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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux. Son
mandat est d'étudier les effets de la politique
énergétique sur le développement économique et, en
conséquence, d'entendre les mémoires soumis par les divers
organismes.
Les membres de la commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M.
Beaumier (Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Tremblay (Chambly), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M.
Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Desbiens (Dubuc),
M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc
(Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Vallières (Richmond).
Nous entendrons les mémoires dans l'ordre suivant: Le premier -
j'inviterais le porte-parole à s'approcher de la table - le Conseil de
l'industrie de l'hydrogène; le deuxième, l'École
polytechnique; le troisième, les Mines Noranda Limitée; le
quatrième, l'Institut national de la recherche scientifique; le
cinquième, l'Énergie atomique du Canada Limitée et le
sixième, l'Institut de recherches Brace.
D'abord, le Conseil de l'industrie de l'hydrogène, M. Richard-D.
Champagne.
M. Champagne, si vous voulez présenter les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Auditions
M. Champagne (Richard-D.): M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): Un instant. Excusez-moi. Pour
le bénéfice des organismes qui doivent être présents
aujourd'hui, on espère pouvoir entendre ce matin le Conseil de
l'industrie de l'hydrogène, l'École polytechnique et Mines
Noranda. Quant aux autres, Institut de la recherche scientifique,
Énergie atomique du Canada et Institut de recherche Brace, ils ne seront
entendus qu'en après-midi.
Une voix: Et ce soir.
Le Président (M. Desbiens): Et ce soir. M. Champagne.
Conseil de l'industrie de l'hydrogène
M. Champagne (Richard-D.): M. le Président, il me fait
plaisir de vous présenter les collègues qui m'accompagnent:
à ma gauche le Dr Rodney LeRoy, des Mines Noranda et de la compagnie
Electrolyser Inc., et, à ma droite, M. Charles Montaux, conseiller
économique du Conseil de l'industrie de l'hydrogène.
Le Président (M. Desbiens): Vous pouvez poursuivre, si
vous voulez.
M. Champagne (Richard-D.): M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, le Conseil de l'industrie de
l'hydrogène est honoré d'avoir l'occasion de vous faire part de
ses réflexions au sujet d'une politique de l'énergie ainsi que
des perspectives offertes par l'hydrogène.
Permettez-moi de vous présenter brièvement le conseil. Il
regroupe plusieurs entreprises d'envergure et comporte actuellement 26 membres.
Il est une initiative unique dans notre domaine à l'échelle
internationale. Les objectifs majeurs du conseil sont les suivants: Promouvoir
la recherche et le développement pour la production, le stockage, le
transport et l'utilisation de l'hydrogène; représenter
l'industrie de l'hydrogène auprès des gouvernements, des
organismes internationaux, des groupes de recherche et du public en
général; finalement, d'encourager les projets d'utilisation de
l'hydrogène.
Notre conseil reflète la prise de conscience de la place
privilégiée que nous pouvons occuper dans le développement
technologique et commercial d'une industrie émergente.
Créé en 1982, le conseil est encore en phase d'organisation. Nous
avons cependant préparé un programme d'activité et un
portefeuille de projets de recherche et développement et conduit
plusieurs missions à l'étranger. Au début des travaux de
cette commission, nous avons été particulièrement heureux
d'apprendre que nos efforts étaient appuyés par le gouvernement
du Québec.
Nous remercions le gouvernement et le ministre de l'Énergie et
des Ressources de l'aide financière obtenue. Elle était
d'ailleurs une des recommandations de notre mémoire. Soyez
assurés que nous redoublerons nos efforts pour accentuer la concertation
de l'industrie en faveur de programmes de recherche et développement et
de mise en oeuvre de projets utilisant l'hydrogène.
Si vous le permettez, nous ferons une présentation
abrégée du mémoire qui vous est soumis.
Dans notre mémoire, nous avons choisi de présenter une
prise de position. Nous avons voulu également mettre de l'avant
certaines réflexions concernant l'énergie et le
développement économique. Nous sommes parfaitement conscients
qu'il s'agit d'une position délicate. Nous espérons simplement
contribuer à l'ouverture d'un débat. Nous voulons surtout vous
faire partager notre conviction que l'hydrogène peut être et sera
un élément essentiel de l'avenir énergétique.
Naturellement, chacun prêche pour sa paroisse. Néanmoins,
l'hydrogène suscite un intérêt grandissant. Le
Québec et l'Ontario ont déjà favorisé des
études préliminaires sur le rôle de l'hydrogène. Le
comité Lefebvre de la Chambre des communes a déposé un
plaidoyer vibrant et documenté en faveur de l'hydrogène. L'Agence
internationale pour l'énergie et la plupart des pays occidentaux
s'intéressent activement à l'hydrogène. Bien qu'encore
discret et prudent, il existe un puissant courant d'intérêt pour
l'hydrogène dans le monde.
Enfin, nous soumettons qu'il y aurait lieu de faire porter les
réflexions sur la distinction entre source et devise
énergétiques. La source énergétique est la
ressource primaire qui sert à produire une ou plusieurs formes
d'énergie et qui peut même servir à d'autres fins; ce sont
les hydrocarbures, le charbon, les ressources hydrauliques. La devise est la
forme finale sous laquelle l'énergie est rendue disponible comme force
calorifique et motrice: c'est l'essence, l'électricité. Cette
distinction est importante. Elle recoupe la question de la finalité
d'une politique énergétique. Couramment, cette politique exprime
une volonté d'orienter l'évolution de la consommation globale
d'énergie et la contribution des diverses sources. Elle se
préoccupe donc d'énergie comme moyen de chauffage, d'alimentation
de machines et comme carburant. La source énergétique risque donc
d'être prise en considération seulement par les devises qu'elle
fournit, alors que son potentiel économique peut dépasser
largement ce seul aspect.
Nous avons vécu, depuis le début des années
soixante-dix, une crise de l'énergie. Durant cette période, la
priorité était de se dégager de la dépendance du
pétrole et d'acquérir une autonomie énergétique. Il
s'est ainsi créé un contexte favorable pour toute tentative
débouchant sur des énergies de remplacement. Les perspectives
semblaient tellement négatives que tout était possible pour les
technologies nouvelles. Tout le monde était d'accord avec l'objectif.
Tous les moyens étaient bons pour l'atteindre. Actuellement, la
situation de crise énergétique semble passée. Nous sommes
donc à un point tournant où les efforts en faveur des
énergies nouvelles risquent d'être diminués. En effet, les
perspectives de rentabilisation de nouvelles technologies
énergétiques deviennent plus floues, ce qui en diminue l'attrait
pour les industries.
Nous pensons que ce nouveau contexte nécessite une
réflexion renouvelée sur la politique énergétique.
Les gouvernements devront rétablir la confiance des investisseurs dans
la rentabilisation de nouvelles filières énergétiques.
Un des aspects de la réflexion à entreprendre sur la
politique énergétique est certainement la relation entre
énergie et développement économique. En
général, la politique énergétique ne semble pas
être très intégrée à une politique de
développement économique. Autonomie énergétique et
prix compétitif de l'énergie sont généralement
considérés comme les facteurs propices au développement
économique. Cela va de soi, mais ce n'est certainement pas suffisant.
Disponibilité et coût de l'énergie constituent sans doute
des facteurs essentiels pour un nombre réduit d'industries dont
plusieurs sont d'ailleurs bien représentées au Québec.
L'interrelation entre énergie et développement est une question
complexe. Nous n'abordons cet aspect que pour souligner l'importance
d'approfondir la réflexion à ce sujet.
En effet, on peut résumer les politiques
énergétiques courantes par les caractéristiques suivantes:
leur objet porte sur l'énergie comme pouvoir calorifique et force
motrice; leur moyen est de répartir le marché
énergétique entre les diverses devises; leur impact
économique est envisagé à partir des notions de
disponibilité et prix compétitif. Pour notre part, la politique
énergétique devrait essentiellement être un moyen
d'atteindre les objectifs d'une politique de développement. Dans ce
cadre, elle devrait considérer des systèmes ou filières
mettant à contribution le potentiel économique de chaque source
et devise énergétique envisageable.
Il est assez évident que plus la ressource ou source
énergétique a des usages variés, plus son potentiel
économique est important. De même, plus une devise a des usages
variés, plus son potentiel économique est important. Une approche
globale revient à rechercher les filières, sources, devises qui
sont les plus longues et les plus diversifiées pour obtenir un impact
maximal au niveau du
développement économique. Nous tenterons d'illustrer plus
tard ce point de réflexion que nous soulevons ici.
Le Québec est doté d'une politique
énergétique dont les objectifs généraux semblent en
bonne voie d'être atteints. Cette politique retient trois sources
énergétiques majeures: le pétrole,
l'hydroélectricité et le gaz naturel. Une place est
également faite aux énergies nouvelles. La consommation
énergétique se répartit essentiellement entre le chauffage
et l'utilisation du pouvoir calorifique, l'alimentation de machines ou
création d'une énergie mécanique et les carburants pour
les transports. Les deux premiers usages représentent environ 70% de la
consommation énergétique du Québec et le transport 30%.
Les besoins énergétiques relatifs au transport ne peuvent
être satisfaits efficacement que par les dérivés du
pétrole bien que le gaz naturel puisse y trouver des applications. Les
autres besoins peuvent être satisfaits par presque toutes les sources et
devises énergétiques. Nous sommes portés à penser
que la répartition des besoins énergétiques entre les
trois sources principales ne devrait pas constituer l'enjeu primordial de la
politique énergétique du Québec, à long terme du
moins.
Le gaz naturel dispose d'un potentiel économique plus vaste que
son utilisation comme énergie. Il n'est pas évident que le
Québec puisse en tirer profit. Seul un port méthanier pour le gaz
de l'Arctique donnerait au Québec une chance pour poursuivre le
développement de son industrie pétrochimique. Le pétrole
c'est, bien sûr, des carburants. C'est aussi une ressource pour beaucoup
d'autres industries qui en tirant de très nombreux produits. La
réduction des capacités de raffinage jointe au prix
élevé peut hypothéquer l'avenir de l'industrie
pétrochimique au Québec. À long terme, le pétrole
et le gaz naturel sont aussi des ressources susceptibles de redevenir rares et
chères. (10 h 30)
L'hydroélectricité demeure la seule ressource autochtone
d'envergure dans la politique énergétique. Elle est très
bien intégrée au développement du Québec. Elle est
sujette à certaines limites toutefois. Le potentiel de sites
aménageables est limité. Elle fournit une devise difficilement
stockable. Il existe des difficultés d'harmonisation entre la production
d'électricité et la consommation. Il est difficile de l'utiliser
pour remplacer les carburants dans le transport. On pourrait donc entrevoir une
extension possible de la politique énergétique. 1. Elle devrait
prendre en considération de nouvelles technologies. Cette ouverture est
nécessaire pour assurer l'avenir énergétique du
Québec à long terme. En s'orientant vers une ou quelques
technologies ou filières, elle contribuerait à réduire la
situation d'incertitude qui nuit aux efforts de recherche et de
développement des industries dans le contexte énergétique
mondial actuel. 2. Elle devrait envisager des technologies et filières
capables de satisfaire non seulement des besoins de type personnalisé,
mais aussi des besoins collectifs d'envergure. 3. Elle devrait enfin viser des
technologies et filières qui présentent des
caractéristiques minimales de faisaibilité.
Rappelons que notre but se résume à soulever certains
éléments de réflexion. Vu que les gouvernements se doivent
de définir des orientations à long terme aidant les industries
à maintenir leurs efforts dans des domaines essentiels, cette commission
offre une occasion pour entreprendre une réflexion collective sur
l'envergure que doit avoir la politique énergétique du
Québec.
Les principes. Notre orientation est de donner la priorité au
développement économique et de considérer la politique
énergétique comme l'outil d'une politique de
développement. Il reste beaucoup de réflexion et de recherche
à faire à ce sujet, mais, a priori, les principes suivants nous
semblent contribuer à cette orientation. La politique
énergétique devrait favoriser: 1. l'exploitation de ressources
renouvelables localisées au Québec; 2. l'exploitation de
ressources énergétiques ayant des utilisations industrielles, en
plus que de produire une devise; 3. les filières sources-devises les
plus longues et les plus diversifiées. La devise dominante devrait
pouvoir servir comme pouvoir calorifique direct, matière première
dans les ressources industrielles, moyen de créer d'autres devises. La
devise dominante devrait aussi pouvoir être stockée et
transportée facilement et servir pour des besoins collectifs
d'envergure, notamment comme carburant pour les transports; 4. la politique
énergétique devrait favoriser des technologies nouvelles,
exportables et susceptibles de générer des complexes industriels
nouveaux et qui soient techniquement et économiquement
réalistes.
Le choix. Comme élément d'un système
énergétique global, la biomasse et une filière
électricité-hydrogène présentent les
possibilités les plus prometteuses. Pour ces deux éléments
le Québec dispose d'avantages appréciables. En particulier
l'hydrogène, quant à lui, semble devoir être la devise
énergétique de l'avenir à l'échelle mondiale.
La biomasse est une ressource renouvelable et abondante au
Québec. Elle est concentrée dans des régions accessibles
et la technologie d'exploitation est largement maîtrisée.
L'exploitation de la biomasse comme source énergétique
présenterait plusieurs avantages. Elle peut être une
source d'énergie calorifique directe ou de force motrice. Dans
les régions éloignées, elle pourrait servir de base pour
les sous-systèmes énergétiques qui limiteraient les
besoins d'infrastructures coûteuses pour y acheminer d'autres formes
d'énergie. Elle peut être stockée et transportée
sous formes diverses, elle peut générer une gamme de carburants
d'appoint et de produits chimiques utilisables dans d'autres processus. Elle
est compatible avec une filière
électricité-hydrogène. Son exploitation peut se faire en
partie avec celle des forêts pour les industries des pâtes et
papiers, du bois et de ses dérivés. Une gestion globale de la
biomasse forestière pourrait profiter à ces industries
traditionnelles.
L'évolution technologique combinée avec une gestion
globale pourrait aider ces industries à demeurer compétitives par
rapport à une concurrence étrangère qui
bénéficiera de plus en plus des essences forestières
à croissance rapide. Ces quelques indications fournissent une
idée générale du potentiel économique de la
biomasse. Des intervenants plus spécialisés sauront
présenter à la commission tous les avantages de cette source
énergétique.
L'hydrogène, une filière
électricité-hydrogène. L'hydrogène est un
élément chimique fondamental. Il est actuellement produit et
utilisé dans de nombreux processus industriels. Même s'il n'est
pas une source énergétique directe, car il doit être
produit, il présente un potentiel énergétique et
économique considérable. En particulier, il est un moyen de
redonner à l'électricité une diversité d'usage que
celle-ci n'a pas par elle-même. Il peut servir à stocker la
capacité excédentaire de centrales hydroélectriques. Sous
forme d'hydrogène, l'électricité pourrait donc être
incorporée à toute une gamme de processus industriels. Au besoin,
l'hydrogène pourrait être consommé pour son pouvoir
calorifique comme combustible industriel ou domestique. Grâce à
des piles à combustible, l'hydrogène peut être
retransformé en électricité. L'usage de l'hydrogène
comme énergie calorifique et regénération de
l'électricité n'est pas recommandable pour des raisons
économiques dans l'état actuel de la technologie. II offre
cependant l'avantage considérable de permettre un stockage de
l'électricité et de rendre celle-ci utilisable comme carburant,
ou à des fins industrielles.
Le second domaine d'innovation offert par l'hydrogène est au
niveau des carburants. C'est un secteur d'avenir. Actuellement,
l'hydrogène est utilisé comme carburant seulement dans le domaine
spatial. Des expérimentations sont en cours avec des automobiles et des
autobus. L'hydrogène est cependant une des rares devises
énergétiques en mesure de pouvoir remplacer les
dérivés du pétrole comme carburant. Ce potentiel de
l'hydrogène pose encore de nombreux défis techniques, mais les
recherches sont nombreuses dans divers pays. L'hydrogène est aussi
utilisé dans de nombreuses industries. Son potentiel est
considérable dans le domaine du raffinage du pétrole, des
industries chimiques et pétrochimiques, de la métallurgie. On
doit se limiter à quelques exemples, tels que la production d'ammoniac
et de fertilisants, la production de méthanol, d'hydrocarbures
légers, de pétrole synthétique, revalorisation des huiles
lourdes dans les raffineries, transformation des huiles animales et
végétales, réduction du minerai de fer, etc.
Enfin, l'hydrogène peut jouer un rôle fondamental au niveau
de l'interchangeabilité des formes primaires d'énergie. À
part les hydrocarbures, les autres sources d'énergie ne permettent pas
un stockage de l'énergie qu'elles produisent. Pensons à
l'énergie hydraulique, éolienne, nucléaire,
géothermique. La devise courante pour transformer et distribuer ces
énergies est l'électricité, qui n'est pas stockable.
L'avantage de l'hydrogène est d'être stockable, transportable et
utilisable, quelle que soit la source énergétique utilisée
pour produire cet hydrogène: hydroélectricité,
électricité de source nucléaire, éolienne,
géothermique ou même biomasse.
C'est pourquoi une filière
électricité-hydrogène a de grandes chances d'être la
filière future à l'échelle mondiale. Le Québec
dispose de plusieurs atouts pour participer au développement d'une
nouvelle industrie basée sur l'hydrogène: réserve
importante de biomasse et hydroélectricité, avance dans les
systèmes d'électrolyse de l'eau, expertises d'Hydro-Québec
et de son institut de recherche, expertise des sociétés
d'ingénieurs-conseils en grands travaux et technologie de pointe. Ces
atouts sont aussi importants car les perspectives offertes par
l'hydrogène reposent sur la capacité de le produire, le stocker
et le transporter à l'échelle commerciale à des
coûts compétitifs. Il est important pour le Québec de se
préoccuper de cette option. L'hydrogène bénéficie
d'un intérêt à l'échelle internationale et il offre
des perspectives économiques considérables. Il est utilisé
et utilisable dans de nombreuses industries. Il générera toute
une technologie nouvelle pour la production, le stockage et le transport
à l'échelle d'unités commerciales. Il s'associe à
des technologies de pointe comme les piles à combustible et l'industrie
spatiale. En faisant de l'hydrogène et d'une filière
énergétique (électricité-hydrogène) le point
central de sa politique énergétique, le Québec pourrait
favoriser la création d'un secteur énergétique et d'une
industrie qui serait aussi bien intégrée à son
économie que l'est actuellement l'hydroélectricité et
pourrait bénéficier de retombées considérables.
Ce potentiel économique de l'hydrogène pour le
Québec réside dans l'intérêt que présentera
l'hydrogène sous forme de technologie exportable et de
développement de système de production, notamment, par
électrolyse de stockage et de transport. Le passage à un stade
commercial de techniques maîtrisées au stade expérimental
ou de démonstration constituera un impact économique d'envergure.
Ces technologies et expertises sont déjà largement disponibles et
développables localement. Il est à noter que la mise en oeuvre de
ces technologies est indépendante de la source primaire de production
d'hydrogène, d'une part; d'autre part, la variété des
utilisations de l'hydrogène et la possibilité de disposer de
l'hydrogène à un prix compétitif permettrait soit le
raffermissement d'industries existantes (raffinerie, pétrochimie,
sidérurgie), ou la création de nouvelles lignes de production ou
industries: ammoniaque, pétrochimie, chimie.
Il faut considérer que l'engagement dans une économie de
l'hydrogène se traduira par la création de systèmes
industriels nouveaux de grande taille: pipeline, système de compression
et de liquéfaction, cuve et technologie de stockage, flotte de
transport. Les investissements impliqués sont considérables.
L'exposé que nous venons de vous présenter nous conduit
aux conclusions suivantes: le renversement des tendances dans le marché
pétrolier peut remettre en cause de nombreux efforts de
développement de nouvelles filières et technologies
énergétiques en repoussant l'horizon de rentabilisation de ces
investissements. Une politique énergétique isolée ne
s'accompagne pas forcément d'un renforcement et d'une diversification de
la base économique du Québec. Une politique
énergétique devrait s'inscrire comme élément d'une
politique de développement économique et devrait
privilégier l'apparition de filières énergétiques
conduisant à accentuer le développement de technologies de pointe
exportables, engendrer des complexes industriels nouveaux. Ces filières
énergétiques devraient privilégier comme sources
primaires, des sources d'approvisionnement renouvelables et disponibles au
Québec.
Sur cette base, une politique énergétique pourrait non
seulement esquisser le futur énergétique qui prendra la
relève des sources actuelles que sont le pétrole,
l'hydroélectricité et le gaz naturel, mais aussi assurer que
l'industrie du futur soit aussi bien intégrée à
l'économie du Québec que peut l'être actuellement
l'hydroélectricité. Il semble approprié que
l'investissement du gouvernement du Québec en matière de
nouvelles technologies reliées à l'énergie se concentre
dans deux secteurs: la biomasse, l'hydrogène et une filière
électricité-hydrogène.
Nous soumettons donc les recommandations suivantes: le gouvernement
devrait favoriser l'élaboration de programmes de recherche,
développement et démonstration, pour l'utilisation de la biomasse
et fournir son support financier et technique à ces programmes. Le
gouvernement devrait mettre à la disposition d'industries travaillant
à la réalisation de programmes de démonstration et
d'exploitation commerciale de l'hydrogène des blocs d'énergie
électrique à des tarifs préférentiels. Le
gouvernement devrait encourager l'effort de concertation de l'industrie au sein
du conseil de l'industrie de l'hydrogène à créer et
à exécuter des programmes de recherche, développement et
démonstration. Le gouvernement devrait encourager la formation de
consortiums développant des systèmes technologiques reliés
à l'hydrogène et présentant des disponibilités, des
possibilités d'exportation. Le gouvernement devrait appuyer la
création d'un centre de recherche en électrochimie. Le
gouvernement devrait non seulement fournir un support technique et financier
direct, mais aussi et surtout favoriser les activités de recherche,
développement et démonstration reliées à
l'hydrogène par une accentuation des incitatifs fiscaux actuels
reliés à la recherche et au développement et faire les
représentations nécessaires auprès du gouvernement du
Canada en ce sens. (10 h 45)
Cette accentuation des incitatifs fiscaux à la recherche et au
développement pourraient prendre la forme de ceux déjà mis
en vigueur en faveur de l'exploration pétrolière, d'une part.
D'autre part, il y aurait lieu de permettre aux particuliers de
bénéficier des incitatifs fiscaux à la recherche et au
développement ouverts aux corporations. Soyez assurés que le
Conseil de l'industrie de l'hydrogène et ses membres sont tout
disposés à collaborer pour tracer le futur
énergétique du Québec et contribuer à son essor
économique. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Champagne, pour votre
exposé. J'ai eu l'occasion, bien sûr, de lire votre mémoire
et ses annexes. Je ne voudrais pas revenir sur chacun des points qui viennent
d'être évoqués, mais peut-être m'attarder à un
volet qui a été peu touché, je pense, dans votre
exposé. Le Conseil de l'industrie de l'hydrogène, qui existe
depuis quelques années, a peut-être comme grand défaut,
comme tout ce qui est nouveau, d'être sûrement une bonne vingtaine
d'années en avant de son temps. La difficulté est de convaincre
les milieux économiques,
industriels, et gouvernementaux, qu'une énergie nouvelle qui
s'appelle l'hydrogène, soit comme facteur industrialisant important ou
comme simple carburant, va très certainement être une des
données fondamentales du dossier énergétique durant le
prochain siècle.
Nous avons, au ministère de l'Énergie et des Ressources,
démontré jusqu'à présent beaucoup
d'intérêt non seulement pour le dossier de l'hydrogène,
mais pour tout le volet des énergies nouvelles, en particulier dans le
secteur de la biomasse et de la filière
électricité-hydrogène. Ce que je voudrais savoir,
cependant, c'est: est-ce qu'au Conseil de l'industrie de l'hydrogène
vous avez réussi à accumuler une information sur ce qui se passe
à l'étranger, dans d'autres pays industrialisés? Si on
s'en tenait essentiellement aux pays membres de l'OCDE, par exemple, sur le
plan de l'utilisation de l'hydrogène comme composante des bilans
énergétiques ailleurs... Et le deuxième
élément de ma question ce serait que je comprends que les
coûts font que l'hydrogène actuellement est hors marché si
on s'en tient à la base carburant. Ce que j'aimerais savoir, et je pense
que cela intéresserait très certainement le grand public au
Québec et les membres de notre commission, c'est ce qui se fait ailleurs
dans les pays industrialisés. Quel est l'effort et l'appui en ce qui est
de la recherche et du développement qu'accordent les gouvernements des
pays industrialisés de l'Ouest à cette dimension
énergétique nouvelle?
Je vous pose la question parce que -j'y reviendrai tantôt - j'ai
rencontré des gens bien placés d'autres pays qui sont dans la
même mouvance que nous sur le plan économique et qui ont à
peu près abandonné la filière
hydrogène-électricité. Mais enfin, je pose la
question.
Le Président (M. Desbiens): M.
Champagne.
M. Champagne (Richard-D.): M. le Président, M. le
ministre, effectivement, le Conseil de l'industrie de l'hydrogène a
conduit deux missions importantes depuis sa création. Une mission en
Europe où nous avons visité l'Allemagne, la France et les pays de
la communauté économique européenne. Les conclusions sont
les suivantes: Depuis une dizaine d'années, ces pays ont investi des
sommes très importantes dans le développement des filières
de l'hydrogène, dans la recherche et le développement fondamental
de nouvelles méthodes d'électrolyse, de nouveaux
procédés pour améliorer la production et le stockage de
l'hydrogène. L'Allemagne en particulier conduit des projets
d'application également. Elle a favorisé son industrie dans un
secteur en particulier de l'automobile ou Mercedes, des Mercedes-Benz. Elle a
été appuyée par le gouvernement pour mettre au point une
automobile à l'hydrogène gazeux par les hydrures
métalliques.
Donc en France c'est une politique beaucoup plus structurée. On
prévoit des surplus importants d'énergie nucléaire autour
des années quatre-vingt-dix et on veut préparer l'industrie
française à développer des technologies
d'électrolyse qui permettront de développer des
électrolyseurs et également de pouvoir avoir des industries
autochtones qui prendront en main les développements technologiques
justement pour stocker cette énergie excédentaire
nucléaire.
Quant aux autres pays de la communauté européenne, je dois
dire que j'assistais à Lyon, au mois de mai dernier, à une
conférence où on faisait le point des dix dernières
années dans les recherches et développements sur
l'hydrogène et que la conjoncture économique mondiale et
également la crise du pétrole étant
résorbée, les appuis à ce programme sont
considérablement diminués.
Si on parle maintenant des États-Unis. Les États-Unis ont
été assez actifs pendant les sept ou huit années qui ont
suivi cette période de dix ans mais la venue de M. Reagan comme
président des États-Unis a fait en sorte que l'accent, en termes
de filière énergétique, est venu au charbon et les
programmes reliés à la recherche et au développement en
matière d'hydrogène ont été considérablement
diminués.
Maintenant tout est relatif quand on parle des États-Unis. Ils
investissent encore quelque 50 000 000 $ par année dans la
filière hydrogène en termes de recherche et développement
alors qu'au Canada on est vu comme un pays extrêmement dynamique et un
leader mais l'industrie et le gouvernement ensemble dépensent entre 10
000 000 $ et 16 000 000 $ par année. Donc les perspectives sont
différentes, dépendant de la taille des pays.
On arrive à l'instant d'une mission au Japon qui fêtait le
dixième anniversaire de l'Association de l'énergie pour
l'hydrogène. Lors de ce dixième anniversaire, on faisait part que
le gouvernement japonais diminuait considérablement ses efforts dans le
domaine de la recherche et du développement relié à
l'hydrogène. Donc il y a eu durant les dix dernières
années des efforts considérables. C'est la conjoncture qui a
suscité cela. Comme je disais dans mon mémoire, tous les moyens
étaient bons; il fallait trouver des substituts au pétrole et
dans ce sens les pays que j'ai mentionnés, qui ont été
probablement les plus actifs, ont investi des sommes considérables.
Toutefois, à l'heure actuelle, compte tenu que la crise du
pétrole s'est résorbée, compte tenu aussi que le climat
économique
est assez difficile, cette filière hydrogène est
diminuée considérablement par rapport à ce qu'elle
était dans les dix dernières années. C'est
précisément un point très important que le Québec
peut, dans la conjoncture actuelle, continuer à jouer son rôle de
leader parce qu'il est actuellement vu à travers le monde, compte tenu
de cette technologie qu'a développé Mines Noranda et
Electrolysers, comme un leader en matière d'électrolyse et on
sait que c'est la filière de l'avenir. C'est précisément
dans ce secteur, étant donné qu'on a un élan actuellement
à travers le monde comme des leaders en matière de
développement technologique relié à l'hydrogène,
c'est justement une période qui nous privilégie si on veut y
faire des efforts. Ces efforts doivent être orientés vers des
utilisations et un mouvement de recherche et de développement, mais,
pour ce faire, il faut redonner à notre industrie la confiance. À
cet égard, il faut absolument que des programmes incitatifs, tels que
ceux qu'on a vus dans l'exploration pétrolière, soient
décidés par les gouvernements pour encourager cette recherche et
ce développement en matière d'hydrogène.
M. Duhaime: En fait, je retiens, M. Champagne, qu'avec les
contacts internationaux que vous entretenez et que vous maintenez, le
Québec est reconnu actuellement comme un leader. Je partage aussi votre
sentiment qu'au niveau canadien, c'est très certainement le
Québec qui joue le rôle de leader encore aujourd'hui et,
espérons, pour les années à venir. Je voudrais
réagir tout de suite pour ne pas prendre trop du temps de la commission.
Je voudrais vous dire que dans l'une de vos recommandations à la page
27, où vous nous dites, au conditionnel, que "le gouvernement devrait
appuyer la création d'un centre de recherche en électrochimie",
j'aurais souhaité lire: "Le gouvernement continue d'appuyer
fermement..." J'ai eu l'occasion de me prononcer là-dessus, il y a
au-delà d'un an et demi, et de faire des démarches auprès
du ministre fédéral de l'Énergie à l'époque,
M. Lalonde, et, plus récemment encore, M. Chrétien. Il n'existe
aucun centre de recherche comme tel en électrochimie au Canada.
L'implantation d'un pareil centre de recherche est devenu impératif tant
pour le Canada que pour le Québec. Je pense que ce serait dans l'ordre
naturel des choses que ce centre de recherche en électrochimie soit
d'abord décidé et, ensuite, qu'il s'implante au Québec.
J'ai offert une contribution financière qui pourrait aller
jusqu'à 50% du coût d'installation. Je ne vois pas comment le
Québec pourrait faire davantage pour démontrer son
intérêt si ce n'est de décider d'y aller seul, ce qui n'est
pas encore exclu. Je vous dis cela simplement pour souligner notre
détermination d'appuyer cette filière d'énergie nouvelle
qu'est l'hydrogène, avec toutes les applications industrielles
imaginables ou encore non imaginées pour l'avenir.
Je voudrais réagir tout de suite en vous disant que je fais
miennes les recommandations que contient votre mémoire à la page
27 quant aux incitatifs fiscaux. Je parlerai à mes collègues qui
s'occupent du développement économique. Il y a très
certainement des rapprochements intéressants à faire entre des
investissements dans des dépenses d'exploration et de recherche pour des
hydrocarbures et un effort de recherche et de développement qui
mérite d'être soutenu dans une énergie nouvelle et dans
toutes ses applications.
Je pense aussi qu'il faudrait souligner que si c'est Noranda et
Electrolyser qui sont souvent mentionnées dans tout ce qui concerne
l'hydrogène liquide, il ne faudrait pas non plus oublier l'Institut de
recherche qui est la filiale d'Hydro-Québec parce que c'est à
Vàrennes qu'il est produit actuellement, je ne dirais pas sur une base
artisanale, mais sur une base importante. Il y a également un projet qui
devrait être sur le point d'atterrir où on pourrait créer
sur des bases beaucoup plus considérables, je ne dirais pas sur des
bases industrielles parce que tout le monde sait que la rentabilité
n'est pas encore là. C'est un grand projet qu'on devrait classer comme
un projet dans la recherche et le développement et qui consisterait
à produire et de l'oxygène, bien sûr, et de
l'hydrogène.
Tout le monde sait qu'il y a des études à faire sur le
marché de l'ammoniaque, en particulier, et toutes les filières
des fertilisants agricoles. Il est bien certain que le Québec est un
importateur net à l'heure actuelle - et je dirais un importateur
très net - de l'ensemble de ses besoins en fertilisants. C'est là
très certainement une filière intéressante. (11
heures)
Je vais arrêter là mes commentaires et mes remarques bien
préliminaires, mais je voudrais savoir, M. Champagne, sur le plan de la
composition du Conseil de l'industrie de l'hydrogène... Je comprends que
le gouvernement peut subventionner. On l'a fait jusqu'à maintenant, je
crois que c'est pour 600 000 $; c'est un bon coup de pouce à votre
organisme. Est-ce que l'industrie, est-ce que le secteur privé
répondent de façon tangible, soit en vous déléguant
du personnel, soit en versant des contributions financières, soit en
vous épaulant avec des services de recherche? Comment faites-vous
le pont entre le Conseil de l'industrie de l'hydrogène et le secteur
privé?
Le Président (M. Desbiens): M.
Champagne.
M. Champagne (Richard-D.): M. le ministre, le conseil est
effectivement une association d'industries. Il est contrôlé et
financé par l'industrie. La première année de
fonctionnement a été strictement financée par les
compagnies participantes. Pour cette première année nous avons eu
un budget d'environ 200 000 $. Si je peux expliquer cette première
année, on avait, à ce moment-là, discuté avec le
gouvernement du Québec et d'autres gouvernements de participation mais
on voulait démontrer aux gouvernements le sérieux de l'industrie.
Le conseil a été strictement financé, pour la
première année, par les efforts des industries participantes.
Pour la deuxième année, on avait un programme
défini de recherche, un système d'information très
important mis au point durant la première année. On avait une
orientation à démontrer aux gouvernements pour bien comprendre
les objectifs que poursuit le Conseil de l'industrie de l'hydrogène.
C'est à partir de ces documents que le gouvernement du Québec a
appuyé d'une façon très importante le conseil par un
financement sur trois ans de 600 000 $ qui équivaut à 50% du
budget total, 50%-50% entre l'industrie et le gouvernement du Québec;
c'est une contribution très substantielle. Mais l'industrie donne les
orientations au conseil, définit ses priorités. C'est là
un point important.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais continuer sur la même lancée.
Pourriez-vous nous dire combien il y a de membres dans votre association? Si je
comprends bien, dans un premier temps, le conseil est une association
d'industries...
M. Champagne (Richard-D.): C'est une association d'industries
mais...
M. Fortier: ...qui regroupe... Oui, ma première question
est celle-là. Ma deuxième, vous parlez de membres participants.
C'est donc dire que, lorsque le gouvernement du Québec donne une
subvention, cette subvention est utilisée seulement par les membres
participants...
M. Champagne (Richard-D.): Que par les...
M. Fortier: J'aimerais savoir qui sont ces membres participants
et qui sont les autres membres qui sont intéressés d'une
façon générale mais qui ne sont pas actifs au moment
où on se parle.
M. Champagne (Richard-D.): Premièrement, quand on
définit association d'industries, on a souvent l'impression que c'est un
lobby. Si on se réfère à l'association
pétrolière, à des associations professionnelles connues
d'industries, ce sont normalement des lobbies, des groupes de support. Notre
conseil est une association d'industries mais c'est un conseil qui fournit des
services à ses membres parce qu'on est dans une industrie en
émergence, une industrie en devenir, si vous voulez. Il y a donc une
distinction et il ne faudrait pas confondre la notion d'association
conventionnelle d'industries avec ce qu'est le Conseil de l'industrie de
l'hydrogène.
Au niveau des membres, nous avons trois types de membres: les membres de
l'industrie qui ont la majorité au conseil d'administration et au
comité exécutif, qui sont des entreprises qui sont
intéressées directement dans des projets reliés à
l'hydrogène; nous avons des membres associés qui sont
plutôt des entreprises qui s'intéressent au secteur de
l'hydrogène et qui pourraient devenir des membres de l'industrie,
éventuellement; nous avons les membres gouvernementaux. Dans les membres
de l'industrie, les principaux sont HydroQuébec,
représentée par l'institut de recherche, Noranda et Electrolyser,
qui ont mis au point la nouvelle technologie de l'électrolyse,
Énergie atomique du Canada, Air liquide, qui est un producteur et un
commerçant de gaz, Prodair, Air Product, gui est le plus grand
producteur de gaz aux Etats-Unis; CIL, qui est une industrie chimique connue.
Ce sont des membres de ces différents types d'industries qui sont
membres qualifiés industries. Parmi les membres associés, nous
avons les universités, certains groupes de recherche, Polytechnique et
Laval. Les grandes firmes d'ingénieurs-conseils sont membres de
l'industrie, non pas par les applications spécifiques, mais plutôt
par leurs travaux et leur compétence en matière
d'ingénierie. J'ai peut-être oublié Canotom, qui
représente Lavalin, SNC et Montreal Engeneering Tires sont membres de
l'industrie; donc l'industrie chimique des gaz et de l'ingénierie. Parmi
les membres associés il y a aussi Bell Canada. Cela vous donne un peu
l'éventail des participants.
M. Fortier: Vous avez dit que votre association n'était
pas nécessairement un lobby, mais pour promouvoir une nouvelle industrie
comme celle-là, je pense bien qu'il y a un certain besoin de lobby et il
ne faudrait pas le négliger pour autant. Vous avez semblé
mésestimer cet aspect. À mon avis, ce n'est pas un substitut pour
la recherche, mais c'est certainement un élément très
important pour convaincre l'industrie d'une façon générale
ainsi que la population et les gouvernements. Quoique, dans le cas du
gouvernement du Québec, il semblerait que vous ayez un appui et je
m'en félicite.
Mais je voudrais savoir ceci. Quand vous arrivez à la recherche,
il y a beaucoup de monde qui est intéressé - tout le monde veut
aller au ciel, mais personne ne veut mourir - mais il y a quelques compagnies
qui sont plus intéressées que d'autres et qui font de la
recherche.
M. Champagne (Richard-D.): C'est juste.
M. Fortier: De tout ce beau monde dont vous venez de donner les
noms, j'imagine qu'on n'en retrouve que trois ou quatre qui mettent de leur
argent et de leur temps à réaliser un programme de recherche.
Est-ce que cela veut dire qu'on se limite à Mines-Noranda, Electrolyser
et HydroQuébec? Est-ce que ces gens travaillent en commun ou si chacun
recherche pour lui-même? Je me demandais dans quelle mesure
c'était un travail concerté et dans quelle mesure c'était
un regroupement de gens qui voulaient faire une action commune, mais où
chacun gardait le privilège de sa recherche et de ses
découvertes.
M. Champagne (Richard-D.): Je pense que c'est une question fort
pertinente. Effectivement, on parle d'entreprises privées qui
recherchent des bénéfices et qui sont dans ce secteur. Que ce
soit Air liquide, CIL, ce sont des gens qui touchent à
l'hydrogène et qui font actuellement de la recherche et du
développement pour mettre au point des technologies. Donc, ces gens
continuent leurs programmes et font part à une table commune de
l'état d'avancement de leur technologie, quand cela ne touche pas des
secteurs de confidentialité ou de secret, mais en général
les avances technologiques des industries sont amenées à la
table.
D'autre part, certaines recherches ou les entreprises, les industries
membres ne sont pas prêtes à s'embarquer dans certains
éléments de recherche - c'est trop coûteux -ou elles ont
une expertise qui est très sectorielle par rapport à un
système global, c'est là que ces projets sont amenés
à la table du conseil et on trouve, de par la diversité des
membres du conseil, une concertation, c'est un des rôles du conseil de
concerter certaines entreprises pour faire des programmes de recherche et de
développement et voir quelle partie l'industrie est prête à
mettre dans ces programmes et, d'un autre côté, voir comment on
peut influencer les gouvernements à contribuer à cette
recherche.
M. Fortier: Vous parlez de concertation, est-ce que la
concertation va jusqu'à influencer les programmes de recherche qui se
font dans certaines industries pour qu'ils soient complémentaires les
uns des autres?
M. Champagne (Richard-D.): Oui, effectivement.
M. Fortier: Vous avez dit que la situation et la conjoncture
internationale actuelle repoussaient les horizons de rentabilité des
énergies nouvelles. Nous avons eu ici -je crois que c'était la
semaine dernière ou la semaine d'avant - les représentants de
Bio-Shell qui nous ont dit que, dans l'utilisation de la biomasse au
Québec et en Ontario, ils avaient repoussé certains de leurs
projets de réalisation d'investissement parce que présentement,
compte tenu du prix du pétrole, compte tenu des surplus d'énergie
électrique d'Hydro-Québec et compte tenu des subventions
données par les deux niveaux de gouvernement pour la transformation au
gaz ou à l'électricité, la concurrence était
intenable et qu'ils devaient couper leur prix de vente pour réussir
à vendre leurs produits. C'est une conjoncture qui est
créée par la situation internationale au Québec et, par
ailleurs, par les politiques des deux niveaux de gouvernement qui veulent une
pénétration du gaz et de l'électricité. Certains,
surtout de l'industrie du pétrole, ont même dit qu'on devrait
repenser cette politique-là, parce que cela créait des
difficultés majeures pour l'industrie du pétrole et même
pour la pétrochimie éventuellement. Mais, ce qui
m'intéressait dans votre cas, c'est que vous dites que c'est une
donnée du problème.
Vous dites que le gouvernement devrait peut-être faire quelque
chose. Comment peut-on changer cette donnée du problème?
Hydro-Québec a des surplus pour encore quatre ou cinq ans,
dépendant de la reprise économique. Les prix mondiaux du
pétrole, d'après M. Ayoub qui est venu nous voir hier, devraient
se maintenir jusqu'en 1985 et même après cela, ils ne devraient
pas augmenter trop rapidement à moins qu'il y ait une guerre qui se
développe dans le golfe Persique. Et même là, il nous
disait que ce n'était pas sûr qu'à long terme ou à
moyen terme, le prix du pétrole augmente très rapidement. C'est
certainement une donnée du problème qui a un impact sur votre
industrie et vous semblez dire, malgré l'effort de l'industrie et du
gouvernement du Québec de 200 000 $ - enfin, vous dites que c'est 50%,
donc 400 000 $ par année de recherche - que c'est un effort important,
mais ce n'est pas déterminant pour développer une nouvelle
industrie. Pour développer cela, quand on parle de ce qui a
été investi dans À.V. Roe, ce qui a été
investi dans le domaine nucléaire, on parle de milliards et de milliards
de dollars. Alors, à 200 000 $ ou 300 000 $ par année, on va y
arriver en l'an 2080, c'est certain.
Je n'essaie pas d'être critique, j'essaie de dire: C'est cela, la
conjoncture
présentement. Mais vous dites qu'il faudrait que les
gouvernements créent un climat où l'industrie va y voir son
bénéfice. Bien sûr, vous avez demandé des formes
incitatrices, comme des incitatifs fiscaux; cela, je le comprends. Mais,
même là, je me demande dans quelle mesure cela va créer un
impact sur l'industrie elle-même et dans quelle mesure, compte tenu de
cette conjoncture internationale et québécoise, il va être
possible de convaincre les gens qu'il faudrait qu'ils y aillent par millions de
dollars pour créer une nouvelle industrie comme celle-là.
M. Champagne (Richard-D.): Je pense qu'il y a plusieurs
dimensions à votre question. La première réponse que
j'aimerais donner: Quand on parle de 400 000 $ du Conseil de l'industrie de
l'hydrogène, ce n'est pas pour la recherche et le développement.
Les membres et les programmes dont nous bénéficions par rapport
au Conseil national de la recherche au gouvernement fédéral,
où des sommes importantes sont données à la recherche, on
parle de budgets de l'ordre de 6 000 000 $ que les industries-membres
dépensent par année à la recherche. Donc, 400 000 $, c'est
pour des fins de coordination, la préparation d'un système
d'information techno-économique. À cet égard, on doit en
préparer un au niveau international. On a été
sollicité par l'Agence internationale de l'énergie pour
préparer un système techno-économique pour tous les
systèmes hydrogènes à travers les huit pays membres de
l'Agence internationale. Donc, les 400 000 $...
M. Fortier: Alors, ce n'est pas pour la recherche? C'est au
niveau de l'association.
M. Champagne (Richard-D.): Au niveau de l'association, c'est pour
les efforts du conseil comme tel. Mais, en termes de recherche et
développement, on parle de 6 000 000 $ dépensés par les
industries membres, chaque année, en recherche et développement.
Donc, c'est assez important.
Votre question à savoir que, effectivement, on semble dire qu'il
n'y a pas de problème avec le pétrole, je pense que souvent on a
été leurré ou mal informé sur la crise du
pétrole. C'est plutôt une crise de marché qu'on a eue; ce
n'est pas une crise du pétrole. Il y a toujours eu du pétrole
disponible. Maintenant, il faut bien comprendre que ces crises-là, comme
celle qu'on a vécue, peuvent revenir. Il faut bien penser que les
hydrocarbures, c'est épuisable. Dans ce sens, il faut voir le
positionnement qu'on veut donner à l'hydrogène. L'horizon, tel
qu'on l'avait défini dans notre mémoire à la page 12,
c'est que le pétrole sera devenu une source énergétique
chère et relativement rare; deuxièmement, le potentiel
hydroélectrique du Québec sera en voie d'être totalement
utilisé; troisièmement, le gaz naturel commencera à
susciter les mêmes inquiétudes de coût et de
disponibilité que le pétrole au cours des années 1970.
Donc, c'est cela, l'horizon. (11 h 15)
Maintenant, à savoir si ça va arriver dans dix ou quinze
ans, qui sait? Il y a cinq ans, on était rendu. Aujourd'hui, on dit que
cela n'arrivera pas avant vingt ou vingt-cinq ans. Je pense qu'on doit profiter
du fait qu'on est petit, ici, au Québec. Le Canada est très petit
par rapport aux autres grandes puissances qui ont des moyens importants. On
peut, par des investissements à notre mesure, conserver dans la
conjoncture actuelle un leadership concernant la recherche et le
développement à cause de technologies qu'on a clairement
développées. C'est là l'effort qu'on demande au
gouvernement.
L'industrie qui fait partie de ce conseil dépense des sommes pour
cela. Pour devenir membre du conseil, membre de l'industrie, on parle de 10 000
$ à 25 000 $ pour une association. Il n'y a pas beaucoup d'associations
industrielles présentement au Canada où on a des sommes aussi
importantes. C'est la preuve du sérieux que met l'industrie dans cette
filière de l'hydrogène. Il faut donc encourager par des
incitatifs et certaines recommandations que nous avons mises de l'avant
l'industrie à reprendre confiance et à développer ce
secteur de l'hydrogène.
M. Fortier: Vous avez dit, je crois, que les industries qui font
de la recherche en font au rythme de 6 000 000 $.
M. Champagne (Richard-D.): Oui.
M. Fortier: On parle d'industries québécoises?
M. Champagne (Richard-D.): Pas nécessairement.
M. Fortier: Pas nécessairement. Dans tout le Canada.
M. Champagne (Richard-D.): Oui.
M. Fortier: Vous avez dit également que le Canada, que le
Québec est certainement un petit pays en termes de ressources
financières par rapport au Japon, à l'Allemagne, à la
France.
M. Champagne (Richard-D.): Et les
États-Unis, oui.
M. Fortier: Si je comprends bien ce que vous voulez dire, c'est
qu'il faudrait garder un secteur témoin à l'avant-garde.
M. Champagne (Richard-D.): C'est juste.
M. Fortier: On parle de quoi, exactement? Vous avez fait une
recommandation et j'ai noté que le ministre s'est engagé à
continuer à vous appuyer et à faire des recommandations au
ministre Parizeau pour voir s'il serait d'accord pour fournir des incitatifs
fiscaux et aussi pour faire des recommandations à son collègue
fédéral; on va l'encourager, on va même le suivre pour
s'assurer qu'il livre la marchandise.
En ce qui concerne le centre de recherche en électrochimie, on
parle de combien de millions de dollars? De quel genre d'investissement
parlons-nous? Autrement dit, je comprends lorsque vous dites qu'il faudrait
garder un secteur à l'avant-garde. Je suis d'accord aussi avec le
ministre pour dire que, dans la conjoncture actuelle, il est assez difficile de
convaincre les électeurs du Québec d'investir des milliards de
dollars dans cette industrie présentement. J'essaie de voir
quantitativement de quel effort financier vous parlez pour les prochaines
années. Entre autres choses, vous parlez d'un centre de recherche en
électrochimie; on parle de quoi, de 50 000 000 $, de 25 000 000 $?
M. Champagne (Richard-D.): On parle de 10 000 000 $ par
année.
M. Fortier: 10 000 000 $ par année?
M. Champagne (Richard-D.): Exact. Une grande partie ira aux
immobilisations, au départ.
M. Fortier: 10 000 000 $ par année, ce sont des
dépenses de fonctionnement.
M. Champagne (Richard-D.): Ce sont des dépenses de
fonctionnement.
M. Fortier: Plus?
M. Champagne (Richard-D.): Plus un investissement. On parle de 10
000 000 $ d'investissement et de 4 000 000 $ de fonctionnement.
M. Fortier: 10 000 000 $ d'investissement et 4 000 000 $ de
fonctionnement par année. Et ceci se compare à quoi? Cela se
compare à d'autres centres de recherche.
M. Champagne (Richard-D.): Au centre des matériaux.
M. Fortier: Au centre des matériaux, oui. Cela a
coûté combien?
M. Champagne (Richard-D.): Cela a coûté plus de 10
000 000 $.
M. Fortier: En termes de budget de fonctionnement, c'est
combien?
M. Champagne (Richard-D.): De l'ordre de 5 000 000 $ ou 6 000 000
$.
M. Fortier: Les dépenses de fonctionnement seraient
à peu près du même ordre.
M. Champagne (Richard-D.): Oui, elles sont comparables.
M. Fortier: Ce que vous demandez, dans le fond, c'est que ce soit
aussi prioritaire qu'un centre de recherche de matériaux.
M. Champagne (Richard-D.): Absolument. Quant aux
compétences en électrochimie au Québec et au Canada, il y
a une carence. À cet égard, une des craintes de l'IREQ, si jamais
le Conseil national de la recherche veut mettre de l'avant ce centre
d'électrochimie au Québec, est de se voir pirater ses
électrochimistes. Pendant de nombreuses années, on a mis au point
des développements en matière d'électrochimie à
l'IREQ. C'est une des craintes de l'IREQ. Je pense que la formule de combiner
les efforts de l'IREQ à ceux du Conseil national de la recherche serait
assurément très intéressante.
M. Fortier: Quant à votre demande de blocs
d'électricité à bon prix, j'imagine qu'avec les surplus
d'électricité qu'on a, cela ne devrait pas être trop
difficile dans l'immédiat. J'imagine que la réponse a
été un oui immédiat. Vous l'avez eue votre réponse?
Vous demandez cela pour l'avenir ou...
M. Champagne (Richard-D.): Je dois avouer qu'étant des
gens de l'industrie, dans un mémoire, on peut se permettre de poser la
question, mais avant de s'asseoir avec le gouvernement et de lui poser la
question bien précise, on aura un projet concret.
M. Fortier: C'est la question que j'allais poser. Même
s'ils vous disaient oui, la prochaine question serait: Avez-vous un projet?
M. Champagne (Richard-D.): Avez-vous un projet? Effectivement, le
conseil vient de terminer deux études importantes. D'une part, sur la
construction d'une usine d'hydrogène liquide au Québec.
L'objectif que l'on poursuivait c'est de voir la sensibilité des
coûts d'électricité dans cette production
d'hydrogène liquide. Une autre étude porte sur l'inventaire de la
production et de l'utilisation de l'hydrogène dans la région de
Montréal. Dans les deux cas les études ne sont pas encore
disponibles. Les rapports doivent être remis au conseil
d'administration
au début d'octobre. Mais il appert que les premières
conclusions semblent certainement être qu'une usine d'hydrogène
liquide au Québec pourrait être fortement compétitive par
rapport au prix de l'hydrogène liquide aux États-Unis. On arrive
du Japon et là-bas, l'Institut aérospatial paie 32 $ la livre
d'hydrogène alors qu'ici, nos études se situent, plus ou moins,
sans donner de détail, autour de 2 $ la livre.
Donc, certainement...
M. Fortier: 2 $ sur papier.
M. Champagne (Richard-D.): Oui, mais 2 $ en pratique aussi.
Actuellement, aux États-Unis, on paie 2,72 $ la livre.
M. Fortier: Maintenant, la France a un programme. Quand le
ministre est allé en France, le premier ministre est allé au Jura
pour signer une grosse entente de 30 000 $ sur trois ans pour développer
la culture, mais en ce qui concerne l'entente qu'il a signée avec la
France cela m'encourage toujours parce que moi-même - je ne devrais pas
le dire - quand j'étais président de Canatom j'avais signé
une entente avec Alsthom-Atlantique. D'ailleurs je sais qu'on peut faire des
affaires avec les Français, mais je m'inquiète toujours. Je me
demandais dans quelle mesure la France était à l'avant-garde dans
ce secteur et si les ententes que l'IREQ ou Hydro-Québec a
signées avec l'électricité de France vont créer des
vases communicants où notre technologie va se retrouver en France et
où eux-mêmes pourraient utiliser notre technologie dans
l'avenir.
M. Champagne (Richard-D.): C'est très pertinent.
Effectivement, lors de la mission que nous avons conduite en octobre 1982 en
France, on a été mis au courant de la politique française
de recherche-développement pour mettre au point des
électrolyseurs. Ils vont justement, avec l'entreprise que vous avez
mentionnée et l'autre entreprise...
Une voix: Creusot-Loire.
M. Champagne (Richard-D.): ... Creusot-Loire, qui sont à
50% d'investissements privés et 50% d'investissements gouvernementaux,
développer de nouvelles technologies d'électrolyse. Nous avons,
à ce moment, lors de cette mission où étaient
présents les gens d'Hydro-Québec et d'Electrolyser Noranda, fait
valoir l'avantage de notre technologie. À cet égard, les
Français étaient un peu peut-être sceptiques, mais aussi je
ne dirais pas chauvins, mais ils favoriseraient presque leurs entreprises. On a
eu une certaine difficulté, mais on l'a surmontée, pour faire
valoir notre technologie, si bien que cela a été à
l'origine des discussions précises qu'il y a eu entre
Hydro-Québec et le gouvernement français qui ont signé
quelques mois plus tard une entente technologique.
M. Fortier: Tout cela toujours avec l'idée de garder au
Québec le leadership dans ce domaine. Est-ce que cela crée le
danger qu'on le perde au profit de la France? Est-ce que notre technologie va
se retrouver en France et qu'avec des moyens plus considérables ils vont
être à l'avant-garde de la production d'hydrogène?
M. Champagne (Richard-D.): Ces technologies sont quand même
protégées, d'une part. D'autre part, il est tout à
l'avantage du Québec d'exporter ces équipements qu'on pourra
produire ici au Québec. C'est dans ce sens qu'on voulait justement
mettre à profit la technologie développée ici au
Québec, à Noranda et à l'IREQ. Donc, dans ce sens, c'est
tout à notre avantage de pouvoir exporter notre technologie et d'ouvrir
la porte justement à des collaborations. Il faut dire aussi que dans
toutes les missions qu'on a faites - je parle de la France mais on pourrait
parler de l'Allemagne - ils voient le Québec, avec ses coûts
d'hydroélectricité bas, comme un genre de territoire pilote pour
faire l'essai de nouvelles technologies.
Étant donné qu'on ne peut développer toutes les
technologies ici - on n'a pas les moyens de s'étendre a tous azimuts -
il y a définitivement avantage à collaborer avec les pays pour
amener des projets pilotes ici. Avec l'Allemagne nous sommes justement à
discuter d'une technologie d'électrolyse de l'eau, de la vapeur d'eau,
qui pourrait être intéressante.
M. Fortier: Ce que vous dites c'est que cela pourrait devenir un
centre de recherche quasiment international au lieu d'être uniquement un
centre de recherche québécois, et profiter de notre position.
M. Champagne (Richard-D.): Cela pourrait sûrement avoir un
profil international.
M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervenant. M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Champagne et ceux qui vous
accompagnent.
Le Président (M. Dussault): M. Champagne, je vous remercie
de votre présence à la commission ainsi que vos collègues.
Bon retour.
J'invite maintenant l'École polytech-
nique à se présenter devant la commission.
M. Champagne (Richard-D.): M. le Président.
Le Président (M. Dussault): M. Champagne.
M. Champagne (Richard-D.): Dans les documents qu'on vous a remis
ce matin nous avions certains tableaux. J'aimerais attirer votre attention sur
celui intitulé - je ne sais pas quelle page exactement, ce n'est pas
paginé - Données et perspectives. Conseil de l'industrie de
l'hydrogène, Données et perspectives, sur le tableau du bas
où on donnait l'incidence d'une pénétration de
l'hydrogène pour 5% de la consommation énergétique du
Québec. On a donc l'équivalent en production d'hydrogène
qui correspondait à 1000 tonnes par jour; la puissance requise pour
l'électrolyse devrait se lire 2000 mégawatts et non 6000
mégawatts.
Une voix: II s'agit de la quatrième page.
M. Champagne (Richard-D.): La quatrième page. Merci.
M. Duhaime: ...pour 5% des besoins?
M. Champagne (Richard-D.): Oui. 5% de la consommation
énergétique du Québec si on allait vers une
pénétration de l'hydrogène de l'ordre de 5%. On parle de
production d'hydrogène de 1000 tonnes par jour, ce qui donne une
puissance requise pour l'électrolyse de 2000 mégawatts qui est
l'équivalent de LG3, par exemple.
M. Fortier: Mon Dieu, votre recherche fait des progrès
rapides. C'est passé de 6000 à 2000. Félicitations.
Le Président (M. Dussault): Merci encore, M.
Champagne.
École polytechnique
Nous avons devant nous M. Wladimir Paskievici, directeur de la
recherche. Je vous invite immédiatement, M. le directeur de la
recherche, à faire votre représentation auprès de la
commission.
M. Paskievici (Wladimir): M. le Président, M. le ministre,
MM. les membres de la commission, l'École polytechnique se
réjouit de l'invitation qui lui a été faite de
présenter un mémoire à la commission parlementaire. Le
présent mémoire s'inscrit dans une ligne de continuité qui
témoigne à la fois de la présence active de l'École
polytechnique dans le domaine de l'énergie et aussi de sa
responsabilité sociale qui l'amène à s'exprimer
publiquement dans les domaines de sa compétence qui intéressent
la collectivité qu'elle dessert.
Le mémoire comprend quatre parties. La première consiste
en commentaires généraux sur le document de travail, soit
l'énergie, "levier de développement économique",
préparé par le ministère de l'Énergie et des
Ressources. La deuxième décrit les activités de
l'École polytechnique en recherche-développement
énergétique. La troisième effleure les problèmes
associés au volet "développement économique" et la
dernière présente quelques commentaires et recommandations
centrés sur le volet "recherche-développement".
Étant donné que c'est un long mémoire et qu'il est
difficile de condenser chacune de ses sections j'ai pensé qu'il
était peut-être mieux de ne présenter oralement que la
dernière partie et répondre aux questions que les membres de la
commissions voudraient poser.
Le Président (M. Dussault): Nous apprécierons.
M. Paskievici: Alors, si vous avez le document devant vous je
passerai directement à la page 23. (11 h 30)
Dans le document de travail, le ministère de l'Énergie et
des Ressources invite les intervenants du milieu à communiquer leurs
préoccupations et l'état de leur réflexion sur les
orientations leur paraissant les plus souhaitables pour la mise en place d'une
politique de soutien coordonnée et cohérente en matière de
recherche- développement énergétique.
Dans la section no 3, l'école a voulu montrer qu'elle
était activement engagée dans le secteur de l'énergie,
qu'elle possède une riche expérience en
recherche-développement énergétique et qu'elle est bien
intégrée dans le milieu industriel. C'est sur cet acquis qu'elle
présente les commentaires et recommandations suivantes:
D'abord, sur les domaines de recherche identifiés dans le
document de base. On commence avec la production et l'utilisation de
l'hydrogène, ce qui fait le lien avec la présentation
précédente.
L'École polytechnique appuie fortement les efforts dans ce
domaine et y participe activement. Elle désire pouvoir développer
des programmes d'enseignement et de recherche en électrochimie avec
accent sur la formation de chercheurs.
L'École polytechnique recommande que l'on poursuive activement au
Québec les activités de recherche et de développement dans
le domaine de l'hydrogène, appuie les démarches du gouvernement
du Québec en vue de l'établissement d'un centre de
recherche en électrochimie au Québec, mais estime qu'en
parallèle des moyens soient offerts aux universités pour pouvoir
former des chercheurs dans ce domaine.
Pour les énergies nouvelles, l'École polytechnique est
bien engagée dans les travaux de recherche et de développement.
De plus, elle a amorcé une action pour seconder Nouveler dans ses
efforts pour valoriser ce nouveau secteur. L'utilisation des énergies
citées dans le document de travail, les résidus du bois et les
déchets urbains ne constituent qu'une partie du potentiel pouvant
être exploité.
L'innovation liée aux économies d'énergie, on y
reviendra.
Le domaine nuclaire. Le document de travail ne mentionne que les travaux
de recherche-développement reliés à la fusion
nucléaire. Tout en applaudissant les efforts consentis dans ce domaine
de même que la collaboration entre l'IREQ et Énergie atomique du
Canada sur le projet Tokamak, il convient de ne pas perdre de vue qu'il ne
s'agit que d'une étape avant beaucoup d'autres vers l'exploitation
commerciale de cette forme d'énergie. On y reviendra sur
l'énergie de fission plus loin.
En ce qui concerne les applications d'électricité,
l'École polytechnique endosse entièrement la politique du
gouvernement du Québec et celle d'Hydro-Québec à ce sujet.
La disponibilité et le faible coût d'électricité au
Québec sont des atouts majeurs qu'il faut exploiter au maximum.
L'École polytechnique désire assurer le gouvernement du
Québec qu'elle participera au maximum de ses capacités dans un
effort de recherche soutenue concentrée sur la mise au point de nouveaux
procédés industriels utilisant l'électricité. Notre
collaboration avec l'IREQ qui poursuit le même objectif ne pourra que se
développer.
Quelques commentaires des domaines qui ont été
identifiés dans notre mémoire. D'abord, l'exploitation de petits
gisements de gaz. Nous croyons qu'il serait particulièrement
intéressant pour le Québec de développer un ensemble
d'outils spécifiquement adaptés à la situation
géologique locale. Ces techniques devraient permettre la
découverte et l'exploitation à des prix compétitifs de nos
ressources gazières. Ces techniques pourraient également
alimenter le marché d'exportation.
L'École polytechnique, par l'intermédiaire de ses
équipes en génie minéral, mécanique et chimique
serait particulièrement intéressée à entreprendre
des travaux de recherche nécessaire dans ce domaine si un appui lui
était accordé.
Sur une technologie nouvelle, technologie laser en énergie
nucléaire, le procédé d'enrichissement de l'uranium par la
technologie laser ouvre la possibilité de transformer
l'électricité en une source énergétique
condensée et de donner à l'uranium naturel une importante
plus-value avant son exportation. Dans le passé, plusieurs projets
d'implantation au Québec d'une usine d'enrichissement de l'uranium,
utilisant notre hydroélectricité ont vu le jour, mais ont
dû être abandonnées pour diverses raisons.
La nouvelle technologie au laser encore en développement permet
d'envisager à plus long terme la mise au point de méthodes
compétitives. Il serait approprié qu'au Québec un secteur
témoin se développe basé sur l'acquis des chercheurs de
l'École polytechnique et avec l'appui de l'énergie atomique du
Canada.
Filière énergétique CANDU. Le document de travail
rappelle les raisons qui ont motivé le gouvernement du Québec
à imposer un moratoire nucléaire et en précise la
portée: surseoir à tout aménagement de nouvelles centrales
nucléaires au Québec, tout en poursuivant dans ce domaine
l'effort de recherche et de développement déjà
consenti.
L'École polytechnique, par son Institut de génie
nucléaire, est fortement impliquée dans cet effort de recherche
en travaillant en étroite collaboration avec Hydro-Québec et
Énergie atomique du Canada. Elle recommande que ces activités se
poursuivent, qu'elles aient pour but d'assurer le fonctionnement
économique et sécuritaire de la centrale GentilIy-2 et qu'elle
prépare les chercheurs devant contribuer à la conception des
prochaines centrales.
Nous passons à l'énergie photovoltaïque.
L'intérêt de la mise sur pied d'un programme majeur de recherche
et de développement en énergie photovoltaïque a
été indiqué dans le corps du rapport. Plusieurs raisons
favorisent le Québec comme lieu d'implantation d'un tel programme.
D'abord, c'est le fait que la fabrication des piles solaires consomme
d'importantes quantités d'électricité;
deuxièmement, que la production d'énergie photovoltaïque
fluctue avec le temps, l'hydroélectricité constituant le
système d'appoint idéal; le fait que le Québec
possède de vastes territoires, pratiquement inutilisables à
d'autres fins, qui conviendraient bien à l'implantation de centrales
électriques de grande surface; finalement, une équipe,
composée de chercheurs expérimentés de l'École
polytechnique et de l'Université de Montréal se situe aujourd'hui
à la fine pointe du progrès dans la technique basée sur le
silicium amorphe hydrogéné dans la production des piles
photovoltaïques.
Des industries nouvelles pour la fabrication de cellules solaires
utilisant cette technologie avancée pourraient être rapidement
créées et la production d'électricité industrielle
d'origine photovoltaïque pourrait faire son apparition
dès les années mil neuf cent quatre-vingt-dix.
L'École polytechnique recommande donc que le ministère de
l'Énergie et des Ressources étudie l'opportunité et les
moyens à consentir pour la mise en place d'un programme majeur de
recherche et développement en énergie photovoltaïque au
Québec.
Pour ce qui est de l'énergie éolienne, l'École
polytechnique recommande de diminuer considérablement les travaux de
recherche-développement sur les éoliennes de faible puissance,
c'est-à-dire inférieure à 100 kilowatts, tout en
poursuivant les autres, bien sûr.
L'énergie solaire. l'École polytechnique recommande la
poursuite prudente des efforts de recherche-développement en
énergie solaire, en mettant l'accent sur les recherches de base et sur
les applications industrielles les plus prometteuses.
Conversion hyperfréquence-chaleur industrielle, c'est une
technologie spéciale. L'École polytechnique recommande le
ralentissement des travaux dans ce domaine, pour quelque temps.
Conversion biomasse-alcool. L'École polytechnique recommande la
poursuite des travaux dans ce domaine, avec comme objectifs l'augmentation du
rendement énergétique de ce type de conversion et
l'évaluation technico-économique des procédés.
Des recherches dans le domaine de la stabilité et de la
fiabilité du réseau de transport et de distribution de
l'électricité devraient se poursuivre.
Pour ce qui est de la préservation d'énergie, voici nos
commentaires. La poussée des prix de l'énergie a
été l'occasion du lancement de nombreux projets visant
l'utilisation plus rationnelle de nos ressources énergétiques.
Cet effort de rationalisation doit être poursuivi sur tous les fronts
même si le coût de l'énergie semble s'être
stabilisé. L'École polytechnique recommande donc que les efforts
de recherche-développement en matière de préservation
d'énergie se poursuivent, qu'ils visent la diminution de l'utilisation
ou le remplacement des sources énergétiques coûteuses ou
dont l'approvisionnement n'est pas sûr, mais qu'elles tiennent compte des
réalités économiques. En particulier, l'École
polytechnique recommande une approche intégrée dans les solutions
proposées. Un exemple de ce que signifie une approche
intégrée est indiqué dans le corps du mémoire.
Études économiques. L'utilisation accrue de
l'électricité, la pénétration du gaz naturel et
l'apport des énergies nouvelles donneront naissance à des
nouvelles technologies et à des nouveaux procédés
industriels. L'École polytechnique recommande que les approches
utilisées en prévision technologique soient utilisées de
façon systématique afin d'identifier les secteurs de
recherche-développement les plus prometteurs.
Finalement, les transferts technologiques. Les divers types
d'activités que l'on peut regrouper sous cette rubrique ont
été déjà analysés plus haut; j'aimerais les
rappeler ici. Il s'agit de trois sortes d'activités: transfert au
Québec des technologies développées ailleurs; transfert
technologique du Québec vers des pays en voie de développement et
transfert vers d'autres industries des méthodes et des technologies
développées dans les industries énergétiques de
pointe.
Ces activités devraient se poursuivre parce qu'elles assurent au
Québec le développement des technologies de pointe, la
modernisation des autres technologies et l'ouverture des marchés
extérieurs.
À cause de l'importance des enjeux, une collaboration très
serrée entre les partenaires concernés est indispensable et
l'École polytechnique recommande que le gouvernement du Québec
favorise telles activités.
Quelques commentaires généraux. L'École
polytechnique souscrit entièrement aux objectifs à terme de la
politique québécoise de l'énergie et au plan d'action du
gouvernement tels qu'énoncés dans l'ouvrage Le virage
technologique, c'est-à-dire: amélioration du degré
d'autonomie énergétique du Québec; mise en valeur et
utilisation accrue des sources d'énergie québécoise;
renforcement de la sécurité des approvisionnements en
énergie; incitation aux économies d'énergie et utilisation
de l'électricité comme levier de l'industrialisation.
L'École polytechnique est particulièrement sensible
à l'affirmation suivante que l'on trouve dans le document de travail:
"À côté d'une technologie susceptible d'être
exploitée, l'expansion des activités de
recherche-développement dans le secteur énergétique
suppose en effet que l'on dispose à la fois de spécialistes ayant
un haut degré de compétence et d'un ensemble des structures
d'accueil aptes à faciliter la bonne marche des projets."
Nous pensons que l'École polytechnique a contribué
fortement, dans le passé, au développement industriel du
Québec en formant, en nombre et en qualité, la plupart des
spécialistes demandés par le milieu. Notre institution
désire développer les travaux de recherche-développement
dans les secteurs énergétiques décrits dans ce
mémoire et est prête à se lancer, avec des partenaires
éventuels, dans de nouveaux domaines. Si le potentiel et la
volonté existent, les coupures budgétaires qui frappent toutes
les universités, en ce moment et probablement pour les années
à venir, risquent fort d'anéantir les efforts de
former des spécialistes dans ces nouveaux domaines.
L'École polytehcnique recommande donc très fortement que
des crédits pour la formation de spécialistes dans des domaines
jugés prioritaires soient libérés à la fois au plan
de la formation universitaire de base et à celui de la formation de
chercheurs. J'aimerais ajouter ici que ce mémoire a été
écrit avant que des crédits additionnels soient accordés
pour l'augmentation des populations étudiantes dans les secteurs
visés par le gouvernement, Le virage technologique. L'École
polytechnique recommande que le choix des domaines prioritaires ne se limite
pas à quelques actions isolées mais qu'il couvre tous les
créneaux les plus intéressants pour le Québec.
Pour compléter, j'ajouterai que nous avons voulu, tout au long de
ce mémoire, montrer qu'il existe un éventail très large de
possibilités de recherche et de développement et que l'importance
de ces possibilités dépend de l'horizon temporel auquel on se
situe. D'autres intervenants montreront, avec raison, que d'autres
opportunités existent également.
Comme dernière remarque, l'École polytechnique recommande
que le ministère de l'Énergie et des Ressources entreprenne
l'inventaire de l'ensemble des efforts de recherche-développement en
énergie. Elle recommande également qu'un comité conjoint
peut-être un conseil de l'énergie comprenant des
représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources,
du ministère de la Science et de la Technologie, du ministère de
l'Éducation, des universités et des industries soit formé
avec le mandat d'examiner ces projets, déterminer ceux qui semblent les
plus prometteurs, évaluer les structures d'accueil proposées et
faire des recommandations concernant le financement, que ce soit par
l'intermédiaire des structures existantes ou par des moyens
nouveaux.
Voici, M. le Président, ma présentation. Je voudrais
remercier mes collègues qui m'ont aidé à compléter
ce document. Ce n'est pas l'oeuvre d'une seule personne bien sûr. Je suis
prêt à répondre aux questions.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie M.
Paskievici. Je cède la parole à M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais d'abord vous remercier M. Paskievici, je
ne sais pas si je prononce bien votre nom.
M. Paskievici: Assez bien. M. Duhaime: Oui.
M. Paskievici: Vous me faites penser à ma compatriote
d'origine roumaine Nadia...
M. Duhaime: On reste dans le domaine de la haute voltige. De
toute façon quand on regarde l'ensemble de la problématique et
l'éventail très large qu'ouvre, bien sûr, et entretien
l'École polytechnique, il est bien certain que dans le secteur
nucléaire par exemple, la polytechnique continue de faire ses preuves.
Il y a eu des bons élèves comme des mauvais élèves.
Chacun pourra s'évaluer. Je voudrais peut-être vous demander... Je
veux revenir sur votre idée de faire un inventaire et de voir si on ne
pourrait pas intégrer davantage l'effort de recherche. Auparavant, je
voudrais peut-être demander le point de vue d'un universitaire. Hier le
député d'Outremont - je ne sais pas si c'est lui qui a
mentionné cela ou un intervenant - que les universitaires étaient
peut-être plus dégagés du contentieux politique, donc ils
pourraient peut-être prendre de l'altitude. C'est vous je crois qui avez
dit cela. C'est bien d'ailleurs. C'est une de vos bonnes phrases.
M. Fortier: Je pensais aux docteurs parce...
M. Duhaime: On comprend que les budgets étant ce qu'ils
sont, que ce soient les sociétés d'État, que ce soient les
ministères à vocation économique, nous avons
créé trop tardivement à mon sens - mais enfin il est
là - le ministère de la Science et de la Technologie.
Est-ce que votre groupe de travail s'est arrêté sur un
ordre de priorités? Qu'est-ce qu'il faudrait que nous fassions de
façon prioritaire dans le domaine de la recherche et du
développement dans le secteur énergétique? Est-ce qu'on
s'en va vers la fusion nucléaire? Est-ce qu'on fait la conversion des
équipes? Est-ce que, comme vous l'avancez vous-même, vous semblez
très intéressé par tout le secteur de la
photovoltaïque? Est-ce qu'on continue les recherches et les applications
industrielles dans l'hydrogène liquide par exemple? Quels seraient les
secteurs que l'École polytechnique aurait à mettre en tête
de ses priorités? (11 h 45)
M. Paskievici: M. le ministre, c'est une question à
laquelle il est extrêmement difficile de répondre de façon
claire et catégorique. Nous avons discuté; il est évident
que les chercheurs, dans leurs différents domaines, voudraient voir leur
domaine se développer. Nous avons essayé, dans ce document,
d'après les mots que nous avons choisis, d'indiquer ce que nous pensons
être les priorités. Parfois nous recommandons très
fortement, parfois nous recommandons et parfois nous souhaitons. Il y a
quelques messages dans chacune de ces recommandations.
Il est évident aussi qu'il est très
important de savoir à quel niveau on se situe. La fusion
nucléaire c'est le siècle prochain; cela ne veut pas dire qu'il
ne faut rien faire maintenant. Si on ne fait rien maintenant, on ne sera pas
prêt à faire quoi que ce soit pour le prochain siècle.
L'approche que l'École polytechnique a prise en général...
Il faut bien comprendre que nous n'avons pas un groupe de recherche; ce sont
autant de départements et de chercheurs qui travaillent dans ces
domaines. Dans mon mémoire, il est écrit qu'environ 15% des
subventions vont à la recherche et à peu près 30% des
contrats vont à la recherche. Cela démontre l'importance de la
recherche à l'École polytechnique.
Nous sommes actuellement, institu-tionnellement, lancés dans une
opération de définition des priorités. Il est probable que
je pourrai vous donner des réponses plus précises sur cette
question, c'est-à-dire des dates, des sommes et des
échéances, dans quelque temps, de façon précise.
Néanmoins, je vais quand même essayer de répondre à
vos questions. Dans cette conception des priorités, il faut pouvoir
comprendre à la fois l'évolution de chacune des sources
d'énergie, avoir une bonne compréhension du temps
nécessaire entre le moment où on a une idée et le moment
où cette idée est exploitable commercialement -cela peut durer
des dizaines d'années - avoir aussi une bonne perception de l'appui de
l'industrie au moment où cet appui devient primordial. Il faut bien se
rendre compte de la disponibilité du personnel pour développer
une telle technologie. Il faut voir, si vous voulez, le système. Ceci
constitue la partie la plus difficile et demande des équipes de travail
pour pouvoir vérifier quel domaine il faudrait lancer.
Comme règle générale, nous essayons à
l'École polytechnique de proposer ou de recommander des mesures qui
peuvent se développer sur des acquis, sur des réalités qui
existent déjà et qui ont un débouché qui est de
loin supérieur aux intérêts d'un, deux ou trois chercheurs.
Un domaine immédiat, on est tous d'accord pour dire que c'est
l'électrochimie. C'est un domaine à développer; tout le
monde est d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose: le gouvernement
fédéral, le gouvernement provincial, les chercheurs, tout le
monde. C'est un dossier - je ne sais pas comment aboutissent les dossiers - que
tout le monde désire voir se développer autant pour l'industrie
de l'hydrogène, autant pour l'importance de l'électrochimie dans
l'industrie dans d'autres domaines. Nous favorisons le développement de
techniques qui peuvent servir à la fois comme sources d'énergie
et à la fois pour développer des industries et des nouvelles
technologies. L'électrochimie est certainement un domaine important.
Le photovoltaïque est, parmi les différentes sources
d'énergie de l'avenir, celle qui se développe de la façon
la plus sûre. On avance assez rapidement dans ce domaine, dans toutes les
études, qu'elles soient au niveau mondial ou par des organismes
indépendants, des chercheurs impliqués eux-mêmes. Je
mentionne un document qui a été préparé dans ce
sens et qui indique qu'il y a un potentiel important dans ce domaine. On
travaille beaucoup aux États-Unis et le Japon est maintenant
lancé dans ce domaine. Il y a un potentiel au Québec; il est
évident, à nos yeux, qu'un certain effort devrait être fait
pour que les équipes actuelles puissent rester dans la course et voir,
d'ici à un an ou deux ans, dans quelle mesure cela peut aller plus
loin.
Là où nous avons identifié une opportunité,
c'est le fait qu'actuellement le marché des cellules qui grandit a
besoin d'électricité et que, l'électricité au
Québec coûtant moins cher qu'ailleurs, ce serait une
possibilité de développer des industries de construction de piles
solaires.
Parmi les autres domaines - l'énergie photovoltaïque, je
l'ai mentionnée - nous favorisons une approche peut-être moins
spectaculaire de développement étape par étape et surtout
utiliser des développements scientifiques dans un domaine qui peuvent
apporter des avantages dans un autre domaine tel que la
micro-électronique, tels les développements de contrôle des
systèmes qui ont été utilisés dans un domaine pour
aller les utiliser dans un autre domaine.
Là, nous favorisons quelques actions ponctuelles qui, en
principe, ne devraient pas être trop coûteuses, mais qui permettent
rapidement, de concert, aux universités ou aux endroits où se
fait la recherche-développement et dans les industries qui sont
déjà sur le marché de combiner leurs efforts, de
développer leur propre technologie et d'essayer d'aller plus loin.
Tout ce que je vous dis ici est un peu relié à un autre
sujet qui est discuté en ce moment par une autre commission
parlementaire, celle qui se penche sur la loi 37, la Loi sur l'Agence
québécoise de valorisation industrielle de la recherche. Nous
avons présenté un mémoire là aussi et nous essayons
de montrer qu'au moment où dans un centre de recherche se
développe une idée, il se produit une petite démonstration
et le moment où ceci devient un produit industriel, un
procédé ou une activité industrielle importante il y a une
série d'étapes qu'il faut tranquillement et
systématiquement développer.
C'est plutôt à ce niveau d'une approche-système, si
vous voulez, pour s'assurer que les quelques bonnes idées que nos
universitaires ont peuvent éventuellement se transformer dans des
produits rentables, que ce soit dans le domaine énergétique
ou
un autre.
C'est une attaque sur tous les fronts, mais rien de très
spectaculaire, sauf peut-être les domaines que j'ai mentionnés.
L'électrochimie, c'est important; nous croyons que dans les cellules
photovoltaïques il y a quelque chose à faire; peut-être du
côté des explorations minières par des nouvelles
méthodes et peu à peu avec l'utilisation industrielle de
l'énergie solaire, par exemple, sous forme de serres pour l'agriculture.
Il y a une série de petites actions à développer en
fonction d'un potentiel tel qu'observé à la fois par les
chercheurs et pressenti par les industriels, surtout lorsque les gens se
parlent entre eux et travaillent ensemble à des projets conjoints. C'est
notre expérience dans ce domaine, c'est là que cela va bien.
M. Duhaime: Je vous remercie. Maintenant, si mes notes sont
exactes, à Polytechnique, en 1981 et 1982, environ 1 500 000 $ ont
été consacrés aux activités de
recherche-développement dans le secteur de l'énergie. C'est
à peu près 20% des montants globaux reçus et
consacrés essentiellement au secteur énergétique. Je dois
vous dire que je suis très heureux de faire cette constatation, si elle
est exacte.
Mais je voudrais profiter de votre présence ici pour vous
demander de porter un jugement de valeur, sur le plan international. J'imagine
qu'à partir de Polytechnique vous avez des colloques, des symposiums,
des déplacements, des rencontres. Je comprends que dans le secteur de la
recherche-développement dans n'importe quel pays industrialisé,
peu importe le secteur d'activité, on évalue toujours qu'on
n'investit pas suffisamment dans la recherche-développement. C'est vrai
pour le Québec, c'est vrai sans aucun doute pour l'ensemble canadien,
comme c'est sans doute vrai pour l'ensemble des pays industrialisés. Sur
le niveau d'intéressement à la recherche-développement au
Québec, l'effort du gouvernement et l'effort des entreprises,
sommes-nous en retard, sommes-nous à l'avant-garde? Comment nous
placeriez-vous par rapport à d'autres pays industrialisés, en
tenant compte des populations et l'effort per capita?
M. Paskievici: Ma réponse va comprendre trois ou quatre
volets. D'abord, du point de vue des investissements à la
recherche-développement, j'ai constaté un très rapide
progrès au Québec. Lorsque je suis venu au Canada, les montants
étaient presque ridicules. Durant les dernières années,
les gouvernements ont consenti d'énormes efforts pour rattraper le temps
perdu. À mon avis, on l'a pas mal rattrapé. Je comparais
récemment la performance de l'École polytechnique avec d'autres
universités du Canada et on se situe assez bien. La période de
rattrapage est pratiquement terminée. Donc, au niveau des
universités, dans les travaux de recherche-développement, tout en
devant pouvoir se poursuivre, nous avons fait au Québec des
progrès considérables.
Là, j'apporte les inquiétudes que j'ai manifestées
dans ce rapport: les coupures budgétaires nous font terriblement mal et
nous espérons qu'elles ne vont plus continuer longuement. Mais je ne
voudrais pas continuer là-dessus. Donc, il y a eu un progrès
certain. Et, actuellement, je pense qu'à ce niveau, on se compare assez
bien et on espère que cela puisse continuer.
Une deuxième sorte de remarque, c'est qu'il n'y a pas
suffisamment de couplage, je dirais, entre les réalisations qui se font
dans les universités à travers ces efforts de
recherche-développement et ce qui vient ensuite. Nous avons
essayé à l'École polytechnique, à travers le Centre
de développement technologique d'abord, et ensuite avec le Centre
d'innovation, de nous assurer que les idées, les brevets, les
techniques, etc., pouvaient se diffuser non seulement dans des congrès
ou dans des bibliothèques, mais également de faire participer le
milieu à ces connaissances. C'est là que nous avons encore
beaucoup de chemin à faire. C'est peut-être là que, dans
d'autres pays, le transfert se fait plus rapidement et c'est là un
chaînon à surveiller, sinon, l'argent qu'on met dans la recherche
et le développement risque de ne pas être utilisé à
son potentiel.
Une troisième remarque, c'est l'attitude des industries
vis-à-vis de la recherche-développement. Là, franchement,
je trouve qu'au Canada en général, l'attitude est très en
arrière par rapport à d'autres industries. Je ne prendrai pas
l'industrie américaine comme exemple, mais dans beaucoup d'autres pays -
en France, par exemple - les industries sont plus qu'encouragées par le
gouvernement de mettre des fonds dans le développement et la recherche.
Il y a des incitations des différents pays dans différents
gouvernements pour que les industries mettent de l'argent dans la recherche.
Alors, la quantité d'industries qui font de la
recherche-développement au Québec est extrêmement
limitée. Nous en connaissons un peu les causes, mais il faut travailler
pour que cette situation change le plus rapidement possible. L'Association des
directeurs de recherche industrielle du Québec est très
consciente de cette question et je pense qu'elle a présenté dans
différents forums et au gouvernement certains commentaires à
savoir comment on pourrait remédier à la situation. Mais
là, il me semble qu'il y a des manques. Et, c'est aussi une question
d'attitude. Les universités et les industries n'ont pas, en
général, durant ces dernières
années, travaillé suffisamment ensemble. Chaque fois
qu'elles ont travaillé, elles ont profité les unes des autres.
Mais, actuellement, il y a encore quelque méfiance de la part des
industriels de s'approcher du monde universitaire, de même que de la part
des professeurs d'université de s'approcher de l'industrie.
Peut-être que nous, à l'École polytechnique, par notre
tradition, parce que beaucoup d'industriels sont de nos anciens
diplômés, etc., nos contacts sont meilleurs. Et nous avons des
appuis très importants de l'industrie pour développer justement
des programmes énergétiques. Mais, en général -vous
m'avez posé la question, j'essaie d'y répondre - je pense que les
industries comme les universités devraient avoir quelques incitations
minimes en argent, mais importantes comme geste d'indication politique d'un
changement pour que de tels rapprochements se fassent: stages des professeurs
dans l'industrie, des industriels qui vont à l'université, des
projets conjoints. Une fois qu'un projet conjoint est bien pensé, on
trouve toujours des fonds du gouvernement fédéral ou d'autres
industries, etc., pour les développer. C'est de ce côté, M.
le ministre, qu'il me semble qu'il y a encore beaucoup de chemin à
faire. On pourra le faire s'il y a concertation. (12 heures)
M. Duhaime: Je vais enchaîner avec votre dernière
remarque. D'ailleurs, vous l'évoquez plus explicitement dans votre
mémoire en nous suggérant d'abord un travail de
bénédictin, soit de faire l'inventaire le plus exhaustif possible
de l'ensemble des efforts de recherche et de développement. Vous nous
proposez quelque chose qui m'intéresse. Sans qu'on ait encore
défini un titre, vous nous proposez un comité conjoint qui
pourrait regrouper, bien sûr, différents ministères, donc
le gouvernement, les universités et l'industrie. Là-dessus, je
vous donne parfaitement raison. C'est peut-être l'une de nos mauvaises
traditions, mais la jonction a toujours été difficile entre
l'effort de recherche et le développement â l'université et
son lien avec l'industrie; avec le gouvernement aussi, jusqu'à ces
dernières années.
Je ne sais pas comment on va pouvoir concrétiser cette
idée, mais on pourrait très certainement faire une
économie de temps et d'énergie. Il y a très certainement
des dédoublements qui se font dans l'effort de recherche; donc, du
gaspillage de fonds et de ressources humaines également. Je vous avoue
que cela m'intéresserait énormément de faire cette
jonction entre le palier du gouvernement et ses sociétés d'Etat,
les universités, d'une façon générale, et
l'industrie. Je pense qu'on pourrait peut-être avancer plus rapidement.
Je vais demander à mes gens, au ministère, de faire le premier
pont. Puisque l'idée appartient à l'École polytechnique,
on va très certainement retourner vous voir pour évaluer ensemble
comment procéder d'une façon concrète.
J'ai un peu horreur de ces grands conseils qui se forment à
gauche et à droite. Je le dis en toute déférence.
Même si on a eu, juste avant vous, le Conseil de l'industrie de
l'hydrogène, c'est beaucoup plus au vocabulaire que j'en ai. La seule
crainte que j'ai, c'est qu'on forme une espèce de cadre, que cela porte
un grand titre mais que cela en reste là. Ce que j'ai en tête,
c'est quelque chose de souple, de très opérationnel et qui
pourrait justement faire cette jonction.
Aujourd'hui, on voit des professeurs passer de l'université
à des conseils d'administration d'entreprises. On voit également
l'inverse se faire. Les mouvements sont peut-être moins fréquents
du côté du gouvernement vers l'industrie ou l'inverse mais, enfin,
il y a très certainement une jonction, une avenue qui n'a pas
été explorée jusqu'à maintenant. Je le retiens
comme étant une contribution positive.
Il faudrait vous dire aussi en terminant, M. Paskievici, que je ne suis
pas à la recherche de caution pendant les travaux de cette commission.
Je voudrais vous dire que c'est avec beaucoup de plaisir que je vous ai entendu
dire tout à l'heure que vous partagez les grands objectifs que nous
avons établis dans la politique énergétique du
Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Paskievici: M. le Président, me permettez-vous de faire
un petit commentaire sur les dernières remarques du ministre?
Le Président (M. Desbiens): Allez-y.
M. Paskievici: Après avoir terminé ce document,
bien sûr, je l'ai fait circuler auprès de plusieurs personnes qui
m'ont dit à peu près ceci: Votre mémoire est très
bon -c'est gentil - vous proposez un comité, c'est bon, mais c'est la
seule partie naïve de votre mémoire. Vous ne verrez jamais un
conseil de l'énergie tel que proposé. J'en suis parfaitement
conscient, M. le ministre. J'aimerais souligner que, si j'ai apporté
cette idée, c'est peut-être l'idée d'un universitaire qui
se fait des illusions. J'ai proposé cette idée d'un conseil de
l'énergie il y a quelques bonnes années; c'était
peut-être au début de la crise de l'énergie, ou même
avant, et on ne regardait pas ces choses d'une façon attentive. Je crois
savoir qu'un autre organisme a présenté un mémoire dans
lequel on parle d'un comité ou d'un conseil de l'énergie, je
pense que c'est l'Ordre des ingénieurs.
Bien sûr, si c'est trop grand, ce n'est jamais efficace. Le
message à retenir, à mon avis, est le suivant: Si on ne travaille
pas ensemble, on n'a pas les ressources nécessaires pour faire des
réalisations. On peut faire des discours, on peut faire des plans
même quinquennaux, on peut avoir l'impression qu'on fait des
réalisations, mais avec les ressources que nous avons nous ne pouvons
pas nous permettre de travailler dans toutes les directions à la fois et
il faut essayer d'avoir un système mettant, à un moment
donné, ensemble les personnes impliquées. Par quel
mécanisme exact? C'est au gouvernement de voir quel est le
système qui fonctionne le mieux, mais, à mon humble avis, il
faudrait essayer d'aller dans cette direction. Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: II me fait plaisir de remercier M. Paskievici pour sa
présentation. Comme le ministre l'a dit, étant
diplômé de Polytechnique, c'est toujours avec beaucoup de plaisir
que je vois les progrès faits par mon aima mater. J'étais
très bon élève, j'ai fini dixième sur une classe de
130. Je peux la recommander.
M. Duhaime: On va vous demander de déposer votre
bulletin.
M. Fortier: Ce n'est pas là que j'ai étudié
le nucléaire; c'est en Angleterre. La question que j'aimerais poser
à M. Paskievici concerne la recommandation demandant une certaine
intervention gouvernementale. Cela me surprend de la part d'une
université parce que les universités ont fait des
représentations justement à l'autre commission parlementaire qui
a tenu des auditions au mois de juin, alors que nous discutions de la formation
du ministère de la Science et de la Technologie. Elles craignaient
justement, que la recherche ne soit dirigée par le gouvernement,
autrement dit, qu'il n'y ait une autorité supérieure qui
décide qui va faire quoi, à quel moment et avec quel budget. Je
me demande si c'est l'idée qui est sous-entendue par cette
recommandation puisque cela me semble aller à l'encontre des
recommandations du Conseil des universités et d'autres
universités, à savoir que le gouvernement ne devait pas
intervenir d'une façon directe pour décider de ce genre de chose.
J'aimerais avoir votre commentaire. Par rapport aux craintes exprimées
par le Conseil des universités et par d'autres universités, dans
quelle mesure cette recommandation s'inscrit-elle dans une logique qui voudrait
mettre entre les mains de quatre ou cinq ministères toute la
coordination de la recherche?
M. Paskievici: Je pense qu'essentiellement la réponse est
simple. Dans le projet de loi créant le ministère de la Science
et de la Technologie, il y avait, à nos yeux, certaines
ambiguïtés entre le rôle de ce ministère et celui de
l'Éducation. On ne désirait pas, à l'occasion de la
création d'un nouveau ministère, que certains pouvoirs qu'on
estime que le gouvernement a le droit d'exercer s'exercent au niveau de
l'enseignement et de la recherche dans le sens de limiter la liberté des
chercheurs de faire ce qu'ils ont envie de faire. Par contre, nous
reconnaissons entièrement au gouvernement non seulement le droit, mais
aussi la responsabilité d'indiquer clairement quelles sont les
priorités nationales, quels sont les domaines dans lesquels la
société, donc, y compris les universités doivent mettre
des efforts. Par exemple, dans tel domaine ou tel domaine.
À ce moment, surtout s'il s'agit d'une priorité qui est
obtenue par un certain minimum de consensus, il est absolument évident
que les institutions, les universités et les autres vont participer
à réaliser leur responsabilité qui est de former les
hommes dans ce domaine. Nous avons peut-être dit -et nous le
répétons dans le cas de l'AQVIR -que ce n'est pas sûr qu'un
domaine jugé à un moment donné prioritaire par un membre,
par exemple, un gouvernement, va être également prioritaire un an,
deux ans ou quatre ans plus tard. Alors, là, on demande une certaine
liberté pour que les professeurs d'université, pour que le milieu
industriel, pour que les gens qui sont à la base qui font le travail et
qui connaissent un peu le milieu puissent quand même manoeuvrer et ne pas
être submergés par des directives trop contraignantes.
M. Fortier: Je prends note que votre position, à mon avis,
est différente de celle du Conseil des universités. J'en prends
note. C'est une position de l'École polytechnique parce que vous
recommandez une méthode très directrice de la part du
gouvernement et je crois que le Conseil des universités s'inscrit en
faux contre cela. C'est votre position et je la respecte.
M. Paskievici: Je m'excuse, je n'ai pas dit directrice. Je
n'accepte pas ce mot.
M. Fortier: Écoutez, on va lire les mots ensemble: "soit
formé avec le mandat d'examiner ces projets, de déterminer ceux
qui semblent les plus prometteurs, d'évaluer les structures d'accueil et
de faire des recommandations." Mais quand ce sont trois ou quatre
ministères qui vont recommander, cela devient très fortement
déterminant dans le succès ou l'insuccès d'un projet en
particulier.
M. Paskievici: C'est fort, mais ce n'est pas encore
déterminant, ce n'est pas dirigiste. C'est une planification sans aucun
doute avec des moyens qui doivent être réalistes et, encore une
fois, s'il y a un certain consensus par ce mécanisme, cela devient une
chose tout a fait naturelle. Si les gens ne sont pas d'accord, le consensus ne
va pas se former à l'intérieur de ce conseil. Vous voyez la
différence.
M. Fortier: Là, je vous rejoins. C'est qu'en lisant vos
recommandations je me demandais lesquelles étaient prioritaires. Vous
avez corrigé par la suite; vous avez répondu au ministre quelles
étaient celles qui, d'après vous, étaient prioritaires.
Dans votre texte, il y en a seulement une où on dit, à la page
28, L'École polytechnique recommande le ralentissement des travaux de
recherche dans le domaine de la conversion hyperfréquences - en chaleur
industrielle. Mais toutes les autres étaient sur le même point. La
question que j'allais poser c'est: Compte tenu des contraintes
budgétaires dont nous souffrons tous, lesquelles sont prioritaires parmi
d'autres? Je pense bien que ce que vous venez de dire s'inscrit à
l'intérieur de cela. S'il y a des contraintes budgétaires, on est
obligé de mettre le paquet à certains endroits et de laisser
d'autres secteurs un peu en veilleuse. Mais vous avez dit que dans ces autres
secteurs il faudrait quand même maintenir une certaine présence.
Je crois que c'était le sens de votre réponse.
M. Paskievici: Exact.
M. Fortier: À ce moment-là, une question qui me
vient à l'esprit touche la fusion et la fission - on va discuter de
fission ce soir avec l'Énergie atomique du Canada - compte tenu des
autres secteurs comme l'hydrogène qu'on doit développer et
d'autres secteurs prioritaires. Si on se replace dans l'optique qui
prévalait il y a cinq ans ou six ans, où les gens disaient: Nous
aurons besoin de la fission nucléaire au Québec en 1995; donc, il
faudrait commencer des travaux de centrales nucléaires sur une grande
échelle en 1985, dix ans avant, pour commencer un programme très
important de centrales nucléaires, en 1995. On voyait dix ou quinze ans
d'un programme de fission nucléaire et, ensuite, on voyait, au
début de l'an 2000, la fusion venir. Mais tout cela maintenant est
décalé dans le temps, enfin, si on veut être
réaliste.
Bien sûr, s'il y avait un développement économique
accru, que peut-être cet échéancier pourrait être
décalé de seulement cinq ans, mais certains pensent que le
décalage dans le temps sera beaucoup plus prononcé que cela.
Compte tenu du fait qu'il peut y avoir des modifications industrielles et
technologiques d'importance, la question que j'aimerais vous poser, c'est: En
ce qui concerne la recherche en particulier, quelle ampleur, quelle importance,
quel poids doit-on donner à la recherche dans le domaine de la fission
et quelle importance doit-on donner à la recherche sur la fusion, compte
tenu des autres secteurs prioritaires comme l'électrochimie,
l'hydrogène et les autres?
M. Paskievici: Encore une fois, c'est la question d'horizon
temporel dont vous parlez, mais aussi l'étape dont il est question.
M. Fortier: Je parle des dix prochaines années.
M. Paskievici: C'est cela. Lorsqu'on parle, par exemple, des
recherches dans le domaine de la fission, les recherches les plus importantes
dans le domaine de la fission ont eu lieu dans les années cinquante, au
moment où on a mis au point la technologie. À partir des
années soixante, l'effort a été mis sur les
développements, les centrales de démonstration et les grandes
centrales coûteuses, les choses coûtant des milliards, à
partir de 1970.
Avec une technologie de ce genre, qui a duré de 1940,
pratiquement, jusqu'en 1980, il y a 40 ans de développement. Avec la
fusion, c'est la même chose. On est dans une période de recherche
et de développement qu'il faut faire à un rythme raisonnable avec
des fonds relativement modestes associés à l'étape
recherche pour connaître mieux les possibilités de
développer une telle technologie. Il ne s'agit pas de mettre le paquet
dans la fusion comme on a mis le paquet dans le nucléaire il y a 20 ans
parce que, quand on a mis le paquet, la technologie était assez bien
connue du point de vue de la démonstration. Dans le domaine de la
fusion, il n'y a pas encore de démonstration. Cela va peut-être
venir, mais il n'y en a pas encore. (12 h 15)
Donc, au niveau du développement des nouvelles technologies qui
sont à l'horizon, qui se lèvent ou qui vont venir, on met
d'habitude de plus en plus d'argent au fur et à mesure qu'une
technologie apparaît la plus prometteuse et la plus proche de
l'implantation commerciale. Il s'agit donc, pour des nouvelles choses, à
horizon lointain, d'investir un peu pour garder les équipes, pour faire
la recherche pour s'intégrer dans le circuit mondial et se tenir
présent dans les autres qui ont un avenir plus rapproché. Celles
pour lesquelles on peut assurément avoir un développement plus
rapide ou pour lesquelles il y a un besoin de toute façon, il faut y
mettre le paquet et il faut aller plus loin.
M. Fortier: Ma question n'était pas seulement pour
Polytechnique, mais pour
l'ensemble du Québec de quelque origine que puissent venir les
subventions, que ce soit du gouvernement fédéral, du gouvernement
provincial ou des sociétés d'État fédérales
ou provinciales. Le Conseil de l'industrie de l'hydrogène vient nous
faire une présentention en disant que c'est prioritaire, que, de toute
évidence, les fonds disponibles au Québec, qu'ils viennent du
fédéral ou du provincial, sont limités et que, comme pays
et comme province, on n'a la dimension ni de l'Allemagne ni de la France ni du
Japon ni des États-Unis. La question que je pose, c'est: Est-ce qu'on
doit continuer à poursuivre certaines de ces avenues? De toute
évidence, certaines de ces avenues semblent être moins
prometteuses qu'elles ne l'étaient il y a quelque temps. Autrement dit,
est-ce qu'on doit faire des choix cruciaux ou si on doit continuer à
saupoudrer cela? Si on était les États-Unis d'Amérique,
peut-être qu'on pourrait se le permettre, mais comme nous sommes au
Québec, personnellement, je me pose sérieusement la question:
Est-ce qu'on ne devrait pas faire des choix dramatiques pour laisser tomber
certaines filières et pour en favoriser d'autres?
M. Paskievici: Je suis en faveur de ne laisser tomber aucune
filière. On ne sait jamais les rebondissements. Je suis en faveur,
cependant, d'adopter un régime de croissance très lent, pour
assurer la possibilité de donner un nouveau développement, si
nécessaire, dans certains domaines.
M. Fortier: Une question qui m'intéressait, c'était
toute la question de la recherche - développement dans le domaine de
l'industrie et l'effort que Polytechnique a fait depuis plusieurs
années. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je me suis
intéressé beaucoup au dossier de la formation du nouveau
ministère de la Science et de la Technologie; malheureusement, cette
semaine, nos deux commissions parlementaires sont en parallèle et je ne
peux pas y assister. Mais c'est certainement un dossier très important
pour le développement économique du Québec, les outils que
le gouvernement veut se donner, la forme du transfert des technologies et de la
recherche-développement dans les universités vers l'industrie.
Vous avez indiqué tout à l'heure que, d'après votre
expérience, c'était décevant de voir l'importance de la
recherche-développement dans l'industrie en particulier. Vous avez fait
une comparaison internationale: France, Allemagne et d'autres pays, les
États-Unis. Pour faire une évaluation honnête, il m'a
semblé que, dans certains pays, l'industrie avait été
amenée à faire de la recherche et du développement, qu'on
aime cela ou non, surtout à cause de la recherche militaire qui
s'était faite. Il faut bien avouer qu'au Canada il ne se fait à
peu près pas de recherche militaire. Aux États-Unis, en
particulier, je connais même des grands bureaux de génie-conseil
pour qui l'effort de la recherche-développement est financé
à 80% ou à 90% par la recherche et le financement dans le domaine
militaire en particulier. Lorsqu'on y a pris goût et qu'on s'est
donné des structures, bien sûr, on fait déborder cette
recherche-développement dans le domaine civil. Je crois que c'est une
dimension du problème que peu de gens ont soulevée pour le
Canada. On se plaint toujours du fait que l'industrie n'en fait pas, mais il
faut constater également que les autres pays du monde, que ce soit la
Russie, les États-Unis, la France, l'Allemagne, le Japon -
peut-être moins le Japon - font beaucoup de recherche et de
développement dans le domaine militaire, financée justement par
ces budgets. On sait que la proportion du budget canadien qui est vouée
à la protection du Canada par l'armée est moins importante. On ne
sera pas surpris de voir que l'importance des budgets dans le domaine de la
recherche et du développement à des fins militaires est
également moins grande.
Est-ce que vous avez déjà étudié cet aspect
du problème? Qu'est-ce qu'on peut y faire? On ne peut pas y faire
grand-chose si ce n'est que c'est un état de choses, mais c'est
certainement une dimension du problème qui n'a jamais été
soulevée d'une façon bien précise, à mon avis.
M. Paskievici: Je ferai deux commentaires très
brièvement. Très récemment, il y a quelques semaines, une
étude a été publiée par le Conseil des
universités du Québec - très intéressante
-indiquant la disparité dans la recherche-développement entre le
Québec, le Canada et les autres pays. On mentionne, entre autres, les
points que vous mentionnez. On sépare les pays qui ont des programmes
militaires de ceux qui n'en ont pas. On soustrait la partie militaire pour
faire, par la suite, les comparaisons. Donc, il y a une étude de faite,
très intéressante, et il serait important qu'elle ait le plus de
diffusion possible. Je crois qu'elle sera étudiée par
différents forums dans les mois qui viennent. Tenant compte des points
que vous avez mentionnés, même là on constate qu'il y a des
faiblesses.
Voici le deuxième point que je voudrais souligner. Prenez le
domaine de la robotique et celui de la biotechnologie. Je pourrais en citer
d'autres. Tous ces domaines pourraient se développer. Ils ne sont pas
reliés au développement militaire.
M. Fortier: Vous seriez d'accord avec moi qu'il y a un effet
d'entraînement. Si quelqu'un travaille sur la robotique pour un projet
militaire, de toute évidence il peut en
faire l'application dans le domaine civil très facilement.
M. Paskievici: Certainement qu'il peut y avoir des
retombées, je n'en doute pas. Cela dit, ce n'est pas dans l'esprit des
industries de faire appel à la recherche et au développement.
Nous avons de petites et moyennes entreprises au Québec qui n'ont pas
les hommes et la connaissance, le "know-how" pour faire la recherche et le
développement. Ont-ils l'intérêt? C'est tout un monde qui a
été très bien examiné par la l'ADRIQ en particulier
et par d'autres organismes qui se sont penchés sur ce problème.
Il n'y a pas de tradition dans le milieu. Les grandes compagnies, comme vous le
savez, font de la recherche très souvent en dehors du Québec; je
parle des multinationales. Alors, il y a quelques efforts qui se font au
Québec, mais de ce côté-là il faudrait mener une
action incitative très forte.
M. Fortier: En fait, le seul corollaire à notre
échange serait de dire: Si le gouvernement fédéral veut
épargner de l'argent, l'importance des dépenses militaires
étant moins forte ici, on devrait penser à mettre plus d'argent
dans la recherche et le développement pour des fins civiles, puisque, de
toute évidence, on est défavorisé ici au Canada à
cause de ce facteur-là.
M. Paskievici: Personnellement, j'ai l'impression qu'à
tous les niveaux, dans tous les pays, on réalise l'importance de mettre
des sommes assez importantes dans ce processus qui va du développement,
à la démonstration, à l'innovation, à la
commercialisation. Le problème, il s'agit de savoir où mettre cet
argent pour que les résultats soient les meilleurs. À ce
moment-là, c'est tout le complexe industriel, recherche, financement,
marketing, légal, brevet qui entre en jeu. Nous n'avons pas encore une
prise sur ce lien.
M. Fortier: Je vais terminer par une question sur votre
recommandation 5.2, à la page 25, sur l'exploitation de petits gisements
de gaz. Vous savez que SOQUIP a dépensé depuis plusieurs
années - je crois 10 ou 15 ans - des sommes énormes pour tenter
de trouver du gaz au Québec. Je pense qu'elle continue à faire de
l'exploration dans le golfe Saint-Laurent. Les petits gisements qu'on peut
trouver - il y en a quelques-uns -sont loin d'être rentables. J'aurais
deux questions à ce sujet-là. La première, est-ce que vous
collaborez avec SOQUIP? La deuxième, pourquoi recommander l'exploitation
de petits gisements de gaz alors que, de toute évidence, cela pourrait
ne pas être rentable?
M. Paskievici: Mes collègues experts dans ce domaine
prétendent avoir développé des méthodes qui soient
spécifiquement adaptables aux petits gisements de gaz. Ils disent que
les grandes compagnies de gaz ont mis au point des méthodes pour
développer et valoriser de grands gisements. Ils n'ont pas les outils
mathématiques, techniques, la méthodologie pour penser beaucoup
aux petits gisements. Toute leur organisation, toute leur recherche, tout leur
équipement est fait en fonction de la découverte et de
l'exploitation de grands gisements.
Il y a là un domaine qui n'a pas été
exploité avec les outils nécessaires. Basé sur l'expertise
de mes collègues qui travaillent dans ce domaine, certainement qu'ils
connaissent tout ce qui se fait au Québec dans ce domaine, il y a
là un moyen peut-être intéressant.
M. Fortier: Est-ce qu'ils ont parlé à Pierre
Martin, le président de SOQUIP, pour lui faire part de leurs
trouvailles?
M. Paskievici: Je ne peux pas répondre à cela.
M. Fortier: Non. Ce serait la première chose à
faire.
M. Paskievici: Je l'ignore. Je sais qu'ils connaissent le milieu
et qu'ils sont en contact très étroit. Ils ont des subventions
importantes du ministère de l'Énergie et des Ressources, de sorte
que je vais leur faire rapidement part de votre suggestion.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: J'aurais une couple de questions à poser
à M. Paskievici. La première se rapporte au premier paragraphe de
votre mémoire à la page 29, qui a trait aux études
économiques où vous indiquez -c'est au haut de la page - que
"l'École recommande que les approches utilisées en
prévision technologique soient utilisées de façon
systématique afin d'identifier les secteurs de
recherche-développement les plus prometteurs." Est-ce que vous pourriez
préciser un peu quelles sont ces approches?
M. Paskievici: Cela me fait plaisir, d'autant plus que c'est un
domaine dont je n'ai pas parlé et dont vous aurez probablement d'autres
échos la semaine prochaine ou dans deux semaines. L'École
polytechnique a fait une étude de ce genre et c'est mentionné
dans le corps du mémoire en ce qui concerne la pénétration
éventuelle du gaz naturel au Québec. Il y a une étude qui
avait été faite pour étudier quel est le
potentiel, le degré d'utilisation possible du gaz naturel au
Québec. Il y a une étude très systématique faite
sur toutes les industries qui pourraient utiliser le gaz, sur tous les
équipements qui existent ou qui pourraient être
améliorés et dans quelle direction. Il y a eu des
activités identifiées comme les plus prometteuses selon une
série de conjectures économico-industrielles possibles avec des
facteurs d'évolution. Enfin, c'est toute une technologie que celle de la
prévision technologique; elle est probabiliste, bien sûr, mais
elle permet de cerner le degré de probabilité des
différentes actions à entreprendre.
Faisant suite à ces recommandations faites à l'occasion de
ce document - j'en parle un peu à la page 17 lorsqu'on parle de la
compagnie Gaz Métropolitain - on a tiré quelques conclusions. Gaz
Métropolitain a pris note d'un bon nombre de ces recommandations et a
l'intention de poursuivre des actions très précises à cet
effet. Il y a une étude des possibilités technologiques
d'intervenir, de développer, d'apporter du nouveau; cela a pu être
fait en se basant sur ces sortes d'études. On a pu, dans un cas
précis, le gaz naturel, faire de la prévision technologique qui a
servi à la compagnie dans la définition de sa politique
ultérieure dont vous allez entendre la présentation
bientôt. Ceci pourrait être utilisé dans d'autres
domaines.
M. Rodrigue: Je reviens un peu en arrière; à la
page 27, vous indiquez que "le Québec possède de vastes
territoires, pratiquement inutilisables à d'autres fins, qui
conviendraient à l'implantation de centrales électriques
photovoltaïques." Vous dites: "Une centrale de 1000 mW requiert un
territoire de 500 kilomètres carrés", c'est-à-dire quelque
chose comme 25 kilomètres par 20 kilomètres. Est-ce qu'il y a eu
des estimations de coût faites d'une telle centrale? Est-ce que la
technologie est au point où on pourrait, si la décision
était prise, installer une telle centrale? Est-ce qu'il y a eu des
estimations préliminaires de coût?
M. Paskievici: Actuellement, cela se situe, bien sûr,
à un horizon plus éloigné; pas plus éloigné
que la fusion. Les développements les plus rapides parmi les diverses
sources d'énergie sont dans le domaine photovoltaïque; c'est
là qu'on fait les progrès les plus rapides. Il y a des
études faites aux États-Unis, par des compagnies
extrêmement importantes, qui indiquent un marché potentiel
énorme dans ce domaine d'ici à la fin du siècle.
Aujourd'hui, il serait sans aucun doute prématuré de dire un prix
parce que les prix chutent très rapidement. Il y a une dizaine
d'années, l'électricité photovoltaïque coûtait
dix fois plus cher.
Elle est aujourd'hui rendue deux fois plus cher. Je ne connais pas
exactement les chiffres; je les ai à quelque part dans mes documents. Le
prix diminue et c'est là qu'on voit que cela descend assez rapidement
pour qu'on puisse commencer à faire des usines
expérimentales.
M. Rodrigue: En fait, on arrive encore au stade de
recherche-développement. On n'a pas atteint le stade où on peut
avoir des prototypes.
M. Paskievici: Exact.
M. Rodrigue: Au niveau de l'énergie éolienne, vous
faites une recommandation selon laquelle il faudrait diminuer
considérablement ou abandonner les travaux de
recherche-développement sur les éoliennes de puissance
inférieure à 100 mW. Pour quelles raisons?
M. Paskievici: Les chercheurs de l'École polytechnique qui
ont travaillé dans ce domaine, ont trouvé que...
M. Rodrigue: Je m'excuse, c'est 100 kW. (12 h 30)
M. Paskievici: C'est cela. Les chercheurs de l'École
polytechnique qui ont fait des études technico-économiques sur ce
sujet ont trouvé que les coûts sont trop élevés, que
les matériaux actuels ne sont pas encore assez fiables et que ce n'est
pas le meilleur domaine où il faudrait continuer à faire des
développements. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu d'en avoir
une ou deux ou peut-être une dizaine dans des endroits extrêmement
éloignés ou très spéciaux, mais en tant qu'effort
de recherche et développement, ils s'orientent plutôt vers les
éoliennes de grande puissance.
M. Rodrigue: Est-ce que cette conclusion est fondée
sur...
M. Paskievici: Études technico-économiques que
plusieurs de nos ingénieurs ont faites en collaboration avec des gens de
l'IREQ.
M. Rodrigue: Est-ce que c'est fondé sur
l'expérience des Îles-de-la-Madeleine qu'Hydro-Québec a
menée pendant plusieurs années?
M. Paskievici: II y a eu des expériences
d'éoliennes de ce type et celles des Îles-de-la-Madeleine sont un
peu plus puissantes, je pense. Mais les plus puissantes sont les plus
prometteuses, si vous voulez.
M. Rodrigue: Merci.
M. Fortier: La semaine dernière, je suis allé
à la réunion du colloque sur les transferts de technologie
à Montréal. J'ai vu qu'un Beauceron a développé une
éolienne de quelques kilowatts, extra-watts; il semblerait que lui
réussit à vendre ses éoliennes de petite dimension sans
avoir d'appui ou je ne sais pas dans quelle mesure il a reçu l'appui de
l'État. Cela laisse quand même de la place aux industriels pour
faire valoir leur talent dans ce domaine.
M. Duhaime: Ah, ces Beaucerons!
M. Fortier: Oui, les Beaucerons font toujours cela pas comme les
autres!
Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, je remercie M. Paskievici. J'inviterais maintenant le groupe des
Mines Noranda Ltée à s'avancer, s'il vous plaît.
Je vous ferai remarquer qu'il est 12 h 30; nous allons commencer et on
poursuivra au retour. M. Marcoux.
Mines Noranda Ltée
M. Lacroix (Guy): Non. Justement, je voulais apporter certaines
précisions quant aux représentants de la compagnie Noranda. Mon
nom est Guy Lacroix; je suis directeur régional des relations de la
compagnie pour les activités de Noranda au Québec. À ma
gauche, il y a le Dr Rod LeRoy qui est directeur de projets au Centre de
recherche Noranda à Pointe-Claire et qui est également directeur
technique de la compagnie Electrolyser. À ma droite, j'ai M. Jacques
Rouleau, qui est surintendant des services électriques à la
compagnie Zinc électrolytique du Canada, à Valleyfield.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Si vous voulez
procéder à la présentation de votre mémoire.
M. Lacroix: Merci. M. le Président, au nom de Mines
Noranda Ltée, nous remercions M. le ministre Duhaime de son invitation
à déposer un mémoire à la commission parlementaire
de l'énergie et des ressources. Les compagnies du groupe Noranda au
Québec vous assurent de leur concours dans la réalisation des
objectifs de la politique québécoise de l'énergie,
étant convaincues que cette politique peut contribuer à l'essor
des entreprises au Québec.
M. Marcoux, le vice-président aux mines pour les activités
du groupe Noranda au Québec, qui devait présenter notre
mémoire est retenu par d'autres engagements; il s'en excuse et il
transmet ses salutations à M. le ministre.
M. le Président, dans ce mémoire au sujet de
l'évolution du secteur énergétique au
Québec, nous vous ferons part de notre point de vue dans cinq
titres que je vais tenter de résumer: d'abord, notre point de vue comme
entreprise en matière de politique énergétique; notre
opinion sur les orientations de la recherche énergétique; nos
commentaires à titre de consommateur de produits pétroliers; nos
projets d'investissements et nos suggestions pour amorcer ces projets dont une
large part des réalisations se traduirait en consommation
d'énergie électrique et, finalement, notre opinion quant à
l'utilisation directe de l'énergie, principalement de l'énergie
électrique, comme levier de développement économique au
Québec.
Auparavant, quelques précisions sur le groupe Noranda au
Québec. Je vous fais grâce de la liste de nos nombreuses
installations au Québec, mais j'aimerais souligner qu'à
Pointe-Claire se trouve le Centre de recherche Noranda où nous employons
151 scientifiques qui travaillent en étroite collaboration avec le
personnel d'exploitation dans tout le groupe. Un budget de plus de 9 000 000 $
est consacré aux travaux du centre. Je voudrais ajouter que le groupe
Noranda emploie un peu moins de 8000 employés qui sont actifs et que
plus de 200 000 000 $ en salaires leur sont versés annuellement.
Nous fournissons également un tableau qui indique l'utilisation
relative des trois principales sources d'énergie. En termes
d'hydroélectricité, nous en utilisons pour une valeur d'environ
31 500 000 $, ce qui correspond à 39% de l'utilisation de
l'énergie que nous faisons. En termes de produits pétroliers,
nous en consommons pour près de 37 000 000 $, ce qui correspond à
46%. En termes de gaz naturel, nous en dépensons pour près de 11
500 000 $, ce qui correspond à 15% de notre consommation
d'énergie, pour un total de 80 000 000 $.
J'enchaîne donc directement avec notre politique
énergétique pour vous dire les facteurs qui déterminent
notre politique énergétique. Dans une situation où il y a
plusieurs sources d'énergie, où le coût de l'énergie
est un élément important dans le coût de production,
où nos entreprises sont en concurrence sur les marchés
étrangers, c'est très clair que le prix prend une importance
capitale dans notre choix de sources d'énergie. Nous préconisons
donc une politique où la souplesse prédomine autant dans nos
politiques d'approvisionnement que dans la mise en place d'installations.
Néanmoins, l'énergie électrique demeure une source
énergétique offrant des avantages multiples, notamment au plan de
l'efficacité et de la protection de l'environnement, ainsi que pour les
procédés nécessitant de très hautes
températures.
Voilà pourquoi il nous fait plaisir maintenant de faire
connaître notre opinion
quant aux orientations possibles de la recherche et du
développement énergétique, particulièrement en
matière d'énergie électrique.
Le deuxième point que nous voulons soulever est celui-ci:
orientations de la recherche énergétique et mécanisme de
concertation. Les domaines qui suivent pourraient faire l'objet d'un effort
plus intensif de recherche en matière de développement
énergétique: l'oxygène, le plasma, l'électrochimie
et l'hydrogène. Le Centre de recherche Noranda poursuit
déjà des recherches dans ces domaines et nous avons
décrit, aux pages 7, 8 et 9, nos idées sur les sujets que je vous
ai mentionnés, c'est-à-dire l'oxygène, le plasma,
l'électrochimie et l'hydrogène.
Nous croyons que le gouvernement pourrait jouer un rôle
très important afin d'appuyer certaines recherches des plus valables en
ce domaine et qui sont mises de côté à cause de leur manque
de rentabilité à court terme.
Il serait bénéfique de multiplier les activités des
mécanismes de consultation déjà existants. Nous
préconisons fortement un mécanisme de concertation qui
réunirait le gouvernement, les centres de recherche, les
universités et le secteur industriel. Cette concertation viserait
principalement à orienter la recherche par segment industriel vers des
applications pratiques et susceptibles de présenter un potentiel
commercial. Le gouvernement pourrait prendre l'initiative de mettre sur pied
cette concertation par l'intermédiaire du ministère de la Science
et de la Technologie, par exemple. Au moment d'écrire le mémoire,
nous souhaitions que ce ministère soit davantage présent
auprès de nous et nous aimerions souligner que le ministre Paquette,
à sa demande, est venu au centre de recherche à Pointe-Claire et
que nous avons grandement apprécié ce geste de sa part. Nous
souhaitons que cette relation puisse se développer davantage.
On n'a pas beaucoup parlé des ressources humaines dans le domaine
de la recherche jusqu'à maintenant. Nous aimerions faire un bref
commentaire à ce sujet pour dire que le Québec ne constitue
peut-être pas un bassin important de ressources humaines pour la
recherche en ce moment. Par conséquent, toute action visant à
attirer les spécialistes en recherche ne pourrait que stimuler cette
activité.
Troisième point: la consommation de produits pétroliers.
La politique précitée illustre bien nos intentions de
consommation. Comme je l'ai mentionné, nous avons déjà
atteint un certain équilibre de dépendance des différentes
sources d'énergie et nous ferons preuve de prudence avant d'engager de
fortes sommes d'argent pour des installations électriques ou au gaz.
L'évolution récente des prix nous incite à cette prudence.
Nous prendrions certes en considération une plus grande réduction
de la dépendance des produits pétroliers s'il s'y trouvait
quelque avantage ou incitations attrayantes tels que le partage des coûts
d'installation ou des tarifs à long terme ou encore une plus grande
souplesse dans certains de nos contrats. On pense ici, en particulier, aux
dépenses qui doivent être faites dans le cas de certains sites
miniers ou, dans d'autres cas, à la transformation d'installations
électriques.
Pour ce qui est des projets d'investissement entraînant une forte
consommation d'énergie électrique, on s'est permis de faire des
commentaires en précisant que nous ne sommes pas "décideurs"
d'investissements énergétiques. Nous sommes plutôt
"décideurs" d'investissements dont une large part a des effets
d'entraînement qui se traduisent par une consommation d'énergie.
Dans ce contexte, une politique énergétique comportant des tarifs
avantageux des coûts de l'électricité prévisibles
à long terme stimulerait l'amorce de certains projets d'investissement
et la poursuite plus intensive de certaines actions. Une telle initiative
résulterait en une activité accrue de l'économie, une plus
grande consommation de l'énergie électrique et, par
conséquent, encouragerait de nouveaux investissements
énergétiques.
Nous faisons état ci-dessous de projets d'investissement qui
entraîneraient une grande consommation d'énergie. Pour tous ces
projets, la technologie est déjà au point. Néanmoins,
ceux-ci présenteraient des perspectives plus intéressantes si le
coût global de l'énergie électrique était moins
onéreux. La possibilité de bénéficier d'une plus
grande quantité d'énergie au même coût global
rendrait déjà la perspective plus avantageuse. Nous disons au
même coût, bien entendu, compte tenu des surplus existants à
l'heure actuelle.
Même si, à première vue, une telle politique
pourrait paraître un manque à gagner pour le gouvernement, il
serait utile de regarder les aspects positifs d'une plus grande confiance
envers le secteur privé et les effets multiplicateurs des nouveaux
investissements. Nous sommes conscients que certaines initiatives ont
déjà été prises en ce sens avec les programmes de
rabais tarifaires. Les projets dont j'ai parlé sont à l'annexe 2
et je vous laisse le soin de poser des questions s'il y a lieu.
Je passe donc au cinquième point: l'énergie, levier de
développement économique. Nous affirmons notre accord avec le
principe "d'utiliser directement l'énergie comme levier du
développement économique de la société
québécoise", tel que l'exprime le document de travail
préparé à l'intention des intervenants à la
commission permanente de l'énergie et des ressources. Nous savons
tous que la survie des entreprises minières, métallurgiques et
des produits forestiers relève de leur capacité de
pénétrer les marchés internationaux en offrant leurs
produits à des prix concurrentiels. Il est donc de première
importance pour nous de préserver la position concurrentielle de nos
entreprises au Québec et, à plus forte raison, de celles dont le
pourcentage des ventes à l'étranger est élevé.
Nous croyons aussi que l'énergie électrique pourrait
constituer un levier afin de contrebalancer l'effet des avantages
concurrentiels prévalant dans d'autres pays et d'autres provinces.
Antérieurement, il est vrai que les coûts
d'électricité étaient à l'avantage du Québec
et, jusqu'à un certain point, ils le sont toujours. Cependant, cet
avantage s'est rétréci au cours des années. Nous avons
ajouté un tableau à l'annexe 3 qui indique le
rétrécissement, de même que le fort pourcentage
d'augmentation dans les taux d'énergie électrique au
Québec en comparaison avec d'autres provinces.
Pour ce qui est des entreprises du groupe Noranda, on peut signaler
qu'au cours des cinq dernières années, pour les grands
consommateurs d'électricité tels que Mines Gaspé et Zinc
électrolytique du Canada, les augmentations de nos coûts
d'électricité ont été de l'ordre de 175%. Nous
sommes donc d'avis que toute initiative visant a élargir la marge des
coûts d'électricité à l'avantage du Québec se
révélerait profitable à l'activité
économique du Québec.
En conclusion, nous réitérons notre volonté de
collaborer avec le gouvernement dans la conduite de projets
d'intérêt mutuel et dont les résultats
bénéficieront à l'ensemble de la société
québécoise. Nous connaissons déjà une
expérience fructueuse du genre par notre association avec l'IREQ -je
suis content de le souligner, cela n'a pas été fait bien souvent
durant la commission parlementaire - pour la mise au point d'applications
utilisant l'hydrogène et le plasma.
Le gouvernement n'a pas été insensible dans le
passé à certaines de nos recommandations en matière de
contrats énergétiques. Nous le reconnaissons et nous
l'apprécions. Aussi, croyons-nous que la mise sur pied d'un
comité ad hoc ou de toute autre forme de forum pour la poursuite de
notre dialogue saura nous faire trouver les avenues rendant possible
l'assouplissement de certaines rigidités des conditions tarifaires afin
de permettre la prévision des coûts énergétiques
pour le fonctionnement de nos exploitations et pour nos projets
d'investissement. (12 h 45)
Comme je l'ai mentionné, le Dr LeRoy et M. Rouleau sont deux
spécialistes qui sont là pour m'aider à répondre
aux questions, s'il y en a.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Sans doute, M. Lacroix, que c'est avec plaisir que M.
Paskievici vous a entendu appuyer sa proposition de mettre sur pied un conseil
quelconque qui viendrait faire la jonction. Je suis content aussi de voir que
Noranda, qui est dans l'industrie, aujourd'hui - vous pourrez le prendre comme
un compliment - synonyme de recherche dans les grands groupes installés
au Québec, est un de ceux qui consentent les plus grands efforts dans la
recherche. C'est à la fois à votre honneur et sans aucun doute
dans vos intérêts également. J'ai eu l'occasion de visiter
quelques-unes de vos installations et j'ai été très
impressionné. L'idée de confier ce mandat à mon
collègue de la Science et de la Technologie ne me déplaît
en aucune manière. J'aurai sûrement l'occasion de parler avec mon
collègue sur ce sujet. On va voir comment on est capable de rattacher
tout cela ensemble. Je pense que vous êtes le premier groupe industriel
à soutenir cette idée. Polytechnique l'a fait. L'Ordre des
ingénieurs-conseils et l'Ordre des ingénieurs aussi, je crois,
dans leur mémoire, ont appuyé cette démarche.
Je voudrais peut-être en venir à vos projets
d'investissement où vous auriez besoin de 38,5 mégawatts pour des
investissements globaux de 72 000 000 $. Il n'y a pas beaucoup de
création d'emplois en bout de ligne et cela a toujours été
une préoccupation non seulement de notre gouvernement, mais des autres
gouvernements qui nous ont précédés. Cela a toujours
été aussi une préoccupation d'Hydro-Québec.
À encourager l'industrie énergivore peu créatrice
d'emplois, on se rend compte facilement, à sa face même, qu'on
fait un transfert énorme à cette industrie qui paie quand
même, bien sûr, son tarif grande puissance à partir du
moment où on est au-dessus de 5 mégawatts de consommation. Mais
avec les bouleversements qui se produisent dans le dossier
énergétique, pour les quelques années qui sont devant
nous, je ne crois pas que l'on puisse envisager des scénarios où
nous vivrons dans des situations de surplus prévisibles aussi
élevés que ceux que nous envisageons à l'heure
actuelle.
J'ajoute qu'au rythme de construction que nous maintenons pour la
rivière La Grande, à chaque mois qui passe d'ici 1985, nous
allons ajouter au réseau d'Hydro-Québec 150 mégawatts.
Cela permet peut-être une plus grande visibilité de l'effort si on
le ramène sur ces bases. Tout comme il y a différentes
façons d'étudier l'histoire, il y a plusieurs façons aussi
de regarder ce dossier. Traditionnellement, la tarification a toujours
été fixée en fonction des niveaux de consommation.
Si vous êtes à 5 mégawatts et plus, vous êtes grande
puissance. Ensuite, vous avez les tarifs qui s'appliquent aux consommateurs
appelés petite puissance et moyenne puissance, le commercial, le
résidentiel, etc.
On a fait, depuis un an ou deux, je dirais depuis deux ans maintenant,
ce que j'appellerais un virage important où, pour la première
fois, on a délaissé en quelque sorte cette tradition et
décidé d'appliquer une structure tarifaire à un secteur
industriel donné pour contrer d'abord et avant tout la concurrence de
l'étranger. Vous avez deviné que je vais vous parler un peu de
l'aluminium.
Mutatis mutandis, je pense qu'il faudrait qu'on fasse la même
opération dans d'autres secteurs manufacturiers. Je sais qu'à
Hydro-Québec et à mon ministère actuellement on travaille
sur différents scénarios d'intervention ou sur des propositions
qui pourraient venir dans une structure tarifaire future. Je ne crois pas qu'on
puisse réussir l'opération pour 1984, mais on pourrait y aller
sur des cas ad hoc en cours d'année 1984. Je pense qu'il y a très
certainement à pousser la réflexion là-dessus. Est-ce que
ce serait possible d'envisager une structure tarifaire qui tienne compte des
niveaux de création d'emplois, qui tienne compte des niveaux de
consommation, mais qui tienne compte également de la composante
énergie dans les coûts de production par secteur? Soit qu'on y
mette un coefficient quelconque qui viendrait corriger ou encore qu'on y aille
carrément avec une structure tarifaire qui pourrait envisager une
pareille problématique.
Je dois dire très rapidement qu'à Hydro-Québec et
au ministère de l'Énergie et des Ressources - je crois que c'est
il y a à peine quelques mois - on annonçait sur l'horizon 1990,
ce qui donne quand même un délai de sept ans, des rabais en
décroissance, bien sûr, qui s'appliquent non pas à un ou
deux secteurs industriels précis, mais à tous les consommateurs
industriels du Québec. En plus des programmes de soutien à la
conversion, ces rabais, dans une politique d'écoulement rapide des
surplus, atteignent jusqu'à 50% la première année et,
ensuite, sont en décroissance jusqu'à 10% à l'horizon de
1989 pour rejoindre ensuite le tarif au 1er janvier 1990. C'est
déjà un premier signal qu'il y a eu du mouvement dans ce dossier
et Noranda étant un des bons clients d'Hydro-Québec - vous avez
raison de l'évoquer; vous mentionnez 80 000 000 $ par année au
total; en hydroélectricité, cela compte pour à peu
près 40% du montant -cela mérite quand même d'être
soulevé.
Je ne sais pas quelle serait votre réaction à une approche
comme celle-là plutôt que de faire du cas par cas. En plus du
tarif grande puissance, tout le monde sait que nous avons des politiques de
rattrapage sur des contrats qui ont été signés il y a fort
longtemps et qui, graduellement, s'en viennent au tarif grande puissance. Il y
en a au-dessus d'une centaine: je crois que c'est 121 ou 122 grands contrats
qui existent encore aujourd'hui. Je me demande même s'il n'y en a pas
avec Noranda là-dessus. Est-ce que cette idée d'avancer une
structure tarifaire par secteur industriel est quelque chose que vous avez
examiné dans son ensemble ou si vous vous en êtes tenuessentiellement à vos propres projets d'investissement comme
groupe?
M. Lacroix: Je pense bien que c'est peut-être un peu la
raison de la suggestion de la formation d'un comité par secteur
industriel, pour commencer d'une façon générale à
regarder les idées ou les projets de recherche. Pour ce qui est de
l'utilisation spécifique de l'énergie à l'intérieur
du groupe Noranda, on a eu souvent tendance à regarder, à cause
de notre politique de décentralisation, les propriétés une
par une. Je pense qu'il y a là des projets spécifiques qui
peuvent être regardés individuellement. Sûrement qu'au
niveau de la direction de la compagnie il y aurait lieu de se pencher sur une
étude qui viserait à regarder l'ensemble de notre consommation,
à voir dans quelle mesure ce qui pourrait apparaître comme des
manques à gagner à première vue serait peut-être
dans l'intérêt autant de la compagnie que des revenus
d'Hydro-Québec et du gouvernement. Même si à
première vue certains projets n'ont peut-être pas un impact
important au niveau de la main-d'oeuvre pour ce qui est de l'embauche chez
Noranda par la suite, il reste qu'au moment de la mise sur pied d'un projet
quelconque cela a un effet sur la construction. Donc, il y a une certaine
activité au niveau de l'embauche à ce moment, qui bien souvent a
des effets multiplicateurs qui génèrent d'autres activités
continuellement.
Assurément, on serait intéressés à regarder
sur une base globale, pour nos activités au Québec, ce qui
pourrait être fait pour augmenter notre consommation
d'énergie.
M. Duhaime: Juste un dernier point. Votre intérêt pour le
dossier de l'hydrogène est bien connu. Je pense qu'on a même des
intérêts en commun. On a touché ce matin à la partie
recherche et développement de cette filière nouvelle, mais
puisque vous êtes dans le secteur industriel, que vous vendez des
produits sur le marché, pour le bénéfice de notre
commission, êtes-vous en mesure de nous dire quelles seraient les
perspectives de marché dans le temps? Je pense bien qu'on ne travaille
pas pour mettre en production une usine d'hydrogène liquide en vuede bousculer toutes les énergies concurrentielles
sur le marché, mais, en termes de calendrier et en termes de
scénario de marché, comment cette filière se
présente-t-elle pour le groupe Noranda?
M. Lacroix: Si vous le permettez, M. le ministre, je vais
céder la parole à mon collègue qui est beaucoup mieux
renseigné que moi là-dessus.
M. LeRoy (Rodney): Merci beaucoup. Nous avons commencé en
1975 avec ce dossier. Notre point de départ était
d'étudier les marchés internationaux et les applications pour
l'hydrogène. La première tâche était de convaincre
les dirigeants de Noranda que ce dossier pouvait être quelque chose de
très significatif du point de vue de Noranda, à court terme.
Les marchés que nous avons identifiés n'étaient pas
l'utilisation de l'hydrogène comme carburant sur une grande
échelle, dans les applications industrielles, comme pour l'ammoniac,
pour le mettre en valeur pour la production de méthanol. Nous avons
établi que c'était basé sur la projection d'une
augmentation des coûts des hydrocarbures par rapport à ceux de
l'électricité, une projection très significative du point
de vue de Noranda pendant les années 1985 à 1990, comme
échelle de temps. Maintenant, sept ans plus tard, nous avons une
technologie de base comme vous l'avez vu à Varennes, nous avons
démontré notre technologie de génération I. Toutes
nos informations indiquent que c'est en avance sur le développement des
technologies dans le monde. L'activité française nous suit de
près, mais je crois que nous sommes pour le moment en avance. Où
sont les marchés? Au point de départ, cela n'existe pas si nous
ne démontrons pas cette technologie sur une échelle
significative. Mais nous croyons que, dans le tiers monde, il y a de nombreuses
situations où l'hydrogène électrolytique est maintenant
économique pour la production des engrais basés sur l'ammoniac,
basés sur l'hydroélectricité et l'azote pris dans
l'air.
Au Québec, avec des prix abordables pour
l'électricité, nous croyons que nous pouvons produire de
l'ammoniac avec une rentabilité marginale pour le moment, mais
justifiable pour la démonstration de la technologie sur une base de
production des équipements qui sont exigés pour cette production.
Pour les autres marchés, nous regardons en détail des projets
pour mettre en valeur de l'huile lourde. L'hydrogène
électrolytique peut être utilisé pour augmenter la
production d'une certaine ressource des hydrocarbures; les sables bitumineux,
par exemple, exigent une augmentation du rapport de l'hydrogène au
carbone pour les mettre en valeur. On peut ajouter l'hydrogène en
utilisant l'électrolyse ou on peut rejeter du carbone, ce qui est la
technologie qu'on utilise pour le moment.
Pour vous donner une perspective, ces marchés sont très
significatifs, même si on ne l'utilise pas dans votre voiture. Par
exemple, une usine de Syncrude, cette sorte d'usine pour la mise en valeur des
sables bitumineux, qui a une capacité de 100 000 barils par jour de
production; l'équivalence en termes d'énergie électrique
est d'environ 9500 mégawatts; alors, une très petite portion de
cette production d'hydrogène est très significative pour la
production des équipements. De notre point de vue, comme
société, ce dossier peut être très significatif
comme chiffre d'affaires si nous avons une pénétration de
l'électricité par l'hydrogène dans le marché de
production de l'ammoniac. Il n'y a aucune production d'ammoniac au
Québec dans le moment, comme vous le savez. La production de
méthanol peut être liée au dossier de biomasse et mettre en
valeur l'huile lourde. À court terme, c'est notre justification dans ces
domaines de l'utilisation industrielle de l'hydrogène.
Le Président (M. Desbiens): II est 13 heures. On s'entend
donc pour compléter.
M. Duhaime: On reprendra à 15 h 15 ou à 15 h
30.
M. Fortier: J'en ai pour peut-être dix ou quinze minutes.
Si on termine à 13 h 15, on reprendra à 15 h 15, si les membres
de la commission sont d'accord.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que cela va? M. le
député d'Outremont. (13 heures)
M. Fortier: M. le Président, on aura l'occasion d'entendre
l'association des utilisateurs industriels d'électricité, dont
vous faites sûrement partie, parce que vous reflétez dans votre
mémoire certaines des appréhensions des grands utilisateurs
d'électricité sur le plan industriel. Dans votre tableau 3, vous
évoquez l'augmentation rapide des tarifs d'électricité
pour l'industrie. J'ai eu l'occasion de faire allusion à ce genre
d'augmentation-là qui est inquiétante pour quelqu'un qui fait une
planification à long terme. Si on regarde le coût mills/kWh en
1983, bien sûr on est dans le moyenne. Au Manitoba, on sait pour quelle
raison c'est plus bas. On est plus bas que la Colombie britannique et
l'Ontario. Ce que vous indiquez, c'est que la marge qui était
très favorable au Québec semble s'amenuiser. J'imagine que, pour
quelqu'un qui essaye de planifier à long terme, la question qu'il se
pose c'est: Est-ce que ce "trend", cette direction va se continuer?
Un autre facteur, je pense, est important; au bas de la page 5 vous y
faites allusion et je cite: "Dans un marché concurrentiel où
existent différentes sources
d'énergie, les coûts deviennent le facteur le plus
important. Une source d'énergie offerte selon une structure tarifaire
permettant la prévision des coûts pour une période
relativement longue constituerait un avantage appréciable."
Le ministre a fait allusion à une structure tarifaire qui
pourrait être par secteur industriel plutôt que par niveau de
consommation. Il y a une proposition qui est en place dans le moment pour une
tarification spéciale pour le secteur de l'aluminium. On pourrait en
avoir encore d'autres. Si on s'en va dans cette direction, compte tenu du fait
que vous êtes en concurrence avec d'autres sociétés,
j'imagine que vous ne voulez pas une négociation à la
pièce, c'est-à-dire une tarification qui serait bonne pour
Canadian Electrolytic Zinc, mais qui serait différente pour une autre
usine concurrente dans le même secteur, celui du zinc par exemple. Ce que
vous proposez, ce serait d'avoir une structure tarifaire, que ce soit sur une
base industrielle ou autrement, qui soit la même pour tous. Est-ce qu'on
se comprend bien là-dessus?
M. Lacroix: Ce qu'on cherche surtout, c'est de pouvoir utiliser
l'énergie électrique comme facteur de production de
manière à garder notre position concurrentielle vis-à-vis
de l'étranger. Ce qu'on réalise présentement, c'est que
nos dépôts miniers ne nous placent pas dans une position vraiment
avantageuse par rapport à l'étranger. Notre main-d'oeuvre est
déjà une des plus dispendieuses dans le monde. Si on avait
à se placer dans une situation de dépendance vis-à-vis
d'une source particulière d'énergie, ce qu'on voudrait faire, ce
qu'on souhaiterait faire, ce serait pouvoir dépendre d'une source qui
sera là pour longtemps et à coût réduit par rapport
à l'étranger.
M. Fortier: Surtout pour une société comme la
vôtre, très puissante, qui investit, ce que vous indiquez, c'est
que non seulement vous voulez connaître les règles du jeu, mais
que vous voulez les connaître à long terme, si c'est possible.
M. Lacroix: Exactement.
M. Fortier: La question que je vous posais, c'est que, si ces
règles du jeu sont différentes pour vos compétiteurs -
disons que vous faites un agrandissement de votre usine à Valleyfield et
que, la semaine suivante, le gouvernement décide d'octroyer un tarif
tout à fait différent et plus bas à un compétiteur
qui viendrait s'installer au Québec - j'imagine qu'à ce
moment-là vous ne seriez pas tellement heureux. J'imagine que c'est dans
ce sens-là que vous dites: On aimerait avoir une tarification qui est la
même pour tous, qui nous inciterait à faire des investissements,
si possible, sur une plus longue période de temps. Vous ne demandez pas
un tarif spécial pour votre propre société, mais un tarif
qui soit le même par secteur industriel.
M. Lacroix: Exactement.
M. Fortier: J'avais posé la question lors de la commission
parlementaire où on avait entendu Hydro-Québec pour la
modification de la loi d'Hydro-Québec. Eux m'avaient confirmé que
c'était là leur politique et qu'ils voulaient s'éloigner
de ce que j'avais suggéré. Il y a un certain temps au
Québec où tous les édiles donnaient des exemptions de
taxes qui variaient d'une société à l'autre, ce qui a
créé une cacophonie. Dans la mesure où on voudrait
utiliser l'électricité comme facteur d'incitation à
l'investissement, je pense bien que dans la même mesure on veut
éviter une cacophonie où la compagnie À aurait un tarif et
la compagnie B aurait un autre tarif. À ce moment-là, cela
pourrait être perçu comme une concurrence déloyale. Je
crois que l'industrie aurait un message, soit que les règles du jeu ne
sont pas les mêmes pour tous. On va avoir l'occasion d'entendre
Hydro-Québec, je pense bien, à la fin d'octobre. C'est pour cela
que cela m'intéressait de connaître votre point de vue. Lorsque
vous parlez d'incitation, vous parlez d'une structure tarifaire qui est la
même pour tous. Cela peut être dans un secteur industriel ou cela
peut être par niveau de consommation, niveau de puissance.
M. Lacroix: Je ne suis pas sûr qu'on veut passer le message
que les règles ne sont pas les mêmes pour tous. Je pense qu'on
s'entend pour dire qu'on souhaiterait que les règles soient les
mêmes pour tous à l'intérieur de notre secteur industriel.
Le message qu'on veut surtout passer, c'est qu'on souhaiterait que, si on
augmentait notre dépendance de lénergie électrique, les
augmentations de coûts de l'énergie électrique ne soient
pas fonction de ce qui se passe de façon générale pour les
autres sources d'énergie. En d'autres mots, on pense qu'au Québec
on a une source qui est renouvelable et, s'il est possible de s'entendre sur
des taux à long terme, il serait possible à l'entreprise de
planifier ses activités et ses investissements à long terme. Il
serait possible pour le gouvernement, sachant qu'il s'est déjà
entendu sur une certaine base de revenus, de planifier la dépense de ces
sommes selon les ententes conclues, compte tenu que c'est une source
d'énergie renouvelable.
M. Fortier: Je pose la question parce que ce qui m'a surpris
c'est qu'à la suite de cette commission parlementaire de la mi-
octobre une semaine plus tard Hydro-Québec est allée
à Paris et, alors qu'on avait dit que la politique tarifaire dans le
domaine de l'aluminium était de donner un escompte de 50% pour les
quelques années à venir, on s'est aperçu que ce
n'était plus 50%, mais 65% et 66% pour une compagnie en particulier. Je
me demandais quel impact cela aurait dans domaine industriel, à savoir
que pour une industrie qui vient ici, c'est tel tarif et, si une autre
compagnie vient ici et utilise des moyens de pression différents, il
peut y avoir un autre tarif. Je me demandais si c'est le genre de climat qu'on
veut créer où la négociation se fait à la
pièce. Je me demandais si tout cela incitait les investisseurs à
venir au Québec. C'est dans ce sens-là que je posais ma
question.
M. Lacroix: Vous pourriez peut-être poser la question
à l'Alcan plutôt qu'à moi, étant donné qu'on
est dans un autre secteur d'activités. Comme je vous le dis, ce sur quoi
on s'entend, c'est que, dans la mesure où on aurait des tarifs de
façon à connaître les règles du jeu à
l'intérieur de notre secteur d'activités, je pense qu'on serait
très heureux.
M. Fortier: Maintenant, une chose que je remarque: vous
êtes en désaccord avec la politique du gouvernement; encore
là, cela a trait à la politique tarifaire du gouvernement quant
au prix de l'électricité par rapport au gaz et au pétrole.
Vous savez que la politique gouvernementale présentement est d'inciter
Hydro-Québec à avoir un prix de l'énergie
électrique qui soit à mi-chemin entre le gaz et le
pétrole, d'une part, pour permettre la pénétration du gaz,
semble-t-il, et, d'autre part, pour décourager l'utilisation du
pétrole. Je vois à la page 6 que vous dites très
clairement: "à condition - je ne lirai pas tout le paragraphe - qu'il
existe une sécurité d'approvisionnement, et que l'augmentation
des coûts ne soit pas fonction des augmentations de prix des autres
sources d'énergie." Autrement dit, vous dites que, dans la mesure
où l'électricité est indexée aux autres sources
d'énergie, cela devient un facteur démotivant pour ceux qui
veulent utiliser l'électricité comme facteur d'entraînement
du développement économique au Québec. Je pense que vous
êtes très clair là-dessus.
M. Lacroix: Dans ce sens-là, oui. M. Fortier: Je
vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, cela me fait plaisir
d'être ici en fin d'avant-midi. Si je n'ai pas pu y être
plutôt, c'est justement parce que je suis le député du
comté de Beauharnois. Il s'avère que la ville de Valleyfield est
dans le comté de Beauharnois et, hier, j'ai eu l'honneur d'aller couper
le ruban traditionnel de l'agrandissement de la compagnie Zinc
électrolytique du Canada qui, bien sûr...
M. Fortier: J'espère que ce sera suffisant pour te faire
élire la prochaine fois.
Le Président (M. Desbiens): M. le député, un
peu de sérieux.
M. Lavigne: Je suis très fier de la décision qu'a
prise Zinc électrolytique du Canada d'investir dans le comté de
Beauharnois pour un agrandissement. C'est un investissement d'environ 47 000
000 $. La seule chose que je déplore, par ailleurs, c'est qu'on
investisse autant d'argent pour créer si peu d'emplois. J'ai
été étonné d'apprendre qu'après avoir
investi un montant aussi important cela créait environ 25 ou 30 emplois.
Ceci dit, j'étais quand même très heureux de voir qu'en
période qu'on dit de récession, une période difficile, une
compagnie comme Zinc électrolytique du Canada ait pris cette
décision. C'est tout à l'honneur du comté de Beauharnois,
de la ville de Valleyfield et de la compagnie.
J'ai eu l'occasion, bien sûr, de discuter avec les gens de la
compagnie et, effectivement, leur inquiétude est la même que celle
que vous soulevez ce matin; elle a trait aux coûts de
l'électricité éventuels. On sait que, depuis les
dernières années, les coûts d'électricité ont
augmenté au Québec. Dans votre mémoire, au tableau 3, je
crois, il y a une comparaison des augmentations du coût de
l'électricité entre les différentes provinces, mais vous
ne donnez pas le coût réel entre, par exemple, le Québec et
l'Ontario. Si je comprends bien votre tableau, vous ne présentez que les
augmentations entre 1978 et 1983, en pourcentage. Pour
l'électricité payée en Ontario présentement par
rapport à l'électricité payée au Québec
aujourd'hui, est-ce que la marge est encore importante?
M. Rouleau (Jacques): Je peux répondre à cette
question. Les 21,5 sont les mills par kilowattheure pour les mines. C'est le
coût.
M. Lavigne: D'accord. Donc, c'est 21,5 par rapport à 25,6,
si on compare avec l'Ontario.
M. Rouleau: C'est cela.
M. Lavigne: Donc, il y a encore un certain avantage à
acheter l'électricité au Québec, mais la marge se
rétrécit considérablement par rapport à 1978.
C'étaient les quelques mots que je voulais dire ici. Je suis
content que vous ayez présenté ce mémoire et
j'espère que cela débouchera éventuellement sur une
politique. Je m'adresse ici au ministre. Il y a la compagnie Zinc dans le
comté de Beauharnois, bien sûr, mais il y a une infinité de
compagnies qui sont venues s'installer dans le comté de Beauharnois
depuis plusieurs années à cause du "pouvoir"
hydroélectrique de Beauharnois. Elles voulaient s'installer à
proximité d'une ressource énergétique qui était
l'électricité. Que ce soit Union Carbide, que ce soit Stanchem,
que ce soit Chromasco, que ce soit la Zinc, une foule de compagnies sont
installées dans le comté de Beauharnois. Elles regardent la
politique d'Hydro-Québec en ce qui a trait au prix présent et au
prix éventuel, et tout le monde est un peu inquiet. Plus vite on
arrivera à déterminer, sur une période un peu plus longue,
l'augmentation ou les politiques que le gouvernement du Québec devra
mettre de l'avant, cela fera autant de compagnies et de travailleurs qui seront
plus en sécurité. C'est le voeu que je formule aujourd'hui, qu'on
arrive à établir le plus rapidement possible une politique de
vente d'électricité pour les grandes compagnies. Merci pour la
présentation de votre mémoire.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais revenir sur la question tarifaire parce
que les questions qui vous ont été adressées, M. Lacroix,
je me sens peut-être un peu mieux placé pour y
répondre.
M. Lacroix: Je vous remercie.
M. Duhaime: Sur le plan de la tarification, je dis bien. Prenons
le tarif grande puissance, c'est celui-là qui vous intéresse et
qui s'adresse à des consommateurs industriels d'au-delà de cinq
mégawatts. J'exclus de la discussion les contrats qui sont sujets
à rattrapage, c'est-à-dire des contrats qui ont été
signés il y a 20 ans, 25 ans, 30 ans, 40 ans et même davantage
avec l'industrie et qui, à l'époque, ont été
signés en tenant compte beaucoup plus de la distance du site de
production que de n'importe quelle autre considération. Je les exclus
parce que je ne voudrais pas que qui que ce soit comprenne de ce que disait le
député d'Outremont tantôt qu'il y a de la distorsion ou de
la discrimination dans la structure tarifaire.
M. Fortier: II y en a au moins une.
M. Duhaime: Au Québec, il n'y en a pas, la tarification
est uniforme et elle se situe essentiellement au niveau de la consommation. La
seule exception que nous avons faite depuis deux ans a été de
vouloir contrer l'effort des Brésiliens et des Australiens pour attirer
dans leur pays et nulle part ailleurs dans le monde les grandes alumineries. On
ne peut pas parler de l'Alcan, qui est autoproducteur à 100% de ses
besoins en énergie hydroélectrique. On ne peut pas, non plus,
parler tout à fait de Reynolds qui est autoproducteur pour une partie de
ses besoins, mais on va parler de Pechiney.
Je comprends que plusieurs auraient souhaité que l'on revienne de
Paris les mains vides et qu'on dise: Nous n'avons pu nous entendre avec
Pechiney; donc, l'investissement de 1 500 000 000 $ à Bécancour
ne se fera pas.
Nous avons décidé de porter de 50% à 65% le rabais
pour l'année 1986 et à 60% pour les années 1987, 1988 et
1989, mais cela ne prend pas un grand cours en comptabilité pour faire
la distinction entre les niveaux théoriques de consommation en
énergie hydroélectrique pour une aluminerie qui consommera, en
pleine production, 400 mégawatts et les niveaux réels de
consommation pour l'année 1986, par exemple. Tout le monde sait que les
travaux sur les chantiers sont commencés. La première ligne de
production devrait produire un premier lingot, toutes choses étant
égales, autour du mois de septembre 1986 et la deuxième ligne
entrer en production au début de 1987. (13 h 15)
Si on fait le calcul mathématique des niveaux de consommation
réelle en y appliquant la formule du plus quinze et du plus dix que nous
avons consentie sur quatre ans pour aller chercher un client à
HydroQuébec pour les cinquante prochaines années qui va
créer des emplois et qui va nous permettre d'avoir une des grandes
alumineries des plus modernes, je dis tout de suite au député
d'Outremont que je suis capable de dormir bien tranquille avec ce genre de
discrimination, d'autant plus que la même offre est faite aux Allemands
et à toute aluminerie américaine ou autre qui en profiterait. La
même offre a été faite également à...
M. Fortier: À 50%?
M. Duhaime: Cela a été fait.
M. Fortier: À 50%, non pas à 65%.
M. Duhaime: Cette commission parlementaire peut donner lieu
à bien des débats, c'est certain, mais ce que je trouve un peu
curieux, c'est que l'Opposition libérale demande à des gens de
Noranda ce qu'ils pensent que le gouvernement devrait
faire, aurait dû ou n'aurait pas dû faire. Je pense qu'on
devrait plutôt le demander à ceux qui sont responsables des
dossiers et l'explication ne tardera pas.
J'ajoute un dernier point: les comparaisons avec l'Ontario. Avec la
réserve de tout danger sur les extrapolations en pareille
matière, il est évident que le Québec maintient une avance
comparative sur l'Ontario. J'avancerais que cet avantage en faveur du
Québec va aller en s'accentuant. Nous connaissons la demande
d'augmentation d'Hydro-Ontario de l'année dernière qui a
été ramenée d'autorité par le gouvernement de M.
Davis à 8,3%. Nous savons quelles sont les demandes d'Hydro-Ontario pour
1984 qui vont être de beaucoup supérieures à ce qu'on
envisage ici au Québec pour 1984, toutes catégories de
consommateurs étant concernées. L'élément qui
m'apparaît le plus intéressant à considérer, c'est
qu'à long terme, à cause de l'importance du pacte
nucléaire dans la production hydroélectrique en Ontario et des
coûts de fonctionnement très élevés des centrales
nucléaires - sans souhaiter de malheur à personne, bien
sûr, mais tout le monde sait qu'il en coûte plus cher de produire
un kilowattheure à partir d'une centrale nucléaire qu'un
kilowattheure à partir d'une turbine - l'avantage comparatif du
Québec va aller en s'accentuant. Alors, je ne suis pas du tout
effrayé de ce que j'entends à ma gauche.
Cela me rassure, cependant, de voir que, du côté de
l'industrie, on accepterait, à ce qu'il me semble, que la structure
tarifaire d'Hydro-Québec puisse varier par secteur manufacturier.
Produire du cuivre, produire du zinc ou produire de l'or, ce ne sont pas du
tout les mêmes données énergétiques, tout le monde
va le comprendre. Les niveaux de consommation ne sont pas les mêmes. J'ai
en tête de considérer que la composante hydroélectrique
dans les coûts de production par secteur manufacturier pourrait
être un coefficient important dans la grille tarifaire qui pourrait
s'appliquer à l'ensemble de l'industrie. D'autres pays dans le monde le
font et ils viennent ensuite nous livrer leurs produits sur nos marchés.
Je pense qu'on devrait leur rendre au moins cette politesse, leur montrer qu'on
est capable de tourner la table, si vous me passez l'expression, et d'appliquer
un scénario comme celui-là. Je ne l'ai pas dit pour faire une
blague; je le dis de façon très sérieuse. Je ne pense pas,
cependant, que nous puissions programmer cette politique pour le 1er
janvier 1984. Mais, à Hydro-Québec et au ministère de
l'Énergie et des Ressources, on travaille sur des scénarios de
cette nature pour pouvoir bénéficier davantage du facteur
comparatif que constituent les richesses hydroélectriques du
Québec et s'en servir comme un levier de développement
économique. Là-dessus, on se rejoint.
Je vais dire à mon voisin de gauche, le député
d'Outremont, que nous aurons peut-être l'occasion de reprendre la
conversation sur le dossier de Pechiney. Je lui suggérerais de tenter de
savoir ce que le Brésil ou l'Australie offrent, tant sur le
combiné facture énergétique qu'approvisionnement en
bauxite pour attirer des alumineries chez eux. Moi, je trouve dommage et
déplorable que, plutôt que l'Opposition libérale dise
chapeau à Hydro-Québec, au ministère de l'Énergie
et des Ressources et au gouvernement du Québec d'être allés
chercher un investissement de cette taille, on s'amuse à picocher, si
vous me permettez l'expression, d'autant plus qu'en cents et piastres, c'est
exactement la même proposition à 50% sur les niveaux réels
de consommation.
M. Fortier: Je ne veux pas commencer un débat avec le
ministre là-dessus. L'un des premiers débats que j'aurais voulu
avoir à l'Assemblée nationale à la mi-octobre j'avais
prévu cela avec le caucus - c'était justement un débat
télévisé du vendredi sur la question de Pechiney. Comme
vous le savez, le gouvernement n'est pas prêt et tout est reporté
à la fin de novembre. Durant le mois de décembre, le
règlement ne permet pas de débat du vendredi. Comme on n'aura
droit qu'à un vendredi, j'espère qu'on passera ce dossier en
priorité. Ce n'est pas notre faute si on ne peut pas discuter de
dossiers publics à la télévision pour que tout le monde
puisse en prendre connaissance.
En ce qui concerne la comparaison des augmentations du prix de
l'électricité, ce n'est pas moi qui y ai fait allusion; c'est
à l'annexe 3 du mémoire du groupe Noranda. En ce qui concerne le
fait que Noranda ne soit pas d'accord avec la politique gouvernementale sur la
position du prix de l'électricité par rapport au pétrole
et au gaz, ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est encore dans le mémoire.
Là-dessus, je laisse à la population le soin de juger de la
situation.
Pour ma part, je retiens ceci: HydroQuébec a dit une chose lors
de la commission parlementaire du 15 juin et elle a fait autre chose
lorsqu'elle est allée à Paris. Je dis que la distorsion,
même si elle est unique, est une distorsion et l'entreprise privée
n'aime pas ce genre de distorsion à la politique tarifaire officielle.
Je crois que ceux qui nous ont parlé nous ont dit ce qu'ils en
pensaient. On aura l'occasion d'y revenir, comme vous l'avez dit, lors de la
commission parlementaire qui étudiera les augmentations de tarifs.
J'espère que cette commission parlementaire sera
télévisée. Je vous remercie.
M. Duhaime: Oui et je serai là.
L'Opposition aime beaucoup cette commission de l'énergie et des
ressources, surtout avec la télévision. Je suis à votre
service. Je tiens à vous dire que l'Opposition libérale s'est
intéressée au dossier de Pechiney quand toutes les ententes ont
été signées. Cela fait exactement trois ans, à ma
connaissance; pour ma part, cela fait au moins cinq ans que nous travaillons
sur ce dossier. Ce n'est pas ma faute si vos réveille-matin ne sonnent
pas.
M. Fortier: On va conclure là-dessus.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Pontiac.
M. Middlemiss: Oui, seulement une courte question. À la
page 8, vous mentionnez qu'avec l'utilisation de l'oxygène il y a une
réduction de 30% du mazout. Cela représente combien, en
coût, de réduction? Il y a certainement une comparaison à
faire sur le coût de production de l'oxygène. Au point de vue
coûts-bénéfices, est-ce 30% de réduction du
coût?
M. Lacroix: Je ne pourrais pas vous répondre
précisément. Si vous le voulez, je peux me renseigner à la
source et vous donner la réponse. Ce n'est pas 30% du coût
d'exploitation, c'est 30% de réduction du procédé
antérieur pour ce qui est de l'utilisation de l'oxygène.
Peut-être que le Dr LeRoy serait en mesure d'ajouter quelque chose
là-dessus.
M. LeRoy: Je cherche les chiffres. M. Middlemiss: Ils sont
à la page 8. M. LeRoy: Je m'excuse.
M. Lacroix: Si vous le voulez, je pourrai vous la faire
transmettre.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation aux travaux de la commission. La commission élue
permanente de l'énergie et des ressources suspend ses travaux
jusqu'à 15 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 23)
(Reprise de la séance à 15 h 42)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux. Le prochain groupe à être entendu
est l'Institut national de la recherche scientifique. Je l'invite à se
présenter à l'avant, s'il vous plaît. Suivront
Énergie atomique du Canada Ltée et l'Institut de recherches
Brace. M. André
Lemay.
M. Lemay (André): Oui, merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Voulez-vous présenter
en même temps les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît?
INRS
M. Lemay (André): Certainement. J'ai plusieurs personnes
qui m'accompagnent. Avec votre permission, elles pourront se joindre à
nous. Je désirerais tout d'abord vous remercier de nous avoir
invités à présenter des mémoires à la
commission permanente de l'énergie et des ressources. Les collaborateurs
qui m'accompagnent sont d'abord M. Jacques Desnoyers, directeur scientifique de
l'Institut national de la recherche scientifique; M. Jacques Martel, directeur
de l'INRS-Énergie; M. Pierre Lavigne, un des chercheurs de
l'INRS-Énergie, de même que M. Lafrance, ainsi que M. Benoît
Jean, également de ce centre et plus particulièrement
intéressé par l'énergie solaire.
En mars dernier, nous avions soumis à la commission deux
documents, un venant de la direction générale de l'INRS et
portant sur les besoins de recherche en électrochimie et un
deuxième document préparé par le centre
INRS-Énergie qui discutait de trois cas particuliers,
c'est-à-dire une analyse techno-économique de nos besoins
énergétiques, la recherche et le développement en
énergie solaire de même que la recherche sur le
développement en fusion thermonucléaire. Lorsque nous avons
été convoqués de nouveau pour comparaître
aujourd'hui, nous avons soumis deux documents additionnels qui sont
essentiellement des mises à jour des textes précédents que
nous vous avions transmis.
L'INRS est évidemment une constituante de l'Université du
Québec. C'est une université à vocation de deuxième
et de troisième cycle, c'est-à-dire une vocation limitée.
C'est plutôt une université de recherche. Notre recherche se fait
selon des thèmes par des équipes multidisciplinaires. Nous nous
localisons là où le besoin se fait sentir dans la province. La
structure que nous avons, je crois, nous rend un outil très utile pour
le virage technologique qui s'amorce au Québec présentement. Je
vais commencer par vous présenter les vues de l'INRS concernant la
création d'un centre en électrochimie et, par la suite, le
directeur de l'INRS-Énergie, M. Martel, fera le point sur les trois
autres sujets que nous aborderons aujourd'hui.
Ce qui nous intéresse dans la recherche en électrochimie
est réellement l'abondance de la ressource au Québec qui
disposera,
pour les prochaines années et peut-être même à
plus long terme, d'une capacité de production
d'hydroélectricité excédentaire par rapport à nos
besoins actuels et qu'il pourrait être très rentable d'utiliser
à des fins de stockage ou autres. Ceci pose le problème d'une
gestion rationnelle de cette ressource qui, en fait, dépend de
phénomènes naturels saisonniers qui se traduisent souvent par un
déphasage entre l'offre et la demande.
Dans un tel contexte, tout en n'ignorant pas que plusieurs
méthodes existent pour rapprocher ces deux facteurs dans le cadre des
mesures d'économie d'énergie par de l'exportation, il
apparaît important d'examiner la transformation et le stockage de cette
énergie excédentaire sur une haute échelle. Une telle
technologie pourrait d'abord nous permettre une meilleure rentabilité
pour notre production saisonnière et même quotidienne et nous
aider à satisfaire nos besoins en période de pointe tout en nous
permettant d'initier des processus profitables d'exportation à long
terme.
Dans l'état actuel de la technologie cela ne nous permet pas,
sans faire un effort important de recherche et de développement,
d'amorcer un tel dossier. J'ai à l'esprit un cas très concret.
C'est que jusqu'au milieu des années soixante-dix, en fait jusqu'en
1975, un organisme du gouvernement fédéral, le Conseil de
recherche pour la défense, soutenait un programme de subventions aux
universités dans lequel un des volets était justement
l'électrochimie ou les accumulateurs et autres choses. À cette
époque dans les universités oeuvraient des professeurs qui
formaient des étudiants. Il y avait sur le marché une production
d'électrochimistes raisonnable, du moins satisfaisante pour les besoins
de l'époque.
En 1975, sans consultation et par une décision
unilatérale, on a cessé ce programme de subventions et huit ans
après, en 1983, on est à la recherche d'électrochimistes
dans les universités. Ils sont d'une rareté extrême, que ce
soit au Québec ou au Canada. Alors on peut voir l'importance de la
formation dans tout cela; dans l'espace de moins d'une décennie on a
à peu près évacué un domaine. Or, je crois que ce
domaine est extrêmement important pour le Québec à cause de
nos ressources hydroélectriques.
Je crois que le centre de recherche en électrochimie au
Québec serait de nature à contribuer de manière
significative au développement d'une industrie de pointe sur la
technologie de l'hydrogène. On peut prévoir que d'ici les deux
prochaines décennies, le marché des équipements et
services relié à cette nouvelle technologie s'approchera des
sommes très importantes. Parmi les procédés de production
d'hydrogène le procédé électrolytique
apparaît comme le plus rentable et déjà, à l'IREQ,
on voit des appareils qui sont à une certaine échelle pour
apprendre à réaliser ces procédés et les rendre
économiques.
Si un effort de recherche se concrétisait, on peut entrevoir que
le Québec puisse développer les aspects déterminants de la
technologie de l'hydrogène requis dans le domaine du transport, du
stockage, de la liquéfaction, de la manutention, de la
sécurité, de l'utilisation générale de
l'hydrogène. Il y a plusieurs des priorités identifiées
par le Conseil de la politique scientifique du Québec, par exemple, qui
se rallient à des technologies comme celle-là.
L'établissement d'un centre de recherche au Québec
suscitera une demande accrue de chercheurs. Je crois qu'une action du
gouvernement du Québec, de concert avec plusieurs ministères, de
concert avec les milieux universitaires et industriels et en particulier avec
l'Institut national de la recherche scientifique, pourrait nous permettre de
mettre sur pied, conjointement avec le gouvernement fédéral
peut-être, ce centre - et même sans le gouvernement
fédéral également - de recherche. Alors l'INRS fort de
plusieurs collaborations réussies avec des partenaires, tant du milieu
industriel qu'universitaire ou parapublic, et doté de cette mission
d'enseignement et de formation de chercheurs, nous proposons ici que nous
devenions l'interlocuteur privilégié du Québec face
à cette possibilité d'établir un centre de recherche.
Depuis le mois de mars, il y a eu assez d'événements qui se sont
produits dans le cadre de l'évolution de ce dossier. Bien que des
décisions finales n'aient pas encore été prises, il y a
une forte probabilité qu'un laboratoire du CNRC en électrochimie
soit implanté dans la région de la Mauricie dans un avenir
rapproché. Des échanges de lettres et des réunions ont eu
lieu entre l'INRS et le CNRC, parmi bien d'autres évidemment. Des
rencontres ont aussi eu lieu entre les fonctionnaires du ministère
québécois de l'Énergie et des Ressources et celui de la
Science et de la Technologie. Je crois que nous pouvons dire à ce moment
que le CNRC et le ministère de l'Énergie et des Ressources
trouvent intéressante à tout le moins l'idée que l'INRS
s'établisse dans les mêmes locaux que le centre
fédéral pour former la contrepartie provinciale.
Des appuis formels à l'implication de l'INRS ont aussi
été fournis par plusieurs universités; entre autres,
l'Université du Québec à Trois-Rivières,
l'École polytechnique, l'Université de Sherbrooke et,
également, l'institut de recherche d'Hydro-Québec, l'IREQ. Le
projet envisagé est qu'un centre INRS soit formé avec la mission
d'effectuer des recherches en électrochimie qui soient
complémentaires à celles du
centre fédéral et des autres institutions
québécoises et de contribuer à la formation de chercheurs
dans le domaine par des programmes de maîtrise et de doctorat.
Une des principales préoccupations du CNRC et du ministère
de l'Énergie et des Ressources est de savoir si le réseau
universitaire québécois peut actuellement former le personnel
requis en électrochimie et, si oui, à quelles conditions.
À cet effet, plusieurs rencontres ont eu lieu entre l'INRS et des
professeurs d'électrochimie des régions de Sherbrooke et de
Montréal. À l'initiative de notre institution, une entente est
sur le point d'être conclue pour la formation d'un consortium de
professeurs en électrochimie, lequel aurait comme objectif d'assurer une
concertation et une coopération dans les programmes d'enseignement et de
recherche en électrochimie dans toute la province, par le biais de
réunions et de séminaires de groupes, et d'assurer une partie du
financement des étudiants en électrochimie. Le ministère
de l'Énergie et des Ressources, en collaboration ave le Fonds FCAC,
semble disposé à offrir un certain nombre de bourses à des
étudiants en électrochimie. Ce consortium pourrait être
responsable de l'attribution de ces bourses. Il pourrait également faire
des demandes d'équipements majeurs qu'une équipe seule aurait de
la difficulté à justifier, et ceci à tous les niveaux,
où que ce soit, même à des fondations, pour offrir une
banque de cours spéciaux en électrochimie, cours qui seraient
donnés d'une façon accélérée à des
périodes où les étudiants et autres chercheurs seraient
disponibles, c'est-à-dire durant l'été. On a
déjà prévu des séries de cours qui se donneraient
et qui pourraient même démarrer dès l'été
1984.
Afin de concrétiser cette collaboration, une demande de
financement sera faite au Fonds FCAC dès cet automne. Donc, il y a une
volonté ferme à l'INRS et dans les principales universités
québécoises, à l'IREQ également, d'unir nos forces
pour favoriser l'implantation au Québec du Centre fédéral
de recherche en électrochimie, d'assurer une participation
québécoise à ce centre par le biais de l'INRS et d'assurer
également la concertation avec les programmes de recherche et
d'enseignement existants. Toutefois, le dossier piétine au
ministère fédéral de l'Énergie, des Mines et des
Ressources. Il serait donc urgent que le gouvernement provincial fasse
connaître son accord de principe vis-à-vis de notre projet, afin
qu'un tel centre soit localisé au Québec dans les meilleurs
délais. L'INRS, quant à lui, est prêt à continuer
son action. Une demande d'action structurante pour le financement de cette
participation sera soumise au ministère de l'Education sous peu tout en
souhaitant également un certain appui financier du ministère de
l'Énergie et des Ressources et du ministère de la Science et de
la Technologie. Je vous remercie, M. le Président.
Ceci terminera la présentation que nous faisons concernant
l'électrochimie. L'autre présentation de M. Martel concernera les
trois autres volets.
Le Président (M. Desbiens): D'accord. M. Martel.
M. Martel (Jacques): Je vous remercie. Nous croyons que la
recherche et le développement dans le domaine de l'énergie sont
des outils fondamentaux de relance économique pour le gouvernement. Nous
aimerions dans cette présentation, d'abord, à l'aide d'un
exemple, souligner l'apport économique de la recherche et du
développement. Par la suite, nous indiquerons trois domaines de
recherche qui sont établis et qui mettent entre les mains du
gouvernement les outils nécessaires aux choix énergétiques
de demain, et contribuent au développement de l'industrie
québécoise.
Quel que soit le domaine, en filigrane, je pense qu'il est important de
réaliser que, pour être efficaces, la recherche et le
développement doivent se préparer de longue date. On doit y
consentir les efforts humains et financiers requis. Le gouvernement du
Québec a déjà mis sur pied des instituts dont la mission
est précisément d'utiliser la recherche comme outil de
développement. Les structures mises en place durant les années
soixante-dix, ainsi que les sommes consenties à la recherche commencent
déjà à avoir un impact au Québec. De nouvelles
entreprises se sont créées, des firmes existantes ont
amélioré leurs produits et ont pu se maintenir à la fine
pointe de la technologie. Le gouvernement doit, à l'aide d'une politique
planifiée, utiliser au maximum les outils de développement qu'il
a lui-même créés.
C'est repris dans le mémoire, mais j'aimerais extraire quelques
exemples qui nous sont fournis par une étude des contrats
octroyés par le laboratoire du CERN, c'est-à-dire du Centre
européen de recherche nucléaire. C'est une étude qui a
été publiée en 1977 par un M. Schmied dans les
Transactions of Engineering Management de l'IEEE. L'intéressant dans
cette étude, c'est qu'on prenait un centre nucléaire,
c'est-à-dire un centre qui n'a pas comme tel de mission de
développement économique. On a analysé quel était
l'impact des sommes investies par le CERN dans les différentes
industries auxquelles il a donné des contrats de recherche, soit pour
développer de l'équipement, soit pour faire des produits dont le
CERN avait besoin. L'objectif du CERN, c'est de la physique des hautes
énergies; c'est donc un exemple le plus loin
dans le domaine de la recherche.
Les résultats de cette étude indiquent que les projets du
CERN ont eu un impact élevé sur les industries contractantes. Ce
sont les industries elles-mêmes qui rapportent une augmentation des
ventes et une diminution des coûts. 80% des industries ont
rapporté une augmentation des ventes dans des marchés à
l'extérieur du domaine de la physique nucléaire et des hautes
énergies, par exemple, une augmentation des ventes dans les chemins de
fer, la construction navale, la réfrigération, la
génération électrique, le matériel de stockage, les
automobiles et bien d'autres.
L'argent investi pour forcer ces industries à développer
de hautes technologies a permis de vendre de nouveaux produits
développés, une meilleure mise en production, une augmentation de
produits développés conjointement avec d'autres firmes, aussi une
diminution des coûts de production due à l'intervention du
personnel du CERN ou à l'augmentation des marchés.
Ce qui est plus intéressant, particulièrement pour le
Québec, c'est que l'étude a démontré que ce sont
les petites et moyennes entreprises qui ont montré un
intérêt plus élevé et ont travaillé plus
spécifiquement avec le CERN qui ont eu un gain plus substantiel. Ce sont
elles qui bénéficiaient davantage des recherches en haute
technologie du CERN.
En quantifiant les résultats, l'étude montre que chaque
dollar investi dans les contrats industriels par le CERN a eu une
retombée financière positive équivalente à 4,2 $.
Il est particulièrement important de noter que ces retombées ne
sont pas limitées au domaine pour lequel le contrat a été
donné. Les sommes investies ont une répercussion positive globale
sur toute l'entreprise. L'étude détermine un rapport de
l'augmentation des ventes industrielles à la valeur de l'investissement
fait dans différents domaines. Ce rapport est de 17 dans le domaine de
l'informatique, de 31 dans celui de la machinerie de précision, de 7,3
dans celui des matériaux de soudage. C'est donc dans les domaines de
haute technologie que l'industrie y trouve son profit et devient plus
compétitive. Les retombées de cet investissement s'effectuent
dans une période relativement courte. En moyenne, le temps de
retombée est de 2,2 ans après l'octroi du contrat. Ce sont donc
des fonds qui sont investis qui retombent dans des domaines tout à fait
différents. C'est plus si on investit ces fonds avec une orientation
spécifique pour le développement économique, ce qui n'est
pas le cas dans l'étude. (16 heures)
II est évidemment difficile d'appliquer intégralement les
résultats d'une étude à la situation du Québec.
Mais, au delà des chiffres, la recherche apparaît être un
outil intéressant de développement économique même
lorsqu'elle n'est pas originellement prévue à cette fin. Il va de
soi qu'une recherche planifiée dont l'objectif coïncide avec une
priorité nationale est d'autant plus économiquement rentable. Je
pense qu'un des points qui importent pour nous c'est que fondamentalement le
virage technologique n'est pas nécessairement une injection de fonds
mais c'est aussi un changement de mentalité des "décideurs" qui
peuvent croire que la recherche amène des retombées
économiques. On n'investit pas à fonds perdus dans la recherche;
cela doit rapporter et cela rapporte mais il faut que les gens qui
décident d'octroyer des fonds y croient vraiment. C'est peut-être
cela le défi fondamental du virage technologique.
Pour nous, l'énergie doit demeurer une priorité nationale.
Je pense qu'on doit profiter de la période d'accalmie dans la
flambée des prix pour investir davantage. Un des premiers pas à
effectuer pour investir c'est de savoir où on va s'en aller,
c'est-à-dire d'établir une politique cohérente
d'investissement. Le Québec, comme tous les pays industrialisés,
doit établir sa politique. Ce travail se bute à une marge
énorme d'incertitude que ce soit au niveau des données, des prix,
des disponibilités technologiques ou des méthodes de traitement.
Ces difficultés sont d'autant plus sérieuses que des
délais considérables interviennent entre les décisions et
leur mise en oeuvre. Cependant, il est important, malgré les
incertitudes, d'améliorer la connaissance des besoins
énergétiques futurs. D'ailleurs, les auteurs du livre blanc
affirmaient: "À long terme, le secteur énergétique se
trouve engagé dans un vaste processus de remplacement des sources
d'énergie de base. C'est pourquoi il faut, dès maintenant,
s'intéresser aux horizons de 1990 et de 2000 et même
au-delà."
Partout dans le monde on multiplie les études sur la situation
énergétique future. Le Québec ne fait pas exception
à la règle et cherche à intégrer la dimension
énergétique dans les décisions socio-économiques.
Le gouvernement du Québec a mis beaucoup d'effort, depuis la publication
du livre blanc, dans l'étude de la situation énergétique
à long terme. Dans ce domaine, le Québec sera la première
province canadienne et l'une des premières régions du monde
à intégrer dans sa planification énergétique un
outil de prévision à long terme. L'INRS-Énergie a
été un des initiateurs de ce type de recherche et appuie
fortement l'orientation du gouvernement.
Il est donc essentiel de développer un outil qui permette de
quantifier l'évolution à long terme de la situation
énergétique. Le Québec est actuellement à
l'avant-garde dans l'étude de cette situation; plusieurs nouvelles
méthodologies retent cependant à développer.
Elles concernent surtout la relation offre-demande et la relation
énergie-économie. Ces nouveaux modèles sont
particulièrement utiles pour établir des politiques de
restructuration du secteur pétrolier, l'établissement de
nouvelles politiques industrielles et d'exportation
d'électricité.
Évidemment ces nouveaux besoins de planification et de
réévaluation en matière énergétique ont
créé des exigences nouvelles touchant la disponibilité, la
quantité et la qualité des informations statistiques requises. En
ce sens-là, le Québec a pris du retard par rapport à
d'autres provinces. Le rattrapage ne pourra se faire sans une action
concertée des différents organismes impliqués dans le
domaine. Nous recommandons donc au gouvernement de poursuivre les études
de planification en augmentant la concertation entre les ministères et
les différents organismes qui effectuent de la planification et en
améliorant la qualité et la quantité des informations
statistiques requises.
Nous oeuvrons à l'INRS-Énergie d'un commun accord avec
l'industrie, la petite industrie dans le domaine de l'énergie solaire.
Il peut sembler étonnant au départ qu'on puisse investir dans le
domaine de l'énergie solaire. C'est peut-être la source
d'énergie, peu développée à l'heure actuelle, qui a
le plus de chance de s'implanter pour remplacer, dans une certaine proportion,
le pétrole importé comme source d'énergie au
Québec.
L'énergie solaire va permettre de déplacer une partie des
énergies conventionnelles d'origine fossile. Il s'ensuivra donc une
augmentation de la rentabilité des installations hydroélectriques
et de l'autonomie énergétique du Québec. Bien que le
contexte actuel indique des surplus de combustible, cette situation est
temporaire. Toutes les études prédisent, pour l'horizon 2000, une
pénurie mondiale de ces combustibles, à la suite de
l'épuisement de ces ressources. Or, quand la mise au point d'une
technologie nouvelle exige plusieurs années, il est important de
poursuivre en énergie solaire l'effort déjà consenti et
qui commence déjà à avoir des résultats.
La question d'énergie solaire, c'est évidemment une
question de coût. Si on regarde les tableaux d'énergie de
remplacement, on se rend compte qu'actuellement, pour le chauffage des
piscines, le coût d'énergie solaire revient -on utilise
l'unité du gigajoule par année, de dollar par
gigajoule-année comme coût de remplacement - à 35 $ par
gigajoule-année, alors que si on voulait le remplacer par de
l'électricité, le coût de chauffage serait de 53 $ du
gigajoule-année. Donc le chauffage des piscines est déjà
rentable au solaire.
L'étape suivante est le type de chauffe-eau domestique. Pour
l'instant les coûts sont de 350 $ du gigajoule-année, alors que
l'équivalent électrique est d'environ 100 $ à 105 $ du
gigajoule-année. L'huile est un peu plus élevée, le gaz un
peu plus bas, mais cela se situe à ce niveau. Donc, il y a encore des
pas à franchir avant de rentabiliser des chauffe-eau solaires.
Du côté commercial, c'est déjà beaucoup
mieux, le coût des chauffe-eau se situe autour de 220 $ du
gigajoule-année. Les périodes d'amortissement sont un facteur
majeur dans le coût et, deuxièmement, les dimensions des
installations font chuter les coûts de l'unité, donc le coût
en dollars du gigajoule-année.
Il y a deux façons de diminuer les coûts. C'est d'effectuer
davantage de recherche pour améliorer les produits et de prévoir
des types de subventions éventuellement du type bi-énergie
où on a pu déplacer, en faisant des subventions indirectes au
consommateur, une partie du coût du pétrole. Je pense que c'est un
gain global pour la province, même si au niveau du consommateur comme
tel, c'est un échange à peu près équivalent dans le
contexte actuel.
Le Québec possède la plus grosse compagnie de capteurs
solaires qui avait un chiffre d'affaires d'environ 4 000 000 $ en 1981 et dont
30% est allé au marché de l'exportation. Le chiffre d'affaires
canadien, en 1981, a excédé 20 000 000 $ à partir de 5 000
000 $ qu'il était en 1979. Les exportations représentaient 17%
des ventes totales. Par ailleurs, certains produits solaires récemment
mis au point font l'objet de négociations avec les pays étrangers
en vue d'exporter la technologie québécoise. Ce sont là
des embryons qu'il faudra exploiter au maximum. À cet effet, à la
suite d'une subvention du ministère de l'Énergie et des
Ressources qui date de 1981, l'INRS-Énergie a mis au point et a
développé un nouveau type de capteur solaire qui utilise le
fréon comme caloporteur et l'aluminium comme élément de
structure, ce qui a permis de diminuer les coûts de production du
système de 350 $ à moins de 300 $ du gigajoule-année. Le
produit final doit sortir bientôt de sorte que, selon la production, on
pourra fixer exactement le coût. À la suite du succès de ce
type de capteur, certains disent qu'on est six mois, d'autres qu'on est deux
ans en avance dans la compétition. C'est toujours difficile à
juger; c'est lorsque le produit sera sorti qu'on verra. On est en avance dans
la compétition. Une entente de principe est intervenue hier, en fait,
avec la compagnie Nouveler pour la commercialisation et la production du
capteur solaire développé à la suite de la subvention du
ministère de l'Énergie et des Ressources. Je pense que
c'était une subvention de l'ordre de 240 000 $. C'était
peut-être osé à l'époque d'investir 240 000 $.
On a un exemple frappant que des résultats sont possibles et je
pense qu'il faut les souligner. Le marché québécois est
limité actuellement. Cependant, le marché étranger est
aussi intéressant et je pense que l'INRS a déjà eu des
offres et des demandes de la part du Japon pour pouvoir aussi commercialiser ce
capteur. Le tout se fera maintenant par la compagnie Nouveler qui est mieux
équipée que l'INRS peut l'être pour développer ce
capteur au Québec et la production devrait se faire au Québec.
C'est un exemple qui a marché. Il me fait plaisir de le souligner, parce
que souvent on nous reproche de ne pas avoir de résultats très
probants. Je pense que celui-là l'est et je crois que Nouveler, dans sa
présentation, pourra vous donner plus de détails sur son
marché potentiel et ses études de marché pour le capteur
solaire.
En conclusion sur l'aspect de l'énergie solaire, le R et D
commence à produire des résultats par l'apparition sur le
marché national et sur le marché d'exportation de systèmes
caractérisés par une technologie originale et concurrentielle. Le
Québec dispose d'une position privilégiée à cet
égard. La technologie solaire active est intensive en matériaux
primaires tels l'aluminium. La technologie solaire fait appel à une
main-d'oeuvre qui existe déjà et qu'on retrouve au sein de firmes
de génie-conseil et dans les métiers traditionnels tels que la
plomberie, la réfrigération, la ferblanterie, etc., ce qui
encouragera la poursuite de ces activités.
Le Québec dispose de la structure et de l'expertise
nécessaire à la recherche. D'une part, plusieurs
départements universitaires oeuvrent déjà dans ce domaine.
D'autre part, le centre d'essai d'équipement solaire de
INRS-Énergie a pour mission d'aider les manufacturiers de l'Est du
Canada à développer leurs produits. Enfin, les industries
elles-mêmes ont développé de petits noyaux de chercheurs.
L'industrie solaire au Québec est la plus agressive de toute l'industrie
canadienne, tant au niveau de l'innovation technologique que par la
qualité et l'extension de son réseau de ventes à
l'exportation.
Pour les raisons énumérées plus haut, nous croyons
qu'il est impérieux de poursuivre et d'augmenter l'effort consenti
jusqu'à présent afin de rentabiliser la position
privilégiée que la recherche québécoise s'est
acquise dans ce domaine. Ce potentiel de retombées économiques ne
se réalisera qu'à certaines conditions. Nous recommandons que les
actions suivantes soient entreprises: que le gouvernement du Québec
donne son appui et encourage les efforts des industries
québécoises pour obtenir une part grandissante du programme de
démonstration fédérale et, à l'occasion,
subventionne certains projets de démonstration plus pertinents au
Québec; que le Québec complémente les mesures incitatrices
fédérales à l'utilisation de l'énergie solaire,
comme il le fait dans certains cas pour les économies d'énergie;
que le gouvernement du Québec, par l'intermédiaire du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, favorise la
participation des industries aux missions commerciales à
l'étranger afin de stimuler les exportations; qu'une meilleure
concertation des intervenants, ministères, instituts,
universités, organismes subventionnaires en R et D soit
réalisée afin d'assurer l'adéquation entre les besoins de
l'industrie et les travaux de recherche; finalement, que le ministère de
l'Éducation, en concertation avec le ministère de
l'Énergie et des ressources, favorise la recherche dans le domaine du
stockage par l'entreprise de son programme d'action concertée FCAC.
Il est clair que l'aspect stockage de l'énergie solaire, sous
quelque forme que ce soit, chimique, thermique, etc., représente un
défi. En fait, ici, il y a un certain parallèle avec
l'électrochimie, puisque l'une des façons de faire ce stockage
passe par l'électrochimie; donc, je rejoins mes patrons
là-dessus. Mais, je pense que cet aspect de stockage devrait faire
l'objet d'une action concertée. (16 h 15)
Finalement, le dernier point sur lequel je voudrais insister, et qui a
fait l'objet d'un second mémoire parce que la situation a
évolué dans le domaine, c'est au sujet de la fusion
thermonucléaire et, en particulier, du volet de développement par
confinement inertiel. Je ne reviens pas sur la fusion. Je suppose que vous
savez ce que c'est. De toute façon, si vous voulez l'apprendre, vous
avez les outils pour le faire.
Le Canada possède un programme national de fusion. Ce programme a
pour but, à long terme, d'établir et de maintenir les
compétences nécessaires à la mise au point
éventuelle d'un réacteur. Je pense que personne ne prétend
qu'on peut, seul, développer un réacteur. Ce qu'on vise, c'est de
pouvoir développer des industries qui, elles, pourront s'insérer
dans le marché international. C'est déjà fait dans le cas
du programme de confinement magnétique qui est installé à
Hydro-Québec, à l'IREQ, dans lequel oeuvre l'INRS. On a
déjà, à l'INRS-Énergie, développé un
détecteur qui a été transféré à
l'industrie et qui est maintenant disponible sur le marché et ce, au
tout début du programme. Je pense qu'il y a une volonté ferme
d'orienter tout le projet dans ce sens.
Nous devons donc atteindre un niveau adéquat de
préparation industrielle. Il faut rattraper, aussi efficacement et
rapidement que possible, le niveau international de la recherche et du
développement en fusion
contrôlée et ainsi rayonner, dans les cercles
internationaux, par des travaux scientifiques et techniques originaux. Le
Québec s'est acquis une place enviée en fusion
thermonucléaire. Il a su rassembler et former, au cours des dix
dernières années, les compétences scientifiques
nécessaires et se doter d'infrastructures capables d'effectuer la
recherche et les transferts technologiques dans les principales avenues de la
fusion: le confinement magnétique et inertiel.
Il est important de noter que l'investissement, dans un laboratoire de
haute technologie du type Tokamak de Varennes, place l'industrie
québécoise dans une excellente position pour
pénétrer le marché d'exportation évalué
présentement à 2 000 000 000 $, marché qui devrait doubler
au cours des dix prochaines années. Ce marché est
particulièrement prometteur pour l'industrie et
l'électrotechnique de la robotique et de l'informatique de
contrôle.
Le Québec a donc obtenu le premier jalon du programme canadien de
fusion par la construction sur son territoire du Tokamak de Varennes. Maintenir
l'avance acquise ne sera pas facile. Il est évident que l'Ontario a vu
d'un très mauvais oeil s'installer au Québec une partie
importante du programme canadien de fusion. Cette province, qui a toujours su
attirer le maximum d'industries de haute technologie, reconnaît
l'importance de l'impact des centres de recherche et de développement.
La réaction de l'Ontario ne s'est d'ailleurs pas fait attendre. Peu de
temps après la signature du contrat de Tokamak de Varennes, le
gouvernement de l'Ontario, l'Ontario-Hydro et le CNRC mettaient sur pied le
second volet du programme canadien en fusion: les études sur les
combustibles de fusion et sur les matériaux. Cette action
représente pour l'Ontario la façon d'entrer dans le domaine de la
fusion thermonucléaire et de créer ou de maintenir les industries
sur son territoire.
Le gouvernement du Québec a déjà indiqué son
intention d'accueillir tous les éléments de la recherche en
fusion. On sait déjà que le volet sur les matériaux lui a
échappé. Il reste celui sur le confinement inertiel. Ce volet,
qui est complémentaire à celui sur le confinement
magnétique, doit être récupéré par le
Québec. Le Conseil national de recherches a commandité une
étude sur la pertinence du programme canadien en confinement inertiel.
Cette étude a pour but de fixer l'ampleur et les orientations de la
recherche en fusion par confinement inertiel. Le Québec possède
déjà un noyau de scientifiques avantageusement reconnus au plan
international, capables d'assurer la qualité scientifique d'une
activité en confinement inertiel. Il existe de plus au Québec
plusieurs industries qui fabriquent des lasers et qui pourraient collaborer
à ce proramme. Le Québec doit agir maintenant pour revendiquer
l'implantation de ce laboratoire national afin d'assurer le
développement et la survie de son industrie de pointe.
Il nous paraît donc important que des mesures soient prises pour
assurer cette réalisation, en particulier, que le gouvernement ait un
dossier actif dans le domaine de la recherche en fusion contrôlée
par laser dans le but de faire pression sur le gouvernement canadien et
d'assurer la mise en place d'un laboratoire national de recherche en fusion par
laser et de son installation au Québec. Que le gouvernement du
Québec considère la possibilité de défrayer une
partie des coûts des investissements nécessaires à
l'installation d'un tel laboratoire - édifices, terrains ou 50% de
l'investissement initial requis - de façon à encourager son
implantation et son installation sur le territoire.
Il y a peut-être une question qui vient dans la tête des
gens en disant: Bon, on met, via Hydro-Québec, via les
universités, une certaine somme en recherche. Quel est le montant qu'un
gouvernement peut se permettre d'investir en fusion? On est d'accord que c'est
une technologie pour le tournant du siècle. Quelle est la part?
J'aimerais prendre l'exemple de la Communauté économique
européenne qui n'est pas nécessairement le groupe de pays le plus
dynamique en fusion. Je pense que les Américains et les Japonais en
particulier investissent des sommes de loin supérieures, mais la CEE a
un problème d'importation de pétrole globalement semblable
à celui du Québec, 60%, 65% d'énergie importée.
La Communauté économique européenne vient d'adopter
son budget sur la fusion et elle a pris un chiffre qui est égal à
0,3% d'importation de produits fossiles. Le budget de la fusion est 0,3% du
coût de l'importation, de la quantité d'importation. C'est un
ordre de grandeur. Si on fait ce même rapprochement au Québec, si
on dit, l'investissement dans l'avenir vaut 0,3% de notre consommation de
pétrole importé, quel chiffre obtient-on? Si on estime à
environ 5 000 000 000 $ les coûts d'importation de pétrole, on
aboutit à une somme d'environ 15 000 000 $ par année en fusion.
Le Québec en investit actuellement, via Hydro-Québec, environ 6
000 000 $ par année, il reste 9 000 000 $ pour un centre en confinement
inertiel. C'est une dérogation un peu rapide, mais quand même qui
voudrait souligner l'importance d'investir dans l'avenir, d'y accrocher
quelques chiffres. Celui-là tombait bien, j'en conviens; j'en ai
profité pour le souligner, mais cela montre quand même qu'on doit
conserver un intérêt dans le domaine.
Je pense que l'investissement d'un certain montant attirerait des fonds
fédéraux
supplémentaires et cela est un acquis majeur. Je pense que je
vais terminer là-dessus, sur cette note optimiste en tout cas en ce qui
me concerne. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Merci infiniment. Je pense que vous avez mis sur la
table un ratio qui pourrait peut-être faire son chemin. Vous avez raison
de rappeler la vérité des chiffres parce que quand on parle avec
nos gens au Québec et que moi bien sûr j'ai peut-être
l'occasion de le faire en étant plus près du dossier de
l'énergie, c'est avec très peu de crédulité que nos
gens entendent le fameux chiffre de 5 000 000 000 $. Nous, on travaille sur la
base de 4 800 000 000 $; à ces hauteurs, on ne se chicanera pas
longtemps. Je pense que c'est un bon ordre de grandeur. On dirait que les gens
ne réalisent pas l'ampleur de la sortie de fonds pour payer des
énergies fossiles importées. C'est pourquoi le premier des axes
de la politique énergétique du Québec a été
de se sortir de ce dossier qui draine autant de dollars à
l'étranger et essayer de mettre l'accent sur nos propres ressources
hydroélectriques, en particulier: une plus grande efficacité; par
exemple, des programmes d'économie et de conversion, de conservation
aussi. Vous ouvrez un volet intéressant. Évidemment, tous ceux
qui travaillent dans l'une ou l'autre des filières des énergies
nouvelles prétendent qu'ils ont la solution.
Avant de venir aux salaires, parce que c'est un dossier qui
m'intéresse, bien sûr, je voudrais peut-être que vous nous
parliez un peu plus de la mécanique d'analyse sur laquelle vous
travaillez, que vous appelez vos grilles d'analyse technico-économique.
En fait, tout le monde s'essaie un peu à la futurologie dans un pareil
dossier, avec l'avantage que travaillant au futur présent ou au futur
composé, on a toujours raison autour de la table. Je sais que
INRS-Énergie, mon propre ministère et un groupe de Grenoble
travaillent sur un nouveau modèle. J'aimerais savoir où vous en
êtes rendus là-dessus et si vous avez testé nos propres
scénarios de prévisions quant aux composantes du bilan
énergétique.
On est en 1983, on essaie d'aller chercher les meilleurs chiffres
possibles pour arrêter des objectifs, pour voir si on a ensuite les
moyens de les atteindre. Est-ce qu'on travaille sur la lune ou si on travaille
sur du concret quand on ambitionne, par exemple, dans les grandes composantes
qui ont été arrêtées par notre propre politique
énergétique, d'abord de se dégager le plus rapidement
possible des énergies importées, que ce soit le pétrole ou
le gaz et qu'à l'horizon de 1990 on voudrait que la composante
hydroélectrique soit de 41%, pour l'an 2000 de 50%, que le gaz naturel,
qui était de l'ordre de 6% ou 7% en 1975, monte à 14%, .16%
à l'horizon de 1990, et à 18% et même plus à
l'horizon de l'an 2000, ce déplacement se faisant bien sûr au
détriment du pétrole importé?
Devant cette commission, il y a beaucoup d'intervenants qui
présentent leur point de vue. Il y a des groupes qui viennent
défendre des intérêts et c'est parfaitement légitime
aussi. Je pense, entre autres, à ceux qui, traditionnellement, avaient
l'habitude de livrer de l'huile à chauffage et qui voient tantôt
leurs clients se brancher sur un capteur solaire ou encore s'en aller au gaz
naturel ou à l'électricité dans un programme
biénergie ou polyénergie. C'est le grand désastre. Ces
gens sont tentés de nous dire: Allez peut-être dans cette
direction mais n'y allez pas si rapidement.
Si mon souvenir est bon, on gardait dans notre bilan, je crois, 1% pour
le charbon, et pour les énergies nouvelles on est autour de 2%.
Personnellement cela m'a toujours paru faible. Puisque vous êtes des
vendus au soleil est-ce que l'ensemble de ce scénario dans les grandes
composantes d'abord, ce que l'on fait comme projection sur l'horizon de 1990 et
l'an 2000, cela vous apparaît réaliste?
Le deuxième volet de ma question serait de vous demander: Est-ce
que la part faite aux énergies nouvelles est suffisante ou s'il faudrait
qu'on mette davantage d'argent dans la recherche et dans le
développement? Je ne sais pas qui peut répondre.
Une voix: M. Lemay.
M. Lemay (André): Si vous pouvez me permettre, M. le
ministre, il y a trois volets. Pour le premier volet, quant au point où
on en est rendu dans nos études, je crois que M. Lafrance pourrait
tenter une réponse de ce côté.
M. Lafrance (Gaétan): Oui. En ce qui concerne les plus
récentes prévisions qu'on a, elles vont être soumises dans
un mois à l'école des HEC en collaboration avec votre
ministère. En fait il y a un séminaire organisé par
l'INRS, les HEC et le ministère de l'Énergie et des Ressources
pour présenter les résultats de nos prévisions sur notre
modèle à long terme. Je n'aimerais pas... Je n'ai pas les
chiffres ici pour vous les présenter mais cela sera officiel très
bientôt. On peut donc dire que du côté de la
prévision de la demande actuellement on a un modèle qui sera
utilisable par le ministère ces jours-ci ou très bientôt;
par conséquent, on a rempli une partie de notre mission en ce sens,
c'est-à-dire que ce qui reste à faire maintenant c'est
d'améliorer les informations statistiques.
Donc au point de vue de la modélisation, d'après nous
c'est à point au niveau de la demande. Évidemment, pour ce qui
est d'un modèle global, ce n'est pas à point parce que partout
dans le monde c'est un des grands axes de recherche actuellement. C'est qu'on
essaie de faire un modèle global des prévisions
énergétiques, et à long terme si possible, où on
tient compte à la fois de la demande, de l'offre de l'énergie et
aussi des relations énergie-économie. Je pense que maintenant on
va justement mettre l'effort sur ces deux nouveaux axes, c'est-à-dire
essayer de bien comprendre les relations entre l'offre et la demande et les
relations entre l'énergie et l'économie. (16 h 30)
En ce qui concerne la demande, ce que je peux vous dire dès
maintenant c'est qu'avec Hydro-Québec on s'entend pas mal sur les
prévisions. Cela ne veut pas dire que ce sont les bonnes
prévisions, mais au moins on s'entend sur les hypothèses. C'est
assez récent; je pense que cela remonte à environ deux ou trois
ans ou même à trois ou quatre ans. C'est-à-dire que
maintenant on a la même base de données ou presque; donc, les
hypothèses ne peuvent pas être très divergentes. Dans ce
sens, les prévisions se ressemblent beaucoup. Historiquement, il y avait
un seul organisme de prévisions à long terme, c'était
Hydro-Québec. Maintenant, il y a, en fait, un deuxième organisme
de prévision qui est le gouvernement. Donc, cela a permis d'avoir une
meilleure concertation entre les organismes publics et aussi de ramasser les
informations pertinentes. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, dans une
prévision à long terme, on est obligé de tenir compte de
l'ensemble des facteurs qui jouent sur la demande énergétique.
Alors, il faut aussi aller voir les prévisions économiques, les
prévisions de politiques ou les prévisions de technologie, ce
qu'on ne fait pas nécessairement dans un modèle de
prévisions à moyen terme ou à court terme où on
prend des modèles économétriques ou mathématiques,
où on ne tient pas compte de tous les paramètres. En ce sens,
cela a permis de ramasser beaucoup d'informations qu'il y a partout, dans tous
les ministères. Cela permet aussi une meilleure concertation entre les
ministères; donc, des politiques plus cohérentes au niveau du
gouvernement, finalement.
Je ne sais pas si cela répond à votre premier volet.
M. Lemay (André): Quant au deuxième volet, M. le
ministre, je crois que les énergies nouvelles, pour être
réaliste, ne réussiront jamais à combler un pourcentage
très élevé de nos besoins énergétiques,
même en l'an 2000 ou au tournant du siècle. Mais, même si ce
n'est que quelques points de pourcentage, 3% ou 4%, quand on regarde les sommes
impliquées, je crois qu'on a tout avantage à
accélérer la recherche et à pousser les
développements de ce côté, en particulier. En effet, comme
l'a dit M. Martel tout à l'heure, si on tombe dans le solaire, par
exemple, on peut faire appel à des disciplines de travail qu'on a
déjà et qui sont en voie d'être menacées par toutes
sortes de progrès de l'informatique et de la robotique. Alors, je crois
qu'il peut être intéressant de pousser de ce
côté.
M. Martel (Jacques): Je peux peut-être compléter.
L'objectif fixé par le ministère semble réaliste. Je pense
que, pour l'atteindre, il faut continuer à travailler,
c'est-à-dire qu'il ne s'atteindra pas de lui-même. Il faut noter
que, de par leur définition ou presque, toutes les énergies
nouvelles - et cela s'applique certainement au solaire - sont plus
difficilement implantables à cause de leur exigence de capital au
départ, c'est-à-dire que leur coût d'achat est
élevé. Comme on sait très bien qu'un consommateur normal
ne regarde pas vraiment les périodes d'amortissement ou le prix de
revient échelonné sur une certaine période - mettre un
système solaire, le système SACPAF celui dont je vous parlais
tout à l'heure, peut coûter environ 2000 $ d'installation -
même si on peut lui prouver que, au bout de X années, il y a une
rentabilité pour lui, il sera plutôt prêt à conserver
son vieux système; il n'y a pas de comptabilité économique
au niveau de l'individu. Je pense que c'est dans l'État de New York
qu'on avait fait un effort pour démontrer aux gens que le
système, avec les subventions et tout cela, était
économiquement rentable et le programme a été
partiellement un échec. Le gens ne font pas ce calcul. On achète
pour sa maison et on regarde uniquement le coût d'investissement. Cela
nuit. C'est une des composantes. L'autre, c'est que les systèmes actuels
sont encore trop chers. Je pense que, tant que ces systèmes ne seront
pas moins chers... Donc, pour survivre pour l'instant, l'industrie a besoin de
programmes de subventions.
Pour ce qui est du niveau, il faut peut-être noter que le dernier
programme de recherche du CNRC dans le domaine de l'énergie solaire est
d'un montant global de 78 000 000 $. Donc, même si ce ne sont pas les
montants initiaux, ce sont quand même des sommes importantes qui sont
investies pour la recherche dans ce domaine et le développement. C'est
beaucoup de programmes de développement et non de recherche pure au sens
universitaire du terme.
M. Duhaime: Écoutez, je comprends que nos avantages
énormes en hydroélectricité
sont au désavantage des énergies nouvelles en quelque
sorte. La Belgique, qui a un parc hydroélectrique de 2000
mégawatts et pas d'autre potentiel, est condamnée à aller
dans la filière nucléaire et à imaginer des programmes de
recherche et de développement dans les énergies nouvelles. Les
chiffres nous ramènent toujours à un coût marginal de
production. Je sais qu'en Californie, récemment, ils ont inauguré
une des plus grandes centrales solaires, je crois que c'est 10 mégawatts
de puissance installée. Cela fait déjà quelques mois que
j'ai passé là-dessus. J'ai fait faire le calcul quant au
coût marginal de production au kilowattheure par cette centrale par
rapport au coût marginal de production du dernier kilowattheure sorti de
la dernière centrale, du dernier groupe de turbines sur la
rivière La Grande. Comme on dirait chez nous, il n'y a rien là
pour nous autres. Même en tenant compte de cela, votre
intérêt pour l'énergie solaire m'a intéressé.
Je vous dirai bien honnêtement, quand j'ai décidé d'aller
de l'avant avec - aussi bien faire le commercial maintenant - Fibratech; on a
mis 250 000 $ là-dedans. Je peux vous dire tout de suite que, si vous
avez d'autres projets comme celui-là, je serais prêt à
risquer encore 250 000 $ parce que cela revient vite.
Je sais aussi qu'on a un autre projet avec votre groupe qui est une
firme qui s'appelle je dirais Pétrosoleil, car cela s'appelle Petrosun,
où là aussi on a avancé un montant d'argent de soutien. Je
pense que ce ne sont pas essentiellement des gestes ad hoc dans des dossiers.
Ce matin cela a été évoqué par un professeur de
Polytechnique, quant à lui on ferait une erreur de fermer des
filières de recherche. On devrait plutôt maintenir l'effort dans
tout le tableau quitte à établir certaines priorités en
fonction de nos avantages comparatifs, l'électrochimie par exemple et
tout ce qui touche à l'exploitation d'hydroélectricité
puis du potentiel énorme qui existe encore au Québec, toujours en
fonction du coût marginal de production. On aura beau inventer tout ce
qu'on voudra dans nos laboratoires, s'il n'y a pas de marché un jour
pour ces produits cela restera quand même une excellente idée.
Je voudrais peut-être - je ne suis pas un spécialiste des
questions de fusion nucléaire, je sais que mon collègue
d'Outremont lui porte beaucoup d'intérêt -dans un premier temps,
avant d'aborder cette question-là, dire que j'apprécie
énormément l'appui que vous avez manifesté jusqu'à
présent et que vous continuez dans le dossier du Centre de recherche en
électrochimie. Je peux vous dire que ma crainte, c'est qu'au niveau du
gouvernement fédéral on décide de jouer solo dans ce
dossier et de mettre de côté complètement l'offre de
collaboration que j'ai formulée à plusieurs reprises à au
moins deux ministres de l'Énergie au niveau fédéral. Je
vous dirai que nous avons une avance au dossier, je pense que tout le monde le
reconnaît. Je ne suis pas prêt à dire que cela revient au
Québec de droit. Quand on regarde l'ensemble du dossier et les
dépenses du fédéral dans la recherche scientifique, ce
serait peut-être un des dossiers qui nous permettraient de faire certains
rattrapages.
Si je peux y ajouter mon couplet régional aussi, il n'est pas
écrit dans le ciel que cela devrait se retrouver nécessairement
à Montréal ou à Québec. Quant à un centre de
recherche en électrochimie, l'INRS étant une constituante de
l'Université du Québec et l'Université du Québec
étant déjà implantée aux Trois-Rivières, il
y aurait peut-être des jonctions à la fois scientifiques et
utiles.
Je vais terminer tout simplement. Je voudrais peut-être que vous
nous parliez un peu plus de l'état du dossier. Je sais qu'à
Varennes on travaille au projet Tokamak, qui a été
implanté maintenant. Vous formulez ce que je comprends être des
inquiétudes pour ne pas dire des craintes face à l'offensive,
sans aucun doute bien légitime mais traditionnelle en même temps,
de l'Ontario. Quelles sont nos chances réelles d'aller chercher ce
centre de recherche que vous appelez fusion par confinement inertiel qui va
déboucher sur le laser? J'avoue être un peu profane dans ce
dossier-là. J'aimerais savoir exactement où on en est avec
cela.
M. Martel (Jacques): L'étude commanditée par le
CNRC doit être déposée dans deux semaines. Les échos
que j'ai pu avoir de cette étude montrent clairement que l'axe
industriel actuel d'industries touchées par le volet confinement
inertiel se situe entre Québec et Toronto. Le noyau des industries de
pointe de laser se situe de ce côté-là. Le volet
confinement inertiel a été pendant un certain temps le premier
qui voulait être implanté. Il y a eu des revers de fortune dans
les politiques. Il est toujours de la volonté du CNRC de voir à
son implantation. Les provinces intéressées: certainement
l'Alberta ou la Colombie britannique qui voudraient récupérer une
partie du dossier. Je pense que les chances du Québec... La raison pour
laquelle le confinement magnétique est venu, c'est qu'il y a eu une
initiative de dire: On est prêt à défrayer une certaine
somme pour en faire un genre de projet conjoint, sans le mot; c'est cela qui a
fait pencher la balance du côté du Québec. C'est pour la
période initiale; par la suite, les questions sont à
renégocier. On entrevoit que les chances du Québec au point de
vue industriel sont là; au point de vue universitaire, avec
l'Université Laval, l'Université de Montréal et
l'École
polytechnique qui ont des travaux en laser ainsi que l'INRS, on forme
probablement le plus gros noyau de scientifiques dans le domaine du confinement
inertiel au Canada. On est peut-être un peu dispersés, mais on a
une volonté commune; l'Université Laval nous appuie dans ce
volet. On a le noyau de scientifiques, on a le noyau d'industriels; la
compétition est entre Ontario, le CNRC qui a ses propres programmes en
fusion inertielle et l'Alberta. Je pense qu'on a de meilleures chances au point
de vue technique et scientifique; le reste relève du domaine de la
politique et là, j'y perds certainement mon latin.
M. Duhaime: Des fois. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Surtout avec le premier ministre qui est toujours en
train de dire mutatis mutandis.
On va continuer avec le solaire pendant un certain temps. On parlait
tout à l'heure d'une application qui est courante soit celle du
chauffage des piscines. Est-ce que j'ai tort ou raison de dire que cette
application qu'on calcule dans le progrès de l'énergie solaire
est faite par des gens qui normalement n'auraient pas chauffé leur
piscine, mais qui la chauffent parce qu'ils reçoivent des subventions?
Est-ce qu'il y a un attrait spécial ou si on peut dire que c'est une
substitution ou plutôt une façon pour certaines personnes
d'être à la page? Autrement dit, dans ces énergies
nouvelles, je me demande toujours s'il s'agit d'une substitution ou d'un
attrait pour une nouvelle forme d'énergie et qu'on ne peut pas
réellement parler de substitution. Je sais bien que cela n'est pas
facile à évaluer, mais quelle est votre propre
évaluation?
M. Martel (Jacques): II y a beaucoup de gens qui chauffent leur
piscine, plus que ne je l'aurais cru. C'est une consommation énorme; les
gens dépensent plus d'argent dans le chauffage de leur piscine... j'ai
un collègue qui la chauffe à l'huile et c'est pire. Beaucoup de
personnes le font non par l'attrait, mais parce qu'ils aiment une piscine plus
chaude. C'est quand même un investissement un peu curieux, mais le
marché véhiculé par les vendeurs de piscines fonctionne
très bien, étonnamment bien, de sorte que je suppose que c'est
plus que seulement un attrait du "gadget" mais bien un système qui
fonctionne. Le système coûte peu cher, il est très simple,
de sorte que tous ceux qu'on a rencontrés sont très satisfaits du
chauffage de piscine par un capteur solaire. Je pense qu'il y a certainement
une partie qui découle d'un élément "fashionable", mais la
majorité comprend des gens qui, normalement, auraient chauffé
leur piscine à l'électricité durant l'été.
(16 h 45)
M. Fortier: J'aimerais avoir quelques explications sur le nouveau
modèle de chauffe-eau que vous avez développé. Vous avez
signé une entente avec Nouveler. Est-ce que vous l'avez offert à
des gens du secteur privé ce...
M. Martel (Jacques): En fait, le système avait
été développé avec une firme privée
qui...
M. Fortier: Si vous voulez me laisser terminer ma question.
M. Martel (Jacques): Oui.
M. Fortier: Vous dites dans votre texte - je pense que c'est vrai
- qu'on a au Québec la chance d'avoir une compagnie qui réussit
très bien. D'ailleurs, c'est un de mes anciens employés et j'en
suis très fier. Il était dans le nucléaire et il est
passé au solaire; comme transfert, c'est extraordinaire...
M. Duhaime: II a vraiment réussi!
M. Fortier: Alors, on a une compagnie qui réussit
très bien et je sais qu'elle est très agressive dans le marketing
national et international. Je vois que vous avez signé une entente avec
Nouveler. Je n'ai rien contre Nouveler, mais j'aurais pensé que, compte
tenu du fait que Nouveler, à mon avis, n'a jamais fait de marketing dans
le domaine solaire en particulier, pour eux ce sera une nouvelle chose à
développer, cela aurait été beaucoup plus profitable
d'aider plutôt une compagnie privée qui existe déjà,
qui oeuvre déjà dans ce domaine et qui a été
implantée au Québec au départ. Pourquoi être aller
à Nouveler si Petro-Sun, pour la nommer, aurait pu le faire beaucoup
mieux?
M. Martel (Jacques): En fait, c'est partiellement historique, en
ce sens que nous oeuvrions avec - il y avait deux compagnies qui faisaient des
capteurs solaires au Québec; actuellement, il y en a trois au total -
cette compagnie. La compagnie qui effectuait cette recherche devait y mettre de
ses propres fonds. Donc nous étions liés à elle pour lui
offrir le développement du produit. Par la suite, la compagnie a
manqué de capital de risque...
Une voix: De liquidité.
M. Martel (Jacques): ...de liquidité pour
développer le produit et a fait une demande
à Nouveler pour obtenir le capital de risque requis pour la mise
en service. C'est donc la compagnie - ce n'est pas nous - qui a trouvé
Nouveler. Par la suite, les histoires se sont compliquées, comme souvent
c'est le cas avec les petites ou les TTE, les "tites tites" entreprises, qui
sont sur le bord de la faillite un peu tout le temps. C'est le lien qui a
été établi par la compagnie. Donc, nous, indirectement, on
a suivi le développement et finalement c'est Nouveler qui met le
capital. Alors, il y a une entente qui dépasse nos
prérogatives.
M. Fortier: Dans le fond, ce que vous dites, c'est que la
société - je ne sais pas de laquelle vous parlez...
M. Martel (Jacques): Fibratech.
M. Fortier: ...va être impliquée dans la mise en
marché et Nouveler va être... Non?
M. Martel (Jacques): C'est-à-dire que je ne connais pas
les détails de...
M. Fortier: L'entente exacte?
M. Martel (Jacques): ...la transaction. Vous pourrez
peut-être poser la question à qui de droit. Mais c'est que, pour
nous, c'était la suite. Par ailleurs, on travaillait
parallèlement avec Petro-Sun dans une autre compagnie et pour nous il
est très important, quand on développe un produit avec une
industrie, d'assurer cette industrie qu'il n'y a pas de coulage d'information
entre l'une et l'autre. Alors, on tient les dossiers strictement
séparés. On avait avisé Petro-Sun: On travaille là,
on est capable de travailler. Le type de capteur développé par
Petro-Sun, grâce à une subvention, est en développement; au
départ c'est un capteur un peu plus pour le marché international.
Ce que je veux dire...
M. Fortier: Vous comprenez ma préoccupation. Ma
préoccupation c'est que Nouveler, je sais qu'elle a été
créée avec Hydro-Québec, la SGF, etc., pour le capital de
risque. Mais si on essaie de développer des PME au Québec, il va
falloir que... Je me posais la question si Nouveler s'était
approprié cela, alors que vous aviez...
M. Martel (Jacques): Je ne pense pas que ce soit une question
d'appropriation, c'est une suite de transactions, de demandes d'aide. Je pense
qu'elle avait demandé directement à la SDI ou à d'autres.
C'est simplement une suite de petits pas qui a amené Nouveler à
s'impliquer davantage que peut-être ils l'auraient fait si cela avait
été négocié différemment au
début.
M. Fortier: À la page 14, vous faites des recommandations:
"Que le gouvernement du Québec donne son appui et encourage les efforts
des industries québécoises pour obtenir une part grandissante du
programme de démonstration fédéral et,
deuxièmement, que le Québec complémente les mesures
incitatives fédérales." Dans les énergies nouvelles je
pense que nous sommes la seule province qui n'a pas signé avec le
fédéral. Comme de raison, cela coupe un peu les fonds. Au
Québec, le fédéral a institué son propre programme
dans ce secteur. Est-ce que c'est un peu à cela que vous faites allusion
quand vous dites qu'il faudrait que le Québec participe davantage? Parce
que là on parle d'un programme qui existe pour toutes les autres
provinces excepté la nôtre, où les autres provinces ont
accepté de mettre 50% des montants qui étaient impliqués
dans les énergies nouvelles.
M. Martel (Jacques): Ce n'était certainement pas du
côté politique que notre demande était faite. Pour nous
c'était de permettre, quelle que soit la mécanique voulue -
est-ce que c'est celle-là, est-ce que c'est une autre? je ne le sais pas
-d'aller chercher des fonds d'Ottawa afin qu'ils reviennent au Québec
pour favoriser l'industrie. Je pense que ce n'est pas plus complexe que cela,
mais on sait qu'ils dépensent de l'argent, on sait qu'ils en mettent
dedans, et je pense qu'il est important que les industries puissent aller
récupérer ces fonds-là de la façon qui sera
certainement la plus appropriée ou conforme aux vues de tout le monde;
je pense que ce sont les résultats qui comptent. On laisse à
d'autres le soin de la technique, du moment que les résultats sont
là.
M. Fortier: Pour revenir à la question qu'on a
posée ce matin à d'autres... On a entendu des gens qui nous ont
dit: Écoutez, l'hydrogène, c'est l'énergie de l'avenir;
l'électrochimie, c'est bien important; il faut continuer dans la fusion.
Est-ce que le Québec peut se permettre toutes ces priorités en
même temps ou est-ce qu'on devrait choisir? Le message qu'on entend,
c'est de dire, comme vous dites, que la fusion, c'est extrêmement
important et qu'il faudrait continuer. Il faudrait bien obtenir le laboratoire
d'électrochimie; il faudrait investir beaucoup d'argent dans
l'hydrogène. Si on additionne toutes ces demandes prioritaires, est-ce
qu'on s'illusionne tous autour de la table ici en supposant que l'on puisse
répondre à toutes ces demandes qui vont dans différentes
directions pour des énergies nouvelles qui vont venir après l'an
2000 probablement?
M. Martel (Jacques): Je pense que c'est difficile de dire si on
peut tout soutenir. Ce qui est important, c'est de réaliser qu'un
effort majeur doit être fait en recherche et développement
et que là, on a du rattrapage sérieux à faire. Quand je
parle du virage technologique - et je mentionnais que c'était vraiment
dans la mentalité - je pense qu'on peut certainement se permettre des
efforts majeurs et de loin supérieurs à ceux qui sont faits
actuellement en recherche et développement et démonstration du
côté énergétique, d'une part parce que je pense que,
comme le montre l'étude, c'est aussi rentables sinon plus rentable que
de faire des routes. Donc, c'est certainement plus rentable que de payer de
l'assurance-chômage.
M. Fortier: C'est au Québec... Mais j'aimerais...
M. Martel (Jacques): Non. On ne fait pas plus de recherche pour
le nombre de routes.
M. Fortier: Non, mais cela m'intéressait ce que vous avez
dit tout à l'heure. Je voudrais que vous me le redisiez. Vous avez dit
tout à l'heure que les investissements dans le domaine de la recherche
peuvent provoquer un développement économique et que c'est une
question de volonté. J'aimerais que vous alliez plus loin
là-dessus. Qu'est-ce que vous avez dit exactement? Vous avez dit que ce
n'est pas suffisant de dépenser de l'argent et qu'il faut aller plus
loin. Vous semblez dire que ce n'est pas suffisant pour les gouvernements de
financer, qu'il faut qu'ils en fassent plus, et que la volonté de
réussir est aussi importante, ou la volonté d'encourager un
secteur en particulier est aussi importante que la subvention qu'ils accordent.
J'aimerais que vous précisiez.
M. Martel (Jacques): Mon point de départ... Je peux vous
faire part d'une anecdote pour vous expliquer ma philosophie et je vais prendre
mon exemple à propos du gouvernement fédéral; comme cela
je n'attaquerai personne du gouvernement provincial...
M. Fortier: Le ministre de l'Énergie et des Ressources est
dans Shawinigan, n'oubliez pas cela.
M. Martel (Jacques): Quand un député se voit
octroyer un ministère de la Science et de la Technologie, il est pas mal
déprimé. Ce qu'on lui donne - on en a eu un commentaire - cela a
l'air d'un prix de consolation pour un député que d'avoir la
Science et la Technologie alors que ce devrait être quelque chose qui a
de la valeur. Cela a l'air d'un prix de consolation et je prends l'exemple...
Cela n'est pas difficile, si on regarde au gouvernement fédéral,
le ministère de la Science et de la
Technologie, pour toutes sortes de conjonctures, a toujours
été coincé et cela a toujours abouti à un
ministère junior, ou bien on le donnait comme deuxième
ministère à quelqu'un qui en avait déjà un. Au
ministère des Travaux publics et à celui de la Science et
Technologie, le gars devait passer vingt minutes en Science et Technologie et
le reste du temps aux Travaux publics. Alors, c'est cet esprit qui ne valorise
pas l'investissement en recherche, au départ. Cela veut dire qu'on n'y
croit pas plus que cela. On fait des efforts, enfin... Je suis prêt
à changer d'idée n'importe quand. Mais, je vais vous donner un
autre exemple: on veut faire des choses en biotechnologie, on veut faire des
choses dans certains domaines, on a les bonnes volontés et j'ai entendu
dire, à un endroit: On a investi 150 000 $ en biotechnologie pour cinq
institutions québécoises. Le lendemain, je lis dans le journal
que l'Ontario vient de mettre 10 000 000 $ en hydrogène. Il y a quelque
chose qui ne colle pas entre les deux. Ou on y croit, on y met le paquet et on
donne la chance aux gars de courir, ou on n'en parle pas. Mais, ce que je veux
dire, c'est qu'on y croit assez pour en parler, mais peut-être pas avec
une conviction suffisamment fondamentale pour aller le défendre devant
les autres ministres. Je suppose qu'il y a une certaine chicane à propos
des fonds. C'est pour dire que oui, le développement économique
peut passer par la recherche et le développement, ce n'est pas plus que
cela que je voulais mentionner.
M. Fortier: Je suis entièrement d'accord avec vous qu'il y
a beaucoup de ministres juniors qui auraient pu faire de grandes choses
peut-être, s'ils l'avaient voulu. À Ottawa, je ne le sais pas.
Mais c'est une question de volonté de réussir et de donner cela
comme un secteur prioritaire. C'est ce que vous avez voulu dire en termes de
volonté de réussite des gouvernements.
M. Lemay (André): Est-ce que je pourrais intervenir sur la
même question, M. le Président?
Le Président (M. Desbiens): Oui.
M. Lemay (André): Quand on parle de la recherche, du
Québec et des budgets qui pourraient être disponibles à ces
fins, j'ai l'impression que quand on touche le secteur
énergétique et différents volets comme ceux-là, on
n'a pas nécessairement à tout mettre en ordre de priorités
et à couper dès la première ou la deuxième
priorité parce qu'on peut même se les permettre en recherche. Je
pense que les coûts énormes et les grands risques vont nous
arriver lorsqu'on va vouloir faire du développement, de l'application,
de l'usine-pilote. Là, on aura réellement des
coûts énormes qui se multiplient d'un facteur de 10 ou 20
souvent.
Quand on parle de la recherche, les coûts sont quand même
assez minimes. Si on peut réussir à coordonner le moindrement les
équipes qui existent déjà, on pourra continuer ces
programmes et même les améliorer sans avoir à ajouter des
50 000 000 $ ou des 100 000 000 $ dans chaque entreprise. Je pense que quelques
millions ici et là, continus et garantis sur une période assez
longue, permettent d'attirer les chercheurs. J'ai l'impression que
l'électrochimie, par exemple, devrait être au Québec une
priorité avec l'hydroélectricité qu'on a et avec la nature
des industries de notre province, les industries de métaux et tout le
reste. La thermofusion nucléaire, elle, dans le volet du confinement
inertiel, aura peut-être des retombées industrielles à
beaucoup plus court terme que l'an 2000. De ce côté, avec les
lasers et tout le reste, dès qu'on aura injecté quelque chose
dans la recherche, il y aura des possibilités de retombées
industrielles importantes dans les cinq ou dix prochaines années.
Il faut essayer d'évaluer tout cela. Mais de là à
dire qu'on a quelques priorités, il faudrait en choisir une. Par
exemple, je serais très malheureux qu'on s'arrête à faire
un choix comme celui-là.
M. Fortier: Ces quelques mots sont très
intéressants. Vous dites que lorsqu'on arrive au niveau des prototypes,
là, il faut y aller plus mollo. Mais quand on fait de la recherche
fondamentale ou appliquée, à ce moment-là, on pourrait y
aller en parallèle jusqu'au moment où on doit faire des
investissements massifs. À ce moment-là, on peut se poser des
questions, surtout avant d'aller vers la phase commerciale, pour savoir quelles
options nous allons choisir.
Ce qui m'a intéressé surtout lorsque vous avez
parlé d'électrochimie, c'est que les universités
québécoises collaborent ensemble. On entend souvent dire que les
universités ne collaborent pas entre elles. Du moins, il semblerait que
dans le domaine du génie - je ne sais pas si c'est parce que les
ingénieurs sont des gens pratico-pratiques - ils s'entendent mieux entre
eux. Ce sont des félicitations. Je crois que c'est beaucoup plus facile
pour les gouvernements, lorsqu'il y a une certaine concertation entre les
universités, d'appuyer cette concertation et de faire des choses qui en
valent la peine. Autrement, quand chaque université tire de son
côté, c'est beaucoup plus difficile. Je pense bien qu'on doit
féliciter toutes les universités qui ont décidé de
travailler ensemble.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous avez raison de souligner ce point. Vous avez
parlé de chicanes, etc. quand arrivent les arbitrages. Moi, j'appelle
cela des arbitrages de fin d'année; les dernières discussions
avant le dépôt des budgets. Je pense que c'est un secret de
polichinelle. Parce que les effets et les retombées ne se font pas
sentir à court terme ou encore à très moyen terme, on est
porté à reporter le dossier, à dire: On va attendre un an,
on va attendre deux ans, on va attendre trois ans.
Il reste cependant que quelques-unes des sociétés
d'État, entre autres, la Société générale de
financement, dans son dernier plan quinquennal, a un budget de recherche
d'environ 40 000 000 $ sur cinq ans. Sauf erreur, ce plan quinquennal avait
été discuté en commission parlementaire de l'industrie et
du commerce en 1979, je crois. C'était la première fois,
croyez-le ou non, dans l'histoire de la Société
générale de financement, qu'il y avait un volet sur la recherche
et le développement de cette importance.
Deuxième élément: à Hydro-Québec - il
y a bien sûr l'IREQ, etc. - il se dépense de plus en plus d'argent
à ce niveau; il y a de plus en plus de budgets consacrés à
la recherche et au développement. L'implication d'Hydro-Québec
dans le dossier de l'hydrogène liquide et de l'électrochimie, si
on veut prendre un secteur un peu plus large, est réelle. Elle est sur
le point de faire des investissements - et souhaitons que cela se fasse le plus
rapidement possible -que je qualifierais de colossaux dans le dossier de
l'hydrogène liquide. (17 heures)
Je suis très heureux de constater que l'INRS, en plus de ses
préoccupations dans les communications, dans l'urbanisme, etc., a une
filière énergie qui veut se maintenir à la fine pointe...
Souhaitons que vous réussirez avec nos amis de Grenoble et d'ailleurs
autour de la planète à nous fabriquer de meilleurs modèles
économétriques de façon que la prévision perde son
sens et qu'on puisse travailler sur des certitudes.
Je ne voudrais pas vous laisser partir sans vous demander de
réagir. Je ne sais pas si vous étiez présents lorsque le
professeur Ayoub est venu devant notre commission. Il a évoqué un
point qui m'apparaît fondamental dans le dossier de l'énergie,
pour le Québec, en tout cas, et c'est vrai à l'échelle du
monde aussi: l'évolution des prix. Je ne pas si à
INRS-Énergie vous avez regardé cette question.
Avez-vous des scénarios quelconque sur l'évolution du prix
du baril de pétrole à l'horizon de 1985, 1990, et sur
l'état des réserves? L'un d'entre vous a dit tantôt que
d'ici l'an 2000, les réserves de pétrole conventionnelles
étaient en train de disparaître, mais il se produit un
phénomène
un peu curieux depuis quelques années, c'est qu'il y a un grand
déséquilibre entre l'offre et la demande sur les marchés
mondiaux. On serait enclin à croire, à partir de cette
constatation, qu'il y aura peut-être du pétrole conventionnel sur
le marché mondial pour beaucoup plus longtemps qu'on pense et à
un prix plus faible que ce qui avait été
appréhendé. Je sais qu'en Allemagne fédérale, on a
fait des scénarios d'impact sur l'économie ouest-allemande sur la
base du prix du baril de pétrole à 50 $ US. Cela fait un bon
bouleversement. Je pense qu'aujourd'hui tous ces scénarios ont
été ramenés à la baisse. Je ne sais pas si l'INRS
s'est penchée sur cette question en fonction de l'évolution des
prix.
M. Lafrance: En fait, dans les prévisions de prix,
actuellement, on a fait des prévisions avec le ministère de
l'Énergie et des Ressources et cela correspond à peu près
aux prévisions de prix du GREEN. À ce niveau, je ne crois pas
qu'on ait des hypothèses très différentes. Lorsqu'on fait
de la prévision comme cela à long terme, c'est très
difficile de prévoir des crises. Évidemment, si demain matin
l'Irak et l'Iran ferment le détroit d'Ormuz, j'imagine qu'à court
terme il va y avoir des modifications importantes au niveau des prix, mais cela
ne veut pas dire qu'à long terme on va avoir des prix qui vont rester
hauts parce qu'il y a des pays producteurs actuellement qui ont soif de devises
étrangères et cela va faire baisser les prix. Évidemment,
la demande partout dans le monde a baissé aussi, de sorte qu'on va
retrouver des prix assez bas.
Dans les scénarios actuels, on a donc pris deux scénarios
qu'on peut appeler tendanciels, mais où il n'y a pas de crise. On ne
simule pas les cycles. Si, par exemple, il y a une crise l'an prochain, on ne
simule pas à ce niveau. Parmi les deux scénarios qu'on a, de
mémoire il y en a un où, en termes réels, cela
équivaut à 1% par année sur la période pour le prix
du pétrole et dans le deuxième c'est 2%. Je m'avance
peut-être, mais on pourrait vous donner des chiffres plus précis
là-dessus.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président. Dans le
mémoire que vous avez présenté et dans les recommandations
en particulier concernant l'énergie solaire, vous demandez au
gouvernement de favoriser la participation des industries aux missions
commerciales à l'étranger afin de stimuler les exportations. Le
ministre du Commerce extérieur, dont le ministère a
été formé récemment, a annoncé, il y a
environ une semaine, toute une série de programmes d'aide à
l'exportation, en particulier, le programme
APEX. Est-ce que vous avez examiné ce programme? Est-ce que vous
avez eu le temps d'en prendre connaissance? Est-ce que c'est un peu dans la
ligne de ce que vous souhaitiez dans vos recommandations? Est-ce que ce
programme, finalement, répond à l'objectif que vous poursuiviez
en nous présentant cette recommandation dans votre mémoire?
Une voix: ...
M. Rodrigue: En fait, le programme APEX ne vient pas d'être
mis sur pied. Il a été prolongé, on lui a donné,
disons, une extension plus grande et on a regroupé des programmes
là-dedans. Il y avait une série de programmes à
l'exportation qu'on regroupe dans APEX.
M. Martel (Jacques): Ces programmes ne nous touchent pas comme
tels. Ils touchent les industries avec lesquelles on travaille. Avec un minimum
de paperasserie, parce que ces petites industries, à notre
expérience, craignent comme la peste une grosse structure
gouvernementale, si cela leur permet d'acquérir de nouveaux
marchés. Je pense que c'est l'objectif visé.
Je parlais tout à l'heure de l'intérêt des Japonais
pour le capteur au fréon que nous avons développé.
L'intérêt japonais est né à l'occasion d'une mission
du Québec au Japon où il y avait par hasard le
représentant de Fibratech qui a présenté son type de
capteur, et cela a fait sensation parmi les Japonais, qui sont revenus le
revoir trois fois de suite. Je souligne qu'à la même
délégation Nouveler était aussi présente; donc, la
lignée de tout à l'heure se retrouve et ce sont les Japonais qui,
ensuite, sont venus nous voir. En fait ils sont venus voir Fibratech, pour
avoir la technologie. Ils étaient prêts à l'importer
immédiatement parce que les ventes de capteur solaire au Japon sont
faramineuses.
Je m'excuse d'ignorer les détails de ce projet mais il s'adresse
à l'industrie, et il faut que cela s'adresse à l'industrie. Si
cela l'aide à vendre ses produits à l'étranger, je pense
que dans le marché du capteur solaire c'est ce dont on a besoin.
M. Rodrigue: Enfin, c'est un programme à plusieurs volets
mais il va dans ce sens, autant l'aide aux prises de contact avec les
marchés extérieurs que l'aide à la transaction, l'aide aux
ventes aux marchés extérieurs.
Ce que vous venez de mentionner m'amène à une autre
question. J'avais noté que vous prôniez jusqu'à un certain
point l'exportation de la technologie québécoise dans ce domaine.
La question qui m'est venue à l'esprit est: Est-ce que c'est
véritablement dans notre intérêt d'exporter
une technologie qu'on a développée et qu'on possède
d'une façon exclusive? Est-ce que finalement il ne serait pas plus
intéressant pour nous de faire en sorte que ces produits soient
fabriqués ici et exportés après fabrication plutôt
que d'exporter la technologie et faire fabriquer cela au Japon ou ailleurs?
Connaissant leurs capacités industrielles, on risque qu'ils viennent
nous concurrencer sur nos propres marchés à ce moment. N'y a-t-il
pas là un risque en procédant de cette façon? Ne serait-il
pas plutôt préférable de tenter de faire fabriquer ces
capteurs ici?
M. Martel (Jacques): Je suis entièrement d'accord que la
première préoccupation qu'on doit avoir est de les faire
fabriquer. Une des préoccupations sous-jacentes à l'entente entre
INRS et Nouveler vise justement la production des capteurs au
Québec.
Évidemment, cette production pour un marché local est une
première étape. Il faut cependant aussi considérer la
dimension internationale. Quant à fabriquer des capteurs au
Québec, les exporter et les vendre au Japon alors que leur industrie de
capteurs solaires est 100 ou 1000 fois plus grosse que la nôtre - ils
vendent des sommes énormes - il y a peut-être plus
d'intérêt de faire un échange de technologies à ce
niveau, de leur fournir des pièces de certaines composantes qui seraient
fabriquées ici et de les vendre au Japon en échange de devises ou
en échange de technologies.
Je suis d'accord avec vous. La question serait peut-être mieux
posée sur la stratégie que veut utiliser Nouveler pour
développer son capteur. Mais la préoccupation d'en faire au
Québec est majeure.
M. Rodrigue: Disons que je n'en fais pas un absolu parce qu'il
nous arrive aussi d'importer des technologies d'ailleurs et finalement ce genre
d'échange peut être profitable aux deux parties. Si je comprends
bien, dans ce domaine on n'a pas une exclusivité; il y a d'autres types
de capteurs solaires qui sont fabriqués ailleurs. Chacun voulant
protéger sa propre industrie, si je comprends bien, les Japonais
pourraient être tentés d'utiliser leurs propres capteurs solaires,
même s'ils sont moins intéressants que les nôtres, si on
n'accepte pas certaines transactions comme cela.
M. Martel (Jacques): C'est cela.
M. Rodrigue: Dans votre mémoire vous parlez de stockage
intersaisonnier, et c'est dans le chapitre qui traite de l'énergie
solaire. J'aimerais que vous nous expliquiez quelle forme peut prendre le
stockage thermique intersaisonnier qui permettrait de rentabiliser le chauffage
solaire des locaux.
C'est à la page 11 de votre mémoire. Un stockage sur 24
heures, j'ai vu des articles là-dessus mais, un stockage intersaisonnier
d'énergie solaire, j'aimerais bien savoir de quelle façon cela
peut se réaliser et s'il y a déjà des méthodes
éprouvées pour le faire.
M. Martel (Jacques): Je demanderais au professeur Jean de
répondre à votre question.
M. Jean (Benoît): Nous avons déjà fait une
expérience de stockage intersaisonnier. Ce projet était
appuyé par le ministère de l'Énergie et des Ressources. Il
consistait précisément à chauffer une maison en stockant
une énorme quantité d'eau chaude dans un réservoir. C'est
une méthode qui peut être utilisée. On fait un
réservoir, on chauffe l'eau et, durant l'hiver, on repasse l'eau chaude
dans la maison et on obtient le chauffage de la maison. C'est évident
qu'actuellement ce genre de stockage coûte très cher parce qu'il y
a une structure à construire. On a regardé d'autres modes de
stockage. On a fait des investigations, comme par exemple, utiliser la nappe
aquifère, en puiser de l'eau, chauffer cette eau en grande
quantité, en grand volume, la stocker de nouveau dans la nappe
aquifère et la réutiliser durant l'hiver pour chauffer les
maisons. C'est une deuxième forme de stockage qu'on a
étudiée étant donné que le sous-sol du
Québec pouvait contenir, dans certains endroits, d'énormes
quantités d'eau dans la nappe aquifère.
Dans ce cas, les coûts sont assez minimes puisqu'il s'agit de
construire deux puits qui peuvent être utilisés par plusieurs
unités d'habitation. Malheureusement, cela ne marche pas partout
très facilement. La troisième possibilité, c'est de se
servir de l'énergie solaire pour réaliser des réactions
chimiques qui se font en absorbant de la chaleur durant l'été et
de faire la réaction chimique inverse durant l'hiver. Cette
réaction chimique va remettre la chaleur. À ce stade, il existe
encore beaucoup de besoins de recherche pour en arriver à trouver des
matériaux peu dispendieux, non toxiques et fiables qui vont pouvoir
durer pendant plusieurs années. Je vous rappellerais un exemple que vous
avez probablement connu, comme moi, quand j'étais jeune. Lorsque les
gens se servaient de la chaux pour faire de la brique, vous vous souvenez que
si vous y mettiez de l'eau, cela se mettait à bouillir, donc, c'est une
des réactions envisageable, sauf qu'il y a des problèmes de
corrosion, etc.
C'est ce genre .de stockage qui est possible de façon
intersaisonnière.
M. Rodrigue: Pour ce qui est de l'utilisation des nappes
aquifères, Nouveler, je crois, a développé les pompes
à chaleur. J'ai vu, dans mon comté, un type qui fait de
la culture en serre, qui chauffe 18 serres avec ses pompes à
chaleur et qui a épargné à peu près 100 000 $ en
frais de chauffage cette année. Comment se comparent les coûts de
l'utilisation de l'énergie solaire pour chauffer la nappe
aquifère et ensuite extraire cette énergie pour réchauffer
durant l'hiver? Il semble qu'actuellement, du moins dans certaines
régions, il est possible d'extraire une chaleur directement de la nappe
aquifère et de la transmettre par un système qui ressemble un peu
au réfrigérateur domestiques... de transmettre cela dans l'air
des serres, entre autres. Ce sont des unités qui coûtent à
peu près 5000 $ chacune. Ce n'est pas archicoûteux quand il s'agit
d'une industrie. Est-ce qu'il y a un intérêt vraiment à
chauffer la nappe aquifère? Est-ce qu'elle n'est pas suffisamment chaude
déjà?
M. Jean: Si vous utilisez la nappe aquifère directement en
puisant son énergie, vous allez la refroidir. Dans des cas où
cette utilisation a été assez parcimonieuse ici et là, il
n'y a pas de problème parce que la nappe se renouvelle. Mais si vous
faites cela sur une grande échelle, vous risquez de puiser de l'eau et
de la remettre dans la nappe à un degré plus froid; cinq maisons
plus loin, votre cinquième voisin qui a repris cinq degrés plus
bas se retrouve avec de l'eau de plus en plus froide. Sur une grande
échelle, l'utilisation de ce processus peut être non
appréciée par toute la population. Par contre, dans des zones -
vous parliez de la serriculture tout à l'heure - où vous n'avez
pas de problème de voisinage, vous pouvez puiser à la nappe
à condition qu'à la longue cette nappe se renouvelle à un
taux plus grand que l'énergie que vous épuisez.
Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas d'autres
questions, ni commentaires? Je remercie les membres de l'Institut national de
recherche scientifique pour leur présentation et leur participation aux
travaux de la commission.
J'inviterais maintenant le groupe Énergie atomique du Canada
Ltée, à s'approcher, s'il vous plaît. Le groupe
Énergie atomique du Canada Ltée, représenté par M.
Després. M. Després, si vous voulez présenter les
personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Énergie atomique du Canada Ltée
M. Després (Robert): Oui. M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, les cadres supérieurs qui
m'accompagnent cet après-midi pour la présentation de ce
mémoire sont, à ma gauche, M. Yves Doyle, physicien senior
spécialisé en radiation; M. Michel Therrien,
vice-président, responsable de notre bureau d'ingénierie à
Montréal; M. Frank McDonnell, directeur des initiatives à notre
société de recherche, et M. Laurent Amyot, vice-président
corporatif pour le Québec, responsable de la coordination de toutes les
activités de notre entreprise dans cette province.
M. le Président, je tiens d'abord à remercier la
commission permanente de l'énergie et des ressources de nous fournir
l'occasion de participer à un débat d'une grande
actualité. De fait, les thèmes de réflexion
proposés pour les travaux de cette commission ne pouvaient laisser notre
entreprise indifférente. Société primor-dialement
axée sur la recherche, le développement et la commercialisation
de la technologie de la filière CANDU et de ses sous-produits,
Énergie atomique se devait de livrer aux membres de la commission son
point de vue sur la contribution bien concrète que la technologie
nucléaire peut apporter au développement industriel et
économique du Québec.
Mon exposé, tout comme le mémoire que notre
société a soumis aux membres de cette commission, comportera
trois volets. Je ferai, tout d'abord, un bref rappel historique de
l'évolution de l'industrie nucléaire au Canada et au
Québec. En second lieu, je décrirai les atouts dont le
Québec dispose en matière nucléaire pour stimuler le
développement industriel. Finalement, je m'appliquerai de façon
plus élaborée à souligner certaines des contributions que
la technologie nucléaire apporte et peut apporter à la
stimulation du développement économique du Québec.
Les premiers travaux dans le domaine nucléaire ont
débuté à Montréal en 1942, avec la formation d'une
équipe de scientifiques provenant du Canada et de pays étrangers
dont, notamment, la France et l'Angleterre. Leur mission était
d'étudier la filière uranium naturel-eau lourde pour la
production d'énergie nucléaire. Dès 1944, le groupe de
Montréal, comme on l'appelait alors, s'établit à Chalk
River où, quelque temps plus tard, eut lieu la mise en service du
premier réacteur construit en dehors des États-Unis.
En 1952, une nouvelle société de la couronne,
appelée l'Énergie atomique du Canada Ltée, fut
créée avec pour mandat d'assurer le développement de la
technologie nucléaire. C'est à compter de cette date que l'EACL
s'est appliquée à la mise au point de ce qui devait devenir la
filière CANDU. Furent construites en succession les centrales de NPD,
Douglas Point, de Gentilly 1, de Pickering, de Bruce et, à
l'étranger, celles de Kanupp au Pakistan et de Rapp en Inde. À ce
jour, il y a déjà un total de 31 réacteurs CANDU en
exploitation ou en construction dans le monde. De ce nombre, douze sont en
exploitation depuis quelques
années, dix devraient l'être à brève
échéance et les neuf autres avant la fin de la décennie.
Les réacteurs dont la mise en service est récente ou prochaine
sont les suivants: Gentilly 2 au Québec, pointe Lepreau au
Nouveau-Brunswick, Cordoba en Argentine, Wolsung en Corée du Sud et six
réacteurs en Ontario.
Disons que l'industrie nucléaire dans son ensemble
représente plus de 30 000 emplois directs dont environ 3000 au
Québec. Quant à l'EACL, elle compte plus de 7000 employés
et ses activités sont regroupées sous trois
sociétés constituantes: la société de recherche, la
société opérations CANDU et la société
radiochimique dont les champs d'action, assez bien indiqués par leurs
noms respectifs, sont largement décrits dans la première partie
de notre mémoire.
Ce bref rappel historique serait fort incomplet, M. le Président,
si je ne faisais maintenant état des atouts dont le Québec
dispose en matière nucléaire et qui sont susceptibles de
favoriser un plus grand épanouissement de divers secteurs de recherche
au Québec, tout en stimulant l'activité industrielle en
collaboration avec tous les partenaires de cette industrie. Le premier de ces
atouts a trait à la présence au Québec de nombreuses
entreprises manufacturières qui fournissent une variété de
produits pour l'industrie nucléaire. Fait éloquent à
signaler, les entreprises québécoises représentent plus de
30% de tout le secteur manufacturier engagé dans la fabrication de
composantes pour les centrales nucléaires CANDU. Déjà, des
entreprises telles que Dominion Bridge Sulzer Inc., Versatile Vickers Inc.,
Velan Inc., CAE Electronics Ltée, Noranda Metal, Générale
électrique du Canada, Westinghouse Canada Ltée, Fabricon et
d'autres ont acquis une solide expérience dans leurs champs respectifs
d'activités. Ces fabricants couvrent une gamme de produits de haute
spécialisation qui vont des cuves de réacteurs aux accessoires de
tubes de force, aux pressuriseurs, aux sas, à la robinetterie, à
l'instrumentation, aux systèmes de contrôle, etc.
Le Bureau du Québec de l'EACL mis sur pied en janvier 1982
constitue un participant actif à la croissance industrielle du
Québec puisque, en plus de vendre les services et de commercialiser les
produits de l'EACL, il a également pour mission d'identifier des
programmes, des activités ou de nouvelles initiatives commerciales qui
pourraient être mis en oeuvre au Québec à partir de la
technologie nucléaire. Il en va de même du bureau
d'ingénierie mis en place bien avant par la société
opérations CANDU.
Un troisième atout, c'est le groupe d'analyse nucléaire
GAN qui a été mis sur pied avec l'accord du ministère de
l'Énergie et des Ressources du Québec en juin 1981 et qui est
rattaché à l'Institut de génie nucléaire de
l'École polytechnique. Sa mission, favorisée par des apports
concrets d'Hydro-Québec et de l'EACL, consiste à étudier
ou à développer des codes logiciels nucléaires et à
former des spécialistes dans ce domaine. Cette mission sera
facilitée encore davantage par une entente particulière
récemment conclue qui donne accès à Hydro-Québec
aux codes logiciels de l'EACL aux fins, en particulier, de la formation de
spécialistes.
Les ententes que l'EACL est en voie de conclure avec plusieurs
organismes de recherche québécois dans le but d'identifier des
programmes de collaboration, de lancer des initiatives commerciales et pour
appuyer de nouveaux projets de recherche représentent un atout
additionnel susceptible d'influer positivement sur la recherche et le
développement, aussi bien que sur l'activité économique.
Une entente cadre impliquant l'Institut de recherche d'Hydro-Québec et
l'EACL est sur le point d'être conclue. Cette entente couvre une
quinzaine de champs d'activités qui présentent un
intérêt certain pour les deux organismes, que ce soit dans les
domaines plus spécifiquement reliés au nucléaire ou au
paranucléaire ou que ce soit sur divers aspects
technico-économiques de la recherche et du développement
industriel.
Récemment encore, l'EACL et une firme québécoise de
génie conseil, (Techsult) International Ltée., ont signé
un protocole d'entente laissant à l'IREQ le soin de manifester à
l'Algérie l'intérêt de cette équipe canadienne
à participer à l'établissement d'un centre de recherche
sur les énergies nouvelles dans ce pays. D'autres ententes sur
lesquelles nous reviendrons plus loin rejoindront divers centres de recherche
des milieux universitaires ou des organismes tels l'Institut Armand-Frappier et
son Centre de recherche en sciences appliquées à l'alimentation
(CRESALA), le Centre de recherche industrielle du Québec, etc.
Le cinquième atout est le groupe de gérance de projets
nucléaires NPM du Canada, une société nouvellement
constituée dont l'objet est de gérer les projets de centrales
nucléaires et leur construction. L'EACL, entre autres, lui
déléguera cette responsabilité pour tous les contrats de
centrales nucléaires dont elle se verra confier la gérance. Les
actionnaires de cette nouvelle entreprise sont Lavalin, SNC, la
Société d'ingénierie Montréal Ltée, la
Foundation Company et l'EACL. Le siège social du groupe de
gérance est situé à Montréal. La mise sur pied du
groupe de gérance de projets nucléaires donne au Québec,
je pense, un instrument additionnel de développement.
On ne saurait, finalement, passer sous silence, bien sûr, un autre
atout majeur que représente l'expertise accumulée notamment
à Hydro-Québec, Hydro-Québec International et
l'IREQ dans le domaine nucléaire et ce qui lui est
périphérique en raison des projets réalisés, des
ressources dont disposent ces organismes dans ce domaine sans oublier la
renommée qu'ils ont acquise dans leurs champs de compétence
respectifs tant au plan québécois, canadien qu'international.
Tels sont, M. le Président, certains des atouts dont le
Québec dispose en matière nucléaire, atouts qui
constituent, selon le thème même des travaux de la commission
parlementaire, autant de leviers susceptibles de favoriser le
développement économique.
J'estime, M. le Président, qu'on peut maintenant peut-être
mieux évaluer la contribution que la technologie nucléaire est en
mesure d'apporter au développement industriel et économique du
Québec. Je pense que cette contribution peut emprunter trois grandes
avenues que nous examinerons tour à tour. La première de ces
avenues est, il va sans dire, la recherche et le développement, suivie
par la diversification des applications de la technologie nucléaire
pour, finalement, passer par celle de la filière CANDU.
Nous savons tous d'ores et déjà que la recherche dans les
domaines de haute technologie constitue non seulement une clé de
voûte au développement industriel, mais qu'elle ouvre aussi la
voie à des exportations à l'étranger. C'est en ayant
à l'esprit cette mission, doublée d'une volonté
d'accentuer le transfert de technologie vers le Québec, que notre
premier volet d'intervention a été défini.
Comme je l'ai indiqué, le 21 janvier 1982, à l'IREQ,
à l'occasion du lancement du chapitre du Québec de la
Société nucléaire canadienne, l'EACL a toujours
l'intention d'établir un nouveau centre de recherche au Québec.
Le choix du premier programme confié au nouveau centre reste à
préciser en tenant compte de l'évolution générale
de la mission de recherche assumée par notre entreprise. L'un des
programmes considérés vise le développement d'un
accélérateur convertisseur dont un avantage sera de prolonger la
disponibilité des ressources fissiles employés comme combustible
dans les centrales nucléaires. À terme, il permettra aussi
à la filière CANDU d'avoir recours au thorium,
concrétisant ainsi son aptitude à exploiter des cycles
avancés de combustible et à faire face à la concurrence
éventuelle des surgénérateurs. La direction de l'EACL
devrait annoncer son choix définitif d'ici quelques mois.
Mentionnons, en outre, que l'une des avenues que l'EACL et
Hydro-Québec explorent conjointement est la transformation du
bâtiment du réacteur de Gentilly 1 en un banc d'essai industriel
en matière de recherche appliquée pour l'industrie
nucléaire et l'hydraulique à l'échelle internationale.
Il n'est pas interdit, non plus, de penser que d'autres parties de cette
centrale puissent être utilisées à des fins de formation
dans le domaine nucléaire en s'appuyant, par exemple, sur un simulateur,
et à d'autres usages pour les autres équipements que
représentent ce site et cette centrale qui ne sont pas utilisés
actuellement.
La technologie nucléaire, comme en fait foi le mémoire que
l'EACL a transmis à cette commission, ne se limite pas à la
production d'électricité. Bien au contraire, plusieurs avenues de
diversification s'offrent d'ores et déjà à l'industrie. De
fait, des apports encore plus directs au rajeunissement industriel peuvent
être reliés à des applications encore peu connues de la
technologie nucléaire. C'est là le second volet de l'action de
l'EACL que je décrirai à l'aide d'exemples que l'on associe de
plus près à la solution de problèmes propres à
toute société, tels que la préservation des aliments, la
santé et la protection de l'environnement.
La Société radiochimique de l'EACL occupe, depuis sa
création, le rang de chef de file dans la mise au point de la
technologie de l'irradiation. Elle est le plus grand exportateur de cobalt 60
et d'irradiateurs industriels dans le monde non communiste et détient
respectivement 95% et 60% de ces marchés. Il lui est donc possible
d'envisager l'utilisation rentable des rayons gamma pour la conservation des
denrées alimentaires.
Techniquement éprouvé depuis plusieurs années, ce
procédé a désormais reçu l'aval de l'Organisation
mondiale de la santé qui, après une étude approfondie des
effets microbiologiques, nutritifs et toxicologiques, a conclu que
l'irradiation jusqu'à un mégarad de quelque aliment que ce soit
ne présente aucun danger. De plus, l'Association des consommateurs du
Canada reconnaissait, il y a quelque temps déjà les
mérites de l'irradiation des aliments. Tout récemment, le
gouvernement canadien a décidé de réviser en
conséquence les réglementations et les normes émanant des
ministères concernés. (17 h 30)
L'EACL collabore actuellement avec le Centre de recherche en sciences
appliquées à l'alimentation (CRESALA), de l'Institut
Armand-Frappier, ainsi qu'avec une firme québécoise
d'ingénieurs-conseils (Lavalin) en vue de mettre sur pied un centre
d'expérimentation et de commercialisation de techniques de
préservation des aliments. Lorsque l'on songe que 40% des
récoltes dans les pays en voie de développement sont perdues
chaque année, ces travaux présenteront un intérêt
vital pour plusieurs pays déficients en ressources alimentaires.
Dans le domaine de l'élimination des déchets, les
applications les plus prometteuses de l'irradiation touchent les
problèmes quotidiens causés par les restes d'aliments dans
les ports d'entrée et dans les industries de l'alimentation, les bouches
d'égouts municipaux, les déchets animaux et les effluents
industriels. Au Québec, toutefois, la solution du problème
écologique causé par le purin de porc canalise actuellement des
efforts de recherche. C'est ainsi que, de concert avec le CRIQ, l'EACL
étudiera la nécessité et le bien-fondé de
stériliser les parties liquide et solide de l'effluent après leur
avoir fait subir un traitement biochimique.
C'est au cobalt 60, un sous-produit de la technologie CANDU, que la
Société radiochimique de l'EACL est redevable de ses
succès. Ainsi, les instruments de laboratoires médicaux et les
fournitures médicales uniservices sont-ils depuis les années
soixante stérilisés par l'irradiation. De plus, près de 1
000 000 de patients reçoivent des traitement radiothérapeutiques
grâce à des instruments et à de la médication
produits par l'EACL. Onze hôpitaux du Québec sont
présentement munis de tels équipements. La médecine
nucléaire, il va sans dire, fait aussi un grand usage de traceurs
radioactifs au stade du diagnostic des maladies. Outre le commerce en vrac des
radio-isotopes, la Société radiochimique a récemment
introduit sur le marché des produits radiopharmaceutiques
destinés à la médecine nucléaire.
Le traçage radioactif trouve également de multiples
applications dans l'industrie. L'EACL fournit tous les ans à sa
clientèle canadienne plusieurs sources radio-isotopiques
utilisées pour l'inspection des matériaux, comme les
pièces employées dans l'industrie aéronautique et les
soudures des oléoducs ou des gazoducs et les jauges électroniques
utiles pour la vérification de procédés industriels. On
utilise aussi les traceurs pour repérer des fuites dans les tuyauteries
ou les réservoirs de stockage. Ainsi, la Société
radiochimique oeuvre de concert avec le CRIQ afin de mettre au point une
méthode sûre de détection des fuites qui se produisent, par
exemple, dans les fosses à purin de porc.
Le balayage par rayons gamma fournit un autre exemple d'une technique
mise au point par l'EACL. Destinée à l'origine à
évaluer les performances hydrauliques des tours à plateaux qui
font partie intégrante des usines d'eau lourde, la méthode
s'applique aussi aux secteurs du raffinage pétrolier ou gazier, de la
pétrochimie, des produits chimiques et des pâtes et papiers.
Le cobalt 60 est le radio-isotope le plus utilisé dans le monde
actuellement. L'accroissement futur des besoins incite l'EACL à
augmenter la production de cet isotope. À cet égard, à la
demande de notre Société radiochimique, Hydro-Québec
examine présentement la possibilité de produire du cobalt 60
à la centrale Gentilly 2. Mise à part la production de
radio-isotopes à cette même centrale, on pourrait, à
l'instar de projets analogues réalisés ailleurs, utiliser les
eaux de rejet thermique à des fins de serriculture et d'aquaculture. On
pourrait, de plus, utiliser ces mêmes eaux chaudes au chauffage des
locaux par l'adjonction de pompes à chaleur.
L'EACL, comme vous le savez, est également
intéressée à l'industrie de l'hydrogène. En premier
lieu, l'hydrogène peut être employé dans de nouvelles
méthodes de production d'eau lourde qui, durant la dernière
décennie du siècle, pourront livrer concurrence aux techniques
présentement en usage, tout en réduisant de façon
significative les besoins en consommation d'énergie. Les recherches de
l'EACL dans le domaine de l'hydrogène lui ont permis d'acquérir
une expérience précieuse dans la manutention de
l'hydrogène et de réaliser de nombreux progrès dans
l'étude' de la résistance, de la fragilisation et de la rupture
de matériaux en présence d'hydrogène. Son
intérêt en cette matière s'est, d'ailleurs,
manifesté par son adhésion au Conseil de l'industrie de
l'hydrogène dès sa création au Québec en 1982.
Au-delà de ces nouvelles applications de la technologie
nucléaire et de nombreuses autres mentionnées dans le
mémoire, il n'en demeure pas moins que l'industrie nucléaire au
Québec a appuyé son développement jusqu'à ce jour
sur la production d'électricité par la filière CANDU.
Existe-t-il des moyens de maintenir et d'accroître cette
expérience? C'est la question à laquelle j'aimerais maintenant
essayer de répondre.
Actuellement, près de 300 réacteurs sont en exploitation
dans le monde et leur puissance combinée atteint presque 175 000
mégawatts. En outre, quelque 220 réacteurs sont
présentement en construction avec une puissance combinée
supérieure à 200 000 mégawatts. Aux États-Unis, la
part de l'électronucléaire dans la production
d'électricité est de 12%, mais certaines régions sont
majoritairement tributaires de l'énergie nucléaire pour leur
approvisionnement en énergie électrique. Au Royaume-Uni, en
Allemagne, en Suisse et en France, la part relative de
l'électronucléaire s'élève respectivement à
16%, 17%, 28% et 39%.
L'implication de la France - il convient de la souligner dans le
contexte présent, nonobstant qu'elle ne possède pas de richesses
comme le Québec au niveau hydraulique - se rattache explicitement
à un double objectif. Premièrement, l'atteinte d'un plus fort
degré d'autosuffisance énergétique et, en second lieu, la
volonté d'utiliser le secteur électronucléaire comme
levier d'industrialisation et de développement économique. Pour
mieux illustrer le
dynamisme du programme français, il suffira de noter que ce pays
a mis en service quatorze réacteurs en quinze mois durant les
années 1980 et 1981, ce qui équivaut à une fois et quart
le projet La Grande, phase I, de la Baie-James.
Au Canada, dix réacteurs sont déjà en exploitation,
trois autres viennent tout juste de démarrer et onze sont à
divers stades de réalisation. En Ontario, plus du tiers de
l'électricité produite est d'origine nucléaire et, dans
l'ensemble du pays, cette proportion s'établit à 10%.
Certes, ce tableau n'est pas sans ombre. Le recours au nucléaire
continue de faire l'objet de controverses dans bon nombre de pays et la
conjoncture des dernières années n'a guère
été favorable à son expansion. Mais je pense que, quelle
que soit l'incertitude qui subsiste sur la durée de la crise et ses
lendemains, la demande annuelle de nouvelle capacité nucléaire,
selon toute vraisemblance, sera dans une vingtaine d'années de l'ordre
de plusieurs dizaines de milliers de mégawatts. Le marché mondial
du nucléaire offrira donc un important potentiel d'exportation.
L'industrie nucléaire est caractérisée, d'une part,
par l'évolution continue des connaissances technologiques et donc des
équipements et, d'autre part, par l'utilisation de techniques
sophistiquées qui doivent satisfaire à des normes des plus
exigeantes. Ces caractéristiques accroissent les possibilités
d'exportation d'équipement, de services et de technologie lors de la
réalisation d'une centrale. De plus, durant la vie du réacteur,
le pays fournisseur de la technologie pourra vraisemblablement s'assurer d'une
exportation continue de services et de matériel. En bref,
l'électronucléaire présente des caractéristiques
qui en font un outil de développement à privilégier. Il
s'agit essentiellement d'une industrie de fabrication dotée d'une haute
technologie et tournée principalement vers les marchés
extérieurs.
L'EACL est convaincue avec raison que le CANDU continuera de s'imposer
comme l'une des deux technologies nucléaires privilégiées
au point de vue de la production de l'électricité. Ses
performances supérieures se traduisent, d'ailleurs, par des coûts
unitaires nettement avantageux en regard de son principal concurrent, le
réacteur à eau pressurisée. La technologie du CANDU tire
un autre avantage du fait qu'elle offre un modèle de 600
mégawatts mieux adapté aux besoins des pays dont les
réseaux ne peuvent accepter l'addition de centrales de trop grande
taille. De plus, le CANDU se prête mieux au transfert technologique et
favorise davantage la participation de l'industrie locale que la filière
rivale.
Pour réaliser le programme nucléaire canadien, une partie
de l'infrastructure industrielle requise s'est développée au
Québec. C'est grâce à cette partie de l'infrastructure
déjà bien établie et axée sur une forte
participation de l'entreprise privée qu'on a pu observer dans le projet
Gentilly 2 un contenu québécois d'au moins 50% en valeur
ajoutée. Fait plus éloquent encore, dans le cas d'un projet CANDU
réalisé en dehors du Québec, on évalue à 20%
la contribution des entreprises québécoises. Lorsqu'on
considère qu'il y a, mis à part Gentilly 2, 18 groupes
nucléaires CANDU dont la construction a commencé en 1974, c'est
comme si le Québec avait construit une centrale de quatre groupes
à 100% de contenu québécois, soit l'équivalent de
la centrale LG 3 qui représente à peu près le quart du
projet phase 1 de la Baie-James.
Comment maintenir, voire même hausser la participation des
entreprises québécoises si, au Québec, le recours à
l'électronucléaire pour des besoins énergétiques
n'est pas envisagé avant le tournant du siècle? Est-il possible
de développer l'infrastructure industrielle nucléaire au
Québec s'il n'y pas véritablement de programme nucléaire
en voie de réalisation?
Nous estimons que la chose est réalisable. Je peux vous assurer,
M. le Président, que l'EACL y collaborera dans toute la mesure du
possible. Toutefois, nous pensons que le Québec pourra y parvenir plus
sûrement et en retirer davantage en développant concurremment son
riche potentiel hydroélectrique et son potentiel nucléaire
à un rythme qui, tout en se conciliant avec les atouts qu'il
possède dans ces deux modes de production d'électricité,
lui permettra de maximiser les retombées de ces deux leviers de
développement industriel et économique. Du même coup, le
Québec réussirait à maintenir et même à
parfaire son infrastructure nucléaire, à être mieux
préparé pour réaliser le programme nucléaire dont
il pourrait avoir besoin au 21e siècle tout en acquérant une
expérience pratique des nouveaux développements de la
filière CANDU. De plus, il assurerait la pleine exploitation de son
potentiel hydroélectrique en utilisant et en développant, sur une
plus longue période, l'expertise acquise et la main-d'oeuvre disponible.
Enfin, il serait en mesure de mieux saisir les possibilités qui
pourraient s'offrir dans le domaine nucléaire et ce qui lui est
périphérique, tout en profitant de retombées
économiques encore plus importantes.
En effet, le Québec, avec son potentiel hydroélectrique,
sa proximité des grands marchés américains, son grand
réseau électrique et son infrastructure nucléaire, est
dans une situation favorable pour envisager des projets d'exportation
d'électricité ferme aux États-Unis dans lesquels des
centrales nucléaires spécifiquement réservées
à cette
fin pourraient jouer un rôle.
De plus, au seul point de vue de l'exploitation, il est difficile de
concevoir un secteur témoin qui, 20 ans durant, se restreindrait
à la seule centrale de Gentilly 2 et au soutien technique que requiert
son fonctionnement. Comment motiver, sur une période aussi longue, la
relève du personnel d'exploitation? Comment assurer chez l'exploitant la
remise à jour de l'expertise dans un domaine où' la technologie
continue d'évoluer à une cadence aussi rapide?
L'analyse conduit donc à reconnaître trois niveaux
possibles de la participation québécoise au programme
électronucléaire canadien. En premier lieu, l'infrastructure
existante de son industrie nucléaire permet déjà au
Québec d'envisager une contribution importante à son propre
développement économique. En second lieu, les retombées
économiques du programme d'Hydro-Québec pourront se conjuguer
à l'apport industriel du secteur nucléaire
québécois. La chose serait encore plus facile à un palier
d'activité plus élevé, avec des exportations
d'électricité ferme aux États-Unis par des centrales
hydroélectriques et nucléaires spécifiquement
réservées à cette fin. Enfin, une exploitation du concept
de secteur témoin accélérerait la mise en place d'un parc
nucléaire au Québec, tout en prolongeant la période de
croissance du potentiel et de l'expertise hydroélectrique.
Face aux thèmes que la Commission de l'énergie et des
ressources du Québec nous invitait à commenter, nous avons
jugé utile, M. le Président, d'essayer de décrire bien
concrètement la contribution que la technologie nucléaire est en
mesure d'apporter au développement du secteur industriel
québécois. C'est pourquoi, après un bref rappel historique
des activités de l'EACL, nous avons mis l'accent sur les atouts dont le
Québec dispose pour favoriser le transfert technologique et inciter
l'industrie à un regain de productivité. J'en rappelle rapidement
la teneur: la présence d'un secteur manufacturier dans le domaine
nucléaire; le bureau du Québec de l'EACL ainsi que les services
d'ingénierie que la société Opérations CANDU
maintient au Québec; le groupe d'analyse nucléaire; les ententes
que l'EACL est en voie de conclure avec des organismes du Québec; le
groupe de gérance des projets nucléaires et, il va de soi,
l'expérience dont disposent Hydro-Québec et les organismes qui
lui sont périphériques.
Cadre précurseur des thèmes de cette commission
parlementaire, ces atouts déjà bien en place permettent de songer
dès maintenant à accentuer l'effort de
recherche-développement au Québec, à élargir les
champs d'application de la technologie nucléaire, à explorer
toutes les avenues possibles pour maintenir et développer l'expertise et
l'expérience acquises par l'industrie nucléaire au
Québec.
(17 h 45)
En terminant, M. le Président, permettez-moi de vous
réitérer, ainsi qu'aux membres de cette commission nos
remerciements pour avoir donné à l'EACL, ainsi qu'à de
nombreux organismes, l'occasion de participer à un débat dont la
pertinence et le bien-fondé ne sont pas à démontrer.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Després, pour le
résumé que vous venez de faire. Et je m'en voudrais de ne pas
souligner la qualité du mémoire qui a été
déposé. Vous avez eu l'heureuse idée d'en faire la
synthèse cet après-midi. Nous en avons, bien sûr, pris
connaissance et fait l'analyse. Je voudrais, même s'il approche 18
heures, commencer tout de suite un échange parce que nous allons sans
aucun doute prolonger la séance - de toute façon, c'était
prévu - en début de soirée.
Je voudrais, d'abord, vous dire que je suis très heureux que le
groupe de Montréal, après s'être déplacé vers
l'Ouest en 1944, ait décidé d'un retour vers Montréal en
1982. Le moins qu'on pourrait dire, c'est que ce n'est pas trop tôt et
que nous l'apprécions énormément, d'autant plus
qu'Énergie atomique du Canada semble vouloir le faire avec un
degré d'engagement impressionnant à la fois au plan des
transferts de technologie et au plan de la démonstration très
éloquente que fait votre mémoire du potentiel nucléaire au
Québec.
Ce qui m'a frappé en lisant votre mémoire - si vous voulez
me suivre dans les remarques que je ferai et les questions que je vais vous
poser - c'est à la page 8 en particulier tout le bloc sur les six points
qui, à partir de la filière CANDU, ont réussi à
amener des technologies nouvelles. Je pense, entre autres, à tout ce
volet d'irradiation des aliments, par exemple - je voudrais y revenir -
à des applications en médecine; je ne voudrais pas, non plus,
minimiser les questions d'application du balayage par rayons gamma, le
traçage radioactif et toutes les possibilités qu'offrent,
à partir de Gentilly 2, le rejet des eaux dans la serriculture et
l'aquaculture - je sais que mon collègue à ma droite ici, qui est
député de Nicolet, qui est mon adjoint parlementaire, est
très certainement intéressé par ce dossier - et votre
intérêt très clairement manifesté pour
l'hydrogène.
Je voudrais revenir plus tard en soirée sur la part du
nucléaire dans notre bilan énergétique et sur toute cette
problématique que vous mettez de l'avant de développer notre
potentiel hydroélectrique en même temps que le potentiel
nucléaire à des fins d'exportation d'énergie ferme aux
États-Unis. Je pense que c'est un dossier très
intéressant, c'est un dossier d'actualité, pour ne pas
dire un dossier chaud.
Je voudrais peut-être faire porter mon premier commentaire sur ce
que j'appellerais très certainement une des grandes révolutions
technologiques du prochain siècle, l'irradiation des aliments entre
autres. C'est avec justesse que vous évoquez que les pays en voie de
développement et même les nôtres, les pays
industrialisés, pourraient grandement en bénéficier. Cela
va être ma première question. On parle souvent dans les colloques
internationaux, un peu partout, du problème de la faim dans le monde, de
la conservation des aliments, etc., mais qu'est-ce que cela signifie
concrètement quand vous parlez d'introduire - cela existe à
l'heure actuelle - la conservation des aliments par irradiation? Est-ce que
cela voudrait dire que toute l'industrie frigorifique ou du surgelé
serait appelée à être déplacée ou si c'est
complémentaire? Comment cela se présente-t-il
concrètement?
M. Després: C'est complémentaire.
Deuxièmement, je pense que l'objet poursuivi par les deux techniques
peut se révéler différent. Dans un premier temps, il
s'agit, dans certains cas, lorsque les récoltes se font et que l'on
entrepose ces marchandises avant de les mettre sur le marché, soit en
vrac ou empaquetées, de leur faire subir un traitement aux rayons gamma
pour en prolonger la vie. Évidemment, l'intensité des rayons va
déterminer, dans une certaine mesure, la durée de conservation de
ces aliments. Il y a également, bien sûr, certaines techniques
frigorifiques qui sont utilisées dans certains pays pour prolonger la
vie de certaines denrées alimentaires. Sur ce plan, pour être
peut-être davantage précis, je demanderais à M. Doyle
d'ajouter des commentaires, s'il en a.
M. Doyle (Yves): J'aimerais peut-être mentionner que vous
avez les bons points. Si on prend une récolte, celle-ci se perd pendant
l'entreposage. Alors, dans les pays du tiers monde où les
méthodes d'entreposage ne sont pas aussi bonnes que les nôtres, on
peut, à l'aide d'un irradiateur, "désinfester" les
récoltes de maïs ou autres avant de les entreposer. Cela permet un
temps de conservation supérieur. Plus près de nous, actuellement,
on pense à l'irradiation des épices, encore une fois, pour
"désinfestation". C'est une méthode nouvelle,
complémentaire qui, nous en sommes convaincus, donne de meilleurs
résultats que la méthode utilisée actuellement. On a
mentionné dans les mémoires la volaille, les poissons; ce sont
toutes des choses possibles dans un avenir relativement proche.
M. Després: Je pense que le poisson également est
quelque chose qui est peut- être assez près de nous. Nous sommes
en voie d'examiner cela très attentivement avec les provinces
concernées parce qu'il se pose des problèmes de conservation. Les
méthodes actuelles de conservation ne permettent pas que le poisson
attende longtemps entre le moment où il est pêché, et son
acheminement vers les grands marchés. En définitive, on estime,
par certains essais préliminaires, bien sûr, qui ont
été faits, qu'on pourrait en protéger toutes les
propriétés et, partant, que les pêcheurs pourraient obtenir
de meilleurs prix pour leurs prises.
M. Duhaime: Dans votre mémoire, il y a ici un chiffre qui
me frappe. Je crois que vous l'avez indiqué. Vous avez fait une
correction tout à l'heure. Pas une correction, mais vous avez
donné une précision. "La Société radiochimique de
l'EACL occupe le rang de chef de file dans la mise au point de la technologie
de l'irradiation. Elle est le plus grand exportateur de cobalt 60 et
d'irradiateurs industriels et détient respectivement 95% et 60% de ces
marchés." Vous avez ajouté que c'était pour les pays de
l'Ouest. C'est cela?
M. Després: Les pays de l'Ouest, c'est cela.
M. Duhaime: Les 95% s'appliquent à la production de
cobalt, c'est cela?
M. Després: Oui, les 95% s'appliquent à la
production de cobalt et les 60% correspondent à la production
d'équipement. La raison en est qu'il y a peu de gens au monde qui
produisent du cobalt parce que nous avons une facilité
particulière, avec la technologie du CANDU, pour la produire à un
prix compétitif. Alors que, dans le domaine de l'irradiation, nous avons
certains concurrents qui achètent du cobalt de nous et qui fabriquent
leurs propres irradiateurs. C'est ce qui explique la différence entre
les deux.
M. Duhaime: Mais, avec 95% du marché, de la production de
cobalt 60 et ce que vous envisagez comme expansion possible dans ce secteur, on
peut dire que vous êtes les rois et maîtres dans le bloc de l'Ouest
là-dessus. Concrètement, cela s'est traduit par des projets, des
investissements. Comment cela s'est-il traduit sur le plan des
exportations?
M. Després: Ce que je pourrais dire, c'est par
l'occupation d'un marché plus vaste dans ceux que nous desservons
à l'heure actuelle, parce que nous sommes limités quant au cobalt
que nous pouvons produire. Comme vous le savez, ceci a commencé dans les
premiers réacteurs qui ont été mis en service au Canada,
en Ontario. On ajoute
d'autres installations dans d'autres réacteurs, on étudie
d'autres possibilités également, par exemple, avec
Hydro-Québec et pointe Lepreau, et nous sommes obligés, lorsque
nous faisons nos prévisions, d'ajuster ces prévisions à la
baisse pour être en mesure de desservir notre clientèle existante.
Or, nous sommes limités chaque année par la production de cobalt
quant à la percée plus importante que nous pouvons faire sur le
marché dans ce domaine-là.
M. Duhaime: Je peux vous dire que c'est avec beaucoup...
M. Després: Maintenant, M. le Président, on me le
rappelle, c'est que, parallèlement au cobalt, nous sommes en voie
également de travailler sur ce qu'on peut appeler des
accélérateurs qui pourront nous permettre de desservir une partie
du terrain couvert actuellement par le cobalt. Déjà demain, nous
avons une rencontre entre des gens du ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme et M. Amyot et son groupe, afin d'explorer ce nouveau
procédé qui est très prometteur pour certains
problèmes particuliers qui touchent la vie quotidienne des gens et qui
nécessitent des déboursés importants de la part des
gouvernements, que ce soit en matière d'épuration des eaux ou de
digestion des déchets pour qu'on en retire toute l'utilité. Or,
déjà, on explore ce côté-là, ce qui pourrait,
dans une certaine mesure, nous laisser plus de cobalt pour des usages pour
lesquels nous avons actuellement une demande et que nous ne sommes pas en
mesure de desservir adéquatement.
M. Duhaime: C'est, bien sûr, avec beaucoup d'attention que
personnellement je vais voir avec Hydro-Québec s'il est possible
à Gentilly 2 d'introduire ce procédé et de le rendre
à terme. Je voudrais aussi vous demander ceci. À partir de
Gentilly 2 - ce n'est pas votre représentation à vous, mais je
pense que c'est le cinquième volet, à la page 10, au
deuxième paragraphe de votre mémoire - vous évoquez un
projet qui pourrait nous permettre "d'utiliser les eaux de rejet thermique
à des fins de serriculture et d'aquaculture." Je sais
qu'Hydro-Québec, à ma demande d'ailleurs, s'intéresse
à ce projet-là. Mais, selon les premiers rapports que j'ai eus,
cela me semblait assez effrayant comme coût. Je ne sais pas si vous
pourriez nous éclairer davantage là-dessus. Est-ce qu'il s'agit
simplement de récupérer de l'eau à haute
température et de l'utiliser dans des serres qui seraient de dimensions
énormes? J'aimerais avoir un peu plus de détails.
M. Després: On peut se servir de l'eau ou de la vapeur,
justement, pour chauffer ces serres-là. Comme vous le savez, il y a
diverses expériences qui ont été faites et il n'y a pas de
doute que ce qu'il en coûte pour cultiver actuellement à
l'intérieur de ces serres est à un prix assez
élevé. Il y a une expérience qui se fait au
Nouveau-Brunswick, par exemple, à partir de la vapeur qui est
rejetée pour la fabrication d'eau lourde. Nous avons essayé de
suréquiper ces serres-là pour ne pas manquer notre coup, pour
minimiser par la suite l'équipement requis et pouvoir établir un
coût qui serait plus abordable. D'un autre côté
également, il est évident que nous devons tenir compte au
Québec du climat, qui est un peu différent de celui qui
prévaut, par exemple, dans la région de Sydney, de façon
à confectionner des serres qui ne seront pas nécessairement
uniquement de plastique, mais qui vont pouvoir, en même temps,
résister au climat plus rigoureux que nous avons. Or, ce que nous nous
proposons de faire, c'est colliger les diverses expériences qui ont
été faites, s'asseoir à table avec Hydro-Québec
pour les partager et voir comment on pourrait faire un essai qui pourrait nous
permettre peut-être de répondre à certains besoins du
Québec et de faire en sorte que le volume d'importation de certains
produits ou de certaines denrées diminue.
Dans ces serres-là, vous avez une pousse qui est très
importante. Pour ma part, j'ai vu ce qu'il en était. Vous avez des pieds
de tomates des deux côtés jusqu'à huit pieds. Alors, je
n'ai pas besoin de vous dire que cela fait une bonne quantité de
tomates; elles coûtent cher, cependant. La même chose pour la
production de concombres et d'autres légumes. Je peux dire qu'ils sont
bons au goût; j'y ai goûté pour voir si c'était
toxique, mais cela ne semble pas être le cas, c'est délicieux.
Alors, ce que l'on veut faire, c'est tout simplement s'asseoir avec les
gens d'Hydro-Québec et voir comment on pourrait faire un essai ici au
Québec qui pourrait avoir des retombées intéressantes. Ce
n'est pas une chose qu'on peut garantir, mais c'est sûrement une chose
qui doit être explorée et je ne pense pas que ce serait
très onéreux de le faire.
M. Duhaime: Alors, est-ce que je peux conclure qu'il y a
ouverture du côté d'Énergie atomique du Canada pour qu'un
projet pilote, par exemple, qui pourrait être greffé autour de
Gentilly 2 puisse être mis en route? (18 heures)
M. Després: Oui. Sûrement, et c'est ce que signifie
la formulation qui est dans le mémoire. Évidemment, on
établit un ordre de priorité. On envisage le cobalt parce que
cela a des incidences plus importantes pour Hydro-Québec et pour nous au
point de vue
des coûts et je pense que cela va être étudié
incessamment. D'ailleurs je pense, M. Amyot, que vous en avez
déjà parlé aux gens d'Hydro-Québec.
M. Amyot (Laurent): Non. Pas encore. M. Després:
Pas encore.
M. Amyot: Je pense que des discussions ont eu lieu au sujet des
opérations CANDU mais je n'en suis pas sûr.
M. Després: D'accord.
M. Duhaime: Maintenant, M. Després, vous mentionnez qu'il
y a eu une annonce de faite - je crois que c'est 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ -
pour un centre de recherche qui serait à Varennes. Vous nous parlez
aujourd'hui des premiers volets de recherche. J'imagine que c'est en
gestation...
M. Després: Évidemment, c'est moi qui ai...
M. Duhaime: ...et que cela devrait être sur le point
d'aboutir. Vous mentionnez quelques mois. Cela veut dire que vous attendez de
voir ce que votre ministère de tutelle vous donnera comme fonds pour
aller de l'avant. Mais, en termes de calendrier, qu'est-ce que cela pourrait
donner comme échéancier? Est-ce que vous pouvez nous
préciser maintenant, ou si la décision est à venir, ce que
vous allez accorder comme priorité dans les premiers volets de
recherche?
M. Després: Évidemment, M. le ministre, c'est moi
qui en ai fait l'annonce, en février 1982, et comme titulaire d'une
entreprise j'ai essayé de me garder une marge de manoeuvre en disant:
Bien, écoutez, on estime que la construction devrait débuter
avant la fin de l'exercice 1983-1984. C'est encore à l'intérieur
de mon délai dans la déclaration que j'ai faite.
M. Duhaime: On est habitué à cela aussi.
M. Després: Bien oui. Alors vous savez qu'il faut se
garder une certaine soupape de sûreté lorsque notre actionnaire
est le gouvernement, fût-il fédéral ou provincial. Quoi
qu'il en soit, comme vous le savez, c'est que la conjoncture a
énormément changé et l'EACL a été vite
obligée de faire une évaluation de l'ensemble de tous ses
programmes de recherche afin de voir si, au plan prioritaire, les programmes
dans lesquels nous étions engagés avaient encore la même
priorité. Par exemple - on peut se poser la question - nous
étudions le cycle du combustible avancé qui est un avantage
du
CANDU de ne pas devoir recourir aux
surrégénérateurs ou aux "fast breeders" comme on les
appelle communément. Est-ce encore le temps, alors qu'il y a beaucoup
d'excédent d'énergie dans le monde, d'intensifier ce programme ou
si on ne devrait pas le décaler sur une plus grande période de
temps? Nous avons un programme, par exemple, dans la gestion des déchets
nucléaires où on doit se poser les mêmes problèmes
parce que les exigences du moment peuvent être plus ou moins
importantes.
Cependant il y a une chose que je peux vous assurer, pour autant que
notre société est concernée. À la fois le
président de notre entreprise, qui est à l'extérieur du
pays aujourd'hui, notre conseil d'administration et moi-même pouvons vous
assurer que la décision est prise quant à l'EACL. Elle est prise
dans un sens où nous ne voulons pas arriver au Québec avec un
programme qui soit désuet ou en perte de vitesse. Nous voulons
également que le programme soit complémentaire aux travaux qui se
font dans le domaine nucléaire et je pense qu'on peut penser à la
fusion thermonucléaire qui est étudiée à la fois
à l'IREQ et à l'INRS-Énergie en
complémentarité avec cet organisme.
A ce moment-là nous avions choisi
l'accélérateur-convertisseur parce que d'après les
discussions que nous avions eues avec l'IREQ cela comporte une étude sur
la résistance des matériaux - si ma mémoire est
fidèle; vous me corrigerez parce que je ne suis pas un scientifique - et
c'était réellement complémentaire. À partir de ce
moment c'est ce que nous sommes en voie d'examiner et j'ai bon espoir qu'on
pourra annoncer d'ici à quelques mois, j'espère d'ici à la
fin de mars 1984, ce que sera le choix du programme. Après cela je pense
qu'on ne devrait pas avoir de difficulté à ramasser des fonds
parce qu'il y a une volonté à l'intérieur de l'EACL de
commencer un laboratoire de recherche au Québec.
Le Président (M. Desbiens): II est 18 heures. La
commission élue permanente de l'énergie et des ressources suspend
ses travaux jusqu'à 20 heures.
M. Duhaime: Je pense qu'on en a encore au moins pour une bonne
heure avec eux en plus de Brace. Alors on est mieux de revenir à 20
heures en forme.
Le Président (M. Desbiens): À 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 05)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux pour poursuivre l'étude du mémoire
de Énergie atomique du Canada. M. le ministre, à vous la
parole.
M. Duhaime: Je n'en aurai pas pour longtemps. Je pense qu'on a
abordé quelques-uns des volets de recherche que se propose de conduire
au Québec Énergie atomique du Canada. On a eu des réponses
concernant le centre de recherche à Varennes, espérant que vous
respecterez vos échéanciers. On va suivre le dossier de
près. Je voudrais maintenant aller à la page 13 de votre
présentation d'aujourd'hui où vous posez, pour le Québec
en tout cas, la grande question: Est-il possible de développer
l'infrastructure industrielle nucléaire au Québec s'il n'y a pas
véritablement de programme nucléaire en voie de
réalisation? Je pense que c'est très bien poser le
problème. Vous suggérez plus loin: Nous pensons que le
Québec pourra y parvenir plus sûrement et en retirer davantage en
développant concurremment son riche potentiel hydroélectrique et
son potentiel nucléaire à un rythme, etc.
J'aimerais que vous soyez plus explicite sur cette position. Je ne crois
pas que j'aie besoin de vous rappeler la position de notre gouvernement pour ce
qui est du moratoire qui avait, je crois, en 1978, une seule exception,
c'est-à-dire que nous étions prêts à l'époque
à aller de l'avant avec la mise en chantier de la centrale
nucléaire Gentilly 3 à la condition que le parachèvement
de l'usine d'eau lourde La Prade se fasse et nous étions même
disposés, si mon souvenir est bon, à acheter ou à donner
la garantie d'écoulement de trois années de production de
l'usine.
Lorsque vous parlez du potentiel nucléaire, est-ce que vous
faites référence à notre potentiel de recherche, de
développement et d'exportation de la technologie selon ce que vous avez
évoqué dans ce qui m'a paru être le premier volet de votre
exposé d'aujourd'hui? Ou avez-vous à l'esprit que le
Québec devrait mettre en route un secteur témoin plus large dans
le secteur nucléaire en vue de ce qui voudrait dire la mise en chantier
d'autres centrales nucléaires? Ce serait là-dessus que je
voudrais qu'on se comprenne bien sur les faits pour ensuite voir comment on
peut échanger.
M. Després: Très bien, M. le ministre.
Évidemment, vous comprendrez qu'à l'Énergie atomique du
Canada un de nos objectifs est de faire la promotion de nos produits. Pour
réaliser cet objectif, nous essayons, dans notre argumentation, de voir
aussi l'intérêt de clients potentiels. Ici, nous nous inspirons
également, selon notre interprétation à nous qui est
toujours discutable, des exposés de politique que le gouvernement a
faits lorsqu'il a réévalué et décidé de
l'orientation de son programme énergétique. Si ma mémoire
est fidèle, il n'est pas moins indiqué dans le livre blanc qu'il
souhaitait retenir l'expertise qu'il possédait dans les divers milieux
de façon que, s'il éprouvait le besoin plus tard d'insérer
un programme nucléaire, cette expertise soit disponible.
L'évaluation que nous avons essayé de faire, nous, de la
situation, en tenant compte des richesses hydrauliques que possède le
Québec, cela a été de dire: Bien sûr, il y a un
ensemble d'éléments que nous pouvons réunir qui vont
contribuer à l'atteinte de cet objectif. Cependant, on s'est dit: Est-ce
suffisant? La réponse qu'on y a donnée, à tort ou à
raison, a été qu'on estime que ce n'est peut-être pas
suffisant. Et on se dit qu'il y a une industrie nucléaire au
Québec si on ne prend que le côté manufacturier. Il y a
peut-être avantage à s'assurer que durant une période
creuse on va la retenir au Québec. Si les ventes se limitaient pour
quelques années au domaine national pourrait-on maintenir cette
industrie en place?
Deuxièmement, il y a des sociétés très
importantes au Québec qui ont un rôle et qui ont toujours
joué un rôle au sein de l'industrie nucléaire. Par exemple,
Canatom, qui est le produit de trois grandes sociétés
d'ingénierie: Société d'ingénierie de
Montréal, Lavalin et SNC qui ont un rôle à jouer. Plus
récemment encore, on a NPM à qui l'EACL a dit: Messieurs, vous
avez la majorité. Lorsque nous obtiendrons un contrat pour la
construction d'une centrale nucléaire, où que ce soit dans le
monde, nous vous confierons la gérance de la construction et du projet.
Or, il retrouve que cette société est au Québec. Il
n'appartient pas qu'au Québec de la développer, mais je pense
qu'il faut que le Québec, à tout le moins, regarde la
façon dont il peut contribuer à son évolution et à
son développement.
On dit aussi: II y a un potentiel hydroélectrique, il y a un
potentiel nucléaire. N'y a-t-il pas avantage et possibilité
à essayer, compte tenu des pondérations qu'on peut exercer
à l'égard de l'une ou de l'autre, de continuer ce
développement du nucléaire parallèlement à
l'hydroélectricité? Je n'ai pas besoin de vous dire que ce serait
notre souhait le plus sincère. Maintenant ce n'est pas nous qui allons
prendre la décision, c'est le gouvernement du Québec. Ce que nous
avons essayé de faire valoir, en poussant plus loin encore l'analyse que
nous avons faite de la situation, un intérêt à
privilégier et à maintenir ce que j'appellerais ce secteur
témoin en développant en parallèle, selon un niveau qui
sera compatible avec les besoins, les secteurs nucléaire et
hydroélectrique. Je
me limite au programme national. Il y a peut-être d'autres
idées qui pourront être explorées.
On fait allusion dans notre mémoire à l'exportation de
l'électricité parce que vous y avez touché. J'ai lu un peu
les journaux pour savoir qu'il y a des divergences de vues, entre certaines
déclarations qui ont été faites. Cependant, au-delà
de tout cela, on a regardé la situation de l'exportation de
l'électricité. Je pense bien que la façon dont on
conçoit ces exportations d'électricité vers nos voisins du
Sud ne vise pas exactement le marché qu'Hydro-Québec ou
Hydro-Ontario ont exploité jusqu'ici. Il faut bien se rappeler que
jusqu'ici, ils l'ont fait avec beaucoup de succès; elles ont surtout
vendu de l'énergie pour des périodes de temps données. Ce
n'est que récemment que cela s'est échelonné sur des
périodes plus longues. Si ma mémoire est fidèle, la Loi
sur l'Hydro-Québec a été amendée à la
dernière session justement pour lui donner plus de souplesse et de
flexibilité quant au type d'énergie qu'elle souhaiterait disposer
pour des périodes plus ou moins longues vers les États-Unis.
On s'est dit que ce marché a permis de disposer
d'excédents pour des périodes qui s'échelonnaient, qui se
sont échelonnées récemment sur une période assez
longue, mais ce n'était rien qui était dédié
spécifiquement sur la vie de la centrale. Je pense que c'est M. le
premier ministre, lorsque vous avez signé un contrat important à
New York si ma mémoire est fidèle, qui avait fait allusion
à la location d'une rivière qui pourrait conduire à la
construction d'une centrale réservée à l'exportation
d'électricité.
Nous on se dit ceci: Est-ce qu'il n'y a pas moyen, en construisant par
exemple une centrale nucléaire, de la réserver à un groupe
de clients, chez nos voisins, qu'ils soient regroupés ou pris
individuellement? Nous pensons que la chose est possible dans une certaine
mesure qui est discutable, parce que cela peut contribuer à la
fermeture, comme on sait, de centrales désuètes et très
onéreuses chez nos voisins et cela peut contribuer également
à différer chez nos voisins la construction de centrales
où ils n'ont peut-être pas toutes les garanties voulues à
l'heure actuelle, que ce soit en matière d'obtention de permis... On
sait que l'obtention de permis en matière nucléaire aux
États-Unis est un processus extrêmement long. On sait que
l'état de la réglementation au plan tarifaire comporte un certain
nombre de difficultés dans la fixation des tarifs qu'ils exigent de leur
clientèle quant à la reconnaissance de certains investissements
et de certains coûts qu'ils voudraient exiger de leurs clients. Et, on se
dit que si on procède de cette façon, bien sûr qu'il y a
des retombées importantes pour le Québec, mais en
parallèle avec le développement hydroélectrique, on
pourrait déjà, pendant la période où on construit
une centrale nucléaire réservée, vendre l'énergie
à un prix correspondant à l'énergie produite par une
centrale réservée. Il y a là un marché qu'on n'a
peut-être pas exploité à fond. Il est évident que
c'était peut-être l'idée du gouvernement et celle
d'Hydro-Québec d'examiner et de s'orienter dans cette
direction-là par l'amendement qui a été apporté
à la Loi sur l'Hydro-Québec. Mais, évidemment, comme je ne
suis pas impliqué dans le processus décisionnel du gouvernement
ni d'Hydro-Québec, je ne peux qu'essayer de présumer de la
flexibilité qu'on a voulu apporter à Hydro-Québec. Il faut
se rappeler ensuite que l'industrie en bénéficie, que cela
contribue à maintenir l'expertise qui est au Québec et à
peut-être mieux équilibrer le secteur témoin du
nucléaire pour que, lorsque le moment sera venu, si on en vient à
cette décision-là, on ait les atouts requis pour pouvoir
être complètement autonome dans ce secteur, si je peux m'exprimer
ainsi, comme Hydro-Québec l'est dans le domaine de
l'hydroélectricité où elle a une crédibilité
et un prestige internationaux.
M. Duhaime: Vous avez raison de le souligner. La Loi sur
l'Hydro-Québec a été modifiée récemment pour
permettre de façon explicite à Hydro-Québec d'exporter de
l'énergie ferme. Il est bien entendu que les scénarios que nous
envisageons et qui sont en discussion autant avec le marché de New-York
qu'avec celui de la Nouvelle-Angleterre ne sont pas basés sur la
location d'une rivière pour un délai de 25 ans, alors que le
matin de la 26e année on redeviendrait propriétaire. Je pense que
quand cela a été évoqué, cela a été
sous forme de question à M. Lévesque...
M. Després: Oui, oui.
M. Duhaime: II a répondu: Si on a une proposition, on va
l'étudier. Les discussions qui sont en cours actuellement avec NEEPOOL
et PASNY portent sur des contrats d'énergie ferme pour des durées
importantes, à partir de tout le réseau d'Hydro-Québec qui
doit, bien sûr, apporter sa fiabilité sur les livraisons.
Je vais vous donner ma réaction. Vous avez raison de souligner
qu'aux États-Unis, cela commence à être vraiment
très compliqué d'installer une centrale nucléaire. Mais si
c'est devenu compliqué à cause de la réglementation, c'est
qu'il y a une opinion publique aux États-Unis qui a exigé cette
réglementation sur le plan de l'environnement en particulier, avec le
problème des déchets industriels qui se pose. Et je pense qu'il y
a eu aussi tout le traumatisme à l'occasion des incidents de Three Mile
Island. C'est peut-
être ce que vous aviez à l'esprit vous-même quand
vous avez fait votre exposé, cet-après-midi, en disant qu'on a
quelque difficulté avec le marché. Je me pose la question. Je
pense qu'en commission parlementaire, c'est le meilleur endroit pour se la
poser tout haut. Si les citoyens américains et leurs familles ont de
plus en plus de réticence face aux installations nucléaires, je
me demande comment notre population accepterait qu'on installe un parc ou
disons quelques centrales nucléaires à la frontière
à des fins exclusives d'exportation d'énergie ferme vers les
États-Unis. En termes de cinéma, on pourrait peut-être dire
qu'on est devenu une sorte de "domestic market", en fait. Du coté
américain, on ne veut pas avoir les inconvénients, on ne veut que
les avantages, c'est la première question.
La deuxième, en termes de prix au kilowattheure livré
à la frontière avec la filière nucléaire, je pense
qu'on va s'entendre rapidement pour dire que les investissements en capitaux
sont beaucoup plus élevés au kilowatt, les coûts
d'exploitation sont plus élevés également. Je ne sais pas
comment réagirait le marché américain si on lui offrait
une forme d'énergie plus cher que ce que nous pourrions lui livrer
maintenant en termes d'énergie ferme. Les états financiers
d'Hydro-Québec sont bien connus partout aux États-Unis. Tous les
scénarios de prévision, tant sur la demande interne ici au
Québec qu'en Nouvelle-Angleterre et un peu partout, du moins en ce qui
est relié à ces projets-là, c'est connu. On a bien
sûr l'intention de pousser jusqu'au bout ces négociations avec les
Américains et si possible d'en arriver à conclure des ententes.
Nos évaluations sur le marché pour l'instant ne nous
amènent pas à conclure que le marché américain en
Nouvelle-Angleterre, à New York, en tout cas, pour le marché
qu'on peut rejoindre, est aussi faramineux qu'on peut le laisser entendre
lorsqu'on parle de 10 000, 15 000 mégawatts ou si on parle d'un
marché plus restreint de l'ordre de 2500 à 3000 mégawatts,
si j'inclus là-dedans tout New York, voire le New Jersey et la
Nouvelle-Angleterre.
Du côté américain, je sais que vous rencontrez ces
gens-là et nous le faisons également. C'est un secret de
polichinelle que, dans l'opinion publique aux États-Unis, il y a
énormément de réticence. Il y en a même face
à la construction d'interconnexions pour transporter de l'énergie
aussi dangereuse que l'électricité. J'essaie juste d'imaginer
quelle pourrait être la réaction de ce
côté-là.
Je ne suis pas en mesure de me prononcer de façon
définitive sur le scénario que vous évoquez,
c'est-à-dire construire des centrales nucléaires du
côté canadien à des fins d'exportation. Ma réaction
spontanée est de vous faire valoir au départ les
réserves.
Je ne crois pas non plus qu'on soit les seuls; sauf erreur, il y a
l'Ontario et le Nouveau-Brunswick qui ont fait des installations de centrales
nucléaires. Il y en a une seule au Québec. Il y en a dans
d'autres provinces au Canada - j'exclus les petits marchés, bien
sûr - mais il y peut-être aussi de la place pour une centrale
nucléaire de 600 mégawatts puisque ce modèle-là
peut être construit par Énergie atomique du Canada. Si elles
préfèrent d'autres formes d'énergie, il y a sûrement
des raisons aussi. Je pense qu'il y a de plus en plus de réticence
là-dessus. On n'est peut-être pas au même niveau de
réticence que celui qu'on peut sentir dans ce qui se passe en Allemagne,
par exemple, entre autres, ou encore dans les pays Scandinaves.
Je voudrais avoir vos réactions là-dessus. Est-ce que vous
faites des évaluations, comment les gens pourraient-ils percevoir ce
scénario, c'est-à-dire qu'on installe des centrales pour vendre
aux Américains?
M. Després: II n'y a pas de doute, M. le ministre, que la
proposition qui est contenue dans notre mémoire n'en est pas une qu'on
peut envisager à long terme. Je ne pense pas qu'on puisse envisager, si
vous voulez - comme vous l'avez si bien dit -régler le problème
énergétique de nos voisins du Sud. Ils ont la capacité de
le faire et ils vont finir par le régler. C'est la question d'une
fenêtre qui s'ouvre pour une période donnée et on se
demande si on ne doit pas y pénétrer pour profiter de certains
avantages qu'on a dans une période creuse et avec certains
excédents d'énergie au Québec et dans d'autres provinces.
(20 h 30)
Maintenant, on peut se demander aussi et vous dites c'est
peut-être le bon moment d'échanger en commission parlementaire -
si on doit envisager le tout en fonction des méthodes traditionnelles de
vendre de l'énergie aux États-Unis. Quand l'entreprise a des
périodes creuses elle se pose plusieurs questions et souvent elle essaie
d'être davantage créatrice ou imaginative. Nous nous sommes dit
qu'il y a peut-être des moyens différents qu'on peut prendre. Je
pense tout haut à la centrale de Gentilly 2 au moment où elle a
été mise en service; elle n'aurait pas été mise en
service que cela n'aurait pas dérangé Hydro-Québec. Au
contraire, on peut dire que cela l'aurait avantagée parce qu'elle a des
excédents d'énergie. On dit à tout le moins il y a
là une centrale qui est en état de fonctionner. D'après ce
qu'on peut voir il y aura probablement de l'énergie excédentaire
pour une très longue période.
On peut se poser la question: Est-ce qu'on ne pourrait pas disposer de
cette énergie et en faire une centrale réservée? Si
on veut en faire une centrale réservée il y a deux moyens
de le faire: c'est de vendre de l'énergie selon un contrat traditionnel
et d'avoir une formule pour établir le prix et obtenir les garanties
d'usage. Ou on peut dire à ceux qui pourraient vouloir cette
énergie: on va vous la vendre la centrale; vous la financerez, nous la
ferons fonctionner et à la fin de X années, 25 ans, lorsqu'on
aura été remboursés, que vous en aurez profité
pleinement, elle nous reviendra.
Vous allez peut-être dire: le coût d'énergie est trop
élevé dans les premières années. C'est
peut-être vrai, je n'ai pas fait de comparaison. Mais on peut se dire que
si on a une période de 25 ou 30 ans, on peut ajuster notre tarification
sur une période aussi longue pour la rendre avantageuse dans les
premières années et puis la rendre profitable si vous voulez;
avantage pour le client dans les premières années au niveau
comparatif des prix et augmenter ce rythme un peu plus les autres
années. C'est un scénario qu'on peut également envisager.
On se dit: Si on est capable de la faire financer par les autres et qu'on
ramène au Québec les quelques 1 400 000 000 $ investis, cela
pourrait servir à Hydro-Québec à procéder à
la construction d'une autre centrale ou à contribuer au
développement d'un projet hydroélectrique. Ce n'est pas
impensable.
Tout ce scénario, que je pense tout haut, comporte un certain
nombre de difficultés, il ne faut pas se le cacher, tant au plan
purement québécois qu'au plan national des tractactions entre
pays. Si on a une fenêtre ouverte et qu'on a des excédents, que ce
soit ici ou ailleurs, je le dis bien, parce qu'on travaille sur
différents scénarios, on doit peut-être les explorer pour
voir s'il n'y a pas quelque chose dans cela. C'est peut-être un des
moyens de permettre à tout un secteur au Québec, 30% par exemple
de la fabrication, son insertion au plan des services que ce soit techniques ou
autres, plus des ressources dont on aurait besoin et peut-être un moyen
de passer à travers. Je ne le sais pas.
Vous nous demandez directement si on est intéressé. Notre
réponse, c'est oui. C'est pour cela qu'on se fatigue un peu les
méninges comme tout le monde le fait pour essayer, dans des
périodes qui sont davantage creuses, de pouvoir assurer notre
survie.
Évidemment, il faut, comme tous les autres, prendre les moyens
pour le faire. Cela n'a pas été avec plaisir, l'an dernier, qu'on
a licencié 600 ingénieurs et techniciens. Je dis que c'est un
scénario. Il y en a d'autres. Il y a des regroupements qui pourraient se
faire entre les différents services publics; cela est passablement plus
difficile - on en a déjà causé avec HydroQuébec -
pour toute une série de raisons. Le résultat pourrait être
meilleur, mais je crois qu'un regroupement pour disposer des excédents
établis à quasi-monopole comporte des difficultés parce
que tout le monde n'est pas au même palier, tout le monde ne poursuit pas
les mêmes objectifs. En développant ce même type de
scénario, on peut revenir à un niveau auquel la juridiction
appartient dans le domaine énergétique, particulièrement
celui de l'électricité, au niveau des services provinciaux.
C'est un peu le sens. Remarquez bien, ce que je dis résulte
d'études fort préliminaires. Cela mériterait encore
d'être étudié mais je me dis est-ce qu'on ne doit pas le
regarder de ce côté et assurer le maintien, si vous voulez, d'un
secteur témoin qui pourrait apporter, durant une période creuse,
des retombées. Évidemment, nous, ce qu'on peut faire, c'est de
proposer, parce que les décisions c'est vous qui les prenez et non pas
nous. On essaie de faire valoir notre point de vue. Il y a peut-être du
mérite, si vous le voulez, à approfondir cette
question-là. Je dois vous dire que nous en causons
régulièrement avec Hydro-Québec. Je pense qu'il est
important qu'on se tienne informés et qu'on établisse la
confiance. Remarquez bien - je pense qu'Hydro-Québec pourrait vous le
dire - nonobstant les études qu'on a faites, ils nous ont fait des
commentaires, des réserves. Je pense qu'on a toujours joué les
règles du fair-play avec eux pour ne pas se nuire. Le but ce n'est pas
de se nuire, de savoir celui qui va être en tête ou pas, mais
d'essayer d'en retirer, pour toutes les parties intéressées, le
maximum de retombées possible. Ce n'est pas notre intérêt
de détruire une chose qui va bien, de proposer quelque chose qui n'est
pas acceptable, qui n'est pas accepté. Je pense qu'on a fait nos
classes. On se tient mutuellement au courant et on en explore. Je ne vous dis
pas que c'est faisable. Je vous dis que cela nous paraît avoir du
mérite qu'on pousse peut-être cela un peu plus loin.
M. Duhaime: Vous avez évoqué brièvement
Gentilly 1 cet après-midi. Je crois que vous avez évoqué
la possibilité... Je sais qu'il y a des négociations qui sont
conduites avec Hydro-Québec là-dessus. Personnellement ce serait
vous mentir que de vous dire ce soir que je suis très enthousiaste. J'ai
beaucoup de réserves. Je n'ai pas encore compris comment il se faisait
qu'avec Gentilly 1, après tant d'années, on n'ait pas encore
autre chose qu'un grand chantier inachevé qui a coûté
quelques centaine de millions de dollars. Il est bien certain que si on
trouvait quelque chose d'intéressant avec Hydro-Québec, qu'on le
maintienne comme simulateur ou autre... Si mon souvenir est exact - vousme corrigerez si je n'ai pas les bons chiffres en tête - il me semble
qu'on parlait d'investissements de l'ordre de 125 000 000 $ ou 130 000 000 $
pour la
remise en route. Est-ce que ce chiffre est dans l'ordre de grandeur?
Est-ce que l'Énergie atomique du Canada a des projets -en dehors des
discussions avec Hydro-Québec, indépendamment de cela -
précis pour Gentilly 1 ou bien si cette centrale va rester dans
l'état où on la trouve à Bécancour
actuellement?
M. Després: Je vais vous faire grâce de l'historique
parce que c'est toujours un peu fastidieux. On va essayer de se projeter vers
l'avenir. Toujours est-il que lorsque le président du conseil
d'Hydro-Québec m'a écrit, en novembre 1981, pour me faire part de
la décision d'Hydro-Québec qu'on n'entendait pas, si vous voulez,
se prévaloir de l'option d'acheter la centrale, à ce
moment-là, il y a eu beaucoup de tergiversations, on a
étudié toutes sortes de choses. J'ai dit: Bon, c'est votre
décision et nous l'acceptons. Je suis allé voir le
président d'Hydro-Québec avec M. Bourbeau, le président du
conseil et je lui ai dit: On ne formera pas un groupe de travail bien
considérable. Vous allez envoyer deux cadres supérieurs et on va
en envoyer deux. On va réexaminer logiquement la situation pour essayer
d'en tirer le meilleur parti et s'assurer qu'on ne sacrifie pas des
investissements qui pourraient être utilisés à d'autres
fins. Le mandat qu'on a donné à nos cadres respectifs a
été le suivant: Dans un premier temps, pouvez-vous
considérer la réhabilitation totale de la centrale? Ils ont fait
cela. Ils en sont venus à la conclusion -les chiffres que vous avez
donnés sont exacts - que c'était 135 000 000 $, si ma
mémoire est fidèle, en 1982. Si on envisageait que cela prenait
cinq ou six ans pour réhabiliter la centrale, avec l'inflation,
l'intérêt durant la construction, cela faisait quelque chose comme
300 000 000 $.
On a considéré le coût total de l'énergie
produite à partir de la centrale réhabilitée, les
coûts qu'Hydro-Québec envisageait pour ses nouveaux projets, on
s'est dit: Cette affaire-là n'est pas économiquement rentable,
donc on la met de côté.
À l'étape suivante, on a dit: On va regarder le
démantèlement partiel et en l'examinant on va voir quelle
utilisation on pourrait donner à chacun des composants de la centrale.
C'est ainsi que pour la partie bâtiment du réacteur, nos gens sont
allés en Suède pour voir ce qui se faisait et on s'est dit: Ce
serait intéressant d'avoir un banc industriel, un banc d'essai, si vous
voulez, pour le nucléaire. L'IREQ nous a dit: Regardez donc
l'hydraulique, cela nous intéresserait. On a dit: Oui, c'est possible.
On a examiné ce qui se faisait en Suède et après cela on
est allé voir des clients éventuels pour voir s'il y aurait un
intérêt. Il faut que cette chose-là s'autofinance.
Maintenant, je peux vous dire que les contacts sont en voie de se faire
et que cela augure bien. Je ne suis pas capable de vous donner une garantie.
Les deux parties ont une assurance, nous principalement, qu'en collaboration
avec Hydro-Québec cela a de très bonnes chances de se manifester
avec des investissements minimaux. Je pense que cela pourrait être un
autre centre international qui serait complémentaire à celui de
la Suède, qui a eu le même problème avec le même type
de centrale.
La deuxième partie, c'est qu'on a regardé le
turbo-alternateur. On s'est posé bien des questions: Est-ce que cela ne
peut pas être utilisé comme une centrale de pointe? Est-ce que
cela ne peut pas être utilisé à d'autres fins? Il y a eu
des discussions et des calculs. Cela a été abandonné et
c'est repris. Je crois qu'on ne doit pas le laisser de côté.
Avec l'avènement d'un projet d'envergure comme Pechiney par
exemple, est-ce qu'il ne serait pas utile d'essayer de voir si on ne pourrait
pas utiliser cette turbine en cas de panne ou utiliser, à un prix fort
acceptable, ce turbo-alternateur comme une centrale de pointe? C'est encore
trop tôt pour répondre mais je pense qu'il faut l'examiner.
Considérez ensuite toute la salle de commande. On s'est dit
qu'Hydro-Québec, même si elle n'a qu'une centrale, se doit d'avoir
quelque chose pour entraîner ses opérateurs. Est-ce qu'elle ne
pourrait pas faire un centre de formation en se procurant un simulateur avec
toutes les commandes? On a déjà un fabricant au Québec qui
fournit la plupart des composants des simulateurs, c'est CAE
Électronique. Nous fournissons une autre partie en ce qui concerne
l'expertise. Est-ce que cela n'est pas une chose qu'on peut considérer?
On a dit à Hydro-Québec: On va essayer de vous appuyer pour avoir
de l'aide financière. Cela est en voie d'être examiné.
L'autre partie, les ateliers et le bâtiment des services, je pense
qu'Hydro-Québec peut sûrement l'utiliser comme complément
à ce qui existe déjà pour Gentilly 2. Ce sont les
principaux composants.
Ce que je veux vous dire c'est qu'au moins, il s'est fait une
étude objective de cette centrale qui n'est pas en exploitation pour
essayer de la rentabiliser. Quant à moi, comme contribuable, j'aimerais
bien qu'on fasse quelque chose avant de songer à la raser au sol.
M. Duhaime: Je suis très heureux, M. Després, si ce
dossier s'active et qu'un scénario puisse se dessiner pour ne pas que
ces investissements soient une pure perte. Pendant que nous sommes sur ce
chantier, je ne raterai sûrement pas l'occasion de vous
parler de l'usine d'eau lourde de La Prade. Mais, rassurez-vous, je ne
vous entraînerai pas dans mes échanges avec mon collègue au
fédéral sur le volet de l'indemnité. Cela appartient
à une autre tribune.
J'ai lu, il y a quelques mois, qu'Énergie atomique du Canada
Ltée avait adopté une résolution. Ce doit être,
j'imagine, au niveau de votre conseil d'administration. Vous pourrez me le
préciser. C'était une recommandation faite au ministère
fédéral de l'Énergie et des Mines en ce sens d'envisager
la remise en route de l'usine d'eau lourde de La Prade et de cesser les
activités aux deux usines d'eau lourde dans les Maritimes. Je dois vous
avouer qu'en toute logique, j'aurais été prêt à
soutenir cette démarche puisque je n'ai jamais compris comment il se
faisait qu'on avait installé des usines d'eau lourde dans les Maritimes
- et maintenant on parle de Pointe Lepreau 2 - alors qu'au Québec on
envisageait Gentilly 1. Gentilly 2 avec l'engagement d'Hydro-Québec en
1978-1979 de faire Gentilly 3 avec une usine d'eau lourde. Est-ce que le sort
de La Prade est réglé?
M. Després: Évidemment, comme vous le dites, c'est
un point très délicat pour moi comme président du conseil
d'une société de la couronne. Je vais laisser de
côté les tractactions que vous avez avec votre homologue
fédéral, parce que cela n'est pas de ma compétence, pour
parler plus spécifiquement de notre attitude vis-à-vis des usines
d'eau lourde.
Pour être très précis, notre conseil
d'administration avait informé l'actionnaire, c'est-à-dire le
gouvernement fédéral, à l'automne de 1980, que nous
étions en train de réévaluer l'avenir de toutes nos usines
d'eau lourde mais que nous avions besoin d'une année pour le faire, vu
qu'à ce moment nous avions beaucoup de soumissions
déposées auprès de clients éventuels dont le
Mexique, si vous vous rappelez bien, qui a tout annulé avant que les
soumissions soient évaluées. Nous nous disions que si nous
n'avons pas d'autres commandes nous aurons des surplus suffisants
d'entreposés. (20 h 45)
La recommandation qui a été faite en novembre 1982, soit
une année après, à notre actionnaire principal a
été de dire: Selon nous, lorsque nous aurons atteint
l'équivalent en inventaire de trois chargements d'eau lourde,
c'est-à-dire l'équivalent de chargement de trois
réacteurs, nous vous recommandons de fermer les deux usines, une
à tout jamais et l'autre - selon l'expression -la placer dans les boules
à mites pour la rouvrir. LaPrade demeurerait ce qu'elle était,
parce que, ayant des surplus, il n'était pas question de faire
redémarrer cette usine. C'est le sens de notre résolution. Le
gouvernement fédéral, notre actionnaire, l'étudié.
Le ministre a annoncé qu'à tout le moins il souhaitait que les
usines continuent jusqu'à la fin de juillet 1984. Nous avons certaines
évaluations à faire. C'est la décision de l'actionnaire.
C'est son droit le plus strict. Pour autant que notre conseil était
concerné, nous ne mettions plus de notre argent dans les usines d'eau
lourde.
Quant à l'avenir de LaPrade - si ma mémoire est
fidèle, je n'étais pas là lorsque la construction a
été arrêtée - il y avait beaucoup de surplus. Il y
avait également des usines en construction en Ontario, qui ont
été terminées puis qui ont été
fermées. L'usine de LaPrade est demeurée ce qu'elle est
actuellement. On la conserve parce que, selon les techniciens et les
scientifiques qui ont examiné la question, la technologie qui est en
voie d'être développée à LaPrade sera encore utile,
me dit-on, pour une dizaine ou une douzaine d'années.
C'est donc dire que les gens on pris beaucoup de soin à
entreposer les pièces pour que le tout soit réutilisable. Je
pense que dans la conjoncture actuelle, il est difficile d'entrevoir que
LaPrade - selon les meilleures estimations - puisse être rouverte dans la
période dont on parle. Ce n'est pas une impossibilité, mais
compte tenu de la demande, compte tenu de la capacité de production
existante au Canada, cela peut difficilement se concevoir. Je pense que ce
serait également - remarquez bien, tout dépend de l'actionnaire -
une mauvaise décision que de vouloir tout raser et ne pas conserver cela
comme une police d'assurance. C'est ce qu'on essaie de faire.
Parallèlement à cela - ce n'est pas facile - on essaie de
voir ce qu'on pourrait faire avec les bâtiments. Je ne parle pas des
tours. On a étudié plusieurs possibilités, aucune n'a
donné de résultat, mais on songe à d'autres. Quant
à moi, notre président également et nos cadres, on se
casse la tête. Il y a des possibilités, mais je pense qu'il serait
trop tôt pour vous en faire part. J'en discutais justement avec M.
Therrien, en marchant ce soir. Ce sont des idées assez futuristes et
renversantes. Mais j'aime mieux ne pas y penser parce qu'on s'enthousiasme trop
facilement et, des fois, cela devient tout simplement une impossibilité.
Je peux vous assurer que nos gens en sont conscients; on voudrait en faire le
meilleur usage possible.
M. Duhaime: Maintenant, vous avez mentionné les
possibilités sur les marchés internationaux. Vous donnez des
chiffres à la page 11, entre autres, sur les parcs nucléaires au
Royaume-Uni, en Allemagne, en Suisse, en France, etc. Je remarque une chose, je
comprends qu'en dehors du Canada, les installations du CANDU, vous les avez
énumérées cet après-midi, l'Inde, le Pakistan, la
Corée du Sud...
M. Després: ...la Corée, l'Argentine... M.
Duhaime: La Roumanie, je crois... M. Després: La Roumanie,
l'Argentine.
M. Duhaime: ...l'Argentine. Je comprends que cela peut
déborder la stricte discussion sur le plan d'une politique
extérieure ou d'une politique d'un gouvernement qui décide de
soutenir une industrie en offrant des conditions de financement. Je pense,
entre autres, aux offres que le Canada a faites au Mexique et qui ont
été refusées.
J'ai eu l'occasion de discuter du programme nucléaire avec les
Brésiliens. Si mon souvenir est bon, ce sont les Allemands qui s'y sont
implantés. Comment se situe la concurrence? Le CANDU doit affronter les
concurrents sur les marchés internationaux. Sont-ils Américains
d'abord, Allemands, Français? Comment est-ce que cela se situe
indépendamment des scénarios de pénétration sur le
marché, dans l'avenir? Vous vous battez contre quels pays?
M. Després: On se bat d'abord contre ce que j'appellerais
les détenteurs originaux de la filière du réacteur
à eau légère c'est-à-dire Westinghouse des
Etats-Unis. Westinghouse également qui a donné plusieurs permis
ou licences dans divers pays pour la fabrication, la construction de centrales
nucléaires. Ainsi, la France aujourd'hui est autonome mais la
filière est la même que celle de Westinghouse. Donc, la
filière à eau légère: États-Unis, France.
L'Allemagne a deux filères: elle a une filière à eau
légère et une à eau lourde. Ce sont des concurrents. Aussi
nous avons la Suède. Même s'il y a eu un moratoire sur la
construction de centrales - je ne pense pas qu'ils aient obtenu plusieurs
contrats récemment - on peut dire que ce sont encore les trois, si je
puis dire. Aujourd'hui c'est Westinghouse, la France, l'Allemagne. Bien
sûr il y en a d'autres, mais beaucoup moins importants.
Il va de soi que cette filière du réacteur qu'on appelle
à eau légère pressurisée s'est
développée d'abord bien avant que le réacteur CANDU soit
disponible, que la technique eau lourde soit disponible. Cela s'est fait
d'abord aux États-Unis par la Société Westinghouse, mais
appuyée par un solide programme national: ils ont pu en construire
beaucoup, prendre une certaine expertise, sans standardiser. Je ne peux pas
dire que cela a été un succès à tous les points de
vue, mais à tout le moins ils ont accaparé le marché
américain. Les États-Unis étaient un pays crédible,
possédaient un infrastructure capable de supporter la technologie qu'ils
avançaient et avaient un historique plus long que le nôtre et des
facilités de commercialisation beaucoup plus au point que celles de
l'EACL au départ, il faut bien se le dire, puisqu'ils étaient
déjà présents dans ces pays pour offrir des produits qui
touchaient au domaine de l'électricité ou de l'énergie.
Alors que l'EACL, à son départ, a été surtout
constituée par des scientifiques qui avaient développé la
technologie. Graduellement, il y a eu une province qui s'y est
intéressée, l'Ontario; le Québec y est venu, le
Nouveau-Brunswick. La crédibilité à l'égard de la
filière prend un certain temps avant de se développer. On
commence à avoir une courte histoire qui est excellente, en ce sens que
si l'on regarde par exemple la performance à vie de la filière
CANDU parmi les réacteurs commerciaux - je crois que c'est au-dessus de
350 mégawatts - on occupe huit des dix premières places. Alors,
ce n'est pas sans influencer les gens qui ont des décisions à
prendre. Il n'en reste pas moins vrai que cela comporte des difficultés
parce que lorsque plusieurs personnes ont déjà opté au
préalable pour une filière, elles sont hésitantes à
opter pour une autre. C'est la difficulté que nous avons. Pour ce faire,
il va falloir qu'il soit clairement démontré sur une
période donnée, que cette filière présente des
avantages que l'autre filière ne donne pas.
Bien sûr, on peut regarder ce qui s'est passé à
Pickering: c'est un incident qui peut arriver avec n'importe quelle autre
technologie. Personne ne souhaite des incidents comme ceux-ci. Ils sont
importants dans la vie d'une filière parce qu'ils démontrent
d'une part que des prévisions ont été faites pour traiter
de ces cas lorsqu'on obtient le permis de la commission de contrôle,
parce que si cela n'avait pas été prévu dans le logiciel
ou dans les codes, les opérateurs n'auraient pas été
capables de faire face à la situation; deuxièmement, que vous
avez les ressources qui ont une capacité de répondre pour essayer
de remédier à la situation. Si cela a ses mauvais
côtés, en ce sens qu'on en parle beaucoup, cela peut avoir ses
bons côtés en ce qui a trait aux acheteurs éventuels.
J'ai peut-être fait un long détour, mais ce que je veux
vous dire c'est que ce sont là nos principaux concurrents et certaines
des difficultés qui nous confrontent. On ne reste pas insensibles
à cela. Nous aussi, il nous faut regarder les scénarios ou la
méthodologie qui a été la nôtre pour commercialiser
nos produits; se demander si, dans l'évolution des choses, c'est encore
la bonne façon de le faire et voir s'il n'y aurait pas d'autres
façons de procéder. Je peux vous dire que c'est une des
préoccupations du président, et de temps en temps je n'ai pas
besoin de le pousser mais je surveille pour voir s'il avance assez
rapidement. On espère faire mieux et davantage. Il n'y a pas
d'erreur aussi... il y a tellement de choses à dire. Le financement de
toutes ces choses n'est pas facile. On a une banque pour l'expansion des
exportations. Mais on a des concurrents qui ont une assise financière et
des priorités différentes des nôtres. C'est là que
nous voyons que c'est une autre concurrence, au-delà de la technologie,
qui est difficile à affronter.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Després.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté
avec beaucoup d'intérêt les questions pertinentes du ministre et
la sagesse des réponses de M. Després. On reconnaît
là une personne qui a oeuvré très longtemps dans des
milieux gouvernementaux comme sous-ministre même, je crois, au
Québec et même, présentement, auprès de plusieurs
sociétés d'État autant fédérales que
provinciales. C'est qu'on reconnaît la sagesse de ses propos. D'ailleurs,
j'oserais dire que, depuis que vous êtes là, M. Després, on
s'aperçoit qu'Énergie atomique est beaucoup plus présente
au Québec non seulement sur le plan du marketing, mais que le transfert
des technologies se fait de plus dans des domaines comme les radio-isotopes et
dans d'autres domaines.
Je crois qu'on doit vous savoir gré non seulement d'agir en tant
que président du conseil qui est normalement un poste j'étais
pour dire honorifique - qui n'est pas opérationnel, mais vous l'avez
assumé pleinement. Je crois que les Québécois dans leur
ensemble, quel que soit le parti politique auxquels ils appartiennent, doivent
vous en savoir gré. Bien sûr, il y a des investissements qui ont
été faits, il y a des technologies qui ont été
développées. Je crois que le Québec en a profité
dans le passé, mais que, par un effort soutenu, il en profite davantage
maintenant. Je crois qu'on doit féliciter ceux - que ce soit au niveau
ministériel ou au niveau d'Énergie atomique -qui sont
responsables de votre nomination puisque maintenant vous êtes
entouré d'une équipe qui fait honneur à Énergie
atomique du Canada au Québec même.
Je crois que le ministre a touché à plusieurs des points
importants. J'aimerais peut-être revenir sur certains d'entre eux. Pour
aller au vif du sujet, la stratégie que vous proposez de
développer en parallèle, le nucléaire et l'hydraulique,
bien sûr, ce n'est pas une stratégie qui est nouvelle pour
certaines personnes. Je connais même des personnes qui ont utilisé
la même argumentation auprès de ministres qui ont
précédé le gouvernement qui est là. Cela ne remonte
pas à hier, mais à 1974. C'est sûr que c'était une
stratégie. À ce moment-là, c'était peut-être
une stratégie plus plausible, en ce sens que les prévisions
étaient d'utiliser le nucléaire au Québec, d'après
ce que nous en disait Hydro-Québec, de façon plus imminente.
Maintenant, cela est reporté plus loin dans le temps.
J'aurais deux questions. La première est que vous parlez de
sauver l'industrie, de perpétuer ou de continuer de perpétuer
l'industrie nucléaire. Je crois qu'alors que le Québec cherche
à développer son économie, c'est un exercice qu'on ne doit
pas rejeter du revers de la main, au contraire. Je pense bien qu'il n'y a
aucune société dans le monde qui pourrait se permettre de ne
même pas considérer une option comme celle-là puisque tout
le monde maintenant se retourne vers les hautes technologies et cherche
à maîtriser les technologies qui vont lui permettre d'être
à l'avant-garde dans le monde. Quand même, il reste que, depuis
cinq ans, il y a eu un affaiblissement de l'industrie nucléaire. Vous
avez mentionné des compagnies. Je crois que ces compagnies-là ont
de moins en moins de contrats. J'imagine que, dans ces technologies, lorsqu'on
dit qu'elles appartiennent à telle et telle compagnie, le "know-how" se
retrouve au sein d'individus. Lorsque ces individus quittent ces
sociétés, c'est assez difficile... Enfin, on peut dire que la
quantité de "know-how" qui était disponible il y a cinq ans
était peut-être plus considérable que la quantité de
"know-how" qui existe maintenant. Certains individus sont disparus ou des
équipes ont été démantelées.
La question que je posais, c'était qu'on se trouve maintenant
à une certaine position. Si rien ne se fait, que ce soit dans le domaine
de l'exportation, que ce soit au Québec ou ailleurs, cet effet
négatif d'entraînement va jouer négativement et,
très rapidement, il y a une érosion qui va se faire. Est-ce qu'on
est toujours réaliste? Est-ce qu'on peut se permettre d'être
encore optismiste ou si on devrait être pessimiste? Est-ce qu'on est au
moment où le gouvernement canadien doit regarder le programme CANDU un
peu comme le programme EVIRO ou si on est en train d'évaluer les
derniers efforts qu'on doit faire pour perpétuer cette technologie dans
laquelle le Canada a investi des milliards de dollars et dans laquelle les
individus en particulier avaient laissé leur carrière, leur temps
et leurs énergies? Quelle est la lecture véritable de la
situation dans laquelle on se trouve maintenant? (21 heures)
Le ministre faisait allusion aux exportations. On sait que les
exportations dans les années qui viennent sont plutôt
limitées. On a déjà dit, il y a quelques années,
que cela prenait une exportation ou
un réacteur par année pour maintenir les équipes;
on est loin de cela présentement. Je pose la question brutalement.
Est-ce qu'on se leurre présentement ou est-ce que nous, politiciens,
devons nous poser des questions parce que le ministre a fait allusion à
certaines difficultés politiques? Encore là, quel que soit le
gouvernement qui sera au pouvoir, la conjoncture politique sera la même.
Je me demande si l'on ne se leurre pas un peu sur l'évaluation
véritable de la situation telle qu'elle existe présentement.
M. Després: À l'heure actuelle, comme vous le
savez, si on regarde la situation mondiale et qu'on ne s'attache pas à
Énergie atomique du Canada Ltée uniquement, il n'y a pas eu de
nouvelles commandes pour des réacteurs à tout le moins depuis
trois ans, quel que soit l'endroit dans le monde. Il y a bien eu des commandes
qui ont été publiées mais si vous regardez elles ont
été annulées par la suite. Il y a peut-être la plus
récente - et il faudrait voir encore - la commande que la France a
obtenue de la Chine. Vous savez que la Chine en a signé plusieurs
commandes et qu'elle a pour politique d'en annuler autant. Alors, avec ce
résultat cela revient à zéro.
Si vous demandez si nous sommes optimistes, je crois que dans une
boîte comme la nôtre, il nous faut être optimiste mais
réaliste en même temps. Regardons ce que nous avons à
l'heure actuelle. Nous sommes en voie de terminer des travaux d'à peu
près toutes les centrales. Il ne reste à peu près rien. Si
on regarde le secteur manufacturier, ce qui peut être
espéré, c'est les deux réacteurs en Roumanie où les
achats se font par l'autorité nucléaire roumaine. Il y aura
certaines commandes, je crois. Il y en a eu et il y en aura d'autres qui seront
octroyées au Québec. Cela a été suspendu durant un
certain temps. Nous ne croyons pas que ce le sera. Cela amène un peu
d'eau au moulin. Pour plusieurs manufacturiers qui avaient déjà
présenté des soumissions, cela constituait à peu
près un fait acquis et on s'y est préparé. Ce n'est pas un
ajout de commandes correspondant à deux réacteurs au moment
où l'on se parle. On avait peut-être déjà pris de
l'avance pour un tiers ou un quart, je l'ignore.
Quelles sont les autres perspectives qu'on peut ensuite regarder dans
l'immédiat en faisant preuve d'imagination? Il y a peut-être la
Corée. Encore est-il que quand on regarde sa courbe ascendante
d'énergie, elle a été reprise par contre. Elle a certaines
difficultés en ce qui concerne les exportations. Quel impact cela
aura-t-il? Il n'y a pas de doute qu'il va nous falloir être imaginatifs
si on veut transiger pour une deuxième tranche en Corée. De toute
façon, on y travaille fort. Cela en est une.
On peut regarder d'une part la Turquie.
Mais en Turquie, il nous faut être excessivement prudents parce
qu'il faut évaluer la situation financière de chacun des pays,
soit qu'on y aille seul ou qu'on y aille en collaboration avec d'autres.
Peut-être dans un avenir un peu plus loin peut-on penser à la
Yougoslavie et à d'autres pays. Il y a d'autres pays qui, jusqu'ici,
étaient desservis par la filière à eau
légère et qui commencent à se demander s'ils ne devraient
pas se diversifier dans le domaine nucléaire. C'est une situation
difficile en raison a) des excès d'énergie qui existent à
travers le monde et b) des difficultés financières
qu'éprouvent certains pays qui voudraient se procurer un réacteur
de quelque filière que ce soit et qui en sont incapables parce que leur
limite de crédit est épuisée.
D'un autre côté, il faut analyser toute la situation. On a
nos voisins de l'autre côté de la frontière où il y
a 225 000 000 de population. On n'a jamais pénétré ce
marché et il n'est pas facile à pénétrer non plus.
On peut se poser la question pourquoi. S'il y a des bonnes raisons pour que
cela n'ait pas été fait historiquement. Est-ce qu'on doit
demeurer tel quel ou est-ce qu'on doit le regarder? On examine ces choses.
Est-ce que cela donnera des résultats? Je me dis c'est un peu comme les
courses, à force de gager les longues "shots" on finit par en ramasser
une à un moment donné, dans le temps, lorsque la chance nous
favorise.
Il y a le Nouveau-Brunswick où on fait une étude de
faisabilité pour une deuxième tranche. Maintenant, quelle sera
l'attitude de l'actionnaire dans cela? Il est bien sûr que l'actionnaire
devra réévaluer les investissements qu'il consacre à cette
entreprise. Alors que d'une part nous ne sommes pas financés pour les
opérations CANDU ni pour la radiochimie, parce que ce sont des
activités qui doivent s'autofinancer, ils financent la recherche. Est-ce
qu'ils la financeront au même niveau, à un niveau accru pour
être prêts à récolter les bénéfices de
ce que l'on aura semé ou à un niveau plus restreint pour rendre
davantage la recherche et le développement compatibles avec nos moyens
puis compatibles avec ce que l'on peut entrevoir pour l'énergie
nucléaire plus tard? Est-ce que l'on décidera de se retirer de ce
domaine? Pour ma part, c'est une opinion purement personnelle, je pense que ce
sera une grave erreur de la part du Canada à ce stade-ci, avec ce que je
connais de cette technologie et de ses possibilités, de
l'éliminer. Encore ce ne sont pas des décisions que je prends et
je dois me soumettre aux décisions que les gens autorisés
prendront.
M. Fortier: Dans votre évaluation de la situation, dans
l'argumentation que vous avez développée vous dites: Plus tard,
on va avoir besoin de cette forme d'énergie. Je pense
bien qu'on est d'accord quand on dit "plus tard". Il s'agit
d'évaluer quand, plus tard. Est-ce qu'il s'agit d'un laps de temps de
trois, cinq, dix ans? Bien sûr, je pense bien qu'on serait d'accord
autour de la table pour dire que, plus tard au Québec, il va falloir
songer sérieusement à utiliser l'énergie nucléaire
sur une base importante. Mais quand on dit plus tard on ne s'engage pas
politiquement à beaucoup parce qu'il n'y a pas d'année qui est
définie.
Je voudrais poser une question: Est-ce que vous avez fait une
évaluation quantitative de ces pronostics pour évaluer
réellement la situation? On sait qu'il y a des surplus d'énergie
en Ontario. On sait que Darlington est en train de se compléter et
qu'eux-mêmes vont se créer en se faisant des surplus aussi
importants qu'au Québec. Donc, le programme nucléaire ontarien
devra plafonner à un moment donné. Au Québec, vous
connaissez les surplus d'Hydro-Québec présentement. S'il y a une
relance de l'économie - et là M. Ayoub nous a dit qu'il ne faut
pas désespérer - la consommation énergétique va
s'accroître beaucoup plus rapidement qu'on ne le croit. Il pourrait y
avoir un programme d'exportation extrêmement prononcé selon la
volonté politique qu'on y mettrait. Le ministre nous dit 2000 à
3000 mégawatts. D'autres personnes qui sont intéressées
à la politique disent qu'il y a possibilité d'exporter plus que
cela. Hydro-Québec nous a dit en commission parlementaire que le
marché aux États-Unis était de l'ordre de 8000 à
9000 mégawatts.
On peut faire des prévisions. Il nous reste encore la
deuxième phase de la Baie-James qui est très compétitive
par rapport à l'énergie nucléaire, étant
donné que les investissements ont été faits, que les
lignes de transport d'énergie sont faites, que les routes ont
été faites. Donc, si je me mets à la place du citoyen
moyen qui se dit qu'on a encore beaucoup d'énergie électrique,
que l'eau nous sort par les oreilles, on peut retarder le nucléaire
passablement plus longtemps. On peut même se permettre de vendre de
l'énergie aux États-Unis et de la vendre sous une forme
hydraulique. On peut - si on en vend beaucoup - relancer la phase II de la
Baie-James. Le citoyen moyen ne pourrait pas comprendre l'argumentation
d'ingénieurs à savoir qu'on aurait avantage à favoriser
une autre forme d'énergie présentement. Ceci nous
amènerait à accepter une philosophie disant: On va
développer notre parc hydroélectrique pendant un certain nombre
d'années avant de faire du nucléaire, ce qui est le plus facile
politiquement parlant. Là, on s'en va autour du tournant du
siècle.
Je me demandais si vous aviez évalué cela et si votre
évaluation était de demander à la commission parlementaire
de considérer, disons, une centrale. Si même on faisait cela,
est-ce que c'est réellement ce qui ferait la différence ou s'il y
a d'autres données du problème qui font que de toute
façon, même avec Hydro-Québec construisant une centrale,
cela même serait suffisant pour faire la différence?
M. Després: Bon, il n'y a pas de doute, comme vous le
savez, qu'on fait ces prévisions selon différents
scénarios. Ce sont toujours les pondérations qu'on leur accorde
quant au niveau de leurs chances de succès respectifs. Cela se modifie
non pas régulièrement mais périodiquement. Il n'y a pas de
doute qu'il va nous falloir, dans les mois et les années à venir,
être imaginatif, voir également les types de scénarios
aptes à assurer une continuité dans l'entrée des
commandes. Il n'y a pas de doute que, n'étant impliqué ni dans la
génération ni dans la distribution de
l'électricité, on ne peut pas se doter de programmes comme tels;
cela dépend des gouvernements provinciaux qui ont cette juridiction et
des entreprises à qui ils ont délégué cette
responsabilité. Cependant, on se dit qu'il nous appartient
sûrement d'essayer du mieux que l'on peut de faire voir certains
avantages et inconvénients qui en résulteraient pour des
régions données si on n'a pas le support approprié. Ce
qu'on essaie de voir également c'est: Comment peut-on obtenir ce support
en obtenant des retombées économiques pour ces régions qui
n'affectent pas non plus dans une certaine mesure leurs prévisions
fiscales quant aux priorités déjà exprimées? C'est
pour cela que je pensais tout haut, tout à l'heure, à divers
types de scénarios qui, tout en soutenant ce secteur, permettent d'en
retirer des retombées économiques parallèlement à
certains autres investissements qu'on peut faire dans
l'électricité et sans forcer le gouvernement en question à
déplacer des ressources financières ou à engager son
crédit pour un montant supérieur à celui qu'il juge
opportun dans les circonstances. C'est peut-être un support qui, en
quelque sorte, assure des retombées bénéfiques à la
région tout en permettant la poursuite d'un programme nucléaire
national minimal.
M. Fortier: Dans une optique positive, le Québec pourrait
s'engager dans cette voie et cela lui permettrait d'aider Énergie
atomique et cela aiderait les Québécois d'une façon
générale à perpétuer cette technologie. Je crois
qu'on peut voir les avantages sur le plan technologique pour l'avenir.
Dans un scénario négatif, c'est assez difficile de faire
des prévisions. Si l'on tient pour acquis qu'à un moment
donné on aura besoin d'une autre forme, d'une technologie comme celle-ci
alors tout sera à réinventer.
M. Després: Oui, cela doit être inventé.
Évidemment vous avez toujours ce noyau, ou ce "core" qui est absolument
essentiel que nous allons essayer de préserver. Aussi, on n'est pas
insensibles à cela. On étudie, pendant cette période
creuse, d'autres moyens de conserver nos ressources humaines expertes. On
disait: Nous sommes là pour faire la promotion de nos produits et des
services qu'on peut rendre; on est là aussi pour essayer de nouvelles
activités commerciales qui s'insèrent dans les priorités
d'une région et dans les ressources dont elle dispose.
Notre conception de la recherche et du développement est sous
l'égide du présent. Elle est bien différente de ce qu'elle
était il y a quelques années. Lorsque je vais dans un laboratoire
de recherche - je ne suis pas un scientifique - je demande à
l'employé qui connaît le programme: À quoi travaillez-vous?
Il appelle cela de la recherche appliquée et j'appelle cela de la
robotique. Je ne l'ennuierai pas longtemps mais je sais qu'il y a probablement
une possibilité d'avoir en dehors du nucléaire des
retombées pour l'industrie. Alors, je dis aux gens: Étudiez donc
cela, identifiez ce que peuvent être les besoins de l'industrie
québécoise ou de l'industrie d'ailleurs pour voir si cela peut
s'insérer. C'est une des fonctions que notre bureau de Québec a:
avoir la réciprocité la plus complète entre les deux. Cela
nous amènera à ne pas toucher seulement à notre propre
technologie. Par exemple, on sait qu'actuellement il y a un certain nombre de
difficultés qui sont expérimentées par ceux qui ont
opté pour une autre filière quant à certains arrêts
que leur causent certaines pièces ou certains composants. Nous savons
que pour le CANDU, nous avons à faire, à partir de notre
recherche, certaines découvertes qui pourraient très bien
s'appliquer. Il faut évaluer ce marché, parce qu'il peut
contribuer à utiliser un grand nombre de nos spécialistes. Prenez
le Japon, vous n'en avez jamais entendu parler. Il a refait tous ses
réacteurs de la filière à eau légère. Il les
a réaménagés pour les rendre plus efficaces, peu importe
le prix. Ce marché existe. Comment peut-on le pénétrer?
Cela ne règle pas tout le problème, mais cela peut l'amenuiser
d'une certaine façon.
M. Fortier: Je vous remercie de vos explications, M.
Després.
Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres
commentaires ni questions, il me reste à remercier les membres de
Énergie atomique du Canada de leur participation aux travaux de la
commission.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Després, de même
que ceux qui vous accompagnent. On va avoir l'occasion de se reparler,
j'imagine.
M. Després: J'imagine.
Le Président (M. Desbiens): J'inviterais entre-temps
l'Institut de recherches Brace à se présenter. Comme il y a
nécessité d'installation technique pour de l'audiovisuel, on va
suspendre nos travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 16)
(Reprise de la séance à 21 h 22)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux pour entendre le
représentant de l'Institut de recherches Brace, M. Jacques Lenormand.
Évidemment, avec le système d'audiovisuel, il faudra faire
attention parce que l'image ne sera pas captée en bas. Il faudra que les
références soient expliquées pour qu'elles soient
enregistrées au journal des Débats. Est-ce que le son est bon?
C'est parfait comme cela.
Institut de recherches Brace
M. Lenormand (Jacques): Je vais commencer. M. le ministre,
messieurs, je vais parler durant environ 20 minutes pour faire le
résumé du mémoire que vous avez devant vous. Comme
viennent d'en parler ces messieurs de l'Énergie atomique du Canada et
vous, la grosse partie de nos ressources au Québec vient de
l'hydraulique. Nous avons des lacunes dans le gaz naturel et dans le
pétrole. Forcément, l'électricité elle-même,
il faut la valoriser, c'est-à-dire qu'il faut qu'on s'en serve à
des fins productives. Evidemment, l'idéal, ce serait de s'en servir pour
valoriser l'industrie, c'est-à-dire pour que l'industrie devienne
compétitive.
Il y a certains points qu'on peut souligner pour commencer. Avant de se
lancer dans les énergies nouvelles - comme le fait mon institut - il
faudrait que le Québec, l'ensemble industriel et le peuple du
Québec se décident à se lancer dans la conservation de
l'énergie. C'est la première étape avant d'entrer dans les
énergies nouvelles. Si nous devons entrer dans les énergies
nouvelles, nous sommes obligés de faire des choix. Malheureusement et
heureusement, il se fait dans le monde - on le lit dans les journaux, dans les
revues -toutes sortes de recherches et de développements, d'applications
industrielles et domestiques dans les énergies nouvelles.
Malheureusement, beaucoup d'applications de cette recherche et
développement ne sont pas faites pour le Québec. Aussi,
malheureusement, nous avons dans le passé
voulu copier beaucoup de ces technologies qui n'étaient pas
faites pour nous. Cela a amené des résultats assez
pénibles. Donc, le gros point que je résume en ce moment, c'est
qu'il faut que nous développions des énergies nouvelles de la
recherche, du développement et de l'application. Mais il faut que cette
application soit appropriée.
On pourra toujours compter, je crois, sur nos ressources hydrauliques,
sur l'électricité. Le gros problème avec
l'électricité, c'est que, évidemment, une énergie
statique, dans le sens que l'ère des voitures électriques, de
l'automobile électrique, évidemment, ce n'est pas encore
arrivé. Peut-être que cela viendra un jour, bientôt, on ne
le sait pas. Avec l'électricité, on est malheureusement
lié à une fiche, à une prise dans le mur et, comme le
disait un fameux monsieur: Je viens d'acheter une voiture électrique qui
m'a coûté 10 000 $. La voiture elle-même a
coûté 2000 $ et l'extension ou la corde électrique m'en a
coûté 8000 $.
Dans les énergies nouvelles, évidemment, c'est un petit
peu la même chose, sauf que cela peut être un remplacement pour
l'énergie hydraulique. Cela peut aider à une relance
économique, mais cela n'arrivera pas à résoudre tous les
problèmes. On va commencer typiquement avec les différentes
énergies dont on pourrait se servir au Québec. Nous avons, par
exemple, l'énergie directe du soleil, telles les maisons solaires.
Là, on a fait des erreurs dans le passé. On a voulu chauffer les
maisons avec des capteurs solaires. Ce sont de très belles maisons. Il y
a des maisons comme cela qui existent toujours. Ce sont des maisons qui ne sont
pas à des prix modiques et tout le monde ne peut pas se les offrir. Il y
a différents styles. Ce sont des styles plutôt rustiques. Je ne
crois pas que cela plairait à beaucoup de monde, sauf à ceux qui
aiment vivre dans un milieu rural. Il y a les maisons typiques de la banlieue,
une maison classique dans laquelle on a mis des capteurs solaires. Il y a
même des appartements et des duplex. Malheureusement, ce sont des
technologies qui ne sont pas applicables du point de vue de la
rentabilité. Il faut qu'une technique nouvelle, une technique en
énergie renouvelable se rentabilise. Il faut seulement qu'elle se
rentabilise du point de vue de l'argent, mais aussi qu'elle soit pratique. Dans
ce sens, il y a eu tellement de faillites dans le passé avec des
capteurs solaires qui fuyaient, de vrais fiascos, peut-être parce qu'on
s'est lancé trop vite dans cela.
On peut aussi aller à des formes de maisons solaires un peu plus
applicables, ce que nous appelons des solariums. Avec le solarium, la
beauté du principe, c'est que c'est quelque chose qui s'applique tout de
suite dans notre industrie. Nous avons l'industrie de la vitre ici, nous avons
l'industrie de la charpente, nous avons l'industrie de l'aluminium, nous avons
les installateurs. Donc, l'utilité d'un solarium c'est-à-dire
d'une chambre solaire attachée à une maison, c'est que c'est
quelque chose qui peut être appliqué tout de suite dans le
Québec et qui peut être rentable parce que nous avons
déjà une grande partie de l'infrastructure, comme je vous l'ai
dit, les installateurs et les manufacturiers.
Malheureusement, l'infrastructure n'est pas complète et cela
m'amène à mon premier point qui est: pour qu'une technologie
marche très bien, s'il y a une lacune dans une infrastructure, par
exemple, pour une industrie, cela forcerait les gens à importer cette
technologie. Mais il peut aussi y avoir des lacunes dans la législation.
Par exemple, vous pouvez installer un système solaire tel qu'un solarium
sur votre maison et vous aurez peut-être un gain d'énergie, donc
vous aurez une certaine rentabilité. Mais, si on surévalue votre
maison parce que vous avez ajouté une chambre solaire, vous allez perdre
ce gain, cette rentabilité dans des taxes plus élevées.
Donc, il faudrait que la législation entre aussi dans l'infrastructure
générale de l'énergie solaire pour que des systèmes
solaires soient adoptés, mais qu'il n'y ait pas une lacune quelque part
qui les empêche d'être rentables. Ce n'est pas
nécessairement une lacune technologique, mais cela peut être une
lacune législative.
Voici un autre exemple typiquement de solarium. C'est pour vous montrer
que cela fait chauffer une piscine et cela fait même fleurir un bananier.
La technique solaire, c'est très vieux comme technologie. C'est
très simple à construire. Ce n'est pas un capteur solaire. Il y a
beaucoup de gens qui pensent à l'énergie solaire comme
étant des capteurs solaires. Comme je vous l'ai dit auparavant, le
capteur solaire, c'est quelque chose qui est tout de même très
difficile à appliquer et à être rentable, parce que les
sytèmes solaires en tant que capteurs sont très
coûteux.
Voici un exemple d'une autre forme d'application de capteurs solaires
soit pour l'industrie. Il y a beaucoup d'industries qui ont un besoin d'eau
chaude. Je parle des industries qui font de l'embouteillage, de l'industrie
alimentaire et de l'industrie laitière. L'application de
l'énergie solaire pour l'industrie peut être faite, peut
être rentable, mais cela reste à être décidé
par des calculs. Évidemment, il faut, dans ces calculs, que l'on tienne
compte qu'il faut que l'on ait la technologie des capteurs solaires. (21 h
30)
C'est typiquement une installation faite dans les environs de
Montréal. Ce sont des capteurs solaires fabriqués ici au
Québec. La grande question là-dedans encore, c'est toujours la
rentabilité. Dans ce cas-ci, on
peut voir que, si on a des implications directes avec des capteurs
solaires pour l'industriel, cela peut être beaucoup plus rentable que
pour ie domestique. Certaines industries ont besoin tout le temps d'eau chaude.
Le gros problème avec l'énergie solaire, c'est qu'il fait soleil
le jour; malheureusement, il fait noir la nuit. C'est cela, le gros
problème. Quand on vient pour stocker la chaleur par les moyens
conventionnels que nous avons maintenant, cela brise complètement la
rentabilité.
Finalement, il faut faire attention pour ne pas importer la technologie.
On peut aller à l'absurde. C'est un aménagement au
Nouveau-Mexique, plutôt hippie. Malheureusement, c'est ce que les gens
voient dans les revues. Cela fait une très mauvaise publicité
pour l'énergie solaire.
Là, on entre dans d'autres applications du solaire qui seraient
plus rentables encore. Nous avons ce que nous appelons le mur solaire; c'est un
autre aménagement qui se fait aux États-Unis, qui s'est fait au
Canada. C'est un mur solaire à l'institut Brace. C'est un capteur
solaire gigantesque dont une partie est le mur d'une bâtisse existante.
L'idée avec ce genre de technologie solaire, c'est que vous vous servez
d'un pan de mur qui existe déjà; vous ajoutez des colombages, un
système de vitrage et vous avez un système solaire qui est
beaucoup moins dispendieux que les systèmes solaires classiques, comme
je vous l'ai montré dans les premières diapositives. Enfin, vous
avez les capteurs solaires classiques. Encore là, il reste surtout
à regarder leur rentabilité.
Ensuite, nous venons à d'autres applications de l'énergie
solaire qui sont très importantes pour le Québec, les serres. Le
gros problème au Québec, c'est qu'en été et en
automne nous avons autant de légumes que l'on veut. En hiver, le prix
des légumes, comme vous le savez très bien, augmente parce que
nous sommes forcés d'importer nos légumes, nos fruits du Mexique,
du Sud des États-Unis, de la Californie et de la Floride. Le
problème avec l'industrie de la serre actuellement, c'est que les
coûts énergétiques sont très élevés
parce que les serres elles-mêmes sont mal conçues. Ce sont des
serres conçues selon le système gothique, c'est-à-dire
conçues pour des pays comme la Hollande où ils ont un climat
beaucoup plus tempéré que le nôtre, mais moins de soleil.
Croyez-le ou non, ici au Québec, on a beaucoup plus de soleil que dans
beaucoup de parties de l'Europe. C'est durant les journées les plus
froides que nous avons le plus de soleil. Ce qui arrive, c'est que nous avons
construit nos serres avec des technologies importées. Ces serres sont,
malheureusement, de très grosses consommatrices d'air conditionné
pendant le jour et de très grosses consommatrices d'air chaud la nuit.
Tout cela parce que nous avons importé une technologie. Donc, il reste
un travail à faire dans la recherche et le développement dans les
serres. Comment adapter des serres solaires aux besoins du Québec? Cela
aiderait dans une relance économique parce que cela amène du
travail pour les gens, les constructeurs, les fabricants de serres et cela
amène, évidemment, la production de fruits et légumes chez
nous.
Quand nous arrivons au soleil, il faut aussi parler d'exportation. Dans
le Québec, nous sommes quand même assez limités avec un
marché de 5 000 000 ou 6 000 000. Nous avons le marché
américain de 225 000 000. Nous avons aussi le marché mondial: la
Chine, qui va bientôt arriver à 1 000 000 000, les Indes et une
grosse partie de l'Afrique. Eux ont besoin de technologie solaire parce que,
pour eux, l'électricité, le fuel, le mazout, le pétrole,
c'est secondaire. Ils ont besoin d'énergie pour fins agricoles,
alimentaires et hygiéniques. Vous voyez un système de
distillation solaire pour produire de l'eau fraîche. Je pense qu'au
Québec on en aurait peut-être besoin avec certaines conditions
d'eau. Enfin, dans les pays africains ou asiatiques, il y a un besoin d'eau
immense. Je parle d'un besoin d'eau pour fins hygiéniques,
c'est-à-dire la consommation personnelle et la cuisine. Il reste un
marché fou où l'on pourrait exporter de la technologie de la
distillation solaire. C'est un exemple. On pourrait exporter ou bien des
distillateurs solaires, par exemple, ou bien la technologie pour fabriquer des
grosses unités comme vous en voyez. Ce sont des unités
australiennes. On pourrait aussi exporter une technologie, montrer aux gens
comment les fabriquer sur place et peut-être exporter les
matériaux pour les fabriquer. Après tout, nous avons la vitre,
nous avons l'aluminium; le béton s'achète sur place, mais, quand
même, cela reste un article qui est exportable.
Il y a d'autres articles qui sont exportables. Je n'ai pas amené
les diapositives, mais cela s'applique encore à l'hygiène; il
s'agit de stérilisateurs solaires et de chauffe-eau solaires. Il reste
qu'il y a un marché immense qui nous attend. Évidemment, il
faudrait bien savoir desservir ce marché. Là encore, il y a des
efforts qui ont été faits. Il y a, par exemple, des compagnies
québécoises qui ont eu un succès peut-être
restreint, mais c'est un début, dans les pays en voie de
développement.
Il y a aussi eu des faillites, il y a aussi eu des lacunes. Les gens au
début ont pensé - et les industriels le pensent toujours -qu'on
vend des capteurs solaires comme on vend des cravates. Malheureusement, quand
on veut vendre de la technologie solaire ou de la technologie renouvelable, il
faut aussi vendre le service. Quand vous vendez dans les pays en voie de
développement, ces gens
ont un point de vue différent du nôtre, des besoins
différents des nôtres. Si on veut jouer le jeu comme le jouent les
Japonais, il faut aller leur demander ce qu'ils veulent et, ensuite, leur
vendre ce qu'ils veulent et pas essayer de leur vendre ce que nous avons en
surplus ici. C'est un point à retenir pour l'exportation des
technologies nouvelles. Cela m'a été dit et cela a
été dit à mon patron par plusieurs personnes. Après
tout, on a travaillé dans 100 pays à travers le monde. On a eu
des contacts avec des gens, des présidents de république,
jusqu'à des techniciens dans le champ. Ils nous ont toujours dit qu'ils
aimeraient avoir notre technologie, mais souvent cela ne faisait pas tout
à fait l'affaire. Ou bien on a essayé de les forcer à
quelque chose. Ou bien il y a eu un manque de formation quand on a voulu leur
vendre de la technologie. Mais, comme je vous le dis, le marché est
là, il reste à nous en servir. Il reste à le desservir
avec les meilleurs moyens et il ne s'agit pas seulement de vendre le produit,
mais de vendre le service, la formation et d'avoir du suivi.
Enfin, si on revient au Québec, il y a aussi d'autres
technologies. Maintenant, nous entrons dans la biomasse. Évidemment,
nous avons plusieurs technologies, dont celle des digéreurs de purin. Ce
sont des systèmes qui produisent, par des processus anaérobiques,
du gaz méthane, qui est un combustible, et du fertilisant à
partir de purin, c'est-à-dire de déchets animaux, vaches,
cochons. Ceci a peut-être une grande application, surtout quand on parle
de la région de Montréal et d'autres parties de la province
où il se fait un élevage de porc. Malheureusement, dans
l'élevage du porc, il y a beaucoup de problèmes avec les
déchets animaux. Il y a eu les histoires sensationnelles de camions qui
venaient décharger leurs déchets à minuit dans la
rivière Yamaska. Il y a eu beaucoup de problèmes de ce point de
vue. Les éleveurs de porc sont souvent contraints à la
malhonnêteté parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de
construire des fosses à purin classiques qui leur coûtent trop
cher. Déjà, ils sont dans un marché très
compétitif et ils n'ont pas un très gros revenu pour le porc.
Donc, avoir des dépenses additionnelles pour les besoins
hygiéniques comme le traitement du purin, des déchet animaux,
cela leur coûterait très cher.
Mais il y a des technologies, telles que le biogaz dont vous voyez la
diapositive, qui peuvent produire un gaz méthane et un fertilisant, un
engrais chimique à partir des déchets de porc et cet engrais
chimique, qui est un purin traité, peut être aussi donné
comme moulée à un animal. C'est-à-dire qu'on lui redonne
son purin à manger après l'avoir traité, ce qui peut
amener des avantages économiques pour les éleveurs d'animaux.
Cette technologie est très connue.
Il y a peut-être 1 000 000 d'installations de ce genre en Chine,
peut-être 500 000 aux Indes. Cette installation est au Danemark.
Évidemment, il faudrait que nous fassions de la recherche et du
développement dans ce domaine pour que ces systèmes soient
adaptés pour le Québec. Un digéreur qui est, par exemple,
construit en Chine ou aux Indes n'est peut-être pas applicable pour le
Québec, mais c'est une technologie très intéressante.
Évidemment, d'autres technologies restent à pousser; on
revient à celles de nos ancêtres. C'est ni plus ni moins qu'un
four classique à bois pour chauffer une maison, rien de spectaculaire.
La technologie existe déjà. Il s'agit de la développer.
Cette technologie, il faut qu'elle soit développée dans
l'infrastructure. Quand vous allez ajouter une fournaise à bois dans
votre maison, la compagnie d'assurances va y penser deux fois. Elle voudra que
vous preniez des précautions spéciales. Si vous êtes en
plein milieu de la ville, il vous faut vous faire livrer le bois. Cela
amène, quand même, des changements dans l'infrastructure. C'est
une technologie qui a déjà existé et que l'on peut vite
relancer si on s'y prend bien.
Une autre technologie qui pourrait s'appliquer dans certains coins du
Québec qui sont loin et où on ne peut pas amener
d'hydroélectricité, ce sont les gazogènes. Ce sont des
technologies qui sont très anciennes. Les gazogènes
étaient très connus pendant la guerre en France où ils
faisaient marcher les voitures. C'est ni plus ni moins qu'un moteur classique -
cela peut être un moteur Diesel -un moteur à combustion interne
avec un brûleur dans lequel on brûle le bois avec un manque
d'oxygène, ce qui produit un gaz. Ce gaz est envoyé au moteur et
sert de combustible pour faire marcher le moteur. Ce sont des systèmes
déjà connus. La technologie a été
redéveloppée. C'est un modèle qui a été
présenté à la grande conférence de Nairobi au
Kenya, un modèle suédois comme vous le voyez.
Malheureusement, il n'y en a pas au Québec. Je crois qu'il
commence à y en avoir au Québec mais il y en a très peu.
Dans le reste du Canada, je n'ai pas entendu dire qu'il y avait des fabricants.
Aux États-Unis, il y en a très peu. C'est une technologie qui
pourrait être exportée aussi. Il y aurait une grande demande.
Même dans les pays africains où il y a un manque de bois, il y en
a beaucoup, surtout les pays côtiers, où il y a des
déchets, des résidus de cocotiers, etc., et ils ne savent pas
quoi en faire. Cela pourrait être des combustibles pour faire marcher des
groupes électrogènes comme cela. Vous faites marcher un moteur
à combustion interne et vous y attachez une génératrice
électrique. Ce sont quand même des technologies qui sont
exportables et que
nous pourrions fabriquer nous-mêmes.
Enfin, nous arrivons à l'éolienne. Pour vous montrer que
l'éolienne ce n'est rien de nouveau, c'est la fameuse éolienne
d'avant-guerre à Grandpa's Knob au Vermont. Chaque pale pesait 75
tonnes, pour vous donner une idée de sa taille. Je ne crois pas qu'on
puisse revenir à ces grosses éoliennes. Les Américains ont
fait des expériences qui n'ont pas été concluantes sur les
éoliennes gigantesques. Il reste, par exemple, un marché au
Québec et encore un marché d'exportation pour les
éoliennes à faible puissance; on parle de cinq kilowatts, au gros
maximum. Évidemment, l'éolienne, on ne peut pas l'installer sur
une maison ici sur la Grande-Allée à Québec, ni à
Hampstead ou Montréal. Ce sont des technologies qui sont plutôt
pour le milieu rural, semi-urbain. Je crois qu'il y a un marché pour
cela au Québec, certainement un marché d'exportation, si on peut
faire de petites éoliennes. Voilà un autre monstre. Il resterait
un marché d'exportation. Évidemment, il faudrait savoir
exactement le type d'éolienne. Tout cela pourrait aider à une
relance économique.
Évidemment, nous n'avons pas seulement à concurrencer les
Japonais ou les Américains, qui sont très habiles, ni les
Français ou les Allemands si on veut exporter nos technologies
nouvelles, mais aussi les locaux. Des éoliennes comme cela, par exemple,
sont construites en Thaïlande par des Thaïlandais. Essayer de percer
certains marchés où les locaux sont déjà
lancés, c'est très difficile, mais cela peut se faire.
Finalement, pour éviter que nous n'importions certaines
technologies, il faudrait que nous ayons un puissant réseau de recherche
et de développement. Comme je l'ai dit auparavant, une des
premières erreurs que nous avons faites au Canada, au Québec et
aux États-Unis est que nous avons importé des technologies qui
avaient été développées en Europe, d'autres qui
avaient été développées en Asie, pour la
technologie solaire. Ces technologies n'étaient pas faites pour nous,
par exemple, le four solaire à Odeillo en France, qui, du reste, n'a pas
été conçu pour des recherches dans le solaire du tout,
mais comme une fournaise à haute température pour l'étude
des métaux à haute température. Ce sont des
systèmes très compliqués. Cela marche à Odeillo
parce qu'ils ont 180 jours de soleil et de ciel clair par année. Cela ne
marcherait jamais au Québec. Il y a quand même des gens au
Québec qui ont dépensé de l'argent à faire des
études pour des systèmes comme ceci.
Une autre vue du système. Évidemment, les tours solaires
c'est plutôt fantastique. Cela ressemble à ce qu'on verrait dans
l'an 3000, des miroirs héliostats qui suivent le soleil et qui envoyent
les faisceaux lumineux à une tour centrale. Il y a une étude qui
a été faite ici au Québec pour voir si cela pouvait
être fait. Beaucoup d'argent a été dépensé,
mais cela a apporté des résultats très négatifs. Ce
sont des technologies où il faut faire très attention. Il ne faut
pas tomber dans une attrape d'importer une technologie qui ne ferait pas
l'affaire. (21 h 45)
Je termine avec vraiment des rêves fantastiques, des conceptions
de gens qui voient des parcs éoliens situés dans le milieu de la
mer. De l'argent a été dépensé pour faire de telles
études. Tout ce qu'il reste à faire, c'est de dire: II faut que
nos technologies soient simples, si elles doivent être appliquées
ici au Québec ou ailleurs. Il reste un grand marché pour
l'exportation des technologies si nous nous y prenons de la bonne façon
et que nous faisons une exploitation avec un peu de bon sens. Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Lenormand, pour votre présentation.
Je voudrais savoir comment se situe votre institut. Je crois que c'est une
constituante ou une composante de Concordia. C'est cela?
M. Lenormand: Non, nous sommes une composante et nous faisons
partie de la faculté de génie de l'Université McGill. Nous
sommes une composante indépendante gérée et
administrée par le doyen lui-même comme l'institut des pâtes
et papiers et comme d'autres instituts à l'université.
M. Duhaime: Si je comprends bien votre implication avec les
différents secteurs de recherche, que ce soit dans le solaire, dans la
biomasse ou encore dans l'éolienne, c'est quoi exactement? Est-ce que
vous avez des relations étroites avec l'industrie comme telle? Vous avez
beaucoup insisté sur les marchés d'exportation.
M. Lenormand: Oui, nous avons des relations avec l'industrie. Par
exemple, nous avons travaillé, pour vous donner une idée, avec
des compagnies comme Atlas Turner; nous avons travaillé avec des
compagnies françaises comme Elf; nous travaillons avec de petits
manufacturiers à Montréal comme North Star Engineering; nous
avons travaillé avec la compagnie Petro-Sun, dont Jacques Sicotte est le
président, il est très connu; nous avons travaillé avec
des compagnies américaines.
J'ai mentionné l'exportation surtout parce que notre institut a
travaillé dans 100 pays à travers le monde. Nous avons vu qu'il y
a un marché formidable. Aussi, nous avons été
présents quand des manufacturiers
canadiens et québécois ont été dans ces pays
et y ont apporté leur technologie. Nous avons vu les lacunes, nous avons
vu les gaffes qui ont été faites. Peut-être pas moi parce
que je ne suis là que depuis cinq ans, mais mon patron aurait pu leur
dire que les mêmes gaffes ont été faites il y a 20 ans. Si
vous voulez, la distillation solaire pour la production d'eau peut remonter
à 500 ans. Les Chinois le faisaient pour distiller les parfums. Les
Arabes le faisaient aussi. Le plus grand centre de distillation d'eau solaire a
été construit en 1840 dans les Andes, en Amérique du Sud.
C'était pour donner de l'eau à une ville dont les travailleurs
travaillaient dans une mine. Ce distillateur solaire a duré 50 ans,
jusqu'à ce que la mine ferme. Des recherches ont été
faites par Mouchot, en France, au début du siècle. Les recherches
ont continué dans les années vingt, trente, quarante,
cinquante.
Subitement, en soixante-douze, c'est la crise du pétrole. Il y a
une relance dans la recherche qui se fait. Malheureusement, les pionniers ont
de bonnes intentions, mais ils ne lisent pas les documents déjà
publiés et refont les mêmes erreurs qui ont été
faites il y a 20, 30 et 40 ans. Aujourd'hui, il y a encore des gens qui se
lancent dans le solaire, dans les technologies nouvelles et qui font les
mêmes erreurs qui ont été faites il y a 10 ans, il y a 20
ans. Nous le voyons en travaillant avec l'industrie. Nous Rvons des gens qui
viennent faire évaluer leurs produits chez nous. Nous avons un
laboratoire qui est assez grand pour l'évaluation de systèmes
industriels. Nous voyons les mêmes erreurs. On leur dit. Des fois, ils
les corrigent; des fois, ils ne veulent rien entendre. Nous avons vu l'exemple
de technologies mal appliquées dans les pays en voie de
développement. Donc, on parle d'exportation, on parle d'industrie parce
que nous avons travaillé avec l'industrie et que nous avons
travaillé dans ces pays en voie de développement.
M. Duhaime: Si vous me permettez une seconde question sur
l'institut Brace, je voudrais savoir, en termes d'effectif qui travaille
à la recherche et en laboratoire, combien cela regroupe de gens,
l'institut Brace, à l'heure actuelle.
M. Lenormand: Directement, cela regroupe 12 personnes; avec un
doyen, cela fait 13. Nous avons nos associés dans l'université et
nos associés dans d'autres universités. Nous avons des
associés directs, c'est-à-dire des gens qui travaillent avec nous
directement sur des contrats, que ce soit dans d'autres départements,
dans d'autres universités ou dans d'autres industries. Ensuite, nous
avons nos associés à travers le monde, qui sont des
associés indirects, avec lesquels on peut être appelé
à travailler quand on va dans leur sphère d'influence. Nous avons
des associés dans presque tous les pays au monde.
M. Duhaime: Si je comprends bien, est-ce que je puis dire
qu'à l'institut Brace vous offrez des services à l'industrie qui
oeuvre sur les marchés d'exportation, que vous offrez une expertise
technologique dans les différents secteurs que vous avez
évoqués? L'institut comme tel ne prend pas de participation.
C'est un service professionnel, si je comprends, de haute qualité
à l'université, ce sont des services que vous offrez à
l'industrie qui vend dans les pays en voie de développement. Est-ce
exact?
M. Lenormand: Peut-être que je me suis mal exprimé.
Nous offrons ces services, mais nous entreprenons aussi des projets de
recherche et de développement. Souvent, je dirais dans 75% des cas,
c'est nous qui allons trouver les industries. Nous avons une idée, nous
avons fait les preuves de concept, nous avons fait les tests
préliminaires, nous avons prouvé que cela marche. Ensuite, nous
choisissons une industrie; peut-être qu'on a des contacts dans cette
industrie. On va les voir et on leur demande s'ils sont
intéressés à fabriquer telle et telle chose. Souvent, on
est mal reçus. Évidemment, les gens sont très prudents.
C'est quelque chose de nouveau. Nous entreprenons beaucoup de recherche et du
développement.
Nous avons développé, par exemple, les capteurs solaires
au Québec. Malheureusement, il y a des problèmes de corrosion, de
gel et des problèmes de coût manufacturier; c'est très
cher. Nous avons développé des systèmes caloporteurs dans
notre institut qui n'ont pas de problème de corrosion, qui sont antigel
et qui sont à un coût très modique. Nous sommes en train de
travailler avec une industrie qui va commercialiser ce prototype de capteur
solaire. Nous entreprenons nous-mêmes beaucoup de travaux.
M. Duhaime: Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Toujours dans la même veine, quelle est la
spécialisation de l'Institut de recherches Brace? Est-ce que c'est
l'énergie comme telle ou si vous avez d'autres secteurs de
recherche?
M. Lenormand: C'est la technologie appropriée. Il n'y a
pas seulement l'énergie. Beaucoup de problèmes que nous avons
aujourd'hui sont liés à l'énergie. Surtout, nous
travaillons beaucoup dans les pays en voie de développement où
nous faisons de l'exportation de technologie, c'est-à-dire que nous
exportons la méthodologie d'approche
pour résoudre les problèmes. Le Brace n'est pas une
industrie manufacturière. On n'exporte pas des extrusions en aluminium
ni de la vitre. Nous exportons de la technologie. Par exemple, nous
gérons des projets. Nous avons déjà géré des
projets de construction, des plans de distillation solaire. Nous avons
géré des projets d'administration pour des centres de recherche
et de développement dans d'autres pays. Nous faisons aussi ce
travail-là.
M. Fortier: Vous travaillez en collaboration avec d'autres
universités ou si votre méthodologie vous amène à
travailler directement avec l'industrie? Cet après-midi, on a eu une
présentation de l'INRS-Énergie qui disait avoir
développé un nouveau capteur solaire. Comment vous situez-vous
par rapport aux autres universités qui oeuvrent dans des secteurs
parallèles?
M. Lenormand: Cela nous arrive de travailler avec d'autres
universités. Je dirais que Brace est moins connu au Canada qu'il ne
l'est dans le reste du monde. Je crois qu'on a travaillé avec plus
d'universités en Angleterre, en France, en Allemagne. Nous travaillons
même avec le centre atomique à Ispra en Italie.
M. Fortier: D'où vous vient cette mission? Il y a
quelqu'un qui a voulu cela à l'origine.
M. Lenormand: Pardon?
M. Fortier: D'où vous vient cette mission? Vous vous
êtes donné une mission mondiale. D'où vient cette mission
que vous vous êtes donnée? Il y a quelqu'un qu'il l'a voulu ainsi
ou si c'était dans les objectifs originaux de l'institut ou quoi?
M. Lenormand: C'est le major Brace, qui avait la compagnie de
construction Fraser Brace, qui a légué sa fortune à
l'Université McGill pour aider les pays en voie de développement
à augmenter leur niveau de vie par n'importe quel moyen. Lorsqu'on a
travaillé sur l'eau, c'était notre premier problème et de
là est venue la technologie appropriée. Il y a aussi
l'agriculture, mais nous regardons cela surtout du point de vue
énergétique.
M. Fortier: Alors, M. Brace a laissé un legs, vous
demandant d'aider les pays en voie de développement.
M. Lenormand: C'est cela.
M. Fortier: Ceci oriente votre action. J'imagine que ce legs ou
cette succession vous donne chaque année au moins une partie de vos
revenus et que vous allez chercher des commandites auprès des clients en
plus de cela.
M. Lenormand: Oui, mais nous espérons, évidemment,
ne pas piger dans le legs. On essaie d'être autosuffisants. Comme cela,
on a moins d'ennuis des grands patrons.
M. Fortier: Vous êtes des bons administrateurs. Merci.
Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas d'autres
questions? Oui, M. le député de Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, brièvement, je
voudrais poser la question suivante: Vous êtes venu ici nous rencontrer
pour nous présenter un mémoire et nous faire part des
intérêts que vous avez à faire la promotion des
énergies nouvelles. Maintenant, est-ce que vous attendez quelque chose
de spécifique, de particulier de la part du gouvernement ou si, tout
simplement, vous vouliez contribuer à notre sensibilisation face aux
énergies nouvelles?
M. Lenormand: J'espère qu'en contribuant à votre
sensibilisation vous allez sortir des politiques énergétiques qui
nous seront favorables, évidemment. Je crois qu'il faut regarder les
énergies nouvelles plus que dans le contexte que l'on voit dans les
revues, c'est-à-dire des maisons solaires d'architecture passive, des
maisons solaires de 250 000 $. Je crois qu'il faut regarder la politique des
énergies nouvelles dans un contexte global, c'est-à-dire que cela
peut créer des emplois, cela peut créer une industrie, cela peut
nous aider dans nos exportations et cela peut aussi augmenter notre niveau de
vie dans certains cas. Alors, peut-être, qu'on doit penser dans une
politique énergétique globale à mettre un petit coin pour
les énergies nouvelles, et que ce soit fait avec du "common sense",
comme l'on dit en anglais.
M. Lavigne: Merci.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie, M.
Lenormand, de votre participation aux travaux de la commission.
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources ajourne ses travaux à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 58)