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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources est à nouveau réunie aux fins d'examiner les
circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de régler hors
cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le râle
du premier ministre et de son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt
(Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau
(Laporte), Laplante (Bourassa), Paradis (Brome-Missisquoi), Dussault
(Châteauguay), La-londe (Marguerite-Bourgeoys), LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), Tremblay (Chambly), Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Lavigne (Beauharnois),
Mme Harel (Maisonneuve), MM. Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Doyon
(Louis-Hébert), Saintonge (Laprairie).
Le rapporteur est toujours M. le député de
Montmagny-L'Islet, M. LeBlanc.
Nous allons travailler ce matin de 10 h 15 à 12 h 30. Nous
devrions normalement reprendre après la période de questions
-puisque l'Assemblée nationale se réunira à 14 heures -
entre 15 heures et 15 h 30. Nous suspendrons nos travaux à 18 heures
pour le souper pour reprendre de 20 heures à 22 heures. La personne qui
est notre invité est toujours Me Jean-Roch Boivin. La personne qui avait
le droit de parole au moment où nous nous sommes quittés jeudi
soir dernier, à 22 heures, était M. le député de
Mont-Royal. Je ne lui donnerai pas le droit de parole immédiatement
parce que M. le député de Marguerite-Bourgeoys l'a
demandé. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
Horaire des travaux et invités
M. Lalonde: Sur une question qui touche l'organisation de nos
travaux en ce début de semaine, j'aimerais demander au ministre -on ne
retrouve que le nom de Me Boivin sur la liste des invités aujourd'hui -
quel est son programme de travail pour la commission, cette semaine, en tenant
compte du fait que
Me Jasmin n'a pas encore été entendu.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys
m'aiderait beaucoup s'il me donnait le sien. Pour autant que je suis
concerné, vendredi, nous ne pourrons pas siéger - je n'ai pas eu
l'occasion d'en parler - nous siégerons donc aujourd'hui, mercredi et
jeudi. Vous me demandez si ce serait normalement l'honorable juge Jasmin qui
viendrait dans l'ordre des témoins. La réponse est oui, il serait
le dernier témoin de la commission.
M. Lalonde: Le dernier des témoins. Me Boivin sera suivi
par...
M. Duhaime: L'honorable juge Jasmin. M. Lalonde: ...le
premier ministre.
M. Duhaime: Je n'ai jamais considéré que le premier
ministre était un témoin de notre commission, alors il peut venir
siéger à tout moment.
M. Lalonde: Ah boni Parce que j'avais entendu dire que le premier
ministre avait hâte de venir répondre à nos questions.
M. Duhaime: Ah oui! II n'y aura pas de problème pour
répondre à vos questions.
M. Lalonde: Ah bon! Enfin.
M. Duhaime: Mais je ne le considère pas comme un
témoin parce qu'il est député.
M. Lalonde: S'il peut s'inviter lui-même; de toute
façon, on sait que c'est lui gui décide des témoins et de
leur ordre. Etant donné que...
M. Duhaime: J'ai l'honneur de prendre cette décision, mon
cher collègue.
M. Lalonde: Oui. Je ne vous demanderai pas si vous consultez le
cabinet du premier ministre.
À part le juge Jasmin et Me Boivin aujourd'hui, je présume
que ce sera Me Jasmin demain ou jeudi ou, enfin, immédiatement
après.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avez-vous une
réponse à donner?
M. Duhaime: II m'apparatt très raisonnable, M. le
Président, que nous envisagions de terminer les travaux de cette
commission cette semaine. Nous sommes mardi. Je pense que tout le monde est de
bonne humeur. Aussitôt que nous aurons terminé les questions
à Me Boivin, vers 12 h 30, j'imagine, nous pourrons communiquer avec
l'honorable juge Jasmin ou encore demander à M. Lévesque de venir
se joindre à nous, à la commission.
M. Lalonde: Bon, étant donné...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...qu'on commence un peu tard - le ministre
était un quart d'heure en retard encore aujourd'hui - si on terminait
les questions à Me Boivin ce midi ou au milieu de l'après-midi,
j'aimerais savoir si c'est le premier ministre qui viendra aujourd'hui ou non,
pour les fins de la discussion, par hypothèse.
M. Duhaime: Je n'oserais pas déplacer à nouveau
l'honorable juge Jasmin. Je demanderai au leader du gouvernement de parler au
secrétaire des commissions afin de le convoquer par
téléphone, parce que cela fait déjà quatre fois
qu'il est ici, il a déjà perdu cinq ou six journées. Je
ferai convoquer le juge Jasmin lorsque j'aurai la certitude que nous pourrons
l'entendre à tel jour et telle heure. Il en sera de même pour le
premier ministre lorsque nous aurons arrêté... Si j'avais une
indication de l'Opposition, cela m'aiderait beaucoup.
M. Lalonde: En fait, on pourrait voir, vers le milieu de
l'après-midi, comment cela va. Je présume qu'on va avoir
terminé les questions à Me Boivin aujourd'hui.
M. Duhaime: Oui, mais aujourd'hui, cela se termine à 20
heures.
M. Lalonde: Oui, mais... Une voix: 22 heures. M.
Duhaime: 22 heures, pardon. M. Lalonde: Avant, je
présume.
M. Duhaime: Écoutez, on va essayer de ne pas se compliquer
la vie.
M. Lalonde: Au milieu de l'après-midi, on verra.
M. Duhaime: La semaine commence. Il est 10 h 20...
M. Lalonde: Oui. Si on a un trou, à un moment
donné, M. Latouche a envoyé un télégramme au
président de la commission disant qu'il voudrait se faire entendre.
M. le Président, ma question s'adresse à vous...
Le Président (M. Jolivet): Cependant, la seule chose,
avant quoi que ce soit, c'est que je voudrais simplement vous faire remarquer,
je l'ai mentionné la dernière fois, que des motions peuvent
être entendues et débattues.
M. Lalonde: Oui, en tout temps, j'imagine, quelqu'un qui a le
droit de parole peut présenter une motion. Nous avons sûrement
l'intention, M. le Président, d'y recourir éventuellement si
l'entêtement du ministre se perpétue.
M. Duhaime: M. le Président, je peux tout de suite
rassurer le député de Marguerite-Bourgeoys. Je ne crois pas que
M. Yvan Latouche soit le candidat idéal pour remplir le trou dont il a
parlé. J'ai eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises.
Sans être un grand amateur d'émissions de radio, je n'ai pas
l'impression qu'on apprendrait beaucoup de choses. Je maintiens cette
décision. Maintenant, si vous voulez qu'on accélère... Si
vous voulez me dire que, à 20 heures, nous pourrions en avoir
terminé avec le témoignage ou la comparution de Me Boivin, d'ici
une demi-heure, je pourrais vous donner le scénario pour 20 heures. Cela
pourrait m'aider. Maintenant...
M. Lalonde: Vous savez que je ne peux pas vous garantir...
M. Duhaime: ...si on flotte toute la journée, je ne suis
pas capable d'avancer.
M. Lalonde: Vous savez que je ne peux pas vous le garantir. Cela
dépend nécessairement de l'allure et de la cadence des questions
et des réponses, et des interruptions de l'autre côté. Je
ne peux pas vous le garantir, mais on en aura une bonne idée au milieu
de la journée.
Le Président (M. Jolivet): Donc, on attendra à ce
moment-là pour faire...
M. Duhaime: Le milieu de la journée étant 12 h
30?
M. Lalonde: Étant 16 h 30.
Le Président (M. Jolivet): Donc, on le saura à ce
moment-là. Nous passons donc la parole au député de
Mont-Royal, mais avant
Me Boivin m'a demandé, par un signe, d'intervenir. D'abord, je
veux le lui permettre.
Témoignage M. Jean-Roch Boivin (suite)
M. Boivin: M. le Président, ce n'est pas tellement
important, mais j'ai dit, en réponse à une question, que j'avais
été nommé chef de cabinet au printemps ou à
l'été 1978. Me Tremblay me signale - il l'a vérifié
- que j'ai été nommé le 28 septembre 1977.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Mont-Royal, vous avez la parole.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Boivin, j'ai relu
la transcription de votre témoignage. Ce qui me frappe et qui frappe
beaucoup de gens avec qui j'ai parlé, c'est le nombre d'occasions
où vous ne vous souvenez pas de certains événements,
à la suite des questions posées par les membres de cette
commission. Si vous voulez, je voudrais essayer d'avoir quelques petits
détails supplémentaires sur certains événements
spécifiques.
Il y a eu - c'est seulement pour situer les questions que je vais poser
- quatorze rencontres entre vous et les procureurs des deux parties. Cela ne
comprend pas les appels téléphoniques avec quelques-uns de ces
procureurs et non plus les rencontres avec les clients, comme M.
Laliberté.
Je voudrais revenir à quelques-unes de ces rencontres, non pas
les quatorze, mais je vais commencer avec celle du 12 janvier pour essayer
d'obtenir certaines précisions. Allons à la rencontre du 12
janvier. Au ruban 1111, page 1, je vais citer M. Gadbois. Il affirme que, le 12
janvier, il a reçu un appel de Me Jasmin qui lui a dit qu'il a
communiqué avec Me Cardinal pour lui faire part du fait que le conseil
de son syndicat devait se réunir durant la fin de la semaine et qu'il y
aurait peut-être une proposition de règlement. Me Jasmin lui a
ensuite demandé s'il était possible qu'on ne s'oppose pas
à une remise. Me Gadbois affirme en avoir discuté avec le P.-D.G.
de la société, M. Laliberté.
Le 13 janvier, Me Gadbois appelle Me Cardinal pour lui dire que la
Société d'énergie de la Baie James ne s'opposerait pas,
qu'elle appuierait une demande de remise à la condition que cela ne soit
pas une remise indue.
Alors, le 12 janvier, Me Jasmin est venu vous voir dans votre bureau. Je
vais citer aussi votre témoignage au ruban 1416, page 1. Avant, je vais
faire référence au ruban 1412, page 1, au bas de la page. Vous
parlez d'être à votre bureau. Vous dites: "Pourquoi je suis -
est-ce que vous l'avez? - au bureau le lendemain, c'est probablement, mais
là, je fais de la reconstitution pure, parce que M. Jasmin avait pris un
rendez-vous avec moi pour probablement me demander ce qui arrivait de la cause
parce que c'est dans trois jours. J'ai déjà plaidé des
causes et puis, quand ta cause est dans trois jours, tu te prépares,
puis ce n'est pas la même chose si cela procède ou si cela ne
procède pas."
Alors, pouvez-vous nous assurer qu'il n'a pas été question
de l'ajournement avec Me Jasmin quand il est venu vous voir le 12 janvier?
M. Boivin: J'ai répondu au député de
Marguerite-Bourgeoys jeudi que je ne me souvenais aucunement s'il avait
été question d'ajournement à cette rencontre du 12
janvier.
M. Ciaccia: Oui, je le sais. J'ai lu cela dans la transcription.
C'est pour cela que j'essaie de vous rafraîchir un peu la mémoire
en citant que M. Jasmin, après qu'il est sorti de votre bureau, a
appelé Me Cardinal et lui a demandé, au sujet de la remise, de ne
pas s'opposer s'il pouvait y avoir une remise. Et vous-même, vous
indiquez ici: "J'ai déjà plaidé des causes et puis, quand
ta cause est dans trois jours, tu te prépares, puis ce n'est pas la
même chose si cela procède...
M. Duhaime: M. le Président.
M. Ciaccia: ...ou si cela ne procède pas."
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais conseiller au
député de Mont-Royal d'aborder la semaine sur un bon pied. Il
vient juste de mentionner que Me Jasmin et Me Cardinal avaient
communiqué ensemble au sujet d'un ajournement. Or, Me Jasmin n'a jamais
été entendu devant cette commission et, si mon souvenir est bon,
d'après le témoignage de Me Cardinal, la conversation
téléphonique n'a pas été faite par Me Jasmin, mais
par Me Gadbois. Si vous voulez que je vous lise l'éditorial de Gilles
Lesage dans le Devoir du samedi 21 mai...
Le Président (M. Jolivet): Non, non, laissez faire, M. le
ministre.
M. Duhaime: ...dont le titre est: D'inquiétants chasseurs
de têtes, je peux vous le lire. Mais, je le dis tout de suite et je
prends tout le monde à témoin devant cette commission que le
député de Mont-Royal vient de faire une affirmation, à
savoir que Me Jasmin avait communiqué avec Me Cardinal au sujet
d'un ajournement. Il n'a jamais été question de cela dans le
témoignage de Me Cardinal.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'ai cité...
M. Duhaime: Ah! si on parle de Me Gadbois, on parle d'une autre
personne.
M. Ciaccia: M. le Président, avant que le ministre fasse
des affirmations, des accusations et des interventions farfelues, je voudrais
qu'il écoute les questions que j'ai posées. J'ai cité, au
ruban 1111, ce que Me Gadbois avait dit. Et je peux le répéter au
cas où vous ne l'auriez pas entendu...
M. Duhaime: Ah oui! je vous ai entendu.
M. Ciaccia: ...et je vais le citer encore.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, un
instant, un instant! Moi, j'ai bien compris quand vous avez dit Me Gadbois.
Donc, ce n'est pas nécessaire de recommencer.
M. Ciaccia: Ce n'est pas nécessaire, mais, pour ceux qui
écoutent cette commission, et même pour le témoin, cela
donne l'impression que je cite hors contexte, que je fais des affirmations
inexactes. C'est absolument faux. L'affirmation que j'ai faite, c'est que j'ai
cité ce que Me Gadbois a affirmé.
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre. (10 h
30)
M. Ciaccia: Me Gadbois a dit qu'il a reçu un appel de Me
Jasmin qui lui a dit qu'il a communiqué avec Me Cardinal.
M. Duhaime: On va faire gagner du temps au député
de Mont-Royal. Ce qu'il a lu, il l'a très bien lu, même s'il a un
résumé dans ses mains. Cela correspond à la transcription.
Je suis d'accord. C'est la question qui a suivi où vous avez dit qu'il y
avait eu une conversation téléphonique entre Me Jasmin et Me
Cardinal.
M. Lalonde: C'est ce qu'il a dit.
M. Ciaccia: C'est ce que j'ai dit.
M. Lalonde: C'est ce que Gadbois a dit.
M. Duhaime: Non.
M. Ciaccia: C'est ce que Gadbois a dit.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: C'est justement.
M. Lalonde: Est-il possible de réveiller le ministre?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député, vous aviez recommencé, mais une chose est
certaine. Me Boivin était prêt à répondre à
votre question, mais... D'accord. C'est pour cela que je vous ai permis de
reprendre votre début de question.
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais soulever un autre point avant
de continuer mes questions à Me Boivin?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Ciaccia: Le ministre, ce matin, nous demandait si on
terminerait avec Me Boivin aujourd'hui, à 18 heures. Si le ministre
continue à faire des interventions, des interruptions qui ne sont pas
bien fondées, juste dans le but de m'empêcher de poser des
questions, je vais vous dire, M. le Président, que Me Boivin va
être ici non seulement aujourd'hui et demain, mais qu'il peut être
ici jeudi aussi.
M. Rodrigue: Cela ne nous dérange pas du tout.
M. Ciaccia: Je ne me laisserai pas intimider par le ministre.
J'ai des questions à poser et...
M. Rodrigue: Non, mais on ne se laissera pas intimider par vous
non plus.
M. Ciaccia: ...ce serait beaucoup plus facile s'il me laissait
les poser.
M. Rodrigue: Pas de chantage.
Le Président (M. Jolivet): Maintenant que c'est bien
établi de part et d'autre, allez donc, M. le député. On va
voir.
M. Duhaime: Prenez la semaine, si vous voulez. Il n'y a pas de
problème.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je sais que vous allez
protéger mon droit de parole.
Le Président (M. Jolivet): Je le fais toujours, M. le
député.
M. Laplante: Quinze jours de plus ou quinze jours de moins, pour
nous autres, ce n'est rien.
M. Lalonde: Rendu à votre âge...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Commençons comme il le faut, même s'il pleut. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je vais donner une autre référence
à votre témoignage. Vous vous référez, au haut de
la page 1416, encore à la réunion du 12 janvier. Vous dites: "Me
Jasmin sait cela le 12 janvier", à la question que le premier ministre a
un sentiment favorable à un règlement. "Il y a un procès
qui va se dérouler et il n'y a pas de décision du conseil
d'administration du premier ministre." Alors, pouvez-vous nier qu'il n'a pas
été question d'ajournement avec Me Jasmin le 12 janvier?
M. Boivin: M. le député, je crois que... Je ne sais
pas, enfin, si vous avez plaidé des causes ou non, mais vous savez
très bien la différence entre "pouvez-vous affirmer, pouvez-vous
nier et vous souvenez-vous?". Quand je dis que je ne me souviens pas, par
définition, je ne peux pas affirmer, je ne peux pas nier.
M. Ciaccia: Mais, le 12 janvier, qu'est-ce que Me Jasmin est venu
vous demander? Vous reveniez de la Louisiane où vous avez passé
vos vacances. Selon votre témoignage, vous avez rencontré Me
Jasmin le 12 et êtes revenu le soir auparavant. Qu'est-ce qu'il y avait
d'important pour Me Jasmin pour qu'il vienne vous voir?
M. Boivin: J'ai répondu justement à l'endroit
auquel vous m'avez référé tantôt dans les
témoignages à je ne sais quelle page. J'ai répondu que
j'arrivais de Louisiane; j'ai dit que je faisais de la reconstitution; c'est le
passage que vous avez cité. J'ai dit que Me Jasmin voulait sans doute
connaître ce qui arrivait de la décision du conseil
d'administration. Est-ce que cette cause était réglée hors
cour ou si elle n'était pas réglée hors cour? Il voulait
savoir cela.
M. Ciaccia: Me Jasmin était nerveux, vous l'avez
mentionné. Le fait que le procès devait commencer le 15 ne le
tracassait-il pas? C'était le 12.
M. Boivin: C'est ce que je viens de dire. S'il avait
été réglé, il n'aurait pas été
tracassé. Mais comme cela n'était pas réglé, il
devait être tracassé.
M. Ciaccia: Vous vous souvenez qu'il était
tracassé, mais vous ne vous souvenez pas s'il a parlé de
l'ajournement?
M. Boivin: J'ai dit: Je présume qu'il était
tracassé. Moi, à l'époque, quand je plaidais une grosse
cause qui allait durer six mois et que cela allait débuter dans trois
jours, j'étais tracassé. Mais il y a peut-être des gens qui
sont mieux que moi et qui ne sont pas tracassés. J'ai dit que je
présumais qu'il était tracassé.
M. Ciaccia: Me Beaulé aussi avait témoigné
qu'il aurait préféré que la cause ne commence pas. Il ne
voulait pas, dans ses mots, "que la guerre commence". Je présume que Me
Beaulé et Me Jasmin se parlaient.
M. Boivin: Je le présume aussi.
M. Ciaccia: Si Me Beaulé était tellement
préoccupé par la remise afin que la cause ne commence pas, je
présume que Me Jasmin l'était aussi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois protéger votre droit de parole, mais je dois protéger aussi
l'invité devant nous. Vous êtes en train de faire toutes sortes
d'affirmations. Je vais répéter ce que j'ai dit et que je redis
souvent. Si vous voulez faire des interventions, libre à vous; si vous
n'avez pas d'autres questions, on va passer aux autres interventions. Ne faites
pas toutes sortes d'affirmations sans poser aucune question. Cela n'a pas de
sapré bon sens.
M. Ciaccia: M. le Président, sur cette question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Ciaccia: Je n'ai pas fait d'affirmations sans poser de
questions, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je n'en ai pas vu.
M. Ciaccia: Je me réfère au témoignage de Me
Beaulé et au témoignage de Me Jasmin. Ce n'est pas une
affirmation que je fais. Ce n'est pas une interprétation des faits. Je
me réfère à ces témoignages pour essayer de lui
rafraîchir la mémoire parce que, dans d'autres occasions, quand on
s'est référé à certains événements on
a vu que cela aidait le témoin et qu'il se rappelait alors certaines
choses. Je n'ai pas fait d'affirmations.
Le Président (M. Jolivet): Non, je le sais bien. Ce que je
veux dire, quand je dis affirmations, c'est que vous répétez des
choses à partir des galées. Vous n'avez posé aucune
question à la fin de ce que vous venez de dire. Je n'ai pas entendu de
question, à moins d'avoir mal compris.
M. Ciaccia: C'est difficile d'en poser quand je suis interrompu.
Avec tout le
respect que je vous dois, vous m'avez interrompu et je n'ai même
pas eu la chance de terminer mes affirmations. Dès que je commence une
affirmation, on m'interrompt et on dit: Non, pose une question. Je ne peux pas
la poser si vous ne m'en donnez pas la chance.
Le Président (M. Jolivet): Je suis bien d'accord avec vous
pour dire que vous pouvez quand même mettre, au niveau de vos questions,
un peu de chair autour, comme on dit, mais pas trop, de telle sorte que
souvent, à partir de toutes les affirmations, aucune question ne vient.
C'est pour cela que je vous dis: Allez donc aux questions immédiatement.
Ce sera bien plus simple comme cela...
M. Tremblay: ...du salissage.
Le Président (M. Jolivet): D'abord, pour m1
aider à éviter des questions de règlement de part et
d'autre. Allez-y, M. le député.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vais essayer de me
conformer à vos directives.
M. Tremblay: Vous devriez prendre des cours du
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Ciaccia: Bon, alors on ne se souvient pas si Me Jasmin...
Le Président (M. Jolivet): Un instant, c'est le
député de Mont-Royal qui a la parole. Arrêtez donc! M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Allons à la réunion du 16 janvier 1979.
D'après les registres, Me Jasmin est venu vous voir le 16 janvier.
L'entrée est à 15 h 23. Arrivée à 15 h 23;
départ à 16 heures. Vers 17 heures, il est allé au bureau
de Geoffrion et Prud'homme et il a remis une offre au montant de 50 000 $,
représentant la portion des syndicats québécois seulement.
Le 17 janvier, il a rencontré les représentants de la
Société d'énergie de la Baie James, Me Gadbois, M.
Laliberté, Me Cardinal et Me Aquin. L'offre qu'il a
présentée, Me Laliberté a dit qu'ils l'ont refusée
et M. Laliberté a donné un mandat à Me Cardinal, aux
procureurs de Geoffrion et Prud'homme, de rédiger un projet de
règlement. Alors, il vient vous voir le 16 janvier, à 15 h 23, il
sort à 16 heures. À peine une heure plus tard, il est au bureau
de Geoffrion et Prud'homme avec son offre de règlement. Est-il possible
qu'il n'ait pas été question avec vous de l'offre de 50 000 $ une
heure avant qu'il ait remis cette offre à Geoffrion et Prud'homme?
M. Rodrigue: M. le Président, vous devez sûrement
vous attendre à des questions de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais être obligé de vous arrêter. Vous partez d'une
hypothèse. C'est bien beau... On a eu la chance d'aller à la
pêche en fin de semaine, mais ce n'est pas le temps de continuer. Je vous
dis honnêtement: Je ne peux pas accepter la question.
M. Ciaccia: M. le Président, je vais formuler la question
de nouveau. Pouvez-vous...
M. Vaillancourt (Jonquière): De quoi a-t-il
été question?
M. Ciaccia: Non, parce que je ne veux pas me faire
répondre: J'ai déjà répondu. Vous plantez les
questions que vous voulez que je pose pour intervenir après et dire:
J'ai déjà répondu.
Le Président (M. Jolivet): ...intervention. Alors, M. le
député.
M. Ciaccia: Je n'accepterai pas la formulation de vos
questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député. Allez-y donc avec vos questions.
M. Ciaccia: Pouvez-vous nier qu'il ait été question
de l'offre de règlement du projet de transaction quand Me Michel Jasmin
est venu vous voir le 16 janvier?
M. Boivin: Oui, M. le Président.
M. Ciaccia: Vous le niez.
M. Boivin: Oui, M. le Président.
M. Ciaccia: De quoi est-il venu vous parler le 16 janvier quand,
une heure plus tard, il faisait une offre par écrit à Geoffrion
et Prud'homme?
M. Boivin: J'ai répondu longuement au député
de Marguerite-Bourgeoys. J'ai dit et je cite les notes que j'ai prises pour
préparer mon témoignage et que j'ai citées, l'autre jour,
au député de Marguerite-Bourgeoys: "Je ne me souviens aucunement
de cette rencontre. Il me faut dire ici que je n'ai peut-être pas de
raison particulière de m'en souvenir parce que M. Jasmin, qui
m'apparaissait très nerveux à cette époque est venu
quelquefois me voir pour me dire ou me redire des choses que j'écoutais
par politesse, par exemple... J'ai donné quatre ou cinq exemples,
l'autre jour, je peux les répéter si vous le voulez."
M. Ciaccia: Si je comprends bien, le 16 janvier, juste avant que
Me Jasmin soit allé remettre une offre de 50 000 $ à Geoffrion et
Prud'homme, il est venu à votre bureau et il n'en a pas parlé du
tout. C'est une constatation que je fais, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, j'ai bien vu qu'il n'y
avait pas de question.
M. Ciaccia: C'est une constatation basée sur la
réponse de...
Le Président (M. Jolivet): Parce que vous faites votre
interprétation au fur et à mesure que vous avancez et cela
m'inquiète.
M. Lalonde: Cela aide tout le monde.
M. Ciaccia: Cela aide à constater les réponses du
témoin. Je veux les comprendre et je les comprends mieux quand je me les
répète pour moi-même.
Le Président (M. Jolivet): Allez.
M. Ciaccia: La réunion du 19 janvier. Me Beaulé
nous a affirmé qu'il avait reçu le projet de règlement le
soir du 18 ou en début de journée le 19. Me Jasmin, le 19
janvier... Je cite le procès-verbal de la réunion spéciale
des membres de l'exécutif du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction, le 19 janvier 1979, dans les bureaux du
conseil provincial. Je cite...
Une voix: Est-ce qu'on peut savoir de quoi vous parlez?
M. Ciaccia: Je parle du procès-verbal. Je lis un
procès-verbal...
Le Président (M. Jolivet): Est-ce un document qui a
été déposé?
M. Ciaccia: ...de l'exécutif du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction.
Une voix: Est-ce que cela a été
déposé.
Le Président (M. Jolivet): On le fait distribuer aux
membres.
M. Laplante: II n'y a pas de dépôt en
commission.
Le Président (M. Jolivet): II y a une distribution.
M. Paradis: Est-ce que le document a été
distribué aux membres de la commission?
M. Ciaccia: J'ignore s'il a été distribué.
Le Président (M. Jolivet): C'est que, pour Me Boivin, il serait
peut-être bon d'en avoir une copie ainsi que pour les membres de cette
commission, pour qu'on puisse suivre.
M. Boivin: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le...
M. Boivin: Je n'en ai jamais entendu parler. Pour moi, cela n'a
pas d'importance, je n'en ai jamais entendu parler.
M. Ciaccia: Si cela ne vous fait rien, M. le Président, je
voudrais quand même citer des extraits du procès-verbal...
M. Rodrigue: ...un document qu'on n'a pas vu.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais, pour les membres de
la commission, l'habitude veut qu'il y ait distribution du document pour qu'on
puisse suivre.
M. Ciaccia: Je n'ai aucune objection à ce que ce document
soit distribué. Je n'en ai qu'une copie...
Le Président (M. Jolivet): On va demander au
Secrétariat des commissions parlementaires de faire des photocopies.
Vous pourrez revenir à votre question, de manière qu'on puisse
avoir le document en main.
M. Ciaccia: J'aurais préféré, avec la
réponse... J'aurais préféré, si j'avais
su...
Le Président (M. Jolivet): Oui, je le sais, mais chacun
des membres...
M. Ciaccia: Me permettriez-vous de citer le document et,
après cela, on pourra faire faire des photocopies et les distribuer?
M. Lalonde: Oui, on peut le faire.
M. Duhaime: Non, M. le Président. Je voudrais en prendre
connaissance avant.
M. Ciaccia: Je pense que j'ai le droit de citer un
document...
Le Président (M. Jolivet): Oui, sauf que la coutume
à cette commission est, pour qu'on puisse suivre convenablement, que,
lorsqu'on cite un document, on en fasse les copies nécessaires pour
chacun des membres. Cela nous permettra, à ce moment-là, de les
avoir devant nous.
M. Ciaccia: M. le Président, quand le ministre a
cité le rapport Cliche, il ne l'a pas distribué à la
commission parlementaire.
M. Duhaime: On ne vient pas de vous
donner le meilleur conseil de votre carrière.
M. Ciaccia: Vous ne l'avez pas distribué.
M. Duhaime: Nous avons tenu pour acquis que vous l'aviez et que
vous l'aviez lu. S'il y a un document dont le député de
Mont-Royal - je vais lui faciliter les choses veut nous transmettre une copie,
on n'exigera même pas que cela soit authentifié comme document.
Mais je voudrais en prendre connaissance parce que je ne donne pas de
chèque en blanc au député de Mont-Royal.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est ce qu'on a
fait depuis le début, en excluant peut-être le rapport Cliche.
Donc, elle est...
M. Duhaime: Le rapport Cliche... (10 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous allez passer à une autre question en attendant. On reviendra
à celle-là.
M. Duhaime: M. le Président, est-ce que cela va être
distribué?
Le Président (M. Jolivet): Oui, cela va être
distribué. J'attends qu'on puisse faire les copies
nécessaires.
M. Ciaccia: Très bien, je vais revenir à la
question.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Ciaccia: Le 2 février, vous avez eu deux
réunions: le matin avec Me Jasmin et Me Beaulé et ensuite vous
avez eu un lunch avec Me Cardinal et Me Aquin. Le 1er février, le jour
précédent, le premier ministre avait indiqué qu'il voulait
un règlement. Alors, le 2 février, Me Beaulé est
entré dans vos bureaux, d'après le registre, à 10 h 07 et
il en est sorti à Il h 12. Me Jasmin est entré à 10 h 22
et il en est sorti à Il h 47. Avez-vous dit à Me Jasmin et
à Me Beaulé, ou à l'un ou à l'autre, que, la
veille, il y avait eu une rencontre avec le premier ministre et que le premier
ministre voulait un règlement?
M. Boivin: J'ai dit que je ne le croyais pas.
M. Ciaccia: J'essaie de comprendre. J'aurais pensé, vu les
réponses et la position que Me Boivin a prise et affirmée dans sa
déclaration d'ouverture, c'est-à-dire qu'il était en
faveur de recommander un règlement, qu'il a rencontré le premier
ministre, qu'il avait communiqué avec Me Laliberté le 3
février pour lui dire le choix du premier ministre, que Me Jasmin
était très nerveux et que Me Jasmin discutait... Non, mais je
voudrais compléter la...
Le Président (M. Jolivet): Seulement une chose, je vais
vous le permettre si je vois que cela a une certaine utilité. Je suis en
train de m'apercevoir que, encore une fois, vous tirez des conclusions, alors
que j'ai bien dit...
M. Ciaccia: Ce sont les citations des faits. Quelles
conclusions...
Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le
député. Je ne serai pas naïf et je pense que les gens ne
seront pas naïfs non plus. Actuellement, vous posez des questions et, tout
de suite après avoir eu une réponse, vous faites des
constatations. J'ai dit que je permettrais vos constatations à la fin,
si vous n'avez plus d'autres questions. Si vous avez d'autres questions, vous
allez d'abord passer aux questions, mais vous ne ferez pas les constatations
que vous voulez à chaque question que vous posez. Vous avez le droit de
le faire quand vous avez votre droit de parole pour faire votre
résumé.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je comprends, comme le disait le député
de Jonquière jeudi soir - je vais retrouver sa citation - que les
règles de procédure de nos travaux se sont
rétrécies énormément depuis le début...
M. Duhaime: II n'a jamais dit cela.
M. Lalonde: Ou à peu près, vous disiez même
que c'était un peu tard. Je comprends cela ou, enfin, je ne l'admets
pas, mais je n'ai pas le choix, parce que vous avez cru bon, en cours de route,
de changer les règles ou de les rétrécir, de les appliquer
ou de les rendre plus sévères, mais il y a quand même une
limite. Nous avons un droit de parole que votre devoir est de protéger
et de faire respecter, conformément au règlement qui est le
maître de nos travaux et le vôtre.
M. le Président, lorsqu'il arrive qu'un député,
soit pour situer sa question, fasse une description du contexte, soit, à
la suite d'une réponse, pour tenter de la mieux comprendre, de la mieux
saisir, répète la question sous une autre forme... On n'est pas
à la petite école ici; il me semble que notre droit de parole
doit être respecté.
Le Président (M. Jolivet): Dans la mesure aussi où
on respecte le règlement. Je n'ai pas interrompu le député
de Mont-Royal lorsqu'il a posé ses questions, sauf quand il
faisait une série d'affirmations et qu'il ne posait pas de
question à la fin. Il m'a dit: C'est parce que vous m'avez interrompu en
cours de route. Je peux accepter que, sur la première question, j'ai
peut-être été un peu trop vite, s'il le juge. Mais il y a
une chose qui est certaine, c'est qu'il a posé toutes ses questions
depuis ce temps sans être interrompu.
La seule difficulté que j'aie, actuellement, c'est qu'au moment
où il pose une question, et dès le moment où il a eu la
réponse, il fait une série de constatations, mais il ne pose pas
de question. J'ai dit et j'ai répété qu'il aura le droit,
quand il aura terminé ses questions, de faire les constatations qu'il
veut. Je ne l'en empêcherai jamais. Le député de Gatineau
sait très bien que je lui ai permis, à lui aussi, de tirer ses
conclusions, même si cela a pu paraître à des gens un peu
trop prématuré. Cela, c'est une autre question; cela ne me
regarde pas.
La seule chose que je voudrais dire concernant le député
de Mont-Royal, c'est qu'après avoir posé ses questions, il fait
une série d'affirmations et il passe ensuite à une autre
question. Je pense que ce n'est pas normal pour notre invité qui aurait
peut-être, à partir de la constatation qu'a faite le
député, une opinion à émettre. Je ne permettrai pas
qu'on fasse une sorte de discussion qui serait une série d'opinions ou
de constatations de part et d'autre.
M. Lalonde: C'est là, M. le Président, que le
bât blesse...
M. Tremblay: Question de règlement, s'il vous
plaît.
M. Lalonde: Je suis en train de poser une question de
règlement, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je ne sais pas. Pour le moment,
j'en avais une venant du député de Marguerite-Bourgeoys et une
autre du député de Chambly. Je peux peut-être
écouter celle du député de Chambly.
M. Lalonde: Je suis rempli d'une admiration
prématurée.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député.
M. Tremblay: C'est seulement pour vous demander de rappeler aux
membres de l'Opposition l'article 43.2 de notre règlement. Je vous
suggère fortement qu'ils sont en train de contrevenir à l'article
43.2 de notre règlement par leur attitude présente.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite...
M. Tremblay: Est-ce que vous voulez que je vous le lise, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Non, je le connais. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je proteste de mon innocence en ce qui concerne
l'article 43.2. C'est justement sur la question des propos, des constatations,
des commentaires que je voudrais insister, si vous me le permettez. En vertu de
quel article, je l'ignore, vous avez, jusqu'à maintenant, interdit
à un député qui est en train de poser des questions de
faire des commentaires en cours de route. Sauf exception! Je sais qu'à
un moment donné, lorsque j'ai posé des questions à un
témoin qui n'est plus ici, j'avais dit que j'aurais des commentaires au
début, peut-être au milieu et à la fin. J'ai pu les faire.
C'est cette espèce de restriction que je comprends mal, à savoir
qu'après vingt minutes ou une demi-heure de questions, un
député ne puisse pas faire valoir ses commentaires. Le
témoin est encore là et c'est encore mieux de les faire pendant
qu'il est là. S'il a une correction à apporter aux commentaires
ou à la perception que le député a de son
témoignage, c'est aussi bien de le faire quand il est là.
Je vous invite simplement, M. le Président, à une
application du règlement plus respectueuse du droit de parole, qui est
prévue par le règlement pour chaque député. Il n'y
a rien dans le règlement, sauf erreur -vous me corrigerez tout de suite,
si je fais erreur - qui oblige un député, ni dans le
règlement ni dans l'entente que nous avons conclue au début de
cette commission, lorsqu'il a le droit de parole, à ne poser que des
questions exclusivement.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président.
M. Lalonde: C'est cette règle que je vous invite à
ne pas appliquer de façon trop rigide.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, si on
veut se rappeler les deux dernières questions qu'a posées le
député de Mont-Royal, ce sont les suivantes: Premièrement,
il a demandé à M. Boivin, au témoin... D'abord, il lui a
rappelé, il ne lui a pas posé la question, je pense - que, le 1er
février, le premier ministre avait rencontré, en compagnie de M.
Boivin, trois personnes représentant le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James. Faisant allusion
à la rencontre du 2 février, c'est-à-
dire au lendemain, il demande à M. Boivin s'il a fait état
à Me Jasmin et à Me Beaulé de cette rencontre que le
premier ministre avait eue. Le témoin a répondu
littéralement: Je ne crois pas. Là, M. le Président, c'est
ce qui vient qui est illégal. Le député a dit: J'aurais
pensé que... Il n'a pas fini sa phrase, M. le Président, parce
que vous l'avez interrompu. À moins de me tromper royalement, le
député de Mont-Royal commençait à
interpréter, à émettre ses commentaires personnels, son
opinion personnelle sur ce qu'il croyait que le témoin aurait pu faire.
M. le Président, il n'y a peut-être pas d'article de notre
règlement qui le défend, c'est tout simplement une question de
justice et d'équité. C'est le gros bon sens. Le témoin
dit: Je ne crois pas en avoir parlé, et le député de
Mont-Royal dit: J'aurais pensé que. Une chance que vous l'avez
interrompu parce qu'il s'apprêtait à dire: J'aurais pensé
que vous en aviez parlé. C'est interpréter les réponses
des témoins.
M. Ciaccia: Un instant, M. le Président. M. Lalonde:
Quel mauvais jugement!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière, je pense que vous dépassez simplement les bornes en
mettant dans la bouche du député de Mont-Royal ce qu'il n'a
vraiment pas dit. Le député de Vimont veut aussi intervenir.
M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais rappeler au
député de Mont-Royal qu'une commission parlementaire, ce n'est
pas un colloque, en ce sens qu'il y a des règles qui régissent
les travaux d'une commission parlementaire. On ne peut pas dire n'importe quoi.
En particulier, l'article 170 de notre règlement dit qu'une certaine
latitude est accordée au ministre lorsqu'il répond, mais qu'une
réponse est tenue pour finale. À l'article 173, on poursuit en
disant: "II est permis de poser de nouvelles questions pour obtenir des
renseignements supplémentaires pourvu que ces questions ne prennent pas
la forme d'un contre-interrogatoire."
Ce que le député de Mont-Royal a fait tout à
l'heure, c'est qu'après avoir posé des questions, il a mis en
doute la réponse donnée par l'invité qui est devant nous.
D'ailleurs, il l'avait fait dès le début de sa période de
questions, ce matin. Il a commencé par mettre en doute ce qu'il a
appelé les blancs de mémoire de l'invité qui est devant
nous, ce qui n'est même pas une façon subtile de tenter de le
discréditer avant même de poser des questions et avant même
d'obtenir ses réponses. Il a répété cette
insinuation à deux ou trois reprises et, par la suite, une fois que les
réponses ont été données par l'invité qui
est devant nous, il a formulé des commentaires qui, effectivement,
avaient pour effet de mettre en doute les réponses reçues.
M. le Président, d'après notre règlement, cette
façon de procéder n'est pas acceptable.
M. Lalonde: Quels articles? Le Président (M. Jolivet):
Bon.
M. Rodrigue: Articles 170 et 173, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Jolivet): Bon, on est en train de vouloir
demander à la présidence, de part et d'autre, de donner une sorte
de directive qui peut risquer, si je la donne, de rétrécir un peu
encore une fois, si on la situe comme cela, l'utilisation des droits de parole
au niveau des questions qui doivent être posées. On m'a dit qu'on
n'était pas à la petite école, mais je dois vous dire que,
si j'étais à l'école des procureurs pour apprendre le
droit, je serais vraiment à la mauvaise école, je pense, de la
façon qu'on pose souvent les questions pour des gens qui, normalement,
ont une connaissance juridique beaucoup plus forte que la mienne.
Le seul problème que j'ai, c'est que j'essaie d'abord d'agir
selon la justice pour la personne qui est devant nous, pour qu'on
n'interprète pas ce qu'il dit à notre façon, sans au moins
qu'il ait la chance de répondre à une question. Comme je le dis,
vous avez droit à tous les commentaires que vous voudrez, mais seulement
lorsque vous aurez terminé vos questions. D'un autre côté,
une chose est certaine, c'est que le gros bon sens veut... Là, je vais
agir beaucoup plus, comme je l'ai dit en cours de route, avec le gros bon sens
des gens qui, des fois, nous écoutent et qui savent plus ce que veut
dire le gros bon sens que des termes juridiques.
Je dois, comme président, dans la tâche que j'ai à
mener ici à cette commission, agir le plus justement possible aussi bien
pour la personne qui questionne que pour la personne questionnée. Mais
jamais je n'accepterai qu'on fasse des commentaires et qu'on ne pose aucune
question, soit au début d'une question ou à la fin d'une
question. Ce que je demande au député de Mont-Royal, et je ne
veux aucune autre chose que des questions, c'est simplement qu'il passe le plus
rapidement possible à ses questions. Il peut, avec ce qui a
été dit à cette commission, poser sa question, mais, une
fois la question terminée, qu'il garde ses commentaires pour la fin de
toutes ses questions. Il fera les commentaires qu'il voudra, mais pas à
la suite d'une question pour éviter qu'on donne l'impression que l'on
met en doute la réponse donnée sous serment par la personne qui
est devant nous. M. le député de Mont-Royal, vos questions s'il
vous
plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, c'était seulement sur
la même question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Non, j'ai donné ma
réponse.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais porter à
votre attention...
Le Président (M. Jolivet): Non, pas sur la même
question de règlement, elle est réglée.
M. Ciaccia: Une autre question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Si le but...
M. Ciaccia: ...une directive, une directive.
Le Président (M. Jolivet): Allez, si c'est une
directive.
M. Ciaccia: Sur une directive, M. le Président. Est-ce que
vous avez constaté, dans le passé, qu'il y avait des
témoins qui, au début, ne se souvenaient pas beaucoup de...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député, si votre question...
M. Ciaccia: Vous ne me laissez pas finir.
Le Président (M. Jolivet): Non, non...
M. Lalonde: Ce n'est pas parce que le député de
Jonquière se met à japper que...
Le Président (M. Jolivet): ...je vais vous laisser
terminer. La seule chose, c'est que je veux avoir... Non, non, ce n'est pas
vrai. M. le' député de Mont-Royal, c'est faux ce que vous venez
de dire envers moi. De la même façon que j'ai demandé au
député de Jonquière de ne pas vous imputer des
interprétations, ce n'était pas mon but. C'est que, compte tenu
justement du but, je voulais que votre demande de directive soit bien comprise,
d'abord de moi, pour que je puisse y répondre. (Il heures)
M. Ciaccia: Combien de fois dans le passé - je ne sais pas
si vous l'avez constaté, je pourrais vous en donner des exemples - on a
reçu des réponses d'un témoin...
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président,
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière, question de règlement.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je vous dis respectueusement
qu'une demande de directive qui vient de la part d'un député doit
porter essentiellement et exclusivement sur le règlement de
l'Assemblée nationale et non pas demander à la présidence
une interprétation ou une opinion sur la crédibilité
à accorder à certains témoins plutôt qu'à
d'autres.
M. Lalonde: Sur la question de règlement,
réellement...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne sais si c'est de la nostalgie ou quoi que ce
soit, mais le député de Jonquière est dans l'erreur. Le
député de Mont-Royal n'a pas l'intention de vous demander, M. le
Président, de désigner les membres, les témoins qui
auraient eu une meilleure crédibilité que d'autres. Il introduit
sa question, sa demande de directive en disant: On a vu que certains
témoins, au début, ne se souvenaient pas et on a posé
certaines autres questions et, à un moment donné, on a obtenu des
réponses. C'est ce que...
M. Ciaccia: C'est exactement le point que je voulais faire
valoir, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, oui.
M. Ciaccia: ...c'est-à-dire que, finalement, c'est
à force de demander des questions... Je suis d'accord avec vous, je vais
accepter la directive qu'il faut que je pose des questions, mais je pourrai le
faire si vous me donnez la chance de compléter mon intervention. Et je
vous dis très respectueusement que les derniers faits que je
commençais à...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous êtes en train de faire indirectement ce que le règlement ne
vous permet pas. Vous mettez en doute la décision que j'ai rendue. Je la
rends, je la maintiens et je vous demande de passer aux questions. Si vous avez
des constatations à faire, je ne le permettrai pas. Quand vous aurez
terminé vos questions, vous ferez toutes les constatations que vous
voudrez.
M. Ciaccia: Ce ne serait pas plus facile, M. le
Président...
Le Président (M. Jolivet): Pardon?
M. Ciaccia: ...de dire que le député de
Mont-Royal n'a plus droit de parole à cette commission
parlementaire?
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le
député. Vous avez le droit de parole. Si vous voulez
arrêter vos questions, c'est votre droit le plus strict.
M. Duhaime: Article 45.
M. Ciaccia: Non, je ne veux pas arrêter mes questions. Je
ne les arrêterai pas non plus.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc. Posez vos
questions.
M. Ciaccia: Mais je vais insister, M. le Président, pour
qu'avant... Je ne peux pas seulement poser une question, il faut que je donne
des constatations...
M. Laplante: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Ciaccia: II faut que je situe ma question.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, c'est ce que je vous ai dit. Il n'y a pas de problème. Ce
n'est pas cela...
M. Laplante: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Je vais
régler ce problème, premièrement. On passera ensuite
à un deuxième, s'il y en a un deuxième. Ce que je dis, M.
le député de Mont-Royal, c'est que vous pouvez poser vos
questions. Ce que je ne veux pas, c'est que vous fassiez vos constatations
à la fin de la réponse donnée. Vous les ferez plus
tard.
M. Laplante: M. le Président, sur une question de
directive.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Presque à chaque fois que les discussions
s'allongent autour de la table, le député de Mont-Royal est
impliqué, chaque fois qu'il interroge un témoin.
Le Président (M. Jolivet): Question de directive. Quelle
est votre demande de directive?
Une voix: Aux galères! Aux galères!
M. Laplante: Je voudrais savoir, M. le Président, s'il y
aurait possibilité, lorsque le député de Mont-Royal
enclenche ses discussions, de vous servir de l'article 45 tout de suite...
M. Lalonde: Ah bon!
M. Laplante: ...pour que le témoin puisse, à un
moment donné, recevoir des questions.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce qu'on peut suspendre
un peu les travaux? Le député de Bourassa a besoin d'un peu de
repos.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député.
M. Laplante: Chaque fois, on coupe...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, ce problème-là est réglé. Il va passer
aux questions. Oui, oui, on s'est entendu. M. le député de
Mont-Royal, vos questions s'il vous plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, M. Boivin...
Une voix: La comprendrez-vous?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La
parole est au député de Mont-Royal. Ne l'interrompez pas
puisqu'il a commencé.
M. Ciaccia: ...le 3 janvier, vous avez communiqué avec M.
Laliberté. Vous lui avez fait savoir que c'était le souhait du
premier ministre de régler la cause. Me Jasmin et Me Beaulé sont
venus souvent dans votre bureau. D'après les témoignages que
vous-même avez apportés à cette commission et
d'après le témoignage de Me Beaulé, ils voulaient un
règlement hors cour. Troisièmement, le premier ministre a
indiqué, le 1er février, qu'il voulait que cela se règle.
Vous venez de me dire, à la suite d'une question que je vous ai
posée, que vous ne croyez pas leur avoir parlé,
c'est-à-dire à Me Jasmin et à Me Beaulé, de la
réunion du 1er février. Constatant tous les
événements qui se sont produits avant, est-ce que vous pourriez
être plus spécifique?
M. Rodrigue: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Rodrigue: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Il a
posé... Je pense que je peux quand même accorder au
député... Me Boivin est prêt à répondre. Il a
posé une question. Maintenant, je permettrai à Me Boivin d'y
répondre.
M. Boivin: M. le Président, il m'est difficile
d'être plus... Au sujet de ma mémoire et de mes trous de
mémoire, je voudrais raconter une anecdote. Un jour, j'étais
fatigué, je demande à ma secrétaire, le soir, combien
d'appels téléphoniques j'avais reçus. Elle me dit: 75.
Quand on me questionne au sujet d'une rencontre du 2 février 1978, vous
savez... Pour être plus spécifique, je ne peux pas être plus
spécifique que la réponse qui apparaît à la page 1
du ruban 1418. Je vais la lire pour les téléspectateurs: Pour
préparer mon témoignage, j'ai essayé de gratter ma
mémoire, c'est bien tannant, mais, en tout cas, je l'ai fait. Et j'ai
écrit, en grattant ma mémoire, ce qui suit dans mes notes pour
témoigner devant vous: au sujet de la réunion du 2
février, je ne m'en souviens pas. Avant le témoignage de Me
Beaulé, je ne me souvenais même pas qu'il m'avait remis un
document. Encore aujourd'hui, je ne m'en souviens pas, mais, puisque
Beaulé l'affirme, je veux bien le croire. Mais je me souviens,
cependant, de la lettre du 5 février adressée à Geoffrion
et Prud'homme dont il me fait tenir copie. Je poursuis, parce que vous l'avez
interrogé là-dessus: Je ne crois pas les avoir mis au courant de
la rencontre de la veille, soit celle du 1er février avec le premier
ministre; et j'ajoute, comme je ne savais pas comment le conseil
d'administration de la SEBJ allait traiter cette affaire, que je ne voulais pas
trop m'engager vis-à-vis des avocats des défendeurs ou encore
leur donner trop d'espoir.
M. Ciaccia: Le fait que le premier ministre ait dit:
Réglez ou bien je vais régler, cela vous permet de dire et de
continuer d'affirmer que vous ne vouliez pas donner espoir aux avocats des
défendeurs, malgré le fait que le premier ministre ait dit
à M. Boyd: Écoutez! Réglez - juron - ou on va
régler. C'est donner un espoir cela?
M. Boivin: Un exemple de question, selon moi, défendue par
le règlement. Je n'ai jamais admis et je ne me souviens pas que le
premier ministre ait dit: Réglez ou je vais régler. Et je me
suis...
M. Ciaccia: Vous niez cela? Vous niez que le premier ministre ait
dit cela?
Le Président (M. Jolivet): Écoutez ce qu'il dit, M.
le député.
M. Boivin: Je me suis exprimé en réponse à
une question du député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai dit que je
ne me souvenais pas que le premier ministre ait employé cette expression
et j'ai ajouté que, s'il l'avait dit, je me demande encore aujourd'hui
le sens de cette réponse, car comment le premier ministre aurait-il pu
régler sans l'accord du conseil d'administration? J'ai dit qu'encore
aujourd'hui, si le premier ministre a dit cela, je me demande ce qu'il voulait
dire. Mais, en tout cas, c'est un hors d'oeuvre.
Pour en revenir à votre question, je vous réponds de la
façon que je viens de vous répondre.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas enfreindre le
règlement, mais la question que je me pose et que je vous pose à
vous...
Le Président (M. Jolivet): Mais je n'ai pas de
réponse à donner, par contre. J'ai mon problème. Je n'ai
pas à entrer dans le fond, j'espère.
M. Ciaccia: Une directive.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Ciaccia: Si un témoin peut interpréter la
réponse d'un premier ministre, pourquoi est-ce que je ne peux pas
interpréter la réponse du témoin?
Le Président (M. Jolivet): Je ne vois pas le lien, M. le
député, franchement.
M. Ciaccia: Je n'ai pas le droit de faire des commentaires sur sa
réponse. Il vient d'en faire...
Le Président (M. Jolivet): Non, au contraire. C'est
justement ce que vous avez de la difficulté à comprendre. Vous
ferez les commentaires que vous voudrez à la fin de vos questions. Vous
avez le droit de faire des commentaires. Vous avez le droit de...
M. Ciaccia: Mais j'ai des réflexes immédiats sur
ses commentaires...
Le Président (M. Jolivet): Ah oui!
M. Ciaccia: ...sur ses réponses. Je n'ai pas le droit de
les faire.
Le Président (M. Jolivet): Vos questions. Une voix:
Retenez-vous!
M. Ciaccia: Revenons à la réunion du 19 janvier.
Nous allons revenir à la réunion du 19 janvier. Est-ce qu'on vous
a distribué le procès-verbal de la réunion du 19 janvier
tenue aux bureaux du conseil provincial?
M. Duhaime: Qui l'a barré?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ne venez
pas me dire que le crayon jaune fait disparaître l'ensemble des
questions, c'est-à-dire les textes à être lus. Je pense, M.
le ministre, que c'est ce que vous vouliez me dire?
M. Duhaime: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Le problème qu'on a avec
les photocopieuses, aujourd'hui, c'est que le jaune cache, M. le ministre.
M. Ciaccia: Ce n'est pas possible.
M. Duhaime: Je sais ce que donne le jaune sur une photocopieuse,
M. le Président, mais la copie que j'ai en main est parfaitement
illisible.
Le Président (M. Jolivet): Justement, c'est le jaune qui
amène cela. Alors, M. le député, vos questions, je vous le
permets.
Une voix: Ce n'est pas illisible. M. Duhaime: C'est
illisible.
M. Ciaccia: Merci. Juste pour la compréhension de ceux qui
nous écoutent, M. le Président, j'ai souligné en jaune
certains extraits. Alors, quand on fait une photocopie, cela apparaît
comme n'étant pas lisible, mais c'est la faute des photocopieuses.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
n'ajoutez rien. C'est ce que j'ai dit d'ailleurs.
M. Duhaime: On va changer, M. le Président. Si on peut me
passer la feuille du député de Mont-Royal, je vais lui
prêter la mienne.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaîtï M.
le député.
M. Ciaccia: Après que j'aurai lu...
M. Duhaime: Non, vous ne lirez rien. Je ne donne pas mon accord
là-dessus, M. le Président.
M. Lalonde: Vous n'avez pas du tout à donner votre
accord.
M. Duhaime: Ah oui! M. Lalonde: Pas du tout!
M. Duhaime: On va en faire une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): J'ai un problème. Il est
évident que M. le député a pris un procès-verbal et
il a souligné en jaune ce qu'il voulait amener comme question. Quand
nous passons cela à la photocopieuse, le jaune devient foncé, de
telle sorte que... J'ai de très bons yeux, je vais écouter le
député et je dois vous dire que je suis capable de le lire
malgré tout.
M. Lalonde: Bon.
M. Duhaime: Moi, je ne suis pas capable.
M. Ciaccia: À la réunion du 19 janvier, dans les
bureaux du Conseil provincial des métiers de la construction...
M. Duhaime: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je pense qu'on devrait
peut-être ne s'offenser de rien, mais je suis prêt à offrir
ma copie au député de Mont-Royal. Il va me prêter la
sienne. Je vais lui faire lire le noir, il va me passer le jaune,
premièrement. Deuxièmement...
M. Lalonde: Ce n'est pas la première fois que le ministre
est dans le noir.
M. Duhaime: ...avant de laisser distribuer un document en
commission, ou bien il y a une personne qui le dépose ou encore on donne
notre consentement. Ce document peut être déposé avec
consentement de notre part et cela va me faire plaisir de le donner. Mais je ne
donnerai pas un consentement sur des choses que je ne peux pas lire.
Êtes-vous capable de lire le dernier paragraphe?
Le Président (M. Jolivet): Dans le paragraphe, il explique
clairement... Et là, on a les raisons pour lesquelles il... - il y a un
mot qui pose de la difficulté - au conseil..
Une voix: ...conseil provincial.
Le Président (M. Jolivet): C'est un peu plus difficile, on
ne voit pas "provincial". Vous voyez que c'est très difficile,
effectivement.
M. Lalonde: C'est très difficile. D'ailleurs, j'ai eu le
même problème avec une opinion qui nous avait été
remise dans le cahier de Geoffrion et Prud'homme où les passages...
M. Duhaime: Laquelle?
M. Lalonde: Dans le cahier de
Geoffrion et Prud'homme. Il y avait des documents.
M. Duhaime: II y avait des choses illisibles?
M. Lalonde: Comme cela, exactement comme cela.
M. Duhaime: Je n'en ai vu nulle part.
M. Lalonde: Vous avez peut-être passé
par-dessus.
Le Président (M. Jolivet): Le seul problème que
j'ai, c'est qu'effectivement on a demandé à déposer ce
document. Il a été déposé en photocopie. Sur
certaines parties, c'est très difficile de lire. Le député
a une copie entre les mains. M. le ministre demande qu'on certifie...
M. Duhaime: Qu'on change de copie.
Le Président (M. Jolivet): ...qu'on change de copie. Le
député va avoir de la difficulté à lire sa propre
photocopie.
M. Lalonde: N'y a t-il pas moyen d'avoir des photocopies?
M. Duhaime: Non.
M. Ciaccia: Cela permettrait de lire ceci, et je vais lui passer
cette copie.
M. Duhaime: Non, vous allez le lire sur la mienne et vous allez
me passer la vôtre, et je vais vous suivre.
M. Ciaccia: Vous êtes donc intelligent: Franchement, il y a
une limite.
Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il y a tout de
même un compromis de fait. Le député vous dit: Je vais lire
la phrase et je vais passer le document pour que vous puissiez le lire.
Là, on va pouvoir le certifier.
Allez donc, M. le député.
M. Lalonde: Écoutez attentivement, M. le ministre.
M. Ciaccia: Écoutez! Pour vous assurer que je ne me trompe
pas.
M. Duhaime: J'espère que vous ne travailliez pas comme
cela quand vous étiez chez Steinberg, parce qu'ils vous auraient mis
dehors depuis longtemps.
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
Qu'il procède ensuite à la lecture.
M. Ciaccia: Si vous pensez que cela va me déstabiliser,
vous vous trompez.
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez. M. Duhaime:
Non. M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Pas de commentaires, M. le
député.
M. Ciaccia: Dites-le au ministre aussi.
M. Duhaime: Je ne veux pas vous déstabiliser, j'ai
simplement lu l'Almanach du peuple en fin de semaine.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le 19 janvier, à une réunion de
l'exécutif qui a eu lieu le matin, dans les bureaux du Conseil
provincial des métiers de la construction, on lit la note suivante:
"Poursuite de la SEBJ. Me Michel Jasmin prend la parole et donne un court
résumé de la réunion de dimanche pour les membres qui
étaient absents lors de cette assemblée. Il procède
ensuite à la lecture du document qu'il a préparé afin
d'obtenir un règlement hors cour concernant l'action intentée par
la Société d'énergie de la Baie James. Il explique
clairement les raisons pour lesquelles il recommande au conseil provincial
d'accepter ce document et, par la suite, demande l'autorisation de
procéder au règlement en signant pour et au nom du conseil
provincial le document tel que rédigé."
À la page 2: "II est proposé par M. Tousignant,
secondé par A. Chartrand, que Me Michel Jasmin, de l'étude
Jasmin, Rivest, Castiglio et Lebel, soit autorisé à
procéder au règlement, conformément au document
déposé par Me Michel Jasmin, et soit autorisé à
signer le règlement et régler l'action intentée par la
Société d'énergie de la Baie James contre le conseil
provincial -on donne le numéro de la cause - pour et au nom du Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction. Que Me
Michel Jasmin soit autorisé à engager un montant maximum de 62
500 $ pour et au nom du conseil provincial pour les fins du règlement de
ce dossier. (Il h 15)
Le matin, Me Jasmin se fait autoriser à signer le projet de
règlement qu'il a soumis au Conseil provincial des métiers de la
construction. Me Beaulé a affirmé devant cette commission que
soit le soir du 18 ou le matin du 19 il a eu une copie du projet de
règlement et en a discuté avec Me Woll et Me Fanning. Puis, ils
se sont rendus à votre bureau. Me Beaulé, Me Jasmin, Me Woll et
Me Fanning sont allés à votre bureau.
Si le ministre veut savoir l'heure de la
réunion...
M. Duhaime: Oui.
M. Ciaccia: Je pense que, si vous consultez les registres, vous
allez voir l'heure de la réunion.
M. Duhaime: Non, M. le Président. C'est la réunion
spéciale des membres de l'exécutif du 19 janvier 1979. J'aimerais
savoir à quelle heure.
M. Ciaccia: Ah! Cette réunion. Vous la demanderez
après.
M. Lalonde: II y a un des participants à cette
réunion, M. le Président - sur la question de règlement -
qui s'appelle M.
Maurice Pouliot et qui pourrait venir témoigner ici.
Le Président (M. Jolivet): Ne commencez pas un
débat. Ne commencez pas un débat. Ne commencez pas un
débat!
M. Ciaccia: 9 h 45 le matin. M. Duhaime: Quelle heure?
M. Ciaccia: 9 h 45 le matin.
M. Duhaime: Seulement 9 h 45 le matin.
M. Ciaccia: Je crois.
Le Président (M. Jolivet): C'est inscrit 9 h 45: Le
président Dumoulin ouvre l'assemblée à 9 h 45.
M. Duhaime: Ah bon! D'accord. Là, on le sait.
M. Ciaccia: Je vais recommencer pour...
M. Boivin: J'ai tout saisi ce que vous avez dit jusqu'à
présent.
M. Ciaccia: Mais je voudrais le reprendre.
M. Boivin: Ah!
M. Rodrigue: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, tout à l'heure, vous
avez demandé au député de Mont-Royal de poser ses
questions, de cesser de tirer ses propres conclusions ou d'enchevêtrer
des événements pour tenter de leur donner un sens de conclusion.
Or il m'apparaît que, dans la façon de poser cette question, il
recommence exactement de la même façon et que c'est tout aussi
irrégulier que tout à l'heure.
Le Président (M. Jolivet): Je lui ai permis de situer sa
question. Je lui ai demandé de le faire le plus brièvement
possible. La question est sur le point d'être posée. Donc,
allez-y, M. le député.
M. Ciaccia: Brièvement. Me Beaulé a reçu le
projet de règlement le soir du 18 ou le matin du 19. Me Jasmin s'est
fait autoriser à signer le projet de règlement. Me Beaulé,
Me Jasmin, Me Woll et Me Fanning se rendent au bureau de Me Boivin. C'est le 19
janvier.
Me Boivin, pouvez-vous nous affirmer qu'il n'a pas été
question de cette offre de règlement à la réunion avec Me
Beaulé, Me Jasmin, Me Woll et Me Fanning, le 19 janvier?
M. Boivin: Je le jure.
M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien votre réponse...
Je veux constater sa réponse...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Ciaccia: Est-ce que je peux constater parce que....
Le Président (M. Jolivet): Tout le monde a constaté
qu'il a répondu: Je le jure.
M. Ciaccia: II n'y a pas eu de...
Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de
constatations.
M. Ciaccia: Alors, vous vous souvenez de ne pas en avoir
discuté de cela?
M. Boivin: Exact. Je ne sais si cela vous aiderait, M. le
député. Je n'ai jamais discuté de ce projet, de cette
offre de règlement ni d'aucune autre.
M. Ciaccia: Ni d'aucune autre? M. Boivin:
Voilà.
M. Ciaccia: II n'y avait aucun projet de règlement...
M. Boivin: Voilà.
M. Ciaccia: ...aucune discussion?
M. Boivin: Voilà.
M. Ciaccia: Même si Me Beaulé nous dit...
M. Boivin: Cela fait le tour de la question.
M. Ciaccia: Même si Me Beaulé nous dit qu'il en
a...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Comme il dit
qu'il n'a discuté ni de ce règlement ni d'un autre
règlement, d'un autre projet ou peu importe, qu'il n'en a pas
discuté, à quoi sert-il de vouloir reposer les questions?
M. Rodrigue: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Vous allez me dire: C'est parce
que je veux lui rafraîchir la mémoire, mais...
M. Rodrigue: II n'a pas besoin de cela.
M. Ciaccia: Non, non, je ne vous dirai pas cela du tout parce
qu'il a été pas mal catégorique.
Le Président (M. Jolivet): Bon, allez-y donc avec une
autre question. Cela sera plus simple.
M. Ciaccia: Même si je m'étonne que, sur certains
points, sa mémoire est...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Ciaccia: ...fraîche et complète et, sur
d'autres...
Le Président (M. Jolivet): II y a des choses bien
étonnantes dans la vie. Allez-y donc. M. le député.
M. Ciaccia: Oui, oui, je vais continuer, M. le Président.
Est-ce que vous étiez au courant, est-ce que vous saviez que Me
Beaulé avait discuté du projet de règlement avec Me Woll
et Me Fanning, que Me Woll et Me Fanning l'ont apporté avec eux à
Washington et qu'il est revenu ici à Montréal le 22 janvier
signé par M. Conlan?
M. Boivin: J'ai appris cela au cours des travaux de cette
commission.
M. Ciaccia: Vous avez appris cela durant le témoignage de
cette commission.
M. Boivin: Voilà.
M. Ciaccia: Je n'ai pas bien entendu.
M. Tremblay: Cela va vous prendre des lunettes!
M. Ciaccia: Retournons au 2 février, au lunch avec Me
Aquin et Me Cardinal. On a parlé un peu de la réunion du matin.
Au ruban 692, témoignage de Me Aquin, il est dit, et je cite: "Je me
souviens aussi que je lui parle des nombreux textes de transaction qu'on a
faits." Lui, c'est en référence à vous-même, Me
Boivin. Il dit: "Mais je ne les ai pas en main." Pour être certain que je
cite exactement dans le contexte, il en a discuté, mais il ne les avait
pas en main. Qu'est-ce que Me Aquin vous disait à propos de ces projets
de transaction?
M. Boivin: J'ai dit - et si je ne l'ai pas dit, je le dis - que
je ne me souvenais aucunement que Me Aquin m'ait parlé des textes de
transaction, lors de ce lunch.
M. Ciaccia: II n'a pas été question de savoir
comment il les avait rédigés ou s'il en avait parlé
à Me Beaulé...
M. Rodrigue: M. le Président, je soulève une
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Je pense qu'on contrevient carrément à
l'article 173 de notre règlement qui dit qu'il est permis de poser de
nouvelles questions pour obtenir des renseignements supplémentaires,
pourvu que ces questions ne prennent pas la forme d'un contre-interrogatoire,
c'est-à-dire qu'elles ne reviennent pas sur le même sujet tout le
temps. Or, c'est ce que fait le député de Mont-Royal.
L'invité qui est devant nous a répondu. Il a d'ailleurs
répondu plusieurs fois à la même question. Il me semble
qu'au point où nous en sommes, la réponse a été
donnée et le député de Mont-Royal devrait passer à
une autre question. Il est inutile de revenir tout le temps sur la même
question et de tricoter autour de la même question. C'est un
contre-interrogatoire qu'il fait subir actuellement à l'invité et
cela contrevient à l'article 173 de notre règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, si je comprends bien, le
témoin a dit: Je ne m'en souviens pas. Il n'a pas affirmé
catégoriquement qu'il n'en pas été question. J'essaie de
faire ressortir certains autres faits - il est vrai que c'est sur le même
sujet - dans le but que cela pourrait, comme il a été tellement
catégorique sur d'autres sujets, peut-être lui rafraîchir la
mémoire. Ce sont des faits additionnels. Je ne repose pas la même
question.
M. Rodrigue: M. le Président, sur la même question
de règlement...
Le Président (M. Jolivet): Non, non. Je
ne voudrais pas qu'on passe notre temps à nous interrompre de
part et d'autre sur une série de questions de règlement. Je pense
que la personne qui est devant nous peut répondre à la question
qui était posée. Je ne vois pas pourquoi on soulèverait
des questions de règlement de façon interminable, ce matin.
M. Rodrigue: Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Je voulais...
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que c'est sur une autre
question de règlement ou si c'est sur la même?
M. Rodrigue: C'était sur la même et je vous indique
ce que je voulais faire valoir. Je voulais vous faire valoir que la
façon de poser des questions, même si les termes sont
légèrement différents, revient au même tout le
temps, en ce sens qu'on pose la question: Avez-vous eu connaissance qu'il y ait
eu des projets de règlement? La réponse est non. Deuxième
question: Est-ce qu'on vous a parlé du contenu du projet de
règlement? La réponse ne peut pas être autre chose que non,
parce qu'on a dit qu'on n'a pas pris connaissance d'un projet de
règlement. Troisième question: Est-ce que Me Jasmin vous a
parlé du contenu de son projet de règlement?
Finalement, par des moyens détournés, on fait ce qu'on ne
peut pas faire directement. Il me semble que cela contrevient carrément
à l'article 173. En d'autres mots, lorsque le témoin dit qu'il
n'a pas eu connaissance d'un projet de règlement, quand bien même
on commencerait à l'interroger sur le contenu de tels projets de
règlement, s'ils existent, comment voulez-vous qu'il soit en mesure de
répondre plus que ce qu'il a déjà répondu
initialement?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...sur la question de règlement. Je pense
qu'on devrait procéder, mais je fais appel à votre indulgence
à l'égard du député de Vimont. Quand le chef de
cabinet du boss se trouve ici, on le voit inspiré d'une...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
allez donc!
M. Lalonde: ...vigilance tout à fait
renouvelée.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
allez donc sur la question de règlement.
M. Lalonde: C'était simplement pour situer, bien situer la
question de règlement du député de Vimont.
Le Président (M. Jolivet): C'était de
l'interprétation de votre part, M. le député, et cela
n'est pas correct. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Quand Me Aquin nous dit, au ruban 692, que vous lui
avez dit... Je cite ce que Me Aquin nous dit: "Si vous faites quelque chose, ne
vous accrochez pas uniquement à des papiers ou à des textes de
transaction." C'est ce dont Me Aquin se souvient que vous lui avez dit. Vous
avez expliqué, dans votre témoignage, que vous auriez dit
plutôt: Ne vous enfargez pas dans les tapis.
M. Duhaime: Dans les fleurs du tapis.
M. Ciaccia: Dans les fleurs du tapis. Quand vous avez
lancé cela de vous-même, n'a-t-il pas été question
du tout du texte du règlement?
M. Boivin: M. le Président, pour bien situer ma
réponse sur toute cette question, j'ai peine à me souvenir de
tout cela. S'il n'avait pas mentionné le restaurant, je pense que je ne
m'en souviendrais pas. Même là, quand vous me faites dire que j'ai
dit: Nnee t'enfarge pas dans les fleurs du tapis, je dis pas que j'ai
dit cela, je dis que j'ai dû dire cela. J'en dis trop pour vous faire
plaisir. Le lunch, quant à moi, c'était dans un restaurant
italien et le dîner était bon. Quant au reste, vous savez...
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas du menu?
M. Boivin: Quoi?
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas du menu?
M. Boivin: Non, malheureusement. Le minestrone est excellent.
M. Ciaccia: Quelqu'un n'est pas venu chercher son
imperméable dans votre bureau non plus?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
député, ce n'était pas correct.
M. Lalonde: Le "ministroune"?
Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas cela mon
problème, mais vous faites justement un commentaire qui va à
l'encontre du règlement.
M. Ciaccia: Mais lui, il peut en faire
des commentaires et moi je n'ai pas le droit. Le Président (M.
Jolivet): Non, non.
M. Ciaccia: C'est cela que je vous dis. Il y a deux
règles, deux mesures. Il me semble que, comme parlementaire, je devrais
avoir autant le droit que le témoin de faire des commentaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
n'oubliez pas que, lorsque notre invité vous a répondu, c'est
parce que vous lui avez posé une question. Vous lui avez dit: Vous ne
vous souvenez pas du menu? Et il vous a répondu. C'est vous qui avez
provoqué la réponse.
Allez donc aux questions.
M. Duhaime: La cuisine italienne est meilleure que les
questions.
M. Ciaccia: Meilleure que le ministre aussi.
M. Lalonde: On peut épicer les deux de la même
façon.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre. M. le
député de Mont-Royal, c'est vous qui avez la parole.
M. Tremblay: M. le Président, à la réponse
du député...
M. Duhaime: J'aimerais l'entendre aussi.
Le Président (M. Jolivet): Moi, je ne veux pas.
M. le député de Mont-Royal.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plattl
M. Lalonde: Dans mon comté, quand il m'en parle, il trouve
cela drôle.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît! M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Avant la réunion du 1er février avec le
premier ministre et les représentants de la SEBJ, avez-vous
rencontré le premier ministre?
M. Boivin: Voulez-vous dire le jour même?
M. Ciaccia: Pas nécessairement le jour même, cela
aurait pu être la veille ou le matin. Au sujet de cette réunion,
avez-vous rencontré le premier ministre avant la réunion?
M. Boivin: Je pense qu'on est parti de Québec en avion
pour se rendre à Montréal. Je fais de la reconstitution,
voyez-vous. J'ai dû dire: On va rencontrer M. Untel, M. Untel, M. Untel,
voici quel sera le sujet. On a dû s'en parler nécessairement. Que
voulez-vous que je vous dise? Vous avez absolument raison de dire: Vous vous
souvenez de certaines choses et vous ne vous souvenez pas d'autres choses.
Pourquoi ma mémoire est-elle faite ainsi? Je n'en sais rien...
M. Ciaccia: C'est peut-être cela qui fait un bon chef de
cabinet.
M. Boivin: Je me souviens que les trois messieurs sont
arrivés en retard. Pourquoi je me souviens d'un détail comme
celui-là? C'est niaiseux. Ils sont arrivés à 18 h 15 au
lieu de 18 heures, c'est complètement stupide de me souvenir de cela,
mais je m'en souviens.
M. Ciaccia: Lorsqu'un des membres de la commission - je ne sais
pas si c'était le député de Marguerite-Bourgeoys ou
peut-être moi-même - vous a demandé pourquoi vous vous
souveniez de la réunion du 1er février, vous avez dit:
C'était une réunion avec le premier ministre et les P.-D.G. de la
SEBJ, alors je me suis souvenu de cela. De la même façon, ne vous
souviendriez-vous pas d'avoir rencontré le premier ministre pour
discuter de cette réunion parce que la réunion était
importante? Vous êtes le chef de cabinet du premier ministre, avez-vous
rencontré, même si c'était en avion ou autrement, le
premier ministre pour discuter de cette réunion avant qu'elle ait
lieu?
M. Boivin: Cette réunion n'était pas une des
réunions importantes dans ma vie, alors je n'ai pas de raison
particulière de m'en souvenir. Je rencontre le premier ministre tous les
jours. Alors, vous me demandez si j'ai rencontré le premier ministre le
2 février ou avant au sujet de cette réunion qui devait avoir
lieu le 2 février...
M. Ciaccia: Pas le 2 février, avant le 1er février,
parce que la réunion a eu lieu le 1er février.
M. Boivin: Excusez-moi, je veux dire le 1er ou avant le 1er
février. Je vous dis: Selon toute vraisemblance, oui.
M. Ciaccia: Vous souvenez-vous de ce que vous avez dit au premier
ministre concernant cette réunion?
M. Boivin: Bien non, bien sûr que non.
M. Ciaccia: Pourquoi dites-vous: Bien sûr que non? (Il h
30)
M. Boivin: Parce que c'est banal. Je ne peux pas me souvenir de
ce que j'ai dit au
premier ministre le 1er février 1979 au sujet d'une
réunion...
M. Ciaccia: Mais si vous me dites que la réunion
était tellement importante et que vous vous souvenez de ce qui est
arrivé à cette réunion, pourquoi serait-il banal de dire:
La préparation de cette réunion n'est pas importante? Je ne
comprends pas cela. Je voudrais que vous m'expliquiez cela.
M. Boivin: Je vais essayer de vous l'expliquer, M. le
député. J'ai déjà parlé au premier ministre
avant des conférences constitutionnelles
fédérales-provinciales qui étaient plus importantes que
ces rencontres et je ne me souviendrais pas de ce que j'ai dit au premier
ministre, si vous me le demandiez.
M. Ciaccia: Auriez-vous discuté avec le premier ministre,
avant le 1er février, en préparation de cette réunion, de
l'abandon de la poursuite?
M. Boivin: Certainement, puisque, avant le congé des
fêtes, j'ai recommandé au premier ministre le règlement
hors cour de cette cause.
M. Ciaccia: Dans quel contexte ou de quelle façon
auriez-vous discuté de l'abandon de la poursuite avec le premier
ministre juste avant le 1er février?
M. Boivin: Je ne m'en souviens absolument pas. Je saisis mal le
sens de votre question, parce que j'ai peine à croire que vous me
demandiez de vous relater avec quelque peu d'exactitude ce que j'aurais pu dire
au premier ministre, disons, le 1er février ou les jours
précédant le 1er février, au sujet de la rencontre - si je
comprends bien votre question - qui devait avoir lieu le 1er février au
soir. Est-ce que c'est cela votre question?
M. Ciaccia: Je voudrais - puisque vous me le demandez, M. le
Président - me faire relater exactement les informations que je voudrais
avoir du témoin quant à sa réunion avec le premier
ministre. Il y avait une réunion...
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Ce que
l'invité demande - si j'ai bien compris; peut-être ai-je mal
compris, il me le dira, parce que je suis la discussion depuis tout à
l'heure - c'est d'expliquer exactement le sens de votre question...
M. Ciaccia: Très bien, je vais l'expliquer.
Le Président (M. Jolivet): ...mais non pas de relater des
faits inhérents. D'accord.
M. Ciaccia: Le sens de ma question est celui-ci: il y avait une
réunion très importante le 1er février. Je pense que vous
l'avez avoué vous-même, il semble que cette réunion
était importante. Pour une réunion importante avec le premier
ministre et le P.-D.G. des sociétés d'État, comme chef de
cabinet, vous deviez préparer le premier ministre, discuter avec lui,
préparer la réunion.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, au
lieu de faire cette affirmation, il pourrait poser la question au
témoin.
M. Ciaccia: J'essaie d'expliquer le sens de ma question; pour en
expliquer le sens, je ne peux pas expliquer une question par une autre
question.
Le Président (M. Jolivet): Posez votre question.
M. Ciaccia: Je voudrais savoir ce que vous avez fait pour
préparer le premier ministre pour la réunion du 1er
février. Que lui avez-vous dit?
M. Boivin: Puisque vous aimez situer vos questions dans le
contexte, j'aimerais situer mes réponses dans le contexte. Quand je dis
que la réunion était importante, elle était importante
pour les fins de cette cause, mais ce n'est pas une réunion historique
pour moi, vous savez, comme réunion particulièrement importante
ou historique. Elle était importante pour cette cause de la SEBJ,
mais...
M. Ciaccia: Assez importante pour que vous vous rappeliez ce qui
s'est produit à cette réunion?
M. Boivin: J'ai dit que je m'en souvenais en substance. Encore
aujourd'hui, si vous me demandiez de citer ce que M. Saulnier a dit, ce que M.
Untel a dit exactement, je ne m'en souviendrais pas.
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas des autres, mais vous vous
souvenez de celle-là. Alors, elle est importante pour vous?
M. Boivin: Elle est plus importante que les autres. Cela va de
soi, me semble-t-il. Quant à la préparation, je ne m'en souviens
aucunement, mais je m'imagine que la préparation n'a pas
été longue, parce que, suivant le style de M. Lévesque,
comme il était convaincu avant Noël que cette cause devait se
régler hors cour, il savait très bien pourquoi et il n'avait pas
besoin d'une longue
préparation.
M. Ciaccia: Est-ce que vous auriez discuté avec lui de la
question du quantum possible?
M. Boivin: Nous n'avons jamais discuté, le premier
ministre et moi, de quantum possible.
M. Ciaccia: Avez-vous discuté de la reconnaissance des
responsabilités?
M. Boivin: Nous n'avons jamais discuté, avec les membres
du conseil d'administration, lors de la réunion du 1er février,
de quantum.
M. Ciaccia: Très bien. Est-ce que vous avez discuté
avec le premier ministre, avant la réunion du 1er février, de la
question de la reconnaissance des responsabilités?
M. Boivin: Je ne crois pas.
M. Ciaccia: Au mois de juin 1978, pendant la discussion du projet
de loi no 52, avez-vous rencontré l'exécutif de la FTQ?
M. Boivin: Est-ce que le député aurait la
bonté de me donner le titre approximatif du projet de loi no 52?
M. Ciaccia: Un instant.
M. Boivin: Enfin, à quel sujet?
M. Ciaccia: C'était un projet de loi sur les relations de
travail dans l'industrie de la construction, qui a été
discuté à l'Assemblée nationale du 1er au 23
juin.
M. Boivin: Je ne sais pas si c'est en juin, mais je me souviens
d'avoir eu une ou des rencontres, je ne sais trop, avec des gens de la FTQ.
Quand vous me dites l'exécutif, je ne suis pas certain de la
dénomination de l'instance. Je suis certain d'avoir rencontré des
gens de la FTQ, dont M. Laberge, au sujet d'un projet de loi.
M. Ciaccia: Est-ce que MM. Louis Laberge, Fernand Daoust, Robert
Dean, Guy Dumoulin, Richard Mercier, M. Brûlé et un certain M.
Messier étaient présents?
M. Boivin: Vous affirmer carrément, sous serment, que tout
ce monde était là, ce serait délicat pour moi. Disons que
plusieurs d'entre ceux que vous nommez étaient là.
M. Ciaccia: Est-il exact...
M. Boivin: Je ne sais pas si c'est en juin non plus, mais je
prends votre parole, je suppose.
M. Ciaccia: C'était durant les discussions du projet de
loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député, avant de continuer. Vous parlez de juin de quelle
année?
M. Ciaccia: De juin 1978.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Ciaccia: Pas juin 1979.
Le Président (M. Jolivet): Ce n'était pas à
1979 que je pensais, c'était à 1977, mais j'essayais de voir.
D'accord, cela va.
M. Ciaccia: D'accord. Est-il exact qu'à cette
réunion, il a été question de l'abandon... Je vais
reformuler ma question. Est-il exact...
Le Président (M. Jolivet): C'est parce que j'avais des
petits problèmes. De la façon que vous avez commencé votre
question, je suppose qu'il en a été question.
M. Ciaccia: Je ne peux pas demander si c'est exact?
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas tout à fait
cela qui était mon problème.
M. Ciaccia: Ce n'est pas assez clair?
Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc! Non, mais la
façon dont vous avez commencé votre question, c'était
difficile.
M. Ciaccia: Est-il exact...
Le Président (M. Jolivet): Allez-y!
M. Ciaccia: Est-il exact qu'un des buts de cette rencontre
était de trouver une solution, un règlement au litige opposant la
SEBJ et la FTQ?
M. Boivin: C'est faux, M. le Président.
M. Ciaccia: Est-il exact qu'il y a eu discussion de ce litige
durant cette rencontre?
M. Boivin: C'est faux, M. le Président. Il en a
peut-être été mention, je n'en sais rien, car je n'ai aucun
souvenir. Cela n'a certainement pas été le but de la
réunion ni le sujet de discussions prolongées. Est-ce que
quelqu'un, en passant, aurait parlé de cette chose-là? Je n'en
sais rien.
M. Ciaccia: Vous venez de dire, il y a un instant, qu'il aurait
pu en être mention, que cela aurait pu être mentionné.
M. Boivin: J'ai dit: si quelqu'un en avait parlé, je n'en
sais rien. Je ne l'affirme pas, je ne le nie pas, je n'ai aucun souvenir de
cela.
M. Ciaccia: Vous ne niez pas que cela n'a pas été
discuté, que cela n'a pas été mentionné.
M. Boivin: Quand on dit qu'on ne s'en souvient pas, on ne nie pas
et on n'affirme pas. Je ne m'en souviens pas.
M. Ciaccia: C'est important, M. le Président,
d'établir si c'est faux ou s'il ne s'en souvient pas, mais c'est
possible que cela ait pu être mentionné, parce qu'il ne le nie pas
et qu'il ne le confirme pas.
M. Tremblay: Non, ce n'était pas cela.
Le Président (M. Jolivet): Ne faites pas de commentaire.
Non, non, M. le député, ne vous inquiétez pas, on a
compris. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci. Je n'ai pas fait de commentaire.
Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas vous
d'ailleurs.
M. Ciaccia: Quelle lettre, quel mémoire, quel texte ou
quel projet de texte ou de contestation avez-vous reçus de Me
Jasmin?
M. Boivin: Aucun.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il venait vous voir avec des lettres ou des
mémoires, sans vous les laisser, mais pour vous les montrer?
M. Boivin: Je ne sais pas s'il en avait dans sa serviette. Mais,
ce que vous voulez dire, c'est s'il m'en a exhibé?
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Ciaccia: II ne vous a montré aucun document, aucune
lettre, aucun mémoire, aucun texte?
M. Boivin: Exact, M. le Président. M. Ciaccia: Et
Me Beaulé?
M. Boivin: J'en ai fait l'énumération, en
réponse au député de Marguerite-Bourgeoys. Je vais la
répéter brièvement. Il m'a remis copie de son plaidoyer.
Il dit m'avoir remis un document le 2 février et j'ai dit que je ne m'en
souvenais pas. Il m'a remis copie de la lettre du 5 février
adressée à Geoffrion et Prud'homme. Il m'a remis des copies de
factures - que j'ai retrouvées, incidemment - des photocopies, je veux
dire, de factures. Est-ce qu'il y a autre chose que j'oublie? Non, c'est tout
pour Me Beaulé.
M. Ciaccia: Et Me Cardinal et Me Aquin?
M. Boivin: Sous la réserve de la réponse que j'ai
donnée au député de Marguerite-Bourgeoys, soit que j'aie
pris connaissance à leur bureau de l'opinion du mois de décembre
1975, soit que j'en aie pris une photocopie, ce dont je suis incapable de me
souvenir, même après m'être relu en fin de semaine et avoir
essayé de réfléchir.
M. Ciaccia: À votre réunion du 3 janvier 1979 avec
M. Laliberté, ce dernier a affirmé ici devant cette commission,
au ruban 269, page 2, que l'intérêt de la SEBJ était de
percevoir la totalité des dommages. Quand vous l'avez informé du
souhait du premier ministre de régler hors cour, est-ce qu'il vous a
fait part de sa perception de l'intérêt de la SEBJ?
M. Boivin: Pas à mon souvenir, mais cela m'apparaît
évident quand même. Cette réponse de M. Laliberté
que vous me rapportez me paraît assez évidente.
M. Ciaccia: Excusez-moi, je ne dis pas que...
M. Boivin: À mon souvenir, il ne m'en a pas fait part.
M. Ciaccia: Parfait. Et quand des représentations vous
étaient faites, soit par Me Jasmin ou par Me Beaulé, pour un
règlement hors cour, vu que vous êtes chef de cabinet du premier
ministre, qui est le représentant des actionnaires de la SEBJ, est-ce
que vous avez fait part, soit à Me Jasmin ou à Me Beaulé,
ou même à Me Woll et Me Fanning, quand ils sont venus vous voir,
des intérêts de la SEBJ?
M. Boivin: Bien non, M. le Président. Un auteur a
déjà dit: L'évidence paralyse la démonstration.
Vous savez, des choses évidentes comme cela, je ne les affirme pas
à des confrères que je présume intelligents.
M. Ciaccia: Alors, selon vous, il était évident que
les intérêts de la SEBJ étaient de percevoir les 32 000 000
$?
M. Boivin: Dans l'état idéal des choses, oui. Dans
l'état idéal des choses, ai-je bien dit.
M. Ciaccia: Alors, l'intérêt de la SEBJ,
société d'État du gouvernement du Québec,
était d'avoir les 32 000 000 $?
M. Tremblay: C'est évident. Cela saute aux yeux.
M. Ciaccia: Merci.
M. Lalonde: Merci beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas d'autres
questions? M. le député de... Personne n'a d'autres questions?
Ah! M. le député de Gatineau, je m'excuse, on ne m'avait
pas...
M. Gratton: Y va-t-on par alternance, M. le Président?
Le Président (M. Jolivet): Pas pour le moment, c'est votre
tour.
M. Tremblay: ...
M. Lalonde: Vous n'êtes pas intéressé?
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais d'abord m'excuser
auprès de Me Boivin de ne pas avoir été présent
jeudi dernier, au moment où il a commencé son témoignage.
J'étais à la pêche ailleurs, en fait, dans le comté
de Gatineau.
M. Boivin: J'étais fort peiné, mais j'ai
pensé que vous aviez une excuse valable.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gratton: En effet, pour moi, c'était une excuse
très valable. M. le Président, j'ai quand même pris
connaissance non seulement du mémoire ou des notes préliminaires
que Me Boivin a déposées ici à la commission, mais
également des reportages des journaux. J'aurais quelques brèves
questions à adresser à Me Boivin pour essayer de comprendre un
peu mieux les arguments qu'il a fait valoir. (Il h 45)
Dans les raisons que vous donnez, M. Boivin, qui vous ont amené
à conclure à la nécessité de régler hors
cour, si on commençait par la moins importante, en fait, qui est la
dernière, au paragraphe e de la page 7. Vous dites: "II m'apparaissait
imprudent de risquer de compromettre de tels acquis pour tenter d'obtenir un
jugement contre le syndicat américain." Les acquis, c'était le
bon climat qui régnait sur le chantier, la productivité qui
était excellente. Mais comment, selon vous, le fait de poursuivre en
cour le syndicat américain pouvait-il compromettre quoi que ce soit sur
le chantier?
M. Boivin: Ce qui est visé par cela, c'est s'il y avait eu
une réaction négative de la part des syndiqués parce que
la poursuite aurait été continuée, parce qu'il y aurait eu
un jugement, parce qu'il y aurait eu exécution du jugement. Mais, comme
je vous le dis, cela n'a pas pesé très fort dans mon esprit.
M. Gratton: Mais ce que je veux savoir, c'est pourquoi vous
dites, pourquoi vous spécifiez contre le syndicat américain. Les
travailleurs qui travaillaient au chantier de la Baie-James étaient
membres, d'abord, des syndicats québécois, et le fait de
poursuivre ou de continuer la poursuite en cour contre le syndicat
américain n'aurait probablement pas amené le même genre de
réaction de la part des employés que de poursuivre les syndicats
québécois dont ils étaient membres.
M. Boivin: Excusez-moi! Dans ma phrase, j'ai voulu distinguer,
c'est-à-dire continuer la poursuite. Il y avait deux sortes de
défendeurs, en gros. J'oublie ceux qui ne sont pas importants, dont on
n'a presque jamais parlé ici. Il y avait le local 791 qui est
affilié à une centrale ou, enfin, je ne sais pas si c'est une
centrale, à l'International Union. Ce que j'appelle américain
dans mon... Il y avait deux sortes de défendeurs. Il y avait les
syndicats québécois représentés par Me Jasmin - si
on oublie les autres, Charpentiers Unis, on n'en a pas parlé, etc. - il
y avait les syndicats représentés par Me Jasmin et il y avait le
syndicat représenté par Me Beaulé, qui était le
syndicat américain. Dans le fond, je crois que cela faisait un tout. Je
crois, je n'ai jamais discuté de cela avec la 5EBJ, mais j'ai
l'impression qu'ils continuaient leur poursuite contre ces deux sortes de
défendeurs ou qu'ils l'abandonnaient contre les deux. Je pense que la
SEBJ aurait été mal avisée, disons, de continuer sa
poursuite contre les syndicats québécois et de l'abandonner
contre le syndicat américain ou vice versa. Quant à aller en
jugement, c'est aussi bien d'aller en jugement contre tous les
défendeurs. Alors, je me dis qu'il était imprudent... C'est pour
cela que je m'exprime de cette façon, parce que je présume que la
décision vise tout le monde, tous les défendeurs en même
temps.
M. Gratton: Donc, vous n'avez pas voulu dire, par ce passage,
qu'en supposant qu'il aurait été possible pour la SEBJ de laisser
tomber sa poursuite contre les syndicats québécois et de
maintenir celle contre le syndicat américain - ce que je vous accorde -
cela n'a pas été... Oui.
M. Boivin: Vous avez tout à fait raison de... Je me suis
peut-être exprimé maladroitement. Je ne voulais pas dire que,
s'ils n'avaient décidé de continuer que contre le syndicat
américain, cela aurait mis les
ouvriers en colère. Ce n'est pas cela que je voulais dire.
M. Gratton: Une des raisons qui m'ont amené à me
poser des questions, en lisant le paragraphe e, c'est que, dans le paragraphe
qui précède, juste avant, on y lit: "En somme, on essayait de
faire payer par un syndicat américain des dommages causés par
quelques aventuriers sans scrupule québécois. Je trouvais hier,
je trouve encore aujourd'hui cela tout à fait inéquitable." Donc,
il était inéquitable de vouloir faire payer par un syndicat
américain les actes causés ou les dommages causés par
quelques individus.
M. Boivin: Oui, cela je le maintiens encore, cependant.
M. Gratton: Oui.
M. Boivin: Mais vous voulez quoi? Que je l'explique ou quoi?
M. Gratton: Non, en fait, je vous expliquais la raison de ma
première question.
M. Boivin: Excusez-moi!
M. Gratton: C'est qu'il m'apparaissait un peu curieux qu'on...
D'ailleurs, on va y revenir, parce que je vous ai bien suivi, finalement. C'est
que vous dites que le syndicat américain est le seul qui aurait pu
payer, qui avait les moyens de payer, en supposant qu'éventuellement, il
y aurait eu condamnation. Si les syndicats québécois avaient
été condamnés, ils n'avaient pas l'argent
nécessaire pour payer. Je voulais m'assurer que ce que vous disiez au
paragraphe e n'était pas que la poursuite contre le syndicat
américain aurait entraîné une réaction chez les
employés, mais plutôt que le maintien de la poursuite contre les
syndicats québécois aurait eu cet effet.
M. Boivin: Votre compréhension est la même que la
mienne.
M. Gratton: Bon! Pour en terminer sur ce chapitre, est-ce que
vous aviez des indications quelconques selon lesquelles, effectivement, le fait
de poursuivre ou de maintenir la poursuite en cour, que cela soit contre les
syndicats québécois ou américains, pourrait compromettre
le climat ou la productivité du chantier?
M. Boivin: Aucune, si ce ne sont les affirmations de Me Jasmin et
possiblement, je ne sais pas, celles de M. Laberge; aucune, sauf des
affirmations de ce genre. C'est pour cela que je n'y ai jamais attaché
beaucoup d'importance. Une raison additionnelle pour laquelle je n'ai pas
attaché d'importance à cela, c'est que cela ne se prouve pas, de
telles choses. Je n'avais pas de manifestation concrète. Comme je l'ai
dit antérieurement, surtout poussé jusqu'à sa logique
ultime, cela devient du chantage. Je n'aime pas le chantage.
M. Gratton: On connaît tous le verbe de Louis Laberge, le
président de la FTQ. Quand il vous a téléphoné,
vous me dites qu'il n'a pas fait d'allusion directe à cela.
Possiblement, est-ce qu'il n'aurait pas pu y faire allusion de façon
indirecte? J'écoutais justement un de mes collègues qui l'a
rencontré il y a deux semaines et qui me rapportait les propos qu'il
tenait. Je le rassure, je n'ai pas l'intention d'en faire état ici. On
sait qu'il a une façon bien à lui de s'exprimer.
M. Boivin: Une façon originale.
M. Gratton: Originale, disons. À votre souvenir, il n'a
pas fait d'allusion semblable?
M. Boivin: Je ne crois pas. Cela a été trop bref
pour cela.
M. Gratton: De façon subsidiaire, vous m'expliquez que
c'est parce qu'en faisant l'extrapolation, cela deviendrait du chantage et vous
ne vous prêtez pas à cela. J'ai bien l'impression que vous
n'êtes pas le genre de gars pour vous prêter à cela, j'en
conviens. Mais, est-ce que cela ne pourrait pas être aussi parce que, au
moment où vous considérez cela, où vous tirez vos
conclusions, à la fin de 1978 et au début de 1979, dans le fond,
il n'y a plus grand-chose qui puisse être compromis, compte tenu que le
chantier devait être inauguré ou qu'on devait inaugurer la mise en
production de LG 2 moins d'un an plus tard?
M. Boivin: Justement, si mes souvenirs sont exacts, cela serait
très grave à ce moment, parce que cela pourrait retarder d'une
année additionnelle. C'est beaucoup d'argent quand on retarde la
production d'une année additionnelle.
M. Gratton: Les travaux ont duré combien de temps à
la Baie-James ou à LG 2? Quatre, cinq ou six ans?
M. Boivin: II faudrait le demander au ministre.
M. Gratton: II en restait sûrement moins à faire la
dernière année qu'il en avait été fait
jusque-là?
M. Boivin: D'accord.
M. Gratton: Le problème de compromettre le climat devenait
moins grave à mesure que les travaux étaient
parachevés.
M. Boivin: D'accord. Mais cela doit être assez grave quand
on retarde. On peut retarder de six mois et cela veut dire beaucoup d'argent au
bout du compte. Comme je vous le dis, j'aurais dû écrire: "de
façon très subsidiaire". J'ai écrit "de façon
subsidiaire".
M. Gratton: On s'entend, M. Boivin, pour dire que cela n'a pas
été...
M. Boivin: Pour moi.
M. Gratton: ...cela n'a pas pesé lourd dans la conclusion
ou dans les considérations qui vous ont amené à dire: Je
conclus qu'on doit régler cela hors cour.
M. Boivin: Je trouve inacceptable que des gens disent: Nous vous
avons fait des dommages, à un moment donné. Maintenant, nous
sommes gentils, réglez. Je n'accepte pas ce principe, sauf dans la
mesure, dans ce cas-ci, où ce ne sont pas les mêmes personnes.
M. Gratton: D'accord. Là, j'ai des félicitations
à vous faire, M. Boivin. Est-ce que c'est permis, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je veux
savoir, c'est si vous avez encore d'autres questions.
M. Gratton: Oui. Mais avant, je veux faire précéder
ma question de félicitations à l'endroit de Me Boivin.
M. Tremblay: On aimerait mieux pas.
M. Gratton: II est le premier à avoir cité le
passage de la commission Cliche qu'on retrouve aux pages 68 et 69 en entier. Le
ministre l'avait fait six ou sept fois de son propre aveu, mais seulement
partiellement, pour faire dire à la commission Cliche ce que le ministre
aurait voulu qu'elle dise exclusivement. Me Beaulé avait fait la
même chose, il en avait même parlé comme d'une
recommandation principale. Il devait ensuite s'amender pour dire qu'il
s'agissait d'une constatation.
Le Président (M. Jolivet): N'allez pas trop loin, avec la
petite permission que je vous ai donnée.
M. Gratton: Là, je dis que M. Boivin, à la page 3
de son mémoire, cite l'ensemble du passage qui nous permet de statuer
sur ceux qui étaient possiblement responsables ou qui n'étaient
pas responsables des crimes d'Yvon Duhamel.
Voici la question que je voudrais poser. Vous dites, Me Boivin, que la
lecture du rapport de la commission Cliche - on retrouve cela au paragraphe b,
à la page 2 -vous a amené à conclure à la
non-responsabilité d'une très grande majorité des
"syndicats" ordinaires. La question que je vous pose est si la même
lecture du même passage vous a amené à conclure que les
syndicats québécois défendeurs, notamment, par exemple, la
FTQ-Construction, pouvaient, à partir des conclusions du rapport Cliche,
être considérés comme responsables de quelque chose.
M. Boivin: Comme entité syndicale?
M. Gratton: Oui.
M. Boivin: Ma réponse est oui.
M. Gratton: Donc, vous partagez le point de vue de ceux qui
disent que c'est clairement établi, particulièrement à la
page 69 du rapport de la commission Cliche, que la FTQ-Construction...
M. Rodrigue: M. le Président...
M. Gratton: ...devait porter au moins la responsabilité
morale des actes de M. Duhamel et compagnie.
M. Rodrigue: Juste une... Si le député de Gatineau
me le permettait, juste une question de précision.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Vous avez parlé des "syndicats" ordinaires
et, à ma souvenance, ce seraient plutôt les "syndiqués"
ordinaires. Est-ce que je me trompe?
M. Gratton: Non, non. Je parle des syndicats. À quel
moment voulez-vous dire?
M. Rodrigue: Je me réfère à la citation que
vous avez donnée du...
Le Président (M. Jolivet): Vous avez dit...
M. Rodrigue: ...témoignage des notes de Me Boivin de
même que du rapport de la commission Cliche. Vous avez cité cela
et vous avez dit: "les syndicats ordinaires". Mais, à ma souvenance,
c'étaient plutôt "les syndiqués ordinaires".
M. Gratton: Je pensais avoir dit "syndiqués ordinaires".
De toute façon, je ne sais quelle serait la définition d'un
"syndicat ordinaire".
M. Rodrigue: Si je comprends bien, c'est...
Le Président (M. Jolivet): Allez donc à votre
question qui était engagée.
M. Rodrigue: Vous parliez...
Le Président (M. Jolivet): Syndiqués,
syndiqués ordinaires.
M. Gratton: Enfin. En tout cas, je citais M. Boivin et c'est bien
écrit "syndiqués ordinaires". Là, vous m'avez fait
perdre...
M. Lalonde: ...
M. Gratton: Vous m'avez perdre le fil de ma question.
C'était ce que vous tentiez de faire?
Le Président (M. Jolivet): Me Boivin écoutait
aussi.
M. Boivin: Vous parliez, M. le député, de la
responsabilité de la FTQ-Construction...
M. Gratton: Et vous m'avez répondu que oui, le rapport
Cliche concluait à une responsabilité quelconque, peut-être
strictement morale.
M. Boivin: Oui, c'est cela. Je ne voudrais pas être
injuste, surtout que je ne suis pas un juge, et je ne voudrais pas
décerner des responsabilités juridiques. Je veux dire que, quant
à moi, il était clair que, pour moi, la responsabilité
juridique du local 791 était engagée. Maintenant, est-ce que la
responsabilité juridique de la FTQ-Construction était
engagée? C'est une autre chose. La responsabilité morale, comme
vous le dites, de la FTQ-Construction, oui; celle du Conseil provincial de la
construction, même réponse.
M. Gratton: Et donc, s'il n'y avait pas eu de règlement
hors cour ou si on avait décidé plutôt de maintenir la
poursuite, est-ce que, selon vous, surtout que vous êtes...
Le Président (M. Jolivet): Je suis obligé de vous
arrêter, parce qu'on a arrêté les questions. Ce sont des
hypothèses. Il y a eu un règlement hors cour, on ne se
substituera pas à un jugement.
M. Gratton: M. le Président, je suis en train de... On me
dit: J'avais une opinion. M. Boivin, dans son mémoire, me dit: J'avais
l'opinion suivante à cause de telle, telle chose. Alors, est-ce que je
peux lui demander: Pourquoi avez-vous... S'il en est arrivé à
cette conclusion, je dois pouvoir lui demander: Pourquoi n'êtes-vous pas
arrivé à l'autre conclusion?
M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je sais que vous avez... M. Gratton: Pas de
problème.
M. Lalonde: Vous avez plusieurs fois interdit des questions
d'opinion qu'on pourrait poser à un témoin. Maintenant, il s'agit
bien d'une opinion exprimée par le témoin dans ses notes
préliminaires. Il me semble qu'on...
Le Président (M. Jolivet): D'accord, si c'est dans ce
sens. Je ne voulais pas qu'on fasse allusion à ce qui n'a pas eu lieu.
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Donc, est-ce que vous n'auriez pas pu conclure qu'en
maintenant la poursuite contre les syndicats, on aurait pu en arriver à
prouver autre chose, c'est-à-dire à plus qu'une
responsabilité morale de la part des syndicats
québécois?
M. Boivin: Quant à moi, c'était plus que cela. J'ai
déjà dit, je pense, en réponse au député de
Marguerite-Bourgeoys, que je ne voulais pas discuter de la
responsabilité des syndicats québécois
représentés par Me Jasmin parce que, pour moi, à tort ou
à raison, c'était une chose acquise.
M. Gratton: Ah boni Je m'excuse, je n'étais pas ici.
Alors, cela rectifie les choses. Je comprends mieux pourquoi vous mettez cela
en...
M. Boivin: Responsabilité juridique. M. Gratton:
Pardon?
M. Boivin: La responsabilité juridique des syndicats
représentés par Me Jasmin, pour moi, à tort ou à
raison, je le dis, était une chose acquise.
M. Gratton: Ce qui vous inquiétait de la part des
syndicats québécois, c'est que, même une fois
condamnés, ils n'avaient pas de toute façon la capacité de
payer pour les dommages.
M. Boivin: Oui. C'est cela, M. le Président.
M. Gratton: Justement, au paragraphe a, vous parlez de
l'incapacité évidente des syndicats québécois
défendeurs de payer une somme d'argent qui puisse avoir quelque rapport
que ce soit avec le montant réel des dommages. Peut-être avez-vous
déjà répondu à cette question auparavant et je m'en
excuse, si c'est le cas. Quel était le montant
réel des dommages pour vous? (12 heures)
M. Boivin: Je suis fort heureux, M. le Président, que M.
le député pose cette question, parce qu'on ne m'a pas permis
d'expliciter ce bout de mon mémoire et j'aimerais le faire, si vous me
le permettez. Cela donnera un portrait un peu plus global à
l'affaire.
M. Beaulé est venu à mon bureau, lorsqu'il a voulu me
faire valoir son argument de vente en faveur du règlement hors cour
contre le syndicat américain. Vous allez voir tantôt que cela
rejoint l'argumentation de M. Jasmin sur certaines parties. M. Beaulé
plaidait d'abord sur les dommages. Sur les dommages, il disait: Cela ne vaut
pas 32 000 000 $, cela ne vaut pas 20 000 000 $, cela vaut - je ne me souviens
plus de ce qu'il disait - 1 000 000 $ ou 2 000 000 $. Deuxièmement, il
disait: Même ce montant des dommages qui sera établi par la cour -
c'était, dans son hypothèse, 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ - sera
divisé par la cour entre les défendeurs et la SEBJ, parce qu'il y
a responsabilité partagée. Vous voyez qu'il parlait des dommages,
de la responsabilité partagée.
Troisièmement, il disait: II est inéquitable de poursuivre
les syndicats américains - j'en reviens immédiatement à
votre question - et je disais à Me Beaulé, lorsqu'il me parlait
de la responsabilité partagée: Ne me parle pas de cela. J'ai lu
la cause de Gaspé Copper. Le juge Brossard a conclu - il était
minoritaire à la Cour d'appel - à une responsabilité
partagée. La Cour suprême a confirmé la Cour d'appel en
disant qu'il n'y avait pas de responsabilité partagée. Dans un
cas comme celui-ci, c'est très difficile de faire établir une
responsabilité partagée. Quant à moi, la SEBJ n'est pas
responsable des dommages qui ont été causés. Ne me parle
pas de cela.
Deuxièmement, quant au montant des dommages, Beaulé, ne me
parle pas de cela. La Cour supérieure a eu la bonté de vous
accorder six mois pour faire un procès. Il lui faudra six mois pour
déterminer les dommages. Ne me demande pas à moi, Jean-Roch
Boivin, dans mon bureau, sans instrument, sans moyens d'enquête, sans
quoi que ce soit - d'ailleurs, ce n'est pas mon rôle - de me prononcer ou
même de te laisser savoir mon sentiment sur le montant des dommages. Cela
ne m'intéresse point.
Cela fait donc deux sujets de classés. Troisièmement, Me
Beaulé - ce qui m'intéresse cependant - lorsque vous dites qu'il
est tout à fait inéquitable de poursuivre le syndicat
américain parce qu'il n'a rien eu à faire là-dedans, cela
m'intéresse. Si on transpose, pour Me Jasmin, lorsque Me Jasmin essayait
de me parler de la responsabilité partagée, je lui disais
exactement la même chose. Quant à la responsabilité tout
court, il ne m'en a pas parlé souvent parce... Je pense qu'il m'en a
parlé une fois et je l'ai retourné de bord bien raide en disant:
Cela ne m'intéresse pas, tes clients sont responsables.
M. Gratton: Vous me permettrez de faire un court commentaire et
le président aussi?
M. Boivin: Je vous en prie.
M. Gratton: II semble que, contrairement à Me
Beaulé à votre endroit, vous, vous tutoyiez Me Beaulé.
M. Boivin: En effet.
M. Gratton: Ne m'en parle pas. Cela répond à des
questions qu'on avait adressées à M. Beaulé et sur
lesquelles il n'avait aucun souvenir. Il ne se rappelait pas. Selon le
témoignage de Me Beaulé...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
allez donc à vos questions.
M. Gratton: Est-ce que M. Boivin est au courant qu'au cours du
témoignage de Me Beaulé, il nous a indiqué n'avoir aucun
souvenir de ce que vous aviez dit lors des rencontres que vous avez eues avec
lui, de ce que vous lui aviez répondu lorsqu'il faisait ses
représentations? Je lui ai même demandé, malgré le
président, si vous aviez eu une réaction et la seule
réaction que vous aviez eue, selon lui, c'était d'écouter.
Vous nous précisez ce que vous avez fait, ce que vous avez dit.
M. Boivin: Je n'ai pas... M. le député, sans que
vous me donniez la transcription, comme vous avez fait l'honneur à Me
Beaulé de le garder aussi longtemps, je ne l'ai pas écouté
tout le temps. Je me souviens très bien d'une phrase qui est devenue
presque célèbre; il disait que j'écoutais.
J'écoutais, il est vrai que j'écoutais surtout, mais je parlais
aussi. Me connaissant, il m'est difficile d'être muet.
M. Gratton: J'ai ici le ruban 297 du témoignage de Me
Beaulé où celui-ci disait, au sujet des réunions qu'il a
eues avec vous: "M. Boivin m'a écouté, m'a posé des
questions, m'a demandé des précisions." Mais les questions qu'on
lui posait, le contenu des questions, c'était quoi? Quelles
étaient les précisions? Me Beaulé était incapable
de nous le dire.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, si le
député de Gatineau - parce que cela va très bien son
interrogatoire - me permet, je n'ai pas la transcription...
M. Gratton: C'est très gentil à vous.
M. Vaillancourt (Jonquière): ...et, en toute justice pour
Me Beaulé, je pense qu'il faudrait - le député de Gatineau
pourrait le dire aussi à ma place - se rappeler qu'il a fortement
insisté sur le fait qu'il plaidait auprès de Me Boivin la
non-responsabilité du syndicat américain et
l'inéquité de cette poursuite contre le syndicat
américain. En toute justice pour Me Beaulé, il faudrait rappeler
qu'il a insisté énormément là-dessus dans son
témoignage.
M. Gratton: En toute justice, c'est ce qu'il nous a dit,
c'est-à-dire qu'il ne plaidait que sur la responsabilité, mais Me
Boivin vient de nous dire qu'effectivement Me Beaulé a essayé de
lui parler d'autre chose. Il a essayé de lui parler des deux autres
points dont il est question et c'est lui qui a dit à Me Beaulé:
Ne me parle pas de cela, je ne veux pas en entendre parler. Donc,
déjà, cela apporte un éclairage différent sur ce
que Me Beaulé nous a dit. Si Me Beaulé ne nous a pas dit
exactement les mêmes choses à ce sujet, la question que je me pose
- je ne la pose pas à Me Boivin - c'est: Est-ce qu'il y a d'autres
réponses qu'il nous a données qui n'étaient pas plus
claires non plus?
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Vaillancourt (Jonquière): ...n'est pas ici.
Le Président (M. Jolivet): M. le député...
Oui, Me Boivin.
M. Boivin: M. le Président, pour compléter ma
réponse au député de Gatineau, parce que sa question
était ce que je voulais dire par le montant réel des dommages, il
faut que je fasse attention de témoigner dans l'état d'esprit
dans lequel j'étais à ce moment-là et non pas comme je
suis aujourd'hui, après avoir écouté toute la commission
et peut-être avoir pris connaissance de documents que j'ignorais,
etc.
Alors, au sujet du montant réel des dommages, comme je ne voulais
pas - je l'ai exprimé tantôt - être juge de ce
montant-là, parce que c'est vraiment trop énorme comme question
et que cela ne relève pas de moi, pour savoir de quoi on parlait,
j'avais quand même fait un appel téléphonique à Me
Aquin et j'avais dit: François, la cause, on parle de quoi? Je ne me
souviens pas s'il m'a dit 17 000 000 $ ou 19 000 000 $, un des deux chiffres.
J'ai dit: Je pense que ça y est, l'ordre de grandeur va arriver à
un jugement de 17 000 000 $ ou 19 000 000 $. Point final, cela a
été à peu près l'étendue de mon exploration
quant au sujet des dommages.
M. Gratton: Donc, c'est à quelle date à peu
près que vous avez...
M. Boivin: Dans le temps. Une minute, cela doit être
sûrement au mois de décembre 1978.
M. Gratton: Bon. Alors, quand vous dites dans votre document que
les syndicats québécois défendeurs étaient
incapables de payer un montant qui aurait quelque rapport que ce soit avec le
montant des domages réels, le chiffre que vous aviez en tête
à ce moment-là et dont vous parlez ici, c'est 17 000 000 $ ou 19
000 000 $.
M. Boivin: Exact. M. Gratton: Bon.
M. Boivin: Aujourd'hui, j'aurais peut-être un autre
chiffre, mais cela n'aurait aucun rapport avec...
M. Gratton: D'accord. Donc, si on se comprend bien... Est-ce que
quelqu'un m'a parlé?
Le Président (M. Jolivet): Vous allez bien.
Une voix: Vous entendez des voix.
M. Gratton: C'est que le président intervient souvent et
je pensais que...
Le Président (M. Jolivet): J'ai une très bonne
voix, je vous aurais interrompu facilement.
M. Gratton: Oui, merci. D'ailleurs, je vous signale que c'est de
mon oreille droite que j'entends le mieux, M. le Président.
M. Tremblay: II est surpris ce matin de ne pas se faire
arrêter, c'est parce qu'il va bien.
Le Président (M. Jolivet): Allez donc, allez donc, s'il
vous plaît!
M. Gratton: Ce qui me surprend, c'est que vous soyez encore
là, vous.
M. Tremblay: Je serai encore ici quand vous n'y serez plus.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, vous ne me facilitez pas la tâche. Comme vous devez
procéder, allez-y donc!
M. Gratton: M. le Président, si on résume un
peu, et, dès que je ferai une
digression selon votre logique, vous m'arrêterez, il y avait
quatre raisons qui vous ont amené à conclure à cette
époque-là qu'il fallait régler hors cour. Malgré le
fait que vous considériez les syndicats québécois
juridiquement responsables de quelque chose, le problème c'est qu'eux
n'avaient pas les moyens de payer un montant qui avait quelque rapport avec les
dommages réels. Il y avait bien le syndicat américain qui
était également poursuivi qui, lui, avait les moyens, sauf que,
dans les paragraphes c et d, votre évaluation, tant du point de vue
juridique que du point de vue personnel, et votre expérience en
matière de responsabilité civile vous amenaient à conclure
qu'il n'y avait probablement pas lien de droit, que de toute façon cela
serait un processus extrêmement long et que c'était
inéquitable de faire payer le syndicat américain. S'entend-on
là-dessus?
M. Boivin: Oui.
M. Gratton: Donc, la raison pour laquelle on n'allait pas contre
le syndicat américain, c'est que c'était inéquitable et
que, du côté des syndicats québécois, il y avait
incapacité de payer. Il y a l'aspect de la commission Cliche qui est
plus ou moins important dans tout cela. Ce qui me "chicote" dans tout cela,
c'est que si, effectivement, comme vous le dites, les syndicats
québécois avaient une part de responsabilité quelconque,
comment pouviez-vous en arriver à la conclusion que les syndiqués
ordinaires, eux, n'avaient aucune responsabilité? Qu'est-ce qu'un
syndicat? Est-ce que ce n'est pas l'ensemble de ses membres? Ce n'est pas une
entité qui vole dans l'air. Dans mon cas, si le Parti libéral du
Québec se fait battre aux élections, je perds les
élections comme le reste du parti. Ce n'est pas seulement le parti et
moi, bravo, je suis au pouvoir.
M. Tremblay: Vous faites de la projection?
M. Gratton: Quelle est la différence? M. Tremblay:
C'est de la projection.
Le Président (M. Jolivet): C'est Me Boivin...
M. Gratton: Non, cela a été factuel. On s'est fait
battre en 1981 et vous êtes au pouvoir. Je ne le suis pas, pour le plus
grand malheur...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ce qui
m'intéresse le plus, pour le moment, c'est Me Boivin. Me Boivin.
M. Boivin: M. le Président, j'ai remarqué que cette
question, lors de vos travaux, a été soulevée
explicitement et, lorsqu'elle ne l'a pas été, elle était
sous-jacente, je crois, dans plusieurs des questions posées par les
membres de cette commission. En fait, M. le député, il faut faire
bien attention... Juridiquement, vous avez raison. Si une condamnation
intervient contre une entité syndicale, contre un syndicat, les
pénalités ainsi encourues réfléchiront
nécessairement sur les membres qui devront garnir la caisse du syndicat
pour payer, etc. De la même façon, si vous obtenez un jugement
contre une entité corporative, contre une corporation, les actionnaires,
même s'ils n'avaient rien eu à faire avec la décision du
conseil d'administration, tant qu'ils sont actionnaires, devront verser leur
écot à la caisse sous forme de cotisation spéciale ou
autrement. Sur le plan juridique, j'espère - ce n'était pas le
sens de votre question - qu'il y a unanimité; sur le plan juridique,
vous avez tout à fait raison.
Maintenant, c'est peut-être une question de - je ne voudrais pas
employer des grands mots, on emploie souvent des grands mots pour rien -
philosophie sociale ou une façon de voir les choses, etc. Vous avez un
syndicat ici - faites attention - où il n'y a pas de démocratie
syndicale, dont on ne peut pas dire, en fait, que les membres sont
responsables. Vous avez un syndicat - il y a eu un coup de force - qui, par la
peur ou autrement, s'est fait mener par une "gang" de gars. Cela, c'est dit
à d'autres pages du rapport Cliche, en particulier, je pense, à
la page 16. Le premier paragraphe de la page 3 le dit bien: "II ne s'agit
aucunement d'une réaction de masse, mais d'une opération
montée par un noyau de mécréants...". Je me dis que,
même si c'est vrai, juridiquement, ce que vous dites, il est
arrivé ce qui est arrivé, c'est-à-dire qu'une
poignée de personnes a fait un coup de force, s'est saisie d'un
syndicat. Donc, juridiquement, tout le monde devrait payer, mais, en fait,
est-ce que c'est juste que, pendant des années - dans l'hypothèse
où il y aurait un jugement ou un règlement pour un montant
élevé - les membres innocents de ce syndicat aient moins de
services ou paient des cotisations spéciales élevées,
etc., parce que ces événements sont arrivés?
Comme vous le voyez, c'est tout simplement une façon de voir les
choses. On peut dire: Ils sont dans ce syndicat et ils n'avaient qu'à
surveiller la démocratie à l'intérieur de leur syndicat.
Ils n'ont pas surveillé la démocratie à l'intérieur
de leur syndicat, ils ont permis que des mécréants prennent le
contrôle de leur syndicat, eh bien! qu'ils paient pour. C'est une
façon de voir les choses.
Il y a une autre façon de voir les choses, qui est celle que je
partage, c'est: Ne faisons pas payer pendant des années et
des années les pots cassés à la suite des faits qui
sont relatés dans le rapport Cliche.
M. Gratton: Mais, M. Boivin, c'est vous, c'est moi, ce sont les
téléspectateurs qui nous écoutent qui ont finalement
payé et qui, probablement, continuent de payer par leurs taxes. On
n'était responsable de rien nous non plus en tant que citoyens
contribuables du Québec. Pourtant, on est solidairement responsables et
on a payé la différence entre ces 31 000 000 $, 17 000 000 $ ou
19 000 00 $, et les 200 000 $; on l'a payée. Est-ce que ce n'est pas
entré en considération dans votre décision?
M. Boivin: Certainement, M. le député, vous avez
parfaitement raison. Comme il arrive souvent dans la vie, comme il est
arrivé souvent dans le passé et comme il arrivera souvent dans
l'avenir, supposons qu'il y a trois criminels ou trois imbéciles qui
viennent mettre le feu ici - c'est un héritage qui vaut cher, le
parlement - on va les mettre en prison. S'ils ont seulement une maison et une
automobile, on va saisir cela et après on perdra, ce sont les
Québécois qui vont perdre les millions que représente cet
édifice. (12 h 15)
M. Gratton: Justement, s'ils ont une voiture et une maison, on va
prendre cela et après il ne restera plus rien. Mais qui s'est
occupé de s'assurer qu'on faisait payer les syndicats
québécois au moins jusqu'à la limite de leur
capacité de payer? Qui s'est occupé de cela?
M. Boivin: Je trouve, M. le député, que c'est une
bonne question que vous posez. Je trouve que cela relevait directement du
conseil d'administration de la SEBJ lorsqu'il a négocié le
règlement. Vous savez, on pourrait être porté à dire
- il me semble que cela a été dit ici ou cela a été
sous-entendu - Voici une réclamation de 32 000 000 $. C'est terrible,
les Québécois ont réglé pour 200 000 $. D'abord,
c'est une réclamation de 200 000 $, mais c'est pour des dommages de 32
000 000 $
Deuxièmement, on a réglé pour 200 000 $ et 100 000
$ pour les assurances; en tout, 300 000 $, mais disons 200 000 $ qui sont
allés à la SEBJ. Je présume que les négociateurs
ont obtenu le maximum qu'ils pouvaient obtenir. M. le député, il
n'y a rien que je déteste le plus que les "back seat drivers" ou les
"coaches" du dimanche. Est-ce que je suis assez brillant pour venir vous dire:
Si j'avais négocié, j'aurais obtenu plus? Je ne le peux pas, je
n'ai pas négocié. Est-ce qu'on était au point de rupture
lorsqu'on a obtenu 200 000 $? Est-ce qu'on aurait pu aller à 300 000 $?
Est-ce qu'on aurait pu aller à 400 000 $, 500 000 $? Je ne le sais
pas.
M. Gratton: Vous êtes intervenu pour vous assurer que les
syndiqués ordinaires ne sont pas pénalisés.
Êtes-vous en train de me dire que vous n'êtes pas intervenu pour
vous assurer...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Me
Boivin fera la rectification qui s'impose.
M. Laplante: Non, vous êtes intervenu pour vous
assurer...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: M. le
député. M. le député de Gatineau...
M. Gratton: II a toujours bien rencontré M.
Laliberté en janvier, non?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Donc, dois-je comprendre que vous n'avez jamais senti
le besoin d'intervenir auprès de quiconque pour vous assurer que les
intérêts des contribuables québécois sont aussi
protégés?
M. Boivin: M. le Président, j'ai fait une recommandation
favorable au premier ministre en faveur d'un règlement hors cour. Cela,
je l'ai dit. Aujourd'hui, je ferais la même recommandation.
Deuxièmement, le premier ministre m'avait dit au mois de
décembre, et il l'a répété au conseil
d'administration le 1er février: Les conditions du règlement,
cela vous regarde. Alors, j'ai pris bien soin de respecter le désir du
premier ministre. Et d'ailleurs, ce qui m'apparaît tout à fait
normal, on peut intervenir, je crois... Je crois qu'il est d'une saine
philosophie politique que l'actionnaire majoritaire, c'est-à-dire le
gouvernement, représenté dans l'espèce par le premier
ministre, puisse intervenir auprès d'une société
d'État pour des questions de grandes orientations ou des questions
politiques importantes. Mais, je crois qu'il ne serait pas sain que le premier
ministre ou l'actionnaire majoritaire intervienne dans les questions de
management ou dans les questions de détails, même si elles sont
importantes. Le conseil d'administration de la SEBJ est composé d'hommes
respectables et respectés. Ils étaient certainement à
même, je présume et je crois, de voir à la défense
des intérêts de la SEBJ et, par ricochet, des
Québécois, d'exiger le maximum, quoi.
M. Gratton: M. Boivin, je ne sais pas comment vous poser la
question parce que j'ai l'impression que vous allez toujours me
donner la même réponse. Vous dites, à la page 12 de
votre mémoire, en réponse à des affirmations du
journaliste Michel Girard: "Le journaliste m'impute des motifs partisans alors
que c'est l'intérêt public qui m'a guidé lorsque j'ai fait
cette recommandation au premier ministre, c'est-à-dire celle de
régler hors cour." Le fait de régler hors cour, comment cela
protégeait-il l'intérêt public, l'intérêt de
celui qui a payé la note effectivement, c'est-à-dire le
contribuable?
M. Boivin: Vous avez raison de vous dire que... Je ne vous
répondrai pas dans les mêmes mots. Je vais essayer de changer mes
mots. Je l'ai un peu dit tantôt. On peut avoir... Ma conception de
l'intérêt public... Vous pouvez en avoir une autre et je n'en
serais pas fâché. Je n'en aurais pas le droit, d'ailleurs. Chacun
peut avoir la sienne. Ma conception de l'intérêt public, c'est
qu'il me semblait que, premièrement, c'était bon de régler
hors cour vis-à-vis du syndicat américain, parce que
c'était tout à fait inéquitable. Cela vaut pour le
syndicat américain. Deuxièmement, il était dans
l'intérêt de régler hors cour avec les syndicats
québécois parce que cela pénalisait indûment les
syndiqués ordinaires qui n'avaient rien eu à voir avec ce
saccage. C'est ma conception.
M. Gratton: M. Boivin, supposons que, pour les besoins de la
discussion, on dise: Si on avait été à la place de M.
Boivin, on aurait fait la même chose. Dans l'intérêt public,
on aurait demandé à ceux qui étaient en mesure de prendre
les décisions, donc les administrateurs de la SEBJ, de régler
hors cour, s'il y a moyen. Mais, au minimum, en tant que responsable de
l'intérêt public, des deniers publics, est-ce qu'on ne devait pas
aussi exiger qu'on obtienne le maximum? Si l'une des raisons de ne pas
poursuivre les syndicats québécois, c'était leur
incapacité de payer le plein montant des dommages, est-ce qu'on ne
devait pas, au moins, s'assurer qu'ils payaient dans la mesure où ils
étaient capables de payer?
M. Boivin: J'ai toujours présumé - et je le pense
encore aujourd'hui - que c'était sous-entendu. Je veux dire que cela
m'apparaît aller de soi. On ne leur dit pas: Faites-leur un "bargain". On
dit: Nous apprécierions que vous régliez hors cour.
M. Gratton: Mais, le fait que vous insistiez, parce que vous avez
quand même insisté... En tout cas, vous avez au moins... Il y a eu
deux rencontres et il y en a probablement eu d'autres où cela
était peut-être moins évident. Mais, est-ce que cela ne
plaçait pas les administrateurs de la SEBJ dans une situation pour le
moins délicate de savoir que le premier ministre, le bureau du premier
ministre, par votre intermédiaire, était décidé
à avoir un règlement hors cour?
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Boivin: Ce n'est même pas par mon intermédiaire,
parce que, le 1er février, c'est directement.
M. Gratton: Pardon?
M. Boivin: Le 1er février, c'est
directement.
M. Gratton: Oui, le 1er février, c'est directement et, le
3 janvier, c'était par votre intermédiaire. Mais les rencontres
avec Mes Beaulé, Jasmin, Cardinal, Aquin et compagnie, c'était
avec vous, non pas avec le premier ministre.
M. Boivin: Je ne sais pas si M. le Président me le
permettrait, mais, puisque nous sommes en pleine...
Le Président (M. Jolivet): Allez donc!
M. Boivin: ...politique - je veux dire politique avec un grand
"P", la conception de la chose publique - je pourrais répondre à
M. le député, si vous me le permettez.
Le Président (M. Jolivet): Allez!
M. Boivin: M. le député, il me semble que le
premier ministre, le connaissant, n'aurait pas été
scandalisé que le conseil d'administration revienne et lui dise: M. le
premier ministre, vous nous avez exprimé le désir que cette cause
se règle hors cour, mais les défendeurs sont
déraisonnables et ils nous offrent des montants ridicules; donc, nous
regrettons, M. le premier ministre, nous n'avons pu donner suite à votre
désir. Cela aurait été tout à fait normal.
M. Gratton: Oui, cela aurait peut-être été
plus normal si presque l'ensemble de ceux qui étaient là avant
les nominations d'octobre 1978 ne s'étaient pas opposés au
règlement hors cour, alors que presque tous ceux qui ont
été nommés en octobre 1978 étaient favorables.
M. Boivin: Je vous avoue que je ne vois pas le lien, mais quand
même.
M. Gratton: Écoutez! J'y reviendrai tantôt, parce
que je pense bien que je vais pouvoir vous faire voir le lien.
M. Tremblay: M. le Président, c'est parce que le
député vient d'affirmer une chose qui m'apparaît fausse.
À ma connaissance, il y a trois personnes qui ont
voté contre le règlement hors cour et il y en a une qui
s'est abstenue. Une des personnes qui a voté contre était une des
personnes qui ont été nommées au mois d'octobre.
M. Gratton: Deux. Des voix: Deux.
M. Gratton: Vous voyez comme vous êtes mal
renseigné. Il y en a deux: M. Hébert et Mme Forget. Ce n'est pas
seulement une; c'est deux.
Une voix: II a dit: À ma connaissance. M. Tremblay:
Mme Forget et qui? M. Gratton: M. Hébert.
Le Président (M. Jolivet): M. Hébert et Mme
Forget.
M. Gratton: Hervé Hébert. Vous vous rappelez, le
petit court.
M. Tremblay: On ne peut donc pas affirmer que tous ceux qui
étaient là avant étaient contre. Je ne sais pas comment
vous avez fait pour affirmer cela.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Je voudrais demander une chose à M. Boivin. Si
sa lecture du rapport de la commission Cliche, son étude de la
défense du syndicat américain, bref, tout le travail
d'information qu'il a fait à la fin de 1978 et au début de 1979
l'a amené à conclure qu'on ne devait pas faire payer les
syndiqués ordinaires pour le saccage, parce que la partie du climat, on
l'a dit, c'était extrêmement subsidiaire, qui, selon lui, s'est
occupé de s'assurer qu'on ne faisait pas payer indûment les
contribuables du Québec? Vous avez eu connaissance de tout ce qui s'est
passé et vous prétendez qu'il n'y a jamais eu de
négociations. Je comprends. S'il n'y avait pas eu la réponse du
premier ministre, le 20 février 1979, selon laquelle il n'y avait pas eu
de négociation à son bureau, j'aurais été bien plus
à l'aise de pouvoir dire aujourd'hui: II y a quelqu'un qui s'est
occupé des intérêts des citoyens, il y a quelqu'un qui
négociait au nom des contribuables. Là, vous venez nous dire,
vous, M. Gauthier et le premier ministre: II n'y a personne qui a
négocié. Qui a négocié selon vous?
M. Boivin: Cela ressort clairement des travaux de cette
commission que c'est le conseil d'administration.
M. Gratton: Mais à partir de quelle date a-t-il fait cela?
Sûrement pas avant le 20 février.
Le Président (M. Jolivet): Le problème, c'est qu'on
ne peut pas demander à Me Boivin de dire ce qu'il ne connaît pas
au sujet du conseil d'administration.
M. Gratton: ...du premier ministre qui est le premier responsable
de l'administration des fonds publics. Je vais poser la même question.
C'est peut-être un avis que je donne au premier ministre. Mais, à
ce moment-ci, c'est Me Boivin qui est devant nous. Je lui demande: Qui s'est
occupé des intérêts des Québécois dans cette
affaire?
M. Boivin: J'ai répondu qu'à mon avis,
c'était le conseil d'administration de la SEBJ, quant au montant.
M. Gratton: Le conseil d'administration de la SEBJ ne s'en est
pas occupé. D'ailleurs, il n'a jamais rencontré les avocats des
défendeurs; vous voulez dire leurs avocats.
M. Duhaime: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je pense que cela a été très
clairement établi. Je m'excuse, cela a sûrement
échappé à la mémoire du député de
Gatineau, mais il y a eu une rencontre à la demande de Me Jasmin. Me
Jasmin a rencontré M. Laliberté et Me Gadbois en présence
de Me Cardinal et de Me Aquin. Sous le prétexte de sauver
l'intérêt public, le député de Gatineau est en train
de nous placer dans une bien curieuse situation. Je l'écoute
attentivement depuis quelques minutes et ses questions sous-tendent un reproche
à Me Boivin qui est de ne pas avoir négocié, alors que le
journal La Presse a porté une accusation à l'endroit de Me Boivin
d'avoir négocié.
Ce que je voudrais que l'on fasse, M. le Président, au moins pour
l'intérêt public, c'est qu'on nous démêle. Depuis les
heures que Me Boivin est devant nous, il a dit de façon très
claire et très explicite...
M. Gratton: Voulez-vous que je vous l'explique, M. le
ministre?
M. Duhaime: ...qu'il n'avait pas négocié, ni avec
les avocats des syndicats, ni avec les avocats de la SEBJ. Ce qui
m'apparaît très clair, c'est que ce sont les avocats, suivant leur
mandat des deux côtés; c'est ce qui a été
établi et je voudrais qu'on soit correct.
M. Gratton: ...stratégie, c'est cela qui est votre
problème, M. le ministre.
M. Lalonde: Une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. S'il vous
plaît, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je pense que...
M. Gratton: L'intérêt du premier ministre est plus
important que l'intérêt des citoyens du Québec.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Les reproches que le ministre adresse au
député de Gatineau sont non fondés, M. le
Président, en ce qui concerne la recevabilité de ses questions.
Me Boivin, dans sa présentation liminaire, a fait état de son
opinion, l'opinion qu'il s'était faite sur la valeur de la cause, etc.
Le député de Gatineau est tout à fait autorisé
à poser des questions là-dessus et d'ailleurs vous l'avez
laissé faire.
Maintenant, lorsque le ministre reproche au député de
Gatineau de ne pas prendre fait et cause du journal La Presse... Le journal La
Presse dit: II a trompé l'Assemblée nationale parce qu'il a
négocié.
M. Duhaime: ...n'avait rien à voir avec cela. Alors, il
n'y a pas de confusion dans mon esprit.
M. Lalonde: Le député fait son devoir en disant: Si
je prends la parole du premier ministre le 20 février qui dit: II n'y a
pas eu de négociation ni de près ni de loin, ni en partie ni en
tout dans mon bureau, à ce moment, il demande au témoin qui, sur
cette base, a pris les intérêts des Québécois si on
n'a pas négocié. C'est une question tout à fait valable et
recevable, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, si j'ai laissé aller le député de Gatineau,
c'était tout à fait normal compte tenu de l'opinion émise
par Me Boivin. Je ne pense pas que personne conteste cela. D'ailleurs, personne
n'a émis de question de règlement à ce moment.
Nous reviendrons après la période des questions,
c'est-à-dire vers 15 heures, 15 h 30 cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise de la séance à 15 h 40)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission
élue permanente de l'énergie et des ressources est à
nouveau réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et plus spécifiquement le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: MM. Vaillancourt
(Jonquière), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau
(Laporte), Laplante (Bourassa), Paradis (Brome-Missisquoi), Lavigne
(Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), Tremblay (Chambly), Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda-
Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay),
Mme Harel (Maisonneuve), MM. Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Doyon
(Louis-Hébert), Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M.
LeBlanc de Montmagny-L'Islet.
Au moment où nous nous sommes quittés pour l'heure du
dîner, la parole était au député de Gatineau. Nous
avions devant nous Me Jean-Roch Boivin.
M. le ministre, avant que j'accorde la parole au député de
Gatineau.
M. Duhaime: Cela ne sera pas long. Le député de
Marguerite-Bourgeoys ce matin m'a posé un certain nombre de questions
relativement à la marche de nos travaux. Sans préjuger de notre
rythme ou de notre cadence, je voudrais informer la commission que j'ai pris un
risque en demandant au bureau du leader du gouvernement de communiquer avec le
secrétariat pour qu'on avise l'honorable juge Jasmin d'être
à la disposition de la commission à compter de 20 heures ce soir.
Si nous avions terminé, dans les deux heures vingt minutes qui restent,
avec notre invité, M. Boivin, nous pourrions dès 20 heures
entendre le début du témoignage de l'honorable juge Jasmin. Je
crois répondre à une des questions qui m'étaient
formulées ce matin par le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le ministre, j'ai ici devant moi une copie d'une
lettre adressée par le directeur de cabinet du leader du gouvernement
à M. Bouliane. On parle de 15 heures au lieu de 20 heures pour Me Michel
Jasmin. C'est peut-être une erreur, tout simplement.
M. Duhaime: Ce n'est pas une erreur, c'est une bonne
présomption.
M. Lalonde: Moi aussi, je souhaite qu'on puisse avoir
terminé le témoignage de M. Boivin. Je voudrais simplement vous
aviser de ceci, même si ce n'est pas mon rôle; tout à
l'heure, nous avons adopté une motion pour faire siéger la
commission demain matin. J'avais oublié d'en parler au ministre mais
j'ai soulevé un petit problème. J'ai demandé qu'on termine
à 12 h 30 au lieu de 13 heures. Cela a été
adopté.
Le Président (M. Jolivet): Cela a été
adopté, c'est donc un ordre de l'Assemblée nationale.
M. Duhaime: Si cela peut vous aider dans vos travaux, nous en
sommes très heureux.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, c'est à vous la parole.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Ce matin, M. Boivin et
moi avons convenu que, si le bureau du premier ministre était intervenu
dans le processus de ce règlement hors cour au profit des simples
syndiqués, des syndiqués ordinaires, qui n'étaient
aucunement responsables sur le plan personnel des dommages encourus par le
saccage de la Baie James, semble-t-il, personne du cabinet du premier ministre
n'était intervenu pour défendre les intérêts des
contribuables qui finiraient par écoper des coûts, dans
l'éventualité d'un règlement hors cour. M. Boivin m'a
même dit, à un moment donné, en réponse à une
question que je lui posais, à savoir qui s'était occupé
d'assurer qu'on obtienne le maximum des syndicats, puisque M. Boivin
prétendait que les syndicats québécois n'avaient pas la
capacité de payer les montants qui pourraient se rapprocher des dommages
réels encourus... Donc, la question que je posais était: Qui
avait le mandat ou devait s'assurer que les syndicats paient selon leur
capacité, ce qui n'est pas du tout encore sûr, même au
lendemain du règlement qui est survenu le 6 mars 1979. M. Boivin m'a
répondu que cela relevait directement du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James lorsqu'il a
négocié le règlement.
Alors, j'aimerais poser un certain nombre de questions à M.
Boivin, à savoir, par exemple, comment explique-t-il qu'avant le 6
février 1979, date où le conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James a adopté une
résolution pour mandater Mes Geoffrion et Prud'homme, ses procureurs,
d'aller explorer la possibilité d'un règlement hors cour...
Jusqu'au 6 février, c'est très clair dans tous les
témoignages qu'on a eus ici, Mes Geoffrion et Prud'homme n'avaient pas
le mandat de négocier. Ils avaient un mandat d'écouter, qui
datait du 15 janvier 1979, mais ils n'avaient aucun mandat de négocier.
Sur cela, M. Aquin, en réponse à des questions que je lui ai
posées, a dit clairement: On n'a jamais eu de mandat de négocier
sur le montant. On avait le mandat de négocier, bien sûr, sur la
reconnaissance de cette responsabilité par les syndicats, mais sur le
montant, aucun mandat avant le 6 février. Qui, selon vous, M. Boivin,
négociait avec les procureurs des syndicats, tant américains que
québécois, sur le montant du règlement hors cour avant le
6 février?
M. Boivin: D'après les témoignages que j'ai
entendus ici, ce fut entre les avocats des parties respectives.
M. Gratton: Les avocats des parties... L'avocat de Geoffrion et
Prud'homme qui représentait la Société d'énergie de
la Baie James n'avait pas le mandat et on dit: On n'a pas négocié
le montant.
M. Boivin: M. le Président, il me semble qu'on a
attaché - selon mon expérience - une importance indue à ce
qui est un mandat formel donné par un conseil d'administration et
peut-être un mandat informel du P.-D.G. qui dit: Allez écouter.
D'après ce que j'ai pu comprendre des travaux de cette commission, les
avocats se sont échangé des documents ou des projets de
transaction sur lesquels il y avait des montants. Je présume que les
avocats en discutaient entre eux.
M. Gratton: Je vous cite un passage du témoignage de Me
Jean-Paul Cardinal qui était, tous vont en convenir, responsable du
dossier chez Geoffrion et Prud'homme pour les procureurs de la
Société d'énergie de la Baie James. C'est au ruban 747,
aux pages 1 et 2, du journal des Débats, et je cite: "J'ai entendu
depuis de longues semaines, de longs jours, cet argument que nous avons: Ils
ont eu 300 000 $ et qu'on aurait dû avoir plus, on aurait dû avoir
moins. La question est simple pour autant que je suis concerné, pour
autant que le bureau d'avocats est concerné." Ce sont les avocats de la
société. "Cette négociation n'était pas une
négociation financière... toute cette
négociation-là, quand on a écouté et quand on a
parlé, cela s'adressait toujours à des questions de principe,
à savoir qui admettrait sa responsabilité et qui ne l'admettrait
pas." Si le procureur de la société me dit: On n'a pas
négocié sur le montant, est-ce que vous êtes en train
d'affirmer, vous, M. Boivin, qu'effectivement il y a quelqu'un chez Geoffrion
et Prud'homme qui a négocié sur le montant?
M. Boivin: Ils ont dû négocier, à un moment
donné, sur le montant, puisqu'ils ont
convenu d'un projet de transaction qui contenait un montant. Moi...
M. Gratton: Mais, M. Boivin...
M. Boivin: Essayez d'être juste avec moi, je n'ai jamais
négocié avec eux. À un moment donné, un
règlement est intervenu, je me dis: Ils ont dû négocier
quelque part. Ce doit être les avocats des parties qui ont
négocié.
M. Gratton: Est-ce que, à ce moment-là, vous n'avez
jamais été informé qu'il y avait des offres
différentes qui se faisaient et qui étaient faites par Me
Beaulé et Me Jasmin?
M. Boivin: Oui.
M. Gratton: Vous saviez, à ce moment-là, qu'il y
avait eu des offres de montants différents...
M. Boivin: Oui.
M. Gratton: ...qui étaient faites par Me Beaulé et
Me Jasmin?
M. Boivin: Oui.
M. Gratton: Est-ce que vous saviez, à ce moment-là,
que...
M. Boivin: Je voudrais seulement préciser quelque chose,
M. le député.
M. Gratton: Oui.
M. Boivin: Pas tous les montants, mais j'ai su à un moment
donné qu'il y avait des offres avec des montants. Je veux dire par
là que ce n'est qu'à la commission que j'ai appris 50, 125, je
crois, 175.
M. Gratton: La montagne russe.
M. Boivin: La montagne russe. Le détail de cette montagne
russe, ce n'est qu'à cette commission que je l'ai appris. J'ai su, bien
sûr, qu'on discutait de montant à un moment donné.
M. Gratton: Vous l'avez su comment? Par l'entremise de qui?
M. Boivin: Soit de M. Laliberté, soit des avocats de
n'importe quelle partie.
M. Gratton: Sûrement que Me Beaulé, au moins une
fois, vous a parlé d'un montant quelconque.
M. Boivin: Me Beaulé ne m'a jamais tellement parlé
de montant. Ce que j'ai entendu dire de Me Beaulé, je l'avais entendu
dire avant cette commission-ci. Entre parenthèses, c'était son
affaire et c'était l'affaire de la partie adverse d'accepter son
argument ou non. Il disait: Je ne mettrai jamais plus que le syndicat
québécois. Quant au montant précis, je ne me souviens pas
que Me Beaulé ait attaché beaucoup d'importance à ce sujet
avec moi.
M. Gratton: Prenons les offres une par une. Étiez-vous au
courant, à la fin de 1978 ou au début de 1979, que Me Jasmin
avait offert une somme de 400 000 $ en 1975 pour régler hors cour?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Gratton: Vous l'avez appris quand?
M. Boivin: Ici, à la commission.
M. Gratton: Par contre, vous deviez être au courant que le
10 janvier - en tout cas, je vous pose la question - 1979 Me Beaulé
avait offert ou s'était dit prêt à offrir au nom du
syndicat américain le même montant que les syndicats
québécois jusqu'à concurrence de 250 000 $, ce qui
faisait, en fait, une offre de règlement de 500 000 $.
M. Boivin: Cet imbroglio, parce qu'apparemment ils ne
s'entendaient point entre eux, je l'ai appris durant la commission.
M. Gratton: Vous l'avez appris ici seulement.
M. Boivin: Voilà.
M. Gratton: Me Beaulé, dans ses rencontres avec vous
à votre bureau...
M. Boivin: II ne m'a jamais mentionné ce montant.
M. Gratton: II ne vous a jamais mentionné cela. Quand vous
disiez ce matin que vous aviez dit à Me Beaulé: Ne me parle pas
d'argent, je présume que c'est parce qu'il essayait de vous en parler.
Non?
M. Boivin: II essayait de me parler de la valeur de la
réclamation.
M. Gratton: Et non pas de l'offre de règlement.
M. Boivin: Non.
M. Gratton: Donc, pour ce qui est de l'offre dont on parle, qu'on
peut estimer à 500 000 $ parce qu'il disait jusqu'à 250 000 $ -
multiplié par deux, cela fait 500 000 $ - vous en avez entendu parler
seulement ici.
M. Boivin: C'est cela.
M. Gratton: Par exemple, il ne vous en a jamais parlé, ou
Me Jasmin ne vous en a jamais parlé à la réunion que vous
avez eue avec lui le 12 janvier 1979.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Gratton: À cette réunion, je pense que vous avez
indiqué à la commission que Me Jasmin était nerveux et que
vous l'aviez informé, presque rassuré, en lui disant que vous
aviez avisé M. Laliberté, le président-directeur
général de la société, qu'il fallait régler
hors cour. Est-ce que j'ai bien compris cette partie-là qui m'a
été rapportée, parce que je n'étais pas ici?
M. Boivin: Oui, avec la distinction suivante: Je n'ai pas dit que
M. Jasmin était nerveux à cette réunion-là. C'est
que, pendant toute cette période, Me Jasmin m'est apparu nerveux. Je ne
pourrais pas dire qu'à telle date il était plus nerveux
qu'à telle autre date, etc.
M. Gratton: C'était un état de nervosité
constante.
M. Boivin: S'il comparaît devant cette commission, vous
allez voir que, en tout cas, il apparaît toujours plus nerveux que moi.
Il m'apparaît être un homme un peu nerveux. Je ne sais pas s'il
était plus nerveux le 12 qu'à une autre date, mais il
l'était en général. Quant au reste de votre question
demandant si je l'avais rassuré, je l'ai informé dans des termes
que vous venez de relater à peu près, à savoir: Oui, en
effet, j'ai dit à M. Laliberté, le 3 janvier, telle chose et
donc, c'est entre les mains de la SEBJ. Et je crois même - j'ai dit que
je présumais, mais cela paraîtrait normal - que j'ai dû
m'informer auprès de M. Laliberté de la prochaine réunion
du conseil d'administration où le conseil serait saisi de cette question
pour en décider. Et j'ai dû, j'imagine, transmettre cette
information à M. Jasmin.
M. Gratton: À votre souvenir, est-ce que vous m'avez dit -
je voudrais que cela soit clair - est-ce que vous me disiez qu'à cette
réunion du 12 janvier, vous affirmez qu'il n'a pas été
question de cette offre qui avait été faite par Me Beaulé
de 500 000 $ ou si c'est votre souvenir qui vous indique que vous...
M. Boivin: Ah non! Cela, je vous l'affirme parce que j'ai
été très étonné d'apprendre cela ici. Mais,
il faut dire que mon étonnement diminue parce que Beaulé dit que
ce n'est pas vrai. Alors, je ne sais pas ce qu'il en est, moi.
M. Gratton: Beaulé dit que ce n'est pas vrai qu'il a fait
l'offre?
M. Boivin: II dit qu'il a été mal compris.
M. Gratton: Oui. Seulement, cinq ans après, on...
M. Boivin: Quoi qu'il en soit, moi, je n'ai jamais entendu parler
de cela.
M. Gratton: Oui, d'accord. Donc, le 15 janvier, le procès
commence en cour et, semble-t-il, selon le témoignage de Me
Beaulé - d'ailleurs, c'est confirmé par le registre - à sa
sortie de la cour, lui-même et Me Jasmin sont allés vous rendre
visite. Ils ont passé moins d'une demi-heure dans votre bureau, ou en
tout cas, dans le bureau du premier ministre. Est-ce que vous avez le souvenir
qu'il ait été question d'autre chose que de la procédure
qui venait de commencer en cour ce matin-là?
M. Boivin: Comme j'ai répondu, M. le député,
en votre absence jeudi dernier, M. Beaulé dit qu'il s'est passé
deux choses à cette réunion: premièrement, qu'ils m'ont
informé du déroulement de la première journée du
procès. J'ai dit que je ne me souvenais aucunement de cette partie de la
conversation. Ensuite, Me Beaulé a témoigné, à
savoir qu'il m'avait informé que Mes Geoffrion et Prud'homme leur
avaient dit, le jour du procès, qu'ils n'avaient pas mandat de
négocier, mais mandat d'écouter. Moi, je me souviens de cela
parce que c'est une phrase ou une expression qui m'a frappé. Je
n'utilise pas cela et je trouvais cela précis, original: Vous n'avez pas
le mandat de négocier, mais le mandat d'écouter. Alors, c'est
pour cela que je me suis souvenu de cette expression. Que voulez-vous? Je suis
au bureau du premier ministre et ils viennent me voir à tout bout de
champ. Qu'est-ce que je leur dis? Je leur dis la même chose, je leur dis:
Votre procès est commencé, vous trouvez que c'est dommage. M.
Jasmin, vous trouvez que les frais continuent à courir, M.
Beaulé, vous déclarez que la guerre est commencée. Je veux
bien que tous ces inconvénients subsistent mais moi je ne suis qu'au
bureau du premier ministre. Le conseil d'administration va se réunir
telle date. Il va décider de la question, il va régler hors cour
ou il ne réglera pas hors cour. Vous allez vous entendre ou vous ne vous
entendrez pas.
M. Gratton: Je ne veux pas argumenter avec vous.
M. Boivin: Non, mais, vous comprenez, ils viennent me voir et ils
disent: C'est malheureux, le procès est commencé et on n'a pas eu
de décision de la SEBJ. Je leur
dis: Oui, c'est bien malheureux.
M. Gratton: Vous ne vous êtes pas engagé à
reparler à M. Laliberté, à ce moment-là?
M. Boivin: Comme je vous l'ai dit, j'en ai reparlé la
veille ou le 12. Je suis informé qu'il y a une réunion du conseil
d'administration à telle date. Alors, c'est à ce moment-là
que le conseil d'administration en sera saisi.
M. Gratton: Vous leur dites d'attendre. Le 16 janvier, le
lendemain, Me Jasmin vous rend visite à votre bureau. Avez-vous un
souvenir, - je ne veux pas vous faire répéter, je ne veux pas
vous poser la même question à laquelle vous avez répondu
jeudi; je m'excuse, je n'étais pas ici et ce n'est pas nécessaire
de répéter - est-ce qu'il a été question d'un
montant ou d'une offre précise quant au montant?
M. Boivin: Je vais essayer de m'exprimer autrement, M. le
député. Me Jasmin me connaît, il est plus jeune que moi, il
a un peu peur de moi. M. Beaulé me connaît.
M. Gratton: Apparemment, il n'est pas seul, même parmi ceux
qui sont plus vieux que vous.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, pas
de commentaires.
M. Gratton: Je dis cela sans malice.
Le Président (M. Jolivet): Non, c'est parce qu'il est en
train de donner une réponse et vous l'avez interrompu.
M. Gratton: Je m'excuse, M. Boivin. Le Président (M.
Jolivet): Me Boivin.
M. Boivin: J'essaie de situer mes réponses pour qu'elles
soient plausibles, pour que vous les compreniez dans un contexte. Me Jasmin est
plus jeune que moi, il a un peu peur de moi. Me Beaulé n'est pas plus
jeune que moi, il n'a pas trop peur de moi, mais il me connaît. Depuis le
début, je leur ai dit: Je ne veux pas entendre parler de foin. C'est
clair, cela ne relève pas de moi, je ne veux pas entendre parler
d'argent. Je leur en sais gré. Il faut dire que Me Beaulé est un
gars comme cela, c'est un gars correct, Me Jasmin aussi. Ils ne m'ont pas
parlé de cela. Je n'ai pas eu de misère, je n'ai pas eu à
dire: Fermez-vous la boîte... Ils ont été assez corrects
pour ne jamais discuter de règlement avec moi.
M. Gratton: Alors, comment expliquez-vous...
M. Boivin: Parce que, M. le député, mettez-vous
à ma place. Supposons que j'aie convenu de 150 000 $ comme montant du
règlement, qu'est-ce que j'aurais fait avec cette information? J'aurais
appelé M. Laliberté et j'aurais dit: Accepte 150 000 $. Je trouve
que c'est bien plus normal de laisser cela à l'endroit auquel cela
appartient, aux avocats de la SEBJ et à la SEBJ.
M. Gratton: Je suis complètement d'accord avec vous, Me
Boivin. Tout ce que je veux savoir, c'est qu'eux ne vous ont pas parlé
non plus de montant.
M. Boivin: Parce que c'était convenu. Peut-être
qu'ils auraient eu la tentation, je n'en sais rien. Je n'explore pas leur
subconscient ou leur inconscient. Cela a été convenu dès
le départ que je n'avais pas le mandat de parler de cela et que je n'en
parlerais pas. Ils n'ont jamais insisté.
M. Gratton: Dans le fond, ils allaient vous voir pourquoi, Me
Jasmin et...
M. Boivin: Pour le mois de décembre, ils sont venus me
voir pour une chose très importante.
M. Gratton: Je parle du 16 janvier. M. Boivin: Le 16
janvier.
M. Gratton: Je vais vous poser la prochaine question. Le
même jour.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Le problème
est qu'au moment où il vient pour vous répondre, vous
l'interrompez. Je vais demander l'article 100 pour l'invité, au moins
pour qu'il puisse répondre.
M. Gratton: Je m'excuse, c'est Me Beaulé qui m'a...
M. Lalonde: Me Boivin.
Le Président (M. Jolivet): Me Boivin. Me Boivin,
allez.
M. Gratton: Non, c'est Me Beaulé qui m'avait... Allez-y,
je m'excuse, Me Boivin.
M. Boivin: Vous ne vouliez pas que je vous le dise tantôt
parce que je l'ai dit la semaine dernière, mais je peux le
répéter: Quant au 16 janvier précisément, je ne
m'en souviens pas. Si on met cela dans toute cette toile de fond, cette
histoire, c'est qu'à tout bout de champ Me Jasmin venait me voir et j'ai
donné des exemples: Est-ce que
la SEBJ, même si son conseil d'administration est retardé,
est-ce que ce n'est pas une ruse? Est-ce que dans le fond, les gens ne veulent
pas régler? Il me semble que je suis convaincant, il me semble que j'ai
des bons arguments, il me semble que je les ai transmis à Geoffrion et
Prud'homme, il me semble que s'ils les transmettaient à la SEBJ, la SEBJ
accéderait à mes arguments. Je leur donnais la réponse que
j'ai donnée.
Le procès est commencé, mes clients n'ont pas d'argent,
c'est terrible si le procès se continue. Bien vite, ils vont laisser
procéder la cause ex parte. Et d'autres choses de la même
nature.
M. Gratton: À quel moment avez-vous su que Me Jasmin avait
formulé une offre de 50 000 $ le 16 janvier?
M. Boivin: Je ne sais pas si je l'ai su.
Si je l'ai su...
M. Gratton: Vous l'avez su à la commission, en tout cas.
(16 heures)
M. Boivin: Pardon?
M. Gratton: Vous l'avez sûrement su ici, à la
commission, mais je veux dire à ce moment?
M. Boivin: Oui, je sais que vous référez à
ce moment. Il y a une fois, mais je ne sais pas comment cela marche
l'évolution des offres... Les 50 000 $, c'était passé
à quoi? Je ne le sais pas. On regardera dans nos papiers.
M. Gratton: Nous étions à 500 000 $, mais c'est
l'imbroglio dont on parlait. La prochaine, c'est cela, c'est 50 000 $; c'est le
16 janvier.
M. Boivin: Bon. Il y a une fois, il me semble que M.
Laliberté m'a dit au téléphone: J'ai reçu une offre
ridicule. Est-ce qu'il référait à celle-ci? Je ne le sais
pas.
M. Gratton: Ce qui me frappe, et je ne fais pas d'allusion
perverse, mais je dis: Me Jasmin est dans votre bureau le 16 janvier. Est-ce
que c'est avant? Est-ce que c'est après? Est-ce qu'on sait que
c'était à 15 h 23 jusqu'à 16 heures? Et le même jour
- je n'ai pas l'heure - il fait une offre en bonne et due forme au nom des
syndicats québécois pour 50 000 $ et cela s'adonne être
bien en deçà de ce que lui-même, Me Jasmin, avait offert en
1975 - il avait offert 400 000 $ -et bien en deçà des 500 000 $
théoriques dont on peut parler et dont Me Beaulé avait fait
état le 10 janvier. Alors, je me dis: Est-ce que, par hasard, il
n'aurait pas mentionné au cours de sa rencontre avec vous: Je fais
aujourd'hui une offre aux procureurs de la SEBJ?
M. Boivin: Vous voyez, M. le député, vous dites ce
qui vous étonne. Cela m'étonne aussi qu'il ait fait une offre de
50 000 $; il l'a faite, mais il ne me l'a pas dit.
M. Gratton: II ne vous en a pas parlé?
M. Boivin: Mais si vous me demandez ce que j'en pense, c'est une
autre affaire. Je vais trouver que c'est ridicule. Il n'aurait pas dû
offrir cela mais, en tout cas, c'est une autre question.
M. Gratton: Non, c'était plutôt pour savoir si, en
rappelant que les deux sont arrivés la même journée, votre
rencontre et l'offre qu'il a faite, si cela ne vous aiderait pas à dire:
Bien oui, il me semble qu'il m'a mentionné cela. Mais vous dites que non
et qu'il n'en a été question d'aucune façon.
M. Boivin: Voilà.
M. Gratton: Alors, le 19 janvier, c'est Me Jasmin et Me
Beaulé qui sont tous les deux ensemble à votre bureau et selon le
registre la rencontre dure à peu près une heure. Et le 22
janvier, c'est-à-dire trois jours plus tard, c'est Me Beaulé qui
formule une offre au nom des syndicats québécois et
américain - donc, l'ensemble des défendeurs - pour un total de
125 000 $. Là non plus il n'a jamais été question, si je
comprends bien... Parce que, comme je vous l'ai dit, je ne veux pas vous poser
des questions auxquelles vous avez déjà répondu.
M. Boivin: Non, non. Absolument pas, M. le Président.
M. Gratton: Donc, eux dans votre bureau n'ont jamais parlé
de l'offre qu'ils se proposaient de faire.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Gratton: Par contre, le 2 février...
M. Boivin: De la même manière que Mes Geoffrion et
Prud'homme ne m'appelaient pas pour me dire: On a reçu une offre de Me
Beaulé ou de Me Jasmin de tel montant. Mettez-vous dans le contexte:
c'était tenu pour acquis que ce n'était pas ma hache.
M. Gratton: Ce n'était pas quoi?
M. Boivin: Ma hache, mon centre d'intérêt. Mon
centre d'intérêt, vous savez lequel, je l'ai dit, j'ai fait une
recommandation au premier ministre
favorable à un règlement hors cour.
M. Gratton: Je comprends que ce n'était pas votre hache,
mais le fait demeure que les procureurs des défendeurs étaient
souvent dans votre bureau et cela accaparait votre temps.
M. Boivin: Exact.
M. Gratton: En tout cas, je vous laisserai expliquer vos
réactions, c'est à vous de le faire. Mais je me reporte au 2
février. Là, vous rencontrez le matin Me Beaulé et... En
fait, le matin, je pense que c'est de 10 h 07 à Il h 12. Dois-je
comprendre que vous avez déjà répondu à la
question, à savoir que vous n'avez pas parlé de montant?
M. Boivin: En effet, j'ai déjà répondu... Je
ne sais pas si on m'a posé la question, M. le député.
M. Gratton: Pardon?
M. Boivin: J'ai dit: Je ne sais pas si on m'a posé la
question précise...
M. Gratton: Bien, je vous la pose, tiens.
M. Boivin: ...est-ce que vous avez parlé de montant le 2
février, mais la réponse est non.
M. Gratton: Vous êtes sûr de cela. Ce n'est pas
strictement que vous ne vous en souvenez pas. C'est effectivement que vous n'en
avez pas parlé.
M. Boivin: Non. Comme je l'ai dit pour bien d'autres questions et
réponses, la réunion du 2 février, je ne m'en souviens
pas. Logiquement, je devrais dire que je ne me souviens pas si on a
parlé de montant. Je peux dire autre chose quant au montant. Je dis
qu'ils ne m'ont pas parlé de montant le 2 février parce qu'on n'a
jamais parlé de montant.
M. Gratton: C'est clair, c'est pour cela que je donne la chance
à M. Boivin de le dire.
M. Duhaime: Cela fait au moins dix fois qu'il le dit.
M. Gratton: M. le Président, je me suis déjà
excusé de ne pas avoir été ici jeudi pour entendre ce que
vient de dire M. Boivin. Est-ce que je dois m'excuser dix fois pour que le
ministre soit satisfait?
M. Dussault: Demandez à vos collègues. M. Laplante:
Les rubans sont là.
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas à vous
excuser continuellement, mais le problème qu'on a...
M. Duhaime: C'est qu'on souffre de votre absence.
Le Président (M. Jolivet): ...c'est qu'il y a quand
même des questions qui ont été posées. Il est
évident que Me Boivin répond à vos questions. Vous pouvez
y aller mais, une chose est certaine, il faudrait éviter...
M. Gratton: J'ai dit, sur cette question précise...
Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, mais il faudrait
éviter qu'on revienne continuellement.
M. Gratton: ...du 2 février, j'ai dit que je ne la
poserais pas. Vous y avez probablement répondu. M. Boivin m'a dit: Non,
peut-être qu'on ne me l'a pas posée. Alors, j'ai dit: Je vous la
pose.
Le Président (M. Jolivet): C'est pour cela que je ne vous
ai pas arrêté non plus.
M. Gratton: Vous ne m'avez pas arrêté, mais le
ministre s'impatiente. Je ne sais pas ce qu'il a mangé ce matin.
M. Duhaime: Non, je ne m'impatiente pas.
Le Président (M. Jolivet): Continuez, continuez.
M. Duhaime: Mais s'il faut qu'on commence...
Le Président (M. Jolivet): Continuez, M. le
député.
M. Duhaime: Je veux dire au député de Gatineau que,
pour moi, il n'a pas fait un bon voyage de pêche. Si vous permettez
à chaque député qui part pour la pêche, en revenant,
de poser des questions qui ont déjà été
posées, il n'y aura personne qui va aller à la pêche cet
été. On va passer l'été ici.
M. Lalonde: Au nombre de questions que les députés
péquistes posent, ils peuvent tous aller à la pêche, M. le
Président, d'ici à la fin.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ceci est
un intermède non nécessaire. M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Toujours le 2 février, vous avez lunché
avec Mes François Aquin et Jean-Paul Cardinal. Il l'a dit? Il a dit
qu'il avait lunché?
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député de Gatineau, allez.
M. Gratton: Je ne peux pas lui poser ma question?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, allez, allez.
M. Gratton: Vous savez déjà la réponse?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Le ministre devine mes questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais être obligé de recommencer avec vous à me regarder
à se parler entre nous deux.
M. Gratton: M. le Président, j'entends trop bien de
l'oreille droite pour laisser le ministre me déranger.
Le Président (M. Jolivet): Posez votre question, cela sera
plus simple.
M. Gratton: Vous avez indiqué, au cours de ce lunch,
à MM. Aquin et Cardinal qu'ils recevraient prochainement une offre.
M. Boivin: On m'a dit que Me Aquin avait témoigné
en ce sens ici. J'ai dit que, moi, je ne m'en souvenais pas.
M. Gratton: Vous ne vous en souvenez pas. D'ailleurs, soit dit en
passant, pour vous rafraîchir la mémoire, Me Jasmin avait
effectivement transmis à Geoffrion et Prud'homme l'offre dont il avait
été question en date du 5 février. C'est d'ailleurs
l'offre qui devait éventuellement mener au règlement final. Deux
jours après avoir reçu... Geoffrion, Prud'homme a reçu le
mandat de négocier le 7 février. Deux jours plus tard, Me Jasmin
et Me Cardinal sont allés à votre bureau. Est-ce que Me Cardinal
vous a mentionné qu'il venait de recevoir le mandat de négocier
sur le montant?
M. Boivin: Au sujet des rencontres du 9 février, j'ai dit
la semaine dernière que je ne m'en souvenais aucunement. Comme j'ai vu
le nom de Me Jean-Paul Cardinal, je suis allé voir Me Jean-Paul Cardinal
à son bureau, en préparation de mon témoignage devant
cette commission, et j'ai dit à Me Cardinal: Jean-Paul, selon le
registre, tu es venu le 9 février 1979 de 16 h 30 à 17 h 05.
Comme tu es avocat et que tu as un compte d'honoraires ou un agenda, des choses
semblables, pourrais-tu me dire s'il apparaît à ton dossier ce que
tu es venu faire à mon bureau le 9 février? Jean-Paul m'a dit: Je
regrette, cela n'apparaît pas à nos honoraires. Je n'ai pas de
notes. Je ne peux pas dire ce que je suis allé faire à ton
bureau. Depuis ce temps, je cherche ce que Me Cardinal est venu faire à
mon bureau le 9 février, mais sans succès.
M. Gratton: Donc, M. Boivin, vous constatez avez moi que jusqu'au
9 février -en fait, jusqu'au 7...
M. Boivin: Entre parenthèses, M. le député,
vous m'avez dit tantôt que le conseil d'administration - dans votre
préambule -avait donné un mandat de négocier - je ne sais
pas comment vous vous êtes exprimé -vers le 7 février.
Est-ce que c'est cela que vous m'avez dit?
M. Gratton: D'explorer.
M. Boivin: D'explorer? J'ai appris cela à mon grand
étonnement lors de cette commission parce que je pensais qu'il
négociait depuis le mois de janvier. Je suis très
déçu d'avoir aussi peu d'influence auprès de M.
Laliberté.
M. Gratton: Vous ne savez pas quels efforts je suis obligé
de faire pour ne pas faire de commentaire, pour respecter la consigne du
président. Mais, M. Boivin...
M. Boivin: Je le dis sérieusement, j'ai appris cela avec
étonnement.
M. Gratton: Oui, oui, mais maintenant que vous le savez que ce
n'était pas Mes Geoffrion et Prud'homme qui négociaient, comment
expliquez-vous qu'il y ait eu quatre offres différentes à quatre
montants différents et qu'il n'y avait personne qui
négociait?
M. Boivin: À qui ont-ils fait ces offres-là?
M. Gratton: Ils les ont faites à la Société
d'énergie de la Baie James. C'est dans la preuve, si on reprend...
M. Boivin: Si vous permettez, j'imagine qu'ils ont dû
transmettre... Je ne sais pas, je n'ai pas entendu tous les témoignages,
mais j'imagine que ces offres faites par Me Jasmin ou Me Beaulé - cela
doit être le sens des témoignages, vous me contredirez si ce n'est
pas cela - ont dû être transmises au bureau de Geoffrion et
Prud'homme par écrit. Est-ce cela?
M. Gratton: Oui.
M. Boivin: Alors ils négociaient entre eux, je
présume. Moi, ils ne m'ont jamais
transmis d'offre.
M. Gratton: Oui, mais les avocats du bureau Geoffrion et
Prud'homme sont venus témoigner qu'ils n'avaient pas
négocié et qu'ils n'avaient pas le mandat de négocier.
M. Boivin: Peut-être qu'ils ne négociaient pas, mais
qu'ils recevaient des offres et qu'ils les transmettaient à leurs
clients.
M. Gratton: C'est sûr que c'est ce qui arrivait.
M. Boivin: Ah bon!
M. Gratton: Mais je vous demande à vous, vous aviez le
mandat de suivre l'évolution du dossier pour en tenir le premier
ministre informé...
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais m'excuser, M. le Président,
auprès de mon collègue de Gatineau, mais l'échange qui se
produit avec Me Boivin est fort intéressant. Cela pourrait se
dérouler le vendredi matin pendant une question avec débat, en
l'hypothèse que le chef du cabinet du premier ministre pourrait
intervenir, mais c'est de l'argumentation entre un membre de la commission
parlementaire et un invité. J'apprécierais que l'on pose des
questions et la partie qui fera l'objet de commentaires pourra venir ensuite,
mais on demande à Me Boivin de porter des jugements sur des
événements et des faits ou des gestes posés par des
procureurs dans l'exercice de leurs fonctions. Je pense que ce n'est pas Me
Boivin qui est la meilleure personne pour porter cette évaluation. Vous
la ferez en temps utile.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, sur la question de
règlement; M. Boivin, à titre de chef du cabinet du premier
ministre, a le mandat de suivre l'évolution du dossier. Il a de
nombreuses rencontres avec les procureurs des syndicats
québécois, de même qu'avec Me Beaulé, procureur du
syndicat américain, au cours de cette période, pour s'acquitter
de son mandat, c'est-à-dire de suivre l'évolution du dossier. Il
nous dit aujourd'hui qu'en suivant l'évolution du dossier, il n'a appris
que cinq ans plus tard qu'il y a eu quatre offres différentes de faites
sans que personne n'ait le mandat de négocier au nom de la
Société d'énergie de la Baie James. Je dois avoir le droit
de demander à Me Boivin ce qu'il pense qui s'est passé pendant ce
temps-là.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. C'est
là où j'avais moi-même l'intention de vous arrêter
parce que vous arrivez à lui demander ce qu'il pense des
événements qui se sont produits et il vous dit qu'il n'en avait
jusqu'à maintenant aucune connaissance. À partir de ce
moment-là, vous ne pouvez même pas poser la question, elle n'est
même pas recevable. Posez-la autrement ou posez une autre question, mais
celle-là n'est pas recevable.
M. Laplante: ...ton oreille droite; il a fini, le
président.
M. Gratton: M. Boivin, pendant que vous suiviez
l'évolution du dossier, vous n'avez jamais posé de questions sur
les offres qui étaient faites?
M. Boivin: Exact.
M. Gratton: On ne vous a jamais informé des offres qui
étaient faites non plus?
M. Boivin: Je ne sais pas s'il référait à la
première dans le sens que je viens de dire tantôt, mais il me
semble que M. Laliberté m'a dit à un moment donné: J'ai
reçu une offre ridicule. Il m'a peut-être dit de 50 000 $, mais je
l'ajoute, je n'ai aucun souvenir de cela. M. le député, pour
comprendre: Quand le premier ministre me dit de suivre l'évolution du
dossier, c'est dans le contexte où il me donne le mandat; vous vous en
souviendrez, le premier ministre dit: Je suis favorable à un
règlement hors cour - laisse-le savoir au président de la SEBJ -
dont les modalités seront convenues par les parties. Ce qui
m'intéresse, après avoir rencontré M. Laliberté,
c'est de savoir si les discussions ont toujours lieu ou si c'est bloqué
à un moment donné. Si M. Laliberté ou un des avocats ou
quelqu'un m'avait dit: Toutes les négociations sont rompues, j'aurais
sûrement dit: Pourquoi? Quelqu'un aurait dit - je fais des
hypothèses farfelues: C'est parce qu'ils demandent trop cher ou etc.,
etc. Je ne sais quoi, je serais allé voir le premier ministre et je lui
aurais dit: Les négociations sont rompues et j'imagine qu'on aurait
examiné la situation, mais jamais personne n'est venu me dire: Les
négociations sont rompues. Le dialogue était maintenu. Alors,
c'est ce que j'appelle un dossier qui évolue normalement. J'ai dû
dire au premier ministre de temps en temps: Cela va, les discussions se
poursuivent.
M. Gratton: Quand on vous faisait rapport, par exemple, lorsque
M. Laliberté vous dit: On me fait une offre ridicule, que
lui avez-vous répondu à ce moment? (16 h 15)
M. Boivin: C'est de vos affaires.
M. Gratton: À M. Laliberté? M. Boivin:
À M. Laliberté.
M. Gratton: Est-ce qu'ils ont fait état, pendant les
conversations que vous aviez avec ces gens, d'autres difficultés qu'il y
avait en cours de route?
M. Boivin: Qui? Les avocats?
M. Gratton: Non, M. Laliberté, dans un premier temps.
M. Boivin: Je ne me souviens pas qu'il ait fait état de
difficultés particulières, si ce n'est la question d'admission de
responsabilité dont M. Jasmin s'étonnait - et peut-être
aussi M. Beaulé, je ne m'en souviens plus - qu'on l'exige.
M. Gratton: Mais vous-même, vous avez été
conscient, vous avez été mis au courant, à un moment
donné, avant le 20 février 1979, qu'il y avait effectivement un
problème au point de vue de la reconnaissance de la
responsabilité?
M. Boivin: Je savais qu'il y avait des discussions - je ne sais
pas si on appelle cela un problème - sur cette exigence d'admission de
responsabilité. Je savais cela, je veux dire des deux
côtés, tant du côté du syndicat
québécois que du côté du syndicat américain.
Le syndicat américain ne voulait pas l'admettre du tout. Quant au
syndicat québécois, il s'étonnait. Mais je ne sais pas si
cette question s'est réglée plus rapidement qu'avec le syndicat
américain.
M. Gratton: Vous, dans votre cas, n'êtes-vous jamais
intervenu pour, par exemple, donner votre point de vue sur la reconnaissance de
la responsabilité?
M. Boivin: On ne me l'a jamais demandé.
M. Gratton: II n'y a jamais eu personne qui vous a demandé
de donner votre point de vue là-dessus?
M. Boivin: Non.
M. Gratton: Me Beaulé, lorsqu'il allait vous voir et qu'il
vous exposait le fait qu'il croyait que le syndicat américain n'avait
aucun lien de responsabilité, vous ne lui avez jamais indiqué que
vous partagiez son point de vue?
M. Boivin: Me Beaulé ne m'a pas demandé mon avis.
Me Beaulé m'a affirmé que jamais son client n'admettrait sa
responsabilité. C'est bien différent.
M. Gratton: Est-ce que Me Jasmin, lui, parlait de la
responsabilité de ses clients?
M. Boivin: Me Jasmin m'a dit une fois: Je m'étonne qu'on
exige que mes clients admettent leur responsabilité dans un document de
règlement. Là, j'ai fait ce que j'ai dit la semaine
dernière, j'ai téléphoné à M.
Laliberté. Il m'a dit: Oui, c'est une condition sine qua non, parce
qu'il a été question, dans les journaux, dans le rapport Cliche
ou enfin dans l'opinion publique, d'une responsabilité partagée
possible; est une question d'honneur, il y va du nom de la SEBJ. J'ai dit:
J'avais oublié momentanément cette question. C'est très
juste. J'ai téléphoné à Me Jasmin et j'ai dit:
Messieurs de la SEBJ en font une condition sine qua non.
M. Gratton: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, M.
Boivin, pour dire qu'il y avait deux modalités ou deux
éléments importants à ce règlement hors cour? Il y
avait le montant, bien sûr, et la reconnaissance de la
responsabilité.
M. Boivin: La reconnaissance de responsabilité me
semblait, comme je viens de le dire, sine qua non, primordiale, très
importante pour la SEBJ. Quant au montant, je ne sais pas quelle importance
cela a pris de chaque côté, respectivement.
M. Gratton: Je parle des défendeurs.
M. Boivin: Pour les défendeurs, il semblait que cela avait
de l'importance.
M. Gratton: Donc, il y avait deux éléments à
considérer par les défendeurs pour le règlement hors cour:
la reconnaissance de la responsabilité ou pas et le montant qu'ils
auraient éventuellement à payer pour un règlement hors
cour.
M. Boivin: On pourrait s'exprimer ainsi, certainement, oui.
M. Gratton: Ce que vous nous dites, c'est qu'il n'y en avait
qu'un élément sur les deux qui a retenu votre attention, vous, et
sur lequel vous êtes intervenu, c'est celle de la responsabilité
des syndicats.
M. Boivin: Non, je n'ai pas dit que j'étais intervenu sur
la question d'admission de responsabilité, j'ai dit qu'on m'en avait
parlé. C'est bien différent.
M. Gratton: Vous avez téléphoné à M.
Laliberté pour lui demander de quoi il
s'agissait.
M. Boivin: C'est cela.
M. Gratton: Vous avez téléphoné à M.
Aquin.
M. Boivin: C'est cela.
M. Gratton: Vous avez fait rapport, ensuite, à Me
Jasmin.
M. Boivin: Quant au montant, c'est très simple, les
avocats ne m'en ont pas parlé, parce que je les avais prévenus.
Je ne m'en serais pas mêlé, c'est bien évident, parce que
je trouve que ce n'est pas normal.
M. Gratton: Donc - je termine là-dessus, M. le
Président - si j'ai bien compris vos réponses, M. Boivin, c'est
seulement maintenant que vous apprenez qu'il n'y a personne qui
négociait au nom de la Société d'énergie de la Baie
James, avant le 6 février dernier, sur le montant.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant...
M. Boivin: Je n'ai pas appris cela encore.
M. Gratton: Laissez-moi reformuler ma question. Vous ne saviez
pas avant la commission qu'il y avait eu quatre offres différentes avant
le 6 février dernier?
M. Boivin: Exact.
M. Gratton: Donc, en supposant qu'il n'y aurait pas eu d'offre,
je sais que c'est hypothétique, on pourrait dire qu'il n'y a pas eu de
négociation, d'accord, mais s'il y a eu quatre offres
différentes, vous présumiez vous-même avant aujourd'hui
qu'il y avait négociation?
M. Boivin: Je suis sûr que ce doit être cela qui est
arrivé. Ils n'ont rien fait durant le mois de janvier, ces
gens-là, puis pendant le mois de février. Ils ont
échangé, les avocats de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, M.
Beaulé et M. Jasmin, ils ont échangé pendant le mois de
janvier, ils ont dû échanger sur quelque chose.
M. Gratton: Je vous pose la question très
directement...
M. Boivin: Je n'étais pas là.
M. Gratton: Est-ce que vous avez pris connaissance des
témoignages de Me Cardinal, Me Aquin et Me Jetté?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, sur
ce sujet, on ne doit pas poser de questions au témoin sur des choses
dont il n'a pas eu connaissance encore une fois.
M. Gratton: Si M. Boivin me dit qu'ils ont dû
échanger et que les témoins qui sont venus ont dit: On n'a pas
échangé...
M. Duhaime: Non, non.
M. Paradis: Est-ce que vous voulez qu'on le lise?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! D'autres
questions?
M. Gratton: J'ai terminé mes questions. Vous me permettrez
un bref commentaire, sûrement?
Le Président (M. Jolivet): Vous en avez le droit.
M. Gratton: Compte tenu du fait qu'il semble qu'on apprend
seulement maintenant du côté de M. Boivin qu'il y a eu ces
offres-là qui ont été faites par les procureurs du
syndicat américain ou des syndicats québécois, il y en a
eu quatre et on en a fait état ici le 22 avril dernier et, à ce
moment-là aussi, cela avait eu l'heur de déplaire au ministre,
effectivement, comment peut-on expliquer que les procureurs des syndicats
québécois et du syndicat américain aient formulé
quatre offres différentes, à des montants différents,
avant le 6 février 1979 date à laquelle et seulement à
laquelle Geoffrion et Prud'homme ont finalement reçu le mandat de
négocier ou d'explorer un règlement hors cour? M. Boivin, qui
était au centre des discussions, nous dit: Ce n'est pas moi qui ai
négocié. Les administrateurs de la Société
d'énergie de la Baie James, tous et chacun l'un après l'autre,
sont venus nous dire: Ce n'est pas nous qui avons négocié et ce
n'était d'ailleurs pas leur job de le faire.
Geoffrion et Prud'homme, j'en ai lu un extrait tantôt et je
pourrais vous lire d'autres citations, nous disent eux aussi: Nous n'avions pas
le mandat de négocier sur le montant, nous avons négocié
seulement sur la reconnaissance de la responsabilité.
Sur la question que je me pose, M. Boivin a apporté un certain
éclairage, mais qui ne m'a pas complètement satisfait. Je ne lui
en fais pas grief, puisqu'il me raconte la situation telle qu'il l'a vue, puis
telle qu'il la voit encore aujourd'hui, mais, aux questions que je lui posais
ce matin pour savoir qui s'occupait de protéger les
intérêts des contribuables qui ont payé la note de ce
règlement hors cour, on nous a dit, du côté du bureau du
premier ministre, que c'était injuste de faire payer par les
syndiqués ordinaires les dommages qui avaient été
causés par des actes de quelques-uns d'entre
eux. Par contre, on a tous convenu, Me Boivin le premier, que, pour le
syndicat québécois, qu'il soit capable ou non de payer pour les
dommages qui avaient été encourus, ce qui importait,
c'était de reconnaître que les syndiqués membres de ce
syndicat étaient tous solidairement responsables des dommages qui
étaient survenus.
De la même façon, nous, les citoyens et contribuables
québécois, on n'était pour rien au saccage de la
Baie-James et on n'a rien fait là-dedans, mais on a assumé le
coût entre le règlement de 200 000 $ qui a été
finalement négocié et des dommages réels qui parlent de 17
000 000 $, 19 000 000 $ et qui étaient à 32 000 000 $ dans la
demande.
M. le Président, quand Me Boivin vient nous dire que c'est
à partir d'une conscience sociale qu'on a opté de ne pas imposer
aux simples syndiqués ordinaires de payer pour les dommages
occasionnés par des actes de folie de certains d'entre eux, je me dis:
Qui s'est occupé de s'assurer que ce n'était pas nous, les
contribuables qui payions. Il m'a dit non, il m'a dit que c'étaient les
actionnaires, les administrateurs de la Société d'énergie
de la Baie James et la preuve que j'ai devant moi, c'est qu'eux ne l'ont pas
fait.
M. Laplante: C'était leur mandat.
M. Gratton: M. le Président, est-ce qu'il va me laisser
terminer? Et il y a une question que je me pose, M. le Président, si,
dans un premier temps, Me Boivin dit au P.-D.G. de la Société
d'énergie de la Baie James le 3 janvier: C'est le souhait du premier
ministre de régler; si, en plus, le 12 janvier, il dit à Me
Jasmin, qui est quand même le procureur de l'une des défenderesses
- je ne veux pas utiliser de termes qui pourraient m'être
reprochés - s'il dit à Me Jasmin, qui s'inquiète de savoir
si cela va se régler ou non: J'ai averti le P.-D.G. que c'est le souhait
du premier ministre de régler et si, ensuite de cela, le premier
ministre lui-même, le 1er février, vient dire aux trois P.-D.G. de
la société d'énergie: Vous réglez, "crisse", ou
bien on va régler pour vous autres, je me dis qu'on commence à
mettre la pression pas mal forte sur un côté, sur une des deux
parties qui est censée être en train de négocier l'entente.
Et, pour quelqu'un qui veut travailler en vue de l'intérêt public,
je comprends, je suis de ceux qui veulent protéger
l'intérêt des travailleurs ordinaires qui ne sont pas responsables
du saccage. Mais qui s'est occupé de protéger nos
intérêts à nous, les contribuables?
Je me demande si, en faisant des actions, en faisant des interventions -
en tout cas, il y a au moins ces deux-là du 3 janvier et du
1er février - qui, les deux, allaient dans le même
sens, on a réellement servi l'intérêt public comme on le
prétend? Je me permets, M. le Président, de poser cette
question-là, parce qu'il n'y a rien ici, il n'y a rien, il n'y a
personne qui est capable de me dire qui s'occupait de défendre ces
intérêts-là au cours des négociations. Si M. Boivin
était venu nous dire: Tout au cours de la démarche, je disais aux
avocats de s'organiser pour faire des offres qui ont du bons sens; si, au
lendemain de cet appel téléphonique où M. Laliberté
lui a dit: Ils nous ont fait des offres ridicules, M. Boivin nous disait: J'ai
appelé Jasmin et je lui ai dit: Écoute, tu es mieux d'aiguiser
ton crayon parce que, finalement, ce sont des deniers publics, alors, je dirais
qu'il y a quelqu'un qui s'est occupé d'obtenir un règlement. Et
peut-être que ce n'est pas 200 000 $ qu'on aurait obtenus, cela aurait
été plus que cela. Mais je comprends que M. Boivin ne peut pas
nous dire cela aujourd'hui, compte tenu de la réponse du premier
ministre le 20 février 1979...
M. Laplante: ...
M. Gratton: C'est bien sûr que si M. le premier ministre
nous avait dit: Nous, on agit en fonction de l'intérêt public et
on est en train d'essayer de trouver les moyens, en mettant les parties
"ensemble, de faire en sorte que les intérêts de tous et chacun
soient protégés - et tous et chacun, c'est l'actionnaire
principal de la Société d'énergie de la Baie James, ce
sont les contribuables, aujourd'hui, on ne serait pas en commission
parlementaire. On aurait eu nos réponses, toutes nos réponses le
20 février 1979 ou, en tout cas, le 6 mars 1979. Mais, justement, le
problème, c'est qu'à l'Assemblée nationale, le premier
ministre nous a dit: II n'y a jamais personne qui a négocié au
bureau du premier ministre sur le montant du règlement. Et ici, à
la commission...
M. Tremblay: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Je m'excuse, mais la déclaration du premier
ministre le 20 février 1979 n'était pas ce que le
député vient de dire. Le premier ministre a dit que le
règlement n'avait pas eu lieu dans son bureau...
M. Lalonde: Ni de près ni de loin.
M. Tremblay: ...et il n'a pas dit que personne n'avait
négocié. Il n'a pas dit cela. Il y a des avocats, de toute
évidence, qui ont négocié...
M. Lalonde: Dans le bureau du premier
ministre?
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Tremblay: Non.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Gatineau.
M. Lalonde: On peut le laisser aller.
M. Gratton: Je termine, M. le Président, en disant
que...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: ...c'est la première fois que je vois cela,
personne ne négocie et il y a quatre offres différentes. Je n'ai
jamais vu cela une partie à une négociation qui se décide
toute seule sans que personne lui demande de faire des offres
différentes qui vont de haut en bas, en haut et en bas, je n'ai jamais
vu cela, et qu'on en arrive finalement au règlement qu'on connaît.
C'est peut-être là qu'on doit trouver l'explication de ce montant
de 200 000 $ par rapport à une réclamation de 32 000 000 $, c'est
que la négociation était ce qu'on appelle dans l'Outaouais
"one-sided"; elle se faisait à une partie seulement. C'est ce qu'on
essaie de nous dire. Mais ce que je retiens de ce qui a été mis
en preuve ici devant la commission, c'est que si cela n'a pas été
négocié dans le cabinet du premier ministre, ce règlement
hors cour, cela n'a pas été négocié ailleurs non
plus. Et c'est cela qui est formidable. On a eu six offres de règlement
différentes qui sont parties de 400 000 $ à 500 000 $, de 50 000
$ à 100 000 $, à 125 000 $, à 175 000 $ pour finalement
s'établir à 200 000 $, tout cela sur une période de trois
mois, sauf la première, qui a été faite en 1975. Il n'y a
personne qui a négocié et on a réussi à
régler une poursuite de 32 000 000 $ pour 200 000 $. Il faut le faire,
M. le Président. (16 h 30)
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Alors, M. le Président, ce n'est pas mon
habitude de faire des commentaires à mi-parcours des travaux de la
commission, mais je pense que l'intervention du député de
Gatineau mérite une réplique. Sa compréhension des
événements, c'est la sienne, ce n'est pas la mienne. Sur la
notion d'intérêt public qu'on évoque depuis ce matin, cela
m'apparaît être relié à ce que j'appellerais une
opération de "repositionnement". Je ne sais pas si c'est les
effervescences du conseil général du Parti libéral du
Québec récemment ou encore la lecture des éditoriaux -
j'en ai quelques- uns, je pense que je vais avoir l'occasion d'en parler,
puisque je suis en commentaire...
Le Président (M. Jolivet): Vous en avez amplement le
droit, M. le ministre.
M. Duhaime: ...mais ma conception de l'intérêt
public ne rejoint pas du tout celle que vient d'étaler le
député de Gatineau, au contraire, elle y est
diamétralement opposée. Dans mon esprit l'intérêt
public du Québec commandait la décision qui a été
prise par le premier ministre de déclarer que cette cause devrait se
régler hors cour. En effet, comme citoyen et contribuable, je me pose la
question, est-ce qu'il était de l'intérêt public du
Québec de payer à coup de millions des avocats pour tenter
d'obtenir d'abord un lien de responsabilité contre un syndicat
américain sur lequel tout le monde s'entend - à partir de la
commission Cliche et selon tout le monde qui a touché à ce
dossier, il y avait un lien apparent, c'était très discutable et
cela a été effectivement discuté - les chances d'obtenir
un jugement devant une Cour d'appel ou une Cour suprême ici au
Canada étaient, le moins que l'on puisse dire, très
aléatoires et avec la possibilité d'aller ensuite en
exemplification, au dire même des procureurs de la SEBJ, on se retrouvait
à l'horizon de 1989-1990 avec un coût de dépenses de
l'ordre d'environ 5 000 000 $. Tout le monde s'entend là-dessus. Tout le
monde s'entend pour dire aussi que c'était le seul syndicat solvable eu
égard au montant de la réclamation.
Pour ce qui est des syndicats québécois, tout le monde
s'entend pour dire que le 791 n'a jamais été très riche.
Tout le monde s'entend aussi pour dire qu'il aurait été
très facile pour n'importe quel conseiller juridique bien avisé
de conseiller au 791 de laisser une coquille vide, sans argent, et de chercher
une nouvelle accréditation. Ce qui veut dire que cette
défenderesse, ce syndicat défendeur se serait trouvé dans
une position sinon de déconfiture du moins d'insolvabilité
totale, et on n'aurait pu obtenir, suivant l'expression de M. Boyd, mon
souvenir est très clair là-dessus, un jugement qui aurait pu
servir comme arme de "négociation." Cela aurait voulu dire que, au nom
de l'intérêt public, le député de Gatineau aurait
été prêt à engager 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000
000 $, peut-être même davantage pour obtenir jugement devant la
Cour supérieure, après un procès qui, au dire de tout le
monde, aurait duré au moins six mois, possiblement un appel en Cour
d'appel et aussi, très certainement, un appel en Cour suprême. Le
tout aurait duré encore quatre ou cinq ans de sorte qu'à l'heure
où on s'en parle, très probablement que le jugement final de la
Cour suprême ne serait même pas encore rendu.
Je regrette, mais ce n'est pas ma
conception de l'intérêt public. C'est là-dessus
qu'on ne s'entend pas. Je pense aussi pouvoir dire, M. le Président, si
on part des témoignages entendus par les procureurs de la
Société d'énergie de la Baie James, que dans leur rapport
au conseil d'administration, ils ont établi très clairement que
le maximum prouvable en l'occurrence était de l'ordre de 17 000 000 $,
dont 2 000 000 $ incluant un montant de 400 000 $ en frais d'assurances
additionnelles, qui étaient des dommages directs. Tout le reste
était des dommages indirects, c'est-à-dire imputables au retard
sur le chantier, ce qui avait effectivement amené la SEBJ à payer
une indemnité de l'ordre de 17 000 000 $ à un entrepreneur.
J'ai écouté, moi aussi, très attentivement les
témoignages qui ont été rendus devant cette commission. Ce
que personne n'a démenti jusqu'à présent, c'est que le
moins qu'on puisse dire, il y a un bon mois additionnel qui a été
encouru avant le redémarrage des travaux à LG 2, à la
suite du saccage, pour permettre l'installation de ce que j'appellerais un
service de sécurité à toute épreuve.
Le deuxième élément, je crois que c'est Me
Beaulé qui en a fait état et cela n'a pas été
contredit non plus, c'est que, dans son scénario de parachèvement
des travaux, il y avait un coussin de sécurité en termes de
délai de l'ordre de deux mois.
Tout cela m'indique qu'il était très loin d'être
clair que ces montants étaient prouvables, réclamables et qu'un
jugement aurait pu reposer sur cela. De toute façon, on ne saura jamais
le fond de l'histoire puisque le juge au dossier n'a jamais eu à se
prononcer sur ce sujet. Mais, puisqu'on fait grand état du fait que des
citoyens doivent payer la note, il faudrait rappeler au député de
Gatineau que nous sommes dans notre huitième semaine et que des citoyens
paient également la note de cette commission parlementaire.
M. Gratton: Là, vous n'êtes pas impressionnant.
M. Duhaime: Je trouve un peu délirant le fait qu'on vienne
nous dire, je dirais un peu au terme des travaux de notre commission, que
l'Opposition libérale est déçue parce qu'elle n'a pas
reçu les réponses escomptées. Ce n'est pas ma faute si
vous avez choisi un mauvais dossier. Mais je rappelle, M. le Président,
que, le 20 février 1979, à la page 118 du document
déposé par la SEBJ, il y avait unanimité au conseil
d'administration de la SEBJ et cela comprend M. Boyd, Mme Forget, qui,
ultimement comme on s'en souvient, ont voté contre le règlement,
mais ils étaient d'accord et tous ceux qui étaient
présents le 20 février 1979 au conseil étaient d'accord
pour un règlement sur la base que chacune des parties reconnaisse sa
responsabilité, y incluant le syndicat américain, et que les
frais soient substantiellement couverts.
Dans les deux paragraphes du mandat donné au président du
conseil, le mandat était même donné au président du
conseil d'administration, M. Saulnier, de régler lui-même toute
cette affaire. M. Saulnier, lorsqu'il est venu ici devant la commission, nous a
dit: "Je me suis senti obligé de retourner au conseil d'administration,
ce qui a fait l'objet d'une décision ultérieure pour deux
raisons: premièrement, le montant de 200 000 $ ne couvrait pas tous les
frais, ce qui ne répondait pas à l'expression "une somme
représentant substantiellement les frais légaux encourus à
ce jour", et, de plus, l'International Union of Operating Engineers ne voulait
pas reconnaître sa responsabilité.
M. le Président, ce sont des choses qui m'apparaissent
très claires. À moins de ne pas vouloir les comprendre, on ne les
comprendra jamais. Mais, depuis ce matin, ce qui sous-tend les questions qui
sont posées par le député de Gatineau m'apparaît une
affaire un peu curieuse. Maintenant, après que le journal La Presse a
accusé le premier ministre d'avoir trompé l'Assemblée
nationale et d'avoir fait des affirmations avec des grands titres comme:
"Jean-Roch Boivin a négocié avec les avocats", on semble lui
faire reproche, à travers le dédale de questions des deux ou
trois dernières heures de ne pas avoir effectivement
négocié. J'avoue que je ne comprends pas.
M. Gratton: Une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: On m'impute des propos que je n'ai pas tenus. Le
ministre dit que je semble en train de reprocher au gouvernement de ne pas
avoir négocié. Je maintiens que je pense que le gouvernement a
négocié. Ce que je reproche toujours au gouvernement, c'est de ne
pas avoir donné toutes les informations, le 20 février 1979.
M. Duhaime: Je soulève un point de règlement.
M. le Président, sans que cela soit exhaustif, parce que, les
articles des journaux et les commentaires à la radio ou à la
télévision sont abondants, un éditorial qui a paru le
samedi 7 mai 1983 dans le journal Le Droit d'Ottawa, mentionne... Oui,
Ottawa...
M. Gratton: Ontario, Canada.
M. Duhaime: Oh yes, it is the Capital. Je crois comprendre
l'embarras confus, mais
je vais simplement me contenter des titres, je suis convaincu que vous
faites la lecture de toutes ces choses tous les jours. Le premier
éditorial était Le truc de Duplessis. En fait, je vais le citer.
"Faisant que, trop soucieux d'étaler pour le plaisir des
téléspectateurs leurs talents d'inquisiteurs sans scrupule les
libéraux ont depuis belle lurette délaissé l'objet
essentiel de la commission parlementaire - C'est exactement ce qui se produit
encore aujourd'hui - (ses deux questions centrales) pour s'adonner à un
"déculottage" systématique et sans merci de tous les
témoins amenés. Bien sûr, ils en ont presque tout le
loisir. Ils se battent théoriquement dans l'intérêt commun.
Jouissant de l'immunité parlementaire, ils sont aussi membres d'une
institution souveraine. Enfin, faute de pouvoir fournir une
démonstration claire de ce qu'ils avancent, ils sont bien obligés
de faire flèche de tout bois et de jouer d'associations."
Je pense que Mme Johannes Martin Godbout était bien
éclairée lorsqu'elle a été inspirée en
écrivant cet éditorial. Et c'était le 7 mai, M. le
Président. Son dernier paragraphe disait...
M. Gratton: Est-ce que le ministre me promet de ne pas la
fustiger, si elle a un point de vue contraire la semaine prochaine?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député de Gatineau, vous avez
demandé...
M. Gratton: Parce que je lui reconnais le droit d'écrire
ce qu'elle pense, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député, M. le député, M. le
député. Effectivement... M. le député. C'est
justement. En vertu de l'article 100 c'est le ministre... S'il vous
plaît. En vertu de l'article 100 c'est le ministre qui a la parole,
laissez-la lui. M. le ministre.
M. Duhaime: Alors, voici le dernier paragraphe du journal Le
Droit du samedi 7 mai, et je vous fais remarquer que nous sommes aujourd'hui le
24. "Il est temps de mettre fin à cette foire. Et d'ici à ce
qu'on s'y résigne, l'Opposition officielle devra retrouver sa
dignité. Sinon, elle perdra sa peine." Ma conclusion, M. le
Président, c'est que ce message du journal Le Droit n'a pas
été entendu.
Dans le journal Le Quotidien, qui est publié dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le lundi le 16 mai à une
semaine d'intervalle. Le titre est: Le "show" du saccage de LG 2 a assez
duré. Je vais citer passage d'un éditorial de M.
Charles-Julien
Gauvin: "Cette futile tentative de faire passer le premier ministre pour
menteur est cousue de fil blanc puisqu'à la fin les gens se diront que
M. Lévesque a été élu pour prendre des
décisions et qu'il était normal qu'il dise, à un moment
donné, quelque cinq ou six ans après la commission du saccage,
qu'il était temps que cette affaire se règle. D'autant plus que
personne ne pouvait réclamer que de pauvres travailleurs
syndiqués qui n'avaient pas participé au saccage aient à
payer une trentaine de millions de dollars pour réparer les
dégâts et compenser pour les pertes subies par
Hydro-Québec. Pouvait-on décemment, logiquement et lucidement
croire qu'un syndicat puisse supporter une telle dette et l'honorer?"
Plus près de nous, M. le Président, dans le journal Le
Devoir du samedi 21 mai 1983, je crois que c'est sous la rubrique, non pas un
éditorial, mais sous la rubrique des idées et des
événements, chronique des capitales, par M. Gilles Lesage, le
titre, puisque vous ne l'avez pas lu, est: D'inquiétants chasseurs de
têtes.
Il y a quelque chose d'inspirant pour les libéraux dans cet
éditorial, M. le Président, puisque cela démontre, au
jugement de M. Lesage, que les libéraux sont capables de travailler en
équipe, de fouiller un dossier à fond et de le garder sur la
place publique. Là-dessus, je dois dire: Chapeaul Mission accomplie, si
c'était là votre tentative.
Une voix: Merci.
M. Duhaime: Quand je parle d'une opération de
"repositionnement", M. le Président, je comprends l'Opposition
libérale d'être déçue et d'alimenter la chronique
avec des commentaires à tout bout de champ. Je me serais passé du
mien, je l'avoue.
M. Lalonde: Nous aussi.
M. Duhaime: Mais... Je sais que le député de
Marguerite-Bourgeoys se serait également passé de mes remarques.
J'aurais préféré les faire à la fin mais, mon Dieu
Seigneur! si vous n'avez plus rien à demander, est-ce que vous voulez
proposer qu'on ajourne nos travaux plutôt que de nous faire perdre notre
temps?
M. Lalonde: ...des menaces?
M. Duhaime: Non, ce ne sont pas des menaces. C'est simplement un
appel à ce que j'appellerais un minimum d'intelligence et il
m'apparaît, M. le Président, et on en a eu la démonstration
depuis le matin, on tourne autour, on revient en arrière avec
systématiquement les mêmes questions que, finalement, on n'a pas
avancé d'un seul millimètre. Si les libéraux sont
déçus, parce
que les réponses qui viennent ne sont pas celles qu'ils
attendaient, c'est une autre question. Mais je voudrais tout simplement dire,
M. le Président, et je vais terminer là-dessus, que
l'intérêt public dont on fait grand état depuis ce matin a
été sauvegardé et très bien protégé
lorsque le premier ministre a fait valoir, à la demande du
président du conseil d'administration, M. Saulnier, à la
suggestion de M. Giroux, lors de la rencontre du 1er février, quel
était le sentiment du premier ministre. (16 h 45)
Le premier ministre a dit que, quant à lui, il était
favorable à un règlement hors cour. Si vous cherchez midi
à quatorze heures sur un dossier qui, à mon sens, est d'une
grande simplicité, vous allez le regretter longtemps. Vous ne ferez
inventer des réponses à personne. Toute la thèse,
l'échafaudage et l'hypothèse des libéraux, cela tient sur
les données suivantes: cela voudrait dire, si cela est vrai, que six
membres du conseil d'administration de la SEBJ, suivant l'article de la Presse
du 17 mars, ont cédé à d'ultimes pressions du premier
ministre ou de son bureau. Cela veut dire qu'il y en a au moins six qui,
lorsqu'ils sont venus ici devant la commission parlementaire, ont dit le
contraire de la vérité sous serment.
Me Beaulé, procureur du syndicat américain, Mes
Jetté, Cardinal et Aquin, procureurs de la SEBJ ici, en face de nous,
sous leur serment, comme invités de cette commission, et sous leur
serment d'office comme procureurs de leurs clients respectifs, nous ont dit
qu'en aucun moment ils n'ont négocié le règlement hors
cour, ni avec Me Yves Gauthier, ni avec Me Jean-Roch Boivin. Pour que votre
thèse se tienne debout, il faudra que vous affirmiez que tout le monde
s'est parjuré en commission parlementaire et qu'une seule personne a la
vérité, c'est M. Michel Girard, du journal La Presse. Ce
jugement-là, je vous le laisse. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président...
M. Lalonde: Cela n'est pas bien fort!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! À l'ordre! M. le député, M. le
député de Portneuf... S'il vous plaît, aidez-moi! S'il vous
plaît! M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurai quelques
questions à poser à M. Boivin, chef de cabinet du premier
ministre Lévesque, le bras droit du chef du gouvernement. Je ne lirai
pas des articles de journaux, je ne me limiterai pas, comme le ministre l'a
fait, comme moyen dilatoire probablement, à lire des articles ou des
éditoriaux qui ont été produits. M. Boivin, je dois vous
dire que je n'étais malheureusement pas ici jeudi, lorsque vous avez
comparu devant cette commission. Je n'étais pas à la pêche.
Vous comprendrez que - je ne vous demande pas d'appréciation
là-dessus - comme président du caucus, on doit coordonner la
présence des députés dans les régions avec des
problèmes aussi aigus que le chômage et les cessations d'emploi
dans les différentes régions du Québec...
Le Président (M. Jolivet): Cela paraît que... M. le
député, je vais être obligé de vous rappeler
à l'ordre, parce que cela va paraître que vous n'êtes pas
venu depuis longtemps.
M. Pagé: Je viens souvent, mais je n'étais pas ici
jeudi lorsque M. Boivin a témoigné.
Le Président (M. Jolivet): Bon, allez-y!
M. Pagé: Ce matin, j'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt et beaucoup d'attention votre témoignage. J'ai
retenu de votre témoignage - vous pourrez me corriger - que vous n'avez
pas voulu traiter avec vos visiteurs, plus particulièrement les avocats
qui se sont rendus à quelques reprises, à plusieurs reprises,
dois-je dire, à vos bureaux, vous n'avez pas voulu discuter avec eux de
la responsabilité, de la question de responsabilité des
syndicats. C'est le premier aspect que je retiens de votre témoignage,
sur lequel vous pouvez revenir. Vous vous êtes
référé brièvement à l'aspect du dossier qui
est la capacité ou non de payer des défendeurs dans cette cause,
défendeurs qui avaient des locaux au Québec, une affiliation au
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction,
lequel était affilié à la FTQ et une double affiliation
avec les unions internationales situées à Washington. Cet aspect
du dossier de la capacité de payer ou non a été, à
quelques reprises, évoqué. Il a été
évoqué par M. Laliberté, à l'époque, tout
récemment nommé président par le premier ministre et par
le gouvernement comme président de la SEBJ.
M. Laliberté nous a déclaré - vous l'avez
probablement écouté, d'ailleurs, si je me rappelle bien, je crois
que vous étiez présent de façon assez soutenue et
régulière lorsque M. Laliberté a témoigné
dans cette salle - à des questions posées par des
représentants de notre groupe, que, dans son esprit, même si un
jugement intervenait avec un montant substantiel à verser par les
défendeurs à la Société d'énergie de la Baie
James, ou encore si un règlement hors cour intervenait, prévoyant
le versement d'un
montant substantiel, il aurait fallu plusieurs années pour
être remboursé. M. Laliberté avait évoqué la
question de 0,01 $ l'heure qui était versé à ce
moment-là. Je présume - c'est là le sens de ma
première question -que, dans les discussions que vous avez eues avec M.
Laliberté, président du conseil d'administration de la SEBJ, cet
aspect a été discuté.
M. Boivin: M. le Président, j'ai dit à M.
Laliberté qu'il allait de soi que la SEBJ allait vérifier les
prétentions de Me Jasmin, à savoir que ses clients étaient
incapables de payer. Ce qui m'apparaissait très vraisemblable, mais cela
appartenait à la SEBJ de vérifier. Je pense que cela a
été fait, selon un témoignage rendu ici. Je n'ai pas
discuté des choses dont vous avez parlé tantôt.
M. Pagé: En avez-vous discuté ou non avec M.
Laliberté?
M. Boivin: Je n'en ai pas discuté.
M. Pagé: Avec Me Jasmin? Parce que je présume que,
avec Me Jasmin, dans les rencontres qu'il a eues avec vous, cet aspect du
dossier a été discuté. Si j'ai bien compris, ce matin - je
vais tenter de vous citer au mieux - vous avez dit: Je ne veux pas discuter la
question de responsabilité, il n'en est pas question. L'autre aspect
important dans ce dossier, c'était la capacité de payer. Vous me
permettrez d'ajouter à la question: Le premier ministre du
Québec, et plus particulièrement son chef de cabinet, qui est le
chef du cabinet du premier citoyen du Québec, est au fait de plusieurs
dossiers. Je m'attendais et je m'attends toujours que vous nous disiez
aujourd'hui devant cette commission que vous étiez au fait de la
situation budgétaire et de la capacité ou non de payer des
syndicats poursuivis.
M. Boivin: Au risque de vous décevoir, je vais vous
répondre comme j'ai répondu au député de
Mont-Royal, ou plutôt au député de Marguerite-Bourgeoys, la
semaine dernière: Je n'ai pas exigé de preuves documentaires de
la part de Me Jasmin sur la capacité de payer du local 791. De plus,
j'ai entendu de la preuve verbale, c'est-à-dire l'affirmation de Me
Jasmin, qui vaut ce qu'elle vaut, mais à entendre Me Jasmin, il
était payé chaque semaine et cela forçait. Je me disais -
et d'ailleurs je n'en étais pas étonné - si un syndicat en
est rendu à ce point quant au paiement des honoraires de son avocat, il
est évident qu'il est incapable de payer quoi que ce soit à
l'égard d'une dette d'un montant de celui dont on parle ou qu'on
envisageait dans le temps, c'est-à-dire 17 000 000 $ ou 19 000 000 $,
celui que j'avais dans la tête et qui m'avait été transmis
par Me Aquin.
De plus, on peut me faire passer pour imprévoyant, mais je me
sens très à l'aise parce que j'ai dit à M.
Laliberté, dès le 3 janvier - c'est longtemps avant le
règlement et je ne savais pas qu'il allait intervenir à ce moment
-: II va de soi, M. Laliberté, que vous allez vérifier. C'est
tellement évident d'ailleurs qu'avant d'accepter un montant de 100 000 $
ou de 200 000 $ sur un jugement possible d'un montant plus élevé,
j'imagine que le créancier, en l'occurrence la SEBJ, s'informe de la
capacité de payer du défendeur, mais, quant à moi,
d'ailleurs, il s'est révélé ou du moins c'est ce que j'ai
cru entendre ici, que le défendeur dont on parle n'avait pas la
capacité de payer.
M. Pagé: C'est ce que j'ai retenu de votre
témoignage et des réponses que vous avez données à
mes collègues par la lecture des transcriptions, par la réponse
que vous avez donnée à mon honorable collègue de Gatineau,
ce matin. Je dois, M. le Président, vous faire part de ma surprise,
c'est d'ailleurs ce qui explique le pourquoi de ma présence ici, cet
après-midi. Parce qu'il y allait quand même de
l'intérêt public des Québécois. Nous avons...
Le Président (M. Jolivet): Juste un petit problème.
C'est que j'essaie de voir, par rapport à la discussion qu'on a eue
jusqu'à maintenant... Est-ce que vous faites un commentaire ou posez des
questions?
M. Pagé: C'est le préambule à mes
questions.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais justement...
M. Pagé: M. le Président, je m'excuse.
Je demande votre protection contre le député de Duplessis,
il est très agressif cet après-midi.
Le Président (M. Jolivet): Je ne le vois pas pour le
moment.
M. Pagé: II devrait être plus serein.
Le Président (M. Jolivet): Tout ce que j'essaie de faire,
actuellement, c'est de permettre à Me Boivin de pouvoir répondre.
Vous prenez plusieurs minutes pour un préambule un peu trop long,
à mon avis.
M. Pagé: Seulement quelques secondes, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais c'est parce que vous
les agrémentez de vos commentaires. Je veux simplement permettre
à Me Boivin de pouvoir répondre à la question que vous
avez à poser, ce serait
plus simple.
M. Pagé: Et aux commentaires aussi, si c'est possible.
Le Président (M. Jolivet): Sauf qu'on a bien dit ici qu'on
pouvait faire les commentaires après.
M. Pagé: M. Boivin - très brièvement, parce
qu'on est très limité et très restreint dans le
libellé ou la formulation des questions - dois-je comprendre que votre
préoccupation de l'intérêt public des
Québécois ne vous a pas incité à vérifier la
capacité de payer des syndicats?
M. Boivin: Ma compréhension de l'intérêt
public des Québécois n'exigeait pas, selon moi, que je
vérifie moi-même la capacité de payer des
défendeurs.
M. Pagé: Vous avez fait part, tout à l'heure, de
représentations verbales de Me Jasmin. Est-ce que Me Jasmin s'est
montré disposé à produire, pour vous, des documents et des
informations contenues dans des textes évoquant ou témoignant de
l'incapacité de payer des syndicats?
M. Boivin: On me l'a offert et j'ai répondu que je ne
voulais pas les voir, que cela regardait la SEBJ.
M. Pagé: Vers quelle date vous en a-t-il offert?
M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, je dirais que c'est en
janvier.
M. Pagé: Dois-je comprendre de vos questions que, comme
chef de cabinet...
Le Président (M. Jolivet): De vos réponses.
M. Pagé: Dois-je comprendre de vos réponses que,
comme chef de cabinet du premier ministre du Québec, vous n'êtes
pas du tout au fait ni au courant des entrées d'argent des locaux
poursuivis de la FTQ ou du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction? Vous n'êtes pas au courant de
cela?
M. Boivin: Des entrées actuelles?
M. Pagé: Février 1979, année 1978,
entrées actuelles.
M. Rodrigue: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, cette façon de poser
les questions, à mon sens, contrevient carrément à
l'article 168 de notre règlement. Le député fait une
déduction qui est la sienne, impute des motifs ou un comportement
à l'invité qui est devant nous et, finalement, après avoir
étalé, à toutes fins utiles, ce qui est une forme
d'accusation de sa part sur la façon qu'a notre invité de remplir
ses fonctions; après, il lui glisse une petite question, tout
simplement, pour enrober le tout. Mais, à ce moment-ci, il ne s'agit pas
d'une question, il s'agit d'un commentaire de sa part sur la façon qu'a
notre invité de remplir ses fonctions. Je vous soumets respectueusement
que cela ne le regarde pas.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est une question de règlement. Le
député de Vimont voulait faire son petit tour de piste, c'est
fait. Cela me rappelle un peu ce qu'on écrivait - je ne pourrais pas
faire la lecture maintenant de tous les...
Le Président (M. Jolivet): Non, d'ailleurs, c'est
impossible pour vous pour le moment.
M. Lalonde: C'est cela. Quand on dit que...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne l'ai pas permis au ministre et je ne vous le permettrai pas à vous
non plus.
M. Lalonde: Non, M. le Président, d'ailleurs...
Le Président (M. Jolivet): C'est parce que c'était
en regard des questions posées par le député de Portneuf.
S'il y avait une question de règlement, je vous la permettrais.
M. Lalonde: Oui, c'est sur la question de règlement du
député de Vimont...
Le Président (M. Jolivet): Allez-y.
M. Lalonde: ...qui dit qu'il n'y avait pas de question dans
l'intervention du député de Portneuf. Il y avait une question.
Dois-je comprendre...
M. Rodrigue: II a porté un jugement.
M. Lalonde: ...que vous n'étiez pas au courant? C'est
exactement la même question qui a été permise cent fois,
ici. Est-ce que vous étiez au courant? Dois-je comprendre
que vous n'étiez pas au courant? C'est ce qui, M. le
Président, me fait penser qu'il faut dire que les péquistes font
bien piètre figure à côté des libéraux
à cette commission... (17 heures)
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député, je n'ai permis en aucune façon au ministre de
faire quelque allusion que ce soit à des éditoriaux, à
moins qu'il fasse un commentaire, et vous n'avez pas le droit de parole pour
faire un commentaire.
M. Lalonde: Vous avez raison, cela va de soi.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député, en reprenant votre question, s'il vous plaît!
M. Pagé: Dois-je comprendre que, vous, comme chef de
cabinet du premier ministre du Québec, premier citoyen du Québec,
chef du gouvernement...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
j'ai demandé que vous reposiez votre question pour éviter
justement l'interruption qu'on a eue au niveau de la question de
règlement, qui était à mon avis...
M. Pagé: J'ai cru comprendre que l'interruption
n'était pas recevable.
Le Président (M. Jolivet): Non, ce n'est pas ce que j'ai
dit. J'ai demandé de reposer votre question, ce qui sous-entendait
qu'effectivement elle n'était pas recevable.
M. Pagé: Je vais vous en adresser une. Voulez-vous que je
la pose de la même façon ou différemment?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne suis pas ici pour niaiser.
M. Pagé: M. le Président, je m'excuse; je ne suis
pas ici pour niaiser mais j'ai des questions à poser.
Le Président (M. Jolivet): Mais de la façon que
vous la posez, c'est un peu...
M. Pagé: Cela fait trois minutes... M. le
Président, je m'excuse...
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas à vous
excuser et je ne m'excuserai pas non plus, mais la façon dont vous avez
posé la question n'était pas, envers la présidence,
quelque chose de raisonnable. Si vous voulez poser la question, posez-la.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): ...non, non,
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, je comprends que la
façon qu'ont certains députés de ce
côté-là comme de ce côté-ci de
l'Assemblée de poser des questions ou de s'exprimer puisse vous
déplaire personnellement, cela arrive à tout le monde. Il me
semble, M. le Président, que ce genre de remarque, c'est-à-dire
de parler de niaisage, va complètement à l'encontre du
règlement de la part de quelque membre de cette commission...
Le Président (M. Jolivet): ...incluant le
président.
M. Gratton: Oui.
Le Président (M. Jolivet): J'ai bien compris d'ailleurs et
c'est pour cela que j'ai demandé au député de Portneuf de
reposer sa question mais pas de le faire comme il l'a fait. M. le
député de Portneuf, posez votre question, s'il vous
plaît!
M. Pagé: M. le Président, cela fait cinq minutes
que j'ai commencé, je n'ai pas abusé du temps encore et j'ai
plusieurs questions.
Le Président (M. Jolivet): Allez.
M. Pagé: Dans votre déclaration initiale, vous
dites à la page 2, et je vous cite, M. le chef de cabinet, c'est vous
qui parlez: "4.4 Afin de me former une opinion, j'ai écouté les
représentations de MM. Laberge, Beaulé et Jasmin. J'ai pris des
informations au sujet de la poursuite auprès du bureau d'avocats
Geoffrion et Prud'homme et, finalement, j'ai lu le rapport Cliche. J'en suis
venu à la conclusion qu'il devrait y avoir règlement hors cour
pour les raisons suivantes: a) premier point invoqué par vous au soutien
de votre position à l'effet qu'il devait y avoir un règlement
hors cour, l'incapacité évidente des syndicats
québécois défendeurs de payer une somme d'argent qui
puisse avoir quelque rapport que ce soit avec le montant réel des
dommages."
Je vous demande où vous avez puisé vos informations, sur
quoi vous vous êtes appuyé pour en arriver à un tel
jugement. Je vous demandais en addenda, comme chef de cabinet du premier
ministre, si vous étiez au fait de la situation budgétaire, des
entrées d'argent des syndicats poursuivis, du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction et, de la FTQ à
laquelle le conseil était affilié. Ce n'est pas plus
compliqué que cela.
M. Boivin: Je ne référerais pas à la FTQ
dans ce paragraphe, à la FTQ comme centrale. À tort ou à
raison, j'ai acquis la conviction intime à ce moment-là que les
défendeurs étaient incapables de payer quelque montant d'argent
ayant quelque rapport que ce soit avec le montant réel des dommages
parce que ma connaissance en général des syndicats - il
s'agissait ici d'un syndicat local - les affirmations de Me Jasmin et surtout
ce qui me donnait toute police d'assurance, j'ai dit à M.
Laliberté: II va de soi que vous allez vérifier cet aspect...
Je présume - je dis bien je présume -que ma conviction
n'était pas si fausse puisque la capacité de payer, j'imagine,
doit avoir une relation quelconque avec le montant du jugement intervenu.
J'imagine que la capacité de payer n'était pas si extraordinaire
que cela puisqu'on a réglé pour 200 000 $. Ce n'est pas moi qui
ai vérifié, c'est la SEBJ.
M. Pagé: Comment, M. Boivin, pouvez-vous vous être
appuyé sur l'énoncé de M. Laliberté ou de la SEBJ
que vous avez rencontrée le 3 janvier, alors que le rapport verbal et
votre opinion ont été faits au premier ministre avant le
congé de Noël, tel que vous le mentionnez au point 5?
M. Boivin: J'ai dit que c'était une police d'assurance
parce que je vais rencontrer M. Laliberté. C'est évident
qu'après avoir parlé au premier ministre, il faut que je parle
à la SEBJ puisqu'il m'en donne le mandat. C'est évident que je
vais lui dire des choses semblables. C'est évident que je vais lui dire:
S'ils sont millionnaires, ne réglez pas pour 200 000 $. Ce n'est pas
cela que j'ai dit. J'ai dit: Ils prétendent qu'ils sont absolument
incapables de payer un montant de cette nature; il va de soi que vous alliez
vérifier.
M. Pagé: Selon les informations que vous possédiez
à ce moment-là de la capacité de payer des syndicats,
est-ce que, dans votre esprit à vous, la capacité se limitait,
comme l'a énoncé M. Laliberté, à un cent l'heure
travaillée par employé affilié au 791 et...?
Le Président (M. Jolivet): Question irrecevable, M. le
député. C'est une question d'opinion.
M. Lalonde: Pas du tout, M. le Président, c'est une
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Répétez-la pour
être sûr. J'ai bien compris que vous demandiez cela par rapport
à ce que M. Laliberté a dit. Si vous répétez votre
question, peut-être qu'on verra. Mais...
M. Pagé: Je vais répéter, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, merci.
M. Pagé: Le tout humblement et respectueusement...
M. Laliberté nous a indiqué que la capacité de
payer des syndicats reposait sur une contribution de un cent l'heure
travaillée par travailleur affilié aux deux locaux et que cela
allait prendre 30 ans.
M. Boivin: Je n'ai jamais...
M. Pagé: Aviez-vous la même opinion?
M. Boivin: Je n'ai jamais fait de calcul de cet ordre-là
pour la simple raison, de toute façon, que cela pénaliserait
indûment les membres futurs du syndicat. Et, moi, j'étais contre,
c'est l'une des raisons, la non-responsabilité de la très grande
majorité des syndiqués ordinaires de ces mêmes syndicats,
présents et futurs. Mais, je n'ai jamais fait de calcul de cet
ordre-là, ni de cette nature.
M. Pagé: Dans une réponse précédente,
vous indiquez que vous vous êtes appuyé sur le jugement de la
SEBJ, M. Laliberté, leurs commentaires, leur attitude, leur prise de
position, etc. Est-ce que M. Laliberté, lorsqu'il a fait
référence à la capacité de payer des syndicats,
dans les échanges qu'il a eus avec vous en janvier 1979, a fait
référence seulement, comme il l'a fait ici, au cent l'heure
travaillée? C'est ce que je veux savoir.
M. Boivin: II n'y a jamais fait référence avec moi.
M. Laliberté, à moi, ne m'a jamais parlé de la
capacité de payer des syndicats.
M. Pagé: D'accord. M. Boivin, saviez-vous qu'au
début de l'année 1979, alors que le règlement hors cour
est intervenu: poursuite de 32 000 000 $, règlement hors cour, 200 000 $
malgré les frais de 900 000 $ payés par la SEBJ le local 791,
défendeur dans la cause, percevait 19 $ par mois, par travailleur, plus
un cent l'heure versé au Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: M. Boivin, saviez-vous que, pour la même
période, les travailleurs affiliés au local 134, défendeur
dans cette cause, contribuaient sous forme de cotisations syndicales pour deux
fois le taux horaire du salaire payé aux compagnons, ce qui
représente environ 22 $ par mois?
M. Boivin: M. le Président, quand je
parle - je l'ai expliqué, peut-être pas assez clairement
verbalement - des syndicats québécois défendeurs, je
n'englobe pas tous les syndicats québécois défendeurs. En
particulier, je n'englobe pas le 134, parce qu'on m'a dit - je pense que c'est
Me Aquin ou Me Cardinal, ou en tout cas, quelqu'un du bureau de Geoffrion et
Prud'homme - que la responsabilité du 134 - ce sont les charpentiers, si
mon souvenir est bon -
M. Pagé: C'est cela.
M. Boivin: ...était très douteuse. Alors, moi, je
parle toujours des syndicats québécois représentés,
j'aurais dû le dire, par Me Jasmin.
M. Pagé: Le deuxième volet de ma question à
l'égard du local 134...
M. Boivin: Alors, je l'ignore.
M. Pagé: ...deux fois le taux horaire? Vous l'ignorez.
Bon, ce ne sont pas des chiffres en l'air, M. le Président, je fais
référence à un document qui n'est peut-être pas
public, mais que j'ai en ma possession ici. M. Boivin, saviez-vous que dans la
répartition des cotisations syndicales, pour le mois de février
1979, le mois où les avocats allaient vous rencontrer à votre
bureau pour prendre un café, au local 791, seulement pour le mois de
février 1979, le montant prélevé était, pour le
local 791, de 59 510,01 $?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: M. Boivin, saviez-vous que le local 134 voyait
ses revenus mensuels de février 1979 établis, pour un seul mois,
où il n'y a pas le plus haut taux de construction, évidemment, et
d'occupation sur le chantier, à 61 221,37 $, pour le mois?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: Saviez-vous que le Conseil provincial du
Québec des métiers...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. M. le
ministre.
Une voix: Bon, cela ne fait pas son affaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, question de
règlement.
M. Duhaime: Je vais faire une question de règlement, M. le
Président. Sauf erreur, Me Boivin n'est pas comptable
vérificateur. Deuxièmement, les états financiers des
syndicats ont été déposés ici lorsque les
procureurs de la SEBJ ont comparu. Je pense que, quand on regarde des
états financiers, il y a toujours deux colonnes. Il y a un actif et il y
a un passif et, dans le compte d'opération, il y a des revenus et des
dépenses. Alors, c'est bien évident, M. le Président, que,
si on veut avoir le portrait, complet peut-être que le
député de Portneuf pourrait se référer aux
documents qui ont été déposés devant cette
commission et poser ses questions à partir des documents qui sont
à la disposition des membres de la commission et qui reflètent
l'état de solvabilité ou d'insolvabilité, du moins les
états financiers réels des syndicats québécois
impliqués en date de janvier ou février 1979.
M. Gratton: Ce n'est pas une question de règlement.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.
M. Lalonde: Je n'ai pas voulu interrompre le ministre, mais
c'est, de toute évidence, une question de règlement non
fondée. Ce n'est pas des affaires du ministre - je le dis avec tout le
respect que je suis capable de trouver - que le député de
Portneuf pose des questions sur les revenus d'abord. C'est tout à fait
conforme au règlement que le député de Portneuf s'informe
auprès du témoin, à savoir s'il connaissait les sources de
revenu des syndicats... Laissez-le poser des questions. S'il ne les connaissait
pas, on portera notre jugement après. Il a parfaitement le droit de
poser des questions sur la capacité de payer.
Donc, un des éléments importants, c'est les sources de
revenu des syndicats à propros desquels Me Boivin, dans son
mémoire - il l'a répété dans son témoignage
- affirme à plusieurs reprises que l'incapacité de payer
était évidente. Il a qualifié cela en disant un montant
qui a un certain rapport avec la réclamation. C'est tout à fait
conforme au règlement et je ne vois pas ce qui chatouille le ministre
actuellement. Laissez donc les choses se passer, cela va très bien sans
vous.
M. Laplante: M. le Président, sur la même question
de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Sur la même question de
règlement, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Merci. L'invité a répondu à
plusieurs reprises qu'il n'était pas au courant des revenus et de
l'état de solvabilité complète des syndicats. Oui, il l'a
dit, il a dit depuis le début qu'il ne connaissait pas cela...
M. Lalonde: Non, M. le Président, question de
règlement:
M. Laplante: Laissez-moi finir, ce n'est pas un dialogue qu'on
peut faire tous les deux.
M. Lalonde: ...protéger l'invité, protéger
l'invité...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Laplante: Même si le député de Portneuf
dit qu'il n'était pas ici jeudi, ces questions ont été
posées jeudi. Il prend la même attitude que le
député de Gatineau qui était à la pêche
jeudi.
M. Lalonde: Question de règlement, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, vous me compliquez la tâche. Voulez-vous permettre au
député de...
M. Laplante: Pourquoi eux ont-ils la chance de finir leur
question de règlement et, quand cela vient à nous, M. le
Président...
M. Lalonde: Question de règlement.
Une voix: Parce que vous ne vous conformez pas au
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Non, non, M. le
député de Bourassa, cela m'arrive à plusieurs... M. le
député de Bourassa, je m'excuse; encore une fois, vous faites
envers la présidence un jugement qui n'est pas correct.
M. Laplante: Je m'excuse, je ne voulais pas m'adresser à
vous surtout.
Le Président (M. Jolivet): Non, mais j'ai senti la
pointe.
M. Laplante: Ah! Si vous l'avez sentie, je m'en excuse, M. le
Président. Ce n'était pas méchant, vous le savez.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie beaucoup. Ce
que j'essaie de faire...
Une voix: Retirez votre pointe.
Le Président (M. Jolivet): Ce que j'essaie de faire
actuellement, c'est qu'on ne mette pas dans la bouche de notre invité
des choses qu'il n'a pas dites. Je pense que le danger, c'est de faire en sorte
qu'au bout de la course il n'ait même pas la chance de s'expliquer. C'est
plutôt à lui de s'expliquer sur les questions qui sont
posées. Cependant, je conçois aussi actuellement - notre
invité pourra le dire - qu'il a répondu à la
première question et que les sous-questions additionnelles que vous
posez ont le même but, soit de lui faire dire toujours non à la
question puisqu'il a dit que dans l'ensemble c'était non. Je veux juste
savoir.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement.
Le Président (M. Jolivet): Brièvement, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Je vais continuer en tentant d'être bref.
Pour répondre au ministre qui référait au bilan
déposé par les syndicats, les états financiers, je dois
lui dire que je me réfère ici à des documents qui ne
proviennent pas des syndicats mais plutôt de l'Office de la construction
du Québec, qui est de la juridiction du gouvernement du Québec
à ma connnaissance.
M. Lalonde: Vous ne l'avez pas?
M. Pagé: M. Boivin, pouvez-vous nous indiquer si vous
saviez qu'il s'est effectivement travaillé, pour le mois février
1979, 5 225 682 heures, ce qui faisait, à 0,01$ l'heure, un revenu pour
le conseil provincial de 52 226,82 $ pour ce mois-là? (17 h 15)
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: On a vu le mois de février. Prenons
l'année maintenant. Prenons l'année 1978.
M. Boivin: Cela va être non pour toute l'année.
M. Pagé: M. le Président, il faut attendre les
questions avant de répondre.
M. Tremblay: II vous en donne plus que vous en demandez.
M. Pagé: Local 791, revenus pour l'année 1978: 1
347 870,92 $. Le saviez-vous?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: Local 134, revenus pour l'année 1978: 957
117,60 $.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction pour l'année 1978: 865 296,26 $.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: Saviez-vous pour ce volet, toujours pour
l'année 1978, que les syndicats, les locaux affiliés à la
FTQ ont versé pour l'année 1978, 10 022 767,66 $?
M. Boivin: Ils ont versé cela à quel titre?
M. Pagé: Les employés, comme cotisations
syndicales.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Pagé: Ce qui fait 835 230,58 $ d'entrée d'argent
par mois. Vous a-t-on déjà sensibilisé au fait qu'un
règlement hors cour qui serait intervenu pour 6 000 000 $, tout de
même un peu plus que 200 000 $, c'est donc dire environ 1 $ par
Québécois et par Québécoise, avec le reste à
payer et à souffrir par ces mêmes Québécois,
c'est-à-dire entre 6 000 000 $ et 32 000 000 $... Vous a-t-on
déjà sensibilisé au fait que de doubler les cotisations
syndicales pour l'indemnité de 6 000 000 $ à la suite d'un
saccage évalué à 30 000 000 $ à la Baie-James cela
aurait pris sept mois et une semaine pour les payer, ces 6 000 000 $?
M. Boivin: Cela aurait peut-être pris moins que cela, parce
que Me Aquin dit que c'était évalué à 17 000 000 $.
C'est l'avocat de la SEBJ.
M. Pagé: Oui, mais à 6 000 000 $ de
règlement hors cour, cela aurait pris sept mois et une semaine.
M. Boivin: On ne m'a jamais sensibilisé à cela, M.
le Président.
M. Pagé: Est-ce que votre jugement aurait
été le même si on vous avait sensibilisé?
M. Duhaime: Je vais réitérer une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Boivin: II n'aurait pas été différent,
j'aurais trouvé cela injuste.
M. Pagé: Vous auriez tout de même
réglé à 200 000 $.
M. Boivin: Je ne me suis jamais prononcé, vous devriez
être juste envers moi.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Pagé: Vous auriez recommandé... Le
Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Boivin: Je n'ai pas recommandé de régler
à 200 000 $.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. M. le
député. Me Boivin! Me Boivin! Me Boivin!
M. Boivin: ...à un conseil d'administration d'une
société d'État d'apprécier la capacité de
payer des défendeurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie.
Juste un instant, M. le député de Portneuf.
M. le ministre, sur une question de règlement.
M. Duhaime: J'ai fait une question de règlement tout
à l'heure. J'avais pensé qu'elle serait retenue. Je vais en
formuler une seconde tout simplement pour illustrer que. le
député de Portneuf à partir de chiffres et de documents
qui viennent Dieu sait d'où, je n'ai aucune espèce de copie...
Ceci consiste essentiellement à dire à un témoin qui est
loin à mon sens d'être le témoin idéal pour statuer
sur l'état des revenus bruts d'un syndicat, mais je pense que cela fait
partie de la manoeuvre: On ne fait état que des revenus bruts, on ne
parle même pas des montants d'argent qui devaient être
versés à l'union internationale aux États-Unis.
M. Tremblay: Tous des spécialistes dans cela.
M. Duhaime: On n'a aucune espèce d'idée des
dépenses.
M. Tremblay: Tous des bons dans cela.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: Ensuite, on fait un petit échafaudage en
disant: Cela va faire tant de cents l'heure par travailleur. Franchement si
vous n'avez pas d'autres choses à dire, pourquoi ne retournez-vous pas
à la pêche, au lieu de nous faire perdre notre temps ici en
commission parlementaire?
M. Pagé: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, je vais les
prendre un par un.
M. Pagé: À l'égard de la pertinence des
documents.
Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord.
Le député de Portneuf, sur la question de la pertinence.
J'ai cru comprendre qu'il a dit que cela venait de l'Office de la construction
du Québec.
M. Pagé: M. le Président, je ne voudrais pas...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: ...et loin de moi l'intention de faire en sorte
que la pression de l'honorable député de Saint-Maurice augmente
et qu'elle monte au point où il doive se fâcher comme il le fait
de façon assez disgracieuse.
M. Duhaime: Vous n'avez pas de ride, vous.
Le Président (M. Jolivet): M. le député. M.
le député de Portneuf.
M. Pagé: Je voudrais lui dire seulement ceci. Le ministre
de l'Énergie et des Ressources devrait référer au document
de l'Office de la construction du Québec. Appelez donc votre
collègue, M. Fréchette, ministre du Travail et il va vous les
produire, les documents.
M. Gratton: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, sur une question de règlement.
M. Gratton: Je viens de constater que vous dites au
député de Portneuf: Cela va, c'est assez, alors que lorsque le
ministre lui-même a prétendu intervenir sur une question de
règlement, qui, à mon avis, n'en était pas une, comme
c'est la plupart du temps le cas dans ses questions de règlement. Si le
ministre a une opinion différente de celle du député de
Portneuf, ou de quelque membre de la commission, qu'il demande le droit de
parole, qu'il pose les questions qui vont l'amener ou qu'il fasse les
commentaires qu'il voudra pour rectifier les faits. Mais pendant qu'un
député, que ce soit le député de Portneuf ou un
autre, tente de mettre des choses en preuve en posant des questions si ces
questions sont recevables, M. le Président...
M. Duhaime: II n'y a rien en preuve. Cela fait cinq minutes qu'il
dit non.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Gratton: Si ses questions sont recevables, M. le
Président, le ministre n'a pas d'affaire à venir argumenter en
soulevant des questions de règlement qui n'en sont pas.
Le Président (M. Jolivet): Mais, M. le
député...
M. Gratton: Le ministre aurait eu avantage à aller
à la pêche en fin de semaine. Il serait pas mal moins de mauvaise
humeur aujourd'hui et il ferait un bien meilleur travail.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, c'est justement cette partie que j'ai demandé... Un instant,
on va y aller tranquillement: Un instant! C'est justement, le
député de Portneuf m'avait demandé de rectifier un fait
qui était la pertinence des documents, mais ce qu'il a ajouté
après n'était pas dans sa question de règlement et c'est
pour cela que je l'ai arrêté, de la même façon que je
l'avais fait pour le député de Bourassa.
M. Duhaime: Sur la question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Maintenant, si c'est sur la
question de règlement pour la fin de l'intervention du
député de Gatineau, M. le ministre, on pourrait se
l'éviter.
Une voix: Oui.
M. Duhaime: Oui, mais je voudrais en revenir à la
façon de procéder du député de Portneuf, M. le
Président.
M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement, M. le
Président.
M. Duhaime: Ce n'est pas vous qui allez décider cela.
M. Lalonde: Cela ne peut être une question de
règlement, M. le Président, parce que vous n'avez pas
déclaré ses questions irrecevables. Elles ont été
posées et on a reçu des réponses. Le ministre est en
retard au moins.
M. Duhaime: Non, non. Il n'est pas en retard le ministre.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! II y a
juste...
M. Duhaime: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, mais avant... C'est
parce que, pour la deuxième occasion, on fait patienter Me Boivin,
alors... S'il vous plaît! ...alors qu'on pourrait facilement, je pense,
terminer d'ici à 18 heures.
M. Lalonde: On aurait pu, avec cette flopée de
"back-benchers"...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Sur la question de règlement. Je me suis
opposé, il y a cinq ou six minutes, à cette façon parce
que je craignais la conclusion. Le député de Portneuf, en voulant
poser une autre question, dit: II est maintenant mis en preuve que. Il a
posé dix questions, Me Boivin a répondu dix fois non et,
d'après lui, c'est maintenant en preuve.
Je pense, M. le Président, que ce qu'il faudrait qu'on
fasse...
M. Lalonde: C'est en preuve qu'il s'est...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre! M. le ministre.
M. Duhaime: ...aux documents qui ont été
déposés devant la commission...
M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement. C'est
une question d'argumentation.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Lalonde: C'est de l'argumentation qu'il est en train de
faire.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre! Arrêtez! Arrêtez! Arrêtez! S'il
vous plaît!
M. Duhaime: Est-ce que je peux faire ma question de
règlement, M. le Président?
Le Président (M. Jolivet): Je vais l'entendre, mais
d'abord je vais calmer... M. le député de Marguerite-Bourgeoys!
S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de
règlement à soulever maintenant.
M. Duhaime: Je suis déjà sur une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui. J'ai un problème.
J'ai un problème quand vous me demandez deux fois à deux
occasions différentes une question de règlement.
Une voix: Qui n'en est pas une.
Le Président (M. Jolivet): Laissez-moi la chance... S'il
vous plaît! Merci. M. le ministre, comme j'ai une autre question de
règlement à ma gauche, je vais l'entendre. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre vient de dire que
le député de Portneuf a mis en preuve des documents, des
informations. Ce qui a été mis en preuve par le
député de Portneuf, et je ne pense pas qu'il prétendait le
faire autrement, c'est que le témoin ne connaissait pas les informations
qui étaient contenues dans les questions du député.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, le problème que je vais avoir, c'est que vous
allez donner au ministre une porte très grande ouverte mais je ne
voudrais en aucune façon que vous argumentiez...
M. Lalonde: Ce que le ministre s'apprête à faire,
c'est argumenter...
Le Président (M. Jolivet): Je vais voir, je ne l'ai pas
entendu. C'est pour cela que je vous dis que je vais commencer... Je vous ai
laissé aller parce que vous aviez une vraie question de règlement
vous aussi, mais vous me dites que le ministre n'en a pas et d'autres vont me
dire que vous n'en avez pas. Je pense qu'on réglerait le problème
rapidement... J'ai cru comprendre que le député de Portneuf avait
terminé et passait à une autre série...
M. Pagé: Je n'ai pas terminé.
Le Président (M. Jolivet): Laissez-moi terminer. Oui, je
sais que vous n'avez pas terminé votre droit de parole. Ce que j'ai
compris, c'est que vous en aviez terminé avec les questions concernant
cette partie.
M. Pagé: C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): J'ai bien compris. Si on
nous... S'il vous plaît! Si on nous permet de passer et de
continuer, on va pouvoir terminer. Sinon, si on pose une série de
questions de règlement, on ne terminera jamais. Est-ce que, M. le
ministre, vous maintenez toujours votre question de règlement?
M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je voudrais la terminer.
Si ce n'est pas inscrit dans notre règlement, il faudrait l'amender
parce que la règle du gros bon sens devrait être l'article premier
du règlement.
Le Président (M. Jolivet): Ce que
j'essaie de faire depuis longtemps d'ailleurs.
M. Duhaime: Le Il décembre 1978, Me Jean-Paul Cardinal, du
bureau de Geoffrion et Prud'homme, a adressé une lettre à Me
Gadbois. C'est devant la commission et c'est déposé.
M. Lalonde: C'est de l'argumentation, M. le Président.
C'est de l'argumentation. C'est en preuve, c'est déjà en
preuve.
M. Duhaime: Est-ce que je peux terminer ma question de
règlement?
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
s'il vous plaît!
M. Lalonde: C'est de l'argumentation et je ne vous permettrai pas
de faire de l'argumentation, à moins que vous ayez le droit de
parole.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Une voix: Vous n'avez rien à interdire à qui que ce
soit.
M. Lalonde: Certainement, parce que le règlement
l'interdit!
M. Duhaime: Ce n'est pas vous qui interdisez ici.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre! M. le ministre, si vous aviez une vraie question de
règlement, je pourrais vous la permettre mais, pour le moment, j'ai
l'impression qu'on va ouvrir un débat que je ne veux pas. Je permettrais
plutôt au député de Portneuf de continuer avec ses
questions.
M. Duhaime: M. le Président, je vais terminer ma question
de règlement, si vous le permettez.
M. Pagé: Merci, M. le Président....
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le ministre.
M. Lalonde: Non, non, la décision a été
rendue.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Duhaime: ...des entreprises...
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'ai une
très brève question. M. Boivin, étiez-vous présent
à la rencontre du mois de juin 1978 où les membres de
l'exécutif de la FTQ, c'est-à-dire M. Laberge, M. Daoust, M.
Lajoie, M. Dumoulin, M. Dean, M. Laramée ont rencontré le
premier ministre?
M. Boivin: J'ai dit que je croyais me souvenir d'une telle
rencontre. On n'avait pas dit avec le premier ministre mais il me semble qu'il
y en a eu une avec le premier ministre au sujet de la loi concernant
l'industrie de la construction; j'ai dit que je ne pouvais pas jurer que toutes
les personnes énumérées étaient là. Il me
semble qu'une très forte majorité d'entre elles était
là.
M. Pagé: C'est au moment de l'étude de la loi
52.
M. Boivin: C'est ce qu'on m'a... Je ne savais pas que
c'était au mois de juin mais puisqu'on me dit que c'est en juin ou
à l'été 1978... Je sais qu'il y a eu une rencontre.
M. Pagé: La loi 52 a été adoptée en
juin.
M. Boivin: Je sais qu'il y a eu une rencontre avec le premier
ministre, à laquelle j'assistais, relativement à cette loi.
M. Pagé: Est-ce qu'il a été question du
règlement hors cour?
M. Boivin: J'ai dit que, s'il en a été question, je
ne m'en souvenais pas. S'il en avait été question, c'était
simplement en passant parce que ce n'était certainement pas l'objet de
la réunion. La réunion a été assez longue et a
porté sur la loi 52.
M. Pagé: M. le Président, un très bref
commentaire à l'égard des réponses que M. Boivin a
données à mes questions. Je dois vous exprimer ma surprise, non
seulement comme député, mais comme citoyen et contribuable du
Québec et aussi comme député qui a à
représenter 60 000 personnes dans mon comté, que le chef de
cabinet du premier ministre du Québec, le bras droit du premier citoyen
ne soit pas au fait ou ne prenne pas les moyens pour s'enquérir
auprès des autorités, même des autorités
gouvernementales, informations auxquelles il a accès...
M. Laplante: M. le Président, écoutez un peu.
Est-ce qu'on peut faire la morale...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Juste un
instant.
M. Laplante: C'est une directive, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, oui, M. le
député de Bourassa.
M. Lalonde: Allez.
M. Laplante: Est-ce qu'on peut se permettre à ce moment-ci
des travaux de faire la morale à chaque invité qui vient ici
quand on a fini les interventions? Cela me paraît indécent. Chacun
finit ses questions, on commence tout de suite après cela des petites
leçons de morale vis-à-vis de l'invité. Il me semble que
cela ne peut pas fonctionner à une commission parlementaire. C'est une
directive que je vous demande pour arrêter cela. C'est un abus
épouvantable.
M. Lalonde: Vous serez bien noté au bureau du premier
ministre, M. le député de Bourassa.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys...
M. Laplante: Démissionnez, si vous avez des choses. Mettez
vos sièges en jeu. C'est tout ce que vous avez à faire.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lalonde: Félicitations!
Le Président (M. Jolivet): J'ai juste un commentaire
à faire, c'est que je n'utiliserai aucun mot qui pourrait être
l'objet d'une manchette. Je ferai simplement en sorte que les gens qui nous
écoutent soient les juges de ce qui se passe dans cette commission. M.
le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, j'en étais
à vous exprimer ma surprise comme député et même
comme citoyen, de constater qu'à la lumière des réponses
qu'il a bien voulu me donner, le chef de cabinet du premier ministre, alors
qu'il y avait des échanges sur l'opportunité ou non de
régler hors cour, sur la capacité de payer ou non des syndicats
défendeurs dans cette cause, le chef de cabinet du premier ministre, le
bras droit du premier citoyen du Québec et chef du gouvernement et chef
de l'Exécutif n'ait pas pris les moyens dont il disposait pour
s'enquérir et obtenir l'information pertinente, non pas à
l'intérieur des centrales syndicales, mais l'information qui
était colligée à l'Office de la construction du
Québec. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre du temps aurait pu
en l'espace d'une demi-journée informer adéquatement le cabinet
du premier ministre, informer adéquatement le chef de cabinet de
celui-ci des entrées d'argent, de la capacité de payer,
c'est-à-dire des revenus des syndicats.
J'ai référé tout à l'heure à
l'hypothèse ou aux éléments qui avaient peut-être
été portés à son attention, en mentionnant un
montant de règlement hors cour de 6 000 000 $. Avec une augmentation de
100% des cotisations syndicales, cela n'aurait pas duré pendant 30 ans,
cela aurait duré sept mois et une semaine. Compte tenu que cela n'a pas
été fait, le prix à payer des dommages qui ont
été faits à la Baie-James en 1974, compte tenu de
l'ignorance de ces renseignements, compte tenu de l'incapacité ou du
manque de décision ou de jugement de la part des autorités en
place d'aller chercher cette information qui aurait pu permettre à la
SEBJ, au gouvernement, au premier ministre d'avoir une recommandation
différente de celle qu'il a formulée et même au chef de
cabinet de formuler une recommandation différente de celle qu'il a
formulée. Vous aviez toutes ces informations. Vous auriez pu les
étudier, les analyser et voir, au mérite, la possibilité
d'en arriver à un montant respectable pour un règlement hors cour
et non pas 200 000 $ quand cela a coûté 900 000 $. (17 h 30)
Je termine en vous exprimant ma surprise et ma déception, M. le
chef de cabinet. Je suis très déçu de savoir que les
intérêts du Québec sont entre les mains de gens qui ne
s'informent pas plus que vous dans de telles circonstances. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, à la réflexion,
je dois dire que, si tout à l'heure ce n'était pas le moment de
faire le point parce que vous n'avez pas accueilli ma question de
règlement, je vais profiter de l'occasion pour le faire. Le 27 novembre
1978, on lit, à la page 13 du cahier déposé par la
Société d'énergie de la Baie James: "Affaires
découlant de la 358e réunion du Conseil d'administration. M.
Pierre Laferrière réfère à la résolution
358-02 adoptée à la dernière réunion concernant
l'action de la Compagnie contre Yvon Duhamel et Al. et il mentionne qu'il
aimerait obtenir une documentation sur la capacité de payer de chaque
personne physique ou morale qui est impliquée à titre de
défenderesse dans cette cause ainsi qu'une opinion légale sur les
liens de responsabilité financière de ces diverses parties. Le
secrétaire est chargé de fournir ces renseignements aux membres
du Conseil lors d'une réunion ultérieure."
M. le Président, à la suite de cette demande du 27
novembre 1978, telle qu'elle apparaît au procès-verbal de la
Société d'énergie de la Baie James, les extraits du
procès-verbal du Il décembre 1978 ont été
déposés par M. Laliberté dans un second bloc devant cette
commission. Il y a une lettre, qui est datée du Il décembre 1978,
qui est adressée par Me Jean-Paul Cardinal, du bureau Geoffrion et
Prud'homme, procureurs de la Société d'énergie de la Baie
James. Le
troisième paragraphe est pertinent à notre discussion, en
référant aux savantes questions du député de
Portneuf. Je vais citer la lettre de Me Cardinal à Me Gadbois: "Nos
enquêteurs nous assurent que d'ici à quelques jours nous pourrions
être en mesure de vous donner des informations assez précises sur
la solvabilité du local 791, de l'International Union of Operating
Engineers, de l'Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec, du local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et
menuisiers d'Amérique et du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction. Il est à présumer cependant
que cette solvabilité est extrêmement relative eu égard
à la réclamation...", et la lettre continue en traitant de la
capacité de payer de l'International Union of Operating Engineers.
M. le Président, je crois que les procureurs de la SEBJ, en
exécution du mandat du 27 novembre 1978, de la demande qui avait
été formulée par Me Gadbois comme secrétaire de la
compagnie, ont par la suite fourni des documents qui ont été
transmis suivant ce qui a été établi devant cette
commission par Me Jasmin. La commission n'a pas pris connaissance de ces
documents, mais il est très clair que, lorsqu'on examine un état
financier... Je serais très heureux si, dans le cas
d'Hydro-Québec, par exemple, je n'avais qu'à m'occuper des
revenus et que je n'avais pas besoin de m'occuper des dépenses. Je pense
qu'on deviendrait riche et vite. C'est exactement le cas pour n'importe quelle
corporation comme c'est aussi le cas d'un syndicat.
Ce que le député de Portneuf a tenté de faire, et
j'espère que c'est sans trop de succès, c'est essentiellement,
d'abord, de prendre la totalité des cotisations en termes de revenus
généraux ou de revenus bruts de l'ensemble des syndicats sans
spécifier si tel ou tel syndicat est partie à l'instance, sans
évaluer quel est le lien de responsabilité -parce que la question
du local 134 de la Fraternité unie des charpentiers et des menuisiers
d'Amérique, je n'ai pas encore entendu quelqu'un venir dire ici qu'il
avait une responsabilité quelconque - sans nous dire non plus quelles
sont les dépenses générales de chacun des syndicats
impliqués, en ne mentionnant même pas quelle était la
cotisation qui était prélevée et retournée aux
États-Unis.
Je pense que cette façon de procéder est inadmissible.
Elle consiste à vouloir induire les membres de la commission en erreur
et induire également le public qui écoute les travaux de cette
commission en erreur, laissant entendre que ces syndicats étaient
multimillionnaires, alors qu'ils étaient proprement "cassés", de
l'aveu même des procureurs de la Société d'énergie
de la Baie James. C'est dans ce sens, M. le Président, que je me suis
opposé tantôt, parce que le député de Portneuf est
parti de relevés, sans aucun doute, qui sont déposés
annuellement à l'Assemblée nationale par l'OCQ, suivant la loi.
Ensuite, dans un savant calcul mathématique, il est arrivé
à établir qu'il y avait peut-être là quelques
millions de dollars, mais il faut au moins tenir compte du fait qu'il y a des
dépenses à la colonne de droite, à côté de la
colonne des revenus.
J'ai retenu, du rapport qui a été déposé par
les tuteurs, suivant le témoignage de Me Yves Gauthier - je l'avais en
main tout à l'heure, le rapport de tutelle qui a été
transmis en juin 1978, je crois; il a été déposé
à l'Assemblée nationale le 22 juin 1978 et parlait de la
situation financière de ces syndicats en toutes lettres - que
c'était, pour tout le monde, très clair que c'était tout
près de l'insolvabilité. Cela a été, suivant le
témoignage de Me Yves Gauthier, une des premières missions ou des
premiers objectifs poursuivis par les tuteurs lorsqu'ils ont administré
les affaires du local 791, du local 99 et du local 101, de faire en sorte que
ces syndicats non seulement retrouvent la démocratie syndicale, mais
aussi une espèce de santé financière. Mais je n'ai jamais
entendu dire qu'on pouvait faire une évaluation sur la
solvabilité d'une entreprise, d'un syndicat ou d'une personne physique
en ne tenant compte que de ses revenus généraux. Je pense que le
député de Portneuf aurait dû suivre ou continuer la
performance qu'il a faite ici jeudi dernier, c'est-à-dire être
absent des travaux de la commission. Cela nous aurait aidé, M. le
Président.
M. Lavigne: ...prendre le pouvoir.
Le Président (M. Jolivet): Monsieur, seulement un instant,
j'ai une demande de directive de la part du député de
Châteauguay.
Une voix: Cela va être bon!
M. Dussault: M. le Président, pendant l'intervention du
député de Portneuf, je vous ai demandé la parole; selon le
droit à l'alternance, cela devrait être mon tour. Les remarques de
fin d'intervention du député de Portneuf ont eu pour effet de me
faire perdre mon droit de parole, parce que, portant sur des
prérogatives gouvernementales, vous avez dû donner la parole au
ministre et j'ai perdu mon droit de parole. J'ai une question de directive
à vous poser, M. le Président, à la suite de ce
commentaire. Est-ce que le droit à l'alternance, puisque nous sommes ici
en commission pour clarifier des choses, donc pour poser des questions à
nos invités, ne devrait pas porter sur les questions aux invités
et non sur des interventions du genre
opinion qu'a faites le député de Portneuf? Ceci nous
permettrait, à nous, aux députés ministériels, de
poser des questions et cela empêcherait nos gens d'en face de nous
rappeler que nous n'avons pas de questions à poser. C'est bien
sûr, chaque fois que notre tour vient, on se le fait voler, par le
subterfuge utilisé par les gens d'en face. Je revendique ce droit
à la parole, M. le Président, du moins, avant 18 heures, avant
que nous quittions et que notre invité nous quitte aussi de façon
que, moi aussi, M. le Président, je puisse poser des questions à
cette commission.
Le Président (M. Jolivet): Le seul problème que
j'ai, M. le député, quand je parle de problème, c'est que
de la même façon, il arrive quelquefois que, soit de ma gauche ou
de ma droite, on me donne une liste de noms qui m'aide à donner le droit
de parole, que l'on fasse des échanges et qu'on me dise: J'ai
donné mon nom, mais je voudrais que l'autre procède avant moi. Il
est arrivé, tout à l'heure, la même chose du
côté du Parti libéral, de faire un échange au niveau
des gens. Donc, ce n'est pas avec perte du droit de parole, puisque le droit de
parole existe toujours, mais c'est simplement qu'on fait passer une personne
avant une autre. Quand le ministre me demande d'intervenir à la suite de
commentaires qui sont faits, je n'ai pas le choix, je dois lui donner la
parole. C'est une forme d'alternance. En conséquence, je dois passer au
député de Laprairie, au moment où je vous parle.
M. Dussault: C'est une question de règlement, M. le
Président, je ne voudrais pas remettre en question votre
décision...
Le Président (M. Jolivet): J'espère!
M. Dussault: ...mais est-ce qu'il n'est pas juste que, dans notre
règlement, le ministre peut prendre la parole en tout temps? Et,
à ce moment-là, le fait qu'il intervienne de temps en temps pour
rectifier des choses - c'était d'ailleurs une jolie rectification qu'il
a faite aux propos du député de Portneuf - est-ce que cela ne
doit pas être considéré comme étant quelque chose
qui allait au-delà des droits de parole? Mon tour continuerait
d'exister, M. le Président. Ce serait le mien.
Le Président (M. Jolivet): Malheureusement pas,
l'alternance dit que c'est une personne à ma gauche, une personne
à ma droite et la parole est au député de...
M. Dussault: C'est bien dommage. Je ne voudrais pas en entendre
un de l'autre côté dire qu'on n'a pas de questions à
poser...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
s'il vous plaît! M. le député de Laprairie, à moins
que je n'aie d'autres questions de règlement; j'ai cru comprendre
que...
M. Lalonde: Non, M. le Président, je voulais simplement
dire que le député sera bien noté.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie.
M. Gratton: Vous aviez des questions, mais comme vous ne les
posez pas, vous pouvez partir.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie.
M. Dussault: M. le Président, est-ce que vous avez compris
que je retiens mon tour de parole pour avant 18 heures...
Le Président (M. Jolivet): Oui, si possible avant 18
heures. M. le député de Laprairie.
M. Gratton: Si le ministre...
M. Saintonge: Merci, M. le Président.
M. Gratton: II est habile le ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Merci, M. le Président. M. Boivin, j'aurais
quelques questions à vous poser à partir du mémoire que
vous avez produit jeudi dernier. À la page 2, vous mentionnez ce qui
suit: "Afin de me former une opinion, j'ai écouté les
représentations de MM. Laberge, Beaulé et Jasmin. J'ai pris des
informations au sujet de la poursuite auprès du bureau d'avocats
Geoffrion et Prud'homme et finalement j'ai lu le rapport Cliche. J'en suis venu
à la conclusion qu'il devait y avoir règlement hors cour pour les
raisons suivantes..."
Ce qui m'intéresse à ce moment-ci, c'est les informations
que vous avez prises auprès du bureau Geoffrion et Prud'homme. Vous
mentionniez, à des questions du député de
Marguerite-Bourgeoys, effectivement que vous êtes allé rencontrer
Me Cardinal à son bureau. Vous aviez pris connaissance, vous aviez lu
une opinion, à tout le moins, l'opinion de décembre 1975,
datée du 16 décembre 1975 et écrite par Geoffrion et
Prud'homme. Vous ne vous souvenez pas si vous avez eu copie ou non de
l'opinion?
M. Boivin: C'est juste.
M. Saintonge: Ma première question est sur le fait que,
quand vous vous référez... Dans tout cela, le problème qui
m'intéresse, c'est le lien de causalité entre la SEBJ et les
syndicats américains, le lien de droit entre les deux parties. Quand
vous dites dans votre mémoire, à la page 4, dans un document
déposé devant cette commission parlementaire, que les avocats et
procureurs de la SEBJ écrivent, et je cite toujours: "Cet organisme
international pouvait être engagé à deux points de vue", un
et deux, est-ce que vous pourriez nous indiquer quelles sont les sources de ces
citations?
M. Boivin: C'est le document intitulé "Tableau des
défendeurs dans l'instance". Ce n'est pas le document le plus complet,
mais je trouvais que c'était le résumé le plus court.
Tableau des défendeurs dans l'instance Société
d'énergie de la Baie James contre Yvon Duhamel et autres,
préparé par le cabinet Geoffrion et Prud'homme.
M. Saintonge: Maintenant, M. Boivin, ce tableau-là, est-ce
que vous en avez eu connaissance à l'époque ou simplement...
M. Boivin: Ici, en commission.
M. Saintonge: ...à la suite du dépôt en
commission? La seule opinion dont finalement vous avez pu prendre connaissance,
que vous avez pu examiner avant de faire votre recommandation au premier
ministre, est-ce que je me trompe en disant que c'est l'opinion du 16
décembre 1975?
M. Boivin: Du côté de Geoffrion et Prud'homme,
oui.
M. Saintonge: Les autres sujets, c'était la défense
de Me Beaulé à ce moment-là...
M. Boivin: C'est cela.
M. Saintonge: ...et certains documents auxquels vous vous
êtes référé ce matin. Dans cette opinion du 16
décembre 1975, vous mentionnez que ces avocats, ceux de Geoffrion et
Prud'homme, s'expriment en termes prudents et vous faites quelques citations,
à la page 10, de la fameuse opinion de Geoffrion et Prud'homme
datée du 16 décembre 1975.
Ma question est la suivante: Est-ce qu'à la lecture de l'opinion
de Geoffrion et Prud'homme du 16 décembre 1975, les conclusions - vous
vous rappelez les conclusions - de l'opinion comme telle, vous en avez vraiment
pris connaissance, à savoir: "Les règles de droit pertinentes et
l'ensemble des faits que nous connaissons justifient que la SEBJ prenne action,
avec succès, contre Yvon Duhamel, Michel Mantha, Maurice Dupuis, le
local 791 et l'Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec. "D'autre part, si la cour retient le principe que nous avons mis
de l'avant à l'effet qu'un délégué de chantier est
véritablement un représentant ou un mandataire du syndicat, la
SEBJ aurait également de bonnes chances de succès d'impliquer la
Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique.
"Enfin, il y a deux éléments de preuve qui permettent de joindre
aux défendeurs précédents l'International Union of
Operating Engineers, René Mantha, André Desjardins et le Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction.
"Évidemment, la preuve qu'il sera nécessaire de faire pour
obtenir des condamnations sera principalement de nature testimoniale et l'on ne
peut pas, bien sûr, prévoir et contrôler ce qui
éventuellement sera dit devant la cour, ni surtout prévoir
l'impact des témoignages dans l'esprit du juge qui sera saisi du
dossier." Vous avez pris connaissance des conclusions pertinentes de cette
opinion-là?
M. Boivin: J'ai lu entièrement l'opinion.
M. Saintonge: Vous avez lu toute l'opinion?
M. Boivin: Donc, j'ai pris connaissance de la conclusion. (17 h
45)
M. Saintonge: Vous n'avez pas retenu... Enfin, ma question
principale, c'est que vous n'avez pas retenu les conclusions globales de
l'opinion, mais vous vous êtes plutôt attaché à
certains passages où les avocats s'exprimaient en termes prudents, tel
que vous le notez?
M. Boivin: Écoutez, pour être juste, M. le
député, à l'égard du bureau de Geoffrion et
Prud'homme, c'est bien sûr que, pour les fins de ma démonstration,
c'est-à-dire pour les fins de la déclaration ici, je sors de
cette opinion, qui mérite d'être lue en entier, les passages qui
démontrent le côté aléatoire de la
responsabilité du syndicat américain. Je ne voudrais pas lancer
une discussion juridique avec le bureau de Geoffrion et Prud'homme. Tout ce que
je dis, c'est que je suis sceptique. Je dis que c'était une
responsabilité aléatoire. Et je me permettrai... M. le
Président, je trouve que je suis assez bien appuyé maintenant,
puisque le 21 avril, au ruban 1103, page 2, M. Jetté, lorsqu'on lui
parlait de cette question a dit, et je cite: "On était conscient que ce
n'était pas une cause gagnée d'avance. Il y avait des
éléments de preuve qu'on ne connaissait pas. Il se peut fort bien
qu'on aurait perdu joyeusement. Je ne le sais pas ce qui s'en venait. On avait
des éléments qui me permettaient, comme avocat, de penser
qu'il
était justifié de continuer. Demandez-moi pas de
spéculer sur l'issue d'un litige où je ne connais même pas
la preuve. Cela est un élément. Je parle ici de la cause au
Québec." Alors, pour être de bon compte avec Me Geoffrion et
Prud'homme, qui est un bureau respecté et respectable de
Montréal, je trouve que le passage que je viens de citer, c'est la
définition même d'une issue incertaine d'une cause. Et incertain
est synonyme d'aléatoire. Alors, tout ce que je dis dans mon
mémoire, dans ma déclaration, c'est que je jugeais fort
aléatoire qu'un tribunal canadien retienne la responsabilité de
l'union internationale. Mais, vous aurez remarqué, M. le
député, que je fais exprès de le dire, de le mentionner et
de l'expliciter que, à l'égard du syndicat américain, ma
recommandation est un peu une recommandation à deux paliers. Je dis
qu'il y a une responsabilité aléatoire, mais ce qui ressort de
mon texte, c'est que ce n'est pas surtout cela qui me frappe - même si je
ne le dis pas comme cela - je dis que c'est le côté
inéquitable de poursuivre un syndicat qui n'a rien eu à faire
là-dedans.
M. Saintonge: Vous voulez dire que c'était plutôt le
deuxième point qui était important pour vous?
M. Boivin: En d'autres termes, je ne suis pas pour dire à
un premier ministre, après une lecture d'une opinion juridique: Je pense
que le jugement est incertain et voilà la raison pour laquelle vous
devez recommander un règlement hors cour. Qu'arriverait-il si un juriste
qui regarderait cela disait: Boivin, vous avez tort? L'argument principal,
c'est le suivant.
M. Saintonge: Vous avez discuté de l'opinion - vous
mentionniez également jeudi dernier que vous aviez discuté de
l'opinion juridique du 16 décembre 1975 avec Me Cardinal...
M. Boivin: Discuté est un grand mot, mais disons que j'ai
rappelé Me Cardinal pour lui dire: Ton opinion, je n'en suis pas encore
convaincu. Il m'a dit: Je vais en parler à Me Jetté. J'avais
à peu près la citation exacte. Me Cardinal me rappelle et me dit:
J'en ai parlé à Me Jetté qui me dit - je vais citer
à peu près la substance de ce qui suit, si je peux le trouver, je
ne sais pas où j'avais noté cela... Enfin, de mémoire...
Je l'ai ici. Je dis ici: lui ai parlé au téléphone une
autre fois en décembre pour lui exprimer mes forts doutes quant à
la responsabilité civile du syndicat américain. Me Cardinal me
dit qu'il consulterait Me Jetté et me téléphonerait, ce
qu'il fit me disant en substance: Nous avons, au vu des procédures, un
lien de droit apparent, le reste dépend de la preuve qui sera faite - ce
n'est pas pire, cela correspond à ce que je viens de dire de Me
Jetté. Il se peut qu'on gagne, il se peut qu'on perde. Quant à
poursuivre, il vaut mieux poursuivre tout le monde. Voilà ce que M.
Cardinal m'a dit en décembre. J'ajoute immédiatement que ce que
m'a dit Me Cardinal en décembre, - ce que je viens de citer - quant
à moi, ce n'est pas une grande nouvelle parce que cela correspond
à ce qui est dit dans l'opinion.
M. Saintonge: Maintenant, Me Boivin, lors de votre rencontre avec
Me Cardinal en décembre - vous n'aviez pas la date exacte, si je me
souviens bien...
M. Boivin: Quand je suis allé à son bureau?
M. Saintonge: Oui, c'est cela. Il n'y avait pas de date
précise mais vous mentionniez quand même que vous aviez lu
l'opinion, que vous en aviez discuté brièvement avec lui sur
place, suivant les questions posées par le député de
Marguerite-Bourgeoys. L'appel téléphonique subséquent de
Me Cardinal, référant toujours à cette opinion et toujours
sur la question du lien de causalité entre la SEBJ et les syndicats
américains ou le lien de droit entre les deux parties... Est-ce
qu'à quelque moment, lors de ces conversations avec Me Cardinal, on vous
a mentionné l'opinion juridique obtenue à cette fin concernant le
lien de causalité entre les syndicats à l'opinion demandée
par Geoffrion et Prud'homme aux avocats américains, et principalement
Mes Mallard, de Elarbee, Clark and Paul?
M. Boivin: Non, M. le Président, je ne le savais pas
à moins que j'aie mal suivi les travaux de cette commission; je ne les
ai pas tous suivis. Je ne sais pas encore à ce jour si on a
demandé une opinion juridique sur la responsabilité. Je pensais
qu'on en avait demandé une sur l'exemplification. Si je me trompe, je
veux bien accepter la correction.
M. Saintonge: C'étaient les deux en même temps.
M. Boivin: On ne me l'a pas dit. Alors, pour répondre
à votre question...
M. Saintonge: Me Cardinal en aucun temps n'a fait
référence à cette opinion qui était une opinion
quand même de 24 pages et qui a été déposée
à la commission, qui était postérieure à celle de
décembre 1975. Vous étiez en 1978.
M. Boivin: Je me souviens qu'à un moment donné Me
Cardinal - je ne sais pas si c'est en décembre ou en janvier - m'a
parlé d'une opinion d'un bureau américain sur
l'exemplification, mais sur la responsabilité Me Cardinal ne m'a jamais
parlé d'une opinion du bureau américain.
M. Saintonge: Maintenant, est-ce que, outre l'opinion du 16
décembre 1975, vous avez eu des informations d'autres opinions qui
auraient pu exister ultérieurement à décembre 1975,
à cette époque et non pas aujourd'hui?
M. Boivin: J'ai répondu non au député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Saintonge: Principalement, vous n'aviez aucune connaissance de
l'opinion du 5 janvier 1979 de Geoffrion et Prud'homme adressée à
Me Gadbois? Dans cette opinion, ce qu'il est important de noter ici, c'est que
nous retrouvons un paragraphe - possiblement que lors de vos discussions avec
Me Cardinal, vous aviez pu être informé de cela - où on
disait, dans l'opinion en question, du 5 janvier 1979: "Nous avons reçu
une opinion de nos correspondants américains, MM. Elarbee, Clark and
Paul, sur la reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des
jugements prononcés à l'étranger. Ils nous confirment
qu'un jugement rendu dans la province de Québec n'est pas
automatiquement exécutoire aux États-Unis mais qu'il peut
cependant fonder avec succès une action intentée là-bas.
Le droit américain fait montre de générosité
à l'égard des jugements étrangers de telle sorte que, si
certains prérequis existent, le défendeur à l'action
intentée aux États-Unis sur la foi du jugement étranger ne
peut plus rouvrir le débat à son mérite." Et on
référait à certaines jurisprudences américaines
dans ces cas.
M. Boivin: Vous voyez, M. le député, vous venez de
parler de la reconnaissance des jugements québécois ou canadiens.
C'est exactement cela, c'est l'exemplification. On m'en a parlé
verbalement, mais je n'ai jamais vu ces opinions.
M. Saintonge: Est-ce que, à quelque moment, Me Cardinal ne
vous aurait pas noté aussi concernant la question de la bonne cause, en
fin de compte, que Geoffrion et Prud'homme semblait avoir l'opinion de
posséder dans cette affaire, quelques lettres de Me Pouliot qui
confirmaient l'opinion de Geoffrion et Prud'homme?
M. Boivin: Je n'ai pas pris connaissance de cela à ce
moment. J'en ai pris connaissance depuis.
M. Saintonge: Est-ce que vous étiez au courant
qu'antérieurement Geoffrion et Prud'homme, le bureau de...
M. Boivin: Non, je n'étais pas au courant.
M. Saintonge: Vous n'étiez pas au courant qu'il y avait un
autre bureau qu'ils occupaient et qu'il y avait eu un transfert de
dossiers.
M. Boivin: Non, je n'étais pas au courant. J'ai appris
cela en voyant le cahier, lorsqu'ils l'ont déposé.
M. Saintonge: À quelque moment, soit par les avocats de
Geoffrion et Prud'homme, soit par M. Laliberté ou quelque autre membre
du conseil d'administration de la SEBJ, est-ce que vous avez appris l'existence
d'un rapport confidentiel qui avait été soumis au conseil
d'administration de la SEBJ, qui faisait suite à l'opinion du 5 janvier
1979 donnée par Geoffrion et Prud'homme, un rapport confidentiel au
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie James concernant l'action en Cour supérieure du district de
Montréal contre les responsables des dommages survenus au chantier de LG
2?
M. Boivin: M. le député, il me semble que
tantôt vous m'avez parlé d'une opinion du 5 janvier 1979.
Là, vous parlez d'autre chose, d'un rapport...
M. Saintonge: D'autre chose. Disons que dans l'élaboration
des faits, outre l'opinion du 16 décembre 1975 dont vous avez pris
connaissance, je vous demandais si vous aviez été informé,
d'une part, par Me Cardinal d'autres opinions que lui avait reçues et
vous m'avez dit non concernant la jurisprudence américaine de M.
Mallard, le texte de M. Mallard, le mémoire de Me Mallard. Outre cela,
Geoffrion et Prud'homme avaient également mis à jour d'une
certaine façon l'opinion juridique de décembre 1975 et celle du 5
janvier 1979. En aucun temps Me Cardinal ne vous a informé de cela?
M. Boivin: Je pense qu'ils m'ont dit qu'ils avaient mis à
jour leur opinion pour leur client, mais je ne l'ai ni lue ni vue.
M. Saintonge: Ils vous avaient dit cela à quel moment?
M. Boivin: En janvier, je pense.
M. Saintonge: En janvier. Est-ce qu'ils vous confirmaient...
M. Boivin: Non, mais j'ai dit: Grosso modo, cela dit quoi? Il a
dit: Cela dit la même chose qu'en décembre 1975, grosso modo.
M. Saintonge: Vous confirmez donc,
grosso modo, que leur opinion concernant la cause qu'ils pouvaient
détenir, et qui était une bonne cause selon les conclusions que
j'ai lues tantôt, était confirmée à nouveau par eux
en janvier. C'est bien cela?
M. Boivin: Qu'il y avait possiblement une bonne cause.
M. Saintonge: Qu'il y avait possiblement une bonne cause. Si je
fais référence maintenant à un rapport subséquent
au 5 janvier 1979, qui est intervenu quand même entre le 5 et le 9
janvier - il n'y a pas de date précise au dossier que vous avez entre
les mains, c'est à la page 16 jusqu'à la page 23 - rapport
confidentiel qui a été signé par Me Jean Bernier, M.
Laurent Hamel, M. Marc Darby et Me André Gadbois, est-ce que, à
quelque moment, vous avez eu connaissance de l'existence d'un tel rapport?
M. Boivin: J'ai pris connaissance de ce rapport lorsque ce cahier
a été déposé ici.
M. Saintonge: Uniquement à ce moment?
M. Boivin: Voilà.
M. Saintonge: Dans vos discussions avec M. Laliberté,
quand vous lui faisiez part de vos doutes quant à la question de...
M. Boivin: Non, il ne m'a pas parlé de cela.
M. Saintonge: D'aucune façon? M. Boivin: Non.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez également
été mis au courant d'un rapport subséquent en date du 26
janvier 1979, par Geoffrion et Prud'homme toujours - je me réfère
ici à la page 55 du document... Je m'excuse, pas ce document. C'est le
cahier des opinions juridiques. Donc, une opinion du 26 janvier 1979 par le
bureau de Geoffrion et Prud'homme adressée à Me Gadbois, qui
concernait la question des dommages que le bureau de Geoffrion et Prud'homme
croyait être en mesure de prouver, compte tenu des récentes
informations et du déroulement de la preuve dans le dossier.
C'était une opinion qui avait été demandée en date
du 24 janvier 1979.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Saintonge: Vous avez répondu ce matin, M. Boivin,
à une question du député de Gatineau - et je vous cite au
ruban 1492 - vous mentionniez, au sujet du montant réel des dommages, je
passe deux lignes: "J'avais quand même placé un appel
téléphonique à
Me Aquin et j'avais dit: François, la cause, on parle de quoi? Je
ne me souviens pas s'il m'a dit 17 000 000 $ ou 19 000 000 $, un des deux
chiffres. J'ai dit, je pense que cela y est, l'ordre de grandeur va arriver
à un jugement de 17 000 000 $ ou 19 000 000 $, point final. Cela a
été à peu près l'étendue de mon exploration
quant au sujet des dommages." Vous reportiez cette conversation-là au
mois de décembre. Est-ce qu'il serait possible que cette...
M. Boivin: Cela serait fort possible.
M. Saintonge: ...chose-là soit arrivée plutôt
au mois de janvier, à la suite de l'opinion du 26 janvier 1979?
M. Boivin: Cela serait fort possible-Jeudi, j'ai dit que j'ai
été nommé chef de cabinet à l'été
1978 alors qu'on me dit que je l'ai été à l'automne 1977.
C'est fort possible, pour répondre à votre question.
M. Saintonge: À ce moment-là, il s'agissait
seulement d'une conversation avec Me Aquin, par téléphone. Vous
n'aviez pas pris connaissance de l'opinion juridique en date du 26 janvier
1979?
M. Boivin: Je ne trouvais pas cela nécessaire.
Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je vais
suspendre jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux jusqu'à 22 heures ce soir. La parole est
toujours au député de Laprairie. M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: M. Boivin, juste avant le souper, je vous
demandais, en résumant, si la seule opinion que vous aviez pu lire, pour
vous informer, venait des procureurs de la SEBJ sur toute la cause comme telle,
sur la question de la responsabilité et était simplement celle du
16 décembre 1975 et vous me confirmiez également que vous n'aviez
eu connaissance d'aucune opinion rendue en décembre 1978, l'opinion qui
avait été envoyée le 9 novembre 1978 à Me Gadbois
par le bureau de Geoffrion et Prud'homme et signée par Me Jetté,
une lettre du 9 novembre 1978 concernant le sujet suivant: Legal Research
Requested on American Tort Law Involving International
Unions, Local Unions, and their Agents. Me Cardinal ne vous a jamais
mentionné une telle opinion juridique dans toute discussion que vous
avez eue soit en décembre 1978 ou en janvier 1979?
M. Boivin: On a parlé des problèmes
d'exemplification au téléphone, mais je n'ai jamais lu cette
opinion et puis...
M. Saintonge: II y avait deux opinions juridiques, en fait, qui
sont parvenues de Me Mallard, une concernant l'exemplification des jugements et
il y en avait une deuxième concernant la question de la
responsabilité du syndicat américain.
M. Boivin: L'une et l'autre, je ne les ai pas lues à
l'époque.
M. Saintonge: Est-ce qu'en tout temps lorsque vous avez
discuté de la cause avec le premier ministre pour donner votre opinion
au mois de décembre 1978, ou lors de toute conversation
ultérieure que vous avez pu avoir sur le sujet, le premier ministre ne
s'est jamais informé à vous sur le fait que l'opinion des avocats
sur laquelle vous vous basiez, s'il y avait des opinions qui étaient
à jour en date de 1978 ou 1979?
M. Boivin: Je ne crois pas, non.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez discuté, à la
suite de l'opinion du 16 décembre 1975 et de la propre opinion que vous
vous étiez formée, relativement à cette cause, de la
question de la responsabilité et aussi de la fixation des dommages, avec
le ministre de la Justice du Québec, de ce dossier?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Saintonge: II ne vous est pas venu à l'esprit de
consulter le ministre de la Justice en tant que jurisconsulte, tel que la Loi
sur le ministère de la Justice le prévoit? On dit, à
l'article 3, que le ministre de la Justice est le jurisconsulte du
lieutenant-gouverneur et le membre jurisconsulte du Conseil exécutif du
Québec. À l'article 3d, on dit que le ministre de la Justice
donne son avis aux chefs des divers ministères du gouvernement du
Québec sur toutes les questions de droit qui concernent ces
ministères. À la lumière de ces dispositions et des
devoirs du ministre de la Justice, il ne vous est pas apparu utile,
étant donné que l'intérêt des
Québécois, des contribuables était en cause, il ne vous
est pas apparu utile, à aucun moment, à vous ou au premier
ministre, de référer le cas au ministre de la Justice, à
cette fin précise.
M. Boivin: Exact, M. le Président.
M. Saintonge: II n'y a jamais personne qui a fait allusion
à ces pouvoirs du ministre de la Justice concernant l'avis qu'il
pourrait vous donner ou même donner aux avocats de la SEBJ ou aux membres
du conseil d'administration de la SEBJ.
M. Boivin: C'est juste, M. le Président.
M. Saintonge: Après votre rencontre avec M.
Laliberté, le 3 janvier 1979, où vous lui avez exprimé le
désir du premier ministre que la cause soit réglée, vous
avez eu d'autres communications avec M. Laliberté dans le courant du
mois de janvier 1979.
M. Boivin: Janvier et février, je présume.
M. Saintonge: Vous avez mentionné à M.
Laliberté, le 3 janvier, qu'il devait référer le cas au
conseil d'administration de la SEBJ. Lors des rencontres ou appels
téléphoniques subséquents avec M. Laliberté, est-ce
que vous vous êtes informé auprès de M. Laliberté
à savoir s'il avait formellement fait part aux membres du conseil
d'administration du souhait du premier ministre que vous avez exprimé
à M. Laliberté?
M. Boivin: Je ne me souviens pas des faits précis, mais il
se peut fort bien que je ne m'en sois pas informé auprès de M.
Laliberté, parce que je l'aurais présumé.
M. Saintonge: Parce que?
M. Boivin: Je l'aurais présumé. J'aurais
présumé que M. Laliberté aurait fait part aux membres du
conseil d'administration d'un tel souhait.
M. Saintonge: M. Laliberté ne vous a jamais
mentionné qu'à la réunion du 9 janvier 1979, six jours
après votre conversation du 3 janvier avec lui, que lors de cette
assemblée, en fin de compte, les procureurs de la SEBJ, Me Aquin et Me
Jetté, ont été invités à leur
présenter des commentaires et à répondre à leurs
questions relativement à l'opinion datée du 5 janvier 1979. Cela
est l'opinion révisée de Geoffrion et Prud'homme qu'on a
mentionnée avant le souper et à propos de laquelle vous avez dit,
je pense, que Me Cardinal vous avait informé d'une opinion
révisée. Est-ce que M. Laliberté vous a fait part
effectivement que cette opinion-là, donc également tout le
contexte juridique, avait été rediscutée à
l'assemblée du 9 janvier 1979 et que toutes les questions avaient
été posées aux avocats relativement à
l'opinion?
M. Boivin: J'ai dit, M. le Président, que j'ai
été fort étonné d'apprendre la teneur et
la forme ainsi que le contenu de la décision du conseil
d'administration du 9 janvier lors de cette commission parlementaire. Pour
répondre à votre question, on ne m'en a pas informé.
M. Saintonge: M. Laliberté ne vous a jamais parlé
non plus du fait qu'après discussion au conseil d'administration, les
membres du conseil avaient indiqué, et je cite, "qu'ils sont d'avis que
les décisions prises antérieurement par le conseil de poursuivre
au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2 n'ont pas
été modifiées". Vous n'avez jamais été
informé de cela à ce moment-là, en janvier?
M. Boivin: C'est juste, M. le Président.
M. Saintonge: Est-ce que, concernant M. Saulnier, vous avez des
souvenirs concernant la rencontre... Vous avez mentionné que vous vous
souveniez d'un appel que M. Saulnier vous avait adressé vers la
mi-janvier, je pense, 1979. Est-ce que vous vous souvenez qu'au cours de cet
appel téléphonique, vous avez mentionné peut-être en
passant qu'il a pu être question de la cause, si je me souviens bien?
Est-ce que votre mémoire vous fournit aujourd'hui certains faits
précis relativement à des discussions avec M. Saulnier,
relativement à la position du conseil d'administration à ce
moment-là?
M. Boivin: C'est trop vague. Il me semble qu'avec M. Saulnier on
a parlé de la cause en passant. Mais ce qu'on a dit au sujet de la
cause, c'est trop vague. Si vous me le permettez, M. le député,
à une question antérieure - et j'espère que je ne m'avance
pas trop, mais il me semble que cela sonne une cloche - c'est pour cela que je
vous ai dit la semaine dernière que la décision du conseil
d'administration du 9 janvier, je l'avais apprise ici et que cela m'avait
étonné. Je pense que j'ai dit cela la semaine dernière.
À mon souvenir, le 12 janvier ou aux environs du 12 janvier, quand Me
Jasmin est venu à mon bureau et s'est informé de la
décision du conseil, j'ai appelé M. Laliberté et, à
mon souvenir, il a dit que c'était remis à une prochaine
séance. C'est pour cela que j'ai été étonné
d'apprendre le contenu, la teneur et la forme de la réunion du 9
janvier.
M. Saintonge: Mais vous, vous ne vous étiez pas
interrogé ou cela n'est pas arrivé à votre esprit de
demander à M. Laliberté, à ce moment-là, ce qu'il
advenait de la recommandation dont vous lui aviez fait part au mois de
janvier?
M. Boivin: C'est ce que je viens de vous dire. À mon
souvenir, il m'a dit que cela avait été reporté,
remis.
M. Saintonge: Les réunions qui avaient été
reportées, il y avait celle du 23 qui avait été
reportée au 30; à ce moment-là, c'était la
réunion où M. Saulnier avait demandé, effectivement,
à rencontrer le premier ministre.
M. Boivin: Voici les dangers de la reconstitution. Vous me donnez
un exemple. Est-ce que je me réfère à cette réunion
ou à celle du 9?
M. Saintonge: En d'autres mots...
M. Boivin: En d'autres mots, celle du 9, je l'ai apprise ici en
lisant les cahiers qui sont déposés.
M. Saintonge: Si on se situe globalement, sans date
précise, il y a deux réunions, une, le 3 janvier...
M. Boivin: Oui.
M. Saintonge: ...et une, le 1er février.
M. Boivin: Oui.
M. Saintonge: Le 3 janvier, après avoir discuté
avec le premier ministre en décembre, parce que la cause devait se
régler, vous exprimez le souhait du premier ministre à M.
Laliberté.
M. Boivin: C'est exact.
M. Saintonge: Pour vous, entre ce moment et la réunion
subséquente que vous avez eue avec les deux directeurs
généraux, les deux P.-D.G. et le président du conseil
d'administration de la SEBJ, entre ces deux dates, en aucun temps vous ne vous
êtes informé à M. Laliberté pour savoir si votre
recommandation a été transmise au conseil d'administration, ce
qu'il était advenu de ce souhait exprimé?
M. Boivin: Si vous me demandez un souvenir global, quant à
moi, entre le 3 janvier et le 1er février, ça négociait et
j'ai cru comprendre - je ne sais pas si la question a été
posée ou si quelqu'un l'a exprimé de façon explicite -
qu'à la réunion du 1er février, tout le monde savait que
les gens négociaient, que les avocats négociaient. Je veux dire
qu'on ne sortait pas des limbes. On ne venait pas discuter cela avec le premier
ministre parce que c'était un sujet "académique". C'est parce
qu'il y avait des négociations au sujet d'un règlement hors cour
qui se déroulaient entre les parties. Alors, cela a toujours
été ma compréhension. Tant qu'il n'y a pas de blocage dans
les négociations, tout va très bien, Madame la
Marquise.
M. Saintonge: Quand vous faites allusion aux négociations
entre les parties, est-ce que vous faites allusion aux négociations et
aux périples de Me Jasmin ou de Me Beaulé à votre
bureau?
M. Boivin: Bien non, bien non. M. le député, c'est
trop évident, votre question. Entre les parties, c'est entre les avocats
représentant les parties.
M. Saintonge: Mais vous étiez au courant, à ce
moment-là, que le bureau de Geoffrion et Prud'homme n'avait aucun mandat
de négocier jusqu'à la fin de janvier?
M. Boivin: Cela m'a toujours fait rire, cette question et cette
affirmation que vous et votre côté répétez depuis
toujours.
M. Saintonge: C'est l'affirmation, M. Boivin, de Geoffrion et
Prud'homme.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député...
M. Boivin: Cela me fait rire quand même. Je peux dire avec
respect, si vous me permettez de terminer ma phrase: En affaires comme dans
l'exercice du droit - en affaires, c'est la même chose - nous savons
très bien qu'il y a toute la différence au monde entre le moment
où on prend la peine de réunir un conseil d'administration et de
lui donner un mandat formel de négociations, qui est l'acte juridique
formel qui donne la permission de négocier vraiment, et les actes
préparatoires à une conclusion de négociations.
Voilà. Je sais que tout le monde a témoigné sur cela et je
sais qu'il y a une décision du conseil d'administration, mais cela me
fait rire quand même cette distinction fondamentale entre une
réunion du conseil d'administration qui dit: Voilà; maintenant,
c'est le temps, le temps est mûr, nous vous donnons le mandat de
négocier, et toutes sortes de pourparlers préliminaires. Quand M.
Laliberté donne un mandat d'écouter aux avocats Geoffrion et
Prud'homme... La preuve a été faite ici, il semble s'être
échangé des papiers pendant tout le mois de janvier entre ces
avocats, entre Geoffrion et Prud'homme et Me Beaulé et Me Jasmin. Ce ne
sont peut-être pas des négociations, ce sont des échanges
au moins de projets de papiers de règlement ou de projets de
transactions, mais cela semble les approcher d'un règlement.
M. Saintonge: Est-ce que Me Aquin a communiqué avec vous
au cours du mois de janvier 1979?
M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, Me Aquin n'a pas
communiqué avec moi parce que les communications que j'ai pu avoir avec
ce bureau étaient avec Me Cardinal.
M. Saintonge: Maintenant, si je peux vous rappeler un fait
précis: Me Aquin avait téléphoné à Me
Gauthier. Est-ce que Me Gauthier vous a mis au courant de l'appel
téléphonique de Me Aquin relativement aux discussions qui avaient
lieu au bureau du premier ministre quant au règlement de la cause?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Saintonge: Je n'ai pas d'autres questions. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. On dit que la
patience est toujours récompensée. Je me sens très
récompensé, M. le Président. Évidemment, par la
méthode de travail que nous avons, nous sommes condamnés, nous,
les députés ministériels, à faire bien souvent du
coq-à-l'âne. On m'excusera, mais je voudrais toucher à une
question tout à fait différente de ce qui a été
touché jusqu'à maintenant par les députés de
l'Opposition.
Comme je l'ai déjà fait d'ailleurs dans une autre
intervention auprès d'un autre de nos invités, je voudrais
revenir au texte de la déclaration du premier ministre à
l'Assemblée nationale en réponse à une question du
député de Marguerite-Bourgeoys où le premier ministre
disait: "M. le Président, il y avait trois questions du
député. Premièrement, il est exact qu'il est question d'un
règlement. C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais,
assez avancé. Deuxièmement - c'est sur cela
particulièrement que je voudrais faire porter mes questions - ce n'est
pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre
que le règlement ou partie du règlement a eu lieu, mais il y a eu
une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du conseil
d'administration, d'Hydro-Québec, etc.
M. le Président, ces petits mots: "ni de près ni de loin,
dans le bureau du premier ministre", c'est là-dessus que je vais faire
le focus. Évidemment, pour bien comprendre une expression, il faut la
placer dans son contexte et, encore là, même dans son contexte,
des fois cela permet des interprétations. Alors, au sens propre, si on
prend l'expression "ni de près ni de loin", je pense qu'à ce
moment on peut faire allusion à une réalité physique ou
géographique. Je pense qu'on va tous s'entendre là-dessus. Au
sens figuré, on ferait peut-être davantage allusion à un
stade d'avancement de choses
dans une démarche. Je le comprendrais mieux comme cela, quoiqu'on
puisse peut-être faire des interprétations plus extensibles au
sens figuré.
Je voudrais revenir au sens propre. Tout a démontré
jusqu'à maintenant, y compris les réponses de notre
invité, qu'il n'y a pas eu de négociation ni de règlement
dans son bureau, le bureau de M. Boivin, dans des lieux proches du bureau de M.
Boivin ou dans des lieux éloignés. Je pense que,
là-dessus, au sens propre, c'est une chose qui est devenue très
claire.
Au sens figuré, je voudrais poser la question à notre
invité. Cela sera la seule question, M. le Président. Je vous ai
dit que mes questions ne sont pas longues et que j'essaie de toucher à
des questions de fond. Je voudrais savoir, selon la compréhension de Me
Boivin, si les paroles - prises au sens figuré - du premier ministre qui
disait: "Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de
loin, dans le bureau du premier ministre", je voudrais savoir si, aux yeux de
Me Boivin, les paroles du premier ministre prises au sens figuré - je
veux être bien clair - apparaissent encore tout à fait
exactes.
Le Président (M. Jolivet): Avant que quelqu'un
intervienne, mon problème est que, si vous demandez une opinion à
Me Boivin, je ne lui permettrai même pas d'y répondre, puisque la
question est irrecevable par son sens même.
M. Dussault: M. le Président, qu'il y ait réponse
ou non, je pense que cette question est de fond. Il faudra que tôt ou
tard elle soit clarifiée. Jusqu'à maintenant, il est clair qu'au
sens propre, on a eu les réponses qu'il fallait. Il reste des
réponses de ce côté. Si Me Boivin ne peut la clarifier
parce que vous en faites une question d'opinion, on y reviendra plus tard avec
un autre invité, M. le Président.
M. Lalonde: Merci. Good show.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président.
M. Lalonde: Cela fait quatre heures qu'il attendait pour
cela.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Lalonde: Cela fait quatre heures qu'il attendait pour
cela.
M. Paradis: Ce n'est pas possible. M. le Président,
j'aurai quelques questions très brèves pour le chef de cabinet du
premier ministre du Québec.
M. le chef de cabinet, vous avez sans doute pris connaissance
aujourd'hui ou avant d'un arrêté en conseil du 26 octobre 1977 qui
s'intitule: Concernant la nomination et les émoluments et les
dépenses des membres du conseil d'administration de certains syndicats
ouvriers en vertu de lois - on cite plusieurs lois - et spécifiquement
celle de la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers. On a nommé,
à ce moment-là - cet arrêté en conseil porte la
date...
M. Tremblay: Objection, M. le Président.
M. Paradis: ...du 26 octobre 1977 - Me Yves...
M. Tremblay: De toute évidence, le député ne
se réfère pas au mandat de la commission. Il ne pose pas une
question relative au mandat de la commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: On n'a pas à étudier
l'arrêté en conseil que le député vient de
soumettre.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, laissez-moi décider.
M. Paradis: M. le Président, sur la question de
règlement...
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Pour rassurer le député de Chambly qui
a de la difficulté à suivre nos travaux, l'arrêté en
conseil est du 26 octobre 1977 et son objet vise la nomination de Me Yves
"Ti-Lou" Gauthier, notaire...
M. Tremblay: M. le Président...
M. Paradis: ...comme tuteur....
M. Tremblay: ...question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
juste un instant. Il va quand même expliquer et je verrai ensuite.
M. Paradis: ...comme tuteur...
M. Tremblay: Non, M. le Président, je ne peux pas le
laisser continuer parce que, premièrement, il vient de...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: ...tirer une conclusion. Je me fous
éperdument des conclusions du député de Brome-Missisquoi
qui dit que j'ai de la difficulté à suivre les travaux. Je veux
lui dire que les travaux sont "suivables" quand le député de
Brome-Missisquoi fait en sorte que c'est clair. Avec les zigzags qu'il fait,
personne ne peut suivre cela. En ce qui concerne l'arrêté en
conseil dont il fait mention, effectivement, cela ne fait pas partie du mandat
de la commission. Je vous prie de l'arrêter.
Le Président (M. Jolivet): La seule chose dont je ne suis
pas sûr, c'est quelle utilisation le député de
Brome-Missisquoi veut faire, par une question, d'un document qui a quand
même été déposé devant cette commission. Je
veux quand même le savoir pour le moment. M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président. Je reviens donc au
document du 26 octobre 1977, n'en déplaise au député de
Chambly... (20 h 30)
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Paradis: ...qui est un arrêté en conseil
déposé, comme vous l'avez mentionné, devant cette
commission et qui concerne la nomination, les émoluments et les
dépenses des membres du conseil d'administration de certains syndicats
nommés en vertu de lois dont la Loi sur la mise en tutelle de certains
syndicats ouvriers. Ledit arrêté en conseil nomme Me Yves "Ti-Lou"
Gauthier, notaire, comme tuteur...
M. Perron: Est-ce que c'est écrit comme cela dans
l'arrêté en conseil?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense qu'on a clarifié cette partie-là. Il s'appelle Me Yves
Gauthier et je pense que vous êtes capable de l'appeler comme tel,
même si des gens devant la commission l'ont appelé ou si
lui-même s'est appelé de ce surnom connu. Allez-y donc de
façon normale.
M. Paradis: Cela va, M. le Président. Je ne voudrais pas
énerver les péquistes de l'autre côté.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc.
M. Paradis: C'est vrai qu'il s'est appelé comme cela. Je
retire donc Me Yves "Ti-Lou" Gauthier et je retiens Me Yves Gauthier,
nommé tuteur par l'arrêté en conseil no 3631-77. Il fut
nommé tuteur d'un des syndicats poursuivis. Comme chef de cabinet du
premier ministre du Québec à l'époque, soit le 26 octobre
1977, étiez-vous au courant de la poursuite?
M. Boivin: De la poursuite?
M. Paradis: De la Société d'énergie de la
Baie James, de 32 000 000 $, contre des syndicats québécois dont
ceux qui ont été mis en tutelle et dont on a confié la
présidence de la tutelle à Me Yves - oubliez le "Ti-Lou" -
Gauthier?
M. Boivin: Voyez-vous le danger de votre question? Ce n'est pas
important, mais, premièrement, je n'ai jamais pris connaissance de cet
arrêté en conseil; deuxièmement, je savais que Me Gauthier
était tuteur du syndicat ou des syndicats. Vous me demandez si, le 26
octobre, je savais qu'il y avait une poursuite. Je présume que, comme
citoyen moyennement informé, j'étais au courant, parce que je
m'intéresse à la politique, qu'il y avait une poursuite de la
SEBJ contre les syndicats.
M. Paradis: D'accord. Comme chef de cabinet du premier ministre
de la province de Québec, avez-vous été consulté ou
avez-vous discuté avec qui que ce soit, c'est très large, de la
nomination de Me Yves Gauthier, sans prendre connaissance, comme vous l'avez
dit, de l'arrêté en conseil?
M. Boivin: Je n'ai aucun souvenir de cela. C'est fort possible,
c'est fort possible que non; je n'en sais rien.
M. Paradis: Je vais essayer de vous aider. Est-ce que,
généralement, lorsque des syndicats sont mis en tutelle, vous
êtes consulté?
M. Boivin: Sans blague, pour m'aider à répondre
à votre question: Est-ce que, par cet arrêté en conseil, on
les mettait en tutelle ou si on nommait les tuteurs?
M. Paradis: On nommait le tuteur; mais, est-ce que vous
êtes généralement consulté pour la nomination du
tuteur, comme chef de cabinet du premier ministre?
M. Boivin: J'espère que vous ne faites pas allusion
à une époque récente.
M. Paradis: Non, non. Je ne fais allusion à aucune
époque. Je n'aurais pas le droit, le président me l'interdirait.
Je fais allusion à l'époque concernée.
M. Boivin: Sans blague, j'imagine que ces syndicats ont
été mis en tutelle avant novembre 1976, je ne sais pas. Donc, je
n'ai jamais été consulté là-dessus. Quant à
votre autre question, j'ai l'impression que cela dépasserait le cadre de
la lettre du premier ministre qui me relève de mon serment. Il
me permet de tout dire en ce qui concerne la cause de la SEBJ, mais pas
au-delà.
M. Paradis: Non, mais c'était strictement dans le but de
vous aider à vous souvenir. Dans ce cas, avec les souvenirs qui ont
été véhiculés dans votre esprit, en faisant
peut-être allusion à des événements plus
récents, est-ce que cela vous revient que, dans le cas de Me Yves
Gauthier, vous aviez été...
M. Vaillancourt (Jonquière): ...pour la raison
invoquée par le témoin.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse...
M. Boivin: La question du député est-elle: Est-ce
que j'avais été consulté quant à la nomination de
Me Yves Gauthier comme tuteur?
M. Paradis: Ce n'est pas plus compliqué que cela.
M. Boivin: Je n'en fais pas un mystère, je vous dis que je
n'en sais strictement rien. Pensez-vous que je me souviens si on m'a
consulté pour savoir si on va nommer le notaire Gauthier tuteur...
M. Paradis: Cela fait combien de temps...
M. Boivin: Cela serait fort possible.
M. Paradis: ...que vous connaissez le notaire Gauthier?
M. Boivin: Je le lui ai demandé l'autre jour et il m'a dit
qu'il était à l'université en même temps que
nous.
M. Paradis: Bon, c'est une de vos connaissances personnelles.
Avez-vous fait de la politique avec le notaire Gauthier?
Une voix: Qui cela, nous?
M. Boivin: Des personnes qui sont ici.
M. Paradis: Ce n'est pas moi, je tiens à vous
rassurer.
M. Boivin: J'ai un souvenir politique exact de M. Gauthier
à la campagne électorale de 1962.
M. Paradis: Écoutez, Me Yves Gauthier nous a dit qu'il a
été...
M. Boivin: ...pour répondre à votre question. On se
connaissait comme cela à l'université, comme j'ai connu de vue
beaucoup d'autres gens. J'ai un souvenir bien précis de Me Gauthier
travaillant pour la même formation politique, dans le même
comté, pendant la même campagne électorale en 1962.
M. Paradis: Cela va. Je vous crois. Mais Me Yves Gauthier nous a
déclaré, lorsqu'il a comparu devant cette commission, qu'il avait
été l'organisateur en chef au niveau politique du Parti
québécois. Vous êtes le chef de cabinet du premier ministre
qui est issu de ce parti. À ce moment-là, lorsque cette personne
est pressentie pour être nommée tuteur d'un syndicat, est-ce que
vous vous souvenez d'avoir discuté de cette nomination avec le premier
ministre ou quelqu'un d'autre de son bureau, ou avec le ministre du Travail de
l'époque?
M. Boivin: Je ne vous fais aucun reproche d'essayer de me
rafraîchir la mémoire, je trouve même que c'est
légitime. Mais je ne m'en souviens pas. Je vais vous dire pourquoi je ne
m'en souviens pas. C'est que le premier ministre connaît aussi M.
Gauthier, M. Carpentier connaît M. Gauthier. Le premier ministre n'a
peut-être consulté personne parce qu'il le connaît. Il a
peut-être consulté M. Carpentier. Il a peut-être
consulté d'autres personnes. Il est connu par plusieurs personnes dans
le parti. Il m'a peut-être consulté. Je vous l'ai dit, je ne m'en
cacherais pas si c'était le cas.
M. Paradis: Donc, votre réponse est: Je ne m'en souviens
pas.
M. Boivin: C'est exact.
M. Paradis: Cela va. À l'hiver - je parle de l'hiver,
parce qu'on a eu des complications de date lorsque Me Yves Gauthier a comparu,
il a été question du mois de décembre et du mois de mars,
décembre 1977 ou mars 1978 - lors d'une visite aux États-Unis
où Me Gauthier a recommandé, entre autres, au syndicat
américain d'embaucher ou de retenir les services professionnels de votre
ex-associé professionnel, Me Rosaire Beaulé...
M. Vaillancourt (Jonquière): Entre autres noms.
M. Paradis: C'est ce que j'ai dit.
M. Vaillancourt (Jonquière): Vous n'avez pas dit: Entre
autres noms.
M. Paradis: Entre autres. Une voix: Entre autres.
M. Paradis: M. le Président, est-ce que vous voulez avoir
la bonté de protéger mon droit de parole contre ceux...
M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas
déplacé, ce que j'ai dit, c'est la vérité.
M. Paradis: ...qui interprètent les propos...
M. Lalonde: Enfin, monsieur, si vous voulez corriger à
chaque virgule...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député, continuez.
M. Paradis: Lorsqu'il a recommandé, entre autres - la
raison spécifique, c'est parce qu'il était "tough"; vous serez
à même d'en témoigner, c'est votre ex-associé
professionnel - Me Rosaire Beaulé pour être l'avocat, le
représentant légal du syndicat américain qui était
poursuivi dans cette cause, quand avez-vous appris pour la première fois
que cette recommandation avait été faite?
M. Boivin: J'ai appris pour la première fois en
décembre 1978 ou en janvier 1979, de la part de Me Jasmin, que le nom de
Me Beaulé avait été un des procureurs soumis par Me
Gauthier au syndicat américain.
M. Paradis: À quelle occasion?
M. Boivin: Lors d'une rencontre avec Me Jasmin.
M. Paradis: Lors d'une rencontre, il vous a mentionné
cela?
M. Boivin: Oui.
M. Paradis: Quelle a été votre réaction?
M. Boivin: Je trouvais... Je pense beaucoup de bien de Me
Beaulé, alors je n'ai pas eu de réaction particulière. Je
trouve qu'ils ont fait un bon choix. Ils auraient aussi pu en choisir un autre.
Il n'est pas le seul avocat au monde qui peut plaider ce genre de cause. Mais
c'est aussi un bon choix.
M. Paradis: Je vais peut-être aller un peu plus loin, vous
êtes libre de répondre, je vous le dis. C'est votre
ex-associé professionnel et vous êtes le chef de cabinet du
premier ministre. Vous représentez l'actionnaire unique de la
Société d'énergie de la Baie James qui poursuit devant les
tribunaux, devant le système de droit commun, devant le système
judiciaire, des syndicats et vous savez, vous, que votre exassocié
professionnel - je présume, vous me corrigerez si c'est faux - qui est
également un ami, est nommé procureur d'une partie adverse au
gouvernement, à la Société d'énergie de la Baie
James. Quelle était votre humble sentiment sur cette question?
M. Boivin: Est-ce que vous voulez dire par là que, comme
il représentait une partie adverse à la SEBJ et que je suis le
chef de cabinet du premier ministre qui représente le gouvernement et la
SEBJ, cela peut me mettre mal à l'aise ou quelque chose comme cela? Il y
a un de vos collègues qui a posé cette question qu'un ami...
M. Paradis: Je ne veux pas vous suggérer de
réponse, je veux que vous répondiez spontanément.
M. Boivin: Moi, j'essaie de saisir. Je n'étais pas mal
à l'aise, j'étais normal, quoi.
M. Paradis: Autrement dit, pour vous, c'était comme si
cela avait été un autre avocat de Montréal ou
d'ailleurs?
M. Boivin: Si Me Paradis était venu me voir à la
place de Me Beaulé, j'aurais eu la même réaction.
M. Paradis: Je ne suis pas convaincu que j'aurais eu un
accès aussi facile à votre bureau.
M. Boivin: Je pourrais vous citer des noms, mais ce n'est pas le
lieu.
M. Lalonde: Je ne pense pas que Beaulé t'aurait
recommandé.
M. Paradis: Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce me
souffle à l'oreille et je vous le dis comme cela...
M. Lalonde: De Marguerite-Bourgeoys.
M. Paradis: ...de Marguerite-Bourgeoys, excusez-moi.
Le Président (M. Jolivet): De
Marguerite-Bourgeoys, ne les mêlez pas.
M. Paradis: J'ai été déstabilisé par
le chef de cabinet. On ne pense pas que Me Gauthier m'aurait
recommandé.
Le 26 juin...
M. Tremblay: On le comprend très bien.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Tremblay: II avait un bon avocat. Il aurait eu une bonne
idée.
M. Paradis: Vous avez raison, je suis libéral.
M. Lalonde: II ne fait pas partie de la famille.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Le 26 juin 1978...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Brome-Missisquoi, vous avez la parole.
M. Paradis: Merci, M. le Président. Le 26 juin 1978,
suivant votre témoignage ou le témoignage de Me Beaulé,
vous avez lunché avec Me Beaulé. Quels sont les propos... M. le
Président, est-ce que cela va, oui?
Le Président (M. Jolivet): Oui, cela va quant à
moi.
M. Paradis: Le député de Bourassa ne bourrasse
plus?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Laplante: Je parle au député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, s'il vous plaît, aidez-moi. M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je recommence, M. le Président. Le 26 juin
1978, vous avez pris un lunch avec Me Beaulé qui, à ce
moment-là, avait le mandat du syndicat américain de le
représenter. Quels sont les propos que vous vous êtes
échangés concernant la cause qui s'en venait, qui était
devant les tribunaux?
M. Boivin: Comme je l'ai dit à deux de vos
collègues, je ne me souviens aucunement de cette rencontre; alors,
encore moins du contenu de la rencontre, du lunch.
M. Paradis: Votre réponse, c'est: Je ne m'en souviens
pas.
M. Boivin: C'est exact, M. le Président.
M. Paradis: Le 3 octobre 1978, pour être plus
précis, pour qu'on se comprenne bien, je vais faire
référence à l'arrêté en conseil...
J'espère que le député de Chambly n'aura pas
d'objection.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez la parole de votre
côté, donc, allez-y.
M. Paradis: Merci, M. le Président. L'arrêté
en conseil du 18 octobre 1978 porte le numéro 3179-78 et se lit comme
suit: "Concernant la nomination d'un employé du cabinet du premier
ministre au ministère du Conseil exécutif, il est ordonné,
sur la recommandation du premier ministre, que Me Yves Gauthier, notaire,
domicilié à... soit nommé au ministère du Conseil
exécutif à Montréal, à titre permanent, conseiller
spécial auprès du premier ministre, administrateur classe I, au
traitement annuel de 53 000 $ à compter du 3 octobre 1978 et ce,
conformément à la liste d'éligibilité numéro
... de la Commission de la fonction publique. Le greffier, Louis Bernard."
Est-ce que vous avez été, vous, comme chef de cabinet du premier
ministre, consulté? Est-ce que vous avez eu des échanges
concernant cette nomination?
M. Boivin: Certainement. Oui.
M. Paradis: Est-ce que vous saviez, au moment où ces
échanges-là... Je vais poser la première question: Quand
ces échanges sont-ils intervenus pour la première fois?
M. Boivin: Je n'en sais rien, mais je présume que c'est
dans les quelques mois qui ont suivi le 18 octobre 1978.
M. Paradis: Qui ont précédé?
M. Boivin: Qui ont précédé le 18 octobre
1978. Je présume que le premier ministre a dû dire: Qu'en
pensez-vous si on engageait Me Gauthier membre du cabinet, conseiller
spécial? J'imagine... - j'en ai certainement parlé avec le
premier ministre.
M. Paradis: Et vous avez répondu?
M. Boivin: Que ce serait une bonne idée.
M. Paradis: Que ce serait une bonne idée. Est-ce que,
à ce moment-là, M. le chef de cabinet, vous étiez au
courant de ses occupations actuelles, qu'il était président de la
tutelle du 791, un des syndicats poursuivis par la Société
d'énergie de la Baie James?
M. Boivin: Je devais être au courant. Je devais être
au courant. Cela ne m'a jamais frappé, cet aspect-là, avant que
je me... Vous savez, il faut se situer... Chaque fois que vous me posez une
question, vous la situez à tel moment...
M. Paradis: Excusez-moi, je suis la chronologie.
M. Boivin: Je trouve que vous avez raison...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Boivin: Je trouve que vous avez raison. Ce qui m'a
frappé dans le fait que Me Gauthier était et avait
été tuteur, c'est lorsque je me suis occupé du dossier de
la SEBJ, de la poursuite. Mais, au moment où vous me posez la question,
soit en octobre
1978 ou dans les mois précédant octobre 1978, je ne
m'occupe pas du dossier de la SEBJ, du règlement de la cause hors cour,
du dossier de la SEBJ; donc, je ne suis pas frappé par le fait de savoir
s'il est tuteur. Mais je devais le savoir. (20 h 45)
M. Paradis: Quand même, vous aviez pris un lunch le 26
juin, dont vous ne vous souvenez pas, à ce moment-ci - c'était
quand même assez récent à l'époque, vous devriez
vous souvenir de ce lunch - où vous retrouviez votre ancien
associé d'affaires, Me Beaulé, comme avocat et c'était
assez récent. Il y avait eu - sauf si ma mémoire me fait
défaut - au mois d'août, une rencontre avec le ministre du
Travail, M. Pierre-Marc Johnson, et toutes les parties impliquées. Et
là, à partir de votre ancien associé d'affaires, vous
retrouvez l'organisateur politique qui s'en vient au bureau du premier ministre
et vous savez que cette cause s'en vient. Cela ne vous déstabilise
pas?
M. Boivin: Vous faites toutes sortes de rapprochements...
M. Paradis: Non, non...
M. Boivin: ...que je n'ai pas faits dans le temps, vous me
demandez une réponse. Eh bien, je vous la donne.
M. Paradis: Je vous demande si vous avez fait des rapprochements,
finalement.
M. Boivin: Alors, je vous dis non.
M. Paradis: Vous n'avez fait aucun rapprochement.
M. Boivin: Non.
M. Paradis: C'est ce qui explique donc...
M. Boivin: Cela ne veut pas dire que, si je les avais faits, on
n'aurait pas pris la même décision.
M. Paradis: Non, non, je n'ai pas... Ce qui laisse... Faites
attention, vous me laissez sous-entendre que vous les auriez possiblement
faits. Je voudrais qu'on soit clair.
M. Boivin: Non, non. Cela ne veut pas dire que, si je les avais
faits...
M. Paradis: Oui.
M. Boivin: ...la décision eût été
autre.
M. Paradis: D'accord, cela va. C'est ce qui explique que vous
commencez, dans le mémoire que vous avez déposé à
la commission, à votre déclaration d'ouverture, à nous
parler de ce qui est finalement arrivé à l'automne 1978, en
oubliant tout ce qu'il y avait avant, en oubliant le fait que votre ancien
associé était l'avocat des syndicats américains, en
oubliant le fait que Me Yves Gauthier qui avait été tuteur d'un
des défendeurs est maintenant rendu au bureau du premier ministre. C'est
le silence complet. Là, vous commencez avec l'automne 1978. Je vous
réfère, pour que vous puissiez me suivre facilement, à la
page un de votre mémoire, paragraphe deux, sous-paragraphe deux,
où vous nous dites, et c'est là que l'histoire commence
d'après votre témoignage: "À l'automne 1978, j'ai
reçu un téléphone de M. Louis Laberge, président de
la FTQ. Je ne saurais préciser la date de cette conversation
téléphonique, mais il me semble que ce fut peu de temps avant ma
première rencontre avec Me Michel Jasmin le 4 décembre 1978. Elle
aurait donc vraisemblablement eu lieu au cours du mois de novembre." C'est ce
qui explique que vous commencez à cette époque. Pour vous, en
tant que chef de cabinet, le dossier commence là en ne tenant pas compte
de tout ce qui était arrivé avant. Est-ce exact?
M. Boivin: Voulez-vous une réponse carrée? Je veux
dire...
M. Paradis: Carrée, ronde, je veux la
vérité.
M. Boivin: Si je recommençais mon texte, peut-être
que c'est de l'orgueil de ma part, je le recommencerais de la même
façon parce que les faits que vous avez soulevés, à savoir
que Me Beaulé est mon ancien associé professionnel et ami et que
M. Gauthier avait été dans le passé, avant d'être au
cabinet, tuteur du syndicat, je ne trouve pas cela important.
M. Paradis: Cela va. Maintenant, vous avez parlé, au mois
de novembre 1978, à M. Louis Laberge. Vous nous dites que la
conversation fut brève. Malgré cet énoncé, est-ce
que vous pouvez vous souvenir de l'essentiel de la conversation, si
brève fût-elle?
M. Boivin: Je suis incapable de... Cela m'a été
posé souvent.
M. Paradis: Juste l'essentiel, je ne veux pas le mot à
mot, je ne veux pas "verbatim"...
M. Boivin: À moins d'inventer, je suis incapable.
M. Paradis: Cela va. Vous ne vous en souvenez pas.
M. Boivin: Je sais qu'il m'a dit que Me Jasmin m'appellerait,
mais le reste...
M. Paradis: C'est l'essentiel de ce que vous souvenez,
finalement. Cela va. Maintenant, vous nous dites, à la page trois du
mémoire que vous nous avez soumis, au haut de la page: "Le
1er décembre excusez, à la page deux - j'ai
rencontré, à sa demande, Me Rosaire Beaulé à mon
bureau de Québec. Il me remit, à cette occasion, une copie de sa
défense à l'action de la Société d'énergie
de la Baie James." Vous vous en souvenez clairement de cela?
M. Boivin: J'ai dit, M. le député, que, lorsque
j'ai préparé ma comparution ici, je suis allé voir Me
Beaulé et j'ai dit: Voici la liste, préparée par le bureau
du premier ministre, des rencontres. Il m'a dit: Jean-Roch, tu oublies que je
t'ai vu à Québec le 1er décembre. J'ai dit: C'est vrai. Il
a dit: Tu ne t'en souviens pas, je t'ai remis ma défense. J'ai dit: Je
ne l'ai plus, peux-tu m'en donner une copie? Il m'en donne une copie. Je l'ai
ici. Alors, je me souviens vaguement que M. Beaulé est venu à mon
bureau, au J, pour me parler de cela; il m'a remis sa défense. Je ne
sais pas quel jour c'était. Il faudrait regarder sur le calendrier. J'ai
dit: On se reverra.
M. Paradis: Est-ce qu'il s'agissait là strictement du
deuxième contact que vous aviez avec l'affaire? En ce sens que le
premier contact était le coup de téléphone de M. Louis
Laberge en novembre 1978, le deuxième contact étant celui de Me
Beaulé le 1er décembre. Est-ce qu'il s'agit du
deuxième contact que vous avez eu?
M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, oui. C'est pour cela que
je l'ai écrit de cette façon.
M. Paradis: D'accord.
Vous souvenez-vous de la durée approximative de la rencontre avec
Me Beaulé, vu que ce n'est pas inscrit sur les feuilles de registre de
visites du bureau du premier ministre qu'on nous a remises?
M. Boivin: Je vais inventer là.
M. Paradis: N'inventez pas. Si vous ne vous souvenez pas, dites:
Je ne m'en souviens pas. Mais si vous avez une idée approximative, une
demi-heure, une heure, quatre heures...
M. Boivin: Si vous me demandez l'ordre de grandeur.
M. Paradis: L'ordre de grandeur, cela va.
M. Boivin: Environ une demi-heure.
M. Paradis: Environ une demi-heure, cela va.
M. Boivin: Le genre: Que fais-tu à Québec, etc.? Il
y a un de nos amis qui avait été nommé juge et il a
démissionné, on a parlé de cela, etc. On a parlé un
peu de son affaire. Il a voulu m'en parler un peu et j'ai dit: On se reverra
à Montréal parce que j'ignore tout pour l'instant de cette
affaire.
M. Paradis: Maintenant, le 4 décembre 1978, Me Jasmin vous
rend visite, suivant le registre qu'on nous a remis. Vous avez une rencontre de
40 minutes. Vous avez expliqué, en réponse à des questions
d'autres collègues, ce qui s'était produit et vous aviez un
souvenir assez précis des arguments que vous avait avancés Me
Jasmin. S'agissait-il de la première sensibilisation au dossier qu'a
effectuée à votre égard Me Jasmin?
M. Boivin: Oui.
M. Paradis: Est-ce que vous avez perçu cette visite comme
étant celle que vous avait annoncée Louis Laberge, le
président de la FTQ, à l'occasion de son appel
téléphonique de novembre?
M. Boivin: C'est juste, M. le Président.
M. Paradis: Le Il décembre 1978, vous rencontrez à
nouveau à vos bureaux Me Rosaire Beaulé; il est présent
sur place pendant une cinquantaine de minutes. Vous avez résumé,
en réponse à des questions qui ont été
posées par d'autres collègues, l'essentiel du contenu de la
conversation ou des arguments que vous avait récités Me
Beaulé pour défendre la position de sa cliente, l'union
américaine. Cela a duré au maximum 50 minutes. Est-ce que
c'était la première fois que vous reparliez à Me Rosaire
Beaulé depuis sa première visite du 1er décembre 1978?
M. Boivin: Au meilleur de mon souvenir, oui, M. le
Président.
M. Paradis: Vous n'avez pas eu de conversations
téléphoniques? Je vous le demande, au meilleur de votre souvenir.
Ne vous choquez pas. Vous n'avez pas eu de conversations
téléphoniques entre les deux pour faire rapport de la visite de
Me Jasmin? J'essaie de vous aider. Quand Me Jasmin est venu vous voir, est-ce
que vous lui avez parlé de la première visite de Me
Beaulé?
M. Boivin: J'ai peut-être dit: Me Beaulé est venu me
voir le 1er décembre. Je le lui ai peut-être dit, mais je ne m'en
souviens
pas.
M. Paradis: D'accord. Le Il décembre, est-ce que vous avez
dit à Me Beaulé: Me Jasmin est venu me voir le 4
décembre?
M. Boivin: II est fort possible que je le lui aie dit. Je ne m'en
souviens pas.
M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas.
M. Boivin: Mais non.
M. Paradis: D'accord. Mais vous vous souvenez, par exemple, pour
l'avoir expliqué en réponse à des questions de
collègues, de l'essentiel de l'argumentation de ces deux procureurs: un
qui représentait le syndicat québécois et l'autre qui
représentait le syndicat américain.
M. Boivin: C'est-à-dire, comme je vous l'ai dit, que je ne
me souviens pas à quelle date ils m'ont présenté les
arguments, mais je présume - parce que cela [n'apparaîtrait d'une
logique presque irréfutable - que cela fut au cours des premières
conversations au mois de décembre...
M. Paradis: D'accord.
M. Boivin: ...qu'ils me firent valoir ces arguments, puisqu'ils
vinrent pour me sensibiliser à un dossier.
M. Paradis: Est-ce que Me Jasmin, à l'occasion de sa
visite du 4 décembre -suivant la liste qui nous a été
remise par le bureau du premier ministre - vous a parlé ou a
souligné le fait qu'il avait rencontré, le 17 octobre ainsi que
le 12 novembre, Me Yves Gauthier, l'ancien tuteur, maintenant devenu conseiller
spécial du premier ministre?
M. Boivin: Non, M. le Président. M. Paradis:
Absolument pas.
M. Boivin: Absolument pas. S'il me l'avait dit, je lui aurais
dit...
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...je ne sais pas si je dois maintenant appeler cela
une question de règlement ou une question de gros bon sens, mais, en
tout cas, je vais la formuler comme étant une question de
règlement.
J'écoute avec beaucoup d'attention le député de
Brome - Missisquoi depuis qu'il a commencé son interrogatoire. Je me
rends compte qu'il est le septième frappeur au bâton du
côté libéral à reprendre systématiquement les
mêmes questions, le même calendrier. S'il y a des questions
additionnelles sur des précisions que vous voulez obtenir sur des points
qui n'auraient pas été éclairés, faites-le. Mais,
M. le Président, je vous rappellerai l'article 173. Il est normal, il
est même "permis de poser de nouvelles questions pour obtenir des
renseignements supplémentaires". Mais là, franchement, vous jouez
avec les nerfs de pas mal de monde - si vous me passez l'expression - en
recommençant systématiquement ce que j'appellerais un
interrogatoire en chef ou un interrogatoire principal pour la septième
fois. Cela commence à ressembler à de la
répétition. Je n'appellerai pas cela du harcèlement parce
que je connais bien M. Boivin; je sais qu'il a un bon caractère
également. Mais le calendrier, on l'a tous sous les yeux, il est
très clair et très net. S'il y a des éléments qui
ont échappé, M. le Président, au député de
Brome-Missisquoi, je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'il
formule des questions pour avoir des informations additionnelles, mais, s'il
recommence systématiquement pour la septième fois ce que d'autres
de ses collègues ont mal fait ou bien fait - en tout cas, chacun en
tirera sa propre conclusion -on n'en finira pas. Il y a neuf intervenants de
l'autre côté; c'est le septième. Il y en a peut-être
un huitième ou un neuvième qui va se pointer. Il va à la
pêche de temps en temps et il revient. Ce que je trouve, M. le
Président, c'est qu'on n'a rien appris depuis dix, quinze minutes; on
vire autour, on taponne. Les dates ne changeront pas. M. Untel a
rencontré M. Untel tel jour, il nous l'a dit. Cela fait cinq, six, sept
fois qu'il dit la même chose. Alors...
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Duhaime: En vertu de la règle du gros bon sens...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi sur la question de règlement.
M. Paradis: Non. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Si vous permettez, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Naturellement, je pense que c'est un bel effort de la
part du ministre, M. le Président.
M. Duhaime: ...
M. Lalonde: II y a un remaniement dans l'air.
Le Président (M. Jolivet): M. le député!
M. Lalonde: C'est bon d'avoir à aller au bâton pour
le chef de cabinet du premier ministre, cela ne nuit pas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, sur
la question de règlement, sur la question de règlement.
M. Duhaime: Je ne comprends pas, M. le Président.
M. Lalonde: Est-ce que vous voulez que je
répète?
M. Duhaime: Oui.
M. Lalonde: J'ai dit que c'était un bel effort.
M. Duhaime: Dans quel sens?
M. Lalonde: C'est qu'il y a peut-être un remaniement dans
l'air. Il y en a toujours, n'est-ce pas, et réellement c'est...
Félicitations.
M. Duhaime: J'en prends bonne note.
M. Lalonde: Mais il reste que la mémoire du ministre est
peut-être un petit peu fragile. On sait combien les mémoires sont
fragiles. C'est la faculté de la mémoire d'oublier. Il ne se
souvient pas que les questions qui ont été posées sur les
événements rappelés par les questions du
député de Brome-Missisquoi ne sont pas les mêmes. On peut
poser douze questions sur une réunion. D'ailleurs, M. le
Président, vous êtes probablement le plus vigilant de tous ceux...
Je ne demanderais pas à... Comment il appelait cela?
Le Président (M. Jolivet): Non. Attention à ce que
vous allez dire! Attention à ce que vous allez direl
M. Lalonde: Les députés péquistes. Comment
les journalistes appelaient cela?
Le Président (M. Jolivet): M. le député! M.
le député!
M. Lalonde: Je ne demanderai pas à la flopée des
"back-benchers" de surveiller les questions ici, mais vous le faites et je vous
fais confiance que, lorsqu'on se répétera, vous allez nous le
dire.
M. Perron: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Lorsque le député de
Marguerite-Bourgeoys parle de la flopée de "back-benchers", je
voudrais... Non, non, non. Je m'excuse.
M. Lalonde: C'est un journaliste qui a dit cela.
M. Perron: Je voudrais vous demander combien il y en avait dans
le temps que vous étiez 102, en 1973?
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas une question
à laquelle le député de ...
M. Lalonde: Si j'étais méchant, je vous
souhaiterais le même sort que...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
M. Perron: ...le député de Marguerite-Bourgeoys ou
que d'autres députés à cette table.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, en revenant à vos questions de façon à
terminer le plus rapidement possible.
M. Lalonde: Oui, oui... Malgré leurs décisions,
malgré leurs erreurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je suis certain que vous veillez au maintien de
l'ordre et, chaque fois que j'ai eu à répéter une question
- je l'ai d'ailleurs souligné après avoir relu les transcriptions
- j'ai attiré l'attention du chef de cabinet pour qu'il n'ait pas
à répéter deux fois et j'ai résumé le plus
brièvement possible. Mais les tentatives d'obstruction et de camouflage
du ministre ne m'aident pas...
Le Président (M. Jolivet): M. le député. M.
le député. M. le député, si vous vouliez aller tout
de suite aux questions, cela va aller plus vite.
M. Paradis: Oui. Cela va, M. le Président.
M. Duhaime: M. le Président, je vais soulever une nouvelle
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Duhaime: Quand je soulève une question de
règlement ici, ce n'est ni pour faire de l'obstruction ni pour camoufler
quoi que ce soit. Mettez cela dans votre pipe.
M. Lalonde: Vous vous êtes bien trompé.
M. Duhaime: Non, je m'excuse. Cela, a toujours été
dans le sens de ne pas nous faire perdre notre temps. Voulez-vous que je sorte
les éditoriaux encore une fois? J'en ai plein ma valise, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Mais pas dans votre question de
règlement.
M. Duhaime: Tout le monde va le constater.
Le Président (M. Jolivet): Mais pas dans votre question de
règlement.
M. Duhaime: On perd notre temps et on perd encore notre temps
depuis une demi-heure.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, en allant rapidement et en faisant en sorte de ne pas faire
de répétition.
M. Paradis: M. le Président, je prends la parole du
ministre en me rappelant que les apparences sont souvent trompeuses. (21
heures)
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Paradis: Je reviens donc. On avait procédé...
Pour replacer ceux qui nous écoutent dans le débat, on avait
résumé ce qui était arrivé avant novembre 1978.
Nous sommes maintenant en novembre 1978, l'appel de Louis Laberge. Le 1er
décembre 1978, Me...
M. Lalonde: Voulez-vous un café?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:
M. Paradis: Je recommence. On avait résumé les
événements d'avant novembre 1978. En novembre 1978, on avait
rappelé l'appel de M. Louis Laberge. On s'était rappelé
que, le 1er décembre 1978, Me Beaulé, à l'occasion d'une
visite à vos bureaux, vous avait remis sa défense. On avait fait
état de la rencontre du 4 décembre avec Me Jasmin ainsi que de
celle du Il décembre avec Me Beaulé.
J'en étais - toujours en suivant la chronologie des
événements dans le texte que vous avez eu la gentillesse de nous
préparer - aux renseignements que vous aviez pris avant de vous former
une opinion, à l'opinion de Geoffrion et Prud'homme dont vous aviez pris
connaissance. Vous avez répondu à des questions de mes
collègues que c'était le seul document de chez Geoffrion et
Prud'homme que vous aviez consulté. On sait qu'il y avait
également une autre étude juridique qui représentait la
Société d'énergie de la Baie James. On sait qu'il y avait
également un procureur, Me Gadbois, à l'interne, qu'on appelle.
Est-ce que vous avez consulté quelqu'un d'autre que Me Cardinal et un
autre document que celui auquel on se réfère comme étant
l'opinion juridique de 1975?
M. Boivin: Non.
M. Paradis: Je vous réfère au paragraphe 4 de votre
déclaration. Vous nous dites: "Afin de me former une opinion, j'ai
écouté les représentations de MM. Laberge, Beaulé
et Jasmin. J'ai pris des informations au sujet de la poursuite auprès du
bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme et, finalement, j'ai lu le rapport
Cliche." Quant à M. Laberge, vous nous dites, à la page 1 de
votre mémoire que votre conversation téléphonique de
novembre fut très brève. Est-ce que vous avez eu d'autres
renseignements de M. Laberge à l'occasion d'une autre conversation
téléphonique? Est-ce que le premier ministre - je vais vous poser
plusieurs questions, cela accélérera peut-être - a eu des
conversations avec M. Louis Laberge dont il vous aurait fait part? Est-ce que
vous avez eu d'autres renseignements que cette brève conversation qui
vous dit: Jasmin va aller te voir?
M. Boivin: M. le député, pour répondre
à votre question, à la page 2, au paragraphe 4, je dis: "J'ai
écouté la présentation de M. Laberge..." J'ai écrit
le nom de M. Laberge simplement pour être complet puisqu'il m'a
téléphoné, mais c'est vraiment pour être complet
parce que les représentations - s'il en a faites - étaient si
brèves que... Je visais surtout Mes Beaulé et Jasmin. Quant
à votre deuxième question, si le premier ministre a vu M. Laberge
pour parler de cette affaire, je ne le sais pas. Enfin, il ne me l'a pas dit.
Il ne m'a pas dit: M. Laberge m'en a parlé, etc. Je ne le sais pas
à ce jour. Pour ce côté-là, c'est tout; pour ce
côté-là, le côté syndical.
M. Paradis: Quant à Me Beaulé, vous vous
référez strictement à votre rencontre du 1er
décembre, à la défense qu'il vous a soumise à ce
moment-là ainsi qu'à la rencontre du Il décembre.
M. Boivin: C'est juste.
M. Paradis: Quant à Me Jasmin, vous vous
référez strictement à la rencontre que vous avez eue avec
lui le 4 décembre?
M. Boivin: C'est juste.
M. Paradis: Quant au rapport Cliche... Vous dites: "Finalement,
j'ai lu le rapport Cliche." Est-ce que c'était la première
lecture que vous en faisiez? Est-ce que vous l'avez faite de façon
complète?
M. Boivin: Sûrement pas de façon complète.
J'ai dit cela de mémoire. La vraie réponse, je devrais dire que
je ne m'en souviens pas, mais je peux affirmer vraisemblablement que je l'ai lu
en diagonale pour essayer de trouver des bouts qui se rapportaient à
cela, à ce moment-là.
M. Paradis: Est-ce que c'était la première lecture
que vous en faisiez? Parce que vous dites: "Finalement... Je le replace dans le
temps, après les autres événements.
M. Boivin: Ce que je voulais dire en disant "finalement", c'est
qu'après avoir parlé à MM. Beaulé, Jasmin... Ce que
je veux dire, c'est qu'en décembre, j'ai lu le rapport Cliche.
M. Paradis: En diagonale. M. Boivin: En diagonale.
M. Paradis: Cela va. C'est là que vous avez tiré
vos conclusions personnelles, si je me fie au texte que vous nous avez remis et
où vous dites: "J'en suis venu à la conclusion qu'il devait y
avoir règlement hors cour pour les causes suivantes: a)
l'incapacité évidente des syndicats québécois... -
on a déjà passé à travers tout cela - b) la
non-responsabilité de la très grande majorité des
syndiqués ordinaires, etc. - et là, vous faites
référence au rapport de la commission Cliche que vous avez lu en
diagonale - c) mon très grand septicisme quant à la
capacité de la SEBJ de faire établir par les tribunaux canadiens
la responsabilité civile du syndicat américain." J'imagine
qu'à ce moment-là, vous faites référence à
certains passages de l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, de 1975 quand
même.
Vous ajoutez à la fin: "Cette commission parlementaire a entendu
de longs exposés juridiques sur la responsabilité civile possible
du syndicat amércain. À ce sujet, la conclusion personnelle
à laquelle je suis arrivé me suffisait." Vous ajoutez que, "de
façon subsidiaire, le climat de paix sociale qui existait sur le
chantier..." Mais vous avez dit, en réponse à d'autres questions,
que c'était de façon très très subsidiaire. Quant
à vous, l'affaire est dans le sac; avant le congé de Noël,
c'est réglé. Je vous réfère à la page 7,
paragraphe 5, et je vous cite: "Avant le congé de Noël, j'ai fait
un court rapport verbal à M. Lévesque des faits que je
connaissais de ce dossier et des représentations qui m'étaient
faites par la FTQ ainsi que par Me Beaulé, le procureur du syndicat
américain." J'ai quelques questions très spécifiques.
Lorsque vous parlez des représentations qui vous ont
été faites par la FTQ, à part M. Laberge, avec qui vous
avez eu une très brève conversation téléphonique,
et Me Jasmin, que vous aviez rencontré pour une durée maximale de
40 minutes le 4 décembre 1978 et qui était l'avocat de la FTQ,
avez-vous eu d'autres représentations de la part de la FTQ?
M. Boivin: Non, pas de la FTQ; je veux être bref et je vise
ici à la fois M. Laberge et M. Jasmin.
M. Paradis: D'accord. Lorsque vous parlez de Me Beaulé, ce
sont les rencontres du 1er et du Il décembre?
M. Boivin: Exact.
M. Paradis: II n'y a pas d'autre chose que cela?
M. Boivin: Si vous me permettez, M. le député, je
suis sûr que vous ne l'avez pas fait exprès. Quant aux syndicats
représentés par Me Jasmin, vous avez résumé
très brièvement mon mémoire. Il est très bien
résumé, mais je trouve que, quant au syndicat américain,
pour moi personnellement en tout cas, ce qui ressort de mon texte, que je vous
présente en toute déférence, c'est que, ce qui
était le plus important dans mon idée et qui le demeure encore
aujourd'hui, si vous me posez la question en 1983, ce sont les deux premiers
alinéas de la page 7, c'est-à-dire ce que j'appelle le
côté non équitable de poursuivre les Américains pour
les pots cassés par des bandits québécois.
M. Paradis: Je vous réfère à la page 38 du
document Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion et Prud'homme. Vous
n'aviez pas encore l'opinion du Il décembre 1978 concernant la
solvabilité des défendeurs recherchés en justice, etc.
M. Boivin: C'est juste.
M. Paradis: C'est pour cela que je l'avais sauté
rapidement, parce que j'avais tenu pour acquis que vous ne l'aviez pas, mais vu
que vous... Pas sur celle-là, je m'excuse, on continue. Vous aviez fait
rapport au premier ministre et, en haut de
la page 8, vous dites: "M. Lévesque - vous vous
référez sans doute à celui pour qui vous travaillez - m'a
dit "qu'il était évident" que cette cause devrait se
régler hors cour aux conditions dont les parties auraient
elles-mêmes convenu et il m'a demandé de faire connaître son
opinion au président de la SEBJ et de me tenir au courant de
l'évolution du dossier afin de pouvoir l'en informer." Vous vous
souvenez comment cela s'est produit? Votre mémoire est fidèle
jusqu'à ce moment-là; est-ce exact?
M. Boivin: Je résume au meilleur de mon souvenir le mandat
que m'a donné M. Lévesque.
M. Paradis: Donc, si j'essaie de résumer cette
période... Le ministre m'avertit de ne pas trop résumer et il
trouve qu'on prend trop de temps. Il va falloir s'entendre. Je tente de
condenser pour gagner du temps. D'ailleurs, s'il y a quelque chose qui
échappe à mon résumé, M. le chef de cabinet du
premier ministre, je vous prie de l'ajouter. Après un appel
téléphonique de M. Louis Laberge, président de la FTQ, en
novembre, une rencontre de 30 minutes avec Me Beaulé, le 1er
décembre, une rencontre de 40 minutes, au maximum, avec Me Jasmin, le 4
décembre, une rencontre - la deuxième - avec Me Beaulé
d'un maximum de 50 minutes, le Il décembre - donc, vous vous souvenez de
l'essentiel - la connaissance de l'opinion juridique de Geoffrion et Prud'homme
du 16 décembre 1975 et la lecture en diagonale du rapport de la
commission Cliche, vous aviez arrêté votre opinion, votre
idée et elle a été endossée par le premier ministre
du Québec.
M. Boivin: C'est juste, M. le Président.
M. Paradis: Très bien. Jusque-là, sauf les
événements qui ont précédé novembre, pour
cette période, à partir de novembre jusqu'à cette
période, je n'ai absolument aucune difficulté à vous
suivre. Là, on entrera peut-être dans la partie la plus complexe
et je vous demanderai de m'aider, parce que, même si je suis le
sixième ou le septième frappeur au bâton, il reste des
trous énormes, selon moi, à combler. C'est là que cela
commence...
M. Tremblay: ...
M. Paradis: ...des trous énormes à combler. Vous
revenez des fêtes et, le 3 janvier 1979, suivant la liste qui nous est
remise par le bureau du premier ministre, vous avez une rencontre avec M.
Claude Laliberté, qui est le président-directeur
général de la Société d'énergie de la Baie
James. Il est entré en fonction au mois d'octobre
précédent. C'est le nouveau P.-D.G.
Je vous cite au texte. Vous avez cette rencontre pour lui dire que le
premier ministre était favorable à un règlement hors cour.
Vous ajoutez: "Si la mémoire m'est fidèle, M. Laliberté
m'a alors dit qu'il verrait à soumettre cette question au conseil
d'administration. Il disait douter cependant que le conseil puisse en arriver
à une décision avant le début du procès fixé
pour le 15 janvier." Vous y avez fait allusion, à ce paragraphe. J'ai
simplement une question à vous poser quant à cette allusion.
C'est la suivante: Lorsque M. Laliberté vous a dit qu'il verrait
à soumettre cette question au conseil d'administration, est-ce que c'est
vous qui lui aviez demandé de la soumettre au conseil
d'administration?
M. Boivin: II ne me serait pas venu à l'idée de le
lui demander, parce que cela m'apparaissait et cela m'apparaît encore
aujourd'hui une démarche normale. M. Laliberté ne peut pas
décider d'une telle question seul. Il faut nécessairement qu'il
la soumette à son conseil d'administration. Je pense que le sens de ma
phrase n'est pas tellement pour souligner qu'il devrait la soumettre à
son conseil d'administration, parce que c'est un peu parler pour ne rien dire,
mais il disait douter, cependant, que le conseil puisse en arriver à une
décision avant le 15 janvier.
Le Président (M. Jolivet): Je vais vous arrêter
seulement pour quelques instants, parce que le ministre aurait une question
à poser concernant Me Jasmin. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, ce matin, on m'a donné
des indications, sous réserves, bien sûr, disant que notre
invité pourrait être libéré sinon avant 18 heures,
du moins très tôt après 20 heures. En conséquence,
nous avons, par le Secrétariat des commissions, fait convoquer
l'honorable juge Jasmin qui est ici présent, assisté de son
procureur, et qui est prêt à venir au bout de la table nous dire
ce qu'il a à nous dire. Je voudrais avoir une indication - pas plus
qu'une indication - du côté de l'Opposition, à savoir si
l'interrogatoire du député de Brome-Missisquoi, en tenant pour
acquis qu'il n'y aurait pas trop de questions de règlement à
travers ses questions, pourrait être terminé d'ici un quart
d'heure. Je demanderais, à ce moment-là, que l'honorable juge
Jasmin reste à la disposition de la commission. Mais si cela doit passer
21 h 30, je voudrais vous aviser que je vous proposerais qu'on le libère
pour lui demander d'être présent demain matin à 10 heures,
en lui offrant nos excuses, les miennes en particulier, parce que c'est la
huitième ou la neuvième fois que je me fais attraper par les
indications du député de Marguerite-Bourgeoys quant à la
durée des travaux.
M. Paradis: ...l'obstruction et les lectures
d'éditoriaux.
M. Duhaime: J'avoue honnêtement que je suis fort
peiné que l'on ne soit pas en mesure de programmer davantage les travaux
de la commission. Je ne dis pas à la demi-heure près, il n'y a
pas de problème. Mais j'avais pensé que, après sept
interrogatoires et dans la huitième semaine de nos travaux, nous
pourrions espérer une accélération quelconque. C'est
l'indication que je demande à l'Opposition. (21 h 15)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'ai encore chuté, M. le Président. Je
me suis fié aux députés ministériels. C'est une
erreur que je répète et je prends le ferme propos de ne plus
jamais le faire. Je pensais qu'on pourrait terminer l'interrogatoire de Me
Boivin vers 18 heures. Mais, les interruptions, la lecture d'éditoriaux,
enfin, l'interférence carabinée des ministériels nous ont
empêchés de terminer. Je m'en excuse auprès de Me Boivin et
aussi...
M. Tremblay: On vous dérange?
M. Lalonde: ...auprès de M. le juge Jasmin.
M. Tremblay: On pourrait s'en aller.
M. Lalonde: Je n'ai pas participé à la
décision de le convoquer ce soir. Cela a été pris... Mais,
j'avais indiqué que j'espérais qu'on ait terminé vers 18
heures avec Me Boivin. Malheureusement, on ne terminera pas avant 21 heures
30.
Le Président (M. Jolivet): Donc, compte tenu des demandes
qui sont faites, nous allons permettre à Me Jasmin de quitter, s'il le
désire, et lui demander d'être disponible pour demain matin, 10
heures. Mais, je constate, comme président, que, de part et d'autre, on
a des opinions partagées. M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président. Je vous remercie
d'avoir partagé les opinions. Donc, pour reprendre un peu le fil de nos
idées, avant les fêtes, avant le congé de Noël, M.
Lévesque vous dit qu'il est évident que cette cause - M.
Lévesque, le premier ministre - devrait se régler hors cour, aux
conditions dont les parties auraient elles-mêmes convenu, etc. Le 3
janvier, au retour du congé des fêtes, vous rencontrez M. Claude
Laliberté, le nouveau président-directeur général
de la Société d'énergie de la Baie James, pour lui dire
que le premier ministre était favorable à un règlement
hors cour. M. Laliberté - et je mets la réserve -si votre
mémoire vous est fidèle, vous a alors dit qu'il verrait à
soumettre cette question au conseil d'administration. Vous avez répondu
à une de mes questions que ce n'était pas à la suite de
l'une de vos demandes qu'il aurait dit cette chose-là, que cela
apparaissait tout à fait normal. Qu'est-ce que vous lui avez
répliqué lorsqu'il vous a dit qu'il soumettrait cette question au
conseil d'administration? Et je vais élargir un peu ma question: Est-ce
que vous avez discuté des positions que M. Laliberté concevait
des administrateurs au conseil d'administration quant à cette
possibilité de régler hors cour?
M. Boivin: Non, M. le Président. À mon souvenir,
non. Comme je l'ai dit à quelques reprises, j'ai fait valoir les
arguments qui m'apparaissaient militer en faveur d'un tel règlement et
j'ai dit, je crois, que M. Laliberté ne s'est pas commis.
M. Paradis: II ne s'est pas commis lui-même, mais est-ce
que vous avez senti qu'il était favorable?
M. Boivin: J'ai dit et je le maintiens que, lorsque M.
Laliberté est sorti de mon bureau, si on m'avait demandé s'il
était favorable ou non, j'aurais dit que je ne le savais pas.
M. Paradis: Au paragraphe suivant de votre exposé, vous
dites: "Du 3 janvier -donc, de cette rencontre-là avec M.
Laliberté - jusqu'à la rencontre du premier ministre avec les
trois membres du conseil d'administration de la SEBJ, tenue le 1er
février 1979, j'ai, à quelques reprises, parlé
brièvement de cette affaire à M. Lévesque pour l'informer
de l'évolution générale du dossier. Il en fut de
même après le 1er février." Autrement dit, vous aviez des
échanges constants avec le premier ministre pour lui faire rapport de
l'évolution du dossier?
M. Boivin: Pas constants, périodiques, pour lui dire des
choses du genre: Cela négocie.
M. Paradis: Cela va bien?
M. Boivin: Cela va bien, cela négocie.
M. Paradis: Cela va dans le sens du sentiment que vous avez
émis?
M. Boivin: Oui. Je veux dire que je n'ai pas d'indication de
blocage.
M. Paradis: Et, vous concluez finalement, avant d'analyser les
propos du journal La Presse, au paragraphe 8: "En bref,
j'ai été approché par MM. Laberge, Jasmin et
Beaulé qui m'ont fait des représentations. J'ai
étudié le dossier et j'ai fait... M. le Président, on me
souffle...
Le Président (M. Jolivet): Non, non, ce n'est pas à
vous qu'il a parlé, à ma connaissance. Mon oreille droite est
sensible, moi aussi.
M. Paradis: Ah, cela val Cela va, M. le Président, je vais
donc...
Le Président (M. Jolivet): Mon oreille gauche aussi.
M. Paradis: Je vais donc reprendre. Si c'est la troisième
fois que je le dis, c'est que c'est la troisième fois que c'est
écrit dans le texte que nous a donné le chef du cabinet. Si vous
avez à vous plaindre du texte du chef du cabinet, c'est au bunker de
l'autre côté.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y donc pour vos
questions.
M. Vaillancourt (Jonquière): On aime mieux ramasser des
faits, nous.
M. Paradis: En bref, au paragraphe 8: "J'ai été
approché par MM. Laberge, Jasmin et Beaulé qui m'ont fait des
représentations. J'ai étudié le dossier et j'ai fait au
premier ministre les recommandations que je croyais appropriées. J'ai
ensuite rencontré M. Claude Laliberté, comme il est dit plus haut
enfin, je me suis tenu au courant de l'évolution générale
du dossier."
On va retomber dans la période où j'ai beaucoup de
difficulté à vous suivre. Le 12 janvier, le registre qu'on nous a
remis indique une visite à Jean-Roch Boivin, chef de cabinet, de Michel
Jasmin, de 15 h 56 à 17 h 26. On est le 12. C'est à votre retour
de la Louisiane le 12 janvier et la fin de semaine, le vendredi qui
précédait l'ouverture du procès, le 15 janvier. Le 15
janvier, on indique une visite à Jean-Roch Boivin de Rosaire
Beaulé, de 17 h 34 à 18 heures. C'est la journée de
l'ouverture du procès. Même journée, une visite à
Jean-Roch Boivin de Michel Jasmin, de 17 h 34 à 18 heures. Le 16
janvier, le deuxième jour du procès, une visite à
Jean-Roch Boivin de Michel Jasmin, de 15 h 23 à 16 h 06. Le 17 janvier,
ce n'est pas vous qui avez la visite, suivant l'horaire qu'on nous a remis,
c'est Me Yves Gauthier, le conseiller spécial, qui a la visite de Me
Michel Jasmin, de Il h 45 à 14 h 45. On oublie celle-là. Le 19
janvier, vous avez deux visites. Celle de Michel Jasmin, de 15 h 20 à 16
h 30, et celle de Rosaire Beaulé, de 15 h 36 à 16 h 31. Le 1er
février, c'est la rencontre historique des trois P.-D.G. Le 2
février, vous rencontrez dans l'avant-midi Rosaire Beaulé, de 10
h 07 à Il h 12, ainsi que Michel Jasmin, de 10 h 22 à Il h 47;
vous allez luncher avec Me Cardinal et Me Aquin. Le 6 février, ce n'est
pas à vous que la visite est faite, c'est à Me Yves Gauthier de
la part de Me Michel Jasmin, de 8 h 55 à 10 h 25. Le 9 février,
vous avez deux visites, Michel Jasmin, de 14 h 20 à 17 h 15, et
Jean-Paul Cardinal, de 16 h 30 à 17 h 05. Le 16 février, vous
n'avez pas de visite. C'est Yves Gauthier, conseiller spécial au premier
ministre, qui en a deux: Yvan Latouche, de 10 h 09 à
Il h 43, et Michel Jasmin, de 10 h 23 à Il h 43. Le 27
février, une visite à Jean-Roch Boivin de Jean-Paul Cardinal, de
10 h 45 à 10 h 55.
Quant à la dernière visite du 27 février, j'ai une
explication, elle m'a été fournie par Me Cardinal lorsqu'il est
venu devant cette commission et je vous réfère au ruban 704, page
1. Il est allé vous voir quelques minutes et il vous a dit -
c'était la fin - "Jean-Roch, cette affaire est maintenant devant le
bureau d'administration de la Société d'énergie de la Baie
James, je m'en vais en vacances."
J'ai compilé, par ce qu'on nous a remis, quatre ou cinq
séries de visites...
M. Duhaime: M. le Président, est-ce que votre oreille
droite...
Le Président (M. Jolivet): Oui, je peux vous
écouter, M. le ministre.
M. Duhaime: Je vais être obligé d'invoquer une
nouvelle question de règlement, je le regrette, mais, si tout le monde
nous suit, je n'ai rien appris de très neuf jusqu'à
présent. Si le député de Brome-Missisquoi prépare
un commentaire, qu'il nous le dise. Les questions sont très rares.
J'aimerais qu'on pose des questions à Me Boivin. S'il n'a plus de
questions à poser, M. le Président, on va passer à un
autre frappeur au bâton. Ce qu'on est en train de faire, c'est qu'on
revit systématiquement la déclaration, pourtant claire, que Me
Boivin a faite. On réénumère ad nauseam en ajoutant les
heures d'entrée et de sortie au bureau du premier ministre sans que pour
autant ce soient des heures d'entretien avec Me Boivin. Cela fait sept ou huit
fois... J'avoue honnêtement que je les sais par coeur. Je ne vois pas
pourquoi ce scénario continue, à moins que le
député de Brome-Missisquoi n'ait reçu un mandat, ce soir,
de tenir le temps jusqu'à 22 heures. Si c'est cela l'objectif, on va
s'asseoir tranquille et on va vous écouter parler...
M. Lavigne: ...15 000 $ par jour.
M. Duhaime: ...parce qu'un long monologue, comme cela,
coûte beaucoup
d'argent et j'aimerais qu'on avance dans des choses concrètes et
bien précises. On perd notre temps, M. le Président.
M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: J'essaie de suivre le ministre sur deux de ses
arguments. Lorsque je pose des questions, visite par visite, il me dit que
c'est trop long. Lorsque je tente de globaliser les visites pour gagner du
temps et pour que cela aille plus vite, il me dit que je les globalise, il me
dit que cela coûte cher. Ce n'est pas moi qui fais rénover son
bureau pour 150 000 $... C'est 120 000 $? On vient d'épargner 30 000
$...
Le Président (M. Jolivet): M. le député. M.
le député, cela n'a rien à voir avec la commission.
M. Lalonde: C'est la suite du ministre.
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président, je vais soulever
une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je pense que je
vais vous l'accorder.
M. Duhaime: Je m'attendais à une question à
l'Assemblée nationale sur ce sujet aujourd'hui. Si vous voulez vous
reprendre demain, on peut demander au leader du gouvernement d'accorder son
consentement, ou à votre caucus, si vous voulez, de vous accorder la
première question et on aura l'occasion de s'expliquer dans le salon
bleu là-dessus. Vous allez ravaler votre gomme, soyez sans
inquiétude.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, de façon à permettre
l'accélération des travaux, pour peut-être terminer avant
22 heures, si possible - je pense que cela ferait plaisir à tout le
monde, étant donné les circonstances - allez-y donc d'une
question.
J'essayais de vous suivre moi aussi; votre résumé cela
fait plusieurs fois que je l'écoute et que je l'entends. Je suis encore
patient, je vais l'écouter, mais je veux savoir si vous avez une
question.
M. Paradis: M. le Président, vous constaterez comme moi
que c'est plus facile de globaliser et de poser la question sur l'ensemble des
rencontres, parce que les réponses sur toutes les rencontres...
M. Laplante: II a donné ses réponses.
Le Président (M. Jolivet): Je vous écoute.
M. Paradis: Cela va, M. le Président. J'aimerais que l'on
puisse procéder dans le calme.
M. Laplante: Oui, mon père.
M. Paradis: Sur toutes les rencontres qui ont suivi l'ajournement
des fêtes, sauf la rencontre du 3 janvier avec M. Claude
Laliberté, président de la SEBJ, et celle du 1er février
avec votre patron, le premier ministre, j'ai noté: À relire la
transcription de votre témoignage jusqu'à hier. Également,
en réponse aux questions de mes collègues, qui vous ont
posé des questions, ce qui revenait comme réponse, c'est que vous
n'aviez pas souvenir de l'essentiel des événements qui
s'étaient déroulés à l'occasion de ces rencontres.
Je vous ferais remarquer, strictement dans le but de vous aider à en
avoir un souvenir, si possible, que vous vous êtes souvenu de tout ce qui
est arrivé avant les fêtes de façon assez impeccable, et je
vous en félicite, jusqu'à votre recommandation au premier
ministre d'abandonner les poursuites et de régler hors cour. Vous aviez
eu une réunion de deux heures.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne veux pas vous être désagréable, mais je vais être
obligé de l'être si cela continue. Allez-y donc à la
question, cela va être bien plus simple.
Une voix: Cela s'en vient, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas que vous
profitiez de vos questions pour faire des commentaires que vous aurez le droit
de faire après.
M. Paradis: C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
j'essaie d'être le plus juste possible envers tout le monde.
M. Paradis: J'indique à notre invité, le chef de
cabinet du premier ministre, que les rencontres d'avant les fêtes, au
total, pour se faire une idée et pour recommander au premier ministre
d'abandonner la cause et de régler hors cour, ont duré, suivant
l'information qu'il nous a donnée, deux heures, soit 120 minutes. Il y
en a eu quatre. Après les fêtes, on ne peut se souvenir de rien,
mais il y a eu dix rencontres et cela a duré - là, je les jumelle
- 707 minutes, Il 3/4 heures. Pendant ces Il 3/4 heures, pouvez-vous nous dire
- c'est la question, je sais que, de l'autre côté, on
ne voudra pas l'entendre...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, un
instant!
M. Laplante: II y a une limite!
Le Président (M. Jolivet): Que ce soit avant ou que ce
soit après, pour être honnête envers tout le monde, incluant
la personne qui est devant nous, il est indiqué sur les feuilles -
là, je pense que je joue le rôle d'un président qui doit
être...
M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): ...honnête envers tout le
monde - que ce n'est pas nécessairement des heures où il y a eu
des discussions ou des rencontres, mais c'est l'heure d'entrée et de
sortie d'une bâtisse dans un lieu. Je pense qu'il y a une
différence. Vouloir poser une question comme celle-ci est vraiment
injuste.
M. Paradis: M. le Président, je l'avais
équilibrée. Je vous dis cela en toute justice. J'avais
calculé de la même façon le temps d'avant les
fêtes...
Le Président (M. Jolivet): Je le sais, mais ce n'est pas
plus normal avant qu'après.
M. Paradis: Bon, je vais la reformuler pour vous faire plaisir,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Mais sans la
résumer.
M. Paradis: Mais, si je ne la résume pas, elle sera plus
longue.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne voudrais pas que...
M. Paradis: Non, mais...
Le Président (M. Jolivet): ...l'on s'amuse, ce n'est pas
le but de la commission. Allez-y de votre question à Me Boivin.
Arrêtez de mettre toute une phraséologie autour qui fait en sorte
que, finalement, vous ne rendez justice à personne. Allez-y de votre
question.
M. Laplante: ...courte, cela aussi.
M. Paradis: Je suis d'opinion que le chef de cabinet du premier
ministre de la province de Québec est capable de distinguer les choses
qui ont à être distinguées dans la question; il a cette
compétence et il peut le faire. Je ne m'adresse pas à un
témoin démuni. Il est accompagne d'un avocat. Je pose la question
le plus honnêtement et le plus objectivement possible. Je vais la
reformuler comme vous voulez, en enlevant, avant comme après - parce que
je l'avais mis avant comme après, c'est la même justice et la
même balance - les minutes dont vous parlez. Je la reformule de la
façon suivante: Avant les fêtes, M. le chef de cabinet du premier
ministre...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Allez, M. le député. (21 h 30)
M. Paradis: M. le chef de cabinet du premier ministre, M. Boivin,
avant les fêtes, dans un temps maximal - parce que c'est le maximum - de
deux heures de rencontre, vous vous êtes fait une idée, à
savoir de recommander au premier ministre d'abandonner la poursuite et de
régler hors cour et vous vous souvenez de l'essentiel de toutes les
discussions que vous avez eues.
Après les fêtes, vous avez eu dix rencontres - là je
les ai condensées parce qu'il y en a plus que cela si on les prend
individuellement - qui ont duré un maximum - parce qu'ils
n'étaient pas toujours dans votre bureau, il y a le temps d'ascenceur,
dans le bureau du premier ministre, il y a peut-être du temps d'attente -
de 707 minutes. Traduit en heures, c'est onze heures et trois quarts. Ce qui
m'inquiète, comme député à l'Assemblée
nationale du Québec, c'est que vous avez répondu à mes
collègues qui vous ont posé des questions que vous ne vous
souveniez de l'essentiel d'aucune de ces réunions. Je vous demande ce
soir, M. le chef de cabinet du premier ministre, de tenter de me donner
l'essentiel du contenu, parce que la décision était prise de
régler hors cour et d'abandonner la poursuite. Que s'est-il passé
pendant ce maximum de onze heures et trois quarts?
Le Président (M. Jolivet): Me Boivin.
M. Boivin: Très calmement. Cela ne m'a pas pris deux
heures pour me faire une idée. J'ai eu des rencontres pendant deux
heures à la suite desquelles j'ai peut-être
réfléchi. D'ailleurs, je ne sais pas si vous comptez la visite au
bureau de Geoffrion et Prud'homme dans les deux heures. Enfin, j'espère
qu'on n'est pas à des minutes près.
M. Paradis: Oui, c'est pour cela que je l'avais demandé
tantôt.
M. Boivin: Deuxièmement, je crois que votre question,
telle que formulée, est une charge - je ne dis pas que vous faites
exprès - qui peut apparaître un peu injuste à mon
égard parce qu'il est évident que je n'ai pas passé, avec
Me Jasmin en particulier... Lorsque le nom de Me Beaulé apparaît,
je n'ai pas trop de chicanes sur le temps.
Lorsque le nom de Me Jasmin apparaît, il est évident que je
n'ai pas passé le temps inscrit là - entrées et sorties -
avec Me Jasmin. Mais enfin, je ne me chicane pas sur les minutes.
M. Paradis: Moi non plus.
M. Boivin: Troisièmement, autant avant qu'après les
fêtes - il est injuste de dire que j'ai une mémoire avant les
fêtes et que je n'en ai pas après les fêtes - dans les deux
périodes ou les deux époques, j'ai des souvenirs globaux. Avant
les fêtes, je vous ai dit: Le 4 décembre, je ne m'en souviens pas.
Le Il décembre, je ne m'en souviens pas. J'ai dit cela jeudi, mais j'ai
dit: Cependant, je fais une reconstitution qui m'apparaît d'une logique
irréfutable. Ils m'ont présenté les arguments. Je m'en
souviens, ils me les ont présentés pendant deux mois. Je ne peux
les oublier, je suis tanné de les entendre. Alors, avant les
fêtes, je m'en souviens de façon globale.
Après les fêtes, je m'en souviens de façon globale
également, c'est-à-dire que, si on oublie la visite des
Américains qui est une visite que j'appelle de politesse, ce sont
essentiellement des visites surtout de Me Jasmin qui est très inquiet de
savoir si le conseil d'administration va enfin accepter de régler sa
cause hors cour. Si vous voulez une admission de ma part, M. le
député, je vais vous le dire: Je pense que j'ai été
très bon de recevoir aussi souvent M. Jasmin alors qu'il m'a
répété souvent les mêmes arguments.
Voilà.
M. Paradis: Ce que vous me dites essentiellement, Me Boivin,
c'est que, pendant les dix rencontres - au maximum, je vais même le
raccourcir, dix heures; je ne veux pas m'obstiner sur les minutes non plus,
mais dix heures au maximum d'entrevues - il vous répétait
continuellement les mêmes arguments que ceux qu'il vous avait
répétés avant les fêtes?
M. Boivin: J'ai dit: Surtout Me Jasmin. Me Beaulé, le 15
janvier, j'en ai fait état. Ce n'est pas tellement les arguments de Me
Beaulé le 15 janvier. Le 19 janvier, ce sont les Américains. Le 2
février, c'est quoi? Je ne le sais pas, je vais regarder dans mes
notes.
M. Paradis: Le 2 février, c'est la journée du lunch
et des rencontres avec tous les avocats de toutes les parties.
M. Boivin: C'est cela. Alors, j'ai dit que je ne me souvenais pas
de ce qui s'était passé à la rencontre du 2 février
avec Me Jasmin et Me Beaulé. Alors, Me Beaulé, on vient de
régler son cas. Me Jasmin, c'est essentiellement ce que je viens de vous
dire, mais je vous prie de croire... Je vais vous donner un exemple, même
si je ne m'en souviens aucunement. Vous allez trouver cela drôle, je vous
dis que je ne me souviens pas et je veux affirmer d'autres choses. Le 9
février 1979, de 14 h 20 à 17 h 15, cela ferait près de
trois heures, mais jamais au grand jamais, depuis que je suis au monde, Me
Jasmin n'a passé trois heures dans mon bureau. D'ailleurs, je n'ai
jamais vu quelqu'un passer trois heures dans mon bureau. Est-il sorti, est-il
allé parler à Me Gauthier, est-il allé parler à Me
Carpentier, est-il allé prendre un bureau libre et faire des appels
téléphoniques? Je n'en sais rien. Je ne vais quand même pas
extrapoler. Je regarde ces trois heures-là et je ne le nie pas - c'est
inscrit au registre - mais je me dis: II y a quelque chose, cela marche, c'est
exact, entrée et sortie, mais il n'a pas passé trois heures dans
mon bureau.
M. Paradis: Je vous ai posé la question strictement parce
qu'à la lecture des notes sténographiques - je vous dis pourquoi,
pour qu'on se comprenne bien - et des réponses que vous avez
données aux questions, j'ai noté aujourd'hui, à
côté du 16 janvier: Sais pas. Le 2 février, les quatre
rencontres avec toutes les parties: Sais pas. Le 9 février, j'ai
noté: Sais pas. C'est ce que j'ai été obligé de
noter à la suite des réponses que vous avez données. C'est
pour cela que j'ai ramené la question et je ne le sais pas plus. Je vous
avoue que...
M. Boivin: M. le député, il serait très
impoli de ma part - donc, je ne le ferai pas - de répondre à une
de vos questions par une question, et je ne le ferai pas. Je vous ferai
remarquer que cela m'étonne que vous soyez étonné que je
ne me souvienne pas. Quant à moi, les 27 février, 9
février, 2 février, 19 janvier, 16 janvier, c'est banal, cela. Je
me souviens grosso modo de ce qui est arrivé. Si vous me disiez: Est-ce
que votre femme n'était pas présente le 16 janvier pendant que
Michel Jasmin était là? Je vous dirais: Je ne le sais pas. Je ne
fais pas de blague. Si vous disiez: Est-ce que Me Jasmin était seul? Je
dirais: Je ne le sais pas.
M. Paradis: Écoutez là, Me Boivin, il faut
s'entendre quand même. Vous êtes le chef de cabinet du premier
ministre...
M. Boivin: Cela ne me donne pas une meilleure mémoire pour
tout cela.
M. Paradis: Non, non, cela ne vous donne peut-être pas...
Cela ne vous en donne certainement pas une meilleure...
M. Boivin: Mais elle n'est pas mauvaise, je trouve.
M. Paradis: Vous m'apportez comme exemple... Je vous le mets en
parallèle simplement pour fins de discussion, ce n'est même pas
une question. Vous dites: Je suis certain que je n'ai pas
négocié. De cela je me souviens et de cela je peux jurer. Si vous
me demandiez si ma femme était là, cela je ne le sais pas.
Écoutez... Vous me demandez, comme député, de croire
cela?
M. Boivin: Ce n'est pas du tout pareil. Ce n'est pas du
même ordre.
M. Paradis: Me Yves Gauthier - parce que c'est vous qui m'avez
amené sur le terrain...
M. Tremblay: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, j'ai une
question du député de Chambly. Oui, M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: ...une question de règlement. Je crois que le
député vient de mettre en doute la parole du témoin sous
serment. Je lui demanderais de retirer cela, ou qu'on prenne action, comme le
règlement le permet.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne veux pas être long parce que je voudrais
qu'on termine à 22 heures. Il est permis de croire ou de ne pas croire
un témoignage. Je pense que je n'apprends rien au député
en lui disant que, devant les tribunaux, tous les jours, il y a des avocats qui
plaident qu'un témoin ne doit pas être cru ou qu'une partie de son
témoignage n'est pas crédible. Il y a des juges qui prennent une
décision là-dessus.
M. Tremblay: II y a des actions...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Tremblay: ...qui sont prises à ce moment-là.
M. Lalonde: Pas nécessairement. Il y a des conclusions qui
sont tirées, mais des actions ne sont pas nécessairement
prises.
Le Président (M. Jolivet): II est vrai que nous ne sommes
pas à la petite école, mais ne donnez pas de cours de droit, vous
autres.
M. Lalonde: Non, non, mais il faut quand même lui
expliquer...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Pour continuer mes questions, et c'est une de vos
réponses, M. le chef de cabinet, qui me l'a suggéré, vous
dites qu'il est impossible que vous ayez passé trois heures avec Jasmin,
tel jour, etc. Les registres indiquent cela et on voit également que Me
Michel Jasmin - aujourd'hui M. le juge Michel Jasmin - s'est promené
dans les bureaux d'un autre conseiller spécial, selon le registre qui
nous a été remis par votre bureau, le bureau du premier ministre.
Je sais que cela a déjà été posé, je le dis
tout de suite. Je reviens sur une affirmation que nous a faite sous serment -
je ne demande rien de mieux que croire le monde qui vient ici sous serment -
votre collègue de bureau, celui qui travaille pour vous, Me Yves
Gauthier, sur le ruban 1186, en réponse à une question de M.
Duhaime qui dit ce qui suit: "Maintenant, avec Me Boivin, vous-même,
est-ce que vous avez discuté de ce dossier quant au fond? Ensuite,
est-ce que vous en avez discuté quant à un moyen de
règlement ou encore discuté du règlement comme tel? "M.
Gauthier (Yves): Non, je n'en ai pas parlé à Me Boivin. Lui, par
exemple, à un moment donné, j'ai compris qu'il m'en parlait. "M.
Duhaime: Qu'est-ce que vous voulez dire? "M. Gauthier (Yves): II m'a
demandé si j'étais encore tuteur. Il passait dans le bureau -
j'ai l'impression qu'il avait vu M. Jasmin à mon bureau - et il m'a dit:
Es-tu encore tuteur, Ti-Lou? Connaissant Jean-Roch, je savais ce que cela
voulait dire. Je n'avais plus d'affaire à me mêler de cela,
même si j'avais voulu."
On a eu un peu de temps, la fin de semaine, la pêche, la
tranquillité. Est-ce que vous êtes en mesure de confirmer cette
partie du témoignage de Me Yves Gauthier?
M. Boivin: J'ai déjà dit que je ne m'en souvenais
pas, mais, si je comprends bien sa réponse que vous venez de citer, cela
me semble être une remarque incidente ou en passant que je lui aurais
faite. Il a dit: en passant près de mon bureau. Donc, c'est fort
possible et, si M. Gauthier l'affirme, je ne veux pas le nier. Tout ce que je
dis, c'est que je ne m'en souviens pas.
M. Paradis: Le lundi 12 février 1979, le
député de Marguerite-Bourgeoys à l'Assemblée
nationale du Québec adresse à l'honorable ministre de la Justice
la question suivante: "M. le Président, la Société
d'énergie de la Baie James a pris une action en justice,
réclamant 32 000 000 $ d'un syndicat et des membres du syndicat à
la
suite du saccage qu'on a appelé le saccage de la Baie-James, il y
a plusieurs années. Or, la rumeur veut que, conformément au
préjugé favorable de ce gouvernement pour les syndicats, il soit
question de régler cette réclamation de 32 000 000 $ pour la
modique somme de 125 000 $." Il y a une voix qui dit: "Ah oui." M. Lalonde en
reprend un autre bout. Pour aller plus rapidement, je veux le citer, mais votre
procureur peut se référer au texte pour être certain que je
ne vous induis pas en erreur: "Est-il question de régler rapidement, en
sous-main, cette réclamation de 32 000 000 $ pour 125 000 $?" M.
Bédard, l'honorable ministre de la Justice, de répondre: "M. le
Président, je n'ai reçu aucune opinion juridique dans quelque
sens que ce soit concernant la cause que mentionne le député de
Marguerite-Bourgeoys. À ce que je sache, il s'agit d'une
réclamation civile où les parties sont très bien
identifiées. Le procès se déroulera suivant les
règles usuelles." On est le 12 février 1979, c'est en cour. Le
procès est supposé se dérouler suivant les règles
usuelles.
À la page 5574, pour que vous suiviez aisément, M.
Bédard ajoute, dans une réponse à une question, ce qui
suit: "Mais, à la suite de la question du député de
Marguerite-Bourgeoys, je prendrai la peine d'en discuter avec le ministre
délégué à l'Énergie." J'ai quelques
questions à ce sujet. Cela avait été
véhiculé dans les médias. Avez-vous pris connaissance du
montant de 125 000 $ à ce moment?
M. Boivin: Je présume. D'habitude, je suis la
période des questions à l'Assemblée nationale. Alors, je
présume qu'à ce moment, j'ai connu la question de M. Lalonde et
la réponse de M. Bédard.
M. Paradis: Vous avez entendu le député de
Marguerite-Bourgeoys parler de 125 000 $. Est-ce que c'était la
première fois à cette époque que vous entendiez le
montant?
M. Boivin: Cela serait fabuler que de vous répondre. Je ne
m'en souviens pas.
M. Paradis: Vous ne vous en souvenez pas? Vous avez entendu
l'honorable ministre de la Justice répondre au député de
Marguerite-Bourgeoys qu'il était pour prendre la peine d'en discuter
avec le ministre délégué à l'Énergie.
Qu'avez-vous fait?
M. Boivin: Je ne me souviens pas si j'en ai parlé à
M. Bédard, mais je me suis dit qu'un jour, il y aurait une question de
posée au premier ministre et j'ai préparé des notes pour
une réponse éventuelle dont il s'est inspiré le 20
février.
M. Paradis: Est-ce que...
M. Boivin: Cela ne veut pas dire que j'en suis le père
intégral, n'est-ce pas?
M. Paradis: Pardon?
M. Boivin: Cela ne veut pas dire que je suis le père de
tout ce que le premier ministre a dit en Chambre le 20 février. J'ai
dit: Des notes dont il s'est inspiré.
M. Paradis: Je comprends votre prudence.
M. Boivin: Non, ce n'est pas une question de prudence. Je veux
simplement être exact.
M. Paradis: Est-ce que vous avez préparé ces notes
après la question de l'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys qui est du 12 février...
M. Boivin: Je ne saurais dire quand, mais sûrement entre le
12 et le 20 février. Je ne saurais pas dire si c'est le 19, le 18 ou le
17 février, mais c'est entre le 12 et 20 février.
M. Paradis: Mais c'est après la première
question?
M. Boivin: Oui.
M. Duhaime: S'il l'avait préparée après,
cela n'aurait pas été correct. (21 h 45)
M. Paradis: Donc, le 20 février 1979, le
député de Marguerite-Bourgeoys a demandé -j'attire votre
attention sur la page 5739 du journal des Débats sous la rubrique
"Dommages causés au chantier de LG 2", au dernier paragraphe -
"Premièrement, est-il exact - c'est la question du député
de Marguerite-Bourgeoys - qu'un tel règlement est envisagé?
Deuxièmement, est-il exact que c'est dans le bureau du premier ministre,
en présence du premier ministre ou d'un de ses représentants
qu'une partie de cette négociation de règlement a eu lieu?"
Le premier ministre répond plus bas: "M. le Président, il
y avait trois questions du député. Premièrement, il est
exact qu'il est question d'un règlement. C'est même,
paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé.
Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans
le bureau du premier ministre que le règlement ou partie de
règlement a eu lieu. Mais il y a eu une consultation au bureau du
premier ministre, oui, avec des gens du conseil d'administration de l'Hydro et
de la Société d'énergie de la Baie James." Là, on
trace tout l'arrière-plan.
Est-ce vous qui avez, suivant ce que vous venez de nous dire,
préparé cette partie
de la réponse du premier ministre qui disait:
"Premièrement, il est exact qu'il est question d'un règlement.
C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez
avancé."?
M. Boivin: La réponse la plus claire que je puisse vous
donner - parce que, par curiosité, j'ai regardé pour voir si
j'avais gardé ces notes et je ne les ai pas trouvées; donc, j'ai
dû les jeter dans le temps - est que cela ne m'arrive pas souvent, mais
cela m'arrive quelquefois, selon les questions, de préparer des notes
à l'intention du premier ministre. Tout ce que je peux vous dire, c'est
que j'ai préparé des notes à l'intention du premier
ministre. Le premier ministre s'en est inspiré. Maintenant, je ne
pourrais pas vous dire: Dans mes notes, telle ligne était contenue,
telle autre ligne n'était pas contenue. C'est la réponse la plus
fidèle que je peux vous donner.
M. Paradis: Je peux peut-être essayer d'obtenir une
précision, si vous me le permettez. Le premier ministre dit: "Je crois
qu'en toute bonne foi, parce qu'il s'agit de quelque chose de très
important qui concerne une propriété publique, le
député permettra que je donne l'arrière-plan." Là,
on a tout l'arrière-plan. Est-ce que, en vous disant cela, ce serait la
partie de l'arrière-plan que vous auriez préparée et,
l'autre partie, vous ne l'auriez pas préparée?
M. Boivin: Où est l'arrière-plan? À la suite
du saccage, etc.?
M. Paradis: Au haut de la page 5740, lorsqu'il a fini de dire:
"Ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier
ministre que le règlement ou partie de règlement a eu lieu. Mais
il y a eu une consultation au bureau du premier ministre, oui, avec des gens du
conseil d'administration de l'Hydro et de la Société
d'énergie de la Baie James. Je crois qu'en toute bonne foi, parce qu'il
s'agit de quelque chose de très important qui concerne une
propriété publique, le député permettra que je
donne l'arrière-plan".
Il semble qu'il lit un texte, à ce moment.
M. Boivin: Encore une fois, il y avait certainement une partie de
mes notes qui portaient sur l'arrière-plan, mais est-ce qu'elles
étaient formulées de cette façon, dans cet ordre, est-ce
que c'était le mot à mot, etc.? Mais il y avait une partie de mes
notes qui portaient sur l'arrière-plan, c'est juste - grosso modo,
très grosso modo - qui portaient à peu près
là-dessus, ce que je lis à la page...
M. Paradis: Aux pages 5740 et suivantes.
M. Boivin: À la page 5740, première colonne.
M. Paradis: Vous reconnaissez là des
éléments qui étaient contenus dans vos notes?
M. Boivin: Voilà.
M. Paradis: Très bien. À cette même page, au
deuxième paragraphe, il est dit - et c'est le premier ministre qui
parle; c'est peut-être vous qui l'avez écrit, mais c'est lui qui
parle - "En janvier de cette année, c'est-à-dire il y a quelques
semaines, si je suis bien informé, la Société
d'énergie de la Baie James a reçu des offres de règlement
de la part de certains des défendeurs et, ce qui est assez normal, de
nouveau elle a voulu savoir le sentiment de celui qui vous parle
là-dessus."
M. Boivin: C'est juste.
M. Paradis: Vous étiez donc au courant, ayant
préparé ces notes-là, qu'il y avait des offres qui
étaient échangées; le train russe...
M. Boivin: C'est juste.
M. Duhaime: C'est intéressant, le suivant. C'est bon
cela.
M. Paradis: M. le Président, si le ministre a des
questions à poser, il les posera en son temps. Il a un droit de parole
comme tout le monde...
M. Duhaime: Le sentiment a été très clair.
La décision appartient forcément à Hydro-Québec et
à son conseil d'administration.
M. Paradis: ...même plus que tout le monde. À la
page 5741, M. le chef de cabinet: "La décision appartient - et
là, c'est la première colonne à gauche, dans le bas du
troisième paragraphe de la fin - à ceux qui administrent
l'entreprise, y compris les modalités d'un règlement, les
questions de reponsabilité, etc. Cela ne nous regarde pas, c'est leur
droit." C'est vous qui aviez écrit cela dans vos notes?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Paradis: Cela n'est pas dans vos notes? C'est le premier
ministre qui a dit cela?
M. Boivin: De mémoire...
M. Paradis: Non, non, cela va.
M. Boivin: D'ailleurs, je n'écris pas comme cela. Alors,
ce n'est pas moi qui ai
écrit cela.
Le Président (M. Jolivet): Avez-vous d'autres questions,
M. le député?
M. Paradis: Oui, M. le Président.
M. Duhaime: Oui, il y a eu un minidébat le soir.
M. Paradis: Oui, il y a eu un minidébat le soir
là-dessus et j'imagine... Est-ce que vous avez préparé des
notes? Cela va peut-être épargner une question à quelqu'un
d'autre pour accélérer.
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Paradis: Est-ce que vous avez préparé des notes
pour le mini-débat le soir?
M. Boivin: Non, M. le Président.
M. Paradis: C'était spontané de la part du premier
ministre au moment du minidébat? M. le chef de cabinet, ce que j'ai
comme information - et il y a une question qui va en découler, à
la suite de ce qu'on a vu - c'est que, avant les fêtes, avant 1978, pour
prendre la décision de régler, cela va, c'est clair. Après
les fêtes, la parade, ou le promenage, ou le va-et-vient des avocats,
c'est encore absolument nébuleux à cause d'un manque de
mémoire - je ne dis pas qu'il est volontaire - des gens qui se sont
présentés devant cette commission. On sait, pour les avoir
entendus - et cela a été clair - que les administrateurs de la
SEBJ, ce ne sont pas eux qui ont négocié. Les avocats de la SEBJ
nous ont dit et je vous cite Me Cardinal, au ruban 747, page 1, et 747, page 2,
qui nous dit la chose suivante: "J'ai entendu depuis de longues semaines, de
longs jours, cet argument que nous avons eu 300 000 $, qu'on aurait dû
avoir plus, qu'on aurait dû avoir moins. La question est simple: pour
autant que je sois concerné -c'est Me Cardinal qui parle - pour autant
que le bureau d'avocats soit concerné - c'est Geoffrion et Prud'homme -
cette négociation n'était pas une négociation
financière. Alors, toute cette négociation, quand on a
écouté et quand on a parlé, cela touchait toujours des
questions de principe, à savoir qui admettrait sa reponsabilité,
qui ne l'admettrait pas."
Donc, suivant Me Cardinal et s'il nous a dit la vérité
sous serment, ce ne sont pas les avocats de Geoffrion et Prud'homme qui ont
négocié. Il me reste le trou...
M. Boivin: Je vous dis respectueusement...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Boivin: ...que je connais très bien Me Cardinal. Si
j'en avais le temps, je lirais tout son témoignage. Je le lirai
peut-être cette nuit. Ce que vous venez de dire est cité hors
contexte. Ce que M. Cardinal voulait dire c'est que, pour autant qu'il
était concerné, que le bureau était concerné, ce
n'était pas une négociation financière. Il veut dire - moi
je l'ai compris de même...
M. Paradis: Pardon, est-ce que vous voulez le reprendre?
M. Boivin: Me Cardinal, lorsqu'il a dit ce qu'il a dit, veut
dire: ce n'est pas l'argent qui est important dans cette négociation
puisque - il le dit, je pense, dans une phrase subséquente ou avant - il
est bien évident que les syndicats n'ont pas d'argent pour payer quoi
que ce soit qui approche le montant réel des dommages. Il a dit cela, Me
Cardinal, dans son témoignage.
M. Paradis: Écoutez...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant avant que le
député continue.
M. Boivin: Cette phrase ne veut pas dire du tout - là, je
regrette, parce qu'il faudrait relever tous les témoignages - qu'il n'y
a pas eu échange de documents et de chiffres entre Me Beaulé et
Me Jasmin et Me Geoffrion et Me Prud'homme.
Le Président (M. Jolivet): Juste avant de vous donner la
parole, M. le député, je veux simplement vous rappeler qu'il y
avait votre collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys,
qui voulait poser une couple de questions avant 22 heures. Mais, d'après
ce que je peux voir, on va faire en sorte que Me Boivin soit ici demain, si je
comprends bien.
M. Paradis: Je dois m'en excuser, j'ai mes remarques
auprès de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Jolivet): Non, vous avez le droit de
poser les questions que vous voulez. La seule chose, c'est que la
répétition amène le temps, qui est avancé.
M. Lalonde: Et les interruptions aussi.
M. Paradis: Les interruptions aussi et les lectures
d'éditoriaux de l'après-midi, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
allez donc! Allez donc!
M. Dussault: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: C'est la deuxième fois que le
député de Marguerite-Bourgeoys répète qu'il y a eu
interruption de la part des députés ministériels. C'est
parfaitement faux. Les seules fois où il y a eu interruption, pour des
raisons sérieuses, c'était quand on devait rappeler des
députés de l'Opposition au règlement.
M. Lalonde: Donc, il y a eu des interruptions.
M. Dussault: Parce qu'il y a des questions qui n'étaient
pas pertinentes, des questions qui n'étaient pas posées
correctement. On a même fait remarquer que la question était
posée correctement. Je l'ai accepté. Mais qu'on arrête de
dire qu'on a fait perdre le temps de cette commission. Ces gens-là se
répètent depuis le début. Ils répètent les
mêmes questions et ils essaient maintenant de trouver d'autres
têtes. Les chasseurs de têtes, ils essaient d'en trouver d'autres,
mais ils n'auront pas la nôtre.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député. Donc la parole est au député...
M. Lalonde: On n'en trouvera pas de votre bord, certain.
Le Président (M. Jolivet): ...de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, ce n'est certainement pas le
député de Châteauguay...
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le
député...
M. Paradis: ...qui a fait des questions de règlement pour
poser une question irrecevable...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député, M. le député...
M. Paradis: ...qui a fait avancer les travaux de la commission,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi, ne jetez la pierre à personne. Regardons dans notre
oeil, chacun. Allez, M. le député.
M. Lalonde: Dans un gant de velours. M. Paradis: Cela va,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): C'est juste le
député de Gatineau et moi qui nous regardons les yeux dans les
yeux.
M. Paradis: Je ne pouvais pas me regarder dans les yeux. Donc, je
vous regardais dans les yeux, M. le Président, comme vous avez
invité plusieurs députés à le faire au cours de la
commission.
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, allez donc
à vos questions!
M. Paradis: J'en reviens donc au fait que ce n'étaient pas
les administrateurs de la SEBJ. J'ai lu la déclaration de Me Cardinal.
On diffère d'interprétation: c'est votre droit strict et c'est
mon droit strict. Il y a toutes les réunions, les dix réunions
qui ont duré un maximum de dix heures, sur lesquelles je n'ai pu avoir
de réponse à cause d'un manque de souvenir. Comme
député, j'ai également des questions à vous poser
là-dessus. Un article, paru dans le journal Le Soleil...
Le Président (M. Jolivet): Là, je vais certainement
vous être désagréable. Vous venez d'affirmer une chose, en
disant que vous n'avez pas eu de réponse aux questions que vous avez
posées. À ma connaissance, il y a eu des réponses. Elles
ne sont peut-être pas satisfaisantes pour vous, mais c'est une question
d'opinion. Ne dites pas ce que vous avez dit dans votre texte.
M. Paradis: Bon. Je reprends, M. le Président. J'ai eu
comme réponses: Je ne m'en souviens pas; je ne le sais pas; je ne me le
rappelle pas. Ce sont les réponses que j'ai eues. Vous avez raison de me
rappeler à l'ordre.
Là, je retrouve dans le Soleil du 18 mai 1983: "Règlement
hors cour sur LG 2, le rôle du bureau de Lévesque est
évident, Maurice Pouliot". Ce dernier est un des signataires du
règlement hors cour, qui représentait une partie syndicale, que
le Parti québécois, pour des raisons qu'on ignore, refuse
d'inviter à la commission. Il déclare au journaliste Jean-Jacques
Samson ce qui suit: "II m'apparaît - cela était le 18 mai - qu'il
n'y a plus grand-chose à sortir de cette commission-là - en
parlant de notre commission; il savait peut-être que vous étiez
pour y venir - a indiqué M. Pouliot hier au Soleil. Qu'est-ce qu'ils
(les avocats) allaient faire dans le bureau du premier ministre? On n'entre pas
là comme dans un restaurant. On joue sur les mots: discussions,
négociations, ingérence, ajoute le syndicaliste. Quand nous
discutons avec des entrepreneurs des prochains salaires..."
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
j'ai juste une petite question. Je vais être encore
désagréable, je m'excuse. Vous refusez au député de
Saint-Maurice et ministre de l'Énergie et des Ressources de lire les
éditoriaux et les journaux...
M. Lalonde: Sur des questions de règlement.
Le Président (M. Jolivet): C'est sur des questions de
règlement, d'accord. Ce que je voudrais savoir, c'est si c'est un
commentaire que vous faites ou si c'est une question que vous posez.
M. Lalonde: C'est une mise en contexte.
M. Paradis: C'est une question.
Le Président (M. Jolivet): Ah bon! D'accord, allez-y.
M. Paradis: Ce n'est pas, comme l'a fait le député
de Saint-Maurice et ministre de l'Énergie et des Ressources...
Le Président (M. Jolivet): C'est une question de
règlement.
M. Paradis: ...dans le cadre d'une question de règlement.
Ce n'est pas un éditorial, ce sont des faits qui sont rapportés
par un journaliste quant à un témoin que le ministre refuse
d'inviter ici, en commission, pour on ne sait quels motifs. On peut les
soupçonner.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
sauf que vous savez très bien que vous pouvez faire une motion et on la
débattra. Pour le moment, ce n'est pas le but de la question. Allez-y
donc de votre question.
M. Paradis: On va partir avant d'avoir la possibilité de
l'entendre ou de faire une motion sur ce qu'il a dit ou ce qu'il a
déclaré publiquement et on va poser des questions au chef de
cabinet du premier ministre qui, je n'en doute pas, va pouvoir nous
éclairer.
Donc, je reprends: "II m'apparaît qu'il n'y a plus grand-chose
à sortir de cette commission-là, a indiqué M. Pouliot hier
au Soleil. Qu'est-ce qu'ils (les avocats) allaient faire dans le bureau du
premier ministre? On n'entre pas là comme dans un restaurant. On joue
sur les mots: discussions, négociations, ingérence, ajoute le
syndicaliste. Quand nous discutons avec des entrepreneurs des prochains
salaires des gars de la construction, est-ce qu'on discute ou si on
négocie? Me Jasmin n'allait peut-être pas négocier, mais
discuter. Je présume que c'est ce qu'il va dire. Les témoins ont
tous dit cela." Et il poursuit un peu plus loin: Le syndicaliste explique qu'au
fil de ses rencontres, la compensation à payer par les syndicats est
passée de 50 000 $ à 62 000 $ à 125 000 $ pour finalement
en venir à une entente hors cour de 300 000 $. C'était à
la suite de rencontres. Il y avait des membres du conseil d'administration de
la SEBJ qui étaient contre le règlement hors cour, soi-disant
parce qu'ils avaient une bonne cause."
Selon les propos de M. Pouliot, le Conseil provincial des métiers
de la construction ne cherche en aucune façon à dissimuler qu'il
y a bel et bien eu des négociations au bureau du premier ministre en
février 1979 impliquant leur procureur, Me Michel Jasmin.
C'est une affirmation d'un témoin que le Parti
québécois refuse d'entendre à cette commission. Lorsqu'il
déclare qu'il y a bel et bien eu des négociations au bureau du
premier ministre impliquant leur procureur, Me Michel Jasmin, ces gens ont
délié Me Jasmin de leur secret professionnel. Vous, votre premier
ministre vous a également délié. Comme chef de cabinet,
vous nous avez fait part, au cours d'une de vos réponses, que vous
étiez la cour d'appel suprême pour le Québec. Est-ce que je
peux vous demander, comme député, parce que j'ai tout ce blanc
à couvrir, les dix heures où j'ai des "Je ne sais pas" et des "Je
ne me souviens pas"... Est-ce que, comme cour d'appel, je peux m'adresser
à vous pour vous demander de demander au ministre - faites-lui peser le
poids du prochain remaniement ministériel - de demander que M. Maurice
Pouliot soit entendu à cette commission?
Le Président (M. Jolivet): Tout cela pour en arriver
à cette question qui est irrecevable parce...
M. Paradis: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse.
M. Paradis: C'est un témoin important.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je m'excuse. Je
vous ai posé une question bien importante. Est-ce que vous faites un
commentaire ou si vous êtes là pour poser une question?
Effectivement, vous n'avez posé aucune question, mais permettez-moi d'en
faire la constatation.
M. Paradis: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Non.
M. Paradis: J'ai posé une question.
Le Président (M. Jolivet): L'invité n'a pas
à demander des choses à qui que ce soit. Il n'a qu'à
répondre à vos questions.
En conséquence, j'ajourne la séance à demain matin,
10 heures.
(Fin de la séance à 22 heures)