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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux aux fins d'examiner les circonstances entourant
la décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intenté à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Dussault (Châteauguay),
M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Vaillancourt
(Jonquière) et M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Perron
(Duplessis), M. Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis
(Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert),
M. Tremblay (Chambly) et M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur de cette
commission est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Les heures des travaux pour aujourd'hui sont de immédiatement
jusqu'à 12 h 30. Nous reprendrons normalement, par suite d'une motion
à l'Assemblée nationale, vers 15 heures 30, après la
période des questions, puisque l'Assemblée nationale
siégera à compter de 14 heures. Normalement, nous devrions
siéger jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures ce
soir. C'est le travail pour aujourd'hui.
M. Rodrigue: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. La
personne invitée devant nous ce matin est toujours Me Rosaire
Beaulé, sous le même serment. L'autre personne invitée
devant cette commission est Me André Gadbois, qui sera notre
invité après Me Rosaire Beaulé.
M. le député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, sur la liste des membres de
la commission, auriez- vous l'obligeance de remplacer le député
de Beauharnois par le député de Chambly?
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Donc, M. Tremblay
devient membre de la commission.
M. Rodrigue: Exact.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
Les personnes convoquées
M. Lalonde: J'ai une question qui concerne l'organisation de nos
travaux. Je me demande exactement où nous en sommes. Nous avons
reçu hier une copie d'une lettre adressée au secrétaire
des commissions par le directeur du cabinet du leader du gouvernement. Elle est
datée du 2 mai et elle se lit comme suit: "M. le leader du gouvernement
me prie de vous demander de convoquer M. André Gadbois pour la
commission parlementaire de l'énergie et des ressources portant sur le
saccage de LG 2, le mercredi 3 mai, à compter de 10 heures". Je me suis
laissé dire aussi, M. le Président, que le leader du gouvernement
a fait des déclarations à la presse à savoir qu'il ne
resterait que quatre témoins, compte tenu, naturellement, de la
décision qu'il vous reste à rendre sur le témoignage de M.
le juge Jasmin, que ces témoins étaient Me Gadbois, M. Gauthier,
M. Boivin et M. Lévesque et que Me Beaulé ne serait pas
rappelé.
Or, nous recevons ce matin, émis par M. Valmont Bouliane, le
secrétaire des commissions, un ordre du jour qui comprend les noms de Me
Rosaire Beaulé et de Me André Gadbois. Est-ce qu'on pourrait nous
expliquer les raisons de ces changements à la dernière
minute?
Le Président (M. Jolivet): Avant d'aller plus loin, le
responsable des commissions parlementaires vient de m'apporter une autre lettre
qui indique que, le 3 mai, il y aura de convoqués Me Beaulé et Me
Gadbois, à compter de 10 heures, ce qui fait l'ordre du jour de la
journée. C'est la lettre qu'on a transmise au secrétariat des
commissions.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que le ministre
pourrait nous expliquer s'il a eu connaissance de ces changements?
M. Duhaime: M. le Président, à ma connaissance,
aucun changement n'est intervenu. Nous avons ajourné nos travaux
vendredi et le témoin qui était ici au moment de l'ajournement de
vendredi était Me Rosaire Beaulé, il est ici ce matin. Le
témoin suivant sera Me André Gadbois. Je l'ai annoncé il y
a une semaine. Il n'y a eu aucun changement à ce sujet.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre est au courant de cette lettre
du directeur de cabinet du leader du gouvernement, adressée à M.
Valmont Bouliane hier, à savoir que Me Gadbois serait le témoin
à compter de 10 heures?
M. Duhaime: Montrez-la-moi. Oui, c'est exactement dans le
même sens que cela se faisait autrefois, M. le Président. il
s'agit de prévenir Me Gadbois d'être à la disposition de la
commission à compter de 10 heures ce matin. Il est ici. Est-ce que Me
Gadbois est ici? Oui, il est là.
Le Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Le député de Marguerite-Bourgeoys
vient de faire état de communications venant du bureau du leader et il a
aussi fait allusion à une prétendue déclaration que
j'aurais faite.
M. Lalonde: On m'a dit cela, oui.
M. Bertrand: "On m'a dit", c'est toujours très
délicat. Il faut faire attention.
M. Lalonde: Vous parlez tellement.
M. Bertrand: II y a deux corrections à apporter, M. le
Président. Premièrement, la lettre qui a été
envoyée était pour indiquer à Me Gadbois que sa
présence était effectivement requise devant la commission
parlementaire aujourd'hui. Cela n'enlevait absolument rien à ce qui
avait déjà été prévu de toute façon,
à savoir que Me Beaulé revenait devant la commission. Il fallait,
tout de même, indiquer à Me Gadbois qu'il était requis de
se présenter devant la commission parlementaire aujourd'hui. Comme le
secrétaire des commissions parlementaires le fait habituellement, les
gens se présentent à 10 heures, c'est-à-dire à
l'ouverture de la séance. Il n'est pas, évidemment, assuré
qu'ils vont se faire entendre à 10 heures, mais c'est la
procédure habituelle.
Deuxièmement, les propos que le député de
Marguerite-Bourgeoys dit qu'on lui aurait rapportés sont absolument
inexacts. Je n'ai fait absolument aucune affirmation de cette nature. Je n'ai
fait aucune déclaration. Je vous dirai très sincèrement
que je ne sais vraiment pas du tout combien de témoins il nous reste
à entendre à cette commission parlementaire. Je sais que tout va
très bien, semble-t-il, entre vous et le député de
Saint-Maurice; vous vous accordez très bien à cette commission
parlementaire. Le ministre de l'Énergie et des Ressources sait
très bien comment les choses procèdent. Nous communiquons
ensemble fréquemment. Cela étant dit, jamais je n'ai fait une
déclaration à cet effet, jamais.
M. Lalonde: Je remercie vraiment le leader de ces
précisions.
M. Bertrand: Est-ce que je suis obligé d'être
assermenté?
Le Président (M. Jolivet): M. le leader, juste un instant,
avant d'aller plus loin dans la question. J'ai, d'ailleurs, examiné les
deux lettres qui ont été envoyées. J'ai cru voir une
erreur qui s'était produite dans la lettre d'hier: on parlait de
mercredi, le 3 mai, alors qu'on sait très bien que c'est mardi le 3 mai.
La lettre suivante corrige à mardi 3 mai. Dans les deux cas,
c'était le 3 mai; c'était la journée qui était mal
inscrite probablement. Je fais simplement, de mon propre chef, cette
constatation.
M. Lalonde: Je remercie le leader du gouvernement de ces
précisions. Je comprends de ses propos qu'il n'a pas été
question de mettre fin au témoignage de Me Beaulé à cette
commission.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Me
Beaulé qui m'avait demandé d'apporter...
M. Ciaccia: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Après la séance de vendredi matin,
l'invité, Me Beaulé, a donné une entrevue à la
presse. Il a porté certaines accusations contre moi, à savoir que
je harcelais le témoin. M. le Président, je crois que ces
accusations ne sont pas justifiées. Premièrement, ces accusations
touchent mon comportement comme député. Elles touchent aussi le
rôle de la commission parlementaire et je dirais même le rôle
de la présidence. Je trouve ces accusations totalement inadmissibles et
injustifiées.
J'aurais une demande à vous adresser, M. le Président.
Premièrement, je voudrais vous donner quelques exemples des
réponses que Me Beaulé m'a données. Un exemple d'insolence
et d'arrogance quand il m'a dit, à
la suite d'une question que je lui ai posée: "Je ne veux pas
être obligé de donner un cours de droit.". Deuxièmement, un
exemple pour montrer comment il détournait les questions que je lui
posais: À la page 906, je lui avais dit...
M. Rodrigue: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, il ne s'agit pas là
d'une question de règlement. Le député de Mont-Royal est
en train d'essayer de faire un exposé en long et en large pour
répondre aux remarques qu'on a lues dans toute la presse en fin de
semaine, à savoir que son comportement était inqualifiable. Il ne
s'agit pas d'une question de règlement ici et je pense que vous devriez
lui demander de cesser cette fausse question de règlement.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Sur la question de
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, jusqu'à maintenant, je
pense que les propos du député de Mont-Royal touchent exactement
le point de notre règlement. Il s'agit de savoir si ce
règlement...
M. Rodrigue: Lequel?
M. Lalonde: Vous ne connaissez pas ce règlement?
M. Rodrigue: Oui, mais lequel? Quel article?
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Lalonde: Le règlement et la Loi sur l'Assemblée
nationale obligent le témoin à répondre à des
questions conformément aux règles fondamentales et
élémentaires...
M. Rodrigue: Qu'on nous dise à quel règlement on
fait référence.
M. Lalonde: ...c'est-à-dire de façon directe, de
façon franche et de façon à ne pas provoquer, non plus,
les membres de cette commission. Et c'est ce que le député de
Mont-Royal démontre. Je pense que, M. le Président, vous devriez
lui laisser le temps de terminer sa question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière, sur la même question de règlement.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, vous
savez comme moi qu'il n'y a pas de questions de privilège en commission
parlementaire. Il n'y a que des questions de règlement et je pense
sincèrement que ce que veut soulever le député de
Mont-Royal, c'est une question de privilège. Vous connaissez le
règlement: il doit le faire une heure avant le début des travaux
à l'Assemblée nationale. S'il veut se plaindre de propos qu'il
considère comme étant diffamatoires et qui ont été
tenus par un témoin de cette commission, il peut, en envoyant un avis
à la présidence avant 13 heures, soulever une question de
privilège à l'Assemblée nationale. Mais ce n'est
certainement pas une question de règlement. Cela pourrait
peut-être constituer une question de privilège, mais il doit
suivre les règlements de l'Assemblée nationale à cet
effet.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur la question de règlement.
M. Lalonde: Je pense qu'on a tous entendu le député
de Mont-Royal dire qu'il s'agissait d'une question de règlement et non
d'une question de privilège.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Lalonde: Je pense, en fait, que c'est à lui de nous
l'indiquer. Il me semble qu'on devrait lui en laisser le loisir et ce serait
une question de règlement s'il concluait en demandant au
président de rappeler le témoin à l'ordre. Il pourrait le
faire à chaque question et réponse qui ne serait pas conforme aux
règles de l'interrogatoire et à l'obligation du témoin de
répondre simplement aux questions. Il le fait d'une façon
préliminaire au début d'une nouvelle séance. De ce
côté-ci, les députés n'ont pas interrompu souvent le
témoignage du témoin actuel pour vous demander de le rappeler
à l'ordre. Je me souviens très bien que vous l'avez fait une
fois; c'est fort bien. Cependant, je pense qu'on doit laisser le
député de Mont-Royal expliciter sa question de règlement
qui peut aboutir à une demande de rappel à l'ordre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, sur la question de règlement.
M. Laplante: Sur cette même question de règlement,
j'aimerais que le député de Mont-Royal ait le courage de faire en
dehors, et non pas protégé par l'immunité parlementaire,
ce que Me Beaulé a dit à
l'extérieur. Qu'il le fasse lui-même aussi à
l'extérieur pour s'enlever ce manteau d'immunité parlementaire
qu'on peut avoir ici. Peut-être qu'il pourrait, à ce moment, dire
publiquement sur enregistrement qu'il doute que Me Beaulé puisse avoir
payé les avocats qu'il a engagés dans la cause du saccage de la
Baie-James.
Le Président (M. Jolivet): Juste avant de continuer, M. le
député de Mont-Royal, j'aimerais rappeler que nous
commençons une semaine et que je n'ai pas l'intention qu'elle soit
difficile, aussi bien pour vous que pour la personne en face de nous et pour
l'ensemble des gens qui nous écoutent. Le député de
Mont-Royal connaît les règles de cette commission parlementaire,
mais il doit savoir aussi qu'on ne doit pas abuser des droits des
parlementaires. Il faut faire bien attention parce qu'un point de
règlement n'est pas une question de justification personnelle. Donc, je
retiens ce que le député de Jonquière a dit: On ne peut
pas faire de façon indirecte ce qu'on ne peut pas faire de façon
directe. Donc, il n'est pas question ici de soulever des questions de
privilège de façon indirecte.
J'ai eu l'occasion de rappeler, aussi bien à des membres de cette
commission qu'à des personnes invitées dans certaines
circonstances, de se respecter mutuellement. En conséquence, je voudrais
savoir en quoi consiste votre question de règlement afin de
décider si je dois la permettre ou non. M. le député de
Mont-Royal.
Demande de directive
M. Ciaccia: M. le Président, j'ai une directive à
vous demander. Pour vous la demander, je serai très bref. J'ai quelques
faits à vous exposer. Je vais terminer mon intervention, qui sera
très brève, par une demande de directive à la
présidence. Je dois exposer brièvement certains faits.
Je recommence. Premièrement, il y a eu insolence et arrogance de
la part du témoin quand il a dit: "Je ne veux pas être
obligé de donner un cours de droit". Il a détourné
plusieurs de mes questions. Par exemple, quand je lui ai dit: Si la cause que
vous nous avez exposée cet après-midi était aussi bonne,
pourquoi êtes-vous allé voir Jean-Roch Boivin, il a
détourné cela et il a répondu: Si la cause était
aussi bonne, pourquoi tenter de la régler, c'était une de vos
questions? Ce n'était pas ma question. Ma question était:
Pourquoi aller voir Jean-Roch Boivin?
Il a eu des réponses à connotation raciste, M. le
Président, quand le député...
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Ciaccia: ...a fait référence à la
barrière de la langue...
Le Président (M. Jolivet): ...sur cette
question-là, je vais quand même vous rappeler à l'ordre. Je
l'ai, de mon propre chef, corrigé.
M. Ciaccia: De votre propre chef, oui, et j'étais pour le
souligner. Il y a eu des contradictions...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont, sur une question de règlement. J'aimerais bien la
connaître aussi.
M. Rodrigue: Vous avez demandé au député de
Mont-Royal de vous indiquer à quel article du règlement il se
référait et quelle question de règlement il soulevait. Or,
il en profite encore pour faire le même bilan qu'il a tenté de
faire tout à l'heure et, déguisé sous forme de directive,
il est en train de répéter exactement ce qu'il voulait dire tout
à l'heure. Qu'il passe donc immédiatement à la demande de
directive, s'il en a une. Qu'il passe immédiatement à cette
demande, s'il en a une.
M. Lalonde: Oui, cela vient, soyez patient.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre!
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, un
argument supplémentaire pour vous aider dans votre réflexion. Pas
un mot n'a encore été prononcé à cette commission
parlementaire, ce matin, avant que le député de Mont-Royal prenne
la parole. En quoi peut-on violer le règlement alors qu'aucun membre de
cette commission ni le témoin n'a encore parlé? Pour qu'il y ait
violation du règlement, il faut qu'un membre ait, en prenant la parole,
violé ce règlement. Comment peut-on le violer quand on n'a pas
pris la parole?
Le Président (M. Jolivet): La seule chose que j'ai
comprise, c'est qu'on me demandait une directive. J'espère que le
député y arrivera le plus rapidement possible pour que je puisse
au moins répondre à sa demande de directive.
M. Ciaccia: Je voudrais aussi souligner...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre!
M. Ciaccia: Je voudrais aussi souligner que j'avais le droit de
parole. Je vous demande une directive, mais je pouvais aussi exercer mon droit
de parole.
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez avec votre demande
de directive.
M. Lalonde: Un peu de politesse!
Une voix: Je n'ai pas de leçon de politesse à
recevoir de vous ce matin, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Si vous voulez que les travaux puissent... À l'ordre!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Demandez donc au député...
Le Président (M. Jolivet): Je vous demande de m'aider et
je suis assuré que je peux avoir votre aide. M. le député
de Mont-Royal, en y allant rapidement avec votre demande de directive.
M. Ciaccia: Rapidement. Il y a eu des contradictions dans les
réponses du témoin sur la réunion du 19 janvier. À
un moment donné, il a dit qu'il avait eu un "feeling", et à un
autre moment il a dit...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que vous allez un peu trop loin dans la latitude que je vous ai
laissée. J'aimerais connaître votre demande de directive pour que
je puisse y répondre le plus rapidement possible. S'il n'y en a pas, je
vais procéder immédiatement.
M. Ciaccia: M. le Président, avec tout le respect que je
dois à la présidence, avant de demander la directive, je voudrais
dire ceci, parce que vous ne pourrez pas répondre à ma demande de
directive à moins que je ne vous donne quelques exemples. Si tous les
membres de cette commission ont un peu de patience pour une autre minute ou
deux, la question sera posée à la présidence et tout se
terminera dans l'ordre, dans le calme et dans la modération.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, le
seul problème que j'ai actuellement, c'est que je ne peux pas vous
permettre de soulever une question de privilège, même si le
règlement pourrait vous sembler assez large à ce sujet. Par le
moyen que vous utilisez, je ne peux pas, non plus, faire en sorte que vous en
arriviez aux mêmes fins que si vous souleviez une question de
privilège.
Deuxièmement, la présidence doit se prononcer sur une
demande de directive. Or, je n'ai pas à juger du fond des exemples que
vous donnez actuellement. Je pourrais demander à chacun de me dire de
quelle façon il a saisi les réponses données par
l'invité de la semaine dernière et on pourrait probablement avoir
beaucoup de divergences d'opinions. Ce sont des divergences d'opinions; c'est
votre façon de voir les choses et Me Beaulé pourrait dire que, ce
n'est pas ce qu'il a dit, et on arriverait alors à un débat que
je ne veux pas. Ce que je voudrais, c'est votre demande de directive et je
pourrai ensuite statuer si elle est recevable ou non.
M. Ciaccia: M. le Président, avant d'en venir à ma
demande de directive, est-ce que j'exerce encore mon droit de parole?
Le Président (M. Jolivet): Vous avez toujours votre droit
de parole, mais ce n'est pas sur ce temps que vous avez soulevé tout
à l'heure une question de règlement. Une autre personne avait
soulevé une question de règlement et, à ce moment, j'avais
même proposé à Me Beaulé, qui m'avait demandé
avant le début des travaux de faire une rectification, de la faire. Je
n'avais pas encore commencé à calculer le temps du droit de
parole arrêté vendredi dernier pour vous. (10 h 30)
M. Ciaccia: Alors, je vais en arriver à ma demande de
directive très rapidement.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Ciaccia: Considérant que les réponses - je serai
très bref- que le témoin, Me Beaulé, m'a données
étaient contradictoires, que souvent il a refusé de
répondre, qu'il a détourné mes questions, que ses
réponses étaient évasives, qu'il a admis avoir
détruit un document quelques jours avant même de venir à
cette commission parlementaire...
M. Dussault: Une question de règlement, M. le
Président.
M. Ciaccia: ...que son entrevue était, d'une certaine
façon, liée à un comportement politique...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. ledéputé de Châteauguay, sur une question de
règlement.
M. Dussault: Jeudi matin dernier, je vous ai demandé
d'avoir la parole à cette commission et vous avez inscrit mon nom
à ce moment; c'était avant le marathon interrogatoire et
contre-interrogatoire du député de Mont-Royal qui a duré
au-delà de quatre heures. M. le Président, j'attends toujours de
pouvoir prendre la parole afin de poser au moins une question à Me
Beaulé. Ce matin, le député de Mont-Royal nous fait perdre
du temps, essaie de se justifier, essaie de renverser la vapeur par rapport aux
impressions qu'il a laissées - c'est sa faute -la semaine
dernière avec sa façon de poser
des questions à notre invité. Il m'empêche de
prendre la parole et il retarde mon droit de parole.
M. le Président, je voudrais que vous soyez très strict.
Qu'il aille directement à sa question de privilège. On en a assez
de ses préambules. Il détourne le règlement depuis le
début et j'en ai assez. Je veux parler à cette commission et je
veux poser des questions à notre invité.
M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.
Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Dussault: Direct, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Simplement
pour rappeler, d'abord, que ce n'est pas une question de règlement;
c'est une demande de directive. Mais je voudrais que le député de
Mont-Royal arrive à sa demande de directive. M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais quand même
faire une rectification parce qu'on a écrit beaucoup de choses.
J'aimerais citer, pour corriger ce que le député de
Châteauguay vient de dire, les statistiques du temps consacré
à la commission, publiées par la commission par elle-même,
par le Secrétariat des commissions. Pour Me Beaulé, les remarques
préliminaires: 22 minutes; parti ministériel, questions et
réponses: deux heures et cinq minutes; parti de l'Opposition: trois
heures et huit minutes. Ce n'est pas six heures, ni cinq heures, ni quatre
heures comme vient de le dire le député, c'est trois heures et
huit minutes et cela comprend vendredi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Dussault: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
de la part du député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, je voudrais rappeler au
député de Marguerite-Bourgeoys que mon droit de parole vient
après celui d'un député de l'Opposition, puisque le
ministre a pris la parole avant le député de l'Opposition. Je
parle de ce qui s'est passé après que le ministre eut
exercé son droit de parole. Le mien commençait à la suite
de celui du député de Mont-Royal qui ne cesse de parler et qui
m'empêche de prendre la parole. Notre règlement parle bien de 20
minutes. On a renoncé à cela, mais on n'a pas renoncé,
cependant, à la justice dans la distribution du droit de parole et c'est
ce que j'exige ce matin: qu'on me fasse justice.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, votre demande de directive; sinon, je vous enlève le droit
de parole...
M. Ciaccia: Oui, M. le Président. Très bien.
Le Président (M. Jolivet): ...parce que moi aussi, j'ai
besoin de savoir ce sur quoi vous voulez me poser une question. J'ai hâte
de le savoir.
M. Ciaccia: Pour vous aider dans la demande de directive, je
voudrais juste porter à votre attention le fait que la durée des
réponses que Me Beaulé a données au ministre était
de 95 minutes.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
ne voudrais pas entrer dans cette dialectique.
M. Ciaccia: Non, c'est un autre élément.
Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire que souvent
des questions aussi ont été longues de part et d'autre et des
réponses ont été longues. S'il vous plaît, n'entrez
pas dans cela.
M. Ciaccia: Non, juste pour dire que les réponses qu'il a
données à mes questions étaient de 97 minutes. Alors,
considérant...
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député.
M. Ciaccia: ...les réponses abusives, contradictoires,
insolentes, à connotation raciste et le fait qu'il a
détourné certaines questions; considérant son comportement
politique quand il a dit que le but de la commission était de
détruire le gouvernement...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député.
M. Ciaccia: ...et pas d'arriver à la vérité
- ce n'est pas cela du tout - je vous demande, M. le Président, de
rappeler le témoin à l'ordre. Je demande que vous rappeliez au
témoin qu'il doit dire la vérité, seulement la
vérité et que vous le rappeliez à l'ordre dans ses
réponses et dans ses remarques.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, c'est
très grave ce qu'il dit.
Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député. M. le député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'ai
relu mon Code criminel en fin de semaine parce que ce qui se passe ici en
commission me répugne passablement. Il y un article du Code criminel qui
dit très clairement: Lorsqu'une personne est assermentée et
qu'une autre personne prétend que cette personne ne dit pas la
vérité, qu'elle ait le courage de prendre des procédures
en droit criminel devant les tribunaux de droit commun et ce crime on l'appelle
"parjure".
Une voix: Faites-le.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, un
confrère, membre du barreau, vient d'alléguer ici qu'un autre
membre du barreau, assermenté, n'aurait pas dit la vérité
et aurait, dans son même témoignage, eu des réponses
contradictoires.
M. Lalonde: Non, non. Question de règlement.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je dis à ce
confrère député, s'il en a le courage, de prendre les
procédures prévues par le droit commun aux articles du Code
criminel et qu'il intente des poursuites devant les tribunaux qui sont
compétents pour entendre ce genre de cause et qu'on cesse de se couvrir
par l'immunité parlementaire.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président, le député de
Jonquière a peut-être mal saisi le sens et même la substance
des propos du député de Mont-Royal. Il a demandé cela
à cause de certains exemples de réponses évasives - par
exemple, cela a pris plusieurs questions pour savoir qui était "le qui
de droit" mentionné par M. Boivin...
Une voix: M. Beaulé.
M. Lalonde: ...à M. Beaulé - et parce qu'il a
trouvé ce qu'il considère comme des contradictions. Il me semble
que le député de Jonquière, qui a pratiqué devant
le prétoire pendant de longues années, devrait se rappeler qu'on
peut se tromper, qu'on peut donner une réponse incomplète, sans
nécessairement être assujetti à un parjure, sans que ce
soit un mensonge. C'est pour cela, d'ailleurs, que les questions sont souvent
répétitives.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je sais tout ce que vous
dites, sauf que j'ai très bien entendu le député de
Mont-Royal dire: Considérant que le témoin ne dit pas la
vérité...
M. Ciaccia: C'est faux.
M. Vaillancourt (Jonquière): Considérant que le
témoin a eu des réponses contradictoires...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, à
l'ordre, à l'ordre!
M. Ciaccia: Non.
M. Vaillancourt (Jonquière): Oui. C'est grave. On va faire
relever les propos.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Lalonde: Ce n'est pas ce que j'ai entendu.
Le Président (M. Jolivet): Cependant, ce que j'ai à
répondre, c'est à une demande de directive.
M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement,
c'est très important.
Le Président (M. Jolivet): Je le sais, je le sais.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
M. Ciaccia: Article 96.
Le Président (M. Jolivet): Je le sais, sauf que, pour
pouvoir l'entendre comme il faut, je dois avoir le calme de part et d'autre.
J'ai l'intention de l'avoir aussi. D'abord, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, en terminant rapidement avec une question de
règlement.
M. Lalonde: J'aimerais que le député de
Jonquière et les autres aussi comprennent la situation dans laquelle
nous sommes tous d'ailleurs autour de cette table...
M. Laplante: Non, non, ne nous mettez pas avec vous.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Lalonde: Si le député de Bourassa ne veut pas
participer à nos travaux, c'est son problème.
M. Laplante: Votre pourriture, gardez-la de votre bord.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Lalonde: On nous a confié un mandat. Nous
représentons ici l'Assemblée nationale. Nous avons un rôle
à jouer qui consiste à poser des questions et aussi,
éventuellement, à porter un jugement et à tirer des
conclusions. D'ailleurs - l'exemple est sûrement boiteux - le juge au
prétoire peut décider qu'il ne croira pas un témoin et ils
sont tous assermentés; il peut décider d'accorder plus de
crédibilité à un qu'à un autre, d'ailleurs, dans
les causes civiles autant que criminelles, sans que cela donne ouverture
à des parjures. Alors, c'est pour cela que, lorsqu'on met en doute la
bonne foi d'un témoin, ce qui semble être sa décision, sa
disposition d'aider la commission de façon directe et complète,
on ne veut pas nécessairement dire qu'il a menti, qu'il est sujet
à parjure. On demande au président -c'est ce que j'ai compris de
la demande de directive - de rappeler au témoin qu'il est un
témoin ici, qu'il n'est pas le protecteur du premier ministre et qu'il
n'est pas là pour protéger la crédibilité du
premier ministre, comme il semble le dire ou, enfin, il y a fait
référence dans une conférence de presse après la
séance de vendredi. C'est au président qu'on doit adresser cette
demande et lui peut dire au témoin: Vous êtes un témoin; on
vous pose une question, donnez donc une réponse complète et
simple, pas d'argumentation, pas de provocation, pas d'évasion.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Non, non, je ne permettrai plus
qu'on...
M. Vaillancourt (Jonquière): En réponse au
député de Marguerite-Bourgeoys...
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. Non, je
ne permettrai...
M. Vaillancourt (Jonquière): II a fait allusion aux
remarques que j'ai tenues.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
seulement un instant. Je ne veux pas qu'on commence un dialogue. C'est ce que
je craignais et, compte tenu qu'il risque d'y avoir un dialogue, je cesse la
discussion sur l'ensemble...
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): ...de façon qu'on
évite que, de chaque côté ou en face, on ait l'impression
qu'il y a un chassé-croisé de part et d'autre sur la
crédibilité d'une personne ou d'une autre. Peut-être que de
cette façon, je n'agirai pas selon l'art des disciples de Thémis,
mais une chose est certaine, c'est que je vais essayer d'agir en toute justice.
Moi aussi, en fin de semaine, comme je vous le disais, j'ai eu à voyager
et j'ai eu l'occasion de voir beaucoup de monde sur le déroulement de
l'ensemble de la commission, j'ai essayé de voir s'il y avait moyen de
faire en sorte que, d'abord, de part et d'autre, on puisse être capable
de mener à bien le mandat qui nous a été
confié.
Ce mandat qui nous a été confié, je vais vous le
relire encore une fois, simplement pour qu'on puisse savoir où on va ce
matin: "Examiner les circonstances entourant la décision du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James
de régler hors cour la poursuite civile intentée à la
suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus
spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau
à cet égard."
En conséquence, je n'accepterai pas que qui que ce soit - comme
je l'ai demandé au député de Mont-Royal à un moment
donné -revienne sur le sujet ce matin, parce que je pense avoir
été bien clair, vendredi dernier, pour protéger les droits
des parlementaires aussi bien que ceux des invités. J'ai, à ce
moment, demandé à l'invité de retirer certaines
paroles.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je vais d'abord terminer mon
droit de parole. À partir de cela, j'ai dit et j'ai
répété, la semaine dernière - je n'ai pas besoin de
le lui répéter ce matin, vous m'avez demandé une directive
et je vais la donner dans ce sens - à toutes les personnes qui
étaient sous serment que ces personnes doivent, en vertu du serment,
dire la vérité et toute la vérité. Même si on
essaie, dans certaines circonstances, de saisir l'ensemble de la
vérité par des questions additionnelles, il y a une chose qui est
certaine: comme on dit dans notre règlement qu'on doit croire la parole
de celui qui affirme en commission ou en Chambre des choses sous son droit de
député, par analogie, au niveau du serment, j'ai demandé
que, si la personne répète à cinq, trois ou deux reprises
la même réponse, on commence à penser qu'elle dit la
vérité et qu'on cesse de vouloir affirmer qu'elle n'a pas dit la
vérité. En conséquence, je ne rendrai pas à votre
demande de directive des réponses qui affirmeraient que la personne qui
est devant nous, sous serment, ne dit pas la vérité.
Je dois aussi vous rappeler que les travaux de cette commission se sont
bien
déroulés jusqu'à maintenant malgré les
accrocs qu'il y a eu. Ce sont des accrochages normaux, de temps à autre,
lorsqu'on est dans un forum où il y a deux partis politiques qui
s'affrontent.
D'un autre côté, je crois aussi comprendre que les
témoins, comme vous les appelez, ou les invités, comme je les
appelle, ont droit, tout comme les membres de cette commission, au respect. En
conséquence, je vais essayer, malgré la difficulté que
cela comporte, de faire en sorte que chacun d'entre nous agisse le plus
brièvement possible, malgré le fait qu'on ait laissé
tomber la règle des vingt minutes. Là, c'est pour répondre
à la demande du député de Châteauguay. Je ne peux en
aucune façon revenir, comme président, sur une décision
qui ne m'appartient plus, mais qui appartient à l'ensemble des
députés de cette commission et non pas à un seul membre.
Le temps imparti à chaque député, c'est à lui de le
définir en essayant, cependant, de faire en sorte qu'on n'en abuse pas.
Le député de Marguerite-Bourgeoys a dit qu'il fallait que les
réponses soient brèves; je veux dire aussi que les questions
doivent être brèves. Je vous ai rappelé la décision
que le président a rendue à l'Assemblée nationale sur les
questions et les réponses de sorte qu'on sache où on va. Si la
personne qui a à répondre à une question la reçoit
rapidement, sans aucun préambule, peut-être nous aidera-t-elle
à arriver à ce qu'on veut tous, c'est-à-dire
éclairer la commission sur le mandat qui nous est dévolu. En ce
sens, j'espère qu'à partir de ce moment chacun aura au moins la
disciple et la gentilhommerie nécessaires pour faire en sorte qu'on
puisse, avec Me Beaulé, passer à travers les réponses
qu'il a à nous donner afin que, dans le courant de la journée, on
puisse inviter Me Gadbois.
Cela dit, je voudrais éviter - je vois des personnes qui veulent
encore une fois soulever des questions de règlement - s'il vous
plaît, qu'un débat entre avocats ne se déroule ici. Ce
n'est pas notre râle. Ce n'est pas entre nous que cela doit se
dérouler, c'est entre nous et la personne qui est invitée.
M. le député de Jonquière. (10 h 45)
M. Vaillancourt (Jonquière): Sans le vouloir, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys a induit, peut-être pas les
membres de la commission, mais les téléspectateurs en erreur. Il
a dit qu'un juge, devant un tribunal de droit commun, pouvait accorder plus de
crédibilité à un témoin qu'à un autre. C'est
vrai. Par contre, je lui rappellerai modestement que nous ne sommes pas un
tribunal ici, que le président de la commission n'est pas un juge, qu'il
n'y a pas d'accusé et qu'il n'y a pas de procès. Puisqu'il veut
faire référence aux tribunaux de droit commun, je lui dirai que,
lorsqu'une partie produit un témoin - et, à ma connaissance, il
est le témoin de la commission, pas plus d'un parti que de l'autre -
avant de le contre-interroger, il faut que le témoin soit
déclaré hostile par le tribunal. C'est la seule raison dans le
droit de la preuve criminelle au Canada, si vous voulez faire
référence au droit commun. Si l'on veut contre-interroger de
façon agressive son propre témoin, il faut au préalable
obtenir que ce témoin-là soit déclaré hostile, ce
qui n'a pas été le cas actuellement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, d'accord, c'est la dernière intervention.
M. Lalonde: Je suis fort conscient de cette difficulté.
Nous ne sommes pas un tribunal; c'est pour cela, d'ailleurs, que j'avais
demandé une commission d'enquête indépendante. On nous a
imposé la commission parlementaire. J'aimerais aussi avoir tout le jeu
de règles claires qu'on retrouve devant un tribunal, à savoir
qu'on n'a pas le droit de contre-interroger son propre témoin à
moins qu'il ne soit déclaré hostile, etc. Mais il arrive qu'on a
cette situation où l'on doit interroger un témoin. Il est le
témoin de tout le monde, c'est vrai. Il faut poser souvent de nombreuses
questions. Je ne reviendrai pas là-dessus, M. le Président, mais
j'aurais une question à poser en ce qui concerne l'organisation de nos
travaux au début de cette semaine. Avant de passer à Me
Beaulé, j'aimerais savoir s'il est vrai que le Secrétariat des
commissions a reçu - j'ai entendu cela à la radio - de M. Yvan
Latouche une demande d'être entendu. Est-ce que cette demande a
effectivement été reçue?
Le Président (M. Jolivet): Effectivement, cette demande a
été reçue. Elle est transmise normalement pour
décision finale là où il se doit. Vous savez que je ne
réglerai pas cela ici devant la commission parlementaire. Je vais
laisser à ceux qui ont le devoir et le pouvoir le soin de décider
de cette intervention. Je ne reprendrai pas le débat qui doit avoir lieu
ailleurs qu'ici. Ce que je sais, c'est qu'une telle demande est arrivée
au Secrétariat des commissions. Comme le président de la
commission n'a pas à décider qui doit être ici, je n'ai
pas, non plus, à déposer quoi que ce soit pour le moment.
M. Lalonde: Est-ce que je peux adresser ma question au ministre,
à savoir s'il a l'intention maintenant de convoquer M. Latouche?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je n'ai aucune raison supplémentaire qui
pourrait me faire changer d'opinion, M. le Président.
M. Lalonde: En ce qui concerne M. Maurice Pouliot, je voulais
apporter un renseignement additionnel au ministre. Il me disait: M. Pouliot, on
le convoquera seulement si on a des raisons de croire qu'il a eu un rapport
direct avec l'événement en question. Est-ce que je pourrais
exhiber au ministre une copie de la transaction, qui est en fait le
règlement, déposée, d'ailleurs, par M. Joron en
réponse à une motion que j'avais inscrite au feuilleton le 26
avril 1979, et qui comporte ici, M. le ministre, la signature de M. Maurice
Pouliot pour le Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction? Est-ce qu'être signataire de ce règlement est
suffisant pour être appelé comme témoin ou s'il faut
l'avoir écrit soi-même?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je répondrai au député de
Marguerite-Bourgeoys, M. le Président, essentiellement la même
chose que je lui ai dite la semaine dernière. S'il a une motion à
faire dans le sens qu'il vient de l'indiquer, qu'il la fasse.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
Applicabilité de l'article 730 de l'ancien
règlement
M. Duhaime: Sur la question de règlement qui a
été soulevée tantôt par le député de
Marguerite-Bourgeoys et tantôt par le député de
Jonquière, je voudrais faire une question de règlement qui porte,
bien sûr, sur le point qui est soulevé ce matin, en nous rappelant
une fausse impression qui se répand un peu partout, à savoir
qu'il n'y aurait pas de règles ni de règlements qui nous
gouvernent à cette commission. Je voudrais, M. le Président,
m'inscrire en faux contre cette prétention et dire que nous avons
effectivement un règlement qui régit les travaux de cette
commission.
L'article 163 de notre règlement dit: "A moins de dispositions
contraires, les règles relatives à l'Assemblée - on
réfère à l'Assemblée nationale - s'appliquent aux
commissions."
Je rappelle essentiellement aussi le chapitre XV du règlement de
l'Assemblée nationale au sujet des questions et dépôts de
documents. Je vais lire l'article 168, M. le Président: "Une question ne
doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements
demandés. Est irrecevable une question, premièrement, qui est
précédée d'un préambule inutile;
deuxièmement, qui contient une hypothèse, une expression
d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motif;
troisièmement, dont la réponse serait une opinion professionnelle
ou une appréciation personnelle."
L'article 169: "Aucune question écrite ne peut être
posée à moins qu'il n'en ait été donné
avis." Cela ne nous concerne pas, pour l'instant. L'article 170: "La
réponse à une question doit se limiter au point qu'elle touche,
être brève et claire et ne contenir ni argument ni expression
d'opinion. Toutefois, une certaine latitude est accordée aux ministres.
Une réponse est tenue pour finale."
Le problème que nous avons, M. le Président, c'est que les
règles régissant l'Assemblée nationale et s'appliquant aux
commissions ont rapport aux questions des députés de
l'Assemblée adressées aux ministres. La difficulté, c'est
que le règlement qui nous régit est silencieux lorsque des
témoins sont appelés à comparaître, soit devant
l'Assemblée nationale, soit devant une commission. Or, l'article 3 de
notre règlement actuel nous permet de faire référence
à l'ancien règlement puisque l'ancien règlement a
été évoqué avec profit, semble-t-il, vendredi
dernier par le député de Marguerite-Bourgeoys.
L'article 3 dit ceci: "La procédure de l'Assemblée
nationale du Québec est réglée: premièrement, par
des lois; deuxièmement, par le règlement; troisièmement,
par des règlements adoptés pour la durée d'une seule
session; quatrièmement, par des ordres spéciaux adoptés
par l'Assemblée et dont l'effet est limité aux matières
pour lesquelles ils sont votés; cinquièmement, par les
précédents établis par suite de l'interprétation
des lois et du règlement."
L'article 4 dit: "Dans un cas non prévu par les règles de
procédure ou dans un cas de divergence d'opinions sur
l'interprétation d'une règle de procédure, le
président décide en tenant compte des usages de
l'Assemblée depuis son origine."
Avec l'article 3 et l'article 4 du règlement actuel, M. le
Président, je vous soumets respectueusement l'ancien règlement
qui est connu sous le nom de Règlement annoté de
l'Assemblée législative. L'édition que j'ai date de 1941.
Je vais vous lire l'article 730, au premier paragraphe: "Quand un témoin
comparaît devant la Chambre, l'orateur lui pose les questions que la
Chambre, sur la proposition de tout député, a
décidé de poser à ce témoin. Deuxièmement,
du consentement général, un député peut poser
directement des questions au témoin et les questions sont alors
censées posées par l'orateur et les réponses doivent
être adressées à l'orateur. Troisièmement, dans
l'interrogatoire d'un témoin, les
questions et les réponses doivent être faites en termes
respectueux. Si le témoin se sert de termes irrespectueux, l'orateur
peut le réprimander ou l'admonester immédiatement.
Quatrièmement - c'est peut-être le paragraphe le plus important -
quand un député interroge directement un témoin, les
autres députés peuvent s'opposer aux questions pour quelqu'une
des raisons que les parties ou leurs avocats peuvent généralement
invoquer au cours d'un interrogatoire judiciaire. Cinquièmement, s'il
est fait quelque objection ou si quelque dispute s'élève, la
Chambre peut ordonner au témoin de se retirer pour la durée de la
discussion qui s'ensuit."
Jusqu'à présent, M. le Président, je n'ai pas fait
appel à l'article 730 de l'ancien règlement pour une raison
très simple: c'est que j'aurais cru qu'au cours des travaux de cette
commission, dont nous entamons aujourd'hui la cinquième semaine, les
députés de l'Opposition libérale auraient manifesté
ce que j'appellerais un sens du respect de nos institutions, que ce soit
l'Assemblée nationale ou la commission parlementaire, et je dirais aussi
un minimum de respect envers les personnes qui sont appelées à
comparaître devant notre commission parlementaire. Dans la question de
règlement que je formule, je vous demanderais, M. le Président,
de statuer sur l'application de l'article 730 de l'ancien règlement. Les
articles 3 et 4 du règlement actuel ouvrent cette voie et je dirai tout
de suite à l'Opposition que, sur chaque question qui pourrait être
irrecevable suivant les règles de la loi de la preuve, en vertu du droit
criminel canadien ou encore en vertu des lois et des règles du Code de
procédure civile, je formulerai une objection de fond et il y aura
argumentation chaque fois.
Si, M. le Président, au début des travaux de cette
commission, j'ai donné non pas un consentement explicite, mais un
consentement silencieux et implicite - et je le maintiens - à savoir que
nous n'allions pas limiter le droit de parole des députés autour
de cette table, j'ai tenu pour acquis que, ce faisant, nous introduisions dans
nos débats une souplesse beaucoup plus grande pour permettre que toutes
les questions puissent être posées et que la question de fond sur
laquelle porte le mandat de la commission puisse être vidée. Je
n'ai pas l'intention de revenir là-dessus, M. le Président, mais
je suis absolument convaincu que, si nos règles de procédure et
si le règlement de l'Assemblée nationale étaient
respectés, ce n'est en aucun cas un problème de temps que nous
aurions. Je suis absolument certain que le contre-interrogatoire, que
mène, depuis 17 h 55, jeudi soir, le député de Mont-Royal
à l'endroit de Me Rosaire Beaulé, est irrecevable dans sa presque
totalité. Je dis, M. le Président, que j'interviendrai chaque
fois, mais, avant de ce faire, je vous demanderais de statuer sur la question
de règlement quant à l'applicabilité de l'article 730 de
l'ancien règlement, permis par les articles 3 et 4 du règlement
actuel de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le
Président, le ministre vient de découvrir l'article 730 de
l'ancien règlement. Je pense qu'il ne faut y voir là qu'une
coïncidence que, tout à coup, il découvre cet article au
moment où les témoins commencent à pénétrer
dans le bureau du premier ministre. Ce n'est que coïncidence due à
l'effet du hasard. Il va maintenant se faire le défenseur des prochains
témoins, MM. Gauthier, Boivin, Lévesque. Quant à Me
Jasmin, je ne sais pas, M. le Président. Justement, est-ce que je peux,
en passant, vous demander de répondre à cette question
éventuellement: Quand peut-on s'attendre d'entendre la décision
de la présidence sur le témoignage de Me Jasmin?
En ce qui concerne la question de règlement du ministre, il n'y a
rien de nouveau. Absolument rien de nouveau! Naturellement, il a oublié
de lire l'article 731: "Lorsqu'un témoin comparaît devant un
comité plénier - on peut assimiler la commission parlementaire
à un comité plénier - tout député peut lui
poser des questions directement". Je voulais simplement apporter cette
précision parce qu'à l'article 730, on dit que, quand un
témoin comparaît devant la Chambre, la règle serait qu'un
député doit passer par le président pour poser ses
questions.
D'ailleurs, jusqu'à maintenant, à quelques reprises, le
ministre et d'autres députés se sont interposés, ont fait
des objections contre une question ou l'autre posée par un autre
député. Personne ne s'est opposé à ce que cette
objection se fasse et à cette manière de procéder. Au
contraire, je croyais que le ministre avait lu l'article 730. De ce
côté-ci, nous l'avions tous en mémoire, j'en suis
convaincu, quoi que je n'ai pas consulté mes collègues à
ce sujet. Je l'avais devant moi, d'ailleurs, lorsque le ministre a
soulevé la question.
On sait, par exemple, qu'à l'article 730, si vous allez voir
Cushing no 983, on dit ceci: "Un témoin ne peut refuser de
répondre à une question sous le prétexte que sa
réponse peut l'exposer à une poursuite civile ou criminelle,
qu'il a fait le serment de ne pas révéler les faits sur lesquels
on l'interroge, qu'il est tenu au secret professionnel ou que son avocat
l'informe qu'il ne peut répondre sans courir le risque de s'incriminer
ou de s'exposer à une poursuite civile. Quand un témoin refuse
de
répondre de façon directe et complète à une
question qui n'a pas été jugée irrégulière,
l'orateur l'admoneste." Admonestez, M. le Président! Et ainsi de suite,
M. le Président. Ce sont toutes des règles assez
élémentaires de l'enquête.
Je pense que le ministre vient de s'apercevoir, même s'il refuse
depuis cinq semaines de s'en rendre compte, que c'est une enquête que
nous faisons. Ce n'est pas une discussion de salon. C'est réellement un
procès où il y a un accusé. Je regrette de le dire: II y a
un accusé - parce que le premier ministre a été
accusé d'avoir trompé la Chambre, l'Assemblée nationale -
et c'est pour cela que nous sommes ici. Il n'y a pas d'accusé dans le
sens du tribunal. Ce n'est sûrement pas le témoin qui est
accusé, non plus. (11 heures)
Mais, lorsque l'un ou l'autre s'aperçoit ou, enfin, a le
sentiment, vrai ou faux, qu'un témoin ne répond pas avec tout
l'enthousiasme et la mémoire qu'on pourrait lui souhaiter. Même en
interrogatoire direct, on peut lui préciser la question, l'aider
à rafraîchir sa mémoire. D'ailleurs, je ne veux pas
provoquer le député de Jonquière qui a fait quelques
interventions. Lui-même a sûrement vu et participé à
des contre-interrogatoires drôlement plus serrés et plus
sérieux que ceux que vous avez entendus ici depuis quelques
semaines.
M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'était pas mon
témoin.
M. Lalonde: Non, non, je ne veux pas revenir là-dessus,
à savoir si c'est notre témoin ou non, mais je pense que,
jusqu'à maintenant, la présidence a compris ce que tout le monde
a compris, soit qu'il y a des témoins qui sont vus comme étant
ceux du gouvernement et qui sont interrogés par l'Opposition comme dans
un contre-interrogatoire.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, mais vous mettez dans ma pensée des choses que je
n'ai aucunement. Dans la neutralité que doit représenter la
présidence, j'aimerais que vous ne m'impliquiez dans aucune opinion que
chacun peut avoir.
M. Lalonde: Je ne veux pas suggérer, M. le
Président, que vous avez une opinion que vous n'avez pas à
exprimer. Je veux simplement dire que, depuis cinq semaines, il est
arrivé à plusieurs reprises des questions que vous n'avez pas
trouvées irrégulières, des questions qui contenaient une
suggestion qui était de nature à aider le témoin à
se souvenir de choses dont il ne se souvenait pas précédemment.
Ce n'est pas tout à fait un contre-interrogatoire, mais c'est
sûrement différent d'un interrogatoire direct. Nous sommes
parfaitement d'accord avec la nouvelle vigilance du ministre. Nous constatons
cette coïncidence et nous allons continuer, quant à nous, à
rechercher la vérité. Je vous laisse le soin de continuer
d'appliquer le règlement avec la sagesse dont vous avez fait preuve
jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la
même question de règlement.
M. Duhaime: Je voudrais lire au député de
Marguerite-Bourgeoys l'article 80 du règlement de l'Assemblée
nationale. "Lorsqu'un député désire accuser un de ses
collègues d'un acte qui le rend indigne de siéger à
l'Assemblée, il doit présenter une motion de fond annoncée
dans laquelle il énonce l'accusation en termes explicites mais
modérés, et il doit conclure à ce que la commission de
l'Assemblée nationale procède à une enquête pour
constater si l'accusation est fondée. Cette motion a priorité sur
toute autre affaire du jour. "Lorsque la motion est appelée, celui qui
l'a proposée doit préciser ses accusations et le
député dont la conduite est mise en cause doit se retirer mais,
auparavant, il peut s'expliquer. "Si l'enquête ne prouve pas que
l'accusation est fondée, le député qui l'a portée
peut être trouvé coupable d'une violation des droits de
l'Assemblée ou d'un de ses membres."
Lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys dit qu'il y a
ici un accusé, j'ai comme l'impression qu'il évoque un
procès par contumace, mais je voudrais rappeler aux libéraux leur
grand courage. Vous connaissez bien l'article 80. Aucun d'entre vous, aucun, du
premier jusqu'au dernier, n'a voulu utiliser l'article 80 à l'invitation
même du premier ministre à l'Assemblée nationale il y a
maintenant six semaines. Il y a maintenant six semaines. Si le
député de Marguerite-Bourgeoys rêve de voir un
accusé devant cette commission, on peut suspendre nos travaux et vous
pourrez vous servir de l'article 80 cet après-midi à
l'Assemblée nationale avec les sanctions impliquées au paragraphe
3 que je vais vous relire. "Si l'enquête ne prouve pas que l'accusation
est fondée, le député qui l'a portée peut
être trouvé coupable d'une violation des droits de
l'Assemblée ou d'un de ses membres."
Il y a eu des précédents dans le passé devant le
comité des privilèges et élections qui est devenu
aujourd'hui le comité de l'Assemblée nationale ou la commission
de l'Assemblée nationale. Or, le mandat de cette commission implique
qu'il n'y a ni accusateur, qu'il n'y a ni accusé et le mandat de la
commission - le président vient de le lire - ne découle pas d'une
accusation qui a été portée par un membre de
l'Assemblée nationale à l'endroit du premier ministre. Il
ne peut donc s'agir de procès. Il ne peut donc s'agir non plus du
vocabulaire utilisé devant les tribunaux où il y a poursuite,
où il y a un accusé. Ce n'est pas du tout cela qui est le sens du
mandat de cette commission pour une raison très simple. C'est que le
Parti libéral, l'Opposition, aurait très bien pu porter une
accusation en vertu de l'article 80 et il ne l'a pas fait. Vous avez fait votre
lit, nous avons fait le nôtre et, aujourd'hui, si vous vous plaignez
qu'il n'y a pas d'accusé ici, vous n'avez qu'à relire l'article
80. Je crois savoir cependant, en écoutant et en relisant les
transcriptions de certaines entrevues qui sont faites, que, si les mêmes
affirmations étaient répétées devant
l'Assemblée nationale, elles pourraient donner lieu à la
convocation de la commission de l'Assemblée nationale.
Je connais les astuces de vocabulaire qu'utilisent les membres de
l'Opposition libérale avec davantage de sous-entendus que d'affirmations
claires. Si le député de Brome-Missisquoi veut revoir à la
télévision l'entrevue qu'il a donnée dimanche soir
à l'émission Politique provinciale, il va se reconnaître
dans les propos que je tiens.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, en disant que c'est la dernière intervention que
j'écoute avant de rendre ma décision.
M. Lalonde: Le ministre est à court d'imagination, il
ressasse une vieille histoire, à savoir qu'on aurait dû mettre
notre siège en jeu, alors que celui du premier ministre l'était
déjà. Il n'y a pas d'accusé par un député,
mais il y a un accusé par un journal; sans cela, pourquoi serions-nous
ici? Enfin, je ne veux pas revenir sur ce sujet. M. le Président, nous
avons pris nos responsabilités. Le premier ministre lui-même a
décidé de convoquer cette commission parlementaire pour examiner
le rôle qu'il avait joué et que son bureau a joué dans le
règlement, pour 200 000 $ seulement, d'une réclamation de 32 000
000 $ dans le saccage de la Baie-James. Nous faisons notre devoir en posant des
questions. Je n'ai aucune d'idée pourquoi le ministre revient avec cette
marotte, à savoir qu'il faudrait mettre notre siège en jeu, alors
que celui du premier ministre l'est déjà, de son propre chef. Il
a choisi de convoquer cette commission parlementaire, nous y sommes et nous
allons faire tout notre travail en nous souvenant des paroles du premier
ministre du 23 mars 1983, et je les cite: "Je m'engage dès maintenant,
si c'est la commission parlementaire qui paraît la plus indiquée,
en mon nom comme au nom du gouvernement, dans les plus brefs délais,
à ce que tous les gens qui sont intéressés...
M. Duhaime: ...avant Pâques...
M. Lalonde: ...M. Latouche, M. Pouliot, etc., à commencer
par votre serviteur, puissent aller à cette commission et faire la
lumière." Un peu plus loin, il dit ceci: "J'ajoute simplement ceci: le
mandat le plus large possible..." Il finit convenablement tout de même:
"Les témoins qui ont quelque rapport - je ne sais pas si signer le
règlement, c'est suffisant - pourront être convoqués aussi
longtemps qu'on le voudra et cela, dans les meilleurs délais, et
là-dessus non plus je ne mens pas à la Chambre."
Le Président (M. Jolivet): Merci. Vu les circonstances,
pour être capable de rendre une bonne décision, je vais suspendre
les travaux quelques instants, je ne sais pas pour combien de temps, mais dix
ou quinze minutes peut-être.
(Suspension de la séance à 11 h 08)
(Reprise de la séance à 11 h 38)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
La commission reprend ses travaux. Pas pour longtemps, cependant. Compte
tenu des questions mises devant cette commission ce matin, compte tenu de
l'importance de bien y répondre et la consultation se poursuivant
toujours, je vais suspendre les travaux jusqu'après la période de
questions cet après-midi.
M. Lalonde: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez répondre à ma
question, à savoir quand nous pourrons bénéficier de votre
sagesse dans la décision concernant Me Jasmin?
Le Président (M. Jolivet): Dans les plus brefs
délais, de la même façon qu'on aura à rendre une
autre décision, celle de ce matin. Suspension.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise de la séance à 16 heures)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux aux fins d'examiner les circonstances entourant
la décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2
survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier
ministre et de son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Dussault (Châteauguay),
M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Vaillancourt
(Jonquière) et M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Perron
(Duplessis), M. Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis
(Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert),
M. Tremblay (Chambly), M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Les personnes invitées devant nous aujourd'hui sont Me Rosaire
Beaulé et Me André Gadbois. Les travaux de cette commission, je
le répète à nouveau, seront suspendus à 18 heures
ce soir pour reprendre à 20 heures jusqu'à 22 heures.
Compte tenu des demandes qui nous ont été faites, voici
donc les deux décisions que j'ai à rendre comme président
de cette commission. Je vais vous demander un peu de patience. Je vais vous les
donner en tenant compte du texte qui est quand même un peu long puisque
ces décisions sont d'importance.
La première, c'est celle qui concerne la question de
règlement de ce matin. Le président de cette commission a
été saisi ce matin d'une question de règlement portant sur
le fonctionnement de cette commission, et plus particulièrement les
règles pouvant régir les questions posées aux personnes
invitées à comparaître devant elle. Il s'agit notamment de
savoir si l'article 730, paragraphe 4, de l'ancien règlement s'applique
et si un député peut s'opposer à une question
posée; le cas échéant, en vertu de quel critère
peut-il le faire?
La commission parlementaire élue permanente de l'énergie
et des ressources a été convoquée pour étudier les
circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de régler hors
cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du
chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle
du premier ministre et de son bureau à cet égard.
Des personnes ont été invitées à
comparaître devant elle dans le but de l'aider à s'acquitter de ce
mandat. Il ne s'agit donc nullement d'un procès. Personne n'a fait
l'objet d'une accusation formelle selon les règles pertinentes du
règlement de l'Assemblée nationale. Si tel avait
été le cas, ce serait la commission de l'Assemblée
nationale elle-même qui siégerait avec les conséquences que
l'on sait.
Le fait, pour un journal, de faire une affirmation, quelle qu'en soit la
gravité, ne constitue pas une accusation au sens de notre
règlement. Le contraire équivaudrait à assimiler
l'ensemble des journalistes du Québec à des membres de
l'Assemblée nationale, ce qu'ils ne sont pas, évidemment.
L'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale établit
clairement un principe maintes fois séculaire, soit que
l'assemblée établit les règles de sa procédure et
qu'elle est la seule compétente pour les faire observer. En
l'occurrence, le fonctionnement d'une commission parlementaire élue est
régi par les articles pertinents du règlement dont s'est
dotée l'Assemblée nationale. À défaut de
précision dans le règlement, on doit s'en remettre aux
précédents et aux usages.
À l'égard des questions qui peuvent être
posées à une personne qui comparaît devant
l'assemblée ou ses commissions, l'article 730, paragraphe 4, de l'ancien
règlement peut s'appliquer, d'autant plus qu'il reprend une notion
déjà connue de droit parlementaire que l'on retrouve dans la
douzième édition du traité "Parliamentary Practice" de
Erskine May. À la page 692, on lit en effet: "The question put to a
witness may be objected to by a member. Questions are usually objected to for
much the same reasons as those offered by parties on their council in a Court
of law, but members are not confined to objections of this description." Cet
énoncé est repris dans le règlement annoté de
l'Assemblée législative du Québec par Me Louis-Philippe
Geoffrion dans son édition de 1915 qui, à l'article 609,
paragraphe 4, énonce: "Quand un député interroge
directement un témoin, les autres députés peuvent
s'opposer aux questions pour quelqu'une des raisons que les parties ou leurs
avocats peuvent généralement invoquer au cours d'un examen
judiciaire, par exemple: parce que les questions ne se rattachent pas à
l'affaire dont on s'enquiert, parce qu'elles sont posées de façon
irrégulière ou parce qu'elles portent sur de simples questions
d'opinion ou de ouï-dire." Geoffrion fait alors référence au
traité "Elements of the Law of Practice of Legislature Assemblies of the
United States of America" par Luther Cushing, plus particulièrement
à sa neuvième édition de 1874, qui dit, à la page
389, mais en anglais, exactement ce qu'a repris Geoffrion en français
quelques années plus tard.
Dans la mesure où Cushing s'est inspiré du droit
parlementaire britannique, nous pouvons nous en inspirer nous-mêmes,
même si le traité de Cushing porte sur la loi de la pratique en
vigueur dans les assemblées législatives américaines, dont
la nature et le fonctionnement sont cependant très différents de
la nôtre.
II faut cependant préciser que les énoncés
ci-devant mentionnés par May, Cushing et Geoffrion ont tous la
même caractéristique. En effet, si elles disent toutes que les
objections qui peuvent être soutenues sont notamment celles que l'on
soulève devant les tribunaux, elles ajoutent, d'une part, que cela n'est
pas limitatif et, d'autre part, que toutes les règles qui
prévalent devant les tribunaux ne sont pas automatiquement admissibles
devant la commission.
En employant le mot "usually" ou le terme "généralement",
May et Geoffrion n'ont pas affirmé qu'une commission comme celle-ci est
régie par un cadre de règles qui auraient été
créées ailleurs pour usage au sein du pouvoir judiciaire.
D'ailleurs, ce n'est que par analogie que de telles règles pourraient
s'appliquer puisque l'Assemblée nationale, répétons-le,
seule maîtresse de ses travaux, ne les a jamais fait siennes. La
présidence est d'avis qu'il y a là une lacune qui gagnerait
cependant à être corrigée.
Si à défaut de règles précises,
l'Assemblée, ou l'une de ses commissions, interprète le
règlement qui la régit, elle peut à l'occasion se
référer à des usages établis comme elle peut
s'inspirer de certaines règles que l'on applique devant les tribunaux.
Elle peut s'inspirer de ces dernières, mais elle n'est pas liée
par elles.
Dans un cours donné dans le cadre de la formation permanente du
barreau, Me Jacques Dagenais examine les règles de preuve et de
procédure devant les commissions d'enquête constituées en
vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Il y établit
clairement que les commissions d'enquête peuvent s'enquérir des
causes dont l'investigation leur est confiée par tous les moyens
qu'elles jugent les meilleurs et qu'elles ne sont pas tenues de suivre les
règles de preuve et de procédure applicables aux tribunaux
judiciaires.
La Cour d'appel du Québec, dans l'arrêt Cité de
Saint-Laurent et al contre Commission municipale du Québec, de
même que la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Vincent
Cotroni et la Commission de police du Québec et al, ont toutes deux
tranché clairement dans ce sens avec la seule réserve d'agir
"fairly and impartially", équitablement et avec impartialité.
Si l'on peut affirmer qu'une commission d'enquête formée
par l'Exécutif n'est nullement tenue d'appliquer les règles de
preuve et de procédure en vigueur devant les tribunaux, en se basant sur
l'article 6 de la Loi sur les commissions d'enquête, sous réserve
d'agir avec équité et impartialité, a fortiori doit-on
conclure que l'Assemblée nationale à qui la loi reconnaît
le pouvoir d'établir les règles de sa procédure et le
pouvoir exclusif de les faire respecter (article 9) n'y est pas assujettie.
À la limite, peut-on affirmer que les balises de la Cour suprême
concernant l'équité et l'impartialité s'appliquent
à une commission parlementaire? Comme la présidence tient
à les appliquer en pratique, la question, cependant, devient un peu
académique.
En conclusion, même si on a souvent répété
qu'aucune règle n'existait pour gouverner la procédure au cours
de la présente commission, et même si, comme je l'ai
mentionné, nous ne sommes pas liés par les règles de
preuve et de procédure des tribunaux, il faut affirmer que, dans la
matière qui nous concerne, on a jusqu'ici laissé le
président interpréter les règles quant aux questions
auxquelles on peut s'opposer. Il est une règle d'interprétation
dont le président entend s'inspirer pour la poursuite des travaux, comme
il l'a fait depuis le début du mandat de cette commission. Il s'agit de
l'article 168 de notre règlement qui s'énonce comme suit: "Une
question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les
renseignements demandés. Est irrecevable une question: 1. qui est
précédée d'un préambule inutile; 2. qui contient
une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une
suggestion ou une imputation de motifs; 3. dont la réponse serait une
opinion professionnelle ou une appréciation personnelle."
Puisqu'on ne peut importer intégralement dans nos travaux les
raisons que les parties ou leurs avocats peuvent généralement
invoquer au cours d'un interrogatoire judiciaire - article 730,
quatrième paragraphe, de l'ancien règlement - ces règles
étant, par ailleurs, variables selon les juridictions et les
matières; puisqu'il importe, comme la présidence tente de le
faire depuis le début, et en conformité avec les balises
édictées par la Cour suprême, de s'assurer que les travaux
se déroulent dans l'équité et l'impartialité; et
puisque l'article 168 de notre règlement me paraît viser à
atteindre ce double objectif; en conséquence, la présidence
maintiendra une objection qui sera fondée sur les motifs prévus
à l'article 168 de notre règlement ou qui sera fondée sur
le manque d'équité ou d'impartialité d'une question et ce,
comme elle l'a fait depuis le début des travaux et tant que
l'Assemblée nationale n'aura pas adopté d'autres règles de
procédure à cet égard.
Un autre critère, non écrit celui-là, qui sera
constamment dans l'esprit de la présidence, c'est celui de la
gentilhommerie à laquelle je convie chacun des membres, intervenants et
témoins ou invités, comme on les appelle à cette
commission. Voilà pour la première décision.
Décision du président de la commission
sur la requête du barreau
Quant à la deuxième, je vous demande encore de faire
preuve de patience puisque ce sont des questions quand même importantes.
En commençant, je tiens d'abord à remercier les membres de cette
commission qui se sont exprimés sur la délicate question que je
m'apprête à trancher. Je tiens à remercier également
le représentant du Barreau du Québec d'être venu
spécialement pour exposer les vues de cette corporation sur le sujet. On
doit rappeler que l'Assemblée a confié un mandat à cette
commission et, conformément à l'article 10 de la Loi sur
l'Assemblée nationale, celle-ci doit veiller à son
exécution.
M. Michel Jasmin fut convié à témoigner devant
cette commission. Au cours de nos travaux, on a soumis à mon examen
l'obligation au respect du secret professionnel de M. Jasmin. Plus
précisément, on a fait valoir que le juge Jasmin devait
être dispensé de témoigner puisqu'un seul des quatre
clients qu'il représentait l'a relevé de son obligation au secret
professionnel. On fit valoir également que, du fait que les quatre
mandats, dont M. Jasmin était investi, avaient été
exécutés par lui de façon concomitante, la commission
devait le libérer totalement et globalement de son témoignage. Il
appert, selon les représentations faites devant la commission, que seul
le Conseil provincial des métiers de la construction a cru opportun de
dispenser M. Jasmin de son obligation au secret professionnel.
Cette question concerne les droits et privilèges de
l'Assemblée et je me dois d'en disposer conformément aux
compétences de l'Assemblée en cette matière. L'on doit
tout d'abord réaffirmer la compétence exclusive de
l'Assemblée sur ses travaux et sur ses procédures. Ce principe
fondamental est reconnu depuis fort longtemps par le droit parlementaire.
Celui-ci est constitué principalement par la constitution, la loi, son
règlement, ses usages et ses précédents. Ces règles
de droit spécifiques aux assemblées délibérantes
ont pour but de favoriser l'exercice et l'accomplissement des fonctions d'un
Parlement. La récente Loi sur l'Assemblée nationale a d'ailleurs
consacré solennellement cette règle. En effet, l'article 9
stipule que "l'Assemblée établit les règles de sa
procédure et est seule compétente pour les faire observer". Le
droit parlementaire s'impose donc comme unique référence dans la
recherche d'une règle applicable à toute situation survenant
à l'Assemblée, à ses commissions ou à ses
sous-commissions.
L'Assemblée a toujours résolu les différends qui se
présentaient dans le cours de ses débats selon ses propres
règles. Elle a toujours veillé également, comme l'y
engagent maintenant explicitement tant le préambule que l'article 42 de
la Loi sur l'Assemblée nationale, à protéger ses travaux
contre toute ingérence. En ce sens, une décision du
président ou de l'Assemblée elle-même épuise tous
les recours possibles. Il ne subsiste aucun doute à cet égard.
L'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale stipule que
"l'Assemblée ou une commission peut assigner et contraindre toute
personne à comparaître devant elle, soit pour répondre aux
questions qui lui seront posées, soit pour y produire toute pièce
qu'elle juge nécessaire à ses actes, enquêtes ou
délibérations". (16 h 15)
L'article 55 de cette loi précise, quant à lui, que le
fait de refuser d'obéir a un ordre de l'Assemblée, d'une
commission ou d'une sous-commission ou le fait d'y rendre un témoignage
faux ou incomplet constitue une atteinte aux droits de l'Assemblée. Il
importe donc de préciser qu'on retrouve ces dispositions au chapitre 3,
intitulé: Indépendance de l'Assemblée et plus
précisément à la section I, intitulée: Droits,
privilèges et immunités.
Les droits et privilèges d'une assemblée ont
été reconnus depuis les origines du parlementarisme. Dans son
traité
Parliamentary Practice, dix-neuvième édition, Erskine May
expose les fondements de ce qui constitue un privilège. "Parliamentary
privilege is the sum of the peculiar rights enjoyed by each House collectively
as a constituent part of the High Court of Parliament, and by Members of each
House individually, without which they could not discharge their functions, and
which exceed those possessed by other bodies or individuals. Thus privilege,
though part of the law of the land, is to a certain extent an exemption from
the ordinary law."
Plus loin, May poursuit dans les termes suivants: "The particular
privileges of the Commons have been defined as: The sum of the fundamental
rights of the House and of its individual Members as against the prerogatives
of the Crown, the authority of the ordinary courts of law and the special
rights of the House of Lords." (May, page 67.)
Une règle importante et reconnue de notre droit parlementaire
veut qu'un témoin soit tenu de répondre à toutes les
questions qui lui sont adressées. Une objection ne peut avoir pour effet
d'écarter cette règle. Le témoin ou l'invité qui
oppose à une question son obligation au secret professionnel
contrevient-il à cette règle et porte-t-il atteinte du même
coup aux droits et privilèges de l'Assemblée? Le droit au respect
du secret professionnel est reconnu par la Charte des droits et libertés
de la personne. C'est un droit fondamental reconnu
à toute personne depuis l'adoption de cette charte en 1975.
En conséquence, j'affirme donc que ce droit s'impose à nos
travaux et les droits et privilèges de l'Assemblée et de ses
membres doivent compter et composer avec l'existence des droits fondamentaux
des citoyens. Il ne saurait en être autrement sans indication
précise et explicite de la Loi sur l'Assemblée nationale. Or,
cette loi ne contient aucune disposition permettant à l'Assemblée
nationale de se soustraire à la Charte des droits et libertés de
la personne. C'est au témoin ou à l'invité à faire
valoir son obligation au secret professionnel. La commission peut dès
lors s'enquérir si le témoin ou l'invité a fait les
démarches nécessaires auprès de son client visant à
être relevé de son obligation au respect du secret professionnel.
Il faut également préciser que le droit au respect du secret
professionnel ne peut se concevoir comme une dispense générale
à comparaître ou à témoigner. On ne peut
considérer, a priori, que toutes les questions ou tous les documents
requis sont couverts par le droit au secret professionnel. Ce droit doit
être soulevé de façon distincte et faire
référence à une demande bien précise.
Pour les mêmes raisons, je ne peux faire droit à la demande
d'exemption globale de témoigner du juge Jasmin pour les motifs qu'un
seul de ses mandants l'a relevé de son obligation au secret
professionnel. De même, l'argument voulant que M. Jasmin, s'il devait
répondre aux questions relatives au mandat qu'il a reçu du
Conseil provincial des métiers de la construction, pourrait mettre en
péril le droit à la confidentialité des
éléments des autres mandats doit être rejeté. Si les
quatre mandats avaient été exécutés par quatre
avocats différents dans les mêmes circonstances, un de ceux-ci
aurait été libéré de son secret professionnel et
aurait été dans l'obligation de répondre aux questions de
la commission.
On ne peut échapper à l'obligation d'éclairer la
commission sur un mandat particulier en alléguant que l'on est
mandaté par d'autres parties dans la même affaire. Cependant, je
comprends qu'une telle situation comporte des risques de porter atteinte au
droit au secret professionnel des autres mandants. À cet égard,
dans la mesure où la réponse à une question posée
à M. Jasmin pourrait porter atteinte au droit d'une autre personne, au
respect du secret professionnel, le conflit doit être résolu en
faveur de la protection de la confidentialité.
La commission doit sur cette question s'en remettre à
l'invité ou au témoin. En effet, il appartient à ce
dernier de faire valoir le secret professionnel dès qu'une question
porte sur un aspect touchant l'un des trois mandats où il n'a pas
reçu dispense de son obligation au respect du secret professionnel. On a
fait valoir que, dans ces conditions, une éventuelle déclaration
liminaire de M. Jasmin serait insignifiante voire inutile. Il n'appartient
à nulle autre qu'à la commission de juger de
l'intérêt d'une déclaration ou d'une réponse
à une question posée. Toute information pertinente au mandat de
la commission est susceptible d'intérêt et ne peut être
minimisée. D'autre part, il n'appartient pas à la commission ou
à ses membres de porter un jugement sur l'invocation par une personne
d'un droit fondamental. Ces points étant établis, c'est le droit
et le privilège des membres de cette commission d'entendre et
d'interroger M. Jasmin en respectant le droit de trois de ses mandants au
respect du secret professionnel et l'obligation correspondante à
laquelle il est contraint.
C'étaient donc les deux décisions que la
présidence, après consultation longuement
réfléchie, avait à rendre et que j'ai rendues.
Devant ces décisions, nous avons devant nous Me Rosaire
Beaulé qui m'avait demandé ce matin de faire une rectification
qu'il jugeait important de nous donner et auquel j'accorde la parole. Me
Beaulé.
Requête de M. Rosaire Beaulé
M. Beaulé (Rosaire): Merci, M. le Président. Je
veux me reporter à un commentaire que j'ai fait le 29 avril 1983 et que
l'on trouve à la galée 960-ER, page 3, du 29 avril dernier et qui
se lit comme suit. Je souligne que j'étais alors interrogé par le
député de Mont-Royal et que les questions portaient surtout sur
cette rencontre que nous avons eue, Me Woll, M. Fanning, M. Jasmin et moi avec
Me Boivin, à son bureau, le 19 janvier 1979.
La remarque que j'ai faite à 11 h 55, le 29 avril dernier est
donc la suivante: "M. Beaulé: M. le Président, peut-être
que le député de Mont-Royal qui m'interroge, peut-être
à cause de cette barrière de langue, ne saisit pas tout à
fait toutes mes réponses. Je suis prêt, pour une dernière
fois, à répondre pour la cinquième ou sixième fois
à une question touchant la réunion du 19."
Dans le Journal de Montréal d'hier, M. Normand Girard, parlant de
ce commentaire, y a vu une connotation raciste. L'honorable
député de Mont-Royal, ce matin, pendant un long débat
où, semble-t-il, j'ai été impliqué, a repris la
même assertion, à savoir que cette remarque avait une connotation
raciste. C'est très grave en définitive, M. le Président.
Si, après 25 ans de pratique et compte tenu particulièrement du
mandat que j'occupais dans cette cause qui fait l'objet de votre examen et du
règlement qui fait l'objet de votre enquête, je passe des
remarques ou fais des commentaires qui ont une connotation raciste, je pense
que c'est
assez grave et lourd de conséquences. Quant à moi, je ne
crois pas en avoir fait et je veux m'expliquer très
brièvement.
Je reviens donc au texte que l'on trouve à la galée
960-ER, page 3. Je cite: Peut-être que le député de
Mont-Royal qui m'interroge, peut-être à cause de cette
barrière de langue, ne saisit pas tout à fait toutes mes
réponses." Il s'agit là, quand j'emploie les mots
"barrière de langue", d'une traduction littérale de l'anglais de
"language barrier". On pourra voir tous les dictionnaires; cette expression n'a
pas de sens péjoratif. La personne qui est affectée de cette
barrière de langue, "language barrier", n'est pas nécessairement
une personne qui fait montre d'antagonisme racial. C'est une personne qui,
parce qu'elle a une méconnaissance absolue de la langue de l'autre, ne
la comprend pas ou, si elle en a une méconnaissance relative, ne
comprend pas toutes les nuances de ses propos ou de sa déclaration.
C'est uniquement dans ce sens que je me suis référé
à la barrière de langue.
Je vais vous dire pourquoi je me suis référé
à la barrière de langue, M. le Président, en vous
reportant avec respect à la galée 920-ER, page 2, du 28 avril
1983, à 20 h 45, et je m'arrêterai là-dessus.
Donc, à 20 h 45, devant cette commission, galée 920-ER,
page 2. À la huitième ligne, j'étais alors
interrogé par M. le député de Mont-Royal. Je cite: "M.
Beaulé: J'ai dit que je n'avais pas eu de contacts directs ou indirects
avec la SEBJ. Quant au reste, dans quelles circonstances j'ai dit à M.
Aquin que j'avais le sentiment que le premier ministre était favorable
à un règlement ou à ce qu'on mette fin à ces
procédures-là, je ne m'en souviens pas. Je sais qu'il a dit qu'il
avait été légèrement déstabilisé,
mais, connaissant bien M. Aquin, j'ai pris cela avec un grain de sel. "M.
Lalonde: Pardon? "Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
C'est le député de Mont-Royal qui a la parole. "M. Ciaccia:
Comment dites-vous? Vous avez pris cela avec un grain de sel? "M.
Beaulé: Quand M. Aquin a dit qu'il avait été
déstabilisé, j'ai pris cela avec un grain de sel, parce que je le
connais depuis 30 ans. "M. Ciaccia: Qu'est-ce que cela voudrait dire, que vous
avez pris cela avec un grain de sel?"
M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire d'autres
commentaires. Il m'apparaissait manifeste que M. Ciaccia, qui a une excellente
connaissance de la langue anglaise et une très bonne connaissance de la
langue française, ne connaît peut-être pas tout le sens des
mots et des nuances. C'est normal. Je ne considère pas que c'est une
injure de dire cela parce que, moi aussi, il m'est arrivé, dans ma
pratique comme avocat, d'avoir de la difficulté à saisir une
nuance d'un témoin, ou d'avoir de la difficulté à faire
une nuance dans une question. Cela étant dit, je soutiens avec respect
que je n'ai pas fait de remarques à connotation raciste. Je vous
demande, avec respect, de prendre ma parole et mon serment à cet effet.
D'autant plus que, bien avant d'être avocat, j'ai été
président d'une organisation internationale qui s'appelait Mouvement
international des étudiants catholiques, Pax Romana. J'ai
travaillé en Europe de 1951 à 1953. J'ai été en
contact avec des étudiants qui avaient souffert ou qui avaient subi la
guerre de 1939-1945, des gens de toutes races. C'est un des fondements de ce
que j'espère être une certaine philosophie de la tolérance
que de respecter les gens, même ceux qui ne sont pas de ma race, parce
qu'ils sont tous nos frères.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, vous avez encore la parole.
M. Ciaccia: Je vous remercie de vos propos, Me Beaulé,
mais je les prends avec un grain de sel.
M. Beaulé: M. le Président, en vertu de l'article 4
de la Charte des droits et libertés de la personne, je demanderais avec
respect à M. le député Ciaccia de prendre au moins mon
serment sans grain de sel.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, en me référant aux derniers mots de la
première décision que j'ai rendue - je ne l'ai pas, je l'ai
prêtée pour faire des photocopies - on doit aussi agir avec
gentilhommerie à la commission.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
M. Beaulé: M. le Président, me
permettez-vous...?
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, je
m'excuse.
M. Beaulé: Je veux vous faire une demande. Elle sera
traduite d'une façon explicite par Me Denise Roy, de l'étude
Bélanger, Beaulé, Garceau, sous la forme d'une requête
écrite. Je voudrais, avec votre permission, éviter d'entrer dans
tout débat. Je ne suis pas membre de cette commission, cela va de soi,
je suis témoin. Je suis conscient des limites et des obligations aussi
que cela comporte.
Si je fais cette remarque, c'est que je pense qu'en vertu du
règlement, la Charte des droits et libertés de la personne,
en
vertu de ses termes mêmes comme en vertu du règlement,
s'applique ici. Cet article 4, qui est si souvent cité, mais c'est
à peu près le seul privilège qu'un témoin puisse
soulever devant vous, cet article se lit comme suit: "Toute personne a droit
à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa
réputation." Ce matin, des propos ont été
échangés. Je les ai écoutés comme, j'imagine, non
seulement les journalistes, mais également les gens qui écoutent
la télévision et qui suivent ces débats. Je veux me
référer, non pas pour en faire un débat, à certains
propos particuliers, et j'en tirerai une conclusion qui sera celle que Me Roy
vous présentera sous forme de requête. (16 h 30)
On s'est référé, ce matin, en parlant du
témoin qui est devant vous, M. le Président, à un
détournement de questions posées, en se référant
à mon témoignage antérieur. En français, je pense
que cela veut dire que j'aurais tenté de me soustraire à des
questions. En d'autres termes, ma compréhension de certains propos de ce
matin, dont j'ai été le témoin visuel et auditif, est
qu'en réalité, je ne dirais pas qu'on m'accuse, mais on fait
état d'une attitude chez moi depuis deux jours, les 28 et 29 avril, qui
est celle que je veux décrire dans les brefs propos suivants. J'aurais
essayé de me soustraire à des questions en les détournant.
J'aurais refusé, dans certains cas, de répondre à des
questions ou j'aurais fourni des réponses évasives. Je me serais
rendu "coupable" de contradiction. J'aurais même détruit un
document.
On m'a remis, tout à l'heure, M. le Président - je fonde
mon commentaire sur l'article 4 de la Charte des droits et libertés - un
texte qui émane de Caisse, Chartier et Associés Inc., coupures de
presse. Ce matin, à l'émission d'André Arthur, M. le
député de Mont-Royal était interviewé. Je veux
citer trois passages qui se greffent à des déclarations faites ce
matin à mon sujet et qui sont une atteinte à ma dignité,
à mon honneur et à ma réputation. Premier échange -
c'était ce matin, m'a-t-on dit - vers 7 h 57: M. Arthur: "M. Ciaccia,
avez-vous l'impression d'avoir été si méchant avec les
témoins?" Réponse de M. Ciaccia: "Absolument pas. Pas du tout.
C'est trop facile de dire qu'on est méchant..."
M. Gratton: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): C'est une question de
règlement.
M. Gratton: Je m'excuse auprès de M. Beaulé. Ce
matin, si je me rappelle bien, le député de Mont-Royal a
justement tenté de faire lui-même une mise au point à
partir de déclarations que Me Beaulé avait faites à la
clôture de la séance de vendredi dernier. Il a tenté
à plusieurs reprises de faire un exposé qui l'aurait
éventuellement amené à vous demander une directive, ce
qu'il a d'ailleurs dû faire, c'est-à-dire demander sa directive,
sans pour autant donner toutes les explications qu'il aurait souhaité
donner. Or, si je ne m'abuse, M. le Président, ce que Me Beaulé
est en train de faire, c'est exactement ce que vous n'avez pas permis à
mon collègue de Mont-Royal de faire ce matin. Je vous pose la question:
Est-ce qu'il y a deux façons de voir les choses? Est-ce que la mise au
point que Me Beaulé est en train de faire est plus recevable que celle
que voulait faire le député de Mont-Royal ce matin?
M. Duhaime: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: J'ai bien entendu Me Beaulé dans ses remarques
préliminaires; il est en train de formuler verbalement l'argumentation
et les motifs auxquels se joindront une requête écrite dont il a
annoncé le dépôt par Me Roy. M. le Président, si le
député de Gatineau n'a pas saisi la démarche que fait
actuellement Me Beaulé, il s'adresse, en sa qualité de
témoin, à la commission et à la présidence de cette
commission. Il va nous livrer, sans aucun doute, une requête, puisqu'il
l'a annoncée. Je pense que ce serait son droit le plus strict
d'être entendu sur cette question, puisqu'il annonce qu'elle est
fondée sur des articles très précis de la Charte des
droits et libertés de la personne. Je pense qu'on devrait laisser Me
Beaulé poursuivre en tenant pour acquis que, de part et d'autre, avant
que vous ne statuiez sur cette requête, M. le Président, il y aura
des discussions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, j'ai cru comprendre que vous aviez une question de
règlement.
M. Gratton: Oui, en effet, pour préciser un peu plus.
Qu'il y ait une requête écrite qui suive les propos de Me
Beaulé, je veux bien, mais, à titre de membre de la commission,
je ne suis pas informé du contenu de cette requête à venir
jusqu'à maintenant. En comparaison, c'est exactement ce qu'a
tenté de faire le député de Mont-Royal ce matin,
c'est-à-dire de faire précéder une demande de directive
-qu'elle soit écrite ou orale peu importe - à votre endroit de la
justification qui l'amenait à demander cette directive.
Or, vous l'avez empêché ce matin de faire son
énoncé. Je me pose la question: Comment Me Beaulé peut-il
donner des explications préliminaires avant de produire
sa requête? Peut-être bien que la façon de
procéder, ce serait de nous informer de la requête, des
conclusions de la requête, pour qu'ensuite vous puissiez vous-même
juger de sa recevabilité, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président,
très brièvement, je voudrais tout d'abord dire au
député de Gatineau que, ce matin, le député de
Mont-Royal n'a pas été empêché de parler; c'est tout
simplement que la présidence a rendu une décision sur sa demande
de directive. Je pense que, si l'on sortait les galées, on verrait
qu'effectivement le député de Laviolette et vice-président
de l'Assemblée nationale du Québec a rendu une directive à
la demande du député de Mont-Royal.
On parle souvent des droits et privilèges des
députés à cette commission. J'ai rarement entendu parler
des droits des témoins, lesquels existent aussi même s'ils ne sont
peut-être pas écrits dans nos règlements. Les
témoins qui ont des droits. Il y a un principe de justice naturelle, M.
le Président, dont on fait certainement état dans le jugement de
la Cour suprême que vous avez cité tout à l'heure,
lorsqu'on parlait d'équité et d'impartialité, c'est la
règle audi alteram partem.
À ma connaissance, à cette commission, l'autre partie, les
autres parties, ce sont les témoins. On a l'habitude de parler des
droits, des privilèges, de l'immunité parlementaire des
députés et on a des témoins devant nous qui ont des
droits. L'un des droits de ces témoins, c'est le droit d'être
entendus, M. le Président; non seulement de répondre à des
questions qui leur sont posées, mais également de faire
eux-mêmes, d'office, une demande à la présidence qui, en
quelque sorte, doit jouer le rôle de protecteur, non seulement des droits
et privilèges des députés, mais également des
droits des témoins qui sont invités par notre commission à
venir nous rencontrer pour apporter de la lumière.
M. le Président, je vous dis respectueusement que notre
invité a droit à nos égards et qu'on doit au moins
respecter un principe de justice naturelle unanimement reconnu dans les pays
démocratiques, c'est-à-dire celui d'entendre cette partie qui
veut nous parler.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, nous concourons avec
empressement aux propos du député de Jonquière, à
savoir que les témoins ou les invités, comme vous voulez, ont des
droits. D'ailleurs, non seulement en vertu des principes de justice naturelle,
mais on les retrouve dans les anciens règlements. Le témoin a la
protection de la loi, par exemple. On voit certaines dispositions de l'ancien
règlement, à savoir qu'ils doivent être traités avec
égard, que les questions, etc. D'autre part, l'article 4 invoqué
par le témoin peut s'appliquer aussi à un membre de
l'Assemblée.
Pour la bonne marche de nos travaux, M. le Président, il me
semble qu'il serait désirable que les conclusions de la requête
nous soient communiquées pour que vous puissiez conclure de sa
recevabilité ou de sa non-recevabilité. Si vous décidez
que c'est recevable, à ce moment-là, on peut continuer. Le
témoin ou Me Roy auront tout le loisir de faire leur plaidoyer. Si cela
devait être déclaré non recevable, cela éviterait
à la commission d'entendre les plaidoyers d'une requête qui ne
serait pas recevable.
Le Président (M. Jolivet): Je vais rendre rapidement ma
décision puisque j'avais eu l'occasion de fouiller un peu ce dossier au
moment où l'on a eu la commission sur l'éducation que j'ai eu
l'honneur de présider.
Je dois vous dire au départ que nous sommes en droit britannique
et qu'en droit britannique, il y a au moins, au minimum, trois parties: le
représentant du gouvernement et le représentant de l'Opposition,
mais il y a une troisième partie dans la commission parlementaire que
nous avons à écouter, c'est-à-dire la personne qui vient
donner son témoignage à une commission parlementaire.
Nous sommes donc en commission parlementaire et, s'il n'y avait pas de
troisième partie, il n'y aurait pas de commission parlementaire, puisque
nous sommes ici pour entendre des personnes qui ont des choses à nous
dire, pour nous éclairer sur le mandat que nous avons à
accomplir.
En conséquence, que l'on me parle des députés
à ma gauche et à ma droite qui doivent connaître
très bien le règlement, j'en conviendrai. Qu'un
député outrepasse le règlement, j'ai, de mon siège
de président, à le rappeler à l'ordre ou, si je ne le fais
pas, quelqu'un peut me demander par une question de règlement de le
rappeler à l'ordre.
Quant aux personnes qui viennent témoigner qui ne sont pas
habituées aux règles de procédure que nous avons, il faut
être un peu plus large pour leur permettre quand même d'exposer un
point de vue qu'elles ont à exposer, puisque c'est pour cela que nous
leur avons demandé de venir devant nous. En conséquence, il faut
quand même leur donner la chance de le faire.
D'un autre côté, je prendrai un précédent qui
n'est pas tellement loin. Quand Me Jasmin, le juge Jasmin est venu devant
nous, il n'a même pas eu... Et c'est de mon propre chef, comme
président, que je n'ai pas, à cette époque, demandé
qu'il soit assermenté. C'est une personne qui venait, au nom du barreau,
nous expliquer une requête et, de la même façon que j'ai
permis à Me Larivière de faire son exposé sans en
être empêché par qui que ce soit, c'est dans le même
sens que je permettrai à Me Beaulé de faire le sien. Je vous
permets de continuer, Me Beaulé.
Me Beaulé: Merci, M. le Président. Je vais
être précis - je suis conscient aussi que le temps de la
commission ne doit pas être perdu inutilement et, comme cela va de soi,
le temps des témoins - et dire pourquoi, à mon humble avis, des
droits fondamentaux qui sont relatés à l'article 4 de la charte,
droits qui m'appartiennent, comme à tous les êtres humains et
à ceux vivant, en particulier, au Québec, ont été
lésés. Je me suis référé, ce matin, à
des propos que j'ai entendus, que des journalistes ont entendus et que le
public a entendus. J'ai parlé d'allusions qui ne visaient que la
personne qui s'adresse à vous, M. le Président: allusions
à des détournements de questions dont je me serais rendu coupable
dans le but de me soustraire à des questions, à des refus de
répondre ou à des réponses évasives, à des
contradictions dans mon témoignage et, finalement, à une
destruction de documents. Cela m'apparaît très grave et je pense
que l'article 4 me permet de m'adresser à vous parce que je crois que ma
dignité, mon honneur et ma réputation - comme celle de tout
être humain qui serait à ma place aujourd'hui devant vous - sont
lésés.
Malheureusement, je n'ai pas entendu ces propos seulement dans cette
enceinte du salon rouge. J'ai ici la transcription d'une émission de ce
matin que je vais citer très brièvement. C'est un extrait de
l'émission d'André Arthur. J'ai déjà donné
ma référence et mes sources. Donc, cela vient de Caisse, Chartier
et Associés Inc. de Québec.
Une question de M. Arthur: "M. Ciaccia, avez-vous l'impression d'avoir
été si méchant avec les témoins?" M. Ciaccia:
"Absolument pas. Pas du tout. C'est trop facile de dire qu'on est
méchant. Quand un témoin refuse de répondre ou donne des
réponses évasives, je n'ai pas d'autre choix que de continuer
à lui poser des questions jusqu'à ce que j'obtienne des
réponses." M. Arthur: "D'accord. Sauf qu'ils peuvent faire
disparaître un témoin n'importe quand. Ils n'ont qu'à
l'enlever sur la liste et il ne sera plus appelé." M. Ciaccia:
"Exactement. C'est cela qu'ils essaient de faire avec deux témoins. Je
pense qu'on n'a pas le choix, nous. On cherche la vérité.
Savez-vous que Me Beaulé a tout dit avec son attitude et le genre de
réponses qu'il a données, quand il a donné une entrevue et
qu'il a dit qu'en autant qu'il était concerné, le
règlement n'est qu'un moyen pour essayer de détruire la
crédibilité de Lévesque et de son parti? Alors, la
question que je me pose... - c'est M. Ciaccia qui parle - Est-ce que M.
Beaulé est intéressé à dire la vérité
ou s'il est intéressé à maintenir la
crédibilité de Lévesque et de son parti? Je pense que sa
réponse a tout dit, son entrevue a tout dit quant à son
attitude."
Et la dernière citation: "M. Arthur: "Est-ce qu'il reste des
surprises, d'après vous?" - en parlant des témoignages devant
cette commission - "M. Ciaccia: "Bien, savez-vous, il y a toujours des
surprises. Vendredi, par exemple, Me Beaulé, à la toute
dernière minute, a admis qu'il avait détruit un document.
Imaginez-vous! II a détruit un document qu'il avait remis à
Jean-Roch Boivin, qu'il avait gardé pendant quatre ans, et il l'a
détruit deux jours avant qu'il vienne comparaître devant la
commission. C'était toute une surprise, ça, vendredi!"
M. le Président, si, effectivement, j'ai tenté de me
soustraire à des questions, jeudi et vendredi dernier, si j'ai
refusé de répondre à certaines questions, si j'ai fourni
des réponses évasives, si je n'ai pas dit toute la
vérité pour maintenir la crédibilité de M.
Lévesque, si je me suis contredit, si je me suis livré à
la destruction d'un document, je pense, M. le Président, que j'ai
enfreint l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale et, plus
particulièrement, le paragraphe 2 de cette loi. (16 h 45)
Je cite l'article 55: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de
l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de
l'Assemblée le fait de - 2° - rendre un témoignage faux ou
incomplet devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission". La
même loi, à l'article 133, prévoit la sanction, M. le
Président. Je lis: "La personne, autre qu'un député, qui
commet un acte ou une omission visée aux articles 55 et 56 commet une
infraction et est passible, sur poursuite sommaire, en outre des frais, d'une
amende maximale de 10 000 $."
Je pense avec respect, M. le Président, que les commentaires
qu'on a pu faire ce matin sur mon compte, dans la mesure où les faits
qu'on me reproche seraient vrais -ce que je nie - m'empêcheraient d'avoir
un procès juste devant un tribunal ayant juridiction en matière
pénale. Je soutiens qu'il y a une distinction très nette dans
notre droit entre les pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire. En outre, si les faits ou certains d'entre eux qui me sont
reprochés, sont vrais, j'aurais commis des actes criminels. Encore
là, je pense que j'aurais droit à une défense pleine et
entière. Je pense que les commentaires faits ici ou à la radio
sont de nature à m'empêcher d'avoir
un procès juste et équitable. Dans ce sens, je soutiens
que mes droits, en vertu de l'article 4 de la Charte des droits et
libertés de la personne, mon droit à la sauvegarde de ma
dignité, de mon honneur et de ma réputation, ont
été attaqués.
C'est pourquoi, compte tenu de ces faits tout récents, comme des
événements qui se sont produits au cours de mon témoignage
des 28 et 29 avril, j'ai chargé mon avocate, Me Denise Roy, de
déposer devant vous une requête écrite et dont nous avons
des copies pour faciliter la lecture de toutes les personnes à qui elle
s'adresse. Mais elle s'adresse d'abord à vous, M. le Président.
J'ajoute simplement que la requête est très brève.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez procéder.
Nous allons demander qu'on nous envoie la requête.
Mme Roy (Denise): M. le Président, j'ai ici un cartable
dans lequel, à la requête, est annexée la jurisprudence qui
est citée dans le cadre même des paragraphes tels
qu'articulés. Celui-ci est spécialement destiné à
votre attention.
Le Président (M. Jolivet): Vous m'invitez donc à
prendre cela en délibéré?
Mme Roy: Ce n'est pas une invitation, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Non. Je verrai. Je verrai.
Allez-y!
Mme Roy: II s'agit d'une requête pour faire cesser
immédiatement l'interrogatoire du requérant Rosaire Beaulé
par le député de Mont-Royal, ledit interrogatoire constituant une
violation flagrante de l'article 4 de la Charte des droits et libertés
de la personne et des règles d'équité procédurale
en matière d'audition des témoins. Devant la commission
élue permanente de l'énergie et des ressources, Rosaire
Beaulé se porte requérant à ladite requête. La
requête est adressée au président de la commission
élue permanente de l'énergie et des ressources.
Le requérant expose respectueusement: "Premièrement, le 30
mars 1983, débutait à Québec, dans l'enceinte du salon
rouge de l'Hôtel du Parlement, les travaux de la commission élue
permanente de l'énergie et des ressources chargée" - j'ouvre les
guillemets et je cite le texte que l'on retrouvait au télégramme
de convocation qui a été envoyé à Me Beaulé
- "d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil
d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile
intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en
1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard." "Deuxièmement, le 28 mars 1983,
la commission élue permanente de l'énergie et des ressources
adressait le télégramme suivant au requérant." Je cite le
télégramme. "À la demande du leader parlementaire du
gouvernement et du leader parlementaire de l'Opposition officielle, vous
êtes convoqué à la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources. Le mandat de cette commission est:
d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil
d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile
intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en
1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard. "Nous vous demandons d'être
présent pour 10 heures, le mercredi 30 mars 1983, au salon rouge de
l'Hôtel du Parlement à Québec. "Auriez-vous l'obligeance de
confirmer votre présence à Mme Françoise Gariépy,
le mardi 29 mars 1983, avant midi."
C'est signé: "Jean Bédard, greffier de la commission".
"Troisièmement, le témoignage du requérant débuta
le 28 avril dernier et se poursuivit le 29 avril; le requérant fut
d'abord interrogé par M. le ministre Yves Duhaime et, par la suite, par
M. le député de Mont-Royal, John Ciaccia. "Quatrièmement,
l'interrogatoire du requérant par le député de Mont-Royal
commença en fin d'après-midi le 28 avril 1983, se continua dans
la soirée du 28 avril et tout au long de la matinée du 29 avril.
"Cinquièmement, le 29 avril 1983, à 13 heures, le
président de la commission ajourna la séance au 3 mai 1983,
à 10 heures de l'avant-midi. "Sixièmement, le requérant
soumet respectueusement qu'il est un témoin de la commission et,
à ce titre, interrogé et non contre-interrogé; partant,
les membres de la commission doivent suivre les règles régissant
l'interrogatoire d'un témoin. "Septièmement, si, par
hypothèse, ce qui n'est pas admis par le requérant, son
témoignage pouvait être assimilé à un
témoignage rendu lors d'un contre-interrogatoire, le requérant
soumet respectueusement que ledit contre-interrogatoire devrait être fait
de façon pertinente et non abusive, conformément aux
règles reconnues par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt
le Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile contre Agnesi -
je passe la citation - et établies par la "common law", et là je
cite Phipson on Evidence. "Huitièmement, les règles citées
au paragraphe précédent prohibent, même en
contre-interrogatoire, toute question ayant pour but ou pour effet d'humilier
ou de
harceler le témoin. "Neuvièmement, en outre,
l'inter-rogatoire que le député de Mont-Royal fait subir au
requérant constitue une violation de l'article 4 de la Charte des droits
et libertés de la personne en ce qu'il est une atteinte à la
dignité, à l'honneur et à la réputation du
requérant pour les motifs ci-après énumérés:
"a) l'interrogatoire du requérant est mené de façon
abusive, le député de Mont-Royal répétant plusieurs
fois les mêmes questions, sous des formes différentes,
malgré les réponses antérieures pourtant constantes,
nettes et claires du témoin, utilisant ainsi une stratégie qui
laisse croire au public que le témoin cache une partie de la
vérité; "b) le député de Mont-Royal met en doute
implicitement la crédibilité et l'honnêteté du
requérant; "c) dans le préambule à ses questions, le
député de Mont-Royal, fréquemment, fait des assertions de
faits inexactes, cite erronément des témoignages
antérieurs ou celui du requérant, pose souvent une question qui
n'a aucun rapport avec le préambule, obligeant ainsi le requérant
à rétablir les faits, faute de quoi le silence de ce dernier
constituerait un acquiescement aux assertions erronées du
député de Mont-Royal; "d) le député de Mont-Royal
s'acharne contre le requérant et son interrogatoire a pour but
évident de l'humilier et de le harceler; "e) le député de
Mont-Royal fait preuve de partialité dans la formulation des questions
qu'il adresse au requérant; "f) de l'avis du journaliste Louis
Falardeau, signataire d'un article paru dans la Presse du vendredi 29 avril
1983, page A4, le député de Mont-Royal interroge le
requérant - et là je cite au texte - "de façon très
agressive, se moquant de lui et multipliant les allusions susceptibles de miner
sa crédibilité"; "g) le député de Mont-Royal fait
fi des règles élémentaires de justice naturelle et
d'équité procédurale reconnues par la Cour suprême
du Canada dans les arrêts Nicholson contre Haldimand Norfolk (1979)
R.C.S. 311; Martineau contre Matsqui (1980) 1 R.C.S. 602; Procureur
général du Canada et Inuit Tapirisat of Canada (1980) 2 R.C.S.
735, ces arrêts consacrant le principe du "duty to act fairly".
"Dixièmement, le requérant soumet respectueusement que les
membres de la commission élue permanente de l'énergie et des
ressources sont liés par la Charte des droits et libertés de la
personne, en vertu de l'article 54 - je vous prierais de corriger -de ladite
charte. "Par ces motifs, plaise au président de la commission: "Faire
cesser immédiatement l'inter- rogatoire du requérant Rosaire
Beaulé par le député de Mont-Royal, ledit interrogatoire
constituant une violation flagrante de l'article 4 de la Charte des droits et
libertés de la personne et des règles d'équité
procédurale en matière d'audition des témoins; "ou,
subsidiairement, "référer la présente requête au
président de l'Assemblée nationale, pour valoir comme une
pétition au sens de l'article 21 de la Charte des droits et
libertés de la personne."
M. le Président, vous m'avez demandé si je vous
suggérais de prendre la requête en délibéré.
En réponse à votre question, permettez-moi de vous
suggérer, si vous décidez de prendre ladite requête en
délibéré, de suspendre pour l'instant l'interrogatoire de
Me Beaulé par le député de Mont-Royal, mais de poursuivre
par contre ledit interrogatoire par les autres membres de la commission, Me
Beaulé ayant dû, à cause de sa présence devant la
commission durant six jours maintenant, demander des remises dans certains
dossiers où les causes étaient prêtes à
procéder et ne pouvant obtenir auprès de ses confrères ou,
du moins, étant mal placé pour obtenir auprès de ses
confrères et faire subir à ses clients des délais
additionnels.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Le ministre a-t-il
quelque chose à ajouter?
Le représentant de l'Opposition?
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, pour l'instant, sans entrer
dans les faits allégués par la requête, je voudrais
mentionner certaines questions qui sont soulevées par la conclusion de
la requête, c'est-à-dire de faire cesser immédiatement
l'interrogatoire du requérant par le député de Mont-Royal.
La conclusion est que le requérant, qui est témoin, vous demande
d'enlever le droit de parole du député de Mont-Royal. Je soumets
simplement à votre attention que ce droit de parole est
créé par la Loi sur l'Assemblée nationale, par le
Règlement de l'Assemblée nationale, est la conséquence
d'une entente intervenue au début des travaux de notre commission,
à savoir que ce droit ne serait pas restreint à la règle
des 20 minutes. La conclusion à laquelle on vous demande d'en arriver
est très importante et s'adresse au fondement même de notre droit
parlementaire. Si la requête était acceptée par la
présidence, la conséquence serait que le député de
Mont-Royal n'aurait plus le droit de poser des questions à ce
témoin.
Une voix: Vous avez bien compris.
M. Lalonde: C'est une demande extrêmement sérieuse
dans ses conséquences qui touche à ce que vous avez
mentionné dans votre autre décision, la suprématie de
l'Assemblée nationale, l'indépendance de l'Assemblée
nationale. Ce sont les propos que je voulais faire au début. (17
heures)
Quant au contenu... Je vous dis aussi qu'il y a des cas prévus
par le règlement où le président peut interdire la parole
à un député pour le reste de la séance, l'article
45, par exemple: "Si le député ne se soumet pas à deux
rappels à l'ordre consécutifs; si, lorsqu'il a la parole, il
continue à s'éloigner de la question en discussion après
avoir été rappelé à l'ordre deux fois - c'est la
fameuse règle de la pertinence - si, lorsqu'il s'est servi d'expressions
que ne permet pas le règlement, après en avoir été
requis par le président, il ne les retire pas sans commentaire. En cas
de récidive, le président peut avertir le député
une dernière fois et, si ce dernier ne se soumet pas, il peut ordonner
son exclusion de l'Assemblée pour le reste de la séance."
En deuxième lieu - je viens de recevoir cette requête comme
nous tous autour de la table; je n'ai pas eu plus le loisir que les autres de
l'examiner - en prenant la requête à sa face même - donc,
encore une fois, je ne m'adresse pas au bien-fondé des
allégations - les faits tels qu'allégués, je soumets qu'on
se trouve à condamner implicitement - ce n'est peut-être pas
l'intention explicite du requérant - le comportement du président
de la commission qui aurait permis ce qui est décrit ici comme
étant presque une horreur parlementaire, à savoir que
l'interrogateur aurait posé des questions ayant pour but ou pour effet
d'humilier ou de harceler le témoin, que l'interrogatoire aurait
été mené de façon abusive sous votre bienveillante
conduite, M. le Président, que l'interrogateur aurait fait preuve de
partialité avec votre accord, M. le Président, qu'il aurait fait
fi des règles élémentaires de justice naturelle et
d'équité procédurale avec votre complicité, M. le
Président.
Je pense que le président, dans l'examen de ces
allégations, si elles étaient prises à leur face
même encore... Je n'ai pas le loisir, étant donné qu'il y a
à peine quelques instants que nous avons cette requête devant
nous, d'examiner toute la preuve, c'est-à-dire l'interrogatoire du
député de Mont-Royal qui, d'après le chronométrage
officiel de la commission, se situerait autour de trois heures. Je n'ai pas eu
le loisir, donc, d'examiner chaque question pour faire la démonstration
du bien-fondé ou non de la requête. Il faut la prendre à sa
face même, elle est appuyée sur un affidavit. Mais naturellement
on se rend compte qu'un affidavit permet un contre-interrogatoire sur
l'affidavit.
Je pense donc, M. le Président, que, pour permettre à la
commission d'interroger le requérant sur son affidavit, on devrait nous
donner le loisir de l'étudier et, à cette fin, on devrait
suspendre les travaux de cette commission pour les reprendre à 20
heures. Je pense qu'à ce moment nous serions en mesure d'analyser
chacune des allégations pour éclairer davantage la
présidence sur le bien-fondé ou non des allégations.
Je voulais tout simplement, en premier lieu, vous situer les
conséquences en ce qui concerne le droit parlementaire, de cette
demande. Deuxièmement, si on les prend à leur face même,
les allégations sont une sévère condamnation de la
commission parlementaire telle qu'elle s'est tenue depuis jeudi et vendredi
dernier, et du comportement de la présidence.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys va rechercher auprès de la présidence une
solidarité que je ne vois pas et que je n'imagine même pas. Je
pense que Me Beaulé, dans sa présentation de tout à
l'heure, a référé à trois séries de faits.
D'abord, à ce que nous avons entendu nous-mêmes en commission
parlementaire jeudi et vendredi dernier et que nous aurons tout le loisir de
relire si ce n'est déjà fait. Il a référé,
dans un deuxième temps, aux propos tenus ce matin même par le
député de Mont-Royal à l'ouverture de la commission.
Troisièmement, il a référé à
l'émission radiophonique que vous connaissez...
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas interrompre le
ministre, mais...
M. Duhaime: Mais c'est ce que vous faites.
M. Lalonde: Je déteste l'interrompre, mais j'aurais une
question de règlement à soulever ici, pour rectifier une
chose.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement,
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: La requête porte la date du 2 mai, ainsi que
l'affidavit. Alors, comment peut-on présumer ou accorder au
requérant une prémonition telle que les événements
de ce matin seraient contenus? Ils ne sont pas allégués à
la requête. C'est ce que le ministre était en train de dire.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys a
cette mauvaise habitude de mettre des mots dans la bouche d'un peu tout le
monde. Je n'ai même pas encore parlé de la requête. J'ai dit
que Me Beaulé, dans sa présentation de tantôt, avait
invoqué trois séries de faits. Si vous voulez que je les
répète, je vais les répéter. Si l'affidavit que
tout le monde a lu il y a quelques minutes porte la date du 2 mai, c'est que
les faits allégués dans cette requête
réfèrent à la situation d'avant aujourd'hui. J'imagine que
ce que Me Beaulé vient d'ajouter sous serment, référant
aux propos tenus de ce matin par le député de Mont-Royal à
son endroit, tenus également par le député de Mont-Royal
lors d'une émission de radio à l'endroit de Me Beaulé fait
presque partie intégrante aussi d'un affidavit. S'il faut en
déposer un deuxième, M. le Président, vous pourrez en
formuler la demande et je pense que Me Beaulé pourrait le faire.
Je ne veux pour aucune raison entrer dans l'argumentation de fond que
comporte cette requête. Puisqu'on vous invite à prendre cette
requête en délibéré, je voudrais que pendant votre
délibéré vous n'oubliiez pas d'examiner l'article 99 de
notre règlement, en particulier les paragraphes 7, 8 et 9. "Il est
interdit à un député qui a la parole - et je
réfère au sous-paragraphe 7 - d'attaquer la conduite d'un membre
de l'Assemblée, sauf à l'occasion d'une motion mettant sa
conduite en question; 8. de se servir d'un langage violent ou blessant à
l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée; 9.
d'imputer des motifs indignes à un député ou de refuser
d'accepter sa parole."
Ce que je vous soumets, M. le Président, je crois que c'est votre
décision de tout à l'heure sur la question de règlement
que j'ai formulée ce matin qui m'invite à le faire. Vous avez
indiqué vous-même que Me Beaulé, comme toute personne qui
viendra devant cette commission, est un invité de la commission et qu'en
quelque sorte il en fait partie. Il n'y a pas d'invité du gouvernement
ou de l'Opposition; il n'y a que les invités de la commission. Par voie
de conséquence, je pense que l'article 99 et ses sous-paragraphes 7, 8
et 9 s'appliquent indistinctement à un député, comme
à un ministre, comme à un témoin.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, en terminant.
M. Laplante: M. le Président, avant que vous preniez votre
décision, vous avez déclaré dans le premier jugement que
vous avez rendu ce matin que la Charte des droits et libertés de la
personne, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, n'avait aucune
exclusion. Je veux vous faire part que Me Beaulé prend l'article 4, dont
il se sert actuellement pour obtenir justice ou gain de cause devant cette
commission. S'il arrivait que la requête soit refusée et que Me
Beaulé refuse de répondre à toute question du
député de Mont-Royal, j'aimerais que vous soyez prêt
à donner les droits, les conséquences d'un tel refus de
répondre au député de Mont-Royal, parce que la charte est
toujours là et qu'il se sent lésé.
Le Président (M. Jolivet): Je dois prendre une
décision...
M. Doyon: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. Je ne
suis pas prêt à prendre une décision immédiatement
parce que je pense que cela vaut la peine de regarder, d'abord, la
recevabilité de la requête et non pas le fond de la requête.
Je vais quand même établir cela. Je crois que vous avez un petit
mot à ajouter, M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: C'était un peu sur ce que vous souleviez, M. le
Président. On invoque l'article 4 de la Charte des droits et
libertés de la personne. En tout premier lieu, vous aurez à
prendre la première décision, à savoir si on est devant le
bon forum. Si on invoque la Charte des droits et libertés de la
personne, on doit l'invoquer globalement et, à l'intérieur de
cette charte, il existe un organisme qui s'appelle la Commission des droits de
la personne qui a été instituée de façon à
permettre des recours à des personnes qui prétendent que leurs
droits fondamentaux ont été lésés. Ils peuvent, par
voie de requête, de plainte auprès de la Commission des droits de
la personne, faire valoir leur point de vue.
M. le Président, je vous soumets que, pour vous, accepter de
considérer le fond de cette requête serait, en même temps,
vous mettre dans une situation de juge et partie, parce qu'on imagine
difficilement que quelqu'un qui aurait à se plaindre que ses droits ont
été brimés à une occasion quelconque puisse en
appeler à la partie qui a été au moins témoin muet
de ces infractions à son égard pour rectifier ce qui s'est
passé précédemment. Accepter de considérer cette
requête serait mettre la présidence elle-même dans cette
situation, ce qui m'apparaît contraire à la justice naturelle que
vous invoquiez tout à l'heure à l'intérieur de vos
décisions antérieures. Je pense que quiconque décide ou
choisit d'invoquer un article d'une loi, en l'occurrence l'article 4 de la
Charte des droits et libertés de la personne, doit le faire sachant que,
quelques articles plus loin, le législateur, fort sagement, a
prévu que, dans un cas où quelqu'un pourrait prétendre que
ses droits ont été violés, il peut faire appel à un
organisme qui est défini, qui est
décrit et qui est institué à l'intérieur de
cette même loi. Les seules remarques que j'avais à faire
étaient que la recevabilité même de la requête doit
être prise en considération en tout premier lieu, comme vous
l'aviez déjà indiqué.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je
pense que dans ses courts propos - une chance qu'ils n'étaient pas plus
longs - le député de Louis-Hébert vient de battre en
brèche et d'écarter tout le travail qui a été fait
par de nombreux députés relativement à
l'indépendance de l'Assemblée nationale que nous retrouvons,
d'ailleurs, dans la nouvelle loi 90. Le député de
Marguerite-Bourgeoys a plaidé énormément en faveur de ce
principe, de cette loi. Il a travaillé fort là-dessus, comme
beaucoup de membres de cette commission. Le président, tout à
l'heure, dans l'un de ses jugements, a fait état que l'Assemblée
nationale - c'est un article de la loi qui le dit - est maîtresse de sa
procédure et ainsi de suite.
Voilà que le député de Louis-Hébert, dans sa
sagesse, vient de nous dire que c'est à la Commission des droits de la
personne de décider si Me Beaulé doit continuer ou non à
témoigner. M. le Président, si vous vous posez la question:
Est-ce que vous avez juridiction, comme président de l'Assemblée
nationale ou comme président de cette commission, d'accorder ou de
rejeter cette requête, je vous réponds respectueusement que oui,
vous avez ce pouvoir, à titre, justement, de protecteur des droits et
privilèges des députés, mais également à
titre de protecteur des droits de nos invités. Et, en fonction
même de ce principe de l'indépendance de l'Assemblée
nationale et de ses commissions, le président étant élu
par l'ensemble des partis politiques, je pense que vous êtes la personne
toute désignée pour régler ce problème. Donc, pas
de tribunaux de droit commun dans le cas qui nous occupe, pas de Commission des
droits de la personne, quoique, si elle veut émettre un avis, elle a
bien beau en émettre un. Mais vous avez toute l'autorité
nécessaire et la juridiction nécessaire pour trancher sur cette
requête. Vous pouvez l'accepter si vous jugez que les allégations
qui y sont contenues et appuyées par un affidavit vous satisfont. Vous
pouvez, d'autre part, la rejeter si vous n'êtes pas convaincu du
bien-fondé du contenu de la requête. Mais, en ce qui concerne, M.
le Président, votre autorité, votre juridiction, votre pouvoir
même de prendre en délibéré une telle requête,
je vous soumets respectueusement que vous avez ce pouvoir non seulement de la
prendre en délibéré, mais de la rejeter ou de
l'accepter.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je vais aller un pas plus
loin sur les premiers propos que j'ai tenus à savoir les concepts de
droit que cette requête soulève. Je ne pense pas qu'elle soit
recevable, parce que, si elle était acceptée - je n'ai pas dit
reçue - par la présidence, elle aurait pour effet de mettre fin
à un droit, qui est le droit de parole d'un député, qui
est reconnu et qui est créé par la Loi sur l'Assemblée
nationale et par le règlement de l'Assemblée nationale. Il y a,
dans cette loi et dans ce règlement, des dispositions qui vous
permettent de mettre fin à un droit de parole, mais la requête et
les allégués qui y sont contenus ne peuvent pas atteindre cette
fin. C'est pour cette raison que je vous soumets respectueusement que la
requête n'est pas recevable. (17 h 15)
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Un dernier mot là-dessus. Je pense que cette
requête, en l'examinant rapidement, a un double but. Il m'apparaît
très clair qu'elle va dans le sens d'enlever le droit de parole au
député de Mont-Royal pour ce qui est de son droit d'interroger Me
Beaulé. Par voie de conséquence, cette requête
relève également Me Beaulé de l'obligation de
répondre au député de Mont-Royal. Mais je pense que Me
Beaulé a dit dans ses remarques, avant que Me Roy prenne la parole,
qu'il était disposé à répondre à toute autre
question qu'un député lui poserait, de quelque côté
qu'il se trouve autour de cette table, à toute question qui serait, bien
sûr, recevable suivant les dispositions de notre règlement.
M. le Président, je me demande si, pour la bonne marche de nos
travaux, nous ne pourrions pas, pendant que vous prenez en
délibéré cette requête, après que vous aurez
reconnu un député qui demanderait la parole, poursuivre la
comparution de Me Beaulé, afin de gagner du temps, puisqu'il nous a
indiqué lui-même, par la voix de Me Roy, qu'il avait des affaires
urgentes que son travail normal et quotidien l'appelait à
régler.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, je vais régler le dernier problème dont,
j'en suis assuré, vous voulez me faire mention. Je n'ai aucunement
l'intention de passer à une autre personne pour interroger le
témoin, tant et aussi longtemps que je n'ai pas réglé la
première question. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: La deuxième question: si vous suspendez nos
travaux jusqu'à 20 heures, je présume qu'on n'arrivera pas
à 20 heures avec une décision, mais que ce sera pour nous
permettre d'examiner ensemble la requête. Sur les faits je n'ai pas
plaidé encore.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, c'est que j'avais
l'intention de faire, mais je vais laisser le député de
Mont-Royal faire son intervention, afin de permettre à Me Roy de donner
son intervention. Je donnerai ma décision quant aux autres points. Je
vais commencer un par un. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, on discute maintenant d'une
question un peu technique dans un certain sens, la recevabilité de la
requête. Je ne suis pas intervenu jusqu'à présent, mais je
voudrais faire valoir le point suivant. J'ai laissé à mon
collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui est le porte-parole officiel de
notre parti à cette commission parlementaire, les interventions sur la
question de la recevabilité. Je ne voudrais pas qu'on interprète
le fait que je ne suis pas intervenu comme étant un aveu de ma part que
j'accepte, partiellement ou non, en tout ou en partie, les allégations
de Me Beaulé. Je peux vous dire, M. le Président, que, ni de
près ni de loin, je n'accepte les allégations que Me
Beaulé et son avocate viennent de présenter devant cette
commission parlementaire.
M. Lalonde: Très bien.
Le Président (M. Jolivet): Me Roy.
Mme Roy: M. le Président, il a été question
du droit de parole des députés dans cette enceinte. Il y a droit
de parole et, lorsqu'il y a droit, il y a malheureusement abus de droit. Je
soumets respectueusement qu'on est dans un cas où l'on a abusé du
droit de parole à l'égard de Me Beaulé, que je
représente actuellement.
J'aimerais aussi attirer l'attention sur le fait que la requête
n'est pas uniquement basée sur l'article 4 de la Charte des droits et
libertés de la personne. Elle est également basée sur des
principes de "common law", des principes de justice naturelle qui sont reconnus
devant tous les "tribunaux". Par l'article 56 de la Charte des droits et
libertés de la personne, nous assimilons la présente commission
à un tribunal.
Ces principes, qui ont été reconnus tant par la Cour
suprême que par les autres instances au Canada, sont des principes du
"duty to act fairly", c'est-à-dire que le témoin qui est devant
vous a le droit d'être entendu et que la personne qui entend ou les
personnes qui entendent les témoins doivent être impartiales et
sans préjugés. Il s'agit -naturellement, vous allez dire que je
cite en latin - de la fameuse règle: Nemo judex in sua causa.
Deuxièmement, on a également fait mention, tout à
l'heure, en se référant au règlement de l'Assemblée
nationale du Québec, de certains articles de ce règlement qui
sont allégués peut-être d'une façon un peu implicite
dans le cadre même de la requête; mais j'aimerais quand même
attirer l'attention du président sur le paragraphe 6 de la requête
où l'on dit: "Le requérant soumet respectueusement qu'il est un
témoin de la commission et, à ce titre, interrogé et non
contre-interrogé." L'article 173 du règlement de
l'Assemblée nationale prévoit: "II est permis de poser de
nouvelles questions pour obtenir des renseignements supplémentaires
pourvu que ces questions ne prennent pas la forme d'un contre-interrogatoire."
Au paragraphe 8, sous-paragraphe c), à la page 4 de la requête, je
réfère également, M. le Président, à
l'article 168 du règlement de l'Assemblée nationale où
l'on peut lire: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires
pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question:
1°. Qui est précédée d'un préambule inutile; 2
. Qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une
déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3°. Dont la
réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation
personnelle."
Enfin, lorsqu'on a fait appel tout à l'heure à la date qui
apparaît à la requête, qui est celle du 2 mai, et qu'on a
prétendu, à tort, que la déclaration de Me Beaulé
qui a précédé la lecture de la requête, dont vous
avez copie, ne pouvait pas servir à l'appui de la requête que vous
avez sous étude, cette prétention était mal fondée
puisque les propos qui ont été relevés ce matin par Me
Beaulé font, en quelque sorte, preuve ou viennent compléter la
preuve de la requête que vous avez présentement sous étude
et dont vous êtes saisi. Je n'ai rien d'autre à ajouter, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Pour répondre aux
questions du député de Marguerite-Bourgeoys, je dois dire que je
vais suspendre à loisir pour éviter quoi que ce soit. Je ne pense
pas que ce soit long, compte tenu du fait qu'on avait déjà un
préavis sur ce que vous aviez l'intention de faire aujourd'hui. Il
reste, cependant, que je veux vérifier ce qui a été dit de
part et d'autre. Je ne pense pas que ce soit long pour prendre une
décision au sujet de cette question, puisqu'on connaît assez bien
l'ensemble des procédures. J'ai déjà fait mention de cela
dans une des décisions que j'ai rendues cet après-midi.
Indépendamment
de cela, si la décision était de rendre irrecevable la
requête, il ne serait donc pas question d'avoir quelque discussion que ce
soit sur les allégués à l'intérieur de la
requête. S'il y avait une autre décision, on verra à ce
moment-là. Donc, suspension à loisir.
M. Lalonde: Jusqu'à 20 heures? Le Président (M.
Jolivet): Non, à loisir. (Suspension de la séance à 17
h 25).
(Reprise de la séance à 17 h 40)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Troisième décision aujourd'hui. Mais, étant
donné que celle-ci était déjà prévisible par
tout ce qu'on a lu et entendu, nous nous étions préparés.
Quand même, je voulais regarder l'ensemble de l'argumentation
apportée par chacun. Je dois dire que l'Assemblée nationale, aux
termes de l'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale,
établit, comme je l'ai mentionné dans d'autres décisions,
les règles de sa procédure et elle est seule compétente
pour les faire observer. Elle n'est pas assujettie à quelque
contrôle externe que ce soit et, même si elle s'inspire parfois de
la procédure devant les tribunaux de justice, elle n'est pas soumise
à ses règles.
De nombreux jugements ont confirmé cet aspect de
l'indépendance du pouvoir législatif. Qu'on me permette à
nouveau de citer l'un des plus anciens articles que cite May, dans sa 19e
édition, à la page 200. "In Bradlaugh vs Gossett. It was decided
that the House of Commons is not subject to the control of the courts, in the
administration of that part of the law which relates to its internal procedure
only, and that even if its interpretation of a statute prescribing rights
exercisable within its walls is erroneous, the courts have no power to
interfere. For such purposes the House can "practically change or practically
supersede the law"." Non seulement on y établit la règle que le
Parlement est maître de sa procédure, comme on le mentionnait
(l'Assemblée est maîtresse de sa procédure) mais encore on
y ajoute que les tribunaux n'ont aucun droit d'intervenir dans sa
manière de procéder. Ce qui s'applique à la Chambre
s'applique par le fait même aux commissions.
Vous avez eu l'occasion, au cours de vos discussions, de mentionner,
comme j'ai essayé de le faire souvent par analogie depuis le
début des travaux de cette commission, que la commission doit, par
analogie, si les règles ne sont pas prévues dans la commission
elle-même, utiliser le droit de l'Assemblée nationale. Or, notre
droit parlementaire ne reconnaît pas à des "étrangers",
autrement dit à des non-membres ou à des personnes qui ne sont
pas reconnues, selon nos procédures, comme des intervenants de faire des
motions; c'est l'article 54 de notre règlement qui prévoit que
seuls les membres peuvent faire des motions ou soutenir quelque acte que ce
soit devant l'Assemblée ou l'une de ses commissions.
Pour ces raisons, je ne peux accueillir la demande adressée par
notre témoin ou notre invité à cette commission. Je dois,
au nom des droits et privilèges de l'Assemblée, demander à
cette personne de demeurer à la disposition de la commission et de
continuer à répondre aux questions qui lui seront
posées.
Cependant, compte tenu que Me Beaulé, ou la personne qui
l'accompagne, ne connaît pas nécessairement notre
règlement, je dois lui rappeler qu'il y a l'article 180 qui dit: "Au
moment du dépôt de documents, une personne ou une association de
personnes peut, par l'intermédiaire d'un député,
déposer une pétition à l'Assemblée dans le but
d'obtenir le redressement d'un grief public." C'est une des possibilités
qui existent, en lui disant que c'est selon nos règles de
procédure de l'Assemblée nationale.
M. le député de Jonquière, vous avez quelque chose
à ajouter?
M. le ministre?
M. Duhaime: Si je comprends bien ce que vous venez de nous dire
sur la recevabilité de la requête de M. Beaulé, vous la
jugez irrecevable parce qu'elle ne pourrait pas être
présentée par quelqu'un qui est appelé à
comparaître devant une commission de l'Assemblée nationale. Par
ailleurs, vous êtes demeuré silencieux - ou ai-je mal saisi - sur
le fait qu'un député pourrait faire sienne la requête qui
est devant vous et qu'à ce moment-là elle serait recevable. C'est
la question que je vous adresse.
Le Président (M. Jolivet): La question que vous m'adressez
pour le moment doit être posée en temps opportun et j'aurai
à me prononcer de façon affirmative ou négative, à
savoir si l'on peut le proposer par une motion quelconque ou par un acte
quelconque lorsqu'on a le droit de parole. Je reviens donc à ce que j'ai
dit vendredi dernier. La parole étant au député de
Mont-Royal, c'est à lui que je devrai normalement la donner. Toute
personne qui aura droit de parole ensuite pourra faire les propositions qu'elle
jugera à-propos et je me prononcerai sur leur recevabilité.
M. le ministre.
M. Laplante: Une directive.
M. Duhaime: Je voudrais simplement compléter parce que je
crains que nous
aurons bientôt à rechercher ce que j'appellerais une
quadrature difficile à retrouver. Selon votre décision, si
personne d'autre maintenant que le député de Mont-Royal n'a droit
de parole et que ce droit de parole est illimité et donc indéfini
dans le temps, comment un député, de quelque côté
qu'il se trouve, pourrait-il mettre fin à cet interrogatoire en
déposant lui-même une motion similaire, si théoriquement il
n'a jamais le droit de procéder?
M. Lalonde: Cela prend de la patience.
M. Duhaime: Oui, cela prend de la patience et je voudrais
consoler le député de Marguerite-Bourgeoys en lui disant que j'en
ai beaucoup...
M. Lalonde: Ah bon!
M. Duhaime: ...mais que j'aimerais mieux la réserver
à d'autres fins.
Une voix: Des fois, vous cachez bien votre jeu!
M. Duhaime: J'ajouterai ceci, et c'est une demande de directive
que je vous adresse: Est-ce que la présidence, proprio motu, pourrait
d'elle-même, à cause du cours des événements que
nous avons connus jusqu'à présent - si vous maintenez cette
décision de donner de nouveau la parole au député de
Mont-Royal, donc de ne pas faire droit à la requête qui vous est
présentée par M. Beaulé - pour les motifs qu'elle pourrait
retrouver, mettre fin à l'interrogatoire qui a été
entrepris depuis 17 h 55 jeudi soir dernier?
M. Lalonde: M. le Président, sur la demande de
directive...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...si vous voulez, on va revenir aux dimensions
normales des choses. Les manoeuvres du ministre, vendredi matin, n'ont
impressionné personne. Les statistiques sont claires et la preuve l'est
aussi. Les statistiques démontrent que l'interrogatoire de Me
Beaulé par le député de Mont-Royal a duré
jusqu'à maintenant trois heures et cinq ou trois heures et huit minutes,
ce qui est moins que l'interrogatoire de M. Laliberté. Cela se compare
à peu près au temps de certains autres invités. Il n'y a
aucun élément qui puisse donner ouverture aux suggestions du
ministre. D'autant plus que je constate - on peut le faire à la lecture
de la transcription - que, depuis dix ou quinze jours que nous sommes ici, la
présidence a fait son travail. Elle a, proprio motu, à
l'occasion, de son propre chef, fait des interventions, mis en garde le
témoin contre une question et lui a dit: Vous n'êtes pas
obligé de répondre à telle question parce que c'est une
question d'opinion. La présidence connaît le règlement,
elle est liée par le règlement, d'ailleurs, en ce qui concerne
son droit d'enlever la parole à un député. Elle peut le
rappeler à l'ordre une fois, deux fois et ensuite l'expulser. Pas le
commencement d'un iota de ce que suggère le ministre n'est arrivé
jusqu'à maintenant. C'est une fabrication totale en ce qui me concerne.
Je pense qu'on remplirait mieux notre mandat et qu'on l'exercerait davantage et
beaucoup mieux si, au lieu de s'adonner à des finasseries, comme le
ministre nous le suggère, on reprenait simplement l'interrogatoire
où on l'a laissé.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Ce sera court. M. le Président,
considérez-vous que depuis ce matin, dix heures, la journée qu'on
a passée - il est près de 18 heures - est une journée
qu'on appelle préparatoire à nos travaux de la
journée?
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas compris votre
question.
M. Laplante: Considérez-vous que ce que nous faisons
depuis ce matin, ce sont des travaux préparatoires à nos travaux
de la journée?
Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire, M. le
député, qu'avoir su tout ce qu'on avait à rendre comme
décisions il y aurait peut-être eu une décision qu'on
aurait pu rendre en vertu d'un article qui le permettait dans l'ancien
règlement, soit de régler nos disputes entre nous et non devant
la personne invitée, de façon à lui permettre de vaquer
à ses occupations. Peut-être aurions-nous réglé
d'autres problèmes en cours de route.
M. Laplante: Je m'excuse, M. le Président. La question que
je vous pose est importante.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas à
répondre à votre question, M. le député.
M. Laplante: C'est une directive que je vous demande. Vous savez
qu'au début d'une commission il y a des travaux
préparatoires.
M. Lalonde: C'est une commission préparatoire à nos
travaux.
M. Laplante: C'est exactement ce qui se déroule
aujourd'hui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais complètement arrêter...
M. Laplante: C'est une décision que je veux avoir.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
elle va être facile à rendre. La première rencontre a eu
lieu le 29 ou plutôt le 30 mars, si je me souviens bien. C'est là
qu'on a établi les règles de départ pour cette commission
parlementaire. A ce moment-là, comme président, j'ai
suggéré que l'on discute à partir du règlement,
c'est-à-dire vingt minutes par intervenant. À l'époque, on
m'a presque suggéré de continuer au-delà des vingt
minutes. Je m'en souviendrai toujours parce qu'on l'a dit, ce matin, de
façon silencieuse. Mais, quand même, je dois vous dire qu'au
moment où j'ai commencé cette commission j'ai fait des
suggestions, comme un président doit le faire. Les membres de cette
commission avaient acquiescé au départ, mais, en cours de route,
les députés ont fait en sorte, par l'utilisation qu'ils faisaient
de leur droit de parole, que cela déborde. Finalement, cela a
débordé au-delà de vingt minutes. Cette
journée-là, j'ai considéré cela comme étant
les préliminaires pour la commission parlementaire.
Normalement, aujourd'hui, je m'attendais, comme tout le monde qui est
à l'affût de ce qui se déroule à cette commission
parlementaire, qu'il y aurait énormément de questions de
règlement ou autres. Je dois dire qu'avec tous les travaux que nous
avons à faire dans nos régions comme députés, on a
aussi à se préoccuper de ce qu'on a comme travail parlementaire
ici. Je n'ai pas à juger si cette journée est une journée
préparatoire à d'autres travaux. Ce que je dis, c'est que cela
fait partie du travail normal d'une commission de se poser, un jour ou l'autre,
des questions de règlement, ce que vous avez plutôt utilisé
aujourd'hui au lieu de faire en sorte que, finalement, on interroge la personne
qui est devant nous. C'est votre droit. Je n'ai, comme président,
qu'à être là pour essayer de faire en sorte que les
débats se déroulent dans l'ordre et à donner des
réponses à vos questions de règlement ou à vos
demandes de directives de façon que, finalement, on puisse commencer
cette journée qui, normalement, aurait dû commencer à 10 h
10 ce matin.
M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Deuxième directive. Est-ce que, comme
président d'une commission, il est normal que ce soit toujours le
même député qui prenne la parole et qu'il puisse la garder
durant trois jours? N'y a-t-il pas une discrétion à ce moment
pour le président de dire: Écoutez, je reviendrai à vous -
en somme, vous lui donnez la chance de reposer d'autres questions, quand
même - et je vous redonnerai un autre tour tout à l'heure.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
c'est exactement ce que j'ai proposé le 30 mars; j'essaie de me rappeler
la date de mémoire; j'en ai tellement eu, moi aussi. Le 30 mars, c'est
exactement ce que j'ai proposé et que la commission ne m'a pas
accordé. En conséquence, j'applique ce que la commission m'a
demandé d'appliquer; or, ce qu'elle m'a demandé, c'est de faire
la lumière sur l'ensemble en laissant ouvert le droit de parole. Dans ce
cas, ne me demandez pas aujourd'hui de vous enlever ce que vous m'avez
donné comme devoir de faire et que je fais.
M. le député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président,
à moins que je n'aie une mauvaise perception, tous les membres autour de
cette table à cette commission semblent admettre qu'à titre de
protecteur des droits et privilèges des députés et
également à titre de protecteur des droits de nos invités
vous pouvez, proprio motu, d'office, de plein droit, mettre fin à
l'interrogatoire d'un de nos témoins par un député.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je comprends
également, M. le Président, que, dans votre récent
jugement, vous avez dit qu'un témoin ne pouvait présenter de
requête ou de motion, mais n'avez-vous pas le droit - c'est la question
que je vous pose - de voir dans cette requête formelle qui a
été présentée devant vous un voeu extrêmement
ardent de l'un de nos témoins, un souhait -c'est un mot qu'on a entendu
souvent à cette commission - de notre témoin pour les motifs
invoqués dans une requête qui n'est plus formelle, semble-t-il
puisqu'elle a été déclarée recevable, de voir que
ce témoin souhaite que son témoignage ou que l'interrogatoire qui
lui est fait par le député de Mont-Royal soit
écourté ou arrêté?
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'aimerais apporter une correction quand même.
Le député de Jonquière dit que, autour de la table, c'est
un sentiment presque unanime que vous devriez arrêter le
témoignage, que vous pouviez le faire. Le président le pourrait
peut-être, en fonction du règlement, si le député de
Mont-Royal s'était rendu coupable - ce qui est couvert par le
règlement -
d'emploi de termes non parlementaires qu'il ne voudrait pas retirer ou
de choses semblables, mais pas du tout, jamais, sauf erreur. En donnant des
avertissements, le président a fait preuve de vigilance. Il a quelques
fois rappelé à l'ordre l'un ou l'autre des députés,
d'un côté comme de l'autre, pour préciser une question,
pour écourter un préambule et des fois aussi, de façon
plus sévère, soit pour un témoin ou pour un
député, mais jamais, je me répète, le commencement
d'un iota de dérogation à ce qui est prévu par le
règlement n'a été commis par le député de
Mont-Royal. Qu'on le laisse donc continuer son interrogatoire. Il va
sûrement terminer. Après cela, vous poserez les questions que vous
voudrez.
Le Président (M. Jolivet): Je dois donc vous rappeler ce
que je disais au début de nos travaux à 14 heures: La
règle d'interprétation que je voulais utiliser comme
président et dont je voulais m'inspirer était la même que
j'utilise depuis le début, c'est-à-dire, par analogie, l'article
168, paragraphe 2; en particulier. À plusieurs occasions durant cette
commission, je l'ai utilisé pour les personnes qui étaient devant
moi. Je m'étais peut-être mal exprimé en disant: Vous
n'avez pas droit de réponse. Je n'aurais jamais dû dire cette
énormité. J'aurais dû dire: La question est irrecevable,
mais, si vous voulez y répondre, vous êtes toujours libre de le
faire. C'est ce que j'ai fait à plusieurs occasions en rappelant
à la personne qui était devant nous, parce que plusieurs avaient
suivi nos débats, que je la référais à l'article
168. Je lui disais: En vertu de l'article 168, vous savez quoi faire. À
plusieurs occasions, telle ou telle personne, quelle qu'elle soit, devant nous
- je ne parle pas nécessairement de Me Beaulé, je parle d'autres
aussi - a dit qu'elle ne voulait pas répondre parce qu'elle était
libre de répondre ou de ne pas répondre, en vertu du fait que je
jugeais irrecevable la question qui était posée. En
conséquence, je n'ai pas l'intention de changer la façon dont,
jusqu'à maintenant, j'ai essayé de faire respecter le
règlement, même si je comprends dans quel cercle carré nous
nous trouvons au niveau du droit de parole, mais c'est vous qui m'avez
imposé cette règle.
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je voudrais, quant à moi, vous dire
qu'effectivement j'ai personnellement constaté que vous avez mené
les travaux de cette commission de main de maître. Je le dis avec
d'autant plus de facilité que j'ai moi-même eu l'occasion dans le
passé de présider des commissions parlementaires où le
climat n'était pas toujours des plus sereins, que j'ai eu moi-même
l'occasion de devoir prendre des décisions en
délibéré et de rendre des décisions qui
étaient plus ou moins controversées. Je vous dirai que la seule
différence entre ce que j'ai constaté ici, comme membre de cette
commission, et ce que j'ai constaté alors que j'étais
président de commission, c'est que, cette fois-ci, il semble que c'est
le parti ministériel qui voudrait vous imposer une ligne de conduite. Je
vous dis très sincèrement, M. le Président, très
candidement, que, selon moi, vous faites votre travail de façon
admirable. Cet après-midi, lorsque vous m'avez rappelé à
l'ordre et que vous ne m'avez pas donné raison sur une question de
règlement, je n'ai pas rouspété. J'inviterais les membres
ministériels de la commission à faire de même. C'est le
moins qu'on doive attendre des membres de la commission, qu'ils soient de ce
côté-là ou de ce côté-ci de la table.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière, en terminant, avant que je suspende.
M. Vaillancourt (Jonquière): ...je voudrais vous dire
qu'en aucun moment vous ne devez interpréter les propos des
députés ministériels comme étant une attaque
à votre conduite ou à votre comportement comme président
de cette commission depuis le début. Mais je dois tout de même, M.
le Président, en conclusion, constater que, les droits et
privilèges des députés étant si importants, alors
que nous avons une commission parlementaire qui est
télévisée dans tout le Québec, des personnes du
Québec, toutes aussi honorables les unes que les autres, viennent ici
devant cette commission et leur réputation étant attaquée,
leur crédibilité étant minée, leur carrière
future étant probablement attaquée...
Une voix: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre!
M. Vaillancourt (Jonquière): ...ne peuvent
malheureusement, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je suspends les travaux
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 11)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources est à nouveau
réunie, dès maintenant jusqu'à 22 heures, pour
continuer ses travaux concernant le mandat qui nous a été
confié.
Au moment où nous avons, à partir des questions de
règlement, regardé où nous en étions rendus, nous
en étions au député de Mont-Royal qui avait le droit de
parole pour les instants qu'il voudra, espérant qu'il observera, comme
tous les autres membres de cette commission, les directives que j'ai
données au cours de la journée concernant les questions à
être posées et qu'il fera en sorte qu'ayant utilisé son
droit de parole on puisse passer à une autre personne, aussitôt
qu'il aura terminé.
M. le député de Mont-Royal, vous avez la parole.
M. Ciaccia: Je vous remercie, M. le Président. Soyez
certain de ma coopération à la suite des décisions et des
directives que vous avez données aujourd'hui.
M. Duhaime: Plus fort, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Si le ministre n'entend pas, je vais
répéter pour qu'il ne manque aucune de mes paroles.
M. Duhaime: Je ne peux pas vous manquer, je vous vois.
M. Ciaccia: J'ai dit, M. le Président, que, comme
d'habitude, je vais respecter vos décisions, vos directives. Je crois
bien que, jusqu'à maintenant, j'ai respecté le règlement
de l'Assemblée nationale dans les questions que j'ai posées au
témoin qui est devant nous, Me Beaulé.
Me Beaulé, quand nous nous sommes quittés vendredi,
pendant les quatre ou cinq dernières minutes de la séance de
vendredi, je vous avais posé une question au sujet d'une copie d'un
document que vous auriez donnée à Me Jean-Roch Boivin, du bureau
du premier ministre. Vous avez admis vendredi que ce document n'existait plus;
autrement dit, qu'il avait été détruit. Est-ce une copie
ou l'original que vous avez détruit?
Témoignages M. Rosaire Beaulé
(suite)
M. Beaulé: Ce que j'ai dit vendredi au sujet de ce
document apparaît à la transcription de mon
témoignage...
M. Ciaccia: Oui, ce qu'on a lu.
M. Beaulé: ...et je ne veux pas prolonger les travaux de
la commission en corrigeant ou en rectifiant à nouveau le
préambule de la personne qui m'interroge. Alors, je vais reprendre
à nouveau, si vous le permettez, mais je pense, M. le Président,
que vous comprendrez que, si je ne prends pas la peine chaque fois de rectifier
ou de corriger les préambules de la personne qui m'interroge, ce n'est
pas que j'acquiesce à ses postulats ou à ses
énoncés de faits.
En ce qui concerne ce document, il s'agissait d'un aide-mémoire
de trois pages, fait sur du papier procédure, du papier légal,
que j'avais à mon dossier, que j'avais remis à M. Boivin le 2
février 1979 et qui avait pour titre Y a-t-il un lien de droit entre la
SEBJ et l'International Union of Operating Engineers? Vous pouvez retrouver ce
document ou son texte dans Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion &
Prud'homme, à la page... Je m'excuse, il y a une certaine
ambiguïté parce que l'un des deux cahiers porte la mention
Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion & Prud'homme et
l'autre porte la référence Correspondance, cabinet Geoffrion
& Prud'homme. C'est à ce dernier cahier, le plus épais, le
plus volumineux, que je me réfère et c'est à la page 99.
À la page 99, vous trouvez ma lettre qui se divise en deux parties: A)
L'absence de lien de droit entre la SEBJ et The International Union of
Operating Engineers. La première partie est développée aux
pages 99, 100, 101 et au début de la page 102.
J'ai donc remis à M. Jean-Roch Boivin, le 2 février, cet
aide-mémoire fait sur du papier procédure qui était la
copie conforme, si vous voulez, de ce qu'on retrouve dans ma lettre à Me
Aquin, du 5 février 1979. Lorsque j'ai préparé la
déclaration que j'ai eu l'honneur de vous lire le 28 avril,
déclaration écrite, j'ai incorporé, M. le
Président, aux pages 12 et suivantes le chapitre qui s'appelle: La
non-responsabilité de l'International Union of Operating Engineers.
C'est du pareil au même. Au lieu d'employer l'expression "absence de lien
de droit", je voulais être bien compris, j'y ai substitué le mot
"non-responsabilité". Et ce que vous trouvez aux pages 12 et suivantes
du mémoire que j'ai eu l'honneur de vous soumettre incorpore tout ce
qu'il y avait substantiellement dans le texte que j'ai adressé à
M. Aquin le 5 février 1979, que l'on retrouve aux pages 99 et suivantes.
J'ai utilisé, à ce moment-là, comme document de travail,
un duplicata de l'aide-mémoire, que j'avais dans mon dossier, auquel
j'ai ajouté les événements subséquents au 29
janvier 1979 et, particulièrement, ce que vous pouvez trouver, M. le
Président, à la page 17 de mon mémoire. J'ai fait,
à cette copie de l'aide-mémoire - copie carbone ou photocopie -
des modifications de style et j'ai changé des verbes. En fait, j'ai
tenté d'en faire un texte le plus français qui soit. J'ai
déjà dit, vendredi - je pense que je me répète -
que j'avais fait des ratures sur l'aide-mémoire, dont j'avais une copie
dans mon dossier et que j'ai utilisé pour les fins
de la préparation de ce mémoire que je vous ai soumis le
28 et que, finalement, n'étant plus d'aucune utilité pour moi, je
l'avais mis dans mon panier à papier à côté de mon
bureau, ce que je fais fréquemment quand je prépare des documents
et ce, depuis 25 ans.
M. le Président, si on se reporte à mon témoignage
du 29 avril, j'ai déjà dit tout cela. Je viens de le redire ce
soir, par respect pour vous et pour les membres de la commission. Donc, je n'ai
pas détruit de document et je ne veux pas aller plus loin pour le
moment.
M. Ciaccia: M. le Président, j'avais quelques questions et
je croyais qu'on pourrait terminer dans quelques minutes. Mais les
réponses du témoin vont m'obliger à prendre plus de temps
pour essayer d'avoir des réponses à mes questions.
Une voix: Posez donc les réponses!
M. Ciaccia: Premièrement, la question que je vous ai
posée est bien simple: Est-ce une copie ou est-ce l'original que vous
avez remis à M. Jean-Roch Boivin? Cela faisait partie de la question que
je vous ai posée. Voulez-vous répondre?
M. Beaulé: M. le Président, j'ai remis, à M.
Boivin, soit l'original de cet aide-mémoire, soit une photocopie, le 2
février 1979. Maintenant, je ne veux pas aller plus loin; j'attends
l'autre question.
M. Ciaccia: Alors, vous ne savez pas si vous avez remis
l'original ou une copie, si je comprends bien?
M. Beaulé: Je présume que c'est l'original. C'est
plus dans l'ordre des choses.
M. Ciaccia: Vous avez remis l'original à M. Jean-Roch
Boivin.
M. Vaillancourt (Jonquière): Le témoin a dit "je
présume".
Une voix: II a présumé.
M. Ciaccia: Vous présumez que vous avez remis l'original
à M. Jean-Roch Boivin. Je vous comprends bien?
M. Beaulé: Oui. Mais il s'agit du même texte,
n'est-ce pas?
M. Ciaccia: Non. Ce n'est pas ma question. Si on pouvait limiter
les réponses aux questions que je pose, je pense que cela irait beaucoup
plus vite et on aurait moins de difficultés. Aussi, on n'aurait pas de
dispute entre nous.
M. Beaulé: M. le Président, si vous voulez me
sermonner, je suis devant vous. Mais je n'accepterai pas que le
député de Mont-Royal me sermonne.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Lalonde: Arrogance! Arrogance!
M. Ciaccia: Très bien, M. le Président.
Une voix: II a raison.
Une voix: C'est épouvantable!
M. Ciaccia: Alors, vous présumez avoir remis l'original
à M. Jean-Roch Boivin? Lorsque je vous ai posé la question:
Est-ce que vous avez une copie du document, vous m'avez répondu au ruban
970, à la page 1: Je n'en ai pas avec moi, je l'avais encore la semaine
dernière. Et vous ajoutez: Pour répondre très clairement,
je pense que je l'ai simplement mise au panier.
M. Beaulé: C'est cela. C'est exact.
M. Ciaccia: N'est-ce pas détruire, cela? Cela n'est pas
détruire un document, quand vous le mettez au panier, que vous le
jetez?
M. Beaulé: M. le Président, je n'ai pas d'autre
réponse à donner à la question. J'ai mis cette copie de
l'aide-mémoire au panier après l'avoir utilisée pour
préparer le mémoire que je vous ai soumis. Je pense qu'il y a
déjà six fois que je répète la même chose. Si
on pense que j'ai détruit un document, qu'on porte des accusations.
M. Ciaccia: Excusez-le. J'espère que ce n'est pas une
barrière de langage.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
vous utilisez des termes que j'ai demandé de ne pas utiliser.
M. Ciaccia: Quand le témoin me dit -et je lis la
réponse - qu'il ne peut pas me produire le document parce qu'il l'a
simplement mis au panier et qu'il me donne la date à laquelle il l'a mis
au panier, le 27 avril 1983, soit la veille du jour où il devait
comparaître à la commission parlementaire, je présume qu'il
a détruit...
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, sur
une question de règlement.
M. Ciaccia: ...le document la veille du jour où il devait
venir à la commission parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le
député de Jonquière. Je m'excuse, M. le
député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): II apparaît manifeste,
aux dernières phrases du député de Mont-Royal, que
celui-ci essaie très malicieusement de faire une relation entre la date
où Me Beaulé a mis le papier à la poubelle et sa
présence ou sa comparution devant la commission parlementaire le
lendemain. C'est peut-être politiquement de bonne guerre, mais je crois
que notre témoin, notre invité mérite de meilleurs
égards que cette relation qu'on fait alors qu'il n'y a absolument aucune
relation.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Une voix: Laissez-moi rire!
M. Lalonde: ...sur la question de règlement, le
député de Jonquière a certainement déjà
plaidé en cour. Si le député de Mont-Royal était
aveugle, sourd et muet, peut-être ne pourrait-il pas faire de rapport
entre la date où ce document a été détruit - il
emploie le mot "détruit" - ou a disparu dans le panier du témoin
et la date de sa comparution. Il ne faut quand même pas être
naïf. Ce document était dans son dossier depuis quatre ans. Le
témoin savait qu'il comparaissait ici le lendemain et le document a
été mis au panier. On peut apporter les conclusions qu'on veut,
mais on ne peut pas reprocher au député de Mont-Royal de poser
des questions sur ce rapport, à savoir qu'il a été mis au
panier la veille de la comparution du témoin.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je
n'empêche pas le député de Mont-Royal de poser des
questions sur ce sujet. Ce que je dis, c'est que le député de
Mont-Royal se comporte en juge et essaie d'interpréter la relation qu'il
y a entre la date où le document a été mis à la
poubelle et la comparution du témoin le lendemain. Il tire des
conclusions au lieu de poser des questions. Son rôle est de poser des
questions au témoin. Le témoin a déjà
répondu à cela et je crois qu'il n'appartient pas au
député de Mont-Royal de juger la corrélation qu'il y a
entre les deux actes en question.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement. Je pense qu'il est important, maintenant que le
député de Jonquière a décidé - et c'est son
droit le plus strict - d'intervenir dans le débat au moment où il
croit qu'il doit le faire, de reconnaître que le député de
Mont-Royal a le droit de poser des questions sur le fait que ce document a
été mis au panier la veille de la comparution d'un témoin.
Sans porter de jugement, il peut poser des questions comme: Est-ce que, par
exemple, vous saviez que vous comparaissiez le lendemain? Est-ce que vous le
saviez ou est-ce que vous ne le saviez pas? Pouviez-vous penser qu'on vous
poserait la question? Par exemple, le député de Mont-Royal
pourrait poser la question suivante au témoin: Est-ce que vous savez
qu'à l'Assemblée nationale votre serviteur a posé la
question au premier ministre, à savoir quels documents avaient
été remis à M. Boivin et à M. Gauthier et que la
réponse a été - parce que c'était public, dans le
document du premier ministre - qu'il n'y en avait pas de copie? Le
député de Mont-Royal est tout à fait autorisé
à poser des questions, sans porter de jugement, naturellement.
M. Vaillancourt (Jonquière): Sans porter de jugement.
Le Président (M. Jolivet): Merci. J'ai bien compris que
c'était sans porter de jugement. De part et d'autre, on est bien
conscient qu'il ne faut pas porter de jugement.
M. le député de Mont-Royal, en espérant que cela
puisse continuer dans le meilleur des mondes.
M. Ciaccia: M. le Président, si c'est une nouvelle
tactique des députés ministériels d'interrompre... Je
pense que j'ai le droit de faire des commentaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, la
seule chose que je peux vous dire, c'est que, de part et d'autre, quand on me
pose une question de règlement, j'interviens et je permets la question
de règlement. Je ne voudrais pas qu'on interprète les
décisions que j'ai à rendre.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne remets pas en question vos décisions du
tout. Je remets en question la nouvelle tactique du côté
ministériel d'interrompre quand les questions deviennent un peu
embarrassantes.
M. Tremblay: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly, sur une question de règlement.
M. Tremblay: M. le Président, le député est
en train de nous dire quand on va soulever des questions de règlement
ici?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce
n'est pas une question de règlement.
M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît, les
questions!
M. Ciaccia: Bon, très bien, je vais reprendre mes
questions sur le document qui n'est plus en la possession de Me Beaulé
et
qui l'était le 27 avril, la veille de sa comparution devant la
commission parlementaire. Je voudrais demander à Me Beaulé:
Est-ce que vous l'avez détruit, oui ou non, ce document?
M. Beaulé: Je n'ai pas détruit le document et, pour
le cas où vous ne le sauriez pas... Enfin, je m'adresse à vous,
M. le Président...
M. Ciaccia: L'avez-vous mis au panier?
M. Beaulé: Si vous le permettez, j'ai le droit de donner
une réponse complète.
M. Ciaccia: Oui, absolument.
M. Beaulé: Le mot "détruire" a un sens
péjoratif. S'il n'avait pas de sens péjoratif, nous l'aurions
entendu moins souvent depuis quelques heures. Je n'ai pas détruit de
document. J'ai dit et je le répète pour la dernière fois:
J'ai utilisé une copie de ce document que j'avais remise à M.
Boivin. Je jure et j'affirme comme depuis le début de mon
témoignage que le texte du document que j'ai remis à M. Boivin le
2 février se trouve dans la lettre que j'ai adressée à M.
Aquin le 5 février, pages 99 et suivantes, premièrement;
deuxièmement, j'ai utilisé la copie qui me restait pour
préparer le mémoire que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. J'y
ai fait des ratures, des additions et, une fois ce texte mis au Micom, si vous
voulez, une machine assez sophistiquée, comme j'avais fait des ratures
sur mon document, je l'ai simplement mis à la poubelle, il ne
m'était plus utile. Un point, c'est tout. Je n'ai pas détruit de
document parce que cela a un sens péjoratif. Quant au texte que j'ai
remis à M. Boivin, quant à la substance, vous la retrouverez dans
la première partie de ma lettre à M. Aquin. Je n'ai rien d'autre
à ajouter, M. le Président.
M. Ciaccia: Me Beaulé, saviez-vous que nous avions
demandé copies des documents de Me Boivin?
M. Beaulé: Non, monsieur.
M. Ciaccia: Vous ne le saviez pas? Lorsque vous dites: Je l'ai
simplement mis au panier - vous ne voulez pas que je dise que vous avez
détruit le document - vous l'avez mis au panier le 27
"février".
M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà
répondu. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
M. Ciaccia: Bon. Mais vous ne l'avez pas cette copie du document.
Est-ce exact?
M. Beaulé: M. le Président, je n'ai rien d'autre
à ajouter.
M. Ciaccia: Bon, vous ne l'avez pas. Pourquoi l'avez-vous mis au
panier la veille de votre comparution à la commission parlementaire?
M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà
répondu.
M. Ciaccia: Non, M. le Président, je n'accepterai pas que
les députés ministériels répondent pour le
témoin. Si vous refusez de répondre à la question, c'est
votre droit.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que je dois quand même intervenir. Me Beaulé n'a pas dit
qu'il refusait: c'est qu'il donnait la même réponse qu'il avait
déjà donnée. C'est ce que j'ai compris, à moins que
je ne comprenne pas.
M. Beaulé: C'est cela, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne lui avais jamais demandé, M. le
Président, pourquoi il avait mis le document au panier la veille de
comparaître à la commission parlementaire. Là, je lui pose
la question suivante: Pourquoi avez-vous jugé bon de mettre au panier
-vous ne dites pas que c'est détruit; moi, je dis qu'une fois mis au
panier il est détruit, vous ne l'avez plus; on va utiliser vos mots -ce
document la veille de comparaître devant la commission parlementaire? (20
h 30)
Une voix: Question de règlement.
M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà
répondu à la question, à savoir dans quelles circonstances
je me suis débarrassé de ce texte dont je n'avais plus besoin.
Maintenant, à la question: Pourquoi est-ce ce jour-là que ma
copie utilisée est allée dans mon panier qui est à droite
de mon bureau? Comme le dirait M. de La Palice, il n'y a qu'une réponse:
C'est que, ce jour-là, j'ai rédigé le mémoire que
vous avez devant vous. Je l'ai dicté à Mme Suzanne Deslauriers.
Je n'avais plus besoin du document. Cela a été fait le 27 avril.
Voilà la raison pour laquelle la copie est allée dans le panier
le 27 avril; c'est parce que c'est le jour où j'ai fait ce travail. Les
autres jours, j'ai fait d'autres choses pour les fins de mon bureau. Il n'y a
pas d'autre raison.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Beaulé,
est-ce que ce document était accompagné d'annexes?
M. Beaulé: Absolument pas. Il n'était même
pas accompagné de lettre. Cela a été
remis de main à main.
M. Ciaccia: À qui ce document était-il
adressé?
M. Beaulé: Je vous ai déjà dit que le
document est un aide-mémoire, ne portant aucune référence
à son destinataire, que j'ai remis à M. Boivin de main à
main le 2 février 1979. Je pense que cela fait six fois que je
répète cela.
M. Ciaccia: Vous avez affirmé, au ruban 891, page 1, que,
au cours des réunions que vous avez eues avec Me Boivin, vous lui avez
communiqué les faits, les éléments et les documents que
vous aviez à votre disposition. Je sais qu'un des documents était
la contestation et un autre, le document que vous venez de mentionner qui a
été détruit le 27 avril, qui a été mis au
panier. Est-ce qu'il y avait d'autres documents que vous aviez remis à
M. Boivin?
M. Beaulé: M. le Président, le député
de Mont-Royal fait référence au ruban 971, je crois?
M. Ciaccia: 891. M. Beaulé: 891? M. Ciaccia:
Oui.
M. Beaulé: 891. Écoutez, donnez-moi le temps.
891.
M. Ciaccia: Oui, oui. Prenez tout votre temps, Me
Beaulé.
M. Beaulé: M. le Président, je pense que, selon les
règles de la preuve, la personne qui m'interroge devrait me
référer au texte, me citer le texte et, à ce
moment-là, je répondrai à la question.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le
député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Pardon?
Le Président (M. Jolivet): II demande que, pour qu'il
puisse répondre, vous vous référiez au texte même
sur lequel vous lui posez la question.
M. Ciaccia: On devient passablement technique, M. le
Président. Pour quelqu'un qui a une bonne...
Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je peux
dire, M. le député de Mont-Royal, c'est que je ne me pose pas la
question si c'est technique ou pas, mais l'invité a quand même le
droit de savoir ce à quoi on réfère.
M. Ciaccia: J'ai une référence dans mes notes au
ruban 891, page 1; je vais la chercher si vous me donnez le temps, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): De la même
façon...
M. Tremblay: Vous avez tout votre temps, M. le
député.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Une voix:
On n'est pas pressé.
M. Ciaccia: C'est juste au tout début de la page.
Savez-vous, M. le Président, je vais essayer d'être assez
calme.
Le Président (M. Jolivet): Je l'ai été
longtemps.
M. Ciaccia: Moi aussi, M. le Président, malgré
toutes les fausses accusations qu'on a portées à mon
égard.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
allez-y; allez-y donc, M. le député.
M. Ciaccia: Je voudrais vous dire ceci, M. le Président.
Si les députés ministériels pensent qu'ils vont
m'énerver avec tous leurs petits commentaires pour essayer de
m'intimider, la seule chose que cela va faire, c'est que cela va prendre plus
de temps. Au lieu d'avoir une interrogation d'une demi-heure, on peut
être ici toute la soirée, peut-être encore toute la
journée de demain.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député. J'aimerais bien, quant à moi, que cela prenne
le moins de temps possible. Je demanderais de part et d'autre de le laisser
aller.
M. Ciaccia: Si Me Beaulé ne se souvient pas de ce qu'il a
dit à cette commission, je vais lui rafraîchir la
mémoire.
Une voix: À quelle page?
M. Ciaccia: À la page 891, à la deuxième
ligne...
M. Beaulé: M. le Président, je veux avoir votre
protection.
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
pense que...
M. Beaulé: Je veux avoir votre protection parce que je
crois qu'il s'agit d'une remarque qui est définitivement...
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, je
suis complètement gagné à votre cause. Je pense, M.
le député, que j'ai demandé d'avoir le respect mutuel.
M. Ciaccia: C'est rafraîchir la mémoire?
Le Président (M. Jolivet): D'accord, mais c'est la
façon dont c'est dit. Je m'excuse; si je n'ai pas les termes juridiques,
j'ai au moins le bon sens commun. En conséquence, dans le bon sens
commun, je vous demande d'éviter ces formes de présentation. M.
le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Très bien, M. le Président. Je vais
citer le ruban 891, page 1, à la deuxième ligne.
M. Beaulé: 800...?
M. Ciaccia: Me Beaulé dit et je cite: "J'ai dit tout
à l'heure qu'au cours des rencontres que j'ai eues avec Me Boivin je lui
ai communiqué les faits, les éléments et les documents que
j'avais à ma disposition."
Le Président (M. Jolivet): Alors, la question.
M. Ciaccia: Je vais répéter la question.
J'espère qu'on ne m'accusera pas de répéter mes
questions.
Le Président (M. Jolivet): Non, non. C'est moi qui vous le
demande.
M. Ciaccia: En plus de la contestation que vous avez remise
à Me Boivin le 1er décembre et en plus du document, dont vous
avez détruit ou mis au panier la copie le 27 avril, est-ce qu'il y avait
d'autres documents que vous avez remis à M. Boivin, du bureau du premier
ministre?
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, même si
on vous demande de répéter la même réponse.
M. Beaulé: M. le Président, j'ai remis à M.
Boivin, le 1er décembre, la contestation, datée du 28 novembre
1978, de l'International Union of Operating Engineers. J'en ai discuté
avec lui le 11 décembre, à son bureau, comme je l'ai
déjà dit à plusieurs reprises, et je n'ai pas revu M.
Boivin avant la fin de l'année 1978. Le 15 janvier, j'ai vu M. Boivin,
je l'ai déjà dit, en fin de journée, pendant à peu
près 20 minutes, à la fin de la première journée
d'enquête; je me suis expliqué là-dessus. Je l'ai revu le
19 janvier, avec MM. Woll et Fanning; je me suis expliqué
là-dessus. Et, le 2 février, je lui ai remis
l'aide-mémoire dont vous retrouvez, M. le Président, le texte
dans la lettre que j'ai adressée à M. Aquin le 2 février
1979. Donc, la réponse est claire et précise. Je ne lui ai pas
remis d'autres documents que ces deux documents-là.
M. Ciaccia: Bon, merci. Le 5 février, M. Beaulé,
vous avez envoyé le document auquel vous avez fait
référence. L'original, vous présumez que vous l'avez remis
à Me Boivin, au bureau du premier ministre. Vous avez donc envoyé
copie de ce document à Me Aquin. Mais je crois et je ne veux pas...
M. Duhaime: Si ce n'est pas un préambule inutile,
ça commence à y ressembler. Je vous préviens.
M. Ciaccia: Bien, un préambule inutile et des commentaires
inutiles d'un ministre, cela se ressemble drôlement!
M. Duhaime: C'est mieux de continuer comme cela.
M. Lalonde: Avec un grain de sell
M. Ciaccia: Le document que vous avez envoyé à M.
Aquin, si je comprends, avait été légèrement
modifié. Vous avez ajouté quelque chose ou donné des
informations additionnelles. Est-ce que vous avez remis aussi à M.
Boivin une copie du document que vous avez remis à M. Aquin?
M. Beaulé: Bon. M. le Président, je pense que je
suis face à trois questions. Je vais essayer de les prendre une à
une. Le 2 février, j'ai remis à M. Boivin l'aide-mémoire
dont j'ai parlé. J'ai également, le 2 février,
parlé à M. Boivin du déroulement de la cause et de la
preuve qui se faisait quant aux dommages. Et M. Boivin m'a dit: Pour tout ce
qui touche à cette question...
Je ne sais pas, M. le Président, la caméra ne l'indique
pas, mais je demanderais qu'on me fasse au moins la politesse de
m'écouter; sinon, on peut toujours sortir. Je suis ici à mes
frais depuis six jours. Je pense que j'ai le droit à un certain respect
et ça commence par celui-là, M. le Président.
M. Ciaccia: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant! Juste un
instant! Je veux simplement souligner qu'il arrive à quelques occasions
que des gens se donnent certains renseignements. Mais la personne qui a
à vous écouter est celle qui a posé la question, et je
pense que le député de Mont-Royal vous écoutait et moi, je
vous écoutais religieusement.
M. Beaulé: Bien. Alors, je m'adressais à vous, M.
le Président.
M. Ciaccia: J'ai écouté. M. le Président,
question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, question de règlement.
M. Ciaccia: Je ne voudrais pas qu'il y ait des insinuations que
je n'écoute pas les réponses quand je pose des questions.
J'écoutais attentivement et, même, je prends des notes.
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
effectivement, j'ai bien dit cette chose.
M. Ciaccia: Merci.
M. Beaulé: Bien.
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé.
M. Beaulé: M. le Président, le 2 février,
j'ai remis l'aide-mémoire dont il s'agit, dont nous avons parlé
abondamment, à M. Boivin, aide-mémoire qui portait sur la
non-responsabilité des Américains. Je lui ai également
parlé de la preuve qui avait été faite devant la cour sur
le quantum des dommages, c'est-à-dire sur les dommages
réclamés par la SEBJ. M. Boivin m'a dit: Tout ce secteur des
dommages ne m'intéresse pas. J'ai adressé, le 5 février,
une lettre - que vous trouverez au cahier, à la page 99 - à Me
François Aquin, qui porte tant sur la non-responsabilité que sur
le quantum des dommages.
Je dis et je répète que la première partie de la
lettre est une reproduction intégrale de l'aide-mémoire remis...
Cela ne fait peut-être pas l'affaire de la personne qui me pose la
question, M. le Président, mais c'est ma réponse. Je disais donc
que j'ai intégré dans ma lettre du 5 février 1979 à
M. Aquin...
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Une voix: II y a toujours une limite! Le Président (M.
Jolivet): Je m'excuse.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Seulement un
à la fois. J'ai cru comprendre que le député de
Marguerite-Bourgeoys, à la suite d'une réflexion faite par Me
Beaulé, avait une question de règlement. Je vais
l'écouter.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.
Je voudrais simplement reprendre les quelques mots que Me Beaulé a
prononcés à la fin de ses propos: Cela n'intéresse
peut-être pas celui qui m'a posé la question ou cela ne fait
peut-être pas son affaire. M. le Président, je vous souligne que
ce sont des propos provocants, des propos qui ne sont pas ceux d'un
témoin qui a à répondre à une question. Ce sont des
propos de nature à faire croire à ceux qui l'écoutent que
le député qui lui a posé la question est en train de faire
autre chose que de l'écouter. Je pense, M. le Président, que vous
devriez rappeler au témoin qu'il est ici devant une commission
parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec qui tente de
faire son travail le plus sérieusement possible et qui ne doit pas
être assujettie à des remarques de cette nature.
M. Laplante: Vous voulez rire...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Lalonde: Le député de Bourassa pourra avoir les
propos qu'il voudra, mais je pense que ces remarques sont de nature à
faire de la provocation. Je vous demande de le rappeler à l'ordre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la question
de règlement.
M. Duhaime: M. le Président, si j'étais à la
place de Me Beaulé, j'en aurais dit davantage. Il y a des mots qui, bien
sûr, lorsqu'ils sont prononcés faiblement devant ces microphones
ne sont pas enregistrés, de même qu'il y a des expressions de
visage qui en disent beaucoup plus long que certains des propos qui peuvent
être tenus. De mes deux yeux et de mon siège, j'ai vu
l'espèce de moue que vient tout juste de manifester, au moment où
Me Beaulé donnait sa réponse, le député de
Mont-Royal. Je pense que cela voulait dire passablement davantage que la
réponse qui venait ne faisait pas son affaire.
M. Gratton: Est-ce que cela vous dérange qu'on respire
aussi, de temps en temps? Est-ce qu'on peut respirer?
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Une voix: Prenez donc cela avec un grain de sel!
M. Duhaime: Oui, vous pouvez respirer. C'est quand vous expirez
que cela m'inquiète.
M. Gratton: II y a quand même une limite!
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Àl'ordre! Je vais seulement essayer...
M. Lalonde: Si vous le faites, on ne sera pas malheureux.
Le Président (M. Jolivet): ...de ramener le calme à
la commission. À l'ordre!
Une voix: II a mis les pieds dans les plats, comme
d'habitude.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! S'il vous
plaît! Je vous ai demandé de m'aider à faire en sorte que
la commission se déroule normalement. J'ai l'intention de garder mon
calme pour le faire, mais j'ai aussi besoin du vôtre. Je tiens aussi
à faire remarquer, que ce soit à ma droite ou à ma gauche,
en avant ou en arrière, que j'aimerais que les réactions viennent
seulement de la table et non pas d'autres personnes qui se trouvent dans la
salle. J'ai besoin de ce minimum. (20 h 45)
Si la télévision et les microphones ne prennent ni les
façons d'agir, ni les paroles de certaines personnes, tout ce que je
peux dire, c'est que tout ce qui n'est pas enregistré au journal des
Débats ne m'est d'aucune utilité quand j'ai quelqu'un à
rappeler à l'ordre. Cependant, quand les mots sont dits, je tiens
à demander, pour les besoins de la cause, pour éviter toute
provocation et en demandant le respect mutuel, qu'on évite des
commentaires de part et d'autre qui amèneraient ce qu'on vient de
connaître.
Me Beaulé, veuillez continuer.
M. Beaulé: J'ai transmis, le 5 février 1979, la
lettre que vous trouverez aux pages 99 et suivantes, à l'attention de M.
François Aquin, qui contient deux parties. La première traite de
l'absence de lien de droit et non-responsabilité et l'autre du quantum
des dommages réclamés.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez remis à Me Boivin la
copie exacte de ce que vous aviez remis à Me Aquin?
M. Beaulé: J'ai remis à M. Boivin un
aide-mémoire. À M. Aquin, j'ai incorporé
l'aide-mémoire dans la lettre que vous avez aux pages 99 et
suivantes.
M. Duhaime: Cela fait cinquante fois qu'il le dit.
M. Ciaccia: Non, c'est bien simple...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal! M. le député de Mont-Royal!
M. Ciaccia: Je voudrais seulement savoir si le document qui a
été envoyé à Me Aquin, le document, la copie a
été envoyée aussi à M. Boivin, un document
identique. Je ne demande pas d'explication. Ce document que vous avez
envoyé à M. Aquin, en avez-vous envoyé une copie identique
à M. Boivin? Oui ou non.
M. Beaulé: M. le Président, je suis dans la
confusion. Est-ce qu'on parle de l'aide-mémoire?
M. Ciaccia: Non, du document, de la lettre que vous avez
envoyée le 5 février. Vous avez envoyé quelque chose
à M. Aquin...
Le Président (M. Jolivet): La lettre incluse dans le
document à la page 90.
M. Beaulé: Je ne crois pas l'avoir envoyée à
M. Boivin.
M. Ciaccia: Vous ne l'avez pas envoyée à M.
Boivin.
M. Beaulé: Je ne crois pas l'avoir envoyée.
M. Ciaccia: Vous ne croyez pas l'avoir envoyée.
M. Beaulé: Je n'ai aucune note dans mes dossiers qui
indiquerait que j'en ai transmis une copie à M. Boivin.
M. Ciaccia: Mais vous n'êtes pas certain d'une façon
ou d'une autre.
M. Beaulé: Ce n'est pas ce que je dis, M. le
Président. Je ne vois pas pourquoi j'aurais envoyé à M.
Boivin une lettre qui reprend, sur la question de non-responsabilité, le
contenu de l'aide-mémoire que je lui avais remis le vendredi
précédent. Ma déduction est que je ne lui ai pas
envoyé copie de la lettre.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous ne lui avez pas
envoyé de copie. Merci.
M. Beaulé: J'ai dit que je ne le croyais pas.
M. Ciaccia: On va continuer. Vous avez parlé... Je trouve
difficile d'obtenir des réponses...
Le Président (M. Jolivet): Entre disciples de
Thémis, comme je l'ai dit, je ne le suis pas, j'ai parfois de la
difficulté à vous suivre, vous deux. M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: On va garder notre calme et on va essayer d'avoir des
réponses précises, si c'est possible...
M. Laplante: Vous laissez passer des choses. Faites-lui
répéter ce qu'il a dit.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, j'ai
été dérangé et je n'ai pas compris. M. le
député, répétez-le donc. Je veux être au
courant. J'ai été dérangé.
M. Laplante: II y a une limite à tout. Vous êtez
indécent.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, je lui ai demandé de le répéter. Il va me le
répéter et je verrai.
M. Ciaccia: Je vais le répéter.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa...
M. Laplante: ...comme parlementaire.
M. Gratton: M. le Président, M. le député de
Bourassa a fait une grimace. Il fait une grimace, là.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Gratton: Est-ce qu'il a le droit de faire une grimace? Il a
fait une grimace comme cela.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
député de Mont-Royal, s'il vous plaît.
M. Gratton: Ne faites pas de grimace, vous nous faites peur quand
vous faites des grimaces.
M. Ciaccia: J'ai dit que je garderais mon calme et que je
tenterai d'avoir des réponses précises parce que je trouve qu'il
est difficile d'obtenir des réponses précises. Je vais
m'expliquer. Quand je demande: Avez-vous envoyé à Me Boivin une
copie identique du document que vous avez envoyé à Me Aquin? on
ne me répond pas avec un oui ou un non. On me dit: Je ne le crois pas.
Je trouve que cela n'est pas tout à fait assez précis. J'ai le
droit d'exprimer cette opinion. J'ai le droit d'essayer d'avoir des
réponses plus précises, oui ou non. Je vais continuer d'essayer
de...
Le Président (M. Jolivet): Je pourrais avoir l'opinion
inverse. C'est que l'autre ne vous comprend pas et, en conséquence, il
dit ce qu'il a dit tout à l'heure. C'est mon problème, il est
là. Vous demandez des réponses. Il vous donne des réponses
et, comme Me Beaulé le dit, vous ne semblez pas satisfait et vous
répétez votre question. Me Beaulé vous donne toujours la
même réponse à la question qui est posée sous
différentes facettes. Je ne peux pas faire autrement - comme je l'ai dit
- que d'accepter la réponse de Me Beaulé à moins que je ne
sois sourd et que je ne comprenne pas la question.
Allez, Me Beaulé a terminé. C'est donc au
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Me Beaulé, vous avez fait
référence à la commission Cliche. Me Guèvremont, du
bureau de Geoffrion et Prud'homme, a été procureur à la
commission Cliche. Vous a-t-il déjà affirmé qu'il
était en mesure de prouver le lien de droit de votre cliente, soit
l'International Union of Operating Engineers, avec le local 791, et ainsi de
pouvoir obtenir un jugement et ce, à partir des enregistrements
existants à la commission Cliche?
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé.
M. Beaulé: Je ne peux pas me rappeler si M.
Guèvremont m'a fait des commentaires précisément de cette
nature. Je sais qu'il formait de grands espoirs, Me Guèvremont, quant
à l'issue du procès entre la SEBJ et l'union internationale.
C'était une question d'opinion, c'était une opinion qu'exprimait
M. Guèvremont, et je préfère la mienne.
M. Ciaccia: M. le Président, si vous me le permettez, je
ne veux pas poser la même question deux fois, mais je voudrais obtenir
une réponse. Je n'ai pas demandé si Me Guèvremont avait
une opinion différente de celle de Me Beaulé, ce n'est pas cela
ma question. Je demande si Me Guèvremont a affirmé qu'il
était en mesure de prouver le lien de droit entre la cliente de Me
Beaulé, soit International Union of Operating Engineers, avec le local
791 et ce, à partir des enregistrements existants à la commission
Cliche. Est-ce que Me Guèvremont vous aurait dit cela?
M. Beaulé: M. le Président, ma réponse est
non. M. Guèvremont était très confiant quant à
l'issue du procès, je dis que je ne partage pas son opinion. Les
procureurs de la SEBJ ont toujours été très
réservés quant à la preuve qu'ils pouvaient
détenir. De toute façon, cela demanderait beaucoup de
nuances.
M. Ciaccia: Votre réponse est non, je la comprends.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, si vous aviez apporté une opinion, je vous aurais
arrêté.
M. Ciaccia: J'ai compris la réponse, non.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le
ministre.
M. Duhaime: M. le Président, une question de
règlement.
J'ai soulevé une question de règlement ce matin, vous avez
rendu une décision allant dans le sens que l'article 168 de notre
règlement va être appliqué, paragraphe 2: "Une question ne
doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements
demandés. Est irrecevable une question qui contient une
hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une
suggestion ou une imputation de motifs." Je soutiens que la question qui vient
d'être posée est doublement irrecevable, d'abord parce qu'elle
contient l'opinion - dont je n'ai jamais entendu parler - de Me
Guèvremont, et qu'au surplus la question va dans le sens de demander
à Me Beaulé son opinion sur l'opinion de Me Guèvremont.
C'est exactement cela.
Une voix: Voyons donc!
M. Gratton: Une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ce que
j'ai compris, c'est: Est-ce qu'il y a eu une discussion entre les deux sur la
question?
M. Ciaccia: C'est exactement cela. Vous aviez bien compris ma
question, M. le Président, et le témoin a répondu non.
Est-ce que, à la commission Cliche, il n'y avait rien qui pouvait
prouver le lien de droit avec votre cliente?
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, je vous
rappelle que cette question est vraiment irrecevable. Si vous voulez y
répondre.
M. Duhaime: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Nous allons peut-être diverger d'opinion, mais
il m'apparaît qu'à partir du moment où une objection est
formulée sur la recevabilité d'une question et que
vous-même déclarez qu'une question est irrecevable, la question
est irrecevable. Point, tiret, à la ligne. Il faut ensuite passer
à la question suivante.
M. le Président, je prétends respectueusement que vous ne
devriez pas inviter un invité ou un témoin à
répondre, s'il le désire, à une question que vous venez
vous-même de juger irrecevable.
Le Président (M. Jolivet): Ce pourquoi je l'ai fait
à plusieurs occasions, c'est parce que les personnes invitées
semblaient vouloir répondre. Dans ce sens, je les invitais. Mais s'il ne
veut en aucune façon répondre, je la juge irrecevable, point
final.
M. Paradis: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oh, elle est claire la
directive que je donne à ce niveau-là.
M. Paradis: Oui, elle est très claire, M. le
Président, mais...
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: ...je veux être certain qu'elle est bien
comprise parce qu'il y a des témoins qui, malgré la mise en garde
que vous avez toujours tenu à faire, ont quand même choisi, pour
avancer les travaux de la commission - c'est un choix complètement
personnel qu'ils ont fait - d'émettre une opinion, soit professionnelle,
soit d'un autre ordre. Et je voudrais m'assurer que votre réponse
à la question de règlement du ministre n'empêchera pas les
gens à qui vous faites la mise en garde que vous vous devez de faire, en
vertu du règlement, d'émettre quand même une opinion, s'ils
choisissent de le faire. C'est seulement la réserve.
M. Duhaime: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: De deux choses l'une, ou bien une question est
recevable, ou bien une question est irrecevable. Si la question est recevable,
elle entraîne une réponse; si elle est irrecevable, il faut passer
à une autre question. Cela me paraît très clair, parce que
je dois dire que, lorsqu'il est laissé à la discrétion
d'un témoin ou d'un invité devant cette commission de choisir de
répondre ou de ne pas répondre à une question que la
présidence de notre commission vient de juger irrecevable, le fardeau de
faire le choix de répondre ou non est sur les épaules de celui
qui est devant nous ou d'une autre personne, alors que, suivant l'esprit de
notre règlement, lorsqu'une question est jugée irrecevable, elle
est irrecevable, point.
Le Président (M. Jolivet): Sur ce point, je n'accepterai
pas d'autres interventions, parce qu'effectivement le ministre a raison
lorsqu'il dit qu'une question irrecevable ne doit pas entraîner de
réponse. C'est ce que j'ai toujours voulu appliquer. Cependant, compte
tenu des gens qui, malgré le fait que je leur disais cela, voulaient
intervenir, je les invitais à le faire s'ils le désiraient.
Mais
je peux appliquer le règlement à la lettre et ne permettre
aucune réponse. Je peux le faire et c'est ce que j'ai dit que je ferais
depuis ce matin.
M. Gratton: M. le Président, sur une question de
directive.
Le Président (M. Jolivet): Question de directive, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: En supposant qu'il arriverait qu'un membre de la
commission pose une question que vous jugez irrecevable, que vous
déclarez irrecevable, et que le témoin insiste pour y
répondre quand même, est-ce qu'on doit comprendre...
M. Duhaime: II y aura objection.
M. Gratton: Je n'ai pas demandé au ministre, je m'adresse
au président.
M. Duhaime: Au cas où.
M. Gratton: Cela m'importe peu ce que le ministre pense. Je parle
au président.
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le
député.
M. Gratton: Cela ne vous dérange pas, non?
M. Duhaime: Oui, cela me dérange. Il me fait perdre ma
veillée.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: C'est bien dommage, je vais lui parler quand
même, parce que je trouve qu'il fait un excellent travail; je l'ai dit
cet après-midi et je le répète...
Le Président (M. Jolivet): Les fleurs mais pas le pot.
M. Gratton: Non, il n'y a pas de danger, M. le Président.
D'ailleurs, c'est le ministre qui voudrait bien changer votre façon de
procéder...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député.
M. Gratton: ...et je pense que vous ne devriez pas vous
prêter à cela. La question de directive que je vous pose est la
suivante: si le témoin insiste - c'est là le but de
l'intervention de mon collègue de Brome-Missisquoi - pour
répondre, dois-je comprendre qu'on le privera de son droit de
s'exprimer?
Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire que, si j'ai
jugé une question irrecevable et qu'une personne s'oppose à ce
qu'il y ait une réponse, je suis dans l'obligation de faire en sorte
qu'il n'y ait pas de réponse. M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais revenir à
la réunion du 2 février au bureau de M. Jean-Roch Boivin, chef de
cabinet du premier ministre. Vous avez assisté à une
réunion avec M. Boivin, en la présence de Me Michel Jasmin. La
liste des rencontres de M. Jean-Roch Boivin démontre que vous vous
êtes enregistré à 10 h 07 du matin. La sortie a
été enregistrée à 11 h 12. Me Jasmin s'est
enregistré à 10 h 22.
M. Rodrigue: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont, sur une question de règlement.
M. Rodrigue: M. le Président, le député de
Mont-Royal vient de dire à M. Beaulé, devant nous, qu'il a
assisté le 2 février à une entrevue avec Me Boivin, chef
de cabinet du premier ministre, en présence de Me Jasmin. Il vient
d'affirmer cela, alors que cela n'a jamais été
évoqué devant cette commission et que cela n'a jamais
été mis en preuve. Il exprime une opinion. Il fait une
affirmation qu'à mon sens il n'a pas le droit de faire. Chaque fois,
cela oblige le témoin à rectifier les faits. Le témoin
s'en est plaint à plusieurs reprises. Dans ce cas, je vous demande de
déclarer la question non recevable. (21 heures)
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
pour le moment, ce que j'ai compris, c'est qu'on faisait la narration de deux
faits, de deux rencontres données et qu'une question suivrait. Si c'est
cela, je ne peux pas la déclarer irrecevable pour le moment.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je suis seulement en
train de lire les heures d'entrée et de sortie de Mes Beaulé et
Jasmin, qui ont été enregistrées. Il y a un petit
éditorial à la fin...
M. Duhaime: Un quoi?
M. Ciaccia: II y a un petit éditorial à la fin: Les
heures se réfèrent aux heures
d'entrée et de sortie du bureau principal et non pas
nécessairement aux heures de durée de la visite. Je n'ai pas dit
que la durée de la visite avait été de deux heures. J'ai
seulement inscrit l'heure d'entrée et de sortie. Je n'ai pas dit qu'il
avait été là pendant une heure et demie ou que Me Jasmin
avait été là pendant une heure et quart. J'ai donné
les chiffres que le ministre lui-même nous a fournis après que je
lui ai demandé cette information. Bon! Je vais recommencer. Ce n'est pas
facile, M. le Président.
M. Duhaime: Posez donc vos questions; cela ira plus vite.
M. Ciaccia: Si vous arrêtiez d'interrompre, c'est la
nouvelle tactique...
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député.
M. Ciaccia: ...vous allez interrompre chaque fois que je pose une
question.
Le Président (M. Jolivet): Allez. M. le
député de Mont-Royal, allez.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je reviens à la
réunion du 2 février. Je lis la liste des rencontres de Me
Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre le 2 février: Rosaire
Beaulé et Michel Jasmin. Je vous ai dit les heures: entrée de
Rosaire Beaulé: 10 h 07; heure de sortie: 11 h 12. Heure d'entrée
de Michel Jasmin: 10 h 22; heure de sortie: 11 h 47. Ma question: Qu'est-ce que
vous avez dit à cette réunion à M. Jean-Roch Boivin...
M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà
répondu à la question vendredi dernier.
M. Ciaccia: Est-ce que c'était encore pour sensibiliser M.
Boivin?
M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà
répondu à la question vendredi dernier; je l'ai
complétée ce soir en disant que j'avais remis à M. Boivin
l'aide-mémoire dont on a parlé portant sur la
non-responsabilité des Américains.
M. Ciaccia: Vous ne voulez pas répondre à ma
question ce soir?
M. Beaulé: Je ne veux pas répondre trois
fois...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le
député de Mont-Royal...
Une voix: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
L'invité a répondu des choses à ces questions.
J'étais ici, je n'ai pas manqué beaucoup de temps à cette
commission. Il a effectivement répondu. Il a répété
ce soir -puisque vous faites référence à la même
rencontre - à trois occasions, ce qu'il a déposé à
Me Boivin. Je voudrais m'assurer d'une chose pour que votre question ne soit
pas jugée irrecevable. Vous avez commencé à poser une
question et la logique aurait voulu que vous la posiez jusqu'au bout, mais vous
avez insinué - je prends sur moi de le dire comme tel - qu'il y a eu
deux personnes en même temps dans le bureau d'une heure à l'autre.
Ce que je pensais que vous poseriez comme question, c'était ceci: Est-ce
que vous avez été présent dans le bureau de Jean-Roch
Boivin en même temps que Me Jasmin? C'est ce que je pensais que vous
posiez comme question. Sans cela, vous avez fait une sorte d'insinuation, mais
vous avez posé d'autres sortes de questions. J'aimerais simplement vous
demander respectueusement si ce que vous avez dit en préambule a un
rapport avec la question que vous allez poser. Je n'en ai pas encore vu.
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Beaulé: M. le Président, je veux répondre
à votre question.
M. Ciaccia: Non, je ne veux pas qu'il réponde à
votre question.
M. Beaulé: Je vais répondre à votre
question. M. Jasmin...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le
Président.
M. Beaulé: M. le Président, je vais répondre
à votre question. Me Jasmin a été avec moi pendant un
certain temps.
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, la seule
chose, c'est que je n'ai pas le droit de poser de questions.
M. Beaulé: Je ne savais pas, M. le Président.
M. Ciaccia: Non.
Le Président (M. Jolivet): Ce que j'essaie de faire, c'est
d'éviter qu'à partir
d'un préambule on pose une question tout autre. J'ai dit que je
serais encore plus vigilant que jamais et je le serai jusqu'à la fin,
même si mon rôle est très difficile. J'ai cru comprendre...
Si j'avais été à la place de l'invité, j'aurais
été à même d'attendre cette question. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je m'excuse, M. le Président, c'est une
question de règlement. Si cela a pu vous induire en erreur, je lis la
liste des rencontres de Me Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre.
C'est un document qui nous a été fourni par le gouvernement et
cela démontre que, le 2 février, M. Rosaire Beaulé et M.
Michel Jasmin...
Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux vous dire,
M. le député...
M. Ciaccia: ...je ne peux pas dire, M. le Président..
Excusez...
Le Président (M. Jolivet): ...M. le député,
je pense que toutes les personnes qui sont venues ici vous ont fait
référence que le ministre vous a indiqué à la fin
que c'est le temps de présence entre l'entrée et la sortie, mais
cela n'indique pas nécessairement le temps de la visite.
En conséquence, il est possible que les gens aient
été en même temps au bureau du premier ministre, mais
qu'ils y aient été en visite séparée. Je pense que
la personne qui est devant nous a quand même le droit de savoir quelle
question vous posez en regard de l'hypothèse que vous avez émise
au départ.
M. Ciaccia: Très bien, M. le Président. Je lisais
seulement le document fourni par le bureau du premier ministre. Je vais poser
la question. Est-ce que vous étiez au bureau de...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je m'excuse, M. le
député de Mont-Royal, question de règlement de la part du
ministre.
Une voix: Cela va faire avancer les travaux.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais formuler une
question de règlement et la faire précéder d'un certain
nombre de questions que j'adresse à la présidence de cette
commission.
Est-ce que vous ne trouvez pas ou est-ce que vous ne considérez
pas que l'interrogatoire que le député de Mont-Royal fait subir
présentement à Me Rosaire Beaulé constitue une violation
de l'article no 4 de la Charte des droits et libertés de la personne en
ce qu'elle est une atteinte à la dignité, à l'honneur et
à la réputation de Me
Beaulé?
Est-ce que vous ne trouvez pas que l'interrogatoire du
député de Mont-Royal est mené de façon abusive
puisque, de toute évidence, et vous l'avez reconnu vous-même, le
député de Mont-Royal répète plusieurs fois les
mêmes questions sous des formes différentes, malgré toutes
les réponses antérieures pourtant constantes, nettes et claires
de Me Beaulé?
Est-ce que vous ne croyez pas que le député de Mont-Royal
met en doute implicitement la crédibilité et
l'honnêteté de Me Beaulé qui est l'invité de cette
commission et qui rend son témoignage sous serment?
Est-ce que vous ne croyez pas qu'à chaque question du
député de Mont-Royal....
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président...
M. Duhaime: ...les préambules du député de
Mont-Royal...
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président...
Le Président (M. Jolivet): ...je m'excuse, M. le
ministre...
M. Duhaime: J'y suis moi-même sur une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Je le sais, sauf que le
règlement dit que, quand on est sur une question de règlement et
qu'une autre question de règlement est soulevée, je dois
l'entendre aussi. M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président. Je me rappelle les propos de
vendredi du premier ministre qui a tenté de mettre fin aux questions du
député de Mont-Royal ainsi qu'à la commission
parlementaire. Excusez, les propos du ministre; je le graduais trop tôt.
Les propos du ministre de l'Énergie et des Ressources qui a tenté
de mettre fin à l'interrogatoire que conduit présentement le
député de Mont-Royal ainsi qu'à la commission.
Je les assimile avec les attendus qu'il vient de nous réciter. Je
vous dis bien respectueusement, et c'est une demande que je vous adresse, M. le
Président, sur la question de règlement, que le ministre ne peut
pas faire indirectement ce qu'il a tenté de faire directement vendredi
dernier et de mettre fin au droit de parole du député de
Mont-Royal qui, au moment où il a été interrompu par le
ministre de l'Énergie et des Ressources, était en train de suivre
votre directive et d'adresser très poliment et très
gentiment...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Brome-Missisquoi; M. le député de
Brome-Missisquoi, je m'excuse. Est-ce que vous tenez encore à votre
question de règlement, M. le député de Chambly, ou si je
peux essayer de clore ce débat?
M. Tremblay: Je vous laisse clore, M. le Président.
M. Duhaime: Je voudrais terminer, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais avant que vous
terminiez, je vais essayer de voir clair sur le sujet. Ce que je crois
comprendre c'est que le ministre a commencé une question de
règlement me demandant des questions sous forme de directives. Je vais
essayer d'y répondre, mais pour y répondre, il faut d'abord que
je les entende.
Je ne pense pas que le ministre veuille interrompre le droit de parole
du député de Mont-Royal en posant des questions à
l'invité qui est devant nous. Il est en train de me poser des questions
auxquelles j'aurai à répondre en temps et lieu, comme
président.
M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, est-ce que vous ne croyez pas
que le député de Mont-Royal fait preuve de partialité par
la formulation des questions qu'il adresse à Me Beaulé, et je
fais allusion essentiellement aux questions qu'il lui pose depuis 20 heures? Si
vous en venez à la conclusion que la réponse aux questions que je
vous ai formulées était affirmative, je vous demanderais
d'utiliser le droit que vous accordent les règlements de
l'Assemblée nationale et les règlements qui régissent les
travaux de la commission permanente de l'énergie et des ressources, de
faire cesser l'interrogatoire que conduit actuellement le député
de Mont-Royal et de donner la parole à un autre député de
cette commission.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je pense tout d'abord qu'il faudrait qu'on
définisse le mot "partialité". Est-ce qu'un député
qui pose des questions à un témoin d'une façon...
M. Duhaime: Vous étiez en retard un peu. Vous en avez
manqué un bout.
M. Lalonde: ...rigoureuse... - non, j'ai tout suivi - fait preuve
de partialité ou est-ce qu'on ferait preuve de partialité si on
posait une question en fonction d'un parti pris? Deuxièmement,
même si vous jugiez que la dernière question du
député de Mont-Royal était inspirée par la
partialité, cela ne vous permettrait pas de recourir - je vous le dis
respectueusement - au remède suggéré par le ministre,
à savoir d'enlever le droit de parole. La seule chose que vous pourriez
faire et que je vous soumets respectueusement, c'est de ne pas permettre la
question que vous jugeriez partiale, et non pas d'enlever le droit de parole.
Je me permets de vous rappeler - vous le savez mieux que nous tous - que les
dispositions du règlement qui vous permettent d'enlever le droit de
parole à un député sont très restreintes. Si vous
aviez rappelé à l'ordre le député de Mont-Royal
pour avoir prononcé des mots antiparlementaires, par exemple, et si le
député de Mont-Royal ne voulait pas les retirer, là vous
pourriez lui enlever le droit de parole. Mais, même dans
l'hypothèse où cette question était partiale, le
remède ne serait pas de lui enlever son droit de parole.
Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux dire sur
cette question, c'est que j'ai dit que j'utiliserais l'article 168, ce que j'ai
fait jusqu'à maintenant. J'ai essayé de faire en sorte que la
question posée par le député de Mont-Royal soit bien la
question à laquelle tout le monde s'attendait. Et j'ai donc, à
certaines occasions, depuis le début, demandé au
député de Mont-Royal de ne pas poser telle ou telle question que
je jugeais irrecevable, mais de corriger la question qu'il venait de poser pour
qu'elle soit bien conforme à ce à quoi on s'attendait. D'un autre
côté, j'avais pris la précaution, avant que les travaux
débutent, de vérifier le temps dont disposait encore le
député de Mont-Royal, comme je le fais souvent, à maintes
occasions - non pas seulement pour le député de Mont-Royal, mais
pour tous les autres députés - en demandant: Combien vous
reste-t-il de temps? Est-ce que cela va aller? Pour que je sache à qui
je dois donner la parole. Il m'avait dit qu'il en avait pour environ une
demi-heure. Mais je dois constater qu'avec toutes les interruptions, cela a
dépassé la demi-heure. Je crois comprendre que le
député de Mont-Royal avait posé une question à
laquelle Me Beaulé était prêt à répondre.
Elle était claire, celle-là; je l'ai entendue, mais, à
travers le brouhaha, je l'ai perdue. D'un autre côté, tout ce que
j'espère du député de Mont-Royal, avec toute l'utilisation
qu'on a pu faire du droit de parole, c'est qu'il me permette, dans les plus
brefs délais, de passer à une autre personne. Cela me ferait
énormément de bien, à moi et à l'ensemble des gens,
que l'on puisse continuer à interroger la personne de façon
à lui permettre d'être libérée, si c'est possible,
ce
soir, pour les besoins de la cause.
M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement,
si vous le permettez.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'ai tenté, ce soir, de poser des questions
assez brèves, assez concises, mais j'ai été constamment
interrompu par des questions de règlement et par des
députés ministériels. C'est l'une des raisons qui
expliquent que cela prend plus de temps que je ne pensais. Les réponses
du témoin - c'est entièrement son droit de donner de longues
réponses - ont aussi été longues. Bon, en tout cas, M. le
Président, je viens de poser une question - j'en fais une question de
règlement - Qu'est-ce que vous avez dit à Jean-Roch Boivin? et je
me fais répondre qu'il a déjà répondu à cela
vendredi. Est-ce que je pourrais vous lire la transcription de vendredi?
M. Lalonde: C'est permis.
Le Président (M. Jolivet): Oui, juste un instant. Avant
que je vous le permette, Me Beaulé a dit deux choses: J'ai
répondu à cette question vendredi et j'y ai répondu ce
soir. J'ai bien entendu. Depuis 20 h 15, je suis très attentif à
ce qui se dit ici de part et d'autre. Je l'étais avant, mais je suis de
plus en plus attentif pour éviter que les questions de règlement
ne fusent de toutes parts.
M. Ciaccia: M. le Président, j'ai commencé
vendredi, à la galée 970, à la page 1, 12 h 56. Alors,
c'était vers la fin de la séance et, à cette page, je dis
à M. Beaulé: "Venons-en à la réunion du 2
février où vous avez rencontré Me Jean-Roch Boivin au
bureau du premier ministre avec Michel Jasmin. Cette réunion a eu lieu
le matin. C'était le lendemain de la rencontre du 1er février, au
cours de laquelle le premier ministre a exprimé à certains
membres du conseil d'administration qu'il fallait régler la cause. Qui a
convoqué cette réunion?" (21 h 15)
La réponse de Me Beaulé. "De mémoire, je me suis
déjà exprimé là-dessus devant la commission, c'est
moi qui ai demandé à M. Boivin de me recevoir. Je l'ai dit hier.
Je lui ai soumis un document daté du 29 janvier. J'ai expliqué
assez longuement à la commission les circonstances. Le 29 janvier, le
tribunal avait siégé. Le 29 janvier, durant la soirée,
j'ai préparé un document qui portait sur la
non-responsabilité de l'International Union of Operating Engineers dans
cette affaire ou une mise à jour, si vous voulez, de ce document, parce
que la contestation du 28 novembre comptait déjà des
éléments. J'ai ajouté d'autres éléments, qui
avaient été connus au cours de l'enquête qui avait
commencé le 15 janvier. J'ai préparé ce document et j'ai
demandé à M. Boivin de me recevoir pour le lui soumettre.
C'était là le but de ma rencontre. Je vois que j'ai
été là de 10 h 07 à 11 h 12. Je pense, encore une
fois, que la réunion a été beaucoup plus courte que
cela."
Là, je lui demande: "Est-ce que vous avez une copie du document?"
On arrive à la question du document. Cette réponse de Me
Beaulé, vendredi, n'est pas précisément une réponse
à la question que je viens de poser ce soir. Ce soir, j'ai dit:
Qu'est-ce que vous avez dit à M. Jean-Roch Boivin? Je ne veux pas qu'il
me dise qui a préparé les documents et tout le reste. Je pense
que ma question de ce soir n'est pas du tout la même que celle de
vendredi. Il n'y a pas répondu, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, la question:
"Qu'est-ce que vous avez dit à Me Jean-Roch Boivin, cette
journée-là?"
M. Beaulé: M. le Président, de bonne foi, je
répète ce que je crois avoir dit aussi le 28, c'est-à-dire
que je n'ai traité avec lui que de la non-responsabilité du
syndicat américain. Peut-être pour épargner du temps
à la commission, pour une partie de cette rencontre, M. Jasmin
était présent et il a écouté les propos que je
tenais à M. Boivin.
M. Ciaccia: Qu'est-ce que M. Boivin vous a dit? Je voudrais
demander au témoin, à Me Beaulé, de ne pas donner la
réponse qu'il m'a déjà donnée, à savoir de
le demander à Me Boivin. Ce n'est pas ce que je veux savoir. Je veux
savoir ce que vous avez entendu: Qu'est-ce que M. Jean-Roch Boivin vous a dit,
à vous, le 2 février?
M. Beaulé: M. Boivin m'a demandé des
précisions sur le document que je lui soumettais et qui était un
aide-mémoire. Nous avons parlé des sujets qui sont dans
l'aide-mémoire et qui sont reproduits en substance dans la lettre que
vous trouvez à la page 99, que j'ai adressée à
François Aquin, le 5 février 1979. Uniquement de cela, pas
d'autre chose et même pas de la température.
M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez nous dire les
précisions que Me Boivin voulait avoir de vous sur ce document, sur
votre aide-mémoire?
M. Beaulé: De mémoire, j'alléguais dans ce
document que la SEBJ facturait - si je peux employer l'expression - ou
expédiait des factures à la FTQ pour le gîte et le couvert
de M. Duhamel. M. Boivin m'a demandé si
j'avais ces documents en ma possession. Je lui ai dit oui. Je pense bien
lui avoir transmis les photocopies de ces documents, qui avaient
été versés en preuve dans la cause dont il a
été question depuis le début, lors de l'examen au
préalable.
Deuxièmement, je disais, dans cet aide-mémoire, et vous
retrouvez cela dans le texte que j'ai adressé à M. Aquin - c'est
la même chose en substance - que M. Duhamel, avant même d'aller au
chantier de LG 2, le 14 février 1974, était à Matagami et
qu'il était à l'emploi de l'Union des opérateurs de
machinerie lourde, qui n'était pas affiliée à l'union
internationale, et qu'il était payé par l'Union des
opérateurs de machinerie lourde. M. Boivin, de mémoire, m'a
encore demandé si j'avais cette preuve. Nous avons obtenu cette preuve.
Il s'agissait de chèques tirés par l'Union des opérateurs
de machinerie lourde sur la Banque Provinciale du Canada, qui attestaient ce
fait que Duhamel était un salarié de l'Union des
opérateurs de machinerie lourde, non affiliée à ma
cliente. J'ai transmis les photocopies de ces chèques à M.
Boivin. Je crois aussi qu'ils étaient déjà au dossier de
la cause. S'ils n'y étaient pas, ils étaient entre les mains de
la Sûreté du Québec, qui avait saisi tous les documents
lors de la mise en tutelle, en mars 1975, des syndicats locaux
impliqués, dans un sens, dans le saccage. Il n'y a pas autre chose,
même si je scrute ma mémoire. Il n'y a pas autre chose.
C'étaient quand même des éléments assez importants
que de savoir pour qui Duhamel travaillait. Qui le payait? Est-ce qu'il est
vrai que la SEBJ facturait la FTQ? J'ai aussi fourni la preuve à M.
Boivin que la FTQ a effectivement payé les factures de la SEBJ. J'ai
d'ailleurs une photocopie, si cela intéresse la commission.
Le Président (M. Jolivet): Puisque personne n'a voulu vous
le demander, je vais vous le demander.
M. Beaulé: C'est la pièce A-31 versée, lors
d'un examen préalable, dans la cause. Ce sont des factures et des
preuves de paiement...
Le Président (M. Jolivet): II y aura donc photocopie.
M. Beaulé: ...attestant que la SEBJ facturait la
Fédération des travailleurs du Québec pour le gîte
et le couvert de Duhamel à LG 2, établissant que la FTQ a
payé ces factures-là.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, Me Beaulé a remis
d'autres documents à Jean-Roch Boivin. Je pense que tantôt,
à la question que je lui ai posée, à savoir s'il en avait
remis d'autres, il m'a dit: Non.
M. Beaulé: Cela n'a pas été remis le 2
février. Cela a été transmis par la suite en
réponse à ses questions.
Le Président (M. Jolivet): C'est ce que j'avais compris,
d'ailleurs.
M. Beaulé: II n'y a pas de chinoiseries là-dedans,
je n'en fais pas, M. le Président.
M. Ciaccia: Je vous remercie. Est-ce qu'à la rencontre du
2 février, il a été question de la possibilité que
M. Boivin rencontre les procureurs de la SEBJ?
M. Ciaccia: Non, M. le Président. J'ai appris, en
écoutant M. Aquin faire sa déclaration devant la commission,
qu'il avait, le 2 février, dîné avec M. Cardinal et M.
Boivin. Je l'ai appris ce jour-là, en avril 1983.
M. Ciaccia: Très bien. Est-ce qu'il a été
question de la réunion du 1er février?
M. Beaulé: Non, M. le Président. Vous parlez de la
réunion entre M. Lévesque et les présidents?
M. Ciaccia: Oui.
M. Beaulé: La réponse est non.
M. Ciaccia: Est-ce que c'était encore pous sensibiliser M.
Boivin que vous avez assisté à cette réunion? Vous avez
mentionné auparavant que vous vouliez sensibiliser M. Boivin à la
position de vos clients.
M. Beaulé: Cette réponse a déjà
été donnée. La réponse est oui.
M. Ciaccia: Pourriez-vous d'abord m'expliquer pourquoi,
après le 19 janvier, il était encore nécessaire de
continuer ce processus de sensibilisation? Vous avez déclaré,
à la page 964, en réponse à une question que j'avais
posée: "On ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une
décision était prise." Je vous avais posé la question...
La question que je vous pose...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant pour qu'il
puisse retrouver...
M. Beaulé: J'ai retrouvé le texte à la page
1 de la transcription. Il y a trois pages.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. Ciaccia:
Vous l'avez? M. Beaulé: Oui.
M. Ciaccia: À la suite de la question que je vous avais
posée, vous avez dit - vous
avez fait un préambule - "Maintenant je vais répondre
à votre question, M. le Président. On ne m'a pas informé
avant le 19 janvier qu'une décision était prise et je ne sais
même pas où cette décision a été prise." Vous
vous référez à la décision que le premier ministre
voulait un règlement. C'est la question que je vous pose: Est-ce qu'il
ne vous a jamais été communiqué que Me Jean-Roch Boivin
avait informé M. Claude Laliberté ou peut-être d'autres
membres du conseil d'administration que le premier ministre voulait un
règlement? Votre réponse...
M. Beaulé: Excusez-moi. À quelle page?
M. Ciaccia: À la même page, à la page 1.
M. Beaulé: Je vois qu'on va du bas de la page vers le
haut. Je ne suis pas habitué à lire de bas en haut.
Une voix: C'est parti d'en haut.
M. Ciaccia: C'est le deuxième paragraphe à la page
1 de la galée 964. Je vais recommencer. La question que je vous pose, M.
Beaulé - je ne vous demande pas si la décision avait
été prise ou non, c'est évidemment une question qui
pourrait être posée à... - la question que je vous pose
est: Est-ce qu'il ne vous a jamais été communiqué que Me
Jean-Roch Boivin avait informé M. Claude Laliberté, ou
peut-être d'autres membres du conseil d'administration, que le premier
ministre voulait un règlement? Plus bas dans la page, à peu
près trois paragraphes plus bas, vous dites: "Maintenant, je vais
répondre à votre question, M. le Président. On ne m'a pas
informé avant le 19 janvier qu'une décision était prise et
je ne sais même pas où cette décision a été
prise." La question que je vous pose est la suivante: Pourquoi, après le
19 janvier, était-ce encore nécessaire de sensibiliser M. Boivin
quand vous nous dites vous-même que vous avez appris le 19 janvier que la
décision avait été prise?
M. Beaulé: M. le Président, je ne comprends pas
très bien la question. Il faudrait la situer. Je viens de voir la
galée 963, page 2.
M. Ciaccia: 964, page 1.
M. Beaulé: Oui, mais il faut situer dans quel contexte la
question m'est posée. Si je me réfère à la page
antérieure, M. Ciaccia, le député de Mont-Royal,
m'interrogeait, semble-t-il, sur la réunion du 19 janvier.
Écoutez, j'aimerais qu'on précise la question et j'y
répondrai sûrement.
M. Ciaccia: Je vais aller à la page
précédente à laquelle vous m'avez
référé, 963, page 2.
M. Beaulé: M. le Président, je ne veux pas jouer
avec qui que ce soit, je demande qu'on me pose une question précise et
qu'on me dise à quelle occasion j'ai dit telle chose en me
référant à quelle réunion.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas être
plus précis que de me référer au journal des
Débats, la galée, la page, ma question, sa réponse. Je ne
peux pas dire plus que cela. Sans préambule, sans commentaire.
M. Tremblay: ...ses réponses aussi plus les autres
affaires, cela fait.
Le Président (M. Jolivet): La seule chose que j'essaie de
comprendre, en me plaçant dans la peau de l'invité qui est devant
nous, c'est que vous vous référez à un texte auquel nous
sommes habitués comme parlementaires. Il faut tout de même dire
que les personnes qui sont invitées n'y sont pas habituées. Pour
les besoins de la cause, si vous voulez reprendre la question en la situant
bien comme il faut, afin que Me Beaulé puisse bien y
répondre.
M. Ciaccia: Le 19 janvier, Me Beaulé était au
courant que la décision de régler était prise par le
premier ministre; c'est la réponse qu'il donne à la question que
je lui pose. La question que je lui pose aujourd'hui, c'est: Pourquoi, à
la réunion du 2 février, jugeait-il nécessaire de
continuer le processus de sensibiliser M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du
premier ministre?
M. Beaulé: M. le Président, je voudrais bien
digérer en quelques minutes quatre galées de la transcription du
29 avril. Je vais essayer de répondre comme si ces pages n'existaient
pas, mais à partir de ma mémoire et des faits. Le 19 janvier - je
pense l'avoir dit à plusieurs reprises - j'ai rencontré M. Boivin
en présence de M. Woll, de M. Fanning et de M. Jasmin. M. Woll a fait la
conversation, si je puis dire. J'ai compris... Je le dis d'ailleurs à la
page 2 du R/963. Quant à M. Boivin, j'ai répondu à
plusieurs reprises hier et aujourd'hui - je cite - "que c'est une perception
que j'ai eue le 19 janvier que les personnes en autorité étaient
favorables à la cessation des procédures."
Ma réponse est là, elle ne changera pas; même si on
me pose 15 ou 20 questions, ce sera toujours la même réponse.
C'est une perception, un "feeling", je l'ai dit à plusieurs reprises. Si
j'avais su que la décision était rendue ou était prise le
29 janvier - je l'ai déjà dit - je n'aurais pas
travaillé après une très longue journée de
procès à rédiger l'aide-mémoire que j'ai remis
à M. Boivin le 2 février. Je n'avais pas été
avisé, le 2 février, de la décision qui avait pu
être prise par les autorités quant à la cessation des
procédures. J'avais cependant un "feeling", je me suis exprimé
là-dessus. Pourquoi ai-je mis tant de temps? C'est que je croyais
vraiment que la décision n'était pas prise.
M. Ciaccia: Comment expliquez-vous la réponse que vous
m'avez donnée? Là, vous dites que vous pensiez que la
décision n'était pas prise, mais je vous lis la réponse
que vous m'avez donnée à R/964, page 1.
M. Beaulé: Je vais y répondre, M. le
Président. (21 h 30)
M. Ciaccia: Je vais seulement la lire comme cela. On va situer
votre réponse après ma question.
M. Beaulé: Oui.
M. Ciaccia: La question que je vous pose est: Est-ce qu'il ne
vous a jamais été communiqué que Me Jean-Roch Boivin avait
informé M. Claude Laliberté, ou peut-être d'autres membres
du conseil d'administration, que le ministre voulait un règlement? Votre
réponse: On ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une
décision était prise. Je ne sais même pas où cette
décision a été prise. Alors, le 19 janvier, vous avez
été informé que la décision était prise.
M. Beaulé: M. le Président, je regrette, mais je
n'ai pas le même texte que M. le député de Mont-Royal. Je
vais lire ce que j'ai ici. "À 12 h 15, ruban 964-ER, page 1. M. Ciaccia
- en haut de la page - M. Beaulé, je ne vous demande pas si la
décision avait été prise ou non, c'est évidemment
une question qu'on pourrait poser à d'autres invités - c'est M.
Ciaccia qui affirme cela - la question que je vous pose est: Est-ce qu'il ne
vous a jamais été communiqué que Me Jean-Roch Boivin avait
informé M. Claude Laliberté ou peut-être d'autres membres
du conseil d'administration que le premier ministre voulait un
règlement? "M. Beaulé: M. le Président, si tout à
l'heure, j'ai référé à Me Boivin, c'est que la
personne qui m'interroge et qui m'interrogeait, en faisant entrer cette notion
du prénom, pouvait insérer dans ces rapports que j'ai eus avec Me
Boivin ou avec M. Boivin un caractère de familiarité qui n'a
jamais existé. "M. Ciaccia: Si avec lui, jamais familier avec lui? "M.
Beaulé: Cela ne change rien, je ne suis pas le genre pour taper sur
l'épaule de quelqu'un. Les quelques rencontres que j'ai eues avec lui
sur ce sujet, se sont faites sur une base professionnelle et d'affaires.
"Maintenant je vais répondre à votre question, et je cite: M. le
Président, on ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une
décision était prise. Je ne sais même pas où cette
décision a été prise. Je ne suis pas compétent pour
y répondre. Est-ce à un Conseil des ministres ou à un
comité ministériel, je l'ignore totalement. J'ai compris le 19
janvier que les personnes en autorité étaient sympathiques
à la cessation de ces procédures. Je l'ai dit et
répété. M. Boivin ne m'a pas tenu au courant de ses
conversations avec qui que ce soit, ni de sa rencontre avec M.
Laliberté."
Bon, il ne faut pas comprendre de ces réponses, M. le
Président, que M. Boivin m'a avisé le 19 janvier que la
décision a été prise. Je pense que je me suis
exprimé là-dessus. J'ai affirmé qu'on ne m'avait pas
prévenu avant le 19 janvier, et j'ajouterai pour les fins du dossier,
que je ne le savais pas encore le 2 février 1979, autrement je n'aurais
pas passé trois heures, après une journée
extrêmement dure qui durait, règle générale, de
douze à quinze heures, à lire la transcription des
témoignages de la veille, préparer les contre-interrogatoires;
c'était de douze à quinze heures, alors, je n'aurais pas fait ce
travail le 29 janvier, si j'avais su que la décision était
prise.
M. Laplante: Vous voyez comment on déforme de la lecture,
n'est-ce pas?
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai une ou deux
autres questions finales. D'après votre aide-mémoire, le 2
février, avez-vous demandé à M. Jean-Roch Boivin, chef du
cabinet du premier ministre, d'aller sensibiliser les avocats de la SEBJ, Mes
Geoffrion et Prud'homme?
M. Beaulé: Certainement pas, M. le Président. Je
vais ajouter ceci pour que ma réponse soit complète. J'avais des
contacts journaliers avec les avocats de la SEBJ depuis le 15 janvier et
j'essayais de les sensibiliser, sauf que M. Aquin m'a dit que je ne l'avais pas
convaincu. Cela, je le comprends.
M. Ciaccia: Oui. Et votre aide-mémoire, parce que vous
allez m'excuser si je lis: "On ne m'a pas informé avant le 19 janvier".
Votre aide-mémoire n'aura pas été pour sensibiliser les
avocats de la SEBJ en vue d'obtenir l'aide de M. Jean-Roch Boivin pour
sensibiliser les avocats de la SEBJ?
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Si cette question dans sa formulation ne contient pas
une hypothèse, je me demande à quoi nous sert l'article 168,
paragraphe 2, de notre règlement. Enfin, une question de
règlement pour que vous déclariez cette question irrecevable.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: La formulation peut être multiple, mais
essentiellement le député de Mont-Royal pose la question
suivante: Est-ce que votre aide-mémoire était dans le but de
sensibiliser les avocats de la SEBJ? C'est aussi simple que cela. Il l'a
formulée de façon négative par deux négations mais
cela revient au même.
M. Duhaime: Ce n'est pas ce qu'il a dit.
M. Tremblay: Question de règlement, le
député de Mont-Royal n'a qu'à répéter la
question comme le député de Marguerite-Bourgeoys vient de lui
suggérer, c'est tout.
Le Président (M. Jolivet): La question étant
répétée de part et d'autre, la réponse peut venir
de la façon dont le député de Marguerite-Bourgeoys vous
l'a posée, mais par l'intermédiaire du député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Très bien, M. le Président.
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président, mais le
député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas le droit de parole, ne
peut poser des questions.
Le Président (M. Jolivet): Je le sais très bien.
C'est pour cela que j'ai utilisé l'intermédiaire qui était
le député de Mont-Royal.
M. Lalonde: Vous, vous avez le droit de parole...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:
M. Duhaime: Si je ne l'ai pas, lui non plus.
Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé.
M. Beaulé: Pardonnez-moi, M. le Président, je
consultais mon avocat ou mon avocate. Je m'excuse, est-ce qu'on peut
répéter la question.
Le Président (M. Jolivet): Donc, voulez-vous reprendre la
question, M. le député de
Mont-Royal, de la façon que le député de
Marguerite-Bourgeoys vous l'a suggérée?
M. Ciaccia: Je vais essayer.
M. Lalonde: Je n'ai pas le droit de souffler des questions, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Mais, dans votre question de
règlement, c'était clair. Allez, M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce que l'aide-mémoire que vous avez
préparé était pour sensibiliser les avocats de la
SEBJ?
M. Tremblay: ...
M. Beaulé: M. le Président... Oui, pardon.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.
Une voix: II y a des appareils qui se vendent.
M. Duhaime: Cela prendrait un petit appareil pour comprendre.
Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux dire...
Une voix: Cela n'existe pas. M. Lalonde: ...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je vais
répéter la question, si j'ai bien compris, pour que vous la
compreniez très bien. À moins que le député de
Mont-Royal puisse la répéter en s'approchant du micro. Vous
l'avez très bien saisie, Me Beaulé?
M. Beaulé: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y.
M. Beaulé: M. le Président, j'ai incorporé
à ma lettre à François Aquin qui portait sur le quantum
des dommages le texte de mon aide-mémoire remis à M. Boivin le 2
février, parce que je voulais que M. Aquin soit au courant des
représentations que j'avais faites à M. Boivin sur la question.
C'est d'ailleurs dans ce sens que je l'avais prévenu, vers le 26
janvier, que j'avais les contacts avec M. Boivin. C'était le but, afin
qu'il n'y ait pas de cachette, si vous voulez.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas...
M. Beaulé: Je voudrais ajouter quelque chose quant
à M. Aquin, si vous me permettez, j'ai dit tout à l'heure que je
n'avais pas réussi à le persuader. Comme je suis sous serment, M.
Jetté a fait référence à des conversations qui
pouvaient être personnelles, je pense en particulier à cette
conversation que j'ai eue avec M. Jetté le 10 janvier 1979 dans un tout
petit restaurant, vous vous souvenez des circonstances. J'essaie d'avoir un
calendrier. Le, ou vers le 15 avril 1983, j'ai eu une conversation avec M.
Aquin au téléphone. Il était à son bureau;
j'étais chez moi. Je voulais essayer d'obtenir de lui les cahiers qui
ont été produits devant la commission. Il m'a dit qu'il
n'était pas encore libéré de son secret professionnel.
Quand je parle des cahiers, je parle des deux cahiers préparés
par le bureau de Geoffrion et Prud'homme. A cette occasion, M. Aquin m'a dit,
en substance, ce qui suit: "En révisant mon dossier, c'est
peut-être parce que nous sommes maintenant démobilisés face
à ce procès, je me rends compte que notre cause contre les
Américains n'était peut-être pas aussi bonne qu'on le
pensait". C'est textuel.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez communiqué avec le bureau
du premier ministre vendredi dernier?
M. Beaulé: Vendredi dernier, j'étais ici. Je n'ai
pas communiqué avec le bureau du premier ministre.
M. Ciaccia: Est-ce que le bureau du premier ministre a
communiqué avec vous?
M. Beaulé: Non, je n'ai pas eu de contact avec le bureau
du premier ministre vendredi dernier.
M. Ciaccia: Et le premier ministre lui-même?
M. Beaulé: Excusez-moi. Une voix: Ah!
M. Beaulé: M. le Président, j'ai entendu le mot
"ah".
M. Lalonde: C'est le député de Bourassa.
M. Beaulé: Je n'ai pas dit de qui il vient.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Beaulé: M. le Président...
M. Lalonde: Rappelez-le à l'ordre.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai personne à
rappeler à l'ordre pour le moment.
M. Beaulé: M. le Président, j'ai été
avisé par Me André J. Bélanger, mon associé, que M.
Boivin avait téléphoné à notre bureau vendredi
après-midi qui est, je crois, le 29 avril dernier. Je n'ai pas
parlé à M. Lévesque depuis, je pense, quelques jours
après le référendum.
M. Ciaccia: M. le Président, non.
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas d'autre
question?
M. Ciaccia: Je ne veux pas vous décevoir, je n'ai pas
d'autre question.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay, vous avez la parole.
Une voix: Vous êtes libéré.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Une voix: II a oublié ses questions.
Le Président (M. Jolivet): Oui, Me Beaulé.
M. Beaulé: Je ne vous cache pas que j'étais un peu
épuisé à la fin de la session de vendredi. Ayant appris de
mon bureau que M. Boivin avait tenté de me rejoindre, j'ai tenté
de le rappeler ici à son bureau de Québec, et il n'était
pas là.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. J'attends de pouvoir
prendre la parole depuis jeudi dernier. J'ai rencontré quelqu'un, ce
soir, sur la rue Saint-Jean, qui m'a reconnu comme participant à cette
commission et qui m'a dit: "Mon Dieu que je vous trouve patient, M. le
député."
M. Paradis: C'est Grégoire.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je m'excuse, mais cela a été enregistré, M.
le député, et je crois de mon devoir de vous demander de retirer
ce que vous venez de dire.
M. Paradis: Je retire...
Une voix: Est-ce que cela va à
l'encontre du règlement?
Le Président (M. Jolivet): Non, je pense que c'est de la
simple courtoisie entre députés.
M. Paradis: Pour me conformer à votre directive, je retire
ce que j'ai dit sur l'autre propos, et que ce soit bien clair. Le
député de Châteauguay a dit: J'ai rencontré
quelqu'un sur la rue Saint-Jean, ce soir. Et j'ai dit: M. Grégoire. Je
retire le nom de M. Grégoire que j'ai prononcé.
Le Président (M. Jolivet): Ce n'était pas tant le
mot que la façon. M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Alors, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je ne veux pas m'amuser avec
cela. Je pense que la simple courtoisie entre députés implique
qu'on ne doit pas faire ces choses. Je demande que ce soit retiré du
journal des Débats.
M. Paradis: Que j'aie retiré, sur la question de
règlement, les anecdotes de la rue Saint-Jean en commission
parlementaire, ce n'est pas dans le mandat de la commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, je n'avais pas entendu les
remarques de mauvais goût du député de Brome-Missisquoi. Ma
question se réfère à la déclaration
préliminaire que Me Beaulé a faite lorsqu'il a commencé
à intervenir à cette commission. À la page 13 plus
précisément, il dit ceci: "En 1973, ce syndicat enregistrait deux
déclarations au greffe de la Cour supérieure de Montréal,
précisant, dans l'une d'elle; qu'il entendait faire affaires sous la
raison sociale de Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec, et dans l'autre, sous le nom de Union des opérateurs de
machinerie lourde du Québec local 791."
Pour bien situer ce syndicat, Me Beaulé l'a indiqué comme
étant un affilié de l'International Union of Operating Engineers.
Alors, Me Beaulé dit, tout de suite après, dans sa
déclaration préliminaire toujours: "II va sans dire que ce
syndicat au vocable multiple ne demanda jamais son accréditation
à l'International Union of Operating Engineers et ne lui versa jamais
d'ailleurs de cotisations ou redevances."
Il m'est apparu, au moment où Me Beaulé a fait la lecture
de sa déclaration préliminaire, que c'était là une
information très importante. C'était, en fait, la première
fois qu'ici à cette commission, depuis le début des travaux, on
évoquait cette information.
C'est un élément, je pense, qui pouvait expliquer que la
SEBJ ait conclu à l'impossibilité de faire payer la centrale
américaine. Pour moi, cela a une importance capitale, cette information
que nous a donnée Me Beaulé et qu'il a été, je
pense, le premier à nous donner.
Je voudrais savoir de Me Beaulé si, à sa connaissance, les
avocats de la SEBJ, qui n'ont pas évoqué cette information ici
à la commission - à ma connaissance, je pense qu'ils ne l'ont pas
fait - ont eu l'occasion d'apprendre cette situation, à savoir que ce
syndicat "aux vocables multiples", pour employer votre expression, ne demanda
jamais son accréditation à l'International Union of Operating
Engineers et ne lui versa jamais, d'ailleurs, de cotisations ou de redevances.
(21 h 45)
M. Beaulé: M. le Président, je crois que j'ai
déposé la contestation de la défenderesse, l'International
Union of Operating Engineers, comme document auprès de la commission. Il
s'agit donc de la contestation du 28 novembre. À la page 2 de la
contestation, il est dit - je cite le paragraphe 7, cela va répondre, je
crois, à la question - "En tout temps pertinent au présent
litige, le défendeur Yvon Duhamel n'était pas le
préposé, le mandataire ou le représentant de la
défenderesse -l'International Union - elle n'a jamais été
consultée quant à son engagement par l'association, le groupement
ou le syndicat décrit au paragraphe 59." - de la déclaration et
n'avait, d'ailleurs, aucun droit d'approbation ou de regard quant à son
engagement; "b) L'association, le groupement ou le syndicat, connu alors au
Québec sous un ou plusieurs des vocables suivants: local 791 de la
FTQ-Construction, Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec, Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec, local 791, Union des opérateurs de machinerie lourde du
Québec (FTQ), n'était pas affilié à la
défenderesse et ne possédait pas de charte de l'International
Union of Operating Engineers, Washington, D.C."
Au paragraphe c), toujours à la page 2 de la contestation du 28
novembre: "Elle -parlant de l'International - n'a jamais perçu de
redevances, cotisations ou de "taxe per capita" de l'association, du groupement
ou du syndicat connu sous l'un ou plusieurs des vocables mentionnés au
sous-paragraphe précédent."
Donc, dès le 28 novembre 1978, nous avions dénoncé
ces faits. En fait, c'était un moyen de contestation parmi d'autres pour
le procureur de la SEBJ et cela apparaît également, M. le
Président, à la page 100 de la lettre que j'adressais à M.
Aquin, le 5
février 1979.
M. Dussault: On peut donc penser, Me Beaulé, qu'un certain
nombre de membres du conseil d'administration de la SEBJ l'avaient à
l'esprit et que c'est un élément qui les a fait cheminer vers une
recherche d'entente, de règlement hors cour?
M. Beaulé: M. le Président, je crois que c'est une
question d'opinion qu'on me demande.
M. Dussault: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'aimerais
me référer à la déclaration d'ouverture de Me
Beaulé, notamment à la page 5, au premier paragraphe, où
vous dites, Me Beaulé: "II est donc évident que les gestionnaires
de la SEBJ et son conseil d'administration adoptaient, en janvier 1979, une
attitude incompatible avec l'une des recommandations principales de la
commission Cliche." De quelle recommandation parliez-vous?
M. Beaulé: II s'agit de la recommandation que j'ai
citée d'ailleurs dans mon mémoire, M. le Président,
à la page 4, qui précède la page 5, et elle est
tirée de la page 78 - je m'excuse, de la page 68 - du rapport de la
Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans
l'industrie de la construction, remis au premier ministre Bourassa, à
l'époque. Il ne s'agit pas d'une recommandation cataloguée ou
formaliste, mais il me semble, sur la base des faits, qu'elle est une
recommandation.
M. Gratton: Je vous soumets - et je vous poserai la question -
que c'est bien plus une constatation qu'une recommandation. Est-ce que je me
trompe?
M. Beaulé: Voici, le texte...
M. Gratton: Est-ce qu'on peut relire le texte ensemble, Me
Beaulé?
M. Beaulé: D'accord. C'est ce que je suggère.
M. Gratton: Voulez-vous le faire ou je le fais?
M. Beaulé: Avec plaisir. À la page 68: "Les
commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires
n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne
s'agit aucunement d'une réaction de masse mais bien d'une
opération montée par un noyau de mécréants,
dirigés par Duhamel, pour montrer une fois pour toutes qui était
le maître à la Baie-James. "L'impression nette que nous tirons de
l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont
été de simples spectateurs et même des victimes des actes
insensés posés par un Duhamel en délire."
Ma conclusion est la suivante. C'est qu'après avoir entendu les
témoins du saccage, la commission en arrive à cette conclusion de
fait, qui est une conclusion de fait.
M. Gratton: Qui est une recommandation.
M. Beaulé: Au sens formel du mot, non, M. le
Président.
M. Gratton: Non. Elle n'est pas incluse dans les recommandations
qui suivent le chapitre intitulé "Le système et ses appuis", aux
pages 94 et 95, dans les recommandations 25 à 29.
M. Beaulé: Non. C'est un fait qu'elle n'apparaît pas
aux pages 94 et 95, mais je ne vois pas ce qu'elle y ferait puisqu'elle est
d'un tout autre ordre et d'une toute autre nature. Mais je n'ai pas
trouvé dans le rapport, M. le Président...
M. Gratton: Est-ce qu'elle apparaît dans les
recommandations du chapitre intitulé "Recommandations", aux pages 295 et
suivantes du rapport Cliche?
M. Beaulé: Je ne sais pas. La seule chose, cependant, est
que je pense qu'il s'agit d'un sujet qui ne fait pas l'objet d'un chapitre dans
les autres recommandations. Mais, là-dessus, cela devient une question
d'opinion. J'ai répondu à la question. Quant à moi, je
vois cette conclusion, à la page 68, que nous avons citée et qui
a aussi été abondamment citée, comme étant une
constatation de fait, ce qu'on appellerait en anglais "a finding on the facts".
Cela ne fait pas l'objet d'une recommandation spécifique dans l'un ou
l'autre des chapitres auquel vous pourriez me reporter. Mais je vois cela, en
anglais, "as a finding on the facts".
M. Gratton: En français, est-ce que vous voyez cela comme
une des recommandations principales du rapport Cliche?
M. Beaulé: Je pense que cela comporte aussi une
recommandation, M. le Président.
M. Gratton: Est-ce une des recommandations principales du rapport
Cliche?
M. Beaulé: À mon point de vue, c'est
une des recommandations principales du rapport Cliche, mais pas au sens
formaliste du terme.
M. Gratton: Moi, j'appelle cela une constatation et vous, vous
appelez cela une recommandation. Auriez-vous objection à lire les trois
paragraphes qui suivent ceux que vous venez de lire et qu'on retrouve à
la page 69? Le premier paragraphe en haut de la page 69 et les deux suivants.
Cela vient immédiatement après "...Duhamel en
délire..."
M. Beaulé: Oui. Je veux bien me prêter à cet
exercice, M. le Président. Je pense que nous avons le même texte.
"C'est à ce genre de catastrophe..." Est-ce bien à cela que vous
référez?
M. Gratton: Oui.
M. Beaulé: C'est à ce genre de catastrophe que
devait fatalement aboutir l'irresponsabilité d'aventuriers sans
scrupules qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux
locaux de la FTQ-Construction. Il suffit, à partir de Yvon Duhamel, de
remonter le lien de filiation pour voir à qui incombe ultimement la
responsabilité morale de son crime, car enfin, l'agent d'affaires
travaillait à la réalisation d'un objectif maintes fois
déclaré par les dirigeants de sa centrale, l'acquisition du
monopole syndical sur les chantiers. Il le faisait avec des méthodes qui
ne détonnent pas du tout avec celles généralement admises
par la FTQ-Construction. Il n'est que de lire le procès-verbal de
l'assemblée mensuelle des membres du local 791, tenue le 25 mars 1974
où une résolution adoptée unanimement accepte le rapport
par lequel M. René Mantha, après avoir souligné le beau
travail accompli par M. Yvon Duhamel pour le local et pour tous les membres,
ajoute qu'il a été grandement apprécié à son
dernier "meeting" à la Baie-James. À noter que les membres sont
alors bien au courant du saccage du 21 mars puisqu'il en a été
question à la même assemblée."
J'aurais des commentaires à faire sur ce texte. Même si les
actes de Duhamel ont fait l'objet d'une résolution le 25 mars 1974, lors
d'une assemblée mensuelle des membres du local 791, cela
n'établit aucunement la responsabilité de l'International Union
of Operating Engineers.
M. Gratton: On va venir à cela tantôt. Je vous
donnerai raison là-dessus. On n'est pas encore rendu là. Ce que
je voulais savoir de vous, vous avez, en parlant des trois paragraphes ou des
deux paragraphes précédant ce que vous venez de lire,
parlé d'une des principales recommandations de la commission Cliche.
Est-ce que les trois paragraphes que vous venez de lire sont une
recommandation?
M. Beaulé: Je crois que c'est encore une constatation de
faits et en gros...
M. Gratton: Encore?
M. Beaulé: Je pense que c'est encore une constatation de
faits. Je pense qu'il est manifeste dans ce rapport que des gens, dont certains
ont été condamnés et emprisonnés, enfin qu'un
certain nombre de "gangsters" à l'époque avaient fait main basse
sur certains locaux, certaines unions locales dont le local 791.
M. Gratton: Est-ce que vous qualifiez la première partie
de la citation comme étant une des principales recommandations de la
commission Cliche? Est-ce que cette deuxième partie qui porte sur la
responsabilité morale de ce crime commis par Duhamel ne fait pas en
quelque sorte partie de la recommandation dont vous parlez?
M. Beaulé: Pour être juste, là-dessus je suis
bien d'accord avec vous, on ne peut pas dissocier les trois paragraphes
cités au bas de la page 68 et au bas de la page 69 des paragraphes qui
suivent; cela m'apparaît évident, mais je n'y vois aucune
contradiction, M. le Président.
M. Gratton: Ah! je n'y vois aucune contradiction moi non plus.
Sauf que je constate que vous et le ministre êtes en communion d'esprit
sur cela. Le ministre, à au moins cinq ou six occasions, sinon
plus...
M. Duhaime: Plus que cela.
M. Gratton: ...plus que cela dit-il -nous a cité les
mêmes deux paragraphes que vous avez vous-même cités dans ce
mémoire que vous avez préparé le 27 je pense et que vous
avez présenté ici à la commission le 28. Lui, comme vous,
avez omis - le ministre, à plus de six ou sept occasions, vous, à
deux occasions - de lire la suite. Est-ce que je veux bien comprendre que vous
pensez que les trois paragraphes qui suivent les deux premiers viennent nuancer
de façon significative la recommandation principale dont vous
parlez?
M. Beaulé: M. le Président, ce qu'affirme la
commission Cliche à la page 68, c'est que les travailleurs de la
Baie-James ne doivent pas payer pour les dommages causés par Duhamel.
J'entends par là, les travailleurs passés, présents et
à venir; on se place en 1975. Ce qui apparaît à la page 69
ou ce qui est décrit, c'est la mainmise de Duhamel et de ses comparses
sur le local 791 qui d'ailleurs a reconnu sa
responsabilité le 12 mars 1979.
M. Gratton: Mais quand on lit, M. Beaulé...
M. Duhaime: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, une question de
règlement.
M. Duhaime: Oui, je voudrais soulever une question de
règlement, parce que le député de Gatineau, dans sa
remarque me concernant tout à l'heure, m'impute des motifs, en ce sens
qu'on n'aurait pas voulu poursuivre la lecture après la page 68 et la
page 69 pour des raisons que j'ignore; tout le monde sait lire, on parle de
responsabilité morale de son crime. Pour compléter ma
pensée, je voudrais référer le député de
Gatineau à la page 28 du rapport de la commission Cliche.
M. Gratton: Une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Une question de
règlement; je pense que la question de règlement du ministre est
terminée.
M. Gratton: Oui, mais de toute façon, là il
voudrait nous lire d'autres passages de la commission Cliche. Il le fera quand
il aura le droit de parole et le droit de poser des questions à
l'invité.
M. Duhaime: Non, M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Gratton: Quant à moi, je suis en train de poser des
questions.
M. Duhaime: Le député de Gatineau me met en cause
en faisant ses remarques. Il a parlé même de communion de
pensée. Je voudrais situer que la responsabilité morale...
M. Gratton: Si vous voulez vous en défendre, c'est votre
problème.
M. Duhaime: ...réfère, dans le paragraphe suivant,
à l'acquisition du monopole syndical sur les chantiers. Or, la
commission Cliche en a parlé du monopole syndical, à la page 28:
"Ce que la violence ne pouvait lui donner - je cite - la FTQ-Construction a
tenté de l'obtenir au moyen de négociations secrètes,
nouées avec M. Paul Desrochers et avec la haute direction
d'Hydro-Québec, la SEBJ et la SDBJ."
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Des voix: Question de règlement, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Gratton: Le ministre se conduit comme un enfant
d'école, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Pour nous permettre de nous
reposer un peu de la journée, la commission ajourne ses travaux à
demain matin, dix heures.
(Fin de la séance à 21 h 59)