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(Dix heures trente minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux pour entendre les mémoires relativement
à l'étude des effets de la politique énergétique
sur le développement économique.
Les membres de la commission sont M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Beaumier
(Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Tremblay (Chambly), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M.
Rodrigue (Vimont). Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Dussault (Châteauguay), Mme
Harel (Mai-sonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) et M. Vallières (Richmond).
Les groupes qui se présenteront aujourd'hui sont, en premier, et
je les invite à s'approcher de la table: la Confédération
des syndicats nationaux; l'Association des mines de métaux du
Québec; l'Association des industries forestières du Québec
Ltée; le Centre des études sur le bâtiment; l'Association
des mines d'amiante du Québec; la Corporation des maîtres
électriciens du Québec.
M. Auger, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous
accompagnent et de faire la présentation du mémoire.
Auditions Confédération des syndicats
nationaux
M. Auger (Christophe): La délégation de la
Confédération des syndicats nationaux: à ma gauche, M.
Fernand Valiquette, représentant de la Fédération des
employés du service public et membre du syndicat du Gaz
Métropolitain; à ma droite, M. Peter Bakvis, coordonnateur du
service des recherches à la CSN; M. Philippe Tremblay,
vice-président à la Fédération de la
métallurgie, membre du Syndicat de Brown et Boveri; M. Claude Plamondon,
secrétaire de la fédération des pâtes et papiers de
la forêt. Je vais procéder à la lecture du
mémoire.
La problématique sur laquelle se penche la commission permanente
de l'énergie et des ressources - l'énergie et le
développement économique - a toujours été une
importante préoccupation pour la CSN. À l'automne de 1981, la
centrale a établi un comité de l'énergie ayant pour mandat
d'étudier les différents choix énergétiques qui
s'offrent à la société québécoise ainsi que
leurs implications sur le niveau et la qualité de vie des travailleurs
et travailleuses. Les travaux de ce comité permettront bientôt aux
instances de la CSN de statuer sur une série de questions
associées à la problématique énergétique.
Même si ses travaux ne sont pas tout à fait terminés, ils
sont suffisamment avancés pour nous permettre de vous livrer certaines
observations sur la question de l'énergie et les développements
qui ont fait l'objet de débats réfléchis et approfondis
à l'intérieur de la centrale.
Soyons clairs dès le début quant à nos orientations
fondamentales. Depuis deux ans, le Québec subit un approfondissement de
la crise économique qui se traduit par un chômage officiel qui
tourne depuis plusieurs mois autour de 15%. Les différentes agences
spécialisées s'accordent pour dire que le chômage ne
descendra pas en bas de 10% au Canada, ce qui veut dire 12% ou 13% au
Québec au cours des cinq prochaines années, à moins d'un
revirement important de la politique gouvernementale pour créer de
l'emploi.
Pour la CSN, une telle situation est inacceptable. Plusieurs de nos
membres ont été obligés de joindre le rang des
chômeurs ou "inactifs" au cours des dernières années. Ces
travailleurs et travailleuses veulent travailler et ne voient pas encore,
à part quelques programmes de création d'emplois à court
terme, des évidences permettant de croire à un changement
fondamental de la politique gouvernementale afin de créer de l'emploi
stable pour tous ceux et celles qui veulent travailler.
La préoccupation de la CSN de créer le plein emploi nous
amène forcément à parler de l'énergie. Comme le
document préparé pour la commission permanente le souligne, plus
du cinquième des investissements totaux réalisés dans
l'économie québécoise depuis 1978 l'ont été
dans le secteur de l'énergie. Avant l'effondrement récent des
prix pétroliers et l'annulation de plusieurs
mégaprojets au Canada, certains observateurs disaient que
l'énergie allait absorber la moitié de tous les investissements
canadiens durant les années quatre-vingt. À moins qu'on ne croie
que les sources de capitaux pour investir dont peut disposer le Québec
sont absolument sans limite, il est juste de se demander si les efforts
consacrés à l'énergie ont jusqu'à présent
empêché des efforts plus importants dans d'autres secteurs plus
créateurs d'emplois.
La CSN ne croit pas a priori à l'équivalence simpliste que
font beaucoup de soi-disant spécialistes entre l'abondance et la
consommation de l'énergie, d'une part, et l'état de
développement et de niveau de vie, d'autre part. Vous savez, sans doute,
que, parmi les pays européens, le niveau de vie de la Suisse est
supérieur à celui de la France, et ce dernier à celui de
la Grande-Bretagne. Or, pour les consommations d'énergie, la
Grande-Bretagne devance la France et la France devance la Suisse. L'autonomie
énergétique est devenue un objectif sacré pour plusieurs
gouvernements dont ceux du Canada et du Québec. Actuellement, parmi les
grands pays capitalistes industrialisés, il n'y en a que deux qui
s'approchent d'une autosuffisance énergétique nette, le Canada et
la Grande-Bretagne. Cependant, ces deux pays affichent depuis quelques
années une bien piètre performance quant au rythme de croissance
économique et au niveau de sans-emplois, si on les compare avec
plusieurs pays beaucoup moins autonomes sur le plan
énergétique.
L'équivalence simpliste entre énergie et
développement a malheureusement dominé les discours politiques du
Québec et du Canada au cours des dix dernières années. On
n'a qu'à se rappeler la campagne référendaire où
tous les politiciens promettaient aux Québécois un avenir
économique sans pareil; selon que l'on parlait au nom du comité
pour le non ou pour le oui, cet avenir était assuré soit par les
immenses ressources pétrolières et gazières du Canada ou
les abondantes ressources hydroélectriques du Québec.
Malheureusement, le document de travail préparé par la
commission permanente et intitulé: L'énergie, levier de
développement économique ne dépasse pas de beaucoup ce
discours simpliste sur le lien entre l'énergie et le
développement. Malgré que le document affirme, comme le dit son
titre, que l'énergie constitue un levier de développement
économique, la seule preuve concrète de cette affirmation est la
suivante: "L'évolution du secteur énergétique comporte un
impact direct sur le développement et la croissance économique,
étant donné l'importance des investissements que cette
évolution implique."
Une telle preuve n'est guère plus convaincante que d'affirmer que
la construction de stades olympiques, puisqu'elle implique des milliards de
dollars d'investissements, est un moteur de développement. On n'a pas
encore prouvé que ces investissements permettent un développement
soutenu de l'économie québécoise ni que ces
investissements ont permis de maximiser la création d'emplois au
Québec.
Depuis le début des années soixante-dix, nous assistons au
Québec et au Canada à une conjoncture politique où
l'accroissement de la production énergétique a été
l'objectif primordial des gouvernements. Un traitement fiscal
privilégié et un soutien gouvernemental sans
précédent visaient à faire augmenter la production de
pétrole et de gaz dans l'Ouest canadien et de
l'électricité au Québec. Des prévisions hautement
exagérées de la consommation de l'électricité
étaient utilisées pour justifier la construction du complexe de
la Baie-James, et on se retrouvera dans les prochaines années avec
d'importants surplus, soit environ 29 300 000 000 de kilowattheures pour
lesquels il n'existe aucun marché spécifique identifié
actuellement.
Au lieu d'être perçu comme un secteur qui est au service de
l'économie et de l'ensemble de la population, on traite le secteur de
l'énergie comme si l'ensemble de la société était
à son service. Un tel raisonnement se manifeste encore dans le document:
L'énergie, levier de développement économique, lorsqu'on
soutient ce qui suit au sujet du développement du réseau gazier:
"Comme dans le secteur de l'électricité, le ralentissement de la
demande rend plus délicate la rentabilisation des investissements en
cours, et il s'agit pour le Québec d'assurer aux compagnies de
distribution la rentabilité indispensable à l'extension des
réseaux."
Dans n'importe quel autre secteur, on dit: Si la demande n'est pas
suffisante pour assurer la rentabilité, il va falloir fermer boutique et
diriger nos investissements ailleurs. Dans le secteur de l'énergie on
dit plutôt: Si la demande est insuffisante pour assurer la
rentabilité, comment le gouvernement va-t-il changer les règles
du jeu pour assurer cette rentabilité des investissements?
Tous ces efforts gouvernementaux sont mis au service d'un secteur qui
est loin d'être le secteur le plus créateur d'emplois, et ce,
à une époque où le chômage est un problème
criant. Un article publié dans le Devoir il y a deux ans affirmait que
"le secteur énergétique, tout en s'accaparant du quart des
investissements au Québec en 1978 et 1979, a fourni moins de un pour
cent des emplois!" Il n'existe pas d'études très
détaillées, du moins à notre connaissance, au
Québec comparant la création d'emplois des investissements
énergétiques avec les investissements dans d'autres secteurs,
mais nous espérons que le gouvernement du
Québec, qui semble avoir pris conscience du sérieux du
chômage dans ses déclarations récentes, pourra amorcer de
telles études.
Les études existant ailleurs peuvent quand même fournir un
ordre d'idées. Une analyse du Conference Board aux États-Unis
datant de 1977 démontre que "l'investissement nécessaire pour
créer un emploi dans le secteur du pétrole en créerait 5,7
s'il était investi dans le secteur manufacturier." Une autre
étude américaine, celle-ci provenant du Département de
l'énergie, affirme que "des politiques d'économie
d'énergie sont de deux à huit fois plus créatrices
d'emplois que la production d'énergies conventionnelles."
Le Québec se retrouve aujourd'hui avec d'importants surplus
d'électricité qu'on cherche à écouler par tous les
moyens, y compris l'exportation. Telles n'étaient pas les intentions
gouvernementales, du moins officielles, lorsque le projet de la Baie-James fut
annoncé il y a douze ans. À l'époque, on affirmait que la
consommation énergétique accroîtrait de 6% par année
et que la présence d'hydroélectricité abondante et
à bon marché amènerait un afflux d'industries de toutes
sortes. La réalité des années soixante-dix a
été tout autre: la consommation d'énergie ne s'est accrue
que de 1,3% par année. Dans l'énoncé de politique
économique Bâtir le Québec, on a de nouveau insisté
sur la possibilité d'attirer au Québec des industries avec nos
ressources d'électricité: "La disponibilité
d'énergie électrique à prix défiant pratiquement
toute compétition en Amérique du Nord représente pour le
Québec un avantage comparatif très important sur le plan de
l'industrialisation."
Dans Bâtir le Québec également, on identifie des
industries dans les secteurs suivants qui sont de fortes consommatrices
d'électricité: pâtes et papiers, fonte et affinage des
métaux non ferreux, sidérurgie, produits des minéraux non
métalliques, produits chimiques industriels. D'affirmer Bâtir le
Québec: "Les écarts de coût de l'électricité
entre le Québec et l'Ontario nous procurent un avantage
considérable pour attirer ces industries."
Si le document préparé pour la commission parlementaire:
L'énergie, levier de développement économique ne revient
avec ce vieux thème que pendant un bref paragraphe, c'est sans doute
parce que, globalement, cette stratégie d'industrialisation a
été un échec. La politique d'industrialisation
fondée sur l'électricité à bon marché n'a
pas apporté un influx rapide d'investissements dans les secteurs
identifiés dans Bâtir le Québec.
Au tableau 1, que vous trouvez à la page suivante, nous
présentons des données sur l'évolution des immobilisations
dans les secteurs qui correspondent à ceux privilégiés par
la politique du Québec en matière de tarifs
d'électricité. Des cinq secteurs analysés, le volume
d'investissements est beaucoup plus important en Ontario qu'au Québec.
Quant au taux d'accroissement entre 1975 et 1982, il est plus important en
Ontario qu'au Québec dans tous les cas, sauf un, celui des
minéraux non métalliques. Même dans ce dernier secteur, le
rythme d'investissements en Ontario demeurent 75% plus élevé
qu'au Québec.
Les raisons de l'échec relatif de la politique
d'industrialisation fondée sur l'électricité à bon
marché se résument par le fait suivant: à peu d'exceptions
près, la facture d'électricité d'une entreprise n'est pas
le facteur déterminant dans le choix de la localisation.
La production du papier journal est identifiée dans Bâtir
le Québec comme une industrie de forte consommation
d'électricité et donc susceptible, selon la logique de la
politique gouvernementale, de s'implanter davantage au Québec
grâce aux bas tarifs d'électricité qu'on offre. Or, nous
savons, d'après des données patronales, pour une usine de papier
journal typique au Québec, que la facture d'électricité
représente 5,9% du coût global d'une tonne de papier. Le
coût du bois représente, par contre, 29,8% du coût global.
Cela veut dire que, même si le Québec offre un tiers de rabais sur
les frais d'électricité de la compagnie, celle-ci
n'économise que 2% de ses coûts globaux.
Si, au cours des années soixante-dix, plusieurs producteurs de
papier journal ont choisi d'établir des usines de papier dans le sud des
États-Unis, ils l'ont fait à cause de la présence de
matière ligneuse facilement accessible. Supposons, par hypothèse,
que ces producteurs peuvent économiser 20% quant au coût du bois -
c'est principalement dans les frais de transport que les économies
peuvent se réaliser - c'est une économie globale de 6% qu'ils
auront réalisée. On peut donc comprendre facilement pourquoi
l'électricité est un facteur moins déterminant que la
présence de matière ligneuse qui commence à manifester des
signes de faiblesse dans certaines régions du Québec, à la
suite d'années d'exploitation sans reboisement.
L'avantage quant au prix défiant pratiquement toute concurrence,
au dire de Bâtir le Québec, devient encore moins frappante
lorsqu'on tient compte des importantes disponibilités
d'électricité offertes ailleurs en Amérique du Nord. Selon
un relevé récent portant sur les tarifs
d'électricité dans les dix provinces canadiennes et dans dix
États américains, le Québec n'est plus le seul à
jouer le jeu des bas tarifs. Deux provinces canadiennes, le Manitoba et la
Colombie britannique, ainsi qu'un État américain, Washington,
offrent des tarifs industriels moins élevés qu'au Québec.
Aussi, faut-il dire que l'avantage du Québec
relativement à l'Ontario est considérablement
diminué. En 1981, les tarifs d'électricité donnaient un
avantage de 19,9% pour le consommateur industriel québécois par
rapport au consommateur industriel ontarien. En 1982, cet avantage était
réduit à 12,7%.
Les seuls cas concrets d'implantation industrielle cités dans
L'énergie, levier de développement économique, sont les
deux récentes ententes de principe signées avec Reynolds et
Pechiney. C'est plus qu'une entente de principe dans le cas de Reynolds. Je
voudrais vous souligner en passant que notre mémoire a été
préparé pour être entendu en commission parlementaire le
printemps dernier et qu'on n'a pas refait tous les ajustements depuis ce temps.
Je vais tenter de les faire au fur et à mesure. Donc, pour Reynolds, la
construction est amorcée, c'est en marche. Il y a aussi l'entente de
principe avec Pechiney pour la construction ou l'expansion de l'aluminerie.
Dans ces deux cas, cependant, le gouvernement a offert des économies
substantielles additionnelles pour en arriver à une entente. Aux deux
entreprises, on offre de l'électricité à la moitié
du taux industriel normal pour cinq ans. Cela représente, dans le cas de
Pechiney, une subvention de 125 000 000 $ par rapport au taux industriel moyen;
par rapport aux coûts de production de la Baie-James, c'est une
subvention de plus de 250 000 000 $ qu'on offre à ce producteur
d'aluminium qui créera moins de 1000 emplois permanents. À
Reynolds, la subvention par rapport au tarif normal se chiffre à 120 000
000 $ et on créera, au maximum, 400 emplois permanents. (10 h 45)
La CSN n'est pas contre le principe d'utiliser nos ressources
hydroélectriques pour favoriser la création d'emplois, au
contraire. Il nous apparaît, cependant, que les cadeaux faits à
ces grands producteurs d'aluminium sont immenses par rapport au nombre
d'emplois créés. Alors que l'argent est toujours rare quand il
s'agit de créer de l'emploi pour les chômeurs et chômeuses
ou quand il s'agit de négocier avec les salariés du secteur
public, on permet à la société Alcan d'économiser
des dizaines de millions de dollars chaque année parce que le
gouvernement se refuse à nationaliser les barrages, et cela nous
l'avions souligné dans des mémoires précédents en
1977, 1979 et 1981.
Les accords récents avec Reynolds et Pechiney sont d'autant plus
troublants que c'est à huis clos au Conseil des ministres qu'on
décide d'accorder des subventions représentant des centaines de
millions de dollars. La CSN souhaite que des choix politiques de cette
importance puissent faire l'objet d'un minimum de débats publics avant
qu'une décision définitive soit prise. Pour favoriser les
débats, nous vous soumettons l'idée de mettre sur pied une
commission publique permanente ayant pour mandat d'effectuer des études
indépendantes et de tenir des audiences publiques
régulières sur les choix énergétiques du
Québec.
Le problème d'absence de débat public se pose aussi pour
ce qui est des contrats signés avec les États de New York et de
la Nouvelle-Angleterre pour l'exportation de l'électricité
québécoise, dont on commence à apprendre quelques
détails seulement après la signature du contrat.
D'après les chiffres publiés par Hydro-Québec, les
ventes d'électricité à l'État de New York ont
rapporté, en 1981, 0,023 $ le kilowattheure. Comparativement au
coût de la production de la Baie-James de 0,027 $ le kilowattheure, il
est évident que ces ventes ne peuvent se justifier que par le fait qu'il
s'agisse d'une puissance excédentaire qui autrement serait perdue. Mais
qu'en est-il des autres coûts reliés à ces contrats
d'exportation?
On sait, selon des informations publiées dans les journaux sur
l'entente avec NEEPOOL, que le Québec s'est engagé à
construire une ligne de transport jusqu'à la frontière
américaine au coût de 211 000 000 $. Réparti sur les 33 000
000 000 de kilowattheures qui seront expédiés en
Nouvelle-Angleterre, cela représente des frais de 0,06 $ le
kilowattheure, soit plus du double du coût de l'électricité
de la Baie-James. Est-ce que le contrat signé avec la
Nouvelle-Angleterre permettra d'absorber ces coûts, ou est-ce que, dans
quelques années, lorsque le contrat sera terminé, le gouvernement
se servira de l'existence de cette ligne pour tenter de justifier la
construction de nouvelles centrales pour fins uniques d'exportation?
La population québécoise est en droit de connaître
les choix énergétiques dans lesquels le gouvernement est en train
d'engager la province. Au sujet de la ligne de transmission à la
Nouvelle-Angleterre, il faudrait que le gouvernement explique si elle ne
servira qu'au transport de l'énergie excédentaire ou s'il est
déjà prévu qu'elle servira à l'exportation
d'énergie ferme à long terme, ou encore si elle servira à
d'autres fonctions.
À la lumière des informations que nous possédons,
nous désirons exprimer notre opposition à la construction de
centrales pour fins exclusives d'exportation d'électricité. Nous
voulons voir au Québec se développer une économie qui soit
le plus autonome possible où tous ceux et celles qui veulent travailler
peuvent obtenir un emploi.
Nous aimerions voir le Québec profiter de l'avantage très
net qu'il détient en tant qu'important producteur
d'hydroélectricité afin de consolider son infrastructure
industrielle dans le domaine des fournitures d'équipement
hydroélectrique. Actuellement,
à l'usine Brown Boveri, à Lachine... On parlait de menace
de fermeture, Philippe Tremblay nous informait ces derniers jours que l'usine
est effectivement fermée à Brown Boveri. Il s'agit d'une usine
qui fabriquait des équipements de différentes sortes pour la
production et le transport d'électricité, qui comptait 1200
salariés avant 1972, 700 salariés à son emploi en 1975
lorsqu'elle fut achetée par la multinationale suisse. On constate
aujourd'hui que cette société, qui fait partie d'un cartel
mondial de fabricants de produits pour la production
d'électricité dont l'existence est bien documentée, n'a
acheté l'usine de Lachine - anciennement propriété de
Canson - que pour accaparer une technologie de pointe et pour éliminer
des compétiteurs. Il y a plus de quatre mois, des représentants
du gouvernement québécois ont promis aux représentants du
syndicat de mettre sur pied un comité interministériel pour
étudier des hypothèses de sauvetage de l'usine, mais nous n'avons
pas eu la moindre nouvelle du gouvernement. Nous croyons qu'Hydro-Québec
ou une autre société d'État pourrait acquérir cette
usine afin d'assurer que ces contrats futurs pour la fourniture
d'équipement auront des effets d'entraînement au Québec
plutôt que de profiter à des entreprises situées en dehors
de la province.
Le contexte créé par la chute du prix du pétrole.
Avec sa politique énergétique nationale, le Québec risque
d'être le dernier pays au monde où le consommateur verra le prix
de son essence baisser. Il reste que la baisse du prix mondial du
pétrole est devenue une réalité plus que passagère
avec la décision de l'OPEP de baisser le prix de son baril de 15%. Cet
événement marque un tournant important puisqu'il démontre
que l'hypothèse sur laquelle les gouvernements, y compris celui du
Québec, basaient leur politique énergétique est
révélée complètement fausse.
Devant une perspective de prix stables ou en baisse au cours des
prochaines années, nous nous questionnons sur la pertinence des
projections du bilan énergétique présenté dans le
document de travail de la commission parlementaire. Il est prévu que la
part de l'électricité dans le bilan énergétique
passera des 30% qu'elle occupe actuellement à près de 45% en
1995. La part du pétrole, qui occupe 60% du bilan
énergétique, deviendrait inférieure à 35% en
1995.
Le principal motif de convertir du mazout à
l'électricité ou au gaz demeure le prix du carburant et, avec la
nouvelle conjoncture, la pression de convertir sera amoindrie. Nous
suggérons au gouvernement de refaire ses prévisions, qui datent
de 1978 comme il nous le rappelle dans le document de travail, afin de tenir
compte des réalités de 1983. Des stratégies doivent
être ensuite développées pour planifier de façon
rationnelle l'absorption de nouveaux surplus d'électricité qui
pourraient se manifester.
Pour ce qui est des prochaines années, la CSN croit important de
rendre accessible aux consommateurs québécois la plus grande
variété de produits d'énergie pour éviter que l'un
ou l'autre des fournisseurs profite d'une situation de monopole. Or,
officiellement, le gouvernement québécois a fait sienne une
politique de diversification. Nous constatons que, dans la
réalité, le même gouvernement, par l'entremise
d'Hydro-Québec, offre de tels rabais aux abonnés industriels ou
à ceux qui convertissent une partie de leurs opérations du mazout
à l'électricité, qu'il fausse en quelque sorte les
règles du jeu à la défaveur du gaz. Cette forme
d'énergie par excellence dans des utilisations industrielles fera une
moins grande percée, même dans des domaines où elle
constituerait le type d'énergie le plus efficace, à cause de
l'insistance d'Hydro-Québec à vouloir se débarrasser de
ses surplus d'électricité.
La construction du gazoduc vers l'est et l'extension du réseau de
distribution constituent actuellement un important investissement
énergétique. Les retombées de ce projet sur
l'économie québécoise sont cependant limitées par
le fait que la quasi-totalité du matériel mis en place dans cette
construction est fabriquée à l'extérieur du Québec.
Compte tenu de l'importance du projet et du fait que les sociétés
de distribution appartiennent majoritairement à l'État
québécois, la CSN croit que le gouvernement devrait prendre des
moyens pour accroître le contenu québécois dans les
équipements pour le réseau gazier.
La politique de conversion vers l'électricité et le gaz
ainsi que la réduction globale de la consommation
énergétique associée à la crise provoquent ce que
les auteurs de L'Énergie, levier de développement
économique appellent de façon euphémique "la
restructuration du secteur pétrolier". La restructuration dont il s'agit
est plutôt une destruction ou une disparition du secteur de raffinage.
Sur les sept raffineries de pétrole qui existaient au Québec en
1982, trois sont destinées à disparaître avant la fin de
1983 si les intentions patronales se confirment, Texaco, BP et Impérial
- cela s'est confirmé - alors qu'une quatrième, celle de Gulf,
doit être fermée en partie.
Certains politiciens fédéraux ont attribué ces
fermetures à une baisse brutale de la demande à la suite du
doublage de la taxe provinciale sur l'essence en novembre 1981. Cette taxe a
sans doute accentué la baisse de la demande et la CSN s'y est
opposée, particulièrement à cause de son caractère
régressif. Il est important de constater cependant que, depuis le sommet
dans la consommation des produits pétroliers atteint en 1979, la chute
de la demande n'a
été que légèrement plus élevée
au Québec qu'en Ontario. Comme le démontre notre tableau 2, la
baisse de la demande a été de 23,9% pour le Québec et de
20,9% pour l'Ontario.
Or, la réduction de la capacité de raffinage n'est pas du
même ordre. Avec les fermetures totales et partielles annoncées,
le Québec perdra près de 40% de sa capacité de raffinage,
soit près de deux fois la baisse de la consommation accusée
depuis 1979. L'Ontario, pour sa part, qui verra se fermer la plus petite des
deux raffineries Shell actuellement en opération dans cette province,
perdra 7,5% de sa capacité de raffinage. Le résultat sera
inévitable: le Québec, qui jusqu'ici a toujours été
au moins autosuffisant dans la production de produits de pétrole
raffiné, importera dorénavant une partie importante de sa
consommation.
La CSN s'inquiète, non seulement du sort de plusieurs centaines
de salariés des raffineries montréalaises - ce qui est
déjà en soi énorme - mais aussi de ceux et celles qui
travaillent dans l'industrie de la transformation pétrochimique, dont
plusieurs sont membres de notre centrale. L'avenir de cette industrie
apparaît déjà assez sombre sans qu'on lui ajoute le fardeau
de se voir obligée d'importer sa matière première des
autres provinces. Il est bon de rappeler que 5% des emplois manufacturiers
québécois se trouvent dans les secteurs du pétrole et de
la pétrochimie.
Dans le but d'empêcher la disparition continue du secteur de
raffinage au Québec, la CSN est récemment intervenue
auprès du gouvernement fédéral pour demander à ce
dernier, en tant que maître d'oeuvre de la politique
énergétique nationale et en tant que propriétaire de la
raffinerie BP, qui doit bientôt fermer ses portes, d'agir afin d'assurer
que le Québec puisse maintenir une capacité de raffinage qui
reflète l'importance du marché. Nous suggérons à
tous ceux qui trouvent important le maintien du secteur de faire des
démarches dans le même sens. À défaut de
l'investissement CARMONT, que le fédéral s'est engagé
à construire lors de la campagne référendaire, nous
croyons que le fédéral devrait s'engager dans des investissements
plus modestes pour la valorisation des pétroles lourds.
La CSN a également appuyé les syndiqués de la
raffinerie Texaco dans leur projet de création d'une
Pétro-Québec, en suggérant cependant que la participation
gouvernementale à l'acquisition d'une raffinerie soit limitée et
que l'acquisition se fasse conjointement avec des partenaires privés,
vendeurs d'essence indépendants et distributeurs de mazout, qui
pourraient profiter de la présence d'une raffinerie appartenant à
des intérêts québécois.
Les choix énergétiques du Québec. Avec la
perspective de surplus importants d'hydroélectricité et avec
d'abondantes réserves de gaz naturel et de pétrole à des
prix plus modérés que ceux qu'on a connus par le passé, la
CSN croit foncièrement que le gouvernement doit délaisser
l'obsession énergétique et s'occuper davantage du secteur
manufacturier qui, comme nous l'avons déjà mentionné, est
beaucoup plus créateur d'emplois. De tels efforts sont sans doute
beaucoup moins spectaculaires que les mégaprojets
énergétiques, mais seront beaucoup plus utiles à la
santé économique de la province. Cela ne veut pas dire que le
Québec ne devrait pas déjà se préparer pour ses
besoins énergétiques de l'avenir. Au contraire, avec le
très haut taux de chômage qui existe actuellement, nous croyons
que le gouvernement devrait prendre l'initiative de lancer des projets moins
coûteux, mais ayant une haute intensité de main-d'oeuvre dans les
énergies nouvelles.
Dans cette optique, nous soutenons la poursuite du projet
expérimental de production de méthanol à partir des
résidus forestiers à Saint-Juste-de-Bretenières. La
ressource forestière qui est en très grande partie
gaspillée dans l'exploitation traditionnelle - les chiffres que nous
pouvons avoir indiquent au moins 50% de ressource gaspillée - pourrait
éventuellement donner au Québec un plus grand degré
d'autonomie énergétique. De plus, avec ses vastes réserves
forestières, le Québec a le potentiel de développer une
technologie dans ce domaine qu'il pourrait éventuellement exporter.
En plus d'intensifier les expériences dans la production de la
biométhane, nous souhaiterions voir le Québec faire des
expériences de production d'électricité dans des centrales
thermiques de petite taille utilisant des rebuts forestiers. Encore une fois,
c'est un domaine où le Québec pourrait faire oeuvre de pionnier
dans le domaine d'une technologie.
La production d'énergie à partir de la biomasse offre de
nombreuses qualités. En plus d'être une énergie
renouvelable, elle permet de produire de l'énergie de façon
décentralisée. Elle permet donc aux populations locales d'exercer
un certain contrôle démocratique sur leurs sources de production
d'énergie. Il faut dire que la biomasse constitue la source la plus
vieille d'énergie au monde et constitue toujours un moyen de chauffage
important dans toutes les régions du Québec, à
l'exclusion, bien sûr, des grands centres urbains, même si elle est
absente du bilan énergétique présenté dans votre
document de travail. Il reste que la biomasse offre un potentiel
énergétique qui pourrait permettre au Québec de
diversifier davantage ses sources d'approvisionnement. Elle offre
également le potentiel de créer des emplois permanents de
façon décentralisée, c'est-à-dire dans toutes
les régions boisées du Québec.
Même si elle ne pourrait être viable que dans certaines
régions isolées du Québec, l'énergie
éolienne mérite, à notre avis, une attention continue et
nous appuyons également la poursuite des recherches en cours. Cette
forme d'énergie non polluante pourrait éventuellement fournir
à certaines régions - notamment aux Îles-de-la-Madeleine -
un plus grand degré d'autonomie et de sécurité
énergétique.
Dans d'autres domaines de recherche, nous trouvons importantes les
initiatives prises dans l'étude de la production et l'utilisation de
l'hydrogène, une matière qui pourrait éventuellement
permettre d'utiliser à des fins commerciales l'énergie
hydroélectrique dans les périodes excédentaires. Nous vous
proposons cependant de faire une priorité de la recherche sur
l'entreposage et le transport sécuritaires de l'hydrogène
produite par l'électrochimie.
Je sais qu'avant-hier, il a été question d'un projet de
centre de recherche et de développement de l'hydrogène; cela
rejoint notre préoccupation dans la mesure où il y a une partie
importante sur la notion de sécurité, le transport
sécuritaire et l'utilisation sécuritaire de ce combustible. (11
heures)
La CSN a déjà, à des commissions parlementaires
précédentes, exprimé son inquiétude face au
développement de centrales nucléaires. Ayant pu, au cours des
derniers mois, bénéficier d'études approfondies sur les
dangers et sur la rentabilité incertaine de l'énergie
nucléaire, la CSN ne peut que réaffirmer son appui à une
prolongation du moratoire sur le développement de cette forme
d'énergie. Si les arguments environnementalistes peuvent laisser
perplexe, l'expérience malheureuse de Gentilly 2 devrait convaincre que
les centrales nucléaires n'ont pas d'avenir au Québec.
Après avoir englouti 1 400 000 000 $, Gentilly 2 n'a réussi
à produire de l'électricité qu'à deux fois le
coût de la Baie-James et, de surcroît, ne créera que 500
emplois permanents.
Avec toutes les autres formes d'énergie qui s'offrent au
Québec et les surplus prévisibles pour plusieurs années
à venir, nous croyons que le Québec a des besoins plus criants
que le développement de centrales nucléaires.
La diminution de leur facture énergétique demeure
l'objectif primordial de tous les consommateurs, tant domestiques
qu'industriels. Le consommateur domestique est particulièrement
dépourvu devant la profusion de prétendus moyens
d'économies d'énergie qui s'offrent actuellement sur le
marché. À notre avis, le gouvernement devrait offrir aux
consommateurs des informations leur permettant de se protéger contre les
multiples pourvoyeurs de fausses promesses. Nous proposons la création
d'une commission publique permanente sur l'énergie nous l'avons
mentionné - qui aurait notamment pour but d'étudier et de rendre
publics les résultats de l'efficacité des différents types
d'isolation, des pompes à chaleur, de système biénergie.
Malgré le respect que nous avons pour Hydro-Québec, celle-ci ne
constitue pas l'organisme indépendant et objectif dont le consommateur a
besoin pour chercher des conseils avant de faire ses propres choix
énergétiques.
Cette commission publique, et non Hydro-Québec, aurait aussi pour
but d'effectuer des études indépendantes sur les effets nocifs
sur la santé des lignes de transmission à haute tension ainsi que
sur d'autres sujets ayant trait aux dangers à l'environnement et
à la santé. J'ai entendu des reportages particulièrement
troublants dans la région de Québec l'année
dernière et le comportement d'Hydro-Québec laissait, à
notre avis, beaucoup à désirer.
Si le Québec avait décidé, au lieu de construire la
Baie-James au coût de 15 000 000 000 $ et Gentilly 2 au coût de 1
400 000 000 $, de consacrer ces sommes au développement du secteur
manufacturier au Québec, ce secteur serait beaucoup plus en santé
qu'il ne l'est aujourd'hui. Le niveau d'emploi aurait sans doute
été de beaucoup supérieur aux quelques centaines d'emplois
permanents qu'on trouvera aux centrales électriques. Il y aurait eu
moins de personnes inscrites sur les listes d'assurance-chômage et
d'assistance sociale.
Il ne s'agit pas, bien sûr, de refaire le passé; il s'agit
de repenser les stratégies de développement que le gouvernement
du Québec a adoptées par le passé, consciemment ou non, et
qui n'ont pas réussi à résoudre les problèmes
structurels du chômage. Une faillite importante des stratégies
passées se situe, à notre avis, au plan de l'identification d'un
objectif de développement. Comme nous l'avons dit au début,
l'objectif primordial pour la CSN, et également pour la population
québécoise, c'est la création d'emplois.
Or, dans les centaines de pages de texte que comportent les grands
énoncés de politique économique, Bâtir le
Québec et Le virage technologique, il n'est nulle part indiqué
qu'on cherche à maximiser la création d'emplois. Il n'y a
même pas d'évaluation de l'effet sur l'emploi des
différents programmes qui sont mis de l'avant. Cette absence n'est
peut-être pas un oubli. On sait que le genre d'industrie grande
consommatrice d'électricité que voulait attirer Bâtir le
Québec est moins créatrice d'emplois que la moyenne de
l'industrie de fabrication. L'automatisation à outrance avec des
technologies avancées que nous propose Le virage technologique comporte
des risques de réduction rapide du niveau d'emploi dans
plusieurs secteurs.
La priorité accordée par le gouvernement au secteur
énergétique pourra, encore moins que par le passé, assurer
un développement économique qui réponde aux besoins de la
société. Ce ne sera pas dans des mégaprojets
éloignés des centres de population, où l'on impose des
conditions de travail et de vie inhumaines, qu'on trouvera une solution aux
problèmes de chômage des Québécois. Et encore moins
des Québécoises qui sont les plus touchées tant par
l'application de la micro-électronique dans les bureaux que par les
tentatives du gouvernement québécois de réduire le niveau
de l'emploi dans le secteur public.
En novembre 1982, la CSN a présenté au premier ministre du
Québec des pistes visant à développer l'ensemble des
secteurs industriels de la province en mettant la priorité absolue sur
l'emploi. Nous parlions, entre autres, des possibilités
d'électrification des transports urbains et interurbains, d'un meilleur
aménagement de la ressource forestière, d'un appui à
l'industrie des pêches permettant d'exploiter la zone de 200 milles, du
développement d'un secteur intégré et moderne de
production de textiles et de plusieurs autres programmes de soutien aux
secteurs primaires et secondaires.
Ce que la CSN revendique, c'est plus que ces aménagements de
budgets consacrés aux subventions. Nous demandons que le gouvernement
intervienne dans les secteurs créateurs d'emplois aussi massivement
qu'il l'a fait dans le secteur énergétique au cours des
dernières années.
Comme le souligne le document de travail L'énergie, levier de
développement économique, à la page 26: "D'ici la fin de
la présente décennie, le Québec sera placé, au
niveau des disponibilités d'énergie, dans une situation qu'il n'a
jamais connue: les principales formes d'énergie utilisées dans le
monde seront présentes dans la plupart des régions du
Québec, dans des conditions de coût très favorables, et
cela grâce aux nouvelles infrastructures actuellement mises en
place."
Les investissements massifs dans l'énergie au cours des
dernières années ont effectivement permis la réalisation
de cet objectif. Mais la réalisation de cet objectif n'a pas permis de
stimuler des investissements dans les secteurs vraiment créateurs
d'emplois, notamment le secteur secondaire. Elle n'a même pas permis,
nous l'avons vu, d'attirer les industries qui devraient être
naturellement attirées vers le Québec selon la politique
d'électricité industrielle à bas tarifs.
Si le Québec peut maintenant se vanter d'avoir des
disponibilités d'énergie hors pair, le secteur manufacturier,
lui, est en train de s'écrouler. Depuis dix ans, le secteur
manufacturier au Québec a reçu 22 993 000 000 $
d'investissements, comparativement à 52 093 000 000 $ en Ontario.
Même en tenant compte des différences dans l'importance de la
population, les investissements manufacturiers sont près de 70% plus
élevés en Ontario qu'au Québec. À notre avis, ces
chiffres vont loin pour expliquer le problème structurel de
chômage "chronique" que connaît le Québec, même en
période de bonne conjoncture. Les investissements massifs dans le
secteur de l'énergie n'ont aucunement permis de s'attaquer à ce
problème.
Le secteur privé, tout seul, a été incapable de
maintenir un niveau d'investissements acceptable dans les secteurs
créateurs d'emplois; les politiques gouvernementales n'ont pas
comblé cette faiblesse. L'incapacité du secteur privé et
des politiques gouvernementales actuelles de provoquer un niveau
d'investissements acceptable exige un programme de relance économique de
grande envergure. Ce programme doit tenir compte des atouts et
disponibilités énergétiques du Québec. Le
problème de développement ne peut pas être
réglé uniquement par la production d'énergies plus
coûteuses.
C'est ainsi que la CSN propose que le Québec consolide son
expertise dans la fabrication des équipements pour la production et la
transmission d'électricité en acquérant l'usine Brown
Boveri, de Lachine, pour la production de matériel et
d'équipements hydroélectriques.
D'autre part, la CSN propose que le Québec se lance dans
l'électrification des transports urbains et interurbains afin de
profiter des importants surplus d'électricité.
La CSN propose aussi que le gouvernement entreprenne l'intensification
des travaux de reboisement et de sylviculture pour rendre la matière
ligneuse plus disponible et intensifie la modernisation des usines de
pâtes et papiers qui sont menacées de disparaître.
La CSN propose aussi au gouvernement de soutenir, soit en rendant moins
coûteuse la matière première, soit en investissant
directement dans le secteur, l'industrie des produits chimiques.
Finalement, la CSN propose au gouvernement de fournir plus de ressources
pour le développement de la biométhane à partir de la
ressource forestière. Nous pensons que le gouvernement devrait investir
directement dans le secteur de la fabrication. À notre avis, c'est
seulement ainsi qu'on finira par atteindre un niveau d'emploi dont la
société québécoise est digne.
Nos recommandations, dans l'ensemble. Premièrement, que le
gouvernement québécois mette sur pied une commission publique
permanente de l'énergie qui aurait pour mandat de soumettre à des
audiences
publiques les hypothèses énergétiques
étudiées par le gouvernement et de poursuivre des études
indépendantes sur des questions énergétiques. Parmi les
questions qui seraient débattues, à notre avis, il y a les
contrats signés avec les grands consommateurs industriels
d'électricité, les contrats d'exportation
d'électricité, les différents choix d'énergies
alternatives et d'économies d'énergie offerts aux consommateurs
et consommatrices du Québec, les effets des programmes de subvention
pour, non pas la concession, mais la conversion aux différents produits
d'énergie.
Deuxièmement, que le gouvernement québécois renonce
à la construction de centrales électriques pour fins exclusives
d'exportation de l'électricité et ouvre un débat public
large sur cette question.
Troisièmement, que le gouvernement québécois
acquière l'usine Brown Boveri, de Lachine, dans le but de consolider un
secteur québécois de fabrication d'équipements pour la
production et le transport de l'électricité.
Quatrièmement, que le gouvernement fasse des efforts pour
accroître le contenu québécois dans le matériel
utilisé pour le prolongement du réseau gazier au Québec.
Ces efforts pourraient comprendre l'acquisition par le gouvernement
d'installations de fabrication si cela constitue le seul moyen
d'accroître les retombées économiques au Québec de
ce projet.
Cinquièmement, que le gouvernement québécois
révise ses prévisions du bilan énergétique tel que
présenté dans le document L'énergie, levier de
développement économique, afin de tenir compte de la nouvelle
conjoncture créée par la stabilisation du prix du pétrole,
de sorte que puissent se dégager les surplus d'électricité
au cours des quinze prochaines années. Ce qu'on veut ajouter comme
élément à cette cinquième proposition, c'est qu'on
trouve déplorable qu'actuellement se livre une concurrence entre, d'une
part, Hydro-Québec contrôlée entièrement par
l'État québécois et, d'autre part, des entreprises qui
travaillent à l'implantation du réseau gazier, Gaz
métropolitain et Gaz Inter-Cité, qui sont aussi majoritairement
sous le contrôle de l'État québécois. Compte tenu
que la politique n'est pas suffisamment claire, si, d'une part,
Hydro-Québec abaisse ses tarifs et, d'autre part, le réseau
gazier tente, lui aussi, de faire sa percée, il nous semble que le
gouvernement québécois devrait préciser les
modalités d'ajustement entre ces deux intervenants majeurs dans le
domaine énergétique pour faire en sorte qu'on ne paie pas
nous-mêmes pour un manque de politiques suffisamment claires dans
l'implantation de ces deux formes d'énergie importantes que nous
favorisons globalement dans leur vocation respective la plus favorable.
Sixièmement, que le gouvernement québécois prenne
des mesures dans le but d'éviter le démantèlement complet
de l'industrie du raffinage dans le sens suivant: faire des
représentations auprès du gouvernement fédéral pour
que celui-ci empêche de nouvelles fermetures, particulièrement de
la raffinerie BP qui lui appartient, et examiner les possibilités
d'acquérir une raffinerie par des intérêts
québécois dont un, mais pas l'exclusif partenaire, pourrait
être le gouvernement québécois.
Septièmement, que le gouvernement québécois
poursuive et accélère ou commence des expériences dans les
domaines suivants: production du méthanol à partir des rebuts
forestiers, construction de centrales thermiques de faible puissance utilisant
des rebuts forestiers, énergie éolienne pour des régions
isolées, production, entreposage et utilisation de l'hydrogène
produit par l'électrochimie.
Huitièmement, que le gouvernement québécois
prolonge de façon indéfinie le moratoire sur tout
développement d'énergie nucléaire au Québec.
Neuvièmement, que le gouvernement québécois
entreprenne des études comparatives sur la création d'emplois
provenant des investissements dans différentes industries
manufacturières, dans différents types de production
d'énergie et dans des mesures d'économie d'énergie.
Dixièmement, que le gouvernement du Québec examine des
projets permettant d'absorber les surplus d'électricité tout en
maximisant la création d'emplois tels l'électrification des
transports urbains et interurbains, l'investissement gouvernemental direct dans
l'industrie des pâtes et papiers visant prioritairement le maintien des
usines existantes et l'investissement gouvernemental direct dans l'industrie
des produits chimiques. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Duhaime: Le débat est lancé, comme on dit. Je
voudrais vous remercier pour votre mémoire que, personnellement, j'ai
trouvé très solide, bien étoffé. Je ne pourrai pas,
vous le comprendrez bien, reprendre tout l'exposé que vous avez fait et
faire un commentaire sur chaque point. À partir de vos recommandations,
je voudrais peut-être faire quelques réflexions pour vous
permettre ensuite un échange en tenant compte, bien sûr, qu'on va
essayer de donner une chance à tout le monde de s'exprimer.
Votre première recommandation, commission publique permanente sur
l'énergie. Cette commission siège à peu près sans
interruption depuis le mois de mars. J'ai l'impression qu'elle est devenue
permanente
en plus d'être élue. Lorsque nous aurons terminé nos
travaux sur ce dossier, la commission sera à nouveau convoquée
pour étudier la proposition tarifaire d'Hydro-Québec, comme on le
fait à chaque année. C'est à cette occasion, sans aucun
doute, que les parlementaires en profitent pour interroger Hydro-Québec,
non seulement sur son plan d'équipement, mais sur la
problématique tarifaire, sur ses orientations, etc.
Vous souhaitez qu'on mette sur pied une commission publique permanente
sur l'énergie. Je ne sais pas si vous avez en tête qu'il faudrait
que des députés en fassent partie, qu'il y ait une
présence de ministres, ou que ce soit un débat qui soit conduit
en dehors des élus. Il y a des fois que cela me tenterait aussi d'aller
devant une commission permanente sur l'énergie en oubliant que je suis
ministre de l'Énergie et des Ressources. Je voudrais juste savoir ce que
vous avez en tête. Est-ce que c'est une commission parlementaire dont
vous souhaiteriez la permanence ou si c'est, je ne sais pas, un groupe de sages
du milieu universitaire, de l'industrie, des syndicats, par exemple, qui
pourrait être formé avec un service de recherche qui
siégerait. Ce serait ma première question.
M. Auger: Je pense qu'il y a deux choses là-dessus. On ne
veut pas enlever, par la création d'une commission publique, son
rôle à une commission parlementaire. À notre avis,
l'objectif d'une commission publique c'est que, dans ces dossiers sur
l'énergie, comme il y a des enjeux - on en convient tous -
extrêmement importants pour le Québec, l'ensemble des
Québécois et des Québécoises... Ce que l'on dit -
selon l'analyse qu'on a pu faire - c'est que l'ensemble des études qui
ont conduit au choix énergétique ont fait en sorte qu'on n'a pas
eu tout l'éclairage voulu là-dessus. Qu'Hydro-Québec fasse
des études et arrive à démontrer que ce qui est vraiment
important, c'est la production de l'hydroélectricité et qu'il
faille vraiment la développer au maximum, on n'en veut pas à
Hydro-Québec. Au contraire, on pense que c'est une entreprise fort
importante pour l'État québécois et la population
québécoise, mais on peut craindre une partisanerie, je dirais un
favoritisme à l'égard de la production hydroélectrique.
C'est sa vocation fondamentale. Elle existe pour cela. L'exemple que je donnais
tout à l'heure, à la recommandation 5, l'illustre.
Donc, pour nous, là où l'expertise se situe surtout
actuellement sur le plan hydroélectrique, c'est à
Hydro-Québec, qui a constamment joué un rôle important
là-dessus.
L'autre élément. Nous voulons que le rôle de la
commission publique soit de faire ces études où on aurait
à rencontrer éventuellement soit des parlementaires, soit, bien
sûr, des entreprises comme Hydro-Québec et d'autres entreprises
qui travaillent dans le milieu énergétique, mais aussi faire des
études pour que l'on ait tout l'éclairage voulu plutôt que
de risquer que ce soit biaisé dans un sens ou dans l'autre, que ce soit
Gaz Métropolitain... On risque d'avoir des études biaisées
avec Hydro-Québec également. Ce qu'on veut, c'est que la
commission publique ait comme rôle, si on veut, de faire des
recommandations.
Quant à la composition même de la commission, on ne s'y est
pas arrêté. Pour nous, ce serait une commission
indépendante. Si on maintient le rôle de la commission
parlementaire, ce serait normalement des gens de l'extérieur du
Parlement qui pourraient y être nommés, venant des
différents milieux socio-économiques et qui auraient accès
à l'ensemble des ressources, encore une fois, pour pouvoir
réaliser des études fondamentales sur tout le
développement énergétique du Québec. Je pense que
les exemples qu'on a donnés illustrent cette préoccupation.
Le modèle que j'avais en tête on ne peut peut-être
pas le reproduire formellement. J'ai eu l'occasion de travailler dans certains
dossiers sur l'éducation... Quand on travaille avec le Conseil
supérieur de l'éducation, qui fournit des avis au
ministère de l'Éducation, cela n'empêche pas de tenir des
commissions parlementaires sur l'éducation à certains moments,
comme on le fera sur la loi 40 édictant la restructuration scolaire,
mais c'est un groupe indépendant qui voit les choses et qui peut faire
des recommandations consultatives. C'est à cette ouverture qu'on pense
dans un domaine aussi important que l'énergie; cela devrait pouvoir
exister au Québec aussi.
M. Duhaime: II y a eu une proposition qui a été
avancée par au moins quatre intervenants jusqu'à présent.
De mémoire, c'est l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'École
Polytechnique et il y en a un quatrième, l'INRS, qui nous proposaient
qu'on mette sur pied - et ils étaient prêts à s'y impliquer
- un conseil de la recherche de l'énergie, de façon que l'effort
de recherche puisse être mieux coordonné. Je me demande si,
à partir de cette idée, on ne pourrait pas pousser plus loin et
élargir cette proposition. Personnellement, je n'ai aucune espèce
d'objection à mettre sur la table toute l'information que le
gouvernement a en main, au ministère de l'Énergie et des
Ressources aussi bien qu'au ministère des Finances de même
qu'à Hydro-Québec. Si je comprends bien votre idée, dans
le fond, vous voulez une espèce de commission qui, d'abord et avant
tout, mettrait sur la table toutes les
données et toute la problématique, de façon que
chaque groupe puisse avoir d'abord toute l'information dans un premier temps
et, dans un second temps, soit en mesure de faire valoir son opinion.
M. Auger: Je pense que cette idée est intéressante
dans la mesure où on ne se retrouve pas avec un conseil scientifique
fermé, mais un conseil scientifique ouvert au public. Quand vous dites
pour faire en sorte que tous les groupes puissent faire entendre leur point de
vue devant ce groupe de recherche, c'est la nature publique de la commission
avec la fonction étude, et encore une fois impartialité, en
termes de développement de toutes les perspectives
énergétiques.
M. Duhaime: D'accord, je comprends très bien votre point
de vue. Récemment, j'avais l'occasion de signer un document avec mon
collègue des Finances qui a été reproduit dans la Presse.
Il donnait toute la problématique qui sous-tend la démarche faite
dans le dossier de l'aluminium et des pêches. J'écoutais
tantôt. Il y a peut-être un certain nombre de choses à
redire. Je ne voudrais pas reprendre ce que la Presse a publié
là-dessus.
Essentiellement, notre objectif est de faire en sorte que parmi les pays
de l'Ouest, le Québec maintienne, en termes de production per capita,
l'avance qu'il a et, en plus, l'augmente. On calcule actuellement qu'il y a
dans les pays de l'Ouest des capacités théoriques
installées pour produire 14 000 000 de tonnes d'aluminium par
année. Actuellement, 2 000 000 de capacité ne sont pas en
opération à cause du vieillissement des alumineries. C'est vrai
pour Pechiney en France, c'est vrai pour Reynolds dans le sud des
États-Unis. On est absolument certain qu'autant l'acier a eu ses
années de gloire, autant l'aluminium pour les 15 ou 20 prochaines
années sera le métal qui va continuer de monter. Il va monter
régulièrement. Il s'agit donc d'augmenter la capacité
installée ici au Québec.
Nous sommes donc sur un marché international. Qu'un lingot parte
du Brésil, qu'il parte de l'Australie, qu'il parte de Baie-Comeau il va
se retrouver sur le même marché en concurrence. Le facteur de
localisation majeur dans l'industrie de l'aluminium - il est double je devrais
dire -est l'approvisionnement en bauxite et l'hydroélectricité.
Lorsque le Québec concurrence l'Australie et le Brésil sur la
localisation des alumineries, au départ nous avons un désavantage
parce que nous n'avons pas la bauxite, ce qu'ont le Brésil et
l'Australie. Le seul avantage comparatif sur lequel nous pouvons tabler donc,
en termes de matière première, c'est l'électricité.
Il y a bien sûr toute l'expertise accumulée au
Québec depuis 75 ou 80 ans dans les technologies, dans la
qualité de la main-d'oeuvre de nos alumineries.
On part donc d'une évidence. Si la capacité
installée n'augmente pas au Québec, elle va s'installer ailleurs
et elle va venir concurrencer nos propres alumineries. L'idée est donc
d'augmenter la capacité de production et en même temps moderniser
ces alumineries. On voit qu'en France, Pechiney qui a été
compagnie privée depuis toujours a laissé vieillir ses usines de
sorte qu'aujourd'hui, Pechiney en France a des déficits à
encaisser et n'a pas beaucoup de problématique pour prendre quelque
expansion que ce soit à moins d'investir dans de la modernisation et
aussi à moins d'obtenir une structure tarifaire qui la rendrait
concurrentielle.
Alcan a près de 800 000 tonnes de capacité
installées au Québec. Pechiney s'en va vers 300 000 tonnes et
Reynolds s'en va vers 300 000 tonnes, ce qui veut dire que d'ici à
quelques années, la capacité installée au Québec en
termes de production d'aluminium va équivaloir à la
capacité actuelle du Japon. Cela vous donne un ordre de comparaison. Les
Japonais maintiennent une capacité de production à l'heure
actuelle qui est de l'ordre d'à peu près 1 300 000 ou 1 500 000
tonnes.
Nous avons fait un virage rapide dans ce dossier-là pour une
seule et unique raison. Nous voulons maintenir non seulement une
capacité installée au Québec dans le secteur de
l'aluminium mais l'augmenter. Quand vous me disiez, comme vous l'avez fait tout
à l'heure en chiffrant ce que représente les rabais consentis,
que cela représente 120 000 000 $, 125 000 000 $ ou 200 000 000 $ peu
importe, c'est un faux calcul. Parce que c'est un manque à gagner
théorique, dans la mesure où, en 1986 et en 1987 en toute
certitude, nous serons dans une situation de surplus de capacité en
hydroélectricité, de même qu'aujourd'hui l'Ontario est en
surplus de capacité de production à partir d'un parc
nucléaire.
À partir du moment où un kilowattheure est en surplus,
vous allez admettre avec moi que son coût marginal est égal
à zéro. Si ce kilowattheure n'est pas utilisé dans la
production, que ce soit dans l'aluminium, dans la pétrochimie ou dans
l'électrométallurgie, peu importe, c'est une perte sèche
pour l'économie. Le choix que nous avons est, soit d'en perdre 250 ou
d'en perdre 125; moi, j'aime mieux perdre 125. C'est pour cela qu'on consent
50%. À l'heure actuelle, Reynolds fait tourner ses alumineries du
Québec à 100% de sa capacité et pendant le même
temps, les alumineries de Reynolds à Corpus Christi au Texas et en
Alabama sont fermées. Résultat net: c'est un transfert d'emplois
du sud des États-Unis au Québec dans un secteur
stratégique du développement industriel. Quand Pechiney
décide d'accepter l'offre du Québec plutôt que celle du
Brésil et de venir implanter ici la plus moderne des alumineries du
monde avec un investissement de 1 500 000 000 $ et de faire son
redéploiement nord-américain à partir du Québec,
c'est un transfert d'emplois des États-Unis vers le Québec ou,
encore mieux, cela peut aussi impliquer un transfert d'emplois de France vers
le Québec parce qu'on est sur un marché international.
On fait exactement le même raisonnement dans le cas de l'Alcan. Je
vais être très clair sur un point. Dans le cas de l'Alcan, vous
mentionnez que le gouvernement refuse de nationaliser ses barrages. Nous avons
eu l'occasion - je crois que c'est en 1977 - de tenir une commission
parlementaire là-dessus où le gouvernement, à
l'époque, avait annoncé ses couleurs et je ne vois pas pourquoi
nous les changerions aujourd'hui. Nous avons dit à l'époque que
les royautés payées par Alcan seraient bonifiées,
rajustées, indexées; cela a été fait et cela va
continuer d'être fait. Je pense qu'on ferait une erreur et on ferait un
déplacement de capitaux absolument inutile en consacrant quelques
centaines de millions de dollars, sinon davantage, à payer une
expropriation à une entreprise qui a son siège social à
Montréal, qui a son siège social international à
Montréal, qui fait travailler des milliers de travailleurs du
Québec où les francophones réussissent maintenant à
monter jusqu'au sein du conseil d'administration de cette entreprise qui est
carrément et clairement identifiée au Québec. À
moins qu'on fasse l'équation, qu'on ait un avantage comparatif
énorme qu'on laisse aller, il n'est pas question qu'on revienne sur
cette problématique.
Cela veut donc dire que dans le secteur de l'aluminium, de la
première transformation d'ici à quelques années au
Québec, parmi les cinq grands producteurs mondiaux de l'aluminium, trois
seront au Québec avec des productions qui vont faire que le
Québec sera, sur la base per capita, le premier producteur mondial
d'aluminium. Je suis prêt à gager qu'autant l'acier a fait la
richesse de l'Ontario qui a été sa colonne vertébrale,
d'ailleurs bien protégée par des tarifications dans le secteur du
transport, autant on a une chance, d'ici à la fin du siècle, en
utilisant des ressources hydroélectriques pour le développement
de l'aluminium, que la production de ce métal soit un atout majeur dans
l'économie du Québec. C'est à partir de là qu'on
sera en mesure de continuer ce que j'appellerais l'effort négligé
de recherche et de développement dans les applications industrielles de
l'aluminium.
Ce que j'ai en tête, bien sûr, c'est toute la structure
industrielle qui pourrait venir en aval. Dans le secteur de l'automobile, par
exemple, il se fait un déplacement de l'acier en faveur de l'aluminium
qui est constant depuis quelques années et qui a toutes les chances de
continuer. Les Japonais font tourner une bagnole, actuellement, sur des pistes
d'essai qui est fabriquée avec de l'aluminium et de la céramique.
Avec quoi sera fait demain matin une bagnole? J'ai bien l'impression qu'il va y
avoir moins d'acier, les voitures vont être plus légères,
etc. On a peut-être une chance, à ce moment, de trouver non
seulement un débouché pour vendre le produit de première
transformation, mais possiblement intéresser un ou deux grands
producteurs mondiaux dans le secteur de l'automobile à venir s'installer
ici au Québec.
Si j'essaie de me résumer, pour répondre au point
précis que vous soulevez, je ne considère pas qu'il s'agisse
d'une subvention à des entreprises lorsqu'on refuse de perdre des
kilowattheures qui sont en surplus, on se sert des surplus; à des fins
de développement.
Les gens pensent souvent que, parce que nous sommes en situation de
surplus, cela équivaudrait nécessairement à baisser les
tarifs pour permettre d'écouler ces surplus. Il faut bien comprendre que
ce n'est pas parce que vous baissez le tarif que vous augmentez d'autant la
consommation; quand vous faites l'effet inverse, là je vous donne
raison. Mais ce que je veux essentiellement dire par là c'est qu'il y a
des consommations qui sont constantes, qu'on monte ou qu'on baisse le tarif; il
y a des entreprises, des ménages, des commerces, etc., qui vont avoir
exactement le même niveau de consommation. Nous avons
préféré utiliser la marge de manoeuvre que nous laissent
aujourd'hui les surplus de production hydroélectrique pour mettre tout
l'accent sur l'investissement.
Ce qui a été consenti aux alumineries a été
également consenti... pas dans la même proportion, mais il y a
quelques mois HydroQuébec annonçait que, sur l'horizon 1990, il y
aurait des rabais à partir de l'année en cours, 1983,
jusqu'à 50%, ensuite 40%, 20% et 10% pour rejoindre le tarif grande
puissance au 1er janvier 1990. Cela s'est fait sans aucune espèce de
discrimination par secteurs industriels; cela a été offert
à toute entreprise qui augmente sa consommation d'au moins 10%, qui
suscite des investissements et qui crée des emplois. Ce programme va
très bien et va nous permettre sans aucun doute d'écouler
des surplus.
Un autre volet que je voudrais relever et y corriger un chiffre - je ne
sais pas où vous avez pris les 0,023 $ sur New York, sur les contrats
d'énergie d'exportation...
M. Bakvis (Peter): C'est tiré du rapport
annuel d'Hydro-Québec de l'an passé. C'est le prix pour
l'énergie envoyée aux réseaux voisins, cela inclut New
York, cela inclut aussi, j'imagine, ce qui est envoyé au Vermont.
M. Duhaime: Alors, ce que vous avez fait c'est que vous avez pris
les revenus globaux d'exportation et vous les avez divisés par le nombre
de kilowattheures vendus. Sauf que, sur les exportations, il y a
l'énergie ferme qui est vendue sur certains contrats avec l'Ontario, par
exemple - qui sont de vieux contrats qui ont été signés -
vous ne pouvez pas additionner les revenus d'énergie ferme avec les
revenus d'énergie d'interruptible. C'est comme additionner le prix des
cravates avec le prix des chemises et faire une division; cela ne fonctionne
pas comme cela.
Nous vendons à New York et au NEEPOOL sur les mêmes
scénarios de prix, entre 35 et 40 mills le kilowattheure,
c'est-à-dire de 0,035 $ à 0,04 $; et il y a des variantes parce
que c'est un prix indexé qui réfère à une formule
presque chimique tellement elle est compliquée, mais cela
réfère à l'énergie fossile, cela
réfère à un prix de référence avec la
dernière centrale nucléaire construite aux États-Unis,
cela réfère au prix mondial du pétrole, etc. De sorte que
nous calculons des deux côtés, du côté
américain aussi bien que québécois, que le prix moyen du
kilowattheure vendu sur les deux contrats est d'environ 35 à 40
mills.
Si on compare maintenant le prix que paie l'entreprise
québécoise pour de l'énergie interruptible, c'est entre 15
et 16 mills le kilowattheure ou 0,015 $ à 0,016 $. Là, on compare
de l'interruptible avec de l'interruptible.
Les volumes de ces contrats. Avec New York nous allons vendre, sur la
période de 1984 à 1997, c'est-à-dire treize ans, 111 000
000 000 de kilowattheures. Si durant cette période de treize ans les 111
000 000 000 de kilowattheures n'ont pas été livrés - nous
n'avons aucune contrainte sur ces contrats, nous livrons de l'énergie
excédentaire lorsque nous en avons - le contrat sera reconduit pour cinq
ans au maximum, jusqu'à ce que le niveau des 11 000 000 000 de
kilowattheures ait été atteint. Si on l'atteignait, par exemple,
au bout de la seizième année, le contrat prendrait fin.
Avec NEEPOOL, c'est le même scénario, sauf que le contrat
est de 1986 à 1997, et c'est là qu'on rejoint la ligne des
cantons dont vous avez parlé tantôt. Je vais vous en dire un mot,
mais, je voudrais vous dire que, globalement, nous calculons que les revenus
d'Hydro-Québec à l'exportation sur ces deux contrats seront, en
dollars constants, de 6 000 000 000 $ sur la période. Si on met cela en
dollars courants, cela vous donne quelque chose autour de 15 000 000 000 $
à 16 000 000 000 $ courants sur les deux contrats que nous avons
signés. Je vous avoue que je n'ai rien contre cela, parce que les
Québécois paient chaque année à l'étranger,
c'est-à-dire hors frontières, que ce soit aux Canadiens de
l'Ouest, que ce soit aux Arabes du Golfe, que ce soit aux Mexicains ou à
nos amis de l'Amérique latine, du Venezuela, nous versons à tout
ce monde-là, pour payer le pétrole et le gaz naturel, 4 800 000
000 $, cette année. Si on est en mesure de récupérer
quelques milliards par année des Américains sur des surplus, je
pense qu'on fait une bonne affaire. Cela nous permet d'équilibrer notre
balance énergétique; cela nous permet d'équilibrer notre
balance commerciale. Je fais ma réflexion en allant un peu plus loin et
en disant que cela peut aider aussi à une balance des paiements, le jour
où les Québécois décideront de changer leur statut
politique.
Vous nous dites, dans votre recommandation no 2: "Que le gouvernement
renonce à la construction de centrales électriques pour fins
d'exportation d'électricité et ouvre un débat...". Je n'ai
aucune espèce d'objection sur le débat; j'ai l'impression qu'il
est déjà ouvert et qu'on va le poursuivre. Énergie
atomique du Canada Ltée nous a proposé avant-hier de construire
des centrales nucléaires au Québec et d'exporter l'énergie
vers les États-Unis. Je leur souhaite bonne chance dans le projet, mais
je n'y crois pas beaucoup; j'ai eu l'occasion de leur dire assez
clairement.
La question qui se pose maintenant: construire ou non des centrales
hydroélectriques à des fins d'exportation d'énergie de
base vers les États-Unis. Peut-être que nous aurons à
construire, peut-être que non, cela va dépendre de la croissance
de la demande ici au Québec. Sur le plan des principes, si nous signons
avec les États-Unis d'ici à quelques années des contrats
d'énergie ferme qui feraient en sorte qu'on livre aux Américains
2500, 3000, 3500 mégawatts sur l'horizon de 1990, il faut bien
comprendre qu'à ce moment-là le potentiel hydroélectrique
du Québec aura atteint 30 000 mégawatts, avec un potentiel en
réserve d'autant. Si les Américains sont prêts à
payer le prix que nous allons demander pour des ventes d'énergie ferme,
parce que cela leur permettrait de faire des économies d'échelle
importantes sur les importations de pétrole, cela leur permettrait de
faire l'économie, sans aucun doute, de problèmes d'ordre
politique sur les constructions de centrales nucléaires... J'avoue
honnêtement que je suis prêt à y aller et que les
négociations dans ce sens vont très bien.
Je vais peut-être contrecarrer votre proposition, mais sur la
ligne des cantons, par exemple, qui est une ligne de 690 mégawatts de
capacité, sur de l'énergie
excédentaire pour satisfaire au contrat qui est signé,
l'objectif des deux côtés de la frontière est de faire en
sorte que cette ligne voie sa capacité augmenté à 2000
mégawatts et qu'ultérieurement, si cette ligne peut porter de
l'énergie interruptible sur des surplus, elle porte aussi de
l'énergie ferme. Le jour où nous vendrons suffisamment
d'énergie au Sud pour nous permettre de payer le pétrole et le
gaz naturel que nous achetons, nous aurons une facture
énergétique en équilibre. Et, si ces transactions
justifiaient que l'on démarre la phase II de la Baie-James avant
l'échéance de 1985-1986, je serais prêt à le faire.
Je veux être très clair là-dessus.
Vous avez soulevé un point fort important et c'est le dernier que
je veux commenter. Ensuite, je vais vous laisser réagir. C'est la
question du gaz naturel. J'ai eu l'occasion de le dire souvent, il y a des
zones de danger, il y a des zones d'équilibre dangereuses, mais
maintenir la concurrence entre Hydro-Québec et les compagnies de
distribution de gaz, je pense que c'est sain en soi, parce que cela force les
sociétés à faire des efforts considérables sur le
plan du marketing, par exemple, parce qu'elles sont en concurrence, et cela
leur permet peut-être aussi de comprimer davantage leurs dépenses
d'exploitation.
À Hydro-Québec, traditionnellement, la croissance des
dépenses d'exploitation était de 21% ou 22%. C'étaient des
seuils historiques et, quand on faisait des revues de programmes à
Hydro-Québec, on tenait pour acquis que, si ce n'était pas 20%
d'augmentation des dépenses d'exploitation, c'était une mauvaise
année. On a demandé de compresser là-dessus: en 1982, la
croissance des dépenses d'exploitation a été
ramenée à 11% et, cette année, pour 1983 -l'année
n'est pas terminée - ce sera de beaucoup inférieur à 11%.
Si on laissait carte blanche à Hydro-Québec sur une partie du
territoire et carte blanche à des compagnies de distribution
gazière sur d'autres parties - autrement dit, qu'on enlève
l'élément concurrence - je suis absolument convaincu, comme
consommateur, que nous en ferions les frais, tandis qu'en forçant les
deux compagnies à se faire concurrence entre elles et également
avec les compagnies pétrolières, sur le mazout lourd en
particulier, c'est le consommateur qui est gagnant, finalement.
Vous nous suggérez, pour ce qui est du réseau gazier, un
contenu québécois accru. J'ai fait vérifier les chiffres
ce matin et je voudrais vous les donner. Pour 55% des investissements,
c'est-à-dire toute la partie gérance, salaires, etc., il est
évident que le contenu québécois est de 100%. Alors, on
est à 100% québécois pour 55% du total de l'investissement
dans le gaz. Pour l'autre chiffre de 35%, c'est-à-dire tuyaux,
compteurs, régulateurs, etc., le contenu québécois est de
40%. La question est la suivante: Pourquoi cela ne serait-il pas plus
élevé? La réponse est simple, à mon sens. Les
investissements, dans les conduites latérales en particulier, ne devront
durer que deux ou trois ans. Il n'est pas facile d'inciter des industriels
à aller de l'avant, à faire des investissements pour mettre sur
le marché des produits qui vont trouver preneur pour deux, trois et
même quatre ans, si vous voulez. Alors, on est à 40%
québécois pour 35% des investissements, l'autre chiffre de 10%
étant ce qu'on appelle dans le jargon l'"overhead", les frais
d'administration.
Il y a, bien sûr, certains points où je voudrais vous
donner notre accord complet, comme votre recommandation no 7 sur les
investissements dans le secteur du méthanol. Hier, Nouveler nous
confirmait que les travaux à Saint-Juste-de-Bretenières sont en
cours. Elle nous conseille d'attendre au moins 1985 avant de prendre toute
autre décision dans ce secteur, la phase 1 de
Saint-Juste-de-Bretenières étant de mettre au point le
gazogène et la phase 2 étant d'utiliser les gaz produits et de
les tranformer ensuite en carburant en tenant compte, bien sûr, de
l'évolution du prix du pétrole importé. Mais sur le plan
de l'effort de recherche et des investissements, nous avons engagé, je
crois, 23 000 000 $ à Saint-Juste-de-Bretenières. Si la phase 1
est concluante, pour ma part, je n'aurai pas d'hésitation à
recommander au Conseil des ministres d'aller de l'avant avec la phase 2. Je
crois que c'est 50 000 000 $ qui sont requis pour entreprendre la phase 2,
parce que c'est un projet pilote unique au monde. Vous avez parfaitement raison
de souligner qu'avec la biomasse forestière et tout son potentiel
purement et simplement gaspillé en forêt aujourd'hui on pourrait
faire des choses. (11 h 45)
Sur le point 8, la question du moratoire sur le nucléaire, je
suis parfaitement d'accord. Je n'ai pas à faire une réserve, mais
simplement rappeler que nous avons l'intention de faire produire Gentilly 2 et
d'utiliser cette centrale nucléaire pour maintenir les effectifs
techniques et d'ingénierie à la fine pointe du progrès et
de la connaissance dans ce secteur.
Voilà ce que je voulais vous donner comme commentaires sur votre
mémoire. Je n'aborderai pas les autres sujets parce que je prendrais
trop du temps de la commission, mais je ne voudrais pas que vous croyiez que
j'ignore vos recommandations dans le dossier du pétrole, en particulier.
Vous avez une recommandation qui m'apparaît empreinte de sagesse quand
vous nous suggérez "d'examiner les possibilités d'acquérir
une raffinerie par des intérêts québécois dont un,
mais pas l'exclusif partenaire pourrait être le gouvernement du
Québec." Cela a été évoqué
à plusieurs reprises depuis le début des travaux. SOQUIP
fait la mise à jour continue de ce dossier. On essaie de suivre le plus
près possible ce qui se passe au Québec dans le secteur des
raffineries. Il est évident qu'on a perdu une capacité de
production importante. Nous avons cessé d'être les exportateurs de
produits raffinés. Voici la question qui se pose maintenant: Est-ce que
nous sommes devenus des importateurs? On a 40 000 barils qui flottent, qui se
promènent d'un chiffrier à l'autre, qui n'ont pas encore
été cernés complètement. Par contre, une compagnie
comme Esso, qui a suspendu ses opérations de raffinage à
Montréal, nous confirme ici en commission parlementaire, par M. Hamel
qui était présent, qu'elle a des ententes, des contrats de
façonnage avec d'autres raffineurs, de sorte que les produits qu'Esso
vendra au Québec seront raffinés ici. Si la même chose se
produit pour les autres raffineurs, le moins que je puisse dire, c'est que si
nous avons cessé d'être des exportateurs, nous ne serons pas des
importateurs si ces chiffres tiennent. Mais ce dossier demeure ouvert. J'ai eu
l'occasion de répondre au député d'Outremont en disant que
nous allions nous brancher rapidement comme gouvernement. Je n'ai pas de
délai précis en tête, sauf que ce sera très
certainement avant les prochaines élections.
Le Président (M. Desbiens): M. Auger.
M. Auger: M. le ministre, sur cette dernière question,
selon nos informations, déjà avec la fermeture de Texaco, cela
nécessite, pour leur propre réseau de distribution, des
importations. Est-ce que le bilan global, comme vous le dites, pour l'ensemble
des raffineries est positif ou négatif, est-ce qu'on est devenu un
importateur? On n'a pas accès à l'ensemble des données qui
nous permettent de le dire au moment où on se parle. On craint
cependant, quand on analyse la chute importante de raffinage de quelque 40%,
comme que nous l'avons identifiée dans le mémoire, que si on ne
l'est pas actuellement, c'est une question de semaines ou de mois pour
qu'éventuellement on soit dans cette situation défavorable.
L'autre question que nous voulons soulever dans notre recommandation au
sujet de l'achat éventuel ou de la participation gouvernementale dans
Pétro-Québec, c'est que, d'après les discussions qu'on a
eues avec les travailleurs qui ont été mis à pied lors de
la fermeture des raffineries, c'est une espèce de point de non-retour au
moment où les raffineries sont fermées; les coûts
d'exploitation pour les relancer sont tellement élevés que cela
devient, finalement, la justification en soi pour ne pas les rouvrir. On
constate que les raffineries ferment les unes après les autres et, s'il
n'y a pas cette décision rapide de la part de SOQUIP et du gouvernement
d'intervenir dans ce dossier, il y aura plusieurs mises à pied non
seulement dans les raffineries directement, mais aussi dans tout le secteur
connexe.
M. Duhaime: Un petit commentaire sur cette question. Cela va
éviter de le reprendre plus tard. Cette année, en 1983, avec les
chiffres que nous avons en main et avec la modernisation qui est faite à
Ultramar, je me risquerais à dire, sur la foi de ce que les
pétrolières nous donnent comme information au ministère de
l'Énergie et des Ressources et de ce qui a été dit ici,
que nous avons des chances d'être en équilibre au Québec.
Mais ce n'est pas un facteur déterminant dans la décision parce
que l'année 1983, c'est l'année 1983 mais que se passera-t-il en
1985, en 1988, en 1990, en 1995? C'est là qu'est le fond du
problème. La préoccupation du gouvernement est la suivante: la
réduction de la capacité de raffinage au Québec risque
d'entraîner la mise à mort de la pétrochimie au
Québec. C'est là qu'est le fond du débat et c'est à
ce palier que notre réflexion se fait. Ce n'est pas simplement de savoir
si en 1983 on est en équilibre par rapport à 1982 ou
qu'arrive-t-il en 1984? C'est important dans la discussion, mais ce n'est pas
là le point majeur à la base de la décision qui pourrait
éventuellement être prise dans ce dossier.
M. Auger: C'est pour cela aussi que nous avons toujours
essayé de lier dans notre réflexion sur ce sujet les deux
éléments, sauf qu'on ne peut pas, non plus, négliger cette
perte d'emplois importante au plan du raffinage.
Sur les autres questions que vous avez soulevées concernant,
entre autres, notre interrogation sur les rabais de tarif pour l'implantation
de Pechiney et de Reynolds, on convient qu'il peut s'agir de chiffres
théoriques si on les regarde de façon simple. Fondamentalement -
et on ne veut pas encore une fois, on l'a dit dans le mémoire, refaire
tout le passé - ce qu'on constate c'est qu'effectivement on est en
situation de production hydroélectrique excédentaire de sorte
qu'à même ces excédents on arrive à fournir à
ces deux industries des facteurs de localisation qui sont plus
intéressants. On ne veut pas universaliser trop facilement cette notion
parce que - le tableau de statistiques que nous donnions au début de
notre mémoire l'indique - si on regarde cela sur l'ensemble des
secteurs, cela ne s'est pas avéré un fondement absolu. Cela peut
agir, bien sûr, mais cela ne s'est pas avéré un fondement
absolu. Que cela intervienne dans le cas des alumineries, on peut en convenir
parce qu'effectivement c'est une part importante de leur localisation avec
la
matière première qui est la bauxite.
On ne veut pas isoler dans un mémoire cette question des autres
réflexions que nous avons faites. C'est pourquoi il faut pouvoir mettre
- et vous l'avez souligné - à cet effet, cette situation
particulière d'intervention gouvernementale auprès des deux
alumineries dans le cadre, à notre avis, d'une autre proposition que
nous faisons plus loin, à savoir qu'on demande que le gouvernement
refasse et revoie de A à Z les prévisions de consommation
énergétique. Parce qu'on ne voudrait pas, si on reconnaît
une situation exceptionnelle actuellement, se retrouver continuellement dans
une situation où, ayant toujours des surplus, on soit amené
à toujours fixer des tarifs très inférieurs. Non pas parce
qu'on ne veut pas que Pechiney et Reynolds s'implantent; au contraire, cela
nous apparaît effectivement favorable, mais on dit qu'on ne peut pas, non
plus, toujours se retrouver ainsi parce que c'est une logique qui pourrait nous
conduire à un illogisme absolu; cela pourrait se revirer
complètement contre nous. C'est pourquoi on ne peut isoler cette
question de l'ensemble.
M. Duhaime: Oui. En fait, ce que vous me dites, c'est qu'il ne
faudrait pas qu'on retienne un scénario dans le genre: la croissance de
la demande au Québec va être constante à 6%; on s'en va de
l'avant et on enclenche phase II Baie-James, clients ou non.
M. Auger: Oui. 12% de sorte que...
M. Duhaime: Et on va se retrouver en situation de surplus.
Autrement dit, il ne faudrait pas condamner d'avance Hydro-Québec
à offrir une tarification à la baisse. Je pense qu'on est
parfaitement d'accord là-dessus.
M. Bakvis: Selon votre argumentation, s'il y a des surplus, il
faut les écouler. Alors, tant les exportations aux États-Unis que
la vente à rabais aux producteurs d'aluminium, c'est toujours
basé sur le fait qu'il y a un surplus. Alors, on ne peut pas s'opposer
à cela. C'est comme dire: J'ai construit une maison au coût de 50
000 000 $; je n'en veux pas. Il y a quelqu'un qui m'offre 30 000 $, alors je
vais les prendre. Comme argument pour construire d'autres centrales, c'est
très faible. On convient qu'aujourd'hui il y a des surplus et on est
mieux de les vendre au prix qu'on peut avoir que de les laisser aller, c'est
bien sûr.
M. Duhaime: C'est complexe parce que, lorsque vous pesez sur le
bouton vert, vous commencez un grand chantier qui dure huit, neuf, dix
ans et même quinze ans. À partir du jour où les premiers
arpenteurs arrivent sur le terrain jusqu'à ce que le premier
kilowattheure sorte, quelquefois c'est douze ou quinze ans. De ce temps-ci, par
exemple, à chaque mois c'est 150 mégawatts qui viennent s'ajouter
à la capacité de production d'Hydro-Québec, à
chaque mois 150 mégawatts d'ici 1985. Ce qui vient s'ajouter, bien
sûr, est déjà comptabilisé dans ce que nous
envisageons comme surplus possible. Je comprends parfaitement votre approche
qui consiste à dire: Ne nous embarquons pas pour demander finalement aux
Québécois - aux contribuables et aux consommateurs - d'investir
dans de l'équipement hydroélectrique, nous condamnant à
l'avance à nous retrouver dans une situation de surplus pour, ensuite,
être obligés de nous retourner pour avoir des politiques
d'écoulement de surplus à la baisse. Mais je pense qu'il faudra
toujours avoir une marge de manoeuvre aussi à l'intérieur,
à cause de la planification à long terme que cela implique. Je
pense que là-dessus on se rejoint parfaitement.
M. Auger: Qu'il y ait une marge de manoeuvre, on en est, mais il
faut toujours voir quelle est la marge de manoeuvre. Actuellement, on pense que
la marge de manoeuvre, par rapport aux prévisions, est beaucoup trop
large.
Il y a un autre élément que nous voulons souligner par
rapport à cela. Je pense que vous avez raison sur le fait que le
rôle de l'aluminium sera extrêmement important. Ce que nous disons
tout au long de notre mémoire, c'est qu'il faut prévoir une
stratégie industrielle qui fasse en sorte qu'il y ait une série
d'entreprises qui dérivent en aval, qui puissent compléter sur le
plan des investissements et sur le plan de la création d'emplois, pour
qu'on ne soit pas dans la situation où on a été avec
l'acier, soit de l'exportation brute, soit de l'exportation avec faible
transformation, mais que la transformation soit poussée le plus loin
possible.
En ce sens, on veut faire le joint avec l'autre question
soulevée: la construction éventuelle de centrales pour strictes
fins d'exportation. Il nous semble qu'on ne peut pas séparer, là
non plus, cette question parce que l'avantage que nous détenons d'avoir
un potentiel hydroélectrique important ici, il faut aussi pouvoir s'en
servir pour attirer cette structure industrielle. On ne sera pas beaucoup plus
avancé si les structures industrielles s'établissent à
l'extérieur et qu'on se retrouve dans la situation où on
exportera de l'électricité pour faire fonctionner ces industries
dans le centre ou le Nord-Est des États-Unis. En ce sens, on voit, quant
à nous, qu'il y a une chaîne continue dans l'approche que nous
avons présentée sur cette question.
Quant au point particulier de la construction de centrales à
l'extérieur, actuellement, nous en sommes au stade des questions. A
priori, si on ne doit construire des centrales que pour fins strictes
d'exportation, on dit non; cela ne devrait pas exister à la
lumière des connaissances que nous avons actuellement. On peut toujours
revenir à notre proposition d'une commission publique d'information
très large qui circule sur cette question, mais actuellement on dit non.
À la vérité, on se questionne là-dessus:
peut-être qu'on pourrait arriver à cette conclusion, mais on
voudrait que les autres volets: la stratégie industrielle, entre autres,
la création d'emploi au Québec, l'autonomie sur le plan d'une
structure industrielle qui corresponde aux années 1980-1990 -
rendons-nous jusqu'en 2000 - tout cela soit pris en compte. Qu'à la
lumière de ce développement, se pose la question d'une centrale
hydroélectrique pour fins d'exportation, je pense que nous sommes
prêts à aborder cette question dans une telle perspective. Mais
non pas pour dire a priori: Très bien, il y a un contrat fixe comme
celui qui nous est présenté par le Nord-Est des
États-Unis; on s'engage à construire une centrale
hydroélectrique et pour fins strictes d'exportation. Actuellement, on a
d'énormes réticences là-dessus. C'est pourquoi nous avons
formulé cette proposition en disant, bien sûr, qu'on doit forcer
la réflexion non seulement sur cet aspect, mais à l'égard
des autres aspects que nous avons développés
précédemment.
M. Duhaime: Je partage avec vous cette préoccupation. Cela
a été mon premier réflexe quand j'ai commencé
à toucher à ce dossier. Il est hors de question que l'on
transfère vers le sud un facteur de localisation à notre
avantage. Mais où est le correctif? Le correctif qui amenuise tout
risque, c'est le prix. Si on vend de l'énergie ferme aux
États-Unis à deux fois ou deux fois et demi le tarif grande
puissance ici au Québec, il est évident qu'on ne se fait pas mal.
L'énergie qui va être vendue à un pareil prix aux
Américains va devoir être refilée ensuite à
l'industrie. On conserve notre avantage comparatif. Soyez assuré que
c'est la première préoccupation et d'Hydro-Québec et du
gouvernement là-dessus. (12 heures)
M. Auger: L'autre élément que vous avez noté
concernait la concurrence entre le gaz et l'électricité qui peut
jouer en faveur des consommateurs par une réduction des frais
d'exploitation des deux compagnies. Ce qu'il nous semble, c'est que cela a
particulièrement joué à l'égard des producteurs
industriels; du côté du consommateur domestique, on n'est pas
sûr que cela puisse avoir autant d'impact. D'autre part, on ne veut pas
nier toute forme de concurrence. On voudrait minimalement qu'il y ait des
politiques un peu plus claires là-dessus que strictement le jeu
d'Hydro-Québec versus Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité.
Compte tenu de la rentabilité au plan de l'utilisation de ces
différentes sources d'énergie, qu'on puisse donner des
indications qui fassent en sorte que la concurrence ne joue pas de n'importe
quelle façon. Il est bien évident qu'Hydro-Québec pourrait
fournir de l'électricité à plus bas tarif même si on
pourrait croire que le gaz serait une ressource énergétique plus
opportune dans tel cas sur le plan industriel ou sur le plan domestique, et
vice versa. C'est cet éclairage que l'on souhaite pouvoir détenir
afin qu'on ne se retrouve pas dans ce qu'on peut appeler le jeu de la libre
concurrence entre les deux. On n'est pas sûr qu'au bout le consommateur
va tirer automatiquement profit de cette libre concurrence que pourraient se
mener les deux géants, si l'on veut, sur le plan
énergétique à l'échelle
québécoise.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
M. Bakvis: Sur la question de la concurrence entre le gaz et
l'électricité, on peut même affirmer que le consommateur va
payer si la concurrence pour avoir des contrats industriels fait en sorte que
l'utilisateur industriel paye moins cher l'énergie. Cela reviendrait
finalement à l'État québécois en bonne partie, qui
serait prêt à le faire à cause de cette concurrence indue
entre le gaz et l'électricité. À l'industrie,
Hydro-Québec offre l'électricité à moitié
prix pendant cinq ans; à ma connaissance, on n'offre pas un avantage au
consommateur. On pourrait dire que le consommateur en bénéficie
si on le lui offrait, ce qui n'est pas le cas. Si HydroQuébec offre
l'électricité à moitié prix, qu'elle est
obligée de le faire parce que le gaz est aussi offert à rabais,
finalement, cela fait moins de revenus pour Hydro-Québec;
éventuellement, on va augmenter les tarifs du consommateur particulier
et il y aura moins de transfert de fonds au fonds consolidé.
M. Duhaime: Je voudrais vous donner deux chiffres qui vont vous
permettre de faire l'équation; c'est soulevé chaque année
par Hydro-Québec en commission parlementaire. Un point dans la
croissance des dépenses d'exploitation d'Hydro-Québec, cela veut
dire 10 000 000 $. A travers le tableau toutes catégories de
consommateurs, 1% d'augmentation du tarif représente 30 000 000 $. Il y
a des économies réelles pour le consommateur lorsque le compte
d'exploitation des dépenses d'Hydro-Québec diminue. Si on peut
automatiquement le
répercuter entièrement sur la grille tarifaire, c'est
clair et net qu'il y a un gain. Si vous prenez un exemple mathématique
rapide, si le compte d'exploitation d'Hydro-Québec baisse de 10%, cela
fait 100 000 000 $, c'est-à-dire 3,3 points sur le tarif
d'économie pour l'ensemble des consommateurs
d'hydroélectricité au Québec.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais remercier la CSN pour son mémoire
qui fait réfléchir, qui provoque une discussion
intéressante et qui devrait continuer à provoquer une discussion
pour valoriser le débat public. Quant à nous, nous l'avons
souhaité depuis fort longtemps. Vous soulevez, à mon avis, des
problèmes de fond, lorsque vous dites que la politique
d'industrialisation basée sur l'électricité a
été un échec. C'était toute la dynamique ou la
proposition de Bâtir le Québec I. On s'aperçoit qu'une
électricité meilleur marché au Québec - elle
était bien meilleur marché en 1975 et en 1976 que maintenant,
selon les chiffres que vous nous donnez dans les tableaux et qui sont
confirmés par HydroQuébec - n'a pas été le facteur
déterminant qui aurait pu amener l'industrialisation. Comme vous le
soulignez, c'est surtout l'industrie manufacturière qui est
créatrice d'emplois.
J'aimerais revenir sur plusieurs points qui ont été
soulevés, entre autres sur la pénétration du gaz et de
l'électricité. Je crois que le ministre n'a pas voulu sciemment
fausser le débat sur la pénétration du gaz et de
l'électricité, mais il y a une chose qui n'a pas
été dite et qui est extrêmement importante. D'une part, les
compagnies de distribution du gaz, que ce soit Gaz Inter-Cité ou Gaz
Métropolitain, sont régies par la Régie de
l'électricité et du gaz. Elles n'ont pas la marge de manoeuvre
qu'Hydro-Québec a d'offrir présentement, à des prix de
dumping, aux industriels des tarifs qui ne sont plus les tarifs officiels, mais
les tarifs officiels coupés de beaucoup pour les prochaines
années parce qu'ils offrent de l'énergie interruptible 365 jours
par année, 24 heures par jour pendant deux ou trois ans.
C'est bien évident qu'on ne peut pas parler de concurrence
normale entre l'électricité et le gaz présentement, et
c'est cela le facteur important. On se leurre lorsqu'on dit qu'on va laisser
les deux en concurrence normale et que chacun devra faire son effort de
marketing. Je suis conscient qu'Hydro-Québec fait des efforts pour
réduire ses coûts et je pense que, de ce
côté-là, on doit l'encourager. Le facteur
déterminant - et tout le monde l'a dit avant que la construction du
pipeline et la construction du réseau de distribution commence - ce qui
fera le succès de la pénétration du gaz, en plus d'aller
chercher le marché domestique qui semble un fait acquis dans une
très large mesure, c'est d'aller chercher également l'industrie
qui, elle, rentabilise le réseau durant les mois d'été
où le marché domestique n'existe pas.
Ce qui arrive présentement, c'est que le gouvernement a
approuvé des programmes spéciaux au mois de juillet - ou à
la fin de juin - qui s'attaquent, justement, à cette clientèle
industrielle à laquelle les deux sociétés de distribution
désiraient s'attaquer et qu'elles espéraient convaincre. On se
trouve donc, maintenant, dans une situation où les deux
sociétés de distribution de gaz qui croyaient aller vers telle
ville ou tel village ou qui ont peut-être commencé à
construire des embranchements, croyant obtenir, dans une ville donnée,
deux ou trois grosses consommatrices d'énergie, s'aperçoivent
qu'Hydro-Québec y va et offre des tarifs tellement intéressants
que la société de gaz ne peut pas faire la concurrence.
Là, cela pose toute la question d'arbitrage que vous avez
soulevée. Je crois que la réponse que le ministre vous a
donnée n'était pas, à mon avis, valable parce que le
problème est là, si on accepte également une autre
donnée du problème selon laquelle le programme
fédéral de pénétration du gaz n'est valable que
pour trois ou quatre ans, selon les informations obtenues. On l'a dit,
d'ailleurs, l'an dernier, la pénétration du gaz se fera durant
les trois ou quatre prochaines années ou elle ne se fera pas. Bien
sûr, on peut espérer que le gouvernement fédéral,
dans trois ou quatre ans, à la suite de négociations avec
l'Alberta, prolonge sa politique, mais dans le moment ce n'est pas une
donnée du problème.
À mon avis, toute la dynamique que vous avez soulevée
reste entière et le ministre refuse de faire un arbitrage. Il propose
une concurrence entre les deux formes d'énergie, mais, à mon
avis, très bientôt, qu'on le veuille ou non, on va faire face au
problème. Si ce n'est pas cette année, ce sera peut-être
l'an prochain. Le problème reste entier. Je voudrais vous dire que, pour
ma part, je partage votre point de vue sur cette donnée du
problème qui est différente de celle qui a été
donnée par le ministre.
Pour ce qui concerne le pétrole, cela veut dire une remise en
question et c'est pour cela qu'on est en commission parlementaire. On doit se
poser la question: Est-ce qu'on peut continuer à assurer la
pénétration du gaz, comme on l'a promis, à moins qu'on
n'intervienne dans le domaine de l'électricité pour dire qu'il y
a telles zones du Québec ou telles villes du Québec qui vont
être privilégiées pour l'une ou l'autre forme
d'énergie? Autrement, je crois qu'on va s'en aller vers la construction
de réseaux
de distribution du gaz qui ne pourront pas être rentables dans
l'avenir. On est ici pour soulever la question et vous l'avez soulevée.
Je voulais simplement vous donner une donnée additionnelle du
problème.
Vous avez aussi soulevé la question du pétrole et, encore
là, plusieurs intervenants ont posé la question: Est-ce qu'on
doit à tout prix continuer dans la même direction et
éliminer ou réduire la consommation de pétrole au
Québec autant que la politique énergétique le
désire présentement? Je crois qu'on doit au moins se poser la
question, parce qu'on s'aperçoit que cela crée une perturbation
très importante qui va affecter non seulement les raffineries mais aussi
la pétrochimie. La question que vous avez posée, je la poserais
différemment. Est-ce qu'on ne devrait pas réviser notre politique
énergétique pour assurer un marché minimal au
pétrole? À mon avis, c'est la question de base. Vous avez
posé la question: Est-ce qu'une intervention de l'État
réglerait le problème?
De ce côté-ci de la Chambre, nous avons des doutes a ce
sujet. La question fondamentale est celle-ci: Est-ce qu'on devrait assurer un
marché minimal pour le pétrole? Et je suis tout à fait
d'accord avec le ministre et avec vous-même lorsque vous dites qu'on ne
devrait pas être importateur de produits raffinés. Ce serait
ridicule que nous soyons rendus à importer des produits raffinés
au Québec. Il ne semble pas que ce soit le cas pour 1983. Les
prévisions varient. Vous avez demandé que le ministère
fasse des prévisions. Je pense qu'on s'entend pour dire que quels que
soient les experts qui vont faire les prévisions, ces prévisions
sont susceptibles d'être fausses. Les grandes pétrolières
nous disent que non, il n'y aura pas d'importation dans l'avenir; SOQUIP nous
dit qu'il y aura l'an prochain une importation de 40 000 barils par jour, mais
qui va en décroissant et qui, en 1990, arrive à zéro.
Là, il y a une variation dans les prévisions. On s'entend sur la
question de principe. J'aimerais avoir votre réaction. Puisque nous
sommes ici pour réexaminer la politique énergétique du
Québec, ne croyez-vous pas qu'une façon d'assurer une dynamique
du développement économique, qui inclut la pétrochimie et
la raffinerie de pétrole... on devrait au moins se poser la question
très sérieusement et faire faire des études sur cette
possibilité de maintenir au Québec une consommation de
pétrole qui assurerait la survie d'une capacité minimale de
raffinerie et qui, en conséquence, assurerait le succès d'une
pétrochimie.
M. Auger: Notre proposition pour l'instant, le plus loin
où nous puissions aller, consiste à dire: Il faut faire en sorte
que l'ensemble d'une politique énergétique réalise
l'équilibre des différentes sources d'énergie le plus
clairement et le plus précisément afin de pouvoir nous permettre
d'analyser cette étude, savoir quelle part doit prendre
l'électricité, le gaz, le pétrole et les autres formes
d'énergie...
Sur la protection minimale actuellement on n'a pas de données
suffisantes pour pouvoir aller beaucoup plus loin - il nous semble que ce vers
quoi on doit forcer, c'est beaucoup plus la structure industrielle
pétrochimique qui ferait en sorte, par elle-même, si on maintient
le principe de la non-importation de pétrole, de protéger, d'une
part, les emplois et même d'en créer et, d'autre part, de laisser
au pétrole le rôle pour lequel il est déterminé de
façon optimale comme intervenant sur le plan énergétique
plutôt que de s'en servir à toutes les sauces, comme on l'a fait
dans le passé. Est-ce qu'on va aboutir à une protection minimale?
Est-ce qu'on arrivera à un chiffre pour dire: La consommation de
pétrole ne doit pas descendre en bas de 40% sur l'ensemble des 100% de
consommation? Je ne peux pas dire cela actuellement. Par notre volonté
d'indiquer au gouvernement et aux intervenants dans cette matière de
maintenir et de surveiller pour que tout le secteur pétrochimique ne se
détruise pas en termes de création d'emplois et qu'on doive au
contraire insister sur cette industrialisation, il nous paraît possible
d'arriver à protéger un minimum sur le plan du pétrole.
Mais notre objectif n'est pas de dire: Le pétrole doit rester à
25%, à 30% ou à 35%, parce qu'il faut qu'il reste là. Cela
veut dire que le pétrole doit rester là dans la mesure où
il doit répondre à des exigences sur le plan d'une structure
industrielle importante, si on pense que la pétrochimie est encore et va
être encore pour plusieurs années un élément
important dans une structure industrielle québécoise.
Il y a de la consommation sur le plan industriel qui va toujours
demeurer, qu'on le veuille ou non. On ne pourra pas tout remplacer en termes de
consommation pétrolière. Dans l'industrie, il y a un certain
nombre d'usages domestiques. Cette combinaison devrait effectivement trouver un
. équilibre. Et, quant à la recherche à faire, on le
demande effectivement. (12 h 15)
M. Fortier: Je pense qu'on devrait faire des études de ce
côté-là, parce qu'il est bien évident qu'en 1978 -
et, en toute honnêteté, cette opinion n'était pas
uniquement celle de M. Joron à l'époque; elle était
partagée par d'autres - à la suite de la crise
pétrolière, je pense qu'il y a eu une réaction à
savoir que, si on avait pu réduire la consommation de pétrole
à zéro, on aurait proposé une politique dans ce
sens-là. Je crois que maintenant on en revient un peu. On ditqu'on a besoin du pétrole pour le transport, mais on
s'aperçoit également qu'il y a un
autre aspect de la question qui est le fait que, pour
l'industrialisation du Québec, pour la pétrochimie en
particulier, avoir une politique qui est de réduire le pétrole le
plus possible, simplement parce que c'est le "bad boy", la mauvaise forme
d'énergie qu'on importe et parce que c'est importé, c'est
méchant. Je crois qu'on doit au moins se poser la question et dire
qu'une politique de substitution du pétrole à tout prix n'est
peut-être pas la meilleure solution pour le développement
économique du Québec, même si on doit importer le
pétrole. Je crois que c'est une nouvelle façon d'aborder le
problème qui mérite une attention et une étude plus
approfondie que ce qu'on peut faire ici, en commission parlementaire et qui,
à mon avis, serait beaucoup mieux que de demander... Avant de parler
d'intervention de l'État, à mon avis, on devrait faire cette
étude pour déterminer si, en dépit des importations de
pétrole et de leur coût... Je suis d'accord avec le ministre pour
dire qu'on devrait compenser cette importation par de l'exportation
d'énergie pour que la balance des paiements du Québec et du
Canada soit la meilleure possible. Mais la question fondamentale, à mon
avis, c'est une remise en question de cette politique qui voulait la
substitution du pétrole à tout prix. Et je pense qu'en 1978, si
on avait pu prouver qu'on pouvait aller vers des voitures électriques,
on l'aurait proposé. Ce que je dis, c'est qu'en 1983, j'ai l'impression
que plusieurs groupes, dont le vôtre, sont venus ici pour poser la
question et que cette question-là devrait être approfondie par le
ministère et par tous ceux qui s'intéressent à la question
énergétique.
En ce qui concerne l'industrialisation, je vous l'ai dit au
début, je crois que vous soulevez une très sérieuse
question. Comment se fait-il qu'alors que l'énergie électrique
était meilleur marché au Québec, le développement
du secteur manufacturier qui est créateur d'emplois n'ait pas
été plus important? Quant à nous, on a soulevé
cette question à plusieurs reprises. Étant donné que le
débat est non partisan ce matin, on va en rester à ce
niveau-là. Mais, il est évident que, dans le passé, nous
allions chercher une plus grande proportion des investissements manufacturiers
au Canada et que, depuis un certain temps, ce pourcentage-là s'amenuise.
Il est évident que c'est une situation qu'on ne peut accepter. On peut
se poser la question, puisque quand on regarde les pourcentages que vous
donnez, il est évident que l'énergie n'est pas le seul facteur,
il y a d'autres facteurs. J'aurais voulu, quant à moi, que vous
dépassiez... Vous dites, d'ailleurs, que l'énergie
électrique n'a pas été le facteur déterminant. Si
on examinait les motifs pour lesquels, en dépit de coûts
énergétiques tout de même assez bas, le Québec n'a
pas réussi, ce serait intéressant pour connaître ces autres
raisons qui ont fait que le Québec n'a pu attirer autant
d'investissements dans le secteur manufacturier que d'autres provinces. Si on
prend le pourcentage des investissements manufacturiers, je crois que l'an
dernier, c'était 18% de tous les investissements manufacturiers au
Canada, alors que dans le passé, c'était 23%, et que même
une année le pourcentage a atteint 24%. Je crois qu'on doit se poser ces
questions-là.
Toutes sortes d'éléments ont été
soulevés: le climat social, un climat de grève, la taxation
excessive des individus, l'instabilité politique. Si on parle de
pétrochimie, des gens sont venus nous dire que pour les raffineurs, la
taxe Parizeau qui semble coûter 5% du coût de production aux
raffineurs est également un facteur. Enfin, il y a plusieurs raisons
qu'on peut étudier, mais je me demandais si, de votre côté,
vous aviez examiné les motifs qui faisaient que le développement
manufacturier ne s'était pas fait au Québec, malgré
l'avantage de l'énergie électrique qui, de toute évidence,
n'a pas joué.
M. Bakvis: Permettez que je réponde d'abord à la
première partie. Je reviens sur la question du pétrole. Il me
semble, pour ce qui est de l'utilisation du pétrole, qu'il y a une
réalité qui demeure et qui est que le transport privé,
avec tout ce qu'on peut prévoir, va encore utiliser le pétrole.
Bon. Il y a, bien sûr, la pétrochimie. Bien que certaines
industries puissent fonctionner au gaz, il y en a d'autres qui ont besoin du
pétrole. Donc, il est absolument illusoire de penser qu'on va faire une
substitution complète du pétrole par d'autres types
d'énergie.
Mais il y a aussi une réalité qui nous apparaît
manifeste. Enfin, il y en a plusieurs qui prétendent que le
Québec n'est pas encore importateur. C'est qu'il y a eu une
restructuration de l'industrie du raffinage par la fermeture de quatre
raffineries: une toute petite et vieille raffinerie en Ontario, et trois
grandes raffineries au Québec. L'industrie du raffinage n'a pas
l'habitude de faire l'exportation dans d'autres pays. Ces raffineries sont
là pour la consommation interne. Il nous apparaît qu'à plus
ou moins long terme, probablement à assez court terme, le Québec
va devenir un importateur net. Il y a trois ou quatre raffineries en
Nouvelle-Écosse qui produisent bien au-delà des besoins en
pétrole de cette région; elles sont encore là; elles n'ont
pas encore été fermées. Il y a des raffineries en Ontario
qui, maintenant, ont une capacité qui dépasse de loin la
consommation de cette province. On a appris également, à un
certain moment, que la compagnie Texaco semblait acheminer, par bateau, du
pétrole raffiné de l'Ontario à Montréal. C'est
peut-être quelque chose à
vérifier.
L'implantation industrielle, c'est une question qui semblait aller bien
au-delà du domaine de la commission parlementaire. On a tenté
d'expliciter là-dessus, cependant. Pour une industrie, par exemple,
comme celle du papier, on a dit - les chiffres parlent assez bien par
eux-mêmes - que la facture d'électricité indique un
coût relativement minime par rapport à d'autres coûts,
notamment la matière ligneuse. Pour ce qui est de la matière
ligneuse, on sait qu'il y a des problèmes. En fait, les compagnies de
papier n'arrêtent pas de nous dire que cela coûte moins cher dans
le sud des Etats-Unis. Pourquoi? Parce qu'on a reboisé de vastes
territoires, on a fait une exploitation soignée, une coupe
sélective qui fait que ces terres demeurent utilisables; surtout, on a
réussi à réduire les frais de transport de la forêt
jusqu'à l'usine, parce que c'est là qu'intervient l'augmentation
des coûts au Québec.
Sans doute, on pourrait faire des études similaires dans d'autres
industries, mais il nous semble que ce sont des facteurs reliés aux
coûts de production et qu'il y a d'autres facteurs que
l'électricité qui font que le Québec, dans certains cas,
n'est pas aussi concurrentiel qu'il voudrait l'être. Jusqu'à
maintenant, on a mis l'accent sur un aspect, celui de la facture
énergétique. On espère d'ailleurs - parce qu'il nous
semble qu'il y a vraiment très peu d'études là-dessus
examiner les raisons de l'implantation... On va probablement découvrir,
comme pour ce qui est du papier, qu'il y a certains coûts de fabrication,
les coûts de la matière première qui sont plus
élevés. Pour les produits chimiques, par exemple, il semble
qu'actuellement l'utilisateur industriel paie le pétrole moins cher aux
États-Unis qu'au Québec, ce qui n'aide pas le
développement de ce secteur au Québec. On trouvera que c'est plus
pour ces raisons que pour quelque raison que vous avez soulevée, dont le
climat social. La compagnie qui songe à s'établir quelque part va
d'abord regarder un budget pro forma; elle devra avoir des états
financiers pro forma; elle va voir ce que cela va donner au niveau des
coûts par rapport à différentes régions et elle va
faire son choix d'implantation en fonction de cela.
M. Fortier: Là-dessus, j'aimerais revenir à la
question de Pechiney, mais relativement à l'industrialisation. Je pense
que le ministre a mis Pechiney et Alcan dans le même panier. Il est bien
évident, à mon avis, qu'il y a une différence essentielle.
Si on prend l'attitude de la Chambre de commerce de Montréal et du Board
of Trade de Montréal, le COPEM qui ont toujours insisté,
lorsqu'une industrie multinationale vient s'établir au Québec,
pour qu'elle ait une mission mondiale. Je pense que le meilleur exemple qu'on
donnait dans la région de Montréal c'était Pratt &
Whitney qui, malgré le fait qu'elle soit possédée à
100% par la société mère américaine, a la mission
mondiale de développer de petits moteurs d'avion. Cela lui permet de
faire de la recherche et du développement ici, cela lui permet de faire
du marketing à partir d'ici. Il y a toute une dynamique qui s'inscrit
dans une compétition internationale qui fait que, lorsqu'une filiale
internationale vient s'établir ici, un facteur d'industrialisation,
c'est surtout le fait que, si elle a une mission mondiale, elle puisse,
à partir de là, faire de la recherche et du développement,
développer des produits spéciaux et tout cela.
Dans le cas de l'Alcan - et le ministre l'a dit, c'est très vrai
- le siège social est ici, une bonne partie de la recherche et du
développement est ici, elle fait son alumine ici, elle fait son
aluminium ici et elle est impliquée, que ce soit au Québec ou en
Ontario, dans tous les produits de transformation à partir de
l'aluminium. Il semble évident, jusqu'à preuve du contraire,
à moins que le ministre ait de l'information que je n'ai pas, que le
siège social de Pechiney est à Paris, la
recherche-développement de Pechiney se fait à Paris. Le marketing
international de Pechiney va se faire à partir de Paris. C'est bien
évident que les Français viennent ici pour prendre avantage de
tarifs d'électricité à bon marché. Quoiqu'on soit
d'accord avec cela, si on parle d'industrialisation, je crois qu'on doit faire
une distinction très nette entre l'Alcan et Pechiney. L'Alcan est un
dynamo de développement économique très fort au
Québec et, jusqu'à preuve du contraire, je crois que Pechiney ne
le sera pas dans la même dimension.
Comme facteurs d'industrialisation, certaines de vos remarques en ce qui
concerne l'investissement de Pechiney, à mon avis, sont valables. Il est
sûr que l'investissement lui-même va créer de l'emploi
à l'usine même. Je ne sais pas qui va être le
président de Pechiney à Québec, mais cette personne,
à mon avis, la seule fonction qu'elle va avoir va être de diriger
l'usine. Je n'ai rien contre les directeurs d'usine mais, ce que je veux dire,
c'est qu'au point de vue corporatif, pour employer un barbarisme, la direction
de Pechiney Québec n'aura pas beaucoup d'autres préoccupations
que celle de faire fonctionner l'usine à temps plein et elle n'influera
pas beaucoup dans le sens de l'industrialisation, comme vous l'avez
mentionné. Je me demandais si ma réflexion correspondait à
la vôtre de ce côté. Je me demandais si vous aviez des
commentaires.
M. Auger: Pour nous, l'impact important, on l'a dit, si on met de
l'avant que l'aluminerie, que ce soit l'Alcan,
Reynolds, Pechiney, est une industrie d'avenir, ce que l'on veut, ce que
l'on préconise, c'est de s'assurer qu'il y ait un bon nombre
d'industries en aval. Je l'ai dit tout à l'heure, qu'on ne se retrouve
pas dans la situation de l'acier, où on faisait strictement de
l'extraction et de la transformation primaire. Quant à l'autre question
que vous posez sur Pechiney, je suppose qu'on pourrait aussi la poser sur bon
nombre d'autres entreprises. On pourrait souhaiter avec vous que tout cela s'en
vienne au Québec, mais, si on pose cette question, je pense qu'on va la
poser pour un très grand nombre d'autres multinationales,
américaines ou autres.
M. Fortier: Remarquez bien que j'ai dit que quant à nous
on est heureux que Pechiney vienne s'établir ici. C'est certainement un
investissement désirable. Je soulevais la question en termes de dynamo
de développement industriel. C'est pour cela que je faisais la
distinction. Quant à cela, Pechiney aurait du s'établir,
j'imagine, au Congo belge...
M. Auger: C'est à notre avis la question fondamentale.
À partir du moment où une industrie primaire comme Pechiney s'en
vient ici, il faut que non seulement elle produise de l'aluminium de
première transformation, mais qu'en même temps, cet aluminium
sorte sous de plus grandes formes diversifiées de produits de
consommation. La chaîne de production va partir de la bauxite pour se
rendre jusqu'au pied de microphone ou à l'automobile, toute grande
industrie qui va attirer de l'emploi pour assurer un roulement
économique important au Québec.
M. Fortier: Je voudrais revenir sur votre première
recommandation. Je crois qu'on se retrouve, comme je l'ai dit au début,
sur le débat public, sur la nécessité de discuter de ces
problèmes. Entre autres, j'ai signalé, lors du débat que
nous avons eu à la mi-juin touchant les contrats d'exportation
d'électricité, que le ministre et le cabinet ont insisté
pour que ce soit dorénavant le cabinet qui approuve les contrats
d'exportation. Alors j'ai fait valoir que dans la mesure où la loi
était adoptée telle quelle, ceci ne permettait pas un
débat public si Hydro-Québec n'avait pas ce pouvoir absolu sujet
à la caution du cabinet... J'avais demandé justement que chaque
fois qu'il y aurait un contrat d'exportation on ait une commission
parlementaire et que ce soit inscrit dans la loi. Cela a été
refusé. (12 h 30)
J'avais fait d'autres recommandations concernant les augmentations de
tarif. Comme vous le savez, la Régie de l'électricité et
du gaz s'applique à Gaz métropolitain, à Gaz
Inter-Cité et chaque fois que ces deux sociétés veulent
faire des investissements il y a des auditions publiques où elles
doivent justifier leurs investissements. Ceci permet à n'importe quel
groupe, syndical ou autre, ou à des individus d'aller faire des
représentations devant la régie.
Dans le cas d'Hydro-Québec ceci n'existe pas. Bien sûr, il
y a la commission parlementaire mais les groupes intéressés ne
peuvent pas faire valoir leur point de vue devant la commission - à
moins que ce soit comme aujourd'hui - lorsqu'il y a des augmentations de tarif.
Ce que vous proposez est un débat énergétique mais je me
demandais si, en ce qui concerne l'augmentation des tarifs
d'électricité qui revient une fois par année, vous verrez
un avantage à ce que chaque fois qu'Hydro-Québec vient devant
cette commission pour faire valoir son point de vue et justement faire une mise
à jour de ses programmes d'investissements, on permette à des
groupes intéressés comme le vôtre de venir faire des
représentations.
M. Auger: Effectivement nous jugeons important de souligner que
sur des hausses de tarif, tel qu'on l'a fait - que ce soit annuel, biennal,
cela reste à voir selon les données que nous aurions à ce
moment -c'est particulièrement important au niveau des individus comme
des différents groupes qu'ils puissent intervenir sur une question aussi
importante que celle-là, la hausse des tarifs du compteur
d'électricité.
M. Fortier: La vente d'énergie ferme, vous en faites une
question de principe. Malgré les explications que vous avez
données, j'ai de la misère à comprendre votre question de
principe. Je pense bien que je suis d'accord avec vous qu'on ne devrait pas
s'engager à construire 15 000 mégawatts si on n'a pas une
certaine assurance de les vendre; on ne devrait pas s'engager dans une
direction qui mettrait les finances d'Hydro-Québec en péril. Mais
si on pouvait négocier des contrats d'exportation, vous semblez dire,
même là, qu'en principe vous n'êtes pas d'accord.
Pourriez-vous expliciter votre question de principe, s'il vous
plaît?
M. Auger: Là-dessus, ce que j'ai dit, je vais essayer de
le dire plus clairement, c'est qu'il y a les éléments suivants
qu'on veut prendre en considération. Premièrement, on ne veut pas
que cette question de l'exportation de l'électricité soit une
question isolée dans le débat énergétique. Donc,
pour nous, la priorité en termes d'utilisation de l'énergie
hydroélectrique produite au Québec sert à maximiser la
structure industrielle, la création de l'emploi, les bonnes conditions
de consommation d'électricité, la question des
tarifs aux usagers, etc. C'est d'abord et avant tout notre
priorité fondamentale.
Ce que l'on dit c'est que si on part avec l'affirmation au point de
départ que l'idée d'exportation extérieure nous est
favorable, on craint effectivement de ne pas passer par le préalable que
je viens de mentionner. Nous serons d'accord pour débattre cela dans le
cadre d'une stratégie globale de développement du Québec
sur le plan industriel et sur le plan de la consommation domestique, pour voir
si à un moment donné il peut y avoir place pour de l'exportation.
On n'affirme pas être totalement fermé là-dessus.
L'autre question que nous avons soulevée dans nos
réflexions, je n'en ai pas fait part je crois tout à l'heure,
cela va me permettre de l'ajouter, c'est bien sûr une
préoccupation que nous voyons à long terme. La réflexion
que nous nous sommes faite -c'est vraiment à titre de réflexion
actuellement - c'est qu'à partir du moment où nous avons les
installations hydroélectriques au Québec pour - prenons
l'hypothèse - favoriser l'exportation dans un contrat ferme vers les
États-Unis, cela nécessite de notre part des investissements
considérables - vous allez le comprendre -bien sûr qui, dans un
premier temps, pourraient nous permettre par rapport à une
néqociation avec les États-Unis, en particulier, d'obtenir des
tarifs qui nous conviennent... S'ils ne nous conviennent pas, on ne construit
pas. Vous nous disiez tout à l'heure, M. le ministre, que le contrat
avec le NEEPOOL, nous mène jusqu'en 1997, est-ce que c'est cela? De 1986
à 1997. On peut se poser la question: En 1997, si on a augmenté
notre installation hydroélectrique pour fins d'exportation, lors du
renouvellement, notre situation, notre rapport de forces, pour utiliser un
langage que nous connaissons, par rapport à ceux qui vont
négocier de l'autre côté des lignes, sera diminué
considérablement.
Si on leur dit: si vous ne payez pas le prix qu'on demande, on
arrête de vous envoyer l'hydroélectricité. Vous allez
comprendre qu'on aura eu toute la charge sur le dos et qu'on continuera
à l'avoir. On ne pourra pas seulement les envoyer dans l'air, à
moins qu'on trouve une technologie de stockage de l'électricité,
ce qui, semble-t-il, n'est pas encore perceptible. C'est une autre
inquiétude que nous avons. C'est pourquoi nous insistons beaucoup pour
lier cette question. Mais encore une fois, quand on est en situation
excédentaire, on dit: On fait ce constat avec les autres et on regarde.
Mais de la construction immédiate ou un plan rapide de
développement de la construction immédiate de centrales pour fins
d'exportation ferme, cela nous pose d'énormes problèmes et on ne
veut absolument pas aborder cette question de façon isolée.
M. Fortier: Je pense bien que vous réalisez que si les
Américains, après avoir signé un contrat comme
celui-là, voulaient eux-mêmes produire l'électricité
qu'ils achètent d'ici, on les verrait venir pendant un certain nombre
d'années. Pour pallier à 3000 ou 4000 mégawatts
d'électricité, il faudrait qu'eux-mêmes s'engagent dans la
construction de centrales au moins dix ans avant; mais quand même,
j'accepte votre réserve.
Je considère important le point que vous soulevez. Sans vouloir
interpréter ce que vous avez dit, vous dites: Avant de parler
d'exportation, il faudrait mettre au point une politique d'industrialisation et
de création d'emplois. C'est là votre point majeur. Vous dites
que vous ne voyez pas encore le dynamisme qui va assurer les investissements
nécessaires pour la création d'emplois ici. Vous demandez qu'il y
ait une politique bien définie favorisant la création d'emplois
dans le secteur manufacturier en particulier. Prenez en considération
les facteurs énergétiques et, après cela, on pourra
favoriser l'exportation, dites-vous.
M. Auger: Nous avons déposé pour le premier
ministre québécois - nous l'avons dit dans le mémoire - un
document qui, à la lumière de nos réflexions, de celles
des gens que nous représentons très directement dans les
différents secteurs, ne nous apparaît peut-être pas la
solution, mais qui nous paraît présenter des
éléments d'une solution sur le plan industriel pour faire en
sorte qu'on puisse être davantage autonome et répondre à
une préoccupation majeure qui nous importe énormément,
toute la question du chômage, des éléments d'une politique
industrielle qu'il reste à compléter. Qu'on parle, entre autres,
de l'électrification du transport. On disait, hier, qu'on trouvait un
peu paradoxal que dans une ville canadienne, à Edmonton, qui ne peut
tout de même pas prétendre avoir des problèmes
d'approvisionnement de pétrole, on a électrifié le
transport en commun pour permettre, probablement sur le plan écologique
mais aussi sur le plan économique, d'exporter davantage de
pétrole. Alors, on a une ressource hydroélectrique ici. Est-ce
qu'il est envisageable qu'on puisse travailler systématiquement sur
notre transport en commun avec toutes les retombées que cela peut avoir
sur l'industrie secondaire qui permettrait d'alimenter une telle
électrification du transport? Qu'est-ce qui est faisable
là-dedans? Nous pensons qu'on doit travailler dans ce sens parce que
cela a deux fonctions. D'une part, les surplus excédentaires peuvent
être accaparés par nous-mêmes ici et, d'autre part, cela a
une fonction importante sur le plan de la
structure industrielle, tout en augmentant notre autonomie, en
maintenant notre autonomie et en la renforçant sur le plan
énergétique.
M. Fortier: Je vous remercie. Je pense que vous avez
soulevé des points fondamentaux et nous sommes d'accord avec plusieurs;
avec d'autres, on l'est moins. Je pense que le débat que vous avez
soulevé était celui qu'on voulait provoquer lors de cette
commission parlementaire.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: J'aime beaucoup votre expression de rapport de forces
quand on discute avec les Américains. De part et d'autre de la
frontière, les chiffres sont sur la table, c'est un secret de
polichinelle, les Américains connaissent et les états financiers
d'Hydro-Québec et l'état des installations. Ils font leur propre
prévision de la demande domestique du Québec en fonction d'un
scénario de croissance sur l'avenir. Ce que vous nous dites ce matin est
ma préoccupation dans ce dossier. Vous la rappelez à très
juste titre. Ne jamais nous placer dans un marché de vendeurs. À
ce moment-là ce seraient les Américains qui fixeraient le prix.
Ce que nous vendons actuellement, c'est des surplus. On se comprend bien. On a
un contrat de 13 ans qui peut aller jusqu'à 18 ans. En d'autres mots,
lorsque nous avons des surplus nous les exportons. Quand il n'y a pas de
surplus nous ne les exportons pas. Il n'y a pas de contrainte. L'indexation
dans le prix est un fait qu'il y a un gain net et pour les Américains et
pour nous. Les surplus d'été actuellement sont
déversés à partir de 1984 à 1986 sur New-York et
sur le NEPOOL et vont nous rapporter de l'argent.
Je fais exactement le même raisonnement concernant des
transactions à venir sur un contrat d'énergie ferme. Je tiens
compte du fait que je ne suis pas intéressé à faire passer
au Sud un facteur de localisation très avantageux pour le Québec.
C'est le facteur prix qui va être le correctif. Là-dessus on se
rejoint et espérons que le rapport de forces jouera jusqu'au bout et
qu'on aura des choses intéressantes. Est-ce qu'on va ouvrir un
débat là-dessus? En temps et lieu, j'avoue ne pas avoir aucune
espèce d'objection à l'ouvrir. On aurait été en
débat sur l'énergie pendant toutes ces années, je pense
que c'est très sain que la population comprenne exactement la
démarche que l'on fait, et qu'elle soit également d'accord.
Un dernier élément. Ce que le député
d'Outremont avançait tantôt, j'avoue que cela m'inquiète
dans le sens qu'il faudrait qu'on remette en cause les grandes
problématiques de la politique énergétique du
Québec. S'il y a eu une crise du pétrole à
l'échelle mondiale, au premier choc pétrolier aussi bien comme au
deuxième, c'est qu'il y a des brillants cerveaux dans les pays qui ont
formé le cartel de l'OPEP qui ont dit: Si on peut réussir
à diminuer l'offre sur le marché international, nous allons
ensuite commander le prix. C'est exactement ce qui s'est passé. Les pays
membres ont décidé de resserrer les chantepleures et d'amener
moins de pétrole sur le marché international et le prix a
été multiplié par 15 en l'espace d'une dizaine
d'années. C'est drôle mais je n'ai pas le goût de courir le
risque que cela nous arrive une autre fois. La réponse des pays
industrialisés au cartel du pétrole a été
l'efficacité énergétique, conservation d'énergie,
économie d'énergie, autre forme d'énergie en particulier
les énergies nouvelles.
Si on fait un raisonnement avec les chiffres que l'on a sur la table.
Tout le monde s'entend pour dire que la demande globale d'énergie autant
chez nous qu'aux Etats-Unis a des chances d'être ou bien stable ou bien
à environ 1% de croissance d'ici à 1990. Si on suit le
raisonnement qui vient d'être avancé par le député
d'Outremont, qu'on remet en cause l'objectif de déplacer le
pétrole importé pour le Québec, que dans le même
temps le gaz naturel augmente sa part du marché, il est bien
évident que ce qui va se produire c'est que la part de
l'hydroélectricité va diminuer dans sa croissance. Cela voudra
aussi dire que les investissements d'Hydro-Québec devront diminuer dans
la même logique sur l'horizon 1990.
Or, si on prend l'année 1983, le total des investissements
publics et privés au Québec est de l'ordre d'environ 13 000 000
000 $. Hydro-Québec va faire environ 20% à 22% de ce montant. En
1979 Québec a compté, de mémoire, pour le quart des
investissements globaux au Québec. Si on suit cette logique de remettre
en cause les objectifs de la politique énergétique sur l'horizon
1990, en même temps que le gaz naturel pénètre, qu'on
maintient une plus grande place au pétrole importé, il faut
conclure puisque la demande globale d'énergie est ou bien stable ou bien
en croissance de 1%, que ce sont les investissements d'Hydro-Québec qui
devront être diminués. Cela veut dire moins d'emplois chez nous.
Je ne suis pas prêt à faire cela. C'est dans ce sens-là
que, jusqu'à présent en tout cas, depuis le début des
travaux de cette commission, on peut, bien sûr, avoir des bonnes
idées mais il n'y a personne qui a soutenu à fond qu'il fallait
remettre en cause l'objectif fondamental de la politique
énergétique qui était de déplacer le
pétrole. (12 h 45)
On n'a aucune espèce de garantie à l'heure actuelle,
malgré tous les scénarios des futurologues, que le cartel du
pétrole ne se reformera pas un jour. Qui nous dit que les pays qui ne
sont pas membres de l'OPEP n'iront pas joindre l'OPEP? C'est un risque
énorme. Et je pense que l'objectif d'accroître notre autonomie
énergétique essentiellement en fonction du Québec doit
être maintenu. Qu'il y ait des marges de manoeuvre, qu'il y ait des
variables dans les objectifs de la part du marché de l'énergie,
de la part du pétrole, de la part du gaz naturel et de
l'électricité... Tout le monde va comprendre que ce sont des
scénarios de prévision, mais qui sont basés sur des
chiffriers assez serrés. Quand on propose comme objectif que la part de
l'hydroélectricité au Québec soit à 41% en 1990 et
à 50% en l'an 2000, c'est énorme comme objectif; cela veut dire
qu'en l'espace de 25 ans le pétrole, qui comptait pour presque 70% de
nos besoins énergétiques en 1975-1976, en l'an 2000 comptera pour
à peine 30%. C'est un virage monumental. Et je pense qu'avant de
remettre en cause la trajectoire qui a été arrêtée
il faudrait qu'il se produise des événements passablement plus
significatifs que ce qu'on peut voir actuellement dans le dossier de
l'énergie.
M. Bakvis: On ne proposait pas dans le mémoire de remettre
en cause la politique de diversification. Ce qu'on demande au gouvernement de
faire, c'est regarder ses chiffres de nouveau, compte tenu des
réalités d'aujourd'hui. La diversification ne se fait pas par
décret gouvernemental, cela se fait essentiellement en fonction du choix
que les consommateurs, industriels ou particuliers font. Actuellement, les gens
passent moins vite de l'huile à chauffage vers
l'électricité et le gaz parce que le prix est moins
élevé que prévu. La marge se réduit
considérablement autant avec le gaz qu'avec l'électricité.
Pour le consommateur industriel, il y a même des producteurs de mazout
qui offrent des rabais actuellement. Cela explique aussi pourquoi la
diversification ne se fait pas aussi rapidement; ce qui fera que les surplus
risquent d'être même plus élevés que ceux
prévus il y a quelques années. Voilà pourquoi il faut
regarder les chiffres à nouveau et regarder d'autres possibilités
d'écouler les surplus, s'il le faut. Avant de penser à construire
d'autres barrages, il faut être sûr qu'on ne se retrouvera pas avec
d'énormes surplus qu'on sera obligé, encore une fois, de vendre
en bas du prix coûtant.
M. Fortier: J'ai bien dit qu'on devrait se poser la question mais
dans la mesure où on devrait examiner la taille minimale du secteur
pétrolier. Présentement, la politique est de substituer au
pétrole à tout prix, sans considérer une taille minimale
dans l'avenir.
C'est dans cette optique-là que j'ai posé la question. Je
crois qu'elle mérite considération.
M. Auger: Sans qu'on ait toute l'énergie
excédentaire d'Hydro-Québec, on va continuer de participer
à l'ensemble des débats sur cette question avec la plus grande
attention possible.
M. Duhaime: Merci.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation. Je constate qu'il est 12 h 50.
M. Fortier: Est-ce qu'on peut revenir à 14 h 30?
Le Président (M. Desbiens): J'inviterais l'Association des
mines de métaux du Québec à s'approcher.
Association des mines de métaux du
Québec Inc.
M. Fortier: On vous propose, M. Langlois, de présenter
votre mémoire et de prendre le temps dont vous avez besoin. Vous avez
besoin de 20 minutes? La période de questions viendra après.
M. Tremblay: II se prend pour le président.
M. Fortier: Avec la réforme parlementaire, ce sera chose
faite bientôt.
Le Président (M. Desbiens): II est donc entendu qu'on
écoute la présentation complète du mémoire et qu'on
reviendra à 15 heures pour les échanges entre les participants et
les députés.
M. Langlois, si vous voulez présenter les personnes qui vous
accompagnent.
M. Langlois (L.-Gonzague): M. le Président, M. le
ministre, messieurs, j'aimerais d'abord présenter ceux qui
m'accompagnent. À ma gauche, Dave Griffiths, directeur de
l'ingénierie et des services à Mines Noranda, division Horn;
à ma droite, M. Raynald Fournier, qui est le directeur du génie
et de la recherche pour la Compagnie minière Québec Cartier.
L'Association des mines de métaux du Québec regroupe la
presque-totalité des sociétés minières dans les
secteurs du minerai de fer, des métaux usuels et précieux,
c'est-à-dire une trentaine d'exploitations minières que l'on
retrouve dans la plupart des régions québécoises. Les
mines d'amiante, qui ont leur propre association, ne sont pas membres de
l'AMMQ.
L'industrie minière, comme vous le
savez, a été le principal agent de développement
des régions éloignées du Québec et on retrouve des
mines sur la Côte-Nord, au centre de la Gaspésie, dans le
Nord-Ouest québécois et la région de Chibougamau et du
Lac-Saint-Jean. Le développement de l'industrie minière a donc
été, dans les régions éloignées, la base du
développement d'infrastructures, plus particulièrement les
villes, les routes, les chemins de fer, les ports de mer, de même que les
lignes de transport d'énergie. Jusqu'à présent, on peut
affirmer que le coût de ces infrastructures a, à peu d'exceptions
près, été défrayé par l'industrie
minière elle-même, ce qui a grevé considérablement
la rentabilisation des dépôts exploités.
La présente récession, qui se fait sentir à
l'échelle mondiale, a amené avec elle une compétition
beaucoup plus difficile au niveau du marché des métaux. Il semble
bien que cette agressivité du marché mondial demeurera pour une
longue période. Le secteur minier québécois devra donc
s'adapter rapidement à ces nouvelles conditions au cours de la prochaine
décade et cette adaptation signifiera pour l'entreprise minière
une importante réduction de ses coûts de production, si elle veut
survivre.
L'énergie, qui représente entre 10% et 15% des coûts
de production, a donc un rôle important à jouer pour la
rentabilité du secteur minier. En général, les
exploitations minières utilisent presque exclusivement deux sources
d'énergie, soit les produits pétroliers et l'énergie
électrique. Pour l'ensemble des secteurs ferreux et non ferreux, les
coûts de l'énergie électrique ont occupé, en 1982,
58% du total de l'énergie, alors que les produits pétroliers en
ont occupé 42%. La note totale payée par les mines membres de
notre association s'est élevée, en 1982, approximativement
à 150 000 000 $, soit 87 000 000 $ pour l'électricité et
63 000 000 $ pour les produits pétroliers.
On retrouve l'utilisation des produits pétroliers dans les
exploitations à ciel ouvert ou souterraines, tout d'abord au niveau du
transport et du chauffage des édifices. Quant à
l'électricité, elle est utilisée dans l'éclairage,
l'alimentation des moteurs électriques et souvent le chauffage de l'air
frais qui sert à ventiler les chantiers souterrains.
Dans les nouvelles exploitations minières, la tendance est
à l'utilisation d'équipement de production
diesel-électrique, soit pour le transport, soit pour le forage. Ces
équipements, qui possèdent des avantages dans certains domaines
tels que la diminution du niveau du bruit et souvent une augmentation de
productivité, doivent aussi faire face à certains
inconvénients majeurs tels que celui d'être toujours reliés
à un câble électrique, ce qui diminue sensiblement la marge
de manoeuvre.
Il y a encore bien des possibilités d'augmenter le ratio
électricité-pétrole dans les activités
minières, à condition que les coûts de revient de
l'énergie électrique se maintiennent en dessous de celui des
produits pétroliers. Malheureusement, cette preuve est loin d'être
faite. Les coûts de l'énergie électrique sont fonction
d'augmentations annuelles accordées par le gouvernement et l'importance
de ce facteur est difficilement prévisible puisqu'il n'est pas
établi selon des paramètres basés sur l'offre et la
demande.
On a été témoin, au cours des dernières
années, du fait que les raisons invoquées par le gouvernement
pour accorder des augmentations de tarif, selon nous, fortement
exagérées, n'avaient souvent rien à voir avec la
rentabilité d'Hydro-Québec et rejoignaient des
préoccupations beaucoup plus souvent politiques qu'économiques.
C'est ainsi que, pendant trois ans, des augmentations d'au-delà de 20%
ont été décrétées, beaucoup plus pour
raffermir la cote d'emprunt sur les marchés financiers que dans un seul
but de rentabiliser l'entreprise. La fin des travaux de la Baie-James et la
récession ont cependant incité le gouvernement à
n'accorder pour l'année courante qu'une augmentation plus modeste de
7,5% sur les tarifs.
Ces augmentations de tarifs se traduisent souvent par des augmentations
de coûts réels atteignant parfois le double de ces pourcentages,
surtout en temps de récession. En effet, tous les contrats signés
par Hydro-Québec lui garantissent l'achat de blocs d'énergie
électrique sur la base de la charge de pointe et si cette charge est
dépassée l'entreprise se voit imposer des
pénalités.
Cette méthode occasionne presque en tout temps le paiement de
quantités d'énergie non utilisée, surtout lorsque les
activités diminuent alors que l'entreprise est liée par contrat.
Au cours de 1982, alors que l'on a dû réduire la production, on
estime que les mines de fer de la Côte-Nord ont payé plus de 30%
de leur facture à Hydro-Québec pour de l'énergie non
utilisée. C'est ainsi qu'en calculant le coût de l'énergie
électrique par employé on obtient des coûts
équivalents à 3 388 $ en 1980, à 4 617 $ en 1981 et
à 6 428 $ en 1982, soit des pourcentages d'augmentation respectifs de
36% entre 1980 et 1981 et de 39% entre 1981 et 1982. Si on refait le calcul du
coût de l'électricité par tonne de minerai traité,
on obtient des données de 1,19 $ la tonne en 1980, 1,58 $ en 1981 et
2,44 $ en 1982, soit des taux d'augmentation respectifs de 33% et de 54%.
Ces augmentations dépassent largement l'impact des transferts
d'énergie à base de produits pétroliers vers
l'électricité. Ces augmentations de coûts de
l'énergie
électrique, supérieures aux taux d'augmentation
décrétés, doivent être considérées en
grande partie comme la preuve que la quantité d'énergie
électrique achetée est supérieure à la
quantité réellement utilisée. Il y a donc là, pour
les entreprises, une source de gaspillage importante qu'il faut
éliminer.
Dans le cas des produits pétroliers, ce gaspillage n'est pas
possible, puisque l'entreprise n'achète qu'en fonction de ses besoins.
D'ailleurs, pour les années 1981 et 1982, on constate une tendance
inverse pour les coûts des produits pétroliers. En effet, les
coûts par tonne pour les produits pétroliers sont passés de
1,85 $ la tonne en 1981 à 1,68 $ en 1982, soit une diminution de 9%.
Il est difficile de trouver les raisons exactes de telles statistiques.
Il nous apparaît, cependant, que certains transferts de sources
d'énergie à base de pétrole vers
l'électricité, surtout dans les mines de fer, ont sans doute
influencé le coût par tonne des produits pétroliers.
Cependant, nous croyons que la réduction des opérations
minières en 1982, alors que les charges pour l'énergie
électrique ont, de fait, augmenté, et un certain
fléchissement dans le prix des produits pétroliers, surtout
lorsque achetés en grandes quantités, sont les facteurs
principaux qui expliquent la tendance à la baisse du coût des
produits pétroliers.
Nous faisons donc face à un curieux paradoxe. Car, alors que
l'énergie hydroélectrique que l'on retrouve en abondance au
Québec devrait favoriser l'exploitation des ressources minérales,
on s'aperçoit que c'est exactement le contraire qui se produit.
Il faut donc, si on veut rendre l'énergie hydroélectrique
plus compétitive dans le secteur minier, d'abord obtenir des prix plus
adéquats et, en second lieu, trouver les moyens d'éliminer
l'achat de quantités d'électricité non utilisée. Il
y aurait lieu de développer certains équipements au sein de
l'entreprise pour intervertir le rôle joué par l'énergie
électrique versus celui dévolu aux produits pétroliers.
C'est ainsi qu'il faudrait diminuer la charge de pointe garantie par contrat de
façon à régulariser la consommation et installer des
équipements spéciaux qui pourraient permettre l'utilisation de
produits pétroliers quand cette charge de pointe est
dépassée. En somme, c'est tout simplement l'application du
programme Énergain pour les entreprises minières. Et comme pour
les maisons privées, les entreprises devraient, elles aussi, profiter de
subventions pour transformer leur équipement. (13 heures)
Il y a une activité particulière reliée aux
exploitations souterraines qui pourrait avantageusement profiter d'un tel
programme
Énergain: c'est la ventilation des chantiers souterrains. Au
cours des 30 dernières années particulièrement, des
quantités d'air pur acheminées vers les chantiers souterrains
ont, en général, été multipliées par cinq.
Deux facteurs principaux sont à la source de cette augmentation de
ventilation. Tout d'abord, une plus grande préoccupation de la
santé des mineurs par une élimination la plus rapide possible des
poussières et des fumées provoquées par le forage et le
dynamitage. En second lieu, l'utilisation dans les chantiers souterrains
d'équipements mus par des moteurs Diesel qui nécessitent une
ventilation accrue.
Il est évident que pousser l'air frais sous terre
nécessite d'abord une source d'énergie importante. À cause
de la rudesse de notre climat, il faut aussi faire face à un autre
problème pendant les cinq ou six mois d'hiver, celui de la formation de
glace dans les aires de ventilation, lesquelles pourraient facilement
être obstruées si on n'y prenait garde, jusqu'à des
profondeurs de 400 à 500 pieds. Il faut donc, en hiver, chauffer les
énormes quantités d'air acheminées dans les chantiers
souterrains pour éliminer la glace. Il y a là une dépense
d'énergie fort importante qui s'ajoute aux autres activités de
l'opération. Cette seule activité représente entre 5% et
10% du coût total de l'énergie.
Ces différentes activités consommatrices d'énergie
fournissent amplement de matière à la recherche d'une meilleure
utilisation des trois sources d'énergie, soit
l'électricité, le pétrole et le gaz, et nous croyons que
le Centre de recherches minérales devrait sérieusement se pencher
sur ces questions.
Dans un précédent mémoire à la commission
parlementaire concernant Hydro-Québec, en 1981, nous avions
insisté sur les infrastructures nécessaires pour acheminer
l'énergie électrique sur le site des nouvelles mines lesquelles
sont souvent fort éloignées des grands centres.
Nous avions aussi constaté que le traitement fait aux entreprises
minières pour la construction des lignes de transmission, après
de longues discussions avec les représentants d'Hydro-Québec,
était souvent complètement aberrant, puisque HydroQuébec
exigeait le dépôt des investissements pour la construction de la
ligne avant le début des travaux. Si on considère la
période écoulée au cours de la construction et le loyer de
l'argent, cela signifiait, la plupart du temps, le paiement en double de ces
infrastructures, sans être assujetti à aucun traitement de faveur
par la suite. Nous n'avons pas l'intention de revenir sur ce sujet particulier,
si ce n'est pour ajouter qu'à notre connaissance ces conditions
d'aménagement n'ont aucunement changé au cours des deux
dernières années. Vous
trouverez, d'ailleurs, en annexe, la partie de notre mémoire de
1981 qui traitait des infrastructures hydroélectriques. Je dois ajouter
ici, cependant, que, depuis le dépôt de ce mémoire il y a
plusieurs mois, la nouvelle direction d'Hydro-Québec semble plus
sensible à ces problèmes.
Plus récemment, dans un mémoire au ministre de
l'Énergie et des Ressources, nous soumettions le cas des mines Selbaie
qui fonctionnent depuis trois ans en fabriquant leur propre énergie
électrique à l'aide d'équipements Diesel puisqu'elles
n'ont pas encore de ligne de transmission qui les relie au système
d'Hydro-Québec. Ce système leur a coûté environ 8 $
la tonne, en 1982, au lieu de 3,50 $ la tonne que leur coûterait
l'énergie totale si l'électricité leur était
fournie par Hydro-Québec. C'est 4,50 $ la tonne de plus que si elles
étaient rattachées au réseau. De ce fait, Selbaie ne
pourra probablement exploiter qu'un des deux dépôts
découverts, c'est-à-dire le plus riche, puisque le
deuxième dépôt, beaucoup plus important, mais à plus
basse teneur, ne pourrait être exploité qu'à un coût
sensiblement inférieur. C'est un des exemples où les coûts
de l'énergie font la différence entre l'exploitation et la
non-exploitation d'un dépôt. Vous trouvez, à l'annexe 2, la
partie du mémoire au ministre, qui traite de cette expérience
particulière.
Un des commentaires importants que nous aimerions faire au sujet des
infrastructures énergétiques a trait aux normes de construction
établies par HydroQuébec dans les endroits
éloignés. Nous croyons que ces normes ne devraient pas être
aussi exigeantes pour les infrastructures hydroélectriques dans les
régions inhabitées, comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit
d'alimenter les mines. La proposition de construire une ligne de transmission
pour desservir les mines Selbaie à partir de Matagami,
c'est-à-dire une distance de 100 kilomètres, à un
coût total de 18 200 000 $, tel qu'indiqué dans une lettre de
décembre 1980, nous apparaît inutilement trop dispendieuse. On
nous dit que l'évaluation, à la fin de 1982, était
d'au-delà de 22 000 000 $, soit 220 000 $ par kilomètre. À
la même époque, la mine d'or Dome-Amoco, située à 50
kilomètres à l'ouest des mines Selbaie, du côté
ontarien, donc dans des conditions de terrain similaires, faisait construire,
suivant les spécifications d'Hydro-Ontario, une ligne de transmission de
137,5 kilomètres pour un coût global de 13 100 000 $, soit 95 000
$ le kilomètre, c'est-à-dire à un coût deux fois et
un tiers moindre.
Avec l'augmentation de la concurrence internationale sur le
marché des métaux que l'on peut entrevoir au cours de la
prochaine décade, il nous semble que la période d'extravagance
devrait être terminée, surtout lorsqu'il s'agit de construction
d'infrastructures dans des régions inhabitées. Nous sommes
convaincus que des normes moins exigeantes pourraient être
utilisées dans ces régions avec autant de puissance et que des
prévisions plus réalistes devraient être faites en rapport
avec la capacité des lignes et, à cet égard, on aurait
intérêt à imiter l'Ontario. Au Québec, on ne
construit plus de cathédrales, mais on continue à ériger
des monuments même en territoire inhabité.
Ce principe devrait, d'ailleurs, s'appliquer aussi à
l'environnement alors que présentement des entreprises opérant
aux confins du territoire québécois sont soumises exactement aux
mêmes normes que si elles étaient situées dans le centre
d'une grande ville. Pour permettre au secteur minier de survivre, il faudra
nécessairement éliminer ces sources de gaspillage.
D'autre part, une politique de prix préférentiels pour
l'énergie électrique pourrait amener le développement de
projets intéressants et importants pour la rentabilité future du
secteur minier. Par exemple, nous savons tous que la concurrence internationale
s'avérera, si nous n'y prenons garde, désastreuse pour nos mines
de fer sur la Côte-Nord au cours de la prochaine décade.
D'ailleurs, cette industrie est présentement, comme vous le savez, au
coeur de la dépression.
Le transport du minerai de fer par voie ferrée sur plusieurs
centaines de milles est un point fort important dans les coûts de
production. Une politique de tarifs préférentiels pour
l'énergie électrique pourra permettre, par exemple, des
investissements importants pour l'électrification du chemin de fer
Port-Cartier-Mont-Wright. Les études qui ont été
effectuées jusqu'à maintenant par les ingénieurs de
Québec Cartier, en collaboration avec Transports Canada,
démontrent que cette électrification coûterait environ 150
000 000 $ étant donné qu'il faudrait changer les locomotives et
construire des infrastructures sur une distance d'au-delà 400
kilomètres. Ces études, selon les experts de la compagnie
Québec Cartier, concluent qu'au prix actuel du mazout et de
l'électricité on pourrait s'attendre à un rendement de 10%
à 12% sur le capital investi. C'est nettement insuffisant pour amortir
rapidement un capital de cette ampleur et pour diminuer les coûts de
transport suffisamment en vue d'en faire un atout sérieux face à
la concurrence internationale de plus en plus difficile dans le marché
du fer. Par ailleurs, des tarifs préférentiels pour
l'énergie électrique et des subventions gouvernementales au
niveau des investissements nécessaires pourraient rentabiliser un tel
projet à long terme et assurer la survie de certaines de nos mines de
fer de la Côte-Nord pour plusieurs
décades.
On ne peut guère parler de politique de développement
lorsqu'il s'agit des produits pétroliers puisque nous n'en
possédons pas et que nous sommes à la merci des autres provinces
et des autres pays. C'est une chose fort différente quand il s'agit de
l'énergie hydroélectrique puisque le Québec a les
ressources et qu'il s'est donné d'importants moyens de les
exploiter.
On nous répète souvent, avec raison d'ailleurs, que les
ressources hydroélectriques que nous possédons au Québec
sont un atout très important pour le développement de nos
ressources minérales. En théorie, cela devrait être, mais
en pratique les promoteurs de grands projets miniers, surtout lorsqu'ils sont
situés dans des régions non aménagées, se sont,
jusqu'à présent, butés à l'incompréhension
et à l'intraitabilité d'Hydro-Québec dans leurs
discussions pour obtenir, à des coûts raisonnables, les
infrastructures nécessaires à l'alimentation des mines. Les mines
Selbaie, par exemple, ont commencé leurs discussions en 1975 et le
problème n'est pas encore résolu en 1983. Hydro-Québec,
jusqu'à présent, a utilisé à outrance sa situation
d'absolu monopole, pour exiger des conditions souvent inacceptables de la part
des entreprises soumises aux dures contraintes imposées par la
qualité et l'ampleur du dépôt à exploiter et par la
concurrence du marché international. L'atout sur lequel les entreprises
minières auraient dû compter pour faire face à la
concurrence internationale s'est donc souvent transformé en cauchemar.
Il semble toutefois, comme nous le disions auparavant, que la nouvelle
direction d'Hydro-Québec est maintenant disposée à
discuter de ces problèmes sur une base plus réaliste.
Il est donc urgent pour le gouvernement d'élaborer, en
collaboration avec HydroQuébec, une politique de développement
industriel à partir de l'énergie hydroélectrique. Pour le
secteur minier, une telle politique devrait englober, entre autres, les projets
suivants: l'élaboration d'un programme Énergain pour les
entreprises minières, semblable à celui mis de l'avant pour les
habitations, avec l'appui de subventions pour aider les entreprises dans la
transformation de leurs équipements; deuxièmement,
l'établissement de standards beaucoup moins dispendieux pour la
construction de lignes de transmission dans les régions
inhabitées; troisièmement, des conditions contractuelles
établies d'avance et beaucoup moins onéreuses que celles que les
promoteurs de projets miniers ont dû accepter au cours des dix
dernières années; quatrièmement, la promotion, par
l'application de taux préférentiels, de projets propres à
rentabiliser les opérations minières dans le futur.
Ce sont là quelques éléments d'une politique
énergétique que nous proposons et nous espérons que ces
suggestions pourront aider la commission dans l'élaboration de mesures
propres à stimuler le secteur minier qui en a fortement besoin. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions. Nous
allons suspendre et, à 15 heures, nous reprendrons pour la
période d'échanges. La commission élue permanente de
l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à quinze
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 12)
(Reprise de la séance à 15 h 20)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! La
commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend
ses travaux pour poursuivre la réception des mémoires.
M. le député de Pontiac.
M. Middlemiss: Concernant l'horaire pour le reste de la
journée, il avait été question au début de la
semaine qu'on finirait à 18 heures aujourd'hui. Je me pose la question
parce que, personnellement, je dois partir vers 16 heures. Est-ce que cela va
se continuer ce soir ou si on va déterminer qui on entend aujourd'hui et
qui on n'entend pas?
M. Duhaime: Dans la mesure où on peut concilier des
horaires... Ici, on travaille à cette table de 10 heures le matin
jusqu'à 22 heures le soir et le ministère de l'Energie et des
Ressources continue d'exister quand même. Avec le reste du travail que
j'ai à faire, cela peut vouloir dire qu'on puisse dépasser 18
heures ce soir. L'idéal serait que les organismes qui ont
été programmés pour être entendus aujourd'hui
puissent l'être, même si on dépasse 18 heures. On pourrait
aller - je ne sais pas ce que mon collègue d'Outremont ou les autres en
pensent -jusqu'à 19 heures, mais je pense qu'il serait
préférable de continuer plutôt que de reporter à la
semaine prochaine ou à des dates ultérieures les organismes qui
ont été programmés pour être entendus aujourd'hui.
Qu'est-ce que vous aviez en tête? Qu'on ajourne à 16 heures?
M. Middlemiss: Non. Je dis que je suis déjà
occupé...
M. Duhaime: Ah! On pourra continuer. Êtes-vous disponible
pour...
M. Fortier: M. le Président, je pense que...
Le Président (M. Desbiens): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Ceux qui ont pris la peine de préparer des
mémoires voudraient qu'ils soient étudiés un peu en
profondeur et non pas escamotés. On devrait tenter de les recevoir et
d'en discuter le plus grand nombre possible. Il semble bien qu'au moment
où nous sommes rendus, il sera difficile de terminer. Comme je l'avais
indiqué au ministre au début de la semaine, personnellement, j'ai
accepté un rendez-vous dans mon comté, ce soir, pour des raisons
qui concernent la vie politique de mon comté et je ne pourrai pas rester
après 18 heures ou 18 h 30. Je crois que, malheureusement, cela voudra
dire qu'une ou deux associations, je ne sais pas lesquelles... Peut-être
que le mieux serait de collaborer et de faire cela le plus rapidement possible
sans escamoter aucune des présentations et de chercher à terminer
aux environs de ces heures-là.
M. Duhaime: Cela va. Je vous remercie, M. Langlois, pour votre
présentation. Je pense que votre mémoire reprend certains des
points qui ont déjà été abondamment
illustrés dans le passé par votre association auprès du
ministère de l'Énergie et des Ressources. Je voudrais d'abord
vous donner l'assurance - on a évoqué cela à quelques
reprises - que, historiquement, la tarification d'Hydro-Québec, pour ce
qui est du tarif grande puissance, a toujours été uniforme, peu
importe le secteur manufacturier ou peu importe le secteur industriel, qu'on
s'occupe d'électrométallurgie, des mines, du papier journal, etc.
La grille tarifaire a toujours été en fonction de certains
niveaux de consommation. Je voudrais simplement rappeler que j'ai
demandé à Hydro-Québec -on poursuit également
à mon ministère cette possibilité - que, le plus
rapidement possible, on puisse proposer une grille tarifaire par secteur
manufacturier en tenant compte de la composante énergétique dans
les coûts de production. Je suis bien convaincu qu'à l'occasion de
la table de concertation sur le fer qui a été amorcée en
mai et dont les travaux se poursuivent à une douzaine de comités,
dont un sur l'énergie et les transports, entre autres, on pourra
reprendre beaucoup plus à fond cette discussion. Je crois que c'est au
mois de novembre que la prochaine réunion de cette table de concertation
sur le fer devrait avoir lieu.
Vous parlez d'un tarif préférentiel pour ce qui est du
minerai de fer. Je n'aime pas beaucoup l'expression "tarif
préférentiel", j'aime beaucoup mieux situer la
problématique dans un contexte international. Dans le cas des mines de
fer au Québec, à cause principalement des arrivages
prévisibles - il est absolument certain qu'ils viennent du Brésil
avec 35 000 000 de tonnes de la mine de Carajas - sur le marché
international avec des teneurs beaucoup plus élevées à des
coûts beaucoup moindres que ce que nous pouvons offrir ici, à
partir de la Côte-Nord, en tenant compte également des masses
salariales qui sont payées au Brésil par rapport à ce qui
se paie ici, c'est évident qu'on a un problème sur les bras.
Est-ce qu'on peut arriver à rattraper cet écart en bonifiant
davantage la composante hydroélectrique dans les coûts de
production? Ces calculs sont en train d'être faits. Soyez assuré
que c'est dans cette direction que nous travaillons.
L'autre point que vous soulevez. J'enjambe en quelque sorte les
coûts d'infrastructure d'Hydro-Québec en région
éloignée ou encore inhabitée pour simplement relier mon
commentaire avec le cas Selbaie que vous avez largement évoqué.
Vous nous faites, avec l'Ontario, un parallèle qui ne tient pas,
à mon point de vue. C'est la compagnie elle-même finalement,
Dome-Amoco, qui a décidé de faire les travaux. On ne peut pas
comparer les quelque 137 kilomètres du côté ontarien par
rapport à tant de milliers de dollars du kilomètre du
côté du Québec.
La seule chose que je peux vous dire cependant, c'est qu'avec Selbaie
nous sommes en discussion; Selbaie a encore des études à
terminer. On me dit que ce serait fait d'ici la fin de l'année. On est
intéressé à ce que Selbaie aille de l'avant avec son
programme de développement non seulement sur un des dépôts,
mais sur les deux. Vous avez raison de souligner que la nouvelle direction
d'Hydro-Québec est peut-être un peu plus réceptive sur la
question du financement des infrastructures. Il est bien certain par ailleurs
que ce ne sera pas un geste gratuit d'Hydro-Québec. On va jouer cela sur
la base donnant donnant. Si l'investissement vient du côté de
Selbaie, on est prêt à y aller - je puis vous le dire - sur le
plan des principes. Je ne suis pas absolument convaincu qu'on puisse faire des
comparaisons à tant le kilomètre du côté du
Québec et du côté de l'Ontario parce que les devis ne sont
pas les mêmes, je ne crois pas, à moins que les informations qu'on
fournit ne soient inexactes. Les estimations d'Hydro-Ontario étaient de
24 000 000 $ de son côté. Du côté du Québec,
les derniers chiffres que j'avais, c'était 20 000 000 $. Je pense qu'on
pouvait...
M. Langlois: Est-ce que je peux faire un commentaire sur cela, en
attendant que le bruit cesse?
M. Duhaime: Parlez fort parce que j'ai l'impression qu'on est
encore dans le secteur minier, on cherche je ne sais quoi autour de
l'Assemblée nationale.
M. Langlois: On fait du forage.
M. Duhaime: C'est un forage dehors.
M. Langlois: Bon, apparemment c'est fini. Je me pose des
questions quand vous dites qu'on ne peut pas comparer le Québec et
l'Ontario, au niveau des infrastructures hydroélectriques. Dome-Amoco,
qui est à 50 kilomètres à l'ouest de Selbaie, est une
exploitation qui vise éventuellement 10 000 tonnes par jour alors que
Selbaie en vise 3000 ou 4000, je pense. Donc, la ligne devrait être
capable de fournir du côté ontarien au moins autant sinon plus que
du côté québécois.
Deuxièmement, quand vous dites que cela a été fait
par la compagnie, cela a été fait par un entrepreneur.
D'ailleurs, vous avez à l'annexe IV un résumé qui nous
vient directement de Dome sur les coûts. Ce sont vraiment les
coûts, c'est-à-dire 13 000 000 $. On peut peut-être ajouter
1 900 000 $ pour Main Transformer et Detour Site, qui est sur le site
même. En fait, la ligne elle-même a coûté 13 100 000
$. Cela a été donné à des entrepreneurs. Ces
entrepreneurs ont suivi les standards d'Hydro-Ontario comme n'importe quel
entrepreneur québécois suivrait les standards
d'Hydro-Québec, dans le fond.
M. Duhaime: La ligne n'a pas été construite selon
les mêmes normes. En fait, on pourrait en parler tout
l'après-midi. Si Hydro-Ontario avait construit cette ligne, les
coûts de l'Ontario auraient été de 24 000 000 $. Le client
a décidé de la construire. C'est évident qu'il y est
allé à contrat. Ces gens l'ont fait pour un coût moindre,
sauf que c'est une ligne avec des poteaux de bois, avec des fils plus petits
que 40 000 kilovolts. Ils ne peuvent pas prendre d'expansion sur cette
ligne-là. C'est évident que c'est une ligne qui a
été faite au moindre coût possible. M. Bryce, des mines
Selbaie, que je connais, s'il veut construire sa ligne en satisfaisant aux
normes minimales d'Hydro-Québec, je n'aurai pas d'objection. Je ne pense
pas qu'Hydro-Québec en ait non plus. Le point dans toute la
problématique de l'investissement de Selbaie, c'est que la compagnie a
toujours demandé à Hydro-Québec de joindre Selbaie au
réseau, c'est-à-dire 100 kilomètres, et d'en absorber le
coût. Tout ce que je peux vous dire aujourd'hui là-dessus, sans
dévoiler pour autant les négociations qui sont en cours, c'est
qu'il y a une plus grande ouverture du côté d'Hydro-Québec
aujourd'hui; on souhaite, bien sûr, que Selbaie aille de l'avant pour les
deux dépôts. Pour l'instant, même si vous revoyez M. Bryce,
il va peut-être vous dire que nous allons beaucoup plus vite qu'il ne
l'avait lui-même estimé il y a quelques mois. Je l'ai
rencontré à plusieurs reprises; nous avons offert des incitatifs
à l'investissement dans le cadre du programme
d'accélération qui a été annoncé dans le
dernier discours sur le budget. Cela les intéresse au plus haut point.
La question de la ligne comme telle, à mon sens, est devenue un
problème secondaire dans ce dossier-là. Je pense vous donner
l'heure juste.
M. Langlois: Si un investissement de 20 000 000 $ est secondaire
- cela peut être secondaire pour vous - ce n'est pas secondaire pour
nous, surtout au moment où on doit exploiter un dépôt
marginal. Ce n'est pas du tout secondaire quand il faut investir 20 000 000 $
ou 22 000 000 $ probablement 25 000 000 $ aujourd'hui - en plus des taux
d'intérêt qu'il peut y avoir là-dessus.
M. Duhaime: Tout étant relatif, quand je dis que c'est
secondaire, comprenez-moi bien: c'est que ce n'est pas le problème qui
est en premier plan. Je ne pense pas que j'aie à ouvrir ici, en
commission parlementaire, les discussions que le ministère de
l'Énergie et des Ressources a avec Selbaie. On va cheminer ces
négociations. La seule chose que je peux vous confirmer cependant, c'est
qu'il y a une ouverture qui a été faite. L'ouverture, telle
qu'elle a été formulée à la mine Selbaie, s'est
avérée suffisamment intéressante pour que ces gens
envisagent la mise en valeur, non seulement du premier dépôt, mais
du deuxième. Nous voulons, bien sûr, la mise en valeur des deux.
C'est dans ce sens-là, je pense, que la question... Je ne veux pas dire
que 20 000 000 $, on se passe cela pardessus l'épaule comme si rien
n'était, mais je dis que ce n'est pas le problème en premier plan
à l'heure où on s'en parle aujourd'hui.
Voilà, c'étaient les commentaires que je voulais
faire.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Sans vouloir discuter d'un problème bien
spécifique, je pense que l'avantage qu'il y a à amener des
problèmes spécifiques, c'est que, si ceux qui nous font des
représentations n'apportent pas des problèmes spécifiques,
nous, on leur dit de nous citer des problèmes spécifiques.
Je pense que la raison pour laquelle vous l'avez fait, c'est que vous
vouliez illustrer un problème qui, semble-t-il, selon votre association,
est plus général. Je me souviens fort bien - parce que
j'étais ici à la commission parlementaire en 1981 - que vous
aviez parlé de ce problème-là en disant: C'est un
problème qui mériterait considération. Je pense que la
comparaison que vous faites entre l'Ontario et le Québec,
on peut l'accepter ou ne pas l'accepter, mais on connaît tous les
qualités et les défauts des ingénieurs; il y a certains
ingénieurs qui ont tendance à construire des Cadillac quand il
faudrait des Volkswagen. C'est dans ce sens-là que votre remarque
était faite, c'est-à-dire que, dans la mesure où le
coût d'une ligne de transport était trop considérable et
dans la mesure où cela était fait selon des normes et des devis
faits pour un centre urbain, le développement économique du
Québec en souffrirait. C'est comme cela que j'ai compris votre
intervention.
Peut-être que trop souvent, lorsqu'on a affaire à un
monopole d'État, les ingénieurs d'Hydro-Québec... Je ne
peux pas juger de ce cas-là spécifiquement, mais certainement
qu'on va s'en informer lorsqu'ils viendront en commission parlementaire. Si ce
sont les faits tels que vous nous les donnez, en tant qu'ingénieur, je
dois dire que cela ne me surprend pas, cela arrive souvent comme cela. C'est un
problème. Il y a des gens qui veulent absolument construire en fonction
de normes qui sont trop élevées alors que cela n'est pas
nécessaire.
Par ailleurs, je suis désolé que vous ayez dû
attendre la nouvelle direction d'Hydro-Québec. Je suis très
heureux que M. Coulombe soit plus attentif aux problèmes de l'industrie
minière, mais, encore là, il y a eu un décalage dans le
temps. Je crois qu'on doit le déplorer.
En ce qui concerne les autres recommandations que vous faites - vous en
faites quatre ou cinq - le ministre a déjà fait un commentaire
sur la première, sur le programme Énergain. Ce que vous dites,
c'est que vous aimeriez avoir une aide de l'État, une aide directe ou
indirecte pour encourager les mines à faire des économies
d'énergie ou à utiliser de l'électricité. Je pense
que c'était le sens de votre intervention.
M. Griffiths (D.W.I.): Ce n'est pas surtout dans ce sens; c'est
surtout dans le sens qu'on trouve un peu illogique que, comme charge de base,
on soit obligé de consommer de l'huile et que, comme charge de pointe,
on soit obligé de consommer de l'électricité, parce que
les contrats sont faits en fonction de l'électricité. Pour nous,
ce serait beaucoup plus logique que la charge de base soit à
l'électricité et que la charge de pointe soit à l'huile,
alors que vous avez des possibilités d'entreposage. C'est surtout dans
ce sens; les demandes de subventions sont peut-être secondaires à
ces préoccupations.
M. Fortier: Quoique votre préoccupation fondamentale, vous
le dites au début, soit une question de coût. Vous êtes en
compétition internationale. Si on prend l'industrie du fer, les
questions de coûts sont primordiales dans votre industrie.
M. Griffiths: Oui, elles le sont, mais, surtout dans le cas de
l'électricité, il n'y a pas de possibilité d'entreposage.
Là, on paie pour l'excès, même si ce n'est pas
consommé.
M. Fortier: Je comprends ce que vous voulez dire.
M. Griffiths: Avec l'huile, vous l'entreposez dans un
réservoir et, au moment où vous en avez besoin, vous
l'utilisez.
M. Langlois: D'ailleurs, on le mentionne dans le mémoire,
les mines de fer, par exemple, en 1982, admettent qu'elles ont payé 30%
pour de l'électricité qu'elles n'ont pas utilisée,
justement à cause de cela.
M. Fortier: J'imagine que ceci était parce que cela n'a
pas été une négociation où c'était la norme
générale d'Hydro-Québec qui s'appliquait. Quelle
était la raison pour laquelle les compagnies minières ont
signé des contrats comme ceux-là?
M. Langlois: Des contrats comme ceux-là, c'est que la base
est la pointe, c'est-à-dire le maximum dépensé.
Étant donné qu'on vit dans un pays où la
température varie d'un minimum à un maximum, en hiver, on a
besoin d'énormes quantités d'électricité, donc la
base du contrat est sur la plus grosse dépense d'hiver, alors qu'en
été on en dépense beaucoup moins, soit 50% de moins. C'est
ce qui arrive.
M. Fortier: Si je comprends bien, vous payez l'énergie,
mais vous consommez la puissance et là vous avez une facture selon la
puissance qui a été utilisée l'hiver
précédent.
M. Langlois: Ce qu'on veut avoir, c'est d'essayer de trouver des
moyens de rationaliser les dépenses d'électricité, de
manière, en jouant sur les deux plans - un peu comme Hydro-Québec
le fait dans des habitations, par exemple, avec son programme Énergain -
c'est-à-dire que, rendu à un certain maximum, c'est l'huile qui
prend le surplus.
M. Fortier: C'est le système biénergie.
M. Langlois: Exactement, c'est le système
biénergie, c'est ce qu'on propose et ce sur quoi on aimerait
qu'Hydro-Québec se penche. Mais peut-être M. Fournier pourrait-il
en dire un peu plus.
M. Fournier (Raynald): C'est-à-dire que, pour expliquer un
peu le phénomène dont il est fait mention, il faut retourner loin
en arrière. C'est que, lorsque la compagnie minière, entre autres
celle qui est citée,
Québec-Cartier, a décidé de s'implanter au nord, on
était avant la période de la crise de l'énergie;
c'était une situation qui n'est pas celle d'aujourd'hui. Alors, pour
obtenir de l'énergie, il a fallu bâtir une ligne et s'engager,
dans un contrat ferme, à prendre un bloc d'électricité.
Les situations ont complètement changé et la souscription
était faite avant même que les ingénieurs aient fait les
plans du concentrateur, si bien qu'on se retrouve aujourd'hui avec un contrat
qui demande 85 mégawatts et on ne dépasse pas 70 mégawatts
de pointe. Le contrat nous oblige à prendre 85 mégawatts
multiplié par 24 heures, multiplié par 30 jours et par
année, qu'on l'utilise ou qu'on ne l'utilise pas.
M. Fortier: Soit 8760 heures par année.
M. Fournier: Exactement. Donc, c'est une situation qui a
changé dans une crise énergétique qui est aujourd'hui
différente. On se dit qu'aujourd'hui, il y a des surplus partout, mais
nos surplus, on ne peut pas les écouler.
M. Fortier: Je pense que vous avez fait valoir votre point de
vue; on vous remercie beaucoup en espérant que les
intéressés fassent quelque chose.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Juste un petit détail sur cette
problématique. J'espère que vous n'êtes pas en train de me
dire que les contrats de garantie d'achat ferme devraient être rouverts
et le manque à gagner absorbé par Hydro-Québec. Je
comprends que la crise économique cogne sur tout le monde, elle cogne
sur Hydro-Québec, elle cogne sur les gouvernements, elle cogne sur
l'entreprise privée, elle cogne sur le simple consommateur, sur tout le
monde en fait. J'ai beaucoup d'hésitation à rouvrir ces contrats.
Qu'on envisage des structures nouvelles, mais, si vous me demandez tout
simplement de verser quelques dizaines de millions de dollars aux mines du
Québec dans un geste gratuit, je ne le ferai certainement pas. Si la
problématique va dans le sens que des investissements se font, si vous
voulez qu'on tourne la page, on va la tourner, mais on est prêt à
ouvrir les portes pour de la négociation, bien sûr, dans une
problématique sur l'avenir, mais axée sur de l'investissement, du
développement et de la création d'emplois. Et pas
nécessairement de demander à Hydro-Québec, donc à
l'ensemble des consommateurs d'hydroélectricité... Parce que le
manque à gagner dont Hydro-Québec écoperait, par exemple,
si on défaisait ces contrats de garantie d'achat d'énergie ferme,
ce sont d'autres catégories de consommateurs qui vont l'absorber. C'est
celui qui paie une facture dans le résidentiel qui va payer plus, celui
qui est dans le commercial qui va payer plus, celui qui consomme une moyenne
puissance, etc. Il faut bien faire valoir une chose: votre association
achète pour 76 000 000 $ par année, mais Québec Fer et
Titane compte pour 40%. Et Québec Fer et Titane, on a ajusté son
contrat.
M. Langlois: C'est 150 000 000 $. Québec Fer et Titane,
c'est 35 000 000 $ ou 40 000 000 $. Donc, c'est un peu moins. Je sais que
Québec Fer et Titane, c'est beaucoup, mais, de toute façon...
M. Duhaime: Je vais vous donner les chiffres que j'ai ici. On se
rejoint: 30 000 000 $ en 1981, c'est-à-dire 2 000 000 000 de
kilowattheures, soit 40% de la consommation électrique totale en valeurs
déclarées par votre association, c'est-à-dire 76 000 000 $
en dollars de 1981. Je me rappelle très bien que...
M. Langlois: Ce ne sont pas les chiffres que les membres m'ont
communiqués. Les chiffres que les membres m'ont communiqués sont
plus élevés que cela.
M. Duhaime: ...tout récemment, on a ajusté le
contrat de Québec Fer et Titane pour lui permettre de franchir un cap
difficile. Alors, vous n'êtes pas les damnés de la terre dans ce
dossier-là. Et, je ne voudrais pas que personne autour de la table et
ceux qui nous écoutent tiennent pour acquis qu'on est en train de vous
martyriser. En définitive, nous respectons les signatures qui sont au
bas des contrats. Si on envisage une problématique pour l'avenir, il y a
une ouverture du côté d'Hydro-Québec et du
côté du ministère de l'Énergie et des Ressources; je
l'ai dit très clairement. Je vous l'ai dit à plusieurs reprises,
d'ailleurs. Dans une problématique dynamique de développement et
d'investissement, il y a de la place pour discuter. Mais, si votre association
nous demande de poser un geste gratuit et de rouvrir des contrats, le manque
à gagner - la question, je vais vous la retourner - on va le faire
porter sur qui?
M. Langlois: M. le ministre, il est bien entendu qu'on ne fera
pas de révolution pour rouvrir les contrats. D'ailleurs, on sait que le
gouvernement est très hésitant à rouvrir des contrats
hydroélectriques.
M. Fortier: ...du Labrador.
M. Langlois: II n'en demeure pas moins qu'Hydro-Québec
devrait penser sérieusement à établir ses futurs contrats
sur une nouvelle base et de façon que les entreprises, entre autres les
entreprises minières au secteur
minier, dépensent ce qu'ils achètent. Il me semble que
c'est tout simplement la justice que de demander aux entreprises d'acheter ce
qu'elles dépensent - c'est cette base-là qu'on veut - et
d'organiser des équipements pour que cela se réalise.
M. Duhaime: On va convenir, M. Langlois, très facilement
que, si HydroQuébec n'avait pas exigé des achats fermes au moment
où les entreprises minières se sont implantées,
Hydro-Québec ne pouvait pas dans le temps... Cela remonte quand
même à plusieurs dizaines d'années derrière nous; il
n'y a personne d'entre nous qui était là pour porter un jugement
de valeur sur les discussions qui ont eu lieu à l'époque. Mais,
il m'apparaît assez clair dans la logique qu'Hydro-Québec, en
exigeant des contrats fermes, voulait amortir ses coûts
d'infrastructures. Aujourd'hui, vous nous dites que la problématique est
changée. C'est vrai que c'est changé, mais je ne vois pas
pourquoi on ajusterait la situation présente en fonction de contrats
passés, en refilant simplement la facture à l'ensemble des
consommateurs d'hydroélectricité. J'aimerais mieux que le manque
à gagner - et la porte est ouverte pour un partage là-dessus -
soit placé dans une problématique plus dynamique, dans le sens
d'aller dans des investissements, dans le développement et la
création d'emplois. C'est dans ce sens-là que la perche vous est
tendue.
M. Langlois: Oui, on est bien d'accord là-dessus, mais
cela ne veut pas dire qu'Hydro-Québec ne devrait pas avoir des contrats
fermes. Si on base le contrat sur la charge de pointe, on peut le baser aussi
sur une charge un peu moindre, quitte à assumer la charge de pointe avec
du pétrole. C'est cela qu'on veut dire. Les contrats seraient aussi
fermes pour Hydro-Québec, sauf qu'au lieu d'avoir des cycles
énormes, on aurait une ligne à peu près continue. (15 h
45)
M. Duhaime: Juste un dernier détail, question
d'information. J'ai fait faire les vérifications à l'heure du
lunch au sujet de la fameuse ligne Dome-Amoco du côté ontarien:
Hydro-Ontario considère que la ligne construite par Dome-Amoco ne
répond pas aux normes d'Hydro-Ontario. En conséquence, elle ne
pourrait s'en porter acquéreur et Dome-Amoco devrait assumer les frais
d'entretien, les frais d'exploitation ainsi que tous les risques qui pourraient
en découler, parce que cette ligne a une capacité de 40 000
kilovolts alors que, du côté de Selbaie, on parle d'une ligne de
80 000 à 85 000 kilovolts. On est dans deux scénarios
complètement différents. Peut-être que vous pouvez le
vérifier vous-même auprès de Dome-Amoco et
d'Hydro-Ontario.
M. Langlois: Mes chiffres sont de Dome. Les chiffres que j'ai me
viennent de Dome directement; ils ne viennent pas d'Hydro-Ontario. Remarquez,
si je ne m'abuse, que l'entretien, dans le cas de Québec-Cartier, par
exemple... J'ai l'impression que, tant que la ligne appartenait à
Québec-Cartier - parce que c'est elle qui l'a construite d'après
les données d'Hydro-Québec - je pense que l'entretetien lui
revenait.
M. Duhaime: Je ne veux pas en faire une longue histoire, mais,
dans votre intervention, ce matin, vous sembliez dire que cela coûte
énormément cher au kilomètre linéaire quand c'est
Hydro-Québec qui fait une construction parce que les normes seraient
très élevées, alors qu'en Ontario ce serait plus facile.
Ce que je vous réponds, c'est qu'avec les informations qu'on a prises
tout à l'heure, on parle de deux choses complètement
différentes.
M. Langlois: Au Québec, c'est beaucoup plus cher qu'en
Ontario.
M. Duhaime: II est évident que les coûts
estimés sur la ligne, qui sont de l'ordre de 18 600 000 $ du
côté de Selbaie, en dollars de 1986, remarquez bien, pourraient
être beaucoup moindres si Selbaie décidait de construire une ligne
hors normes et si Hydro se fermait les yeux. Je pense qu'il faudrait
peut-être qu'on concilie nos chiffres parce que je pense qu'on ne parle
pas de la même chose.
M. Langlois: Je pense que la comparaison, d'après moi...
De toute façon, pourquoi la mine Dome-Amoco aurait-elle construit une
ligne trop faible pour elle? De toute façon, la mine qui va être
exploitée du côté de l'Ontario aura au moins deux fois la
capacité de la mine de Selbaie.
M. Duhaime: On ne dit pas qu'elle est trop faible. On dit qu'elle
n'a pas de capacité d'expansion à 40 000 kilovolts...
M. Langlois: Oui, mais la capacité d'expansion...
M. Duhaime: ...tandis que, d'un autre côté, au
Québec, on parle d'une ligne de 80 000 à 85 000 kilovolts.
M. Langlois: Justement, si on veut bâtir un monument, c'est
une autre histoire. Qu'est-ce qui va s'établir entre Matagami et
Selbaie? À ma connaissance, il n'y aura pas tellement de villes qui vont
s'accrocher après la ligne entre Matagami et Selbaie. La même
chose du côté de l'Ontario: cela vient, je ne sais pas, du nord de
l'Ontario et se rend jusqu'à Dome-Amoco. C'est justement là
qu'est l'histoire.
M. Duhaime: Écoutez, M. Langlois, pour faire une histoire
courte, j'ai l'impression que Selbaie a besoin d'une ligne de 80 000 kilovolts
pour être capable de faire l'exploitation des deux dépôts et
non pas d'un seul. Si on pouvait concilier nos chiffres...
M. Langlois: Ce n'est pas uniquement cela. Si on ajoute le
coût de l'énergie, le coût des taxes, le coût des
politiques sociales, le coût de la CSST, le coût de ceci... C'est
tout cela, dans le fond, qui fait cela. Ce n'est pas une histoire en
particulier. C'est tout cela qui fait qu'à un moment donné, une
mine ne peut pas remplir les conditions du marché mondial.
M. Duhaime: Très bien. On vous remercie.
M. Fournier: Une dernière intervention. À la suite
de la description de l'automobile japonaise que vous avez faite ce matin, les
nouveaux programmes d'énergie offerts par Hydro-Québec ne nous
apparaissent pas comme étant une solution d'avenir parce que, non
seulement cette automobile sera faite d'aluminium, comme vous l'avez
décrit ce matin, mais également elle viendra du Japon où
on ne vend pas de minerai de fer.
Juste une note agréable en terminant. Donc, on ne peut pas
bénéficier de cette subvention d'Hydro-Québec puisqu'on
est déjà surinstallé. Le point qu'on fait valoir, nous
autres - et j'aimerais bien qu'on nous comprenne - c'est qu'on ne demande pas
du tout de faveurs de personne. On demande seulement que l'investissement qu'on
a fait pour obtenir une capacité de production nous soit finalement...
On demande, lorsqu'on va terminer le contrat dans cinq ans, qu'on puisse se
dire, en hommes d'affaires: les deux parties sont égales et on se
quitte; bonjour. Il ne faudrait pas que le risque reste d'un seul
côté. Ce n'est pas plus que cela.
M. Duhaime: Je comprends très bien votre message. Je vous
remercie.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation. J'inviterais maintenant les représentants de
l'Association des industries forestières du Québec Ltée
à s'approcher, s'il vous plaît!
Association des industries forestières du
Québec
M. Duchesne (André): C'est bien cela.
Le Président (M. Desbiens): Si vous voulez
présenter les personnes qui vous accompagnent et soumettre votre
mémoire, s'il vous plaît!
M. Duchesne: Oui, M. le Président. À ma droite, M.
Denis Hamel, président et chef de l'exploitation de la compagnie Price
Ltée; il est ici cet après-midi à titre de
vice-président du conseil d'administration de l'Association des
industries forestières; à l'extrême droite, M. Pierre
Veilleux, directeur des services techniques de la compagnie Price Ltée;
il est membre du comité sur l'énergie de l'association; à
ma gauche, M. Jacques Leboeuf, directeur des services techniques de la
Papeterie Reed Inc., à la division de l'usine de Québec; il est
le président du comité sur l'énergie de l'association.
Cela vous fera peut-être plaisir de savoir que je n'ai pas
l'intention de lire le mémoire dans sa totalité et dans ses
détails.
Le Président (M. Desbiens): Je vous ferai remarquer,
puisque vous ouvrez la porte, que les parlementaires ont ce mémoire en
main et ils en ont déjà pris connaissance depuis un bon bout de
temps, surtout dans le cas de la présente commission, puisqu'elle devait
s'ouvrir au printemps. Si vous le résumez, cela facilitera les choses et
on pourra gagner du temps.
M. Duchesne: J'y compte bien, M. le Président.
Les compagnies membres de l'Association des industries
forestières du Québec apprécient cette occasion qui leur
est donnée aujourd'hui de soumettre quelques suggestions à la
commission permanente de l'énergie et des ressources. Nos membres sont
d'accord avec le thème du document de travail qui nous est parvenu, en
tant qu'intervenant, au début de l'année. L'énergie est
très certainement un levier de développement
économique.
Il est toutefois essentiel, à notre avis, que ce levier serve non
seulement au développement de nouvelles industries, mais
également au maintien de la situation concurrentielle des industries
existantes au Québec et à la stabilisation de l'emploi.
L'industrie papetière du Québec consomme près de 25%, un
plein quart, de toute l'énergie électrique utilisée par
l'industrie manufacturière de la province; l'énergie
électrique compte pour plus de la moitié de l'énergie que
l'industrie des pâtes et papiers consomme sous différentes formes.
Les tarifs d'électricité jouent donc un rôle important pour
que cette industrie puisse continuer d'être en mesure d'affronter la
concurrence et de maintenir sa contribution majeure à l'économie
québécoise.
Dans l'avenir, le défi de l'industrie du papier journal, notre
principal produit, sera de conserver sa part de marché vis-à-vis
du
sud des États-Unis. La croissance accélérée
de la capacité de production dans cette région a pour effet de
réduire la dépendance américaine sur le papier journal
fabriqué au Canada. Le pourcentage d'autosuffisance
outre-frontière est passé de 34% à 44% depuis 1978, ce qui
représente une perte de marché potentiel de l'ordre de 1 200 000
de tonnes par année, soit à peu près la production de
quatre usines comme celle de Reed.
Par ailleurs, des études assez récentes ont
démontré que les producteurs de papier journal
québécois avaient sur leurs concurrents du sud des
États-Unis deux avantages seulement: la qualité de la fibre et le
coût de l'énergie. L'approvisionnement en fibres de
qualité, malgré son importance, présente de nos jours
plusieurs problèmes, même qu'on se demande si c'est encore un
avantage; mais cela n'est pas l'objet de la discussion d'aujourd'hui.
Quant au coût relativement inférieur de
l'électricité au Québec et des hydrocarbures au Canada, il
prévalait encore au moment où les études
mentionnées ci-haut furent entreprises. Malheureusement, la politique
énergétique fédérale de même que la politique
tarifaire d'Hydro-Québec ont un effet négatif sur ces
coûts. Il va sans dire que l'industrie des pâtes et papiers
s'inquiète devant l'érosion de cet avantage qui est vital.
Les augmentations tarifaires ne sont d'ailleurs pas les seuls
changements survenus depuis la présentation de notre mémoire
original préparé il y a maintenant près d'un an. Aussi
faut-il souligner certaines modifications survenues dans les règlements
et les taux d'Hydro-Québec. La définition de la période
d'hiver qui a été modifiée à peu près
à notre satisfaction, le programme visant à rendre disponible
l'énergie secondaire à des taux raisonnables a aussi
été amendé de façon satisfaisante. Les commentaires
que vous trouvez sur ces points dans notre mémoire sont maintenant
désuets.
L'industrie des pâtes et papiers considère aussi comme
positif le programme de rabais tarifaire d'Hydro-Québec pour le secteur
industriel. Ce programme permet des économies intéressantes dans
le cas d'augmentations de charge qui résultent de projets d'expansion et
de modernisation. A notre avis, toutefois, les clauses de ce programme sont
trop restrictives. Il est très difficile d'obtenir une augmentation de
charge dans une usine en voie de modernisation. De plus, la mise en vigueur de
ces rabais fut fixée au 1er juillet 1983; dans l'industrie lourde, les
délais de planification, d'approbation et d'exécution d'un projet
s'étendent sur une période d'au moins deux ans et même
trois ans. Selon l'échéancier actuel, les économies
offertes, qui semblent à première vue avantageuses, sont donc en
réalité beaucoup moindres si on tient compte du temps
déjà écoulé sur la période de rabais avant
même que ces projets puissent être mis en chantier.
L'AIFQ croit donc qu'une révision s'impose au chapitre des
conditions de vente et des rabais sur l'électricité et ceci, afin
de mieux servir les intérêts à long terme tant de
l'industrie que du gouvernement et d'Hydro-Québec. Il serait
approprié d'envisager une économie de 50% sur une période
de dix ans ou plus avec solde régressif par la suite, ce qui
favoriserait une meilleure planification de la part de l'industrie, du
gouvernement et d'Hydro-Québec ainsi qu'une plus grande
compatiblité entre le programme d'énergie de base et celui de
l'écoulement des surplus d'énergie secondaire.
La mise en disponibilité à taux réduits de grandes
quantités d'énergie électrique excédentaire cadre
parfaitement bien avec le programme de modernisation de l'industrie des
pâtes et papiers qui vise à réduire les coûts de
fonctionnement et à améliorer de façon significative la
capacité de cette industrie à affronter la concurrence sur les
marchés internationaux. Ce programme de modernisation, je pense qu'on
peut l'appeler un succès. On prévoyait initialement des
investissements totaux d'environ 2 400 000 000 $ dont environ 10%
proviendraient des fonds publics. Après analyse, l'industrie a
porté les besoins de modernisation à plus de 3 500 000 000 $,
même si le rythme des réalisations s'est quelque peu ralenti
à cause de la récession. Les investissements qui sont
complétés ont aidé grandement à traverser la
récession, tant en diminuant les coûts de fonctionnement qu'en
améliorant la qualité des produits, ce qui a permis de maintenir
la pénétration de ces produits sur les marchés
internationaux.
L'impact des réductions tarifaires qui seraient formulées
de façon à réduire véritablement les coûts de
fonctionnement serait, sans aucun doute, aussi important que celui du programme
de modernisation. Il faut profiter au maximum de cet avantage et poursuivre son
application pour assurer la continuité du développement de
l'industrie et des emplois qu'elle procure. L'avantage
énergétique est d'autant plus intéressant qu'il ne peut
être invoqué contre le Québec ou contre le Canada pour
revendiquer de nouvelles barrières douanières contre
l'exportation de nos produits vers d'autres pays. Il s'agit, en effet, d'un
avantage naturel dont nous sommes libres de profiter au maximum.
L'utilisation, ici au Québec, des surplus annoncés par
Hydro-Québec, rendue possible par des rabais substantiels, permettra de
sauvegarder et de développer l'industrie et
les emplois en plus de stabiliser progressivement la consommation
d'énergie. Par opposition, l'exportation chez nos compétiteurs de
cette ressource naturelle à l'état brut ne peut qu'affaiblir la
capacité de concurrence de l'industrie de pâtes et papiers. Le
manque à gagner à court terme qu'Hydro-Québec subirait en
écoulant ici les surplus d'énergie électrique se traduit
donc par une réduction de la capacité concurrentielle de notre
industrie et la perte d'emplois actuels ou futurs. Si l'énergie est un
levier de développement économique, le Québec doit
utiliser son énergie électrique abondante pour favoriser le
maintien et le développement, entre autres, de l'industrie des
pâtes et papiers.
L'Association des industries forestières du Québec
recommande donc à la commission parlementaire de faire en sorte
qu'Hydro-Québec limite ses profits à ceux nécessaires
à une saine gestion et au financement de ses investissements;
qu'Hydro-Québec programme ses développements en fonction des
besoins qui sont prévisibles afin d'éviter que le coût
d'investissements trop hâtifs ne se reflète à la hausse sur
les taux en vigueur - en cas de surplus temporaires, il faut s'efforcer
d'écouler ces surplus au Québec, un programme de rabais tarifaire
qui résulte en des réductions significatives des coûts de
fonctionnement devrait être mis en application, on vous a parlé
tantôt d'une période de dix ans plutôt que quatre ans; que
le gouvernement ne crée pas de contrainte artificielle pour encourager
l'utilisation d'une forme d'énergie particulière et que, enfin,
le gouvernement mette sur pied un mécanisme de représentation
auprès d'Hydro-Québec pour permettre aux grands utilisateurs de
faire valoir leurs points de vue sur la tarification, les contrats, le besoin
de planification des utilisateurs et l'utilisation plus rationnelle de
l'énergie électrique. (16 heures)
Notre industrie compte sur votre compréhension. L'orientation que
ces travaux imprimeront est décisive et elle influencera la survie et le
développement de l'industrie des pâtes et papiers et le respect de
ses engagements envers la population et ses employés. Merci de votre
attention.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie. Je suis très heureux de voir
que votre association maintient le même niveau de confiance dans le
programme de relance et de modernisation. Je crois qu'on doit tous se
réjouir du premier scénario qui avait été fait, je
crois, en 1979, dans le cadre du plan de relance et de modernisation, alors
qu'on chiffrait les investissements par environ 1 500 000 000 $, qui
était un minimum; mais, lorsque les pourparlers ont commencé avec
les compagnies membres de votre association, on s'est rendu compte qu'il
fallait monter le seuil prévisible à 2 500 000 000 $ et
même davantage, et aujourd'hui c'est 3 500 000 000 $ qui auront
été réalisés au Québec dans nos entreprises
de production de pâtes et papiers. Je pense que c'est un
élément positif et cela se poursuit à un rythme moindre,
mais quand même considérable, dans le contexte de la crise
économique et des hauts taux d'intérêt. Vous avez
parlé des exportations et d'un facteur de localisation qui vous
inquiète. On a eu l'occasion d'expliquer passablement en détail
ce matin, à l'occasion du dépôt du mémoire de la
Confédération des syndicats nationaux, que, sur l'énergie
excédentaire vendue aux États-Unis, sur les contrats
signés, sur un tarif interruptible, on vend à peu près
deux fois le prix qui est demandé au Québec. En quoi les
exportations d'énergie excédentaire aux États-Unis, au
tarif interruptible, tel qu'il existe dans les contrats, peuvent-elles vous
créer des inquiétudes? Si le facteur de localisation qui est
déplacé coûte deux fois plus cher, en quoi cela
crée-t-il un impact négatif?
M. Duchesne: De deux façons, M. le ministre. Vous avez
mentionné d'abord, ce matin, que le coût marginal de
l'électricité excédentaire était nul. Je suis
persuadé que c'était plus une image que la réalité.
Il y a certainement un coût marginal, si minime soit-il. Si ce coût
est très faible, il y aurait probablement possibilité d'en faire
profiter l'industrie du Québec à des taux qui compenseraient tout
simplement ce coût.
Nous croyons que cette motivation serait suffisante pour aider
énormément l'industrie des pâtes et papiers, entre autres,
à garder sa capacité de concurrence, à maintenir . et
même et à augmenter sa pénétration sur le
marché. C'est un aspect.
L'autre aspect, c'est qu'il y a certainement un effet domino que vous
connaissez et dont il faut tenir compte. Quand on exporte un kilowatt
d'électricité ou n'importe quelle autre quantité chez des
compétiteurs, ce n'est pas nécessairement le même kilowatt
qui va servir à produire des produits concurrentiels, mais on
déplace, à toutes fins utiles, des quantités
d'énergie. Est-ce que les quantités que l'on déplace sont
toutes plus chères que le prix auquel on vend
l'électricité à nos industries? C'est, je pense, la
question qui est primordiale et non pas le prix de vente du kilowatt qui
traverse la frontière.
M. Duhaime: Je voudrais revenir sur une des clés qui
sous-tend votre mémoire, c'est le coût d'énergie par tonne
produite. Je parle essentiellement du coût d'énergie global,
quitte à voir ensuite comment, sur le
plan de l'hydroélectricité, cela se situe. Dans votre
coût de production, à l'heure actuelle, en 1983, si vous aviez
à l'évaluer, le contenu de l'énergie dans une tonne de
papier journal compte pour quel pourcentage dans vos coûts de
production?
M. Leboeuf (Jacques): II compte pour 15%.
M. Duhaime: À peu près 15%? Est-ce que la
filière du gaz naturel n'est pas quelque chose d'intéressant pour
votre industrie avec les tarifs qui vous sont offerts par Gaz
Inter-Cité, par exemple, principalement? Comment réagissent les
membres de votre association vis-à-vis du gaz naturel?
M. Hamel (Denis): Est-ce que je peux parler là-dessus? Ce
qu'on observe là-dessus, c'est qu'effectivement les compagnies y vont
d'une façon assez individuelle, compte tenu des considérations
régionales où elles se trouvent présentement. Dans
certaines régions où, évidemment,
l'électricité est déjà rendue et offerte à
des prix avantageux, c'est certain qu'on remet en question la venue du gaz
naturel lui-même. Là où les deux peuvent se
présenter ou sont déjà accessibles, comme c'est le cas
dans la région de l'Outaouais ou de la Mauricie, c'est sûr qu'un
dilemme se présente parce que, effectivement, pour l'instant,
l'électricité est beaucoup plus avantageuse que le gaz qui est
également disponible au même endroit.
Il y aussi les situations du gaz à venir. C'est la situation du
Saguenay où le gaz doit être acheminé de la Mauricie, en
montant vers le Lac-Saint-Jean et le Saguenay. Déjà, à
l'heure actuelle, les conditions apparaissent très attrayantes. Il n'y a
pas de doute que, si on le compare au pétrole, cela se présente
comme une source d'approvisionnement énergétique très
intéressante. C'est notre impression; je parle un peu au nom de ma
compagnie. Cela nous apparaît avantageux d'aller dans ce sens-là.
Mais, selon la perception d'autres entreprises, évidemment, compte tenu
de leurs besoins de remplacement du contenu de pétrole dans leur
approvisionnement énergétique, cela peut apparaître plus ou
moins intéressant. Mais, dans bien des cas, je pense que c'est reconnu
comme étant très avantageux.
On retrouve cependant certaines réserves, parce qu'il s'agit
quand même d'un réseau qui exercera, le temps venu, une
espèce de monopole, qui aura écarté le pétrole ou
qu'on pourra peut-être garder en réserve, au besoin, à
l'occasion du renouvellement de contrats avec la société qui le
fournira. Il reste quand même qu'on est dépendant de conditions
qui sont régies, bien souvent, selon des normes imposées par la
commission de l'énergie fédérale, si on parle de gaz
naturel. D'autres contraintes aussi peuvent être imposées par
l'État provincial si la situation se présente, qui,
effectivement, établissent les taux en relation par exemple avec le
"crude". On a vu, en particulier, le cas d'une compagnie dans l'Outaouais qui a
vécu l'expérience assez désagréable d'être
prise pour continuer de recevoir du gaz naturel pendant deux ans, alors que,
pendant toute cette période-là, elle aurait pu obtenir du
pétrole à prix réduit qui était selon le coût
du "bunker C". Il y a des considérations qui font que des
réserves s'appliquent présentement. On n'a pas toujours la
facilité de revoir les conventions à long terme sur
l'approvisionnement du gaz naturel. Tandis que, dans le cas du pétrole,
il y a toujours la possibilité de négocier avec différents
fournisseurs, à différentes époques, selon les
marchés établis.
Une chose est certaine, c'est que cela nous apparaît
intéressant et je pense que des engagements vont se prendre d'une
façon rapide dans ce sens-là.
M. Duhaime: Je voudrais poser une dernière question. Votre
mémoire évoque une nouvelle technologie de défibrage en
particulier. Vous souhaiteriez qu'une tarification plus incitative s'applique
à ce volet. Je comprends que votre mémoire a été
préparé le printemps dernier, peut-être même à
la fin de l'année 1982, mais la problématique tarifaire
d'Hydro-Québec qui a été annoncée il y a quelques
mois, pour entrer en vigueur le 1er juillet, qui va à 50% au
départ en rabais et ensuite en décroisssant jusqu'à
l'horizon du 1er janvier 1990, est-ce que ce n'est pas une... J'avais cru
penser qu'en incitant Hydro-Québec à aller de l'avant avec cette
offre-là à l'industrie, on réglait le problème du
défibrage dans l'industrie des pâtes et papiers. Est-ce que vous
voulez corriger votre mémoire aujourd'hui ou si vous maintenez la
même proposition?
M. Duchesne: Non, je pense que c'est exactement à ce
point-là, M. Duhaime, qu'on faisait référence dans la
présentation d'aujourd'hui. Le programme, assurément, est
positif. Par contre, il présente un problème sérieux:
après l'annonce du 1er juillet 1983, si vous rajoutez un délai
à peu près normal de deux ans et demi ou trois ans pour la mise
en service de nouvelles installations de cette nature, on est rendu en
1985-1986 et, selon la puissance, on a déjà commencé
à descendre dans les rabais ou on va commencer dans quelques mois. Par
conséquent, l'impact du programme est beaucoup moins grand que ce qui
peut paraître a priori.
En plus de cela, si la transformation à ces nouvelles
méthodes se fait simultanément avec une modernisation, par
ailleurs, à
l'intérieur de l'usine et que cette modernisation, comme il peut
arriver souvent, réduit la quantité d'énergie
consommée, la quantité d'énergie électrique, le
total des deux est tel qu'on a de la difficulté à satisfaire aux
prérequis d'augmentation minimale de la quantité d'énergie
achetée.
M. Duhaime: Autrement dit, la barrière de 10%.
M. Duchesne: La barrière de 10%. C'est assez difficile,
finalement, de dire que ce programme est profitable dans tous les cas. Il y a
certainement des usines qui peuvent en profiter, faire des profits, tandis que,
dans d'autres cas, malheureusement, cela n'a pas beaucoup d'effet. C'est la
raison pour laquelle nous avons indiqué qu'une période un peu
plus longue augmenterait de beaucoup l'impact du programme.
M. Hamel: Cela deviendrait effectivement une incitation à
de nouveaux investissements plutôt que tout simplement un soulagement
à ceux qui sont déjà engagés.
M. Duhaime: II faut bien comprendre que le programme n'a pas
été conçu et offert essentiellement à l'industrie
des pâtes et papiers. Il a été offert à tous les
secteurs industriels. Je comprends parfaitement votre point de vue. À
l'intérieur du programme de relance et de modernisation, il y a un volet
d'efficacité énergétique. Si une entreprise diminue sa
consommation globale d'énergie hydroélectrique de 10% et, par
ailleurs, l'augmente de 10% pour investir dans des fibres, cela s'annule. Donc,
l'entreprise ne peut pas se qualifier.
J'admets que c'est un handicap dans votre cas, mais, dans d'autres
secteurs manufacturiers, cette problématique a été
très bien accueillie. Pour être bien honnête, il y en a qui
m'ont même dit qu'ils ne s'attendaient jamais à autant. Je
comprends que, même si une politique est annoncée, prenant effet
à compter du 1er juillet, on a exclu toute rétroactivité
dans le dossier. Il y a des gens qui s'en sont plaint. Vous comprendrez
facilement qu'en période de crise économique, toute la
stratégie consistait à mettre sur pied des politiques, que ce
soient des incitatifs fiscaux ou encore une problématique tarifaire
allant dans le sens d'accélérer les investissements. Je prends
bonne note de votre commentaire là-dessus et je vous en remercie.
M. Fortier: Dans la même veine de ce qu'on a discuté
ce matin - je pense bien que c'est le sens de votre proposition - au lieu
d'avoir un rabais pendant qu'Hydro-Québec a des surplus, il s'agit
d'avoir une grille tarifaire applicable à votre industrie - c'est un peu
le sens de votre intervention - sur laquelle vous pourriez compter à
plus long terme que le temps où Hydro-Québec a des surplus.
Est-ce que c'est le sens de votre intervention?
M. Duchesne: Je pense que vous allez peut-être un peu plus
loin que ce dont on parle. Notre intervention vise d'abord ces surplus qui
représentent, je pense, un avantage temporaire de plusieurs
années, certainement pas de trois ans, d'après ce qu'on entend
dire. C'est vraisemblablement beaucoup plus longtemps que cela. On pourrait les
monnayer en termes de plus de produits finis concurrentiels qu'on pourrait
exporter par opposition à la mise en marché de quantités
d'électricité à l'état brut. On a discuté ce
matin justement de l'impact d'une telle forme d'aide à l'industrie. Nous
sommes convaincus que l'impact, si l'aide est sous une forme utilisable, ce qui
signifie quelque chose en termes de coûts d'exploitation,
assurément, l'impact va être dans l'ordre de grandeur du programme
de modernisation, par exemple. C'est sûr que, si on construit, comme on
le dit dans l'autre recommandation, d'avance des barrages ou des centrales de
toute nature pour produire volontairement des surplus, on entame l'autre aspect
de la discussion dont on a parlé encore ce matin, et je ne pense pas que
l'association soit en faveur de cela. Par ailleurs, si on veut établir
une certaine façon de favoriser diverses industries
sélectivement, probablement que la façon ne serait pas
nécessairement d'y aller carrément par secteur industriel, mais
d'y aller peut-être aussi par quantité d'énergie
consommée par un utilisateur donné. Cela se fait dans d'autres
provinces. Je pense que ce sont des options à considérer et, pour
l'instant, on n'a pas encore établi une position ferme sur ce point en
particulier. (16 h 15)
M. Fortier: J'essaie de comprendre. Vous dites que, dans d'autres
provinces, c'est sur la base de la consommation d'énergie. Je croyais
que c'était le cas ici. C'est en fonction de la consommation ou de la
demande également. Mais ce que j'essaie de comprendre, c'est que vous
avez dit: Au lieu d'avoir un privilège sur quatre ans, l'avoir sur dix
ans. C'est ce que vous avez... Je n'ai pas votre texte, d'ailleurs. J'aimerais
avoir une copie du texte que vous avez lu parce que je crois que c'est un petit
peu différent de celui que nous avons.
M. Hamel: L'aspect qui a été mentionné de
prolonger sur une base de dix ans le programme de quatre ans, c'est pour les
augmentations de charges qui seraient ajoutées par l'addition de
nouveaux procédés comme, par exemple, un procédé
par
raffinage pour remplacer le vieux système par défibrage
qui occasionne justement une demande additionnelle d'électricité.
Alors, cette fraction devient justement admissible présentement à
une réduction de 50% graduellement, jusqu'en 1990 pratiquement.
Pour justifier un investissement sur cette base, si on dit que cela
devient un incitatif à vouloir construire ou entreprendre une
construction aujourd'hui d'un procédé du genre, sachant que cela
va prendre au moins trois ans pour l'avoir en marche et
bénéficier justement de la réduction de 50% sur le surplus
à être consommé, pour que ce soit un incitatif, il faudrait
qu'au moins cette partie soit prolongée jusqu'à dix ans. Ce n'est
pas pour l'ensemble du système de tarification.
M. Fortier: Je comprends, excepté qu'on peut faire des
prévisions sur le nombre d'années durant lesquelles
Hydro-Québec aura des surplus, mais elle nous a dit qu'en 1990 il n'en
resterait plus. J'imagine que c'est pour cela que le programme coïncidait
avec cette date. Mais ce que vous dites, c'est que, pour en tirer avantage, il
faudrait l'étendre sur plusieurs années.
M. Hamel: C'est cela. Pour justifier les investissements qui sont
appropriés pour l'industrie et pour la survie de l'industrie aussi, pour
conserver sa position.
M. Fortier: C'est pour cela qu'on revient à
l'idée... Oui, il s'agit de la définir, mais on revient à
l'idée d'une aide sectorielle ou non, mais qui serait à plus long
terme que seulement pour une période courte d'années. Je pense
que c'est... Sans cela, ce n'est pas un facteur de motivation, sur le plan
économique j'entends, pour l'industrie.
M. Hamel: Je pense que cela s'applique d'abord à
l'industrie des pâtes et papiers. Évidemment, on parle pour nous
au départ, mais il y a probablement d'autres industries qui
considéreraient aussi une plus longue période de façon pas
mal intéressée.
M. Fortier: Pour revenir à l'utilisation du gaz, je n'ai
pas tout à fait compris ce que vous avez dit. Est-ce que vous avez dit
que cela variait beaucoup selon l'emplacement ou l'endroit où se
trouvaient les industries de pâtes et papiers et que, par ailleurs, si on
prenait la région de la Mauricie, là où il y a du gaz...
Bon, il y avait la question de l'incertitude, il y avait la question du fait
que, lorsqu'on utilise du pétrole, on peut toujours négocier
à différents moments, mais je voulais seulement savoir quel
était le point de vue de certaines compagnies sur le gaz. Vous trouvez
que c'est alléchant, que c'est intéressant. Pourriez-vous
préciser votre pensée là-dessus?
M. Hamel: Ce que je veux dire, c'est qu'on voit des perceptions
différences justement parce que les industries sont déjà
installées dans différentes régions dont certaines ne
verront jamais le gaz. En Gaspésie ou sur la Côte-Nord, cela ne se
rendra pas. Là où il y a déjà eu un début
où les deux systèmes d'approvisionnement
énergétiques existent, le gaz et l'électricité, il
y a un choix qui se fait difficilement parce que la possibilité est
là présentement d'utiliser de l'électricité et il
n'y a sûrement aucun empressement de sauter sur le gaz parce qu'il nous
apparaît plus coûteux, dans la production de vapeur, surtout, qui
est un des gros facteurs de la fabrication. Mais l'intérêt reste
à démontrer pour ceux qui... On sait quand même que, d'ici
quelques années, il va falloir que cela se manifeste carrément
parce que l'électricité ne sera pas toujours là. C'est
certain qu'on veut déplacer le pétrole, mais on veut aussi en
même temps avoir certaines assurances que cela ne sera pas toujours
indexé automatiquement sur une forme de pétrole ayant des prix
qu'on ne contrôle absolument pas ou qu'on ne peut pas influencer et que
cela en deviendra pas une forme d'approvisionnement énergétique
qui est régie, dont la tarification est régie en fonction de
facteurs qu'on ne contrôle pas du tout.
M. Fortier: Je crois qu'en réponse au ministre, vous avez
indiqué que le coût de l'énergie dans une tonne de papier
est de 15%. C'est cela que vous avez dit?
M. Hamel: Cela peut varier...
M. Fortier: La CSN, ici ce matin, citait 5,9%; c'est simplement
pour avoir l'heure juste, j'imagine que cela peut varier d'une compagnie
à l'autre.
M. Hamel: Je pense qu'il faut se comprendre; je n'ai jamais vu
5,9%. 15%, c'est aussi un facteur qui peut varier beaucoup selon le type
d'entreprise de pâtes et papiers et également les régions
en question. L'électricité elle-même représenterait
présentement, en moyenne, entre 8% et 12%. Les autres formes
d'énergie, comme le pétrole ou le gaz naturel, ajoutées
à cela représenteraient sûrement 7% à 8%. Si on
parle de certaines usines kraft qui, avec le système de
récupération, n'ont aucun achat d'électricité ou de
pétrole à faire pour produire, cela baisse la moyenne. Mais dans
une usine de papier journal, on est très près des 20%; la partie
de l'électricité elle-même est autour de 10%.
M. Fortier: Pendant que vous êtes ici, est-ce que vous
pourriez nous dire quel est l'état de la situation par rapport à
ce qu'elle était l'an dernier? En moyenne, quel est le taux de
fonctionnement des usines? À quelle capacité fonctionnez-vous
présentement? Est-ce que la situation s'est relevée
considérablement? Pourriez-vous nous donner une idée de la
situation?
M. Hamel: L'industrie du papier journal au Canada et au
Québec - parce que la plupart des compagnies sont
représentées ici au Québec - fonctionne à autour de
80% de sa capacité.
M. Fortier: Est-ce que c'est bon ou pas bon?
M. Hamel: C'est épouvantable; c'est à peu
près le niveau du "break-even" pour la plupart des compagnies
considérées. Certaines fonctionnement encore à 95% ou
100%; dans certains cas, c'est parce que ce sont des entreprises qui ont des
marchés captifs; d'autres ont évidemment leur façon
d'écouler leurs produits qui viennent en concurrence avec les plus gros
qui, malheureusement, doivent se sacrifier parfois pour ceux qui ont une seule
usine. En général, la moyenne se situe autour de 80%, ce qui ne
constitue aucune amélioration depuis l'an passé.
M. Fortier: Ce que vous nous dites, comme vous êtes
à ce "break-even", les questions énergétiques peuvent
avoir un impact; c'est une façon de rentabiliser. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie de votre
participation et j'invite le Centre des études sur le bâtiment
à s'approcher.
M. Fazio et M. Pierre Guité, je vous inviterais à
présenter votre mémoire.
Centre des études sur le bâtiment
M. Fazio (Paul): M. le Président, je tiens à
remercier la commission parlementaire de l'occasion qu'elle offre au Centre des
études sur le bâtiment de présenter son point de vue sur
l'avenir énergétique québécois. Nous voulions vous
présenter des acétates pour animer la présentation, mais,
à cause des problèmes d'éclairage, nous vous prions de
vous référer aux photocopies de ces acétates et au texte
qui vous a été distribué cet après-midi.
L'essentiel de notre exposé portera sur l'importance
d'économiser l'énergie et sur les moyens techniques, ainsi que
sur les modes d'organisation pour y arriver. Les résultats d'une
étude réalisée au Canada nous indiquent les objectifs que
nous devrons viser pour atteindre notre autonomie énergétique:
nous devons réduire notre demande en énergie de 50%; nous devons
augmenter la production de pétrole de 50% et celle du gaz de 33%; la
production de charbon doit quadrupler; la production canadienne
d'électricité doit grimper de 40% et, finalement, les sources
renouvelables d'énergie devront suffire à 5% de la demande
totale.
Le présent exposé portera principalement sur l'importance
d'économiser l'énergie pour réduire la demande. Les
chiffres que nous venons de présenter ont servi à brosser un
tableau d'ensemble de la situation canadienne. Ceux qui seront
présentés maintenant se rapportent au Québec.
Au Québec, la majeure partie de l'énergie que nous
dépensons est utilisée dans les bâtiments. La ventilation
s'établit comme suit: 31% pour le secteur industriel; 29% pour le
transport et 40% pour les bâtiments. Considérant la
quantité d'énergie consommée dans les bâtiments, il
est donc prioritaire de pouvoir réaliser des économies
d'énergie importantes dans ce secteur.
Le secteur des bâtiments se prête bien aux économies
d'énergie. Le potentiel d'économie d'énergie dans ce
secteur s'élève à environ 40%. Au Québec, la
consommation annuelle en énergie dans le bâtiment
représente un déboursé de 2 600 000 000 $. Par
conséquent, le gisement d'économie d'énergie dans les
bâtiments, s'il est totalement exploité, pourrait constituer une
économie annuelle de 1 000 000 000 $.
Le Québec se situe au deuxième rang des pays
industrialisés en ce qui concerne la consommation
énergétique. Donc, beaucoup d'efforts supplémentaires
pourraient être consentis pour économiser plus d'énergie.
De plus, le Québec se situe au premier rang de la consommation
énergétique par millier de dollars de production. Raison de plus
pour mettre l'accent sur l'économie d'énergie.
Deux autres points viennent renforcer le bien-fondé de mettre
l'accent sur une politique d'économie d'énergie plus agressive.
Premièrement, les économies d'énergie additionnelles qui
seront réalisées nécessiteront des investissements et ces
investissements auront des retombées économiques importantes. Le
Québec dispose déjà d'une industrie des économies
d'énergie qui est solide. En effet, le Québec, en ce qui concerne
l'offre d'équipements et de services reliés aux économies
d'énergie, est un exportateur net. Notre industrie
québécoise saura donc répondre à cette demande
accrue par la création de nouveaux emplois et de nouveaux biens et
services.
Deuxièmement, quel que soit le niveau des prix de
l'énergie dans le secteur industriel et le secteur commercial, les
dépenses supplémentaires engendrées par une consommation
trop élevée devront être
récupérées. Ces dépenses devront être
compensées par un abaissement correspondant des coûts de
production, de fonctionnement ou de gestion. Ainsi, améliorer le ratio
de consommation énergétique par millier de dollars de production
rendrait l'industrie québécoise plus productive et donc plus
compétitive.
Nous l'avons souligné, au Québec, le potentiel
d'économie d'énergie dans les bâtiments est important. Mais
comment techniquement réaliser ces économies? Plusieurs
techniques et mesures d'économie d'énergie existent pour
réduire la consommation d'énergie dans les bâtiments. Ces
mesures peuvent être subdivisées en trois catégories: les
mesures s'appliquant à l'éclairage; celles qui visent à
améliorer l'efficacité des systèmes mécaniques et,
finalement, celles qui visent à accroître
l'étanchéité et l'isolation de l'enveloppe. En mettant en
application les mesures d'économie existantes, la consommation en
énergie peut être abaissée de 1500 à 600
mégajoules par mètre carré par an. Cette baisse constitue
une diminution de 60%.
Malheureusement, seule une partie de ces mesures a été
mise en application. Selon nous, cette situation est due à un manque de
recherche appliquée et à un manque de transfert efficace
d'information. (16 h 30)
Le tableau 6 illustrait les économies réalisables à
la suite de la mise en application des mesures d'économie existantes. Le
tableau 7 démontre les économies additionnelles qui pourraient
être réalisées si de nouvelles mesures d'économie
d'énergie étaient implantées. Les mesures que nous
présentons ici sont soit des mesures innovatrices ou des mesures qui ne
sont pas encore d'usage courant. Si elles étaient mises en application,
elles permettraient de réaliser la réduction de 50% additionnels
en consommation d'énergie dans les bâtiments. Le taux de
consommation passerait alors de 600 à 300 mégajoules par
mètre carré par an.
Plusieurs disciplines ont leur rôle à jouer lorsqu'il
s'agit d'économiser l'énergie dans les bâtiments: les
architectes, les ingénieurs en mécanique et en
électricité, les entrepreneurs, les préposés
à l'entretien et les propriétaires d'immeubles. Il est possible
de contribuer à économiser l'énergie par la conception de
bâtiments qui consomment moins d'énergie, par la sélection
de systèmes mécaniques plus efficaces, ou par un entretien
fréquent et un mode de fonctionnement efficace des systèmes.
Par organisation, nous voulons dire l'intégration de plusieurs
champs de compétences dans un effort commun. Cette intégration a
été réalisée par le développement d'une
nouvelle discipline: le génie du bâtiment. Il y a six ans, des
programmes de recherche et d'enseignement en génie du bâtiment ont
été mis sur pied au Centre des études sur le
bâtiment de l'Université Concordia. À l'heure actuelle, ce
programme est le seul du genre au Canada. Dans le domaine des économies
d'énergie, ce programme vise à développer et à
implanter des techniques qui soient pratiques, économiques, bien
comprises par tous les professionnels et les corps de métier, et bien
acceptées du public. Dans cette discipline, le bâtiment est
considéré comme un tout, et un bon programme d'économie
d'énergie tient compte de tous les éléments et du
rôle de tous les intervenants, depuis l'étape de la conception
jusqu'à la mise en fonction des systèmes.
La discipline du génie du bâtiment est un lieu
privilégié où des efforts d'intégration peuvent
être tentés. Dans le domaine des économies
d'énergie, le rôle du génie du bâtiment se subdivise
en quatre volets: premièrement, la cueillette d'information;
deuxièmement, le développement d'une base structurée de
connaissances en économie d'énergie; troisièmement, la
réalisation, par des équipes pluridisciplinaires, de projets de
recherche, d'analyses et d'essais d'équipement; quatrièmement, la
formation de professionnels et de chercheurs ayant une vue d'ensemble des
problèmes du bâtiment.
Des projets de recherche doivent être entrepris pour exploiter
à fond le potentiel d'économie d'énergie dans les
bâtiments. L'ensemble des sous-systèmes doit être
considéré. Des études sont en cours au Centre des
études sur le bâtiment sur l'enveloppe, les systèmes
mécaniques et l'informatique.
Finalement, l'accent doit être mis sur le transfert d'information
et de technologie auprès des professionnels, ceux qui agissent comme
consultants; auprès des propriétaires, les preneurs de
décisions par rapport aux investissements requis; auprès des
opérateurs et des préposés à l'entretien, ceux qui
sont responsables du bon fonctionnement des équipements et des
bâtiments. Le transfert d'information est un aspect qui a trop longtemps
été négligé. L'efficacité des mesures
d'économie d'énergie dépend, dans une large mesure, du
type et de la qualité de l'information disponible sur ces mesures. Des
lignes directrices claires et précises sur les techniques existantes
d'économie d'énergie doivent être transférées
non seulement aux professionnels, mais aussi aux propriétaires, aux
entrepreneurs et aux opérateurs. Les données transmises doivent
concerner le rendement des systèmes, les investissements requis, les
retours anticipés, les économies réalisables et aussi les
problèmes techniques lors de l'implantation.
Le Centre des études sur le bâtiment a mis ses principes
d'organisation en application dans le cadre d'un contrat de
recherche et de développement avec Énergie, Mines et
Ressources du Canada. L'objectif du projet est de diffuser aux
propriétaires de commerces au détail au Canada des lignes
directrices précises pour économiser l'énergie dans leurs
bâtiments. Un des principaux éléments du contrat est la
préparation d'un progiciel pour micro-ordinateur permettant aux
commerçants d'obtenir des données sur les mesures
d'économie d'énergie spécifiques à implanter dans
leurs magasins, sur les équipements et investissements requis, sur les
économies réalisables, sur les retours anticipés et sur la
procédure d'implantation recommandée.
Les analyses seront effectuées dans les magasins mêmes
à l'aide de micro-ordinateurs portatifs.
Le progiciel sera supporté et publicisé par des
études de cas et des projets de démonstration dans des magasins.
Ces études viseront à démontrer la faisabilité
technique et la rentabilité économique des mesures
proposées.
Dans le cadre de ce contrat, le Centre des études sur le
bâtiment a établi le potentiel d'économie d'énergie
dans ce secteur. Ce potentiel représente une économie possible de
plus de 200 000 000 $ par année. Pour que les commerçants
puissent être en mesure d'exploiter pleinement ce potentiel, le centre a
recueilli des études, des rapports et des données d'information
techniques au Canada, aux États-Unis et dans le monde. Il a
effectué ou commandé des projets de recherche appliquée
dans les domaines de l'éclairage, des systèmes mécaniques
et pour le développement de progiciels d'analyse économique. Il a
mis au point un programme de transfert d'information sur l'énergie par
la préparation d'un progiciel et par la mise au point d'une
stratégie de diffusion auprès des consultants, des associations
de commerçants au détail, des manufacturiers d'équipement
en économie d'énergie et des entrepreneurs.
Au Québec, le gisement d'économie d'énergie dans le
bâtiment est considérable. À l'heure actuelle, ce gisement
est loin d'être pleinement exploité. Cette situation est
regrettable, car, premièrement, des économies d'énergie
additionnelle contribueraient à abaisser la demande totale en
énergie et permettraient au Québec d'atteindre plus facilement
son autonomie énergétique. En ce sens, l'énergie que l'on
économise est celle qui est la moins coûteuse.
Deuxièmement, l'industrie québécoise des économies
d'énergie est en santé. Les investissements que
nécessiterait l'implantation de mesures d'économie additionnelles
seraient bénéfiques pour cette industrie et créeraient de
nouveaux emplois. Troisièmement, l'abaissement des coûts en
énergie rendrait plus productives les entreprises et industries
concernées.
Afin d'exploiter pleinement ce gisement, nous avons souligné
l'importance d'effectuer des projets de recherche appliquée, de mettre
sur pied de nouvelles structures d'organisation et de prévoir des
mécanismes de transfert d'information plus efficaces.
Nous recommandons, finalement, de mettre la priorité sur
l'exploitation du gisement d'économie d'énergie dans les
bâtiments et d'améliorer la performance des bâtiments sur le
plan de l'énergie par une meilleure conception, une meilleure
qualité de la construction et des procédures de fonctionnement et
d'entretien plus efficaces. Pour ce faire, nous proposons
d'accélérer le développement d'une base
intégrée de connaissances techniques dans le domaine du
bâtiment; de mettre l'accent sur la formation et le transfert efficace
d'information aux propriétaires et exploitants de bâtiments;
d'élever le niveau de compétence des professionnels; de favoriser
la pénétration de technologies de pointe dans le domaine des
économies d'énergie: ordinateurs, micro-ordinateurs.
Nous avons déjà commencé à mettre en
application ces recommandations au Centre des études sur le
bâtiment. Pour continuer dans la même direction, nous poursuivons
nos efforts afin d'obtenir un support de recherche et de développement
direct et continu. Les économies d'énergie doivent être
considérées comme une industrie. En ce sens, elles
requièrent des investissements en recherche et développement. Ces
investissements accéléreront au Québec l'exploitation du
gisement d'économie d'énergie, de 1 000 000 000 $ dans les
bâtiments. Ces investissements se traduiront par la création
d'emplois et par une production accrue de biens et de services reliée
aux économies d'énergie. Merci.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie. Je suis un peu emballé par
l'expression que vous utilisez dans le secteur des économies
d'énergie en parlant de "gisement". Est-ce vraiment nouveau? Ce n'est
pas nouveau comme mot, ni comme expression, mais employé dans ce secteur
qui est en devenir, c'est vraiment une façon intéressante de voir
les choses. Je pense que vous avez parfaitement raison de faire ce lien. Cela
illustre très bien ce qui peut être mis en valeur et
économisé.
Je n'ai pas la référence à votre mémoire,
mais dans mes notes ici vous évaluez la valeur potentielle du
marché des économies d'énergie à 225 000 000 $ pour
le secteur commercial et à 582 000 000 $ pour le secteur industriel,
ceci étant le potentiel
d'investissements établi par votre centre. Bon, on est à
l'échelle du Québec, mais dans ces études que vous avez
faites, est-ce que vous reprenez essentiellement les chiffres du
ministère ou si vous avez d'autres données pour appuyer ces
chiffres?
M. Guité (Pierre): II y a certaines manipulations des
chiffres qui ont été faites, mais des manipulations minimes. Il y
a beaucoup de chiffres qui viennent des Statistiques de l'énergie au
Québec; cela a été multiplié par le coût de
l'énergie. Maintenant, il y a eu des manipulations dans le sens que,
pour évaluer le potentiel dans le domaine du bâtiment, il fallait
aussi considérer l'enveloppe ou la section "bâtiment" des autres
secteurs, du secteur industriel, entre autres. Alors, il y a eu quelques
modifications qui ont été faites pour essayer de tenir compte de
tous les endroits où on pouvait trouver l'élément
"bâtiment" dans la ventilation qui est utilisée par les
statistiques du Québec.
M. Duhaime: Je regarde les chiffres qui ont été
avancés en 1978, l'objectif global d'économie d'énergie
dans le document qui avait été publié, Assurer l'avenir et
globalement, je crois que c'était de 15%. Mais quand on s'en va dans le
secteur industriel, on dit: "Les économies d'énergie
réalisables - je réfère à la page 39 du document -
pour l'ensemble du secteur industriel ont été estimées
à près d'un cinquième du niveau de consommation
prévu pour 1990." Vous référez plus explicitement dans
votre mémoire à l'aspect "bâtiment". J'essaie de le
retrouver. À l'horizon de 1990, dans le secteur commercial, on parle
d'une projection d'un tiers sur les économies. Cela peut paraître
énorme à première vue, mais je peux vous dire qu'il y a
des projets pilotes qui ont fait beaucoup plus que le tiers d'économie
d'énergie.
M. Guité: Lorsqu'on parle d'économie
d'énergie, pour évaluer la consommation, on peut s'entendre plus
facilement. C'est une donnée qui est plus facile à identifier.
Lorsqu'on parle de potentiel, c'est un peu plus compliqué, cela peut
varier énormément. Cela dépend des systèmes
mécaniques utilisés, des types de bâtiments qu'on
considère, mais, règle générale, pas simplement
à la lumière des statistiques, mais à la lumière
des projets de recherche qu'on a réalisés, on peut dire que
grosso modo, si on tient compte de toutes les mesures d'économie qu'il
est possible d'implanter dans un bâtiment, il n'est pas irréaliste
de parler d'un gisement d'économie d'énergie de 40% dans les
bâtiments.
M. Duhaime: 40%, c'est sûr.
M. Guité: 40%, nonobstant les nouvelles mesures
d'économie d'énergie qui font l'objet de recherches
présentement, comme l'emmagasinage de chaleur ou d'autres techniques de
ce style. (16 h 45)
M. Duhaime: J'ai comme l'impression qu'il y a encore beaucoup de
conviction à être apportée dans ce dossier parce que je
n'arrive pas encore à comprendre, s'il y a des économies de
l'ordre de 30%, de 35% ou même de 40% sur des comptes d'énergie
qui peuvent être réalisées et si on peut en faire la
démonstration noir sur blanc, comment il se fait que les investissements
ne s'enclenchent pas plus rapidement. Je suis parfaitement d'accord avec vous
que les investissements en économie d'énergie peuvent être
chiffrés à des centaines de millions de dollars avec une
création d'emplois. Dans ce sens-là, votre centre
développe des techniques, parle de transferts de technologie. Est-ce
qu'il est exclu que votre centre puisse devenir ce que vous proposez voir se
créer au Québec, un centre multidisciplinaire de concertation et
de diffusion?
M. Guité: II y a très certainement beaucoup
d'efforts qui ont été investis dans ce sens-là, mais, pour
répondre à la première question que vous posez, à
la première interrogation que vous aviez, il y a beaucoup de mesures
d'économie d'énergie qui existent. La plupart du temps, ces
mesures-là sont connues. Dans le mémoire, on a voulu mettre
l'accent sur le fait qu'il est vrai qu'on aurait besoin de recherches
supplémentaires, mais aussi et surtout qu'on aurait besoin de meilleures
techniques, de techniques plus efficaces de transfert d'information.
Ce n'est pas un sujet facile parce que cela demande non seulement
l'expertise d'ingénieurs, mais aussi l'intervention de plusieurs
disciplines de communication qui ont, entre autres, un rôle important
à jouer. Dans un des contrats, tel que mentionné dans le
mémoire, le contrat avec Énergie, Mines et Ressources, on a
presque exclusivement mis l'accent là-dessus. On a tenu à mettre
vraiment l'accent sur des techniques pour transférer l'information la
plus utile possible à ceux qui prennent les décisions
relativement aux économies d'énergie. C'est assez
stupéfiant de constater jusqu'à quel point, dans plusieurs
bâtiments visités, il y a encore un gisement important à
exploiter.
Les techniques qu'on a retenues pour les transferts d'information - on
parlait de micro-ordinateurs - à l'heure actuelle, ce sur quoi on
travaille, c'est sur des logiciels portatifs, de façon à pouvoir
donner aux commerçants, dans le cas qui nous occupe -le contrat touche
le commerce au détail -des recommandations immédiatement
après la visite. C'est un peu similaire à Énergain,
mais avec beaucoup plus d'informations techniques, schémas
à l'appui, d'analyses économiques sur le terrain, de façon
qu'une décision puisse être prise en toute connaissance de cause
et le plus rapidement possible. L'élément du transfert
d'information est extrêmement important.
M. Duhaime: C'est certainement une des étapes qui restent
à franchir. Je pense que, dans le secteur résidentiel
actuellement, avec Énergain, le programme va assez bien. On atteint les
objectifs prévus. Si jamais on rejoignait 1 000 000 de résidences
et si l'efficacité énergétique souhaitée
était réalisée en l'espace de huit ans, je pense que ce
serait presque un miracle, si on le faisait au Québec. On a le programme
Énergiebus qui est en cours; il y a des programmes ad hoc qui
s'appliquent à certains secteurs industriels. Je pense, entre autres,
aux incitations dans le cadre du programme de relance et de modernisation des
pâtes et papiers, mais c'est un programme à bâtir et qu'il
faudra intensifier parce que les économies d'énergie à
être réalisées, tant dans le secteur commercial, et surtout
dans le secteur commercial, que dans le secteur industriel - pour employer
votre expression -sont un gisement fort important à être
exploité et mis en valeur.
Je voudrais savoir - et je suis au courant des travaux que vous
poursuivez actuellement - si le Centre des études sur le bâtiment
ne pourrait pas devenir cette courroie de transmission de l'information
beaucoup plus accentuée. Est-ce qu'il serait possible d'envisager un
programme comme celui-là? Autrement dit, si vous prenez un contrat du
gouvernement fédéral, je n'aurais pas d'objection à en
passer un avec vous...
M. Guité: II faut en laisser. Il est bien évident
qu'on est déjà engagé dans cette voie-là et on va
continuer dans ce sens-là. Je ne sais pas si le message est bien
passé -ce n'est pas une critique négative - mais, quand j'ai
assisté à la conférence de presse sur le lancement du
programme, PNVRE, assez curieusement, la présentation du volet
diffusion, qui était le troisième volet du programme, avait
presque été escamotée. On avait peu de choses, peu de
contenu à présenter quand on parlait du volet diffusion. Il y a
d'autres exemples similaires. C'est dommage parce que, selon nous, le challenge
no un, c'est vraiment cela.
L'autre composante qui est importante - le centre s'intéresse
beaucoup à cela -c'est l'aspect pluridisciplinaire dans les recherches
que cela nécessite. Il y a beaucoup de gens impliqués, quand on
parle d'économie d'énergie dans les bâtiments:
entrepreneurs, ingénieurs, architectes, etc. Souvent, le langage n'est
pas le même et les interventions de l'un ne sont pas
nécessairement facilitées par les interventions d'un autre
professionnel. Je parle, par exemple, des décisions que les architectes
peuvent prendre au niveau de la conception du bâtiment; elles ont
nécessairement un impact important, ce sont eux qui sont responsables de
la conception de l'enveloppe. De temps en temps, il y a des conflits avec le
design des systèmes mécaniques. Cet aspect pluridisciplinaire est
très important et il faut nécessairement en tenir compte
énormément.
Quand on parle aussi des programmes basés sur micro-ordinateurs,
les progiciels qu'on veut développer, ces progiciels doivent aussi
être appuyés dans ce sens que beaucoup de mesures
d'économie d'énergie nécessiteraient des tests
supplémentaires. Il y a l'infiltration, par exemple. Les logiciels qui
sont utilisés par beaucoup de programmes donnent des recommandations aux
économiseurs éventuels qui sont probablement proches de la
réalité, mais souvent la marge d'erreur est importante et il y
aurait lieu de compléter cela par des études de cas et des
projets de démonstration. Alors tous ces programmes - c'est très
important - doivent être appuyés correctement par des tests, des
programmes d'essais, etc.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Comme le ministre, j'ai été
frappé par votre terme "gisement". Ce n'est pas le terme que j'aurais
utilisé; à vous entendre, c'est quasiment une mine d'or. Il faut
dire, de ce côté-là, que le ministre est un peu
handicapé pour faire face au défi parce qu'avant il avait un
adjoint parlementaire qui s'occupait des mines et des mineurs, mais maintenant
il a changé d'adjoint parlementaire. Espérons qu'il puisse faire
face à ce défi.
Il y a une question que j'aimerais vous poser. On parle
d'économie d'énergie et on entend souvent des gens dire: Les gens
sont tellement concernés par les économies d'énergie qu'on
bloque toutes les issues des maisons, toute l'enveloppe et, maintenant, les
gens sont en train de mourir de pollution à l'intérieur de leur
maison et des édifices publics. Dans quelle mesure poussons-nous? Je
vous crois quand vous dites 40%, quoique j'imagine que c'est un chiffre
théorique, parce qu'il y a toutes sortes de facteurs qui interviennent
sur le plan pratico-pratique. Je l'ai fait chez moi et, quand l'expert
d'Énergain est venu, il a dit: M. Fortier, je pense qu'on va passer
rapidement. Il y a des choses qu'on peut faire et je sais pertinemment qu'il y
a quelques vieilles fenêtres en bois dans ma maison que je pourrais
changer, mais je me suis dit: II faut
quand même respirer dans la maison, il faut avoir un peu d'air
frais. Dans quelle mesure cet aspect de la ventilation des édifices
est-il pris en considération lorsque vous faites vos expertises et dans
quelle mesure sommes-nous en train de créer des habitats qui seront
nocifs à la longue parce qu'on va avoir tellement
économisé d'énergie que l'air à l'intérieur
ne sera pas respirable?
M. Guité: L'élément que vous soulevez est
tout à fait juste et, joint aux problèmes énormes de
santé qu'a causés l'emploi de la mousse d'urée-formol, il
s'est déclenché comme une réaction de panique dans les
milieux de la recherche par rapport à cela. On accorde de plus en plus
de subventions pour les recherches sur la qualité de l'air à
cause, justement, de nouveaux types d'enveloppes, de parois beaucoup plus
étanches, avec aussi le développement parallèle des
échangeurs de chaleur, etc.
Il est évident maintenant, en ce qui concerne les mesures
d'économie d'énergie reliées aux infiltrations, qu'on a le
réflexe de se poser la question en ce qui concerne la qualité de
l'air. Je pense bien que les résultats de projets de recherche qui ont
été entrepris dans ce sens seront divulgués sous peu, soit
par le Conseil national de la recherche ou par d'autres organismes qui
s'occupent de ces recherches aussi.
Le deuxième volet de ma réponse est peut-être un peu
plus théorique. Dans les très vieux bâtiments, il y a
déjà énormément de place, les taux de changement
d'air sont très importants et il y a de la place pour implanter des
mesures d'économie d'énergie reliées à
l'infiltration. Dans les nouveaux bâtiments, je pense bien qu'il va
falloir se diriger vers de nouvelles technologies. Quand on regarde les
techniques de construction à ossature de bois, quand on regarde toutes
les recommandations qu'on fait aux entrepreneurs pour diminuer l'infiltration
dans les bâtiments et tous les tours de passe-passe que cela
nécessite sur le chantier, la conclusion logique de cet
exercice-là, c'est qu'on va s'en aller vers de nouveaux types de
bâtiments, dans la construction d'un nouveau type d'enveloppes qui seront
beaucoup plus étanches et à l'intérieur desquelles il
faudra nécessairement installer de nouveaux types d'équipement,
du genre échangeurs de chaleur. Il va falloir aussi, en même
temps, s'assurer du bon fonctionnement de ces appareils-là, des
systèmes de ventilation aussi.
M. Fortier: Dans le parc résidentiel, dans l'avenir, la
rénovation des maisons existantes va être un facteur beaucoup plus
important que la construction de nouvelles maisons. Ma question était
à savoir qu'il y avait un potentiel de 40%...
M. Guité: Oui.
M. Fortier: ...d'économie d'énergie... Vous y avez
répondu en partie, mais si on prend en considération les facteurs
de ventilation, qui sont importants, je pense que les 40% seraient
baissés d'un pourcentage assez appréciable.
M. Guité: Non, écoutez, je ne le pense pas, parce
que les mesures d'infiltration, c'est une section des mesures possibles. Il y a
beaucoup d'autres mesures possibles pour économiser l'énergie
dans les bâtiments. Le secteur résidentiel est un secteur parmi
d'autres. Il y a aussi des potentiels très importants dans d'autres
secteurs. Le secteur commercial, c'est énorme: il y a le commerce au
détail et d'autres types d'activités qui sont chapeautées
par le secteur commercial. Je ne pense pas que ce soit exagéré de
parler d'un potentiel de 40%. Oui?
M. Fortier: Votre message est passé. Vous parlez d'efforts
multidisciplinaires, de meilleure communication, de meilleure
coopération entre les différents agents qui travaillent à
l'intérieur de ce problème-là. Je pense qu'on a compris
votre message. Je vous remercie beaucoup.
M. Guité: Très bien.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie de votre
participation.
J'invite l'Association des mines d'amiante du Québec à
s'approcher, s'il vous plaît.
On va attendre le retour de M. le ministre, si vous voulez.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise de la séance à 17 h 01)
Le Président (M. Desbiens): Présentez-nous les gens
qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Association des mines d'amiante du
Québec
M. Payeur (Benoît): M. le Président, MM. les membres
de la commission, mon nom est Benoît Payeur, je suis directeur
général de l'Association des mines d'amiante du Québec.
Notre association, qui est une des plus anciennes associations industrielles,
existe depuis au-delà de 50 ans et regroupe tous les producteurs
d'amiante exploitant des gisements au Québec. Son conseil
d'administration est composé des présidents et chefs de la
direction des cinq compagnies existantes. Ce conseil est présidé
cette
année par M. Marcel Dorais, ingénieur, président et
chef de direction de la Société Asbestos Ltée., qui,
incidemment, m'a prié de l'excuser auprès de la commission,
étant retenu à l'extérieur.
Pour cette audition devant la commission permanente de l'énergie
et des ressources, portant plus particulièrement sur l'énergie,
levier de développement, la délégation de l'association
est composée des personnes suivantes: M. André Allaire, directeur
des services techniques de la Société Asbestos Ltée; M.
Maurice Rochette, chef ingénieur des Mines d'amiante Bell Ltée;
M. Jean-Paul Bolduc, vice-président des opérations de
Carey-Canada Inc.; M. Bernard Coulombe, gérant de la mine Jeffrey et de
la compagnie baptisée tout récemment J-M Asbestos Ltée.,
auparavant Johns-Manville Canada Inc.; M. André Gauthier,
vice-président senior des opérations division Black-Lake de Lac
d'amiante du Québec Ltée; MM. Patrick Huza et Jean Carpentier de
notre firme de consultants ABBDL-Tecsult, ainsi que M. Paul-A. Filteau, quiest consultant auprès de notre association.
Comme vous avez sans doute pu le constater à la lecture du
mémoire que notre organisme a déposé il y a
déjà quelques mois, la préoccupation principale des
compagnies productrices en est une de consolidation de leurs coûts de
production face à une vive concurrence internationale et face à
la récession économique qui a frappé notre industrie de
plein fouet. Il est de notoriété publique, je pense, que
l'industrie connaît des difficultés économiques
énormes actuellement, qui se sont traduites depuis quelques
années par des diminutions dramatiques non seulement de la production de
la firme, mais surtout du niveau d'emploi dans les communautés de la
région. Malgré les difficultés actuelles, il importe de
réaliser que globalement l'industrie de l'amiante génère
pour au-delà de 400 000 000 $ de ventes et qu'elle fournit de l'emploi
à plus de 4000 travailleurs.
On peut, évidemment, aborder le dossier de l'amiante sous de
multiples facettes, mais nous avons cru essentiel de situer notre
présentation dans la perspective limitative de cette commission dont un
des volets, comme le soulignait encore récemment le ministre, vise
à la mise en place d'une stratégie de développement
industriel axée sur nos atouts énergétiques. Nous sommes,
en conséquence, préparés et disposés à
répondre aux interrogations des membres de cette commission dans
l'optique prioritaire d'une révision en profondeur de la tarification
électrique appliquée aux exploitations amiantifères,
laquelle tarification nous apparaît souhaitable non seulement pour la
santé financière à court terme de nos entreprises, mais
pour l'avenir à moyen terme de l'industrie et, partant, des
bénéfices socio-économiques des citoyens et citoyennes de
la région de l'amiante et de l'ensemble du Québec.
Pour vous faire un sommaire et bien situer la problématique de
notre intervention, j'inviterai M. Patrick Huza à vous adresser la
parole.
M. Huza (Patrick): Le but du mémoire
présenté est de faire ressortir les effets de la tarification
actuelle de l'électricité dans l'industrie de l'amiante et de
montrer l'impact que ceci produit sur le prix de revient de l'amiante. Nous
cherchons à adoucir la tarification actuelle afin de baisser le prix de
production, ce qui permettrait à l'industrie de compétitionner
sur le marché mondial et aussi aiderait l'industrie à
survivre.
Les modifications dans la tarification actuelle proposée
concernant les contrats futurs avec Hydro-Québec sont structurées
de façon à tenir compte du fait que les coûts
d'électricité par rapport au produit seront dans les mêmes
proportions que le sont les autres formes d'énergie comme les
hydrocarbures. Dans les cinq dernières années, on remarque que
les coûts des composantes dans une tonne d'amiante ont doublé,
à l'exception de celui de l'électricité qui a
triplé. Alors, les modifications proposées au tarif
d'Hydro-Québec corrigeront cet aspect durant la période où
la production est au ralenti dans l'industrie. Le tarif proposé est
structuré de telle sorte que le coût de l'énergie
électrique restera tel qu'existant lorsque la production reviendra
à la normale ou telle qu'elle était en 1978.
Vous avez sans doute étudié le mémoire, mais, avec
votre assentiment, j'aimerais attirer votre attention sur quelques passages
pertinents.
Situation actuelle de l'industrie de l'amiante au Québec;
importance et apport économique. Dans les villes d'Asbestos,
East-Broughton, Black-Lake et Thetford-Mines, on retrouve sept mines actives
d'amiante, les réserves de la huitième, la mine Normandie,
étant épuisées. Ces mines fournissent environ 75% de la
totalité de l'emploi fourni par le secteur manufacturier à
proprement parler de la région, secteur manufacturier tel que
défini par Scott's. Il s'ensuit qu'au niveau régional environ 75
000 Québécois dépendent de façon directe de
l'industrie de l'amiante pour la survie de leur emploi et leur croissance
économique.
Emplois et taxes (1980). Emplois directs, industrie de la production,
5100; emplois directs, industrie de la transformation, 3800; salaires
versés par les producteurs du Québec, 166 760 000 $ en salaires,
41 000 000 $ en avantages sociaux; contribution au Trésor
fédéral,
22 000 000 $; contribution au Trésor québécois, 27
000 000 $. L'apport de l'industrie de l'amiante constitue 50% de la
totalité des revenus miniers du Trésor
québécois.
Le noeud du problème. L'industrie de l'amiante se bat
présentement pour sa survie. Au Québec, elle a vu sa part du
marché mondial décroître face à l'émergence
de nouveaux producteurs prêts à toutes les concessions pour
écouler l'excédent de leur production. En plus des effets
négatifs de la récession, l'amiante subit aussi l'impact d'une
inquiétude quant au caractère sécuritaire de son
utilisation. Ces facteurs expliquent que l'industrie au complet fonctionne
à demi-capacité. Considérant l'accroissement des stocks de
fibre, cette industrie se pénalise afin de demeurer le moteur
économique de toute une région. Il est donc essentiel que tous
les agents économiques, rattachés de près ou de loin
à cette industrie, contribuent dans leur domaine respectif à sa
survie afin d'éviter la fermeture des mines à plus ou moins court
terme, créant ainsi au Québec une autre région
fantôme.
Proposition de tarification. Historique de la structure tarifaire
d'Hydro-Québec de 1978 à 1983. Avant l'année 1979, un gros
consommateur d'électricité, c'est-à-dire une
société qui consomme, par exemple, pour environ 400 000 $ et plus
d'énergie électrique par année, était soumise
à une tarification de la part d'Hydro-Québec établie de la
façon suivante: la tarification est basée sur l'appel maximum de
puissance, c'est-à-dire la quantité maximale de puissance,
c'est-à-dire la quantité maximale d'électricité
consommée pendant une unité de temps donnée. Si, pendant
une période d'un mois, une entreprise consomme 25 000 kilowatts et que,
pendant une période excédant 15 minutes au cours de ce mois, elle
exige 30 000 kilowatts, sa tarification sera basée sur une consommation
de 30 000 kilowatts et non pas de 25 000 kilowatts.
Jusqu'en 1979, cet appel maximal de puissance pouvait varier à la
hausse du tiers sans qu'une pénalité soit imposée. Dans
l'exemple précité, la compagnie pouvait appeler jusqu'à 40
000 kilowatts sans pénalité. Au cours de la période
1979-1981, une surcharge ou pénalité a été
introduite et appliquée à la quantité d'énergie de
pointe excédant la puissance maximale autorisée. Cette surprime
représente aujourd'hui plus de trois fois le coût régulier
de la puissance maximale appelée à certains moments de
l'année.
Dans le cas de l'exemple précité, la nouvelle tarification
faisait en sorte que tout appel de puissance dépassant 40 000 kilowatts
devenait facturable à un taux de 10,50 $ par kilowatt excédant 40
000 kilowatts. Depuis 1982, les gros usagers sont maintenant forcés de
maintenir une régularité de demande d'énergie de 100%,
c'est-à-dire qu'un dépassement de la puissance souscrite en
période d'hiver entraîne aujourd'hui une pénalité de
16,05 $ par kilowatt et qu'une demande de puissance inférieure à
la puissance souscrite entraîne le paiement minimal de la puissance
souscrite.
Revenant à l'exemple cité plus haut, une
société qui appellerait une puissance maximale de 30 000
kilowatts avec des crêtes allant jusqu'à 40 000, alors qu'avant
1979 ces crêtes étaient facturées au même tarif que
les 30 000 premiers, désormais, en période d'hiver, les 10 000
kilowatts excédentaires lui sont facturés à presque quatre
fois le coût unitaire des premiers 30 000 kilowatts. Bref, les 10 000
derniers kilowatts lui coûtent plus cher en valeur absolue que les
premiers 30 000.
De la même façon, si la compagnie n'utilise que 25 000
kilowatts, sa facturation se fera sur le minimum obligatoire, soit 30 000
kilowatts. L'entreprise doit donc respecter en tout temps son engagement de
consommation, sinon elle est lourdement pénalisée, ce qui
n'était pas le cas avant 1979.
De plus, en 1979, le facteur de puissance exigé est passé
de 90% à 95%. Ce facteur de puissance pourrait s'expliquer, en
simplifiant, de la façon suivante: alors qu'Hydro-Québec livre
100 ampères pour actionner un moteur électrique qui n'en utilise
que 90, jusqu'en 1979 Hydro n'en facturait que 90; désormais, elle en
facture 95. Ceci représente une augmentation camouflée puisque
l'achat et l'installation d'équipements de correction du facteur de
puissance sont requis. Si le facteur de puissance est inférieur à
95%, une pénalité est appliquée.
En conclusion, nous désirons faire valoir les points suivants. De
toute évidence, l'énergie québécoise se doit
d'être le premier levier de développement économique
québécois. En période de crise, le concept du
développement doit inclure essentiellement celui de la consolidation.
Que sert-il de créer 1000 nouveaux emplois à coups de
concessions, de subventions, d'exemptions et d'autres mesures incitatives si,
en même temps, la rigidité d'une réglementation doit faire
disparaître 1000 emplois existants? De toute évidence, le
coût de conservation de ces 1000 emplois ne représente qu'une
infime portion des coûts de création de nouveaux emplois.
Les travailleurs de l'amiante sont déjà sur place, ils
sont déjà entraînés; ce qu'il faut, c'est s'assurer
qu'ils puissent rester au travail. (17 h 15)
En deuxième lieu, il nous semble que l'utilisateur d'une
ressource renouvelable produite au Québec, l'électricité,
ne devrait
pas être pénalisé au niveau des tarifs par rapport
à une ressource importée de l'extérieur et non
renouvelable de surcroît, le pétrole. La nature même de
l'exploitation de l'industrie de l'amiante fait qu'avec la tarification
actuelle, lorsqu'elle tourne au ralenti, ses coûts d'énergie
électrique sont considérablement plus élevés par
tonne produite qu'ils ne le seraient si elle fonctionnait à pleine
capacité. Cette situation n'est pas sans évoquer le cas d'un
conducteur d'automobile à consommation élevée de qui on
exigerait qu'il utilise la route 132 plutôt que la Transcanadienne pour
se rendre de Montréal à Québec, justement parce que sa
voiture consomme plus d'essence que les autres. Parce que notre industrie
fonctionne au ralenti, on nous oblige à payer pour plus que ce que nous
utilisons.
Troisièmement - très important - la formule tarifaire
proposée dans ce mémoire prévoit des revenus sensiblement
du même ordre pour Hydro-Québec, une fois que notre industrie
revient à un niveau de capacité normale. Il nous apparaît
donc sage qu'on protège le potentiel de consommation
d'électricité futur que représente notre industrie par des
adoucissements au moment présent. De toute façon, il y a
présentement excédent d'énergie électrique et l'eau
qui s'écoule sans produire d'énergie représente un revenu
perdu à tout jamais. Par ailleurs, la fermeture d'une région pour
cause de non-rentabilité d'une industrie représente un manque
à gagner permanent pour le producteur d'énergie.
Quatrièmement, en période excédentaire
d'énergie, la production de fibre d'amiante constitue une façon
de stocker l'énergie hydroélectrique pour usage futur, de la
même façon qu'un lingot d'aluminium ou une barre de cuivre.
L'accroissement d'inventaire de ces produits, si la structure tarifaire de
l'énergie le permet, constitue l'alternative à des millions de
tonnes de puissance hydraulique qui s'écoulent vers la mer sans avoir
actionné de turbines.
Dans ce contexte, l'industrie de l'amiante examinerait volontiers la
possibilité, en retour de conditions tarifaires avantageuses,
d'effectuer une plus grande production au cours de la nuit, période
creuse d'utilisation d'électricité.
Bref, nous demandons un simple assouplissement d'une tarification
énergétique, assouplissement qui se traduirait par un manque
à gagner possible à court terme, pour Hydro-Québec,
d'environ 3 500 000 $, pour nous permettre de réajuster notre industrie
à une conjoncture mondiale, assurant en même temps un plancher
d'emploi et la garantie d'une consommation d'énergie de plus en plus
forte pour l'avenir. Merci.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: D'abord, je voudrais vous remercier pour votre
contribution aux travaux de notre commission et également d'être
venus en grand nombre. Je pense que vous êtes "full bench", comme on dit,
toute l'industrie de l'amiante est représentée.
Je voudrais revenir sur le dernier point qui a été
soulevé. J'aurais le goût de vous dire tout de suite:
Touché, dans le sens qu'il m'apparaît évident aujourd'hui
qu'on va modifier la grille tarifaire qui s'applique aux mines d'amiante. La
problématique a changé et les surplus qui étaient
identifiés en 1977, parce qu'il y a eu un tarif pour 1979, 1980 et 1981;
on a établi un tarif pour trois ans, à l'automne de 1978... Je ne
sais pas si on réfère au tarif H ou au tarif L dans les
grilles.
M. Huza: Cela réfère au tarif L.
M. Duhaime: Au tarif L. On va essayer d'ajuster, d'abord, le
facteur de puissance. Si vous voulez avoir mon avis, je suis parfaitement
d'accord avec votre approche là-dessus; 1 dernier bloc de 10 000 W,
lorsqu'il vous est facturé avec les pénalités possibles,
vous coûte plus cher que le premier bloc de 30 000.
Mathématiquement, je suis obligé de vous dire que vous avez
parfaitement raison. Je retiens votre suggestion, que je considère
très adroite, d'autant plus que vous avez actuellement une marge de
manoeuvre pour ajuster les productions. Il est évident
qu'Hydro-Québec va accueillir d'autant plus favorablement cette
proposition que votre industrie dégage la pointe. Si vous êtes
prêt à me dire que durant les mois d'hiver, par exemple, ou durant
les mois de haute pointe pour Hydro-Québec, vous ne serez pas
branchés et que vos horaires de production vont s'ajuster en
conséquence, cela va faciliter énormément les choses
à Hydro-Québec parce qu'il est évident, peut-être
pas pour les trois prochaines années, que même en période
de surplus, durant les mois d'hiver les problèmes à Hydro ne sont
pas tous réglés. Je pense que tout le monde va le savoir.
Jusqu'où êtes-vous prêts à aller quand vous dites
dans votre mémoire que vous êtes prêts à concentrer
votre production en dehors des périodes de forte utilisation du
réseau?
M. Huza: Durant les heures hors pointe.
M. Duhaime: Hors pointe, oui, mais sur le plan bien concret et
bien pratique, cela veut dire que vous allez produire la nuit...
M. Huza: Durant la nuit. Quand HydroQuébec a de
l'électricité excédentaire.
M. Coulombe: Pas seulement durant la nuit, mais en particulier la
nuit, parce qu'il y a plus d'une équipe par jour quand même.
M. Duhaime: Oui, d'accord, on se comprend bien clairement. Aux
heures de surcharge du réseau durant les mois d'hiver, par exemple, vous
ne seriez pas là ou moins, ce qui pourrait permettre d'alléger la
charge du réseau aux heures de pointe. La contrepartie serait qu'on
reviendrait, on ajusterait le tarif dans le sens d'un assouplissement pour
votre industrie. Si je comprends bien votre proposition...
M. Payeur: Évidemment, au niveau actuel de la production
de nos installations, il y a des aménagements possibles. Disons
peut-être autour de 50% ou un peu moins. Il y a sûrement des
aménagements possibles qui devront être considérés
à des tables plus élargies en tenant compte des syndicats etc. Je
pense que ces aménagements, s'il y a une volonté politique
d'accorder à l'industrie un tarif l_ modifié, il y a
sûrement des aménagements possibles.
M. Duhaime: Maintenant, d'une façon un peu plus
générale, vous évoquez les difficultés sur le
marché, j'en suis, bien sûr, parfaitement conscient. Nous avons
marqué des points, je pense, devant la Communauté
économique européenne avec finalement une approche
réglementaire qui a été retenue par les Européens.
Je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire, mais mes gens
m'ont informé que l'agence américaine de l'environnement, l'EPA
avait pris une décision qui pouvait peut-être nous faire mal et
également une réglementation qui a été
adoptée récemment par l'État de la Floride. Comment
percevez-vous le marché à l'heure actuelle d'abord aux
États-Unis et ensuite en Europe et dans les pays en voie de
développement? Vous me dites que vous tournez à peu près
à 50% de capacité. Vous dites: Quand la reprise économique
va se rendre jusqu'à nos mines, on espère qu'on va se remettre
à tourner. Quels sont vos scénarios à l'heure actuelle
pour les prochaines années sur le marché?
M. Coulombe: Ce sera encore 1 500 000 tonnes d'amiante par
année. Ici au Québec, cette année, on va peut-être
atteindre 600 000 tonnes sur ce total; alors il reste encore du marché
à aller chercher. En exportant un produit de qualité et en
étant capables de produire à un coût de revient
concurrentiel, on va augmenter notre part du marché de cette
façon. C'est un des apports, ce n'est pas le seul, mais ce sera un des
apports.
M. Duhaime: Dans ce contexte de pressurisation du marché -
si je peux employer cette expression - vous travaillez tous à
l'échelle internationale. Comment percevez-vous le redémarrage de
la mine Baie Verte qui vient de reprendre, à Terre-Neuve?
M. Coulombe: Qui vient de reprendre pour peu de temps. On
conçoit cela comme étant un coup très dur aux mines
d'amiante québécoises parce que cette mine a été
remise en marche, comme vous le savez très bien, avec l'aide
exagérée du gouvernement fédéral. C'est facile,
dans le moment, de produire de l'amiante chez eux, parce qu'ils exploitent
exclusivement la zone minéralisée. De cette façon, ils
peuvent arriver sur le marché international avec un produit
extrêmement concurrentiel, faire presque du dumping. C'est de cette
façon qu'ils sont perçus par nous.
M. Duhaime: Est-ce qu'ils font effectivement du dumping? Est-ce
qu'ils sont en bas de leur coût de production?
M. Coulombe: Écoutez; C'est difficile pour moi de donner
des commentaires très spécifiques, mais on sait pertinemment que
certains des contrats nous ont échappé dernièrement, des
contrats avec des compagnies minières localisées dans les Cantons
de l'Est, des contrats avec des clients de très longue date qui ont
été signés avec eux. On ne voit pas autrement comment cela
aurait pu arriver.
M. Duhaime: J'ai fait des calculs rapides au ministère.
Pour ne rien vous cacher, il s'agit du contrat avec les Indes, entre autres, et
cela représente plusieurs milliers d'heures de travail pour nos
travailleurs québécois dans le domaine des mines. Ce sont des
heures de travail qui s'envolent. Mais est-ce que c'est une pratique courante
dans votre industrie qu'à un moment donné il y en a un du peloton
qui décide de faire des pertes et qui fait un peu de dumping?
M. Coulombe: Remarquez bien que ce n'est pas un de notre peloton.
Remarquez bien que ce n'est pas à l'intérieur de notre groupe,
les mines d'amiante de Thetford-Mines et d'Asbestos, qu'on s'est coupé
le cou là-dedans. D'ailleurs, il y en a plusieurs parmi nous qui vendons
aux Indes et personne n'a cédé à ce chantage de
dumping.
M. Duhaime: C'est quoi la différence, grosso modo?
À quel pourcentage en bas du meilleur prix qui a été
offert par l'une ou l'autre des mines d'amiante du Québec le contrat
a-t-il été décroché?
M. Coulombe: Je ne le sais pas, mais je sais qu'on l'a perdu.
M. Payeur: Une précision, M. le ministre. L'association
s'occupe des intérêts de l'industrie, sauf des
intérêts carrément économiques et commerciaux
où la concurrence demeure, évidemment, très vive entre nos
membres, et d'autant plus avec les gens de l'extérieur.
M. Duhaime: J'ai un peu mon chapeau d'actionnaire et cela
m'intéresse de savoir un peu ce qui se passe, parce que je n'aime pas
trop me voir passer un contrat entre les doigts. J'ai l'impression que, depuis
que l'actionnaire de la société Asbestos et de la mine Bell est
le gouvernement du Québec, je n'ai jamais entendu une compagnie
minière du Québec se plaindre de son comportement. Je pense que
c'est une concurrence loyale qui est livrée. En tout cas, si ce n'est
pas cela, vous êtes ici pour me le dire. Je vous avoue que le coup de
Terre-Neuve, je ne l'ai pas trouvé drôle non plus. Des
travailleurs dans la région de l'amiante vont devoir l'encaisser,
finalement, parce que cela va se répercuter nécessairement sur la
feuille de paie avec un manque à gagner en heures de travail. Mais
j'imagine bien que vous allez avoir l'occasion de vous reprendre. Ce n'est pas
un contrat pour dix ans; c'est un contrat pour un an.
M. Coulombe: Oui, mais, aujourd'hui, on travaille sur l'aspect
énergétique avec vous.
M. Ouhaime: Si le produit n'est pas vendu...
M. Coulombe: On pense justement que, pour connaître un peu
le dépôt qui existe là - ce n'est pas indéfini -
à un moment donné, il va falloir qu'ils s'attaquent à un
certain développement minier, et très rapidement.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas que vous croiyez que je veux faire
une diversion pour qu'on s'éloigne de notre sujet principal. Si on vous
fait un prix de dumping sur les marchés internationaux à 15% ou
20% de ce que vous êtes en mesure d'offrir, même si on fait des
assouplissements de la tarification hydroélectrique qui vous est
appliquée, qu'est-ce que cela va avoir donné comme
résultat? C'est là le fond de la question.
M. Coulombe: En fait, il n'y a pas seulement ce
marché-là; il y a beaucoup d'autres marchés, et on pense
que c'est ponctuel. Ce n'est pas quelque chose qui va se perpétuer avec
les années.
M. Duhaime: Maintenant, avec les échéances de mars
1984 au niveau de l'EPA, est-ce que vous auriez un commentaire à faire?
Qu'est-ce qui s'en vient du côté de l'Environmental Protection
Agency, aux
États-Unis? Est-ce qu'on va retenir une approche de
réglementation qui va vous permettre de fonctionner ou si on va faire
comme les Américains de la Floride? Qu'est-ce qu'il y a lieu d'attendre
là-dedans?
M. Payeur: Je ne peux malheureusement pas vous fournir de
renseignements. Hier et avant-hier, une réunion était tenue
à Washington où il y a eu un exposé de
représentants de l'EPA. Malheureusement, personne ici n'a assisté
à cette rencontre. Puis-je vous référer, M. le ministre,
au Centre canadien d'information sur l'amiante qui avait des
représentants à cette réunion?
M. Duhaime: C'est là que j'ai pris mes informations.
J'imagine que c'est le meilleur endroit.
M. Payeur: Hier soir, je pense, ou hier matin, il y a eu un
exposé à ce sujet.
M. Duhaime: Je vous remercie. (17 h 30)
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je ne sais pas, j'essayais de... Vous avez fait des
représentations, vous êtes la deuxième association qui nous
fait des représentations sur la tarification d'Hydro-Québec. Le
mémoire est plus détaillé que la présentation
verbale de l'Association des industries forestières. On va entendre un
autre groupement la semaine prochaine qui regroupe certains d'entre vous et
d'autres, d'ailleurs, soit l'Association québécoise des
consommateurs industriels d'électricité.
Je pense que cela rejoint une certaine préoccupation que j'ai;
lorsqu'il y a des changements de tarification, il faudrait bien que les gens
concernés aient le loisir d'exprimer leur point de vue avant que cela ne
vienne en vigueur, comme cela se fait dans le domaine du gaz ou ailleurs. Vous
avez saisi l'occasion de le dire et l'Association des industries
forestières du Québec l'a dit également. On
s'aperçoit - je me souviens fort bien de M. Joron, qui faisait campagne
en 1978, pour dire qu'il fallait pénaliser les gens qui consommaient
trop d'électricité - que cela a eu des effets néfastes
dans certains cas et on est obligé de faire l'ajustement. Cela me fait
plaisir d'entendre le ministre dire qu'il va faire l'ajustement, mais il faut
bien se rendre compte que cela a été fait à la suite d'une
politique délibérée du gouvernement qui nous dirige
présentement.
En ce qui concerne les heures de pointe, je pense qu'il faudrait
s'entendre parce que, si mes renseignements sont exacts, on ne peut plus parler
d'heures de pointe à Hydro-Québec, il faudrait parler d'un mois
de pointe. On s'éloigne de plus en
plus des heures de pointe qui étaient de 17 heures à 19
heures ou de 17 heures à 20 heures le 24 décembre, d'après
la meilleure information qu'on puisse avoir.
Maintenant, à cause du chauffage à l'énergie
électrique, il faut parler de deux ou trois semaines de pointe d'une
façon continue au mois de janvier à certains moments. C'est pour
cela que la discussion qui s'engageait tout à l'heure entre votre
association et le ministre allait dans le sens que, si vous n'étiez pas
branchés aux heures de pointe, il y aurait un tarif spécial. Si
on s'en va dans cette direction, il faudrait bien qu'on réalise que les
heures vont s'allonger un peu. Cela pourrait durer deux ou trois semaines et
j'imagine que ce n'était pas tout à fait ce que vous
demandiez.
M. Coulombe: Ce n'est pas ce qu'on demandait, mais on peut
concentrer plus d'activités la nuit que nous ne le faisons maintenant si
les conditions sont propices.
M. Fortier: De plus en plus, à Hydro-Québec,
l'heure de pointe, lorsqu'il y a du chauffage et qu'il fait froid, c'est la
nuit.
M. Coulombe: Alors, tant mieux, on va les concentrer de jour.
M. Fortier: II faudrait faire les ajustements en
conséquence. C'est pour cela que je disais: Je ne pense pas que c'est
travailler la nuit, au mois de janvier, qui va aider Hydro-Québec.
M. Coulombe: Remarquez bien qu'on aime mieux travailler le
jour.
M. Fortier: En tout cas, je dis cela parce que si on s'engage
à des modifications des tarifs - je suis certain, d'ailleurs,
qu'Hydro-Québec se chargera de faire la correction en temps et lieu -
cela pourrait avoir un effet sur les activités, pour autant que les
tarifs ont un impact sur celles-ci, parce que vous pourriez bien vous brancher
sur un autre tarif et payer le plein prix, si c'est votre détermination
et votre décision.
Tout à l'heure, le ministre a dit qu'il faudra faire quelque
chose pour l'industrie de l'amiante. J'aimerais que le ministre clarifie ce
qu'il a dit parce que je croyais qu'il avait dit à d'autres associations
ou à d'autres intervenants qu'il était prêt à faire
quelque chose dans la mesure où l'industrie concernée fera des
investissements additionnels. C'est la première fois que j'entends le
ministre dire qu'il va aider une industrie qui est en difficulté
présentement. Est-ce que la politique a changé?
J'aimerais que le ministre éclaire ma lanterne parce que, depuis
le début, je crois que le ministre a dit à cette commission
parlementaire que, dans la mesure où une industrie ferait des
investissements additionnels, il s'orienterait peut-être vers une
tarification sectorielle, vers différentes sortes d'industries,
quoiqu'il ait dit que cela lui prendrait encore un an pour la mettre au point.
Mais c'est la première fois que je l'entends dire qu'il serait
prêt à faire une tarification spéciale pour l'industrie de
l'amiante. Est-ce que le ministre peut clarifier ce point?
M. Duhaime: Je vais le clarifier très vite. On veut
corriger une violence caractérisée qui a été
introduite à l'automne 1978, je crois, pour la tarification 1979, 1980,
1981, qui se maintient en 1982 et en 1983. C'est l'ajustement sous le facteur
de puissance au tarif L, je crois, qui s'applique chez vous et c'est
essentiellement dans ce sens. Il ne faut pas penser que c'est le Pérou
demain matin, mais on va faire une correction là-dessus. Cela nous
apparaît évident qu'une injustice a été commise et
c'est aussi clair de le dire comme cela que de le dire autrement.
M. Fortier: Dans quelle mesure le facteur de puissance joue-t-il
pour toutes les industries? J'ai oublié mes cours de génie,
est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer? Lorsque Hydro-Québec a
insisté sur ce facteur de puissance - quelqu'un pourrait-il me
l'expliquer - elle essayait de minimiser ses coûts. Pourriez-vous
m'expliquer la dynamique de la tarification par rapport au facteur de
puissance?
M. Huza: Oui, certainement. Si un moteur consomme habituellement
80 ampères, Hydro-Québec est obligée de fournir 100
ampères de courant à cause du facteur de puissance. Le
consommateur consomme 90 ampères mais dans le passé, avant 1982,
il payait pour 90. Il y avait un ajustement dans le facteur de puissance, et
maintenant il faudra que la marge du consommateur soit de 5% au lieu de
10%.
M. Fortier: Comment cela se compare-t-il par rapport à
l'Ontario? La façon de corriger cela pour l'industrie c'était
d'ajouter de l'équipement à l'intérieur de son
réseau pour compenser le facteur de puissance. Je voyais une comparaison
avec l'Ontario. Il y avait une note à savoir que le facteur de puissance
jouait en faveur de la tarification ontarienne par rapport à celle du
Québec. J'imagine qu'il n'y a personne parmi vous qui ait des
activités en Ontario.
M. Huza: Je crois qu'ils sont restés à 90, tandis
que nous...
M. Fortier: C'est 95. M. Huza: ...c'est 95.
M. Duhaime: Mais c'était 90 avant. M. Huza: Oui, on
était à 90 avant.
M. Duhaime: Autrement dit, la pénalité vient plus
vite.
M. Huza: Exactement. Remarquez que le facteur de puissance ne
représente pas le plus... C'est une petite proportion. Ce qu'on
suggère, pour une plus grande proportion, c'est que vous
considériez le fait qu'on travaille en rotation.
M. Fortier: Oui, c'est sur la demande. C'est sur la
pénalité de la demande maximale.
M. Huza: Exactement, si on travaille seulement 75% du temps
disponible, on suggère qu'on ne devrait payer que 75% des demandes
souscrites. Si une industrie qui est maintenant structurée sur 10 000
kilowatts ne fonctionne qu'à 75% de sa capacité, on demande
à Hydro-Québec de ne payer que le temps travaillé,
c'est-à-dire 75% ou 7500 kilowatts. C'est une demande de base. Si on
fonctionne à 100% on vous paiera 10 000 kilowatts. Nous ne voulons pas
la charité. Si on fonctionne à 100% nous sommes prêts
à payer 100% de votre tarif L.
M. Fortier: Mais vous ne voulez pas être
pénalisés pour la consommation additionnelle qui serait en
deçà de...
M. Huza: Oui. Au lieu de 100% on vous propose de nous donner une
marge de 25%. Si on excède 25% on paiera la pénalité comme
cela existait avant.
M. Fortier: Oui, avec un coussin qui serait plus...
M. Huza: On demande un petit peu de jeu de marge.
M. Duhaime: Oui, mais il faut donner tout le portrait, il y a un
revers à la médaille. Sur le facteur de puissance ma
réponse est venue très vite parce que je sais qu'on ne parle pas
de fortune là-dessus, mais le gros du morceau est justement sur le point
que vous soulevez.
M. Huza: Exactement.
M. Duhaime: Autrement dit, vous voulez payer l'énergie que
vous consommez et avoir une marge, sauf qu'Hydro-Québec est
obligée de garder son "stand-by" pour les 25% au cas où il y
aurait un appel de puissance. Si l'appel de puissance ne vient pas,
Hydro-Québec ne retire rien mais c'est de l'énergie en
disponibilité. Je pense bien qu'on ne réglera pas le
problème cet après- midi mais je suis parfaitement conscient de
l'ensemble du dossier. On a eu à travailler avec d'autres industries qui
ont exactement le même problème, avec des facteurs de puissance
qui ont été portés de 90 à 95, avec des formules de
garantie d'achat sur des blocs d'énergie et une pénalité
sur l'excédent.
Je vous dis aujourd'hui qu'on assouplira là-dessus. Je ne vous
dis pas qu'on réglera la question de 10 000 à 7500 comme vous
venez de l'évoquer, mais sur la question du facteur de puissance je suis
prêt à bouger vite. Si la contrepartie vient de votre industrie de
dégager la pointe, j'ai l'impression que c'est un élément
de souplesse qui viendra s'introduire de votre part dans la discussion avec
Hydro-Québec.
M. Fortier: J'essayais de comprendre ce qui avait amené le
gouvernement et Hydro-Québec à introduire cette mesure.
J'essayais aussi de comprendre, si cette mesure était modifiée,
quel impact cela aurait sur HydroQuébec. Je n'étais pas en
politique à ce moment-là mais si ma mémoire est
fidèle, je me souviens que M. Joron disait qu'il fallait faire payer par
les industriels ou les grands consommateurs d'électricité les
kilowatts additionnels qu'il fallait construire à la Baie-James. Alors
c'était comme une pénalité. On disait: Écoutez cela
nous coûte tant pour construire à la Baie-James, les kilowatts
additionnels coûtent plus cher, donc ceux qui consomment les kilowatts
additionnels devront les payer. Soit que la situation ait changé ou que
la logique qui prévalait à ce moment ait changé. Lorsque
la discussion reviendra avec Hydro-Québec je crois qu'on essaiera de
voir un peu plus clair dans ce dossier.
Je vous remercie.
M. Duhaime: Bonne chance dans vos cotations sur les
marchés internationaux!
M. Fortier: II vous voit comme un concurrent. D'être
actionnaire d'une compagnie, le ministre est rendu concurrent des autres.
Le Président (M. Desbiens): J'invite maintenant la
Corporation des maîtres électriciens du Québec à
s'approcher s'il vous plaît!
M. Guilbaut.
Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent,
s'il vous plaît!
Corporation des maîtres électriciens du
Québec
M. Guilbault (Yvon): Mon nom est Yvon Guilbault, directeur
général de la Corporation des maîtres électriciens
du Québec. Je suis accompagné de M. Henry Audet, président
de
l'organisme et de M. Joseph-A. Patafie, directeur des
communications.
Pour la présentation du mémoire, peut-être que cela
fera l'affaire de tout le monde, on procédera à un
résumé plutôt qu'à une lecture complète
étant donné les circonstances.
M. Fortier: Malheureusement, je dois quitter un peu tôt. Si
vous voulez résumer votre point, allez droit au but et on se
comprendra.
M. Guilbault: C'est ce qu'on a pensé.
Dans le mémoire qui a été rédigé vers
le mois de février, nous nous sommes bornés à
présenter l'aspect économique c'est-à-dire l'apport des
principales sources d'énergie au Québec soit
l'électricité, le pétrole et le gaz naturel. Nous avons
fait une analyse statistique de leur évolution depuis à peu
près 1978 en insistant sur les chutes et les baisses des
différents taux de croissance au cours de ces périodes et en
insistant aussi sur les politiques gouvernementales qui ont été
retenues depuis à peu près 1978.
Vous vous en doutez bien nous privilégions une
pénétration massive de l'électricité. Le contraire
vous surprendrait sûrement. Je me ferais poser des questions j'imagine.
L'apport des entrepreneurs électriciens dans le tableau
énergétique qui dépend fortement des politiques tarifaires
et des politiques relativement au programme de subventions concernant
l'installation de divers systèmes électriques alors le travail de
l'entrepreneur électricien en dépend. Pour étayer les
retombées de l'industrie de l'électricité nous avons
retenu une étude dont vous avez sûrement pris connaissance, une
étude qui a été faite par l'Association
manufacturière électrique et électronique du Canada qui a
étudié les retombées économiques de
l'électricité pour une consommation d'un million de dollars
d'électricité au Québec. L'étude quantifie les
retombées en termes d'emplois, de produit intérieur brut et en
salaires et en rémunérations. L'étude atteste que
lorsqu'il y a un million de dollars de consommation d'électricité
les retombées économiques sont beaucoup plus grandes que des
retombées pour le même prix en ce qui concerne le pétrole
et le gaz naturel.
Tout cela nous amène à conclure que les impacts
économiques de l'électricité en font la source
d'énergie qui doit être privilégiée au Québec
tout en étant fort conscients des enjeux qui se font à l'heure
actuelle concernant la pénétration du gaz naturel, du
pétrole qui doit conserver son rôle etc. Autrement dit,
jusqu'à quel point doit-on laisser pénétrer le gaz naturel
par rapport à l'électricité pour conserver la place du
pétrole etc.? Ce sont des enjeux dont nous sommes parfaitement
conscients.
Ce qu'on dit, c'est que, étant donné qu'il n'y a pas une
croissance effrénée de l'économie à l'heure
actuelle, il est difficile, au moment où on se parle, de
privilégier davantage le gaz naturel. (17 h 45)
Autrement dit ce serait beaucoup plus facile de prendre des
décisions s'il y avait une grosse croissance énergétique
au moment où on se parle. Le problème, on en est conscient, c'est
qu'étant donné qu'il y a des excédents à l'heure
actuelle en électricité, il faut, selon nous, que les politiques
gouvernementales favorisent l'électricité. Au moment même
où il y a des excédents ce n'est pas le temps d'accorder
l'entrée au gaz naturel avec des mesures ou des programmes de
subventions qui seraient peut-être inconsidérés au moment
où la reprise économique, en termes énergétiques,
refait surface.
Tout cela pour conclure, dans le mémoire, concernant certains
programmes de subventions qui ont été mis de l'avant concernant
l'installation de chaudières industrielles, la biénergie dans le
secteur résidentiel, dans le commercial et l'industriel, vers la fin du
mémoire aux pages 12 et 13... Au moment où cela a
été écrit c'étaient des choses en discussion. Au
moment où je le dis, ce sont des choses qui sont plus qu'en discussion.
Évidemment, le ministre est au courant qu'il y a beaucoup de discussions
autour de cette chose-là; nous y participons du côté
technique. Ce sont des choses qui doivent être regardées en termes
d'installation. Les choses qui sont demandées dans le mémoire,
suggérées pour réduire un peu les excédents en
électricité, sont, semble-t-il, en voie de parachèvement
et dépendent de quelques décisions gouvernementales. Je pense que
cela résume foncièrement le mémoire de la façon la
plus brève possible.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Je pense bien qu'avec votre mémoire,
l'hydroélectricité retrouve un allié de taille. Il va sans
dire que depuis la reprise des travaux de cette commission il y a plusieurs
mémoires qui ont été déposés et qui ont
été défendus devant la commission qui manifestaient des
inquiétudes quant au niveau de pénétration du gaz naturel
et des objectifs. Cela n'a pas l'air de vous inquiéter beaucoup. Vous
êtes des ardents partisans d'une pénétration accrue de
l'hydroélectricité. Je le comprends aussi puisque c'est un peu
votre métier.
Ne croyez-vous pas, au-delà des intérêts
immédiats de votre corporation, quand on pense à
l'économie d'ensemble du Québec, que le fait d'avoir une autre
forme d'énergie à la disposition de l'industrie aussi
bien que des consommateurs aux niveaux commercial et résidentiel
au Québec, c'est un avantage? D'autant plus, que cette forme
d'énergie est moins chère au Québec, que les
réserves en gaz naturel dans les provinces de l'Ouest sont
énormes et qu'il y en a très certainement pour quelques
générations a venir. Est-ce que, de votre point de vue, il n'y a
pas un intérêt pour l'ensemble de l'économie du
Québec à se brancher sur le gaz naturel en maintenant, bien
sûr, l'objectif de déplacer du pétrole et aussi en laissant
une part de plus en plus prépondérante à
l'hydroélectricité dans l'ensemble du bilan
énergétique du Québec?
M. Guilbault: Ce sont évidemment des choses dont nous
sommes conscients, vous l'avez souligné, compte tenu de nos
intérêts immédiats. Je pense que cela va quand même
plus loin que cela. Les intérêts plus lointains nous concernent
quand même aussi. Dans le fond, de la façon dont on pose le
problème on est convaincus, comme la plupart de ceux qui
s'intéressent à la chose énergétique, que c'est
l'électricité au Québec qui doit être
privilégiée, compte tenu d'une foule de facteurs sur lesquels on
ne reviendra pas.
Le problème sur lequel tout le monde se penche, c'est de quelle
façon assurer l'équilibre entre la pénétration du
gaz naturel et la pénétration continuelle de
l'électricité. C'est la question qui est posée. Vous dites
que cela n'a pas l'air de nous inquiéter. Effectivement, dans
l'immédiat, cela ne nous inquiète pas dans le contexte actuel.
Étant donné qu'à cause du taux de croissance de
pénétration de l'électricité qui est en
deçà des prévisions, il est évident qu'en toute
logique administrative il va falloir trouver des façons d'écouler
ces excédents d'électricité qui sont là, qui
attendent et qui ne sont pas renouvelables. Dans l'immédiat, ce n'est
pas tellement inquiétant.
À plus long terme, ce sont les politiques qui peuvent être
définies pour favoriser la pénétration du gaz naturel pour
assurer un juste équilibre. Est-ce que le gaz naturel doit
pénétrer très rapidement aux dépens de
l'électricité? Quel équilibre doit-on trouver pour assurer
cela? On est conscient que le gaz naturel doit pénétrer, mais
à quel rythme? C'est à ces questions que tout le monde tente de
répondre; les réponses ne sont pas encore trouvées. On est
très conscient de la portée à long terme.
M. Duhaime: Juste une autre question sur un des volets
abordés cet après-midi par un groupe de l'Université
Concordia et aussi par d'autres: les économies d'énergie. Si vous
aviez à porter un jugement sur cette nouvelle activité des
économies d'énergie et l'impact que cela peut avoir sur les
activités des membres de votre corporation, est-ce que c'est quelque
chose qui est significatif? Est-ce que vous êtes en mesure
d'évaluer cela? Est-ce que cela a eu un impact quelconque?
M. Guilbault: On n'est pas en mesure d'évaluer cela. Tout
ce qu'on voit chez les entrepreneurs électriciens qui sont en contact
avec le public, c'est que les gens sont finalement sensibilisés à
cela. Cela ne s'évalue pas. La façon de l'évaluer est
peut-être le taux de croissance de l'électricité;
évidemment, s'il y a des économies d'énergie, le taux de
croissance sera moindre. D'ailleurs, c'est un des facteurs qu'on identifie pour
expliquer ce taux de croissance qui est moins élevé que
prévu. Cela ne s'évalue pas, mais les gens sont conscients qu'il
faut économiser l'énergie à tel point - comme le disait
tout à l'heure M. Fortier - qu'il faut maintenant s'enfermer dans des
habitats où il n'y a presque plus de perte de chaleur. On est quasiment
rendu, pour certains, au revers de la médaille. Il y a tellement
d'isolant dans le bâtiment qu'à un moment donné il faut en
arriver à respirer et il y a des problèmes d'humidité.
Cela ne s'évalue pas; tout ce que les entrepreneurs électriciens
constatent, c'est que si les économies d'énergie sont faites,
cela ne se vérifie pas tellement en termes d'installation mais, comme
vous le savez, en limitant les pertes de chaleur; ce qu'ils constatent, c'est
que moins l'électricité sera dépensée pour chauffer
une habitation ou un bâtiment public, plus il en restera pour faire autre
chose. Le raisonnement s'établit de cette façon-là; parce
qu'ils savent qu'il y a telle capacité et que si cette capacité
est distribuée à plus de bâtiments ou plus d'installations,
il en restera plus. C'est un peu comme cela que les gens réalisent
l'importance de l'économie dans notre milieu.
M. Duhaime: Je suis bien content de vous l'entendre dire, venant
de gens qui travaillent dans le milieu, enfin, les campagnes d'économie
d'énergie... Un peu comme tout le monde, je regarde la
télévision de temps à autre et je vois le dernier slogan
d'Hydro-Québec, mieux consommer, alors qu'autrefois c'étaient des
campagnes de consommation. Je pense que le mot mieux est très important
dans le débat actuel.
M. Guilbault: Plus ça va, plus on se rend compte que les
entrepreneurs évidemment, il y en a toujours qui sont plus leaders que
d'autres - sont conscients de cela et ils vont donner des conseils au
consommateur: Tu serais mieux de faire cela; tu vas économiser de
l'énergie, chose qui ne préoccupait guère les gens avant,
autant les entrepreneurs que les consommateurs. C'est
un phénomène qui fait boule de neige. M. Duhaime:
Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je vous remercie. En fait, vous prêchez
à un converti parce que, pour des raisons familiales - cela aurait
été une question de divorce si j'allais au gaz - j'ai
changé mon entrée électrique pour une entrée de 400
ampères, filée pour 300 ampères. Je dois dire que cela
donne une très grande satisfaction. D'ailleurs, j'ai hâte de faire
le parallèle avec cette année, puisque je me suis aperçu
que cela a occasionné des économies d'énergie.
Étant donné que la fournaise électrique est toute petite,
la pièce qui était surchauffée avant ne l'est plus et cela
doit sûrement être un facteur important d'économie
d'énergie pour une utilisation ponctuelle de la chaleur à
l'intérieur même. J'ai un système à l'eau
chaude.
Voici la question que je veux vous poser. Même si les gens
changent pour l'électricité, comme je l'ai fait, est-ce que les
maîtres électriciens ou votre corporation organisent des cours?
Dans mon cas - je vais le faire prochainement - celui qui est venu chez moi ne
semblait pas au courant des possibilités d'avoir des contrôles
extérieurs qui permettent d'aller encore vers une plus grande
économie d'énergie ou de programmer la chaudière
électrique pour qu'elle n'embarque pas tout d'un coup, mais que les
différents éléments électriques, à
l'intérieur de la chaudière, puissent s'allumer d'une
façon programmée, surtout en tenant compte de la
température extérieure.
Je crois que si on parle d'économie d'énergie votre
corporation devrait s'intéresser à ce dossier et donner des cours
aux maîtres électriciens, qui sont peut-être moins
sensibilisés à l'aspect contrôle, parce que,
traditionnellement, ils s'intéressaient uniquement à
l'entrée électrique comme telle, alors que, s'il y a une
installation de chaudière électrique, il y a le contrôle de
la chaudière électrique comme telle. Alors, dans quelle mesure
vos membres ont-ils débordé un peu de l'aspect traditionnel du
filage électrique, de l'entrée électrique pour couvrir
également la chaudière électrique ou les contrôles
qui permettraient des économies d'énergie?
M. Guilbault: Vous apportez un aspect qui, pour nous, est
très important. C'est pratico-pratique. Souvent, nous sommes
portés - enfin, plusieurs intervenants - à analyser en termes
macro-économiques, en termes de retombées, etc., on oublie
souvent que, dans le champ, il y a des gens qui vont aller faire des
installations et on oublie souvent aussi de parler des conséquences; si
c'est d'une façon plutôt que d'une autre, cela aura
peut-être un impact en termes macro-économiques. On commence par
le petit pour aboutir au grand.
Mais l'aspect dont vous parlez, pour nous, est excessivement important
et je vais vous dire pourquoi. Il s'est produit, depuis trois ou quatre ans,
une évolution en termes de marché pour les différents
systèmes de chauffage. Évidemment, celui qui est le plus
marquant, c'est le système biénergie qui fait appel à deux
sources d'énergie et qui, au Québec, est un
phénomène relativement nouveau, avec aussi la sensibilisation du
consommateur que maintenant l'énergie se dépense. Maintenant, les
gens posent de plus en plus de questions. Les manufacturiers offrent des
produits de plus en plus variés. Dans le passé - vous le
soulignez à juste titre - un entrepreneur posait, soit des plinthes
électriques, soit une fournaise électrique, soit une fournaise au
pétrole avec entrée électrique. Maintenant, les produits
sont tellement variés que l'entrepreneur, le premier, doit s'adapter
à tout cela. Comme les politiques viennent souvent d'en haut, il doit
s'adapter très rapidement.
Ce qu'on fait de ce côté, dans la mesure de nos moyens, on
organise des séminaires, des colloques, des cours, on a des publications
qui sont envoyées à tous les entrepreneurs électriciens,
on a des journaux. Ces colloques sont organisés directement avec des
manufacturiers, avec le Bureau des économies d'énergie depuis
quelque temps. Tout cela pour vous dire que, l'an passé, sur une base
d'un an on a organisé des cours où on a recueilli 4000
inscriptions; ça fait du monde. Il y a une sensibilisation à
cela. Très bientôt on organise un colloque sur la biénergie
dans les logements multiples, industriels, et commerciaux pour prévoir
ce qui s'en vient, parce qu'on n'a pas le choix. Si cela arrive sur le
marché, il va falloir que les gens sachent, en termes techniques,
comment cela s'installe, l'influence sur les branchements, les panneaux.
M. Fortier: II va falloir qu'ils pensent davantage en termes de
systèmes.
M. Guilbault: Oui.
M. Fortier: Je crois qu'il y a des économies
d'énergie à faire de ce côté. On parle des plinthes
Convectair, dont le marketing est fait par une filiale de Nouveler.
M. Guilbault: Oui.
M. Fortier: Donc, il y a des économies d'énergie
à faire de ce côté comme il y a des économies
à faire, comme je le disais, sur les contrôles entourant la
fournaise
électrique. Je pense que ce serait intéressant qu'il y ait
une collaboration qui se fasse au niveau du ministère ou auprès
des experts que vous pouvez consulter pour, même si les gens vont vers
l'électricité, qu'il y ait quand même une économie
d'énergie due à des meilleurs contrôles
électriques.
M. Guilbault: Je me souviens, nous étions venus à
la commission parlementaire -je crois que c'est l'an dernier qu'il y a eu une
commission parlementaire ou en 1981 -et, a ce moment, nous avions un peu
déploré que, compte tenu de l'évolution technique
excessivement rapide et, deuxièmement, des politiques gouvernementales,
il y avait un manque de concertation entre ceux qui prennent les
décisions, les manufacturiers, les installateurs et les
consommateurs.
Je peux vous dire qu'il y a eu beaucoup d'amélioration à
ce niveau; les ouvertures, au ministère, à Hydro-Québec et
au Bureau des économies d'énergie, sont beaucoup plus grandes,
parce que plus ça va, plus ça suit la tendance, les gens sont
conscients qu'on n'a pas le choix, il faut s'ajuster.
M. Fortier: Rapidement. J'ai eu des contacts avec votre
corporation à différents moments il y a un an ou deux, parce
qu'il semblait qu'il y avait des délais indus entre le moment où
une personne demandait d'être branchée à
l'électricité et le moment où le représentant
d'Hydro-Québec allait faire son inspection. Est-ce que ces plaintes, ces
délais sont disparus? Est-ce que cela va beaucoup mieux maintenant?
M. Guilbault: Ils ne sont pas disparus complètement mais
il y a eu amélioration. Ils sont peut-être aussi un peu moins
visibles en ce sens qu'à l'époque, vous vous en souviendrez, il
fallait que le représentant Énergain ait passé pour
obtenir la subvention fédérale; alors cela produisait beaucoup de
tensions. Aujourd'hui, lorsqu'il y a des subventions relativement au programme
biénergie, ce n'est pas nécessaire que la personne fasse
effectuer les recommandations du représentant biénergie pour
avoir la subvention, ce qui fait que cela a enlevé beaucoup de tensions
dans le milieu à l'heure actuelle. Il y a encore des délais mais
c'est moins pire que c'était.
M. Fortier: Je vous remercie. M. Duhaime: On vous
remercie.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie de votre
participation.
Je remercie les membres de la commission de leur collaboration. La
commission élue permanente de l'énergie et des ressources ajourne
ses travaux à mardi, 4 octobre, à dix heures.
(Fin de la séance à 18 h 01)