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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 22 avril 1983 - Vol. 27 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Jolivet): La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux ce matin, jusqu'à treize heures, afin d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Brouillet (Chauveau), Gratton (Gatineau), Dussault (Châteauguay), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Tremblay (Chambly) et Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda-

Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Blouin (Rousseau), Paradis (Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert) et Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Au moment où nous avons ajourné nos travaux hier soir, nous en étions toujours avec Me François Aquin, Me Michel Jetté et Me Jean-Paul Cardinal. La personne qui avait la parole à ce moment et à qui je la redonne, c'est le député de Laprarie.

M. le député, vous avez la parole.

Témoignages

MM. François Aquin,

Jean-Paul Cardinal

et Michel Jetté (suite)

M. Saintonge: Merci, M. le Président.

Hier, lors de l'ajournement des travaux, j'étais en train de poser des questions à Me Cardinal sur l'ajournement des procédures, la demande d'ajournement du 15. D'après les faits que Me Aquin nous a rapportés hier matin, il semble que la demande d'ajournement vous soit parvenue par l'intermédiaire de Me Gadbois, le samedi. Je voudrais savoir si c'est courant, dans la pratique des choses en fin de compte, que le procureur adverse, au lieu de communiquer directement avec votre bureau, communique plutôt avec votre client pour vous informer d'une telle demande de remise ou d'ajournement.

M. Cardinal: De mémoire, je ne sais pas qui a communiqué avec Me Gadbois, mais Me Gadbois a communiqué avec moi.

M. Saintonge: Vous n'avez pas su de quelle façon la relation s'était faite avec Me Jasmin, qui a fait la demande d'ajournement.

M. Cardinal: Non. M. Saintonge: Non.

M. Cardinal: J'ai reçu des instructions de Me Gadbois mais je ne sais pas de qui il tenait ces instructions.

M. Saintonge: Quoi qu'il en soit, la demande d'ajournement était présentée par le procureur des syndicats québécois.

M. Cardinal: C'est à cette demande que nous avions instruction de ne pas nous opposer.

M. Saintonge: D'accord. Maintenant, je voudrais, pour l'étape suivante, parler un peu de ce qui s'est déroulé en janvier, au début janvier. Après le 15 janvier, on a vu qu'il y avait eu une rencontre le 15 janvier au matin entre les procureurs des syndicats, Mes Beaulé et Jasmin ainsi que Mes Cardinal et Aquin, où les procureurs syndicaux vous ont mentionné qu'ils étaient prêts à commencer des pourparlers de négociation. Cela s'est fait à la cour. Semble-t-il qu'à ce moment Me Cardinal ait communiqué à Me Gadbois que votre seul mandat était d'écouter. Ultérieurement vous avez eu une rencontre, en fin de journée, à la SEBJ où M. Laliberté était présent avec Me Gadbois et, encore une fois, M. Laliberté vous a confirmé que votre mandat était d'écouter sans commencer aucune négociation et d'obtenir des offres écrites pour les transmettre au conseil d'administration.

J'arrive maintenant au 16 janvier. Le 16 janvier, Me Jasmin vous rencontre, Mes Cardinal et Aquin, chez Geoffrion et Prud'homme, je pense, à votre bureau et, à ce moment, il semble que Me Beaulé... Vous avez mentionné la veille qu'il était réticent à vous rencontrer puisqu'il ne voulait pas faire d'ouverture, puisque vous n'aviez pas le

mandat de négocier. Ce sont les paroles de Me Aquin. À ce moment également, Me Jasmin, présent à vos bureaux, discute un peu de l'offre que Me Beaulé vous avait présentée ou de la prétendue offre, ce qu'on avait pu penser être une offre, suivant les termes de Me Jetté. De toute façon, le point important que je veux faire ressortir ici est que, suivant les paroles de Me Jasmin, Me Beaulé semblait prêt, si on veut, à "matcher" - "matcher" est le meilleur mot, le terme français m'échappe - l'offre que les syndicats québécois pourraient faire et celle du syndicat américain qui pourrait donner tout autant pour un règlement.

M. Cardinal: Jusqu'à concurrence de 250 000 $.

M. Saintonge: Jusqu'à concurrence de 250 000 $, qui était l'offre présumée que Me Beaulé semblait avoir faite le 10 janvier, je pense, mais ce qui s'était révélé inexact. Ce jour-là, le 16 janvier, Me Jasmin vous a remis une lettre avec une proposition de règlement fixant le montant à 50 000 $. On pouvait présumer qu'il s'identifie un peu et je cite: Me Jasmin prend en main les négociations pour les syndicats. À ce moment-là, les 50 000 $ que Me Jasmin vous propose, il n'y a peut-être pas d'information précise mais on peut supposer quand même que les syndicats américains pourraient "matcher" l'offre également.

C'est là que Me Jasmin demande de rencontrer M. Laliberté à nouveau et une réunion est organisée pour le lendemain avec M. Laliberté, Me Gadbois, Me Aquin et Me Cardinal. Le plaidoyer de Me Jasmin est pour la paix sociale; Me Jasmin se retire et M. Laliberté vous mentionne que la proposition est inacceptable mais, cependant, demande au bureau de Mes Geoffrion et Prud'homme de préparer une formule de transaction au cas où on déciderait de commencer les négociations. Est-ce bien cela?

M. Cardinal: Oui, oui.

M. Saintonge: C'est bien cela, d'accord! Ma question est: Lorsque vous avez parlé de la formule de transaction, il a été mentionné que le montant devait rester en blanc; est-ce qu'il y a eu quelque discussion relativement au montant qui pouvait être demandé ou vers lequel la société pouvait tendre afin de régler le dossier?

M. Aquin: Est-ce qu'on est à la rencontre du 17 janvier?

M. Saintonge: Du 17 janvier. M. Aquin: II y a...

M. Saintonge: Autrement dit, est-ce que M. Laliberté vous a parlé d'un montant envisagé?

M. Aquin: II nous avait dit d'écouter. Je pense qu'il nous a réitéré ce qu'il nous avait dit deux jours avant, qu'on écoutait et qu'on n'avait aucun mandat de négocier des montants. Il a dit que la proposition de Me Jasmin était inacceptable dans l'ensemble. Je ne peux pas aller plus loin parce que je ne pense pas qu'il nous a dit ce qu'il y avait d'inacceptable. Il y avait sûrement le chiffre et il y avait peut-être aussi la formulation de l'offre. C'est pour cela qu'il nous demandera ultérieurement de préparer un document que les syndicats pourraient utiliser pour faire leur offre et qui serait acceptable pour la SEBJ.

Alors, il a dit qu'il était prêt à attendre les offres syndicales, mais entre nous, il avait évoqué, il me semble, un montant qui pourrait être une approche. Si mon souvenir est bon, il me semble bien qu'il parlait d'un montant qui pouvait être dans les alentours de 900 000 $...

M. Saintonge: Qui correspondait, suivant le témoignage de M. Laliberté, en fait, au montant des frais non seulement juridiques, mais également d'expertises.

M. Aquin: Je ne voudrais pas qualifier cela, mais cela a toujours été dans le dossier quand on nous a dit de demander un montant raisonnable et, ensuite, quand on nous a dit: Essayez de demander un montant qui couvre les frais. Ce n'était pas absolument précis, mais c'était toujours ce chiffre qui était un peu à l'ordre...

M. Saintonge: 900 000 $?

M. Aquin: Je ne voudrais pas être précis, mais il me semble...

M. Saintonge: Environ, disons. Mais est-ce que, Me Aquin, quand même, à ce moment-là, aussi...

M. Aquin: Cela reste là, parce que, justement, nous n'avons aucun mandat de communiquer aucun chiffre et on attend.

M. Saintonge: D'accord. Est-ce que, quand même, à ce moment-là, il y a eu d'autres discussions outre la question monétaire concernant la responsabilité des parties?

M. Aquin: Là-dessus, si mon souvenir est bon, on avait déjà un aveu, si vous prenez la proposition de Me Jasmin, pour les deux locaux québécois qui sont, au fond, la même réalité, le local 791 et l'union. Là, est-ce que c'est à ce moment-là ou est-ce

que cela vient de nous? Je ne pourrais pas vous le dire. Mais je pense qu'il y a eu une démarche dans le sens d'évoquer l'idée qu'il faudra aussi que la partie adverse reconnaisse le bien-fondé du gros de notre réclamation au point de vue des dommages. Cela, vous le retrouverez dans le texte qui suivra. On le met, nous, dans notre texte. Là, ce n'est pas uniquement l'aveu de responsabilité, c'est la reconnaissance des dommages. Je pense que cela vient de M. Laliberté qui l'exigeait.

Je n'étais pas là avant, mais quand on regarde tout le débat qui a entouré l'affaire Cliche, les syndicats avaient dit que les dommages étaient des dommages non fondés et, ensuite, dans leur défense - M. Jetté me corrigera - ils semblent dire à certains moments qu'il y avait une part de faute de la compagnie. C'est pour cela que toutes ces questions étaient importantes. Il y a donc ceci et l'aveu de responsabilité. A-t-on évoqué, à ce moment-là, l'aveu de responsabilité du conseil provincial? Je ne le penserais pas. Je pense que c'est venu un peu plus tard.

M. Saintonge: D'accord. À ce moment-là, le 17 janvier - ma question s'adressera à chacun d'entre vous, en commençant peut-être par Me Aquin - étiez-vous au courant directement ou indirectement du va-et-vient ou du "promenage" - comme on l'a qualifié ici - au bureau du premier ministre? Je me réfère ici au 17 janvier, suivant les documents et les informations que nous avons jusqu'à maintenant, mais surtout les documents venus du bureau du premier ministre et remis à la commission parlementaire au tout début. Je mentionne, par exemple, les rencontres avec Me Jean-Roch Boivin, au bureau du premier ministre: le 4 décembre, Me Michel Jasmin; le 11 décembre, Me Rosaire Beaulé; le 3 janvier, M. Laliberté; le 12 janvier, Me Jasmin; le 15 janvier, Me Beaulé et Me Jasmin; le 16 janvier, Me Jasmin. Également, au bureau de Me Yves Gauthier, au bureau du premier ministre toujours: en octobre, M. Laferrière; le 17 octobre, Me Jasmin; le 12 novembre, Me Jasmin; le 17 janvier, Me Jasmin.

Est-ce qu'à ce moment vous étiez au courant de ce va-et-vient d'une quelconque façon, soit par quelqu'un qui aurait pu aller à ces rencontres ou par quelqu'un d'autre?

M. Aquin: Ce que je vous ai répondu hier, c'est qu'à cette époque M. Beaulé m'a dit qu'il avait rencontré Me Jean-Roch Boivin, mais il ne m'a pas spécifié quand. Il ne m'a pas dit si c'était une, deux ou trois fois. C'est à partir de cela que je vous ai raconté hier comment je voulais vérifier s'il était exact que les procureurs syndicaux avaient pu se rendre au bureau du premier ministre. C'est ma réponse. Je ne peux pas dire que je suis au courant d'un va-et-vient parce que toute la liste que vous me citez, je l'ai lue dans le journal il y a quelques semaines.

M. Saintonge: Ma question se réfère à cette époque, disons le 7 janvier, pour autant que vous puissiez vous en souvenir.

M. Aquin: On nous avait dit y avoir été mais, le nombre de fois et quand, on ne le savait pas.

M. Saintonge: Cela, c'est Me Beaulé. Est-ce que Me Jasmin vous avait fait un commentaire?

M. Aquin: Cela se pourrait. Me Beaulé, j'en suis sûr.

M. Saintonge: Est-ce que vous étiez au courant, soit par Me Beaulé d'une façon certaine ou par Me Jasmin possiblement, est-ce que l'un des deux vous a mentionné le but de leur visite au bureau du premier ministre à ce moment?

M. Aquin: Je pense qu'ils nous ont dit -Me Beaulé a été très franc - qu'ils voulaient sensibiliser le gouvernement aux dimensions sociales de cette affaire. J'aimerais mieux que vous lui posiez la question.

M. Saintonge: Me Cardinal, est-ce que, d'une façon directe ou indirecte, vous avez été au courant de ce va-et-vient ou de ce "promenage"?

M. Cardinal: M. le Président, avec beaucoup de déférence, je vais naturellement répondre à la question. Je voudrais qu'on m'exclue du va-et-vient, je n'aime pas l'expression dans mon cas.

M. Saintonge: C'est une expression qui avait été consacrée, d'une certaine façon, à la commission.

M. Cardinal: Je le sais bien. Oui, j'ai été au courant que M. Jasmin...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Laissez Me Cardinal...

M. Cardinal: ...oui, M. le Président... Le Président (M. Joiivet): À l'ordre!

M. Cardinal: ...oui, M. le Président, j'ai été...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, mais on n'entendra pas. (10 h 30)

M. Cardinal: Oui, M. le Président, j'ai été au courant à un moment donné au cours

du mois de janvier, que M. Jasmin et M. Beaulé allaient voir M. Jean-Roch Boivin.

M. Saintonge: Qui vous a mis au courant de cela?

M. Cardinal: Je pense que ce sont les deux avocats.

M. Saintonge: Les deux avocats. Est-ce qu'ils vous ont mentionné à quelles fins?

M. Cardinal: Je savais bien pourquoi. Il s'agissait de l'affaire du saccage de la Baie-James.

M. Saintonge: Mais relativement à quoi, exactement? Dans quel but?

M. Cardinal: Je ne suis pas au courant, vraiment, des conversations qu'ils avaient avec M. Jean-Roch Boivin.

M. Saintonge: Vous saviez simplement qu'il était question du saccage?

M. Cardinal: Oui.

M. Saintonge: Vous ne saviez pas si c'était pour une question de négociations ou...

M. Cardinal: Non. Vraiment, de notre côté, les avocats, nous n'avions aucun pouvoir décisionnel. On parlait de choses de droit. Si les avocats de la partie adverse allaient voir M. Jean-Roch Boivin, cela ne nous regardait pas.

M. Saintonge: D'accord. Me Jetté?

M. Jetté: Le seul souvenir que j'en ai, c'est qu'il me semble qu'au début de janvier, Me Beaulé m'avait dit qu'il avait eu des communications avec Me Gauthier. Il ne m'a jamais parlé de Jean-Roch Boivin. Je me souviens de cela parce qu'il l'appelait "Ti-Lou". Cela m'avait frappé parce que j'ignorais même, à ce moment-là, qu'il existait une personne du nom de Me Yves Gauthier qui travaillait au cabinet du premier ministre. Je ne savais même pas que le personnage existait. Alors, quand il a utilisé cette expression-là, ça m'a frappé parce que je me suis toujours dit: Je ne sais pas s'il aime ça, se faire appeler Ti-Lou. C'est pour cela que j'en garde le souvenir. Mais, au-delà de cela, vraiment pas.

M. Saintonge: Est-ce que vous étiez au courant que Me Gauthier, Ti-Lou Gauthier, comme vous l'avez mentionné, était aussi le tuteur du local 791 jusqu'en octobre - au moins jusqu'en octobre - jusqu'à son entrée au bureau du premier ministre?

M. Jetté: Je pense que ça m'avait été dit. J'ai le souvenir d'avoir su cela à peu près à cette époque, qu'il avait été tuteur du local 791. Maintenant, qui me l'avait dit, je ne me le rappelle pas.

M. Saintonge: Est-ce que relativement à cela, M. Laliberté, à quelque moment, vous a mentionné sa rencontre avec M. Boivin, à la demande de M. Boivin, au bureau du premier ministre, le 3 janvier 1979 et la teneur de cette rencontre ou du souhait exprimé par M. Boivin à cette rencontre-là? Me Aquin?

M. Aquin: La question s'adresse à moi? M. Saintonge: Oui, Me Aquin.

M. Aquin: Non, la rencontre de M. Boivin avec M. Laliberté, je l'ai apprise lors de la présente commission.

M. Saintonge: Me Cardinal?

Me Cardinal: C'est mon souvenir aussi.

M. Saintonge: Me Jetté?

M. Jetté: Je m'excuse, je n'ai pas compris...

M. Saintonge: Je me demandais si à quelconque étape des discussions ou des rencontres avec M. Laliberté, le P.-D.G. de la SEBJ, il vous a informé de sa rencontre au bureau du premier ministre, à la demande de M. Boivin, de sa rencontre avec celui-ci, le 3 janvier?

M. Jetté: Non.

M. Saintonge: Me Cardinal, j'aimerais savoir si, à votre connaissance, il y a eu des contacts directs, soit par appel téléphonique, par lettre ou par rencontre, entre vous-même ou quelqu'un de votre bureau et quelqu'un du bureau du premier ministre ou encore un contact indirect, soit par une connaissance commune ou par un autre membre de votre étude juridique - par exemple, il y a certains autres avocats qui ont travaillé dans le dossier - ou même par des défendeurs et peut-être même par quelqu'un de la SEBJ. Donc, si vous avez eu un contact direct ou indirect qui aurait pu vous mettre au courant du souhait, disons, ou du désir exprimé par le bureau du premier ministre que la cause se règle. Était-ce à votre connaissance, à ce moment-là?

M. Cardinal: II était devenu apparent assez rapidement que c'était le désir du premier ministre. Il a fait une déclaration en Chambre. Je ne me souviens plus à quelle date...

M. Saintonge: Oui, je vous situe, Me Cardinal. L'époque dont on parle se situe à la mi-janvier, vers le 17 janvier.

M. Cardinal: Le 2 février, quand j'ai rencontré M. Boivin, la veille il y avait eu l'entrevue avec le premier ministre. Est-ce qu'avant cette date...? Il faudrait que je me rappelle la déclaration du premier ministre en Chambre.

M. Saintonge: Le 20 février.

M. Cardinal: Le 20 février. Ah bon! Avant le 2 février, je ne me souviens pas vraiment si je savais que le bureau du premier ministre était intéressé à un règlement. Cela ne m'étonnerait pas que j'en aie déduit que oui, mais je ne suis pas sûr.

M. Saintonge: Je peux poser la même question à Me Aquin.

M. Aquin: J'ai déjà répondu. Nos adversaires nous l'avaient dit, nous l'avaient laissé entendre - du moins, l'espéraient -mais je ne veux pas parler pour eux. Vous les questionnerez. C'est vers le milieu ou la fin de janvier que je vois M. Gauthier, qui me répond ce que je vous ai mentionné ce matin ou hier.

M. Cardinal: II ne semblerait pas que le bureau du premier ministre ait été contre.

M. Saintonge: Non. Je n'en doute pas non plus. Me Jetté.

M. Jetté: Mon souvenir est assez imprécis. Il me semble que je savais qu'il y avait effectivement un souhait gouvernemental pour que cette affaire se règle. Maintenant, pourquoi étais-je sous cette impression? Je ne pourrais vraiment pas vous le dire. M. Michel Jasmin, que je côtoyais à la cour - on se parlait pas mal -me l'avait peut-être dit ou laissé entendre. Il me semble que c'était clair dans mon esprit, mais pourquoi, je ne m'en souviens pas de façon précise.

M. Saintonge: Maintenant, je vais passer à une période subséquente, disons la période du 18 au 26 janvier, qui a été indentifiée comme une période d'activité assez intense où on travaillait vite. Me Aquin, hier, dans son témoignage, en a parlé. Je reviens au 18 janvier, au téléphone de Me Jasmin, pour rafraîchir un peu la mémoire. Vous avez téléphoné à Me Jasmin pour lui dire qu'une offre, s'il y en avait une, devait être présentée et écrite pour le lundi 22 janvier suivant. Vous travailliez à ce moment, Me Aquin, à la rédaction d'une formule multilatérale de règlement hors cour, dans la perspective, suivant vos paroles, où il y aurait une offre et dans la perspective où il y aurait une transaction. Vous êtes souvent en contact avec Me Jasmin, avec Me Gadbois, il y a une question de nouvelles versions, etc, qui sont en plan. Ensuite, le 22, vous envoyez une lettre à la SEBJ concernant les montants que la SEBJ peut probablement vous devoir, suivant le travail effectué. Vous avez reçu aussi une lettre et une transaction de Me Jasmin et de Me Beaulé ce jour, transaction qui se chiffrait au montant de 125 000 $, tel qu'écrit par les procureurs syndicaux. Il y a également des lettres et autorisations de règlement des autres défendeurs qui sont parvenues au dossier, tout cela pour être livré à Me Gadbois, le 22, qui devait les remettre à M. Laliberté pour l'assemblée du conseil d'administration du 23.

Ma question est: Dans ce sens précis, Me Aquin, est-ce usuel, quand la cour est en audience - l'audience a commencé le 15, vous êtes en procès, vous avez un mandat simplement de recevoir des offres de règlement - que votre client vous demande de préparer une formule de transaction, une formule de règlement hors cour aussi détaillée et aussi précise que le travail qu'on vous a demandé, sans savoir effectivement si une offre pourrait survenir? En d'autres mots, est-ce ce que vous aviez compris ou si M. Laliberté a pu vous mentionner qu'il attendait effectivement une offre des syndicats, qu'une offre se préparait, puisque la marmite était ni plus ni moins en ébullition à ce moment au sujet des rencontres, etc. entre les parties? Étiez-vous en attente, ou M. Laliberté l'était-il, d'une offre réelle de règlement?

M. Aquin: II y a plusieurs aspects dans votre question. Si je reprends l'aspect qui me frappe le plus pour le moment, vous me demandez si c'est usuel d'avoir une formule de transaction aussi complète que cela? La réponse est non. Mais, d'un autre côté, il n'est pas usuel non plus d'avoir une cause de cette nature avec un conseil d'administration d'un organisme public, et cela ne m'a pas surpris, à l'époque. Pour transmettre une offre au conseil d'administration, il fallait un document de présentation qui soit assez complet. M. Laliberté avait peut-être été un peu choqué par le texte ou par une partie du texte de la proposition de Me Jasmin, celle du 16. Me Jasmin parlait de partenaire, etc. Elle évoquait des possibilités qui pouvaient quelque peu être considérées - peut-être, je pense, que ce n'était pas son intention -comme des menaces. Je comprends le cheminement de M. Laliberté, qui dit: S'ils veulent nous faire une offre, qu'ils nous la fassent dans un cadre, parce qu'il n'a pas employé le mot "transaction", qu'ils la fassent dans un texte qui soit acceptable à la SEBJ et à toutes les parties.

M. Saintonge: À ce moment, Me Aquin, il faut aussi noter que toutes les formules de règlement hors cour sont aussi préparées, je pense, peut-être pas par vous, mais par les procureurs des syndicats. Vous préparez la transaction ou la formule multilatérale, si on veut, qui va occuper toutes les parties. Cette formule étant préparée d'une façon assez précise, est-ce que vous avez été mis au courant par M. Laliberté qu'une offre devait venir des syndicats ou si, par vos contacts ou vos communications avec les procureurs des syndicats, on vous avait laissé clairement entrevoir qu'une offre vous parviendrait, qu'une négociation était en train de se faire?

M. Aquin: La réponse est oui, parce que la proposition était déjà venue. Si on oublie l'avance qui a été faite par M. Beaulé, quand on a la proposition de M. Jasmin du 16 janvier, on n'a que la proposition d'un défendeur ou de deux, et cette proposition n'est pas recevable par la SEBJ. Elle n'est pas recevable pour... Je ne veux pas parler pour eux, mais, à plusieurs points de vue, entre autres, je pense qu'elle ne correspond pas à une offre de tous les défendeurs ... pour régler avec M. Jasmin seulement.

Deuxièmement, je pense que le montant n'a pas été celui qui a été retenu au mois de mars et, en plus, il y a dans le texte de Me Jasmin des choses qui ne sont pas reconnues par la SEBJ. Je pense qu'à ce moment, quand M. Laliberté me dit de préparer les documents, ma tâche est assez simple. C'est que, lorsque je rappelle Me Jasmin, il mettra dans le document le montant qu'ils voudront nous offrir et je le transmettrai au conseil d'administration. Et, lorsque cela arrive au conseil d'administration, ou bien - je vous parle a posteriori, comme avocat - le conseil d'administration dirait oui, ou bien le conseil d'administration dirait: Commencez les négociations et obtenez un plus gros montant; mais une chose est certaine, c'est que tout le reste de la documentation, le texte de règlement hors cour, le texte de transaction, devrait être acceptable par nous. Pour être bien sûr que ce soit acceptable par nous, je prépare ces textes.

M. Saintonge: On me dit que... Est-ce que je me trompe en disant que le processus de règlement était enclenché d'une façon certaine?

M. Aquin: Je ne peux pas dire que c'est un processus de règlement. Je ne sais pas où nous en sommes à ce moment dans la phase opérationnelle. Une chose est certaine, c'est qu'on attend une offre et qu'on me demande: Quel est l'encadrement juridique acceptable pour la SEBJ?

M. Saintonge: Merci. Maintenant, Me Aquin, je voudrais vous interroger sur votre rencontre et votre appel téléphonique avec Me Gauthier, du bureau du premier ministre, le 26. Je vais mentionner le 26 janvier, mais c'est le ou vers le 26 janvier. Vous avez dit que Me Gauthier était une de vos connaissances de longue date.

M. Aquin: Depuis l'université.

M. Saintonge: Bon! À ce moment, est-ce que vous l'aviez vu dans les mois précédents? Est-ce que vous le rencontriez régulièrement ou est-ce que...

M. Aquin: Non, je ne le rencontrais pas régulièrement, mais Me Gauthier a déjà été mon client, lorsqu'il exerçait comme notaire. Je me souviens que, lorsque je suis entré chez Geoffrion et Prud'homme, notamment, je lui avais téléphoné, on s'était rencontré et je lui avais dit que je réorientais ma carrière dans ce bureau. Je le voyais et je vois Me Gauthier peut-être une fois tous les ans ou tous les deux ans. Mais je savais évidemment qu'il était au bureau du premier ministre, je ne me souviens pas depuis quand.

Or, pour un contact privé comme celui que je voulais faire pour m'assurer de la véracité de ce que mes confrères me disaient du côté syndical, j'avais décidé de l'appeler, parce que je le connaissais bien. (10 h 45)

M. Saintonge: L'aviez-vous vu tout récemment à cette époque, dans les semaines précédentes ou les mois précédents?

M. Aquin: Je ne pense pas. Si je l'avais vu, cela aurait été au printemps d'avant.

M. Saintonge: Étiez-vous au courant de son rôle de tuteur pour le local 791?

M. Aquin: Je dois vous dire qu'en janvier, je savais qu'il avait été tuteur, mais à quelle époque, ce n'était vraiment pas dans le tableau de notre conversation. Je savais qu'il avait été tuteur.

M. Saintonge: D'accord! Tantôt, je suis venu là-dessus seulement pour spécifier les discussions entre les procureurs des défendeurs et le bureau du premier ministre; vous m'avez dit que vous aviez été mis au courant par Me Beaulé sûrement ou possiblement par Me Jasmin.

M. Aquin: Comme le dit aussi Me Jetté, peut-être que Me Jasmin nous en parlait ou qu'ils étaient tous les deux ensemble.

M. Saintonge: Je notais hier que vous aviez mentionné que vous trouviez plutôt déstabilisant dans votre processus de travail

de savoir que les procureurs de la partie adverse avaient des rencontres avec le bureau du premier ministre qui, en fait, était le principal actionnaire de votre client.

M. Aquin: Les journaux ont été très frappés par le mot "déstabilisant", mais ce que je veux dire, c'est que, dans n'importe quelle cause, ce n'est pas toujours de la même façon que cela se passe, mais, en 27 ans de pratique, lorsque vous êtes dans une cause et que votre adversaire vous dit: Peut-être que tu ne le sais pas, mais, du côté de vos clients, un jour, il y aura un règlement, vous dites: Un instant, je vais vérifier, parce que c'est ce que j'appelle "déstabilisant". Alors, on nous disait qu'il est évident que nous espérions... J'aimerais autant ne pas parler pour eux. Ils nous disaient: Nous espérons qu'il y ait un voeu gouvernemental que cette cause se règle à cause de ses dimensions sociales. Toute la question des dimensions sociales dont vous avez entendu parler ici, on en entendait parler très fréquemment parce que Me Jasmin avait rencontré M. Laliberté; il avait fait un assez long exposé et il nous le refaisait pour essayer de nous convaincre; ce qui était bien sa tâche, mais on continuait la cause.

M. Saintonge: En fait, on pourrait même dire que, lorsque vous parlez de "déstabilisant" pour le client, on devrait dire: puisque les procureurs rencontraient l'actionnaire unique de votre client. C'est un peu cela.

M. Aquin: Je voulais vérifier cette information, parce que j'aime bien, lorsque je suis dans une cause et dans un processus comme celui-ci, tenir tous les tenants et les aboutissants de la situation.

M. Saintonge: Ce que je veux dire, c'est que votre client, c'était la SEBJ...

M. Aquin: Pas les morceaux qui m'échappent.

M. Saintonge: ...la société dont la province est l'actionnaire unique, en fait, dont le gouvernement est l'actionnaire unique.

M. Aquin: Je ne comprends pas votre question.

M. Saintonge: Ce que je veux dire, c'est que tantôt vous mentionniez que c'était "déstabilisant" sachant que votre adversaire est dans le bureau de votre client, en fin. de compte, c'est plutôt...

M. Aquin: Ah! vous parlez du mot "client".

M. Saintonge: C'est cela.

M. Aquin: II est bien évident que, lorsqu'on représente une corporation de la couronne - ici, on représentait la SEBJ; dans une autre affaire très importante, on représente Hydro-Québec - il est bien évident que les relations entre le gouvernement et les corporations de la couronne sont un sujet sur lequel il pourrait y avoir une avantageuse commission parlementaire et où on parlerait longtemps, mais il est sûr que le gouvernement est l'actionnaire unique de ces corporations.

M. Saintonge: Pourtant, c'est vous qui avez placé l'appel téléphonique à Me Gauthier. Là, l'échange au téléphone n'a pas duré tellement longtemps puisque Me Gauthier vous a proposé d'aller vous rencontrer chez vous. Est-ce bien cela?

M. Aquin: C'est cela. Il a dit: Je vais te voir, je passe par ton bout. C'est pour cela et je sais qu'il s'en allait avec sa femme dans un centre commercial; alors, par recoupage - parce que tout ce qu'on fait ici, c'est du recoupage - je sais que c'était un jeudi ou un vendredi, ce n'est sûrement pas une fin de semaine.

Hier, lorsque j'écoutais cette commission parlementaire en différé, à un moment, je m'aperçois que j'avais dit: II aurait pu me répondre, mais il a dit: Je vais passer chez toi. Je parle d'une conversation téléphonique. C'est vraiment un lapsus, on s'est rencontré après. Alors, il vient donc chez moi et je pense que cela a duré une demi-heure.

M. Saintonge: D'accord! Lorsqu'il vous a rencontré...

M. Aquin: Mais, vraiment, on a parlé de beaucoup d'autres choses...

M. Saintonge: Beaucoup d'autres choses, mais si...

M. Aquin: Parce que la conversation... Comme je vous le dis, il est bien important de savoir que tout ce monde ici a sa fonction et son statut. Les avocats syndicaux travaillent pour leurs clients; nous travaillons pour notre cause. Me Gauthier a ses fonctions, il est très prudent. J'ai évoqué hier ses deux réponses: Je pense qu'il y a un souhait du premier ministre - c'était très atténué - et je pense être informé - parce qu'il n'était pas là - qu'il y aurait des réticences ou des divisions au conseil d'administration de la SEBJ. Je ne dis pas ni où ni comment il a ces renseignements. Je ne veux pas aller plus loin pour ne pas le mettre mal à l'aise.

M. Saintonge: Sans vouloir insister, j'aurais une ou deux questions à vous poser là-dessus. Je me souviens que, hier, Me Gauthier vous a mentionné - c'est ce que je pense avoir compris - qu'il avait vu certains membres du bureau du premier ministre qui lui avaient rapporté des propos concernant la situation globale de la poursuite. Est-ce exact?

M. Aquin: Je me suis peut-être mal exprimé. Ce que Me Gauthier me confirme, c'est qu'il est exact que les procureurs syndicaux se sont rendus au bureau du premier ministre. Je ne pense pas qu'il me spécifie qui ils ont vu. Dans mon esprit, il devient assez clair qu'ils ont vu M. Boivin; c'est peut-être lui.

Deuxièmement, il me dit qu'il pense qu'un voeu gouvernemental s'exprimera. Je pense que c'est comme cela que je comprends sa phrase lorsqu'il dit: Je pense que le gouvernement est favorable. Je l'interprète en disant: II est favorable, mais il s'exprimera ultérieurement. Mais cela, c'est purement...

M. Saintonge: II ne vous avait pas donné l'expression du voeu?

M. Aquin: Non. Je ne sais pas si vous vous référez à une expression particulière, parce que ne suis pas censé avoir assisté à tout; ici, j'ai fait d'autres choses. Si c'est une expression particulière, c'est non.

M. Saintonge: Mais je veux me référer aux termes du voeu exprimé.

M. Aquin: C'est là qu'il me dit qu'il se peut qu'il y ait des réticences du côté du conseil d'administration. Cela répond complètement à ma question, parce que le renseignement qu'on me donne de l'autre côté est vrai. Cela me situe dans l'ensemble. J'ai eu l'occasion de travailler dans ce genre de cause où je représentais une corporation de la couronne, où l'actionnaire unique est le gouvernement; tous ces gens ne peuvent pas être tout le temps d'accord. À ce moment-là, vous vous dites que, comme avocat, votre première mission est de devenir très prudent.

M. Saintonge: Est-ce que vous avez le souvenir qu'il vous a mentionné des noms? Il y avait une division au conseil d'administration. Il n'y a pas de noms qui avaient été mentionnés?

M. Aquin: Bien sûr que non. M. Saintonge: Vous n'avez pas...

M. Aquin: Vous savez qu'on connaissait très peu les membres du conseil d'administration. M. Cardinal a parlé de membres qu'il connaissait. Moi, je connaissais M. Thibaudeau. Je me suis référé à lui hier parce que j'ai déjà plaidé devant lui comme arbitre, mais je connaissais assez peu les membres du conseil. M. Saulnier, évidemment, parce que...

M. Saintonge: Est-ce que vous avez discuté du résultat de cette rencontre avec Me Gauthier avec vos confrères de bureau, Me Jetté et Me Cardinal?

M. Aquin: Je ne penserais pas. Peut-être que j'en ai dit un mot à Me Cardinal, mais nous ne nous en sommes même pas reparlé. Je ne suis pas sûr. Pas à Me Jetté. Je ne penserais pas leur en avoir parlé. Moi, je voulais clarifier cette question dans mon esprit pour comprendre toute la situation.

M. Saintonge: Maintenant, il y a une journée importante. La journée du 2 février est une journée où il s'est quand même passé beaucoup de choses. Le 2 février, vous avez reçu l'information, Me Aquin, de Me Gadbois. Je ne sais pas si c'est vous précisément; en tout cas, le bureau de Geoffrion et Prud'homme a été informé par Me Gadbois que Me Jasmin et Me Beaulé devaient vous remettre incessamment des rapports destinés à la SEBJ, des rapports qui feraient état des difficultés de recouvrement contre les syndicats québécois et américain et qui révéleraient aussi la situation financière des syndicats québécois. L'information disait également que vous deviez recevoir la transaction que vous aviez fait parvenir aux syndicats, mais avec la correction appropriée des syndicats et une proposition.

Vous avez mentionné hier, Me Aquin, que vous assumiez que - si j'ai bien compris - Me Gadbois avait parlé à Me Jasmin ou, à tout le moins, que Me Jasmin avait parlé à Me Gadbois. Est-ce que, pour vous, c'est dans le cours normal des choses - c'est la question que je posais tantôt à Me Cardinal que le procureur adverse puisse communiquer directement avec votre client au lieu de passer, par exemple, par votre bureau ou par vous qui étiez les avocats au dossier dans le cadre d'une transaction pour régler l'affaire?

M. Aquin: Ici, ce n'est pas surprenant. Me Gadbois vient à la cour au début - je pense, je ne veux pas parler pour lui, mais il me semble qu'il vient à la cour - et quand Me Jasmin vient rencontrer M. Laliberté, Me Gadbois est là. Alors ce sont tous des membres de la même corporation professionnelle. Les lettres-rapports, ce sont vraiment des informations que la SEBJ veut.

J'ai dit hier que je pensais que c'était M. Gadbois qui avait été le truchement pour demander cela à nos confrères. M. Jasmin vous dira qui, mais ce n'est pas nous. Nous

autres, on a été informés qu'ils vont venir nous porter cela.

M. Saintonge: Je demande juste: à votre connaissance.

M. Aquin: À ma connaissance, du moins, M. Cardinal reçoit un appel téléphonique et il nous informe que les avocats s'en viennent nous porter les lettres-rapports. Il va falloir qu'ils fassent des corrections à une partie de la transaction.

M. Saintonge: Une autre question que je voudrais vous poser relativement à cela. Me Cardinal faisait allusion hier qu'il y a aussi eu des allusions antérieures, par des anciens P.-D.G. de société d'État, que cela pouvait arriver qu'il y ait des contacts entre le bureau du premier ministre et les conseils d'administration ou des gens qui siègent aux conseils d'administration. Parfois, Me Cardinal imaginait que cela pouvait être normal que des avocats d'une société d'État puisse communiquer avec le bureau du premier ministre ou des gens du bureau du premier ministre. Est-ce que c'est normal que les défendeurs, dans une action, communiquent avec le demandeur ou communiquent aussi avec l'actionnaire ou le seul actionnaire de la société d'État en question?

M. Aquin: Vous me posez une question sur laquelle va devoir se pencher cette commission lorsqu'elle fera son rapport. Maintenant, je ne suis pas ici pour rendre des jugements.

M. Saintonge: Non, ce n'est pas un jugement.

M. Aquin: Je n'ai été nommé à aucun tribunal.

M. Saintonge: Ce que je vous ai demandé, Me Aquin, c'est sur le plan professionnel.

M. Aquin: Je sais, après 27 ans de pratique, ce que vous répondraient les procureurs qui posent de tels gestes. Ils diraient que ce n'est pas une cause comme les autres, que le gouvernement que vous représentez, c'est le gouvernement de tout le monde. Nos clients aussi ont le droit de faire valoir leur point de vue. Je ne parle pas de cette cause-ci, mais j'ai déjà entendu cette version. Je ne suis pas ici pour les juger. Cela ne m'est jamais arrivé de le faire. Cela ne veut pas dire que c'est anormal de le faire. J'aimerais autant ne pas qualifier cela parce que ce n'est pas mon rôle.

M. Saintonge: Ma question, Me Aquin, était simplement sur le plan professionnel -je voudrais que ce soit clair de ce côté - si c'était usuel que les défendeurs communiquent avec l'actionnaire principal du demandeur.

M. Aquin: Le mot "usuel" est un grand mot. Je pense que M. Cardinal vous l'a dit hier, cela se fait.

M. Saintonge: Me Cardinal, hier, faisait allusion à la situation inverse, c'est-à-dire que vous communiquiez avec votre client ou l'actionnaire de votre client. Dans le cas présent, c'est l'autre partie qui communique avec l'actionnaire de votre client.

M. Aquin: Cela se fait; dans ce cas-ci, s'entend, lorsqu'il s'agit du gouvernement, parce que les gens vous diront, dans ce temps-là, qu'il s'agit de l'intérêt public, et ils veulent saisir le gouvernement de leur point de vue. Je ne suis pas là pour juger cet aspect. Je ne suis pas un tribunal déontologique de la profession. Il est sûr que, dans ce genre d'affaires, c'était au su et au vu de tout le monde, quand M. Jasmin a dit: J'aimerais rencontrer votre client pour lui faire tenir des considérations autres que financières. Ici, je ne pense pas que personne puisse critiquer cette rencontre, mais ce n'est pas usuel non plus. C'est parce qu'on est devant une société d'État. On est présent. Ce n'est pas usuel, mais ce n'est pas critiquable.

M. Saintonge: Est-ce que, de votre côté...

M. Aquin: Une fois que cette porte-là est ouverte, qu'il y ait eu un appel téléphonique ou l'autre entre le contentieux de la SEBJ et M. Jasmin, c'est possible, mais je ne peux pas répondre pour personne.

M. Saintonge: Est-ce que, de votre côté, Me Aquin, vous avez eu des communications avec les clients de Me Jasmin ou de Me Beaulé?

M. Aquin: Non.

M. Saintonge: En aucune façon.

M. Aquin: Non.

M. Saintonge: Me Cardinal?

M. Cardinal: Ah! non.

M. Saintonge: Non.

M. Cardinal: Je n'ai jamais eu de communication avec les unions.

M. Saintonge: Vous, Me Jetté?

M. Jetté: Absolument pas. (11 heures)

M. Saintonge: Le 2 février, M. Boivin a téléphoné au bureau de Geoffrion et Prud'homme. Qui a reçu l'appel de M. Boivin au bureau de Geoffrion et Prud'homme? Est-ce que c'est dans votre souvenir?

M. Aquin: Je sais qu'il nous a invités, Me Cardinal et moi, à déjeuner. Je ne pourrais pas vous dire auquel des deux il a parlé.

M. Saintonge: C'est à l'un de vous deux.

M. Aquin: Pardon?

M. Saintonge: C'est à l'un de vous deux?

M. Cardinal: C'est à l'un de nous deux.

M. Saintonge: Maintenant, l'étape suivante, vous vous êtes rendus au restaurant pour le dîner, au Piémontais, comme vous l'avez mentionné hier. Qui a pris l'initiative des discussions au lunch, à ce moment-là?

M. Aquin: Je pense que c'est dès le début du lunch que M. Boivin nous a dit que, la veille, le premier ministre avait rencontré les trois présidents, MM. Saulnier, Laliberté et Boyd.

M. Saintonge: Vous avez mentionné, Me Aquin, que Me Cardinal était déjà au courant de la rencontre de la veille du premier ministre avec les trois directeurs.

M. Aquin: M. Cardinal l'a dit aussi.

M. Saintonge: M. Cardinal, oui. Qui vous avait mis au courant de cette rencontre-là?

M. Cardinal: Vous savez, j'étais très près de la situation, naturellement, avec nos clients. Alors, quand Jean-Roch Boivin nous a annoncé cela, je le savais. Maintenant, j'ai dû le savoir probablement de André Gadbois, ou de quelqu'un de la SEBJ. J'étais trop près de la situation pour ne pas savoir qu'à un moment donné les trois P.-D.G. rencontraient le premier ministre.

M. Saintonge: Quand M. Boivin a fait allusion à la rencontre des trois P.-D.G. avec le premier ministre, est-ce que M. Boivin vous a exprimé, vous a mentionné le souhait que le premier ministre avait fait tenir aux trois P.-D.G. concernant la cause en question?

M. Cardinal: Je pense bien que c'était le but du lunch.

M. Saintonge: Bon. Dans quels termes avez-vous appris le souhait du premier ministre?

M. Cardinal: M. Jean-Roch Boivin nous a dit: Les trois P.-D.G. ont rencontré le premier ministre qui a exprimé le souhait que cette cause se règle.

M. Saintonge: Est-ce que M. Boivin a ajouté, suivant l'expression que M. Lévesque a fait tenir aux trois P.-D.G., non seulement qu'il souhaitait que la cause se règle, mais que, si la cause ne se réglait pas, lui, il la réglerait?

M. Cardinal: II n'a pas été aussi loin que cela.

M. Saintonge: Vous avez appris ultérieurement ce désir du premier ministre selon lequel, si la cause ne se réglait pas, lui, il la réglerait?

M. Cardinal: Je pense que je l'ai entendue ici, cette remarque.

M. Saintonge: Me Aquin.

M. Aquin: Si vous me permettez, M. Boivin nous a dit ce qu'on vient de vous dire. Il ne nous a pas fait état de toute la rencontre, de telle manière que, personnellement - je parle pour moi, je ne sais pas quelles sont les informations que M. Cardinal avait - j'aurais pu penser que la veille tout le monde était relativement d'accord. Je ne sais pas. Il nous a dit que le premier ministre leur avait exprimé son souhait que cela se règle et c'est tout. Donc, à ce moment-là, je fais des déductions. Je ne sais pas s'il y a eu des réticences ou non, on ne nous le dit pas.

M. Saintonge: Vous ne vous en êtes pas informé à M. Boivin, à ce moment-là? Vous avez eu, si je me souviens bien, le 26, environ une semaine avant cela, la rencontre avec Me Gauthier, du bureau du premier ministre, qui vous a fait part de certaines réticences, à tout le moins, au niveau du conseil d'administration de la société.

M. Aquin: Oui.

M. Saintonge: À ce moment-là, est-ce que vous vous êtes informé à M. Boivin si ces réticences-là étaient tombées, ou ce qu'il en était advenu, si les membres du conseil d'administration avaient accepté de bon aloi le souhait clairement exprimé du premier ministre?

M. Aquin: Non, parce que vous comprenez que la question que je me posais quand j'ai vu M. Gauthier devenait

complètement périmée. Je savais que, la veille, le premier ministre avait rencontré les trois présidents. Il n'y avait plus de... Et même, cela a été ma question. Parce que, dans les relations entre le gouvernement et les corporations de la couronne - M. Garand a écrit un article fort intéressant à ce sujet - c'est toujours très complexe. Alors, j'ai dit: Est-ce que c'est une information officieuse que tu nous transmets? Il a dit: Non, ils vont dire à leur conseil d'administration qu'ils ont eu cette rencontre-là.

M. Saintonge: Est-ce qu'au cours du lunch avec M. Boivin il a pu être question, aux fins du règlement de la cause, du montant d'argent qui pouvait être impliqué rendant possible le règlement?

Deuxièmement, est-ce qu'il a pu être discuté de la question de responsabilité des parties? Troisièmement, est-ce que Me Boivin vous avait parlé des opinions juridiques qui soutenaient l'action, pour vous, selon que vous aviez une bonne cause d'après les opinions juridiques que vous aviez fait parvenir à vos clients?

M. Aquin: Vous avez trois questions. Il n'a pas été question d'argent du tout. Je n'ai jamais parlé de quantum avec M. Boivin. Votre deuxième question était...

M. Saintonge: La responsabilité des parties.

M. Aquin: Non. M. Boivin n'était pas intéressé à cela. M. Boivin nous donnait vraiment l'impression de nous rencontrer pour nous mettre au courant de cette rencontre qu'il y avait eu la veille. Cela se situe dans un ensemble. De mon côté, en janvier, je voulais savoir ce qui se passait. La veille, ayant eu cette rencontre, M. Boivin voulait nous mettre au courant de cette rencontre. Mais il n'a pas été question du quantum, s'il y avait un règlement. Il n'a pas été question des aveux de responsabilité. Ce n'est pas le genre de M. Boivin d'entrer dans des longues discussions quant à des opinions juridiques sur la responsabilité.

M. Saintonge: II ne vous a pas demandé si vous aviez une bonne cause, comme procureurs. Il ne s'en est pas informé.

M. Aquin: Ah! cela...

M. Saintonge: Peut-être que Me Jetté, n'étant pas au lunch...

M. Aquin: II se peut qu'on le lui ait dit, mais ce n'est pas pour cela qu'il nous rencontrait. C'était pour nous communiquer l'information.

M. Saintonge: Me Cardinal, est-ce que vous avez d'autres commentaires ou d'autres renseignements là-dessus?

M. Cardinal: Non, je n'en ai pas d'autres.

M. Saintonge: Me Aquin, vous avez mentionné, hier, que M. Boivin vous avait fait part que vous deviez recevoir incessamment les rapports de Mes Jasmin et Beaulé, en fait, les rapports auxquels Me Gadbois avait fait allusion le matin même. On est toujours le 2. Me Boivin était au courant de cela. Cela vous a-t-il étonné qu'il soit au courant, d'une part? D'autre part, savez-vous qui lui avait mentionné que les procureurs syndicaux devaient vous faire parvenir des rapports? Ces rapports, je le rappelle, faisaient allusion aux difficultés financières des syndicats de rembourser de même qu'à l'état financier de ceux-ci.

M. Aquin: Même aujourd'hui, je ne le sais pas. J'ai une hypothèse. Est-ce à la rencontre de la veille ou à la suite de cette rencontre que des gens ont dit que des rapports seraient envoyés? Je l'ignore complètement. On nous a dit qu'il y avait eu une rencontre la veille et que des rapports nous seraient acheminés par les procureurs des syndicats. C'est vraiment tout ce que je sais.

M. Saintonge: Vous n'avez pas su d'où M. Boivin tenait cette information? Il ne vous l'a pas mentionné.

M. Aquin: Non.

M. Saintonge: Me Cardinal, n'avez-vous pas de souvenir à ce sujet?

M. Cardinal: D'après mon souvenir, c'est M. Saulnier qui voulait avoir ce rapport.

M. Saintonge: Que Me Boivin sache qu'il s'en venait...

M. Cardinal: Je ne me souviens pas, à ce moment-là, que M. Boivin l'ait su.

M. Saintonge: Me Boivin ne vous a pas dit non plus que, la même journée, il avait pu rencontrer Mes Beaulé et Jasmin ou qu'il devait les rencontrer dans la journée?

M. Aquin: Non.

M. Saintonge: En fait, je fais allusion au fait que, le 2 février, d'après la liste des rencontres au bureau du premier ministre, qui nous a été remise par le bureau du premier ministre, Mes Beaulé et Jasmin sont mentionnés au registre comme ayant effectué

une visite à Me Boivin.

M. Cardinal: Avant ou après le lunch?

M. Saintonge: Je n'ai aucune idée. Les heures ne sont pas indiquées. Me Jasmin, n'étant pas venu, nous ne le savons pas.

M. Aquin: Je suis sûr qu'il ne nous parle pas de cela.

M. Saintonge: Quant à la durée du lunch, en gros, est-ce que cela a été assez long? Pendant combien de temps avez-vous parlé, durant ce lunch, à propos du règlement de la cause ou des possibilités? Est-ce que vous avez un souvenir là-dessus?

M. Aquin: Je dois dire que, pris comme on l'était durant ce mois - parce qu'on avait aussi d'autres causes à s'occuper - cela n'a...

M. Saintonge: Oui, je suis d'accord. Me Aquin, ce que je veux spécifier ici...

M. Aquin: ...sûrement pas été un lunch d'une...

M. Saintonge: Ce que je veux vous dire, la question est bien simple. Vous nous avez mentionné tantôt...

M. Aquin: Oui, oui.

M. Saintonge: ...quand j'ai parlé des formules de transaction que vous deviez préparer, que cela n'était peut-être pas usuel - j'ai employé le mot "usuel" - ou normal que vous le fassiez comme cela pour toutes les causes. Mais ce n'est pas tous les jours que vous avez une cause de cette envergure, de 32 000 000 $, avec un tel impact. C'est pourquoi je me demandais si vous pouviez avoir le souvenir de cela également, puisque c'est dans le cadre de la même cause, avec quand même, d'une façon assez exceptionnelle, des rencontres avec M. Boivin. Est-ce que vous avez un souvenir de la durée de l'échange?

M. Aquin: Par déduction, si je me souviens de mon emploi du temps à cette période. Je dirigeais le contentieux et j'étais pris dans une cause fort considérable, je supervisais le travail du bureau; nous représentions la RIO devant la commission Malouf. Par déduction, je ne pense pas que j'aie pu être à un lunch plus qu'une heure et demie ou une heure et 45 minutes.

M. Cardinal: Si vous me permettez, M. le Président, je ne m'en souviens pas moi non plus, mais j'ai une autre logique que Me Aquin. C'est rare que mes lunchs dans les restaurants italiens soient courts.

M. Saintonge: D'accord. La même journée, le 2 février, Me Jasmin s'est rendu à vos bureaux; c'était toujours à la suggestion de Me Gadbois suivant ce que Me Aquin nous avait mentionné. Me Jasmin vient discuter avec vous de la question de la formule de transaction - c'est bien cela - et de la possibilité de la présentation d'une nouvelle offre qui devait être prête pour le 5 qui s'en venait rapidement. Me Jasmin est allé à votre bureau, cette journée-là. Vous a-t-il parlé de ses rencontres ou d'une rencontre possible avec Me Boivin concernant le règlement de la cause? Nous sommes le 2, je vous le rappelle, le lendemain de la rencontre avec le premier ministre et les trois P.-D.G. Me Jasmin vous a-t-il fait allusion à quelque chose de ce côté?

M. Aquin: Non.

M. Saintonge: Et Me Cardinal?

M. Cardinal: Je ne pense pas.

M. Saintonge: Me Aquin, avez-vous dit à ce moment que vous aviez rencontré de votre côté, comme procureur de la SEBJ, la contrepartie puisque Me Jasmin ou Me Beaulé vous avait fait part de ces rencontres avec le bureau du premier ministre? Avez-vous fait part à Me Jasmin, pour restabiliser la situation, si vous voulez, que vous aviez rencontré, vous aussi, les gens du bureau du premier ministre?

M. Aquin: Non pas du bureau, que j'avais rencontré Me Boivin le midi.

M. Saintonge: Les gens du bureau du premier ministre.

M. Aquin: J'en serais bien surpris. Je ne suis pas aussi extroverti que cela.

M. Saintonge: Le 5 février, vous avez reçu à vos bureaux les lettres contenant le rapport de Me Jasmin et de Me Beaulé sur l'état des finances des syndicats et leur possibilité de payer les jugements éventuellement. Vous avez reçu également la transaction, je crois que c'était une transaction pour les deux procureurs. Est-ce exact? Vous avez un bon souvenir sur cela.

M. Aquin: D'habitude, ils avaient toujours chacun leur document.

M. Saintonge: De toute façon, disons que vous avez au moins un document identique pour les deux.

M. Aquin: Oui, ils ont le même document, mais, d'habitude, ils ont chacun leur document.

M. Saintonge: Me Jasmin vous faisait alors allusion à des difficultés qu'il rencontrait avec Me Beaulé concernant la question du règlement. Est-ce que vous connaissez la teneur de ces difficultés? Vous avez mentionné cela hier

M. Aquin: II faut bien se souvenir. D'ailleurs, la formule de transaction reflète bien la réalité. Chacun continue un peu de dire ce qu'il disait pendant le procès, mais chacun a une chose en commun, c'est qu'il termine la cause. Eux représentaient des positions assez divergentes devant la cour. Me Beaulé se préparait à prouver que c'était la faute des syndicats québécois et que ce n'était pas la faute du syndicat américain. Me Jasmin, j'imagine - je ne veux pas parler pour lui, mais, dans une transaction - devait lui dire que ses clients étaient plus riches que les siens; on sentait très bien qu'il y avait un peu de friction entre les deux. Je pense bien que Me Jetté aussi pourrait s'exprimer sur cela. Nous, de bonne guerre, on n'était pas là pour aplanir les difficultés entre nos adversaires.

M. Saintonge: Je n'en doute pas. Il y a quelqu'un d'autre, je pense, qui se chargeait de toute façon de cela.

M. Aquin: On ne fera pas le travail de la commission, on va vous laisser faire vos travaux.

M. Saintonge: Me Aquin, le fait qui m'intrigue ici, c'est la transaction que vous aviez fait parvenir à Me Jasmin et Me Beaulé, la formule précédente. Il y a 125 000 $ d'inscrits, si je me souviens bien.

M. Aquin: Je pense que je l'avais de nouveau laissé en blanc parce que je ne mettais jamais les chiffres. S'il y a un chiffre, c'est une erreur. (11 h 15)

M. Saintonge: Mais à tout le moins, si c'était...... C'est-à-dire que vous...

M. Aquin: À un moment, j'ai demandé de corriger, mais les chiffres ne sont jamais venus de nous.

M. Saintonge: D'accord. Je suis d'accord avec vous. Ce que je veux mentionner, c'est que, lors de la réunion, la formule précédente avait été remise au conseil d'administration de la SEBJ pour la réunion du 23 janvier. Il y avait là une proposition pour un règlement pécuniaire de 125 000 $. Le 5 février, il y a une nouvelle formule que Me Jasmin vous fait parvenir, qui revient à zéro.

M. Aquin: Oui, il laisse le montant en blanc.

M. Saintonge: Le montant en blanc, et il s'en va au conseil d'administration le montant en blanc. C'est bien exact?

M. Aquin: Là, on est en train de transmettre au conseil d'administration... Je ne veux pas me tromper, vous comprenez que ce n'est pas une affaire facile quand on entre dans la marche du document. Mais, si je ne me trompe pas, je pense bien qu'on a d'abord acheminé tous les documents au conseil d'administration et que cela comprend l'offre de 125 000 $.

Ce qui nous revient, dans un premier temps, c'est qu'on demande des lettres-rapports et qu'ensuite on nous a dit qu'il va falloir que le texte soit modifié parce qu'il y a des parties qui sont jugées offensantes. On voit Me Jasmin, on lui dit quelles sont les parties que l'on juge offensantes. Il refait un texte - vous en avez quelques-uns que vous avez vus hier - et il nous remet le texte. Le mandat que nous avons à ce moment est de rafistoler encore une fois ce texte pour qu'il soit acceptable à tout le monde.

La question d'argent n'est pas dans l'air encore. On nous demande que cela soit corrigé par la partie adverse, si je comprends bien, pour que le conseil d'administration puisse ensuite continuer d'étudier la question. C'est là que Me Jasmin laisse soudainement le montant en blanc et, de la façon que je le vois, je considère cela comme étant chez lui une technique de négociation. Après avoir parlé de 125 000 $, il s'en va à 1 $ et dit: C'est une question purement sociale et j'aime autant ne pas m'engager sur un chiffre; nous, on le transmet à Me Gadbois.

M. Saintonge: Vous n'avez pas eu la réaction du conseil d'administration là-dessus, en contrepartie?

M. Aquin: II y a un conseil d'administration le 6 février et c'est là qu'on a le mandat du 7 février qui est à la page 107, où on nous dit, page 107...

M. Saintonge: Vous avez le mandat d'explorer la possibilité d'un règlement hors cour. C'est cela?

M. Aquin: C'est cela.

M. Saintonge: Dans le fond, vous n'avez pas eu le feed-back ou la réaction du conseil d'administration vu que l'offre était tombée à zéro?

M. Aquin: Non, on n'a pas de réaction du conseil d'administration, mais je pense que la réaction de Me Gadbois avait été de ne pas prendre cette manoeuvre très au sérieux et de considérer que les documents

qu'on avait pour les 125 000 $ étaient toujours la position syndicale.

M. Saintonge: D'accord. Maintenant, si je reprends, le 6 février, à la réunion du conseil d'administration, vous avez le mandat d'explorer les avenues d'un règlement. Vous entrez donc dans le dossier de plain-pied pour la négociation. Le 7 février, vous recevez le mandat écrit et, également le 7 février, vous avez des rencontres à vos bureaux avec Me Jasmin et avec Me Beaulé. Me Cardinal, à ce moment, si j'interprète bien ou si j'ai bien compris les paroles de Me Aquin hier, vous avez rencontré Me Jasmin. Vous avez négocié, le 7 février, avec Me Jasmin. Quelle était la teneur de votre négociation, à ce moment, au niveau du règlement hors cour du dossier? De quelle façon le processus de règlement s'est-il enclenché au niveau financier?

M. Cardinal: Je n'ai pas la lettre de notre mandat, mais je pense que je n'en ai pas besoin. C'est qu'on nous demandait que tous les...

M. Saintonge: Je peux vous le confirmer ici: "Je vous confirme, par la présente lettre, le mandat dont je vous ai fait part de façon verbale hier après-midi à l'effet que le conseil d'administration demande que vous exploriez auprès des procureurs des défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour de la cause ci-haut mentionnée sur la base d'une reconnaissance par tous (souligné, t-o-u-s) les organismes qui sont défendeurs dans cette cause de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à la Société d'énergie de la Baie James d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes défendeurs soient réglées préalablement."

Dans le cadre du texte du mandat, vos négociations avec Me Jasmin ont donné quoi, tant au point de vue de la reconnaissance de la responsabilité qu'au point de vue du montant d'argent représentant une somme acceptable? Est-ce qu'on vous avait fixé, à ce moment-là, au conseil d'administration, la somme acceptable? Qu'est-ce que le conseil d'administration pouvait entendre par somme acceptable? Est-ce qu'on en revient aux 900 000 $ auxquels Me Aquin faisait allusion un peu plus tôt ce matin?

M. Cardinal: D'après mes notes, on nous demandait que les défendeurs paient tous les honoraires payés et à être payés par la Société d'énergie de la Baie James. Alors, le montant de 900 000 $ a du bon sens. Quant aux admissions de responsabilité, j'en ai certainement discuté avec Me Jasmin et, un peu plus tard, je pense que l'offre a été montée de 125 000 $ à 175 000 $, de mémoire. C'était probablement à la suite des négociations que j'avais eues avec lui.

Naturellement, Me Jasmin était toujours étonné de cette demande de la Société d'énergie de la Baie James, parce que tout le monde savait que les Américains n'admettraient jamais leur responsabilité.

M. Saintonge: Au point de vue du montant d'argent, puisqu'on en était venu à 125 000 $ et qu'on en était venu à 0, Me Jasmin avait parlé de 1 $, à ce moment-là, à la réunion du 7 février, à votre connaissance, est-ce que Me Jasmin a convenu d'un montant d'argent?

M. Cardinal: Non, mais je pense que c'est à la suite de cela que l'offre qu'on a eue, un peu plus tard, de 175 000 $ est arrivée.

M. Saintonge: D'accord. Me Aquin, vous avez eu des discussions avec Me Beaulé. Si je me souviens bien, vous avez fait allusion au fait que Me Beaulé voulait s'en tenir aux 125 000 $. Dans sa lettre du 22 janvier 1979, que nous avons ici au cahier, Me Beaulé mentionnait au paragraphe 1: "Eu égard aux sommes considérables que ma cliente a dû payer, il serait irréaliste de penser que l'indemnité forfaitaire de 125 000 $ payable à la Société d'énergie de la Baie James puisse être augmentée." Dans le cadre de vos discussions, vous avez proposé 400 000 $, je pense, à Me Beaulé; est-ce bien cela?

M. Aquin: On a parlé de 500 000 $ et on a parlé de plus, au début, mais la conversation avec Me Beaulé, si mon souvenir est bon, a eu lieu en même temps que la conversation de Me Cardinal avec Me Jasmin. C'est-à-dire qu'on les a fait venir au confessionnal tous les deux, mais on les a vus séparément. Là, on a essayé d'aller le plus loin possible. Je pense que mes premières discussions avec Me Beaulé - mais moi, je n'avais pas le mandat de régler, j'avais le mandat de négocier, alors j'étais tout de même très prudent - ont été sûrement aux alentours de 1 000 000 $. Sa réaction a été de me dire que c'était totalement impossible parce que lui avait un principe fondamental, me disait-il, auquel il tenait, c'est qu'il ne paierait jamais plus que les syndicats québécois et je pense qu'il était de commune renommée, mais je ne veux pas m'avancer, que les syndicats québécois n'avaient pas cette somme-là. Ensuite, il y avait aussi cette autre proposition chez lui - il en avait déjà parlé - qu'il "matcherait", comme on le disait tout à l'heure - je cherche encore le mot - jusqu'à 250 000 $. Ensuite, il était revenu sur cela, et il disait que la moitié de 125 000 $, c'était déjà trop pour ses clients,

étant donné toutes les sommes qu'ils avaient déboursées dans cette affaire-là. Alors là, sans abandonner rien, parce que ce n'était pas ma mission, j'ai commencé à essayer de revenir à 500 000 $, soit chacun 250 000 $. Alors, Me Beaulé m'argumentait deux choses: que, selon lui, Me Jasmin n'aurait pas cet argent pour ses syndicats québécois et que, s'il avait déjà parlé de 250 000 $, c'était à nous d'accepter au début de janvier; vu qu'on était rendu à la fin de février, au milieu de février, ses clients avaient avancé d'autres sommes et avaient engagé des enquêteurs. Vous connaissez, je pense bien, le langage des avocats en pareille matière. Il est devenu impossible d'aller plus loin.

Quant à l'aveu du syndicat américain, j'ai poussé très fort sur cette question. Il me semble que je l'avais légèrement ébranlé, mais cela m'étonnerait. Vous le verrez vous-même, il est assez ferme. Mais concernant l'aveu, je pense qu'il m'avait fait valoir... Cela, j'en étais convaincu intérieurement. Je ne l'ai jamais dit à l'époque, pour ne pas réconforter mes adversaires, mais j'étais vraiment convaincu, je ne pensais pas que ce soit possible qu'un syndicat international de l'ampleur de l'International Union laisse passer dans une cour d'un autre pays un aveu de responsabilité dans une affaire comme celle-là. Ce n'est pas dans la technique de ces syndicats.

M. Saintonge: Donc, les négociations...

M. Aquin: Cela s'est donc clôturé de cette façon. Je me souviens que M. Cardinal et moi avions eu un échange après cette rencontre pour nous faire part de tout ce qui s'était passé. Après, M. Cardinal fera lui-même le compte rendu du 12 février, parce que là, cela bouge.

M. Saintonge: D'accord. Le point fondamental d'achoppement de cette journée du 7 février...

M. Aquin: Un instant, si vous me permettez. Peut-être que les rencontres musclées qu'on avait eues la veille avaient porté fruit, parce que, si je ne me trompe, c'est le lendemain, à un certain moment, que MM. Jasmin et Beaulé nous parlent de passer de 125 000 $ à 175 000 $.

M. Saintonge: Le point d'achoppement majeur - comme vous l'avez mentionné tantôt - c'était la question de l'aveu de responsabilité du syndicat américain. Cela, c'était le 7 février. Maintenant, le 8 février, vous mentionnez avoir reçu un appel téléphonique de M. Jean-Roch Boivin, du cabinet du premier ministre Lévesque. Est-ce que cela vous a surpris, d'abord, que Me Boivin vous téléphone à ce moment-là en vous disant que cela semblait achopper sur la question de l'aveu de responsabilité et qu'il ait été au courant de cela lorsqu'il vous a téléphoné?

M. Aquin: On ne peut pas dire que j'ai été vraiment surpris, parce que, depuis qu'il nous avait invités au lunch le 2 février pour nous dire que le premier ministre était intéressé à ce qu'il y ait une issue dans la voie d'un règlement dans cette affaire, je pouvais assumer qu'il voulait tout de même suivre l'opération. Je ne veux pas parler pour le conseil d'administration de la SEBJ, mais il est sûr que, si le conseil d'administration de la SEBJ avait tenu à cette thèse de l'aveu du syndicat américain, mon impression personnelle est que cela aurait achoppé pour vrai. Lui, en suivant l'affaire, cela ne me surprend pas, à l'époque, que - je pense qu'il la suit, puisqu'il nous a appelés le 2 février pour "luncher", pour nous dire ce qu'il nous avait dit - le 8 février, il ait téléphoné au bureau pour me dire: Est-ce que c'est bien vrai que le conseil d'administration demande l'aveu du syndicat américain? Ce à quoi je réponds oui. Cela ne me surprend pas, parce que - si vous voulez mon impression personnelle - je suis très surpris quand le conseil d'administration demande cette chose, parce que je sais que c'était un point tournant...

M. Saintonge: Dans le processus de négociation, jusqu'alors de toute façon, les négociations que vous aviez eues, vous, dans votre mandat de faire la formule de transaction ou de règlement hors cour, il était clair que certains syndicats n'admettaient pas leur responsabilité.

M. Aquin: C'est cela.

M. Saintonge: Bon! Maintenant, la réaction...

M. Aquin: Que cela arrive soudainement en février, cela m'a surpris.

M. Saintonge: Vous n'avez pas su...

M. Aquin: J'imagine que M. Boivin était surpris de son côté. Il m'appelle pour me demander si c'est exact; je lui réponds que oui.

M. Saintonge: Vous n'avez pas su qui avait informé Me Boivin de cela?

M. Aquin: Non.

M. Saintonge: Est-ce qu'il vous a fait part de sa réaction et est-ce qu'il vous a fait part, par exemple, de ce qu'il avait l'intention de faire à ce sujet?

M. Aquin: Pas du tout.

M. Saintonge: Pas du tout.

M. Aquin: Je pense qu'il voulait confirmer si c'était exact que c'était à la demande du conseil d'administration.

M. Saintonge: Cela a été la seule question en cause dans cette conversation téléphonique?

M. Aquin: Oui, c'était un appel téléphonique très court. Si je ne me trompe, c'était le même jour... Comme je vous le dis, j'ai moi aussi été surpris, parce que je me disais: Est-ce que le conseil d'administration a soudainement décidé d'arrêter... En nous donnant un mandat, est-ce qu'il nous a mis dans une position où il n'y aura jamais de négociation? J'étais aussi surpris. J'ai téléphoné à M. Gadbois pour lui dire: Est-ce que c'est bien sûr que c'est une condition sine qua non? C'est là que M. Gadbois m'a dit qu'il pensait bien que cela pouvait être vu.

M. Saintonge: Est-ce que vous aviez parlé à Me Cardinal, à ce moment-là, de la conversation téléphonique que vous aviez eue avec Me Boivin? (11 h 30)

M. Aquin: Je suis sûr que Me Cardinal n'était pas là de la journée.

M. Cardinal: C'est marqué dans mes notes: Absent.

M. Saintonge: Me Cardinal, si je me souviens bien, le lendemain du 8, on arrive au 9 et, le 9, vous avez fait une visite au bureau de Me Boivin. Cette visite, est-ce que c'était à la suite d'une conversation téléphonique avec Me Boivin ou si c'était vous, proprio motu, qui étiez allé au bureau de Me Boivin?

M. Cardinal: Je pense que le 9, c'était un vendredi. Le vendredi, je savais que...

M. Saintonge: Je vais vous confirmer cela. C'est cela.

M. Cardinal: Je me suis rendu à HydroQuébec. Là, j'ai fait comme je le fais souvent, j'ai été voir Jean-Roch Boivin à son bureau car il est là le lundi et le vendredi. Ce n'est pas à sa demande que je suis allé le voir.

M. Saintonge: Est-ce que vous avez discuté de la question, du même problème? Est-ce que Me Boivin a fait allusion, à ce moment, au même problème que celui qu'il avait discuté la veille avec votre associé, Me Aquin?

M. Cardinal: Je ne m'en souviens pas.

C'est sûrement possible.

M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas si vous avez parlé des procédures, ni aucunement des...

M. Cardinal: Je ne me souviens pas, d'ailleurs, avoir été là le 9. Je tiens pour acquis que j'y étais parce que c'était dans les registres du premier ministre.

M. Saintonge: D'accord. Dernière chose, il y a eu une assemblée subséquente du conseil d'administration où vous avez eu le mandat de régler le dossier de façon finale. L'offre qui était en place en date du 7...

M. Cardinal: ...on écoutait, on explorait...

M. Saintonge: ...c'est cela, exactement. Là, vous étiez rendu à la dernière étape, le 12, je pense, de régler définitivement. Le règlement est intervenu au montant de 200 000 $ pour la société et 100 000 $ pour les assureurs. C'est bien cela?

M. Cardinal: C'est cela.

M. Saintonge: Est-ce que c'est une proposition qui vous est venue directement des syndicats ou si c'est une proposition que vous avez avancée vous-même ou que vous avez préparée vous-même avec les procureurs des syndicats?

M. Cardinal: C'est au cours des négociations. Naturellement, j'avais le mandat de négocier. Je savais dans quel ordre de grandeur je négociais. Ils sont partis de 175 000 $ et ils se sont rendus à 300 000 $.

M. Saintonge: D'accord.

M. Aquin: Si vous me le permettez, on a sauté une petite étape parce que, quand on a notre mandat du 7, on rencontre MM. Jasmin et Beaulé. Le lendemain, ils passent de 125 000 $ à 175 000 $. Ensuite, le vendredi, j'en ai parlé hier, il y a encore une rencontre Cardinal-Jasmin-Beaulé. Le 12, on fait rapport de cette ronde de négociations. C'est une lettre clef pour nous. Cela se termine en disant: "Auriez-vous l'obligeance de nous donner des nouvelles instructions?"

Mon souvenir, c'est qu'on entre dans une grande pause. En regardant la facturation que vous avez en main, vous allez vous apercevoir que, pour ma part, cette semaine-là, les 13, 14, 15, 16, j'ai une heure de facturation.

M. Saintonge: Vous étiez en vacances, à ce moment.

M. Aquin: Non, je pars le 16. M. Saintonge: Ah! le 16!

M. Aquin: Durant les quatre jours avant mon départ, je pense que vous avez une heure de facturation. Là, on attend.

M. Cardinal: Le 20 février, on rencontre les membres du conseil d'administration, M. Jetté et moi.

M. Saintonge: Pour la discussion des opinions.

M. Cardinal: C'est cela.

M. Saintonge: Me Jetté, le 20, lorsque vous avez discuté avec le conseil d'administration des opinions. Hier, justement, on a fait allusion au fait que vous aviez toujours le sentiment que vous aviez une bonne cause. Vous avez démontré hier, vous m'avez convaincu que vous aviez une bonne cause. Votre perception, au niveau du conseil d'administration... Je pense que vous avez eu une période de questions. Vous avez donné de l'information et vous avez eu des questions du conseil d'administration. Est-ce que les gens du conseil d'administration, si je fais l'évolution un peu globale, vous les aviez rencontrés au mois de janvier, soit le 9 janvier?

M. Cardinal: C'est exact.

M. Saintonge: Le 9 janvier, le conseil d'administration avait convenu unanimement de continuer les procédures telles qu'intentées. On peut assumer qu'ils étaient quand même assez convaincus que la cause était bonne, puisque c'était une rencontre avec les procureurs pour donner de l'information et ils ont continué les procédures. Qu'est-ce qui a fait que le conseil d'administration a pu changer d'idée? Est-ce que vous savez, est-ce que vous avez un indice quelconque ou est-ce qu'on vous a rapporté quelque chose à ce moment?

M. Jetté: Absolument pas. Je n'avais aucune indication de l'évolution au sein du conseil. On répondait aux questions. Ce ne sont pas des gens très extrovertis. On a répondu aux questions et, quand cela a été fini, on nous a dit: Merci beaucoup, et on s'est retiré.

M. Cardinal: De par la nature des questions qui nous ont été posées, mon souvenir est que, moi, j'en ai conclu que tout le monde n'était pas du même avis.

M. Saintonge: Même à la dernière rencontre du 20?

M. Cardinal: Non.

M. Saintonge: Est-ce que vous avez pu dire quelque chose qui ait pu les faire changer d'avis, vous pensez?

M. Cardinal: Non, je ne crois pas que ce soient vraiment les réponses qu'on a données. Tout le monde explorait. Tous les membres du conseil d'administration exploraient l'idée de régler ou de ne pas régler.

M. Saintonge: Ils étaient satisfaits des réponses que vous leur avez données?

M. Jetté: Je l'espère, en tout cas.

M. Saintonge: En tout cas, ils ne vous ont pas mentionné qu'ils n'étaient pas satisfaits? Ils semblaient, d'après...

M. Jetté: Ils ont peut-être été très polis.

M. Saintonge: Ils ont terminé leurs questions?

M. Jetté: Peut-être qu'ils n'étaient pas satisfaits et qu'ils ne nous l'ont pas dit. Je ne le sais pas. On a fait de notre mieux pour répondre à leurs questions.

M. Cardinal: Je me souviens que M. Saulnier m'a demandé encore: Gaspé Copper?

M. Saintonge: Gaspé Copper! Ma dernière question, Me Cardinal. Je ne veux pas insister plus que cela, mais, au sujet de la rencontre du 9 février avec M. Boivin, la première que vous avez eue, est-ce que, à votre connaissance, quelqu'un était présent à cette rencontre, outre M. Boivin?

M. Cardinal: Comme je vous l'ai dit, je ne me souviens pas de cette rencontre-là.

M. Saintonge: Pas la dernière, la précédente.

M. Cardinal: Le 9?

M. Saintonge: Le 9, la première que vous avez eue.

M. Cardinal: C'est de celle-là que je ne me souviens pas. J'ai dit que, certainement, elle avait dû avoir lieu, parce que j'étais là, cette journée-là.

M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas si quelqu'un d'autre a pu être présent à cette rencontre-là ou qui l'avait convoquée? Non plus?

M. Cardinal: Certainement que ce

n'était pas M. Boivin qui l'avait convoquée.

M. Saintonge: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, hier, en particulier, et un petit peu ce matin, les députés libéraux qui siègent à cette commission ont feint de s'étonner que le président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, après le mois d'octore 1978, M. Laliberté, ait, à un certain moment - je crois que c'est en janvier -demandé aux procureurs de la société d'explorer et de soumettre des notes sur ce que la société devrait exiger dans l'hypothèse où un règlement hors cour surviendrait. Ils ont indiqué qu'ils trouvaient peut-être un peu anormal que, n'ayant pas de décision ferme de la part d'un conseil d'administration, les cadres supérieurs d'une entreprise - que ce soit une entreprise d'État ou une entreprise privée, peu importe - prennent l'initiative de faire de l'exploration comme cela. Il me semble que, lorsqu'on nomme des officiers supérieurs, des cadres, dans une entreprise, la première qualité qu'on exige d'eux, c'est qu'ils aient un certain sens de l'anticipation des problèmes et qu'ils fassent, pour le conseil d'administration, les travaux d'exploration nécessaires, afin de permettre à ce dernier de se prononcer en ayant devant lui tous les aspects, tous les considérants qui peuvent être soulevés à l'occasion de l'examen d'une question.

Et il me semble qu'au contraire, s'il y a un reproche qu'on pourrait adresser à des cadres et surtout à des officiers supérieurs d'une entreprise comme celle-là, ce serait d'attendre que le conseil d'administration leur donne en détail les mandats avant de commencer à réfléchir sur les problèmes et de chercher les solutions qui, finalement, pourraient permettre de régler ces problèmes. Alors, il me semble que c'est un peu ce que les dirigeants supérieurs de la Société d'énergie de la Baie James ont fait à l'époque. D'autant plus que - en particulier, dans le témoignage de M. Saulnier et d'autres membres du conseil d'administration que nous avons entendus au cours des jours d'audition précédents - il a été clairement établi que l'hypothèse d'un règlement hors cour était déjà soulevée parmi les membres du conseil d'administration eux-mêmes et qu'ils en avaient même discuté à l'occasion de certaines réunions, même s'ils n'avaient pas pris de décision formelle à ce sujet, ce qui explique que cela n'apparaissait pas dans les extraits des procès-verbaux qu'on nous a remis des travaux du conseil d'administration de la SEBJ. Dans un tel contexte, M. le Président, il me semble que, au contraire, si les dirigeants, les cadres supérieurs de la Société d'énergie de la Baie James avaient attendu, avant de se poser des questions, que le conseil d'administration adopte des résolutions formelles, c'est là qu'on aurait pu leur faire un reproche. On ne peut leur reprocher d'avoir anticipé les questions qu'on pourrait leur poser au conseil d'administration et de chercher à trouver les réponses afin d'être en mesure de donner à ce conseil d'administration tout l'éclairage dont il avait besoin pour prendre une décision qui serait la plus appropriée dans le contexte.

Pour en revenir maintenant aux témoignages des procureurs qui sont présentement devant nous, tout à l'heure, Me Aquin a dit qu'on faisait beaucoup de recoupage à cette commission. Je voudrais ajouter, Me Aquin, que, si vous aviez assisté à cette commission depuis le début, vous vous seriez également rendu compte que non seulement on fait du recoupage, mais qu'on a tenté de faire beaucoup de preuves par association. Pas toujours avec beaucoup de bonheur quant à nos vis-à-vis cependant.

J'ai une question à vous poser concernant les documents que vous nous avez soumis, en particulier le document intitulé: "Correspondance du cabinet Geoffrion et Prud'homme et projet de déclaration de transaction" dans l'instance SEBJ vs Duhamel et autres. À la page 6 - je me réfère à la lettre du 18 janvier où vous nous indiquez qu'il vous avait été demandé de préparer une formule de transaction - vous faites référence à une rencontre qui réunissait le président de la Société d'énergie de la Baie James, Mes Michel Jasmin, François Aquin et Gadbois et vous indiquez qu'il vous avait été demandé de préparer une formule de transaction dans le cas où le conseil d'administration de la société déciderait de donner suite à l'offre de négociation.

Dans ce premier jet de ce qui deviendra, avec les transformations subséquentes, l'entente définitive qui sera signée éventuellement, vous nous indiquez, en particulier à la page 9, un paragraphe 4 qu'on ne retrouve pas dans le document final, mais qui dit ceci: "Advenant une condamnation contre les syndicats québécois poursuivis dans le dossier, les salariés de la construction se joindraient à d'autres syndicats ou en formeraient de nouveaux, rendant ainsi improbable l'exécution du jugement."

Pourriez-vous préciser ce que vous vouliez dire par ce paragraphe qui était inscrit dans le premier projet de transaction que vous avez préparé et qu'on ne retrouve pas dans le document définitif, mais qui, quand même, semble refléter, à ce moment-là - en tout cas, de la façon que je le comprends et vous me corrigerez si je me

trompe - un doute sérieux, non pas quant à la possibilité d'obtenir un jugement, mais quant à la possibilité de le faire exécuter une fois le jugement obtenu?

M. Aquin: Je suis heureux que vous me posiez cette question. Au cas où il resterait une ambiguïté sur cette partie, ce n'est pas moi qui ai fait la première partie de la déclaration. Je reprends, mot à mot, le texte de Me Jasmin. Ne voulant pas parler pour lui...

M. Rodrigue: D'accord.

M. Aquin: ...je reprends son texte. Les modifications que j'apporte à son texte sont absolument mineures et n'ont pour but que de faire cadrer son texte dans un texte d'ensemble. Ce que j'enlève n'a vraiment aucune importance.

Cet argument vient de Me Jasmin.

M. Rodrigue: Il vient de Me Jasmin.

M. Aquin: C'est un argument que Me Jasmin a fait valoir à l'époque. Il l'a fait valoir aussi à M. Laliberté dans le cas d'une condamnation contre les syndicats québécois. Je pense, qu'un témoin a déjà évoqué devant vous les conflits qui existent dans la construction. Me Jasmin fait valoir à la SEBJ qu'à ce moment-là les gens se joindraient à d'autres syndicats ou se dissoudraient et que la SEBJ ne pourrait pas continuer sa poursuite d'exécution contre le conseil provincial ou le local 791.

M. Rodrigue: À supposer que... (11 h 45)

M. Aquin: Ce pourquoi la SEBJ, je pense, nous demande par la suite d'enlever ce paragraphe, c'est qu'elle y sent une menace ou une façon un peu robuste de discuter de la situation. C'est ainsi que le paragraphe disparaît.

M. Rodrigue: Est-ce un peu à cela qu'on faisait référence, dans certains documents? M. Saulnier, dans son document de présentation devant cette commission, a mis en exergue certains passages de documents qui lui avaient été soumis par les procureurs, c'est-à-dire par votre bureau, où il soulignait en particulier - et cela semblait être très important pour lui - l'argument de la non-solvabilité des syndicats québécois. Il y avait les actifs de ces syndicats, sur lesquels vous aviez fait enquête, qui ne vous semblaient pas être très importants à ce moment. D'autant plus qu'un syndicat avait déjà utilisé cette pratique, en 1973, de fonder une autre entité juridique, selon la Loi sur les syndicats professionels, dans laquelle on avait transféré des fonds, semble-t-il, assez importants. Deuxièmement, il y avait cette possibilité que, devant un jugement assez costaud, peut-être de l'ordre de 20 000 000 $, les syndicats concernés auraient tout simplement laissé en place une coquille vide, soit un syndicat accrédité qui n'a plus de membres et plus de fonds. Ils auraient pu faire signer des cartes d'adhésion aux ouvriers de la construction dans d'autres unités syndicales nouvellement accréditées et ainsi éviter d'avoir à faire face au jugement. Ce risque avait-il été évoqué devant vous par les membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James? Si la réponse est positive, est-ce que cela semblait être un élément important pour eux qui aurait pu les influencer dans le sens de se dire: Écoutez, on aura beau obtenir un jugement, si on n'est pas capable de l'exécuter, à quoi bon?

M. Aquin: D'abord, les membres du conseil d'administration n'ont jamais discuté devant nous, quand on y est allé deux fois.

M. Rodrigue: Ils posaient des questions et ensuite ils faisaient leur discussion entre eux.

M. Aquin: Ils nous ont posé des questions et ensuite on s'est retiré. Sur cette question des mandats de notre client, la suite des événements prouve que cela a tenu à une question importante. Ils nous ont même demandé, à un moment, des rapports, ils avaient demandé de faire enquête, Me Jetté a parlé de cela hier. Je crois qu'il a mentionné hier qu'on avait mis au dossier tout ce qu'on avait sur la responsabilité des Québécois, non pas la responsabilité, je me trompe, c'est la solvabilité. Selon la solvabilité des Québécois, on ne pouvait pas. Les termes de Me Jetté sont "à moins d'un miracle". Cela aurait été un miracle bien imprévisible; il n'y avait pas de solvabilité des syndicats québécois.

M. Rodrigue: Serait-il juste...

M. Aquin: Les textes sont au dossier et les textes que vous avez, ce sont les textes que le conseil d'administration avait. Ce qu'eux ont pensé en les regardant, c'est leur décision.

M. Rodrigue: Dans une hypothèse comme celle-ci, serait-il juste de dire qu'il y a deux questions principales dans cette poursuite? Il y a d'abord la possibilité de prouver des dommages et donc d'obtenir un jugement - là, vous sembliez penser qu'il y avait des possibilités sérieuses de le faire, si j'ai bien compris votre témoignage, hier -mais, par ailleurs, sur la possibilité, une fois le jugement obtenu, de faire payer les syndicats, cela semble être à peu près nul.

M. Aquin: Vis-à-vis des syndicats québécois.

M. Rodrigue: Vis-à-vis des syndicats québécois, toujours.

M. Aquin: Si vous me permettez. M. Rodrigue: Oui, allez-y.

M. Aquin: On a souvent parlé de Reynolds et de Gaspé Copper. Je ne parle pas au point de vue de la responsabilité, je ne tomberai pas dans les comparables et les non-comparables, mais, au point de vue du montant en cause, dans Reynolds, il s'agissait tout de même de la CSN qui était condamnée; elle a son siège social au Québec, elle a des actifs, c'est une centrale importante. Dans Gaspé Copper, si je ne me trompe - je ne veux pas vous induire en erreur - je pense que, pour aller en appel, le syndicat américain avait déposé les sommes d'argent à la cour ou les avait fait garantir, mais c'est sous toutes réserves, probablement que Me Jetté pourrait me confirmer ou me contredire sur cette question. Il y a eu des montants versés dans ces causes, mais nous n'avions pas la même démarche. Les syndicats québécois étaient peu solvables, le dossier est clair; et le syndicat américain, là, je ne veux pas reprendre tout le témoignage de Me Jetté, qui a été clair sur cette question hier soir.

M. Rodrigue: Ce qu'on peut tirer de cela, vous me corrigerez si je fais erreur, c'est que, d'une part, on avait des chances raisonnables d'obtenir un jugement; d'autre part, on avait des chances à peu près nulles de faire exécuter le jugement, c'est-à-dire de faire payer les syndicats. On aurait pu prendre notre jugement, l'encadrer comme il faut et l'installer au mur sur un clou. C'est tout ce qu'on aurait pu faire avec cela, en fin de compte.

En pratique, ayant obtenu un jugement, si j'ai bien compris vos réponses, il n'aurait pas été possible après cela d'aller chercher quelque argent que ce soit, auprès des syndicats québécois toujours.

M. Aquin: Oui, auprès des syndicats québécois. Nous étions très pessismistes, parce que nous n'avions pas poursuivi et que nous ne pouvions pas poursuivre la FTQ. On n'est pas dans le cas de Reynolds ou de Gaspé Copper. On poursuit le conseil provincial. Vous avez, plus loin, les actifs du conseil provincial. Il ne payait pas ...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député. J'ai une question de règlement de la part du député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Sauf erreur, et on pourra vérifier à la transcription, M. le Président, il y avait deux questions dans la question du député. Il y avait la question de l'encadrement du jugement, si je peux la résumer comme suit, et...

M. Rodrigue: Ce n'était pas une question, M. le Président, c'était un commentaire.

M. Paradis: Excusez, M. le Président. Est-ce que je peux terminer? Oui.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Paradis: II y avait la question de l'encadrement du jugement, et on opine que c'était un jugement qu'on aurait dû encadrer, et il y avait la question de savoir comment l'exécuter vis-à-vis des syndicats québécois. Les invités ont répondu à une seule des questions. Est-ce que vous pourriez leur demander de répondre à la deuxième sur...

M. Aquin: J'avais compris que l'encadrement était dans le préambule de la question.

M. Paradis: Ah! vous n'aviez pas compris que...

M. Aquin: J'ai dit que j'avais compris que la question de l'encadrement au mur était dans le préambule de la question. La question, telle que je l'ai conçue...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le député.

M. Aquin: ...était le recouvrement contre les syndicats québécois. J'ai répondu à cette question uniquement.

Le Président (M. Jolivet): Le reste était une question d'opinion de la part du député.

M. Rodrigue: Oui, effectivement, mais...

M. Aquin: J'écoute depuis quelques semaines avec beaucoup d'intérêt tout ce qui se dit ici, lorsque j'en ai l'occasion.

M. Rodrigue: Si vous me permettez de...

M. Aquin: Si vous me permettez, je ne veux pas tourner autour de la question. Si on parle du recouvrement de tout le montant, il faut tout reprendre ce que M. Jetté a dit hier concernant le syndicat américain.

M. Rodrigue: M. le Président, il m'apparaît très clair que, finalement, d'une

façon concrète, pratique - encore là, je laisse la liberté au procureur de me corriger, si j'erre - c'est clair que, d'une façon tout à fait pratique, il aurait été très difficile de faire exécuter le jugement, même si on l'avait obtenu et, à ce moment, il aurait évidemment fallu engager des sommes importantes pour obtenir ce jugement de la cour. D'ailleurs, à la page 183 du document que nous ont transmis les dirigeants de la Société d'énergie de la Baie James, le juge Bisson, si je me souviens bien, a déclaré ne pas avoir à rendre jugement, à faire des commentaires ou à porter quelque jugement de valeur sur ce qui venait de se produire. Il a toutefois déclaré, après lecture des documents: "Je constate que des hommes sages se sont penchés sur ce dossier pour mettre fin au litige de la façon présentée." J'imagine que le juge Bisson avait dû avoir un peu les mêmes impressions que celles qu'on a pu avoir au cours des audiences de cette commission quant à la possibilité d'exécuter le jugement.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, je vous réfère maintenant au document que vous nous avez transmis, Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion et Prud'homme sur leurs opinions. À la page 55, dans une lettre du 26 janvier, vous nous indiquez que, le 24 janvier 1979 -il y a une correction ici, la date avait été inscrite initialement 1978, mais il y a un...

M. Aquin: Vous êtes dans les opinions?

M. Rodrigue: Oui, dans les opinions, à la page 55. Non, c'est plutôt Correspondance et lettres. Je m'excuse.

M. Aquin: Correspondance et lettres contenant leurs opinions?

M. Rodrigue: Oui. À la page 55. M. Aquin: Un instant.

M. Rodrigue: C'est donc une lettre qui est datée du 26 janvier 1979, adressée à Me André Gadbois. Vous indiquez qu'une opinion vous a été demandée sur le montant des dommages que vous croyiez être en mesure de prouver, compte tenu des plus récentes informations et du déroulement de la preuve dans ce dossier.

C'est à la page 55. Initialement, vous dites en premier lieu: Le premier poste de réclamation concerne le solde des dommages physiques au montant de 1 132 000 $ et vous semblez assez sûr de pouvoir le réclamer. Un deuxième poste concerne la réparation de groupes électrogènes endommagés par M. Yvon Duhamel. Vous semblez également relativement sûr de pouvoir le réclamer.

Je vous amène à la page 56 où vous dites que le troisième poste de réclamation concerne les paiement effectués par la société à certaines firmes d'ingénieurs-conseils. C'est une réclamation qui totalise 26 000 $ et vous dites ceci: "Mais il y aura un obstacle à franchir de nature strictement juridique. En effet, les défendeurs nous opposeront certainement que les événements du 21 mars 1974 constituent une force majeure et que, conséquemment, la société d'énergie n'était pas légalement tenue d'indemniser les firmes d'ingénieurs-conseils avec lesquelles elle avait contracté."

Plus bas, vous ajoutez: "Le quatrième poste de réclamation concerne des sommes payées aux entrepreneurs déjà sous contrat avec la société". Ici, on a un montant de 1 965 582 $ et quelques poussières. Encore là, vous dites: "Cependant, nous ferons certainement face à la même objection que celle à laquelle nous avons fait allusion précédemment, à savoir que la SEBJ n'était légalement pas tenue d'indemniser ses entrepreneurs parce que les événements du 21 mars. 1974 constituaient une force majeure".

Page 57, paragraphe du milieu: "Vient ensuite la réclamation faite pour les sommes payées à l'entrepreneur Lamothe (Québec) Inc. qui était sous contrat avec la Société non pas d'énergie de la Baie James - de développement de la Baie James qui a effectivement subi des dommages pour approximativement 300 000 $, mais on soulèvera certainement les mêmes objections que celles discutées à propos des sommes payées aux entrepreneurs de la société."

Première question: Est-ce que vous savez à quel moment ces sommes ont été payées, soit aux ingénieurs-conseils, soit aux entrepreneurs de la Société d'énergie de la Baie James ou à ceux de la Société de développement de la Baie James par la Société d'énergie de la Baie James?

M. Aquin: Si vous me permettez, M. le député, comme, personnellement, je n'ai écrit que la dernière page qui visait une autre question, je demanderais, si vous n'avez pas d'objection, à Me Jetté de répondre à votre question.

M. Rodrique: Très bien. Est-ce que vous savez ou est-ce qu'on vous a indiqué à quel moment - parce que vous indiquez que ces sommes ont été payées - ces sommes ont été payées et si c'est sous le premier conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James, qui était présidé par M. Boyd, ou si cela a été payé après que M. Saulnier a pris la présidence et que M. Laliberté a été nommé P.-D.G.?

M. Jetté: Je ne me souviens pas. Je le savais dans le temps, bien sûr, j'ai encore dans mes dossiers les dates précises

auxquelles les sommes ont effectivement été payées. Si vous me parlez de l'ancien conseil, il faudrait d'abord me rappeler...

M. Rodrigue: De mémoire, sans vouloir m'attacher à une date précise, le conseil d'administration présidé par M. Saulnier, où M. Laliberté avait été nommé également président-directeur général, il me semble que c'est le 1er octobre 1978 qu'il est entré en fonction. Le saccage a eu lieu le 21 mars 1974.

M. Jetté: En toute probabilité, cela avait été payé avant l'automne 1978.

M. Rodrigue: Alors, cela aurait été payé sous l'ancien conseil d'administration.

M. Jetté: Probablement que certaines de ces sommes avaient été payées au moment où l'action avait été instituée, en février 1976. Cela a dû être payé dans les deux ans. C'est sous toutes réserves, c'est surtout de mémoire. J'ai toutes ces informations à mon bureau; malheureusement, je ne les ai pas ici. Il y a une chose qui pourrait m'éclairer; si, dans mon action telle qu'intentée à l'origine, je parlais de sommes payées, cela va m'indiquer que cela avait été payé avant mars 1976 qui était la date de prescription.

M. Rodrique: Je ne sais pas si vous avez devant vous la page 56 du document auquel je me suis référé, Correspondance et lettres, le petit document. Avez-vous la page 56?

M. Jetté: Vous me référez à la page 56 du document Correspondance et lettres concernant nos opinions?

M. Rodrique: Oui. M. Jetté: J'y suis.

M. Rodrique: En fait, ce que vous dites, c'est ceci: "Le troisième poste de réclamation concerne les paiements effectués par la société d'énergie à certaines firmes d'ingénieurs-conseils pour du temps d'attente pendant la période où le chantier de LG 2 a été fermé suite aux événements de mars 1974." (12 heures)

M. Jetté: Pour vous donner un indice plus précis, certainement que ça l'était au moment où cet avis a été écrit, c'est-à-dire au début de 1979. Par ailleurs, je consulte ma déclaration amendée - je l'ai sous la main ici - qui date de 1977. Je vois, par exemple, qu'au paragraphe 76 de cette déclaration amendée, je disais ceci: "Ces réclamations produites par les entrepreneurs auprès de la demanderesse étaient bien fondées pour partie et la demanderesse n'a eu d'autre alternative que d'acquitter à certains entrepreneurs les sommes suivantes qu'elle est bien fondée de réclamer des défendeurs..." Là, j'énumère. Donc, je présume que, dès 1977, plusieurs des entrepreneurs avaient déjà reçu certaines sommes.

Par ailleurs, je note qu'au paragraphe 77, d'autres entrepreneurs avaient produit des réclamations, mais je ne dis pas qu'elles sont payées, à ce moment-là, dans le temps. Probablement qu'il y en a plusieurs qui ont été payées en 1976 et 1977. J'imagine que, rendu à l'automne 1978, tout avait été payé.

M. Rodrigue: Mais vous ne pouvez pas en être absolument sûr?

M. Jetté: Je ne peux pas, de mémoire, vous dire quand précisément, sauf que, en toute probabilité, cela a été payé au cours des années 1975, 1976 et 1977, peut-être même au début de 1978, selon la complexité des réclamations et des quanta qui étaient réclamés soit par les ingénieurs, soit par les entrepreneurs.

M. Rodrigue: Je vais terminer là-dessus. À la page 61 du même document auquel je fais référence, vous faites le résumé de tout cela; vous dites: "La réclamation totale peut se détailler comme suit..." Vous avez le A où ce sont des postes qui sont juridiquement fondés, selon votre opinion, et qui devraient être maintenus. À B, vous dites: "Les postes de réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être rejetés pour raison de force majeure et de non-subrogation de la part de la société..." Là, on retrouve les mêmes montants, c'est-à-dire un total de 2 292 344 $ qui ont été payés par la Société d'énergie de la Baie James, mais qui, selon votre avis, n'auraient pas pu faire l'objet de réclamations, du moins, cela aurait été très aléatoire de la part de ces entrepreneurs de les réclamer si la Société d'énergie de la Baie James avait refusé de les payer.

M. Jetté: C'est exact. Je me rappelle avoir posé la question, peut-être même avoir examiné les contrats. D'ailleurs, les contrats avaient été produits dans le cadre de l'instance et je m'étais demandé s'il y avait une disposition qui obligeait la société à indemniser ces entrepreneurs ou ces ingénieurs-conseils sous contrat pour le temps d'attente. C'était, si vous voulez, des dommages qui étaient réclamés pour la période pendant laquelle le chantier avait été fermé.

M. Rodrigue: Est-ce que vous avez... M. Jetté: De mémoire, il n'y en avait

pas. La société pouvait facilement dire: Voici, ce n'est pas notre fait, c'est le fait de tiers, cela constituait un cas de force majeure et elle n'était pas, je pense, tenue de les indemniser. Cependant, pour garder leur affection et leur loyauté, c'était peut-être une excellente décision administrative que de les compenser.

M. Rodrigue: Est-ce que... Je ne poserai pas la question, parce que c'est plutôt une opinion qui me passe par la tête. Je me demande si ce n'est pas pour garder la paix sociale avec les entrepreneurs que la Société d'énergie de la Baie James avait accepté de payer ces sommes. Mais est-ce que vous avez déjà eu l'occasion d'interroger les représentants de la société sur les raisons du paiement de ces sommes et est-ce que vous avez eu des indications de leur part sur les raisons qu'ils avaient eues de les payer? Parce qu'il s'agit quand même d'une somme d'environ 2 300 000 $, c'est assez important.

M. Jetté: Je me souviens d'en avoir discuté. Quant à ces réclamations, je travaillais avec M. Darby, qui était au service des assurances de la SEBJ. Je me souviens pertinemment qu'on avait discuté de cela. J'en ai peut-être même discuté avec M. Gadbois aussi, en toute probabilité.

M. Rodrigue: Est-ce que vous vous rappelez les raisons qui...

M. Jetté: Je pense que la société avait pris la décision de les indemniser, parce que ces gens se trouvaient aussi des victimes de ce qui s'était passé. Elles avaient subi un tort, un dommage. Il fallait assurer la continuité lorsque le chantier a repris. On voulait s'assurer que ces entrepreneurs continueraient d'être motivés. De mémoire, c'étaient les considérations qui avaient présidé à la décision de les indemniser, même si - comme je vous l'ai dit - mon opinion, à l'époque, était qu'on n'était pas légalement tenu de le faire, parce qu'eux-mêmes avaient un droit vis-à-vis des personnes ou des organismes responsables des malheurs qu'ils avaient subis.

M. Rodrigue: Dans ce cas, en somme, on a fait un règlement hors cour pour des considérations qui étaient possiblement très valables, mais qui n'étaient pas des considérations strictement juridiques.

M. Jetté: Je ne pense pas. M. Rodrigue: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au député de Gatineau, j'ai, de la part du député de Châteauguay, une question de règlement. J'aimerais la connaître.

M. Dussault: Je m'excuse auprès de mon collègue de Gatineau. Je voudrais être sûr que, d'ici la fin des travaux, je vais pouvoir prendre la parole. Si je me fie à la longueur de l'intervention du député de Laprairie et si M. le député de Gatineau agit de la même façon, je n'aurai pas le temps d'intervenir. Je ne voudrais pas être obligé de vous demander d'appliquer la règle des 20 minutes, M. le Président. Si on pouvait me garantir que j'aurai la parole, ce ne serait pas long de toute façon.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, avant même que le député de Gatineau puisse répondre, je dois vous dire que je ne suis en aucune façon limitée par la règle des 20 minutes puisque, dès le début de cette commission parlementaire, nous avons "illimité" le temps de telle sorte que je ne peux revenir de moi-même sur cette décision. Comme vous le savez très bien, M. le député de Châteauguay, dans une autre commission parlementaire où j'ai déjà rendu une décision, on ne peut pas revenir sur une décision déjà prise en conséquence, il n'y a pas de limite de temps à cette commission, malheureusement ou heureusement. En conséquence, la parole est au député...

M. Dussault: ...M. le Président, si je comprends bien, nous avons perdu certaines prérogatives en acceptant de ne pas appliquer la règle des 20 minutes...

Le Président (M. Jolivet): ...non, je m'excuse.

M. Dussault: ...et on a perdu du temps, évidemment...

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas à la demande du premier ministre, car il n'était pas présent. C'est à la demande du président, qui a obtenu de la part des membres qu'il n'y ait pas de temps. À ce moment, je dois vous dire que cette décision a été prise unanimement autour de cette table et vous n'avez perdu aucune prérogative. M. le député de Gatineau.

M. Dussault: D'ailleurs, M. le Président, je voudrais quand même savoir...

Le Président (M. Jolivet): Oui, je lui donne la parole, pour qu'il vous donne la réponse.

M. Dussault: ...d'accord, merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: C'est d'abord pour indiquer qu'effectivement, si, unanimement, les membres de la commission ont convenu de disposer de la règle des 20 minutes, c'est justement parce que le premier ministre avait formulé le souhait qu'on puisse faire toute la lumière, interroger les témoins, même les faire revenir, de façon que la lumière soit faite complètement.

Je rassure tout de suite le député de Châteauguay comme son collègue de Vimont. Nous sommes tous deux de la même profession, on a l'habitude d'être concis, il aura donc tout le temps de poser ses questions.

Le Président (M. Jolivet): Vous ne supposez pas que les avocats ne sont pas concis?

M. Gratton: Non, pas du tout. Surtout pas devant cet aréopage.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, vous avez la parole.

M. Gratton: Me Aquin, hier matin, vous avez dit avoir parlé à Me Gadbois, de la Société d'énergie de la Baie James, le 5 février 1979, pour discuter notamment du projet de règlement qui porte la même date du 5 février. Je n'ai pas la transcription ici, mais, à partir des notes que j'ai prises au cours de votre témoignage, ce règlement ou ce projet de règlement, à quelques détails près, serait le texte éventuellement qu'on signerait le 6 mars suivant. Vous avez dit à ce moment-là, soit le 5 février: Nous n'avions pas le mandat de négocier le montant. J'ai même demandé à Me Gadbois quel montant inscrire dans le projet de règlement. Il m'a dit de laisser cela en blanc. Je lui ai dit: Ce n'est pas comme cela que cela va augmenter rapidement. Est-ce que je peux vous demander ce que Me Gadbois a répondu à cela?

M. Aquin: Un instant. Je ne veux pas vous contredire, M. le député, mais, relisant le squelette de mes notes d'hier, ce qui arrive, c'est que, le 5 février, nous recevions des lettres-rapports de M. Jasmin et le texte de la proposition de transaction qui porte la date du 5. Me Jasmin a laissé en blanc dans ce texte le montant de la considération. Ce n'est pas nous qui le laissons, mais il l'a laissé.

Des modifications sont apportées, toujours pour essayer d'éviter les paragraphes blessants. Finalement, on en fait une autre. Je lui dis: Est-ce que tu vas mettre un montant dedans? Il dit: Non, je vais le laisser en blanc. C'est là que j'ai dit à M. Jasmin que ce n'était pas comme cela qu'il avancerait le processus. C'est une remarque purement personnelle. Ce n'est pas avec Me

Gadbois que cela se passe, mais la teneur de ce que vous disiez est exacte.

M. Gratton: C'est à lui que vous avez dit: C'est pas comme cela que ça va augmenter le montant?

M. Aquin: Non, c'est à Me Jasmin. M. Gratton: Ah! C'est à Me Jasmin?

M. Aquin: Ensuite, par rapport à M. Gadbois, je me demande même si je parle à M. Gadbois, parce que c'est à ce moment-là qu'on lui envoie notre lettre du 5 février.

M. Gratton: Mais vous dites à Me Jasmin, qui est le procureur des syndicats, avec qui vous négociez - ou, en tout cas, avec qui vous discutez - que ce n'est pas comme cela qu'il va faire monter...

M. Aquin: Eh bien! ce n'est pas cela qui va aider le processus, parce que j'avais, avant cela, une offre de 125 000 $ et là, on laisse le chiffre en blanc et - je ne veux pas me tromper dans mes dates - c'est le moment où il dit: Je reviens à 1 $.

M. Gratton: C'est dans la perspective où, vous, à titre de...

M. Aquin: Là, il y a une manoeuvre de la part de la partie adverse avec laquelle je lui dis que je ne suis pas d'accord. On a devant nous une offre de 125 000 $ et je vais faire rapport à mon client qu'on en est rendu à 1 $. Par contre, comme je l'ai dit ce matin, je pense que M. Gadbois ne prend pas cette affaire-là tellement au sérieux et que la SEBJ continue d'assumer que le montant de 125 000 $ tient toujours.

M. Gratton: À ce moment-là, avez-vous, personnellement, un montant à l'esprit de ce qui peut être un montant de départ?

M. Aquin: Non; à ce moment-là, non.

M. Gratton: Parce que vous n'êtes pas mandaté...

M. Aquin: Et dans la conversation avec M. Laliberté - mais lui, il parlait en son nom personnel - il disait qu'il faudrait au moins que ce soit 800 000 $ ou 900 000 $, en janvier; moi, je n'ai pas d'autre montant.

M. Gratton: Mais, le 5 février, quant à vous, vous n'aviez pas de montant en tête?

M. Aquin: Non, je ne touche pas au montant.

M. Gratton: Vous n'êtes pas mandaté, de toute façon.

M. Aquin: Là où je ne suis pas d'accord - ce n'est pas à moi à être d'accord ou non - là où j'attire l'attention de mon confrère, c'est sur le fait que, selon moi, on est dans un processus qui n'est pas trop logique, c'est-à-dire qu'on est devant une offre de 125 000 $ et, soudainement, il me dit qu'on devrait régler à 1 $. Si on revient à une de ses conversations du début de janvier avec le P.-D.G., il disait: Ce sont surtout pour des considérations sociales que vous devriez régler pour 1 $.

M. Gratton: Le 5 février, vous, en tant que procureur de la SEBJ, vous n'avez pas, comme vous l'avez dit, le mandat de négocier le montant du règlement?

M. Aquin: Non.

M. Gratton: Et, à ce moment-là, est-ce que vous avez, par contre, un montant qui vous apparaît comme étant un point de départ pour la SEBJ?

M. Aquin: Moi, non.

M. Gratton: Vous, vous n'en avez pas?

M. Aquin: Non. Là, vous me posez une question que je me poserais si j'étais administrateur.

M. Gratton: Bon. Mais, est-ce que soit un administrateur, soit M. Laliberté, soit Me Gadbois vous avait fait part de ce qui pouvait être un montant de départ?

M. Aquin: Officiellement, non.

M. Gratton: Parce que vous n'avez pas le mandat de négocier le montant?

M. Aquin: C'est cela. Et on va l'avoir bientôt, parce que, le 6, il y a le conseil d'administration et que, le 7, on a notre mandat.

M. Gratton: Justement, j'y viens. Hier, vous avez dit que, le 7 février, vous avez parlé à Me Beaulé, le procureur du syndicat américain, et vous lui avez parlé d'un montant de 400 000 $. Vous avez même exprimé quelle a été sa réaction.

M. Aquin: C'était plus complet ce matin. Je suis parti d'un million, mais, à un moment donné, je me battais beaucoup pour 500 000 $. J'ai dit 400 000 $ hier, ce n'est peut-être pas tellement précis, je me battais beaucoup avec lui pour 500 000 $, parce que j'avais toujours à l'esprit qu'il avait déjà considéré comme possibilité de mettre 250 000 $. À part cela - une chose qui n'a pas été dite ici - je voulais être bien clair avec M. Beaulé, à savoir que leurs problèmes n'étaient pas les miens. Qu'eux aient décidé, entre eux, qu'un mettait la moitié et l'autre, l'autre moitié, c'était une chose qui ne me concernait pas. Leur quote-part, je voulais qu'ils en discutent entre eux. Alors, là, j'avais insisté sur 500 000 $. Si j'ai dit 400 000 $, c'est plus logique 500 000 $.

M. Gratton: C'est 500 000 $? M. Aquin: Oui.

M. Gratton: Ce qui vous permettait de parler du chiffre de 500 000 $ à Me Beaulé, le 7 février, c'était le mandat du 6 février, je suppose?

M. Aquin: C'est cela.

M. Gratton: Le mandat d'explorer que le conseil d'administration vous avait donné la veille?

M. Aquin: Et d'accepter une somme qui était acceptable.

M. Gratton: J'ai ici une note...

M. Aquin: Et acceptable, dans ce temps-là, cela va revenir plus précisément après... Justement, les deux chiffres se retrouvent, les 500 000 $ dont je parle à M. Beaulé et peut-être les 400 000 $ d'hier; c'est que les deux chiffres se retrouvent. Acceptable, à ce moment-là, d'après les informations qu'on a de Me Gadbois, ce serait de couvrir les frais du bureau extérieur, c'est-à-dire 400 000 $. On parle d'à peu près 400 000 $ ou 500 000 $.

M. Gratton: Donc, si on se résume, le 15 janvier, vous aviez reçu de la SEBJ le mandat d'écouter les procureurs des syndicats quant à un règlement hors cour. Quant au mandat que vous avez reçu le 6 février, je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous avez interprété ce mandat du 6 février comme un mandat très précis de commencer à négocier sur le montant du règlement? (12 h 15)

M. Aquin: Si on se reporte à cette lettre du 6 février - elle est assez claire -c'est-à-dire qu'elle est du 7 février, le mandat est un mandat de négocier, mais il n'est pas absolument précis, parce que - et c'est compréhensible - quand vous avez affaire à un client individuel, habituellement, il vous donne verbalement ses mandats et ils sont précis, mais, quand vous avez affaire à un client de cette importance, où il y a tellement de gens qui lisent la correspondance, il est assez difficile de mettre les chiffres dans la lettre. C'est ainsi que j'interprète cette lettre.

Si on lit la lettre, elle n'est pas absolument précise, parce qu'on y dit "un

montant qui serait acceptable". C'est là qu'on communique avec M. Gadbois pour savoir ce qu'est le montant acceptable. C'est là qu'on en vient à un montant d'environ 400 000 $ ou 500 000 $, c'est-à-dire ce que tous les gens pensent être grosso modo nos frais.

M. Gratton: Après avoir reçu le mandat du 6 février, étiez-vous satisfait du fait que vous étiez effectivement mandaté pour mener à terme un règlement hors cour?

M. Aquin: Je travaille avec ce que j'ai. Je reçois un mandat qui me dit: Essayez d'avoir l'aveu de responsabilité de tous les défendeurs. Je sais que c'est impossible, car il y a des organismes... Je me suis déjà exprimé sur le syndicat américain. Quant au montant, je comprends qu'on n'a pas voulu inscrire un montant dans la lettre, au cas où... Je pense que j'ai fait un appel téléphonique à M. Gadbois. M. Cardinal parle avec M. Gadbois. C'est grosso modo le montant de ce qu'on pense être nos honoraires.

Aujourd'hui, vous le savez, mais, à ce moment-là, on ne le savait pas; disons que cela se situe entre 400 000 $ et 500 000 $. D'ailleurs, c'est un chiffre qui recouvre les paramètres de la première avance de M. Beaulé. Je passe donc à la première ronde de négociation et je rencontre M. Beaulé, c'est-à-dire le plus riche des deux, sinon lui, du moins ses clients. Comme j'ai à l'esprit que je comprends mon mandat pour récupérer 500 000 $, je ne veux pas dévoiler ici toutes mes techniques de négociation, mais, confidentiellement, je commence par 1 000 000 $. C'est là que je commence à lui demander 1 000 000 $, mais je vois très bien qu'à 1 000 000 $, on n'ira pas tellement loin. À 500 000 $, la conversation est beaucoup plus robuste mais il discute de ce que j'ai évoqué tout à l'heure.

M. Gratton: Je pense qu'il a été établi que vous étiez les procureurs de la SEBJ depuis 1975.

M. Aquin: C'est cela.

M. Gratton: À l'automne ou à la fin de 1975.

M. Aquin: C'est cela.

M. Gratton: Jusqu'au 15 janvier, vous n'avez aucun mandat de négocier un règlement hors cour.

M. Aquin: Le 15 janvier, ce n'est pas vraiment un mandat de négocier un règlement hors cour de quelque sorte que ce soit.

M. Gratton: Non.

M. Aquin: C'est le mandat d'écouter.

M. Gratton: C'est ce que j'aurais dû dire. Jusqu'au 15 janvier, vous avez strictement le mandat d'aller en cour, d'aller en procès, de gagner ce qui, à vos yeux, était une bonne cause.

M. Aquin: On s'est exprimé sur cela, hier.

M. Gratton: Le 15 janvier, on vous mandate pour écouter...

M. Aquin: Et aussi préparer des documents.

M. Gratton: Oui, d'accord. C'est fait par le P.-D.G., à titre personnel, ce que je ne conteste pas, c'est tout à fait normal.

M. Aquin: Je ne sais pas à quel titre cela est fait. C'est fait par le P.-D.G...

M. Gratton: Oui, mais on a établi ici que cela n'a pas fait l'objet d'une résolution du...

M. Aquin: II n'y a pas de résolution...

M. Gratton: Non. Ensuite, c'est le 7 février seulement que vous êtes mandaté pour explorer. Au sens large, on peut parler de négocier, de discuter d'un règlement hors cour.

M. Aquin: C'est ainsi que je le comprends.

M. Gratton: M. le Président, j'ai étudié tout cela pendant presque toute la nuit, je vous dirai que je ne sais pas si je dois être inquiet ou perplexe; je n'en fais aucun reproche à nos invités de ce matin, parce qu'au contraire, je trouve que leur témoignage est très révélateur et qu'il servira grandement à éclairer la commission.

Si vous me le permettez, M. le Président, et je suis sûr que vous le ferez, j'aimerais me prévaloir ici de mon droit de parole qui est prévu dans le règlement pour faire un commentaire qui ne devrait pas appeler de réponse de nos invités, mais à vous d'en aviser quand j'aurai terminé, et cela ne sera pas long.

Hier, j'ai fait un petit exercice de recoupage en alignant certaines données qui nous ont été fournies jusqu'à maintenant à partir du document que le directeur général de la SEBJ nous a fourni.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le

ministre.

M. Duhaime: Je m'excuse également auprès du député de Gatineau, je sais qu'il a passé la nuit blanche, à ce qu'il vient de nous dire; on verra tantôt s'il aurait mieux fait de dormir. Ce que je voudrais suggérer, pour la bonne marche des travaux de la commission parlementaire... Je n'ai pas d'objection à ce que le député de Gatineau puisse faire un commentaire, mais est-ce que je dois comprendre qu'il aurait terminé les questions? Votre commentaire, vous pourriez peut-être le retenir. L'objectif que l'on visait de part et d'autre ce matin était de terminer avec les trois invités qui sont devant nous. Il est déjà midi et quinze.

M. Gratton: J'en ai pour dix minutes M. le Président.

M. Duhaime: Nous terminons normalement à treize heures. Mon collègue de Châteauguay a demandé la parole et je crois qu'il y a trois autres députés libéraux qui veulent poser des questions. Je ne voudrais pas qu'on dépasse le temps prévu. Votre commentaire, vous pouvez très bien le retenir, je suis convaincu que vous ne l'oublierez pas, et le faire la semaine prochaine ou à une autre occasion. Il reste à peine quarante minutes environ, je voudrais qu'on puisse finir ce matin. Si l'on me donne l'indication que cela ne sera pas terminé pour 13 heures, quant à moi, cela m'obligera à refaire mon propre horaire et également ceux de nos invités et ceux de l'honorable juge Jasmin et de Me Beaulé de même que de tout le secrétariat de la commission. Si c'est un commentaire capsule de deux minutes, je n'ai aucune objection, mais, si c'est pour durer quinze minutes, et cela risque d'entraîner une réplique, c'est à vous de l'évaluer. À ce moment, on brûlera du temps et on retardera tous les travaux de la commission. Si je peux vous le suggérer, nous aurons amplement le temps de faire des commentaires de part et d'autre parce que cette commission normalement produira un rapport et une conclusion dont sera saisie l'Assemblée nationale lorsque tous les témoins auront été entendus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'ai le droit de m'exprimer devant cette commission en fonction du règlement de l'Assemblée nationale J'ai déjà donné l'assurance au député de Châteauguay qu'il aura le temps de poser ses questions. J'en ai pour une dizaine de minutes, mais ne me demandez pas de parler au nom de l'ensemble des membres de la commission, à savoir si on aura terminé avec nos invités à treize heures; c'est une question pour les autres députés. J'en aurai terminé bien avant cela. Si vous me le permettez, je voudrais...

Le Président (M. Jolivet): II y a une chose que je voudrais tout de même clarifier. La commission est convoquée en vue de poser des questions à des gens qui sont en face de nous. Il est évident que, si le commentaire a pour but de poser une question à la fin, je ne peux en aucune façon l'en empêcher. Ce que j'ai compris de la part du député de Gatineau, c'est qu'il avait l'intention de faire un commentaire et de poser une question possiblement à la fin. Les invités, selon ce qu'il dira, pourront, s'ils le désirent, y répondre.

M. Blouin: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Rousseau. Je ne voudrais pas qu'on prolonge le débat. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. le Président, seulement une suggestion que je voudrais faire au député de Gatineau. Au cas où ce qu'il a à dire aurait trait au document qu'il a remis à un journaliste, il pourrait peut-être donner une conférence de presse et cela éviterait de perdre le temps des invités et on pourrait poursuivre les travaux de la commission.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, s'il y a un membre de cette commission à l'endroit de qui je n'ai pas besoin de suggestions pour faire mon travail, c'est bien le député de Rousseau.

M. Blouin: C'est une suggestion...

M. Gratton: Je recommence. Je disais donc que j'ai fait un petit exercice de recoupage alignant certaines données qui nous ont été fournies dans le dossier que nous a remis M. Claude Laliberté, le président-directeur général de la société, dans le dossier Correspondance que nos invités d'aujourd'hui nous ont remis hier ou avant-hier et dans la liste des rencontres qui ont eu lieu au cabinet du premier ministre, liste qui nous a été fournie par le premier ministre lui-même au début des travaux de cette commission.

J'arrive au portrait suivant quant à l'évolution des offres de règlement faites à la SEBJ. Je vous le dis tout de suite c'est un portrait qui m'inquiète. Allons-y dans les détails. Au début de 1975, à ce moment, l'étude de Geoffrion et Prud'homme n'est pas encore au dossier. Me Michel Jasmin, ex-organisateur péquiste, procureur des syndicats québécois, au nom du seul local 791, avant

même que l'action en cour ne soit instituée, offre 400 000 $ sans que la SEBJ l'ait sollicité en aucune façon. On peut donc parler d'une offre de règlement possible de l'ordre de 1 000 000 $ au profit de la SEBJ, en supposant que les autres syndicats impliqués auraient agi comme, finalement, ils ont effectivement agi dans le règlement de cette cause. En tout cas, c'est un minimum de 400 000 $ de la part d'un seul syndicat, et ce, un an seulement après le saccage. Le 10 janvier...

M. Duhaime: M. le Président. Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le député de Gatineau nous a dit tantôt qu'il voulait faire un commentaire, mais, d'après ce que je peux comprendre... Je comprends qu'il y a des journaux de fin de semaine, qu'il y a la télévision et la radio, mais consolez-vous, il y en aura encore la semaine prochaine. Je voudrais, M. le Président, que vous considériez le fait suivant: nous avons ici trois invités qui sont trois avocats appartenant à une étude professionnelle importante de la métropole. Ces gens sont ici comme invités de la commission. Je ne voudrais pas qu'on leur impose un plaidoyer en plein milieu des travaux d'une commission parlementaire, un vendredi, à 12 h 20, alors que, de l'aveu même des députés de l'Opposition libérale, ils ont encore des questions possiblement très pertinentes à poser. Je n'ai aucune objection. Mes Aquin, Cardinal et Jetté sont ici depuis... À 13 heures, cela va faire huit heures et demie qu'ils sont devant la commission.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

M. Duhaime: Si vous voulez, je vais terminer ma question de règlement.

M. Gratton: Elle est terminée.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. J'ai une obligation, M. le ministre, cependant: quand j'ai des questions de règlement posées à la suite d'une question de règlement, je dois écouter celle qui est posée en deuxième lieu. Malheureusement, puisque ce n'est pas une question de privilège, je veux savoir d'abord pourquoi le député de Gatineau me pose une question de règlement.

M. Gratton: Parce que ce que le ministre soulève, ce n'est pas une question de règlement en vertu du règlement de l'Assemblée nationale. Il essaie tout simplement de m'empêcher d'exercer un droit de parole que le règlement me confère. Vous l'avez appliqué de façon très rigoureuse depuis le début, et j'aimerais que le ministre me laisse faire mon intervention. Il jugera après de son opportunité.

M. Duhaime: Là-dessus, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: ...ce que je voudrais vous souligner, c'est que, si nous ouvrons cette porte... J'avais l'impression que le député de Gatineau voulait faire un commentaire capsule pertinent à une des réponses qui venaient d'être faites pour enchaîner ensuite sur une question. Mais si l'avenue qui nous est ouverte fait que, durant les travaux de cette commission parlementaire, à tout moment et à toute occasion, en plein milieu d'échange de questions et de réponses, chacun des membres de cette commission parlementaire peut prendre la parole et dire: Voici, après huit ou neuf jours de commission, j'aurais quelque chose à dire et je vais faire le point...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Duhaime: II y a ici une quinzaine de membres de la commission parlementaire. Ce que je vous dis, c'est que nous n'arriverons jamais à terminer les travaux de cette commission parlementaire. Cela n'a aucun bon sens.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le ministre, M. le ministre!

M. le député de Gatineau: S'il vous plaît!

M. Duhaime: Je le souligne. Cela a été souligné par beaucoup d'observateurs et je pense qu'on veut leur faire perdre leur temps

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: Je pense que je vais régler assez facilement ce problème qui, à mon avis, n'en est pas un. Je n'ai pas à déterminer si, de part et d'autre, on doit ou non entrer dans le fond de la question, mais ce que je dois cependant dire... J'ai cru comprendre de la part du député de Gatineau, il me dira si j'ai bien compris... Si j'ai bien compris, je saurai quoi donner comme réponse. Ce que

j'ai compris, c'est qu'il le faisait pour poser une question à la fin, si les gens veulent bien y répondre. C'est comme cela que je l'ai compris. Il a dit: Quand j'aurai fini, s'il juge à propos de répondre à cette...

M. Dussault: ...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay, ce n'est pas à vous de me dire ce que j'ai compris.

Une voix: ...

Le Président (M. Jolivet): Je le sais. J'essaie de poser la question. Ce que j'essaie de comprendre, c'est qu'on a dit, au bout de ce résumé que je ferai, si les gens qui sont nos invités veulent ajouter quelque commentaire que ce soit... J'ai dit à cet effet que, s'il s'agissait de faire un résumé comme j'en ai vu depuis le début, je pourrais reprendre la question qui a été posée en feuilletant le document que nous avons ici, page par page, à partir des lettres qui avaient été envoyées ou des opinions qui avaient été envoyées pour finalement poser une question. Parfois, cela a duré plus de dix ou quinze minutes avant même que la question finale soit posée. Je ne peux, en aucune façon, accepter cela. L'erreur du député de Gatineau a peut-être été de dire qu'il voulait faire un commentaire général...

M. Gratton: J'ai été trop franc, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): ...mais j'applique actuellement ce que j'ai appliqué depuis le début. Il y a des gens qui utilisent l'ensemble des documents qui sont déposés et, à partir de ces faits, essaient de poser une question en terminant... Si je l'ai compris de cette façon, je ne suis, en aucune façon, responsable de la façon dont le député de Gatineau a l'intention de poser ses questions, mais je dois vous faire remarquer qu'on a perdu environ dix minutes sur cette question et que cela serait probablement terminé en ce moment.

M. Gratton: Exactement, M. le Président, et je vous dis que vous avez très bien compris le sens de mon intervention. J'ai l'intention de faire un commentaire à partir d'un recoupage de faits que j'ai préparé et terminer sur une question à laquelle nos invités pourront répondre ou ne pas répondre, à leur guise. (12 h 30)

Je reprends du début en parlant de l'évolution des offres de règlement faites à la Société d'énergie de la Baie James. Au début de 1975, alors que le bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme n'est pas encore au dossier; que Me Michel Jasmin, ex- organisateur péquiste, procureur des syndicats québécois, au nom du seul local 791, avant même que l'action en cours ne soit instituée, offre 400 000 $ sans que la Société d'énergie de la Baie James l'ait sollicité d'aucune façon, on peut donc parler d'une offre de règlement totale possible de l'ordre de 1 000 000 $ au profit de la SEBJ, en supposant que les autres syndicats auraient agi comme ils ont effectivement agi par la suite au cours de ce règlement hors cour. Je faisais remarquer que cette offre de 400 000 $ - c'était un minimum, en tout cas, de la part d'un syndicat - a été formulée à peine un an après le saccage.

Le 10 janvier 1979, Me Rosaire Beaulé, ex-associé de Me Jean-Roch Boivin, actuel chef du bureau du premier ministre, procureur du syndicat américain, se dit prêt à offrir la même somme que les syndicats québécois, jusqu'à concurrence de 250 000 $. On peut donc parler, au 10 janvier 1979, d'une possibilité de régler pour 500 000 $, en supposant une contribution égale des syndicats québécois. À noter qu'il ne s'agit là que d'un point de départ. Donc, on peut supposer qu'une négociation serrée de la part de la SEBJ qui avait un bon dossier, une bonne cause, aurait pu rapporter plus que ledit montant de 500 000 $.

Le 12 janvier 1979, Me Michel Jasmin, procureur des syndicats québécois, rencontre Me Jean-Roch Boivin, chef du bureau du premier ministre, à son bureau. Le 15 janvier, le jour où le procès commence en Cour supérieure, Me Michel Jasmin et Me Rosaire Beaulé rencontrent Me Jean-Roch Boivin à son bureau. Le 16 janvier 1979, Me Michel Jasmin rencontre Me Jean-Roch Boivin à son bureau. Le même jour, c'est-à-dire le 16 janvier 1979, le même Me Jasmin, au nom des syndicats québécois, présente une offre de 50 000 $ à être partagée entre la société et les assureurs. On peut donc parler d'une somme de moins de 50 000 $ qui ira éventuellement à la SEBJ, parce que le syndicat américain ne fait pas d'offre et qu'on ne connaît pas le montant qui ira aux assureurs.

Le 17 janvier 1979, Me Michel Jasmin se rend au bureau de M. Yves Gauthier, conseiller spécial du premier ministre et ex-tuteur d'un syndicat de la FTQ. Le 19 janvier 1979, Me Michel Jasmin, qui représente les syndicats québécois, et Me Rosaire Beaulé, qui représente le syndicat américain, se rendent tous deux au bureau de Me Jean-Roch Boivin, chef du bureau du premier ministre.

Le 22 janvier 1979, Me Rosaire Beaulé formule une offre au nom de tous les syndicats au montant de 62 500 $ de la part du syndicat américain et 62 500 $ de la part des syndicats québécois; donc, on peut parler d'une offre totale de 125 000 $ pour la Société d'énergie de la Baie James.

Le 2 février 1979, au lendemain de la rencontre des trois P.-D.G. avec le premier ministre, Me François Aquin et Me Jean-Paul Cardinal du bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme prennent le lunch avec M. Jean-Roch Boivin, qui les informe de la réunion de la veille et qui les informe également qu'ils vont recevoir éventuellement de Me Jasmin et de Me Beaulé une nouvelle offre, c'est-à-dire celle du 5 février. Me Jean-Roch Boivin est au courant, car la même journée il a rencontré à son bureau Me Jasmin et Me Beaulé.

Le 5 février 1979, Me Jasmin transmet à Mes Geoffrion et Prud'homme le projet de règlement dont Me Jean-Roch Boivin avait parlé le 2 février au cours du lunch. Le 6 février, Me Jasmin se rend au bureau de M. Yves Gauthier, conseiller spécial du premier ministre. Le 9 février, Me Jasmin et Me Jean-Paul Cardinal se rendent au bureau de M. Jean-Roch Boivin.

Le 12 février 1979, le député de Marguerite-Bourgeoys pose une question au ministre de la Justice sur la possibilité qu'on soit en train de négocier un règlement hors cour au montant de 125 000 $. Force nous est de constater qu'il est bien renseigné, le député de Marguerite-Bourgeoys, parce que c'est le montant exact de la dernière offre, qui date du 22 janvier.

Le 12 février 1979, le même jour où on pose des questions en Chambre, l'offre de règlement passe de 125 000 $ à 175 000 $, dont 75 000 $ iront aux assureurs. On doit parler d'un montant de 100 000 $ qui est offert à la SEBJ, ayant soustrait les 75 000 $ qui iront aux assureurs.

Le 16 février, Me Michel Jasmin se rend au bureau de M. Yves Gauthier, conseiller spécial du premier ministre.

Le 20 février 1979, le député de Marguerite-Bourgeoys pose ses questions au premier ministre à l'Assemblée nationale. Ni de près ni de loin n'a-t-on négocié un règlement dans son bureau, déclare le premier ministre.

Le 27 février, Me Jean-Paul Cardinal, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, se rend au bureau de Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre. Le 27 février, le même jour, l'offre qui sera éventuellement acceptée par la SEBJ passe à 500 000 $, dont 100 000 $ pour les assureurs. C'est donc 200 000 $ que recevra finalement la Société d'énergie de la Baie James, soit 100 000 $ des syndicats québécois et 100 000 $ du syndicat américain.

Si on résume, M. le Président, on voit, quand on compare l'évolution des offres de règlement faites à la SEBJ, avec la liste des visites au bureau du premier ministre qu'ont faites les procureurs, surtout ceux représentant les syndicats québécois et le syndicat américain, c'est-à-dire Me Michel

Jasmin et Me Rosaire Beaulé, pour y rencontrer soit le chef de cabinet du premier ministre, Me Jean-Roch Boivin, soit le conseiller spécial du premier ministre, Me Yves Gauthier, on voit donc, dis-je, que si, comme le premier ministre l'a déclaré à l'Assemblée nationale le 20 février 1979, il n'y a pas eu de négociation dans son cabinet, ce n'est sûrement pas parce que les occasions ont manqué de négocier.

Une voix: J'invoque le règlement.

M. Gratton: Quoi qu'il en soit, on se doit de contaster au moins une chose...

Une voix: Je n'ai pas parlé de négociation...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Gatineau, c'est une question de règlement de la part du député de Châteauguay ou de Rousseau. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je pense qu'il est important de rappeler les mots exacts de la déclaration de M. le premier ministre; sinon, on ne comprendra plus rien. M. le député de Gatineau vient de dire: Ni de près ni de loin il n'y a eu négociation d'un règlement... Ce ne sont pas les déclarations du premier ministre, M. le Président. Il a dit, il faut le répéter pour bien comprendre: C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez avancé. Il parle du règlement. Il ajoute: Deuxièmement, ce n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais il y a eu consultation au bureau du premier ministre.

M. le Président, ces gens d'en face essaient de faire dire au premier ministre ce qu'il n'a pas dit. Ils n'ont pas le droit de le faire et il est important de rectifier, M. le Président.

M. Gratton: II se prononcera tantôt, M. le Président.

M. Blouin: Ce dont vous parlez, c'est des consultations et non du règlement...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je maintiens ce que j'ai dit.

M. Dussault: C'est cela tromper les gens. Volontairement, vous trompez les gens...

M. Gratton: Vous direz ce que vous voudrez après.

M. Dussault: ...M. le député de Gatineau, c'est clair maintenant...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ...et vous persistez à vouloir le faire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay, j'ai l'habitude en cette commission et ailleurs en cette Assemblée d'avoir des divergences d'opinions, ce n'est pas la première fois quant à moi. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Quoi qu'il en soit, M. le Président, on doit constater au moins une chose...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M, le député, vous n'avez pas affaire à la table, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: J'en avais pour dix minutes, ils vont m'obliger à prendre vingt minutes. Quoi qu'il en soit...

Une voix: ...

M. Gratton: Ils ont terminé de ce côté, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Allez! Je pense que nous avons terminé des deux côtés, M. le député. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Quoi qu'il en soit, on se doit de constater au moins une chose, c'est que quelqu'un quelque part a négocié. On a établi ce matin que ce n'était pas Geoffrion et Prud'homme, les procureurs de la SEBJ, qui ont négocié avant le 7 février, puisqu'ils n'avaient pas le mandat de négocier le montant. Me Cardinal a dit ce matin qu'on est passé de 125 000 $ dans l'offre du 22 janvier à 175 000 $ le 12 février. À ce moment, Geoffrion et Prud'homme avait le mandat de négocier et ils l'ont fait; au moins le montant a augmenté, même si, du point de vue des recettes nettes de la société, ils obtenaient moins que les 125 000 $ du 22 janvier, puisque effectivement il y avait la somme de 75 000 $ qui devait être versée aux assureurs. Donc, la recette nette de la société passait de 125 000 $ à 100 000 $, mais au moins le règlement total avait augmenté.

Nous devons admettre qu'entre les offres du 12 et du 27 février, c'est-à-dire celle qui est passée de 100 000 $ à 200 000 $ à la SEBJ, au moins il y a eu une évolution dans la bonne direction. Je ferai un commentaire personnel: c'est bien en deçà des 900 000 $ en frais encourus par la SEBJ.

Ce qui est le plus triste dans tout cela, c'est que la Société d'énergie de la Baie James, qui n'était pourtant accusée de rien, que je sache, n'est pas celle à qui cette négociation a profité le plus. Revoyons les montants des offres. Cela me fait penser un peu à une montagne russe. Cela monte, cela descend, cela remonte et cela redescend. Un seul syndicat, le local 791, avait offert au début de 1975, avant que la poursuite soit intentée, sans aucune sollicitation de la part de la société, un règlement minimum de 400 000 $.

Le 10 janvier 1979, Me Rosaire Beaulé, procureur du syndicat américain, se disait prêt à offrir la même somme que les syndicats québécois jusqu'à concurrence de 250 000 $. C'est donc dire qu'on pouvait parler d'un règlement possible de 500 000 $. Six jours plus tard, le 16 janvier, l'offre tombe à moins de 50 000 $. Les procureurs des syndicats décident, à partir de je ne sais trop quelles informations privilégiées, d'offrir 10% seulement du montant dont avait parlé Me Rosaire Beaulé lui-même six jours plus tôt, c'est-à-dire le 10 janvier. En parlant de montagne russe, c'est une chute plutôt vertigineuse de 500 000 $ à 50 000 $. Cette chute vertigineuse est-elle reliée aux trois rencontres des 12, 15 et 16 janvier de Me Jasmin avec Me Jean-Roch Boivin dont une où il était accompagné de Me Rosaire Beaulé? Ou était-ce parce que le procès avait débuté le 15 janvier et que les procureurs des syndicats avaient constaté que leur position était renforcée? Sûrement pas, si l'on en croit la réponse de Me Jetté hier soir à une question de mon collègue de Brome-Missisquoi.

La première question, à savoir est-ce que c'est relié aux rencontres dans le cabinet du premier ministre?, elle se pose. Il faut convenir que ce n'est pas à nos invités de ce matin qu'elle se pose, mais bien à ceux qui viendront nous rencontrer plus tard. C'est sûrement ce que nous ferons au cours des prochains jours.

Le 22 janvier 1979, l'offre des procureurs des syndicats monte à 125 000 $. Dans les cinq jours précédents, Me Michel Jasmin s'est rendu seul au bureau de Me Yves Gauthier le 17, et en compagnie de Me Rosaire Beaulé au bureau de Jean-Roch Boivin le 19 janvier.

Le 12 février l'offre des syndicats tombe de 125 000 $ à 100 000 $. Je dis "tombe", parce que le bénéfice net pour la société est, effectivement, de 25 000 $ de moins. Et, finalement, le 27 février, on en arrive à l'offre qui sera acceptée le 6 mars, c'est-à-dire un règlement rapportant 200 000 $ à la société.

Donc, un minimum de 400 000 $ au

début de janvier 1975; possiblement 500 000 $, ou même plus, le 10 janvier 1979; moins de 50 000 $ le 16 janvier 1979; 100 000 $ le 12 février 1979 pour, finalement, régler à 200 000 $ le 27 février. Le moins que l'on puisse dire, M. le Président, c'est que c'est là un bien curieux portrait d'une négociation de ce genre. Et je n'en fais pas - je le répète - grief aux procureurs de la SEBJ. Je ne suis pas moi-même avocat, mais j'ai quand même eu l'occasion, dans ma carrière, de négocier certaines choses, notamment dans le domaine de la construction. Je ne me rappelle pas avoirjamais vu, par exemple, un entrepreneur pris en défaut sur un chantier offrir de régler pour un certain montant en reconnaissant sa culpabilité et qu'après quatre ans, durant lesquels la victime de la faute a dû débourser des sommes considérables en frais juridiques, malgré le fait que les procureurs de la victime l'assurent que sa cause est bonne, l'entrepreneur fautif réussisse à régler pour un montant qui ne représente même pas la moitié de ce qu'il était prêt à payer quatre ans plus tôt. C'est difficile de conclure qu'il s'est agi là d'une négociation normale. (12 h 45)

M. le Président, quoi conclure de tout cela? Personnellement, j'en conclus que ce qui n'a pas été normal, c'est que les procureurs de la Société d'énergie de la Baie James n'aient pas été dûment mandatés de négocier le montant du règlement avant le 7 février 1979. Il faut rappeler qu'avant le 7 février 1979 il y a eu trois offres différentes formulées par les procureurs des syndicats impliqués. Il y a eu celle du 10 janvier 1979, au montant de 500 000 $. Il y a eu celle du 16 janvier, au montant de 50 000 $. Et il y a eu celle du 22 janvier, au montant de 125 000 $. Même après le 7 février, il ne m'est pas apparu évident que les procureurs de la SEBJ étaient en position de force pour négocier de façon serrée sur le montant du règlement à cause de ce qui s'était passé avant qu'ils ne soient dûment mandatés par la SEBJ.

Mais, avant le 7 février 1979, qui négociait avec les procureurs des syndicats? Il y a sûrement quelqu'un qui négociait. Ce ne sont pas les procureurs de la SEBJ. Ils nous l'ont dit. Ils négociaient sur la responsabilité des syndicats, oui, mais pas sur le montant. Ce ne sont pas les membres du conseil d'administration. D'ailleurs, ce n'était pas leur rôle. Et ce n'est pas, non plus, selon son témoignage, le P.-D.G. de la SEBJ, M. Claude Laliberté. Qui a négocié jusqu'au 7 février? Parce qu'il est clair qu'il y a eu des négociations. Les procureurs des syndicats poursuivis n'ont quand même pas décidé seuls de faire des offres dont les montants ont changé au moins trois fois, entre le 10 janvier et le 22 janvier, avant que la firme Geoffrion et Prud'homme ne soit mandatée de négocier le montant. Les procureurs des syndicats négociaient avec quelqu'un. Avec qui?

M. Duhaime: Vous leur demanderez...

M. Gratton: II y a quelques années, on aurait dit qu'il s'agissait là d'une question de 64 000 $, sauf que, ici, 64 000 $ sont des "pinottes" à comparer au montant des fonds publics impliqués. Je répète, M. le Président: Qui a négocié? Qui, à partir d'une bonne cause, a contribué à obtenir ce que je considère, pour ma part, un mauvais règlement pour la SEBJ? M. le Président, je vais vous faire un aveu. Je pense que, personnellement, j'ai deviné qui a négocié. Je pense aussi qu'au cours des prochains jours, nous risquons tous d'avoir la réponse ici.

Ayant terminé mon commentaire, M. le Président, j'aimerais demander à nos invités s'ils ont eux aussi un commentaire à émettre.

M. Aquin: Si vous me permettez, M. le Président, au début de ces séances, on a évoqué la réalité que c'était ici un forum partisan. Il est normal que les députés remplissent leur fonction. Mais il est aussi normal que nous fassions notre devoir ici. Notre devoir ici est un devoir de témoin. Je sais qu'on dit souvent que nous sommes des invités, mais des invités assermentés, dans mon livre, sont un peu plus des témoins.

Comme témoins, nous sommes prêts à répondre aux questions. Mais, de là à nous demander un commentaire à ce commentaire - je le laisse aux parlementaires entre eux, je pense qu'il y aura plusieurs versions, mais c'est vraiment une opinion personnelle - ce serait vraiment nous mettre dans une position qui, je le dis respectueusement, M. le Président, serait fausse quant à nous. Nous n'avons pas à donner notre opinion à cette commission sur des rapports qu'elle doit faire. Nous n'avons pas voulu commenter les déclarations ni les commentaires de personnages politiques, dans ce dossier. Nous avons essayé - ce n'est pas pour rien d'ailleurs que nous n'avons pas suivi quotidiennement cette commission - non pas de venir faire une synthèse, ce que le député a fait dans sa perspective, du travail de cette commission jusqu'à maintenant. C'est sa synthèse personnelle. Tout le monde peut avoir sa synthèse. Ce que nous avons essayé de faire - je répète que c'est pourquoi nous n'avons pas suivi, d'une façon méticuleuse, toutes les réunions de cette commission - est de se replonger dans une tout autre optique. On s'est dit: On va reprendre le dossier. Où en étions-nous, en 1978 et en 1979? C'est ce qu'on a essayé de vous dire, avec le plus de franchise possible et le plus de clarté possible. On apprécierait beaucoup que vous

nous laissiez dans notre petit rôle de témoin.

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais dire que, si j'ai demandé à nos invités s'ils avaient des commentaires à formuler, c'est strictement parce qu'on m'y obligeait, compte tenu de l'interprétation du règlement. J'ai pris bien soin de dire, dès le départ, qu'il n'y avait aucun reproche. En fait, j'aurais pu faire ce commentaire devant les prochains témoins, mais je n'aurais pas pu le faire avant aujourd'hui parce que j'ai retrouvé certains des éléments dont j'ai parlé dans les documents que vous nous avez présentés. C'est dans ce sens que j'ai dit que votre témoignage ici, à la commission parlementaire, était très valable et m'avait permis, en tout cas, de voir plus clair dans le dossier. Bien sûr que, de l'autre côté, on ne le voit pas comme cela, mais ils vont le dire éventuellement. Je constate avec plaisir que ce n'est pas aux procureurs de la SEBJ qui sont devant nous aujourd'hui à commenter et je les remercie des réponses qu'ils nous ont fournies jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Jolivet): Me Cardinal veut ajouter quelque chose.

M. Cardinal: M. le Président, avec beaucoup de respect, cela a l'air qu'on va revenir, à la demande de l'Union Nationale, je me déclare neutre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, le commentaire conclusion intérimaire du député de Gatineau m'oblige à faire des remarques sur ce qui vient d'être dit. Ma première serait que je connais depuis quelques années maintenant le député de Gatineau; il aurait mieux fait de dormir la nuit dernière et de revenir en commission frais et dispos.

Nous sommes aujourd'hui au terme de la neuvième journée des travaux de cette commission parlementaire. J'avais cru, et je pense qu'on va rester naïf jusqu'à son tombeau, que nous aurions pu disposer de cette affaire en quelques jours. Même le quotidien La Presse reproche la longueur de ces travaux, il a même reproché au gouvernement d'avoir fait entendre tous et chacun des membres du conseil d'administration.

Pour bien nous situer, je voudrais apporter un éclairage important. Le 16 avril dernier, M. Marcel Adam - j'ai eu l'occasion de faire état de son éditorial - disait ceci: "Mais le gouvernement, par stratégie, a décidé de faire comparaître un grand nombre de simples membres du conseil d'administration de la SEBJ pour faire dire à chacun qu'il n'avait pas été l'objet de pressions indues de la part du bureau du premier ministre, comme si quelqu'un avait prétendu le contraire." Cela est écrit dans la Presse du 16 avril 1983.

Est-ce que quelqu'un a déjà prétendu le contraire? Ma réponse est affirmative, et je la retrouve dans la Presse du 16 mars sous la signature de M. Michel Girard: "À l'exception de M. Boyd et de deux collègues, tous les autres membres du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont cédé à l'ultime pression du premier ministre en acceptant le jour même de l'intervention en Chambre de M. Lévesque de donner à leurs avocats un mandat de négocier un règlement hors cour." Je laisse à la Presse la responsabilité de ses écrits, mais je comprends que l'Opposition libérale ici défend le dossier du quotidien La Presse bien confortablement installée sur l'immunité parlementaire et en abusant abondamment du délai et des règlements de l'Assemblée nationale.

M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, question de règlement de la part du député de Brome-Missisquoi. M. le député.

M. Paradis: Le ministre vient d'induire cette commission en erreur. Ce qui a été strictement dit par le chef de l'Opposition, par le député de Marguerite-Bourgeoys en Chambre, la première journée où cela a été demandé, ce qu'on défendait, c'était l'intégrité de l'Assemblée nationale du Québec...

Le Président (M. Jolivet): C'est effectivement une question d'opinion. M. le ministre.

M. Duhaime: Une question d'opinion, parce que votre collègue le député de Marguerite-Bourgeoys a également dit qu'il y aurait ici deux procès. Vous lirez les journaux. Je les lis pas mal ces temps-ci. Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que nous avons tenu à faire entendre tous et chacun des membres du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James. Ces gens ont témoigné ici sous serment. Chacun d'eux, en maintenant l'opinion qu'il a formulée au conseil d'administration, qu'il soit pour, qu'il soit contre, et l'abstention de M. Saulnier, suivant son explication, était un vote favorable, chacun d'eux, dis-je, sous son serment, nous a dit qu'en aucune manière il n'avait été influencé par Me Boivin, par Me Gauthier ou encore par le premier ministre.

Dans un deuxième temps, nous avons voulu entendre les avocats de la Société d'énergie de la Baie James et la société les a déliés de leur secret professionnel, ce qui est un fait rare, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce qui veut dire que le gouvernement a

voulu mettre sur la table tous les faits. Nous avons ici des documents - il faut deux valises maintenant pour les transporter -nous avons tout mis sur la table afin que l'éclairage puisse venir.

J'entendais tantôt le député de Gatineau nous faire un long exposé. Le moins que je puisse dire, c'est qu'il est en porcelaine. Des sous-entendus, des doutes, des présomptions, des hypothèses ou des échafaudages, dans mon esprit, ne constitueront jamais une preuve, et une opinion, encore moins. On a fait état d'une offre - je ne veux pas reprendre l'exposé en long et en large, j'aurai l'occasion de le faire plus tard - mais, lorsqu'on parle d'une offre de 400 000 $, il faudrait peut-être ajouter aussi que cette offre impliquait que la SEBJ acceptait une part de la responsabilité, ce qui a toujours été refusé et ce que vous n'avez pas dit dans votre exposé. Qu'il y ait eu ensuite une avance de 250 000 $, je pense que les avocats qui sont ici présents nous ont expliqué que c'était tellement embrouillé finalement qu'on ne savait pas exactement si c'était vrai ou non ou si c'était fondé. De toute façon, c'était fait au téléphone.

La seule chose qu'il m'importe de dire est que les questions, je les ai posées très clairement hier soir et abondamment de l'autre côté aussi à Me Aquin, à Me Cardinal, à Me Jetté. Est-ce que, oui ou non, ils ont négocié ce règlement avec Me Boivin? La réponse des trois est non. Est-ce qu'ils ont négocié ce règlement avec Me Yves Gauthier? La réponse des trois, c'est non. Est-ce qu'ils ont négocié avec M. Lévesque? La réponse, c'est non. Chacun des membres du conseil d'administration nous dit également qu'il n'a pas été influencé et qu'il a pris sa propre décision.

M. le Président, ce que je dis, c'est que je m'attendais un peu que nous allions, au cours de cette commission parlementaire, vivre ce que j'appellerais l'ambiance d'un procès ou du moins des effets de prétoire de temps à autre. Cela confirme d'ailleurs ce que le député de Marguerite-Bourgeoys avait lui-même annoncé, c'est-à-dire qu'il y aurait deux procès. Mais ce qui me renverse absolument ce matin - je n'ai jamais vu cela de ma vie - c'est qu'en cours d'audience d'une commission parlementaire, alors que des témoins sont appelés à donner leur version des faits, on nous fasse un long plaidoyer. Si c'est un procès que vous voulez, au moins attendez que tout le monde ait été entendu. Vous supposez d'avance quelles vont être les réponses des procureurs des syndicats québécois ou de l'union internationale. Moi, j'avoue que j'ignore complètement ce qu'ils peuvent nous dire; on ne les a pas interrogés. Je croyais tantôt qu'à la fin de son exposé, le député de Gatineau allait conclure que, quant à lui, la commission parlementaire pouvait ajourner ses travaux, qu'il avait sa conclusion.

M. Gratton: ...des questions à poser la semaine prochaine.

M. Duhaime: Cela me renverse absolument. La seule chose que je voudrais dire en terminant, et je vais le dire très clairement, c'est que je regrette infiniment que l'on prenne autant de temps à tournailler, à virailler et à bifurquer à gauche et à droite avec les mêmes questions, systématiquement. La référence la plus éloquente que je pourrais faire, c'est sans aucun doute le fait que M. Saulnier a été ici, je crois, sept ou huit heures. Ses procureurs sont ici, et je dois dire qu'ils y sont à leurs frais et je les en remercie, cela me gêne même de devoir le dire, depuis huit heures et demie. Ils vont devoir se présenter à nouveau ici mercredi matin à 10 heures. Si ce n'est pas un abus flagrant d'une institution parlementaire qui devrait être respectée, cela en est un. (13 heures)

M. le Président, en terminant, je voudrais peut-être suggérer aux députés de l'Opposition pour les inspirer pour les travaux de la semaine prochaine, je m'excuse de faire de la publicité à l'auteur, de lire M. Pierre Vadeboncoeur, qui a écrit des essais. Ce sont trois essais sur l'insignifiance. Le premier, c'est La parabole du néant; le deuxième, c'est Le panthéon de porcelaine; le troisième, c'est Les coups de feu de l'arbitraire. Je vous suggérerais cela pour votre fin de semaine et peut-être que, lorsqu'on reprendra nos travaux mercredi, vous aurez en tête qu'on a un objectif ici. C'est de faire toute la lumière, d'éclairer l'opinion publique et l'ensemble de la population qui nous écoute pour qu'on puisse arriver, premièrement, à finir et, deuxièmement, à connaître la situation. Mais, de grâce, je l'ai indiqué tout à l'heure, M. le Président, il y a ici quinze ou seize députés, si chacun fait son commentaire à tour de rôle, on n'en sortira pas. La mise en garde que j'ai faite tout à l'heure, c'est que ce que le député de Gatineau soulevait dans son commentaire allait entraîner une réplique. On perd tous notre temps actuellement. On fait perdre le temps de trois procureurs qui sont ici pour nous éclairer. On va devoir vous demander de revenir la semaine prochaine, je le regrette. Quant à moi, je n'ai pas d'autres questions.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Une question de règlement de la part du député de Gatineau.

M. Gratton: Est-ce que, chaque fois qu'un membre de cette commission, d'un côté comme de l'autre de la table, a dérogé au règlement de l'Assemblée nationale, vous êtes intervenu jusqu'à maintenant pour le rappeler à l'ordre lorsque vous vous en êtes rendu compte?

M. Blouin: ...un autre interrogatoire, un autre témoin.

M. Gratton: Je dis, M. le Président, que, quant à moi, j'ai constaté que, lorsqu'il y avait infraction au règlement, vous êtes intervenu pour rappeler le député fautif à l'ordre. Donc, lorsque vous n'êtes pas intervenu, c'est que nous agissions conformément au règlement, ce que nous entendons continuer de faire.

Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je peux vous dire, c'est que je savais qu'on était vendredi. C'était une fin de semaine qui débutait et, en même temps, on avait eu une semaine chargée. Je savais aussi, compte tenu de ce qu'on a discuté longuement ici, qu'un jour ou l'autre arriveraient des choses semblables. En conséquence, la présidence a essayé de faire en sorte que l'ensemble du règlement soit suivi, même si on a dit à certaines occasions qu'on innovait; il est faux de dire qu'on innove, mais il y a une chose qui est certaine, c'est qu'on n'est certainement pas sur des oeufs solides. Il reste une chose, c'est que j'ai essayé de faire en sorte que l'ensemble du règlement soit suivi le mieux possible en tenant compte aussi que je savais que, à ma gauche ou à ma droite, il y a des gens qui soulèveraient des questions de règlement auxquelles j'aurais à répondre, et je pense que j'aurai encore à y répondre d'ici la fin des travaux. Le député de Brome-Missisquoi m'a demandé la parole avant qu'on termine nos travaux pour aujourd'hui. Ce n'est pas pour poser des questions, c'est simplement pour me demander quelque chose.

M. Paradis: M. le Président, le ministre ne me demandera sans doute pas si c'est pertinent ou non, mais j'aimerais que cette commission invite M. André-E. Gadbois, qui est le procureur interne de la Société d'énergie de la Baie James. Si je fais cette demande dès aujourd'hui, c'est à la suite des témoignages qui ont été rendus et pour lui permettre d'être libéré de son secret professionnel, étant donné qu'il est membre du barreau.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, comme vous le savez, chaque fois, je vous demande de régler cette question à l'arrière du fauteuil, de telle sorte qu'on puisse avoir une réponse au début des travaux de la semaine prochaine, mais en disant que c'est des demandes que vous avez faites aujourd'hui, à moins que le ministre ne veuille ajouter quelque chose sur cette question ou qu'il n'aime mieux attendre à mercredi matin.

M. Duhaime: M. le Président, pour les fins de la poursuite de nos travaux, je pense que, par politesse, je vais en parler tout à l'heure et je n'ai pas d'objection à ce qu'un député de l'Opposition libérale m'accompagne dans ma démarche, au cas où. J'aurai à m'entretenir avec les trois invités qui sont ici afin de savoir si mercredi 10 heures leur convient. On avait anticipé que leur témoignage se terminerait ce matin. Cela bouscule aussi un horaire établi et des ententes qui avaient été prises avec Me Beaulé qui est retenu à l'extérieur mardi et jeudi. Il pouvait venir ici mercredi. J'avoue honnêtement que, pour la semaine prochaine, nous aviserons lundi.

M. Paradis: Quant à l'invité, Me Gadbois, est-ce que vous êtes en mesure de vous prononcer?

M. Duhaime: Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Comme vous le savez, je ne peux pas prendre de décision au nom du conseil d'administration d'Hydro-Québec ou de la Société d'énergie de la Baie James. Quant au secret professionnel qui lie Me Gadbois à sa cliente en vertu des dispositions de l'article 133 des règlements du barreau...

M. Paradis: Ils ont libéré Geoffrion et Prud'homme...

M. Duhaime: ...je prends votre demande sous réserve et j'aviserai.

Le Président (M. Jolivet): Donc, je remercie nos invités en leur disant de rester pour la petite rencontre à la fin. J'ajourne les travaux jusqu'à ce que l'on ait un mandat de l'Assemblée nationale, possiblement mercredi matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 13 h 06)

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