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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 22 septembre 1983 - Vol. 27 N° 141

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources se réunit ce matin afin d'étudier les effets de la politique énergétique sur le développement économique.

Nous entendrons, pour débuter, les représentants du groupe Nouveler, dont Mme Nicolle Forget, à titre de présidente. Vous pourriez peut-être nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Auparavant, j'aimerais vous faire part des noms des membres et des intervenants de cette commission. À titre de membres: M. Tremblay (Chambly), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Beaumier (Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).

À titre d'intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

La parole est maintenant à vous, Mme Forget.

Auditions Nouveler

Mme Forget (Nicolle): Merci, M. le Président. Je suis accompagnée ce matin du P.-D.G. de Nouveler, à ma gauche, Robert Rocheleau; à mon extrême gauche, M. Jean-Paul Dupré, le vice-président de la gestion des filiales; à ma droite, M. Ovide Poitras, vice-président au développement.

Je voudrais, avant de commencer, vous rappeler que vous avez déjà reçu un document en mars que nous n'avons pas remis à jour. Je vais vous lire un court résumé ou un condensé et je ferai, en cours de route, de légères modifications au texte de mars. Les questions, par la suite, pourront être adressées à quiconque selon les sujets qui vous préoccupent.

Je rappelle, pour vous rafraîchir la mémoire, que Nouveler a été créée en 1980 mais elle est opérationnelle depuis 1981, au sens où il y a des activités dans la compagnie. C'est une société de gestion de portefeuille incorporée sous la partie IA de la Loi des compagnies de Québec, donc soumise à toutes les règles du marché, le profit, la fiscalité, etc. Les actionnaires en sont quatre sociétés d'État: Hydro-Québec, SGF, SOQUEM et REXFOR.

Notre mémoire pourrait se résumer en quatre points: identifier les priorités de développement du Québec en matière d'efficacité énergétique et d'énergies nouvelles, et suggérer un programme d'action qui maximisera les impacts économiques; établir les contraintes à la réalisation des priorités et recommander au gouvernement les mesures à prendre, déterminer le rôle du groupe Nouveler dans la réalisation des priorités et ce, en relation avec ses partenaires autant du secteur public que du secteur privé; enfin, établir la contribution de ce programme au développement économique du Québec et surtout à la création d'emplois permanents.

Les priorités de développement énergétique sont en fonction des considérations qui suivent. Le Québec est l'un des plus grands consommateurs per capita d'énergie au monde. À l'heure actuelle, 60% de ses besoins énergétiques sont encore comblés par du pétrole importé au coût annuel d'environ 5 000 000 000 $ dont 50% pour le secteur du transport. Le Québec est naturellement pourvu de trois importantes sources d'énergie renouvelables: l'hydroélectricité, la biomasse, incluant la tourbe, et le vent. Les excédents nets d'électricité passeront d'environ 29 000 000 000 de kilowattheures à environ 59 000 000 000 de kilowattheures pour l'année 1986.

La disponibilité du gaz naturel en grande quantité amènera de nouvelles possibilités industrielles dans le secteur de la chimie. Enfin, les brusques revirements de la conjoncture économique et des prix relatifs des différentes sources d'énergie au Québec -le pétrole, le gaz, l'électricité et le bois -favoriseront l'émergence de systèmes multiénergie de consommation.

Sur la base de ces considérations, le Québec, par opposition à la majorité des autres provinces et des pays industrialisés, possède des ressources importantes qui lui permettent d'accroître rapidement et de

façon rentable son efficacité énergétique dans l'utilisation de toutes les sources d'énergie grâce, entre autres, à l'application de nouvelles technologies faisant appel à l'électricité ou au gaz.

L'application de ces mesures d'efficacité, conjuguée à une utilisation plus grande de sources nouvelles d'énergie - dont la biomasse - seules ou combinées avec l'électricité ou le gaz, peuvent déplacer des quantités significatives de pétrole dans tous les secteurs d'activité économique incluant le transport.

L'expérience que nous avons acquise au cours des deux dernières années nous permettra, dans les prochaines sections, d'approfondir et de préciser les stratégies d'intervention. Cette expérience couvre deux grands secteurs d'activité de Nouveler, soit l'efficacité énergétique et les énergies nouvelles ou redécouvertes.

Le premier secteur: l'efficacité énergétique. Les études portant sur l'efficacité énergétique effectuées par notre groupe prouvent qu'il n'existe pratiquement pas de secteurs où des mesures relativement simples n'entraînent pas d'économie d'énergie substantielle oscillant entre 15% et 30% et pouvant atteindre près de 70% dans le cas de la pompe à chaleur eau-air et industrielle. L'application d'un pourcentage moyen de 25% de réduction à la facture du pétrole dans les secteurs résidentiel, industriel et commercial entraînerait des économies annuelles de plus de 750 000 000 $. À ce jour, le groupe Nouveler a engagé plusieurs actions afin de capter de façon rentable ce potentiel économique. Nous allons les passer rapidement en revue.

La première action que nous avons menée est au niveau de la gestion de la consommation énergétique par l'entremise d'Éconoler, une filiale créée en mars 1981. Cette filiale se place déjà au premier rang dans ce domaine. Les programmes de gestion de l'énergie, conçus par Éconoler, consistent à optimiser la consommation d'énergie des immeubles, des usines et des édifices publics. À cette fin, diverses méthodes sont employées: conversion à des sources d'énergie moins coûteuses, électricité, bois ou gaz; amélioration de l'efficacité des chaudières; récupération de la chaleur dégagée par les cheminées et d'autres pièces d'équipement et gestion de l'énergie à l'aide de microprocesseurs.

Ces mesures se révèlent d'une grande efficacité lorsqu'il s'agit d'enrayer le gaspillage, pourvu qu'elles soient appliquées correctement et qu'elles s'inscrivent dans un programme d'ensemble doté d'un financement approprié.

Ainsi, Éconoler garantit à ses clients que les investissements seront remboursés à même les économies réalisées sur une période maximale de cinq ans. À la fin de 1983, soit après deux ans et demi d'activité, Éconoler aura réalisé des investissements totalisant une somme d'environ 30 000 000 $, qui permettront des économies annuelles d'énergie d'environ 11 000 000 $ et un déplacement de quelque 125 000 000 de litres de mazout.

La deuxième action, c'est la pompe à chaleur eau-air. Chacun sait ce qu'est une pompe à chaleur: c'est un appareil qui permet d'extraire de l'énergie d'un milieu qui renferme de la chaleur à basse température par l'intermédiaire d'un réfrigérant. Les économies d'énergie ainsi réalisées par rapport à un système traditionnel de chauffage peuvent atteindre un minimum de 65%. Reconnaissant les mérites et le potentiel de cette nouvelle technologie, Nouveler lançait, avec des partenaires du secteur privé, la société Equipement Canair 1981 Inc., spécialisée dans la fabrication des pompes à chaleur eau-air. Deux modèles sont actuellement commercialisés sous le nom de Permatemp, appliqués, l'un au secteur résidentiel et l'autre au commercial. Les avantages des Permatemp sont, entre autres, de réduire les frais de chauffage d'au moins 66%; de minimiser la demande électrique aux heures critiques de pointe, parce que la Permatemp est autonome et n'a donc pas besoin de système de chauffage d'appoint et ce, même par périodes de grand froid; d'utiliser une source d'énergie renouvelable, l'eau du sol.

L'expérience que nous avons acquise dans le marché nous montre également que la Permatemp peut facilement s'adapter à plusieurs utilisations, entre autres le chauffage des serres, des petites et des moyennes entreprises et des commerces, tout en favorisant une utilisation plus rationnelle de l'électricité. Selon de récentes études, un programme incitatif généralisant l'utilisation de la Permatemp, permettrait des économies d'environ 200 000 000 de litres de mazout sur une période de dix ans.

La troisième action, c'est la pompe à chaleur industrielle. Dans ce secteur, l'utilisation de la pompe à chaleur à haute température à circuit ouvert ou fermé, offre aussi des perspectives intéressantes pour l'amélioration de l'efficacité énergétique des procédés de fabrication. Dans certains secteurs industriels, des gains notables de productivité sont obtenus ainsi que des économies pouvant parfois aller jusqu'à 80% du mazout utilisé. Selon des études récentes, les domaines d'application de ces pompes couvrent les secteurs du bois, des pâtes et papiers, de la chimie, des textiles et de l'agroalimentaire. En supposant seulement un taux de pénétration de 15% de la technologie de la pompe à chaleur dans ce marché, quelque 600 000 000 de litres de mazout peuvent être économisés annuellement, tout en étant remplacés par une consommation

d'électricité ou de gaz égale à environ le quart de l'équivalence énergétique du mazout ainsi déplacé. Plusieurs pays s'intéressent à cette technologie dont le Japon, les États-Unis et la France. Grâce à des ententes prises avec la compagnie Techmark Corporation, de Newport, Rhode-Island, Nouveler est actuellement la seule entreprise commerciale au Canada qui offre des projets "clé-en-main" de pompes à chaleur à haute température.

La quatrième action: Nous avons créé récemment une compagnie connue sous le nom de SES Énergie Inc. afin de réaliser et de financer des projets d'économie d'énergie en milieu industriel basés sur le concept de Steam Energy Savings. Ce concept consiste à récupérer dans le condensat un pourcentage important de la chaleur fournie par le combustible de la chaudière. Ainsi, le retour du condensat en chaudière doit donc être envisagé chaque fois qu'il est techniquement possible. De tels rejets sont nombreux dans l'industrie, surtout dans le secteur des pâtes et papiers, des textiles et encore de l'agroalimentaire. Des économies d'énergie d'environ 25% pourraient résulter de l'application de cette nouvelle technologie, se traduisant par une diminution de la consommation annuelle de mazout dans ces secteurs évaluée à quelque 70 000 000 de litres.

La cinquième action réside dans les systèmes biénergie un peu plus connus. L'installation de ces systèmes permet à l'abonné d'utiliser de façon optimale deux sources d'énergie. Nouveler fait figure de leader dans ce domaine par la commercialisation, via l'une de ses affiliées, les Contrôles PSC Ltée, du premier appareil de chauffage biénergie à contrôle automatique conçu et fabriqué au Canada, l'appareil D-15, pour les systèmes de chauffage au mazout à air puisé. Il devrait y avoir quelque 50 000 logements équipés de ce système - enfin, du système biénergie, pas nécessairement du D-15 - d'ici la fin de l'année. Il en est de même pour l'installation de chaudières industrielles à l'électricité. Le groupe Nouveler prévoit en installer d'ici peu pour une capacité de près de 100 mégawatts, amenant un déplacement d'environ 55 000 000 de litres de mazout.

La sixième action, le chauffage électrique par convection. Le chauffage électrique est bien connu au Québec. Pourtant, l'équipement de chauffage résidentiel le plus courant a très peu évolué depuis une vingtaine d'années. Nouveler vient de mettre sur pied, en association avec la firme française Müller-Noirot, la firme Convectair-NMT Inc. qui commercialisera un appareil de chauffage électrique à haute efficacité énergétique connu sous le nom de Convectair. Cet appareil projette la chaleur qu'il dégage dans toute la pièce et maintient, grâce à son thermostat électronique, le degré de température désiré dans chaque pièce. Le Convectair consomme jusqu'à 30% moins d'énergie que le système conventionnel à plinthes et des économies appréciables d'énergie peuvent ainsi en résulter. (10 h 30)

La dernière action - celle-là, vous ne l'aviez pas dans le texte de mars - porte sur le chauffage à l'eau chaude. En août dernier, nous nous sommes portés - enfin, il y a trois semaines - acquéreurs de 50% du capital-actions de Les industries FP, de Bromptonville. Cette entreprise développe, fabrique et vend une gamme complète de chaudières à eau chaude pour les secteurs résidentiel, commercial et industriel, et utilise aussi tous les combustibles, le gaz, l'huile et le bois. Cette entreprise a mis au point un appareil biénergie adapté au chauffage à l'eau chaude et elle prévoit également lancer d'ici quelques mois une chaudière au gaz à très haut rendement. Enfin, l'entreprise contribue, de façon intéressante, à la pénétration de la biomasse dans le bilan énergétique grâce au succès de ses systèmes de combustion au bois.

Pour terminer ce premier secteur, Nouveler explore actuellement de nouveaux domaines, entre autres, ceux reliés à l'application des technologies électriques dans le secteur industriel.

Le deuxième secteur d'activité, qui est le deuxième volet de la mission Nouveler, porte sur ce qu'on appelle les nouvelles sources d'énergie ou les énergies redécouvertes. La place occupée par les énergies redécouvertes dans le bilan énergétique varie énormément d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre. Tout dépend de la disponibilité locale de biomasse, de vent, de soleil et du prix relatif des formes traditionnelles d'énergie.

Au Québec, la disponibilité à un prix relativement bas d'hydroélectricité et de gaz naturel repousse dans un avenir moins immédiat que pour d'autres pays le développement à grande échelle de l'énergie solaire et éolienne. À court terme, mais surtout à moyen terme, par contre, la biomasse forestière et les déchets industriels, agricoles et urbains, en raison de leur grande disponibilité, représentent de loin l'un des meilleurs potentiels d'exploitation énergétique. C'est d'ailleurs sur ce potentiel que s'établira la croissance à moyen terme du groupe Nouveler. Pour préparer cette croissance, le groupe concentre actuellement d'importants efforts qui amèneront - nous le souhaitons - des retombées économiques importantes.

Quant aux technologies éolienne et solaire, des percées technologiques valables pourront, à moyen terme, ouvrir des marchés d'exploitation qui en permettront la

rentabilité ici même au Québec.

L'utilisation de la biomasse, la première de nos activités dans ce secteur, à des fins énergétiques. Je pense qu'il faut d'abord dire ce qu'on entend quand on parle de biomasse. C'est l'ensemble des productions végétale, animale et humaine d'un territoire donné. Au Québec, on évalue la disponibilité annuelle de biomasse forestière accessible économiquement à environ 17 000 000 de tonnes anhydres sous forme de résidus de transformation, de résidus d'exploitation et de forêts dégradées et à peu près la même quantité pour la tourbe.

En ce qui concerne les déchets urbains, industriels et agricoles, leur disponibilité annuelle est évaluée à plus de 4 000 000 de tonnes anhydres. Une utilisation du tiers seulement de ce potentiel énergétique pour le chauffage pourrait déplacer environ 2 900 000 000 de litres de mazout, ce qui représente environ 30% de la consommation actuelle dans les secteurs industriel, commercial et résidentiel. Ce qui fait qu'une politique gouvernementale de développement à long terme de ce potentiel pourrait représenter une orientation énergétique à privilégier. Actuellement, on évalue que la contribution de la biomasse au bilan énergétique du Québec dépasse à peine 5%. Cette biomasse est brûlée pour produire de la chaleur pour le chauffage des locaux ou pour des procédés industriels surtout dans l'industrie des pâtes et papiers.

Par ailleurs, par procédé thermochimique, nous pouvons produire un gaz de synthèse issu de la biomasse et, à partir de ce gaz, il est possible de synthétiser une série de produits chimiques ou énergétiques de valeur dont le méthanol. C'est dans cette optique que Nouveler, de concert avec Canertech et le soutien financier des gouvernements fédéral et provincial, créait une société en nom collectif, Biosyn, pour ériger, dans un premier temps, une usine de fabrication de gaz de synthèse, au coût de 21 600 000 $, où sera, pour la première fois au monde, commercialement démontrée la technologie du gaz à lit fluidifié et pressurisé à l'oxygène.

Dans un deuxième temps, la boucle de synthèse du méthanol serait complétée. Les raisons qui justifient ce projet sont multiples mais les principales sont les suivantes:

Une volonté de développer des carburants de substitution garantissant une sécurité d'approvisionnement tout en rendant possible une forme d'autarcie régionale.

Une valorisation de la ressource forestière par l'utilisation rationnelle des résidus de scierie, de coupe et de forêts dégradées, ce qui est d'ailleurs un préalable à la mise sur pied d'une politique d'aménagement forestier.

Une meilleure distribution et une diversification de l'activité économique dans les régions périphériques favorisant ainsi des objectifs d'aménagement du territoire.

Une décentralisation des grands systèmes de production énergétique ou chimique en un système à échelle plus réduite, plus polyvalente, plus écologique et à risque financier limité par opposition aux mégaprojets.

Enfin, les perspectives économiques reliées à l'exportation de la technologie.

Il faut également noter que la technologie de la gazéification à lit fluidifié peut être adaptée à l'utilisation conjointe de biomasse et de gaz naturel ou de biomasse et d'électricité.

La deuxième approche peut d'ailleurs offrir des perspectives intéressantes. Ainsi, la mise au point prochaine d'un électrolyseur à haute efficacité énergétique par l'IREQ et les sociétés Noranda et Electrolyser Corp., permet d'entrevoir la possibilité de coupler cet électrolyseur au gazogène mis au point par Biosyn et de stocker ainsi l'électricité sous forme de carburants synthétiques.

Il y a aussi d'autres voies explorées dont la production d'électricité en régions éloignées à partir d'un couple gazogène diesel.

Quant à l'énergie solaire le potentiel au Québec reste à développer. Par conséquent, la recherche, le développement et la commercialisation dans ce domaine doivent être appuyés. Déjà certaines entreprises commerciales exploitent ici ce secteur mais le marché intérieur est encore faible et, pour tout dire, inexistant.

Le récent programme fédéral mis de l'avant dans le secteur contribuera à développer le marché tout en permettant aux entreprises en place d'exercer une activité commerciale encourageante. Parallèlement, les centres de recherche ont mis au point de nouvelles technologies très prometteuses qui sont déjà concurrentielles par rapport aux énergies conventionnelles dans les pays étrangers et qui devraient le devenir à moyen terme au Québec.

Ces nouveaux développements permettent déjà d'entrevoir des possibilités d'exportation considérable vers l'étranger. Il va sans dire que Nouveler suit avec intérêt les efforts entrepris dans ce secteur pour le développement de nouveaux produits et elle devrait être en mesure de s'y impliquer d'ici peu.

Nous en sommes à la dernière étape qui est les priorités de développement.

Comme nous l'avons souligné, plus haut, le Québec est l'un des plus grands consommateurs d'énergie per capita au monde. C'est pourquoi, dès le départ, l'action de Nouveler s'est immédiatement portée vers la mise en marché de produits, de systèmes et de services visant une plus grande efficacité énergétique. C'est toujours un axe

de développement prioritaire.

Par ailleurs, en raison de la présence au Québec d'importantes sources d'énergie renouvelables et en quantité excédentaire, comme l'hydroélectricité et la biomasse, il est logique que les priorités gouvernementales en matière d'énergie visent, à long terme, une valorisation optimale de ces deux sources d'énergie autochtones, notamment pour la production de méthanol. À plus long terme, le vent sera également appelé à jouer un rôle dans quelques régions de la province.

Dans cette perspective, nous sommes d'avis que les priorités que le gouvernement devrait adopter sont les suivantes: renforcer les programmes d'efficacité énergétique dans les secteurs résidentiel et institutionnel et les étendre aux secteurs industriel et commercial; accélérer la mise au point et l'implantation des technologies faisant appel à l'électricité, dont les pompes à chaleur à basse et haute température; accélérer l'utilisation de la biomasse aux fins énergétiques comme source principale de chaleur pour la production d'eau chaude et de vapeur de procédé dans les secteurs de l'industrie forestière et les autres industries situées dans les régions où la ressource existe.

Soutenir les efforts devant mener à long terme à l'implantation d'usines de méthanol au Québec en s'appuyant, selon les régions, sur une valorisation combinée du bois ou de la tourbe avec l'électricité ou le gaz naturel.

Suivre attentivement les développements dans les domaines de l'énergie solaire et des éoliennes à grande capacité et encourager les technologies à haut potentiel d'exportation.

Il y a des contraintes. Chaque dollar que nous économisons en acquérant une indépendance énergétique par rapport au pétrole importé devrait être recyclé dans l'économie. Il apporterait une série d'impacts dont le plus important est la création d'emplois permanents tout en permettant une valorisation de nos ressources énergétiques renouvelables.

Les contraintes sont de deux ordres: au niveau du développement et de la démonstration et au niveau fiscal. Au premier niveau il n'existe pas de financement approprié au Québec au niveau de la démonstration et du développement. Beaucoup d'efforts sont actuellement déployés dans plusieurs universités et centres de recherches, entre autres pour la mise au point de nouvelles technologies de valorisation de la biomasse. Mais faute de moyens financiers adéquats, les projets ne peuvent même pas se rendre à l'étape essentielle de la démonstration commerciale où il n'y a pratiquement pas de financement.

Au niveau fiscal, il y a certaines mesures incitatives, mais il n'existe pas de mesure comme telle visant la pénétration de produits énergétiques à haute efficacité ou encourageant les investisseurs privés à financer des projets relatifs aux énergies redécouvertes. Par conséquent, nous recommandons que les mesures suivantes soient prises et la première mesure est différente du document que vous aviez en mars. Cela s'explique par le fait que le gouvernement fédéral a depuis lancé un programme qui s'appelle ENERDEMO, par le fait qu'EnerSage est enfin entré en application, de sorte que cela va déjà chercher autour de 30 000 000 $ à 40 000 000 $ dans le secteur. À l'époque, nous parlions d'un fonds de 100 000 000 $; aujourd'hui nous sommes plus modestes, nous vous parlons d'un fonds de 10 000 000 $ sur cinq ans qui pourra donc être distribué à raison de 2 000 000 $ annuellement. Enfin, s'il y en a plus, M. le ministre, il n'y a pas de problème.

Nous parlons de la création d'un fonds spécial qui pourrait servir au développement et à la démonstration de nouvelles technologies dans le secteur des bioénergies et des technologies de pointe à l'électricité et au gaz. Ce fonds pourrait être géré par Nouveler dans le cadre de la politique énergétique du gouvernement du Québec en étroite collaboration avec les centres de recherche et les universités impliqués dans ce secteur où ce type de travaux de développement serait effectué.

La mise en place aussi d'un programme de subventions pour financer au même titre que les appareils de chauffage déplaçant le mazout, la pompe à chaleur eau-air et un régime particulier de taxes sur les carburants synthétiques, une subvention à l'aménagement des parterres de coupe et enfin la mise en place de mesures fiscales incitatives pour encourager les investissements des particuliers dans des entreprises désirant mettre en valeur de nouvelles sources d'énergie.

En conclusion, M. le Président, l'amélioration de l'efficacité énergétique et le déplacement du pétrole importé par des sources autochtones d'énergie renouvelable ont déjà apporté et continueront d'apporter d'importantes retombées économiques à court et à long terme. L'application de nouvelles technologies dans les domaines de l'efficacité énergétique et des énergies redécouvertes amènent de grandes diminutions de consommation de pétrole tout en favorisant d'autres sources d'énergie propres au Québec tout en augmentant la productivité des entreprises manufacturières.

À titre d'exemple - ce n'est vraiment qu'un exemple, ce sont des ordres de grandeur - si nous économisions, d'ici la fin du siècle, 25% du pétrole actuellement consommé, cela pourrait équivaloir à plus de

1 500 000 000 $ qui seraient annuellement recyclés dans l'économie. À court terme ce pourcentage d'économie d'énergie pourrait être atteint grâce à l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les secteurs résidentiel, commercial et industriel. À long terme le secteur des transports pourrait également être touché par l'introduction du méthanol.

La seule récupération de 50% des résidus de coupe laissés sur les parterres et leur transformation en méthanol permettrait de déplacer environ 1 700 000 000 de litres d'essence, de sorte que si on investissait 5 000 000 000 $: 3 000 000 000 $ dans l'efficacité énergétique et 2 000 000 000 $ dans l'implantation d'usines de carburant synthétique, cet effort consenti pourrait créer jusqu'à 90 000 emplois directs et indirects. C'est évidemment un scénario; il peut y en avoir d'autres.

Le groupe Nouveler a fait la preuve de la rentabilité commerciale d'investissements dans le secteur de l'efficacité énergétique. Au niveau des énergies redécouvertes et en particulier dans l'utilisation de la biomasse forestière pour la fabrication de carburant synthétique nous sommes d'avis que de tels investissements peuvent être à long terme rentables au plan socio-économique puisque, en plus de créer un nombre important d'emplois dans le secteur forestier, ils permettront la mise en place des programmes d'aménagement forestier nécessaires à la remise en valeur d'importantes superficies forestières dégradées.

D'ailleurs plusieurs autres impacts résulteraient d'un programme de ce genre. La création d'un nouveau secteur d'activités industrielles spécialisées dans les économies d'énergie et les énergies redécouvertes par l'émergence de plusieurs PME dans le domaine, le développement d'un savoir-faire de pointe dans le domaine des technologies reliées à l'électricité et la bioénergie qui pourrait même être exporté en parallèle avec d'autres technologies dans les secteur du solaire et des éoliennes afin d'offrir un éventail complet de techniques, de compétences et d'équipements dans les pays importateurs de pétrole et l'augmentation de la productivité des entreprises québécoises les rendant plus concurrentielles sur les marchés canadien et international.

Le groupe Nouveler est d'avis que l'accélération des programmes d'efficacité énergétique et du développement des nouvelles sources d'énergie, s'il est appuyé par le gouvernement du Québec, peut servir comme levier de développement économique. Nous entendons, quant à nous, poursuivre en ce sens notre travail de pionnier dans ce domaine et constituer ainsi un axe de développement d'une future industrie provinciale dont le potentiel d'exportation est, sans doute, important. Merci, M. le Président. Je m'excuse pour avoir été un peu longue.

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Forget. La parole est maintenant à M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, Mme Forget. Votre mémoire, de même que l'exposé que vous avez fait soulignent, je crois, que ce fut une décision sage de créer Nouveler, il y a à peine quelques années. On se rend compte en vous écoutant ce matin que la famille Nouveler a déjà commencé à se multiplier en prenant des participations dans différents secteurs soit de l'économie d'énergie ou encore des projets visant à l'efficacité énergétique. C'est compréhensible, bien sûr, que votre mémoire soit en quelque sorte un bilan de ce qui a été fait; cela ressort assez clairement.

Je dois vous avouer que j'étais parmi les sceptiques, en 1977 et en 1978 lorsque, à l'époque, mon collègue, M. Joron, proposait que, si on allait de l'avant avec des programmes d'économie d'énergie et d'efficacité énergétique, cela pourrait compter pour jusqu'à 15% de la consommation globale d'énergie au Québec. J'étais parmi les incrédules. Je me suis réconcilié avec son point de vue en cours de route, l'année suivante, en 1979, après la publication du livre blanc. Quand j'ai eu à travailler ensuite plus près du dossier de l'énergie, je me suis rendu compte que les 15% étaient peut-être un chiffre conservateur. C'est pourquoi, dans une des axes de la politique énergétique au Québec, nous avons décidé de donner une grande priorité et de faire de la place à ces différents programmes d'efficacité énergétique. J'essaie juste de l'imaginer aujourd'hui, si Nouveler avait été créée en 1970, par exemple, j'ai comme l'impression qu'on aurait beaucoup de choses de faites. Les Arabes nous auront rendu un fier service, finalement; ce sera celui de nous faire nous rendre compte qu'on ne pourrait pas continuer indéfiniment à nous approvisionner en payant le pétrole 25 $ ou 30 $ le baril et que l'euphorie des années où le baril de pétrole pouvait être acheté à 1,60 $, 1,80 $ ou même 2 $ est bel et bien terminée.

Vous nous faites des suggestions très pertinentes et intéressantes. Je suis un peu déçu que vous ayez réduit votre demande de 100 000 000 $ à 10 000 000 $, je dois vous l'avouer, parce que je suis convaincu que c'est dans cette direction qu'on devra faire le maximum d'efforts.

Il faut tenir compte, bien sûr, des contraintes budgétaires, mais je voudrais vous poser quelques questions plus précises sur le méthanol et la biomasse. Il est évident,

quand on fait un simple survol du potentiel forestier du Québec et de toute cette matière ligneuse qui meurt et pourrit en forêt, à toutes fins utiles, et qui constitue un gaspillage absolument incroyable, que c'est très certainement pour les années qui viennent un secteur d'action où il faudrait mettre des priorités. Cela veut dire aussi investir beaucoup d'argent.

Vous allez de l'avant avec le projet Biosyn. C'est sans doute le projet de Saint-Juste-de-Bretenières que vous avez en tête. Je voudrais peut-être que vous nous parliez de la rentabilité à long terme de ce projet. J'ai comme l'impression qu'on va vous regarder aller un peu avec ce projet à Saint-Juste-de-Bretenières avant d'enclencher la construction d'un chapelet d'usines dans tout le Québec.

Il a été dit devant cette commission plusieurs choses sur les scénarios futurs quant à l'offre et à la demande du pétrole sur le marché mondial - puisque le Québec est un importateur net, c'est évident que cela nous intéresse - donc les quantités et, deuxièmement, les prix. Je tiendrais pour acquis que si les pays de l'OPEP nous envoyaient une facture à 60 $ le baril, on plongerait vite dans la biomasse et dans les usines de méthanol et on irait probablement en catastrophe.

Ma question est la suivant. Certains scénarios nous indiquent que d'ici à 1990 -même en dollars courants - la hausse du prix du baril serait de l'ordre de 1% en moyenne. Supposons que ce soit vrai et qu'on se retrouve en 1990 avec 29 $ le baril plus 1%. Comment se situerait la rentabilité des investissements - je ne parle pas du volet recherche et développement qu'il va falloir maintenir - sur une base commerciale et sur une base industrielle pour être en mesure de déplacer du pétrole importé. Est-ce que cela resterait concurrentiel ou si le méthanol reste hors marché?

Le Président (M. Vallières): Mme Forget.

Mme Forget: M. Poitras va commencer. Le Président (M. Vallières): M. Poitras.

Mme Forget: On complétera au fur et à mesure si M. le ministre veut d'autres informations.

M. Poitras (Ovide): Évidemment, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte pour définir la rentabilité. Il faut regarder l'équation des deux côtés. Premièrement, combien il en coûterait pour produire un litre de méthanol par rapport à un litre de pétrole importé avec toute la taxation incluse? On pense que le méthanol pourrait être compétitif, compte tenu de son efficacité énergétique et de la puissance qui peut être développée dans un litre de méthanol. Par contre, il est évident que si on taxe le méthanol au même titre que le pétrole importé, cela pourrait changer l'équation. Lorsqu'on parle de fiscalité dans le document, c'est à cela qu'on veut faire appel. De la façon dont on voit le problème, c'est que le pétrole est importé, on lui met une taxe en sus et éventuellement chez les consommateurs, cela se traduit par un certain prix.

On pense que le méthanol, étant fabriqué à partir de la biomasse au Québec, créerait des activités économiques très importantes qui pourraient à leur tour apporter des revenus au gouvernement et ainsi peut-être ne pas obliger le gouvernement à taxer en plus le méthanol comme on le fait pour le litre d'essence. On pense que le méthanol pourrait être compétitif. Maintenant est-ce qu'on parle de 1985, 1990 ou 1995? Il y a quand même beaucoup d'étapes encore à franchir. Il faut d'abord démontrer la viabilité technologique à grande échelle de ce genre d'entreprise. C'est l'objet du projet de démonstration à Saint-Juste-de-Bretenières. Si on tient pour acquis qu'éventuellement la démonstration sera un succès, on pense que le méthanol pourrait être compétitif.

Entre-temps, si on veut regarder en plus la rentabilité de l'investissement de Saint-Juste-de-Bretenières on peut le regarder en fonction d'un éventuel couplage avec une usine pour faire du méthanol et vendre le méthanol pour remplacer l'essence. Saint-Juste-de-Bretenières peut aussi être un centre de développement de toutes sortes de technologies reliées à la biomasse, à la combustion de cette biomasse et à sa transformation en plusieurs procédés qui pourraient être d'autres produits chimiques comme l'ammoniaque, le furfural. On peut fabriquer une très grande quantité de produits chimiques à partir du gaz de synthèse qui provient d'un gazogène alimenté à la biomasse.

De plus, comme on le mentionne dans notre mémoire, il y aurait sûrement possibilité de coupler au gazogène des moteurs diesels. Donc, en utilisant le gaz de synthèse qui est issu de notre gazogène on pourrait alimenter des moteurs qui pourraient faire de l'électricité. Évidemment, cela ne serait pas compétitif avec les coûts de l'électricité au Québec produite par nos grandes centrales hydroélectriques. Par contre, cela pourrait sûrement être compétitif avec de l'électricité fabriquée à partir du pétrole comme dans nos réseaux isolés. Chose peut-être encore plus intéressante à long terme, ce sont les possibilités d'exportation de cette technologie dans des pays où l'électricité est très chère. Déjà on a des indications que cette

technologie serait relativement facile à exporter.

M. Duhaime: Oui, en fait, on se comprend bien. Dans un projet comme celui de Biosyn, à Saint-Juste-de-Bretenières, on peutappeler cela un projet pilote, vous en êtes à la phase I. Je crois qu'il y a 21 000 000 $ ou 22 000 000 $ d'investissement. Il y a deux ans, pour la phase II, on prévoyait environ 40 000 000 $. On peut s'attendre que cela atteigne 50 000 000 $ dans deux ou trois ans. Entendons-nous bien sur un plan. Si on parle de développer des technologies, de faire de la recherche et du développement, de mettre au point des technologies nouvelles et ensuite d'utiliser ce potentiel à des fins d'exportation, il y a un prix à payer pour cela. On ne peut pas placer cela sur la même table de travail que le calcul sur un retour d'investissement dans un projet industriel. Là-dessus, on se rejoint. Avant de rejoindre le nucléaire, par exemple, on pourrait en mettre pas mal. Mais mon propos n'est pas là.

Essentiellement, sur des bases industrielles et en tenant pour acquis que sur le plan de la taxation il y aurait égalité des chances, avez-vous des scénarios de préparés? Vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 24, en conclusion, qu'en récupérant seulement 50% des résidus de coupe en méthanol-carburant, on ferait une économie de 1 700 000 000 de litres d'essence. Je vous avoue que cela intéresse tout le monde autour de la table. Il s'agit cependant de savoir si vous avez fait un chiffrier - en mettant de côté l'aspect très positif de la recherche et du développement, de la mise au point des technologies, le potentiel d'exportation, etc. - essentiellement sur la rentabilité de projets comme ceux-là sur un horizon donné. Ce sont des investissements lourds; les périodes d'amortissement sont de 20 à 25 ans. J'imagine que cela doit correspondre aux périodes de financement. C'est dans ce sens qu'il faut que vous teniez compte des prévisions, des prix sur le marché mondial du pétrole que vous voulez déplacer. Il y a énormément de points d'interrogation. Chacun prendra ses risques en temps et lieu. Est-ce que vous avez des scénarios concrets là-dessus?

Cela me paraît un peu théorique de dire qu'on pourrait déplacer 20% de la consommation d'essence au Québec en récupérant 50% de la matière ligneuse qui se perd en forêt. Comme scénario, c'est dix sur dix mais, bien concrètement, est-ce qu'on peut arriver à présenter des projets d'investissement? Ce n'est pas écrit dans le ciel que ça doit toujours être une société d'État qui prend des risques quand les affaires sont plus difficiles. Si on pouvait intéresser le secteur privé... Il faut voir poindre dans une présentation, quelle qu'elle soit, un retour sur l'investissement. Est-ce que des scénarios ont été préparés dans ce sens chez vous?

Le Président (M. Vallières): Mme

Forget.

Mme Forget: Au moment de prendre la décision d'aller dans le projet qui s'appelle maintenant Biosyn, il y a eu toute une série de scénarios qui ont été à peine actualisés. Je vous disais tantôt: On vous donne des ordres de grandeur. Ce sont des exemples. Si on décidait de passer à la phase II, il est clair qu'on vous arriverait avec quelque chose de très précis. Pour le moment, nous en sommes au niveau des orientations et des grandes lignes. On se dit: II y a cela comme potentiel. Si on allait jusque là, voici à peu près ce que cela donnerait. Cela a été raffiné, à un moment donné, pour avoir le prix du litre du méthanol. C'est cela, votre question de fond. De mémoire, je ne le sais pas exactement. C'était le prix de 1978 et de 1980 du litre de méthanol comparé à celui du litre de pétrole à la pompe à essence. Est-ce qu'on s'en souvient? Il y avait un écart de...

M. Poitras: On prévoyait un taux d'inflation de 3% sur le carburant en plus de l'inflation, donc, 3 $ en termes réels; c'étaient les scénarios de base. Maintenant, comme le dit Mme Forget, c'est un scénario pour vraiment attirer l'attention sur un potentiel énorme. Il n'est évidemment pas question de prendre une décision sur une somme aussi importante que cela. Donc, l'approche qu'on préconiserait est d'y aller usine par usine, donc, de regarder, pour une première usine, où on sera rendu à cette étape dans à peu près deux ans, quel sera le coût du pétrole à ce moment-là, quelles seront nos meilleures estimations à ce moment-là du coût du pétrole. Là, on aura aussi une meilleure idée des coûts de la technologie, ce qu'on est en train de développer comme connaissances. On pourra alors prendre une décision basée sur des faits plus précis. (11 heures)

Pour revenir à votre question originale, ce dont je me souviens, c'est qu'on avait supposé un taux d'inflation réelle de 3% sur le carburant. Si vous nous dites que, tout récemment, on a fait des prévisions de 1% en termes courants, il est évident que les décisions d'investir dans les usines pourraient être reportées de quelques années.

Ce à quoi je voulais faire allusion tantôt, c'est qu'advenant cette possibilité, ce qu'on veut bien faire ressortir, c'est que les 21 600 000 $ qui sont prévus pour le projet Biosyn ne seront pas nécessairement mis dans

les boules à mites et inutilisé. On a déjà prévu des scénarios de rechange. L'objectif primaire demeure le méthanol. Par contre on pourrait aussi éventuellement utiliser cette technologie à d'autres fins.

Le Président (M. Vallières): Pour les fins du journal des Débats, il s'agit de M. Rocheleau, je crois.

M. Rocheleau (Robert): Oui.

Le Président (M. Vallières): M.

Rocheleau.

M. Rocheleau (Robert): De façon pratique, lors de notre scénario de base à l'époque, nous essayions de toujours faire une relation avec le prix du baril international. Évidemment, comme vous vous souvenez, le coût a déjà été de 36 $ du baril, il est maintenant d'environ 29 $. Nous, nous visions à l'époque un prix d'environ 45 $ à 50 $ du baril. Selon l'augmentation du pétrole, la rentabilisation d'une usine de méthanol au Québec, pour la première, est toujours en relation avec le prix du pétrole. C'est pour cela qu'on travaille d'autres scénarios pour le développement de la technologie. Advenant le cas que le prix du baril, en 1988 ou 1990, ne soit que de 35 $, cela reporte d'autant la création d'usines de méthanol au Québec.

M. Duhaime: Pour mettre au point un scénario à partir de Biosyn, à Saint-Juste-de-Bretenières, est-ce que cela voudrait dire qu'il faudrait nécessairement aller de l'avant avec la phase II avant de pouvoir monter un scénario pour agrandir ou si on arrête à la phase I?

Mme Forget: Si je peux faire une analogie avec les grands producteurs en hydroélectricité, ils nous disent: Voici le potentiel aménageable et voici les retombées et les revenus possibles. Maintenant, il est aménageable dans le temps, il n'est pas toujours économiquement aménageable à ce moment-ci. Je pense que notre texte dit un peu cela. C'est aménageable, d'une part, il y a deux problèmes en même temps, il y a du pétrole importé et une forêt qui est en train de mourir. On se disait: II y a un prix à payer pour laisser mourir la forêt, il y a peut-être un prix à mettre dans la machine pour déplacer un pétrole. Tout le monde est gagnant, même si le méthanol sortant est un peu plus élevé au litre que le pétrole qu'on aura ici.

Il y a des espèces de subventions d'un secteur à un autre. J'appelle cela ainsi parce que je n'ai pas le bon terme. C'est une approche qui est ancrée dans cette grande orientation qui dit: Probablement que, d'ici quinze ans, à moins de grandes surprises, on devrait pouvoir avoir une série d'usines de méthanol.

M. Duhaime: J'insiste un peu sur cette question parce que, en plus de la matière ligneuse qui se perd en forêt après les coupes, il y a aussi les forêts qui ne sont pas coupées du tout.

Mme Forget: II y a des essences qui sont plus nécessaires aussi, etc.

M. Duhaime: On ajoute aussi au Québec un phénomène qui est en train de se dramatiser ces années-ci, c'est l'appétit de la tordeuse de bourgeons d'épinette et on a un vrai problème sur les bras. Si on avait un scénario pour faire en sorte que ce qu'on appelle le bois de tordeuse, qui ne peut pas être absorbé par les producteurs de pâtes et papiers... Si on pouvait approvisionner les usines de méthanol de ce bois, cela réglerait mon problème, en tout cas.

Mme Forget: Si cela entre dans le scénario, M. le ministre, cela vient déjà de baisser le prix du litre du produit fini. C'est ce genre d'analyse qu'il faut faire de façon beaucoup plus poussée. Nous, quand nous l'étudiions, nous achetions l'ensemble de la matière première, nous installions des usines proches de la matière première pour éviter des coûts de transport. Il y a une série de coûts construits les uns dans les autres. En 1978 et 1979, nous arrivions avec une différence suffisamment significative pour qu'on n'ait pas le goût d'aller tout de suite dans une deuxième phase et d'accélérer la première. Maintenant, on fait la première parce que, depuis, de nouvelles technologies s'ajoutent, qu'il est possible - comme l'a dit M. Poitras - de coupler notre gazogène avec une série d'autres technologies et d'exporter, parce qu'il y a un marché pour la machine elle-même.

Ce qui sortira de cet équipement après, il peut y avoir plusieurs choses, mais le méthanol est sans doute le plus intéressant pour nous, compte tenu de l'environnement de la matière première qui est là. On pourrait aller vers la tourbe aussi, pas seulement la biomasse forestière. On a davantage parlé de l'autre, mais on pourrait régénérer les terres une fois la tourbe enlevée. On sait que ce sont des terres incultes, mais qui pourraient être retournées à la culture aussi. Cela pourrait aussi intéresser le gouvernement au sens large.

On ne pensait pas devoir discuter d'un scénario plus précis, parce qu'on n'est pas à l'étape de la réflexion d'un "go, no go" là-dedans, on est vraiment à l'étape de s'assurer que notre équipement va être aussi efficace que les chercheurs nous l'ont dit. On est à l'étape de la démonstration d'un équipement et si c'est vraiment ce qu'on en espère, on va se mettre tout de suite à

regarder l'autre étape.

M. Duhaime: Une dernière question: Je n'ai pas regardé les états financiers de Nouveler récemment, mais depuis que la compagnie a été créée et mise au monde, combien d'investissements ont été engagés par Nouveler et ses partenaires dans vos activités?

Le Président (M. Vallières): M.

Rocheleau.

M. Rocheleau (Robert): Depuis la création de Nouveler - je vais commencer par l'historique - nos actionnaires ont investi dans Nouveler, au moment où on se parle, la somme de 9 500 000 $ par étapes, une moyenne de 2 000 000 $ par année. De cette somme, nous avons investi, au moment où on se parle, près de 6 000 000 $ et nous avons des engagements pour un montant additionnel de 2 000 000 $ actuellement, à titre de participation de Nouveler dans des entreprises. Nos partenaires ont mis, en moyenne, à peu près l'équivalent. Nous avons des participations qui varient actuellement entre 37% et 90%. Pour conclure, on pourrait dire qu'au total, avec nos partenaires du secteur privé, nous avons investi actuellement environ 15 000 000 $.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'ai l'impression que les gens de Nouveler doivent être fiers des progrès qu'ils ont faits. Il me fait plaisir de constater que le démarrage est plus qu'amorcé et qu'on s'engage dans des réalisations importantes.

Ma première question a trait à votre philosophie de fonctionnement. Vous avez indiqué plusieurs actions concernant l'efficacité énergétique avec des associés, soit pour la mise au point et, éventuellement, la mise en marché de différentes technologies, que ce soit la pompe à chaleur eau-air, etc. Quelle est votre philosophie de fonctionnement? Est-ce que, dans tous les cas, vous avez un partenaire qui s'occupe de la mise en marché comme telle, ou si Nouveler se limite à la mise au point, en collaboration avec des partenaires et qu'elle les pilote, mais lorsque arrive la période de commercialisation, elle la laisse entre les mains d'un associé ou si elle le fait elle-même?

M. Rocheleau (Robert): D'accord.

Le Président (M. Vallières): M.

Rocheleau.

M. Rocheleau (Robert): Ce que vous nous demandez au sujet de notre mode de fonctionnement est une question assez importante. Beaucoup de gens de l'extérieur peuvent penser qu'on est un organisme pour aider à financer des entreprises seulement et dans lequel ils voient une opportunité d'obtenir des subventions. En fait, la mission même de Nouveler, c'est de commercialiser les nouvelles technologies dans les deux secteurs d'activité où nous oeuvrons, seuls ou avec des partenaires. D'une façon pratique, on essaie d'identifier des besoins tant au point de vue de l'utilisateur qu'au point de vue de ce qui se passe, par exemple, dans nos centres de recherche et dans le milieu universitaire concernant les nouvelles technologies. Nous voulons commercialiser; notre priorité, c'est la commercialisation. Et pour faire cela à moyen et à long termes, je vous parlerai tantôt des démonstrations. Les partenaires qui s'associent avec nous ou que nous recherchons sont des gens qui, d'une part, ont besoin d'aide tant au point de vue gestion qu'au point de vue développement futur de leurs produits et qui, d'autre part, ont besoin aussi de sources de fonds, qu'on appelle capital de risque. Il est évident que Nouveler, par sa fonction et dans la sphère d'activité dans laquelle elle fonctionne, est assurément une compagnie qui investit dans du capital de risque auquel plusieurs compagnies de ce genre n'ont jamais cru en pratique. Elles laissaient cela aux autres avec le résultat que sur nos sept activités commerciales, on en a cinq qui ont été créées à partir de zéro, de la théorie à la pratique. Nous n'avons pris actuellement que deux participations dans des entreprises, l'une à 50% et l'autre à 37%, pour leur aider à prendre de l'expansion et même, dans l'un des cas, lui éviter la faillite. En pratique, nous avons une division qui s'appelle Gestion des filiales dont M. Dupré est le vice-président responsable. Nous nous impliquons dans le fonctionnement de la compagnie pour les soutenir dans leur développement et dans leur gestion. On fait aussi de la formation au niveau de la PME, tout en développant l'intérieur de notre...

M. Fortier: Mais, de toute évidence, cela a été discuté et je me souviens d'une commission parlementaire où des représentants de la SGF étaient venus nous en parler. Il s'agissait de capital de risque. On nous avait dit également que ce serait un appui à l'entreprise privée. Hier, on discutait justement de firmes qui existent au Québec dans le domaine solaire, des firmes spécialisées. Je pense que vous êtes d'accord avec moi qu'aucune compagnie ne peut être spécialisée dans tout pour faire la commercialisation mondiale de toutes sortes de technologies. J'aurais pensé que votre philosophie aurait été plutôt d'aider la ou les quelques compagnies qui sont spécialisées dans des technologies très spécifiques. Ce

que vous me dites, c'est que vous voulez faire la commercialisation d'absolument tout, de ce que vous allez développer.

M. Rocheleau (Robert): Non, absolument pas.

M. Fortier: À ce moment-là, je dois vous avouer que j'ai des inquiétudes. Prenons l'exemple de l'énergie solaire. Si on veut la rentabiliser, en particulier, il faut en faire le marketing à l'échelle mondiale et, à ce moment-là, cela va vous amener à créer des équipes de marketing à une échelle mondiale dans toutes les spécialités que vous allez développer vous-mêmes, si je conclus selon la réponse que vous m'avez donnée.

M. Rocheleau (Robert): D'accord. Il y a deux choses: soit que je m'explique mal, soit que... On pourrait prendre l'exemple auquel vous vous référez. Notre mémoire mentionne qu'on va avoir une implication à très court terme dans le domaine solaire. Vous savez, quand on regarde les énergies nouvelles, cela faisait partie de nos préoccupations d'essayer de faire des interventions dans le domaine de la biomasse, du solaire, de l'énergie éolienne et autres. Depuis notre création, on s'intéresse, à notre section de développement, à l'intérieur du holding, à trouver des technologies efficaces ou qui sont peut-être en avance sur d'autres. Le but de Nouveler, ce n'est pas de prendre des acquisitions de participation dans des compagnies avec des technologies existantes en très grande concurrence, soit sur le marché canadien ou international. Dans le domaine solaire, ce qu'on essayait de trouver, c'était une nouvelle technologie de pointe, c'est-à-dire une nouvelle génération de capteurs solaires. On a cherché. On a essayé d'avoir beaucoup d'information et, souvent, quand c'est à un certain stade dans les centres de recherche ou autres, si on appelle, c'est secret, pourtant cela n'est pas annoncé. Ce cas-là est un peu frappant et c'est peut-être justement en rencontrant des gens des centres de recherche ou oeuvrant dans d'autres activités, même dans le milieu international, qu'on peut découvrir aussi des technologies plus avancées dans le monde ou qui peuvent être développées au Québec, une ancienne génération.

Dans le domaine solaire, ce qui s'est produit de façon concrète, c'est que, lors d'une mission économique parrainée par le ministère des Affaires intergouvernementales ou par le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, j'ai assisté à une démonstration où, avec la permission de l'Institut national de la recherche, on venait de donner l'autorisation à M. Pierre Boisvert, un promoteur dans le domaine solaire au Québec et, depuis quelques années, dans le domaine du développement... J'ai assisté à cette démonstration pour me dire qu'en fait, c'est... On en cherche au Québec; il faut aller au Japon pour découvrir qu'il vient de se développer une très belle technologie au Québec. Il y a une avance technologique, à notre point de vue. Après y avoir fait des études, on est en avance sur les générations de capteurs actuelles.

Notre intérêt, là-dedans, c'était justement, enfin, une technologie à développer, parce que c'est une technologie de base. Il faut la commercialiser, il faut encore la développer. On a été approchés pour savoir, premièrement, si Nouveler avait toujours intérêt à développer et à commercialiser des technologies de pointe dans ce secteur. Évidemment, on était très intéressés. On est finalement venus à une entente avec les personnes impliquées. D'ici peu, nous allons commercialiser cela avec ce groupe qui est piloté par M. Pierre Boisvert. Au Québec, comme certains le savent, il y a deux fabricants; il y en a 18 au Canada. C'est une industrie difficile parce que ce n'est pas compétitif avec nos sources d'énergie. Par contre, c'est une industrie à grand potentiel international. Ce que nous voulons faire, c'est une usine d'assemblage au Québec et également l'exportation, soit de produits ou sous licence.

M. Fortier: Ma question sous-tendait deux problèmes. Premièrement, est-ce qu'on va favoriser, avec Nouveler, une série de compétiteurs québécois? N'y aurait-il pas avantage à consolider les quelques compagnies qui oeuvrent dans ce secteur? Autrement dit, je commence à m'inquiéter du fait qu'on va créer trois ou quatre compagnies dans le domaine solaire alors que le marché est international et qu'on a peu de marché ici même. C'est une inquiétude que j'ai.

M. Rocheleau (Robert): C'est une inquiétude... (11 h 15)

M. Fortier: Est-ce que vos activités vont amener une prolifération de filiales où chacune aura besoin d'un marketing international? C'est de la pure folie, parce qu'on est en concurrence avec les Américains, les Japonais et tout le monde. C'était une de mes inquiétudes. La deuxième c'était justement le fait qu'une collaboration, même sur le plan technologique, pourrait peut-être amener de meilleurs produits si vous collaboriez avec des gens qui sont déjà dans le métier. Même sur le plan technologique, quelle est la nécessité d'assurer une certaine prolifération des différentes technologies?

Le Président (M. Vallières): M.

Rocheleau.

M. Rocheleau (Robert): Sans expliquer trop longtemps notre fonctionnement, on tient compte de ces remarques tous les jours. Le but de Nouveler, si on veut projeter dans cinq ans, est de ne pas avoir des participations dans 40 entreprises. Actuellement on est au début, on en a sept. On veut développer avec l'entreprise privée, nos partenaires, des capacités de production ou des compagnies de services les plus fortes possible. Chaque fois que nous prenons une décision d'intervention dans un dossier, une des questions qu'on se pose est: Est-ce qu'une entreprise existe au Québec dans le même secteur? Est-ce qu'on est là pour aller lui faire concurrence ou pour faire un certain mariage? Sur une base commerciale, vous savez, des fois les mariages sont faciles et des fois ils sont difficiles. Des fois on n'a pas la même philosophie de développement qu'une entreprise mais il reste que nous considérons, en tant que direction de Nouveler, que notre rôle doit justement être un support pour tous ceux qui veulent se développer, qui ont besoin d'aide, de capital de risque et, en même temps, d'amélioration dans leur marketing, dans leur développement et même dans la fabrication.

M. Fortier: Pour revenir au projet de Saint-Juste-de-Bretenières, je suis un peu surpris des réponses que j'ai entendues aujourd'hui si je compare avec les réponses que j'avais vues dans les journaux. Je pense que le ministre avait répondu à une question du député de Bellechasse que la construction commencerait incessamment. Selon ce que vous me dites, le "incessamment" n'est pas défini, ce sera dans plusieurs années.

Mme Forget: C'était hier après-midi ou ce matin.

M. Fortier: Pardon?

M. Rocheleau (Robert): "Incessamment", cela a débuté hier.

M. Fortier: Oui? Quel est l'état du projet comme tel?

M. Rocheleau (Robert): Au point de vue de la construction?

M. Fortier: Oui.

M. Rocheleau (Robert): Les travaux d'infrastructure ont débuté hier. On a un programme de douze mois au point de vue construction?

M. Poitras: Oui, si vous voulez, juste deux secondes.

Le Président (M. Vallières): M. Poitras.

M. Poitras: L'ingénierie de détail est avancée à 40% actuellement. L'ingénierie de procédé est avancée probablement à 60%. On a effectivement commencé la construction hier, le creusage, le génie civil. On pense que le commencement de la mise en service du gazogène devrait être vers les mois de juin ou juillet de l'an prochain.

M. Fortier: On parle d'une usine de méthanol.

M. Poitras: Non, on parle juste de la phase I qui consiste à gazéifier la biomasse. Ce qu'on sort c'est un gaz de synthèse pour l'instant. On le brûlera probablement à moins, comme je le disais, qu'on ait un autre projet parallèle. Pour l'instant l'objectif est de démontrer qu'à partir d'une biomasse donnée, à une quantité d'humidité, etc., avec le type de biomasse qu'on a au Québec, on peut produire un gaz de synthèse de qualité suffisante pour éventuellement faire du méthanol ou d'autres produits chimiques. Donc, vers les mois de juin ou juillet prochains on devrait mettre les équipements en marche.

Comme je le disais, c'est un projet de démonstration et le rodage sera beaucoup plus long qu'une usine normale. Au lieu de prendre de trois à six mois pour roder, on prendra probablement un an; il faut réviser certains concepts d'ingénierie de procédé pour améliorer continuellement. Fin 1985, on pense avoir démontré que l'état de la technologie est efficace.

M. Fortier: J'avais lu dans les journaux qu'on parlait d'une usine de méthanol. C'était l'objectif ultime...

M. Poitras: C'est cela.

M. Fortier: ...mais vous dites que ce n'est pas une usine de méthanol, c'est simplement un gazogène...

M. Poitras: La phase...

M. Fortier: ...qui produira un produit qui ne sera pas utile dans l'immédiat. Ce n'est pas un produit commercial dans l'immédiat.

M. Poitras: II faut expliquer. Pour produire du méthanol il y a vraiment deux phases bien distinctes: la matière première qui peut être du gaz naturel, du charbon ou, dans notre cas, de la biomasse. On transforme la biomasse en un gaz. Partir du gaz pour faire du méthanol, c'est de la technologie tout à fait conventionnelle qui est connue de tout le monde. Ils en font depuis longtemps. Donc, la phase II n'est pas du tout un projet de démonstration. Il faut amener la technologie à une étape où on

sera assez "secure" sur les coûts, les performances et les qualités du gaz pour, éventuellement, faire du méthanol. Ce qui signifie qu'au milieu de l'année 1985 on sera probablement en mesure de prendre une décision à savoir si oui ou non on va de l'avant avec la phase II qui, elle, comme disait M. le ministre, pourrait coûter 50 000 000 $ de 1980. Donc, en dollars de l'époque, cela pourrait être un peu plus.

M. Fortier: Une usine de méthanol a été construite en Colombie britannique, je pense même que c'est la firme Lavalin qui y avait été associée. Voici la question que j'aimerais poser. S'il y a déjà une technologie qui existe pour faire du méthanol et si c'est votre objectif ultime, pourquoi passer par ce processus dans lequel vous êtes engagés qui va peut-être développer des nouvelles technologies, mais qui semble un procédé beaucoup plus long que d'utiliser une technologie déjà existante qui vous amènerait à produire du méthanol que vous pourriez commercialiser beaucoup plus rapidement?

M. Poitras: La différence est dans la source initiale de matière première. En Colombie britannique, on fait le méthanol à partir de gaz naturel; dans certains autres endroits dans le monde, on le fait à partir du charbon.

M. Fortier: Ce n'est pas à partir du bois en Colombie britannique?

M. Poitras: Non, non, non. M. Fortier: Non.

M. Poitras: C'est cela. Le projet de Saint-Juste est le premier au monde au point de vue commercial pour fabriquer du méthanol. Donc, ce qu'on veut, c'est à partir d'une ressource renouvelable et d'une nouvelle source d'énergie redécouverte faire du méthanol plutôt qu'avec les sources conventionnelles. C'est la différence entre le mandat de Nouveler et celui des gens dans l'Ouest.

M. Fortier: Dans vos recommandations, à la page 22, vous dites que le gouvernement devrait adopter les priorités suivantes. C'étaient des recommandations de priorités. Vous écrivez: Renforcer les programmes d'efficacité d'énergie dans le secteur résidentiel et institutionnel. Que voulez-vous dire par là?

M. Poitras: J'ajoute simplement que le mémoire a été fait au mois de mars et depuis ce temps, beaucoup de choses se sont passées.

M. Fortier: Je parle du texte du 22 septembre.

M. Poitras: Donc "renforcer", déjà il y a eu beaucoup de cela à travers les différents programmes, entre autres ENERDEMO du gouvernement fédéral qui a mis à la disposition de l'entreprise québécoise un fonds de 29 000 000 $ pour développer de nouvelles technologies, entre autres, dans le secteur de l'efficacité énergétique.

M. Fortier: Oui.

M. Poitras: II y a les programmes mixtes, ÉnerSage et Énergiebus. On devrait aller encore plus de l'avant vers le développement et l'encouragement de nouvelles technologies à haute efficacité.

M. Fortier: D'accord. Ensuite vous parlez d'accélérer l'utilisation de la biomasse aux fins énergétiques. On a eu ici des représentants de BioShell qui nous ont dit leur difficulté. Le prix du pétrole et même les programmes de substitution du pétrole ne s'appliquent pas - je crois que c'est ce qu'ils ont dit - à la biomasse. Est-ce bien ce qu'ils ont dit? Ils étaient un peu surpris, étant donné que l'objectif était le remplacement du pétrole par le gaz, que les subventions qui étaient disponibles l'étaient uniquement pour ceux qui faisaient des changements dans leur mode de combustion ou de production de chaleur, soit à l'électricité, soit au gaz, mais les subventions ne s'appliquent pas à ceux qui voulaient utiliser la biomasse. Alors je me demandais si vos préoccupations étaient du même ordre que ceux de BioShell. Enfin, c'est du même ordre, mais vous n'avez pas de recommandations spéciales.

Mme Forget: Nos préoccupations, M. le Président, sont dans un avenir à plus long terme. Je pense que c'est comme cela qu'il faut les situer. Toute notre réflexion sur la biomasse... On vient de vous dire qu'au mieux, notre usine de démonstration du gazogène pourrait nous permettre, à la fin de 1985, de réfléchir sur cette question: Est-ce qu'on va aller produire commercialement du méthanol à partir de la biomasse? On insère cela dans la nécessité aussi pour le gouvernement du Québec de définir au plus vite lui-même sa politique de protection des forêts ou de réaménagement des forêts. On n'est pas maître de cela évidemment, mais si on n'annonce pas nos couleurs assez tôt, il y a des risques que le prix du litre de méthanol en 1988 ou 1990 ne soit pas intéressant pour le client. Ce sont là des orientations.

Maintenant, pour la question des produits de BioShell, on pourrait avoir la même plainte quant au programme entre autres biénergie. Nous produisons une pompe

à chaleur eau-air qui est extraordinaire comme efficacité, qui coûte un peu cher et qui n'est pas admissible au programme de remplacement du pétrole. Pourtant, cela déplace toutes les autres sources, parce que c'est autonome.

Voyez-vous...

M. Fortier: Alors vous n'en faites pas la demande.

Mme Forget: Selon le marché dans lequel on est, on n'est pas heureux de certains programmes.

M. Duhaime: ...demande à la page 22.

M. Fortier: Pardon? Une demande à la page 22.

M. Duhaime: Mise en place d'un programme de subventions pour financer, au même titre que les appareils de chauffage déplaçant le mazout, la pompe à chaleur eau-air. Il a bien compris votre message tantôt.

M. Fortier: D'accord. Merci. Merci. Évidemment c'est parce que...

Mme Forget: Voilà. Voyez-vous comme on est bien une entreprise privée, on a le même type de doléances.

M. Fortier: Parce que j'étais pour dire que s'il va sans dire, ça va encore mieux en le disant mais... Page 25, votre fonds spécial de 10 000 000 $.

Mme Forget: Oui.

Une voix: Est-ce que vous êtes déçu, vous aussi, qu'on ait réduit là?

M. Fortier: Oui, alors vous dites que ce fonds serait géré par Nouveler avec l'implication étroite des centres de recherche et des universités. Est-ce que vous en avez discuté avec tout le monde. On a entendu hier des universités, polytechniques et autres. Est-ce que tout le monde serait heureux de cette façon de procéder? Est-ce que cela fait consensus autrement dit?

M. Poitras: Je ne sais pas s'ils seraient définitivement heureux que ce soit Nouveler plutôt qu'eux-mêmes. Je ne peux pas répondre pour eux. Par contre, ils sont définitivement intéressés à travailler avec nous pour plusieurs raisons. La raison principale du fonds, c'est qu'actuellement il existe certains programmes qui subventionnent la recherche pure. Il existe aussi maintenant avec ÉNERDEMO et Énergiebus et ÉnerSage des programmes qui subventionnent des projets de développement à l'étape presque commerciale. Ce qui manque, c'est l'étape entre les deux. Très souvent, on a des gens du Québec qui viennent nous voir, des universitaires, des inventeurs, des "patenteux" souvent même. Ils viennent voir Nouveler et nous disent: On offre quelque chose d'intéressant, pouvez-vous avec nous développer cette technologie? Mais ce n'est pas dans notre mandat. Souvent, la technologie n'est vraiment pas assez avancée. Nous, nous nous situons quand même à l'étape commerciale. Dans certains cas, on fera des projets de démonstration commerciale où on se dit: Dès que cela fonctionne, on s'en va dans le commercial. Il y a une lacune dans le milieu. Nous nous disons qu'on connaît bien les besoins des clients, les besoins de la population pour certains produits. D'un autre côté, les chercheurs ont de bonnes idées. Donc, ensemble on pourrait faire un lien intéressant et travailler conjointement. C'est dans cet ordre d'idées qu'on suggère de créer un fonds spécial. On parle de Nouveler, mais évidemment cela se ferait en collaboration. La recherche serait faite par les centres de recherche et les universités. Elle ne serait pas faite par Nouveler. Par contre, on pense qu'on a un input important à cause maintenant de notre expérience sur le marché.

Mme Forget: M. le Président, je ne sais pas si je peux, par déformation, faire comme à la cour et demander la permission d'amender. On pourrait bien augmenter cela à 50 000 000 $ si vraiment cela rend les deux côtés... On était allé modérément, étant donné qu'il y a des coupures partout. On se disait: mieux vaut être assuré d'un petit 10 000 000 $, mais vraiment l'avoir, que de courir après 50 000 000 $ et ne jamais l'obtenir. Maintenant...

M. Fortier: Vous devriez toujours savoir qu'en politique il faut demander plus pour en avoir moins.

Mme Forget: Mais par les temps qui courent, cela ne semblait pas tout à fait exact, M. le Président. En tout cas, on a voulu être raisonnable, mais bien vous faire comprendre qu'il y avait là vraiment un creux et que cela empêche l'accélération de certains équipements et de certaines technologies.

M. Fortier: Je suis heureux d'apprendre d'Ovide Poitras que, comme député, lorsqu'on reçoit des appels de gens, de "patenteux", et qu'on ne sait pas quoi faire avec, on les envoie à Ovide Poitras. Cela me fait plaisir.

Mme Forget: On les reçoit tous, tous. M. Poitras: Mais on n'a pas d'argent

pour eux, malheureusement.

M. Duhaime: M. le Président, juste un petit mot là-dessus.

Le Président (M. Vallières): Oui, une petite intervention, M. le ministre.

M. Duhaime: Oui, sur ce point. Le Centre de recherche industrielle, qui est le refuge permanent de tous les "patenteux" du Québec dans toutes les directions, est-ce qu'il ne pourrait pas remplir le créneau que vous identifiez comme un vide? Le Centre de recherche industrielle travaille aussi bien dans le secteur manufacturier que... Vous êtes dans le secteur manufacturier de toute façon. Est-ce que la réponse à votre question ne serait pas là, au CRIQ?

Le Président (M. Vallières): M. Poitras.

M. Poitras: En partie. Le CRIQ travaille surtout sur du développement de technologies très près de la commercialisation, beaucoup plus. Ce qu'on identifie, nous, c'est avant cela. Le CRIQ remplit définitivement une fonction importante et la remplit surtout avec des entreprises existantes. Donc, souvent, le "patenteux" ou le professeur d'université, de son côté, n'a pas déjà une compagnie existante, il n'a pas non plus une structure pour vraiment gérer un programme de recherche. C'est à ce joint qu'on pense. Nous parlons avec presque toutes les universités, avec les différents centres de recherche au Québec. C'est à la suite de ces rencontres, de ces discussions et aussi avec les gens du ministère qu'on a identifié qu'il y a peut-être là un créneau qu'il faudrait combler. Le risque financier à ce niveau est très grand, comparé au niveau d'une démonstration commerciale. Il y a peut-être un projet sur 20 ou sur 50 qui va vraiment aboutir à une entreprise en bonne santé. Donc, c'est là que le risque est énorme. On ne pensait pas que c'était le rôle de Nouveler d'assumer ce genre de risque. C'est un risque qu'il faut assumer à beaucoup plus long terme.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont, c'est terminé?

M. Fortier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): J'ai une demande d'intervention du député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, je voudrais tout d'abord profiter de l'occasion pour accueillir Mme Forget, ce matin, à la commission permanente de l'énergie et des ressources dans une atmosphère plus civilisée que la dernière fois qu'on l'a reçue. J'ai des inquiétudes sur... (11 h 30)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Tremblay: J'ai des inquiétudes sur les possibilités de rentabiliser la production de méthanol par du gaz provenant de la biomasse. Sûrement que vous avez fait des calculs et que vous avez regardé cela un peu pour le savoir. Si, éventuellement, vous réussissez à faire du gaz, est-ce qu'il sera meilleur marché que le gaz naturel, puisqu'une autre entreprise pourrait décider de faire du méthanol si la demande est assez grande à même le gaz pendant qu'on aura développé une technique pour faire du gaz à même la biomasse? Est-ce que vous prévoyez que cela pourrait être moins cher que le gaz naturel?

Mme Forget: On a dit un peu plus tôt - je pense que M. le député n'était pas encore arrivé - que, sur ce point-là, selon les analyses faites en 1978 et 1980, il est évident qu'un litre de méthanol n'est pas compétitif et est plus élevé qu'un litre de pétrole ou enfin un litre d'essence qu'on met dans nos voitures par les temps qui courent, c'est clair; et que la décision d'aller vers la production massive de méthanol allait être évaluée quelque part vers la fin des années quatre-vingt-cinq, une fois que l'expérimentation du gazogène aura été complétée, qu'on sera d'abord sûr de la qualité de notre équipement. Comme il a été souligné plus tôt aussi, on peut faire du méthanol avec toutes sortes de choses. On en fait avec de la canne à sucre, avec de la bagasse, avec quatre ou cinq trucs du gaz, avec de la tourbe. Il y a toutes sortes de possibilités. Il peut y avoir toutes sortes de compétiteurs sur le marché le jour où enfin on va penser qu'on a trouvé vraiment la bonne ligne et que c'est compétitif.

On tentait une approche nouvelle qui permettrait de coupler d'autres instruments ou d'autres équipements et d'aller aussi vers les marchés d'exportation. Si on parle d'une reprise économique ou d'une santé économique au Québec, il ne faut pas juste penser à notre marché local. C'est évident qu'ici on peut vendre beaucoup de méthanol. Je ne pense pas qu'on va se lancer dans l'exportation. Il ne faudrait pas que quelqu'un sorte et aille raconter cela. Exporter le gazogène, par exemple, qu'on va avoir réussi à faire fonctionner, parfait. On pourrait en faire un tas d'utilisations à travers le monde, dans les eaux éloignées. Dans les petits centres, on veut procéder à l'électrification ou on a besoin d'essence pour les voitures. Il y a une foule de choses possibles. On peut aussi faire de l'engrais, comme on l'a souligné. Cela rend moins dépendants des peuples qui autrement ne peuvent pas s'offrir

- je n'ose pas dire de grands barrages - de grosses usines de production, de grosses raffineries.

Situé dans un tout, on est tous gagnants comme collectivité. Vous ne me ferez jamais dire que, demain matin, on va vous vendre le litre de méthanol, avec les données d'aujourd'hui, moins cher que le litre de carburant ordinaire. Je pense qu'il n'y aura personne qui pourra vous dire cela aujourd'hui. Je me mets bien dans le contexte.

M. Tremblay: Ma question ne portait pas sur le méthanol. Je constate que le méthanol peut être fabriqué...

Mme Forget: ...de diverses façons.

M. Tremblay: ...de diverses façons. Ce qui me préoccupe est de dire ceci: S'il y avait un marché pour le méthanol et si ce marché était comblé de différentes manières, est-ce que le gaz naturel serait moins cher que l'utilisation de la biomasse?

Le Président (M. Vallières): M. Rocheleau.

M. Rocheleau (Robert): Pour répondre à votre question, comme on l'a dit tantôt - je ne le répéterai pas - il y a plusieurs façons de faire du méthanol. Si vous êtes dans l'Ouest canadien, avec beaucoup de gaz comme ressource naturelle, eux, dans leur région, cela va être sûrement plus rentable et plus économique de faire du méthanol à partir du gaz. Il y a d'autres pays ou il y a d'autres provinces - si on parle seulement du Canada - qui sont obligés... Si vous voulez fabriquer au Québec, par exemple, une usine de méthanol à base de gaz, il y a le coût du transport à ajouter. On a beau dire que cela ne coûte pas cher, cela coûte énormément cher.

Notre stratégie est plutôt d'avoir une capacité d'usine pour répondre à des régions. Par exemple, même au Québec, on n'a jamais entrevu la possibilité d'avoir une superusine de méthanol. On a toujours pensé, si un jour, c'était rentable, d'en avoir peut-être trois ou quatre pour éviter justement la question de l'augmentation du coût du transport. Vous êtes près de vos ressources. Vos ressources, c'est quoi au Québec? C'est la biomasse, disons. C'est le point principal.

Dans d'autres pays, ils ont le même phénomène. Il y en a qui ont de la bagasse, du charbon. Ils prennent leurs ressources pour avoir le prix de revient le plus rentable possible dans leur région. Fabriquer au Québec une usine de méthanol avec du gaz, on n'en voit pas la rentabilité; ça pourrait l'être pour l'Ouest.

M. Tremblay: Dans ce sens, des gens nous ont suggéré de demander au gouvernement fédéral de libéraliser le prix du gaz. Quels seraient les effets d'une libéralisation du prix du gaz naturel sur la possibilité de rentabilité de la fabrication du gaz avec la biomasse?

M. Poitras: Est-ce que la libéralisation ferait baisser ou augmenter le prix du gaz?

M. Tremblay: Je vous le demande.

Le Président (M. Vallières): M. Poitras.

M. Fortier: L'hypothèse était que la libéralisation ferait baisser le prix du gaz.

M. Poitras: II est évident que toutes les nouvelles sortes d'énergie sont relativement difficiles à rentabiliser comparativement aux sources traditionnelles qui se font à grande échelle. Pour reprendre un énoncé de M. Rocheleau, oui, on pourrait fabriquer du méthanol avec du gaz naturel à meilleur prix qu'avec de la biomasse, surtout si on veut d'immenses usines. Les usines de l'Ouest, en particulier celles de la Colombie britannique, fabriquent l'équivalent de 2000 tonnes par jour. Ce sont vraiment des usines à l'échelle mondiale. Pour vivre, elles doivent exporter partout.

La stratégie que nous avons est celle d'un développement plutôt régionalisé avec des usines qui seraient beaucoup plus petites, étant donné qu'on ne peut pas non plus transporter la biomasse sur de grandes distances; il s'agit donc de le faire sur une échelle beaucoup plus régionale. Ce qu'on pourrait même penser, c'est éventuellement, avec la même quantité de biomasse, de faire plus de méthanol. Il y a moyen de le faire en couplant le gaz de synthèse avec du gaz naturel, par exemple. Donc, si on voulait aller entre les deux et rendre tout le monde heureux, il y aurait sûrement moyen de le faire.

Un autre moyen est aussi d'utiliser l'électricité. Dans notre procédé, on a besoin de beaucoup d'hydrogène et d'oxygène. Or, lorsqu'on fait l'électrolyse de l'eau, on génère de l'oxygène et de l'hydrogène. On pourrait donc inclure l'oxygène dans notre gazogène pour améliorer son rendement et l'hydrogène, qui est un peu comme du gaz naturel réformé, pourrait être ajouté au gaz de synthèse. Avec une même quantité de biomasse, on pourrait générer au moins deux fois plus de méthanol. C'est pour cela que Mme Forget disait que c'est une forme de stockage de l'énergie électrique, si on voulait la stocker. C'est très difficile à électrifier, un véhicule électrique. D'une façon indirecte, en produisant un carburant dans lequel il y a beaucoup d'électricité, à ce moment-là, il y a moyen de le faire. C'est vraiment une position stratégique à long terme qu'on veut

se donner et non pas pour concurrencer aujourd'hui, dollar pour dollar, le méthanol fabriqué par d'autres sources.

M. Tremblay: On voit, par le déroulement de cette commission, que le problème de l'énergie est un grand jeu au niveau mondial. Il y a des intérêts énormes qui sont impliqués là-dedans. Vous semblez, Nouveler semble penser qu'il y a des possibilités d'affaires, de marché pour ce produit. Comment expliquez-vous que l'entreprise privée n'ait pas envahi ces marchés? Normalement, quand il y a des possibilités de faire des affaires, elle est là. Comment expliquez-vous son absence de ce secteur?

M. Poitras: Le projet de l'ISN coûte 21 600 000 $ de notre budget. On pense qu'on sera sûrement en-dessous de cela. On a approché des pétroliers, entre autres, au moment où on commençait dans le projet de méthanol. Ces gens ne sont pas prêts à prendre des risques aussi grands que les gouvernements. C'est une des raisons principales. Dans d'autres pays, il se fait aussi de la recherche sur la gazification et partout, ce sont les gouvernements qui financent la recherche. Même si souvent on pense que c'est une entreprise pétrolière qui fait de la recherche, quand on vérifie, on se rend compte que c'est toujours financé par le gouvernement. Le risque est très grand et les périodes de récupération sont très longues. On pense à 1990 avant d'avoir des usines vraiment rentables et concurrentielles. Il y a peu d'entreprises privées qui sont prêtes à prendre le risque technique et d'attendre aussi longtemps pour voir profiter leur argent. Elles aiment mieux investir ailleurs. Pour nous, c'est l'une des raisons.

Par contre, une fois qu'on aura démontré ce qu'est le gazogène, je pense qu'il faudra s'associer au secteur privé pour faire la phase II, par exemple, la phase traditionnelle du méthanol. À ce moment-là, il est évident qu'on ira frapper aux portes des pétrolières ou des gens qui sont dans le secteur de la chimie en général.

Mme Forget: II faut penser aussi que si on parle des autres producteurs d'autres formes d'énergie, ce sont ceux qui ont accumulé le plus de profits recyclables dans la dernière décennie. Ils ne sont vraiment pas intéressés à nous voir prendre un marché qui va leur souffler des clients. Il faut être assez logique aussi, on est là pour faire des sous; eux aussi sont là pour faire des sous. Tout le monde n'a pas la morale, l'approche et la philosophie de la conservation d'énergie voulant que chaque fois qu'on économise de l'énergie, finalement, on est tous un peu plus gagnants. Nous, nous faisons de l'argent à travers cette approche ou cette philosophie, mais il n'y a pas beaucoup de gens qui y croyaient. Il y a deux ans encore, nous nous faisions traiter de rêveurs. Maintenant, au niveau consolidé, nous montrons des profits, alors cela se fait sûrement. Il y en a peut-être d'autres maintenant, parce qu'il y a beaucoup de gens qui veulent venir s'associer avec nous. Au début c'était difficile, mais là il y en a. Alors c'est un signe que peut-être, tranquillement... Il suffisait que quelqu'un le lance.

M. Tremblay: Dans un autre ordre d'idées, le capteur solaire que vous allez commercialiser, vous prévoyez l'assembler vous-mêmes, j'imagine, si j'ai bien compris?

M. Rocheleau (Robert): Oui.

M. Tremblay: Quand prévoyez-vous mettre en branle les capitaux et l'équipement nécessaires? En fait, quand prévoyez-vous l'implantation de l'industrie qui assemblera les capteurs solaires?

Mme Forget: Je pense, M. le Président, que les ententes ne sont pas signées...

M. Rocheleau (Robert): C'est une question qui touche les activités commerciales, mais disons qu'au début de l'année 1984 - sans entrer dans les détails -on devrait commencer à faire l'assemblage de composantes. Mais on ne veut pas aller plus loin, parce que vous savez que dans toute transaction commerciale il y a des ententes à faire et celles-ci ne sont pas terminées. Vous nous embarrassez un peu pour être franc.

Mme Forget: En fait, nous avions choisi d'annoncer nos couleurs dans notre texte, tel qu'il est venu, mais on apprend qu'elles ont été annoncées un peu plus tôt. C'est un peu embêtant. Ce n'est pas le fait qu'on ne veuille pas éclairer la commission là-dessus, mais une chose est claire: notre mandat nous mène dans le solaire et nous sommes dans le solaire, mais toutes les étapes ne sont pas franchies pour qu'on puisse annoncer exactement ce dans quoi nous sommes. Nous informerons toute la population très rapidement, dès que la dernière signature sera apposée sur les documents, ce qui ne devrait pas tellement tarder d'ailleurs.

Le Président (M. Vallières): Nous avons maintenant deux demandes d'intervention. Nous débuterons par le député de Pontiac, suivi du député de Duplessis.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Mme Forget, vous énoncez dans le mémoire qu'avec une meilleure efficacité énergétique et aussi l'utilisation d'un carburant synthétique, on pourrait créer 90 000

emplois. Plusieurs groupes se sont présentés ici, surtout les gens oeuvrant dans le pétrole, qui disaient: Si on déplace, cela crée des mises à pied. Est-ce qu'on peut assumer que les 90 000 emplois seraient de la création d'emplois nette ou si on n'a pas pris en considération les mises à pied des industries qu'on pourrait déplacer avec l'efficacité et le nouveau carburant?

Mme Forget: D'abord, je vous précise qu'on parle d'une période qui va jusqu'à la fin du siècle à peu près. Sans doute que les gens de l'industrie du pétrole vous ont parlé d'effets à très court terme. Premièrement. Deuxièmement, on vous parle d'emplois directs ou indirects où on inclut la ressource forestière qu'on va chercher; il faut beaucoup de main-d'oeuvre pour se rendre dans les forêts, aller chercher le bois, le nettoyer, le revaloriser, etc. C'est par cela que vont se créer beaucoup de ces emplois; le reste va être créé dans la production finale du méthanol.

Quant à votre question précise: Est-ce que c'est un montant net? Est-ce qu'on a tenu compte des pertes en cours de route?...

Le Président (M. Vallières): M. Poitras? M. Rocheleau?

M. Rocheleau (Robert): À court terme, c'est évident. Si, par exemple, on regarde certains programmes de biénergie et autres, il y en a qui perdent des emplois, mais cela a créé autant d'emplois à notre point de vue. Nous, en tant que groupe, nous sommes partis de 0 à la fin de 1980 et nous sommes rendus à 175 emplois permanents, mais nous avons généré beaucoup d'emplois dans le secteur des compagnies de service, d'installation de systèmes et autres, ce qui a créé beaucoup d'emplois au Québec. C'est certain qu'il y a un déplacement. Est-ce que, jusqu'à maintenant, le résultat net de nos interventions a créé plus d'emplois? Nous ne sommes pas en mesure de...

M. Middlemiss: Vous avez mentionné 90 000 emplois.

Mme Forget: Oui.

M. Middlemiss: A-t-on pris en considération qu'il y en a malheureusement qui vont être déplacés? Parce que si vous prenez le marché, il y a un marché qui va être déplacé.

M. Rocheleau (Robert): II va y en avoir.

M. Middlemiss: Donc, là, il peut y avoir des mises à pied.

M. Rocheleau (Robert): Pas beaucoup.

(11 h 45)

M. Poitras: II pourrait y en avoir, mais pas vraiment beaucoup. Par exemple, si on parle du méthanol, le réseau de distribution pourrait fort bien être le réseau de distribution actuel. Le méthanol pourrait être introduit dans le réseau actuel tout comme l'essence sans plomb l'a été. On ajoute une pompe; cela pourrait fort bien être absolument le même réseau qui le fasse. Cela entraînerait une légère diminution d'emplois en ce qui concerne les raffineries, possiblement, mais, par contre, il n'y a pas beaucoup d'emplois dans les raffineries. Et, d'autre part, nous, on en créerait sûrement dans les nouvelles usines de méthanol. Mais la majeure partie des emplois, dans le cas du méthanol, est surtout du côté de la ressource forestière: la manutention du bois, etc., et ensuite, du côté de la distribution. Mais ce ne sont pas de nouveaux emplois. On n'a pas supposé qu'on créait un nouveau réseau de distribution qui offrait de nouveaux emplois. Donc, du côté du méthanol, le chiffre est assez net, disons. Du côté efficacité énergétique, jusqu'à maintenant, c'est plutôt le contraire: on crée des emplois plutôt que d'en enlever. Cela arrive très rarement qu'on enlève des emplois. Ils sont quelquefois déplacés; mais dans le secteur des services, par exemple en ingénierie, il y a beaucoup d'ingénierie qui est faite; cela génère des emplois pour la fabrication des nouveaux appareils qui sont installés, enfin...

M. Middlemiss: Toutefois, les distributeurs indépendants de mazout, eux, sont venus devant nous et nous ont dit: Vous êtes en train de nous déplacer; on n'a plus de livraisons à faire. Cela, c'est l'efficacité. D'accord, le méthanol ne touchera pas à cela, mais cela fait partie de l'efficacité...

M. Poitras: Non. C'est beaucoup plus le déplacement du pétrole par l'électricité que ce que nous on appelle l'efficacité énergétique ou l'économie d'énergie qui consiste à mieux utiliser l'énergie, à moins la gaspiller, à mieux la gérer, à avoir des habitudes de vie, des habitudes de fonctionnement dans les édifices ou les industries qui tiennent compte de l'énergie. Souvent, cela consiste seulement à dire aux gens d'arrêter d'ouvrir les fenêtres. Souvent, il n'y a même pas d'investissement comme tel. Par contre, très souvent, il y en a aussi.

M. Middlemiss: Bien, merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Le groupe Nouveler a été formé en 1980, je crois. Le mémoire que vous présentez ce matin devant la commission confirme effectivement que vous

avez fait tout un cheminement durant les trois dernières années et j'en félicite tout votre groupe. Une chose qui est intéressante dans vos projets d'avenir - ce n'est sûrement pas pour demain matin, mais peut-être dans 10 ou 20 ans - c'est surtout de parler dans le sens d'approcher vos projets de la ressource elle-même, de la biomasse, en fait, soit de la tourbe ou encore du bois, ou des résidus du bois.

J'aurais deux questions à vous poser. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez d'un système traditionnel de chauffage et je crois que vous entendez par là l'électricité. Plus loin, vous dites que deux modèles eau-air sont actuellement commercialisés sous le nom de Permatemp et appliqués aux secteurs résidentiel et commercial. Je voudrais toucher la question commerciale se rapportant à la serriculture, le chauffage des serres. Là, je fais allusion à certains projets qui sont actuellement en marche dans les milieux nordiques, soit à la Baie-James, soit encore en particulier dans la ville de Fermont et dans la ville de Gagnon. Vous dites, notamment, "pour le chauffage des serres des petites et moyennes entreprises et des commerces". La question que je voudrais vous poser est la suivante. Quel est le programme ou l'équipement que vous pouvez mettre en disponibilité, ou encore que vous êtes en train d'étudier, pour faire en sorte que les coûts de chauffage dans les serres en milieu nordique seraient beaucoup moindres que ceux que nous avons actuellement? Les chiffres que j'ai en main confirment que les coûts de production représentés par le chauffage en milieu nordique sont de l'ordre d'à peu près 75% et, lorsque vous parlez d'une réduction de 65%, je trouve cela extraordinaire si on en arrive là.

M. Dupré (Jean-Paul): Je crois que je peux répondre en partie à votre question.

Le Président (M. Vallières): M. Dupré.

M. Dupré (Jean-Paul): En fait, vous touchez un secteur qui nous est particulièrement cher parce qu'on a réussi à mettre au point l'une des pompes à chaleur des plus efficaces. Effectivement, quand une entreprise voit sa facture d'énergie ramenée de 10 000 $ à 3000 $ dans l'espace d'une année - je pense, par exemple, à certaines serres - on lui a permis de fonctionner douze mois par année et non pas de démarrer ses activités de serre au mois de mars, comme c'est souvent le cas. Donc, on maintient de l'emploi, on rapatrie des cultures de plantes vertes, de plantes exotiques qui, avant, étaient des cultures importées. Donc, on rééquilibre, sur le plan économique, le bilan énergétique, le bilan de l'emploi. Naturellement, l'investissement est très important et, plus il fait froid, plus la pompe à chaleur est rentable, étant donné que c'est un coût d'environ un tiers, entre 30% et 35%, du coût de l'énergie, et une pompe qui, à Montréal, va fonctionner pendant 500 heures par année déplacera l'équivalent dans d'autres énergies. Si, par exemple, on travaille dans des serres et que la pompe fonctionne pendant 1500 heures par année, on vient de multiplier par trois sa rentabilité. Si on l'applique à un commerce qui accueille des gens toute la journée, avec des entrées et des sorties, on a une plus grande efficacité énergétique. Naturellement, il y a une limite à la pompe à chaleur. Dans notre cas, on utilise la nappe phréatique et, si on va dans les zones extrêmes nordiques, la nappe phréatique, je pense qu'il faut l'oublier; elle est tellement profonde. Alors, plus on monte vers le nord, à un moment donné, on atteint une limite. Mais je crois que, pour illustrer votre question, on peut parler des Îles-de-la-Madeleine où, actuellement, nous menons, conjointement avec Hydro-Québec et un groupe d'ingénieurs-conseils, une étude qui viserait à remplacer le chauffage classique, ou à tout le moins diminuer la consommation d'électricité, par l'utilisation de plusieurs dizaines de pompes à chaleur. Quand on parle des Îles-de-la-Madeleine, on est quand même pas mal haut. Dans le cas de Fermont, nous n'avons pas eu l'occasion de réaliser des expériences, mais cela pourrait également être étudié.

M. Perron: Le groupe intéressé à Fermont pourrait contacter Nouveler pour avoir des informations relatives à son projet.

M. Dupré (Jean-Paul): C'est cela, Nouveler ou Équipement Canair, la compagnie qui poursuit la mise au point de la pompe à chaleur. Il ne faut pas penser que, parce qu'il y a actuellement un ou deux modèles sur le marché qui sont de 55 000 BTU et 80 000 BTU... En fait, l'entreprise a un programme en vue d'augmenter, d'accroître la capacité de ces pompes et de mettre sur le marché, probablement au cours de l'année prochaine, une pompe d'une capacité de 150 000 à 200 000 BTU.

M. Perron: Merci. Ma deuxième question est la suivante. À la page 13, concernant le chauffage électrique par convection, qui est votre sixième action d'ailleurs, vous mentionnez que Nouveler vient de mettre sur pied, en collaboration avec la société française Müller-Noirot, la firme Convectair pour commercialiser un appareil de chauffage électrique à haute efficacité énergétique connu sous le nom de Convectair. Ma question va sûrement amener une réponse assez technique. Je voudrais savoir, puisque c'est tout à fait nouveau, ce qu'est Convectair. Pourriez-vous nous donner

des explications relativement à Convectair?

Mme Forget: M. Poitras va vous dire la différence entre ces plinthes et les autres plinthes. Est-ce qu'on peut dire cela de cette façon? Enfin, la différence entre cet équipement-là et ce qu'on connaît dans nos maisons.

M. Perron: Merci, Mme Forget.

M. Poitras (Ovide): C'est presque une hérésie.

Mme Forget: C'est presque une hérésie.

M. Poitras: Dans le système traditionnel... Je fais marche arrière. Il y a beaucoup de gens qui mettent en doute la possibilité qu'un appareil électrique soit plus efficace qu'un autre. Si on revient aux lois fondamentales de la physique, dans l'élément chauffant, même, l'équation: la puissance égale RI2. C'est toute la même chose. Il n'y a pas moyen de déroger aux lois de la nature. Donc, la chaleur qui est produite dans le petit élément, c'est la même chose; cela ne change pas. Là où l'appareil Convectair est beaucoup plus efficace, c'est qu'il est capable de distribuer la chaleur dans toute la pièce, d'une façon beaucoup plus uniforme et sans hausse et baisse de température régulière, continuelle. Voici l'image que j'utilise souvent. C'est comme si on prenait une plinthe ordinaire et qu'on mettait un éventail dedans pour pousser l'air dans toute la pièce. Si on faisait cela, évidemment, le moteur consommerait de l'énergie; donc, serait peut-être moins efficace. Le Convectair utilise le principe d'une cheminée. Au lieu d'avoir un appareil qui est fait tout en longueur et bas, il est fait plus en hauteur et moins long. Donc, c'est un effet de cheminée comme dans un foyer où la chaleur dégagée par l'élément chauffant tire l'air et le pousse dans toute la pièce; il brasse tout cela. Donc, il n'y a plus d'endroit dans la pièce où il fait chaud et où il fait froid.

De plus, on a incorporé à cet appareil un thermostat électronique qui est très précis et qui élimine les fluctuations de hausse et de baisse de température dans la pièce. On maintient la température constante presque tout le temps. Ce sont donc les deux principales raisons pour lesquelles ce type d'appareil est plus efficace qu'un système traditionnel à plinthe.

M. Perron: Je vous remercie des informations. Cela m'amène à une autre question. Il est intéressant de voir que c'est une nouvelle forme d'énergie qu'on applique surtout aux résidences. Ma question est la suivante: Lorsque vous prenez une maison conventionnelle, je vais vous laisser définir la grandeur de la maison, d'un ou deux étages, comme vous voudrez. Les coûts pour permettre que Convectair puisse entrer dans cette résidence sont de quel ordre à peu près?

M. Poitras: Cela dépend comment vous voulez aborder le problème. On pourrait parler de coûts, mais une des façons c'est de regarder la période de récupération. À titre d'exemple nous disons que c'est une économie de 30%. Quelqu'un qui dépenserait 1000 $ par année, une maison quand même assez grande, économiserait 300 $ par année. Donc, si le consommateur est prêt à dire: Je veux bien attendre cinq ans pour récupérer, on pourrait donc aller jusqu'à 1500 $ de plus. Si c'est trois ans, ce serait 900 $.

M. Dupré, qui s'occupe de cette filiale de façon plus concrète, pourrait donner des exemples plus spécifiques de ce qu'on pense que seraient les coûts de la modification de l'appareil.

M. Perron: Merci.

M. Dupré (Jean-Paul): Dans le coût dont on doit tenir compte il y a l'équipement et l'installation. Si on prend l'acquisition d'une plinthe classique, il faut ajouter un thermostat. Qui dit thermostat dit un filage supplémentaire et souvent, dans le coût comparatif, on oublie d'additionner le coût du thermostat plus le coût de la plinthe, et le coût de l'installation de la plinthe et du thermostat par rapport au coût d'installation du convecteur.

En fait, selon la grandeur des maisons, on arrive, si on ne tient pas compte de l'entrée... parce que si jamais une maison atteint sa capacité de l'entrée électrique à un moment donné, il faut modifier l'entrée; et quel que soit le système il faut changer l'entrée électrique. À cause de l'efficacité qui est de 25% ou 30% meilleure, on aura sans doute souvent à reporter le changement de l'entrée électrique et, dans certains cas... Quand on parle de conversion ou de changement d'un système électrique, cela ne veut pas dire que nécessairement dans toutes les pièces on installera un convecteur. Souvent on le réservera à certaines pièces, ne serait-ce que pour le confort - la pièce où on vit le plus - et l'aspect esthétique, ce qui n'a pas d'effets négatifs au point de vue de la décoration, des draperies, etc.

Si, par exemple, on évite de mettre une entrée électrique grâce aux 25% ou 30% d'efficacité énergétique, on vient de sauver 1000 $. Par contre, s'il s'agit de refaire entièrement l'entrée électrique, que ce soit des plinthes ou des convecteurs, on parle de la même dépense.

En ce qui concerne l'investissement, selon les maisons et la grandeur des maisons, on dit que l'investissement supplémentaire

est de l'ordre de 1200 $ à 1500 $. C'est un peu en fonction de... C'est vraiment le maximum. Certaines entreprises ou certains propriétaires décident des mesures intermédiaires et réussissent, dans les pièces où ils vivent principalement, à faire le changement ou la conversion et bénéficient de l'avantage économique parce que plus on est dans une pièce plus on la chauffe et plus on la chauffe plus on consomme. On peut donc, pour des montants relativement plus faibles, avoir l'avantage du convecteur sans faire une conversion complète et le retour, en disant c'est un maximum de trois à cinq ans, si on le fait en optimisant - parce que le rôle est toujours d'optimiser - on peut facilement avoir un retour de trois à cinq ans. Comme on parle d'argent après impôt c'est quand même très intéressant d'en tenir compte.

M. Perron: Vous faisiez la différence entre les entrées électriques de 200 ampères par exemple. Si je comprends bien, votre système ne peut pas aller à l'intérieur d'une entrée de 200 ampères à moins que la résidence elle-même ne prenne que 90 ou 95...

M. Dupré: Oui la question se pose au niveau de l'entrée de 100 ampères. Si quelqu'un veut faire une conversion complète de sa maison il ne passera pas avec une entrée de 100 ampères, que ce soient des plinthes, que ce soient des convecteurs. Si, au contraire, la personne veut faire une conversion partielle pour certaines pièces, elle pourra mettre un certain nombre de convecteurs et bénéficier de l'efficacité énergétique sur ces pièces-là. En général ce sont les pièces les plus chauffées, celles où l'on vit principalement. Si, au contraire, il veut tout déplacer sur le plan électrique et utiliser des convecteurs ou des plinthes, dans les deux cas, il aura à changer son entrée électrique pour une 200 ampères. C'est traditionnel, c'est une constante dans l'industrie. (12 heures)

M. Perron: Merci beaucoup.

M. Dupré (Jean-Paul): Je vous en prie.

Le président (M. Vallières): Ceci complète le témoignage du groupe Nouveler. Nous vous en remercions beaucoup de même que tous les représentants.

ENJEU Témiscouata

Je demanderais maintenant au Conseil régional de Témiscouata et au Mouvement ENJEU, environnement jeunesse, de se présenter.

Je demanderais aux participants de s'identifier. Je crois que le groupe est représenté par Mme Georgette Gagné qui agira à titre de porte-parole.

Mme Gagné (Georgette): Oui, c'est moi-même. À ma gauche, j'ai Mme Linda Bossé qui est présidente provinciale d'environnement jeunesse. Dans la salle, vous retrouvez quand même trois membres de notre conseil régional, soit Mme Dolorès Bérubé, M. Charles-Francis Gagné et Mme Nathalie Gagnon.

M. le ministre, membres de la commission parlementaire, au nom du Conseil régional ENJEU Témiscouata, je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter notre mémoire publiquement, mémoire qui remonte quand même en mars dernier et qui s'intitule: Vers une économie d'énergie humaine. Je me rends compte que, si nous sommes préoccupés par l'économie d'énergie, ceux qui nous ont précédés sont aussi intéressés par ce domaine.

Dans l'avant-propos de notre mémoire, vous trouvez des citations qui ont été tirées de documents vraiment sérieux et publiés par les différents gouvernements. Des centaines d'autres citations auraient pu faire l'objet de ce mémoire; nous avons cru que c'était suffisant pour bien illustrer l'économie d'énergie humaine.

Depuis le choc pétrolier de 1973 et la première crise énergétique qui s'ensuivit, nous avons lu et entendu des centaines de mises en garde. Dix ans plus tard, nous avons pu constater que la notion d'économie d'énergie doit passer par une conscientisation progressive des utilisateurs, longtemps incités au gaspillage par une surabondance de produits. C'est pourquoi ENJEU propose l'adoption à longueur d'année de l'heure avancée de l'Est pour tout le Québec afin de toucher dans le quotidien, donc répandre dans tous les foyers, la notion d'économie d'énergie, d'effectuer une économie d'énergie réelle, si faible soit-elle, et d'élargir la notion d'énergie à son fondement humain, l'énergie psychosociale.

Premièrement, qui est ENJEU? Le terme ENJEU signifie environnement jeunesse et l'enjeu du mouvement, si l'on peut s'exprimer ainsi, se résume à promouvoir la conservation et l'amélioration de la qualité de l'environnement sous toutes ses formes et à développer chez le jeune les qualités favorisant son implication sociale. Notre mouvement se veut donc un instrument privilégié de conscientisation progressive puisqu'il oeuvre au coeur même de l'évolution collective: la jeunesse.

L'historique du dossier de l'heure avancée. Depuis 1979, le Conseil régional ENJEU Témiscouata travaille activement à la promotion du concept de l'heure avancée à longueur d'année pour tout le Québec. Ici, je ferai un bref rappel historique. Disons que nous avons commencé, à l'hiver 1980, par

une campagne de presse. Il y a eu une pétition dans le KRT (Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata) où nous avons recueilli 3000 appuis de municipalités, d'organismes, d'industries, de commerces et d'individus. Il s'ensuivit des démarches vers le Bureau des économies d'énergie. C'était au printemps 1980. Ensuite, nous avons porté ces appuis et mémoires au cabinet du premier ministre à l'été 1980. Il y a eu aussi l'émission Reflet d'un pays qui a été faite pour Radio-Canada et consacrée au dossier de l'heure avancée. C'était à l'été 1980. Nous avons poursuivi notre travail, en 1980 et 1981, par des recherches et correspondance. Il y a eu aussi de la part du gouvernement la formation d'un comité interministériel qui relève de l'autorité du ministère de la Justice à l'automne 1981. En 1982, le sous-ministre de la Justice a demandé au comité interministériel d'accélérer les travaux du dossier heure avancée. Il y a eu aussi le rapport-synthèse des appuis reçus par ENJEU (Environnement Jeunesse) au cabinet du premier ministre en novembre 1982. Il y a eu le rapport d'Hydro-Québec sur l'économie de l'énergie (voir l'heure avancée) à l'automne 1982 et, à l'hiver 1983, il y a eu le communiqué du Conseil national de la recherche du Canada préconisant une extension de la période de l'heure avancée, et la préparation d'un document d'appui d'organismes et d'individus pour le dossier heure avancée à l'hiver 1983.

Alors, c'est pour cela que nous vous avons fait remettre tout à l'heure un document qui, en fin de compte, représente une minime partie des appuis qui nous avons reçus jusqu'à maintenant. D'ailleurs, après l'avoir comptabilisé sommairement, nous avons quand même dénombré au-delà de 500 000 habitants, dont les maires, les corporations municipales et organismes qui constituent en somme le porte-parole de la population.

Nous poursuivons avec les enjeux du dossier heure avancée. Le Témiscouata ayant vécu à longueur d'année à l'heure avancée il n'y a pas si longtemps, il est normal que ce concept ait ressurgi naturellement. Chez nous, le soleil se couche bien avant 16 heures pendant plusieurs mois nous amenant souvent la grisaille dès 15 heures. Vous conviendrez avec nous que cela ne fait pas des journées bien longues. Il y a des Québécois encore plus à l'Est dont les journées se révèlent encore plus courtes. Vu nos objectifs, la qualité de l'environnement en général, nous avons dégagé trois enjeux au dossier heure avancée, soit la sensibilisation populaire à la notion d'économie d'énergie; l'avancement vers des économies réelles d'énergie et autres, et l'intégration de l'énergie psychosociale ou notions reconnues d'énergie.

La sensibilisation populaire à la notion d'économie d'énergie. Quoique pas nécessairement très importante, financièrement parlant, l'économie réalisée en adoptant l'heure avancée serait quand même là. De plus, cela constituerait un "mouvement dans le quotidien" et favoriserait sûrement un changement de mentalité face à la rationalisation de l'utlisation de l'énergie et de l'environnement. Bref, nous nous retrouverions devant une incitation positive à l'économie d'énergie puisque, pour une fois, économie d'énergie égalerait amélioration de la qualité de vie.

L'avancement vers des économies réelles. À différentes époques, durant les guerres et même encore aujourd'hui, des pays d'un peu partout dans le monde vivent une ou deux heures en avance sur l'heure solaire. La raison principale invoquée a toujours été l'économie d'énergie. Ici même, au Canada, la Saskatchewan vit toute l'année à l'heure avancée. D'autre part, il n'y a pas si longtemps le Conseil national de la recherche du Canada estimait à environ 24 000 000 $ l'économie d'énergie réalisée par les Canadiens en devançant de deux mois seulement l'entrée en vigueur de l'heure avancée. De plus, cette même étude évalue à 1 300 000 000 le nombre additionnel d'heures-personne de soleil. Il s'agit là, à notre avis, d'une économie certaine. Le mouvement ENJEU ne dispose pas de moyens importants pour appuyer ou illustrer irréfutablement ces dires. Néanmoins, le bon sens nous indique que le déphasage de la luminosité affecterait significativement certaines habitudes de vie.

Prenons par exemple la circulation automobile. Saviez-vous qu'au Québec la brunante survient entre 15 h 30 et 17 h 30 de la fin d'octobre au début de mars? Or, une statistique nous dit que près de 40% des accidents de la route se produisent durant les mois de novembre, décembre, janvier et février. Une autre statistique démontre que plus de 22% des accidents surviennent entre 15 et 18 heures. Nous ne voulons pas affirmer ici que l'application de l'heure avancée à longueur d'année ferait automatiquement chuter le nombre d'accidents de la route. Cependant, il nous semble logique de penser que de déplacer la brunante vers les heures de pointe améliorerait certainement la situation, et l'application de l'heure avancée pourrait probablement avoir bien d'autres effets. Disons que la source a été prise dans les statistiques d'accidents de véhicules automobiles de 1978 au ministère des Transports du Québec.

L'énergie psychosociale. On dit "une énergie à reconnaître et à ménager". Comme nous l'avons déjà mentionné, l'heure avancée provoquerait des changement majeurs à nos habitudes de vie.

Dans une société moderne comme la

nôtre où les heures de clarté sont très souvent entièrement consacrées au travail, nous pouvons constater un effet dépresseur évident sur le moral des individus. Il s'ensuit une fatigue, un engourdissement collectif bien connu chez nous dans la période janvier-février.

À notre point de vue, l'avènement de l'heure avancée pourrait contribuer, sinon à éliminer ce phénomène, au moins à en écourter les manifestations.

Une conséquence comme celle-là se quantifie difficilement. Cependant, nos objectifs visant à promouvoir une progression de la qualité de vie par l'environnement nous portent à considérer l'énergie psychosociale comme une source d'énergie fondamentale à reconnaître et à ménager.

Au moment où on nous répète qu'il faut à tout prix augmenter la productivité des Québécois, nous apportons là une mesure concrète, peu coûteuse et sûrement efficace.

En conclusion, depuis les chocs énergétiques, l'énergie a toujours été abordée en termes économiques, en termes de dollars.

Nous croyons sincèrement que la mise en place au Québec de l'heure avancée à longueur d'année constituerait une économie d'énergie réelle; peut-être faible mais réelle.

Nous croyons également que cela constituerait une évolution souhaitable en termes d'effets d'entraînement et d'incitation à une économie systématique de l'énergie.

Nous croyons enfin fermement à la nécessité de réhabiliter et de stimuler l'énergie psychosociale, le moteur moral d'une société, par l'amélioration de la qualité de la vie.

Quant aux problèmes de synchronisme avec nos voisins ontariens et américains, il est certain que nous souhaiterions ardemment une concertation globale; cependant, cela ne nous semble pas absolument nécessaire puisque, nous l'avons déjà mentionné, beaucoup de partenaires économiques européens vivent des décalages horaires sans pour cela compromettre l'harmonie de leurs relations. Il ne s'agirait finalement que de modifier certaines habitudes et de les remplacer par d'autres.

Nous nous trouvons, somme toute, devant un choix relevant d'un souci de mieux-être collectif et d'une volonté de changement. Nous sollicitons donc l'appui de cette commission dans nos revendications pour régler cette situation à l'avantage de tous les Québécois en instaurant l'heure avancée de l'Est dans tout le Québec à longueur d'année.

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Gagné. La parole est maintenant à M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, madame, pour votre mémoire. Vous savez, un parti politique qui pourrait se placer à l'heure avancée, cela pourrait être tentant. Je voudrais réagir rapidement à ce mémoire. D'abord, mon ministère entretient une correspondance assez soutenue - j'ai le dossier avec moi - de même que le bureau du premier ministre, sur ce dossier-là. Je voudrais vous dire bravo parce que dans votre région vous êtes restés mobilisés et, de plus en plus, vous recueillez des appuis. J'ai regardé cela rapidement et, sans prendre position de façon finale - je ne suis pas rébarbatif au changement - je puis vous dire que, moi aussi, quand il fait noir de bonne heure, cela me déprime. J'ai vécu en France longtemps et, quand je me lève à la noirceur pour aller travailler, je ne trouve pas cela bien drôle non plus. (12 h 15)

Vous donnez des éléments d'information. Je crois que l'étude d'Hydro-Québec vous a été transmise pour ce qui est des économies d'énergie.

Mme Gagné: Oui, l'automne dernier.

M. Duhaime: Elle l'a été. Bon. On a demandé à Hydro-Québec, qui a exécuté un long travail, de voir quel pourrait être l'impact réel en termes d'économie si l'heure avancée était maintenue. Les chiffres qu'on nous donne, si on veut faire une synthèse rapide, démontrent que l'impact est faible sur les économies d'énergie. C'est de l'ordre de 300 mégawatts et en heure de pointe seulement. J'ai un calcul ici qui a été fait dans le cas d'un consommateur industriel. Sur une base de facturation annuelle qui serait de 100 000 $, cela représenterait 0,1% d'économie, ce qui veut dire quelque chose entre 10 $ et 20 $. Sur le plan des économies comme telles, à moins qu'Hydro-Québec se soit trompée dans ses calculs, il semble que ce soit faible.

Deuxièmement, les fuseaux horaires, ce n'est pas nous qui les avons inventés. Vous l'avez évoqué vous-même, je pense que le fond de la question est de changer les habitudes de ' vie; pas seulement les nôtres, ceux de nos partenaires aussi. Si on regarde la grille horaire - je l'ai devant moi, c'est facile à rejoindre, c'est dans le bottin téléphonique - dans le fuseau horaire, on a un décalage d'une heure, par exemple, avec l'ouest ontarien et l'Atlantique mais ce n'est pas là la grande préoccupation, c'est passablement le même bassin commercial. Dans le cas des États-Unis, nous avons la même heure que la Floride, par exemple. Cela veut dire que tout l'axe des échanges nord-sud se fait à la même heure.

Vous nous aviez demandé de voir s'il y avait des groupes qui, en Ontario ou aux États-Unis, partageaient votre préoccupation.

Je pense qu'on vous a transmis le nom d'une association en Ontario. Malgré nos efforts, on n'a pu dénicher aucune association américaine, de la frontière du Maine jusqu'à la Floride, qui avait cette préoccupation. Il en existe sûrement mais, en tout cas, elles ne nous sont pas connues.

Tout cela pour vous dire qu'il faut qu'on tienne compte de ce que pourrait être la capacité d'accepter un changement d'habitudes chez nos voisins aussi. Si le fuseau horaire se fractionne et se quadrille, cela va devenir compliqué. Au moment où nos commerces, nos entreprises et nos institutions financières sont en fonction ici, s'ils partent une heure plus vite, ils vont fermer une heure plus tôt; cela a un impact énorme sur les télégrammes, les téléphones, les heures d'affaires, etc. Je pense qu'on se rend compte bien vite, quand on regarde le dossier, de l'ampleur du problème que vous soulevez.

Il y a une chose qui m'a frappé, cependant, c'est la fréquence des accidents. Là, il y a un point d'interrogation. Je pense que je vais vous donner raison; on a les mêmes chiffres en main, ceux du ministère des Transports. La seule réponse qu'on n'a pas, c'est la réponse à la question que je pose. Il est évident qu'en maintenant l'heure avancée durant les mois d'hiver, entre 15 heures et 18 heures, il y aurait très certainement moins d'accidents; je suis prêt à le concéder. La question que je pose, c'est: S'il y a moins d'accidents en soirée, est-ce qu'il n'y a pas de chance que cela se répercute tôt le matin? Puisqu'on n'en a jamais fait l'expérience, on n'a pas la réponse. Mais il y a lieu de penser qu'entre 15 heures et 18 heures, à la brunante, vous avez raison de le souligner, durant les mois d'hiver, c'est le meilleur temps pour faire un accident à cause de la neige, à cause du verglas, à cause de la noirceur, etc.

Je me demande si ce n'est pas qu'une vue de l'esprit de dire qu'en gardant l'heure avancée on prolonge la clarté en fin de journée. J'ai l'impression qu'on prolonge la noirceur le matin. Est-ce qu'on ne fait pas que prendre les statistiques de fin de journée pour les ramener le matin? J'avoue que je n'ai pas la réponse, je ne le sais pas.

C'étaient les commentaires que je voulais faire. Je ne peux pas faire plus que de vous dire: Si vous êtes rendus à 500 000, je pense que vous faites de l'extrapolation en disant que lorsqu'un conseil municipal prend position, vous tenez pour acquis que toute la population suit. Je ne suis pas certain non plus qu'on puisse transposer de telles statistiques, à moins que ce soient des chiffres pondérés; je ne le sais pas. Mais lorsqu'il y aura une majorité dans ce sens au Québec, on pourra très certainement traduire dans la réalité ce sentiment, mais il faudrait aussi que tout l'éclairage soit mis sur la table. En particulier, la problématique nord-sud que j'évoquais tantôt.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre. Mme Bossé.

Mme Bossé (Linda): Quand vous parlez de l'heure du matin et de l'heure du soir, on sait très bien que, de toute façon, du lundi au vendredi, les gens qui se lèvent à 6 heures ou à 7 heures du matin, ce sont des gens qui vont travailler. Comme les gouvernements actuellement, autant fédéral que provincial, tendent à s'en aller vers une société de loisir, il me semble que le loisir, c'est après les heures de travail, ce n'est pas le matin en partant, ce sont des conditions physiques qui sont là, d'une part. D'autre part, aussi une condition physiologique, c'est que le matin on est beaucoup plus reposé pour conduire qu'après une journée de travail; c'est très physiologique. Ce sont les seules commentaires que je voulais faire.

Par rapport aux économies minimes dont on parle, Hydro-Québec a fait une étude; oui c'est vrai, on l'a vue. À ce compte-là, il y a aussi une commission du Conseil national de la recherche qui, elle, semble être un peu en contradiction; mais de toute façon, la question n'est pas là, quelle que soit l'économie qui se fait, quelle soit minime ou pas... Tout à l'heure on parlait d'efficacité. La meilleure condition possible pour avoir une efficacité, c'est des coûts moindres pour une plus grande production. En plus, c'est l'économie humaine qu'on peut en faire, c'est-à-dire que - comme vous le disiez vous-même, M. le ministre - le soir, j'aime bien arriver chez moi quand il fait clair pour pouvoir faire quelque chose. Les conditions humaines étant améliorées, une plus grande productivité doit s'ensuivre. C'est évident que quand les conditions humaines vont bien - c'est psychologique aussi - la productivité aussi s'en tire très bien.

Pour ce qui est de l'économie d'argent, si minime soit-elle - on parle de crise économique partout actuellement - je me demande comment on pourrait la laisser tomber. Pourquoi on la laisserait tomber quand on parle d'économie? Surtout qu'actuellement tous les organismes gouvernementaux disent qu'ils grattent les fonds de tiroir. C'est une question que je pose.

M. Duhaime: Peut-être une précision. D'abord, rassurez-vous, les fonctionnaires finissent à 16 h 30 et l'été c'est à 16 heures. Ils ont de 16 heures à 21 h 15, quand on est au solstice d'été, ils ont beaucoup de loisirs.

Quand on parle d'économies, ce ne sont pas nécessairement des économies réelles.

Ici, c'est une économie théorique, parce que c'est essentiellement à l'heure de pointe durant les mois d'hiver, il n'y a pas d'économie d'échelle comme telle, parce que les infrastructures doivent être là de toute manière et surtout ces années-ci, alors que nous avons des surplus hydroélectriques. L'économie ne se traduit pas en dollars dans le sens qu'on pourrait récupérer un montant d'argent et l'affecter à d'autres fins. C'est dans ce sens qu'il faut prendre le chiffre d'Hydro-Québec qui est d'environ 300 mégawatts sur une base annuelle. Mais quand on prend ce montant et qu'on l'applique à la facture du client, cela peut - parfais les chiffres d'Hydro-Québec sont bons, parfois ils sont moins bons, cela dépend des années -varier entre 0,1% et 0,2%, alors c'est marginal. Donc, dans mon esprit - vous avez raison de le souligner - ce n'est pas sur ce facteur que la décision se prendrait, je suis parfaitement d'accord avec vous.

Mme Bossé: Ce que je trouve pertinent c'est que, en fin de compte, nous sommes appuyés par des corporations municipales. Si on prend la Communauté urbaine de Québec, la ville de Granby... Je pense que, quand même, ce sont des personnes qui sont consciencieuses. J'ajouterais là-dessus, à propos du "minime": On parle toujours de minime, d'économie d'énergie en termes de dollars. Est-ce que c'est négligeable, une économie d'énergie minime? Pensons à la Fédération des caisses populaires quand elle a commencé à conserver les sous; aujourd'hui on voit où c'en est rendu...

Deuxièmement, vous parlez des relations entre le Québec et les États-Unis. Les relations sont plus intenses entre les États-Unis et l'Ontario. D'ailleurs, nous avons quand même une relation avec la compagnie Ontario Municipal Electric Association - vous excuserez mon anglais parce que cela fait longtemps que je ne le pratique plus - on a communiqué avec eux hier et ce sont 300 municipalités regroupées en association qui font des démarches dans le même sens que nous. Comme vous voyez, nous ne sommes pas les seuls à vouloir un changement de ce côté-là. D'ailleurs, ils nous ont mentionné hier, quand nous leur avons fait part que nous serions en commission parlementaire, qu'ils voulaient avoir un suivi et une communication plus grande entre les organismes. Déjà là, je trouve que c'est très important pour une relation.

Le Président (M. Vallières): II faudrait peut-être indiquer que, de part et d'autre des membres de la commission, on avait convenu pouvoir ajourner vers midi trente. Alors, si on pouvait accélérer le processus... parce qu'il y a certaines personnes qui ont des obligations. J'ai une demande d'intervention de la part du député de

Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. En premier lieu, je voudrais vous remercier d'avoir présenté votre mémoire et vous prier d'excuser notre porte-parole, le député d'Outremont, qui a dû s'absenter parce qu'il a une conférence de presse. Il aurait aimé demeurer ici.

On n'est certainement pas contre de nouvelles idées. Mais, je pense qu'on a les mêmes préoccupations que celles qui ont été mentionnées par le ministre: Est-ce que les gens sont prêts à changer leurs habitudes? Quels seraient les effets dans le domaine commercial s'il y a un écart de temps avec la Bourse? Et ainsi de suite... Quelles sont les conséquences? Si on pouvait en encourager d'autres, je vous suggérerais de continuer votre travail. Je pense qu'il faudrait tenter d'influencer d'autres personnes avec qui on est obligé de transiger. Si on pouvait atteindre ce but -même si on dit que les économies à réaliser sont minimes - si on peut le faire, économiser ce montant minime, sans déranger les horaires ou les habitudes qu'on a déjà, on aura accompli quelque chose de très bien.

Mme Gagné: Merci. D'ailleurs, notre tâche n'est pas terminée en venant à la commission parlementaire. Comme je vous le disais tantôt, on a fait le décompte sommairement et ce sont des choses... Lorsque vous feuilletterez la liste des appuis, vous allez trouver que ce sont des gens vraiment sérieux qui sont là. Ils regroupent des organismes, des corporations municipales strictement, alors qu'on a beaucoup d'individus. Cela, c'est minime en tant qu'appuis, parce que tous les appuis qui sont rendus au gouvernement depuis juin 1980, on ne les a pas dénombrés comme tels. En fin de semaine dernière, je suis allée en parler aux représentants des MRC de l'Est du Québec qui étaient dans la région et ils sont solidaires de notre cause. La prochaine étape, c'est d'aller voir ce qu'en pensent toutes les MRC du Québec.

Le Président (M. Vallières): Oui. Nous avons deux autres demandes d'intervention: le député de Chambly - on m'a dit que c'était une courte intervention - de même que le député de Chapleau.

M. Kehoe: La mienne sera encore plus courte. Vous avez eu l'appui de plusieurs organisations, vous avez fait un travail assez considérable pour venir ici ce matin. Mais, je me demande s'il y a d'autres organisations comme la vôtre qui travaillent dans la même direction? Quand il s'agit de changer les habitudes du peuple de la province de Québec, c'est un travail gigantesque. Êtes-

vous seuls dans une petite organisation comme la vôtre avec, j'imagine, des moyens assez modestes, pour changer les habitudes non seulement de la population de la province de Québec, mais, enfin, de tous les Canadiens, de l'Amérique du Nord. Effectivement, pour intégrer cela au niveau nord-américain, c'est tout un travail. Je vous pose la question: Êtes-vous la seule organisation qui rallie l'appui de quelque 500 000 personnes, de corporations municipales? Enfin, ce que vous avez présenté aujourd'hui, c'est vraiment un travail énorme. Mais êtes-vous la seule à le faire ou si vous le faites avec d'autres organisations? (12 h 30)

Mme Gagné: Pour répondre à votre question, nous avons nous-mêmes été vraiment surpris lorsque nous sommes arrivés au cabinet du premier ministre, en 1980, avec l'appui de 3000 organismes, corporations municipales et individus. On entendait des critiques de la population toutes les fois que l'heure changeait. On voulait quand même demander au gouvernement de dire aux gens pourquoi c'était possible de le faire ou non, parce que, finalement, c'est beau critiquer contre un gouvernement ou quoi que ce soit...

M. Kehoe: Cela fait du bien.

Mme Gagné: ...mais il faut avoir une réponse. À ce moment-là, nous avons été vraiment surpris d'apprendre que nous réveillions ce dossier-là, alors qu'on pensait qu'il y avait quand même un dossier au gouvernement. À la suite de toutes ces démarches, nous avons été surpris d'apprendre qu'une loi réglementaire existait, la loi de 1963, sanctionnée en 1966 et modifiée en 1969, ce que la population du Québec ne savait pas. Elle croyait encore à une heure et c'était facultatif. Alors, on s'est réveillé avec une loi réglementaire. Il faut aussi expliquer aux gens que ce n'est pas une chose facile, parce que, finalement, il faut faire amender la loi.

Oui, on est les seuls, mais il y a quand même des habitudes à repenser. C'est ce qu'on prône pour tous les aspects. D'ailleurs, nous sommes un organisme à but non lucratif, bénévole. Puisqu'on a commencé le dossier, on s'attend à aller jusqu'au bout pour voir ce que cela peut apporter.

Mme Bossé: Pour ajouter à la réponse de Mme Gagné, au Québec, c'est nous, ENJEU, qui guidons le dossier, sauf que je ne sais pas... Il y a eu plusieurs émissions à Radio-Canada sur l'heure avancée, et je dirais que la majorité des biologistes et tous ceux qui s'appellent écologistes nous appuient dans ce sens-là. En Ontario, il y a 300 municipalités qui font à peu près le même travail que nous. Ce qui veut dire qu'au départ, nous ne sommes pas seuls.

M. Kehoe: C'est cela que je disais, dans les autres provinces. Est-ce que vos efforts sont coordonnés avec d'autres organisations, que ce soit dans les autres provinces canadiennes ou dans des États américains? Est-ce qu'il y a une coordination qui se fait ou si vous travaillez plus ou moins seuls dans ce domaine?

Mme Gagné: Étant bénévoles, nous allons selon notre... À l'heure actuelle, nous faisons des démarches dans toutes les provinces du Canada pour savoir s'il y a du travail de fait dans ce sens. Nous avons appris qu'en Saskatchewan, les gens ont l'heure avancée. À l'heure actuelle, on attend des réponses des autres provinces. Nous allons garder contact avec l'Ontario. Quant aux États-Unis, il y a un phénomène qui se veut aussi pour l'heure avancée et, partant, nous continuerons nos efforts pour voir s'il y a des organismes en place.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Je voudrais simplement dire que, sans présumer, sans me commettre, j'écoute votre intervention avec beaucoup d'intérêt, parce que j'ai profité, cet été, durant mes vacances, en France, de la clarté jusqu'à 22 heures, le soir, et j'ai trouvé cela fort intéressant. Je pense que c'est un dossier qui devrait être examiné très sérieusement, quitte à changer certaines de nos habitudes. Peut-être que ce serait facile de les changer si c'était vraiment avantageux.

Mme Bossé: En Europe, entre autres, quand on parlait des relations commerciales, la France, que je sache, n'a pas eu vraiment de problème à ce niveau-là.

M. Duhaime: En France ils ont avancé leur montre d'une heure à longueur d'année et durant l'été ils l'avancent d'une deuxième heure.

Mme Gagné: De deux heures l'été.

M. Tremblay: Avez-vous envisagé cela dans ce sens-là?

Mme Gagné: On a commencé par une heure avancée.

Mme Bossé: Et déjà on a des problèmes, comme vous le voyez.

Mme Gagné: On croyait plus sûr pour notre dossier de demander le prolongement de l'heure avancée durant toute une année

plutôt que de demander deux heures. On a quand même été assez conservateur de ce côté-là.

M. Tremblay: C'est intéressant de pouvoir faire du vélo jusqu'à 22 heures.

Mme Bossé: C'est dans ce sens-là que je parlais de sociétés de loisirs tout à l'heure. C'est évident que c'est beaucoup plus avantageux d'avoir de la clarté le soir que le matin pour les gens qui travaillent.

M. Tremblay: Pourrais-je vous suggérer des gens qui seraient intéressés à vous appuyer? Tous les joueurs de golf seraient bien intéressés.

Le Président (M. Vallières): Mme

Gagné.

Mme Gagné: L'économie d'énergie et l'heure avancée remontent assez loin. Cela a été lancé en 1784 lors des guerres. L'Allemagne s'en est servie lors de la première guerre mondiale pour prendre l'heure avancée de l'Est et pour une économie d'énergie. Ensuite, en 1870 le fuseau horaire est venu. Ne trouvez-vous pas qu'après plus de 100 ans de cette routine il serait temps quand même de réfléchir, de faire un examen de conscience et d'apporter un changement parce que les moeurs des gens ne sont plus les mêmes. Aujourd'hui les gens se couchent beaucoup plus tard. Je pense donc qu'on devrait faire un examen de conscience de ce côté-là. La date est quand même là et quand on dit qu'une habitude dure depuis plus de 100 ans on se demande s'il ne serait pas temps de remuer, de sortir de la poussière et de prendre de nouvelles habitudes.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Cela va. Je vous remercie mesdames.

Le Président (M. Vallières): Merci mesdames de même que les autres représentants de ENJEU.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 38)

(Reprise de la séance à 15 h 07)

Le Président (M. Vallières): La commission parlementaire élue permanente de l'énergie et des ressources se réunit afin d'étudier les effets de la politique énergétique sur le développement économique. Le premier groupe que nous allons recevoir en ce début de séance sera la Corporation de développement économique du Sud-Ouest et Société du port de Valleyfield. Je demanderais à ses représentants de s'approcher, s'il vous plaît.

Nous entendrons par la suite le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue et, en troisième lieu, le Conseil régional de développement de la région administrative de Québec.

On demanderait à la Corporation de développement économique du Sud-Ouest et Société du port de Valleyfield de bien vouloir identifier sa délégation.

Corporation de développement

économique du Sud-Ouest et

Société du port de Valleyfield

M. Berthiaume (Guy): M. le Président, distingués membres de la commission parlementaire, j'aimerais vous présenter les représentants de notre région. En premier lieu, Mme Marcelle B. Trépanier, qui est maire de Valleyfield et en même temps préfet de la MRC Beauharnois-Salaberry; M. Tinus Mooijekind, vice-président de la Corporation de développement économique du Sud-Ouest, à ma gauche; M. Daniel Dicaire, commissaire industriel de la Corporation de développement économique du Sud-Ouest, ainsi que votre humble serviteur, Guy Berthiaume, président de la Société du port de Valleyfield.

Avant de procéder à la lecture de notre mémoire intitulé "Politique tarifaire hydroénergétique et le développement industriel de la région du Sud-Ouest de Montréal", nous aimerions souligner que depuis mars 1983 certaines politiques tarifaires concernant les industries à forte consommation ont été mises de l'avant. Nous nous réjouissons que le programme de rabais des tarifs d'électricité facilitera de beaucoup notre travail de promoteurs afin d'intéresser les industries à fort effet d'entraînement à s'implanter chez nous.

Nous remercions Hydro-Québec et M. Yves Duhaime, ministre de l'Énergie et des Ressources, d'avoir mis de l'avant un tel programme et nous l'assurons que nous tâcherons d'inciter de nouveaux investisseurs à profiter de cette occasion. Ceci nous encourage à vous présenter notre réflexion sur l'importance d'avoir une politique tarifaire hydroénergétique efficace pour élaborer une stratégie d'intervention de développement industriel.

Nous procédons à la lecture du mémoire. Introduction. La Corporation de développement économique du Sud-Ouest est un organisme sans but lucratif voué au développement économique et industriel d'une région située au sud-ouest de Montréal dans l'axe Beauharnois-Salaberry-de-Valleyfied. La Société du port de Valleyfield est une

société qui détient, en vertu d'un projet de loi privé - no 237 - un mandat de la ville de Salaberry-de-Valleyfield et de l'Assemblée nationale pour gérer et administrer des infrastructures portuaires et s'occuper de la promotion industrielle reliée au développement du port de Valleyfield. Cette région est caractérisée par la présence d'un grand nombre d'industries extensives consommant annuellement de larges quantités d'énergie électrique.

Notre présence ici a pour but de sensibiliser les membres de la commission sur l'importance d'une politique tarifaire hydroélectrique avantageuse non seulement à l'égard de nouvelles entreprises, mais également des entreprises existantes. Les hausses de tarifs enregistrées par plusieurs entreprises de notre région ne sont pas de nature à soutenir nos efforts de promotion envers les entreprises à forte consommation d'électricité qui constituent notre vocation, notre avenir.

Des politiques tarifaires établies en tenant compte des autres facteurs compétitifs, des taux énergétiques prévisibles à moyen et long terme, une banque de crédit énergétique et la création d'un fonds de développement industriel à partir des dividendes perçus sur les revenus d'Hydro-Québec nous encourageraient dans nos efforts à développer le Sud-ouest du Québec.

Politique tarifaire et développement industriel. La politique tarifaire québécoise en matière d'énergie électrique a permis l'implantation de plusieurs entreprises majeures dans la région du sud-ouest de Montréal entre 1935 et 1965. Notamment, Union Carbide avec une usine de ferro-silicium et de ferro-manganèse, implantée en 1936; Alcan: lingots d'aluminium, en 1942, Stanchem: soude caustique, chlorate de sodium, en 1949; Chromasco: ferro-silicium, en 1953; Zinc électrolytique du Canada: lingots de zinc, en 1963; Goodyear: des pneus, en 1965.

En 30 ans, ces entreprises ont fait de la région du sud-ouest de Montréal une zone industrielle lourde de premier plan au Québec. En 1978, ces entreprises employaient 3600 travailleurs. Toutes ont connu une expansion dans les dix dernières années.

Depuis 1965, toutefois, aucune entreprise majeure ne s'est implantée sur le territoire. Cette situation a coïncidé avec l'uniformisation des taux d'énergie électrique au Québec. Cette politique a rendu relativement attrayantes d'autres régions qui, jusqu'alors, ne bénéficiaient pas de la proximité d'installations hydroélectriques. Cette uniformisation, souhaitable à bien des égards, a tout de même dilué la fonction industrielle traditionnelle des régions telles que la Côte-Nord, Grand-Mère-Shawinigan, Beauharnois, etc.

Néanmoins, la région du Sud-Ouest s'est relativement bien défendue et les entreprises à forte consommation d'électricité ont investi des sommes importantes année après année, rassurées qu'elles étaient par la stabilité d'un élément essentiel de leur coût de production et du maintien de leur avantage concurrentiel: l'électricité. Mais voilà que depuis 1977, un vent de rattrapage non prévisible s'abat sur eux. Les augmentations successives, excessives et non prévisibles sont telles que pour la première fois, les entreprises à forte consommation d'électricité sentent le besoin de se regrouper et de se faire entendre. En 1981 naissait l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité. Pour la première fois, ces entreprises ont l'impression que l'électricité ne joue plus son rôle comme levier de développement industriel au Québec. Pourtant, l'énoncé de politique économique du gouvernement du Québec réaffirme cette volonté, en portant une attention particulière sur l'électricité, facteur de développement industriel. Cet énoncé est appuyé par deux documents de soutien portant sur l'importance de l'utilisation de l'électricité dans certaines industries et Perspectives de développement des industries à forte consommation d'électricité au Québec. Qu'en est-il au juste?

Le vieillissement de la structure industrielle et la politique tarifaire. La structure industrielle du Sud-Ouest risque de vieillir si des programmes d'investissements soutenus ne la maintiennent pas dans un état d'efficacité relatif. En effet, certaines installations devant faire face à la fois à des facteurs conjoncturels - soit le ralentissement de l'économie nord-américaine - et structurels - évolution rapide de la technologie - risquent de disparaître si les entreprises ne sont pas encouragées à se diversifier. La région, malgré les efforts soutenus pour élargir sa structure, demeure et demeurera toujours une zone pour industries intensives de biens intermédiaires.

De 1978 à 1982, la région a perdu près de 1200 emplois dont 40% dans les industries à forte consommation d'électricité. Les fortes hausses du coût de l'énergie électrique, ajoutées au problème de la récession économique, ont sérieusement ébranlé les entreprises de notre région plus que toute autre. Pour certaines entreprises, le coût de l'énergie électrique a plus que doublé depuis 1978.

Face à la menace du vieillissement des équipements en place, des changements technologiques et des fortes hausses du coût de l'énergie électrique, plusieurs entreprises s'interrogent sur les avantages de réinvestir au Québec pour rajeunir leurs installations ou développer de nouveaux projets sur des sites adjacents.

Pourtant, la mise en garde du document

sur l'Énoncé de politique économique était claire et se lisait comme suit: Les entreprises existantes n'ont pas la même flexibilité dans leur processus de production; elles sont contraintes par la nature de leur équipement de production et n'ont pas les mêmes possibilités d'adaptation en vue d'une utilisation plus efficace de l'électricité. Du point de vue de la société, en outre, la main-d'oeuvre qu'elles utilisent déjà représente une contrainte supplémentaire. Les entreprises en place imposent donc des contraintes plus lourdes que les entreprises nouvelles en termes d'augmentation de tarifs et en termes de rationalisation de la consommation. A-t-on réellement tenu compte de cette mise en garde dans les récentes politiques tarifaires?

L'électricité, facteur décisionnel de l'essor industriel de la région de Beauharnois-Valleyfield. Notre région a toujours été caractérisée par la densité de ses entreprises à forte consommation d'électricité. Qu'on le veuille ou non, notre avenir, notre vocation est orientée vers ce type d'entreprises extensives. Encore une fois, l'Énoncé de politique économique du gouvernement a considérablement ennobli ces secteurs de la structure industrielle québécoise qu'on a tendance à repousser. Le rapport dit: Le développement des industries à forte consommation d'électricité aurait en général des effets plus favorables sur l'économie québécoise que le développement des autres industries du secteur manufacturier tant en termes d'effets directs et indirects en amont, qu'en termes d'effets positifs sur le développement régional et la balance des paiements du Québec. De plus, le potentiel d'intégration en aval de ces industries est très largement supérieur aux autres industries manufacturières.

Le même document se penche par la suite sur les industries fortement dépendantes de l'électricité. On retrouve le papier, l'aluminium, le magnésium, le zinc, les ferro-alliages, le chlore et la soude caustique, le chlorate de sodium, le carbure de silicium, le carbure de calcium. La plupart de ces secteurs sont représentés dans notre région. Vous comprendrez alors notre intérêt dans le présent dossier. Les secteurs que le document propose de promouvoir aluminium, magnésium, verre, abrasifs retrouveraient dans notre région de grands avantages pour leur implantation. Nous sommes toutefois inquiets face à la récente escalade des tarifs d'électricité qui entravent nos efforts de promotion. Le groupe de travail de l'Énoncé de politique économique a lui-même insisté sur la nécessité d'une promotion dynamique et organisée à laquelle il consacre d'ailleurs l'une des recommandations. Nous sommes en tous points d'accord avec ces efforts mais la présente attitude face aux hausses des tarifs n'est pas de nature à favoriser notre travail.

L'électricité est un élément essentiel pour maintenir un écart compétitif face à la concurrence internationale. Cet écart de tarif à l'avantage du Québec constitue une marge de manoeuvre importante pour la promotion industrielle de notre région. À l'heure actuelle, cet avantage a été considérablement réduit, de telle sorte que nous nous interrogeons sérieusement sur sa valeur réelle pour convaincre les industriels de venir s'établir chez nous. L'Énoncé de politique économique établissait la valeur de cet avantage entre 4% et 15% des coûts de production par rapport à l'Ontario pour des industries à forte consommation d'électricité. Comme cette analyse portait sur des données d'avant 1978, il y a fort à parier que dans certains cas l'avantage n'existe plus. L'énoncé disait: "Dans ces conditions, le fait de relever le tarif québécois à 01,9 $ le kilowattheure et plus constituerait une mauvaise décision puisqu'elle pourrait amener dans d'autres pays des implantations industrielles alors que les conditions réelles de production sont plus avantageuses au Québec."

Nous savons déjà que l'Alberta - Trans-Alta - le Manitoba et la ville de Cornwall offrent des tarifs grande puissance inférieurs aux nôtres. Le tarif en Ontario se rapproche sensiblement de celui du Québec, qui ne détiendrait plus qu'un avantage de 19%. L'Énoncé de politique disait aussi: "Dans la mesure où la politique tarifaire du Québec tiendra compte de cette contrainte que représente la nécessité d'assurer une transition semblable à celle des concurrents, on peut donc penser que l'électricité sera pour le Québec un facteur d'attrait pour son économie pendant plusieurs années." Ce n'est pas tout à fait, semble-t-il, la voie qui a été suivie puisque les augmentations ont été beaucoup plus élevées qu'en Ontario et au Manitoba.

Cet écart positif avec certaines provinces du Canada et dans d'autres pays tend à disparaître si on l'associe à d'autres facteurs compensatoires. L'application d'une politique fiscale, les relations du travail, la protection de l'environnement et l'éloignement des marchés à fort potentiel font que d'autres pays sont déjà en mesure de compenser largement cet écart. Il est important, si nous désirons maintenir et développer ce type d'industrie à fort effet d'entraînement, que le Québec, dans ses politiques énergétiques, tienne compte des autres facteurs compensatoires.

Recommandations. Attendu que le coût de l'électricité au Québec est parmi les plus bas en Amérique du Nord, malgré que certaines provinces canadiennes n'exigent pas des tarifs qui se rapprochent des coûts réels, attendu que les industries à forte consommation d'électricité ont des effets

d'entraînement plus élevés que la moyenne au Québec, attendu que les ouvertures permises par le GATT devraient encourager la promotion de ces industries au Québec, attendu que les industries existantes sont moins flexibles que les nouvelles industries face à des hausses de tarif d'électricité, nous recommandons à cette commission et au gouvernement du Québec: 1) de mieux adapter ces hausses de tarif à celles de ses concurrents en tenant compte des facteurs compensatoires; 2) d'allonger la période de transition pour les entreprises existantes et de mettre sur pied une politique tarifaire à long terme; 3) d'établir une banque de crédits énergétiques qui inciterait les entreprises à fort effet d'entraînement à s'ajuster à la concurrence internationale; 4) d'accentuer sa promotion des secteurs de croissance et, enfin, d'analyser la possibilité de créer un fonds à même les dividendes perçus sur les revenus d'Hydro-Québec destiné à la modernisation et à la diversification d'industries à forte consommation d'énergie.

Je remercie les membres de la commission de nous avoir entendus.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Berthiaume.

La parole est maintenant à M. le ministre.

M. Duhaime: Oui. Je voudrais vous remercier pour votre mémoire et vous dire qu'il y aurait un parallèle éloquent à faireentre l'axe de développement Beauharnois-Valleyfield et la Mauricie. Je pense que ce sont deux régions qui sont presque des jumelles, en quelque sorte.

Je voudrais d'abord faire quelques commentaires sur certaines des affirmations que vous faites. Incontestablement, on maintient encore au Québec un prix au kilowattheure qui est le meilleur marché. On ne s'embarquera pas dans les grands tableaux pour comparer avec New York ou ailleurs, mais avec l'Ontario en particulier - cela a déjà été évoqué ici - je pense que les 9% d'avance vont aller en s'accentuant, cela va s'accentuer dès l'an prochain. Nous connaissons les demandes d'Hydro-Ontario pour 1984, nous savons que le gouvernement ontarien a refusé d'accorder à Hydro-Ontario la demande de hausse tarifaire qu'elle avait formulée l'an passé. Nous avons également une idée de ce que pourrait être le tarif 1984 au Québec. J'entends par là comme ordre de grandeur, bien sûr.

Ce que fait Cornwall, j'ai l'impression que c'est la politique d'une ville qui a pris cette décision de tarifer - vous me corrigerez si je fais erreur - et la ville a un mécanisme de compensation.

Je ne parlerai pas du Manitoba, parce que si on retenait la formule manitobaine, en tenant pour acquis que chaque 1% d'augmentation du tarif d'Hydro représente 30 000 000 $ et que les bénéfices nets -pas les profits - d'Hydro en 1982 ont été de 800 000 000 $ - cette année ce sera proche de 800 000 000 $ également, un peu moins -et qu'on décidait non seulement de geler le tarif d'Hydro-Québec, mais d'aller vers la baisse, il est évident qu'au lieu d'arriver avec un bénéfice net, on arriverait avec un manque à gagner. Les Manitobains ont choisi cette formule, de sorte que Manitoba-Hydro fait des pertes qui sont compensées par le fonds consolidé de la province du Manitoba. Nous avons choisi un autre scénario parce que nous calculons qu'il n'appartient pas aux non-consommateurs d'hydroélectricité, qui sont quand même des contribuables, de compenser pour les pertes.

Cela dit, je suis heureux de voir que le programme qui a été annoncé dans le courant de l'été par Hydro-Québec, de 50% de rabais en première année jusqu'à l'horizon de 1990, suivant les paliers: 50%, 40%, 20% et 10%, qui s'appliquent à tout le secteur industriel et manufacturier au Québec, sans aucune exception, est une bonification qui va dans le sens de ce que vous proposez à la commission.

C'est entendu qu'un des facteurs de localisation industrielle - pas seulement dans les années trente, mais au début du siècle dans différentes régions du Québec, c'est vrai pour la Beauce, c'est vrai pour la Mauricie, c'est vrai pour la Côte-Nord - a été d'installer l'industrie près des chutes, où on minimisait le coût du transport. C'est évident que cela a été un facteur de localisation qui a été très positif. Aujourd'hui, l'uniformité dans le tarif existe, peu importe la catégorie de consommateurs, avec quelques exceptions, et ce à quoi on songe - je ne voudrais pas m'étendre là-dessus cet après-midi, parce que j'ai eu l'occasion de l'évoquer - c'est d'ajuster une grille tarifaire en fonction des activités industrielles manufacturières en tenant compte du contenu énergétique. Par exemple, lorsque les premiers lingots d'aluminium ont été produits au Québec, la part de l'énergie dans le coût de production devait être d'à peu près 40%. Aujourd'hui, pour les derniers lingots qui sortent de l'usine de La Baie, dans le Saguenay, le contenu de l'énergie doit être autour de 25% ou 26%. Avec les nouveaux procédés de fabrication de l'aluminium, avec le précuit, entre autres, les économies d'énergie vont être encore plus élevées, donc la consommation et le contenu hydroélectrique dans la fabrication du lingot vont aller aussi en diminuant.

C'est vrai aussi dans la fabrication du chlore. Je pense entre autres à C-I-L, qui a changé ses procédés de fabrication complètement. Le contenu énergétique va en diminuant. Et on pourrait allonger la liste.

Tout cela pour dire qu'aujourd'hui, en 1983, avec des technologies plus avancées, l'hydroélectricité est un facteur relativement moins important qu'il ne l'était il y a 50 ans. Il reste quand même que c'est un facteur de localisation très important. C'est vrai dans beaucoup de secteurs d'activité; c'est encore vrai même dans le papier journal; c'est vrai dans le magnésium; c'est vrai dans le zinc; c'est vrai dans le cuivre. Et on pourrait allonger la liste. Mais, je pense que, depuis une vingtaine d'années au Québec, il a été assez clairement arrêté par tous les gouvernements, quel que soit le parti politique, que l'approche d'une tarification régionale devait être abandonnée et qu'on maintenait l'uniformisation. Cela a été vrai jusqu'à il y a deux ans. (15 h 30)

Maintenant, on se rend compte que, pour être en mesure de maintenir des entreprises en état de fonctionnement et pour permettre à d'autres de naître et de les concurrencer sur les marchés internationaux, il fallait nous ajuster davantage à la concurrence. Les Brésiliens ne se gênent pas et les Australiens non plus. Paradoxalement, si EDF (France) n'avait pas maintenu une politique tarifaire comme elle l'a fait jusqu'à présent, Pechiney, au lieu de prendre son expansion en Amérique du Nord, l'aurait certainement prise à l'intérieur du territoire français, à tout le moins à l'intérieur de la Communauté économique européenne. Mais il est sûr et certain qu'il nous faut nous ajuster et je ne crois pas qu'on puisse le faire d'une façon générale pour l'année 1984. Cette approche-là est à l'étude actuellement, tant au ministère de l'Énergie qu'à Hydro-Québec, et nous allons probablement y aller graduellement, par secteur d'activité. Cela m'apparaît être le meilleur scénario pour l'avenir. Je ne prétends pas que ce soit l'absolu et la réponse à tous nos problèmes.

On s'est vite rendu compte que - si on fait un raisonnement par l'absurde - si nous n'avions pas modifié notre structure tarifaire face à l'aluminium, il y aurait eu 2 000 000 000 $ d'investissements de moins au Québec. C'est aussi clair que cela. Reynolds n'aurait pas eu intérêt à s'en venir ici; elle aurait plutôt modernisé ses alumineries du Texas et de l'Alabama. En faisant cela, on fait un transfert net d'emplois du Sud des États-Unis vers Baie-Comeau, de la même façon qu'en signant un contrat avec Pechiney, on fait un transfert net d'emplois des États-Unis et de l'Europe vers le Québec. C'est vrai aussi dans le cas de l'Alcan.

Vous nous suggérez qu'on mette sur pied une banque, ou un fonds quelconque, qui pourrait s'alimenter à même les dividendes d'Hydro-Québec et qui viendrait ensuite financer des modifications à l'investissement.

Je pense que c'est une proposition qui est intéressante; encore faudra-t-il la chiffrer. Quand on fait la liste des facteurs de localisation pour une industrie - ce n'est pas moi qui vais vous enseigner votre métier, vous le savez comme moi - à part la grande industrie fortement consommatrice d'hydroélectricité, le facteur de l'énergie n'est pas toujours la première considération. Il reste cependant que, dans la grande industrie, en première transformation, cela reste majeur, malgré des baisses relatives de consommation à cause des technologies plus modernes. Comment va-t-on faire fonctionner un fonds comme celui-là? On va retourner de l'argent à Hydro-Québec ou on va retourner de l'argent aux entreprises et on va dire: Si vous vous installez à Valleyfield, le fonds va vous venir en aide et va absorber 50% de votre facture énergétique?

Je pose la question, parce qu'après vous, il va y avoir des gens de la région de Québec qui vont venir... Ceux du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui sont venus le printemps dernier ont proposé une tarification régionale, étant bien entendu que leur propre région devait être la mieux privilégiée. Je voudrais seulement savoir si vous avez poussé votre réflexion là-dessus, sur ce point-là.

M. Berthiaume: On a poussé passablement la réflexion. C'est pour cela qu'on a une double recommandation. On parle surtout, lorsqu'on parle de développement régional, d'une banque de crédit énergétique. Enfin, je pense que le gouvernement du Québec, en 1978, par la loi 48 sur les stimulants fiscaux pour encourager les petites et moyennes entreprises, avait déjà créé un précédent là-dessus en permettant à des entreprises de différer les impôts sur une période de cinq ans et de prendre ces fonds-là pour des améliorations. C'était vraiment une mesure... Moi, je l'ai vécue comme commissaire industriel, quand les gars venaient me voir après cinq ans, qu'ils avaient mis 5000 $ de côté et, à un moment donné, ils avaient 20 000 $. Il fallait qu'ils fassent quelque chose, sinon ils perdaient cette banque-là. Il y a beaucoup de petites entreprises au Québec qui en ont profité. Pour les compagnies comme Union Carbide, chez nous, la Zinc et certaines entreprises comme Chromasco, en ayant une formule -je suis d'accord, et tous les gens ici, c'est normal qu'on ait des rajustements de tarif électrique, certaines entreprises ont déjà bénéficié de rabais - en ayant, dis-je, une espèce de crédit énergétique, c'est une banque. Au fur et à mesure qu'une portion des augmentations pourra être différée ou mise en réserve, cela permettrait à une société, qui, après quinze ans, a des décisions à prendre, à savoir: Est-ce qu'on va au Brésil, est-ce qu'on reste au Québec ou si on va en Australie? Elles vont regarder dans

leurs livres et elles vont dire: On a déjà 4 000 000 $ ou 5 000 000 $ de réserves d'énergie... Si on prend simplement un nouveau type d'équipement, des nouvelles unités de production, c'est déjà approuvé, non pas pour le Brésil, mais pour Beauharnois, pour Valleyfield. C'est pour cela que, selon des politiques à long terme, on aimerait établir ce genre de banque de crédits qui, en ne coûtant rien aux contribuables - du moins on le pense pourrait inciter, dans 15 ou 20 ans, ces entreprises à rester chez nous, à diversifier ou à changer leur mode de production et à s'adapter vraiment à de nouvelles concurrences sur le marché international. On pense qu'on n'aurait peut-être pas eu la fermeture de l'unité de ferrosilicium, à Beauharnois. On espère qu'elle va ouvrir. Ce qu'on voudrait, à l'avenir, pour nos enfants, c'est que ces entreprises qui transforment de la matière de chez nous restent là et se modernisent avec cette incitation.

M. Duhaime: Si je vous comprends bien, il n'y a pas de manque à gagner à HydroQuébec dans votre scénario et il n'y a pas de sortie de fonds. C'est un jeu d'écriture.

M. Berthiaume: C'est cela.

M. Duhaime: Autrement dit, une entreprise qui paie 1 000 000 $ par année, à Hydro-Québec, avec un programme comme celui-là - on parle pour parler - environ 10%, 15%, 20% ou 30%, pour les fins de la discussion, on vous dit: On vous donne un crédit énergétique de 30%; on va inscrire dans la colonne, sous votre nom, 300 000 $. Au bout de cinq ans, ils ont 1 500 000 $. S'ils décident de faire un investissement quelconque, ils ont droit à ce crédit énergétique. Autrement dit, c'est la technique d'attacher le client.

M. Berthiaume: Cela peut même être basé sur leur taux d'augmentation. Il y a une entreprise voisine du port; elle a eu une augmentation de 155%, si on cumule toutes ces augmentations, je me dis que cela était peut-être justifié... S'ils étaient partis de ces 155% et qu'ils avaient dit que 25% ou 30%, au fil des années, sont mis dans une banque... Si vous avez des projets d'amélioration ou des projets de diversification, s'ils sont à Valleyfield, c'est attaché avec le plan de Valleyfield - je pense au développement régional - pas au Lac-Saint-Jean ou en Mauricie, mais à Valleyfield.

M. Duhaime: Je comprends bien votre message.

M. Berthiaume: Et pour permettre à Hydro-Québec, à l'échelle provinciale, des projets comme Pechiney ou des projets vraiment à caractère national, c'est là qu'on dit que la partie des dividendes d'Hydro-Québec sert à cela ou est remise au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme pour fins de développement ou de promotion à l'extérieur, etc.

M. Duhaime: II ne faut pas vous faire d'illusion avec le niveau des dividendes. Quand j'ai défendu la loi 16, à l'Assemblée nationale, mes amis de gauche me disaient qu'on allait mener Hydro-Québec à la faillite, qu'elle cesserait de faire des profits et qu'elle ne serait pas capable d'emprunter. En deux ans, le total des dividendes perçus par le gouvernement à Hydro-Québec est de 14 000 000 $, sur deux ans.

M. Fortier: Plus 400 000 000 $ de taxes indirectes.

M. Duhaime: On parle des dividendes. M. Fortier: Ah oui!

M. Duhaime: La taxe sur le capital se paie. Ce n'est pas 200 000 000 $; c'est 225 000 000 $. C'est parfaitement normal qu'Hydro-Québec paie ses taxes et ses impôts comme tout le monde.

M. Berthiaume: Advenant qu'elle fasse beaucoup de dividendes.

M. Duhaime: Elle pourrait grossir ses dividendes. Cela revient au même.

Le Président (M. Vallières): Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le ministre?

M. Duhaime: Non, c'est tout. Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je dois dire que le document qui nous est présenté aujourd'hui est daté du 30 mars 1983 et que je l'ai utilisé libéralement - d'une façon très libérale - à l'Assemblée nationale. J'ai fait allusion à plusieurs de vos questions. D'ailleurs, cela s'inscrivait à l'intérieur de préoccupations que j'avais puisque j'ai ici une coupure de journal du 7 septembre 1982 qui s'intitule: Redevenons Hydro-Québécois" où je parlais, entre autres, des surplus que, de toute façon, l'énergie électrique avait été, dans le passé, un facteur de développement industriel très important et qu'il fallait s'en servir de nouveau à l'avenir. Si je regarde les investissements qui sont faits dans votre région... je ne sais pas quelle était la société privée de votre région à ce moment-là. De qui s'agissait-t-il à ce moment-là?

M. Berthiaume: Shawinigan Power.

M. Fortier: II est certain que les stratégies qui étaient suivies par Shawinigan Power, qui ont favorisé la région de Shawinigan et votre région étaient, comme le ministre vient de le dire, des techniques d'attacher le client. Elle avait compris cette technique qui consistait à amener des clients qui consommaient de l'électricité, à les implanter là, à en prendre soin et à développer l'économie du Québec.

Malheureusement, je crois que la nationalisation de l'électricité a eu d'autres bénéfices pour les citoyens du Québec, surtout dans des régions comme la Gaspésie, l'Abitibi ou ailleurs. Sur le plan du développement industriel, on a perdu un peu de vue cette tactique qu'avait Shawinigan Water and Power de faire le développement industriel, et c'est certainement quelque chose qu'on a manqué au Québec, parce que cela ne s'est pas fait autant que cela se faisait auparavant.

Je vois ici Union Carbide, 1936; Alcan, 1942; Stanchem, en 1949; Chromasco, 1953; Zinc Electrolytique du Canada, 1963; Goodyear, 1965; ensuite, il n'y en a pas beaucoup dans cette région-là en particulier.

J'avais posé des questions au ministre à l'Assemblée nationale concernant la tarification à la suite du dépôt de votre document. Je lui avais posé une couple de questions, d'une part sur le fait que les tarifs énergétiques du Québec se rapprochaient dangereusement de ceux de l'Ontario. De façon plus précise, je soulignais que l'augmentation des tarifs au Québec a été très accentuée, indépendamment de ce qui se faisait en Ontario de toute façon et que pour ceux qui veulent investir c'est un facteur important de dire à quel rythme le tarif de l'énergie augmente. De fait, vous dites que les investisseurs vous posent ces questions-là. Le tarif actuel est important et le tarif futur est très important.

Je ne connais pas les secrets que le ministre partage avec Hydro-Québec. Il dit que l'an prochain l'augmentation d'Hydro-Québec sera minime par rapport à celle d'Hydro-Ontario. Tant mieux si c'est cela. Je crois que cela nous permettrait de corriger quelque peu la situation. Quand même, les faits restent ce qu'ils sont pour le passé en particulier.

À la suite de votre mémoire et des questions qu'on avait posées et particulièrement au mois de juin lorsqu'on a eu la commission parlementaire pour étudier la Loi sur l'Hydro-Québec, j'ai posé des questions sur la tarification. Là où je suis un peu désolé c'est que le ministre nous dit que pour cette année - on devra attendre HydroQuébec, à la fin d'octobre d'après ce que j'en sais, pour déterminer l'augmentation des tarifs de l'an prochain - pour 1984, il est trop tard.

On a reçu votre mémoire en mars dernier. Des gens se sont interrogés là-dessus. Je me souviens en avoir parlé à quelques reprises de façon tout à fait informelle avec le président d'Hydro-Québec. Je pense que le ministre était au courant de cette proposition qui était faite ici. Alors que précisément tout le monde veut faire le développement économique du Québec dans le moment et qu'on retarde la reprise de la session d'un mois, je ne comprends pas qu'on n'ait pas pensé à cela un peu plus tôt. Je comprends que le ministre veuille prendre quelques mois de plus pour étudier votre proposition alors qu'il l'avait déjà en mars 1983 mais enfin...

On a perdu un an avec cela puisque, d'après ce qu'il nous a dit, la proposition d'adopter une tarification sectorielle nous sera faite au mois d'octobre 1984 pour être en vigueur en janvier 1985. Il n'est jamais trop tard pour bien faire mais on aurait pu gagner un an. Je voulais dire mon accord complet là-dessus. Je n'ai d'ailleurs jamais dit que j'étais en désaccord avec la politique du gouvernement en ce qui concernait l'escompte de 50% aux sociétés d'aluminium pendant qu'on a des surplus. Je crois que c'était la politique à faire et à suivre et cela rejoint certainement mon approbation la plus totale. (15 h 45)

J'aimerais vous poser une question. Il y a d'autres représentants de l'industrie. Je vous inclus parmi les représentants - entre guillemets - "industriels", c'est-à-dire les gens qui se préoccupent de développement économique. Ils nous ont dit: Lorsque Hydro-Québec vient présenter sa demande de tarif, on n'a pas l'occasion de faire des commentaires et on n'a pas l'occasion de donner son point de vue; on n'a pas l'occasion, comme on peut le faire devant la Régie du gaz et de l'électricité, de dire ce qu'on a à dire. J'en profite pour vous poser la même question: Est-ce que votre organisme, s'il était appelé à donner son point de vue lorsqu'Hydro-Québec nous propose des augmentations de tarif - je ne parle pas en termes uniquement d'augmentation mais en termes de tarification sectorielle ou autre - serait intéressé à intervenir dans ce genre de débat?

M. Berthiaume: Je pense qu'on serait toujours intéressé à intervenir. Mais il reste que l'impact direct sur la Société du port ou même, je pense, la Corporation de développement économique n'a pas d'effet comme tel. Mais on sait une chose: Au port on expédie des lingots de zinc, de l'aluminium, de l'asbeste, dans tous les pays à travers le monde. On est en train de discuter pour des contrats d'expédition vers la Chine. Mais c'est difficile pour des

entreprises, lorsqu'on parle exportation, de savoir quel va être notre coût d'énergie surtout si cela représente 30% ou 40% du coût de production, ou même 25%. Quel va être notre coût l'année prochaine, en 1985? Ces contrats sont signés parfois un an ou deux ans d'avance. En 1983 on prend la décision pour produire en 1984 ou en 1985. Qu'arrive-t-il à ces entreprises à un moment donné? Les facteurs à étudier... Est-ce qu'on prend la commande des Chinois? Quel va être le facteur - parce que tout de même il y a des actionnaires en arrière qui demandent des dividendes - qu'on va mettre de côté? Si c'est une augmentation de 7% il n'y a pas de problème, on va jouer avec cela; mais si cela vient à 20% ou 10%? C'est que l'industrie ne le sait pas. Ce qu'elle demande c'est sûr que ce n'est pas le degré d'augmentation. Elle aimerait planifier ses augmentations de coût.

La plupart des industriels que j'ai rencontrés disent: si possible, on aimerait payer l'énergie le moins cher possible. Mais ils savent - c'est comme toute chose - qu'il y a des périodes d'ajustement. Au niveau de la production leurs augmentations sont planifiées. Ils le font pour leurs matières premières, ils savent qu'au moins 50% ou 60% de leur approvisionnement en 1986 vont nous coûter tant par tonne. Ils disent: On aimerait pouvoir faire la même chose avec notre énergie.

M. Fortier: Alors, ce que vous dites, c'est que, s'il y avait possibilité de négocier des garanties...

M. Berthiaume: D'augmentation.

M. Fortier: ...comme cela a été fait avec Pechiney d'ailleurs et Reynolds, certaines garanties d'augmentation maximale, cela permettrait à l'entreprise privée de voir plus clair lorsqu'elle prend des contrats d'exportation ou des contrats qui impliquent une dépense énergétique très importante. Ce serait une façon d'aider au développement économique.

M. Berthiaume: Même fixer les augmentations un an d'avance, dire: en 1984 -on est en octobre 1983 - votre augmentation à partir du 1er octobre 1984 sera de tel montant; un an ou deux ans d'avance si possible.

M. Fortier: Oui. Je pense bien que ce n'est pas possible pour Hydro de décider deux ans ou trois ans d'avance quelle sera l'augmentation statutaire. Je croyais que ce que vous demandiez, pour certaines industries grandes consommatrices, c'était d'avoir certaines garanties du moins quant à l'augmentation maximale. Cela reviendrait à la même chose pour l'industrie concernée.

M. Berthiaume: Oui. Cela pourrait revenir à la même chose. Mais, comme les gars disent: au lieu de fixer le maximum, être le plus précis possible. Parce que, lorsqu'on dit "maximum" cela peut jouer. Est-ce que ce sera toujours le maximum? Mais je suis convaincu qu'il y a moyen d'être précis dans ses augmentations. On le demande à l'entreprise privée, dans les contrats de soumissions: Garantissez-nous vos coûts pour 60 jours, 90 jours. Je pense qu'une société comme Hydro-Québec pourrait au moins garantir des augmentations un an à l'avance, avec ses planificateurs et ses gens en place; ils devraient être capables de...

M. Fortier: Toute augmentation, selon la loi actuelle, doit être approuvée par le gouvernement, et la tradition veut qu'elle soit soumise à une commission parlementaire qui vient normalement à l'automne. Alors Hydro-Québec elle-même peut avoir une opinion sur ce que cette augmentation devrait être ou sur ce qu'elle va recommander, mais elle ne sait jamais d'avance ce qui va être approuvé. Comme les conditions financières depuis trois ou quatre ans étaient plutôt volatiles sur le marché américain de l'emprunt, contrairement à ce qui s'était fait il y a quelques années, où elle avait demandé des augmentations sur des périodes de trois ans, Hydro-Québec préfère présentement demander des augmentations de tarif pour une année seulement. Est-ce que ce serait possible de demander ou d'exiger d'Hydro-Québec, étant donné que les taux d'intérêt semblent plus statiques présentement, qu'elle s'engage à plus long terme, du moins pour deux ans? En fait c'est un peu ce que vous dites, c'est certainement le genre de questions qu'on pourrait lui poser lorsqu'elle viendra en commission parlementaire cet automne.

M. Berthiaume: Ou que la commission parlementaire essaie de statuer toujours un an d'avance.

M. Fortier: Ah! Nous sommes toujours disposés. Je vous remercie beaucoup.

M. Duhaime: Juste un point d'information.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vais vous renvoyer la balle. Si vous me donnez les taux d'intérêt pour les cinq prochaines années et, en faisant un effort, pour les dix prochaines années, ainsi que le taux d'inflation, je vous donnerai un tarif pour dix ans. Il faut être réaliste aussi. Quand à Hydro-Québec, au ministère, au gouvernement et ici, en commission parlementaire, on évalue une

tarification... C'est vrai, ce que vous dites, que les hausses ont été, à mon sens, vertigineuses sur la tarification hydroélectrique; mais, toutes choses étant égales, il faut regarder ce qui s'est fait dans le pétrole, il faut regarder ce qui s'est fait dans le gaz naturel, qui sont des énergies concurrentielles. Si on ne tient pas compte de l'évolution des prix des énergies concurrentielles, vous aurez un déplacement peut-être trop rapide sur l'hydroélectricité. Il ne faut pas oublier - je parle du secteur industriel et qui consomme douze mois sur douze - qu'il y a une bonne partie de la consommation d'Hydro-Québec qui ne se fait pas douze mois sur douze. Quand Hydro-Québec planifie ses installations, c'est pour s'ajuster à la pointe. Tout le monde le sait, une journée comme aujourd'hui, téléphonez à LG 2 pour savoir combien il y a de turbines qui tournent, et vous allez peut-être réaliser qu'il y en a beaucoup trop. Je veux dire par là que, durant les mois de basse consommation, les équipements qui sont là ne sont pas utilisés à leur pleine capacité, mais on paie le plein prix sur les taux d'intérêt et le coût du capital investi.

Pendant que j'ai la parole, je voudrais juste corriger - je ne sais pas - vos 9%... Est-ce que vous êtes sur le tarif grande puissance quand vous faites la comparaison avec l'Ontario? J'ai fait refaire le calcul sur 1982, la comparaison sur l'ensemble de la tarification du Québec par rapport à celle de l'Ontario. L'avantage en faveur du Québec est de 12,8% et non pas de 9%. J'ajoute que vos 9% sont probablement exacts, sauf qu'il faudrait les qualifier parce qu'il y a 121 contrats qui existent encore à l'heure actuelle qui sont en rattrapage, c'est-à-dire que ce sont des contrats de grande puissance, avec C-I-L, par exemple, avec Québec North Shore. Il y en a 121 qui sont, et de loin, en bas du tarif grande puissance, mais, quand on fait le calcul comparatif avec l'Ontario, on ne tient pas compte de cela. Si on faisait le calcul en intégrant les 121 contrats qui sont en rattrapage, c'est-à-dire qui, année après année, vont graduellement rejoindre le tarif régulier de grande puissance, je serais prêt à risquer qu'on doit être aux alentours de 11% ou 12% en moyenne sur le tarif grande puissance en Ontario, Cornwall étant une exception. C'est un peu comme si le conseil municipal de Valleyfield disait: Nous bâtirons un fonds municipal et on donnera une prime à l'investissement aux compagnies qui consomment beaucoup d'énergie. C'est probablement ce que Cornwall a fait. Non? Alors, comment se fait-il que Cornwall est plus bas? Cornwall est un réseau municipal. Hydro-Ontario ne distribue pas d'électricité au détail.

M. Berthiaume: Non, cela vient d'Hydro-Québec.

M. Duhaime: Pardon?

M. Berthiaume: Cela vient d'Hydro-Québec.

M. Duhaime: Ah! Alors, cela répond à mon problème. C'est de l'énergie achetée du Québec, n'est-ce pas?

M. Berthiaume: Oui.

M. Duhaime: Bon. C'est le seul contrat d'ailleurs qui existe et on n'a pas l'intention de déposer un "Reversion Act", de faire comme les Terre-neuviens, saisir l'Assemblée nationale pour casser nos contrats. On va le respecter. C'est Centre Rapids, probablement.

M. Berthiaume: C'est cela. Enfin, je pense que c'est une exception. On ne devait pas en faire un cas...

M. Duhaime: C'est une signature qui coûte cher au Québec, mais on va la respecter jusqu'au bout.

M. Berthiaume: Enfin...

Mme Trépanier (Marcelle B.): M. le ministre, les deux gouvernements supérieurs, soit le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, par le biais de l'entente auxiliaire OPDQ-MEER, ont fait des efforts pour donner les infrastructures d'accueil à un nouveau parc industriel. C'est de l'ordre de 1 780 000 $, et la municipalité de même, soit 1 200 000 $. Alors vous comprenez très bien pourquoi il y a des démarches pour que, justement, il y ait des coûts préférentiels pour faire en sorte que ces investissements puissent rapporter. Le facteur électricité, le facteur énergie est l'un des plus importants lorsqu'il s'agit d'attirer de nouvelles implantations dans les municipalités ou dans tout autre centre. Alors, vous pouvez vous imaginer que j'appuie entièrement le président de la Société du port dans cette démarche au nom de la ville, de même qu'au nom de la région puisque ce sont des investissements considérables que les trois gouvernements ont apportés pour favoriser justement la venue d'industries dans le Sud-Ouest du Québec où, depuis nombre d'années, il n'y en a pas eu de nouvelles.

M. Duhaime: En fait, ce que vous me dites, madame, c'est que votre région avait été retenue dans la programmation des parcs industriels jugés prioritaires. Donc, si vous êtes sur le volet un, c'est 75%, sur volet trois 85%, ou l'inverse.

Mme Trépanier: Exactement.

M. Duhaime: Ce qui veut dire que dans les dépenses admissibles, cela coûte à votre ville 15% ou 25% le cas échéant à l'intérieur de ce programme. Je ne veux pas vous décourager, ma chère madame, mais je me souviens d'avoir fait faire un relevé au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, quand j'étais là, et les chiffres n'ont pas varié beaucoup. On a continué d'aménager au Québec des espaces industriels. Si ma mémoire est bonne, il y a 70% des superficies industrielles aménagées au Québec à l'heure actuelle qui ne sont pas occupées. Cela veut dire que vous êtes sur un marché en effervescence. Il y a beaucoup de villes et de grandes régions qui ont des espaces industriels aménagés avec tous les services municipaux, l'eau, les égouts, l'électricité, etc., et qui se battent en fait sur le marché pour attirer chacune chez elle l'industrie X, Y ou Z. Je pense que c'est sain en soi. S'il fallait qu'un gouvernement décide qu'on va donner priorité au développement industriel ou économique à quelques régions seulement au détriment de l'ensemble... Je pense qu'on est mieux de jouer cela à chances égales en termes d'aménagement des espaces industriels et en termes de tarification.

Soyez assurée que j'aimerais bien pouvoir satisfaire pleinement le député d'Outremont et présenter en commission parlementaire, dans quelques semaines, une grille tarifaire pour chacun des secteurs manufacturiers. Allez donc satisfaire un député de l'Opposition!

Mme Trépanier: D'abord que vous allez considérer des chances égales, ce sera déjà considéré.

M. Fortier: Moi, je travaille pour le développement économique.

Le Président (M. Champagne): J'ai une demande d'intervention du député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la Corporation de développement économique du Sud-Ouest et la Société du port de Valleyfield ainsi que Mme le maire qui sont venus nous présenter ici un mémoire qui démontre très bien l'intérêt qu'elles portent à la survie de l'essor économique de notre région.

Comme on vient de le souligner à la toute fin de nos propos, la région de Valleyfield s'est dotée depuis un certain nombre d'années d'une infrastructure passablement intéressante, même au niveau des service sociaux, au niveau des services éducatifs, au niveau du gaz naturel, de l'électricité. En fait, l'infrastructure du parc industriel... Même si M. le ministre essaie d'uniformiser les avantages qu'on peut retrouver dans les différentes régions du Québec, je suis sûr qu'il ne peut pas dire qu'il y a un port dans la Mauricie qui donne sur le Saint-Laurent et qui la relie avec les Grands Lacs. Trois-Rivières, oui, c'est dans la Mauricie. Seulement, toutes les régions ne peuvent pas bénéficier...

M. Fortier: S'il n'y en a pas un, il va en faire un.

M. Lavigne: ...ou se dire aussi avantagées.

M. Fortier: C'est comme Duplessis.

M. Lavigne: Une chose certaine, c'est que l'uniformisation des tarifs de l'électricité est une chance égale pour tout le monde. Il y a eu dans le passé, bien sûr, une espèce de discrimination, quoiqu'elle était un peu annulée du fait que les grandes sociétés venaient s'installer près des barrages hydroélectriques, près des ressources énergétiques. Maintenant que ce temps-là est passé on a uniformisé nos tarifs d'électricité.

Il y a aussi la compétition avec d'autres ressources énergétiques tel que le gaz qui entre en ligne de compte. On en a largement discuté depuis le début de notre commission parlementaire. Il ne s'agit pas de créer des différences à un tel point énormes entre les différentes ressources énergétiques que tout le monde se rue sur la même et qu'on en arrive à en créer une pénurie. Donc, il faut quand même maintenir une espèce d'équilibre.

Ceci dit, c'est sûr que les entreprises de notre région... Il y a un facteur, qui a été soulevé dans votre mémoire, qui est important. On l'a mentionné, les dernières à s'installer chez nous datent de 1965 et les premières datent de 1930. Ce qui veut dire qu'elles ne sont pas à la fine pointe des dernières modernisations d'équipement et de rendement. C'est sûr qu'elles sont un peu pénalisées par cela. On sait à quel point ce serait coûteux pour ces entreprises-là de se moderniser rapidement pour en arriver à être compétitives. (16 heures)

Par ailleurs, si on voulait aussi en tenir compte - on pense pouvoir en tenir compte à la prochaine tarification des secteurs d'activité - je me demande si on pourra tenir compte de l'âge, de l'équipement et du vieillissement de nos entreprises. Est-ce qu'à ce moment-là, cela ne serait pas les inciter à rester vieilles? C'est peut-être le danger qu'on pourrait courir. Si, en étant vieilles et non modernes, elles bénéficiaient d'un taux préférentiel, elles n'auraient pas avantage à se moderniser parce qu'elles devraient payer un taux plus élevé. Il y aurait aussi cet

aspect.

On peut être social-démocrate, mais on n'arrête pas de vivre en Amérique du Nord, et je pense que le premier à vouloir défendre la libre concurrence serait le député d'Outremont. Tout libéral qu'il soit, je pense qu'il est pour la libre entreprise. On essaie de tirer une ligne à peu près entre les deux; être trop socialiste, je pense que je ne m'embarquerais pas là-dedans; par contre, il faut aussi que le gouvernement, dans ses politiques, là où il a son mot à dire, donne la chance au coureur et favorise l'implantation de nouvelles industries.

Je suis à 100% derrière le mémoire, derrière vous, avec comme objectif finalement d'inciter les nouvelles entreprises à venir s'installer chez nous et à celles qui sont chez nous d'y demeurer et de progresser. Je pense qu'avec l'énumération des services et des infrastructures, énumération que j'ai faite au début de mes propos, il y a tout ce qu'il faut pour inciter les nouvelles entreprises à venir s'installer.

On peut toujours mentionner, en terminant, que la situation, quoi qu'on en dise, ne doit pas être aussi grave que cela, même s'il y a toujours des améliorations à apporter. La différence entre chez nous et l'étranger, pour ce qui est du tarif hydroélectrique, doit sûrement être encore avantageuse. Un exemple tangible, un exemple concret de cela, c'est que la Zinc, comme vous le savez, Mme le maire, vient de couper un ruban d'inauguration et vient d'injecter 47 000 000 $. J'en ai parlé hier, parce qu'il y avait les représentants de Noranda, et j'ai profité de l'occasion pour souligner cet événement d'importance dans le comté chez nous, parce que ce n'est pas tous les jours qu'un député peut se vanter, par les temps qui courent, d'avoir coupé un ruban, alors qu'on a investi 47 000 000 $. Pouvez-vous me dire que vous avez coupé un ruban de 45 000 000 $ dernièrement? Moi, je peux me vanter de cela.

Je suis content de cet événement qui démontre jusqu'à un certain point il y a encore des avantages au niveau des taux préférentiels d'électricité au Québec. Il faut être prudent dans les augmentations; il faut maintenir cette différence-là qui doit être assez avantageuse pour que les entreprises restent chez nous et même que de nouvelles entreprises désirent venir s'implanter. Je pense que M. le ministre en a fait état avec Pechiney. S'il n'y avait pas eu vraiment des avantages sur les coûts de l'énergie, la compagnie ne serait pas venue s'installer ici.

Je vous remercie mille et une fois pour le sérieux de votre document. Je pense que vous avez mis le point sur les inquiétudes qui se sont manifestées dans le coin. Je me fais l'allié de ce document-là. J'espère qu'on aura, dans les plus brefs délais, de nouvelles usines qui s'installeront à Valleyfield. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Beauharnois. Je ne vois pas d'autres intervenants qui auraient des questions. Je remercie la délégation de la Corporation de développement économique du sud-ouest et la Société du port de Valleyfield de sa participation à nos délibérations.

Je prierais un autre groupe de bien vouloir se présenter. Il s'agit du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue. Le conseil régional est représenté par M. Rémy Trudel. M. Trudel, la parole est à vous.

Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue

M. Trudel (Rémy): M. le Président, MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord excuser l'absence de M. Maurice Descôteaux, qui devait m'accompagner pour présenter le mémoire du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue. Malheureusement, à cause de circonstances difficiles, il n'a pas pu se présenter aujourd'hui. Je vous présenterai donc, au nom du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, le mémoire qui a été expédié au cours du mois de mars dernier à votre commission. Nous pourrons ajouter ensuite quelques commentaires et répondre à des questions, s'il y a lieu.

M. le Président, MM. les membres de la commission, le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue est heureux de contribuer, par le présent mémoire, aux travaux de cette commission parlementaire chargée d'étudier divers éléments d'une politique énergétique au Québec. De par son rôle, le CRDAT est un organisme chargé de défendre les intérêts de l'Abitibi-Témiscamingue en matière de développement. Pour ce faire, il recueille généralement les doléances exprimées par les divers intervenants régionaux qu'il achemine ensuite aux autorités compétentes.

Dans le cadre de cette commission parlementaire de l'énergie et des ressources, on prendra connaissance, à l'intérieur des pages qui suivent, des divers éléments susceptibles de favoriser le développement de l'échiquier énergétique de l'Abitibi-Témiscamingue et, par voie de conséquence, de tout le Québec. Nous toucherons successivement les points suivants: l'énergie hydroélectrique, les coûts de l'essence, l'hydrogène, le gaz naturel, la biomasse forestière et la régionalisation des instruments politiques en termes de développement.

Si vous le permettez, voyons en détail ces différents points.

L'énergie hydroélectrique. Le Québec se targue, à juste titre sans doute, de posséder le potentiel hydroélectrique susceptible de lui assurer une certaine indépendance

énergétique dans l'ensemble du contexte nord-américain. La société d'État HydroQuébec a dû, cependant, faire face à la récession économique au même titre que les autres entreprises du Québec et réviser à la baisse son plan d'investissement. La commission parlementaire sur l'énergie et les ressources de l'automne dernier a déjà étudié les modifications à la tarification de la société découlant de cette situation, de sorte qu'il n'est pas de notre propos de revenir ici sur cette question.

Deux aspects, cependant, retiennent l'attention en Abitibi-Témiscamingue lorsqu'il est question de cette forme d'énergie: premièrement, le coût de l'électricité pour la population de la région en général et pour les entreprises en particulier et, deuxièmement, le bureau d'Hydro-Québec région Baie-James.

Le coût de la facture énergétique. Deux ordres de problèmes sont à mettre sous ce titre de la facture énergétique: les coûts de l'énergie aux entreprises d'abord, puis la facture globale d'un résident de l'Abitibi-Témiscamingue. Hydro-Québec produit actuellement des surplus d'électricité très importants. Sauf erreur, ils sont évalués par la société d'État à quelque 29 térawatts, dont la plus grande partie est attendue vers 1984-1985. Pourtant, en automne 1982, pas plus de trois turbines sur les 16 qui forment le complexe de LG 2 étaient en opération. Au cours de la même période, tant le gouvernement que les intervenants régionaux ou les médias exprimaient leurs inquiétudes devant l'accroissement des faillites et les déboires d'entreprises en difficulté. Dans ce contexte, pourquoi faut-il laisser s'écouler en pure perte des milliers de kilowatts qui permettraient à certaines entreprises de passer à travers la crise par le biais d'une politique de tarification adéquate?

En Abitibi-Témiscamingue, la majeure partie de l'électricité consommée l'est précisément par les entreprises, ainsi que l'illustre le tableau suivant. Une petite erreur à corriger dans ce tableau, la dernière colonne n'exprime pas, bien sûr, la consommation en 1983, puisqu'elle n'est pas connue à ce jour, mais la différence entre l'année 1981 et 1982. Ce tableau vous indique une très forte augmentation de la consommation au niveau industriel d'environ 23% et une très forte hausse également de ce qui est classé par Hydro-Québec sous le titre "divers". Cependant, cette très haute augmentation de consommation s'explique par le fait qu'on a procédé, semble-t-il, à une nouvelle comptabilisation de la consommation propre des bureaux d'Hydro-Québec dans la région.

L'ensemble de la consommation d'électricité, tel que nous le montre le tableau, s'est accru d'environ 12,5% de 1981 à 1982, et près de la moitié de cette consommation totale a été utilisée par le monde industriel. C'est donc dire l'importance de cette source d'énergie pour les entreprises de i'Abitibi-Témiscamingue. Or, il apparaît pour le moins scandaleux, pour le commun des mortels, en pleine période de crise économique, alors que la liste des victimes du chômage ne cesse de s'allonger, que s'accroît le nombre de bénéficiaires du bien-être social, que les entreprises doivent temporairement ou définitivement fermer leurs portes, qu'une forte proportion de cette richesse qui fait la gloire des Québécois s'écoule en pure perte. Une politique énergétique réaliste doit, selon nous, évaluer tous les mécanismes qui rendraient possible une diminution de la facture énergétique pour les entreprises en difficulté ou en démarrage.

Tout l'aspect pratique de la mise en application d'une politique adéquate en ce sens n'est pas du ressort d'un organisme comme le CRDAT avec des effectifs fort réduits. Cependant, croyons-nous, il importe que l'expertise d'une entreprise de la taille et des compétences d'Hydro-Québec et, plus encore, de l'armée de fonctionnaires du gouvernement du Québec soit mise à profit. Pour paraphraser l'écrivain Pierre

Vadeboncoeur, dans une situation de naufrage, il n'y a pas de moyen terme: ou bien on coule, ou bien on fait tous les efforts nécessaires pour s'en sortir. Dans le contexte économique actuel de l'Abitibi-Témiscamingue, toutes les solutions pensables pour s'en sortir doivent être exposées aux autorités compétentes qui disposent des ressources pour les concrétiser.

Signalons, d'ailleurs, à la suite de cette proposition, que des précédents existent déjà, nous le reconnaissons. Mentionnons, à titre d'exemple, le cas de Pechiney et de Selbaie où le gouvernement a garanti des exemptions très importantes. Il y a aussi le cas de la société Reynolds à Baie-Comeau; le titre d'un article d'un journal local se faisait très explicite en ce sens: "Les surplus d'électricité servent au développement". Citation tirée de: Le Nordic, Baie-Comeau-Hauterive, le 12 novembre 1982. L'entente prévoit que les tarifs d'électricité seront coupés de moitié pendant cinq ans. Voilà un type d'incitatif qui peut permettre le maintien ou l'expansion d'entreprises ou qui peut favoriser l'implantation de nouvelles industries. Voilà, selon nous, comment des surplus peuvent devenir efficaces.

Des tarifs régionalisés. C'est une question qui revient souvent devant cette commission. Voici ce que le conseil régional de développement en dit. Nous venons tout juste de mentionner les difficultés économiques de la région de I'Abitibi-Témiscamingue. Voyons maintenant comment la crise affecte aussi très durement le simple citoyen. Le taux de chômage se

situait à 22,4% en décembre dernier. Il est à 24,8% au moment où nous avons rédigé ce mémoire, en janvier 1983. Le nombre de faillites de toute nature passait de 122 en 1981 à 102 en 1982. Les bénéficiaires de l'assistance sociale voyaient leur nombre augmenter dans une proportion de 9,3%: de 13 958 en septembre 1981 à 15 260 en septembre 1982. Plus encore, il en coûte davantage pour se nourrir, se vêtir et se déplacer.

Ce scénario ne veut pas faire dans l'alarmisme. Qu'il serve seulement à attirer l'attention sur une situation par trop réelle et quotidienne pour une large portion de notre population. Dans ce contexte, le CRDAT croit le moment venu d'étudier les possibilités par lesquelles Hydro-Québec et, bien sûr, le gouvernement pourraient envisager une facture régionalisée de l'énergie hydroélectrique.

La nationalisation des compagnies d'hydroélectricité en 1964 voulait briser des disparités interrégionales par trop criantes, tout en cherchant à faire bénéficier l'ensemble des Québécois d'une ressource fort prometteuse. Ces objectifs ont été atteints. Proposer une tarification régionalisée ne suppose pas qu'on doive renverser la vapeur et revenir à l'anarchie que l'on voulait précisément arrêter. Force est de constater, cependant, que de larges portions de la population, surtout dans les régions périphériques éloignées comme l'Abitibi-Témiscamingue, font les frais d'une uniformisation trop stricte de ce service, selon nous. Sans recréer des écarts dramatiques, il est temps que la machine réévalue sa politique de tarification et fasse en sorte que cette richesse bénéficie aux régions selon leurs particularités propres.

Autre sujet de préoccupation à ce chapitre: le bureau d'Hydro-Québec, région Baie-James. Il est une incongruité dont nous devons faire part à cette commission parlementaire. C'est le fait qu'Hydro-Québec gère le territoire de la Baie-James à partir de la région de Montréal. Le bureau chargé de cette activité possède l'appellation des autres bureaux régionalisés d'Hydro-Québec, mais sans en recouvrer les caractéristiques.

Le CRDAT est déjà intervenu à ce sujet lors de la dernière séance de cette commission parlementaire l'automne dernier. Rappelons-en ici le fondement. L'un des arguments qu'il nous a été donné d'entendre pour justifier cet état de fait est le suivant. Alors que les bureaux régionaux d'Hydro-Québec, tel celui de la région de l'Abitibi, trouvent leur raison d'être du fait qu'il s'y trouve des clientèles à desservir, ce n'est plus le cas du bureau de la région de la Baie-James où il n'y a pratiquement que les centrales et une faible population autochtone.

Compte tenu du fait que le projet La Grande est sur le point d'être complété et que le projet NBR est reporté à la fin de la décennie, la question devient donc la suivante: Pourquoi le bureau d'Hydro-Québec, région Abitibi, ne prendrait-il pas en charge le territoire de la Baie-James? En effet, le territoire de la Baie James a toujours été perçu comme faisant partie de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. D'ailleurs, à l'annonce des travaux de construction des centrales en 1972, l'enthousiasme a saisi tous les développeurs de la région, sauf qu'ils ne comptaient pas avec les méthodes modernes de gestion, semble-t-il, toutes fondées sur l'efficacité et la rationalité économique. Mais depuis lors, la région n'a cessé de revendiquer et de mettre en place des mécanismes pour que ces développements hydroélectriques lui profitent quelque peu. (16 h 15)

Pour l'Abitibi-Témiscamingue, cette recommandation suit une logique orientée sur le développement social et économique de son milieu. En effet, un bureau régional effectue une certaine quantité de ses achats dans la région où il est implanté. Voilà un premier aspect: les retombées économiques par le biais des achats effectués en région par un tel bureau. Un second aspect, c'est celui de l'apport significatif pour le marché local d'un certain nombre de hauts salariés qui, en plus d'augmenter la masse salariale régionale, accroît en même temps le niveau de ses compétences, et c'est fort important pour une région périphérique comme l'Abitibi-Témiscamingue.

Mentionnons encore ce troisième aspect: la présence de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Le développement du potentiel énergétique de la Baie-James a fait naître une génération de chercheurs dont cherche à profiter notre Centre d'études universitaires. Le développement de nos ressources universitaires et de la recherche nordique qui peut s'y rattacher contribuerait à créer chez nous un centre privilégié d'études dans la mesure, toutefois, où la conception qui veut que seuls les grands centres produisent des compétences soit renversée. Ainsi, rapatrier en région des instances, tel le bureau d'Hydro-Québec région Baie-James, peut, dans les proportions qui sont les siennes, bien sûr, contribuer au développement intégral d'une région comme l'Abitibi-Témiscamingue.

Autre sujet de préoccupation pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue: le coût de l'essence. La facture globale pour un citoyen de l'Abitibi-Témiscamingue est plus élevée qu'ailleurs au Québec. Cette assertion se vérifie particulièrement quand on considère les coûts de l'essence, ainsi qu'en fait foi le tableau suivant qui vous présente les coûts comparatifs de l'essence par région administrative du Québec, relevé d'octobre 1982, prix moyen au litre. L'Abitibi-Témiscamingue - on s'en rend compte - vient

au deuxième rang des régions du Québec, après le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, pour le prix de l'essence.

Or, cette situation de fait a largement été expliquée par la concurrence que se livrent les entreprises de ce type selon les régions, les quantités d'automobiles et la concentration de la population, et surtout par les coûts de transport. Outre ces explications, on doit se rappeler que la taxe provinciale sur l'essence se chiffre à quelque 36%, ce qui contribue à créer des écarts substantiels par rapport aux autres provinces canadiennes. Une récente publication de l'Association canadienne des automobilistes illustre que ces écarts vont de 0,355 $ le litre en Alberta jusqu'à 0,527 $ au Québec où le prix est le plus élevé au Canada. Ramené à un niveau de 20% de taxe, comme c'est le cas dans la plupart des provinces canadiennes, le prix de l'essence au Québec serait alors avantageusement comparable au prix payé dans les autres provinces.

Si un gouvernement impose une taxe quelconque, bien sûr, il a sans doute d'excellentes raisons de le faire. Il ne doit pas tenir beaucoup compte, cependant, d'une faible population comme celle de l'Abitibi-Témiscamingue (2,5% de la population québécoise) qui doit alors faire les frais d'une telle surcharge. En effet, selon une étude produite par le Conseil économique de la ville d'Amos, en juin 1981, l'augmentation récente de la taxe sur l'essence peut occasionner des augmentations pour les opérations des entreprises forestières de l'ordre de 150 000 $ annuellement, juste au moment, d'ailleurs, où ces entreprises connaissent des difficultés économiques majeures.

À une demande du CRDAT logée auprès du ministre Parizeau de prévoir une réduction de la taxe sur l'essence, on a répondu que celle-ci servait à financer des services publics offerts à toute la population et que des principes d'équité formaient la base d'une pareille taxation. S'il est équitable que toute la population paie pour les services offerts par l'État, il est moins juste, nous semble-t-il, que des régions subissent plus durement les contrecoups de ces lois.

Le transport en Abitibi-Témiscamingue est un élément fondamental de l'activité économique. La région ne possède pratiquement aucune alternative pour écouler ses produits ou pour se déplacer, comparativement aux centres urbains, de sorte qu'une augmentation de la taxe sur l'essence frappe en plein dans l'essentiel de la vie économique régionale.

En conséquence, nous proposons au gouvernement du Québec de réduire la taxe sur l'essence de façon à rendre les prix comparables à ceux des autres provinces canadiennes. Qu'il cherche à financer ses services publics en taxant plutôt, par exemple, les objets de luxe. Le transport en Abitibi-Témiscamingue n'est pas un luxe, loin de là.

De plus, même si on suppose que la concurrence entre les compagnies distributrices d'essence est la garantie de prix réalistes dans une même région ou entre les régions, il serait important de prévoir une sorte de régie ou d'organisme de surveillance qui, à plus ou moins long terme, serait habilité à observer ce type de marché et à intervenir en cas d'abus.

Autre sujet de préoccupation en Abitibi-Témiscamingue, c'est la question du développement d'usines d'hydrogène.

L'Abitibi-Témiscamingue s'est vivement intéressée à un projet de construction d'une usine pilote d'hydrogène. Un tel projet a été annoncé récemment - je rappelle que le mémoire a été fait au mois de mars dernier et notre région a déjà fait des représentations aux fins de recevoir cette usine pilote. La proximité des centrales hydroélectriques de la Baie-James fait de l'Abitibi-Témiscamingue un site privilégié pour l'implantation d'un tel projet. D'autant plus qu'Hydro-Québec et le groupe Noranda ont mis au point une technologie appropriée à ce type d'énergie. La présence du groupe Noranda dans la ville de Noranda augmente, semble-t-il, encore les possibilités pour réaliser ce complexe en région.

Le gouvernement canadien a, par ailleurs, déjà laissé savoir qu'il comptait développer largement ce type d'énergie au cours des prochaines années. Dans le contexte qui prévaut aujourd'hui, il semble que le Québec pourrait tirer avantage de cette volonté. Nous recommandons donc que la région de l'Abitibi-Témiscamingue soit le site privilégié pour l'implantation d'une usine pilote d'hydrogène et que les pouvoirs politiques soient sensibilisés au potentiel offert par cette région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Autre sujet de préoccupation, le gaz naturel. Le réseau actuel de distribution de gaz naturel en Abitibi-Témiscamingue se limite aux deux seules villes de Rouyn-Noranda et de Témiscaming. Or, dans le contexte où le Québec veut accroître son indépendance à l'égard du pétrole importé, il devient pertinent d'évaluer la possibilité d'étendre ce réseau de distribution à l'ensemble des principales villes de la région. Le réseau actuel est exploité par la compagnie de distribution Le gaz provincial du Nord du Québec Ltée. Il dessert environ 3000 abonnés à Rouyn-Noranda et une centaine à Témiscaming. La compagnie vient aussi de toucher une subvention de 125 000 $ pour l'extension de son réseau à Rouyn-Noranda.

Les principales villes de la région ont déjà fait connaître leur intérêt à un réseau

de distribution élargi. La ville de Val-d'Or compte une population potentielle d'environ 33 000 habitants, si on inclut les villes de Cadillac et de Malartic qui seraient situées en bordure du gazoduc; Amos, 14 000 habitants; La Sarre, 10 000 et Ville-Marie, 3500.

Dans un premier temps, le CRDAT recommande à la Régie de l'électricité et du gaz d'accorder à la compagnie Le gaz provincial du Nord du Québec les franchises nécessaires à l'extension de son réseau. En second lieu, il recommande au gouvernement de réaliser toutes les études pertinentes pour favoriser l'extension du réseau aux villes indiquées plus haut. Enfin, dans la mesure où ces études illustreront la possibilité pratique d'étendre le réseau dans des proportions acceptables, enchaîner toute action en ce sens dans les meilleurs délais.

Dans le contexte actuel des coûts énergétiques aux entreprises notamment, la possibilité d'utiliser le gaz naturel peut occasionner des économies appréciables. L'utilisation maximale des ressources énergétiques dans une économie difficile fait partie de cet esprit qui veut permettre le meilleur rendement au plus bas coût possible. C'est dans ce contexte que l'Abitibi-Témiscamingue souhaite l'extension du réseau de distribution du gaz naturel.

La biomasse, autre sujet de préoccupation dans la région. La ressource forestière et le secteur minier composent l'image distinctive de l'Abitibi-Témiscamin-gue. En effet, on évalue entre 65% et 70% la proportion de la main-d'oeuvre du secteur manufacturier qui en tire sa subsistance. C'est dire l'importance de la forêt et de son exploitation dans le contexte global de l'économie régionale.

À l'échelle de la région, c'est aussi la biomasse forestière qui peut offrir le plus de garanties d'autosuffisance en matière d'énergie. Il se coupe, en effet, quelque 6,5 millions de mètres cubes de bois par année dans cette région de l'Abitibi-Témiscamingue. Dans le contexte d'une politique énergétique adaptée à la région, la biomasse pourrait devenir l'un des pivots autour duquel viendrait se greffer un programme d'action adapté.

Le premier aspect de cette politique devrait porter, selon nous, sur l'évaluation du potentiel énergétique de la forêt de l'Abitibi-Témiscamingue. En effet, il serait malvenu de proposer l'utilisation des forêts régionales propres à l'exploitation commerciale à des fins énergétiques. Voilà pourquoi un relevé des essences et des périmètres de bois utilisables à des fins énergétiques doit d'abord être réalisé. Une fois ce potentiel connu de façon précise, un deuxième élément de politique chercherait à promouvoir l'utilisation de la biomasse forestière à des fins énergétiques, le chauffage d'édifices publics, entre autres. À cet effet, les résidus du bois pourraient avantageusement être mis à profit, comme la sciure de bois, les écorces et même les arbres dégradés et ainsi de suite.

Dans la même foulée, si la région voit son potentiel énergétique à base de résidus forestiers utilisé au maximum, que ce soit les forêts dégradées ou les résidus d'exploitation de la forêt commerciale, il devient nettement pertinent et urgent même de favoriser la régénérescence de la forêt, tant pour l'exploitation commerciale conventionnelle que pour l'utilisation à des fins énergétiques. La région a largement débattu, à un moment ou l'autre, de la nécessité de faire du reboisement de façon intensive. Les besoins de reboisement actuels sont évalués à 18 000 000 de plans annuellement, et non pas à 30 000 tel qu'indiqué dans le texte du mémoire. Les actions en ce domaine devront être accrues si on veut véritablement développer en Abitibi-Témiscamingue un secteur de pointe dans ce domaine énergétique, fondé sur l'exploitation de la biomasse forestière.

Un autre aspect important est celui de la production de méthanol à partir des résidus du bois. Dès 1978, la région de l'Abitibi-Témiscamingue a entrepris des actions dans le but de sensibiliser le gouvernement à l'idée de promouvoir la construction ici d'une usine de production de méthanol. Compte tenu de l'abondante ressource de la région disponible à cette fin, il devient impérieux de rappeler aux instances gouvernementales la volonté régionale de voir se développer ici un complexe industriel de pointe fondé sur la production de méthanol.

Dans cette veine, une société, telle Nouveler, trouverait profit à promouvoir un projet de cette nature en Abitibi-Témiscamingue. M. Guy Drouin, directeur général de Nouveler, n'affirmait-il pas lors d'une conférence prononcée devant le Conseil économique de La Sarre, le 21 février dernier, qu'il "existe au Québec seulement des disponibilités annuelles de biomasse, accessibles économiquement, évaluées à 17 000 000 de tonnes métriques anhydres qui ont une équivalence énergétique d'environ 3 600 000 000 de litres de pétrole. La région 08 (l'Abitibi-Témiscamingue) compte pour environ 23% de ce potentiel, qu'on retrouve surtout sous forme d'écorce, de copeau de sciure et d'arbres marchands laissés en forêt, ainsi que des déchets d'exploitation forestière qui ne sont pas ramassés, etc. Selon les données de cette étude, notre région, la région 08, possède des disponibilités annuelles de 228 000 tonnes métriques anhydres de sciure et de copeaux."

Cette seule citation d'une personne éminente en la matière n'illustre-t-elle pas les énormes possibilités que recèle cette

région de l'Abitibi-Témiscamingue? Voilà pourquoi il importe de développer au maximum le potentiel énergétique de la région et de consigner dans des politiques adéquates les moyens d'action appropriés.

Enfin, toujours à propos de la mise en valeur du potentiel énergétique issu de la biomasse, faut-il encore mentionner la présence en Abitibi-Témiscamingue du Centre d'études universitaires qui, dans la foulée du virage technologique proposé récemment par le gouvernement du Québec, gagnerait à être doté des instruments nécessaires pour développer en région des ressources autant que des compétences, d'autant plus que la richesse disponible est évaluée à 23% de la capacité nationale.

Un outil de politique régionalisée en termes d'énergie... Est-ce que j'ai dépassé mon temps?

M. Duhaime: Pas du tout.

Le Président (M. Vallières): Non, non, M. Trudel. Seulement une insertion du ministre.

M. Duhaime: Je dois m'absenter. J'avais prévenu mes collègues, c'est parce que j'ai un engagement qui est pris depuis 10 heures du matin jusqu'à 10 heures du soir en commission parlementaire. Je voudrais vous donner l'assurance que j'ai pris connaissance de votre mémoire. Je vais laisser le soin à mes collègues d'échanger probablement avec vous. Je voudrais m'excuser d'avance auprès du CRD de la région de Québec également, qui va suivre. Mais je serai en ondes à 8 heures. Si vous voulez m'excuser.

M. Trudel: Est-ce que je pourrais vous poser une question, M. le ministre, avant votre départ?

M. Duhaime: Oui.

Le Président (M. Vallières): M. Trudel.

M. Trudel: M. le ministre, brièvement à propos de la région de la Baie-James et d'Hydro-Québec. Je ne sais pas si c'est définitif, mais il circule un certain nombre d'informations dans notre région à savoir que tout l'entretien des centrales hydroélectriques de la région de la Baie-James - je le disais dans le mémoire tantôt - ne relève pas pour l'instant de la région de l'Abitibi-Témiscamingue mais, pis encore, relèverait dorénavant, en termes de réorganisation des régions administratives d'Hydro-Québec, plutôt d'un bureau situé dans la région de Saint-Jérôme. En posant cette question, je veux vous sensibiliser à cette dimension selon des informations qui circulent très largement dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, que le peu de retombées en termes de main- d'oeuvre qui proviennent de l'Abitibi-Témiscamingue seraient dorénavant, à moyen terme en tout cas, d'ici quelques années, transférées dans la région de Saint-Jérôme.

Deuxièmement, je joindrais à cela deux observations qui aident à comprendre les inquiétudes de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est tout le principe décidé par Hydro-Québec, en termes de société d'État, de faire l'entretien des centrales hydroélectriques à partir du fameux principe du "fly in, fly out", c'est-à-dire de prendre les travailleurs à partir de la région de Montréal, de les entrer huit jours sur le chantier et de les ressortir six jours, de façon telle que l'expression populaire de l'Abitibi-Témiscamingue c'est que cela nous passe encore carrément par-dessus la tête une deuxième fois, comme les travaux de développement du potentiel hydroélectrique de la région l'ont fait largement.

Il y a des prétentions, M. le ministre, là-dessus quant à ce que cela pourrait entraîner en Abitibi-Témiscamingue que l'entretien des centrales se fasse à partir de cette région limitrophe, constituant ainsi une base de main-d'oeuvre beaucoup plus stable que celles de la forêt et des mines qui sont basées sur les marchés mondiaux. (16 h 30)

Dernière observation. Je veux vous signaler aussi que, depuis le moment où nous avons écrit ce mémoire, depuis que l'on parle de ces questions inquiétantes pour l'entretien de la région de la Baie-James, il y a une situation fort dramatique qui est en train de se dérouler dans la ville de Matagami, où on a compté beaucoup sur le développement du potentiel hydroélectrique de la région de la Baie-James. Je voudrais, en particulier, vous mentionner une expression que j'ai entendue il y a une quinzaine de jours, en entendant des intervenants de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. On souhaite que cette commission ne puisse pas être obligée de seréunir à Matagami, comme elle l'a fait à Schefferville, puisque la situation est suffisamment dramatique dans cette ville. Des éléments correctifs comme l'entretien des centrales à partir de la région de l'Abitibi-Témiscamingue pourraient être des solutions, nous semble-t-il, facilement adaptables et fort importantes pour cette région de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est long comme question, mais j'avais cette observation.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Je vais y aller rapidement. Au sujet du bureau de Saint-Jérôme, qui m'a l'air d'être un immense quartier général en devenir - je ne sais pas trop ce qui se passe - il y a même des gens

de l'Outaouais et de la Gatineau également qui m'ont manifesté des craintes disant qu'ils ne voulaient pas être administrés à partir de Saint-Jérôme. Cela m'étonnerait que les tentacules de Saint-Jérôme se rendent jusqu'à la Baie-James, mais, enfin, je vais m'informer là-dessus. De même, pour votre question sur l'entretien des centrales, "fly in, fly out". Je n'ai pas l'impression qu'il y a des économies d'échelle, du moins à première vue. Mais, avant d'aller plus loin dans une réponse, j'aimerais mieux voir avec la direction d'Hydro-Québec quel est leur chiffrier et quels sont les économies d'échelle.

Je pourrais peut-être profiter de votre présence ici pour vous dire que, très prochainement, il y aura un porte-parole de l'Abitibi-Témiscamingue qui siégera au conseil d'administration d'Hydro-Québec. Alors, vous serez en mesure de faire valoir le point de vue de votre région. Cette nomination s'en vient. Cela sera fait. Je me suis engagé envers mon collègue, M. Gendron, ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional, pour que cette nomination puisse être faite d'ici deux ou trois semaines. Je pense que c'est une des revendications du CRDAT. Vous ne l'avez pas évoqué dans votre mémoire, mais je prends de l'avance. Vous pouvez compter là-dessus. D'ici deux ou trois semaines, on sera en mesure de vous donner le nom de l'élu au conseil d'administration. Je pense que cela vous donnera une voix au chapitre. Il m'apparaît important que votre région, de par sa géographie même et son implication dans ces investissements, soit représentée au conseil d'Hydro.

Pour ce qui est des autres questions, j'ai noté celle au sujet de l'entretien des centrales, de Saint-Jérôme et de Matagami et je prendrai des informations là-dessus. J'imagine qu'on va trouver moyen de recommuniquer avec le CRDAT.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, M. Trudel, vous pourriez continuer la présentation de votre mémoire.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Donc, en termes d'outil politique régionalisé pour le développement de cette région, il est une coutume fâcheuse, croyons-nous, quand il est question de proposer des grands axes de développement, que ce soit dans le domaine dont nous traitons actuellement ou dans tout autre. En effet, on a tendance à croire que les régions périphériques n'existent que pour permettre au "Québec de base", c'est-à-dire la région métropolitaine ou la capitale provinciale, de tirer profit de l'exploitation des ressources naturelles qu'on y retrouve.

L'exemple le plus frappant pour l'Abitibi-Témiscamingue reste le développement du territoire de la Baie-James. En effet, dès l'annonce des travaux de développement du potentiel hydroélectrique de la Baie-James, on a créé d'énormes institutions centralisées, telles la SEBJ et la SDBJ. Pendant que la région ici envisageait de façon très positive le développement de ce territoire en raison des retombées économiques et des possiblités d'embauche qu'il susciterait, voilà que ces superstructures s'organisaient radicalement à l'opposé des volontés régionales, laissant les régionaux se dépêtrer avec des taux de chômage records et des industries ou des commerces cherchant à se tirer des situations plus ou moins désavantageuses sur le plan économique.

Nous croyons que, dans cette veine, il est enfin venu le temps où la vapeur serait inversée. Une région, telle la nôtre, dotée du potentiel énergétique dont nous venons d'exposer, à large trait, la nature dans ces quelques pages, estime devoir profiter au premier chef des politiques que le gouvernement jugera bon de mettre en place à la suite des discussions qui auront entouré les présents échanges. En ce sens, nous proposons un renforcement du mandat de la Direction de l'énergie du ministère de l'Énergie et des Ressources lui permettant d'oeuvrer au niveau même des régions, ce qui n'est pas le cas actuellement.

L'ensemble des suggestions émises dans le présent mémoire peuvent être regroupées sous trois grands chapitres: 1. connaître le potentiel régional des différentes formes d'énergie; 2. arrêter un plan d'action pour développer concrètement ce potentiel; 3. régionaliser la recherche et l'exploitation de ce potentiel, au sens d'accroître la possibilité d'autosuffisance énergétique régionale, dont seul l'excédentaire irait à l'exportation.

La ressource énergétique se trouve en Abitibi-Témiscamingue et doit d'abord, selon nous, profiter aux gens de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Toute volonté politique de promouvoir le potentiel énergétique de notre région doit donc inscrire à sa base même ce principe fondamental de régionalisation de la recherche et de l'exploitation de la ressource.

En conclusion, sous le thème général L'énergie, levier de développement économique, la présente commission parlementaire proposait de discuter de quatre sous-thèmes: 1. connaître les opinions des intervenants du milieu sur les orientations de la recherche et du développement énergétique, identifier les avantages comparatifs du Québec en ce domaine et définir les mécanismes de concertation nécessaires; 2. faire connaître au gouvernement l'évaluation que nous faisons de l'évolution anticipée du secteur pétrolier

et les suggestions quant aux mesures à prendre pour en favoriser la restructuration et la consolidation; 3. s'interroger sur la place des investissements énergétiques dans l'économie québécoise; 4. étudier les moyens d'utiliser l'énergie pour favoriser l'implantation de nouvelles industries et la croissance économique québécoise.

En guise de conclusion, voici de quelle façon nous avons abordé ces sous-thèmes dans le présent mémoire. À titre de préalable, notons immédiatement que chaque sous-thème a été abordé dans une perspective régionale, d'abord et avant tout, et que l'accent a été mis sur les types d'énergie plutôt que sur les grandes perspectives de développement.

Au sujet du premier sous-thème, il apparaît nettement, au terme du présent mémoire, que la recherche et le développement du potentiel énergétique régional doivent se faire depuis l'Abitibi-Témiscamingue en concertation avec les agents socioéconomiques du milieu, dont le CRDAT, les commissariats industriels et les entreprises intéressées, pour ne mentionner que ceux-là. Les avantages comparatifs de la région par rapport au reste du Québec sont énormes puisqu'ils comptent pour 23% du potentiel québécois. Des mécanismes de concertation efficaces sont envisageables dans la mesure où des institutions gouvernementales décentralisées accepteront d'oeuvrer sur le territoire de concert avec les intervenants intéressés.

Quant au deuxième sous-thème, il est bien net que la région souffre d'une augmentation sans précédent de la taxe sur le carburant dont la conséquence est le déséquilibre de la structure économique. L'Abitibi-Témiscamingue, de par les distances qui la sépare du reste du Québec, doit compter en premier lieu sur la qualité de son transport. Or, le contexte actuel grève fortement cette industrie et, partant, toute l'économie régionale. La consolidation de notre économie passe, entre autres, par une diminution générale de la taxe sur l'essence.

L'investissement énergétique dans l'économie régionale prendrait des proportions inattendues dans la mesure où des efforts cohérents viendraient le stimuler. C'est l'objet du troisième sous-thème. La biomasse forestière surtout est là, à nos portes, encore plus que l'énergie hydroélectrique. Avec les efforts appropriés et la concertation nécessaire, cet aspect particulier d'une politique énergétique appliquée à la région formerait la base et comme la pierre de touche d'un véritable levier de développement économique pour l'Abitibi-Témiscamingue.

Enfin, touchant le quatrième sous-thème, nous croyons avoir suffisamment indiqué en quel sens l'énergie et, notamment, des mesures particulières appliquées à l'hydroélectricité, comme des tarifs réduits pour les entreprises en difficulté ou en démarrage, peuvent effectivement favoriser l'implantation de nouvelles industries et la croissance de l'économie en Abitibi-Témiscamingue. Dans la même foulée, une entité gouvernementale décentralisée rapprocherait les utilisateurs potentiels de nouvelles sources d'énergie des compétences qui commencent à poindre en ces domaines au Québec.

Voilà donc résumées en quelques pages, les attentes de la région-ressource qu'est l'Abitibi-Témiscamingue. Ces attentes ont toutes été exprimées par le passé, soit à l'intérieur des délibérations du conseil d'administration du CRDAT, ou à l'occasion de ses assises annuelles. Certaines d'entre elles ont déjà fait l'objet de débats soutenus de la part de l'organisme régional, d'autres sont apparues ponctuellement selon la conjoncture ou les besoins. Toutes, faut-il le répéter, ont été formulées par des régionaux qui croient au développement de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, notamment par le biais de politiques adéquates en matière d'énergie, politiques qui, bien articulées, sont susceptibles de provoquer à court, moyen et long terme un véritable dynamisme économique régional.

Enfin, les recommandations consignées dans le présent mémoire ont toutes été entérinées par le conseil d'administration du CRDAT, lors de son assemblée régulière du 24 février dernier.

M. le Président, même si je les ai glissées sous forme de questions au ministre avant son départ, je voudrais répéter plus distinctement devant cette commission, nos préoccupations par rapport à un des sous-thèmes de notre mémoire, c'est-à-dire toute la question de l'exploitation ou de l'entretien des centrales hydroélectriques qu'on a développées sur le territoire de la Baie-James. Cette question fait l'objet d'un très large débat dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Je ne veux pas citer l'ensemble des informations qui circulent ou ont circulé au cours des dernières années sur cette question. C'est une question fort importante. Il semble que la politique administrative même de la société Hydro-Québec soit de faire entretenir ses centrales à partir du principe du "fly in, fly out" c'est-à-dire de faire entrer des travailleurs et de les faire sortir et non de les laisser en permanence sur le territoire, ce qui est une solution acceptable pour tous. On ne peut quand même pas développer des installations permanentes sur ce territoire pour l'entretien des centrales.

Cependant, la région de l'Abitibi-Témiscamingue vivant essentiellement - je vous donnais des chiffres tantôt au niveau manufacturier - de l'industrie du bois et des mines, deux industries très fortement reliées

aux marchés mondiaux et à leurs fluctuations, cela fait en sorte qu'il n'y a pas d'industrie stabilisatrice ou de main-d'oeuvre stabilisatrice dans cette région. La présente crise économique dont nous commençons à voir la fin a été particulièrement dure pour cette région, parce que, effectivement, lorsque le prix du bois baisse, les prix des métaux - même si le prix de l'or s'est maintenu à un assez bon niveau pendant la crise - baissent à un niveau qui n'est pas raisonnable en termes d'exploitation pour les mines. Il n'y a pas d'industrie stabilisatrice dans cette région.

Or, lorsqu'on parle de l'entretien des centrales hydroélectriques, cela signifie 800 emplois qui sont permanents, bien sûr, et qui ne sont pas des emplois de troisième ordre, si vous me permettez l'expression. Actuellement, la façon dont Hydro-Québec a décidé de gérer le territoire administratif de la Baie-James, c'est à partir de la région de Montréal. Certaines méchantes langues disent même qu'on a déplacé dans un deuxième temps les limites de la région administrative de la Baie-James en dehors des villes de Chibougamau et Chapais parce qu'on retrouvait là une population qui aurait pu accueillir des installations d'un bureau régionalisé de la Baie-James. On fait donc cela à partir de Montréal. Le principe d'exploitation des centrales fait aussi que les avions de Nordair cueillent les travailleurs dans la région de Montréal, font un petit arrêt dans la région de Val-d'Or pour prendre les travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue qui ont été appelés à travailler à l'entretien. On se rend compte très rapidement - on pourrait citer des exemples concrets - que les travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue préfèrent très largement déménager dans la région de Montréal, puisque c'est plus facile pour eux, non pas pour conserver leur emploi, mais pour continuer à exercer leur emploi, au lieu de rester dans cette région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Nous croyons qu'il s'agit là d'un aspect très défavorable et qui pourrait, par ailleurs, en termes positifs, constituer une base stabilisatrice pour cette région périphérique très éloignée des grands centres en termes d'économie régionale la plus diversifiée possible. Or, M. le ministre me répondait tantôt qu'il faudrait vérifier s'il y aurait des économies d'échelle à organiser le départ des travailleurs ou le "fly in fly out" à partir de la région de Rouyn ou de Val-d'Or. Des études existent là-dessus et il n'y a pas de différence sensible en termes d'économie que ce soit à partir de la région métropolitaine ou de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, sauf qu'il y a une très grande différence, une énorme différence en termes de coûts sociaux. Lorsque vous voyez les taux de chômage de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, les niveaux de salaires des travailleurs de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, il y a là toute la différence du monde que l'entretien des centrales soit organisé à partir d'une région limitrophe.

Il en a été question par les gens qui ont présenté le mémoire avant le conseil régional de développement: s'il est difficile de concrétiser une politique régionalisée des tarifs d'Hydro-Québec, il nous semble tout à fait normal que les régions limitrophes, qui sont désavantagées quant à certains aspects, puissent au moins profiter d'une base stabilisatrice. Un nombre d'emplois certains fort bien rémunérés pour l'entretien des centrales hydroélectriques constituerait un élément fort dynamique et important pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Un autre élément à ce sujet, c'est que cela pourrait constituer également un apport de main-d'oeuvre qualifiée très important pour une région comme celle de l'Abitibi-Témiscamingue. Je ne citerai qu'un exemple: lorsqu'on pense à cette région de l'Abitibi, on pense beaucoup, plus souvent qu'autrement, au problème des services sociaux et à la difficulté de recruter des médecins. Ce qu'on retrouve souvent en analysant ces difficultés-là, c'est qu'il y a un ensemble de facteurs qui font que ce n'est pas seulement l'éloignement de la région, ce n'est pas seulement la pénurie de la main-d'oeuvre dans un secteur qui fait qu'on a de la difficulté à recruter tel type ou tel autre type de spécialistes pour développer soit les services sociaux, soit les installations universitaires comme l'Université du Québec. Il y a tout un contexte général à créer. Pour un médecin, pour un professionnel, pour tel type d'intervenant de tel secteur, il est aussi intéressant, sinon essentiel, de retrouver un contexte social ou un tissu social qui puisse constituer un milieu intéressant. (16 h 45)

Or, le projet que je vous expose et qui, je pense, est en relation avec les travaux de cette commission permettrait d'ajouter, justement, un certain niveau de main-d'oeuvre dans cette région. En plus de constituer une base stabilisatrice au niveau de l'économie, cela contribuerait indéniablement à enrichir le tissu social de l'ensemble des intervenants au niveau professionnel ou d'un certain niveau s'y rapprochant dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue.

En dernier commentaire, si vous me le permettez, je reprends ce que je disais au ministre il y a quelques instants: il se pose dans la région de Matagami une situation particulièrement difficile. On a investi beaucoup au niveau de toutes sortes d'infrastructures dans cette ville du Nord-Ouest québécois, en misant sur le potentiel de développement qui serait créé par les installations hydroélectriques de la Baie-James et par l'entretien de ces centrales.

Or, la principale industrie de cette ville, Mines Noranda, annonce depuis un an des licenciements assez massifs, ce qui fait que cette population est maintenant réduite à environ 2300 habitants.

Je répète cette phrase que l'on nous a dite au conseil régional de développement, il y a une quinzaine de jours: Lorsque vous vous présenterez devant la commission de l'énergie et des ressources - c'est un peu en boutade, mais souvent cela révèle un fond très sérieux - dites-lui qu'on ne voudrait pas que cette commission soit obligée de venir se réunir à Matagami pour constater, comme à Schefferville, des dégâts irréparables; qu'on y pense plutôt aujourd'hui. En termes de développement, les gens de cette région sont prêts à s'y atteler, ils sont prêts à collaborer avec les organismes gouvernementaux, avec les différents organismes de concertation pour trouver une solution à leurs problèmes. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Trudel. Je vais maintenant donner la parole au député d'Outremont, à moins que le député de Vimont...

M. Rodrigue: Le ministre a eu l'occasion d'intervenir et de poser quelques questions, alors...

Le Président (M. Vallières): Oui, c'est ce que je croyais également.

M. Rodrigue: ...si le député d'Outremont veut y aller avec ses questions.

Le Président (M. Vallières): Alors, on pourrait passer immédiatement au député d'Outremont en vertu du principe de l'alternance.

M. Fortier: Merci. En fait, vous lancez un cri d'alarme - c'est ce que j'ai entendu -pour créer une certaine infrastructure qui permettrait aux gens de la région d'assurer le développement économique de la région. Ce que vous dites, c'est que, à moins de certaines décisions favorisant l'implantation d'un certain nombre de personnes créant un tissu social, c'est à peu près impossible pour ceux qui veulent développer la région de le faire d'une façon favorable.

J'aimerais reprendre certains points. Je vais laisser à mon collègue de Pontiac, qui s'en occupe plus particulièrement, le dossier des terres et forêts et de la biomasse. Je pense que c'est un dossier extrêmement important. Mais pour l'énergie hydroélectrique, on va prendre les points que vous avez soulevés. Vous parlez du coût de la facture énergétique et votre recommandation, c'est d'avoir une tarification incitative. Disons que votre recommandation pourrait être à long terme, mais on peut y penser en termes de la période durant laquelle Hydro-Québec a des surplus d'énergie. Autrement dit, je pense que, au point où vous en êtes, votre réponse serait: Même si c'est pendant trois ou quatre ans, ce serait mieux que rien. À ce moment, une tarification régionale, qui couvrirait, entre autres, votre région, serait la bienvenue. Est-ce que vous pouvez commenter là-dessus?

M. Trudel: M. le député, cela peut aller dans ce sens. Ce que nous voulons souligner, c'est que, pour une région périphérique - une grande région éloignée des grands centres -il y a une facture de transport - lorsqu'on parle de l'industriel - fort importante et, pour le simple citoyen, il y a une facture énergétique dans son ensemble, c'est-à-dire les coûts de l'essence en termes de déplacement et les coûts de l'électricité même, parce qu'il faut aussi compter qu'ilfait plus froid plus longtemps dans cette région où les gens ont accepté de vivre. Cela fait que le total de la facture énergétique, pour un citoyen de l'Abitibi-Témiscamingue, est plus élevé que pour l'ensemble des citoyens du Québec, puisque nous avons une tarification uniforme.

D'autre part, dans le domaine industriel - particulièrement dans le domaine de la forêt, mais c'est aussi vrai dans le domaine des mines - il ne faut pas oublier qu'il faut que l'industriel paie d'abord une facture énergétique d'essence beaucoup plus élevée parce qu'il faut qu'il aille chercher la ressource souvent loin du lieu de transformation primaire et aussi il doit ensuite porter cette ressource vers les grands centres et les marchés, ce qui fait qu'il y a des coûts de transport tant pour aller chercher la matière que pour l'exploration.

Nous savons que c'est difficile à examiner. Nous savons très bien que c'est une question délicate et difficile. Nous disons que les citoyens de cette région contribuent, en termes de ressources, à fournir des éléments fort importants, mines, forêts, agriculture, des ressources de base à l'ensemble du Québec. Il nous semble qu'il y aurait possibilité d'examiner des mesures d'équité sociale qui feraient que nous pourrions parvenir à une certaine équité en ayant des tarifs d'hydroélectricité régionalisés, ne serait-ce que dans le sens que vous le soulignez, c'est-à-dire qu'en période de production de surplus on puisse au moins jouir de ces avantages. Mais nous citions ces surplus pour dire qu'il y a déjà des installations hydroélectriques qui ne sont pas utilisées.

M. Fortier: Mon commentaire était à savoir que, dès septembre 1982, lorsque j'ai vu qu'il y avait des surplus hydroélectriques,

je me suis dit: Est-ce qu'on va laisser les turbines statiques? Tant qu'à laisser couler l'eau dans la rivière... Comme le disait le ministre: De toute façon, Hydro-Québec doit payer les intérêts sur le capital; elle doit rembourser la dette. Autrement, il faudrait se poser la question et se creuser la tête pour savoir ce qu'on peut faire avec ces surplus-là. Cela me semblerait pour le moins aberrant que, durant cette période-là, on ne trouve pas autre chose que de dire qu'on va laisser les turbines statiques et qu'on va laisser couler l'eau dans la rivière. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure que, quant à moi, j'appuie la politique du gouvernement qui dit: Si des compagnies comme Pechiney ou Reynolds décident d'investir en se basant uniquement sur la question de la facture énergétique avec un escompte de 50% pendant quelques années, c'est certainement une utilisation intelligente de nos surplus d'électricité.

Par ailleurs, en dépit de cela, parce que ces deux sociétés n'utiliseront pas la totalité des surplus énergétiques, on doit se poser la question: Qu'est-ce qu'on fait avec tout ce surplus qui va continuer à exister encore pendant trois ou quatre ans? Dans ce sens-là, je retiens votre recommandation; du moins pour la période des surplus, on doit chercher à les utiliser de la façon la plus intelligente possible.

En ce qui concerne les coûts comparatifs de l'essence, vous rejoignez une de mes préoccupations. Au printemps dernier, j'avais organisé un débat du vendredi. Dans notre jargon, le débat du vendredi est un débat où un député de l'Opposition peut demander à un ministre de venir débattre d'un sujet donné. J'avais, justement, discuté de ce problème de la taxe ascenseur - ou de la taxe Parizeau, comme on l'appelle - eu égard aux régions éloignées. J'avais utilisé les statistiques du ministère de l'Énergie et des Ressources en particulier qui donnent la consommation d'essence pour chacune des régions administratives. On connaît la population du Québec dans chacune de ces régions-là. Il était bien clair que la consommation d'essence dans les régions est plus élevée per capita qu'elle ne l'est à Montréal. Enfin, c'est le bon sens qui le dit, mais les statistiques sont là pour le prouver. En ajoutant à cela, par ailleurs, le fait que les revenus personnels per capita sont moins élevés en région qu'ils ne le sont à Montréal, je pouvais arriver avec des facteurs, à savoir que la Gaspésie - ou l'Abitibi, je crois -était deux fois et demie plus pénalisée que Montréal. Je ne me souviens pas exactement des chiffres, mais ils étaient très significatifs, justement, pour conclure qu'à mon avis cette taxe-là non seulement affectait les individus en tant qu'individus, mais affectait le développement économique des régions.

Je pense bien qu'on ne doit pas s'en réjouir et je ne cherche pas à me faire du capital politique. Je crois que votre mémoire est très explicite là-dessus lorsque vous dites qu'à votre avis cela s'est ajouté à la crise économique qui est survenue depuis octobre ou novembre 1981. C'est à ce moment-là, d'ailleurs, que la taxe ascenseur avait été imposée et cela a été un handicap additionnel surtout pour les régions éloignées qui étaient défavorisées, comme la vôtre.

Je vais laisser mes collègues ministériels faire leurs commentaires. De notre côté, bien sûr, on va continuer à demander que ce genre de taxe qui affecte d'une façon démesurée les régions éloignées, pour les motifs auxquels vous venez de faire allusion, soit retirée aussitôt que possible. Il faudrait bien trouver une façon de ne pas pénaliser les régions éloignées qui, de toute façon, l'étaient déjà avant que la crise survienne.

Concernant Hydro-Québec, nous aurons l'occasion d'entendre ses représentants le 4 octobre selon le programme que nous avons ici. Ce sera dans quinze jours. Je sais qu'il y a de grands changements à Hydro-Québec. On réorganise toutes les régions. On veut rationaliser. D'ailleurs, les demandes que vous faites ne sont pas nouvelles puisque la dernière fois que vous êtes venus ici, c'était en relation avec la Société de développement de la Baie-James, si ma mémoire est fidèle.

M. Trudel: C'est exact.

M. Fortier: Ceci demande une action politique. Je pense qu'on ne peut pas reprocher à Hydro-Québec, d'une part, de prendre les décisions les plus économiques possible; c'est vous-même qui le dites dans votre texte. Mais je crois que là il y a une décision politique qui doit être prise dans le meilleur intérêt des régions. Comme le ministre s'est engagé à étudier cette question et à voir ce qui peut être fait, je veux simplement vous assurer que nous allons faire le suivi et appuyer vos recommandations, surtout si, comme vous l'avez dit, les études démontrent que, sur le plan des coûts, strictement, il n'y a pas de coûts additionnels, cela étant plutôt une décision de management, une décision administrative comme telle.

La biomasse et les terres et forêts, je crois que ce sont les facteurs les plus importants de votre mémoire. D'une façon générale, comme je l'ai dit au départ, ce que je retiens de votre mémoire, c'est le cri d'alarme, à savoir qu'il faut qu'il y ait concertation entre la région et les agents économiques. Ce que vous nous dites, c'est que les agents économiques sont prêts à faire leur part, mais il va falloir qu'il y ait concertation entre les sociétés d'État, le gouvernement et les représentants de votre

organisme, le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, pour assurer une certaine survie, une certaine relance. Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, dans son mémoire, le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue fait une suggestion, à savoir que, pour une période donnée, il y ait des tarifs préférentiels d'accordés à la région. Bien sûr, cela pose tout le problème de savoir si, au Québec, on va revenir aux tarifs régionaux qu'on a déjà connus dans le passé. J'ai vécu à Rouyn de 1950 à 1960. Je me rappelle même qu'à l'époque on avait le 25 cycles. C'était tel qu'on pouvait voir clignoter la lumière; on percevait le clignotement de la lumière à chaque changement de cycle. Il y a eu, après la nationalisation en 1962, des investissements importants consentis par Hydro-Québec, d'abord pour transformer le 25 cycles en 60 cycles et moderniser l'équipement domestique et industriel des résidents de l'Abitibi-Témiscamingue, du moins pour une partie d'entre eux. Ces investissements s'étaient chiffrés à 9 000 000 $, si je me souviens bien. Hydro-Québec avait absorbé la facture. Donc, l'ensemble des Québécois avaient absorbé la facture pour moderniser le réseau là-bas et, en même temps, faire la transformation de tous les équipements. Je pense que les gens de l'Abitibi-Témiscamingue ont largement profité de la nationalisation, sur ce plan-là j'entends, et ils ont également profité du fait que les tarifs ont été uniformisés dans tout le Québec. C'était bien avant le développement de la Baie-James. Cela tombe sous le sens que des régions éloignées, où les distances sont beaucoup plus grandes et, évidemment, les populations moins denses, cela coûte plus cher à desservir que des régions très populeuses comme les grands centres qu'on connaît. Sur ce plan-là, en tout cas, il y a nettement un appui important qui est accordé par les régions densément peuplées aux régions qui le sont moins, par une tarification de l'électricité qui est uniforme. (17 heures)

D'ailleurs, je sens une contradiction dans votre mémoire; je veux vous en parler non pas pour faire une polémique, mais plutôt pour essayer de comprendre. D'une part, vous demandez des tarifs d'électricité préférentiels et, d'autre part, vous demandez l'uniformisation des prix de l'essence. Je vous avoue que j'ai de la difficulté à concilier ces deux recommandations, parce qu'il me semble qu'elles partent de considérations un peu contradictoires. J'aimerais que vous puissiez en parler un peu plus pour essayer de comprendre. De prime abord, cela donne l'impression qu'on est devant deux solutions diamétralement opposées pour des problèmes semblables.

J'aurai d'autres questions après, mais, si vous voulez y répondre immédiatement, je vais vous le permettre.

M. Trudel: Je serai très bref dans la réponse. L'objectif fondamental recherché dans les affirmations du conseil régional de développement, c'est à partir de la prémisse que la facture énergétique globale pour le citoyen ou pour l'entreprise est plus élevée pour cette région périphérique. Comme vous le disiez, cela tombe sous le sens compte tenu d'un ensemble de facteurs.

Dans le cas de l'électricité, de l'hydroélectricité, nous reconnaissons tout ce travail d'uniformisation qui a été fait à partir de la nationalisation de l'électricité et que l'Abitibi-Témiscamingue a été, c'est vrai, une région qui en a largement profité. Comme la facture totale est plus élevée, nous demandons s'il y a moyen de faire une partie du rééquilibre en régionalisant les tarifs de l'hydroélectricité. Je le dis encore une fois: Nous savons que c'est difficile, mais on peut essayer d'y parvenir, d'une part.

D'autre part, au niveau de la facture énergétique à partir de l'élément essence, nous constatons des disparités. Nous disons que nous ne réclamerons pas, bien sûr, que le prix de l'essence soit moins cher dans cette région qu'ailleurs au Québec, mais, à tout le moins, qu'il soit uniforme par rapport à l'ensemble des régions du Québec. Si on en arrive à une uniformisation, déjà, cela pourrait constituer ce premier pas du côté de l'essence, qui a été si bien fait au niveau de l'électricité, nous le reconnaissons, en 1962. Nous le prenons donc sous l'aspect global en disant: Dans le cas de l'essence, nous vivons cette situation. Si on peut en venir, au moins, à une normalisation partout au Québec, pour nous, cela voudra probablement dire une baisse, si on parle de coût normalisé, en plus de faire un pas du côté de l'hydroélectricité. Fondamentalement, à mon avis, il n'y a pas de contradiction dans le fait de dire: Si on part de la prémisse que cela coûte plus cher dans cette région,tant au point de vue industriel qu'au point de vue du citoyen, pour les différents éléments qui constituent cette facture énergétique, est-ce qu'on ne peut pas en arriver à une baisse générale, de façon à équilibrer cela par rapport aux autres régions du Québec, puisque l'ensemble est plus cher actuellement?

M. Rodrigue: Je ne sais pas si le ministre a eu l'occasion de le faire. Il m'a demandé tout à l'heure de l'excuser auprès de vous du fait qu'il a dû quitter pour une

réunion importante.

Dans les recommandations que vous faites, vous souhaitez également que le gaz naturel soit disponible à La Sarre, Amos, Val-d'Or et dans d'autres municipalités de la région. Je voudrais savoir s'il y a eu des évaluations des marchés potentiels de ces villes parce que Val-d'or et Rouyn sont distancées de 62 milles, si je me souviens bien; c'est quand même des coûts importants. Est-ce qu'il y a eu également des évaluations des coûts d'immobilisation de ces prolongements du réseau gazier? Entre autres, pour ce qui est du prolongement du réseau de distribution, cela pourrait possiblement être financé par un programme qui s'appelle PERD, le programme d'expansion des réseaux de distribution. Est-ce que vous avez examiné ces facteurs-là et, si oui, quels sont les éléments quant au marché? Quel est le potentiel du marché, quels sont les coûts du prolongement du réseau?

M. Trudel: On nous dit, M. le député, du côté de la société qui fait la distribution du gaz dans la région, qu'elle est prête à faire cette étude précisément. Elle serait partagée tiers-tiers-tiers dans le sens suivant: tiers, la compagnie; tiers, je pense, le programme que vous citez en termes d'aide du gouvernement; et un autre tiers par les populations locales. Les informations que nous avons au niveau local nous disent que la population est prête, que différents organismes sont prêts à contribuer pour la partie du tiers, que la compagnie est décidée pour son tiers, mais qu'elle attend. Je le dis sous toutes réserves, je tiens ces informations de la compagnie, c'est-à-dire qu'elle attend le tiers de la partie gouvernementale pour effectuer cette étude de rentabilité du programme dont vous parlez. Elle serait disposée à compléter cette étude à l'aide de ces fonds.

M. Rodrigue: Gaz provincial du Nord. C'est cela?

M. Trudel: Voilà!

M. Rodrigue: Un dernier point. Vous parlez aussi de favoriser, par des politiques adéquates, l'utilisation des résidus du bois à des fins de production d'énergie. Là aussi, est-ce qu'il y a eu des évaluations de coûts? Je sais qu'à Hydro-Québec, entre autres, on a examiné la possibilité de développer des centrales à l'aide de tourbières et d'autres produits comme ceux-là et, finalement, on a cessé assez rapidement les études parce que les coûts étaient faramineux comparés à ceux de l'énergie hydroélectrique ou du pétrole. Il y a peut-être des facteurs locaux qui peuvent jouer pour que ces coûts soient concurrentiels. J'aimerais savoir s'il y a eu des études faites là-dessus, s'il y a des coûts qui ont été évalués pour l'utilisation de ces résidus à des fins énergétiques.

M. Trudel: Malheureusement, en tout cas, du côté du Conseil régional de développement nous n'avons pas d'études très précises à savoir si la production de cette forme d'énergie à partir de la biomasse serait concurrentielle, mais c'est précisément ce que nous disons aussi dans notre mémoire. Nous demandons aux organismes gouvernementaux concernés, en termes de politique d'énergie et ressources, au moins de connaître le potentiel régional des différentes formes d'énergie et, de là, les comparer avec ce que nous avons comme source d'énergie actuellement et aussi tenter d'établir une comparaison avec ce que cela pourrait signifier pour l'avenir. Qui dit que nous sommes à l'abri d'une autre crise du pétrole, comme celle de 1973? Ces études -à partir du moment où nous les connaîtrions, nous connaîtrions le potentiel et le coût en termes de production - nous seraient peut-être fort utiles au moment où le Québec -comme d'autres sociétés - pourrait vivre d'autres crises énergétiques.

Mais en réponse à votre question, nous n'avons pas, au Conseil régional de développement, d'études très précises là-dessus. Il s'agit plutôt d'un sujet de préoccupation. Relativement à la production d'énergie à partir de la biomasse, le résidu des produits du bois ou du bois lui-même, il y a une forte réserve en termes de potentiel dans cette région et une forte réserve de résidus surtout, de déchets que nous n'utilisons pas actuellement. Encore faudrait-il voir si cela peut être utilisé à des coûts comparables ou à des coûts compétitifs.

M. Rodrigue: Pour les fins de l'énergie électrique, Hydro-Québec avait examiné la possibilité d'implanter cela sur l'île d'Anticosti, qui est un réseau isolé. Pour ce qui est des zones couvertes par le réseau principal, il n'y avait pas d'intérêt à le faire. Cependant, dans le domaine industriel, avec des chaudières, tout cela, peut-être qu'il y a là des possibilités; enfin cela reste à voir. Merci.

Le Président (M. Vallières): Oui?

M. Trudel: Excusez. M. le député, juste un commentaire là-dessus, peut-être.

Le Président (M. Vallières): M. Trudel.

M. Trudel: Je sais qu'il y a effectivement par ailleurs des expériences qui ont été faites dans le sens que vous indiquez avec la compagnie Domtar à Lebel-sur-Quévillon. Ce sont des chiffres de compagnies privées, mais les informations

que nous avions, il y a un an, nous indiquaient que même au tarif actuel pour la production de pâte de papier, comme dans le cas de l'usine à papier de Lebel-sur-Quévillon, cela pouvait être très compétitif sinon réduire de beaucoup la facture énergétique. Alors, c'est dans ce sens que nous parlons d'études qui pourraient nous aider à prendre position là-dessus.

M. Rodrigue: Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Pontiac suivi du député de Montmagny-L'Islet.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Trudel, vous avez fait état dans votre mémoire au fait que vous demandiez qu'avec les surplus d'énergie électrique, vous auriez pu avoir un taux préférentiel et que des entreprises auraient pu continuer leurs activités. Ensuite, vous avez mentionné l'effet de la taxe sur l'essence qui est au moins 20% de plus au Québec qu'ailleurs au Canada et, à cause du transport de la matière première et du produit fini, cela représente une grosse partie du coût de production.

Est-ce que vous avez pu évaluer, en présumant que vous auriez pu avoir une oreille attentive de la part du gouvernement de vous donner cette période avec les surplus d'électricité et en supposant que le ministre des Finances aurait permis d'abaisser la taxe à 20%, si des emplois auraient été protégés? Est-ce qu'il y a des compagnies qui auraient pu continuer leurs activités en de telles conditions?

M. Trudel: Non. Nous ne pouvons répondre à votre question de façon très précise. Nous nous référons plutôt à une étude qui avait été faite - nous le disons dans notre texte - par la ville d'Amos qui disait que pour des compagnies de bois en particulier, ces augmentations pouvaient signifier des coûts annuels de l'ordre de 150 000 $. Alors on pense ici à une compagnie comme J.R. Lumber d'Amos qui a vécu d'énormes difficultés et a dû fermer ses portes. Je ne veux pas dire à cette commission que cette compagnie a fermé ses portes uniquement à cause de l'augmentation du coût de production lié aux frais de l'essence qui ont augmenté, mais il semble que c'est une part importante des difficultés de cette compagnie reliées à sa fermeture et à ses problèmes de réouverture avec une autre compagnie. Alors, je ne peux pas vous citer combien d'entreprises, mais ce que nous savons de façon générale, c'est que deux petites entreprises de sciage, des entreprises comme celles que je viens de citer, dans le coin d'Amos, ont dû fermer leurs portes à cause de difficultés économiques et les facteurs qui ont causé ces difficultés étaient, entre autres, reliés à ces questions énergétiques dans l'entreprise. Ce que nous disons, c'est d'isoler le facteur précisément et dire: Voilà, il y a une relation de cause à effet très directe. Cela demanderait une étude très spécialisée. Mais les industriels que nous avons rencontrés - j'ai moi-même présidé, l'année dernière, deux sommets forestiers un dans la région du Témiscamingue et un dans la région d'Amos - les exploitants forestiers ont été unanimes à déplorer cette taxe sur l'essence qui leur causait énormément de difficultés. Encore là, à l'occasion de ces sommets avec les exploitants forestiers, il est difficile de chiffrer pour chacun en quoi la facture énergétique, à quelle part de difficulté, cela contribue, si vous me permettez l'expression, dans l'entreprise sauf que tous les exploitants forestiers présents autour de la table - cela veut dire une vingtaine dans la région d'Amos et une vingtaine aussi dans la région du Témiscamingue - nous ont tous dit que c'était là une difficulté énorme pour eux en termes de survie, de protection de l'emploi et de développement surtout.

M. Middlemiss: À la page 14, vous faites état que le nombre de plants dont vous auriez besoin annuellement pour le reboisement se chiffre à 18 000...

M. Trudel: 18 000 000.

M. Middlemiss: 18 000 000 - c'est écrit 18 000. Est-ce que vous savez combien de plants sont disponibles pour la région présentement, pour l'année 1983?

M. Trudel: Oui, M. le député. On peut peut-être citer des chiffres et faire une comparaison à partir de 1981-1982. En 1981- 1982, on a replanté 4 000 000 de plants; en 1982-1983, 3 300 000 plants. Il est prévu pour 1983-1984 - ce sont les chiffres du ministère de l'Énergie et des Ressources en région - 8 000 000 de plants dans la forêt publique et 3 500 000 plants dans la forêt privée. Il est important de mettre ces chiffres, autour de 12 000 000 de plants, en relation avec les coupes annuelles. En 1982- 1983, par exemple, on aurait coupé 6 200 000 mètres cubes de bois dans cette région. Alors, il faut faire un peu de transformation ici où, généralement, on nous dit que pour remplacer un mètre cube de bois coupé, il faut planter environ 3 arbres. Si on fait la proportion et que je dis dans le texte que pour 1982-1983, il est prévu au total environ 18 000 000 de plants, cela veut dire qu'on replanterait - je ne dis pas qu'on a replanté - uniquement ce qu'on a coupé pendant cette année. Cela veut dire qu'on ne fait aucun rattrapage sur l'ensemble des grandes surfaces qui ont déjà été

coupées. Considérons le rattrapage, pour fins d'échange ici, pour les années 1981-1982 et 1982-1983 où on n'a même pas à remplacer le nombre d'arbres qu'on avait coupés, ce qui va nous mener à un problème extrêmement grave ou peut-être à des ruptures de stock au cours des 15 ou 20 prochaines années. Cela est fort important pour cette région, d'autant plus qu'au fur et à mesure que l'on remonte vers le nord, pour aller chercher la matière ligneuse plus au nord, bien sûr le bois rapetisse, les coûts augmentent, alors cela triple, si vous me permettez l'expression aussi, les difficultés en termes d'approvisionnement.

M. Middlemiss: Est-ce qu'on pourrait dire qu'au point de vue déficit de coupe vis-à-vis le reboisement, on aurait un déficit de l'ordre de 25%?

M. Trudel: Sans aucun doute, si je prends les chiffres que j'ai devant moi de 1981-1982 par rapport à 1982-1983. On a un déficit, en termes de reboisement par rapport à ce qui a été fait et ce qui est prévu en 1983-1984 puisque, encore une fois, les chiffres de 1983-1984 ne prévoient que reboiser ou replanter à peu près ce qu'on aura coupé et on ne fait pas le rattrapage.

M. Middlemiss: Oui.

M. Trudel: 25%, je pense que oui.

M. Middlemiss: On a certainement eu l'occasion de faire état de cette chose. On avait attiré l'attention du ministre sur le fait qu'il semblerait qu'au Québec, on était certainement déficitaire d'au moins 25% dans tout le Québec comparativement à d'autres provinces comme la Colombie britannique et l'Ontario, par exemple, qui, elles, ont un déficit entre 8% et 11%. On trouvait qu'il y avait certainement des choses à faire, surtout ici au Québec, parce que l'industrie forestière est tellement importante pour l'économie du Québec. Il faudrait certainement prévoir pour le futur de ne pas avoir de rupture de stock. (17 h 15)

Au fait, vous mentionnez aussi que dans le domaine de la biomasse, disons qu'un jour vous aimeriez avoir une usine de méthanol. Je sais que dans Montmagny-L'Islet on a déjà débuté un projet, une première phase, pas nécessairement le méthanol mais la production de gazogène à partir de produits qui restent de la forêt. Vous avez demandé de faire un genre d'inventaire des essences qui ne sont pas utilisables pour les pâtes et papiers ou dans les scieries. Vous avez demandé de faire un inventaire. Est-ce que cette demande a déjà été faite ou est-ce que c'est la première fois que vous exprimez ce voeu au ministère de l'Énergie et des

Ressources?

M. Trudel: De façon aussi claire et aussi précise, c'est la première fois que nous faisons cette demande. Nous l'avions fait au moment où la crise économique était à son plus fort, mais de façon plus précise c'est la première fois que le CRDAT réclame cette étude de l'inventaire du potentiel énergétique, en particulier sous l'aspect déchets ou essences d'arbres qui pourraient être utilisés pour la production de méthanol ou autre forme d'énergie; c'est la première fois que formellement nous le mentionnons au gouvernement du Québec.

M. Middlemiss: Comme vous l'avez mentionné au député de Vimont tout à l'heure, c'est en prévision des années à venir, au cas d'une autre crise de pétrole, alors que le méthanol deviendrait une alternative rentable au point de vue de l'économie.

Ce matin on a eu l'occasion d'entendre un groupe qui nous a mentionné que, vu l'immensité des pertes qu'on a dans la forêt, si on pouvait enlever la taxe sur le méthanol, ils auraient peut-être un prix compétitif avec le pétrole dans un horizon de cinq à dix ans. C'est certainement quelque chose qu'il faudrait regarder. Dans ce sens-là, vous n'avez jamais regardé quelles seraient les retombées de la création d'emplois en forêt pour compenser pour la perte que le gouvernement aurait, dû au fait qu'il n'y aurait pas de taxe sur le méthanol.

M. Trudel: Nous ne l'avons pas chiffré en soi, cette proportion. Ce que nous disons toujours, c'est que les entreprises du secteur nous disent qu'elles laissent dans le cycle de la production une grande proportion de la fibre ligneuse, les déchets, les souches, les feux, etc. dans la forêt ou même, comme je le disais tantôt, les arbres marchands qui ne sont pas conformes, utiles au bois de sciage. Ce qu'on se dit, c'est qu'à partir du moment où on trouverait une voie pour utiliser cette matière ligneuse, qui est proche, dans cette région de l'Abitibi-Témiscamingue, dans la mesure aussi où cela pourrait contribuer et au développement du Québec et au développement de la structure industrielle de la région de l'Abitibi-Témiscamingue on dit: Regardons au moins quelles pourraient être les possibilités d'utilisation de ces déchets, de ces résidus pour contribuer au développement économique de la région d'abord, mais aussi de l'ensemble du Québec, si, bien sûr, les chiffres que nous pourrions découvrir à cet égard, à cette occasion, nous amènent à dire que oui c'est rentable. Nous ne voulons pas affirmer par là qu'il faut absolument produire du méthanol. D'autres pays ont fait l'expérimentation de ce type de carburant. Ce que nous disons, c'est qu'il y a

tout intérêt et pour l'Abitibi-Témiscamingue et pour le Québec de diversifier les sources d'approvisionnement en termes énergétiques. Voilà une des occasions que nous aurions peut-être de prévoir pour l'avenir la diversification des sources énergétiques pour le Québec.

M. Middlemiss: D'accord, merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. LeBlanc: M. Trudel, vous avez dans votre éloquent mémoire plaidé en faveur d'une régionalisation d'une planification gouvernementale dans le secteur énergétique. J'aborde le même sujet que vient d'aborder mon collègue qui m'a précédé. Vous apportez dans votre mémoire une contribution intéressante également vis-à-vis l'utilisation maximale de la biomasse forestière. Étant une région du Québec à fort potentiel forestier, même s'il existe dans votre région cette autre activité économique importante que sont les mines, le secteur forestier demeure toujours chez vous extrêmement intéressant.

Je suis content de cette contribution que vous apportez vis-à-vis de l'utilisation de la biomasse en fonction de la production de méthanol. Cet avant-midi, j'étais absent, mais je suis au courant du contenu du mémoire qu'a présenté la société Nouveler. L'initiative de Nouveler, d'ailleurs, dans ce domaine est à signaler et certainement que l'Abitibi-Témiscamingue est incluse dans les projets à long terme de Nouveler lorsqu'on parle de potentiel forestier. Il est à noter que l'usine de méthanol en construction à Saint-Juste-de-Bretenières est une usine pilote. Je pense que l'expertise qui y sera développée fournira des indications intéressantes sur les possibilités de développement futur. Je pense que lorsqu'on parle - j'y reviendrai dans la question que je veux vous poser - de planification, on parle de futur, on parle d'avenir.

Il y a un court paragraphe de votre mémoire - les dernières lignes de votre mémoire - qui fait référence à une direction de l'énergie décentralisée. Vous n'explicitez pas tellement sur ce sujet. Je voudrais avoir un petit peu plus de détails sur ce que vous entendez par la formation de cette direction décentralisée dans le domaine de l'énergie.

M. Trudel: II s'agit pour nous d'une préoccupation qui peut s'exprimer de façon assez simple. La plupart des ministères provinciaux ont des directions générales, des bureaux régionaux qui sont à l'écoute des citoyens, des organismes dans la région et qui permettent un meilleur contact avec tout l'appareil gouvernemental et le rôle de l'État dans le développement économique et social.

Or, le ministère de l'Énergie et des Ressources n'a pas de bureau régional, du moins pas dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Il nous apparaît que cela cause un certain préjudice en termes de relations entre les besoins exprimés par cette région et la façon de concevoir le développement de l'énergie au Québec et en particulier en Abitibi-Témiscamingue. De là le titre de notre mémoire, L'énergie, levier de développement économique pour l'Abitibi-Témiscamingue.

Nous pensons qu'il serait de bon aloi que le ministère de l'Énergie et des Ressources, comme beaucoup d'autres ministères l'ont fait au Québec, puisse avoir des bureaux régionaux, en particulier dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, qui contribue à maints égards, pour une grande proportion, au potentiel énergétique du Québec en termes d'hydroélectricité, en termes de production forestière et minière. Comme il s'agit là de responsabilités du ministère de l'Énergie et des Ressources, il serait fort important que nous ayons, en région, ce que nous pourrions appeler une antenne du ministère de l'Énergie et des Ressources. C'est ce que nous voulons signifier dans le paragraphe de notre mémoire, c'est-à-dire des directions au niveau du ministère qui puisse retrouver à tout le moins des antennes dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est là une réclamation que nous faisons depuis fort longtemps et qui n'a pas encore trouvé écho auprès du gouvernement du Québec.

M. LeBlanc: Je vous remercie, M. Trudel, de ces explications et de la qualité de votre mémoire également.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. Trudel, à partir de la page 20 de votre mémoire, vous avez plusieurs suggestions sommaires de ce que vous avez dit dans votre rapport. Est-ce que les recommandations que vous faites sont toutes hypothétiques ou s'il y a eu des démarches faites pour réaliser ces différentes recommandations? Y-a-t-il des négociations qui se poursuivent actuellement? À quel point sont rendues les recommandations? Est-ce que des démarches concrètes ont été faites auprès du ministre ou d'autres organismes impliqués dans l'affaire?

M. Trudel: Là-dessus, si vous me le permettez - je pourrais prendre les recommandations une à une mais on pourrait les regrouper - il y a dans certains secteurs, je dirais, sinon des négociations, du moins des pressions très fortes. Là, je veux revenir sur cette question du bureau d'Hydro-Québec à la Baie-James. Je ne suis plus capable de

compter le nombre de rencontres que nous avons réclamées et obtenues avec les dirigeants d'Hydro-Québec, avec les dirigeants de la région de la Baie-James pour nous expliquer pourquoi on administrait cette région à partir de l'extérieur et pourquoi on ne s'était pas imbriqué dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Chaque fois, avec des explications assez sophistiquées, on nous a dit que c'était la norme administrative -cela se conçoit par rapport à certains éléments - que c'était plus facile et plus économique et qu'il y avait des facilités, en termes de centralisation, d'exploiter cela à partir de la région de Montréal ou de la région de Québec. C'est dans ce sens que je peux dire: Oui, il y a des négociations, mais nous sentons, en particulier de la part de la société Hydro-Québec, une résistance énorme, une résistance qui, pour beaucoup de citoyens qui reviennent régulièrement au conseil de développement, est une attitude de la société qui est inacceptable par rapport à la région de la Baie-James, par rapport à la région de l'Abitibi-Témiscamingue.

J'ai présidé le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue en 1981-1982. Je suis membre du comité exécutif depuis deux ans et, si ma mémoire est fidèle, il n'y a pas une réunion du conseil d'administration - il y en a un minimum de quatre par année - où cette question de la région de la Baie-James ne revient constamment, pas en tant que problème comme tel, mais en tant que contribution au développement économique de cette région. Constamment on y revient et les intervenants sont très préoccupés. À la dernière réunion - ce que je vous amenais -ce sont les gens de Matagami qui ont convoqué le conseil régional de développement en disant: Écoutez, on vous appelle, on est en train de crever. Un des éléments de solution c'est la décentralisation, la déconcentration d'organismes comme Hydro-Québec ou de parties de cette société dont les activités sont reliées à cette région de la Baie-James. Voilà pour cet élément.

Je cite dans le mémoire que pour la taxe d'essence, nous avons fait parvenir nos doléances au ministre des Finances du Québec quant à l'organisme de surveillance des prix. Encore là, il ne s'agit pas de négociation, il n'y a pas d'échanges suivis comme tels, mais c'est une réclamation qui a été faite auprès du ministre il y a quelque temps.

Quant à l'usine d'hydrogène, je regrette un peu que M. le ministre de l'Énergie et des Ressources ait dû s'absenter. Effectivement, il y a beaucoup de négociations ou d'échanges qui se font avec le ministère par l'intermédiaire, en particulier, du député de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, M. Gilles Baril, qui nous a permis de rencontrer à plusieurs occasions le ministre de l'Énergie et des Ressources sur la possibilité d'installation de cette usine dans la belle région de la Mauricie. Nous pensons que l'Abitibi-Témiscamingue a des éléments forts à faire valoir pour que cette usine puisse s'implanter dans cette région. Je dois dire, à cet égard, que la députation régionale nous a permis d'avoir accès au ministère de l'Énergie et des Ressources pour signaler les doléances et nous a permis également de sensibiliser Hydro-Québec - en particulier M. le vice-président Boulet - à la situation géographique possible de cette usine d'hydrogène. Nous entendons, d'ici à quelques semaines, déposer un nouveau mémoire auprès d'Hydro-Québec quant aux avantages de situer cette usine dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue.

J'ai été particulièrement heureux d'entendre cet après-midi - je dois dire que c'était une impression tout à fait autre qui existait dans la région - M. le ministre dire qu'il y aurait un représentant de la région au conseil d'administration d'Hydro-Québec. C'est là une réclamation et une négociation qui est faite par les gens de la région depuis cinq ou six ans et nous pensons que c'est auprès de ces organismes que nous pouvons faire valoir un certain nombre d'arguments quant à la présence de la société Hydro-Québec comme outil de développement pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Nous avions cru, par l'annonce que les journaux en avaient faite, il y a une dizaine de jours, que les nouvelles nominations à Hydro-Québec excluaient à nouveau un représentant de la région. Cependant, M. le ministre nous affirme que d'autres nominations viendront et qu'il y aura un représentant de la région au conseil d'administration d'Hydro-Québec. C'est donc là une réclamation à laquelle on acquiescerait. Je ferai un commentaire là-dessus. Nous ne prétendons pas cependant qu'un représentant de la région de l'Abitibi-Témiscamingue ne sera pas aussi sensibilisé aux besoins nationaux du Québec en termes d'énergie, nous ne prétendons pas que ce représentant devrait siéger à cette société pour uniquement défendre les éléments de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, mais aussi apporter sa contribution positive au développement global du Québec en énergie et à l'apport que fait la société HydroQuébec dans ce développement global du Québec.

Pour ce qui est de la direction régionale décentralisée, il y a des échanges avec le ministère qui sont plus ou moins sporadiques, mais c'est une très vieille réclamation du CRDAT en région et j'espère que, à l'occasion de cette commission, on sensibilisera à nouveau le ministre et le ministère sur l'importance de la décentralisation de ce ministère dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue également. (17 h 30)

Le Président (M. Vallières): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Tout en remerciant M. Trudel pour la présentation de son mémoire et pour les explications qu'il a bien voulu nous donner à la suite de nos questions, je veux quand même signaler que le ministère a un bureau important dans la région concernant le secteur minier et concernant le secteur forestier. En ce qui a trait au secteur énergétique, par ailleurs, le ministère a plus une fonction d'analyse qu'une fonction de distribution de services, ce qui est moins le cas dans les domaines miniers et dans les domaines forestiers. De sorte que c'est beaucoup plus par le biais des entreprises d'État, soit dans le domaine de l'énergie électrique, du gaz, que ces services-là sont rendus dans les régions. Et il nous apparaît que la question se pose différemment selon qu'on parle du domaine minier ou forestier, ou encore qu'on aborde le volet énergétique. Dans le domaine du volet énergétique, le ministère comme tel est un organisme qui, essentiellement, se consacre à faire les analyses des besoins et à tenter de dégager les politiques qui vont permettre d'y répondre. Ce n'est pas un organisme qui donne des services de la même nature que ceux qu'on retrouve dans les deux autres volets du ministère.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. Alors, à moins que je n'aie d'autres demandes d'interventions, nous passerions au prochain intervenant. On remercie beaucoup M. Trudel de sa participation.

CRD de Québec

J'inviterais maintenant le Conseil régional de développement de la région administrative de Québec à bien vouloir se présenter. M. Richard Deschênes agirait à titre de représentant et M. Michel Belleau, à titre d'agent de développement; c'est cela?

M. Deschênes (Richard): C'est bien cela.

Le Président (M. Vallières): M.

Deschênes, est-ce qu'on peut convenir que 25 minutes vous suffiront à présenter votre mémoire?

M. Deschênes: Je suppose qu'on n'a pas le choix. On a donné notre tour deux fois.

Le Président (M. Vallières): Nous allons de toute façon continuer nos travaux ce soir. Mais, nous pourrions peut-être procéder à l'audition du mémoire et passer aux questions à compter de 20 heures ce soir.

M. Deschênes: Cela va être très difficile pour moi. On a justement une réunion du conseil régional, du conseil d'administration et de l'exécutif ce soir.

Le Président (M. Vallières): A ce moment-là, peut-être que vous auriez avantage à faire un résumé de votre mémoire et à permettre par la suite aux membres et aux intervenants de la commission de vous questionner sur vos propos.

M. Deschênes: Oui.

M. Fortier: De toute façon, si les membres de la commission étaient d'accord, on pourrait déborder 18 heures pour terminer avec votre présentation et la période de questions...

M. Deschênes: Ce n'est quand même pas très long à lire.

M. Fortier: Je pense bien qu'il y a consentement. Alors, on va déborder 18 heures de toute façon.

M. Deschênes: D'accord.

M. Rodrigue: Un quart d'heure ou une demi-heure, je pense qu'on peut s'arranger à ce moment-là...

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. Deschênes.

M. Deschênes: On vous remercie.

M. Rodrigue: ...pour vous entendre, poser des questions et compléter la présentation de votre mémoire.

M. Deschênes: Je voudrais tout d'abord faire une petite présentation et situer la perspective dans laquelle ce mémoire est présenté. Le Conseil régional de la région de Québec est un organisme qui représente une espèce de territoire qui est grand comme la Suisse et il est important de considérer la trame qu'il y a en arrière de la présentation. Nous considérons... Il y a eu un colloque, il y a deux semaines, dans la région de Québec, organisé par le CRD, région 03, qui a mis en lumière une conception du développement régional qui n'est pas, par omission peut-être, celle dont on fait la promotion actuellement. Et ce qu'on veut, nous, c'est que le développement énergétique se harnache autour des dynamismes sous-régionaux ou des composantes régionales. La région de Québec est une région qui est composée de multiples régions. Il n'y a pas seulement la ville de Québec; il y a plusieurs régions. Et là, il y a des dynamismes locaux qui ont d'ailleurs été mis en lumière lors du

colloque qu'on a tenu il y a deux semaines.

À ce sujet, je voudrais vous remettre -je ne sais pas si...

Une voix: Cela a été remis, je crois.

M. Deschênes: ...cela a été remis - une illustration des entreprises. Il y en a plusieurs dans le domaine énergétique, dans la région, en dehors de la région immédiate de Québec, qui font des efforts très importants. Le génie québécois est à l'oeuvre pour développer de nouvelles façons d'économiser l'énergie. Je peux donner des exemples: Héli-O-Beauce, la serre de M. Létourneau à Saint-Luc, Lac-Etchemin. On veut que le développement énergétique se situe par rapport aux dynamismes locaux et c'est dans cette optique qu'on va lire le document que vous avez entre les mains.

Notre organisme, le Conseil régional de développement de la région 03, considère que la tenue de cette commission parlementaire de l'énergie et des ressources est plus que bienvenue. Cependant, nous souhaitons que le gouvernement du Québec n'en reste pas là, que, sur cette lancée, il décide d'organiser un vaste débat public sur notre avenir énergétique comme l'ont réclamé, à maintes reprises, plusieurs groupes écologiques, diverses associations professionnelles et même Hydro-Québec.

Dans cette ligne de pensée, nous espérons des échanges vraiment démocratiques et une sensibilisation accrue de la population du Québec à cette question. Chaque Québécois doit prendre conscience qu'un choix fait sur l'énergie est un choix de société. Le choix d'une option énergétique a un impact non seulement sur le plan technologique et économique, mais aussi sur le plan humain et éthique.

Le CRD de la région 03 a décidé de participer à ces audiences car il croit que l'énergie est une des articulations majeures du développement d'une région. Nous vous entretiendrons, dans cet exposé, de trois projets importants que votre gouvernement a promis de réaliser sous son présent mandat: le projet de la centrale électrique à réserve pompée de Delaney, à Portneuf, l'usine de production de méthanol, à Saint-Juste-de-Bretenières, au sud de Montmagny, et la pénétration du gazoduc dans notre région. De plus, nous aborderons d'autres secteurs de développement possible dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d'énergie. Quelques mots aussi sur l'importance d'associer les citoyens aux décisions importantes qui doivent se prendre dans ce secteur vital de notre société. Nous pensons, entre autres, à l'avenir de la filière nucléaire au Québec, un sujet qui devrait faire partie du débat public réclamé.

La centrale de pompage de Delaney. S'il est un projet où la responsabilité sociale du gouvernement se trouve engagée, c'est bien celui de la centrale de Delaney. Rappelons brièvement certains faits. Depuis 1974, Hydro-Québec effectue des études sur le bien-fondé d'une centrale hydroélectrique dans la région de Portneuf. Ces études, au coût de 18 000 000 $, concluent à la rentabilité du projet. Les travaux devaient débuter en 1981. Nous sommes en 1983 et l'on apprenait récemment que lesdits travaux sont reportés à 1985. Qu'adviendra-t-il en 1985?

Nous demandons donc au gouvernement du Québec de se prononcer clairement sur la réalisation du projet. Les projections de la demande d'électricité et les disponibilités du réseau d'Hydro-Québec sont suffisamment connues pour qu'une décision politique soit rendue. La population de Portneuf a déjà trop attendu. Nous demandons qu'une position claire et définitive soit annoncée au plus tôt pour éviter une désillusion et une démobilisation encore plus grande plus tard.

Il importe ici de souligner un fait important. Dès l'origine du projet, en 1974, Hydro-Québec va tenir des séances d'information auprès de la population de Portneuf. On y fait miroiter aux yeux des gens l'impact de cette réalisation en termes de création d'emplois, d'attrait touristique, etc. Hydro-Québec a en mémoire l'expérience malheureuse de la Jacques-Cartier. À Portneuf, on essaie de convaincre la population du bien-fondé du projet. On y parle d'investissements de plus de 2 000 000 000 $, de 450 emplois dans la région de Portneuf pendant neuf ans, de 400 à 800 emplois pendant quatre ans pour produire, au Québec, les turbines pompes, de plus de 300 000 000 $ en revenus pour les citoyens du comté pendant la construction, d'équipements récréatifs nouveaux, d'attrait touristique, etc. Ces promesses furent faites dans une région où la situation en termes d'emplois n'est guère reluisante. Les espoirs entretenus auprès d'une population acquise d'emblée à ce projet sont tels qu'on comprend mal qu'ils ne soient pas réalisés le plus tôt possible.

Parmi les caractéristiques originales du projet invoqué par Hydro-Québec pour le vendre à la population de Portneuf, nous en avons retenu deux qui méritent d'être mises en lumière. D'abord, ce serait la première centrale hydroélectrique d'une telle envergure construite dans un milieu habité, ce qui entraînerait des retombées économiques importantes dans le milieu. De plus, le projet Delaney, une centrale hydroélectrique à réserve pompée destinée à fournir une énergie de pointe, fait appel à un nouveau concept énergétique qui nécessite la mise au point de technologies nouvelles. Dans la conjoncture économique internationale actuelle, ce sont les pays à la fine pointe de l'innovation qui réussissent le mieux à se

tailler une place de choix sur les marchés d'exportation. Le Québec n'échappe pas à cette règle. Tout retard dans ce domaine est difficilement rattrapable. Avec ce concept nouveau, Hydro-Québec pourrait proposer cette nouvelle technologie à des pays en voie de développement. Elle pourrait correspondre davantage à leurs besoins. Toutefois, si ce projet devait être abandonné, nous répétons que le gouvernement devrait en informer le plus tôt la population de la région de Portneuf. De plus, après cette promesse d'un nouvel Eldorado dans Portneuf le gouvernement ne devrait pas laisser en plan les espoirs de cette population. Une façon d'aborder l'avenir serait de développer avec elle des projets alternatifs. Dans le domaine énergétique, par exemple, la région de Portneuf pourrait devenir un autre site pour la réalisation d'une seconde usine de méthanol à partir du bois.

Nous le disions au début, c'est un projet où la responsabilité sociale du gouvernement est engagée. On a fait naître des espoirs chez la population de Portneuf. On a fait miroiter une amélioration économique aux gens de la région 03. Maintenant, on est en droit de se demander si le sort réservé au projet Delaney sera le même que celui de Gros Cacouna. Chacun sait qu'une génération complète y a investi son énergie avec un résultat nul. Je pourrais ajouter, entre parenthèses, y a fait élire le même député pendant un certain nombre d'années.

L'usine de méthanol à Saint-Juste-de-Bretenières, le deuxième sujet qui fait l'objet de notre intervention. La dépendance du Québec en pétrole importé n'est plus à démontrer. On rapporte, à ce chapitre, que malgré nos efforts pour développer d'autres filières énergétiques, notre facture pétrolière triplera d'ici à 1990, passant à 16 000 000 000 $.

L'implantation dans la région de la Côte-Sud d'une première usine de production de méthanol à partir de résidus du bois s'inscrit dans cet effort pour développer au Québec un substitut énergétique au pétrole.

Le projet de construction de cette usine à Saint-Juste-de-Bretenières nous paraît donc excellent. Cette usine serait bien localisée, dans une région abondante en bois et, aspect important, elle fait appel à une forme d'énergie renouvelable.

Le projet de cette usine de production de méthanol est important à plusieurs points de vue pour le Québec. D'abord, il permettra de créer une activité économique importante dans des comtés qui en ont bien besoin: Bellechasse et Montmagny-L'Islet, un secteur de notre région où sévit un très fort taux de chômage.

De plus, il vient compléter le cycle de l'exploitation forestière, la principale industrie de ce secteur. À ce chapitre, il convient de souligner l'enthousiasme du milieu pour le projet dont la volonté exprimée par l'ensemble des propriétaires de petites scieries de fournir les résidus de bois nécessaires pour approvisionner l'usine. C'est donc un projet qui, tout en créant de 60 à 75 emplois directs ou indirects, contribuera à sa manière à sauvegarder l'environnement.

Le projet est important également pour le Québec puisqu'il permettra à notre société de développer une expertise dans le secteur de la bioconversion du bois en méthanol.

Le Québec, par ses richesses forestières, est appelé naturellement à développer une expertise dans ce domaine; nous pourrions devenir un leader mondial dans ce secteur très prometteur des énergies renouvelables. L'intervention précédente de notre ami de l'Abitibi-Témiscamingue l'a bien mis en lumière.

Citons l'exemple du Brésil où cette filière énergétique basée sur la bioconservation est la plus poussée. Grand producteur de canne à sucre, le Brésil est le premier pays à s'être doté en 1975 d'un "plan alcool".

Ce programme devrait être réalisé par étapes et permettrait une substitution croissante de l'alcool à l'essence d'abord, puis, plus généralement, aux combustibles liquides. Il est prévu d'incorporer 20% d'alcool à l'essence d'ici 1980 et 100% en 1985. Dans ce pays, en l'an 2000, 75% de l'ensemble des combustibles liquides seraient remplacés par ce dérivé de la canne à sucre.

Sans être aussi ambitieux, nous croyons que le Québec pourrait investir davantage dans ce secteur afin d'accomplir un rattrapage nécessaire quant au développement de cette filière énergétique.

Comme nous l'avons mentionné, le secteur de Portneuf serait tout désigné pour développer un projet similaire. La population a été sensibilisée aux questions énergétiques, il existe une mobilisation importante du milieu et Portneuf est un grand producteur de bois.

Nous nous permettons d'insister sur le fait qu'un projet de développement s'inscrit toujours dans le cadre d'une réalité régionale où le dynamisme du milieu est une composante essentielle pour sa réalisation.

Je voudrais souligner que les gens qui ont fait des présentations au colloque du CRD qu'on a tenu il y a deux semaines et qui sont dans le domaine énergétique, la Société Héli-O-Beauce pour l'énergie qui utilise le vent. Il y a l'énergie solaire utilisée pour la production de légumes à Saint-Luc. Ce sont des gens qui ont développé cela la plupart du temps sans aucune ressource, même des instituts derecherche gouvernementaux ou privés, qui ont patenté ces choses-là dans leur coin et ont mis beaucoup d'efforts.

À cet effet, le CRD trouve que les

initiatives sous-régionales des composantes régionales sont très peu écoutées en général par rapport à d'autres sociétés d'envergure qui ont plus de spécialistes.

Par exemple, la Coopérative de gestion forestière des Appalaches à Sainte-Apolline a investi il y a trois ou quatre ans 10 000 $ en recherches de ses propres fonds pour développer un projet de briquettes de bois à partir des résidus. Évidemment le projet est mort aussitôt qu'on a parlé d'investissement pour décoller. Il semblait que cette production, l'étude montrait que c'était rentable. (17 h 45)

Ceci pour signaler l'importance de partir des dynamismes régionaux afin de développer différents milieux autres que la ville de Québec, qui est très présente en général. Ces milieux sont moins présents sur la carte.

Je continue la lecture. Quant au projet de Saint-Juste-de-Bretenières nous souhaitons donc que les représentants des deux gouvernements tiendront les promesses faites en décembre dernier et que les travaux débuteront effectivement au printemps 1983, ce qui est fait. Maintenant il y avait une nouvelle dans un journal qui n'était pas correcte, semble-t-il. On annonçait le retard - on s'est alerté un peu hier - la remise du développement de l'usine de méthanol. Je pense que c'était une erreur du journaliste, je ne sais pas. Semble-t-il que ce n'est pas le cas. En tout cas, peut-être que vous pourrez confirmer.

Quant à la rentabilité économique de ce procédé de fabrication du méthanol, on estime ses coûts à peu près équivalents au pétrole. En effet diverses études du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec tendent à établir entre 0,65 $ et 0,86 $ le prix du gallon de méthanol produit et distribué à la pompe. Après déduction des taxes fédérales et provinciales ce coût de revient équivaudrait à peu près au prix du gallon d'essence.

Si on considère l'instabilité des prix du pétrole et de prévisibles difficultés d'approvisionnement dans l'avenir, il apparaît important que le Québec développe cette filière énergétique. Le marché des carburants automobile est particulièrement attrayant pour cette filière énergétique. En supposant dès maintenant un mélange essence-méthanol à 15%, les véhicules québécois pourraient consommer 300 000 000 de gallons de méthanol par an. Le Québec devrait alors se doter de trois grandes usines de production pour rencontrer la demande.

Une dernière remarque aussi sur les avantages sociaux reliés à ce type de production d'énergie. Nous avons mentionné un premier avantage environnemental dans le fait de recycler à des fins utiles des résidus de bois de l'industrie forestière. L'utilisation de ce biocarburant contribuerait également à la réduction du taux de pollution par l'automobile, notamment dans les grands centres urbains.

Troisième point, la pénétration du gazoduc. Le CRD est parfaitement en accord avec l'objectif d'implantation du gaz naturel dans notre région. Nous croyons même que le gouvernement devrait faire des efforts supplémentaires afin d'accélérer les travaux de réalisation du gazoduc. Le gaz naturel est considéré par plusieurs experts comme une énergie de transition beaucoup moins polluante que le pétrole. C'est un substitut dont on devrait encourager encore plus l'utilisation.

De plus, en remplaçant le pétrole importé par le gaz naturel, le Québec renforce de façon significative sa sécurité en approvisionnement énergétique. S'il est un domaine où il peut y avoir une entente dans une action commune des deux gouvernements, provincial et fédéral, c'est bien dans le secteur du gaz naturel. En effet le gouvernement fédéral a une politique favorisant l'expansion du gaz naturel dont le Québec peut profiter. En maximisant les efforts nous croyons que plus de 25% des besoins énergétiques des Québécois pourraient être comblés par cette filière dans les années quatre-vingt-dix.

Par ailleurs il nous faut formuler certaines réserves quant aux politiques d'accessibilité du gaz naturel en région. Par exemple, contrairement à Hydro-Québec qui doit desservir tous les Québécois quelle que soit la région concernée, la distribution de gaz naturel pour sa part est soumise à la loi du marché. C'est ainsi que dans l'implantation des conduites secondaires certains secteurs de notre région souffriront de retards importants par rapport à d'autres. C'est le cas pour les secteurs suivants: la Beauce, l'Amiante, la Côte-du-Sud et Charlevoix. Il semble que ces derniers ne seront pas desservis avant plusieurs années.

L'extension rapide du réseau est difficile en raison des investissements importants qu'il nécessite. Il faut quand même la voir en tant que service public; c'est ainsi que le gouvernement doit éviter les injustices flagrantes sur le territoire. Par exemple, il doit avoir à l'esprit un souci d'équité pour les citoyens et les petites et moyennes entreprises moins bien localisées que leurs concurrentes.

D'après nous, il faut penser plutôt en termes de diversification et complémentarité des sources d'énergie qu'en termes de compétition. Notre organisme encourage donc l'implantation massive de cette forme d'énergie. Pour ce faire, le gouvernement devrait faciliter l'accès au gaz dans les domaines de l'habitation et du transport. Ainsi le gouvernement pourrait mettre de l'avant des mesures pour favoriser

l'utilisation du gaz naturel dans l'habitation, notamment favoriser par des subventions ou rabais fiscaux l'installation de systèmes de chauffage à l'eau chaude ou air chaud plus flexibles permettant ainsi l'utilisation du gaz naturel comme source d'énergie principale ou combinée.

Dans le domaine du transport, l'utilisation massive du gaz naturel pourrait être envisagée. Ce serait une façon de populariser cette forme d'énergie qui se révèle beaucoup moins polluante que le pétrole. Une infrastructure gazière vraiment adéquate est aussi un investissement à long terme pour notre société. En effet, lors de l'épuisement prévisible des stocks de gaz naturel, nous pourrons les remplacer par des énergies renouvelables, soit le biogaz provenant du recyclage de nos déchets forestiers, agricoles ou urbains, ou encore l'hydrogène, filière pleine d'avenir pour le Québec, puisque nous possédons les deux matières premières, soit l'eau et l'électricité. Le gouvernement devrait développer des projets concrets pour rejoindre le consommateur. C'est ainsi que l'initiative de la nouvelle firme Gaz naturel comprimé Ltée visant à adapter 25 000 véhicules au gaz naturel au cours des cinq prochaines années pourrait servir de tremplin pour d'autres expériences du même genre.

On rapporte que GNC Québec Ltée entend doter le Québec d'ici 1988 d'un réseau de 25 centres d'adaptation de véhicules au gaz naturel comprimé et rendre ce carburant disponible dans quelque 75 postes de distribution dans les régions desservies par le gazoduc. Nous espérons que la région 03 sera incluse dans le réseau et ceci, dans les plus brefs délais possible.

De plus, nous souhaitons que le plus grand nombre possible de petites et moyennes entreprises de notre territoire seront favorisées pour développer des activités ou produits reliés à l'utilisation de cette source d'énergie. En définitive, le gaz naturel devrait être une préoccupation majeure du gouvernement québécois, si l'on considère qu'Hydro-Québec a monopolisé en 1980-1981 plus de 90% de tous les investissements du secteur énergétique au Québec. On est en droit de se demander si le Québec a fait tous les efforts nécessaires dans ce domaine.

Le quatrième point, les énergies renouvelables. Enfin, comme organisme préoccupé par le développement régional, nous voulons souligner tout l'intérêt que présente le secteur des énergies renouvelables. Les avantages reliés à la production et à l'utilisation de l'énergie renouvelable sont en effet très nombreux à l'échelle régionale: création locale d'emplois, plus grande diversification des sources d'énergie et meilleure répartition sur le territoire, possibilité aussi de régionaliser les unités de production et de transformation, assurant ainsi un plus grand dynamisme et une plus grande autonomie au plan régional, en faisant appel notamment aux capitaux présents dans la région.

Pourtant, le secteur des énergies renouvelables occupe une place très marginale dans la politique québécoise de l'énergie à un point tel qu'encore aujourd'hui "l'utilisation de ces formes d'énergie n'est pas comptabilisée en tant que telle et que leur contribution au bilan énergétique apparaît actuellement sous la forme d'une réduction de la demande d'énergie".

D'autre part, si l'on considère que les objectifs établis pour les énergies renouvelables représentent à peine 2% du bilan énergétique en 1990, tout laisse croire que, pour plusieurs années à venir, la place de ces formes d'énergie continuera à rester marginale à moins d'un changement radical dans les orientations de la politique énergétique.

En raison précisément de l'impact de ces formes d'énergie sur le développement régional - c'est notre préoccupation majeure nous souhaitons fortement que l'on consacre d'importants efforts de recherche à la production et à l'utilisation d'énergies nouvelles. À cet égard, plusieurs avenues s'offrent aux chercheurs. Nous voulons ici en souligner quelques-unes.

D'abord, l'immense potentiel que présente la tourbe. On estime à 2 500 000 000 de tonnes les réserves en tourbières du Québec tandis que la superficie totale atteint 13 000 kilomètres carrés en s'en tenant aux seules zones accessibles. C'est donc une ressource abondante, d'ailleurs disponible dans notre région, et qui, convertie en hydrocarbures, pourrait notamment servir de combustible pour alimenter de petites centrales électriques ou des systèmes de chauffage communautaires.

D'autres composantes de la biomasse peuvent également se prêter à la transformation énergétique. C'est le cas des résidus de bois que nous avons évoqués plus tôt, en rappelant l'importance du projet de Saint-Juste-de-Bretenières. Mais l'exploitation possible des résidus agricoles et urbains doit également retenir l'attention des chercheurs.

Le problème de la pollution des cours d'eau par les résidus de l'exploitation agricole: pesticides, purin, est bien connu. Du reste, la région de Québec est particulièrement touchée par cette pollution puisque la production porcine est très importante et que, pour les producteurs concernés, la disposition du fumier et du purin est devenue un problème quasi insoluble. Je voulais souligner à la commission l'article qui a paru ce matin dans le Soleil - le 22 septembre, c'est bien aujourd'hui - il semble qu'ils ont mis au point un système pour produire de l'eau pure

à partir du fumier, des déchets agricoles pour, ensuite, se servir des résidus pour produire du compost et des moulées. Cela a été mis au point par l'Université McGill avec une firme qui s'appelle Sobimac, à Montréal. Alors c'est en plein dans le style de choses que nous pensons qu'il faut encourager et développer. Il en va de même en milieu urbain pour les déchets domestiques et les eaux usées qui nécessitent des entreprises de récupération, de traitement qui sont de moins en moins compatibles avec le milieu naturel ou habité. Jusqu'à maintenant, on a surtout fait appel à des procédés mécaniques pour tenter de résoudre ces problèmes de pollution. Nous croyons que le temps est venu de développer de façon systématique tout le champ des techniques biologiques permettant non seulement de réduire la pollution mais encore d'assurer la transformation et l'exploitation énergétique des résidus.

À cet égard, le programme d'assainissement des eaux auquel le gouvernement veut consacrer plusieurs milliards de dollars, au cours des prochaines années, offre à coup sûr l'occasion d'expérimenter de nouvelles techniques tout en permettant de maximiser les investissements. Nous voulons souligner ici la position du CRD de Québec quant à l'établissement d'un centre de recherche sur la biomasse. Nous considérons qu'il doit être établi en sous-région là où il y a du fumier et là aussi où il y a des arbres, et non pas dans la ville de Québec sur le territoire de l'université Laval.

Un mot, enfin, sur l'énergie solaire qui, comme on le sait, est à la base de toutes les autres énergies et dont on redécouvre l'importance à la faveur d'une prise de conscience des limites et des contraintes des autres formes d'énergie. Certes, il s'écoulera encore plusieurs dizaines d'années avant que la technologie rende possible l'utilisation massive de cette forme d'énergie. D'ici là, presque tous les pays du monde seront dans la course pour domestiquer le soleil et seuls les plus inventifs pourront exporter leurs techniques.

Je voudrais revenir sur une entreprise qui est en plein dans ce type de développement de l'utilisation de l'énergie solaire; c'est la production de légumes et de produits agricoles qui utilisent une serre solaire qui, semble-t-il, est un concept révolutionnaire. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a traité le gars de fou pendant dix ans. Au bout de dix ans, il lui a donné une subvention de 53 000 $ puis maintenant il s'aperçoit que c'est un concept révolutionnaire. Ce qui tend à confirmer l'idée qu'il faut rapprocher les gens qui font de la recherche des milieux où sont les ressources et les dynamismes locaux.

Pour préparer adéquatement l'avenir, nous sommes d'avis qu'il ne faut pas se satisfaire d'expériences isolées et qu'il faut adapter un vaste programme de recherche sur les différentes formes d'utilisation et de stockage de l'énergie solaire en privilégiant celles qui sont le mieux accordées à notre géographie et à notre climat. Dans l'immédiat, nous pensons que la recherche et le développement devraient porter principalement sur l'énergie solaire appliquée à la culture en serre et au chauffage d'unités résidentielles regroupées. Dans le premier cas, il s'agit de soutenir l'effort de l'agriculture québécoise en direction de l'autosuffisance alimentaire. Dans l'autre, il s'agit, à l'instar de nombreuses expériences faites dans les pays Scandinaves, de développer des techniques de chauffage qui, permettant d'importantes économies d'échelle, seraient plus avantageuses pour les consommateurs, en particulier dans les communautés isolées ou éloignées.

En conclusion, si on résume le sens de notre intervention, notre position est la suivante: En ce qui regarde le projet Delaney, il apparaît très clair que notre position est que le gouvernement indique ses intentions le plus tôt possible à la population de la région de Portneuf. Cela nous paraît, en termes de relations avec la population, une chose à faire de façon immédiate, quelle que soit la position prise.

Pour l'usine de méthanol de Saint-Juste-de-Bretenières, que les travaux d'implantation de ce premier prototype débutent au plus tôt. Notre mémoire a été écrit en mars. Vous pourriez confirmer, mais je pense que c'est en marche.

Pour le gazoduc, que les travaux d'implantation soient accélérés et que toute la région soit couverte par le réseau.

Quant aux énergies nouvelles, cette filière énergétique est prometteuse en termes d'autosuffisance énergétique et de développement régional équilibré. C'est un des aspects très importants sur lequel on veut insister. Le gouvernement devrait faire un effort plus important pour favoriser la recherche et le développement de ce secteur. C'est dans ce sens que nous appuierons, probablement dans un prochain sommet économique de la région de Québec très bientôt, l'établissement d'un centre de recherche sur la biomasse en dehors des centres urbains, là où sont les matières premières, c'est-à-dire dans les milieux agricoles et forestiers.

Le dernier point sur lequel on veut insister encore une fois - je pense que ce n'est pas la première fois que des gens insistent là-dessus - est que le gouvernement favorise par tous les moyens la tenue d'un vaste débat public sur notre avenir énergétique, mobilisant ainsi la population autour des enjeux et des grandes orientations à prendre dans ce secteur vital de notre

société. Merci de votre attention. (18 heures)

Le Président (M. Vallières): De consentement unanime, nous poursuivrons encore pendant quelques minutes, en dépassant 18 heures. La parole est maintenant au député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, je veux remercier les représentants du Conseil régional de développement de la région administrative de Québec pour une contribution substantielle au débat public qui est engagé devant cette commission quant à l'avenir énergétique du Québec. Je pense que la tenue même de cette commission répond jusqu'à un certain point à la dernière recommandation que vous faites concernant le débat public.

Il s'agit, au cours des travaux que nous poursuivons, que nous avions commencés au printemps, mais que nous avons dû interrompre, malheureusement, pour des sujets un peu plus frivoles, à mon sens, de faire en sorte que tous les intervenants et intéressés dans le domaine de l'énergie puissent faire connaître leur point de vue sur l'avenir du développement des énergies, autant traditionnelles que nouvelles, qui doit se faire au Québec.

Le gouvernement partage l'opinion du Conseil régional de développement de la région administrative de Québec quant à l'importance qu'il faut accorder à la répartition régionale des investissements énergétiques. D'ailleurs, quand on examine ce qui s'est fait au cours des dernières années au Québec et en particulier ce qui est projeté pour les prochaines années, on constate que les investissements majeurs vont se faire principalement en région, c'est-à-dire, d'une part, qu'Hydro-Québec va investir massivement pour la révision de son réseau de distribution d'énergie électrique. En fait, on parle d'investissements d'environ 2 500 000 000 $ au cours des prochaines années. Je pense que, d'ici deux ou trois ans, il y aura 2 000 000 000 $ qui seront consacrés à la révision du réseau de distribution d'Hydro-Québec.

Également, vous avez tout le travail qui se fait pour l'extension des réseaux de distribution du gaz. Il y a eu des investissements de 500 000 000 $ jusqu'à maintenant, qui ont été faits depuis quelques années pour amener le gaz dans les régions de Montréal, de Québec et également dans les sous-centres, dans les sous-régions autour de ces centres principaux. Globalement, ces investissements, sur une période de cinq ans, vont être d'environ 2 000 000 000 $. On peut donc parler d'investissements massifs dans le domaine énergétique qui ont pour but d'amener aux consommateurs les sources d'énergie les plus appropriées et les moins coûteuses.

Quant au projet Delaney, le gouvernement est venu près d'autoriser ce projet. En fait, en 1981, lorsque Hydro-Québec a modifié son programme d'équipement, elle nous a indiqué que, compte tenu de la récession économique et de la baisse radicale de la demande d'énergie qui en a résulté, les investissements, les aménagements qu'elle avait prévu faire dans un programme antérieur devaient être reportés. Non seulement Delaney a été reporté à ce moment-là, mais vous avez des projets comme Manicouagan 5, puissance additionnelle, qui avait pour but de fournir de la puissance de pointe au même titre que le projet Delaney, qui ont également été reportés, même si la construction était déjà pas mal avancée. À Manicouagan 5, on a percé des galeries, on a excavé l'emplacement de la centrale et on a finalement arrêté tous ces travaux-là pour les reporter de quelques années, parce que la demande ne le justifiait plus, parce que, pour une période de quatre ou cinq ans, on a des surplus extrêmement importants.

Ce n'est pas un phénomène isolé. En fait, c'est un phénomène qui s'est généralisé pour tous les grands projets énergétiques. Quand on examine ce qui s'est passé dans l'Ouest pour les projets Alsands et les autres, des décisions analogues ont été prises parce que la demande a baissé. Le projet Delaney, à notre sens, est reporté, mais il n'est pas abandonné. Cela reste un projet intéressant quant à sa capacité et à ses coûts. J'étais à Hydro-Québec avant l'élection de 1981; je n'ai pas travaillé au projet Delaney, mais je peux vous dire que c'est un projet qui était traité de façon extrêmement sérieuse par Hydro-Québec. Il avait franchi l'étape de l'avant-projet, cela veut dire qu'Hydro-Québec a investi plusieurs millions de dollars pour pousser cette étude plus loin et c'est un des projets qui offraient à la fois une capacité et des coûts intéressants.

Il y a un facteur qu'il faut retenir dans l'évaluation de Delaney. C'est que l'installation d'une centrale de pompage est toujours fonction du type de demande qu'on a sur un réseau comme celui d'Hydro-Québec, parce que c'est une centrale un peu particulière, c'est-à-dire qu'elle consomme de l'énergie et elle fournit de la puissance. J'ai déjà eu l'occasion d'essayer d'expliquer cela à ces gens et je leur ai dit: C'est le "kick down" de votre automobile, d'une certaine façon. Cependant, la réalisation de ce projet va toujours être fonction du type de demande sur le réseau d'Hydro-Québec, donc des habitudes de consommation. Dans la mesure où nous continuerons d'avoir une pointe importante dans la demande du réseau, un projet comme celui-là va être nécessaire.

Si, par ailleurs, les habitudes de

consommation changeaient radicalement Hydro-Québec révise ses analyses de six mois en six mois pour mesurer l'évolution de la demande et du type de demande qu'elle a -de façon telle que la pointe sur la demande du réseau serait beaucoup plus faible comparée à la demande moyenne, au cours des années précédentes, il est bien sûr qu'il faudrait alors se poser des questions. Actuellement, la tendance est plutôt de dire que le projet est reporté, mais il n'est pas abandonné, bien au contraire.

En ce qui concerne l'usine de méthanol, je pense que mon collègue de Montmagny-L'Islet va sûrement se faire un plaisir de vous donner des précisions.

Quant à l'implantation du réseau gazier, Gaz Inter-Cité, qui dessert la région de Québec - cela nous apparaît normal - va commencer par desservir les zones de plus forte consommation, parce que cela lui permet, au fur et à mesure où elle étend son réseau, de commencer à faire des ventes, donc de rentabiliser plus rapidement son réseau.

Au départ, il était question que le pipeline qui se rend à Québec traverse sur la rive sud pour filer jusqu'en Nouvelle-Écosse. À ce moment, il aurait été facile de desservir la rive sud à partir de ce tronçon principal. Cependant, le gouvernement fédéral a voulu réévaluer cette question parce qu'il y a eu des découvertes de gaz à l'île de Sable et qu'on se demande s'il ne serait pas plus logique d'utiliser le gaz de l'île de Sable pour l'amener vers Québec. Il a décidé de se donner un certain temps pour faire l'analyse des capacités des puits de gaz de l'île de Sable pour voir laquelle des deux façons de procéder serait la plus avantageuse. De sorte que, au lieu d'un investissement d'environ 700 000 000 $ sur ce réseau, Gaz Inter-Cité s'est vu plutôt octroyer 500 000 000 $ et a dû reporter à plus tard l'installation ou la pénétration du gaz sur la rive sud. C'est une question qui demeure sous analyse, autant au niveau du gouvernement fédéral que du gouvernement du Québec et, une fois la décision prise quant à la provenance des sources de gaz, il sera plus facile de prendre une décision.

Dans votre mémoire, vous avez mentionné que le secteur des énergies renouvelables occupe une place très marginale dans la politique énergétique québécoise. Je voudrais quand même vous rappeler que l'énergie hydroélectrique, c'est une énergie renouvelable et que c'est la plus importante au Québec. Alors, j'imagine que vous faisiez plutôt allusion à des énergies comme la biomasse ou des choses comme celle-là, parce qu'au Québec nous sommes alimentés par la plus grande source d'énergie renouvelable.

En ce qui concerne la tourbe, vous suggérez, ou enfin vous soulevez la possibilité qu'elle soit convertie en hydrocarbure, soit pour fins de combustible directement pour chauffage, ou encore pour alimenter de petites centrales électriques. Vous pourriez peut-être vérifier auprès d'Hydro-Québec à ce propos. Elle a fait des études en particulier pour l'alimentation de l'île d'Anticosti. Je ne sais pas où en sont rendues ces études. Cependant, de mémoire, les coûts semblaient quand même assez élevés. En particulier pour l'alimentation d'une centrale électrique, il est très manifeste que le réseau alimenté par des grandes centrales hydroélectriques va toujours fournir de l'énergie à des coûts beaucoup plus intéressants que par des énergies comme celle-là.

Le deuxième facteur: il n'est pas tellement intéressant d'utiliser le gaz pour produire de l'électricité. Il vaut mieux le consommer directement. Le rendement, quand on utilise le gaz pour produire de l'électricité et, par la suite, pour s'en servir comme forme d'énergie, est d'à peu près 35%. Alors que si vous utilisez le gaz directement, vous avez un rendement de l'ordre de 70%. Enfin, ce ne sont pas des chiffres absolument exacts que je vous cite, mais ce sont des ordres de grandeur. Dans cette optique, il est évident que si on pouvait produire des hydrocarbures à partir de la tourbe, c'est soit dans des zones isolées qu'on pourrait les utiliser, ou encore pour une consommation directe et non pas pour la transformer en une ou deux sources d'énergie alternatives avant d'arriver au consommateur.

J'aurais une question à vous poser quant à ce que vous suggérez pour encourager l'implantation massive du gaz naturel. Vous considérez le gaz naturel comme un atout de développement régional extrêmement important. Est-ce que, d'une part, vous avez eu l'occasion de prendre connaissance d'études ou de faire vous-même des études concernant le marché potentiel qu'il y aurait sur la rive sud, dans des régions éloignées également, plus éloignées du centre de Québec? Également sur les coûts de la pénétration de ces marchés-là?

Deuxièmement, quels types d'industries, dans ces régions, dans celles que vous visez par votre mémoire, sont susceptibles de s'alimenter au gaz? Quels seraient également les types d'industries qui seraient susceptibles de s'établir dans ces régions si le gaz y était disponible?

Le Président (M. Vallières): M.

Deschênes.

M. Deschênes: Je vais laisser M. Belleau répondre à cette question, s'il le veut, parce que je n'ai pas les réponses.

M. Belleau (Michel): C'est plutôt une

approche globale pour favoriser un développement par rapport à une énergie qu'on veut rendre disponible. C'était surtout cela, notre message, de dire: Si le gaz naturel devient accessible dans la région de Québec, qu'il le soit aussi pour l'ensemble de la région de Québec. Mais, pour des cas aussi précis que ceux que vous mentionnez, on n'a pas poussé l'étude jusque là.

M. Rodrigue: En fait, disons que ces études-là existent probablement chez Gaz Inter-Cité, ou du moins en partie. Il y aurait peut-être intérêt à ce que vous puissiez en prendre connaissance éventuellement. Quand on examine des questions comme celle-là, il y a toujours le problème de savoir quels sont les coûts d'une telle implantation, quels sont les coûts d'une telle pénétration? À ce moment-là, est-ce que c'est le meilleur investissement qu'on peut faire, soit dans la région ou dans l'ensemble du Québec? Est-ce que c'est l'investissement le plus rentable? On doit toujours se poser la question finalement et je suis sûr que vous vous la posez également. Alors, il y aurait peut-être intérêt, dans le cadre de vos travaux, si vous êtes en mesure de mettre la main sur ces données, que vous puissiez en prendre connaissance, ce qui permettrait finalement de...

M. Belleau: II reste quand même qu'il peut y avoir un équilibre entre une approche de développement qui est uniquement collée sur des clients éventuels par rapport à une approche qui serait uniquement de service. Je suis d'accord avec vous qu'il faut examiner la facette économique. Nous, on a mis cela dans le mémoire dans le sens d'un équilibre et d'un potentiel. Dans le fond, le développement du gaz, comme d'autres formes d'énergie, c'est une infrastructure. C'est comme développer des routes, c'est comme développer une infrastructure qui permet un développement. C'est un peu cet aspect qu'on amène finalement comme message. Ce n'est peut-être pas aussi fouillé au plan des chiffres, mais c'est dans ce sens-là.

M. Rodrigue: En fait, il est sûr que quand il y a des décisions, soit de la part du gouvernement, ou de la part des entreprises qui doivent faire ces investissements, d'aller de l'avant, on tient compte des développements potentiels et non pas seulement de ce qui existe, parce que ce sont des réseaux qu'on implante quand même pour 20, 30 et 40 ans, et il est évident que ces décisions reposent à la fois sur la consommation actuelle et sur la consommation potentielle. (18 h 15)

Quelques questions un peu plus spécifiques, en terminant. Vous avez parlé du problème de la pollution par le purin et de façons de traiter le purin. J'ai lu l'article auquel vous avez référé, qui était dans le Soleil de ce matin, si je me souviens bien. Je vous signale également qu'hier Énergie atomique du Canada nous a parlé d'un procédé de traitement du purin par l'irradiation qu'elle a développé; c'est dans le mémoire qu'elle a présenté ici. Si cela vous intéresse, vous pourrez également vous y référer. C'est une autre façon qui pourrait possiblement permettre de régler un problème environnemental extrêmement important non seulement dans la région ici, mais aussi dans la région de la rivière L'Assomption et dans la région de la rivière Yamaska.

Quant à l'énergie solaire - je termine là-dessus - des mémoires ont été présentés hier devant cette commission. Les gens qui sont dans l'industrie et dans les milieux qui font l'analyse de cette forme d'énergie nous ont indiqué que le Québec est en avance sur d'autres pays quant au développement de certains créneaux en vue de l'utilisation de l'énergie solaire. Sur ce plan-là, il semble qu'en particulier pour les capteurs solaires, on ait développé ici des technologies qu'on s'apprête à exporter. Sur ce plan-là, l'impression que vous sembliez avoir que le Québec avait vraiment raté le train quant à tout le domaine de l'énergie solaire, effectivement, cela ne concorde pas avec ce que les gens de l'industrie nous ont dit hier. Il y a peut-être là un problème d'information. La commission justement nous permet d'en apprendre beaucoup sur ce qui existe au Québec et je faisais la remarque à quelqu'un aujourd'hui: c'est rafraîchissant de s'asseoir et de recevoir les mémoires à cette commission, parce que, pour une fois, on a devant nous des gens qui ont des idées et des projets à nous soumettre, plutôt que de nous soumettre purement des revendications. Les revendications, il faut y faire face et elles sont souvent légitimes. Cependant, devant la commission de l'énergie et des ressources, ce qu'on constate depuis que nos travaux ont redémarré, c'est qu'il y a beaucoup d'idées qui circulent dans le domaine du développement énergétique au Québec. Il y a beaucoup de projets qui sont en marche. On se retrouve maintenant pratiquement devant l'embarras du choix plutôt que l'inverse. C'est de bon augure pour l'avenir énergétique du Québec.

M. Belleau: C'est exagéré un peu dans notre mémoire par rapport à cela parce qu'on veut que cela se développe. Mais le document que je vous ai remis est vraiment relié au colloque qu'on a organisé dans le sens que vous dites. J'ai moi-même découvert cet été, durant l'organisation du colloque, qu'il y avait vraiment des industries de pointe au niveau énergétique dans la

région 03. Par exemple, les Poêles Saint-Georges, concernant toute la combustion du bois, combustion lente, etc., et, concernant le développement de l'énergie éolienne, deux entreprises dans la Beauce, entre autres, Héli-O-Beauce.

M. Rodrigue: Cela va. Je vous remercie.

M. Deschênes: Je veux simplement dire ceci à M. le député de Vimont: concernant le projet Delaney, j'accueille bien les commentaires que vous avez faits, sauf que ce qu'on voulait signifier dans ce projet, c'est qu'Hydro-Québec est allé voir les gens de Portneuf, les a informés, les a convaincus qu'ils devraient également participer au développement et être consultés constamment. Je trouve qu'il faudrait faire, à ce moment-ci, la même démarche, le même investissement en temps d'information dans la région de Portneuf pour leur dire: Écoutez!. Répétez exactement ce que vous nous avez dit. On commence une démarche avec des gens et on les laisse en plan! Je trouve qu'il faudrait développer l'information même si elle n'est pas toujours agréable à donner.

M. Rodrigue: Je retiens votre suggestion. Elle m'apparaît fort pertinente. Le ministre est allé dans la région de Portneuf en février et il y aurait possiblement lieu d'y retourner. Quant aux démarches d'Hydro-Québec qui consistaient à informer la population sur le déroulement du projet, je me rappelle de tout le débat qu'il y a eu à Hydro-Québec là-dessus. On reprochait à Hydro-Québec de faire ses travaux, de s'en aller dans une région et de ne pas expliquer aux citoyens de la région quelles étaient ses intentions, quels étaient ses projets, ce qu'elle faisait là, de sorte que naissaient souvent toutes sortes de rumeurs quant aux projets en cause. À ce moment-là, Hydro-Québec a révisé sa position et a décidé de faire un effort particulier pour bien informer les populations des régions dans lesquelles elle faisait des travaux de cette nature.

Bien sûr, cela suscite des attentes mais il est évident que le gouvernement continuera d'encourager Hydro-Québec à procéder de cette façon, d'être le plus transparent possible et d'impliquer vraiment les gens des régions concernées dans le développement de ses projets. Sur la Côte-Nord je sais qu'Hydro-Québec a investi au-delà de 15 000 000 $ jusqu'à maintenant dans toutes sortes d'études et un effort semblable a été fait à un certain moment pour bien impliquer les gens de la région concernée dans le développement des projets. En même temps, cela permet de mieux comprendre toute la problématique qui entoure les études sur un projet hydroélectrique.

J'ai fait la première étude de toutes sur l'extension d'une centrale à Manic 5 en 1966. Vous voyez, la construction vient juste de commencer et la construction a cessé au bout de deux ans. Elle reprendra quand la demande résorbera les surplus actuels.

Il se passe donc une période très longue entre le moment où on fait des études et le moment où débute la construction. Il est important d'expliquer à la population pourquoi cela se passe ainsi. Votre suggestion est extrêmement intéressante et j'en ferai part au ministre. Merci.

Le Président (M. Vallières): La parole est maintenant au député d'Outremont.

M. Fortier: Je remercie mon collègue, le représentant d'Hydro-Québec, pour les précisions qu'il nous a données. C'était très apprécié.

J'aimerais revenir sur deux points qui sont importants dans votre mémoire, sur la pénétration du gaz en particulier. Vous dites qu'il faut qu'il y ait équité dans tout le territoire. Si, pour des raisons que nous a expliquées notre collègue, une région n'était pas favorisée par la pénétration du gaz, on pourrait conclure, d'après ce que vous avez dit dans votre mémoire, que vous considéreriez que cette région est défavorisée dans une certaine mesure. C'est la raison pour laquelle certaines régions de la Côte-Nord et d'autres qui sont venues au mois de mars lorsque nous avons commencé les travaux de cette commission... Il y avait entre autres le CRD du Saguenay qui nous avait fait état de cette dialectique à savoir que si le gaz ne pénètre pas on est quelque peu défavorisés pour le développement économique, faisant valoir que si une région était défavorisée elle devrait être favorisée autrement par une tarification électrique régionale. J'aimerais avoir votre sentiment là-dessus.

M. Deschênes: Que les avantages soient compensatoires soit par une tarification électrique régionale ou une autre formule, ce n'est pas nécessairement une tarification électrique régionale... Si on traverse le fleuve, cela peut être difficile d'application. On serait d'accord pour qu'il y ait au moins un type de compensation au niveau des plans, par exemple, qui ont été manifestés par des intervenants de Valleyfield qui nous précédaient, et ce peut être autre chose aussi.

M. Fortier: En ce qui concerne le débat public... Oui, excusez-moi.

M. Belleau: Vous me permettez juste une remarque? Dans le fond, le gaz c'est

comme un avantage supplémentaire. À ce moment-là c'est une infrastructure où il y a des avantages. Les milieux urbains, les milieux les plus populeux reçoivent un nouvel avantage pour se développer. C'est dans ce sens-là qu'on parle d'équité. Je me réfère à ce que mon collègue du CRD de l'Abitibi disait tout à l'heure: II pourrait y avoir une tarification régionale où, par exemple, les surplus d'électricité entre autres pourraient être offerts en région à des prix plus avantageux pour compenser. La vision régionale serait une carte de plus sur laquelle on devrait compter dans la division de la richesse ou des infrastructures, des possibilités, des potentiels.

On ne dit pas qu'une région ne se développera pas parce qu'il n'y a pas de gaz mais c'est une façon de voir les choses et de diviser les avantages.

M. Fortier: Je comprends bien votre point de vue. Je vous remercie. En ce qui concerne le débat public, d'après la recommandation qui est faite ici vous ne considérez pas que ce débat est très public. Si on compte le nombre de personnes dans la salle on peut constater que le public n'est pas très nombreux.

Par ailleurs si la commission parlementaire avait été télévisée cela aurait été un petit peu différent parce qu'il semblerait que lorsqu'une commission parlementaire est télévisée il y a un nombre accru, multiplié par un facteur de plusieurs milliers, qui fait que les débats sont entendus. À ce moment-là, cela devient un moyen de communication assez puissant. Je voulais entendre votre sentiment là-dessus parce que si vous avez pris la peine de l'écrire, c'est que c'est extrêmement important pour vous et je ne crois pas que la commission doive rejeter du revers de la main votre demande dans ce sens. Je suis d'accord avec vous, il y a quelques personnes seulement, quoique les débats soient enregistrés. Je crois que présentement il n'y a pas de journalistes; alors la possibilité que cela devienne un débat réellement public est très mince, je suis d'accord là-dessus, mais j'aimerais que vous m'expliquiez quel était le sens de votre demande.

M. Belleau: Oui.

Le Président (M. Vallières): M. Belleau.

M. Belleau: Vous m'enlevez les mots de la bouche dans le fond. C'est une remarque. Donner des exemples lors d'une commission parlementaire, simplement venir s'asseoir devant la commission et déposer un mémoire, c'est déjà toute une entreprise parce qu'il faut produire le mémoire à 100 exemplaires. Disons que ce sont des choses qu'on dit depuis longtemps. Mais c'est un fait. La preuve est là que depuis que la commission parlementaire siège sur l'énergie on peut s'apercevoir que la majorité des mémoires et des groupes qui ont été entendus étaient soit des grands, des pétroliers, des grandes institutions reliées au monde énergétique. À ce moment-là, la population est très éloignée du débat. Je pense que dans ce sens, cela aurait été intéressant au Québec; que ce serait encore intéressant de vraiment exercer, soit à partir de la commission parlementaire ou dans un autre cadre, une action plus directement impliquée dans les régions, dans les milieux, pour engager le débat avec la population, parce que la question énergétique reste quand même une question très technique. Quand on s'y intéresse c'est peut-être un des éléments. Tantôt je relisais le mémoire. Jusqu'à un certain point, parce qu'on l'a déposé en mars, c'est un autre élément aussi qui démobilise énormément, le fait qu'on prépare un mémoire pour le printemps et qu'on est obligé... Je comprends bien les impératifs politiques mais c'est quand même un fait. Dans ce sens on préconiserait qu'à un moment donné il y ait un débat plus public qui s'engage par différents moyens, entre autres sortir de l'Assemblée nationale, du parlement.

M. Fortier: Je comprends votre sentiment. En ce qui concerne le projet Delaney, mon collègue a donné certaines explications mais je pense qu'on aura peut-être l'occasion d'en discuter, je crois que c'est à la fin d'octobre. Hydro-Québec a indiqué qu'elle doit revenir de toute façon présenter les modifications à son programme d'équipement et en même temps justifier l'augmentation de tarif qu'elle suggérera pour l'an prochain. Justement, j'ai recommandé au ministre qu'étant donné que la convocation de l'Assemblée nationale est reportée vers le 15 novembre - je n'ai pas la date exacte -si Hydro-Québec venait à la fin d'octobre, ce serait techniquement très facile de s'assurer que la commission parlementaire qui va entendre Hydro-Québec soit télévisée. J'en ai fait la demande et j'espère que les membres de la commission sont d'accord parce que ceci nous permettrait, en ce qui concerne entre autres le projet Delaney, de fournir les explications à la population. Comme vous l'avez si bien dit, je crois, il y a un gros investissement qui a été fait par HydroQuébec pour tenter de convaincre la population et faire miroiter des retombées économiques extrêmement importantes. S'il advenait, comme l'a dit mon collègue de Vimont, que ces retombées économiques ne se produisent qu'en 1995, je pense bien qu'il faudrait fournir à la population de Portneuf les explications voulues pour qu'elle sache à quoi s'en tenir et qu'elle n'attende pas les retombées économiques dans l'immédiat alors

que, pour des raisons très valables, j'en suis sûr, le projet serait retardé. Mais ce que vous nous dites dans le fond c'est encore là communiquer avec le public, le faire le plus tôt possible et s'assurer de donner les meilleures explications possible pour que la population puisse comprendre ce qui lui arrive ou ce qui ne lui arrive pas.

Je vais me limiter à cela. Je voudrais vous remercier. Je crois que vous avez très bien explicité les voeux de la région de Québec et qu'on doit vous féliciter de prendre la défense des intérêts de votre région en particulier. Je vous remercie beaucoup.

M. Belleau: Merci.

M. Rodrigue: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Je voudrais tout simplement signaler à mon collègue d'Outremont qu'en aucun temps je n'ai mentionné que les travaux seraient reportés en 1995. Je voudrais être très clair là-dessus.

Le Président (M. Vallières): La parole est maintenant au député de Montmagny-L'Islet.

M. LeBlanc: Je remercie les représentants du CRD région 03 et particulièrement M. Deschênes qui, heureusement aussi, est un citoyen de mon comté. (18 h 30)

Plusieurs intervenants ont souligné l'importance de la biomasse forestière particulièrement depuis la reprise des auditions de la commission. Je pense que plusieurs des chercheurs dans les différents groupes qui ont été présents ici ont les yeux braqués sur le projet de Saint-Juste-de-Bretenières. Ce projet a atteint un point de non-retour, même si, sur place, la bâtisse qui sort de terre n'est pas encore très visible. Je pense qu'un projet de cette envergure est déjà en marche ailleurs que sur le terrain. D'ailleurs, les premiers travaux ont été faits en décembre, l'an passé. Actuellement, cela bouge sur le terrain.

Tout cela pour vous dire que, dans l'appui que vous apportez au projet - parce que c'est l'un des trois grands projets que vous mentionnez dans votre dossier - ce qui me frappe plus particulièrement, c'est la similitude entre le mémoire de Nouveler ce matin et ce que vous présentez cet après-midi. Lorsqu'on se réfère à la page 15 du mémoire de Nouveler et qu'on voit les principales raisons qui ont motivé le choix du site de Saint-Juste, dans le comté de

Montmagny, pour l'implantation de l'usine, je pense que cela répond exactement aux préoccupations que vous mentionnez dans votre rapport, à tous les points de vue et un en particulier. J'ai remarqué une recommandation que vous avez faite, celle que la recherche se fasse là où est la matière. Je pense que c'est véritablement là où est la matière première nécessaire à la recherche que l'usine est construite. Je pense que cela doit vous satisfaire dans ce sens.

Je fais une correction au sujet de la nouvelle à laquelle vous avez fait allusion tantôt, qui m'a fait sursauter également, vendredi soir dernier, lorsqu'un bulletin de Radio-Canada annonçait que le projet de construction de l'usine de méthanol de Saint-Juste était reporté d'un an. Les contacts que j'ai - non pas quotidiennement, mais presque - avec la Société Biosyn de Montréal qui est la société maître d'oeuvre du projet et toutes les indications n'étaient pas conformes à cette nouvelle. La nouvelle provenait d'une autre nouvelle parue le même jour. Il s'agissait d'une usine de récupération des résidus de biomasse forestière et, cette fois, c'était à Saint-Pamphile de L'Islet. Ce projet est retardé d'un an. D'autant plus que le contenu de la nouvelle était constitué de la réponse que j'ai moi-même faite à M. Bellefeuille lors de sa présence ici, en commission parlementaire, sur le projet Bio-Shell de Saint-Pamphile.

Il y a aussi un point que je voudrais signaler dans ce que vous avez dit tantôt. C'est qu'il est tout à fait normal que la CRD de la région de Québec, dans laquelle Saint-Juste-de-Bretenières est située, manifeste un intérêt très pressant vis-à-vis de ce dossier. Je dois vous signaler que je suis animé de la même vigilance que les citoyens qui sont directement intéressés au projet. Si le ministre était ici, il pourrait peut-être corroborer qu'à cause de cette vigilance, il doit trouver le député de Montmagny-L'Islet assez tannant à propos du dossier, avec le résultat finalement qu'un projet de cette envergure, même si les délais sont toujours trop longs - je pense que c'est ce que mon collègue de Vimont a signalé tantôt au sujet du projet Delaney; les grands projets prennent toujours beaucoup de temps - celui-là est en voie de réalisation et il a atteint son point de non-retour. Je pense qu'il est heureux que cela en soit ainsi.

J'ouvre juste une petite parenthèse sur un autre projet que vous signalez qui est le réseau de gaz naturel dans l'Est du Québec et la comparaison que vous faites avec Gros Cacouna. Ayant discuté et étant intervenu lorsque Gaz Métropolitain est venue ici, en commission parlementaire, sur le sujet, il y a un problème qui s'est présenté. Je pense que l'abandon du projet de Gros Cacouna a été l'élément déterminant de l'absence de réseau de gaz naturel dans l'Est du Québec en

descendant avec je pense à peu près la certitude que du gaz naturel circulant dans ce tuyau l'aurait fait vers Québec plutôt que Québec vers le Bas-du-Fleuve. Le seul espoir qu'on peut avoir en installation d'un réseau, c'est peut-être le gaz naturel non pas en provenance de Québec mais le gaz naturel en provenance de la région de l'Est. Il demeure - je veux le signaler de la même façon pour appuyer ce que vous signalez là-dessus - que le danger existe que la région de l'Est du Québec est particulièrement défavorisée au point de vue de la concurrence industrielle par rapport à cela. Je pense à Montmagny, La Pocatière et tout ce secteur qui, nécessairement, devront trouver d'autres moyens de faire face à la concurrence industrielle.

Je vous remercie, messieurs du Conseil régional de développement de la région de Québec, pour ce mémoire très éloquent que vous avez présenté.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Juste pour apporter une précision sur l'usine de méthanol de Saint-Juste-de-Bretenières. Il semble que ce matin, on a dit que la phase qu'on tentait d'entreprendre l'était par Nouveler. C'est la première phase où on va créer un gazogène avec un investissement de 21 600 000 $. La deuxième phase viendra dans le futur, une fois qu'on aura établi si, à partir de la matière première qu'on a là, la partie pour faire le méthanol semblerait être très facile. C'est de savoir l'efficacité d'utiliser la matière. C'est juste une précision.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. LeBlanc: Je pense que la première phase est justement la phase expérimentale. La deuxième phase est connue, le procédé est connu. Lorsqu'on a le gazogène, on est capable de produire du méthanol.

M. Fortier: C'est la correction qui devait être faite. Ce qui a été construit et qui a commencé hier, je crois que ce n'est pas une usine de méthanol...

M. LeBlanc: Non, c'est...

M. Fortier: C'est un gazogène.

M. LeBlanc: Oui.

M. Fortier: C'est pour cela que mon collègue a voulu faire la correction. C'est faux de parler d'une usine de méthanol. La première phase n'est pas une usine de méthanol.

M. LeBlanc: C'est le projet complété qui sera la production de méthanol. Il faut que la première phase soit faite avant pour savoir la rentabilité de production.

Le Président (M. Vallières): Cela complète cette phase de nos travaux. Je remercie les représentants du CRD de la région de Québec. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 h 30.

Il est actuellement 18 h 40.

M. Rodrigue: Une heure, on en a assez pour souper.

Le Président (M. Vallières): On va attendre que le représentant de l'Opposition revienne. Avec le consentement, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 38)

(Reprise de la séance à 20 h 20)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre! La commission parlementaire élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux dans le but d'étudier les effets de la politique énergétique sur le développement économique. Je demanderais aux représentants de l'Union des municipalités du Québec de se présenter. Le président, M. Francis Dufour, pourrait nous présenter la personne qui l'accompagne et nous faire part de son mémoire.

Union des municipalités du Québec

M. Dufour (Francis): Je suis accompagné de M. Jean Bélanger qui est directeur de la recherche à l'Union des municipalités et qui est aussi fiscaliste.

Je voudrais en premier lieu remercier M. Duhaime, ministre de l'Énergie et des Ressources, pour nous avoir transmis le document de réflexion: L'énergie, levier de développement économique, et nous avoir invités à faire connaître nos commentaires auprès des membres de la commission permanente.

L'Union des municipalités du Québec n'a nullement l'intention de faire un exposé savant sur la situation énergétique des municipalités du Québec. À ce titre, les municipalités s'inscrivent dans la foulée des tendances actuellement décelables au Québec. Ce n'est pas même dans l'agrégation de leur consommation qu'elles pourraient prétendre peut-être à une contribution particulière à ce débat. C'est toutefois à ce titre que ce mémoire vous est fourni: les municipalités se veulent des consommateurs plus avisés, plus responsables. L'Union des municipalités du Québec désire donc vous faire valoir le rôle de l'administration municipale à l'intérieur du

dossier de l'énergie, des orientations possibles vers lesquelles leur gestion s'engage et des besoins qu'elle connaît.

Comme vous avez eu en main le mémoire, je voudrais simplement en faire un survol pour le synthétiser et vous dispenser de la lecture. Je pense que vous êtes aussi bons que nous le sommes pour lire, sinon meilleurs. Je peux peut-être vous rappeler que la consommation de l'énergie par les municipalités représente 200 000 000 $ par année, donc 1,7% de toute la consommation énergétique au Québec. Les économies réalisables pourraient facilement s'élever à 60 000 000 $ par année; selon les calculs, c'est environ 30%. Cela voudrait dire des investissements de 120 000 000 $.

Lorsqu'on regarde l'importance des chiffres que je viens de citer, on pourrait se demander, avec raison, pourquoi les municipalités, si c'est tellement bon, n'embarquent pas dans ce programme. Je pense qu'on peut facilement trouver des raisons plausibles. D'abord, les administrations municipales sont préoccupées par d'autres sujets que l'économie d'énergie. Ce n'est pas spectaculaire de dire aux citoyens - surtout dans le contexte actuel où on a des surplus d'énergie - qu'on va diminuer la consommation d'énergie dans les bâtisses en capitalisant des montants d'argent respectables qui font que, si cela s'autofinance sur cinq ans, il y a des chances que l'administration municipale, qui a une durée de vie de quatre ans, qui prend au moins un an pour prendre sa décision, fait des économies pour les autres. Je comprends facilement que les administrateurs municipaux ne soient pas portés à embarquer ou à décider dans ces programmes.

Bien sûr, les municipalités ne sont pas nécessairement convaincues que l'économie d'énergie est la planche de salut à leurs préoccupations ou à leur volonté propre d'autogérer leur municipalité. Ces décisions n'étant pas nécessairement très visibles aux yeux des citoyens, ne garantissant pas une réélection et engageant des capitaux pour ces investissements, il y a des dangers - et cela se produit - que les administrateurs municipaux ne soient pas portés à aller dans ces programmes-là.

Si on veut conclure ce petit exposé, on peut dire en gros que la bonne administration passe d'abord et avant tout par l'utilisation efficace des ressources. Les municipalités sont intéressées à rationaliser leur consommation d'énergie. Le processus n'est pas simple pour parvenir à une gestion intégrée et rentable. La plupart des municipalités, sauf exception, n'ont pas le personnel disponible pour en arriver à un véritable programme général d'économie d'énergie. Leurs cadres sont souvent débordés, quoique, bien souvent, ce soit à leur ténacité, à leur savoir-faire et à leur attitude qu'on doit une amélioration soit de l'éclairage de rues, soit du confort de l'hôtel de ville, soit de la patinoire et de la piscine locales. La conception d'une programmation globale nécessite une approche experte. Toute intervention dans le domaine est génératrice d'emplois et de consommation de matériaux. L'Union des municipalités du Québec demande donc la mise sur pied pour toutes les municipalités du Québec de deux programmes. D'abord, la création d'un programme d'aide aux études d'économie d'énergie municipale. Pour ce faire, j'ajoute - ce n'est pas écrit dans le mémoire - qu'on pourrait faire appel à des surplus de main-d'oeuvre qui seraient susceptibles d'exister -je le donne sous réserve - par exemple, dans les sociétés d'État ou dans les ministères. Ce pourraient être des ressources disponibles qu'on pourrait utiliser pour donner l'aide technique aux municipalités pour au moins la première approche.

Deuxièmement, on demande aussi la création d'un programme expérimental de responsables de la gestion de l'énergie dans les municipalités ou un groupe de municipalités par contrat entre elles. À cela s'ajoute la simplification des procédures d'attribution de contrats et d'engagements de crédit pour tout projet municipal dans le domaine. Évidemment, on pourra rétorquer aux municipalités que les récents programmes de création d'emplois ont pu répondre à ces objectifs. Nous devons répondre que les fonds disponibles du programme PECEM étaient limités d'abord dans le temps et aussi par la quantité d'argent disponible; en plus, le programme ne visait pas spécialement ce domaine et les emplois à créer pressentaient des personnes vivant du bien-être social ou de prestations d'assurance-chômage. L'Union des municipalités croit que seuls des programmes spécialisés en la matière peuvent donner aux municipalités le coup d'envoi nécessaire qui leur permette de prendre la relève, car la rationalisation de la consommation énergétique s'autofinance dans l'espace de deux à cinq ans, selon l'investissement choisi.

L'Union des municipalités compte par ailleurs sur tout le développement scientifique et les orientations que le MEER c'est le ministère, cela n'a aucune consonance avec celui qui vous parle - peut susciter en matière de rationalisation de la consommation énergétique.

Enfin, l'Union des municipalités tient à remercier les membres de cette commission pour nous avoir entendus et plus particulièrement pour nous avoir accordé un délai supplémentaire pour présenter ce mémoire. Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): On vous remercie. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. le maire Dufour, en votre qualité de président de l'Union des municipalités du Québec et aussi comme maire d'une ville importante de la grande région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

La première question qui me vient... Vous nous proposez de mettre sur pied deux programmes qui, au fond, se rejoignent. Vous voulez que le gouvernement appuie la bonne volonté qu'on croit déceler du côté des municipalités pour que tout ce dossier des économies d'énergie puisse, d'abord, être compris et, deuxièmement, être mis en route.

Une proposition comme celle-là, j'avoue que je pourrais difficilement la refuser, mais je vous retourne la question en disant: Est-ce que vous êtes prêts à y contribuer financièrement, soit au niveau de l'UMQ ou encore au nom des... Je comprends qu'il y a 250 municipalités au Québec qui représentent 80% de la population et il est bien évident qu'avec la ville de Montréal, la ville de Québec ou encore quelques grandes communautés urbaines, ce serait facile de mettre sur pied un programme à frais partagés pour ce qui est de trouver les équipes d'aide. Mais, à partir du moment où votre mémoire indique - vous mentionnez que votre compte est d'environ 1,7% à 2%; c'est 200 000 000 $ que les municipalités paient à Hydro-Québec - que les économies d'énergie, vous les identifiez à 30%, si j'ai bien compris votre mémoire - 30% me parait énorme; on travaille sur des scénarios plus modérés que cela - cela représente 60 000 000 $. Je pense que la difficulté pour votre organisme, c'est que cela peut être vrai pour une grande ville, cela peut être vrai pour une communauté urbaine, mais ce n'est pas nécessairement vrai pour une corporation municipale de village ou de paroisse où les populations sont peu nombreuses et où la consommation d'énergie hydroélectrique ou autre est plus faible.

Mais, s'il y a un montant de 60 000 000 $ à être épargné, suivant vos évaluations, mettre sur pied un programme d'aide, en fait - parce que j'ai comme l'impression que, si on fait un programme d'aide, cela va se traduire aussi par un programme expérimental - est-ce que cela a été discuté au niveau des municipalités? Si l'économie est ressentie - vous nous parlez de 60 000 000 $ - si ce chiffre tient, j'ai l'impression qu'il y a une épargne réelle à aller de l'avant pour qu'on mette sur pied une équipe mobile ou une équipe volante -appelons cela comme on voudra - qui pourrait s'ajuster en fonction des grands centres urbains par rapport à d'autres régions peut-être plus faibles en densité de population. Enfin, si l'Union des municipalités voit une économie qui est chiffrée à 60 000 000 $, il est bien certain que vous seriez peut-être prêts à engager des fonds dans un programme comme celui-là. Je voudrais avoir votre réaction là-dessus.

M. Dufour: C'est bien sûr que l'Union des municipalités ne possède pas les fonds pour s'avancer sur ce terrain. Ce qu'on croit, c'est que, lorsqu'il y a de l'argent disponible ou qu'il y a un engagement gouvernemental vis-à-vis de certains programmes, il est certain que les municipalités sont extrêmement tentées d'y adhérer. Il s'agit de penser à tout ce qui se passe et on comprend facilement que, même si la proposition ne complète pas 100% des coûts, les municipalités sont tentées d'y adhérer. Si on parle de petits projets ou de petites municipalités, une équipe volante - ce n'est pas nécessaire qu'il y ait une équipe dans chaque région - pourrait orienter les petites municipalités et leur dire aussi, surtout, si cela vaut la peine ou non. Je pense que cela se fait.

Les grosses municipalités cherchent aussi leur intérêt directement. Je donne l'exemple de la ville de Jonquière où, actuellement, on est en train de rénover un aréna et où on a constaté qu'il coûtait 75 000 $ d'énergie. Pourquoi? C'est facile à comprendre. C'est que l'ex-municipalité -parce que c'est une ville fusionnée - avait son propre réseau électrique. Donc, l'électricité ne coûtait pratiquement rien, et elle pouvait se permettre de dépenser 75 000 $. C'est encore le cas, puisque le réseau nous appartient dans ce secteur. Par contre, il ne nous appartiendra peut-être pas tout le temps, surtout avec les pressions faites par Hydro-Québec à maintes reprises, et on doit vivre avec. On a accepté tout de même d'investir environ 200 000 $, ce qui va diminuer la consommation d'énergie de cet aréna de 75 000 $ à environ 35 000 $, ce qui nous semble dans l'ordre normal des choses d'après ce qu'on voit et d'après ce qu'on peut récupérer pour assurer le confort, non seulement aux joueurs, mais également aux spectateurs et, en même temps, donner une meilleure qualité à la bâtisse. Il y a réellement des économies. Sur des programmes spectaculaires, les municipalités assez grosses vont embarquer. Mais, lorsque ce sont des économies qui sont à moins grande échelle, il y a certainement des hésitations, même de la part des grosses municipalités.

Comme je le disais tout à l'heure, au début de mon exposé, les administrateurs, les politiciens ne sont pas nécessairement... Par nature, ils doivent être des administrateurs, mais ils sont aussi politiciens. Les deux peuvent se compléter. S'ils ont un choix à faire, ils vont essayer de dépenser l'argent dans les domaines où ils vont en retirer le plus de bénéfices. Je pense que c'est dans la nature des choses.

Donc, possiblement que, s'il y avait un

programme à frais partagés... J'ai donné aussi comme exemple qu'on pourrait peut-être regarder ceci comme hypothèse: Est-ce qu'il y a des ministères où des spécialistes sont disponibles, des gens qui, en fait, retirent de l'argent du gouvernement et ne sont pas nécessairement productifs? Est-ce qu'on pourrait regarder, dans les sociétés d'État, s'il y a des capacités, des talents, des cerveaux, qui ne demandent pas mieux que d'être utiles et utilisés, sans que cela coûte des prix énormes? À ce moment-là, j'ai l'impression que les municipalités seraient extrêmement tentées d'embarquer là-dedans.

Je vous donne comme exemple le programme de soutien au loisir. L'Union des municipalités, par ses administrateurs... Ce n'est pas pour nous glorifier, au contraire, c'est pour dire comment les municipalités sont. Il faut l'accepter et vivre avec cela. On a dit: Le programme n'atteint pas nécessairement les buts de la réforme fiscale. Malgré tout, il y a 92% ou 95% des municipalités qui y ont adhéré, même si cela allait un peu à l'encontre des principes de base qu'on avait établis. C'est juste pour renforcer ce que je dis, à savoir que, si le gouvernement s'engage d'une façon sérieuse, positive, dans un dossier comme cela, il y a des chances que les municipalités y donnent suite.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: J'ai une dernière question. Je vais profiter de votre présence parce que vous êtes actif comme maire de la grande ville de Jonquière, la ville fusionnée, comme vous dites, et je crois que vous êtes également préfet de votre MRC.

M. Dufour: Non, je ne suis pas préfet. On n'a pas la majorité des villes. C'est facile à comprendre.

M. Duhaime: Est-ce qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à l'heure actuelle, au niveau municipal, il y a des discussions sur la nécessité absolue d'appuyer la pénétration du gaz naturel dans votre région? La problématique, c'est que Gaz Inter-Cité, l'an prochain, projette une latérale La Tuque-Chambord-La Baie pour desservir votre région. De notre point de vue, cela nous apparaît impératif, sinon impérieux, de relier la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean au réseau du gaz naturel. Je voudrais avoir, si vous êtes en mesure de nous donner votre point de vue là-dessus. Comment cela est-il perçu dans votre région? Est-ce que votre population, le milieu des affaires et le milieu économique appuient cette démarche? En termes d'avantages comparatifs, est-ce que vous évaluez cela comme étant quelque chose de positif?

Le Président (M. Vallières): M. Dufour.

M. Dufour: Si je regarde à vol d'oiseau ce qui s'est passé dans la région, lorsqu'on n'a pas beaucoup d'investissements et qu'on fait face à un taux de chômage, je pense qu'on est prêt à aller de l'avant sur tout projet susceptible d'avoir des retombées économiques dans la région. Les municipalités, dans l'ensemble, ont appuyé la venue du gaz naturel dans la région. Mais quels seront les impacts économiques directs pour elles? C'est difficile pour nous de les évaluer. On sait qu'il y a beaucoup de maisons dans les municipalités qui sont alimentées actuellement soit par le pétrole ou l'huile, par des produits pétroliers, ou par l'électricité. Il y en a quelques-unes qui sont à la biénergie. Avec la venue du gaz naturel, est-ce qu'on remettra... Je donne l'exemple de ma maison où j'ai enlevé toutes mes bouches d'air; je chauffais à l'huile et j'ai converti le chauffage à l'électricité. C'est une conversion vraiment québécoise. Donc, on a converti le chauffage à l'électricité. Je ne sais pas si le gaz naturel changera ma façon de voir les choses. On comprend cependant que la venue du gaz naturel va permettre à des industries de concurrencer par leurs prix d'autres industries.

En gros, il y a des contrats qui sont donnés à des firmes de consultants. Il y a certainement de la main-d'oeuvre qui sera utilisée. Il y a aussi des terres ou des morceaux de terre et des droits de passage qui seront négociés avec les propriétaires de biens fonciers. Tout cela fait que la venue du gaz naturel, il me semble, va nous mettre sur un pied d'égalité avec la métropole et les grands ensembles. C'est vrai pour n'importe quelle partie du monde; plus on a de sources polyvalentes d'énergie, plus il y a de concurrence qui va s'exercer et plus le consommateur ou le producteur pourra accéder à une source ou l'autre; c'est une question de choix. Je pense qu'on doit continuer à défendre cette possibilité pour le consommateur de pouvoir choisir ce qui lui convient le mieux.

En résumé, j'ai l'impression qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on est très heureux de la venue du gaz naturel dans la région.

M. Duhaime: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Bonjour, M. Dufour. M. Dufour: Bonjour.

M. Fortier: Je pense que vous vouliez passer un message qui est très clair. Si on a

des subventions ou une aide de l'État, on va pouvoir faire beaucoup, parce qu'il y a un besoin.

Il y a une première chose qui m'aiderait à comprendre les données du problème. Vous avez parlé des petites villes et des grandes villes. Moi qui n'oeuvre pas dans le domaine municipal, pourriez-vous me dire ce qu'est une petite ville et ce qu'est une grande ville?

M. Dufour: Au Québec, j'ai l'impression que les municipalités de 10 000 habitants et plus pourraient être considérées comme des villes de taille moyenne où les programmes d'économie d'énergie seraient réellement palpables. La plupart sont dotées de gros équipements. Si elles comptent 10 000 habitants, certaines petites municipalités vont rayonner autour; cela va leur donner, grosso modo, 25 000 ou 30 000 habitants. D'ailleurs, si on regarde nos MRC, c'est à peu près leur taille. On suppose qu'il y a au moins des équipements lourds. Un aréna, à mon sens, c'est un équipement lourd. Une piscine intérieure, c'est un équipement lourd, de même qu'un hôtel de ville ou des bâtiments un peu plus sophistiqués.

C'est là, j'ai l'impression, qu'on pourrait obtenir de la rentabilité dans les investissements et aussi dans les actions. C'est vraiment là. Les gros consommateurs d'énergie... Dans ma municipalité, je possède 60 à 62 bâtisses, donc, si je fais de l'économie dans 62 bâtisses, cela vaut peut-être la peine, mais il n'y a pas une économie possible de l'une à l'autre. On a deux piscines intérieures, on a trois arénas et demi, parce qu'il y en a un dans la même bâtisse. Tout cela peut récupérer de l'énergie pour la peine, à mon sens. Nous autres, on a trois hôtels de ville, on en a même des supplémentaires, on en a trop; ces bâtisses ont été bâties dans les années... Il y en a qui ont 50 ans, 40 ans d'existence. Donc, il y a certainement des économies possibles et c'est dans ces tailles de municipalités, à mon sens, qu'on peut obtenir vraiment une rentabilité dans les investissements et aussi que l'administrateur peut planifier un peu plus.

Si on regarde les municipalités un peu plus petites, lorsqu'elles vont emprunter, elles sont un peu plus modérées. Quand je parle de petites municipalités, si vous regardez le service de la dette, elles sont très prudentes et je n'en parle pas en mal, je fais des constatations. Si vous regardez, par exemple, l'effort fiscal des municipalités. Je vous rappelle la réforme fiscale. L'effort fiscal des petites municipalités qui sont en bas de 10 000 habitants est beaucoup moindre que pour celles qui ont une population plus élevée puisque les gens exigent beaucoup plus de services. On parle d'électricité, mais on pourrait parler aussi de la conversion des véhicules au gaz propane par rapport à l'huile ou à l'huile lourde ou par rapport au gaz. Chez nous, on l'a fait. On a constaté une chose, c'est que les camions qui ne roulent pas tellement, ce n'est pas avantageux de les convertir au gaz propane. C'est notre constatation chez nous, dans notre milieu. Donc, on sait actuellement qu'on va diminuer la cylindrée, donc la force des camions, mais on va obtenir les mêmes résultats. Pour les automobiles de patrouille, cela vaut la peine de les convertir au gaz propane.

M. Fortier: Je regardais votre tableau, à la page 5, qui donne le potentiel d'économie d'énergie. Je ne sais pas où vous avez pris votre information. D'après ce que vous avez dit - je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire - ce n'est pas à la suite d'études techniques que ce potentiel a été calculé, c'est un objectif que je qualifierais de théorique et qui ne tient pas compte des montants des investissements et du nombre d'années qui serait requis pour faire valoir l'investissement qui sera fait. C'est un potentiel, mais c'est un potentiel, si on regarde les édifices, qui représente 40% de la consommation. Cela peut vouloir dire des économies d'énergie, remplacer les fenêtres, les portes. Cela veut dire, si l'édifice est très vétuste - je l'ai fait chez moi, j'ai une vieille maison dans Outremont - cela veut dire des choses aussi simples que de changer les fenêtres de la maison et d'ajuster les portes. Pour un édifice public qui est très vétuste, cela peut vouloir dire un investissement assez considérable. Cela peut vouloir dire quasiment moderniser l'édifice, comme on fait ici au parlement présentement.

M. Dufour: Oui, mais aussi, j'ai un exemple à vous donner. Notre hôtel de ville qui sert pour Jonquière, c'est l'ex-hôtel de ville d'Arvida. Un vendeur ou un technicien est venu chez nous et a regardé le système. Il a dit: Savez-vous, moi, j'ai des brûleurs, il me semble que vous n'avez pas l'efficacité du brûleur que vous devriez avoir. Il a dit: Je vais faire une expérience avec vous autres. Je vais les échanger. Si vous n'avez pas les résultats que vous attendez, je reprends mes brûleurs et j'installe vos vieux. Juste changer les brûleurs a eu pour résultat de couper la consommation en deux, c'est-à-dire qu'au lieu de 25 000 $, cela s'est ramassé vers 12 000 $ ou 13 000 $ d'huile lourde. Donc, cela a changé toute la face des choses. C'est pour cela que, s'il n'y a pas de spécialiste, des gens spécialisés qui examinent, qui voient... Des fois, cela peut être des fenêtres; des fois, des portes, mais, d'autres fois, cela peut être autre chose.

M. Fortier: Si vous me dites... Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. S'il y avait une sensibilisation des maires, il y a des choses qui peuvent être faites, qui devraient être faites. Je suis un peu nerveux... Quand vous avez dit au ministre tout à l'heure: Vous savez, s'il y a des ingénieurs sur des tablettes au gouvernement, je dois admettre que là, je deviendrais un peu nerveux. Ces gens sur les tablettes, ce ne sont pas nécessairement les experts dont vous avez besoin pour porter les jugements dont vous venez de parler. Parce qu'un expert - je ne parle pas d'ingénieur; on parle de techniciens, dans le cas des brûleurs - j'imagine que c'est un technicien qui connaît les brûleurs pour vous faire des recommandations très précises. C'est pour cela que je crois que le ministre devrait considérer votre recommandation qui est très pertinente; il devrait la considérer sérieusement. (20 h 45)

Ce que je veux dire, c'est qu'au minimum, il devrait y avoir une sensibilisation des maires et des conseillers municipaux pour s'assurer qu'ils font au moins ce qui peut être fait à peu de coûts, ce que vous avez fait et on doit vous en féliciter. Je vous remercie.

M. Duhaime: Juste...

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le ministre et, par la suite...

M. Duhaime: J'ai fait...

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Duhaime: Tantôt, vous avez avancé 30% et mon collègue d'Outremont trouve que le chiffre est élevé. À première vue, cela peut paraître très élevé, mais je pourrais vous confirmer ce chiffre en quelque sorte parce que, dans les évaluations qu'Éconoler fait - la filiale de Nouveler - ou encore les programmes d'efficacité énergétique qui ont été appliqués par le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement dans certains édifices du gouvernement de même que par le ministère de l'Éducation, la moyenne dans les économies d'énergie est de l'ordre de 25% à 30%.

Si on compare les bâtisses du gouvernement qui ont été plus efficacement aménagées sur le plan de la consommation d'énergie, cela pourrait se comparer avec le genre de bâtisses qui sont la propriété des municipalités, comme les arénas, les hôtels de ville, les garages municipaux, etc. Je pense que votre remarque d'avoir une équipe d'aide est pertinente. En fait, je fais un parallèle avec notre programme Énergiebus, où nos gens font la balade dans le secteur commercial et industriel pour faire des bilans, donner des conseils, etc.

Ce serait sûrement un des éléments importants au niveau de la sensibilisation. Je suis parfaitement d'accord avec vous que les municipalités de villages ou de paroisses, sans les éliminer pour autant, ne sont pas la clientèle cible. Il est évident que, sur une consommation de l'ordre de 200 000 000 $ par année, les petites villes, les très petites villes ou encore les villages ou les paroisses ne doivent pas consommer beaucoup.

Si on va au noyau central, c'est-à-dire là où, à travers 250 municipalités au Québec, on regroupe à peu près 80% de la population, je pense que c'est sur ce noyau qu'il faudrait travailler. Si vous me dites, M. Dufour, que de votre côté vous êtes prêts à sensibiliser les autres élus - je comprends que les mandats sont de quatre ans, les nôtres aussi - et si on pouvait mettre sur pied un programme à frais partagés, je vous avoue honnêtement que, si les municipalités y voient leur intérêt, on pourrait très certainement trouver moyen, à travers le comité qui siège actuellement - je sais que l'UMQ travaille avec mon ministère là-dessus - de mettre au point un scénario où les municipalités qui seraient intéressées pourraient recevoir la prime. Je le dis un peu comme une suggestion; je vous retourne la balle en quelque sorte. On pourrait aller de l'avant et, pour les municipalités qui décident d'adhérer à un programme d'efficacité énergétique, le coût d'énergie-conseil pourrait devenir gratuit pour elles dans la mesure où les travaux vers l'efficacité énergétique et les investissements sont faits.

Je vous donne un exemple. Même si les mandats sont seulement de quatre ans, je pense que tout le monde dans une municipalité va comprendre qu'investir 40 000 $ pour couper un compte d'énergie où l'investissement revient dans l'espace de quatre ou cinq ans, aucun contribuable dans aucune municipalité au Québec ne va s'opposer à cela parce que le premier jour de la sixième année est une économie réelle, même en tenant compte des taux d'intérêt.

Je retiens votre suggestion. On va demander à nos gens, ceux de l'Union des municipalités et ceux du ministère de l'Énergie et des Ressources, de former un comité conjoint afin de faire atterrir un programme - il y en a un qu'on a appelé Énergiebus - qui va s'occuper des municipalités; il va développer aussi une expertise, même si parfois, avant de décider un conseil municipal à aller de l'avant et à faire un emprunt pour capitaliser sur l'efficacité énergétique, il faut que ce soit visible; c'est là-dessus que la sensibilisation doit porter.

Je retiens votre suggestion. Pour autant que je ne serai pas appelé à tout payer tout

seul, je serais prêt à faire un bon bout dans le sens de votre suggestion.

M. Fortier: M. le ministre, j'ai cru comprendre que vous formeriez une équipe centrale pour cela. Je pense que...

M. Duhaime: Oui.

M. Fortier: ...comme les municipalités sont dans toutes les régions, peut-être qu'on pourrait retenir la proportion des frais partagés et utiliser les techniciens et les ingénieurs des régions et ne pas toujours prendre des gens de Québec et de Montréal pour faire ce genre de travail. Dans les différentes régions du Québec, les gens verraient mal qu'un petit camion de Québec ou de Montréal vienne faire ce genre d'études, d'autant plus que les municipalités, je crois, ont déjà des techniciens ou des ingénieurs qui travaillent pour elles. D'ailleurs, je suis sûr que le ministère de l'Énergie et des Ressources connaît ceux qui sont les plus compétents dans le secteur des économies d'énergie. Je pense qu'il y aurait moyen d'établir un système utilisant le secteur privé, mais où il y aurait collaboration avec le ministère concerné.

M. Dufour: Si cette suggestion est retenue, cela pourrait permettre... Il ne faudrait peut-être pas s'arrêter seulement sur ce que j'ai dit, à savoir que les élus municipaux avaient un mandat de quatre ans, qu'il fallait un an pour décider et qu'ils n'en jouiront que pendant deux ans. Il ne faudrait pas s'arrêter seulement là-dessus. Je suis sûr que leur préoccupation est beaucoup plus grande que celle que j'ai mentionnée avec un peu d'humour. Il est vrai que les municipalités ont besoin de temps en temps d'être cautionnées par le gouvernement central. Il est important d'avoir une crédibilité. Si elles engagent des fonds et qu'en fin de compte, il se révèle qu'il n'y a pas d'économie importante, c'est là qu'on sentira une position inconfortable. On n'a pas tous les moyens et les ressources... Je comprends qu'une ville comme Montréal ou Québec, qui va engager 100 000 $ pour faire une étude sur dix bâtiments ou autre chose, je ne pense pas que le maire de la ville de Montréal a à se justifier très longtemps devant ses contribuables. Il trouvera certainement la méthode. Il a déjà ses premiers techniciens pour faire la première étude...

M. Duhaime: Surtout à 100 000 $.

M. Dufour: Non, mais il va y avoir un certain nombre de critères sur lesquels il va se baser. Quand on dit qu'on peut aller étudier tel aréna et arriver à telle économie d'énergie, il est évident qu'au départ, j'ai déjà la certitude qu'il y a une économie. Mais la petite municipalité qui n'est pas habituée de recourir à des experts-conseils, à des experts dans sa propre municipalité, va hésiter beaucoup. Dieu sait si, dans les petites municipalités, pour engager 2000 $ ou 5000 $, c'est tout un tordage de bras et c'est tout un phénomène extraordinaire, parce qu'elles ont le souci des deniers des contribuables. Je respecte cela. Mais quand la municipalité est plus grosse, les budgets étant plus gros, 5000 $ ou 10 000 $, cela n'empêchera personne de dormir parce que, si on fait un bon coup, on va le payer dix fois.

M. Fortier: Je connais la ville où je demeure et je sais qu'elle a fait faire des études... On ne parle pas de très grandes villes. Peut-être qu'il y aurait avantage à faire connaître davantage ceux qui ont fait des efforts dans ce sens pour montrer des économies qui ont été faites et donner des exemples. Je crois qu'on peut faire beaucoup par l'exemple, en retenant votre suggestion de frais partagés pour les études-conseils. Cela serait, à mon avis, aller dans la bonne direction.

M. Dufour: Au nom de l'Union des municipalités, je voudrais vous remercier de nous avoir entendus.

M. Duhaime: On vous remercie, M. Dufour.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Dufour.

J'inviterais maintenant le Regroupement pour la surveillance du nucléaire et Alliance Tournesol à venir nous faire part de son mémoire. M. Paul Berleur.

Regroupement pour la surveillance du nucléaire et Alliance Tournesol

Une voix: M. Berleur n'a pas pu venir. II y a M. Jean-Guy Vaillancourt, qui est membre de l'Alliance Tournesol de Montréal, qui va le remplacer.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. Vaillancourt, pourriez-vous nous présenter les autres membres de votre délégation, s'il vous plaît?

M. Boucher (Jacques): Je m'appelle Jacques Boucher. Je fais partie de l'Alliance Tournesol également. Il y a M. Gordon Edwards qui fait partie du Regroupement pour la surveillance du nucléaire. Cependant, M. Edwards a un peu de difficulté dans la langue française. S'il y avait des questions, il serait apprécié qu'il puisse répondre dans sa langue.

Pour commencer, nous sommes agréablement surpris de voir qu'on parle

beaucoup de conservation d'énergie avec l'Union des municipalités du Québec. Dans le mémoire qui nous a été envoyé, c'était à peine mentionné. On a basé notre mémoire sur votre présentation qui était: L'énergie, levier économique. On l'a intitulé: L'énergie: un choix à faire pour un développement économique du Québec lié à l'emploi et à l'autosuffisance des communautés locales. Ce mémoire comprend quatre parties et il tente de démontrer, faits à l'appui, qu'il ne s'agit pas de répéter le passé, mais de franchir un seuil qualitatif où la conservation de l'énergie est en passe de devenir un atout majeur. Celle-ci a été depuis cinq ans l'élément clé qui a fait mentir à peu près toutes les prévisions des experts quant à la croissance de la demande énergétique.

Dans la première partie du mémoire, nous rappellerons les erreurs coûteuses qui ont été commises ces dernières années et dont il faut tirer un enseignement. Ensuite, nous analyserons un cas type où la mauvaise gestion des fonds publics s'allie à la destruction de l'environnement et au choix coûteux du passé. Ce cas est celui de l'aluminerie de Pechiney Ugine Kuhlmann dont l'établissement est projeté à Bécancour. Dans la troisième partie, il sera question de la planification future, et dans la dernière de l'action immédiate à entreprendre.

L'âge de l'énergie à bon marché est révolu. L'âge de l'efficience énergétique est apparu. La première priorité dans la politique énergétique du Québec ne devrait pas être de produire plus d'électricité ou de remplacer une forme d'énergie par une autre, mais de bâtir une société d'efficience énergétique, société qui en même temps serait davantage autosuffisante, plus compétitive, moins fragile et moins dépendante. Cette perspective est pratiquement absente du document: l'énergie, levier de développement économique, qui est plutôt orienté de façon à reproduire les erreurs du passé.

Nous avons tous en mémoire plusieurs mégaprojets poussés à coup de milliards: la promotion du CANDU pour lequel Ottawa, après avoir dépensé 5 000 000 000 $, est prêt à dépenser plusieurs milliards additionnels; l'exploitation des sables bitumineux qui a été suspendue parce que fondée sur l'extrapolation non critique des hausses du pétrole; l'aventure et le sauvetage de Dome Petroleum; les forages dans la mer de Beaufort ou l'océan Atlantique. Tous ces projets étaient basés sur le postulat de la croissance continue du prix et de la demande. Celui-ci s'étant révélé erroné, nous héritons d'une énorme dette, d'une économie chancelante et d'un chômage qui a atteint un seuil intolérable. Nous croyons que le Québec, dans sa politique énergétique, doit éviter de commettre les mêmes erreurs d'investissement qu'Ottawa.

Nous sommes conscients en disant cela que les choix sont difficiles quand il s'agit d'élaborer une politique énergétique, d'autant plus que d'énormes investissements sont déjà engagés. Mais, nous sommes aussi conscients que l'avenir de la société est impliqué dans les décisions à prendre et c'est pourquoi nous croyons qu'un débat public approfondi d'une durée d'un ou deux ans devrait avoir lieu, débat qui serait plus qu'une commission parlementaire et où on donnerait aux intervenants les moyens de fouiller et de faire valoir leur point de vue. Ce débat devrait porter sur l'avenir économique du pays tout en couvrant la question énergétique. Un tel débat pourrait nous éviter de manquer le bateau face aux temps nouveaux, comme cela est arrivé pour les grands de l'automobile et les fabricants de montres suisses qui n'ont pas vu le changement venant du Japon avec la petite voiture et la montre digitale.

Au Québec, nous avons encore à la mémoire le plan d'investissement d'Hydro-Québec publié le 16 décembre 1980, plan qui prévoyait une croissance de 6,4% d'ici à 1996 et des investissements de 90 000 000 000 $. En 1982, Hydro-Québec a enregistré une baisse de 2,5% de ses ventes d'électricité et dispose de surplus qu'il arrive difficilement à écouler. C'est que les courbes de croissance des besoins en énergie ont atteint un plateau vers 1975, et depuis deux ans sont à la décroissance.

Ceci n'est pas un phénomène isolé propre au Québec. On le retrouve en Ontario, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et dans de nombreux États américains. La décroissance de la demande et les surplus d'électricité, qu'on retrouve partout sauf dans la Nouvelle-Angleterre, mettent HydroQuébec en mauvaise position pour vendre de l'électricité à un prix convenable.

Un facteur nouveau est apparu qui, s'alliant avec la crise économique, est devenu déterminant: c'est celui de la conservation dont nous parlerons dans la troisième partie. Nous devons abandonner les credos intouchables du passé, ceux de la croissance continue basés sur des mégaprojets comme clés du développement économique. Nous devons envisager un avenir autre.

En examinant la courbe de la consommation totale de l'énergie de 1960 à 1981, nous prenons conscience, premièrement, que la croissance continue a pratiquement cessé en 1970; deuxièmement, une croissance continue basée sur les années 1960 à 1970 aurait donné en 1981 une consommation de 55 800 000 TEP, alors que la consommation réelle a atteint 31 700 000 TEP. Celle-ci est donc de 24 100 000 TEP inférieure à la consommation qui aurait été exigée si la croissance avait été continuée. (21 heures)

En fait, les temps ont changé, et il faut tenir compte du phénomène de la conservation pour envisager l'avenir. Le document de base sur l'énergie nous oriente vers une planification qui reprend le mythe de la croissance continue de la consommation énergétique. Le graphique de la page 15 de votre document, reproduit à la figure 8, illustre cette tendance et nous croyons qu'il nous mène à reproduire les erreurs du passé. Comme le projet énergie de la faculté d'administration de Harvard a conclu en 1979, la conservation doit être regardée comme la source clé de l'énergie dans notre lutte visant à réduire notre dépendance du pétrole importé.

Ici, au Québec, selon les auteurs de L'énergie, levier de développement économique, environ 5 000 000 de tonnes de pétrole ont été économisées en 1981 par l'effet de la substitution par l'électricité et le gaz naturel. Même si cette économie est impressionnante, elle représente seulement 21% des économies d'énergie réalisées en 1981 par la réduction de la demande au cours des années soixante-dix. À moins que nous n'ajustions notre pensée à la nouvelle réalité, la planification économique au Québec n'aura aucun succès pour résoudre nos problèmes courants. Vendre l'électricité à perte seulement pour produire des revenus est un pauvre investissement si on compare ceci à d'autres investissements. Nous ne devons pas utiliser nos erreurs passées pour justifier de nouvelles erreurs.

Pechiney, un cas type. Pechiney, avec l'aide du gouvernement du Québec, va commencer dès juin prochain - c'était prévu par la commission parlementaire du printemps - les travaux d'une aluminerie à Bécancour. Ce projet, même s'il a été célébré comme une victoire par le ministre Parizeau, nous apparaît comme une catastrophe à plusieurs points de vue, résultat de la façon d'envisager le développement économique que nous trouvons dans le cahier du ministère de l'Énergie et des Ressources.

Premièrement, l'électricité sera vendue à moitié prix pendant cinq ans, un cadeau de 125 000 000 $, estime Bernard Descôteaux dans le Devoir du 15 janvier 1983; un cadeau beaucoup plus considérable, estimons-nous, si on considère la source d'électricité. Voir la figure 4. En effet, Pechiney va consommer l'électricité de Gentilly 2 dont le coût de production est estimé à 0,05 $ le kilowattheure selon la version même d'Hydro-Québec, pratiquement deux fois plus élevé que celui de l'hydroénergie la plus coûteuse, c'est-à-dire la Baie-James.

Les auteurs du document de travail affirment qu'il s'agit là d'une utilisation excédentaire disponible, mais c'est une façon de parler qui trompe le public. On a peur de dire qu'on vend tout simplement à perte et qu'ainsi les Québécois subventionnent cette grande corporation qui paiera moins de 0,01 $ le kilowattheure, moins que le cinquième du coût de production dans le cas de Gentilly 2, environ le tiers dans le cas de la Baie-James.

De toute façon, faire fonctionner Gentilly 2 n'est d'aucun profit. Il en coûte plus de 0,01 $ le kilowattheure en coût de fonctionnement alors que ce coût est pratiquement nul dans le cas d'un barrage. Pour maintenir une expertise minimale dans le secteur nucléaire, objectif poursuivi par le gouvernement du Québec, au lieu de faire fonctionner Gentilly 2, Hydro-Québec devrait plutôt procéder au démantèlement de Gentilly 1 et ce, avec du financement venant d'Ottawa. D'ailleurs, le gouvernement du Québec est intéressé à développer la robotique et cela serait un domaine de pointe pour le Québec. Cela sera en demande un peu partout dans le monde d'ici quelques années. Sûrement que l'Ontario et le Nouveau-Brunswick seront intéressés à appuyer le Québec dans une telle initiative puisque eux aussi auront le même problème dans quelques années. Ils sont donc intéressés à connaître les coûts qui seront occasionnés. Comme il est dit dans le magazine Canadian Business de novembre 1982, des investissements dans la technologie liés au démantèlement des réacteurs et à la disposition des déchets radioactifs peuvent devenir profitables pour l'avenir parce que beaucoup de pays en auront besoin.

Deuxièmement, pour attirer Pechiney chez nous, le gouvernement du Québec prend des engagements de divers ordres qui totalisent 500 000 000 $. Mais cet investissement, seulement le tiers du total qui est de 1 500 000 000 $, créera moins de 1000 emplois. Chaque emploi, selon ces chiffres, coûte 1 500 000 $, dont 500 000 $ en provenance des fonds publics. Tout autre investissement dans quelque secteur que ce soit créerait plus d'emplois. Des investissements autres seront discutés en troisième partie de ce mémoire.

Troisièmement, Pechiney s'implante dans une région agricole qu'elle va endommager sous plusieurs rapports: pluies acides et surtout fluor - une demi-tonne par jour émise dans l'atmosphère - ou anhydride sulfureux qui entre dans la chaîne alimentaire et en particulier dans le lait des vaches laitières. Le lait est une des principales productions de cette région. Étant donné les effets du fluor sur la santé des animaux et des humains, les coûts à moyen et à long terme d'une aluminerie dans la région de Bécancour sont incalculables. Sur une période de plusieurs années, comme il arrive dans diverses localités, l'agriculture risque d'être complètement ruinée. Il suffit de lire l'étude de Mme Calliope Beaud, qui s'intitule: Combat pour Vézelay ou Pechiney

Pollutions", pour comprendre que Pechiney, avec nos cadeaux, nous prépare un désastre écologique.

Quatrièmement, l'implantation de Pechiney dans cette région précise est le résultat d'une mauvaise planification. Elle est une erreur qui vient essayer de colmater une brèche ouverte par d'autres erreurs qu'on n'accepte pas de reconnaître. La première erreur a été celle d'un coeur industriel du Québec pensé autour du nucléaire dans les années soixante. De ce rêve insensé, il ne reste que Gentilly 2, qu'on n'a pas osé mettre au rancart comme Gentilly 1 et l'usine de La Prade, et qui a coûté près de 1 400 000 000 $. La seconde erreur est la planification basée sur la croissance continue qui résulte dans la surproduction d'électricité et la dette énorme d'Hydro-Québec 15 000 000 000 $ - qui nous mènent à vendre celle-ci à perte ou à la troquer en retour d'investissements mal choisis.

Enfin, on doit se demander quelle responsabilité sociale Pechiney va prendre par rapport à Gentilly 2 dont elle tirera tous les bénéfices. Ne devrait-elle pas, par contrat, être chargée de défrayer les coûts liés à la disposition des déchets radioactifs et au démantèlement éventuel de cette centrale? Le contrat passé entre les États-Unis utilisant l'électricité de la centrale nucléaire de pointe Lepreau et le Nouveau-Brunswick pourrait ici nous servir de modèle.

On nous a dit que Pechiney n'utilisera pas l'électricité de Gentilly 2. Mais pourquoi alors cette usine va-t-elle être bâtie près de Gentilly 2? Est-ce seulement une coïncidence, le fait que Pechiney utilisera 600 mégawatts, alors que Gentilly 2 produira 685 mégawatts d'électricité? Si Pechiney n'a rien à voir avec cette centrale nucléaire, Gentilly 2 alors devrait être fermée et Pechiney devrait être implantée ailleurs ou pas du tout.

Des audiences publiques devraient être tenues sur les conséquences environnementales et économiques de l'implantation de l'usine Pechiney à Bécancour. C'est absolument essentiel avant qu'une quelconque approbation ne soit donnée au plan projeté, plan qui va profiter si largement à Pechiney et va coûter si cher au peuple du Québec. La même demande a été faite au ministre de l'Environnement.

Planifier le futur. Il est nécessaire et important de résister à la tentation de vendre nos surplus d'électricité à perte simplement pour susciter quelques revenus. Nous croyons que des investissements dans les alternatives vont stimuler l'économie du Québec, vont aider les communautés locales à être autosuffisantes et peuvent aussi être une source de revenus pour Hydro-Québec.

On doit se souvenir qu'un dollar économisé est aussi valable qu'un dollar gagné. Ceci veut dire que, au lieu de vendre de l'électricité pour gagner de l'argent, ce qui ne ferait pas récupérer l'économie du Québec, on doit tirer profit sur une plus grande échelle d'une forte diminution d'importation de pétrole par des mesures de conservation, ce qui mobiliserait l'économie du Québec.

On doit aussi se souvenir que le PNB -produit national brut - équivaut à la valeur en dollars des biens et des services produits annuellement. Dans la présente conjoncture, il est plus profitable de produire des services relatifs à l'énergie que des biens énergétiques.

Dans le document: L'énergie, levier de développement économique, il est prévu que l'apport de l'électricité dans le bilan énergétique passera de 30%, qu'elle est en 1981, à 45% en 1995 et que l'apport de pétrole passera de 60% à 35%. Une telle prévision part du principe que l'électricité va prendre la place du pétrole. Or, ceci n'est pas démontré et n'est peut-être pas démontrable. Les gens vont choisir la forme d'énergie la moins coûteuse, et l'expérience des dernières années démontre que la conservation, alliée aux énergies douces, devient l'option la plus avantageuse. Cette option pourrait devenir la clé du développement économique des quinze prochaines années, dans la mesure où elle serait encouragée. Hydro-Québec pourrait, par exemple, avancer de l'argent pour financer des investissements de ce genre, argent qui serait remboursé à même les économies réalisées.

Au lieu de pousser pour que le chauffage se fasse à l'électricité en remplacement du pétrole, ce qui est une stratégie trop coûteuse perpétuant notre énorme endettement collectif, qui paralyse le reste de notre développement, il serait préférable, du point de vue des emplois et de l'autosuffisance des gens, de développer des alternatives douces, la technologie du futur. Le problème de l'énergie, ce n'est pas l'électricité, mais le pétrole dont il faut réduire la consommation et auquel il faut trouver des substituts. Les surplus d'électricité ne vont pas disparaître à moins que nous n'en fassions des cadeaux. Quand l'électricité coûte cher, la consommation baisse. La ville de Los Angeles a élaboré des plans en ce sens qui se sont avérés rentables au plan de la conservation de l'électricité (voir la figure 3, no 1). Cet exemple montre la difficulté de vendre de l'électricité à prix élevé. C'est assez facile de couper la demande.

On a vu précédemment que, par rapport à une croissance qui aurait été continue depuis 1970, on avait gagné 24 100 000 TEP à cause de la réduction de la demande. Pour une bonne portion de cette masse d'énergie, le crédit en revient aux initiatives de conservation de l'énergie, initiatives publiques

comme les programmes d'isolation des maisons, et surtout initiatives privées des citoyens. Quand l'énergie coûte cher, l'imagination créatrice pour l'économiser se déploie abondamment. Le gouvernement doit encourager ces initiatives plutôt que de continuer à cautionner, quand ce n'est pas subventionner, le gaspillage. Il serait beaucoup plus sensé pour le gouvernement ou pour Hydro-Québec de financer la construction de maisons à faible exigence énergétique, comme celles expérimentées en Saskatchewan, maisons requérant seulement un tiers ou un cinquième de l'énergie nécessaire à une maison au plan conventionnel.

Le gouvernement doit aussi encourager les technologies nouvelles comme les pompes à chaleur, les accumulateurs d'énergie, la biomasse et l'énergie solaire. Il est dommage que les auteurs du document: L'énergie, levier de développement économique, se soient contentés d'affirmer qu'ils n'ont pas comptabilisé cette réalité et ces possibilités. C'est la preuve d'une inconscience qui risque de nous coûter cher. Il est temps de sortir, par exemple, du mythe de "l'électricité solution à tous nos problèmes énergétiques". Alors qu'à la fin de 1980, on avait fait des prévisions d'augmentation annuelle de 6,4% et qu'à la fin de 1982, on enregistre une baisse des ventes de 2,5% d'Hydro-Québec, les auteurs ont retenu un objectif qui signifie un taux de croissance annuel moyen de 5,2% des ventes internes d'Hydro-Québec. On est loin d'une planification qui tienne compte d'un futur qualitativement autre.

Considérons les projections avancées dans le document de travail. Les auteurs anticipent une continuation des tendances d'avant 1975. Pour faire face aux demandes anticipées, il faut d'importants investissements, 34 700 000 000 $ de 1982 à 1990, presque 6000 $ pour chaque personne de la province. Mais si la priorité est donnée à la réduction de la demande par une stratégie qui promeut la conservation et les énergies douces, il est possible de maintenir la tendance à la décroissance telle qu'elle s'est manifestée depuis deux ans. Cette option coûtera moins cher, créera beaucoup plus d'emplois, aidera les citoyens budgétairement et mettra en mouvement une stratégie plus efficace pour réduire notre dépendance du pétrole importé. Par une politique mettant de l'avant la conservation, le Québec pourrait, de 1981 à 1995, atteindre l'objectif qu'il s'est fixé dans le document de travail, objectif de répondre, avec l'électricité, 45%; avec le pétrole, 35%, et avec le gaz naturel, 17%, aux besoins énergétiques totaux et ce, avec des taux annuels de croissance de 2,1% pour l'électricité, 4,7% pour le pétrole et 3,8% pour le gaz naturel, comparés avec les taux prévisibles de 4,5% pour l'électricité, -2,4% pour le pétrole et 6,1% pour le gaz naturel.

Le résultat, en 1995, par rapport aux prévisions, c'est que la consommation d'électricité est réduite de 4 800 000 TEP; du pétrole, de 3 700 000 de tonnes, et du gaz naturel, de 1 800 000 TEP. Néanmoins, la croissance du PNB n'est pas réduite. L'objectif de remplacer le pétrole par l'électricité peut, toutefois, n'être pas désirable. Car si les installations fournissant l'électricité sont utilisées pour le chauffage, elles risquent d'être inutilisées pendant la majeure partie de l'année. Ceci va augmenter le coût du chauffage électrique et en faire un investissement peu attirant. Ce serait beaucoup plus sensé pour le gouvernement d'encourager des alternatives: les maisons à faible exigence énergétique, les serres solaires attenantes aux maisons, les pompes à chaleur, le gaz naturel. (21 h 15)

Quant au gaz, il faut penser en termes de production domestique et de formes d'autosuffisance plutôt qu'uniquement en termes de remplacement. L'une des technologies pour produire synthétiquement du gaz naturel implique la digestion anaérobique des déchets des animaux ou des humains. Ce procédé donne un gaz très énergétique, mélange de méthane et de dioxyde de carbone, et un très bon fertilisant duquel tous les organismes pathogènes ont été détruits. Nous pensons qu'une priorité devrait être donnée au développement de ce procédé au niveau municipal et régional. Une telle usine peut être implantée à Trois-Rivières, par exemple, avec de plus petites expériences, sous forme laitière, de la région de Bécancour au lieu de l'aluminerie Pechiney. Remarquons que la ville de Milwaukee produit un bon fertilisant fait de déchets municipaux qu'elle vend sous le nom de Milorganite dans tous les magasins.

Ce procédé offre une solution à un grave problème environnemental pendant qu'il produit de l'énergie propre, alors que presque toutes les sources conventionnelles d'énergie créent des problèmes nouveaux. D'autres suggestions de ce type devraient être considérées: l'utilisation des déchets municipaux comme combustible, l'utilisation des silos abandonnés à Montréal pour stocker l'énergie solaire, pour chauffer les bâtiments du Vieux-Montréal, comme l'indiquait le plan du professeur Wright de l'Université Concordia, l'utilisation de la cogénération industrielle, etc.

Puisque le carburant liquide est notre problème majeur, on devrait aussi développer la recherche pour substituer au pétrole le méthanol. Bien des expériences sont en cours au Brésil et ailleurs et on devrait en tirer parti pour atteindre une meilleure autosuffisance énergétique sans pour autant commettre les erreurs coûteuses écologiques comme au Brésil.

Même si l'on ne produit pas du méthanol, on peut récupérer du combustible solide, par exemple, les déchets de bois mis en palettes par BioShell et vendus à Montréal à un prix qui est 10% moins cher que tout autre combustible. C'est un fait intéressant qu'en 1977, l'énergie produite par les déchets des usines de pâtes et papiers était trois fois plus grande que l'énergie livrée par les centrales nucléaires de l'Ontario.

Nos surplus d'électricité qui sont devenus considérables depuis deux ans devraient, au lieu d'être vendus à perte, être utilisés de façon à planifier notre avenir d'une façon efficace. On devrait profiter de la présente conjoncture pour développer les techniques de stockage d'énergie.

Actions immédiates à entreprendre. Premièrement, depuis dix ans, de nombreux groupes ont réclamé un débat public sur l'énergie. Un tel débat était promis par M. Bérubé, en mars 1981, à l'occasion de l'autre commission parlementaire précédente, juste avant les élections, mais ce débat n'a pas eu lieu malgré des promesses nombreuses. Au carrefour où nous sommes arrivés, il serait plus important qu'un débat public sur l'avenir économique en général du Québec ait lieu.

Deuxièmement, l'option pour la conservation devrait être encouragée dès maintenant et de l'argent devrait être prêté aux gens pour qu'ils investissent en ce sens. Une équipe de recherche indépendante des gouvernements et des compagnies ayant des intérêts dans le secteur énergétique devrait être créée dès maintenant pour étudier ce champ d'action. Toute proposition pour une nouvelle source d'énergie ou un nouveau projet énergétique devrait être comparée avec l'investissement requis pour la conservation de l'énergie à une échelle comparable. Ceci fait, on devrait prendre la meilleure performance.

Troisièmement, des centaines d'éducateurs spécialement entraînés pourraient utiliser les écoles pendant les heures libres pour éduquer la population sur tout ce qui a trait à l'utilisation et à la conservation de l'énergie. Un tel programme d'éducation devrait être accompagné d'un plan d'investissement dont tout client d'Hydro-Québec pourrait faire la demande. Ces éducateurs aideraient les gens à faire de meilleurs choix et à budgétiser les remboursements de leurs investissements. Ils pourraient aider à éviter d'autres mauvaises aventures comme celle de la MIUF.

Quatrièmement, il a été dit précédemment qu'il devrait y avoir une enquête publique sur le projet d'implantation d'une aluminerie Pechiney au Québec. Jusqu'à ce que cette enquête soit complétée, aucun contrat ne devrait être signé avec Pechiney et aucun engagement ne devrait être pris par le gouvernement du Québec quant à la construction de ce projet.

Cinquièmement, par souci d'honnêteté à l'égard du peuple québécois, il ne devrait être exporté aucune électricité à un prix moindre que celui payé par les résidents du Québec. Hydro-Québec est une corporation publique dont la première responsabilité est de fournir aux Québécois l'électricité au meilleur prix possible. Ce n'est pas juste de demander aux citoyens de subventionner les exportations d'électricité pour le bénéfice des actionnaires des compagnies américaines.

Sixièmement, une stratégie des tarifs devrait dès maintenant être élaborée pour encourager la consommation raisonnable en fixant un seuil maximal après lequel le coût deviendrait sensiblement plus élevé. Des incitations à ne pas utiliser, si possible, l'électricité aux heures de pointe devraient être étudiées et mises en place aussitôt que possible.

Septièmement, quelles que soient les autres décisions concernant l'énergie et le développement économique, Gentilly 2 devrait être complètement fermée. Cette décision nous ferait économiser non seulement des coûts de fonctionnement et les coûts futurs liés à la disposition des matériaux radioactifs, mais aussi les coûts associés à l'acquisition d'une assurance de 1 000 000 000 $ ou plus pour couvrir le risque d'un accident grave comme celui de Three Mile Island. Il n'existe pas une seule bonne raison économique pour opérer cette centrale.

Huitièmement, l'implantation des réacteurs Slowpoke III destinés à assurer le chauffage aux petites localités doit être défendu au Québec. Après les fiascos de Gentilly 1, de Gentilly 2 et La Prade, personne n'a besoin d'être prévenu qu'Énergie atomique du Canada Ltée essaiera n'importe quoi pour continuer. Les problèmes associés au complexe nucléaire de Gentilly se répéteront avec les réacteurs Slowpoke III mettant en danger les petites communautés. Même s'il ne s'agit pas d'électricité, il est de la responsabilité du gouvernement d'intervenir, de renforcer le moratoire nucléaire annoncé il y a plusieurs années.

Neuvièmement, on demande un moratoire complet sur la production d'uranium-233 que l'EACL planifie à Varennes - production devant utiliser le Tokamak, réacteur de fusion, qui y est installé. C'est une question de sécurité. L'uranium-233, comme le plutonium, n'existe pas du tout dans la nature, et aussi comme le plutonium peut être utilisé directement dans la fabrication d'une bombe atomique. Par contraste, le combustible d'une centrale comme Gentilly II est d'uranium naturel, qui n'est pas susceptible d'un tel usage. Pourquoi le Québec devrait-il s'exposer aux mesures de sécurité exceptionnelle, liée à l'usage militaire des matériaux nucléaires? Qu'on se

rappelle l'histoire des trois hommes arrêtés par la GRC en 1980 à Montréal parce qu'ils pirataient de l'équipement électronique spécifiquement destiné à la fabrication de la bombe atomique du Pakistan. Leur procès a d'ailleurs eu lieu à huis-clos par mesure de sécurité. Le laboratoire de EACL planifié à Varennes n'est pas simplement un autre laboratoire, c'est une geste politique très sérieux. Il doit amorcer au moins un débat de fond à l'Assemblée nationale et dans l'opinion publique.

Dixièmement, pour des raisons semblables, on demande un moratoire complet sur le transport des déchets radioactifs de Chalk River en Ontario à travers le Québec, vers des usines militaires aux États-Unis, où la matière est retraitée pour utilisation dans le programme militaire. Pour des raisons de sécurité, ni la police ni les villes ne sont mis au courant de ces transports. C'est très intéressant de noter que les responsables des ponts des Mille-Îles ont défendu ces transports à moins que la compagnie transporteuse ne soit couverte par une assurance de 500 000 000 $, au cas où un accident surviendrait sur un des ponts. Les gouverneurs du Michigan et du Vermont ont aussi défendu ces transports. On demande que le gouvernement du Québec fasse la même chose.

Conclusions: Les choix énergétiques sont déterminants pour l'avenir du Québec. Il y a des choix à faire. Ne faisons pas l'erreur de dire que nous n'avons pas le choix. En démocratie, la population doit être informée et consultée et des débats doivent avoir lieu surtout quand il s'agit de questions aussi importantes que l'avenir économique d'une collectivité et le développement énergétique. Il s'agit de faire plus que livrer le pays aux aménageurs selon les schèmes du passé, il s'agit de rendre les gens plus autonomes et plus compétents énergétiquement.

Un tournant important doit être pris à un moment où crise économique, surplus d'électricité et baisse de la demande coïncident. Il faut oublier les vieux schèmes de la croissance continue et entrer dans l'ère de la conservation pour bâtir une société plus efficiente. Nous risquons de manquer le bateau si nous refusons de voir les nombreux signes d'un avenir différent qui s'annonce. Sous prétexte qu'il y a une crise économique, nous risquons de reproduire les erreurs du passé et même de les amplifier. Notre empressement à subventionner Pechiney est révélateur. Il est temps plus que jamais de prendre de bonnes décisions.

On aimerait conclure en disant qu'on déplore un peu le fait qu'on nous ait demandé de venir à la commission parlementaire en fin de soirée, à un moment où il n'y a presque plus personne. On trouve regrettable que précisément au moment où, de plus en plus, les jeunes, lors du sommet québécois se sont prononcés sur la question de la consommation, la question d'écologie, pour l'étude de toutes les solutions de rechange et d'un développement énergétique différent et communautaire, au moment où la jeunesse regarde dans ce sens, le gouvernement n'accorde pas plus d'importance à ces considérations. Cela ressortait un peu du document qui nous a été envoyé. C'est pour cela qu'on s'est préparé un peu dans ce sens. Par contre, on a été heureux d'entendre l'intervention précédente qui parlait beaucoup de conservation de l'énergie.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Boucher. Pour ce qui est de votre dernier message, nous le transmettons au greffier de la commission - je tiens à vous informer qu'il n'y a pas plus de gens, qui participent le matin, l'après-midi, en soirée aux audiences, jusqu'à ce jour à tout le moins. Alors, la parole est maintenant à M. le ministre.

M. Duhaime: J'allais enchaîner là-dessus. Hier soir, c'était Énergie atomique du Canada Ltée qui était ici et l'auditoire est plus considérable ce soir qu'hier.

M. Boucher (Jacques): II n'était pas plus considérable.

M. Duhaime: Je ne sais pas si c'est une consolation, mais soyez assurés, de toute manière, que tout ce qui est dit ici à cette table est repris en transcription et fera l'objet sans aucun doute d'une relecture par nos scribes qui publient et qui sont à la radio, à la télévision. Je ne voudrais pas que vous croyiez que vous avez la moins bonne cote d'écoute, peut-être parce qu'il y a du baseball ce soir, je ne sais pas. Nos amis d'à côté vont faire une convention pendant les séries mondiales. Alors, que voulez-vous que je vous dise?

Écoutez, blague à part, je suis impressionné par l'ampleur du débat que vous ouvrez. Je dis aussi qu'il y a beaucoup des points que vous soulevez, à juste titre d'ailleurs, qui vont, dans notre société aujourd'hui et demain, faire l'objet de plus en plus de discussions. Vous aviez depuis fort longtemps souhaité, votre association, un débat public le plus large possible, le plus ouvert possible. Je ne pense pas qu'on puisse viser à quelque chose de plus large et de plus ouvert qu'une commission parlementaire qui est suivie par les médias d'information et qui vous donne la chance de vous faire entendre.

Ceci dit, vous ne vous surprendrez pas si certains des points de votre mémoire n'ont pas mon adhésion, mais je voudrais sûrement en tout cas souligner qu'au départ, je partage entièrement la préoccupation qui

sous-tend plusieurs des suggestions et des recommandations que vous faites sur l'aspect de l'efficacité énergétique, d'une meilleure utilisation de notre potentiel et des mesures de conservation.

Je veux vous dire aussi qu'il y a peut-être certaines des affirmations qui sont faites dans votre mémoire qui mériteraient d'être qualifiées. Sur le plan des faits, par exemple, lorsque... Je voudrais peut-être vous donner une assurance: le Québec et Hydro-Québec n'exportent pas d'énergie à l'étranger à meilleur prix que ce qui est vendu aux Québécois. Ce que nous vendons à l'étranger, c'est de l'énergie excédentaire qui est livrée principalement durant les mois d'été, et ce sera d'autant plus vrai pour New York et pour la Nouvelle-Angleterre de 1984 à 1997. Mais, sur une base comparative, les Américains vont payer deux fois le prix de ce qu'il en coûterait à un Québécois. On parle d'énergie excédentaire et, si jamais nous signons des contrats d'énergie ferme, les scénarios de discussion sur les prix varient entre trois fois et demie et quatre fois le prix par rapport au tarif payé ici.

Alors, dire que nous exportons à rabais est inexact. Il faut cependant dire que, lorsqu'on fait la tarification pour l'ensemble du Québec et pour l'ensemble du réseau, peu importe la catégorie de consommateurs, il n'y a personne au Québec qui paie le coût marginal de production, autrement dit le prix du kilowattheure produit par la dernière centrale installée. Alors, c'est un prix moyen. Il est entendu que le dernier kilowattheure qui est produit par les derniers groupes de turbines qui entrent en production coûte beaucoup plus cher que le tarif moyen - tout le monde va le comprendre - pour une raison assez simple. C'est qu'il y a des turbines qui ont été installées il y a 50 ans et qui tournent encore aujourd'hui. Alors, leur prix est très bas. C'est ce qui fait que l'ensemble du Québec peut bénéficier des vieilles installations par rapport à un coût plus élevé à de nouvelles installations.

Je vais peut-être vous dire un petit mot du dossier de Pechiney, parce que vous êtes en train de décourager mon collègue qui est assis à ma droite et qui est député du comté de Nicolet où se trouve Bécancour. Vous proposez de démanteler Gentilly 1, de mettre Gentilly 2 dans les boules à mites et de faire trois X sur le dossier de Pechiney. Je ne considère pas qu'il y a de l'excès dans vos propos et je respecte votre point de vue. Cependant, il faut dire que, sur le plan de l'environnement, par exemple, il y a eu beaucoup de critiques faites à l'encontre des installations de Pechiney en France; en particulier, celle de Saint-Jean-de-Maurienne. Il faut bien comprendre aussi, si on veut être de bon compte dans le débat, que les installations de Pechiney qui sont l'objet d'une critique virulente en France sur le plan de l'environnement ne ressemblent pas du tout à ce qui est projeté sur le plan de la technologie de la protection de l'environnement de Bécancour. (21 h 30)

Encore avant-hier, les dirigeants de Pechiney étaient dans notre région. Il ont rencontré la population. J'ai l'impression qu'ils travaillent à livre ouvert là-dessus. Le ministère de l'Environnement du Québec, qui, en Amérique du Nord, ne semble pas être le plus facile si on écoute l'industrie, a émis un certificat et les travaux sont en route. Il ne faudrait pas se méprendre sur la technologie de Pechiney utilisée aujourd'hui, en 1983, dans une aluminerie de cette taille par rapport à ce qui existait dans les installations en France il y a 25 ou 30 ans.

Vous posez deux sortes de problèmes pour ce qui est de Pechiney. Y a-t-il un lien entre Pechiney et Gentilly 2? Et quel est le coût, par emploi, en termes de subvention? On va essayer de se comprendre. Pechiney utilisera avec trois lignes de production, c'est-à-dire 330 000 tonnes métriques de production de lingots, 400 mégawatts. Gentilly 2 pourrait produire, dans l'hypothèse où le réacteur tourne à plein régime, environ 680 à 700 mégawatts. Il n'y a jamais eu aucun lien que ce soit entre la présence de Gentilly 2 et les installations de Pechiney. Il faut comprendre que ce grand parc industriel de Bécancour, qui a été lancé dans les années soixante, est en train aujourd'hui de se rentabiliser. Cela a pris 25 ans. Cela n'a absolument rien à voir parce que l'énergie que produit Gentilly 2 se branche sur le réseau d'Hydro-Québec purement et simplement de la même façon que Manic-Outardes, Bersimis, Shawinigan, Beaumont, etc. Alors il n'y a pas de lien entre les deux. Le prix de l'énergie qui est fait à Pechiney est basé sur le tarif grande puissance de 1981, plus les rabais qui ont été consentis. Il faut dire que le traitement qui a été fait à Pechiney sur le plan de la tarification est à peu près identique à l'offre qui a été acceptée un an auparavant par Reynolds pour son implantation de Baie-Comeau, si on s'en tient au niveau réel de consommation et non pas aux chiffres théoriques. Là-dessus, il n'y a pas de lien.

Vous faites aussi une erreur quand vous comptabilisez que la participation de 500 000 000 $ du gouvernement du Québec constitue une subvention par emploi. Il y a un investissement dans le capital de risque, bien sûr. Comme actionnaire, dans le capital de risque, le Québec aura à assumer sa responsabilité de la dette à long terme. Il n'y a pas de subvention directe dans les capitaux qui sont investis. Si vous voulez avoir mon avis, pour les années 1986, 1987, 1988 - 1989 et 1990, c'est plus incertain -on joue à coup sûr en période de surplus. Si vous me posez la question: Combien vaut un

kilowattheure? je vais vous répondre qu'il vaut zéro parce que le coût marginal de production est là, mais un kilowattheure qui n'est pas produit - entendons-nous bien - les turbines ne tournent pas. C'est ce qui a permis d'aller intéresser cette firme française à faire une implantation. Vous limitez son effet à 1000 emplois, mais je pense qu'il faut multiplier pas mal si on est le moindrement conservateur sur les coefficients. L'effet d'entraînement en aval est énorme. Il y a des économistes qui nous parlent de 2,8; d'autres de 3; d'autres de 2. Si on veut être de bon compte et qu'on s'entend pour 2,5, en termes d'emplois indirects ou d'emplois induits, c'est énorme. On aurait de la difficulté aujourd'hui à imaginer la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sur le plan économique sans la présence d'Alcan. Je comprends que la taille n'est pas la même en termes d'emplois, mais je pense que la comparaison mérite d'être regardée.

Enfin, je ne voudrais pas revenir non plus sur ce qui a été dit ce matin sur le dossier du méthanol. Vous êtes intéressés à juste titre par ce dossier, de la même façon que nous le sommes. La première expérience pilote dans le monde est en train de se faire au Québec à partir de la matière ligneuse pour produire du gaz. Ce sera seulement à partir de 1985, comme nous l'indiquait ce matin madame Forget, la présidente de Nouveler, qu'on pourra tabler sur des études solides pour être capables de décider si oui ou non on va en aval davantage pour produire du méthanol à partir du gaz.

Je sais que les Brésiliens ont pris de l'avance. Ils produisent un carburant à partir de l'alcool. D'autres utilisent la matière première qu'ils ont. Il est évident que sur le plan de la consommation d'énergie et des économies de coût, si on arrivait au Québec, en tenant compte de l'évolution des prix des énergies concurrentielles, à produire un carburant à partir de la matière ligneuse, simplement à même le gaspillage qui se fait en forêt sur la matière ligneuse, en tenant compte bien sûr des capitaux requis pour de pareils investissements, qui sont quand même très élevés... Saint-Juste-de-Bretenières, c'est 21 000 000 $ pour produire le gazogène, c'est-à-dire en phase 1. On envisage environ 50 000 000 $ pour la phase 2, c'est-à-dire aller à l'étape du méthanol. Ce sont des investissements qui sont très élevés, mais je pense que l'avenir est dans cette direction. Je pense que c'est cette préoccupation que votre mémoire évoque et nous la partageons. Je m'arrêterai là pour l'instant. Je ne sais pas si vous avez des réactions ou des commentaires là-dessus.

Juste un dernier détail. Vous nous suggérez de rouvrir le dossier de Pechiney, si j'ai bien compris, et de tenir un débat public là-dessus. Je n'ai pas tellement saisi ce que vous avez dit. Vous parliez à la fois de

Gentilly I, Gentilly II et de Pechiney. Je ne sais pas si cela va vous rassurer mais j'ai cru comprendre hier soir des propos de M. Després, président d'Énergie atomique du Canada, que pour autant que Gentilly I est concernée, il ne sait pas tellement lui non plus ce qu'il va en faire. Si vous avez des suggestions, j'ai l'impression qu'il est ouvert à les recevoir. Je pense aussi que votre mémoire indique que cela pourrait peut-être servir de laboratoire ou de simulateur, etc. Il a lui-même évoqué cela. Si vous nous demandez d'arrêter Gentilly II, je vais vous donner une réponse très claire et nette, et la réponse est non. Gentilly II va tourner. On va maintenir les équipes et on va produire de l'énergie à partir de ce réacteur dans les meilleures conditions de sécurité pour la protection de la population, non seulement de cette région mais de tout le Québec.

Ce que nous avons décidé pour ce qui est du moratoire est maintenu pour sûrement encore plusieurs années. Nous allons également faire la conversion d'équipes d'Hydro-Québec qui étaient sur la fission vers la fusion en essayant de maintenir chez nous une expertise. Le point d'interrogation qui est au-delà de l'an 2000 est réel. Je suis à peu près convaincu que nous aurons besoin d'aller au nucléaire. Le problème que j'ai, c'est que je ne sais pas en quelle année. Est-ce que ce sera en 2005, en 2010, 2015, 2020, je n'ai pas d'idée. Les variantes dans les croissances, les prévisions de croissance de la demande sont telles que le calendrier s'étire ou s'écourte selon les scénarios qu'on peut retenir. Je pense qu'on ferait une erreur de tout fermer et de dire: Loin de moi ce calice!, je ne veux pas le voir. On ferait une erreur, je pense, sur le plan de la technologie, sur le plan de l'expertise. Cela a été abondamment illustré hier, dans le domaine de la médecine, par exemple, dans le domaine de la radiation, du laser, etc., car toute l'expertise qu'on peut tirer du secteur nucléaire est très utile en dehors même de la simple question de la production d'énergie. Si vous voulez avoir une réponse claire, je pense que je ne peux pas être beaucoup plus clair que de vous répondre ceci. Vous avez parfaitement le droit d'invoquer vos propres arguments. À moins qu'on m'amène autre chose dans le dossier, la réponse du gouvernement est très claire là-dessus: Gentilly II va rester en activité. On a d'ailleurs commencé à produire il y a à peu près deux ou trois semaines.

M. Boucher: Justement à ce niveau, on voulait demander pourquoi dépenser 50 000 000 $ par année en coût de fonctionnement. Les turbines des centrales hydroélectriques ne coûtent rien à faire fonctionner, mais un réacteur nucléaire comme celui de Gentilly II coûte

50 000 000 $ par année. C'est toute une technologie qui coûte énormément cher aux Québécois, il faut l'avouer.

M. Duhaime: Je ne suis pas prêt à endosser le chiffre de 50 000 000 $, mais je peux vous dire que si on ajoute la production de Gentilly II, qui est d'environ 675 mégawatts, à l'ensemble du réseau d'Hydro-Québec, c'est un coût qui s'affaiblit. Il faut bien comprendre aussi que dans le dossier nucléaire j'ai le sentiment et même la conviction que si on avait dit à HydroQuébec en 1972 et en 1973 que ce qui était projeté à Gentilly II et qui devait coûter 350 000 000 $ au départ allait finalement coûter 1 400 000 000 $, je suis loin d'être convaincu qu'on aurait pris la décision d'aller de l'avant. L'escalade des coûts dans le dossier du nucléaire n'est pas un phénomène canadien comme tel. Qu'on ait le système de production d'eau lourde ou d'eau légère pressurisée, il y a eu des escalades de coût absolument astronomiques dans l'ensemble du dossier nucléaire: pas seulement chez nous mais, je pense, à travers le monde.

M. Fortier: La Baie-James a augmenté.

M. Duhaime: Même la Baie-James a augmenté alors... Avec le recul du temps, c'est toujours plus facile de faire les analyses a posteriori et de dire: Nous aurions dû. Je pense que la réalité c'est cela. Hier soir - cela aurait peut-être été intéressant pour vous - je ne partage pas tout ce que Énergie atomique prétend, mais je pense qu'hier ses représentants ont apporté une contribution positive aux travaux de la commission. L'implantation de l'industrie nucléaire a amené d'autres développements technologiques qui ne seraient pas apparus si ces investissements n'avaient pas été faits. Il ne faut pas isoler les investissements les uns par rapport aux autres; il faut regarder l'ensemble du dossier.

M. Boucher (Jacques): M. Edwards aurait une intervention.

Le Président (M. Vallières): M. Edwards.

M. Edwards (Gordon): Pardonnez-moi, mais je ne parle que très peu français. Puis-je parler en anglais?

M. Fortier: Vous pouvez.

M. Edwards: I think that it is very strange that you would want to run a plant that has operating costs when you have so many plants which have essentially no operating costs. The Tracy plant, for example, which is 600 megawatts is shut down to save money. It would seem to be a sensible thing to shut down Gentilly too to save money. If the reason is to gain experience in nuclear expertise, this meant that Gentilly 1 may be much more productive because there is going to be a big market for demolition. There is an article that I have just published in the Journal of Business Administration, and which I will be glad to provide to the committee members, dealing with this exact subject. If you look at the November 1982 issue of Canadian Business Magazine, there is an article on this exact subject: the opportunity for marketing, skills in nuclear demolition.

This also, incidently, requires the development of robotics, advanced robotic equipment. As recently as June of this year, M. André Crégut, from France, addressed the Canadian nuclear association in Montréal about the French program in dismantling reactors. They are developing advanced robotic equipment for this purpose. It seems to me that Québec has a good opportunity here to use the dismantling of Gentilly 1 as a way of not only keeping the nuclear technologists busy learning useful skills, but also skills which may be marketable and which may have technological spin-off in terms of industrial robotics. Moreover, it could be that a good deal of the bill will be paid by Ottawa because it is an Ottawa-owned reactor, the Gentilly 1 reactor. (21 h 45)

M. Duhaime: Là-dessus, n'étant pas un spécialiste des questions nucléaires - vous le comprendrez bien - la seule chose c'est que votre suggestion est enregistrée ici et je vais la transmettre à M. Després, président d'Énergie atomique.

M. Edwards: Mais c'est une décision politique.

M. Duhaime: Mais est-ce qu'on va développer la robotique en développant une expertise et démolir les centrales nucléaires? J'avoue ne pas être capable de porter un jugement là-dessus. La seule chose que je voudrais dire cependant, c'est que si vous nous suggérez de faire fonctionner des centrales hydroélectriques plutôt que des centrales thermiques ou des centrales nucléaires, parce qu'il n'y aurait pas de coût de production, si nos voisins du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario comprennent le message - il y a un parc nucléaire drôlement impressionnant en Ontario - le Québec a des surplus hydroélectriques, moi j'aurais le goût de faire un marché et de le faire rapidement, mais je ne suis pas certain que l'argumentation se résume au seul point que vous évoquez en termes de coût de fonctionnement. C'est un des facteurs de ce grand dossier.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Maybe I will surprise Dr Edwards, but I will tell him that frankly, although I do not agree... I guess under your questions of proposing that Gentilly 1 be demolished, there was the implications that sooner or later all nuclear power plants will be demolished. Of course, I do not agree with that, but I would agree with you that there will be a market because in the early forties and fifties, as you know, the reactors were a new type of generation of electricity and it is a fact - I would agree with you -that there are in the world some of these early reactors which are becoming obsolete now. Of course, it is not up to us, here in this commission, to decide because, as you said, the Gentilly 1 reactor belongs to Atomic Energy of Canada Ltd and at the moment they are looking for solution and they have not yet find the solution. But you may be surprised that I will tell you that personally, I would agree with your recommendation if we do not find anything tangible that would make sense. Despite I may disagree with you on the size of the market that may exist, because in your mind, of course, all nuclear power plants should be demolished tomorrow morning, I would agree with you that some reactors in the world will have to be demolished and I would agree with you that there will be a lot of experience to be gained by demolishing Gentilly 1.

Therefore, maybe for different reasons, maybe for practical reasons, I tend to agree with your recommendation unless Atomic Energy of Canada finds something very special to do with this building which houses their reactor and houses... Of course, everyone understands that there are three or four buildings, one is the reactor building, which houses the reactor and the other is the turbine building, which houses the turbine. So, although in this case it was direct steam which was radioactive steam going around, if Atomic Energy of Canada would not come up with anything tangible for different reasons, then I would tend to agree with your recommendation.

M. Edwards: I do not think my reasons are so different. My reasons are very practical too. The International Atomic Energy Agency has said that decommissioning of nuclear reactors will become a routine activity by the turn of the century. In fact, they said that, within the next 20 years, there will be at least 20 reactors - that you can name easily - which will require dismantling worldwide.

M. Fortier: I agree with you, I think there will be that kind of a market...

M. Edwards: It is a big market.

M. Fortier: ...because reactors which were built in the fifties, in the year 2000, will be 50 years old. Some of them were very early prototypes and will become obsolete. We are not talking of power reactors, we are talking in some cases of early plutonium manufacturing reactors, for example, and other types of reactors.

M. Edwards: No, I am talking about power reactors.

M. Fortier: But, the decision is not ours at this table, because this parliamentary commission is the parliamentary commission of the Gouvernement du Québec and the Gentilly 1 reactor belongs to Atomic Energy of Canada Ltd. So I do not know what is the agreement between the Government of Québec and the Government of Canada or between Hydro-Québec and Atomic Energy of Canada Ltd, but it seems to me that the main decision belongs to AECL.

M. Edwards: If I could point out. I was in Ottawa, speaking with Mr. Chrétien, in the spring, and at that time, I talked with Mr. Ted Thexton, who is one of the new nuclear advisors to Mr. Chrétien. He informed me that there is, at the present time, a task force consisting of members from Hydro-Québec and from Atomic Energy of Canada Ltd, which are looking at the possibilities for Gentilly 1. He admitted that they had ruled out the possibility of refurbishing it because it would be prohibitively expensive. And the only two alternatives that they are presently considering are dismantling it, or using it as some kind of a laboratory. What I am trying to suggest is that not only could Québec save itself 50 000 000 $ in operating costs from Gentilly 2, but they could also get a headstart in this possibly lucrative market, in terms of dismantling technology.

M. Fortier: We are mixing two things now.

M. Edwards: I would like to say for the record that M. André Crégut who is in charge of the French dismantling program, it is my understanding that he believes that all nuclear reactors do have to be dismantled eventually. And the 20 reactors which the International Atomic Energy Agency commented on particularly were, in fact, power reactors, not research reactors. But, you are quite right: there are a lot of research reactors too. I was not considering those. The power reactors are the ones which are the hardest, because they are so much bigger, as you realize.

M. Fortier: What you have just said about the task force was confirmed by M.

Després himself, yesterday, at this parliamentary commission. So, I think that we agree with you that there is a task force studying the features of Gentilly 1 reactor. I intend to agree. Let us make it on record because they would not like to be misquoted: I agree with you that experience would be gained about demolishing the Gentilly 1 reactor if no other use can be found. I agree with you that there is a market in the world and this will come in place and, maybe at the moment, as it seems to be, between now and the years 2000, there will be some markets and that Canadians could get experience in proceeding with that demolishing. So I intend to agree with you on that, of course. With the other things, I think the minister answered your queries. I share the views of the minister and I am glad that we are on the same way of length on those issues.

M. Edwards: There are just two things that I would like to make sure I stated that I disagree with you on. One is, that it is my understanding that all nuclear reactors do have to be dismantled. The other thing is that my objections to nuclear power, from the very beginning, have always been of a practical nature. That is the nature of my objections to nuclear power from the beginning. And, in fact, I called attention to the Hydro-Québec Board of Directors, more than two years ago in correspondence to the chairman of the Board, that the probability of a small pipe break accident in the CANDU reactors is greater than one and four over its lifetime. And I never got any real response from Hydro-Québec on that. I think that the latest accident in Pickering confirms my very practical concern about the probability of such an accident. So, let me assure you, M. Fortier, that my concerns about nuclear power are eminently practical. I have never indulged any emotions on the subject.

M. Fortier: Alors, je pense qu'on va... Let us agree to disagree on this last issue.

Maintenant, j'aurais une question à vous poser. Je crois que, dans votre mémoire, vous posez une question très pertinente. Les membres de la commission se sont penchés sur les prévisions à long terme en ce qui concerne la demande énergétique. Et on a entendu ici, entre autres, un professeur de l'Université Laval, M. Ayoub, discuter avec nous des prévisions de l'avenir pour évaluer dans quelle mesure les économies d'énergie vont se perpétuer. Je pense que ce serait intéressant d'avoir votre opinion. Est-ce que c'est fondé sur des études que vous avez faites? Est-ce c'est fondé sur des recherches? Le Dr Ayoub, qui dirige le comité Green de l'Université Laval, nous disait que, quant à lui, il croyait que la diminution de la consommation énergétique ne se continuerait pas totalement dans l'avenir. Il évaluait le fait qu'avec l'accroissement du développement économique, une bonne partie de ce qui semblait être des économies d'énergie reviendrait dans l'avenir. Autrement dit, il n'était pas d'accord pour dire que la demande à l'avenir serait plafonnée, ou qu'elle continuerait d'être plafonnée. Et je me demandais si vous aviez des commentaires à ce sujet. D'où vient l'expertise, d'où vient la recherche et quelles sont les données qui vous ont aidé à dire que la prévision énergétique serait plafonnée dans l'avenir?

Le Président (M. Vallières): M. Boucher.

M. Boucher (Jacques): II y a une tendance, à l'heure actuelle, qui a été démontrée... En fait, dans votre document même, à un moment donné...

M. Fortier: Le document du ministre.

M. Boucher (Jacques): Je ne sais pas à quelle page du document, je n'ai pas le document du ministre, mais on constate que la consommation d'électricité fléchit. Les prévisions brisent complètement cette tendance qui est à la baisse et la tendance monte directement vers le... C'est-à-dire qu'il y a des tendances, à l'heure actuelle, qui se développent depuis plusieurs années. Il n'y a rien qui laisse croire que la demande énergétique va reprendre. La demande énergétique est quelque peu liée à l'ensemble de l'évolution de la situation du développement économique. Quand les gens voient que les choses coûtent plus cher, ils consomment moins, que ce soit de l'énergie ou autre chose. Ils cherchent les moyens de payer ces choses-là moins cher. Aux États-Unis, par exemple, on prévoyait, au début des années soixante, que la demande d'énergie serait de 230 quatrillions de BTU...

M. Fortier: M. Boucher, je pense que...

M. Boucher (Jacques): Au début des années soixante-dix, on prévoyait que cette demande serait celle-là d'ici l'an 2000. À l'heure actuelle, elle a baissé à 85 quatrillions de BTU, ce qui veut dire qu'il y a eu des efforts énormes, aux États-Unis, qui ne sont pas nécessairement égalés au Québec, mais les tendances démontrent qu'il y a eu énormément de conservation d'énergie simplement à cause de l'économie d'énergie. Je ne vois pas ce qui peut permettre de renverser ces tendances, à l'heure actuelle. Tout démontre que les gens, de plus en plus, cherchent à... C'est une bonne chose jusqu'à un certain point, parce que c'est le pétrole qui semble être le problème majeur. Le

pétrole semble être le problème qui, d'ici quelques années, va se poser le plus, parce qu'il aura été le grand élément de consommation au point de vue énergétique. Les deux choses qui semblent les plus logiques, c'est justement de réduire le plus possible cette consommation de pétrole et trouver des moyens de le remplacer. L'électricité ne remplacera pas le pétrole. Ce ne sont pas les mêmes usages, règle générale, sauf si on fait quelque chose de tout à fait artificiel comme l'installation de radiateurs électriques, comme cela se fait au Québec, ce qui est tout à fait particulier dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Cela ne se fait pas ailleurs, règle générale, comme cela se fait au Québec.

M. Fortier: Ma question était reliée à la prévision énergétique et je pense que personne d'entre nous, autour de la table, n'a des intérêts dans le domaine énergétique. On n'est pas intéressé à avantager une forme d'énergie plutôt qu'une autre ou à vendre plus d'énergie ou à en vendre moins. Dans le passé, il y a eu une erreur, comme vous l'avez dit, qui était de continuer à faire une prévision basée sur une courbe ascendante. Je pense que la question qu'on se pose dans le moment, c'est: Est-ce qu'on ferait une autre erreur en extrapolant la courbe telle qu'elle est dans le moment? C'est pour cela que je vous demandais, sur quelles données exactes c'était basé. Car les experts au colloque de l'énergie, la semaine dernière -il y avait des experts européens - ces mêmes experts, comme le mentionnait le ministre, qui s'étaient trompés en 1973 semblent nous dire: Ne croyez pas que la demande, à l'avenir, va continuer dans la même lancée qu'elle a connue durant les trois ou quatre dernières années. Votre énoncé vient en contradiction avec ce que disent ces experts. Je vous demandais sur quoi vous avez basé votre jugement ou votre énoncé.

M. Boucher (Jacques): Nous autres, on constate...

Le Président (M. Vallières): M. Boucher, je vais vous interrompre quelques instants. Compte tenu qu'il est 22 heures, j'ai besoin du consentement des membres de la commission pour dépasser l'heure d'ajournement.

M. Fortier: Consentement.

Le Président (M. Vallières): M. Boucher. (22 heures)

M. Boucher (Jacques): Si vous lisez bien notre mémoire, ce qu'on dit, c'est qu'on regarde la tendance et on trouve que ce qui serait sage, ce ne serait pas d'essayer de la renverser. En fait, si elle se transforme, c'est peut-être qu'il y a des gouvernements qui vont l'avoir aidée. À l'heure actuelle, il y a une certaine publicité faite par Hydro-Québec, que l'électricité c'est le levier du développement économique. Jusqu'à un certain point, cela pousse peut-être les Québécois à faire une plus grande consommation d'électricité. Ce n'est peut-être pas la solution. La solution, c'est peut-être d'encourager la conservation de l'énergie et de faire en sorte que la société québécoise devienne la société la plus efficiente possible au niveau énergétique. C'est cela notre mémoire, en fait. Ce n'est pas de faire des prévisions.

Le Président (M. Vallières): J'ai une demande d'intervention du député de Nicolet.

M. Beaumier: Très rapidement, M. le Président. Vous comprendrez que, si j'avais le droit, ce serait quasiment une question de privilège puisque bon nombre des dossiers que vous évoquez comme Regroupement pour la surveillance du nucléaire, cela se situe dans mon comté; j'imagine que désormais j'aurai un regroupement pour la surveillance du nucléaire du comté de Nicolet tout simplement. Écoutez, vos préoccupations sont les nôtres aussi, sont celles de mes concitoyens et de mes concitoyennes en ce qui concerne, entre autres, le secteur de l'environnement. Il y a tous les aspects positifs de Pechiney comme tels, mais le secteur de l'environnement... Vous dites dans votre mémoire qu'il suffirait de lire l'étude de Mme Calliope Beaud. Si les informations que vous me donnez sont exactes - elles doivent être exactes - cela a été écrit à l'automne de 1974; est-ce que vous savez... Oui?

M. Boucher (Jacques): Non c'est récent. Je ne vois pas où vous voyez que cela a été écrit en 1974.

M. Beaumier: À la figure 4, à la page...

M. Boucher (Jacques): C'est parce qu'il y a une citation. C'est en 1976 qu'a été écrit le...

M. Beaumier: Merci bien. Quoi qu'il en soit, c'est basé sur une aluminerie qui a été construite en quelle année?

M. Boucher (Jacques): Oui, ce sont de vieilles alumineries, vous allez me dire. Je ne sais pas exactement quelle année. Il y a l'usine de Lannemezan, par exemple. Ce qui arrive, c'est que dans son livre elle nous explique que la compagnie Pechiney a plusieurs fois dit qu'elle avait trouvé les moyens d'améliorer son usine, mais jamais cela ne s'est fait. Dans l'étude de répercussion environnementale qui a été faite

par Marsan et Associés sur l'usine Pechiney, on voit un peu les choses qui vont sortir de l'usine, par les toitures, par exemple, il y a des choses comme les émissions fluorées qui vont totaliser des dizaines de tonnes par jour. Au point de vue de l'agriculture, en région, les vents, d'accord, il y en a quelques-uns à l'occasion qui vont s'en aller sur le Saint-Laurent, mais il faut quand même reconnaître, et c'est su au Québec, que le parc industriel de Bécancour a été installé sur pratiquement les meilleures terres. C'est parmi les meilleures terres du Québec surtout au point de vue laitier.

Les alumineries, au point de vue laitier, c'est très mauvais. Le fluor, cela va directement dans... Les alumineries, on me dira que sur la Côte-Nord il n'y a pas ces problèmes de production laitière et autres; d'accord, c'est peut-être moins pire, mais il y a quand même une population. À Alcan -il y a eu des études faites à l'Université de Montréal - le taux de cancer de la région de Jonquière-Arvida est extrêmement élevé. Il y a eu une étude de faite par M. Jean-Pierre Toise, du département de géographie.

M. Beaumier: Je ne veux pas nécessairement accréditer ce que vous venez de dire, mais c'est quand même quelque chose qui est important. La technologie que présente Pechiney pour le projet de Bécancour comme tel est de toute évidence bien différente, beaucoup plus moderne avec des épurateurs à sec; en tout cas, il y a toute une plomberie qui est dans cela. J'aimerais vous poser la question suivante: Avez-vous eu l'occasion, sur une base technique, de discuter avec soit des gens de Pechiney ou encore avec le ministère de l'Environnement du Québec qui - avant-hier j'étais avec eux dans le comté - semblent tout à fait contredire ce que vous dites ici et qui n'est pas nécessairement vrai, du moins dans le texte que vous présentez, qui est loin d'être prouvé; surtout qu'il se base, puisque vous dites qu'il suffit de lire l'étude de Mme Calliope Beaud, sur une aluminerie ou sur des alumineries qui sont nettement antérieures à celles qui seront construites aujourd'hui et dont la technologie a énormément progressé, surtout en ce qui concerne la récupération des gaz et tout cela? C'est le jour et la nuit.

M. Boucher (Jacques): Ce que nous disons, c'est que cela nous suffit pour nous mettre la puce à l'oreille et demander qu'il y ait une étude environnementale sérieuse sur la question. Au Québec le ministère de l'Environnement. - je ne sais pas si on s'occupe d'autre chose - n'inclut pas dans sa loi sur l'environnement, dans sa réglementation de l'environnement, les alumineries. On dit qu'on ne les inclura pas avant que l'Ontario ait fait de même. Mais c'est de la juridiction du ministre de l'Environnement et du cabinet de demander qu'il y ait une étude environnementale.

Comme le disait M. Jean-Claude Leclerc dans un éditorial du Devoir, Pechiney ne devrait pas avoir peur de passer le test. À l'heure actuelle, c'est démontré que Pechiney est une des grandes compagnies pollueuses en France. C'est une des compagnies qui détiennent les records de pollution. Peut-être qu'on a trouvé de nouvelles méthodes mais quand on voit l'étude des répercussions environnementales et qu'on voit tout ce qui va être libéré, même après avoir passé à travers les épurateurs, on se pose encore des questions.

M. Beaumier: Comme cela, M. Boucher, je comprends bien que lorsque vous dites, par exemple, qu'entre autres l'agriculture risque d'être complètement ruinée ou que vous parlez d'un désastre écologique, ceci fait partie d'inquiétudes que vous avez et non pas d'études.

M. Boucher (Jacques): C'est en consultant les études qu'on a... Nous n'avons pas fait les études; on demande ces études; on demande une étude sérieuse du gouvernement, des audiences publiques sur la question. C'est ce qu'on demande.

M. Beaumier: Vous considérez que le ministère de l'Environnement du Québec qui a donné le feu vert, quand même...

M. Boucher (Jacques): II n'y en a pas eu d'étude de faite.

M. Beaumier: Oui, il a fait une étude. ...qui a donné le feu vert, ce n'est pas sérieux.

M. Boucher (Jacques): II n'y a pas eu d'étude d'impact sur l'environnement qui a été faite par le ministère de l'Environnement. Il n'y a pas eu...

M. Beaumier: Mais il y a eu un feu vert quand même qui a été...

M. Boucher (Jacques): Les procédures normales pour une implantation industrielle passent à côté des alumineries à l'heure actuelle.

M. Beaumier: Donc il n'y a rien de prouvé sauf concernant des anciennes alumineries en France auxquelles on faisait allusion tantôt. Mais pour l'instant c'est...

M. Boucher (Jacques): Oui, mais des alumineries qui fonctionnent ici au Québec à l'heure actuelle aussi. Quand je parle d'Arvida...

M. Beaumier: L'ancienne technologie... Oui mais une technologie qui n'est pas...

M. Boucher (Jacques): Juste à côté il y a la Reynolds à la frontière de l'Ontario, du Québec et de l'État de New York. Il y a des Indiens, il y a une réserve qui vit juste à côté. Il y a une étude internationale à l'heure actuelle justement sur les effets de cette aluminerie sur la population. Premièrement, les vaches mouraient parce que leurs dents cariaient, elles n'étaient plus capables de boire de l'eau et crevaient de faim et de soif. Les enfants étaient atteints par la carie de dents. Il y avait des photos d'enfants à qui on voyait les trous dans les dents. C'est toute la région de Bécancour qui est concernée. C'est la production laitière du Québec qui est concernée. Ce sont les capitaux du Québec, les capitaux des Québécois.

M. Beaumier: Avec une aluminerie qui, elle, a des technologies modernes que vous n'avez pas eu l'occasion - et je le comprends peut-être aussi - d'étudier plus à fond. Donc je note votre inquiétude.

M. Vaillancourt (Jean-Guy): Et vous, avez-vous eu l'occasion de voir que ce sont des technologies qui sont tellement supérieures et qu'il n'y a pas de danger du tout? C'est cela le problème. Avez-vous la certitude que ce sont vraiment des technologies nouvelles, que les promesses qu'ils font ont des chances d'être retenues, etc.? C'est là la question. Ce n'est pas de croire que ce sont probablement des technologies nouvelles et prendre leur parole comme si c'était quelque chose d'acquis.

M. Beaumier: Non. C'est qu'il y a eu quand même...

M. Vaillancourt (Jean-Guy): II n'y a pas eu d'audiences publiques.

M. Beaumier: Non, mais il y a eu quand même accord des gens du ministère de l'Environnement qui ont dit aussi aussi qu'ils allaient suivre le dossier de près, qui disent qu'avec la nouvelle technologie il n'y a pas de problème. Il y a des déchets mais il y a une différence entre déchets et pollution. Il y a des déchets mais il n'y a pas de pollution parce que la quantité - je ne suis pas un spécialiste de la chose - ne crée pas de problème au niveau de l'environnement et du ministère de l'Environnement. Alors je considère que vous avez une inquiétude, comme tout le monde peut avoir une inquiétude, mais cela ne s'applique pas nécessairement à l'aluminerie de Bécancour.

Le Président (M. Vallières): Alors, je n'ai pas d'autres intervenants. Il me reste à remercier les représentants du Regroupement pour la surveillance du nucléaire et l'Alliance Tournesol de leur participation, même s'il était tard.

Nous allons continuer avec un autre groupe, soit la Coopérative d'habitation septième ciel de Québec. Si vous voulez bien vous avancer, s'il vous plaît. La Coopérative d'habitation septième ciel est représentée par M. Jean-François Côté à titre de président. Est-ce que vous pourriez nous indiquer qui vous accompagne?

Coopérative d'habitation septième ciel

M. Côté (Jean-François): M. Michel

Belleau, qui était le recherchiste du projet qu'on a présenté et au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral.

La Coopérative d'habitation septième ciel de Québec a décidé de vous présenter ce mémoire afin de vous sensibiliser à ses efforts pour inclure dans son projet d'habitation une dimension énergétique novatrice tant dans l'application des énergies nouvelles que dans la sensibilisation et l'éducation de ses instances.

Il nous apparaît important que vous ayez le son de cloche d'un groupe de citoyens et citoyennes qui a décidé de s'organiser et de se définir un projet prometteur.

Nous aimerions, dans ce mémoire, vous faire part de nos démarches auprès des instances gouvernementales afin d'obtenir la réalisation de ce projet; non pas pour provoquer une polémique, mais pour susciter une réflexion constructive sur les difficultés rencontrées entre l'État, ses intentions et ses programmes, et les personnes désireuses de prendre en main leurs affaires.

Dans ce mémoire, une première partie sera consacrée à présenter brièvement la Coopérative d'habitation septième ciel et l'ensemble du Bon Pasteur dont elle fait partie. Suivront les grandes lignes du projet d'énergie de la coopérative et les démarches effectuées afin de le réaliser. Enfin, nous conclurons sur des recommandations au gouvernement afin d'aider des dossiers similaires au nôtre à se réaliser.

C'est à l'été 1981 que la Coopérative d'habitation septième ciel a été formée. C'est la dernière coopérative à avoir été formée par la Corporation d'aménagement du couvent du Bon Pasteur, qui a été le maître d'oeuvre du recyclage de cet ancien couvent, situé sur la colline parlementaire à Québec. Nous sommes une coopérative d'habitation de 32 logements a caractère familial et dont la majorité des membres est à faible et moyen revenu (de 6000 $ à 14 000 $). Rappelons que le couvent du Bon Pasteur, en phase terminale d'aménagement, est formé de sept coopératives comprenant 240 logements de clientèle variée allant des personnes

retraitées aux familles.

En 1979, le directeur général des énergies nouvelles du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec accordait une subvention à la Corporation du Bon Pasteur afin de faire une étude favorisant la recherche et l'application des mesures énergétiques adéquates applicables dans le recyclage des vieux bâtiments. En utilisant cette étude comme base et en reprenant à notre compte, à même notre budget de construction, soit environ 20 000 $, une préoccupation de la Corporation du Bon Pasteur depuis 1976, particulièrement par la Coopérative d'habitation grandir en ville, nous avons choisi de nous impliquer dans l'élaboration d'un projet en économie d'énergie.

Conscients des problèmes actuels et à venir dans le domaine de l'énergie, les membres de la Coopérative septième ciel voulaient pouvoir agir rationnellement sur ce point; leur premier objectif était donc de réaliser un projet d'habitation le plus économique possible en consommation d'énergie.

C'est ainsi qu'à la suite des recherches effectuées à Bon Pasteur dans le domaine énergétique, cette coopérative considérait qu'en appliquant des mesures techniques adéquates, elle pouvait baisser sa consommation d'énergie de 20% par rapport à un projet similiaire réalisé tel que requis par la loi 9. (22 h 15)

La Coopérative septième ciel entendait donc prendre toutes les mesures nécessaires afin de limiter sa consommation énergétique, d'abord, par des mesures appropriées d'économie d'énergie, mais nous aurions voulu aussi adopter un système énergétique permettant une versatilité dans le choix des sources d'énergie. Toutes ces mesures lui auraient permis également de réduire le coût de la facture d'énergie.

Cette coopérative ne voulait pas être innovatrice sur le seul plan technique. Il fallait aussi que les habitudes des futurs résidents se modifient et viennent confirmer cette volonté d'économiser l'énergie. Le projet comprend donc un volet important consacré à l'éducation des membres de la coopérative. On voulait ainsi éviter de doter la Coopérative septième ciel d'équipements techniques novateurs avec des résidents et résidentes qui n'auraient pas endossé l'objectif poursuivi.

Les responsables considéraient que la meilleure façon de parvenir à un tel objectif était de faire de l'habitation coopérative un projet de démonstration de l'utilisation rationnelle d'énergie pour le recyclage de vieux immeubles et pour la construction d'habitations à logements multiples en milieu urbain. De cette façon, toute la population du Québec aurait pu bénéficier de l'expérience Bon Pasteur au moment de s'impliquer dans des initiatives analogues. La localisation privilégiée de l'édifice et son intérêt historique comme immeuble sauvé des démolisseurs par les citoyens et citoyennes en fait un site idéal pour la réalisation d'un exemple à diffuser auprès du public, plus particulièrement les promoteurs immobiliers, soient-ils privés ou collectifs. Vous trouverez en annexe le document de présentation du projet qu'on a d'ailleurs déposé auprès de la commission.

C'est ainsi qu'au cours de l'été dernier, les démarches pour l'obtention de subventions ont débuté. Nous allons tenter de vous les résumer: Démarche auprès du Bureau des économies d'énergie et auprès de la Direction des énergies nouvelles à Québec. Après une étude sommaire de notre projet, tout en le considérant intéressant, on nous apprend qu'il n'y a pas de fonds disponible.

Démarche auprès d'Hydro-Québec pour obtenir la tarification spéciale en fonction d'un système en énergie. Après une rencontre avec des représentants d'Hydro-Québec, au mois de septembre 1982, on attend encore une réponse officielle à notre demande.

Démarche auprès de Gaz Inter-Cité Québec Inc. Après une rencontre avec les représentants, on se rend compte qu'il faut prévoir là aussi des infrastructures coûteuses. Encore là, aucune subvention possible.

Démarche auprès du Bureau de conservation et des énergies renouvelables Canada. Application au programme fédéral-provincial de démonstration des économies d'énergie et des énergies renouvelables. Malheureusement, même si notre projet est admissible, le programme n'est pas en application au Québec à la suite d'un différend entre les deux gouvernements. Depuis ce temps, le programme a été appliqué. Nous avons fait d'ailleurs une demande mais au stade de notre projet, une bonne partie du projet qu'on avait demandé et présenté n'est plus applicable.

Démarche auprès de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Après une rencontre, on apprend qu'il n'est pas possible que le programme de financement prévu pour la coopérative comprenne la dépense pour l'installation d'un système de chauffage à l'eau chaude. Voilà en bref les portes où nous avons frappé.

Donc, nos efforts ont été vains. En fait, malgré une publicité croissante de nos gouvernements dans ce domaine et malgré la publicité des programmes d'aide financière pour soutenir des expériences prometteuses, nous n'avons pu trouver le financement nécessaire pour réaliser notre projet. Les difficultés rencontrées et le manque de soutien concret ne sont pas de nature à favoriser la prise en charge par les citoyens et citoyennes de leur avenir énergétique.

Notre expérience a été décevante: Des

centaines d'heures d'effort, de bénévolat, l'élaboration d'un projet, son insertion dans le programme architectural de la coopérative, un retard de quatre mois sur l'ensemble du projet et un ensemble de mesures énergétiques considérées comme très valables laissées en plan faute du coup de pouce nécessaire.

On en vient aux recommandations. Faciliter l'accès aux programmes en formant un groupe de personnes-ressources facilement rejoignables et permanentes, afin de divulguer, tout en vulgarisant, l'information nécessaire à leur mise en oeuvre; élargir l'admission aux programmes existants pour toutes les habitations, tant familiales qu'unifamiliales -nous considérons que l'économie d'énergie devrait s'appliquer à toutes les sortes d'habitations; faire en sorte que les personnes ou les groupes de personnes accessibles aux divers programmes d'économie d'énergie n'aient pas à subir les politiques de concurrence du gouvernement ou de ses sociétés - un exemple: Hydro-Québec par rapport à Gaz Inter-Cité - voir à changer certaines lois du Code du bâtiment qui touchent directement l'économie d'énergie - exemple, le chauffage au bois, la pressurisation des corridors par les récupérateurs de chaleur - voir à intégrer dans la réglementation du Code du bâtiment des mesures destinées à favoriser les économies d'énergie et les énergies nouvelles.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie M. Côté. La parole est maintenant à M. le ministre.

M. Duhaime: D'abord, il y a une chose que je voudrais mentionner. Vous faites plusieurs références, et c'est aussi repris dans vos recommandations au sujet des lois, au Code du bâtiment. La nouvelle loi est actuellement en vigueur pour les constructions nouvelles qui sont désormais assujetties à des normes beaucoup plus strictes d'efficacité énergétique. Je comprends que cela ne règle pas le problème de votre coopérative parce qu'il ne s'agit pas d'une construction nouvelle mais d'un projet de rénovation.

Je sais qu'il y a eu des difficultés dans votre dossier. La note que j'ai ici m'indique que vous faisiez une demande de subvention de 200 000 $. Il est bien certain, que ce soit le ministère de l'Énergie et des Ressources ou n'importe quel autre ministère qui administre des programmes de subventions, le grand malheur, c'est que le gros de la subvention qui était demandée était pour l'installation de la tuyauterie pour un système de chauffage conventionnel à moins que mes informations ne soient inexactes; ce genre d'intervention ne peut pas faire l'objet d'une subvention. Je pense qu'on a quand même - il faut le reconnaître - alloué une subvention de 11 000 $ à votre coopérative pour l'étude de préfaisabilité pour savoir s'il était possible d'installer un système de chauffe-eau solaire. Je comprends qu'il y a des coûts inhérents et je voudrais vous inciter à maintenir votre sensibilisation comme citoyen pour une plus grande efficacité énergétique. Je pense qu'on a tous et qu'on vise tous cet objectif-là. Vous allez comprendre assez facilement qu'on ne peut pas non plus ouvrir les programmes de subventions du gouvernement pour aller rejoindre l'ensemble de la problématique que vous avez présentée. Une partie des subventions demandées qui étaient reliées - il y en avait environ 10% suivant l'évaluation que les fonctionnaires en ont faite au ministère - directement à une installation de chauffage au bois. Ce qu'on fait; on sensibilise les citoyens à un programme comme Énergain qui fonctionne très bien. Il y a maintenant un an et demi ou deux ans, lorsqu'on a lancé ce programme, cela paraissait un peu farfelu l'objectif de rejoindre 1 000 000 de résidences sur une période de huit ans, ce qui devait nous amener à un rythme de croisière dépassant 125 000 résidences en termes de bilan effectué l'an prochain. On est déjà à la hauteur de 125 000 à l'heure actuelle; le programme fonctionne donc très bien.

Votre projet est un projet pilote, en quelque sorte, sur la base d'une structure de coopérative. Je ne serais pas prêt à modifier les programmes d'aide ou de subventions pour aller rejoindre et payer la totalité de l'effort énergétique que tout le monde est prêt à faire pour essayer d'amoindrir les coûts. Je retiens de votre mémoire que vous êtes des gens déçus après avoir fait le "shopping", au ministère, à Hydro-Québec et au niveau fédéral aussi; mais je pense qu'on essaie de rejoindre le plus grand nombre possible des résidences qui visent à l'efficacité énergétique. Je ne sais pas si, plus tard, il y aura lieu d'amender ce programme qui coûte quand même passablement d'argent. Quand Hydro-Québec va dans une seule résidence effectuer un simple bilan, on évaluait que cela coûtait à peu près 125 $ au départ: mais le chiffre, en termes de temps, d'ouverture de dossier, d'analyse, etc., est au-dessus de 200 $ à l'heure actuelle. Dans votre cas ce fut 11 000 $. Si on le divise par 32 logements, cela commence à faire un montant quand même assez appréciable.

Cependant, je voudrais vous donner l'assurance que la loi 9 et le Code du bâtiment, qui est en vigueur maintenant, ont resserré énormément les normes d'efficacité énergétique pour les nouvelles constructions. Est-ce que, dans un avenir prochain, il y aura lieu d'introduire d'autres normes pour les résidences déjà construites et là amener une contrainte? Je vous avoue honnêtement que je ne suis pas tellement prêt à faire

cela. J'aime mieux utiliser une méthode incitatrice avec des programmes de subventions, de support et faire en sorte que le travail de sensibilisation auprès de nos citoyens se fasse. Cela est nouveau dans la problématique énergétique. Je me souviens, il n'y a pas encore tellement d'années, qu'Hydro-Québec faisait des campagnes: Si vous avez un Cascade 40, achetez-vous un Cascade 60. Aujourd'hui c'est complètement tourné; on n'incite pas les gens à consommer, on les incite plutôt à mieux consommer l'énergie.

Je tiens à vous remercier pour votre présentation et votre mémoire qui a été, soyez en assurés, lu et analysé. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à ajouter.

M. Côté (Jean-François): J'aimerais vous reprendre. Entre autres, les 11 000 $ dont vous parlez n'ont pas été appliqués à notre coopérative, mais à une autre coopérative en 1979.

M. Duhaime: Dans la même bâtisse.

M. Côté (Jean-François): Pas dans la même bâtisse. Dans une autre bâtisse, mais dans le même complexe.

M. Duhaime: Bon.

M. Côté (Jean-François): La raison pour laquelle, tout en sachant que cette étude avait été faite, on a décidé de poursuivre, c'est qu'on avait su qu'il y avait un programme fédéral-provincial qui était en instance de s'appliquer depuis au-delà d'un an et qu'on a décidé d'y aller. La même raison aussi pour laquelle on a fait une demande... Cela a l'air très gros quand on dit que la majorité de la subvention de 200 000 $ c'était pour la tuyauterie et le système de chauffage central, c'est bien sûr; sauf qu'à notre point de vue, comparer un système de chauffage à l'eau chaude à un système de chauffage avec radiateurs électriques qui chauffent de l'air, il n'y a pas de comparaison possible en ce qui a trait à l'économie qu'on peut faire en chauffant juste avec des radiateurs électriques. Et s'il n'y a jamais personne, que ce soit une maison unifamiliale ou que ce soit un grosse maison, qui fait la démonstration que c'est possible, il n'y aura jamais de développement. Quand les radiateurs électriques sont arrivés, il a fallu qu'il y ait des gens qui les expérimentent et qui prouvent que c'était rentable. Cela a été la même chose pour d'autres systèmes. S'il n'y a jamais personne qui fait la démonstration, les compagnies ne seront jamais intéressées à développer des systèmes moins dispendieux. C'est bien sûr que la coopérative n'avait pas les moyens d'installer un système qui valait 150 000 $ au départ.

Pour ce qui est du développement, c'est de la même façon qu'on a eu affaire avec, par exemple, Gaz Inter-Cité. Elle a eu une subvention de 1500 $ par maison unifamiliale pour aider à installer un système de chauffage central, sauf qu'on ne peut pas avoir un système de chauffage central qui soit biénergétique gaz-électricité; il peut être gaz-pétrole, mais il ne peut pas être gaz-électricité. Et la subvention qui se donne de 1500 $ pour le système de chauffage pour une maison, dans notre cas, c'était 1500 $ pour 32 logements, ce qui fait que c'est très difficile d'y aller. J'aimerais que Michel poursuive ici.

M. Belleau: Je voudrais juste faire un commentaire concernant l'expérience avec la coopérative d'habitation septième ciel. On s'est rendu compte qu'on était dans un certain cul-de-sac au point de vue énergétique, c'est-à-dire que, finalement, on était forcé de chauffer à l'électricité. (22 h 30)

La question que j'aimerais poser est: Au niveau des coûts d'implantation des systèmes dans les bâtiments neufs ou recyclés, c'est évident que les systèmes de chauffage à l'eau chaude, comme on faisait auparavant, c'est nettement prohibitif par rapport à un système avec des calorifères électriques. Mais est-ce que c'est souhaitable que l'ensemble de la société québécoise soit chauffé à l'électricité? Au niveau d'Hydro-Québec et de l'ensemble de la société québécoise, cela veut dire qu'on se met à chauffer à l'électricité avec tout le phénomène de la pointe, parce qu'avec les calorifères électriques vous savez très bien qu'il n'y a aucun contrôle; quand il fait froid, tout le monde chauffe en même temps. Ce sont des données peut-être terre à terre, mais il faut quand même se les poser en tant que société.

À un moment donné, on est allé le plus loin possible pour définir un projet novateur. La vraie pierre d'achoppement qu'on a eue, c'est vraiment le système central. Le système central d'abord nous aurait permis une versatilité dans le choix des énergies. On pensait, par exemple, à une époque, introduire l'électricité et le gaz comme énergies complémentaires. Là, on s'est aussi cogné sur la compétition qui existe entre Hydro-Québec et le gaz. Je ne sais pas si je vous l'apprends, mais le programme biénergie, qui était un programme expérimental quant aux tarifs d'électricité, n'était pas compatible avec le gaz naturel. C'est la biénergie pétrole-électricité. Il y avait une clause qui disait que, si vous aviez un système au gaz, vous ne pouviez pas avoir la biénergie avec l'électricité. Ce ne sont pas des faits majeurs, mais ce sont des éléments qui font que, lorsqu'on définit un projet, on se rend compte à un moment

donné qu'on a fait le tour du jardin, qu'on tourne et qu'on est obligé de revenir à des solutions tout à fait traditionnelles.

Dans le fond, je vous renvoie un peu la balle. C'est un peu le sens de notre participation ce soir. On ne vient pas - on vous l'a dit d'ailleurs - faire de doléances pour un projet; on vient poser des questions qui ont une envergure de société. Est-ce que cela veut dire que, pour des raisons de coûts d'implantation des immeubles, soit dans le recyclage ou dans l'immeuble neuf, on va transformer le Québec tout à l'électricité, ou si, à un moment donné, on va se poser la question? C'est un peu cela le sens de notre intervention.

M. Duhaime: II faut être clair là-dessus. 3e pense que si vous avez pris connaissance des divers documents que le ministère de l'Énergie et des Ressources a publiés depuis quelques années, de même que ce qu'Hydro-Québec a fait aussi comme promotion, il n'est pas question d'électrifier le Québec à 100% et toutes ses résidences. On va avoir un problème de pointe sur les bras. Je pense que tout le monde va le concevoir. L'idéal serait que nos industries qui consomment 365 jours par année soient à l'électricité et que la plus grande partie de nos résidences soient au gaz naturel et même au mazout pour être capable de mieux gérer la pointe. La réponse est venue d'elle-même: c'est le système biénergie. Pour répondre à votre préoccupation, on travaille aujourd'hui à des systèmes de polyénergie qui pourraient être gaz-mazout-électricité. C'est dans ce sens-là qu'on va se diriger.

On est dans une situation d'abondance énergétique. L'expression est très relative. Il s'agit tout simplement de mieux consommer, de gérer la demande et de gérer la pointe. Au Québec, c'est nouveau. C'est un peu comme convaincre une population comme la nôtre de ménager l'eau potable, pour ne pas dire ménager l'eau chaude. En fait, on a grandi dans cette abondance et on scandalise très souvent les Latino-Américains, les Européens quand ils se baladent au Québec et qu'ils voient des pelouses arrosées à l'eau potable qui' est passée dans les usines de filtration. On peut faire exactement la même analogie dans le secteur de la consommation énergétique globale, même hydroélectrique. Vous soulevez un problème réel. La réponse à cela va être des changements dans nos habitudes comme consommateurs. Il va falloir qu'on fasse des ajustements au niveau de la biénergie et même de la polyénergie. J'ai mentionné gaz-mazout-hydroélectricité, mais il y a aussi les systèmes solaires qui entrent de plus en plus dans des habitudes qui n'existaient pas autrefois et il va y en avoir d'autres aussi.

M. Belleau: Est-ce que vous me permettez encore une petite question? M. Duhaime: Bien sûr.

M. Belleau: Est-ce que vous voyez cela dans le sens de la transformation de notre parc d'habitation actuel où la biénergie et la polyénergie peuvent s'appliquer parce qu'on a déjà des systèmes qui le permettent, ou si vous le voyez aussi pour le développement des nouvelles résidences, soit unifamiliales ou multifamiliales. On peut penser à transformer; c'est un peu ce qu'Hydro-Québec fait actuellement, soit de transformer le parc actuel, de favoriser la biénergie chez les gens qui utilisent le pétrole actuellement. Mais, à plus long terme, soit dans le domaine du recyclage ou du logement neuf, est-ce qu'on revient à l'électricité? Il y a là une contrainte.

M. Duhaime: Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce chiffre-là, mais, au moment où on s'en parle aujourd'hui, presque 40% des résidences du Québec sont encore chauffées à l'huile.

M. Belleau: Oui.

M. Duhaime: Mais on sait une chose cependant. Dans les constructions nouvelles, dans les zones hors gaz, par exemple, ces résidences se branchent sur Hydro-Québec dans une proportion de 95%, je pense. Dans les zones gazières, ce sera de plus en plus vrai au fur et à mesure que le réseau de gaz naturel va pénétrer les régions du Québec. Il y aurait gros à parier qu'il va y avoir un partage entre les nouvelles résidences qui vont être chauffées tantôt au gaz naturel, tantôt à l'électricité, tantôt même aux deux. De toute évidence, c'est dans cette direction-là qu'on s'en va. Le seul problème que cela pose, bien sûr, à Hydro-Québec, c'est quand on se fixe des objectifs de pénétration de l'hydroélectricité et du gaz. Ce sont des chiffres globaux, sur des périodes données. On envisage 1985; on envisage 1990. Mais comment cela va-t-il retomber dans le secteur résidentiel, dans le secteur industriel et commercial? On va le voir au fur et à mesure que cela va se dérouler, et cela va nous obliger à avoir des politiques de gestion de la pointe, parce que le problème est toujours là. Mais la problématique change aussi de ce côté-là. Autrefois, on craignait d'avoir des installations qui ne se rentabiliseraient pas ou qui seraient plutôt utilisées pendant les jours ou les mois de haute consommation. Maintenant, il y a un nouveau débouché qui s'ouvre; c'est celui de la possibilité, réelle maintenant, puisque les ententes sont signées, d'écouler nos surplus sur le marché américain à des prix qui sont à peu près le double ce qu'on peut obtenir au Québec. Il est évident

que toute la problématique change à ce moment-là.

Les problèmes que vous soulevez sont réels. Si vous me demandez dans quelle direction on s'en va, je vous dis le plus clairement possible qu'on a intérêt à utiliser l'hydroélectricité, bien sûr, mais, en même temps, on a intérêt à se diriger vers des programmes d'utilisation de biénergie et même de polyénergie de façon à soulager la pointe pendant les mois d'hiver au Québec et bénéficier aussi du fait que la haute pointe ici correspond à la basse pointe au sud. L'inverse est également vrai. Alors, il y a un débouché pour le Québec, c'est évident.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je pense que vous avez très bien fait valoir votre point. Je n'ai pas d'autres questions à poser. Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): II nous reste a vous remercier d'avoir participé à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 38)

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