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(Dix heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources entreprend à nouveau ses travaux pour
l'étude des effets de la politique énergétique sur le
développement économique.
Les membres de la commission sont: MM. Tremblay (Chambly), Ciaccia
(Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Beaumier (Nicolet),
Kehoe (Chapleau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet),
Middlemiss (Pontiac), Desbiens (Dubuc), Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda-Té-miscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Saint-Laurent),
Mathieu (Beauce-Sud), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly),
Vallières (Richmond).
Une voix: ...
M. Duhaime: Consentement.
Le Président (M. Paré): Nous allons donc enlever
parmi les intervenants M. Tremblay (Chambly), qui est membre de la
commission.
Je voudrais rappeler que le rapporteur de la commission est M. Rodrigue
(Vimont).
Nous allons entendre aujourd'hui les groupes dans l'ordre suivant: Gaz
Inter-Cité Québec Inc.; Gulf Canada Ltée; Ultramar Canada
Inc.; Petro-Canada et, le dernier groupe pour aujourd'hui, Manuplast.
J'inviterais maintenant les représentants de Gaz
Inter-Cité Québec Inc. à prendre place en avant, s'il vous
plaît.
Bonjour, messieurs. Bienvenue à la commission. J'inviterais
maintenant le porte-parole à s'identifier et à identifier les
personnes qui l'accompagnent.
Auditions Gaz Inter-Cité Québec
Inc.
M. Barbeau (Gilles): M. le Président, M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources, MM. les députés,
permettez-moi de me présenter, je suis Gilles Barbeau, président
et chef de la direction de Gaz Inter-Cité Québec. À ma
gauche, M. Conrad Johnson, vice-président du marketing, et, à ma
droite, M. Robert Jean, directeur des ventes industrielles.
Depuis la publication du livre blanc sur la politique
québécoise de l'énergie en 1978, la société
québécoise a réalisé des progrès
remarquables sur la voie de la réduction de sa dépendance
énergétique envers le pétrole étranger.
La politique québécoise de l'énergie
énoncée en 1978 avait pour but de prémunir la
société québécoise contre un
déséquilibre pétrolier possible entre 1985 et 1990. Ce
déséquilibre pétrolier est toujours possible malgré
le succès actuel des politiques de remplacement du pétrole comme
en font foi les actualités en provenance du golfe Persique.
Le mémoire présenté à la commission en mars
1983 par Gaz Inter-Cité reflète toujours la situation
énergétique et économique telle que perçue par
notre compagnie, sauf pour de mineures modifications. Celles-ci ont trait
à un raffermissement des prix sur le marché du mazout lourd, ce
qui est favorable à la pénétration du gaz, et à une
agressivité marquée de la part d'Hydro-Québec dans les
marchés d'expansion du gaz naturel.
Sur le premier point, soit le raffermissement des prix sur le
marché du mazout lourd, Gaz Inter-Cité Québec est toujours
d'avis que l'importation subventionnée du mazout lourd dans l'Est
canadien est contraire aux objectifs nationaux de remplacement du
pétrole. Cependant, il est à noter que la restructuration du
secteur pétrolier, tant au niveau québécois qu'au niveau
mondial, affecte principalement la production de mazout lourd, cette production
non rentable pour le raffineur ayant été considérablement
réduite. Cette situation assure, dans le contexte actuel de surplus des
formes d'énergie, le remplacement du pétrole dans le secteur
industriel par les formes d'énergie les plus sécuritaires sur le
plan de l'approvisionnement, dont le gaz naturel et
l'électricité.
En ce qui concerne le gaz naturel, la pénétration des
secteurs à grand débit se révèle relativement
intéressante à ce jour. Si l'on parle des diverses régions
desservies actuellement ou à desservir dans les années
à venir par Gaz Inter-Cité, on peut dire que, dans la
Mauricie, 109% des contrats prévus pour 1983 sont signés
présentement.
À titre d'exemple je mentionne des clients comme la compagnie
Kruger à Trois-Rivières, la CIP à La Tuque, la CIL
à Bécancour et Agropur à Louiseville; je dois dire
également que, au moment où on se parle, la ligne desservant
Bécancour a été mise à gaz cette semaine et cette
ligne faisait partie du projet de construction des embranchements dont Gaz
Inter-Cité a eu la responsabilité à la fin de 1982.
Quant à l'agglomération de Québec, 103% des
objectifs de vente pour la première année ont été
atteints et déjà l'Université Laval a le gaz naturel et
l'utilise d'ailleurs, l'ouverture officielle de sa bouilloire a eu lieu cette
semaine - et la base militaire de Valcartier est également en train de
consommer ses premiers volumes de gaz naturel.
Quant à la région de l'Estrie, on prévoit atteindre
90% des objectifs de vente d'ici à la fin de 1983. Les embranchements
desservant cette région, soit une ligne reliant Sabrevois à
Sherbrooke, seront complétés selon les échanciers et selon
les coûts d'ici à la fin d'octobre 1983.
Si l'on parle du Saguenay, qui est la région qui sera desservie
par Gaz Inter-Cité en 1984, où l'embranchement sera construit par
Gaz Inter-Cité également, on peut vous dire, ce matin, que
déjà nous avons reçu une lettre de l'Alcan qui confirme,
de façon non équivoque et ferme, son intention de convertir une
bonne partie de ses approvisionnements déjà à compter de
fin 1984, date à laquelle le gaz naturel sera disponible dans cette
région. Cette nouvelle de l'Alcan nous est parvenue ce matin à la
suite des négociations entreprises avec elle depuis déjà
deux mois. Toutefois...
M. Duhaime: Est-ce qu'on peut savoir combien de BCF à
Alcan?
M. Barbeau: Pardon?
M. Duhaime: Alcan, c'est combien de BCF?
M. Barbeau: Pour la consommation totale de l'Alcan on parle
d'à peu près 10 BCF, mais pour les premières
années, cela va se faire quand même sur une base progressive. Les
coûts de conversion sont très élevés. Physiquement,
on ne peut pas tout convertir. On peut dire que dès l'année 1985,
nous aurons environ 50% de notre volume de converti au gaz naturel, ce qui
représentera environ cinq BCF.
M. Duhaime: Cinq à six BCF.
M. Barbeau: Toutefois, la présence de surplus
d'électricité vendus sur base excédentaire pourrait
réduire considérablement les investissements de Gaz
Inter-Cité Québec et surtout sa rapidité de croissance.
Par exemple, la région de Québec comme telle ne se suffirait pas
à elle-même si l'on devait desservir tous les résidentiels
de la région et tous les commerciaux. Donc, dans nos prévisions
de vente, il a toujours été prévu que la région de
la Mauricie, qui avait une base industrielle beaucoup plus grande, aiderait
à supporter la région de Québec. Quant à l'Estrie,
c'est une région qui se supporte par elle-même. À
l'intérieur même des régions, maintenant - je peux donner
un exemple sans nécessairement vouloir négocier avec qui que ce
soit ici - si par exemple la compagnie Reed à Québec, dans la
partie est de Québec, ne signait pas d'entente avec Gaz
Inter-Cité et convertissait son équipement à
l'électricité, cela voudrait dire qu'il faudrait peu de temps
à Gaz Inter-Cité pour développer son réseau dans la
région de Québec.
Cela ne veut pas dire que Gaz Inter-Cité ne sera pas rentable.
Déjà nous avons une base qui nous permet de prévoir une
rentabilité intéressante pour la compagnie. Dès 1984, des
revenus seront suffisants pour nous permettre de faire un
bénéfice qui ne sera pas nécessairement au niveau du taux
de rendement que nous accorde la Régie de l'électricité et
du gaz, mais en 1985, il est prévu que nous atteindrons ce taux de
rendement. Les ventes à ce jour nous laissent croire que la situation
sera telle que prévue. Par contre, je veux quand même soulever le
point que si Hydro-Québec prenait trop de nos gros clients, la compagnie
pourrait être rentable, mais nous devrions, à ce moment,
réduire certains de nos investissements.
Sur le plan énergétique, le gaz naturel et
l'électricité sont évidemment complémentaires, pour
diverses raisons. Premièrement, ni l'une ni l'autre de ces formes
d'énergie ne peut se substituer totalement au pétrole
consommé au Québec. Mais les deux peuvent contribuer à
assurer la sécurité énergétique du Québec.
En second lieu, dans plusieurs applications, le gaz naturel permettra un
traitement plus poussé au Québec des matériaux produits au
Québec grâce à l'abondance d'électricité:
à titre d'exemple, une plus grande production de produits finis à
partir de lingots d'aluminium. Enfin, la diversification des sources
d'énergie procure une plus grande sécurité
d'approvisionnement et permet d'exporter l'électricité à
un prix représentant le double du prix vendant sur les marchés du
Québec, d'où un troc énergétique très
rentable pour le Québec.
L'utilisation rationnelle de l'énergie et les avantages que peut
en retirer le Québec sont à portée de la main. Il s'agit
de déterminer les secteurs du marché les plus
propices au développement de chacune des deux sources
d'énergie sur la base des coûts de l'approvisionnement, de la
courbe de la demande des usagers et du meilleur service pouvant leur être
offert. Sur ces points, Gaz Inter-Cité est d'avis que le gaz naturel
présente un attrait particulier pour les institutions
québécoises, celles-ci ayant une forte demande en chauffage en
raison du meilleur coût du gaz naturel par rapport à
l'électricité dans les installations requises pour
répondre aux demandes de pointe des hivers québécois.
Toujours sur le plan comparatif, Gaz Inter-Cité Québec
doit souligner la différence qui existe entre les différents
concurrents sur le marché de l'énergie en ce qui concerne
l'examen de la rentabilité de l'un ou l'autre. Ainsi, dans le cas d'un
distributeur de gaz, la rentabilité de tout projet d'extension du
réseau est vérifiée, approuvée et autorisée
par la Régie de l'électricité et du gaz ainsi que tous les
programmes impliquant une mise de fonds de l'entreprise. Dans le cas de la
concurrence, une telle vérification de la rentabilité de tout
programme proposé n'est pas effectuée selon les mêmes
critères et il est possible de préparer des programmes en ne
tenant pas compte de l'effet de ceux-ci sur la structure des coûts. Sur
ce point, Gaz Inter-Cité se pose de sérieuses questions sur la
valeur réelle de certains programmes mis de l'avant par la concurrence
sur le marché actuel. GICQ soumet à la commission permanente de
l'énergie et des ressources que la contribution du gaz naturel à
la sécurité énergétique du Québec est
certaine et que le Québec retirera des dividendes intéressants du
développement du réseau gazier en termes de création de
richesses, de création d'emplois, de renforcement de sa structure
industrielle et de son savoir-faire sur le plan technologique sans mentionner
les revenus perçus par les différents paliers gouvernementaux. En
fait, en 1983, Gaz Inter-Cité croit être la firme qui a
créé le plus d'emplois au Québec dans le plus grand nombre
de spécialités. Ainsi, durant cette année, Gaz
Inter-Cité a créé plus de 2000 emplois aux niveaux
suivants: l'ingénierie, en ce qui a trait à la préparation
des projets de construction tant de distribution que de transmission; les
entrepreneurs en construction qui ont procédé à la mise en
place des différentes structures de gazoduc, des installations
d'appareils à gaz naturel, sans compter évidemment les 200
employés qui se sont ajoutés à la compagnie depuis ses
débuts, il y a à peine deux ans.
L'arrivée du gaz naturel dans de nouveaux marchés au
Québec, en plus de contribuer à une plus grande
sécurité d'approvisionnement en énergie, contribue au
développement économique régional du Québec en
apportant des revenus et emplois additionnels tout en améliorant la
compétitivité des industries se trouvant sur ces marchés
et l'attrait de ces régions pour l'implantation de nouvelles industries.
Les dépenses reliées aux investissements requis pour la mise en
place d'un réseau gazier et la conversion des systèmes de
consommation de mazout sont considérables. Pour le seul
développement des marchés de Gaz Inter-Cité Québec,
des montants s'élevant à 465 000 000 $ seront versés pour
la construction des embranchements greffés au tronçon principal
de Trans-Québec et Maritimes et devant permettre l'apport du gaz
jusqu'au point de livraison à Gaz Inter-Cité Québec.
Déjà, près de 125 000 000 $ ont été investis
en 1983 pour la construction des embranchements reliant les régions de
l'Estrie et de la Mauricie, incluant Bécancour. Ces montants
versés par le gouvernement fédéral ne sont disponibles que
pour une période limitée se terminant en 1985. À partir
des postes de livraison, Gaz Inter-Cité prend en charge la distribution
du gaz naturel et doit investir près de 700 000 000 $ pour la mise en
place de ses réseaux de distribution dans diverses municipalités
du Québec pour la période de 1983 à 1987. Environ 70% des
dépenses relatives à la construction des réseaux gaziers
demeurent au Québec sous la forme de salaire versé à une
main-d'oeuvre bien rémunérée par les entrepreneurs locaux
participant au projet.
En plus des dépenses d'investissement, le développement du
réseau gazier sur le territoire de Gaz Inter-Cité entraîne
des dépenses d'exploitation s'élevant à près de 200
000 000 $ pour la période de 1983 à 1987 et qui seront maintenues
au niveau de 50 000 000 $ en 1983 et par la suite résultant dans la
création de 380 emplois permanents chez Gaz Inter-Cité.
L'ensemble des dépenses reliées au développement de Gaz
Inter-Cité entraîneront des effets économiques pour la
période 1983-1987 de plus de 1 000 000 000 $ et la création de
plus de 17 000 hommes-années en termes d'emplois. Un aspect
intéressant relié à la mise en place des infrastructures
de distribution de gaz est la distribution géographique presque uniforme
des investissements et des emplois sur le territoire devant être
desservi. Cet aspect est d'autant plus intéressant que le
développement du gaz naturel s'effectue au coeur des régions
populeuses du Québec et ce, pendant les années de disette
d'investissements. La répartition géographique des
investissements reliés au développement du projet de Gaz
Inter-Cité est la suivante: dans l'Estrie, 23%; en Mauricie, 25%;
Québec métro, 35%; le Saguenay, 17%.
Dans une période trouble sur le plan économique,
l'utilisation de fonds fédéraux et de ressources locales
disponibles pour la
réalisation du projet de développement des réseaux
gaziers permettent de renforcer la sécurité
énergétique des Québécois tout en les assurant de
bénéfices sociaux nettement positifs.
D'autre part, le fondement même d'une assise forte sur le plan
industriel dépend de la compétivité des firmes vivant sur
le territoire visé et des perspectives de viabilité
économique dans le cas d'une nouvelle implantation. Le gaz naturel
améliore la compétivité des firmes
québécoises et contribue à l'occasion à permettre
l'implantation de nouvelles firmes industrielles.
Les avantages du gaz naturel sont bénéfiques à
plusieurs industries déjà en place au Québec et
permettraient au Québec de présenter un meilleur profil aux
hommes d'affaires recherchant une localisation pour une nouvelle entreprise.
Les avantages du gaz naturel sont évidents quand on considère que
des firmes utilisant du gaz naturel sous forme liquide ou sous forme
comprimée lorsqu'il n'est pas disponible par réseau menacent
même de fermer leurs portes si on leur coupe cet approvisionnement, comme
c'est le cas de l'entreprise Philips à Trois-Rivières, dans un
exemple tout récent. Cette firme, qui utilisait auparavant du gaz
liquéfié vendu par Gaz Métropolitain, a vu son contrat se
terminer et a menacé tout bonnement de fermer ses portes et de mettre
à pied la totalité de ses employés si le gaz naturel ne
lui était pas disponible. Gaz Inter-Cité, dès cette
année, a entrepris de construire une ligne additionnelle à ses
réseaux prévus dans la Mauricie pour desservir cette firme de la
Mauricie.
De plus, l'expansion du gaz naturel dans les nouveaux marchés au
Québec est un stimulant au développement de l'expertise
québécoise dans le domaine du gaz naturel. Ainsi, de jeunes
ingénieurs qui se retrouvent avec peu de débouchés au
niveau de l'emploi, dans la situation économique actuelle, ont des
opportunités auprès d'ingénieurs-conseils qui
développent maintenant une expertise en vue de la construction d'un
réseau de distribution de gaz naturel ou de la conversion d'appareils
consommateurs de mazout au gaz naturel.
Sur le plan technologique, le développement des nouveaux
marchés du gaz est un stimulant au développement d'appareils
à haute efficacité de troisième génération
pour la consommation de gaz naturel. De plus - ceci n'est qu'un exemple -le
développement d'une machine à souder plus perfectionnée
que celles qui existent présentement sur le marché se poursuit
actuellement à l'Université Laval et emploie un bon nombre de
chercheurs.
Également, il faudrait noter que la nouvelle technique
utilisée pour la traverse du fleuve Saint-Laurent à la hauteur
de
Bécancour, soit l'utilisation de la méthode appelée
forage directionnel, a permis l'utilisation d'une telle méthode pour la
première fois au Canada et il est prévu que cette méthode,
même si elle est importée des États-Unis, sera
utilisée dans tout le Canada au cours des années à venir
et également au Québec lors de la construction des nouveaux
embranchements.
En conclusion, l'élément dominant de la politique
énergétique du Québec consiste à assurer l'avenir.
Le développement des réseaux gaziers permettra au Québec
de bénéficier d'une marge sécuritaire plus grande dans son
approvisionnement énergétique en raison d'une diversification
accrue de ses sources d'approvisionnement et de l'abondance du gaz naturel en
sol canadien. De plus, l'attrait le plus facilement palpable du
développement du réseau gazier au Québec dans
l'immédiat est la création d'emplois et de richesses
équitablement répartis entre les régions populeuses du
Québec. Cette création de richesses se poursuit ensuite par la
contribution du gaz naturel à une base industrielle diversifiée
et plus compétitive.
Essentiellement, la pénétration du gaz naturel dans le
territoire de Gaz Inter-Cité Québec permettra le remplacement
d'environ 33 000 barils par jour de pétrole importé au
Québec en 1987, alors que les investissements de GICQ produiront des
effets économiques importants.
En plus d'une sécurité énergétique accrue,
les entreprises et les ménages du Québec retirent, dès les
premières négociations avec Gaz Inter-Cité, les avantages
d'une concurrence accrue dans le domaine de l'énergie, ce qui assure une
compétitivité accrue des entreprises du Québec et un
coût de vie moins élevé pour les ménages.
M. le Président, messieurs, c'est la fin de notre exposé
préliminaire et nous sommes à votre disposition pour
répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M.
Barbeau, pour votre présentation. Voici maintenant la période des
questions. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Barbeau, pour votre
mémoire et la présentation que vous en avez faite. J'aurais bien
sûr quelques questions à vous poser.
Vous avez donné tantôt l'état de votre
clientèle dans les différentes régions où Gaz
Inter-Cité poursuit son expansion, mais, avant d'en venir à
chacune des régions, voulez-vous nous rappeler quel est l'objectif
global que vise Gaz Inter-Cité dans son expansion en termes de BCF?
M. Barbeau: D'ici à cinq ans, nous prévoyons vendre
environ 80 BCF par année. Alors, graduellement, l'expansion va nous
permettre d'atteindre ce niveau et les prévisions jusqu'à
maintenant semblent vouloir se réaliser.
M. Duhaime: Sur une base cumulative, avec ce que vous nous avez
donné tantôt, à quel volume de vente êtes-vous par
rapport à vote objectif de 1980? (10 h 45)
M. Barbeau: Au cours de la première année, je crois
que l'on vendra environ trois ou quatre BCF. La raison pour ceci est que la
plupart des nouvelles régions ne seront raccordées qu'à
compter de novembre 1983. Les clients que j'ai mentionnés, comme CIL
à Bécancour, n'ont pas encore commencé à consommer
et le feront très bientôt. Sur une base annuelle,
évidemment, les deux BCF pourraient représenter
déjà quelque chose comme une dizaine de BCF pour une année
complète. Graduellement, l'an prochain, on sera probablement autour
d'une vingtaine de BCF jusqu'à ce qu'on atteigne le niveau de 80 BCF au
cours de l'année 1987 ou 1988.
M. Duhaime: Je ne sais pas si vous avez le calcul disponible avec
vous ce matin, mais, si on additionne ce que vous vendez déjà,
plus les contrats qui sont signés et dont les livraisons se feront
lorsque le gaz sera disponible sur le lieu physique, vous êtes
actuellement à quelle hauteur? Êtes-vous à 15 BCF ou 20
BCF? Combien?
M. Barbeau: Une dizaine de BCF environ.
M. Duhaime: Une dizaine en excluant ce que vous nous annonciez
comme étant une bonne nouvelle, l'Alcan. C'est cela?
M. Barbeau: Oui, sur une base immédiate. Il reste quand
même qu'il faut penser, encore une fois, que l'Alcan va graduellement
convertir son équipement. Si vous me demandez, en additionnant tout ce
que l'on a présentement de prévu au contrat, ce que cela
représente, en supposant que tous ces volumes seront raccordés,
c'est sûrement plus de dix BCF, mais j'imagine qu'il y a certainement une
vingtaine de BCF déjà contractés, en tenant compte de
certaines autres négociations qui sont tout près d'aboutir.
M. Duhaime: Vous nous avez donné des pourcentages pour la
Mauricie, Québec métro, l'Estrie et le Saguenay. Vous nous avez
parlé de l'Alcan. L'Alcan représenterait 50% de votre objectif de
marché en soi.
M. Barbeau: Pour cette région, globalement, incluant les
résidences, etc., oui, l'Alcan représenterait 50% de nos ventes
dans la région du Saguenay.
M. Duhaime: J'ai noté ce que vous nous avez dit
tantôt - je voudrais seulement vérifier mes chiffres, parce qu'il
y a des gens qui disent que cela va mal dans le gaz, que c'est très
dangereux et que le gaz naturel ne réussira pas à
pénétrer - à savoir que 109% de vos objectifs de vente ont
été réalisés en Mauricie.
M. Barbeau: Pour cette année... M. Duhaime: Pour
cette année?
M. Barbeau: Oui, nous avions prévu vendre un certain
volume. Quand je parle de volumes, je parle de contrats. Les volumes
contractés dans la Mauricie représentent 109% de nos objectifs
pour l'année.
M. Duhaime: Québec métro, 103%? M. Barbeau:
C'est cela, exactement.
M. Duhaime: Et j'ai noté 90% pour l'Estrie.
M. Barbeau: C'est cela.
M. Duhaime: Et on ajoute 50% pour le Saguenay en touchant du bois
pour que l'Alcan signe un contrat.
M. Barbeau: Oui. Je voudrais seulement faire une petite
correction.
M. Duhaime: Oui.
M. Barbeau: Quand je dis 50%, c'est le volume potentiel que
l'Alcan représente au Saguenay pour nous. Avec ce qu'on va signer
prochainement, on parlera donc d'environ 25% des volumes globaux de la
région du Saguenay. On s'entend bien avec l'Alcan pour que, dès
que la première phase sera entreprise, on commence à discuter de
la deuxième phase qui concernera la conversion des volumes restants.
M. Duhaime: Bon! Ces scénarios de progression dans vos
objectifs de marché rejoignent-ils également les objectifs de
rentabilité de Gaz Inter-Cité à l'heure où on se
parle?
M. Barbeau: Oui, monsieur.
M. Duhaime: Voulez-vous nous expliquer maintenant de quelle
façon ce mécanisme fonctionne? Je mets de côté le
financement des conduites latérales comme telles, mais comment le
mécanisme financier de subventions se concrétise-t-il durant les
années d'expansion du réseau?
M. Barbeau: Vous parlez de mécanismes de subventions.
Quelles subventions?
M. Duhaime: Les subventions fédérales. M.
Barbeau: Ah oui!
M. Duhaime: Pendant la phase qui a été
identifiée comme étant la phase d'expansion du réseau, je
crois qu'il reste trois ans. C'est trois ans incluant cette année?
M. Barbeau: Oui, c'est trois ans incluant cette année,
exactement.
M. Duhaime: Bon! Comment cela fonctionne-t-il? En cents et en
piastres, cela veut dire quoi?
M. Barbeau: Bon! Au départ, nous avons signé une
entente de principe avec le gouvernement fédéral en vertu de
laquelle on met à notre disposition 465 000 000 $ pour construire des
embranchements divisés en trois phases. La première phase inclut
la ligne reliant Sabrevois à Sherbrooke, la ligne reliant
Trois-Rivières à Shawinigan-Grand-Mère et celle reliant
Trois-Rivières à Bécancour. C'est la portion que nous
sommes à construire cette année, pour laquelle un montant de
l'ordre de 125 000 000 $ a été mis à notre disposition. Je
peux vous dire déjà que nous allons être en bas de ce
montant. Chez Gaz Inter-Cité, on ne veut pas s'en vanter, mais on est
fier d'avoir réussi à construire ces embranchements à des
coûts plus bas que ceux qui étaient prévus, en dépit
des problèmes que nous avons eus cet été avec la
main-d'oeuvre, notamment au niveau des soudeurs. En dépit des retards
occasionnés, nous serons quand même à temps et le gaz sera
disponible dans l'Estrie dès novembre cette année. C'est la
première phase.
Maintenant, nous sommes en pourparlers avec le gouvernement du Canada
pour signer l'entente pour la deuxième phase parce que dans l'entente
originale de principe, il est bien mentionné que nous devions, chaque
année, signer une entente spécifique pour chacune des trois
phases. Nous allons entreprendre les négociations - nous avons
déjà commencé à en parler d'ailleurs avec le
gouvernement du Canada, pour obtenir le montant qui nous sera disponible pour
construire l'embranchement au Saguenay. Certaines conditions préalables
étaient que nous devions montrer qu'il y avait des ventes
intéressantes dans la région avant qu'un montant d'environ 200
000 000 $ soit investi. La nouvelle de l'entente avec Alcan présentement
et d'autres qui sont tout près d'être signées nous laissent
présager que le gouvernement du Canada n'aura vraiment pas d'autre
solution que de nous donner 200 000 000 $ pour construire la ligne pour aller
au Saguenay. C'est la deuxième phase.
La. troisième phase concerne la construction d'embranchements
reliant Granby à Drummondville, en passant par Saint-Hyacinthe, et
reliant Sherbrooke à Asbestos. Cela devrait être construit en
1985. Ce sont les embranchements prévus au projet d'entente entre Gaz
Inter-Cité et le gouvernement du Canada. Maintenant, si nous continuons
à construire les lignes de la façon que nous l'avons fait et si
nous sommes assez chanceux pour obtenir des prix raisonnables de la part des
entrepreneurs, si la main-d'oeuvre du Québec continue à
collaborer comme elle l'a fait au cours de l'été dernier,
à part le mois de juillet, je pense que nous aurons des fonds
disponibles d'environ 465 000 000 $, qui nous permettront de construire
d'autres embranchements. À titre d'exemple, on aimerait bien, nous,
desservir la portion ouest du Lac-Saint-Jean qui a été mise de
côté pour le moment parce qu'on n'avait pas suffisamment de fonds
au départ quand nous avons signé l'entente. On ne
prévoyait pas avoir assez de fonds. Il faut comprendre que Gaz
Inter-Cité a quand même pris un risque dans cette histoire parce
que les coûts excédant les montants qui nous étaient
payés devaient être absorbés par la compagnie.
Par contre, les montants que nous avons mis de côté dans la
première phase s'en vont dans un fonds qui va servir justement à
prévoir les excédents qu'on pourrait avoir dans les autres
phases. Donc, la région ouest du Lac-Saint-Jean est une région
que l'on aimerait bien desservir. Il y a la rive sud de l'agglomération
de Québec qui nous demande le gaz depuis des années. On aimerait
bien traverser le Saint-Laurent à la hauteur de Québec pour aller
servir la région de Charny jusqu'à Lévis, Lauzon. Il y a
les régions de Thetford-Mines, Victoriaville qu'on aimerait bien
desservir. Tout cela va être regardé. On a déjà
commencé, mais on va quand même voir, à un moment
donné, les montants disponibles de façon qu'on puisse davantage
prolonger nos embranchements pour aller rejoindre le plus de régions
possible.
M. Duhaime: Maintenant, vous avez parlé de forage
directionnel en dessous du lit du Saint-Laurent à la hauteur de
Trois-Rivières et Bécancour. Ce serait le même
procédé, j'imagine, qui serait retenu pour relier la rive sud
à Québec.
M. Barbeau: Oui, c'est ce qu'on est en train de regarder
présentement. La seule différence, c'est qu'ici il y a un peu de
roc près de Québec. La méthode étant la même,
cela demande une tête de forage différente parce que le
procédé de forage directionnel c'est - je peux le dire ainsi -
une "bibitte"
bien spéciale. C'est une méthode qui est quand même
très spectaculaire. Pousser un tuyau sur une longueur de 5100 pieds sous
le sol - c'est un mille de long - le diriger à partir d'un centre de
contrôle sur la rive, le faire changer de direction au fur et à
mesure que vous vous en allez, pour être sûr que vous allez suivre
le contour du fond de la rivière, moi je trouve cela assez
spectaculaire. C'est la méthode qu'on pourrait envisager pour la
traverse Québec-rive sud.
M. Duhaime: Quel a été le coût à
Trois-Rivières-Bécancour pour traverser le Saint-Laurent?
M. Barbeau: Le coût a été d'environ 4 000 000
$.
M. Duhaime: Pour Québec, cela pourrait coûter
combien?
M. Barbeau: Cela comprend seulement la traverse. Pour la traverse
ici, à Québec, les premières estimations qui ont
été faites par la compagnie Trans-Québec étaient de
12 000 000 $. Cela a monté à 50 000 000 $. Nous, si on
s'attachait au pont, on parlerait d'environ 7 000 000 $. Maintenant, s'attacher
au pont, cela ne fait pas tellement notre affaire parce qu'à ce moment
on est obligé de maintenir une pression moins élevée dans
le tuyau, tandis que si on va dans le fond du fleuve, on peut avoir une
pression à peu près trois fois plus élevée, ce qui
nous permet d'avoir un tuyau plus petit ou au moins, pour la même
grosseur, passer à peu près trois fois plus de gaz. Nos
estimations démontrent que cela pourrait coûter, avec cette
méthode, environ 15 000 000 $. C'est ce qu'on pense.
M. Duhaime: 15 000 000 $.
M. Barbeau: Oui. Il faut penser également, avant de
décider d'une traverse, à ce qui va arriver dans les Maritimes.
Nous voudrions bien jumeler ce projet à une ligne éventuelle qui
s'en irait vers les Maritimes. Ce serait, je pense, plus prudent d'avoir une
grosseur raisonnable de tuyau qui permettrait éventuellement d'alimenter
quelqu'un d'autre. Donc, on voudrait que quelqu'un, que le
fédéral paie évidemment. On est déjà en
négociation avec lui à ce sujet.
M. Duhaime: Maintenant, vous avez donné des chiffres
d'investissements, des chiffres de création d'emplois qui sont
impressionnants. Je ne sais pas si vous tenez ce calcul à jour, mais
quel est le contenu québécois dans les investissements gaziers
actuellement? Je parle essentiellement pour Gaz Inter-Cité.
M. Barbeau: Dans les coûts d'installation de réseaux
de distribution de gaz, il y en a environ 70% pour la main-d'oeuvre.
Actuellement, la main-d'oeuvre est en presque totalité
québécoise. Il y a certainement des entrepreneurs de
l'extérieur qui ont participé au projet, mais les conditions
exigées par Gaz Inter-Cité, c'est qu'ils devaient favoriser
l'embauche de la main-d'oeuvre locale. D'ailleurs - je pense que cela se fait
pour la première fois au Québec - Gaz Inter-Cité a conclu
une entente avec l'Office de la construction du Québec pour s'assurer
que toute demande de personnel se fasse directement par l'Office de la
construction du Québec au lieu de se faire par le biais des syndicats,
comme cela se faisait auparavant. Cette année, tous les travailleurs sur
les réseaux ont été envoyés par l'Office de la
construction du Québec aux entrepreneurs qui en faisaient la demande et
ce pour une raison bien simple. C'est qu'on voulait favoriser la participation
régionale des gens. Je peux vous dire que, dans la région de
Sherbrooke, les gens du local 825 qui se tournaient les pouces depuis plusieurs
années parce qu'il n'y avait pas de travail ont été
presque exclusivement utilisés pour la construction non seulement des
réseaux de distribution dans les villes, mais également du
tronçon principal du gazoduc. Nous avons donné des cours de
formation à des soudeurs. D'ailleurs, cela nous a rendu un très
grand service parce que, lorsqu'il y a eu des problèmes concernant les
soudeurs du local 144, les soudeurs du local 825 travaillaient quand même
dans la région de Sherbrooke, ce qui a certainement aidé à
mettre de la pression sur d'autres travailleurs qui regardaient aller cela et
qui se disaient: Peut-être qu'éventuellement ils aimeraient aussi
travailler. Cela a été, je pense, un point important pour la
bonne marche des travaux. Donc, 70% des travaux c'est de la main-d'oeuvre, et
je pense que 95% de ces 70% c'est de la main-d'oeuvre québécoise
régionale.
Pour le reste, 30%, on parle de matériaux. Évidemment, des
tuyaux d'acier il ne s'en fait pas au Québec, et on est bien
obligés de les acheter en Ontario; c'est ce qu'on a fait. On a
également eu la chance d'acheter des tuyaux qui avaient
été achetés par d'autres compagnies. Par exemple, TQM,
Trans-Québec et Maritimes, était prise avec ces tuyaux et on les
a achetés pour s'en servir.
Il y a aussi les valves, les régulateurs de pression qui ne se
font pas au Québec. Alors, on a dû aller à
l'extérieur. Par contre, tout ce qu'on achète en tuyaux de
plastique qui vont composer éventuellement quelque 80% de nos
réseaux de distribution provient du Québec. Ils sont
achetés de la compagnie Manuplast, dans la région d'Alma.
Je pense que, dans la construction des
réseaux de distribution, on atteindra un niveau de 80% ou 85% de
contenu québécois dans l'ensemble du projet.
M. Duhaime: Merci. Un dernier sujet -je l'amène en
dernier, pas parce que c'est le moins important; j'aurais pu commencer par
celui-là - c'est la concurrence. Avant de parler d'Hydro-Québec,
le discours favori de mon collègue d'Outremont - je suis convaincu qu'il
va vous en parler - je vais vous parler du mazout lourd importé. Si on
faisait l'hypothèse que le gouvernement fédéral
décide aujourd'hui de discontinuer son programme de délivrance de
permis d'importation du mazout lourd et met fin également au programme
de subventions pour ce mazout lourd importé, quelle serait la
répercussion directe et immédiate sur Gaz Inter-Cité?
M. Barbeau: C'est sûr que l'importation du mazout lourd
nous crée toujours un peu de problèmes, plus dans le passé
que maintenant. Les prix s'étant raffermis, on a quand même une
marge de manoeuvre plus intéressante qu'auparavant lorsqu'on discute
avec un industriel à grand débit. On a fait de nombreuses
représentations devant l'Office de l'énergie, à Ottawa,
pour effectivement arrêter cette importation de pétrole lourd ou,
du moins, arrêter de subventionner une telle importation. Ce que cela
ferait, dans le fond, c'est que s'il n'y avait plus d'importations
subventionnées, nous croyons qu'il y aurait un mouvement accentué
des produits pétroliers du Québec vers les Maritimes, ce qui
permettrait de laisser un peu plus de place pour le gaz naturel actuellement.
C'est sûrement un élément important à
considérer qui n'est pas majeur, au moment où on se parle, mais
qui est là et qui nous pend toujours au-dessus de la tête. On ne
sait jamais ce qui va arriver avec les prix mondiaux du mazout. À ce
moment-là, il y a toujours la possibilité que quelqu'un trouve un
fond de bateau quelque part à un prix des plus avantageux, qu'il apporte
cela ici et qu'il nous fasse concurrence. Mais cela a un impact sur nos ventes,
oui. (11 heures)
M. Duhaime: Est-ce que vous seriez en mesure de le chiffrer en
faisant l'équivalence? Il faut faire les conversions, bien sûr,
mais cela pourrait représenter quoi, en termes... Je comprends que si le
mazout lourd n'entre pas ici il se fait un déplacement des produits
raffinés; cela laisse de la place au gaz, mais dans quelle proportion?
Êtes-vous en mesure de l'évaluer? Est-ce que cela
représente trois BCF, quatre BCF, cinq ou dix BCF?
M. Barbeau: Vous parlez de ce que le mazout lourd importé
pourrait nous enlever, ou si cela nous retarde?
M. Duhaime: En fait, si le mazout lourd importé
disparaissait du marché du Québec...
M. Barbeau: Oui, oui.
M. Duhaime: ...cela ferait une place pour quelqu'un, c'est
évident.
M. Barbeau: Oui, sûrement.
M. Duhaime: À ce moment-là, dans ce
champ-là, quelle est la place que Gaz Inter-Cité irait chercher?
Est-ce que cela a été chiffré?
M. Barbeau: Je pense que c'est quand même assez difficile
à chiffrer. Il faut regarder les mouvements de pétrole entre les
différentes provinces pour le marché de l'Est.
M. Duhaime: Oui, je pense que votre collègue, à
droite, a le goût de risquer une réponse.
M. Barbeau: Oui, s'il a des chiffres, moi, je suis bien
prêt à vous les donner.
M. Jean (Robert): D'accord. La majeure partie de l'importation de
mazout lourd se fait nécessairement dans les provinces maritimes. Si ce
marché était ouvert aux producteurs du Québec, les
raffineries pourraient, au besoin, en produire pour l'y envoyer. On parlait de
la restructuration du secteur pétrolier - pas avec nous, mais avec
SOQUIP. C'est un marché qui serait ouvert aux raffineries du
Québec. Présentement, on a beaucoup de craqueurs catalytiques et
toutes sortes d'arrangements qui font qu'il y a moins de mazout lourd. Cela,
c'est à l'avantage du gaz, mais il serait produit à un bon prix.
Si c'était payant de le faire, ils le feraient.
Les prix sur le marché mondial se sont aussi raffermis avec la
reprise économique, ce qui est intéressant. Cependant, la
subvention sur l'importation de mazout lourd se situait à 6,87 $ le
baril au mois d'août et cela, par rapport à des barils qui se
vendent environ 32 $; c'est quand même important. Même s'il y a un
taxe de 3,76 $ pour payer ce programme-là, il reste encore 3 $ net de
subvention, ce qui représente une subvention de 10% du prix. Quand on
parle de l'importation de mazout lourd, disons dans les provinces de
l'Atlantique - ici, je les ai en mètres cubes liquides - le total de
produits pétroliers représente 1766 mètres cubes en 1982
et l'importation de mazout lourd représente 401 000 mètres cubes.
25% de la consommation pétrolière était importée
sous forme de mazout lourd, en 1982, dans
les Maritimes. Ce sont quand même des chiffres importants. Pour
les raffineurs du Québec, c'est une occasion manquée et pour la
concurrence, cela nous cause des problèmes. Cela en a causé
surtout l'an passé. Cette année, c'est moins grave, mais c'est
quand même quelque chose de latent, comme le disait M. Barbeau.
M. Duhaime: Maintenant, parlons d'Hydro-Québec. Je ne sais
pas si les gens de votre compagnie étaient ici lorsque
Hydro-Québec est venue, au début de la semaine, présenter
son mémoire. Il y a, à Hydro-Québec, trois programmes
actuellement; un dans la biénergie, l'autre pour les chaudières
industrielles et un nouveau programme de rabais pour inciter à
l'investissement. D'après ce que j'ai compris des propos de M. Coulombe
et de M. Bourbeau, il semble qu'Hydro-Québec propose de nouveaux
programmes dans le secteur biénergique, par exemple, pour aller vers le
marché commercial, institutionnel, multifami-lial, etc. Je comprends que
vous êtes en concurrence. Cela me paraît assez farouche puisque,
dès ce matin, vous nous mentionnez même des noms d'entreprises et
vous dites: Celle-là, nous souhaitons la garder ou nous souhaitons
l'avoir. Votre point de vue là-dessus, est-ce que je me risquerais
à dire que ce que vous souhaitez, c'est qu'Hydro-Québec cesse son
offensive sur le marché? Je voudrais avoir votre réaction
là-dessus.
M. Barbeau: Voici. Il y a différentes façons de
faire des offensives sur un marché. En général, on admet
très bien que la concurrence existe. On se bat constamment contre le
pétrole, on se bat également contre Hydro-Québec.
Maintenant, on ne peut pas non plus s'entendre avec Hydro-Québec et dire
on fera cela comme ceci. On a chacun notre marché et il faut se
débattre à l'intérieur de ce marché. Par contre, je
pense qu'il y a des programmes à HydroQuébec qui ne sont
certainement pas à l'avantage des consommateurs québécois.
Si je les reprends à partir du secteur résidentiel où on
offre un programme de biénergie, on rend un très mauvais service
au consommateur parce qu'on lui dit: Aujourd'hui on va te payer une conversion
qui ne te coûtera pas bien cher et qui va te permettre de prendre une
partie des volumes d'électricité combinée avec ton
pétrole et là tu vas épargner de l'argent. Mais ce qu'on
ne dit pas au consommateur, c'est que si le consommateur acceptait d'aller vers
le gaz naturel il épargnerait 15% de plus sur sa facture de gaz
naturel.
Ce programme d'Hydro-Québec, entre autres, est un programme qui
rend un mauvais service au consommateur québécois. En toute
honnêteté, je pense qu'il ne devrait même pas exister au
moins dans les régions où le gaz naturel est présent. Il
est évident que s'il y a un client sur la Côte-Nord et qu'on ne
prévoit pas desservir, on va entre les deux lui offrir quelque chose qui
va lui permettre d'épargner de l'argent. Mais quand le gaz naturel est
disponible dans un marché, je crois qu'on a un produit qui est pas mal
plus avantageux à offrir et qu'on devrait limiter la présence
d'Hydro-Québec dans ce marché. Cela s'applique également
au secteur commercial.
En ce qui concerne le secteur industriel, c'est là
évidemment qu'Hydro-Québec peut nous faire le plus mal. J'ajoute
seulement une petite note concernant le secteur résidentiel. On parle
toujours ici des secteurs à grand débit parce que les secteurs
à grand débit nous permettent de rentabiliser notre entreprise le
plus rapidement possible. Par contre, il ne faudrait pas laisser de
côté les secteurs résidentiel et commercial parce que ces
secteurs nous permettent une stabilité à long terme que le
secteur industriel ne peut pas nous donner. La mixture idéale d'un
distributeur de gaz, selon nous, est de l'ordre de 20% de vente dans le secteur
résidentiel, 20% dans le secteur commercial et 60% dans le secteur
industriel. Lorsque des conflits ouvriers ou des problèmes de production
affectent des consommateurs industriels, au moins les secteurs
résidentiel et commercial nous permettent de maintenir une base
intéressante de revenus.
Ceci étant dit, je reviens aux grands débits. On parle des
ventes excédentaires d'électricité dans ce domaine. Je
trouve très malheureux que, parce qu'on a des surplus pendant trois
à quatre ans qui pourraient peut-être s'échelonner sur un
plus long délai mais les pronostics d'Hydro-Québec changent
à mesure qu'on les entend parler... Si on parle d'une période de
quatre ans et qu'on offre aujourd'hui à un industriel un volume
intéressant d'électricité, à un prix avantageux, je
me pose la question suivante: Qu'arrivera-t-il à cet industriel dans
quatre ans, alors que les excédents n'existeront plus, existeront moins
et que la disponibilité d'électricité, même si elle
est encore là... À quel prix va-t-on lui vendre le produit? Il
serait malheureux qu'un consommateur industriel fasse face à une
situation en 1988, par exemple, où les seuls choix qu'il aura seront la
possibilité de ne plus avoir de l'électricité donc d'aller
chercher des volumes de mazout à un prix auquel tout le monde sera
très content de lui vendre ou bien avoir de l'électricité
à un prix qui sera plus élevé que le prix de
l'électricité excédentaire d'aujourd'hui, cela est
sûr et certain. Alors, si le gaz naturel n'est pas présent dans la
région à ce moment-là, l'industriel n'a pas d'autres choix
que de payer plus cher pour son énergie et ce sera malheureux.
D'ailleurs, c'est une vieille rengaine que j'ai toujours mais il faut se
rappeler que si l'Ontario s'est développée plus rapidement que le
Québec en ce qui concerne l'implantation des industries, c'est en grande
partie parce que dès 1960 le gaz naturel était disponible dans
à peu près toutes les régions de l'Ontario. Si vous
regardez le pipeline de TransCanada PipeLines il n'était pas question de
poser des embranchements, il s'en allait tout de travers, il rejoignait toutes
les régions de l'Ontario en passant par North Bay et en redescendant
à Toronto. À ce moment, ces régions ont eu une base
industrielle plus intéressante. Alors que je travaillais à Gaz
Métropolitain dans les années soixante-dix et même avant
cela - je reviens à ces années - je me souviens très bien
que le directeur du parc industriel de Bécancour nous appelait
constamment pour nous demander quand aura-t-on du gaz à
Bécancour, parce qu'il perdait des industries d'une façon
régulière.
Les industries posent certaines questions avant de s'implanter dans une
région. Premièrement: est-ce qu'il y a un port en eau profonde?
Est-ce qu'il y a un système de transport autre que celui-là?
Est-ce que le gaz naturel est présent? C'est malheureux que des
régions comme Bécancour aient été retardées
dans leur développement à cause de l'absence du gaz naturel. Il
serait doublement malheureux maintenant que, le gaz naturel étant en
voie de s'étendre partout au Québec, on manque le bateau encore
une fois et qu'on se retrouve dans cinq ans et qu'on dise: Qu'est-ce qu'on
fait? On perd des industries maintenant, parce qu'il n'y a pas de gaz. Il sera
peut-être trop tard à ce moment.
Malheureusement, le problème qui va arriver entre-temps, c'est
que des régions ne seront pas desservies ou seront desservies moins
rapidement. Donc, des consommateurs qui ont la chance aujourd'hui d'obtenir une
subvention pour la conversion de leur équipement ne pourront pas en
bénéficier parce qu'il n'y a pas de gaz et, dans cinq ans, il n'y
aura probablement plus de subvention pour cela; donc, les gens seront
forcés de rester au mazout ou de choisir la biénergie qui est un
palliatif, mais ce n'est certainement pas le système idéal. Un
système à deux têtes dans une maison, ce n'est pas un
système qui va bien fonctionner de toute façon et il y aura
toujours des problèmes avec cela, alors qu'aujourd'hui, on pourrait
offrir un système net: un système dans la maison et une
économie d'énergie dès le départ.
On parle de ce qui arrive dans une région si le gaz n'est pas
présent. À Portneuf, il y avait un client industriel. On
était en négociation avec lui. Il a signé avec
Hydro-Québec le printemps dernier. On a perdu le client; on ne va pas
à Portneuf cette année. Alors les investissements qu'on faisait
à Portneuf sont annulés et les investissements qu'on devait faire
dans les années à venir à Portneuf, on ne sait pas si on
les fera. S'il n'y a pas d'autre client, on n'ira pas. Mais je peux vous dire
que le prix que ce client a eu pour l'énergie excédentaire
était très bon, on ne pouvait pas le battre. Mais j'ai bien
hâte de voir ce qui va se passer dans quatre ans, lorsque ce type va
renouveler son contrat.
M. Duhaime: La question que vous posez est en quelque sorte
l'analyse qu'un industriel dit faire. J'imagine que ce sont de bons arguments
de vente que les gens qui s'occupent du marketing de Gaz Inter-Cité
doivent mettre sur la table lorsqu'ils font la sollicitation auprès de
la clientèle en posant la question: qu'est-ce qui vous arrivera dans
quatre ou cinq ans? Mais la décision de faire le choix de la forme
d'énergie, est-ce qu'elle ne revient pas, si je suis votre raisonnement,
à cet industriel qui fait l'évaluation de ces risques et qui,
j'imagine, fait son propre scénario sur le prix? J'ai l'impression qu'un
peu tout le monde a son petit scénario aujourd'hui sur
l'évolution des prix et des énergies concurrentielles. Est-ce que
le choix ne doit pas être laissé à ce consommateur
industriel, même si cela peut sembler alléchant pour lui d'opter
pour un programme chez Hydro-Québec et que vos gens vous disent: Faites
attention! dans quatre ou cinq ans, Hydro-Québec peut décider de
vous enclencher sur une échelle de prix beaucoup plus
élevée et vous tomberez le bec à l'eau? Mais
fondamentalement, selon votre point de vue, est-ce que le choix ne doit pas
être laissé au consommateur qu'il soit industriel ou
résidentiel?
M. Barbeau: C'est évident que le choix est laissé
au consommateur. Par contre, M. Duhaime, il y a deux choses que j'aimerais
ajouter. Dans une situation économique difficile comme celle qu'on a
vécue au cours des deux dernières années, les gens, en
majorité, se foutaient passablement du long terme. Quand vous parliez
à un client, vous lui disiez: d'ici à quelques années,
cela va te coûter plus cher. Le gars disait: Cela ne m'intéresse
pas. Cette année, je perds de l'argent et c'est maintenant l'occasion de
me faire payer au complet une belle bouilloire neuve et tout le kit. J'ai un
prix intéressant pour les prochaines années. C'est tout ce qui
m'intéresse. Dans quatre ans, on verra cela. C'est un point sur lequel
le client n'est pas trop à l'aise. D'ailleurs, le client industriel,
à part certains gros clients comme CIP, qui ont des gens à temps
plein qui s'occupent de suivre l'évolution des prix mondiaux au niveau
du mazout... La plupart des gens ne connaissent pas vraiment ce qui va arriver
dans les années à venir. Ils sont un peu mal
à l'aise dans cela. Ils n'ont pas l'expertise; ils sont
obligés de se fier à ce qu'on leur dit. Le gars nous regarde,
nous écoute et il nous aime bien; il se dit: c'est peut-être bien
fin de ce que tu me dis; Hydro-Québec dit autre chose. Alors, il ne sait
plus quoi faire. Il regarde et dit: Je suis sûr de cela, je le prends
cette année.
Le deuxième volet: ce que nous fait la présence
d'énergie excédentaire sur les marchés. Cela nous
enlève une marge de profit sur nos ventes. Vous me direz que c'est bon
pour l'entreprise; c'est évident que c'est bon pour l'entreprise, non
pas la nôtre, mais pour celui qui signe avec nous. Vous avez un client
industriel avec lequel nous négocions. Alors que les prix du mazout
augmentent, on a quand même une marge intéressante qu'on peut
aller chercher en offrant un bon "deal" à l'usager. Mais dès
qu'on négocie avec lui et qu'on est en train de s'entendre sur un prix
donné, HydroQuébec arrive et passe en-dessous de nous. Alors pour
garder le client, eh bien, on veut négocier et on essaie d'aller le plus
bas possible. Finalement, il se peut qu'on réussisse à faire
signer le client, mais on a perdu une marge intéressante qui va nous
empêcher, pas d'être rentables, mais qui va nous empêcher
d'accroître notre production aussi rapidement que prévu. C'est ce
que cela nous crée également comme problème. (11 h 15)
M. Duhaime: Si on suit votre raisonnement jusqu'au bout, cela
veut dire que vous êtes obligés d'amenuiser vos marges de profit.
L'entreprise qui signe avec vous y gagne l'équivalent de ce que vous
gardez. Ce n'est pas nous qui avons inventé cela. De plus, du point de
vue de l'entreprise, le montant d'argent qui a été
économisé en négociant serré avec Gaz
Inter-Cité Inc., j'imagine qu'il se répercute aussi dans le prix
du produit fini de cette entreprise.
M. Barbeau: II pourra, oui.
M. Duhaime: Donc, c'est le grand public qui en
bénéficie en fin de compte.
M. Barbeau: Oui. Si vous prenez cette direction, je suis bien
d'accord avec vous.
M. Duhaime: C'est celle que je préfère.
M. Barbeau: Oui, mais je vais vous en donner une autre. Tout
cela, c'est beau, le produit fini va peut-être coûter un peu moins
cher. Par contre, si le fait que l'on n'a pas pu avoir une marge plus
intéressante nous empêche d'accroître nos réseaux, il
y a un paquet de consommateurs qui ne pourront pas bénéficier des
800 $ donnés par le gouvernement fédéral pour convertir
leur système, des 800 $ donnés par Gaz Inter-Cité Inc. et
également de l'économie immédiate d'énergie. Il
s'agit de balancer les deux pour savoir lequel est le plus avantageux.
M. Duhaime: J'ai bien l'impression qu'en tout état de
cause, c'est toujours une décision qui se prend davantage sur les
inconvénients à venir que sur n'importe quoi d'autre. J'ai une
dernière question. En Mauricie, par exemple, vous nous avez donné
le chiffre global, vous êtes à 109% de vos objectifs de
pénétration, mais comment cela se répartit-il dans les
secteurs résidentiel, commercial et institutionnel?
M. Barbeau: En Mauricie, je dirai qu'environ 80% de nos ventes
seront dans le secteur industriel.
M. Duhaime: Dans le secteur industriel.
M. Barbeau: Oui, pour les premières années.
Graduellement, au fur et à mesure que nous augmenterons les ventes dans
les secteurs résidentiel et commercial, les 80% vont probablement tomber
autour de 75% et 70% parce qu'il y a des régions quand même
où la répartition n'est pas la même. Quand je vous
mentionnais tout à l'heure que l'on parle de 60% dans le secteur
industriel et 20% chacun dans les deux autres secteurs, c'est global dans notre
territoire. La région de la Mauricie a un pourcentage industriel plus
élevé. La région du Saguenay a un pourcentage plus
élevé. Par exemple, si on regarde dans cinq ans pour le secteur
industriel, on parlera de 65% dans le Saguenay alors que dans l'Estrie, on
parlera d'à peu près 55% et à Québec, de 30%. En
tout, cela donne environ 60%.
M. Duhaime: J'ai une dernière question. J'aurais dû
la poser tantôt. Quand vous êtes obligé d'amenuiser votre
marge de profit à cause de la concurrence, est-ce que je peux conclure
que si Hydro-Québec n'était pas dans vos pattes sur votre
marché, l'amenuisement ne se ferait pas?
M. Barbeau: Elle se ferait moins, assurément.
M. Duhaime: Elle se ferait moins, donc le prix serait plus
haut.
M. Barbeau: Un peu plus haut.
M. Duhaime: Très bien, je vous remercie.
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Barbeau, en premier, je dois vous
féliciter. Je vous ai suivi tout l'été dans vos
négociations avec les syndicats et vous venez faire état de vos
succès dans la
construction des conduites latérales. Je dois vous dire qu'en
tant qu'ex-directeur de projets, vous avez toute mon admiration parce que c'est
un défi important. Pour l'avenir industriel du Québec, d'avoir su
gagner la paix dans ce secteur comme vous l'avez fait, c'est une plume à
votre chapeau que l'on doit souligner.
M. Barbeau: Merci.
M. Fortier: J'étais présent à la commission
parlementaire, il y a un an et demi, je crois, lorsqu'il y avait des
problèmes dans la construction du gazoduc et alors que le gouvernement
avait pris une décision qui ne nous avantageait pas. Vous avez su
renverser la vapeur. Cela mérite d'être souligné.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous poser une question
préalable pour qu'on puisse connaître la façon dont vous
négociez vos achats de gaz, qui a une importance sur la
rentabilité et la façon dont vous abordez votre marketing. Si je
comprends bien, vous achetez votre gaz par l'entremise de Trans Québec
& Maritimes, c'est-à-dire la compagnie de transport de gaz. Vous
l'achetez au pipeline même. Dois-je comprendre que vos achats, qui sont
calculés sur une base annuelle ou même sur une base quotidienne -
vous me corrigerez... Autrement dit, vous vous engagez à des achats
spécifiques pour une région donnée. Prenons comme exemple
la région de Trois-Rivières. Votre achat se fait a l'endroit
où vous vous raccordez au pipeline de Trans Québec &
Maritimes. En ce qui concerne Québec, vos achats sont ponctuels lorsque
vous vous raccordez à Québec. Autrement dit, est-ce que je dois
comprendre que les engagements que vous prenez - j'aimerais que vous me disiez
si c'est sur une base annuelle ou quotidienne - sont ponctuels pour chacune des
régions? Est-ce que ce genre d'achats doit être pris en
considération lorsque vous déterminez la rentabilité de
vos différents sous-réseaux?
M. Barbeau: Pour répondre à votre question,
premièrement, les achats de gaz ont été faits pour la
région de Trois-Rivières et Québec en des points bien
particuliers. Il y a le point de livraison de la Mauricie qui sert à
desservir l'ensemble de cette région et éventuellement le
Saguenay si on veut l'inclure. Il y a la région de Québec
où nous avons également acheté nos volumes. Ces volumes
ont été achetés de TransCanada PipeLines à la
frontière de l'Alberta et sont transportés par TransCanada
PipeLines jusqu'à Montréal et par Trans Québec &
Maritimes jusqu'à nos différents points de livraison. Trans
Québec &. Maritimes n'a pas de volumes de gaz comme tels. Elle n'est
qu'un transporteur.
M. Fortier: C'est TransCanada.
M. Barbeau: Maintenant, pour la région de l'Estrie, nous
avons acheté nos volumes de gaz directement d'un consortium formé
de SOQUIP et Inter-City Gas, qui sont les deux plus gros actionnaires de Gaz
Inter-Cité ayant chacun 49% des actions de la compagnie et étant
tous les deux impliqués dans l'exploration en Alberta. Les volumes de
l'Estrie nous sont livrés à la frontière de l'Alberta par
SOQUIP et ICG et de là...
M. Fortier: SOQUIP et qui?
M. Barbeau: ICG, soit Inter-City Gas Corporation.
M. Fortier: Inter-City Gas à Winnipeg, oui.
M. Barbeau: Qui est également actionnaire de Gaz
Inter-Cité. Ces volumes nous sont par la suite transportés par
TransCanada PipeLines pour livraison à notre point de Sabrevois pour
servir la ligne de Sherbrooke.
Il y a une petite chose. On achète le gaz sur une base de
contrats volume quotidien. Le contrat est de quinze ans. Nous devons toujours
penser à deux choses. Il ne faut pas en acheter trop pour être
pris avec et en acheter assez pour être capable de fournir les industries
au fur et à mesure qu'elles se développent. Dans une situation
comme la nôtre, c'est peut-être un peu plus difficile à
prévoir parce qu'on commence. On ne savait pas la réaction des
marchés au moment où on achèterait. Nous avons quand
même des volumes qui sont achetés d'une façon prudente. Les
ententes entre le gouvernement fédéral, TransCanada PipeLines et
nous nous permettent de ne payer que pour le volume de gaz que l'on prend pour
une période de trois ans. Donc, le volume acheté qui a
été livré dans la Mauricie en 1982 nous sert pendant trois
ans sans qu'on ait de problèmes à payer pour du gaz non
acheté, non consommé ou non vendu. Dans trois ans, on devra,
lorsque le taux de développement sera terminé, payer plein
tarif.
On prévoit déjà en 1984 devoir ajouter à ces
volumes. Avec la signature de CIP à La Tuque, l'Alcan au Saguenay on
sait que ce volume ne sera pas suffisant. Donc, on va même augmenter nos
volumes avant la fin des trois ans. On ne devrait pas avoir de problèmes
de volumes non vendus.
Pour la région de Québec, ce qu'on voit venir dans le
moment nous permet de croire que les volumes seront également suffisants
et pas trop élevés pour fournir la région. Si jamais on
avait un problème, on a une clause qui nous permet un
détournement de volumes entre deux régions données.
Autrement dit, le pipeline étant le même qui amène le
gaz
de Trois-Rivières à Québec on pourrait prendre plus
de gaz censé être livré à Québec pour
utilisation dans la Mauricie, ce qui nous donne un avantage
supplémentaire et nous permet de n'entrevoir aucun problème de
paiement de gaz non utilisé dans les années 1986-1987 et
subséquentes.
M. Fortier: Si je comprends bien, l'aide que vous recevez du
gouvernement fédéral, d'une part, c'est pour la construction des
conduits latéraux; on parle de 500 000 000 $, c'est bien cela?
M. Barbeau: C'est 465 000 000 $.
M. Fortier: D'autre part, il y a ce moratoire sur les achats
contractuels de gaz que vous n'avez pas à payer, c'est-à-dire le
moratoire sur vos obligations en ce qui concerne les achats quotidiens de gaz
pendant les trois ans de pénétration du gaz. Cette aide du
gouvernement fédéral peut représenter combien?
M. Barbeau: Cela va chercher dans les millions. Cette
année, justement parce que la Mauricie ne s'est pas
développée aussi rapidement que prévu au début,
nous n'avons pas consommé tous les volumes prévus. Je n'ai pas
les chiffres en main mais on parle de millions au cours des années
à venir. Il ne faudrait pas oublier que lorsqu'on parle de trois ans,
c'est trois ans à chaque contrat qu'on signe. Les trois ans pour
Québec commencent au mois de novembre cette année et pour
l'Estrie ils vont également commencer au mois de novembre. Si on signe
un nouveau contrat pour le Saguenay l'an prochain, cela sera à partir de
1984.
M. Fortier: II reste que ce programme sera encore disponible en
1989 et en 1990. C'est dans l'immédiat seulement. Vous n'êtes pas
certain que cela va exister plus loin...
M. Barbeau: Oui, selon...
M. Fortier: Je crois que la politique nationale de
l'énergie s'arrête en 1987. D'une façon
générale on peut donc dire que ces programmes existeront jusqu'en
1987.
M. Barbeau: On n'aura plus de problème après cela,
de toute façon.
M. Fortier: Tout à l'heure vous avez dit que compte tenu
des problèmes auxquels vous avez fait allusion - on parlait de Portneuf,
on parlait des régions où quelques clients industriels faisaient
la différence... je sais que c'est la même chose pour Gaz
Métropolitain qui devait aller à Saint-Jérôme et qui
n'ira pas parce que Hydro-Québec s'est emparé d'une compagnie, ce
qui fait que la rentabilité de la construction de la conduite
latérale ne se justifiait plus - du fait qu'il y aurait baisse des
investissements - je ne parle pas des conduites latérales - de Gaz
Inter-Cité spécifiquement, il y a un certain nombre de clients
que vous n'irez pas chercher.
J'essaie d'évaluer la situation. D'un côté, vous
dites au ministre qu'il n'y a pas trop de problèmes et d'un autre
côté vous dites que vous serez obligés de baisser vos
investissements, qu'il y a des régions qui ne seront pas desservies, que
l'aide sur laquelle vous comptiez n'existera pas. Je me rends compte que le
moratoire sur les achats quotidiens n'existera plus dans trois ans. Si on met
ces éléments-là ensemble, cela veut dire que dans trois
ans, à partir de 1987, Gaz Inter-Cité sera obligée de
payer des pénalités en cas de... en anglais on dit "take or pay".
Cela s'ajoutera à vos coûts d'exploitation. Est-ce qu'on peut
tenir pour acquis que, compte tenu de cette faiblesse dans la
pénétration durant les trois prochaines années, du fait
que dans trois ans le moratoire n'existera plus ou que l'aide
fédérale n'existera plus, votre rentabilité étant
moindre maintenant, elle s'aggraverait considérablement dans trois
ans?
M. Barbeau: Je vais essayer de clarifier cela. Je sais que c'est
confus quand on parle de cela; c'est une situation qui est dynamique, qui
change tous les jours. Il y a cependant une chose que je voudrais rectifier.
Quand vous dites que dans trois ans on pourrait payer des "take or pay" sur le
gaz, je vous dis que je n'en paierai pas parce que les volumes qui sont
déjà signés et ceux qui vont l'être nous permettent
de nous assurer qu'on n'aura pas à payer de "take or pay" sur ces
volumes puisqu'ils seront déjà sous contrat, à moins d'un
renversement de situation épouvantable où on perdrait des
clients, mais cela va dans quatre ou cinq ans. Cela peut nous arriver comme
à tout le monde. C'est à nous à faire notre travail pour
nous assurer qu'on les garde.
De ce côté-là, il n'y a donc pas tellement de
problèmes. Ce que je veux surtout soulever, c'est que la compagnie sera
rentable en 1985 sur la base de ce qu'on voit présentement. Par contre,
si nous ne faisons pas signer tous les clients que nous prévoyons, si
nous devons trop réduire notre marge de profit sur nos ventes, cela
réduira notre croissance. On aura une plus faible croissance dans le
secteur résidentiel, dans le secteur commercial ou dans des
régions où on ne pourrait peut-être pas aller. Cela n'est
pas dramatique, mais c'est quand même important pour la compagnie. Je
pense que je pourrais vous donner un exemple. On devait investir cette
année entre 40 000 000 $ et 60 000 000 $ de plus dans la région
de Québec. On ne l'a pas fait parce que les ventes dans la Mauricie
n'avaient pas généré les revenus qu'on
attendait.
M. Fortier: Quand on parle d'investissements, on parle de
distribution.
M. Barbeau: De distribution, toujours. La Mauricie ne supportait
pas Québec et, dans nos prévisions à long terme, la
Mauricie devait supporter Québec au niveau de la rentabilité
parce que Québec a une base résidentielle très grande et
une base industrielle très petite. Étant donné qu'on n'a
pas raccordé les clients dans la Mauricie plus rapidement, on a dû
ralentir les investissements dans la région de Québec. Dès
que les ventes se stabiliseront dans la Mauricie et qu'on aura obtenu des
clients aux taux qu'on veut, on pourra continuer à s'étendre
à un rythme plus accéléré dans diverses
régions. C'est là que le jeu se fait; c'est une question pour
nous de déterminer: on peut maintenir une rentabilité
d'entreprise à un niveau X et, pour faire cela, cela nous prend des
revenus Y. (11 h 30)
M. Fortier: Oui, mais là j'ai de la misère à
vous suivre, parce que je sais que vos prix sont déterminés, dans
une certaine mesure, par la Régie du gaz et de
l'électricité. La question que j'aimerais vous poser, lorsque
vous dites que la région de Québec, qui est moins rentable, va
être compensée par la région de Trois-Rivières,
c'est si, de fait, lorsque vous vous présentez devant la régie
vous pouvez faire ce genre de calcul? Car je sais que la régie ne vous
permettrait pas de dire: On perd de l'argent avec l'industriel, on va charger
plus au domestique ou vice versa. Donc la régie a des règles
très sévères avec lesquelles vous devez fonctionner.
À ce moment, pouvez-vous justifier un rendement moindre dans la
région de Québec en disant: nous allons compenser avec
Trois-Rivières? Étant donné les ententes contractuelles
que vous avez définies tout à l'heure et qui sont sur une base de
régions, est-ce que la régie tient compte de cela lorsque vous
déterminez votre rentabilité?
M. Barbeau: La régie regarde l'entreprise sur une base
globale, après avoir examiné chacune des régions. Mais ce
qui importe pour les actionnaires et ce qui importe pour la régie c'est
de voir si effectivement Gaz Inter-Cité va être rentable selon les
prévisions faites, d'une façon globale. Quand on parle d'un
rendement de 16,5% sur l'avoir des actionnaires, cela n'a pas d'importance de
savoir si on a un rendement de 22% dans la région de
Trois-Rivières et si on a un rendement de 12% dans la région de
Québec; l'important c'est de donner le service au plus grand nombre
possible de consommateurs tout en maintenant l'entreprise rentable.
Quand vous parlez des règles sévères de la
régie, nous avons quand même des tarifs avec des niveaux à
l'intérieur desquels on peut négocier avec les industriels. Alors
nous avons quand même une marge de négociation vis-à-vis
des industriels et la régie nous le permet évidemment.
Quand vous dites que Trois-Rivières supporte Québec, il
faut quand même faire attention. Ici, c'est plus évident pour Gaz
Inter-Cité parce que nous sommes une compagnie répartie à
l'intérieur d'un très grand territoire, mais vous prenez
n'importe quel distributeur de gaz, il y a des secteurs moins rentables que
d'autres, il y a des villes moins rentables que d'autres. Vous avez cela dans
la région de Montréal et vous l'aurez toujours dans la
région de Montréal, vous l'aurez toujours chez tous les
distributeurs. Nous, nous sommes très étendus à
l'intérieur d'un très vaste territoire et nous parlons de la
région de la Mauricie versus la région de Québec, mais,
dans le fond, on met tout cela ensemble une bonne journée et on dit: Nos
industriels nous rapportent tant, nos résidentiels et nos commerciaux
nous rapportent tant et globalement on a une rentabilité qui est
intéressante ou pas.
M. Fortier: Vous parlez d'une marge de manoeuvre dans le domaine
industriel. Enfin, j'imagine que la régie détermine des prix
minimaux. Votre marge est sûrement moins grande que celle
d'Hydro-Québec qui, elle, peut offrir des prix de dumping
présentement. J'imagine que c'est là le problème.
Hydro-Québec a un tarif officiel comme vous en avez un, mais, en plus de
cela, Hydro-Québec a un autre choix, c'est qu'elle peut offrir des prix
de dumping.
M. Barbeau: C'est sûr que nous n'avons pas la
flexibilité des pétroliers et d'Hydro-Québec. C'est plus
facile de changer un tarif d'Hydro-Québec que de changer un tarif de Gaz
Inter-Cité. Aller à la régie pour changer un tarif
représente quand même des audiences qui durent pendant des
semaines et des semaines. À ce moment, je peux vous dire que la
régie n'y va pas à peu près. Si vous me pardonnez
l'expression, on se fait vraiment "déculotter" quand on va là. On
doit fournir toutes les informations imaginables et inimaginables et la
régie veut être certaine que ce que l'entreprise fait, elle le
fait en vue de bien servir les consommateurs du territoire qu'elle a. Je dois
vous dire que la régie c'est la deuxième étape,
l'étape précédente c'est qu'on a un conseil
d'administration chez nous... Quand je mentionnais tout à l'heure
qu'Inter City Gas a 49% et ces gens, tout comme SOQUIP qui est au conseil,
veulent s'assurer que Gaz Inter-Cité agit de façon prudente et
rapporte
les dividendes qui ont été prévus. Nous sommes
quand même à l'intérieur de critères très
rigides et c'est pour cela que je mentionnais que la présence
d'Hydro-Québec peut nous faire baisser; c'est là que cela peut
nous faire mal, parce que cela change nos programmes. Il faut ralentir dans
certains cas, il faut éliminer tel autre projet et nous sommes toujours
un peu entre deux chaises à cause de cela. Nous nous en tirons quand
même pas mal actuellement, mais cela pourrait être mieux
autrement.
M. Fortier: Je dois vous féliciter, malgré les
contraintes que vous avez, d'avoir réussi tant que cela car vous disiez
que, lorsque vous voulez proposer une nouvelle tarification, vous devez aller
devant la régie. Vous parliez de plusieurs mois, je ne sais pas si c'est
quatre, cinq ou six mois, d'après l'expérience.
M. Barbeau: Jusqu'à maintenant, nous avons
été chanceux, cela a été de deux ou trois semaines.
Nous ne sommes pas gros encore, mais tout à l'heure je peux vous dire
que ce sera trois ou quatre mois.
M. Fortier: Mais enfin! À partir du moment où il y
a des auditions...
M. Barbeau: Oui.
M. Fortier: ...les gens se présentent et tout cela. Quand
vous dites deux ou trois semaines, cela me semble... À partir du moment
où il y a des avis dans les journaux...
M. Barbeau: Ah non! C'est plus long que cela.
M. Fortier: ...jusqu'au moment où la décision est
prise...
M. Barbeau: Ah oui!
M. Fortier: ...on parle de plusieurs mois.
M. Barbeau: Vous avez entièrement raison, M. Fortier. Si
on compte le temps de parution des avis publics, le temps que cela prend
ensuite pour entendre la cause et considérant aussi l'intervention de
l'extérieur qui a son mot à dire - nos clients industriels
peuvent venir devant la régie, les groupements de consommateurs peuvent
le faire également - si on compte cela, c'est un processus quand
même plus long que trois semaines.
M. Fortier: Je sais qu'avec HydroQuébec c'est beaucoup
plus rapide. Je vais vous donner un exemple. Vers le 15 juin, on a entendu
Hydro-Québec, lors des discussions au sujet de la loi 4 et
Hydro-Québec nous a dit: Très prochainement, nous allons
présenter au ministre les nouveaux programmes pour le secteur
industriel. On est parti en vacances et, quinze jours plus tard, je
reçois un exemplaire d'Hydro Presse, et c'était
déjà approuvé. Bien entendu, s'ils peuvent prendre quinze
jours, vous pouvez prendre six ou sept mois. On n'est pas du tout dans le
même genre de dynamique, mais là, c'est deux poids, deux mesures.
Pour un ministre qui veut absolument votre succès, je me demande parfois
ce qu'il fait pour vous aider, parce qu'il prend bien des décisions.
On parlait tout à l'heure des programmes de biénergie et
autres et vous avez dit qu'ils n'auraient jamais du exister. Il aurait fallu
dire qu'ils n'auraient jamais dû être approuvés dans votre
langage, parce que c'est le ministre qui les approuve. C'est lui qui les
recommande au Conseil des ministres et cela, il ne l'a pas dit. S'il y avait eu
des auditions... Je sais que, dans votre cas, des associations de consommateurs
industriels se présentent devant la régie pour défendre
leur point de vue. Dans le cas d'Hydro-Québec, cela n'existe pas et,
là, le ministre nous dit: Je suis en faveur du gaz. Or, il prend des
décisions qui semblent vous affecter drôlement. C'est ce genre de
dynamique que j'ai dénoncé dans le passé et cela me semble
un peu farfelu.
En ce qui concerne la pénétration du gaz, je suis heureux
de vos succès. Je regardais ici certains des documents que vous avez
soumis à la régie. Malheureusement, c'est en milliers de
mètres cubes. Quelle est la conversion des milliers de mètres
cubes aux BCF?
M. Barbeau: Vous multipliez par 35 et vous divisez par 18,
selon...
M. Fortier: Divisé par 35 et multiplié par 18?
M. Barbeau: Multipliez par 35 les mètres cubes. Cela vous
donne l'équivalent en pieds cubes. Là, il y a le jeu des
zéros, par exemple.
M. Fortier: Oui. Multiplié par 100 et divisé par 3.
Oui, d'accord. Ici, je vois que vous disiez qu'au mois d'octobre - on est rendu
au mois d'octobre - vous vendriez... Votre objectif était... Mais cela,
c'est pour les clients. Oui, volumes et revenus en millions, à peu
près 10 900 000 mètres cubes. En êtes-vous là dans
le moment? C'est ce que vous dites. C'étaient vos objectifs.
M. Barbeau: Oui, on doit être près de cela.
M. Fortier: Vous êtes près de cela.
C'est durant le mois de janvier. C'était votre mois le plus
important. Oui, c'est 51 500 000 000 mètres cubes. 51 000 000 000,
comment cela fait-il en BCF?
M. Jean: Oui. 51 000 000 000, cela fait environ 2 BCF. 51 000 000
000?
M. Fortier: 51 500 milliers de mètres cubes.
M. Jean: D'accord. Cela fait... Vous avez 28 mètres cubes
par millier de pieds cubes. Cela fait environ 2 BCF, ce que vous dites
là.
M. Fortier: Deux BCF? Deux BCF au mois de janvier?
M. Barbeau: Vous parlez d'un mois donné?
M. Fortier: Oui, c'est pour un mois donné.
M. Barbeau: Ah oui! D'accord. Je parle sur une base annuelle.
M. Fortier: Ah oui; Sur une base annuelle, vous parliez de
juillet. Votre année financière va de juillet à juin?
C'est bien cela?
M. Barbeau: Non, c'est-à-dire que ce n'est pas notre
année financière. La régie nous a demandé de...
M. Fortier: De présenter cela sur cette base.
M. Barbeau: ...présenter cela sur une base
d'année-témoin de juillet à juin.
M. Fortier: C'est un total prévu de 315 823.
M. Barbeau: Oui, une dizaine de BCF. M. Fortier: Une
dizaine de BCF?
M. Barbeau: Oui, c'est cela. C'est pas mal ce qu'on va...
M. Fortier: C'est l'objectif dont vous parliez tout à
l'heure.
M. Barbeau: Oui.
M. Fortier: Si je comprends bien, en dépit des contraintes
qu'Hydro-Québec vous impose, entre autres, dans la région de
Trois-Rivières, vous dites que vous avez atteint vos objectifs.
M. Barbeau: Oui. On a évidemment perdu des plumes quand
même. On n'a pas eu tout ce qu'on voulait.
M. Fortier: C'est-à-dire que vos objectifs étaient
assez sûrs et que vous auriez fait mieux si Hydro-Québec ne
faisait pas cette campagne pour aller chercher des clients industriels.
M. Barbeau: Oui. Il y a des clients qui auraient eu une plus
grande consommation, c'est-à-dire qu'il y a des volumes qui sont perdus
maintenant. Je pense à CIP, qui a signé une partie de sa demande
en électricité. Donc, il nous en reste moins qu'on
prévoyait avoir il y a deux ans, par exemple. C'est dans ce sens que
cela nous affecte. Les volumes sont moins grands, dans certains cas, à
cause de la présence d'Hydro-Québec.
M. Fortier: En ce qui concerne le financement de vos
activités, il avait été question entre les branches que
vous offririez des actions au public. Je voyais un jugement rendu par la
Régie de l'électricité et du gaz, et elle constatait que
les emprunts à court terme contractés par la requérante,
19 675 000 $ représentaient environ 70% des actifs qu'elle
démontre dans son dossier R-4 et que cette situation va à
l'encontre des prescriptions de l'article 43 de la Loi sur la Régie de
l'électricité et du gaz. Moi, quand j'ai lu cela, cela m'a un peu
frappé. J'ai dit: Quel est le problème? Il s'agit d'une compagnie
contrôlée par le gouvernement à 51% qui va à
l'encontre de l'article 43 de la Loi sur la Régie de
l'électricité et du gaz. Quel était le problème
à ce moment-là? Quel est votre problème de financement?
Autrement dit: Qu'est-ce qui fait que vous ne pouvez pas respecter cet article
de la loi en ce qui concerne le financement à court terme ou à
long terme et quelle est votre position dans le moment en ce qui concerne le
financement de la compagnie?
M. Barbeau: On a respecté, par la suite, la demande de la
régie. C'est une question de rapport dette-équité à
ce moment et, depuis, les actionnaires ont mis des montants dans la compagnie,
qui étaient d'ailleurs prévus, au cours de l'année 1983.
Il y a un autre montant qui va être ajouté en décembre et
qui va donner un ratio d'environ 28%, 30% de la part des actionnaires, 70%
dette. L'intention de Gaz Inter-Cité c'est évidemment d'aller
dans le public et, si l'année 1984 se déroule comme c'est
prévu -je ne peux pas évidemment annoncer ces choses ici - on
pense sérieusement à émettre des actions sur le
marché en 1984.
M. Fortier: Votre année financière est comprise
entre quelle période?
M. Barbeau: De janvier à décembre.
M. Fortier: De janvier à décembre. Je dois
admettre, quant à moi, que je suis un peu mal à l'aise. Je pense
que c'est la seule compagnie qui est venue devant la commission parlementaire
qui ne publie pas ses états financiers. Il me semblerait qu'une
société qui bénéficie d'un monopole public dans une
région du Québec devrait publier ses états financiers. Je
dois vous avouer qu'en tant que parlementaire, je me sens un peu mal à
l'aise, en tant que représentant du public, d'avoir à porter un
jugement sur un sujet aussi important, la pénétration du gaz au
Québec, alors qu'on doit aller chercher des informations. Je
m'aperçois que l'information ici, que vous avez publiée à
la demande de la régie, ne correspond pas à votre année
financière; donc, on ne peut pas comparer les deux à proprement
parler. Je dois vous avouer que je n'ai pas la même information que celle
que le ministre peut avoir parce que lui, en tant qu'actionnaire de SOQUIP, a
accès à ce genre d'information et que le public, à mon
avis, devrait l'avoir.
C'est pour cela que j'aimerais vous demander: Est-ce que vous avez
l'intention de changer votre politique là-dessus? Comment se fait-il,
étant donné que vous bénéficiez d'un monopole
public, que vous ne publiiez pas vos états financiers? Cela me semble un
peu absurde, même si vous n'êtes pas une société
publique, dans le sens qu'il y a des actions dans le public.
Bénéficiant d'un monopole public, il me semblerait que vous
devriez publier vos états financiers.
M. Barbeau: Ce sont des choses, M. Fortier, qu'on regarde
présentement. Dans le fond, on n'a pas d'objection à publier les
résultats de l'entreprise. Sauf que je dois vous dire que, pour la
première année, soit l'année 1982, il n'y avait pas
tellement de choses à publier. On venait de commencer. On avait eu nos
premières livraisons de gaz à l'automne, au mois de novembre
1982, en fait, à la fin de novembre 1982 pour la région de
Trois-Rivières. Comme année, cela ne disait pas grand chose
à personne, je pense. Maintenant, je suis bien conscient qu'au fur et
à mesure qu'on progresse et que les revenus de ventes augmentent, que
les dépenses aussi augmentent et qu'il y a toutes sortes de choses qui
se passent dans la compagnie... C'est une situation qu'on examine
présentement et qu'on va certainement corriger pour , les prochaines
années, en tout cas.
M. Fortier: Quand est-ce que vous allez faire votre demande pour
les augmentations de tarifs pour l'an prochain? Est-ce que cela est
déjà devant la régie?
M. Barbeau: Non. On n'en a pas. On va décider au mois de
mars ou au mois d'avril prochain si on doit avoir une augmentation, mais il
n'est pas dit qu'on en aura une.
M. Fortier: Je vois, par le pro forma que vous avez
présenté devant la régie, que vous pensiez avoir des
ventes de gaz de 65 000 000 $ pour un coût du gaz de 50 000 000 $, ce qui
aurait donné un bénéfice aux actionnaires de quelque 5 400
000 $, quasiment 6 000 000 $ pour un rendement de 16,5%. Vous dites que vous
allez atteindre vos objectifs de vente, c'est bien cela que j'ai compris, mais
que votre rentabilité serait beaucoup moindre.
M. Barbeau: Je n'ai jamais dit cela.
M. Fortier: Vous avez dit que cela serait moins.
M. Barbeau: Je n'ai pas dit beaucoup moins.
M. Fortier: N'ayant pas vos états financiers... Encore
là, j'ai les états financiers de Gaz Métropolitain, j'ai
les états financiers de SOQUIP, mais je n'ai pas vos états
financiers. Si vous voulez me les donner, je vais arrêter de faire des
hypothèses et, à ce moment, on va se comprendre. Mais je ne les
ai pas.
M. Barbeau: Non, j'ai dit que cela pourrait être
moindre.
M. Fortier: J'aimerais bien savoir parce que le ministre me dit:
Ne vous inquiétez pas. Mais moi, représentant le public, j'ai
raison de m'inquiéter, compte tenu de la politique du gouvernement qui
semble hybride. À ce moment, c'est la raison pour laquelle on ne
voudrait pas qu'on s'engage dans une orientation pour se retrouver, quand on
sera au pouvoir, avec des problèmes que le ministre aura
créés. (11 h 45)
M. Duhaime: Les compagnies vont être rentables longtemps.
Elles ont du temps devant elles.
M. Barbeau: Je ne veux pas mêler, à savoir...
M. Fortier: Non, je sais que vous n'êtes pas en politique,
vous.
M. Barbeau: ...qui sera au pouvoir. Cela ne me dérange pas
de toute façon, l'un ou l'autre. Je parle en tant que dirigeant de Gaz
Inter-Cité.
Si cela peut vous aider à évaluer un peu mieux
l'entreprise, il ne faut pas oublier... Je l'ai mentionné tout à
l'heure, brièvement. Si vous avez des craintes au niveau du
gouvernement, à savoir s'il peut
laisser aller une compagnie dans une situation qui,
éventuellement, pourrait vous créer des problèmes ou
pourrait créer des problèmes à d'autres, je peux vous dire
que la présence, encore une fois, de la compagnie Inter-City Gas,
à 49%... Quand on dit qu'il y a 20 000 000 $ d'équité dans
la compagnie actuellement, il y en a 9 800 000 $ d'investis par Inter-City Gas
de Winnipeg. Inter-City, avant de mettre des millions de dollars dans la
compagnie, veut s'assurer qu'elle va obtenir un rendement raisonnable, parce
qu'il reste quand même que 9 000 000 $, cela commence à être
de l'argent, et elle va en réinvestir, l'an prochain, probablement
autant. Ces gens s'assurent que Gaz Inter-Cité est une compagnie
rentable qui voit, dans les prochaines années, un rendement satisfaisant
de leurs investissements. Il faut être bien sûr que, de ce
côté-là, lorsqu'on se présente au conseil
d'administration avec des projets pour les prochaines années,
Inter-Cité veut y voir très à fond et SOQUIP
également. Je veux simplement vous dire que les gens qui investissent de
l'argent de leurs poches dans la compagnie sont là pour y voir et
s'assurent aussi que la compagnie va être rentable.
Quand j'ai dit "moins rentable", c'est tout simplement que c'est
rentable peut-être moins vite ou un peu... C'est relatif. Si on a moins
de marge, si les revenus sont moins élevés, on va peut-être
être obligé de ralentir nos investissements. On va regarder ce
qu'il faut faire pour assurer la rentabilité de l'entreprise, parce
qu'avec les chiffres qu'on prévoit présentement, en 1985, on
serait plus que rentable. Le fonds de trop-perçus que la régie a
accepté chez Gaz Inter-Cité et qui permet de mettre dans un fonds
l'excédent de revenus, ce qui est en sus du taux autorisé, en vue
de compenser pour des augmentations futures, cela existe et on
prévoyait, en 1985, investir de l'argent dans ce fonds. Ce qui pourrait
arriver, c'est qu'on en investirait moins ou qu'on sera plus près de la
rentabilité approuvée par la régie. Mais on parle de
petite variante dans le moment. À moins, encore une fois, qu'il n'arrive
quelque chose de dramatique que je ne peux pas prévoir.
M. Fortier: Je prends votre parole en ce qui concerne Inter-City
Gas. Je sais fort bien que c'est une compagnie de l'Ouest qui cherche à
rentabiliser ses investissements. L'inquiétude que quelqu'un pourrait
avoir - il n'en est pas question - sachant l'investissement ou la politique du
gouvernement provincial dans ce domaine, c'est que la société
fasse faillite. Mais on peut penser que, si c'est moins rentable, dans un
avenir prochain, vous vouliez maintenir votre rentabilité. Si votre
clientèle était plus basse que celle que vous aviez visée,
les consommateurs de gaz existants devraient payer plus. À ce
moment-là, on va se retrouver, au Québec, si on ne peut pas
rentabiliser nos investissements, en pensant en termes de fusion
éventuelle de deux compagnies de gaz. Mais même si on ne va pas
dans cette direction, augmenter le prix du gaz vendu à un point qu'on ne
soit plus concurrentiel par rapport à l'Ontario... Quand on parle de
rentabilité, il y a toujours moyen de rentabiliser une compagnie
publique comme celle-là en imposant des tarifs plus
élevés. On a eu des représentations de
sociétés industrielles qui s'inquiètent du prix de
l'électricité. On en a eu d'autres qui nous ont parlé du
prix du gaz.
Une inquiétude qu'on doit avoir a trait au développement
économique du Québec. C'est beau de dire: Oui, c'est bon d'avoir
du gaz au Québec, mais il faudrait bien qu'au prix qu'il sera vendu
à l'avenir, que ce soit au Lac-Saint-Jean, dans la Mauricie, à
Trois-Rivières ou ailleurs, ce soit un prix concurrentiel par rapport
à celui de l'Ontario. Comme vous le savez, si on regarde les
investissements dans le domaine manufacturier en particulier - je ne veux pas
vous amener dans la politique - il y a eu une baisse des investissements dans
ce domaine depuis un certain nombre d'années. Il est sûr qu'on est
en concurrence avec le Nord-Est des États-Unis et avec les autres
provinces canadiennes. Sans entrer dans toutes les raisons qui peuvent
expliquer cela, en ce qui concerne l'énergie en particulier, il est
certain que notre politique énergétique en ce qui concerne le
développement économique non seulement doit viser la
pénétration du gaz, mais doit viser à ce que le prix du
gaz, à l'avenir, soit concurrentiel par rapport à celui de
l'Ontario et à celui du Nord-Est des États-Unis. C'est une
inquiétude que ceux qui s'intéressent au débat peuvent
avoir. C'est la raison pour laquelle vous tentez de me rassurer par vos
paroles, mais je dois vous dire que, présentement, je suis
rassuré parce que vous me dites que vous avez atteint vos objectifs de
marketing. Mais n'ayant pas vos états financiers entre les mains, je ne
peux pas porter un jugement absolu. Mais je m'inquiète quand même
pour l'avenir.
Cela m'amène à poser la question suivante. Quel est le
prix du gaz dans le Nord-Est des États-Unis par rapport à celui
du Québec?
M. Barbeau: Dans le Nord-Est des États-Unis?
M. Fortier: Oui.
M. Barbeau: II est plus cher qu'ici, je ne sais pas de combien.
Mais ces gens paient plus cher que nous actuellement.
M. Fortier: Même en dépit de la
déréglementation...
M. Barbeau: Absolument.
M. Fortier: ...qui existe aux États-Unis?
M. Barbeau: Ah oui; Absolument. Il n'y a pas de doute
là-dessus. Je ne sais pas par quelle marge, mais ils paient plus
cher.
M. Fortier: Dans le Nord-Est des États-Unis?
M. Barbeau: Oui, monsieur.
M. Fortier: Alors, écoutez, je vais simplement exprimer un
voeu. C'est que, si possible, l'Opposition puisse avoir accès à
vos états financiers, ou que le public ait accès à vos
états financiers, ce qui nous permettrait de juger de la situation d'une
façon plus approfondie, d'une façon plus rigoureuse. Mais n'ayant
pas cette information, je dois vous avouer qu'on doit évaluer la
situation avec le peu d'information que nous avons présentement et que
nos inquiétudes, ce sont des inquiétudes d'avenir. Vous nous avez
rassurés pour le présent et je crois qu'on doit vous
féliciter en tant que président de la compagnie des succès
que vous avez eus, en dépit des décisions du ministre qui,
justement, ne vous aident pas dans certaines régions. Mais quand
même, l'inquiétude demeure pour l'avenir et je crois que c'est une
situation qu'on devrait suivre de très près. Je vous
remercie.
M. Barbeau: Je prends note de vos commentaires, M. Fortier.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Barbeau, bien
sûr, vous êtes un dirigeant d'une entreprise reliée au
secteur public et je comprends que, quant au choix des dirigeants politiques,
vous avez sans doute vos idées personnelles là-dessus, mais ce
n'est pas l'endroit pour les étaler. Cependant, vous ne serez pas
surpris que, quant à moi, j'aie des opinions à exprimer à
ce sujet. Je pense que, si on accuse autant de retard dans la
pénétration du gaz au Québec, il y a des causes à
cela. En fait, malgré ce que peut en dire le député
d'Outremont, il a quand même fallu attendre la venue du gouvernement du
Parti québécois en 1976 pour qu'enfin, un gouvernement du
Québec se dote d'une politique énergétique...
M. Duhaime: Ce n'est pas moi qui le dis.
M. Rodrigue: ...et qu'il prenne les "mesures pour que le gaz
pénètre au Québec de façon que, sur le plan de la
concurrence, nos industries soient placées sur un pied plus favorable
qu'elles ne l'étaient auparavant vis-à-vis des entreprises de
l'Ontario en particulier, où le gaz a eu un effet structurant important
pour l'industrie. Ceci étant dit, nous sommes maintenant en 1983 et,
même si d'autres gouvernements antérieurs n'ont pas pris leurs
responsabilités, il nous faut, nous, poursuivre la démarche qui a
été entreprise dès 1976 à l'époque du
ministre Guy Joron et faire en sorte que le gaz pénètre le plus
rapidement possible et dans le plus de régions possible au Québec
pour que, effectivement, les industriels et les résidents
québécois puissent profiter des avantages concurrentiels que cela
offre.
Personnellement, chez moi, à Laval, j'attends le gaz. Je n'ai pas
bifurqué vers le système biénergie, même si je suis
un Hydro-Québécois. Cependant, je voudrais quand même vous
amener à préciser certaines remarques que vous avez faites tout
à l'heure concernant le système biénergie. Il me semble
qu'il y a là un problème quant à la rapidité de la
pénétration du gaz. Bien sûr, Gaz Métropolitain -
j'imagine que c'est votre stratégie également - a comme
stratégie d'approvisionner les gros consommateurs que sont les
industriels et, par la suite, elle va développer ses réseaux de
distribution pour finir par atteindre les consommateurs domestiques. Mais,
d'ici à ce que cela se fasse... Je me suis informé auprès
de Gaz Métropolitain et je suis situé en bordure du parc
industriel de Laval; donc, cela ne devrait pas prendre tellement de temps pour
que le réseau de distribution m'atteigne et pourtant, c'est dans cinq
ans seulement que je vais avoir le gaz chez moi.
M. Duhaime: C'est Gaz Métro, cela.
M. Rodrigue: Gaz Métro. Alors, chez vous, à Gaz
Inter-Cité, j'imagine que vous avez suivi une stratégie
semblable, c'est-à-dire que vous voulez d'abord approvisionner les plus
gros consommateurs, ce qui est de nature à rentabiliser rapidement vos
opérations. Cela tombe sous le sens. Mais, est-ce que le système
biénergie, en ce qui concerne, en tout cas, le secteur domestique, ne
vient pas justement faire le pont entre le moment où les prix du
pétrole grimpent d'une façon très rapide - c'était
le cas au cours des dernières années, mais cela s'est
stabilisé - entre le moment où les prix du pétrole sont
très élevés et où il faut trouver d'autres sources
d'énergie et, finalement, l'arrivée du gaz naturel qui, dans les
secteurs résidentiels, va sûrement prendre beaucoup plus de temps
que dans les zones industrielles? Dans vos territoires, êtes-vous en
mesure de fournir le marché domestique actuellement ou à court
terme? Quels
seraient les délais de pénétration sur ce
marché en ce qui concerne le réseau Gaz Inter-Cité? Il me
semble que c'est un facteur important à évaluer lorsqu'on parle
du système biénergie d'Hydro-Québec.
Les questions sont: Est-ce que vous êtes en mesure de fournir le
marché domestique? Quels seraient vos délais de
pénétration sur ce marché? J'ai d'autres questions, mais
je vais vous laisser répondre au fur et à mesure.
M. Barbeau: Évidemment, on y va par étapes.
Trois-Rivières est un bon exemple, je pense. La première
année de présence de Gaz Inter-Cité, nous avons
installé les conduites dans un tiers de la ville à peu
près. Nous avons averti les gens que pendant cette première
année, nous desservirions tel secteur, la deuxième année,
tel autre secteur et, la troisième année, tel autre secteur, de
façon que, dans une période de trois ans, la presque
totalité de la région de Trois-Rivières, où il y a
beaucoup de consommation de pétrole, soit desservie par le gaz naturel.
Tout cela se faisait en même temps que l'on raccordait les clients
industriels. Louiseville, par exemple, qui est une plus petite ville, a
été desservie à 100% la première année. Nous
avons déjà une saturation de près de 30% sur ces
marchés.
M. Rodrigue: Prenons l'exemple de Louiseville, où vous
êtes rendus dans le secteur domestique. Comment se présente la
concurrence entre le gaz naturel et le système biénergie
d'Hydro-Québec? Est-ce qu'à Louiseville vous avez constaté
que plusieurs utilisateurs du pétrole se sont transformés au
système biénergie ou bien si, au contraire, vous avez pu
pénétrer ce marché d'une façon intensive parce que
vous étiez présents? J'essaie d'évaluer l'importance du
facteur présence immédiate du gaz naturel.
M. Johnson (C.F.): Nous vérifions le marché
continuellement à tous les trois mois avec des relevés. Nous
constatons que la pénétration de ce programme de biénergie
peut aller chercher environ 10% du potentiel disponible à convertir.
M. Rodrigue: Le gaz?
M. Johnson (C.F.): Le solde est disponible pour le gaz naturel.
On peut dire que cela se répartit de cette façon.
M. Rodrigue: Si je comprends bien, le fait d'être
présents avec le gaz naturel, à toutes fins utiles, vous a permis
d'occuper le marché. Ne peut-on pas, à ce moment, expliquer la
popularité du système biénergie dans les autres
régions par le fait que le gaz naturel n'est pas rendu?
M. Johnson (C.F.): Nous parlons ici des territoires dans lesquels
nous sommes. La popularité du programme biénergie peut être
tout autre dans les régions où nous ne serons pas.
M. Rodrigue: Pour ce qui est maintenant du pétrole lourd,
il y a eu la fermeture de raffineries importantes au Québec au cours de
la dernière année. Par contre, il y a eu des investissements par
Petro-Canada et Ultramar pour revaloriser et raffiner davantage les produits
dans leurs raffineries. Le fait que des raffineries soient fermées et
que les autres aient pris des mesures pour raffiner davantage le pétrole
lourd, de quelle façon cela peut-il influencer la concurrence que vous
livrent les huiles lourdes dans le secteur industriel?
M. Jean (Robert): Les raffineries ont gagné beaucoup de
flexibilité avec cela. Elles chercheront à rentabiliser leurs
opérations et vont - produire du mazout lourd lorsque ce sera payant de
le faire, donc, lorsque le mazout lourd sera beaucoup plus près du prix
du pétrole brut. Présentement, avec les politiques qui favorisent
le coût du gaz naturel et sa pénétration, cela ne devrait
pas nous poser de problèmes pour une bonne période de temps. (12
heures)
Par contre, quand on parle de la subvention - je crois qu'il faut
revenir là-dessus - le pétrole qui est importé - c'est
toujours latent, cette question - s'il y a un changement, disons une
très grave récession économique qu'on ne peut pas
prévoir, et qu'il y a toujours des surplus de mazout lourd qui arrivent,
la subvention ferait encore qu'on importerait davantage de mazout lourd. Les
raffineries du Québec, il faudrait toujours qu'elles aient cette
possibilité de diriger les bateaux qui amènent le mazout lourd
vers les Maritimes qui, elles, importent toujours du mazout lourd, même
dans la situation actuelle. Ce n'est peut-être pas un problème,
mais nous l'entrevoyons. Je pense que la clientèle est d'accord avec
cela, c'est-à-dire que le gaz naturel sera concurrentiel au mazout lourd
dans les prochaines années. L'inquiétude au niveau du choix du
combustible de rechange, c'est à savoir si on prend un prix qui est
indexé, mais avec un plafond quand on parle du prix de
l'électricité à l'excédentaire, même si dans
le temps on en viendra à des contrats de débit stable qui sont
beaucoup plus cher, ou si on prend le gaz naturel qui présente des
avantages différents. Alors, au niveau de l'évaluation, c'est un
autre volet, c'est difficile. On doit dire que la flexibilité, les
formules internes développées par Hydro-Québec pour
plafonner ses prix... Même si le prix du mazout lourd monte - quand on
dit qu'elle a des prix de 10% en bas du mazout
lourd, ce n'est pas toujours vrai - il ne monte pas autant. C'est
là qu'on a des problèmes. En ce qui concerne le mazout lourd
même, il n'y a plus de problème, je dirais, pour une bonne
période de temps.
M. Rodrigue: Est-ce qu'il est relativement facile de transformer
les chaudières au mazout lourd pour le chauffage au gaz? Est-ce que les
coûts sont élevés?
M. Jean: C'est beaucoup moins cher qu'à
l'électricité, mais effectivement HydroQuébec donne des
subventions très fortes. Dans le fond, on peut être très
concurrentiel. Le client a l'impression qu'on lui donne une Cadillac, mais elle
fait la même chose. On lui dit: Cela coûte 1 000 000 $ alors que
votre conversion au gaz naturel coûterait 200 000 $. Le gars dit: J'ai un
cadeau de 1 000 000 $, mais, comme l'appareil fait la même chose, il a la
même valeur d'usage. Cela coûte 1 000 000 $ pour faire la
même chose qu'on pourrait faire avec 200 000 $, mais le client aime cela
voir qu'il reçoit 1 000 000 $. C'est un peu de l'argent gaspillé
de cette façon.
M. Rodrigue: Et la transformation des chaudières à
l'électricité en chaudières au gaz, ce serait
évidemment beaucoup plus compliqué, j'imagine, et assez
difficile.
M. Jean: Non, ce sont des chaudières qui sont en
parallèle; elles sont à côté. Ce ne sont pas du tout
les mêmes chaudières.
M. Rodrigue: Alors il n'y a pas moyen de les transformer?
Pour ce qui est des édifices du gouvernement, est-ce que vous
êtes en pourparlers avec le gouvernement là-dessus actuellement?
Est-ce qu'il y a des études qui sont faites pour la transformation des
systèmes des édifices gouvernementaux en systèmes au
gaz?
M. Barbeau: Nous avons eu plusieurs rencontres avec
différents ministères pour établir des politiques
d'ensemble à ce niveau. Mais ce qui en ressort, finalement, c'est que
nous, dans nos marchés, nous nous attaquons directement à chacune
des institutions qui est localisée le long de nos réseaux. Cela
se fait un peu sur une base individuelle, même si j'ai eu des discussions
à un niveau plus général à ce sujet. Par contre, on
peut dire qu'à Québec, par exemple, on a perdu tous les
hôpitaux le printemps passé. Il y a 20 hôpitaux qui se sont
convertis à l'électricité. Dans la région de
Sherbrooke, nous sommes en train de convertir les hôpitaux au gaz
naturel. Dans la région de Trois-Rivières, nous avons perdu les
hôpitaux, mais nous avons les cégeps et l'université. C'est
vraiment au mérite dans chaque secteur.
M. Rodrigue: Finalement, la concurrence joue à plein, je
comprends bien. Ce sont les utilisateurs qui en profitent. Merci, M.
Bourbeau.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Duhaime: J'aurais encore quelques questions, mais comme mon
collègue de gauche, comme vous le savez, est un homme très
tourmenté et très inquiet, j'ai fait un petit calcul
tantôt. Je voudrais y référer parce qu'on a l'habitude de
vérifier tous les calculs que je fais. Dans le Plan de
développement d'Hydro-Québec 1983-1985, Horizon 1992, au tableau
25 de la page 84, on parle du rendement sur l'avoir propre. Vous nous avez dit,
M. Barbeau, que, quant à Gaz Inter-Cité, ce que vous voulez
maintenir, c'est 16,5% à l'actionnaire. De mémoire, je crois que
Gaz Métro, avec les derniers prix autorisés par la régie
et le gouvernement, est à la hauteur de 18%...
M. Barbeau: Je voudrais seulement corriger. Ils sont à
16%, si je ne me trompe pas.
M. Duhaime: Ils sont à 16%. Ah! Je m'excuse.
M. Barbeau: Nous avons eu également 18,5% au début,
mais, avec les changements de taux du coût de l'argent, nous sommes
à 16,5% et Gaz Métro est à 16%, si je ne m'abuse.
M. Duhaime: Alors, il est entendu - et je vois bien venir le
député d'Outremont avec une charge de foin - que je ne suis pas
l'actionnaire d'Hydro-Québec, c'est l'ensemble de la population qui
l'est. Je suis le ministre de tutelle. Cela a l'air un peu curieux de parler de
cela dans ces mots, mais c'est un fait que les Québécois
détiennent 100% du capital-actions d'Hydro-Québec, qui est de
l'ordre de quelques milliards aujourd'hui, je crois que c'est 4 500 000 000 $
ou 5 000 000 000 $, et que, par SOQUIP et la Caisse de dépôt, dans
des structures juridiques différentes, bien sûr, les
Québécois ont le contrôle effectif de Gaz
Inter-Cité.
On serait peut-être enclin à penser que, puisqu'on a 100%
des intérêts dans une et moins dans l'autre, on ne jouera pas
fair-play. Alors, au tableau 25 de la page 84, si on fait la moyenne de 1975
à 1983 - on est au plan de l'équipement d'Hydro-Québec,
l'an dernier - les chiffres pour 1982 étant une estimation à
cette époque et les chiffres pour 1983 également, sur la
période de 1975 à 1983, dans les chiffres que nous fournit
Hydro-Québec, avec les variantes de 14,8% à
22% à 12%, etc., j'ai fait le calcul et j'ai
vérifié mon addition trois fois, cela donne 16,7% de rendement
sur l'avoir propre à Hydro-Québec de 1975 à 1983
inclusivement. Alors, si vous pensez que ce n'est pas fair-play, le point 2, je
vous le laisse, car je sais que, pour les années 1984 et 1985, par
exemple, le rendement sur l'avoir propre à Hydro-Québec va aller
en diminuant pour des raisons comptables assez simples. Il y a des coûts
d'avant-projets qui vont devoir être capitalisés. Il y a
également pour à peu près 7 000 000 000 $, ce que nous
disait M. Coulombe au début de la semaine, qui vont passer de la
comptabilité dite de construction au réseau de distribution
lui-même. Alors, ceci étant dit, on va tenter, tout en restant
bien sûr très inquiets et tourmentés, de maintenir un
équilibre.
Je voudrais simplement dire d'une façon un peu plus
sérieuse - parce que, lorsque l'Opposition me blâme d'être
rapide et efficace, je vous avoue que cela m'amuse un peu - je voudrais revenir
sur les 465 000 000 $. Dans le passé, je n'ai pas le chiffre en
mémoire, mais au kilomètre de longueur construit sur les conduits
latéraux, je dois dire que Gaz Inter-Cité Inc. a fait un travail
absolument formidable en termes d'échéancier et de prix
également parce que, même pour le profane, il est bien
évident qu'ici au Québec, nous avons appliqué à nos
salariés sur la construction des conduites latérales le
décret de la construction du Québec et non pas le Canada
Pipelines Agreement qui donne une différence à la hausse
d'à peu près 30% à 35% sur la masse salariale. Alors, si
la masse salariale est de l'ordre de 70% du total des investissements, en
faisant un calcul rapide, même si on n'a pas à le chiffrer dans
l'immédiat, mais pour les fins de l'argumentation, je me risquerais
à dire que vous construisez pour pas mal moins cher que Trans
Québec et Maritimes qui était la filiale de TransCanada
PipeLines.
Il y a deux ans, ce qui avait été prévu
originairement, le gouvernement fédéral devait faire... Il
appelle cela une subvention, moi j'appelle cela un investissement fiscal.
C'était 37 000 000 $ de prévus. Alors, je vous prends à
témoin, M. Barbeau, que nous avons été obligés,
avec 465 000 000 $, même en appliquant le décret de la
construction, d'abandonner des conduites latérales comme celles qui
iraient vers le côté ouest du Lac-Saint-Jean, par exemple, ou
encore dans la région de Victoriaville. On a ramené les 750 000
000 $ prévus à 500 000 000 $. Ce matin, vous parlez de 465 000
000 $: avez-vous soustrait le montant de 35 000 000 $ qui était
alloué à TQM?
M. Barbeau: La situation est peut-être un peu confuse. Dans
les 500 000 000 $, il y avait 15 000 000 $ qui étaient pour TQM, pour la
construction des petits embranchements de 1982, c'est-à-dire le
raccordement de sa ligne au poste de livraison de Trois-Rivières, par
exemple, et au poste de livraison de Joliette pour Gaz Métro. Il y a un
montant de 15 000 000 $ qui était pour ces embranchements de 1982.
M. Duhaime: Donc, on est à 485 000 000 $.
M. Barbeau: On est rendu à 485 000 000 $. Pour le reste,
il y a 20 000 000 $ pour les coûts d'entretien que le gouvernement
fédéral nous paie pour cinq ans sur chacun des embranchements si
on réussit à les faire en bas du prix estimé ou du
coût de référence établi entre Gaz Inter-Cité
Inc. et le gouvernement fédéral. Effectivement, il reste 465 000
000 $ pour la construction.
M. Duhaime: Bon. Donc, on en a moins aujourd'hui par rapport
à ce qui était prévu dans le passé, en tenant
compte, bien sûr, que vous construisez à bien meilleur coût.
D'après les informations que vous me donnez ce matin, je suis
très rassuré sur l'état des soudures. Il me semblerait que
les Québécois soient capables, une fois entraînés,
de bien souder à des prix raisonnables.
Maintenant, sur la question du prix du gaz, on dit souvent que le
gouvernement fédéral subventionne pour un montant de 465 000 000
$. Je soupçonne qu'il doit y avoir un retour sur l'investissement ou un
retour sur la subvention. Les chiffres que j'ai ici sont les suivants: à
la tête du puits, 3,08 $, 0,39 $ les 1000 pieds cubes à Nova, un
ajustement à l'exportation de 0,64 $ en moins, ce qui fait 2,83 $.
Est-ce qu'on s'entend là-dessus au départ?
M. Barbeau: Oui.
M. Duhaime: Un coût de transport de 1 $ les 1000 pieds
cubes, une taxe fédérale de 0,31 $. ce qui fait que, dans la zone
est, le prix du gaz est de 4,14 $.
M. Barbeau: Combien?
M. Duhaime: 4,14 $. Soit 2,83 $...
M. Barbeau: C'est plus près de 4,10 $, mais disons qu'on
ne s'obstinera pas pour 0,04 $.
M. Duhaime: Bon, on ne s'obstinera pas pour 0,04 $. Si on prend
3,08 $, qui est le prix à la tête du puits, si on ne prête
pas une grande attention à ces 3,08 $, les concitoyens qui ne sont pas
au courant du dossier du matin jusqu'au soir sont enclins à croire que
ces 3,08 $ vont au producteur. Selon les chiffres que j'ai ici, dans ces
3,08 $, il y a un coût d'opération de 0,49 $, une taxe
fédérale de 0,30 $, une redevance à la province de
l'Alberta de 0,50 $, un impôt fédéral sur le revenu de 0,70
$, un impôt provincial - pas ici, il n'y a pas de taxe sur le gaz au
Québec - à la province productrice de 0,22 $, une surtaxe
fédérale pour un an de 0,03 $. Si j'additionne seulement la
partie des taxes qui vont au fédéral, soit 0,31 $ plus 0,30 $
plus 0,70 $ plus 0,03 $, j'obtiens un total de 1,34 $. Est-ce qu'on s'entend
là-dessus?
M. Barbeau: Disons que le total des impôts et des taxes,
c'est cela.
M. Duhaime: Bon, j'additionne cela et le tout me donne 1,34 $ sur
4,14 $ ou 4,10 $. Si on fait un calcul rapide, c'est de l'ordre de 30%. Vous
nous disiez tantôt que l'objectif de Gaz Inter-Cité était
d'aller rejoindre 80 BCF; autrement dit, 80 000 000 000 de pieds cubes. Si,
pour chaque 1000 pieds cubes en dollars d'aujourd'hui, dans la structure
fiscale actuelle, le gouvernement fédéral va chercher autour de
1,30 $ les 1000 pieds, cela donne autour de 100 000 000 $ de revenus par
année. En multipliant 1,34 $ par 80 000 000, cela fait 107 200 000 $. On
va laisser tomber les 7 200 000 $, pour faire 100 000 000 $. Je dois vous dire
que je serais prêt à investir tout de suite demain matin, 465 000
000 $ si, dans trois ans, cela me rapporte 100 000 000 $ par année.
C'est pour cela que je n'appelle pas cela une subvention, j'appelle cela un
investissement fiscal.
Je pense qu'il est important de se le rappeler parce qu'il y a beaucoup
d'intervenants qui sont venus devant cette commission et qui ont dit que le
prix du gaz était trop élevé au Canada, pas seulement au
Québec mais au Canada. De façon assez paradoxale, on disait que
le prix du pétrole au Canada était trop bas. Cela fait une
curieuse de réglementation où, sur un marché
nord-américain dit capitaliste, en libre concurrence de l'offre par
rapport au marché, la réglementation fédérale fait
en sorte que le prix du pétrole qui, normalement, devrait être
à un cours plus élevé est maintenu artificiellement bas.
Tous les experts qui sont venus ici et qu'on a entendus jusqu'à
présent indiquent que la déréglementation ou le
rabattement des taxes fédérales sur le gaz naturel - c'est
évident -amènerait une diminution du prix. Donc, je rejoins ce
que vous avez dit tantôt. Il est évident que, si le prix baisse,
Gaz Inter-Cité, qui a maintenant un objectif de 16,5% de retour à
son actionnaire, pourrait faire davantage bénéficier ses
consommateurs et ses clients potentiels d'un meilleur prix, donc, augmenter son
marché, atteindre ses objectifs de marketing beaucoup plus rapidement.
(12 h 15)
Ce qui m'inquiète dans vos propos de tantôt, M. Barbeau -
pas dans le sens que cela m'empêchera de dormir et que cela me
tourmentera, ce n'est pas cela - c'est que je comprends que vous travaillez de
la façon suivante: au fur et à mesure que vous déroulez
vos tuyaux, que ce soit la conduite latérale ou les réseaux de
distribution dans les municipalités, vous voulez trouver une
rentabilité au fur et à mesure et ensuite vous déplacez
cette rentabilité parce que vous allez chercher votre financement pour
être capable de faire votre expansion. Je pense que je traduis bien le
sens de vos propos en disant: Si on avait pénétré la
Mauricie plus intensément, on aurait pu dégager davantage de
liquidités pour être en mesure de faire des investissements
à Québec, après emprunt. Je comprends cela parfaitement,
mais ce que je voudrais vous demander - je pense que vous êtes un expert
dans ce domaine - c'est ceci: S'il y a une déréglementation au
plan fédéral du prix du gaz, à l'échelle
canadienne, qu'est-ce qui arrive sur votre propre marché? Est-ce que le
prix montera suivant l'offre et la demande ou si la tendance va être
très nettement et de façon éclatante à la baisse?
Je ne parle pas de la fiscalité, je réglerai cela avec mon
collègue, M. Chrétien, quand je le rencontrerai. On va parler
simplement de la question de la structure de prix, indépendamment de la
taxation.
M. Barbeau: D'ailleurs, il y a beaucoup de pressions qui se font
présentement pour que l'Alberta accepte, en collaboration avec le
gouvernement fédéral, j'imagine, de baisser le prix du gaz
naturel pour les ventes au secteur industriel pour accélérer la
pénétration des nouveaux marchés. Je m'attends que, d'ici
quelques mois, il y ait des décisions de prises à ce
sujet-là.
C'est sûr que, lorsqu'on parle de déréglementation
du gaz, je suis personnellement en faveur d'une déréglementation
du prix du gaz naturel pour la période actuelle. C'est bon, une
déréglementation, lorsque l'offre dépasse la demande. Ce
n'est pas nouveau, cela nous permet d'avoir de meilleurs prix, d'avoir des
avantages pour nos consommateurs et d'accélérer l'expansion.
Par contre, s'il y avait une déréglementation, il faudrait
s'assurer qu'il y a des paliers minimal et maximal, de façon que, si la
situation changeait brusquement, on ne soit pas obligé de faire face
à une surenchère et de payer le gaz plus cher qu'on ne le
paierait autrement. Je pense que la déréglementation serait bonne
dans le moment, pour autant que ce soit limité et qu'il y ait des
niveaux bien établis à l'intérieur desquels les prix
devraient se maintenir.
M. Duhaime: J'essaie d'exporter, par le biais des travaux de
notre commission, le modèle fiscal que nous avons retenu pour ce qui est
du gaz. Les gaziers nous ont demandé pendant très longtemps,
pendant au moins deux ans, d'abolir la taxe de vente qui était de 8% ou
de 9%, de façon à vous aider sur le marché. Je tiens
à le dire parce que le député d'Outremont dit souvent que
je travaille contre vous, même si on a de gros intérêts
ensemble dans votre entreprise. On a aboli la taxe de 9%. Si on prend la taxe
sur les revenus aux pétroliers et aux gaziers, la taxe
fédérale, qui est de 0,30 $ les 1000 pieds cubes, cela
représente 11% sur la base des 3,08 $ à la tête du puits.
Si on enlevait cette taxe de 11%, je tiendrais pour acquis que vous allez la
reporter carrément à la baisse dans vos offres à vos
clients. Est-ce que cela n'est pas la meilleure façon
d'accélérer la pénétration?
M. Barbeau: Oui, et c'est ce qui se fait graduellement. Cette
taxe qui est à 0,30 $ maintenant était à 0,70 $ il n'y a
pas tellement longtemps. Le gouvernement fédéral a
accepté, en vertu de l'entente qu'il avait avec l'Alberta, de compenser
les augmentations prévues à la frontière par une
réduction équivalente de la taxe payable sur le gaz naturel et
sur les liquides du gaz naturel. Effectivement, il en a fait une partie; il
reste encore 0,31 $ et j'ai l'impression qu'au 1er février, où il
devrait y avoir une augmentation du prix du gaz, ce qui en reste va sauter; il
n'en restera plus épais après.
M. Duhaime: On s'entend pour dire qu'à 16,5% de retour
à l'actionnaire, c'est un rendement qui est intéressant.
M. Barbeau: Oui, très intéressant.
M. Duhaime: Je vous ai donné la moyenne pour
Hydro-Québec qui est à 16,7% sur une période de huit ou
neuf ans. Si on prend les 465 000 000 $ investis - j'appelle cela un
investissement financier parce que cela rapporte de l'argent - et si on
appliquait sur cette somme le retour à l'actionnaire selon les
mêmes scénarios -parce qu'on est dans le même marché
- à 16.5%, les taxes fédérales baisseraient sur un
méchant temps. Au lieu de rapporter 100 000 000 $ par année, si
on rapporte 16,5% sur l'investissement financier, cela baisserait de beaucoup.
Cela voudrait dire, enlever cette taxe de 11%, probablement enlever la surtaxe
fédérale de 0,03 $, cela ferait 0,33 $ de moins les 1000 pieds
cubes. Il est bien évident que le gouvernement fédéral a
dû se rendre compte que cela n'avait pas d'allure que de maintenir une
taxe à 0,70 $. C'est pourquoi il l'a baissée, j'imagine. Mais
est-ce que la clé n'est pas de ce côté? J'essaie de
convaincre le gouvernement fédéral que cette taxe n'a aucun bon
sens, que le retour sur l'investissement financier est trop
élevé. Si nos chiffres sont bons, ce n'est pas difficile à
compter, 80 BCF à 1,34 $ font 100 000 000 $ par année; mais c'est
dans trois ans qu'on va commencer à payer cela finalement et c'est le
consommateur qui le paiera.
M. Barbeau: Je ne suis certainement pas un expert en
fiscalité gouvernementale. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il
faudrait peut-être ajouter - aux fins de clarifier la situation - au
montant de 465 000 000 $ d'autres montants qui sont quand même
payés par le gouvernement fédéral. On pense au programme
d'expansion des réseaux de distribution où il nous aide à
payer pour certains réseaux. Il faut ajouter à cela les 800 $
qu'il paie par logement pour la conversion des appareils, il paie 800 $
à chaque endroit. Il faudrait aussi ajouter à cela les montants
qu'il paie pour le gaz que l'on prend et pour lequel on ne paie pas
présentement. Cela ne double pas les 465 000 000 $, j'imagine, mais en
tout cas cela change les chiffres. À partir de là, je pense qu'il
peut y avoir de bonnes discussions. En tout cas, une chose avec laquelle je
suis entièrement d'accord, c'est qu'il est certain qu'une
décision devra être prise bientôt au niveau
fédéral-provincial -en parlant de l'Alberta, entre autres - de
façon qu'il y ait un prix incitatif pour aider à
accélérer la pénétration des marchés
industriels dans l'Est du Québec, incluant Montréal.
M. Duhaime: J'ai comme l'impression que vous seriez beaucoup
mieux armé pour rencontrer Hydro-Québec sur votre terrain, si
vous étiez capable de dire à vos consommateurs: Les taxes
fédérales de 0,30 $ et de 0,03 $ viennent de tomber, nous sommes
prêts à vous donner un rabais de 14% ou de 15%. Je pense qu'on
s'entend là-dessus.
M. Barbeau: Oui, c'est sûr.
M. Duhaime: Quant à moi, M. Barbeau et ceux qui vous
accompagnent, il me reste à vous remercier. Je pense que notre
échange nous a permis d'éclaircir bien des aspects et
j'espère qu'on a rassuré le député d'Outremont.
M. Barbeau: Je vous remercie.
M. Fortier: Oui, si on pouvait avoir les états financiers
dès cette semaine, cela nous rassurerait un peu plus. Peut-être le
ministre sera-t-il d'accord pour nous les donner.
M. Barbeau: Je vais en discuter au
prochain...
M. Duhaime: M. le Président, SOQUIP et la Caisse de
dépôt vont consulter leurs coactionnaires, j'imagine; mais cela
fera toujours partie des malheurs de l'Opposition, ce genre de scénario
et, avant de changer de côté sur le parquet de l'Assemblée
nationale, vous avez encore beaucoup de travail à faire, et je vous
souhaite bonne chance.
M. Fortier: On va continuer. Quant à vous, continuez comme
cela, cela va très bien.
Le Président (M. Paré): MM. Barbeau, Johnson et
Jean, nous vous remercions de votre présentation.
J'inviterais maintenant les représentants de Gulf Canada
Ltée à prendre place à l'avant.
Bonjour, bienvenue à la commission. J'inviterais maintenant le
porte-parole à se présenter et à nous présenter les
personnes qui l'accompagnent.
Gulf Canada Ltée
M. Blais (Louis): M. le Président, MM. les membres de la
commission parlementaire, je m'appelle Louis Blais et j'occupe le poste de
directeur du service des affaires gouvernementales de la compagnie Gulf Canada.
Pour l'occasion, je suis accompagné de M. Larry Murphy,
économiste en chef et directeur du service de planification et des
politiques générales de Gulf Canada, ainsi que de M. Roger
Codère, directeur du service de coordination de la commercialisation des
produits de Gulf Canada.
Nous apprécions sincèrement le fait de pouvoir nous
exprimer aujourd'hui devant la commission pour faire suite à notre
mémoire de mars dernier.
Gulf Canada est présente au Québec depuis 1909 alors que,
sous la raison sociale de British American Oil, elle faisait l'acquisition
d'une agence de vente industrielle de mazout et de graisse à essieu
directement du wagon-citerne aux magasins et à d'autres clients à
partir de son entrepôt d'Outremont. En 1931, Gulf fut l'une des
premières compagnies pétrolières importantes à
construire une raffinerie à Montréal-Est. Cette orientation a
permis à la région de Montréal de devenir le principal
centre de raffinage pétrolier au Canada et l'un des principaux centres
de traitement pétrolier en Amérique du Nord. La compagnie des
produits Gulf Canada Ltée, une division de Gulf Canada, chargée
de la commercialisation et du raffinage, assure actuellement la distribution
d'une gamme complète de produits pétroliers et d'accessoires
à notre clientèle québécoise, ceci par
l'intermédiaire de notre réseau de distribution comprenant
approximativement 600 établissements qui regroupent les
détaillants, les distributeurs, les agents, les terminaux, les
dépôts de stockage en vrac, etc. Le nombre total d'employés
travaillant présentement pour Gulf au Québec est d'environ 1200,
ce qui constitue, avec les employés de nos 600 établissements et
leurs familles, un apport important à l'économie de la
province.
Il y a environ six mois que notre mémoire a été
soumis à la commission. Bien que certains des chiffres figurant dans les
tableaux puissent avoir légèrement changé, nous ne
considérons pas qu'il soit nécessaire de modifier nos
prévisions ou nos conclusions puisque toute variation est relativement
mineure et n'a aucune incidence à long terme.
Aujourd'hui, je n'ai certainement pas l'intention de lire notre
mémoire, mais je vais cependant chercher à en faire ressortir les
principaux points et plus particulièrement les conclusions quant
à leur effet sur l'avenir du développement économique du
Québec.
Fondamentalement, comme vous l'aurez constaté, notre étude
démontre que l'industrie pétrolière continuera de jouer un
rôle important dans le bilan énergétique de la province
jusqu'à l'an 2000, quoique à un rythme réduit, en raison
du remplacement des produits pétroliers par d'autres ressources
énergétiques. Actuellement, le pétrole répond
à 42% de la demande énergétique totale du Québec.
D'ici à l'an 2000, on prévoit qu'il ne comblera que 25% des
besoins. Ceci constitue, sans aucun doute, une diminution importante au
Québec, soit 17%, si on établit une comparaison avec le Canada
qui ne subira qu'une baisse de 9% à l'échelle nationale. Selon
nous, la demande en produits raffinés au Québec diminuera en
moyenne de 3% par année au cours des années quatre-vingt en
raison du programme de conversion du gouvernement fédéral, des
habitudes de conservation, des conditions économiques et des prix plus
élevés. La demande en produits pétroliers a baissé
plus rapidement au Québec que dans les autres parties du Canada et cette
situation se poursuivra en raison de la disponibilité croissante des
ressources énergétiques de substitution, telles que le gaz
naturel et l'énergie électrique, ainsi qu'en raison des efforts
déployés par les gouvernements fédéral et
provincial favorisant l'utilisation accrue de ces ressources. La demande en
produits raffinés a diminué de 25% entre 1975 et 1982 et baissera
encore de 12% d'ici à 1990, avant de se stabiliser pour la
dernière décennie du siècle. La diminution de la demande
sera particulièrement manifeste dans le cas des produits plus facilement
substituables comme le mazout lourd et le mazout domestique. (12 h 30)
Ces changements importants de la demande ont entraîné une
série d'annonces
de fermetures et de baisses de production à la raffinerie. Ce
phénomène n'est pas unique au Québec ou au Canada.
D'après les données recueillies, plus de 80 raffineries ont
cessé leurs activités dans le monde occidental en 1982, dont 47
aux États-Unis. Les mesures prises par l'industrie pour résoudre
le problème de la sous-utilisation de ses capacités de production
répondent à deux critères bien précis, soit
l'utilisation rentable des raffineries et les prévisions quant au niveau
d'utilisation future de la production. Cette situation est toutefois conforme
aux prévisions telles qu'énoncées dans votre document de
travail.
Les perspectives d'avenir telles que nous les concevons suggèrent
que la quantité de brut que nous aurons à raffiner se compare
à la capacité d'utilisation des raffineries au Québec. Il
pourrait cependant exister certains déséquilibres quant aux
produits. Ces déséquilibres continueraient d'être
traités de la même façon que par le passé,
c'est-à-dire par des transferts, des échanges et des importations
de produits entre régions, ce qui permettrait aux compagnies de retenir
l'option la plus économique et par le fait même d'avantager les
consommateurs de la province de Québec. De façon
générale, les perspectives dans l'industrie du pétrole au
Québec se veulent axées sur la rationalisation et la
consolidation en réaction à des rajustements continus des
tendances de consommation d'énergie, ce qui sous-entend un apport
réduit du pétrole.
En conséquence, nous devrions entrevoir une industrie de taille
réduite plus efficace et répondant mieux aux besoins des
années quatre-vingt-dix. Ces rajustements nous font réaliser
facilement que le secteur pétrolier n'apportera vraisemblablement aucune
contribution significative aux augmentations de production à
l'échelon provincial, malgré le fait que le rôle qu'il doit
jouer est sans aucun doute essentiel. Nous pouvons vous assurer que la
capacité de raffinage excédentaire dans l'Est du pays et au
Québec, en particulier, a causé de vives inquiétudes chez
Gulf. Gulf, au lieu de fermer une de ses raffineries dans l'Est du Canada, a
décidé de réduire sa capacité de raffinage tant
à la raffinerie de Montréal qu'à celle de Clarkson,
près de Toronto, d'une quantité combinée de 34 000 barils
par jour et a décidé, en même temps, de fermer sa
raffinerie de Kamloops, en Colombie britannique, ayant une capacité de
9500 barils par jour.
Gulf avait déjà, en 1980, fermé sa raffinerie de
Point Tupper en Nouvelle-Écosse qui avait une capacité d'environ
80 000 barils par jour. Depuis le communiqué que nous avons émis
en novembre dernier, des rumeurs, des allusions circulent périodiquement
à savoir que notre raffinerie serait la quatrième à fermer
ses portes à Montréal-Est. Chaque fois, ces rumeurs ont
été niées de façon catégorique par les
dirigeants de la compagnie. Nous avons le plaisir de vous informer ici
aujourd'hui que notre décision de poursuivre les activités
à la raffinerie de Montréal-Est tient toujours et que la
compagnie Gulf Canada est présentement à discuter de projets de
dépenses en immobilisations pour Montréal-Est. Les études
entreprises concernent le rayon d'action et la capacité de notre
reformeur actuel. En résumé, nous croyons qu'il est
évident que le Québec, qui a déjà plus que toute
autre province compté sur le pétrole en tant que source
d'énergie principale, se dirige vers une situation qui s'apparente
à celle des autres régions du Canada. Cette tendance explique en
grande partie pourquoi l'impact du changement se fait ressentir de façon
plus marquée au Québec.
D'autres différences que nous ne pouvons passer sous silence sont
les taxes provinciales sur les routes au Québec et les taxes
spéciales imputées aux raffineurs qui ont une incidence sur le
prix que paie le consommateur, ce qui l'incite à économiser
encore davantage l'énergie.
Passons maintenant à quelques remarques concernant les produits
pétrochimiques. L'année 1982 a été une des
années les plus sombres de l'histoire de l'industrie
pétrochimique et l'avenir semble plus encourageant. Les perspectives
d'avenir en ce qui a trait à l'éthylène ont changé
de façon marquée et la demande de ses dérivés a
considérablement décliné. En raison de la faible demande,
il ne fait aucun doute qu'une rationalisation de l'industrie semble
inévitable en fonction de l'efficacité et des coûts des
charges d'alimentation.
La production d'éthylène, le principal produit de la
pétrochimie au Québec, se fait à partir de fractions de
pétrole brut, de naphta et de gazole comme charges d'alimentation. En
raison des taxes fédérales et du mécanisme
d'établissement des prix prévu dans la politique
énergétique nationale, l'industrie a dû faire face à
des augmentations de l'ordre de 85% des coûts des charges d'alimentation
au cours des deux dernières années et demie. Il en résulte
que l'avantage dont jouissait l'industrie canadienne au chapitre des charges
d'alimentation s'est vite estompé dans un contexte où les prix et
la demande des produits pétrochimiques étaient à la
baisse.
Les prévisions en matière de prix indiquent que le
coût des charges d'alimentation atteindra entre 90% et 95% des prix en
vigueur à l'échelle mondiale en 1990. Il est peu probable que
l'industrie soit en mesure de conserver sa part du marché sans une forme
quelconque de subsides permanents.
Nous espérons que cette version condensée qui se veut
aussi une interprétation du document que nous avons soumis vous sera
utile. Maintenant, M. le Président, nous sommes disposés à
répondre aux questions.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M. Blais.
Vous avez maintenant la parole, M. le ministre.
M. Duhaime: M. Blais, je dois vous remercier pour l'effort de
condensation que vous avez fait ce matin en résumant votre
mémoire. Je dois dire que c'est un des excellents mémoires que
nous avons reçus parmi les quelque 70 ou 72. Votre présence ici
ce matin était attendue. Vous nous apportez d'heureuses nouvelles en
nous confirmant la très ferme intention de Gulf Canada de maintenir sa
raffinerie de Montréal en activité. Il y en a qui vous ont
précédés à cette table, puisque j'ai un texte
publié dans Energy ANALECTS, du 30 septembre 1983: "Energy strategies
collide in Québec." Si vous me le permettez, je vais vous lire quatre
lignes.
On dit que "Gulf Canada will appear before the standing committee on
October 7. At that meeting - c'est aujourd'hui - Gulf is expected to reiterate
the firmness of its intent to continue refining at Montreal with its recently
reduced capacity of 9 500 cubic meters per day. It is also expected to confirm
this by announcing a new reformer project at Montreal, to increase alkylate -
je ne sais pas si j'ai la bonne prononciation -and aromatic yields, though it
will probably be only about one-third the size of the original 83 000 000
reformer project announced, then postponed, in 1981."
Quand vous nous avez dit, tout à l'heure, que ce projet
d'unité de reformage est en discussion, j'imagine, au niveau du conseil
d'administration, quelles sont les chances ou quelles sont les "odds" pour que
Gulf Canada aille de l'avant avec la mise en chantier de cette unité de
reformage à Montréal?
M. Blais (Louis): Je crois que les chances sont certainement
excellentes, M. le ministre, sinon on ne l'aurait pas annoncé ici ce
matin. D'ailleurs, on avait l'espérance que ce qu'on appelle un AFE,
"authority for expenditure", aurait été présenté au
conseil d'administration, que nous aurions eu l'approbation et que nous aurions
pu annoncer non seulement le fait, mais aussi le montant. C'est quelque chose
qu'on ne voudrait certainement pas déclarer ici ce matin, mais je crois
que les chances sont excellentes pour qu'on procède à
l'installation ou à la revalorisation de ce reformage.
M. Duhaime: Ma question est la suivante. Est-ce que cette
décision à venir... Espérons qu'elle sera bonne; cela me
fait toujours plaisir d'entendre qu'au Québec le secteur
pétrolier se modernise. Est-ce que cette décision est liée
en quelque sorte à Pétromont? Ou si ce sont deux décisions
qui sont complètement indépendantes l'une de l'autre?
M. Blais (Louis): Non, la décision de continuer au
Québec n'était pas influencée du tout par... Certainement,
pas particulièrement à cause de Pétromont. D'ailleurs,
Pétromont est en train de s'alimenter ailleurs que chez Gulf, à
ce moment-ci. Alors, l'impact sur Gulf est négligeable. Donc,
Pétromont n'a pas influencé le fait que Gulf a
décidé de rester, ou de garder ouverte sa raffinerie à
Montréal-Est.
M. Duhaime: Probablement parce que... Je me fie un peu à
ce qu'on nous dit là-dessus. Vous nous dites que Pétromont
s'alimente sur un marché autre. Donc, l'unité de reformage
à Montréal que Gulf envisage n'a strictement rien à voir
avec les problèmes de Pétromont sur le prix de ses "feed-stock",
par exemple, et son avenir comme tel. Ce sont deux décisions qui sont
complètement distantes et l'avenir d'un projet n'influence pas l'autre,
si je vous comprends bien.
M. Blais (Louis): C'est cela, exactement.
M. Duhaime: Maintenant, avec la capacité de raffinage qui
se réduit... Vous l'avez donnée en 1000 barils, moi je l'ai en
mètres cubes: je crois que c'est 9500...
M. Blais (Louis): Vous vous référez à quoi,
M. le ministre?
M. Duhaime: Je parle de la capacité de raffinage. Je l'ai
ici. Vous aviez 11 400 mètres cubes; c'est ramené à 9500
mètres cubes, qui est la capacité de votre usine de
Montréal. Vous avez mentionné tantôt... En barils, cela
donne quoi, la réduction?
M. Blais (Louis): On avait réduit de 74 000 barils
à 60 000 barils par jour.
M. Duhaime: Oui, il y a peut-être une erreur...
M. Blais (Louis): 60 000 barils par jour, c'est à peu
près 9500 mètres cubes par jour.
M. Duhaime: Ah bon. Moi, j'avais les chiffres du début de
1982. On a le même ordre de grandeur de chiffres. Au début de
1982, la capacité de raffinage de Gulf Canada, Montréal-Est,
était de 66 000 barils
et, à la fin de 1983, de 54 500. Est-ce que c'est à peu
près dans le même ordre?
M. Blais (Louis): Je ne sais pas où vous avez pris ces
chiffres-là.
M. Duhaime: Ce sont des chiffres que le ministère retrouve
à gauche et à droite. Mais, je pense que, quand on parle du
début de 1982, on n'est pas sur la capacité de raffinage totale;
c'était la capacité utilisée en 1982, je crois.
M. Blais (Louis): Cela se peut.
M. Duhaime: Oui. Mais, en barils, à l'heure actuelle, la
capacité de la raffinerie de Montréal-Est, chez vous, c'est
combien? Vous traitez combien de barils par jour?
M. Blais (Louis): C'est 60 000 barils par jour.
M. Duhaime: C'est 60 000 barils par jour? Bon.
M. Blais (Louis): C'est 9500 mètres cubes.
M. Duhaime: Et, ce que vous nous dites ce matin, c'est que cette
capacité de raffinage à 60 000 barils par jour va être
maintenue. Je pense que personne ne va prendre un engagement pour les trente
prochaines années, mais...
M. Blais (Louis): J'espère que non...
M. Duhaime: ...aussi loin qu'on puisse voir en fonction du
marché, vous nous dites que c'est 60 000 barils par jour et qu'une
décision est à venir sur l'unité de reformage. Maintenant,
concernant la part de marché de Gulf Canada au Québec, quelle est
la relation entre vos ventes en produits raffinés au Québec et la
capacité de raffinage? J'imagine que vous vendez au Québec tout
ce que vous produisez...
M. Blais (Louis): II y a une différence entre les deux,
oui.
M. Duhaime: ...mais est-ce que cela se marie ou si Gulf a des
ententes de façonnage avec d'autres raffineries? Comment cela
fonctionne-t-il, sans nous dévoiler, bien sûr, les secrets de
votre entreprise sur vos contrats de façonnage? Mais y a-t-il un
équilibre entre la capacité de raffinage à votre
raffinerie de Montréal-Est et vos ventes en produits raffinés au
Québec? (12 h 45)
M. Blais (Louis): Sans dévoiler de chiffres, parce que
c'est prioritaire, on peut dire qu'on est à peu près en
équilibre, en ce moment, entre la capacité de raffinage et nos
ventes dans la province de Québec.
M. Duhaime: II me reste à vous remercier bien
chaleureusement, M. Blais, en espérant que votre conseil
d'administration acceptera ce qu'on appelle un CT, c'est-à-dire une
autorisation à investir. Nous, c'est le Conseil du trésor qui
joue ce rôle. Nous espérons que votre entreprise pourra
connaître à Montréal une injection de capitaux frais pour
se moderniser et se maintenir sur le marché des produits raffinés
au Québec.
Nous vous remercions.
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, pour revenir à l'offre
et à la demande au Québec, vous avez fait une analyse globale
pour le Canada et pour le Québec dans votre document. Je ne sais pas si
on a porté à votre attention certains chiffres que SOQUIP a mis
de l'avant ici, lorsque ses représentants sont venus en commission
parlementaire. Ces chiffres étaient que, dans un avenir prochain,
à partir de 1984, il y aurait un déficit entre l'offre et la
demande, si l'on prend le Québec isolément. Autrement dit, la
demande serait plus grande que l'offre. Les chiffres démontraient que
c'était de l'ordre de 44 000 barils par jour, je crois, et ceci allait
en diminuant jusqu'en 1990. Ils concluaient que, dès l'an prochain, nous
serions un importateur net de pétrole raffiné.
Je ne sais pas si SOQUIP avait fait l'hypothèse que votre
raffinerie serait fermée; je ne me souviens pas exactement de ce qu'elle
avait dit, mais elle avait fait allusion à la possibilité qu'il y
ait une raffinerie de fermée. Avez-vous regardé ces chiffres?
Avec les fermetures qui ont été annoncées - on parle
d'Esso qui a fermé temporairement ou, du moins, qui pourrait repartir
ses installations s'il y avait une reprise, quoique la reprise soit
peut-être un peu aléatoire - et avec les autres fermetures qui se
sont faites, si Gulf maintient ses opérations, est-ce que la
consommation du Québec, en général, ira à peu
près de pair avec la production totale de produits raffinés au
Québec? Autrement dit, est-ce qu'on a un marché
équilibré au Québec, si Gulf maintient ses
opérations?
M. Blais (Louis): M. le député, on n'a pas
étudié la présentation d'Hydro-Québec en profondeur
ou les commentaires de SOQUIP. Au premier coup d'oeil, on s'est aperçu
que SOQUIP était pas mal plus optimiste au point de vue de la demande
que nous ne le sommes. Voilà déjà une erreur qui pourra se
produire sur ce sujet.
Si je pouvais vous référer à la page 53
de notre mémoire qui donne un peu la situation de
l'équilibre, c'est-à-dire la capacité des raffineries du
Québec et les charges utiles en brut et le pourcentage d'utilisation.
D'ailleurs, en 1982, on s'aperçoit - nous avons les graphiques au bas de
la page - que le pourcentage d'utilisation était de 69%. Nous disons
qu'en 1985, on serait en équilibre très serré. Est-ce que
c'est approcher la chose de trop près? Je devrais vous indiquer que,
dans les quantités qui sont là, on inclut une certaine
quantité de mazout lourd qui était exporté. Disons que, si
on enlevait cette partie exportée complètement en 1985, nous
aurions une utilisation d'à peu près 93% ou 94%. D'ailleurs,
depuis que nous avons soumis notre document, on a reçu les chiffres
actuels pour 1982 et là, on s'est aperçu que, même à
ce moment, les prévisions que nous avions faites pour 1982
étaient un peu optimistes, soit d'à peu près 2% ou 3%.
L'année 1982 a été notre base de départ pour faire
nos prévisions. Si on part sur une base un peu plus basse et si on
continue au même rythme, on pourrait dire que cela enlèverait
encore environ 2% ou 3% dans la prévision d'utilisation, ce qui nous
amènerait à environ 94%. C'est proche, mais cela fait une marge.
Nous croyons qu'il n'y aurait pas de problème. Maintenant, je crois que
la différence avec SOQUIP vient du fait qu'elle était beaucoup
plus optimiste dans sa demande. Maintenant qu'on a vu les données pour
1982, on s'aperçoit que nous étions un peu optimistes quand
même, même si on était beaucoup plus bas qu'elle. Je crois
qu'il ne devrait pas y avoir de problème.
M. Fortier: Autrement dit, vous maintenez à peu
près les chiffres de la page 53 qui indiquent un équilibre aux
environs de 1985 et une sous-utilisation pour les années
subséquentes, jusqu'en l'an 2000.
M. Blais (Louis): D'ailleurs, il faut remarquer que c'est le
consommateur québécois...
M. Fortier: ...qui détermine...
M. Blais (Louis): ...qui va en bénéficier
effectivement parce qu'il y a des échelles d'économie dans la
capacité d'utilisation. Plus on augmente la capacité
d'utilisation, plus on vend à meilleur prix notre produit.
M. Fortier: Les gens qui se sont présentés avant
vous, ceux d'Inter-Cité, ont abordé la question du mazout lourd
qui touche plutôt les Maritimes. J'imagine que cela doit toucher aussi
certains endroits en Gaspésie ou sur la Côte-Nord; autrement dit,
des points isolés où on peut facilement importer du mazout lourd
par bateau, j'imagine. Ils faisaient certains commentaires sur l'effet
néfaste, sur la pénétration du gaz, de l'importation du
mazout lourd. Compte tenu de la position des raffineries montréalaises
et de la vôtre, en particulier, j'imagine que vous avez surtout des
surplus de mazout lourd. Autrement dit, est-ce que votre firme est importatrice
de mazout lourd ou est-ce qu'elle peut le faire dans certains endroits, pour
des raisons économiques?
M. Blais (Louis): Certainement. On peut faire des échanges
au point de vue du mazout lourd. Mais disons que la question du mazout lourd a
beaucoup attiré l'attention au point de vue de la
pénétration du gaz naturel. D'ailleurs, j'ai beaucoup de
difficulté à être sympathique à la
pénétration du gaz naturel quand le prix est déjà
à 65% du prix de la matière brute du pétrole et, ensuite,
le réseau de distribution est subventionné jusqu'à un
certain point aussi, en prenant toujours en considération les remarques
du ministre.
Mais je crois que le problème du mazout lourd est plutôt
réglé. Je pourrais peut-être encore me
référer à notre page 50, je crois. Le tableau qui est
là décrit un peu le bilan de l'offre et de la demande du mazout
lourd au Québec. Maintenant, disons que, quand toutes les raffineries
étaient en production, il y avait des productions excédentaires
de mazout lourd. Premièrement, il y a plusieurs raffineries qui vont
fermer, il y en a déjà deux et une troisième fermera
prochainement. Il y en a d'autres qui sont en bonne voie d'amélioration
au point de vue de l'équipement, soit Ultramar avec un système de
craquage qui s'installe, à Petro-Canada aussi où on fait
installer le système Canmet pour réduire la quantité de
bunker qui sera disponible. En vertu de cela, je croirais... Nous avions
même remarqué qu'il y aurait peut-être une pénurie
à partir de 1992. Ceci revient plutôt à la question des
apports de brut, les "CRUDE SLATE LIGHTENING", il y a une tendance
récemment d'aller vers le brut plus léger.
La raison particulière, c'est qu'en 1992, nous attendons l'huile
de l'Hybernia qui est un pétrole assez léger. Disons que cela
pourrait influencer les apports de brut des raffineries. Même s'il y
avait une pénurie, ce serait aussi dans le désir du gouvernement.
Cela peut se régler très facilement parce qu'on pourra
peut-être même changer les apports de brut. Dans l'Ouest du pays,
il y a des améliorations qui sont apportées à Syncrude
pour augmenter la production. Il y a eu deux annonces de Cold Lake encore hier.
Maintenant, ce produit est déjà revalorisé. C'est un
produit qui est très léger. Il n'y a pas de résidu dans
ces bruts; ils vont venir vers l'Est aussi. C'est une autre chose qui va rendre
les apports de brut plus léger. On pourrait améliorer la
situation
s'il y avait des pénuries par l'importation du mazout lourd ou en
ajoutant du brut plus lourd dans les apports.
M. Fortier: Ce que vous dites, au fond, c'est que c'est assez
difficile de décider par décret dans une situation comme
celle-là. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles il peut y
avoir du mazout lourd. Quand vous faites votre craquage, vous produisez une
certaine quantité de mazout lourd selon la qualité du
pétrole que vous traitez...
M. Blais (Louis): Oui, certainement.
M. Fortier: II s'agit d'un sous-produit avec lequel on doit
vivre, où on peut avoir des surplus et des pénuries et qui a une
certaine utilisation chez certains industriels par ailleurs.
M. Blais (Louis): II y a une chose dont on est absolument
sûr aujourd'hui, c'est que la quantité de "bunker" ou mazout lourd
baissera à cause de la fermeture des raffineries et de
l'amélioration apportée à quelques raffineries dans la
province de Québec.
M. Fortier: J'aimerais vous amener, parce que je sais que vous en
parlez dans votre mémoire, sur la position internationale,
l'évolution des prix et de la demande, etc. Je crois que vous dites
à un endroit - je ne me souviens pas de la page exacte - que les prix
seront appelés à varier beaucoup. Des experts sont venus nous
dire ici qu'on devrait, malgré des moments peut-être où il
y aurait des variations de prix assez prononcées, croire que les prix ne
varieront pas tellement et qu'en termes d'approvisionnement, durant les dix ou
quinze prochaines années, il ne devrait pas y avoir de problème
d'approvisionnement pour le Québec, même s'il fallait importer la
totalité du pétrole dont nous aurons besoin au Québec.
Quelle est la position de votre compagnie face à un approvisionnement
international? Dans l'optique que l'Ouest canadien ne serait plus capable de
nous approvisionner, donc qu'il faudrait s'approvisionner sur les
marchés mondiaux, les membres de la commission doivent-ils
s'inquiéter de cette situation ou croyez-vous que, comme d'autres
experts, durant les dix ou quinze prochaines années, du moins durant les
dix prochaines années, la situation sera plutôt stable? Quel est
le point de vue de votre société là-dessus?
M. Blais (Louis): D'après les prévisions que l'on
fait, nous croyons certainement que les prix resteront stables d'ici la fin des
années quatre-vingt. À ce moment-là, il y aurait une
légère augmentation dans les prix à mesure que la demande
s'accroîtra. Nous croyons que la demande s'accroîtra très
lentement. Cette augmentation proviendra aussi un peu du tiers monde, voyant
qu'il y a encore beaucoup de conservation; la conservation est assez
implantée à ce moment-ci. Mais les pays en croissance du tiers
monde vont encore utiliser du pétrole. C'est probablement de là
que viendraient les augmentations dans la demande. De plus, cette demande sera
comblée assez souvent par l'entremise de l'OPEP qui contrôle
encore une grande quantité de pétrole.
À l'intérieur de l'OPEP, il y des pays que nous appelons
des importateurs de biens et services. D'ailleurs, ils sont forcés de
produire afin de couvrir leurs dépenses effectivement, tandis qu'il y en
a d'autres qui y sont moins poussés, comme l'Arabie Saoudite. Les
réserves de capitaux sont telles qu'ils ne sont pas réellement
forcés de produire, mais ils sont capables d'absorber la baisse de la
demande, ce qu'ils ont fait récemment.
M. Fortier: Si M. Murphy veut intervenir en anglais, il est libre
de le faire. (13 heures)
M. Blais (Louis): Ce que je voulais expliquer effectivement,
c'est qu'il y a certains pays qui sont forcés de produire.
Jusqu'à ce qu'ils reviennent à 75% de leur capacité de
production, les pays comme l'Arabie Saoudite devront enfin recommencer à
produire eux-mêmes. Peut-être que M. Murphy pourra vous expliquer
un peu les prix, car c'est un expert en ce domaine.
M. Murphy (L.J.): In our latest forecast for international
prices, as Mr. Blais has mentioned, we use as a basis an analysis of the
internal, operations of OPEC and specifically the position of the high
"absorber" as opposed to the... And, in our opinion, the stability of the
international prices will come out of the realization by the Saudi, that in
fact their revenues would be adversely affected by price changes and positively
affected by volume changes over the next couple of years, so that, the Saudi
will use their position as being the swing producer to stabilize prices as you
get into the second half of the 1980's and you get the capacity utilization of
the high "absorber" countries up to a position where it satisfies their
economic development needs. And the capacity utilization rate for the Saudi as
well will have increased by then. Then you have the circumstances under which
you can envisage increases in prices in normal and real terms.
So, according to our latest forecast, we have the international price
stable until 1985, maybe a dollar increase, that is about it, then, after 1985
to 1990, an average annual increase to 1990 of 3,5%, moderating in the 1990's.
Now you could very well have
some more instability then. And in fact that has been the history that
you get a sudden increase in prices and that is followed by a decline in real
prices for some period of time, and another increase in prices and so on. We do
not try to anticipate that sort of cycle, we simply average that over the
second half of the 1980's.
Now, in comparison with the price forecast that we used for these
projections, we have lowered our more recent price forecast; not so much in the
early years but rather after 1985 our expectation was essentially the same at
that time for the short term. But the expectation now is that the rate of
increase in our prices in the longer term would be more moderate than we have
built into the forecast.
M. Fortier: In making this forecast, I presume you are making one
very basic assumption. For example, Saudi Arabia, I was to say corporately,
would remain with the same government and there would be no war there. In other
words, you are making one basic assumption that there will be no changes from a
political point of view in Saudi Arabia.
M. Murphy: It is absolutely right. Any major political change
would be in the direction of instability and higher prices, I would think.
M. Fortier: In the event the worst would happen in Saudi Arabia,
for example, it means that it is going to be chaotic for a while regarding
supplies and regarding prices. What impact would this have on Québec? We
are not a big consumer in the total world, we are not Japan, we are not the
United States. We import; although it may be significant, we are just a small
little parcel of the total thing. Should we be preoccupied with this
possibility? In other words, should we... You do not make any recommandation in
your submission.
One question I would have finally: Should we plan for the worst, should
we modify, or should we continue with the basic policy we have now, which is to
try to eliminate the use of oil as much as we can and facilitate the
penetration of gas? In other words, shoud we carry on with the basic policy in
case the worst would happen like in 1973? What is your recommandation?
M. Murphy: I would think that there should be an element of
energy policy and, in fact, there should be an element of national energy
policy as well. It seems as though, under the circumstances of the current
international oil market, there is not much concern in Canada about self
sufficiency at all. The concern now is rather with prices and revenue sharing
and things of that sort. In fact, history is showing us that that part of the
world that constitutes the principal producer of international oil has a
history of major political instability; it is entirely likely we are going to
see that again. Now, the concern initially in the early 1970's was not so much
from the point of price, although that was significant, but the fact you simply
could not have access to that international oil because of the embargo that was
introduced early in 1974. That, I would think, is unlike to be the case with
any further disruption. It is more like it would have a price impact rather
than not having access but you never know about those things. That part of the
productive capacity in the Middle East could be destroyed by a major war and a
rationing could take place, maybe a difficulty in access to that oil also. I
would think that an element of an energy policy should always have some
consideration of this important element of being exposed to supplies from
obviously unpredictable unstable parts of the world.
M. Fortier: Although we are pretty small in the total game. Une
dernière question que j'aurais, parce que vous n'avez pas de
recommandation dans votre mémoire. Vous avez donné vos
prévisions sur la consommation ou sur la demande
québécoise et canadienne, mais québécoise en
particulier. Votre conseil d'administration semble décidé
à continuer l'exploitation à Montréal-Est. Comme vous le
savez, beaucoup de pressions sont faites face à cette restructuration du
secteur pétrolier. Il y a des fermetures, des pertes d'emplois, il y a
des ajustements très importants qui se feront au niveau des
stations-service en particulier. C'est un ajustement pénible, je dois
l'avouer, pour plusieurs personnes impliquées dans le secteur
pétrolier; je pense aux ouvriers, aux propriétaires ou locataires
de stations-service.
Il y en a quelques-uns qui sont venus ici pour demander à
l'État québécois d'intervenir de deux façons: d'une
part, au niveau de la distribution du pétrole et d'autre part, par
l'achat d'une raffinerie. Face à la situation que vous venez de
décrire, quelle est la position de votre société quant
à des demandes comme celles-là, d'une part, une espèce de
nationalisation du système de stations-service et, d'autre part, la
nationalisation ou l'achat d'une raffinerie de pétrole?
M. Blais (Louis): Premièrement, avec le genre de
rationalisation qui a eu lieu dans les raffineries, on pourrait s'attendre au
même phénomène à l'intérieur des postes de
service. En vertu de la baisse de la demande, nous nous trouvons probablement
avec un excédent de postes de service. Non
seulement ce phénomène existe dans la province de
Québec, mais cela a aussi existé dans tout le pays. Gulf est en
train, depuis plusieurs années, de rationaliser ses postes de service.
Je n'ai pas les chiffres précis avec moi, mais on a certainement
réduit de 50% le nombre qu'on avait il y a dix ans dans le pays. Cette
rationalisation continue dans la province; nous sommes à examiner le
réseau de distribution.
La rationalisation ne voudra pas uniquement dire que nous
réclamons la fermeture des postes de service; parfois c'est un
regroupement de postes de service, c'est-à-dire en en fermant deux ou
trois et en en ouvrant une grosse quelque part, comme vous l'avez vu
dernièrement. Pour savoir quel poste, ce n'est pas simplement une
décision prise par Gulf; cela dépend vraiment de la
rentabilité, non seulement pour Gulf, mais aussi pour l'exploitant de ce
poste de service. C'est une opération délicate faite avec une
certaine justice et de façon humaine.
La question de la rationalisation est étudiée par toutes
les compagnies pétrolières; elles sont à examiner, au fur
et à mesure, leurs opérations. Cela revient toujours à
améliorer la rentabilité des opérations. À propos
de la raffinerie, c'était...
M. Fortier: Je demandais si, face à ce problème,
vous croyiez que l'intervention de l'État était justifiée
dans la situation que vous venez de décrire.
M. Blais (Louis): Non, je ne crois pas. Si on parle de
l'intervention de l'État, c'est l'État qui est intervenu pour le
lancement des programmes qui nous mettent dans la position où nous
sommes aujourd'hui, soit des programmes de substitution, des programmes de
conservation, etc. Disons que cela a forcé la réduction de notre
part. Ce qui arrive aujourd'hui est attribuable jusqu'à un certain point
à des politiques gouvernementales.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Duhaime: Cela va être très bref, parce
qu'à mesure que l'heure avance, nos estomacs descendent.
Je voudrais seulement revenir sur la dernière question du
député d'Outremont, parce que, en toute justice pour les gens de
la compagnie Gulf, je dois leur dire que le Parti libéral du
Québec a déjà pris position dans ce dossier en disant
très clairement: Nous ne voulons pas que le gouvernement du
Québec, par le biais d'une société d'État,
s'implique dans le raffinage et la distribution. Je pense que je vous
résume assez bien?
M. Fortier: Non, non. Je pense que ce qu'on a dit... On a dit
exactement cela, mais on a dit... Non, non, je pense que, si vous voulez
que..
M. Duhaime: C'est ce que j'avais compris.
M. Fortier: Comme vous exprimez vos propres politiques,
j'aimerais bien exposer les nôtres moi-même. On a dit que les deux
niveaux de gouvernement avaient créé la situation actuelle et
qu'on ne croyait pas, étant donné que la situation actuelle avait
été créée par les politiques des gouvernements
québécois et canadien, que l'État doive intervenir. Et,
là-dessus, je rejoins certainement la politique de Gulf. Il peut y avoir
d'autres façons d'amenuiser les implications que cela peut avoir pour
les Québécois qui sont aux prises avec ce genre de
problème, mais certainement pas par la nationalisation d'une raffinerie.
Là-dessus, vous avez raison.
M. Blais (Louis): Vous pouvez peut-être ralentir un peu sur
les programmes pour nous donner une chance de respirer un peu.
M. Duhaime: Vous savez, M. Blais, on reste toujours entre amis
ici autour de cette table, sauf que nous avons des options bien
différentes. Je parle surtout de mes collègues à ma
gauche. Ce qu'ils nous lancent comme étant presque une interdiction
religieuse, c'est même interdit de le regarder... Moi, j'ai eu l'occasion
de dire: Notre gouvernement n'a pas encore fait son lit là-dedans; on
est en train d'étudier d'abord et il y a des prévisions de
marché qui varient, etc. Ce que je comprends du Parti libéral du
Québec, c'est que l'intervention de Petro-Canada, avec une taxe à
la pompe pour payer l'achat de Pétrofina et de l'autre entreprise dont
elle a fait l'achat, cela va, c'est parfait, c'est très bien. Mais
lorsque, de notre côté, on veut juste regarder pour essayer de
maintenir une capacité de raffinage au Québec et assurer pour
Montréal un avenir dans la pétrochimie, là les oiseaux
s'en retournent.
M. Fortier: Cela fait deux ans que vous regardez. Il commence
à être temps que vous preniez vos décisions.
M. Duhaime: Bon. Alors, je voudrais, plus sérieusement, M.
Blais, vous confirmer qu'effectivement vos prévisions sont plus basses
que celles de SOQUIP. J'ai eu l'occasion de faire faire une compilation des
différentes prévisions qui ont été avancées
pour SOQUIP, Shell, Esso, Ultramar, Gulf, Suncor, Petro-Canada. Pour cette
dernière, c'est marqué ND, cela veut dire non
déterminé; alors, j'imagine que, pour Petro-
Canada c'est non déterminé ou non disponible, et on va
peut-être l'avoir aujourd'hui. Sur la ligne, par exemple, de 1985, parce
que je pense que toutes les pétrolières ont leur équipe de
futurologues ou de "forecast" pour essayer d'être le plus exact possible,
pour l'horizon de 1985, sur le total des ventes de produits raffinés,
essence moteur, diesel, mazout léger, mazout lourd: Gulf, d'après
votre mémoire, 327 000 barils; Suncor, 272 000; Ultramar, 345 000; Esso,
277 000; Shell, 274 000; SOQUIP, 353 000 barils. À mon ministère,
à la Direction générale de l'analyse, nous sommes à
331 000 barils par jour; vous êtes à 327 000. On ne se chicanera
pas pour 4000 barils. Si on va maintenant sur la ligne de 1990, vous
prévoyez 311 000 barils par jour; Ultramar, 309 000; Esso, 232 000;
Shell, 245 000; SOQUIP, 325 000; la Direction générale de
l'analyse, à mon ministère, 281 000 $. Il y a toujours les
incertitudes sur les marchés; il y a toujours la question des prix; il y
a la situation politique, dans les pays du Moyen-Orient principalement. Sur la
ligne de 1985, vous rejoignez nos chiffres à 4000 barils par jour
près; 327 000, par rapport à 331 000. Je crois que ce qui fait la
différence dans la prévision faite chez SOQUIP, c'est que, sur la
ligne de départ, on avait sous-estimé la capacité de
raffinage d'Ultramar parce qu'on a des chiffres de... (13 h 15)
M. Blais (Louis): Ils sont à 353 000?
M. Duhaime: Pardon?
M. Blais (Louis): En 1985, SOQUIP était à 353
000?
M. Duhaime: 353 000, oui. Il y avait une différence de 40
000 barils par jour de capacité de traitement à Ultramar qui
manquait dans la comptabilisation faite chez SOQUIP. Je crois que cela
dépend toujours du moment de la référence; si on se
réfère à janvier 1982 ou juin 1982 sur les
capacités réelles en production, c'est peut-être là
qu'est la différence. Je vous avoue honnêtement qu'au-delà
de 1985, il y a beaucoup plus de points d'interrogation sur les lignes qu'il
n'y a de certitudes. Le marché se déplace, c'est bien
évident.
J'ai terminé. Je vous remercie, M. Blais, de même que les
collègues qui vous accompagnent.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, MM. Blais,
Codère et Murphy. Étant donné qu'il est 13 h 15, je
rappelle qu'on entendra cet après-midi, dans l'ordre, Ultramar Canada
Inc., Petro-Canada et Manuplast. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 17)
(Reprise de la séance à 15 h 11)
Le Président (M. Gagnon): Lors de la suspension de nos
travaux, nous étions sur le point d'inviter le groupe Ultramar Canada
Inc., représenté par M. Berry, M. Roy et M. Archambault.
Vous êtes M. Berry? Je vous inviterais à présenter
les gens qui vous accompagnent.
Ultramar Canada Inc.
M. Berry (William J.): Je vais les présenter
tantôt.
Le Président (M. Gagnon): Oui, cela va.
M. Berry: M. le Président, M. Duhaime, M. Fortier et
distingués membres de la commission parlementaire, mon nom est William
J. Berry, directeur des affaires gouvernementales chez Ultramar Canada Inc. Je
suis accompagné, à ma gauche, de M. Reynald Archambault,
directeur de la raffinerie et, à ma droite, de M. André Roy,
président de la division de Québec de notre compagnie. Nous
n'avons pas l'intention de résumer le contenu de notre mémoire
à la commission permanente en date du 15 mars 1983 mais, comme nous nous
attendons que le ministère de l'Énergie et des Ressources et
d'autres aient préparé un certain nombre de questions ayant trait
à notre mémoire, il nous serait agréable en tout temps,
durant notre présence ici, d'y répondre. Il se pourrait qu'aucun
d'entre nous ne soit en mesure de vous donner une réponse
complète, auquel cas nous sollicitons le privilège de
répondre à la commission par écrit à une date
ultérieure.
Notre exposé devant la commission aujourd'hui a pour but de
mettre en relief plusieurs questions d'intérêt particulier autant
que général et est, en partie, motivé par des
témoignages qui ont été présentés devant
cette commission durant ses assises. Il y a la question de l'autosuffisance ou,
en d'autres termes, la capacité des raffineries du Québec de
fabriquer la quantité de produits pétroliers nécessaire en
ce moment et dans l'avenir pour le marché du Québec. Il n'y aura
pas, contrairement à ce qui a été avancé, un
déficit dans la capacité de raffinage par rapport à la
demande de produits. N'ayant pas de déficit, il n'y aura pas
nécessité de répondre aux revendications
répétées en ce sens que le gouvernement du Québec
devrait acquérir et exploiter une des raffineries fermées.
M. Reynald Archambault, directeur de notre raffinerie, traitera de ce
sujet. M. Roy parlera du rapport étroit qui existe entre la nouvelle
technologie de raffinage et les nouvelles pratiques de commercialisation, se
référant particulièrement à la situation de
concurrence qui existe par tradition entre les
postes d'essence avec service complet et les postes d'essence à
libre service, qu'ils soient ou non pleinement automatisés.
Depuis les assises de l'Office national de l'énergie au sujet de
l'octroi de permis sur les importations et les exportations de mazout lourd, le
printemps dernier, à l'occasion desquelles cet office n'a pu
établir le bien-fondé de changer les règlements de ce
commerce, des témoins sont par la suite venus témoigner devant
cette commission et ont fait des remarques au sujet du mazout lourd qui
démontrent une faible connaissance des forces dynamiques de ce commerce.
J'aurai des commentaires à faire à ce sujet.
Je suis heureux de noter qu'à la fin de septembre dernier, le
cabinet fédéral a approuvé l'achat, par Ultramar, de la
pétrolière Spur et de ses 150 postes de ravitaillement en essence
au Québec et dans l'Est de l'Ontario. Le gouvernement du Québec a
donné son appui à cette transaction. Il a reconnu les effets
négatifs qu'aurait pu entraîner sur les coûts d'exploitation
de la raffinerie d'Ultramar à Saint-Romuald un échec de son
projet d'acquisition à cause des politiques énergétiques
et du tamisage au niveau fédéral. Cette dernière
acquisition devrait permettre d'augmenter l'utilisation du craqueur catalytique
de quelque 55% à tout près de 65% de sa capacité. Comme la
décision d'Ultramar d'investir pour améliorer à un
coût de 240 000 000 $ sa raffinerie visait un niveau d'utilisation de
75%, il est évident qu'Ultramar doit pénétrer encore plus
profondément le marché des carburants. Ce développement
pourrait se situer, quant à nous, dans le cadre d'une politique globale
caractérisée par la déréglementation de l'industrie
pétrolière et d'une plus grande confiance dans les forces du
marché.
Une bonne partie de notre mémoire du 15 mars a porté sur
la bataille que se livrent le mazout lourd et le gaz naturel pour le
marché industriel. Au risque de m'étendre sur des concepts que
des membres de cette commission connaissent déjà, je voudrais
brièvement expliquer ce qu'est le mazout lourd.
La grande majorité des pétroles bruts donnent du mazout
lourd. Seules font exceptions quelques faibles quantités de brut et de
condensé exceptionnellement légers. Le mazout lourd est un
résidu inévitable du processus de raffinage. Les raffineries
doivent se débarrasser de ce produit faute de place pour le stocker et
surtout à cause du coût élevé de son chauffage pour
le garder dans un état liquide. Sinon, on pourrait être
obligé de fermer les portes. Quelles que soient les barrières que
soulèvent les gouvernements pour en limiter la production et
l'utilisation, l'industrie doit s'en départir. Au besoin, elles
pourraient même en baisser le prix jusqu'à zéro.
Évidemment, ceci n'est qu'une façon de parler. Il est fort
possible que les raffineries préféreraient en effet suspendre
leurs activités plutôt que de l'écouler gratuitement.
Si les raffineries en arrivaient à fermer à cause des
excédents de mazout lourd restés en inventaire, il pourrait en
résulter des importations d'essence, de carburant diesel, de carburant
d'aviation, de carburéacteur, de mazout léger et même lourd
pour des industries ne pouvant recourir au gaz naturel ainsi que pour les
transports maritimes. Une telle direction ne serait certainement pas dans
l'intérêt du public. Elle irait encore moins dans le sens de
l'objectif souvent fixé d'autosuffisance pour le Québec.
Pour la petite histoire, on pourrait rappeler qu'il fut un temps
où l'essence elle-même n'était qu'un sous-produit de la
production de kérosène et comme elle n'avait pas de valeur, on la
brûlait. Il a été dit qu'une nouvelle réduction des
limites de teneur en soufre du mazout lourd ferait augmenter le prix de vente
de ce produit au point de l'empêcher d'être concurrentiel avec le
gaz naturel. Nous croyons que ce n'est pas le cas. Son prix continuerait de se
situer dans les limites qui en permettraient la vente, quel que soit le
coût de production. De plus, tant et aussi longtemps que la vente des
produits légers permet un bénéfice qui compense les pertes
sur les produits lourds, du moins pour faire l'achat du brut, faire les frais
de raffinage et de commercialisation et assurer un bon rendement aux
investisseurs, les raffineries resteront en marche.
Le rendement financier au baril est fonction de la composition des prix
sur la gamme complète des produits. En abaissant le prix du mazout
lourd, on provoque une augmentation des prix du carburant pour le transport
routier. Mais dans une période de ralentissement de la demande comme
celle que nous traversons où le marché accepterait difficilement
une hausse du coût des carburants, il serait, économiquement
parlant, moins préjudiciable pour les raffineurs de fermer simplement
leurs usines. C'est très exactement la raison pour laquelle Ultramar a
fermé sa raffinerie de Holyrood à Terre-Neuve. La faible demande
et les prix trop bas pour son mazout lourd ne pouvaient pas être
compensés par la conjoncture des prix et la demande des carburants dans
l'immédiat, ni même dans un avenir prévisible et la
raffinerie était trop petite pour justifier toute revalorisation.
Autre possibilité: la modernisation. C'est ce qu'Ultramar a fait
à Saint-Romuald. Toutefois, cette option n'est possible que pour les
sociétés exploitant des raffineries importantes et ayant de
grands marchés. Par ailleurs, les propositions de fixer un prix de
plancher pour le mazout lourd qui ne serait
pas inférieur à un certain pourcentage du prix du brut ne
tiendraient pas compte des forces du marché ni des
réalités de ce secteur industriel. Le mazout lourd qui ne
pourrait pas être vendu au Canada devrait être transformé ou
exploité et peut-être à des coûts et à des
prix qui détruiraient la rentabilité du raffinage. Selon Ultramar
Canada, il ne se produira pas d'excédent de mazout lourd sur le
marché du Québec pendant la décennie en cours. C'est
précisément en se fondant sur cette hypothèse qu'Ultramar
Canada a décidé de ne pas participer au projet CARMONT.
Prenant en considération les projets de revalorisation qui ont
été complétés ou qui sont couramment en
construction, Ultramar prévoit que la production de mazout lourd au
Québec en 1983 sera de 3 1QD 000 mètres cubes. Cependant, la
disponibilité sera plus grande vu que la production sera grossie par
quelques importations et les arrivages de l'Ontario ainsi que les
réductions des inventaires.
Ultramar prévoit qu'en 1983 la demande de mazout lourd au
Québec sera tout près de 4 000 000 de mètres cubes, ce qui
coïncide à peu près aux prévisions qu'ont fait
d'autres intervenants devant cette commission. Nous nous attendons donc que la
production - ne pas confondre avec la disponibilité - tombera
légèrement aux environs de 2 700 000 mètres cubes d'ici
à 1990. Au milieu de cette décennie, nous, comme d'autres,
prévoyons que le marché du mazout lourd au Québec se
stabilisera aux environs de quelque 3 500 000 mètres cubes par
année.
Cependant, nous ne croyons pas que l'information sera complète si
nous regardions seulement le marché du Québec en isolant celui-ci
des marchés contigus de l'Ontario et des provinces maritimes. Des
quantités de mazout lourd continueront de passer de l'Ontario au
Québec, du Québec aux maritimes, car ces dernières
demeureront déficitaires pour le restant de cette décennie. Ce
déficit, dans les maritimes, atteindra un maximum de quelque 1 600 000
mètres cubes en 1985 et déclinera par la suite jusqu'aux environs
de 900 000 mètres cubes avant la fin de cette décennie. Le
Québec et les provinces maritimes forment un marché
intègre. Ces provinces verront un déficit de mazout lourd de
quelque 2 700 000 mètres cubes en 1983. Il y aura par la suite un lent
déclin atteignant quelque 565 000 mètres cubes vers 1990. Des
efforts pour empêcher les mouvements de mazout lourd entre ces provinces
ou des importations vers ces provinces pourraient en effet priver plusieurs
industries de leur seul combustible industriel et provoquer une augmentation
des coûts de fabrication. Reconnaissant les forces dynamiques de ces
marchés, l'Office national de l'énergie a pris, plus tôt
cette année, la décision d'éviter les
réglementations pouvant créer de l'interférence
additionnelle.
Les sociétés de gaz naturel et le gouvernement du
Québec restent favorables, je crois, au projet CARMONT. Les
sociétés pétrolières, non. Le projet CARMONT est
techniquement réalisable mais pas économiquement. La construction
d'une unité de revalorisation centrale sur le site d'une raffinerie
abandonnée ne permettrait pas de rentabiliser le projet comme il a
été suggéré devant cette commission. Les seuls
éléments récupérables seraient le terrain, quelques
réservoirs de stockage et peut-être un peu de tuyauterie.
Étant donné qu'un excédent de mazout lourd sur le
marché du Québec est peu probable, il ne serait pas sain pour les
gouvernements d'instaurer de nouvelles restrictions à la production ou
à la vente. Notre société reconnaît que les pouvoirs
publics peuvent légiférer dans le sens de leur
préférence industrielle, mais une intervention basée sur
une compréhension imparfaite du marché risque d'entraîner
davantage de fermetures de raffineries ainsi que des importations de produits
légers et même de mazout lourd de pays où les
autorités n'interviennent pas dans le fonctionnement du
marché.
On commence à voir certaines des conséquences du soutien
accordé par l'État aux énergies qu'il favorise en un temps
de croissance économique lente et de surplus
généralisé de ces énergies. Il y a entre autres les
fermetures de raffineries même si, bien sûr, on ne peut pas les
attribuer uniquement à l'État. Une autre conséquence est
la croissance rapide de la consommation de gaz naturel considérée
d'ordinaire comme un mode économique d'énergie alors qu'en
réalité il ne s'agit que d'une substitution
énergétique. Il faut veiller à ne pas
répéter certaines erreurs récentes des États-Unis.
En maintenant à un bas niveau les prix du gaz naturel américain,
on a retardé la production et accéléré sa demande.
Les producteurs d'électricité aux États-Unis, qui ont cru
à de l'information qui s'est révélée fausse, ont
décidé de se reconvertir massivement au gaz, mais se sont vus
ensuite empêchés de le faire par un gouvernement
fédéral obligé, croyait-il, d'intervenir une seconde fois
afin de corriger les problèmes résultant de sa première
intervention sur les prix.
L'électricité, au Québec, a privé le mazout
lourd de parties importantes de son marché et continuera de le faire.
Dans la mesure où l'État se sentira obligé de favoriser
l'utilisation de l'électricité, il se sentira peut-être
obligé ensuite d'intervenir pour soutenir les victimes de
l'électricité, soit peut-être le raffinage du
pétrole, ou le gaz naturel, ou les deux.
La morale à tirer de tout cela, c'est que les gouvernements ne
peuvent s'attendre, avec réalisme, à atteindre à la fois
tous
leurs objectifs en matière d'énergie en procédant
à coups d'interventions. L'au-tosuffisance d'une part et une forte
industrie pétrochimique fondée sur le pétrole
peuvent-elles coexister au Québec avec le gaz naturel et
l'électricité soutenus par l'État et en forte croissance
dans un marché à faible croissance? Les gouvernements ne
feraient-ils pas mieux de compter plutôt sur l'action impartiale du
marché de l'énergie pour ce qui est de prendre de telles
décisions et de déterminer lesquelles des énergies doivent
avoir l'avantage?
Divers intervenants auprès de cette commission ont
suggéré la déréglementation du prix du gaz naturel.
Ultramar Canada soutient fermement cette recommandation pour les prix à
la sortie du puits à condition que toutes les formes de
réglementation sur le gaz naturel, le pétrole, les produits
pétroliers, l'électricité soient supprimées. Cela
supposerait l'élimination progressive, par exemple, des subventions au
remplacement du pétrole ce qui reviendrait à reconnaître
que cette formule ne va pas nécessairement dans le sens de
l'intérêt économique des consommateurs.
La déréglementation de l'ensemble du secteur doit devenir
un objectif et devrait porter notamment sur: premièrement, la
suppression du contrôle du prix du brut à la tête du puits
pour permettre aux prix de s'ajuster au niveau mondial au même titre que
ceux du gaz naturel; deuxièmement, la suppression des programmes de
compensation à l'importation du pétrole; troisièmement, la
suppression des permis d'importation et d'exportation sur tous les produits
pétroliers raffinés. Cela veut dire la libre exportation et la
libre importation sans permis; quatrièmement, la suppression des droits
d'exportation sur le brut et les produits raffinés et finalement
l'élimination graduelle de toutes les subventions à la conversion
et à la substitution du pétrole.
Avant de laisser la parole à mes collègues M. Archambault
et M. Roy, j'aimerais faire une observation sur une remarque que M. Duhaime a
faite ce matin. Il a noté qu'un des problèmes de la politique
énergétique au Canada était que le prix du pétrole
était trop bas. C'est vrai à la sortie du puits. Les raffineurs
doivent payer pour leurs besoins en pétrole brut canadien un prix qui a
atteint au mois d'août 94,7 $ du prix de l'équivalent du
pétrole brut importé. La différence entre le prix à
la sortie du puits et celui à la raffinerie représente les
charges additionnelles pour faire l'acquisition de Petro-Canada et le "Canadian
Ownership Special Charge" ainsi que le "Petroleum Compensation Charge". Je
passe maintenant la parole à M. Archambault, qui va détailler les
aspects du raffinage. Immédiatement après, M. Roy vous parlera du
rapport entre le raffinage et le marketing.
Le Président (M. Gagnon): M. Archambault. Si vous me le
permettez, je vous demanderais d'approcher un peu votre micro. (15 h 30)
M. Archambault (Raynald): Messieurs les membres de la commission,
M. le ministre, M. Fortier, la raffinerie de Québec d'Ultramar fut
construite en 1970 et 1971. Au départ, elle était une raffinerie
simple, surtout orientée vers la production de mazout no 6. Dans
l'esprit d'Ultramar, la raffinerie de Québec devait approvisionner en
produits légers son marché de l'Est du Canada et la production de
mazout à bas soufre, tout particulièrement, devait être
exportée sur la côte est des États-Unis. Dans un tel
contexte de marché, il était envisagé d'exploiter la
raffinerie à des niveaux très élevés. Comme l'on
sait, la situation a changé très rapidement dès 1973 et ce
n'est que pour de courtes périodes que la raffinerie a utilisé
à pleine capacité.
Je veux dire un mot sur cette étape de conception de la
raffinerie originale et les débuts. Comme dans tout projet d'envergure
dans le domaine du raffinage, il a fallu d'abord fixer des conditions
d'utilisation de base devant servir à fixer les données de
conception. Dans le cas de notre raffinerie, deux bruts typiques furent
choisis. Ils représentaient alors ce que nous considérions comme
deux extrêmes acceptables. Comme brut lourd, le Tia Juana inédium
d'une densité API de 24,7° fut choisi. Du côté des
bruts légers, le brut adopté fut le Bréga lybien d'une
densité API de 40,2°. La capacité de traitement nominale qui
est en fait la capacité de conception et en même temps la
capacité minimale garantie par le concepteur pour le brut Tia Juana,
était de 108 000 barils par jour. Dans le cas du brut Bréga, la
capacité correspondante est de 95 000 barils par jour. C'est
probablement à partir de ces valeurs que la capacité de raffinage
d'Ultramar à Saint-Romuald a été fixée à 103
000 barils par jour dans le tableau 7 du rapport de SOQUIP, daté de
septembre 1983.
Les bruts ci-haut mentionnés ont été traités
au début de la raffinerie soit séparément, soit
combinés selon les besoins et les contraintes opérationnelles du
moment. Dès le début, des marges d'essais ont
démontré que la capacité réelle de traitement pour
l'un ou l'autre de ces bruts était bien en deçà de la
capacité nominale.
Lorsque les conditions du marché et les besoins de production
l'ont permis, la capacité réelle existante fut utilisée.
Dans le cas des bruts lourds, les caractéristiques physiques de la
partie inférieure de la colonne à distiller atmosphérique
sont celles qui prévalent. Dans le cas des bruts légers,
comme Bréga, la quantité d'absorption des composants
légers de la tête de la colonne et des équipements connexes
est l'élément dominant au point de vue contrainte et restriction
du traitement.
Dans un cas comme dans l'autre, il est toujours possible, lorsqu'il y a
un goulot d'étranglement et lorsque les besoins de capacité
existent, de faire des modifications afin de fonctionner à des niveaux
d'alimentation plus élevés. La raffinerie Ultramar de
Québec a traité différent bruts à des niveaux aussi
élevés que 130 000 barils par jour pendant des périodes
relativement longues, c'est-à-dire quelques mois, lorsque les conditions
du marché ont permis de créer une demande telle qu'Ultramar a
dû utiliser sa raffinerie presque à capacité pour
satisfaire ses besoins. Il est bien entendu que, pour fonctionner à de
tels niveaux, un ensemble de bruts des plus appropriés est
nécessaire.
Il faut des bruts qui permettent une alimentation de densité
moyenne. Cependant notre raffinerie est capable, typiquement, de traiter
régulièrement des bruts assez lourds et une alimentation de
densité API de 27° est très acceptable. Au milieu de la
dernière décennie, des marches d'essais ont permis de
démontrer qu'il était possible de pousser la capacité de
raffinage de la raffinerie à des niveaux aussi élevés que
140 000 barils par jour. Mais, pour pouvoir fonctionner à des niveaux
aussi élevés, des modifications permanentes seraient
nécessaires; finalement quelques millions de dollars d'investissement
suffiraient à le faire.
Des études techniques ont été faites à ce
moment et ont démontré que des investissements, somme toute
relativement mineurs, permettaient d'atteindre les niveaux
précités. Il est bon de noter ici que, pour accroître
l'efficacité et la productivité de ses installations de raffinage
à Saint-Romuald, Ultramar a quand même fait, au cours des
années, des modifications qui ont permis de progresser. Par exemple,
nous avons augmenté la désulfuration, nous avons agrandi
l'unité de reformage catalytique et les capacités de chargement
aussi ont été agrandies.
Je voudrais aussi souligner que, en plus de traiter du brut à des
niveaux beaucoup plus élevés que ce qui avait été
initialement prévu lors de la conception, la raffinerie de Québec
a aussi traité un grand nombre de bruts fort disparates en
qualité et ayant des caractéristiques très diverses. Par
exemple, qu'il suffise de mentionner des bruts très lourds dont le
Laguna vénézuélien et, à l'autre extrême, le
Condensat algérien qui, lui, ne contient pas de résidus lourds.
Naturellement, le traitement de ces bruts n'a été possible que
par prémélange et conditionnement de ces bruts à
l'avance.
Parlons maintenant de la nouvelle raffinerie Ultramar. Afin de
satisfaire des besoins de marché fort changeants, Ultramar a
décidé, il y a quelques années, d'apporter à ses
installations de Saint-Romuald les modifications voulues pour répondre
à l'évolution de la demande et satisfaire les besoins
diversifiés en produits pétroliers de toutes sortes. Le programme
d'investissement que nous venons de terminer nous donne de nouvelles
unités qui viennent d'être mises en marche et comportent, en
particulier, un craqueur catalytique offrant énormément de
possibilités à Ultramar. Il permet de transformer des produits
lourds, qui, normalement, seraient vendus comme du mazout no 6, en produits
légers comme l'essence, le diesel et le mazout léger no 2 servant
de combustible domestique. Contrairement à ce qui a été
rapporté ailleurs, notre projet de modernisation permet de
réduire la production de mazout lourd, mais en aucune façon il ne
réduit la capacité globale de traitement des bruts. Ce que les
additions d'unités nous apportent, c'est une flexibilité accrue
qui, en aucune façon ne réduit la capacité des
unités existantes à produire ce qu'elles produisaient auparavant.
En conséquence, le tableau 8 du cahier des données de
référence sur le secteur pétrolier déposé
par SOQUIP, daté de septembre 1983, doit être amendé.
Enfin, l'offre totale prévue de produits pétroliers dans
ce cahier doit être augmentée de quelque 50 000 barils par jour
pour 1985, pour devenir 362 800 barils par jour. Si on compare cette offre
corrigée à la demande totale, on constate que le déficit
de 40 200 barils devient un surplus de 9800 barils par jour. Le
déséquilibre entre l'offre et la demande disparaît,
à toutes fins utiles.
Ultramar est prête, avec ses installations, à satisfaire
les demandes qui continueront d'exister au niveau des produits plus lourds,
tout en satisfaisant les nouveaux besoins qui se développent. En
conséquence, comme notre capacité de raffinage du brut reste ce
qu'elle était, nous croyons être en position de répondre
aux besoins existants de produits pétroliers raffinés. De plus,
une augmentation de notre niveau de production permettrait de mieux
rentabiliser nos installations et d'être en mesure de continuer à
les adapter aux besoins changeants. Une bonne rentabilité est
nécessaire pour assurer un développement normal, puisque l'on
sait que la structure de raffinage doit être modifiée constamment
pour l'adapter à la structure des produits qui, elle-même, change
d'une façon continuelle.
Par son projet de modernisation, Ultramar s'est donné une
raffinerie souple, flexible, de grande capacité, et elle fait des
efforts constants afin de la rentabiliser et ainsi en assurer la
viabilité et stabiliser les emplois qu'elle représente. Pour ce
faire, Ultramar s'est engagée dans des contrats de
façonnage et tente d'en développer d'autres. De plus,
Ultramar envisage d'utiliser au maximum les possibilités qu'offre
l'acquisition de Pittston sur la côte est des États-Unis. Les
avantages de cette acquisition pourront devenir réels en autant que les
gouvernements n'empêcheront d'aucune façon l'exportation de
produits provenant du traitement de brut au Canada pour les compagnies
étrangères. Il est important que le ministère de
l'Énergie et des Ressources contribue à maintenir
l'activité de raffinage d'Ultramar au plus haut niveau possible en
encourageant des activités de façonnage pour les
sociétés pétrolières de la côte est des
États-Unis. Il serait souhaitable que le ministère intervienne
auprès des organismes impliqués du gouvernement
fédéral pour appuyer les projets d'Ultramar. Advenant un haut
niveau d'utilisation de ces installations, Ultramar envisage déjà
d'autres additions. L'acquisition de Spur fait aussi partie des projets qui
permettent à Ultramar de rendre plus profitables ses exploitations
à Saint-Romuald et de garantir ainsi la sécurité des
approvisionnements en produits pétroliers dans la province de
Québec, grâce à la viabilité de sa raffinerie.
Enfin, très rapidement, permettez-moi de faire un bref
commentaire sur les normes de soufre du mazout lourd. Dans son mémoire
du 15 mars, Ultramar confirmait son intention de se conformer le plus
rapidement possible à la norme de 2,5% de soufre maximum. Maintenant que
les craqueurs fonctionnent et que nous connaissons les bruts disponibles, nous
pouvons affirmer que nous pourrons déjà garantir un niveau de
2,75% de soufre maximum. D'ici à quelques semaines, nous comptons
présenter au ministère de l'Environnement un plan d'action
permettant d'atteindre relativement rapidement le niveau de 2,5% de soufre sans
mettre en danger l'approvisionnement régulier en mazout no 2 dans notre
région. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Archambault. M.
Roy.
M. Roy (André): M. le ministre, membres de la commission,
Ultramar est le dernier arrivant dans le monde du raffinage et du "marketing"
du pétrole au Québec, surtout avec un défi de taille.
Notre compagnie, qui exploite au pays depuis le début des années
cinquante et raffine du pétrole depuis le début des années
soixante-dix au Québec, se retrouve au plan "marketing" avec un retard
considérable sur des concurrents établis ici depuis les
années vingt et trente. Il n'en reste pas moins que le geste posé
par Ultramar en implantant son craqueur catalytique à la raffinerie de
Saint-Romuald doit maintenant se traduire par une nouvelle approche dans son
"marketing".
Notre part du marché au Québec, environ 6,5%, a
déjà été améliorée et portée
légèrement au-dessus de 10% avec l'acquisition de Spur, mais
même là, ces chiffres ne sauraient justifier l'investissement de
taille que peut nécessiter la construction du craqueur catalytique.
Il nous incombe donc d'améliorer substantiellement et dans des
délais plutôt courts cette part du marché pour la rendre
plus compatible à la taille de nos investissements et de nos efforts.
Déjà, nous avons en place de nouveaux postes de vente et de
distribution qui, en eux, rivalisent de nouveauté avec la technologie en
place à la raffinerie. Témoin de cette évolution,
l'ouverture récente de la première station-service pipeline
à Saint-David, station entièrement automatisée, où
il est possible, au moyen d'une carte à bande magnétique de se
procurer de l'essence 24 heures par jour et d'obtenir du même coup le
bénéfice du compte rendu de la performance
kilométrage-litre sur son état de compte de fin de mois. Ultramar
se propose d'étendre ce réseau dans toute la province dans un
avenir immédiat. De plus, Ultramar exploite depuis près d'un an
un réseau de postes de ravitaillement à cartes
électroniques qui permet aux camionneurs de s'approvisionner en huile
diesel et en essence en tout temps et dans des conditions physiques très
propices, tout en jouissant du même avantage de comptabilité et
kilométrage-litre.
Il s'agit là de deux innovations mises en place par Ultramar,
avant toute compétition, ce qui dénote bien notre intention de
faire plus et mieux pour le consommateur québécois. Bien
sûr, notre réseau de stations-service au Québec, même
s'il est d'histoire plutôt récente, a besoin d'être
considérablement amélioré. Dans un marché en
décroissance, il ne s'agit pas là d'une mince tâche
puisque, d'une part il faut éviter la prolifération du nombre de
points de vente, le Québec étant déjà bien servi en
nombre, et que d'autre part la nécessité absolue
d'accroître nos ventes est entière et constante. Nous devons donc
améliorer et moderniser ce réseau. Il est bien évident que
l'objectif recherché va devoir s'accomplir par la voie d'acquisition de
points de vente déjà en place.
Là encore, la tâche n'est pas facile considérant
l'intervention d'organismes comme l'Office de tamisage des investissements
étrangers, la résistance apportée par certains groupes
à l'avènement des stations libre-service ou autres approches
innovatrices. Ultramar a mis à la disposition du Québec un budget
en dépenses d'immobilisation reliées à
l'amélioration de son volume de ventes de l'ordre de 16 100 000 $ et 16
900 000 $ en 1983 et 1984 respectivement, investissements d'ordre majeur en ce
temps d'activité économique
plutôt calme. Ces investissements ont fourni, depuis deux ans, de
nombreux emplois directement ou indirectement reliés à leur
réalisation et il en sera ainsi pour deux ou trois ans encore à
ce rythme accéléré. Il va sans dire que ce programme de
relance et d'amélioration de la part du marché qu'Ultramar a mis
en place ne cadre pas nécessairement avec les taux de
décroissance de consommation de produits pétroliers prévus
pour les années quatre-vingt. (15 h 45)
Conséquemment, nous aurons besoin de tout l'appui possible,
d'abord, d'une clientèle qu'on devra, par nos efforts, rendre de plus en
plus fidèle, ensuite, des organismes gouvernementaux et publics avec
lesquels nous voulons coopérer dans la plus grande mesure, mais aussi de
qui nous attendons toute l'assistance commensurable aux risques qu'Ultramar a
pris durant ces années d'incertitude économique.
Notre équipe de soutien recherche constamment les méthodes
de présentation et les nouvelles technologies disponibles pour
améliorer la qualité des services à la clientèle.
Nous voulons ainsi conquérir la part du marché nécessaire
à rentabiliser le plus audacieux geste de confiance en l'économie
québécoise posé depuis plusieurs années. Cette
déclaration n'est pas de nous, mais bien du ministre
québécois de l'Énergie et des Ressources, lors de la
récente inauguration de notre craqueur catalytique. J'espère bien
que le ministre me pardonnera d'avoir ramené... J'espère qu'il ne
m'en voudra pas trop. Merci, messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Duhaime: Vous n'avez pas de reproche à vous faire, M.
Roy. Je serais prêt à répéter la même phrase
aujourd'hui.
M. Fortier: II faut avoir confiance...
M. Duhaime: J'allais dire quelque chose, M. Fortier, mais je ne
le dirai pas.
M. Fortier: D'accord.
M. Duhaime: D'abord, je suis très heureux que vous ayez
apporté - je crois que c'est M. Archambault qui l'a fait l'explication
qui va sans aucun doute permettre à tout le monde de faire les
corrections sur les capacités de production d'Ultramar, avec les
différents bruts et les différents indices. Il est évident
que cela se répercute au niveau de la capacité globale. Je pense
que c'est bon de le rappeler dans un contexte économique difficile
où, lorsque l'investissement de presque 250 000 000 $ a
été décidé, les taux d'intérêt
étaient sans aucun doute aux plus hauts niveaux.
Je pense que vous avez raison de dire que votre entreprise,
malgré les hauts niveaux d'intérêt qui, soit dit en
passant, sont directement reliés au taux d'escompte de la Banque du
Canada - au moins, là-dessus, l'Opposition libérale ne pourra pas
dire que cela dépend du ministre de l'Énergie et des
Ressources... Mais je voudrais profiter de l'occasion pour souligner
qu'Ultramar possède une raffinerie qui ne fait pas partie de
l'agglomération de Montréal, mais c'est la seule qui existe dans
la région de Québec. Elle a décidé de maintenir sa
présence au Québec, de moderniser et d'investir, puis d'avoir
aujourd'hui à sa disposition un craqueur catalytique moderne avec une
technologie enviable.
Ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est que vous devrez maintenant
vous battre sur le marché. Ceux qui vous suivront à cette table,
cet après-midi, sont juste derrière vous. Il y a Petro-Canada qui
se bat aussi sur le même marché et il y a tous les autres, bien
sûr, qui ont des postes de distribution. Tout le monde sait - si mon
souvenir est bon - qu'il y a au Québec, je crois, 7300 points de vente,
si je ne m'abuse. Avec moins de population que l'Ontario. Nous avons 2000
points de vente de plus. Alors, comme les gladiateurs disaient autrefois, qui
morituri te salutant. Il va se passer quelque chose sur ce
marché-là, c'est évident.
Vous avez, dans votre mémoire, chiffré un scénario
relativement optimiste. Je ne pourrais pas me référer à la
page exacte de votre mémoire, mais vous avez chiffré, par
exemple, le marché des ventes prévues des produits
raffinés toutes catégories, pour l'année 1982, à
365 000 barils-jour. Votre projection pour 1985 est de 345 000 barils-jour,
pour 1990, de 309 000 barils-jour. Vous avez à peu près sur les
mêmes scénarios que Gulf ce matin qui était à 311
000 barils-jour pour l'année 1990. C'est donc dire que tout le monde
s'entend aujourd'hui dans le secteur pétrolier pour dire que,
finalement, les objectifs de la politique énergétique du
Québec vont être atteints parce qu'il y aura moins de
pétrole importé. Je pars du principe que si le marché va
en se rétrécissant - je parle des ventes globales -les
pétrolières devront se faire concurrence entre elles à
l'intérieur d'un marché qui diminue.
Je voudrais approfondir un peu votre scénario de croissance
économique, ou enfin vos chiffres, vos projections sur 1985, 1990. Je
n'en vois pas pour 1995 de toute façon, mais votre évaluation du
comportement du marché québécois sur les dix prochaines
années, comment évaluez-vous cela? On est à peu
près... Je vous ferai remarquer que les chiffres de la Direction
générale de l'analyse au ministère sont plus
conservateurs, si je puis dire, que les vôtres à l'horizon de
1990. Je sais de quelle façon les gens font les
analyses au ministère sur les projections de marché.
J'aimerais connaître le vôtre, votre scénario d'analyse.
M. Berry: M. le ministre, ces prévisions ont
été basées sur la présomption que les objectifs
énergétiques seraient substantiellement atteints, mais ils
n'étaient pas aussi ambitieux que ce que vous envisagez actuellement.
Mais, substantiellement, nous sommes sur la même route et nous arriverons
au même point final.
M. Duhaime: Bon. Maintenant, il y a toujours une grande inconnue
sur le marché des produits raffinés: quel est le prix du brut?
J'imagine que, autant chez Ultramar que dans toutes les
pétrolières, que dans tous les ministères de
l'Énergie des pays occidentaux, on essaie de mettre les meilleurs
cerveaux au travail pour tâcher de deviner l'avenir. Quel est votre
scénario sur le comportement du prix international sur les dix
prochaines années? Je pense qu'au-delà de 1990, selon ce qui va
arriver avec la famille royale en Arabie Saoudite, je vous avoue que je ne suis
pas en mesure de répondre à la question et que je n'ai pas encore
rencontré quelqu'un qui pouvait me donner une réponse. Mais,
indépendamment de ce que j'appellerais les hasards politiques, ou les
accidents de parcours, ou la fermeture du golfe Persique - M. Bourassa parle de
cela de ce temps-ci, alors on peut en parler un peu - quel est votre
scénario dans l'évolution des prix?
M. Berry: Toutes les grandes pétrolières embauchent
les mêmes économistes. C'est naturel que nos prévisions
soient essentiellement les mêmes que celles des autres grandes
compagnies. Ce sont des prévisions qui sont partagées avec les
grandes pétrolières des États-Unis et de l'Europe. Il n'y
pas une grande différence d'opinion sur l'évolution des prix
mondiaux. C'est la stabilité plutôt, en moyenne, avec des chocs de
temps à autre.
M. Duhaime: Maintenant, vous nous indiquez que vous aviez 6,5% du
marché avec les autorisations qui ont fini par aboutir pour vous
permettre de faire votre transaction avec SPUR.
M. Berry: C'est 6,5% du marché pour les carburants.
M. Duhaime: Pour les carburants?
M. Berry: Oui.
M. Duhaime: Bon.
M. Berry: Actuellement.
M. Duhaime: Maintenant, votre part du marché global, c'est
quoi?
M. Berry: C'est de 12% ou 13%. M. Duhaime: C'est de 12% ou
13%?
M. Berry: Au total, pour tous les produits raffinés, avant
SPUR.
M. Duhaime: Avant SPUR?
M. Berry: Avant l'acquisition de SPUR.
M. Duhaime: Maintenant, avec les investissements qui ont
été faits à Ultramar, dans l'hypothèse où
vous faites tourner votre raffinerie à pleine capacité, vous avez
des produits raffinés pour beaucoup plus que votre part de
marché, j'imagine?
M. Berry: M. le Président, au moment où nous avons
évalué la décision de procéder à la
revalorisation, le marché était en croissance. Nous avons
prévu que même si nous gardions notre part du marché qui
existait à ce moment, nous pourrions rendre rentable l'unité de
craquage catalytique. Maintenant, avec la décroissance dans le
marché, il faut augmenter notre part du marché pour garder le
niveau de rentabilité que nous avons prévu au moment de la prise
de décision.
M. Duhaime: Pour être capable d'utiliser votre
capacité de production installée à Saint-Romuald sur une
base rentable en tenant compte que votre part de marché est à
6,5% carburant, 12% ou 13% globalement, est-ce que je ne peux pas
déduire immédiatement que cela vous contraint presque à
signer des contrats de façonnage pour vos concurrents à la pompe?
Sans me donner les noms, les quantités et les corporations, sur le plan
du principe, est-ce que des contrats de façonnage ont été
signés?
M. Berry: J'aimerais mieux que l'un de mes collègues
réponde à cette question, M. le ministre.
M. Archambault: Oui, il y a eu des contrats de façonnage
dont je ne peux dévoiler les détails ici. Mais je voudrais
appuyer surtout sur un des grands espoirs qu'on a justement pour permettre
d'augmenter la capacité d'utilisation. J'y ai fait
référence rapidement, c'est Pittston, que le groupe International
Ultramar a acheté sur la côte est et qui est un revendeur de
mazout léger et de mazout lourd. Ces gens sont dans le marché de
l'essence. On est même en train de se préparer à essayer de
développer des réseaux de vente d'essence sur la côte est.
Pittston vend au-delà de
100 000 barils par jour. C'est une compagnie qui achète ses
produits un peu partout sur le marché européen, dans les
Caraïbes; c'est un peu ce genre de marché flottant. Il est certain
que la direction d'Ultramar veut finalement que ce volume revienne vers
Québec autant que possible, pour qu'on puisse, en attendant que des
besoins locaux permettent d'utiliser la raffinerie elle-même par des
programmes d'échanges de toutes sortes et des contrats de
façonnage qui pourraient se développer... En attendant, on compte
bien sur Pittston. Et là, on a un peu de problèmes. C'est
pourquoi je faisais référence à l'espoir que le
ministère, le cas échéant, pourrait aider à nous
les faire supporter au moins moralement. Il y a des discussions à
l'Office national de l'énergie à l'heure actuelle pour essayer de
s'entendre sur des méthodes et un modus Vivendi pour faire fonctionner
ce système de façonnage pour Pittston. Naturellement, l'Office
national de l'énerqie n'est pas très condescendant et impose des
règles très sévères, ce qui rend très
difficile la mise en place d'un tel système. Mais on espère bien
que ce dossier va débloquer et que cela va nous permettre facilement
d'augmenter la capacité du craqueur de 10 000 à 15 000 barils par
jour et même plus. Comme je vous disais, les 100 000 barils
éventuellement, on ne pourrait pas les fournir tous à partir de
Québec, mais si on pouvait seulement aller chercher un peu de ce volume
pour faire travailler la raffinerie à Québec, c'est
déjà beaucoup. Ce sont les moyens immédiats qu'on essaie
de développer.
M. Duhaime: Est-ce que ce n'est pas un virage important que prend
Ultramar comme décision de se tailler une place sur le marché au
Québec? Jusqu'à il y a trois ou quatre ans, est-ce qu'Ultramar
n'avait pas comme mission d'importer et ensuite réexporter plutôt
que de vraiment faire un effort de pénétration sur le
marché du Québec même? Est-ce que c'est un virage? Est-ce
qu'il y a un changement de stratégie? Je me doute un peu de la
réponse, mais j'aimerais l'entendre.
M. Berry: Nous avons traité de cette question dans le
mémoire du 15 mars.
M. Duhaime: Oui
M. Berry: Mais c'est évident que la raffinerie de
Saint-Romuald a été construite avec une orientation exportatrice.
Avec le choc pétrolier de 1973, nous avons été
obligés d'adopter une tout autre stratégie de desservir
plutôt le marché de la région de Québec en exportant
de temps à autre, selon les besoins, quand les occasions arrivent, les
surplus, les excédents. (16 heures)
M. Duhaime: Je voudrais que vous nous parliez... Vous nous avez
parlé de CARMONT, j'imagine que si M. Lalonde vous a entendu ou quand il
va nous lire, il sera très déçu. Il avait annoncé
le projet de plus de 1 000 000 000 $ de CARMONT au printemps de 1980. C'est
cela? Le référendum a eu lieu en 1980? Si j'écoute
attentivement vos propos aujourd'hui, pour vous, CARMONT est un "dead duck"; il
n'y aura pas de marché, si je comprends bien.
M. Berry: Dès le début.
M. Duhaime: On va informer M. Lalonde de cela.
M. Fortier: Je n'étais pas en politique à ce
moment-là.
M. Duhaime: Quant à moi, je vous remercie. J'aurai
peut-être d'autres questions tantôt.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, la première question
que j'aimerais poser à M. Berry, c'est: Qui est Ultramar? Je crois que
vous dites dans votre mémoire que vous êtes une filiale de Golden
Eagle Exploration. Est-ce que vous êtes une filiale de la
société qui fait de l'exploration ou si, comme toutes les
compagnies de pétrole, il y a une filiale qui est dans le domaine de
l'exploration et l'autre dans le domaine de la raffinerie, produits
pétroliers? Si je comprends bien, vous êtes des filiales.
J'aimerais savoir quelle est la structure hiérarchique.
M. Berry: La structure? Bon. Le groupe Ultramar International
s'appelle Ultramar PLC, Public Limited Company, de Londres. Ultramar PLC est
propriétaire de plusieurs filiales partout dans le monde...
M. Fortier: ...dans le domaine du pétrole?
M. Berry: ...dans le domaine du pétrole et du gaz naturel,
de la construction et du transport maritime, mais essentiellement le
pétrole. Au Canada, la filiale s'appelle Canadian Ultramar Limited qui,
à son tour, est propriétaire de Golden Eagle Oil and Gas dans
l'Ouest du Canada et de Ultramar Canada Inc. dans l'Est qui s'occupe du
raffinage et du marketing. C'est cela la structure en bref.
M. Fortier: Quels sont les actionnaires de la
société britannique? Est-ce que c'est une société
publique? Est-ce que les actions sont dans le public? Est-ce que l'État
britannique, United Kingdom, a des actions
dans la société? Le gouvernement britannique a-t-il des
actions dans Ultramar?
M. Berry: On peut acheter les actions dans les Bourses de New
York, Montréal, Toronto et Londres. Il n'y a pas d'actionnaire qui
possède plus de 6% des actions. J'espère que cela répond
à votre question.
M. Fortier: Autrement dit, c'est une société
publique qui possède un très grand nombre d'actionnaires, surtout
britanniques.
M. Berry: Oui, oui, mais les pays de résidence sont
différents. J'imagine qu'un grand nombre sont au Canada et aux
États-Unis.
M. Fortier: D'accord.
M. Berry: Nous avons l'intention, une fois que la
rentabilité sera restaurée, de créer une compagnie
canadienne et de vendre une majorité des actions aux Canadiens.
M. Fortier: Vous êtes établis aussi aux
États-Unis. En gros, quelle est l'importance d'Ultramar aux
États-Unis? Est-ce surtout dans l'Est des États-Unis ou...?
M. Berry: Le bureau principal est dans l'Est des
États-Unis, mais nous avons deux petites raffineries en Californie. Nous
venons d'acquérir la compagnie Pittston. Lors de nos opérations
mondiales, c'est au Canada que nous avons investi près de la
moitié de nos immobilisations, par rapport à la compagnie
fraternelle des États-Unis, nous sommes beaucoup plus grandement ici que
là-bas.
M. Fortier: Je vous remercie de ces précisions parce que
je voulais situer l'importance de la compagnie canadienne dans l'ensemble des
actifs de la société britannique. Je vous remercie
également pour l'information que vous nous avez donnée
aujourd'hui en ce qui concerne la capacité de raffinage d'Ultramar. Je
crois que le point que vous avez fait était très important. Quand
le président de SOQUIP est venu, il a fait deux déclarations qui
ont fait les manchettes. J'ai ici la Presse du vendredi, 9 septembre: "La
raffinerie Gulf de Montréal pourrait fermer ses portes." Et la
deuxième déclaration mentionnait qu'il y aurait un déficit
pétrolier considérable. Je dois vous avouer que j'ai de la
difficulté à comprendre comment une société
d'État qui a une crédibilité et qui est à deux pas
d'Ultramar n'a pas cru bon d'aller vous consulter sur place pour
connaître exactement la capacité de raffinage. Elle a donné
une information qui n'était pas valable et a induit le public en erreur.
J'ose espérer que le président de SOQUIP va faire les corrections
nécessaires parce que cela me semble un peu inimaginable qu'une
société aussi sérieuse ait fait une erreur de 25% dans ses
prévisions de capacité et ait fait des commentaires qui
étaient nettement incorrects.
M. Berry: Si cela n'était qu'une erreur statistique, nous
n'aurions pas craint les retombées des politiques qui pourraient
être formulées d'après cette erreur. C'est pour cela que
nous nous sommes penchés sur cette question.
M. Fortier: Non, vous avez bien fait de le faire. Je
m'inquiète parce que c'est la même société qui nous
a dit que de mois en mois elle faisait des études sur la
nécessité du gouvernement de s'impliquer dans ce secteur. Si ce
sont les mêmes gens qui font des prévisions et des analyses pour
le ministre, je commence à m'inquiéter sur la qualité de
l'information que le ministre va avoir pour prendre des décisions et
présenter ses recommandations au cabinet. Si j'étais dans ses
bottines - et je ne le suis pas - je serais très inquiet. J'ose
espérer que le président de SOQUIP va faire le nécessaire
pour corriger la mauvaise impression qu'il a créée lorsqu'il a
passé devant la commission parlementaire.
M. Duhaime: Me permettez-vous d'ouvrir une petite
parenthèse? On va se réconcilier très vite
là-dessus. J'ai donné des chiffres ce matin. Ce que le
député vient de dire, je ne fais pas miens tous ses propos, mais
cela prouve la grande autonomie des sociétés d'État,
celles dont je suis responsable en tout cas. Hydro-Québec fait ses
scénarios de prévisions, SOQUIP fait les siens, SOQUEM fait les
siens, REXFOR fait les siens et le ministère fait les siens. C'est
important de bien situer le débat dans ce contexte-là. Je n'ai
pas la prétention de faire la leçon aux experts dans le domaine
du pétrole, que ce soit chez Ultramar ou chez SOQUIP, les chiffres j'en
ai 100 pieds par-dessus la tête, mais je peux vous confirmer que nous
avons notre propre...
M. Fortier: On n'engagera pas un débat là-dessus.
Je me souviens assez bien que le président de SOQUIP - et on pourra
relire le journal des Débats - nous avait dit qu'il avait
consulté le ministère lorsqu'il avait établi ses
prévisions. Il me semble que le président de SOQUIP a fait les
manchettes quand il est passé ici, mais malheureusement les manchettes
étaient mauvaises. Pour une fois, j'essaie de corriger la mauvaise
impression qui se crée à partir des actions des
sociétés d'État qui sont contrôlées par le
ministre. Je voulais l'aider mais je vois que j'ai un peu de
difficulté.
M. Duhaime: Si vous voulez commencer à m'aider,
cela...
Une voix: C'est là que cela devient inquiétant.
M. Duhaime: Je l'apprécie beaucoup.
M. Fortier: Je crois que les recommandations que vous faites qui
sont très importantes c'est lorsque vous parlez de
déréglementation. On en a beaucoup parlé ici. Vous dites:
Nous ne sommes pas contre la déréglementation du gaz; cependant,
si cela se faisait, il faudrait faire un ensemble de
déréglementation. Dans le fond, ce que vous dites, c'est que, si
on va dans cette direction, il...
M. Berry: C'est la même position que nous avons
adoptée devant l'Office national de l'énergie le printemps
dernier.
M. Fortier: Compte tenu des approvisionnements mondiaux dans
l'avenir -ce matin Gulf nous disait oui, on peut être confiant - s'il
arrivait des circonstances extraordinaires, on pourrait peut-être
s'inquiéter à un moment donné. L'hypothèse qui
sous-tend cette dernière recommandation qui est de dire: Si vous voulez
déréglementer, il faudrait tout déréglementer, est
que vous êtes optimiste en ce qui concerne l'approvisionnement en
pétrole pour Québec et pour l'Est du Canada. Autrement dit, vous
êtes plutôt optimiste et vous ne voyez pas beaucoup de
difficultés d'approvisionnement indépendamment des cataclysmes
qui pourraient arriver dans le monde.
M. Berry: Indépendamment des cataclysmes, il n'y aura pas
de problèmes, mais même avec les cataclysmes il y a une entente
entre tous les pays industrialisés du monde pour partager la
disponibilité en brut, même si cela devient rare. Bien sûr,
entretemps, il faut faire le nécessaire pour assurer, dans la mesure du
possible, notre sécurité d'approvisionnement mais, le cas
échéant, il y aura quand même la disponibilité par
l'entremise de cette entente internationale. Alors nous ne sommes pas seuls.
C'est ce que je veux dire.
M. Fortier: Quand vous dites que nous ne sommes pas seuls,
voulez-vous dire que, même s'il y avait un cataclysme à un moment
donné, l'entente internationale ferait que... J'imagine aussi que pour
des périodes limitées, il serait possible d'aller chercher un peu
plus de pétrole dans l'Ouest canadien, même si la capacité
à longueur d'année serait très réduite dans
quelques années d'ici. Ce que vous nous dites, c'est que, en tant que
Québécois, on ne devrait pas trop s'inquiéter du danger de
manquer d'approvisionnement en pétrole. Est-ce que j'interprète
bien votre idée?
M. Berry: En tant que Québécois, on est
privilégiés par rapport à cette entente internationale,
parce que c'est une entente avec le Canada qui n'importe qu'à peu
près 25% de ses besoins en brut. Le Québec importe la grande
majorité ou la moitié. Le Québec est relativement
favorisé dans le cadre de cette entente internationale. Vous comprenez
pourquoi.
M. Fortier: Oui, vous dites que, faisant partie du Canada,
faisant partie de cette entente internationale et compte tenu du fait qu'on
n'importe que 25% de nos besoins, même s'il y avait un cataclysme, vous
nous dites que ce ne serait pas un gros problème.
M. Berry: Je ne veux pas me mêler de la politique, mais
c'est le fait.
M. Fortier: Non, ma question porte surtout sur la confiance qu'on
doit avoir d'être approvisionnés s'il y avait un cataclysme. Je ne
veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire. Si je comprends bien
votre réponse, vous dites que même dans le cas où il y
aurait un cataclysme, compte tenu de la position canadienne en
général et de la possibilité qu'on a d'importer pour de
courtes périodes de temps du pétrole de l'Ouest et du fait que
les volumes d'importation ne sont pas si considérables dans l'ensemble
mondial, notre position ne serait pas si malheureuse.
M. Berry: C'est cela.
M. Fortier: Je ne sais pas à quelle page dans votre
mémoire, mais vous insistez beaucoup sur la nécessité
d'avoir des stations-service ou d'avoir un réseau de distribution de
stations-service pour assurer la rentabilité de votre raffinerie.
M. Berry: M. Roy.
M. Fortier: Vous savez qu'il y a des gens qui sont venus ici nous
dire: Écoutez, les stations-service ne devraient pas appartenir aux
multinationales. Les stations-service devraient être regroupées
dans un ensemble de propriétaires indépendants dans lequel
l'État aurait des actions. J'aimerais que vous nous disiez quelle est
l'importance pour l'une ou l'autre des sociétés
pétrolières justement d'avoir un réseau de
distribution.
Le Président (M. Gagnon): M. Roy. Si vous voulez approcher
votre micro, s'il vous plaît.
M. Roy: Oui. Je me garde bien de parler au nom de toute
l'industrie. Je vais parler au nom de la compagnie où j'oeuvre.
M. Fortier: D'accord.
M. Roy: D'abord, chez nous, le réseau en place est
majoritairement et de loin dans les mains d'indépendants et de
locataires. Bien sûr, on recherche un équilibre qui nous
permettrait d'avoir nos propres stations. Jamais, du moins dans un avenir
immédiat, on ne pourrait compter s'emparer de la part du marché
qu'on recherche en ajoutant et en ajoutant. On a fait la preuve tout à
l'heure. Il y a 2000 stations de plus qu'en Ontario et un marché
sensiblement plus maigre. Donc, acheter, construire et ajouter au réseau
n'est pas la solution; rationaliser, oui. Cela va se faire de façon
mixte. On ne peut pas avoir toutes les stations en propriété
propre. Il y a d'excellents distributeurs qui sont propriétaires de leur
commerce et avec qui il est possible - c'est même une chose de tous les
jours - de vivre.
M. Fortier: Même si ces distributeurs sont
propriétaires ou locataires, ils font partie de votre réseau.
M. Roy: Oui.
M. Fortier: Ma question est la suivante: II est important,
d'après ce que vous dites, qu'Ultramar en tant qu'Ultramar - cela
s'applique pour les autres pétrolières - ait son propre
réseau de distribution. Vous devez faire la mise en marché...
M. Roy: On aimerait améliorer l'équilibre.
M. Fortier: Vous ne pourriez pas exister seulement en ayant une
raffinerie.
M. Roy: Cela prend plus qu'une raffinerie pour améliorer
notre part du marché. C'est le début. On aimerait, bien
sûr, avoir un équilibre sain entre les stations qui sont
propriété de la compagnie et celles dont on aura toujours besoin
qui sont la propriété de revendeurs avec qui on transige. Ce
n'est pas pour un avenir immédiat qu'il y aura une correction qui va
aller nettement du côté des compagnies, du moins chez nous. Je me
garde bien de parler au nom des autres. (16 h 15)
M. Fortier: Vous indiquiez tout à l'heure qu'une
façon de rentabiliser votre raffinerie serait d'exporter sur la
côte est des États-Unis et que l'Office national de
l'énergie semblait plutôt réticent à approuver une
telle démarche. Vous demandiez au ministère de vous donner son
appui moral pour convaincre l'ONE que ce serait une bonne chose. Quelles sont
les raisons pour lesquelles l'office semblait réticent à
approuver une telle démarche?
M. Berry: L'ONE est réticent à nous accorder la
flexibilité que nous voulons avoir pour maximiser l'utilisation de cette
unité de craquage. Il veut contrôler étroitement le
rendement des produits de chaque importation de brut en vertu d'une entente de
façonnage, de manière que les frais d'administration, les
coûts d'isolation de nos produits, pour nous à Québec, et
les produits destinés à l'exportation soient complètement
séparés. Les coûts de capital, de fonctionnement et
d'administration sont trop élevés sans la flexibilité que
nous avons demandée. En principe, l'ONE n'a pas d'objection, mais
à condition que les exportations soient dirigées selon lui, et
non selon nous.
M. Fortier: II veut garder un contrôle administratif sur
les importations et les exportations et connaître les frais
généraux relatifs aux différentes opérations
reliées à ces importations et à ces exportations.
M. Berry: Son désir de contrôler cette affaire est
basé sur sa présomption qu'un raffineur canadien n'est pas
nécessairement toujours prêt à favoriser ses clients
réguliers chez lui et qu'il risquerait, si on lui en donnait l'occasion,
de se comporter comme un opportuniste, mais ce n'est pas vrai. Nous avons mis
du temps à acquérir la confiance de notre clientèle locale
et nous ne ferions jamais une exportation qui endommagerait ces relations.
M. Fortier: Si on considère ce problème de notre
point de vue du Québec, voyant que le marché va aller en se
rétrécissant et constatant que, dans le passé, le
Québec produisait ou raffinait plus de pétrole que ses propres
besoins, étant dans le passé un exportateur, il y a un danger que
cette marge de manoeuvre disparaisse et elle disparaît très
rapidement. Pour ma part, je ne verrais que des avantages à appuyer une
démarche du ministre ou du gouvernement du Québec comme celle que
vous lui demandez de faire. Autrement dit, je crois que ce serait dans
l'intérêt du Québec; on n'y aurait que des avantages.
L'intérêt du Québec nous demanderait d'appuyer votre
démarche. Dans ce sens, pour ma part, sans en avoir fait une analyse
très en profondeur, je ne verrais que des avantages à appuyer le
fait que vous puissiez exporter sur la côte est des
États-Unis.
M. Berry: La réglementation de TONE, depuis la crise de
1973, n'a pas créé l'environnement dans lequel les raffineries
québécoises auraient pu facilement agir comme exportateurs de
produits, en important d'abord les bruts pour les ententes de façonnage.
Mais, pour nous, cela devient une possibilité avec l'acquisition de la
compagnie Pittston, parce que c'est une compagnie avec qui nous pouvons
transiger
plus facilement et à long terme.
M. Fortier: Je pense que je vais m'associer aux
félicitations du ministre par rapport à la confiance que vous
avez en l'avenir du Québec. Là-dessus, au moins, on s'entend. Je
vous remercie pour la présentation que vous avez faite et j'ose
espérer que votre vigueur dans votre marketing vous permettra de
réussir et d'ajouter des investissements à vos installations au
Québec même. Je vous remercie.
M. Berry: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le ministre.
M. Duhaime: Deux brèves questions. Je pense que cela
mérite d'être souligné. Si nos amis libéraux
commencent à manifester des signes de confiance dans l'économie
du Québec, cela va être encourageant pour tout le monde.
Je voudrais vous poser une question concernant ces deux nouvelles
technologies, parce que j'ai eu l'occasion de passer à... C'est à
Saint-David, je crois, qui n'est pas loin de votre raffinerie où il y a
ce nouveau poste d'essence qui doit faire l'envie de Petro-Canada. On va leur
demander tantôt ce qu'ils ont comme scénario. J'ai trouvé
cela assez extraordinaire. Cela fonctionne avec une carte ou une bande
magnétique, mais est-ce que la technologie va vous permettre, par
exemple, avec des institutions financières, d'aller plus loin qu'avec la
carte, qu'on fasse notre plein d'essence et qu'au lieu de recevoir un compte,
que ce soit débité sur notre compte de banque tout de suite. Il y
a quelqu'un qui m'a parlé de cela récemment. Est-ce dans le
domaine du prévisible à court terme?
M. Roy: C'est un peu prématuré de vous donner...
C'est surtout vendre des tactiques déjà élaborées
et mises en place, mais la réponse est oui.
M. Duhaime: La réponse est oui, n'est-ce pas? Bravo! Je
n'aime pas recevoir des comptes. Cela va faire une chose de
réglée. Et l'autre technologie que vous...
M. Roy: Une seconde, M. le ministre, s'il vous plaît! Je
m'excuse.
M. Duhaime: Oui.
M. Roy: Pour peu que l'autre partie collabore. On est à
travailler sur des ententes actuellement.
M. Duhaime: Oui, j'imagine que cela prend des accords avec les
institutions financières.
M. Roy: C'est là qu'on en est actuellement.
M. Duhaime: Mais j'ai une vague idée du côté
où vous devez regarder d'abord, étant à Lévis; il y
a un siège social qui n'est pas loin.
Pour ce qui est des postes de ravitaillement que vous avez
mentionnés, je voudrais peut-être avoir un peu plus de
détails sur leur fonctionnement qui est - je ne sais pas si on peut
appeler cela ainsi -une nouvelle technologie où vos camions peuvent
s'approvisionner 24 heures sur 24. Comment cela fonctionne-t-il,
concrètement?
M. Roy: On choisit un site où on construit un poste qui
est tout à fait automatique. Actuellement, c'est une carte
poinçonnée, un système électronique, mais là
encore, cela va être amélioré dans quelques semaines,
j'espère. Cela permet à un propriétaire de flotte ou
à un camionneur qui a seulement son camion de pouvoir faire le plein
à toute heure du jour ou de la nuit, le dimanche comme la semaine. Le
simple usage de sa carte lui donne accès à une pompe, la pompe
désignée. Tous les éléments de
sécurité sont mis en place. Par exemple, chaque camion a sa carte
et elle tient compte de la capacité du réservoir. Donc...
M. Duhaime: C'est le même système à bande
magnétique, sauf...
M. Roy: Exactement.
M. Duhaime: ...qu'au lieu de s'appliquer à une vente au
détail, cela s'applique à une vente au gros.
M. Roy: À quelques détails près. Celui
à bande magnétique est un peu plus avancé.
M. Duhaime: Bon! Une dernière question concernant les
programmes d'exploration. Je sais qu'Ultramar a le contrôle ou a des
intérêts majoritaires ou à 100% - je ne sais trop - dans
Western Star. Est-ce une de vos filiales, Western Star?
M. Berry: Non, monsieur, pas à ma connaissance, à
moins que nous l'ayons acheté hier.
M. Duhaime: Je serais heureux de vous annoncer que vous avez des
actifs que vous ignorez. J'en serais même surpris.
M. Berry: Eh bien, merci!
M. Duhaime: Bon! Ce ne serait pas Western Star, mais n'avez-vous
pas une compagnie qui fait de l'exploration? Ce n'est
pas Ultramar Exploration ou Ultramar Resource?
M. Berry: Golden Eagle Oil and Gas...
M. Duhaime: Ah bon!
M. Berry: ...à Calgary depuis 1952.
M. Duhaime: Avez-vous conduit des recherches en exploration dans
l'Est canadien?
M. Berry: Oui. Nous avons conclu une entente avec SOQUIP pour
participer à un programme de forage dans le golfe.
M. Duhaime: Dans le golfe? Ah bon! Avec...
M. Berry: C'est Golden Eagle Oil and Gas qui agit pour nous,
parce que nous n'avons pas à Ultramar Canada Inc., l'expertise dans ce
domaine.
M. Duhaime: Je m'excuse. Western Star est un autre partenaire de
SOQUIP sur un autre projet. Si je vous posais une question simple: y a-t-il des
chances pour qu'un jour au Québec, soit dans le golfe, soit aux
Îles-de-la-Madeleine, à Anticosti, en Gaspésie ou sur la
Côte-Nord, si possible, dans le comté de Saint-Maurice, on en
arrive un jour à localiser du pétrole ou un gisement gazier?
Quelle est votre évaluation? Si vous consentez à aller en
"partnership" et à faire des investissements, je comprends qu'il y a une
taxe incitatrice là-dessus. C'est le juste retour de vos impôts,
comme on dit au ministère des Finances, mais comme homme d'affaires et
comme spécialiste de ces questions, si vous aviez à donner votre
sentiment, nos chances sont nulles ou nos chances sont bonnes?
M. Berry: Si vous continuez d'une façon permanente le
dégrèvement spécial sur la taxe...
M. Duhaime: Sur les raffineries.
M. Berry: ...spéciale de l'éducation, nous
considérerons un programme de forage dans le granit de la Mauricie.
M. Duhaime: Je pense que cela répond à ma
question.
Je voudrais vous assurer de mon plus entier support dans les
démarches devant être entreprises auprès du gouvernement
fédéral et auprès du ministère de l'Énergie
et des Mines, avec une seule réserve cependant: vous savez que lorsque
le Québec fait des démarches à Ottawa, ordinairement les
résultats sont foudroyants. Vous n'avez qu'à regarder les
résultats que nous avons obtenus avec l'avion de chasse F-18-A, qui est
un exemple entre autres, et le dossier des frégates avec le projet
CARMONT qui, comme vous le savez, a été annoncé au
printemps 1980. Il y a des gens qui m'ont demandé récemment si ce
projet était terminé. Sous ces réserves, soyez
assurés de mon plus entier support et, s'il faut se rendre rencontrer M.
Chrétien, soit à Ottawa ou encore chez moi dans ma région,
je donnerai mon appui. Je vous remercie infiniment.
M. Berry: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs d'Ultramar
Canada Inc.
Petro-Canada
Maintenant je voudrais inviter Petro-Canada à prendre place.
M. Pierre Dupuis, si vous voulez vous présenter et
présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
M. Dupuis (Pierre): Merci, M. le Président, M. le ministre
et MM. les membres de la commission, mon nom est Pierre Dupuis, je
représente Petro-Canada à titre de vice-président
principal, responsable de la région de l'Est. On définit la
région de l'Est comme étant le Québec et les provinces
maritimes. J'aimerais vous présenter les membres de la
délégation aujourd'hui. À ma gauche, M. N. Van Son, qui
est notre vice-président et le directeur général des
approvisionnements, région de l'Est; à ma droite, M. Damien de
Gheldere, vice-président de la pétrochimie à Petro-Canada
et directeur de la région de l'Est pour les supports de gestion; plus
à droite encore, M. Georges Bourelle, directeur général du
marketing de la région de l'Est.
Nous sommes heureux d'avoir été invités à
participer aux travaux de la commission plus tôt cette année.
À la suite des circonstances qui ont amené un report de vos
travaux, nous avons cru bon de réviser quelque peu le texte de notre
mémoire. Cette mise à jour nous a, entre autres, permis de
préciser l'impact de l'acquisition des actifs de raffinage et de
marketing de BP plus tôt cette année et de compléter le
tableau de nos projets d'investissements dans le secteur du raffinage au
Québec.
Afin de bien comprendre la présence, le rôle et le
comportement de Petro-Canada au Québec, il est important de saisir avec
précision le mandat de notre société. Même si une
partie importante de notre mandat enjoint la direction à poursuivre des
objectifs commerciaux, il est un autre élément important au
même mandat qui exige de la société qu'elle tente
d'optimiser les retombées économiques de ses activités
au
bénéfice de tous les Canadiens. Cette dualité de
mandat ne saurait être ignorée si on veut dégager une juste
appréciation de notre comportement au Québec. La recherche des
profits est importante et ne saurait être ignorée pour autant que
les principaux bénéficiaires de nos nombreuses activités
soient en très grande partie des Canadiens, individus et
entreprises.
Les activités de la société Petro-Canada ont connu
une croissance rapide au Québec au cours des toutes récentes
années, croissance qui en fait aujourd'hui l'une des plus importantes
sociétés pétrolières oeuvrant au Québec. Je
pourrais également ajouter, avec une certaine fierté, qu'elle est
maintenant la plus importante sinon la seule société
pétrolière ayant son siège social au Québec. La
récente réorganisation de notre structure a en effet
confirmé le maintien à Montréal du siège social de
Produits Petro-Canada, la division responsable de nos activités de
raffinage et de distribution pour l'ensemble du territoire canadien, tout comme
c'était d'ailleurs le cas depuis la création de cette division il
y a quelques années.
La place qu'occupe Petro-Canada grâce à son important
réseau de détaillants, à ses installations de raffinage et
à la présence de son siège social à Montréal
démontre clairement son importance économique et son engagement
envers le Québec. Nous croyons qu'il est important de souligner
l'ampleur de ses activités et d'esquisser les projets d'investissements
qui accroîtront davantage notre apport au Québec au cours des
prochaines années et entraîneront des retombées
économiques très importantes.
Notre mémoire fait brièvement le point sur le climat
économique actuel et sur les perspectives économiques de la
prochaine décennie. Nous n'anticipons pas un renversement marqué
de la situation présente où la demande énergétique
globale connaît une diminution constante. À Petro-Canada, nous
croyons être en mesure d'apporter les modifications que nécessite
ce nouvel environnement commercial et énergétique en
réorientant nos investissements et en concentrant nos efforts pour
accroître l'efficacité de nos activités et à en
réduire les coûts. Notre mémoire résume
l'activité de Petro-Canada dans cinq domaines, le raffinage et le
marketing, les investissements reliés à l'énergie, la
recherche fondamentale et appliquée, les achats et, finalement,
l'exploration. (16 h 30)
En mars dernier, à la suite de l'acquisition du secteur du
raffinage et du marketing de BP, notre société est devenue le
plus important détaillant au Québec. Notre réseau de
postes de vente compte maintenant plus de 1100 emplacements, tout en
fournissant de l'emploi à plus de 5000 personnes. La réponse des
Québécois à notre présence accrue a
été des plus enthousiastes. En dépit d'un déclin
global des ventes d'essence, celles de Petro-Canada n'ont cessé
d'augmenter et nous occupons solidement la première place. Il faut noter
que la baisse importante des ventes d'essence au cours des récentes
années a entraîné une certaine surcapacité dans le
réseau de détail au Québec. Par conséquent, nous
devrons continuer de chercher des solutions pour résoudre le
problème causé par le trop grand nombre de stations afin de
redonner à nos détaillants des taux de rendement
satisfaisants.
Nos activités de raffinage au Québec, même si elles
sont moins visibles par le consommateur que nos nombreux postes d'essence, n'en
demeurent pas moins très importantes. Notre raffinerie de
Montréal est la plus vaste et la plus avancée au point de vue
technique du réseau Petro-Canada. Au cours de la dernière
année, nous avons procédé à des
améliorations visant à accroître sa capacité et sa
productivité. Entre autres, nous avons construit un
viscoréducteur d'une valeur de 35 000 000 $. Nous annoncions
récemment la mise en chantier de l'usine de démonstration Canmet
et poursuivons actuellement la dernière phase d'étude devant
mener à l'installation de nouvelles unités de craquage
catalytique à la raffinerie. Ainsi, Petro-Canada, entre 1982 et 1986,
aura investi plus de 280 000 000 $ dans ses installations au Québec et
contribué beaucoup à la réduction du problème du
mazout lourd dont on a parlé tout à l'heure. Les produits
Petro-Canada sont également fournisseurs de nos détaillants
indépendants. Reconnaissant l'importance de ce secteur, la
société fournit une proportion substantielle de ses besoins pour
ce marché.
Les forces économiques des récentes années ont
grandement modifié l'industrie du raffinage et du marketing au
Québec et ailleurs. La conservation des programmes de substitution du
pétrole et la récession ont tous contribué à
réduire la demande de pétrole. Même si les
prévisions laissent entrevoir qu'en 1984 le déclin total de la
demande sera ralenti, cette diminution se poursuivra jusqu'à la fin de
la prochaine décennie. La demande des produits pétroliers a
accusé une baisse de 31% en 1983 par rapport à celle de 1979.
Ceci a déjà précipité la fermeture de trois
raffineries à Montréal. Les raffineries dont on a annoncé
la fermeture sont celles qui, malheureusement, avaient une production
très élevée de mazout lourd. Plusieurs se sont
inquiétés de ces récentes fermetures. Certains ont
même qualifié cette situation de complot visant à priver le
Québec d'une part importante de cette industrie au détriment des
autres provinces canadiennes. Il faut bien comprendre qu'il s'agit là
d'un
phénomène mondial qui n'est pas limité au
Québec seul. Ainsi, aux États-Unis, on a assisté à
la fermeture de pas moins de 57 raffineries au cours des deux dernières
années. On prévoit que ce total atteindra 117 avant la fin des
années quatre-vingt. De plus, les raffineries toujours en exploitation
fonctionnent à une fraction seulement de leur capacité. Aux
États-Unis, en 1983, on n'utilise que 67% de la capacité de
raffinage disponible, alors qu'en Europe, on utilise actuellement 55% de la
capacité de raffinage qui était disponible en 1976. Au Canada, la
situation est identique, alors que nous avons assisté, depuis 1979,
à la fermeture de neuf raffineries dans toutes les régions du
pays. La raffinerie de Petro-Canada à Montréal est
également le plus important producteur de produits pétrochimiques
de nature aromatique au Canada, production que nous exportons en grande partie
vers les États-Unis et vers l'Europe. J'aimerais, d'une façon
très claire, souligner que malgré la fermeture récente des
raffineries, dont celle de BP, nous croyons que la capacité totale du
raffinage au Québec est suffisante pour répondre à la
demande intérieure. Le Québec ne sera pas, de façon
définitive, un importateur de produits raffinés. En ce qui a
trait à Petro-Canada, en particulier, non seulement n'importons-nous pas
de produits raffinés des autres provinces pour répondre à
nos besoins au Québec, mais nous utilisons environ 30% de notre
production de Montréal pour répondre à nos besoins hors
Québec. De plus, nous exportons pour une valeur de près de 150
000 000 $ annuellement de produits chimiques, ce qui fait de Petro-Canada le
plus important exportateur au Québec dans ce secteur.
En résumé, je tiens à réaffirmer que
Petro-Canada n'a pas besoin de s'approvisionner à ses autres raffineries
du Canada pour répondre à ses besoins au Québec et ce,
même après la fermeture de la raffinerie BP.
L'industrie a amorcé, depuis quelques années, une
consolidation des réseaux de postes d'essence. Ceci a
entraîné l'élimination des débouchés de
faible volume et une tendance vers les emplacements stratégiquement
situés pour rapporter les volumes élevés. À ce
chapitre, il est important de noter que le Québec a été
beaucoup plus lent à s'adapter à cette nouvelle
réalité. Le taux de diminution national de 25% du nombre de
stations depuis 1979 a devancé le Québec où il ne
s'établit qu'à 15%. Ainsi, on compte maintenant 325
véhicules par station au Québec alors qu'on en dénombre
422 au niveau national.
Les projets de Petro-Canada offrent des occasions d'investissements
importants qui rehaussent notre niveau d'exploitation tout en offrant des
avantages économiques certains pour le Québec. Il s'agit
là de projets importants, surtout si l'on considère que la
plupart des autres entreprises sont en régression ou marquent le pas. La
gestion énergétique dans une raffinerie est une activité
fondamentale. À cet effet, Petro-Canada a continuellement
amélioré son activité par une série de programmes
qui entraînent des investissements annuels d'environ 10 000 000 $
à 15 000 000 $ en plus des grands investissements dont nous avons
parlé précédemment. Ces programmes touchent
l'écologie, la conservation et les systèmes de contrôle.
Dans le secteur "marketing", nous avons investi 24 400 000 $ dans le programme
de réidentification et de mise en valeur des stations-service ainsi que
dans d'autres travaux de mise en marché en 1982.
Au cours de cette année, nos investissements se situeront
à environ 28 000 000 $ pour améliorer davantage notre
activité de marketing au Québec. Pour maintenir son
activité, Petro-Canada poursuit une variété de programmes
de recherche fondamentale et appliquée. Au cours des deux prochaines
années, l'activité principale de recherche de Petro-Canada sera
concentrée sur le projet Canmet. Canmet est un processus de valorisation
qui exploite une technologie entièrement canadienne initialement
développée par le ministère de l'Énergie, des Mines
et des Ressources à Ottawa. Ce processus pourrait représenter un
progrès important dans la mise en valeur des fractions plus lourdes du
pétrole brut et dans la solution aux problèmes de surplus de
mazout lourd dont on a fait allusion plus tôt. Les résultats
obtenus jusqu'à maintenant ont permis de justifier la construction d'une
usine de valorisation pouvant produire environ 5000 barils-jour à la
raffinerie de Montréal. Le programme marque un pas de plus vers la
commercialisation d'une nouvelle technologie pour brevets et ventes
ultimes.
L'ensemble du programme, incluant le développement, la mise au
point, l'ingénierie, la construction et la commercialisation du
procédé s'élève à 135 000 000 $ dont 68 000
000 $ seront dépensés au Québec. Ce niveau de
dépenses créera environ 4000 années-personnes d'emplois au
cours des deux prochaines années ainsi que le développement d'une
nouvelle unité manufacturière dans la province qui
accroîtra d'autant notre capacité totale de raffinage. Nous tenons
à souligner le rôle important de l'entreprise
québécoise Lavalin qui, en plus de diriger les travaux de
construction, jouera un rôle de premier plan dans la commercialisation du
procédé au Canada et à l'étranger.
Comme je l'ai souligné plus tôt, Petro-Canada a comme
mandat également de s'assurer que les Canadiens
bénéficient directement des retombées économiques
de ses activités. Notre politique d'achat
constitue un instrument privilégié d'intervention dans ce
domaine et nous avons régulièrement recours à des sources
nationales et régionales pour obtenir les matériaux et les
services requis afin d'appuyer nos travaux. Province manufacturière,
Québec ne peut que bénéficier d'une telle approche et en
bénéficie déjà grandement. Ainsi, lorsque notre
société a eu besoin d'une unité de compression à
turbine pour sa raffinerie de Taylor en Colombie britannique, on a
encouragé le fournisseur américain à travailler
conjointement avec Beloit Canada de Sorel et par suite de ces travaux, Beloit a
été en mesure de décrocher six commandes additionnelles
d'unités de compression dont deux sont destinées à la
Nouvelle-Zélande.
Pour appuyer ces travaux d'exploration au large des côtes,
Petro-Canada a accordé un contrat à Marine Industrie de Sorel
relativement à la construction du navire Bernier, un navire sismique
renforcé pour les glaces, lancé en juin dernier. Les
dépenses totales se sont élevées à plus de 27 000
000 $ et le projet a fourni de l'emploi à plus de 230 personnes durant
la période de construction. De plus, le revenu indirect de l'emploi
relié à ce projet a totalisé respectivement 27 000 000 $
et 730 personnes-année. Pour la construction de l'usine de Canmet
à Montréal, nous avons encouragé fortement Versatile
Vickers de Montréal à développer une toute nouvelle
technologie pour la production de vaisseaux à haute-pression. C'est donc
dire que la partie vitale du réacteur Canmet sera conçue et
fabriquée à Montréal et c'est cette même technologie
qui sera exportée dans les années à venir.
J'aimerais également souligner brièvement la
présence au Québec de la compagnie Ressources Petro-Canada,
responsable du secteur exploration et production de la société.
Cette division, notre division soeur, étudie activement le potentiel de
pétrole et de gaz dans plusieurs régions reculées. Ces
travaux bénéficient aux Canadiens de plusieurs façons.
Toute découverte commerciale aide à nous rapprocher de la
sécurité énergétique et la connaissance que l'on
acquiert aide les gouvernements à planifier leur stratégie
énergétique pendant que les dollars que nous investissons
stimulent les économies régionale et nationale.
Au Québec, Petro-Canada a foré trois puits dans les terres
basses de la province, c'est-à-dire dans la région de
Louiseville-Trois-Rivières, et un autre dans la péninsule de
Gaspé. Grâce à une série d'ententes avec SOQUIP,
l'analyse des données sismiques a permis de définir un
emplacement de forage dans la région de Gaspé pour 1983 et le
puits Galt SOQUIP-Petro-Canada-Imperial est en train d'être foré.
On continue, entretemps, d'évaluer plusieurs autres
possibilités.
L'une d'entre elles se trouve dans la région située entre
la péninsule de Gaspé et l'île d'Anticosti. Les
dépenses dans ce secteur pourraient atteindre environ 42 000 000 $.
La société Petro-Canada a également
été active dans les domaines de recherche appliquée en
exploration. Mentionnons une analyse environnementale et la mise au point d'un
modèle de recherche géologique sophistiqué pour le golfe
du Saint-Laurent. La majeure partie de ces travaux ont été
confiés à des experts-conseils au Québec.
Nous investissons dans l'exploration au Québec, nous valorisons
notre raffinerie et nous améliorons son efficacité. Nos
débouchés de détail sont mis en valeur par notre programme
de réidentification et de rationalisation. Nous allons continuer notre
programme de recherche afin d'améliorer nos installations et
développer de nouvelles façons de générer encore
plus d'énergie pour chaque baril de brut que nous raffinons. L'accent
que nous mettons sur les champs régional et national et les
investissements et les dépenses que nous encourageons au Québec
ajoutent, de façon significative, à l'activité
économique chez nous.
Bref, la société Petro-Canada occupe une place
prédominante sur la scène énergétique et elle est
résolument engagée à y accroître son niveau
d'activité.
M. le Président, c'étaient les remarques d'ouverture que
je voulais faire. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dupuis. M. le
ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Dupuis. Je voudrais d'abord que vous me
disiez - à moins qu'il y ait des gens qui vous accompagnent qui
pourraient fournir la réponse - quelle est actuellement la structure de
capital de Petro-Canada.
M. Dupuis: À toutes fins utiles, pour répondre
simplement, essentiellement, la totalité du capital appartient
maintenant à l'État canadien. Il reste quelques actions en
circulation de la société BP, raffinage et marketing. Je crois
que toutes les actions de Fina ont été totalement acquises ou
sont promises d'une façon directe. Alors, on peut dire, pour simplifier
la réponse, que la totalité du capital de Petro-Canada appartient
au gouvernement fédéral.
M. Duhaime: J'avoue que c'est une information que j'aurais pu
prendre ailleurs, mais je n'ai pas eu le temps de jeter un coup d'oeil sur vos
états financiers. Mais, pour les fins de notre discussion, quelle est la
taille du capital-actions? C'est une société à actions,
bien sûr, après les acquisitions...
M. Dupuis: Oui.
M. Duhaime: ...de Petrofina et de BP. En tout cas, je le
retrouverai.
M. Dupuis: Avec les dernières dotations en capital,
j'aurais de la difficulté à vous donner une réponse
précise. Je peux fournir la réponse à votre bureau.
M. Duhaime: Non, on aura les chiffres; c'est probablement
disponible. Mais j'aurais aimé les avoir en tête.
Je voudrais vous poser quelques questions sur le marché, d'abord,
parce qu'à la suite du dépôt des différents
mémoires nous avons pu convertir les prévisions de toutes les
compagnies pétrolières, incluant SOQUIP, et celles de la
Direction générale de l'analyse financière, au
ministère de l'Énergie et des Ressources, à Québec.
Nous avons ramené ces prévisions sur une base barils-jour et je
crois que c'est à la page 17 du mémoire que vous nous
présentez les vôtres. Je pense que c'est la bonne pagination. Je
ne sais pas si j'ai la pagination du mémoire d'aujourd'hui; c'est
celui-là, octobre 1983. C'est parce que vous travaillez avec des
pourcentages et je donne comme exemple, sans aller dans toute la ventilation,
sur la base de la variation de la demande... Sous la colonne Demande-totale de
pétrole, pour 1982, votre chiffre était -14%; pour 1983, 4%; pour
1984-1985, +1% à +2%; pour 1986 à 1990, +1%; pour 1991 à
l'an 2000, 0%. Est-ce que cela a été converti en barils-jour?
M. Dupuis: Oui, je peux vous le faire, si vous voulez. Je l'ai
fait, parce que je me suis aperçu, tout à l'heure, que vous
travailliez en barils-jour, alors que nous l'avions soumis en mètres
cubes.
M. Duhaime: En mètres cubes.
M. Dupuis: J'ai les chiffres et je peux vous les donner.
M. Duhaime: Oui, j'aimerais les avoir. (16 h 45)
M. Dupuis: Pour 1984, nous prévoyons la demande au
Québec de 318 000 barils-jour. Pardon, je m'excuse, c'est pour 1983. En
1984, 304 000 barils-jour et 291 000 barils-jour en 1985. C'est une
prévision qui est beaucoup plus conservatrice que celle dont on a
parlé il y a environ une heure.
M. Duhaime: Alors, 291 000 barils-jour pour 1985.
M. Dupuis: Oui. Et 283 000 barils-jour pour 1986.
M. Duhaime: Bon, maintenant, vous nous avez parlé de votre
part de marché au Québec, mais Petro-Canada a des
activités dans le raffinage, dans la distribution, au Québec et
en Ontario principalement, dans les Maritimes aussi. Quelle est la part... Je
comprends que vous, vous êtes vice-président principal,
région de l'Est. La région de l'Est, pour Petro-Canada, est-ce
que c'est Québec et Maritimes...
M. Dupuis: Oui.
M. Duhaime: ...ou si c'est Ontario, Québec et
Maritimes?
M. Dupuis: Non, Québec et les Maritimes.
M. Duhaime: Québec et les Maritimes? M. Dupuis:
Oui.
M. Duhaime: Quelle est votre part de marché dans la
région de l'Est?
M. Dupuis: Dans la région de l'Est, au total, on approche
les 20% actuellement, si on regarde la totalité de la région de
l'Est et au Québec, c'est de l'ordre de... Je m'excuse, je reprends.
Dans les provinces maritimes, ce serait de l'ordre de 15%; au Québec, ce
serait de l'ordre de 20%.
M. Duhaime: Bon.
M. Dupuis: Notre part est un peu moins importante dans les
provinces maritimes qu'au Québec.
M. Duhaime: Et, en Ontario, j'aimerais avoir les chiffres.
M. Dupuis: En Ontario, cela approche beaucoup le Québec.
C'est à peu près dans les mêmes pourcentages qu'au
Québec.
M. Duhaime: Vous nous avez mentionné que vous aviez 1100
postes, 1100 points de vente, si je comprends bien.
M. Dupuis: Oui, nous avons 1100 points de vente: postes
d'essence, postes de distribution d'huile à chauffage, succursales de
vente et ainsi de suite. Pour l'Ontario, c'est à peu près la
même chose; quelques dizaines de plus, je crois.
M. Duhaime: Quelle est la stratégie que privilégie
Petro-Canada actuellement? Est-ce que vous voulez concentrer vos points de
vente? Je vous dis cela bien amicalement, parce que quand je sors de mon bureau
et que je vois des stations Petro-Canada à 300 pieds de distance l'une
de l'autre... Est-ce que vous avez une stratégie qui va vous permettre
de concentrer vos points de vente? C'est ma première question.
La deuxième: Quelle est votre position
en ce qui concerne l'établissement de stations libre-service?
M. Dupuis: À la première question, en termes de
rationalisation ou de concentration du nombre de points de vente, je crois que
nous faisons face aux mêmes conditions que tous nos confrères dans
l'industrie, c'est-à-dire que, étant donné l'absence ou la
lenteur de la rationalisation au cours des trois ou quatre dernières
années au Québec, étant donné la baisse de la
demande, il y a un besoin criant de rationalisation. C'est évident. Je
pense que tout le monde l'a constaté dans les différentes
interventions ici. Nous, comme les autres, devrons faire face à cette
musique. Nous avons établi certains plans qui indiquent qu'il y aurait
peut-être 15% à 20% de notre réseau dans l'ensemble qui,
à long terme, ne seraient peut-être pas viables. Donc, il est
évident qu'il faudra faire face à cette situation comme tout le
monde. Je pense que le fait est bien connu des membres de la commission.
Vous avez fait allusion brièvement dans votre question à
ce problème de postes d'essence qui, dans certains cas, semblent
à 300 pieds les uns des autres. Nous avons identifié au
Québec 44 cas de duplication flagrante, en raison de l'acquisition
récente -en mars dernier - de BP qui suivait d'assez près
l'acquisition de Fina il y a deux ans. Donc, il y a un certain nombre de coins
de rue qui semblent être pour le public des cas de duplication. Cela ne
veut pas dire qu'ils seront tous fermés. Très souvent, à
une intersection très passante où il y a des restrictions a
l'accès d'un côté ou de l'autre de la rue, les deux
côtés de la rue s'adressent à deux clientèles
totalement différentes: des gens le matin, des gens le soir. On ne
fermerait pas cela de façon automatique, mais, on a un travail à
faire de ce côté-là et ce sera réparti probablement
au cours des trois ou quatre prochaines années.
Je veux souligner à la commission que la fermeture de postes
d'essence est souvent un processus naturel en ce sens que ce n'est pas
nécesssairement provoqué par la société
pétrolière. Ce sont des détaillants indépendants,
propriétaires de leur propre emplacement qui, dans le temps,
décident de reconvertir et de faire autre chose, ou décident tout
simplement d'abandonner le commerce. Ce ne sera pas obligatoirement des
décisions prises par les sociétés
pétrolières de fermer. Il se fait une attrition un peu naturelle
dans ce marché comme dans tous les autres marchés. Quant à
la rationalisation, notre projet est de continuer à travailler dans ce
domaine.
Votre deuxième question concernait les libres-services. Il est
évident que le consommateur, ici comme ailleurs, a reçu les
libres-services avec beaucoup d'enthousiasme. C'est une donnée du
marché et le consommateur semble aimer ces postes. On a des dizaines
d'exemples qui nous indiquent que la conversion d'un poste traditionnel qui ne
faisait pas grand-chose en libre-service se solde souvent par le doublement des
ventes du jour au lendemain ou, du moins, par des augmentations substantielles.
C'est notre intention, dans les endroits où cela coûte très
cher, d'acheter un terrain, d'avoir un volume maximal sur ces terrains de sorte
que, dans les grandes agglomérations urbaines ou semi-urbaines où
l'immeuble est très cher, les futures constructions, s'il y en a, seront
des libres-services.
On voit aussi un certain nombre de conversions de postes conventionnels
à des libres-services. Par contre, dans ce domaine comme dans tout autre
domaine, il existe une saturation naturelle. Il y a un solide pourcentage de la
clientèle qui veut être servie, alors il faut y voir. Je ne pense
pas que le pourcentage de libres-services dans les grands centres,
actuellement, changera beaucoup dans le temps. Il y a encore un peu de travail
à faire, mais j'ai l'impression que la majorité de ce gros
travail a été faite à la fin des années
soixante-dix surtout. Notre politique est résolument de donner le
libre-service dans les endroits où les gens semblent vouloir ce type
d'installations. Souvent, d'ailleurs, les libres-services, comme vous le savez,
sont accompagnés d'autres services. On a beaucoup de libres-services qui
sont accompagnés de ce qu'on appelle couramment les dépanneurs;
on a des libres-services qui ont des lave-auto. C'est souvent accompagné
d'un autre service que le consommateur semble vouloir.
M. Duhaime: Quels sont vos projets, en termes de points de vente
en libres-services, pour le Québec? Est-ce que vous avez comme
stratégie, par exemple, de ne pas augmenter le nombre de points de
vente?
M. Dupuis: Oui.
M. Duhaime: Est-ce que votre stratégie va dans le sens de
remplacer les postes existants en les convertissant en libres-services? Comment
fonctionnez-vous?
M. Dupuis: Si vous me permettez, M. le ministre, je demanderais
à M. Bourelle de répondre à cette question.
M. Duhaime: Bien sûr, oui.
M. Bourelle (Georges): Je dois souligner, tout d'abord, que
depuis deux ans nous avons ajouté tout simplement deux nouvelles
stations de libre-service au Québec.
M. Duhaime: Deux? M. Bourelle: Oui.
M. Duhaime: Où est la deuxième? Il y en a une
à Grand-Mère.
M. Bourelle: Je ne peux pas vous dire exactement où est la
deuxième, mais on en a ajouté deux nouvelles. Maintenant, les
conversions...
Une voix: L'autre est à Shawinigan. M. Duhaime:
Non.
M. Bourelle: ...des stations conventionnelles - c'est
peut-être ce que vous préférez - il y en a plus
fréquemment. Encore une fois, c'est tout simplement une question de
satisfaire la demande là où le volume de nos stations est tel que
nous nous apercevons qu'un libre-service pourrait améliorer la
rentabilité de ce poste. Présentement, nous n'avons pas un plan
spécifique d'ajouter un certain nombre de postes libre-service dans les
prochaines années.
M. Duhaime: Que Dieu vous entende!
Je voudrais avoir un peu d'information non pas sur le fonctionnement de
Petro-Canada et sur ses relations avec son ministère de tutelle, mais,
comme entreprise comme telle, est-ce que Petro-Canada est une entreprise
profitable? Est-ce rentable? Sans porter de jugement sur la pertinence de
l'intervention du gouvernement dans le secteur, je crois que ce ne serait pas
à vous de répondre à ce genre de question, mais est-ce que
Petro-Canada, avec sa dotation en capital, avec ses programmes en cours, sa
capacité de raffinage, son réseau de distribution, ses programmes
d'exploration, etc., au total, est une entreprise rentable?
M. Dupuis: Petro-Canada n'a jamais perdu d'argent, elle n'a
jamais fait de pertes financières. L'entreprise peut être aussi
rentable que ses concurrents. La situation de 1983 est désastreuse, je
pense que vous avez vu cela pour l'ensemble de l'industrie. Les situations de
concurrence qu'on a eues font très mal actuellement et c'est une
mauvaise année à passer à cause du marché.
Fondamentalement, par contre, la situation affecte tout le monde de
l'industrie. Nous sommes une entreprise rentable et nous comptons bien
continuer à l'être.
M. Duhaime: Ce matin, M. Fortier se plaignait avec raison,
jusqu'à un certain point. Je lui rappelais, d'ailleurs, que cela fait
partie des malheurs de l'Opposition de ne pas avoir à sa disposition les
états financiers de Gaz Inter-Cité. Mais Petro-
Canada étant une compagnie publique, il est bien évident
que les états financiers sont disponibles. Je comprends que la
conjoncture est mauvaise mais, en termes de rendement sur l'avoir de
l'actionnaire, par exemple, est-ce que vous avez à l'esprit ces
chiffres? Cela donne quoi?
M. Dupuis: Oui. En 1983, M. le ministre, il n'y en aura pas
beaucoup de rendement sur l'avoir de notre actionnaire. Je pense que toutes les
sociétés du secteur connaissent les mêmes problèmes.
La différence est que nous, étant plus jeune, moins bien
installé que nos grands concurrents, on n'a pas la base de production de
pétrole brut et de gaz naturel, mais surtout de pétrole brut que
les autres ont de sorte que toute mauvaise année dans le secteur de la
vente des produits pétroliers peut se traduire par des
difficultés au niveau de l'ensemble du bilan consolidé. Par
contre, dans une condition normale de marché, si le marché
était normal - si on pouvait définir ce que c'est que la
normalité - je crois bien que nous sommes rentables et nous sommes
profitables.
M. Duhaime: Mais en termes de pourcentage, avez-vous une
idée en tête?
M. Dupuis: Je ne crois pas que cette année la division des
produits pétroliers fasse de l'argent. Je pense que ce sera difficile
d'évaluer cela. Mais en termes de rendement sur l'investissement pendant
l'année passée, une jeune société ne donne pas
encore de rendement élevé. Je pense que c'est peut-être
dans les 2% ou 3% l'année dernière, mais il faut regarder la
situation dans laquelle on est, c'est-à-dire une société
qui n'a pas eu le temps encore d'accumuler des actifs pendant 100 ans pour
avoir un capital aujourd'hui, alors c'est plus cher. On paie plus
d'intérêt que nos concurrents, c'est évident.
M. Duhaime: Une dernière question sur l'exploration. Je
sais, bien sûr, qu'à l'heure actuelle, à Gaspé, il y
a des travaux de forage qui se font. Je ne sais pas où sont rendus nos
gens exactement avec le dossier, mais est-ce que cela semble être
l'information que vous avez et, je pense bien aussi, un certain devoir de
discrétion et de confidentialité que nous avons mutuellement,
mais est-ce qu'on perd notre argent en continuant de faire de l'exploration au
Québec? Est-ce qu'on jette de l'argent à l'eau ou si cela vaut le
coût d'aller voir jusqu'au fond?
M. Dupuis: Comme vous le savez, le pétrole est
découvert dans l'imagination des gens avant d'être
découvert dans la terre. Chaque fois que quelqu'un avait un puits
sec,
il perdait de l'argent. Par contre, rien n'aurait jamais
été découvert si un certain nombre de puits secs n'avaient
pas été découverts. Alors, je crois savoir que les
conditions de fonctionnement du puits à Gaspé vont très
bien cet été. C'est-à-dire que cela roule. Je crois qu'on
est partenaire avec SOQUIP et que SOQUIP exploite le site. Cela semble aller
très bien, maintenant pour ce qui est du résultat du forage
lui-même. Je m'excuse, mais je ne peux absolument pas commenter sur le
résultat.
M. Duhaime: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on est rendu
à 1500 mètres, qu'est-ce qu'il y a là...?
M. Dupuis: Ah! On est rendu à 1500 mètres. Bon.
Cela descend.
M. Fortier: Si vous vous rendez en Chine, vous allez en
trouver.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Dupuis...
M. Dupuis: Merci, M. le ministre.
M. Duhaime: ...de même que ceux qui vous accompagnent.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je vais y aller prochainement, je vais aller à
Grande-Vallée bientôt pour voir si le ministre fait son
travail.
M. Dupuis: Cela va péter le feu.
M. Fortier: M. le Président, M. Dupuis, si ma
mémoire est fidèle, vous étiez avec la SGF jusqu'à
récemment. Non?
M. Dupuis: Oui et non. J'étais avec la SGF jusqu'au
début de 1981. Par la suite, j'ai dirigé une
société dans laquelle la SGF avait des capitaux.
M. Fortier: Ah! Oui, oui. Vous étiez dans une des
filiales... Non?
M. Dupuis: Une filiale que la SGF ne contrôlait pas, mais
dans laquelle elle avait beaucoup de...
M. Fortier: ...dans laquelle elle avait des capitaux, oui.
M. Dupuis: ...capitaux.
M. Fortier: Maintenant, vous êtes avec une autre...
M. Duhaime: C'est CARMONT, je crois, n'est-ce pas?
M. Dupuis: Non. J'étais avec Cegelec Industries.
M. Duhaime: Pardon?
M. Dupuis: Cegelec Industries.
M. Fortier: Alors, pour vous, les relations entre une
société dans laquelle l'État a des fonds, cela vous est
familier et tout cela. J'ai été étonné - on vous
remercie d'être venu faire une présentation aujourd'hui - de
l'importance de Petro-Canada dans l'activité économique du
Québec et surtout en ce qui concerne le développement
technologique - je pense à Canmet en particulier. Mais vous avez
évoqué des possibilités de commercialisation de ce
procédé. Il y a des concurrents qui nous disent que vous avez
pris un risque assez important puisque ce procédé n'est pas aussi
au point qu'on l'aurait voulu. J'imagine que si on ne risque rien, on n'a rien.
Quel est l'état des travaux dans le moment? Est-ce que les travaux
progressent? Autrement dit, si les travaux ne sont pas terminés, vous ne
pouvez pas nous donner les résultats de la mise en service et les
résultats pour prouver si le procédé est
démontré par l'utilisation de l'équipement qui a
été mis en place. (17 heures)
M. Dupuis: En fait, le procédé a été
démontré en laboratoire. C'est-à-dire sur une base d'un
baril par jour en laboratoire dans nos services de recherche. Mais le
procédé semble assez prometteur pour qu'on ait
décidé d'essayer une usine de démonstration de 5000
barils-jour, ce qui est encore relativement petit, mais qui, entre
parenthèses, réglerait à toutes fins utiles notre
problème de mazout lourd. Il n'y en aurait plus pour nous. Alors, c'est
135 000 000 $ qu'on investira. Le risque est élevé, j'en
conviens. Par contre, comme pays on a deux choix: on peut continuer pendant les
50 prochaines années d'importer ces technologies de pays
européens ou de tous nos grands fournisseurs américains
habituels, ou on peut essayer d'en développer certaines
nous-mêmes. La décision qui a été prise par
Petro-Canada, c'est d'essayer d'en développer nous-mêmes. Je ne
pense pas que nos ingénieurs, surtout les gens du Conseil national de
recherches et de Lavalin, soient fondamentalement moins compétents que
les autres. Je crois qu'ils sont capables de développer quelque chose.
On prend un risque évident.
La construction de l'usine a commencé il y a quelques semaines.
On en est au niveau de choses aussi simples que l'aménagement des
terrains, les structures métalliques, ainsi de suite. Alors il est
encore trop tôt pour dire quoi que ce soit.
Ce n'est que dans environ deux ans qu'on pourra commencer à
utiliser l'usine et qu'on pourra voir si cela fonctionne en vraie grandeur. Si
oui, je crois qu'on aura une occasion formidable ici d'exporter une nouvelle
technologie, en ce sens que tous les pays au monde auront les mêmes
problèmes que nous - on y a fait allusion tout à l'heure - d'ici
quelques années, c'est-à-dire des surplus de mazout lourd. C'est
le problème mondial du raffinage. Il faut faire quelque chose. Ce
procédé permet à toutes fins utiles d'éliminer ce
problème de surplus de mazout lourd dans une raffinerie. Ce sera la
façon de régler les problèmes à l'avenir. Est-ce
que ce sera notre technologie ou celle d'Américains ou de
Français qui prévaudra? On espère que ce sera la
nôtre.
M. Fortier: C'est quand même intéressant de voir cet
investissement - vous disiez 135 000 000 $...
M. Dupuis: Oui.
M. Fortier: ...dont 68 000 000 $ au Québec - quand on
pense aux sociétés pétrolières dont la plupart ont
leur siège social à Calgary, j'imagine, ou à Toronto. Sans
se tromper, on peut dire que, pour la plupart, la recherche et le
développement sont faits dans leur pays d'origine, surtout s'il s'agit
de sociétés multinationales américaines. Peut-être
que vous pouvez répondre à la question: Se fait-il beaucoup de
recherche et de développement au Canada? Est-ce que les filiales de
sociétés américaines font beaucoup de recherche au Canada
dans le domaine de la mise au point d'un nouveau procédé?
J'imagine qu'il doit s'en faire quand même une certaine quantité.
Vous avez mis en évidence, comme c'était votre devoir, ce que
fait Petro-Canada, mais, par rapport aux autres sociétés, y
a-t-il des essais, de la recherche et du développement qui se font dans
l'industrie pétrolière canadienne?
M. Dupuis: Dans le domaine des procédés de
raffinage, il y a quand même peu de chose qui se fait, je crois. C'est
une impression que j'ai. On admire quand même une installation de
recherche d'un de nos grands concurrents au Canada qui s'y est bien
installé dans la recherche. Il y a une société qui semble
faire quelque chose au Canada. Dans le domaine des procédés, peu
de chose est fait. Il y a la recherche et le développement fondamental,
mais il y a aussi l'ingénierie. Par exemple, actuellement, nous
complétons les dernières études qui, j'espère,
concluront qu'il faut construire un nouveau craqueur catalytique à notre
raffinerie de Montréal. Le temps est venu de le changer; il date de 1955
et il a fait son temps. C'est un investissement de 50 000 000 $, grosso modo.
On fait faire l'ingénierie par SNC. C'est peut-être un peu la
différence qui existe. C'est-à-dire qu'on va peut-être
avoir un peu plus tendance à faire confiance à des gars d'ici
plutôt que de sauter au plus facile et d'aller à San
Francisco demander à des gens qui en ont déjà
construit de le faire. On essaie d'en faire un peu de ce côté. Il
est évident que la SNC n'a pas encore construit de craqueur, mais si
elle n'en construit jamais... Donc, dans ce sens-là, il y a la
recherche, mais aussi l'ingénierie, que je dissocie de la recherche qui
est l'application pratique de découvertes technologiques.
M. Fortier: Tout cela fait partie du "know-how" canadien et
québécois dans ce secteur. En ce qui concerne l'approvisionnement
en pétrole, vous êtes associés avec SOQUIP et avec d'autres
compagnies à Hibernia et à d'autres endroits. Sur le plan de
l'approvisionnement ou du développement possible d'Hibernia, je ne crois
pas que c'était Petrofina à l'origine...
M. Dupuis: Petro-Canada.
M. Fortier: C'était Petro-Canada qui était
associée à ces recherches. Pourriez-vous nous tracer un tableau
assez bref sur la possibilité que ces puits se développent? En
quelle année et de quelle façon? Si on pense en termes
d'approvisionnement pour le Québec, quelles sont les possibilités
qu'Hibernia approvisionne le Québec?
M. Dupuis: Premièrement, à Hibernia, on ne parle
plus d'exploration pétrolière, on parle de découvertes
pétrolières. Il y a du pétrole à Hibernia. C'est ce
qui fait la différence avec nos autres projets qui sont encore des
espoirs; mais, dans cette zone, c'est une véritable découverte.
Hibernia, c'est quand même dans peu profond d'eau. Il y a 200 pieds
d'eau, grosso modo. Ce n'est pas profond. Les technologies pour aller chercher
le pétrole sont facilement accessibles. Cela ressemble beaucoup à
la mer du Nord en termes de profondeur d'eau. Hibernia, c'est seulement
à 190 milles des côtes de Terre-Neuve, la terre la plus proche. Ce
n'est pas en haute mer dans les endroits inaccessibles.
Donc, si on regarde la combinaison de ces trois facteurs,
découverte, eau peu profonde et à peu de distance des
côtes, il est évident que Hibernia sera développée.
Cela répond à votre question.
Selon notre scénario, on croit que -sans donner l'impression que
Hibernia est facile, car ce n'est pas si facile - malgré la relative
facilité, Hibernia fait une contribution importante à
l'approvisionnement de l'Est du Canada en 1992, c'est-à-dire dans neuf
ans. La contribution est de l'ordre de
200 000 barils-jour à compter des années 1992 et par la
suite. La consommation des provinces atlantiques étant - sans faire de
facétie - à peu près l'équivalent de celle de la
moitié de l'île de Montréal, il est évident que le
client important pour le pétrole de la zone Hibernia, c'est le
Québec.
M. Fortier: Ou le Nord-Est des États-Unis.
M. Dupuis: Si on est dans une situation qui permet, à
l'époque, au Canada de redevenir un grand exportateur de pétrole
brut, tant mieux. Toute chose étant égale, d'ailleurs, on en aura
besoin pour nos propres besoins intérieurs. Donc, je prévois une
contribution importante d'Hibernia à l'approvisionnement du
Québec vers 1992 ou 1993. C'est le scénario actuel de
Petro-Canada au sujet d'Hibernia.
M. Fortier: Dans le moment, on est encore à
l'étape...
M. Dupuis: ...du délinéateur, si on peut employer
ce mot.
M. Fortier: ...de la précision du champ. Autrement dit, ce
que vous dites, c'est qu'en 1992, on produira du pétrole ou le
pétrole sortira de la terre et sera acheminé vers les
marchés. Pour arriver à cette date, à quelle date les
sociétés impliquées doivent-elles prendre des
décisions pour réellement investir sur une grande
échelle?
M. Dupuis: Vers 1985 ou 1986, les décisions importantes en
termes de méthode d'acheminement du pétrole auront du être
prises, c'est-à-dire si on utilise le pipeline ou le bateau. C'est une
décision très importante. Je pense que les investissements
très importants seront vers la fin des années quatre-vingt. Une
fois la technologie connue, une fois la décision prise - si on prend la
mer du Nord comme parallèle - cela va relativement vite à la fin
pour les installations des matériaux. C'est probablement vers 1988 ou
1989 que les gros investissements seront nécessaires en termes de
dépenses.
M. Fortier: On a dû faire une évaluation pour
produire 200 000 barils-jour approximativement à ce moment-ci, parce que
les techniques ne sont pas précisées. Est-ce qu'on a une
idée des investissements requis pour réaliser cette
production?
M. Dupuis: Je m'excuse, M. le député, je ne peux
pas répondre à votre question. J'ai vu des chiffres - j'ai
peut-être été un peu négligent - j'aurais
peut-être dû les apporter. On peut peut-être envoyer à
la commission...
M. Fortier: II y a deux aspects importants pour le Québec.
Le thème de notre commission parlementaire est: Énergie et
développement économique. On se préoccupe
d'approvisionnement. Vous nous dites que Hibernia sera très probablement
mis en service en 1992 avec 200 000 barils-jour. D'autre part, l'exploitation
de ce champ va demander des investissements très importants. Donc, les
sociétés québécoises qui peuvent...
M. Dupuis: Des milliards de dollars.
M. Fortier: ...fournir de l'équipement, des
matériaux ou des services pour ce genre de développement
pourraient être impliquées si elles savent comment s'y prendre.
Quand même, il y a certains handicaps. On disait que le pétrole
d'Hibernia est un pétrole lourd. Dans quelle mesure est-il plus lourd
que d'autres?
M. Dupuis: Je ne crois pas que ce soit un problème
à long terme. Si on regarde ce que l'on traite à notre raffinerie
de Montréal, aujourd'hui, Hibernia serait du gâteau, de la
crème glacée. Ce n'est pas un pétrole qui...
M. Fortier: II est moins lourd que le pétrole
mexicain.
M. Dupuis: Maya, Isthmus et Menemota du Venezuela, c'est moins
lourd que cela. Il est associé avec beaucoup de gaz et beaucoup de
liquide. Cela pose un problème technique, c'est-à-dire qu'il faut
faire l'extraction, la séparation des gaz et du pétrole à
la tête des puits. Faire cela à 200 milles de la côte, c'est
un peu difficile. Je ne crois pas que sa viscosité ou sa densité
soit un problème. C'est certainement mieux que ce qu'on est souvent
obligé d'importer du Mexique et du Venezuela.
M. Fortier: Ici, SOQUIP nous donne un tableau selon lequel il y
aura des importations potentielles de quelque 350 000 barils-jour. C'est que,
même avec Hibernia, on aurait quand même besoin d'importer d'autres
pays, j'imagine. À ce moment, si on enlève 200 000 barils-jour,
ce serait peut être d'environ 150 000, en plus d'Hibernia.
M. Dupuis: Une des raisons peut-être de ce problème,
c'est qu'on croit que SOQUIP a une vision de la demande qui est beaucoup plus
optimiste que la nôtre. Je pense que c'est lié à cela.
Notre demande n'est pas aussi élevée que celle que SOQUIP
prévoit. Il est évident que, dans un scénario plus
élevé de demande, il faut importer davantage. Je pense que cela
pose beaucoup de questions en termes de comment, nous, on réagit
à ce qui se passe actuellement. Comme les gens
d'Ultramar disaient tout à l'heure, on fait l'hypothèse
à peu près que les objectifs qui ont été
énoncés dans le livre blanc au Québec et
réitérés à plusieurs reprises vont être
atteints, c'est-à-dire que c'est inéluctabe que le pétrole
soit déplacé par l'électricité et par le gaz. C'est
un fait de la vie, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas. On est assez pessimiste
du côté de la demande à cause de cette chose.
L'autre chose, c'est la demande de l'essence. On semble toujours croire
à cette reprise économique qui va faire que la demande d'essence
va augmenter; ce n'est pas si sûr que cela. On pense que la reprise
économique n'entraînera pas une hausse énorme de la demande
d'essence à moteur; peut-être même qu'elle pourrait
continuer à en accélérer la diminution. Quand le parc
automobile au Québec sera relevé à la suite d'une reprise
économique, les nouvelles voitures qui remplaceront les anciennes seront
certainement plus économiques et plus efficaces. Donc, on est
relativement pessimiste, si on peut employer cette expression, sur la demande
pétrolière au Québec. Ce qui fait que le scénario
d'importation n'est peut-être pas aussi élevé que ce que
vous avez vu. Bref, ce sont des prévisions.
M. Fortier: Enfin, comme toute prévision. Écoutez,
quand même Hibernia devient pour nous un facteur de
sécurité, sûrement. Probablement que le coût va
être plus élevé, cela dépend. J'imagine que la
rentabilité d'Hibernia dépend de l'augmentation parce que cela
serait difficile, j'imagine, de rentabiliser Hibernia avec les prix du
pétrole actuels. Les experts semblent dire que le prix du pétrole
pourrait se maintenir à un prix bas; donc, il y a une question de
rentabilité qui pourrait être difficile.
M. Dupuis: Je crois que, si le prix du pétrole ne reste
pas constant en termes réels... Disons qu'on aurait, par exemple, un
scénario où le pétrole en termes réels baisserait,
augmenterait moins vite que l'inflation; je crois qu'il demeure qu'au lieu de
1992, cela pourrait être plus loin dans le temps. C'est basé sur
un scénario de comportement normal du prix du pétrole comme
denrée internationale, c'est-à-dire que ce soit au moins
l'inflation ou quelque chose qui tourne autour de cela.
M. Fortier: De deux choses l'une. Ou bien le prix reste stable ou
baisse en valeur réelle et ceci pourrait vouloir dire qu'il y a un
approvisionnement mondial qui est très généreux. À
ce moment, on n'a pas de problème. Ou bien, il y a un approvisionnement
mondial qui est moins généreux et, à ce moment, les prix
augmentent pour rentabiliser Hibernia et là, pensant à la
sécurité d'approvisionnement, Hibernia peut venir à notre
rescousse.
M. Dupuis: Je pense que c'est la bonne façon de le
décrire. Il est évident qu'un scénario de prix très
bas veut dire disponibilité de pétrole très grande. On
peut ne pas avoir besoin d'aller si vite dans Hibernia. C'est une chose qu'il
est heureux d'avoir pas loin en réserve; c'est là. Si les
conditions mondiales s'y prêtent, c'est disponible.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Dupuis, quelques-uns l'ont fait remarquer, on a
l'occasion de le voir régulièrement, le moins qu'on puisse dire,
c'est que vous avez une excellente campagne et publicité tous azimuts.
Je n'ai pas le goût de vous demander quel est l'effort professionnel que
vous consentez en termes de dollars. Mais si l'information est disponible, je
l'apprécierais. J'essaie de comprendre. Vous faites un scénario
à 291 000 barils-jour sur l'horizon de 1985, qui serait le marché
ici au Québec. Vous avez déjà au-delà de 20% du
marché. Votre stratégie veut donc, si vous voulez agrandir et
prendre votre expansion, qu'en prenant une part plus grande de marché,
vous allez nécessairement, par la pure mathématique des choses,
déplacer des concurrents. Je ne fais pas erreur jusque-là.
Comment est-ce que vous réagiriez si, demain matin, il y avait un autre
concurrent sur le marché, lequel s'appellerait, disons,
Petro-Québec, et qui aurait comme slogan publicitaire: Cela nous
appartient aussi? Comme dirigeant de Petro-Canada - j'ai posé la
même question à d'autres; remarquez bien que je suis
étonné, cependant, que mon collègue d'Outremont ne vous en
ait pas parlé... (17 h 15)
M. Fortier: ...abandonné.
M. Duhaime: ...comment réagiriez-vous? C'est une pure
hypothèse, parce que la décision n'est pas prise au gouvernement,
comme vous le savez, et je l'ai dit à plusieurs reprises. M. Fortier
parle de nationalisation. Je pense que c'est faire une erreur. Je ne suis
absolument pas convaincu que l'Assemblée nationale ait le pouvoir de
nationaliser dans ce secteur. Ce n'est pas une richesse naturelle. C'est de
l'importation et c'est du commerce interprovincial également. Alors, on
n'ouvrira pas le volet constitutionnel, mais j'ai l'impression que, si une
décision était prise, ce serait une transaction de gré
à gré. Comment réagissez-vous comme homme d'affaires qui
voit venir un autre concurrent de la nature de celui que j'ai
indiqué?
M. Dupuis: Cela nous forcerait à faire encore un meilleur
travail.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Dupuis: Si vous me posez la question en tant qu'homme
d'affaires, en tant que vendeur de produits pétroliers, il faudrait
être encore plus rapide, se lever encore plus tât le matin et
travailler encore plus fort pour faire face à la concurrence. On fait
face à de durs concurrents actuellement qui ont des thèmes ou des
approches publicitaires et promotionnelles, et on se bat dans ce
sens-là. Ce serait une bataille encore plus dure.
M. Duhaime: J'avoue, M. Dupuis, que je vous ai
écouté avec beaucoup d'attention cet après-midi. J'ai lu
votre mémoire que vous nous avez fait transmettre. Je vais certainement
prendre le temps de relire la mise à jour que vous avez faite
aujourd'hui. Mais j'avoue que c'est très inspirant ce que vous
accomplissez. Si vous en êtes à vos premières
années, même si le rendement sur l'avoir de l'actionnaire est
faible, je pense que toute jeune entreprise a un rendement inférieur
lorsque la charge d'intérêts sur sa dette est plus
élevée, mais, entre nous, bien entre nous, que l'actionnariat
soit public ou qu'il soit privé, pour autant que cela concerne votre
compagnie, qu'est-ce que cela change?
M. Dupuis: C'est tout le débat des sociétés
d'État et des sociétés dites privées. Qu'est-ce que
cela change? Il y a certainement, chez nous comme chez vous, ce que vous avez
mentionné tout à l'heure et qui s'appelle l'autonomie des
sociétés d'État. Nous fonctionnons comme une
société commerciale. Nous avons comme premier devoir de donner
à nos actionnaires un rendement sur leur capital qui soit
adéquat. Les Canadiens ont investi beaucoup d'argent dans cette
entreprise et notre devoir, c'est de leur donner un retour. On ne peut se
permettre de manquer notre coup, parce qu'il y a trop de gens qui nous
regardent et qui, parfois, aimeraient qu'on manque notre coup. Il faut prouver
qu'on...
En termes commerciaux, cela ne fait pas énormément de
différence. On agit à peu près comme nos concurrents.
D'ailleurs, on essaie d'agir mieux qu'eux. Il est évident qu'une partie
de notre mandat transcende le pur aspect commercial. On a une tendance
naturelle, un préjugé très favorable aux fournisseurs
canadiens; c'est évident. Le même préjugé
n'existerait peut-être pas chez une société
différente. On a ce préjugé-là; on le dit
très clairement; on n'a pas peur de l'afficher.
Pour nous, en tant que gestionnaires d'une société comme
Petro-Canada, cela ne fait pas une grande différence. Notre travail
consiste à bien utiliser les capitaux qui nous ont été
confiés par nos actionnaires et d'en faire quelque chose de bien. C'est
un principe général, je pense, dans beaucoup de
sociétés d'État. Maintenant, en pratique, à long
terme, est-ce que c'est vrai? J'espère que c'est vrai.
M. Duhaime: Je vous remercie. J'aurais pensé
qu'après la présentation que vous venez de faire le
député d'Outremont allait changer d'idée et qu'il verrait
que c'est peut-être une bonne chose que l'État, que ce soit
l'État provincial ou l'État fédéral, intervienne
dans ce secteur, mais on n'a pas eu de réaction de sa part. On va
attendre.
M. Fortier: Si vous voulez que je réagisse, je peux bien
réagir tout de suite. D'une part, je pense que le gouvernement de la
province de Québec n'a pas eu grand-chose à dire dans la
décision du gouvernement fédéral. Si j'avais
décidé d'oeuvrer au fédéral, je m'impliquerais
davantage, mais, comme je suis au provincial, je tiens pour acquis qu'il y a
une société d'État qui s'appelle Petro-Canada. Je crois
que la présentation de Petro-Canada nous a fait valoir - je vous en
remercie, M. Dupuis -que la présence de Petro-Canada au Québec se
fait dans l'intérêt des Québécois et que la
recherche et le développement se font ici. Vous encouragez les bureaux
de génie-conseil québécois. Vous avez mentionné
Lavalin dans le cas de Canmet, vous avez mentionné SNC dans un autre
domaine et, compte tenu de cette présence, j'espère que cela a
convaincu le ministre qu'il y a une société d'État au
Québec dans le domaine pétrolier et, à mon avis, je crois
que c'est suffisant. Je pense qu'on va conclure là-dessus.
M. Dupuis: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci de votre mémoire,
M. Dupuis ainsi que les gens de Petro-Canada qui vous accompagnent. Je voudrais
inviter maintenant les représentants de Manuplast à prendre place
à la table.
On pourrait suspendre les travaux pour cinq minutes. Est-ce que ce
serait bien vu de tout le monde? Alors, nous suspendons les travaux pour cinq
minutes et, pendant ce temps, vous pouvez prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
(Reprise de la séance à 17 h 30)
Le Président (M. Gagnon): J'invite maintenant M. Nadeau -
M. Jacques Nadeau, c'est cela? - de la compagnie Manuplast, à nous
livrer son mémoire.
Manuplast Inc.
M. Nadeau (Jacques): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, avant de commencer ma présentation,
permettez-moi d'excuser le président de notre conseil d'administration,
M. Leduc, et le président de notre conseil exécutif, M. Martel,
qui devaient être présents mercredi, mais, à cause de
dispositions irrévocables, ils sont en dehors de la province dans le
moment.
Depuis deux ans, Plasti-Drain Ltée recherchait un local au
Lac-Saint-Jean pour fabriquer du tuyau de drainage en plastique. Les
circonstances ont voulu qu'au printemps 1982, à la suite de
difficultés financières, les compagnies Drainbec Inc. et Drainbec
Gaz Ltée déclarent faillite. Le local, les équipements de
fabrication et le personnel hautement qualifié d'Alma
représentaient une solution pratique relativement à l'expansion
de Plasti-Drain Ltée, une compagnie qui est localisée à
Saint-Clet, dans le comté de Vaudreuil-Soulanges. Cette solution
pratique s'est réalisée par une association avec M. Paul Martel
d'Alma qui, en unissant ses efforts, a permis la reprise des opérations
de l'usine d'Alma.
La location des locaux et de l'équipement des syndics, la
négociation des commandes existantes, des démarches auprès
des institutions financières et des compagnies possédant des
liens sur la machinerie, toutes ces démarches nous ont permis de
compléter l'achat des deux entreprises au mois d'août 1982. De
cette aventure naissait la compagnie Manuplast Inc., une compagnie
entièrement québécoise. Nous avons eu l'aide de
différents paliers de gouvernement et cela a été un atout
important pour la relance de cette entreprise. Il faut mentionner que Manuplast
fabrique présentement des tuyaux en matière plastique de 3/4 de
pouce à 6 pouces de diamètres. Ces tuyaux servent à la
distribution du gaz naturel au Québec. De plus, l'entreprise est l'un
des importants manufacturiers québécois de tuyaux à l'eau
en matière plastique et aussi de drains agricoles.
Manuplast a un chiffre d'affaires de 4 000 000 $ par année, dont
50% provient de la vente de tuyaux nécessaires à la distribution
du gaz naturel. Le contenu québécois de ce produit est d'environ
40%, puisque les matières premières proviennent soit des
États-Unis ou de l'Ontario.
L'impact économique découlant de l'utilisation de
conduites en plastique pour la distribution du gaz naturel se situe au niveau
de l'emploi, du transport et de l'utilisation de divers services connexes,
comme l'usinage de moules et, dans un avenir très rapproché, la
fabrication d'accessoires en plastique relatifs à ces conduites, tout en
utilisant une autre technologie favorisant ainsi la recherche et le
développement. Ce dernier projet, impliquant des mises de fonds
importantes en recherche et en haute technologie, est un complément
naturel aux opérations de notre entreprise d'Alma.
À la suite de visites aux États-Unis et en Europe, le
projet de fabrication d'accessoires, tels que les TS, les manchons, les
réduits et les coudes représente quelque chose de nouveau au
Québec. À l'heure actuelle, il n'existe qu'un seul manufacturier
de ces produits au Canada. De plus, ce manufacturier ne fabrique que des
accessoires de 2 pouces de diamètre et moins.
Sur le marché du tuyau en plastique pour le gaz naturel, une
entreprise comme celle d'Alma bénéficie de commandes de Gaz
Métropolitain et Gaz Inter-Cité. Toutefois, nous sommes
présentement à envisager le marché ontarien et, de plus,
des rencontres ont déjà eu lieu avec les agences qui s'occupent
du projet de l'île de Sable -Sable Island - en Nouvelle-Écosse,
nous offrant des possibilités intéressantes d'expansion pour
l'avenir. Depuis que ce mémoire vous a été
présenté, en mars, une personne qui nous sert d'agent en
Amérique du Sud nous a informés des possibilités d'un
marché à cet endroit.
Présentement, nos ventes ainsi que les emplois qui en
découlent proviennent à 50% du marché du gaz naturel. De
plus, nos achats au Québec dans le domaine de l'empaquetage, du
transport, des moules et des accessoires, apportent une contribution
appréciable à l'économie québécoise. Les
salaires payés à la main-d'oeuvre spécialisée
représentent un atout important à l'économie
régionale. Avec ses 28 employés et une liste de paie annuelle de
450 000 $ Manuplast Inc. est l'image type du modèle de la PME
québécoise dans un secteur où le chômage est
très élevé. Pour nous, le projet d'extension des services
de distribution de gaz naturel au Québec représente une assurance
de survie dans un marché où nous devons concurrencer avec des
multinationales étrangères.
La technologie et l'expérience acquises dans notre domaine nous
permettent de jeter un regard optimiste vers d'autres produits que le
Québec se doit d'importer actuellement et qui pourraient être
fabriqués chez nous avec un peu d'ingéniosité, des
investissements et de la technologie québécoise. Le
développement économique de notre province est lié
à une foule de petites industries qui, comme la nôtre, font face
à des problèmes économiques en regardant vers de nouveaux
produits et de nouvelles technologies.
Pour nous, le gaz naturel est un marché naturel. La
présente crise énergétique s'amenuisera avec l'utilisation
du gaz naturel. Puisqu'il faut toujours ne retenir
que le côté positif des temps les plus sombres, nous
pouvons dire que cette crise aura permis aux Québécois de se
doter d'une nouvelle industrie de haute technologie et de se maintenir comme un
chef de file dans le dossier énergétique.
Se sentant un peu comme David faisant face à Goliath, à la
suite de nos prédécesseurs à cette table, permettez-moi
d'ajouter que notre intervention dans ce dossier se situe au niveau des
extensions du réseau de gaz naturel, de l'impact que celui-ci peut avoir
au niveau d'une PME québécoise. Merci de votre attention et je
suis à votre disposition pour répondre à toutes les
questions que vous pouvez avoir. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Nadeau. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Nadeau, d'avoir pris le temps de
rédiger un mémoire et de vous être présenté
à la commission. Tout le monde sait qu'il est beaucoup plus facile pour
une multinationale de le faire, une grande entreprise qui a des équipes
d'économistes ou de recherchistes et lorsque c'est une PME qui prend le
temps et, j'imagine, les dépenses également, de rédiger un
mémoire et de venir le soutenir devant les parlementaires, je pense que
cela mérite d'être souligné. Je vous en suis
reconnaissant.
M. Nadeau: Merci.
M. Duhaime: Je voudrais vous poser une question. Vous produisez
ce fameux tuyau qui alimente Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité.
Je crois que c'est seulement au niveau de la distribution à
l'intérieur des municipalités. C'est le tuyau qui est
utilisé. Ils sont fabriqués chez vous, mais, pour les
matières premières, qu'est-ce que votre compagnie fait
exactement? Vous importez la matière première. Quelle est cette
matière première et qu'est-ce que votre compagnie fait
exactement?
M. Nadeau: Pour commencer, au niveau de la distribution, le tuyau
en matière plastique ne sert que lorsque le réseau amène
la conduite près d'une municipalité. Il y a un poste de
détente et, lorsque la pression est descendue dans les 80 livres, on se
sert de matière plastique pour la distribution. On importe la
matière plastique sous forme de grains. C'est comme des grains de riz.
Elle vient soit de la baie du Texas, Pasadena au Texas, ou de Sarnia en
Ontario.
M. Duhaime: C'est quoi ces grains-là? M. Nadeau: C'est du
polyéthylène.
M. Duhaime: Polyéthylène.
M. Nadeau: C'est de médium densité qu'on appelle.
Ce n'est pas tout à fait le même matériel qui est
utilisé pour le tuyau à l'eau. C'est une densité plus
basse. Lorsque ce matériel arrive par voie ferrée à Alma,
sous méthode d'extrusion, le plastique est fondu et formé en
tuyaux. Les contrôles sont très rigides. Il faut que les produits
soient approuvés CSA. Notre tuyau doit respecter la norme, ce qu'on
appelle la norme du tuyau 125. Il devrait être capable de supporter une
pression de 125 livres. Mais les tests prouvent qu'il est capable de supporter
une pression de 800 livres.
M. Duhaime: Ma question est la suivante. Le
polyéthylène qui vient du Sud, de densité moyenne, le
matériau principal avant que vous le traitiez à votre entreprise,
il n'y a aucune entreprise au Québec qui peut vous le faire?
M. Nadeau: Non.
M. Duhaime: Aucune?
M. Nadeau: Non. Le matériel qui est fabriqué par Du
Pont vient juste d'être approuvé il y a environ trois ou quatre
mois. Avant, il n'y avait aucune matière première au Canada
d'approuvée.
M. Duhaime: ...pétrole.
M. Nadeau: C'est un sous-produit direct du pétrole.
M. Duhaime: Maintenant, votre entreprise compte, pour 50% de son
chiffre d'affaires - c'est ce que vous nous dites -sur les ventes de conduites
de gaz à Gaz Métropolitain et à Gaz Inter-Cité. Je
comprends qu'actuellement on est dans une phase d'expansion par les conduites
latérales et pour les réseaux de distribution à
l'intérieur des municipalités, mais j'imagine qu'il va y avoir
une stabilisation. Comment voyez-vous l'avenir? Je comprends que vous soutenez
énergiquement la politique énergétique de
pénétration du gaz naturel pour des raisons assez
évidentes, mais cela me paraît très élevé,
50% de votre chiffre d'affaires. Après 1985 ou 1986, quand le gros de
l'expansion du réseau aura été fait, comment voyez-vous
cela?
M. Nadeau: Lorsque l'expansion du réseau sera
terminée, il faudra avoir en place des produits autres que les tuyaux de
gaz naturel.
M. Duhaime: Ah bon!
M. Nadeau: On a déjà commencé
d'ailleurs. On commence, cet automne, à produire ce qu'on appelle
du tuyau municipal, un tuyau qui est à peu près du même
genre, mais dont la force est un peu moindre, de qualité, disons, de 80
livres et de 45 livres de pression. Cela peut servir dans les mines, dans les
réseaux intérieurs comme dans un camping, dans ces
endroits-là.
M. Duhaime: Est-ce que votre entreprise, actuellement - donc, la
diversification, vous l'avez déjà à l'esprit - a un budget
de recherche et de développement?
M. Nadeau: Oui.
M. Duhaime: De quel ordre?
M. Nadeau: On dépense environ 100 000 $ par année
dans la recherche. C'est au niveau de la planification de moules, au niveau de
la planification de tests, de nouvel équipement pour tester nos
produits. On a un laboratoire réellement bien équipé,
à Alma. Si vous avez l'occasion de passer chez nous, vous serez toujours
le bienvenu pour le visiter. Deux techniciens sont en place qui s'occupent de
toujours essayer d'améliorer certaines choses. C'est un point important
dans notre industrie. D'abord, il faut trouver des nouveaux produits. On ne
peut pas se fier au tuyau du gaz naturel éternellement. On sait que
l'expansion de réseaux, c'est pour quelques années seulement,
trois ou quatre ans au maximum.
M. Duhaime: Si vous décidiez d'acheter de la fibre
d'amiante, ne vous gênez pas; les prix sont bons, nos inventaires sont
hauts.
M. Nadeau: Nous sommes des spécialistes dans le plastique
dans le moment.
M. Duhaime: Mais vous êtes plutôt un concurrent face
à la Société nationale de l'amiante. Vous êtes dans
les produits de substitution.
Il me reste à vous remercier, M. Nadeau.
M. Nadeau: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce que vous pourriez me dire qui sont les
actionnaires de votre compagnie? Est-ce que les employés... Vous
êtes le directeur général. Est-ce que vous êtes
actionnaire de la boîte?
M. Nadeau: Les principaux actionnaires sont un industriel de
Saint-Clet, M. Charles Leduc, M. Marcel Sauvé, de Dorion, et M. Paul
Martel, d'Alma. Ce sont les principaux actionnaires.
M. Fortier: Tout à l'heure, vous avez expliqué que
le tuyau de plastique qui est utilisé par Gaz Inter-Cité et Gaz
Métropolitain, c'est pour la distribution. Dans ma municipalité,
j'ai vu qu'on insérait un tuyau de plastique à l'intérieur
d'un tuyau qui existait, un tuyau en fonte. J'imagine que votre tuyau n'a pas
la capacité de supporter, disons, dix ou quinze pieds de terre et qu'il
doit être utilisé avec un tuyau comme celui-là. C'est
utilisé dans le réseau existant, mais est-ce pour
améliorer l'étanchéité de ce réseau? Est-ce
qu'il peut être utilisé seul, sans être associé ou
intégré à l'intérieur d'un tuyau de fonte existant,
comme, par exemple, dans la région de Montréal?
M. Nadeau: Gaz Métropolitain qui, dans le moment, a des
lignes qui datent de 80 ou de 70 ans fait ce qu'on appelle du "relining". On
installe un tuyau de plastique à l'intérieur. Pour ne pas avoir
besoin de défaire tout le système, on se sert de cette
méthode.
M. Fortier: Est-ce que c'est votre tuyau?
M. Nadeau: Oui.
(17 h 45)
M. Fortier: Bon.
M. Nadeau: Lorsqu'il y a une nouvelle installation, on n'a pas
besoin de tuyau de métal à l'extérieur. Ce tuyau-là
peut répondre à des tests, comme je vous le disais, de haute
pression. On fait monter la pression, dans une période de 75 secondes,
à 800 livres, pour faire un test d'éclatement. Cela prend 800
livres de pression pour faire éclater ce tuyau. Dans votre
système de distribution, la pression est entre 75 et 80 livres. Donc, le
tuyau est extrêmement sécuritaire.
M. Fortier: Je pensais surtout en termes du test qui serait de
supporter la charge de...
M. Nadeau: Aucun problème.
M. Fortier: ...de huit à dix pieds de terre ou de roche
au-dessus. Est-ce qu'il a également la capacité de pouvoir
supporter ce poids?
M. Nadeau: Il a la capacité de supporter la charge. Il a
été testé; c'est accepté par CSA; c'est
accepté aux États-Unis par les normes ASTM et en Europe aussi.
C'est le système de distribution où il
y a des chambres de détente, où la pression est descendue
à 80 livres. Ce sont les matières plastiques qui sont les mieux
qualifiées pour faire la distribution.
M. Fortier: Maintenant, est-ce que vous avez regardé les
possibilités d'utiliser un tuyau semblable pour la distribution
électrique? Hydro-Québec nous a dit qu'elle investirait des
millions de dollars, dans la région de Montréal en particulier,
pour amener les câbles électriques sous terre et améliorer
le rendement. Personnellement, je ne connais pas la différence qui peut
exister entre votre tuyau et celui qui est utilisé pour la distribution
électrique. Mais, ce tuyau est-il un marché éventuel?
M. Nadeau: II représente un marché éventuel.
Il y a déjà deux ou trois compagnies au Québec qui le
manufacturent. Il y a déjà une compétition assez
grande.
M. Fortier: Assez grande. Et cela pourrait être une avenue
pour vous?
M. Nadeau: C'est une possibilité. Maintenant, à
Alma, on a un problème: la localisation de l'entreprise. On est
obligé de monter les matières premières là-bas,
faire les produits finis et redescendre les matières premières au
marché. Donc, si vous manufacturez un produit qui vous coûte 500 $
du voyage à Montréal, au niveau compétitif, c'est assez
difficile.
M. Fortier: Vos frais de transport deviennent importants?
M. Nadeau: Ils deviennent un facteur important.
M. Fortier: Écoutez, on va vous souhaiter le plus de
chance possible. Je pense que c'est, comme vous dites, une PME typique qui se
développe. D'ailleurs, il ne faut jamais sous-estimer la
possibilité de développement. J'imagine que, le cas
échéant, si vous avez des grands programmes d'expansion,
même la SDI serait intéressée à vous appuyer.
M. Nadeau: On a eu l'aide de...
M. Fortier: Et, à ce moment-là, on va souhaiter que
vous deveniez un nouveau Bombardier québécois.
M. Nadeau: Merci.
Le Président (M. Gagnon); Merci.
M. Nadeau: On ne voudrait pas se rendre aussi haut que cela.
M. Fortier: II ne faut jamais mettre les objectifs trop bas.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Une courte question, M. le Président. Quant
aux possibilités d'exportation de vos produits, est-ce qu'il y a eu
exploration des marchés extérieurs? Entre autres, M. Bernard
Landry a annoncé récemment qu'il avait regroupé un certain
nombre de programmes du gouvernement d'aide à l'exportation, dans le
cadre de ce qu'on appelle maintenant le programme APEX. Et, avec les
délégations du Québec à l'extérieur et
également certains bureaux du gouvernement du Canada avec lesquels nous
sommes en contact, il y a des posssibilités. On peut offrir de l'aide
aux exportateurs. Est-ce que vous avez exploré les marchés
d'exportation?
M. Nadeau: Oui, on a - par la compagnie mère Manuplast -
obtenu un contrat de la World Bank, à Lima, au Pérou il y a un an
- le 12 novembre pour être exact - de quelque 4 000 000 $ US. Le ministre
Landry est au courant de nos démarches. On est le plus bas
soumissionnaire. Le contrat n'a pas encore été donné. On a
eu l'occasion d'aller en Amérique du Sud grâce à l'ACDI.
J'ai fait quatre voyages à cette occasion. On a rempli notre devoir
comme soumissionnaire. Cela impliquait de la technologie par une firme
d'ingénieurs-conseils en drainage agricole; cela impliquait de la
technologie pour la fabrication de tuyaux de plastique. On était fier
d'être le plus bas soumissionnaire, mais on est seulement rendu à
ce stade-là. Cela fait onze mois de cela.
M. Rodrigue: II va nous rester à vous souhaiter d'obtenir
les contrats, puisque vous étiez le plus bas soumissionnaire.
M. Nadeau: En Amérique du Sud, cela ne veut pas toujours
dire que tu es l'heureux gagnant.
Une voix: Je m'en doute un peu.
M. Duhaime: Notre président, M. Nadeau, n'intervient que
rarement dans les débats, mais il me disait tantôt que, si vous
songez à une localisation, au Cap-de-la-Madeleine il y a de la
place.
M. Nadeau: C'est un bel endroit pour cela.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Nadeau.
M. Nadeau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci aux membres de cette
commission. Nous allons ajourner nos travaux au mercredi 12 octobre à 10
heures. Bonne fin de semaine à tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 50)