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(Dix heures vingt-quatre minutes)
Le Président (M. Gagnon): La commission de
l'énergie et des ressources se réunit aux fins d'étudier
les effets de la politique énergétique sur le
développement économique du Québec. C'est la poursuite des
audiences qui ont commencé les 24 et 25 mars.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M. Beaumier
(Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne (Beauharnois), M. Leblanc
(Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis) et M.
Dussault (Châteauguay).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Biais
(Terrebonne), M. Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc
(Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay (Chambly) et M. Vallières
(Richmond).
Le rapporteur était M. Rodrigue (Vimont).
Au début, aux fins du journal des Débats, j'ai un certain
nombre de mémoires qui ont été présentés
tout simplement pour dépôt. Il s'agit de l'Université de
Montréal, du groupe Suncor, du Centre de recherches minérales, de
l'Institut canadien de la recherche sur les pâtes et papiers, de
l'Université de Sherbrooke, de M. Gérard Bélanger et du
Bureau de commerce de Montréal.
Ce matin, nous entendrons la Société d'initiatives
pétrolières, Shell Canada Limitée, la
Fédération des garagistes et détaillants d'essence du
Québec Inc., l'Association des services de l'automobile Inc. et
l'Association des distributeurs indépendants de produits
pétroliers.
Avant d'inviter le premier intervenant, SOQUIP, je voudrais surtout
demander aux gens de ne pas faire la lecture des mémoires qui ont
été présentés, mais d'en donner le
résumé verbal le plus possible de façon qu'on puisse
accélérer les travaux de la commission.
J'invite maintenant SOQUIP, représentée par M. Pierre
Martin, M. Guérin et M. Jacques Plante, à commencer. Avant de
vous céder la parole, M. Martin, je voudrais demander au ministre s'il a
quelques mots à dire pour commencer.
Remarques préliminaires M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais, bien
sûr, à la reprise des travaux de la commission de l'énergie
et des ressources qui a - bientôt on dira qu'on se réunit dans le
salon de l'énergie et des ressources puisque nous sommes ici depuis le
début de l'année - commencé ses travaux en mars dernier
sur un thème qui est: l'énergie, levier de développement
économique.
Je voudrais profiter de la reprise de nos travaux pour d'abord remercier
tous les organismes qui ont bien voulu répondre à notre
invitation. Je crois qu'on a reçu 72 mémoires pour traiter de
cette question. Il y a peut-être lieu de croire aussi, M. le
Président - je le dis tout de go en ouvrant cette commission ce matin -
que la matière en discussion pour les prochaines semaines devant la
commission de l'énergie et des ressources a peut-être beaucoup
plus de chance d'être moins contentieuse, d'être moins litigieuse
que le dernier débat que nous avons eu ici pendant onze ou douze
semaines, le printemps dernier, sur le dossier de LG 2.
Cette page étant maintenant tournée, je voudrais rappeler
que nous avons bien modestement, au ministère de l'Énergie et des
Ressources, publié un petit document que nous avons rendu public le
printemps dernier, où nous tentions d'identifier ce qui nous paraissait
être, parmi d'autres, bien sûr, les thèmes principaux que
nous voulions discuter. Cela portait essentiellement sur la recherche, le
développement, la restructuration du secteur pétrolier, les
investissements dans le secteur de l'énergie et la mise en place d'une
stratégie de développement industriel.
Je n'expliciterai pas davantage chacun de ces sous-thèmes ou de
ces thèmes qui ont été proposés à votre
attention. Je dois dire que, d'une façon générale, les
mémoires qui nous ont été soumis et que j'ai eu l'occasion
de lire le printemps dernier et de relire tout récemment ont
enclenché une réflexion et une discussion. Je proposerais
à mes collègues à cette table que nous prenions de
l'altitude dans le sens que nous travaillions ici de façon positive, la
moins partisane possible dans la mesure où pareil débat est
possible. Je suis convaincu que nous ferons progresser et avancer et les
idées et la
réflexion dans le dossier de l'énergie.
Il est bien sûr que ce dossier est en constante évolution.
Il est très actif. Il y a des bouleversements qui se produisent encore
aujourd'hui, depuis les chocs pétroliers. On aura l'occasion
d'échanger des propos là-dessus. Je voudrais que mes
collègues, membres de la commission parlementaire, qui sont tous
élus par la population, prennent activement part à ces
débats et ne se gênent pas pour y aller de leurs questions et de
leurs suggestions. C'est un débat qui est maintenant ouvert.
Je rappelle essentiellement que, de notre côté, les
mémoires ont déjà été lus. Je pense que nous
allons éviter des pertes de temps, si les intervenants qui
présentent les mémoires font un réel effort de
synthèse pour ramasser dans leur exposé l'essentiel de leurs
propositions ou de leurs réflexions pour qu'on puisse avoir le maximum
de temps pour échanger.
Quant à moi, M. le Président, j'ai oublié mon livre
de règlement et j'espère bien ne pas être obligé
d'aller le chercher. Je dis cela en voulant souligner que je souhaiterais qu'on
s'en tienne au fond du débat. Je laisserai toute latitude tant à
mes collègues du côté ministériel qu'à ceux
du côté de l'Opposition pour participer au débat et
échanger des propos. On pourra s'ajuster en cours de route, en tentant
de maintenir un équilibre dans le partage du temps, je pense que cela va
de soi. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir de
participer à la reprise de cette commission parlementaire. Le ministre
fait part de beaucoup de sollicitude en nous disant qu'il va nous laisser
parler, je croyais que le règlement nous permettait de le faire. Quant
à nous, nous allons exercer notre prérogative démocratique
de la meilleure façon possible.
J'oserais espérer que nous puissions terminer cette commission
parlementaire... on parle beaucoup de remaniement ministériel, je serais
peiné d'apprendre que le ministre est changé en cours de route.
J'aimerais qu'on puisse conclure cette commission parlementaire toujours avec
le ministre en titre présentement. Je crois que la commission a
été assez bouleversée comme cela sans qu'il y ait d'autres
bouleversements en route.
Pour rappeler le fond du débat, on tient à parler de
création d'emplois et de développement économique. Ce
genre de préoccupation est le nôtre à court terme et
à long terme.
À court terme, il y a des ajustements qui se font
présentement et je sais qu'aujourd'hui nous allons en parler, il y a des
fermetures de raffineries, il y a des bouleversements dans le domaine du
pétrole, plus particulièrement au Québec. Quant à
nous, nous allons nous pencher avec beaucoup d'attention sur les ajustements
qui se font, sur les pertes d'emplois qui sévissent présentement
et voir s'il n'y aurait pas lieu de trouver des accommodements à court
terme, et surtout nous demander quelles sont les conditions que l'on doit
réunir pour assurer le redémarrage de l'économie
québécoise à court terme.
À plus long terme, on doit se demander quelle devrait être
la place du gaz, quelle devrait être la place de
l'électricité et du pétrole dans notre bilan
énergétique. En 1978, le gouvernement publiait un livre blanc qui
mettait l'accent sur l'autonomie énergétique. Plusieurs se
demandent encore aujourd'hui ce que cela veut dire. On se pose ces questions:
Qu'est-ce que cela veut dire? Qu'est-ce exactement que l'autonomie
énergétique? Doit-on parler davantage de la
sécurité d'approvisionnement? Devrait-on parler davantage de
diversification des sources d'énergie? L'objectif n'est pas clair. J'ose
espérer, quant à moi, qu'à l'échéance de
cette commission parlementaire, on puisse arriver à définir un
objectif beaucoup plus précis.
Le gouvernement, à plusieurs reprises, et le ministre en
particulier ont parlé de leurs préoccupations d'assurer la
pénétration du gaz et je crois que beaucoup d'agents
économiques dans différentes régions du Québec
souhaitent la pénétration du gaz. Je crois qu'il n'est pas
suffisant de tenir un langage public qui veut qu'on souhaite la
pénétration du gaz. Nous allons revenir sur le sujet puisque nous
allons entendre plus tard SOQUIP, Hydro-Québec et d'autres intervenants
qui soulèveront ces problèmes. Je crois qu'il faudra s'opposer
à ce que les conditions sont réunies pour assurer la
rentabilité des investissements qui se font présentement pour la
pénétration du gaz. C'est bien beau de tenir un langage public
pour dire que l'on souhaite la pénétration du gaz, mais c'est une
autre chose en privé, d'une façon non pavoisée,
d'autoriser HydroQuébec à avoir des programmes qui s'attaquent
justement à l'industrie qui pourrait utiliser le gaz et qui
permettraient de rentabiliser les investissements qui sont faits
présentement par les distributeurs de gaz en particulier.
Ce sont là, M. le Président, les préoccupations que
nous avons, de sauvegarder les emplois qui existent présentement,
d'avoir une politique à long terme qui va assurer non seulement le
développement économique, mais faire en sorte que l'industrie
québécoise soit en
mesure de concurrencer l'industrie d'autres provinces et d'autres pays.
Avec ces préoccupations en tête, nous allons, comme l'a dit le
ministre, entendre les commentaires qui nous seront faits par les agents
économiques et espérer que les membres de la commission puissent
en arriver à un certain consensus ou à dégager des
orientations qui permettront - je suis sûr que tous les membres de la
commission souhaitent la même chose - à l'économie
québécoise de se développer et d'assurer le plus grand
nombre d'emplois possible au Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Auditions SOQUIP
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. le
député.
Avant de vous donner la parole, M. Martin, et de vous demander de nous
présenter ceux qui vous accompagnent, je voudrais savoir si le document
que vous avez distribué ce matin aux membres de la commission est un
ajout ou s'il modifie le mémoire qu'on a déjà.
M. Martin (Pierre): C'est un complément, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): C'est un complément.
M. Martin: C'est le document que je suggère d'utiliser ce
matin pour faire le point sur le sujet dont je dois traiter.
Le Président (M. Gagnon): Je vous laisse la parole.
M. Martin: Merci, M. le Président. En effet, je veux
présenter à la commission les personnes qui m'accompagnent.
À ma droite, M. Jean Guérin, vice-président à la
planification chez SOQUIP; à ma gauche, M. Richard Fredette, directeur
des politiques énergétiques et de la réglementation. M.
Jacques Plante, dont le nom figure au programme, n'est pas avec nous,
étant donné que sa responsabilité, c'est essentiellement
l'exploration et la production, sujet dont nous avons déjà
traité au mois de mars dernier.
M. le Président, au mois de mars dernier, SOQUIP a
été la première entreprise à témoigner
devant la commission et nous ouvrons de nouveau le bal aujourd'hui. Cela nous
fait plaisir de le faire. La dernière fois, nous avons largement
traité du gaz et de l'expansion des réseaux gaziers et c'est un
sujet que j'aimerais traiter de nouveau, mais je pensais ne pas le traiter ce
matin, en signalant que Gaz Métropolitain et Gaz Inter Cité, les
deux entreprises de distribution gazière, devront témoigner
devant cette commission dans les jours qui viennent.
Pour ma part, je voudrais reprendre où nous avions laissé
le 24 mars dernier et parler du pétrole et de ce qu'on a appelé
dans notre document le secteur pétrolier. Ce que je crois faire de plus
utile ce matin, c'est de faire un état de la situation telle que nous la
voyons, sans prétendre à l'expertise, non plus qu'à avoir
une longue expérience dans ce domaine puisque nous n'y sommes pas
actifs, comme chacun le sait.
Depuis le mois de mars dernier, la situation a évolué et
je signale trois changements principaux qui ont eu lieu. D'abord, la chute du
prix mondial du pétrole, qui est passé de 34 $ US le baril
à 29 $ US; c'est un événement significatif qui aurait
été annoncé le 15 mars 1983. Deuxièmement,
l'annonce de la fermeture de la raffinerie d'Esso à Montréal pour
la fin de 1983, qui est un élément postérieur au
mémoire que nous avions déposé. Troisièmement, la
signature d'une nouvelle entente entre le gouvernement du Canada et le
gouvernement de l'Alberta sur les prix des produits du gaz et du
pétrole.
Je suggère, M. le Président, que nous traitions
successivement des tableaux que j'ai déposés et j'inviterais les
membres de la commission à regarder les tableaux 1 et 2, à la
première page. Il s'agit là de deux tableaux qui font état
du passé récent. D'abord, le tableau 1, qui montre
l'évolution du bilan énergétique du Québec depuis
1975. Ce tableau montre qu'en 1982, la consommation totale d'énergie au
Québec a diminué d'environ 8% - il s'agit des 7,9% que vous voyez
en bas à droite du tableau 1 - donc une chute totale de 8% en 1982
après une baisse de 5,3% l'année précédente et deux
années successives de chute ou de baisse très importante.
À l'intérieur de ce bilan énergétique, on
voit que la consommation de pétrole a baissé de 11% en 1982 et
avait déjà baissé de 10% l'année
précédente. L'électricité n'a connu une baisse que
de 2%, le gaz naturel, de 6% et le charbon de 1%: donc une diminution totale
dans le marché de l'énergie et une diminution beaucoup plus
marquée dans le domaine du pétrole.
Le deuxième élément signalé dans ce tableau
c'est que la consommation de 1982, qui est de 1158,1, ou 10 à la 12e
puissance BTU - je me contenterai du total de 1158 -est égale à
la consommation du Québec en 1970. On peut mesurer l'ampleur de cette
diminution de la consommation d'énergie.
Les facteurs qui expliquent une telle évolution de la demande
sont les suivants, à notre avis: le ralentissement
généralisé de l'activité économique en
Amérique du Nord et en Occident; deuxièmement, une hausse
générale des prix de l'énergie; troisièmement,
l'efficacité de l'application des programmes de conservation.
Je passe maintenant au tableau 2, où nous analysons
l'évolution récente des produits pétroliers. À
l'intérieur du bilan énergétique, nous isolons les
produits pétroliers. Le tableau montre que, de 1977 à 1982, la
consommation a diminué en moyenne de 5,1% par année et qu'elle
est passée de 473 000 barils-jour en 1977 à 365 000 barils-jour
en 1982. Cette baisse totale des produits pétroliers, on la voit plus
marquée à propos du mazout léger, dont la chute ou la
baisse moyenne annuelle a été de 6,8%, et du mazout lourd, dont
la baisse a été de 6,2%. Cet ensemble de données du
marché de l'énergie totale et du marché de
l'énergie en produits pétroliers indique, à notre avis,
que les raffineurs du Québec comme ceux de toutes les provinces
canadiennes et des États-Unis font face à un problème
double, qui est celui de la baisse générale de la demande de
produits pétroliers et aussi une modification dans la structure de la
demande ou dans la répartition des produits pétroliers, en
particulier la chute des ventes de mazout léger et de mazout lourd.
Si on regarde l'avenir, M. le Président, je passe aux tableaux 3
et 4, je dirai d'abord que c'est toujours plus difficile de prévoir
l'avenir que de regarder le passé. Quand on fait des statistiques, on a
de la difficulté à obtenir des chiffres exacts et acceptés
de tous pour le passé; c'est encore plus difficile, évidemment,
pour l'avenir. Mais nous, à SOQUIP, croyons que les prévisions
officielles de la demande d'énergie qui ont été
effectuées par le ministère de l'Energie et des Ressources du
Québec en août 1982 constituent toujours une base valable
d'appréciation de l'évolution de la demande totale
d'énergie bien que, comme je le disais, ces chiffres soient toujours
à réviser. On remarque au tableau 3 que le niveau de consommation
totale prévue de 1449 est de 4% inférieur à la
prévision qui avait été publiée dans le livre blanc
de 1978. La consommation totale de pétrole continue à baisser au
taux moyen de 2,1% et cela, on le voit au tableau 4 en bas, à droite. La
part du bilan énergétique tombe de 60% en 1981 à 30% en
1995. C'est la première ligne du tableau 3. Le pétrole, donc,
passe de 60% à 30%, de 1981 à 1995. (10 h 45)
C'est la première ligne du tableau 3. Donc, le pétrole
passe de 60% à 30% de 1981 à 1995. Dans l'ensemble des produits
pétroliers, la consommation de mazout léger et de mazout lourd
continue toujours de baisser à un rythme plus rapide que l'ensemble des
produits pétroliers. Ces deux tableaux 3 et 4 indiquent que la demande
totale d'énergie - tableau 3 - connaît une croissance que je
qualifierais de modérée, 1,5% en moyenne, de 1981 à 1995
d'après ces prévisions. Cependant, il y a une modification
sensible de la structure de la demande qui est illustrée de façon
dramatique par les 60% du pétrole qui se dirigent vers les 30%.
Même à l'intérieur de la demande de produits
pétroliers qu'on voit au tableau 4, il y a une modification importante
de cette structure: le mazout léger qui baisserait de 10% en moyenne par
année et le mazout lourd de 5%. C'est la vision que nous avons du
marché des dix ou douze prochaines années.
Je passserais maintentant, M. le Président, à la question
de l'approvisionnement pétrolier au Québec. On a vu la demande et
on peut se demander maintenant d'où vont venir nos approvisionnements.
Il y a deux tableaux, 5a et 5b, qui sont passablement techniques, qu'on
pourrait discuter et analyser avec beaucoup plus de profondeur et qui, à
mon avis, sont bien faits. Ce que ces deux tableaux disent, c'est ce qui suit:
Je prends le tableau 5a: à partir de l'année 1990, le
Québec devient un importateur de pétrole pour 100% de ses
besoins, c'est à la colonne 10. Selon cette hypothèse de
production de brut de l'Ouest, de consommation des provinces de l'Ouest et de
l'Ontario, de pétrole brut disponible pour le Québec,
d'exportation, d'offre de pétrole brut de l'Est canadien qui viendrait
en 1989 - selon cette hypothèse - de la demande des Maritimes et ainsi
de suite, on voit dans le tableau 5a une prévision qui indique
qu'à partir de 1990 le Québec ne recevrait plus de brut canadien
ni de l'Ouest ni de l'Atlantique et donc que le Québec importerait 100%
de son brut.
Dans le tableau 5b, on fait une hypothèse différente - ce
sont toujours des hypothèses - sur la disponibilité de brut de
l'Ouest et on démontre que le brut de l'Ouest s'épuise moins
rapidement, que l'offre de brut de l'Est canadien est plus forte que dans
l'autre hypothèse, et tout ceci indique finalement que l'importation
internationale de l'approvisionnement du Québec sur les marchés
internationaux se situerait, en 1990, autour de 70%; l'approvisionnement
canadien étant alors de 30%.
Donc, selon ces deux hypothèses - on pourrait évidemment
les tricoter de toutes sortes d'autres façons - ce que nous soumettons
à la réflexion de la commission est que le Québec
s'approvisionnera en brut au plus à 100%, si on peut dire, et
probablement à quelque chose entre 70% et 30% et que l'approvisionnement
canadien constituera de 30% à 0% dans les années qui sont
indiquées là.
Je ne veux pas prendre le temps de la commission à ce moment-ci
pour faire une analyse détaillée de ces tableaux. Nous pourrons y
revenir, si vous le désirez.
Maintenant, sous le thème de l'équilibre entre l'offre et
la demande de produits pétroliers au Québec, je vous invite
à regarder d'abord le tableau 6 et ensuite le
tableau 7. Le tableau nous indique tout simplement que,
traditionnellement ou historiquement, et, en tout cas, dans les cinq
dernières années qui sont indiquées au tableau et qui sont
représentatives, le Québec était un exportateur net de
produits pétroliers, donc, de produits raffinés.
Vous pouvez voir les chiffres: les importations ou exportations
interprovinciales indiquent des exportations. Par exemple, dans l'année
1982, le Québec a exporté 35 400 barils par jour de produit
raffiné. Les chiffres pour les années antérieures sont
indiqués, alors que, pour les mêmes années, dans les flux
interprovinciaux, l'Ontario était un importateur de produit
raffiné.
Si on regarde le marché international, on voit que le
Québec avait importé beaucoup moins de produits finis mais que,
en 1981 et en 1982, le Québec était de nouveau un exportateur de
produits raffinés sur le marché américain. Donc, le total
des flux importation-exportation interprovinciaux et internationaux montre que,
pour toute la période, sauf l'année 1979, le Québec
exportait un bon nombre de milliers de barils par jour, qui ont varié de
49 000 à 54 000, à 11 000, à 33 000 et à 49
000.
Donc, tout ce que ce tableau indique c'est que, jusqu'en 1982, le
Québec a été un exportateur de produits raffinés,
c'est-à-dire que les raffineries de Montréal et de Saint-Romuald
raffinaient plus de produits que la demande intérieure du Québec,
de sorte qu'il y avait un surplus à exporter et donc un revenu à
en tirer.
Le tableau 7 montre une image tout à fait différente. Je
prendrai le temps de m'y arrêter. Ce que ce tableau montre et fait est
qu'il compare la situation du raffinage en Ontario, au Québec et dans
les Maritimes en 1982 et en 1983. Vous vous souviendrez - on vient de le voir -
que, même jusqu'en 1982, le Québec exportait des produits
raffinés. Je regarde le haut du tableau 7, la capacité de
raffinage en Ontario, vous avez, à gauche, la liste des raffineurs et la
ville où sont situées ces raffineries. Ce que ce tableau indique
d'abord, c'est que, en 1982, il y avait une capacité installée en
Ontario de 678 000 barils-jour et que cette capacité a été
réduite de trois façons en 1983. Gulf a réduit le train de
vie de sa raffinerie de Clarkson de 79 000 barils à 59 000, donc
diminution de 20 000. Shell a fermé sa raffinerie de Oakville et Sunoco
a diminué sa production à Sarnia de 90 000 à 65 000
barils. Ce qui fait une diminution totale de 119 000 barils-jour en Ontario
entre 1982 et 1983 et le pourcentage de diminution est de 17,5%.
M. le Président, la note qui suit est importante puisqu'elle dit
que le taux d'utilisation de la capacité de raffinage en Ontario en 1982
était de 70% et que l'excédent, donc les 30%, représentait
203 000 barils-jour. Or, on remarque que cet excédent de 203 000
barils-jour n'a été réduit que de 119 000 barils-jour, ce
qui indique, d'après nos chiffres, que l'Ontario conserve toujours un
excédent de capacité de 84 000 barils-jour, qui est la
différence entre les 203 000 et les 119 000.
Suivant la géographie, je passe maintenant vers l'Est et j'arrive
au Québec. Vous voyez une situation que les membres de la commission
connaissent bien.
Le raffineur Shell à Montréal-Est conserve sa raffinerie
de 120 000 barils-jour; Esso ferme sa raffinerie de 79 500 barils-jour;
Petro-Canada maintient la raffinerie dite "Fina" de 93 000 barils-jour, mais
ferme la raffinerie de BP, enfin BP avait déjà annoncé la
fermeture de cette raffinerie avant de la vendre; Texaco ferme sa raffinerie de
74 000 barils-jour; Gulf réduit la production de 66 000 à 54 500
et Ultramar, qui procède à un investissement important de
modernisation, se trouve - je ne veux pas démontrer ici que c'est
négatif - ainsi à réduire de fait la capacité de
traitement, tout en améliorant le rendement. Mais, au total, on voit
qu'une capacité installée de 607 000 barils-jour est
baissée à 347 500, donc une diminution de 259 500 barils-jour,
soit 43%.
Je pense que les membres de la commission seront de nouveau
intéressés à la note 3, dans ce cas-ci: le taux
d'utilisation de la capacité de raffinage au Québec, en 1982,
était de 68%, donc très proche de celui de l'Ontario, qui
était de 70%. L'excédent de la capacité était de
192 000 barils-jour, mais on en a fermé 259 000 barils-jour. Donc, selon
ces chiffres, on a fermé 67 000 barils-jour de trop en capacité,
de sorte qu'à ce moment-ci, le Québec - on le verra tout à
l'heure - deviendra, à notre avis, un importateur de produits
raffinés.
Nous pourrons revenir à ces comparaisons et il est, je crois,
très important de jeter un coup d'oeil sur les Maritimes, parce que,
dans les Maritimes, la capacité installée en 1982 était de
282 000 barils-jour et elle a été réduite à 224 000
en 1983, une diminution de 58 000 barils-jour, soit 20%, mais j'attire
l'attention des membres de la commission sur les éléments
suivants: d'abord, le taux d'utilisation dans les Maritimes n'était que
de 49% en 1982 et l'excédent était de 144 000 barils-jour, et on
n'en a fermé que 58 000 barils-jour, ce qui laisse un excédent de
capacité de raffinage dans les Maritimes de 86 000 barils-jour auxquels
s'ajoutent - il faut lire la note 1 -167 000 barils-jour de capacité
installée, mais non utilisée, à la raffinerie Irving de
St. John's. Dans le tableau, pour l'année 1982, nous avons
indiqué la capacité de Irving à 168 000 barils-jour, parce
que cette raffinerie est à demi-fermée et elle l'était
avant 1982. Donc, nous avons gardé nos
chiffres, notre point de départ, de 1982, mais je signale aux
membres de la commission qu'au-delà des 168 000 barils-jour
étaient en production en 1982 et il y a une autre quantité de 167
000 barils-jour qui est déjà disponible pour raffinage, de sorte
que, dans la capacité totale de production ou de raffinage dans les
Maritimes, selon nos chiffres et en incluant donc cette partie de la raffinerie
Irving qui est aujourd'hui fermée, l'excédent serait de 253 000
barils-jour. (11 heures)
Cette situation, M. le Président, je le disais tout à
l'heure et je vous invite à regarder le tableau 8, indique que,
dès 1984, ou en 1984, le Québec devient un importateur net de
produits pétroliers. Les prévisions que nous avons faites sont
des prévisions aussi fragiles que toutes les prévisions qu'on
fait de bonne foi, mais ce sont nos prévisions et je crois que la
commission pourra les comparer ou s'en servir, si elle le veut, afin
d'interroger les raffineurs qui connaissent mieux ces chiffres que nous. En
1984, on prévoit un déficit de produits pétroliers de 44
000 barils/jour dans le marché québécois, ce qui veut dire
que le marché québécois va importer de l'Ontario et des
Maritimes 44 000 barils/jour de produits finis. En 1985, notre prévision
est de 40 000 barils; en 1990, elle sera de 12 000 et, en 1995, de près
de 0. Évidemment, cette situation d'importation, importante en 1984,
diminue rapidement ou lentement ou se maintiendra selon l'évolution de
la deuxième ligne, qui est la demande de produits
énergétiques. Or, nous avons une prévision de 311 000, 307
000, 279 000 et 267 000 barils, ce qui est évidemment une
prévision. Si la demande diminue plus rapidement, nous importerons moins
longtemps et si la demande diminue moins lentement ou augmente, nous
importerons plus longtemps et plus. Je n'entre pas dans les détails du
"mix" ou de la composition de l'importation. Je présume que nous
importerons moins de mazout léger et lourd puisque notre marché
ici n'en voudrait pas. Cela m'amène à conclure très
sommairement que, pour l'essentiel, ces importations de produit fini seront de
l'essence pour automobile. À ce propos, c'est une question
d'opinion.
J'en viens maintenant à la question du mazout lourd. Dans notre
témoignage du mois de mars dernier, nous indiquions une prévision
de surplus de mazout lourd variant entre 20 000 et 40 000 barils/jour. Nous
avons modifié cette prévision et, encore une fois, ce sont des
prévisions, mais les éléments qui nous amènent
à les modifier sont essentiellement les suivants: d'abord, la fermeture
de la raffinerie d'Esso et, en supposant que ce qui sera importé en
conséquence du déficit de production au Québec ne
comportera pas de mazout lourd - c'est à voir - tout dépend des
ententes de façonnage et des ententes entre raffineurs, et,
deuxièmement, l'installation d'un visco-réducteur à la
raffinerie de Pétro-Canada à Montréal, II y a aussi la
modernisation de la raffinerie d'Ultramar à Saint-Romuald et, d'une
façon générale, l'amélioration du rendement des
raffineries du Québec. De sorte que, je le dis tout bonnement, selon les
paramètres qu'on peut identifier et énumérer, mais qu'on
ne peut facilement quantifier, qui sont la qualité du brut
utilisé, l'évolution de la demande de l'essence,
l'efficacité des raffineries, le taux de pénétration du
gaz naturel et de l'électricité dans le marché, bref
l'évolution des besoins totaux d'énergie, la composition des
produits énergétiques, nous révisons les prévisions
que nous avions déposées il y a quelques mois et qui variaient
entre un surplus de 20 000 à 40 000 barils-jour de mazout lourd.
Aujourd'hui, notre fourchette est plus généreuse; elle varie de
5000 à 40 000 barils-jour selon le scénario À, où
le degré de qualité du brut est maintenu à 32
degrés, API, ou le scénario B, où le brut utilisé
est de moindre qualité et serait de 26 degrés API en moyenne en
1995.
Cela nous amène tout simplement, tout naturellement au tableau
10, où nous comparons rapidement le marché de l'énergie au
Québec, en Ontario, dans l'Ouest canadien et dans l'ensemble du Canada,
d'une part -c'est le haut du tableau - et, d'autre part, la répartition,
la production des raffineries. Ce tableau indique que les raffineries du
Québec devront modifier leur structure de production à mesure que
le marché de l'énergie évolue. Je pense qu'elles le
savent. Je vous inviterais à regarder la colonne Ouest canadien en 1982.
Sur la première ligne, vous voyez que, dans l'Ouest canadien, le gaz
naturel et l'électricité représentent 55,9% du
marché de l'énergie. C'est une proportion importante qui est au
gaz et à l'électricité par opposition au pétrole.
Comparez la structure de production des raffineurs de l'Ouest et vous voyez
qu'en mazout léger, il n'y a que 5,5% de production, en mazout lourd
5,3% de production, donc 10% du baril qui sort en mazout léger ou lourd
et 75% du baril qui sort en essence d'aviation et en diesel.
Comparons le Québec, où le gaz naturel et
l'électricité en 1982 ne représentent encore que 42% du
marché de l'énergie et voyez la production de mazout léger
et de mazout lourd, 18% et 19%. Nous disons que, puisque nous allons vers une
situation de marché de l'énergie qui sera semblable à
celle de l'Ouest, il est nécessaire - j'attire l'attention des membres
de la commission sur ce point - que la structure de raffinage soit
modifiée pour que la structure des produits soit modifiée.
À notre avis, cela est faisable et cela constituerait des
investissements
supplémentaires dans les raffineries montréalaises.
J'en viens rapidement à conclure. J'ai dit que je me contenterais
de faire un état de la situation, mais je voudrais quand même
soumettre quelques commentaires à la commission.
D'abord, Montréal a été jusqu'à
récemment le principal centre de raffinage au Canada mais ne l'est plus.
Avec les fermetures qui ont eu lieu au Québec, on l'a vu tout à
l'heure, en 1984, le Québec devient un importateur net de 44 000
barils-jour de produit fini et à 50 $ le baril, produit fini, nous
disons que cela équivaut à 2 000 000 $ par jour d'importation et
à 700 000 000 $ par année.
Nous disons également que ce niveau de 1984 baissera - on le
voyait au tableau 8, je crois - et que cette baisse sera plus ou moins
importante, pour aller jusqu'à zéro ou ne pas aller
jusqu'à zéro selon l'évolution future de la demande, en
particulier de l'essence. Les chiffres que nous avons vus au tableau 7, je les
laisse parler par eux-mêmes. Je crois qu'ils indiquent que la
rationalisation de l'industrie du raffinage dans l'Est du Canada a
frappé plus durement le Québec que l'Ontario et les Maritimes.
J'ajoute - et là, c'est vraiment un commentaire personnel - que si la
même logique devait persister, puisque nous voyons qu'il y a encore des
surcapacités installées en Ontario et dans les Maritimes, nous
pourrions assister à une autre fermeture de raffineries à
Montréal ou au Québec. Je signale que seules les raffineries de
Shell, de Petro-Canada et d'Ultramar se modernisent et améliorent le
rendement de leur production.
Au sujet des emplois, je me passerai de commentaires et de chiffres. Il
est clair qu'au cours des récents mois, le Québec a perdu des
emplois dont le nombre, d'après nous, est de l'ordre de 1200 emplois
permanents. J'ajoute que l'industrie du raffinage au Québec est non
seulement importante en soi, mais aussi qu'elle est un élément
vital pour l'industrie pétrochimique au Québec. L'industrie
pétrochimique au Québec est actuellement en difficulté et
je crois que sa survie ainsi que sa croissance future dépendent, en
bonne partie, de la disponibilité d'approvisionnement
pétrochimique à des prix concurrentiels. Là-dessus,
Pétromont viendra témoigner. Je laisse Pétromont discourir
sur le sujet, mais nous croyons qu'il y a un lien direct entre la santé
et la qualité du raffinage au Québec et la santé et la
qualité de la pétrochimie. Voilà, ce que je soumets
à la réflexion de la commission. Encore une fois, nous ne pouvons
répondre, n'étant pas directement actifs ou indirectement non
plus dans ce marché, mais nous déposons ces informations et ces
chiffres devant les membres de la commission de façon peut-être
à l'aider à poursuivre ses travaux sur le sujet du raffinage et
de la distribution au Québec.
Le Président (M. Gaqnon): Merci, M. Martin. M. le
ministre.
M. Duhaime: Merci, M. Martin. Je voudrais revenir sur le premier
tableau que vous déposez sur l'évolution du bilan
énergétique du Québec. Vous nous donnez un tableau en BTU.
Il y a des experts à côté de vous. Moi, j'ai des chiffres
en tonnes équivalant pétrole. On a fait l'équation rapide.
Je voudrais être certain qu'on parle sur les mêmes données.
Vous avez 1269,2. En le calculant rapidement, cela nous donne environ 31,4
tonnes équivalant pétrole. Je voudrais voir si on travaille plus
ou moins sur les mêmes équivalences en chiffres sur cette base. La
deuxième chose, je voudrais vous demander, à la page 5... Non,
pardon! Allons-y tableau par tableau, cela va être moins
compliqué. (11 h 15)
Au tableau 3, à la note sur les projections que vous faites quant
aux prévisions de la demande d'énergie au Québec sous
l'année 1990, nous avons: pétrole 38.9% du bilan;
électricité: 40,8%; gaz naturel: 17,9%. Vous faites une note -en
fait, je comprends que les 40,8% ont été arrondis à 41%,
c'est l'objectif pour l'électricité en 1990 - je voudrais
être certain d'une chose, vous dites que vous avez retenu les chiffres du
ministère de l'Énergie et des Ressources pour ce qui est de
l'électricité et ceux de SOQUIP pour ce qui est du gaz naturel
à 17,9%. J'avais l'impresssion que la variable que nous avions au
ministère était une variable entre 16% et 18% sur 1990. Nous
souhaitons, bien sûr, pouvoir atteindre les 18% en 1990. Je veux juste
clarifier une chose, à savoir s'il n'y a pas de contradiction dans nos
chiffres ou si nous sommes à peu près sur les mêmes
scénarios en ce qui a trait aux objectifs de pénétration
du gaz naturel sur l'horizon 1990.
M. Martin: M. le ministre, il m'est plus facile de
répondre quant au tableau 3. Effectivement, c'est la même
prévision, c'est celle du ministère et de SOQUIP. On parle de
l'hydroélectricité à 41%; sur le gaz, le chiffre de 16% du
bilan a été mentionné, le chiffre de 18%, c'est une
fourchette. Comme nous faisons la promotion du développement du
marché du gaz, nous retenons 18% comme étant notre objectif. Il
n'y a pas du tout de contradiction entre les objectifs du ministère et
les nôtres.
M. Duhaime: Maintenant, j'avais hier l'occasion de m'adresser aux
délégués du sixième colloque international
d'économie pétrolière qui se tient ici à
Québec, une
organisation que tout le monde connaît sous le nom de GREEN M.
Ayoub - on aura l'occasion de le rencontrer ici, en commission parlementaire,
maintenant qu'il n'a plus ce chapeau de président du conseil
d'administration de SOQUIP - viendra à titre personnel, bien sûr,
comme professeur. Ce que j'indiquais à ce colloque, c'est que notre
niveau de consommation énergétique totale au Québec en
1981 est de l'ordre - en équivalence bien sûr - de 32 000 000 de
tonnes d'équivalent en pétrole, ce qui est environ le même
niveau de consommation globale d'énergie qu'en 1973.
Dans l'hypothèse où, sur votre tableau 1, il y a un chose
qui est certaine en tout cas, si on regarde la consommation globale
d'énergie de 1975 à 1982, on a une réduction, en fait, si
je comprends bien, de 1973 à 1983. En 1973, cela a continué de
progresser, 1974 et, ensuite 1975, cela a été ramené de
sorte qu'on peut dire aujourd'hui -je voudrais savoir si on s'entend
là-dessus -que la consommation globale d'énergie au
Québec, donc énergie sous toutes ses formes, en 1982, est
à peu près au même niveau qu'en 1973.
M. Martin: En 1982, oui. J'ai dit 1970, mais je n'ai pas avec moi
les chiffres des années antérieures. Je crois bien que c'est tout
à fait comparable. M. Guérin.
Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.
M. Guérin (Jean-A.): Oui. Nous avons dit 1970 - je n'ai
pas les chiffres avec moi -c'est environ 32 000 000 de tonnes
d'équivalent en pétrole. Cela se compare au niveau de la
consommation de 1970.
M. Duhaime: À partir de là, je pense qu'il est
peut-être bon de rappeler - au début de travaux, vous l'indiquez
vous-même dans votre document au tableau 3 - les projections qui sont
faites sur l'horizon 1990 quant aux composantes du bilan
énergétique. On dit: 41% pour l'électricité; la
variable de 16% à 18% gaz naturel; le pétrole: 38,9% et, pour le
reste, le charbon et l'énergie nouvelle, environ 2%. Ma question est la
suivante: Depuis que le gaz naturel fait une pénétration au
Québec, de Montréal jusqu'à Québec maintenant - je
crois que c'est hier ou avant-hier que l'on soulignait l'arrivée du gaz
naturel à Québec - avec les travaux qui se font actuellement dans
la région de la Mauricie en particulier et avec le rythme de progression
du gaz naturel sur un nouveau marché au Québec, à la
lumière des événements qui se sont passés depuis
les douze ou vingt-quatre derniers mois, le rythme des investissements qui sont
faits dans les latérales et dans les embranchements, est-ce que vous
croyez, aujourd'hui en 1983, que nous avons toutes les chances d'atteindre
l'objectif que nous visons, c'est-à-dire un bilan
énergétique en gaz naturel de 16% à 18% à l'horizon
de 1990?
Le Président (M. Bordeleau): M. Martin.
M. Martin: Oui. M. le ministre, je pourrais vous donner une
longue réponse, mais je vais d'abord vous en donner une brève. La
réponse est oui. Cet objectif demeure réaliste - non seulement
demeure-t-il réaliste - il pourra être atteint. Je peux ajouter
à ceci qu'il y a beaucoup de facteurs en cause; évidemment, la
construction des infrastructures elles-mêmes; le prix du gaz; le prix des
énergies concurrentielles, etc. La réponse est que, aujourd'hui,
je puis dire que cet objectif est non seulement maintenu comme l'idéal,
mais que nous sommes en train de le réaliser. Quand je dis "nous", je
pense en particulier à Gaz Métropolitain et à Gaz
Inter-Cité.
M. Duhaime: Comme corporation, vous avez, bien sûr, des
intérêts dans Gaz Métropolitain, dans Gaz Inter-Cité
et les intérêts que vous avez dans ces deux entreprises, si on les
ajoute à votre autre partenaire québécois,
c'est-à-dire la Caisse de dépôt et de placement du
Québec, votre organisme et la Caisse de dépôt et de
placement ont un contrôle majoritaire, donc, effectif sur les deux
compagnies de distribution de gaz. Comme actionnaire de ces deux compagnies,
est-ce que SOQUIP est satisfaite des volumes de gaz vendus, que ce soit dans le
secteur résidentiel, commercial, institutionnel? Est-ce que vous aimez
la concurrence dans vos ventes? Est-ce que cette part de marché que vous
avez atteinte jusqu'à présent et la projection sur 1990 vous
assurent, de même que vos actionnaires, que les deux compagnies de
distribution de gaz au Québec vont rester des entreprises rentables?
M. Martin: Oui. De nouveau, la réponse est oui. Comme vous
l'avez dit, le marché d'énergie est un marché hautement
concurrentiel et la concurrence se fait sur trois ou quatre produits:
l'électricité, le gaz naturel, le mazout léger et le
mazout lourd. Ces quatre concurrents ont des succès variés selon
les types de clients, selon leurs besoins et selon les prix des produits. Nous
pouvons avoir des succès différents, non seulement par type de
clients, mais aussi par région; ce qui est nécessaire pour
confirmer la rentabilité de la concession de Gaz Inter-Cité,
c'est l'ouverture du marché du Saguenay. Par conséquent, la
construction de l'embranchement, qui ira de Shawinigan à Chambord et
à La Baie, est prévue pour l'été prochain. Quand je
dis "confirmer la rentabilité" je ne veux pas dire que, sans
cette construction, l'entreprise faillira. Je dis bien que cette
construction et l'ouverture de ce marché vont permettre d'atteindre ce
que nous, comme actionnaires, recherchons comme rendement, c'est-à-dire
une bonne rentabilité.
Donc, je signale, à travers tous les autres faits qui composent
le marché, que le fait de construire l'embranchement du Saguenay et
d'aller desservir le marché industriel et institutionnel du Saguenay est
un élément vital dans le jeu de la concurrence, dans la
problématique du marché de l'énergie et dans la
rentabilité des investissements que nous faisons.
Je reviens à Gaz Métropolitain. Le rendement sur
l'investissement qui est autorisé par la Régie de
l'électricité et du gaz était l'an dernier de 18,5% et ce
rendement a été atteint. Le rendement qui est autorisé
cette année, compte tenu de la chute des taux d'intérêt,
est de 16,5% et ce rendement sera atteint. Bien sûr, dans les
années à venir, il faut que cette entreprise continue à
développer son marché, ne perde pas ses clients et en trouve
d'autres, mais cette compagnie est en bonne santé financière et
les investissements que nous, comme actionnaires, y faisons sont rentables.
Je dis la même chose de Gaz Inter-Cité; nous
prévoyons, à court terme, une rentabilité de l'entreprise,
donc un retour sur notre investissement qui sera intéressant -dans ce
cas-ci, il faut répéter la condition -si le marché du
Saguenay est desservi et si le marché de la grande entreprise, dans
l'ensemble des autres régions, est desservi d'une façon
raisonnable, parce que nous ne pourrons le desservir en exclusivité.
Mais si nous en prenons une part raisonnable - ce qui se fait actuellement - la
rentabilité de cette entreprise et de notre investissement comme
actionnaire est bonne.
M. Duhaime: Je vous remercie. M. le Président,
tantôt j'aurai d'autres questions sur le secteur pétrolier auquel
on va revenir pour laisser une chance à d'autres.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Alors, on passe
à M. le député d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais avoir certaines précisions. Au
tableau 8, vous parlez de l'offre et de la demande de produits
énergétiques: 1984, 311 000 et 307 000. Quelles sont les
unités? Les unités sont-elles définies? C'est quelle
unité?
M. Guérin: Ce sont des barils.
M. Fortier: Mais si on regarde cela en relation avec le tableau
4, j'ai de la misère à voir... Oui, ce sont des milliers de
barils au tableau 4 aussi, mais ici on parle de prévision de la demande
de produits pétroliers, au tableau 4, c'est raffiné. Je ne vois
pas la relation entre le tableau 4 et le tableau 8. Pourriez-vous me
l'expliquer?
M. Guérin: Oui.
M. Fortier: Parce que les chiffres ne concordent pas.
Probablement parce que je ne vois pas la relation.
M. Guérin: Si on prend l'année 1990, vous avez une
demande totale de 325 000 barils-jour, ce qui est la même chose qu'au
tableau 4.
M. Fortier: Oui, d'accord, la demande totale est...
M. Guérin: Vous avez une ventilation des produits dans le
tableau 4.
M. Fortier: Alors, c'est la demande totale, qui est la même
que la demande totale, d'accord.
M. Guérin: C'est exact, c'est une ventilation qui est plus
détaillée que dans le tableau 8.
M. Fortier: Le tableau 3 maintenant. Votre prévision est
basée en partie sur celle du ministère. On sait tous que la
demande d'énergie va s'accroître avec le développement
économique. Quel genre de développement économique
avez-vous supposé ici? Quelle hypothèse avez-vous faite en termes
de développement du produit intérieur brut?
M. Martin: On peut répondre, allez-y.
M. Fortier: Je ne voulais pas être drôle.
M. Guérin: Non, on le sait. C'est la prévision sur
la croissance du besoin énergétique faite par le ministère
de l'Énergie et des Ressources qui date d'un an déjà.
L'hypothèse sur la croissance économique à venir est assez
modérée, on avait une croissance économique de 2,8%
à 3%. Nous croyons qu'on devrait, comme M. Martin l'a
suggéré dans sa présentation tout à l'heure... Nous
sommes en train de refaire ces prévisions pour refléter deux
phénomènes, qui ne sont pas reflétés dans cette
prévision-ci: premièrement, l'accélération de la
croissance économique et, deuxièmement, de nouvelles perspectives
de prix de l'énergie. (11 h 30)
II y a à peine un an ou deux, au moment où on faisait ces
prévisions, les gens entrevoyaient une croissance réelle des prix
de l'énergie vraiment forte et, de plus en plus, du moins pour la
décennie 1980, les gens s'entendent plus ou moins pour entrevoir
une stabilisation des prix de l'énergie en général,
ce qui devrait avoir un effet à la hausse sur la demande
d'énergie que nous présentons ici.
M. Fortier: Là, j'ai de la difficulté. Tout
à l'heure, M. Martin disait qu'il était d'accord avec le
ministre. Vous dites que vous êtes en train de regarder cela et vous
n'êtes pas sûr si vous êtes d'accord avec ce que M. Martin
vient de dire. Ce que vous me dites, c'est que vous n'êtes pas sûr
que le tableau est valable.
M. Guérin: Je vais expliquer ma pensée. Non, ce
n'est pas ce que je veux dire.
M. Fortier: Je pense qu'on s'entend pour dire que les prix vont
être plus stables qu'on le croyait, d'une part, et que ceci pourrait
avoir un impact sur la consommation énergétique, d'autre
part.
M. Guérin: Si vous me le permettez, cette prévision
constitue présentement pour nous la base la plus valable en ce qui
concerne la vision qu'on peut avoir du futur. Ce que je souligne, c'est que
cette prévision pourrait être modifiée parce qu'elle ne
tient pas entièrement compte de deux nouveaux phénomènes,
l'un qui est la reprise économique, l'autre qui est une croissance moins
élevée que prévu dans les prix de l'énergie. Si on
faisait cela, je soupçonne que la croissance du besoin
énergétique pourrait être plus élevée que ce
que nous avons ici. Mais, dans l'ensemble des prévisions que nous avons
consultées et qui existent présentement, qui sont disponibles,
celle-là nous apparaît comme étant toujours la plus
réaliste.
M. Fortier: Compte tenu que les prix énergétiques
seraient plutôt stables, en fait, M. Ayoub, je pense... Hier, au
colloque, on mentionnait que, jusqu'en 1985, en ce qui concerne les prix
pétroliers, il y a des chances qu'ils soient stables; après, on
peut faire toutes sortes d'hypothèses. À moins qu'il n'y ait une
crise au Moyen-Orient, les gens disent que les prix vont augmenter
tranquillement, pas vite, cela veut dire que vos prix du gaz vont augmenter
moins rapidement également. Même chose pour Hydro-Québec;
si elle investit moins, les prix vont augmenter moins rapidement
également, à moins que le ministre des Finances ne devienne trop
vorace, mais c'est un autre problème. Si les prix augmentent
tranquillement, dans quelle mesure, sans donner de chiffres... Disons qu'on
s'entend pour dire que la demande énergétique pourrait être
plus grande.
M. Guérin: Oui.
M. Fortier: Quels sont les facteurs qui influenceraient
l'utilisation d'une forme d'énergie plutôt qu'une autre, à
supposer qu'il y ait une demande plus forte que celle-ci, disons pour 1995?
M. Guérin: Dans la mesure où les prix relatifs des
formes d'énergie qui sont là ne sont pas changés par
rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui, cela n'affecterait pas le
pourcentage de pénétration, 18% et 40% pour
l'électricité et le gaz, qu'on prévoit en 1990. Cependant,
ce sont des pourcentages sur une tarte énergétique ou un volume
de consommation plus élevé. Alors, selon l'écart relatif
des prix des formes d'énergie, cela peut affecter la
pénétration relative de chacune. Mais, pour l'instant, le prix du
gaz naturel demeure indexé à 65% du prix du pétrole, ce
qui lui donne un avantage significatif. Et si ces écarts sont maintenus,
une augmentation plus rapide du besoin énergétique que
prévue ici n'affecterait pas, en principe, les parts relatives du gaz et
de l'électricité que nous avons indiquées ici.
M. Fortier: Selon votre opinion, dans l'hypothèse
où les prix n'augmenteraient pas trop - je parle en termes de l'essence
pour les voitures - et s'il y a une reprise économique, est-ce qu'on
peut faire l'hypothèse raisonnable que la consommation d'essence
augmenterait beaucoup plus que ce qu'on peut penser présentement?
M. Guérin: Je crois que oui, avec une restriction
cependant. C'est sûr que les habitudes de consommation des automobilistes
peuvent changer en fonction des prix, mais le parc automobile constitue quand
même une contrainte du point de vue du consommateur. C'est qu'on fait de
moins en moins de grosses bagnoles qui consomment beaucoup d'essence. Alors, le
consommateur est quand même forcé de restreindre son choix
à l'intérieur d'un parc automobile, qui lui devient plus
économe. Mais c'est sûr que si le prix de l'essence est moins
élevé que prévu et moins important que prévu dans
le budget du consommateur, les gens peuvent recommencer à utiliser plus
fréquemment leur automobile.
M. Fortier: En ce qui concerne le mazout lourd, je vois que vos
prévisions ont varié beaucoup depuis la dernière fois
qu'on s'est parlé. Je pense que c'est un indice que, dans le domaine
énergétique, il est assez difficile de prévoir l'avenir.
Chacun essaie de faire ses calculs. Du moins ceux qui doivent investir l'argent
prennent des décisions à un moment donné et, ensuite,
vivent avec leurs décisions, j'imagine. La dernière fois, au mois
de mars, au début de la commission parlementaire, on a parlé de
la concurrence, je crois, entre le gaz et le mazout lourd,
mais cela affecte quand même le côté
pétrolier. Je crois que certains ont demandé un certain boycott
du mazout lourd. Enfin, ils nous disaient qu'il fallait trouver un moyen de
limiter la disponibilité de mazout lourd sur le marché
québécois. Je crois qu'on avait fait écho au fait qu'il y
avait eu des demandes du gouvernement fédéral pour intervenir
dans ce secteur. De ce point de vue-là, le gouvernement
fédéral n'a pris aucune décision, à ma
connaissance. Pouvez-vous confirmer le fait qu'il y a eu ou qu'il n'y a pas eu
d'intervention du gouvernement fédéral dans le secteur du mazout
lourd comme tel?
M. Martin: II n'y en a pas eu. Ce qu'il y a eu au cours de
l'été, c'est que l'Office national de l'énergie a tenu des
audiences sur une question plus précise, à savoir les
importations et les exportations de mazout lourd. En résumé, la
conclusion de l'office, après les audiences, c'est qu'il n'y avait pas
lieu d'intervenir et le marché est demeuré ce qu'il était,
c'est-à-dire plutôt libre, bien que, toutefois, l'importation de
mazout lourd ne puisse se faire qu'avec un permis qui est émis par
l'Office national d'énergie. Donc, les règles n'ont pas
changé. Il y a quand même une barrière, qui est celle du
permis. À notre avis, l'importation de mazout lourd devrait être
découragée encore, sinon interdite. Mais, il n'y a pas eu d'autre
geste que je connaisse de la part du gouvernement fédéral.
M. Fortier: Est-ce que les prix qui avaient été
qualifiés de "dumping" à ce moment-là sont toujours
très bas pour le mazout lourd par rapport aux autres formes
d'énergie?
M. Martin: Les prix se sont raffermis -M. Jean Guérin
pourrait expliquer mieux que moi l'ensemble des facteurs qui ont amené
ce raffermissement - mais ils se sont raffermis et je crois que la principale
raison, c'est que la disponibilité de mazout sur le marché a
diminué. Quant à moi, je voudrais avancer une suggestion que nous
avions faite, je crois, au printemps dernier, c'est que la norme de teneur en
souffre qui est en vigueur sur l'île de Montréal, sur le
territoire de la Communauté urbaine de Montréal, et qui est de
1,5%, soit appliquée, et je crois qu'elle l'est de plus en plus, que la
norme du ministère de l'Environnement régissant le reste du
territoire québécois, qui est de 2,5% soit effectivement et
rigoureusement appliquée à mesure que le gaz naturel devient
disponible dans une région. Je conçois qu'à
Sept-Îles, pour prendre cet exemple, on peut dire sans se tromper que le
gaz naturel ne se rendra jamais. Cela peut demeurer le royaume du mazout lourd
pour certains clients, mais mon opinion est que, dès que le gaz naturel
devient disponible dans une région, la norme de soufre qui est
déjà en vigueur soit appliquée. Évidemment, pour
avoir un mazout qui ait une teneur en soufre inférieure, il faut le
mêler avec des produits qui coûtent plus cher; cela fait monter le
prix, cela décourage l'utilisation du mazout.
Évidemment, là-dessus, je suppose que nos collègues
qui nous succéderont à cette table ne seront pas
entièrement d'accord avec ce que je dis, mais c'est notre
suggestion.
M. Fortier: Vous êtes une société
d'État. Vous avez des liens privilégiés avec le
gouvernement tout en étant autonome, j'en suis certain; je ne veux pas
lancer de débat là-dessus. Mais, quand même, vous savez
où vous adresser lorsque vous avez à faire des recommandations.
Est-ce que vous avez fait des recommandations formelles au ministère de
l'Environnement pour qu'il donne suite à la recommandation que vous
faites présentement?
M. Martin: Oui, oui, oui. J'ai eu un échange récent
avec le ministère de l'Environnement à ce propos.
M. Fortier: Avec quel résultat?
M. Martin: Aucun que je puisse annoncer à ce moment-ci
parce que je ne le connais pas encore.
M. Fortier: En réponse au ministre, vous avez dit que vous
étiez toujours confiant d'atteindre l'objectif à long terme, mais
je pense bien que c'est peut-être une attitude positive de la part d'une
entreprise qui se fixe un objectif à long terme et je pense qu'il faut
vous en féliciter. À court terme - il y a eu
pénétration du gaz dans le secteur domestique, il y a
certainement eu enfouissement de tuyaux dans le sol, cela est certain. Dans le
secteur industriel, pour être bien précis - on sait que la
rentabilité d'une société de distribution dépend en
très grande partie de la pénétration dans le secteur
industriel. Pour prendre un exemple, le gaz est rendu à
Trois-Rivières. Il y a trois ou quatre compagnies qui peuvent assurer la
rentabilité de Gaz Inter-Cité. Quels y ont été vos
succès? Vous avez répondu au ministre que vous étiez bien
confiant. Est-ce que, de fait, ces sociétés ont pris des
décisions? Je crois que, la dernière fois, on nous avait
répondu que, compte tenu de l'incertitude qui existait sur des
décisions à venir, sur le fait que le mazout lourd était
disponible, sur le fait qu'Hydro-Québec proposait des tarifs
alléchants pour les prochaines années, ces gens-là
étaient hésitants. Au moment où on se parle, est-ce que
vous avez plus de raisons de croire que ces sociétés...
Peut-être m'annoncerez-vous
que, de fait, les trois ou quatre grandes compagnies ont accepté
d'utiliser le gaz. Ceci me donnerait des confirmations sur l'orientation
à long terme et c'est cela que j'aimerais avoir.
M. Martin: Avec la précaution suivante, à savoir
que, lorsque M. Barbeau témoignera ici, il pourra vous donner des
chiffres beaucoup plus précis et afficher une meilleure mémoire
que la mienne, sinon produire de la documentation sur ce sujet-là. Ma
réponse est donc la suivante: pour la région de la Mauricie en
général, sans isoler Trois-Rivières, du côté
de Bécancour, CIL a signé avec Gaz Inter-Cité pour
s'approvisionner en gaz naturel ainsi que les autres entreprises situées
dans le parc industriel de Bécancour. Du côté de
Trois-Rivières, les clients cibles industriels sont les papetiers.
Kruger a signé un contrat avec Gaz Inter-Cité. CIP a signé
un contrat pour La Tuque et en négocie un pour Trois-Rivières
actuellement. J'en oublie un. Domtar et Consolidated. Domtar a également
signé pour combler une partie de ses besoins en gaz et je crois que
Consolidated est actuellement en négociation.
Je n'oserais pas vous donner de chiffres sur les volumes. Ce que je peux
vous dire, c'est que, encore une fois, c'est un marché à trois
dans ce cas-ci: électricité, gaz et mazout. La
pénétration du gaz semble bien se réaliser par rapport
à celle du mazout. Il y a une forme de partage de facto qui se fait avec
l'électricité selon la configuration des installations du client,
à savoir les bouilloires qui peuvent déjà fonctionner
à l'électricité.
Ma réponse, c'est que, dans le marché de la Mauricie, les
clients industriels importants ont pris le tournant du gaz par opposition
à la situation dont on parlait il y a six mois, où ce
tournant-là n'était pas encore pris. Quant au volume
précis, je serai obligé de laisser M. Barbeau vous en parler.
M. Fortier: Aux questions des principes, un distributeur, dont
vous êtes l'actionnaire principal - l'actionnaire contrôleur -...
La dernière fois, vous m'avez expliqué que des contrats
d'approvisionnement à long terme sont signés avec Trans
Québec & Maritimes et le gouvernement fédéral accorde
des subventions pour les trois premières années si les
quantités de gaz vendues ne sont pas conformes à celles
prévues par contrat. Cela donne une période qui permet au
distributeur d'exercer ses qualités de marketing et de vente et, durant
ces deux ou trois années, les subventions du gouvernement
fédéral permettent d'assurer la rentabilité. Cela a
été fait, pour faciliter la pénétration du
marché du gaz. Que cela soit rentable présentement, ce qui
devient important, c'est, lors de l'expiration de cette période de trois
ans, si cela deviendra rentable? C'est là où les volumes
deviennent extrêmement importants.
Vous avez répondu tout à l'heure au ministre: Oui, c'est
rentable. Je serais tenté de demander si, n'eût été
des subventions du gouvernement fédéral, on pourrait
également parler de rentabilité, puisque ce serait la situation
qui existait avant que le gouvernement fédéral annonce ce genre
de subvention pour assurer la pénétration du gaz. La question qui
se pose est si, lors de l'expiration de ce délai de trois ans, cela sera
possible. J'imagine que votre réponse à cela sera: On fait tout
notre possible pour qu'à la fin de la période de trois ans on
soit dans une position de rentabilité. (11 h 45)
M. Martin: Oui, mais je pourrais quand même être plus
précis. La subvention du gouvernement fédéral dont vous
parlez consiste à payer une partie du coût du transport - non pas
le coût du gaz, mais le coût du transport du gaz - qui correspond
à une partie réservée dans le pipeline pour acheminer un
certain volume. Pour prendre des chiffres ronds, la compagnie Gaz
Inter-Cité a réservé pour le marché de la Mauricie
de la place pour 10 000 000 000 de pieds cubes 10 BCF, et cette année,
je suppose qu'elle en vend 3... L'entreprise a trois ans pour se rendre
à 10 000 000 000...
M. Fortier: À 10 000 000 000...
M. Martin: ...de pieds cubes, comme vous le disiez. Au bout de
trois ans, si elle n'utilise pas la pleine capacité qu'elle a
réservée dans le pipeline, c'est elle qui paie le total du
coût au transporteur TQM et TCPM. Comme les volumes qui sont
déjà "contractés", comme on dit dans le jargon,
auprès des transporteurs et des fournisseurs sont modestes par rapport
aux objectifs de vente dans trois, quatre et cinq ans, notre prévision
indique que ces volumes seront sans aucun doute tous vendus à
l'expiration de la période dite des taux de développement. Par
conséquent, l'entreprise n'aura pas à subir une perte qui,
aujourd'hui, est compensée par une subvention fédérale.
Tout cela suppose que l'entreprise est assez bien administrée -et elle
l'est - pour faire la promotion de son produit et augmenter ses ventes en
même temps qu'elle n'achète pas trop d'avance, en trop grande
quantité. La politique d'achat de l'entreprise est conservatrice,
prudente. Le même jeu se répète par région. Votre
question met cela en lumière. Ces taux de développement
étant consentis par région, il faut réussir dans chaque
région pour ne subir de pénalité dans aucune
région. On pourrait répéter la question pour Québec
et l'Estrie, mais, en principe, comme la politique d'achat est prudente, je
n'ai aucun doute dans mon esprit qu'on ne fera pas face au problème
dont vous parlez.
M. Fortier: La politique du gouvernement, qui est aussi la
vôtre, c'est que le programme porte sur cinq ans. Vous avez
réalisé le programme de cinq ans qui avait été
établi en collaboration avec le gouvernement...
M. Martin: Oui.
M. Fortier: ...fédéral et il s'agit plus ou moins
d'un engagement ferme dans le moment. Mais vous justifiez votre
rentabilité sur une base de région au fur et à mesure
qu'il y a pénétration du gaz. Eu égard à ce
problème, je pense que vous, les distributeurs de gaz, aviez
souhaité qu'il y ait un arbitrage. Or, l'arbitrage qui permettrait
d'assurer des marchés dans certaines régions au gaz pour assurer
sa rentabilité est en butte à une action très vigoureuse
de la part d'Hydro-Québec. J'ai ici Hydro Presse de la fin de juin qui
dit: "Hydro-Québec met sur pied deux nouveaux programmes de vente
d'électricité." Quand on regarde ces programmes de vente, on
s'aperçoit que cela s'adresse justement à l'entreprise dans
certaines mini-régions. Cela peut être une ou deux entreprises qui
permettent la rentabilité et permettent au distributeur de gaz de
justifier l'investissement qu'il fait. S'il fallait que le distributeur de gaz
mette son tuyau en terre pour s'apercevoir ensuite qu'Hydro-Québec,
grâce à son programme, s'attaque justement à cette
clientèle bien précise, parce qu'on ne parle pas de milliers et
de milliers de clients, on parle de quelques dizaines ou de centaines de
clients, et s'il perdait ces deux clients dans une mini-région, votre
rentabilité est alors très aléatoire. Ne croyez-vous pas,
encore une une fois, qu'il serait préférable qu'il y ait un
arbitrage plutôt que de laisser Hydro-Québec et les deux
distributeurs de gaz tenter de s'emparer d'un marché et risquer que
certains investissements soient non productifs, avec le résultat qu'au
bout de la route, vous aurez à répartir ces coûts sur
l'ensemble des utilisateurs de gaz?
M. Martin: Si je vous répondais qu'il n'y a aucun
problème, j'induirais la commission en erreur. Il y a effectivement -je
le disais tout à l'heure - un marché qui est très
concurrentiel. Dans ce marché concurrentiel, il y a
l'électricité et il y a le gaz. Puisqu'il y a concurrence, cela
veut dire que, dans certains cas ou d'une façon générale,
les mêmes clients peuvent être visés. Puisque les
mêmes clients peuvent être visés par deux fournisseurs et
que l'un des deux seulement aura le client, il y a danger réel pour les
fournisseurs en gaz de perdre des clients.
Quant à la question plus précise que vous me posez, la
première réponse, c'est que, oui, il y a une zone de danger. De
façon plus précise, vous me demandez si on peut éviter ce
danger ou remédier a priori à cette situation d'autorité.
J'aimerais bien qu'on puisse le faire. Notre thèse à nous, c'est
que, lorsqu'on regarde le bilan énergétique du Québec, il
y a de la place et pour l'expansion de l'électricité et pour
celle du gaz; je crois l'avoir dit longuement la dernière fois. Il n'en
demeure pas moins que, dans certains lieux, auprès de certains clients,
des pertes de clients peuvent être pour nous dures à avaler du
point de vue de la rentabilité. Il peut y avoir des sous-régions
qui, faute de clients industriels importants au gaz, ne seront pas desservies.
On peut en donner un exemple qui est un peu artificiel par rapport au
débat avec l'électricité: l'ouest du Lac-Saint-Jean devait
être desservi dans les plans initiaux, mais le manque de clients
industriels avec des volumes suffisants ne justifie pas la desserte de cette
région. Le même phénomène peut se
répéter à plusieurs exemplaires dans plusieurs
régions ou sous-régions du Québec si les clients
industriels ou institutionnels clé passent tous à
l'électricité, il faudra, pour nous, éviter d'investir
pour desservir ces régions.
M. Fortier: C'est donc dire que vous évaluerez la
situation d'une année à l'autre?
M. Martin: Nous faisons une évaluation au mois. Nos
programmes d'investissement suivent nos programmes de vente. C'est la
façon de faire les choses, cependant, ce n'est pas toujours facile. Nos
programmes d'investissement suivent nos programmes de vente. Si les ventes
diminuent ou ne se réalisent pas, l'investissement n'est pas fait. Si
cette situation se répète à trop d'exemplaires,
évidemment, nos objectifs de 18% ou de 16% ne seront pas atteints. Je
profite de la tenue de cette commission pour dire qu'il y a effectivement
danger que, dans certains cas, la concurrence de l'électricité
nous fasse un certain tort auprès de certains clients. Il y a six mois,
on parlait plutôt du mazout avec le même effet. Cela fait partie du
jeu du marché.
M. Fortier: J'ai juste une dernière question. Ensuite, je
laisserai à mes collègues le loisir d'en poser. Au mois de
décembre dernier, vous avez fait faire une étude de
rentabilité sur la possibilité de nationaliser ou d'acheter une
raffinerie. Compte tenu de la situation que vous avez décrite tout
à l'heure, est-ce que ce dossier est toujours actif, avez-vous toujours
cette intention ou étudiez-vous ce dossier activement? Est-ce que vous
croyez que votre conseil d'administration recommandera prochainement l'achat
d'une raffinerie par SOQUIP?
M. Martin: Non. Nous avons fait beaucoup d'analyses et nous
continuons d'en faire périodiquement ou d'une façon continue. Je
pense que les chiffres qui sont déposés ce matin et qui viennent
de faire l'objet d'une révision de notre part dans les dernières
semaines vous montrent que, quand même, nous suivons l'actualité
de près. Nos analyses se poursuivent donc quant à
l'évolution du marché. Quant à la rentabilité d'un
investissement dans ce domaine, que ce soit de notre part ou de la part d'un
investisseur privé X, elle est difficile à établir
d'avance parce qu'on voit que c'est un marché qui est très
serré. C'est un marché où il y a une décroissance.
C'est un marché où certains fournisseurs sont déjà
très bien établis. C'est un marché où les
investissements initiaux, s'ils devaient être faits à partir de
zéro dans une raffinerie, seraient de l'ordre de 500 000 000 $ à
600 000 000 $ et rendraient l'affaire non rentable à partir du premier
jour et pour toujours. Ainsi, si on se fixe un critère de
rentabilité, il n'y a de la place dans ce marché que si des
installations sont disponibles à bon prix et si on croit pouvoir prendre
une part importante du marché rapidement. C'est notre analyse des
principaux facteurs et, à partir de là, on peut jouer avec les
chiffres et faire des hypothèses d'investissement, d'acquisition,
etc.
Je crois que je pourrais dire tout bonnement que nous avons
analysé plusieurs hypothèses et que nous avons ces chiffres, mais
je sais que notre conseil d'administration ne recommandera pas prochainement,
comme vous le disiez, que nous entrions dans ce marché à ce
moment-ci.
M. Fortier: Seulement une question subsidiaire. Lavalin, qui
avait présenté un mémoire ici, avait fait écho
à la possibilité d'utiliser une raffinerie qui était
fermée pour faire le traitement des huiles lourdes. Est-ce que vous avez
fait faire des études de ce côté-là ou est-ce une
possibilité?
M. Martin: Oui. Est-ce qu'on a fait des études
particulières? On a peut-être regardé cette
hypothèse d'une façon incidente. Je crois toujours que cela
pourrait être une possibilité si tant est qu'il y ait besoin d'une
telle usine. Ce que nous avions regardé dans le temps, c'est si l'usine
dont BP avait annoncé la fermeture pourrait être utilisée
à cette fin. Je pense que cela mériterait encore d'être
examiné.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Très rapidement, M. le Président, je
voudrais poser une question à M. Martin. Dans un premier temps, vous
avez, dans les tableaux 5a et 5b, une analyse. En fait, ce sont deux
hypothèses et on voit une différence importante entre les deux,
soit 30%. D'où viendrait une aussi grande différence entre vos
deux hypothèses?
M. Guérin: Les changements d'hypothèses entre les
tableaux 5a et 5b portent principalement sur l'offre du pétrole brut de
l'Ouest. Dans le tableau 5a, vous avez une hypothèse plus optimiste en
ce qui concerne l'offre canadienne de pétrole et, également, la
plus pessimiste concerne l'offre de pétrole de l'Ouest canadien et
l'offre de pétrole de l'Est canadien. Par exemple, si vous regardez
l'Est canadien, à la colonne 5, on parle ici d'Hibernia, où vous
avez une production, en 1990, de 62 900 barils-jour, alors que sur l'autre
tableau, vous avez une production de 182 000 barils-jour. Ces chiffres, qui
nous viennent de l'Office national de l'énergie, dans son dernier
rapport, reflètent différentes perspectives ou visions de
l'avenir en ce qui concerne l'offre de pétrole. Le facteur le plus
important là-dedans est l'évolution du prix du pétrole.
Comme le prix du pétrole évolue beaucoup plus lentement que
prévu, probablement que le scénario où l'offre
pétrolière canadienne augmente ou diminue assez rapidement est
celui qui, à ce moment-ci, est le plus crédible.
M. Lavigne: D'accord. Dans un autre ordre d'idées, dans un
premier temps, quand j'ai analysé le tableau 7, où on fait une
comparaison entre trois endroits au Canada, soit l'Ontario, le Québec et
les Maritimes, j'avais cru comprendre que c'était un exode du
Québec et des Maritimes vers l'Ontario. À bien examiner les
tableaux, on s'aperçoit que ce n'est pas nécessairement un exode
parce que même l'Ontario diminue aussi de 17%. Quelle est la raison qui
fait que, finalement, l'Ontario ne diminue que de 17% et que le Québec,
lui, diminue de 43%? On s'aperçoit évidemment que, globalement,
il y a une moins grande consommation de pétrole. Vous parliez tout
à l'heure d'un parc automobile qui a changé de forme. Les
automobiles sont plus petites. La consommation est moins grande pour le
même kilométrage parcouru. (12 heures)
II y a évidemment la récession économique qui a
peut-être forcé les gens à rester chez eux plus souvent. Ce
sont autant de facteurs qui ont engendré une diminution de la
consommation. Mais quelle est la raison principale qui fait que, en Ontario par
rapport au Québec, entre autres - je ne tiens pas compte des Maritimes
pour le moment -il n'y a que 17% de diminution en Ontario et 43% au
Québec?
M. Martin: La raison principale, M. le député de
Beauharnois, s'explique par les décisions que les entreprises ont prises
elles-mêmes. On voit, par exemple, que Shell a décidé de
garder ouverte sa raffinerie de Montréal - c'est une grande raffinerie
et d'excellente qualité - et de fermer celle de Oakville, dont la
capacité était moindre.
À l'inverse, Esso a décidé de fermer celle de
Montréal et de garder ouverte celle des Maritimes et celle de
l'Ontario.
La meilleure réponse que je puisse donner à votre
question, c'est que ce sont des décisions qui, je suppose, ont
été prises individuellement par chacune des entreprises, en
fonction des facteurs qu'elles connaissent et qui sont probablement
reliées à la rentabilité, mais je pourrais peut-être
vous suggérer de leur poser la question, j'aimerais bien d'ailleurs
pouvoir la leur poser moi-même.
M. Lavigne: On note une différence de prix à
l'achat du produit brut par ces compagnies, que le pétrole brut soit
acheté avant raffinage et transporté au Québec ou en
Ontario: Est-ce que c'est un facteur ou si c'est le même prix?
M. Guérin: Pas vraiment, parce qu'il y a un système
de prix unique au Canada qui s'appelle le régime de prix
pondéré du pétrole...
M. Lavigne: Donc, cela ne pourrait pas être la raison.
M. Guérin: ...mais disons qu'il y a quand même de
petites variations par rapport à ce prix unique pondéré,
quand on regarde les raffineurs qui importent du pétrole étranger
et la compensation qu'ils reçoivent est fonction de l'ensemble des
importations et, selon leur situation respective, par rapport à cette
moyenne générale, ils peuvent, avec la compensation, en arriver
à un coût du pétrole moins élevé que d'autres
raffineurs, mais, en principe, les prix sont réglementés et
égaux pour tout le monde.
M. Lavigne: À partir du moment où le pétrole
est raffiné, est-ce qu'il est moins coûteux de distribuer en
partant de l'Ontario que du Québec? Est-ce que cela peut être un
autre facteur?
M. Martin: Je ne crois pas.
M. Lavigne: D'accord. Dans un autre ordre d'idées, vous
avez dit tout à l'heure, M. Martin, que le fait que le Québec
raffine 43% de moins qu'il raffinait à partir de 1983, cela va
nécessiter non pas des exportations, mais des importations de
pétrole raffiné, et ce d'une façon qui va diminuer jusque
vers 1990, mais il n'en reste pas moins que, les premières années
- on peut parler de 1984, 1985, 1986, etc. - cela va coûter très
cher. Tout à l'heure vous avez donné un chiffre en dollars qui
m'a impressionné; ajoutant que cela allait coûter excessivement
cher.
M. Martin: Oui.
M. Lavigne: Juste pour terminer ma question et partant de ces
montants que le Québec va devoir débourser pour suppléer
à ce qu'il n'aura pas raffiné, n'y aurait-il pas lieu de penser
prendre ces sommes - pour enchaîner avec la question du
député d'Outremont. C'est vrai que c'est sur du court terme et
c'est ce qui m'inquiète un peu avec ma question - et de les injecter
dans une usine de raffinage au Québec pour essayer de sauver les sommes
qu'on va avoir à débourser pour compléter notre besoin en
pétrole raffiné?
M. Martin: C'est probablement la question qui se pose.
Évidemment, l'argent ne vient pas des mêmes poches. M. Jean
Guérin va compléter ma réponse, mais, dans les chiffres
que nous avons utilisés, nous utilisons grosso modo un prix de 50 $ le
baril pour du produit raffiné; alors, le pétrole brut
étant de 29 $ US, on utilise 36 $ Canada pour le pétrole brut et,
une fois raffiné, on utilise 50 $ le baril en chiffres ronds. Alors,
à 40 000 barils par jour, je faisais le calcul tout à l'heure
-pour l'année 1984, cela représente grosso modo 700 000 000 $ de
produits qui vont être achetés par des consommateurs
québécois auprès de fournisseurs de l'Ontario et des
Maritimes. Est-ce qu'on pourrait utiliser le même argent pour l'investir
dans une raffinerie? Le problème, c'est que ce ne serait pas
nécessairement le même investisseur qui investirait. C'est un flux
pécuniaire négatif net pour le Québec, mais qui est
plutôt fluide, si je peux dire. On ne pourrait pas le concentrer pour le
réinvestir. Il n'en demeure pas moins qu'à la lecture du tableau
7, on peut voir que le danger est toujours présent, compte tenu de la
surcapacité qui existe toujours en Ontario et dans les Maritimes et qui,
dans les deux cas, est une surcapacité importante. Le danger existe
toujours que la situation ne s'aggrave à Montréal. Je disais tout
à l'heure que si une autre raffinerie ferme, le déficit ou le
flux négatif ou le montant des importations grandirait de façon
très significative.
M. Jean Guérin veut peut-être compléter.
M. Guérin: Je veux tout simplement signifier que le
chiffre de 700 000 000 $ est fort important. Maintenant, il faut regarder, pour
le genre de transaction que vous avez en tête, la valeur ajoutée,
parce que les
quatre cinquièmes des 700 000 000 $, c'est le coût du brut,
qui serait différent de la localisation de la raffinerie. Alors, pour en
arriver au coût du brut, qui est un peu moins de 40 $ le baril, comme M.
Martin l'a mentionné tout à l'heure, on a utilisé 50 $. Il
faudrait prendre la valeur ajoutée, qui est de 10 $, qui est ce qu'on
fait avec la matière première, comme somme d'argent possiblement
dégagée pour... À ce moment-là, les montants sont
moins importants en relation avec le prix d'achat de ce genre de choses.
M. Lavigne: Là-dessus, en terminant, vous ne tenez pas
compte de... Je ne sais pas ce que cela pourrait représenter en dollars
ou en main-d'oeuvre, mais le fait d'avoir fermé des raffineries ces
derniers mois, à Montréal, combien d'employés cela
représente-t-il - vous n'avez peut-être pas les chiffres - combien
en salaire, combien en retour d'impôt, etc.? Les retombées au
Québec sont assez importantes. J'imagine.
M. Martin: Oui, c'est très important. On n'a pas de
chiffres détaillés là-dessus, mais j'en cite quand
même quelques-uns sur lesquels, tout à l'heure, je suis
peut-être passé rapidement. L'industrie du raffinage et de la
distribution au Québec employait directement 49 000 personnes en 1981,
dont 3000 dans le secteur du raffinage seulement. Nous croyons que les
fermetures de raffineries qu'on a connues dans l'année ont
entraîné une perte immédiate de 1200 emplois. Je pourrais
peut-être indiquer des chiffres de revenu personnel à ce sujet:
à 30 000 $, cela fait 36 000 000 $. De plus, les raffineurs
montréalais, enfin au Québec -il ne faut jamais oublier Ultramar
- au cours des cinq dernières années, ont investi, pour
moderniser leurs installations, 212 000 000 000 $, soit environ 30 000 000 $
par raffineur.
Il y a donc un investissement qui est nécessaire, toujours pour
moderniser, pour garder en bon état les raffineries, pour en
améliorer le rendement. Cet investissement est en partie perdu sauf,
évidemment, pour Shell, Petro-Canada et Ultramar, qui ont
modernisé ou qui modernisent leurs installations.
Du point de vue de l'impôt, je n'oserais risquer aucun chiffre,
mais il y a évidemment des pertes à plusieurs égards pour
l'économie du Québec.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
de...
M. Lavigne: Juste une dernière question, M. le
Président, un peu différente.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Beauharnois.
M. Lavigne: Vous ambitionnez l'introduction du gaz naturel
jusqu'à 18% de l'utilisation énergétique globale au
Québec en quelle année?
M. Martin: En 1990.
M. Lavigne: En 1990 aussi? Est-ce que vous tenez compte de ce
qu'on a annoncé le printemps dernier à Saint-Léonard? Je
pense que cela a été le lieu de départ de la
transformation des moteurs à gazoline en moteurs à consommation
de gaz naturel. Est-ce que vous ambitionnez de promouvoir cela? Quelles sont
vos vues à cet égard? Est-ce que cela peut influencer assez
considérablement vos 18%? Est-ce que c'est inclus dans vos calculs?
M. Martin: Oui, c'est inclus dans le calcul. Dans les 18%, je
dirai qu'il y en a 1%...
M. Lavigne: Pas plus que cela?
M. Martin: ...qui est de ce genre de marché. Je situe le
1% entre les 16% et 18% dont on parlait tout à l'heure. C'est à
peu près l'ordre de grandeur, bien que ce marché soit très
important pour notre entreprise et nous croyons qu'il va se développer
rapidement. Pour l'ensemble du bilan du Québec, cela ne
représente pas tellement; pour une entreprise, cela représente
beaucoup.
M. Lavigne: Est-ce que c'est vous qui allez installer des postes
de ravitaillement ou si c'est l'entreprise privée?
M. Martin: Non. L'entreprise dont nous sommes un des actionnaires
et qui s'appelle GNC Québec Limitée, Gaz naturel comprimé,
a en fait trois actionnaires: Gaz Métropolitain pour 25%, SOQUIP pour
25% et CNG Fuel System, de Calgary, pour 50%. Donc, le Québec et l'Ouest
comptent pour moitié-moitié; enfin, ce sont eux qui ont
développé le produit initialement.
L'entreprise québécoise, à son tour, traite avec
des distributeurs, dont plusieurs sont ici dans la salle, pour installer des
postes à gaz naturel comprimé dans les stations-service. À
ce moment-là, un arrangement entre les deux compagnies intervient, qui
est de l'ordre de location ou de bail-location, cela dépend des cas.
C'est le détaillant ou la compagnie de distribution qui fait la vente du
gaz à son tour. Notre entreprise traite aussi directement avec des
clients qui ont leur propre flotte et qui vont installer dans leur
stationnement leur propre compresseur et leur propre station de livraison par
opposition à la station-service où le taxi va aller faire le
plein de gaz naturel comprimé. Une entreprise qui a une flotte peut
trouver
rentable de faire le plein chez elle pour l'ensemble de sa flotte.
Alors, c'est un autre type de contrat qui intervient à ce
moment-là. Essentiellement, ce sont les deux façons par
lesquelles nous faisons affaires via GNC Québec Limitée. Cela
pourrait intéresser les membres de la commission de savoir
qu'au-delà des automobiles et des camions, nous visons le marché
des autobus et, en particulier, des autobus scolaires. Nous avons fait dans ce
cas-ci des démarches qui se sont révélées positives
- enfin les démarches nécessaires auprès de la
Régie de l'assurance-automobile du Québec et du ministère
des Transports - pour que les règlements de sécurité
soient modifiés de façon à permettre que les autobus
scolaires utilisent le gaz naturel comprimé. Le transport scolaire au
Québec - je ne sais plus si c'est 14 000 000 $ ou 40 000 000 $ par
année, enfin, c'est assez important -c'est très important. Le
coût du transport scolaire pourrait être divisé en deux,
à notre avis, si les autobus scolaires étaient convertis. C'est
un exemple d'une économie substantielle de fonds publics. C'est un autre
genre de marché que nous visons.
M. Lavigne: Est-ce qu'on peut imaginer, à assez court
terme, pouvoir circuler partout au Québec et pouvoir se ravitailler
comme on le fait actuellement avec l'essence? Est-ce loin pour... (12 h 15)
M. Martin: Pour Montréal, je dirais qu'une vingtaine de
postes publics dans des stations seront installés au cours de
l'année. Un premier poste sera installé à
Trois-Rivières à l'automne, un premier à
Québec-Sainte-Foy, aussi à l'automne, et à mesure que le
gaz naturel devient disponible et que le produit devient connu, on croit qu'il
y aura une bonne demande de la part des stations-service pour les installations
de sorte que nous pensons que, d'ici cinq ans, d'une façon
générale, on pourra faire le plein un peu partout où le
gaz naturel sera sans inconvénients pratiques.
Je rappelle que la conversion du véhicule permet de garder le
système antérieur. C'est un système hybride de sorte qu'on
ne peut rester en panne à Saint-Félicien.
M. Lavigne: D'accord, merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Beauharnois.
M. le député de Pontiac d'abord et ce sera ensuite au
député de Chapleau.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je cite un article
de Finance du 4 juillet 1983 intitulé : "M. Pierre Martin, P.-D.G de
SOQUIP aux finances. Pétrobec seulement si on peut faire de l'argent."
On indique dans cet article qu'un rapport devrait être soumis à
l'automne. Est-ce que ce rapport est sur le point d'être soumis ou
à quel moment sera-t-il soumis au gouvernement?
M. Martin: C'est un rapport vivant dans le sens qu'il est
continuel. On ne peut pas dire qu'il y a un rapport qu'on place entre deux
couvertures et qui est déposé. Nous transmettons et nous
continuerons de transmettre à notre actionnaire et plus
précisément au ministère de l'Énergie et des
Ressources des éléments d'information et d'analyse sur
l'évolution de la situation du marché, sur les hypothèses,
s'il y en a, et sur les rentabilités. Je suis obligé de
répondre honnêtement à votre question que le rapport a
été fait et continuera d'être fait parce que c'est une
analyse que nous mettons à jour périodiquement,
M. Middlemiss: Dans le même article, on disait qu'il
faudrait que cela soit fait vite, en dedans de douze mois. Donc, si le rapport
se continue, à quel moment s'arrête-t-on?
M. Martin: Dans l'article, que je n'ai pas en mémoire, je
crois que je disais que l'ensemble du marché des produits
pétroliers est en pleine mutation - on voyait des chiffres tout à
l'heure qui l'indiquent - et que si quelqu'un veut investir dans ce
marché, c'est maintenant le temps de le faire alors que le mouvement qui
se fait actuellement laisse encore de la place. Le sens de ce que j'ai dit et
qui est rapporté par le journal, c'est que, dans douze mois à peu
près, le marché se sera réorganisé et que, par
conséquent, il n'y aura plus de possibilité de s'y
introduire.
C'est vrai que le facteur temps est important, à mon avis, et
que, dans 14 mois, dans 12 mois ou dans 18, la question redeviendra un peu
académique.
M. Middlemiss: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse auprès du
député de Chapleau. J'en avais un avant vous et, après, ce
sera vous.
M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais revenir - c'est dommage que notre
collègue ait été obligé de nous quitter pour
quelques instants - sur la question de la concurrence dans les autres formes
d'énergie et le gaz naturel. Je pense que c'est un secret de
polichinelle que de dire qu'Hydro-Québec a des surplus
considérables, beaucoup plus élevés que ce qui avait
jamais été estimé à Hydro-Québec. Ces
chiffres sont en révision. Je ne sais pas si je vais vous encourager,
mais on est autour de 2200 ou 2500 mégawatts -c'étaient les
derniers chiffres - et ces
chiffres de surplus sont en révision à la hausse. C'est
drôle, mais - je suis conscient qu'il y a un problème
d'équilibre, il y a des zones de danger, bien sûr, un peu comme
pour la circulation, il y a des feux rouges et des feux verts - j'avais
cependant, l'impression que le premier grand concurrent ou l'obstacle majeur
à la pénétration du gaz naturel chez une partie de la
clientèle que vous visez, la grande industrie, c'était le mazout
lourd. J'ai eu l'occasion de parler avec le ministre fédéral de
l'Énergie à ce sujet pour lui demander quand le gouvernement
fédéral allait se brancher et cesser d'émettre des permis
d'importation de même que les subventions qui y sont rattachées.
J'ai les numéros de permis ici. Je vais vous épargner tout cela,
mais il y a BC Forest, par exemple, Lake Utopia Paper, Saint-George,
Nouveau-Brunswick, Papeterie Reed - c'est pas mal proche de nous -Abitibi Price
aussi, CIP à Trois-Rivières, Irving, du côté du
Nouveau-Brunswick. Je prends donc le cas de CIP, par exemple. Le permis
fédéral d'importation IRF-034-83 est pour 250 000 barils lourds.
N'est-ce pas là un obstacle majeur à la pénétration
du gaz naturel? En tout cas - je le dis comme je le pense - je vois une
contradiction à l'intérieur de la politique
énergétique canadienne qui consiste, d'une part, à
encourager la pénétration du gaz naturel et d'autre part à
subventionner les clients potentiels qui continuent de polluer notre
environnement avec du mazout lourd à haute teneur en soufre. Chemin
faisant, dans votre effort de marketing, avez-vous rencontré des
clients, sans les identifier, bien sûr, si cela peut nuire aux
transactions éventuelles, mais le maintien des permis d'importation de
mazout lourd et la subvention, n'est-ce pas là un obstacle
sérieux à l'effort de pénétration du gaz naturel au
Québec?
M. Martin: Oui. Le maintien des permis d'importation de mazout
lourd est un élément négatif, sinon très
négatif, à la pénétration du gaz auprès de
certains clients qui ont un volume de consommation suffisant pour se permettre
d'avoir leur propre réseau d'approvisionnement. Vous en avez
nommé et notre opinion ferme, claire et sans ambages, c'est que les
permis d'importation devraient cesser d'être émis dès que
le gaz naturel devient disponible dans une région. La région de
la Mauricie - à Trois-Rivières en particulier - avec son port,
est un exemple éloquent. On peut parler de La Baie, de la région
du Saguenay avec le port de La Baie, où il se fait aussi de
l'importation de mazout lourd. Ce sont deux beaux exemples.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Chapleau.
M. Duhaime: Seulement une seconde.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre, je
m'excuse.
M. Duhaime: Juste une seconde. On parlait tantôt de la
région de Bécancour. C'est un peu dans mon jardin, c'est une
région que je connais assez bien. Vous avez donc un contrat - je parle
de Gaz Inter-Cité - de signé avec CIL avec SKW et il me semblait
qu'il y en avait une troisième, une entreprise française
qui..
M. Martin: Oui, brique réfractaire Didier.
M. Duhaime: Bon! Ma question est la suivante: Pechiney a
commencé ses investissements dans le parc industriel de Bécancour
et prévoit y investir 1 500 000 000 $ pour produire, comme vous le
savez, des lingots d'aluminium. Si je fais un parallèle avec les
discussions que vous avez entreprises - je parle au niveau de Gaz
Inter-Cité - avec Alcan pour desservir l'aluminerie de La Baie en
particulier et, j'imagine, celle d'Arvida, en passant, est-ce que Pechiney sera
un client éventuel pour le gaz naturel?
M. Martin: Oui, Pechiney est un client éventuel pour le
gaz naturel, mais pas du même ordre que l'Alcan quant au volume et, loin
de là, pour la raison suivante, si je suis bien informé quant aux
intentions de Pechiney: pour produire l'aluminium, il y a grosso modo deux
phases de transformation, la première, c'est la transformation de la
bauxite en alumine, et la deuxième, de l'alumine en aluminium. La
deuxième phase se fait par électrolyse et nécessite de
l'électricité, et la première nécessite de la
chaleur qui, généralement jusqu'à maintenant, est celle du
mazout lourd, dans le cas de l'Alcan. Ce que Gaz Inter-Cité veut
remplacer, pour l'essentiel, dans les besoins en énergie de l'Alcan au
Saguenay, c'est le mazout, qui sert à la première phase de la
transformation. L'ordre de grandeur des volumes en gaz est de 10 000 000 000 de
pieds cubes, 10 BCF. Dans le cas de Pechiney, j'ai compris qu'elle n'allait pas
importer de la bauxite, mais se procurer l'alumine et la transformer en
aluminium, de sorte que la première phase du processus ne serait pas
faite à Bécancour et que le gros volume d'énergie de
mazout ou de gaz n'existe pas comme besoin. Mais Pechiney demeure un client
potentiel important pour Gaz Inter-Cité du côté de
l'ensemble des besoins en chauffage de toute cette immense installation. Cela
va ajouter, si cette entreprise consomme du gaz, à la rentabilité
de la compagnie dans la région en particulier et de façon
substantielle.
M. Duhaime: Une dernière question sur
l'aspect rationalisation du secteur pétrolier. Je voudrais me
référer à votre tableau 7 pour vérifier un chiffre
sous la rubrique, "Capacité de raffinage au Québec, Ultramar
à Saint-Romuald". Vous indiquez, au début de 1982, 103 000
barils. Est-ce que vous parlez à ce moment-là de la
capacité utilisée ou de la capacité maximale de la
raffinerie? Les chiffres qu'on me donne à mon ministère sont de
130 000 barils au lieu de 103 000.
M. Martin: Ah! Écoutez, les chiffres ici sont ce qu'on
appelle "Capacité..." On peut s'être trompé dans les
chiffres, mais les chiffres auxquels on se réfère sont la
capacité nominale de la raffinerie. D'après nous, c'est 103 000
barils. Si on va au tableau...
M. Duhaime: On pourrait le vérifier. Je crois qu'Ultramar
nous a avisés qu'elle venait devant la commission. On pourra le
vérifier avec elle. C'est peut-être une erreur de frappe,
remarquez, mais le chiffre ferme qu'on me donne de mon côté est de
130 000 barils-jour. Alors, si le calcul, dans le tableau de droite, a
été fait sur la base de 103 000 barils-jour plutôt que sur
celle de 130 000 barils-jour, cela va vous faire une différence de 27
000 barils-jour. Nous allons donc en faire la vérification.
Toujours sur la même page, si on la résume - j'ai eu
l'occasion de le dire dans le passé - la rationalisation dans le secteur
pétrolier dans l'Est canadien, dans mes propres mots, cela veut dire que
c'est l'industrie québécoise, l'économie du Québec,
qui en paie le prix. Trois raffineries sont fermées à
Montréal: Esso, Petro-Canada -l'ancienne BP - et Texaco. Si on regarde
vos chiffres où on a une variante - vous aviez mentionné en mars
je crois - entre 20 000 et 40 000 barils-jour, vous ramenez maintenant vers le
bas en élargissant la fourchette - c'est très certainement un
grand signe de prudence - entre 5000 et 40 000 barils-jour, ma question est la
suivante. Faisons une hypothèse: moi, je suis actionnaire de
Petro-Canada, comme vous d'ailleurs comme contribuable, on nous le rappelle
tous les soirs avant l'hymne national que cela nous appartient...
M. Fortier: Jusqu'aux prochaines élections du moins!
M. Duhaime: Jusqu'à quand?
M. Fortier: D'après vous, ce serait jusqu'aux prochaines
élections.
M. Duhaime: Jusqu'aux prochaines élections?
M. Fortier: Oui, il semble que ce sera l'indépendance
après cela.
M. Duhaime: M. le député d'Outremont, j'ai dit que
nous avions l'intention de garder de l'altitude, si vous voulez qu'on
s'implique dans votre course à la chefferie, nous allons le faire. (12 h
30)
M. Fortier: Nous pourrions parler de la Baie-James, si vous le
voulez.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez
toujours la parole.
M. Duhaime: Nous allons consulter votre exécutif de
comté aussi!
Mais je fais une hypothèse: la raffinerie BP appartient à
100% à Petro-Canada. Si le conseil d'administration de Petro Canada
décidait demain matin de moderniser cette raffinerie, de la remettre en
marche et de mettre sur le marché de l'Est du Canada 70 000 ou 71 000
barils-jour, est-ce que le Québec ne redeviendrait pas un exportateur de
produits raffinés, c'est-à-dire la position que nous avons eue en
1982 et toujours dans le passé?
M. Martin: La réponse est oui et, sans aucun doute, le
chiffre de 71 000 barils-jour représente, dans cette raffinerie, deux
trains de production dont l'un est meilleur que l'autre. En tout cas, le
meilleur des deux a une capacité de 45 000 barils-jour, ce qui, par
hasard, représente le déficit de 44 000 barils que nous avons
prévu pour l'an prochain, mais, d'une façon
générale, il faut répondre oui à votre
question.
M. Duhaime: Je n'oserais pas, M. Martin - je vais terminer
là-dessus, je n'ai pas d'autre question à vous poser - vous
demander si cela vous plairait ou non que cette décision-là soit
prise par Petro-Canada, mais soyez assuré que je vais poser la question
aux représentants de chaque raffinerie qui vont venir devant cette
commission pour savoir aussi si, de leur part, il y a eu un scénario
dans l'éventualité où cette décision pourrait
être prise. J'ai l'impression qu'il y aurait, le moins qu'on puisse dire,
bousculade sur le marché dans l'Est canadien. On se pose des questions.
On se demande si cela aurait un effet sur les prix. Je ne sais pas si vous
êtes en mesure de répondre, de donner votre sentiment
là-dessus. Est-ce que ce serait une déclaration de guerre, par
exemple?
M. Martin: Que Petro-Canada...
M. Duhaime: Pour élargir le débat, au cas où
ceux qui nous reliront ici me prêteraient des intentions partisanes en
posant ma question, si l'une ou l'autre des trois raffineries actuellement
fermées était rouverte demain matin - je fais une
hypothèse - qu'est-ce qui arrive sur le
marché de détail? Est-ce qu'il y a encombrement, donc
baisse des prix, ou s'il y a un tassement dans les Maritimes, en Ontario?
M. Martin: Ce n'est pas cela qui créerait une guerre de
prix. Il y aurait un tassement, un rajustement des produits dans le
marché disponibles.
M. Duhaime: Ce qui veut dire que...
M. Martin: En particulier, d'après nous, il y a un
déficit de produits au Québec. Alors, le premier vide
comblé par une raffinerie rouverte à Montréal serait celui
du Québec. Par conséquent, il y aurait un tassement des produits
qui viendront, à partir de janvier 1984, de l'Ontario et des Maritimes.
Il y aurait un refoulement.
M. Duhaime: Cela signifie, à toutes fins utiles, que, dans
l'état actuel du marché, toute augmentation de la capacité
de raffinage au Québec peut se traduire par une diminution
équivalente en Ontario.
M. Martin: Oui.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: C'est dans le même sens que je veux poser ma
question. Les raffineries, particulièrement à Montréal et
l'une d'elles en Ontario également, sont-elles à ce moment
fermées de façon permanente ou s'il y a un exode qui se fait vers
les États-Unis pour le raffinage? Je vois, au tableau 7, qu'il y en a
une qui est fermée en Ontario et trois au Québec. Il n'y en a pas
d'autres qui ouvrent dans l'Est du Canada. À ce moment-là,
qu'est-ce qui arrive à celles qui sont fermées de façon
permanente? Il y a une diminution de 43% de la capacité de raffinage au
Québec. Où le raffinage va-t-il se faire à ce
moment-là? Est-ce qu'il y aura une diminution pour autant des produits
au Québec?
M. Martin: La diminution est indiquée là. Ce qui ne
sera pas produit ici sera produit ailleurs et essentiellement en Ontario et
dans les Maritimes. Pour commenter ce que je sais de la situation ou des
intentions quant à la permanence de la fermeture, je crois que Texaco,
à mon avis, a fermé ses portes pour de bon. Petro-Canada/BP est
au stade où on négocie des contrats pour la démolir; cela
me paraît assez permanent comme fermeture. Quant à Esso, je crois
qu'elle pourra vous le dire elle-même: elle a annoncé qu'elle
faisait une "mise en boule à mites", et je crois que la question de la
qualité de la mise en conserve se pose. Une mise en conserve de
première classe coûte assez cher et une mise en conserve de
moindre qualité coûte moins cher, mais la conserve dure moins
longtemps et un hiver ou deux qui passent sur une raffinerie non
utilisée, cela équivaut à une destruction de fait de sa
capacité de fonctionner. Alors, pour récapituler, à mon
avis, Texaco est fermée pour de bon, BP est sur le point d'être
démolie et Esso a annoncé qu'elle garderait sa raffinerie dans un
état d'hibernation quelconque.
M. Kehoe: Avant la fermeture de ces raffineries, est-ce qu'il y a
eu des pourparlers entre votre société et le gouvernement? Vous
avez mentionné tantôt, à la question du
député de Beauharnois, que la fermeture - qui est
concentrée à Montréal, d'après vos chiffres, de 43%
- est causée par des raisons internes propres à chaque compagnie.
Est-ce qu'il y a des pourparlers ou des raisons données par ces
compagnies aux agences gouvernementales ou si cela s'est fait par un vote?
Avant la fermeture, est-ce une décision unilatérale, sans
consultation? Comment sont prises ces décisions?
M. Martin: Ces décisions sont prises par les entreprises,
sans consultation avec nous, SOQUIP, en aucune façon. Est-ce qu'elles en
ont avisé le gouvernement ou le ministère proprement dit
auparavant? Je ne peux vous répondre. Je le suppose - avant que la
décision soit prise ou avant qu'elle soit annoncée; en
général, il y a une nuance -mais je ne peux pas vous
répondre. Mais, il n'y a pas eu de démarche ou de consultation
entre BP, Texaco ou Esso, avant de prendre la décision de fermer ces
raffineries, et nous de SOQUIP. Il n'y en a eu aucune.
M. Kehoe: À propos de la décision par le
gouvernement d'acheter une raffinerie, quand on voit les fermetures à
Montréal de la part des multinationales qui ont leur marketing et toutes
les manières possibles d'étudier le marché, cette
décision sera-t-elle politique ou économique?
M. Martin: Je vais vous répondre que les décisions
qui ont été prises par quelques compagnies qu'on a citées
au tableau 7 de fermer un endroit ou de rester ouverte à un autre, je
présume que ce sont des décisions économiques et non
politiques. Si une décision de rouvrir une raffinerie au Québec
ou à Montréal devait être prise, elle devrait être
économique et non politique. Je pense que le tableau 7 illustre bien que
le marché des produits pétroliers au Québec est un
marché qui est celui de l'Est du Canada, qui comprend l'Ontario, le
Québec et les Maritimes, chaque entreprise, je le suppose,
prend la meilleure décision économique de garder
plutôt telle raffinerie ouverte ou de fermer l'autre. Je suppose que
c'est sur cette base que cela a été décidé. Si un
investisseur devait réinvestir, ouvrir ou acheter une raffinerie
fermée à Montréal pour la rouvrir, sa décision
devrait être économique. C'est difficile d'évaluer votre
question. Est-ce que ce pourrait être économique, compte tenu de
la concurrence, compte tenu de la taille des autres, de leur expérience?
Je vous répondrai que c'est une question de prix à l'achat. Si
une raffinerie doit être fermée et qu'elle a une valeur de
démolition qu'on pourrait qualifier de nulle, elle coûte
certainement moins cher à acquérir que s'il fallait en construire
une à neuf. À une valeur de démolition et à un
coût de fonctionnement normal, la rentabilité est plus facile
à réaliser que si l'investissement initial est colossal.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Brièvement, M. le Président. En
regardant le tableau de la page 7, moi aussi, évidemment, je suis
chatouillé, agacé, par la comparaison entre la diminution de
capacité des raffineries en Ontario par rapport au Québec. On
voit 43% au Québec et 17% en Ontario. En fait, si mes calculs sont bons,
cela représentait une diminution de 28%. Alors 28% contre 43%
défavorisant le Québec; 28% contre 17% en faveur de l'Ontario.
Si, par exemple, on comparait la situation de BP, à Oakville, en
Ontario, et de BP sous la gouverne de Petro-Canada au Québec, et qu'on
avait décidé plutôt de diminuer la capacité de BP
à Oakville - 80 000 barils par jour et 71 000 au Québec -
l'avantage pour le Québec aurait été d'à peu
près 4% de diminution en moins et de 4% de diminution en plus pour
l'Ontario. Disons que cela aurait rééquilibré les choses;
cela aurait été plus juste. Moi, c'est ce que je cherche, la
justice à l'égard des Québécois. Je me dis: Comment
se fait-il que ce soit BP du Québec, sous la gouverne de Petro-Canada,
qui y a goûté alors que BP, à Oakville, Ontario, n'y a pas
goûté? Vous avez dit tout à l'heure, M. Martin, que BP
avait annoncé la fermeture de BP au Québec avant la mise sous
contrôle par Petro-Canada. Est-ce que vous savez s'il y avait une
obligation pour Petro-Canada d'effectuer cette diminution à propos de BP
au Québec à la suite de la mise en place de Petro-Canada? Est-ce
qu'il y avait une obligation par contrat d'arriver à ce résultat
d'après vous?
M. Martin: Je l'ignore, mais je ne crois pas qu'il y avait une
obligation contractuelle de donner suite... Je ne sais pas.
M. Dussault: À moins qu'on ait une information contraire,
Petro-Canada aurait pu par exemple décider de faire en sorte que BP
continue ses activités à Montréal-Est et qu'on aille
plutôt toucher BP du côté ontarien. Est-ce qu'en pratique
cela signifie...
M. Martin: Oui, mais je l'ignore.
M. Dussault: Vous ne le savez pas. On peut penser qu'on aurait pu
chercher à atteindre ce résultat. Est-ce qu'il se pourrait, par
exemple, qu'avant que Petro-Canada n'existe, le gouvernement canadien ait
négocié avec BP pour faire en sorte qu'advenant qu'il y ait des
difficultés de cet ordre, on ne touche jamais à BP en Ontario
mais, qu'au contraire, on fasse la "job" qu'on a faite d'ailleurs à BP
au Québec sous la gouverne de Petro-Canada?
M. Martin: Si vous me posez la question, je ne crois pas.
M. Dussault: C'est une hypothèse qui ne se tiendrait pas,
d'après vous?
M. Martin: Je ne crois pas.
M. Dussault: Vous n'avez pas ma méfiance.
M. Martin: Non. Vous auriez peut-être raison de poser la
question aux personnes en cause. Je voudrais simplement vous dire que BP avait
décidé de fermer à Montréal avant d'être
achetée par Petro-Canada, comme je l'ai dit tout à l'heure.
J'ajoute, pour ne pas semer de la confusion avec notre tableau 7 que,
Petro-Canada acquérant BP par la suite, avait besoin d'une raffinerie en
Ontario. Cela se trouve, parce qu'on ne voit dans la liste de l'Ontario aucune
raffinerie de Petro-Canada. C'est donc devenu la Raffinerie BP-Oakville. Sans
parler pour Petrocan, mais simplement pour éclairer davantage le
portrait, je crois que Petrocan ne pouvait pas fermer Oakville. À sa
place, j'aurais eu besoin d'une raffinerie en Ontario et je venais d'en
acquérir une, je n'aurais pas fermé celle d'Oakville. Je ne dis
pas que je n'aurais pas ouvert celle de Montréal, mais je veux quand
même éclairer ce côté-là de la question.
M. Dussault: Donc on a été victime, non pas d'une
machination, mais simplement de la mise en place de Petro-Canada.
M. Martin: Enfin! Je pense que le marché s'est
rajusté au détriment du Québec et cela me paraît
très clair. Manifestement il y a aussi beaucoup de joueurs dans ce
marché et je ne pense pas qu'on puisse en isoler un en particulier et
dire que l'ensemble de ce qu'on voit au tableau 7 est
une machination unique. Le résultat, quant à moi, c'est
que le Québec - on le voit - a écopé très
largement. (12 h 45)
M. Dussault: ...ce n'est pas beau pour nous.
M. Martin: On le voit, le Québec a écopé
très largement, mais je rappelle qu'il pourrait écoper encore,
compte tenu des surcapacités qui demeurent disponibles, du fait
que...
M. Dussault: En fait... Oui, excusez-moi.
M. Martin: ...tous les raffineurs montréalais ne gardent
pas leur raffinerie dans le même état de qualité et ne
réinvestissent pas tous dans l'amélioration de leur
raffinerie.
M. Dussault: Une petite question pour terminer, pour satisfaire
ma curiosité. Je suis allé en Ontario récemment. C'est
peut-être le hasard qui a fait cela, mais je n'ai pas vu de stations
Petro-Canada, avec la belle feuille d'érable et tout le tralala.
Existe-t-il, en Ontario, de ces stations-service?
M. Martin: Oui. M. Dussault: Oui?
M. Martin: Oui, les stations BP Ontario sont en train - que je
sache - d'être converties...
M. Dussault: Ah! Elles sont en train d'être converties.
M. Martin: Oui.
M. Dussault: Ce n'est pas complété. On a
été les premiers à avoir le bénéfice de
cette transformation.
Des voix: Ah! Ah!
M. Fortier: ...à soumissionner pour les...
M. Dussault: Je vous remercie, M. Martin, et je m'excuse de vous
avoir mis un peu dans une situation embarrassante, mais c'est dans la nature
des choses pour vous de...
M. Martin: Non, non, j'apprécie le sport.
Le Président (M. Gagnon): Merci. S'il n'y a pas d'autres
questions, je voudrais remercier M. Martin, M. Guérin et M. Fredette -
c'est cela? - ainsi que votre organisme, SOQUIP.
Maintenant, j'inviterais Shell Canada
Ltée. Je demande aux membres de la commission - il est 12 h 48 -
si on commence avec nos prochains invités ou si...
M. Fortier: Si on revient plus tôt?
Le Président (M. Gagnon): ...on revient plus
tôt?
M. Duhaime: On pourrait peut-être faire cela, revenir plus
tôt, à 14 h 45.
M. Fortier: Je suggérerais qu'on revienne à 14 h
30.
M. Duhaime: 14 h 30? C'est parce que j'avais un rendez-vous. Je
rencontre...
Le Président (M. Gagnon): Oui, ce serait peut-être
une possibilité, de faire la présentation et les questions
viendraient à 15 heures.
M. Fortier: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que Shell Canada...
M. Fortier: Demandez-leur donc de venir et on va leur parler.
Le Président (M. Gagnon): M. Pierre Gadbois.
M. Fortier: M. Gadbois, on vous propose de faire la
présentation maintenant et d'avoir les questions plus tard.
Préféreriez-vous que ce soit tout ensemble?
M. Gadbois (Pierre): Je préférerais faire tout
ensemble. Notre présentation va durer environ 25 minutes et,
après cela, on sera libre pour les questions. Je pense que...
M. Fortier: Je suggère qu'on revienne à 14 h 45,
dans ce cas.
Le Président (M. Gagnon): Nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à 14 h 45. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise de la séance à 14 h 56)
Le Président (M. Gagnon): La commission de
l'énergie et des ressources, qui a pour mandat d'étudier les
effets de la politique énergétique sur le développement
économique reprend ses travaux. À la suspension de nos travaux
nous étions à inviter Shell Canada Ltée à prendre
place à la table. Je demanderais à M. Pierre Gadbois de nous
présenter ses invités.
Shell Canada Ltée
M. Gadbois: M. le Président, mon nom est Pierre Gadbois.
Je suis le directeur de la région commerciale de l'Est pour Shell
Canada. Cette région comprend le Québec et les provinces de
l'Atlantique. Je suis accompagné de M. Gaston Lafontaine, à ma
gauche, surintendant de la raffinerie de Montréal-Est, de M. Gilles
Bellefeuille, vice-président de BioShell Inc., et, à ma droite,
de M. Jacques Viau, directeur des affaires publiques et des services
administratifs pour Shell Canada.
Les membres de la commission ont sans doute eu l'occasion de lire le
mémoire que nous avions soumis en mars. Je me contenterai, M. le
Président, d'en faire un bref résumé et de mettre à
jour certaines données qui apparaissent au mémoire.
Shell Canada oeuvre au Québec depuis 1911. Elle emploie
directement quelque 1500 personnes et est reconnue comme chef de file dans le
raffinage et la vente de produits pétroliers. En 1982, la raffinerie
Shell de Montréal-Est a fêté ses 50 ans. Durant ce
demi-siècle, sa capacité et sa complexité ont
augmenté de façon spectaculaire. Alors que, dans les
années soixante, on ne pouvait raffiner qu'environ 65 000 barils par
jour, la capacité des deux unités de distillation est aujourd'hui
d'environ 125 000 barils-jour selon les bruts raffinés.
À l'heure actuelle, parmi les raffineries canadiennes, la
raffinerie de Shell à Montréal-Est est certainement l'une des
plus complexes et où le degré de conversion et de revalorisation
des résidus est le plus élevé. De plus, nous avons une
usine de fabrication de produits chimiques.
En ce qui a trait à la protection de l'environnement, une
attention particulière est apportée à la purification de
nos effluents grâce aux unités d'hydro-épuration et notre
système de traitement des eaux usées.
Regardons maintenant l'approvionnement des bruts. La source
première d'approvisionnement de la raffinerie de Montréal-Est en
pétrole brut, de 1964 à 1971, fut le Venezuela. Plusieurs types
de brut léger furent raffinés durant cette période. La
sélection est, en fait, selon les critères de
disponibilité et d'économie. Le brut
vénézuélien Lagomar est acheté depuis le
début de 1969 afin de manufacturer nos huiles lubrifiantes de base.
Le Moyen-Orient a remplacé le Venezuela comme source
première de brut dit "à usage général" durant les
années 1971 à 1977. Ce changement fut également
dicté par des bruts disponibles et les avantages économiques de
l'époque. Durant la même période, les bruts
vénézuéliens Lagomar ont été utilisés
spécifiquement à des fins de production d'huiles lubrifiantes de
base.
À compter de 1973, le gouvernement fédéral a
imposé des quantités de brut de l'Ouest canadien aux raffineries
de l'Est du Canada. Ce processus s'est accéléré avec
l'achèvement, en 1976, du pipeline interprovincial entre Sarnia et
Montréal. Ainsi, depuis 1977, le Canada est devenu la principale source
d'approvisionnement en brut dit à "usage général". C'est
également à cette époque que le brut synthétique
des usines du Nord de l'Alberta est devenu disponible. Depuis, la
sélection des bruts canadiens est déterminée par le
gouvernement canadien, selon différents facteurs tels que les
débits de bruts requis, les niveaux de soufre et de densité de
ces mêmes bruts.
Le brut mexicain devint disponible au Canada en 1979 et le gouvernement
canadien en imposa alors une importante quantité aux raffineries de
Montréal.
En 1980, les échanges de bruts de l'Ouest canadien en retour de
bruts de l'Est américain ont débuté de façon
à économiser les frais de pompage. C'est à cette
époque que la raffinerie de Montréal-Est a commencé
à recevoir des bruts américains.
De même, au cours des années, des bruts provenant du
Nigeria et de la Mer du Nord ont été achetés sur le
marché libre afin de suppléer aux volumes faisant
déjà l'objet de contrats de façon à contrer les
situations où la demande en brut excède la disponibilité.
Des considérations économiques ont d'ailleurs dicté le
choix de ces bruts étrangers.
La viabilité économique de toute notre entreprise de
raffinage en regard des bruts est grandement influencée par les
politiques gouvernementales ayant trait aux allocations et à la
compensation.
Comme la demande excède l'offre des bruts canadiens, nous sommes
dans l'obligation de combler cette différence sur les marchés
internationaux.
Cette situation est particulièrement grave dans le cas des bruts
destinés à des applications particulières tel que notre
brut pour les huiles lubrifiantes de base.
La rentabilité de notre entreprise de production d'huiles
lubrifiantes est donc très vulnérable à tout changement
des politiques gouvernementales mentionnées plus haut et, en fait,
à l'incertitude du marché international en
général.
Pour ce qui est de la distribution, Shell Canada exploite au
Québec un réseau dont les ramifications couvrent l'ensemble de la
province.
Avec un total de 30 dépôts majeurs, de 70 unités de
livraison, de quelque 90 chauffeurs et opérateurs en plus d'un imposant
réseau de distribution secondaire d'agents, revendeurs, distributeurs et
transporteurs publics, Shell approvisionne une clientèle nombreuse et
variée de
consommateurs automobilistes, résidentiels, commerciaux et
industriels.
L'ensemble des dépôts est approvisionné de notre
raffinerie de Montréal par pipeline, voie maritime, voie ferroviaire ou
transport routier. Les dépôts majeurs sont ceux de La Baie, de
Sept-Îles, Rimouski et Québec.
La baisse des volumes de ventes, combinée avec une hausse
vertigineuse des prix des dernières années, a obligé
à forcer une consolidation de certains points d'approvisionnement comme
ceux de Chicoutimi et de Baie-Comeau.
Shell dessert en outre le Nouveau-Québec par le biais de onze
dépôts dans autant de municipalités pour lesquels nous
avons depuis nombre d'années développé une équipe
experte et avons fait des investissements très importants.
Notre présente capacité d'entreposage, outre la raffinerie
de Montréal-Est, est de quelque 600 000 000 de litres, en plus des
entrepôts pour les produits emballés.
Le personnel affecté à l'ensemble de la distribution,
outre les chauffeurs et le personnel d'exécution, inclut les services
d'ingénierie, de sécurité et de protection de
l'environnement.
Compte tenu des facteurs économiques mentionnés ci-haut,
la distribution est en voie de subir des changements qui viseront à
accroître l'efficacité dans l'utilisation des investissements en
place tout en maintenant la qualité du service à la
clientèle.
Les automobilistes peuvent compter sur un réseau de plus de 850
postes Shell au Québec.
Ceux-ci comprennent les stations-service traditionnelles aussi bien
qu'une gamme complète de libres-services, lave-auto et
dépanneurs.
Plus de 600 de ces postes sont la propriété de
particuliers qui ont choisi de vendre les produits Shell, les autres
étant à part égale administrés pas Shell ou
loués à des détaillants-locataires.
On ne saurait discuter des techniques marchandes et des innovations sans
souligner le leadership de Shell dans ces domaines.
Nous ne voulons ici faire état que de trois exemples. Nous
mentionnerons brièvement les secteurs du gaz naturel comprimé et
de la biénergie pour ensuite regarder plus en détail notre
contribution dans le secteur de la biomasse.
Il y quelques mois, le ministre de l'Énergie et des Ressources et
le ministre des Transports inauguraient à Saint-Laurent le premier
centre d'adaptation de véhicules au gaz naturel comprimé.
Encore plus récemment, Shell Canada ouvrait à
Saint-Léonard, à Montréal, le premier poste d'essence
à offrir ce nouveau carburant. Deux autres postes ouvriront dans les
prochains mois.
Shell est fière de participer à cette nouvelle initiative
et entend bien favoriser l'ultilisation de ce carburant dans les années
à venir.
Nous sommes d'avis que si la part du carburant traditionnel que nous
offrons est amoindrie par un substitut, il y a pour nous un avantage concret
à participer à cette substitution.
C'est d'ailleurs cette attitude qui nous a conduits à
adhérer entièrement au programme de la biénergie
annoncé par Hydro-Québec.
Le chauffage biénergétique repose sur l'utilisation de
l'électricité comme source principale de chaleur et d'une autre
source, en l'occurrence le mazout, comme source d'appoint pour chauffer une
habitation domiciliaire.
Chez Shell, nous avons considéré les diverses
possibilités et les systèmes et appareils qui sont en mesure de
répondre aujourd'hui efficacement aux besoins de notre clientèle
tout en respectant les grands objectifs de la politique
énergétique.
En collaboration avec Hydro-Québec et les manufacturiers de ces
différents systèmes, nous avons conclu que le système le
plus apte à se répandre est celui qui entraîne l'ajout
d'éléments électriques dans la chambre à air chaud
d'une chaudière au mazout. Ce genre d'adaptation est peu onéreux
à l'achat et permet à Hydro-Québec de mieux
contrôler la demande de pointe en hiver puisque le système
fonctionnera au mazout pendant cette période.
Par ailleurs, nous croyons que le rôle d'Énergain demeure
essentiel à tous ceux qui veulent réduire leur facture de
chauffage en leur donnant un portrait global et
désintéressé de leur situation
énergétique.
Le programme de subventions pour l'installation du chauffage
biénergie mis de l'avant par Hydro-Québec, jumelé aux
subventions accordées dans le cadre du programme canadien de
remplacement du pétrole, réduit considérablement
l'investissement du consommateur. De plus, les économies
réalisées par celui qui a recours à la biénergie
lui permettent d'amortir son taux d'installation en moins d'une saison de
chauffage.
En somme, l'objectif principal est de réduire la consommation
d'énergie dans le secteur résidentiel tout en favorisant une
utilisation rationnelle de l'énergie de chez nous.
J'aimerais maintenant, M. le Président, passer au sujet de la
biomasse et, pour ce faire, je demanderais à M. Gilles Bellefeuille,
vice-président de BioShell Inc., de bien vouloir prendre la parole.
Merci.
M. Bellefeuille (Gilles): M. le Président, BioShell est
une filiale à part entière de Shell Canada. Son siège
social est situé à Montréal. Un bureau régional
pour l'Ontario
est situé à Toronto et trois usines fonctionnent
présentement: une à Hearst, une autre à Iroquois Falls, en
Ontario, et une autre à Lac-Mégantic, au Québec. La
société comporte un personnel de 78 employés.
BioShell est engagée dans la récupération de la
biomasse résiduelle des scieries pour la production d'un combustible
solide destiné principalement au marché commercial et industriel.
Le produit vendu sous la marque de commerce Énergex se présente
sous forme de granules cylindriques de 6,4 millimètres de
diamètre sur 19 millimètres de long. Il est appelé
à déplacer l'équivalent énergétique de
pétrole et de gaz naturel. Son attrait par rapport à ces
combustibles est sans contredit les économies appréciables que
l'industrie peut réaliser en l'utilisant pour satisfaire à ses
besoins énergétiques, en tout ou en partie.
Chaque usine a une capacité de production de 100 000 tonnes par
année, soit l'équivalent énergétique de 44 000 000
de litres de mazout lourd ou 51 000 000 de mètres cubes de gaz naturel.
Cette production représente des économies pour les clients
industriels de l'ordre de 1 100 000 $ par année par rapport au mazout et
de 900 000 $ par année par rapport au gaz naturel.
Une usine comme celle de Lac-Mégantic demande des investissements
de 6 300 000 $ dont 75% sont dépensés sur place. À
l'origine de ce projet, nous avions entrevu la possibilité de construire
dix usines; sept au Québec et trois en Ontario. Les six usines à
être construites encore au Québec représenteraient quelque
38 000 000 $ d'investissements en dollars, en 1983, et créeraient 132
emplois directs en plus d'environ 90 emplois dans le secteur du transport.
À l'origine, trois conditions sont exigées pour la mise en
chantier d'une usine. Il faut d'abord un approvisionnement suffisant en
matières premières, à un prix et à une distance
économiquement rentables. En second lieu, il faut un marché de
quelque 100 000 tonnes de produits dans un rayon de 250 kilomètres de
l'emplacement de l'usine. En troisième lieu, il faut un prix de vente
inférieur à celui des autres formes d'énergie, mais tout
de même suffisant pour rentabiliser les investissements. Au début
de notre projet, en 1980, ces trois conditions existaient. À l'heure
actuelle, les deux premières continuent d'exister, mais la
troisième semble s'estomper à cause de quatre raisons
principales.
Premièrement, la situation économique actuelle ne favorise
pas les investissements, tant de notre part pour la construction de nouvelles
usines, que de la part de clients éventuels pour la conversion de leurs
systèmes existants.
Deuxièmement, le prix de vente mondial du pétrole est
incertain. On en a parlé ce matin et on en entendra sûrement
parler dans les prochains jours. Or, nos usines ne peuvent être rentables
que si le prix du pétrole continue à afficher une croissance
annuelle réelle d'au moins 2% en dollars constants. On sait maintenant,
depuis la fin de juin, que le prix intérieur du pétrole et du gaz
naturel est gelé jusqu'à la fin de 1984.
Troisièmement, le coût de conversion à notre produit
est supérieur au coût de conversion au gaz naturel. Notre
politique de prix accorde à tout acheteur éventuel une garantie
d'économie à long terme d'au moins 10% sur sa facture
énergétique par rapport au pétrole ou au gaz naturel. De
plus, pour rentabiliser les investissements nécessaires à la
conversion, nous consentons des réductions de prix additionnelles pour
les deux ou trois premières années d'un nouveau contrat. Sans
intervention extérieure, cette politique serait suffisante pour garantir
un marché à chacune de nos usines tout en nous apportant les
revenus nécessaires pour rentabiliser nos activités, mais tel
n'est pas le cas. Ce qui m'amène à aborder le quatrième
point.
Les politiques des gouvernements et des sociétés
d'État défavorisent notre produit. Nous avons
évalué dans notre mémoire, pour fins de comparaison,
qu'une conversion du mazout lourd au gaz naturel peut coûter 70 000 $. Or
le gouvernement fédéral offre, dans le cadre de son programme
d'aide à la conversion industrielle, une subvention de 50%, ce qui
résulte en un investissement de 35 000 $ de la part du client
éventuel. Cette même conversion à
l'électricité, dans notre exemple du mémoire, peut
coûter 900 000 $. On sait tous qu'Hydro-Québec offre une
subvention de 100% du coût d'achat d'une chaudière
évaluée, dans notre cas, à 500 000 $, en plus de 70% pour
les installations connexes dont le coût est évalué à
400 000 $.
Si on prend ces chiffres, ils représentent un montant de 780 000
$ de subvention et un investissement net de la part du client de 120 000 $.
Prenons maintenant le même client qui déciderait de se
convertir à notre produit. Ses coûts seraient de l'ordre de 460
000 $. Le gouvernement fédéral offre, dans le cadre de son
programme Énergie renouvelable dans l'industrie forestière, une
subvention maximale de 20% qui, en pratique, se situe toujours entre 10% et
15%. Ce dernier chiffre, si on prend 15% pour les fins de notre calcul,
représente une subvention de 70 000 $ et un investissement de la part du
client de 390 000 $.
Même si le prix de notre produit nous permet de garantir une
réduction sur la facture énergétique d'un client
éventuel, l'investissement nécessaire à la base de la part
de ce client fera qu'entre le gaz
naturel qui lui coûtera 35 000 $ d'investissement de sa poche,
l'électricité qui lui en coûtera 120 000 $ et notre produit
qui, lui, en coûtera 390 000 $, il sera tenté d'aller vers l'une
ou l'autre des deux premières sources d'énergie.
Pour contrecarrer l'effet de ces politiques, nous nous voyons donc
forcés de subventionner nous-mêmes les différences de
coûts en réduisant encore plus le prix de vente de notre produit.
Cette réduction supplémentaire risque de compromettre la
rentabilité de tout ce projet à plus ou moins longue
échéance. C'est pourquoi nous recommandons aux gouvernements,
aussi bien du Canada que du Québec, de faire preuve d'une plus grande
constance dans l'établissement de leur politique de subventions afin de
favoriser également toutes les formes d'énergie et de
substitution. Cette recommandation a d'ailleurs été faite au
ministère de l'Énergie, Mines et Ressources à Ottawa.
Nous recommandons aussi au gouvernement du Québec de promouvoir,
par l'entremise de ses divers ministères, l'utilisation de la biomasse
comme source d'énergie en encourageant les services publics et
parapublics à convertir certaines de leurs installations à cette
forme d'énergie dans les régions où des usines existent
déjà.
M. le Président, c'est ce que je voulais dire en
résumé sur l'énergie de la biomasse. Je remets maintenant
la parole à M. Gadbois.
M. Gadbois: M. le Président, je voudrais maintenant parler
du sujet de la demande des produits pétroliers. À la
lumière du document de travail préparé à
l'intention des intervenants à cette commission permanente de
l'énergie et des ressources, nous avons décidé de limiter
notre intervention à un des sous-thèmes, soit la restructuration
du secteur pétrolier. D'ailleurs, la tâche est par elle-même
plus que difficile. En effet, le document de travail suggère que les
différentes stratégies applicables par les raffineurs
québécois devraient pouvoir être analysées et
confrontées.
On comprendra tout de suite que dans une économie de concurrence
et de marché libre, il n'est pas séant légalement ou
autrement de discuter avec ses concurrents de ses plans d'action pour l'avenir
et que ces discussions générales ne doivent pas se traduire en
coalition ou toute autre activité qui pourrait être perçue
comme des pratiques restrictives du commerce. (15 h 15)
Une autre difficulté de base réside dans la perception
qu'on a de l'avenir.
Si l'on peut s'entendre raisonnablement sur les données des
années passées, il est beaucoup plus difficile de percevoir avec
justesse ce que nous réserve l'avenir.
Pour nous, Shell Canada, le plus important raffineur au Québec,
il demeure tout de même essentiel de faire des plans et d'examiner les
possibilités d'investissements, les techniques du marketing et les
autres activités qui peuvent se dessiner à moyen ou à long
terme, soit dans les prochains quinze ans.
Après mûre réflexion, nous avons adopté une
série de prémisses qui seront le guide de notre activité
générale dans les prochaines années.
Comme tout autre plan économique, il est sujet à
révision au fil des années, mais si l'on peut corriger les
erreurs de parcours, il serait tragiquement imprudent de n'avoir aucun plan
d'ensemble et de ne réagir aux événements qu'au fur et
à mesure qu'ils se présentent.
Le scénario que nous envisageons au Canada pour les années
quatre-vingt et quatre-vingt dix en est un de conjoncture économique
difficile. Il se situe dans le contexte d'une faible performance
économique mondiale. Il implique un regain lent de croissance
modérée après 1985.
Nous prévoyons, par exemple, une inflation décroissante
jusqu'à 5% en 1985, mais aussi une augmentation du chômage allant
jusqu'à 14% en 1985 pour ensuite décroître jusqu'à
environ 9% durant les années quatre-vingt dix. En même temps,
dû à une concurrence serrée dans le secteur manufacturier
et au manque de confiance des investisseurs étrangers, nous
prévoyons que le dollar canadien, avant 1985, tombera à 78,5 $
par rapport au dollar américain pour ne remonter que très
graduellement à moins de 0,86,5 $ en l'an 2000. Somme toute, une
situation économique qui continue à être très
difficile jusqu'en 1985 pour ne s'améliorer que très
progressivement et de façon très modérée durant les
quinze prochaines années.
Les produits légers, tels les carburants d'aviation, les essences
d'automobile et les distillats moyens sont les produits qui intéressent
davantage les raffineurs.
En utilisant le scénario qui précède et
l'année 1981 comme année de base, nous avons pu à l'aide
de modèles économiques parvenir aux prédictions qui vont
suivre pour les années 1985, 1990 et l'an 2000.
Si les ventes totales pour tous les raffineurs de produits légers
au Québec étaient de 16 000 000 de mètres cubes en 1981,
elles passeront à 12 000 000 en 1985 et à 10 000 000 de
mètres cubes en l'an 2000, soit une baisse de 26% en 1985 et une baisse
totale de 35% en l'an 2000. C'est la période 1981-1985 qui accuse la
baisse la plus substantielle et donc, celle qui présente le plus grand
défi pour l'industrie du raffinage au Québec.
Nous allons maintenant examiner en détail les catégories
de produits concernés. Tout d'abord, les carburants d'aviation.
Après
une baisse de 16% durant la période de 1981 à 1985, la
demande totale des carburants d'aviation augmentera en l'an 2000 à 100%
dès 1981.
C'est dans la catégorie des essences automobiles qu'on
prévoit une chute vertigineuse de la demande. Nous prévoyons de
1981 à 1985 les baisses annuelles suivantes: de 1981 à 1982, 13%;
de 1982 à 1983, 7%; de 1983 à 1984, 6%; de 1984 à 1985,
6%. Cette chute libre de la demande est due à plusieurs facteurs. Entre
autres, les moteurs V8 disparaîtront et les voitures seront beaucoup plus
légères et compactes. On anticipe que la performance moyenne
d'une automobile passera de 17 milles au gallon en 1981 à 30 milles au
gallon en 1990 et à 39 milles au gallon en l'an 2000.
On prévoit aussi que les carburants de substitution, tels que le
diesel, le gaz naturel comprimé et le propane prendront une place de
plus en plus importante dans l'alimentation des véhicules.
Pour ce qui est des distillats, il faut faire la distinction entre le
carburant diesel et le mazout de chauffage. En effet, selon nos
prédictions, les ventes de carburant diesel au Québec
augmenteront de 58% d'ici l'an 2000. En effet, seul le carburant diesel
pourrait accuser une bonne croissance dans le secteur ferroviaire aussi bien
que dans le transport routier, puisque l'activité du camionnage sera
reliée à une reprise économique.
De plus, la substitution de carburant diesel à l'essence
continuera aussi bien pour l'usage des camions que celui des automobiles. La
demande industrielle pour le carburant diesel accusera aussi des hausses dans
les années 1990 à 2000 où l'on prévoit le meilleur
potentiel de regain.
Si les ventes de carburant diesel accusent une bonne croissance durant
la période en revue, il faut admettre que le cas du mazout domestique
c'est vraiment l'énergie qui s'en va. En effet, les ventes de mazout
domestique chuteront de 70% d'ici l'an 2000. Le mazout domestique avait connu
son apogée au Québec en 1973, les ventes ayant été
de 6 600 000 de mètres cubes soit 50% de plus qu'en 1981.
Le mazout domestique cédera donc sa place
prépondérante au gaz et à l'électricité.
Au total, les distillats moyens qui, en plus du carburant diesel et du
mazout domestique, incluent le kérosène et l'huile
légère, accuseront donc une baisse totale de 23% pendant la
période qui nous concerne.
Je traiterai maintenant du projet du mazout lourd et du projet CARMONT.
Le document de travail à l'intention des intervenants soulève la
situation du mazout lourd au Québec et l'implantation, à
Montréal, du projet CARMONT.
Le document suggère que, pour le gouvernement du Québec,
cette implantation constitue encore l'un des moyens les plus sûrs
d'adapter à long terme l'industrie du raffinage au nouveau contexte.
Or, nous nous proposons de démontrer que, non seulement le mazout
lourd ne représentera pas de problème sérieux dans les
prochaines années, mais encore, qu'au lieu d'un surplus, on ferait face
au Québec, et dès 1985, à un manque dans
l'approvisionnement de ce produit.
On se rappellera qu'au mois de mai 1982, Shell Canada avait
décidé de se retirer du projet CARMONT, qui visait à
valoriser 41 000 barils par jour de mazout lourd au coût total
d'implantation de 1 500 000 000 $.
Les autres partenaires du secteur privé se sont retirés
depuis et plusieurs événements tendent à confirmer la
prudence de cette décision.
La production et la disponibilité de mazout lourd dans le
Québec et l'Ontario seront affectées par les
événements suivants:
Tout d'abord au Québec: la valorisation de l'équipement de
raffinage chez Ultramar avec la réduction des arrivages de brut;
ensuite, la fermeture de Texaco à Montréal, en février
1983; la fermeture de BP, également à Montréal, en mai
1983; l'annonce de la fermeture d'Esso, à Montréal, pour la fin
de 1983. Il y a aussi la valorisation de l'équipement de raffinage chez
Petro-Canada et la révision à la baisse des arrivages de bruts
chez Gulf à Montréal.
En Ontario, il y a la fermeture de la raffinerie Shell à Oakville
et la révision à la baisse des arrivages chez Gulf, à
Clarkson.
Au Québec, en utilisant un scénario économique que
nous avons déjà décrit, nous établissons la demande
d'huile lourde au niveau suivant:
En 1981, elle était de 89 000 barils par jour et, en 1986, elle
devrait passer à 48 000 barils par jour, tandis que la production de
mazout lourd se chiffre, en 1981, à 94 000 barils par jour, alors que
les prévisions pour 1986 sont de 39 000 barils par jour.
Cette chute de production de mazout de plus de 58% dans les raffineries
du Québec, durant la période 1980-1986, indique bien que le
problème de surproduction s'est réglé tout seul les forces
naturelles du marché et par les investissements de l'industrie
privée.
On prévoit donc un déficit de 9000 barils par jour en
1986, précisément l'année où devait être mise
en service l'usine de CARMONT. On aurait donc construit une usine au coût
de 1 500 000 000 $ pour se retrouver en face d'un manque d'approvisionnement
pour cette usine.
En effet, selon nos études, de la demande totale de 48 000 barils
en 1985, environ 30 000 barils sont nécessaires pour la production
d'asphalte, les carburants
marins et pour approvisionner les industries qui, selon nous,
demeureront en dehors des régions accessibles à ce
moment-là par le gaz naturel.
La proposition nous semblait valable en 1980 où l'on pouvait
s'attendre à une économie encore plus forte et à un cartel
de l'OPEP qui forcerait les importateurs à accepter des bruts de plus en
plus lourds. Or l'économie s'est effondrée et les querelles au
sein de l'OPEP ont fait en sorte que les bruts légers deviennent
disponibles à des prix très avantageux.
Certes, il ne faudrait pas compter sur la permanence de ces facteurs,
mais il serait encore moins justifiable, aujourd'hui, d'investir des sommes
énormes dans une usine centrale de valorisation puisqu'en plus de son
coût prohibitif son alimentation ne pourrait être
assurée.
La restructuration du secteur pétrolier à laquelle fait
référence le document de travail implique foncièrement le
secteur raffinage.
Étant donné que la demande de produits pétroliers
n'augmentera pas de nouveau dans les quinze prochaines années, il nous
faut, en conséquence, ajuster l'offre pour nous adapter aux nouvelles
conditions de la demande.
L'offre peut être diminuée soit en amenuisant les
quantités de brut traité aux raffineries existantes ou, plus
radicalement, en réduisant le nombre de raffineries.
Or, l'on sait que la réduction des arrivages de brut à une
raffinerie ne règle généralement pas les problèmes
de rendement, puisque les frais fixes demeurent au même niveau et que le
coût unitaire du produit raffiné devient alors prohibitif.
Cependant, dans certains cas, en faisant des investissements
substantiels, il est possible de changer la configuration d'une raffinerie et
d'obtenir, par ce fait, un rendement plus intéressant pour une
quantité moindre de brut traité.
L'industrie du raffinage au Québec et en Ontario est maintenant
en train de vivre cette expérience d'adaptation par deux moyens: la
fermeture d'unités de raffinage et l'amélioration de
l'équipement existant.
Déjà cette année, au Québec, on verra la
fermeture de trois raffineries, tandis que des améliorations
d'importance sont présentement faites à d'autres. La
résultante sera une amélioration distincte de la
rentabilité de raffinage au Québec, au moins pour les trois
prochaines années, alors que le facteur d'utilisation de la
capacité totale de produits légers sera d'environ 80%.
Par le truchement d'ententes de façonnage avec les autres
raffineurs du Québec, nous serons encore en mesure de satisfaire
à la demande totale du Québec.
Pour ce qui est de Shell Canada une entente de façonnage conclue
avec BP, maintenant Petro-Canada, assure une meilleure utilisation de notre
raffinerie de Montréal-Est.
Les implications au niveau de la revente de l'essence sont aussi
très claires: qui dit réduction de la demande dit
réduction du nombre de raffineries et réduction du nombre de
postes d'essence.
Au Québec, le réseau Shell Canada - on l'a dit plus haut -
compte environ 850 postes d'essence. De ces postes, 600 sont la
propriété de particuliers et il leur reviendra à eux de
décider eux-mêmes quel rôle ils joueront dans les
années à venir.
Pour ce qui est des autres 250 postes dont la propriété ou
le contrôle revient à la compagnie, nous avons entrepris depuis
quelques années une épuration du réseau.
Nous sommes d'avis qu'il faudra, d'ici 1986, réduire de 25% le
nombre de postes d'essence au Québec. Cette épuration devra
toucher les secteurs urbains aussi bien que ruraux, les stations-service
traditionnelles comme les libres-services.
En guise de conclusion, M. le Président, j'aimerais aborder le
sujet suivant: Le gouvernement du Québec et l'industrie
pétrolière.
Les médias d'information ont commenté les fermetures de
raffineries au Québec et certains groupes ont suggéré que
l'État devrait se porter acquéreur d'une raffinerie qui avait
fermé ses portes.
La capacité de raffinage fermée était
excédentaire aux besoins du Québec, il ne saurait donc être
question de faire renaître des surplus de production qui auraient pour
effet de précipiter d'autres fermetures.
Par ailleurs, le Québec est la seule province au Canada à
imposer une taxe spéciale aux raffineurs de pétrole. Cette taxe
est, selon nous, discriminatoire et punitive envers l'industrie
pétrolière. Elle est un fardeau très important pour les
raffineurs puisque, par exemple, Shell Canada à elle seule a dû
payer au ministre des Finances du Québec, en regard de cette taxe, les
montants suivants: en 1980, 5 600 000 $; en 1981, 9 000 000 $ et en 1982, 8 600
000 $.
Dans un autre domaine, les citoyens de l'Alberta ne paient aucune taxe
provinciale sur l'essence, ceux du Québec paient aujourd'hui 0,15,8 $ le
litre sur l'essence ordinaire, tandis que nos concitoyens de l'Ontario ne
versent que 0,7,6 $ le litre.
La mise en marché de l'essence vendue au Québec est donc
influencée négativement par le haut taux de taxation sur les
essences automobiles.
M. le Président, Shell Canada entend faire face au défi de
la restructuration du secteur pétrolier. Elle entend y participer
pleinement et prendre sa place d'importance.
La raffinerie Shell de Montréal-Est a maintenant commencé
le façonnage du brut pour le compte de BP, maintenant Petro-
Canada, et de cette façon on a assuré, pour l'avenir
prévisible, la rentabilité de notre raffinerie située au
Québec et la stabilité des emplois qu'elle représente.
Le réseau des ventes au détail devra s'adapter à la
demande diminuée, mais nous continuerons d'être à la fine
pointe des techniques marchandes et des innovations dans le secteur
marketing.
Nous entendons aussi continuer le dialogue avec le gouvernement du
Québec et nous sommes heureux que cette commission parlementaire nous
ait donné l'occasion de faire le point sur des sujets importants.
Nous entendons bien aussi contribuer à part entière
à la vie économique et communautaire du Québec et ainsi
remplir la tâche qui est attendue de nous par nos différents
publics, qu'ils soient employés, actionnaires, consommateurs ou
gouvernements.
Cela termine notre exposé, M. le Président. Maintenant, il
nous fera plaisir de répondre aux questions que les membres de la
commission pourraient avoir sur les sujets que nous avons exposés ou
tout autre qui relève du mandat de la commission.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Gadbois. M. le
ministre. (15 h 30)
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Gadbois. J'ai les notes
synthèses, mais j'ai aussi votre mémoire. Je voudrais vous
reporter à la page 21 sous la rubrique, Les produits légers, tels
les carburants d'aviation, où vous traitez des essences automobiles et
des prévisions de marché. Bien sûr, sur un horizon quand
même éloigné de 1990, concernant le mazout domestique et le
mazout lourd, nos prévisions se rejoignent plus ou moins sur ces deux
plans, mais on a un écart de près de 40% dans les chiffres pour
1985 - je parle des chiffres du ministère et les vôtres - pour ce
qui est de l'essence moteur. Par exemple, pour 1985, vous parlez de 5836 par
1000 mètres cubes par année. Nos chiffres sont de 7564, donc une
différence de 39,6%. Sur l'horizon de 1990, vous êtes à 4
891 000 mètres cubes et nous sommes à 6 680 000 mètres
cubes. Si on met cela en barils, on a une différence d'environ 10 000
000 de barils, pour ce qui est de l'essence moteur. Je trouve que
l'écart est considérable. J'espère que vous aurez raison
sur le scénario d'inflation que vous avez indiqué et qu'on sera
à 5% et moins pour la période. J'espère également
que vous aurez tort sur le plan du chômage; s'il devait se maintenir
à 14%, ce serait terrible. Pour ce qui est du dollar, je
préfère ne pas prendre de risque, surtout sur l'horizon de l'an
2000.
Mais je voudrais savoir sur quels paramètres vous basez vos
projections pour ce qui est du marché de l'essence moteur sur l'horizon
1985-1990 et sur quel scénario de croissance économique vous
êtes, etc.
M. Gadbois: M. le ministre, le modèle économique
dont on se sert est basé sur certaines prémisses que j'ai
énoncées: l'inflation, la valeur du dollar, le chômage ou
le taux d'emploi, ainsi que le "gross national product", le produit national
brut, tel que prévu par notre organisation. Ce que je peux ressentir
ici, c'est qu'on est peut-être plus pessimiste, à cet
égard, que d'autres. Mais une fois que le modèle, que les
prémisses sont établies au point de vue économique et
qu'elles le sont également pour le genre de parc automobile qui va
exister pour les prochaines années, par exemple, la grosseur des moteurs
qui vont être utilisés... À notre avis, on ne voit aucun
modèle V-8 après 1985. La majorité des automobiles sera
des 4 cylindres et des 6 cylindres. Tout cela a un impact sur la consommation.
Le millage effectué par automobile à cause de l'économie a
aussi tendance à diminuer. Quand on met tous ces facteurs ensemble, on
obtient la projection qu'on a faite. Je peux vous dire que cette projection
existe chez nous depuis trois ans et, jusqu'à présent, on s'est
trompé. Comme toute personne qui fait des prévisions se trompe,
on s'est trompé, mais, malheureusement, on s'est trompé dans la
mauvaise direction. On a parlé de chute de l'essence de 13% de 1981
à 1982. Notre prévision était de 8,9%. Le chiffre actuel
est 13%. De 1982 à 1983, on avait fait une prévision de 7,4% et
le chiffre s'est soldé à 7%. On n'était pas si mal. De
1983 à 1984, on prévoit 6% et, dans le moment. Quand on regarde
les statistiques, on s'en va plutôt vers 8%. Autrement dit, même si
nos prévisions ont l'air très pessimistes, les trois
dernières années ont été plus mauvaises que ce
qu'on avait prévu.
M. Duhaime: Je ne sais pas si vous avez eu le temps de faire ces
calculs en fonction de ces prévisions de marché pour ce qui est
de l'essence moteur en particulier et des capacités installées de
raffinage au Québec pour arriver à ces évaluations, mais,
selon vous, sur l'horizon 1985-1990, dans le domaine de la prévision,
pour autant qu'on reste dans le futur, on peut s'étirer... Vous avez
entendu, ce matin, le groupe SOQUIP qui a commenté son mémoire.
D'après son scénario, il prévoit que Québec
pourrait... C'est actuellement, en 1983, un importateur de produits
raffinés, donc cela inclut l'essence moteur et on parle d'un
créneau qui pourrait varier - je comprends que la fourchette est
très large - entre 5000 et 40 000 barils-jour. Suivant vos
scénarios, est-ce que la capacité de raffinage actuellement
installée au Québec, dans l'hypothèse où trois
raffineries sont fermées et que les autres resteraient en
activité, est-ce que ces
capacités installées sont suffisantes pour satisfaire
à vos propres prévisions? Je ne parle pas simplement de
prévisions de vente de Shell au Québec, mais pour l'ensemble du
secteur.
M. Gadbois: M. le ministre, j'ai dit dans mon petit exposé
que les raffineries qui seraient fermées en 1983 étaient
excédentaires à la demande au Québec. Autrement dit, elles
n'étaient pas nécessaires pour satisfaire à la demande au
Québec. J'ai entendu le témoignage de M. Martin ce matin. Si je
prends l'année 1983 comme départ, je ne suis pas
complètement d'accord avec ses statistiques pour la simple raison que
les chiffres mentionnés ce matin parlaient de capacité de
raffinage de brut. Je pense que ce qui est important ici, c'est de parler de la
demande de produits légers et non pas la demande totale de produits qui
inclut le mazout lourd. À ce moment-là, si on prend les chiffres
qu'on a mis sur la table pour 1983 qui étaient de 16 400 000
mètres cubes en 1983 et qu'on convertit cela en milliers de barils par
jour de produits légers, on parle d'environ 270 000 barils par jour de
produits légers qui vont être consommés au Québec en
1983. Maintenant, dans toutes les raffineries, veux, veux pas, il y a une
quantité de produits lourds, de mazout lourd, qui est produite en
même temps qu'on fabrique les produits légers. Il y a aussi une
certaine perte à l'intérieur des raffineries. Selon les
raffineries, ce chiffre peut se situer dans l'ordre de 20% qui est le mazout
lourd, plus les pertes à l'intérieur de la raffinerie. Si on
prend 20% de 270 000 barils par jour de produits légers, on aboutit avec
quelque chose dans l'ordre de 325 000 barils par jour de brut qui devra
être raffiné pour produire les 270 000 de produits légers
et la capacité installée restante, après les trois
fermetures, est supérieure à 330 000 barils par jour. Donc,
à notre avis, en 1983, il n'y a pas de besoin d'importation. Et, quand
on regarde les demandes qu'on a mises sur la table pour 1985, 1990, ou pour
l'an 2000, on part de 16 000 000 de mètres cubes aujourd'hui et on tombe
à 10 000 000 de mètres cubes; c'est évident qu'il y a
encore de la capacité excédentaire.
M. Duhaime: Je n'ai pas en tête les scénarios de vos
concurrents...
M. Gadbois: Pardon?
M. Duhaime: Je n'ai pas en tête les scénarios de vos
concurrents, tant à la raffinerie qu'à la pompe à essence,
mais est-ce que votre scénario est parmi... Est-ce qu'il est le plus
pessimiste ou disons le plus prudent, si vous aimez mieux que je vous pose la
question de cette façon-là?
M. Gadbois: C'est notre scénario moyen. Autrement dit,
dans toute prévision pour l'avenir, on essaie de faire le cas le plus
pessimiste, le cas le plus optimiste et finalement, on aboutit à quelque
chose qui est peut-être la moyenne entre les deux scénarios
extrêmes. Dans notre cas, c'est un scénario qui est tout de
même pessimiste. On l'appelle en anglais, à Toronto, le "hard time
scenario". Autrement dit, ce sont les temps difficiles; ce ne sont pas les
temps faciles. Par contre, ce n'est pas un scénario de désastre.
Le scénario de désastre montre des conséquences absolument
incroyables où même la liquidité des compagnies
disparaît presque instantanément. C'est un scénario
conservateur, mais que je crois assez réaliste.
M. Duhaime: Sur un autre sujet, M. Gadbois, je comprends que,
comme entreprise... Nous avons bien sûr de notre côté
accueilli la nouvelle avec un certain chagrin lorsque Shell s'est
retirée du projet CARMONT. Ce que je retiens aujourd'hui de vos propos,
c'est que, à trois ans d'intervalle, votre groupe faisant une
réévaluation des scénarios quant aux huiles lourdes sur le
marché, il n'est plus justifié aujourd'hui d'aller de l'avant
avec l'usine de valorisation. Pour les raisons que vous avez données,
certaines raffineries comme Ultramar valorisent - vous avez mentionné
Petro-Can également je crois...
M. Gadbois: Oui. C'est ce matin que cela a été
mentionné, Petro-Can.
M. Duhaime: Oui. Votre groupe le fait aussi, n'est-ce pas? Est-ce
que votre groupe fait de la valorisation actuellement?
M. Gadbois: On fait un genre de valorisation. On a la raffinerie
la plus sophistiquée à Montréal, la plus complexe. Et je
demanderais à M. Gaston Lafontaine de bien vouloir vous expliquer ce qui
a été fait à Montréal-Est pour...
M. Lafontaine (Gaston): Chez nous, on a un craqueur catalytique
qui a été installé au tout début dans les
années 1930. En 1950, on a installé le craqueur catalytique qui
fonctionne depuis ce temps-là. En 1968, on a installé un
hydrocraqueur. On a les trois types d'unités de conversion les plus
connus qui nous permettent de convertir des fractions lourdes en fractions plus
légères, soit des distillats ou des gazolines. On a les trois
chez nous depuis un bon bout de temps.
M. Duhaime: C'est donc dire que l'investissement de 1 500 000 000
$, qui nous avait été annoncé un certain printemps 1980
par les autorités les plus autorisées du
gouvernement fédéral, suivant votre évaluation en
1983, ne se réalisera jamais.
M. Gadbois: C'est notre opinion.
M. Duhaime: Je voudrais d'abord vous dire que je suis très
intéressé par le travail que vous faites dans l'utilisation de la
matière ligneuse et de la biomasse. Je sais que la conjoncture
économique est difficile pour tout le monde. Vous êtes
installés actuellement à Lac-Mégantic. J'ai cru comprendre
de vos propos, M. Gadbois, qu'il n'y avait rien dans votre machine, en termes
d'investissement dans l'immédiat, pour l'implantation d'autres
installations de la même nature. Toutefois, sur l'horizon 1990, est-ce
qu'il y a un scénario d'investissement dans ce secteur-là?
M. Gadbois: Je vais demander à M. Bellefeuille de vous
répondre.
M. Bellefeuille: Vous avez raison à prime abord. Pour les
deux prochaines années, il serait très difficile de justifier une
nouvelle usine en fonction, du fait que le prix de vente du produit fini sera,
de nécessité, stable, parce qu'on ne prévoit pas
d'augmentation à l'échelle industrielle dans le prix du gaz
naturel, étant donné que ce prix a été gelé
à toutes fins utiles. Donc, d'un côté, nos revenus sont
stables et, de l'autre, nos dépenses continueront à augmenter. Je
pense qu'il est probable que les employés s'attendent à des
augmentations de salaire. Il est probable que les frais d'entretien, et de
transport surtout, nous coûtent plus cher.
On ne peut pas justifier une nouvelle usine pour la période
1984-1985. Il semblerait, d'après le scénario actuel, qu'on
pourrait construire une usine en 1986, c'est-à-dire qu'on pourrait la
justifier et qu'on pourrait obtenir, au moins en justification
économique, un rendement qui rejoindrait nos critères
d'investissement. La construction de cette usine pourrait débuter en
1986 et entrer en fonction en 1987.
M. Duhaime: Je vous remercie. Si vous avez besoin de suggestions
quant à la localisation de pareille installation, je suis à votre
disposition pour faire des suggestions. Je suis convaincu que chacun de mes
collègues aussi...
M. Fortier: ...
M. Duhaime: ...le comté d'Outremont étant exclu
bien sûr.
M. Fortier: À Outremont, on n'a pas de place pour cela. Il
n'y a de la place qu'à Shawinigan.
M. Middlemiss: À Pontiac.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Duhaime: Juste une question. Le Président (M.
Gagnon): Oui?
M. Duhaime: Je pourrai la reprendre tantôt.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, on pourrait peut-être
continuer dans Bio Shell, la biomasse. À l'origine, vous aviez, comme
vous le dites dans votre texte, la possibilité de construire plusieurs
usines. J'avais entendu dire qu'il y avait eu des délais dans la
réalisation de certains de ces projets. Si je comprends bien, ce que
vous nous dites, sur le plan économique, vous rentabilisez les usines
qui sont construites maintenant et vous les maintenez ouvertes. Si vous en
aviez construit plus, vous les auriez maintenues ouvertes. Il semblerait
qu'à l'origine votre plan était d'en construire plus au
Québec qu'en Ontario et, dans le moment, c'est à peu près
50-50. Est-ce qu'il y a eu des motifs qui ont fait que votre plan original n'a
pas été respecté? Est-ce qu'il y a eu des contraintes,
soit environnementales ou du zonage agricole qui ont fait que vous avez eu plus
de difficultés à réaliser certaines usines au début
que vous ne l'aviez planifié?
M. Bellefeuille: On vient de faire un commentaire sur la loi 101.
La langue de travail à Montréal, c'est le français.
M. Fortier: Je n'ai pas posé de question sur la loi 101
parce que c'est dans des comtés où tout le monde parle
français à 100%.
M. Bellefeuille: Écoutez! je faisais une allusion
à... La réponse à votre question est la suivante et je
m'excuse d'en avoir dévié. Il y a effectivement eu un
problème de zonage au niveau de l'usine de Lac-Mégantic. On
devait commencer à construire cette usine en septembre ou octobre 1981.
Le début de la construction a dû être retardé, parce
que le terrain sur lequel on avait pris une option d'achat n'a pas pu
être zone pour des fins industrielles et commerciales. On a dû,
à ce moment-là, acheter un autre terrain. (15 h 45)
Tout cela a été réglé en février et
en février, on ne peut pas commencer à construire une usine. Ce
n'est pas possible quand il y a des excavations à faire. Donc, la
construction de l'usine de Lac-Mégantic a été
retardée de six mois à cause des
problèmes de zonage, oui, mais c'est un cas spécifique. Si
le projet n'est pas rendu aussi loin qu'il devrait l'être, c'est surtout
à cause de la conjoncture économique, d'un côté, non
seulement de notre part à nous... C'est-à-dire l'effet de la
conjoncture économique non seulement sur nos investissements à
nous, mais l'effet aussi de la conjoncture économique sur les
investissements de la part de clients éventuels qui ont tout de
même à débourser des sommes de 500 000 $, 750 000 $ ou 1
000 000 $ pour des grosses conversions industrielles pour notre produit. C'est
sûr qu'à long terme, ils ont un "pay back" qui est de deux ou
trois ans. Notre plus gros client dans le moment économise 1 400 000 $
par année en achetant notre produit vis-à-vis du gaz naturel. Il
a dû, pour économiser ces 1 400 000 $, investir 1 800 000 $
à l'origine, mais cela fait déjà trois ans de cela et
c'est payé. Les retards sont dus à une mauvaise situation
économique.
M. Fortier: Ma préoccupation, d'ailleurs, se rapprochait
de celle du ministre des Finances qui a fait des reproches dernièrement
à certaines personnes dans la fonction publique qui peuvent créer
des délais lorsque des gens veulent faire des investissements. Cela m'a
semblé que si le ministre des Finances a cru bon de faire cette
remarque, j'ai cru bon de le souligner, si c'est un cas. Je pense bien que tous
ici dans la salle, on voudrait que lorsqu'une industrie comme la vôtre
désire investir - et à condition, bien sûr, que les
règlements soient respectés et tout cela - il n'y ait pas de
contraintes qui soient plus considérables au Québec qu'en
Ontario. C'était dans ce sens que je posais ma question, mais si vous me
dites que c'est un cas spécifique et que cela s'est réglé,
j'oserais espérer qu'à l'avenir, les contraintes de ce genre
soient à peu près les mêmes. Puis-je réitérer
ma question sans vouloir en faire un drame? Je ne veux pas en faire de la
petite politique, mais si c'est un facteur - je pense bien qu'on parle ici de
relance économique, c'est le but de notre commission parlementaire -si
de fait des investissements dans le domaine énergétique peuvent
être retardés de six mois ou même plus dans certains cas
pour des questions de zonage et autres qui sont réglées
éventuellement, mais qui pourraient être réglées
plus rapidement... Est-ce un facteur?
M. Bellefeuille: Cela a été un facteur de six
mois.
M. Fortier: Si cela a été un facteur, est-ce que
cela a été un facteur qui était plus contraignant au
Québec qu'en Ontario?
M. Bellefeuille: Cela a été un facteur de six mois.
Je ne veux pas en faire un drame, moi non plus. Le départ de notre usine
a été retardé de six mois pour des raisons qui
étaient sûrement valables, mais qui nous ont été mal
expliquées au départ. Je ne pense pas qu'il soit
nécessaire de revenir en arrière et d'en faire un drame.
J'aimerais dire, par contre, qu'on a bon espoir que la deuxième fois, on
va être connu. La même chose est arrivée un peu en Ontario.
On a deux usines en Ontario. Quand on est allé voir les gens du
ministère de l'Énergie en Ontario la première fois, on
était des inconnus. La deuxième fois, ils nous connaissaient
très bien et peut-être que la même chose pourrait se
produire cette fois-là. J'ai des relations avec les gens de
l'Énergie renouvelable.
Des voix: Ah! Ah!
M. Fortier: Je suis sûr que si c'est à Shawinigan,
cela ira très vite.
M. Bellefeuille: Quand j'aurai 6 000 000 $ à
dépenser, j'irai vous voir.
M. Fortier: J'aimerais savoir quel genre de clientèle
achète votre produit. Est-ce que ce sont des gens de l'industrie des
pâtes et papiers, du bois de sciage ou... Quels sont vos clients?
M. Bellefeuille: Les clients sont surtout des gens de l'industrie
des pâtes et papiers, la raison étant que pour les mêmes
raisons que nous, ils sont allés se localiser près des
régions forestières. Ils ont la même matière
première que nous. On utilise leurs rebuts.
M. Fortier: Vous êtes un entremetteur. Vous achetez leurs
résidus. Vous les transformez et vous les revendez.
M. Bellefeuille: Non, pas tout à fait. On achète
les résidus des scieries, sauf que puisqu'elles ont, à prime
abord, besoin de la forêt comme nous en avons besoin pour faire notre
produit, elles sont situées géographiquement dans les mêmes
régions que nous. Le transport est un facteur très important.
Donc, on vend le plus près possible; 100% des deux usines du nord de
l'Ontario est vendu à des compagnies de pâtes et papiers. Dans le
cas de l'usine de Lac-Mégantic, ce sera probablement de l'ordre de 30%
quand tous les contrats auront été signés.
M. Fortier: Sans nous révéler...
M. Bellefeuille: Et l'autre 70% sera vendu à d'autres
genres d'industries.
M. Fortier: ...les secrets de votre compagnie, quels sont les
intrants? Vous
prenez du bois et vous le compactez. Vous ajoutez des résidus.
Qu'est-ce qui fait l'unicité de votre produit, finalement?
M. Bellefeuille: Le fait d'y avoir pensé, je pense, et le
fait de l'avoir fait. On achète des résidus de scieries, des
résidus qui, auparavant, devaient être brûlés
uniquement pour s'en débarrasser ou des résidus qu'on enfouissait
pour s'en débarrasser. Cela créait des problèmes de
pollution des deux côtés. D'un côté, si on les
brûle, on a une pollution physique de par l'émission de
particules, de l'autre côté, si on les enfouit, on a une pollution
des cours d'eau par l'acide tannique qui va du bois aux cours d'eau. Les
scieries avaient à investir de l'argent pour se débarrasser de
leurs résidus. Nous sommes arrivés et nous les avons
achetés. Non seulement, elles ont pu arrêter de les brûler,
ce qui leur coûtait de l'argent, mais on leur donnait de l'argent pour
aller les chercher. C'est ce qu'on utilise, on n'utilise aucune...
M. Fortier: Mais votre procédé fait le compactage
ou quoi?
M. Bellefeuille: On a un procédé de broyage, de
séchage; un broyage secondaire, un procédé de granulation
où le produit qui sort est une granule d'un quart de pouce de
diamètre sur environ un pouce de longueur. C'est au stade de la
granulation que, à cause des températures et des pressions
à l'intérieur de la matrice à granuler, la lignine du bois
se liquéfie et c'est la lignine qui sert de lien aux particules de bois.
Il n'y a aucun additif, avec le résultat que le produit a les
mêmes caractéristiques antipolluantes ou non polluantes que le
bois d'origine.
Une voix: Vous n'avez pas une disquette?
M. Bellefeuille: On m'a reproché de ne pas en avoir. Je
m'excuse, je n'en ai pas, mais je vous en enverrai des échantillons.
M. Fortier: J'aurais des questions pour revenir aux fermetures de
raffineries. Ma première question... Un député posait la
question tout à l'heure avec raison, mais comment les décisions
sont-elles prises dans une multi-nationale telle que la vôtre? Ma
première question, ce serait que vous expliquiez, M. Gadbois, quelle est
votre fonction. Vous êtes directeur de la région commerciale de
l'Est. Qu'est-ce que cela comprend exactement? Vous vous rapportez au
siège social qui est à Toronto. Est-ce que votre planification
est faite à Toronto ou si vous la faites ici dans la région?
Lorsque les décisions, comme celle d'une fermeture ou de
l'agrandissement d'une usine... J'aimerais savoir quelles sont vos
responsabilités et de quelle façon une prise de décision
dans une multinationale telle que la vôtre se prend? Est-ce que vous avez
un droit de parole? J'imagine que vous avez un droit de parole et un droit de
recommandation? Peut-être pourriez-vous nous expliquer cela.
M. Gadbois: M. le député, ma fonction, comme
directeur de la région commerciale de l'Est pour Shell Canada, consiste
à être responsable de la mise en marché pour l'Est du
Canada pour Shell. Autrement dit, je m'occupe de tout, sauf de la raffinerie.
C'est pour cela que j'ai...
M. Fortier: Ah! D'accord.
M. Gadbois: ...le représentant de la raffinerie à
ma gauche. La distribution représente la vente des produits, soit au
niveau commercial, industriel ou vente à l'automobiliste, tout le
système comptable qui s'y rattache, tout le système de
crédit, le contentieux, relations d'affaires, affaires publiques,
affaires gouvernementales, la distribution, tout l'engineering, les achats pour
l'Est du Canada, cela relève de moi.
M. Fortier: Qu'est-ce que c'est l'Est du Canada?
M. Gadbois: Le Québec, les Maritimes, Terre-Neuve plus
l'Arctique. Cela fait un territoire qui est assez long à couvrir.
La raffinerie fonctionne indépendamment de notre complexe,
autrement dit, mon premier fournisseur, c'est la raffinerie de
Montréal-Est et, nécessairement, c'est mon meilleur fournisseur
aussi en même temps.
Dans la structure, je me rapporte à Toronto, à un
vice-président des produits Shell Canada qui, lui, est responsable pour
toute la fonction "distribution" dans tout le Canada. Autrement dit, il y a
trois personnes dans tout le Canada qui ont les mêmes fonctions que
moi...
M. Fortier: Oui.
M. Gadbois: ...l'Est du Canada, le Centre et l'Ouest du
Canada.
Dans le processus de décision au point de vue de la
planification, il y a trois niveaux de planification à
l'intérieur d'une grosse entreprise. Le premier, c'est la planification
des activités, on peut l'appeler le quotidien, qui est faite pour
prendre les décisions, ce qui arrive dans le marché, quel prix
soumissionner sur un compte ou quel devrait être le prix à la
pompe ou des choses comme cela. Le deuxième niveau, c'est le niveau
opérationnel qui est la planfication pour cette année, plus les
prochains 18 mois et cette planification est
la responsabilité entière de notre région en
particulier.
Une fois par année, je vais à Toronto pour
présenter les programmes opérationnels soit au point de vue
capital, soit au point de vue dépenses, soit au point de vue personnel
qu'on a pour la région. Ces plans sont intégrés à
l'intérieur de l'organisation et, finalement, notre bureau de direction
approuve les plans qui doivent être .implantés dans l'année
qui suit.
Une fois par année, je retourne à Toronto pour dire dans
quelle mesure j'ai réalisé mon programme. Est-ce que j'ai
rencontré les objectifs? Est-ce que j'ai dépensé ce que
j'avais prévu? Est-ce que la rentabilité a été ce
qu'elle devait être? C'est le niveau moyen terme. À long terme, on
a ce qu'on appelle une planification stratégique qui est formée
d'un noyau assez petit d'experts, si on peut les appeler ainsi, qui travaillent
au siège social. Ils sont responsables de la planification qui va
jusqu'à l'an 2000.
Par contre, quand on fait une étude de rationalisation des
raffineries, comme on l'appelle, ce groupe d'experts, qui sont tout de
même dans une tour d'ivoire, ne peuvent pas agir isolément. Pour
l'étude que nous avons faite, parce que nous avons eu une
décision à rendre puisqu'il a été dit que la
raffinerie d'Oakville fermait - Oakville a fermé, pourquoi pas
Montréal ou Sarnia? parce qu'on avait les deux autres - un comité
a été formé pour travailler justement avec l'équipe
de planification stratégique pour faire une étude totale de l'Est
du Canada y compris le Québec, afin de déterminer les
stratégies que nous devions proposer au conseil d'administration.
M. Fortier: Excusez-moi. Vous venez de dire, l'Est du Canada.
Mais dans ce cas-là, cela comprenait l'Ontario.
M. Gadbois: Cela comprenait l'Ontario. L'étude a
été faite pour l'Ontario, le Québec et les Maritimes, en
même temps. Personnellement, j'étais le représentant de
l'Est du Canada à ce comité qui a rendu la décision de
fermer Oakville.
Voici un point qu'on peut mentionner ici, parce que, ce matin, il
semblait y avoir une certaine confusion ou peut-être des questions - ce
serait une meilleure façon de l'exprimer - sur le motif du 43% au
Québec et tel pourcentage en Ontario. Il ne faut pas oublier que ce dont
on parle est un portrait dans le temps. On parle d'une année. On ne
parle pas d'un nombre d'années ou d'un scénario à long
terme.
Quand on regarde l'Ontario, il y a encore un grand surplus de production
et il est fort probable que quelqu'un annoncera une fermeture en 1984 ou en
1985, je ne sais pas. Ce qui arrive, c'est que, lorsque vous prenez votre
décision, vous considérez plusieurs facteurs. Il y a le facteur
économique qui est le moteur principal de toute entreprise
privée, mais il y a aussi les autres facteurs qui entrent en ligne de
compte. Par exemple, si vous avez trois raffineries, il est assez facile de
prendre la décision d'en fermer une, s'il y en a une de trop. Vous
regardez la performance, le rendement, l'efficacité des unités en
place et vous dites lesquelles doivent demeurer, parce que ce sont les plus
rentables à garder à long terme, afin de pouvoir survivre. Quand
vous en avez deux, la décision est beaucoup plus difficile et quand vous
en avez une, cela devient presque impossible de prendre la décision. Ce
qui explique pourquoi, quand on regarde les raffineries qui ont
été fermées, c'était toujours la troisième
ou la deuxième. Ce n'était pas la première raffinerie.
Maintenant, on est rendu aux décisions difficiles. Si on croit ce que
j'ai dit, il y a quelques minutes, à savoir que la demande tomberait de
16 000 000 aujourd'hui à 10 000 000 de mètres cubes en l'an 2000,
nécessairement, il y a encore un nombre de raffineries qui doivent
fermer. Ainsi, les décisions vont devenir de plus en plus difficiles
parce que celles qui sont disparues étaient les plus faciles à
fermer puisque c'étaient les moins efficaces, les moins rentables et
peut-être les plus coûteuses à gérer. L'autre
génération de raffineries va présenter une grande
difficulté, mais la décision doit être prise.
M. Fortier: Quand même, il y a un facteur qui nous
préoccupe - je suis sûr qu'il vous préoccupe aussi -
comme politiciens. Dans la mesure où des décisions rationnelles,
même si on n'impute pas de motif aux gens à Toronto qui prennent
ces décisions, affectent d'une façon plus défavorable ou
non le Québec dans son ensemble, la compagnie regarde cela dans son
ensemble. Elle se dit: J'ai des raffineries au Québec, en Ontario, au
Nouveau-Brunswick ou ailleurs. Elle prend une décision rationnelle.
Comme vous l'indiquez dans votre texte, j'imagine que vous ne vous consultez
pas parce que vous auriez monsieur - comment s'appelle-t-il? - le ministre
responsable...
M. Gadbois: M. Stoner, puis...
M. Fortier: Oui... derrière vous pour vous accuser de
coalition et vous auriez des poursuites sur le dos. Donc, on peut tenir pour
acquis que vous ne vous parlez pas trop, enfin que vous ne décidez pas
de ces choses-là ensemble. Mais il arrive que des décisions,
finalement, sont défavorables à une province et que cela devienne
un problème d'emploi dans cette province. Cela devient aussi un
problème politique. Si ce n'est pas un facteur que vous prenez dans le
secteur
privé, cela devient un problème pour ceux qui se
préoccupent du développement économique d'une province. Je
me demandais dans quelle mesure ces facteurs sont pris en considération?
S'ils ne le sont pas, comment pourraient-ils l'être dans l'avenir?
M. Gadbois: M. le député, je ne pourrais pas
répondre pour les autres compagnies. Comme l'énoncé que
j'ai fait sur notre système de planification est propre à Shell
Canada, je ne sais pas comment les autres compagnies font leur
planification.
M. Fortier: D'autant plus que, dans votre cas, cela a
été favorable au Québec. (16 heures)
M. Gadbois: Dans notre cas, cela a été favorable au
Québec. Cela aurait pu être défavorable dans le sens que,
selon les études, il aurait pu y avoir une réponse
négative. Comme je l'ai dit, en partant, on avait l'avantage d'avoir la
raffinerie la plus complexe au Québec, l'usine de lubrifiants, l'usine
chimique; autrement dit, il y avait beaucoup de points positifs du
côté de notre usine de Montréal, surtout qu'il y avait les
trois unités de valorisation qui sont installées depuis
longtemps. C'était une bonne usine et le coût était
compétitif, cela devient beaucoup plus facile de prendre la
décision.
Je ne pourrais pas dire comment les autres prennent cette
décision, mais un facteur sûr que toute compagnie regarde, c'est
l'impact social sur la communauté où elle se trouve. Parce qu'on
ne peut pas penser qu'on va partir d'une province ou même d'un pays sans
laisser des traces. Si on veut continuer à faire de la mise en
marché, etc., il faut tout de même être accepté par
la société avec laquelle on vit.
Dans le cas d'Oakville, la raffinerie a du être fermée
parce qu'elle n'était plus rentable et elle ne pouvait plus rester. Il y
avait un impact social pour l'Ontario, heureusement, on avait celle de Sarnia
qui demeurait. L'impact social a été pris dans le contexte de la
décision, mais il vient un moment où la décision est
inévitable. Il y a des raffineries de trop au Canada et quand on parle
du Canada il y autant de raffineries dans l'Ouest que dans l'Est.
M. Fortier: Vous mentionnez dans votre conclusion la question des
taxes. Encore là, vous n'en faites pas un plat, mais vous dites: C'est
un facteur. Ce n'est pas le facteur, c'est un facteur.
Quelle est l'importance de ce facteur? Je pense bien que vous faites
allusion aux taxes sur l'essence qui est un facteur sur la demande. Cela influe
sur la demande à long terme. La question des taxes sur le capital des
raffineries est de quelques millions; je ne sais pas quelle est l'importance de
ces taxes sur le coût de fonctionnement d'une raffinerie en pourcentage,
j'imagine que ce n'est pas le facteur le plus important. Alors, peut-être
pourriez-vous faire des commentaires sur ces deux taxes que vous mentionnez
dans votre texte.
M. Gadbois: Quant à la taxe spéciale sur les
raffineurs au Québec, dans notre cas, cela se traduit par quatre
dixièmes de cent le litre de coût additionnel à cause de la
taxe. Si on a une décision à prendre, on regarde une raffinerie
qui produit en Ontario par rapport à une raffinerie qui produit au
Québec, on prend le coût des produits qui sortent de cette
raffinerie... Supposons des chiffres imaginaires pour l'instant, c'est
peut-être plus facile à expliquer. Si on dit que le coût de
production de la raffinerie en Ontario est 0,252 $ le litre et le coût de
raffinage au Québec est 0,25 $ le litre, mais qu'il y a une taxe de
raffineur de quatre dixièmes de cent, cela vient de faire pencher la
balance en faveur de l'Ontario. Autrement dit, il faut regarder toutes les
composantes du coût du produit dans la distribution des produits si on
veut demeurer compétitif. C'est un élément qui existe ici,
qui n'existe pas ailleurs et qui a un impact réel -mineur, parce que
cela est seulement quatre dixièmes de cent le litre - sur la
décision.
J'ai une note ici qui me dit que le surintendant de notre raffinerie
aimerait faire un commentaire là-dessus.
M. Lafontaine: Cela tombe bien parce que je viens de terminer les
budgets de fonctionnement pour l'année prochaine, alors les chiffres
sont encore clairs dans ma mémoire.
Pour faire fonctionner une raffinerie comme la nôtre, c'est
environ 200 000 000 $ par année en énergie à un coût
proportionnel et à un coût non proportionnel.
Si vous regardez les chiffres qu'on vous a mentionnés dans notre
mémoire, on dit: 9 000 000 $ et 8 600 000 $, donc on parle de 4%
à 4,5%, pour répondre spécifiquement à votre
question.
M. Fortier: N'est-il pas vrai - je ne me souviens pas exactement
de ce que le ministre des Finances avait dit dans le temps - que vous pouvez
diminuer cette taxe par de la prospection qui est faite au Québec, si je
comprends bien? Est-ce que votre compagnie bénéficie de cette
disposition de la part du ministre des Finances?
M. Viau (Jacques): II y a eu des discussions avec le ministre des
Finances et, de fait, les sommes qu'on investirait dans la prospection pour le
pétrole au Québec pourraient être déduites de cette
taxe.
Nous avons fait de la prospection au Québec dans les
années soixante-dix. Selon
nous, il n'y a pas de pétrole au Québec et ce ne serait
certainement pas la place où on investirait plus d'argent pour voir s'il
y a du pétrole. Je ne sais pas si c'est le dernier mot du
ministère des Finances, mais nous avons dit au ministère que si
nous pouvions reporter l'argent d'une année à l'autre, vu qu'on
est obligé de payer cette taxe - je crois qu'elle est de 10 000 000 $
pour l'année 1983-1984 - quant à la payer pour rien, on pourrait
prendre le risque qu'il y ait une découverte de pétrole. De fait,
nous avons décidé d'aller avec SOQUIP et d'autres organismes et
d'investir plusieurs millions de dollars de cette taxe si le ministre acceptait
de reporter les montants d'une année à l'autre. Mais nous avons
dit au ministre des Finances que nous considérons cette taxe punitive et
discriminatoire envers les raffineurs. Du fait qu'on puisse l'"investir" -entre
guillemets - dans la prospection du pétrole, cela ne change en rien le
caractère discriminatoire de cette taxe qui fait en sorte, comme M.
Gadbois et M. Lafontaine le disaient, que si cela augmente de 5% les
coûts du raffinage, c'est sûr que cela ne favorise pas le raffinage
au Québec et que cette taxe a dû jouer un rôle important, je
dirais, dans la fermeture des trois raffineries.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. LeBlanc: Je voudrais adresser ma question à M.
Bellefeuille. Je suis particulièrement intéressé par
l'utilisation de la biomasse forestière.
Des voix: Pourquoi?
M. Fortier: II a sa propre compagnie.
M. LeBlanc: Même s'il y a un projet magnifique dans mon
comté qui s'appelle la production de méthanol, je suis aussi
intéressé par l'utilisation de la biomasse. M. le ministre a
parlé tantôt des usines que vous projetez de construire au
Québec. Vous en avez déjà une qui est, à toutes
fins utiles, terminée, et votre projet no 2... M. le ministre a fait
allusion aux conseils qu'il pourrait donner sur les sites possibles. Je pense
que vous avez déjà des choix de faits à ce sujet. Le
projet no 2 n'était-il pas celui de Saint-Pamphile de L'Islet? Je
voudrais vous demander si vous avez eu, à cet endroit, des
problèmes de zonage à résoudre, comme l'a soulevé
mon collègue d'Outremont?
M. Fortier: II va s'en occuper, lui.
M. Bellefeuille: Je suis content que vous ayez posé la
question, M. le député, parce que si on a des problèmes de
zonage, je vais savoir où aller. On ne s'est pas rendu à ce stade
des problèmes de zonage. Voici ce qui est arrivé dans le cas de
Saint-Pamphile. Vous avez raison, Saint-Pamphile est un des quatre sites
possibles, au Québec, pour la deuxième usine au Québec, la
quatrième de la série en incluant les deux en Ontario. La raison
pour laquelle on ne s'est pas rendu à ce point, c'est que l'usine de
Saint-Pamphile ou une autre, devait être l'usine construite en 1984 pour
fonctionner en 1985. Or, on vient de terminer nos budgets de 1984, depuis le 27
juin, depuis qu'on sait qu'il y a un gel des prix du gaz naturel et que notre
produit se vend en fonction du prix du gaz naturel et depuis qu'on sait qu'on
ne pourra pas augmenter le prix de vente de notre produit. En fait, à
cause de l'agencement des taxes, de la diminution des taxes
fédérales, de l'augmentation du prix du gaz naturel, à la
tête du puits, et de l'augmentation du tarif de pipeline, le prix n'est
pas gelé pour nous. Le prix a effectivement descendu de 1 $ la tonne
dans notre cas. Ce qui veut dire que, cette année, on vend notre produit
1 $ la tonne de moins qu'on le vendait l'an dernier. Dans une situation comme
celle-là où on n'a pas d'espoir de revenus pendant au moins les
18 prochains mois et que le coût de l'usine a augmenté,
entre-temps, à cause de l'inflation, d'environ 500 000 $, entre
Mégantic et Saint-Pamphile, on a tout simplement décidé de
ne pas construire avant 1985 ou 1986. Donc, on ne met pas une usine en chantier
en 1984. Cette décision étant prise, il serait illusoire de
penser qu'on va déjà commencer à s'attaquer aux
problèmes d'un site éventuel quand ce site n'est pas
fixé.
M. LeBlanc: Sur un plan plus large que la construction de la
prochaine usine, vous établissez - je pense que c'est à la page
15 - des coûts comparatifs de conversion de différentes sources
par rapport à l'électricité et à votre produit
énergétique. Vous ne faites pas, toutefois, la comparaison du
coût d'utilisation du produit. Par exemple, une conversion au mazout,
à l'électricité ou au gaz naturel, il est facile
d'établir que cela va coûter tant par année pour le
fonctionnement. Avec l'utilisation de votre produit, est-ce que vous avez des
chiffres comparatifs qui permettent, par exemple, de planifier un
investissement à long terme pour quelqu'un qui voudrait faire une
conversion? Les quantités nécessaires pour produire la même
source, la même quantité d'énergie?
M. Bellefeuille: Oui, alors, toutes ces données, valeur
calorifique, valeur énergétique du produit comparativement au
gaz, au mazout, à l'électricité, qui incluent
aussi le rendement de la bouilloire avec notre produit vis-à-vis
d'autres produits, tout cela mis ensemble fait que les contrats qu'on offre
à des clients éventuels garantissent une économie à
long terme de 10% du prix de leur facture énergétique.
M. LeBlanc: Tenant compte de l'investissement supérieur
que cela représente pour la conversion?
M. Bellefeuille: Bon. Alors, le 10%, c'est un
bénéfice à long terme. Dans les deux ou trois
premières années du contrat, on leur offre un escompte
additionnel qui fait qu'à l'intérieur de ces 24 à 36 mois
l'investissement est payé. Donc, pendant 24 à 36 mois, les
économies servent à payer l'investissement d'origine et,
après cela, pour une période X qui pourrait aller jusqu'à
-pour un contrat de dix ans - sept ou huit ans additionnels, une
économie de 10% sur la facture énergétique.
Dépendant de l'utilisation que ce client en fait, dépendant des
quantités qu'il utilise, cette économie peut se situer... Une
industrie qui prendrait toute la production d'une usine économiserait,
je l'ai dit dans le mémoire, 1 100 000 $ par année en dollars de
1983.
M. LeBlanc: Vous dites que votre produit serait, à toutes
fins utiles, plus économique que...
M. Bellefeuille: En vertu de notre politique de prix, il est plus
économique que le mazout et le gaz naturel, puisqu'on dit qu'il est de
10% plus bas que ces deux autres produits.
M. LeBlanc: Compte tenu du coût de transport aussi du point
de fabrication au point d'utilisation?
M. Bellefeuille: Là où on a des problèmes
à suivre ce que les autres font, c'est dans le cas des tarifs
d'électricité à rabais. Il est évident qu'on ne
peut pas concurrencer ces tarifs.
M. LeBlanc: Est-ce que l'usine que vous projetez à
Saint-Pamphile a une capacité de production qui peut être de
beaucoup supérieure au minimum requis de 100 000 tonnes par
année?
M. Bellefeuille: Est-ce qu'elle pourrait être
supérieure?
M. LeBlanc: Supérieure, oui? Est-ce que le
potentiel...
M. Bellefeuille: Non. En fait, ce qui limite la taille d'une
usine, c'est l'accessibilité à des résidus ligneux dans un
rayon économiquement rentable. Or, 100 000 tonnes de produit fini
équivalent à 225 000 tonnes vertes de matières ligneuses
et c'est beaucoup. Et la région de Saint-Pamphile pourrait nous donner
accès à ce genre de quantités. Mais on ne pourrait pas
penser, par exemple, qu'on pourrait doubler la quantité. Ce qui arrive,
c'est que le critère de capacité de production de l'usine, c'est
le séchoir. On installe un ou deux séchoirs et il faut aller de
100 000 à 200 000. On ne peut pas construire une usine de 112 500
tonnes. Donc, quand on parle de quantités de matières
premières de l'ordre de 450 000 tonnes vertes par année, on ne
retrouve cela nulle part au Québec à l'intérieur d'un
rayon de 50 milles d'un site donné.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: À la page 16 de votre rapport, vous avez
mentionné que les politiques du gouvernement et des
sociétés d'État défavorisent votre produit. Vous
avez mentionné plus loin, à la page 18, que les efforts
déployés par les gouvernements pour promouvoir l'utilisation
accrue du gaz naturel et de l'électricité n'aident pas non plus
à la vente de votre produit. Vous avez fait deux recommandations
à la page 18, soit une plus grande constance de la part du gouvernement
dans l'établissement de ses politiques de subventions ainsi que
l'utilisation de la biomasse comme source d'énergie. Les deux
recommandations que vous avez faites jusqu'à maintenant vont à
l'encontre, je pense, de l'orientation de la politique gouvernementale de la
province de Québec du moins en ce qui concerne l'utilisation de
l'électricité. Quels étaient les résultats des
négociations, de la présentation de vos recommandations ou vos
efforts que vous avez faits auprès du ministre de l'Énergie et
des Ressources pour que ces subventions soient changées et que
l'utilisation de la biomasse soit permise dans des édifices publics?
M. Bellefeuille: M. le député, les recommandations
ont été faites à deux niveaux. Elles ont été
faites au gouvernement fédéral et au gouvernement du
Québec. Dans le cas du gouvernement fédéral, les
recommandations spécifiques étaient les suivantes: Si le
gouvernement fédéral est prêt à donner une
subvention de 50% sur le prix de conversion du pétrole au gaz naturel
dans son programme "Off Oil", -et c'est vrai que cela se fait - pourquoi est-ce
que ces mêmes 50% ne pourraient pas être appliqués à
une industrie qui désire se convertir du mazout à une
énergie de substitution renouvelable? Sans être négatifs il
n'y a pas eu de résultats jusqu'à maintenant. Ils étudient
sérieusement cette proposition et on a espoir - mais c'est tout
ce que l'on a pour l'instant - que cette subvention qu'on pourrait
offrir à des clients éventuels, passe des 20% qu'elle est dans le
moment à quelque chose de plus élevé.
Du côté du gouvernement du Québec les
recommandations ont été surtout axées sur une utilisation
éventuelle de ce genre de produit dans des édifices publics ou
parapublics assez près de sites éventuels d'usines ou, dans le
cas de Mégantic, du site actuel d'une usine.
Il y a eu des discussions au ministère des Travaux publics. Rien,
là non plus, n'a débloqué et encore là on vit un
peu d'espoir. Cela ne veut pas dire que cela ne débloquera pas. Je
suppose que la réponse rapide à votre question c'est: Non, il n'y
a rien eu jusqu'à maintenant.
M. Kehoe: Vous avez très peu d'espoir que l'orientation
changera. D'ailleurs, ce que vous demande de faire surtout le gouvernement
provincial, c'est de ne pas utiliser autant d'électricité et
d'utiliser votre produit. C'est votre deuxième recommandation et
à ce moment-là, si je comprends bien, la politique
gouvernementale dans ce domaine-là c'est de promouvoir
nécessairement l'utilisation surtout de l'électricité. De
vôtre côté vous dites que vous voulez promouvoir
l'utilisation de la biomasse. Les deux choses viennent en contradiction si je
comprends bien. Jusqu'à maintenant vous n'avez pas de réponse et
peu d'espoir d'avoir une réponse positive à votre
recommandation.
M. Beliefeuille: Je n'ai sûrement pas l'espoir que la
politique d'offre de tarifs à rabais d'Hydro-Québec change.
L'espoir que j'ai c'est qu'il faut mettre les choses dans le contexte. Ce n'est
pas parce que d'un côté on essaie de pousser le gaz naturel ou
l'électricité, qu'on ne peut pas, de l'autre côté,
pousser autre chose. C'est une ressource énergétique
indigène du Québec, c'est une richesse naturelle du
Québec. Elle peut être utilisée ici. Elle peut être
utilisée pour déplacer du pétrole importé de
l'extérieur et on a vu que de plus en plus on est obligé de
l'importer, non seulement de l'extérieur du Québec mais de
l'extérieur du Canada. Pourquoi ne pas donner des chances égales
à ce produit? On ne demande rien de plus que ce qu'on veut donner au gaz
naturel et à l'électricité. On demande des chances
égales. Non, je n'ai pas perdu espoir.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: Je veux enchaîner là-dessus en disant
que vous avez sûrement raison d'espérer et dans les objectifs des
bilans...
Une voix: ...
M. Duhaime: ...plus à l'aise quand vous parlez à
mon collègue qui est à ma gauche mais je pense que dans le
domaine des énergies nouvelles, on a fait un virage au Québec. On
n'investit peut-être pas au rythme qu'on le souhaiterait mais, par
définition, c'est une forme d'énergie qui devra faire son chemin.
Il faut se souvenir aussi, avant les chocs pétroliers, que
l'hydroélectricité était la forme d'énergie la plus
chère au Québec et cela n'a pas empêché
Hydro-Québec et, avant la nationalisation, des compagnies privées
de faire leur chemin. J'exclus le gaz, bien sûr.
Je voudrais revenir sur la question de la taxe sur les raffineurs et
vous donner une réponse. Pour ce qui est de la question du cumul, je ne
crois pas qu'on envisage, pour l'instant, de permettre le cumul sur plus de
deux ans. Je voudrais ne rien révéler de ce qui n'existe pas,
mais je puis vous confirmer que j'ai eu, avec mon collègue des Finances,
des discussions sur un autre dossier et nous étions prêts à
considérer non seulement la détaxe pendant une année, mais
de permettre le cumul sur deux ans dans un cas bien précis. Par malheur
ou par bonheur pour l'instant, cet investissement n'est pas encore
réalisé, mais, pour les curieux et pour les situer, il s'agissait
d'un projet autour des Îles-de-la-Madeleine que vous connaissez
sûrement très bien.
Il y a, effectivement, une ouverture actuellement, au niveau du
ministère des Finances. C'était sur la recommandation de votre
humble serviteur qu'on puisse réévaluer cette question, non pas
s'en aller sur un cumul qui pourrait s'étendre sur trois, quatre, cinq
ou six ans. Ce que vous appelez une taxe discriminatoire, je comprends que,
pour le payeur, c'est toujours discriminatoire. On rêve tous, un jour, de
vivre dans une société sans taxes et sans impôts, du moins,
le moins possible, mais, de notre point de vue, c'est une taxe incitatrice qui
fait en sorte qu'à toutes fins utiles, surtout si on permettait le
cumul, les montants d'argent payés par un raffineur, en vertu de cette
taxe, sont récupérés à 100% s'il y a des
dépenses d'exploration. Je voulais vous donner cette réponse et
enchaîner sur deux autres points que je me voudrais de ne pas
toucher.
Il y a un projet en Ontario concernant le recyclage ou le traitement des
huiles usagées. Ma question sera la suivante: Est-ce possible qu'il y
ait un créneau au Québec? Y a-t-il un marché pour une
pareille unité de traitement qui pourrait éventuellement voir le
jour au Québec? Je reviendrai ensuite sur une question dont vos
successeurs à cette table vont très certainement traiter
tantôt, les postes de détaillants d'essence. Il y a une phrase,
quelque part dans votre mémoire, qui
demande, à mon point de vue, un peu d'explications, mais j'y
reviendrai. Je voudrais d'abord savoir, sur le plan du recyclage des huiles
usagées, ce qui existe actuellement en Ontario de la part de votre
groupe et s'il y a des projets pour le Québec là-dessus, s'il y a
un marché.
M. Gadbois: M. le ministre, l'usine qui s'appelle, au
Québec, les Huiles canadiennes et, en Ontario, Canadian Oil, sera
inaugurée le 22 septembre. C'est une usine unique en son genre. Elle a
été construite à partir d'un plan pilote mis au point par
Philips Petroleum aux États-Unis et qui a plusieurs avantages au niveau
du recyclage des huiles usées. L'avantage premier, c'est qu'on prend une
matière qui, normalement, était jetée et on la convertit
en une matière qui peut être réutilisée. La
qualité de l'huile de base qui ressort de cette usine est telle qu'on a
nous-mêmes eu des surprises dans le sens qu'elle est de qualité
à être utilisée dans les huiles à moteur pour
être vendues pour l'automobile. C'est une qualité incroyable. D'un
autre côté, les sous-produits qui sortent de l'usine de recyclage
ne sont pas aussi nocifs que cela. Autrement dit, il y a des moyens très
faciles d'en disposer. Le problème auquel on a fait face, c'est
qu'historiquement les huiles usées étaient soit épandues
sur les routes - peut-être que je ne devrais pas le dire, mais il y en a
beaucoup qui s'en vont dans les égouts quand les gens font leur vidange
d'huile - et il y a aussi une quantité qui est brûlée dans
les incinérateurs. La première usine qu'on a ouverte en Ontario
est d'une capacité de 8 000 000 de gallons impériaux par
année et, pour remplir cette usine, autrement dit, pour avoir assez de
matières usées à mettre dans l'usine pour les recycler, il
a fallu faire la perception pendant plus de douze mois sur le marché de
New York, sur le marché de l'Ontario et sur le marché du
Québec. Autrement dit, c'était difficile. On a même
dû payer cher pour avoir des huiles usées. On a payé
jusqu'à 0,50 $ le gallon pour avoir de l'huile usée à
fournir à notre usine. À Montréal, on a deux
réservoirs qui reçoivent les huiles usées du Québec
qu'on achète de différents entrepreneurs qui la ramasse à
gauche et à droite. Ces huiles sont transportées en Ontario par
wagons-citernes pour être passées dans le système.
Le plan original qu'on avait, c'était trois usines dans tout le
Canada: une à Calgary, une à Montréal et l'autre à
Toronto. Il faut que l'expérience de celle de Toronto soit gagnée
ou qu'elle soit rodée, si on peut dire comme cela, pour faire
l'évaluation de la rentabilité du projet avant de faire
l'expansion, soit la phase 2 et la phase 3. La phase 2, c'est celle de
Montréal.
La deuxième chose qui est arrivée, c'est que le prix
international du brut, en ayant été stabilisé ou
même diminué dans le cas de l'OPEP, et le prix canadien
stabilisé d'ici la fin de 1984, les incitatifs à recycler des
matières usées... parce que cela coûte de l'argent de faire
le projet. Le projet de l'Ontario - on avait déjà les
réservoirs en place, on avait déjà le bureau,
l'entrepôt et ces choses - nous a coûté 23 000 000 $. Ce
n'est pas exactement un projet qui ne coûte pas cher. Il n'y a aucun
subside pour ce genre de projet. Pour assurer la viabilité du projet, il
y a tout de même une prédiction qui avait été fait
sur le coût de la matière première qu'on achetait, l'huile
usée, et sur le coût du brut qui aurait servi à faire des
huiles de base. Dans le moment, la matière première nous
coûte plus cher que prévu et le prix du brut sur le marché
mondial n'a pas monté aussi vite que prévu, donc la
rentabilité du projet est moindre. Je ne veux pas dire que ce n'est pas
rentable, c'est tout de même rentable de le faire, mais ce n'est pas le
même genre de rentabilité.
Pour supporter un investissement à Montréal, on parlait
d'une usine de 5 000 000 $ à Montréal qui serait, disons 70% de
celle de Toronto, basé sur les ventes d'huile à moteur et puis
d'huile collectable sur le Québec. On juge que 5 000 000 $ serait la
grosseur à faire. Les estimations courantes sont de l'ordre de 25 000
000 $ pour construire cette usine. Aucune décision n'a été
arrêtée à ce point-ci. Par contre, l'évaluation de
l'usine de Toronto est en cours et va certainement nous faire pencher d'un
côté ou de l'autre dans les 12 ou 15 mois qui vont suivre.
M. Duhaime: Je vous remercie. Le dernier point que je voudrais
soulever. Vous dites dans votre mémoire - je n'ai pas la page exacte -
que 600 des 850 débits de votre réseau "sont la
propriété de particuliers et qu'il leur reviendra de
décider eux-mêmes quel rôle ils joueront dans les
années qui viennent." Cela m'a frappé. Qu'est-ce que cela veut
dire exactement? Est-ce que votre compagnie a pris une décision quant
aux libres-services, par exemple? Est-ce qu'il y a des indépendants qui
sont à l'intérieur de ce réseau? Vous avez dit, si ma
mémoire est bonne, au début de votre exposé, que
c'était une diminution d'environ 25% des débits que vous
envisagiez. Alors qu'est-ce que cette phrase veut dire? Cela veut dire: bonne
chance ou...
M. Gadbois: Non, M. le ministre. Ce n'est pas bonne chance, c'est
tout simplement qu'une partie infime de notre réseau, 250 sur 850
postes, nous appartient. Donc, si c'est notre propriété, notre
terrain et notre bâtisse, nous pouvons prendre les décisions
économiques jugées à propos, face à une demande qui
diminue, face à une rentabilité qui diminue. Par contre, la
majorité de nos postes, environ 600, sont la
propriété d'individus. Le terrain leur appartient, la
bâtisse leur appartient et ils ont normalement un contrat avec la
compagnie pour vendre les produits Shell. Ces personnes, vu qu'elles sont des
hommes d'affaires indépendants, auront à prendre leurs propres
décisions devant une demande qui diminue, devant une rentabilité
qui est moins que bonne ces jours-ci, à savoir si elles doivent se
spécialiser dans quelque chose, à savoir si elles doivent
créer des commerces auxiliaires à leur commerce de base pour
rehausser la rentabilité de l'exploitation, un peu la même chose
que nous avons fait comme compagnie. Si, par exemple, nous avons un
libre-service qui n'a aucune baie de service ou rien d'autre et devient moins
rentable, on juge que de mettre un dépanneur augmentera le trafic et
bâtir un peu les ventes et rendre le coin de rue un peu plus rentable.
Peut-être quelques fois ce sont des baies de service ou une
spécialisation dans les silencieux ou autre chose. On dit que chacun de
ces individus aura une décision fondamentale à prendre dans les
années qui viennent. Beaucoup vont demeurer sans rien faire parce qu'ils
sont rentables aujourd'hui; d'autres sont moins rentables et auront à
prendre leurs décisions. On ne dit pas qu'on ne veut pas leur parler, on
ne dit pas qu'on ne veut pas les aider à prendre la décision,
mais la décision est la leur. C'est leur propriété.
M. Duhaime: Je ne sais pas si vous pourriez être un peu
plus précis. Supposons que je me mets à votre place: je suis
propriétaire de 250 débits d'essence et 600 sont la
propriété de particuliers avec qui Shell fait des ententes sur
une base contractuelle. Dans le scénario où 25% des postes
disparaissent, est-ce que ces 25% s'appliquent autant aux 250 ou si c'est 25%
de 800 à l'intérieur du bloc de 650, ce qui voudrait dire, en
chiffres ronds, que un sur quatre environ, un sur trois même des
propriétaires qui ont des ententes avec Shell seraient, au fil des
années, dans l'obligation de décider eux-mêmes. Quel est le
scénario? Est-ce que c'est un scénario de vos propres stations,
propriétés de Shell, qui vont être fermées ou
remplacées par des libres-services? Qu'est-ce qui se produit?
M. Gadbois: M. le ministre, dans le même mémoire, on
dit que l'épuration devra toucher les secteurs urbains aussi bien que
ruraux, les stations-service traditionnelles comme les libres-services. Je peux
vous assurer que - je ne peux pas parler au nom des autres - quant à
notre compagnie, nos plans sont déjà définis pour l'avenir
de nos 250 postes dans tout le Québec. L'étude a
été faite, complétée et un plan directeur a
été créé. On ne l'a pas fait à la
légère.
Pour vous donner un exemple, nous avons coopéré avec une
firme américaine, qui s'appelle MPSI, qui s'adonne à la
planification des centres urbains. Je vais vous donner quelques détails
tel qu'on les donne à cette firme; trafic par coin de rue, le genre de
population, le genre d'habitations, le revenu moyen de cette population par
district, ce que les compétiteurs possèdent au point de vue
installation, points de service et toutes ces choses-là. Puis, on fait
une simulation d'ordinateur sur les facteurs économiques. On peut
programmer la demande d'ici l'an 2000 par exemple. On peut dire: Si mon
compétiteur ouvre un libre-service, qu'est-ce qui m'arrivera? Ou encore,
si j'ouvre un dépanneur, qu'arrivera-t-il à mon
compétiteur? On peut jouer avec la machine - c'est ce qu'on a fait
pendant un an - pour déterminer ce que notre réseau de demain
serait. L'exercice nous a coûté 1 000 000 $. Autrement dit, c'est
du gros argent pour définir notre avenir. Je ne peux pas ici
révéler notre stratégie mais je peux vous assurer qu'il y
a plus de 25% de nos postes, que l'on contrôle, qui vont
disparaître.
M. Duhaime: Sans révéler de secret, êtes-vous
au courant si ce sont les mêmes conseillers chez vous qui conseillent
à Petro-Canada d'ouvrir des stations dans des endroits où il
semble y en avoir beaucoup?
M. Gadbois: Oui, M. le ministre. Ces conseillers ont
été utilisés par BP dans le passé.
M. Duhaime: Oui.
M. Gadbois: Par contre, quand on fait affaires avec ce genre de
conseillers, que ce soit l'American Productivity Center ou d'autres, on signe
ce qu'on appelle une entente de secret, "a secrecy agreement", qui veut tout
simplement dire que cette compagnie ne peut pas se servir de vos statistiques,
deuxièmement, que le personnel affecté à votre
organisation ne sera pas affecté aux compétiteurs. C'est un
système très précis. Ce genre d'entente se fait
très souvent au niveau technologique. Non, je n'ai pas peur que mes
statistiques soient dévoilées aux compétiteurs.
M. Duhaime: Quant à moi, je n'aurai pas d'autres
questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Seulement une petite question en relation avec cela.
Selon votre scénario, il va y avoir une décroissance de la
demande, en particulier de l'essence automobile. Dans ce scénario, il va
y avoir
une plus grande compétitivité pour certaines
stations-service, de toute évidence. Il peut même y avoir une
guerre des prix, comme on l'a vu. Est-ce qu'on peut prévoir qu'à
certains moments les guerres de prix peuvent reprendre sur certains coins de
rues ou dans certains coins où il y a une plus grande concurrence?
M. Gadbois: M. le député, on va aller faire une
promenade en auto après la séance de la commission et je vous
assure que la guerre des prix demeure toujours.
M. Fortier: Oui.
M. Gadbois: La guerre des prix n'a jamais cessé. Elle
n'est peut-être pas aussi accentuée qu'aux mois de février,
mars et avril de cette année, mais elle demeure. Je vais vous donner
l'exemple que, aujourd'hui, notre prix affiché pour une personne qui
achèterait à notre raffinerie est de 0,542 $. On aimerait bien
que nos détaillants puissent aller chercher une marge raisonnable
d'environ 0,035 $ ou 0,04 $ le litre, ce qui ferait un prix vendant à la
pompe d'un peu plus de 0,58 $. Promenez-vous à Québec aujourd'hui
et vous allez voir que les prix sont loin d'être à 0,58 $;
promenez-vous à Montréal et vous allez vous apercevoir qu'ils
sont aussi très loin d'être à 0,58 $. Donc nous sommes
engagés dans une guerre de prix continuelle depuis à peu
près un an et demi. Nos prévisions sont que la guerre de prix
continuera encore 18 à 20 mois.
La raison principale est que la demande a chuté d'une
façon incroyable, 13% en un an. C'est incroyable, et tout le monde
essaie de garder la part du gâteau du marché. Le nombre de postes
n'a pas décliné aussi rapidement que la demande, donc chaque
poste vend moins, chaque poste essaie de se rendre rentable en allant chercher
un peu plus de volume et cela cause des guerres de prix qui éclatent
à gauche et à droite.
M. Fortier: Pour les stations-service qui sont votre
propriété, vous déterminez vous-mêmes ce que vous
faites, ce sont vos profits, ce sont vos pertes et cela vous regarde. Pour
celles où vous avez des agents, quelle est votre politique? Est-ce vous
qui déterminez le prix vendant ou si c'est celui qui administre son
propre commerce? Dans ce cas, si c'est sa propre décision, comment
peut-il s'en sortir?
M. Gadbois: M. le député, normalement on aimerait
vendre à tous nos locataires-agents au prix affiché à
Montréal-Est, soit 0,542 $, le prix que j'ai mentionné.
Malheureusement, les forces du marché ne nous permettent pas de vendre
à ce prix. Ce qui arrive, c'est que le détaillant a deux choix;
le premier c'est d'acheter à ce prix, qui est notre prix vendant, et
indiquer le prix qu'il veut sur la pompe. À ce moment, il va
s'apercevoir très rapidement que, parce qu'il n'est pas
compétitif sur le marché, les gens vont passer devant sa station
et vont aller à la station de l'autre côté de la rue
où le prix est peut-être plus bas.
Les compagnies d'huile et en particulier notre compagnie ont mis au
point un programme qu'on appelle un programme de consignation,
c'est-à-dire un programme de soutien pour aider le détaillant
à survivre à une guerre de prix. Le mot "aider", je voulais le
dire dans le sens que la marge minimale qu'on alloue est de 0,028 $ le litre,
quel que soit le prix à la pompe; le détaillant est donc loin de
faire fortune avec son affaire, c'est marginal. Par contre, c'est sa survie
pendant une guerre de prix, il n'a pas le choix, on n'a pas le choix, il faut
le protéger, autrement, il ferait simplement faillite.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. Gadbois, cela va un peu dans la même
lignée de questions qui viennent d'être posées.
Par rapport au prix que vous vendez à vos détaillants,
est-ce qu'il y a des variables entre le prix vendu aux détaillants du
Québec et aux détaillants d'autres provinces,
particulièrement l'Ontario?
M. Gadbois: M. le député, oui, il y a une variante.
La première variante s'appelle la taxe Parizeau, en chiffres bien ronds,
c'est 0,075 $ de plus que la taxe de route en Ontario; c'est la première
différence. La deuxième, c'est la taxe d'éducation sur les
raffineries, les 0,004 $ dont on a parlé tout à l'heure et qui
est insérée dans notre prix nécessairement. Au point de
vue du brut...
M. Lavigne: Excusez-moi, les 0,004 $ vous appelez cela la taxe de
quoi?
M. Gadbois: C'est la taxe spéciale sur les raffineries, on
a parlé de 9 000 000 $.
Ces deux composantes, la taxe de route et la taxe sur les raffineries,
sont deux taxes qui n'existent pas ailleurs, qui sont chargées ici.
M. Lavigne: En dehors de ces taxes?
M. Gadbois: Non, en dehors de ces taxes, le prix du brut est le
même dans les deux cas. J'ai ici un tableau qui montre que, à
Toronto, le prix du brut canadien est de 0,209 $ le litre et à
Montréal il est de 0,21 $ le litre, donc, à toutes fins utiles,
la même chose.
Les coûts de raffinage dans des raffineries efficaces, telles que
celles que
nous administrons, ne varient pas réellement d'une province
à l'autre d'une façon substantielle. On peut donc dire que,
réellement, la base de différence des coûts, ce sont les
taxes.
M. Lavigne: Je vous ai posé la question, je la pose de
façon bien interrogative et non pas affirmative, mais, si vous le
permettez, je reposerai la question aux détaillants qui viendront
à la table tout à l'heure et je ne suis pas certain qu'ils vont
être d'accord avec ce que vous venez de dire. Alors, selon leur
réponse, on verra s'il y a seulement le gouvernement du Québec
qui est discriminatoire ou si les grossistes le sont également. On verra
en temps et lieu. Pour le moment, j'accepte, bien sûr, les chiffres que
vous m'avez donnés. Je vous remercie beaucoup.
M. Gadbois: Oui, le brut canadien, à Toronto, est de 0,209
$ le litre et à Montréal de 0,21 $.
M. Duhaime: C'est 0,21 $, à Montréal.
Le Président (M. Gagnon): Merci, MM. Gadbois, Viau,
Lafontaine et Bellefeuille. Merci à Shell Canada Ltée.
J'inviterais maintenant la Fédération des garagistes et
détaillants d'essence du Québec Inc. à venir prendre place
à la table et, pendant ce temps, nous allons suspendre nos travaux
pendant quelques minutes afin de permettre au ministre de tenir une
entrevue.
(Suspension de la séance à 16 h 41)
(Reprise de la séance à 16 h 57)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Une suggestion est faite ici pour qu'on puisse entendre les deux
mémoires - celui de la Fédération des garagistes et
détaillants d'essence du Québec Inc., ainsi que celui de
l'Association des services automobiles Inc. -qu'on puisse les entendre l'un
après l'autre et, par la suite, on pourrait poser des questions...
M. Fortier: Lequel des deux?
Le Président (M. Gagnon): Les deux ensemble.
M. Fortier: Les deux suivants?
Le Président (M. Gagnon): Les deux; les quatrième
et cinquième à l'ordre du jour.
M. Fortier: Merci.
Une voix: Trois et quatre.
Le Président (M. Gagnon): Quatre et cinq, à l'ordre
du jour.
Une voix: Ah bon! On n'a pas le même ordre du jour. Vous
avez nommé les bons.
Fédération des garagistes et
détaillants d'essence du
Québec et Association des
services de l'automobile
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que les membres de la
commission seraient d'accord, ainsi que nos invités? Vous n'avez pas
d'objection à cela? La Fédération des garagistes et
détaillants d'essence du Québec Inc. M. Roger Hébert, vous
qui en êtes le président, je vous demanderais de présenter
les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
M. Hébert (Roger): Oui, M. le Président: M.
Berthier Busque, délégué de la Beauce.
Le Président (M. Gagnon): L'Association des services de
l'automobile Inc. Monsieur... Je vais le laisser se présenter; on va
être certain...
M. Della Noce (Vincent): Vincent Della Noce.
Le Président (M. Gagnon): Ainsi que les gens qui vous
accompagnent.
M. Della Noce: À ma droite, M. Pierre Morin, notre
consultant; M. Maurice Maisonneuve, vice-président, détaillant
Petro-Canada; M. Raymond Perreault, vice-président, section de Hull,
détaillant Shell. Nous avons aussi M. Pierre Lemay, notre
secrétaire, un permanent de l'association, et M. Paul Sigouin, un
détaillant Shell, vice-président de l'association. C'est un
hasard, nous avons deux détaillants Shell.
Le Président (M. Gagnon): Alors, je vais demander à
M. Hébert de commencer.
M. Hébert: Oui, M. le Président. Il nous
apparaît important dans un premier temps de prendre quelques minutes pour
décrire qui sont nos gens: de petits entrepreneurs qui ont investi temps
et argent dans un sous-secteur de l'industrie pétrolière, la
distribution de carburant. Les détaillants d'essence sont de tout
âge, peu instruits et généralement amateurs de
mécanique. S'ils ont choisi de vendre de l'essence au détail,
c'est que cet aspect allait de pair avec le service à l'automobile. Ils
sont souvent peu ou mal aguerris en administration et nous savons tous ici
combien évoluent rapidement les diverses réglementations et la
tendance des marchés. En milieu rural, là où se
concentre une forte proportion de nos membres, c'est souvent
l'épouse de ce dernier qui verra à l'administration courante.
Enfin, pour beaucoup de ces petites entreprises, la pratique est toujours
artisanale.
Je passerai, M. le Président, sur les détails de la
statistique, parce que, depuis le début on en entend parler. Je passerai
à la page suivante où nous parlons de la fermeture des pompes
d'essence en avril 1982, qui était certes un mouvement spontané,
voire improvisé. Elle n'en demeurait pas moins significative des
inquiétudes profondément ressenties par les commerçants de
carburant au détail, conscients de la situation. Dans un mémoire
présenté à M. Yves-L. Duhaime, ministre de
l'Énergie et des Ressources, le 31 mai 1982, et en écho aux
événements d'avril, la fédération
énonçait certaines requêtes des plus prioritaires visant
à assainir les rapports contractuels entre les détaillants et les
compagnies pétrolières et à saisir les diverses instances
du gouvernement du besoin de réviser les mécanismes fiscaux et
commerciaux de ce secteur, voir annexe À. À cette époque,
certaines de ces recommandations furent mises de côté, d'autres,
par contre, furent étudiées par des sous-comités
mandatés à cette fin. Si nous pouvons aujourd'hui adresser
à l'honorable Duhaime ainsi qu'aux nombreux intervenants de son
ministère et des autres nos remerciements sincères pour les
efforts consentis à notre cause, nous devons signaler notre
déception de n'avoir point connu la présence de
représentants des compagnies pétrolières avec lesquelles
nos membres transigent quotidiennement.
En fait, M. le Président, s'il est de votre ressort de discerner
ici une première et prioritaire requête de notre part, celle-ci
devrait s'énoncer comme suit: "La Fédération des
garagistes et détaillants d'essence du Québec souhaite que
s'établisse le rapprochement et que s'ouvre le dialogue entre les
détaillants d'essence et leur fournisseur respectif dans un esprit de
consultation et de concertation."
Si vous voulez bien, M. le Président, nous continuerons sur
l'autre page. Nous nous interrogeons également sur l'à-propos de
l'adoption à ce moment-ci, par le gouvernement du Québec, d'un
décret et de prix administrés en ce qui concerne le prix de
l'essence.
Si nos hésitations tiennent au fait que nous croyons à la
libre concurrence, nos appréhensions, quant à nos grossistes
respectifs et aux guerres des prix, au dumping, aux contrats en matière
de consignation et à la faible marge de profit -moins de 5% -
laissés aux détaillants par ceux-ci, incitent à croire
qu'il nous serait nécessaire de connaître un prix de gros plus
représentatif des cours du marché et uniforme à l'ensemble
du Québec. Nous présageons que ce serait là
peut-être une avenue intéressante quant à la
stabilité du marché et à la vigueur du commerce au
détail. Rappelons à cette fin que l'Assemblée nationale
avait adopté le projet de loi 34 au cours de la quatrième
session, trentième Législature, 30 juin 1976, qui porte le titre
de Loi modifiant la Loi sur le commerce des produits pétroliers, qui
autorisait le gouvernement à décréter le prix maximum des
produits pétroliers et qui ne fut jamais appliquée.
Nous concevons qu'une telle mesure doit être envisagée avec
toute la diligence qu'il se peut. Toutefois nous vous répéterons
qu'il s'agit d'un produit énergétique essentiel et
bénéficiant d'un marché captif.
Avant de passer aux statistiques, nous soulignons d'autre part qu'il
importe d'améliorer le statut professionnel des garagistes
distributeurs. La Fédération des garagistes et détaillants
d'essence du Québec s'emploiera tout au cours des prochaines
années à unir ces entrepreneurs, à les informer, à
leur procurer des services de consultation légale et administrative de
manière à leur fournir les outils nécessaires pour
s'adapter à la mutation rapide et constante de notre
société. (17 heures)
II est d'ores et déjà anticipé que la
rationalisation frappera encore et particulièrement les postes avec baie
de service. Or l'amélioration des politiques et conditions de
distribution des grandes sociétés demeure
prépondérante si l'on veut garantir au consommateur
québécois la qualité et les services requis par
l'automobiliste d'ici à la fin du siècle.
La fédération réitère donc qu'il est
souhaitable que la distribution demeure aux mains de la PME
québécoise que la construction de nouveaux postes d'essence soit
effectuée avec diligence en tenant compte des situations du
marché local et de l'environnement; que la conversion des
stations-service vers des opérations qui permettent le libre-service
soit encouragée au détriment de l'implantation des
libres-services.
En ce qui concerne une compagnie dont on avait entendu parler l'an
dernier, une compagnie pétrolière québécoise, il a
été beaucoup question ces temps derniers de la création
d'une société québécoise de distribution de
produits pétroliers. Le départ de certaines compagnies de l'Est
de Montréal en aura étonné plusieurs et aura laissé
de nombreux travailleurs spécialisés abasourdis et sans emploi.
Il est pourtant certain que le Québec doit conserver les moyens de
raffinage et de distribution des produits pétroliers et
particulièrement du carburant, afin de satisfaire à sa demande
interne et de
prévenir toute rupture de l'approvisionnement. La
fédération verrait donc d'un bon oeil la mise sur pied d'une
compagnie québécoise de raffinage et de distribution. Par
ailleurs, dans la mesure où la distribution nous concerne plus
directement, nous nous permettons d'énoncer les observations
suivantes.
D'une part, les produits issus de raffineries doivent être vendus,
d'où la nécessité de connaître un réseau de
distribution. Or, si l'on envisage, par exemple, l'acquisition des
réseaux Texaco et Gulf, cela correspondrait à environ 1350 postes
d'essence. La fédération croit donc essentiel de souligner
immédiatement qu'une telle acquisition devrait être faite en
regard des diverses requêtes énoncées
précédemment et devrait encourager particulièrement
l'investissement d'entrepreneurs indépendants par la vente des stations
actuellement louées dans de tels réseaux existants.
La fédération s'inquiète également d'une
implication financière entièrement gouvernementale dans ce
secteur. Nous préconiserions plutôt l'investissement de capitaux
privés ou mixtes - avec la participation de SOQUIP - de façon
à protéger les intérêts québécois. Nos
membres furent déjà mis à rude épreuve par
l'arrivée d'une compagnie canadienne et s'ils sont favorables à
l'implantation d'un grossiste québécois, ils demeurent perplexes
quant aux effets de la concurrence serrée qui s'ensuivrait.
En conclusion, la Fédération des garagistes et
détaillants d'essence du Québec, par le présent document,
a voulu sensibiliser les intervenants à cette commission sur
l'importance de planifier dès aujourd'hui la distribution de l'essence
au Québec, dans un souci de donner aux milliers de PME
québécoises de ce secteur le temps et les moyens de s'adapter aux
transformations.
Si les moyens de transport et le type d'énergie employés
sont appelés à changer, les employeurs et travailleurs qui
oeuvrent dans le secteur des services automobiles doivent avoir la
possibilité de s'y préparer. Nous serions
intéressés, par exemple, à nous pencher sur la
possibilité d'ajouter au réseau actuel d'essence la distribution
de gaz comme carburant automobile et à en jauger les implications.
Dans cet esprit, la fédération se veut un outil de
concertation et de planification pour les entrepreneurs du service automobile
et il va sans dire qu'elle ne négligera aucun effort à consolider
et à élargir ses rangs. Nous souhaitons voir le jour où
tous les entrepreneurs qui ont investi dans le marché au détail
des carburants joindront les rangs de la fédération librement et
conscients des défis que nous avons à relever.
Enfin, nous ne recherchons aucun affrontement avec les gouvernements,
compagnies ou autres intervenants dans les secteurs où nous transigeons,
mais bien la promotion du professionnalisme, de l'éthique et de la
spécialisation qui assureront au garagiste des années
quatre-vingt sa part du marché. Merci de votre attention.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Hébert.
Maintenant, je demanderais à M. Vincent Della Noce de prendre la
parole.
M. Della Noce: M. Le Président, je vais demander à
M. Pierre Morin de faire la lecture de notre bref mémoire.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je vais vous
dispenser, si vous le permettez, de l'introduction qui, quoique toujours
opportune, date un peu, pour aborder la question de nos intérêts.
Les intérêts que représente l'ASA sont d'une telle
limpidité et d'une telle transparence que vous pourriez les croire
simplistes. Nous voulons survivre et nous aspirons même à une
certaine prospérité. Ces deux objectifs nous semblent pourtant
assez lointains et parfois inaccessibles.
Pourtant, nous sommes un des chaînons essentiels si le
Québec veut véritablement faire de l'énergie un levier du
développement économique. Nous représentons ce secteur
vital qu'est la distribution de carburants. Dans le document de la
consultation, beaucoup d'importance est attachée aux horizons 1990-1995.
Pour nous, c'est du long terme et, comme le signalait un économiste de
renom, "à long terme, nous serons tous morts". D'ailleurs, on ne
bénéficie pas dans nos entreprises de cette planification
stratégique dont on parlait tout à l'heure au niveau des
sièges sociaux et qui permet de voir à l'orientation et à
l'avenir des postes, propriété des grandes sociétés
pétrolières. Vous aurez remarqué qu'ils sont certains de
l'avenir des leurs. Ils n'ont pas mentionné les quelque 600 autres qui,
eux, sont la propriété d'individus. Ils savent quel est l'avenir
de ces postes, mais ils ne l'ont pas mentionné.
La crise dans notre secteur est actuelle et elle a commencé il y
a plusieurs mois. Elle n'est pas moins aiguë qu'en avril 1982, alors que
nous avions cru bon de la porter à l'attention du public et des pouvoirs
publics. Cette crise et nous devrions dire "ces crises" n'ont diminué ni
en intensité, ni en envergure. Avant de reprendre des moyens radicaux,
nous voulons, le plus simplement possible, vous plonger dans nos
réalités quotidiennes et, par l'entremise des membres de cette
commission, faire saisir à ceux qui nous gouvernent et au grand public
les tenants et les aboutissants de ces crises. Nous avons dit qu'il faudrait
plutôt parler de crises au pluriel. De fait, il y en a deux, lorsqu'on
examine la situation dans notre perspective. La première qui touche tout
le
secteur du pétrole et des carburants est le résultat d'un
bouleversement mondial d'ordre économique. Elle y prend ses racines. Je
pense qu'on peut s'en dispenser pour arriver essentiellement au fait que cette
crise, ce bouleversement ont garni les coffres du gouvernement du Québec
de 86,4% du produit des taxes en une seule année, mais, malgré
cette majoration, on signale un manque à gagner de 101 000 000 $ dans le
dernier budget. Cette crise, nous la subissons comme tout le monde,
couplée à la crise économique que nous traversons tous, et
nous devons accepter que le consommateur consomme moins, sans compter que les
taux d'intérêt exorbitants nous ont fait très mal, comme
à une grande majorité de petites et moyennes entreprises et que
plusieurs de nôtres sont disparus. Nous devons nous résigner
à ce que cette situation traîne avec elle tout un cortège
de faillites, de mises à pied, de chômage et d'angoisses
individuelles. Face à cette crise, nous ne pouvons faire autrement que
la subir et espérer, espérer surtout que, dans leurs
interventions, les gouvernements sachent agir avec discernement et avec un
doigté humain pour ne pas dire plus humain qu'un bélier
mécanique.
Il y a cette autre crise que nous subissons et, celle-là, nous ne
l'acceptons pas. Elle est fabriquée de toutes pièces et elle est
tout à fait artificielle. En ce sens, elle est pire.
Pour vous donner une illustration de cette crise, signalons que, de 1977
à 1981, 745 stations-service cessaient leurs activités, soit
près de 10% du nombre total alors en exploitation, alors que 243
nouveaux libres-services arrivaient sur le marché, soit une augmentation
de 42%. Pendant la dernière année, 3000 emplois disparaissaient.
Ce sont les statistiques du ministère de l'Énergie et des
Ressources.
Le marché subit effectivement des transformations. Que des
stations-service disparaissent, c'est dommage, mais c'est normal. Que des
libres-services voient le jour, c'est aussi normal. Ce qui n'est pas normal,
c'est que ce processus soit toujours à sens unique et seulement à
l'avantage des sociétés pétrolières. Les
propriétaires et locataires de stations-service sont non seulement en
concurrence avec ceux qui représentent d'autres marques mais trop
souvent en concurrence avec ceux qui fournissent leurs produits sur une base
contractuelle d'exclusivité et le tout se fait toujours au profit
exclusif de ces derniers.
En fait, cette crise est artificielle, parce que nous sommes au bout de
la chaîne et cette chaîne nous enlève tout pouvoir
d'initiative.
Nous n'avons pas de pouvoir d'initiative lorsqu'un libre-service qui
vend la même marque que nous vend son essence au public moins cher que
nous la payons nous-mêmes.
Très peu d'entre nous ont le pouvoir d'intiative de transformer
eux-mênes leur station-service en libre-service. Nous n'avons pas le
pouvoir d'initiative d'établir et de maintenir nos marges brutes, nous
n'avons pas le pouvoir d'initiative pour mettre en marché des produits
accessoires à notre commerce d'une marque autre que celle que nous
affichons, même s'ils sont moins chers ou meilleurs. Nous n'avons
même pas de pouvoir d'initiative quant à nos heures
d'ouverture.
Nous n'avons pas de pouvoir d'initiative face aux divers groupes
patronaux participant aux comités paritaires, qu'ils soient aux
relations de travail ou sur la santé et la sécurité au
travail; nous n'avons pas de pouvoir d'initiative dans nos relations
contractuelles avec les raffineurs. Bref nous sommes au bout de la chaîne
et, dans cette situation, il n'existe aucun pouvoir d'initiative.
Le commerce au détail de l'essence est le seul où si, dans
le cas d'un locataire, vous avez réussi à augmenter
substantiellement votre volume de vente, vous serez récompensé
par une hausse de loyer qui ne vous laisse aucune perspective de profit. Et si,
malgré tout, vous réussissez quand même, votre locateur
mettra un terme à votre bail pour vous remplacer par un libre-service
qu'il exploitera lui-même.
Et voilà pour le pouvoir d'initiative. Le seul pouvoir
d'initiative que nous ayons, c'est de retirer collectivement nos services comme
ce fut le cas au mois d'avril dernier. Ce n'est pas dans nos moeurs et c'est
jouer à qui gagne perd.
Avant d'aller plus loin, il nous faut rendre un hommage tout particulier
au ministre de l'Énergie et des Ressources ainsi qu'à ses
collaborateurs et à ses fonctionnaires. Le ministre nous a offert un
forum où nous avons pu déposer nos revendications. Plus encore,
lorsque certaines d'entre elles lui apparaissaient de son ressort et qu'il les
considérait fondées, il est lui-même intervenu, seul ou
après avoir sollicité ou obtenu l'appui de ses collègues
du Conseil des ministres. Avec l'actuel ministre du Travail, autrefois au
Revenu, il nous a été d'une aide considérable et nous
tenons à leur témoigner publiquement notre reconnaissance.
Nos problèmes ou nos crises n'en seront pas pour autant
réglés ou même vraiment en voie de discernement d'une
solution. Or, des solutions, nous en avons. Étant donné notre
situation en bout de chaîne et l'absence de tout pouvoir d'initiative,
nos propositions n'ont même pas pu être déposées
devant nos interlocuteurs les plus intéressés, les
sociétés pétrolières, qui pourtant s'empressent de
s'asseoir autour de la table d'un secteur paritaire, même si elles n'ont
pas d'employés dans le secteur. Elles ont le monopole du pouvoir
d'initiative et même notre existence
en tant qu'association est contestée. Cela frise parfois la
négation du droit d'association.
Au cours des derniers mois, nous avons avancé une série de
revendications. Ces revendications peuvent être groupées en cinq
blocs, dont quatre s'adressent aux sociétés
pétrolières et la cinquième au gouvernement.
Restons un instant sur les quatre premiers blocs. Premièrement,
nous souhaitons améliorer le cadre contractuel. Nos premières
revendications visent à améliorer le cadre de nos relations
contractuelles avec les sociétés pétrolières, qu'il
s'agisse des taux de location pour les locataires ou des conditions de
franchise pour les propriétaires. Nous sommes des gens d'affaires et nos
revendications ne doivent pas être assimilées à celles d'un
syndicat de travailleurs.
Nous acceptons un risque en étant en affaires et nous acceptons
aussi des responsabilités. Nous demandons seulement que les risques et
les responsabilités soient et demeurent dans l'ordre du
réalisable. (17 h 15)
Nous demanderons, par exemple, qu'un premier bail soit d'au moins un an
et que tout renouvellement soit d'une durée d'au moins trois ans, tout
en permettant des clauses de résiliation et de durée mutuellement
convenues.
Cela n'a l'air de rien, mais tentez d'imaginer combien la vie et la
productivité d'un député seraient affectées si son
mandat individuel n'était que d'un mois, renouvelable au plaisir. Notre
exemple ne se veut pas facétieux, car nous savons que, comme les
nôtres, les heures d'un député sont longues.
A ces questions de durée s'ajoutent plusieurs dispositions que
nous souhaiterions voir contenues dans les baux, laissant entre autres beaucoup
plus de place à une véritable négociation entre les
parties, soient-elles sociétés pétrolières,
locataires ou détentrices d'une concession. Pour en
énumérer quelques-unes des plus importantes, elles comprennent
les procédures de renouvellement, de résiliation pour cause et de
règlement des litiges; les heures d'ouverture, les taxes
foncières, les réparations et l'entretien de la
propriété, l'achat de produits et le décès du
locataire.
Le deuxième bloc de nos revendications vise à faire en
sorte que nos fournisseurs ne nous livrent pas une concurrence déloyale
en écoulant leurs produits auprès du public, à des prix
moindres qu'ils vendent à leurs détaillants. Au départ,
nous avons cru que la réponse à cette question résidait
dans un moratoire sur les permis de nouveaux libres-services.
À l'examen, cependant, il faut reconnaître que ce n'est pas
la solution à ce problème. On pourrait invoquer le moratoire pour
d'autres fins, comme celles que chaque nouveau libre-service fait
disparaître environ 16 emplois ou que certaines régions risquent,
à brève échéance, de souffrir d'une grave
pénurie de services essentiels pour l'automobile. Ce sont là des
questions qui relèvent plus des préoccupations du gouvernement et
de ses planificateurs que de nous.
En ce qui concerne notre véritable problème, celui de la
concurrence déloyale évoquée plus haut, les
véritables solutions résident dans la fixation d'un prix d'achat
uniforme pour tous les détaillants faisant affaire sous une même
enseigne ou marque ainsi que par le retrait graduel des raffineurs du
marché de détail.
Ce qu'il faut retenir de ces revendications, c'est que nous tenons
d'abord à conserver la concurrence entre les diverses marques et
à l'avantage du consommateur.
Nous préférerions aussi voir les sociétés
pétrolières donner suite volontairement à ces
revendications plutôt que de se les voir imposer par le gouvernement.
C'est peut-être une utopie, mais elle s'inspire du principe que le
meilleur "deal" en affaires est celui où toutes les parties prenantes
sont satisfaites. Les événements d'avril dernier -je me
réfère toujours à 1982 - démontrent bien le
contraire et la pire embûche réside dans la conviction qu'ont les
compagnies pétrolières qu'elles ont entre les mains une formule
gagnante, une formule qui a bien fonctionné dans le passé; alors,
pourquoi la changer? C'est précisément le raisonnement qu'ont
tenu les fabricants d'automobiles nord-américains pendant les
années soixante-dix, avec les résultats que l'on connaît et
que l'on a connus. Cette conviction est tellement ancrée que, même
une société d'État nouvellement arrivée sur le
marché n'a pu faire mieux que d'adopter le comportement traditionnel de
ses consoeurs.
Le troisième bloc de nos revendications traite essentiellement
des questions financières. Parmi celles-ci, notons que nous demandons
que les frais de vente sur carte de crédit soient entièrement
assumés par les compagnies pétrolières. La raison en est
bien simple. Ce sont les compagnies qui décident d'accepter telle ou
telle carte; non, le détaillant. Il est donc inconcevable que ce dernier
ait à en assumer les frais et, encore plus, qu'il se voit
pénalisé si l'achat à crédit est refusé par
l'émetteur de la carte.
Deuxièmement, nous demandons que les détaillants puissent
participer librement aux divers programmes de stockage ou de primes mis au
point par les compagnies. Et, enfin, nous réclamons aussi qu'une marge
brute de 12% du prix du litre affiché à la pompe soit garantie au
détaillant d'essence. Cette demande se fonde sur trois
considérations: un pourcentage pour les mêmes raisons que l'exige
le gouvernement du Québec pour sa taxe ascenseur et pour la même
raison que c'est la pratique courante dans la quasi-
totalité des commerces au détail se traduisant par le
"mark up". De plus, les dépenses sont calculées en pourcentage
des ventes. Cette mesure servirait aussi à encourager et à
maintenir la concurrence.
Le quatrième bloc est peut-être le plus délicat. Il
vise la reconnaissance de notre association par les compagnies
pétrolières et cette question sous-tend la globalité des
revendications mentionnées plus haut. Nous sommes conscients de
représenter à la fois des intérêts communs et
divergents. Nous sommes aussi conscients que la grande majorité des
détaillants sont fiers des enseignes et des marques qu'ils
représentent. Notre créneau se situe dans la
représentation des intérêts communs des détaillants
et du commerce de détail des carburants.
Ces intérêts débordent largement le seul domaine du
contentieux avec les compagnies pétrolières. Ils visent tout
autant les techniques et la formation pour une saine gestion d'entreprise
qu'une participation intelligente et étoffée à diverses
instances comme les groupements patronaux aux comités paritaires
chargés de l'administration de l'extension juridique d'une convention
collective ou, encore, auprès du regroupement patronal du comité
paritaire sectoriel des services automobiles pour fins de prévention des
accidents de travail et de maladies professionnelles.
Le message que nous voulons faire passer publiquement devant cette
commission aux sociétés pétrolières, c'est d'une
part que nous sommes foncièrement intéressés à
l'avenir de la distribution des carburants, à l'avenir de notre
rôle et de notre survie dans ce système. Certes, nous avons des
revendications qui s'adressent à elles, mais il s'agit beaucoup plus
d'un cadre d'entente entre gens d'affaires que d'une convention collective.
Enfin, nos membres et tous les détaillants ont des intérêts
communs avec leurs distributeurs et nous entendons respecter ces
intérêts communs. Ces intérêts incluent même la
possibilité sinon le devoir de faire des représentations
constantes, sérieuses et étoffées auprès des
pouvoirs publics.
Par exemple, qui des compagnies pétrolières ou des
détaillants doivent faire valoir leurs points de vue et assurer le suivi
des suggestions pressantes expédiées aux maires des
municipalités du Québec pour exercer un meilleur contrôle
sur le nombre des débits d'essence? Il ne fait pas de doute que cela
revienne aux détaillants. Mais ces mêmes détaillants qui
souvent travaillent 12, 16 et même 18 heures par jour, pourront-ils
trouver le temps et acquérir les connaissances nécessaires
à la préparation des dossiers et des interventions? C'est
pourquoi ils ont besoin d'une association qui puisse le faire pour et avec eux;
d'une association qui puisse aussi bien parler aux municipalités qu'aux
sociétés pétrolières. L'alternative serait de
demander au gouvernement d'envoyer ses fonctionnaires faire notre travail pour
nous et, dans les temps qui courent, nous doutons que cela soit possible ou
même une saine utilisation des fonds publics.
Après vous avoir situés sur la réalité
quotidienne des détaillants et du commerce des carburants, nous vous
devons de vous faire état de notre réalité en tant
qu'association.
Depuis des années - on peut remonter à 1969 - elle est
précaire, voire critique. Ce n'est ni la volonté, ni la
détermination, ni le bénévolat qui manquent, mais les
moyens et les ressources. Même la présentation du présent
mémoire taxe nos ressources au-delà de leurs capacités
déjà fortement hypothéquées par les longues
discussions avec les fonctionnaires qui se sont déroulées pendant
plus d'un an et qui continuent à se dérouler.
Ce qu'il vous faut comprendre, c'est que le temps que nos membres et que
notre secrétaire du temps et actuel ont consacré et consacrent
à toutes ces démarches nous coûte doublement. Lorque nous
venons ici, à Québec, par exemple, il nous faut payer un
remplaçant dans nos commerces. Quand notre secrétaire est
délégué à une rencontre, il ne peut rencontrer les
membres et recueillir leurs cotisations. Le président me signalait que
près de 90% des efforts du secrétaire vont au recrutement, ce qui
laisse une marge brute de 10% consacrée aux représentations.
Nous avons longuement étudié cette question et nous
croyons avoir identifié un moyen d'y remédier et surtout de
pouvoir offrir aux détaillants les services et la qualité de
représentation qu'ils sont en droit d'attendre de leur association.
Ce moyen s'est traduit par la proposition suivante, qui fut d'abord
publiée avec l'avis de convocation de nos membres à une
assemblée générale: "ATTENDU QU'au cours de l'année
1982, les propriétaires et locataires d'entreprises des services
à l'automobile ont réussi à mener des actions
d'éclat sur l'ensemble du Québec pour défendre leurs
droits menacés et pour faire valoir leurs positions auprès de la
population;
ATTENDU QUE maintenant que certaines de nos revendications commencent
à être reconnues et à avoir des suites qu'il va falloir
suivre de très près tout en continuant notre action
concertée et forte;
ATTENDU QU'il va falloir que les garagistes de tout le Québec
puissent se donner les moyens, les structures et les ressources pour continuer
à intervenir;
ATTENDU QUE d'autres groupes professionnels comme les plombiers et les
électriciens ont de tels moyens, structures et ressources à
travers leurs corporations et
l'adhésion obligatoire et que d'autres groupes de
commerçants s'organiseront très prochainement partout en province
selon une formule d'adhésion obligatoire (Loi sur les SIDAC,
adoptée par la précédente Législature);
IL EST RÉSOLU QUE, pour amener le gouvernement à nous
donner les moyens d'avoir une véritable force et d'intervenir
efficacement, il y a lieu de regrouper dans une seule organisation à la
grandeur du Québec toutes les entreprises indépendantes
-propriétaires et locataires - des services à l'automobile,
à l'exception des concessionnaires d'automobiles et des vendeurs de
pièces;
IL EST RÉSOLU QUE cette organisation, à laquelle
l'adhésion sera obligatoire, aura pour mandat de représenter les
garagistes auprès des ministères et organismes du gouvernement,
des compagnies pétrolières, des délégations
patronales des comités paritaires, de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail, ainsi que de défendre les
intérêts des membres."
Le 9 février 1983, l'assemblée générale de
l'ASA a adopté à l'unanimité le texte intégral de
la proposition. Depuis, nous avons reçu des communications de
détaillants situés un peu partout au Québec à
l'appui de la proposition. Fait à signaler, à aucun moment depuis
cette publication, avons-nous reçu de réaction négative ou
même hésitante de la part des détaillants ou d'autres
milieux.
Le besoin est évident. En plus des revendications avancées
dans ce mémoire, il y a un énorme fardeau de travail quotidien
à abattre. Prenons tout simplement la participation des
détaillants aux divers groupements patronaux des comités
paritaires. Il nous faut élaborer des positions articulées et les
confronter avec celles de nos partenaires dont les intérêts
peuvent être honnêtement divergents. Il en va de même des
nombreuses représentations qui s'annoncent auprès des
municipalités du Québec.
Nous proposons un mécanisme sur lequel on pourra revenir si la
commission le désire. Il y en a plus d'un; un a été
avancé. Mais le plus important à notre avis, c'est notre
volonté d'assurer à tous les détaillants qui seraient
ainsi cotisés les garanties les plus probantes de démocratie dans
la détermination des orientations et la poursuite des objectifs de leur
association. Les moyens que nous sollicitons sont inusités, nous le
savons, mais nécessaires. Les garanties doivent être à leur
mesure.
Enfin, pour ne pas être en reste, nous avions indiqué que
le cinquième bloc de nos revendications s'adressait au gouvernement.
Elles se limitent à un seul sujet, la taxe de vente. Si vous vous
présentez aujourd'hui dans un commère quelconque, disons une
quincaillerie, et que vous achetez des articles en solde, vous paierez la taxe
de vente sur le prix soldé et non sur le prix régulier. Pourquoi
en est-il autrement pour les carburants? À la fin de février,
alors que le litre d'essence se vendait 0,42 $ au lieu de 0,50 $, la taxe de
vente payée par le consommateur approchait les 50% alors que la loi
votée prévoit 40%.
Nous allons laisser les juristes jongler avec ce problème, mais,
puisque, contrairement encore à la grande majorité des
entreprises, les détaillants doivent acquitter la taxe de vente avant
les ventes, nous souhaitons voir l'ascenseur descendre à l'occasion plus
rapidement, en fonction des fluctuations de prix.
Notre intervention peut paraître une longue liste de
revendications. Il ne faudrait pas s'y tromper. Nous avons plutôt tenu
à vous communiquer les conditions pour maintenir et même renforcer
un secteur essentiel de notre avenir énergétique, celui de la
distribution des carburants. Ce secteur compte environ 50 000 emplois dont plus
de 20 000 chez les détaillants, et il constituera, si on peut le garder
en santé, un levier économique de premier plan. M. le
Président, je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Morin. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je voudrais d'abord remercier MM. Hébert et
Della Noce, de même que M. Morin, pour leur présence et leur
présentation. Je vais poser une question. Dans un des blocs, vous dites
qu'une seule association devrait représenter l'ensemble des
détaillants au Québec. Dois-je comprendre que,
déjà, les premiers pas sont faits et que vous envisagez une
intégration entre la fédération que représente M.
Hébert et l'ASA dont le président est M. Della Noce?
M. Della Noce: Vous me posez la question, M. le ministre. Cela
fait longtemps qu'on s'assoit à la même table. C'est tout
simplement une question de moyens et une question d'organisation puisque nous
sommes vraiment occupés, organisés chacun de notre
côté, mais c'est une chose quasi acquise pour autant que nous
sommes ici. Nous travaillons toujours dans le même but et nous n'avons
qu'un seul intérêt: le détaillant d'essence.
M. Duhaime: Écoutez! Je voudrais faire une remarque
générale, parce que c'est vraiment très rare que des
hommes d'affaires qui font des investissements dans des entreprises demandent
au gouvernement d'intervenir par voie législative, par voie
réglementaire, si besoin est. J'avoue que ce n'est pas la
première fois que, de votre part, j'entends cette demande, mais
l'approche de notre gouvernement en est une de déréglementation
même si on ne réussit pas
toujours, tenant compte des objectifs qu'on se fixe.
Je voudrais vous signaler que le gouvernement de la Nouvelle-Ecosse, par
exemple, a retenu une approche de législation et, ensuite, de
réglementation pour ce qui est de la fixation des prix en
Nouvelle-Écosse. L'objectif recherché était un gain net au
consommateur, bien sûr, et c'est ce que vous soutenez également
dans votre proposition. Mais, selon les informations que j'ai des
fonctionnaires qui suivent ce dossier au ministère de l'Énergie
et des Ressources, ce serait le phénomène inverse qui se serait
produit en Nouvelle-Écosse et ce seraient les consommateurs qui auraient
finalement écopé davantage parce qu'il y a un
élément de concurrence qui se trouverait entamé. (17 h
30)
J'aimerais avoir votre réaction là-dessus et je voudrais
aussi vous poser tout de suite une question. J'ai cru comprendre par vos propos
que vous viviez intensément le phénomène du sandwich
à la pompe. Vous l'avez répété tout à
l'heure. Cela ne rejoint pas ce que M. Gadbois, de la compagnie Shell, disait
tout à l'heure. Je voudrais qu'on se comprenne. Vous nous dites que le
prix de l'essence qui vous est fait par une société
pétrolière, dans certains cas, est supérieur au prix que
cette compagnie vend dans ses propres débits, si j'ai bien compris votre
proposition. Je voudrais aussi avoir votre commentaire sur l'affirmation que
faisait M. Gadbois tout à l'heure, que le prix affiché et le prix
vendu sont, en ultime ressort, fixés par le détaillant ou si le
prix ultime à la pompe et offert à une clientèle est
fixé par une compagnie et qu'ensuite, chacun se débat pour y
retrouver sa marge de profit... Je voudrais être certain que sur ces
trois aspects, on se comprenne bien.
M. Della Noce: M. le ministre, vous avez trois questions dans
votre préambule. J'aimerais que, pour la première, ce soit M.
Morin qui y réponde. La deuxième, j'y répondrai; et la
troisième, je demanderai à un détaillant Shell qui fixe
les prix. Alors, M. Morin, pour la première question.
M. Morin (Pierre): Pouvez-vous demander à M.
Hébert?
M. Della Noce: Est-ce que M. Hébert...
M. Hébert: D'abord sur la première question.
M. Della Noce: Pour la première question?
M. Hébert: Pour la première question, vous le
savez, après avoir travaillé ensemble aux tables de concertation,
il y a des fois où les deux associations n'avaient pas le même
point de vue officiel. Par contre, les problèmes de l'an passé
ont peut-être amené des idées nouvelles et du sang nouveau
dans nos rangs. C'est pourquoi il est certain qu'il va falloir se structurer et
s'organiser pour qu'il y ait seulement une association au Québec qui
défende le petit commerçant. La seule différence qu'il y a
entre nos deux associations, d'un point de vue superficiel, c'est que M. Della
Noce, lui, a simplement des postes d'essence, des détaillants d'essence
et nous, nous avons aussi des garages de mécanique, des
spécialistes du silencieux, des pneus, des aligneurs de roues, tous les
petits garages, excepté les concessionnaires et les "auto parts". C'est
à peu près la seule différence. Je ne vois aucun
problème qu'il y ait seulement une association pour englober le tout au
Québec. Je ne vois pas non plus de ligne limitrophe à une
association comme la nôtre. Le problème, on l'a vu avec la taxe
ascenseur, aux frontières de Témiscouata: ce n'est pas en
reculant de 20 ou de 30 kilomètres que vous corrigez la situation. Du
côté des carrossiers ou de l'essence, c'est le même
problème: on n'a pas de frontière. Ce sont les mêmes
problèmes. C'est un petit commerçant, comme je vous l'expliquais
au début de mon exposé, qui a des... Vraiment, dans une
conjoncture économique comme la nôtre, c'est très difficile
de passer au travers lui-même. Comment voulez-vous qu'il aide son voisin
ou une association? On reste toujours les personnes les plus ardentes: par
exemple, mon collègue, M. Berthier Busque, qui se déplace
aujourd'hui, qui perd sa journée d'ouvrage, pour venir essayer de nous
appuyer dans nos demandes... C'est très difficile de faire cela pour
tout le monde. Tout le monde ne peut pas le faire. Ce n'est pas
nécessairement l'aspect financier; c'est l'aspect temps; c'est
très difficile. Il va falloir qu'on soit capable de se structurer pour
avoir des personnes à plein temps dans chaque domaine. Prenez la
question du comité paritaire où cela prend une personne
employée sur une base permanente. À l'heure actuelle, nos
membres, aussi bien que ceux de l'ASA, ne sont pas bien
représentés. Je sais bien que, dans le passé, on s'est
battu contre eux. Seulement pour vous donner un petit détail, aussi bien
du côté des contrats avec les compagnies
pétrolières, c'est la même chose. Ils arrivent et nous font
signer de petits contrats sur le coin du comptoir à 8 heures ou 9 heures
le soir quand on est bien fatigué, avec un petit coup de gin. Il y
aurait bien des choses à dire! Ce n'est pas de cette manière, je
crois, qu'on peut réussir à passer à travers une crise
comme celle-là. Il va falloir se structurer. Et pour le faire, nous
sommes dans une situation très difficile. Je pourrais employer plusieurs
tactiques, mais je le vois simplement pour
mon membership, l'an passé, à ce temps-ci, on avait autour
de 1560 membres volontaires dans notre association. L'an dernier, on avait 104
$ par année pour le membership et, des fois, on avait dix chèques
pour payer 104 $. Cela ne fait rien, l'administration et la comptabilité
sont difficiles à compiler mais on acceptait quand même cela.
Notre membership est descendu cette année à 956. On a encore un
gros déficit cette année. Cela n'a presque pas de sens qu'on
demande toujours aux mêmes personnes qui vont de l'avant, qui sont
capables de prendre des journées, qui sont capables d'aller dans de
petites réunions d'essayer de se débrouiller avec des compagnies
pétrolières ou avec des gouvernements. Pour des petits gars comme
nous autres, qui sommes habitués à travailler dans un garage, ce
n'est presque pas possible. Il faut avoir des permanents capables de le
faire.
Pour ma part j'ai essayé d'avoir quelqu'un capable de le faire
dans la personne de notre directeur de l'an passé, M. Normand Fournier.
Les garagistes n'ont pas le moyen de se le payer dans ce sens-là. Si on
était 7000 petites entreprises à payer pour une association, oui,
mais c'est compliqué.
M. Della Noce: M. le Président, je crois que M. Morin
répondra aux autres questions.
Le Président (M. Gagnon): M. Morin.
M. Morin (Pierre): Peut-être simplement un commentaire sur
les commentaires qu'ont faits les deux présidents. Vous remarquerez que
la demande formulée dans notre mémoire est pour une
période temporaire, pour se donner le temps de se structurer. On est
bien conscient qu'essentiellement la démocratie commande
éventuellement que cela revienne à quelque chose de volontaire
mais, au départ, c'est le coup de pouce que l'on demande qui n'est pas
ad vitam aeternam.
Sur la question de la fixation des marges brutes, je pense qu'il faut
dire au départ que le principe est déjà acquis. M. Gadbois
indiquait il y a quelques minutes qu'il garantissait à ses
détaillants une marge brute 0,028 $ le litre, ce qui équivaut
à 4,1% à peu près, 4,5%. Le principe est donc acquis. Ce
n'est pas la question de principe qui est en cause, c'est le quantum. M.
Gadbois a été le premier à admettre que c'était
extrêmement difficile pour les détaillants de survivre sur cette
marge-là.
Il y a là un jeu. Dans le mémoire, on parle de 12% et
à l'examen on demandait aussi la question de 2% sur les cartes de
crédit. Remarquez que si on gagne sur les 2% des cartes de
crédit, on serait bien prêt à s'accommoder de 10% mais les
2% étaient contenus dans les 12%, c'était pour compenser les
deux.
Une marge brute qui est essentiellement un maximum n'est pas contraire
à l'esprit de la concurrence; cela se fait actuellement
déjà dans le commerce, où justement, à un moment de
vente et pour des raisons de concurrence, un détaillant ou un
commerçant diminuera sa marge brute de façon à
développer plus de volume. Cela est de pratique courante.
Le principe sur lequel on part c'est: Commençons par avoir une
marge brute qui répond aux impératifs de rentabilité de la
moyenne et, à partir de là, des ajustements se feront. Il y a
peut-être là une distinction fondamentale à faire avec la
Nouvelle-Écosse. En Nouvelle-Écosse, le gouvernement fixe
effectivement non seulement le prix de l'essence mais le prix des marges
brutes. Ainsi, j'ajouterais la participation des détaillants à
une association dans le sens où il y a les trois éléments.
On ne demande pas nécessairement d'imiter législativement ou par
voie de réglementation la question de marges brutes. D'ailleurs, vous
avez remarqué que ce bloc de revendications est adressé aux
compagnies pétrolières plus qu'au gouvernement. Encore là,
c'est la fonction du pouvoir d'initiative, la fonction du pouvoir de
négociation. On tend à avoir et on recherche effectivement de
meilleures marges brutes, au départ.
M. Duhaime: Je vais faire un seul commentaire, M. Morin. Je vous
remercie de vos réponses, de même que M. Hébert. Vous ne
vous attendez sûrement pas que je vous rende une réponse sur le
banc, comme on dit. Je pense qu'on va avoir l'occasion, au cours des travaux de
cette commission, d'entendre tout le monde et de faire le tour du dossier. Il y
a un...
M. Morin (Pierre): M. le Président, aurons-nous autant de
raisons d'espérer que nos prédécesseurs à cette
table sur la biomasse?
M. Duhaime: De fait, il y a une chose que je voudrais dire. C'est
un rapport de forces qui existe. Les détaillants ont des contrats de
signés. C'est de la libre négociation qui se fait dans les
activités courantes, bien sûr. Il a été question du
bail-type. Je sais que cela existe ailleurs dans d'autres provinces et est
appliqué dans les provinces de l'Ouest en particulier. Je voudrais
être bien sûr que l'appel que vous faites au gouvernement n'est pas
ce que les anciens gladiateurs prononçaient au début du combat:
Ceux qui vont mourir te saluent.
M. Morin (Pierre): Morituri te salutant. M. Duhaime:
Morituri te salutant. Je
trouverais cela très dangereux comme exercice. Je ne sais pas ce
que mes autres collègues pensent au sujet de cette question, mais je
vais vous dire tout de go que j'ai beaucoup de réticence. Je
préfère soutenir, dans la mesure où notre gouvernement
peut le faire - et on l'a fait jusqu'à présent - une
municipalité, par exemple, qui décide d'amender un
règlement de zonage pour permettre l'installation d'un libre-service de
Petro-Canada. Pour ne déranger aucun maire, je vais préciser
qu'il s'agit de la ville de Grand-Mère, qui est déjà
surchargée et, effectivement, le règlement de zonage a
été amendé pour permettre une station. Il est bien
évident que ce n'est pas parce qu'une station s'ouvre que le
débit augmente. Il se fait un tassement sur le marché et, selon
l'engagement que nous avions pris, mon collègue Jacques Léonard
et moi-même, nous avons adressé une lettre à chacun des
maires de chacune des municipalités du Québec. Dans certains cas,
les réponses ont été très positives et, dans
d'autres cas, extrêmement négatives, je dois le déplorer.
Nous avons également, au cours des rencontres à la suite des
événements de 1982, fait certains ajustements sur le plan des
taxes à prélever sur les inventaires entreposés chez les
détaillants. Je sais aussi qu'il y a un autre problème qui
consiste, pour le ministère des Finances, à ajuster le plus
rapidement possible la perception de la taxe sur le prix vendu.
Je sais qu'au ministère des Finances et au ministère du
Revenu également, on a déployé beaucoup d'efforts pour
tenter de rejoindre cette revendication. Je sais que, jusqu'à
présent, les délais sont encore sûrement trop longs, mais
je voudrais vous donner l'assurance qu'on va tenter de percevoir les taxes sur
la marchandise à son prix vendu. Vous avez parfaitement raison, je
crois, de soulever cette question qui place tout le monde dans une situation
inéquitable.
Maintenant, sur la question de la distribution, si j'ai bien compris,
les mémoires de la fédération, vous souhaitez que les -
c'est repris aussi dans le mémoire de l'association - compagnies de
raffinage se retirent du marché de la distribution et que, sur un autre
plan, vous souhaitez qu'une compagnie québécoise se lance dans le
raffinage. Vous nous dites qu'il ne faudrait pas que ce soit exclusivement
SOQUIP qui prenne cette initiative, il faudrait que SOQUIP s'associe avec des
intérêts privés pour lancer cette entreprise. Il faudrait
peut-être si vous êtes prêts à le faire aujourd'hui
que vous insistiez davantage sur l'une et l'autre de ces deux propositions qui
sont, je crois, reprises dans chacun des mémoires. (17 h 45)
M. Hébert: II y a une chose que je voudrais ajouter, c'est
que le vif du sujet qui a passé, c'est au moment où on avait
préparé notre mémoire, et c'était la
réaction première qu'on avait eue. On sépare les deux
affaires. Si on dit qu'il faut endurer notre mal, on continue dans ce sens,
mais pourquoi pas nous, comme Québécois, n'aurions-nous pas notre
propre moyen de distribution et de contrôle sur le...? Pourquoi ce ne
serait pas nous les indépendants, les membres de notre association, par
exemple, qui achèteraient des actions dans la compagnie? Peut-être
qu'on n'aurait pas besoin... Peut-être qu'on pourrait survivre en
association avec les profits de la compagnie. C'est peut-être
pensé tout haut, mais c'était pour essayer de contrecarrer ce qui
apparaissait dans les journaux du temps, comme je vous disais tout à
l'heure, dans le vif de l'action, surtout de la part de M. Léger, qui
prônait de lancer sa propre compagnie d'essence. Dans le temps, j'aurais
eu cette réaction. Aujourd'hui, si vous me posiez la question,
peut-être que ce serait différent. C'est certain que la solution
serait peut-être meilleure si on pouvait exclure de la livraison à
la pompe au consommateur les sociétés pétrolières.
C'est officiel. Je verrais mieux qu'elles raffineraient et que nous serions aux
pompes, que la compagnie serve aux pompes; c'est officiel.
M. Della Noce: Je crois que je vais me permettre, M. le
Président, avant d'aller à l'autre question qui n'a pas eu de
réponse encore, d'enchaîner sur le sujet. C'est un sujet que je
voulais amener, mais vous l'avez frôlé assez vite. Comment
trouveriez-vous la solution ou l'idée de General Motors, qui met en
"stock" 700 autos chez chacun de ses 700 "dealers" dans tout le Québec.
Après avoir tout "stocké", après qu'ils ont payé
leur "stock", que la facture est signée, verriez-vous GM, à
Sainte-Thérèse, par exemple, se mettre à vendre des
Chevrolet ou des Pontiac au comptoir? C'est un problème pour les
détaillants qui veulent devenir vraiment indépendants. Vous savez
que, chez les détaillants, le mot "indépendant" est devenu
très important. J'ai subi de ces choses. Il est possible de le faire.
Mais où allons-nous frapper? Si on parle de Shell, on pourrait aussi
parler d'Imperial, on pourrait parler de Gulf, ce n'est pas nécessaire
de parler plus de Shell, parce que M. Gadbois est ici. Il y a eu un livre qui
s'est écrit sur les sept soeurs, il y a eu l'enquête canadienne;
ils disent tous la même chose. Vous savez, il ne faut pas blâmer
plus Shell que d'autres. Quelquefois, je nomme des compagnies, je ne devrais
peut-être pss le faire. Appelons-les les compagnies
pétrolières, les majeures, si vous voulez. Elles l'ont fait, on
nous l'a fait subir, je suis un détaillant depuis 20 ans et j'ai subi
tout cela. Je n'ai jamais pu avoir un prix chez moi. J'étais avec une
majeure qui n'était pas Shell, mais quand même, c'était une
majeure et, dans le temps, on
l'appelait chef de file. On vendait l'essence 0,05 $ le litre de moins
à environ 4 milles de chez moi. Je suis à Laval, je suis à
Auteuil - et on le vendait sur Saint-Martin... La station a été
démolie cette semaine pour faire place à une station de
Petro-Canada. Pourquoi la compagnie vend-elle aux clients 0,05 $ de moins que
je le payais? Je suis même allé prendre de l'essence, pour avoir
des preuves à l'enquête fédérale, avec ma carte de
crédit Esso et j'ai pris dix litres de chaque produit, parce qu'on
voulait avoir des preuves. "Bring me the evidence", disait M. Hunter. J'ai
apporté cela à Ottawa. J'ai fait cela de mon propre gré,
avec mon argent, pour aider. C'est ma façon à moi de contribuer
au Québec. Je le fais bénévolement. Il y en a beaucoup qui
me demandent: Quand est-ce que vous entrerez en politique? J'en fais de la
politique, mais la seule différence est que je ne suis pas
payé.
Ce que j'essaie de vous prouver c'est que, aujourd'hui, les prix de
pétrole - même avant, il y a vingt ans - sont une recette, une
formule gagnante que les compagnies ont toujours eue. Quand on vous appelle et
qu'on vous demande si le gars a monté ses prix à
côté de chez vous? Non. Bien, monte-les toi, cela va lui donner
une raison de monter les siens. Ce ne sont pas des histoires qu'on raconte
là. Quand on me dit: Tu vas augmenter ton produit. Je dis: Non, j'ai
encore 5000 gallons dans mon réservoir et je veux en faire
bénéficier mes clients. Vous devriez savoir les pressions que
j'ai subies. Mais, étant donné que je suis un batailleur et que
je me tiens debout, que je voudrais rester un détaillant modèle,
j'ai vidé mes réservoirs. Mais, après avoir vidé
mes réservoirs, mon prix - comme l'expliquaient si bien tantôt M.
Gadbois et les autres - a été augmenté de 0,05 $. Je suis
obligé de vendre 0,05 $ plus cher à ma clientèle. Mais,
entre-temps, vous avez les remarques du consommateur qui dit: T'es bien voleurl
Prenons l'exemple d'avril 1982, après la grève. Une
journée après la grève ou l'arrêt de travail -
j'aime mieux cela - il y a une compagnie qui a augmenté son prix de 0,10
$ le litre; 24 heures ou 36 heures après, toutes les autres ont
augmenté de 0,10 $. Qu'est-ce que le consommateur nous disait, nos amis,
nos clients? C'est cela que votre grève a donné? C'est une
maudite belle affaire, çal C'est de la machination. Cela a
été fabriqué. C'est fait pour que le détaillant
mange des tapes sur le nez. Pourquoi fait-on ces choses-là? Parce que
quelqu'un contrôle quelque chose. Ce n'est pas moi qui contrôle et
je ne pense pas qu'il y ait un détaillant au Québec qui puisse se
vanter de contrôler son prix plus qu'une semaine, pendant que son
réservoir se vide. On a des preuves. Interrogez n'importe quel
détaillant. Si vous en rencontrez un, j'aimerais le voir.
Il est très difficile de rester avec un prix pour plus d'une
semaine, parce qu'on est approvisionné par des "majeures". Quand on vous
vend plus cher, à moins que vous ne vouliez perdre comme quelqu'un l'a
fait en Ontario... Vous avez vu, à Saint-Boniface, jusqu'à 0,01 $
le litre. Ces petites farces-là coûtent de 40 000 $ à 50
000 $ dans une semaine. Est-ce qu'il y a des détaillants au
Québec qui peuvent se payer le luxe de perdre 40 000 $ dans une semaine?
J'en doute, vous savez. Je n'en connais pas encore. J'ai fait toute la province
et ce n'est pas plus rose chez nous qu'en Gaspésie. On nous raconte
toutes sortes d'histoires; les changements de prix, les frais de transport.
Dans le Nord, c'était toujours plus cher à
Saint-Jérôme, à Sainte-Agathe. C'étaient les frais
de transport. J'y suis allé hier, c'étaient 0,489 $. Chez nous,
c'est 0,555 $. Mais les frais de transport ont changé ou la raffinerie
de Montréal-Est est déménagée à
Saint-Jérôme. Vous savez, c'est un fichu de problème. Il y
a quelqu'un qui contrôle. Les arguments des compagnies sont que c'est la
guerre de la libre entreprise.
J'y crois, moi, à la libre entreprise. Je voudrais que cela
règle la guerre des prix, mais en descendant, pas en montant. Là,
c'est la guerre. On fait une guerre au détriment du détaillant et
ceux qui ne sont pas en consignation la paient de leur poche. C'est grave,
ça. Vous savez que l'essence est très chère aujourd'hui.
On doit la financer. On doit la payer auparavant. Vous connaissez toute
l'histoire. Il est inutile de revenir là-dessus. Alors, nous sommes des
financiers, mais pas d'intérêt. Mon argent à la banque me
rapporte 13,5% et, quand je l'investis dans l'essence, il me rapporte 4,1%
à 4,5% et je dois travailler 16 heures par jour sept jours par semaine,
je dois l'assurer et je dois payer un permis au gouvernement, je dois payer un
permis ici, je dois payer de l'assurance là. Alors, je me demande
pourquoi ne pas mettre les deux pieds sur la bavette du poêle, laisser la
chaloupe aller et attendre que le gérant nous appelle pour nous dire:
Venez chercher vos intérêts au moins une fois par année.
C'est un problème.
Maintenant, si vous voulez poser la question, tantôt vous vouliez
la poser, nous avons deux vendeurs Shell ici, vous pouvez la poser à M.
Sigouin. Voulez-vous que je lui répète la question?
Une voix: Oui, allez-y!
M. Della Noce: M. Sigouin a une station Shell à Laval et
il pourrait dire si vraiment votre question... Cela avait l'air de vous
fatiguer... Qui fixe les prix chez lui?
M. Sigouin (Paul): ...qui fixe les prix?
M. Duhaime: Comment cela fonctionne-t-il exactement?
M. Sigouin: Soit qu'on nous appelle et nous dise: À telle
heure vous allez mettre tel prix sur la pompe ou on nous dit: Suivez le prix de
l'autre à 0,005 $, si le libre-service à côté monte
à 0,59 $, par exemple, placez-vous à 0,595 $.
M. Duhaime: Disons qu'il y a un mouvement de 0,005 $ le litre -
peu importe le montant - à la hausse ou à la baisse, sur votre
facture à vous de la compagnie qui vous livre, est-ce que le même
mouvement se répercuté à la hausse ou à la
baisse?
M. Maisonneuve (Maurice): Chaque fois qu'il y a un changement de
prix... Par exemple, si le compétiteur baisse, on donne notre
inventaire, on nous crédite l'inventaire à la différence.
Il y a une chose qu'on n'a pas dite souvent, par exemple, et j'aimerais la
répéter, c'est que à 0,028 $, on nous oblige à
vendre 0,005 $ de plus que le libre-service. En réalité, si vous
voulez suivre la compétition, vous avez 0,023 $. Si vous le faites, le
libre-service va rebaisser de 0,005 $ et cela continue comme cela. Quand il se
tanne, il remonte de 0,10 $ et on est inventorié à la hausse,
toujours en fonction de vendre à 0,005 $ de plus que le
libre-service.
M. Duhaime: Je comprends que vous êtes familiers avec cela,
parce que c'est vous qui payez les comptes lorsqu'on vous fait les
livraisons...
M. Maisonneuve: Oui.
M. Duhaime: ...et vous percevez l'argent de vos clients à
la pompe. Si je comprends bien, vous avez aujourd'hui, mettons, 10 000 gallons
dans vos réservoirs vous recevez un avis par téléphone de
baisser de 0,005 $ le litre. On va vous créditer le même montant
sur l'inventaire qui est sous terre, si je comprends bien.
Une voix: C'est cela.
M. Duhaime: Par ailleurs, si l'appel téléphonique
va dans le sens d'une hausse de 0,005 $ dixièmes, le prix de votre
inventaire vient d'augmenter du même prix.
M. Maisonneuve: C'est cela.
M. Duhaime: C'est comme cela que cela fonctionne.
M. Maisonneuve: C'est comme cela que cela fonctionne. Et si on
décide de...
M. Duhaime: Eh bien! Je m'en doutais un peu, mais je voulais
l'entendre.
M. Maisonneuve: C'est absolument comme cela. 95% des
détaillants fonctionnent de cette façon. Mais si, par exemple, on
dit: La hausse, je ne la paierai pas - on a essayé cela - je vais
attendre que mon inventaire soit écoulé, je vais vendre ce que
j'ai au prix... Ce qui arrive, c'est que, quand il y a une baisse, ils ne
veulent plus nous donner de crédit. Alors, tu n'es pas capable de
baisser ton produit; tu es obligé de le vendre à perte et ils
récupèrent la hausse qu'on n'a pas voulu leur donner. C'est aussi
simple que cela.
M. Della Noce: Je vous ferai remarquer, M. le ministre, que M.
Maisonneuve n'est pas avec Shell; il est avec Petro-Canada. Alors, que ce soit
une compagnie ou l'autre, il ne faudrait pas blâmer plus Shell qu'une
autre. C'est général.
M. Duhaime: Est-ce que ce système a
été...
M. Della Noce: Je n'ai pas vu...
M. Duhaime: C'est standard. C'est ce que vous dites.
Des voix: C'est standard.
M. Della Noce: C'est standard. Depuis 1968, on vit avec ces
documents, ces fameux contrats, contrats de consignation, c'est un
mélange terrible. On appelle cela une "aide de support". Je ne sais pas
si cela supporte quelque chose, mais je vous dis une chose: cela ne supporte
pas mon compte de banque.
Il y a un autre problème qui survient. Je trouve bizarre que
chaque fois que le prix d'une automobile ou le prix d'un meuble augmente le
manufacturier ne va pas chercher l'augmentation du meuble chez le vendeur
détaillant. Je ne vois pas pourquoi on doit venir chercher... On a
toujours la raison que, quand cela baisse, on donne un petit profit, mais le
prix du pétrole augmente beaucoup plus souvent depuis quelques
années qu'il ne baisse.
M. Duhaime: Une question qu'il faudrait aussi clarifier et ce
sera ma dernière intervention. Qui finance les inventaires? J'imagine
que si vous recevez 25 000 gallons cet après-midi vous ne payez pas sur
livraison. Vous devez avoir 30 jours, 60 jours, selon vos comptes.
M. Della Noce: Ah non! Chez les compagnies
pétrolières, M. le ministre, c'est "cash", "COD cash". Si le type
a un mauvais crédit, c'est "cash no cheque", avant que le camion ne
livre. Ce n'est rien. C'est acceptable. Ce sont des gros montants. C'est
aussi bien de payer cela tout de suite au cas où on n'aurait plus
d'argent.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Delia Noce: Mais le problème, c'est qu'on paie
Parizeau, on paie tout le monde, on paie même M. Lalonde et M.
Chrétien, on paie l'Alberta, on paie tout le monde. C'est pour cela
qu'eux n'ont pas de taxe: ils sont assis sur le robinet. C'est une chose que
j'avais oublié de mentionner.
Mais il y a un autre problème, c'est que, lorsque la compagnie
nous finance, ou supposément nous finance - cela est mauvais et le
financement est très mal interprété, pour ceux qui
connaissent très bien le financement - elle le fait par consignation,
mais une consignation pétrolière n'est pas tout à fait
comme la consignation chez un type qui nous vend des pièces. Celui qui
nous vend des pièces nous dit: Je laisse cela en consignation. Exemple:
il me donne dix batteries; je ne les paie pas. Une semaine plus tard, il
revient et dit: Tu as vendu une batterie. Alors, je paie une batterie et il
m'en redronne une autre. La consignation d'une pétrolière - je
n'en nomme pas, elles sont toutes pareilles - fonctionne comme ceci: Tu me
paies, je te mets en consignation, mais tu me paies cela et tu me donnes un
crédit ou une lettre de la banque, ou une garantie, ou un "bond". On est
rendu au "bond"; c'est grave, cela coûte 450 $ à un
détaillant pour avoir un "bond". Il a les moyens encore de financer et,
en plus, il doit payer un "bond"!
Alors, moi, chez Imperial, ce n'était pas tout à fait
comme cela. J'ai donné mon argent en dépôt. On me versait
un petit intérêt là-dessus: le "prime rate" plus 1%, mais
cela s'appelle la consignation. Pour moi, ce n'est pas de la consignation. On a
beaucoup de mal à s'entendre avec cela. C'est la même chose quand
on nous donne un profit. Cela fait 20 ans qu'on nous donne cela "à la
cent". Cela allait bien quand on faisait 0,08 $ de profit sur 0,32 $; j'ai
connu cela, moi. C'était un très bon pourcentage, en 1969; cela
nous donnait 23%. Et on en est venu, malgré tout, à faire une
grève. Nos vieux ont fait une grève. Moi, j'étais tout
jeune à cette époque; je commençais et je ne savais pas ce
qui se passait. Ils ont fait une grève parce qu'ils arrivaient trop
juste à 23%. Aujourd'hui, on travaille à 4,1% et on arrête
de travailler. Shell et Petro-Canada nous envoient des injonctions parce qu'on
a fait quelque chose à Québec et je n'étais jamais venu
à Québec. C'est grave, vous savez. (18 heures)
En plus de cela, on nous fait financer une carte de crédit de 2%
qu'ils ont imposée. Shell a quand même un honneur: elle vient
d'enlever 1% sur sa carte de crédit. Même sur la carte de
crédit, on imposait 1% de frais d'administration. Texaco l'a encore,
malheureusement. J'espère qu'elle va suivre la voie de Shell. C'est
grave quand on voit cela. Cela veut dire que le détaillant reste avec
une moyenne de 2% à 3%, parce que ce n'est pas tout le monde qui
achète avec une carte de crédit. On ne déduira pas 2%; on
va déduire 1%. Il reste 3%.
Mais, ce qu'on a oublié de dire sur les nouveaux baux de location
quand on a eu notre table de concertation - je n'étais pas trop confiant
que cela fonctionne et c'est important que cela soit dedans - c'est qu'on vient
de donner un petit boni au détaillant: il va payer pour les
réparations et l'entretien du vieil équipement qui existe depuis
20 ans. Et, on a converti au système métrique, parce que le
gallon est métrique. L'ingénieur avait inventé une pompe
qui fonctionnait à tant de tours à la minute et maintenant, on
lui demande de faire le tour quatre fois et demie plus vite en changeant une
petite pièce qui ne coûte pas trop cher. Imaginez-vous combien
cela coûte. Cela a coûté 842 $ chez nous parce que
l'inspecteur du gouvernement fédéral pour les poids et mesures
est passé et que je ne donnais pas le poids exact. Je ne volais pas mes
clients; je me volais moi-même. Sur quatre pompes, il y en a trois pour
lesquelles j'en donnais trop. Esso n'a jamais payé pour cela. C'est
grave, vous savez. C'est un vieil équipement qui lui appartenait. On
demande au détaillant: En plus de ton loyer, tu vas payer la
réparation. Et on ajoute des taxes. Et s'il est capable de s'en sortir,
il va certainement avoir un autre boni. C'est le décès qu'il va
avoir. C'est cela qu'il va avoir. Il n'est pas question de s'en sortir. Il faut
s'organiser.
Il faut que l'association ait des moyens de négocier. Si on
était assez fort aujourd'hui - je pourrais vous parler d'autre chose
aussi sur l'évaporation - on serait capable de négocier avec une
compagnie qui voudrait nous écouter. Mais, malheureusement, quand on
leur écrit, si vous regardiez les lettres qu'on reçoit, je suis
prêt à vous les montrer, elles disent toutes la même chose:
On comprend vos problèmes, on est prêt à négocier,
mais sur une base individuelle. Imaginez-vous un détaillant qui ne sait
pas lire, qui ne sait pas écrire et qui travaille 18 heures par jour,
s'il est capable de signer un contrat sur un "hood" d'automobile.
M. le président, ici, disait que c'est signé à 8
heures ou à 9 heures le soir, mais j'ai vu que cela se passe le plus
souvent quand il y a beaucoup de clients et que vous avez hâte de vous en
débarrasser parce que le client a hâte d'avoir son auto. C'est
fait sur un capot d'automobile; je l'ai vu, moi. Je suis dans le métier
et je le connais, mon métier; je connais ma ligne. Je vous garantis une
chose: cela se signe mal un contrat de
22 pages... Et, en plus de cela, on a l'audace de nous faire signer et
de s'en aller avec tous les papiers parce qu'on ne peut pas nous les montrer.
On nous retourne cela trois semaines après, après que le
directeur général de la Place Ville-Marie, ou de Toronto, ou peu
importe à quel endroit, l'ait approuvé. Cela veut dire que le
détaillant s'est bien tué comme il faut et que s'il manquait
quelque chose, le directeur, lui, si ce n'est pas en sa faveur, il ne signera
pas. Si le type a signé, c'est parfait, mon vieux, ton arrêt de
mort va revenir dans trois semaines. C'est cela qui arrive.
Il n'y a rien à cacher. On dit la vérité. S'il y a
quelqu'un qui peut contester cela, je serais très fier de le voir. Moi,
j'ai fait la tournée. Cela fait trois semaines que je travaille sur les
profits d'essence. J'ai vu des centaines de contrats et, croyez-le ou non, on a
eu des témoignages de détaillants à qui cela coûte
30 000 $ par année pour vendre de l'essence. Où prend-il cela?
Comment réussit-il? Ils méritent des médailles, nos
Québécois. Nos détaillants québécois
méritent une médaille. Au prix que coûte l'essence, avec
tout ce qu'on a investi, s'il vient à bout de réussir...
Même s'il perd 30 000 $, il va les chercher en arrière, au
service. La partie du service finance en avant. Peut-être que si on
faisait un bon profit en avant, on pourrait donner un meilleur service à
meilleur prix en arrière.
M. Duhaime: C'est comme dans d'autres commerces. On m'a dit, il
n'y a pas tellement longtemps, que c'était la boucherie qui faisait
vivre l'épicerie ou que plutôt c'était l'inverse.
Je n'ai pas d'autre question pour l'instant. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, ce que j'ai retenu des
remarques de M. Della Noce, c'est que vous aimez votre métier; ceux qui
font ce métier-là l'aiment et vous le défendez bien. Je
pense qu'on doit vous en féliciter.
Ma première question, je vais la poser à M. Della Noce et
à M. Hébert. Je vais commencer par M. Hébert. À la
Fédération des garagistes et détaillants d'essence du
Québec, le membre moyen de votre association, est-ce qu'il se trouve
à la ville et à la campagne? Quel est l'investissement qu'il a
fait? Il est propriétaire d'un commerce. Est-ce que vous pouvez me dire
s'il s'agit d'un petit investissement, en moyenne, ou s'il s'agit, parmi vos
membres de gros investisseurs, de ceux qui ont un gros commerce ou un petit
commerce?
M. Hébert: Je pourrais vous répondre,
M. Fortier...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. M.
Hébert: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Avant de vous laisser la parole,
je me rends compte qu'on a passé 18 heures. Je demande le consentement
de la commission.
M. Fortier: Consentement, consentement.
Le Président (M. Gagnon): Allez-y.
M. Fortier: Décrivez-moi donc le membre typique.
M. Hébert: Je pourrais vous le décrire, mais je
préférerais que ce soit mon détaillant qui vous l'explique
lui-même, si vous êtes d'accord.
M. Busque (Berthier): Je vais y aller comme détaillant.
D'abord, je suis dans la Beauce. J'ai un Petro-Canada et je voudrais inviter M.
Maisonneuve à venir s'établir chez nous, parce que Petro-Canada,
si on vend le même prix que le libre-service, ne nous pénalise
pas. Elle nous laisse notre 2,8%. Il y a une autre chose à laquelle je
voudrais revenir. Je vais répondre à votre question, M. le
Président, si vous me le permettez. Il a été question de
fixation de prix tantôt et cela m'a chatouillé, parce que,
indirectement, nos prix sont fixés. Chez nous, c'est 0,539 $ et si
demain matin, je mets 0,005 $ de plus, ma compagnie va monter mon prix
peut-être de 0,03 $ à 0,04 $. Je n'ai pas le prix juste, le prix
de zone. Automatiquement, je tombe sur le prix de zone si je veux faire 0,005 $
de plus pour pouvoir payer mon administration. Si elle coûte un peu plus
cher chez nous -question d'heures ou question d'ouverture de la fin de semaine
- et que je veux rester ouvert, à ce moment-là, ils ne me
vendront pas 0,005 $ de plus ou ils ne me laisseront pas le choix d'avoir mes
0,005 $. Ils vont mettre le prix de zone, c'est-à-dire que je vais
tomber complètement en dehors de la concurrence. Je vais être
beaucoup plus haut à ce moment-là. C'est un peu signer mon
arrêt de mort, comme ils disent. On ne peut pas. Il est certain que s'ils
voulaient nous répondre, M. Gadbois, si un de ses détaillants, de
leurs détaillants, si vous voulez, monte le prix qui n'est pas le prix
affiché, le prix - qui est supposé être, par exemple, 0,539
$ ou 0,55 $ - si le détaillant le monte de lui-même pour avoir un
petit profit, automatiquement le prix tombe sur le prix de zone. En tout
cas!
M. Fortier: On va revenir sur les prix...
M. Busque: Bon! D'accord.
M. Fortier: ...mais je voudrais suivre mon raisonnement. Je vous
demandais quel était le...
M. Busque: Je voulais le passer en passant.
M. Fortier: Je vous remercie.
M. Busque: D'accord. Pour ce qui est du détaillant - M.
Hébert me corrigera si je me trompe - ce sont tous des
détaillants en dehors des grosses villes, en dehors de Montréal
qui sont avec la fédération, en majeure partie.
M. Fortier: En région? M. Busque: Oui, en
région.
M. Fortier: Et quel est le capital investi en moyenne?
M. Busque: Les investissements, cela peut partir de petits, d'un
locataire qui a soit son essence et ses petites affaires et qui paie le loyer,
jusqu'au débosselleur qui peut avoir cinq portes ou au détaillant
qui peut avoir quatre ou cinq portes et un atelier. Cela peut partir de
là à aller jusque là. Cela peut vous donner une
idée à peu près de l'investissement.
M. Fortier: Oui. J'essaie d'avoir un chiffre. Quel genre de
capital investit le propriétaire moyen?
M. Busque: Est-ce que...
M. Fortier: Parle-t-on de 100 000 $, de 500 000 $? Parle-t-on de
1 000 000 $?
M. Busque: Cela dépend. Si vous prenez un poste d'essence
à trois portes dans la région urbaine, avec l'approvisionnement
qu'il doit garder et l'essence il faut parler de 250 000 $.
M. Fortier: 250 000 $? C'est à la campagne, cela?
M. Busque: Oui. C'est la moyenne. M. Fortier: C'est au
moins 250 000 $.
M. Busque: Parce que la réserve d'essence normale... Le
gars qui va vendre un nombre moyen de gallons, qui en vaille la peine, c'est
sûr qu'il n'aura pas moins de 35 000 $ ou 40 000 $, 30 000 $ en moyenne
de réserve d'essence; juste là, à part des pneus et
tout.
M. Fortier: Oui, oui. Le capital investi est autour de 250 000
$.
M. Busque: Cela peut être de 35 000 $ à 250 000
$.
M. Fortier: Quelle est la moyenne? Peut-on parler d'une moyenne?
Ce que j'essaie de savoir...
M. Busque: Oui.
M. Fortier: ...c'est quel est votre membre typique? Est-ce
quelqu'un qui, en moyenne, investit 250 000 $ dans son commerce ou celui qui
investit seulement 5 $ dans son commerce?
M. Hébert: Je peux répondre pour ma part, parce que
comme Berthier vous l'expliquait, c'est assez difficile de répondre pour
nous. On touche à deux ou trois lignes.
M. Busque: On prend tout ce qui touche l'automobile, sauf
les...
M. Hébert: Et c'est un peu moins gros aussi que dans les
grands centres comme Montréal. Mais il est sûr et certain que
c'est assez rare de trouver des garagistes qui ont le moyen d'investir de gros
montants d'argent. Ils empruntent pour le faire. Je peux dire que dans la
moyenne, c'est environ entre 100 000 $ et 150 000 $ d'investissement
obligatoire; et en plus, il emprunte. Cela fait beaucoup.
M. Fortier: Maintenant, vous avez dit tout à l'heure que
le membership était assez limité, je pense que vous avez dit 956.
Quel est le potentiel? Est-ce que vous avez une idée? Si tous les gens
qui sont à peu près dans la même "range" que vous venez de
définir, à la campagne, devenaient membres de votre association,
de combien de personnes est-ce qu'on parle? Je parle de ceux qui, normalement,
seraient intéressés par la fédération des
garagistes.
M. Hébert: Le nombre possible serait d'environ 7500
à 8000 au Québec.
M. Fortier: Cela inclut les propriétaires.
M. Hébert: Cela inclut les propriétaires, les
locataires, ceux qui touchent...
M. Fortier: Mais je pensais que la différence entre les
deux associations, la Fédération des garagistes... Enfin, votre
association regroupe des détaillants d'essence et des
propriétaires de garage également.
M. Hébert: C'est cela. Et on a des
dépanneurs...
M. Fortier: Alors vous dites que c'est 7500 postes,
garages...
M. Hébert: C'est cela.
M. Fortier: II y a 7500 garages qui vendent de l'essence...
M. Hébert: ...au Québec...
M. Fortier: ...et qui pourraient être membres de votre
association...
M. Hébert: ...des garagistes et détaillants
d'essence.
M. Fortier: Qu'est-ce qui fait qu'il n'y a pas un plus grand
nombre de membres qui trouvent avantageux d'appartenir à votre
association?
M. Hébert: J'ai essayé de vous l'expliquer au
début. C'est très compliqué. Ce sont toujours les
mêmes qui essaient de faire quelque chose pour les autres. C'est comme je
vous expliquais, ce n'est pas tout le monde qui va donner de son temps et de
son argent pour se déplacer et pour aider son voisin. On aide toujours
à l'ensemble des garagistes quand on essaie de faire des revendications
pour les garagistes.
M. Fortier: Je connais un peu cela. J'ai été
président d'une association canadienne, sur une base volontaire. Je peux
vous dire que 90% de l'effort qui était mis, c'était volontaire
et on faisait cela en plus du travail normal. Toutes les associations
travaillent sur cette base. J'essaie de savoir pourquoi, dans certaines
associations, cela fonctionne bien et dans d'autres, cela fonctionne moins
bien. Normalement, il y a des raisons à cela. J'essayais de savoir avec
vous si vous aviez identifié les raisons pour lesquelles dans votre
association - je parle de la fédération des garagistes - cela
fonctionnait moins bien. Je me demandais si vous aviez fait des efforts sur une
base régionale. Est-ce que vous avez des incitatifs qui ont fait que
vous auriez pu regrouper les gens d'une même région ensemble?
Est-ce que vous avez fait des efforts de ce côté?
M. Hébert: Oui, considérant qu'on forme une
fédération, nous sommes séparés en secteurs. Il y a
122 comtés au Québec. À l'heure actuelle, on a 40 secteurs
de fondés avec président et conseil d'administration pour chaque
secteur. Mais on arrive toujours au même problème, on a presque
toujours frappé dans le vide avec nos revendications. C'est à peu
près la seule fois, l'an passé, qu'un gouvernement nous a
écoutés et c'est à peu près la seule fois où
on a eu un peu de tangible, mais ce n'est pas encore tangible. Prenons la
limitation des permis. Il faut passer par les municipalités, comme M.
Duhaime m'expliquait tout à l'heure, c'est bien beau, mais depuis quatre
mois que je travaille à rencontrer les municipalités, les
conseils de ville et les MRC... La première fois que je suis allé
aux municipalités, on m'a dit: C'est au gouvernement à faire
cela. En fin de compte, j'ai pu réussir un peu, côté
politique, à me faire écouter par les maires qui siègent
à la MRC. Mais encore là, on dit: que le gouvernement nous
prépare quelque chose, qu'il nous envoie cela; si cela a du bon sens, on
l'acceptera. C'est très difficile. On n'est pas politicien, quant
à moi toujours. J'ai assez de misère avec mes outils et mes
affaires que je ne veux pas me mêler des problèmes des autres,
mais c'est compliqué.
M. Fortier: Oui, mais sans être politicien, ce que vous me
dites, c'est que ceux qui pourraient devenir membres de votre association n'y
voient pas d'intérêt. Par ailleurs, vous nous tracez un tableau
très noir de la situation, alors il y a quelque chose qui ne marche pas.
Ou bien les gens ne voient pas le problème dans lequel ils sont, ou bien
les autres qui décident de ne pas devenir membres de votre association
n'ont pas les problèmes que vous définissez. C'est l'un des
deux.
M. Hébert: Comme j'ai essayé de l'expliquer, c'est
très difficile pour le petit garagiste de sentir, de palper les avoirs
qu'on a pu recevoir. C'était la première fois, l'an passé,
qu'on avait un petit quelque chose. Mais c'est très difficile à
palper pour eux. Ils ont tout le temps pour dire: On paie pour rien. Qu'est-ce
que cela nous donne une association?
M. Fortier: Je vois, à l'annexe À, les
revendications que vous avez eues au printemps 1982. Il y en a quinze:
limitation des permis d'exploitation, reconnaissance des associations des
détaillants, profit raisonnable, contrôle des prix au
détail et du gros, frais de vente... Vous venez de me dire que vous avez
obtenu quelque chose et vous avez remercié le ministre. Qu'est-ce que
vous avez obtenu exactement, de ces quinze articles ici?
M. Hébert: C'est ce qu'on a obtenu pour commencer, de se
faire écouter, c'était le premier point.
M. Fortier: Oui. (18 h 15)
M. Hébert: Pour ma part, c'était la première
fois qu'un gouvernement nous écoutait. Les compagnies
pétrolières ne nous écoutent pas, nous. Il fallait donc
parler avec quelqu'un. Le gouvernement s'est mis entre l'écorce et
l'arbre, comme on dit, et il
nous a écoutés. Je pense que c'est déjà une
bonne chose.
Deuxièmement, la compensation directe pour la taxe
d'évaporation et ensuite l'exemption entière de taxe sur la
quantité d'essence ne pouvant pas être pompée, le
stock...
M. Busque: C'est 10% de plus dans l'inventaire.
M. Hébert: Ce n'est pas énorme. Le gouvernement a
bien voulu envoyer à toutes les municipalités du Québec
nos revendications et nos problèmes et demandé de bien vouloir
s'y attarder parce qu'elles pouvaient faire quelque chose pour nous. Si on
avait les moyens de faire écouter ces municipalités, ce serait
notre plus gros succès, parce qu'il n'y aurait plus de nouveaux postes
d'essence. On pourrait réussir...
M. Fortier: On va revenir là-dessus. Je vais poser la
même question à M. Delia Noce. Qu'est-ce qui fait que vos membres
ne veulent pas devenir membres de votre association? Vous êtes toujours
sur les ondes de la radio parce que chaque fois que j'ouvre la radio, je vous
entends. Je suis quasiment jaloux de vous.
Une voix: Achetez-vous une station-service...
M. Della Noce: J'espère que si...
M. Fortier: Comment se fait-il que vous ne réussissiez pas
à convaincre ceux qui pourraient devenir membres de le devenir?
M. Della Noce: J'espère, M. le député, que,
si vous aviez une station-service, je vous aurais au moins convaincu, vous,
puisque vous m'écoutez, mais la majorité des détaillants
n'écoutent pas la radio et ne lisent même pas le journal.
Votre question pourrait être divisée en plusieurs points
mais je vais vous en nommer un ou deux.
M. Fortier: Décrivez-moi donc le membre moyen. Votre
membre moyen est un locataire.
M. Della Noce: D'accord. Il y a deux sortes de membres. Il y a le
membre qui est un détaillant qui possède une pompe. S'il n'a pas
de pompe, il n'est pas membre chez nous. On a assez de problèmes
à régler les affaires d'essence qu'on ne voudrait pas s'embarquer
dans une autre affaire. Il y en a qui l'ont essayé dans le passé
et on s'est cogné le nez.
M. Fortier: Quels sont les membres?
M. Della Noce: Ce sont des membres qui vendent seulement de
l'essence.
M. Fortier: Oui, oui, mais quelles seraient les autres sortes de
membres?
M. Della Noce: Ah! Il y en a plusieurs. Il y a des
spécialistes dans la transmission, dans les silencieux, dans les
freins.
M. Fortier: Ah oui! D'accord. Ce sont seulement ceux qui vendent
de l'essence.
M. Della Noce: C'est notre slogan. Si vous avez une pompe, vous
devez être chez nous.
M. Fortier: C'est surtout en ville, si je comprends bien.
M. Della Noce: Notre rayon de tir est le Montréal
métropolitain et un peu dans le nord. D'accord?
M. Fortier: D'accord.
M. Della Noce: Et il ne faut pas oublier l'Outaouais. Il y a deux
raisons pour lesquelles un type... D'ailleurs, pour l'investissement, je vous
donne les deux types. Il y a le propriétaire et le locataire. Le
locataire investit en moyenne 125 000 $ et le propriétaire investit en
moyenne 250 000 $, n'incluant pas tout son inventaire. Si vous prenez
l'inventaire d'essence, puisqu'en moyenne ils ont quatre réservoirs de
5000 gallons, faites le calcul, à 2,50 $ le gallon, 20 000 font 50 000
$. Ce n'est pas toujours cela. Cela peut diminuer et cela peut augmenter. Mais,
quand même, il faut avoir l'argent.
Nos membres en moyenne sont des détaillants qui ont deux portes.
Il y en a qui en ont trois et il y en a aussi qui en ont des petites. Mais, en
moyenne, c'est le détaillant général, par exemple, comme
moi qui possède deux portes. Pourquoi ne deviennent-ils pas membres? Il
y a plusieurs raisons.
Tout d'abord, il y a la peur. Puisqu'il y a eu des pressions qui ont
été faites - j'ai assisté à des réunions
d'une compagnie avec laquelle j'étais, où on a dit que, si les
gars... C'était devenu assez fort qu'on avait 90% des membres dans cette
compagnie. On nous a fait une réunion. Des gens de Toronto sont venus et
nous ont dit: Si vous embarquez là-dedans, les "boys", vous allez y
goûter! Tous mes confrères se sont couchés sur la table
parce qu'ils avaient peur. Moi, je suis resté debout. J'ai dit: On n'a
pas demandé de vous tuer ou de vous assassiner, on veut négocier
et c'est pourquoi on veut s'associer. Croyez-le ou non, par
téléphone chez nous, puisque j'étais un de ces
organisateurs - je n'étais pas le seul - le lendemain, on a eu
plusieurs
demandes pour récupérer le chèque qui était
de 25 $ par année. Mais à cause de la peur et des pressions qui
ont été faites... Malheureusement, cela existe encore.
Je vous ferai remarquer qu'en avril 1981, pour notre mouvement,
puisqu'il y en a qui ont écouté la radio et qui trouvaient cela
pas mal le "fun", nous avons eu 6000 $ de cotisations anonymes. C'est beaucoup
dans notre budget. C'est environ 100 $ par détaillant en moyenne,
d'après ce qu'on a vu. Mais on ne voulait pas avoir une carte de membre
parce qu'on ne voulait pas que leur nom paraisse dans nos livres. On a mis cela
dans un fonds spécial qu'on a appelé le "fonds de grève".
C'est dommage mais c'est comme cela.
Quand nous écrivons à une compagnie
pétrolière, on nous dit... Ce matin encore, il y avait une
très belle cause: Détaillants BP vs Petro-Canada qui ne voulaient
pas embarquer avec nous. Déjà, on mentionnait que les
détaillants étaient des membres de l'ASA. Mais comme la cause n'a
pas été entendue, j'aimerais ne pas aller trop loin sur ce sujet.
J'ai trouvé cela - je ne dirai pas le mot - mais ce sont des avares sans
aucune limite. Croyez-moi, c'est très grave ce que je dis là, et
il n'y a pas de mot plus exact pour le dire. On interdit à quelqu'un ou
on lui reproche d'être membre de l'ASA. Regardez, quand vous allez
recruter ce membre, il dit: Je ne peux pas embarquer avec vous, je vais me
mettre la compagnie à dos. Est-ce possible, chez nous en
démocratie? Ce n'est pas possible, mais cela arrive.
Il y a une autre chose qui arrive aussi souvent. J'ai deux lettres qui
sont arrivées hier et qui le prouvent: il s'agit de deux compagnies
différentes et je vais vous en lire juste un court paragraphe: "Nous
désirons vous rappeler que nous sommes toujours prêts à
rencontrer les détaillants (...) sur une base individuelle afin de
discuter des problèmes auxquels ils ont à faire face et exposer
des mesures correctives selon nos possibilités." Dans mes dossiers de
1968, c'est exactement la même chose que l'on dit: négocier sur
une base individuelle, c'est très facile pour une
pétrolière, mais quand elle prend un groupe et qu'il y en a un
qui ressort, on a même dit à des détaillants: Tu t'en viens
comme Delia Noce, tu es inacceptable. C'est grave.
M. Fortier: Est-ce que vous, vous négociez un bon
contrat?
M. Della Noce: Moi, j'ai le contrat type que, j'espère, le
gouvernement va regarder; mon contrat est ouvert.
M. Fortier: En relation avec cela, je pense qu'il y a une chose
que vous avez mentionnée tout à l'heure. En exagérant vous
avez dit: Ce n'est pas facile pour un individu qui ne sait ni lire et ni
écrire; je suis sûr que vous avez exagéré...
M. Della Noce: Pardon? J'ai exagéré?
M. Fortier: Vous avez dit: Ce n'est pas facile pour un type qui
ne sait ni lire ni écrire; vous exagérez, j'en suis sûr. Ce
que vous voulez dire, c'est que, pour un petit propriétaire ou un petit
locataire, négocier avec une multinationale et, surtout, négocier
un contrat qui serait un peu à son avantage... Comme on le disait tout
à l'heure, un bon contrat c'est un contrat, qui fait l'affaire des deux.
Est-ce que vous avez demandé au gouvernement une aide qui, à mon
avis, serait tout à fait pertinente puisqu'on l'accorde dans d'autres
secteurs: organiser des cours pour apprendre à négocier, soit
avec les banques des lignes de crédit, soit apprendre à
négocier des contrats, enfin des cours de management qui feraient que
les individus seraient mieux formés à assumer leurs
responsabilités de chef d'une PME? Cela existe dans d'autres domaines et
je me demande si ce côté formation de ceux qui sont dans votre
association ou dans l'autre association a été accentué ou
si cela n'existe pas? Est-ce qu'il y a des plans justement pour faire en sorte
que la formation de chef d'entreprise soit un peu plus sérieuse?
Une voix: M. le député, je crois que M. Maisonneuve
brûle d'impatience de vous répondre.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M.
Maisonneuve.
M. Maisonneuve: C'est une des raisons pour lesquelles on demande
une association professionnelle forte. Une association professionnelle pourrait
garantir ce service à ses membres. Elle pourrait faire en sorte que des
cours soient donnés et que l'expertise prise à même ceux
qui sont déjà dans le commerce soit transmise aux nouveaux. Cela
garantirait, en même temps, un meilleur service au public en
général. Il ne faut pas vous leurrer. Regardez lorsque Texaco ou
Shell font une demande pour un détaillant d'essence, c'est inscrit:
Aucune expérience nécessaire. Imaginez-vous, ils veulent mettre
un nouveau détaillant dans une station-service sans aucune
expérience, c'est inscrit: Nous formons nos propres locataires. Ils vous
donnent un petit cours d'une durée de deux semaines pour identifier leur
produit comme il faut, et là, ils vous lancent dans une station-service.
Voici un exemple: je me rappelle, il y a trois ou quatre ans, j'étais
chez mon coiffeur et il m'a dit: Maurice, je ne te couperai plus les
cheveux, à partir de lundi je vais être ton concurrent,
j'achète une station-service. Son affaire a duré six mois,
d'ailleurs, et il a "mangé" 25 000 $. Si nous avions une association
forte, capable d'assumer ses responsabilités, de tels cas ne se
présenteraient pas; on pourrait donner toute l'expertise, on pourrait
entraîner tous les nouveaux locataires, on pourrait donner notre
expertise à ceux qui débutent dans le domaine, ce serait
facile.
M. Fortier: Mais là, c'est la poule et l'oeuf. Le
ministre, tout à l'heure, semblait indiquer...
M. Maisonneuve: Ce qu'on demande, ce n'est pas des dons du
gouvernement et on ne veut être à la charge de personne, nous
sommes capables de nous administrer nous-mêmes, c'est juste qu'on veut
avoir les moyens de nous organiser; c'est tout ce qu'on veut.
M. Fortier: Oui, mais là, je vous parle de formation et
vous me dites: À moins d'avoir une association, on ne peut pas le faire.
Moi, je crois que cela pourrait se faire même sans association, mais je
me demande pourquoi vous n'essayez pas d'aller dans cette direction.
M. Della Noce: M. le député, je voudrais vous dire
que ce n'est pas au gouvernement à former nos détaillants, c'est
à une équipe...
M. Fortier: Non fournir, à donner. Il pourrait fournir les
moyens.
M. Della Noce: ...comme une association. C'est un devoir que nous
avons de les défendre, de les former et de les faire contribuer à
faire quelques piastres, sinon il ne sera plus là et il va partir avec
une faillite, ce n'est pas notre intérêt; nous sommes là
pour cela, c'est le but qu'on s'est tracé en 1968.
M. Fortier: En tout cas il y a deux problèmes que je vois
très clairs. Le premier c'est la marge de profit, parce que tout ce
qu'on a discuté tout à l'heure, les inventaires et tout cela, si
votre marge de profit était raisonnable je pense que les autres
problèmes se tasseraient automatiquement. Alors on parle de marge de
profit et de négociation de contrat.
D'autre part il y a un autre problème auquel on a fait allusion
ce matin avec SOQUIP et cet après-midi avec Shell, c'est le fait que le
nombre de stations-service devrait diminuer. Je pense bien que c'est difficile
pour vous de me donner la réponse à la question que j'aimerais
vous poser là-dessus, puisque vous avez une association qui regroupe un
nombre limité de ceux qui sont impliqués dans ce problème,
mais même si vous regroupiez tout le monde, est-ce qu'à ce moment,
le but de l'association serait de s'assurer que les 7500 ou les 10 000 qui sont
impliqués continuent à exister, alors qu'on nous a dit que les
statistiques semblent nous prouver qu'il faudrait une réduction du
nombre de postes de distribution? À ce moment, la question que je pose
est... Il semblerait qu'il y ait une relation entre la marge de profit et le
nombre, parce que s'il y a trop de détaillants, eu égard au
coût de l'essence et tout cela, s'il y a trop de détaillants, le
volume de ventes de chacun diminuant, même avec une marge de profit de
2,8% ou même si elle était un peu supérieure, à ce
moment si le nombre de litres vendus dans une année diminue, bien
sûr que la marge de profit global diminue et c'est un problème.
Alors j'aimerais que vous essayiez de m'expliquer comment vous pourriez tenter
de régler ce problème.
M. Della Noce: Je vais essayer le plus facilement possible.
J'aime beaucoup votre question parce que c'est le problème que nous
vivons présentement à cause des baisses de volume, des baisses de
profit, etc.
J'ai ici quatre verres et un pot d'eau en plein centre. Prenons cela
comme un coin de rue, quatre coins; il y a quatre stations-service
bâties. Si le permis leur permettait une cinquième
pétrolière qui veut avoir le marché, ils la
bâtiraient en plein milieu de la rue. Mais heureusement, ce n'est pas
possible. Ce n'est pas une question de décret ou de permis.
Je voudrais apporter à votre attention et à l'attention du
ministre surtout... c'est qu'il en a été beaucoup question
à notre table de concertation. Je voudrais lui donner l'information et
la bonne nouvelle que la ville de Laval, où je demeure et où je
travaille très fort pour les détaillants depuis que je fais
affaires à Laval, vient de régler notre problème. C'est
une ville qui est devenue exemplaire au Québec. Puisqu'il restait quatre
permis, il a fallu présenter un mémoire au maire. Il fallait lui
faire comprendre le problème parce qu'il n'a pas compris la lettre du
ministre ou il ne voulait pas la comprendre.
Alors nous sommes allés là, on a négocié et
je vous jure que la semaine dernière, nous avons terminé ce
dossier. Il restait encore quatre permis et on est déjà
saturé; alors pourquoi en bâtir d'autres quand on parle d'en
éliminer? Nous avons éliminé les changements de zonage des
quatre postes existants. Si une compagnie était ici présente je
suis certain qu'il y en avait un là-dedans. Il y en avait quatre dont un
était Petro-Canada, à côté de l'hôpital
Laval.
Alors cela s'est fait par une association. C'est là qu'on veut
prouver
qu'une association est intéressante. Je l'ai dit que cela se
ferait; et la ville de Laval, j'en suis fier, est une ville exemplaire. Je
crois qu'il y a aussi Sainte-Foy qui était comme cela. Je l'avais dit
à notre table de concertation: le seul moyen est que l'association suive
tout le temps les dossiers. On l'a suivi et on a dit: C'est cela, il y en a
assez. On nous a compris et on a agi immédiatement. On attendait les
oppositions et il n'y en a pas eu.
C'est de cette manière qu'on voit le problème: Avant d'en
éliminer, arrêtons d'en bâtir. Parce que lorsque les
compagnies parlent de bâtir un libre-service - il n'y a pas de
libre-service en bas de 750 000 gallons - on fait disparaître les trois
ou quatre postes moyens de 200 000 et on met 16 personnes en chômage.
C'est dommage parce que ce sont des gens qui travaillent et qui rapportent; on
voudrait les garder en action. Mais les compagnies ne font pas cela. Elles ont
peut-être décidé qu'on n'était plus utile à
la société. C'est peut-être cela qui arrive et elles ont
décidé qu'elles vendraient au détail. Si vous regardez
notre slogan à l'association, c'est "Le détail au
détaillant". Le jour où cela sera accompli vous verrez que les
détaillants vont faire une belle vie.
M. Fortier: Shell nous disait ce matin et cet après-midi
que d'après eux, 25% devraient partir. À ce moment de quelle
façon allez-vous vous concerter pour que ce genre de chose arrive?
M. Della Noce: Tout d'abord, arrêtez d'en bâtir et
après les tout petits vont s'éliminer d'eux-mêmes. Mais il
ne faut pas non plus arriver et les manger par un libre-service sur le coin qui
va faire mourir les quatre autres, parce qu'il est utile, lui dans la
société. Il n'est pas là seulement pour prêter de
belles toilettes propres ou pour prêter notre téléphone
avec 100 $ ou 150 $ d'appels interurbains par mois. Pourquoi les gens
arrêtent-ils toujours à la station-service pour utiliser un
téléphone? C'est probablement parce qu'ils peuvent entrer leur
automobile quasiment dans le bureau. C'est facile d'accès, mais ce n'est
pas cela que les libres-services font. Ils n'ont même pas de service. Il
y en a qui n'ont même pas un tuyau à air. (18 h 30)
M. Fortier: En parlant des libres-services...
M. Morin (Pierre): Je voudrais seulement ajouter un
commentaire.
M. Fortier: Oui.
M. Morin (Pierre): Le nombre de postes d'essence au Québec
va diminuer, même parmi les membres et les représentants; on
l'affirme. Le problème qui se pose - tantôt, M. Gadbois, et je ne
voudrais singulariser M. Gadbois, mais il l'a affirmé - c'est que sur
les 250 stations, dont ils sont propriétaires, ils ont
déjà fait leur planification stratégique. Ces gens savent
où ils s'en vont avec leurs stations. Boni Parfait! Je suis content pour
eux, mais les quelque 650 autres qu'il a aussi mentionnés,
propriétaires de leur station, la compagnie leur a-t-elle fait
bénéficier de leur planification stratégique? Pourtant,
ces 650 ont contribué à l'établissement de la marque Shell
pendant plusieurs décennies au Québec. En fait, ils en ont fait
un leader. C'est là que se pose le problème. Qui va faire cette
planification stratégique pour les autres?
M. Fortier: C'est une très bonne question. D'ailleurs, je
me suis mordu les pouces de ne pas l'avoir posée ce matin. J'y ai
pensé après.
M. Morin (Pierre): Cela me fait plaisir de vous la poser.
M. Fortier: Oui. Seulement pour revenir aux libres-services, je
comprends votre point de vue sur les libres-services, l'impact que cela a, mais
si on pense à des gens qui ne sont pas ici, on va penser aux
consommateurs et on va penser aux consommateurs de la ville de Laval qui, en
plus de la taxe Parizeau, de l'augmentation des tarifs sur les autoroutes et
tout cela, à un moment donné, se disent: J'ai besoin de mon
automobile pour aller travailler et je vais essayer d'acheter l'essence
là où elle est la moins chère. Il ne faut pas se
surprendre - j'imagine que vous me confirmerez ce que je crois - s'il y a de
plus en plus de Québécois qui veulent aller à un
libre-service, parce que si cela coûte 0,03 $ ou 0,04 $ de moins le
litre, c'est là qu'ils veulent l'acheter.
M. Della Noce: Je vous arrête immédiatement.
M. Fortier: Et là, je pense à la protection du
consommateur. C'est pour cette raison que je dis: Vos revendications, je les
comprends, mais...
M. Della Noce: Oui.
M. Fortier: ...le consommateur, le cochon de payant qui paie ses
taxes à longueur d'année...
M. Della Noce: D'accord.
M. Fortier: ...que fait-il, dans tout cela?
M. Della Noce: D'accord. Vous venez de toucher à une corde
sensible qui m'appartient. Vous dites: Le consommateur paie 0,04 $ de plus.
Est-ce prouvé?
M. Fortier: Je ne sais pas le prix, "whatever is the price".
M. Della Noce: D'accord. Pourrait-on s'arranger pour 0,005 $?
M. Fortier: Cela coûte un peu meilleur marché.
M. Della Noce: II y a eu des tests de faits dans mon coin, dans
mon territoire. Croyez-le ou non, à part Petro-Canada, je vends le
même prix avec service et vous devriez voir le service qu'il y a chez
nous. C'est incroyable.
M. Fortier: Quelle est votre adresse?
M. Della Noce: Boulevard des Laurentides. Il y a même un
Shell libre-service qui vient de s'établir à côté de
chez nous. C'est une transformation qui s'est faite. Je vous garantis et je
vous garantirai tant que je vais vivre et que je vais diriger cette station que
le libre-service ne vendra pas meilleur marché que moi. Mes clients
bénéficient d'un service gratuit chez moi, parce que je le vends
le même prix. Cela arrive souvent. J'irais même jusqu'à 80%
des cas. Petro-Canada dit toujours: À côté, plus 0,005 $,
mais dans mon coin, cela n'existe pas. Je trouve dommage qu'un consommateur
travaille pour la compagnie. En plus, il n'est pas payé et il paie le
même prix que chez nous. Il serait resté dans son automobile et en
même temps, on vérifierait en dessous du capot - 20 ans
d'expérience - et on pourrait peut-être détecter quelques
problèmes. Il ne serait pas pris la fin de semaine de la Fête du
travail sur les autoroutes avec le capot ouvert. C'est un avantage dont le
consommateur ne se sert pas et le consommateur court à sa perte, parce
que les compagnies, quand elles ont sorti les libres-services... C'est vrai
qu'elles étaient meilleur marché. C'est vrai qu'il y avait des
lavages gratuits. Cherchez-en, aujourd'hui, des lavages gratuits; cela n'existe
presque plus. C'est 0,99 $ ou 1,50 $ et l'essence se vend le même prix
dans un libre-service, dans mon coin, en tout cas, et dans plusieurs coins,
mais surtout le mien et j'y tiens. J'ai une personne qui fait le boulevard tous
les jours et qui me rapporte le prix. Même si Shell, la fin de semaine,
quand il n'y a personne qui travaille, décide de baisser son prix, j'ai
quelqu'un et je ne le laisse pas aller. Je concurrence et je donne à mes
consommateurs, à mes clients, le même prix qu'au libre-service,
mais en plus, il a l'avantage de se faire servir chez nous. Je trouve que le
consommateur n'a pas raison de penser ce que vous pensez. C'est probablement ce
qu'il pense. Ce sont des fausses informations.
M. Fortier: Non, mais c'est parce que votre association a dit à
plusieurs reprises qu'il fallait limiter la venue des libres-services...
M. Della Noce: Les exterminer.
M. Fortier: ...parce que c'était une concurrence...
M. Della Noce: Déloyale.
M. Fortier: ...qui ne vous permettait pas de faire vos frais. Vous
pouvez entrer en concurrence avec eux. Je suis d'accord avec vous qu'il faut
limiter le nombre de permis global, mais si quelqu'un se transforme en
libre-service - c'est cela qu'une compagnie peut faire - je croyais ce que vous
nous disiez, que ceci amenait les gens à aller faire le plein à
cet endroit, ceci vous enlevait des clients. Si ce n'est pas cela, je m'en
excuse. Vous venez de me prouver que, dans votre cas, vous pouvez entrer en
concurrence avec un libre-service du coin de la rue. Cependant, dans Outremont
où je suis, le libre-service vend un peu meilleur marché et
j'imagine que c'est la raison pour laquelle les gens vont là. Je me
rends bien compte qu'en ce faisant cela vous enlève des clients, mais
par ailleurs je pense à ceux qui paient des taxes; les consommateurs qui
ont payé des taxes - Dieu merci - depuis quelques années, je les
comprends de vouloir aller à l'endroit qui offre le meilleur prix
possible.
M. Della Noce: Vous savez, il faudrait...
M. Maisonneuve: Je voudrais ajouter quelque chose
là-dessus. Comme c'est là, les libres-services vendent 0,005 $
moins cher que les détaillants d'essence. Admettons qu'un locataire qui
dépend de la compagnie, qui n'est pas propriétaire de sa station,
il est obligé de vendre 0,005 $ plus cher que le libre-service. C'est
voulu des compagnies que les libres-services vendent moins cher parce qu'elles
veulent prendre une plus grande part du marché et contrôler les
prix ensuite. D'ailleurs, si on recule en 1972-1973 quand les libres-services
sont apparus, cela a fait une grosse publicité: Venez aux
libres-services, c'est 0,02 $ moins cher. C'était voulu par les
compagnies que ce soit moins cher à ce moment. Mais c'est tout de suite
après cela que les prix ont commencé à grimper. Il est
arrivé une rareté de pétrole à ce qu'elles ont dit
et elles ont fait monter les prix parce qu'elles contrôlaient le
détail.
Si les compagnies n'avaient pas contrôlé le détail,
vous auriez vu une augmentation beaucoup plus lente. On n'aurait jamais permis
des augmentations comme celles qu'on a eues.
De toute façon, s'il y a eu des baisses de prix, cela a
été surtout dû à des détaillants de petites
compagnies indépendantes, cela n'a pas été dû aux
multinationales.
M. Della Noce: Je voudrais juste enchaîner un peu. Prenez
une multinationale qui augmente de 0,10 $ le litre. La loi canadienne
empêche de faire certaines choses. Mais, vous savez, les lois ont
été faites pour être contournées et il y a toujours
un gars qui est plus talentueux qu'un autre et qui essaie de les
déjouer.
Qu'est-ce que fait une compagnie? Elle augmente de 0,10 $ ses
libres-services durant la nuit. Le gars se réveille le matin, se demande
s'il est encore dans le lit et se dit: Non, je ne rêve pas, c'est vrai,
0,10 $ de plus qu'hier. J'aurais dû faire le plein hier. Mais, vous
savez, ce n'est qu'une question d'une semaine, tout le monde s'y ajuste. Mais
si elles n'avaient pas les libres-services pour tripoter les prix, parce que je
dis que les libres-services servent au tripotage de prix, ce serait difficile
de faire augmenter des détaillants indépendants. D'abord, ils
sont un peu peureux, ils se diraient: Je ne peux pas augmenter, je vais perdre
ma "business". Tandis que, quand les libres-services augmentent leur prix, le
détaillant reçoit un coup de téléphone l'avisant:
Écoute, nous avons augmenté, augmente tes prix, envoie, Charles!
Cela se peut qu'on le rappelle trois fois dans la même journée,
qu'on lui dise que son loyer est mensuel et de ne pas l'oublier. Cela peut
changer les normes. On l'a vu et on le voit encore.
Je sais qu'il y a des fanatiques du libre-service. Il y a des clients
que j'ai rencontrés dans ma vie, dans ce domaine, qui n'aiment pas se
faire servir et ils viennent chez nous et se servent eux-mêmes à
une condition. La semaine passée, un pompiste n'a pas voulu et le type
est parti. Il y a des fanatiques pour cela. Il y a peut-être une demande,
mais de là à nous enterrer avec tous les libres-services qu'il y
al Vous savez qu'il faut 700 libres-services pour vendre le volume de
peut-être 4000 stations. Ils font travailler une jeune fille de 17 ans.
Je n'ai rien contre cela, une jeune fille qui veut continuer ses études,
mais je ne pense pas qu'elle ait le contrôle du carburant.
Regardez dans les libres-services combien d'essence se dépense.
Quant au cigare... Je suis venu ici, à Québec, il y a plusieurs
années - on m'a dit que cela n'arrivait pas - je suis allé dans
un libre-service, je me suis allumé un gros cigare, j'ai mis cela sur
l'automatique, j'ai truqué cela, j'étais en dehors de... La
petite fille étampait des billets pour son patron parce qu'il ne faisait
même pas assez d'argent pour les avoir imprimés. Il achetait cela
en blanc et la petite fille faisait cela toute la journée.
J'ai appelé au ministère, le représentant du
ministère est venu sur place. J'ai déposé une plainte
comme consommateur, comme détaillant, mais on voit cela à tous
les jours. Je regardais encore cette semaine; c'est effrayant, les gars servent
de l'essence et ils envoient cela partout. Mais, par exemple, j'ai parlé
avec les grands patrons de la compagnie Impériale et d'autres compagnies
et ils me l'ont tous confirmé: Je ne vais jamais au libre-service,
jamais! Je vais à la Place des Arts et cela sent l'essence, jamais je ne
me sers là-dedans, mais il doit y avoir quelqu'un qui se sert
là-dedans puisqu'il y a un très bon volume. Il y a un volume qui
nous fait vraiment envie, parce que vendre 750 000 gallons au lieu d'en vendre
200 000... Vous savez, parfois, cela ne prend pas beaucoup plus d'hommes et pas
beaucoup plus de taxes. Qu'on vende ou pas, les frais fixes sont toujours
là. Quand on est réduit à vendre une moyenne de 200 000
gallons dans une station-service, vous ne ferez jamais vos frais, parce que
cela prend au moins un homme. On ne peut pas séparer un homme en deux.
On peut faire un homme et demi en mettant un "spare", mais cela prend un... Ne
faites pas travailler les gens plus de 40 heures, vous allez en entendre parler
et il va être malade le lendemain.
Cela prend des heures, des périodes de temps pour les
employés à temps partiels, et parfois il faut donner un petit peu
plus pour les garder à travailler le soir. Ce sont des problèmes
qu'on vit tous les jours. Ce n'est pas d'hier. Cela fait depuis 1968 que je les
vis. Là, je ne les vis plus parce que j'ai décidé
d'être indépendant et j'ai décidé qu'il fallait
relever mes pantalons ou arrêter. J'avais une décision à
prendre le 23 décembre et je me suis dit que j'avais jusqu'à
Noël. On l'a fait. Pourquoi? Maintenant, je suis capable de le faire parce
que je ne suis plus avec une majeure. Mais savez-vous que le pétrole
vient de la même place? J'ai laissé une compagnie. Aujourd'hui, je
suis indépendant et je vends le même produit. Je vous garantis une
chose: je fais un petit peu plus.
M. Fortier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: Je veux simplement dire que cela fait
déjà un bout de temps que j'ai découvert que cela ne
valait pas 0,20 $ pour remplir moi-même mon auto, ne pas faire
laver mes vitres et ne pas faire vérifier mon huile.
Je voudrais seulement ventiler un peu le prix du pétrole.
Monsieur a dit tout à l'heure que le pétrole en Beauce
était à 0,539 $ présentement. C'est bien ce que vous avez
dit?
M. Busque: Oui, 0,539 $ et les petites paroisses autour sont
à 0,499 $.
M. Tremblay: Bon. Ce matin, on a su que le pétrole
lui-même coûtait 0,21 $. Il y a aussi 0,136 $ de taxe sur le
carburant -40% - 0,004 $ de taxe sur le raffinage et le détaillant
touche 0,024 $.
M. Della Noce: De 0,024 $ à 0,028 $, cela dépend
des secteurs.
M. Tremblay: Mettons cela à 0,028 $ sur une petite
note.
Une voix: II y a la taxe fédérale en plus.
M. Tremblay: Combien, elle? Une voix: ...0,09 $...
M. Tremblay: La taxe fédérale est à combien?
Je vais vous dire cela. Je pensais qu'il n'y avait que le Québec qui
taxait cela.
M. Della Noce: Ah non!
M. Tremblay: On entend seulement parler de celle-là.
Une voix: On a même une taxe d'accise de 0,015 $ du
litre.
M. Morin (Pierre): Comment pensez-vous qu'on paie
Petro-Canada?
M. Della Noce: N'oubliez pas qu'il y a 0,02 $ qui s'en vont
à Petro-Canada et cela nous appartient. Juste pour payer... J'ai des
factures ici mais c'est inutile de les utiliser parce que, parfois, on n'est
pas à jour parce que les prix changent assez souvent. On a beaucoup de
difficulté à savoir combien cela coûte. Tous les matins, je
regarde la fiche chez nous pour être certain du prix.
M. Tremblay: Selon ce document qui donne les statistiques de
l'énergie au Québec en 1981, il y aurait 0,1255 $ de taxe
fédérale. Pardon? Oui, en cents, 0,1255 $. Cela veut dire qu'on a
0,503 $. La marge de l'industrie pétrolière est de 0,0862 $.
C'est ce qu'on donne là-dedans. En fait, c'était ce que je
cherchais à voir. Quel était votre profit à vous autres
comparé au profit des compagnies pétrolières?
M. Della Noce: Ah! ça, mon cher ami, c'est une très
bonne question. M. Bertrand a passé douze ans de sa vie, je pense,
à essayer de le savoir et il ne l'a jamais su.
Vous savez qu'il est difficile d'analyser le bilan d'une compagnie.
D'abord, on n'y a pas toujours accès. Quand c'est public, on y a un peu
plus accès. Il y a une façon de travailler les chiffres
aujourd'hui. Quand il y a investissement, il y a rabais d'impôt et toutes
sortes de choses. Quand les compagnies viennent demander une aide
gouvernementale, c'est seulement pour avoir une subvention. Autrement, elles
n'en veulent pas. Quand c'est une loi, elles n'en veulent pas. Cela devient
très compliqué de savoir et personne ne l'a trouvé
jusqu'ici. Même ceux qui parlent au nom de certaines compagnies
pétrolières, je me demande s'ils ne lisent pas un texte tel quel
et je me demande s'ils savent vraiment. Quand on nous dit: bulls price, 21.
Comment se fait-il qu'il y ait une différence de 0,12 $ à 0,15 $
entre le Québec et l'Ontario? (18 h 45)
J'ai pris des notes parce qu'il y avait un député qui
n'avait pas les chiffres exacts - et je le comprends, on ne les a pas nous et
on est là-dedans tous les jours maintenant, c'est 0,55 $ contre 0,46 $,
il y a une différence de 0,094 $. La première question: taxe
Parizeau, d'accord ce n'est pas drôle, on la subit, on la finance et on a
hâte qu'elle soit abolie. Mais, entre 0,072 $ ou 0,078 $ à 0,094 $
ou à 0,16 $ qu'on a vu et que j'ai dans mes dossiers - vous allez voir
que je suis assez documenté sur les prix puisque tous les jours, j'ai un
rapport de prix - il y a 0,16 $, donnez 0,08 $ pour M. Parizeau, donnez 0,004 $
pour la taxe éducative, je dis qu'il y a parfois une différence
de 0,03 $, 0,04 $ et 0,05 $. Où va cet argent? Croyez moi, cela ne va
pas chez les détaillants puisqu'on perçoit un profit fixe,
même pas en pourcentage, depuis plusieurs années, nous percevons
un profit minable de 0,028 $ le litre, ce qui fait à peu près 5%.
Où va cet argent?
À partir de décembre 1981, en quatre mois, il y a eu 38
changements de prix. Là-dessus, par deux fois, ce fut le gouvernement
fédéral et, une fois, ce fut la taxe provinciale. Vous voulez me
dire, après avoir gelé le prix, qu'il n'y a pas quelqu'un qui
tripote les prix. On nous dit que c'est la guerre des prix, mais, moi j'ai
inscrit la raison: guerre des prix, guerre des prix, baisse
fédérale une fois; ensuite, augmentation de la taxe provinciale.
Si on enlève trois changements sur les 38, il en reste quand même
35, si je sais bien compter. Trente-cinq changements de prix en quatre mois.
Cela veut dire qu'on sait que, dans certains secteurs, la vie est plus dure; on
se bat, mais, souvent, on se bat au détriment des détaillants et
des
consommateurs. Quand cela monte, c'est au détriment des
consommateurs et quand cela baisse, c'est souvent au détriment des
détaillants.
M. Tremblay: Vous payez les réservoirs de pétrole
d'avance si je comprends bien...
M. Della Noce: Nous, nous payons tout d'avance.
M. Tremblay: D'accord. Cela doit être différent
d'une station à l'autre.
M. Della Noce: Cela peut varier. Considérons un poste qui
est un peu à la mode - parce qu'il y en a qui ne sont pas encore
à la mode - et qui vend les quatre produits: le régulier, le sans
plomb, le super sans plomb et le diesel; cela peut aller jusqu'à quatre
réservoirs de 5000 gallons en moyenne; il y en a qui ont des
réservoirs de 7000 gallons. Lorsque la station appartient à une
compagnie, ils ont des réservoirs de 10 000 gallons.
M. Tremblay: En moyenne un réservoir a 5000 gallons et il
en faut quatre.
M. Della Noce: La plupart des stations en ont au moins trois.
M. Tremblay: D'accord. Quelle est la moyenne de vente de gallons
de...
M. Della Noce: Vous voulez savoir combien de fois on les remplit
par semaine?
M. Tremblay: Oui.
M. Della Noce: Cela peut aller d'une à deux semaines, cela
dépend des volumes de ventes du détaillant.
M. Tremblay: Mon autre question est, par exemple, en ce qui
concerne le diesel, un secteur où cela marche moins...
M. Della Noce: Cela ne marche pas.
M. Tremblay: ...pour un réservoir de 5000 gallons, peut-on
dire: J'en veux juste 1000 gallons?
M. Della Noce: Certaines compagnies le font, il y en a d'autres
qui aimeraient bien vider leur camion. Il y a une compagnie avec laquelle
j'avais affaire avant et qui voulait toujours vider ses camions; c'était
une règle, mais il y en a qui le font, je ne peux pas vous dire
exactement qui, parce que c'est une chose qu'on demande très rarement.
Mais, en ce qui me concerne, j'achèterais seulement ce dont j'ai besoin
pour une journée et je les ferais revenir tous les jours, mais ils
n'aiment pas cela.
M. Tremblay: Tout à l'heure, vous avez dit que
l'ajustement des...
Le Président (M. Gagnon): ...
M. Tremblay: C'est ma dernière question.
Le Président (M. Gagnon): Bon, cela ferait l'affaire,
parce que l'heure avance et on a un autre groupe à entendre.
M. Tremblay: Effectivement. Vous allez me faire perdre ma
question!
L'ajustement des compteurs...
M. Della Noce: Oui.
M. Tremblay: ...c'était la responsabilité des
compagnies auparavant?
M. Della Noce: Avant, oui.
M. Tremblay: Maintenant, c'est vous qui allez être
responsables de...
M. Della Noce: C'est le boni qu'on a gagné après
tant d'annéesl
Aussi les réparations à un édifice. Prenez
l'exemple d'une station-service qui était en affaire depuis 20 ans, un
nouveau détaillant vient de l'acquérir et la deuxième fois
qu'il a ouvert la porte le ressort de la porte s'est brisé; cela lui a
coûté 140 $. Moi, j'ai dit: Paie au moins 1/20 de la facture. Il
n'en était pas question ce n'était pas négociable. C'est
le pouvoir d'initiative que nous avons.
M. Tremblay: En fait, sur le pétrole, vous êtes des
agents à commission.
M. Della Noce: À commission, j'aimerais que ce soit
à pourcentage.
M. Tremblay: Mais là vous n'êtes pas à
commission, c'est que vous devez le payer avant.
M. Della Noce: C'est exact.
M. Tremblay: Vous achetez du matériel pour le revendre?
D'accord, merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: M. Della Noce, j'ai posé une question à
M. Gadbois, du groupe qui représentait Shell, avant que vous veniez
présenter votre mémoire et il m'a répondu comme il a cru
bon de le faire. Mais, je n'étais pas tout à fait convaincu que
vous seriez d'accord avec lui. Je lui avais dit que quand vous seriez à
la table pour présenter votre mémoire, je vous poserais la
question
pour savoir si les deux réponses sont semblables. La question que
j'avais posée à M. Gadbois était à savoir s'il
vendait le même prix aux détaillants Shell du Québec -parce
que c'est la compagnie Shell - qu'à ceux de Shell de l'Ontario.
D'après les calculs, c'était: Oui, il vendait le même prix.
Tout à l'heure, vous sembliez faire une distinction entre les deux
prix.
M. Della Noce: Je vais nommer Shell parce que Shell est dans le
jeu. Lors de la dernière enquête que j'ai faite, je suis parti de
Hull et je me suis rendu jusqu'à Montréal. À Hull, une
station Shell vendait l'essence 0,36 $ le litre et à Montréal, on
la vendait 0,52 $ le litre. On nous dit que c'est "la taxe à Parizeau".
Vous savez, M. Parizeau a ses torts. On lui en donne, les multinationales lui
en donnent aussi. Alors, moi, j'ai trouvé que 0,52 $ moins 0,36 $, cela
donnait 0,16 $. Je voudrais que les compagnies m'expliquent à quel point
M. Parizeau... C'est seulement 20% de plus, parce que tout le monde a 20%. De
20% à 40%, il y a 20%. Cela donnait 0,72 $ dans le temps. Mais où
vont les autres 0,16 $? La taxe éducative, c'est seulement 0,004 $ pour
les raffineries à Montréal. Cela, c'est une autre affaire qu'on
critique. Je calculais cela et j'avais de la misère à arriver.
Alors, on nous a répondu que c'était à cause de la guerre
de prix. Moi, j'ai toujours aimé faire le plein en Ontario, même
si je ne le fais pas. Je trouve que c'est fantastique, la différence,
mais c'est dommage pour le Québec.
M. Lavigne: Donc, en conclusion, on pourrait dire que le prix de
base de l'essence vendue dans une station-service en Ontario, avant les taxes
et tout cela, est moindre là-bas qu'ici?
M. Della Noce: Aujourd'hui, malheureusement, il n'y a pas un si
grand écart. Je dois vous avouer que ce matin à Hull - j'aime
bien Hull et Hull ou Ottawa, c'est à peu près le même prix;
quelquefois, il y a 0,01 $ de différence - le prix était de 0,465
$. Et à Montréal, on nous a dit que c'était 0,542 $. Moi
j'en ai vu à 0,549 $. Il y en a qui sont encore à 0,55 $. Si on
fait le calcul, cela donne 0,094 $ aujourd'hui.
M. Lavigne: Donc, il y a encore une différence?
M. Della Noce: Vous savez, je ne suis pas un expert comptable,
mais j'ai appris à calculer avec un crayon et, jusqu'à 100, il
n'y a pas de problème.
M. Lavigne: Je vous remercie beaucoup. Le Président (M.
Gagnon): M. le ministre.
M. Duhaime: Oui. J'ai seulement un commentaire. Je comprends que
dans notre système parlementaire, quand on est dans l'Opposition, on
fait ressortir les niveaux de la taxation, le fardeau fiscal, etc. Nous avons,
au ministère, publié les statistiques de l'énergie au
Québec en décembre 1982. Si vous allez à la page 87 de ce
document -vous l'avez aussi à la page 86 - il y a deux ventilations qui
pourraient sûrement vous être utiles dans vos calculs. Je vais
demander aux gens de mon ministère de s'occuper de vous en
acheminer.
M. Hébert: M. le Président, peut-être qu'un
adjoint du ministre pourrait nous en laisser une copie qu'on puisse consulter
quelques minutes.
Le Président (M. Gagnon): Le ministre vient de demander
aux gens de son ministère de...
M. Duhaime: II faut bien comprendre une chose. Quand la taxe a
été portée de 20% à 40%, à l'automne de
1981, notre collègue des Finances a indiqué que cette taxe
était temporaire. Souhaitons que ce soit vraiment une taxe temporaire.
Ce que ce tableau indique, c'est très simple. On parle d'une taxe de
40%, mais il faut voir sur quel montant et à quel seuil elle s'applique,
de sorte que dans le prix final, cette taxe, si on prend l'exemple qui est
donné ici, à 0,502 $ le litre, correspond à 28,27%. Les
prélèvements du gouvernement fédéral sont de 24,99%
et les redevances à la province productrice, de 9,44%. Nous avons dit
très clairement à quoi servait la taxe ascenseur. C'était
temporaire, oui. On voulait parer le plus rapidement aux effets de la crise
économique et maintenir un équilibre budgétaire. Et, les
prélèvements fédéraux, si vous faites votre petite
enquête, vous allez vous rendre compte que les consommateurs qui vont
acheter de l'essence, autant chez Petro-Canada que chez Shell, chez Esso, chez
Irving, chez Spur, etc., chaque fois qu'ils achètent un litre d'essence,
contribuent à payer Petro-Canada, autant l'achat de Petrofina que de BP.
J'aimerais peut-être que nos collègues tiennent compte de cette
réalité que c'est une compagnie qui se paie toute seule. Les
compagnies pétrolières qui sont sur le marché actuellement
en concurrence avec Petro-Canada le savent très bien. Avec leur chiffre
d'affaires et les prélèvements fédéraux elles
contribuent à payer Petro-Canada. Ce serait un peu la même chose
si Québec, par SOQUIP, décidait d'aller de l'avant avec une
participation dans une raffinerie et un réseau de distribution et qu'on
décidait de transformer la taxe temporaire en une taxe permanente
pour
payer l'investissement; ce serait exactement le même
scénario.
On n'entend pas souvent, à ma gauche en tout cas, ce qui se passe
de ce côté. Il faut croire que, si le gouvernement du Canada
décide d'intervenir dans une économie de marché, c'est
bien. Nous ne sommes pas particulièrement socialistes, comme vous le
savez, nous sommes plutôt du genre social-démocrate et quand on
décide d'investir dans un secteur c'est parce qu'on y voit une
nécessité, on espère y voir une rentabilité mais on
n'a pas demandé aux autres compagnies, dans quelque secteur où
des sociétés d'État interviennent, du moins jusqu'à
présent, à même leurs profits et leur chiffre d'affaires,
de contribuer au paiement de la facture. On le répartit sur l'ensemble
de tous les contribuables parce que les fonds viennent du fonds
consolidé. Je pense que c'est important de le souligner. Je n'ai pas
d'autre remarque. Je voudrais vous remercier pour la présentation de vos
mémoires et d'avoir bien voulu répondre à nos
questions.
Une voix: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. Morin.
M. Maisonneuve: Avant de conclure, à partir de ces
mêmes tableaux, j'aurais une question aussi bien au ministre qu'au
député d'Outremont, qui tous les deux ont une certaine
expérience des affaires.
Le tableau à la page 87 montre une marge brute de l'industrie
pétrolière de 17,16% et la marge du détaillant à
5,3%. Est-ce que l'expérience qu'ils ont des affaires témoigne
que c'est une marge normale? Habituellement, dans le commerce, la marge du
détaillant est toujours plus grande que celle du manufacturier. Cela
semble l'inverse, c'est un ratio de trois pour un à tout le moins. Quand
on parle des marges peut-être pourraient-ils nous livrer le fruit de leur
expérience.
M. Fortier: Votre point est faible.
M. Duhaime: Je pense que vous avez un bon point. C'est
légèrement supérieur au rendement d'une caisse de retraite
mal administrée.
Le Président (M. Gagnon): Alors, messieurs de la
Fédération des garagistes et détaillants d'essence du
Québec ainsi que de l'Association des services de l'automobile Inc., je
vous remercie infiniment de votre présence et de votre mémoire.
Je demanderais maintenant aux membres de la commission si on est prêt
à continuer plutôt que de revenir après le souper parce
qu'il est déjà 19 h 02. On aurait un dernier groupe à
entendre.
M. Fortier: Personnellement, M. le Président, j'ai un
engagement à 19 heures. Vous pourriez peut-être continuer et mon
collègue va rester si vous voulez mais...
M. Tremblay: ...sans le député d'Outremont.
M. Fortier: Je sais bien que mon collègue de Chambly y
tient beaucoup parce que j'alimente ses pensées et ses questions mais
quand même... Je m'en excuse, j'avais déjà un rendez-vous
à 19 heures, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: C'est qu'on a déjà rencontré
vos collègues dans la commission.
Vous n'étiez pas là et on trouvait qu'on s'ennuyait de
vous.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le
député de Pontiac, vous allez continuer.
M. Fortier: Je m'en excuse auprès de l'association mais si
vous voulez continuer je ne ferai pas objection.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie encore une fois
et j'invite l'Association des distributeurs indépendants de produits
pétroliers à prendre place à la table. Oui? Allez-y.
M. Della Noce: Je remercie tout le monde. Cela nous a fait
plaisir et si vous avez des questions on est toujours disponible.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous approchez? Alors
M. Hotte, M. Pagé, M. Malouin.
Une voix: Excusez, M. le Président. Le Président
(M. Gagnon): Oui.
Une voix: Après consultation avec les personnes
responsables ici de l'association, on préférerait peut-être
remettre cela à demain si c'était possible étant
donné qu'il se fait assez tard et que le député de
l'Opposition est obligé de s'absenter.
M. Duhaime: Si vous nous donnez simplement quelques secondes on
va essayer de se concerter pour voir si on ne peut pas vous être utile
dans ce sens. Soyez assuré d'une chose, autant votre association que
tous ceux et celles qui nous ont fait parvenir des mémoires
méritent d'être entendus à la commission et on n'a pas
l'intention de bâcler qui que ce soit, peu importe l'heure.
Personnellement, je suis à votre disposition. Aimez-vous mieux
revenir? On pourrait peut-être prendre le risque. Si tout le monde
était d'accord, demain matin, on pourrait reprendre les travaux de la
commission à 9 h 30.
Une voix: C'est cela.
M. Duhaime: On pourrait gagner une demi-heure. Demain matin, nous
avons déjà de programmés les Travailleurs unis du
pétrole. Pour ceux qui ne les auraient pas identifiés, ils font
partie du Syndicat des travailleurs à la raffinerie de Texaco. Ensuite,
nous entendrons la compagnie ESSO.
Si on s'entendait pour reprendre les travaux à 9 h 30, quitte
à déborder après 13 heures jusqu'à 13 h 30, quelque
chose comme cela, on arriverait quand même à l'intérieur de
notre ordre du jour, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Si vous me
dites que vous avez un problème, on peut ajourner les travaux et revenir
à 20 h 30, mais si vous êtes disposés à revenir
demain matin, à moins que certains de mes collègues aient des
empêchements dirimants...
M. Hotte (Guimond): M. le ministre, on apprécie
réellement votre suggestion. On préférerait revenir
demain...
M. Duhaime: Demain matin?
M. Hotte: ...étant donné que quelques
députés sont déjà absents et je pense qu'il se fait
passablement...
M. Duhaime: Cela va? D'accord, 9 h 30.
Le Président (M. Gagnon): Cela veut-il dire qu'on se donne
rendez-vous à 9 h 30, demain matin? Serez-vous présents à
9 h 30?
M. Hotte: Très bien.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
La commission permanente de l'énergie et des ressources ajourne
ses travaux à demain 9 h 30.
M. Duhaime: C'est cela. Le Président (M. Gagnon):
Merci.
(Fin de la séance à 19 h 01)