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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 23 septembre 1983 - Vol. 27 N° 142

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures trente minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux pour entendre les mémoires relativement à l'étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique.

Les membres de la commission sont M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Beaumier (Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Tremblay (Chambly), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont). Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Mai-sonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) et M. Vallières (Richmond).

Les groupes qui se présenteront aujourd'hui sont, en premier, et je les invite à s'approcher de la table: la Confédération des syndicats nationaux; l'Association des mines de métaux du Québec; l'Association des industries forestières du Québec Ltée; le Centre des études sur le bâtiment; l'Association des mines d'amiante du Québec; la Corporation des maîtres électriciens du Québec.

M. Auger, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de faire la présentation du mémoire.

Auditions Confédération des syndicats nationaux

M. Auger (Christophe): La délégation de la Confédération des syndicats nationaux: à ma gauche, M. Fernand Valiquette, représentant de la Fédération des employés du service public et membre du syndicat du Gaz Métropolitain; à ma droite, M. Peter Bakvis, coordonnateur du service des recherches à la CSN; M. Philippe Tremblay, vice-président à la Fédération de la métallurgie, membre du Syndicat de Brown et Boveri; M. Claude Plamondon, secrétaire de la fédération des pâtes et papiers de la forêt. Je vais procéder à la lecture du mémoire.

La problématique sur laquelle se penche la commission permanente de l'énergie et des ressources - l'énergie et le développement économique - a toujours été une importante préoccupation pour la CSN. À l'automne de 1981, la centrale a établi un comité de l'énergie ayant pour mandat d'étudier les différents choix énergétiques qui s'offrent à la société québécoise ainsi que leurs implications sur le niveau et la qualité de vie des travailleurs et travailleuses. Les travaux de ce comité permettront bientôt aux instances de la CSN de statuer sur une série de questions associées à la problématique énergétique. Même si ses travaux ne sont pas tout à fait terminés, ils sont suffisamment avancés pour nous permettre de vous livrer certaines observations sur la question de l'énergie et les développements qui ont fait l'objet de débats réfléchis et approfondis à l'intérieur de la centrale.

Soyons clairs dès le début quant à nos orientations fondamentales. Depuis deux ans, le Québec subit un approfondissement de la crise économique qui se traduit par un chômage officiel qui tourne depuis plusieurs mois autour de 15%. Les différentes agences spécialisées s'accordent pour dire que le chômage ne descendra pas en bas de 10% au Canada, ce qui veut dire 12% ou 13% au Québec au cours des cinq prochaines années, à moins d'un revirement important de la politique gouvernementale pour créer de l'emploi.

Pour la CSN, une telle situation est inacceptable. Plusieurs de nos membres ont été obligés de joindre le rang des chômeurs ou "inactifs" au cours des dernières années. Ces travailleurs et travailleuses veulent travailler et ne voient pas encore, à part quelques programmes de création d'emplois à court terme, des évidences permettant de croire à un changement fondamental de la politique gouvernementale afin de créer de l'emploi stable pour tous ceux et celles qui veulent travailler.

La préoccupation de la CSN de créer le plein emploi nous amène forcément à parler de l'énergie. Comme le document préparé pour la commission permanente le souligne, plus du cinquième des investissements totaux réalisés dans l'économie québécoise depuis 1978 l'ont été dans le secteur de l'énergie. Avant l'effondrement récent des prix pétroliers et l'annulation de plusieurs

mégaprojets au Canada, certains observateurs disaient que l'énergie allait absorber la moitié de tous les investissements canadiens durant les années quatre-vingt. À moins qu'on ne croie que les sources de capitaux pour investir dont peut disposer le Québec sont absolument sans limite, il est juste de se demander si les efforts consacrés à l'énergie ont jusqu'à présent empêché des efforts plus importants dans d'autres secteurs plus créateurs d'emplois.

La CSN ne croit pas a priori à l'équivalence simpliste que font beaucoup de soi-disant spécialistes entre l'abondance et la consommation de l'énergie, d'une part, et l'état de développement et de niveau de vie, d'autre part. Vous savez, sans doute, que, parmi les pays européens, le niveau de vie de la Suisse est supérieur à celui de la France, et ce dernier à celui de la Grande-Bretagne. Or, pour les consommations d'énergie, la Grande-Bretagne devance la France et la France devance la Suisse. L'autonomie énergétique est devenue un objectif sacré pour plusieurs gouvernements dont ceux du Canada et du Québec. Actuellement, parmi les grands pays capitalistes industrialisés, il n'y en a que deux qui s'approchent d'une autosuffisance énergétique nette, le Canada et la Grande-Bretagne. Cependant, ces deux pays affichent depuis quelques années une bien piètre performance quant au rythme de croissance économique et au niveau de sans-emplois, si on les compare avec plusieurs pays beaucoup moins autonomes sur le plan énergétique.

L'équivalence simpliste entre énergie et développement a malheureusement dominé les discours politiques du Québec et du Canada au cours des dix dernières années. On n'a qu'à se rappeler la campagne référendaire où tous les politiciens promettaient aux Québécois un avenir économique sans pareil; selon que l'on parlait au nom du comité pour le non ou pour le oui, cet avenir était assuré soit par les immenses ressources pétrolières et gazières du Canada ou les abondantes ressources hydroélectriques du Québec.

Malheureusement, le document de travail préparé par la commission permanente et intitulé: L'énergie, levier de développement économique ne dépasse pas de beaucoup ce discours simpliste sur le lien entre l'énergie et le développement. Malgré que le document affirme, comme le dit son titre, que l'énergie constitue un levier de développement économique, la seule preuve concrète de cette affirmation est la suivante: "L'évolution du secteur énergétique comporte un impact direct sur le développement et la croissance économique, étant donné l'importance des investissements que cette évolution implique."

Une telle preuve n'est guère plus convaincante que d'affirmer que la construction de stades olympiques, puisqu'elle implique des milliards de dollars d'investissements, est un moteur de développement. On n'a pas encore prouvé que ces investissements permettent un développement soutenu de l'économie québécoise ni que ces investissements ont permis de maximiser la création d'emplois au Québec.

Depuis le début des années soixante-dix, nous assistons au Québec et au Canada à une conjoncture politique où l'accroissement de la production énergétique a été l'objectif primordial des gouvernements. Un traitement fiscal privilégié et un soutien gouvernemental sans précédent visaient à faire augmenter la production de pétrole et de gaz dans l'Ouest canadien et de l'électricité au Québec. Des prévisions hautement exagérées de la consommation de l'électricité étaient utilisées pour justifier la construction du complexe de la Baie-James, et on se retrouvera dans les prochaines années avec d'importants surplus, soit environ 29 300 000 000 de kilowattheures pour lesquels il n'existe aucun marché spécifique identifié actuellement.

Au lieu d'être perçu comme un secteur qui est au service de l'économie et de l'ensemble de la population, on traite le secteur de l'énergie comme si l'ensemble de la société était à son service. Un tel raisonnement se manifeste encore dans le document: L'énergie, levier de développement économique, lorsqu'on soutient ce qui suit au sujet du développement du réseau gazier: "Comme dans le secteur de l'électricité, le ralentissement de la demande rend plus délicate la rentabilisation des investissements en cours, et il s'agit pour le Québec d'assurer aux compagnies de distribution la rentabilité indispensable à l'extension des réseaux."

Dans n'importe quel autre secteur, on dit: Si la demande n'est pas suffisante pour assurer la rentabilité, il va falloir fermer boutique et diriger nos investissements ailleurs. Dans le secteur de l'énergie on dit plutôt: Si la demande est insuffisante pour assurer la rentabilité, comment le gouvernement va-t-il changer les règles du jeu pour assurer cette rentabilité des investissements?

Tous ces efforts gouvernementaux sont mis au service d'un secteur qui est loin d'être le secteur le plus créateur d'emplois, et ce, à une époque où le chômage est un problème criant. Un article publié dans le Devoir il y a deux ans affirmait que "le secteur énergétique, tout en s'accaparant du quart des investissements au Québec en 1978 et 1979, a fourni moins de un pour cent des emplois!" Il n'existe pas d'études très détaillées, du moins à notre connaissance, au Québec comparant la création d'emplois des investissements énergétiques avec les investissements dans d'autres secteurs, mais nous espérons que le gouvernement du

Québec, qui semble avoir pris conscience du sérieux du chômage dans ses déclarations récentes, pourra amorcer de telles études.

Les études existant ailleurs peuvent quand même fournir un ordre d'idées. Une analyse du Conference Board aux États-Unis datant de 1977 démontre que "l'investissement nécessaire pour créer un emploi dans le secteur du pétrole en créerait 5,7 s'il était investi dans le secteur manufacturier." Une autre étude américaine, celle-ci provenant du Département de l'énergie, affirme que "des politiques d'économie d'énergie sont de deux à huit fois plus créatrices d'emplois que la production d'énergies conventionnelles."

Le Québec se retrouve aujourd'hui avec d'importants surplus d'électricité qu'on cherche à écouler par tous les moyens, y compris l'exportation. Telles n'étaient pas les intentions gouvernementales, du moins officielles, lorsque le projet de la Baie-James fut annoncé il y a douze ans. À l'époque, on affirmait que la consommation énergétique accroîtrait de 6% par année et que la présence d'hydroélectricité abondante et à bon marché amènerait un afflux d'industries de toutes sortes. La réalité des années soixante-dix a été tout autre: la consommation d'énergie ne s'est accrue que de 1,3% par année. Dans l'énoncé de politique économique Bâtir le Québec, on a de nouveau insisté sur la possibilité d'attirer au Québec des industries avec nos ressources d'électricité: "La disponibilité d'énergie électrique à prix défiant pratiquement toute compétition en Amérique du Nord représente pour le Québec un avantage comparatif très important sur le plan de l'industrialisation."

Dans Bâtir le Québec également, on identifie des industries dans les secteurs suivants qui sont de fortes consommatrices d'électricité: pâtes et papiers, fonte et affinage des métaux non ferreux, sidérurgie, produits des minéraux non métalliques, produits chimiques industriels. D'affirmer Bâtir le Québec: "Les écarts de coût de l'électricité entre le Québec et l'Ontario nous procurent un avantage considérable pour attirer ces industries."

Si le document préparé pour la commission parlementaire: L'énergie, levier de développement économique ne revient avec ce vieux thème que pendant un bref paragraphe, c'est sans doute parce que, globalement, cette stratégie d'industrialisation a été un échec. La politique d'industrialisation fondée sur l'électricité à bon marché n'a pas apporté un influx rapide d'investissements dans les secteurs identifiés dans Bâtir le Québec.

Au tableau 1, que vous trouvez à la page suivante, nous présentons des données sur l'évolution des immobilisations dans les secteurs qui correspondent à ceux privilégiés par la politique du Québec en matière de tarifs d'électricité. Des cinq secteurs analysés, le volume d'investissements est beaucoup plus important en Ontario qu'au Québec. Quant au taux d'accroissement entre 1975 et 1982, il est plus important en Ontario qu'au Québec dans tous les cas, sauf un, celui des minéraux non métalliques. Même dans ce dernier secteur, le rythme d'investissements en Ontario demeurent 75% plus élevé qu'au Québec.

Les raisons de l'échec relatif de la politique d'industrialisation fondée sur l'électricité à bon marché se résument par le fait suivant: à peu d'exceptions près, la facture d'électricité d'une entreprise n'est pas le facteur déterminant dans le choix de la localisation.

La production du papier journal est identifiée dans Bâtir le Québec comme une industrie de forte consommation d'électricité et donc susceptible, selon la logique de la politique gouvernementale, de s'implanter davantage au Québec grâce aux bas tarifs d'électricité qu'on offre. Or, nous savons, d'après des données patronales, pour une usine de papier journal typique au Québec, que la facture d'électricité représente 5,9% du coût global d'une tonne de papier. Le coût du bois représente, par contre, 29,8% du coût global. Cela veut dire que, même si le Québec offre un tiers de rabais sur les frais d'électricité de la compagnie, celle-ci n'économise que 2% de ses coûts globaux.

Si, au cours des années soixante-dix, plusieurs producteurs de papier journal ont choisi d'établir des usines de papier dans le sud des États-Unis, ils l'ont fait à cause de la présence de matière ligneuse facilement accessible. Supposons, par hypothèse, que ces producteurs peuvent économiser 20% quant au coût du bois - c'est principalement dans les frais de transport que les économies peuvent se réaliser - c'est une économie globale de 6% qu'ils auront réalisée. On peut donc comprendre facilement pourquoi l'électricité est un facteur moins déterminant que la présence de matière ligneuse qui commence à manifester des signes de faiblesse dans certaines régions du Québec, à la suite d'années d'exploitation sans reboisement.

L'avantage quant au prix défiant pratiquement toute concurrence, au dire de Bâtir le Québec, devient encore moins frappante lorsqu'on tient compte des importantes disponibilités d'électricité offertes ailleurs en Amérique du Nord. Selon un relevé récent portant sur les tarifs d'électricité dans les dix provinces canadiennes et dans dix États américains, le Québec n'est plus le seul à jouer le jeu des bas tarifs. Deux provinces canadiennes, le Manitoba et la Colombie britannique, ainsi qu'un État américain, Washington, offrent des tarifs industriels moins élevés qu'au Québec. Aussi, faut-il dire que l'avantage du Québec

relativement à l'Ontario est considérablement diminué. En 1981, les tarifs d'électricité donnaient un avantage de 19,9% pour le consommateur industriel québécois par rapport au consommateur industriel ontarien. En 1982, cet avantage était réduit à 12,7%.

Les seuls cas concrets d'implantation industrielle cités dans L'énergie, levier de développement économique, sont les deux récentes ententes de principe signées avec Reynolds et Pechiney. C'est plus qu'une entente de principe dans le cas de Reynolds. Je voudrais vous souligner en passant que notre mémoire a été préparé pour être entendu en commission parlementaire le printemps dernier et qu'on n'a pas refait tous les ajustements depuis ce temps. Je vais tenter de les faire au fur et à mesure. Donc, pour Reynolds, la construction est amorcée, c'est en marche. Il y a aussi l'entente de principe avec Pechiney pour la construction ou l'expansion de l'aluminerie. Dans ces deux cas, cependant, le gouvernement a offert des économies substantielles additionnelles pour en arriver à une entente. Aux deux entreprises, on offre de l'électricité à la moitié du taux industriel normal pour cinq ans. Cela représente, dans le cas de Pechiney, une subvention de 125 000 000 $ par rapport au taux industriel moyen; par rapport aux coûts de production de la Baie-James, c'est une subvention de plus de 250 000 000 $ qu'on offre à ce producteur d'aluminium qui créera moins de 1000 emplois permanents. À Reynolds, la subvention par rapport au tarif normal se chiffre à 120 000 000 $ et on créera, au maximum, 400 emplois permanents. (10 h 45)

La CSN n'est pas contre le principe d'utiliser nos ressources hydroélectriques pour favoriser la création d'emplois, au contraire. Il nous apparaît, cependant, que les cadeaux faits à ces grands producteurs d'aluminium sont immenses par rapport au nombre d'emplois créés. Alors que l'argent est toujours rare quand il s'agit de créer de l'emploi pour les chômeurs et chômeuses ou quand il s'agit de négocier avec les salariés du secteur public, on permet à la société Alcan d'économiser des dizaines de millions de dollars chaque année parce que le gouvernement se refuse à nationaliser les barrages, et cela nous l'avions souligné dans des mémoires précédents en 1977, 1979 et 1981.

Les accords récents avec Reynolds et Pechiney sont d'autant plus troublants que c'est à huis clos au Conseil des ministres qu'on décide d'accorder des subventions représentant des centaines de millions de dollars. La CSN souhaite que des choix politiques de cette importance puissent faire l'objet d'un minimum de débats publics avant qu'une décision définitive soit prise. Pour favoriser les débats, nous vous soumettons l'idée de mettre sur pied une commission publique permanente ayant pour mandat d'effectuer des études indépendantes et de tenir des audiences publiques régulières sur les choix énergétiques du Québec.

Le problème d'absence de débat public se pose aussi pour ce qui est des contrats signés avec les États de New York et de la Nouvelle-Angleterre pour l'exportation de l'électricité québécoise, dont on commence à apprendre quelques détails seulement après la signature du contrat.

D'après les chiffres publiés par Hydro-Québec, les ventes d'électricité à l'État de New York ont rapporté, en 1981, 0,023 $ le kilowattheure. Comparativement au coût de la production de la Baie-James de 0,027 $ le kilowattheure, il est évident que ces ventes ne peuvent se justifier que par le fait qu'il s'agisse d'une puissance excédentaire qui autrement serait perdue. Mais qu'en est-il des autres coûts reliés à ces contrats d'exportation?

On sait, selon des informations publiées dans les journaux sur l'entente avec NEEPOOL, que le Québec s'est engagé à construire une ligne de transport jusqu'à la frontière américaine au coût de 211 000 000 $. Réparti sur les 33 000 000 000 de kilowattheures qui seront expédiés en Nouvelle-Angleterre, cela représente des frais de 0,06 $ le kilowattheure, soit plus du double du coût de l'électricité de la Baie-James. Est-ce que le contrat signé avec la Nouvelle-Angleterre permettra d'absorber ces coûts, ou est-ce que, dans quelques années, lorsque le contrat sera terminé, le gouvernement se servira de l'existence de cette ligne pour tenter de justifier la construction de nouvelles centrales pour fins uniques d'exportation?

La population québécoise est en droit de connaître les choix énergétiques dans lesquels le gouvernement est en train d'engager la province. Au sujet de la ligne de transmission à la Nouvelle-Angleterre, il faudrait que le gouvernement explique si elle ne servira qu'au transport de l'énergie excédentaire ou s'il est déjà prévu qu'elle servira à l'exportation d'énergie ferme à long terme, ou encore si elle servira à d'autres fonctions.

À la lumière des informations que nous possédons, nous désirons exprimer notre opposition à la construction de centrales pour fins exclusives d'exportation d'électricité. Nous voulons voir au Québec se développer une économie qui soit le plus autonome possible où tous ceux et celles qui veulent travailler peuvent obtenir un emploi.

Nous aimerions voir le Québec profiter de l'avantage très net qu'il détient en tant qu'important producteur d'hydroélectricité afin de consolider son infrastructure industrielle dans le domaine des fournitures d'équipement hydroélectrique. Actuellement,

à l'usine Brown Boveri, à Lachine... On parlait de menace de fermeture, Philippe Tremblay nous informait ces derniers jours que l'usine est effectivement fermée à Brown Boveri. Il s'agit d'une usine qui fabriquait des équipements de différentes sortes pour la production et le transport d'électricité, qui comptait 1200 salariés avant 1972, 700 salariés à son emploi en 1975 lorsqu'elle fut achetée par la multinationale suisse. On constate aujourd'hui que cette société, qui fait partie d'un cartel mondial de fabricants de produits pour la production d'électricité dont l'existence est bien documentée, n'a acheté l'usine de Lachine - anciennement propriété de Canson - que pour accaparer une technologie de pointe et pour éliminer des compétiteurs. Il y a plus de quatre mois, des représentants du gouvernement québécois ont promis aux représentants du syndicat de mettre sur pied un comité interministériel pour étudier des hypothèses de sauvetage de l'usine, mais nous n'avons pas eu la moindre nouvelle du gouvernement. Nous croyons qu'Hydro-Québec ou une autre société d'État pourrait acquérir cette usine afin d'assurer que ces contrats futurs pour la fourniture d'équipement auront des effets d'entraînement au Québec plutôt que de profiter à des entreprises situées en dehors de la province.

Le contexte créé par la chute du prix du pétrole. Avec sa politique énergétique nationale, le Québec risque d'être le dernier pays au monde où le consommateur verra le prix de son essence baisser. Il reste que la baisse du prix mondial du pétrole est devenue une réalité plus que passagère avec la décision de l'OPEP de baisser le prix de son baril de 15%. Cet événement marque un tournant important puisqu'il démontre que l'hypothèse sur laquelle les gouvernements, y compris celui du Québec, basaient leur politique énergétique est révélée complètement fausse.

Devant une perspective de prix stables ou en baisse au cours des prochaines années, nous nous questionnons sur la pertinence des projections du bilan énergétique présenté dans le document de travail de la commission parlementaire. Il est prévu que la part de l'électricité dans le bilan énergétique passera des 30% qu'elle occupe actuellement à près de 45% en 1995. La part du pétrole, qui occupe 60% du bilan énergétique, deviendrait inférieure à 35% en 1995.

Le principal motif de convertir du mazout à l'électricité ou au gaz demeure le prix du carburant et, avec la nouvelle conjoncture, la pression de convertir sera amoindrie. Nous suggérons au gouvernement de refaire ses prévisions, qui datent de 1978 comme il nous le rappelle dans le document de travail, afin de tenir compte des réalités de 1983. Des stratégies doivent être ensuite développées pour planifier de façon rationnelle l'absorption de nouveaux surplus d'électricité qui pourraient se manifester.

Pour ce qui est des prochaines années, la CSN croit important de rendre accessible aux consommateurs québécois la plus grande variété de produits d'énergie pour éviter que l'un ou l'autre des fournisseurs profite d'une situation de monopole. Or, officiellement, le gouvernement québécois a fait sienne une politique de diversification. Nous constatons que, dans la réalité, le même gouvernement, par l'entremise d'Hydro-Québec, offre de tels rabais aux abonnés industriels ou à ceux qui convertissent une partie de leurs opérations du mazout à l'électricité, qu'il fausse en quelque sorte les règles du jeu à la défaveur du gaz. Cette forme d'énergie par excellence dans des utilisations industrielles fera une moins grande percée, même dans des domaines où elle constituerait le type d'énergie le plus efficace, à cause de l'insistance d'Hydro-Québec à vouloir se débarrasser de ses surplus d'électricité.

La construction du gazoduc vers l'est et l'extension du réseau de distribution constituent actuellement un important investissement énergétique. Les retombées de ce projet sur l'économie québécoise sont cependant limitées par le fait que la quasi-totalité du matériel mis en place dans cette construction est fabriquée à l'extérieur du Québec. Compte tenu de l'importance du projet et du fait que les sociétés de distribution appartiennent majoritairement à l'État québécois, la CSN croit que le gouvernement devrait prendre des moyens pour accroître le contenu québécois dans les équipements pour le réseau gazier.

La politique de conversion vers l'électricité et le gaz ainsi que la réduction globale de la consommation énergétique associée à la crise provoquent ce que les auteurs de L'Énergie, levier de développement économique appellent de façon euphémique "la restructuration du secteur pétrolier". La restructuration dont il s'agit est plutôt une destruction ou une disparition du secteur de raffinage. Sur les sept raffineries de pétrole qui existaient au Québec en 1982, trois sont destinées à disparaître avant la fin de 1983 si les intentions patronales se confirment, Texaco, BP et Impérial - cela s'est confirmé - alors qu'une quatrième, celle de Gulf, doit être fermée en partie.

Certains politiciens fédéraux ont attribué ces fermetures à une baisse brutale de la demande à la suite du doublage de la taxe provinciale sur l'essence en novembre 1981. Cette taxe a sans doute accentué la baisse de la demande et la CSN s'y est opposée, particulièrement à cause de son caractère régressif. Il est important de constater cependant que, depuis le sommet dans la consommation des produits pétroliers atteint en 1979, la chute de la demande n'a

été que légèrement plus élevée au Québec qu'en Ontario. Comme le démontre notre tableau 2, la baisse de la demande a été de 23,9% pour le Québec et de 20,9% pour l'Ontario.

Or, la réduction de la capacité de raffinage n'est pas du même ordre. Avec les fermetures totales et partielles annoncées, le Québec perdra près de 40% de sa capacité de raffinage, soit près de deux fois la baisse de la consommation accusée depuis 1979. L'Ontario, pour sa part, qui verra se fermer la plus petite des deux raffineries Shell actuellement en opération dans cette province, perdra 7,5% de sa capacité de raffinage. Le résultat sera inévitable: le Québec, qui jusqu'ici a toujours été au moins autosuffisant dans la production de produits de pétrole raffiné, importera dorénavant une partie importante de sa consommation.

La CSN s'inquiète, non seulement du sort de plusieurs centaines de salariés des raffineries montréalaises - ce qui est déjà en soi énorme - mais aussi de ceux et celles qui travaillent dans l'industrie de la transformation pétrochimique, dont plusieurs sont membres de notre centrale. L'avenir de cette industrie apparaît déjà assez sombre sans qu'on lui ajoute le fardeau de se voir obligée d'importer sa matière première des autres provinces. Il est bon de rappeler que 5% des emplois manufacturiers québécois se trouvent dans les secteurs du pétrole et de la pétrochimie.

Dans le but d'empêcher la disparition continue du secteur de raffinage au Québec, la CSN est récemment intervenue auprès du gouvernement fédéral pour demander à ce dernier, en tant que maître d'oeuvre de la politique énergétique nationale et en tant que propriétaire de la raffinerie BP, qui doit bientôt fermer ses portes, d'agir afin d'assurer que le Québec puisse maintenir une capacité de raffinage qui reflète l'importance du marché. Nous suggérons à tous ceux qui trouvent important le maintien du secteur de faire des démarches dans le même sens. À défaut de l'investissement CARMONT, que le fédéral s'est engagé à construire lors de la campagne référendaire, nous croyons que le fédéral devrait s'engager dans des investissements plus modestes pour la valorisation des pétroles lourds.

La CSN a également appuyé les syndiqués de la raffinerie Texaco dans leur projet de création d'une Pétro-Québec, en suggérant cependant que la participation gouvernementale à l'acquisition d'une raffinerie soit limitée et que l'acquisition se fasse conjointement avec des partenaires privés, vendeurs d'essence indépendants et distributeurs de mazout, qui pourraient profiter de la présence d'une raffinerie appartenant à des intérêts québécois.

Les choix énergétiques du Québec. Avec la perspective de surplus importants d'hydroélectricité et avec d'abondantes réserves de gaz naturel et de pétrole à des prix plus modérés que ceux qu'on a connus par le passé, la CSN croit foncièrement que le gouvernement doit délaisser l'obsession énergétique et s'occuper davantage du secteur manufacturier qui, comme nous l'avons déjà mentionné, est beaucoup plus créateur d'emplois. De tels efforts sont sans doute beaucoup moins spectaculaires que les mégaprojets énergétiques, mais seront beaucoup plus utiles à la santé économique de la province. Cela ne veut pas dire que le Québec ne devrait pas déjà se préparer pour ses besoins énergétiques de l'avenir. Au contraire, avec le très haut taux de chômage qui existe actuellement, nous croyons que le gouvernement devrait prendre l'initiative de lancer des projets moins coûteux, mais ayant une haute intensité de main-d'oeuvre dans les énergies nouvelles.

Dans cette optique, nous soutenons la poursuite du projet expérimental de production de méthanol à partir des résidus forestiers à Saint-Juste-de-Bretenières. La ressource forestière qui est en très grande partie gaspillée dans l'exploitation traditionnelle - les chiffres que nous pouvons avoir indiquent au moins 50% de ressource gaspillée - pourrait éventuellement donner au Québec un plus grand degré d'autonomie énergétique. De plus, avec ses vastes réserves forestières, le Québec a le potentiel de développer une technologie dans ce domaine qu'il pourrait éventuellement exporter.

En plus d'intensifier les expériences dans la production de la biométhane, nous souhaiterions voir le Québec faire des expériences de production d'électricité dans des centrales thermiques de petite taille utilisant des rebuts forestiers. Encore une fois, c'est un domaine où le Québec pourrait faire oeuvre de pionnier dans le domaine d'une technologie.

La production d'énergie à partir de la biomasse offre de nombreuses qualités. En plus d'être une énergie renouvelable, elle permet de produire de l'énergie de façon décentralisée. Elle permet donc aux populations locales d'exercer un certain contrôle démocratique sur leurs sources de production d'énergie. Il faut dire que la biomasse constitue la source la plus vieille d'énergie au monde et constitue toujours un moyen de chauffage important dans toutes les régions du Québec, à l'exclusion, bien sûr, des grands centres urbains, même si elle est absente du bilan énergétique présenté dans votre document de travail. Il reste que la biomasse offre un potentiel énergétique qui pourrait permettre au Québec de diversifier davantage ses sources d'approvisionnement. Elle offre également le potentiel de créer des emplois permanents de façon décentralisée, c'est-à-dire dans toutes

les régions boisées du Québec.

Même si elle ne pourrait être viable que dans certaines régions isolées du Québec, l'énergie éolienne mérite, à notre avis, une attention continue et nous appuyons également la poursuite des recherches en cours. Cette forme d'énergie non polluante pourrait éventuellement fournir à certaines régions - notamment aux Îles-de-la-Madeleine - un plus grand degré d'autonomie et de sécurité énergétique.

Dans d'autres domaines de recherche, nous trouvons importantes les initiatives prises dans l'étude de la production et l'utilisation de l'hydrogène, une matière qui pourrait éventuellement permettre d'utiliser à des fins commerciales l'énergie hydroélectrique dans les périodes excédentaires. Nous vous proposons cependant de faire une priorité de la recherche sur l'entreposage et le transport sécuritaires de l'hydrogène produite par l'électrochimie.

Je sais qu'avant-hier, il a été question d'un projet de centre de recherche et de développement de l'hydrogène; cela rejoint notre préoccupation dans la mesure où il y a une partie importante sur la notion de sécurité, le transport sécuritaire et l'utilisation sécuritaire de ce combustible. (11 heures)

La CSN a déjà, à des commissions parlementaires précédentes, exprimé son inquiétude face au développement de centrales nucléaires. Ayant pu, au cours des derniers mois, bénéficier d'études approfondies sur les dangers et sur la rentabilité incertaine de l'énergie nucléaire, la CSN ne peut que réaffirmer son appui à une prolongation du moratoire sur le développement de cette forme d'énergie. Si les arguments environnementalistes peuvent laisser perplexe, l'expérience malheureuse de Gentilly 2 devrait convaincre que les centrales nucléaires n'ont pas d'avenir au Québec. Après avoir englouti 1 400 000 000 $, Gentilly 2 n'a réussi à produire de l'électricité qu'à deux fois le coût de la Baie-James et, de surcroît, ne créera que 500 emplois permanents.

Avec toutes les autres formes d'énergie qui s'offrent au Québec et les surplus prévisibles pour plusieurs années à venir, nous croyons que le Québec a des besoins plus criants que le développement de centrales nucléaires.

La diminution de leur facture énergétique demeure l'objectif primordial de tous les consommateurs, tant domestiques qu'industriels. Le consommateur domestique est particulièrement dépourvu devant la profusion de prétendus moyens d'économies d'énergie qui s'offrent actuellement sur le marché. À notre avis, le gouvernement devrait offrir aux consommateurs des informations leur permettant de se protéger contre les multiples pourvoyeurs de fausses promesses. Nous proposons la création d'une commission publique permanente sur l'énergie nous l'avons mentionné - qui aurait notamment pour but d'étudier et de rendre publics les résultats de l'efficacité des différents types d'isolation, des pompes à chaleur, de système biénergie. Malgré le respect que nous avons pour Hydro-Québec, celle-ci ne constitue pas l'organisme indépendant et objectif dont le consommateur a besoin pour chercher des conseils avant de faire ses propres choix énergétiques.

Cette commission publique, et non Hydro-Québec, aurait aussi pour but d'effectuer des études indépendantes sur les effets nocifs sur la santé des lignes de transmission à haute tension ainsi que sur d'autres sujets ayant trait aux dangers à l'environnement et à la santé. J'ai entendu des reportages particulièrement troublants dans la région de Québec l'année dernière et le comportement d'Hydro-Québec laissait, à notre avis, beaucoup à désirer.

Si le Québec avait décidé, au lieu de construire la Baie-James au coût de 15 000 000 000 $ et Gentilly 2 au coût de 1 400 000 000 $, de consacrer ces sommes au développement du secteur manufacturier au Québec, ce secteur serait beaucoup plus en santé qu'il ne l'est aujourd'hui. Le niveau d'emploi aurait sans doute été de beaucoup supérieur aux quelques centaines d'emplois permanents qu'on trouvera aux centrales électriques. Il y aurait eu moins de personnes inscrites sur les listes d'assurance-chômage et d'assistance sociale.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de refaire le passé; il s'agit de repenser les stratégies de développement que le gouvernement du Québec a adoptées par le passé, consciemment ou non, et qui n'ont pas réussi à résoudre les problèmes structurels du chômage. Une faillite importante des stratégies passées se situe, à notre avis, au plan de l'identification d'un objectif de développement. Comme nous l'avons dit au début, l'objectif primordial pour la CSN, et également pour la population québécoise, c'est la création d'emplois.

Or, dans les centaines de pages de texte que comportent les grands énoncés de politique économique, Bâtir le Québec et Le virage technologique, il n'est nulle part indiqué qu'on cherche à maximiser la création d'emplois. Il n'y a même pas d'évaluation de l'effet sur l'emploi des différents programmes qui sont mis de l'avant. Cette absence n'est peut-être pas un oubli. On sait que le genre d'industrie grande consommatrice d'électricité que voulait attirer Bâtir le Québec est moins créatrice d'emplois que la moyenne de l'industrie de fabrication. L'automatisation à outrance avec des technologies avancées que nous propose Le virage technologique comporte des risques de réduction rapide du niveau d'emploi dans

plusieurs secteurs.

La priorité accordée par le gouvernement au secteur énergétique pourra, encore moins que par le passé, assurer un développement économique qui réponde aux besoins de la société. Ce ne sera pas dans des mégaprojets éloignés des centres de population, où l'on impose des conditions de travail et de vie inhumaines, qu'on trouvera une solution aux problèmes de chômage des Québécois. Et encore moins des Québécoises qui sont les plus touchées tant par l'application de la micro-électronique dans les bureaux que par les tentatives du gouvernement québécois de réduire le niveau de l'emploi dans le secteur public.

En novembre 1982, la CSN a présenté au premier ministre du Québec des pistes visant à développer l'ensemble des secteurs industriels de la province en mettant la priorité absolue sur l'emploi. Nous parlions, entre autres, des possibilités d'électrification des transports urbains et interurbains, d'un meilleur aménagement de la ressource forestière, d'un appui à l'industrie des pêches permettant d'exploiter la zone de 200 milles, du développement d'un secteur intégré et moderne de production de textiles et de plusieurs autres programmes de soutien aux secteurs primaires et secondaires.

Ce que la CSN revendique, c'est plus que ces aménagements de budgets consacrés aux subventions. Nous demandons que le gouvernement intervienne dans les secteurs créateurs d'emplois aussi massivement qu'il l'a fait dans le secteur énergétique au cours des dernières années.

Comme le souligne le document de travail L'énergie, levier de développement économique, à la page 26: "D'ici la fin de la présente décennie, le Québec sera placé, au niveau des disponibilités d'énergie, dans une situation qu'il n'a jamais connue: les principales formes d'énergie utilisées dans le monde seront présentes dans la plupart des régions du Québec, dans des conditions de coût très favorables, et cela grâce aux nouvelles infrastructures actuellement mises en place."

Les investissements massifs dans l'énergie au cours des dernières années ont effectivement permis la réalisation de cet objectif. Mais la réalisation de cet objectif n'a pas permis de stimuler des investissements dans les secteurs vraiment créateurs d'emplois, notamment le secteur secondaire. Elle n'a même pas permis, nous l'avons vu, d'attirer les industries qui devraient être naturellement attirées vers le Québec selon la politique d'électricité industrielle à bas tarifs.

Si le Québec peut maintenant se vanter d'avoir des disponibilités d'énergie hors pair, le secteur manufacturier, lui, est en train de s'écrouler. Depuis dix ans, le secteur manufacturier au Québec a reçu 22 993 000 000 $ d'investissements, comparativement à 52 093 000 000 $ en Ontario. Même en tenant compte des différences dans l'importance de la population, les investissements manufacturiers sont près de 70% plus élevés en Ontario qu'au Québec. À notre avis, ces chiffres vont loin pour expliquer le problème structurel de chômage "chronique" que connaît le Québec, même en période de bonne conjoncture. Les investissements massifs dans le secteur de l'énergie n'ont aucunement permis de s'attaquer à ce problème.

Le secteur privé, tout seul, a été incapable de maintenir un niveau d'investissements acceptable dans les secteurs créateurs d'emplois; les politiques gouvernementales n'ont pas comblé cette faiblesse. L'incapacité du secteur privé et des politiques gouvernementales actuelles de provoquer un niveau d'investissements acceptable exige un programme de relance économique de grande envergure. Ce programme doit tenir compte des atouts et disponibilités énergétiques du Québec. Le problème de développement ne peut pas être réglé uniquement par la production d'énergies plus coûteuses.

C'est ainsi que la CSN propose que le Québec consolide son expertise dans la fabrication des équipements pour la production et la transmission d'électricité en acquérant l'usine Brown Boveri, de Lachine, pour la production de matériel et d'équipements hydroélectriques.

D'autre part, la CSN propose que le Québec se lance dans l'électrification des transports urbains et interurbains afin de profiter des importants surplus d'électricité.

La CSN propose aussi que le gouvernement entreprenne l'intensification des travaux de reboisement et de sylviculture pour rendre la matière ligneuse plus disponible et intensifie la modernisation des usines de pâtes et papiers qui sont menacées de disparaître.

La CSN propose aussi au gouvernement de soutenir, soit en rendant moins coûteuse la matière première, soit en investissant directement dans le secteur, l'industrie des produits chimiques.

Finalement, la CSN propose au gouvernement de fournir plus de ressources pour le développement de la biométhane à partir de la ressource forestière. Nous pensons que le gouvernement devrait investir directement dans le secteur de la fabrication. À notre avis, c'est seulement ainsi qu'on finira par atteindre un niveau d'emploi dont la société québécoise est digne.

Nos recommandations, dans l'ensemble. Premièrement, que le gouvernement québécois mette sur pied une commission publique permanente de l'énergie qui aurait pour mandat de soumettre à des audiences

publiques les hypothèses énergétiques étudiées par le gouvernement et de poursuivre des études indépendantes sur des questions énergétiques. Parmi les questions qui seraient débattues, à notre avis, il y a les contrats signés avec les grands consommateurs industriels d'électricité, les contrats d'exportation d'électricité, les différents choix d'énergies alternatives et d'économies d'énergie offerts aux consommateurs et consommatrices du Québec, les effets des programmes de subvention pour, non pas la concession, mais la conversion aux différents produits d'énergie.

Deuxièmement, que le gouvernement québécois renonce à la construction de centrales électriques pour fins exclusives d'exportation de l'électricité et ouvre un débat public large sur cette question.

Troisièmement, que le gouvernement québécois acquière l'usine Brown Boveri, de Lachine, dans le but de consolider un secteur québécois de fabrication d'équipements pour la production et le transport de l'électricité.

Quatrièmement, que le gouvernement fasse des efforts pour accroître le contenu québécois dans le matériel utilisé pour le prolongement du réseau gazier au Québec. Ces efforts pourraient comprendre l'acquisition par le gouvernement d'installations de fabrication si cela constitue le seul moyen d'accroître les retombées économiques au Québec de ce projet.

Cinquièmement, que le gouvernement québécois révise ses prévisions du bilan énergétique tel que présenté dans le document L'énergie, levier de développement économique, afin de tenir compte de la nouvelle conjoncture créée par la stabilisation du prix du pétrole, de sorte que puissent se dégager les surplus d'électricité au cours des quinze prochaines années. Ce qu'on veut ajouter comme élément à cette cinquième proposition, c'est qu'on trouve déplorable qu'actuellement se livre une concurrence entre, d'une part, Hydro-Québec contrôlée entièrement par l'État québécois et, d'autre part, des entreprises qui travaillent à l'implantation du réseau gazier, Gaz métropolitain et Gaz Inter-Cité, qui sont aussi majoritairement sous le contrôle de l'État québécois. Compte tenu que la politique n'est pas suffisamment claire, si, d'une part, Hydro-Québec abaisse ses tarifs et, d'autre part, le réseau gazier tente, lui aussi, de faire sa percée, il nous semble que le gouvernement québécois devrait préciser les modalités d'ajustement entre ces deux intervenants majeurs dans le domaine énergétique pour faire en sorte qu'on ne paie pas nous-mêmes pour un manque de politiques suffisamment claires dans l'implantation de ces deux formes d'énergie importantes que nous favorisons globalement dans leur vocation respective la plus favorable.

Sixièmement, que le gouvernement québécois prenne des mesures dans le but d'éviter le démantèlement complet de l'industrie du raffinage dans le sens suivant: faire des représentations auprès du gouvernement fédéral pour que celui-ci empêche de nouvelles fermetures, particulièrement de la raffinerie BP qui lui appartient, et examiner les possibilités d'acquérir une raffinerie par des intérêts québécois dont un, mais pas l'exclusif partenaire, pourrait être le gouvernement québécois.

Septièmement, que le gouvernement québécois poursuive et accélère ou commence des expériences dans les domaines suivants: production du méthanol à partir des rebuts forestiers, construction de centrales thermiques de faible puissance utilisant des rebuts forestiers, énergie éolienne pour des régions isolées, production, entreposage et utilisation de l'hydrogène produit par l'électrochimie.

Huitièmement, que le gouvernement québécois prolonge de façon indéfinie le moratoire sur tout développement d'énergie nucléaire au Québec.

Neuvièmement, que le gouvernement québécois entreprenne des études comparatives sur la création d'emplois provenant des investissements dans différentes industries manufacturières, dans différents types de production d'énergie et dans des mesures d'économie d'énergie.

Dixièmement, que le gouvernement du Québec examine des projets permettant d'absorber les surplus d'électricité tout en maximisant la création d'emplois tels l'électrification des transports urbains et interurbains, l'investissement gouvernemental direct dans l'industrie des pâtes et papiers visant prioritairement le maintien des usines existantes et l'investissement gouvernemental direct dans l'industrie des produits chimiques. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Duhaime: Le débat est lancé, comme on dit. Je voudrais vous remercier pour votre mémoire que, personnellement, j'ai trouvé très solide, bien étoffé. Je ne pourrai pas, vous le comprendrez bien, reprendre tout l'exposé que vous avez fait et faire un commentaire sur chaque point. À partir de vos recommandations, je voudrais peut-être faire quelques réflexions pour vous permettre ensuite un échange en tenant compte, bien sûr, qu'on va essayer de donner une chance à tout le monde de s'exprimer.

Votre première recommandation, commission publique permanente sur l'énergie. Cette commission siège à peu près sans interruption depuis le mois de mars. J'ai l'impression qu'elle est devenue permanente

en plus d'être élue. Lorsque nous aurons terminé nos travaux sur ce dossier, la commission sera à nouveau convoquée pour étudier la proposition tarifaire d'Hydro-Québec, comme on le fait à chaque année. C'est à cette occasion, sans aucun doute, que les parlementaires en profitent pour interroger Hydro-Québec, non seulement sur son plan d'équipement, mais sur la problématique tarifaire, sur ses orientations, etc.

Vous souhaitez qu'on mette sur pied une commission publique permanente sur l'énergie. Je ne sais pas si vous avez en tête qu'il faudrait que des députés en fassent partie, qu'il y ait une présence de ministres, ou que ce soit un débat qui soit conduit en dehors des élus. Il y a des fois que cela me tenterait aussi d'aller devant une commission permanente sur l'énergie en oubliant que je suis ministre de l'Énergie et des Ressources. Je voudrais juste savoir ce que vous avez en tête. Est-ce que c'est une commission parlementaire dont vous souhaiteriez la permanence ou si c'est, je ne sais pas, un groupe de sages du milieu universitaire, de l'industrie, des syndicats, par exemple, qui pourrait être formé avec un service de recherche qui siégerait. Ce serait ma première question.

M. Auger: Je pense qu'il y a deux choses là-dessus. On ne veut pas enlever, par la création d'une commission publique, son rôle à une commission parlementaire. À notre avis, l'objectif d'une commission publique c'est que, dans ces dossiers sur l'énergie, comme il y a des enjeux - on en convient tous - extrêmement importants pour le Québec, l'ensemble des Québécois et des Québécoises... Ce que l'on dit - selon l'analyse qu'on a pu faire - c'est que l'ensemble des études qui ont conduit au choix énergétique ont fait en sorte qu'on n'a pas eu tout l'éclairage voulu là-dessus. Qu'Hydro-Québec fasse des études et arrive à démontrer que ce qui est vraiment important, c'est la production de l'hydroélectricité et qu'il faille vraiment la développer au maximum, on n'en veut pas à Hydro-Québec. Au contraire, on pense que c'est une entreprise fort importante pour l'État québécois et la population québécoise, mais on peut craindre une partisanerie, je dirais un favoritisme à l'égard de la production hydroélectrique. C'est sa vocation fondamentale. Elle existe pour cela. L'exemple que je donnais tout à l'heure, à la recommandation 5, l'illustre.

Donc, pour nous, là où l'expertise se situe surtout actuellement sur le plan hydroélectrique, c'est à Hydro-Québec, qui a constamment joué un rôle important là-dessus.

L'autre élément. Nous voulons que le rôle de la commission publique soit de faire ces études où on aurait à rencontrer éventuellement soit des parlementaires, soit, bien sûr, des entreprises comme Hydro-Québec et d'autres entreprises qui travaillent dans le milieu énergétique, mais aussi faire des études pour que l'on ait tout l'éclairage voulu plutôt que de risquer que ce soit biaisé dans un sens ou dans l'autre, que ce soit Gaz Métropolitain... On risque d'avoir des études biaisées avec Hydro-Québec également. Ce qu'on veut, c'est que la commission publique ait comme rôle, si on veut, de faire des recommandations.

Quant à la composition même de la commission, on ne s'y est pas arrêté. Pour nous, ce serait une commission indépendante. Si on maintient le rôle de la commission parlementaire, ce serait normalement des gens de l'extérieur du Parlement qui pourraient y être nommés, venant des différents milieux socio-économiques et qui auraient accès à l'ensemble des ressources, encore une fois, pour pouvoir réaliser des études fondamentales sur tout le développement énergétique du Québec. Je pense que les exemples qu'on a donnés illustrent cette préoccupation.

Le modèle que j'avais en tête on ne peut peut-être pas le reproduire formellement. J'ai eu l'occasion de travailler dans certains dossiers sur l'éducation... Quand on travaille avec le Conseil supérieur de l'éducation, qui fournit des avis au ministère de l'Éducation, cela n'empêche pas de tenir des commissions parlementaires sur l'éducation à certains moments, comme on le fera sur la loi 40 édictant la restructuration scolaire, mais c'est un groupe indépendant qui voit les choses et qui peut faire des recommandations consultatives. C'est à cette ouverture qu'on pense dans un domaine aussi important que l'énergie; cela devrait pouvoir exister au Québec aussi.

M. Duhaime: II y a eu une proposition qui a été avancée par au moins quatre intervenants jusqu'à présent. De mémoire, c'est l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'École Polytechnique et il y en a un quatrième, l'INRS, qui nous proposaient qu'on mette sur pied - et ils étaient prêts à s'y impliquer - un conseil de la recherche de l'énergie, de façon que l'effort de recherche puisse être mieux coordonné. Je me demande si, à partir de cette idée, on ne pourrait pas pousser plus loin et élargir cette proposition. Personnellement, je n'ai aucune espèce d'objection à mettre sur la table toute l'information que le gouvernement a en main, au ministère de l'Énergie et des Ressources aussi bien qu'au ministère des Finances de même qu'à Hydro-Québec. Si je comprends bien votre idée, dans le fond, vous voulez une espèce de commission qui, d'abord et avant tout, mettrait sur la table toutes les

données et toute la problématique, de façon que chaque groupe puisse avoir d'abord toute l'information dans un premier temps et, dans un second temps, soit en mesure de faire valoir son opinion.

M. Auger: Je pense que cette idée est intéressante dans la mesure où on ne se retrouve pas avec un conseil scientifique fermé, mais un conseil scientifique ouvert au public. Quand vous dites pour faire en sorte que tous les groupes puissent faire entendre leur point de vue devant ce groupe de recherche, c'est la nature publique de la commission avec la fonction étude, et encore une fois impartialité, en termes de développement de toutes les perspectives énergétiques.

M. Duhaime: D'accord, je comprends très bien votre point de vue. Récemment, j'avais l'occasion de signer un document avec mon collègue des Finances qui a été reproduit dans la Presse. Il donnait toute la problématique qui sous-tend la démarche faite dans le dossier de l'aluminium et des pêches. J'écoutais tantôt. Il y a peut-être un certain nombre de choses à redire. Je ne voudrais pas reprendre ce que la Presse a publié là-dessus.

Essentiellement, notre objectif est de faire en sorte que parmi les pays de l'Ouest, le Québec maintienne, en termes de production per capita, l'avance qu'il a et, en plus, l'augmente. On calcule actuellement qu'il y a dans les pays de l'Ouest des capacités théoriques installées pour produire 14 000 000 de tonnes d'aluminium par année. Actuellement, 2 000 000 de capacité ne sont pas en opération à cause du vieillissement des alumineries. C'est vrai pour Pechiney en France, c'est vrai pour Reynolds dans le sud des États-Unis. On est absolument certain qu'autant l'acier a eu ses années de gloire, autant l'aluminium pour les 15 ou 20 prochaines années sera le métal qui va continuer de monter. Il va monter régulièrement. Il s'agit donc d'augmenter la capacité installée ici au Québec.

Nous sommes donc sur un marché international. Qu'un lingot parte du Brésil, qu'il parte de l'Australie, qu'il parte de Baie-Comeau il va se retrouver sur le même marché en concurrence. Le facteur de localisation majeur dans l'industrie de l'aluminium - il est double je devrais dire -est l'approvisionnement en bauxite et l'hydroélectricité. Lorsque le Québec concurrence l'Australie et le Brésil sur la localisation des alumineries, au départ nous avons un désavantage parce que nous n'avons pas la bauxite, ce qu'ont le Brésil et l'Australie. Le seul avantage comparatif sur lequel nous pouvons tabler donc, en termes de matière première, c'est l'électricité. Il y a bien sûr toute l'expertise accumulée au

Québec depuis 75 ou 80 ans dans les technologies, dans la qualité de la main-d'oeuvre de nos alumineries.

On part donc d'une évidence. Si la capacité installée n'augmente pas au Québec, elle va s'installer ailleurs et elle va venir concurrencer nos propres alumineries. L'idée est donc d'augmenter la capacité de production et en même temps moderniser ces alumineries. On voit qu'en France, Pechiney qui a été compagnie privée depuis toujours a laissé vieillir ses usines de sorte qu'aujourd'hui, Pechiney en France a des déficits à encaisser et n'a pas beaucoup de problématique pour prendre quelque expansion que ce soit à moins d'investir dans de la modernisation et aussi à moins d'obtenir une structure tarifaire qui la rendrait concurrentielle.

Alcan a près de 800 000 tonnes de capacité installées au Québec. Pechiney s'en va vers 300 000 tonnes et Reynolds s'en va vers 300 000 tonnes, ce qui veut dire que d'ici à quelques années, la capacité installée au Québec en termes de production d'aluminium va équivaloir à la capacité actuelle du Japon. Cela vous donne un ordre de comparaison. Les Japonais maintiennent une capacité de production à l'heure actuelle qui est de l'ordre d'à peu près 1 300 000 ou 1 500 000 tonnes.

Nous avons fait un virage rapide dans ce dossier-là pour une seule et unique raison. Nous voulons maintenir non seulement une capacité installée au Québec dans le secteur de l'aluminium mais l'augmenter. Quand vous me disiez, comme vous l'avez fait tout à l'heure en chiffrant ce que représente les rabais consentis, que cela représente 120 000 000 $, 125 000 000 $ ou 200 000 000 $ peu importe, c'est un faux calcul. Parce que c'est un manque à gagner théorique, dans la mesure où, en 1986 et en 1987 en toute certitude, nous serons dans une situation de surplus de capacité en hydroélectricité, de même qu'aujourd'hui l'Ontario est en surplus de capacité de production à partir d'un parc nucléaire.

À partir du moment où un kilowattheure est en surplus, vous allez admettre avec moi que son coût marginal est égal à zéro. Si ce kilowattheure n'est pas utilisé dans la production, que ce soit dans l'aluminium, dans la pétrochimie ou dans l'électrométallurgie, peu importe, c'est une perte sèche pour l'économie. Le choix que nous avons est, soit d'en perdre 250 ou d'en perdre 125; moi, j'aime mieux perdre 125. C'est pour cela qu'on consent 50%. À l'heure actuelle, Reynolds fait tourner ses alumineries du Québec à 100% de sa capacité et pendant le même temps, les alumineries de Reynolds à Corpus Christi au Texas et en Alabama sont fermées. Résultat net: c'est un transfert d'emplois du sud des États-Unis au Québec dans un secteur

stratégique du développement industriel. Quand Pechiney décide d'accepter l'offre du Québec plutôt que celle du Brésil et de venir implanter ici la plus moderne des alumineries du monde avec un investissement de 1 500 000 000 $ et de faire son redéploiement nord-américain à partir du Québec, c'est un transfert d'emplois des États-Unis vers le Québec ou, encore mieux, cela peut aussi impliquer un transfert d'emplois de France vers le Québec parce qu'on est sur un marché international.

On fait exactement le même raisonnement dans le cas de l'Alcan. Je vais être très clair sur un point. Dans le cas de l'Alcan, vous mentionnez que le gouvernement refuse de nationaliser ses barrages. Nous avons eu l'occasion - je crois que c'est en 1977 - de tenir une commission parlementaire là-dessus où le gouvernement, à l'époque, avait annoncé ses couleurs et je ne vois pas pourquoi nous les changerions aujourd'hui. Nous avons dit à l'époque que les royautés payées par Alcan seraient bonifiées, rajustées, indexées; cela a été fait et cela va continuer d'être fait. Je pense qu'on ferait une erreur et on ferait un déplacement de capitaux absolument inutile en consacrant quelques centaines de millions de dollars, sinon davantage, à payer une expropriation à une entreprise qui a son siège social à Montréal, qui a son siège social international à Montréal, qui fait travailler des milliers de travailleurs du Québec où les francophones réussissent maintenant à monter jusqu'au sein du conseil d'administration de cette entreprise qui est carrément et clairement identifiée au Québec. À moins qu'on fasse l'équation, qu'on ait un avantage comparatif énorme qu'on laisse aller, il n'est pas question qu'on revienne sur cette problématique.

Cela veut donc dire que dans le secteur de l'aluminium, de la première transformation d'ici à quelques années au Québec, parmi les cinq grands producteurs mondiaux de l'aluminium, trois seront au Québec avec des productions qui vont faire que le Québec sera, sur la base per capita, le premier producteur mondial d'aluminium. Je suis prêt à gager qu'autant l'acier a fait la richesse de l'Ontario qui a été sa colonne vertébrale, d'ailleurs bien protégée par des tarifications dans le secteur du transport, autant on a une chance, d'ici à la fin du siècle, en utilisant des ressources hydroélectriques pour le développement de l'aluminium, que la production de ce métal soit un atout majeur dans l'économie du Québec. C'est à partir de là qu'on sera en mesure de continuer ce que j'appellerais l'effort négligé de recherche et de développement dans les applications industrielles de l'aluminium.

Ce que j'ai en tête, bien sûr, c'est toute la structure industrielle qui pourrait venir en aval. Dans le secteur de l'automobile, par exemple, il se fait un déplacement de l'acier en faveur de l'aluminium qui est constant depuis quelques années et qui a toutes les chances de continuer. Les Japonais font tourner une bagnole, actuellement, sur des pistes d'essai qui est fabriquée avec de l'aluminium et de la céramique. Avec quoi sera fait demain matin une bagnole? J'ai bien l'impression qu'il va y avoir moins d'acier, les voitures vont être plus légères, etc. On a peut-être une chance, à ce moment, de trouver non seulement un débouché pour vendre le produit de première transformation, mais possiblement intéresser un ou deux grands producteurs mondiaux dans le secteur de l'automobile à venir s'installer ici au Québec.

Si j'essaie de me résumer, pour répondre au point précis que vous soulevez, je ne considère pas qu'il s'agisse d'une subvention à des entreprises lorsqu'on refuse de perdre des kilowattheures qui sont en surplus, on se sert des surplus; à des fins de développement.

Les gens pensent souvent que, parce que nous sommes en situation de surplus, cela équivaudrait nécessairement à baisser les tarifs pour permettre d'écouler ces surplus. Il faut bien comprendre que ce n'est pas parce que vous baissez le tarif que vous augmentez d'autant la consommation; quand vous faites l'effet inverse, là je vous donne raison. Mais ce que je veux essentiellement dire par là c'est qu'il y a des consommations qui sont constantes, qu'on monte ou qu'on baisse le tarif; il y a des entreprises, des ménages, des commerces, etc., qui vont avoir exactement le même niveau de consommation. Nous avons préféré utiliser la marge de manoeuvre que nous laissent aujourd'hui les surplus de production hydroélectrique pour mettre tout l'accent sur l'investissement.

Ce qui a été consenti aux alumineries a été également consenti... pas dans la même proportion, mais il y a quelques mois HydroQuébec annonçait que, sur l'horizon 1990, il y aurait des rabais à partir de l'année en cours, 1983, jusqu'à 50%, ensuite 40%, 20% et 10% pour rejoindre le tarif grande puissance au 1er janvier 1990. Cela s'est fait sans aucune espèce de discrimination par secteurs industriels; cela a été offert à toute entreprise qui augmente sa consommation d'au moins 10%, qui suscite des investissements et qui crée des emplois. Ce programme va très bien et va nous permettre sans aucun doute d'écouler des surplus.

Un autre volet que je voudrais relever et y corriger un chiffre - je ne sais pas où vous avez pris les 0,023 $ sur New York, sur les contrats d'énergie d'exportation...

M. Bakvis (Peter): C'est tiré du rapport

annuel d'Hydro-Québec de l'an passé. C'est le prix pour l'énergie envoyée aux réseaux voisins, cela inclut New York, cela inclut aussi, j'imagine, ce qui est envoyé au Vermont.

M. Duhaime: Alors, ce que vous avez fait c'est que vous avez pris les revenus globaux d'exportation et vous les avez divisés par le nombre de kilowattheures vendus. Sauf que, sur les exportations, il y a l'énergie ferme qui est vendue sur certains contrats avec l'Ontario, par exemple - qui sont de vieux contrats qui ont été signés - vous ne pouvez pas additionner les revenus d'énergie ferme avec les revenus d'énergie d'interruptible. C'est comme additionner le prix des cravates avec le prix des chemises et faire une division; cela ne fonctionne pas comme cela.

Nous vendons à New York et au NEEPOOL sur les mêmes scénarios de prix, entre 35 et 40 mills le kilowattheure, c'est-à-dire de 0,035 $ à 0,04 $; et il y a des variantes parce que c'est un prix indexé qui réfère à une formule presque chimique tellement elle est compliquée, mais cela réfère à l'énergie fossile, cela réfère à un prix de référence avec la dernière centrale nucléaire construite aux États-Unis, cela réfère au prix mondial du pétrole, etc. De sorte que nous calculons des deux côtés, du côté américain aussi bien que québécois, que le prix moyen du kilowattheure vendu sur les deux contrats est d'environ 35 à 40 mills.

Si on compare maintenant le prix que paie l'entreprise québécoise pour de l'énergie interruptible, c'est entre 15 et 16 mills le kilowattheure ou 0,015 $ à 0,016 $. Là, on compare de l'interruptible avec de l'interruptible.

Les volumes de ces contrats. Avec New York nous allons vendre, sur la période de 1984 à 1997, c'est-à-dire treize ans, 111 000 000 000 de kilowattheures. Si durant cette période de treize ans les 111 000 000 000 de kilowattheures n'ont pas été livrés - nous n'avons aucune contrainte sur ces contrats, nous livrons de l'énergie excédentaire lorsque nous en avons - le contrat sera reconduit pour cinq ans au maximum, jusqu'à ce que le niveau des 11 000 000 000 de kilowattheures ait été atteint. Si on l'atteignait, par exemple, au bout de la seizième année, le contrat prendrait fin.

Avec NEEPOOL, c'est le même scénario, sauf que le contrat est de 1986 à 1997, et c'est là qu'on rejoint la ligne des cantons dont vous avez parlé tantôt. Je vais vous en dire un mot, mais, je voudrais vous dire que, globalement, nous calculons que les revenus d'Hydro-Québec à l'exportation sur ces deux contrats seront, en dollars constants, de 6 000 000 000 $ sur la période. Si on met cela en dollars courants, cela vous donne quelque chose autour de 15 000 000 000 $ à 16 000 000 000 $ courants sur les deux contrats que nous avons signés. Je vous avoue que je n'ai rien contre cela, parce que les Québécois paient chaque année à l'étranger, c'est-à-dire hors frontières, que ce soit aux Canadiens de l'Ouest, que ce soit aux Arabes du Golfe, que ce soit aux Mexicains ou à nos amis de l'Amérique latine, du Venezuela, nous versons à tout ce monde-là, pour payer le pétrole et le gaz naturel, 4 800 000 000 $, cette année. Si on est en mesure de récupérer quelques milliards par année des Américains sur des surplus, je pense qu'on fait une bonne affaire. Cela nous permet d'équilibrer notre balance énergétique; cela nous permet d'équilibrer notre balance commerciale. Je fais ma réflexion en allant un peu plus loin et en disant que cela peut aider aussi à une balance des paiements, le jour où les Québécois décideront de changer leur statut politique.

Vous nous dites, dans votre recommandation no 2: "Que le gouvernement renonce à la construction de centrales électriques pour fins d'exportation d'électricité et ouvre un débat...". Je n'ai aucune espèce d'objection sur le débat; j'ai l'impression qu'il est déjà ouvert et qu'on va le poursuivre. Énergie atomique du Canada Ltée nous a proposé avant-hier de construire des centrales nucléaires au Québec et d'exporter l'énergie vers les États-Unis. Je leur souhaite bonne chance dans le projet, mais je n'y crois pas beaucoup; j'ai eu l'occasion de leur dire assez clairement.

La question qui se pose maintenant: construire ou non des centrales hydroélectriques à des fins d'exportation d'énergie de base vers les États-Unis. Peut-être que nous aurons à construire, peut-être que non, cela va dépendre de la croissance de la demande ici au Québec. Sur le plan des principes, si nous signons avec les États-Unis d'ici à quelques années des contrats d'énergie ferme qui feraient en sorte qu'on livre aux Américains 2500, 3000, 3500 mégawatts sur l'horizon de 1990, il faut bien comprendre qu'à ce moment-là le potentiel hydroélectrique du Québec aura atteint 30 000 mégawatts, avec un potentiel en réserve d'autant. Si les Américains sont prêts à payer le prix que nous allons demander pour des ventes d'énergie ferme, parce que cela leur permettrait de faire des économies d'échelle importantes sur les importations de pétrole, cela leur permettrait de faire l'économie, sans aucun doute, de problèmes d'ordre politique sur les constructions de centrales nucléaires... J'avoue honnêtement que je suis prêt à y aller et que les négociations dans ce sens vont très bien.

Je vais peut-être contrecarrer votre proposition, mais sur la ligne des cantons, par exemple, qui est une ligne de 690 mégawatts de capacité, sur de l'énergie

excédentaire pour satisfaire au contrat qui est signé, l'objectif des deux côtés de la frontière est de faire en sorte que cette ligne voie sa capacité augmenté à 2000 mégawatts et qu'ultérieurement, si cette ligne peut porter de l'énergie interruptible sur des surplus, elle porte aussi de l'énergie ferme. Le jour où nous vendrons suffisamment d'énergie au Sud pour nous permettre de payer le pétrole et le gaz naturel que nous achetons, nous aurons une facture énergétique en équilibre. Et, si ces transactions justifiaient que l'on démarre la phase II de la Baie-James avant l'échéance de 1985-1986, je serais prêt à le faire. Je veux être très clair là-dessus.

Vous avez soulevé un point fort important et c'est le dernier que je veux commenter. Ensuite, je vais vous laisser réagir. C'est la question du gaz naturel. J'ai eu l'occasion de le dire souvent, il y a des zones de danger, il y a des zones d'équilibre dangereuses, mais maintenir la concurrence entre Hydro-Québec et les compagnies de distribution de gaz, je pense que c'est sain en soi, parce que cela force les sociétés à faire des efforts considérables sur le plan du marketing, par exemple, parce qu'elles sont en concurrence, et cela leur permet peut-être aussi de comprimer davantage leurs dépenses d'exploitation.

À Hydro-Québec, traditionnellement, la croissance des dépenses d'exploitation était de 21% ou 22%. C'étaient des seuils historiques et, quand on faisait des revues de programmes à Hydro-Québec, on tenait pour acquis que, si ce n'était pas 20% d'augmentation des dépenses d'exploitation, c'était une mauvaise année. On a demandé de compresser là-dessus: en 1982, la croissance des dépenses d'exploitation a été ramenée à 11% et, cette année, pour 1983 -l'année n'est pas terminée - ce sera de beaucoup inférieur à 11%. Si on laissait carte blanche à Hydro-Québec sur une partie du territoire et carte blanche à des compagnies de distribution gazière sur d'autres parties - autrement dit, qu'on enlève l'élément concurrence - je suis absolument convaincu, comme consommateur, que nous en ferions les frais, tandis qu'en forçant les deux compagnies à se faire concurrence entre elles et également avec les compagnies pétrolières, sur le mazout lourd en particulier, c'est le consommateur qui est gagnant, finalement.

Vous nous suggérez, pour ce qui est du réseau gazier, un contenu québécois accru. J'ai fait vérifier les chiffres ce matin et je voudrais vous les donner. Pour 55% des investissements, c'est-à-dire toute la partie gérance, salaires, etc., il est évident que le contenu québécois est de 100%. Alors, on est à 100% québécois pour 55% du total de l'investissement dans le gaz. Pour l'autre chiffre de 35%, c'est-à-dire tuyaux, compteurs, régulateurs, etc., le contenu québécois est de 40%. La question est la suivante: Pourquoi cela ne serait-il pas plus élevé? La réponse est simple, à mon sens. Les investissements, dans les conduites latérales en particulier, ne devront durer que deux ou trois ans. Il n'est pas facile d'inciter des industriels à aller de l'avant, à faire des investissements pour mettre sur le marché des produits qui vont trouver preneur pour deux, trois et même quatre ans, si vous voulez. Alors, on est à 40% québécois pour 35% des investissements, l'autre chiffre de 10% étant ce qu'on appelle dans le jargon l'"overhead", les frais d'administration.

Il y a, bien sûr, certains points où je voudrais vous donner notre accord complet, comme votre recommandation no 7 sur les investissements dans le secteur du méthanol. Hier, Nouveler nous confirmait que les travaux à Saint-Juste-de-Bretenières sont en cours. Elle nous conseille d'attendre au moins 1985 avant de prendre toute autre décision dans ce secteur, la phase 1 de Saint-Juste-de-Bretenières étant de mettre au point le gazogène et la phase 2 étant d'utiliser les gaz produits et de les tranformer ensuite en carburant en tenant compte, bien sûr, de l'évolution du prix du pétrole importé. Mais sur le plan de l'effort de recherche et des investissements, nous avons engagé, je crois, 23 000 000 $ à Saint-Juste-de-Bretenières. Si la phase 1 est concluante, pour ma part, je n'aurai pas d'hésitation à recommander au Conseil des ministres d'aller de l'avant avec la phase 2. Je crois que c'est 50 000 000 $ qui sont requis pour entreprendre la phase 2, parce que c'est un projet pilote unique au monde. Vous avez parfaitement raison de souligner qu'avec la biomasse forestière et tout son potentiel purement et simplement gaspillé en forêt aujourd'hui on pourrait faire des choses. (11 h 45)

Sur le point 8, la question du moratoire sur le nucléaire, je suis parfaitement d'accord. Je n'ai pas à faire une réserve, mais simplement rappeler que nous avons l'intention de faire produire Gentilly 2 et d'utiliser cette centrale nucléaire pour maintenir les effectifs techniques et d'ingénierie à la fine pointe du progrès et de la connaissance dans ce secteur.

Voilà ce que je voulais vous donner comme commentaires sur votre mémoire. Je n'aborderai pas les autres sujets parce que je prendrais trop du temps de la commission, mais je ne voudrais pas que vous croyiez que j'ignore vos recommandations dans le dossier du pétrole, en particulier. Vous avez une recommandation qui m'apparaît empreinte de sagesse quand vous nous suggérez "d'examiner les possibilités d'acquérir une raffinerie par des intérêts québécois dont un, mais pas l'exclusif partenaire pourrait être le gouvernement du Québec." Cela a été évoqué

à plusieurs reprises depuis le début des travaux. SOQUIP fait la mise à jour continue de ce dossier. On essaie de suivre le plus près possible ce qui se passe au Québec dans le secteur des raffineries. Il est évident qu'on a perdu une capacité de production importante. Nous avons cessé d'être les exportateurs de produits raffinés. Voici la question qui se pose maintenant: Est-ce que nous sommes devenus des importateurs? On a 40 000 barils qui flottent, qui se promènent d'un chiffrier à l'autre, qui n'ont pas encore été cernés complètement. Par contre, une compagnie comme Esso, qui a suspendu ses opérations de raffinage à Montréal, nous confirme ici en commission parlementaire, par M. Hamel qui était présent, qu'elle a des ententes, des contrats de façonnage avec d'autres raffineurs, de sorte que les produits qu'Esso vendra au Québec seront raffinés ici. Si la même chose se produit pour les autres raffineurs, le moins que je puisse dire, c'est que si nous avons cessé d'être des exportateurs, nous ne serons pas des importateurs si ces chiffres tiennent. Mais ce dossier demeure ouvert. J'ai eu l'occasion de répondre au député d'Outremont en disant que nous allions nous brancher rapidement comme gouvernement. Je n'ai pas de délai précis en tête, sauf que ce sera très certainement avant les prochaines élections.

Le Président (M. Desbiens): M. Auger.

M. Auger: M. le ministre, sur cette dernière question, selon nos informations, déjà avec la fermeture de Texaco, cela nécessite, pour leur propre réseau de distribution, des importations. Est-ce que le bilan global, comme vous le dites, pour l'ensemble des raffineries est positif ou négatif, est-ce qu'on est devenu un importateur? On n'a pas accès à l'ensemble des données qui nous permettent de le dire au moment où on se parle. On craint cependant, quand on analyse la chute importante de raffinage de quelque 40%, comme que nous l'avons identifiée dans le mémoire, que si on ne l'est pas actuellement, c'est une question de semaines ou de mois pour qu'éventuellement on soit dans cette situation défavorable.

L'autre question que nous voulons soulever dans notre recommandation au sujet de l'achat éventuel ou de la participation gouvernementale dans Pétro-Québec, c'est que, d'après les discussions qu'on a eues avec les travailleurs qui ont été mis à pied lors de la fermeture des raffineries, c'est une espèce de point de non-retour au moment où les raffineries sont fermées; les coûts d'exploitation pour les relancer sont tellement élevés que cela devient, finalement, la justification en soi pour ne pas les rouvrir. On constate que les raffineries ferment les unes après les autres et, s'il n'y a pas cette décision rapide de la part de SOQUIP et du gouvernement d'intervenir dans ce dossier, il y aura plusieurs mises à pied non seulement dans les raffineries directement, mais aussi dans tout le secteur connexe.

M. Duhaime: Un petit commentaire sur cette question. Cela va éviter de le reprendre plus tard. Cette année, en 1983, avec les chiffres que nous avons en main et avec la modernisation qui est faite à Ultramar, je me risquerais à dire, sur la foi de ce que les pétrolières nous donnent comme information au ministère de l'Énergie et des Ressources et de ce qui a été dit ici, que nous avons des chances d'être en équilibre au Québec. Mais ce n'est pas un facteur déterminant dans la décision parce que l'année 1983, c'est l'année 1983 mais que se passera-t-il en 1985, en 1988, en 1990, en 1995? C'est là qu'est le fond du problème. La préoccupation du gouvernement est la suivante: la réduction de la capacité de raffinage au Québec risque d'entraîner la mise à mort de la pétrochimie au Québec. C'est là qu'est le fond du débat et c'est à ce palier que notre réflexion se fait. Ce n'est pas simplement de savoir si en 1983 on est en équilibre par rapport à 1982 ou qu'arrive-t-il en 1984? C'est important dans la discussion, mais ce n'est pas là le point majeur à la base de la décision qui pourrait éventuellement être prise dans ce dossier.

M. Auger: C'est pour cela aussi que nous avons toujours essayé de lier dans notre réflexion sur ce sujet les deux éléments, sauf qu'on ne peut pas, non plus, négliger cette perte d'emplois importante au plan du raffinage.

Sur les autres questions que vous avez soulevées concernant, entre autres, notre interrogation sur les rabais de tarif pour l'implantation de Pechiney et de Reynolds, on convient qu'il peut s'agir de chiffres théoriques si on les regarde de façon simple. Fondamentalement - et on ne veut pas encore une fois, on l'a dit dans le mémoire, refaire tout le passé - ce qu'on constate c'est qu'effectivement on est en situation de production hydroélectrique excédentaire de sorte qu'à même ces excédents on arrive à fournir à ces deux industries des facteurs de localisation qui sont plus intéressants. On ne veut pas universaliser trop facilement cette notion parce que - le tableau de statistiques que nous donnions au début de notre mémoire l'indique - si on regarde cela sur l'ensemble des secteurs, cela ne s'est pas avéré un fondement absolu. Cela peut agir, bien sûr, mais cela ne s'est pas avéré un fondement absolu. Que cela intervienne dans le cas des alumineries, on peut en convenir parce qu'effectivement c'est une part importante de leur localisation avec la

matière première qui est la bauxite.

On ne veut pas isoler dans un mémoire cette question des autres réflexions que nous avons faites. C'est pourquoi il faut pouvoir mettre - et vous l'avez souligné - à cet effet, cette situation particulière d'intervention gouvernementale auprès des deux alumineries dans le cadre, à notre avis, d'une autre proposition que nous faisons plus loin, à savoir qu'on demande que le gouvernement refasse et revoie de A à Z les prévisions de consommation énergétique. Parce qu'on ne voudrait pas, si on reconnaît une situation exceptionnelle actuellement, se retrouver continuellement dans une situation où, ayant toujours des surplus, on soit amené à toujours fixer des tarifs très inférieurs. Non pas parce qu'on ne veut pas que Pechiney et Reynolds s'implantent; au contraire, cela nous apparaît effectivement favorable, mais on dit qu'on ne peut pas, non plus, toujours se retrouver ainsi parce que c'est une logique qui pourrait nous conduire à un illogisme absolu; cela pourrait se revirer complètement contre nous. C'est pourquoi on ne peut isoler cette question de l'ensemble.

M. Duhaime: Oui. En fait, ce que vous me dites, c'est qu'il ne faudrait pas qu'on retienne un scénario dans le genre: la croissance de la demande au Québec va être constante à 6%; on s'en va de l'avant et on enclenche phase II Baie-James, clients ou non.

M. Auger: Oui. 12% de sorte que...

M. Duhaime: Et on va se retrouver en situation de surplus. Autrement dit, il ne faudrait pas condamner d'avance Hydro-Québec à offrir une tarification à la baisse. Je pense qu'on est parfaitement d'accord là-dessus.

M. Bakvis: Selon votre argumentation, s'il y a des surplus, il faut les écouler. Alors, tant les exportations aux États-Unis que la vente à rabais aux producteurs d'aluminium, c'est toujours basé sur le fait qu'il y a un surplus. Alors, on ne peut pas s'opposer à cela. C'est comme dire: J'ai construit une maison au coût de 50 000 000 $; je n'en veux pas. Il y a quelqu'un qui m'offre 30 000 $, alors je vais les prendre. Comme argument pour construire d'autres centrales, c'est très faible. On convient qu'aujourd'hui il y a des surplus et on est mieux de les vendre au prix qu'on peut avoir que de les laisser aller, c'est bien sûr.

M. Duhaime: C'est complexe parce que, lorsque vous pesez sur le bouton vert, vous commencez un grand chantier qui dure huit, neuf, dix ans et même quinze ans. À partir du jour où les premiers arpenteurs arrivent sur le terrain jusqu'à ce que le premier kilowattheure sorte, quelquefois c'est douze ou quinze ans. De ce temps-ci, par exemple, à chaque mois c'est 150 mégawatts qui viennent s'ajouter à la capacité de production d'Hydro-Québec, à chaque mois 150 mégawatts d'ici 1985. Ce qui vient s'ajouter, bien sûr, est déjà comptabilisé dans ce que nous envisageons comme surplus possible. Je comprends parfaitement votre approche qui consiste à dire: Ne nous embarquons pas pour demander finalement aux Québécois - aux contribuables et aux consommateurs - d'investir dans de l'équipement hydroélectrique, nous condamnant à l'avance à nous retrouver dans une situation de surplus pour, ensuite, être obligés de nous retourner pour avoir des politiques d'écoulement de surplus à la baisse. Mais je pense qu'il faudra toujours avoir une marge de manoeuvre aussi à l'intérieur, à cause de la planification à long terme que cela implique. Je pense que là-dessus on se rejoint parfaitement.

M. Auger: Qu'il y ait une marge de manoeuvre, on en est, mais il faut toujours voir quelle est la marge de manoeuvre. Actuellement, on pense que la marge de manoeuvre, par rapport aux prévisions, est beaucoup trop large.

Il y a un autre élément que nous voulons souligner par rapport à cela. Je pense que vous avez raison sur le fait que le rôle de l'aluminium sera extrêmement important. Ce que nous disons tout au long de notre mémoire, c'est qu'il faut prévoir une stratégie industrielle qui fasse en sorte qu'il y ait une série d'entreprises qui dérivent en aval, qui puissent compléter sur le plan des investissements et sur le plan de la création d'emplois, pour qu'on ne soit pas dans la situation où on a été avec l'acier, soit de l'exportation brute, soit de l'exportation avec faible transformation, mais que la transformation soit poussée le plus loin possible.

En ce sens, on veut faire le joint avec l'autre question soulevée: la construction éventuelle de centrales pour strictes fins d'exportation. Il nous semble qu'on ne peut pas séparer, là non plus, cette question parce que l'avantage que nous détenons d'avoir un potentiel hydroélectrique important ici, il faut aussi pouvoir s'en servir pour attirer cette structure industrielle. On ne sera pas beaucoup plus avancé si les structures industrielles s'établissent à l'extérieur et qu'on se retrouve dans la situation où on exportera de l'électricité pour faire fonctionner ces industries dans le centre ou le Nord-Est des États-Unis. En ce sens, on voit, quant à nous, qu'il y a une chaîne continue dans l'approche que nous avons présentée sur cette question.

Quant au point particulier de la construction de centrales à l'extérieur, actuellement, nous en sommes au stade des questions. A priori, si on ne doit construire des centrales que pour fins strictes d'exportation, on dit non; cela ne devrait pas exister à la lumière des connaissances que nous avons actuellement. On peut toujours revenir à notre proposition d'une commission publique d'information très large qui circule sur cette question, mais actuellement on dit non. À la vérité, on se questionne là-dessus: peut-être qu'on pourrait arriver à cette conclusion, mais on voudrait que les autres volets: la stratégie industrielle, entre autres, la création d'emploi au Québec, l'autonomie sur le plan d'une structure industrielle qui corresponde aux années 1980-1990 - rendons-nous jusqu'en 2000 - tout cela soit pris en compte. Qu'à la lumière de ce développement, se pose la question d'une centrale hydroélectrique pour fins d'exportation, je pense que nous sommes prêts à aborder cette question dans une telle perspective. Mais non pas pour dire a priori: Très bien, il y a un contrat fixe comme celui qui nous est présenté par le Nord-Est des États-Unis; on s'engage à construire une centrale hydroélectrique et pour fins strictes d'exportation. Actuellement, on a d'énormes réticences là-dessus. C'est pourquoi nous avons formulé cette proposition en disant, bien sûr, qu'on doit forcer la réflexion non seulement sur cet aspect, mais à l'égard des autres aspects que nous avons développés précédemment.

M. Duhaime: Je partage avec vous cette préoccupation. Cela a été mon premier réflexe quand j'ai commencé à toucher à ce dossier. Il est hors de question que l'on transfère vers le sud un facteur de localisation à notre avantage. Mais où est le correctif? Le correctif qui amenuise tout risque, c'est le prix. Si on vend de l'énergie ferme aux États-Unis à deux fois ou deux fois et demi le tarif grande puissance ici au Québec, il est évident qu'on ne se fait pas mal. L'énergie qui va être vendue à un pareil prix aux Américains va devoir être refilée ensuite à l'industrie. On conserve notre avantage comparatif. Soyez assuré que c'est la première préoccupation et d'Hydro-Québec et du gouvernement là-dessus. (12 heures)

M. Auger: L'autre élément que vous avez noté concernait la concurrence entre le gaz et l'électricité qui peut jouer en faveur des consommateurs par une réduction des frais d'exploitation des deux compagnies. Ce qu'il nous semble, c'est que cela a particulièrement joué à l'égard des producteurs industriels; du côté du consommateur domestique, on n'est pas sûr que cela puisse avoir autant d'impact. D'autre part, on ne veut pas nier toute forme de concurrence. On voudrait minimalement qu'il y ait des politiques un peu plus claires là-dessus que strictement le jeu d'Hydro-Québec versus Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité. Compte tenu de la rentabilité au plan de l'utilisation de ces différentes sources d'énergie, qu'on puisse donner des indications qui fassent en sorte que la concurrence ne joue pas de n'importe quelle façon. Il est bien évident qu'Hydro-Québec pourrait fournir de l'électricité à plus bas tarif même si on pourrait croire que le gaz serait une ressource énergétique plus opportune dans tel cas sur le plan industriel ou sur le plan domestique, et vice versa. C'est cet éclairage que l'on souhaite pouvoir détenir afin qu'on ne se retrouve pas dans ce qu'on peut appeler le jeu de la libre concurrence entre les deux. On n'est pas sûr qu'au bout le consommateur va tirer automatiquement profit de cette libre concurrence que pourraient se mener les deux géants, si l'on veut, sur le plan énergétique à l'échelle québécoise.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Bakvis: Sur la question de la concurrence entre le gaz et l'électricité, on peut même affirmer que le consommateur va payer si la concurrence pour avoir des contrats industriels fait en sorte que l'utilisateur industriel paye moins cher l'énergie. Cela reviendrait finalement à l'État québécois en bonne partie, qui serait prêt à le faire à cause de cette concurrence indue entre le gaz et l'électricité. À l'industrie, Hydro-Québec offre l'électricité à moitié prix pendant cinq ans; à ma connaissance, on n'offre pas un avantage au consommateur. On pourrait dire que le consommateur en bénéficie si on le lui offrait, ce qui n'est pas le cas. Si HydroQuébec offre l'électricité à moitié prix, qu'elle est obligée de le faire parce que le gaz est aussi offert à rabais, finalement, cela fait moins de revenus pour Hydro-Québec; éventuellement, on va augmenter les tarifs du consommateur particulier et il y aura moins de transfert de fonds au fonds consolidé.

M. Duhaime: Je voudrais vous donner deux chiffres qui vont vous permettre de faire l'équation; c'est soulevé chaque année par Hydro-Québec en commission parlementaire. Un point dans la croissance des dépenses d'exploitation d'Hydro-Québec, cela veut dire 10 000 000 $. A travers le tableau toutes catégories de consommateurs, 1% d'augmentation du tarif représente 30 000 000 $. Il y a des économies réelles pour le consommateur lorsque le compte d'exploitation des dépenses d'Hydro-Québec diminue. Si on peut automatiquement le

répercuter entièrement sur la grille tarifaire, c'est clair et net qu'il y a un gain. Si vous prenez un exemple mathématique rapide, si le compte d'exploitation d'Hydro-Québec baisse de 10%, cela fait 100 000 000 $, c'est-à-dire 3,3 points sur le tarif d'économie pour l'ensemble des consommateurs d'hydroélectricité au Québec.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais remercier la CSN pour son mémoire qui fait réfléchir, qui provoque une discussion intéressante et qui devrait continuer à provoquer une discussion pour valoriser le débat public. Quant à nous, nous l'avons souhaité depuis fort longtemps. Vous soulevez, à mon avis, des problèmes de fond, lorsque vous dites que la politique d'industrialisation basée sur l'électricité a été un échec. C'était toute la dynamique ou la proposition de Bâtir le Québec I. On s'aperçoit qu'une électricité meilleur marché au Québec - elle était bien meilleur marché en 1975 et en 1976 que maintenant, selon les chiffres que vous nous donnez dans les tableaux et qui sont confirmés par HydroQuébec - n'a pas été le facteur déterminant qui aurait pu amener l'industrialisation. Comme vous le soulignez, c'est surtout l'industrie manufacturière qui est créatrice d'emplois.

J'aimerais revenir sur plusieurs points qui ont été soulevés, entre autres sur la pénétration du gaz et de l'électricité. Je crois que le ministre n'a pas voulu sciemment fausser le débat sur la pénétration du gaz et de l'électricité, mais il y a une chose qui n'a pas été dite et qui est extrêmement importante. D'une part, les compagnies de distribution du gaz, que ce soit Gaz Inter-Cité ou Gaz Métropolitain, sont régies par la Régie de l'électricité et du gaz. Elles n'ont pas la marge de manoeuvre qu'Hydro-Québec a d'offrir présentement, à des prix de dumping, aux industriels des tarifs qui ne sont plus les tarifs officiels, mais les tarifs officiels coupés de beaucoup pour les prochaines années parce qu'ils offrent de l'énergie interruptible 365 jours par année, 24 heures par jour pendant deux ou trois ans.

C'est bien évident qu'on ne peut pas parler de concurrence normale entre l'électricité et le gaz présentement, et c'est cela le facteur important. On se leurre lorsqu'on dit qu'on va laisser les deux en concurrence normale et que chacun devra faire son effort de marketing. Je suis conscient qu'Hydro-Québec fait des efforts pour réduire ses coûts et je pense que, de ce côté-là, on doit l'encourager. Le facteur déterminant - et tout le monde l'a dit avant que la construction du pipeline et la construction du réseau de distribution commence - ce qui fera le succès de la pénétration du gaz, en plus d'aller chercher le marché domestique qui semble un fait acquis dans une très large mesure, c'est d'aller chercher également l'industrie qui, elle, rentabilise le réseau durant les mois d'été où le marché domestique n'existe pas.

Ce qui arrive présentement, c'est que le gouvernement a approuvé des programmes spéciaux au mois de juillet - ou à la fin de juin - qui s'attaquent, justement, à cette clientèle industrielle à laquelle les deux sociétés de distribution désiraient s'attaquer et qu'elles espéraient convaincre. On se trouve donc, maintenant, dans une situation où les deux sociétés de distribution de gaz qui croyaient aller vers telle ville ou tel village ou qui ont peut-être commencé à construire des embranchements, croyant obtenir, dans une ville donnée, deux ou trois grosses consommatrices d'énergie, s'aperçoivent qu'Hydro-Québec y va et offre des tarifs tellement intéressants que la société de gaz ne peut pas faire la concurrence. Là, cela pose toute la question d'arbitrage que vous avez soulevée. Je crois que la réponse que le ministre vous a donnée n'était pas, à mon avis, valable parce que le problème est là, si on accepte également une autre donnée du problème selon laquelle le programme fédéral de pénétration du gaz n'est valable que pour trois ou quatre ans, selon les informations obtenues. On l'a dit, d'ailleurs, l'an dernier, la pénétration du gaz se fera durant les trois ou quatre prochaines années ou elle ne se fera pas. Bien sûr, on peut espérer que le gouvernement fédéral, dans trois ou quatre ans, à la suite de négociations avec l'Alberta, prolonge sa politique, mais dans le moment ce n'est pas une donnée du problème.

À mon avis, toute la dynamique que vous avez soulevée reste entière et le ministre refuse de faire un arbitrage. Il propose une concurrence entre les deux formes d'énergie, mais, à mon avis, très bientôt, qu'on le veuille ou non, on va faire face au problème. Si ce n'est pas cette année, ce sera peut-être l'an prochain. Le problème reste entier. Je voudrais vous dire que, pour ma part, je partage votre point de vue sur cette donnée du problème qui est différente de celle qui a été donnée par le ministre.

Pour ce qui concerne le pétrole, cela veut dire une remise en question et c'est pour cela qu'on est en commission parlementaire. On doit se poser la question: Est-ce qu'on peut continuer à assurer la pénétration du gaz, comme on l'a promis, à moins qu'on n'intervienne dans le domaine de l'électricité pour dire qu'il y a telles zones du Québec ou telles villes du Québec qui vont être privilégiées pour l'une ou l'autre forme d'énergie? Autrement, je crois qu'on va s'en aller vers la construction de réseaux

de distribution du gaz qui ne pourront pas être rentables dans l'avenir. On est ici pour soulever la question et vous l'avez soulevée. Je voulais simplement vous donner une donnée additionnelle du problème.

Vous avez aussi soulevé la question du pétrole et, encore là, plusieurs intervenants ont posé la question: Est-ce qu'on doit à tout prix continuer dans la même direction et éliminer ou réduire la consommation de pétrole au Québec autant que la politique énergétique le désire présentement? Je crois qu'on doit au moins se poser la question, parce qu'on s'aperçoit que cela crée une perturbation très importante qui va affecter non seulement les raffineries mais aussi la pétrochimie. La question que vous avez posée, je la poserais différemment. Est-ce qu'on ne devrait pas réviser notre politique énergétique pour assurer un marché minimal au pétrole? À mon avis, c'est la question de base. Vous avez posé la question: Est-ce qu'une intervention de l'État réglerait le problème?

De ce côté-ci de la Chambre, nous avons des doutes a ce sujet. La question fondamentale est celle-ci: Est-ce qu'on devrait assurer un marché minimal pour le pétrole? Et je suis tout à fait d'accord avec le ministre et avec vous-même lorsque vous dites qu'on ne devrait pas être importateur de produits raffinés. Ce serait ridicule que nous soyons rendus à importer des produits raffinés au Québec. Il ne semble pas que ce soit le cas pour 1983. Les prévisions varient. Vous avez demandé que le ministère fasse des prévisions. Je pense qu'on s'entend pour dire que quels que soient les experts qui vont faire les prévisions, ces prévisions sont susceptibles d'être fausses. Les grandes pétrolières nous disent que non, il n'y aura pas d'importation dans l'avenir; SOQUIP nous dit qu'il y aura l'an prochain une importation de 40 000 barils par jour, mais qui va en décroissant et qui, en 1990, arrive à zéro. Là, il y a une variation dans les prévisions. On s'entend sur la question de principe. J'aimerais avoir votre réaction. Puisque nous sommes ici pour réexaminer la politique énergétique du Québec, ne croyez-vous pas qu'une façon d'assurer une dynamique du développement économique, qui inclut la pétrochimie et la raffinerie de pétrole... on devrait au moins se poser la question très sérieusement et faire faire des études sur cette possibilité de maintenir au Québec une consommation de pétrole qui assurerait la survie d'une capacité minimale de raffinerie et qui, en conséquence, assurerait le succès d'une pétrochimie.

M. Auger: Notre proposition pour l'instant, le plus loin où nous puissions aller, consiste à dire: Il faut faire en sorte que l'ensemble d'une politique énergétique réalise l'équilibre des différentes sources d'énergie le plus clairement et le plus précisément afin de pouvoir nous permettre d'analyser cette étude, savoir quelle part doit prendre l'électricité, le gaz, le pétrole et les autres formes d'énergie...

Sur la protection minimale actuellement on n'a pas de données suffisantes pour pouvoir aller beaucoup plus loin - il nous semble que ce vers quoi on doit forcer, c'est beaucoup plus la structure industrielle pétrochimique qui ferait en sorte, par elle-même, si on maintient le principe de la non-importation de pétrole, de protéger, d'une part, les emplois et même d'en créer et, d'autre part, de laisser au pétrole le rôle pour lequel il est déterminé de façon optimale comme intervenant sur le plan énergétique plutôt que de s'en servir à toutes les sauces, comme on l'a fait dans le passé. Est-ce qu'on va aboutir à une protection minimale? Est-ce qu'on arrivera à un chiffre pour dire: La consommation de pétrole ne doit pas descendre en bas de 40% sur l'ensemble des 100% de consommation? Je ne peux pas dire cela actuellement. Par notre volonté d'indiquer au gouvernement et aux intervenants dans cette matière de maintenir et de surveiller pour que tout le secteur pétrochimique ne se détruise pas en termes de création d'emplois et qu'on doive au contraire insister sur cette industrialisation, il nous paraît possible d'arriver à protéger un minimum sur le plan du pétrole. Mais notre objectif n'est pas de dire: Le pétrole doit rester à 25%, à 30% ou à 35%, parce qu'il faut qu'il reste là. Cela veut dire que le pétrole doit rester là dans la mesure où il doit répondre à des exigences sur le plan d'une structure industrielle importante, si on pense que la pétrochimie est encore et va être encore pour plusieurs années un élément important dans une structure industrielle québécoise.

Il y a de la consommation sur le plan industriel qui va toujours demeurer, qu'on le veuille ou non. On ne pourra pas tout remplacer en termes de consommation pétrolière. Dans l'industrie, il y a un certain nombre d'usages domestiques. Cette combinaison devrait effectivement trouver un . équilibre. Et, quant à la recherche à faire, on le demande effectivement. (12 h 15)

M. Fortier: Je pense qu'on devrait faire des études de ce côté-là, parce qu'il est bien évident qu'en 1978 - et, en toute honnêteté, cette opinion n'était pas uniquement celle de M. Joron à l'époque; elle était partagée par d'autres - à la suite de la crise pétrolière, je pense qu'il y a eu une réaction à savoir que, si on avait pu réduire la consommation de pétrole à zéro, on aurait proposé une politique dans ce sens-là. Je crois que maintenant on en revient un peu. On ditqu'on a besoin du pétrole pour le transport, mais on s'aperçoit également qu'il y a un

autre aspect de la question qui est le fait que, pour l'industrialisation du Québec, pour la pétrochimie en particulier, avoir une politique qui est de réduire le pétrole le plus possible, simplement parce que c'est le "bad boy", la mauvaise forme d'énergie qu'on importe et parce que c'est importé, c'est méchant. Je crois qu'on doit au moins se poser la question et dire qu'une politique de substitution du pétrole à tout prix n'est peut-être pas la meilleure solution pour le développement économique du Québec, même si on doit importer le pétrole. Je crois que c'est une nouvelle façon d'aborder le problème qui mérite une attention et une étude plus approfondie que ce qu'on peut faire ici, en commission parlementaire et qui, à mon avis, serait beaucoup mieux que de demander... Avant de parler d'intervention de l'État, à mon avis, on devrait faire cette étude pour déterminer si, en dépit des importations de pétrole et de leur coût... Je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'on devrait compenser cette importation par de l'exportation d'énergie pour que la balance des paiements du Québec et du Canada soit la meilleure possible. Mais la question fondamentale, à mon avis, c'est une remise en question de cette politique qui voulait la substitution du pétrole à tout prix. Et je pense qu'en 1978, si on avait pu prouver qu'on pouvait aller vers des voitures électriques, on l'aurait proposé. Ce que je dis, c'est qu'en 1983, j'ai l'impression que plusieurs groupes, dont le vôtre, sont venus ici pour poser la question et que cette question-là devrait être approfondie par le ministère et par tous ceux qui s'intéressent à la question énergétique.

En ce qui concerne l'industrialisation, je vous l'ai dit au début, je crois que vous soulevez une très sérieuse question. Comment se fait-il qu'alors que l'énergie électrique était meilleur marché au Québec, le développement du secteur manufacturier qui est créateur d'emplois n'ait pas été plus important? Quant à nous, on a soulevé cette question à plusieurs reprises. Étant donné que le débat est non partisan ce matin, on va en rester à ce niveau-là. Mais, il est évident que, dans le passé, nous allions chercher une plus grande proportion des investissements manufacturiers au Canada et que, depuis un certain temps, ce pourcentage-là s'amenuise. Il est évident que c'est une situation qu'on ne peut accepter. On peut se poser la question, puisque quand on regarde les pourcentages que vous donnez, il est évident que l'énergie n'est pas le seul facteur, il y a d'autres facteurs. J'aurais voulu, quant à moi, que vous dépassiez... Vous dites, d'ailleurs, que l'énergie électrique n'a pas été le facteur déterminant. Si on examinait les motifs pour lesquels, en dépit de coûts énergétiques tout de même assez bas, le Québec n'a pas réussi, ce serait intéressant pour connaître ces autres raisons qui ont fait que le Québec n'a pu attirer autant d'investissements dans le secteur manufacturier que d'autres provinces. Si on prend le pourcentage des investissements manufacturiers, je crois que l'an dernier, c'était 18% de tous les investissements manufacturiers au Canada, alors que dans le passé, c'était 23%, et que même une année le pourcentage a atteint 24%. Je crois qu'on doit se poser ces questions-là.

Toutes sortes d'éléments ont été soulevés: le climat social, un climat de grève, la taxation excessive des individus, l'instabilité politique. Si on parle de pétrochimie, des gens sont venus nous dire que pour les raffineurs, la taxe Parizeau qui semble coûter 5% du coût de production aux raffineurs est également un facteur. Enfin, il y a plusieurs raisons qu'on peut étudier, mais je me demandais si, de votre côté, vous aviez examiné les motifs qui faisaient que le développement manufacturier ne s'était pas fait au Québec, malgré l'avantage de l'énergie électrique qui, de toute évidence, n'a pas joué.

M. Bakvis: Permettez que je réponde d'abord à la première partie. Je reviens sur la question du pétrole. Il me semble, pour ce qui est de l'utilisation du pétrole, qu'il y a une réalité qui demeure et qui est que le transport privé, avec tout ce qu'on peut prévoir, va encore utiliser le pétrole. Bon. Il y a, bien sûr, la pétrochimie. Bien que certaines industries puissent fonctionner au gaz, il y en a d'autres qui ont besoin du pétrole. Donc, il est absolument illusoire de penser qu'on va faire une substitution complète du pétrole par d'autres types d'énergie.

Mais il y a aussi une réalité qui nous apparaît manifeste. Enfin, il y en a plusieurs qui prétendent que le Québec n'est pas encore importateur. C'est qu'il y a eu une restructuration de l'industrie du raffinage par la fermeture de quatre raffineries: une toute petite et vieille raffinerie en Ontario, et trois grandes raffineries au Québec. L'industrie du raffinage n'a pas l'habitude de faire l'exportation dans d'autres pays. Ces raffineries sont là pour la consommation interne. Il nous apparaît qu'à plus ou moins long terme, probablement à assez court terme, le Québec va devenir un importateur net. Il y a trois ou quatre raffineries en Nouvelle-Écosse qui produisent bien au-delà des besoins en pétrole de cette région; elles sont encore là; elles n'ont pas encore été fermées. Il y a des raffineries en Ontario qui, maintenant, ont une capacité qui dépasse de loin la consommation de cette province. On a appris également, à un certain moment, que la compagnie Texaco semblait acheminer, par bateau, du pétrole raffiné de l'Ontario à Montréal. C'est peut-être quelque chose à

vérifier.

L'implantation industrielle, c'est une question qui semblait aller bien au-delà du domaine de la commission parlementaire. On a tenté d'expliciter là-dessus, cependant. Pour une industrie, par exemple, comme celle du papier, on a dit - les chiffres parlent assez bien par eux-mêmes - que la facture d'électricité indique un coût relativement minime par rapport à d'autres coûts, notamment la matière ligneuse. Pour ce qui est de la matière ligneuse, on sait qu'il y a des problèmes. En fait, les compagnies de papier n'arrêtent pas de nous dire que cela coûte moins cher dans le sud des Etats-Unis. Pourquoi? Parce qu'on a reboisé de vastes territoires, on a fait une exploitation soignée, une coupe sélective qui fait que ces terres demeurent utilisables; surtout, on a réussi à réduire les frais de transport de la forêt jusqu'à l'usine, parce que c'est là qu'intervient l'augmentation des coûts au Québec.

Sans doute, on pourrait faire des études similaires dans d'autres industries, mais il nous semble que ce sont des facteurs reliés aux coûts de production et qu'il y a d'autres facteurs que l'électricité qui font que le Québec, dans certains cas, n'est pas aussi concurrentiel qu'il voudrait l'être. Jusqu'à maintenant, on a mis l'accent sur un aspect, celui de la facture énergétique. On espère d'ailleurs - parce qu'il nous semble qu'il y a vraiment très peu d'études là-dessus examiner les raisons de l'implantation... On va probablement découvrir, comme pour ce qui est du papier, qu'il y a certains coûts de fabrication, les coûts de la matière première qui sont plus élevés. Pour les produits chimiques, par exemple, il semble qu'actuellement l'utilisateur industriel paie le pétrole moins cher aux États-Unis qu'au Québec, ce qui n'aide pas le développement de ce secteur au Québec. On trouvera que c'est plus pour ces raisons que pour quelque raison que vous avez soulevée, dont le climat social. La compagnie qui songe à s'établir quelque part va d'abord regarder un budget pro forma; elle devra avoir des états financiers pro forma; elle va voir ce que cela va donner au niveau des coûts par rapport à différentes régions et elle va faire son choix d'implantation en fonction de cela.

M. Fortier: Là-dessus, j'aimerais revenir à la question de Pechiney, mais relativement à l'industrialisation. Je pense que le ministre a mis Pechiney et Alcan dans le même panier. Il est bien évident, à mon avis, qu'il y a une différence essentielle. Si on prend l'attitude de la Chambre de commerce de Montréal et du Board of Trade de Montréal, le COPEM qui ont toujours insisté, lorsqu'une industrie multinationale vient s'établir au Québec, pour qu'elle ait une mission mondiale. Je pense que le meilleur exemple qu'on donnait dans la région de Montréal c'était Pratt & Whitney qui, malgré le fait qu'elle soit possédée à 100% par la société mère américaine, a la mission mondiale de développer de petits moteurs d'avion. Cela lui permet de faire de la recherche et du développement ici, cela lui permet de faire du marketing à partir d'ici. Il y a toute une dynamique qui s'inscrit dans une compétition internationale qui fait que, lorsqu'une filiale internationale vient s'établir ici, un facteur d'industrialisation, c'est surtout le fait que, si elle a une mission mondiale, elle puisse, à partir de là, faire de la recherche et du développement, développer des produits spéciaux et tout cela.

Dans le cas de l'Alcan - et le ministre l'a dit, c'est très vrai - le siège social est ici, une bonne partie de la recherche et du développement est ici, elle fait son alumine ici, elle fait son aluminium ici et elle est impliquée, que ce soit au Québec ou en Ontario, dans tous les produits de transformation à partir de l'aluminium. Il semble évident, jusqu'à preuve du contraire, à moins que le ministre ait de l'information que je n'ai pas, que le siège social de Pechiney est à Paris, la recherche-développement de Pechiney se fait à Paris. Le marketing international de Pechiney va se faire à partir de Paris. C'est bien évident que les Français viennent ici pour prendre avantage de tarifs d'électricité à bon marché. Quoiqu'on soit d'accord avec cela, si on parle d'industrialisation, je crois qu'on doit faire une distinction très nette entre l'Alcan et Pechiney. L'Alcan est un dynamo de développement économique très fort au Québec et, jusqu'à preuve du contraire, je crois que Pechiney ne le sera pas dans la même dimension.

Comme facteurs d'industrialisation, certaines de vos remarques en ce qui concerne l'investissement de Pechiney, à mon avis, sont valables. Il est sûr que l'investissement lui-même va créer de l'emploi à l'usine même. Je ne sais pas qui va être le président de Pechiney à Québec, mais cette personne, à mon avis, la seule fonction qu'elle va avoir va être de diriger l'usine. Je n'ai rien contre les directeurs d'usine mais, ce que je veux dire, c'est qu'au point de vue corporatif, pour employer un barbarisme, la direction de Pechiney Québec n'aura pas beaucoup d'autres préoccupations que celle de faire fonctionner l'usine à temps plein et elle n'influera pas beaucoup dans le sens de l'industrialisation, comme vous l'avez mentionné. Je me demandais si ma réflexion correspondait à la vôtre de ce côté. Je me demandais si vous aviez des commentaires.

M. Auger: Pour nous, l'impact important, on l'a dit, si on met de l'avant que l'aluminerie, que ce soit l'Alcan,

Reynolds, Pechiney, est une industrie d'avenir, ce que l'on veut, ce que l'on préconise, c'est de s'assurer qu'il y ait un bon nombre d'industries en aval. Je l'ai dit tout à l'heure, qu'on ne se retrouve pas dans la situation de l'acier, où on faisait strictement de l'extraction et de la transformation primaire. Quant à l'autre question que vous posez sur Pechiney, je suppose qu'on pourrait aussi la poser sur bon nombre d'autres entreprises. On pourrait souhaiter avec vous que tout cela s'en vienne au Québec, mais, si on pose cette question, je pense qu'on va la poser pour un très grand nombre d'autres multinationales, américaines ou autres.

M. Fortier: Remarquez bien que j'ai dit que quant à nous on est heureux que Pechiney vienne s'établir ici. C'est certainement un investissement désirable. Je soulevais la question en termes de dynamo de développement industriel. C'est pour cela que je faisais la distinction. Quant à cela, Pechiney aurait du s'établir, j'imagine, au Congo belge...

M. Auger: C'est à notre avis la question fondamentale. À partir du moment où une industrie primaire comme Pechiney s'en vient ici, il faut que non seulement elle produise de l'aluminium de première transformation, mais qu'en même temps, cet aluminium sorte sous de plus grandes formes diversifiées de produits de consommation. La chaîne de production va partir de la bauxite pour se rendre jusqu'au pied de microphone ou à l'automobile, toute grande industrie qui va attirer de l'emploi pour assurer un roulement économique important au Québec.

M. Fortier: Je voudrais revenir sur votre première recommandation. Je crois qu'on se retrouve, comme je l'ai dit au début, sur le débat public, sur la nécessité de discuter de ces problèmes. Entre autres, j'ai signalé, lors du débat que nous avons eu à la mi-juin touchant les contrats d'exportation d'électricité, que le ministre et le cabinet ont insisté pour que ce soit dorénavant le cabinet qui approuve les contrats d'exportation. Alors j'ai fait valoir que dans la mesure où la loi était adoptée telle quelle, ceci ne permettait pas un débat public si Hydro-Québec n'avait pas ce pouvoir absolu sujet à la caution du cabinet... J'avais demandé justement que chaque fois qu'il y aurait un contrat d'exportation on ait une commission parlementaire et que ce soit inscrit dans la loi. Cela a été refusé. (12 h 30)

J'avais fait d'autres recommandations concernant les augmentations de tarif. Comme vous le savez, la Régie de l'électricité et du gaz s'applique à Gaz métropolitain, à Gaz Inter-Cité et chaque fois que ces deux sociétés veulent faire des investissements il y a des auditions publiques où elles doivent justifier leurs investissements. Ceci permet à n'importe quel groupe, syndical ou autre, ou à des individus d'aller faire des représentations devant la régie.

Dans le cas d'Hydro-Québec ceci n'existe pas. Bien sûr, il y a la commission parlementaire mais les groupes intéressés ne peuvent pas faire valoir leur point de vue devant la commission - à moins que ce soit comme aujourd'hui - lorsqu'il y a des augmentations de tarif. Ce que vous proposez est un débat énergétique mais je me demandais si, en ce qui concerne l'augmentation des tarifs d'électricité qui revient une fois par année, vous verrez un avantage à ce que chaque fois qu'Hydro-Québec vient devant cette commission pour faire valoir son point de vue et justement faire une mise à jour de ses programmes d'investissements, on permette à des groupes intéressés comme le vôtre de venir faire des représentations.

M. Auger: Effectivement nous jugeons important de souligner que sur des hausses de tarif, tel qu'on l'a fait - que ce soit annuel, biennal, cela reste à voir selon les données que nous aurions à ce moment -c'est particulièrement important au niveau des individus comme des différents groupes qu'ils puissent intervenir sur une question aussi importante que celle-là, la hausse des tarifs du compteur d'électricité.

M. Fortier: La vente d'énergie ferme, vous en faites une question de principe. Malgré les explications que vous avez données, j'ai de la misère à comprendre votre question de principe. Je pense bien que je suis d'accord avec vous qu'on ne devrait pas s'engager à construire 15 000 mégawatts si on n'a pas une certaine assurance de les vendre; on ne devrait pas s'engager dans une direction qui mettrait les finances d'Hydro-Québec en péril. Mais si on pouvait négocier des contrats d'exportation, vous semblez dire, même là, qu'en principe vous n'êtes pas d'accord. Pourriez-vous expliciter votre question de principe, s'il vous plaît?

M. Auger: Là-dessus, ce que j'ai dit, je vais essayer de le dire plus clairement, c'est qu'il y a les éléments suivants qu'on veut prendre en considération. Premièrement, on ne veut pas que cette question de l'exportation de l'électricité soit une question isolée dans le débat énergétique. Donc, pour nous, la priorité en termes d'utilisation de l'énergie hydroélectrique produite au Québec sert à maximiser la structure industrielle, la création de l'emploi, les bonnes conditions de consommation d'électricité, la question des

tarifs aux usagers, etc. C'est d'abord et avant tout notre priorité fondamentale.

Ce que l'on dit c'est que si on part avec l'affirmation au point de départ que l'idée d'exportation extérieure nous est favorable, on craint effectivement de ne pas passer par le préalable que je viens de mentionner. Nous serons d'accord pour débattre cela dans le cadre d'une stratégie globale de développement du Québec sur le plan industriel et sur le plan de la consommation domestique, pour voir si à un moment donné il peut y avoir place pour de l'exportation. On n'affirme pas être totalement fermé là-dessus.

L'autre question que nous avons soulevée dans nos réflexions, je n'en ai pas fait part je crois tout à l'heure, cela va me permettre de l'ajouter, c'est bien sûr une préoccupation que nous voyons à long terme. La réflexion que nous nous sommes faite -c'est vraiment à titre de réflexion actuellement - c'est qu'à partir du moment où nous avons les installations hydroélectriques au Québec pour - prenons l'hypothèse - favoriser l'exportation dans un contrat ferme vers les États-Unis, cela nécessite de notre part des investissements considérables - vous allez le comprendre -bien sûr qui, dans un premier temps, pourraient nous permettre par rapport à une néqociation avec les États-Unis, en particulier, d'obtenir des tarifs qui nous conviennent... S'ils ne nous conviennent pas, on ne construit pas. Vous nous disiez tout à l'heure, M. le ministre, que le contrat avec le NEEPOOL, nous mène jusqu'en 1997, est-ce que c'est cela? De 1986 à 1997. On peut se poser la question: En 1997, si on a augmenté notre installation hydroélectrique pour fins d'exportation, lors du renouvellement, notre situation, notre rapport de forces, pour utiliser un langage que nous connaissons, par rapport à ceux qui vont négocier de l'autre côté des lignes, sera diminué considérablement.

Si on leur dit: si vous ne payez pas le prix qu'on demande, on arrête de vous envoyer l'hydroélectricité. Vous allez comprendre qu'on aura eu toute la charge sur le dos et qu'on continuera à l'avoir. On ne pourra pas seulement les envoyer dans l'air, à moins qu'on trouve une technologie de stockage de l'électricité, ce qui, semble-t-il, n'est pas encore perceptible. C'est une autre inquiétude que nous avons. C'est pourquoi nous insistons beaucoup pour lier cette question. Mais encore une fois, quand on est en situation excédentaire, on dit: On fait ce constat avec les autres et on regarde. Mais de la construction immédiate ou un plan rapide de développement de la construction immédiate de centrales pour fins d'exportation ferme, cela nous pose d'énormes problèmes et on ne veut absolument pas aborder cette question de façon isolée.

M. Fortier: Je pense bien que vous réalisez que si les Américains, après avoir signé un contrat comme celui-là, voulaient eux-mêmes produire l'électricité qu'ils achètent d'ici, on les verrait venir pendant un certain nombre d'années. Pour pallier à 3000 ou 4000 mégawatts d'électricité, il faudrait qu'eux-mêmes s'engagent dans la construction de centrales au moins dix ans avant; mais quand même, j'accepte votre réserve.

Je considère important le point que vous soulevez. Sans vouloir interpréter ce que vous avez dit, vous dites: Avant de parler d'exportation, il faudrait mettre au point une politique d'industrialisation et de création d'emplois. C'est là votre point majeur. Vous dites que vous ne voyez pas encore le dynamisme qui va assurer les investissements nécessaires pour la création d'emplois ici. Vous demandez qu'il y ait une politique bien définie favorisant la création d'emplois dans le secteur manufacturier en particulier. Prenez en considération les facteurs énergétiques et, après cela, on pourra favoriser l'exportation, dites-vous.

M. Auger: Nous avons déposé pour le premier ministre québécois - nous l'avons dit dans le mémoire - un document qui, à la lumière de nos réflexions, de celles des gens que nous représentons très directement dans les différents secteurs, ne nous apparaît peut-être pas la solution, mais qui nous paraît présenter des éléments d'une solution sur le plan industriel pour faire en sorte qu'on puisse être davantage autonome et répondre à une préoccupation majeure qui nous importe énormément, toute la question du chômage, des éléments d'une politique industrielle qu'il reste à compléter. Qu'on parle, entre autres, de l'électrification du transport. On disait, hier, qu'on trouvait un peu paradoxal que dans une ville canadienne, à Edmonton, qui ne peut tout de même pas prétendre avoir des problèmes d'approvisionnement de pétrole, on a électrifié le transport en commun pour permettre, probablement sur le plan écologique mais aussi sur le plan économique, d'exporter davantage de pétrole. Alors, on a une ressource hydroélectrique ici. Est-ce qu'il est envisageable qu'on puisse travailler systématiquement sur notre transport en commun avec toutes les retombées que cela peut avoir sur l'industrie secondaire qui permettrait d'alimenter une telle électrification du transport? Qu'est-ce qui est faisable là-dedans? Nous pensons qu'on doit travailler dans ce sens parce que cela a deux fonctions. D'une part, les surplus excédentaires peuvent être accaparés par nous-mêmes ici et, d'autre part, cela a une fonction importante sur le plan de la

structure industrielle, tout en augmentant notre autonomie, en maintenant notre autonomie et en la renforçant sur le plan énergétique.

M. Fortier: Je vous remercie. Je pense que vous avez soulevé des points fondamentaux et nous sommes d'accord avec plusieurs; avec d'autres, on l'est moins. Je pense que le débat que vous avez soulevé était celui qu'on voulait provoquer lors de cette commission parlementaire.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: J'aime beaucoup votre expression de rapport de forces quand on discute avec les Américains. De part et d'autre de la frontière, les chiffres sont sur la table, c'est un secret de polichinelle, les Américains connaissent et les états financiers d'Hydro-Québec et l'état des installations. Ils font leur propre prévision de la demande domestique du Québec en fonction d'un scénario de croissance sur l'avenir. Ce que vous nous dites ce matin est ma préoccupation dans ce dossier. Vous la rappelez à très juste titre. Ne jamais nous placer dans un marché de vendeurs. À ce moment-là ce seraient les Américains qui fixeraient le prix. Ce que nous vendons actuellement, c'est des surplus. On se comprend bien. On a un contrat de 13 ans qui peut aller jusqu'à 18 ans. En d'autres mots, lorsque nous avons des surplus nous les exportons. Quand il n'y a pas de surplus nous ne les exportons pas. Il n'y a pas de contrainte. L'indexation dans le prix est un fait qu'il y a un gain net et pour les Américains et pour nous. Les surplus d'été actuellement sont déversés à partir de 1984 à 1986 sur New-York et sur le NEPOOL et vont nous rapporter de l'argent.

Je fais exactement le même raisonnement concernant des transactions à venir sur un contrat d'énergie ferme. Je tiens compte du fait que je ne suis pas intéressé à faire passer au Sud un facteur de localisation très avantageux pour le Québec. C'est le facteur prix qui va être le correctif. Là-dessus on se rejoint et espérons que le rapport de forces jouera jusqu'au bout et qu'on aura des choses intéressantes. Est-ce qu'on va ouvrir un débat là-dessus? En temps et lieu, j'avoue ne pas avoir aucune espèce d'objection à l'ouvrir. On aurait été en débat sur l'énergie pendant toutes ces années, je pense que c'est très sain que la population comprenne exactement la démarche que l'on fait, et qu'elle soit également d'accord.

Un dernier élément. Ce que le député d'Outremont avançait tantôt, j'avoue que cela m'inquiète dans le sens qu'il faudrait qu'on remette en cause les grandes problématiques de la politique énergétique du Québec. S'il y a eu une crise du pétrole à l'échelle mondiale, au premier choc pétrolier aussi bien comme au deuxième, c'est qu'il y a des brillants cerveaux dans les pays qui ont formé le cartel de l'OPEP qui ont dit: Si on peut réussir à diminuer l'offre sur le marché international, nous allons ensuite commander le prix. C'est exactement ce qui s'est passé. Les pays membres ont décidé de resserrer les chantepleures et d'amener moins de pétrole sur le marché international et le prix a été multiplié par 15 en l'espace d'une dizaine d'années. C'est drôle mais je n'ai pas le goût de courir le risque que cela nous arrive une autre fois. La réponse des pays industrialisés au cartel du pétrole a été l'efficacité énergétique, conservation d'énergie, économie d'énergie, autre forme d'énergie en particulier les énergies nouvelles.

Si on fait un raisonnement avec les chiffres que l'on a sur la table. Tout le monde s'entend pour dire que la demande globale d'énergie autant chez nous qu'aux Etats-Unis a des chances d'être ou bien stable ou bien à environ 1% de croissance d'ici à 1990. Si on suit le raisonnement qui vient d'être avancé par le député d'Outremont, qu'on remet en cause l'objectif de déplacer le pétrole importé pour le Québec, que dans le même temps le gaz naturel augmente sa part du marché, il est bien évident que ce qui va se produire c'est que la part de l'hydroélectricité va diminuer dans sa croissance. Cela voudra aussi dire que les investissements d'Hydro-Québec devront diminuer dans la même logique sur l'horizon 1990.

Or, si on prend l'année 1983, le total des investissements publics et privés au Québec est de l'ordre d'environ 13 000 000 000 $. Hydro-Québec va faire environ 20% à 22% de ce montant. En 1979 Québec a compté, de mémoire, pour le quart des investissements globaux au Québec. Si on suit cette logique de remettre en cause les objectifs de la politique énergétique sur l'horizon 1990, en même temps que le gaz naturel pénètre, qu'on maintient une plus grande place au pétrole importé, il faut conclure puisque la demande globale d'énergie est ou bien stable ou bien en croissance de 1%, que ce sont les investissements d'Hydro-Québec qui devront être diminués. Cela veut dire moins d'emplois chez nous. Je ne suis pas prêt à faire cela. C'est dans ce sens-là que, jusqu'à présent en tout cas, depuis le début des travaux de cette commission, on peut, bien sûr, avoir des bonnes idées mais il n'y a personne qui a soutenu à fond qu'il fallait remettre en cause l'objectif fondamental de la politique énergétique qui était de déplacer le pétrole. (12 h 45)

On n'a aucune espèce de garantie à l'heure actuelle, malgré tous les scénarios des futurologues, que le cartel du pétrole ne se reformera pas un jour. Qui nous dit que les pays qui ne sont pas membres de l'OPEP n'iront pas joindre l'OPEP? C'est un risque énorme. Et je pense que l'objectif d'accroître notre autonomie énergétique essentiellement en fonction du Québec doit être maintenu. Qu'il y ait des marges de manoeuvre, qu'il y ait des variables dans les objectifs de la part du marché de l'énergie, de la part du pétrole, de la part du gaz naturel et de l'électricité... Tout le monde va comprendre que ce sont des scénarios de prévision, mais qui sont basés sur des chiffriers assez serrés. Quand on propose comme objectif que la part de l'hydroélectricité au Québec soit à 41% en 1990 et à 50% en l'an 2000, c'est énorme comme objectif; cela veut dire qu'en l'espace de 25 ans le pétrole, qui comptait pour presque 70% de nos besoins énergétiques en 1975-1976, en l'an 2000 comptera pour à peine 30%. C'est un virage monumental. Et je pense qu'avant de remettre en cause la trajectoire qui a été arrêtée il faudrait qu'il se produise des événements passablement plus significatifs que ce qu'on peut voir actuellement dans le dossier de l'énergie.

M. Bakvis: On ne proposait pas dans le mémoire de remettre en cause la politique de diversification. Ce qu'on demande au gouvernement de faire, c'est regarder ses chiffres de nouveau, compte tenu des réalités d'aujourd'hui. La diversification ne se fait pas par décret gouvernemental, cela se fait essentiellement en fonction du choix que les consommateurs, industriels ou particuliers font. Actuellement, les gens passent moins vite de l'huile à chauffage vers l'électricité et le gaz parce que le prix est moins élevé que prévu. La marge se réduit considérablement autant avec le gaz qu'avec l'électricité. Pour le consommateur industriel, il y a même des producteurs de mazout qui offrent des rabais actuellement. Cela explique aussi pourquoi la diversification ne se fait pas aussi rapidement; ce qui fera que les surplus risquent d'être même plus élevés que ceux prévus il y a quelques années. Voilà pourquoi il faut regarder les chiffres à nouveau et regarder d'autres possibilités d'écouler les surplus, s'il le faut. Avant de penser à construire d'autres barrages, il faut être sûr qu'on ne se retrouvera pas avec d'énormes surplus qu'on sera obligé, encore une fois, de vendre en bas du prix coûtant.

M. Fortier: J'ai bien dit qu'on devrait se poser la question mais dans la mesure où on devrait examiner la taille minimale du secteur pétrolier. Présentement, la politique est de substituer au pétrole à tout prix, sans considérer une taille minimale dans l'avenir.

C'est dans cette optique-là que j'ai posé la question. Je crois qu'elle mérite considération.

M. Auger: Sans qu'on ait toute l'énergie excédentaire d'Hydro-Québec, on va continuer de participer à l'ensemble des débats sur cette question avec la plus grande attention possible.

M. Duhaime: Merci.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation. Je constate qu'il est 12 h 50.

M. Fortier: Est-ce qu'on peut revenir à 14 h 30?

Le Président (M. Desbiens): J'inviterais l'Association des mines de métaux du Québec à s'approcher.

Association des mines de métaux du Québec Inc.

M. Fortier: On vous propose, M. Langlois, de présenter votre mémoire et de prendre le temps dont vous avez besoin. Vous avez besoin de 20 minutes? La période de questions viendra après.

M. Tremblay: II se prend pour le président.

M. Fortier: Avec la réforme parlementaire, ce sera chose faite bientôt.

Le Président (M. Desbiens): II est donc entendu qu'on écoute la présentation complète du mémoire et qu'on reviendra à 15 heures pour les échanges entre les participants et les députés.

M. Langlois, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Langlois (L.-Gonzague): M. le Président, M. le ministre, messieurs, j'aimerais d'abord présenter ceux qui m'accompagnent. À ma gauche, Dave Griffiths, directeur de l'ingénierie et des services à Mines Noranda, division Horn; à ma droite, M. Raynald Fournier, qui est le directeur du génie et de la recherche pour la Compagnie minière Québec Cartier.

L'Association des mines de métaux du Québec regroupe la presque-totalité des sociétés minières dans les secteurs du minerai de fer, des métaux usuels et précieux, c'est-à-dire une trentaine d'exploitations minières que l'on retrouve dans la plupart des régions québécoises. Les mines d'amiante, qui ont leur propre association, ne sont pas membres de l'AMMQ.

L'industrie minière, comme vous le

savez, a été le principal agent de développement des régions éloignées du Québec et on retrouve des mines sur la Côte-Nord, au centre de la Gaspésie, dans le Nord-Ouest québécois et la région de Chibougamau et du Lac-Saint-Jean. Le développement de l'industrie minière a donc été, dans les régions éloignées, la base du développement d'infrastructures, plus particulièrement les villes, les routes, les chemins de fer, les ports de mer, de même que les lignes de transport d'énergie. Jusqu'à présent, on peut affirmer que le coût de ces infrastructures a, à peu d'exceptions près, été défrayé par l'industrie minière elle-même, ce qui a grevé considérablement la rentabilisation des dépôts exploités.

La présente récession, qui se fait sentir à l'échelle mondiale, a amené avec elle une compétition beaucoup plus difficile au niveau du marché des métaux. Il semble bien que cette agressivité du marché mondial demeurera pour une longue période. Le secteur minier québécois devra donc s'adapter rapidement à ces nouvelles conditions au cours de la prochaine décade et cette adaptation signifiera pour l'entreprise minière une importante réduction de ses coûts de production, si elle veut survivre.

L'énergie, qui représente entre 10% et 15% des coûts de production, a donc un rôle important à jouer pour la rentabilité du secteur minier. En général, les exploitations minières utilisent presque exclusivement deux sources d'énergie, soit les produits pétroliers et l'énergie électrique. Pour l'ensemble des secteurs ferreux et non ferreux, les coûts de l'énergie électrique ont occupé, en 1982, 58% du total de l'énergie, alors que les produits pétroliers en ont occupé 42%. La note totale payée par les mines membres de notre association s'est élevée, en 1982, approximativement à 150 000 000 $, soit 87 000 000 $ pour l'électricité et 63 000 000 $ pour les produits pétroliers.

On retrouve l'utilisation des produits pétroliers dans les exploitations à ciel ouvert ou souterraines, tout d'abord au niveau du transport et du chauffage des édifices. Quant à l'électricité, elle est utilisée dans l'éclairage, l'alimentation des moteurs électriques et souvent le chauffage de l'air frais qui sert à ventiler les chantiers souterrains.

Dans les nouvelles exploitations minières, la tendance est à l'utilisation d'équipement de production diesel-électrique, soit pour le transport, soit pour le forage. Ces équipements, qui possèdent des avantages dans certains domaines tels que la diminution du niveau du bruit et souvent une augmentation de productivité, doivent aussi faire face à certains inconvénients majeurs tels que celui d'être toujours reliés à un câble électrique, ce qui diminue sensiblement la marge de manoeuvre.

Il y a encore bien des possibilités d'augmenter le ratio électricité-pétrole dans les activités minières, à condition que les coûts de revient de l'énergie électrique se maintiennent en dessous de celui des produits pétroliers. Malheureusement, cette preuve est loin d'être faite. Les coûts de l'énergie électrique sont fonction d'augmentations annuelles accordées par le gouvernement et l'importance de ce facteur est difficilement prévisible puisqu'il n'est pas établi selon des paramètres basés sur l'offre et la demande.

On a été témoin, au cours des dernières années, du fait que les raisons invoquées par le gouvernement pour accorder des augmentations de tarif, selon nous, fortement exagérées, n'avaient souvent rien à voir avec la rentabilité d'Hydro-Québec et rejoignaient des préoccupations beaucoup plus souvent politiques qu'économiques. C'est ainsi que, pendant trois ans, des augmentations d'au-delà de 20% ont été décrétées, beaucoup plus pour raffermir la cote d'emprunt sur les marchés financiers que dans un seul but de rentabiliser l'entreprise. La fin des travaux de la Baie-James et la récession ont cependant incité le gouvernement à n'accorder pour l'année courante qu'une augmentation plus modeste de 7,5% sur les tarifs.

Ces augmentations de tarifs se traduisent souvent par des augmentations de coûts réels atteignant parfois le double de ces pourcentages, surtout en temps de récession. En effet, tous les contrats signés par Hydro-Québec lui garantissent l'achat de blocs d'énergie électrique sur la base de la charge de pointe et si cette charge est dépassée l'entreprise se voit imposer des pénalités.

Cette méthode occasionne presque en tout temps le paiement de quantités d'énergie non utilisée, surtout lorsque les activités diminuent alors que l'entreprise est liée par contrat. Au cours de 1982, alors que l'on a dû réduire la production, on estime que les mines de fer de la Côte-Nord ont payé plus de 30% de leur facture à Hydro-Québec pour de l'énergie non utilisée. C'est ainsi qu'en calculant le coût de l'énergie électrique par employé on obtient des coûts équivalents à 3 388 $ en 1980, à 4 617 $ en 1981 et à 6 428 $ en 1982, soit des pourcentages d'augmentation respectifs de 36% entre 1980 et 1981 et de 39% entre 1981 et 1982. Si on refait le calcul du coût de l'électricité par tonne de minerai traité, on obtient des données de 1,19 $ la tonne en 1980, 1,58 $ en 1981 et 2,44 $ en 1982, soit des taux d'augmentation respectifs de 33% et de 54%.

Ces augmentations dépassent largement l'impact des transferts d'énergie à base de produits pétroliers vers l'électricité. Ces augmentations de coûts de l'énergie

électrique, supérieures aux taux d'augmentation décrétés, doivent être considérées en grande partie comme la preuve que la quantité d'énergie électrique achetée est supérieure à la quantité réellement utilisée. Il y a donc là, pour les entreprises, une source de gaspillage importante qu'il faut éliminer.

Dans le cas des produits pétroliers, ce gaspillage n'est pas possible, puisque l'entreprise n'achète qu'en fonction de ses besoins. D'ailleurs, pour les années 1981 et 1982, on constate une tendance inverse pour les coûts des produits pétroliers. En effet, les coûts par tonne pour les produits pétroliers sont passés de 1,85 $ la tonne en 1981 à 1,68 $ en 1982, soit une diminution de 9%.

Il est difficile de trouver les raisons exactes de telles statistiques. Il nous apparaît, cependant, que certains transferts de sources d'énergie à base de pétrole vers l'électricité, surtout dans les mines de fer, ont sans doute influencé le coût par tonne des produits pétroliers. Cependant, nous croyons que la réduction des opérations minières en 1982, alors que les charges pour l'énergie électrique ont, de fait, augmenté, et un certain fléchissement dans le prix des produits pétroliers, surtout lorsque achetés en grandes quantités, sont les facteurs principaux qui expliquent la tendance à la baisse du coût des produits pétroliers.

Nous faisons donc face à un curieux paradoxe. Car, alors que l'énergie hydroélectrique que l'on retrouve en abondance au Québec devrait favoriser l'exploitation des ressources minérales, on s'aperçoit que c'est exactement le contraire qui se produit.

Il faut donc, si on veut rendre l'énergie hydroélectrique plus compétitive dans le secteur minier, d'abord obtenir des prix plus adéquats et, en second lieu, trouver les moyens d'éliminer l'achat de quantités d'électricité non utilisée. Il y aurait lieu de développer certains équipements au sein de l'entreprise pour intervertir le rôle joué par l'énergie électrique versus celui dévolu aux produits pétroliers. C'est ainsi qu'il faudrait diminuer la charge de pointe garantie par contrat de façon à régulariser la consommation et installer des équipements spéciaux qui pourraient permettre l'utilisation de produits pétroliers quand cette charge de pointe est dépassée. En somme, c'est tout simplement l'application du programme Énergain pour les entreprises minières. Et comme pour les maisons privées, les entreprises devraient, elles aussi, profiter de subventions pour transformer leur équipement. (13 heures)

Il y a une activité particulière reliée aux exploitations souterraines qui pourrait avantageusement profiter d'un tel programme

Énergain: c'est la ventilation des chantiers souterrains. Au cours des 30 dernières années particulièrement, des quantités d'air pur acheminées vers les chantiers souterrains ont, en général, été multipliées par cinq. Deux facteurs principaux sont à la source de cette augmentation de ventilation. Tout d'abord, une plus grande préoccupation de la santé des mineurs par une élimination la plus rapide possible des poussières et des fumées provoquées par le forage et le dynamitage. En second lieu, l'utilisation dans les chantiers souterrains d'équipements mus par des moteurs Diesel qui nécessitent une ventilation accrue.

Il est évident que pousser l'air frais sous terre nécessite d'abord une source d'énergie importante. À cause de la rudesse de notre climat, il faut aussi faire face à un autre problème pendant les cinq ou six mois d'hiver, celui de la formation de glace dans les aires de ventilation, lesquelles pourraient facilement être obstruées si on n'y prenait garde, jusqu'à des profondeurs de 400 à 500 pieds. Il faut donc, en hiver, chauffer les énormes quantités d'air acheminées dans les chantiers souterrains pour éliminer la glace. Il y a là une dépense d'énergie fort importante qui s'ajoute aux autres activités de l'opération. Cette seule activité représente entre 5% et 10% du coût total de l'énergie.

Ces différentes activités consommatrices d'énergie fournissent amplement de matière à la recherche d'une meilleure utilisation des trois sources d'énergie, soit l'électricité, le pétrole et le gaz, et nous croyons que le Centre de recherches minérales devrait sérieusement se pencher sur ces questions.

Dans un précédent mémoire à la commission parlementaire concernant Hydro-Québec, en 1981, nous avions insisté sur les infrastructures nécessaires pour acheminer l'énergie électrique sur le site des nouvelles mines lesquelles sont souvent fort éloignées des grands centres.

Nous avions aussi constaté que le traitement fait aux entreprises minières pour la construction des lignes de transmission, après de longues discussions avec les représentants d'Hydro-Québec, était souvent complètement aberrant, puisque HydroQuébec exigeait le dépôt des investissements pour la construction de la ligne avant le début des travaux. Si on considère la période écoulée au cours de la construction et le loyer de l'argent, cela signifiait, la plupart du temps, le paiement en double de ces infrastructures, sans être assujetti à aucun traitement de faveur par la suite. Nous n'avons pas l'intention de revenir sur ce sujet particulier, si ce n'est pour ajouter qu'à notre connaissance ces conditions d'aménagement n'ont aucunement changé au cours des deux dernières années. Vous

trouverez, d'ailleurs, en annexe, la partie de notre mémoire de 1981 qui traitait des infrastructures hydroélectriques. Je dois ajouter ici, cependant, que, depuis le dépôt de ce mémoire il y a plusieurs mois, la nouvelle direction d'Hydro-Québec semble plus sensible à ces problèmes.

Plus récemment, dans un mémoire au ministre de l'Énergie et des Ressources, nous soumettions le cas des mines Selbaie qui fonctionnent depuis trois ans en fabriquant leur propre énergie électrique à l'aide d'équipements Diesel puisqu'elles n'ont pas encore de ligne de transmission qui les relie au système d'Hydro-Québec. Ce système leur a coûté environ 8 $ la tonne, en 1982, au lieu de 3,50 $ la tonne que leur coûterait l'énergie totale si l'électricité leur était fournie par Hydro-Québec. C'est 4,50 $ la tonne de plus que si elles étaient rattachées au réseau. De ce fait, Selbaie ne pourra probablement exploiter qu'un des deux dépôts découverts, c'est-à-dire le plus riche, puisque le deuxième dépôt, beaucoup plus important, mais à plus basse teneur, ne pourrait être exploité qu'à un coût sensiblement inférieur. C'est un des exemples où les coûts de l'énergie font la différence entre l'exploitation et la non-exploitation d'un dépôt. Vous trouvez, à l'annexe 2, la partie du mémoire au ministre, qui traite de cette expérience particulière.

Un des commentaires importants que nous aimerions faire au sujet des infrastructures énergétiques a trait aux normes de construction établies par HydroQuébec dans les endroits éloignés. Nous croyons que ces normes ne devraient pas être aussi exigeantes pour les infrastructures hydroélectriques dans les régions inhabitées, comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit d'alimenter les mines. La proposition de construire une ligne de transmission pour desservir les mines Selbaie à partir de Matagami, c'est-à-dire une distance de 100 kilomètres, à un coût total de 18 200 000 $, tel qu'indiqué dans une lettre de décembre 1980, nous apparaît inutilement trop dispendieuse. On nous dit que l'évaluation, à la fin de 1982, était d'au-delà de 22 000 000 $, soit 220 000 $ par kilomètre. À la même époque, la mine d'or Dome-Amoco, située à 50 kilomètres à l'ouest des mines Selbaie, du côté ontarien, donc dans des conditions de terrain similaires, faisait construire, suivant les spécifications d'Hydro-Ontario, une ligne de transmission de 137,5 kilomètres pour un coût global de 13 100 000 $, soit 95 000 $ le kilomètre, c'est-à-dire à un coût deux fois et un tiers moindre.

Avec l'augmentation de la concurrence internationale sur le marché des métaux que l'on peut entrevoir au cours de la prochaine décade, il nous semble que la période d'extravagance devrait être terminée, surtout lorsqu'il s'agit de construction d'infrastructures dans des régions inhabitées. Nous sommes convaincus que des normes moins exigeantes pourraient être utilisées dans ces régions avec autant de puissance et que des prévisions plus réalistes devraient être faites en rapport avec la capacité des lignes et, à cet égard, on aurait intérêt à imiter l'Ontario. Au Québec, on ne construit plus de cathédrales, mais on continue à ériger des monuments même en territoire inhabité.

Ce principe devrait, d'ailleurs, s'appliquer aussi à l'environnement alors que présentement des entreprises opérant aux confins du territoire québécois sont soumises exactement aux mêmes normes que si elles étaient situées dans le centre d'une grande ville. Pour permettre au secteur minier de survivre, il faudra nécessairement éliminer ces sources de gaspillage.

D'autre part, une politique de prix préférentiels pour l'énergie électrique pourrait amener le développement de projets intéressants et importants pour la rentabilité future du secteur minier. Par exemple, nous savons tous que la concurrence internationale s'avérera, si nous n'y prenons garde, désastreuse pour nos mines de fer sur la Côte-Nord au cours de la prochaine décade. D'ailleurs, cette industrie est présentement, comme vous le savez, au coeur de la dépression.

Le transport du minerai de fer par voie ferrée sur plusieurs centaines de milles est un point fort important dans les coûts de production. Une politique de tarifs préférentiels pour l'énergie électrique pourra permettre, par exemple, des investissements importants pour l'électrification du chemin de fer Port-Cartier-Mont-Wright. Les études qui ont été effectuées jusqu'à maintenant par les ingénieurs de Québec Cartier, en collaboration avec Transports Canada, démontrent que cette électrification coûterait environ 150 000 000 $ étant donné qu'il faudrait changer les locomotives et construire des infrastructures sur une distance d'au-delà 400 kilomètres. Ces études, selon les experts de la compagnie Québec Cartier, concluent qu'au prix actuel du mazout et de l'électricité on pourrait s'attendre à un rendement de 10% à 12% sur le capital investi. C'est nettement insuffisant pour amortir rapidement un capital de cette ampleur et pour diminuer les coûts de transport suffisamment en vue d'en faire un atout sérieux face à la concurrence internationale de plus en plus difficile dans le marché du fer. Par ailleurs, des tarifs préférentiels pour l'énergie électrique et des subventions gouvernementales au niveau des investissements nécessaires pourraient rentabiliser un tel projet à long terme et assurer la survie de certaines de nos mines de fer de la Côte-Nord pour plusieurs

décades.

On ne peut guère parler de politique de développement lorsqu'il s'agit des produits pétroliers puisque nous n'en possédons pas et que nous sommes à la merci des autres provinces et des autres pays. C'est une chose fort différente quand il s'agit de l'énergie hydroélectrique puisque le Québec a les ressources et qu'il s'est donné d'importants moyens de les exploiter.

On nous répète souvent, avec raison d'ailleurs, que les ressources hydroélectriques que nous possédons au Québec sont un atout très important pour le développement de nos ressources minérales. En théorie, cela devrait être, mais en pratique les promoteurs de grands projets miniers, surtout lorsqu'ils sont situés dans des régions non aménagées, se sont, jusqu'à présent, butés à l'incompréhension et à l'intraitabilité d'Hydro-Québec dans leurs discussions pour obtenir, à des coûts raisonnables, les infrastructures nécessaires à l'alimentation des mines. Les mines Selbaie, par exemple, ont commencé leurs discussions en 1975 et le problème n'est pas encore résolu en 1983. Hydro-Québec, jusqu'à présent, a utilisé à outrance sa situation d'absolu monopole, pour exiger des conditions souvent inacceptables de la part des entreprises soumises aux dures contraintes imposées par la qualité et l'ampleur du dépôt à exploiter et par la concurrence du marché international. L'atout sur lequel les entreprises minières auraient dû compter pour faire face à la concurrence internationale s'est donc souvent transformé en cauchemar. Il semble toutefois, comme nous le disions auparavant, que la nouvelle direction d'Hydro-Québec est maintenant disposée à discuter de ces problèmes sur une base plus réaliste.

Il est donc urgent pour le gouvernement d'élaborer, en collaboration avec HydroQuébec, une politique de développement industriel à partir de l'énergie hydroélectrique. Pour le secteur minier, une telle politique devrait englober, entre autres, les projets suivants: l'élaboration d'un programme Énergain pour les entreprises minières, semblable à celui mis de l'avant pour les habitations, avec l'appui de subventions pour aider les entreprises dans la transformation de leurs équipements; deuxièmement, l'établissement de standards beaucoup moins dispendieux pour la construction de lignes de transmission dans les régions inhabitées; troisièmement, des conditions contractuelles établies d'avance et beaucoup moins onéreuses que celles que les promoteurs de projets miniers ont dû accepter au cours des dix dernières années; quatrièmement, la promotion, par l'application de taux préférentiels, de projets propres à rentabiliser les opérations minières dans le futur.

Ce sont là quelques éléments d'une politique énergétique que nous proposons et nous espérons que ces suggestions pourront aider la commission dans l'élaboration de mesures propres à stimuler le secteur minier qui en a fortement besoin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions. Nous allons suspendre et, à 15 heures, nous reprendrons pour la période d'échanges. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 12)

(Reprise de la séance à 15 h 20)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux pour poursuivre la réception des mémoires.

M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Concernant l'horaire pour le reste de la journée, il avait été question au début de la semaine qu'on finirait à 18 heures aujourd'hui. Je me pose la question parce que, personnellement, je dois partir vers 16 heures. Est-ce que cela va se continuer ce soir ou si on va déterminer qui on entend aujourd'hui et qui on n'entend pas?

M. Duhaime: Dans la mesure où on peut concilier des horaires... Ici, on travaille à cette table de 10 heures le matin jusqu'à 22 heures le soir et le ministère de l'Energie et des Ressources continue d'exister quand même. Avec le reste du travail que j'ai à faire, cela peut vouloir dire qu'on puisse dépasser 18 heures ce soir. L'idéal serait que les organismes qui ont été programmés pour être entendus aujourd'hui puissent l'être, même si on dépasse 18 heures. On pourrait aller - je ne sais pas ce que mon collègue d'Outremont ou les autres en pensent -jusqu'à 19 heures, mais je pense qu'il serait préférable de continuer plutôt que de reporter à la semaine prochaine ou à des dates ultérieures les organismes qui ont été programmés pour être entendus aujourd'hui. Qu'est-ce que vous aviez en tête? Qu'on ajourne à 16 heures?

M. Middlemiss: Non. Je dis que je suis déjà occupé...

M. Duhaime: Ah! On pourra continuer. Êtes-vous disponible pour...

M. Fortier: M. le Président, je pense que...

Le Président (M. Desbiens): M. le

député d'Outremont.

M. Fortier: Ceux qui ont pris la peine de préparer des mémoires voudraient qu'ils soient étudiés un peu en profondeur et non pas escamotés. On devrait tenter de les recevoir et d'en discuter le plus grand nombre possible. Il semble bien qu'au moment où nous sommes rendus, il sera difficile de terminer. Comme je l'avais indiqué au ministre au début de la semaine, personnellement, j'ai accepté un rendez-vous dans mon comté, ce soir, pour des raisons qui concernent la vie politique de mon comté et je ne pourrai pas rester après 18 heures ou 18 h 30. Je crois que, malheureusement, cela voudra dire qu'une ou deux associations, je ne sais pas lesquelles... Peut-être que le mieux serait de collaborer et de faire cela le plus rapidement possible sans escamoter aucune des présentations et de chercher à terminer aux environs de ces heures-là.

M. Duhaime: Cela va. Je vous remercie, M. Langlois, pour votre présentation. Je pense que votre mémoire reprend certains des points qui ont déjà été abondamment illustrés dans le passé par votre association auprès du ministère de l'Énergie et des Ressources. Je voudrais d'abord vous donner l'assurance - on a évoqué cela à quelques reprises - que, historiquement, la tarification d'Hydro-Québec, pour ce qui est du tarif grande puissance, a toujours été uniforme, peu importe le secteur manufacturier ou peu importe le secteur industriel, qu'on s'occupe d'électrométallurgie, des mines, du papier journal, etc. La grille tarifaire a toujours été en fonction de certains niveaux de consommation. Je voudrais simplement rappeler que j'ai demandé à Hydro-Québec -on poursuit également à mon ministère cette possibilité - que, le plus rapidement possible, on puisse proposer une grille tarifaire par secteur manufacturier en tenant compte de la composante énergétique dans les coûts de production. Je suis bien convaincu qu'à l'occasion de la table de concertation sur le fer qui a été amorcée en mai et dont les travaux se poursuivent à une douzaine de comités, dont un sur l'énergie et les transports, entre autres, on pourra reprendre beaucoup plus à fond cette discussion. Je crois que c'est au mois de novembre que la prochaine réunion de cette table de concertation sur le fer devrait avoir lieu.

Vous parlez d'un tarif préférentiel pour ce qui est du minerai de fer. Je n'aime pas beaucoup l'expression "tarif préférentiel", j'aime beaucoup mieux situer la problématique dans un contexte international. Dans le cas des mines de fer au Québec, à cause principalement des arrivages prévisibles - il est absolument certain qu'ils viennent du Brésil avec 35 000 000 de tonnes de la mine de Carajas - sur le marché international avec des teneurs beaucoup plus élevées à des coûts beaucoup moindres que ce que nous pouvons offrir ici, à partir de la Côte-Nord, en tenant compte également des masses salariales qui sont payées au Brésil par rapport à ce qui se paie ici, c'est évident qu'on a un problème sur les bras. Est-ce qu'on peut arriver à rattraper cet écart en bonifiant davantage la composante hydroélectrique dans les coûts de production? Ces calculs sont en train d'être faits. Soyez assuré que c'est dans cette direction que nous travaillons.

L'autre point que vous soulevez. J'enjambe en quelque sorte les coûts d'infrastructure d'Hydro-Québec en région éloignée ou encore inhabitée pour simplement relier mon commentaire avec le cas Selbaie que vous avez largement évoqué. Vous nous faites, avec l'Ontario, un parallèle qui ne tient pas, à mon point de vue. C'est la compagnie elle-même finalement, Dome-Amoco, qui a décidé de faire les travaux. On ne peut pas comparer les quelque 137 kilomètres du côté ontarien par rapport à tant de milliers de dollars du kilomètre du côté du Québec.

La seule chose que je peux vous dire cependant, c'est qu'avec Selbaie nous sommes en discussion; Selbaie a encore des études à terminer. On me dit que ce serait fait d'ici la fin de l'année. On est intéressé à ce que Selbaie aille de l'avant avec son programme de développement non seulement sur un des dépôts, mais sur les deux. Vous avez raison de souligner que la nouvelle direction d'Hydro-Québec est peut-être un peu plus réceptive sur la question du financement des infrastructures. Il est bien certain par ailleurs que ce ne sera pas un geste gratuit d'Hydro-Québec. On va jouer cela sur la base donnant donnant. Si l'investissement vient du côté de Selbaie, on est prêt à y aller - je puis vous le dire - sur le plan des principes. Je ne suis pas absolument convaincu qu'on puisse faire des comparaisons à tant le kilomètre du côté du Québec et du côté de l'Ontario parce que les devis ne sont pas les mêmes, je ne crois pas, à moins que les informations qu'on fournit ne soient inexactes. Les estimations d'Hydro-Ontario étaient de 24 000 000 $ de son côté. Du côté du Québec, les derniers chiffres que j'avais, c'était 20 000 000 $. Je pense qu'on pouvait...

M. Langlois: Est-ce que je peux faire un commentaire sur cela, en attendant que le bruit cesse?

M. Duhaime: Parlez fort parce que j'ai l'impression qu'on est encore dans le secteur minier, on cherche je ne sais quoi autour de l'Assemblée nationale.

M. Langlois: On fait du forage.

M. Duhaime: C'est un forage dehors.

M. Langlois: Bon, apparemment c'est fini. Je me pose des questions quand vous dites qu'on ne peut pas comparer le Québec et l'Ontario, au niveau des infrastructures hydroélectriques. Dome-Amoco, qui est à 50 kilomètres à l'ouest de Selbaie, est une exploitation qui vise éventuellement 10 000 tonnes par jour alors que Selbaie en vise 3000 ou 4000, je pense. Donc, la ligne devrait être capable de fournir du côté ontarien au moins autant sinon plus que du côté québécois.

Deuxièmement, quand vous dites que cela a été fait par la compagnie, cela a été fait par un entrepreneur. D'ailleurs, vous avez à l'annexe IV un résumé qui nous vient directement de Dome sur les coûts. Ce sont vraiment les coûts, c'est-à-dire 13 000 000 $. On peut peut-être ajouter 1 900 000 $ pour Main Transformer et Detour Site, qui est sur le site même. En fait, la ligne elle-même a coûté 13 100 000 $. Cela a été donné à des entrepreneurs. Ces entrepreneurs ont suivi les standards d'Hydro-Ontario comme n'importe quel entrepreneur québécois suivrait les standards d'Hydro-Québec, dans le fond.

M. Duhaime: La ligne n'a pas été construite selon les mêmes normes. En fait, on pourrait en parler tout l'après-midi. Si Hydro-Ontario avait construit cette ligne, les coûts de l'Ontario auraient été de 24 000 000 $. Le client a décidé de la construire. C'est évident qu'il y est allé à contrat. Ces gens l'ont fait pour un coût moindre, sauf que c'est une ligne avec des poteaux de bois, avec des fils plus petits que 40 000 kilovolts. Ils ne peuvent pas prendre d'expansion sur cette ligne-là. C'est évident que c'est une ligne qui a été faite au moindre coût possible. M. Bryce, des mines Selbaie, que je connais, s'il veut construire sa ligne en satisfaisant aux normes minimales d'Hydro-Québec, je n'aurai pas d'objection. Je ne pense pas qu'Hydro-Québec en ait non plus. Le point dans toute la problématique de l'investissement de Selbaie, c'est que la compagnie a toujours demandé à Hydro-Québec de joindre Selbaie au réseau, c'est-à-dire 100 kilomètres, et d'en absorber le coût. Tout ce que je peux vous dire aujourd'hui là-dessus, sans dévoiler pour autant les négociations qui sont en cours, c'est qu'il y a une plus grande ouverture du côté d'Hydro-Québec aujourd'hui; on souhaite, bien sûr, que Selbaie aille de l'avant pour les deux dépôts. Pour l'instant, même si vous revoyez M. Bryce, il va peut-être vous dire que nous allons beaucoup plus vite qu'il ne l'avait lui-même estimé il y a quelques mois. Je l'ai rencontré à plusieurs reprises; nous avons offert des incitatifs à l'investissement dans le cadre du programme d'accélération qui a été annoncé dans le dernier discours sur le budget. Cela les intéresse au plus haut point. La question de la ligne comme telle, à mon sens, est devenue un problème secondaire dans ce dossier-là. Je pense vous donner l'heure juste.

M. Langlois: Si un investissement de 20 000 000 $ est secondaire - cela peut être secondaire pour vous - ce n'est pas secondaire pour nous, surtout au moment où on doit exploiter un dépôt marginal. Ce n'est pas du tout secondaire quand il faut investir 20 000 000 $ ou 22 000 000 $ probablement 25 000 000 $ aujourd'hui - en plus des taux d'intérêt qu'il peut y avoir là-dessus.

M. Duhaime: Tout étant relatif, quand je dis que c'est secondaire, comprenez-moi bien: c'est que ce n'est pas le problème qui est en premier plan. Je ne pense pas que j'aie à ouvrir ici, en commission parlementaire, les discussions que le ministère de l'Énergie et des Ressources a avec Selbaie. On va cheminer ces négociations. La seule chose que je peux vous confirmer cependant, c'est qu'il y a une ouverture qui a été faite. L'ouverture, telle qu'elle a été formulée à la mine Selbaie, s'est avérée suffisamment intéressante pour que ces gens envisagent la mise en valeur, non seulement du premier dépôt, mais du deuxième. Nous voulons, bien sûr, la mise en valeur des deux. C'est dans ce sens-là, je pense, que la question... Je ne veux pas dire que 20 000 000 $, on se passe cela pardessus l'épaule comme si rien n'était, mais je dis que ce n'est pas le problème en premier plan à l'heure où on s'en parle aujourd'hui.

Voilà, c'étaient les commentaires que je voulais faire.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Sans vouloir discuter d'un problème bien spécifique, je pense que l'avantage qu'il y a à amener des problèmes spécifiques, c'est que, si ceux qui nous font des représentations n'apportent pas des problèmes spécifiques, nous, on leur dit de nous citer des problèmes spécifiques.

Je pense que la raison pour laquelle vous l'avez fait, c'est que vous vouliez illustrer un problème qui, semble-t-il, selon votre association, est plus général. Je me souviens fort bien - parce que j'étais ici à la commission parlementaire en 1981 - que vous aviez parlé de ce problème-là en disant: C'est un problème qui mériterait considération. Je pense que la comparaison que vous faites entre l'Ontario et le Québec,

on peut l'accepter ou ne pas l'accepter, mais on connaît tous les qualités et les défauts des ingénieurs; il y a certains ingénieurs qui ont tendance à construire des Cadillac quand il faudrait des Volkswagen. C'est dans ce sens-là que votre remarque était faite, c'est-à-dire que, dans la mesure où le coût d'une ligne de transport était trop considérable et dans la mesure où cela était fait selon des normes et des devis faits pour un centre urbain, le développement économique du Québec en souffrirait. C'est comme cela que j'ai compris votre intervention.

Peut-être que trop souvent, lorsqu'on a affaire à un monopole d'État, les ingénieurs d'Hydro-Québec... Je ne peux pas juger de ce cas-là spécifiquement, mais certainement qu'on va s'en informer lorsqu'ils viendront en commission parlementaire. Si ce sont les faits tels que vous nous les donnez, en tant qu'ingénieur, je dois dire que cela ne me surprend pas, cela arrive souvent comme cela. C'est un problème. Il y a des gens qui veulent absolument construire en fonction de normes qui sont trop élevées alors que cela n'est pas nécessaire.

Par ailleurs, je suis désolé que vous ayez dû attendre la nouvelle direction d'Hydro-Québec. Je suis très heureux que M. Coulombe soit plus attentif aux problèmes de l'industrie minière, mais, encore là, il y a eu un décalage dans le temps. Je crois qu'on doit le déplorer.

En ce qui concerne les autres recommandations que vous faites - vous en faites quatre ou cinq - le ministre a déjà fait un commentaire sur la première, sur le programme Énergain. Ce que vous dites, c'est que vous aimeriez avoir une aide de l'État, une aide directe ou indirecte pour encourager les mines à faire des économies d'énergie ou à utiliser de l'électricité. Je pense que c'était le sens de votre intervention.

M. Griffiths (D.W.I.): Ce n'est pas surtout dans ce sens; c'est surtout dans le sens qu'on trouve un peu illogique que, comme charge de base, on soit obligé de consommer de l'huile et que, comme charge de pointe, on soit obligé de consommer de l'électricité, parce que les contrats sont faits en fonction de l'électricité. Pour nous, ce serait beaucoup plus logique que la charge de base soit à l'électricité et que la charge de pointe soit à l'huile, alors que vous avez des possibilités d'entreposage. C'est surtout dans ce sens; les demandes de subventions sont peut-être secondaires à ces préoccupations.

M. Fortier: Quoique votre préoccupation fondamentale, vous le dites au début, soit une question de coût. Vous êtes en compétition internationale. Si on prend l'industrie du fer, les questions de coûts sont primordiales dans votre industrie.

M. Griffiths: Oui, elles le sont, mais, surtout dans le cas de l'électricité, il n'y a pas de possibilité d'entreposage. Là, on paie pour l'excès, même si ce n'est pas consommé.

M. Fortier: Je comprends ce que vous voulez dire.

M. Griffiths: Avec l'huile, vous l'entreposez dans un réservoir et, au moment où vous en avez besoin, vous l'utilisez.

M. Langlois: D'ailleurs, on le mentionne dans le mémoire, les mines de fer, par exemple, en 1982, admettent qu'elles ont payé 30% pour de l'électricité qu'elles n'ont pas utilisée, justement à cause de cela.

M. Fortier: J'imagine que ceci était parce que cela n'a pas été une négociation où c'était la norme générale d'Hydro-Québec qui s'appliquait. Quelle était la raison pour laquelle les compagnies minières ont signé des contrats comme ceux-là?

M. Langlois: Des contrats comme ceux-là, c'est que la base est la pointe, c'est-à-dire le maximum dépensé. Étant donné qu'on vit dans un pays où la température varie d'un minimum à un maximum, en hiver, on a besoin d'énormes quantités d'électricité, donc la base du contrat est sur la plus grosse dépense d'hiver, alors qu'en été on en dépense beaucoup moins, soit 50% de moins. C'est ce qui arrive.

M. Fortier: Si je comprends bien, vous payez l'énergie, mais vous consommez la puissance et là vous avez une facture selon la puissance qui a été utilisée l'hiver précédent.

M. Langlois: Ce qu'on veut avoir, c'est d'essayer de trouver des moyens de rationaliser les dépenses d'électricité, de manière, en jouant sur les deux plans - un peu comme Hydro-Québec le fait dans des habitations, par exemple, avec son programme Énergain - c'est-à-dire que, rendu à un certain maximum, c'est l'huile qui prend le surplus.

M. Fortier: C'est le système biénergie.

M. Langlois: Exactement, c'est le système biénergie, c'est ce qu'on propose et ce sur quoi on aimerait qu'Hydro-Québec se penche. Mais peut-être M. Fournier pourrait-il en dire un peu plus.

M. Fournier (Raynald): C'est-à-dire que, pour expliquer un peu le phénomène dont il est fait mention, il faut retourner loin en arrière. C'est que, lorsque la compagnie minière, entre autres celle qui est citée,

Québec-Cartier, a décidé de s'implanter au nord, on était avant la période de la crise de l'énergie; c'était une situation qui n'est pas celle d'aujourd'hui. Alors, pour obtenir de l'énergie, il a fallu bâtir une ligne et s'engager, dans un contrat ferme, à prendre un bloc d'électricité. Les situations ont complètement changé et la souscription était faite avant même que les ingénieurs aient fait les plans du concentrateur, si bien qu'on se retrouve aujourd'hui avec un contrat qui demande 85 mégawatts et on ne dépasse pas 70 mégawatts de pointe. Le contrat nous oblige à prendre 85 mégawatts multiplié par 24 heures, multiplié par 30 jours et par année, qu'on l'utilise ou qu'on ne l'utilise pas.

M. Fortier: Soit 8760 heures par année.

M. Fournier: Exactement. Donc, c'est une situation qui a changé dans une crise énergétique qui est aujourd'hui différente. On se dit qu'aujourd'hui, il y a des surplus partout, mais nos surplus, on ne peut pas les écouler.

M. Fortier: Je pense que vous avez fait valoir votre point de vue; on vous remercie beaucoup en espérant que les intéressés fassent quelque chose.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Juste un petit détail sur cette problématique. J'espère que vous n'êtes pas en train de me dire que les contrats de garantie d'achat ferme devraient être rouverts et le manque à gagner absorbé par Hydro-Québec. Je comprends que la crise économique cogne sur tout le monde, elle cogne sur Hydro-Québec, elle cogne sur les gouvernements, elle cogne sur l'entreprise privée, elle cogne sur le simple consommateur, sur tout le monde en fait. J'ai beaucoup d'hésitation à rouvrir ces contrats. Qu'on envisage des structures nouvelles, mais, si vous me demandez tout simplement de verser quelques dizaines de millions de dollars aux mines du Québec dans un geste gratuit, je ne le ferai certainement pas. Si la problématique va dans le sens que des investissements se font, si vous voulez qu'on tourne la page, on va la tourner, mais on est prêt à ouvrir les portes pour de la négociation, bien sûr, dans une problématique sur l'avenir, mais axée sur de l'investissement, du développement et de la création d'emplois. Et pas nécessairement de demander à Hydro-Québec, donc à l'ensemble des consommateurs d'hydroélectricité... Parce que le manque à gagner dont Hydro-Québec écoperait, par exemple, si on défaisait ces contrats de garantie d'achat d'énergie ferme, ce sont d'autres catégories de consommateurs qui vont l'absorber. C'est celui qui paie une facture dans le résidentiel qui va payer plus, celui qui est dans le commercial qui va payer plus, celui qui consomme une moyenne puissance, etc. Il faut bien faire valoir une chose: votre association achète pour 76 000 000 $ par année, mais Québec Fer et Titane compte pour 40%. Et Québec Fer et Titane, on a ajusté son contrat.

M. Langlois: C'est 150 000 000 $. Québec Fer et Titane, c'est 35 000 000 $ ou 40 000 000 $. Donc, c'est un peu moins. Je sais que Québec Fer et Titane, c'est beaucoup, mais, de toute façon...

M. Duhaime: Je vais vous donner les chiffres que j'ai ici. On se rejoint: 30 000 000 $ en 1981, c'est-à-dire 2 000 000 000 de kilowattheures, soit 40% de la consommation électrique totale en valeurs déclarées par votre association, c'est-à-dire 76 000 000 $ en dollars de 1981. Je me rappelle très bien que...

M. Langlois: Ce ne sont pas les chiffres que les membres m'ont communiqués. Les chiffres que les membres m'ont communiqués sont plus élevés que cela.

M. Duhaime: ...tout récemment, on a ajusté le contrat de Québec Fer et Titane pour lui permettre de franchir un cap difficile. Alors, vous n'êtes pas les damnés de la terre dans ce dossier-là. Et, je ne voudrais pas que personne autour de la table et ceux qui nous écoutent tiennent pour acquis qu'on est en train de vous martyriser. En définitive, nous respectons les signatures qui sont au bas des contrats. Si on envisage une problématique pour l'avenir, il y a une ouverture du côté d'Hydro-Québec et du côté du ministère de l'Énergie et des Ressources; je l'ai dit très clairement. Je vous l'ai dit à plusieurs reprises, d'ailleurs. Dans une problématique dynamique de développement et d'investissement, il y a de la place pour discuter. Mais, si votre association nous demande de poser un geste gratuit et de rouvrir des contrats, le manque à gagner - la question, je vais vous la retourner - on va le faire porter sur qui?

M. Langlois: M. le ministre, il est bien entendu qu'on ne fera pas de révolution pour rouvrir les contrats. D'ailleurs, on sait que le gouvernement est très hésitant à rouvrir des contrats hydroélectriques.

M. Fortier: ...du Labrador.

M. Langlois: II n'en demeure pas moins qu'Hydro-Québec devrait penser sérieusement à établir ses futurs contrats sur une nouvelle base et de façon que les entreprises, entre autres les entreprises minières au secteur

minier, dépensent ce qu'ils achètent. Il me semble que c'est tout simplement la justice que de demander aux entreprises d'acheter ce qu'elles dépensent - c'est cette base-là qu'on veut - et d'organiser des équipements pour que cela se réalise.

M. Duhaime: On va convenir, M. Langlois, très facilement que, si HydroQuébec n'avait pas exigé des achats fermes au moment où les entreprises minières se sont implantées, Hydro-Québec ne pouvait pas dans le temps... Cela remonte quand même à plusieurs dizaines d'années derrière nous; il n'y a personne d'entre nous qui était là pour porter un jugement de valeur sur les discussions qui ont eu lieu à l'époque. Mais, il m'apparaît assez clair dans la logique qu'Hydro-Québec, en exigeant des contrats fermes, voulait amortir ses coûts d'infrastructures. Aujourd'hui, vous nous dites que la problématique est changée. C'est vrai que c'est changé, mais je ne vois pas pourquoi on ajusterait la situation présente en fonction de contrats passés, en refilant simplement la facture à l'ensemble des consommateurs d'hydroélectricité. J'aimerais mieux que le manque à gagner - et la porte est ouverte pour un partage là-dessus - soit placé dans une problématique plus dynamique, dans le sens d'aller dans des investissements, dans le développement et la création d'emplois. C'est dans ce sens-là que la perche vous est tendue.

M. Langlois: Oui, on est bien d'accord là-dessus, mais cela ne veut pas dire qu'Hydro-Québec ne devrait pas avoir des contrats fermes. Si on base le contrat sur la charge de pointe, on peut le baser aussi sur une charge un peu moindre, quitte à assumer la charge de pointe avec du pétrole. C'est cela qu'on veut dire. Les contrats seraient aussi fermes pour Hydro-Québec, sauf qu'au lieu d'avoir des cycles énormes, on aurait une ligne à peu près continue. (15 h 45)

M. Duhaime: Juste un dernier détail, question d'information. J'ai fait faire les vérifications à l'heure du lunch au sujet de la fameuse ligne Dome-Amoco du côté ontarien: Hydro-Ontario considère que la ligne construite par Dome-Amoco ne répond pas aux normes d'Hydro-Ontario. En conséquence, elle ne pourrait s'en porter acquéreur et Dome-Amoco devrait assumer les frais d'entretien, les frais d'exploitation ainsi que tous les risques qui pourraient en découler, parce que cette ligne a une capacité de 40 000 kilovolts alors que, du côté de Selbaie, on parle d'une ligne de 80 000 à 85 000 kilovolts. On est dans deux scénarios complètement différents. Peut-être que vous pouvez le vérifier vous-même auprès de Dome-Amoco et d'Hydro-Ontario.

M. Langlois: Mes chiffres sont de Dome. Les chiffres que j'ai me viennent de Dome directement; ils ne viennent pas d'Hydro-Ontario. Remarquez, si je ne m'abuse, que l'entretien, dans le cas de Québec-Cartier, par exemple... J'ai l'impression que, tant que la ligne appartenait à Québec-Cartier - parce que c'est elle qui l'a construite d'après les données d'Hydro-Québec - je pense que l'entretetien lui revenait.

M. Duhaime: Je ne veux pas en faire une longue histoire, mais, dans votre intervention, ce matin, vous sembliez dire que cela coûte énormément cher au kilomètre linéaire quand c'est Hydro-Québec qui fait une construction parce que les normes seraient très élevées, alors qu'en Ontario ce serait plus facile. Ce que je vous réponds, c'est qu'avec les informations qu'on a prises tout à l'heure, on parle de deux choses complètement différentes.

M. Langlois: Au Québec, c'est beaucoup plus cher qu'en Ontario.

M. Duhaime: II est évident que les coûts estimés sur la ligne, qui sont de l'ordre de 18 600 000 $ du côté de Selbaie, en dollars de 1986, remarquez bien, pourraient être beaucoup moindres si Selbaie décidait de construire une ligne hors normes et si Hydro se fermait les yeux. Je pense qu'il faudrait peut-être qu'on concilie nos chiffres parce que je pense qu'on ne parle pas de la même chose.

M. Langlois: Je pense que la comparaison, d'après moi... De toute façon, pourquoi la mine Dome-Amoco aurait-elle construit une ligne trop faible pour elle? De toute façon, la mine qui va être exploitée du côté de l'Ontario aura au moins deux fois la capacité de la mine de Selbaie.

M. Duhaime: On ne dit pas qu'elle est trop faible. On dit qu'elle n'a pas de capacité d'expansion à 40 000 kilovolts...

M. Langlois: Oui, mais la capacité d'expansion...

M. Duhaime: ...tandis que, d'un autre côté, au Québec, on parle d'une ligne de 80 000 à 85 000 kilovolts.

M. Langlois: Justement, si on veut bâtir un monument, c'est une autre histoire. Qu'est-ce qui va s'établir entre Matagami et Selbaie? À ma connaissance, il n'y aura pas tellement de villes qui vont s'accrocher après la ligne entre Matagami et Selbaie. La même chose du côté de l'Ontario: cela vient, je ne sais pas, du nord de l'Ontario et se rend jusqu'à Dome-Amoco. C'est justement là

qu'est l'histoire.

M. Duhaime: Écoutez, M. Langlois, pour faire une histoire courte, j'ai l'impression que Selbaie a besoin d'une ligne de 80 000 kilovolts pour être capable de faire l'exploitation des deux dépôts et non pas d'un seul. Si on pouvait concilier nos chiffres...

M. Langlois: Ce n'est pas uniquement cela. Si on ajoute le coût de l'énergie, le coût des taxes, le coût des politiques sociales, le coût de la CSST, le coût de ceci... C'est tout cela, dans le fond, qui fait cela. Ce n'est pas une histoire en particulier. C'est tout cela qui fait qu'à un moment donné, une mine ne peut pas remplir les conditions du marché mondial.

M. Duhaime: Très bien. On vous remercie.

M. Fournier: Une dernière intervention. À la suite de la description de l'automobile japonaise que vous avez faite ce matin, les nouveaux programmes d'énergie offerts par Hydro-Québec ne nous apparaissent pas comme étant une solution d'avenir parce que, non seulement cette automobile sera faite d'aluminium, comme vous l'avez décrit ce matin, mais également elle viendra du Japon où on ne vend pas de minerai de fer.

Juste une note agréable en terminant. Donc, on ne peut pas bénéficier de cette subvention d'Hydro-Québec puisqu'on est déjà surinstallé. Le point qu'on fait valoir, nous autres - et j'aimerais bien qu'on nous comprenne - c'est qu'on ne demande pas du tout de faveurs de personne. On demande seulement que l'investissement qu'on a fait pour obtenir une capacité de production nous soit finalement... On demande, lorsqu'on va terminer le contrat dans cinq ans, qu'on puisse se dire, en hommes d'affaires: les deux parties sont égales et on se quitte; bonjour. Il ne faudrait pas que le risque reste d'un seul côté. Ce n'est pas plus que cela.

M. Duhaime: Je comprends très bien votre message. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation. J'inviterais maintenant les représentants de l'Association des industries forestières du Québec Ltée à s'approcher, s'il vous plaît!

Association des industries forestières du Québec

M. Duchesne (André): C'est bien cela.

Le Président (M. Desbiens): Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent et soumettre votre mémoire, s'il vous plaît!

M. Duchesne: Oui, M. le Président. À ma droite, M. Denis Hamel, président et chef de l'exploitation de la compagnie Price Ltée; il est ici cet après-midi à titre de vice-président du conseil d'administration de l'Association des industries forestières; à l'extrême droite, M. Pierre Veilleux, directeur des services techniques de la compagnie Price Ltée; il est membre du comité sur l'énergie de l'association; à ma gauche, M. Jacques Leboeuf, directeur des services techniques de la Papeterie Reed Inc., à la division de l'usine de Québec; il est le président du comité sur l'énergie de l'association.

Cela vous fera peut-être plaisir de savoir que je n'ai pas l'intention de lire le mémoire dans sa totalité et dans ses détails.

Le Président (M. Desbiens): Je vous ferai remarquer, puisque vous ouvrez la porte, que les parlementaires ont ce mémoire en main et ils en ont déjà pris connaissance depuis un bon bout de temps, surtout dans le cas de la présente commission, puisqu'elle devait s'ouvrir au printemps. Si vous le résumez, cela facilitera les choses et on pourra gagner du temps.

M. Duchesne: J'y compte bien, M. le Président.

Les compagnies membres de l'Association des industries forestières du Québec apprécient cette occasion qui leur est donnée aujourd'hui de soumettre quelques suggestions à la commission permanente de l'énergie et des ressources. Nos membres sont d'accord avec le thème du document de travail qui nous est parvenu, en tant qu'intervenant, au début de l'année. L'énergie est très certainement un levier de développement économique.

Il est toutefois essentiel, à notre avis, que ce levier serve non seulement au développement de nouvelles industries, mais également au maintien de la situation concurrentielle des industries existantes au Québec et à la stabilisation de l'emploi. L'industrie papetière du Québec consomme près de 25%, un plein quart, de toute l'énergie électrique utilisée par l'industrie manufacturière de la province; l'énergie électrique compte pour plus de la moitié de l'énergie que l'industrie des pâtes et papiers consomme sous différentes formes. Les tarifs d'électricité jouent donc un rôle important pour que cette industrie puisse continuer d'être en mesure d'affronter la concurrence et de maintenir sa contribution majeure à l'économie québécoise.

Dans l'avenir, le défi de l'industrie du papier journal, notre principal produit, sera de conserver sa part de marché vis-à-vis du

sud des États-Unis. La croissance accélérée de la capacité de production dans cette région a pour effet de réduire la dépendance américaine sur le papier journal fabriqué au Canada. Le pourcentage d'autosuffisance outre-frontière est passé de 34% à 44% depuis 1978, ce qui représente une perte de marché potentiel de l'ordre de 1 200 000 de tonnes par année, soit à peu près la production de quatre usines comme celle de Reed.

Par ailleurs, des études assez récentes ont démontré que les producteurs de papier journal québécois avaient sur leurs concurrents du sud des États-Unis deux avantages seulement: la qualité de la fibre et le coût de l'énergie. L'approvisionnement en fibres de qualité, malgré son importance, présente de nos jours plusieurs problèmes, même qu'on se demande si c'est encore un avantage; mais cela n'est pas l'objet de la discussion d'aujourd'hui.

Quant au coût relativement inférieur de l'électricité au Québec et des hydrocarbures au Canada, il prévalait encore au moment où les études mentionnées ci-haut furent entreprises. Malheureusement, la politique énergétique fédérale de même que la politique tarifaire d'Hydro-Québec ont un effet négatif sur ces coûts. Il va sans dire que l'industrie des pâtes et papiers s'inquiète devant l'érosion de cet avantage qui est vital.

Les augmentations tarifaires ne sont d'ailleurs pas les seuls changements survenus depuis la présentation de notre mémoire original préparé il y a maintenant près d'un an. Aussi faut-il souligner certaines modifications survenues dans les règlements et les taux d'Hydro-Québec. La définition de la période d'hiver qui a été modifiée à peu près à notre satisfaction, le programme visant à rendre disponible l'énergie secondaire à des taux raisonnables a aussi été amendé de façon satisfaisante. Les commentaires que vous trouvez sur ces points dans notre mémoire sont maintenant désuets.

L'industrie des pâtes et papiers considère aussi comme positif le programme de rabais tarifaire d'Hydro-Québec pour le secteur industriel. Ce programme permet des économies intéressantes dans le cas d'augmentations de charge qui résultent de projets d'expansion et de modernisation. A notre avis, toutefois, les clauses de ce programme sont trop restrictives. Il est très difficile d'obtenir une augmentation de charge dans une usine en voie de modernisation. De plus, la mise en vigueur de ces rabais fut fixée au 1er juillet 1983; dans l'industrie lourde, les délais de planification, d'approbation et d'exécution d'un projet s'étendent sur une période d'au moins deux ans et même trois ans. Selon l'échéancier actuel, les économies offertes, qui semblent à première vue avantageuses, sont donc en réalité beaucoup moindres si on tient compte du temps déjà écoulé sur la période de rabais avant même que ces projets puissent être mis en chantier.

L'AIFQ croit donc qu'une révision s'impose au chapitre des conditions de vente et des rabais sur l'électricité et ceci, afin de mieux servir les intérêts à long terme tant de l'industrie que du gouvernement et d'Hydro-Québec. Il serait approprié d'envisager une économie de 50% sur une période de dix ans ou plus avec solde régressif par la suite, ce qui favoriserait une meilleure planification de la part de l'industrie, du gouvernement et d'Hydro-Québec ainsi qu'une plus grande compatiblité entre le programme d'énergie de base et celui de l'écoulement des surplus d'énergie secondaire.

La mise en disponibilité à taux réduits de grandes quantités d'énergie électrique excédentaire cadre parfaitement bien avec le programme de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers qui vise à réduire les coûts de fonctionnement et à améliorer de façon significative la capacité de cette industrie à affronter la concurrence sur les marchés internationaux. Ce programme de modernisation, je pense qu'on peut l'appeler un succès. On prévoyait initialement des investissements totaux d'environ 2 400 000 000 $ dont environ 10% proviendraient des fonds publics. Après analyse, l'industrie a porté les besoins de modernisation à plus de 3 500 000 000 $, même si le rythme des réalisations s'est quelque peu ralenti à cause de la récession. Les investissements qui sont complétés ont aidé grandement à traverser la récession, tant en diminuant les coûts de fonctionnement qu'en améliorant la qualité des produits, ce qui a permis de maintenir la pénétration de ces produits sur les marchés internationaux.

L'impact des réductions tarifaires qui seraient formulées de façon à réduire véritablement les coûts de fonctionnement serait, sans aucun doute, aussi important que celui du programme de modernisation. Il faut profiter au maximum de cet avantage et poursuivre son application pour assurer la continuité du développement de l'industrie et des emplois qu'elle procure. L'avantage énergétique est d'autant plus intéressant qu'il ne peut être invoqué contre le Québec ou contre le Canada pour revendiquer de nouvelles barrières douanières contre l'exportation de nos produits vers d'autres pays. Il s'agit, en effet, d'un avantage naturel dont nous sommes libres de profiter au maximum.

L'utilisation, ici au Québec, des surplus annoncés par Hydro-Québec, rendue possible par des rabais substantiels, permettra de sauvegarder et de développer l'industrie et

les emplois en plus de stabiliser progressivement la consommation d'énergie. Par opposition, l'exportation chez nos compétiteurs de cette ressource naturelle à l'état brut ne peut qu'affaiblir la capacité de concurrence de l'industrie de pâtes et papiers. Le manque à gagner à court terme qu'Hydro-Québec subirait en écoulant ici les surplus d'énergie électrique se traduit donc par une réduction de la capacité concurrentielle de notre industrie et la perte d'emplois actuels ou futurs. Si l'énergie est un levier de développement économique, le Québec doit utiliser son énergie électrique abondante pour favoriser le maintien et le développement, entre autres, de l'industrie des pâtes et papiers.

L'Association des industries forestières du Québec recommande donc à la commission parlementaire de faire en sorte qu'Hydro-Québec limite ses profits à ceux nécessaires à une saine gestion et au financement de ses investissements; qu'Hydro-Québec programme ses développements en fonction des besoins qui sont prévisibles afin d'éviter que le coût d'investissements trop hâtifs ne se reflète à la hausse sur les taux en vigueur - en cas de surplus temporaires, il faut s'efforcer d'écouler ces surplus au Québec, un programme de rabais tarifaire qui résulte en des réductions significatives des coûts de fonctionnement devrait être mis en application, on vous a parlé tantôt d'une période de dix ans plutôt que quatre ans; que le gouvernement ne crée pas de contrainte artificielle pour encourager l'utilisation d'une forme d'énergie particulière et que, enfin, le gouvernement mette sur pied un mécanisme de représentation auprès d'Hydro-Québec pour permettre aux grands utilisateurs de faire valoir leurs points de vue sur la tarification, les contrats, le besoin de planification des utilisateurs et l'utilisation plus rationnelle de l'énergie électrique. (16 heures)

Notre industrie compte sur votre compréhension. L'orientation que ces travaux imprimeront est décisive et elle influencera la survie et le développement de l'industrie des pâtes et papiers et le respect de ses engagements envers la population et ses employés. Merci de votre attention.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie. Je suis très heureux de voir que votre association maintient le même niveau de confiance dans le programme de relance et de modernisation. Je crois qu'on doit tous se réjouir du premier scénario qui avait été fait, je crois, en 1979, dans le cadre du plan de relance et de modernisation, alors qu'on chiffrait les investissements par environ 1 500 000 000 $, qui était un minimum; mais, lorsque les pourparlers ont commencé avec les compagnies membres de votre association, on s'est rendu compte qu'il fallait monter le seuil prévisible à 2 500 000 000 $ et même davantage, et aujourd'hui c'est 3 500 000 000 $ qui auront été réalisés au Québec dans nos entreprises de production de pâtes et papiers. Je pense que c'est un élément positif et cela se poursuit à un rythme moindre, mais quand même considérable, dans le contexte de la crise économique et des hauts taux d'intérêt. Vous avez parlé des exportations et d'un facteur de localisation qui vous inquiète. On a eu l'occasion d'expliquer passablement en détail ce matin, à l'occasion du dépôt du mémoire de la Confédération des syndicats nationaux, que, sur l'énergie excédentaire vendue aux États-Unis, sur les contrats signés, sur un tarif interruptible, on vend à peu près deux fois le prix qui est demandé au Québec. En quoi les exportations d'énergie excédentaire aux États-Unis, au tarif interruptible, tel qu'il existe dans les contrats, peuvent-elles vous créer des inquiétudes? Si le facteur de localisation qui est déplacé coûte deux fois plus cher, en quoi cela crée-t-il un impact négatif?

M. Duchesne: De deux façons, M. le ministre. Vous avez mentionné d'abord, ce matin, que le coût marginal de l'électricité excédentaire était nul. Je suis persuadé que c'était plus une image que la réalité. Il y a certainement un coût marginal, si minime soit-il. Si ce coût est très faible, il y aurait probablement possibilité d'en faire profiter l'industrie du Québec à des taux qui compenseraient tout simplement ce coût.

Nous croyons que cette motivation serait suffisante pour aider énormément l'industrie des pâtes et papiers, entre autres, à garder sa capacité de concurrence, à maintenir . et même et à augmenter sa pénétration sur le marché. C'est un aspect.

L'autre aspect, c'est qu'il y a certainement un effet domino que vous connaissez et dont il faut tenir compte. Quand on exporte un kilowatt d'électricité ou n'importe quelle autre quantité chez des compétiteurs, ce n'est pas nécessairement le même kilowatt qui va servir à produire des produits concurrentiels, mais on déplace, à toutes fins utiles, des quantités d'énergie. Est-ce que les quantités que l'on déplace sont toutes plus chères que le prix auquel on vend l'électricité à nos industries? C'est, je pense, la question qui est primordiale et non pas le prix de vente du kilowatt qui traverse la frontière.

M. Duhaime: Je voudrais revenir sur une des clés qui sous-tend votre mémoire, c'est le coût d'énergie par tonne produite. Je parle essentiellement du coût d'énergie global, quitte à voir ensuite comment, sur le

plan de l'hydroélectricité, cela se situe. Dans votre coût de production, à l'heure actuelle, en 1983, si vous aviez à l'évaluer, le contenu de l'énergie dans une tonne de papier journal compte pour quel pourcentage dans vos coûts de production?

M. Leboeuf (Jacques): II compte pour 15%.

M. Duhaime: À peu près 15%? Est-ce que la filière du gaz naturel n'est pas quelque chose d'intéressant pour votre industrie avec les tarifs qui vous sont offerts par Gaz Inter-Cité, par exemple, principalement? Comment réagissent les membres de votre association vis-à-vis du gaz naturel?

M. Hamel (Denis): Est-ce que je peux parler là-dessus? Ce qu'on observe là-dessus, c'est qu'effectivement les compagnies y vont d'une façon assez individuelle, compte tenu des considérations régionales où elles se trouvent présentement. Dans certaines régions où, évidemment, l'électricité est déjà rendue et offerte à des prix avantageux, c'est certain qu'on remet en question la venue du gaz naturel lui-même. Là où les deux peuvent se présenter ou sont déjà accessibles, comme c'est le cas dans la région de l'Outaouais ou de la Mauricie, c'est sûr qu'un dilemme se présente parce que, effectivement, pour l'instant, l'électricité est beaucoup plus avantageuse que le gaz qui est également disponible au même endroit.

Il y aussi les situations du gaz à venir. C'est la situation du Saguenay où le gaz doit être acheminé de la Mauricie, en montant vers le Lac-Saint-Jean et le Saguenay. Déjà, à l'heure actuelle, les conditions apparaissent très attrayantes. Il n'y a pas de doute que, si on le compare au pétrole, cela se présente comme une source d'approvisionnement énergétique très intéressante. C'est notre impression; je parle un peu au nom de ma compagnie. Cela nous apparaît avantageux d'aller dans ce sens-là. Mais, selon la perception d'autres entreprises, évidemment, compte tenu de leurs besoins de remplacement du contenu de pétrole dans leur approvisionnement énergétique, cela peut apparaître plus ou moins intéressant. Mais, dans bien des cas, je pense que c'est reconnu comme étant très avantageux.

On retrouve cependant certaines réserves, parce qu'il s'agit quand même d'un réseau qui exercera, le temps venu, une espèce de monopole, qui aura écarté le pétrole ou qu'on pourra peut-être garder en réserve, au besoin, à l'occasion du renouvellement de contrats avec la société qui le fournira. Il reste quand même qu'on est dépendant de conditions qui sont régies, bien souvent, selon des normes imposées par la commission de l'énergie fédérale, si on parle de gaz naturel. D'autres contraintes aussi peuvent être imposées par l'État provincial si la situation se présente, qui, effectivement, établissent les taux en relation par exemple avec le "crude". On a vu, en particulier, le cas d'une compagnie dans l'Outaouais qui a vécu l'expérience assez désagréable d'être prise pour continuer de recevoir du gaz naturel pendant deux ans, alors que, pendant toute cette période-là, elle aurait pu obtenir du pétrole à prix réduit qui était selon le coût du "bunker C". Il y a des considérations qui font que des réserves s'appliquent présentement. On n'a pas toujours la facilité de revoir les conventions à long terme sur l'approvisionnement du gaz naturel. Tandis que, dans le cas du pétrole, il y a toujours la possibilité de négocier avec différents fournisseurs, à différentes époques, selon les marchés établis.

Une chose est certaine, c'est que cela nous apparaît intéressant et je pense que des engagements vont se prendre d'une façon rapide dans ce sens-là.

M. Duhaime: Je voudrais poser une dernière question. Votre mémoire évoque une nouvelle technologie de défibrage en particulier. Vous souhaiteriez qu'une tarification plus incitative s'applique à ce volet. Je comprends que votre mémoire a été préparé le printemps dernier, peut-être même à la fin de l'année 1982, mais la problématique tarifaire d'Hydro-Québec qui a été annoncée il y a quelques mois, pour entrer en vigueur le 1er juillet, qui va à 50% au départ en rabais et ensuite en décroisssant jusqu'à l'horizon du 1er janvier 1990, est-ce que ce n'est pas une... J'avais cru penser qu'en incitant Hydro-Québec à aller de l'avant avec cette offre-là à l'industrie, on réglait le problème du défibrage dans l'industrie des pâtes et papiers. Est-ce que vous voulez corriger votre mémoire aujourd'hui ou si vous maintenez la même proposition?

M. Duchesne: Non, je pense que c'est exactement à ce point-là, M. Duhaime, qu'on faisait référence dans la présentation d'aujourd'hui. Le programme, assurément, est positif. Par contre, il présente un problème sérieux: après l'annonce du 1er juillet 1983, si vous rajoutez un délai à peu près normal de deux ans et demi ou trois ans pour la mise en service de nouvelles installations de cette nature, on est rendu en 1985-1986 et, selon la puissance, on a déjà commencé à descendre dans les rabais ou on va commencer dans quelques mois. Par conséquent, l'impact du programme est beaucoup moins grand que ce qui peut paraître a priori.

En plus de cela, si la transformation à ces nouvelles méthodes se fait simultanément avec une modernisation, par ailleurs, à

l'intérieur de l'usine et que cette modernisation, comme il peut arriver souvent, réduit la quantité d'énergie consommée, la quantité d'énergie électrique, le total des deux est tel qu'on a de la difficulté à satisfaire aux prérequis d'augmentation minimale de la quantité d'énergie achetée.

M. Duhaime: Autrement dit, la barrière de 10%.

M. Duchesne: La barrière de 10%. C'est assez difficile, finalement, de dire que ce programme est profitable dans tous les cas. Il y a certainement des usines qui peuvent en profiter, faire des profits, tandis que, dans d'autres cas, malheureusement, cela n'a pas beaucoup d'effet. C'est la raison pour laquelle nous avons indiqué qu'une période un peu plus longue augmenterait de beaucoup l'impact du programme.

M. Hamel: Cela deviendrait effectivement une incitation à de nouveaux investissements plutôt que tout simplement un soulagement à ceux qui sont déjà engagés.

M. Duhaime: II faut bien comprendre que le programme n'a pas été conçu et offert essentiellement à l'industrie des pâtes et papiers. Il a été offert à tous les secteurs industriels. Je comprends parfaitement votre point de vue. À l'intérieur du programme de relance et de modernisation, il y a un volet d'efficacité énergétique. Si une entreprise diminue sa consommation globale d'énergie hydroélectrique de 10% et, par ailleurs, l'augmente de 10% pour investir dans des fibres, cela s'annule. Donc, l'entreprise ne peut pas se qualifier.

J'admets que c'est un handicap dans votre cas, mais, dans d'autres secteurs manufacturiers, cette problématique a été très bien accueillie. Pour être bien honnête, il y en a qui m'ont même dit qu'ils ne s'attendaient jamais à autant. Je comprends que, même si une politique est annoncée, prenant effet à compter du 1er juillet, on a exclu toute rétroactivité dans le dossier. Il y a des gens qui s'en sont plaint. Vous comprendrez facilement qu'en période de crise économique, toute la stratégie consistait à mettre sur pied des politiques, que ce soient des incitatifs fiscaux ou encore une problématique tarifaire allant dans le sens d'accélérer les investissements. Je prends bonne note de votre commentaire là-dessus et je vous en remercie.

M. Fortier: Dans la même veine de ce qu'on a discuté ce matin - je pense bien que c'est le sens de votre proposition - au lieu d'avoir un rabais pendant qu'Hydro-Québec a des surplus, il s'agit d'avoir une grille tarifaire applicable à votre industrie - c'est un peu le sens de votre intervention - sur laquelle vous pourriez compter à plus long terme que le temps où Hydro-Québec a des surplus. Est-ce que c'est le sens de votre intervention?

M. Duchesne: Je pense que vous allez peut-être un peu plus loin que ce dont on parle. Notre intervention vise d'abord ces surplus qui représentent, je pense, un avantage temporaire de plusieurs années, certainement pas de trois ans, d'après ce qu'on entend dire. C'est vraisemblablement beaucoup plus longtemps que cela. On pourrait les monnayer en termes de plus de produits finis concurrentiels qu'on pourrait exporter par opposition à la mise en marché de quantités d'électricité à l'état brut. On a discuté ce matin justement de l'impact d'une telle forme d'aide à l'industrie. Nous sommes convaincus que l'impact, si l'aide est sous une forme utilisable, ce qui signifie quelque chose en termes de coûts d'exploitation, assurément, l'impact va être dans l'ordre de grandeur du programme de modernisation, par exemple. C'est sûr que, si on construit, comme on le dit dans l'autre recommandation, d'avance des barrages ou des centrales de toute nature pour produire volontairement des surplus, on entame l'autre aspect de la discussion dont on a parlé encore ce matin, et je ne pense pas que l'association soit en faveur de cela. Par ailleurs, si on veut établir une certaine façon de favoriser diverses industries sélectivement, probablement que la façon ne serait pas nécessairement d'y aller carrément par secteur industriel, mais d'y aller peut-être aussi par quantité d'énergie consommée par un utilisateur donné. Cela se fait dans d'autres provinces. Je pense que ce sont des options à considérer et, pour l'instant, on n'a pas encore établi une position ferme sur ce point en particulier. (16 h 15)

M. Fortier: J'essaie de comprendre. Vous dites que, dans d'autres provinces, c'est sur la base de la consommation d'énergie. Je croyais que c'était le cas ici. C'est en fonction de la consommation ou de la demande également. Mais ce que j'essaie de comprendre, c'est que vous avez dit: Au lieu d'avoir un privilège sur quatre ans, l'avoir sur dix ans. C'est ce que vous avez... Je n'ai pas votre texte, d'ailleurs. J'aimerais avoir une copie du texte que vous avez lu parce que je crois que c'est un petit peu différent de celui que nous avons.

M. Hamel: L'aspect qui a été mentionné de prolonger sur une base de dix ans le programme de quatre ans, c'est pour les augmentations de charges qui seraient ajoutées par l'addition de nouveaux procédés comme, par exemple, un procédé par

raffinage pour remplacer le vieux système par défibrage qui occasionne justement une demande additionnelle d'électricité. Alors, cette fraction devient justement admissible présentement à une réduction de 50% graduellement, jusqu'en 1990 pratiquement.

Pour justifier un investissement sur cette base, si on dit que cela devient un incitatif à vouloir construire ou entreprendre une construction aujourd'hui d'un procédé du genre, sachant que cela va prendre au moins trois ans pour l'avoir en marche et bénéficier justement de la réduction de 50% sur le surplus à être consommé, pour que ce soit un incitatif, il faudrait qu'au moins cette partie soit prolongée jusqu'à dix ans. Ce n'est pas pour l'ensemble du système de tarification.

M. Fortier: Je comprends, excepté qu'on peut faire des prévisions sur le nombre d'années durant lesquelles Hydro-Québec aura des surplus, mais elle nous a dit qu'en 1990 il n'en resterait plus. J'imagine que c'est pour cela que le programme coïncidait avec cette date. Mais ce que vous dites, c'est que, pour en tirer avantage, il faudrait l'étendre sur plusieurs années.

M. Hamel: C'est cela. Pour justifier les investissements qui sont appropriés pour l'industrie et pour la survie de l'industrie aussi, pour conserver sa position.

M. Fortier: C'est pour cela qu'on revient à l'idée... Oui, il s'agit de la définir, mais on revient à l'idée d'une aide sectorielle ou non, mais qui serait à plus long terme que seulement pour une période courte d'années. Je pense que c'est... Sans cela, ce n'est pas un facteur de motivation, sur le plan économique j'entends, pour l'industrie.

M. Hamel: Je pense que cela s'applique d'abord à l'industrie des pâtes et papiers. Évidemment, on parle pour nous au départ, mais il y a probablement d'autres industries qui considéreraient aussi une plus longue période de façon pas mal intéressée.

M. Fortier: Pour revenir à l'utilisation du gaz, je n'ai pas tout à fait compris ce que vous avez dit. Est-ce que vous avez dit que cela variait beaucoup selon l'emplacement ou l'endroit où se trouvaient les industries de pâtes et papiers et que, par ailleurs, si on prenait la région de la Mauricie, là où il y a du gaz... Bon, il y avait la question de l'incertitude, il y avait la question du fait que, lorsqu'on utilise du pétrole, on peut toujours négocier à différents moments, mais je voulais seulement savoir quel était le point de vue de certaines compagnies sur le gaz. Vous trouvez que c'est alléchant, que c'est intéressant. Pourriez-vous préciser votre pensée là-dessus?

M. Hamel: Ce que je veux dire, c'est qu'on voit des perceptions différences justement parce que les industries sont déjà installées dans différentes régions dont certaines ne verront jamais le gaz. En Gaspésie ou sur la Côte-Nord, cela ne se rendra pas. Là où il y a déjà eu un début où les deux systèmes d'approvisionnement énergétiques existent, le gaz et l'électricité, il y a un choix qui se fait difficilement parce que la possibilité est là présentement d'utiliser de l'électricité et il n'y a sûrement aucun empressement de sauter sur le gaz parce qu'il nous apparaît plus coûteux, dans la production de vapeur, surtout, qui est un des gros facteurs de la fabrication. Mais l'intérêt reste à démontrer pour ceux qui... On sait quand même que, d'ici quelques années, il va falloir que cela se manifeste carrément parce que l'électricité ne sera pas toujours là. C'est certain qu'on veut déplacer le pétrole, mais on veut aussi en même temps avoir certaines assurances que cela ne sera pas toujours indexé automatiquement sur une forme de pétrole ayant des prix qu'on ne contrôle absolument pas ou qu'on ne peut pas influencer et que cela en deviendra pas une forme d'approvisionnement énergétique qui est régie, dont la tarification est régie en fonction de facteurs qu'on ne contrôle pas du tout.

M. Fortier: Je crois qu'en réponse au ministre, vous avez indiqué que le coût de l'énergie dans une tonne de papier est de 15%. C'est cela que vous avez dit?

M. Hamel: Cela peut varier...

M. Fortier: La CSN, ici ce matin, citait 5,9%; c'est simplement pour avoir l'heure juste, j'imagine que cela peut varier d'une compagnie à l'autre.

M. Hamel: Je pense qu'il faut se comprendre; je n'ai jamais vu 5,9%. 15%, c'est aussi un facteur qui peut varier beaucoup selon le type d'entreprise de pâtes et papiers et également les régions en question. L'électricité elle-même représenterait présentement, en moyenne, entre 8% et 12%. Les autres formes d'énergie, comme le pétrole ou le gaz naturel, ajoutées à cela représenteraient sûrement 7% à 8%. Si on parle de certaines usines kraft qui, avec le système de récupération, n'ont aucun achat d'électricité ou de pétrole à faire pour produire, cela baisse la moyenne. Mais dans une usine de papier journal, on est très près des 20%; la partie de l'électricité elle-même est autour de 10%.

M. Fortier: Pendant que vous êtes ici, est-ce que vous pourriez nous dire quel est l'état de la situation par rapport à ce qu'elle était l'an dernier? En moyenne, quel est le taux de fonctionnement des usines? À quelle capacité fonctionnez-vous présentement? Est-ce que la situation s'est relevée considérablement? Pourriez-vous nous donner une idée de la situation?

M. Hamel: L'industrie du papier journal au Canada et au Québec - parce que la plupart des compagnies sont représentées ici au Québec - fonctionne à autour de 80% de sa capacité.

M. Fortier: Est-ce que c'est bon ou pas bon?

M. Hamel: C'est épouvantable; c'est à peu près le niveau du "break-even" pour la plupart des compagnies considérées. Certaines fonctionnement encore à 95% ou 100%; dans certains cas, c'est parce que ce sont des entreprises qui ont des marchés captifs; d'autres ont évidemment leur façon d'écouler leurs produits qui viennent en concurrence avec les plus gros qui, malheureusement, doivent se sacrifier parfois pour ceux qui ont une seule usine. En général, la moyenne se situe autour de 80%, ce qui ne constitue aucune amélioration depuis l'an passé.

M. Fortier: Ce que vous nous dites, comme vous êtes à ce "break-even", les questions énergétiques peuvent avoir un impact; c'est une façon de rentabiliser. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie de votre participation et j'invite le Centre des études sur le bâtiment à s'approcher.

M. Fazio et M. Pierre Guité, je vous inviterais à présenter votre mémoire.

Centre des études sur le bâtiment

M. Fazio (Paul): M. le Président, je tiens à remercier la commission parlementaire de l'occasion qu'elle offre au Centre des études sur le bâtiment de présenter son point de vue sur l'avenir énergétique québécois. Nous voulions vous présenter des acétates pour animer la présentation, mais, à cause des problèmes d'éclairage, nous vous prions de vous référer aux photocopies de ces acétates et au texte qui vous a été distribué cet après-midi.

L'essentiel de notre exposé portera sur l'importance d'économiser l'énergie et sur les moyens techniques, ainsi que sur les modes d'organisation pour y arriver. Les résultats d'une étude réalisée au Canada nous indiquent les objectifs que nous devrons viser pour atteindre notre autonomie énergétique: nous devons réduire notre demande en énergie de 50%; nous devons augmenter la production de pétrole de 50% et celle du gaz de 33%; la production de charbon doit quadrupler; la production canadienne d'électricité doit grimper de 40% et, finalement, les sources renouvelables d'énergie devront suffire à 5% de la demande totale.

Le présent exposé portera principalement sur l'importance d'économiser l'énergie pour réduire la demande. Les chiffres que nous venons de présenter ont servi à brosser un tableau d'ensemble de la situation canadienne. Ceux qui seront présentés maintenant se rapportent au Québec.

Au Québec, la majeure partie de l'énergie que nous dépensons est utilisée dans les bâtiments. La ventilation s'établit comme suit: 31% pour le secteur industriel; 29% pour le transport et 40% pour les bâtiments. Considérant la quantité d'énergie consommée dans les bâtiments, il est donc prioritaire de pouvoir réaliser des économies d'énergie importantes dans ce secteur.

Le secteur des bâtiments se prête bien aux économies d'énergie. Le potentiel d'économie d'énergie dans ce secteur s'élève à environ 40%. Au Québec, la consommation annuelle en énergie dans le bâtiment représente un déboursé de 2 600 000 000 $. Par conséquent, le gisement d'économie d'énergie dans les bâtiments, s'il est totalement exploité, pourrait constituer une économie annuelle de 1 000 000 000 $.

Le Québec se situe au deuxième rang des pays industrialisés en ce qui concerne la consommation énergétique. Donc, beaucoup d'efforts supplémentaires pourraient être consentis pour économiser plus d'énergie. De plus, le Québec se situe au premier rang de la consommation énergétique par millier de dollars de production. Raison de plus pour mettre l'accent sur l'économie d'énergie.

Deux autres points viennent renforcer le bien-fondé de mettre l'accent sur une politique d'économie d'énergie plus agressive. Premièrement, les économies d'énergie additionnelles qui seront réalisées nécessiteront des investissements et ces investissements auront des retombées économiques importantes. Le Québec dispose déjà d'une industrie des économies d'énergie qui est solide. En effet, le Québec, en ce qui concerne l'offre d'équipements et de services reliés aux économies d'énergie, est un exportateur net. Notre industrie québécoise saura donc répondre à cette demande accrue par la création de nouveaux emplois et de nouveaux biens et services.

Deuxièmement, quel que soit le niveau des prix de l'énergie dans le secteur industriel et le secteur commercial, les dépenses supplémentaires engendrées par une consommation trop élevée devront être

récupérées. Ces dépenses devront être compensées par un abaissement correspondant des coûts de production, de fonctionnement ou de gestion. Ainsi, améliorer le ratio de consommation énergétique par millier de dollars de production rendrait l'industrie québécoise plus productive et donc plus compétitive.

Nous l'avons souligné, au Québec, le potentiel d'économie d'énergie dans les bâtiments est important. Mais comment techniquement réaliser ces économies? Plusieurs techniques et mesures d'économie d'énergie existent pour réduire la consommation d'énergie dans les bâtiments. Ces mesures peuvent être subdivisées en trois catégories: les mesures s'appliquant à l'éclairage; celles qui visent à améliorer l'efficacité des systèmes mécaniques et, finalement, celles qui visent à accroître l'étanchéité et l'isolation de l'enveloppe. En mettant en application les mesures d'économie existantes, la consommation en énergie peut être abaissée de 1500 à 600 mégajoules par mètre carré par an. Cette baisse constitue une diminution de 60%.

Malheureusement, seule une partie de ces mesures a été mise en application. Selon nous, cette situation est due à un manque de recherche appliquée et à un manque de transfert efficace d'information. (16 h 30)

Le tableau 6 illustrait les économies réalisables à la suite de la mise en application des mesures d'économie existantes. Le tableau 7 démontre les économies additionnelles qui pourraient être réalisées si de nouvelles mesures d'économie d'énergie étaient implantées. Les mesures que nous présentons ici sont soit des mesures innovatrices ou des mesures qui ne sont pas encore d'usage courant. Si elles étaient mises en application, elles permettraient de réaliser la réduction de 50% additionnels en consommation d'énergie dans les bâtiments. Le taux de consommation passerait alors de 600 à 300 mégajoules par mètre carré par an.

Plusieurs disciplines ont leur rôle à jouer lorsqu'il s'agit d'économiser l'énergie dans les bâtiments: les architectes, les ingénieurs en mécanique et en électricité, les entrepreneurs, les préposés à l'entretien et les propriétaires d'immeubles. Il est possible de contribuer à économiser l'énergie par la conception de bâtiments qui consomment moins d'énergie, par la sélection de systèmes mécaniques plus efficaces, ou par un entretien fréquent et un mode de fonctionnement efficace des systèmes.

Par organisation, nous voulons dire l'intégration de plusieurs champs de compétences dans un effort commun. Cette intégration a été réalisée par le développement d'une nouvelle discipline: le génie du bâtiment. Il y a six ans, des programmes de recherche et d'enseignement en génie du bâtiment ont été mis sur pied au Centre des études sur le bâtiment de l'Université Concordia. À l'heure actuelle, ce programme est le seul du genre au Canada. Dans le domaine des économies d'énergie, ce programme vise à développer et à implanter des techniques qui soient pratiques, économiques, bien comprises par tous les professionnels et les corps de métier, et bien acceptées du public. Dans cette discipline, le bâtiment est considéré comme un tout, et un bon programme d'économie d'énergie tient compte de tous les éléments et du rôle de tous les intervenants, depuis l'étape de la conception jusqu'à la mise en fonction des systèmes.

La discipline du génie du bâtiment est un lieu privilégié où des efforts d'intégration peuvent être tentés. Dans le domaine des économies d'énergie, le rôle du génie du bâtiment se subdivise en quatre volets: premièrement, la cueillette d'information; deuxièmement, le développement d'une base structurée de connaissances en économie d'énergie; troisièmement, la réalisation, par des équipes pluridisciplinaires, de projets de recherche, d'analyses et d'essais d'équipement; quatrièmement, la formation de professionnels et de chercheurs ayant une vue d'ensemble des problèmes du bâtiment.

Des projets de recherche doivent être entrepris pour exploiter à fond le potentiel d'économie d'énergie dans les bâtiments. L'ensemble des sous-systèmes doit être considéré. Des études sont en cours au Centre des études sur le bâtiment sur l'enveloppe, les systèmes mécaniques et l'informatique.

Finalement, l'accent doit être mis sur le transfert d'information et de technologie auprès des professionnels, ceux qui agissent comme consultants; auprès des propriétaires, les preneurs de décisions par rapport aux investissements requis; auprès des opérateurs et des préposés à l'entretien, ceux qui sont responsables du bon fonctionnement des équipements et des bâtiments. Le transfert d'information est un aspect qui a trop longtemps été négligé. L'efficacité des mesures d'économie d'énergie dépend, dans une large mesure, du type et de la qualité de l'information disponible sur ces mesures. Des lignes directrices claires et précises sur les techniques existantes d'économie d'énergie doivent être transférées non seulement aux professionnels, mais aussi aux propriétaires, aux entrepreneurs et aux opérateurs. Les données transmises doivent concerner le rendement des systèmes, les investissements requis, les retours anticipés, les économies réalisables et aussi les problèmes techniques lors de l'implantation.

Le Centre des études sur le bâtiment a mis ses principes d'organisation en application dans le cadre d'un contrat de

recherche et de développement avec Énergie, Mines et Ressources du Canada. L'objectif du projet est de diffuser aux propriétaires de commerces au détail au Canada des lignes directrices précises pour économiser l'énergie dans leurs bâtiments. Un des principaux éléments du contrat est la préparation d'un progiciel pour micro-ordinateur permettant aux commerçants d'obtenir des données sur les mesures d'économie d'énergie spécifiques à implanter dans leurs magasins, sur les équipements et investissements requis, sur les économies réalisables, sur les retours anticipés et sur la procédure d'implantation recommandée.

Les analyses seront effectuées dans les magasins mêmes à l'aide de micro-ordinateurs portatifs.

Le progiciel sera supporté et publicisé par des études de cas et des projets de démonstration dans des magasins. Ces études viseront à démontrer la faisabilité technique et la rentabilité économique des mesures proposées.

Dans le cadre de ce contrat, le Centre des études sur le bâtiment a établi le potentiel d'économie d'énergie dans ce secteur. Ce potentiel représente une économie possible de plus de 200 000 000 $ par année. Pour que les commerçants puissent être en mesure d'exploiter pleinement ce potentiel, le centre a recueilli des études, des rapports et des données d'information techniques au Canada, aux États-Unis et dans le monde. Il a effectué ou commandé des projets de recherche appliquée dans les domaines de l'éclairage, des systèmes mécaniques et pour le développement de progiciels d'analyse économique. Il a mis au point un programme de transfert d'information sur l'énergie par la préparation d'un progiciel et par la mise au point d'une stratégie de diffusion auprès des consultants, des associations de commerçants au détail, des manufacturiers d'équipement en économie d'énergie et des entrepreneurs.

Au Québec, le gisement d'économie d'énergie dans le bâtiment est considérable. À l'heure actuelle, ce gisement est loin d'être pleinement exploité. Cette situation est regrettable, car, premièrement, des économies d'énergie additionnelle contribueraient à abaisser la demande totale en énergie et permettraient au Québec d'atteindre plus facilement son autonomie énergétique. En ce sens, l'énergie que l'on économise est celle qui est la moins coûteuse. Deuxièmement, l'industrie québécoise des économies d'énergie est en santé. Les investissements que nécessiterait l'implantation de mesures d'économie additionnelles seraient bénéfiques pour cette industrie et créeraient de nouveaux emplois. Troisièmement, l'abaissement des coûts en énergie rendrait plus productives les entreprises et industries concernées.

Afin d'exploiter pleinement ce gisement, nous avons souligné l'importance d'effectuer des projets de recherche appliquée, de mettre sur pied de nouvelles structures d'organisation et de prévoir des mécanismes de transfert d'information plus efficaces.

Nous recommandons, finalement, de mettre la priorité sur l'exploitation du gisement d'économie d'énergie dans les bâtiments et d'améliorer la performance des bâtiments sur le plan de l'énergie par une meilleure conception, une meilleure qualité de la construction et des procédures de fonctionnement et d'entretien plus efficaces. Pour ce faire, nous proposons d'accélérer le développement d'une base intégrée de connaissances techniques dans le domaine du bâtiment; de mettre l'accent sur la formation et le transfert efficace d'information aux propriétaires et exploitants de bâtiments; d'élever le niveau de compétence des professionnels; de favoriser la pénétration de technologies de pointe dans le domaine des économies d'énergie: ordinateurs, micro-ordinateurs.

Nous avons déjà commencé à mettre en application ces recommandations au Centre des études sur le bâtiment. Pour continuer dans la même direction, nous poursuivons nos efforts afin d'obtenir un support de recherche et de développement direct et continu. Les économies d'énergie doivent être considérées comme une industrie. En ce sens, elles requièrent des investissements en recherche et développement. Ces investissements accéléreront au Québec l'exploitation du gisement d'économie d'énergie, de 1 000 000 000 $ dans les bâtiments. Ces investissements se traduiront par la création d'emplois et par une production accrue de biens et de services reliée aux économies d'énergie. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie. Je suis un peu emballé par l'expression que vous utilisez dans le secteur des économies d'énergie en parlant de "gisement". Est-ce vraiment nouveau? Ce n'est pas nouveau comme mot, ni comme expression, mais employé dans ce secteur qui est en devenir, c'est vraiment une façon intéressante de voir les choses. Je pense que vous avez parfaitement raison de faire ce lien. Cela illustre très bien ce qui peut être mis en valeur et économisé.

Je n'ai pas la référence à votre mémoire, mais dans mes notes ici vous évaluez la valeur potentielle du marché des économies d'énergie à 225 000 000 $ pour le secteur commercial et à 582 000 000 $ pour le secteur industriel, ceci étant le potentiel

d'investissements établi par votre centre. Bon, on est à l'échelle du Québec, mais dans ces études que vous avez faites, est-ce que vous reprenez essentiellement les chiffres du ministère ou si vous avez d'autres données pour appuyer ces chiffres?

M. Guité (Pierre): II y a certaines manipulations des chiffres qui ont été faites, mais des manipulations minimes. Il y a beaucoup de chiffres qui viennent des Statistiques de l'énergie au Québec; cela a été multiplié par le coût de l'énergie. Maintenant, il y a eu des manipulations dans le sens que, pour évaluer le potentiel dans le domaine du bâtiment, il fallait aussi considérer l'enveloppe ou la section "bâtiment" des autres secteurs, du secteur industriel, entre autres. Alors, il y a eu quelques modifications qui ont été faites pour essayer de tenir compte de tous les endroits où on pouvait trouver l'élément "bâtiment" dans la ventilation qui est utilisée par les statistiques du Québec.

M. Duhaime: Je regarde les chiffres qui ont été avancés en 1978, l'objectif global d'économie d'énergie dans le document qui avait été publié, Assurer l'avenir et globalement, je crois que c'était de 15%. Mais quand on s'en va dans le secteur industriel, on dit: "Les économies d'énergie réalisables - je réfère à la page 39 du document - pour l'ensemble du secteur industriel ont été estimées à près d'un cinquième du niveau de consommation prévu pour 1990." Vous référez plus explicitement dans votre mémoire à l'aspect "bâtiment". J'essaie de le retrouver. À l'horizon de 1990, dans le secteur commercial, on parle d'une projection d'un tiers sur les économies. Cela peut paraître énorme à première vue, mais je peux vous dire qu'il y a des projets pilotes qui ont fait beaucoup plus que le tiers d'économie d'énergie.

M. Guité: Lorsqu'on parle d'économie d'énergie, pour évaluer la consommation, on peut s'entendre plus facilement. C'est une donnée qui est plus facile à identifier. Lorsqu'on parle de potentiel, c'est un peu plus compliqué, cela peut varier énormément. Cela dépend des systèmes mécaniques utilisés, des types de bâtiments qu'on considère, mais, règle générale, pas simplement à la lumière des statistiques, mais à la lumière des projets de recherche qu'on a réalisés, on peut dire que grosso modo, si on tient compte de toutes les mesures d'économie qu'il est possible d'implanter dans un bâtiment, il n'est pas irréaliste de parler d'un gisement d'économie d'énergie de 40% dans les bâtiments.

M. Duhaime: 40%, c'est sûr.

M. Guité: 40%, nonobstant les nouvelles mesures d'économie d'énergie qui font l'objet de recherches présentement, comme l'emmagasinage de chaleur ou d'autres techniques de ce style. (16 h 45)

M. Duhaime: J'ai comme l'impression qu'il y a encore beaucoup de conviction à être apportée dans ce dossier parce que je n'arrive pas encore à comprendre, s'il y a des économies de l'ordre de 30%, de 35% ou même de 40% sur des comptes d'énergie qui peuvent être réalisées et si on peut en faire la démonstration noir sur blanc, comment il se fait que les investissements ne s'enclenchent pas plus rapidement. Je suis parfaitement d'accord avec vous que les investissements en économie d'énergie peuvent être chiffrés à des centaines de millions de dollars avec une création d'emplois. Dans ce sens-là, votre centre développe des techniques, parle de transferts de technologie. Est-ce qu'il est exclu que votre centre puisse devenir ce que vous proposez voir se créer au Québec, un centre multidisciplinaire de concertation et de diffusion?

M. Guité: II y a très certainement beaucoup d'efforts qui ont été investis dans ce sens-là, mais, pour répondre à la première question que vous posez, à la première interrogation que vous aviez, il y a beaucoup de mesures d'économie d'énergie qui existent. La plupart du temps, ces mesures-là sont connues. Dans le mémoire, on a voulu mettre l'accent sur le fait qu'il est vrai qu'on aurait besoin de recherches supplémentaires, mais aussi et surtout qu'on aurait besoin de meilleures techniques, de techniques plus efficaces de transfert d'information.

Ce n'est pas un sujet facile parce que cela demande non seulement l'expertise d'ingénieurs, mais aussi l'intervention de plusieurs disciplines de communication qui ont, entre autres, un rôle important à jouer. Dans un des contrats, tel que mentionné dans le mémoire, le contrat avec Énergie, Mines et Ressources, on a presque exclusivement mis l'accent là-dessus. On a tenu à mettre vraiment l'accent sur des techniques pour transférer l'information la plus utile possible à ceux qui prennent les décisions relativement aux économies d'énergie. C'est assez stupéfiant de constater jusqu'à quel point, dans plusieurs bâtiments visités, il y a encore un gisement important à exploiter.

Les techniques qu'on a retenues pour les transferts d'information - on parlait de micro-ordinateurs - à l'heure actuelle, ce sur quoi on travaille, c'est sur des logiciels portatifs, de façon à pouvoir donner aux commerçants, dans le cas qui nous occupe -le contrat touche le commerce au détail -des recommandations immédiatement après la visite. C'est un peu similaire à Énergain,

mais avec beaucoup plus d'informations techniques, schémas à l'appui, d'analyses économiques sur le terrain, de façon qu'une décision puisse être prise en toute connaissance de cause et le plus rapidement possible. L'élément du transfert d'information est extrêmement important.

M. Duhaime: C'est certainement une des étapes qui restent à franchir. Je pense que, dans le secteur résidentiel actuellement, avec Énergain, le programme va assez bien. On atteint les objectifs prévus. Si jamais on rejoignait 1 000 000 de résidences et si l'efficacité énergétique souhaitée était réalisée en l'espace de huit ans, je pense que ce serait presque un miracle, si on le faisait au Québec. On a le programme Énergiebus qui est en cours; il y a des programmes ad hoc qui s'appliquent à certains secteurs industriels. Je pense, entre autres, aux incitations dans le cadre du programme de relance et de modernisation des pâtes et papiers, mais c'est un programme à bâtir et qu'il faudra intensifier parce que les économies d'énergie à être réalisées, tant dans le secteur commercial, et surtout dans le secteur commercial, que dans le secteur industriel - pour employer votre expression -sont un gisement fort important à être exploité et mis en valeur.

Je voudrais savoir - et je suis au courant des travaux que vous poursuivez actuellement - si le Centre des études sur le bâtiment ne pourrait pas devenir cette courroie de transmission de l'information beaucoup plus accentuée. Est-ce qu'il serait possible d'envisager un programme comme celui-là? Autrement dit, si vous prenez un contrat du gouvernement fédéral, je n'aurais pas d'objection à en passer un avec vous...

M. Guité: II faut en laisser. Il est bien évident qu'on est déjà engagé dans cette voie-là et on va continuer dans ce sens-là. Je ne sais pas si le message est bien passé -ce n'est pas une critique négative - mais, quand j'ai assisté à la conférence de presse sur le lancement du programme, PNVRE, assez curieusement, la présentation du volet diffusion, qui était le troisième volet du programme, avait presque été escamotée. On avait peu de choses, peu de contenu à présenter quand on parlait du volet diffusion. Il y a d'autres exemples similaires. C'est dommage parce que, selon nous, le challenge no un, c'est vraiment cela.

L'autre composante qui est importante - le centre s'intéresse beaucoup à cela -c'est l'aspect pluridisciplinaire dans les recherches que cela nécessite. Il y a beaucoup de gens impliqués, quand on parle d'économie d'énergie dans les bâtiments: entrepreneurs, ingénieurs, architectes, etc. Souvent, le langage n'est pas le même et les interventions de l'un ne sont pas nécessairement facilitées par les interventions d'un autre professionnel. Je parle, par exemple, des décisions que les architectes peuvent prendre au niveau de la conception du bâtiment; elles ont nécessairement un impact important, ce sont eux qui sont responsables de la conception de l'enveloppe. De temps en temps, il y a des conflits avec le design des systèmes mécaniques. Cet aspect pluridisciplinaire est très important et il faut nécessairement en tenir compte énormément.

Quand on parle aussi des programmes basés sur micro-ordinateurs, les progiciels qu'on veut développer, ces progiciels doivent aussi être appuyés dans ce sens que beaucoup de mesures d'économie d'énergie nécessiteraient des tests supplémentaires. Il y a l'infiltration, par exemple. Les logiciels qui sont utilisés par beaucoup de programmes donnent des recommandations aux économiseurs éventuels qui sont probablement proches de la réalité, mais souvent la marge d'erreur est importante et il y aurait lieu de compléter cela par des études de cas et des projets de démonstration. Alors tous ces programmes - c'est très important - doivent être appuyés correctement par des tests, des programmes d'essais, etc.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Comme le ministre, j'ai été frappé par votre terme "gisement". Ce n'est pas le terme que j'aurais utilisé; à vous entendre, c'est quasiment une mine d'or. Il faut dire, de ce côté-là, que le ministre est un peu handicapé pour faire face au défi parce qu'avant il avait un adjoint parlementaire qui s'occupait des mines et des mineurs, mais maintenant il a changé d'adjoint parlementaire. Espérons qu'il puisse faire face à ce défi.

Il y a une question que j'aimerais vous poser. On parle d'économie d'énergie et on entend souvent des gens dire: Les gens sont tellement concernés par les économies d'énergie qu'on bloque toutes les issues des maisons, toute l'enveloppe et, maintenant, les gens sont en train de mourir de pollution à l'intérieur de leur maison et des édifices publics. Dans quelle mesure poussons-nous? Je vous crois quand vous dites 40%, quoique j'imagine que c'est un chiffre théorique, parce qu'il y a toutes sortes de facteurs qui interviennent sur le plan pratico-pratique. Je l'ai fait chez moi et, quand l'expert d'Énergain est venu, il a dit: M. Fortier, je pense qu'on va passer rapidement. Il y a des choses qu'on peut faire et je sais pertinemment qu'il y a quelques vieilles fenêtres en bois dans ma maison que je pourrais changer, mais je me suis dit: II faut

quand même respirer dans la maison, il faut avoir un peu d'air frais. Dans quelle mesure cet aspect de la ventilation des édifices est-il pris en considération lorsque vous faites vos expertises et dans quelle mesure sommes-nous en train de créer des habitats qui seront nocifs à la longue parce qu'on va avoir tellement économisé d'énergie que l'air à l'intérieur ne sera pas respirable?

M. Guité: L'élément que vous soulevez est tout à fait juste et, joint aux problèmes énormes de santé qu'a causés l'emploi de la mousse d'urée-formol, il s'est déclenché comme une réaction de panique dans les milieux de la recherche par rapport à cela. On accorde de plus en plus de subventions pour les recherches sur la qualité de l'air à cause, justement, de nouveaux types d'enveloppes, de parois beaucoup plus étanches, avec aussi le développement parallèle des échangeurs de chaleur, etc.

Il est évident maintenant, en ce qui concerne les mesures d'économie d'énergie reliées aux infiltrations, qu'on a le réflexe de se poser la question en ce qui concerne la qualité de l'air. Je pense bien que les résultats de projets de recherche qui ont été entrepris dans ce sens seront divulgués sous peu, soit par le Conseil national de la recherche ou par d'autres organismes qui s'occupent de ces recherches aussi.

Le deuxième volet de ma réponse est peut-être un peu plus théorique. Dans les très vieux bâtiments, il y a déjà énormément de place, les taux de changement d'air sont très importants et il y a de la place pour implanter des mesures d'économie d'énergie reliées à l'infiltration. Dans les nouveaux bâtiments, je pense bien qu'il va falloir se diriger vers de nouvelles technologies. Quand on regarde les techniques de construction à ossature de bois, quand on regarde toutes les recommandations qu'on fait aux entrepreneurs pour diminuer l'infiltration dans les bâtiments et tous les tours de passe-passe que cela nécessite sur le chantier, la conclusion logique de cet exercice-là, c'est qu'on va s'en aller vers de nouveaux types de bâtiments, dans la construction d'un nouveau type d'enveloppes qui seront beaucoup plus étanches et à l'intérieur desquelles il faudra nécessairement installer de nouveaux types d'équipement, du genre échangeurs de chaleur. Il va falloir aussi, en même temps, s'assurer du bon fonctionnement de ces appareils-là, des systèmes de ventilation aussi.

M. Fortier: Dans le parc résidentiel, dans l'avenir, la rénovation des maisons existantes va être un facteur beaucoup plus important que la construction de nouvelles maisons. Ma question était à savoir qu'il y avait un potentiel de 40%...

M. Guité: Oui.

M. Fortier: ...d'économie d'énergie... Vous y avez répondu en partie, mais si on prend en considération les facteurs de ventilation, qui sont importants, je pense que les 40% seraient baissés d'un pourcentage assez appréciable.

M. Guité: Non, écoutez, je ne le pense pas, parce que les mesures d'infiltration, c'est une section des mesures possibles. Il y a beaucoup d'autres mesures possibles pour économiser l'énergie dans les bâtiments. Le secteur résidentiel est un secteur parmi d'autres. Il y a aussi des potentiels très importants dans d'autres secteurs. Le secteur commercial, c'est énorme: il y a le commerce au détail et d'autres types d'activités qui sont chapeautées par le secteur commercial. Je ne pense pas que ce soit exagéré de parler d'un potentiel de 40%. Oui?

M. Fortier: Votre message est passé. Vous parlez d'efforts multidisciplinaires, de meilleure communication, de meilleure coopération entre les différents agents qui travaillent à l'intérieur de ce problème-là. Je pense qu'on a compris votre message. Je vous remercie beaucoup.

M. Guité: Très bien.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie de votre participation.

J'invite l'Association des mines d'amiante du Québec à s'approcher, s'il vous plaît.

On va attendre le retour de M. le ministre, si vous voulez.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise de la séance à 17 h 01)

Le Président (M. Desbiens): Présentez-nous les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Association des mines d'amiante du Québec

M. Payeur (Benoît): M. le Président, MM. les membres de la commission, mon nom est Benoît Payeur, je suis directeur général de l'Association des mines d'amiante du Québec. Notre association, qui est une des plus anciennes associations industrielles, existe depuis au-delà de 50 ans et regroupe tous les producteurs d'amiante exploitant des gisements au Québec. Son conseil d'administration est composé des présidents et chefs de la direction des cinq compagnies existantes. Ce conseil est présidé cette

année par M. Marcel Dorais, ingénieur, président et chef de direction de la Société Asbestos Ltée., qui, incidemment, m'a prié de l'excuser auprès de la commission, étant retenu à l'extérieur.

Pour cette audition devant la commission permanente de l'énergie et des ressources, portant plus particulièrement sur l'énergie, levier de développement, la délégation de l'association est composée des personnes suivantes: M. André Allaire, directeur des services techniques de la Société Asbestos Ltée; M. Maurice Rochette, chef ingénieur des Mines d'amiante Bell Ltée; M. Jean-Paul Bolduc, vice-président des opérations de Carey-Canada Inc.; M. Bernard Coulombe, gérant de la mine Jeffrey et de la compagnie baptisée tout récemment J-M Asbestos Ltée., auparavant Johns-Manville Canada Inc.; M. André Gauthier, vice-président senior des opérations division Black-Lake de Lac d'amiante du Québec Ltée; MM. Patrick Huza et Jean Carpentier de notre firme de consultants ABBDL-Tecsult, ainsi que M. Paul-A. Filteau, quiest consultant auprès de notre association.

Comme vous avez sans doute pu le constater à la lecture du mémoire que notre organisme a déposé il y a déjà quelques mois, la préoccupation principale des compagnies productrices en est une de consolidation de leurs coûts de production face à une vive concurrence internationale et face à la récession économique qui a frappé notre industrie de plein fouet. Il est de notoriété publique, je pense, que l'industrie connaît des difficultés économiques énormes actuellement, qui se sont traduites depuis quelques années par des diminutions dramatiques non seulement de la production de la firme, mais surtout du niveau d'emploi dans les communautés de la région. Malgré les difficultés actuelles, il importe de réaliser que globalement l'industrie de l'amiante génère pour au-delà de 400 000 000 $ de ventes et qu'elle fournit de l'emploi à plus de 4000 travailleurs.

On peut, évidemment, aborder le dossier de l'amiante sous de multiples facettes, mais nous avons cru essentiel de situer notre présentation dans la perspective limitative de cette commission dont un des volets, comme le soulignait encore récemment le ministre, vise à la mise en place d'une stratégie de développement industriel axée sur nos atouts énergétiques. Nous sommes, en conséquence, préparés et disposés à répondre aux interrogations des membres de cette commission dans l'optique prioritaire d'une révision en profondeur de la tarification électrique appliquée aux exploitations amiantifères, laquelle tarification nous apparaît souhaitable non seulement pour la santé financière à court terme de nos entreprises, mais pour l'avenir à moyen terme de l'industrie et, partant, des bénéfices socio-économiques des citoyens et citoyennes de la région de l'amiante et de l'ensemble du Québec.

Pour vous faire un sommaire et bien situer la problématique de notre intervention, j'inviterai M. Patrick Huza à vous adresser la parole.

M. Huza (Patrick): Le but du mémoire présenté est de faire ressortir les effets de la tarification actuelle de l'électricité dans l'industrie de l'amiante et de montrer l'impact que ceci produit sur le prix de revient de l'amiante. Nous cherchons à adoucir la tarification actuelle afin de baisser le prix de production, ce qui permettrait à l'industrie de compétitionner sur le marché mondial et aussi aiderait l'industrie à survivre.

Les modifications dans la tarification actuelle proposée concernant les contrats futurs avec Hydro-Québec sont structurées de façon à tenir compte du fait que les coûts d'électricité par rapport au produit seront dans les mêmes proportions que le sont les autres formes d'énergie comme les hydrocarbures. Dans les cinq dernières années, on remarque que les coûts des composantes dans une tonne d'amiante ont doublé, à l'exception de celui de l'électricité qui a triplé. Alors, les modifications proposées au tarif d'Hydro-Québec corrigeront cet aspect durant la période où la production est au ralenti dans l'industrie. Le tarif proposé est structuré de telle sorte que le coût de l'énergie électrique restera tel qu'existant lorsque la production reviendra à la normale ou telle qu'elle était en 1978.

Vous avez sans doute étudié le mémoire, mais, avec votre assentiment, j'aimerais attirer votre attention sur quelques passages pertinents.

Situation actuelle de l'industrie de l'amiante au Québec; importance et apport économique. Dans les villes d'Asbestos, East-Broughton, Black-Lake et Thetford-Mines, on retrouve sept mines actives d'amiante, les réserves de la huitième, la mine Normandie, étant épuisées. Ces mines fournissent environ 75% de la totalité de l'emploi fourni par le secteur manufacturier à proprement parler de la région, secteur manufacturier tel que défini par Scott's. Il s'ensuit qu'au niveau régional environ 75 000 Québécois dépendent de façon directe de l'industrie de l'amiante pour la survie de leur emploi et leur croissance économique.

Emplois et taxes (1980). Emplois directs, industrie de la production, 5100; emplois directs, industrie de la transformation, 3800; salaires versés par les producteurs du Québec, 166 760 000 $ en salaires, 41 000 000 $ en avantages sociaux; contribution au Trésor fédéral,

22 000 000 $; contribution au Trésor québécois, 27 000 000 $. L'apport de l'industrie de l'amiante constitue 50% de la totalité des revenus miniers du Trésor québécois.

Le noeud du problème. L'industrie de l'amiante se bat présentement pour sa survie. Au Québec, elle a vu sa part du marché mondial décroître face à l'émergence de nouveaux producteurs prêts à toutes les concessions pour écouler l'excédent de leur production. En plus des effets négatifs de la récession, l'amiante subit aussi l'impact d'une inquiétude quant au caractère sécuritaire de son utilisation. Ces facteurs expliquent que l'industrie au complet fonctionne à demi-capacité. Considérant l'accroissement des stocks de fibre, cette industrie se pénalise afin de demeurer le moteur économique de toute une région. Il est donc essentiel que tous les agents économiques, rattachés de près ou de loin à cette industrie, contribuent dans leur domaine respectif à sa survie afin d'éviter la fermeture des mines à plus ou moins court terme, créant ainsi au Québec une autre région fantôme.

Proposition de tarification. Historique de la structure tarifaire d'Hydro-Québec de 1978 à 1983. Avant l'année 1979, un gros consommateur d'électricité, c'est-à-dire une société qui consomme, par exemple, pour environ 400 000 $ et plus d'énergie électrique par année, était soumise à une tarification de la part d'Hydro-Québec établie de la façon suivante: la tarification est basée sur l'appel maximum de puissance, c'est-à-dire la quantité maximale de puissance, c'est-à-dire la quantité maximale d'électricité consommée pendant une unité de temps donnée. Si, pendant une période d'un mois, une entreprise consomme 25 000 kilowatts et que, pendant une période excédant 15 minutes au cours de ce mois, elle exige 30 000 kilowatts, sa tarification sera basée sur une consommation de 30 000 kilowatts et non pas de 25 000 kilowatts.

Jusqu'en 1979, cet appel maximal de puissance pouvait varier à la hausse du tiers sans qu'une pénalité soit imposée. Dans l'exemple précité, la compagnie pouvait appeler jusqu'à 40 000 kilowatts sans pénalité. Au cours de la période 1979-1981, une surcharge ou pénalité a été introduite et appliquée à la quantité d'énergie de pointe excédant la puissance maximale autorisée. Cette surprime représente aujourd'hui plus de trois fois le coût régulier de la puissance maximale appelée à certains moments de l'année.

Dans le cas de l'exemple précité, la nouvelle tarification faisait en sorte que tout appel de puissance dépassant 40 000 kilowatts devenait facturable à un taux de 10,50 $ par kilowatt excédant 40 000 kilowatts. Depuis 1982, les gros usagers sont maintenant forcés de maintenir une régularité de demande d'énergie de 100%, c'est-à-dire qu'un dépassement de la puissance souscrite en période d'hiver entraîne aujourd'hui une pénalité de 16,05 $ par kilowatt et qu'une demande de puissance inférieure à la puissance souscrite entraîne le paiement minimal de la puissance souscrite.

Revenant à l'exemple cité plus haut, une société qui appellerait une puissance maximale de 30 000 kilowatts avec des crêtes allant jusqu'à 40 000, alors qu'avant 1979 ces crêtes étaient facturées au même tarif que les 30 000 premiers, désormais, en période d'hiver, les 10 000 kilowatts excédentaires lui sont facturés à presque quatre fois le coût unitaire des premiers 30 000 kilowatts. Bref, les 10 000 derniers kilowatts lui coûtent plus cher en valeur absolue que les premiers 30 000.

De la même façon, si la compagnie n'utilise que 25 000 kilowatts, sa facturation se fera sur le minimum obligatoire, soit 30 000 kilowatts. L'entreprise doit donc respecter en tout temps son engagement de consommation, sinon elle est lourdement pénalisée, ce qui n'était pas le cas avant 1979.

De plus, en 1979, le facteur de puissance exigé est passé de 90% à 95%. Ce facteur de puissance pourrait s'expliquer, en simplifiant, de la façon suivante: alors qu'Hydro-Québec livre 100 ampères pour actionner un moteur électrique qui n'en utilise que 90, jusqu'en 1979 Hydro n'en facturait que 90; désormais, elle en facture 95. Ceci représente une augmentation camouflée puisque l'achat et l'installation d'équipements de correction du facteur de puissance sont requis. Si le facteur de puissance est inférieur à 95%, une pénalité est appliquée.

En conclusion, nous désirons faire valoir les points suivants. De toute évidence, l'énergie québécoise se doit d'être le premier levier de développement économique québécois. En période de crise, le concept du développement doit inclure essentiellement celui de la consolidation. Que sert-il de créer 1000 nouveaux emplois à coups de concessions, de subventions, d'exemptions et d'autres mesures incitatives si, en même temps, la rigidité d'une réglementation doit faire disparaître 1000 emplois existants? De toute évidence, le coût de conservation de ces 1000 emplois ne représente qu'une infime portion des coûts de création de nouveaux emplois.

Les travailleurs de l'amiante sont déjà sur place, ils sont déjà entraînés; ce qu'il faut, c'est s'assurer qu'ils puissent rester au travail. (17 h 15)

En deuxième lieu, il nous semble que l'utilisateur d'une ressource renouvelable produite au Québec, l'électricité, ne devrait

pas être pénalisé au niveau des tarifs par rapport à une ressource importée de l'extérieur et non renouvelable de surcroît, le pétrole. La nature même de l'exploitation de l'industrie de l'amiante fait qu'avec la tarification actuelle, lorsqu'elle tourne au ralenti, ses coûts d'énergie électrique sont considérablement plus élevés par tonne produite qu'ils ne le seraient si elle fonctionnait à pleine capacité. Cette situation n'est pas sans évoquer le cas d'un conducteur d'automobile à consommation élevée de qui on exigerait qu'il utilise la route 132 plutôt que la Transcanadienne pour se rendre de Montréal à Québec, justement parce que sa voiture consomme plus d'essence que les autres. Parce que notre industrie fonctionne au ralenti, on nous oblige à payer pour plus que ce que nous utilisons.

Troisièmement - très important - la formule tarifaire proposée dans ce mémoire prévoit des revenus sensiblement du même ordre pour Hydro-Québec, une fois que notre industrie revient à un niveau de capacité normale. Il nous apparaît donc sage qu'on protège le potentiel de consommation d'électricité futur que représente notre industrie par des adoucissements au moment présent. De toute façon, il y a présentement excédent d'énergie électrique et l'eau qui s'écoule sans produire d'énergie représente un revenu perdu à tout jamais. Par ailleurs, la fermeture d'une région pour cause de non-rentabilité d'une industrie représente un manque à gagner permanent pour le producteur d'énergie.

Quatrièmement, en période excédentaire d'énergie, la production de fibre d'amiante constitue une façon de stocker l'énergie hydroélectrique pour usage futur, de la même façon qu'un lingot d'aluminium ou une barre de cuivre. L'accroissement d'inventaire de ces produits, si la structure tarifaire de l'énergie le permet, constitue l'alternative à des millions de tonnes de puissance hydraulique qui s'écoulent vers la mer sans avoir actionné de turbines.

Dans ce contexte, l'industrie de l'amiante examinerait volontiers la possibilité, en retour de conditions tarifaires avantageuses, d'effectuer une plus grande production au cours de la nuit, période creuse d'utilisation d'électricité.

Bref, nous demandons un simple assouplissement d'une tarification énergétique, assouplissement qui se traduirait par un manque à gagner possible à court terme, pour Hydro-Québec, d'environ 3 500 000 $, pour nous permettre de réajuster notre industrie à une conjoncture mondiale, assurant en même temps un plancher d'emploi et la garantie d'une consommation d'énergie de plus en plus forte pour l'avenir. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Duhaime: D'abord, je voudrais vous remercier pour votre contribution aux travaux de notre commission et également d'être venus en grand nombre. Je pense que vous êtes "full bench", comme on dit, toute l'industrie de l'amiante est représentée.

Je voudrais revenir sur le dernier point qui a été soulevé. J'aurais le goût de vous dire tout de suite: Touché, dans le sens qu'il m'apparaît évident aujourd'hui qu'on va modifier la grille tarifaire qui s'applique aux mines d'amiante. La problématique a changé et les surplus qui étaient identifiés en 1977, parce qu'il y a eu un tarif pour 1979, 1980 et 1981; on a établi un tarif pour trois ans, à l'automne de 1978... Je ne sais pas si on réfère au tarif H ou au tarif L dans les grilles.

M. Huza: Cela réfère au tarif L.

M. Duhaime: Au tarif L. On va essayer d'ajuster, d'abord, le facteur de puissance. Si vous voulez avoir mon avis, je suis parfaitement d'accord avec votre approche là-dessus; 1 dernier bloc de 10 000 W, lorsqu'il vous est facturé avec les pénalités possibles, vous coûte plus cher que le premier bloc de 30 000. Mathématiquement, je suis obligé de vous dire que vous avez parfaitement raison. Je retiens votre suggestion, que je considère très adroite, d'autant plus que vous avez actuellement une marge de manoeuvre pour ajuster les productions. Il est évident qu'Hydro-Québec va accueillir d'autant plus favorablement cette proposition que votre industrie dégage la pointe. Si vous êtes prêt à me dire que durant les mois d'hiver, par exemple, ou durant les mois de haute pointe pour Hydro-Québec, vous ne serez pas branchés et que vos horaires de production vont s'ajuster en conséquence, cela va faciliter énormément les choses à Hydro-Québec parce qu'il est évident, peut-être pas pour les trois prochaines années, que même en période de surplus, durant les mois d'hiver les problèmes à Hydro ne sont pas tous réglés. Je pense que tout le monde va le savoir. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller quand vous dites dans votre mémoire que vous êtes prêts à concentrer votre production en dehors des périodes de forte utilisation du réseau?

M. Huza: Durant les heures hors pointe.

M. Duhaime: Hors pointe, oui, mais sur le plan bien concret et bien pratique, cela veut dire que vous allez produire la nuit...

M. Huza: Durant la nuit. Quand HydroQuébec a de l'électricité excédentaire.

M. Coulombe: Pas seulement durant la nuit, mais en particulier la nuit, parce qu'il y a plus d'une équipe par jour quand même.

M. Duhaime: Oui, d'accord, on se comprend bien clairement. Aux heures de surcharge du réseau durant les mois d'hiver, par exemple, vous ne seriez pas là ou moins, ce qui pourrait permettre d'alléger la charge du réseau aux heures de pointe. La contrepartie serait qu'on reviendrait, on ajusterait le tarif dans le sens d'un assouplissement pour votre industrie. Si je comprends bien votre proposition...

M. Payeur: Évidemment, au niveau actuel de la production de nos installations, il y a des aménagements possibles. Disons peut-être autour de 50% ou un peu moins. Il y a sûrement des aménagements possibles qui devront être considérés à des tables plus élargies en tenant compte des syndicats etc. Je pense que ces aménagements, s'il y a une volonté politique d'accorder à l'industrie un tarif l_ modifié, il y a sûrement des aménagements possibles.

M. Duhaime: Maintenant, d'une façon un peu plus générale, vous évoquez les difficultés sur le marché, j'en suis, bien sûr, parfaitement conscient. Nous avons marqué des points, je pense, devant la Communauté économique européenne avec finalement une approche réglementaire qui a été retenue par les Européens. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire, mais mes gens m'ont informé que l'agence américaine de l'environnement, l'EPA avait pris une décision qui pouvait peut-être nous faire mal et également une réglementation qui a été adoptée récemment par l'État de la Floride. Comment percevez-vous le marché à l'heure actuelle d'abord aux États-Unis et ensuite en Europe et dans les pays en voie de développement? Vous me dites que vous tournez à peu près à 50% de capacité. Vous dites: Quand la reprise économique va se rendre jusqu'à nos mines, on espère qu'on va se remettre à tourner. Quels sont vos scénarios à l'heure actuelle pour les prochaines années sur le marché?

M. Coulombe: Ce sera encore 1 500 000 tonnes d'amiante par année. Ici au Québec, cette année, on va peut-être atteindre 600 000 tonnes sur ce total; alors il reste encore du marché à aller chercher. En exportant un produit de qualité et en étant capables de produire à un coût de revient concurrentiel, on va augmenter notre part du marché de cette façon. C'est un des apports, ce n'est pas le seul, mais ce sera un des apports.

M. Duhaime: Dans ce contexte de pressurisation du marché - si je peux employer cette expression - vous travaillez tous à l'échelle internationale. Comment percevez-vous le redémarrage de la mine Baie Verte qui vient de reprendre, à Terre-Neuve?

M. Coulombe: Qui vient de reprendre pour peu de temps. On conçoit cela comme étant un coup très dur aux mines d'amiante québécoises parce que cette mine a été remise en marche, comme vous le savez très bien, avec l'aide exagérée du gouvernement fédéral. C'est facile, dans le moment, de produire de l'amiante chez eux, parce qu'ils exploitent exclusivement la zone minéralisée. De cette façon, ils peuvent arriver sur le marché international avec un produit extrêmement concurrentiel, faire presque du dumping. C'est de cette façon qu'ils sont perçus par nous.

M. Duhaime: Est-ce qu'ils font effectivement du dumping? Est-ce qu'ils sont en bas de leur coût de production?

M. Coulombe: Écoutez; C'est difficile pour moi de donner des commentaires très spécifiques, mais on sait pertinemment que certains des contrats nous ont échappé dernièrement, des contrats avec des compagnies minières localisées dans les Cantons de l'Est, des contrats avec des clients de très longue date qui ont été signés avec eux. On ne voit pas autrement comment cela aurait pu arriver.

M. Duhaime: J'ai fait des calculs rapides au ministère. Pour ne rien vous cacher, il s'agit du contrat avec les Indes, entre autres, et cela représente plusieurs milliers d'heures de travail pour nos travailleurs québécois dans le domaine des mines. Ce sont des heures de travail qui s'envolent. Mais est-ce que c'est une pratique courante dans votre industrie qu'à un moment donné il y en a un du peloton qui décide de faire des pertes et qui fait un peu de dumping?

M. Coulombe: Remarquez bien que ce n'est pas un de notre peloton. Remarquez bien que ce n'est pas à l'intérieur de notre groupe, les mines d'amiante de Thetford-Mines et d'Asbestos, qu'on s'est coupé le cou là-dedans. D'ailleurs, il y en a plusieurs parmi nous qui vendons aux Indes et personne n'a cédé à ce chantage de dumping.

M. Duhaime: C'est quoi la différence, grosso modo? À quel pourcentage en bas du meilleur prix qui a été offert par l'une ou l'autre des mines d'amiante du Québec le contrat a-t-il été décroché?

M. Coulombe: Je ne le sais pas, mais je sais qu'on l'a perdu.

M. Payeur: Une précision, M. le ministre. L'association s'occupe des intérêts de l'industrie, sauf des intérêts carrément économiques et commerciaux où la concurrence demeure, évidemment, très vive entre nos membres, et d'autant plus avec les gens de l'extérieur.

M. Duhaime: J'ai un peu mon chapeau d'actionnaire et cela m'intéresse de savoir un peu ce qui se passe, parce que je n'aime pas trop me voir passer un contrat entre les doigts. J'ai l'impression que, depuis que l'actionnaire de la société Asbestos et de la mine Bell est le gouvernement du Québec, je n'ai jamais entendu une compagnie minière du Québec se plaindre de son comportement. Je pense que c'est une concurrence loyale qui est livrée. En tout cas, si ce n'est pas cela, vous êtes ici pour me le dire. Je vous avoue que le coup de Terre-Neuve, je ne l'ai pas trouvé drôle non plus. Des travailleurs dans la région de l'amiante vont devoir l'encaisser, finalement, parce que cela va se répercuter nécessairement sur la feuille de paie avec un manque à gagner en heures de travail. Mais j'imagine bien que vous allez avoir l'occasion de vous reprendre. Ce n'est pas un contrat pour dix ans; c'est un contrat pour un an.

M. Coulombe: Oui, mais, aujourd'hui, on travaille sur l'aspect énergétique avec vous.

M. Ouhaime: Si le produit n'est pas vendu...

M. Coulombe: On pense justement que, pour connaître un peu le dépôt qui existe là - ce n'est pas indéfini - à un moment donné, il va falloir qu'ils s'attaquent à un certain développement minier, et très rapidement.

M. Duhaime: Je ne voudrais pas que vous croiyez que je veux faire une diversion pour qu'on s'éloigne de notre sujet principal. Si on vous fait un prix de dumping sur les marchés internationaux à 15% ou 20% de ce que vous êtes en mesure d'offrir, même si on fait des assouplissements de la tarification hydroélectrique qui vous est appliquée, qu'est-ce que cela va avoir donné comme résultat? C'est là le fond de la question.

M. Coulombe: En fait, il n'y a pas seulement ce marché-là; il y a beaucoup d'autres marchés, et on pense que c'est ponctuel. Ce n'est pas quelque chose qui va se perpétuer avec les années.

M. Duhaime: Maintenant, avec les échéances de mars 1984 au niveau de l'EPA, est-ce que vous auriez un commentaire à faire? Qu'est-ce qui s'en vient du côté de l'Environmental Protection Agency, aux

États-Unis? Est-ce qu'on va retenir une approche de réglementation qui va vous permettre de fonctionner ou si on va faire comme les Américains de la Floride? Qu'est-ce qu'il y a lieu d'attendre là-dedans?

M. Payeur: Je ne peux malheureusement pas vous fournir de renseignements. Hier et avant-hier, une réunion était tenue à Washington où il y a eu un exposé de représentants de l'EPA. Malheureusement, personne ici n'a assisté à cette rencontre. Puis-je vous référer, M. le ministre, au Centre canadien d'information sur l'amiante qui avait des représentants à cette réunion?

M. Duhaime: C'est là que j'ai pris mes informations. J'imagine que c'est le meilleur endroit.

M. Payeur: Hier soir, je pense, ou hier matin, il y a eu un exposé à ce sujet.

M. Duhaime: Je vous remercie. (17 h 30)

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je ne sais pas, j'essayais de... Vous avez fait des représentations, vous êtes la deuxième association qui nous fait des représentations sur la tarification d'Hydro-Québec. Le mémoire est plus détaillé que la présentation verbale de l'Association des industries forestières. On va entendre un autre groupement la semaine prochaine qui regroupe certains d'entre vous et d'autres, d'ailleurs, soit l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité.

Je pense que cela rejoint une certaine préoccupation que j'ai; lorsqu'il y a des changements de tarification, il faudrait bien que les gens concernés aient le loisir d'exprimer leur point de vue avant que cela ne vienne en vigueur, comme cela se fait dans le domaine du gaz ou ailleurs. Vous avez saisi l'occasion de le dire et l'Association des industries forestières du Québec l'a dit également. On s'aperçoit - je me souviens fort bien de M. Joron, qui faisait campagne en 1978, pour dire qu'il fallait pénaliser les gens qui consommaient trop d'électricité - que cela a eu des effets néfastes dans certains cas et on est obligé de faire l'ajustement. Cela me fait plaisir d'entendre le ministre dire qu'il va faire l'ajustement, mais il faut bien se rendre compte que cela a été fait à la suite d'une politique délibérée du gouvernement qui nous dirige présentement.

En ce qui concerne les heures de pointe, je pense qu'il faudrait s'entendre parce que, si mes renseignements sont exacts, on ne peut plus parler d'heures de pointe à Hydro-Québec, il faudrait parler d'un mois de pointe. On s'éloigne de plus en

plus des heures de pointe qui étaient de 17 heures à 19 heures ou de 17 heures à 20 heures le 24 décembre, d'après la meilleure information qu'on puisse avoir.

Maintenant, à cause du chauffage à l'énergie électrique, il faut parler de deux ou trois semaines de pointe d'une façon continue au mois de janvier à certains moments. C'est pour cela que la discussion qui s'engageait tout à l'heure entre votre association et le ministre allait dans le sens que, si vous n'étiez pas branchés aux heures de pointe, il y aurait un tarif spécial. Si on s'en va dans cette direction, il faudrait bien qu'on réalise que les heures vont s'allonger un peu. Cela pourrait durer deux ou trois semaines et j'imagine que ce n'était pas tout à fait ce que vous demandiez.

M. Coulombe: Ce n'est pas ce qu'on demandait, mais on peut concentrer plus d'activités la nuit que nous ne le faisons maintenant si les conditions sont propices.

M. Fortier: De plus en plus, à Hydro-Québec, l'heure de pointe, lorsqu'il y a du chauffage et qu'il fait froid, c'est la nuit.

M. Coulombe: Alors, tant mieux, on va les concentrer de jour.

M. Fortier: II faudrait faire les ajustements en conséquence. C'est pour cela que je disais: Je ne pense pas que c'est travailler la nuit, au mois de janvier, qui va aider Hydro-Québec.

M. Coulombe: Remarquez bien qu'on aime mieux travailler le jour.

M. Fortier: En tout cas, je dis cela parce que si on s'engage à des modifications des tarifs - je suis certain, d'ailleurs, qu'Hydro-Québec se chargera de faire la correction en temps et lieu - cela pourrait avoir un effet sur les activités, pour autant que les tarifs ont un impact sur celles-ci, parce que vous pourriez bien vous brancher sur un autre tarif et payer le plein prix, si c'est votre détermination et votre décision.

Tout à l'heure, le ministre a dit qu'il faudra faire quelque chose pour l'industrie de l'amiante. J'aimerais que le ministre clarifie ce qu'il a dit parce que je croyais qu'il avait dit à d'autres associations ou à d'autres intervenants qu'il était prêt à faire quelque chose dans la mesure où l'industrie concernée fera des investissements additionnels. C'est la première fois que j'entends le ministre dire qu'il va aider une industrie qui est en difficulté présentement. Est-ce que la politique a changé?

J'aimerais que le ministre éclaire ma lanterne parce que, depuis le début, je crois que le ministre a dit à cette commission parlementaire que, dans la mesure où une industrie ferait des investissements additionnels, il s'orienterait peut-être vers une tarification sectorielle, vers différentes sortes d'industries, quoiqu'il ait dit que cela lui prendrait encore un an pour la mettre au point. Mais c'est la première fois que je l'entends dire qu'il serait prêt à faire une tarification spéciale pour l'industrie de l'amiante. Est-ce que le ministre peut clarifier ce point?

M. Duhaime: Je vais le clarifier très vite. On veut corriger une violence caractérisée qui a été introduite à l'automne 1978, je crois, pour la tarification 1979, 1980, 1981, qui se maintient en 1982 et en 1983. C'est l'ajustement sous le facteur de puissance au tarif L, je crois, qui s'applique chez vous et c'est essentiellement dans ce sens. Il ne faut pas penser que c'est le Pérou demain matin, mais on va faire une correction là-dessus. Cela nous apparaît évident qu'une injustice a été commise et c'est aussi clair de le dire comme cela que de le dire autrement.

M. Fortier: Dans quelle mesure le facteur de puissance joue-t-il pour toutes les industries? J'ai oublié mes cours de génie, est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer? Lorsque Hydro-Québec a insisté sur ce facteur de puissance - quelqu'un pourrait-il me l'expliquer - elle essayait de minimiser ses coûts. Pourriez-vous m'expliquer la dynamique de la tarification par rapport au facteur de puissance?

M. Huza: Oui, certainement. Si un moteur consomme habituellement 80 ampères, Hydro-Québec est obligée de fournir 100 ampères de courant à cause du facteur de puissance. Le consommateur consomme 90 ampères mais dans le passé, avant 1982, il payait pour 90. Il y avait un ajustement dans le facteur de puissance, et maintenant il faudra que la marge du consommateur soit de 5% au lieu de 10%.

M. Fortier: Comment cela se compare-t-il par rapport à l'Ontario? La façon de corriger cela pour l'industrie c'était d'ajouter de l'équipement à l'intérieur de son réseau pour compenser le facteur de puissance. Je voyais une comparaison avec l'Ontario. Il y avait une note à savoir que le facteur de puissance jouait en faveur de la tarification ontarienne par rapport à celle du Québec. J'imagine qu'il n'y a personne parmi vous qui ait des activités en Ontario.

M. Huza: Je crois qu'ils sont restés à 90, tandis que nous...

M. Fortier: C'est 95. M. Huza: ...c'est 95.

M. Duhaime: Mais c'était 90 avant. M. Huza: Oui, on était à 90 avant.

M. Duhaime: Autrement dit, la pénalité vient plus vite.

M. Huza: Exactement. Remarquez que le facteur de puissance ne représente pas le plus... C'est une petite proportion. Ce qu'on suggère, pour une plus grande proportion, c'est que vous considériez le fait qu'on travaille en rotation.

M. Fortier: Oui, c'est sur la demande. C'est sur la pénalité de la demande maximale.

M. Huza: Exactement, si on travaille seulement 75% du temps disponible, on suggère qu'on ne devrait payer que 75% des demandes souscrites. Si une industrie qui est maintenant structurée sur 10 000 kilowatts ne fonctionne qu'à 75% de sa capacité, on demande à Hydro-Québec de ne payer que le temps travaillé, c'est-à-dire 75% ou 7500 kilowatts. C'est une demande de base. Si on fonctionne à 100% on vous paiera 10 000 kilowatts. Nous ne voulons pas la charité. Si on fonctionne à 100% nous sommes prêts à payer 100% de votre tarif L.

M. Fortier: Mais vous ne voulez pas être pénalisés pour la consommation additionnelle qui serait en deçà de...

M. Huza: Oui. Au lieu de 100% on vous propose de nous donner une marge de 25%. Si on excède 25% on paiera la pénalité comme cela existait avant.

M. Fortier: Oui, avec un coussin qui serait plus...

M. Huza: On demande un petit peu de jeu de marge.

M. Duhaime: Oui, mais il faut donner tout le portrait, il y a un revers à la médaille. Sur le facteur de puissance ma réponse est venue très vite parce que je sais qu'on ne parle pas de fortune là-dessus, mais le gros du morceau est justement sur le point que vous soulevez.

M. Huza: Exactement.

M. Duhaime: Autrement dit, vous voulez payer l'énergie que vous consommez et avoir une marge, sauf qu'Hydro-Québec est obligée de garder son "stand-by" pour les 25% au cas où il y aurait un appel de puissance. Si l'appel de puissance ne vient pas, Hydro-Québec ne retire rien mais c'est de l'énergie en disponibilité. Je pense bien qu'on ne réglera pas le problème cet après- midi mais je suis parfaitement conscient de l'ensemble du dossier. On a eu à travailler avec d'autres industries qui ont exactement le même problème, avec des facteurs de puissance qui ont été portés de 90 à 95, avec des formules de garantie d'achat sur des blocs d'énergie et une pénalité sur l'excédent.

Je vous dis aujourd'hui qu'on assouplira là-dessus. Je ne vous dis pas qu'on réglera la question de 10 000 à 7500 comme vous venez de l'évoquer, mais sur la question du facteur de puissance je suis prêt à bouger vite. Si la contrepartie vient de votre industrie de dégager la pointe, j'ai l'impression que c'est un élément de souplesse qui viendra s'introduire de votre part dans la discussion avec Hydro-Québec.

M. Fortier: J'essayais de comprendre ce qui avait amené le gouvernement et Hydro-Québec à introduire cette mesure. J'essayais aussi de comprendre, si cette mesure était modifiée, quel impact cela aurait sur HydroQuébec. Je n'étais pas en politique à ce moment-là mais si ma mémoire est fidèle, je me souviens que M. Joron disait qu'il fallait faire payer par les industriels ou les grands consommateurs d'électricité les kilowatts additionnels qu'il fallait construire à la Baie-James. Alors c'était comme une pénalité. On disait: Écoutez cela nous coûte tant pour construire à la Baie-James, les kilowatts additionnels coûtent plus cher, donc ceux qui consomment les kilowatts additionnels devront les payer. Soit que la situation ait changé ou que la logique qui prévalait à ce moment ait changé. Lorsque la discussion reviendra avec Hydro-Québec je crois qu'on essaiera de voir un peu plus clair dans ce dossier.

Je vous remercie.

M. Duhaime: Bonne chance dans vos cotations sur les marchés internationaux!

M. Fortier: II vous voit comme un concurrent. D'être actionnaire d'une compagnie, le ministre est rendu concurrent des autres.

Le Président (M. Desbiens): J'invite maintenant la Corporation des maîtres électriciens du Québec à s'approcher s'il vous plaît!

M. Guilbaut.

Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Corporation des maîtres électriciens du Québec

M. Guilbault (Yvon): Mon nom est Yvon Guilbault, directeur général de la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Je suis accompagné de M. Henry Audet, président de

l'organisme et de M. Joseph-A. Patafie, directeur des communications.

Pour la présentation du mémoire, peut-être que cela fera l'affaire de tout le monde, on procédera à un résumé plutôt qu'à une lecture complète étant donné les circonstances.

M. Fortier: Malheureusement, je dois quitter un peu tôt. Si vous voulez résumer votre point, allez droit au but et on se comprendra.

M. Guilbault: C'est ce qu'on a pensé.

Dans le mémoire qui a été rédigé vers le mois de février, nous nous sommes bornés à présenter l'aspect économique c'est-à-dire l'apport des principales sources d'énergie au Québec soit l'électricité, le pétrole et le gaz naturel. Nous avons fait une analyse statistique de leur évolution depuis à peu près 1978 en insistant sur les chutes et les baisses des différents taux de croissance au cours de ces périodes et en insistant aussi sur les politiques gouvernementales qui ont été retenues depuis à peu près 1978.

Vous vous en doutez bien nous privilégions une pénétration massive de l'électricité. Le contraire vous surprendrait sûrement. Je me ferais poser des questions j'imagine. L'apport des entrepreneurs électriciens dans le tableau énergétique qui dépend fortement des politiques tarifaires et des politiques relativement au programme de subventions concernant l'installation de divers systèmes électriques alors le travail de l'entrepreneur électricien en dépend. Pour étayer les retombées de l'industrie de l'électricité nous avons retenu une étude dont vous avez sûrement pris connaissance, une étude qui a été faite par l'Association manufacturière électrique et électronique du Canada qui a étudié les retombées économiques de l'électricité pour une consommation d'un million de dollars d'électricité au Québec. L'étude quantifie les retombées en termes d'emplois, de produit intérieur brut et en salaires et en rémunérations. L'étude atteste que lorsqu'il y a un million de dollars de consommation d'électricité les retombées économiques sont beaucoup plus grandes que des retombées pour le même prix en ce qui concerne le pétrole et le gaz naturel.

Tout cela nous amène à conclure que les impacts économiques de l'électricité en font la source d'énergie qui doit être privilégiée au Québec tout en étant fort conscients des enjeux qui se font à l'heure actuelle concernant la pénétration du gaz naturel, du pétrole qui doit conserver son rôle etc. Autrement dit, jusqu'à quel point doit-on laisser pénétrer le gaz naturel par rapport à l'électricité pour conserver la place du pétrole etc.? Ce sont des enjeux dont nous sommes parfaitement conscients.

Ce qu'on dit, c'est que, étant donné qu'il n'y a pas une croissance effrénée de l'économie à l'heure actuelle, il est difficile, au moment où on se parle, de privilégier davantage le gaz naturel. (17 h 45)

Autrement dit ce serait beaucoup plus facile de prendre des décisions s'il y avait une grosse croissance énergétique au moment où on se parle. Le problème, on en est conscient, c'est qu'étant donné qu'il y a des excédents à l'heure actuelle en électricité, il faut, selon nous, que les politiques gouvernementales favorisent l'électricité. Au moment même où il y a des excédents ce n'est pas le temps d'accorder l'entrée au gaz naturel avec des mesures ou des programmes de subventions qui seraient peut-être inconsidérés au moment où la reprise économique, en termes énergétiques, refait surface.

Tout cela pour conclure, dans le mémoire, concernant certains programmes de subventions qui ont été mis de l'avant concernant l'installation de chaudières industrielles, la biénergie dans le secteur résidentiel, dans le commercial et l'industriel, vers la fin du mémoire aux pages 12 et 13... Au moment où cela a été écrit c'étaient des choses en discussion. Au moment où je le dis, ce sont des choses qui sont plus qu'en discussion. Évidemment, le ministre est au courant qu'il y a beaucoup de discussions autour de cette chose-là; nous y participons du côté technique. Ce sont des choses qui doivent être regardées en termes d'installation. Les choses qui sont demandées dans le mémoire, suggérées pour réduire un peu les excédents en électricité, sont, semble-t-il, en voie de parachèvement et dépendent de quelques décisions gouvernementales. Je pense que cela résume foncièrement le mémoire de la façon la plus brève possible.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Duhaime: Je pense bien qu'avec votre mémoire, l'hydroélectricité retrouve un allié de taille. Il va sans dire que depuis la reprise des travaux de cette commission il y a plusieurs mémoires qui ont été déposés et qui ont été défendus devant la commission qui manifestaient des inquiétudes quant au niveau de pénétration du gaz naturel et des objectifs. Cela n'a pas l'air de vous inquiéter beaucoup. Vous êtes des ardents partisans d'une pénétration accrue de l'hydroélectricité. Je le comprends aussi puisque c'est un peu votre métier.

Ne croyez-vous pas, au-delà des intérêts immédiats de votre corporation, quand on pense à l'économie d'ensemble du Québec, que le fait d'avoir une autre forme d'énergie à la disposition de l'industrie aussi

bien que des consommateurs aux niveaux commercial et résidentiel au Québec, c'est un avantage? D'autant plus, que cette forme d'énergie est moins chère au Québec, que les réserves en gaz naturel dans les provinces de l'Ouest sont énormes et qu'il y en a très certainement pour quelques générations a venir. Est-ce que, de votre point de vue, il n'y a pas un intérêt pour l'ensemble de l'économie du Québec à se brancher sur le gaz naturel en maintenant, bien sûr, l'objectif de déplacer du pétrole et aussi en laissant une part de plus en plus prépondérante à l'hydroélectricité dans l'ensemble du bilan énergétique du Québec?

M. Guilbault: Ce sont évidemment des choses dont nous sommes conscients, vous l'avez souligné, compte tenu de nos intérêts immédiats. Je pense que cela va quand même plus loin que cela. Les intérêts plus lointains nous concernent quand même aussi. Dans le fond, de la façon dont on pose le problème on est convaincus, comme la plupart de ceux qui s'intéressent à la chose énergétique, que c'est l'électricité au Québec qui doit être privilégiée, compte tenu d'une foule de facteurs sur lesquels on ne reviendra pas.

Le problème sur lequel tout le monde se penche, c'est de quelle façon assurer l'équilibre entre la pénétration du gaz naturel et la pénétration continuelle de l'électricité. C'est la question qui est posée. Vous dites que cela n'a pas l'air de nous inquiéter. Effectivement, dans l'immédiat, cela ne nous inquiète pas dans le contexte actuel. Étant donné qu'à cause du taux de croissance de pénétration de l'électricité qui est en deçà des prévisions, il est évident qu'en toute logique administrative il va falloir trouver des façons d'écouler ces excédents d'électricité qui sont là, qui attendent et qui ne sont pas renouvelables. Dans l'immédiat, ce n'est pas tellement inquiétant.

À plus long terme, ce sont les politiques qui peuvent être définies pour favoriser la pénétration du gaz naturel pour assurer un juste équilibre. Est-ce que le gaz naturel doit pénétrer très rapidement aux dépens de l'électricité? Quel équilibre doit-on trouver pour assurer cela? On est conscient que le gaz naturel doit pénétrer, mais à quel rythme? C'est à ces questions que tout le monde tente de répondre; les réponses ne sont pas encore trouvées. On est très conscient de la portée à long terme.

M. Duhaime: Juste une autre question sur un des volets abordés cet après-midi par un groupe de l'Université Concordia et aussi par d'autres: les économies d'énergie. Si vous aviez à porter un jugement sur cette nouvelle activité des économies d'énergie et l'impact que cela peut avoir sur les activités des membres de votre corporation, est-ce que c'est quelque chose qui est significatif? Est-ce que vous êtes en mesure d'évaluer cela? Est-ce que cela a eu un impact quelconque?

M. Guilbault: On n'est pas en mesure d'évaluer cela. Tout ce qu'on voit chez les entrepreneurs électriciens qui sont en contact avec le public, c'est que les gens sont finalement sensibilisés à cela. Cela ne s'évalue pas. La façon de l'évaluer est peut-être le taux de croissance de l'électricité; évidemment, s'il y a des économies d'énergie, le taux de croissance sera moindre. D'ailleurs, c'est un des facteurs qu'on identifie pour expliquer ce taux de croissance qui est moins élevé que prévu. Cela ne s'évalue pas, mais les gens sont conscients qu'il faut économiser l'énergie à tel point - comme le disait tout à l'heure M. Fortier - qu'il faut maintenant s'enfermer dans des habitats où il n'y a presque plus de perte de chaleur. On est quasiment rendu, pour certains, au revers de la médaille. Il y a tellement d'isolant dans le bâtiment qu'à un moment donné il faut en arriver à respirer et il y a des problèmes d'humidité. Cela ne s'évalue pas; tout ce que les entrepreneurs électriciens constatent, c'est que si les économies d'énergie sont faites, cela ne se vérifie pas tellement en termes d'installation mais, comme vous le savez, en limitant les pertes de chaleur; ce qu'ils constatent, c'est que moins l'électricité sera dépensée pour chauffer une habitation ou un bâtiment public, plus il en restera pour faire autre chose. Le raisonnement s'établit de cette façon-là; parce qu'ils savent qu'il y a telle capacité et que si cette capacité est distribuée à plus de bâtiments ou plus d'installations, il en restera plus. C'est un peu comme cela que les gens réalisent l'importance de l'économie dans notre milieu.

M. Duhaime: Je suis bien content de vous l'entendre dire, venant de gens qui travaillent dans le milieu, enfin, les campagnes d'économie d'énergie... Un peu comme tout le monde, je regarde la télévision de temps à autre et je vois le dernier slogan d'Hydro-Québec, mieux consommer, alors qu'autrefois c'étaient des campagnes de consommation. Je pense que le mot mieux est très important dans le débat actuel.

M. Guilbault: Plus ça va, plus on se rend compte que les entrepreneurs évidemment, il y en a toujours qui sont plus leaders que d'autres - sont conscients de cela et ils vont donner des conseils au consommateur: Tu serais mieux de faire cela; tu vas économiser de l'énergie, chose qui ne préoccupait guère les gens avant, autant les entrepreneurs que les consommateurs. C'est

un phénomène qui fait boule de neige. M. Duhaime: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vous remercie. En fait, vous prêchez à un converti parce que, pour des raisons familiales - cela aurait été une question de divorce si j'allais au gaz - j'ai changé mon entrée électrique pour une entrée de 400 ampères, filée pour 300 ampères. Je dois dire que cela donne une très grande satisfaction. D'ailleurs, j'ai hâte de faire le parallèle avec cette année, puisque je me suis aperçu que cela a occasionné des économies d'énergie. Étant donné que la fournaise électrique est toute petite, la pièce qui était surchauffée avant ne l'est plus et cela doit sûrement être un facteur important d'économie d'énergie pour une utilisation ponctuelle de la chaleur à l'intérieur même. J'ai un système à l'eau chaude.

Voici la question que je veux vous poser. Même si les gens changent pour l'électricité, comme je l'ai fait, est-ce que les maîtres électriciens ou votre corporation organisent des cours? Dans mon cas - je vais le faire prochainement - celui qui est venu chez moi ne semblait pas au courant des possibilités d'avoir des contrôles extérieurs qui permettent d'aller encore vers une plus grande économie d'énergie ou de programmer la chaudière électrique pour qu'elle n'embarque pas tout d'un coup, mais que les différents éléments électriques, à l'intérieur de la chaudière, puissent s'allumer d'une façon programmée, surtout en tenant compte de la température extérieure.

Je crois que si on parle d'économie d'énergie votre corporation devrait s'intéresser à ce dossier et donner des cours aux maîtres électriciens, qui sont peut-être moins sensibilisés à l'aspect contrôle, parce que, traditionnellement, ils s'intéressaient uniquement à l'entrée électrique comme telle, alors que, s'il y a une installation de chaudière électrique, il y a le contrôle de la chaudière électrique comme telle. Alors, dans quelle mesure vos membres ont-ils débordé un peu de l'aspect traditionnel du filage électrique, de l'entrée électrique pour couvrir également la chaudière électrique ou les contrôles qui permettraient des économies d'énergie?

M. Guilbault: Vous apportez un aspect qui, pour nous, est très important. C'est pratico-pratique. Souvent, nous sommes portés - enfin, plusieurs intervenants - à analyser en termes macro-économiques, en termes de retombées, etc., on oublie souvent que, dans le champ, il y a des gens qui vont aller faire des installations et on oublie souvent aussi de parler des conséquences; si c'est d'une façon plutôt que d'une autre, cela aura peut-être un impact en termes macro-économiques. On commence par le petit pour aboutir au grand.

Mais l'aspect dont vous parlez, pour nous, est excessivement important et je vais vous dire pourquoi. Il s'est produit, depuis trois ou quatre ans, une évolution en termes de marché pour les différents systèmes de chauffage. Évidemment, celui qui est le plus marquant, c'est le système biénergie qui fait appel à deux sources d'énergie et qui, au Québec, est un phénomène relativement nouveau, avec aussi la sensibilisation du consommateur que maintenant l'énergie se dépense. Maintenant, les gens posent de plus en plus de questions. Les manufacturiers offrent des produits de plus en plus variés. Dans le passé - vous le soulignez à juste titre - un entrepreneur posait, soit des plinthes électriques, soit une fournaise électrique, soit une fournaise au pétrole avec entrée électrique. Maintenant, les produits sont tellement variés que l'entrepreneur, le premier, doit s'adapter à tout cela. Comme les politiques viennent souvent d'en haut, il doit s'adapter très rapidement.

Ce qu'on fait de ce côté, dans la mesure de nos moyens, on organise des séminaires, des colloques, des cours, on a des publications qui sont envoyées à tous les entrepreneurs électriciens, on a des journaux. Ces colloques sont organisés directement avec des manufacturiers, avec le Bureau des économies d'énergie depuis quelque temps. Tout cela pour vous dire que, l'an passé, sur une base d'un an on a organisé des cours où on a recueilli 4000 inscriptions; ça fait du monde. Il y a une sensibilisation à cela. Très bientôt on organise un colloque sur la biénergie dans les logements multiples, industriels, et commerciaux pour prévoir ce qui s'en vient, parce qu'on n'a pas le choix. Si cela arrive sur le marché, il va falloir que les gens sachent, en termes techniques, comment cela s'installe, l'influence sur les branchements, les panneaux.

M. Fortier: II va falloir qu'ils pensent davantage en termes de systèmes.

M. Guilbault: Oui.

M. Fortier: Je crois qu'il y a des économies d'énergie à faire de ce côté. On parle des plinthes Convectair, dont le marketing est fait par une filiale de Nouveler.

M. Guilbault: Oui.

M. Fortier: Donc, il y a des économies d'énergie à faire de ce côté comme il y a des économies à faire, comme je le disais, sur les contrôles entourant la fournaise

électrique. Je pense que ce serait intéressant qu'il y ait une collaboration qui se fasse au niveau du ministère ou auprès des experts que vous pouvez consulter pour, même si les gens vont vers l'électricité, qu'il y ait quand même une économie d'énergie due à des meilleurs contrôles électriques.

M. Guilbault: Je me souviens, nous étions venus à la commission parlementaire -je crois que c'est l'an dernier qu'il y a eu une commission parlementaire ou en 1981 -et, a ce moment, nous avions un peu déploré que, compte tenu de l'évolution technique excessivement rapide et, deuxièmement, des politiques gouvernementales, il y avait un manque de concertation entre ceux qui prennent les décisions, les manufacturiers, les installateurs et les consommateurs.

Je peux vous dire qu'il y a eu beaucoup d'amélioration à ce niveau; les ouvertures, au ministère, à Hydro-Québec et au Bureau des économies d'énergie, sont beaucoup plus grandes, parce que plus ça va, plus ça suit la tendance, les gens sont conscients qu'on n'a pas le choix, il faut s'ajuster.

M. Fortier: Rapidement. J'ai eu des contacts avec votre corporation à différents moments il y a un an ou deux, parce qu'il semblait qu'il y avait des délais indus entre le moment où une personne demandait d'être branchée à l'électricité et le moment où le représentant d'Hydro-Québec allait faire son inspection. Est-ce que ces plaintes, ces délais sont disparus? Est-ce que cela va beaucoup mieux maintenant?

M. Guilbault: Ils ne sont pas disparus complètement mais il y a eu amélioration. Ils sont peut-être aussi un peu moins visibles en ce sens qu'à l'époque, vous vous en souviendrez, il fallait que le représentant Énergain ait passé pour obtenir la subvention fédérale; alors cela produisait beaucoup de tensions. Aujourd'hui, lorsqu'il y a des subventions relativement au programme biénergie, ce n'est pas nécessaire que la personne fasse effectuer les recommandations du représentant biénergie pour avoir la subvention, ce qui fait que cela a enlevé beaucoup de tensions dans le milieu à l'heure actuelle. Il y a encore des délais mais c'est moins pire que c'était.

M. Fortier: Je vous remercie. M. Duhaime: On vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie de votre participation.

Je remercie les membres de la commission de leur collaboration. La commission élue permanente de l'énergie et des ressources ajourne ses travaux à mardi, 4 octobre, à dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 01)

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