce que, dans la formation que vous donnez à vos gens, ils s'occupent du "package deal" au complet quand ils viennent installer la fournaise? Est-ce qu'ils s'occupent même des contrôles? Je pense aussi au contrôle extérieur qui fait qu'on peut économiser de l'énergie en suivant la hausse ou la baisse des températures à l'extérieur. Est-ce que vos gens ont appris à se spécialiser au point de pouvoir offrir ce "package" à leur clientèle?

M. Boileau: Notre corporation a juridiction sur cinq catégories d'entrepreneurs. Ce n'est pas seulement un plombier ou un maître mécanicien en chauffage. Il y en a cinq. Et une catégorie avait déjà cette expertise au niveau des installations de brûleurs à l'huile. Ils ont la capacité, l'expertise et aussi le droit de toucher au contrôle, du compteur jusqu'au contrôle, mais le raccordement électrique du brûleur à la ligne de distribution électrique de la maison appartient à l'électricien. Ce qui arrive habituellement pour un contrat comme cela, c'est que le raccordement électrique est donné à sous-contrat à un entrepreneur en électricité dûment reconnu par la Corporation des maîtres électriciens.

M. Fortier: Mais quand vous offrez le produit, quand vous faites une offre, vous offrez la globalité de ce qui est nécessaire pour faire un "package" le plus complet possible.

M. Boileau: C'est cela.

M. Fortier: À la page 9 vous dites que le gouvernement "doit en outre permettre aux entreprises de l'industrie de la construction l'accès aux mêmes avantages que les entreprises oeuvrant dans le secteur de la transformation (support du ministère de l'Industrie et du Commerce aux petites et moyennes entreprises)." De quel genre d'appui parlez-vous? Dans le fond, ce que vous dites, c'est que vous êtes une industrie comme une autre et que vous aimeriez avoir un certain appui. Quel est le genre d'appui que vous souhaiteriez avoir? Est-ce un appui pour vous aider à identifier les marchés?

M. Boileau: Comme on vient de vous le dire, premièrement, de favoriser les entreprises locales qui manufacturent et s'il y a possibilité, d'augmenter le volume de manufacturation, même la diversité des appareils qu'ils manufacturent tout en allant chercher l'expertise qui peut exister. En Europe, il y a quand même des produits qui

sont manufacturés à très haute efficacité. Donc, cela ne sert à rien de jumeler la recherche lorsqu'elle est déjà faite. Il s'agirait de l'amener ici et d'en faire bénéficier ces entreprises au niveau local.

M. Fortier: D'aider au transfert de technologies qui peuvent venir d'ailleurs pour vous en faire bénéficier. C'est plutôt une aide à l'information et au transfert de technologies.

M. Boileau: Au niveau de la recherche, on pense que l'énergie solaire est une nouvelle énergie. Si l'on considère qu'on a seulement 19 000 heures en moyenne de soleil au Québec, même si on avait les meilleurs appareils conçus ou inventés, cela ne nous donnera pas plus de soleil. On pense que cet argent, ces cerveaux, ce temps, cette énergie devraient être placés plutôt vers des appareils que l'on pourrait utiliser à meilleur rendement.

M. Fortier: Comme de raison, il y a certains chercheurs qui aiment mieux faire de la recherche dans des domaines plus nobles que simplement des chaudières à gaz et des choses tout à fait ordinaires. Ce que vous dites, c'est qu'il ne faudrait pas négliger les choses ordinaires où l'on peut faire des gains appréciables. Je vous remercie, M. Boileau.

Le Président (M. Gagnon): Merci à la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec de son rapport à cette commission parlementaire.

M. Boileau: Nous vous remercions de nous avoir convoqués, de nous avoir consultés et on espère que cela se reproduira souvent. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Maintenant, j'invite l'Association des entrepreneurs en isolation de la province de Québec, M. Claude Turcotte.

Association des entrepreneurs en isolation de la province de Québec

M. Boisvert (Raymond): Non, M. Turcotte n'a pas pu être présent aujourd'hui. Mon nom est Raymond Boisvert; je suis secrétaire exécutif de l'association. Je suis seul de ma délégation. Vu les changements de date qui se sont effectués, l'organisation est tombée.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut vous demander d'approcher votre micro?

M. Boisvert: Oui, monsieur. Est-ce que cela va comme cela?

Le Président (M. Gagnon): Cela va.

M. Boisvert: Est-ce que vous voulez que je lise?

Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez le résumer, si vous le voulez.

M. Boisvert: Quoiqu'il n'est pas tellement long.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va, MM. les membres de la commission? Son mémoire n'a que quatre pages. Allez-y.

M. Boisvert: J'ai un résumé ici. Les membres de notre association sont impliqués dans la fourniture et l'installation de 99% de tous les travaux d'isolation exécutés au Québec dans le domaine commercial et industriel. Il faut d'abord rappeler que nous sommes dans l'isolation mécanique seulement. Notre association ne comprend pas les entrepreneurs en isolation de résidence. L'isolation et la réisolation dans le domaine commercial et industriel donnent un pourcentage d'économie d'énergie qui n'est même pas comparable à celui obtenu dans le programme d'isolation de résidence et, pourtant, des subventions ont été versées à des milliers de propriétaires.

Quand on pense que le secteur industriel au Canada dépense plus de 25% de la consommation énergétique, cela veut dire que c'est un secteur où l'on peut économiser beaucoup d'énergie. Nécessairement, les industries, en économisant de l'énergie, deviendront plus rentables et plus compétitives chacune dans son domaine. Si elles sont plus compétitives, cela veut dire plus de production. Si on produit plus, cela veut dire plus d'emplois. S'il y a plus d'emplois, il y aura moins de chômage. Sans compter que l'isolation fait partie du nouveau programme. Cela veut aussi dire plus de production de produits isolants au Québec, plus de personnes pour produire, donc une autre industrie plus rentable. Nous sommes prêts en tant qu'association à travailler avec les organismes gouvernementaux afin de rendre ce programme le plus rentable possible. (16 h 45)

Je dois vous dire que, lors de la préparation de notre mémoire, on a pensé à présenter quelque chose à la commission parlementaire concernant les programmes que le provincial et le fédéral ont mis sur pied pour venir en aide à l'économie de l'énergie dans les domaines industriel et commercial. C'est dans ce but que le mémoire a été préparé.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Duhaime: M. Boisvert, voulez-vous nous dire ce que cela veut dire lorsque vous

parlez de réisolation mécanique?

M. Boisvert: La réisolation mécanique, c'est simple. Par exemple, une raffinerie, tout le monde connaît cela. Dans une raffinerie, toute la tuyauterie est isolée ou presque; c'est toujours soit de la vapeur, soit de l'eau chaude, des produits qui se transfèrent d'un réservoir à l'autre qui sont chauds. Anciennement, au prix que cela coûtait pour l'énergie, les gens allaient à une certaine épaisseur d'isolation qui convenait pour garder les produits dans un état chaud, à peu près au degré qu'ils voulaient avoir. Mais l'énergie étant tellement bon marché, ils ne s'occupaient pas de la perte de chaleur et d'économie au point de vue de l'argent. Maintenant que l'énergie coûte les yeux de la tête, tout le monde pense à réisoler et à augmenter l'épaisseur d'isolant sur la tuyauterie et sur les réservoirs ou sur quoi que ce soit.

M. Duhaime: En fait, ce que vous nous proposez, c'est qu'on mette sur pied - il y a gros à parier - soit un programme d'information, soit un programme de sensibilisation auprès des entreprises, soit un programme de subventions. Qu'avez-vous en tête exactement? Vous nous faites une offre de service qui nous apparaît admirable à première vue, mais on voudrait savoir dans quoi on s'embarque.

M. Boisvert: Êtes-vous au courant du programme fédéral-provincial?

M. Duhaime: Oui.

M. Boisvert: Au sujet de la conservation de l'énergie, il y a des subventions qui sont accordées aux secteurs industriel et commercial et aux institutions. On voudrait que les travaux d'isolation deviennent aussi admissibles aux subventions pour ces industries. Nous calculons que, même si l'industrie change son système de production, de chauffage pour manufacturer certains produits, si ces systèmes ne sont pas isolés, cela coûtera très cher même si elle change de système d'énergie.

M. Duhaime: M. Boisvert, votre association regroupe combien d'entrepreneurs?

M. Boisvert: Nous sommes seulement 22 entrepreneurs dans toute la province.

M. Duhaime: Sont-ils tous membres de votre association?

M. Boisvert: Quelques-uns des petits entrepreneurs ne sont pas membres de notre association, mais tous ceux qui sont assez gros font partie de l'association.

M. Duhaime: Très bien. Je vous remercie, M. Boisvert.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'ai une question à poser à M. Boisvert. Si vous aviez mentionné cela, je suis sûr que cela aurait été un argument pour convaincre le ministre. J'étais pour vous demander: Dans cette réisolation, est-ce que vous utilisez beaucoup d'amiante?

M. Boisvert: II n'y a plus d'amiante dans l'isolation.

M. Fortier: Non! Quel genre de produit est utilisé?

M. Boisvert: C'est surtout de la fibre de verre; il y a aussi de la laine minérale.

M. Fortier: Mais pourquoi pas de l'amiante? Cela a été utilisé pendant un certain nombre d'années.

M. Boisvert: Quand il y a de l'amiante dans les produits, cela demande une protection supplémentaire pour tous les employés qui travaillent dans cela. C'est défendu de travailler de la même façon qu'on peut travailler avec n'importe quel autre produit, quand il y a de l'amiante inséré dans le produit.

M. Fortier: C'est une contrainte de Santé et Sécurité au travail, ce que vous êtes en train de nous dire.

M. Boisvert: Oui.

M. Fortier: Étant donné cette contrainte, les entrepreneurs préfèrent utiliser un autre produit.

M. Boisvert: C'est-à-dire qu'il ne s'en fait plus de produits isolants pour la mécanique avec de l'amiante dedans.

M. Fortier: Non. M. Boisvert: Aucun.

M. Fortier: Mon Dieu! Il y a un objectif à atteindre de ce côté. Je vais laisser la parole au ministre parce que je trouvais que c'était une question qu'il devait vous poser.

Le Président (M. Gagnon): Je vois M. le ministre qui lève le doigt.

M. Fortier: Là, il y a tout un marché à aller chercher pour le ministre. Il peut m'engager comme consultant; dans mes

temps libres, je suis disponible.

M. Boisvert: J'ai été en contact avec-Comment l'appelle-t-on?

M. Duhaime: La Société nationale de l'amiante.

M. Boisvert: La Société nationale de l'amiante, c'est cela. Je sais qu'ils sont en train de travailler sur des produits qui vont remplacer la laine minérale pour l'isolation de résidences, faits à même des fibres d'amiante décontaminées. Ils sont en train de travailler à un isolant de tuyauterie fait avec de l'amiante décontaminé. Les systèmes qu'ils emploient pour décontaminer, je ne les connais pas.

M. Fortier: Cela fait assez longtemps que je n'ai pas écrit un devis pour isoler des tuyaux. La dernière fois où je l'ai fait, c'était pour la centrale thermique de Tracy. C'est pour vous dire que cela fait un certain temps. À ce moment-là, on parlait encore d'amiante. Je suis sûr que le ministre a pris note de la possibilité qu'il y a de ce côté-là pour trouver les solutions qui s'imposent. Il semble dire qu'il y a de la recherche qui se fait.

M. Duhaime: Nous avons annoncé récemment la mise en route d'une usine de production de laine de roche à Thetford-Mines. Je crois que c'est le 24 ou le 25 que je me rends à Thetford-Mines pour la pelletée de terre. Lorsque la production sortira à l'automne 1984, vous aurez là un matériau drôlement intéressant qui va permettre à la Société nationale de l'amiante d'offir sur le marché un produit parfaitement sécuritaire et, espérons-le, à un prix concurrentiel.

Juste une dernière remarque, M. Boisvert. Vous insistez beaucoup sur les économies réelles que les commerçants ou les industriels pourraient réaliser à l'occasion d'un investissement dans la réisolation. Est-ce que la visibilité de l'économie est très claire? Dans l'affirmative, pourquoi faudrait-il que nous y ajoutions, suivant votre recommandation, une subvention?

M. Boisvert: Quand on connaît les gens du commercial autant que de l'industriel, quand vient le temps de dépenser de l'argent, c'est à peu près comme dans le résidentiel. Tout le monde a fait non seulement isoler, mais réisoler sa maison parce qu'il y avait des subventions. Dans le commercial et l'industriel, c'est sûr que les affaires ne sont pas florissantes. C'est comme n'importe où ailleurs. S'il n'y a pas de subvention qui leur est donnée pour changer leur système, épargner de l'énergie, isoler leur système, ils ne s'avancent pas d'eux-mêmes.

M. Duhaime: Je voudrais peut-être vous donner un élément contraire. Le programme Énergain fonctionne d'une façon fulgurante. On se rend compte qu'une fois que les gens ont leur bilan en main bien souvent ils entreprennent eux-mêmes les travaux sans même demander le coup de pouce que le programme Énergain comporte en termes de subvention. Qu'un entrepreneur en isolation ou en réisolation fasse un bilan d'une situation pour démontrer à son futur client le gain réel qu'il va faire en économie d'énergie, si la démonstration se fait clairement que dans trois ou quatre ans le retour d'investissement sera réalisé et que pour les années à venir ensuite ce sera un gain net pour l'entreprise ou le commerce, il me semble que cela devrait marcher tout seul.

M. Boisvert: Oui, cela peut se faire. Ce qui arrive, c'est qu'on n'a pas toujours des entrepreneurs qui sont qualifiés pour aller rencontrer ces industries. Cela coûte cher d'aller rencontrer des industries et des commerces pour leur démontrer que, s'ils font telle ou telle chose en isolation, cela pourra leur faire épargner tant. Ce sont des choses dispendieuses. Vous avez un système qui est déjà en marche et qui produit déjà des chiffres. Même à cela, on est prêt à s'asseoir avec n'importe quel organisme pour sortir des chiffres et démontrer à certains clients ce qu'ils peuvent épargner en énergie.

M. Duhaime: II y a le ministère, le Bureau des économies d'énergie dans le secteur industriel. Le programme Énergiebus fonctionne, se balade au Québec, va rencontrer l'entreprise et fait un bilan. J'imagine que, si vous suivez Énergiebus, vous trouverez là vos clients. Je raisonne tout haut.

M. Boisvert: Remarquez bien que notre mémoire a été préparé pour être présenté au mois de mars dernier. On essaye de suivre le programme de là. On est rendu au mois d'octobre. Le programme fonctionne toujours.

M. Duhaime: II fonctionnait bien avant le mois de mars.

M. Fortier: Si le ministre me le permet, je ne suis pas tout à fait au courant d'Énergiebus. Je pense qu'on parle de secteurs industriels un peu complexes. Une recommandation qui nous avait été faite par les municipalités rejoint un peu votre demande. Au lieu d'avoir des subventions pour financer des coûts d'installation, vous pourriez vous adjoindre à un bureau de génie-conseil spécialisé qui vous permettrait de faire une offre de service pour l'industrie

donnée. Je crois que ce serait beaucoup plus efficace. D'ailleurs, je ne suis plus en conflit d'intérêts, n'étant plus ingénieur-conseil. À mon avis, il reste que cela serait plus efficace que de subventionner la réalisation du projet comme tel. La définition du problème et une aide qui vous serait donnée afin de vous permettre de faire une soumission seraient beaucoup plus valables.

M. Boisvert: Ah oui, si on avait les montants pour le faire. À ce jour, la seule chose que nous avons été capables de faire -tout le monde doit avoir eu le dépliant avec le mémoire - c'est un dépliant qui est très bien fait. On l'envoie par la poste et cela ne donne pas les résultats que cela donnerait avec des contacts personnels, c'est sûr.

M. Duhaime: Je pense que M. Fortier a un conseil très pertinent et, en plus, aujourd'hui cela ne coûte rien. Tout cela pour démontrer que les ingénieurs-conseils trouvent toujours moyen de...

M. Fortier: Étant donné que ce n'est pas cher.

M. Duhaime: ...se placer au soleil. Il y a très certainement un marché potentiel. D'ailleurs, je suis un peu étonné qu'il n'y ait pas de firmes de génie-conseil qui, de leur propre chef, décident de spécialiser des équipes dans leur bureau. Il m'apparaît assez clair que, si les économies sont dormantes en quelque sorte parce que l'isolation ou la réisolation n'est pas faite, Énergiebus peut toujours se balader. On finance actuellement des études détaillées sur des mesures d'intervention très bien identifiées par un client éventuel. Énergiebus n'est pas sur le marché pour faire des profits; c'est beaucoup plus une agence du gouvernement qui donne de judicieux conseils. Mais j'ai peine à croire qu'on sera obligés, encore une fois, de mettre sur pied un programme de subvention. J'aime bien l'idée qu'on puisse plutôt concentrer nos efforts sur l'information et la préparation de bilans en espérant que cela puisse créer un effet d'entraînement. Il y a des créneaux de génie-conseil qui se développent. Il y a vingt ans au Québec, dans le secteur de la pollution ou de la dépollution, par exemple, ce n'était pas de grandes spécialités, sauf exception, bien sûr. Mais aujourd'hui, même dans la plus modeste région du Québec, il y a beaucoup d'ingénieurs-conseils qui sont spécialisés dans ce domaine. C'est un nouveau marché qui s'ouvre.

Vous parlez de la réisolation et de l'isolation sur des grandes échelles. Si j'étais un industriel et que M. Boisvert venait me démontrer que, dans l'espace de trois ou quatre ans, je retrouve mon investissement et que pour quinze, vingt ou vingt-cinq ans par la suite, je fais un gain net sur ma facture de consommation énergétique, je serais enclin à regarder cela de près.

M. Boisvert: M. le ministre, est-ce que cela voudrait dire qu'on devrait peut-être rencontrer les gens d'Énergiebus?

M. Duhaime: Rencontrez-les, ils ne sont pas farouches et vous pouvez échanger avec le Bureau des économies d'énergie chez nous.

M. Boisvert: J'imagine que les gens de ce bureau font des études et qu'ils font des recommandations à l'industrie, qu'ils donnent cela à l'industrie et que cela reste là, que cela dort, cette affaire. Il n'y a pas de suite à savoir si le type va transformer ses chaudières ou s'il va transformer sa tuyauterie ou s'il va faire isoler ou s'il va faire telle ou telle chose. Ils donnent les recommandations, un point c'est tout. S'il y avait une suite logique à cela, je pense que ce serait une bonne chose pour tout le monde.

M. Duhaime: Je peux vous suggérer de prendre contact avec les gens qui s'occupent du programme Énergiebus; il y aurait peut-être un pont à établir.

M. Boisvert: Le but de tout cela est d'essayer d'aider les entrepreneurs à avoir plus de travail et à garder des gens sur le marché du travail; c'est le but principal.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. Boisvert, vous parliez d'une économie. M. le ministre a obtenu une période de quatre ans pour payer l'investissement de la réisolation. Je poserais la question autrement. Sur un montant X que cela pourrait coûter en énergie pour une industrie donnée dans une année après avoir fait réisoler tout son système, on pourrait considérer le pourcentage d'économie de l'ensemble de la facture annuelle, par exemple. Est-ce que vous avez des chiffres? Même si cela n'est pas précis, avez-vous des approximations? Est-ce 5% de la facture, est-ce 2%?

M. Boisvert: Je ne sais pas si vous avez eu une copie de notre mémoire.

M. Lavigne: Non, je n'ai pas eu l'occasion de lire votre mémoire.

M. Boisvert: Nous avions inséré un dépliant dans notre mémoire avec des exemples surtout d'isolation, non pas de réisolation. En ce qui concerne la réisolation, on peut dire que ceux qui sont isolés normalement, comme cela se faisait

anciennement, peuvent aller chercher encore 20% ou 25% de leur facture d'énergie.

M. Lavigne: Comme cela, c'est au niveau de la réisolation?

M. Boisvert: Oui.

M. Lavigne: 25%? C'est assez considérable, je ne pensais pas que c'était aussi important.

M. Boisvert: Les pertes de chaleur sont énormes, c'est épouvantable.

M. Lavigne: Maintenant, cela devient peut-être un peu secondaire, mais au niveau de la méthode utilisée pour réisoler, est-ce fait à l'aide de fusils sous pression?

M. Boisvert: Non, c'est du recouvrement de tuyauterie préformé.

M. Lavigne: D'accord, comme cela se faisait anciennement. Ce sont seulement les matériaux qui sont différents.

M. Boisvert: Ce sont les matériaux qui ont changé. Cela se fait exactement de la même façon, mais ils sont améliorés, ils sont meilleurs.

M. Lavigne: Je vous remercie, M. Boisvert.

M. Boisvert: Bienvenue.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Nous vous remercions beaucoup, M. Boisvert, de votre présence à cette commission.

M. Boisvert: Cela m'a fait plaisir, merci.

Le Président (M. Gagnon): J'inviterais maintenant l'Association des entrepreneurs en construction du Québec à prendre place.

M. Duhaime: M. le Président, si vous vouliez nous accorder cinq minutes de répit. Je ne sais pas s'il y a des gens de SNC qui sont présents, nous pourrions les entendre ce soir. J'ai comme l'impression qu'avec votre mémoire et la période de discussion on pourrait peut-être terminer vers 17 h 45 quitte même, dans la mesure où nous pourrons rejoindre au téléphone les gens de SNC, à leur donner une demi-heure de plus pour le lunch afin de reprendre à 20 h 30, pour autant que le Secrétariat des commissions nous confirmera que c'est possible. On verra bien tantôt. Est-ce qu'on pourrait suspendre pour quatre ou cinq minutes?

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Si les membres de la commission sont d'accord, nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise de la séance à 17 h 08)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Franco Fava, je vous prierais de présenter les gens qui vous accompagnent et de faire la lecture de votre mémoire.

Association des entrepreneurs en construction du Québec

M. Fava (Franco): À ma droite, M. Michel Dion qui est le directeur général de notre association; à ma gauche, M. Yves Veronneau qui a travaillé plus particulièrement au dossier qui est présenté à la commission.

En fait, le mémoire qu'on a soumis ce printemps établit les grands paramètres, qu'on voulait soulever devant la commission. Au départ, je tiens à vous dire que, contrairement à d'autres mémoires de groupements qui sont venus devant la commission, le nôtre est axé strictement sur l'aspect des relations du travail puisque c'est le seul rôle que joue l'Association des entrepreneurs en construction du Québec au niveau, plus particulièrement, du gazoduc et des autres formes d'énergie.

Donc, l'AECQ, pour vous situer un petit peu, a été créée à la suite du rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale, mieux connue sous le nom de commission Cliche. Elle a été, évidemment, formée par une loi. Nous regroupons, au sein de l'association, approximativement 14 000 à 15 000 membres, selon les périodes. Nous regroupons également tous les entrepreneurs en construction du Québec qui sont membres de notre association en ce qui a trait à la question des relations du travail et des dossiers connexes.

Messieurs, le mémoire comme tel touche, comme je vous le mentionnais, surtout l'aspect des relations du travail et les interventions de différents organismes dans le travail qu'on a à effectuer. Notre objectif, en comparaissant devant la commission, est en quelque sorte de mettre en lumière, au niveau du développement des ressources et de l'énergie, les enjeux économiques que sous-tendent des relations du travail ordonnées dans l'industrie de la construction. Nos propos, tout en s'appuyant sur le dossier de la construction du pipeline pour le gaz naturel, pourraient facilement, à quelques variantes près, s'appliquer aux travaux de construction reliés au développe-

ment d'autres formes d'énergie.

En ce qui a trait au gazoduc, pour mieux situer le débat, dès le départ, nous voulons souligner que ce qui constituerait normalement un pipeline de gaz naturel au sens de l'industrie, on doit diviser cela en deux parties, parce que, pour nous, les problèmes en ce qui concerne les relations du travail ne sont pas pareils. Si on parle en termes de gaz de "main pipeline", des conduites maîtresses, les problèmes que nous rencontrons au niveau des relations du travail sont quelque peu différents de ce qu'on rencontre au niveau de la distribution proprement dite. Si nous tenions à faire cette distinction, c'est que la nature même des problèmes de relations du travail qu'on rencontre sur le pipeline et sur les réseaux de distribution sont tellement différents.

Ainsi, sur le réseau de distribution, l'ampleur strictement provinciale et même régionale des travaux et leur exécution par des gens d'ici, sous la responsabilité des gens d'ici, ont naturellement favorisé leur intégration au cadre générai des relations du travail prévalant au Québec. Dans ce sens, les règles qui y sont appliquées sont les mêmes que pour le reste de notre industrie. Au contraire, lors de la première phase du développement du pipeline, tant le donneur de travail que les principaux entrepreneurs en construction venaient de l'extérieur, ceci étant directement impliqué au niveau des relations du travail dans une entente nationale, ce qu'on appelle communément le "National Pipeline Agreement", avec les unions internationales monopolisant la main-d'oeuvre active sur ces chantiers. La tendance fut de nous imposer, avec succès d'ailleurs, des relations du travail prévues dans cette entente. Il faut bien dire que, dans l'esprit de tous ces gens, la construction d'un pipeline dans des conditions autres que celles prévues à l'entente nationale était une chose tout à fait impossible. C'est-à-dire que les donneurs de travail à l'époque ne pensaient pas que les travaux de gazoduc pouvaient se réaliser au Québec autour du décret provincial puisqu'eux se sentaient liés par l'entente nationale, ce qu'on appelle le "National Pipeline Agreement".

Malgré cette attitude, lors de la négociation de 1979-1980, nous avions déjà intégré à la convention collective qui régit nos relations du travail un certain nombre d'articles qui assuraient aux salariés oeuvrant sur les chantiers des conditions de travail parmi les plus favorables dans le décret. Cet effort de notre part devait certainement être suffisamment sérieux puisque les travailleurs de trois des quatre métiers impliqués et emplois directement visés acceptaient finalement nos propositions à ce sujet. Il s'agissait là d'une étape importante vers la réalisation de nos objectifs, à savoir l'obtention d'un décret librement négocié incluant des provisions particulières pour le pipeline, mais qui respectait l'économie générale des conditions de travail applicables à l'ensemble des emplois et des métiers de la construction du Québec.

Nous avons rencontré certaines difficultés. Malgré ce succès ou ce demi-succès, si l'on veut, en réussissant à s'entendre avec les travailleurs de trois des quatres métiers impliqués, les difficultés ont surgi par la suite en ce qui a trait à certains aspects bien particuliers du dossier. Parmi ceux-ci, on peut mentionner des difficultés en ce qui concerne la gestion au niveau des relations du travail proprement dites. Comme on l'a déjà mentionné, tant du côté du donneur de travail que des principaux entrepreneurs venant de l'extérieur de la province, nous étions convaincus de la nécessité d'appliquer l'entente nationale à laquelle, de toute façon, ils étaient parties dans d'autres provinces canadiennes.

Dans ce sens, nous croyons que l'effort déployé à un moment donné pour briser le monopole exercé par les soudeurs a été, au mieux, un massacre de bonnes intentions. D'ailleurs, on a pu s'apercevoir dernièrement de ce qui pouvait arriver lorsqu'on essayait vraiment. De plus, nous devons mentionner le statut du donneur de travail du temps, une fois reconnu comme une entité à caractère interprovincial par le tribunal. Cela nous a empêché d'agir efficacement pour faire respecter le caractère minimal et maximal du décret dans l'industrie de la construction.

D'autres problèmes qu'on rencontrait, c'est au niveau de la formation de la main-d'oeuvre. On rejoint là tout le problème des soudeurs à haute pression et tous les problèmes du monopole qui est, à toutes fins utiles, exercé par le local 144 des unions internationales. Dès qu'on eut annoncé les projets d'expansion du gaz au Québec, nous savions que notre principale difficulté s'avérerait être la quantité insuffisante de main-d'oeuvre qualifiée, surtout dans le cas des soudeurs, et son contrôle par le local 144. L'association s'était impliquée pour faire débloquer les cours de formation, en particulier pour les opérateurs de tracteurs à grue latérale et pour les soudeurs. De ce fait, on a su éviter une pénurie majeure de main-d'oeuvre dans ces spécialités. Malheureusement, du côté des soudeurs, le monopole exercé par le local 144 leur a quand même permis de paralyser les chantiers jusqu'à ce qu'on se rende à leurs conditions. (17 h 15)

Finalement, l'intervention gouvernementale dans les relations du travail, pour nous, a été un obstacle qui nous a fait faire face à deux aspects bien importants dans ce dossier. D'une part, il y avait, bien sûr, les résultats de la commission parlementaire de

juin 1981 qui accordait non seulement aux soudeurs récalcitrants, mais aussi aux opérateurs et journaliers des avantages substantiellement plus élevés que ceux prévus au décret. Comme on vous le mentionnait tout à l'heure, déjà il y avait, lors de notre négociation, trois des quatre métiers qui avaient accepté les conditions de travail négociées à la table de négociation. Lorsqu'on est venu, par le truchement de la commission parlementaire de juin 1981, augmenter de 2, $ l'heure le salaire des soudeurs, on a fait en sorte que cette augmentation s'applique à tous les autres métiers sur le chantier du gazoduc.

D'autre part, par son geste même, le gouvernement a démontré le peu de cas qu'il faisait du décret qui, pourtant, avait été agréé par les parties habiles à négocier. Après s'être soumis aux diktats des soudeurs et ce, malgré ses déclarations à l'effet contraire, comment pouvait-il blâmer Trans Québec & Maritimes de vouloir terminer la besogne qu'elle avait commencée? Il faut se rappeler que les 2 $ l'heure qui avaient été imposés à ce moment à la suite de la commission parlementaire n'ont pas réglé le problème. On a vécu encore cette année des problèmes avec les soudeurs du local 144 sur les chantiers. Malgré ces 2 $ l'heure qui avaient été consentis et qui avaient été décrétés, Trans Québec & Maritimes se permettait de combler la différence qui existait encore entre le "National Pipeline Agreement" et le décret de la construction du Québec par un chèque additionnel que les employés recevaient directement de Trans Québec & Maritimes.

Vous savez que cet été, pour régler le problème des soudeurs - qui vient, d'ailleurs, d'être réglé au mois d'août, si je ne me trompe pas - on a dû faire appel à des soudeurs de l'Ouest canadien pour finalement mettre assez de pression sur les soudeurs du local 144 pour qu'ils reviennent à l'ouvrage. À ce moment-là, on avait une cinquantaine de soudeurs de différentes provinces canadiennes - qu'on appelle des non-syndiqués, évidemment, dans les autres provinces - qui sont venus en quelque sorte forcer un peu la main aux soudeurs du local 144 pour qu'ils reprennent les travaux sur les chantiers du gazoduc et qu'ils arrêtent de tenir les chantiers du gazoduc en otage pour se négocier des conditions de travail vraiment démesurées par rapport à ce qu'on paie aux autres salariés. Il faut se rappeler que le décret de la construction, à l'époque, prévoyait des taux de salaire d'environ 2000 $ par semaine pour les soudeurs du gazoduc. Ce montant a été augmenté à 2200 $ par semaine après la commission parlementaire du mois de juin, avec les 2 $ qui ont été imposés par décret. Il y avait encore un écart d'environ 1400 $ avec ce qui se payait d'après le "National Pipeline

Agreement" qui, à l'époque, était environ 3600 $. Malgré les 2200 $ qui représentaient déjà une augmentation de 200 $ par semaine sur le décret qui existait, TQM allait encore combler cette différence d'à peu près 1400 $ à l'autre bout.

Nous constatons aujourd'hui que les travaux de construction du pipeline se font bel et bien aux conditions spécifiées dans le décret. Parmi les raisons qui ont conduit à cet état de choses, nous retrouvons une série de raisons dont je vous ferai l'énumération. Premièrement, il y a le budget restreint prévu pour le prolongement du réseau, ainsi que la marginalité des marchés à desservir.

D'autre part, le statut du nouveau donneur d'ouvrage en fait une entreprise soumise aux lois et à la réglementation de la province de Québec, dont entre autres les lois du travail. Effectivement, avec Gaz Inter-Cité comme principal donneur d'ouvrage dans ce domaine, on évite le problème qu'on avait avec Trans Québec & Maritimes qui se voulait une entreprise interprovinciale, donc non soumise aux lois du Québec et au décret de la construction.

Il y a également les contrats accordés majoritairement à des entreprises du Québec qui ont l'habitude de fonctionner avec le décret. Il faut se rappeler qu'à l'époque les contrats se donnaient surtout à des entreprises qui étaient hors du Québec, alors qu'effectivement le donneur d'ouvrage était Trans Québec & Maritimes, qui se voulait une entreprise plutôt d'envergure nationale.

Il y a également un autre facteur qui est venu contribuer à cette paix relative qu'on connaît à l'heure actuelle sur les chantiers du gazoduc - ce que je vous mentionnais tout à l'heure - c'est le bris momentané qui s'est opéré sur le monopole de la main-d'oeuvre au niveau du local 144. On a effectivement fait des efforts pour former de la main-d'oeuvre malgré toutes les contraintes qu'on peut retrouver dans le règlement de placement de l'industrie de la construction qui nous empêche de faire accéder à l'industrie de la construction une certaine main-d'oeuvre dont on a besoin en période de pointe comme celle-là. Des cours, on a pu en mettre en place pour que des soudeurs se qualifient en passant des tests de soudure. On a réussi, en utilisant ces moyens, à pallier en quelque sorte le problème du local 144. Encore là, je vous jure, d'après ce qu'on a pu voir, que c'est partie remise puisque le local 144 est revenu au niveau des chantiers avec une promesse formelle. Au printemps 1984, lors de la prochaine période de négociations, ce qui est visé par eux, c'est l'entente nationale du pipeline, c'est-à-dire les 3600 $ par semaine. Donc, messieurs, je vous dis qu'on n'est pas au bout de nos peines avec le local 144 pour la prochaine négociation.

Finalement, l'intervention gouverne-

mentale. Le gouvernement n'a pas à intervenir en dehors de la lettre et de l'esprit de la loi et du décret. Je pense qu'il faut le mentionner en passant puisque effectivement cet été - plus particulièrement pour les soudeurs du local 144 - on a demandé au gouvernement de ne pas intervenir dans ce dossier pour nous permettre de le régler. Je vous félicite de ne pas être intervenus car je pense que cela nous a permis de régler le problème avec les règles du marché en faisant même appel à de la main-d'oeuvre qui venait de l'extérieur du Québec, en faisant appel à des machines à souder pour mettre toute la pression voulue sur les soudeurs du local 144 pour qu'ils reviennent à l'ouvrage et qu'ils cessent de demander des conditions vraiment irréalistes compte tenu des salaires qui se payent dans l'industrie de la construction pour tous les autres corps de métier et, en fait, pour les mêmes métiers qui oeuvrent sur les chantiers autres que des chantiers du gazoduc.

Je ne vois pas pourquoi un opérateur d'équipement lourd sur un chantier de gazoduc gagnerait 3600 $ par semaine, alors que le même bonhomme qui travaille sur le réseau routier à câté en gagne 1200 $ ou 1300 $.

Cela m'amène à vous parler de l'avenir, c'est-à-dire surtout de la négociation qui s'en vient au printemps de 1984. Du côté syndical, on s'est bien promis, comme je vous le disais, de revenir à la charge dès les prochaines négociations qui s'annoncent pour le début de l'an prochain. Ceci est tout à fait normal et, de notre côté, nous verrons à étudier leurs revendications en profondeur et à y répondre de la façon la plus adéquate, compte tenu de la situation dans l'industrie et des intérêts des entrepreneurs que nous représentons.

Sans prétendre lire dans une boule de cristal, on peut penser que ces négociations se révéleront ardues. Effectivement, il ne fait pas de doute dans notre esprit que le développement du pipeline continuera à être marqué par un budget de construction restreint, alors que les marchés à desservir resteront aussi marginaux. Dans ces conditions, il est plus que probable qu'une augmentation substantielle des coûts de construction ne pourra s'opérer qu'au détriment du volume de la construction envisagé. Pendant ce temps, du côté syndical, on revendiquera sûrement le rétablissement des droits acquis perdus; ce sont les prétentions du local 144 qui nous dit avoir perdu des droits acquis puisqu'il n'a pas réussi à obtenir les mêmes conditions que le "National Pipeline Agreement". Malgré tout, il n'y a pas de doute dans notre esprit qu'une négociation normale est possible dans ce domaine comme dans le reste de l'industrie de la construction. Pour ce faire, cependant, nous devrions être assurés d'une façon non équivoque de la non-ingérence du gouvernement dans ce dossier.

En terminant, M. le Président, MM. les députés, M. le ministre, nous espérons que ce bref exposé et notre mémoire auront su vous éclairer sur l'importance de notre champ d'activités dans le développement des ressources énergétiques au Québec. Nous voulons vous exprimer notre reconnaissance pour l'opportunité que vous nous avez fournie de venir vous exposer notre point de vue à ce sujet. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier M. Fava. En vous écoutant tantôt, cela m'a rappelle certaines longues soirées de l'été et du printemps derniers alors qu'en discussion avec mon collègue, M. Fréchette, nous tentions de régler le problème. Vous nous remerciez pour notre non-intervention; je vous en sais gré. Mais nous sommes intervenus tout de même dans un sens. Nous avons dit aux travailleurs sur le chantier du gazoduc qu'il était hors de question que nous permettions le paiement des salaires suivant le "Canada Pipeline Agreement". Vous avez mentionné juin 1981 lorsque 2 $ en rallonge par heure travaillée ont été mis sur la table en modifiant le décret. Ce que mon collègue avait en tête à l'époque, je crois, c'était d'acheter la paix et d'essayer de régler. Heureusement, aujourd'hui, c'est un souvenir et cela se déroule bien sur les chantiers.

Je crois que c'est M. Barbeau, le président de Gaz Inter-Cité, qui nous disait que, sur les investissements globaux de cette compagnie, il y avait 70% en salaires. Quand vous nous parlez qu'un soudeur au "Canada Pipeline Agreement" commande 3600 $ par semaine, on a l'air d'une bande de crève-faim, nous ici, tous ce que nous en sommes, si vous voulez mon avis. Je peux vous donner l'assurance de la même fermeté, pour autant que votre humble serviteur est concerné, surtout dans la conjoncture économique que nous traversons avec le niveau de chômage. Je pense que c'est une revendication purement abusive, qu'elle vienne du local 144 ou de tout autre syndicat, de réclamer qu'une entreprise verse 3600 $ par semaine pour ce genre de travail.

Vous avez mentionné deux chiffres. Le décret de la construction donnerait 2200 $ par semaine et le "Canada Pipeline Agreement", 3600 $. Est-ce que votre organisme a fait des représentations au gouvernement fédéral afin d'examiner la possibilité que le "Canada Pipeline Agreement" soit ramené à des scénarios un peu plus réalistes? Quand le gouvernement fédéral a décidé de ramener de

750 000 000 $ à 465 000 000 $ le montant des crédits disponibles pour la phase de pénétration du gaz, je me souviens que mon collègue, M. Chrétien, qui ne rate jamais pareille occasion, avait dit que cela dépendait du gouvernement de Québec si les coûts de construction du gazoduc, au moins pour la partie exécutée par Trans Québec & Maritimes, étaient aussi élevés. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je n'ai pas cette preuve, mais si Trans Québec & Maritimes a payé le prix du décret canadien plutôt que le prix du décret de la construction du Québec, je ne suis pas trop surpris qu'elle ai dépassé tous les coûts prévus.

M. Fava, M. Barbeau était ici, le président de Gaz Inter-Cité; il a fait le point sur l'état des travaux et sur les programmes. Ils sont à la fois à l'intérieur des calendriers et de leur budget. Même qu'ils ont de la marge; si mon souvenir est bon, ils font de la banque en chemin, en particulier en Mauricie. Sans préjuger de ce qui pourrait se produire le printemps prochain, cela m'étonnerait que les travailleurs sur le pipeline nous proposent des réductions de salaires; ce serait assez renversant. (17 h 30)

M. Fava: On s'en charge, M. le ministre.

M. Duhaime: On verra. Tout ce que je souhaite, si négociations il y a, c'est qu'elles se déroulent normalement. Je voudrais vous donner l'assurance que le risque n'est pas bien grand que nous allions nous aligner sur le "Canada Pipeline Agreement". Cela n'a pas de bon sens pour un gazoduc. Cela n'en a pas plus ailleurs, sur d'autres chantiers. L'effet d'entraînement est quand même là. On parlait ce matin de projets d'investissements, que ce soit dans le secteur pétrolier, que ce soit dans le secteur gazier, que ce soit dans le secteur hydroélectrique. Il faut bien comprendre que tous les fins connaisseurs en pareille matière examinent cela à la loupe, ce genre de dispositions au décret de la construction.

Je n'ai pas la différence, en pourcentage, de 2200 $ par rapport à 3600 $. Avez-vous des chiffres globaux sur ce que représenterait le même gazoduc payé suivant le "Canada Pipeline Agreement" par rapport à une rémunération suivant le décret de la construction. Deuxièmement, voulez-vous nous dire, au sujet des 3600 $ par semaine qui sont demandés pour combien d'heures de travail c'est, s'il vous plaît?

M. Fava: Voici, M. le ministre. Si on regarde le "National Pipeline Agreement", comme je vous le mentionnais tout à l'heure, cela représente des salaires, au taux du "National Pipeline Agreement", de 3605,55 $ par semaine actuellement pour un soudeur. Si on prend le même soudeur payé au taux du décret de la construction - encore là, malgré les 2 $ l'heure que vous ou votre gouvernement a imposés à la suite de la commission parlementaire - cela représente 2113,32 $ par semaine. Ce même soudeur travaillant au Québec en vertu du décret de la construction a, grosso modo, 1400 $ par semaine de moins que ce qu'il aurait en travaillant en vertu du "National Pipeline Agreement".

Si on fait également des comparaisons en termes d'heures, j'ai ici un tableau qui démontre qu'au Canada - donc suivant le "National Pipeline Agreement" - le soudeur qui travaille 60 heures par semaine est effectivement payé pour 124 heures de travail. Il ne faut pas oublier qu'à ce salaire de base, c'est-à-dire à ces 60 heures, vient s'ajouter une prime de rendement qui équivaut approximativement à 40 ou 48 heures par semaine. Vous avez également des primes journalières qui représentent 4 heures par jour. Vous avez également une prime qu'on appelle 24, 1,5. En fait, ils ont des formules assez spéciales. Vous voyez qu'en faisant le tableau du salaire de base combiné avec toutes les primes qui s'ajoutent, pour une semaine de travail de 60 heures, on est payé pour 124 heures.

M. Duhaime: Quand vous parlez de 60 heures, est-ce que vous parlez de 60 heures travaillées?

M. Fava: Pour 60 heures travaillées, l'individu reçoit l'équivalent de 124 heures de paie. Vous demandiez tout à l'heure si nous avions dénoncé cette situation au gouvernement fédéral à l'époque. Je vous réfère à une lettre du 17 juin 1981 qu'on a fait parvenir à tous les membres de l'Assemblée nationale du Québec et de la Chambre des communes à Ottawa, dans laquelle déjà on faisait état de cette situation et dans laquelle on prévoyait déjà une pénurie de main-d'oeuvre au niveau des soudeurs. On établissait nos besoins à l'époque à 200 ou 300 soudeurs pour réaliser le projet du gazoduc au Québec. On savait qu'on en avait une soixantaine de disponibles. Donc, cela ne prenait pas un génie pour déterminer qu'on aurait une pénurie substantielle de main-d'oeuvre. On demandait à l'époque à tous les députés et à tous les membres du Parlement fédéral et de l'Assemblée nationale provinciale déjà de se sensibiliser à ce problème. À l'époque, je vous mentionne que c'était effectivement Trans Québec & Maritimes qui était dans le portrait. Une partie de ces problèmes se sont réglés.

Vous mentionniez tout à l'heure, M. le ministre, que je vous ai félicité de ne pas être intervenus cet été lors du dernier

problème avec le local 144. Effectivement, c'est le genre d'intervention qu'on aime du gouvernement, qu'il n'intervienne pas dans nos relations du travail. Vous savez que dans l'industrie de la construction on est dans une situation où nos relations du travail sont quasi étatisées. Comment voulez-vous que les parties négocient de bonne foi à une table de négociation quand on sait que la loi donne un pouvoir au ministre d'intervenir et d'imposer un décret après trois heures de discussion en commission parlementaire, alors qu'on sait qu'avant même la commission parlementaire le décret est en train de se rédiger dans les corridors de l'Assemblée nationale? C'est dans ce sens que nous vous disons que c'est absolument impensable que les parties puissent s'asseoir autour d'une table de négociation et négocier de bonne foi, quand on sait que la décision se prendra probablement ici au salon rouge ou au salon bleu. C'est très difficile de négocier.

Voici ce qu'on vous dit. Si on nous laisse négocier, il y a des chances qu'on réussisse comme dans tous les autres secteurs. En voici la preuve. Lors du règlement du dernier problème que nous avons eu avec les soudeurs du local 144, on a réussi à régler le problème avec l'intervention de l'État que vous mentionniez, c'est-à-dire que l'État a renvoyé la balle aux parties en leur disant: Réglez votre problème, on ne s'en mêle pas. Quand les parties réalisent que le règlement final d'un problème est à leur portée et dans leurs mains, elles font des efforts pour le régler. Par contre, quand on sent que la porte est ouverte ici pour venir régler les problèmes, les parties, M. le ministre, ne négocient pas. C'est aussi simple que cela.

M. Duhaime: M. Fava, cependant, nous conviendrons que, lorsque le gouvernement déclare très clairement qu'il est hors de question de payer selon le "Canada Pipeline Agreement", cela doit enclencher une négociation aux tables, j'imagine. Est-ce que je fais erreur?

M. Fava: Oui, effectivement. M. le ministre, il y a un historique dans l'industrie de la construction et cela nous rend excessivement méfiants face au pouvoir de l'État d'intervenir. Si on se replace au niveau de la construction des chantiers olympiques, on a eu 0,85 $ l'heure qui ont été imposés. En ce qui touche le gazoduc, il y a eu 2 $ l'heure d'imposés. Lors de la dernière négociation, je n'ai pas besoin de vous énumérer tous les problèmes qu'on a rencontrés. Lorsque les parties syndicales et même la partie patronale jusqu'à un certain point sentent que le règlement n'est pas entre leurs mains, elles ont l'impression de faire un exercice futile autour d'une table de négociation. Cela prend cinq, six, sept mois, on a pris jusqu'à neuf mois pour négocier un décret de la construction. Il n'y a pas eu de grève, il n'y a pas eu de chambardement sur les chantiers. Je ne vois pas pourquoi ce serait pire avoir une grève dans l'industrie de la construction que dans d'autres secteurs. Ce que nous disons, c'est: Pourquoi intervenir de façon spéciale dans la construction quand les lois dans l'ensemble sont suffisantes pour régler le problème?

M. Duhaime: Nos prédécesseurs nous ont laissé un dossier en lambeaux dans le domaine de la construction au Québec. Je pense que les travaux de la commission Cliche ont été éclairants à cet égard. On a eu l'occasion de le rappeler, il n'y a pas tellement de mois, ici, autour de cette table. Je suis parfaitement de votre sentiment que l'idéal souhaité serait un retour absolu à la libre négociation au Québec dans le domaine des relations du travail dans le secteur de la construction. Cela étant un objectif à atteindre, je ne me fais pas d'illusion, non plus. J'ai comme l'impression qu'il va falloir que l'on continue d'être très vigilants.

M. Lavigne: M. Bourassa.

Une voix: M. Qui? M. Bourassa?

M. Duhaime: On a eu des échauffourées absolument sans précédent dans le dossier du gaz naturel. Je me souviens qu'un certain temps il y avait deux policiers et un soudeur autour de Joliette. Je crois que je dois profiter de l'occasion pour remercier tous ceux qui ont été impliqués d'avoir apporté chacun sa contribution pour ramener un peu d'ordre et de paix sur les chantiers et en arriver à une entente. Là, vous me dites que cela va rouvrir au printemps de 1984. Je n'ai pas à vous souhaiter bonne chance. Vous êtes en mesure de faire votre métier. Nous n'avons pas l'intention de prendre parti pour l'instant dans cette affaire. Mais il y a une chose qui est certaine: si la revendication est la même que l'été dernier, alors que les travailleurs, les soudeurs en particulier exigeaient que Gaz Inter-Cité paye selon le "Canada Pipeline Agreement", si vous voulez avoir une idée de la réponse, je vais vous la donner tout de suite, la réponse est non. À partir de là, on veut travailler avec notre propre décret de la construction. Pour le reste, je laisse et votre association et les travailleurs - incluant le local 144, mais il y en a d'autres aussi qui sont impliqués dans ce dossier - négocier. Je ne sais pas si c'est votre association qui directement conduit ces négociations.

M. Fava: Oui.

M. Duhaime: Je crois que c'est vous qui représentez les entrepreneurs dans ce

secteur. On va vous regarder aller et on va souhaiter que cela se règle vite.

M. Fava: Pour le règlement du dernier problème qui est survenu avec le local 144, on n'a pas à féliciter uniquement le gouvernement de ne pas être intervenu. Je pense qu'il faut féliciter aussi Gaz Inter-Cité qui a répété continuellement qu'elle ne tolérerait pas que les travaux du gazoduc se fassent à des taux autres que ceux du décret. Je pense également que nos entrepreneurs ont fait leur part en mettant la pression sur les soudeurs du local 144 pour qu'ils reviennent à l'ouvrage. Quand chacun fait son bout de chemin dans un dossier semblable, on arrive aux résultats qu'on connaît.

M. Duhaime: Quand il n'y a pas de monopole syndical sur un chantier et quand un gouvernement décide de se tenir debout, il y a des choses qui changent. Pour ceux qui sont assis à ma gauche et qui n'étaient pas au gouvernement lorsque les événements se sont produits dans le secteur de la construction dans le passé, je pense que ce sont deux rappels très importants qui sont parmi les clés du rapport assez éloquent de l'honorable juge Cliche, il y a plusieurs années. Il faut aussi dire qu'il y a des blâmes qui ont été donnés. Un monopole syndical sur un chantier de la taille de la Baie-James ou encore à Mont-Wright, cela ne peut pas s'installer sans que, premièrement, un syndicat soit d'accord; deuxièmement, que les patrons soient d'accord pour le faire; troisièmement, même dans l'illégalité parfois, un gouvernement décide de couvrir l'opération. C'est exactement ce qui s'est produit au Québec. Aujourd'hui, un peu tout le monde se plaint que ce secteur est archiréglementé, etc. Je pense qu'on vit tous un peu avec notre passé. On écope. Quand je dis avec notre passé, je parle de notre collectivité. On est un des rares coins du monde à avoir vécu un pareil charivari dans des chantiers de construction, qu'on parle de la Baie-James, qu'on parle de Mont-Wright ou même du chantier olympique. C'est bien évident. Enfin, souhaitons-nous bonne chance et espérons que cela va fonctionner.

M. Fava: II y a peut-être une remarque additionnelle, si vous me le permettez, M. le Président. J'aimerais retoucher un peu à tout l'aspect de la formation professionnelle. Je pense que l'expérience du gazoduc a été assez révélatrice. Quand on décide de former des soudeurs pour combler non pas uniquement nos besoins de main-d'oeuvre, mais aller jusqu'à de légers surplus, des fois cela règle certains problèmes.

Il y a également tout le problème du règlement de placement dans l'industrie de la construction. Il faut se rappeler que ce règlement de placement date de 1978; le ministre était M. Johnson à l'époque, c'est lui qui nous l'a mis entre les bras, ce fameux règlement de placement qui a été partiellement la cause de nos problèmes au niveau du gazoduc. Si on n'avait pas eu les contraintes du règlement de placement, on aurait pu agir plus librement avec notre main-d'oeuvre. On aurait pu aller chercher nos 2000 ou 3000 soudeurs à haute pression qu'on avait identifiés dans des secteurs commerciaux et industriels, qui auraient très bien pu faire l'affaire sur les chantiers du gazoduc en passant les tests habituels. Vous savez, on fait état de ces tests comme étant des choses extrêmement épouvantables. Entre vous et moi, cela nécessite deux ou trois semaines d'apprentissage. On aurait pu régler ce problème à la source et surtout le régler pour l'avenir. Je suis loin d'être sûr aujourd'hui, M. le ministre, que le problème est réglé définitivement. Comme je vous le dis, le local 144 est encore là. On a encore une pénurie de soudeurs dans le gazoduc et les négociations s'en viennent à grands pas.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Outremont. (17 h 45)

M. Fortier: M. le Président, j'aimerais poser des questions sur le règlement de la construction. Tout à l'heure, vous avez fait mention de la possibilité que vous avez eue d'aller chercher des soudeurs à l'extérieur de la province. Moi qui ne suis pas familier avec les détails, pourriez-vous m'expliquer comment cela a été possible? Je croyais que les règlements imposaient à l'entrepreneur d'utiliser les employés du Québec. Comment avez-vous pu aller chercher des gens de l'extérieur du Québec pour ainsi "by-passer" ceux qui ne voulaient pas travailler aux conditions définies dans le décret?

M. Fava: Pour répondre adéquatement à cette question, il faut à nouveau toucher au règlement de placement. Comme vous le savez, dans l'industrie de la construction, on a de la main-d'oeuvre qualifiée en vertu de la Loi sur la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre et du règlement 1 adopté en vertu de cette loi en termes des ratios compagnons-apprentis qu'on peut avoir sur les chantiers. Une fois l'employé qualifié, c'est-à-dire une fois que l'opérateur d'équipement lourd a sa carte dans les poches, il est soumis à une deuxième réglementation qui est le fameux permis de travail émis en vertu du règlement de placement dans l'industrie de la construction, le fameux classement.

Donc, la position qui avait été prise par les soudeurs du local 144 à l'époque, c'était de dire: Écoutez, nous ne sommes pas en grève, nous ne sommes tout simplement pas disponibles à travailler. Le règlement de

placement nous obligeait à épuiser les sources de main-d'oeuvre à l'Office de la construction. Alors, on a joué le jeu comme le local 144. On a épuisé la liste de l'Office de la construction, c'est-à-dire qu'on a demandé à l'office de nous référer de la main-d'oeuvre. Les soudeurs du local 144 refusaient de venir. Quand on a épuisé ce bassin, cela nous a permis d'aller en Alberta et d'aller chercher les 50 soudeurs que cela nous prenait. Là, on a dit au local 144: Vous retournez travailler ou bien on finit le gazoduc avec des soudeurs de l'Ouest.

M. Fortier: Une fois que ces gens sont revenus sur les chantiers, qu'est-ce qui est arrivé aux 50 soudeurs de l'Alberta? Vous leur avez dit: Merci beaucoup, maintenant, on n'a plus de besoin de vous. Pouviez-vous les garder? Qu'est-ce qui arrive dans des cas comme ceux-ci?

M. Fava: Je vous donnerai la même réponse que j'ai donnée au local 144. Quand on les a rencontrés, ils voulaient en quelque sorte que le "bumping" se fasse et qu'on dise aux Albertains: Retournez-vous chez vous et nous, les employés du local 144, on va reprendre les emplois que nous avions. Je m'excuse, mais ce n'est pas comme cela que ça marche. Il y a un certain nombre des ces travailleurs qui sont partis pour toutes sortes de raisons, mais on n'a pas mis à la porte ces travailleurs pour donner la place d'honneur aux soudeurs du local 144 qui nous avaient emmerdés pendant six mois. Alors, ils ont payé le prix de leur moyen de chantage, de leur refus de travailler. C'est comme cela que cela s'est réglé.

M. Dion (Michel): Si vous le permettez, les gens qui étaient venus de l'extérieur, parce qu'il n'y avait plus de disponibilité, se retrouvaient admissibles et travaillant légalement au Québec en vertu du règlement de placement. Ils ne pouvaient pas aller à l'extérieur; ils étaient déjà au travail légalement en vertu du règlement de placement. Ils ont reçu les permis nécessaires de l'office. Les entrepreneurs n'étaient pas obligés de les "bumper", de les mettre dehors. Les employeurs aussi, pour des fins de garantie, parce que c'était trop facile le lendemain de renvoyer tous ces travailleurs. Là, le local 144 aurait pu facilement rebloquer les chantiers. Or, la garantie que les travailleurs de l'Ouest restaient ici empêchait ce jeu.

M. Fava: C'est une précision importante. Comme je vous le dis, quand on a engagé ces travailleurs on était obligé de passer par le règlement de placement qui existait dans l'industrie. Ces travailleurs sont devenus tout à fait en règle.

M. Fortier: Est-ce que le permis qu'ils avaient était "open"? Je veux dire que cela aurait pu durer des années et des années si la personne était restée au Québec.

M. Dion: Le permis que le travailleur de l'Ouest recevait était valable pour travailler au Québec. Il pouvait continuer à travailler et à exercer son emploi tant et aussi longtemps qu'il y avait un emploi. S'il se créait de nouveaux emplois et qu'un gars du local 144 voulait se rendre disponible, à ce moment, il tombait sur la liste des disponibles et il pouvait être engagé, mais il ne pouvait pas "bumper" l'autre.

M. Fortier: D'accord.

M. Fava: Théoriquement, cette personne aurait pu continuer à travailler au Québec. Si ce travailleur arrive ici et réussit à faire suffisamment d'heures pour que sa carte soit renouvelée l'an prochain...

M. Fortier: Pour se justifier.

M. Fava: ...l'an prochain, il aura le loisir de travailler ici.

M. Fortier: De toute façon, cela a été des cas limités. Vous dites 50, mais c'était suffisant pour mettre la pression qu'il fallait.

M. Fava: Comme je vous le dis, avec le nombre de ceux qu'on a amenés de l'Ouest canadien...

M. Fortier: Est-ce que c'était des gens très qualifiés?

M. Fava: ...qu'on a formés en marge du local 144, cela nous a permis d'en amener assez pour que le local 144 réfléchisse à sa position. Finalement, la dernière rencontre qu'on a eue lorsque ce dossier s'est réglé, c'est aux bureaux du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre à Montréal, où tout s'est déclenché; ils ont décidé de revenir au travail.

M. Dion: Si vous me le permettez, il faut aussi noter que, lorsque le règlement s'est fait, les chantiers n'étaient pas tous complètement en marche. Autrement dit, les travailleurs du local 144 ont réalisé que, s'ils continuaient, ils perdraient tous les chantiers, mais déjà il y avait qu'une partie des chantiers qui était en marche.

M. Fortier: Quand vous faites ces travaux, le contrôle de la qualité des soudures est-il fait par vous ou s'il est fait par le client? Est-ce le client qui fait le contrôle de la qualité, qui fait les rayons X pour déterminer si on respecte les normes? Je ne sais pas à quelle pression vous

fonctionner mais ce doit être 100% de rayons X sur les grosses soudures.

M. Fava: Effectivement, les normes sont établies par Gaz Inter-Cité, mais celle-ci engage des firmes d'ingénieurs-conseils pour vérifier la qualité de l'ouvrage. L'entrepreneur fait quand même une certaine vérification. Disons que le contrôle de la qualité finale est fait par Gaz Inter-Cité par l'entremise d'experts qu'elle retient pour faire ce travail.

M. Fortier: Étant donné que Gaz Inter-Cité nous a dit que les coûts finals étaient assez bas, sûrement à cause des salaires plus bas qui avaient été payés, j'imagine que le nombre de soudures qu'il a fallu refaire, malgré l'inexpérience des nouveaux soudeurs, n'a pas été très élevé. Est-ce que, de fait, la qualité des soudures qui ont été faites s'est avérée assez élevée pour éviter de refaire le travail?

M. Fava: Je vous mentirais si je vous disais qu'au départ la qualité du travail qu'on faisait avec les nouveaux bonshommes qu'on avait formés était acceptable. C'est sûr qu'au départ il y a eu une période de rodage. Certains entrepreneurs me mentionnaient des taux d'échec au niveau des soudures de l'ordre de 40% à 50% au début, ce qui était quand même énorme. Les entreprises ont en quelque sorte fait les frais de cela aussi, puisque c'est du travail qu'elles ont dû reprendre. Elles savaient également pertinemment qu'au bout de deux, trois ou quatre semaines d'apprentissage ces bonshommes donneraient un rendement acceptable.

Évidemment, quand on tient compte du fait qu'on paye à peu près 1500 $ de moins par semaine pour les soudeurs qui travaillent en vertu du décret que pour ceux qui le font selon le "National Pipeline Agreement" et quand on sait, comme le disait M. le ministre tout à l'heure, que la main-d'oeuvre représente à peu près 70% des coûts totaux de la réalisation de projets semblables, le coût de main-d'oeuvre est un facteur très important quand on calcule les coûts totaux de ces projets.

M. Fortier: Est-ce que vous avez pris connaissance du rapport du groupe de travail sur le coût de la construction des pipelines? C'est un rapport qui est sorti récemment. C'est fait par un commissaire-enquêteur, M. Horte, nommé par le ministre Chrétien. Est-ce que vous en avez pris connaissance? Il fait certaines recommandations; en particulier, il fait des constatations et des recommandations qui affecteront éventuellement le Québec. J'imagine que cela s'applique uniquement dans le cas des pipelines. Cela ne s'applique pas dans le cas des conduites latérales. Ces recommandations s'appliqueront quand le pipeline continuera vers l'Est. Je me demandais si vous en aviez pris connaissance et si vous aviez des commentaires à formuler.

M. Fava: Quant à nous - comme je vous le disais au début, M. Fortier - on s'est strictement limité à l'aspect des relations du travail, puisque c'est notre mandat exclusif, et qu'on est impliqué à ce niveau. Effectivement, la relation coût total, coût de la main-d'oeuvre est là. Globalement, le rapport comme tel, on n'en a pas fait d'analyse spéciale à l'association pour pouvoir arriver avec des recommandations.

M. Fortier: Je mentionne cela parce qu'il touche, justement, les relations du travail. Il touche justement au fait que, d'après les recommandations, le "National Pipeline Agreement" devrait s'appliquer à travers le Canada, du moins pour les pipelines. C'est daté du 30 juin 1983. Ce serait peut-être bon que votre association en prenne connaissance - j'en ai une couple de copies ici - pour vous permettre de réagir face aux recommandations qui y sont faites. Je n'ai pas eu le temps de le consulter au complet. J'essayais de le feuilleter pendant que vous faisiez votre présentation.

M. Fava: Effectivement, on devra se pencher sur ce problème. Évidemment, le contexte juridique dans l'industrie au Québec est complètement différent de ce qu'il l'est dans les autres provinces canadiennes. À la table de négociation, on m'a dit que la construction dans les autres provinces canadiennes se faisait à peu près au même taux que le décret de la construction. Donc, ce n'est pas un problème spécial au Québec. Ce qu'on oublie de nous dire, c'est que, dans les autres provinces canadiennes, il y a 60% et plus de la construction qui se fait par le secteur non syndiqué qui, lui, travaille à 25% ou 30% moins cher que le secteur syndiqué. D'ailleurs, je me suis rendu dernièrement à Toronto à un colloque de l'Association canadienne de la construction; je puis vous assurer que les problèmes qu'ils ont dans l'Ouest canadien par rapport au secteur syndiqué et au secteur non syndiqué sont énormes. Le secteur syndiqué est en train de perdre complètement le marché de la construction. Elle se fait de plus en plus par des entrepreneurs non syndiqués qui, eux, travaillent à 20% ou 25%, comme je vous le disais, moins cher que nos taux de décret.

M. Fortier: En tout cas, je vais vous en donner une copie. Je pense que, comme vous le dites - je suis d'accord avec vous - les conditions au Québec sont différentes. Il serait malheureux que le ministre fédéral de l'Énergie, des Mines et des Ressources

poursuive sa recherche dans ce secteur sans avoir le point de vue du Québec. Je note que les ministères de l'Énergie et des Ressources des différentes provinces ont été consultés. J'imagine que le point de vue québécois leur a été communiqué.

Quand M. Barbeau de Gaz Inter-Cité est venu, je l'ai félicité parce que c'était certainement une première réalisation de faire des travaux comme ceux-ci en dedans des budgets et des coûts. Il semblerait que les tracés ont été approuvés très rapidement, ce qui a facilité les choses. Je ne voudrais pas enlever de mérite à quiconque a pu aider à cette situation. Je crois que l'entente qui existait entre Gaz Inter-Cité et le gouvernement fédéral disait qu'il avait un budget maximum de 500 000 000 $ pour réaliser tant de conduites latérales, que, s'il y avait des dépassements de coût, la différence devait être assumée totalement par Gaz Inter-Cité. Cela donnait une dialectique ou une conjoncture où M. Barbeau pouvait dire: Écoutez, soit que l'on s'entende, nos estimations étant basées sur le décret de la construction ou que l'on ne s'entende pas. Si l'on ne s'entend pas, il n'y a pas de conduites latérales.

C'est une situation différente de celle que nous pouvions retrouver lors des Jeux olympiques, où les syndicats savaient qu'il fallait aller de l'avant, parce qu'on avait fait des promesses internationales qu'il se tiendrait des jeux à un certain moment. Mais il reste que c'est un premier succès et je crois qu'on doit continuer dans cette direction. Cela prouve que, lorsqu'on peut arrêter les travaux, tout le monde comprend que c'est dans le meilleur intérêt et des travailleurs et des compagnies de s'entendre et d'arriver à des conclusions positives.

M. Fava: Effectivement, M. Fortier. Je vous référais tout à l'heure à une lettre qu'on avait envoyée à tous les députés à l'Assemblée nationale et à tous les membres de la Chambre des communes. C'est une des choses que nous dénoncions du régime de TQM. Ces gens étaient plus ou moins intéressés à garder un certain contrôle des coûts, puisque plus cela coûtait cher plus on retirait de subventions de l'autre bout. Finalement, l'intérêt à comprimer les coûts n'était pas le même que sous le régime de Gaz Inter-Cité. Nous, ce qui nous surprend dans tout cela - c'est pour cela qu'on a insisté un peu sur cela - c'est que, si l'on réussit à faire des projets aussi gigantesques que les travaux hydroélectriques qui se font sur le territoire de la Baie-James à des taux du décret, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas réussir, avec le concours de tout le monde, à réaliser notre gazoduc au coût du décret de la construction. Je ne peux pas dire lequel des deux projets est le plus important. Je crois que les deux sont importants. Mais, dans un cas, on l'a réalisé dans une paix relative. Sur le territoire de la Baie-James, on n'a pu eu le genre de problèmes que nous avons eus sur les chantiers du gazoduc, probablement parce qu'il n'y a pas de centrale syndicale qui a le monopole d'un marché de main-d'oeuvre aussi rare que les soudeurs sur le pipeline.

Nos principales sources de problèmes en ce qui a trait au gazoduc et à la main-d'oeuvre viennent du fait que le local 144 a un contrôle et un monopole effectif de la main-d'oeuvre spécialisée qui travaille sur les chantiers du gazoduc. Le règlement de placement venant aider la cause du local 144 nous oblige à faire une série de pas de gymnastique pour passer à côté et aller chercher une certaine concurrence pour cette main-d'oeuvre dans les autres provinces canadiennes. On a actuellement une main-d'oeuvre québécoise. On a une bonne partie de nos membres qui travaillent sur des projets au Cameroun et en Algérie, qui réalisent des travaux dans ces endroits à des taux même inférieurs à ceux du décret de la construction, dans des conditions beaucoup plus pénibles que celles qu'on a pu connaître sur le territoire de la Baie-James ou ailleurs dans la province de Québec. Alors, qu'on ne vienne pas me faire croire que nos travailleurs ne sont pas prêts à travailler au taux du gazoduc. Cela fait l'affaire d'un certain nombre de dirigeants syndicaux que cette pression puisse s'exercer au niveau au gazoduc. Comme le disait M. le ministre tout à l'heure, il y a, qu'on le veuille ou non un effet d'entraînement. Comme je vous le disais tout à l'heure, l'opérateur d'équipement lourd sur le gazoduc qui gagne 2 $ l'heure de plus que celui qui travaille à côté, de deux choses l'une: soit que l'on baisse ce travailleur ou, à la prochaine négociation, celui qui travaille à côté va vouloir avoir le même salaire que l'autre. Cela a un effet néfaste à long terme sur nos relations du travail.

M. Fortier: En ce qui concerne le règlement de la construction, est-ce que votre association a fait des recommandations à ce sujet d'une façon formelle et officielle?

M. Fava: Absolument.

M. Fortier: Récemment? (18 heures)

M. Fava: Comme je vous le dis, la dernière rencontre directe qu'on a eue avec les gens du ministère se situe à la fin du mois d'août quand le problème s'est finalement réglé avec les soudeurs du gazoduc.

M. Fortier: Je ne parle pas nécessairement du gazoduc. Je parle "across the board".

M. Fava: Je peux vous dire qu'on a rencontré le ministre et son adjoint en commission parlementaire et à son bureau au moins une dizaine de fois depuis le mois d'octobre de l'an dernier. Il y a des mémoires qui se font régulièrement. Il y a des interventions qui se font au niveau de l'Office de la construction. Encore vendredi dernier, j'ai rencontré des collègues du ministre pour leur exposer les problèmes que nous avions plus particulièrement avec le règlement de placement dans l'industrie de la construction. Nous sommes intervenus au niveau des comités consultatifs régionaux pour la formation de la main-d'oeuvre. Nous avons des représentants à ces comités.

Il y a également une petite vite qu'on a tenté de nous passer à la veille des vacances de la construction, le règlement sur les juridictions des métiers qu'on a voulu modifier pour les électriciens afin de leur donner l'exclusivité de la manutention. C'est un amendement qui a été publié à la toute veille des vacances de la construction et on est tombé dessus quasiment par hasard. On s'en est rendu compte à temps et on a pu faire les représentations voulues. Ce sont des choses que nous surveillons au jour le jour. C'est notre principale raison d'être, à l'association, de surveiller tout le contexte des relations du travail dans l'industrie de la construction.

M. Fortier: Je vous posais la question parce que peut-être que vous faites des représentations au ministre ou à l'office comme tels, mais nous, parlementaires, aimerions être informés de vos recommandations en ce qui concerne le règlement de la construction en particulier. Si jamais vous aviez un document que vous pourriez nous faire parvenir - je parle en mon nom et je crois que les autres membres de la commission seraient intéressés j'aimerais bien en prendre connaissance.

Je vous remercie, M. Fava.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

Avant de vous laisser la parole, M. le député de Beauharnois, comme nous dépassons 18 heures, cela me prend la permission de la commission. Vous êtes d'accord.

M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: J'ai quelques questions à poser à M. Fava. Quand on a comparé le salaire des employés qui travaillent sous le décret du Canada et ceux qui travaillent sous le décret du Québec, il y a une énorme différence de 1400 $ par semaine, grosso modo. Cela a amené, à un certain moment, la partie patronale et les grands entrepreneurs à repenser tout le domaine de la robotique. Je sais qu'il en a été question.

Est-ce que la venue des robots sur ces chantiers est seulement un moyen de pression ou si c'est à ce point précis et perfectionné que cela n'est plus au stade de l'expérimentation, mais que c'est vraiment sérieux et que c'est appelé éventuellement à prendre la place des soudeurs, ou en partie la place des soudeurs?

M. Fava: Ce n'est absolument pas une blague. Quand on a rencontré les gens du local 144, on leur a dit qu'il y avait la possibilité d'introduire des machines à souder sur le gazoduc. Ce n'est absolument pas une farce. La technologie est assez développée pour que ces machines puissent éventuellement remplacer une main-d'oeuvre. Dans le contexte d'un règlement comme celui-ci, quand on introduit des machines sur les chantiers, c'est sûr que cela cause certains problèmes en ce qui a trait à la main-d'oeuvre. Dans le contexte de tous les problèmes que nous avions avec le local 144, cela a été plutôt utilisé comme moyen de pression, mais c'était absolument à point en termes de technologie. Ce n'était pas strictement des moyens de pression. C'est quelque chose qu'on aurait sûrement recommandé à nos membres. Finalement, ce sont des décisions qui reviennent à nos membres individuellement, s'ils veulent ou non introduire ce genre de machines sur les chantiers. Je vous assure que c'est une chose que nous envisagions sérieusement, recommander à nos membres de mettre ces machines en marche. Nous nous sommes dit: Le gazoduc va se faire avec ou sans le local 144 et il va se faire aux conditions du décret de la construction. S'il fallait importer de la main-d'oeuvre de l'Alberta ou introduire des machines, ce sont des solutions que nous envisagions très sérieusement.

M. Dion: Pour votre information, à la Baie-James, le bas des turbines est fait comme un colimaçon. Vous avez dû prendre connaissance de cela, la compagnie Marine Industrie utilisait des machines pour faire les soudures de ces colimaçons où les pressions d'eau sont énormes. Des tests électroniques devaient être passés sur ces tuyaux-là pour s'assurer qu'il n'y avait pas de perte d'eau. Ces soudures étaient faites par des machines à souder. Si le gouvernement veut développer ce système ou s'informer au sujet de ce système, cela a été fait à la Baie-James avec succès et ces machines fonctionnaient.

Il y a peut-être une adaptation un peu plus précise à faire pour le gazoduc selon la grosseur des tuyaux. L'utilisation de la machine est peut-être différente sur un tuyau de 16 pouces de ce qu'elle est sur un tuyau de quelque 40 pouces. Je sais que M. Fortier est ingénieur et qu'il connaît cela bien plus que moi. Ce n'est pas un robot "tentatif"; c'est une machine qui fonctionne

réellement et qui donne un rendement satisfaisant. Cela a été fait à la Baie-James sans aucun problème.

M. Lavigne: Pour terminer - je ne voulais pas être trop long, je vous l'avais dit, on dépasse déjà notre temps de cinq minutes - si vous aviez à utiliser ces machines à souder, ces robots - appelez-les comme vous voudrez - est-ce que cela ferait une différence importante dans les coûts? On a dit que, pour la réalisation d'un gazoduc, la main-d'oeuvre représentait 60% ou 70% du coût. Si l'entreprise remplaçait la main-d'oeuvre - ce qui n'est pas souhaitable par les temps qui courent parce qu'on se dit qu'il y a déjà beaucoup de chômage et on travaille au gouvernement à mettre de l'avant des programmes de création d'emplois - par ce type de machines à souder sur une haute échelle, est-ce que le coût de revient serait dans les mêmes proportions qu'en utilisant les soudeurs comme présentement au coût du décret de la construction?

M. Fava: Pour répondre à votre question, je pense que je dois le faire en deux volets. D'abord, il faut se rappeler qu'au niveau de la soudure sur le gros tuyau plusieurs passes de soudure se font. La première passe serait probablement difficile à faire avec une machine à souder, mais toutes les autres pourraient très bien se faire avec une telle machine.

Pour vous donner une idée du coût de ces machines, si ma mémoire est bonne, lorsqu'on envisageait la possibilité de les introduire sérieusement, c'était à peu près 7000 $ ou 8000 $ par unité. Quand on paie un soudeur 3000 $ par semaine, je pense qu'on n'a pas besoin de faire plusieurs semaines pour rentabiliser notre machine. C'est une machine qui a une longévité de plus de deux ou trois mois.

Il est clair qu'éventuellement c'est une chose qui pourra être considérée très sérieusement pour réduire davantage les coûts de construction du gazoduc et pour toutes sortes de raisons, y compris principalement la rareté de main-d'oeuvre dans ce domaine. Pour l'instant, c'est une chose qu'on a voulu éviter dans le but d'arriver à une certaine paix sur nos chantiers et pour éviter, comme on dit, de mettre de l'huile sur le feu. Comme je le disais tout à l'heure, c'est une chose qu'on envisageait très très sérieusement dans le contexte du règlement du problème du local 144.

M. Lavigne: Donc, si vous n'optez pas pour ledit robot ou ladite machine, c'est uniquement pour des raisons de paix, des raisons humanitaires, des raisons sociales, des raisons de création d'emplois, au fond. Si c'était basé strictement sur une question de coût de production, ce serait avantageux, d'après ce que vous nous dites.

M. Fava: Je crois que oui.

M. Lavigne: C'est pour toutes les autres considérations que vous ne les introduisez pas.

M. Fava: Oui.

M. Lavigne: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Messieurs, je vous remercie. Il n'y a pas d'autres questions?

Nous invitons le groupe SNC - je ne sais pas s'ils sont présents - pour 20 h 30. Nous suspendons donc nos travaux jusqu'à 20 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 09)

(Reprise de la séance à 20 h 36)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Lors de la suspension de nos travaux, à l'heure du souper, il nous restait à inviter le dernier groupe inscrit à l'ordre du jour.

M. Duhaime: Et non le moindre.

Le Président (M. Gagnon): Et non le moindre, sûrement. C'est le groupe SNC. J'inviterais M. Jean-Paul Gourdeau à nous présenter les gens qui l'accompagnent et à nous livrer son mémoire.

Groupe SNC

M. Gourdeau (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de vous remercier pour le temps que vous nous accordez aujourd'hui afin de discuter des propositions contenues dans notre mémoire que j'ai le plaisir de vous présenter ce soir.

En premier lieu, pour mieux situer le contexte de notre intervention, j'aimerais vous rappeler ce qu'est le Groupe SNC et résumer, en quelques mots, l'éventail de notre expertise.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous pourriez, pour les fins du journal des Débats, nous présenter les gens qui vous accompagnent?

M. Gourdeau: Certainement. À ma droite, M. Jacques Lefebvre, vice-président aux affaires publiques, et, à ma gauche, M. Louis Morin, vice-président à la mise en marché. Mon nom est Jean-Paul Gourdeau, président du Groupe SNC.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Gourdeau: Comme je le disais tout à l'heure, notre groupe est au Québec depuis 75 ans et nous nous considérons comme l'une des principales entreprises canadiennes dans le domaine de l'ingénierie, l'approvisionnement et la construction et l'un des principaux maîtres d'oeuvre du Canada. Nous comptons près de 4600 employés répartis dans 45 divisions, filiales et compagnies associées, au Canada ainsi qu'à l'étranger.

Notre groupe a son siège social à Montréal et nous avons des bureaux à Vancouver, Edmonton, Calgary, Lethbridge, Saskatoon et Toronto. À l'étranger, nous avons des bureaux en Allemagne, aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne, au Pérou et au Venezuela. Environ la moitié de notre chiffre d'affaires, qui se chiffrait par 200 000 000 $ en 1982, a été réalisée à l'étranger. Notre entreprise est la propriété totale de ses employés.

Nous desservons presque tous les secteurs industriels et nous avons acquis une solide réputation, notamment dans les domaines des mines et de la métallurgie, de la conception et de la réalisation de barrages et de centrales hydroélectriques, dans la production, le transport et la distribution d'énergie électrique, dans la pétrochimie et le pétrole, dans l'industrie forestière, ainsi que dans la conception et la réalisation d'usines pour la protection du milieu où l'on vit. Nous avons joué un rôle prépondérant dans l'exploitation d'expertises canadiennes et nous avons oeuvré, au cours des deux dernières décennies, dans plus de 100 pays.

Constamment à l'avant-garde dans le domaine de l'ingénierie, nous sommes fiers de nos contributions aux techniques de gestion de projets, au développement de systèmes associés à la planification et au contrôle des projets sur ordinateur ainsi qu'à l'utilisation de maquettes pour la conception d'usines industrielles complexes. L'un des premiers groupes canadiens à se tailler une réputation sur le marché étranger dans le domaine de l'ingénierie, nous avons aussi réussi à constituer une équipe de gestion de projets reconnue non seulement au Canada, mais aussi d'envergure internationale.

Je vais passer rapidement par-dessus le processus qui, au cours des dernières années, nous a permis d'acquérir et de développer l'expertise que nous avons, puisque vous avez devant vous le mémoire que nous vous avons soumis, et je vous fais grâce d'une partie du mémoire parce que j'imagine que la plupart de vous nous connaissez assez bien. J'aimerais simplement enchaîner vers la fin de la page 5 où je mentionne qu'en 1960, nous comptions 130 employés; en 1970, 900 et, en 1980, nous dépassions les 5000. Présentement, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes environ 4600. Quant à notre chiffre d'affaires, il était de 7 400 000 $ en 1967 et de plus de 200 000 000 $ l'an dernier, c'est-à-dire quinze ans plus tard. Aujourd'hui, le Groupe SNC est toujours la propriété exclusive de ses employés et compte présentement plus de 400 actionnaires.

Ce bref aperçu vous donne, je l'espère, une certaine appréciation du temps et du travail qu'il faut consacrer pour établir une entreprise telle que le Groupe SNC sur une base solide et compétente. Face à l'incertitude du climat économique actuel, nous souhaitons entretenir des échanges constructifs avec les gouvernements et les autres membres de l'industrie afin d'établir des politiques et des programmes pour empêcher l'affaissement et même l'effritement d'entreprises essentielles à notre avenir collectif.

Quelle est la toile de fond du secteur de l'énergie au Québec? Nul n'est besoin d'analyser ici les différentes facettes du secteur énergétique puisque de nombreux organismes s'y adonnent présentement, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Le document de travail présenté par le ministère à l'intention des intervenants à la commission permanente de l'énergie et des ressources résume dans ses grandes lignes la situation énergétique au Québec.

Selon notre optique, les éléments suivants, pris dans leur ensemble, caractérisent les réalités socio-économiques de la scène énergétique québécoise en 1983, à savoir, programmes d'économie d'énergie, baisse de la demande d'électricité, surplus important d'électricité pouvant être vendu, projets hydroélectriques retardés, politique favorisant la pénétration et la distribution du gaz naturel, projet CARMONT retardé, huiles lourdes vendues à rabais, projets nucléaires retardés indéfiniment.

Ces réalités, dont certaines paraissent menaçantes par leurs répercussions possibles sur l'ensemble de nos économies, représentent des défis de taille. Le gouvernement et les entreprises doivent tout mettre en oeuvre pour trouver des solutions qui permettent au Québec de sortir gagnant de la crise actuelle. Nous vous soumettons donc notre point de vue afin d'apporter l'expérience que nous avons au processus de réflexion entamé par votre commission.

J'aimerais d'abord aborder l'industrie québécoise du génie-conseil ou de l'ingénieur constructeur. Depuis plusieurs années et à juste titre, d'ailleurs, le Québec se félicite de compter sur son territoire trois des plus grands bureaux d'ingénieurs-conseils au monde. Nous pourrions même ajouter que ce succès remarquable a été largement facilité par une participation active au développement hydroélectrique du Québec. Le Québec exerce, par l'entremise de ces firmes, un leadership incontesté qu'il doit

non seulement protéger, mais promouvoir.

Ces sociétés traversent actuellement une période particulièrement difficile puisque la mise en veilleuse du programme de développement hydroélectrique du Québec coïncide avec un ralentissement de l'économie non seulement au Canada, mais à l'échelle mondiale. Bien que nous comprenions volontiers que cette période de pause et de réflexion soit nécessaire, nous devons faire face à la situation actuelle avec tous les efforts et l'imagination que cela implique. Chez SNC, nous avons pris les mesures nécessaires pour améliorer encore davantage l'efficacité et la productivité à tous les niveaux de notre entreprise. De plus, tout comme il y a 20 ans, nous avons non seulement maintenu, mais augmenté nos activités vers les marchés internationaux afin de conserver notre expertise et être prêts pour la reprise éventuelle chez nous.

Toutefois, le marché international est actuellement plus difficile que jadis puisque le ralentissement économique qui frappe le Québec s'étend à l'échelle mondiale. Partout, les fonds manquent pour réaliser des projets pourtant nécessaires.

Notre succès sur les marchés étrangers peut s'améliorer avec un support judicieux fourni par les différents paliers de gouvernement. Pour le Québec, ce support devrait se traduire par des programmes complémentaires à ceux que le gouvernement fédéral a mis en place pour obtenir une plus grande flexibilité face à la concurrence étrangère de plus en plus aguerrie. C'est par cette complémentarité des programmes que le Québec peut nous aider à maintenir le leadership que nous avons développé au cours des vingt-cinq dernières années et qui nous a permis de créer, ici au Québec, un bassin d'expertise nulle part égalé, particulièrement dans le domaine hydroélectrique.

Il nous semble aussi extrêmement important de préserver cette ressource unique et, à cet effet, nous suggérons que le gouvernement du Québec autorise HydroQuébec à effectuer, dès maintenant, certaines études et à mettre en marche des programmes sélectifs en vue d'une reprise des travaux de la Baie-James. Ces travaux d'ingénierie de base partagés par les quelques bureaux d'importance qui ont développé cette expertise permettraient de maintenir sur place des équipes de spécialistes qui constituent une force de frappe francophone dans la technologie hydroélectrique, évitant ainsi une migration qui ne saurait trop tarder si le travail ne vient pas.

Cette suggestion sous-entend que le Québec pourra, dans l'application de ses programmes, privilégier l'excellence afin d'éviter le morcellement des ressources existantes et de ne pas sacrifier pour des intérêts à court terme l'objectif ultime du maintien de notre position concurrentielle sur le marché mondial.

En résumé, nous recommandons que le Québec supporte les efforts des grandes sociétés du Québec sur les marchés internationaux par des programmes complémentaires à ceux du gouvernement fédéral, renforce le rôle du secteur privé dans les domaines où il a fait ses preuves et évite le double emploi ou la concurrence de la part d'organismes du gouvernement, s'appuie sur la compétence déjà acquise et disponible, et autorise dès maintenant Hydro-Québec à mener des études afin de prévoir et de mettre en place les programmes de réalisation future de développement énergétique.

En ce qui concerne le gaz naturel, au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a favorisé le développement du réseau de gaz naturel au Québec ainsi qu'une plus grande pénétration de cette source d'énergie dans tous les coins du Québec. Cette politique permettra d'offrir aux Québécois une diversité de choix qui encouragera une saine concurrence dont tous pourront bénéficier. Nous appuyons ce principe d'assurer aux Québécois une plus grande gamme de choix dans le domaine de l'énergie.

Nous nous réjouissons aussi de la politique du gouvernement de retenir les entreprises du Québec dans la réalisation des travaux prévus afin de développer l'expertise dans ce domaine et être en mesure de concurrencer sur les marchés étrangers. Nous encourageons donc le maintien de cette politique.

En ce qui concerne le pétrole, il va sans dire que nous déplorons la fermeture de certaines des raffineries de Montréal-Est. Ces fermetures auront non seulement un impact économique sérieux, mais aussi des répercussions sur le bilan énergétique dans son ensemble. Nous suggérons donc au gouvernement du Québec de diminuer la redevance présentement perçue sur l'essence afin de ne pas injustement pénaliser les consommateurs qui utilisent l'essence et favoriser ainsi une plus grande activité économique dans ces secteurs; de ne pas considérer, comme solution possible, l'achat d'une raffinerie par un organisme du gouvernement, car le pétrole est assujetti à la loi des marchés, non seulement à l'échelle du Canada, mais à l'échelle mondiale.

En ce qui concerne la stratégie de développement industriel, nous nous devons de féliciter le gouvernement d'avoir su tirer avantage du surplus d'électricité en rejoignant les objectifs de certaines industries et du gouvernement pour attirer l'implantation de nouvelles industries énergivores telles que Reynolds et Pechiney. Toutefois, nous voudrions que ces premières initiatives marquent le point de départ d'une stratégie intégrée de développement

industriel favorisant l'implantation au Québec d'un nombre varié d'industries qui pourraient être attirées par nos ressources énergétiques. Une politique éclairée dans ce domaine verrait le gouvernement, dans un premier temps, prendre les mesures voulues pour créer un climat socio-économique favorable. Par la suite, des mesures incitatives susceptibles d'attirer les investisseurs possibles devraient être mises en place pour obtenir la participation active de l'entreprise privée.

En ce qui concerne l'exportation, nous voyons de façon très positive l'exportation accrue d'électricité. Cette ressource renouvelable que nous avons en grande quantité pourrait devenir un levier encore plus important de notre développement économique. Nous encourageons le gouvernement à permettre la mise en place par Hydro-Québec de programmes spécifiques d'exportation d'énergie. De plus, nous reconnaissons et appuyons les efforts d'Hydro-Québec pour obtenir des contrats de vente d'électricité à nos voisins du Sud à des conditions qui soient favorables au Québec. L'exportation d'énergie engendrera des revenus, créera des emplois et permettra le développement d'autres sources énergétiques, nous assurant ainsi de maintenir au Québec le leadership que nous avons dans ce domaine.

Nous désirons féliciter le gouvernement du Québec pour les initiatives prises dans la recherche et le développement. En effet, l'IREQ s'est acquis une réputation enviable dans le domaine énergétique et contribue directement au développement de nouvelles technologies. Dans le domaine des énergies nouvelles, comme plusieurs membres de l'industrie, nous collaborons présentement, par exemple, avec Nouveler afin d'assurer le développement et la commercialisation de nouveaux choix énergétiques, dans le domaine de la biomasse, par exemple. Il y aurait lieu, pour bénéficier davantage de ces initiatives, de créer, par des méthodes incitatives, un climat qui soit favorable à la participation de l'entreprise privée dans la recherche industrielle.

Messieurs, je vous ai présenté ces quelques réflexions au nom de notre groupe dans un esprit de collaboration, afin de vous exposer les difficultés auxquelles fait face notre industrie et les dangers que nous courons de voir s'effriter un acquis de grande valeur. Nous espérons que nos commentaires et nos recommandations sauront vous être utiles et restons toujours à votre disposition pour la recherche de solutions qui satisfassent aux besoins et aux aspirations des Québécois.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M. Gourdeau, de votre contribution aux travaux de notre commission parlementaire. Je voudrais aller tout de suite au coeur d'un certain nombre des problématiques que vous avancez. À la page 8, votre première proposition consiste à dire essentiellement... Pas à la page 8, je m'excuse. Je vais prendre plutôt la conclusion où vous nous demandez que des contrats d'étude soient confiés - c'est repris à un ou deux endroits, mais on l'a à la page 8, on le retrouve aussi à la page 12 - à des firmes de génie-conseil. C'est un sujet dont j'ai eu l'occasion de discuter avec la direction d'Hydro-Québec. Je dois vous avouer qu'il y a un certain temps que nous n'avons pas parlé spécifiquement de ce sujet, mais j'aimerais savoir, du point de vue des entreprises de génie-conseil... À un certain moment, Hydro-Québec s'est dit: II faut maintenir, bien sûr, une expertise dans le génie-conseil à Montréal, maintenir un noyau solide et, lorsque la période de redémarrage des grands chantiers viendra, on aura encore nos gens en place. De ce côté-là, concrètement, sur le terrain, je comprends que vous proposez que des commandes soient passées sur des études d'avant-projets, j'imagine. Je sais que M. Bourbeau a fait une tournée. Je ne sais pas s'il a rencontré votre groupe de façon spécifique, mais, du point de vue de la SNC, y a-t-il des développements là-dedans ou si vous n'avez entendu parler de rien jusqu'à maintenant?

M. Gourdeau: Personnellement, je n'ai entendu parler de rien jusqu'à ce jour. En fait, ce que nous suggérons, M. le ministre, c'est qu'il faudrait identifier un peu - j'aime toujours le système "aide-toi et le ciel t'aidera" - les compagnies, les organisations qui ont déjà l'expertise et qui ont aussi démontré que, sur le marché international, elles sont capables au moins d'apporter une certaine contribution pour maintenir une certaine base. Une fois que vous aurez identifié cela, je crois que vous allez arriver à un nombre de pas moins de trois, pas plus de cinq. Il s'agit simplement de sous-traiter certains mandats et il y en a plusieurs. Vous avez Delaney et Robertson. Vous avez LG 1 et Brisay. Vous en avez plusieurs. Il s'agirait simplement de maintenir en place un petit noyau. On parle peut-être de huit, dix ou douze personnes au maximum par organisation.

Si on parle des investissements, on ne parle pas d'investissements considérables pour les trois ou quatre prochaines années, si on regarde la façon dont souvent certains gouvernements - j'inclus le fédéral et parfois le provincial - pour attirer des entreprises, ont fait des investissements assez importants pour créer peut-être 100 emplois, pour s'apercevoir, deux ans après, que l'entreprise

tombe sur le dos. De celles qui vont bien actuellement, on dit: Elles vont bien, laissons-les aller. Dans ce domaine, je crois qu'il y aurait avantage à maintenir certaines compétences. On ne parle pas de beaucoup, peut-être de huit à douze spécialistes par organisation.

Si vous parlez de budget, je suis bien prêt à en discuter...

M. Duhaime: Je ne serais pas tout à fait...

M. Gourdeau: ...mais on ne parle pas de montants impressionnants.

M. Duhaime: L'autre jour, en faisant le point sur un des dossiers d'Hydro-Québec entre autres... Sauf erreur, le coût des études sur différents projets d'investissement et d'avant-projets à Hydro-Québec est rendu à un montant de l'ordre de 600 000 000 $. Ma réaction, c'est que cela commence à faire pas mal d'études de projets et d'avant-projets, mais je peux vous confirmer, M. Gourdeau, que si ce n'est pas déjà fait - des contacts ont peut-être déjà été pris avec votre groupe, je ne veux pas m'avancer au-delà - on m'avait donné l'assurance à HydroQuébec qu'on ferait une espèce de tournée pour informer un peu les gens et savoir quelles étaient leurs disponibilités. Enfin!

M. Gourdeau: Cela n'a pas été fait chez nous.

M. Duhaime: Cela n'a pas été fait.

Vous nous envoyez un message très clair; je voudrais être sûr qu'on le décode comme il faut. À la page 12, vous demandez que le gouvernement, dans une de vos quatre recommandations dans le premier bloc: "renforce le rôle du secteur privé dans les domaines où il a fait ses preuves et évite la duplication ou la concurrence de la part d'organismes du gouvernement." Est-ce que je relie cela avec le paragraphe précédent où vous dites: Continuer de supporter nos efforts sur l'international? Est-ce que vous visez Hydro International? Qu'avez-vous en tête exactement? Je vais vous poser une question simple. Est-ce qu'Hydro International est dans vos plates-bandes sur les marchés internationaux à l'heure où on se parle, aujourd'hui le 12 octobre?

M. Gourdeau: Jusqu'à il y a six mois, oui. Récemment, il semble y avoir eu un changement d'orientation qui va dans le sens d'une collaboration, mais c'est simplement au cours des six derniers mois. Si on parle de la période avant ces six mois, oui, en fait, c'est arrivé à plusieurs endroits où nous étions en concurrence directe avec Lavalin, Asselin et Benoît et Hydro International.

M. Duhaime: Je suis bien content d'apprendre que...

M. Gourdeau: Dans les derniers six mois, il y a eu certaines modifications dans les personnes et les structures. Je dirais qu'on a eu des discussions constructives depuis ce temps.

M. Duhaime: Je suis bien content, M. Gourdeau, de vous entendre tenir ces propos. C'est un secret de polichinelle à Hydro-Québec qu'on se réinterroge. C'est vrai à Hydro-Québec, c'est vrai au ministère de l'Energie et des Ressources, c'est vrai aussi au gouvernement. Il y a possiblement une réorientation à faire de la mission d'Hydro International.

On voit aujourd'hui, sur les marchés internationaux, qu'une, deux ou trois firmes de Montréal vont concurrencer jusqu'au fin fond de l'Egypte, alors qu'il m'apparaît assez évident que très souvent ces groupes qui travaillent l'un contre l'autre et isolément font face à des consortiums franco-allemands, franco-suisses, américano-japonais, etc.; il y en a de toutes les sortes. L'idée qu'Hydro International joue davantage un rôle de support, complémentaire à ce que les grandes firmes de génie-conseil font déjà, cela n'empêcherait pas Hydro International non pas de faire du missionnariat, mais, en tout cas, d'apporter de l'assistance à certains pays en voie de développement, entre autres à certains pays de l'Afrique noire francophone où des techniciens d'Hydro International sont sur place et donnent un coup de pouce. J'imagine qu'il y a peut-être des gens de votre boîte ou d'autres maisons de génie-conseil qui y sont aussi.

Si vous constatez un changement depuis six mois, cela correspond à peu près aux dates où on a passé un certain nombre de messages, mais, sur le fond, je pense qu'il faudra un de ces bons jours qu'on réexamine et réévalue la mission d'Hydro International. Peut-être qu'on en viendra à la conclusion de dire: Effectivement, cette boîte-là est dans la bonne direction; ou encore, il ne faudra pas craindre, je pense, de lui donner des mandats additionnels ou même des mandats neufs. Je ne sais pas comment vous réagissez là-dessus, mais c'est une attitude d'ouverture. J'ai eu l'occasion de le dire à des dirigeants de grandes firmes de génie-conseil et ce qui est dit reste dit, dans ce sens-là. Je pense qu'on ne craindra pas non plus d'aller chercher le point de vue de ceux qui sont déjà dans ce secteur d'activité parce que je pense que, comme société de 6 000 000 d'habitants, si on ne s'épaule pas davantage sur les marchés internationaux, nous nous sortirons nous-mêmes du marché international. Je ne sais pas comment vous réagissez à cela. (21 heures)

M. Gourdeau: Non, disons qu 'HydroQuébec International - pour prendre ce cas, il y en a eu d'autres aussi - a certainement un rôle à jouer, un rôle complémentaire. On a collaboré avec elle; par exemple, en Arabie Saoudite, elle a certainement apporté une contribution très importante. Il est malheureux que, dans bien d'autres cas, à cause de certains facteurs que je ne puis préciser, nous étions en concurrence ouverte. Comme je vous l'ai dit, au cours des six derniers mois, nous avons eu des discussions très constructives et cela augure bien. Ce qu'il faut espérer, c'est qu'on collabore beaucoup plus pour essayer de construire autour de ce que nous avons, plutôt que de se détruire respectivement. La concurrence internationale est assez importante à ce moment-ci.

M. Duhaime: Bon. Je passe vite sur la question du gaz naturel, non pas que ce ne soit pas important. Je pense que vous êtes d'accord, au moins en principe.

M. Gourdeau: Assurément.

M. Duhaime: Vous nous faites une mise en garde, à la page 14. Cela ne vous surprendra pas si je vous dis que vous n'êtes pas les premiers à nous la faire, depuis le début des travaux de la commission, pour ce qui concerne le secteur du pétrole. Je vais vous poser une question là-dessus. Vous dites: "Ne pas considérer comme solution possible l'achat d'une raffinerie par un organisme du gouvernement, car le pétrole est assujetti à la loi des marchés non seulement à l'échelle du Canada, mais à l'échelle mondiale." Je pense qu'on est d'accord là-dessus, mais, dans le processus de canadianisation des entreprises, Petro-Canada a été créée, conçue et mise au monde et se paie au fur et à mesure que les litres d'essence sont vendus.

Or, nous avons une crainte très sérieuse, actuellement, et plusieurs intervenants l'ont soulignée depuis le début des travaux de la commission, c'est que le Québec a soutenu le gros de l'effort de rationalisation dans le secteur pétrolier pour ce qui est de l'Est du Canada. On est peut-être en situation d'équilibre offre et demande sur le plan des produits raffinés pour 1983 et possiblement pour 1984, d'après ce que les grandes compagnies pétrolières nous ont dit, mais on n'a pas de certitude pour l'avenir.

Ce qui m'inquiète dans ce dossier, c'est l'avenir de la pétrochimie. Si mon souvenir est bon, on parle de 10 000 à 12 000 emplois en aval. Est-ce que vous excluez toute hypothèse qu'une société d'État puisse, sur la base d'un "partnership" quelconque, non seulement s'impliquer pour le plaisir de faire fonctionner une raffinerie et un réseau de distribution, mais viser bien au-delà, c'est-à-dire protéger une capacité installée de raffinage au Québec à un niveau tel qu'on aura l'assurance, dans l'avenir, de maintenir un secteur important de la pétrochimie, ou si, de toute manière, pour vous, c'est une question de principe?

M. Gourdeau: Je suis peut-être un peu trop radical, mais j'ai toujours pensé que le gouvernement ne devait pas être en affaires. Le gouvernement est beaucoup plus dans une position de créer un climat où les gens qui veulent partir en affaires vont réussir. La journée où le gouvernement s'implique à faire des affaires, il réussit généralement lorsqu'il a une position monopolistique. Aussitôt qu'il commence à être obligé de faire de la concurrence, il a des problèmes. Cela est vrai non seulement au Québec, mais partout. Les exemples sont là. Je pense que cela arrive autant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Je ne parle pas simplement pour le gouvernement du Québec; je parle pour les gouvernements en général.

Si on parle du pétrole, il ne faut pas assumer que nous sommes d'accord en principe sur le programme énergétique qu'ils ont proposé. On pensait qu'on était pour créer le marché et on s'est aperçu qu'on ne crée pas le marché de l'énergie au Canada. On y est plutôt assujetti. Ce n'est pas en essayant d'établir un climat où on pense qu'on va tout nationaliser demain matin qu'on va créer réellement les choses qui devraient être faites. Tout le monde, au Canada, a vécu un réveil assez brutal en 1982, quand tout le monde pensait qu'on s'en allait vers une euphorie collective et que, du jour au lendemain, tout a été annulé. Cela, c'est la partie de la raffinerie.

Si vous parlez de la partie pétrochimique, je crois qu'il serait préférable de créer des clauses d'"incentive", comme on dit, de motivation, ou un climat fiscal qui coûtera moins cher au gouvernement, un peu comme vous l'avez fait pour la partie hydroélectrique. Si vous pouvez rejoindre les objectifs de l'industrie de la région et créer un climat ou des "incentive" qui vont l'attirer et la motiver à faire les choses elle-même, vous avez des meilleures chances de succès que si vous essayez de le faire vous-même. C'est une opinion personnelle.

M. Duhaime: II n'y a rien comme une bonne opinion personnelle clairement exprimée.

Je voudrais prendre quelques minutes pour couvrir... Votre mémoire suscite beaucoup de questions. J'imagine que mon collègue d'Outremont, qui est votre confrère de métier jusqu'à un certain point, aura lui aussi des questions. Mais celle qui m'intéresse en particulier sous l'aspect de la recherche et du développement se trouve à

la page 16 de votre mémoire. Ici, en commission parlementaire, tous les intervenants du secteur énergétique sont venus, ceux qui s'occupent des tuyaux de plastique pour le gaz, ceux qui plaident en faveur du soleil comme énergie, de l'électricité, du vent, des énergies nouvelles, etc. Selon mon raisonnement, je suis enclin à croire qu'il va falloir qu'on se choisisse comme société certains objectifs; on ne pourra pas développer en même temps tous les secteurs de la recherche et du développement. Je m'adresse à vous en votre qualité d'expert dans ce domaine. Il y a des choses assez évidentes comme la biomasse, un secteur que des pays qui n'ont pas la matière ligneuse que nous avons n'envisageront pas, on a au moins la matière première. Dans le secteur de l'hydrogène liquide, c'est un peu la même chose. Ici, nous avons la technologie et nous avons la capacité hydroélectrique installée avec des périodes de haute et basse pointe qui permettent, au lieu de faire du déversement pendant un certain nombre d'heures par année, de nous brancher sur un réseau de production d'hydrogène liquide et d'oxygène et, en réalité, d'emmagasiner de l'énergie. Quel serait le créneau que vous favoriseriez le plus, étant des gens qui oeuvrez dans ces différents secteurs, sur le plan des faisabilités, sur le plan des projets et des études? Si vous aviez à répondre, quel est le créneau de recherche et de développement que le Québec devrait choisir en priorité? Cela pourrait être la fusion nucléaire, on l'a oubliée, et il y a toute une gamme. Quel serait votre choix?

M. Gourdeau: Construire sur nos forces. La force première est certainement l'hydroélectrique. Alors, tout ce qu'on peut développer dans ce secteur et qu'on peut améliorer, comme le transport de l'énergie et les nouvelles technologies. De plus, vous avez mentionné la biomasse. Nous avons beaucoup de matières ligneuses. C'est un endroit où on devrait faire des recherches, c'est-à-dire améliorer la façon dont nous procédons actuellement. C'est déjà commencé. Le gaz est déjà bien implanté, ainsi que les éoliennes. Voilà les principaux éléments sur lesquels je me concentrerais. Lorsque vous parlez de l'hydrogène, j'ai peut-être certaines hésitations. L'hydrogène, c'est comme changer quatre vingt-cinq cents pour un dollar. Cela a certaines applications. Je ne sais pas si le coût de revient en vaut réellement la chandelle. C'est pourquoi, à tort ou à raison, on ne l'a pas mentionné. Quant au dernier point, je ne pense pas -c'est vrai que le nucléaire n'est pas pour demain - qu'on devrait complètement l'abandonner. Au contraire, une usine est construite et il y aurait lieu de se maintenir un certain noyau d'expertise parce que éventuellement, si on parle d'après les années 2000, il va falloir y voir, mais cela est à plus longue échéance.

M. Duhaime: Là-dessus, je pense qu'Hydro-Québec a été assez claire lorsqu'elle a comparu devant la commission cette semaine. Sur le dossier du nucléaire, il y avait bien sûr une équipe qui serait maintenue, ne serait-ce que pour exploiter Gentilly 2. Sur le plan de la recherche et du développement, on s'en irait davantage vers le dossier de la fusion. Je vous ai demandé, au sujet de l'hydrogène liquide... C'est un secret de polichinelle qu'on est tous, quant à moi en tout cas, à Hydro-Québec et chez Noranda, sur le point de se lancer. J'ai appris récemment une chose étonnante, c'est que la NASA n'a qu'un seul point d'approvisionnement aux États-Unis pour ce qui est de l'hydrogène utilisé comme carburant. Il y aurait peut-être quelque chose à regarder de ce côté, mais, en termes de prix de revient, avec les technologies actuelles et les prix des énergies concurrentielles, il est évident qu'on ne mettra pas en route une usine de production de l'hydrogène liquide pour obtenir ce carburant. Mais, en fractionnant la molécule d'eau, j'ai l'impression qu'on va aussi se chercher de l'oxygène qui va nous servir pour l'ammoniaque et tout le secteur des fertilisants agricoles. C'est une des filières que nous retenons.

On fait exactement le même raisonnement pour ce qui est de la biomasse. L'usine de Saint-Juste-de-Bretenières en est à sa phase I pour arriver à mettre au point ce gazogène et, ensuite, voir si on peut aller à l'étape de la production de méthanol. Quand on regarde aussi aujourd'hui les prix de revient du méthanol au litre par rapport aux énergies concurrentielles, c'est évident qu'on aurait le goût de ne partir ni l'un ni l'autre des projets. Je pense qu'il y a un prix à payer et il y a un effort de recherche et de développement. Si ces technologies, dans dix ou quinze ans d'ici, nous ouvrent des filières intéressantes, tant sur l'aspect du marché que sur l'aspect aussi de la capacité d'exportation de ces technologies nouvelles, je pense que ce sont au moins deux des créneaux qu'il faut regarder. Vous avez ajouté le solaire. Mais, cet après-midi, il y a quelqu'un de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, M. Boileau, qui nous a rappelé un chiffre. Il y a, en moyenne, 19 000 heures de soleil au Québec dans une année. Ils ont calculé cela; c'est intéressant comme chiffre. C'est évident que le solaire va répondre à certains objectifs. Le soleil se lève et brille à tous les matins pour tout le monde. Pour le solaire, est-ce que vous avancez cela d'une façon... Est-ce que vous avez mentionné l'éolienne aussi?

M. Gourdeau: J'ai mentionné l'éolienne, mais je n'ai pas mentionné le solaire.

M. Duhaime: Plutôt l'éolienne, non pas le solaire, je m'excuse. Hydro-Québec avance énormément là-dessus, mais cela reste une forme d'énergie qui coûte énormément cher, encore aujourd'hui. Quant aux points d'emplacement, il y a beaucoup de vent aux Îles-de-la-Madeleine, sur certains coins bien précis qui ont été identifiés. Ma question va dans ce sens: Comme effort de recherche et de développement, que ce soit des sociétés d'État, que ce soit Hydro-Québec ou que ce soit l'IREQ, on ne pourra pas aller, bien sûr, dans toutes les directions en même temps. À partir de la tourbe, par exemple, il y a d'autres scénarios. Ce que vous nous proposez donc, quand vous avez parlé d'hydroélectricité, c'est un effort de recherche et de développement dans les applications industrielles de l'électricité, le maintien d'une équipe dans la fusion, dans le secteur de la biomasse. Vous émettez des réserves sur le dossier de l'hydrogène liquide. Est-ce que je vous résume assez bien ou si j'en ai laissé tombé un?

M. Gourdeau: J'ai dit aussi que le solaire était à long terme. Il y a certainement des applications qui seront beaucoup plus domestiques qu'à large échelle. Pour ce qui est des éoliennes, cela peut être intéressant dans certains cas particuliers.

M. Duhaime: Des coins isolés sur des petites productions, c'est ce que vous auriez en tête?

M. Gourdeau: Oui. (21 h 15)

M. Duhaime: Ma dernière question, vous ne l'avez pas touchée dans votre mémoire. Hydro-Québec, depuis un an ou deux, s'intéresse davantage au potentiel qui pourrait être mis en valeur sur les rivières de moins de 100 mégawatts. On appelle cela une mini-centrale, mais cela commence quand même à être des quantités d'énergie importantes. Comment réagiriez-vous là-dessus? Hydro-Québec ferait-elle un bon coup d'ouvrir davantage ce créneau de spécialisation sur le plan de l'expertise avec des objectifs, bien sûr, de pouvoir exporter cette technologie? Je pense à des pays en voie de développement qui ont possiblement des potentiels hydroélectriques de 1500 ou de 2000 mégawatts, mais le problème qu'ils ont, c'est de financer cela et ensuite d'aller chercher le ou les clients industriels qui vont consommer cette énergie.

M. Gourdeau: Je m'excuse, M. le ministre...

M. Duhaime: La réponse pour ces gens-là, c'est probablement de débuter par des aménagements sur des centrales de moindre capacité qui pourraient être de cinq, six et même dix mégawatts. Comme expert en génie-conseil, ne croyez-vous pas qu'il y aurait là un créneau intéressant qui pourrait être développé?

M. Gourdeau: Je n'ai pas été spécifique, mais, assurément, je peux vous dire qu'actuellement, dans l'Etat de New York, par exemple, étant donné qu'il a eu certaines difficultés, comme vous le savez, avec l'environnement, pour développer certains projets hydroélectriques, nous avons actuellement quatre projets pour lesquels nous avons déjà obtenu deux licences pour construire des centrales "mini-hydro" dont la capacité varie de cinq à quinze. Nous en avons actuellement une autre que nous faisons pour les Indiens à la Baie-James. Alors, ce qu'on appelle les "mini-hydro" auront certainement une utilisation très valable dans des cas particuliers. Je n'ai pas mentionné de bases ici au Québec parce que nous avons présentement un surplus d'hydroélectricité, mais, dans des cas spécifiques, oui, cela s'applique. Au point de vue de développement d'expertise, c'est extrêmement intéressant parce qu'il y a beaucoup de pays, comme, par exemple, les États-Unis, où actuellement... On a plusieurs cas. Dans certains pays, comme en Inde, on y pense pour les endroits éloignés où on peut construire de petites centrales pour des coûts allant de 1 000 000 $ à 3 000 000 $, qui peuvent fournir l'énergie dont on a besoin pour une communauté sans dépenser des sommes astronomiques pour le transport de l'énergie. La technologie des "mini-hydro", je l'incluais dans la partie hydroélectrique. C'est assurément un créneau extrêmement intéressant. Nous y sommes impliqués depuis d'ailleurs plus de deux ans dans des études spécifiques.

M. Duhaime: C'est un peu curieux que l'expertise québécoise dans un dossier aussi stratégique que celui-là soit en train de se faire au Sud pour, sans aucun doute, dans quelque temps d'ici, revenir lorsque sera donné le feu vert. Depuis quelques années, on s'est lancé dans des grands équipements. Si mon souvenir est bon, à Hydro-Québec, on a recensé jusqu'à 10 000 mégawatts sur des rivières qui offriraient jusqu'à 100 mégawatts.

M. Gourdeau: II y a plusieurs États aux États-Unis qui ont des problèmes. Ils n'ont pas, d'abord, les sources d'énergie hydroélectrique que nous avons et, deuxièmement, ils ont le problème de l'environnement. Alors, ils ont créé un climat, des "incentive", garantissant à l'investisseur d'acheter automatiquement l'énergie à un taux X et, à partir de ce taux, ils essaient d'obtenir des licences. Cela prend deux composantes: une organisation comme la nôtre qui a l'expertise

pour faire l'engineering de la construction et le "packaging", et le propriétaire de l'endroit ou du terrain, afin de mettre en place cette mini-centrale. Nous sommes assurés que l'énergie va être achetée par la compagnie d'utilité publique. Nous savons à quel taux elle va la prendre. Il y a là des avantages assez marqués; c'est pour cela qu'il y a une activité assez intense dans ce domaine, surtout aux États-Unis.

M. Duhaime: Je ne voudrais pas que vous nous mentionniez de cas spécifiques comme tels, en donnant des noms ou des lieux, mais vous mentionniez New York, je crois...

M. Gourdeau: L'État de New York, par exemple, et on en a quatre actuellement.

M. Duhaime: Est-ce PASNY qui achète à ce moment-là ou est-ce une compagnie d'utilité publique sur le réseau intégré? La propriété de la centrale, qui l'a, à ce moment-là?

M. Gourdeau: La propriété de la centrale, c'est l'organisation qui va faire la construction et qui a la licence et le terrain. Je vais vous donner comme exemple Crown Zeller Bach qui est propriétaire du fond de la rivière à cet endroit. Elle se cherchait un partenaire pour faire l'ingénierie et la construction. Nous avons pris une entente avec elle de sorte que nous formons un groupe pour obtenir le permis de l'État de New York. Une fois que nous aurons le permis, la compagnie d'utilité publique de la région doit acheter l'électricité produit par cette centrale à un taux établi au préalable.

M. Duhaime: C'est sur la base du contrat d'achat que vous trouvez le financement pour mettre cela en route?

M. Gourdeau: Exact. Mais la propriété va demeurer - si on faisait ce projet-là - à Crown Zeller Bach-SNC.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Gourdeau, à chaque fois qu'il y a des mémoires qui sont présentés, on prend avantage de la rencontre de gens de différents secteurs pour connaître l'état de l'économie et l'état de l'intervenant ou du secteur dans lequel se trouve l'intervenant. Nous avons eu l'occasion, dernièrement, d'avoir des représentants de l'Association des manufacturiers dans le domaine de l'électricité qui nous faisaient un message semblable en ce qui concerne la grave perturbation que va créer le délai d'une dizaine d'années à cause du report des projets d'Hydro-Québec.

Ma question s'orientait, dans un premier temps, plus spécifiquement vers le secteur du génie-conseil. C'est un secret de polichinelle que, compte tenu de l'abandon de plusieurs mégaprojets - je ne parle pas de SNC en particulier, je parle en général - les bureaux de génie-conseil dans le monde et au Canada ont dû faire des ajustements. Est-ce que cela signifie que, dans l'avenir, les bureaux, pour assurer leur développement, devront suivre des stratégies différentes de celles du passé? Il semble que, si on prend Hydro-Québec ici au Québec, s'il y a des projets, cela prendra un certain temps. Vous avez parlé de la possibilité d'engager des fonds pour des études spécifiques. Indépendamment de cela, est-ce que, d'une façon générale, on s'oriente vers un mode de développement du génie-conseil qui va être différent de celui qui se faisait dans le passé? Dans le passé, c'était la vente d'hommes-heure, est-ce que, dans l'avenir, le mode de développement des bureaux de génie-conseil se fera sur une base différente?

M. Gourdeau: Si on regarde, en 1982, le relevé qui a été fait par l'association d'ingénieurs-conseils, en moyenne, le personnel a dû être réduit de 30% à 40%. Cela veut donc dire que, l'an dernier, par l'annulation de très gros projets, on a eu un réajustement assez important. Dans notre cas, nous avions prévu cette chose et nous avons diversifié nos opérations, de sorte que le choc n'a pas été de cette envergure, loin de là.

Si je regarde l'avenir, il n'y a pas d'erreur que, jusqu'en 1981, tout le monde partageait l'euphorie collective. On se voyait avec des projets d'envergure. Si vous prenez Cold Lake où nous étions impliqués, il s'agissait d'un projet d'environ 80 000 000 $ de revenus par année, pendant huit ans. Lorsque vous en aviez deux comme cela, vous devez vous imaginer qu'on prévoyait doubler le personnel à Montréal, seulement dans les trois prochaines années. On a eu un réveil un peu brutal quand tout a été annulé en 1982.

Aujourd'hui, nous avons pris les mesures - comme je l'ai dit dans le mémoire - nous avons fait les ajustements, nous avons coupé nos frais généraux. Si on regarde l'avenir, pour le secteur du génie-conseil, il y aura moins de gros projets; il y aura plus de petits projets. Par exemple, à Calgary, au lieu d'avoir un Cold Lake en 1987, vous aurez l'équivalent d'un Cold Lake, mais en l'an 2000; ils vont y aller par tranches de 100 000 000 $ à 300 000 000 $ au cours des 20 prochaines années. Cela va se faire, mais à un rythme beaucoup plus... Cela veut dire qu'au point de vue du personnel dans le génie-conseil, il y aura une certaine stabilisation. Il va se faire une certaine

rationalisation; il va falloir être plus efficace, développer de nouvelles technologies. Nous avons introduit ce qu'on appelle la Computer Aided Design. Il y a trois ans, il n'y en avait presque pas et aujourd'hui nous sommes un peu comme une manufacture. Nous exploitons certaines de ces installations avec trois équipes. Il va se faire un réajustement. Il va falloir diversifier, développer de nouvelles avenues pour être en mesure de faire face à la concurrence dans l'avenir. Alors, il va se faire un réajustement. On n'aura pas les années grasses que tout le monde attendait en 1980-1981, et c'est peut-être une bonne chose.

M. Fortier: Votre firme est elle-même impliquée dans le domaine manufacturier, en particulier. Est-ce que cela va devenir une tendance dans les grands bureaux de génie-conseil ou si, d'autre part, les bureaux de génie-conseil vont investir davantage dans la recherche et le développement? Les firmes de génie-conseil après s'être consultées, vont-elles continuer à fonctionner comme avant? Autrement dit, ma question est la suivante: Y aura-t-il des changements substantiels dans le mode de fonctionnement dans l'avenir qui aura un impact sur l'économie du Québec? Il n'y a pas qu'un grand bureau au Québec, mais trois. J'imagine que, si les trois doivent s'ajuster dans l'avenir, cela va avoir un impact assez important sur ce secteur qui, jusqu'à maintenant, était un moteur économique assez important.

M. Gourdeau: Notre principale activité, en ce qui nous concerne, va demeurer ce que j'appelle l'"engineering construction", car ce sont les choses qui nous tiennent en vie et qui nous motivent à nous développer. Vous savez, maheureusement, dans l'industrie de génie-conseil - j'exclus certaines grandes firmes - les gens n'ont pas réinvesti. La plupart des capitaux sortaient au fur et à mesure qu'ils entraient. Vous aviez les années de vaches grasses et les années de vaches maigres. L'industrie du génie-conseil en général, malheureusement, n'a pas réinvesti. Dans les grand bureaux, oui, ils ont réinvesti.

Or, on a eu différentes stratégies. Ce qu'on essaie de faire, c'est certainement de diversifier notre travail. La firme de "manufacturing", cela a été une avenue. Cela nous a aidés dans les années difficiles. Nous allons essayer de développer d'autres créneaux comme celui-là. C'est un peu pour cela que nous sommes associés, dans ROAM Communications, avec la technologie des téléphones portatifs, si nous avons le permis international, disons canadien, à Gaz Inter-Cité qui est notre partenaire. Il y a aussi Electrohome. Si nous avions le permis, nous serions en mesure ni plus ni moins de développer un réseau de télécommunications à travers le Canada, avec les téléphones portatifs. C'est une nouvelle technologie. Nous savons que c'est important.

C'est ce genre d'"entrepreneurship" qui va non seulement nous assurer des nouvelles choses, mais développer une nouvelle expertise. Si nous sommes en mesure de développer cela, nous serons aussi en mesure d'implanter cette même technologie dans les pays d'Afrique ou dans les pays du tiers monde, pour être plus spécifique. Au lieu d'avoir une infrastructure assez importante, comme Bell Canada, les téléphones portatifs, c'est beaucoup plus flexible pour développer les communications d'un pays à l'autre. Cela requiert des investissements moindres.

Ce sont des choses comme celle-là que nous faisons pour diversifier de nouvelles entreprises à partir de la technologie, à partir des choses que nous avons pour essayer de diversifier notre intérêt, nos activités et fournir des défis à notre personnel pour continuer à oeuvrer comme on l'a fait dans le passé. Qu'est-ce que les autres vont faire? Je ne le sais pas. J'imagine qu'eux aussi pensent à différents créneaux.

M. Fortier: Pour revenir à votre recommandation, à savoir qu'Hydro-Québec fasse des études spécifiques, vous parlez d'une dizaine de personnes. Vous avez mentionné des projets, LG 1 et tout cela. J'aurais pensé que les études d'avant-projet que vous avez mentionnées auraient déjà été faites. Quel genre de travail serait fait par ces groupes d'une dizaine de personnes sur des projets donnés? Est-ce qu'on parle de faire avancer l'ingénierie ou quoi, exactement?

M. Gourdeau: En fait, c'est de faire progresser graduellement l'engineering pour que, lorsqu'ils seront prêts dans ces travaux de construction, au lieu de faire les travaux dans un an, vous les feriez peut-être dans quatre ans.

M. Fortier: C'est de faire progresser l'ingénierie comme telle.

M. Gourdeau: Exactement.

M. Fortier: Si on parle en termes de 18 000 ou 20 000 heures par année, on parle de 1 500 000 $ par firme, à peu près.

M. Gourdeau: C'est à peu près ce que j'ai calculé: 1 500 000 $. Vous avez de trois à cinq bureaux. Cela veut dire que vous parlez de 5 000 000 $ à 8 000 000 $ par année. Si on regarde les investissements d'Hydro-Québec, on ne peut pas dire que ce sont des investissements importants, si on

regarde ce qui se fait dans la recherche et le développement un peu partout. (21 h 30)

M. Fortier: Si vous faites la recommandation, c'est donc dire qu'à peu près tout est arrêté dans le domaine du design hydraulique; j'imagine qu'Hydro-Québec a arrêté à peu près toutes ses études.

M. Gourdeau: Je ne peux pas...

M. Fortier: Si vous en faites la recommandation, c'est parce qu'il y a un besoin.

M. Gourdeau: Certainement. Disons que je ne peux parler pour les autres bureaux, mais, en ce qui nous concerne, nous avions certains travaux avec Hydro-Québec, mais il n'y a plus rien. Actuellement, notre équipe travaille sur des projets à l'étranger et nous avons des choses qui viennent de partir en Tunisie, mais nous avons d'autres choses qui devraient probablement fonctionner aux Indes. Nous avons présentement aux Indes des choses qui sont en cours. Cela veut dire que nous maintenons une certaine équipe sur certains de ces projets, mais je crois qu'il y aura lieu aussi de maintenir certains de nos spécialistes d'une façon plus continue. Cela ne prend pas une grosse équipe pour cela, c'est un petit noyau.

M. Fortier: Avant votre groupe, avant le souper, il y a l'Association des entrepreneurs en isolation qui nous a dit que, dans le secteur industriel en particulier, il y avait des possibilités d'économie d'énergie considérables, mais qu'il n'y avait pas d'incitatifs pour certaines sociétés à réisoler leur tuyauterie pour faire des économies d'énergie. Ces gens considéraient qu'ils étaient un peu handicapés parce qu'ils n'avaient pas l'expertise voulue pour faire une offre de services pour prouver à cette industrie en particulier qu'il pourrait y avoir des économies d'énergie telles que le capital investi serait payé en trois ou quatre ans.

En termes d'économie d'énergie, est-ce que... Je sais qu'il y a des bureaux qui se spécialisent dans ce secteur, c'est un créneau assez spécialisé. À votre avis, vu que vous êtes le premier bureau de génie-conseil qui intervient après la présentation de cette association, est-ce qu'il y a un besoin de ce côté? Est-ce qu'il y a un marché? Est-ce que votre société a déjà accompli certains travaux pour proposer à des industries de faire des économies d'énergie, soit en tant que génie-conseil ou soit en collaboration avec un entrepreneur qui pourrait éventuellement faire le travail?

M. Gourdeau: Nous avons justement un groupe qui se spécialise dans ce domaine. Je pense que, si vous parlez aux gens d'Hydro-

Québec, ils vont vous dire que le groupe qui a probablement le plus aidé à Hydro-Québec dans la vente de l'énergie électrique par rapport à autre chose, dans certains cas, ce sont des bureaux d'ingénieurs-conseils - je ne parle pas de la SNC, je parle de génie-conseil en général - qui ont fait ces études de "cost-benefit" et qui ont démontré que, dans bien des cas, c'était valable. Il y a l'expertise, ici au Québec, avec certains bureaux d'ingénieurs-conseils qui sont en mesure d'évaluer les coûts associés à l'économie qui devraient être établis et les bénéfices qui pourront en résulter et l'entreprise en question prend des décisions basées sur les coûts-bénéfices qui en résultent et les dépenses capitales qu'elle doit faire. Mais l'expertise est assurément là.

M. Fortier: Cette association recommandait au ministre de créer un programme incitatif. Est-ce que, d'après vous, il y a nécessité - surtout dans le secteur industriel, on parle dans le grand secteur industriel...

M. Gourdeau: Si on regarde...

M. Fortier: ...ou si ceux qui sont actifs dans ce secteur agissent déjà au fur et à mesure des besoins?

M. Gourdeau: Je pense qu'actuellement... Il y a toujours moyen de le rendre plus incitatif suivant les personnes dont on parle, en nous incluant, parce que chacun essaie d'obtenir certaines motivations additionnelles, mais il y a certainement des incitations à l'heure actuelle pour pousser, si je peux m'exprimer ainsi, les différentes entreprises à amener des améliorations.

Cela se fait. Il y en a qui se font actuellement. La plupart des entreprises le font. Je peux même vous dire qu'il y a des gens des résidences ou des édifices à logements qui sont venus nous voir ou d'autres firmes pour essayer d'établir de quelle façon ils pourraient améliorer leur économie d'énergie, suivant les économies qui pourraient résulter des travaux à faire. Alors, je considère que cela se fait d'une façon continue et les programmes sont là actuellement pour leur aider. Il y a toujours moyen d'améliorer, mais je ne peux pas arriver... Mais je sais que cela se fait d'une façon continue.

M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le Ministre.

M. Duhaime: Merci bien, M. Gourdeau.

Le Président (M. Gagnon): Alors, merci infiniment de votre apport à cette commission.

Cela termine l'ordre du jour pour aujourd'hui et pour la commission. En ce qui concerne les... Oui?

M. Duhaime: On peut peut-être libérer les gens de SNC, de toute façon.

Le Président (M. Gagnon): D'accord. Alors, je vous remerciais de votre participation à cette commission. Qu'aviez-vous à ajouter?

M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je voudrais peut-être corriger en faisant un calcul mathématique rapide. Cet après-midi...

M. Fortier: II y a 8700 heures dans une année.

M. Duhaime: II y a 8760 heures et on nous a dit cet après-midi, avec le plus grand sérieux du monde, qu'il y avait 19 000 heures d'ensoleillement. Alors, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, j'ai l'impression. Je ne voudrais pas conserver au journal des Débats une pareille affirmation à mon compte. On va faire vérifier cela exactement, mais j'ai plutôt l'impression que ce que M. Boileau a voulu nous signifier, c'était peut-être 1900 heures utiles. Enfin, je ne sais pas du tout.

M. Gourdeau: L'appareil à l'aide duquel on calcule, révèle 1950 heures par année.

M. Duhaime: 1900 heures, au lieu de 19 000.

M. Gourdeau: Ce sont les heures ouvrables que l'on considère dans un bureau comme le nôtre. C'est 1950.

M. Duhaime: C'est cela. Alors, au lieu de 19 000, nous lirons donc 1900 heures, pour la bonne compréhension de nos propos. Je vous remercie infiniment.

M. Gourdeau: Merci, messieurs.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.

M. Duhaime: J'aurais un petit mot de la fin.

M. Fortier: Est-ce que ce sera bref? Oui.

M. Duhaime: Oui, je vais essayer. M. Fortier: D'accord. Allez-y.

Le Président (M. Gagnon): C'est vous qui commencez, M. le ministre.

Conclusions M. Yves Duhaime

M. Duhaime: M. le Président, nous arrivons au terme des travaux de cette commission. C'est peut-être avec nostalgie qu'on va penser au salon rouge dans les semaines ou dans les mois qui viennent...

M. Fortier: ...Conseil législatif.

M. Duhaime: ...mais la commission élue permanente de l'énergie et des ressources aura eu une année très active et on n'a pas terminé, parce qu'on doit revenir en novembre pour étudier la proposition tarifaire d'Hydro-Québec. Je pense que nous sommes dans notre 73e heure de nos travaux et je vais profiter de ces mots de conclusion, d'abord, pour remercier les 74 groupes - je devrais plutôt dire les 69 - qui nous ont fait parvenir un mémoire sur le dossier de l'énergie, et pour remercier aussi ceux qui sont venus devant notre commission parlementaire où nous avons entendu 58 groupes incluant ceux d'aujourd'hui.

Depuis le début de nos travaux en mars dernier, pour un jour ou deux, et, ensuite, à la reprise, il y a trois semaines, nous avons accumulé ici une masse d'information. Je pense que ce serait téméraire d'imaginer qu'en quelques minutes, à la fin, on va être en mesure de rendre justice à l'ensemble des interventions qui ont été faites. Cependant, il nous reste à identifier certaines lignes de force ou certaines propositions qui nous ont été faites. Je pense qu'on a eu de très nombreuses évaluations et informations de façon exhaustive dans toutes les sphères d'activité du dossier énergétique, de même qu'un grand nombre de recommandations.

Sur la situation énergétique actuelle, il y a eu beaucoup d'analyses. On a même eu l'occasion d'entendre des experts. Tout le monde s'entend pour souligner la très rapide évolution du contexte énergétique international au cours des dernières années. Presque sans transition, nous sommes passés d'une période de pénurie à une conjoncture de demande excédentaire, et cela pour à peu près toutes les formes d'énergie. Espérons que ceux qui se sont prononcés dans ce sens auront raison, mais beaucoup d'intervenants estiment peu probable un nouveau retournement de conjoncture dans un avenir immédiat. Tout le monde est très prudent sur la prévision. On dit donc que c'est avec précaution qu'on doit travailler, avec la fragilité de la prévision dans le secteur de l'énergie, en particulier pour savoir quel sera le prix du baril de pétrole l'an prochain, dans deux ans ou dans dix ans.

Globalement, à notre commission, on a parlé d'un accord. Je pense qu'il y a un consensus qui se dégage, à savoir que tout le

monde est d'accord qu'on doit continuer vers l'objectif d'une plus grande sécurité de nos approvisionnements. Je pense aussi pouvoir dire que beaucoup d'intervenant ont appuyé ou ont mis l'accent sur la notion de diversification. Je pense que c'est intéressant.

Dans l'ensemble, aucun intervenant, sur le fond, n'a vraiment remis en cause les hypothèses de base qui ont été retenues en 1978 et qui ont donné lieu au livre blanc. Il y a, bien sûr, des hésitations ou des propositions quant au facteur du temps dans la période que nous vivons, en particulier, où le déplacement du pétrole se fait en faveur du gaz naturel et en faveur de l'électricité dans notre bilan, mais, sur le fond même, sauf ceux qui défendent les intérêts immédiats de leurs groupes, on nous a proposé de remettre en cause les objectifs.

Dans le secteur du pétrole, par exemple, la plupart des intervenants que nous avons entendus s'entendent - je l'ai mentionné, il y a plusieurs points de consensus, mais, au moins, il y en a un qui se dégage très clairement - sur la réduction du rôle joué par le pétrole dans l'économie du Québec. Donc, l'effort de remplacement devrait se poursuivre dans les années qui viennent. Deuxième chose, les nouveaux chocs pétroliers semblent exclus dans un proche avenir, à moins de crise politique spécifique touchant le Moyen-Orient. Je pense, en particulier, à M. Ayoub, du GREEN, qui nous disait qu'il y a une stabilité des prix du brut qu'on peut envisager pour les dix ans qui viennent, ainsi qu'un accroissement rapide des livraisons de pétrole international sur le marché québécois au détriment du pétrole canadien, au moins jusqu'au début des années quatre-vingt-dix.

Le problème qui se pose et qui a été très clairement identifié - on l'a abordé un peu tout à l'heure, les avis sont divergents quant à l'évolution à court terme - c'est, pour l'année 1983-1984 et sans aucun doute pour 1985, les échanges de produits pétroliers entre le Québec et son marché et l'extérieur du Québec. Est-ce qu'on est en situation d'équilibre? Est-ce qu'on devient importateur par rapport à un rôle presque historique d'exportateur de produits raffinés? Beaucoup d'intervenants ont souligné avec force le danger d'une dépendance du Québec à ce niveau alors que d'autres intervenants en sont arrivés à des conclusions opposées. Ce qui me frappe, pour ma part, c'est que - j'ai eu l'occasion de le dire également - nous sommes très préoccupés d'avoir à faire face à une situation de dépendance quant à nos produits raffinés, donc, à un déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché domestique du Québec.

Il est bien certain, cependant - je pense que c'est la conclusion qu'on doit tirer des mémoires qui nous ont été présentés par les pétrolières, en particulier - qu'on peut prévoir un très haut niveau d'utilisation des capacités installées dans les raffineries au Québec au cours des prochaines années. Est-ce que cela va garantir une stabilisation dans ce secteur? Je pense qu'à ce stade-ci, on peut se permettre au moins de le souhaiter.

Nous avons, bien sûr, abordé un secteur fort important, la recherche et le développement. Je vais aller rapidement aux autres points. Il y a une grande inconnue, qui est précédée d'une bonne nouvelle: c'est qu'après avoir quitté Montréal en 1944, je pense, Énergie atomique a décidé de revenir. On a souligné que ce n'était pas trop tôt et elle a, quant à elle, des projets, pour l'instant, dans le domaine de la recherche et du développement. Que va-t-on faire de Gentilly 1? Que va-t-on faire de La Prade? Il y a eu l'annonce d'un effort de recherche. Le créneau n'est pas encore identifié. Souhaitons que ce sera fait également le plus rapidement possible. Le Centre de recherches minérales, l'Université de Sherbrooke et l'Université Laval nous ont communiqué également des informations concernant leur effort de recherche dans le secteur de l'énergie. Hydro-Québec également, par sa contribution aux travaux de la commission, a établi sa position de leader dans la recherche et le développement. En particulier pour la période 1983-1985, les investissements d'Hydro-Québec dans la recherche et le développement vont atteindre 300 000 000 $. (21 h 45)

Si on va du côté des investissements -parce qu'on en a beaucoup parlé; je vais essayer d'être le plus synthétique possible dans mes propos - au cours de la période de 1980 à 1985, pour des investissements réalisés, en cours de réalisation ou connus, les investissements pour la période - donc, sur six ans - vont atteindre un niveau sans précédent au Québec, soit 18 353 000 000 $. À l'horizon de 1983-1985, globalement, on parle de 8 000 000 000 $ à 9 000 000 000 $ d'investissements dans le secteur énergétique. Cela comprend, bien sûr, les investissements dans l'hydroélectricité, dans le gaz et dans le pétrole. Les chiffres que je donne ce soir seront publiés incessamment et on pourra, bien sûr, obtenir toute la ventilation. Dans le secteur de l'électricité, par exemple, en 1983, 2 600 000 000 $; en 1984, 2 400 000 000 $ et, en 1985, 2 200 000 000 $ en arrondissant les chiffres. Dans le secteur du gaz naturel, en 1983, 383 000 000 $; en 1984, 714 000 000 $ et, en 1985, 560 000 000 $. Dans le secteur pétrolier, en 1983, 212 000 000 $; en 1984, 189 000 000 $ et, en 1985, 184 000 000 $. Ce niveau d'investissement dans le secteur énergétique, avec tout l'effet d'entraînement que cela peut avoir comme levier de développement économique - je pense que là

on ne parle pas de scénarios futuristes ou de futurologie - c'est la réalité que nous vivons en 1983 et que nous vivrons aussi en 1984 et en 1985.

Nous avions, au début de nos travaux, proposé quatre sous-thèmes dans le document qui a été publié le printemps dernier dans le cadre, bien sûr, du thème général: L'énergie, levier de développement économique. Le premier des sous-thèmes était la recherche et le développement. Ce que je dégage, en tout cas, c'est d'abord ceci. Il y a beaucoup d'intervenants qui ont formulé le souhait -c'est venu du milieu universitaire en particulier; c'est venu de INRS-Énergie aussi - que soit organisée une concertation multidisciplinaire sur la recherche et le développement énergétique au Québec. Il y a plusieurs voies de recherche qui ont été identifiées: qu'on parle de mini-centrales hydroélectriques, qu'on parle de la biomasse, qu'on parle du développement de petits modules énergétiques autonomes, de la production de méthanol ou même d'éthanol, de l'utilisation des résidus de bois, de la fusion par confinement inertiel au laser, du solaire thermique et photovoltaïque et aussi d'hydrogène.

Il est bien certain que, de l'ensemble des suggestions, nous devrons dégager des priorités d'intervention dans le domaine de la recherche et du développement, mais je note que la diversité et la variété des voies de développement proposées semblent être un gage très encourageant du dynamisme dont fait preuve le secteur de l'énergie au Québec.

Sur le plan de la restructuration du secteur pétrolier, qui a été un des thèmes majeurs abordés pendant les travaux de la commission, l'analyse même de la situation effectuée par beaucoup d'intervenants a été relativement concordante, si on excepte, bien sûr, la question de l'évolution des échanges de produits pétroliers entre le Québec et son marché traditionnel et la situation qu'on vit aujourd'hui avec la diminution de la capacité de raffinage. Par contre, il y a une divergence importante sur le plan des chiffres. On a perdu en chemin 45 000 barils-jour de capacité de raffinage qu'on a finalement retrouvée pour une partie chez Ultramar et l'autre partie chez Gulf. Ces chiffres vont, bien sûr, être conciliés.

Plusieurs nous ont proposé d'aller de l'avant avec un projet de revalorisation des huiles lourdes. Bien sûr, il y a des gens qui nous disent que ce n'est plus nécessaire maintenant. Ce qui m'apparaît aussi être un des points de divergence - je pense que le point de vue de la SNC, qui a été donné ce soir, est très clair dans un des sens, en tout cas - c'est l'implication du Québec ou de l'une de ses sociétés d'État dans le secteur du raffinage et de la distribution. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les avis sont partagés chez les intervenants. Les collègues à ma gauche ont fait leur lit. Bien sûr, beaucoup d'intervenants nous ont souligné l'importance que constitue et que continuera de constituer le pétrole dans le bilan énergétique québécois - même si on atteignait nos objectifs sur l'horizon de l'an 2000, on parle encore de 32% ou 33% du bilan du Québec qui serait du pétrole - et la nécessité pour le Québec de défendre directement ses intérêts dans ce secteur. D'autres intervenants nous formulent une interdiction absolue d'imiter Petro-Canada de quelque manière que ce soit. Enfin, on verra. On aura l'occasion de reprendre ce dossier-là.

Je ne reviens pas sur la question des investissements. J'ai donné des chiffres pour les années 1983, 1984 et 1985 dans chacun des secteurs. Je pense que ce qu'il faut viser maintenant avec ces niveaux d'investissement, c'est la maximisation de leurs effets sur l'activité économique québécoise et de leur effet d'entraînement en aval.

Quant à la stratégie de développement à partir de nos propres atouts énergétiques il est évident qu'avec l'arrivée du gaz naturel au Québec nous avons un atout énergétique additionnel, une diversification accrue de nos approvisionnements. Il est bien certain que, sur le plan des applications industrielles, dans les années qui viennent, on devrait être en mesure d'en tirer des bénéfices.

Je ne peux pas m'empêcher de parler, au passage, de la question de l'harmonisation entre le gaz naturel et l'hydroélectricité sur le nouveau marché que l'un et l'autre développent en déplaçant le pétrole importé. J'ai le sentiment - à moins qu'on ne me fasse la preuve du contraire - que le scénario d'intervention, ou de non-intervention à certains égards, que nous avons retenu comme démarche permet de faire en sorte que les deux entreprises de distribution du gaz, de leur aveu même, retournent à leurs actionnaires, 16% dans un cas, et 16,5% dans l'autre. Hydro-Québec a une moyenne, sur neuf années, de 16,7%. Je pense que, si on se fie à ce résultat, l'harmonisation et la concurrence n'ont encore détruit ni l'une ni l'autre. Bien sûr, il y a des zones de danger, mais il reste que les objectifs de pénétration du marché par les deux compagnies de distribution du gaz sont atteints et que, sauf les accidents de parcours, sur la période à moyen terme, les scénarios d'investissement qu'elles avaient prévus sont retenus.

Je m'arrêterai ici, M. le Président. Je vous ai promis d'être bref. Cependant, je voudrais donner à ceux et celles qui ont été intéressés par les travaux de notre commission l'assurance que nous allons approfondir notre réflexion et procéder à un examen. Je pense qu'il faudra qu'on fasse l'analyse et l'évaluation des différentes suggestions et recommandations qui ont été portées à

l'attention de notre commission parlementaire. Je crois pouvoir dire que nous allons faire publier un document qui devrait nous aider à poursuivre et à prolonger notre réflexion. Quelle forme prendra-t-il exactement? Je pense qu'on pourrait, en tentant d'être le plus objectif et le plus juste possible, au moins rapporter dans ce document quelques-unes des prises de position qui ont été formulées par les intervenants. Ce document devrait nous faciliter la prise en compte et l'intégration de l'ensemble des travaux de la commission. Plusieurs intervenants m'ont signalé qu'ils ne pouvaient pas suivre tous les travaux de la commission, mais qu'ils seraient drôlement intéressés à savoir ce que d'autres ont dit devant la commission. Nous allons mettre nos équipes au travail sur ce sujet et tenter de faire en sorte que cette amorce de dialogue qui a été entreprise à l'occasion de cette commission puisse connaître un prolongement dans la mise à jour du programme d'action énergétique que le gouvernement entend mettre en oeuvre au cours des années.

Il me reste à remercier mes collègues ministériels qui patiemment, pour autant que leur horaire et leur agenda le permettaient, ont suivi les travaux de la commission. Je voudrais remercier aussi nos collègues de l'Opposition qui ont une capacité de résistance assez exemplaire. Je m'en voudrais également de ne pas souligner le travail du personnel et de tout le secrétariat de la commission élue permanente de l'énergie et des ressources. Nous avons besoin de l'aide de ces gens qui nous assistent tout au long de nos travaux et qui font plusieurs téléphones aussi à l'occasion à cause de la bousculade des horaires et des chambardements. En dernier lieu, mais j'aurais peut-être dû le dire en tout premier lieu, je voudrais remercier l'équipe de fonctionnaires et de collègues qui, au ministère de l'Énergie et des Ressources, ont fait un travail gigantesque de lecture d'abord et de digestion de l'ensemble de ces mémoires et qui vont continuer à pied d'oeuvre à nous épauler.

M. le Président, je vous remercie. C'étaient mes commentaires en conclusion.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, j'essaierai d'être aussi succinct que le ministre l'a été. Je dirais, en premier, que ce débat public -puisque ce fut partiellement un débat public, enfin de la meilleure façon qu'il puisse être tenu en commission parlementaire - a été dans une certaine mesure bénéfique pour l'ensemble des intervenants. Du moins pour les parlementaires qui ont suivi les débats, cela a été l'occasion de poser des questions et de connaître d'une façon plus précise les tenants et les aboutissants de plusieurs situations qui, jusqu'à maintenant, nous étaient partiellement inconnues. De ce fait, cela nous a permis d'en savoir davantage et de connaître ce que les représentants du secteur privé, du secteur public et différents intervenants représentant les différentes associations intéressées par le domaine énergétique avaient à nous dire. J'ose espérer que le tout sera pris en sérieuse considération.

Dans une certaine mesure, je suis heureux d'avoir provoqué ce débat public sur l'énergie. Si ma mémoire est fidèle, j'avais demandé à plusieurs reprises, avant que le député de Saint-Maurice soit nommé ministre de l'Énergie et des Ressources, qu'il y ait un débat public sur l'énergie. De fait, le ministre qui était en fonction avant celui qui est parmi nous ce soir, le ministre Bérubé, l'avait accepté publiquement, et j'ai la coupure de journal ici dans laquelle il est dit: "Bérubé demande un débat public sur l'énergie." C'était le 3 mars 1981. Nous l'avons eu en mars 1983, mais, tout de même, après deux ans, nous l'avons eu. Je crois que le nombre de mémoires qui ont été présentés dénote l'intérêt que ce genre de débat soulève dans le public. De plus, si j'ai pu aider le gouvernement à remplir une de ses promesses, j'en suis fort aise. En effet, dans le livre blanc, on dit spécifiquement, dans les objectifs, qu'il faut impliquer les Québécois dans la mise en place de la politique énergétique. C'était l'un des objectifs du livre blanc. Si j'ai pu vous aider, M. le ministre, à atteindre cet objectif, j'en suis fort aise. (22 heures)

Je suis un peu inquiet parce qu'il y a une multitude d'informations qui nous ont été communiquées. J'oserais espérer que cette information ne sera pas perdue. Mais, de toute évidence, il y avait dans certains cas soit contradiction ou complémentarité d'information. J'oserais espérer qu'il y ait une certaine consolidation de toute l'information qui nous a été fournie, tout en respectant l'esprit qui animait les différentes représentations qui nous ont été faites.

Le ministre nous dit qu'il publiera un document. Je souhaite que la réforme parlementaire se réalise le plus tôt possible, puisque le document que le ministre dit qu'il publiera sera un document du ministre, mais aussi du gouvernement. Je crois que, si nous travaillions comme on le fait dans d'autres Parlements à cette commission parlementaire de l'énergie et des ressources mandatée pour étudier la question énergétique, le document publié n'aurait pas été celui du gouvernement, mais celui de la commission parlementaire et aurait représenté les différents

points de vue qui se sont exprimés autour de cette table.

Le ministre a dit publiquement qu'il était d'accord avec la recommandation faite par l'Ordre des ingénieurs, par l'Association des ingénieurs-conseils, par la FTQ, à savoir qu'il serait utile d'avoir un conseil consultatif sur l'énergie. Sans souhaiter que ce conseil se réunisse tous les six mois, je crois que ce genre de débat public pour permettre au public de s'exprimer de temps à autre sur toute la dynamique énergétique du Québec serait le bienvenu et, à mon avis, si le ministre a l'intention d'aller dans cette direction il aura l'appui de l'Opposition. Est-ce qu'il ira jusqu'à faire ce que son prédécesseur avait évoqué, à savoir qu'il y aurait peut-être une transformation de la Régie de l'électricité et du gaz pour en faire une régie de l'énergie qui serait mandatée pour faire ce genre d'étude? Quant à moi, j'ose espérer qu'il ne mettra aucune de ces possibilités de côté, de façon à équiper le Québec des outils nécessaires pour faire le travail technique, technico-économique qu'il nous est difficile de faire autour de cette table. Je crois que, si un office québécois de l'énergie avait pu faire une étude plus systématique des différents mémoires qui nous ont été présentés, cela aurait été dans le meilleur intérêt du public. D'où, M. le Président, ma recommandation ou, du moins, mon appui très ferme au ministre puisqu'il a évoqué lui-même au cours de nos entretiens à cette table qu'il étudiera avec beaucoup d'intérêt cette recommandation qui avait été faite par différentes associations.

En ce qui concerne l'énergie électrique, à peu près tous les intervenants ou, du moins, une très grande majorité est venue dire que l'énergie électrique doit recevoir la priorité comme levier de développement économique au Québec. Cela, pour plusieurs raisons. D'une part, c'est presque la seule énergie que nous avons en propre, la seule énergie pour laquelle nous sommes autonomes en termes de recherche et de développement, la seule énergie que nous pouvons créer et exporter nous-mêmes; la seule énergie que nous contrôlons - je parle de l'Assemblée nationale du Québec - presque de A à Z, à l'exception peut-être du fait que, lorsque nous voulons exporter aux États-Unis, nous devons aller devant l'Office national de l'énergie. Mais, néanmoins, cet aveu ou cette recommandation qui nous est venue de presque tous les groupes de donner priorité à l'énergie électrique s'inscrit dans les lignes dominantes de tous les gouvernements qui se sont succédé. Je n'ai aucune hésitation à croire, quant à moi, que cela va continuer dans l'avenir.

Ce qui a inquiété plusieurs intervenants, c'est le report sur plusieurs années de la construction des centrales hydroélectriques.

Le ministre a évoqué le fait qu'il y aurait des investissements de plusieurs milliards de dollars. Je crois qu'on aurait mauvaise grâce à ne pas accepter les chiffres qu'il nous a donnés. Ce que les intervenants nous ont dit, que ce soit SNC, en parlant des bureaux d'ingénieurs-conseils, ou l'association des manufacturiers dans le domaine de l'électricité - il y avait un représentant de Marine Industrie - c'est leur désarroi de voir que, dans le domaine du génie-conseil, dans le secteur manufacturier ou même dans le domaine du travail, étant donné qu'il n'y aurait aucun travail pendant plusieurs années, il y avait danger qu'on se retrouve, dans cinq ou dix ans, avec des équipes d'ingénieurs et de techniciens tout à fait brisées et avec des sociétés, soit dans le génie-conseil ou dans la fabrication, qui ne pourront pas perpétuer la technologie qui a été développée au cours des ans. En particulier, je songe à l'Association des manufacturiers d'équipement électrique qui nous disait que, compte tenu des grands travaux qui se sont développés au cours des dix ou vingt dernières années à la Baie-James en particulier, on avait su attirer au Québec, entre autres, des sociétés spécialisées dans les lignes à haute tension et que cela avait amené des fabricants spécialisés dans ce genre d'équipement en particulier.

Même s'il faut accepter le fait qu'il y aura des investissements dans le domaine énergétique, il reste que cette donnée du problème n'a pas été résolue par ce que le ministre vient de nous dire et que ce problème reste entier. Il a semblé ouvert à la proposition des bureaux de génie-conseil de faire certaines études, mais, quant à nous, nous sommes convaincus qu'il faut faire encore plus que cela. Nous croyons qu'il faut faire deux ou trois choses: la première, développer l'économie pour attirer les compagnies manufacturières ici même au Québec; d'ailleurs, le mémoire de la SNC y faisait allusion. Il faut créer un climat social pour attirer ces compagnies et il faut examiner les différentes lois et réglementations québécoises. Il faut réexaminer notre taxation. En fin de compte, il y a un ensemble de problèmes, qui débordent le problème énergétique, qui font que, depuis un certain nombre d'années, nous n'avons pas reçu au Québec la part des investissements dans le domaine manufacturier que nous avions l'habitude de recevoir dans le passé. Ceci a un impact également sur la consommation électrique.

Mais ce n'est pas assez. Il faudra, de plus, exporter. Nous l'avons dit et nous le pensons: II semblerait qu'Hydro-Québec fait un travail de vente aux États-Unis qui soit louable. Mais en plus de cela, au niveau politique, il faudrait qu'il y ait une implication du premier ministre et du

ministre de l'Énergie et des Ressources pour sensibiliser les politiciens américains et pour contrecarrer les lobbies américains qui peuvent exister et qui peuvent s'opposer à la vente d'électricité en grande quantité aux États-Unis.

C'est donc un effort de marketing qui doit se faire à deux niveaux: au niveau d'Hydro-Québec et au niveau politique. Malheureusement, jusqu'à maintenant, de ce côté-ci de la table, nous n'avons pas senti cette volonté du gouvernement de s'impliquer dans ce marketing, dans ce "salesmanship" aux États-Unis qui, à notre avis, est nécessaire.

Deux aspects aussi dans le domaine de l'électricité et d'Hydro-Québec qui, à mon avis, devraient être considérés, c'est que plusieurs intervenants nous ont dit qu'ils voulaient qu'il y ait concurrence entre le gaz et l'électricité, mais qu'ils voudraient qu'Hydro-Québec soit assujettie à peu près aux mêmes règles. Ceci voudrait dire que nous devrions considérer sérieusement la possibilité de soumettre Hydro-Québec à une revue de ses programmes d'augmentation de tarifs et de développement par la Régie de l'électricité et du gaz ou, du moins, par un organisme qui s'assurerait que le type de contrat et le genre de tarifs ou la réglementation entourant le tarif offrent à peu près les mêmes conditions, du moins en ce qui a trait à la réglementation qui entoure ces tarifs, pour que le gaz et l'électricité puissent se faire concurrence sur à peu près le même pied.

Par ailleurs, la FTQ nous a rappelé qu'il fallait penser aux plus démunis - ceci rejoint une de nos préoccupations - et qu'il faudrait bien créer un bureau d'appel expéditif ou un ombudsman à Hydro-Québec pour que, lorsqu'il y a coupure de courant, les plus démunis puissent y faire appel de sorte que les règles élémentaires, qui ont été mises de l'avant par Hydro-Québec elle-même, soient respectées.

En ce qui concerne le gaz, je crois qu'il y a une nécessité d'intervention de la part du gouvernement. J'y avais fait allusion en mars dernier lorsque j'avais demandé au ministre responsable du développement économique, M. Parizeau, de faire des représentations auprès du gouvernement fédéral pour s'assurer soit qu'il y ait déréglementation ou que le prix du gaz soit baissé. Sans discuter de la nécessité de la déréglementation, je crois qu'autour de la table on a fait le consensus pour dire que, s'il y avait une baisse du prix du gaz décrétée soit par le gouvernement fédéral, soit par le gouvernement de l'Alberta ou par les deux ensemble, ceci favoriserait la pénétration du gaz. Le ministre a semblé dire qu'il était d'accord avec cela. Je déplore le fait qu'il semblerait que publiquement, du moins, aucune déclaration n'a été faite sur le sujet. Connaissant l'impact d'une déclaration publique, soit du ministre des Finances responsable du développement économique ou du ministre de l'Énergie et des Ressources, je crois qu'une intervention publique sur ce sujet de la part du gouvernement serait un pas dans la bonne direction.

En ce qui concerne le pétrole, l'Assemblée nationale a adopté une résolution unanime demandant au gouvernement fédéral de faire quelque chose pour Pétromont. Il y a un comité d'instauré pour examiner les modifications qui devraient être apportées à la politique nationale de l'énergie, c'est-à-dire la politique du gouvernement fédéral, pour s'assurer qu'un prix du pétrole moindre soit établi pour favoriser le développement de la pétrochimie à Montréal. Je crois que, des deux côtés de la Chambre, nous sommes d'accord pour demander au gouvernement fédéral d'acquiescer à cette demande de Pétromont. En même temps que nous demandons au gouvernement fédéral de modifier sa politique nationale de l'énergie, nous devons demander au gouvernement provincial d'examiner sérieusement dans quelle mesure il faudrait modifier la politique provinciale de l'énergie afin de s'assurer qu'une présence minimale du pétrole au Québec soit maintenue pour favoriser la pétrochimie québécoise. C'est une chose de demander au gouvernement fédéral de faire un pas, mais je crois que le gouvernement provincial doit également faire un pas.

Sans tirer de conclusions à ce moment-ci, il me semble évident qu'il faut examiner en détail la masse critique de la présence pétrolière au Québec qu'il faut maintenir pour assurer la survie de la pétrochimie au Québec. Cet examen, lorsque les conclusions auront été tirées, pourrait avoir de graves conséquences. Si on a dit qu'on favorisait l'électricité et s'il faut, par ailleurs, maintenir une présence minimale du pétrole au Québec, il se pourrait que l'ajustement se fasse du côté du gaz. Gouverner, c'est prévoir et gouverner, c'est faire des choix. Si nous voulons, au Québec, favoriser la pétrochimie et si nous voulons absolument favoriser l'électricité, il faudrait que les ajustements se fassent.

De toute façon, je crois qu'il y a un message à passer au secteur pétrolier: c'est de lui dire que nous avons besoin de lui, que nous voulons sa présence au Québec. Contrairement, peut-être, aux messages qui ont été envoyés par les politiciens dans le passé, selon lesquels nous voulions la disparition globale du secteur pétrolier au Québec, je crois que nous devrons lui dire que nous désirons sa présence au Québec. Ceci devrait peut-être se faire par l'élimination de la taxe Parizeau sur les raffineries et par la création de programmes d'incitation qui amèneraient les raffineries à

valoriser le pétrole lourd, à moderniser leurs raffineries. Ainsi, nous atteindrons l'objectif désiré d'avoir au Québec des raffineries rentables, modernes et qui correspondent aux besoins du Québec.

Quant à moi, à la lumière de l'information qui nous est donnée, je ne crois pas qu'on doive s'inquiéter outre mesure du fait que la capacité de raffinerie du Québec soit en deçà des besoins du Québec. En conséquence, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre les réticences du ministre à conclure dès maintenant, compte tenu de cette information qui nous est donnée, qu'il n'y a sûrement pas besoin de la part du gouvernement du Québec d'intervenir dans le secteur pétrolier. Il y a plusieurs raisons à cela. Il y a le fait que, lorsqu'on regarde la part du PIB qui est entre les mains de l'État, on s'aperçoit qu'il est très élevé. Il est beaucoup plus élevé au Québec qu'en Ontario et que dans d'autres provinces, et tous s'accordent à dire que, si nous voulons rétablir les finances publiques du Québec, il faudrait bien penser à réduire les interventions de l'État.

Quant à nous, du Parti libéral, nous n'en faisons pas une politique doctrinaire. Il se pourrait que, dans l'avenir, il y ait des raisons sérieuses pour demander à l'État d'intervenir, mais je crois qu'il faudra être beaucoup plus critique, beaucoup plus exigeant en évaluant les motifs qui pourraient amener l'État à intervenir. Dans ce cas-ci, les difficultés des raffineries de pétrole ont été créées par la politique définie dans le livre blanc. D'ailleurs, le livre blanc y faisait allusion. Je fais référence à la page 65 où on dit: "Tout comme dans les pays européens où ce phénomène - le phénomène du déplacement du pétrole - se manifeste déjà, le raffinage et la commercialisation subiront le contrecoup de cette évolution." Le ministre Joron avait déjà prévu, en 1978, que les raffineries de pétrole en prendraient un coup. Si c'est cela, la politique du gouvernement, il ne faudrait pas s'étonner des ajustements qu'il faut faire. Si le gouvernement a provoqué cet ajustement, je vois difficilement qu'on dise maintenant qu'on va intervenir. Ayant provoqué le déplacement du pétrole, maintenant nous devons intervenir pour corriger ce que nous avons provoqué. (22 h 15)

S'il y avait d'autres raisons, je dirais de les examiner, mais, de toute évidence, pour ma part, je ne vois aucune raison nécessitant l'intervention de l'État, compte tenu de l'assurance qui nous a été donnée par les compagnies pétrolières non seulement de continuer à travailler au Québec, mais de moderniser leurs usines. Je pense à Ultramar, à Gulf et à d'autres sociétés; je pense même à Esso qui nous ont dit que, durant les trois prochaines années, si le marché revenait, si les prévisions dans le domaine de la consommation du pétrole ne se révélaient pas aussi pessimistes que l'ensemble des compagnies pétrolières nous l'ont dit, elles-mêmes étaient prêtes à rouvrir leur raffinerie. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment un gouvernement pourrait conclure qu'il doit intervenir dans ce secteur. Copier un gouvernement supérieur parce qu'il a décidé de le faire est une mauvaise excuse. Nous n'avons pas ici, oeuvrant dans le secteur provincial, à passer des jugements sur ce qui s'est fait ailleurs. Compte tenu des finances du gouvernement provincial, je crois que nous devons conclure, quant à nous, qu'il serait un peu farfelu de penser à se lancer dans une telle aventure.

En ce qui concerne le nucléaire, je crois qu'on va faire l'unanimité, M. le ministre. Quant à moi - je rejoins une de vos préoccupations - je crois qu'il faudrait inciter Hydro-Québec et Énergie atomique du Canada Ltée à procéder au démantèlement de Gentilly 1 puisqu'il s'avérerait que ce démantèlement pourrait permettre - j'oserais espérer que ce soit le secteur privé au Québec - à un groupe du secteur privé d'acquérir une technologie justement dans le domaine du démantèlement de réacteurs nucléaires face à la contamination radioactive qui est présente dans un tel réacteur. En ce faisant, nous pourrions -alors que le programme nucléaire n'existe plus - aider le secteur privé à acquérir une technologie qui n'est pas dans le sens de faire l'ingénierie et la construction de centrales, mais qui est quand même dans un domaine qui permettrait au secteur privé québécois d'acquérir une technologie tout à fait spéciale pour la décontamination et le démantèlement de centrales nucléaires. De l'aveu même de plusieurs experts, il semblerait qu'il y ait un marché dans le secteur international. Des deux côtés de la Chambre, nous pourrions même passer une motion unanime demandant à Énergie atomique du Canada et à Hydro-Québec de procéder dans ce sens et de donner à un bureau du secteur privé québécois la responsabilité de voir à ce démantèlement, acquérant ainsi l'expertise qui serait bénéfique pour obtenir d'autres contrats sur les marchés mondiaux.

M. le Président, ce sont les quelques commentaires que j'avais à faire à ce moment-ci. J'ose espérer que les chiffres et les données que le ministre nous a promis nous seront disponibles, puisque, de part et d'autre, si nous voulons discuter d'une façon logique et intelligible, il serait intéressant de le faire à partir des mêmes données dès maintenant. Je vous remercie, M. le Président. Je remercie tous ceux qui nous ont aidés à faire de cette commission parlementaire un succès: le Secrétariat des commissions, ainsi que ceux qui s'occupent de la

transcription des débats que nous ne voyons jamais, mais qui nous entendent. Je les remercie pour le travail qu'ils font. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. La commission parlementaire, qui avait pour mandat d'étudier les effets de la politique énergétique sur le développement économique, a donc terminé ses travaux. Je voudrais, au nom de la présidence, remercier de leur collaboration tous nos invités, tous ceux qui sont venus à la table expliquer leur point de vue sur cette politique. Je voudrais aussi remercier de leur collaboration les membres de la commission parlementaire et tous les employés de l'Assemblée nationale. Je prierais donc le rapporteur, le député de Viau, de faire rapport dans les plus brefs délais à l'Assemblée nationale du résultat de nos travaux.

La commission parlementaire de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 19)

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