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(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La commission permanente de l'énergie et des ressources se
réunit aux fins de continuer l'audition des mémoires sur
l'étude des effets de la politique énergétique sur le
développement économique.
Sont membres de cette commission: MM. Bordeleau (Abitibi-Est), Ciaccia
(Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Beaumier (Nicolet),
Kehoe (Chapleau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet),
Middlemiss (Pontiac), Perron (Duplessis) et Dussault (Châteauguay).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Mme Harel
(Maisonneuve), MM. Leduc (Saint-Laurent), Mathieu (Beauce-Sud), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly) et Vallières
(Richmond).
Lorsque nous avons suspendu nos travaux, hier, nous étions
à entendre l'Association des distributeurs indépendants de
produits pétroliers. MM. Hotte, Pagé, Malouin et Dostie - je
crois que ce sont les quatre qu'on retrouve actuellement - on vous souhaite la
bienvenue. Je demanderais à M. Hotte de nous présenter, par
ordre, son groupe.
Auditions
Association des distributeurs indépendants de
produits pétroliers
M. Hotte (Guimond): Merci beaucoup, M. le Président.
D'abord, j'aimerais présenter les membres qui m'accompagnent. À
ma droite, M. Michel Dostie, secrétaire exécutif; à mon
extrême gauche, M. Jean Malouin, secrétaire-trésorier, et
à ma gauche immédiate, M. Roger Pagé,
vice-président. Je demanderais une faveur à la commission, celle
de pouvoir lire mon mémoire, parce qu'en faire un résumé
aurait été aussi long et j'aurais risqué d'omettre
certains détails qui auraient peut-être été
pertinents à la commission.
M. le Président, MM. les membres de la commission, les
administrateurs et les membres de l'Association des distributeurs
indépendants de produits pétroliers du Québec remercient
le ministre de l'Énergie et des Ressources de les avoir invités
à présenter ce mémoire à la commission
parlementaire de l'énergie et des ressources. Nous sommes heureux de
faire connaître notre évaluation de la situation actuelle et
d'exprimer nos avis sur l'évolution anticipée du secteur de
l'énergie au Québec.
Le document, intitulé L'énergie, un levier de
développement économique, préparé à
l'intention des intervenants à la commission permanente de
l'énergie et des ressources contient des données
intéressantes sur la consommation des différentes formes
d'énergie au Québec et sur l'évolution du bilan
énergétique jusqu'en 1995. Les données statistiques de la
dernière décennie apportent un éclairage utile pour
l'évaluation des tendances actuelles et notre réflexion sur
l'évolution de la production et de la demande.
Les nouveaux défis que le Québec devra relever d'ici la
fin du siècle exigent que les voies choisies pour renforcer l'autonomie
énergétique québécoise soient tracées avec
prudence en tenant compte des conditions d'approvisionnement et des coûts
aux consommateurs. À ce sujet, le document ci-haut mentionné -
paragraphe 3, page 3 -contient une affirmation pour le moins
inquiétante. On se demande, en effet, pourquoi le gouvernement ferait
seulement un "examen rapide de l'évolution récente de la demande
et de l'offre d'énergie avant qu'il soit procédé à
une évaluation des tendances prévisibles d'ici 1990-1995". Il
nous apparaît, au contraire, qu'un examen approfondi et sérieux
des évolutions du marché dans ce secteur est absolument essentiel
au succès de la stratégie énergétique
québécoise.
Le gaz naturel. Désireux d'atteindre le plus tôt possible
son objectif d'autosuffisance, le gouvernement du Québec encourage la
diminution de la consommation pétrolière en faveur du gaz naturel
dont les sources d'approvisionnement se situent encore à
l'extérieur de ses frontières. Bénéficiant de
subventions généreuses du gouvernement fédéral,
celui du Québec s'est empressé de mettre en place un
réseau gazier et d'en prendre le contrôle financier par
l'intermédiaire de SOQUIP et de la Caisse de dépôt et
placement. Ainsi, comme le note le document préparé pour la
commission parlementaire, "les principales conditions techniques à la
pénétration du gaz naturel au Québec sont maintenant
réunies".
Cependant, personne ne peut garantir au consommateur que cette source
d'énergie
sera plus avantageuse, plus sécuritaire et moins coûteuse
que le mazout. Bien au contraire, Gaz Métropolitain montre pour 1982 une
hausse de 30% de ses profits. Ses actions qui atteignaient au début de
1983 une valeur de 1,08 $ valaient 0,69 $ l'année
précédente et on prévoit que ses actions augmenteront de
8% annuellement au cours des prochaines années. Comme ces
résultats encourageants surviennent au moment même où l'on
assiste à une chute des prix du pétrole sur le marché
mondial, peut-on logiquement prétendre que le gaz naturel demeurera
encore longtemps une source d'énergie plus avantageuse pour les
consommateurs? Si les prix du pétrole demeurent stables ou manifestent
une tendance à la baisse au cours de la décennie qui
débute, les prévisions de la demande pour le gaz naturel
devront-elles être révisées à la baisse? Dans cette
hypothèse, très plausible actuellement, la rentabilité de
deux réseaux québécois de distribution suffira-t-elle
à garantir leurs opérations normales sans l'intervention de
l'État? Ces questions doivent être posées et la commission
parlementaire de l'énergie et des ressources devrait être en
mesure d'informer les consommateurs afin qu'ils puissent faire les comparaisons
entre les coûts prévus des divers combustibles.
Il faudrait aussi se demander comment le Québec pourra s'opposer
aux exigences éventuelles de l'Alberta concernant les prix du gaz
naturel. Par contre, pour ses approvisionnements pétroliers, le
Québec aura toujours le choix entre plusieurs fournisseurs et les prix
du pétrole pourraient se maintenir relativement bas aussi longtemps que
la surproduction existera. On sait, en effet, que la concurrence entre les pays
membres de l'OPEP et ceux qui n'en font pas partie ne favorise guère une
entente à court terme pour la fixation de prix plus
élevés.
Ici même au Canada, les perspectives du marché sont
très encourageantes quand on considère les investissements
énormes du gouvernement et de l'industrie pour l'exploitation du
pétrole dans les Territoires du Nord-Ouest et la mer de Beaufort. Comme
il existera toujours un équilibre concurrentiel entre les
différentes formes d'énergie, on peut déjà
prévoir que les prix du gaz naturel seront bientôt rajustés
à la hausse pour favoriser à la fois la rentabilité du
gazoduc et celle des investissements pétroliers. L'expérience
démontre, en effet, qu'il existe un lien étroit dans la gestion
des entreprises qui exploitent et vendent le gaz et le pétrole
canadien.
Au lieu de continuer sur la voie dangereuse qui conduit à la
réduction constante du chauffage au mazout, le gouvernement du
Québec ne devrait-il pas s'arrêter pour évaluer les
conséquences de sa politique, comme l'y invite l'éditorialiste
du
Devoir: Le marché de l'Est du pays s'effondre-t-il autant que les
compagnies le prétendent ou bien, dans les ententes dont elles ont
convenu entre elles, le Québec est-il en train de cesser d'être
une province productrice de produits raffinés pour devenir un simple
marché de consommation et de chômeurs? On est en droit d'attendre
des réponses non seulement de Québec et des
pétrolières, mais aussi d'Ottawa.
L'offre d'énergie et l'intervention de l'État. Ces
brèves considérations nous incitent à
réfléchir sur la valeur réelle d'une des trois voies
d'intervention choisies par le gouvernement du Québec pour le
renforcement de la sécurité de nos approvisionnements en
énergie importée. Car, à l'heure actuelle, rien n'indique
que les approvisionnements et les coûts du gaz naturel pourront fournir
aux consommateurs la solution recherchée. Le président de la
Caisse de dépôt et placement du Québec affirmait, le 28
février 1983, qu'elle était devenue une société de
gestion "contrairement au rôle que lui avait confié le
gouvernement lors de sa création" et mentionnait, parmi les raisons de
sa piètre performance financière, des prêts à des
taux de faveur à Hydro-Québec, soit 1 050 000 000 $ en 1980 et
225 000 000 $ en 1981, et "la prise de contrôle de certaines entreprises
- dont Gaz Métropolitain - jugées stratégiques pour le
développement du Québec par on ne sait trop qui". (9 h 45)
Le consommateur peut donc se poser certaines questions sur la pertinence
et la rentabilité des investissements consentis à même des
fonds publics pour le renforcement de l'autonomie énergétique du
Québec. Il pourrait, par exemple, se demander si les profits actuels des
sociétés de distribution de gaz naturel sont, en partie, le
résultat de l'intervention de l'État, ce qui constituerait alors
une taxe indirecte pour les milliers de cotisants à la Caisse de
dépôt et placement du Québec. De plus, avant de relier
leurs maisons au réseau gazier, les consommateurs aimeraient sans doute
savoir si les prix de ce combustible - comme ceux de
l'électricité - augmenteront périodiquement au cours de la
période 1983-1995.
Qui peut fournir les réponses à ces questions? Quand on
considère la courte durée des récents accords
Ottawa-Edmonton sur les prix du pétrole et du gaz naturel, on a le droit
d'être sceptique à l'égard des projections optimistes des
experts en ce domaine. Alors, pourquoi le gouvernement du Québec veut-il
hâter, à un coût très élevé, le
remplacement du mazout par le gaz naturel? Se serait-il engagé trop vite
sur cette voie, derrière le gouvernement fédéral, sans
avoir évalué toutes les conséquences et les coûts
réels d'un tel changement?
En plus des coûts immédiats que chaque
consommateur doit assumer, les subventions qu'on lui accorde se
reflètent inévitablement sur la facture de consommation qu'il
paie mensuellement. De plus, une grande partie de l'épargne des
particuliers continuera d'être immobilisée pour le financement de
déficits d'entreprises publiques qui éprouveront des
difficultés à trouver les capitaux nécessaires à
leur expansion. En résumé, la conversion au gaz naturel ou
à l'électricité du chauffage au mazout n'est pas, comme on
voudrait le laisser croire, une opération peu coûteuse.
L'ouverture du marché québécois. Considérant
sa situation géographique privilégiée, les
équipements déjà en place et les réseaux de
distribution permettant d'approvisionner adéquatement tous les
consommateurs de produits pétroliers, il n'est pas certain que la
pénétration du gaz naturel, au détriment du
pétrole, soit la meilleure solution aux approvisionnements futurs des
consommateurs québécois. En effet, les réserves
gazières dont SOQUIP dispose en Alberta ne sont pas à l'abri des
taxes futures dans cette province ou de celles que le gouvernement
fédéral pourrait imposer. Il s'agit d'une forme d'énergie
importée dont les prix d'achat et de transport seront toujours
fixés hors du Québec. De plus, l'Office national de
l'énergie estime que l'Ouest canadien pourra satisfaire nos besoins
durant environ un quart de siècle, ce qui est bien court en comparaison
de la durée des sources de pétrole disponibles sur le
marché mondial.
Les récentes décisions des pays producteurs de
pétrole indiquent qu'il peut être imprudent d'élaborer
notre programme énergétique à partir des données
statistiques de la dernière décennie. D'une part, les
prévisions des économistes et des gouvernements sont toujours
très éloignées de la réalité, d'autre part,
l'estimation anticipée de la consommation des différentes formes
d'énergie préparée par Hydro-Québec et le
gouvernement est purement hypothétique. En effet, certains facteurs,
comme les prix du pétrole et du gaz naturel, sont inconnus, mais ils
auront nécessairement une influence sur l'utilisation de l'une ou de
l'autre de ces deux formes d'énergie. Qui aurait pu prévoir, au
début de la crise de l'énergie, que le chauffage au bois et
l'utilisation industrielle du charbon allaient de nouveau connaître une
utilisation croissante à la fin du 20e siècle?
Si le prolongement du réseau gazier peut contribuer au
développement de l'industrie québécoise, il n'est pas
certain que ce combustible offre les même avantages pour le chauffage des
habitations. Ni le gouvernement fédéral, ni celui de l'Alberta ne
se sont engagés à fournir le gaz naturel au Québec
à un prix garanti pour les cinq ou dix prochaines années. Dans
l'euphorie qui caractérise habituellement le lancement de ces grands
projets, on a promis que le gouvernement québécois n'aurait rien
à débourser pour avoir accès à cette source
d'énergie d'appoint au même prix que celui payé par les
Ontariens. Les transporteurs et les distributeurs comptent sur leurs propres
sources de financement pour réaliser cet ambitieux projet. Cependant,
pourrions-nous oublier que le géant de l'industrie gazière de
l'Ouest canadien, la puissante TransCanada PipeLines, est une filiale de Dome
Petroleum et transporte la moitié du gaz naturel consommé au
Canada? Or, Dome Petroleum devait, récemment, solliciter l'aide
gouvernementale ou cesser ses activités. De tels exemples peuvent-ils
rassurer les consommateurs québécois quant à la
sécurité d'approvisionnement et à la stabilité des
prix du gaz naturel?
On affirme aussi que la conversion au gaz des appareils de chauffage au
mazout et leur entretien créeront de nouveaux emplois et donneront aux
entrepreneurs des régions desservies par le gazoduc l'occasion de
participer pleinement au développement industriel. Cette vision
optimiste devrait s'appuyer sur une évaluation plus objective de la
réalité. Pour être plus précis dans
l'appréciation de l'impact économique réel du gazoduc au
Québec, il faudrait tenir compte des 5000 emplois qui seront perdus par
la diminution graduelle du chauffage au mazout. On estime que chaque million de
gallons en moins entraîne la perte de cinq emplois. Et il faut ajouter
les autres emplois perdus dans les services connexes par suite de la fermeture
des raffineries et de la réduction du chauffage au mazout.
L'électricité. Considérant les avantages
indéniables dont le Québec dispose dans le secteur
hydroélectrique, il doit encourager la recherche afin de mettre au point
de nouveaux procédés industriels utilisant
l'électricité. Comme l'ensemble des Québécois, nous
sommes fiers des réalisations de l'Institut de recherche
d'Hydro-Québec et du prestige dont cette institution jouit à
travers le monde. Outre la production et l'utilisation de
l'électricité, ses travaux sont surtout orientés vers la
recherche de nouvelles formes d'énergie (utilisation des déchets
urbains, de résidus du bois, de la biomasse) qui ne pourront pas
satisfaire les besoins du chauffage domestique au cours des prochaines
années. Quant à l'énergie solaire, il faudra plusieurs
années pour amortir le coût d'installation et d'entretien de
l'équipement, ce qui ne constitue pas, à l'heure actuelle, une
solution pour le chauffage économique.
Par ailleurs, il n'est pas essentiel et même pas opportun
d'encourager la conversion à l'électricité des appareils
de chauffage au mazout. D'abord, l'électricité constitue, en
priorité, un atout pour le développement industriel. De plus, la
période
du chauffage domestique coïncide avec celle d'une consommation
générale accrue d'électricité. Enfin, il est plus
normal de vendre nos surplus d'électricité aux États-Unis
que d'imposer des prix élevés aux usagers
québécois.
Qui pourrait douter que les "cadeaux" d'Hydro-Québec pour la
conversion des systèmes de chauffage seront éventuellement
ajoutés à la facture du consommateur? En plus de coûter
cher à la société d'État, le programme
Bi-énergie ou D-15 n'a pas réduit effectivement le coût du
chauffage domestique et comporte certains dangers. Par exemple, on nous a
signalé plusieurs cas de cheminées où le givre (qui se
forme quand on ne chauffe pas) a repoussé la fumée vers
l'intérieur de la maison lorsque le système automatique D-15
déclenche l'alimentation au mazout. Ce phénomène cause, en
certains cas, des dégâts assez coûteux en plus d'incommoder
les occupants, surtout pendant la nuit. Un autre inconvénient de ce
système se trouve dans l'usage occasionnel de la fournaise au mazout.
Même si l'éventail est utilisé pour souffler l'air chaud
dans la maison, la fournaise ne fonctionne pas durant la majeure partie de
l'année et n'est pas toujours en bon état pour donner son plein
rendement, ce qui cause souvent des problèmes et des coûts
additionnels. Avant de lancer un tel programme, il eut été
préférable de poursuivre la recherche et d'évaluer non
seulement les avantages, mais aussi les risques et les coûts que le
système Bi-énergie impose aux usagers.
Restructuration du secteur pétrolier. Avec la fermeture de trois
raffineries dans l'Est de Montréal, le Québec a perdu son
leadership en matière de raffinage. Au total, c'est une réduction
de 225 000 barils/jour, tandis que l'Ontario perd seulement 44 000 barils/jour
et devance maintenant le Québec de 30%. "Cette baisse touchera deux
produits très importants pour les raffineries: l'essence pour le
transport, dont la consommation stagnera, et le mazout à chauffage qui
disparaîtra pratiquement de la carte en raison des conversions au gaz et
à l'électricité. Mais fallait-il que le Québec soit
presque seul pour payer la note?" La Presse, Alain Dubuc, 4 mars 1983.
Il faudrait s'assurer que les raffineurs veulent bien dévoiler
leur stratégie, car, comme le déclarait le président de la
Commission d'enquête sur les sociétés
pétrolières en France, en 1977: "L'industrie
pétrolière n'offre pas l'exemple d'une activité s'ouvrant
spontanément aux investigations. C'est toujours avec une grande
amabilité que les compagnies communiquent les renseignements
demandés; mais on s'aperçoit très vite que le contexte
permettant de juger ces informations ou bien est tronqué, ou bien est
faussé, ou bien fait défaut." Dans cette optique, les
éléments de réflexion que recherche le gouvernement pour
restructurer le secteur pétrolier devraient tenir compte non seulement
des avis exprimés par les raffineurs désireux d'accroître
leur productivité au Québec, mais aussi de ceux exprimés
par les distributeurs indépendants qui constituent un réseau dont
l'efficacité fut toujours reconnue même dans les périodes
les plus difficiles de la crise de l'énergie. De plus, nous
considérons que l'implantation à Montréal d'une
unité centrale de revalorisation des huiles lourdes devrait être
une partie intégrante de la restructuration.
Cependant, comme le note un document du ministère de
l'Énergie et des Ressources de janvier 1983: "C'est le gouvernement
fédéral qui dispose de l'essentiel des pouvoirs d'intervention
pour tout ce qui concerne les modifications à apporter aux conditions
régissant le commerce interprovincial et national du pétrole brut
et des produits pétroliers. Bien que certaines actions aient
déjà été amorcées en ce sens, il
apparaît évident que la situation actuelle appelle des mesures
complémentaires."
Dans le même document, on peut lire à la page 26: "D'ici la
fin de la présente décennie, le Québec sera placé,
au niveau des disponibilités d'énergie, dans une situation qu'il
n'a jamais connue: les principales formes d'énergie utilisées
dans le monde, soit le pétrole, le gaz naturel et
l'électricité, seront présentes dans la plupart des
régions du Québec dans des conditions de coût très
favorables et cela, grâce aux nouvelles infrastructures actuellement
mises en place. Sur le plan de la fiabilité des approvisionnements comme
du prix de l'énergie, les consommateurs québécois
bénéficieront ainsi de conditions très favorables par
rapport à celles prévalant dans la plupart des régions
industrialisées."
Cette affirmation ne tient pas compte de la réduction constante
des approvisionnements pétroliers, selon la stratégie
amorcée par le gouvernement. Comment peut-on favoriser en même
temps la disparition, à peu près complète dans certaines
régions, du chauffage au mazout et affirmer que les consommateurs
pourront encore en 1990 choisir entre trois formes d'énergie:
pétrole, gaz naturel et électricité? De deux choses l'une:
ou bien le gouvernement prend les moyens d'assurer la permanence dans toutes
les régions d'un réseau de distribution du mazout ou bien il
avertit les consommateurs qu'ils doivent dès maintenant choisir entre le
gaz et l'électricité.
Puisqu'il s'agit d'un besoin essentiel et que l'État a le devoir
de faire connaître la vérité aux citoyens en cette
matière, nous recommandons que le gouvernement du Québec: cesse
dans les plus brefs délais toute forme de subvention au remplacement
du chauffage au mazout par l'électricité ou le gaz
naturel; intervienne auprès du gouvernement fédéral pour
qu'il cesse d'encourager la conversion des systèmes au mazout vers
d'autres formes d'énergie; réglemente la distribution du mazout
de façon à interdire cette activité aux raffineurs;
favorise les activités de raffinage de façon à assurer un
équilibre entre la consommation et la production de produits
pétroliers sur le territoire québécois.
Même si sa marge de manoeuvre demeure limitée face au
gouvernement fédéral et aux raffineurs, le gouvernement
québécois doit agir de façon à ne pas imposer
à ses citoyens des investissements trop lourds dans le
développement des énergies de remplacement du pétrole au
moment où ce produit devient plus abondant et moins coûteux sur le
marché mondial et au Canada.
La restructuration du secteur pétrolier devrait aussi tenir
compte de la demande de carburant pour les véhicules automobiles, car il
serait prématuré d'affirmer que le gaz naturel va bientôt
remplacer l'essence dans la majorité des véhicules circulant sur
nos routes. Plusieurs années s'écouleront avant que ne soit mis
en place un réseau adéquat de stations-service
équipées pour répondre aux besoins de ces nouveaux
véhicules. Il est difficile, en effet, de prévoir le rythme d'un
changement aussi radical dans les habitudes de vie et de transport des
citoyens. Il faut donc éviter de laisser croire que le gaz naturel sera
bientôt le carburant le plus économique pour les automobilistes.
Il est vrai que le Québec a la réputation d'être la
province où le litre d'essence coûte le plus cher au Canada, mais
il arrive aussi que la "guerre des prix de l'essence" survienne, comme ce fut
le cas récemment à la suite d'une surcapacité de
raffinage, alors que la consommation a baissé de 12,5% en 1982 et qu'on
prévoit une autre diminution de 9% cette année. "Les taxes jouent
ici un rôle encore plus considérable. Par exemple, il y a
déjà assez longtemps que les États-Unis ont haussé
les prix de leur pétrole au niveau de ceux du marché mondial et,
pourtant, le coût de l'essence dans les États voisins est
substantiellement inférieur à ce que nous connaissons chez nous.
Chez nous, on a accablé cette industrie de taxes extrêmement
lourdes." (10 heures)
Malgré les progrès de la science et de ses applications
technologiques, personne ne peut prévoir le jour où le
pétrole sera remplacé par le gaz naturel dans la majorité
des automobiles, des camions et par l'hydrogène dans les avions. Cette
innovation dans le transport aérien devait pourtant se réaliser
dès 1985. "Si le gaz et l'électricité doivent s'imposer,
il n'est pas besoin d'être bien malin pour voir qu'en période de
récession surtout des pertes d'emplois vont être causées
dans le secteur du raffinage et de la distribution des produits
pétroliers. Si la population se convertit largement et subitement au
transport en commun - autre exemple de stratégie gouvernementale - on
doit s'attendre non seulement à une réduction de la consommation
pétrolière, mais à une baisse de l'ensemble des services
de l'automobile. On ne pourra subventionner tout le monde en même temps,
y compris les garages abandonnés par les consommateurs." Le Devoir.
Jean-Claude Leclerc, 5 mars 1983.
L'enquête fédérale sur la concurrence dans
l'industrie pétrolière au Canada a mis en évidence les
pratiques abusives et restrictives utilisées par les
sociétés pétrolières intégrées. Tant
que les raffineurs continueront de vendre au détail, soit directement,
soit par l'entremise de leurs agents, et tant que l'on maintiendra la
concurrence au niveau du détail entre les grandes sociétés
pétrolières et les distributeurs indépendants, on ne
pourra corriger les abus qui ont coûté, depuis 20 ans, plusieurs
milliards aux consommateurs canadiens.
Le mythe entretenu par, les multinationales pour laisser croire qu'elles
étaient les seules entreprises capables d'assurer efficacement la
distribution du combustible et de l'essence pourrait difficilement se
perpétuer quand on voit certaines raffineries cesser leurs
activités parce que le commerce devient difficile. Si le gouvernement
décidait, pour assurer la sécurité d'approvisionnement,
d'acheter une raffinerie, nous croyons que son choix devrait se porter sur des
installations déjà en activité au lieu de chercher
à rentabiliser une entreprise qui a fermé ses portes. De plus,
nous proposons la mise en place d'un programme permettant de transférer
graduellement les stations d'essence de cette raffinerie aux détaillants
indépendants. Qui pourrait douter, en effet, que les deux réseaux
indépendants de distribution de l'essence et du mazout peuvent
constituer un élément majeur du succès et de la
rentabilité de la raffinerie d'État? C'est une autre raison pour
ne pas accélérer indûment l'abandon du chauffage au mazout
et l'utilisation des nouvelles voitures au gaz naturel. Si les prix de
l'essence sont plus élevés au Québec, ce n'est pas la
faute des distributeurs indépendants. Bien au contraire, ceux-ci ont
toujours fait preuve d'un sens profond de responsabilité et de bons
services envers les consommateurs.
En conclusion, il serait facile de citer ici de nombreuses statistiques
pour appuyer nos affirmations. Cependant, nous ne pensons pas que cet exercice
soit nécessaire. D'une part, toutes les prévisions des
gouvernements
et des économistes concernant les approvisionnements et les prix
du pétrole au début de la présente décennie se sont
révélées fausses et inutiles. Elles suscitent même,
à l'heure actuelle, de pénibles négociations entre Ottawa
et certaines provinces et mettent à l'épreuve la
solidarité des pays producteurs.
D'autre part, les coûts é/iormes de l'implantation et du
financement d'un réseau gazier et du développement
hydroélectrique imposent aux consommateurs québécois une
très lourde charge financière sans offrir de garantie quant au
rythme de croissance des prix de ces deux formes d'énergie. Bref, on
presse le consommateur d'acheter un produit durant tout le reste de sa vie sans
lui indiquer quel en sera le prix comparativement au mazout dont le coût
est déjà connu et tend à se stabiliser, sinon à
diminuer.
Dans ce contexte, nous recommandons que le gouvernement du Québec
modifie sa politique actuelle d'incitation au remplacement du mazout par
l'électricité ou le gaz naturel pour le chauffage des
résidences et cesse dans les plus brefs délais toute forme d'aide
financière à cette fin. De plus, nous recommandons que le
gouvernement du Québec presse le gouvernement fédéral
d'adopter des mesures semblables, tout au moins sur le territoire
québécois, et accorde directement à l'État les
mêmes subsides qu'il verserait aux consommateurs afin de contribuer
à la restructuration du secteur pétrolier dans cette province.
Pour assurer aux usagers du mazout un service fiable et des prix
concurrentiels, nous recommandons que le gouvernement réglemente la
distribution de ce produit de façon à en interdire la vente au
détail par les raffineurs. C'est le seul moyen de mettre de l'ordre dans
ce secteur et de prévenir la répétition de
scénarios bien connus qui favorisent des fluctuations de prix souvent
injustifiées.
Enfin, nous recommandons de réduire la taxe sur l'essence afin
d'équilibrer le prix de ce produit au Québec avec celui des
régions voisines et de minimiser les effets néfastes de ce mode
de taxation sur l'ensemble de l'économie québécoise.
L'Association des distributeurs indépendants de produits
pétroliers. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. le Président, je
vais faire une très brève intervention pour ensuite aborder non
pas tous les points du mémoire, mais quelques-uns. J'ai demandé
de faire une vérification au ministère des Finances parce
qu'à la page 8 de votre mémoire il y a un extrait d'un
éditorial de M. Leclerc qui mérite d'être clarifié.
J'y reviendrai plus tard.
M. Hotte, votre organisme est parmi les 72 qui ont déposé
des mémoires pour être entendus par notre commission. Si on se
situe sur un échiquier par rapport à la politique
énergétique, je dois vous concéder le fait que vous
attaquez de front la politique énergétique du Québec sur
un des axes que nous avons retenus pour favoriser la pénétration
du gaz naturel au détriment du mazout importé. Je voudrais vous
dire au départ que, si j'étais à votre place, probablement
que je tiendrais le même discours. En définitive, les gens que
vous représentez dans toute la filière du pétrole,
à partir des mers d'Arabie jusque dans les 200 gallons ou les 45 gallons
du consommateur québécois - on va s'entendre sur une chose, en
tout cas - sont en bout de piste. Vous êtes les derniers avant le
consommateur dans le cycle à partir de l'importation du brut jusqu'au
raffinage, etc. On conviendra également d'une chose: étant en
bout de piste, la seule marge que vous avez, c'est de vous maintenir
auprès d'une clientèle en vous prenant une marge
bénéficiaire pour rencontrer vos coûts de fonctionnement et
dégager des profits dans vos entreprises.
Je pense qu'on conviendra très rapidement qu'aussi bien les
détaillants d'essence que les raffineurs comme tels n'ont pas
grand-chose à voir dans le fait qu'en dix ans le prix du baril de
pétrole a été multiplié par - qu'on le calcule en
dollars américains ou en dollars canadiens, peu importe - dix et, depuis
un bout de temps, même par quinze. Quelle est la certitude que vous avez
que le prix du baril de pétrole en 1993 ne sera pas à 50 $, 60 $,
80 $, 100 $, 200 $? Ce qui m'a toujours étonné dans ce dossier,
c'est que, malgré tous les instituts de futurologie qui existent dans le
monde et tous les brillants cerveaux de l'Occident et de tous les pays
industrialisés, il n'y en a aucun qui avait prévu le premier choc
pétrolier. Quand le premier est arrivé, on a dit: La
première hausse est là pour longtemps. Quand le deuxième
est arrivé, tout le monde est tombé presque en bas de sa chaise,
mais c'est réellement arrivé.
On peut faire tous les scénarios qu'on voudra. On peut dire: La
dette extérieure des pays producteurs de pétrole est telle
aujourd'hui qu'ils sont condamnés à s'assurer des revenus pour
équilibrer leur budget; donc, le prix de leur brut exporté ne
bougera pas tellement. Il faut faire attention. Si je vous disais qu'en 1993 le
prix du baril sera à 300 $, vous allez dire: Le ministre de
l'Énergie et des Ressources est malade. Mais c'est exactement ce qui
s'est produit de 1973 à 1983, exactement ce scénario. Cela a
été l'un des points qui ont fait en sorte que nous avons
axé notre politique énergétique
sur une formule que nous appelons de sécurité
d'approvisionnement et d'une plus grande autonomie énergétique.
On a donc décidé d'"hydroélectrifier" le Québec
à 50% d'ici l'an 2000 et de favoriser le gaz naturel pour avoir un
meilleur éventail à l'intérieur du bilan.
Mais je dois vous dire que je comprends parfaitement votre point de vue.
Vous devrez vous battre, c'est certain - et cela, je vous le concède -
sur le terrain, auprès des consommateurs, pour résister aux
offensives, par exemple, d'Hydro-Québec aussi bien dans le secteur
résidentiel qu'ailleurs et aux offensives aussi des deux
sociétés de distribution du gaz au Québec parce que
l'objectif premier de la politique énergétique du Québec
est de prendre tous les moyens pour déplacer le mazout
importé.
Sur un plan bien logique, qu'est-ce qui se passera en Irak, en Iran?
À l'heure actuelle, au Liban et au Proche-Orient, le gazoduc irakien est
bloqué à toutes fins utiles. Qu'est-ce qui va se passer en Arabie
Saoudite d'ici dix ans? Est-ce que les descendants de Ibn Sa'ud et toute sa
famille vont être encore au pouvoir? Est-ce que la famille royale est
là pour le prochain siècle ou pour les vingt prochaines
années? Qu'est-ce qui va se produire en Iran? Qui va contrôler le
golfe Persique, etc? Il y a énormément de questions qui se posent
sur le plan de la simple sécurité.
L'autre question qui se pose, c'est celle des prix. On pense parfois
qu'un pays comme l'Arabie Saoudite, qui est un des grands pays producteurs de
pétrole encore aujourd'hui dans le monde, est extrêmement riche.
C'est son pétrole qui la rend riche, c'est certain. C'est le transfert
financier des pays industrialisés vers un pays comme celui-là qui
fait sa richesse. Mais il faut faire attention - je crois que c'est une
première -car l'Arabie Saoudite, cette année, au premier
trimestre de 1983, connaît, pour la première fois de son histoire,
un déficit commercial. Quand un pays exportateur de pétrole comme
l'Arabie Saoudite connaît un déficit commercial, cela veut dire
qu'il y a du monde à l'intérieur de ce pays-là qui
dépense de l'argent et qui en dépense aussi à
l'étranger. Est-ce que cela peut avoir une influence sur les prix
à long terme? Il y a un immense point d'interrogation
là-dessus.
Il peut très bien se produire le scénario inverse. Cela
s'est déjà produit. Le pétrole a été
à 34 $ le baril, il est à 29 $. Le "spot price" à
Amsterdam, cet après-midi - je n'en ai pas d'idée, mais
peut-être que ceux qui sont dans le raffinage et sur le marché
libre pourraient nous le dire - est certainement en bas de 29 $.
Il se pose donc la question de la sécurité des
approvisionnements d'abord et, deuxièmement, la question des prix. Je
tenais à rappeler cela avant d'aller à votre mémoire,
parce que c'est exactement ce qui sous-tend la politique
énergétique du Québec.
Vous nous suggérez une réflexion sur le rôle de
l'État ou des sociétés d'État dans le secteur
énergétique au Québec. Quelque part dans votre
mémoire, vous trouvez que les entreprises publiques font des
déficits et que, finalement, ce n'est pas le consommateur d'huile
à chauffage qui va encaisser le déficit, mais le contribuable. Je
voudrais vous faire remarquer que, dans le cas du gaz naturel, les deux
compagnies ne sont pas comme telles des entreprises publiques. Gaz Métro
a deux grands partenaires, la Caisse de dépôt et placement du
Québec et SOQUIP. Le reste, ce sont des actionnaires du privé qui
achètent les actions telles que cotées en Bourse. Gaz
Métro est une compagnie publique inscrite en Bourse. Dans le cas de Gaz
Inter-Cité, c'est une association à trois; Winnipeg Inter
Cité Gaz a 49% des intérêts, SOQUIP en a 49% et la Caisse
de dépôt et placement du Québec en a 2%. Ce n'est pas tout
à fait une entreprise publique. Elle est sous contrôle de
sociétés d'État publiques, mais nous avons des partenaires
du privé dans l'une et l'autre de ces deux compagnies.
Vous avez raison de souligner que les marges bénéficiaires
de ces deux entreprises sont fixées par la Régie de
l'électricité et du gaz, qui est un tribunal ayant des fonctions
administratives, quasi judiciaires en quelque sorte. Ce n'est pas l'État
- je devrais nuancer - ce n'est pas le gouvernement comme tel qui
établit les marges bénéficiaires, mais c'est l'État
en quelque sorte au sens très large. Non pas l'État comme
gouvernement, mais l'État au sens que c'est un pouvoir public qui
décide de la marge bénéficiaire de ces
sociétés distributrices. Sauf erreur, jusqu'à
présent, elles tournent toutes deux à profit. Vous allez me dire
que, quand la régie leur donne l'autorisation pour une pareille hausse
de leurs prix du gaz naturel, c'est assez facile de faire un retour sur
l'investissement et d'avoir un compte positif aux opérations. Mais il
reste que cela mérite d'être nuancé; peut-être
aurez-vous des choses à ajouter. (10 h 15)
Je vois également une contradiction. Vous ne voyez pas ce que
font le gouvernement et les entreprises publiques dans la distribution du gaz.
Vous avez répété vous-même une de vos
recommandations où vous faites l'appel du pied, où vous invitez
le gouvernement ou une société d'État à s'impliquer
dans le raffinage. Alors, il y a des gens qui nous ont dit, depuis la reprise
de nos travaux, que le gouvernement devrait s'impliquer dans le raffinage et
ils suggèrent en même temps aux compagnies privées, aux
sociétés pétrolières majeures, de se retirer du
marché de la distribution. Il faudrait qu'on sache exactement où
il y a de l'argent
à faire. Fait-on de l'argent dans le raffinage? Fait-on de
l'argent dans les réseaux de distribution? Fait-on de l'argent sur
l'importation? Fait-on de l'argent dans toute la gamme des produits
raffinés? Il faudrait le savoir exactement. Je ne sais pas si votre
organisme a eu l'occasion de faire une réflexion là-dessus. Je
n'ai pas l'impression que nous sommes sur un marché
compartimenté. La plupart des compagnies qui oeuvrent dans le secteur,
parmi les majeures - c'est justement la raison pour laquelle elles sont
devenues majeures -étaient installées en amont aussi bien qu'en
aval, c'est-à-dire à partir d'un contrat d'approvisionnement d'un
pays producteur avec un réseau de distribution à l'autre bout, un
peu comme on peut faire n'importe quel scénario d'intégration
à la verticale dans un secteur économique quelconque.
J'aimerais avoir votre réaction là-dessus, parce que je
concilie mal comment l'État peut être à un endroit
bienvenu, alors qu'on voudrait le foutre dehors dans un autre coin, à
moins qu'on ne défende carrément ses intérêts. Je
pense que vous ne vous gênez pas pour le dire dans votre mémoire:
Vous défendez les intérêts de vos membres et vous
défendez un marché. Si c'est cela, je vais retenir votre
mémoire comme étant un mémoire qui est à la
défense exclusive de ses membres. Quant au reste, vous nous laissez le
fardeau de nous débrouiller.
Un dernier point. J'ai demandé de faire une vérification
tantôt. J'y reviendrai après que mes collègues seront
intervenus. Au sujet des faveurs, semble-t-il, que vous avez semblé
déceler à la Caisse de dépôt à l'endroit
d'Hydro-Québec, je pense qu'on n'a pas les mêmes informations,
mais je veux les faire vérifier.
Sur la question des mouvements des produits raffinés dans l'Est
canadien, on en a parlé hier, SOQUIP en a parlé, Shell en a
parlé. Je ne sais pas si, de votre côté, vous auriez des
choses à nous dire là-dessus. Une chose est claire, en tout cas,
dans ce dossier: nous étions exportateurs nets de produits
raffinés jusqu'en 1982 dans l'Est canadien. Une chose qu'on sait, c'est
que nous avons cessé de l'être. La question qui se pose
maintenant: Est-ce qu'au Québec, maintenant, nous sommes devenus des
importateurs nets de produits raffinés - soit de l'Ontario, soit des
Maritimes - qui s'en viennent ici, dans le marché du Québec? Il y
a une variable; on a vu hier les chiffres de SOQUIP, la fourchette est entre
5000 et 40 000 barils. On a fait une vérification auprès
d'Ultramar et la capacité d'Ultramar - je réfère au
tableau 7 de SOQUIP - n'est pas de 103 000 barils, mais de 130 000 barils, avec
une capacité d'aller à 140 000 barils, même, avec la
modernisation qui est terminée. Je pense que l'inauguration se fait
lundi prochain. Je ne sais pas si votre groupe a des chiffres à nous
fournir sur vos prévisions quant aux mouvements dans l'Est du Canada
pour ce qui est des produits raffinés.
Voilà, c'étaient mes commentaires et mes questions. Si
vous avez des choses à ajouter, ne vous gênez pas.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M.
Hotte.
M. Hotte: M. le ministre, vous avez touché à
plusieurs volets de notre mémoire. Il n'est pas facile de
répondre à tout cela. Mais il y a deux choses que j'ai retenues,
c'est la sécurité des approvisionnements et les prix.
Sur la sécurité des approvisionnements, je ne veux pas
agir comme les jésuites en vous retournant une question, mais je suis un
peu obligé de le faire. Croyez-vous que c'est plus sécuritaire de
s'en tenir au gaz naturel, qui n'est produit que par un point
d'approvisionnement, soit l'Alberta, alors que le marché du
pétrole a quand même plusieurs points d'approvisionnement dans le
monde? Dans notre mémoire, on spécifie que, pour le gaz, on a
seulement un point d'approvisionnement. Au point de vue de la
sécurité, je pense que le fait qu'on ait plusieurs points
internationaux d'approvisionnement est quand même justifiable.
Puisque tout change très rapidement -si on prend l'entente
Ottawa-Alberta qui a été conclue pour une certaine
période, au bout de deux ans, elle n'était déjà
plus bonne - c'est assez difficile de prévoir qu'en 1993 les prix du
pétrole vont être très hauts ou très bas. Je pense
que même le pétrole devrait suivre à peu près les
autres sources d'énergie s'ils veulent être concurrentiels sur le
marché. Je crois que, si le pétrole monte, les autres sources
d'énergie vont certainement suivre, autant le gaz que
l'électricité. Si le pétrole baisse, certainement que les
autres sources d'énergie vont être obligées de
s'ajuster.
M. Duhaime: Je ne veux pas me prendre pour un jésuite,
mais je vais vous dire tout simplement ceci: Je suis prêt à
prendre autant de risques que les Français, les Italiens et les
Européens en prennent sur le gazoduc transsibérien en achetant du
gaz naturel des Russes pour nous, au Québec, en s'approvisionnant de
l'Ouest canadien. C'est un peu à la blague. Mais étant
donné l'état des réserves, les découvertes faites
à l'heure actuelle dans l'Ouest canadien, sans compter même tout
ce qu'il y a au nord, dans les Territoires du Nord-Ouest, etc., on sait
très bien qu'il y a du gaz naturel pour plusieurs décennies. Et,
à partir du moment où les clients qui sont au bout du gazoduc se
feraient embarquer dans l'escalade des prix
du gaz naturel, ce n'est pas un problème d'avoir une autre source
d'approvisionnement; il s'agit d'avoir une alternative et d'avoir d'autres
sources d'énergie.
Vous nous dites: Lorsque le pétrole va monter ou descendre, les
autres énergies vont bouger sur à peu près les mêmes
scénarios de croissance ou de décroissance quant au prix. C'est
vrai pour l'instant et je pense qu'au Québec, au gouvernement aussi bien
qu'à Hydro-Québec, on a décidé de faire
évoluer le prix de l'hydroélectricité en tenant compte de
l'évolution des prix des énergies concurrentielles dans une
perspective d'économie d'énergie. Mais cela n'a pas toujours
été vrai, ce que vous nous dites, parce que, avant le premier
choc pétrolier, il faut bien comprendre - les Québécois
déjà l'ont oublié - quand on fait une analyse, une
réflexion, une discussion sur le dossier énergétique,
qu'Hydro-Québec a monté son réseau de distribution en
ayant contre elle un concurrent dans le résidentiel, dans le commercial,
aussi bien que dans l'industriel, qui était le mazout lourd, qui
était meilleur marché. Hydro-Québec a fait son chemin
quand même. Et quand les prix du pétrole ont commencé
à jouer, cela ne s'est pas répercuté tout de suite sur les
autres prix.
Si le prix du gaz naturel est raccroché aujourd'hui à 65%
du prix du pétrole au Canada, c'est une décision politique du
gouvernement fédéral. Ce n'est pas le jeu des forces de
marché, pour d'autres raisons. Ce que vous nous dites aujourd'hui est
absolument vrai. Pour les années qui sont devant nous, lorsque le prix
du pétrole va bouger, les autres formes d'énergie vont avoir
tendance à bouger et à s'ajuster, c'est vrai. Mais ce n'est pas
nécessairement vrai pour beaucoup d'années. Ils peuvent changer
aussi, ces scénarios.
Alors, tant sur le plan des sources d'approvisionnement que sur le plan
des prix, on a fait au Québec exactement le même raisonnement que
celui que les Américains de la Nouvelle-Angleterre et de New York font
aujourd'hui. Par exemple, à New York qui s'approvisionne en
pétrole qui vient du marché mondial pour alimenter des usines
thermiques, il y a la question du prix, il y a la question de la
sécurité des approvisionnements. Quand les Américains
discutent avec nous pour signer des contrats d'exportation d'énergie
excédentaire et même des contrats d'énergie ferme, ils se
posent aussi la même question: Est-ce qu'on ne prend pas un risque de
brancher notre réseau hydroélectrique sur une seule ligne qui
porterait 2000 mégawatts, par exemple? Alors, on aurait une source
d'approvisionnement, le prix étant établi au départ, mais
indexé, bien sûr. Ils ont exactement le même choix à
faire.
C'est le nôtre, en quelque sorte. Est-ce qu'on est plus en
sécurité en achetant pour une partie de nos besoins
énergétiques du gaz naturel sur ce continent? Peu importe la
géographie politique, ce n'est pas parce qu'on est à
l'intérieur du Canada que les gars de l'Ouest nous vendent du gaz; c'est
parce qu'on les paie qu'on peut en acheter. Même scénario en
Europe. On a du gaz naturel sur ce continent et on peut en avoir pour
très longtemps. Pour l'instant, c'est le meilleur marché.
Pourquoi n'en profiterait-on pas?
M. Hotte: Vous avez bien raison, M. le ministre. Je veux
être bien clair sur la question du mémoire. On s'est aperçu
dans le passé que les changements radicaux, les changements
opérés d'une façon très rapide ont causé des
soubresauts dans l'économie. Je voudrais être bien clair pour tous
les intervenants, les commissaires: On voudrait que ces changements se fassent
graduellement, sur une période plus lente, afin de créer moins de
déséquilibre dans l'économie. Si on se reporte à il
y a une dizaine d'années, on était 1200 marchands de mazout;
aujourd'hui, on se retrouve environ 600. On voit que cela déboule assez
rapidement.
Maintenant, qui paie la note lorsqu'il y a des changements trop rapides?
C'est, en fin de compte, le consommateur. On a l'exemple avec la MIUF, à
Ottawa. Les gens se sont lancés sur ce programme d'une façon
très rapide. Les gens vont être obligés de
débourser, le gouvernement va être obligé de
débourser. Ce qu'on voudrait, nous autres, d'après notre
mémoire, c'est que ces changements dans l'attitude des gouvernements
soient plus lents afin de donner la chance au consommateur de savoir où
il s'en va avec cette situation énergétique, car qu'on le veuille
ou non, la question d'actualité qui demeurera toujours dans les
années à venir, ce sera l'énergie. Ce sera toujours une
grande question d'actualité. On voudrait que ces changements
technologiques de chauffage ou de combustible pour le transport se fassent un
peu plus lentement.
Quand on y va à coups de subventions de la part du
fédéral et du provincial, en fin de compte, les subventions,
c'est quelqu'un qui les paie, c'est le consommateur. Je me dis: Est-ce que
c'est toujours bon de les inciter à faire ces changements d'une
façon très rapide? Si, éventuellement, le consommateur
s'aperçoit qu'il est dans un ghetto, dans un labyrinthe...
M. Duhaime: Dois-je comprendre, M. Hotte, que, sur le fond, vous
seriez prêt à faire des concessions pour autant qu'on y mette le
temps?
M. Hotte: Justement.
M. Duhaime: Je voudrais juste vous
donner un chiffre. Vous savez aussi bien que moi que les
Québécois vont payer cette année, à
l'étranger, je veux dire hors frontières, suivant nos
évaluations au ministère de l'Énergie et des Ressources, 4
800 000 000 $ pour le pétrole importé et le gaz. Cela commence
à être du fric pas mal, cela aussi. C'est énorme. Je pense
qu'il y a peut-être les Japonais, il y a peut-être les Belges, dans
les pays industrialisés, qui ont un pareil compte à l'importation
d'énergie à payer per capita. Cela aussi, c'est de l'argent que
les consommateurs paient. Regardons les transferts financiers qui ont
été faits des pays industrialisés vers des pays
producteurs de pétrole. On va s'inclure là-dedans; nous sommes
les rois de la bagnole, vous le savez, et on en a payé un coup. Chaque
baril de pétrole que les Québécois consomment, il faut
bien comprendre que c'est de l'argent qui sort du Québec. Peu importe
qu'il s'en aille au Canada dans l'Ouest ou qu'il s'en aille dans le monde, tout
le temps de la ligne Borden on était sur le marché mondial.
Les meilleurs scénarios qu'on a en main, c'est qu'on va s'y
approvisionner à nouveau pour la très grande partie de nos
besoins en pétrole dans les années qui viennent. Cela aussi,
c'est un coût réel au consommateur. Cela affecte aussi sa monnaie.
Cela affecte aussi un déficit commercial. Cela affecte aussi la balance
des paiements. Il y a aussi un prix à payer pour le consommateur. On en
tient compte dans l'ensemble.
Quand vous dites qu'il faudrait y mettre davantage de temps, je voudrais
vous répondre en disant qu'en 1978 mon collègue de
l'époque, M. Guy Joron, a fait connaître quelles étaient
les intentions du gouvernement dans un livre blanc; nous n'avons pas
changé depuis 1978 les objectifs, les composantes du bilan
énergétique tant sur l'horizon de 1990 que sur l'horizon de l'an
2000. C'est toujours 41% hydroélectrique en 1990, 16% gaz naturel, etc.
On a même avancé des chiffres pour l'an 2000. Cela fait quand
même, de 1978 à 1990, quant aux objectifs, plusieurs
années. Est-ce que vous suggérez qu'on doive décaler cela
encore de dix ans? Qu'avez-vous en tête quand vous dites qu'il faudra y
mettre davantage de temps? (10 h 30)
M. Hotte: Selon nous, à la suite d'enquêtes faites
à l'intérieur de notre association, on s'est aperçu qu'au
lieu de donner des subventions pour la conversion des systèmes de
chauffage, les gouvernements auraient pu donner des subventions pour
l'amélioration des systèmes de chauffage. Cela aurait quand
même créé des emplois. Il y a de bons systèmes de
chauffage présentement qu'on fout à la porte et qui pourraient
servir encore quelques années.
Dans les périodes de très grands froids - on vit ces
périodes-là - quand le chauffage fait défaut, ce sont des
périodes très tendues et c'est à ce moment-là qu'il
faut répondre. Un chauffage qui n'a pas fonctionné pendant dix
mois et qui sera appelé à fonctionner durant les mois de janvier
et février, il sera assez difficile qu'il soit à point. Ce sont
des tensions terribles parce qu'on ne peut pas demander à quelqu'un
lorsqu'il fait -30 à l'extérieur, d'attendre une journée
ou deux. J'ai déjà manqué d'essence dans mon auto et cela
n'a pas été un drame, mais j'ai vu des drames dans des maisons
où on manquait de chauffage. Je pense que ce sont des périodes
très importantes. On aimerait que ces changements soient faits d'une
façon plus lente et surtout que les subventions qu'on donne pour les
conversions soient aussi données pour l'amélioration des
systèmes à l'huile, ce qui baisserait la facture des produits
qu'on achète à l'extérieur.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois qu'il faut
féliciter l'Association des distributeurs indépendants de
produits pétroliers de défendre sa position puisqu'elle semble
aller à l'encontre de ce que beaucoup de gens disent en affirmant qu'il
faut continuer la présente politique énergétique. Cela me
fait toujours penser à cette phrase de de Gaulle qui disait: "La
vérité d'un énoncé n'a rien à voir avec le
nombre de personnes qui l'appuient." Je pense que c'est ce qui vous a
inspirés en présentant votre mémoire.
Votre mémoire est un rappel d'une vérité
très grave, c'est-à-dire les pertes d'emplois dues à cette
restructuration de l'industrie énergétique. Bien sûr, le
gouvernement, lorsqu'il lance de nouveaux projets gaziers, parle toujours de
création d'emplois. Il oublie de soustraire les emplois perdus pour en
faire un bilan complet. Votre mémoire aura été un rappel
de cette dure vérité: dans le secteur pétrolier en
particulier il y a des gens qui souffrent de cette politique
énergétique.
Votre mémoire vient juste à point parce que la commission
parlementaire sert à se demander si notre politique
énergétique au Québec est la bonne. Est-ce qu'on doit
continuer dans cette direction-là? Est-ce qu'on doit continuer avec
l'objectif d'autonomie énergétique? Est-ce qu'on ne doit pas
plutôt aller vers une politique de diversification
énergétique? Je dois vous dire que vous n'êtes pas les
seuls à vous poser cette question-là. On entendra prochainement
un expert dans le secteur énergétique, le professeur Ayoub, qui,
lui aussi, parle en
termes de diversification énergétique plutôt qu'en
termes d'autonomie énergétique. Je crois que vous avez eu
beaucoup de courage de présenter un point de vue qui n'est pas
partagé par la majorité des Québécois qui acceptent
maintenant ce qui a été dit par tout le monde, soit qu'il faut
aller dans la direction de déplacer le pétrole
importé.
De ce point de vue là, je dois admettre que je partage les
préoccupations de mon collègue. C'est vrai, si on se reporte dans
un avenir de dix ou quinze ans, qu'il serait préférable pour le
Canada et le Québec d'être dans une position
énergétique moins dépendante du pétrole
importé que nous le sommes présentement et que nous
l'étions dans le passé.
Il reste qu'il y a des préoccupations à plus court terme
et je pensais que c'était un peu le sens de votre mémoire de
dire: que fait-on pour les quelques années qui viennent? On a subi une
récession depuis un an et demi. Il y en a même qui disent que les
pertes d'emplois au Québec ont commencé bien avant la
récession. Vous soulevez la question: Dans l'immédiat, que
peut-on faire pour accélérer le démarrage
économique? Que peut-on faire pour limiter les dégâts dans
l'immédiat? C'est comme cela que je perçois la
présentation de votre mémoire. Un peu à l'encontre de ce
que vous disiez dans votre mémoire où vous défendiez une
position selon laquelle, à long terme il fallait tout remettre en
question, vous venez de dire au ministre que vous êtes peut-être
d'accord avec une politique de substitution du pétrole importé,
du moins à long terme, mais que vous cherchez une solution qui, à
court terme, vous permettrait ou permettrait à vos membres de passer
plus facilement à travers cette conjoncture.
La première question que j'aurais - et je l'ai posée
à d'autres qui viennent présenter des mémoires - c'est que
j'aimerais bien que vous nous disiez qui vous représentez. L'Association
des distributeurs indépendants, qui sont-ils? J'imagine que ce sont des
hommes d'affaires à travers la province, mais dans quelle partie de la
province? Quelles sont les régions affectées? Est-ce dans la
région de Montréal ou dans les régions du Québec?
Pourriez-vous répondre à cette première question?
M. Hotte: D'abord, l'Association des distributeurs
indépendants regroupe environ 175 membres sur une possibilité
d'environ 550 et le volume qu'on peut représenter est d'environ 700 000
000 de gallons sous toutes formes de produits: huile à chauffage et
combustible. Maintenant, toutes les régions sont
représentées. Notre association est divisée en cinq
sections: Québec, Montréal, Mauricie, Estrie et Laurentides; et
on représente toutes les parties du Québec.
M. Fortier: Alors, le distributeur indépendant
possède son entreprise. J'imagine qu'il a quelques camions pour la
distribution, des capacités d'emmagasinement et qu'il achète son
pétrole sur un marché "spot" local.
M. Hotte: C'est cela, des raffineurs. Présentement, on
peut dire qu'un marchand moyen a autour de trois camions, pour un volume
d'environ 1 500 000 de gallons.
M. Fortier: Mais comment pouvez-vous survivre face au nouveau
système Bi-énergie? Cela veut dire que vous devez avoir des
équipements que vous soutenez à longueur d'année, mais qui
sont utilisés, si à peu près tout le monde se dirigeait
vers le système Bi-énergie, seulement deux mois par année.
J'ai du mal à comprendre comment vous pouvez rentabiliser votre
industrie à ce moment.
M. Hotte: C'est justement la difficulté. Vous soulevez une
question très importante. C'est que, présentement, aucun
distributeur indépendant ne peut fonder un commerce, baser un commerce
sur quelques livraisons annuelles. Normalement, pour une maison, on peut dire
que c'est à peu près 1200 gallons de consommation et on se
retrouverait avec environ 250 à 300 gallons par année. Donc, il
n'y a aucun marchand qui peut baser un commerce sur ces critères. C'est
impossible. Ce qui va survenir, c'est la disparition assez rapide
d'indépendants. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au
ministre que cette transformation, ces conversions se fassent d'une
façon lente et graduelle, afin que tous les gens puissent se placer
à un moment donné.
M. Fortier: Là, on arrive à vos recommandations. Je
dois vous dire qu'il y a une recommandation que nous, en tout cas, de notre
formation politique, avons appuyée depuis fort longtemps. C'est celle
contenue à la page 27 où vous dites: "Nous recommandons de
réduire la taxe sur l'essence." Nous étions d'accord avec cela
depuis fort longtemps et je pense que vous avez notre assurance que, si on
prend le pouvoir, on va aller dans cette direction. Peut-être que nos
amis vont réduire cette taxe sur l'essence une journée ou deux
avant les prochaines élections, mais je pense bien que le public aura
compris que c'est une décision de dernière minute.
Une voix: Temporaire.
M. Fortier: Ce serait temporaire parce qu'après les
élections ils vont trouver des raisons pour la rétablir s'ils
gagnaient, mais c'est moins sûr.
M. Duhaime: Restez optimistes.
M. Fortier: On arrive aux recommandations contenues à la
page 20. Je pense qu'on devrait les prendre une par une. Première
recommandation: "cesse, dans les plus brefs délais, toute forme de
subvention au remplacement du chauffage au mazout par
l'électricité ou le gaz naturel." Est-ce réellement votre
recommandation? Vous venez de dire au ministre: Au moins, vous devriez
recommander des subventions pour améliorer les systèmes de
chauffage existants.
M. Hotte: C'est cela. Nous, c'est sûr que, si on n'a pas de
subventions pour l'amélioration des systèmes de chauffage
existants, on est pour qu'ils les enlèvent aux autres. Je pense que
c'est un peu discriminatoire de donner des subventions pour les conversions,
tandis qu'on n'en donne pas au consommateur qui pourrait améliorer son
chauffage, qui pourrait peut-être diminuer sa consommation de 15%
à 20% en ayant une subvention. Je crois que c'est discriminatoire pour
certains consommateurs qu'on accorde une subvention seulement à celui
qui convertit. Si on n'accorde pas de subvention à celui qui veut
améliorer son système, on demande d'enlever la subvention pour
ceux qui convertissent.
M. Fortier: Vous parliez tout à l'heure de création
d'emplois. En toute honnêteté, bien sûr, les conversions
créent d'emplois.
M. Hotte: Temporaires.
M. Fortier: Mais là, le problème que vous soulevez,
c'est que ce ne sont pas les mêmes personnes. Il y en a qui perdent leur
emploi et il y en a d'autres qui ont de l'emploi à cause de cela.
M. Hotte: Cela crée des emplois temporaires. Le type qui
installe un D-15, cela prend peut-être une semaine et c'est fini; mais
celui qui livre de l'huile, il peut livrer de l'huile pendant 10 ou 20 ans. Il
y a une chose que je ne comprends pas. On examine les médias
d'information et tous les politiciens parlent de l'entreprise privée. On
devrait encourager la petite et moyenne entreprise. C'est à grand
renfort de publicité. Cela fait trois ans - je prends mon
troisième mandat - que nous faisons des représentations
auprès des différents paliers de gouvernement. Je ne sais pas,
mais ce sont toujours des voeux pieux. Cela en est présentement de la
petite et moyenne entreprise. Il y a peut-être 600 petites et moyennes
entreprises qui ont disparu depuis environ dix ans. On me dit toujours que la
base de l'économie, c'est la petite et moyenne entreprise. C'est ce qui
fait vivre les gens. J'entends cela depuis que j'ai fini mon collège.
Mais on arrive pour faire nos représentations et ce n'est plus la
même chose. Même les politiciens le disent dans leurs discours
politiques: La petite et moyenne entreprise doit être encouragée
à n'importe quel prix, ni plus ni moins. J'exagère
peut-être, mais c'est un peu cela. Aujourd'hui, on vous apporte des
preuves comme quoi c'est de la petite et de la moyenne entreprise qui
disparaît.
M. Fortier: Si je comprends bien, ce que vous dites, c'est que,
même si à long terme on continuait avec une politique de
substitution du pétrole importé, vous auriez voulu avoir un
certain ménagement de la part du gouvernement pour vous aider à
passer cette période difficile. Et vous rappelez une
vérité qui est bien évidente. Enfin, c'est ce que j'ai cru
comprendre dans votre mémoire. Vous dites: Les subventions, finalement,
ce sont les contribuables eux-mêmes qui les paient. Évidemment,
dans le public, quand on pense aux subventions, on s'imagine que cela vient
d'ailleurs, mais cela vient toujours de notre poche, en définitive.
Comme vous le dites, dans le cas d'Hydro-Québec, s'il y a une aide qui
est apportée, ce sont, finalement, les consommateurs
d'électricité qui paient pour cela. D'ailleurs, on le voit
lorsqu'il y a des augmentations de tarifs. Tout cela est inclus à
l'intérieur des coûts de fonctionnement, sans parler des 250 000
000 $ qu'Hydro-Québec doit payer au ministre des Finances, en plus de ce
qu'elle devait payer dans le passé. Ces coûts de transformation
sont payés par les contribuables et par les consommateurs
énergétiques eux-mêmes. À ce moment-là, ce
serait une forme d'aide. Est-ce que vous verriez - vous oeuvrez dans
différentes régions - une politique où la
possibilité d'aller vers le gaz naturel serait retardée pour vous
permettre de vous ajuster plus lentement? Mais cela bénéficierait
à certaines régions en particulier et d'autres seraient
pénalisées. Avez-vous envisagé cette
possibilité?
M. Hotte: Ce serait certainement un point à
défendre: que le gaz retarde peut-être sa
pénétration dans certaines régions. Cela aiderait.
M. Fortier: Mais parmi vos membres, ce serait difficile de nous
dire laquelle des régions devrait être pénalisée et
laquelle devrait être avantagée.
M. Hotte: Oui, ce serait très difficile. Ce sont surtout
les régions éloignées qu'il faudrait surveiller, parce que
la pénétration du gaz dans les régions
éloignées, c'est certainement plus dispendieux et moins
rentable.
M. Fortier: La deuxième recommandation, c'est de faire la
même demande au gouvernement fédéral. La troisième,
c'est: "réglemente la distribution du mazout de façon à
interdire cette activité aux raffineurs." On en a parlé tout
à l'heure, mais cela me surprend venant d'hommes d'affaires. Dans le
fond, de plus en plus, la population et les hommes d'affaires, de façon
générale, demandent au gouvernement de se retirer d'interventions
dans le domaine économique. Lorsqu'il y a des difficultés comme
celles-là et que des hommes d'affaires comme vous, viennent avec une
recommandation demandant au gouvernement d'intervenir, je dois admettre, quant
à moi, que cela me laisse un peu dans une position ambiguë. En
effet, quand on rencontre des chambres de commerce, elles nous disent: Le
gouvernement intervient trop et, lorsqu'on rencontre un groupe d'hommes
d'affaires sectoriel comme le vôtre qui disent: On voudrait que le
gouvernement intervienne davantage, je dois admettre que, pour moi, c'est
difficile à expliquer.
M. Hotte: Je pense, M. le député, qu'il y a
peut-être une nuance à faire. Nous, c'est parce qu'on entend dire
depuis deux ou trois ans que le gouvernement provincial est supposé
pénétrer dans le domaine du pétrole. Si le gouvernement
provincial a à faire un geste dans ce sens, on lui suggérerait de
la part de notre association et de nos membres, qu'il intervienne au niveau du
raffinage et non au niveau de la distribution. S'il intervient au niveau de la
distribution, c'est encore la petite et la moyenne entreprise qui est
affectée, c'est certain. (10 h 45)
Présentement, nous dépendons des compagnies majeures.
Quand il y a des soumissions publiques, soit aux institutions ou à
l'industriel, nous sommes sur le même pied que les compagnies majeures
pour faire la soumission. En fin de compte, elles ont le droit de vie ou de
mort sur nous. Dernièrement, j'ai vu des soumissions sortir moins cher
que le prix que je paie pour mon huile à chauffage. C'étaient des
soumissions publiques. En plus - je vais vous dire une situation - on nous
demande des garanties personnelles, des lettres de banque, tandis qu'une
soumission publique va demander un genre de garantie de contrat
d'exécution. Quand je soumissionne pour une institution quelconque, la
compagnie qui me fournit me demande un bon de garantie, une garantie
personnelle ou une lettre de banque. Je prépare ma soumission pour
l'institution publique. On me redemande un bon de garantie d'exécution.
Pensez-vous qu'un indépendant peut vivre longtemps de cette
façon? Ce n'est pas facile.
M. Fortier: Qu'est-ce qui a fait que...?
Oui.
M. Hotte: Excusez. Tandis que je l'ai à l'idée,
c'est qu'un raffineur qui soumissionne va donner le bon d'exécution et,
en plus, il livrera à meilleur marché que je paie. J'ai vu des
bons d'exécution qu'on doit fournir de 300 000 $ à 400 000 $.
M. Fortier: Mais cette situation que vous décrivez n'est
pas nouvelle.
M. Hotte: Elle n'est pas nouvelle, cela a toujours
existé.
M. Fortier: J'imagine qu'il y a 20 ans... M. Hotte:
Toujours existé.
M. Fortier: ...les grandes compagnies pouvaient
soumissionner.
M. Hotte: C'est cela.
M. Fortier: Comme vous le dites, pour elles, c'était
également plus facile de fournir des cautions de soumission ou des
cautions d'exécution. Pour vous, c'était également plus
difficile il y a 20 ans que maintenant. Pouvez-vous m'expliquer comment il se
fait que les distributeurs indépendants ont pu se développer au
Québec à l'origine? Parce qu'il y avait de la place. Vous avez vu
une occasion d'affaires et vous vous êtes lancés en affaires.
M. Hotte: C'est peut-être à cause des frais
d'administration qui sont minimes chez nous. Il y a beaucoup de gens qui sont
des artisans quand même, qui vont faire l'ouvrage de bureau, qui font
faire l'entretien du camion. C'est là qu'on pouvait épargner par
rapport aux compagnies majeures.
M. Fortier: Autrement dit, il y avait des marchés plus
petits qui n'intéressaient pas les grandes compagnies et vous avez
bénéficié de cette situation. Vous avez dit: Si je
m'achète deux ou trois camions, je peux assurer une distribution...
M. Hotte: C'est cela.
M. Fortier: ...dans une mini-région donnée.
M. Hotte: II y a une autre chose qui est très importante,
c'est le public, les consommateurs. Dans mon cas, j'ai une clientèle
personnelle ou de parenté; c'est sûr que le distributeur
indépendant a vécu surtout de cela. Souvent, le consommateur
choisit quelqu'un qu'il connaît, question d'aide sociale, question de
faire partie de l'économie locale. Il aime mieux encourager
celui-là. C'est surtout cela qui nous a
maintenus en affaires. Je calcule que c'est le consommateur qui nous a
maintenus là. Par contre, il y a une compétition très
difficile pour les institutions, l'industriel et le commercial. Ce sont les
chiffres qui parlent, c'est une question d'argent.
M. Fortier: J'imagine que, depuis 20 ou 25 ans, les commissions
scolaires ont centralisé leurs achats de plus en plus, ce qui fait qu'au
lieu de faire des achats locaux, elles sont allées dans des centres plus
importants. Comme les commandes étaient plus importantes, les grandes
compagnies ont cru bon de soumissionner elles-mêmes parce que
c'était plus important pour elles, et c'est là que c'est devenu
plus difficile pour vous, indépendamment de ce qui arrive maintenant en
ce qui concerne le remplacement du pétrole par le gaz et
l'électricité.
M. Hotte: C'est sûr qu'on va dire ces choses à des
compagnies majeures et elles vous répondront: Écoutez, c'est pour
assurer certains débouchés de volume. Mais nous, à quelle
place pensez-vous qu'on prend notre produit? On le prend des compagnies
majeures, on le prend des raffineurs. Elles nous disent: C'est pour assurer nos
volumes. Je l'admets, mais nous ne prenons pas le pétrole de l'Arabie
Saoudite, pas directement, je le prends des raffineurs. Donc, dire que c'est
pour assurer certains débouchés, c'est un peu fausser le jeu de
la situation. En fin de compte, même si je vends dans une commission
scolaire, je vais prendre mon produit pareillement des compagnies majeures. Le
débouché est là, quand même. C'est peut-être
entre elles qu'elles veulent équilibrer les débouchés.
C'est possible.
M. Fortier: Vous avez dit que vous aviez quelque 600 membres.
M. Hotte: 700 000 000 $ de gain.
M. Fortier: Non, non. Combien de membres avez-vous?
M. Hotte: On est 175.
M. Fortier: 175, mais vous en aviez beaucoup plus il y a quelques
années, il y a trois ou quatre ans.
M. Hotte: On a déjà eu jusqu'à 400 à
450 membres.
M. Fortier: Qu'est-ce qui arrive lorsque quelqu'un décide
d'abandonner? Est-ce qu'il fait faillite? Est-ce qu'il liquide son entreprise
ou s'il disparaît tout simplement?
M. Hotte: Dans la majorité des cas, ils ont vendu à
d'autres; dans d'autres cas, il y a eu des "joint ventures" qu'on appelle, ils
se sont joints à d'autres. Il y en a d'autres qui laissent aller leur
clientèle.
M. Fortier: Ce n'est pas des faillites comme telles. C'est
plutôt des liquidations ou des ventes.
M. Hotte: Non, ce sont plutôt des gens qui, avant de faire
faillite, vont vendre la clientèle qui leur reste à d'autres
marchands.
M. Fortier: Je vais laisser la place à mes
collègues.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais revenir à la page 7 de votre
mémoire, lorsque vous faites parler le président de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Je pense bien qu'il est assez
grand pour se défendre seul M. Campeau. Vous lui faites dire des choses
qu'il aurait dites le 28 février 1983. Nous sommes en communication avec
son bureau. On va essayer de savoir à quel endroit vous avez pris cela.
Vous le citez entre guillemets à la fin de la page 7 et au début
de la page 8. Vous lui faites dire: Le président de la Caisse de
dépôt et placement affirmait, le 28 février 1983, qu'elle
était devenue une société de gestion "contrairement au
rôle que lui avait confié le gouvernement lors de sa
création" et mentionnait, parmi les raisons de sa piètre
performance financière: des prêts à des taux de faveur
à Hydro-Québec, etc. J'ai plutôt l'impression que ce serait
le discours de M. Bélanger, l'ancien président de la commission
politique du Parti libéral. Cela me surprendrait bien gros que ce soit
M. Campeau.
M. Hotte: Je crois que c'était un article de Jean-Claude
Leclerc, du 5 mars 1983.
M. Duhaime: Non, je voudrais vous dire, M. Hotte, que l'article
de Leclerc, de la page 7, je l'ai en main...
M. Hotte: Excusez, vous avez raison ce n'est pas là.
M. Duhaime: ...celui du 5 mars 1983. C'est un commentaire de
Leclerc sur la fermeture d'Esso.
M. Hotte: Vous avez raison, c'est le paragraphe
précédent.
M. Duhaime: Ce que je voudrais savoir, c'est d'où vient
cette citation et si vous l'avez en main. On est entré en communication
avec le bureau de M.
Campeau. La Caisse de dépôt et placement du Québec
n'avait pas l'intention de venir devant notre commission, mais j'ai comme
l'impression que cela doit la tenter. Est-ce que vous l'avez, la
référence?
M. Hotte: La source d'information, je ne l'ai pas. Nous, lors de
la rédaction d'un mémoire semblable, on amène certaines
informations. Le mémoire, on le confie à quelqu'un de
professionnel qui va chercher de la documentation. Ce serait peut-être
une chose à vérifier.
M. Duhaime: Est-ce que vous pourriez le faire vérifier?
Est-ce que ce serait trop vous demander de le faire vérifier tout de
suite après qu'on en aura terminé avec votre groupe ce matin?
Prenez ma parole, je ne voudrais pas laisser flotter une pareille citation. De
deux choses l'une: Ou bien M. Campeau l'a dite et les gens qui ont
préparé votre mémoire peuvent nous dire à quel
moment il l'a prononcée. Est-ce qu'il a été bien
cité, parce que c'est entre guillemets? Tout le monde sait que, pour les
parlementaires, les guillemets sont très importants. Je vois sourire
à ma gauche, mais c'est vrai. Si ce sont des paroles qui sont
attribuées à un autre, si vous me disiez que c'est M.
Bélanger, comptable du Parti libéral, je dirais que c'est
probablement vrai. Il a dit pire que cela, en plus. C'est une autre
question.
Vous attribuez des paroles à M. Campeau, qui est président
de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je peux vous
dire, en passant, qu'il n'est pas trop de bonne humeur. Est-ce qu'il va venir
devant la commission pour relever cela? Peut-être qu'on peut
éclaircir cela rapidement. Est-ce que vous pourriez le faire et faire
vérifier cette citation-là? Peut-être qu'on peut
régler cela dans une demi-heure tantôt.
M. Hotte: M. le ministre, pour le régler d'une
façon rapide, je ne peux rien vous garantir. On va certainement essayer
de chercher la source d'information. La personne qu'il faudrait rejoindre, je
ne sais pas si elle est à son bureau présentement. Je ne sais pas
si l'information presse au point que vous le laissez entendre, mais on pourrait
certainement vous le faire savoir lors des prochaines journées
d'audiences.
M. Duhaime: Je suis parfaitement d'accord. De toute
manière, soyez assuré que cela va être éclairci.
M. Hotte: Oui.
M. Duhaime: Je tiens à faire le point tout de suite parce
que nos amis de la presse parlée, écrite, lue et
écoutée suivent les travaux de la commission de façon
quotidienne. Ils font leur boulot. Ces mémoires font partie des travaux
de la commission. Ils vont rester ici pour la postérité. Vous
allez comprendre facilement. Ou bien vous me donnez la citation ou bien vous me
dites: On s'excuse, mais M. Campeau n'a pas dit cela. Le problème va
être réglé.
M. Fortier: J'aimerais appuyer...
M. Duhaime: Peut-être que le député
d'Outremont pourrait le dire; c'est une autre question.
M. Fortier: J'aimerais appuyer la démarche du ministre. Je
crois que ce serait important que vous le corrigiez. Je pense que le
gouvernement a assez de problèmes comme cela. Si vous pouviez corriger
l'énoncé, ce serait parfait.
M. Hotte: Écoutez, M. le ministre, on va certainement
faire tout notre possible pour voir si la citation est bien réelle. On
va essayer de le faire au cours de la matinée, mais je ne peux rien vous
promettre à ce sujet.
M. Duhaime: Je vous remercie. Le Président (M. Gagnon):
Alors...
M. Duhaime: Une seconde, M. le Président. Ce n'est pas
pour clore l'incident, mais je pense que ce serait normal que je vous dise que
nous venons de communiquer à nouveau avec le bureau du président
de la Caisse de dépôt, qui dit que les paroles qui lui sont
attribuées dans votre mémoire n'ont jamais été
prononcées par lui. De son point de vue, c'est très clair.
Maintenant si vous avez l'occasion, bien sûr, de vérifier votre
référence, je l'apprécierais énormément.
Quant au problème du gouvernement, je vais m'adresser à
mon collègue d'Outremont. Réglez votre problème de
leadership et, après, on se parlera.
M. Fortier: C'est tout réglé!
Le Président (M. Gagnon): Je remercie l'Association des
distributeurs indépendants de produits pétroliers de sa
présence et de son mémoire. Maintenant, j'inviterais les
Travailleurs unis du pétrole du Canada à prendre place à
la table.
M. Serge Dion, si vous vouliez bien présenter les gens qui vous
accompagnent.
Travailleurs unis du pétrole du Canada
M. Dion (Serge): Pour commencer, à ma droite, je vais vous
présenter M. Lukin Robinson, économiste; il a travaillé en
permanence aux Nations Unies, puis avec un
syndicat canadien; actuellement, il enseigne à
l'Université York, à Toronto, et siège au comité de
rédaction du Canadian Forum. À ma gauche immédiate, Mme
Madeleine Parent, vice-présidente de la section Est de la
Confédération des syndicats canadiens et, à mon
extrême gauche, M. Gilles Rhéaume, président de la
Société Saint-Jean-Baptiste. Pour débuter...
Le Président (M. Gagnon): Juste un instant. Je vois quatre
mémoires; on a 38M, 38MA, 38MB et 38MC qu'on vient de recevoir. Est-ce
que cela se complète?
M. Dion: Pardon?
Le Président (M. Gagnon): Je vois quatre
mémoires.
M. Dion: Effectivement, il y a eu trois mémoires.
Le Président (M. Gagnon): Trois?
M. Dion: II y en a eu un au mois de novembre 1982, qui a
été présenté à votre attention, M. le
Président. Ensuite, le deuxième a été
présenté en mars 1983 et, pour rectifier celui de mars 1983, on a
ajouté un supplément au mémoire vu les
événements qui ont pris place depuis la rédaction de ce
mémoire de mars 1983.
Par ailleurs, je voudrais vous dire que nous allons simplement vous
citer certains passages des mémoires de novembre 1982 et de mars 1983
et, par la suite, nous vous lirons le supplément au mémoire de
mars 1983.
Le Président (M. Gagnon): Très bien.
M. Dion: Nous commençons à la section 1 qui se lit
comme suit: La nouvelle que la société pétrolière
Impériale va fermer sa raffinerie de Montréal à la fin de
l'année qui vient s'ajoute à une longue série de coups
durs portés à l'industrie pétrolière au
Québec depuis quelque temps déjà. Cette décision
suit de près celle de BP Canada...
Vous cherchez. Est-ce qu'il y a un problème?
M. Duhaime: Non, j'essaie de me retrouver. Où en
êtes-vous?
M. Dion: Là, on parle du mémoire de 1983.
D'accord?
M. Duhaime: Celui-ci, mars 1983?
M. Dion: Exactement.
M. Duhaime: Vous êtes à quelle page?
M. Dion: À la section 1. Vous verrez qu'il y a, sur le
côté gauche, les numéros de sections en
référence.
M. Duhaime: D'accord, cela va. (11 heures)
M. Dion: D'accord? Bon. Je vais répéter: La
nouvelle que la société pétrolière Impériale
va fermer sa raffinerie de Montréal à la fin de l'année
vient s'ajouter à une longue série de coups durs portés
à l'industrie pétrolière du Québec depuis
déjà quelque temps. Cette décision suit de près
celle de BP Canada et la fermeture de la raffinerie Texaco. Nous faisons face
à la perte de plus de 1000 emplois résultant directement de cette
décision. Il faut ajouter, à ces pertes d'emplois, un grand
nombre d'autres emplois supprimés dans les services et entreprises
connexes à l'industrie pétrolière.
À la section 2, on dit: La fermeture de trois des sept
raffineries du Québec et la possibilité d'une quatrième
fermeture réduit dangereusement le rapport de force de l'industrie
pétrolière dans l'économie de la province et dans
l'ensemble des raffineries canadiennes. Il ne s'agit pas là de
restructuration. C'est un coup qui peut être fatal dans le cadre de
politiques néfastes, tant fédérales que provinciales, qui
demandent à être révisées d'urgence.
Nous passons donc à la section 4 du mémoire. Le document
de travail du gouvernement québécois de janvier 1983
déclare qu'un des objectifs de la commission parlementaire sera de
définir les stratégies susceptibles d'accélérer
l'application de la politique énergétique du gouvernement,
particulièrement l'implantation de l'électricité et du gaz
naturel en remplacement du pétrole. Le document implique donc que la
politique élaborée dans le livre blanc de 1978 tient toujours et
doit être appliquée. Nous suggérons, au contraire, que la
commission doit envisager de revoir cette politique à la lumière
des changements survenus dans les prix du pétrole. En fait, ce devrait
être son premier objectif. Ce changement, en effet, constitue un de ces
bouleversements imprévisibles dont parle le document. Il s'ensuit qu'il
faut réviser la politique du gouvernement comme l'une des "questions
fondamentales reliées à l'évolution à moyen terme
du secteur énergétique du Québec" (page 2).
Nous passons donc à la section 13 du document. Le document de
travail de janvier 1983 dit que "les défis que le Québec doit
maintenant relever consistent à tirer, sur le plan économique, le
maximum de bénéfices de la nouvelle situation
énergétique dans laquelle nous sommes maintenant placés."
Comme nous l'avons souligné tout au long de notre mémoire, cette
"nouvelle situation" est très nouvelle, en effet. Le défi
à relever est nouveau, lui aussi, comme le sont aussi les
bénéfices que l'on peut espérer en retirer.
Le bénéfice que nous voulons surtout souligner est le
suivant. Dans notre mémoire remis au gouvernement en novembre dernier,
nous avions préconisé, comme remède à la fermeture
de la raffinerie Texaco, que le gouvernement en fasse l'acquisition sous forme
d'une corporation d'État: Pétro-Québec. Certains auraient
pu penser, à tort, que c'était là une opération de
sauvetage. Mais c'était beaucoup plus que cela. La proposition pouvait
sembler délicate dans "un marché dont l'importance baisse
rapidement" (page 14). Pourtant, aujourd'hui, on peut s'attendre à ce
que ce taux de déclin soit plus lent et, avec la reprise
économique, qu'il soit éliminé. Il semble donc que le
temps soit propice à une telle entreprise pour l'État du
Québec et qu'elle puisse se révéler rentable, tout en
contribuant à la restructuration du secteur pétrolier.
Si les multinationales du pétrole fonctionnant au Québec
peuvent choisir, pour leurs fins d'intérêts particuliers en
quête de profits maximaux, d'ignorer les changements qui s'opèrent
dans le marché du Québec et de porter ailleurs leur production de
raffinerie, l'État du Québec, lui, n'a peut-être pas les
moyens de les empêcher d'agir de la sorte. Mais la conduite des
multinationales n'est pas celle des États qui veulent protéger
leurs intérêts nationaux. En fonction de ces
intérêts, la reprise en main et la remise en activité de la
raffinerie Texaco seraient justifiables financièrement et
économiquement. Ce serait un geste utile et bénéfique. Ce
serait une contribution positive à la restructuration du secteur
pétrolier. Elle entraînerait des retombées
économiques importantes et des avantages sociaux également
importants. Ce serait une affirmation du principe cher aux
Québécois de devenir maîtres chez nous. En ce qui nous
concerne, nous ne doutons pas que le temps d'agir soit venu.
Dans le supplément: Notre mémoire à la commission
parlementaire a été préparé il y a six mois, en
mars 1983. Nombre d'événements significatifs sont survenus depuis
ce temps, dont quatre nécessitent une mention particulière.
Toutefois, avant de discuter de ces événements, nous tenons
à préciser qu'ils ne contredisent en rien les points majeurs de
notre mémoire, au contraire, et c'est avec toute l'emphase possible que
nous disons que ces quatre événements soulignent et renforcent
ces points, de même qu'ils prouvent que les vues que nous exprimions
alors sur les changements au Québec des perspectives
pétrolières et énergétiques étaient exactes
et clairvoyantes.
Ces quatre événements des six derniers mois qui
méritent d'être mentionnés sont les suivants.
Premièrement, alors qu'en mars 1983 les prévisions
immédiates pour le prix du pétrole étaient incertaines, le
prix mondial est maintenant à 29 $ US le baril. De 34 $ US, il est
descendu à 29 $ US. Ce dernier prix se traduit à 36 $ CAN le
baril. Il n'y a aucune indication de changement pour l'année qui vient.
On peut être assuré d'un prix stable de 29 $ américains le
baril pour 1984.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral et celui de
l'Alberta ont signé une entente en juin 1983 au sujet du prix du
pétrole et du gaz naturel. Cette entente a annulé l'augmentation
du prix du pétrole de 4 $ le baril prévue pour le 1er
juillet et assuré la stabilité du prix canadien pour les 18
prochains mois. Le prix du gaz naturel sera aussi stabilisé. L'entente
contribuera à la baisse de l'inflation et sera favorable à la
reprise économique. Ce sera profitable pour le Québec.
Troisièmement, les derniers chiffres de la production
industrielle et du produit national brut démontrent sans erreur possible
une reprise économique au cours de la première moitié de
1983. Toutefois, même si la reprise jusqu'à maintenant n'a, pour
ainsi dire, eu aucun effet dans la réduction du taux de chômage,
du moins le nombre de travailleurs a cessé de décliner et a, en
fait, augmenté de près de 300 000 depuis la fin de l'année
dernière, dont 60 000 au Québec. Nous ne pouvons
qu'espérer que la reprise continue et que ni la tension extrême
dans les affaires internationales, non plus qu'une nouvelle hausse des taux
d'intérêt due à des restrictions monétaires
excessives n'y mettent fin prématurément. Aujourd'hui, il est
possible d'être un peu plus optimiste quant à l'avenir
énergétique du Québec qu'on ne l'était au moment
où la commission parlementaire fut mise sur pied et où le
document de travail du gouvernement fut préparé en janvier
1983.
Quatrièmement, la reprise économique n'est pas
reflétée dans les chiffres sur la production et les ventes de
produits de pétrole raffiné. Nous croyons qu'il y a là de
sérieuses raisons pour que le comité parlementaire fasse
enquête. Cette production et ces ventes continuent de décliner
à un taux alarmant, un taux beaucoup plus élevé qu'en
Ontario ou même dans le reste du Canada. En comparant la première
moitié de cette année avec la première moitié de
1982, la production des produits pétroliers raffinés est
tombée de 17,6% et ses ventes de 17,9% à l'intérieur de la
province, en contraste avec la production de l'Ontario qui a baissé de
seulement 1,3% et les ventes de 6,1%, alors que, dans le reste du Canada, la
production a baissé de 12% et les ventes de 10%.
Si nous comparons le deuxième trimestre de 1983 avec le premier
trimestre, nous constatons que la production au Québec a baissé
de 12,6% et les ventes de 13,1%. Il
y a là de quoi surprendre également puisqu'en Ontario la
production a baissé de seulement 4,1% et les ventes ont, en fait,
augmenté de 2,1%. Si, d'une part, l'hiver de 1982-1983 fut beaucoup plus
tempéré qu'à l'ordinaire et fut la cause d'une
réduction temporaire de la consommation, il est un fait que la
production et la consommation québécoises sont tombées
beaucoup plus qu'en Ontario et dans le reste du Canada. Par ailleurs, cette
différence est si considérable qu'elle ne semble pas s'expliquer
uniquement par la conversion du mazout à l'électricité ou
au gaz naturel.
Le document de travail traite de restructuration de l'industrie
pétrolière et d'un équilibre approprié entre les
différents moyens énergétiques. En principe, nous sommes
d'accord. Soulignons, toutefois, qu'il y a une grande différence entre
un juste équilibre et la destruction ou l'éclipsé de notre
industrie de raffinage. Pourtant, ce sera le résultat inévitable
et fatal si les tendances révélées dans les chiffres
ci-haut continuaient de s'affirmer. Les fermetures, déjà
effectuées ou projetées, de trois raffineries représentant
40% de la production québécoise nous rapprochent de cette
douloureuse échéance à moins qu'il n'y ait une action
décisive en sens inverse.
Privée de l'avantage antérieur d'un prix inférieur
des matières premières, notre industrie pétrochimique est
menacée également. La concurrence des nouvelles installations
pétrochimiques de l'Ontario et de l'Alberta présente un autre
danger pour nous. Si, par ailleurs, l'idée d'un marché commun
américano-canadien en pétrochimie, lancée récemment
par un ministre du gouvernement fédéral, devenait une
réalité, ce serait à plus ou moins brève
échéance la fin de l'industrie pétrochimique au
Québec et, donc, d'un secteur important de notre structure
industrielle.
À moins que le gouvernement ne se penche sur ces questions et
n'intervienne d'urgence pour arrêter la saignée dans notre
industrie pétrolière, notre région ne profitera pas de la
reprise économique dont bénéficie le reste du Canada. Dans
cette optique, notre demande aux autorités du Québec
d'acquérir la raffinerie Texaco et de la transformer en unité de
base d'une nouvelle corporation gouvernementale, telle que
Pétro-Québec, s'impose d'autant plus comme une des conditions
d'un renouveau positif et vigoureux de l'industrie pétrolière
québécoise.
Avec la permission de cette commission, nous nous proposons de produire
une version révisée de notre mémoire de mars 1983 en
tenant compte des quatre événements mentionnés ci-haut.
Merci.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Duhaime: Vous me permettrez, M. Dion, de ne pas réagir
tout de suite à votre mémoire. Je voudrais régler
l'incident de tantôt et dire à M. Hotte de cesser ses recherches
parce que nous avons trouvé la source de la citation mentionnée
au mémoire à la page 7. Je me demande si on ne pourrait pas
remettre à M. Hotte et à son groupe la citation. C'est un article
qui est rapporté dans la Presse du 1er mars 1983, sous la signature de
Bernard Racine. C'est une conférence de presse tenue la veille, donc le
28 février 1983, par l'économiste, Marcel Bélanger. Je
vais lire l'article: "Au cours d'une conférence de presse tenue hier,
l'économiste Marcel Bélanger a affirmé que la CPDQ, la
Caisse de dépôt et placement du Québec, qui s'était
maintenue longtemps dans la bonne moyenne des caisses de retraite au pays,
occupe maintenant la queue du peloton." Le texte qu'on retrouve à la
page 7 est le mot à mot de ce que M. Bélanger dit: "M.
Bélanger a énuméré comme suit les raisons les plus
évidentes de la piètre performance de la Caisse de
dépôt et placement du Québec au cours des dernières
années. Elle est devenue une société de gestion
contrairement au rôle que lui avait confié le gouvernement." C'est
le mot à mot. La citation doit donc être attribuée à
M. Marcel Bélanger.
Je crois que mon collègue, le ministre des Finances, lui avait
répliqué dans les journées qui avaient suivi en lui
recommandant d'être un peu moins politique et un peu plus comptable et
d'aller faire ses devoirs. J'avais comme l'intuition ou l'instinct que cela
venait de M. Bélanger parce que j'avais eu à travailler un peu
sur ce dossier-là. Je dois remercier également le
député de Duplessis qui avait une filière directe avec je
ne sais trop qui. On ne lui demandera pas de dévoiler ses sources, mais
c'est lui qui nous a fourni l'information. J'en ai fait distribuer des copies
au groupe de M. Hotte...
Le Président (M. Dussault):
L'Association des distributeurs indépendants de produits
pétroliers.
M. Duhaime: ...l'Association des distributeurs
indépendants de produits pétroliers.
M. Dostie (Michel): Au nom du président qui est justement
parti chercher la source, je tiens à nous excuser de cette erreur de
citation. (11 h 15)
Le Président (M. Dussault): Un instant. Pourriez-vous
prendre le micro, s'il vous plaît? Je ne suis pas sûr que tout cela
est enregistré. Cela devrait l'être.
M. Dostie: M. le ministre, en l'absence
du président, qui est parti vérifier l'origine de cette
citation, je tiens à m'excuser pour l'Association des distributeurs
indépendants de produits pétroliers. Merci.
M. Duhaime: Alors, on tiendra pour acquis que le mémoire
est modifié en conséquence. Je ne sais pas comment cela va se
faire au niveau du secrétariat ici, mais, en tout cas, on retient, tout
le monde, qu'il y a une correction qui est faite. Je vous en remercie. Cela me
paraissait important de faire clarifier les choses.
Le Président (M. Dussault): Nous revenons maintenant aux
Travailleurs unis du pétrole du Canada. M. le ministre.
M. Duhaime: Si vous voulez nous excuser, messieurs et madame, de
cet intermède. En fait, si je comprends bien le fond même de votre
mémoire, vous dites: La restructuration de l'industrie
pétrolière dans l'Est du Canada ne doit pas se faire au
détriment du Québec. Je pense qu'on est d'accord
là-dessus. Dans un deuxième temps, vous dites: L'évolution
des prix du pétrole peut amener des bouleversements nouveaux ou des
changements sur ce marché et il est loin d'être sûr qu'il
n'y aurait pas de place pour qu'on puisse faire l'hypothèse de maintenir
en activité une raffinerie parmi les trois, à Montréal,
dont deux sont fermées et une dans les boules à mites. Et votre
troisième proposition, c'est de demander au gouvernement du
Québec d'intervenir là-dedans et de s'impliquer directement,
j'imagine en investissant quelques millions, peut-être quelques dizaines
de millions, peut-être quelques centaines de millions de dollars dans un
nouveau secteur pour le gouvernement, en tout cas pour une
société d'État. Finalement, vous dites: Nous souhaiterions
que ce soit la raffinerie Texaco. Pas besoin de vous dire que d'autres
souhaitent que ce soit Gulf, d'autres BP; d'autres nous proposent des
"partnerships" avec d'autres.
Je voudrais vous demander sur quel scénario ou sur quelles
données vos projections sont faites quant à l'évolution de
la consommation énergétique, d'une part, et ensuite quant aux
composantes. Écoutez, on va s'entendre assez clairement. De notre point
de vue, au ministère de l'Énergie et des Ressources, on s'est
donné des objectifs, d'abord, quant aux composantes du bilan et,
ensuite, quant aux moyens. Quand on dit qu'on veut aller à 50%
hydroélectrique pour l'an 2000, il est bien entendu
qu'Hydro-Québec doit faire des investissements dans le secteur
hydroélectrique. Quand on dit qu'on veut favoriser la
pénétration du gaz naturel sur le marché, on prend les
moyens en conséquence en prenant le contrôle des compagnies de
distribution et en ayant des programmes de subventions pour déplacer le
mazout.
Ce que je voudrais, d'abord, savoir de vous, c'est sur quoi vos propres
projections sont basées quant à l'évolution du
marché. Vous dites que, s'il y a reprise économique, il va y
avoir reprise de la consommation dans le secteur énergétique.
C'est une thèse qui peut se défendre, mais il y a quand
même une constante qu'on retrouve aujourd'hui, c'est que de 1973 à
1983, en termes de consommation globale d'énergie, le Québec est
exactement au même niveau. Vous retrouvez le même
phénomène en Nouvelle-Angleterre, vous le retrouvez d'une
façon générale à peu près à la
grandeur des États-Unis. Je voudrais avoir un peu plus de
précisions sur les données sur lesquelles vous basez vos
projections.
M. Robinson (Lukin): M. le ministre, nous avons pris en
général les prévisions faites - je ne me souviens pas
exactement -ou dans le document de travail ou dans les remarques que vous avez
faites vous-même pour l'ouverture des travaux de cette commission. Dans
ce cadre général, nous avons aussi pris les changements dans le
domaine du pétrole que vous avez préconisés et, avec ces
chiffres, nous avons trouvé que cela se traduirait par une
réduction d'environ 2,4% par année du volume des ventes des
produits raffinés du pétrole. Évidemment, dans ce cadre
général qui se prolonge pendant une dizaine d'années
environ jusqu'à 1995, je crois, il y a eu des changements
imprévus dans les dernières années, premièrement,
à cause du fléchissement économique très
marqué, ce qui a réduit la consommation générale de
l'énergie dans la province, je crois, et, en particulier, a
entraîné une réduction très considérable dans
la production et dans la consommation des produits du pétrole.
Ce qui m'a surpris en regardant les derniers chiffres, c'est le fait que
la reprise économique dans la première moitié de cette
année ne s'est pas encore traduite, même par un ralentissement de
la baisse de la consommation et de la production. C'est un des points que nous
avons soulignés dans le supplément présenté ce
matin. Je ne crois pas que, si la reprise économique devait se prolonger
d'une manière satisfaisante, la consommation devrait continuer à
baisser au même taux que les chiffres le démontrent pour la
première partie de l'année. Mais sur le ralentissement de
cette baisse ou même sur une hausse se présentera
éventuellement, je pense que vous avez des prévisions bien
meilleures que celles que je pourrais faire moi-même.
De toute façon, jusqu'ici, la baisse tant de la production que de
la consommation des produits raffinés du pétrole se fait à
un taux beaucoup plus rapide que le cadre général que j'ai
mentionné au début le préconise,
c'est-à-dire une baisse d'environ 2,4% par année, de sorte
que, même si vous continuez d'accepter ce cadre général
pour le long terme, le taux de la réduction dans le secteur
pétrolier se fait beaucoup plus rapidement et, évidemment,
à un coût beaucoup plus élevé pour les travailleurs
et tous les gens intéressés dans le secteur pétrolier. Un
des points que vous avez mentionnés et que nous avons repris dans le
mémoire, c'est que ces phénomènes adverses qui se sont
produits récemment doivent être étudiés et
considérés par la commission parlementaire pour savoir quelles
mesures doivent être prises pour arrêter ce que nous avons
appelé la saignée du secteur pétrolier.
M. Duhaime: Je retiens votre hypothèse de travail pour les
fins de la discussion et j'avance un scénario. Supposons que le
gouvernement, par une société d'État ou en association
avec le secteur privé, décide de faire l'acquisition d'une
raffinerie - sans en nommer - et que, ce faisant, certains nous disent: Allez-y
dans la raffinerie, mais sans réseau de distribution... Mais tenons pour
acquis que c'est une raffinerie avec un réseau de distribution. Faisons
l'hypothèse que le marché reste à peu près ce qu'il
a été durant les dernières années. N'avez-vous pas
l'impression qu'en en redémarrant une, on risque d'en fermer une autre
qui est déjà en marche? Autrement dit, si le marché est
fermé, comment le tassement se fera-t-il je ne dirais pas seulement
à l'intérieur du Québec, mais à l'intérieur
du marché de l'Est du Canada?
Le Président (M. Gagnon): Mme Parent.
Mme Parent (Madeleine): Voici, M. le ministre. Il faut avoir, au
Québec, il nous semble, une industrie pétrochimique aussi
intégrée que possible, admettant que nous devons importer le
mazout et le gaz naturel. Il est important d'avoir une autosuffisance, de
garder ou de reprendre l'autosuffisance que nous avions en matière de
raffinerie et d'encourager la distribution. Ce qui arrive maintenant, c'est que
nous perdons notre autosuffisance en matière de raffinerie, ce qui
était déjà un acquis pour nous et à grand prix,
d'ailleurs. Il y a un surplus très considérable de
capacité de raffinage et en Ontario et en Nouvelle-Écosse, ce qui
veut dire que le désir de maximiser leur profit aidant, les grands
raffineurs de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse écoulent sur le
Québec - et ils vont le faire davantage - leurs produits
raffinés. Et nous n'aurons pas les moyens de raffiner. Il me semble que
ce qui importe, c'est que la section raffinage, qui, à mon sens, est la
plus importante parce qu'on ne pourra pas distribuer si on n'a pas ici au
Québec le produit raffiné, doit être prise en main ou, au
moins, que le gouvernement du Québec doit y faire une entrée pour
assurer que la distribution, de quelque manière qu'elle se fasse, puisse
avoir assez de produit raffiné.
Ce qui arrive, c'est que le gouvernement fédéral,
aujourd'hui, encourage le maintien d'un surplus de capacité de raffinage
en Ontario, en Nouvelle-Écosse et encourage l'augmentation du raffinage
en Alberta. Le gouvernement canadien a autorisé l'exportation d'une fois
et demie de plus de mazout au Canada, aux États-Unis, au Japon, au Chili
et en Corée du Sud et, en même temps, il encourage, ne serait-ce
que par son silence, la fermeture de nos raffineries, ce qui fait de nous une
province de consommateurs. Je pense qu'il faut sauver cette partie de
l'industrie.
Prenons la déclaration que vous avez faite tantôt aux
distributeurs, selon laquelle l'objectif du gouvernement du Québec est
de prendre tous les moyens pour déplacer le mazout importé.
Même dans cette optique, il semble que, dans les années 1990,
environ 40% de nos ressources énergétiques proviendront de
pétrole raffiné, ce qui veut dire que, même là, ce
sera un secteur primordial de notre approvisionnement
énergétique. Donc, il faut y voir. Je pense qu'il y a seulement
le gouvernement du Québec en qui nous pouvons espérer pour
récupérer et assurer notre capacité de raffinage. Pour
cela, il me semble qu'il faudrait que vous entriez dans la partie.
Les distributeurs, quant à eux, ont d'autres propositions pour la
distribution. Je ne voudrais pas, ici, entrer dans un débat avec eux. Je
pense qu'il y a certains éléments positifs dans ce qu'ils
proposent. Mais ce qui nous inquiète, c'est qu'on puisse approvisionner
la province en gardant ou en récupérant notre capacité de
raffinage. (11 h 30)
M. Duhaime: II est certain, Mme Parent, qu'il y a un lien
très étroit entre une capacité installée de
raffinage et tout l'avenir de la pétrochimie. Nous sommes intervenus et
nous avons fait des démarches auprès du gouvernement
fédéral pour faire une rallonge de crédit - si vous me
passez l'expression - à Pétromont en particulier. Dans mon
esprit, je dois vous dire qu'on est d'accord là-dessus: le raffinage et
la pétrochimie sont des choses si étroitement et intimement
liées qu'un effondrement dans notre capacité de raffinage risque
d'avoir un effet d'entraînement très rapide aussi sur tout le
secteur de la pétrochimie. Je pense que là-dessus on est
parfaitement d'accord.
Je voudrais être bien clair: nous avons voulu tenir cette
commission parlementaire pour entendre tous les intervenants dans l'ensemble du
dossier énergétique, mais d'une façon un peu plus
particulière dans le secteur du pétrole, car, à cause,
justement, de ce que certains appellent de la
rationalisation, alors que d'autres trouvent que cela n'a pas de bon
sens et que d'autres appellent cela de la restructuration - de tout le secteur
pétrolier vu qu'il va se faire un tassement sur ce
marché-là, il y a beaucoup de points d'interrogation qui se
posent. Hier, nous avons entendu le président de SOQUIP, M. Martin, qui
nous confirmait qu'il y avait un dossier actif. Je peux confirmer que le
dossier est très actif, quant à l'examen très attentif de
toutes les données, de tous les paramètres de ce
dossier-là, et à l'évaluation que l'on fait de la
proposition que vous reprenez ce matin, qui a déjà
été formulée par d'autres intervenants devant cette
commission et qui a aussi été faite dans le passé.
Je comprends que l'objectif que vous poursuivez - nous le rejoignons -
va dans le sens de maintenir la capacité de raffinage au Québec
non seulement pour répondre aux besoins de produits raffinés de
tout le Québec, mais pour tenter aussi de maintenir l'avantage
comparatif que nous avions pendant plusieurs décennies avec un
excédent de capacité de raffinage. Le Québec était
un exportateur net de produits raffinés. C'est cet avantage que nous
perdons de façon certaine.
Est-ce que nous devenons, pour autant, importateurs de produits
raffinés? Je pense qu'on pourrait en discuter pendant très
longtemps. Cela dépend des scénarios. Il y a des ententes de
façonnage qui existent entre raffineries, tout le monde le sait. Est-ce
qu'à la fin de 1983 nous serons devenus exportateurs ou importateurs? Je
ne saurais vous le dire moi-même à l'heure actuelle. J'ai de
grandes craintes que nous ne soyons en train de devenir importateurs, au moins
à moyen terme. À long terme, cela me paraît à peu
près certain. Je voudrais vous dire que nous allons travailler sur ce
dossier. Lorsque les travaux de cette commission auront été
terminés, soyez assurés que notre gouvernement prendra une
décision. Laquelle, je ne saurais vous le dire pour l'instant.
Je tiendrais à vous remercier pour la présentation que
vous avez faite et surtout pour le souci que vous vous êtes donné,
de mars à septembre 1983, de tenir à jour votre mémoire.
Entre le dépôt de votre premier mémoire et septembre 1983,
il y a quand même eu une raffinerie de plus de fermée, une
nouvelle entente signée entre l'Alberta et le gouvernement
fédéral. Cela prouve très justement que, s'il y a un
dossier qui est en mouvement et en bouleversement, si je puis dire, c'est bien
celui-là. Je tiens à vous remercier et je n'ai pas d'autres
questions pour l'instant.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je veux remercier les
Travailleurs unis du pétrole de se présenter pour soulever une
question qui est d'un grand intérêt pour le Québec pour
tout le secteur pétrolier et pour celui de la pétrochimie en
particulier. J'ai moi-même présenté une motion à
l'Assemblée nationale demandant au gouvernement fédéral de
soutenir les demandes de la pétrochimie québécoise et
cette motion a été adoptée à l'unanimité.
L'initiative que j'avais prise ayant été endossée, cela
démontre l'intérêt que nous avons pour ce secteur important
de l'activité économique du Québec.
J'aurais quand même quelques questions. Puisque vous êtes
très familiers avec le dossier, j'aimerais que vous me rappeliez, dans
un premier temps, quelles sont les trois raffineries qui alimentent
Pétromont.
M. Dion: Dans le secteur?
M. Fortier: Oui, si je comprends bien, présentement,
Pétromont achète des produits qui viennent de trois raffineries.
Quelles sont-elles? Pouvez-vous me le rappeler?
M. Dion: Actuellement, il y a des ententes. Je ne pourrai
peut-être pas vous donner les informations exactes pour les trois
raffineries au complet, parce qu'il y a eu beaucoup de bouleversements. Entre
autres, je sais qu'il y a Shell Canada, la raffinerie Gulf qui fournit des
produits à Gulf Varennes et à Union Carbide. La troisième,
c'est...
M. Fortier: La question qui me vient à l'esprit c'est dans
une optique où une raffinerie fonctionne simplement dans une proportion
de sa capacité ultime. Autrement dit, si une raffinerie travaille
à 50%, 60% ou 70% de sa capacité, soit à un pourcentage
moindre que l'idéal - j'imagine que l'idéal devrait être
autour de 85%, 90% ou 95% -étant donné les frais
généraux qui incombent à une raffinerie en particulier,
j'oserais penser que ceci augmente ses coûts de production et qu'en ce
faisant cela augmente les coûts des produits qui sont
éventuellement vendus à Pétromont. Je voulais vous
demander si vous aviez examiné cet aspect de la question et si, le
marché étant ce qu'il est présentement - on va revenir
dans une minute sur la question de l'activité économique - et les
raffineries travaillant seulement dans une proportion de leur capacité
réelle, ce facteur n'ajoute pas aux problèmes de
Pétromont.
Je ne connais pas les détails de l'entente entre Pétromont
et les raffineries, mais j'imagine que les coûts de production de chacune
des raffineries doivent être passés à Pétromont
puisqu'elle achète leurs produits. Si elles travaillent uniquement dans
un proportion moindre que l'idéal de leur capacité de production,
ceci ajoute aux problèmes de Pétromont. Si on pense à
Pétromont en tant qu'usine pétrochimique, on devrait
favoriser une situation où les raffineries de pétrole
travailleraient à une plus grande capacité de production.
Avez-vous examiné cette partie du problème et est-ce que vous
avez des commentaires à formuler?
Mme Parent: Oui, nous l'avons examiné, M. Fortier, mais le
problème qui intervient, c'est que les grands raffineurs, par exemple
Texaco, ont bâti leur Cadillac de raffinage à Nanticoke, en
Ontario. Alors, c'est plus profitable pour eux de fonctionner non seulement
à 100%, mais même à plus de 100% à Nanticoke et de
nous envoyer le diesel ici pour le transport en commun pour la
Communauté urbaine de Montréal. À la Texaco, à
Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, c'est encore plus profitable pour cette
compagnie de produire à pleine capacité et de nous envoyer son
pétrole raffiné ici au Québec.
Cela veut dire que, si nous tenons compte des intérêts de
la région québécoise - je parle de la province - si nous
songeons seulement aux profits maximaux de certaines grandes compagnies, cela
ne pourra pas marcher et il en résultera une désindustrialisation
au Québec. Nous disons qu'il faut tenir compte de l'intérêt
de la région québécoise au complet et refuser de nous
laisser désindustrialiser. En effet, plus il y a de nos raffineries qui
sont fermées, plus il sera difficile, ici au Québec, de maintenir
notre industrie pétrochimique et de nous ravitailler en matières
premières pour l'industrie pétrochimique et de garder un niveau
de production assez élevé pour suffire à l'industrie de la
province. C'est dans ce contexte plus large.
Je suis d'accord avec Texaco; elle fait un profit plus grand en faisant
fonctionner son usine de Nanticoke à plein rendement et même plus.
Mais c'est contraire à nos intérêts ici, il me semble.
M. Fortier: Oui, mais il y a eu une décision. Je ne sais
pas si vous étiez ici hier. Nous avons entendu la compagnie Shell et
elle nous a dit que, lorsqu'ils ont fait la comparaison, sur la base que vous
venez de dire, entre fermer l'usine de Montréal ou celle d'Oakville, ils
ont pris la décision de fermer celle d'Oakville puisque celle de
Montréal était plus moderne. Mais, sur l'objectif de maintenir
une capacité de production qui satisfasse à nos besoins, je pense
qu'on fait l'unanimité. Là où je crois que je partage les
inquiétudes du ministre face à l'information qui nous a
été donnée hier, c'est que les prévisions sont pour
le moins disparates. Comme la politique énergétique est de
favoriser la substitution du pétrole, dans le chauffage en particulier,
par d'autres formes d'énergie - tout à l'heure, l'Association des
distributeurs indépendants de produits pétroliers nous l'a dit -
cette politique énergétique les défavorise grandement
puisque, dans la mesure où on favorise le chauffage à
l'électricité ou au gaz, dans la même mesure les
distributeurs de mazout sont affectés et dans la même mesure,
j'imagine, les raffineurs, qui n'ont pas cette source de revenus, voient leurs
revenus baisser et cela les affecte également.
Dans votre mémoire, vous semblez dire qu'il ne s'agit pas d'une
restructuration, mais, face à ces chiffres sur la chute de consommation,
que ce soit dans le secteur de l'huile à chauffage ou dans celui des
économies d'énergie, je crois qu'on doit admettre
l'évidence qu'il y a, en fait, une contraction du marché. Est-ce
que vous niez ce facteur-là?
Mme Parent: II y a une certaine contraction du marché.
Pour le Canada tout entier, c'est dans les 10% ou 12%. Mais, au Québec,
on a baissé de plus de 40% notre capacité de raffinage.
M. Fortier: Je parle de la consommation.
Mme Parent: Bon. Notre consommation ne s'est pas réduite
de 40%.
M. Fcrtier: Non, non.
Mme Parent: C'est l'évidence même. Alors, c'est pour
faire de nous des importateurs de mazout qui sera raffiné ailleurs.
M. Fortier: Votre économiste tout à l'heure nous
disait qu'il y avait une chute de la consommation qui était très
appréciable et qui ne s'expliquait pas totalement par le fait qu'il
espérait qu'il y ait une reprise économique.
Mme Parent: Oui.
M. Fortier: Je crois que vous avez dit cela tout à
l'heure.
M. Robinson: Enfin, il reste à examiner les chiffres
détaillés pour voir dans quelle mesure la baisse de la
consommation récente est attribuable à la conversion au gaz
naturel et à l'électricité. Je pense qu'une partie, sans
doute, de cette baisse résulte, en fait, de cette conversion, mais, je
ne crois pas que la totalité de cette baisse soit attribuable à
cette cause-là. C'est une hypothèse que j'avance, étant
donné, comme je l'ai dit, que les chiffres détaillés ne
sont pas encore disponibles.
M. Fortier: C'est un sujet très
important. Avant-hier, j'ai assisté à un colloque que je
vous recommande, mais qui est malheureusement en voie de se terminer: c'est le
colloque international organisé par le professeur Ayoub de
l'Université Laval et auquel des personnalités de plusieurs
parties du monde participent. Entre autres, j'ai entendu le Dr Lantzke, je
crois, qui est directeur général de l'agence internationale dont
le siège social est à Paris et qui a fait ce genre d'étude
pour déterminer dans quelle mesure la baisse mondiale de l'utilisation
du pétrole dépend de la récession économique que
l'on connaît et dans quelle mesure il s'agit d'économie
permanente. On vient de parler de chauffage et on comprend que, dans la mesure
où les gens abandonnent le chauffage à l'huile ou au mazout
léger pour aller vers d'autres formes d'énergie, dans la
même mesure cela affecte les raffineurs. (11 h 45)
L'analyse qu'il en faisait, c'était dans le domaine des
transports. Je pense que cela a été confirmé, hier, par
certains qui sont venus ici. Il est évident qu'au Québec la
majorité des Québécois avait de très grosses
voitures. On se rend de plus en plus compte, sur les routes, que la
majorité des Québécois utilise de beaucoup plus petites
voitures qui font jusqu'à 45 ou 50 milles au gallon, alors que, dans le
passé, avec les très grosses voitures, c'était 13 ou 14
milles au gallon. Si on ajoute à cela la taxe-ascenseur de M. Parizeau,
tous ces facteurs font qu'il y a une consommation qui est en chute libre au
Québec.
Je crois qu'on peut se poser la question que vous posez; je crois que
c'est une bonne question. Est-ce que, s'il y a une reprise économique,
on reprendra le terrain perdu? Personnellement, je serais porté à
croire que, dans la mesure où les Québécois ont perdu leur
complexe des grosses voitures pour aller vers de plus petites voitures - de
toute façon, les augmentations de salaires étant ce qu'elles sont
maintenant, je pense bien que les gens n'auraient pas les moyens de se payer de
très grosses voitures - même s'il y avait une reprise
économique, la consommation ne reviendrait pas à celle qu'elle
était auparavant. J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus.
M. Robinson: Je crois que, sur ce point, vous avez raison, mais
il y a une différence entre revenir au volume de la consommation
antérieure, d'une part, et modérer ou même arrêter la
baisse précipitée, en chute libre, comme vous l'avez dit, de la
consommation que les chiffres récents démontrent. Il est
évident que les facteurs structurels de la consommation ont
changé en défaveur de la consommation, si vous voulez,
exagérée des années passées. Étant
donné ces changements, je crois que, si la province de Québec
voit sa capacité productrice coupée de 40%, tandis que,
jusqu'à présent, la consommation même a baissé
d'environ 20%, pour le moyen terme en tout cas, le résultat sera que les
produits raffinés devront être importés d'autres parties du
Canada. C'est sur ce point que nous insistons pour que des mesures d'urgence
soient prises pour sauvegarder l'industrie de raffinage dans la province.
M. Rhéaume (Gilles): C'est dans ce sens que nous, de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, depuis le
début des recherches et des travaux des Travailleurs unis du
pétrole du Canada, nous les avons appuyés parce qu'il nous
semblait évident qu'ici au Québec nous sommes passés,
comme on l'a rappelé tout à l'heure, de "producteurs" entre
guillemets - à consommateurs, je mets des guillemets parce que je pense
qu'il faut faire attention pour les citations - dans un secteur de
l'économie. Il faut toujours nous situer dans une économie
nationale. Nos priorités ne sont pas celles des multinationales, c'est
entendu. Je veux dire qu'en tout cas vous n'entendrez pas cela de ma bouche; je
n'ai pas les mêmes points de vue, je n'ai pas les mêmes
priorités et je n'ai pas la même attention. C'est différent
et c'est normal, c'est pour cela qu'il y a une commission parlementaire.
Nous, nous réalisons que nous sommes passés, comme je le
disais, de producteurs à consommateurs, qu'il y a des travailleurs qui
ont, au cours des années, à force de travail, acquis une certaine
expérience - on parle de dix ans de travail pour qu'une main-d'oeuvre
spécialisée dans ce domaine puisse se perfectionner, puisse avoir
une formation adéquate - donc, un investissement en capital humain et en
capital financier. Nous croyons que, face aux décisions qui se prennent
de fermetures de raffineries comme celles que nous connaissons actuellement,
toutes les questions que nous nous posons ce matin, devraient être
reprises par une enquête ou par une étude qui démontrerait
non seulement la rentabilité, mais le pourquoi de la
nécessité de l'intervention de l'État. Il y a des gens qui
s'opposeront toujours à l'intervention de l'État par
idéologie politique et je pense que c'est normal. Il n'y a pas que cela
en ligne de compte. On peut s'y opposer par idéologie politique; cela,
on peut en discuter, c'est une autre question.
On peut, quant à nous, et on doit voir pourquoi l'État du
Québec, dans une économie nationale intégrée
à tout ce qui se passe autour de nous, devrait se pencher pour trouver
une solution à ce problème, parce que, même si la baisse de
consommation continue, on consommera toujours du pétrole. Il suffit de
voir, en consultant les études les plus sérieuses, de quel ordre
sera cette baisse. Je pense que le Québec, pour protéger son
économie
nationale, doit s'intéresser à ce dossier et
j'espère que la commission parlementaire, qui a été
unanime - comme le député d'Outremont l'a rappelé - pour
demander au gouvernement fédéral de faire en sorte de respecter
non seulement les droits, mais aussi les besoins de l'économie
québécoise dans ce domaine-là, sera aussi unanime pour
trouver une solution à ce problème et faire en sorte que les
Québécois d'aujourd'hui et de demain soient présents au
rendez-vous de l'évolution de l'industrie pétrolière.
M. Fortier: M. Rhéaume, votre intervention nationaliste ne
me surprend pas. Nous cherchons à défendre les
intérêts des Québécois. Je vous rappellerais que la
motion qui a été adoptée ne l'a pas été par
la commission, mais par l'Assemblée nationale. Il m'avait fait plaisir
de le faire. Je crois cependant que la raison pour laquelle nous avons eu 72 ou
80 mémoires, c'est que, de toute évidence, les politiques
poursuivies de substitution du pétrole créent des
problèmes et qu'on se pose à bon droit des questions à
savoir si on doit continuer dans cette direction? Quels sont les
problèmes créés? L'Association des distributeurs
indépendants de produits pétroliers nous l'a dit; cela
crée des problèmes à certains agents économiques.
Je crois que l'État et notre commission parlementaire doivent se pencher
sur ce problème.
Pour ma part, puisque vous avez abordé la question de
l'idéologie politique, je dois vous dire que la formation politique dont
je fais partie a créé, dans le passé, de nombreuses
sociétés d'État. Nous avons d'ailleurs été
les instigateurs, durant les années soixante et soixante-dix, de
plusieurs sociétés d'État. Présentement, c'est bien
évident que nous croyons, et nous croyons avec beaucoup de
Québécois, que l'État est allé beaucoup trop loin
dans trop de secteurs. Je dois vous dire, puisque vous soulevez la question ici
et que le ministre dit qu'il va recevoir des rapports de mois en mois,
quoiqu'un journal disait qu'il aurait un rapport au mois de novembre... Je dois
d'ailleurs féliciter le député de Lafontaine de
défendre votre dossier. Je le dis aux travailleurs du pétrole. Je
crois que le député de Lafontaine est très honnête
avec ses électeurs et qu'il prend leur défense. Cela lui revenait
et il le fait très bien.
Il est évident, pour ma part, que le gouvernement tergiverse sur
cette question, que le Parti québécois a pris position et que le
gouvernement ne veut pas prendre position avant les prochaines
élections. Je vais vous dire tout de go la position de notre formation
politique: nous ne croyons pas que l'État doive intervenir dans ce
dossier; nous ne croyons pas que ce soit la solution; nous croyons que nous
devons défendre les intérêts du Québec dans ce
dossier en particulier.
Nous devons nous assurer que les compagnies qui sont ici vont
générer les produits utilisés ici et peut-être
même davantage. Là-dessus, nous nous rejoignons, mais, s'il faut
s'embarquer dans une autre aventure nationaliste simplement pour avoir des
fleurdelisés sur des stations d'essence, nous disons non. Ce n'est pas
notre position et vous pouvez être assuré que nous allons
combattre toute solution qui serait uniquement une solution nationaliste et non
pas une solution économique à ce problème important.
M. Rhéaume: Je m'excuse, je ne sais pas si j'ai le droit.
Je ne connais pas les règles. Vous avez dit, tout à l'heure, que,
contrairement à moi, vos préoccupations ne sont pas
nationalistes, mais qu'elles sont orientées pour le bien-être du
Québec. Je ne pense pas qu'il y ait contradiction entre les deux; on
peut être nationaliste et souhaiter le bien du Québec dans tous
les secteurs, y compris celui-là. Le nationalisme n'est pas que
sentimental, linguistique et culturel, il est strictement économique. Je
vous enverrai avec plaisir l'oeuvre de Esdras Minville qui, en cinq volumes,
fait l'analyse de l'ensemble de la situation du Canada français et du
Québec. Le nationalisme n'est pas que linguistique et culturel; il peut
être économique. Je tiens à dire - on l'entend souvent -
c'est peut-être un préjugé...
M. Fortier: Je vous rejoins là-dessus. Je vous
rejoins...
M. Rhéaume: ...le nationalisme n'est pas contraire aux
intérêts du Québec, même dans le domaine
économique.
M. Fortier: Je vous rejoins là-dessus, car, étant
ingénieur et ayant oeuvré dans des grands bureaux de
génie-conseil, je dois vous dire que s'il en est qui ont
travaillé pour le développement économique du
Québec et qui l'ont fait en assurant une préséance des
grands bureaux de génie-conseil québécois sur la
scène canadienne et mondiale, j'en suis un. Là-dessus, on se
rejoint et j'accepte ce que vous dites. Cependant, ce que j'essaie de dire,
c'est que, pour ma part, je ne crois pas qu'on puisse régler un
problème aussi important uniquement à partir des prémisses
que vous avez évoquées tout à l'heure. Je dis qu'il s'agit
d'un problème important. Vous avez évoqué les pertes
d'emplois. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est un sujet qui me trouble
grandement. Dans le livre blanc de 1978 on parlait de tout mais on ne parlait
pas des pertes d'emplois dans le domaine du pétrole. J'ai même dit
à l'Assemblée nationale que je trouvais pénible que le
ministre parle toujours de création d'emplois alors que le secteur du
pétrole était gravement affecté. J'en suis, j'en conviens,
et je crois que, de
ce côté, il y a des choses qui doivent être faites.
Mais, lorsqu'on parle de la politique énergétique du
Québec et que le thème de notre commission parlementaire est de
revoir la politique énergétique du Québec pour
développer l'économie du Québec et la création
d'emplois au Québec, je crois qu'il faut être très
honnête avec la population, qu'il faut tenter de voir l'avenir avec le
plus de réalisme possible et qu'il faut éviter de s'engager dans
des avenues qui seraient basées sur des hypothèses qui
ignoreraient la réalité économique non seulement du
Québec mais du Canada dans son ensemble.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous savez, le député d'Outremont nous
ouvre un grand champ pour une discussion. Je voudrais d'abord dire une chose,
M. Rhéaume, c'est que je partage entièrement le point de vue que
vous venez de dire. La décision de notre gouvernement dans ce dossier
n'est pas prise. Je constate que le Parti libéral a déjà
fait son lit. La seule question que je me pose est que je me demande au nom de
qui le député d'Outremont parle parce que, sauf erreur, ce Parti
libéral n'a pas de chef, a un ancien programme...
M. Fortier: Vous en avez un qui est en train de mourir.
M. Beaumier: ...d'altitude. Il n'y en aura pas non plus.
M. Duhaime: Et au rythme où déboulent les
conventions très bien organisées dans cette formation politique,
je serais prêt à gager 5 $ que M. Robert Bourassa va gagner la
convention. Si on veut être un peu plus sérieux et ne pas mettre
des X sur des dossiers par pure idéologie, j'aimerais cela que le
député d'Outremont nous donne son point de vue sur l'intervention
du gouvernement fédéral dans l'achat de Petrofina qui, en soi,
est un scandale international quant au prix.
Une voix: Feuille d'érable.
M. Duhaime: Le gouvernement fédéral, oui.
Une voix: Des feuilles d'érable à part cela.
M. Duhaime: Je ne parlerai pas des "maple leaf, on les voit
beaucoup. C'est un gouvernement libéral. J'aimerais aussi savoir son
point de vue sur l'intervention du gouvernement conservateur, depuis 40 ans au
pouvoir en Ontario, qui a décidé de prendre 25% des
intérêts de Suncor et qui investit aussi plusieurs dizaines de
millions par année dans des programmes d'exploration. Je pense que, par
idéologie aussi et en porte à faux également, si M.
Fortier parle au nom de sa formation politique, il aurait dû faire la
campagne à la chefferie. Je sais que cela l'a tenté mais pour
l'instant en tout cas je vais prendre les propos du député
d'Outremont comme n'engageant pas le Parti libéral du Québec. On
verra bien ensuite.
Ce que je voudrais dire également c'est que nous n'avons pas
l'intention de laisser traîner ce dossier. Je voudrais donner l'assurance
au député d'Outremont que nous prendrons position bien avant les
prochaines élections dans ce dossier. Ce qui est important, c'est de
faire une évaluation exhaustive du dossier, non pas simplement regarder
le coût d'acquisition, soit d'une raffinerie ou d'un réseau de
distribution, mais se demander aussi ce qui va se produire ensuite et combien
de dollars il faudra pour soutenir cette intervention en ayant un objectif
très net, très clair, maintenir au Québec une
capacité de raffinage et maintenir au Québec une
pétrochimie.
Je pense que mon collègue des Finances a été
très clair là-dessus, mon collègue de l'Industrie et du
Commerce également et ce n'est pas pour rien que nous avons fait des
pieds et des mains pour que notre intervention auprès du gouvernement
fédéral porte ses fruits. Heureusement dans ce dossier cela a
porté ses fruits, Pétromont a été soutenu. Le
problème de Pétromont est un problème quant au coût
d'approvisionnement au complexe de vapocraquage. La Société
générale de financement a des intérêts dans ce
dossier avec la compagnie Gulf et Union Carbide. Ce complexe s'approvisionne
à partir des raffineries de Gulf, de Shell et de Petrocan actuellement.
On sait que c'est difficile. Les scénarios de rentabilité qui
avaient été envisagés chez Pétromont, au
début du projet, sont loin de correspondre à ce que la direction
de Pétromont avait espéré, de même que chacun des
partenaires, mais on a décidé de continuer. (12 heures)
Je dois dire au député d'Outremont, puisqu'il m'en donne
l'occasion, que nous ne prendrons pas une décision essentiellement sur
une prémisse qui consisterait à dire: II faut
nécessairement être là. Nous allons faire l'étude du
dossier. Je me rends compte que les libéraux ont déjà
terminé la leur. À moins que ce soit démenti, je tiendrai
pour acquis que le critique officiel du Parti libéral en matière
d'énergie engage sa formation politique ce matin. Ce sera au moins un
dossier de réglé quant à eux; mais quant à nous,
nous allons continuer nos travaux. Ce dossier qui est actif va sans aucun
doute, le plus rapidement possible... parce que tout le monde sait que dans
le
secteur pétrolier et dans tout ce phénomène de
tassement, de restructuration ou de rationalisation, il y a des choses qui se
produisent tous les jours. Dans les derniers six mois, on a eu une annonce
malheureuse pour l'économie du Québec. Tout à l'heure,
nous entendrons les dirigeants de Esso qui ont annoncé une fermeture,
mais le seul espoir que nous ayons, c'est qu'ils aient une bonne provision de
boules à mites. On va voir ensuite ce qui pourrait se produire sur ce
marché. En tout cas, on aura l'occasion d'en parler avec eux, mais je
voudrais que l'on continue, à mon ministère, en étroite
collaboration avec SOQUIP, en étroite collaboration - je dois le dire
aussi - avec les compagnies qui oeuvrent dans le secteur pétrolier au
Québec, avec qui nous sommes en conversation et avec les autres
partenaires impliqués, tant au niveau de la distribution, que ce soient
les détaillants d'essence, que ce soient les distributeurs d'huile
à chauffage ou autres... Nous allons maintenir les ponts et maintenir le
contact. Ce ne sera pas une décision facile. Il y a des montants
d'argent considérables qui sont en cause, mais je voudrais dire à
mes amis d'en face que nous prendrons une décision probablement à
la fois québécoise et économique.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, comme le ministre m'a mis en
cause, je vais faire certains commentaires. Je crois qu'il y aurait avantage
pour le ministre d'avoir une politique beaucoup plus transparente dans le
domaine de l'énergie. Car, on l'a vu hier, en posant des questions, on
s'aperçoit que la politique de pénétration du gaz, en
particulier, est grandement affectée par les décisions du
ministre et du Conseil des ministres en ce qui concerne la
pénétration de l'électricité au Québec.
C'est une chose de vouloir la pénétration du gaz et c'est une
autre chose de ne pas réunir les conditions qui favoriseraient cette
même pénétration. Il y a un grave danger que cette
pénétration ne se fasse pas, comme nous l'a dit M. Martin hier,
si certaines conditions ne sont pas réunies. Et c'est là une des
ambiguïtés de cette politique, parce qu'on dit des phrases
solennelles et ensuite, il y a des décisions qui sont prises et qui ne
vont pas dans ce sens. Je voudrais bien que le ministre assume pleinement ses
responsabilités pour dire justement aux gens du pétrole s'il a
l'intention de continuer sa politique énergétique, si la taxe
ascenseur va continuer de nous affecter, d'affecter les contribuables et les
consommateurs d'essence. À-t-il des décisions à annoncer
en ce qui concerne l'utilisation des surplus d'électricité? Les
consommateurs québécois vont-ils pouvoir en
bénéficier?
En ce qui concerne ma prise de position, les conclusions auxquelles nous
sommes arrivés dernièrement sur le dossier de l'achat d'une
raffinerie par le gouvernement du Québec, nous croyons qu'elle est la
plus sage, compte tenu de la guerre des prix qui prévaut et qui va
continuer de prévaloir durant les prochaines années. Nous aurons
l'occasion d'entendre d'autres multinationales qui vont nous dire que,
très probablement, cette guerre des prix va durer encore pendant des
années tant que la contraction du marché ne sera pas
terminée.
En ce qui concerne l'achat de Petrofina par le gouvernement
fédéral, cela a été une décision du
gouvernement fédéral. Pour ma part, ma formation politique a pris
la décision, il y a fort longtemps, de n'oeuvrer que sur le plan
provincial. Je vais laisser au Parti québécois le soin de faire
son action politique sur le plan fédéral. S'ils veulent oeuvrer
sur deux fronts en même temps, c'est leur affaire. Nous croyons que nous
avons assez de problèmes au Québec et nous allons tenter de les
régler ici même en étant élus pour défendre
les intérêts du Québec à l'Assemblée
nationale du Québec. Si ces gens veulent aller en même temps au
Québec et à Ottawa, c'est leur affaire. J'ai bien hâte de
voir quel succès cela donnera. Mais je n'ai pas de jugement à
porter sur l'achat de Petrofina par le gouvernement du Canada. Je dirai tout
simplement que cela a été une décision du gouvernement
canadien dans laquelle, pour ma part, je n'avais aucune influence. Mais la
raison à la question qui se pose, c'est que nous sommes à
l'Assemblée nationale du Québec et qu'une décision sera
prise par le gouvernement du Québec. En tant que parlementaire, je
continuerai à m'exprimer sur des dossiers québécois.
J'oserais exprimer que le ministre ne fasse pas de diversion en portant le
débat sur des décisions qui sont prises par d'autres
gouvernements où, de toute évidence, nous parlementaires, n'avons
aucune influence.
Là-dessus, j'oserais espérer que l'on puisse conclure
l'intervention ou du moins conclure quelque peu sur les propositions que nous
font les Travailleurs unis du pétrole. Je voudrais leur rappeler que le
dossier qu'ils apportent, en terme d'économie et en terme de pertes
d'emploi, nous touche profondément. J'aimerais leur rappeler que nous
n'avons pas terminé l'étude de l'impact, que cela peut
créer des possibilités. J'ai simplement indiqué, pour ma
part, que la solution d'une nationalisation ne m'apparaissait pas la meilleure
solution, qu'il y a probablement d'autres interventions que le gouvernement du
Québec peut faire. Notre recherche s'orientera, pour notre part, vers
les autres types d'intervention qu'un gouvernement québécois peut
faire pour
remédier aux problèmes qu'ils ont soulevés.
J'aimerais les remercier chaleureusement pour cela.
M. Duhaime: Quant à moi...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: ...je voudrais vous remercier de votre mémoire
et de votre présentation. Sauf erreur, à moins qu'on ne veuille
pas entendre ce que je dis, je l'ai dit au mois de mars, je l'ai
répété hier: les objectifs de la politique
énergétique du Québec sont très clairs. Je ne vois
pas ce qu'il y a de plus transparent que cette politique. Nos prévisions
pour 1990 sont sur la table; bien sûr, nous en discuterons. Quand le
député d'Outremont se fait des craintes sur l'évolution du
gaz naturel et sa pénétration au Québec, à moins
qu'il ne vive pas sur notre planète, le gaz naturel est rendu à
Québec, à Trois-Rivières, à Shawinigan, à
Grand-Mère. Des embranchements se font, on s'en va vers le
Saguenay-Lac-Saint-Jean l'été prochain. Si vous voulez que je
sois encore plus clair; en d'autres mots, il est évident, et je l'ai dit
à plusieurs reprises, que la pénétration du gaz naturel au
Québec de même que la poussée d'Hydro-Québec sur le
même marché fera en sorte que la part du mazout importé ira
en diminuant. On ne s'est jamais caché là-dessus. On était
à 70% de pétrole pour les années 1973 et 1974 et notre
objectif est de ramener la part du pétrole dans le bilan
énergétique du Québec autour de 33% ou 34% en l'an 2000.
À moins de ne vouloir rien voir et rien comprendre, il est
évident qu'il se fera un déplacement et d'investissements et
d'emplois dans le secteur énergétique en faveur de
l'électricité et du gaz naturel et au détriment du mazout.
Ce n'est pas moi qui dirai à M. Hotte et à son groupe qu'il y a
un avenir mirifique dans la distribution de l'huile à chauffage au
Québec. Je pense qu'eux-mêmes sont les premiers à le
constater. Ils étaient 1200 autrefois, ils sont 600 aujourd'hui et
d'autres vont disparaître de ce marché, c'est l'évidence
même.
Quand le député d'Outremont nous dit qu'on manque de
transparence, je me souviens qu'un certain temps, à l'Assemblée
nationale, il trouvait que le gaz naturel mettrait en danger
Hydro-Québec et aujourd'hui, c'est l'inverse. Mais vous lirez votre
programme, ce que j'appelle le livre rouge du Parti libéral que
constituent vos dix lignes sur le dossier de l'énergie. Vous verrez
là-dedans qu'il n'y a pas grand-chose. Je comprends que vous soyez
aujourd'hui embarrassé de prendre la défense de vos alliés
référendaires, le gouvernement fédéral canadien qui
finance 40% de son budget avec un déficit de 28 000 000 000 $. Cela est
achalant. Mais si cela ne vous intéresse pas ce qui se passe dans le
parlement fédéral, nous, comme Québécois, cela nous
intéresse. Comme contribuable canadien, je paie des impôts. Et
nous, Québécois, en payons quelques milliards chaque
année. Si vous avez décidé de dire: Nous, cela ne nous
intéresse pas, la moitié des revenus des impôts qui vont
à Ottawa, que vous décidiez de tirer le volet et que vous
laissiez à d'autres le soin de s'en occuper, je peux vous dire que nous
avons l'intention de continuer de nous en occuper et de nous en occuper de plus
en plus activement.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Duhaime: Sur cela, quant à moi, je vous remercie et je
vous inviterais, M. le Président, à appeler le prochain
intervenant.
Le Président (M. Gagnon): Merci aux Travailleurs unis du
pétrole du Canada, M. Dion, Mme Parent, M. Rhéaume, de la
Société Saint-Jean-Baptiste et M. Robinson.
Maintenant, j'invite la compagnie pétrolière
Impériale Ltée à prendre place s'il vous plaît. M.
Hamel, je vous souhaite la bienvenue et vous demande de présenter les
gens qui vous accompagnent.
Compagnie pétrolière
Impériale
M. Hamel (Roger): Bonjour, M. le Président. Je suis Roger
Hamel, directeur général de l'Impériale pour le
Québec et je suis accompagné de deux membres de la haute
direction de notre société, soit M. Jacques Bédard,
à ma gauche, et M. Paul Donato à ma droite. M. Bédard est
directeur du marketing pour les Pétroles Esso Canada au Québec,
et M. Donato est directeur de notre raffinerie à
Montréal-Est.
Le mémoire que nous avons soumis porte la signature de
Pétroles Esso Canada. Vous avez reçu, au cours des
dernières minutes, un résumé de notre mémoire. Je
vais peut-être y référer tout à l'heure, mais je
n'ai pas l'intention de lire ni notre mémoire, ni le
résumé. Donc, n'essayez pas de suivre ce que je lis à
partir du texte qu'on vous a donné.
Le mémoire que vous avez reçu au mois de mars, je crois,
porte la signature de Pétroles Esso au Canada. Cette entreprise est une
nouvelle division de l'Impériale qui a été
créée en 1980 et qui regroupe toutes les activités de
l'Impériale en aval au Canada, soit du raffinage jusqu'au
réservoir du client. Cette entreprise forme, avec Esso Ressources, Esso
Chimie et Minéraux Esso les quatre constituantes de l'Impériale
au Canada.
L'Impériale raffine, distribue et vend des produits
pétroliers au Québec depuis
1916. Sa filiale Minéraux Esso y effectue des travaux
d'exploration minière sur le territoire québécois depuis
plusieurs années déjà et Esso Ressources, en collaboration
avec SOQUIP, entreprend des projets de recherche ici. Quant à
Pétroles Esso Canada, c'est certainement la division la plus visible au
Québec. Elle y vend une gamme complète de produits
pétroliers et de produits accessoires par l'entremise de ses 750
détaillants et agents, de ses 20 terminaux et 3 centres de confort au
foyer. Ses ventes se sont chiffrées par près de 1 000 000 000 $
au Québec, en 1982. Le nombre des employés de l'Impériale
au Québec, en incluant Matériaux de construction Canada
Ltée, qui est une filiale de Esso Chimie, et en incluant aussi les gens
qui sont reliés à la distribution et à la vente de ces
produits, se chiffre à environ 4000 employés. L'Impériale,
au Québec, est donc un agent important dans l'économie
québécoise et entend le demeurer.
Quant à notre mémoire, il a été
rédigé et soumis à votre commission - comme je l'ai dit
tout à l'heure - il y a maintenant plus de six mois. Quoique la
situation de l'économie et de l'énergie ait pu changer quelque
peu depuis, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'amender les
hypothèses données ou conclusions qu'il contient, car ces
changements sont très mineurs.
M. le ministre, vous avez choisi comme thème des travaux de cette
commission "L'énergie, levier de développement
économique". Nous espérons que notre mémoire vous sera
utile en ce sens qu'il précise les perspectives d'avenir en
matière énergétique et établit le cadre dans lequel
l'industrie pétrolière et Esso, bien sûr,
évolueront. Cette industrie a joué et continuera à jouer
un rôle très important dans le développement
économique du Québec. Cependant, notre mémoire ne
prétend pas lui donner un rôle de leadership dans le
développement économique et il en est ainsi pour les raisons
suivantes: (12 h 15)
Premièrement, après avoir exercé ce leadership dans
les années soixante et soixante-dix dans l'Est du Canada et au
Québec, notre industrie a atteint son niveau de maturité.
Deuxièmement, d'autres intervenants sur la scène
énergétique occupent maintenant une partie importante du champ
d'activité économique auparavant dévolu à notre
industrie. Je pense évidemment à l'électricité et
au gaz. Cela est dû en grande partie à la volonté bien
arrêtée de différents paliers de gouvernement et à
un changement profond dans les habitudes de consommation de notre
clientèle.
Enfin, il faut reconnaître que c'est au niveau de l'exploration
pétrolière et de l'exploitation des puits pétroliers que
notre industrie est vraiment un levier de développement
économique.
Or, jusqu'à preuve du contraire, c'est là une des seules
ressources que le Québec n'a pas. Il ne faut donc pas se surprendre si
c'est surtout dans les provinces productrices que notre industrie est synonyme
de création d'emplois, d'investissements et de développement
technologique. Le rôle de l'industrie pétrolière au
Québec sera d'appuyer le développement économique et, si
vous me le permettez, sous forme imagée, l'électricité et
le gaz seraient la locomotive et l'industrie pétrolière serait -
je ne devrais pas dire "seulement" - les rails. Les deux sont évidemment
essentiels et complémentaires, mais c'est quand même la locomotive
qui fait avancer le train.
Notre mémoire analyse l'importance relative, aujourd'hui et
demain, du pétrole sur la scène énergétique en
général. Cette analyse démontre qu'au Québec le
pétrole est et demeurera un élément essentiel de son
développement économique; s'il n'en peut être le levier, il
en sera le point d'appui.
J'aimerais maintenant entrer dans le vif du sujet que j'entends aborder
comme suit. Si vous me le permettez, dans un premier temps j'aimerais faire le
survol de notre mémoire et, dans un deuxième temps,
m'arrêter sur un sujet d'actualité, soit le marché de
l'essence. En terminant, je dégagerai les principales conclusions de
notre mémoire et de mon exposé de ce matin.
Quant à notre mémoire, comme je vous l'ai dit, je n'ai pas
l'intention d'en faire la lecture et on voit très clairement, depuis
quelques jours, que les membres de cette commission ont lu très
attentivement les mémoires qui ont été soumis. Je pense
que ce ne serait pas très utile pour moi de répéter ce que
vous avez déjà lu. Mais je voudrais dégager les points
saillants quant à l'évolution prévisible de la
scène énergétique d'une part, et ce que cela signifie pour
nous et pour notre industrie.
Tout d'abord, M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, je voudrais vous inviter à la plus grande
prudence dans l'élaboration d'une politique énergétique
à même les données actuellement disponibles. En effet, les
perspectives énergétiques sont très Difficiles à
définir avec précision et surtout dans le contexte politique et
économique mondial où on se trouve actuellement.
Toutes les incertitudes pèsent sur les prix mondiaux du brut, sur
le taux de croissance de l'économie, sur les marchés des produits
pétroliers et, étant donné le nombre élevé
de variables que nous ne contrôlons pas, il est difficile de faire des
prévisions fiables sur la demande énergétique. Ainsi,
à titre d'exemple, nos prévisions de la demande d'énergie
primaire au Québec sont inférieures d'un tiers à celles
que nous faisions en 1977. Il n'y a pas vingt ans de cela: il y a six ans,
et devant cette même commission.
Proportionellement la demande de pétrole subira une baisse plus
marquée et cela est dû à un ensemble de facteurs qui
n'avaient pas été prévus en 1977, comme une hausse
marquée des prix, comme le ralentissement considérable de la
croissance économique et les mesures d'économie d'énergie
et comme le remplacement du pétrole par d'autres combustibles.
Cela étant dit, nous prévoyons qu'au Québec, compte
tenu d'un taux de croissance économique de 2,5% par année -
hypothèse de notre part - la demande d'énergie primaire devrait
s'accroître à 1% par année. La consommation du
pétrole continuera de diminuer et ne comptera plus que pour environ 17%
de la demande d'ici 1990, encore une fois, sur une base d'énergie
primaire. Cette diminution pourrait être plus considérable si la
tendance à la conversion au gaz naturel est encore plus marquée.
Au Québec, comme au Canada, la tendance selon laquelle on a
réduit leur dépendance à l'égard des importations
d'énergie est appelée à se poursuivre, surtout au fur et
à mesure que l'électricité produite au Québec et le
gaz naturel en provenance de l'Ouest canadien se substitueront au
pétrole importé comme source d'énergie. Tout indique que
le Québec continuera de disposer de sources d'énergie d'un
coût modique et concurrentiel sur les marchés mondiaux.
Par ailleurs, l'équilibre entre l'offre et la demande est
appelé à se resserrer de nouveau sous l'effet des forces du
marché ou de la situation politique. Pour cette raison, le Québec
devrait continuer d'appuyer la mise en valeur de nouvelles réserves
canadiennes de pétrole et de gaz qui se révéleront
économiques, compte tenu des prix mondiaux, afin de s'assurer à
long terme d'une source sûre d'approvisionnement en hydrocarbure.
J'aimerais maintenant, M. le Président, vous faire part de ce que
ces perspectives énergétiques impliquent pour notre industrie.
Depuis 1980, la demande de produits pétroliers au Québec a
fléchi considérablement. Selon nos prévisions, ce
fléchissement de la demande se poursuivra jusqu'à la fin de cette
décennie. Ainsi, durant cette période de dix ans, la demande en
produits pétroliers du Québec diminuera de 50% tandis que la
demande d'essence diminuera de 40% sur une période de dix ans.
Cependant, en raison du fléchissement marqué et permanent de la
demande de produits pétroliers, l'industrie et le commerce des produits
pétroliers doivent se restructurer et ce processus, dans notre cas, est
commencé depuis déjà quelque temps.
Vous me permettrez de m'attarder quelques minutes sur cette question qui
m'apparaît capitale. J'aimerais dégager, dans un premier temps,
les principes économiques qui président à cette
transformation et, dans un second temps, je préciserai notre
stratégie dans ce contexte. Le raffinage, la distribution et la vente
des produits pétroliers ont en commun trois caractéristiques
fondamentales sur le plan économique. C'est une industrie qui implique
des investissements élevés dont les coûts fixes
d'exploitation sont considérables par rapport aux coûts totaux et
qui bénéficie beaucoup des économies d'échelle. Ces
caractéristiques obligent l'entreprise pétrolière à
rechercher l'utilisation maximum de ses raffineries et de son réseau de
vente conformément à l'évolution de la demande et aux
désirs du consommateur.
Je vous ai indiqué tout à l'heure l'évolution de la
demande en produits pétroliers au Québec. Dans le cas des
essences et du mazout domestique, la demande a connu une période de
pointe en 1979 pour décliner progressivement jusqu'en 1983 et ce
phénomène se poursuivra jusqu'à la fin de la
décennie. Il est dû en grande partie à un changement
profond des habitudes du consommateur, un changement structurel, changement qui
a été orienté et accéléré par les
politiques énergétiques des gouvernements. Dans ces
circonstances, notre réseau de stations-service a dû être
modifié pour rester efficace et rentable. Nous avons dû fermer des
stations qui étaient sous-utilisées et construire des
libres-services pour répondre au consommateur dont la décision
d'achat est principalement - pas uniquement, mais principalement - basée
sur le prix. Cette restructuration continuera à se faire selon le rythme
que nous imposera l'évolution du marché. Enfin, la
restructuration ne signifie pas uniquement la fermeture de stations-service,
elle implique également des investissements importants de notre part
afin de s'assurer que nos points de vente soient concurrentiels quant à
leur image, quant au service et aux produits qu'on y trouve et, bien sûr,
quant au prix.
Tout le système d'approvisionnement a également
été analysé, ce qui inclut notre réseau de
raffineries que nous avons, et vous l'avez constaté, aussi
décidé de corriger. Cette restructuration qui affecte les
raffineries, les terminaux, les stations-service et les agences est une
démarche profondément positive. Encore une fois, pour trouver une
analogie, c'est un peu comme un jardinier qui se décide d'émonder
un arbre pour assurer sa croissance. Il y a des fois qu'il y a des branches
mortes même sur un arbre qui est bien en santé et il faut les
émonder quand on voit que ces branches sont mortes ou qu'elles sont en
train de mourir. Ce qui nous permet, comme société industrielle,
comme compagnie pétrolière, de nous transformer pour le
bénéfice du consommateur qui continuera d'être bien servi
par une industrie rentable et viable.
C'est là notre stratégie. Parce que nous l'avons
adaptée au moment opportun, nous avons pu effectuer les changements
requis sans bouleversement majeur.
Évidemment, certaines actions sont plus importantes que d'autres.
Je ne peux pas passer sous silence la décision que nous avons
annoncée au printemps de suspendre les activités dans notre
raffinerie de Montréal-Est. Je vous prie de croire que pour une
industrie, une entreprise, une société pétrolière
comme la nôtre, établie au Québec depuis déjà
plus de 68 ans, ce fut une décision extrêmement difficile à
prendre, mais une décision essentielle, une décision absolument
nécessaire. J'ai été, ainsi que mes collègues de la
direction au Québec, intimement mêlé au processus
décisionnel qui l'a précédée et j'ai
été à même de me convaincre du bien-fondé de
cette décision difficile. Je pense que nos communications à ce
sujet ont été franches, ouvertes et complètes. Les
médias ont fait largement état de cette décision et des
motifs qui l'appuient. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire aujourd'hui
de les répéter. Je n'ai pas l'intention de le faire, mais notre
mémoire revoit la question aux pages 32 et suivantes et nous sommes
évidemment disposés à répondre à vos
questions à ce sujet, dans quelques minutes.
J'aimerais quand même rappeler les points suivants.
Premièrement, tenant compte de l'évolution de la demande à
la baisse, nous allons continuer d'assurer à notre clientèle au
Québec son approvisionnement en produits pétroliers. Cela est
garanti. Deuxièmement, les produits pétroliers Esso, pour les
besoins du Québec, auparavant raffinés par notre raffinerie de
Montréal-Est, seront raffinés ici au Québec selon des
ententes actuellement en vigueur, par d'autres raffineurs et selon nos normes,
nos critères de qualité consolidant ainsi la rentabilité
de l'industrie du raffinage au Québec.
Troisièmement, nous avons offert un emploi à tous nos
employés. Enfin, si nous avons pris cette décision, c'est avant
tout pour demeurer concurrentiels et viables financièrement au
Québec.
Je devrais maintenant conclure ma présentation si les
événements récents n'avaient placé le marché
de l'essence sous les feux de la rampe. Je voudrais donc profiter de l'occasion
pour traiter brièvement de trois aspects reliés de près
aux soubresauts que connaît ce marché depuis quelque temps, soit
la restructuration du réseau de la vente au détail de l'essence,
les fluctuations dans les prix et nos relations avec les détaillants
Esso. Dans mes remarques sur la restructuration de l'industrie
pétrolière, j'ai indiqué les mesures que nous avons prises
pour assainir et fortifier notre réseau. Les motifs économiques
qui animent notre stratégie s'appliquent à tous les
détaillants et le vendeur de produits pétroliers. Ils doivent
considérer l'avenir de la même façon puisqu'ils desservent
le même marché. Si leur entreprise n'est pas rentable, ils
n'auront d'autre choix que d'augmenter son efficacité en
réduisant les coûts d'exploitation ou si elle est efficace,
d'augmenter leurs ventes, d'augmenter leurs marchés, d'augmenter leurs
volumes. Si l'entreprise ne devient pas rentable, le détaillant devra la
fermer avant d'y engloutir ses économies et son énergie.
Nous avons discuté à plusieurs reprises de cette question
avec nos détaillants et nos détaillants Esso partagent notre
point de vue. (12 h 30)
J'aimerais passer maintenant à la fluctuation des prix de
l'essence. Les caractéristiques économiques de notre industrie
que je vous donnais tout à l'heure invitent d'une façon latente
des guerres de prix. L'entreprise pétrolière et le
détaillant cherchent toujours à utiliser au maximum leurs
installations afin de maintenir leur niveau de rentabilité. Cela cause
parfois des perturbations dans le marché. Ainsi, lorsqu'un raffineur
constate que des surplus d'essence existent, il devrait alors diminuer sa
consommation de brut dans sa raffinerie, mais il diminuerait aussi par voie de
conséquence le raffinage d'autres produits. Si par ailleurs, il
maintient sa capacité de raffinage, le surplus de produits, en
l'occurrence l'essence, doit être vendu au prix qu'il pourra obtenir
dès que les stocks maximaux de produits en surplus sont atteints. La
façon la plus classique et la plus facile d'écouler ce surplus
est de le vendre à un revendeur ou à un distributeur
indépendant. Quand plus d'un raffineur essaie en même temps
d'écouler son stock en surplus, le prix du marché baisse
inévitablement. Lorsque les compagnies pétrolières, les
revendeurs et les détaillants indépendants font
bénéficier leurs clients de cette baisse de prix par le biais de
leurs propres points de vente, les autres détaillants, qu'ils soient
indépendants ou qu'ils arborent l'enseigne d'une compagnie
pétrolière, n'ont d'autre alternative que de baisser leur prix au
même niveau s'ils veulent conserver leur clientèle. Ils n'ont
absolument pas le choix. Nous sommes alors en pleine guerre des prix.
Une guerre des prix peut également survenir, même à
une époque où il n'existe pas de surplus d'essence, mais
plutôt un nombre trop élevé ou un surplus de points de
vente. Dans certains cas, les prix sont coupés par des
détaillants existants qui veulent augmenter le volume de leur
station-service. Dans d'autres cas, le propriétaire d'une nouvelle
station-service ou d'une nouvelle compagnie pétrolière ou d'une
ancienne compagnie pétrolière arborant une
nouvelle enseigne peut utiliser la même technique pour se
créer un marché. Dans l'un ou l'autre cas, les autres
détaillants présents dans le même marché doivent
également ajuster leur prix en conséquence. Je pense que c'est le
simple bon sens.
Au Québec, on connaît actuellement des guerres des prix qui
s'expliquent à la fois par un surplus d'essence et par une
sous-utilisation d'un grand nombre de stations-service dont les
propriétaires veulent monter le volume en baissant leur prix. Le jeu
combiné de ces deux facteurs a lancé des guerres des prix
particulièrement agressives. Je dis au Québec parce qu'on parle
du Québec mais je pense que cela se passe à peu près
partout au Canada. Dans ces circonstances, Esso partage avec ses
détaillants le fardeau de ces guerres des prix.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
je voudrais - j'arrive à la fin de mon exposé - terminer en
parlant de nos relations avec nos détaillants Esso. Ils sont plus de 670
au Québec et ils se divisent en trois groupes: ceux qui sont
propriétaires de leur station-service, ceux qui louent une station qui
nous appartient et enfin, les détaillants agents qui exploitent des
libres-services, en d'autres mots les propriétaires de l'essence dans
les réservoirs. Nous avons également au Québec huit
stations-service qui sont la propriété de la compagnie et qui
sont exploitées par des employés d'une filiale de
l'Impériale; 8 sur 670.
Mes commentaires vont maintenant s'adresser aux détaillants
propriétaires et locataires. Nos détaillants Esso sont tous des
hommes et des femmes d'affaires indépendants qui ont tous et toutes
signé un contrat avec Esso Canada dont les termes varient d'un cas
à l'autre selon les circonstances. Leur contrat est
négocié individuellement avec le représentant Esso qui
administre le territoire. Celui-ci agit également comme conseiller en
marketing. Le détaillant est toujours libre de suivre ses conseils.
Certains de nos détaillants sont membres d'associations de
détaillants. C'est leur droit le plus strict. Cependant, comme ils sont
des hommes et des femmes d'affaires indépendants et non pas nos
employés, et comme la loi sur les coalitions nous interdit de discuter
de certains sujets collectivement avec des détaillants
indépendants ou associés à d'autres compagnies
pétrolières, vous comprendrez que nous ne pouvons
considérer ces associations comme porte-parole, représentant ou
agent négociateur de nos détaillants. Nos communications avec
chacun de nos détaillants sont régulières et productives.
Elles se font par l'entremise du représentant Esso responsable d'un
territoire donné ou au niveau de notre comité local,
régional ou provincial des communications où siègent des
représentants de notre compagnie et des détaillants qui ont
été élus par leurs confrères pour les
représenter à ces comités. Enfin, je disais que nos
détaillants sont des hommes et des femmes d'affaires.
Laissez-moi vous donner quelques exemples. Le détaillant Esso est
propriétaire de l'essence contenue dans ses réservoirs et fixe
lui-même le prix à la pompe, même lorsqu'il demande le
soutien financier de la compagnie en période de guerre de prix. Quant au
produit qu'il vend, la seule obligation est de vendre les carburants Esso. Les
pneus, batteries et autres accessoires sont laissés à son choix,
même si Esso les vend sous la marque Atlas. Il doit cependant accepter la
carte de crédit Esso, mais il n'y a pas de coût additionnel pour
lui. Cependant, il peut choisir une ou plusieurs cartes de crédit
bancaire dont le coût additionnel lui incombe. C'est une entente entre le
détaillant et la banque mise en cause. Enfin, il va de soi que la
compagnie n'a pas de juridiction sur son atelier de service et son atelier
mécanique.
Ces quelques éléments d'information vous convaincront, je
l'espère, de la nature et de la qualité de nos relations avec nos
détaillants qui sont tous et chacun autant de maillons importants de
notre réseau. Nous les respectons tous et en sommes fiers.
Maintenant, j'aimerais tirer quelques grandes conclusions qui se
dégagent de notre mémoire et de mon exposé de ce matin.
Premièrement, le Québec a la chance de pouvoir compter sur le
pétrole, le gaz et l'électricité dans son bilan
énergétique. La politique du Québec en ce domaine devrait
permettre à chacun de ces types d'énergie de jouer son rôle
sur un pied d'égalité, sans encouragement artificiel qui viendra
fausser les lois du marché tel qu'il existe aujourd'hui. Ces
encouragements ont pu être nécessaires pour favoriser
l'arrivée du gaz et de l'électricité dans certains
marchés géographiques ou pour servir certaines clientèles,
mais, aujourd'hui et dans l'avenir, la gestion gouvernementale de
l'énergie ne devrait pas défavoriser le pétrole, car cela
pourrait diminuer encore plus la rentabilité de l'industrie
pétrolière au Québec et rendre très précaire
l'équilibre de son bilan énergétique.
M. le Président, j'ai 30 ans de service au sein de la compagnie,
Paul en a 37 et Jacques en a une trentaine; presque 100 ans de service ici. Je
peux vous dire que ce n'est que depuis l'annonce de la suspension des
activités à la raffinerie de Montréal-Est qu'on semble
nous aimer. Avant cela, j'étais toujours le représentant d'une
grande et méchante multinationale, mais, il me semble que, depuis
quelques mois, les gens disent: Ne partez pas, ce n'est pas possible! Vous
n'allez pas nous faire celai Je trouve que c'est peut-être le seul
élément positif que je
peux voir dans tout cela, sauf les questions économiques qui sont
très positives. J'apprécie vraiment de vivre un peu dans cette
condition. On semble nous aimer beaucoup, et ce, depuis quelques jours. En tout
cas, c'est un élément très social et un peu à
part.
Deuxièmement, pour revenir au sérieux et tenant compte de
l'évolution de l'offre et de la demande en énergie, les
approvisionnements en produits pétroliers au Québec sont et
demeureront adéquats grâce à la restructuration de
l'industrie qui, contrairement au dinosaure - on sait ce qui est arrivé
au dinosaure quand il est devenu tellement gros qu'il y a eu une distance trop
grande entre le cerveau et la queue: il a disparu. Un approvisionnement
adéquat sera possible grâce à la restructuration de
l'industrie qui a su s'adapter aux changements du marché.
Trosièmement - et je pense que c'est là une très
bonne nouvelle pour le consommateur - la concurrence est très vive sur
la scène énergétique et continuera de l'être. Que ce
soit entre les trois types d'énergie - il y en a plus que trois, mais
principalement les trois: le gaz, l'électricité et le
pétrole - ou entre les différents fournisseurs à chaque
niveau de ce bilan énergétique. Enfin, c'est là un rappel,
le pétrole de demain restera pour longtemps l'énergie motrice,
soit les essences, les carburants d'aviation, le carburant diesel, les
lubrifiants et les graisses. Le pétrole conservera une part importante
de l'énergie chauffante. L'industrie pétrolière doit donc
demeurer forte, car l'énergie motrice, sans faire un jeu de mots, est
essentielle au développement économique. En terminant, M. le
Président, je vous remercie de nous avoir accordé cette occasion
de vous présenter le point de vue de notre société sur ces
questions très importantes et nous sommes disponibles maintenant pour
répondre aux questions de tous et chacun.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Hamel. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Hamel. Je ne sais pas dans
quelle mesure tous ceux et celles qui vous font part de leurs regrets
aujourd'hui de vous voir, non pas fermer, parce que si j'ai bien compris, vous
avez décidé de suspendre vos activités à
Montréal... Tous ces messages que vous entendrez seront portés
sur l'une ou l'autre des deux colonnes dans les scénarios
d'activités que vous envisagez au Québec et dans l'Est
canadien.
J'ai, bien sûr, lu votre mémoire et je vous ai
écouté attentivement. Je voudrais être bien sûr que
j'ai accroché les bons chiffres ce matin en prenant des notes. Dans
votre exposé ce matin, vous avez mentionné, bien sûr, que
vos scénarios étaient basés... Vous nous donnez un sage
conseil de prudence, au départ. Je pense que c'est bien légitime
et je dirais bien accueilli, parce que c'est vrai que de faire des
scénarios... il s'agit de passer une soirée avec deux
futurologues, par exemple, si brillants ou si brillantes soient-ils, de
l'Institut Khan ou d'ailleurs, et c'est à vous faire tourner la
tête tout ce qu'on peut vous raconter. Vous n'avez pas touché,
dans votre exposé de ce matin... Je sais que votre mémoire en
parle - vous parlez des énergies nouvelles et de l'intérêt
de votre corporation entre autres, pour l'hydrogène liquide, le
méthanol et la biomasse. Mais je pense qu'une compagnie qui a fait sa
marque dans le pétrole, qui se tourne et manifeste un
intérêt vers des énergies nouvelles, cela mérite, je
crois, d'être souligné. Ce n'est pas interdit de se convertir non
plus, même si on s'appelle Esso. Vous avez basé vos
évaluations sur des scénarios de croissance économique qui
rejoignent à peu près nos chiffres, mais ma question... Je
voudrais peut-être avoir l'assurance que j'ai pris une bonne note. Vous
avez dit: Nos prévisions quant aux produits pétroliers, d'ici
à 1990: un fléchissement de l'ordre de 50% pour ce qui est des
produits pétroliers et de 40% pour ce qui est de l'essence. C'est ce que
j'ai noté. Est-ce...
M. Hamel: Oui, c'est ce que j'ai dit.
M. Duhaime: Bon! Maintenant, je comprends qu'une... J'ai bien
l'intention de vous parler de la raffinerie de Montréal; vous allez le
comprendre facilement. Quand un groupe comme le vôtre, qui est sur un
marché dans l'Est du Canada, prend une décision comme
celle-là, dans la mesure où il s'agit d'une corporation
privée, aussi multinationale ou transnationale soit-elle, vous faites
des analyses financières, vous faites vos comptes d'activités et
comme les Anglais disent, vous allez rejoindre la "bottom line" et vous prenez
des décisions. Du point de vue d'un gouvernement et de l'ensemble de
l'économie, il est bien certain que des décisions comme
celle-là ont un impact sur les mouvements des produits raffinés
dans l'Est canadien. De tous les mémoires que j'ai pu lire, et des
constatations qu'on peut en tirer, il y a une chose qui est certaine, en tout
cas, c'est que la position du Québec depuis des décennies, qui
était une position d'exportateur net de produits raffinés dans
l'Est du Canada, est drôlement entamée aujourd'hui. Le risque est
maintenant que l'on devienne des importateurs nets de produits
pétroliers raffinés. Je voudrais avoir votre évaluation de
soit un équilibre ou, encore mieux, une position d'exportateur que le
Québec pourrait maintenir pour ce qui est des produits raffinés
en fonction de vos propres prévisions
de marché. C'est quoi, votre évaluation des mouvements de
produits de l'Est canadien, puisque votre raffinerie d'Esso à Sarnia va
continuer, de même que celle de Dartmouth? Je pense que, d'un point de
vue corporatif, il est à peu près certain que le réseau de
distribution du Québec est absolument essentiel aux activités des
deux raffineries dans les Maritimes et dans l'Ontario en tenant même pour
acquis que vous ayez des contrats de façonnage avec d'autres raffineurs.
Mais ce serait sur ce sujet précis que je voudrais avoir vos
commentaires.
M. Hamel: Je commenterais comme suit: j'ai dit dans mon
exposé que la décision de fermer la raffinerie de
Montréal-Est était très difficile à prendre. Cela a
pris du temps et énormément d'analyses en plus d'un certain
courage. Mais, avant de prendre cette décision de suspendre les
activités à Montréal, nous sommes arrivés
très rapidement à la décision de suspendre les
activités d'une raffinerie sur trois. (12 h 45)
Cette décision était facile à prendre parce qu'on
avait trois raffineries dans un marché où deux suffisent.
Là où nous avons eu de la difficulté, ce fut pour
déterminer laquelle on devrait fermer. Ce n'est pas le but de votre
question, mais, si vous la posez plus tard, je dirai pourquoi nous sommes
arrivés au choix de Montréal. Nos prévisions du
marché nous indiquent qu'à partir de l'année prochaine et
jusqu'à la fin de la décennie - parce que c'est l'horizon que
nous avons choisi, 1990 - il y aura encore, en 1984 et 1985, un
équilibre entre l'approvisionnement et le marché au
Québec. Il y a suffisamment de capacité de raffinage, qui,
d'après nous, sera de 53 cubes par jour en 1985, pour satisfaire
à la demande au Québec, en 1985, qui sera de 53 cubes, 1000
mètres cubes par jour.
M. Duhaime: Ah bon! D'accord.
M. Hamel: Si vous voulez cela en barils, vous multipliez par 63,
disons 6 grosso modo. On parle de 300 000 barils par jour pour satisfaire
à la demande ou un peu plus. Ce sera la capacité de raffinage au
Québec. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des échanges,
s'il y a des possibilités économiques, par exemple, pour un
raffineur, d'importer des Maritimes et d'exporter en Ontario. Cela arrivera
toujours, une difficulté dans une raffinerie à Montréal ou
ici, à Québec, à court terme. Mais la capacité est
là et il y a une concordance entre les deux.
À partir ou après 1985, il y aura un surplus de
capacité de raffinage au Québec par rapport à la demande.
Là encore, dans l'Est du Canada évidemment, les problèmes
s'accentuent. À partir d'aujourd'hui, il reste quand même un
surplus assez substantiel de capacité de raffinage par rapport à
la demande dans l'Est du Canada. Mais, pour un an ou environ, il y aura un
équilibre au Québec entre l'offre et la demande. Je ne sais pas
si cela répond ou non à votre question, M. le ministre.
C'est de cette façon qu'on voit les choses, mais en passant je
dirais que sur 1990 vous nous avez envoyé un document: Énergie,
levier économique. Nos chiffres et les données que vous avez pour
l'année 1990 sur la demande de pétrole concordent à 2%.
Alors il n'y a pas, en somme, de discussion entre nous, vos fonctionnaires ou
vous-même à ce point de vue.
M. Duhaime: En fait d'où ma question. Si je comprends bien
vos propos, cela veut dire que sur l'horizon 1984-1985, ce que vous-même
et votre groupe évaluez, c'est qu'on serait en situation
d'équilibre au Québec. Retenons cela pour les fins de la
discussion.
Si votre scénario se réalisait quant aux chiffres du
fléchissement de 50%, d'ici à 1990, des produits
pétroliers raffinés et fléchissement de 40% sur l'essence,
de 1983 à 1990, cela veut dire que dans l'Est canadien - on ne peut pas
savoir si ce sera dans les Maritimes, au Québec ou en Ontario - à
partir du moment où vous nous dites qu'il va y avoir des
capacités de raffinage en surplus, je conclus que d'autres raffineries
vont devoir fermer.
À partir du moment où vous avez pris votre décision
de suspendre à Montréal, cela va être facile pour vous
autres parce qu'il n'y en a pas d'autres à fermer au Québec. Je
ne vous demande pas non plus de vous prononcer sur ce que vos concurrents
pourraient imaginer. Selon votre expérience de 30 ans de métier,
avec votre bras droit et votre bras gauche qui vous accompagnent, cela fait 100
ans, selon vos probabilités, à quel endroit de l'Est canadien
risque-t-il d'y avoir une ou deux raffineries qui vont cesser leurs
activités après 1985, si vos chiffres de prévision de
fléchissement sont bons?
M. Hamel: Si nous étions aujourd'hui en 1990 - nos
prévisions se sont montrées réelles - on est rendu avec un
fléchissement de 50% du marché, je pense que la conclusion est
claire et peut-être implicite dans mes remarques de tout à
l'heure. J'ai dit que les raffineurs doivent fonctionner à presque
pleine capacité dans des conditions de prix comme on a aujourd'hui pour
avoir une possibilité de rentabilité dans les conditions de prix
actuels.
Voici la réponse que je donnerais à votre question. Je
pense qu'il est clair que dans les mêmes conditions il y aura d'autres
raffineries dans l'Est du Canada qui devront fermer, parce qu'il va y en avoir
trop. Des raffineurs ne peuvent pas fonctionner à 50%
ou 60% de capacité dans des situations normales de prix
compétitifs et continuer à fonctionner. Cela est clair.
La deuxième partie de votre question: lesquelles pourraient
fermer et où se trouveraient-elles? Je ne peux pas répondre
à cela. Je sais combien d'études on a dû faire avant de
déterminer laquelle on devrait fermer. Je pense que ce serait
plutôt à nos compétiteurs de vous donner' des
considérations sur cela. Je sais pertinemment que dans les années
à venir, on va continuellement évaluer, notre réseau de
raffinage, notre réseau de distribution et notre réseau de points
de vente pour continuellement se conformer au marché.
Vous savez comme moi que l'essence, ce n'est pas comme des hamburgers.
Si McDonald's ouvre de nouveaux restaurants, je présume qu'on va vendre
plus de hamburgers. S'il n'y en a pas dans un endroit et que les gens n'en
achètent pas, on va aller en acheter. Nous, on pourrait
développer des nouveaux points de vente et cela n'ajouterait pas du tout
au marché. Le marché ne grossira pas. Il y a un marché
d'essence qui est pratiquement figé dans des conditions fixes et
là, il faut se conformer à ce marché. Je pense que cela
s'applique encore une fois aux raffineries, au système de distribution
et aux points de vente. Certains fermeront; mais lesquels? Je ne peux pas vous
le dire.
M. Duhaime: Je ne m'attendais pas à une réponse qui
irait au-delà de ce que vous venez de dire, M. Hamel.
M. Hamel: Je pense que je vous en ai donné une très
bonne, M. le ministre.
M. Fortier: II pose des questions, mais il ne s'attend pas
à des réponses!
M. Duhaime: Cela m'aurait étonné si vous m'aviez
identifié une raffinerie. Vous avez été même
très prudent, vous ne voulez même pas vous avancer sur un lieu
géographique. Mais, si on regarde l'Ontario, par exemple, la raffinerie
de Shell à Oakville est fermée, du moins elle le sera à la
fin de 1983. Il reste donc en Ontario BP, Gulf, Esso, Sunoco, Texaco, Petrosar;
il y en a six qui, à la fin de 1983, auraient une capacité de
raffinage installée d'environ 560 000 barils; ce qui veut dire que trois
raffineries sur six appartiennent... deux, Petrosar et BP appartiennent
à des organismes du gouvernement fédéral; Sunoco, je crois
que c'est le gouvernement ontarien qui y a des intérêts; il reste
donc trois compagnies privées et trois publiques ou semi-publiques.
Comme homme d'affaires, comment voyez-vous la présence d'une
société d'État ou de l'État dans le raffinage ou
dans la distribution d'essence, en 1983 et à l'horizon de l'an 2000, au
Québec à partir d'expériences qui se font ailleurs au
Canada?
M. Hamel: Je ne suis pas certain que je comprenne votre question,
M. le ministre. Pourriez-vous me la résumer?
M. Duhaime: Je voudrais connaître votre point de vue, comme
homme d'affaires, sur la participation des gouvernements dans le champ
d'activité du raffinage, donc de l'importation, de l'exploration, du
raffinage et de la distribution, comme Petro-Canada le fait en achetant
Petrofina et en achetant BP, comme le gouvernement ontarien a pris une
participation dans Sunoco... Vous êtes un contribuable canadien comme
moi, vous payez vos taxes, vos impôts, etc., vous avez 30 ans de
métier. Je voudrais savoir comment vous voyez cela, parce que c'est un
sujet dont on discute beaucoup à cette commission depuis deux jours.
J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.
M. Hamel: Je pense que ce sont des décisions et des
discussions qui se font à deux niveaux: il y a un niveau politique dans
tout cela et il y a un niveau économique.
Au niveau économique, qui est celui qui nous préoccupe, je
vois très mal la participation de l'État dans des entreprises et
surtout dans des industries où le consommateur est déjà
très bien servi. On n'a pas manqué d'essence, d'huile de
chauffage et d'autres produits pétroliers au Canada depuis 100 ans; on a
connu deux grandes guerres, on a traversé des crises économiques
au Moyen-Orient, où se trouve à peu près 80% du
pétrole classique connu dans le monde. Il y a toujours eu et il existe
maintenant, il me semble, un surplus de points de vente, un surplus de
raffineries, un surplus de produits, une compétition très forte,
des moments où le consommateur a pu acheter du pétrole en bas du
prix coûtant, en bas du coût du pétrole brut; il ne payait
même pas toutes les taxes qui étaient impliquées dans ce
produit. On a vu tout récemment un marché, très local - si
vous voulez c'est presque une parenthèse - où on payait le
consommateur pour acheter le produit. Cela montre qu'il y a une concurrence
extrêmement vive. Il y en a toujours eu et probablement qu'il y en aura
toujours. Alors, pourquoi l'État interviendrait-il dans une situation
comme celle-là? Je le conçois difficilement sur une base
économique. S'il y a d'autres interventions de l'État, par
exemple, au Québec pour des raisons politiques... remarquez bien que je
ne dis pas qu'elles ne sont pas valables ces raisons politiques, elles sont
aussi valables; mais je suis moins bien placé que vous pour prendre des
décisions et je n'essaierais jamais de dire aux gouvernants comment
gouverner. Mais, si, pour des raisons
politiques justifiables, pour des questions sociales ou pour d'autres
raisons, une décision était prise de valoriser une ou des
raffineries au Québec qui devraient être, pour des raisons
économiques, fermées, je pense que cela serait très
néfaste pour l'industrie pétrolière qui demeure parce
qu'il y en a trop de raffineries. La même chose s'applique en Ontario,
dans l'Ouest canadien et dans l'Est. Il n'y pas de raison économique qui
justifie l'intervention de l'État dans l'industrie
pétrolière au Québec. Je suis prêt à gager ma
chemise que, si le gouvernement du Québec ou les gouvernements d'autres
provinces dans l'Est du Canada s'impliquent dans l'industrie
pétrolière, ils vont perdre énormément d'argent.
Ils vont ajouter à l'approvisionnement qui va faire
déprécier les prix davantage qu'ils le sont maintenant. Cela va
être très mauvais pour l'environnement économique dans
l'Est du Canada; cela va créer des remous considérables. Alors,
moi, je suis - et je ne pense pas que cela vous surprenne que ma réponse
soit dans ce sens-là - totalement en désaccord. S'il y avait
d'autres conditions, s'il y avait un manque de produits ou s'il y avait de la
collusion sur les prix et qu'ils grimpaient à un niveau très
supérieur à ce qu'ils sont normalement, etc., ce serait autre
chose. Mais ces conditions n'existent pas et n'ont jamais existé.
D'après moi, il n'est pas possible de prédire l'avenir, mais
elles n'existeront jamais. Il y a, comme je vous l'ai dit, une concordance
entre l'offre et la demande, maintenant, au Québec. Il y a un surplus
d'énergie disponible au Québec, que ce soit
l'hydroélectricité, le gaz naturel ou le pétrole, le
consommateur n'est pas en risque de chauffer sa maison ou d'approvisionner sa
voiture. Il n'y a absolument pas d'intérêt. Je recommanderais,
aussi fortement que je peux le faire, que le gouvernement n'intervienne pas
à ce niveau-là.
M. Duhaime: Les paramètres d'une décision vus d'un
point de vue d'une corporation ou d'une société comme la
vôtre et les paramètres d'une décision dont un gouvernement
doit tenir compte, on va convenir que ce ne sont pas les mêmes. Je pense
qu'on s'entend là-dessus. Mais, les intervenants que nous avons entendus
juste avant vous ont parlé d'un grand danger de disparition du secteur
de la pétrochimie à Montréal. Je pense que si on fait un
simple examen de l'effet d'entraînement et de l'effet en aval de
l'existence d'une pétrochimie sur une centaine d'entreprises impliquant
des milliers d'emplois, je crois que c'est Mme Parent qui a même
utilisé, tout à l'heure, l'expression
"désins-dustrialisation". Ma question serait la suivante: Est-ce que
vous avez un point de vue sur l'effet que nous vivons actuellement, au
Québec, d'un rétrécissement ou d'une diminution de notre
capacité de raffinage installé et existant sur l'avenir de la
pétrochimie au Québec? Peut-être que je poserais une
question plus large. Tout le monde se bat pour la pétrochimie. Est-ce
qu'il y a un avenir pour la pétrochimie au Québec, à
Montréal en particulier, à partir des décisions de
fermeture de raffineries?
M. Hamel: Je pense que l'avenir de la pétrochimie au
Québec est beaucoup plus positif avec une industrie
pétrolière, surtout au niveau du raffinage, qui est viable qu'il
ne le serait dans des conditions où nous avons une industrie qui n'est
pas viable. Avec un nombre de raffineries et de raffineurs au Québec qui
correspondent de près à la demande au Québec, je pense
qu'il y a là une plus grande possibilité que ces raffineurs
soient efficaces. En étant efficace, évidemment, ils peuvent
contrôler leurs coûts de production et ils devraient avoir un
impact à long terme positif sur l'évolution des prix. Au Canada,
il y a trois grands centres pétrochimiques: l'Alberta, l'Ontario et le
Québec; j'espère qu'à long terme les trois vont continuer
de fonctionner parce que je pense que c'est très bon et c'est
très bien pour le Canada en entier et c'est surtout très bon pour
le Québec parce qu'il y a toutes les industries dérivées
en aval de l'industrie pétrochimique à Montréal qui en
dépendent. (13 heures)
L'industrie pétrochimique peut utiliser, comme elle le fait
à Montréal, le nachte qui est un produit du raffinage. Mais,
aussi, elle peut utiliser d'autres sources d'approvisionnement brut qu'elle
devrait utiliser comme les liquides du gaz naturel ou le gaz naturel même
ou d'autres gaz de raffinage comme le propane, par exemple. Je pense qu'une
industrie avertie doit se doter de plus d'une source d'approvisionnement parce
que quand on n'a qu'un fournisseur ou une source de matière brute -
comme vous l'avez souligné, Pétromont a trois fournisseurs -
quand on a plus d'une source d'approvisionnement je pense que c'est utile, pour
se mettre en position, d'avoir un approvisionnement beaucoup plus
sécuritaire et toujours à des coûts compétitifs,
parce qu'on peut changer d'une source à une autre: du naphte au liquide
du gaz naturel, au propane, etc. Je vous souligne que le propane au Canada se
vend aujourd'hui à un prix inférieur au prix payé sur le
golfe du Mexique par les utilisateurs de matière brute pour la
pétrochimie. Il y a là un marché, mais on n'a pas les
réseaux d'approvisionnement. On ne pourrait pas transporter par exemple
le liquide du gaz naturel de Sarnia, là où se termine le
système de transport, à Montréal. On a
quand même en place une politique énergétique
nationale qui dit qu'on devrait utiliser des moyens économiques pour
déplacer le pétrole. Je n'ai pas les chiffres en main, mais si on
déplaçait l'utilisation du pétrole en partie
importé par d'autres sources d'énergie, cela veut dire environ
60... je ne devrais pas citer de chiffres, mais un bon montant de
pétrole importé qui viendrait de source indigène,
canadienne.
La même chose se produit pour le propane. Il faudrait mettre en
place des systèmes de transport, mais déjà on a des
politiques à l'échelle nationale qui sont prêtes à
subventionner le transport. Ce sont des considérations sur lesquelles je
ne veux pas ouvrir de parenthèses trop grandes parce que je m'embarque
dans des eaux un peu plus profondes. Sur une base macroéconomique, je
pense que cela se défend. Je suis persuadé que sur une base
commerciale, cela se défend que si un utilisateur de produits veut
s'assurer des prix concurrentiels à long terme, il se dote de
différentes sources d'approvisionnement.
M. Duhaime: Je voudrais peut-être avoir des explications
sur deux points brefs. Si j'ai bien compris la première partie de la
réponse à ma question, votre approche consiste à dire que
si on veut assurer l'avenir de la pétrochimie à Montréal,
mieux vaut le faire à partir de compagnies qui font du raffinage et qui
exploiteraient au maximum de leur capacité de production sur une base de
rentabilité. Je retiens cela, mais j'ajouterai une question. À
partir du moment où vous suspendez vos activités de raffinage,
que vous avez un réseau de distribution de 670 points de vente,
j'imagine bien que les produits raffinés vont venir de quelque part. Je
pense bien que notre commission n'est pas ici pour aller mettre le nez dans les
contrats de façonnage que Esso a pu signer mais quelle va être la
proportion des produits raffinés au Québec, à partir du
moment où vous avez décidé de la suspension de vos
activités de raffinage à Montréal?
M. Hamel: Au moment où on avait décidé de la
suspension de nos activités à Montréal, nous n'avions pas
à ce moment des ententes sauf celles qui existaient déjà.
Cela a été une décision économique prise à
l'intérieur de notre réseau actuel. Nous avons suffisamment, nous
Esso, de capacité de raffinage dans l'Est du Canada pour fournir notre
demande, celle d'Esso dans l'Est du Canada. Je pense que vous comprenez que,
dans tout cela, il y a des échanges si on ne veut pas que les camions se
rencontrent sur la grand-route avec un produit semblable, les mêmes
produits, etc. Mais la capacité de raffinage d'Esso, à la suite
de la suspension des activités d'une raffinerie - en l'occurrence celle
de Montréal, c'est ce qui a été décidé -
demeure suffisamment grande pour répondre à tous nos besoins.
Nous au Québec, on a décidé de suspendre les
activités de cette raffinerie cet automne. À la suite de cela
nous avons conclu d'autres ententes avec d'autres raffineries au Québec
pour fournir les besoins de notre clientèle au Québec.
M. Duhaime: Cela veut dire que les volumes vendus par Esso au
Québec seront raffinés au Québec. C'est cela?
M. Hamel: Oui. Vous l'avez dit beaucoup plus clairement que je
n'aurais pu le dire, M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie... Maintenant, dans un autre volet
de votre exposé de ce matin, vous avez dit que le Québec devrait
appuyer la mise en valeur de nouvelles réserves de pétrole et de
gaz au Canada. Je comprends que, par la société d'État
SOQUIP et la taxe incitatrice sur les raffineurs, il y a des travaux
d'exploration qui sont conduits. Comment voyez-vous, concrètement, ce
que vous appelez et ce que vous souhaitez comme appui à la mise en
valeur de nouvelles réserves, donc des découvertes d'abord? De
façon concrète comment voyez-vous cela? Comment le Québec
peut-il aller dans le sens de votre recommandation?
Le Président (M. Gagnon): Juste avant, M. Hamel, je
m'excuse. Je voudrais demander aux membres de la commission, puisque nous avons
dépassé treize heures, si on est d'accord pour continuer.
C'est cela. Allez-y.
M. Hamel: Est-ce qu'on a la permission de continuer.
Le Président (M. Gagnon): Oui, oui.
M. Hamel: M. le ministre, voici. Vous avez déjà
mentionné une façon de le faire: c'est que nous pouvons
participer à la recherche de gisements pétroliers et, comme vous
avez remarqué dans les commentaires que j'ai faits tout à
l'heure, nous ne croyons pas qu'il y ait un grand potentiel au Québec
pour des découvertes de pétrole, puisque notre
société a cherché pendant près de 30 ans au
Québec pour faire des découvertes de pétrole. Nous
connaissons très bien la géologie de cette province. Cependant,
nous participons actuellement au forage d'un puits en Gaspésie, Gait no
2. C'est Petro-Canada qui est responsable des travaux dans ce cas-là.
Nous participons au forage d'un puits qui a débuté à la
fin d'août, le 29 août. C'est une façon, mais je pense
qu'une façon beaucoup plus, je ne dirais pas positive, mais qui pourrait
avoir des retombées beaucoup
plus grandes, serait d'adopter une attitude au Québec qui
inciterait les autres provinces productrices dans l'Ouest canadien sur le
littoral de l'Atlantique, et surtout le gouvernement fédéral
à établir des règles qui favorisent l'investissement par
les sociétés pétrolières, que ce soit des
sociétés d'État ou des sociétés
privées, à des recherches pour de nouvelles réserves de
pétrole exploitables.
Vous avez fait des remarques tout à l'heure qui tournaient autour
du problème possible à l'avenir. Je pense qu'on vit une
espèce de lune de miel actuellement, à l'échelle mondiale,
sur la disponibilité du pétrole. Cela a toujours
été ainsi dans le passé. Cela fluctue. Il y a des
fluctuations énormes. Dans le moment, tout est très positif. Il y
a une grande disponibilité de pétrole classique, etc., mais cela
peut changer très rapidement et je pense que le Québec en
particulier et le Canada en général ont beaucoup à gagner
à s'assurer des réserves de pétrole au Canada, la
découverte et la possibilité de la mise en valeur, parce que ce
sont des conditions qui peuvent changer très rapidement. En insistant
avec les autres gouvernements du Canada vis-à-vis le gouvernement
canadien pour des politiques saines qui encouragent les investissements dans le
domaine pétrolier au Canada, ce serait un élément
très positif, dans ce cas-là.
On a passé des périodes très dures, avant et durant
l'introduction du programme national de l'énergie. On n'avait pas
beaucoup d'amis dans ce temps-là. Les prix montaient en flèche.
Les compagnies de pétrole avaient eu une ou deux bonnes années de
rentabilité; 1979 a été une très bonne année
pour nous. Cela a beaucoup fléchi depuis ce temps. Tout le monde pensait
que, vraiment, on était trop riche. On a introduit des politiques pour
prendre une plus grande part des gains des compagnies de pétrole.
J'aurais aimé qu'on reconnaisse le rôle qu'on jouait, encore une
fois, comme société d'État ou société
privée, dans la découverte et les grands risques que nous
prenions. Depuis ce temps, on a vu que les programmes d'exploration ont
diminué de beaucoup.
La consommation de pétrole au Canada dépasse de beaucoup
les découvertes; en d'autres mots, nos réserves de pétrole
classique diminuent énormément. Les mégaprojets pour
mettre en valeur les sables bitumineux ont été mis sur la
tablette. Il y en a quelques-uns qui ont été annoncés
récemment. Mais je pense que ce serait quand même un appui moral
important, en plus de ce que SOQÙIP fait. Je vous souligne que,
évidemment, lorsque ces projets sont mis en valeur, par exemple, notre
projet de Cold Lake... Il y a eu d'autres projets d'autres
sociétés dont ils pourront vous parler. Le projet de Cold Lake en
est un de 13 000 000 000 $, dont les retombées ont été
évaluées à 2 500 000 000 $ pour le Québec. Il y a
des retombées spécifiques et concrètes pour la province de
Québec dans le développement de sources
énergétiques à long terme dans le domaine du
pétrole au Canada, en ne parlant pas de sécurité, etc.
M. Duhaime: Vous voulez dire, en d'autres mots, que vous
souhaiteriez que notre gouvernement intervienne auprès du gouvernement
fédéral pour que des modifications soient apportées
à la politique énergétique nationale et pour qu'on
retrouve, aujourd'hui, de meilleures conditions d'investissement ou de mise en
valeur dans les mégaprojets. Vous mentionniez celui de Cold Lake de 13
000 000 000 $, mais j'ai eu l'occasion de dire ici, en commission, et de faire
la liste exhaustive des grands projets qui avaient été
arrêtés dans le secteur énergétique et, au Canada,
il y en avait pour 32 000 000 000 $ depuis la publication de la politique
énergétique nationale.
On va regarder dans quelle direction on peut s'appuyer mutuellement. Je
tiens à vous remercier de votre mémoire et d'avoir bien voulu
répondre à mes questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je voudrais remercier M.
Hamel. Je crois que la présentation qu'il nous a faite, ce matin, nous
éclaire beaucoup sur l'ensemble des problèmes auxquels on fait
face.
J'aimerais revenir sur la question de la fermeture. Enfin, vous parlez -
quel est le mot que vous utilisez? - de suspension des activités.
Techniquement parlant, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que vous mettez
l'usine dans la boule à mites partiellement ou...? Enfin, le sens de ma
question est que - vous l'avez dit vous-même - les prévisions de
la demande sont très subjectives et sujettes à un changement
rapide. Si vous aviez été ici, si vous aviez assisté
à nos délibérations depuis deux jours, vous vous seriez
rendu compte, hier, qu'entre SOQUIP, Shell et d'autres, il y avait des
variations assez appréciables dans les prévisions de la demande.
Cela confirme d'ailleurs la raison pour laquelle vous nous avez rappelés
à la prudence. Cela m'amène à la question de savoir ceci:
si tout le monde se trompait dans les prévisions, si la demande
était beaucoup plus forte, est-ce que Esso serait alors en position de
dire: Nous rouvrons notre raffinerie dans des délais très brefs?
Autrement dit, dans quelle mesure l'usine serait-elle prête à
redémarrer ou est-ce qu'elle sera fermée de telle façon
que cela deviendra impossible?
M. Hamel: Pour répondre à votre question - c'est
une question qu'on nous a déjà posée - on a annoncé
la suspension des activités mais on a l'intention de maintenir la
raffinerie en état pendant un période d'environ trois ans. On
pourrait redémarrer et cela prendrait six mois ou au maximum un an pour
redémarrer. Mais nous avons l'intention de la maintenir en état
pour une période d'environ trois ans et on pourrait redémarrer
les activités de la raffinerie et encore une fois raffiner du brut.
Je pense que les possibilités sont très, très
minces. Je voudrais souligner cela, mais on s'est déjà
trompé. Je vous ai dit que de 1977 à aujourd'hui nous avons
changé par 30% nos estimations de la consommation de pétrole au
Québec, dans une période de six ans; alors il pourrait arriver
certaines choses mais nous pensons que dans une période de trois ans, si
des changements ne se sont pas déclarés dans l'économie,
dans la structure de l'utilisation de l'énergie, dans les grandes
politiques gouvernementales ou des changements politiques à
l'échelle mondiale, la raffinerie serait vraiment fermée pour de
bon.
Vous pouvez appeler cela un "boule-à-mitage" partiel, je ne veux
pas laisser penser à qui que ce soit que, dans 25 ans, on pourrait
redémarrer la raffinerie, ce n'est pas le cas.
M. Fortier: Non, mais je pense que ce que vous nous dites c'est que, du
moins pour une période de trois ans, les craintes qui ont
été exprimées - du moins en ce qui concerne votre
société - ne sont pas tout à fait valables. S'il
était démontré que les gens ou que vous-mêmes vous
vous êtes trompés dans vos prévisions, vous voudriez
prendre avantage d'une situation, et je pense que c'est le sens de votre
réponse.
M. Hamel: C'est une soupape de sécurité. (13 h
15)
M. Fortier: Oui, c'est cela. Maintenant, lors de votre
présentation, je n'ai pas compris exactement ce que vous avez dit au
sujet de la sécurité des approvisionnements, mais j'ai cru
comprendre que vous recommandiez une remise en question de la politique
énergétique qui défavorise le pétrole. Autrement
dit, vous avez dit: II ne faudrait pas aller trop loin, parce qu'on pourrait
mettre en péril la possibilité d'avoir un approvisionnement de
pétrole. Cela rejoignait d'ailleurs des inquiétudes qui ont
été exprimées par l'Association des distributeurs
indépendants de produits pétroliers. Elle disait: Dans la mesure
où on défait une industrie... Elle parlait de la distribution,
mais c'est peut-être valable aussi pour le raffinage. Dans l'avenir ceci
pourrait créer quelques traumatismes.
Autrement dit, on tient pour acquis qu'il y a trois formes
d'énergie - les plus importantes et j'aimerais que vous m'expliquiez
davantage ce que vous avez voulu dire lorsque vous avez dit: Je crois qu'il
faudrait y aller prudemment dans l'implantation de cette politique
énergétique et j'ai cru comprendre que vous nous recommandiez de
remettre en question l'orientation qui était poursuivie dans le moment.
Peut-être que vous devriez préciser votre pensée
là-dessus.
M. Hamel: Comme minimum, on ne voudrait pas qu'il y ait d'autres
recommandations, d'autres réglementations, d'autres lois, d'autres
appuis du gouvernement pour inciter un changement beaucoup plus rapide dans la
structure de la consommation de pétrole. Il y a quelque chose que M.
Hotte a dit qui m'a beaucoup plu: quand on essaie de transformer une partie
très importante de notre économie trop rapidement, cela cause des
dislocations qui sont très difficiles à avaler à court
terme par la population et par les fournisseurs. C'est un peu dans ce sens que
j'aimerais voir le marché de l'énergie évoluer sur une
base économique. Là on a en place un réseau ou presque un
réseau de distribution de gaz naturel, le réseau
d'hydroélectricité est établi depuis longtemps et celui du
pétrole, on a dit qu'il est mûr. Pourquoi ne pas laisser
maintenant une concurrence libre qui permettrait au consommateur de faire la
décision à savoir comment il veut se chauffer et où il
veut s'approvisionner pour sa voiture?
Je préfère un marché où il y a des millions
de décisions qui se prennent à tous les jours plutôt qu'un
marché où on prend une grande décision qui risque
d'être très mauvaise et où les retombées
néfastes durent très longtemps; on a bien de la difficulté
à revenir sur cela. Le gaz naturel - j'ouvre une parenthèse au
risque de me tromper, mais comme exemple - a pénétré le
marché de l'Ontario depuis déjà bien des années,
mais c'est sur une base qui était beaucoup plus concurrentielle que ce
qu'on prévoit au Québec actuellement. Quand on parle de plafonner
le prix du gaz naturel à 65% du prix du brut, cela fait un écart
extrêmement difficile à surmonter. Une fois qu'un consommateur est
branché sur le gaz naturel, il y a énormément de
difficulté à revenir à une autre source de chauffage, plus
tard, s'il y a une majoration très importante dans le prix du gaz
naturel et une diminution dans le prix du pétrole.
On dit aujourd'hui que c'est impossible, que c'est inconcevable mais
tout est possible. Je préférerais de beaucoup que les
Québécois aient des offres comparables ou compétitives au
niveau du service, de la livraison; qu'ils prennent en considération
qu'avec un réservoir d'huile ils ont quand même
emmagasiné un produit qui coûte cher dans leur sous-sol et
qu'avec le gaz ils n'ont pas cela. Par contre, avec le pétrole ils ont
le choix du fournisseur; il y a de petites guerres des prix; ils peuvent avoir
d'autres services qu'ils n'ont pas nécessairement avec l'autre. Qu'ils
prennent en considération tous ces facteurs-là. Ils prennent leur
décision. Ce n'est pas le gouvernement qui a pris la décision, ce
n'est pas le gouvernement qui a dit: si tu habites à
Trois-Rivières, tu n'as pratiquement pas le choix; tu vas prendre le gaz
naturel parce que économiquement, le prix est tellement inférieur
à court terme que logiquement, à moins d'être un idiot, tu
vas te convertir au gaz. Pendant ce temps-là toutes les... Cela arrive
trop rapidement. Les 600 distributeurs Esso d'huile à chauffage ont
à se transformer radicalement.
C'est la même chose pour le système biénergie. Si on
établit des politiques qui favorisent d'une façon non
économique l'introduction... Par exemple, si on fait les installations
gratuitement, si on donne les fournaises, si on fait toutes sortes de choses,
je pense que le consommateur n'a pratiquement pas le choix à moins de
vouloir faire rire de lui par ses voisins. Qu'arrive-t-il plus tard? Si les
cheminées sont bloquées par la glace, par exemple - c'est ce qui
arrive dans certains cas; si le point d'ajustement n'est pas fixé au bon
niveau, il y a certains problèmes, c'est un nouveau système - il
peut y en avoir des problèmes. Je préférerais de beaucoup,
si j'étais un législateur au Québec, que ce soit le
consommateur qui prenne cette décision et que vous établissiez
quand même les règles du jeu qui permettent une compétition
féroce dans le marché, que le consommateur ait tous les choix
possibles et que ce soit lui qui fasse le choix.
M. Fortier: Ce que vous nous dites dans le fond c'est que vous remettez
en question les incitatifs mis de l'avant par les deux paliers de gouvernement.
Dans la mesure où on met un tuyau en terre pour le gaz... On
décide d'aller dans une région et on installe un tuyau pour la
distribution du gaz, une fois que cette décision-là est prise et
quand elle est prise à l'intérieur d'une politique
énergétique, quand un gouvernement a cru bon d'ajouter des
incitatifs pour s'assurer qu'il y aurait une clientèle qui
rentabiliserait ce tuyau-là qui est en terre... Par ailleurs, d'autres
disent: Si on ne le fait pas maintenant, les politiques peuvent changer; on a
maintenant l'avantage de mettre les tuyaux partout au Québec et dans dix
ans, on aura le choix. Vous semblez dire qu'on devrait remettre cela en
question parce...
M. Hamel: Non, ce n'est pas cela que j'ai dit. Laissez-moi
essayer de m'exprimer d'une autre façon, je vais revenir par un autre
chemin. Moi et ma société, celle que je représente, Esso,
ne nous opposons pas à ce que les gens se chauffent au gaz.
Rappelez-vous que nous sommes un producteur de gaz, mais nous ne sommes pas
dans la distribution. Ce que nous disons, c'est qu'au Québec, on a
l'avantage d'avoir l'hydroélectricité, le gaz et le
pétrole, et en quantité. Pourquoi n'établit-on pas des
règles du jeu qui permettent au consommateur de s'approvisionner d'une
source ou l'autre à son choix et sur une base très
compétitive? C'est le marché à long terme qui
décidera qui veut chauffer à l'huile, au gaz ou à
l'électricité mais pour ce faire il faut évidemment
installer le réseau de distribution du gaz. Je pense que ce serait un
avantage pour les distributeurs de gaz - mais ils seront ici durant ces assises
pour vous expliquer cela. Je vous dis seulement mon impression que si les prix
sont concurrentiels pour le distributeur, il peut quand même faire une
marge de profit. Il peut concurrencer dans la publicité, les offres de
marketing de différents services, etc, et quant à
l'approvisionnement. C'est tout ce que je suggère.
Ce que j'essaie de dire, c'est que le consommateur
québécois devrait avoir accès à toutes les formes
et je me préoccupe beaucoup que si on prend des mesures
exagérées de subventions dans un domaine ou dans un autre en ce
moment c'est qu'il y a peut-être une de ces formes qui sera
appelée à disparaître et à le faire assez
rapidement. Alors on sera rendu à deux choix seulement. Si c'est ce que
vous voulez, d'accord, mais ce n'est pas ce que je préconise.
M. Fortier: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez
pas dire mais... Vous dites que vous êtes d'accord pour que la
pénétration des tuyaux dans tout le Québec se fasse et ce
que vous semblez dire c'est que le choix devrait être laissé plus
aux lois du marché.
M. Hamel: Autant que possible.
M. Fortier: Ce qui laisserait tomber les subventions en faveur de
l'une au détriment de l'autre. C'est ce que vous dites?
M. Hamel: Oui. Quant au marché...
M. Fortier: Individuel. J'aimerais aller maintenant aux questions
des stations-service. Vous dites que vous n'avez que huit stations sur 670 qui
sont votre propriété; les autres sont...
M. Hamel: Non.
M. Fortier: Non.
M. Hamel: Ce que j'ai dit c'est qu'il y
en avait huit. Nous avons, sur les 683... Je peux vous ventiler cela. Il
y a 683 postes d'essence Esso qui arborent l'enseigne Esso au Québec.
Sur cela il y en a 160 qui sont la propriété de la compagnie.
M. Fortier: Oui.
M. Hamel: Excusez-moi, 168; il y en a 478 qui sont la
propriété des détaillants et 37 qui sont ce qu'on appelle
la deuxième marque et qui ont l'enseigne Champlain qui est une filiale
à part entière de l'Impériale. Sur les 168, il y en a huit
qui sont exploitées par une petite compagnie qui s'appelle Servacar qui
est une filiale à part entière de Esso, en d'autres mots,
administrées à salaires. Il y en a huit sur...
M. Fortier: Avez-vous fait des prévisions à moyen
terme sur le nombre de points de vente, de stations qui devraient
disparaître? Avez-vous un pourcentage que vous pouvez indiquer?
M. Hamel: Parce qu'on a déjà commencé notre
rationalisation ou notre restructuration, nous estimons que, d'ici à la
fin du siècle, 25% des points de vente Esso devront disparaître du
marché.
M. Fortier: J'aimerais revenir maintenant sur la question de la
guerre des prix. J'ai vu dans les journaux - et j'aimerais que vous me le
confirmiez - que lorsque Petro-Canada a acheté Petrofina, il y a eu un
effet de marketing selon lequel certaines personnes ont
préféré utiliser ce produit. Quel pourcentage du
marché sont-ils allés chercher et dans quelle mesure cet
engouement va-t-il se continuer dans l'avenir?
M. Hamel: Je ne voudrais pas préciser leur part de
marché. Je pense qu'ils vont comparaître devant vous et pourront
vous le dire précisément, mais il est sûr et certain que
l'arrivée de Petro-Canada sur le marché a eu un impact et je
pense que cela ne vous surprendra pas si je dis cela. C'est sûr et
certain que, lorsqu'on arrive sur le marché avec une nouvelle marque de
commerce, on arrive avec un système d'identification qui est très
bien et qui est tout nouveau. Quand on transforme un bon nombre de nos postes
d'essence, qu'on fait le maquillage, qu'on fait un bon ménage et qu'on
refait la beauté de beaucoup de postes qui étaient
peut-être un peu plus vieux que les autres, c'est sûr et certain
qu'on va attirer un grand nombre de personnes. En plus, je pense que
Petro-Canada a eu une campagne de publicité très importante, pour
signaler son arrivée sur le marché. Elle a attiré une
clientèle. Il y a une proportion de cette clientèle,
évidemment, qui croit aussi - et je pense que les sondages le
démontrent - à ce besoin d'avoir une société
d'État du pétrole. Ils disent, comme le dit la publicité:
C'est à moi, on va aller acheter là. On n'est pas en mesure de
préciser actuellement les éléments sur lesquels il y a eu
un impact, mais je pense que je ne me tromperai pas si je dis que Petro-Canada
a la grande part, la plus grande part du marché québécois
de l'essence en ce moment.
M. Fortier: Peut-on affirmer, sur la base de l'expérience
de Petro-Canada que, s'il y avait un Pétrobec au Québec, le
même phénomène se renouvellerait?
M. Hamel: C'est fort possible. Je ne sais pas si on peut tirer
les mêmes conclusions. C'est sûr qu'un fleurdelisé sur les
coins de rue va attirer une clientèle. C'est sûr et certain que,
si on prend un poste d'essence, qu'on en fait la décoration et le
ménage, etc., et qu'on redéveloppe certains coins de rues, cela
aura un impact. Maintenant, vous ne m'avez pas posé la question que
j'aurais voulu, c'est l'économique de tout cela.
M. Fortier: Je vous la pose. J'étais rendu là.
M. Hamel: Qu'est-ce que cela coûte? C'est là qu'il
faut regarder la chose. C'est pour cela que dans mes commentaires, je vous
disais tout à l'heure que c'est vraiment là une question
politique. Si jamais le gouvernement du Québec décidait d'avoir
Pétro-Québec, par exemple, et si cette société
agissait, comme toutes les autres dans le marché, à la
façon d'une société de pétrole privée, par
exemple, dans les mêmes conditions de location, les heures d'ouverture,
les prix, etc., en d'autres mots, la même offre à la
clientèle, on la traiterait comme n'importe quelle autre compagnie. Mais
je peux vous assurer que - je reviens sur mon point - la clientèle est
bien servie aujourd'hui. Le marché est saturé. S'il arrive une
autre compagnie qui prend sa pointe de tarte, il y a quelqu'un d'autre qui va
débarquer, c'est inévitable. Ce n'est pas une décision
économique qu'il faut prendre dans ce cas, ce sera vraiment une
décision politique que je ne suis pas en mesure de commenter. Ce n'est
pas notre rôle.
M. Fortier: En ce qui concerne la guerre des prix, j'imagine que
le fait que Petro-Canada est venue sur le marché, cela a pu accentuer la
guerre des prix, eu égard à ce que vous venez de dire, non?
M. Hamel: Je pense que cela n'a pas eu un impact. Les
problèmes sont plus fondamentaux que cela. Il y a trop de produits pour
le nombre de clients et il y a
trop de points de vente pour le nombre de voitures. C'est aussi simple
que cela. Qu'il y ait un Petro-Canada, un Pétrobec ou qu'une compagnie
allemande vienne s'établir ici, je pense que cela ne changera pas
grand-chose là-dedans.
M. Fortier: Alors, dans le cas - juste pour continuer le
raisonnement - d'un Pétrobec, la société qui serait
nationalisée ou qui bénéficierait de la fleur de lis, ceux
qui travailleraient pour cette compagnie en bénéficieraient.
Selon ce que vous dites, il y a quelqu'un d'autre qui devrait en prendre pour
son rhume. (13 h 30)
M. Hamel: Oui. Je dois dire oui parce que vous voulez enregistrer
ma réponse, mais je suis d'accord avec ce que vous dites.
M. Fortier: Lorsque vous avez pris votre décision de suspendre
les activités de l'usine, vous avez dit qu'il était facile de
prendre une décision d'en fermer une sur trois, mais que c'était
beaucoup plus difficile de décider laquelle.
M. Hamel: Oui.
M. Fortier: Quels sont les facteurs économiques qui jouent
le plus? L'un des facteurs - j'imagine - c'est le transport des produits comme
tel, mais quels sont les facteurs qui influent sur une décision comme
celle-là? La vétusté, j'imagine, des usines...
M. Hamel: Oui. Le grand facteur, le facteur le plus important,
c'est l'économique de la chose, le coût. Où
épargne-t-on le plus d'argent? Qu'est-ce qui est le plus rentable pour
l'Impériale? Et nous sommes passés par Sarnia... En passant, je
dirais qu'on avait évalué la possibilité de réduire
la production aux trois raffineries, parce que c'était une
possibilité aussi, les maintenir toutes les trois en marche et diminuer
la capacité de raffinage. Mais vous vous rappelez peut-être que
nous avions déjà fait cela à Montréal, en 1976 nous
avions déjà pris cette décision. Alors c'était une
possibilité, mais elle a été mise de côté
parce qu'il faut avoir deux trains d'opération pour pouvoir en fermer
une et toutes nos raffineries ne se prêtaient pas à cette
possibilité. Nous avons regardé la raffinerie de Sarnia c'est
devenu clair assez rapidement, après analyse, qu'on ne pouvait pas
prendre la décision de la fermer parce que c'est notre plus grande
raffinerie, elle est à la base de notre usine de pétrochimie
à Sarnia et c'est là aussi qu'on fabrique nos lubrifiants, nos
graisses et d'autres produits spécialisés. Nous ne pouvions pas
justifier la rentabilité à la compagnie en fermant la raffinerie
de Sarnia. Alors la décision est tombée sur les deux raffineries,
celle de Montréal et celle de Dartmouth, tout près de
Halifax, qui sont comparables dans le genre de fonctionnement.
Là, l'analyse nous a démontré que pour différents
facteurs, premièrement, l'actif des capitaux à l'oeuvre dans
chaque raffinerie, les coûts de transport, les coûts de
fonctionnement, la possibilité d'approvisionner le marché du
Québec à même ces deux raffineries était plus grande
et moins coûteuse que de continuer d'administrer la raffinerie de
Montréal et d'envoyer les produits dans les deux sens, ce qui serait le
sens contraire du transport du brut. Grosso modo, ce sont les facteurs qui nous
ont menés à la conclusion de suspendre les activités
à Montréal.
M. Fortier: Je vous remercie.
M. Ouhaime: J'aurais juste une dernière question, qui
m'apparaîtrait importante, même si l'heure avance et que nos
estomacs sont en train de se creuser.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais revenir sur la question du gaz naturel.
Ce que vous plaidez finalement, c'est l'égalité des chances sur
un libre marché et laissons les millions de consommateurs prendre une
décision.
On sait que le prix du pétrole et le prix du gaz naturel sont
réglementés au Canada à l'heure actuelle. À
l'entrée de notre franchise, le prix est établi pour ce qui est
du gaz naturel. Si je vous suis jusqu'au bout dans votre raisonnement - ce
n'est pas une chose que vous avez mentionnée, mais je voudrais vous
poser la question - est-ce que vous seriez en faveur d'une
déréglementation, par exemple, du prix du gaz naturel? Là,
on dit: C'est 65% du prix du pétrole et c'est le phénomène
de la marée, quand l'un monte l'autre suit avec 65% de
différence. S'il y a une déréglementation du prix du gaz
naturel, il va arriver deux choses: ou bien il va monter ou bien il va
descendre, ou bien il va rester à 65%. Il y a trois hypothèses
possibles. Compte tenu des surplus énormes de gaz naturel dans l'Ouest,
si on tient compte du prix du gaz naturel à l'exportation, qui est aussi
un prix réglementé, quel est votre point de vue s'il y avait une
déréglementation du gaz naturel? Est-ce que le prix baisserait
sur le marché, ferait pénétrer le gaz plus vite au
Québec, par exemple, ou bien si une déréglementation
entraînerait une hausse du prix du gaz naturel et par voie de
conséquence, une consolidation de votre position?
M. Hamel: Quand je nous ai présentés, M. le
ministre, j'ai oublié de vous dire que vous avez devant vous trois
ingénieurs. Ce ne sont pas des économistes. La question que
vous me posez là est vraiment très profonde. Je pense que
jusqu'à un certain point, elle est hypothétique. Je ne vois pas
de changement dans la politique nationale de déréglementer les
prix. Je pense que pour le moment, vu qu'il y a un surplus de réserve de
gaz naturel, un excédent très important par rapport au
marché, et canadien et d'exportation, et qu'il y a aussi une
possibilité de surplus production, parce que les puits ne produisent pas
à leur pleine capacité, je pense que le prix établi en ce
moment est satisfaisant pour le producteur en tenant compte des marchés
qui se trouvent principalement dans l'Est du Canada et la possibilité de
ces marchés d'absorber une augmentation du prix du gaz naturel. Je dis
cela parce que je regarde les progrès que je vois - je ne suis pas
à l'intérieur de leur boîte - chez Gaz Métro. C'est
que la pénétration a été relativement lente
jusqu'à maintenant: une résistance de la part du consommateur
québécois, due en partie au fait qu'on essaie de concurrencer, il
y a une résistance quand même pour différentes raisons que
je ne comprends pas à la transformation au gaz naturel.
Je pense que pour répondre à votre question,
peut-être qu'on devrait y penser et si on a quelque chose de plus
à vous dire, on pourrait vous écrire à ce sujet - et aux
membres de la commission - pour vous donner une réponse un peu plus
élaborée et une pensée un peu plus profonde. Pour
répondre aujourd'hui, je pense que ce n'est pas cela qu'on recommande,
la déréglementation du prix du gaz. C'est plutôt au niveau
du marché qu'il faut avoir une concurrence vive où il n'y a pas
de subvention, que ce soit d'équipement, de coût d'installation
d'équipement, qui dépasse les normes traditionnelles du
marché, ce n'est pas seulement sur le prix de l'essence. Si je me
rappelle bien, le gaz naturel a pénétré pendant des
années en Ontario à un prix effectif pour le consommateur qui
était supérieur au mazout domestique. Ils ont
pénétré par des programmes de marketing très
efficaces et non pas à cause du prix. C'est ce que je dis. Les
consommateurs en Ontario, ceux qui se sont convertis au gaz naturel, l'ont fait
sur une base individuelle mais pas à cause du fait que les règles
du jeu ont été faussées dans une certaine mesure.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Hamel.
Le Président (M. Dussault): Merci MM. Hamel, Donato et
Bédard de la compagnie pétrolière Impériale
Ltée. J'ajourne maintenant nos travaux à mardi le 20 septembre
1983 à 10 heures.
(Fin de la séance à 13 h 39)