Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Jolivet): La commission élue
permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux ce matin,
jusqu'à treize heures, afin d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: MM. Bordeleau (Abitibi-Est),
Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Bourbeau (Laporte), Brouillet
(Chauveau), Gratton (Gatineau), Dussault (Châteauguay), LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Tremblay (Chambly) et
Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril
(Rouyn-Noranda-
Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Blouin (Rousseau), Paradis
(Brome-Missisquoi), Pagé (Portneuf), Doyon (Louis-Hébert) et
Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet).
Au moment où nous avons ajourné nos travaux hier soir,
nous en étions toujours avec Me François Aquin, Me Michel
Jetté et Me Jean-Paul Cardinal. La personne qui avait la parole à
ce moment et à qui je la redonne, c'est le député de
Laprarie.
M. le député, vous avez la parole.
Témoignages
MM. François Aquin,
Jean-Paul Cardinal
et Michel Jetté (suite)
M. Saintonge: Merci, M. le Président.
Hier, lors de l'ajournement des travaux, j'étais en train de
poser des questions à Me Cardinal sur l'ajournement des
procédures, la demande d'ajournement du 15. D'après les faits que
Me Aquin nous a rapportés hier matin, il semble que la demande
d'ajournement vous soit parvenue par l'intermédiaire de Me Gadbois, le
samedi. Je voudrais savoir si c'est courant, dans la pratique des choses en fin
de compte, que le procureur adverse, au lieu de communiquer directement avec
votre bureau, communique plutôt avec votre client pour vous informer
d'une telle demande de remise ou d'ajournement.
M. Cardinal: De mémoire, je ne sais pas qui a
communiqué avec Me Gadbois, mais Me Gadbois a communiqué avec
moi.
M. Saintonge: Vous n'avez pas su de quelle façon la
relation s'était faite avec Me Jasmin, qui a fait la demande
d'ajournement.
M. Cardinal: Non. M. Saintonge: Non.
M. Cardinal: J'ai reçu des instructions de Me Gadbois mais
je ne sais pas de qui il tenait ces instructions.
M. Saintonge: Quoi qu'il en soit, la demande d'ajournement
était présentée par le procureur des syndicats
québécois.
M. Cardinal: C'est à cette demande que nous avions
instruction de ne pas nous opposer.
M. Saintonge: D'accord. Maintenant, je voudrais, pour
l'étape suivante, parler un peu de ce qui s'est déroulé en
janvier, au début janvier. Après le 15 janvier, on a vu qu'il y
avait eu une rencontre le 15 janvier au matin entre les procureurs des
syndicats, Mes Beaulé et Jasmin ainsi que Mes Cardinal et Aquin,
où les procureurs syndicaux vous ont mentionné qu'ils
étaient prêts à commencer des pourparlers de
négociation. Cela s'est fait à la cour. Semble-t-il qu'à
ce moment Me Cardinal ait communiqué à Me Gadbois que votre seul
mandat était d'écouter. Ultérieurement vous avez eu une
rencontre, en fin de journée, à la SEBJ où M.
Laliberté était présent avec Me Gadbois et, encore une
fois, M. Laliberté vous a confirmé que votre mandat était
d'écouter sans commencer aucune négociation et d'obtenir des
offres écrites pour les transmettre au conseil d'administration.
J'arrive maintenant au 16 janvier. Le 16 janvier, Me Jasmin vous
rencontre, Mes Cardinal et Aquin, chez Geoffrion et Prud'homme, je pense,
à votre bureau et, à ce moment, il semble que Me Beaulé...
Vous avez mentionné la veille qu'il était réticent
à vous rencontrer puisqu'il ne voulait pas faire d'ouverture, puisque
vous n'aviez pas le
mandat de négocier. Ce sont les paroles de Me Aquin. À ce
moment également, Me Jasmin, présent à vos bureaux,
discute un peu de l'offre que Me Beaulé vous avait
présentée ou de la prétendue offre, ce qu'on avait pu
penser être une offre, suivant les termes de Me Jetté. De toute
façon, le point important que je veux faire ressortir ici est que,
suivant les paroles de Me Jasmin, Me Beaulé semblait prêt, si on
veut, à "matcher" - "matcher" est le meilleur mot, le terme
français m'échappe - l'offre que les syndicats
québécois pourraient faire et celle du syndicat américain
qui pourrait donner tout autant pour un règlement.
M. Cardinal: Jusqu'à concurrence de 250 000 $.
M. Saintonge: Jusqu'à concurrence de 250 000 $, qui
était l'offre présumée que Me Beaulé semblait avoir
faite le 10 janvier, je pense, mais ce qui s'était
révélé inexact. Ce jour-là, le 16 janvier, Me
Jasmin vous a remis une lettre avec une proposition de règlement fixant
le montant à 50 000 $. On pouvait présumer qu'il s'identifie un
peu et je cite: Me Jasmin prend en main les négociations pour les
syndicats. À ce moment-là, les 50 000 $ que Me Jasmin vous
propose, il n'y a peut-être pas d'information précise mais on peut
supposer quand même que les syndicats américains pourraient
"matcher" l'offre également.
C'est là que Me Jasmin demande de rencontrer M. Laliberté
à nouveau et une réunion est organisée pour le lendemain
avec M. Laliberté, Me Gadbois, Me Aquin et Me Cardinal. Le plaidoyer de
Me Jasmin est pour la paix sociale; Me Jasmin se retire et M. Laliberté
vous mentionne que la proposition est inacceptable mais, cependant, demande au
bureau de Mes Geoffrion et Prud'homme de préparer une formule de
transaction au cas où on déciderait de commencer les
négociations. Est-ce bien cela?
M. Cardinal: Oui, oui.
M. Saintonge: C'est bien cela, d'accord! Ma question est: Lorsque
vous avez parlé de la formule de transaction, il a été
mentionné que le montant devait rester en blanc; est-ce qu'il y a eu
quelque discussion relativement au montant qui pouvait être
demandé ou vers lequel la société pouvait tendre afin de
régler le dossier?
M. Aquin: Est-ce qu'on est à la rencontre du 17
janvier?
M. Saintonge: Du 17 janvier. M. Aquin: II y a...
M. Saintonge: Autrement dit, est-ce que M. Laliberté vous
a parlé d'un montant envisagé?
M. Aquin: II nous avait dit d'écouter. Je pense qu'il nous
a réitéré ce qu'il nous avait dit deux jours avant, qu'on
écoutait et qu'on n'avait aucun mandat de négocier des montants.
Il a dit que la proposition de Me Jasmin était inacceptable dans
l'ensemble. Je ne peux pas aller plus loin parce que je ne pense pas qu'il nous
a dit ce qu'il y avait d'inacceptable. Il y avait sûrement le chiffre et
il y avait peut-être aussi la formulation de l'offre. C'est pour cela
qu'il nous demandera ultérieurement de préparer un document que
les syndicats pourraient utiliser pour faire leur offre et qui serait
acceptable pour la SEBJ.
Alors, il a dit qu'il était prêt à attendre les
offres syndicales, mais entre nous, il avait évoqué, il me
semble, un montant qui pourrait être une approche. Si mon souvenir est
bon, il me semble bien qu'il parlait d'un montant qui pouvait être dans
les alentours de 900 000 $...
M. Saintonge: Qui correspondait, suivant le témoignage de
M. Laliberté, en fait, au montant des frais non seulement juridiques,
mais également d'expertises.
M. Aquin: Je ne voudrais pas qualifier cela, mais cela a toujours
été dans le dossier quand on nous a dit de demander un montant
raisonnable et, ensuite, quand on nous a dit: Essayez de demander un montant
qui couvre les frais. Ce n'était pas absolument précis, mais
c'était toujours ce chiffre qui était un peu à
l'ordre...
M. Saintonge: 900 000 $?
M. Aquin: Je ne voudrais pas être précis, mais il me
semble...
M. Saintonge: Environ, disons. Mais est-ce que, Me Aquin, quand
même, à ce moment-là, aussi...
M. Aquin: Cela reste là, parce que, justement, nous
n'avons aucun mandat de communiquer aucun chiffre et on attend.
M. Saintonge: D'accord. Est-ce que, quand même, à ce
moment-là, il y a eu d'autres discussions outre la question
monétaire concernant la responsabilité des parties?
M. Aquin: Là-dessus, si mon souvenir est bon, on avait
déjà un aveu, si vous prenez la proposition de Me Jasmin, pour
les deux locaux québécois qui sont, au fond, la même
réalité, le local 791 et l'union. Là, est-ce que c'est
à ce moment-là ou est-ce
que cela vient de nous? Je ne pourrais pas vous le dire. Mais je pense
qu'il y a eu une démarche dans le sens d'évoquer l'idée
qu'il faudra aussi que la partie adverse reconnaisse le bien-fondé du
gros de notre réclamation au point de vue des dommages. Cela, vous le
retrouverez dans le texte qui suivra. On le met, nous, dans notre texte.
Là, ce n'est pas uniquement l'aveu de responsabilité, c'est la
reconnaissance des dommages. Je pense que cela vient de M. Laliberté qui
l'exigeait.
Je n'étais pas là avant, mais quand on regarde tout le
débat qui a entouré l'affaire Cliche, les syndicats avaient dit
que les dommages étaient des dommages non fondés et, ensuite,
dans leur défense - M. Jetté me corrigera - ils semblent dire
à certains moments qu'il y avait une part de faute de la compagnie.
C'est pour cela que toutes ces questions étaient importantes. Il y a
donc ceci et l'aveu de responsabilité. A-t-on évoqué,
à ce moment-là, l'aveu de responsabilité du conseil
provincial? Je ne le penserais pas. Je pense que c'est venu un peu plus
tard.
M. Saintonge: D'accord. À ce moment-là, le 17
janvier - ma question s'adressera à chacun d'entre vous, en
commençant peut-être par Me Aquin - étiez-vous au courant
directement ou indirectement du va-et-vient ou du "promenage" - comme on l'a
qualifié ici - au bureau du premier ministre? Je me réfère
ici au 17 janvier, suivant les documents et les informations que nous avons
jusqu'à maintenant, mais surtout les documents venus du bureau du
premier ministre et remis à la commission parlementaire au tout
début. Je mentionne, par exemple, les rencontres avec Me Jean-Roch
Boivin, au bureau du premier ministre: le 4 décembre, Me Michel Jasmin;
le 11 décembre, Me Rosaire Beaulé; le 3 janvier, M.
Laliberté; le 12 janvier, Me Jasmin; le 15 janvier, Me Beaulé et
Me Jasmin; le 16 janvier, Me Jasmin. Également, au bureau de Me Yves
Gauthier, au bureau du premier ministre toujours: en octobre, M.
Laferrière; le 17 octobre, Me Jasmin; le 12 novembre, Me Jasmin; le 17
janvier, Me Jasmin.
Est-ce qu'à ce moment vous étiez au courant de ce
va-et-vient d'une quelconque façon, soit par quelqu'un qui aurait pu
aller à ces rencontres ou par quelqu'un d'autre?
M. Aquin: Ce que je vous ai répondu hier, c'est
qu'à cette époque M. Beaulé m'a dit qu'il avait
rencontré Me Jean-Roch Boivin, mais il ne m'a pas spécifié
quand. Il ne m'a pas dit si c'était une, deux ou trois fois. C'est
à partir de cela que je vous ai raconté hier comment je voulais
vérifier s'il était exact que les procureurs syndicaux avaient pu
se rendre au bureau du premier ministre. C'est ma réponse. Je ne peux
pas dire que je suis au courant d'un va-et-vient parce que toute la liste que
vous me citez, je l'ai lue dans le journal il y a quelques semaines.
M. Saintonge: Ma question se réfère à cette
époque, disons le 7 janvier, pour autant que vous puissiez vous en
souvenir.
M. Aquin: On nous avait dit y avoir été mais, le
nombre de fois et quand, on ne le savait pas.
M. Saintonge: Cela, c'est Me Beaulé. Est-ce que Me Jasmin
vous avait fait un commentaire?
M. Aquin: Cela se pourrait. Me Beaulé, j'en suis
sûr.
M. Saintonge: Est-ce que vous étiez au courant, soit par
Me Beaulé d'une façon certaine ou par Me Jasmin possiblement,
est-ce que l'un des deux vous a mentionné le but de leur visite au
bureau du premier ministre à ce moment?
M. Aquin: Je pense qu'ils nous ont dit -Me Beaulé a
été très franc - qu'ils voulaient sensibiliser le
gouvernement aux dimensions sociales de cette affaire. J'aimerais mieux que
vous lui posiez la question.
M. Saintonge: Me Cardinal, est-ce que, d'une façon directe
ou indirecte, vous avez été au courant de ce va-et-vient ou de ce
"promenage"?
M. Cardinal: M. le Président, avec beaucoup de
déférence, je vais naturellement répondre à la
question. Je voudrais qu'on m'exclue du va-et-vient, je n'aime pas l'expression
dans mon cas.
M. Saintonge: C'est une expression qui avait été
consacrée, d'une certaine façon, à la commission.
M. Cardinal: Je le sais bien. Oui, j'ai été au
courant que M. Jasmin...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Laissez Me Cardinal...
M. Cardinal: ...oui, M. le Président... Le
Président (M. Joiivet): À l'ordre!
M. Cardinal: ...oui, M. le Président, j'ai
été...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, mais on n'entendra
pas. (10 h 30)
M. Cardinal: Oui, M. le Président, j'ai été
au courant à un moment donné au cours
du mois de janvier, que M. Jasmin et M. Beaulé allaient voir M.
Jean-Roch Boivin.
M. Saintonge: Qui vous a mis au courant de cela?
M. Cardinal: Je pense que ce sont les deux avocats.
M. Saintonge: Les deux avocats. Est-ce qu'ils vous ont
mentionné à quelles fins?
M. Cardinal: Je savais bien pourquoi. Il s'agissait de l'affaire
du saccage de la Baie-James.
M. Saintonge: Mais relativement à quoi, exactement? Dans
quel but?
M. Cardinal: Je ne suis pas au courant, vraiment, des
conversations qu'ils avaient avec M. Jean-Roch Boivin.
M. Saintonge: Vous saviez simplement qu'il était question
du saccage?
M. Cardinal: Oui.
M. Saintonge: Vous ne saviez pas si c'était pour une
question de négociations ou...
M. Cardinal: Non. Vraiment, de notre côté, les
avocats, nous n'avions aucun pouvoir décisionnel. On parlait de choses
de droit. Si les avocats de la partie adverse allaient voir M. Jean-Roch
Boivin, cela ne nous regardait pas.
M. Saintonge: D'accord. Me Jetté?
M. Jetté: Le seul souvenir que j'en ai, c'est qu'il me
semble qu'au début de janvier, Me Beaulé m'avait dit qu'il avait
eu des communications avec Me Gauthier. Il ne m'a jamais parlé de
Jean-Roch Boivin. Je me souviens de cela parce qu'il l'appelait "Ti-Lou". Cela
m'avait frappé parce que j'ignorais même, à ce
moment-là, qu'il existait une personne du nom de Me Yves Gauthier qui
travaillait au cabinet du premier ministre. Je ne savais même pas que le
personnage existait. Alors, quand il a utilisé cette
expression-là, ça m'a frappé parce que je me suis toujours
dit: Je ne sais pas s'il aime ça, se faire appeler Ti-Lou. C'est pour
cela que j'en garde le souvenir. Mais, au-delà de cela, vraiment
pas.
M. Saintonge: Est-ce que vous étiez au courant que Me
Gauthier, Ti-Lou Gauthier, comme vous l'avez mentionné, était
aussi le tuteur du local 791 jusqu'en octobre - au moins jusqu'en octobre -
jusqu'à son entrée au bureau du premier ministre?
M. Jetté: Je pense que ça m'avait été
dit. J'ai le souvenir d'avoir su cela à peu près à cette
époque, qu'il avait été tuteur du local 791. Maintenant,
qui me l'avait dit, je ne me le rappelle pas.
M. Saintonge: Est-ce que relativement à cela, M.
Laliberté, à quelque moment, vous a mentionné sa rencontre
avec M. Boivin, à la demande de M. Boivin, au bureau du premier
ministre, le 3 janvier 1979 et la teneur de cette rencontre ou du souhait
exprimé par M. Boivin à cette rencontre-là? Me Aquin?
M. Aquin: La question s'adresse à moi? M. Saintonge:
Oui, Me Aquin.
M. Aquin: Non, la rencontre de M. Boivin avec M.
Laliberté, je l'ai apprise lors de la présente commission.
M. Saintonge: Me Cardinal?
Me Cardinal: C'est mon souvenir aussi.
M. Saintonge: Me Jetté?
M. Jetté: Je m'excuse, je n'ai pas compris...
M. Saintonge: Je me demandais si à quelconque étape
des discussions ou des rencontres avec M. Laliberté, le P.-D.G. de la
SEBJ, il vous a informé de sa rencontre au bureau du premier ministre,
à la demande de M. Boivin, de sa rencontre avec celui-ci, le 3
janvier?
M. Jetté: Non.
M. Saintonge: Me Cardinal, j'aimerais savoir si, à votre
connaissance, il y a eu des contacts directs, soit par appel
téléphonique, par lettre ou par rencontre, entre vous-même
ou quelqu'un de votre bureau et quelqu'un du bureau du premier ministre ou
encore un contact indirect, soit par une connaissance commune ou par un autre
membre de votre étude juridique - par exemple, il y a certains autres
avocats qui ont travaillé dans le dossier - ou même par des
défendeurs et peut-être même par quelqu'un de la SEBJ. Donc,
si vous avez eu un contact direct ou indirect qui aurait pu vous mettre au
courant du souhait, disons, ou du désir exprimé par le bureau du
premier ministre que la cause se règle. Était-ce à votre
connaissance, à ce moment-là?
M. Cardinal: II était devenu apparent assez rapidement que
c'était le désir du premier ministre. Il a fait une
déclaration en Chambre. Je ne me souviens plus à quelle
date...
M. Saintonge: Oui, je vous situe, Me Cardinal. L'époque
dont on parle se situe à la mi-janvier, vers le 17 janvier.
M. Cardinal: Le 2 février, quand j'ai rencontré M.
Boivin, la veille il y avait eu l'entrevue avec le premier ministre. Est-ce
qu'avant cette date...? Il faudrait que je me rappelle la déclaration du
premier ministre en Chambre.
M. Saintonge: Le 20 février.
M. Cardinal: Le 20 février. Ah bon! Avant le 2
février, je ne me souviens pas vraiment si je savais que le bureau du
premier ministre était intéressé à un
règlement. Cela ne m'étonnerait pas que j'en aie déduit
que oui, mais je ne suis pas sûr.
M. Saintonge: Je peux poser la même question à Me
Aquin.
M. Aquin: J'ai déjà répondu. Nos adversaires
nous l'avaient dit, nous l'avaient laissé entendre - du moins,
l'espéraient -mais je ne veux pas parler pour eux. Vous les
questionnerez. C'est vers le milieu ou la fin de janvier que je vois M.
Gauthier, qui me répond ce que je vous ai mentionné ce matin ou
hier.
M. Cardinal: II ne semblerait pas que le bureau du premier
ministre ait été contre.
M. Saintonge: Non. Je n'en doute pas non plus. Me
Jetté.
M. Jetté: Mon souvenir est assez imprécis. Il me
semble que je savais qu'il y avait effectivement un souhait gouvernemental pour
que cette affaire se règle. Maintenant, pourquoi étais-je sous
cette impression? Je ne pourrais vraiment pas vous le dire. M. Michel Jasmin,
que je côtoyais à la cour - on se parlait pas mal -me l'avait
peut-être dit ou laissé entendre. Il me semble que c'était
clair dans mon esprit, mais pourquoi, je ne m'en souviens pas de façon
précise.
M. Saintonge: Maintenant, je vais passer à une
période subséquente, disons la période du 18 au 26
janvier, qui a été indentifiée comme une période
d'activité assez intense où on travaillait vite. Me Aquin, hier,
dans son témoignage, en a parlé. Je reviens au 18 janvier, au
téléphone de Me Jasmin, pour rafraîchir un peu la
mémoire. Vous avez téléphoné à Me Jasmin
pour lui dire qu'une offre, s'il y en avait une, devait être
présentée et écrite pour le lundi 22 janvier suivant. Vous
travailliez à ce moment, Me Aquin, à la rédaction d'une
formule multilatérale de règlement hors cour, dans la
perspective, suivant vos paroles, où il y aurait une offre et dans la
perspective où il y aurait une transaction. Vous êtes souvent en
contact avec Me Jasmin, avec Me Gadbois, il y a une question de nouvelles
versions, etc, qui sont en plan. Ensuite, le 22, vous envoyez une lettre
à la SEBJ concernant les montants que la SEBJ peut probablement vous
devoir, suivant le travail effectué. Vous avez reçu aussi une
lettre et une transaction de Me Jasmin et de Me Beaulé ce jour,
transaction qui se chiffrait au montant de 125 000 $, tel qu'écrit par
les procureurs syndicaux. Il y a également des lettres et autorisations
de règlement des autres défendeurs qui sont parvenues au dossier,
tout cela pour être livré à Me Gadbois, le 22, qui devait
les remettre à M. Laliberté pour l'assemblée du conseil
d'administration du 23.
Ma question est: Dans ce sens précis, Me Aquin, est-ce usuel,
quand la cour est en audience - l'audience a commencé le 15, vous
êtes en procès, vous avez un mandat simplement de recevoir des
offres de règlement - que votre client vous demande de préparer
une formule de transaction, une formule de règlement hors cour aussi
détaillée et aussi précise que le travail qu'on vous a
demandé, sans savoir effectivement si une offre pourrait survenir? En
d'autres mots, est-ce ce que vous aviez compris ou si M. Laliberté a pu
vous mentionner qu'il attendait effectivement une offre des syndicats, qu'une
offre se préparait, puisque la marmite était ni plus ni moins en
ébullition à ce moment au sujet des rencontres, etc. entre les
parties? Étiez-vous en attente, ou M. Laliberté
l'était-il, d'une offre réelle de règlement?
M. Aquin: II y a plusieurs aspects dans votre question. Si je
reprends l'aspect qui me frappe le plus pour le moment, vous me demandez si
c'est usuel d'avoir une formule de transaction aussi complète que cela?
La réponse est non. Mais, d'un autre côté, il n'est pas
usuel non plus d'avoir une cause de cette nature avec un conseil
d'administration d'un organisme public, et cela ne m'a pas surpris, à
l'époque. Pour transmettre une offre au conseil d'administration, il
fallait un document de présentation qui soit assez complet. M.
Laliberté avait peut-être été un peu choqué
par le texte ou par une partie du texte de la proposition de Me Jasmin, celle
du 16. Me Jasmin parlait de partenaire, etc. Elle évoquait des
possibilités qui pouvaient quelque peu être
considérées - peut-être, je pense, que ce n'était
pas son intention -comme des menaces. Je comprends le cheminement de M.
Laliberté, qui dit: S'ils veulent nous faire une offre, qu'ils nous la
fassent dans un cadre, parce qu'il n'a pas employé le mot "transaction",
qu'ils la fassent dans un texte qui soit acceptable à la SEBJ et
à toutes les parties.
M. Saintonge: À ce moment, Me Aquin, il faut aussi noter
que toutes les formules de règlement hors cour sont aussi
préparées, je pense, peut-être pas par vous, mais par les
procureurs des syndicats. Vous préparez la transaction ou la formule
multilatérale, si on veut, qui va occuper toutes les parties. Cette
formule étant préparée d'une façon assez
précise, est-ce que vous avez été mis au courant par M.
Laliberté qu'une offre devait venir des syndicats ou si, par vos
contacts ou vos communications avec les procureurs des syndicats, on vous avait
laissé clairement entrevoir qu'une offre vous parviendrait, qu'une
négociation était en train de se faire?
M. Aquin: La réponse est oui, parce que la proposition
était déjà venue. Si on oublie l'avance qui a
été faite par M. Beaulé, quand on a la proposition de M.
Jasmin du 16 janvier, on n'a que la proposition d'un défendeur ou de
deux, et cette proposition n'est pas recevable par la SEBJ. Elle n'est pas
recevable pour... Je ne veux pas parler pour eux, mais, à plusieurs
points de vue, entre autres, je pense qu'elle ne correspond pas à une
offre de tous les défendeurs ... pour régler avec M. Jasmin
seulement.
Deuxièmement, je pense que le montant n'a pas été
celui qui a été retenu au mois de mars et, en plus, il y a dans
le texte de Me Jasmin des choses qui ne sont pas reconnues par la SEBJ. Je
pense qu'à ce moment, quand M. Laliberté me dit de
préparer les documents, ma tâche est assez simple. C'est que,
lorsque je rappelle Me Jasmin, il mettra dans le document le montant qu'ils
voudront nous offrir et je le transmettrai au conseil d'administration. Et,
lorsque cela arrive au conseil d'administration, ou bien - je vous parle a
posteriori, comme avocat - le conseil d'administration dirait oui, ou bien le
conseil d'administration dirait: Commencez les négociations et obtenez
un plus gros montant; mais une chose est certaine, c'est que tout le reste de
la documentation, le texte de règlement hors cour, le texte de
transaction, devrait être acceptable par nous. Pour être bien
sûr que ce soit acceptable par nous, je prépare ces textes.
M. Saintonge: On me dit que... Est-ce que je me trompe en disant
que le processus de règlement était enclenché d'une
façon certaine?
M. Aquin: Je ne peux pas dire que c'est un processus de
règlement. Je ne sais pas où nous en sommes à ce moment
dans la phase opérationnelle. Une chose est certaine, c'est qu'on attend
une offre et qu'on me demande: Quel est l'encadrement juridique acceptable pour
la SEBJ?
M. Saintonge: Merci. Maintenant, Me Aquin, je voudrais vous
interroger sur votre rencontre et votre appel téléphonique avec
Me Gauthier, du bureau du premier ministre, le 26. Je vais mentionner le 26
janvier, mais c'est le ou vers le 26 janvier. Vous avez dit que Me Gauthier
était une de vos connaissances de longue date.
M. Aquin: Depuis l'université.
M. Saintonge: Bon! À ce moment, est-ce que vous l'aviez vu
dans les mois précédents? Est-ce que vous le rencontriez
régulièrement ou est-ce que...
M. Aquin: Non, je ne le rencontrais pas
régulièrement, mais Me Gauthier a déjà
été mon client, lorsqu'il exerçait comme notaire. Je me
souviens que, lorsque je suis entré chez Geoffrion et Prud'homme,
notamment, je lui avais téléphoné, on s'était
rencontré et je lui avais dit que je réorientais ma
carrière dans ce bureau. Je le voyais et je vois Me Gauthier
peut-être une fois tous les ans ou tous les deux ans. Mais je savais
évidemment qu'il était au bureau du premier ministre, je ne me
souviens pas depuis quand.
Or, pour un contact privé comme celui que je voulais faire pour
m'assurer de la véracité de ce que mes confrères me
disaient du côté syndical, j'avais décidé de
l'appeler, parce que je le connaissais bien. (10 h 45)
M. Saintonge: L'aviez-vous vu tout récemment à
cette époque, dans les semaines précédentes ou les mois
précédents?
M. Aquin: Je ne pense pas. Si je l'avais vu, cela aurait
été au printemps d'avant.
M. Saintonge: Étiez-vous au courant de son rôle de
tuteur pour le local 791?
M. Aquin: Je dois vous dire qu'en janvier, je savais qu'il avait
été tuteur, mais à quelle époque, ce n'était
vraiment pas dans le tableau de notre conversation. Je savais qu'il avait
été tuteur.
M. Saintonge: D'accord! Tantôt, je suis venu
là-dessus seulement pour spécifier les discussions entre les
procureurs des défendeurs et le bureau du premier ministre; vous m'avez
dit que vous aviez été mis au courant par Me Beaulé
sûrement ou possiblement par Me Jasmin.
M. Aquin: Comme le dit aussi Me Jetté, peut-être que
Me Jasmin nous en parlait ou qu'ils étaient tous les deux ensemble.
M. Saintonge: Je notais hier que vous aviez mentionné que
vous trouviez plutôt déstabilisant dans votre processus de
travail
de savoir que les procureurs de la partie adverse avaient des rencontres
avec le bureau du premier ministre qui, en fait, était le principal
actionnaire de votre client.
M. Aquin: Les journaux ont été très
frappés par le mot "déstabilisant", mais ce que je veux dire,
c'est que, dans n'importe quelle cause, ce n'est pas toujours de la même
façon que cela se passe, mais, en 27 ans de pratique, lorsque vous
êtes dans une cause et que votre adversaire vous dit: Peut-être que
tu ne le sais pas, mais, du côté de vos clients, un jour, il y
aura un règlement, vous dites: Un instant, je vais vérifier,
parce que c'est ce que j'appelle "déstabilisant". Alors, on nous disait
qu'il est évident que nous espérions... J'aimerais autant ne pas
parler pour eux. Ils nous disaient: Nous espérons qu'il y ait un voeu
gouvernemental que cette cause se règle à cause de ses dimensions
sociales. Toute la question des dimensions sociales dont vous avez entendu
parler ici, on en entendait parler très fréquemment parce que Me
Jasmin avait rencontré M. Laliberté; il avait fait un assez long
exposé et il nous le refaisait pour essayer de nous convaincre; ce qui
était bien sa tâche, mais on continuait la cause.
M. Saintonge: En fait, on pourrait même dire que, lorsque
vous parlez de "déstabilisant" pour le client, on devrait dire: puisque
les procureurs rencontraient l'actionnaire unique de votre client. C'est un peu
cela.
M. Aquin: Je voulais vérifier cette information, parce que
j'aime bien, lorsque je suis dans une cause et dans un processus comme
celui-ci, tenir tous les tenants et les aboutissants de la situation.
M. Saintonge: Ce que je veux dire, c'est que votre client,
c'était la SEBJ...
M. Aquin: Pas les morceaux qui m'échappent.
M. Saintonge: ...la société dont la province est
l'actionnaire unique, en fait, dont le gouvernement est l'actionnaire
unique.
M. Aquin: Je ne comprends pas votre question.
M. Saintonge: Ce que je veux dire, c'est que tantôt vous
mentionniez que c'était "déstabilisant" sachant que votre
adversaire est dans le bureau de votre client, en fin. de compte, c'est
plutôt...
M. Aquin: Ah! vous parlez du mot "client".
M. Saintonge: C'est cela.
M. Aquin: II est bien évident que, lorsqu'on
représente une corporation de la couronne - ici, on représentait
la SEBJ; dans une autre affaire très importante, on représente
Hydro-Québec - il est bien évident que les relations entre le
gouvernement et les corporations de la couronne sont un sujet sur lequel il
pourrait y avoir une avantageuse commission parlementaire et où on
parlerait longtemps, mais il est sûr que le gouvernement est
l'actionnaire unique de ces corporations.
M. Saintonge: Pourtant, c'est vous qui avez placé l'appel
téléphonique à Me Gauthier. Là, l'échange au
téléphone n'a pas duré tellement longtemps puisque Me
Gauthier vous a proposé d'aller vous rencontrer chez vous. Est-ce bien
cela?
M. Aquin: C'est cela. Il a dit: Je vais te voir, je passe par ton
bout. C'est pour cela et je sais qu'il s'en allait avec sa femme dans un centre
commercial; alors, par recoupage - parce que tout ce qu'on fait ici, c'est du
recoupage - je sais que c'était un jeudi ou un vendredi, ce n'est
sûrement pas une fin de semaine.
Hier, lorsque j'écoutais cette commission parlementaire en
différé, à un moment, je m'aperçois que j'avais
dit: II aurait pu me répondre, mais il a dit: Je vais passer chez toi.
Je parle d'une conversation téléphonique. C'est vraiment un
lapsus, on s'est rencontré après. Alors, il vient donc chez moi
et je pense que cela a duré une demi-heure.
M. Saintonge: D'accord! Lorsqu'il vous a rencontré...
M. Aquin: Mais, vraiment, on a parlé de beaucoup d'autres
choses...
M. Saintonge: Beaucoup d'autres choses, mais si...
M. Aquin: Parce que la conversation... Comme je vous le dis, il
est bien important de savoir que tout ce monde ici a sa fonction et son statut.
Les avocats syndicaux travaillent pour leurs clients; nous travaillons pour
notre cause. Me Gauthier a ses fonctions, il est très prudent. J'ai
évoqué hier ses deux réponses: Je pense qu'il y a un
souhait du premier ministre - c'était très atténué
- et je pense être informé - parce qu'il n'était pas
là - qu'il y aurait des réticences ou des divisions au conseil
d'administration de la SEBJ. Je ne dis pas ni où ni comment il a ces
renseignements. Je ne veux pas aller plus loin pour ne pas le mettre mal
à l'aise.
M. Saintonge: Sans vouloir insister, j'aurais une ou deux
questions à vous poser là-dessus. Je me souviens que, hier, Me
Gauthier vous a mentionné - c'est ce que je pense avoir compris - qu'il
avait vu certains membres du bureau du premier ministre qui lui avaient
rapporté des propos concernant la situation globale de la poursuite.
Est-ce exact?
M. Aquin: Je me suis peut-être mal exprimé. Ce que
Me Gauthier me confirme, c'est qu'il est exact que les procureurs syndicaux se
sont rendus au bureau du premier ministre. Je ne pense pas qu'il me
spécifie qui ils ont vu. Dans mon esprit, il devient assez clair qu'ils
ont vu M. Boivin; c'est peut-être lui.
Deuxièmement, il me dit qu'il pense qu'un voeu gouvernemental
s'exprimera. Je pense que c'est comme cela que je comprends sa phrase lorsqu'il
dit: Je pense que le gouvernement est favorable. Je l'interprète en
disant: II est favorable, mais il s'exprimera ultérieurement. Mais cela,
c'est purement...
M. Saintonge: II ne vous avait pas donné l'expression du
voeu?
M. Aquin: Non. Je ne sais pas si vous vous référez
à une expression particulière, parce que ne suis pas censé
avoir assisté à tout; ici, j'ai fait d'autres choses. Si c'est
une expression particulière, c'est non.
M. Saintonge: Mais je veux me référer aux termes du
voeu exprimé.
M. Aquin: C'est là qu'il me dit qu'il se peut qu'il y ait
des réticences du côté du conseil d'administration. Cela
répond complètement à ma question, parce que le
renseignement qu'on me donne de l'autre côté est vrai. Cela me
situe dans l'ensemble. J'ai eu l'occasion de travailler dans ce genre de cause
où je représentais une corporation de la couronne, où
l'actionnaire unique est le gouvernement; tous ces gens ne peuvent pas
être tout le temps d'accord. À ce moment-là, vous vous
dites que, comme avocat, votre première mission est de devenir
très prudent.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez le souvenir qu'il vous a
mentionné des noms? Il y avait une division au conseil d'administration.
Il n'y a pas de noms qui avaient été mentionnés?
M. Aquin: Bien sûr que non. M. Saintonge: Vous
n'avez pas...
M. Aquin: Vous savez qu'on connaissait très peu les
membres du conseil d'administration. M. Cardinal a parlé de membres
qu'il connaissait. Moi, je connaissais M. Thibaudeau. Je me suis
référé à lui hier parce que j'ai déjà
plaidé devant lui comme arbitre, mais je connaissais assez peu les
membres du conseil. M. Saulnier, évidemment, parce que...
M. Saintonge: Est-ce que vous avez discuté du
résultat de cette rencontre avec Me Gauthier avec vos confrères
de bureau, Me Jetté et Me Cardinal?
M. Aquin: Je ne penserais pas. Peut-être que j'en ai dit un
mot à Me Cardinal, mais nous ne nous en sommes même pas
reparlé. Je ne suis pas sûr. Pas à Me Jetté. Je ne
penserais pas leur en avoir parlé. Moi, je voulais clarifier cette
question dans mon esprit pour comprendre toute la situation.
M. Saintonge: Maintenant, il y a une journée importante.
La journée du 2 février est une journée où il s'est
quand même passé beaucoup de choses. Le 2 février, vous
avez reçu l'information, Me Aquin, de Me Gadbois. Je ne sais pas si
c'est vous précisément; en tout cas, le bureau de Geoffrion et
Prud'homme a été informé par Me Gadbois que Me Jasmin et
Me Beaulé devaient vous remettre incessamment des rapports
destinés à la SEBJ, des rapports qui feraient état des
difficultés de recouvrement contre les syndicats québécois
et américain et qui révéleraient aussi la situation
financière des syndicats québécois. L'information disait
également que vous deviez recevoir la transaction que vous aviez fait
parvenir aux syndicats, mais avec la correction appropriée des syndicats
et une proposition.
Vous avez mentionné hier, Me Aquin, que vous assumiez que - si
j'ai bien compris - Me Gadbois avait parlé à Me Jasmin ou,
à tout le moins, que Me Jasmin avait parlé à Me Gadbois.
Est-ce que, pour vous, c'est dans le cours normal des choses - c'est la
question que je posais tantôt à Me Cardinal que le procureur
adverse puisse communiquer directement avec votre client au lieu de passer, par
exemple, par votre bureau ou par vous qui étiez les avocats au dossier
dans le cadre d'une transaction pour régler l'affaire?
M. Aquin: Ici, ce n'est pas surprenant. Me Gadbois vient à
la cour au début - je pense, je ne veux pas parler pour lui, mais il me
semble qu'il vient à la cour - et quand Me Jasmin vient rencontrer M.
Laliberté, Me Gadbois est là. Alors ce sont tous des membres de
la même corporation professionnelle. Les lettres-rapports, ce sont
vraiment des informations que la SEBJ veut.
J'ai dit hier que je pensais que c'était M. Gadbois qui avait
été le truchement pour demander cela à nos
confrères. M. Jasmin vous dira qui, mais ce n'est pas nous. Nous
autres, on a été informés qu'ils vont venir nous
porter cela.
M. Saintonge: Je demande juste: à votre connaissance.
M. Aquin: À ma connaissance, du moins, M. Cardinal
reçoit un appel téléphonique et il nous informe que les
avocats s'en viennent nous porter les lettres-rapports. Il va falloir qu'ils
fassent des corrections à une partie de la transaction.
M. Saintonge: Une autre question que je voudrais vous poser
relativement à cela. Me Cardinal faisait allusion hier qu'il y a aussi
eu des allusions antérieures, par des anciens P.-D.G. de
société d'État, que cela pouvait arriver qu'il y ait des
contacts entre le bureau du premier ministre et les conseils d'administration
ou des gens qui siègent aux conseils d'administration. Parfois, Me
Cardinal imaginait que cela pouvait être normal que des avocats d'une
société d'État puisse communiquer avec le bureau du
premier ministre ou des gens du bureau du premier ministre. Est-ce que c'est
normal que les défendeurs, dans une action, communiquent avec le
demandeur ou communiquent aussi avec l'actionnaire ou le seul actionnaire de la
société d'État en question?
M. Aquin: Vous me posez une question sur laquelle va devoir se
pencher cette commission lorsqu'elle fera son rapport. Maintenant, je ne suis
pas ici pour rendre des jugements.
M. Saintonge: Non, ce n'est pas un jugement.
M. Aquin: Je n'ai été nommé à aucun
tribunal.
M. Saintonge: Ce que je vous ai demandé, Me Aquin, c'est
sur le plan professionnel.
M. Aquin: Je sais, après 27 ans de pratique, ce que vous
répondraient les procureurs qui posent de tels gestes. Ils diraient que
ce n'est pas une cause comme les autres, que le gouvernement que vous
représentez, c'est le gouvernement de tout le monde. Nos clients aussi
ont le droit de faire valoir leur point de vue. Je ne parle pas de cette
cause-ci, mais j'ai déjà entendu cette version. Je ne suis pas
ici pour les juger. Cela ne m'est jamais arrivé de le faire. Cela ne
veut pas dire que c'est anormal de le faire. J'aimerais autant ne pas qualifier
cela parce que ce n'est pas mon rôle.
M. Saintonge: Ma question, Me Aquin, était simplement sur
le plan professionnel -je voudrais que ce soit clair de ce côté -
si c'était usuel que les défendeurs communiquent avec
l'actionnaire principal du demandeur.
M. Aquin: Le mot "usuel" est un grand mot. Je pense que M.
Cardinal vous l'a dit hier, cela se fait.
M. Saintonge: Me Cardinal, hier, faisait allusion à la
situation inverse, c'est-à-dire que vous communiquiez avec votre client
ou l'actionnaire de votre client. Dans le cas présent, c'est l'autre
partie qui communique avec l'actionnaire de votre client.
M. Aquin: Cela se fait; dans ce cas-ci, s'entend, lorsqu'il
s'agit du gouvernement, parce que les gens vous diront, dans ce
temps-là, qu'il s'agit de l'intérêt public, et ils veulent
saisir le gouvernement de leur point de vue. Je ne suis pas là pour
juger cet aspect. Je ne suis pas un tribunal déontologique de la
profession. Il est sûr que, dans ce genre d'affaires, c'était au
su et au vu de tout le monde, quand M. Jasmin a dit: J'aimerais rencontrer
votre client pour lui faire tenir des considérations autres que
financières. Ici, je ne pense pas que personne puisse critiquer cette
rencontre, mais ce n'est pas usuel non plus. C'est parce qu'on est devant une
société d'État. On est présent. Ce n'est pas usuel,
mais ce n'est pas critiquable.
M. Saintonge: Est-ce que, de votre côté...
M. Aquin: Une fois que cette porte-là est ouverte, qu'il y
ait eu un appel téléphonique ou l'autre entre le contentieux de
la SEBJ et M. Jasmin, c'est possible, mais je ne peux pas répondre pour
personne.
M. Saintonge: Est-ce que, de votre côté, Me Aquin,
vous avez eu des communications avec les clients de Me Jasmin ou de Me
Beaulé?
M. Aquin: Non.
M. Saintonge: En aucune façon.
M. Aquin: Non.
M. Saintonge: Me Cardinal?
M. Cardinal: Ah! non.
M. Saintonge: Non.
M. Cardinal: Je n'ai jamais eu de communication avec les
unions.
M. Saintonge: Vous, Me Jetté?
M. Jetté: Absolument pas. (11 heures)
M. Saintonge: Le 2 février, M. Boivin a
téléphoné au bureau de Geoffrion et Prud'homme. Qui a
reçu l'appel de M. Boivin au bureau de Geoffrion et Prud'homme? Est-ce
que c'est dans votre souvenir?
M. Aquin: Je sais qu'il nous a invités, Me Cardinal et
moi, à déjeuner. Je ne pourrais pas vous dire auquel des deux il
a parlé.
M. Saintonge: C'est à l'un de vous deux.
M. Aquin: Pardon?
M. Saintonge: C'est à l'un de vous deux?
M. Cardinal: C'est à l'un de nous deux.
M. Saintonge: Maintenant, l'étape suivante, vous vous
êtes rendus au restaurant pour le dîner, au Piémontais,
comme vous l'avez mentionné hier. Qui a pris l'initiative des
discussions au lunch, à ce moment-là?
M. Aquin: Je pense que c'est dès le début du lunch
que M. Boivin nous a dit que, la veille, le premier ministre avait
rencontré les trois présidents, MM. Saulnier, Laliberté et
Boyd.
M. Saintonge: Vous avez mentionné, Me Aquin, que Me
Cardinal était déjà au courant de la rencontre de la
veille du premier ministre avec les trois directeurs.
M. Aquin: M. Cardinal l'a dit aussi.
M. Saintonge: M. Cardinal, oui. Qui vous avait mis au courant de
cette rencontre-là?
M. Cardinal: Vous savez, j'étais très près
de la situation, naturellement, avec nos clients. Alors, quand Jean-Roch Boivin
nous a annoncé cela, je le savais. Maintenant, j'ai dû le savoir
probablement de André Gadbois, ou de quelqu'un de la SEBJ.
J'étais trop près de la situation pour ne pas savoir qu'à
un moment donné les trois P.-D.G. rencontraient le premier ministre.
M. Saintonge: Quand M. Boivin a fait allusion à la
rencontre des trois P.-D.G. avec le premier ministre, est-ce que M. Boivin vous
a exprimé, vous a mentionné le souhait que le premier ministre
avait fait tenir aux trois P.-D.G. concernant la cause en question?
M. Cardinal: Je pense bien que c'était le but du
lunch.
M. Saintonge: Bon. Dans quels termes avez-vous appris le souhait
du premier ministre?
M. Cardinal: M. Jean-Roch Boivin nous a dit: Les trois P.-D.G.
ont rencontré le premier ministre qui a exprimé le souhait que
cette cause se règle.
M. Saintonge: Est-ce que M. Boivin a ajouté, suivant
l'expression que M. Lévesque a fait tenir aux trois P.-D.G., non
seulement qu'il souhaitait que la cause se règle, mais que, si la cause
ne se réglait pas, lui, il la réglerait?
M. Cardinal: II n'a pas été aussi loin que
cela.
M. Saintonge: Vous avez appris ultérieurement ce
désir du premier ministre selon lequel, si la cause ne se réglait
pas, lui, il la réglerait?
M. Cardinal: Je pense que je l'ai entendue ici, cette
remarque.
M. Saintonge: Me Aquin.
M. Aquin: Si vous me permettez, M. Boivin nous a dit ce qu'on
vient de vous dire. Il ne nous a pas fait état de toute la rencontre, de
telle manière que, personnellement - je parle pour moi, je ne sais pas
quelles sont les informations que M. Cardinal avait - j'aurais pu penser que la
veille tout le monde était relativement d'accord. Je ne sais pas. Il
nous a dit que le premier ministre leur avait exprimé son souhait que
cela se règle et c'est tout. Donc, à ce moment-là, je fais
des déductions. Je ne sais pas s'il y a eu des réticences ou non,
on ne nous le dit pas.
M. Saintonge: Vous ne vous en êtes pas informé
à M. Boivin, à ce moment-là? Vous avez eu, si je me
souviens bien, le 26, environ une semaine avant cela, la rencontre avec Me
Gauthier, du bureau du premier ministre, qui vous a fait part de certaines
réticences, à tout le moins, au niveau du conseil
d'administration de la société.
M. Aquin: Oui.
M. Saintonge: À ce moment-là, est-ce que vous vous
êtes informé à M. Boivin si ces réticences-là
étaient tombées, ou ce qu'il en était advenu, si les
membres du conseil d'administration avaient accepté de bon aloi le
souhait clairement exprimé du premier ministre?
M. Aquin: Non, parce que vous comprenez que la question que je me
posais quand j'ai vu M. Gauthier devenait
complètement périmée. Je savais que, la veille, le
premier ministre avait rencontré les trois présidents. Il n'y
avait plus de... Et même, cela a été ma question. Parce
que, dans les relations entre le gouvernement et les corporations de la
couronne - M. Garand a écrit un article fort intéressant à
ce sujet - c'est toujours très complexe. Alors, j'ai dit: Est-ce que
c'est une information officieuse que tu nous transmets? Il a dit: Non, ils vont
dire à leur conseil d'administration qu'ils ont eu cette
rencontre-là.
M. Saintonge: Est-ce qu'au cours du lunch avec M. Boivin il a pu
être question, aux fins du règlement de la cause, du montant
d'argent qui pouvait être impliqué rendant possible le
règlement?
Deuxièmement, est-ce qu'il a pu être discuté de la
question de responsabilité des parties? Troisièmement, est-ce que
Me Boivin vous avait parlé des opinions juridiques qui soutenaient
l'action, pour vous, selon que vous aviez une bonne cause d'après les
opinions juridiques que vous aviez fait parvenir à vos clients?
M. Aquin: Vous avez trois questions. Il n'a pas été
question d'argent du tout. Je n'ai jamais parlé de quantum avec M.
Boivin. Votre deuxième question était...
M. Saintonge: La responsabilité des parties.
M. Aquin: Non. M. Boivin n'était pas
intéressé à cela. M. Boivin nous donnait vraiment
l'impression de nous rencontrer pour nous mettre au courant de cette rencontre
qu'il y avait eu la veille. Cela se situe dans un ensemble. De mon
côté, en janvier, je voulais savoir ce qui se passait. La veille,
ayant eu cette rencontre, M. Boivin voulait nous mettre au courant de cette
rencontre. Mais il n'a pas été question du quantum, s'il y avait
un règlement. Il n'a pas été question des aveux de
responsabilité. Ce n'est pas le genre de M. Boivin d'entrer dans des
longues discussions quant à des opinions juridiques sur la
responsabilité.
M. Saintonge: II ne vous a pas demandé si vous aviez une
bonne cause, comme procureurs. Il ne s'en est pas informé.
M. Aquin: Ah! cela...
M. Saintonge: Peut-être que Me Jetté, n'étant
pas au lunch...
M. Aquin: II se peut qu'on le lui ait dit, mais ce n'est pas pour
cela qu'il nous rencontrait. C'était pour nous communiquer
l'information.
M. Saintonge: Me Cardinal, est-ce que vous avez d'autres
commentaires ou d'autres renseignements là-dessus?
M. Cardinal: Non, je n'en ai pas d'autres.
M. Saintonge: Me Aquin, vous avez mentionné, hier, que M.
Boivin vous avait fait part que vous deviez recevoir incessamment les rapports
de Mes Jasmin et Beaulé, en fait, les rapports auxquels Me Gadbois avait
fait allusion le matin même. On est toujours le 2. Me Boivin était
au courant de cela. Cela vous a-t-il étonné qu'il soit au
courant, d'une part? D'autre part, savez-vous qui lui avait mentionné
que les procureurs syndicaux devaient vous faire parvenir des rapports? Ces
rapports, je le rappelle, faisaient allusion aux difficultés
financières des syndicats de rembourser de même qu'à
l'état financier de ceux-ci.
M. Aquin: Même aujourd'hui, je ne le sais pas. J'ai une
hypothèse. Est-ce à la rencontre de la veille ou à la
suite de cette rencontre que des gens ont dit que des rapports seraient
envoyés? Je l'ignore complètement. On nous a dit qu'il y avait eu
une rencontre la veille et que des rapports nous seraient acheminés par
les procureurs des syndicats. C'est vraiment tout ce que je sais.
M. Saintonge: Vous n'avez pas su d'où M. Boivin tenait
cette information? Il ne vous l'a pas mentionné.
M. Aquin: Non.
M. Saintonge: Me Cardinal, n'avez-vous pas de souvenir à
ce sujet?
M. Cardinal: D'après mon souvenir, c'est M. Saulnier qui
voulait avoir ce rapport.
M. Saintonge: Que Me Boivin sache qu'il s'en venait...
M. Cardinal: Je ne me souviens pas, à ce moment-là,
que M. Boivin l'ait su.
M. Saintonge: Me Boivin ne vous a pas dit non plus que, la
même journée, il avait pu rencontrer Mes Beaulé et Jasmin
ou qu'il devait les rencontrer dans la journée?
M. Aquin: Non.
M. Saintonge: En fait, je fais allusion au fait que, le 2
février, d'après la liste des rencontres au bureau du premier
ministre, qui nous a été remise par le bureau du premier
ministre, Mes Beaulé et Jasmin sont mentionnés au registre comme
ayant effectué
une visite à Me Boivin.
M. Cardinal: Avant ou après le lunch?
M. Saintonge: Je n'ai aucune idée. Les heures ne sont pas
indiquées. Me Jasmin, n'étant pas venu, nous ne le savons
pas.
M. Aquin: Je suis sûr qu'il ne nous parle pas de cela.
M. Saintonge: Quant à la durée du lunch, en gros,
est-ce que cela a été assez long? Pendant combien de temps
avez-vous parlé, durant ce lunch, à propos du règlement de
la cause ou des possibilités? Est-ce que vous avez un souvenir
là-dessus?
M. Aquin: Je dois dire que, pris comme on l'était durant
ce mois - parce qu'on avait aussi d'autres causes à s'occuper - cela
n'a...
M. Saintonge: Oui, je suis d'accord. Me Aquin, ce que je veux
spécifier ici...
M. Aquin: ...sûrement pas été un lunch
d'une...
M. Saintonge: Ce que je veux vous dire, la question est bien
simple. Vous nous avez mentionné tantôt...
M. Aquin: Oui, oui.
M. Saintonge: ...quand j'ai parlé des formules de
transaction que vous deviez préparer, que cela n'était
peut-être pas usuel - j'ai employé le mot "usuel" - ou normal que
vous le fassiez comme cela pour toutes les causes. Mais ce n'est pas tous les
jours que vous avez une cause de cette envergure, de 32 000 000 $, avec un tel
impact. C'est pourquoi je me demandais si vous pouviez avoir le souvenir de
cela également, puisque c'est dans le cadre de la même cause, avec
quand même, d'une façon assez exceptionnelle, des rencontres avec
M. Boivin. Est-ce que vous avez un souvenir de la durée de
l'échange?
M. Aquin: Par déduction, si je me souviens de mon emploi
du temps à cette période. Je dirigeais le contentieux et
j'étais pris dans une cause fort considérable, je supervisais le
travail du bureau; nous représentions la RIO devant la commission
Malouf. Par déduction, je ne pense pas que j'aie pu être à
un lunch plus qu'une heure et demie ou une heure et 45 minutes.
M. Cardinal: Si vous me permettez, M. le Président, je ne
m'en souviens pas moi non plus, mais j'ai une autre logique que Me Aquin. C'est
rare que mes lunchs dans les restaurants italiens soient courts.
M. Saintonge: D'accord. La même journée, le 2
février, Me Jasmin s'est rendu à vos bureaux; c'était
toujours à la suggestion de Me Gadbois suivant ce que Me Aquin nous
avait mentionné. Me Jasmin vient discuter avec vous de la question de la
formule de transaction - c'est bien cela - et de la possibilité de la
présentation d'une nouvelle offre qui devait être prête pour
le 5 qui s'en venait rapidement. Me Jasmin est allé à votre
bureau, cette journée-là. Vous a-t-il parlé de ses
rencontres ou d'une rencontre possible avec Me Boivin concernant le
règlement de la cause? Nous sommes le 2, je vous le rappelle, le
lendemain de la rencontre avec le premier ministre et les trois P.-D.G. Me
Jasmin vous a-t-il fait allusion à quelque chose de ce
côté?
M. Aquin: Non.
M. Saintonge: Et Me Cardinal?
M. Cardinal: Je ne pense pas.
M. Saintonge: Me Aquin, avez-vous dit à ce moment que vous
aviez rencontré de votre côté, comme procureur de la SEBJ,
la contrepartie puisque Me Jasmin ou Me Beaulé vous avait fait part de
ces rencontres avec le bureau du premier ministre? Avez-vous fait part à
Me Jasmin, pour restabiliser la situation, si vous voulez, que vous aviez
rencontré, vous aussi, les gens du bureau du premier ministre?
M. Aquin: Non pas du bureau, que j'avais rencontré Me
Boivin le midi.
M. Saintonge: Les gens du bureau du premier ministre.
M. Aquin: J'en serais bien surpris. Je ne suis pas aussi
extroverti que cela.
M. Saintonge: Le 5 février, vous avez reçu à
vos bureaux les lettres contenant le rapport de Me Jasmin et de Me
Beaulé sur l'état des finances des syndicats et leur
possibilité de payer les jugements éventuellement. Vous avez
reçu également la transaction, je crois que c'était une
transaction pour les deux procureurs. Est-ce exact? Vous avez un bon souvenir
sur cela.
M. Aquin: D'habitude, ils avaient toujours chacun leur
document.
M. Saintonge: De toute façon, disons que vous avez au
moins un document identique pour les deux.
M. Aquin: Oui, ils ont le même document, mais, d'habitude,
ils ont chacun leur document.
M. Saintonge: Me Jasmin vous faisait alors allusion à des
difficultés qu'il rencontrait avec Me Beaulé concernant la
question du règlement. Est-ce que vous connaissez la teneur de ces
difficultés? Vous avez mentionné cela hier
M. Aquin: II faut bien se souvenir. D'ailleurs, la formule de
transaction reflète bien la réalité. Chacun continue un
peu de dire ce qu'il disait pendant le procès, mais chacun a une chose
en commun, c'est qu'il termine la cause. Eux représentaient des
positions assez divergentes devant la cour. Me Beaulé se
préparait à prouver que c'était la faute des syndicats
québécois et que ce n'était pas la faute du syndicat
américain. Me Jasmin, j'imagine - je ne veux pas parler pour lui, mais,
dans une transaction - devait lui dire que ses clients étaient plus
riches que les siens; on sentait très bien qu'il y avait un peu de
friction entre les deux. Je pense bien que Me Jetté aussi pourrait
s'exprimer sur cela. Nous, de bonne guerre, on n'était pas là
pour aplanir les difficultés entre nos adversaires.
M. Saintonge: Je n'en doute pas. Il y a quelqu'un d'autre, je
pense, qui se chargeait de toute façon de cela.
M. Aquin: On ne fera pas le travail de la commission, on va vous
laisser faire vos travaux.
M. Saintonge: Me Aquin, le fait qui m'intrigue ici, c'est la
transaction que vous aviez fait parvenir à Me Jasmin et Me
Beaulé, la formule précédente. Il y a 125 000 $
d'inscrits, si je me souviens bien.
M. Aquin: Je pense que je l'avais de nouveau laissé en
blanc parce que je ne mettais jamais les chiffres. S'il y a un chiffre, c'est
une erreur. (11 h 15)
M. Saintonge: Mais à tout le moins, si
c'était...... C'est-à-dire que vous...
M. Aquin: À un moment, j'ai demandé de corriger,
mais les chiffres ne sont jamais venus de nous.
M. Saintonge: D'accord. Je suis d'accord avec vous. Ce que je
veux mentionner, c'est que, lors de la réunion, la formule
précédente avait été remise au conseil
d'administration de la SEBJ pour la réunion du 23 janvier. Il y avait
là une proposition pour un règlement pécuniaire de 125 000
$. Le 5 février, il y a une nouvelle formule que Me Jasmin vous fait
parvenir, qui revient à zéro.
M. Aquin: Oui, il laisse le montant en blanc.
M. Saintonge: Le montant en blanc, et il s'en va au conseil
d'administration le montant en blanc. C'est bien exact?
M. Aquin: Là, on est en train de transmettre au conseil
d'administration... Je ne veux pas me tromper, vous comprenez que ce n'est pas
une affaire facile quand on entre dans la marche du document. Mais, si je ne me
trompe pas, je pense bien qu'on a d'abord acheminé tous les documents au
conseil d'administration et que cela comprend l'offre de 125 000 $.
Ce qui nous revient, dans un premier temps, c'est qu'on demande des
lettres-rapports et qu'ensuite on nous a dit qu'il va falloir que le texte soit
modifié parce qu'il y a des parties qui sont jugées offensantes.
On voit Me Jasmin, on lui dit quelles sont les parties que l'on juge
offensantes. Il refait un texte - vous en avez quelques-uns que vous avez vus
hier - et il nous remet le texte. Le mandat que nous avons à ce moment
est de rafistoler encore une fois ce texte pour qu'il soit acceptable à
tout le monde.
La question d'argent n'est pas dans l'air encore. On nous demande que
cela soit corrigé par la partie adverse, si je comprends bien, pour que
le conseil d'administration puisse ensuite continuer d'étudier la
question. C'est là que Me Jasmin laisse soudainement le montant en blanc
et, de la façon que je le vois, je considère cela comme
étant chez lui une technique de négociation. Après avoir
parlé de 125 000 $, il s'en va à 1 $ et dit: C'est une question
purement sociale et j'aime autant ne pas m'engager sur un chiffre; nous, on le
transmet à Me Gadbois.
M. Saintonge: Vous n'avez pas eu la réaction du conseil
d'administration là-dessus, en contrepartie?
M. Aquin: II y a un conseil d'administration le 6 février
et c'est là qu'on a le mandat du 7 février qui est à la
page 107, où on nous dit, page 107...
M. Saintonge: Vous avez le mandat d'explorer la
possibilité d'un règlement hors cour. C'est cela?
M. Aquin: C'est cela.
M. Saintonge: Dans le fond, vous n'avez pas eu le feed-back ou la
réaction du conseil d'administration vu que l'offre était
tombée à zéro?
M. Aquin: Non, on n'a pas de réaction du conseil
d'administration, mais je pense que la réaction de Me Gadbois avait
été de ne pas prendre cette manoeuvre très au
sérieux et de considérer que les documents
qu'on avait pour les 125 000 $ étaient toujours la position
syndicale.
M. Saintonge: D'accord. Maintenant, si je reprends, le 6
février, à la réunion du conseil d'administration, vous
avez le mandat d'explorer les avenues d'un règlement. Vous entrez donc
dans le dossier de plain-pied pour la négociation. Le 7 février,
vous recevez le mandat écrit et, également le 7 février,
vous avez des rencontres à vos bureaux avec Me Jasmin et avec Me
Beaulé. Me Cardinal, à ce moment, si j'interprète bien ou
si j'ai bien compris les paroles de Me Aquin hier, vous avez rencontré
Me Jasmin. Vous avez négocié, le 7 février, avec Me
Jasmin. Quelle était la teneur de votre négociation, à ce
moment, au niveau du règlement hors cour du dossier? De quelle
façon le processus de règlement s'est-il enclenché au
niveau financier?
M. Cardinal: Je n'ai pas la lettre de notre mandat, mais je pense
que je n'en ai pas besoin. C'est qu'on nous demandait que tous les...
M. Saintonge: Je peux vous le confirmer ici: "Je vous confirme,
par la présente lettre, le mandat dont je vous ai fait part de
façon verbale hier après-midi à l'effet que le conseil
d'administration demande que vous exploriez auprès des procureurs des
défendeurs la possibilité d'un règlement hors cour de la
cause ci-haut mentionnée sur la base d'une reconnaissance par tous
(souligné, t-o-u-s) les organismes qui sont défendeurs dans cette
cause de leur responsabilité pour les dommages et du paiement à
la Société d'énergie de la Baie James d'une somme d'argent
qui pourrait lui être acceptable, le tout sous condition que les actions
instituées par les compagnies d'assurances contre les mêmes
défendeurs soient réglées préalablement."
Dans le cadre du texte du mandat, vos négociations avec Me Jasmin
ont donné quoi, tant au point de vue de la reconnaissance de la
responsabilité qu'au point de vue du montant d'argent
représentant une somme acceptable? Est-ce qu'on vous avait fixé,
à ce moment-là, au conseil d'administration, la somme acceptable?
Qu'est-ce que le conseil d'administration pouvait entendre par somme
acceptable? Est-ce qu'on en revient aux 900 000 $ auxquels Me Aquin faisait
allusion un peu plus tôt ce matin?
M. Cardinal: D'après mes notes, on nous demandait que les
défendeurs paient tous les honoraires payés et à
être payés par la Société d'énergie de la
Baie James. Alors, le montant de 900 000 $ a du bon sens. Quant aux admissions
de responsabilité, j'en ai certainement discuté avec Me Jasmin
et, un peu plus tard, je pense que l'offre a été montée de
125 000 $ à 175 000 $, de mémoire. C'était probablement
à la suite des négociations que j'avais eues avec lui.
Naturellement, Me Jasmin était toujours étonné de
cette demande de la Société d'énergie de la Baie James,
parce que tout le monde savait que les Américains n'admettraient jamais
leur responsabilité.
M. Saintonge: Au point de vue du montant d'argent, puisqu'on en
était venu à 125 000 $ et qu'on en était venu à 0,
Me Jasmin avait parlé de 1 $, à ce moment-là, à la
réunion du 7 février, à votre connaissance, est-ce que Me
Jasmin a convenu d'un montant d'argent?
M. Cardinal: Non, mais je pense que c'est à la suite de
cela que l'offre qu'on a eue, un peu plus tard, de 175 000 $ est
arrivée.
M. Saintonge: D'accord. Me Aquin, vous avez eu des discussions
avec Me Beaulé. Si je me souviens bien, vous avez fait allusion au fait
que Me Beaulé voulait s'en tenir aux 125 000 $. Dans sa lettre du 22
janvier 1979, que nous avons ici au cahier, Me Beaulé mentionnait au
paragraphe 1: "Eu égard aux sommes considérables que ma cliente a
dû payer, il serait irréaliste de penser que l'indemnité
forfaitaire de 125 000 $ payable à la Société
d'énergie de la Baie James puisse être augmentée." Dans le
cadre de vos discussions, vous avez proposé 400 000 $, je pense,
à Me Beaulé; est-ce bien cela?
M. Aquin: On a parlé de 500 000 $ et on a parlé de
plus, au début, mais la conversation avec Me Beaulé, si mon
souvenir est bon, a eu lieu en même temps que la conversation de Me
Cardinal avec Me Jasmin. C'est-à-dire qu'on les a fait venir au
confessionnal tous les deux, mais on les a vus séparément.
Là, on a essayé d'aller le plus loin possible. Je pense que mes
premières discussions avec Me Beaulé - mais moi, je n'avais pas
le mandat de régler, j'avais le mandat de négocier, alors
j'étais tout de même très prudent - ont été
sûrement aux alentours de 1 000 000 $. Sa réaction a
été de me dire que c'était totalement impossible parce que
lui avait un principe fondamental, me disait-il, auquel il tenait, c'est qu'il
ne paierait jamais plus que les syndicats québécois et je pense
qu'il était de commune renommée, mais je ne veux pas m'avancer,
que les syndicats québécois n'avaient pas cette somme-là.
Ensuite, il y avait aussi cette autre proposition chez lui - il en avait
déjà parlé - qu'il "matcherait", comme on le disait tout
à l'heure - je cherche encore le mot - jusqu'à 250 000 $.
Ensuite, il était revenu sur cela, et il disait que la moitié de
125 000 $, c'était déjà trop pour ses clients,
étant donné toutes les sommes qu'ils avaient
déboursées dans cette affaire-là. Alors là, sans
abandonner rien, parce que ce n'était pas ma mission, j'ai
commencé à essayer de revenir à 500 000 $, soit chacun 250
000 $. Alors, Me Beaulé m'argumentait deux choses: que, selon lui, Me
Jasmin n'aurait pas cet argent pour ses syndicats québécois et
que, s'il avait déjà parlé de 250 000 $, c'était
à nous d'accepter au début de janvier; vu qu'on était
rendu à la fin de février, au milieu de février, ses
clients avaient avancé d'autres sommes et avaient engagé des
enquêteurs. Vous connaissez, je pense bien, le langage des avocats en
pareille matière. Il est devenu impossible d'aller plus loin.
Quant à l'aveu du syndicat américain, j'ai poussé
très fort sur cette question. Il me semble que je l'avais
légèrement ébranlé, mais cela m'étonnerait.
Vous le verrez vous-même, il est assez ferme. Mais concernant l'aveu, je
pense qu'il m'avait fait valoir... Cela, j'en étais convaincu
intérieurement. Je ne l'ai jamais dit à l'époque, pour ne
pas réconforter mes adversaires, mais j'étais vraiment convaincu,
je ne pensais pas que ce soit possible qu'un syndicat international de
l'ampleur de l'International Union laisse passer dans une cour d'un autre pays
un aveu de responsabilité dans une affaire comme celle-là. Ce
n'est pas dans la technique de ces syndicats.
M. Saintonge: Donc, les négociations...
M. Aquin: Cela s'est donc clôturé de cette
façon. Je me souviens que M. Cardinal et moi avions eu un échange
après cette rencontre pour nous faire part de tout ce qui s'était
passé. Après, M. Cardinal fera lui-même le compte rendu du
12 février, parce que là, cela bouge.
M. Saintonge: D'accord. Le point fondamental d'achoppement de
cette journée du 7 février...
M. Aquin: Un instant, si vous me permettez. Peut-être que
les rencontres musclées qu'on avait eues la veille avaient porté
fruit, parce que, si je ne me trompe, c'est le lendemain, à un certain
moment, que MM. Jasmin et Beaulé nous parlent de passer de 125 000 $
à 175 000 $.
M. Saintonge: Le point d'achoppement majeur - comme vous l'avez
mentionné tantôt - c'était la question de l'aveu de
responsabilité du syndicat américain. Cela, c'était le 7
février. Maintenant, le 8 février, vous mentionnez avoir
reçu un appel téléphonique de M. Jean-Roch Boivin, du
cabinet du premier ministre Lévesque. Est-ce que cela vous a surpris,
d'abord, que Me Boivin vous téléphone à ce
moment-là en vous disant que cela semblait achopper sur la question de
l'aveu de responsabilité et qu'il ait été au courant de
cela lorsqu'il vous a téléphoné?
M. Aquin: On ne peut pas dire que j'ai été vraiment
surpris, parce que, depuis qu'il nous avait invités au lunch le 2
février pour nous dire que le premier ministre était
intéressé à ce qu'il y ait une issue dans la voie d'un
règlement dans cette affaire, je pouvais assumer qu'il voulait tout de
même suivre l'opération. Je ne veux pas parler pour le conseil
d'administration de la SEBJ, mais il est sûr que, si le conseil
d'administration de la SEBJ avait tenu à cette thèse de l'aveu du
syndicat américain, mon impression personnelle est que cela aurait
achoppé pour vrai. Lui, en suivant l'affaire, cela ne me surprend pas,
à l'époque, que - je pense qu'il la suit, puisqu'il nous a
appelés le 2 février pour "luncher", pour nous dire ce qu'il nous
avait dit - le 8 février, il ait téléphoné au
bureau pour me dire: Est-ce que c'est bien vrai que le conseil d'administration
demande l'aveu du syndicat américain? Ce à quoi je réponds
oui. Cela ne me surprend pas, parce que - si vous voulez mon impression
personnelle - je suis très surpris quand le conseil d'administration
demande cette chose, parce que je sais que c'était un point
tournant...
M. Saintonge: Dans le processus de négociation,
jusqu'alors de toute façon, les négociations que vous aviez eues,
vous, dans votre mandat de faire la formule de transaction ou de
règlement hors cour, il était clair que certains syndicats
n'admettaient pas leur responsabilité.
M. Aquin: C'est cela.
M. Saintonge: Bon! Maintenant, la réaction...
M. Aquin: Que cela arrive soudainement en février, cela
m'a surpris.
M. Saintonge: Vous n'avez pas su...
M. Aquin: J'imagine que M. Boivin était surpris de son
côté. Il m'appelle pour me demander si c'est exact; je lui
réponds que oui.
M. Saintonge: Vous n'avez pas su qui avait informé Me
Boivin de cela?
M. Aquin: Non.
M. Saintonge: Est-ce qu'il vous a fait part de sa réaction
et est-ce qu'il vous a fait part, par exemple, de ce qu'il avait l'intention de
faire à ce sujet?
M. Aquin: Pas du tout.
M. Saintonge: Pas du tout.
M. Aquin: Je pense qu'il voulait confirmer si c'était
exact que c'était à la demande du conseil d'administration.
M. Saintonge: Cela a été la seule question en cause
dans cette conversation téléphonique?
M. Aquin: Oui, c'était un appel téléphonique
très court. Si je ne me trompe, c'était le même jour...
Comme je vous le dis, j'ai moi aussi été surpris, parce que je me
disais: Est-ce que le conseil d'administration a soudainement
décidé d'arrêter... En nous donnant un mandat, est-ce qu'il
nous a mis dans une position où il n'y aura jamais de
négociation? J'étais aussi surpris. J'ai
téléphoné à M. Gadbois pour lui dire: Est-ce que
c'est bien sûr que c'est une condition sine qua non? C'est là que
M. Gadbois m'a dit qu'il pensait bien que cela pouvait être vu.
M. Saintonge: Est-ce que vous aviez parlé à Me
Cardinal, à ce moment-là, de la conversation
téléphonique que vous aviez eue avec Me Boivin? (11 h 30)
M. Aquin: Je suis sûr que Me Cardinal n'était pas
là de la journée.
M. Cardinal: C'est marqué dans mes notes: Absent.
M. Saintonge: Me Cardinal, si je me souviens bien, le lendemain
du 8, on arrive au 9 et, le 9, vous avez fait une visite au bureau de Me
Boivin. Cette visite, est-ce que c'était à la suite d'une
conversation téléphonique avec Me Boivin ou si c'était
vous, proprio motu, qui étiez allé au bureau de Me Boivin?
M. Cardinal: Je pense que le 9, c'était un vendredi. Le
vendredi, je savais que...
M. Saintonge: Je vais vous confirmer cela. C'est cela.
M. Cardinal: Je me suis rendu à HydroQuébec.
Là, j'ai fait comme je le fais souvent, j'ai été voir
Jean-Roch Boivin à son bureau car il est là le lundi et le
vendredi. Ce n'est pas à sa demande que je suis allé le voir.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez discuté de la question,
du même problème? Est-ce que Me Boivin a fait allusion, à
ce moment, au même problème que celui qu'il avait discuté
la veille avec votre associé, Me Aquin?
M. Cardinal: Je ne m'en souviens pas.
C'est sûrement possible.
M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas si vous avez parlé
des procédures, ni aucunement des...
M. Cardinal: Je ne me souviens pas, d'ailleurs, avoir
été là le 9. Je tiens pour acquis que j'y étais
parce que c'était dans les registres du premier ministre.
M. Saintonge: D'accord. Dernière chose, il y a eu une
assemblée subséquente du conseil d'administration où vous
avez eu le mandat de régler le dossier de façon finale. L'offre
qui était en place en date du 7...
M. Cardinal: ...on écoutait, on explorait...
M. Saintonge: ...c'est cela, exactement. Là, vous
étiez rendu à la dernière étape, le 12, je pense,
de régler définitivement. Le règlement est intervenu au
montant de 200 000 $ pour la société et 100 000 $ pour les
assureurs. C'est bien cela?
M. Cardinal: C'est cela.
M. Saintonge: Est-ce que c'est une proposition qui vous est venue
directement des syndicats ou si c'est une proposition que vous avez
avancée vous-même ou que vous avez préparée
vous-même avec les procureurs des syndicats?
M. Cardinal: C'est au cours des négociations.
Naturellement, j'avais le mandat de négocier. Je savais dans quel ordre
de grandeur je négociais. Ils sont partis de 175 000 $ et ils se sont
rendus à 300 000 $.
M. Saintonge: D'accord.
M. Aquin: Si vous me le permettez, on a sauté une petite
étape parce que, quand on a notre mandat du 7, on rencontre MM. Jasmin
et Beaulé. Le lendemain, ils passent de 125 000 $ à 175 000 $.
Ensuite, le vendredi, j'en ai parlé hier, il y a encore une rencontre
Cardinal-Jasmin-Beaulé. Le 12, on fait rapport de cette ronde de
négociations. C'est une lettre clef pour nous. Cela se termine en
disant: "Auriez-vous l'obligeance de nous donner des nouvelles
instructions?"
Mon souvenir, c'est qu'on entre dans une grande pause. En regardant la
facturation que vous avez en main, vous allez vous apercevoir que, pour
ma part, cette semaine-là, les 13, 14, 15, 16, j'ai une heure de
facturation.
M. Saintonge: Vous étiez en vacances, à ce
moment.
M. Aquin: Non, je pars le 16. M. Saintonge: Ah! le 16!
M. Aquin: Durant les quatre jours avant mon départ, je
pense que vous avez une heure de facturation. Là, on attend.
M. Cardinal: Le 20 février, on rencontre les membres du
conseil d'administration, M. Jetté et moi.
M. Saintonge: Pour la discussion des opinions.
M. Cardinal: C'est cela.
M. Saintonge: Me Jetté, le 20, lorsque vous avez
discuté avec le conseil d'administration des opinions. Hier, justement,
on a fait allusion au fait que vous aviez toujours le sentiment que vous aviez
une bonne cause. Vous avez démontré hier, vous m'avez convaincu
que vous aviez une bonne cause. Votre perception, au niveau du conseil
d'administration... Je pense que vous avez eu une période de questions.
Vous avez donné de l'information et vous avez eu des questions du
conseil d'administration. Est-ce que les gens du conseil d'administration, si
je fais l'évolution un peu globale, vous les aviez rencontrés au
mois de janvier, soit le 9 janvier?
M. Cardinal: C'est exact.
M. Saintonge: Le 9 janvier, le conseil d'administration avait
convenu unanimement de continuer les procédures telles
qu'intentées. On peut assumer qu'ils étaient quand même
assez convaincus que la cause était bonne, puisque c'était une
rencontre avec les procureurs pour donner de l'information et ils ont
continué les procédures. Qu'est-ce qui a fait que le conseil
d'administration a pu changer d'idée? Est-ce que vous savez, est-ce que
vous avez un indice quelconque ou est-ce qu'on vous a rapporté quelque
chose à ce moment?
M. Jetté: Absolument pas. Je n'avais aucune indication de
l'évolution au sein du conseil. On répondait aux questions. Ce ne
sont pas des gens très extrovertis. On a répondu aux questions
et, quand cela a été fini, on nous a dit: Merci beaucoup, et on
s'est retiré.
M. Cardinal: De par la nature des questions qui nous ont
été posées, mon souvenir est que, moi, j'en ai conclu que
tout le monde n'était pas du même avis.
M. Saintonge: Même à la dernière rencontre du
20?
M. Cardinal: Non.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez pu dire quelque chose qui ait
pu les faire changer d'avis, vous pensez?
M. Cardinal: Non, je ne crois pas que ce soient vraiment les
réponses qu'on a données. Tout le monde explorait. Tous les
membres du conseil d'administration exploraient l'idée de régler
ou de ne pas régler.
M. Saintonge: Ils étaient satisfaits des réponses
que vous leur avez données?
M. Jetté: Je l'espère, en tout cas.
M. Saintonge: En tout cas, ils ne vous ont pas mentionné
qu'ils n'étaient pas satisfaits? Ils semblaient, d'après...
M. Jetté: Ils ont peut-être été
très polis.
M. Saintonge: Ils ont terminé leurs questions?
M. Jetté: Peut-être qu'ils n'étaient pas
satisfaits et qu'ils ne nous l'ont pas dit. Je ne le sais pas. On a fait de
notre mieux pour répondre à leurs questions.
M. Cardinal: Je me souviens que M. Saulnier m'a demandé
encore: Gaspé Copper?
M. Saintonge: Gaspé Copper! Ma dernière question,
Me Cardinal. Je ne veux pas insister plus que cela, mais, au sujet de la
rencontre du 9 février avec M. Boivin, la première que vous avez
eue, est-ce que, à votre connaissance, quelqu'un était
présent à cette rencontre, outre M. Boivin?
M. Cardinal: Comme je vous l'ai dit, je ne me souviens pas de
cette rencontre-là.
M. Saintonge: Pas la dernière, la
précédente.
M. Cardinal: Le 9?
M. Saintonge: Le 9, la première que vous avez eue.
M. Cardinal: C'est de celle-là que je ne me souviens pas.
J'ai dit que, certainement, elle avait dû avoir lieu, parce que
j'étais là, cette journée-là.
M. Saintonge: Vous ne vous souvenez pas si quelqu'un d'autre a pu
être présent à cette rencontre-là ou qui l'avait
convoquée? Non plus?
M. Cardinal: Certainement que ce
n'était pas M. Boivin qui l'avait convoquée.
M. Saintonge: D'accord, je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, hier, en particulier, et un
petit peu ce matin, les députés libéraux qui
siègent à cette commission ont feint de s'étonner que le
président-directeur général de la Société
d'énergie de la Baie James, après le mois d'octore 1978, M.
Laliberté, ait, à un certain moment - je crois que c'est en
janvier -demandé aux procureurs de la société d'explorer
et de soumettre des notes sur ce que la société devrait exiger
dans l'hypothèse où un règlement hors cour surviendrait.
Ils ont indiqué qu'ils trouvaient peut-être un peu anormal que,
n'ayant pas de décision ferme de la part d'un conseil d'administration,
les cadres supérieurs d'une entreprise - que ce soit une entreprise
d'État ou une entreprise privée, peu importe - prennent
l'initiative de faire de l'exploration comme cela. Il me semble que, lorsqu'on
nomme des officiers supérieurs, des cadres, dans une entreprise, la
première qualité qu'on exige d'eux, c'est qu'ils aient un certain
sens de l'anticipation des problèmes et qu'ils fassent, pour le conseil
d'administration, les travaux d'exploration nécessaires, afin de
permettre à ce dernier de se prononcer en ayant devant lui tous les
aspects, tous les considérants qui peuvent être soulevés
à l'occasion de l'examen d'une question.
Et il me semble qu'au contraire, s'il y a un reproche qu'on pourrait
adresser à des cadres et surtout à des officiers
supérieurs d'une entreprise comme celle-là, ce serait d'attendre
que le conseil d'administration leur donne en détail les mandats avant
de commencer à réfléchir sur les problèmes et de
chercher les solutions qui, finalement, pourraient permettre de régler
ces problèmes. Alors, il me semble que c'est un peu ce que les
dirigeants supérieurs de la Société d'énergie de la
Baie James ont fait à l'époque. D'autant plus que - en
particulier, dans le témoignage de M. Saulnier et d'autres membres du
conseil d'administration que nous avons entendus au cours des jours d'audition
précédents - il a été clairement établi que
l'hypothèse d'un règlement hors cour était
déjà soulevée parmi les membres du conseil
d'administration eux-mêmes et qu'ils en avaient même discuté
à l'occasion de certaines réunions, même s'ils n'avaient
pas pris de décision formelle à ce sujet, ce qui explique que
cela n'apparaissait pas dans les extraits des procès-verbaux qu'on nous
a remis des travaux du conseil d'administration de la SEBJ. Dans un tel
contexte, M. le Président, il me semble que, au contraire, si les
dirigeants, les cadres supérieurs de la Société
d'énergie de la Baie James avaient attendu, avant de se poser des
questions, que le conseil d'administration adopte des résolutions
formelles, c'est là qu'on aurait pu leur faire un reproche. On ne peut
leur reprocher d'avoir anticipé les questions qu'on pourrait leur poser
au conseil d'administration et de chercher à trouver les réponses
afin d'être en mesure de donner à ce conseil d'administration tout
l'éclairage dont il avait besoin pour prendre une décision qui
serait la plus appropriée dans le contexte.
Pour en revenir maintenant aux témoignages des procureurs qui
sont présentement devant nous, tout à l'heure, Me Aquin a dit
qu'on faisait beaucoup de recoupage à cette commission. Je voudrais
ajouter, Me Aquin, que, si vous aviez assisté à cette commission
depuis le début, vous vous seriez également rendu compte que non
seulement on fait du recoupage, mais qu'on a tenté de faire beaucoup de
preuves par association. Pas toujours avec beaucoup de bonheur quant à
nos vis-à-vis cependant.
J'ai une question à vous poser concernant les documents que vous
nous avez soumis, en particulier le document intitulé: "Correspondance
du cabinet Geoffrion et Prud'homme et projet de déclaration de
transaction" dans l'instance SEBJ vs Duhamel et autres. À la page 6 - je
me réfère à la lettre du 18 janvier où vous nous
indiquez qu'il vous avait été demandé de préparer
une formule de transaction - vous faites référence à une
rencontre qui réunissait le président de la Société
d'énergie de la Baie James, Mes Michel Jasmin, François Aquin et
Gadbois et vous indiquez qu'il vous avait été demandé de
préparer une formule de transaction dans le cas où le conseil
d'administration de la société déciderait de donner suite
à l'offre de négociation.
Dans ce premier jet de ce qui deviendra, avec les transformations
subséquentes, l'entente définitive qui sera signée
éventuellement, vous nous indiquez, en particulier à la page 9,
un paragraphe 4 qu'on ne retrouve pas dans le document final, mais qui dit
ceci: "Advenant une condamnation contre les syndicats québécois
poursuivis dans le dossier, les salariés de la construction se
joindraient à d'autres syndicats ou en formeraient de nouveaux, rendant
ainsi improbable l'exécution du jugement."
Pourriez-vous préciser ce que vous vouliez dire par ce paragraphe
qui était inscrit dans le premier projet de transaction que vous avez
préparé et qu'on ne retrouve pas dans le document
définitif, mais qui, quand même, semble refléter, à
ce moment-là - en tout cas, de la façon que je le comprends et
vous me corrigerez si je me
trompe - un doute sérieux, non pas quant à la
possibilité d'obtenir un jugement, mais quant à la
possibilité de le faire exécuter une fois le jugement obtenu?
M. Aquin: Je suis heureux que vous me posiez cette question. Au
cas où il resterait une ambiguïté sur cette partie, ce n'est
pas moi qui ai fait la première partie de la déclaration. Je
reprends, mot à mot, le texte de Me Jasmin. Ne voulant pas parler pour
lui...
M. Rodrigue: D'accord.
M. Aquin: ...je reprends son texte. Les modifications que
j'apporte à son texte sont absolument mineures et n'ont pour but que de
faire cadrer son texte dans un texte d'ensemble. Ce que j'enlève n'a
vraiment aucune importance.
Cet argument vient de Me Jasmin.
M. Rodrigue: Il vient de Me Jasmin.
M. Aquin: C'est un argument que Me Jasmin a fait valoir à
l'époque. Il l'a fait valoir aussi à M. Laliberté dans le
cas d'une condamnation contre les syndicats québécois. Je pense,
qu'un témoin a déjà évoqué devant vous les
conflits qui existent dans la construction. Me Jasmin fait valoir à la
SEBJ qu'à ce moment-là les gens se joindraient à d'autres
syndicats ou se dissoudraient et que la SEBJ ne pourrait pas continuer sa
poursuite d'exécution contre le conseil provincial ou le local 791.
M. Rodrigue: À supposer que... (11 h 45)
M. Aquin: Ce pourquoi la SEBJ, je pense, nous demande par la
suite d'enlever ce paragraphe, c'est qu'elle y sent une menace ou une
façon un peu robuste de discuter de la situation. C'est ainsi que le
paragraphe disparaît.
M. Rodrigue: Est-ce un peu à cela qu'on faisait
référence, dans certains documents? M. Saulnier, dans son
document de présentation devant cette commission, a mis en exergue
certains passages de documents qui lui avaient été soumis par les
procureurs, c'est-à-dire par votre bureau, où il soulignait en
particulier - et cela semblait être très important pour lui -
l'argument de la non-solvabilité des syndicats québécois.
Il y avait les actifs de ces syndicats, sur lesquels vous aviez fait
enquête, qui ne vous semblaient pas être très importants
à ce moment. D'autant plus qu'un syndicat avait déjà
utilisé cette pratique, en 1973, de fonder une autre entité
juridique, selon la Loi sur les syndicats professionels, dans laquelle on avait
transféré des fonds, semble-t-il, assez importants.
Deuxièmement, il y avait cette possibilité que, devant un
jugement assez costaud, peut-être de l'ordre de 20 000 000 $, les
syndicats concernés auraient tout simplement laissé en place une
coquille vide, soit un syndicat accrédité qui n'a plus de membres
et plus de fonds. Ils auraient pu faire signer des cartes d'adhésion aux
ouvriers de la construction dans d'autres unités syndicales nouvellement
accréditées et ainsi éviter d'avoir à faire face au
jugement. Ce risque avait-il été évoqué devant vous
par les membres du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James? Si la réponse est positive, est-ce
que cela semblait être un élément important pour eux qui
aurait pu les influencer dans le sens de se dire: Écoutez, on aura beau
obtenir un jugement, si on n'est pas capable de l'exécuter, à
quoi bon?
M. Aquin: D'abord, les membres du conseil d'administration n'ont
jamais discuté devant nous, quand on y est allé deux fois.
M. Rodrigue: Ils posaient des questions et ensuite ils faisaient
leur discussion entre eux.
M. Aquin: Ils nous ont posé des questions et ensuite on
s'est retiré. Sur cette question des mandats de notre client, la suite
des événements prouve que cela a tenu à une question
importante. Ils nous ont même demandé, à un moment, des
rapports, ils avaient demandé de faire enquête, Me Jetté a
parlé de cela hier. Je crois qu'il a mentionné hier qu'on avait
mis au dossier tout ce qu'on avait sur la responsabilité des
Québécois, non pas la responsabilité, je me trompe, c'est
la solvabilité. Selon la solvabilité des Québécois,
on ne pouvait pas. Les termes de Me Jetté sont "à moins d'un
miracle". Cela aurait été un miracle bien imprévisible; il
n'y avait pas de solvabilité des syndicats québécois.
M. Rodrigue: Serait-il juste...
M. Aquin: Les textes sont au dossier et les textes que vous avez,
ce sont les textes que le conseil d'administration avait. Ce qu'eux ont
pensé en les regardant, c'est leur décision.
M. Rodrigue: Dans une hypothèse comme celle-ci, serait-il
juste de dire qu'il y a deux questions principales dans cette poursuite? Il y a
d'abord la possibilité de prouver des dommages et donc d'obtenir un
jugement - là, vous sembliez penser qu'il y avait des
possibilités sérieuses de le faire, si j'ai bien compris votre
témoignage, hier -mais, par ailleurs, sur la possibilité, une
fois le jugement obtenu, de faire payer les syndicats, cela semble être
à peu près nul.
M. Aquin: Vis-à-vis des syndicats
québécois.
M. Rodrigue: Vis-à-vis des syndicats
québécois, toujours.
M. Aquin: Si vous me permettez. M. Rodrigue: Oui,
allez-y.
M. Aquin: On a souvent parlé de Reynolds et de
Gaspé Copper. Je ne parle pas au point de vue de la
responsabilité, je ne tomberai pas dans les comparables et les
non-comparables, mais, au point de vue du montant en cause, dans Reynolds, il
s'agissait tout de même de la CSN qui était condamnée; elle
a son siège social au Québec, elle a des actifs, c'est une
centrale importante. Dans Gaspé Copper, si je ne me trompe - je ne veux
pas vous induire en erreur - je pense que, pour aller en appel, le syndicat
américain avait déposé les sommes d'argent à la
cour ou les avait fait garantir, mais c'est sous toutes réserves,
probablement que Me Jetté pourrait me confirmer ou me contredire sur
cette question. Il y a eu des montants versés dans ces causes, mais nous
n'avions pas la même démarche. Les syndicats
québécois étaient peu solvables, le dossier est clair; et
le syndicat américain, là, je ne veux pas reprendre tout le
témoignage de Me Jetté, qui a été clair sur cette
question hier soir.
M. Rodrigue: Ce qu'on peut tirer de cela, vous me corrigerez si
je fais erreur, c'est que, d'une part, on avait des chances raisonnables
d'obtenir un jugement; d'autre part, on avait des chances à peu
près nulles de faire exécuter le jugement, c'est-à-dire de
faire payer les syndicats. On aurait pu prendre notre jugement, l'encadrer
comme il faut et l'installer au mur sur un clou. C'est tout ce qu'on aurait pu
faire avec cela, en fin de compte.
En pratique, ayant obtenu un jugement, si j'ai bien compris vos
réponses, il n'aurait pas été possible après cela
d'aller chercher quelque argent que ce soit, auprès des syndicats
québécois toujours.
M. Aquin: Oui, auprès des syndicats
québécois. Nous étions très pessismistes, parce que
nous n'avions pas poursuivi et que nous ne pouvions pas poursuivre la FTQ. On
n'est pas dans le cas de Reynolds ou de Gaspé Copper. On poursuit le
conseil provincial. Vous avez, plus loin, les actifs du conseil provincial. Il
ne payait pas ...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député. J'ai une question de règlement de la part du
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Sauf erreur, et on pourra vérifier à la
transcription, M. le Président, il y avait deux questions dans la
question du député. Il y avait la question de l'encadrement du
jugement, si je peux la résumer comme suit, et...
M. Rodrigue: Ce n'était pas une question, M. le
Président, c'était un commentaire.
M. Paradis: Excusez, M. le Président. Est-ce que je peux
terminer? Oui.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Paradis: II y avait la question de l'encadrement du jugement,
et on opine que c'était un jugement qu'on aurait dû encadrer, et
il y avait la question de savoir comment l'exécuter vis-à-vis des
syndicats québécois. Les invités ont répondu
à une seule des questions. Est-ce que vous pourriez leur demander de
répondre à la deuxième sur...
M. Aquin: J'avais compris que l'encadrement était dans le
préambule de la question.
M. Paradis: Ah! vous n'aviez pas compris que...
M. Aquin: J'ai dit que j'avais compris que la question de
l'encadrement au mur était dans le préambule de la question. La
question, telle que je l'ai conçue...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député.
M. Aquin: ...était le recouvrement contre les syndicats
québécois. J'ai répondu à cette question
uniquement.
Le Président (M. Jolivet): Le reste était une
question d'opinion de la part du député.
M. Rodrigue: Oui, effectivement, mais...
M. Aquin: J'écoute depuis quelques semaines avec beaucoup
d'intérêt tout ce qui se dit ici, lorsque j'en ai l'occasion.
M. Rodrigue: Si vous me permettez de...
M. Aquin: Si vous me permettez, je ne veux pas tourner autour de
la question. Si on parle du recouvrement de tout le montant, il faut tout
reprendre ce que M. Jetté a dit hier concernant le syndicat
américain.
M. Rodrigue: M. le Président, il m'apparaît
très clair que, finalement, d'une
façon concrète, pratique - encore là, je laisse la
liberté au procureur de me corriger, si j'erre - c'est clair que, d'une
façon tout à fait pratique, il aurait été
très difficile de faire exécuter le jugement, même si on
l'avait obtenu et, à ce moment, il aurait évidemment fallu
engager des sommes importantes pour obtenir ce jugement de la cour. D'ailleurs,
à la page 183 du document que nous ont transmis les dirigeants de la
Société d'énergie de la Baie James, le juge Bisson, si je
me souviens bien, a déclaré ne pas avoir à rendre
jugement, à faire des commentaires ou à porter quelque jugement
de valeur sur ce qui venait de se produire. Il a toutefois
déclaré, après lecture des documents: "Je constate que des
hommes sages se sont penchés sur ce dossier pour mettre fin au litige de
la façon présentée." J'imagine que le juge Bisson avait
dû avoir un peu les mêmes impressions que celles qu'on a pu avoir
au cours des audiences de cette commission quant à la possibilité
d'exécuter le jugement.
Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, je vous
réfère maintenant au document que vous nous avez transmis,
Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion et Prud'homme sur leurs
opinions. À la page 55, dans une lettre du 26 janvier, vous nous
indiquez que, le 24 janvier 1979 -il y a une correction ici, la date avait
été inscrite initialement 1978, mais il y a un...
M. Aquin: Vous êtes dans les opinions?
M. Rodrigue: Oui, dans les opinions, à la page 55. Non,
c'est plutôt Correspondance et lettres. Je m'excuse.
M. Aquin: Correspondance et lettres contenant leurs opinions?
M. Rodrigue: Oui. À la page 55. M. Aquin: Un
instant.
M. Rodrigue: C'est donc une lettre qui est datée du 26
janvier 1979, adressée à Me André Gadbois. Vous indiquez
qu'une opinion vous a été demandée sur le montant des
dommages que vous croyiez être en mesure de prouver, compte tenu des plus
récentes informations et du déroulement de la preuve dans ce
dossier.
C'est à la page 55. Initialement, vous dites en premier lieu: Le
premier poste de réclamation concerne le solde des dommages physiques au
montant de 1 132 000 $ et vous semblez assez sûr de pouvoir le
réclamer. Un deuxième poste concerne la réparation de
groupes électrogènes endommagés par M. Yvon Duhamel. Vous
semblez également relativement sûr de pouvoir le
réclamer.
Je vous amène à la page 56 où vous dites que le
troisième poste de réclamation concerne les paiement
effectués par la société à certaines firmes
d'ingénieurs-conseils. C'est une réclamation qui totalise 26 000
$ et vous dites ceci: "Mais il y aura un obstacle à franchir de nature
strictement juridique. En effet, les défendeurs nous opposeront
certainement que les événements du 21 mars 1974 constituent une
force majeure et que, conséquemment, la société
d'énergie n'était pas légalement tenue d'indemniser les
firmes d'ingénieurs-conseils avec lesquelles elle avait
contracté."
Plus bas, vous ajoutez: "Le quatrième poste de réclamation
concerne des sommes payées aux entrepreneurs déjà sous
contrat avec la société". Ici, on a un montant de 1 965 582 $ et
quelques poussières. Encore là, vous dites: "Cependant, nous
ferons certainement face à la même objection que celle à
laquelle nous avons fait allusion précédemment, à savoir
que la SEBJ n'était légalement pas tenue d'indemniser ses
entrepreneurs parce que les événements du 21 mars. 1974
constituaient une force majeure".
Page 57, paragraphe du milieu: "Vient ensuite la réclamation
faite pour les sommes payées à l'entrepreneur Lamothe
(Québec) Inc. qui était sous contrat avec la
Société non pas d'énergie de la Baie James - de
développement de la Baie James qui a effectivement subi des dommages
pour approximativement 300 000 $, mais on soulèvera certainement les
mêmes objections que celles discutées à propos des sommes
payées aux entrepreneurs de la société."
Première question: Est-ce que vous savez à quel moment ces
sommes ont été payées, soit aux
ingénieurs-conseils, soit aux entrepreneurs de la Société
d'énergie de la Baie James ou à ceux de la Société
de développement de la Baie James par la Société
d'énergie de la Baie James?
M. Aquin: Si vous me permettez, M. le député,
comme, personnellement, je n'ai écrit que la dernière page qui
visait une autre question, je demanderais, si vous n'avez pas d'objection,
à Me Jetté de répondre à votre question.
M. Rodrique: Très bien. Est-ce que vous savez ou est-ce
qu'on vous a indiqué à quel moment - parce que vous indiquez que
ces sommes ont été payées - ces sommes ont
été payées et si c'est sous le premier conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James,
qui était présidé par M. Boyd, ou si cela a
été payé après que M. Saulnier a pris la
présidence et que M. Laliberté a été nommé
P.-D.G.?
M. Jetté: Je ne me souviens pas. Je le savais dans le
temps, bien sûr, j'ai encore dans mes dossiers les dates
précises
auxquelles les sommes ont effectivement été payées.
Si vous me parlez de l'ancien conseil, il faudrait d'abord me rappeler...
M. Rodrigue: De mémoire, sans vouloir m'attacher à
une date précise, le conseil d'administration présidé par
M. Saulnier, où M. Laliberté avait été nommé
également président-directeur général, il me semble
que c'est le 1er octobre 1978 qu'il est entré en fonction. Le saccage a
eu lieu le 21 mars 1974.
M. Jetté: En toute probabilité, cela avait
été payé avant l'automne 1978.
M. Rodrigue: Alors, cela aurait été payé
sous l'ancien conseil d'administration.
M. Jetté: Probablement que certaines de ces sommes avaient
été payées au moment où l'action avait
été instituée, en février 1976. Cela a dû
être payé dans les deux ans. C'est sous toutes réserves,
c'est surtout de mémoire. J'ai toutes ces informations à mon
bureau; malheureusement, je ne les ai pas ici. Il y a une chose qui pourrait
m'éclairer; si, dans mon action telle qu'intentée à
l'origine, je parlais de sommes payées, cela va m'indiquer que cela
avait été payé avant mars 1976 qui était la date de
prescription.
M. Rodrique: Je ne sais pas si vous avez devant vous la page 56
du document auquel je me suis référé, Correspondance et
lettres, le petit document. Avez-vous la page 56?
M. Jetté: Vous me référez à la page
56 du document Correspondance et lettres concernant nos opinions?
M. Rodrique: Oui. M. Jetté: J'y suis.
M. Rodrique: En fait, ce que vous dites, c'est ceci: "Le
troisième poste de réclamation concerne les paiements
effectués par la société d'énergie à
certaines firmes d'ingénieurs-conseils pour du temps d'attente pendant
la période où le chantier de LG 2 a été
fermé suite aux événements de mars 1974." (12 heures)
M. Jetté: Pour vous donner un indice plus précis,
certainement que ça l'était au moment où cet avis a
été écrit, c'est-à-dire au début de 1979.
Par ailleurs, je consulte ma déclaration amendée - je l'ai sous
la main ici - qui date de 1977. Je vois, par exemple, qu'au paragraphe 76 de
cette déclaration amendée, je disais ceci: "Ces
réclamations produites par les entrepreneurs auprès de la
demanderesse étaient bien fondées pour partie et la demanderesse
n'a eu d'autre alternative que d'acquitter à certains entrepreneurs les
sommes suivantes qu'elle est bien fondée de réclamer des
défendeurs..." Là, j'énumère. Donc, je
présume que, dès 1977, plusieurs des entrepreneurs avaient
déjà reçu certaines sommes.
Par ailleurs, je note qu'au paragraphe 77, d'autres entrepreneurs
avaient produit des réclamations, mais je ne dis pas qu'elles sont
payées, à ce moment-là, dans le temps. Probablement qu'il
y en a plusieurs qui ont été payées en 1976 et 1977.
J'imagine que, rendu à l'automne 1978, tout avait été
payé.
M. Rodrigue: Mais vous ne pouvez pas en être absolument
sûr?
M. Jetté: Je ne peux pas, de mémoire, vous dire
quand précisément, sauf que, en toute probabilité, cela a
été payé au cours des années 1975, 1976 et 1977,
peut-être même au début de 1978, selon la complexité
des réclamations et des quanta qui étaient réclamés
soit par les ingénieurs, soit par les entrepreneurs.
M. Rodrigue: Je vais terminer là-dessus. À la page
61 du même document auquel je fais référence, vous faites
le résumé de tout cela; vous dites: "La réclamation totale
peut se détailler comme suit..." Vous avez le A où ce sont des
postes qui sont juridiquement fondés, selon votre opinion, et qui
devraient être maintenus. À B, vous dites: "Les postes de
réclamation suivants, bien que prouvables, risquent d'être
rejetés pour raison de force majeure et de non-subrogation de la part de
la société..." Là, on retrouve les mêmes montants,
c'est-à-dire un total de 2 292 344 $ qui ont été
payés par la Société d'énergie de la Baie James,
mais qui, selon votre avis, n'auraient pas pu faire l'objet de
réclamations, du moins, cela aurait été très
aléatoire de la part de ces entrepreneurs de les réclamer si la
Société d'énergie de la Baie James avait refusé de
les payer.
M. Jetté: C'est exact. Je me rappelle avoir posé la
question, peut-être même avoir examiné les contrats.
D'ailleurs, les contrats avaient été produits dans le cadre de
l'instance et je m'étais demandé s'il y avait une disposition qui
obligeait la société à indemniser ces entrepreneurs ou ces
ingénieurs-conseils sous contrat pour le temps d'attente.
C'était, si vous voulez, des dommages qui étaient
réclamés pour la période pendant laquelle le chantier
avait été fermé.
M. Rodrigue: Est-ce que vous avez... M. Jetté: De
mémoire, il n'y en avait
pas. La société pouvait facilement dire: Voici, ce n'est
pas notre fait, c'est le fait de tiers, cela constituait un cas de force
majeure et elle n'était pas, je pense, tenue de les indemniser.
Cependant, pour garder leur affection et leur loyauté, c'était
peut-être une excellente décision administrative que de les
compenser.
M. Rodrigue: Est-ce que... Je ne poserai pas la question, parce
que c'est plutôt une opinion qui me passe par la tête. Je me
demande si ce n'est pas pour garder la paix sociale avec les entrepreneurs que
la Société d'énergie de la Baie James avait accepté
de payer ces sommes. Mais est-ce que vous avez déjà eu l'occasion
d'interroger les représentants de la société sur les
raisons du paiement de ces sommes et est-ce que vous avez eu des indications de
leur part sur les raisons qu'ils avaient eues de les payer? Parce qu'il s'agit
quand même d'une somme d'environ 2 300 000 $, c'est assez important.
M. Jetté: Je me souviens d'en avoir discuté. Quant
à ces réclamations, je travaillais avec M. Darby, qui
était au service des assurances de la SEBJ. Je me souviens pertinemment
qu'on avait discuté de cela. J'en ai peut-être même
discuté avec M. Gadbois aussi, en toute probabilité.
M. Rodrigue: Est-ce que vous vous rappelez les raisons qui...
M. Jetté: Je pense que la société avait pris
la décision de les indemniser, parce que ces gens se trouvaient aussi
des victimes de ce qui s'était passé. Elles avaient subi un tort,
un dommage. Il fallait assurer la continuité lorsque le chantier a
repris. On voulait s'assurer que ces entrepreneurs continueraient d'être
motivés. De mémoire, c'étaient les considérations
qui avaient présidé à la décision de les
indemniser, même si - comme je vous l'ai dit - mon opinion, à
l'époque, était qu'on n'était pas légalement tenu
de le faire, parce qu'eux-mêmes avaient un droit vis-à-vis des
personnes ou des organismes responsables des malheurs qu'ils avaient subis.
M. Rodrigue: Dans ce cas, en somme, on a fait un règlement
hors cour pour des considérations qui étaient possiblement
très valables, mais qui n'étaient pas des considérations
strictement juridiques.
M. Jetté: Je ne pense pas. M. Rodrigue: Je vous
remercie.
Le Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au
député de Gatineau, j'ai, de la part du député de
Châteauguay, une question de règlement. J'aimerais la
connaître.
M. Dussault: Je m'excuse auprès de mon collègue de
Gatineau. Je voudrais être sûr que, d'ici la fin des travaux, je
vais pouvoir prendre la parole. Si je me fie à la longueur de
l'intervention du député de Laprairie et si M. le
député de Gatineau agit de la même façon, je n'aurai
pas le temps d'intervenir. Je ne voudrais pas être obligé de vous
demander d'appliquer la règle des 20 minutes, M. le Président. Si
on pouvait me garantir que j'aurai la parole, ce ne serait pas long de toute
façon.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, avant même que le député de Gatineau puisse
répondre, je dois vous dire que je ne suis en aucune façon
limitée par la règle des 20 minutes puisque, dès le
début de cette commission parlementaire, nous avons "illimité" le
temps de telle sorte que je ne peux revenir de moi-même sur cette
décision. Comme vous le savez très bien, M. le
député de Châteauguay, dans une autre commission
parlementaire où j'ai déjà rendu une décision, on
ne peut pas revenir sur une décision déjà prise en
conséquence, il n'y a pas de limite de temps à cette commission,
malheureusement ou heureusement. En conséquence, la parole est au
député...
M. Dussault: ...M. le Président, si je comprends bien,
nous avons perdu certaines prérogatives en acceptant de ne pas appliquer
la règle des 20 minutes...
Le Président (M. Jolivet): ...non, je m'excuse.
M. Dussault: ...et on a perdu du temps, évidemment...
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas à la
demande du premier ministre, car il n'était pas présent. C'est
à la demande du président, qui a obtenu de la part des membres
qu'il n'y ait pas de temps. À ce moment, je dois vous dire que cette
décision a été prise unanimement autour de cette table et
vous n'avez perdu aucune prérogative. M. le député de
Gatineau.
M. Dussault: D'ailleurs, M. le Président, je voudrais
quand même savoir...
Le Président (M. Jolivet): Oui, je lui donne la parole,
pour qu'il vous donne la réponse.
M. Dussault: ...d'accord, merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: C'est d'abord pour indiquer qu'effectivement, si,
unanimement, les membres de la commission ont convenu de disposer de la
règle des 20 minutes, c'est justement parce que le premier ministre
avait formulé le souhait qu'on puisse faire toute la lumière,
interroger les témoins, même les faire revenir, de façon
que la lumière soit faite complètement.
Je rassure tout de suite le député de Châteauguay
comme son collègue de Vimont. Nous sommes tous deux de la même
profession, on a l'habitude d'être concis, il aura donc tout le temps de
poser ses questions.
Le Président (M. Jolivet): Vous ne supposez pas que les
avocats ne sont pas concis?
M. Gratton: Non, pas du tout. Surtout pas devant cet
aréopage.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, vous avez la parole.
M. Gratton: Me Aquin, hier matin, vous avez dit avoir
parlé à Me Gadbois, de la Société d'énergie
de la Baie James, le 5 février 1979, pour discuter notamment du projet
de règlement qui porte la même date du 5 février. Je n'ai
pas la transcription ici, mais, à partir des notes que j'ai prises au
cours de votre témoignage, ce règlement ou ce projet de
règlement, à quelques détails près, serait le texte
éventuellement qu'on signerait le 6 mars suivant. Vous avez dit à
ce moment-là, soit le 5 février: Nous n'avions pas le mandat de
négocier le montant. J'ai même demandé à Me Gadbois
quel montant inscrire dans le projet de règlement. Il m'a dit de laisser
cela en blanc. Je lui ai dit: Ce n'est pas comme cela que cela va augmenter
rapidement. Est-ce que je peux vous demander ce que Me Gadbois a répondu
à cela?
M. Aquin: Un instant. Je ne veux pas vous contredire, M. le
député, mais, relisant le squelette de mes notes d'hier, ce qui
arrive, c'est que, le 5 février, nous recevions des lettres-rapports de
M. Jasmin et le texte de la proposition de transaction qui porte la date du 5.
Me Jasmin a laissé en blanc dans ce texte le montant de la
considération. Ce n'est pas nous qui le laissons, mais il l'a
laissé.
Des modifications sont apportées, toujours pour essayer
d'éviter les paragraphes blessants. Finalement, on en fait une autre. Je
lui dis: Est-ce que tu vas mettre un montant dedans? Il dit: Non, je vais le
laisser en blanc. C'est là que j'ai dit à M. Jasmin que ce
n'était pas comme cela qu'il avancerait le processus. C'est une remarque
purement personnelle. Ce n'est pas avec Me
Gadbois que cela se passe, mais la teneur de ce que vous disiez est
exacte.
M. Gratton: C'est à lui que vous avez dit: C'est pas comme
cela que ça va augmenter le montant?
M. Aquin: Non, c'est à Me Jasmin. M. Gratton: Ah!
C'est à Me Jasmin?
M. Aquin: Ensuite, par rapport à M. Gadbois, je me demande
même si je parle à M. Gadbois, parce que c'est à ce
moment-là qu'on lui envoie notre lettre du 5 février.
M. Gratton: Mais vous dites à Me Jasmin, qui est le
procureur des syndicats, avec qui vous négociez - ou, en tout cas, avec
qui vous discutez - que ce n'est pas comme cela qu'il va faire monter...
M. Aquin: Eh bien! ce n'est pas cela qui va aider le processus,
parce que j'avais, avant cela, une offre de 125 000 $ et là, on laisse
le chiffre en blanc et - je ne veux pas me tromper dans mes dates - c'est le
moment où il dit: Je reviens à 1 $.
M. Gratton: C'est dans la perspective où, vous, à
titre de...
M. Aquin: Là, il y a une manoeuvre de la part de la partie
adverse avec laquelle je lui dis que je ne suis pas d'accord. On a devant nous
une offre de 125 000 $ et je vais faire rapport à mon client qu'on en
est rendu à 1 $. Par contre, comme je l'ai dit ce matin, je pense que M.
Gadbois ne prend pas cette affaire-là tellement au sérieux et que
la SEBJ continue d'assumer que le montant de 125 000 $ tient toujours.
M. Gratton: À ce moment-là, avez-vous,
personnellement, un montant à l'esprit de ce qui peut être un
montant de départ?
M. Aquin: Non; à ce moment-là, non.
M. Gratton: Parce que vous n'êtes pas mandaté...
M. Aquin: Et dans la conversation avec M. Laliberté - mais
lui, il parlait en son nom personnel - il disait qu'il faudrait au moins que ce
soit 800 000 $ ou 900 000 $, en janvier; moi, je n'ai pas d'autre montant.
M. Gratton: Mais, le 5 février, quant à vous, vous
n'aviez pas de montant en tête?
M. Aquin: Non, je ne touche pas au montant.
M. Gratton: Vous n'êtes pas mandaté, de toute
façon.
M. Aquin: Là où je ne suis pas d'accord - ce n'est
pas à moi à être d'accord ou non - là où
j'attire l'attention de mon confrère, c'est sur le fait que, selon moi,
on est dans un processus qui n'est pas trop logique, c'est-à-dire qu'on
est devant une offre de 125 000 $ et, soudainement, il me dit qu'on devrait
régler à 1 $. Si on revient à une de ses conversations du
début de janvier avec le P.-D.G., il disait: Ce sont surtout pour des
considérations sociales que vous devriez régler pour 1 $.
M. Gratton: Le 5 février, vous, en tant que procureur de
la SEBJ, vous n'avez pas, comme vous l'avez dit, le mandat de négocier
le montant du règlement?
M. Aquin: Non.
M. Gratton: Et, à ce moment-là, est-ce que vous
avez, par contre, un montant qui vous apparaît comme étant un
point de départ pour la SEBJ?
M. Aquin: Moi, non.
M. Gratton: Vous, vous n'en avez pas?
M. Aquin: Non. Là, vous me posez une question que je me
poserais si j'étais administrateur.
M. Gratton: Bon. Mais, est-ce que soit un administrateur, soit M.
Laliberté, soit Me Gadbois vous avait fait part de ce qui pouvait
être un montant de départ?
M. Aquin: Officiellement, non.
M. Gratton: Parce que vous n'avez pas le mandat de
négocier le montant?
M. Aquin: C'est cela. Et on va l'avoir bientôt, parce que,
le 6, il y a le conseil d'administration et que, le 7, on a notre mandat.
M. Gratton: Justement, j'y viens. Hier, vous avez dit que, le 7
février, vous avez parlé à Me Beaulé, le procureur
du syndicat américain, et vous lui avez parlé d'un montant de 400
000 $. Vous avez même exprimé quelle a été sa
réaction.
M. Aquin: C'était plus complet ce matin. Je suis parti
d'un million, mais, à un moment donné, je me battais beaucoup
pour 500 000 $. J'ai dit 400 000 $ hier, ce n'est peut-être pas tellement
précis, je me battais beaucoup avec lui pour 500 000 $, parce que
j'avais toujours à l'esprit qu'il avait déjà
considéré comme possibilité de mettre 250 000 $. À
part cela - une chose qui n'a pas été dite ici - je voulais
être bien clair avec M. Beaulé, à savoir que leurs
problèmes n'étaient pas les miens. Qu'eux aient
décidé, entre eux, qu'un mettait la moitié et l'autre,
l'autre moitié, c'était une chose qui ne me concernait pas. Leur
quote-part, je voulais qu'ils en discutent entre eux. Alors, là, j'avais
insisté sur 500 000 $. Si j'ai dit 400 000 $, c'est plus logique 500 000
$.
M. Gratton: C'est 500 000 $? M. Aquin: Oui.
M. Gratton: Ce qui vous permettait de parler du chiffre de 500
000 $ à Me Beaulé, le 7 février, c'était le mandat
du 6 février, je suppose?
M. Aquin: C'est cela.
M. Gratton: Le mandat d'explorer que le conseil d'administration
vous avait donné la veille?
M. Aquin: Et d'accepter une somme qui était
acceptable.
M. Gratton: J'ai ici une note...
M. Aquin: Et acceptable, dans ce temps-là, cela va revenir
plus précisément après... Justement, les deux chiffres se
retrouvent, les 500 000 $ dont je parle à M. Beaulé et
peut-être les 400 000 $ d'hier; c'est que les deux chiffres se
retrouvent. Acceptable, à ce moment-là, d'après les
informations qu'on a de Me Gadbois, ce serait de couvrir les frais du bureau
extérieur, c'est-à-dire 400 000 $. On parle d'à peu
près 400 000 $ ou 500 000 $.
M. Gratton: Donc, si on se résume, le 15 janvier, vous
aviez reçu de la SEBJ le mandat d'écouter les procureurs des
syndicats quant à un règlement hors cour. Quant au mandat que
vous avez reçu le 6 février, je voudrais vous poser une question.
Est-ce que vous avez interprété ce mandat du 6 février
comme un mandat très précis de commencer à négocier
sur le montant du règlement? (12 h 15)
M. Aquin: Si on se reporte à cette lettre du 6
février - elle est assez claire -c'est-à-dire qu'elle est du 7
février, le mandat est un mandat de négocier, mais il n'est pas
absolument précis, parce que - et c'est compréhensible - quand
vous avez affaire à un client individuel, habituellement, il vous donne
verbalement ses mandats et ils sont précis, mais, quand vous avez
affaire à un client de cette importance, où il y a tellement de
gens qui lisent la correspondance, il est assez difficile de mettre les
chiffres dans la lettre. C'est ainsi que j'interprète cette lettre.
Si on lit la lettre, elle n'est pas absolument précise, parce
qu'on y dit "un
montant qui serait acceptable". C'est là qu'on communique avec M.
Gadbois pour savoir ce qu'est le montant acceptable. C'est là qu'on en
vient à un montant d'environ 400 000 $ ou 500 000 $, c'est-à-dire
ce que tous les gens pensent être grosso modo nos frais.
M. Gratton: Après avoir reçu le mandat du 6
février, étiez-vous satisfait du fait que vous étiez
effectivement mandaté pour mener à terme un règlement hors
cour?
M. Aquin: Je travaille avec ce que j'ai. Je reçois un
mandat qui me dit: Essayez d'avoir l'aveu de responsabilité de tous les
défendeurs. Je sais que c'est impossible, car il y a des organismes...
Je me suis déjà exprimé sur le syndicat américain.
Quant au montant, je comprends qu'on n'a pas voulu inscrire un montant dans la
lettre, au cas où... Je pense que j'ai fait un appel
téléphonique à M. Gadbois. M. Cardinal parle avec M.
Gadbois. C'est grosso modo le montant de ce qu'on pense être nos
honoraires.
Aujourd'hui, vous le savez, mais, à ce moment-là, on ne le
savait pas; disons que cela se situe entre 400 000 $ et 500 000 $. D'ailleurs,
c'est un chiffre qui recouvre les paramètres de la première
avance de M. Beaulé. Je passe donc à la première ronde de
négociation et je rencontre M. Beaulé, c'est-à-dire le
plus riche des deux, sinon lui, du moins ses clients. Comme j'ai à
l'esprit que je comprends mon mandat pour récupérer 500 000 $, je
ne veux pas dévoiler ici toutes mes techniques de négociation,
mais, confidentiellement, je commence par 1 000 000 $. C'est là que je
commence à lui demander 1 000 000 $, mais je vois très bien
qu'à 1 000 000 $, on n'ira pas tellement loin. À 500 000 $, la
conversation est beaucoup plus robuste mais il discute de ce que j'ai
évoqué tout à l'heure.
M. Gratton: Je pense qu'il a été établi que
vous étiez les procureurs de la SEBJ depuis 1975.
M. Aquin: C'est cela.
M. Gratton: À l'automne ou à la fin de 1975.
M. Aquin: C'est cela.
M. Gratton: Jusqu'au 15 janvier, vous n'avez aucun mandat de
négocier un règlement hors cour.
M. Aquin: Le 15 janvier, ce n'est pas vraiment un mandat de
négocier un règlement hors cour de quelque sorte que ce soit.
M. Gratton: Non.
M. Aquin: C'est le mandat d'écouter.
M. Gratton: C'est ce que j'aurais dû dire. Jusqu'au 15
janvier, vous avez strictement le mandat d'aller en cour, d'aller en
procès, de gagner ce qui, à vos yeux, était une bonne
cause.
M. Aquin: On s'est exprimé sur cela, hier.
M. Gratton: Le 15 janvier, on vous mandate pour
écouter...
M. Aquin: Et aussi préparer des documents.
M. Gratton: Oui, d'accord. C'est fait par le P.-D.G., à
titre personnel, ce que je ne conteste pas, c'est tout à fait
normal.
M. Aquin: Je ne sais pas à quel titre cela est fait. C'est
fait par le P.-D.G...
M. Gratton: Oui, mais on a établi ici que cela n'a pas
fait l'objet d'une résolution du...
M. Aquin: II n'y a pas de résolution...
M. Gratton: Non. Ensuite, c'est le 7 février seulement que
vous êtes mandaté pour explorer. Au sens large, on peut parler de
négocier, de discuter d'un règlement hors cour.
M. Aquin: C'est ainsi que je le comprends.
M. Gratton: M. le Président, j'ai étudié
tout cela pendant presque toute la nuit, je vous dirai que je ne sais pas si je
dois être inquiet ou perplexe; je n'en fais aucun reproche à nos
invités de ce matin, parce qu'au contraire, je trouve que leur
témoignage est très révélateur et qu'il servira
grandement à éclairer la commission.
Si vous me le permettez, M. le Président, et je suis sûr
que vous le ferez, j'aimerais me prévaloir ici de mon droit de parole
qui est prévu dans le règlement pour faire un commentaire qui ne
devrait pas appeler de réponse de nos invités, mais à vous
d'en aviser quand j'aurai terminé, et cela ne sera pas long.
Hier, j'ai fait un petit exercice de recoupage en alignant certaines
données qui nous ont été fournies jusqu'à
maintenant à partir du document que le directeur général
de la SEBJ nous a fourni.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le
ministre.
M. Duhaime: Je m'excuse également auprès du
député de Gatineau, je sais qu'il a passé la nuit blanche,
à ce qu'il vient de nous dire; on verra tantôt s'il aurait mieux
fait de dormir. Ce que je voudrais suggérer, pour la bonne marche des
travaux de la commission parlementaire... Je n'ai pas d'objection à ce
que le député de Gatineau puisse faire un commentaire, mais
est-ce que je dois comprendre qu'il aurait terminé les questions? Votre
commentaire, vous pourriez peut-être le retenir. L'objectif que l'on
visait de part et d'autre ce matin était de terminer avec les trois
invités qui sont devant nous. Il est déjà midi et
quinze.
M. Gratton: J'en ai pour dix minutes M. le Président.
M. Duhaime: Nous terminons normalement à treize heures.
Mon collègue de Châteauguay a demandé la parole et je crois
qu'il y a trois autres députés libéraux qui veulent poser
des questions. Je ne voudrais pas qu'on dépasse le temps prévu.
Votre commentaire, vous pouvez très bien le retenir, je suis convaincu
que vous ne l'oublierez pas, et le faire la semaine prochaine ou à une
autre occasion. Il reste à peine quarante minutes environ, je voudrais
qu'on puisse finir ce matin. Si l'on me donne l'indication que cela ne sera pas
terminé pour 13 heures, quant à moi, cela m'obligera à
refaire mon propre horaire et également ceux de nos invités et
ceux de l'honorable juge Jasmin et de Me Beaulé de même que de
tout le secrétariat de la commission. Si c'est un commentaire capsule de
deux minutes, je n'ai aucune objection, mais, si c'est pour durer quinze
minutes, et cela risque d'entraîner une réplique, c'est à
vous de l'évaluer. À ce moment, on brûlera du temps et on
retardera tous les travaux de la commission. Si je peux vous le
suggérer, nous aurons amplement le temps de faire des commentaires de
part et d'autre parce que cette commission normalement produira un rapport et
une conclusion dont sera saisie l'Assemblée nationale lorsque tous les
témoins auront été entendus.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'ai le droit de m'exprimer
devant cette commission en fonction du règlement de l'Assemblée
nationale J'ai déjà donné l'assurance au
député de Châteauguay qu'il aura le temps de poser ses
questions. J'en ai pour une dizaine de minutes, mais ne me demandez pas de
parler au nom de l'ensemble des membres de la commission, à savoir si on
aura terminé avec nos invités à treize heures; c'est une
question pour les autres députés. J'en aurai terminé bien
avant cela. Si vous me le permettez, je voudrais...
Le Président (M. Jolivet): II y a une chose que je
voudrais tout de même clarifier. La commission est convoquée en
vue de poser des questions à des gens qui sont en face de nous. Il est
évident que, si le commentaire a pour but de poser une question à
la fin, je ne peux en aucune façon l'en empêcher. Ce que j'ai
compris de la part du député de Gatineau, c'est qu'il avait
l'intention de faire un commentaire et de poser une question possiblement
à la fin. Les invités, selon ce qu'il dira, pourront, s'ils le
désirent, y répondre.
M. Blouin: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Rousseau. Je ne voudrais pas qu'on prolonge le débat. M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: M. le Président, seulement une suggestion que
je voudrais faire au député de Gatineau. Au cas où ce
qu'il a à dire aurait trait au document qu'il a remis à un
journaliste, il pourrait peut-être donner une conférence de presse
et cela éviterait de perdre le temps des invités et on pourrait
poursuivre les travaux de la commission.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, s'il y a un membre de cette
commission à l'endroit de qui je n'ai pas besoin de suggestions pour
faire mon travail, c'est bien le député de Rousseau.
M. Blouin: C'est une suggestion...
M. Gratton: Je recommence. Je disais donc que j'ai fait un petit
exercice de recoupage alignant certaines données qui nous ont
été fournies dans le dossier que nous a remis M. Claude
Laliberté, le président-directeur général de la
société, dans le dossier Correspondance que nos invités
d'aujourd'hui nous ont remis hier ou avant-hier et dans la liste des rencontres
qui ont eu lieu au cabinet du premier ministre, liste qui nous a
été fournie par le premier ministre lui-même au
début des travaux de cette commission.
J'arrive au portrait suivant quant à l'évolution des
offres de règlement faites à la SEBJ. Je vous le dis tout de
suite c'est un portrait qui m'inquiète. Allons-y dans les
détails. Au début de 1975, à ce moment, l'étude de
Geoffrion et Prud'homme n'est pas encore au dossier. Me Michel Jasmin,
ex-organisateur péquiste, procureur des syndicats
québécois, au nom du seul local 791, avant
même que l'action en cour ne soit instituée, offre 400 000
$ sans que la SEBJ l'ait sollicité en aucune façon. On peut donc
parler d'une offre de règlement possible de l'ordre de 1 000 000 $ au
profit de la SEBJ, en supposant que les autres syndicats impliqués
auraient agi comme, finalement, ils ont effectivement agi dans le
règlement de cette cause. En tout cas, c'est un minimum de 400 000 $ de
la part d'un seul syndicat, et ce, un an seulement après le saccage. Le
10 janvier...
M. Duhaime: M. le Président. Question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le député de Gatineau nous a dit
tantôt qu'il voulait faire un commentaire, mais, d'après ce que je
peux comprendre... Je comprends qu'il y a des journaux de fin de semaine, qu'il
y a la télévision et la radio, mais consolez-vous, il y en aura
encore la semaine prochaine. Je voudrais, M. le Président, que vous
considériez le fait suivant: nous avons ici trois invités qui
sont trois avocats appartenant à une étude professionnelle
importante de la métropole. Ces gens sont ici comme invités de la
commission. Je ne voudrais pas qu'on leur impose un plaidoyer en plein milieu
des travaux d'une commission parlementaire, un vendredi, à 12 h 20,
alors que, de l'aveu même des députés de l'Opposition
libérale, ils ont encore des questions possiblement très
pertinentes à poser. Je n'ai aucune objection. Mes Aquin, Cardinal et
Jetté sont ici depuis... À 13 heures, cela va faire huit heures
et demie qu'ils sont devant la commission.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
M. Duhaime: Si vous voulez, je vais terminer ma question de
règlement.
M. Gratton: Elle est terminée.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. J'ai une
obligation, M. le ministre, cependant: quand j'ai des questions de
règlement posées à la suite d'une question de
règlement, je dois écouter celle qui est posée en
deuxième lieu. Malheureusement, puisque ce n'est pas une question de
privilège, je veux savoir d'abord pourquoi le député de
Gatineau me pose une question de règlement.
M. Gratton: Parce que ce que le ministre soulève, ce n'est
pas une question de règlement en vertu du règlement de
l'Assemblée nationale. Il essaie tout simplement de m'empêcher
d'exercer un droit de parole que le règlement me confère. Vous
l'avez appliqué de façon très rigoureuse depuis le
début, et j'aimerais que le ministre me laisse faire mon intervention.
Il jugera après de son opportunité.
M. Duhaime: Là-dessus, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...ce que je voudrais vous souligner, c'est que, si
nous ouvrons cette porte... J'avais l'impression que le député de
Gatineau voulait faire un commentaire capsule pertinent à une des
réponses qui venaient d'être faites pour enchaîner ensuite
sur une question. Mais si l'avenue qui nous est ouverte fait que, durant les
travaux de cette commission parlementaire, à tout moment et à
toute occasion, en plein milieu d'échange de questions et de
réponses, chacun des membres de cette commission parlementaire peut
prendre la parole et dire: Voici, après huit ou neuf jours de
commission, j'aurais quelque chose à dire et je vais faire le
point...
M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.
Question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: II y a ici une quinzaine de membres de la commission
parlementaire. Ce que je vous dis, c'est que nous n'arriverons jamais à
terminer les travaux de cette commission parlementaire. Cela n'a aucun bon
sens.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre, M. le ministre!
M. le député de Gatineau: S'il vous
plaît!
M. Duhaime: Je le souligne. Cela a été
souligné par beaucoup d'observateurs et je pense qu'on veut leur faire
perdre leur temps
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre: Je pense que
je vais régler assez facilement ce problème qui, à mon
avis, n'en est pas un. Je n'ai pas à déterminer si, de part et
d'autre, on doit ou non entrer dans le fond de la question, mais ce que je dois
cependant dire... J'ai cru comprendre de la part du député de
Gatineau, il me dira si j'ai bien compris... Si j'ai bien compris, je saurai
quoi donner comme réponse. Ce que
j'ai compris, c'est qu'il le faisait pour poser une question à la
fin, si les gens veulent bien y répondre. C'est comme cela que je l'ai
compris. Il a dit: Quand j'aurai fini, s'il juge à propos de
répondre à cette...
M. Dussault: ...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay, ce n'est pas à vous de me dire ce que j'ai
compris.
Une voix: ...
Le Président (M. Jolivet): Je le sais. J'essaie de poser
la question. Ce que j'essaie de comprendre, c'est qu'on a dit, au bout de ce
résumé que je ferai, si les gens qui sont nos invités
veulent ajouter quelque commentaire que ce soit... J'ai dit à cet effet
que, s'il s'agissait de faire un résumé comme j'en ai vu depuis
le début, je pourrais reprendre la question qui a été
posée en feuilletant le document que nous avons ici, page par page,
à partir des lettres qui avaient été envoyées ou
des opinions qui avaient été envoyées pour finalement
poser une question. Parfois, cela a duré plus de dix ou quinze minutes
avant même que la question finale soit posée. Je ne peux, en
aucune façon, accepter cela. L'erreur du député de
Gatineau a peut-être été de dire qu'il voulait faire un
commentaire général...
M. Gratton: J'ai été trop franc, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): ...mais j'applique actuellement
ce que j'ai appliqué depuis le début. Il y a des gens qui
utilisent l'ensemble des documents qui sont déposés et, à
partir de ces faits, essaient de poser une question en terminant... Si je l'ai
compris de cette façon, je ne suis, en aucune façon, responsable
de la façon dont le député de Gatineau a l'intention de
poser ses questions, mais je dois vous faire remarquer qu'on a perdu environ
dix minutes sur cette question et que cela serait probablement terminé
en ce moment.
M. Gratton: Exactement, M. le Président, et je vous dis
que vous avez très bien compris le sens de mon intervention. J'ai
l'intention de faire un commentaire à partir d'un recoupage de faits que
j'ai préparé et terminer sur une question à laquelle nos
invités pourront répondre ou ne pas répondre, à
leur guise. (12 h 30)
Je reprends du début en parlant de l'évolution des offres
de règlement faites à la Société d'énergie
de la Baie James. Au début de 1975, alors que le bureau d'avocats
Geoffrion et Prud'homme n'est pas encore au dossier; que Me Michel Jasmin, ex-
organisateur péquiste, procureur des syndicats québécois,
au nom du seul local 791, avant même que l'action en cours ne soit
instituée, offre 400 000 $ sans que la Société
d'énergie de la Baie James l'ait sollicité d'aucune façon,
on peut donc parler d'une offre de règlement totale possible de l'ordre
de 1 000 000 $ au profit de la SEBJ, en supposant que les autres syndicats
auraient agi comme ils ont effectivement agi par la suite au cours de ce
règlement hors cour. Je faisais remarquer que cette offre de 400 000 $ -
c'était un minimum, en tout cas, de la part d'un syndicat - a
été formulée à peine un an après le
saccage.
Le 10 janvier 1979, Me Rosaire Beaulé, ex-associé de Me
Jean-Roch Boivin, actuel chef du bureau du premier ministre, procureur du
syndicat américain, se dit prêt à offrir la même
somme que les syndicats québécois, jusqu'à concurrence de
250 000 $. On peut donc parler, au 10 janvier 1979, d'une possibilité de
régler pour 500 000 $, en supposant une contribution égale des
syndicats québécois. À noter qu'il ne s'agit là que
d'un point de départ. Donc, on peut supposer qu'une négociation
serrée de la part de la SEBJ qui avait un bon dossier, une bonne cause,
aurait pu rapporter plus que ledit montant de 500 000 $.
Le 12 janvier 1979, Me Michel Jasmin, procureur des syndicats
québécois, rencontre Me Jean-Roch Boivin, chef du bureau du
premier ministre, à son bureau. Le 15 janvier, le jour où le
procès commence en Cour supérieure, Me Michel Jasmin et Me
Rosaire Beaulé rencontrent Me Jean-Roch Boivin à son bureau. Le
16 janvier 1979, Me Michel Jasmin rencontre Me Jean-Roch Boivin à son
bureau. Le même jour, c'est-à-dire le 16 janvier 1979, le
même Me Jasmin, au nom des syndicats québécois,
présente une offre de 50 000 $ à être partagée entre
la société et les assureurs. On peut donc parler d'une somme de
moins de 50 000 $ qui ira éventuellement à la SEBJ, parce que le
syndicat américain ne fait pas d'offre et qu'on ne connaît pas le
montant qui ira aux assureurs.
Le 17 janvier 1979, Me Michel Jasmin se rend au bureau de M. Yves
Gauthier, conseiller spécial du premier ministre et ex-tuteur d'un
syndicat de la FTQ. Le 19 janvier 1979, Me Michel Jasmin, qui représente
les syndicats québécois, et Me Rosaire Beaulé, qui
représente le syndicat américain, se rendent tous deux au bureau
de Me Jean-Roch Boivin, chef du bureau du premier ministre.
Le 22 janvier 1979, Me Rosaire Beaulé formule une offre au nom de
tous les syndicats au montant de 62 500 $ de la part du syndicat
américain et 62 500 $ de la part des syndicats québécois;
donc, on peut parler d'une offre totale de 125 000 $ pour la
Société d'énergie de la Baie James.
Le 2 février 1979, au lendemain de la rencontre des trois P.-D.G.
avec le premier ministre, Me François Aquin et Me Jean-Paul Cardinal du
bureau d'avocats Geoffrion et Prud'homme prennent le lunch avec M. Jean-Roch
Boivin, qui les informe de la réunion de la veille et qui les informe
également qu'ils vont recevoir éventuellement de Me Jasmin et de
Me Beaulé une nouvelle offre, c'est-à-dire celle du 5
février. Me Jean-Roch Boivin est au courant, car la même
journée il a rencontré à son bureau Me Jasmin et Me
Beaulé.
Le 5 février 1979, Me Jasmin transmet à Mes Geoffrion et
Prud'homme le projet de règlement dont Me Jean-Roch Boivin avait
parlé le 2 février au cours du lunch. Le 6 février, Me
Jasmin se rend au bureau de M. Yves Gauthier, conseiller spécial du
premier ministre. Le 9 février, Me Jasmin et Me Jean-Paul Cardinal se
rendent au bureau de M. Jean-Roch Boivin.
Le 12 février 1979, le député de
Marguerite-Bourgeoys pose une question au ministre de la Justice sur la
possibilité qu'on soit en train de négocier un règlement
hors cour au montant de 125 000 $. Force nous est de constater qu'il est bien
renseigné, le député de Marguerite-Bourgeoys, parce que
c'est le montant exact de la dernière offre, qui date du 22 janvier.
Le 12 février 1979, le même jour où on pose des
questions en Chambre, l'offre de règlement passe de 125 000 $ à
175 000 $, dont 75 000 $ iront aux assureurs. On doit parler d'un montant de
100 000 $ qui est offert à la SEBJ, ayant soustrait les 75 000 $ qui
iront aux assureurs.
Le 16 février, Me Michel Jasmin se rend au bureau de M. Yves
Gauthier, conseiller spécial du premier ministre.
Le 20 février 1979, le député de
Marguerite-Bourgeoys pose ses questions au premier ministre à
l'Assemblée nationale. Ni de près ni de loin n'a-t-on
négocié un règlement dans son bureau, déclare le
premier ministre.
Le 27 février, Me Jean-Paul Cardinal, du bureau de Geoffrion et
Prud'homme, se rend au bureau de Me Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du
premier ministre. Le 27 février, le même jour, l'offre qui sera
éventuellement acceptée par la SEBJ passe à 500 000 $,
dont 100 000 $ pour les assureurs. C'est donc 200 000 $ que recevra finalement
la Société d'énergie de la Baie James, soit 100 000 $ des
syndicats québécois et 100 000 $ du syndicat
américain.
Si on résume, M. le Président, on voit, quand on compare
l'évolution des offres de règlement faites à la SEBJ, avec
la liste des visites au bureau du premier ministre qu'ont faites les
procureurs, surtout ceux représentant les syndicats
québécois et le syndicat américain, c'est-à-dire Me
Michel
Jasmin et Me Rosaire Beaulé, pour y rencontrer soit le chef de
cabinet du premier ministre, Me Jean-Roch Boivin, soit le conseiller
spécial du premier ministre, Me Yves Gauthier, on voit donc, dis-je, que
si, comme le premier ministre l'a déclaré à
l'Assemblée nationale le 20 février 1979, il n'y a pas eu de
négociation dans son cabinet, ce n'est sûrement pas parce que les
occasions ont manqué de négocier.
Une voix: J'invoque le règlement.
M. Gratton: Quoi qu'il en soit, on se doit de contaster au moins
une chose...
Une voix: Je n'ai pas parlé de négociation...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Gatineau, c'est une question de règlement de la
part du député de Châteauguay ou de Rousseau. M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, je pense qu'il est important
de rappeler les mots exacts de la déclaration de M. le premier ministre;
sinon, on ne comprendra plus rien. M. le député de Gatineau vient
de dire: Ni de près ni de loin il n'y a eu négociation d'un
règlement... Ce ne sont pas les déclarations du premier ministre,
M. le Président. Il a dit, il faut le répéter pour bien
comprendre: C'est même, paraît-il, pour ce que j'en sais, assez
avancé. Il parle du règlement. Il ajoute: Deuxièmement, ce
n'est pas du tout, ni de près ni de loin, dans le bureau du premier
ministre que le règlement ou partie du règlement a eu lieu. Mais
il y a eu consultation au bureau du premier ministre.
M. le Président, ces gens d'en face essaient de faire dire au
premier ministre ce qu'il n'a pas dit. Ils n'ont pas le droit de le faire et il
est important de rectifier, M. le Président.
M. Gratton: II se prononcera tantôt, M. le
Président.
M. Blouin: Ce dont vous parlez, c'est des consultations et non du
règlement...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je maintiens ce que j'ai
dit.
M. Dussault: C'est cela tromper les gens. Volontairement, vous
trompez les gens...
M. Gratton: Vous direz ce que vous voudrez après.
M. Dussault: ...M. le député de Gatineau, c'est
clair maintenant...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: ...et vous persistez à vouloir le faire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay, j'ai l'habitude en cette commission et ailleurs en cette
Assemblée d'avoir des divergences d'opinions, ce n'est pas la
première fois quant à moi. M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Quoi qu'il en soit, M. le Président, on doit
constater au moins une chose...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M, le
député, vous n'avez pas affaire à la table, s'il vous
plaît! S'il vous plaît! M. le député de Gatineau.
M. Gratton: J'en avais pour dix minutes, ils vont m'obliger
à prendre vingt minutes. Quoi qu'il en soit...
Une voix: ...
M. Gratton: Ils ont terminé de ce côté, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Allez! Je pense que nous avons
terminé des deux côtés, M. le député. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Quoi qu'il en soit, on se doit de constater au moins
une chose, c'est que quelqu'un quelque part a négocié. On a
établi ce matin que ce n'était pas Geoffrion et Prud'homme, les
procureurs de la SEBJ, qui ont négocié avant le 7 février,
puisqu'ils n'avaient pas le mandat de négocier le montant. Me Cardinal a
dit ce matin qu'on est passé de 125 000 $ dans l'offre du 22 janvier
à 175 000 $ le 12 février. À ce moment, Geoffrion et
Prud'homme avait le mandat de négocier et ils l'ont fait; au moins le
montant a augmenté, même si, du point de vue des recettes nettes
de la société, ils obtenaient moins que les 125 000 $ du 22
janvier, puisque effectivement il y avait la somme de 75 000 $ qui devait
être versée aux assureurs. Donc, la recette nette de la
société passait de 125 000 $ à 100 000 $, mais au moins le
règlement total avait augmenté.
Nous devons admettre qu'entre les offres du 12 et du 27 février,
c'est-à-dire celle qui est passée de 100 000 $ à 200 000 $
à la SEBJ, au moins il y a eu une évolution dans la bonne
direction. Je ferai un commentaire personnel: c'est bien en deçà
des 900 000 $ en frais encourus par la SEBJ.
Ce qui est le plus triste dans tout cela, c'est que la
Société d'énergie de la Baie James, qui n'était
pourtant accusée de rien, que je sache, n'est pas celle à qui
cette négociation a profité le plus. Revoyons les montants des
offres. Cela me fait penser un peu à une montagne russe. Cela monte,
cela descend, cela remonte et cela redescend. Un seul syndicat, le local 791,
avait offert au début de 1975, avant que la poursuite soit
intentée, sans aucune sollicitation de la part de la
société, un règlement minimum de 400 000 $.
Le 10 janvier 1979, Me Rosaire Beaulé, procureur du syndicat
américain, se disait prêt à offrir la même somme que
les syndicats québécois jusqu'à concurrence de 250 000 $.
C'est donc dire qu'on pouvait parler d'un règlement possible de 500 000
$. Six jours plus tard, le 16 janvier, l'offre tombe à moins de 50 000
$. Les procureurs des syndicats décident, à partir de je ne sais
trop quelles informations privilégiées, d'offrir 10% seulement du
montant dont avait parlé Me Rosaire Beaulé lui-même six
jours plus tôt, c'est-à-dire le 10 janvier. En parlant de montagne
russe, c'est une chute plutôt vertigineuse de 500 000 $ à 50 000
$. Cette chute vertigineuse est-elle reliée aux trois rencontres des 12,
15 et 16 janvier de Me Jasmin avec Me Jean-Roch Boivin dont une où il
était accompagné de Me Rosaire Beaulé? Ou était-ce
parce que le procès avait débuté le 15 janvier et que les
procureurs des syndicats avaient constaté que leur position était
renforcée? Sûrement pas, si l'on en croit la réponse de Me
Jetté hier soir à une question de mon collègue de
Brome-Missisquoi.
La première question, à savoir est-ce que c'est
relié aux rencontres dans le cabinet du premier ministre?, elle se pose.
Il faut convenir que ce n'est pas à nos invités de ce matin
qu'elle se pose, mais bien à ceux qui viendront nous rencontrer plus
tard. C'est sûrement ce que nous ferons au cours des prochains jours.
Le 22 janvier 1979, l'offre des procureurs des syndicats monte à
125 000 $. Dans les cinq jours précédents, Me Michel Jasmin s'est
rendu seul au bureau de Me Yves Gauthier le 17, et en compagnie de Me Rosaire
Beaulé au bureau de Jean-Roch Boivin le 19 janvier.
Le 12 février l'offre des syndicats tombe de 125 000 $ à
100 000 $. Je dis "tombe", parce que le bénéfice net pour la
société est, effectivement, de 25 000 $ de moins. Et, finalement,
le 27 février, on en arrive à l'offre qui sera acceptée le
6 mars, c'est-à-dire un règlement rapportant 200 000 $ à
la société.
Donc, un minimum de 400 000 $ au
début de janvier 1975; possiblement 500 000 $, ou même
plus, le 10 janvier 1979; moins de 50 000 $ le 16 janvier 1979; 100 000 $ le 12
février 1979 pour, finalement, régler à 200 000 $ le 27
février. Le moins que l'on puisse dire, M. le Président, c'est
que c'est là un bien curieux portrait d'une négociation de ce
genre. Et je n'en fais pas - je le répète - grief aux procureurs
de la SEBJ. Je ne suis pas moi-même avocat, mais j'ai quand même eu
l'occasion, dans ma carrière, de négocier certaines choses,
notamment dans le domaine de la construction. Je ne me rappelle pas avoirjamais vu, par exemple, un entrepreneur pris en défaut sur un
chantier offrir de régler pour un certain montant en reconnaissant sa
culpabilité et qu'après quatre ans, durant lesquels la victime de
la faute a dû débourser des sommes considérables en frais
juridiques, malgré le fait que les procureurs de la victime l'assurent
que sa cause est bonne, l'entrepreneur fautif réussisse à
régler pour un montant qui ne représente même pas la
moitié de ce qu'il était prêt à payer quatre ans
plus tôt. C'est difficile de conclure qu'il s'est agi là d'une
négociation normale. (12 h 45)
M. le Président, quoi conclure de tout cela? Personnellement,
j'en conclus que ce qui n'a pas été normal, c'est que les
procureurs de la Société d'énergie de la Baie James
n'aient pas été dûment mandatés de négocier
le montant du règlement avant le 7 février 1979. Il faut rappeler
qu'avant le 7 février 1979 il y a eu trois offres différentes
formulées par les procureurs des syndicats impliqués. Il y a eu
celle du 10 janvier 1979, au montant de 500 000 $. Il y a eu celle du 16
janvier, au montant de 50 000 $. Et il y a eu celle du 22 janvier, au montant
de 125 000 $. Même après le 7 février, il ne m'est pas
apparu évident que les procureurs de la SEBJ étaient en position
de force pour négocier de façon serrée sur le montant du
règlement à cause de ce qui s'était passé avant
qu'ils ne soient dûment mandatés par la SEBJ.
Mais, avant le 7 février 1979, qui négociait avec les
procureurs des syndicats? Il y a sûrement quelqu'un qui négociait.
Ce ne sont pas les procureurs de la SEBJ. Ils nous l'ont dit. Ils
négociaient sur la responsabilité des syndicats, oui, mais pas
sur le montant. Ce ne sont pas les membres du conseil d'administration.
D'ailleurs, ce n'était pas leur rôle. Et ce n'est pas, non plus,
selon son témoignage, le P.-D.G. de la SEBJ, M. Claude Laliberté.
Qui a négocié jusqu'au 7 février? Parce qu'il est clair
qu'il y a eu des négociations. Les procureurs des syndicats poursuivis
n'ont quand même pas décidé seuls de faire des offres dont
les montants ont changé au moins trois fois, entre le 10 janvier et le
22 janvier, avant que la firme Geoffrion et Prud'homme ne soit mandatée
de négocier le montant. Les procureurs des syndicats négociaient
avec quelqu'un. Avec qui?
M. Duhaime: Vous leur demanderez...
M. Gratton: II y a quelques années, on aurait dit qu'il
s'agissait là d'une question de 64 000 $, sauf que, ici, 64 000 $ sont
des "pinottes" à comparer au montant des fonds publics impliqués.
Je répète, M. le Président: Qui a négocié?
Qui, à partir d'une bonne cause, a contribué à obtenir ce
que je considère, pour ma part, un mauvais règlement pour la
SEBJ? M. le Président, je vais vous faire un aveu. Je pense que,
personnellement, j'ai deviné qui a négocié. Je pense aussi
qu'au cours des prochains jours, nous risquons tous d'avoir la réponse
ici.
Ayant terminé mon commentaire, M. le Président, j'aimerais
demander à nos invités s'ils ont eux aussi un commentaire
à émettre.
M. Aquin: Si vous me permettez, M. le Président, au
début de ces séances, on a évoqué la
réalité que c'était ici un forum partisan. Il est normal
que les députés remplissent leur fonction. Mais il est aussi
normal que nous fassions notre devoir ici. Notre devoir ici est un devoir de
témoin. Je sais qu'on dit souvent que nous sommes des invités,
mais des invités assermentés, dans mon livre, sont un peu plus
des témoins.
Comme témoins, nous sommes prêts à répondre
aux questions. Mais, de là à nous demander un commentaire
à ce commentaire - je le laisse aux parlementaires entre eux, je pense
qu'il y aura plusieurs versions, mais c'est vraiment une opinion personnelle -
ce serait vraiment nous mettre dans une position qui, je le dis
respectueusement, M. le Président, serait fausse quant à nous.
Nous n'avons pas à donner notre opinion à cette commission sur
des rapports qu'elle doit faire. Nous n'avons pas voulu commenter les
déclarations ni les commentaires de personnages politiques, dans ce
dossier. Nous avons essayé - ce n'est pas pour rien d'ailleurs que nous
n'avons pas suivi quotidiennement cette commission - non pas de venir faire une
synthèse, ce que le député a fait dans sa perspective, du
travail de cette commission jusqu'à maintenant. C'est sa synthèse
personnelle. Tout le monde peut avoir sa synthèse. Ce que nous avons
essayé de faire - je répète que c'est pourquoi nous
n'avons pas suivi, d'une façon méticuleuse, toutes les
réunions de cette commission - est de se replonger dans une tout autre
optique. On s'est dit: On va reprendre le dossier. Où en
étions-nous, en 1978 et en 1979? C'est ce qu'on a essayé de vous
dire, avec le plus de franchise possible et le plus de clarté possible.
On apprécierait beaucoup que vous
nous laissiez dans notre petit rôle de témoin.
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais dire que, si j'ai
demandé à nos invités s'ils avaient des commentaires
à formuler, c'est strictement parce qu'on m'y obligeait, compte tenu de
l'interprétation du règlement. J'ai pris bien soin de dire,
dès le départ, qu'il n'y avait aucun reproche. En fait, j'aurais
pu faire ce commentaire devant les prochains témoins, mais je n'aurais
pas pu le faire avant aujourd'hui parce que j'ai retrouvé certains des
éléments dont j'ai parlé dans les documents que vous nous
avez présentés. C'est dans ce sens que j'ai dit que votre
témoignage ici, à la commission parlementaire, était
très valable et m'avait permis, en tout cas, de voir plus clair dans le
dossier. Bien sûr que, de l'autre côté, on ne le voit pas
comme cela, mais ils vont le dire éventuellement. Je constate avec
plaisir que ce n'est pas aux procureurs de la SEBJ qui sont devant nous
aujourd'hui à commenter et je les remercie des réponses qu'ils
nous ont fournies jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Jolivet): Me Cardinal veut ajouter
quelque chose.
M. Cardinal: M. le Président, avec beaucoup de respect,
cela a l'air qu'on va revenir, à la demande de l'Union Nationale, je me
déclare neutre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, le commentaire conclusion
intérimaire du député de Gatineau m'oblige à faire
des remarques sur ce qui vient d'être dit. Ma première serait que
je connais depuis quelques années maintenant le député de
Gatineau; il aurait mieux fait de dormir la nuit dernière et de revenir
en commission frais et dispos.
Nous sommes aujourd'hui au terme de la neuvième journée
des travaux de cette commission parlementaire. J'avais cru, et je pense qu'on
va rester naïf jusqu'à son tombeau, que nous aurions pu disposer de
cette affaire en quelques jours. Même le quotidien La Presse reproche la
longueur de ces travaux, il a même reproché au gouvernement
d'avoir fait entendre tous et chacun des membres du conseil
d'administration.
Pour bien nous situer, je voudrais apporter un éclairage
important. Le 16 avril dernier, M. Marcel Adam - j'ai eu l'occasion de faire
état de son éditorial - disait ceci: "Mais le gouvernement, par
stratégie, a décidé de faire comparaître un grand
nombre de simples membres du conseil d'administration de la SEBJ pour faire
dire à chacun qu'il n'avait pas été l'objet de pressions
indues de la part du bureau du premier ministre, comme si quelqu'un avait
prétendu le contraire." Cela est écrit dans la Presse du 16 avril
1983.
Est-ce que quelqu'un a déjà prétendu le contraire?
Ma réponse est affirmative, et je la retrouve dans la Presse du 16 mars
sous la signature de M. Michel Girard: "À l'exception de M. Boyd et de
deux collègues, tous les autres membres du conseil d'administration
d'Hydro-Québec et de la SEBJ ont cédé à l'ultime
pression du premier ministre en acceptant le jour même de l'intervention
en Chambre de M. Lévesque de donner à leurs avocats un mandat de
négocier un règlement hors cour." Je laisse à la Presse la
responsabilité de ses écrits, mais je comprends que l'Opposition
libérale ici défend le dossier du quotidien La Presse bien
confortablement installée sur l'immunité parlementaire et en
abusant abondamment du délai et des règlements de
l'Assemblée nationale.
M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, question de
règlement de la part du député de Brome-Missisquoi. M. le
député.
M. Paradis: Le ministre vient d'induire cette commission en
erreur. Ce qui a été strictement dit par le chef de l'Opposition,
par le député de Marguerite-Bourgeoys en Chambre, la
première journée où cela a été
demandé, ce qu'on défendait, c'était
l'intégrité de l'Assemblée nationale du
Québec...
Le Président (M. Jolivet): C'est effectivement une
question d'opinion. M. le ministre.
M. Duhaime: Une question d'opinion, parce que votre
collègue le député de Marguerite-Bourgeoys a
également dit qu'il y aurait ici deux procès. Vous lirez les
journaux. Je les lis pas mal ces temps-ci. Ce que je veux dire, M. le
Président, c'est que nous avons tenu à faire entendre tous et
chacun des membres du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James. Ces gens ont témoigné ici sous
serment. Chacun d'eux, en maintenant l'opinion qu'il a formulée au
conseil d'administration, qu'il soit pour, qu'il soit contre, et l'abstention
de M. Saulnier, suivant son explication, était un vote favorable, chacun
d'eux, dis-je, sous son serment, nous a dit qu'en aucune manière il
n'avait été influencé par Me Boivin, par Me Gauthier ou
encore par le premier ministre.
Dans un deuxième temps, nous avons voulu entendre les avocats de
la Société d'énergie de la Baie James et la
société les a déliés de leur secret professionnel,
ce qui est un fait rare, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce qui veut dire que
le gouvernement a
voulu mettre sur la table tous les faits. Nous avons ici des documents -
il faut deux valises maintenant pour les transporter -nous avons tout mis sur
la table afin que l'éclairage puisse venir.
J'entendais tantôt le député de Gatineau nous faire
un long exposé. Le moins que je puisse dire, c'est qu'il est en
porcelaine. Des sous-entendus, des doutes, des présomptions, des
hypothèses ou des échafaudages, dans mon esprit, ne constitueront
jamais une preuve, et une opinion, encore moins. On a fait état d'une
offre - je ne veux pas reprendre l'exposé en long et en large, j'aurai
l'occasion de le faire plus tard - mais, lorsqu'on parle d'une offre de 400 000
$, il faudrait peut-être ajouter aussi que cette offre impliquait que la
SEBJ acceptait une part de la responsabilité, ce qui a toujours
été refusé et ce que vous n'avez pas dit dans votre
exposé. Qu'il y ait eu ensuite une avance de 250 000 $, je pense que les
avocats qui sont ici présents nous ont expliqué que
c'était tellement embrouillé finalement qu'on ne savait pas
exactement si c'était vrai ou non ou si c'était fondé. De
toute façon, c'était fait au téléphone.
La seule chose qu'il m'importe de dire est que les questions, je les ai
posées très clairement hier soir et abondamment de l'autre
côté aussi à Me Aquin, à Me Cardinal, à Me
Jetté. Est-ce que, oui ou non, ils ont négocié ce
règlement avec Me Boivin? La réponse des trois est non. Est-ce
qu'ils ont négocié ce règlement avec Me Yves Gauthier? La
réponse des trois, c'est non. Est-ce qu'ils ont négocié
avec M. Lévesque? La réponse, c'est non. Chacun des membres du
conseil d'administration nous dit également qu'il n'a pas
été influencé et qu'il a pris sa propre
décision.
M. le Président, ce que je dis, c'est que je m'attendais un peu
que nous allions, au cours de cette commission parlementaire, vivre ce que
j'appellerais l'ambiance d'un procès ou du moins des effets de
prétoire de temps à autre. Cela confirme d'ailleurs ce que le
député de Marguerite-Bourgeoys avait lui-même
annoncé, c'est-à-dire qu'il y aurait deux procès. Mais ce
qui me renverse absolument ce matin - je n'ai jamais vu cela de ma vie - c'est
qu'en cours d'audience d'une commission parlementaire, alors que des
témoins sont appelés à donner leur version des faits, on
nous fasse un long plaidoyer. Si c'est un procès que vous voulez, au
moins attendez que tout le monde ait été entendu. Vous supposez
d'avance quelles vont être les réponses des procureurs des
syndicats québécois ou de l'union internationale. Moi, j'avoue
que j'ignore complètement ce qu'ils peuvent nous dire; on ne les a pas
interrogés. Je croyais tantôt qu'à la fin de son
exposé, le député de Gatineau allait conclure que, quant
à lui, la commission parlementaire pouvait ajourner ses travaux, qu'il
avait sa conclusion.
M. Gratton: ...des questions à poser la semaine
prochaine.
M. Duhaime: Cela me renverse absolument. La seule chose que je
voudrais dire en terminant, et je vais le dire très clairement, c'est
que je regrette infiniment que l'on prenne autant de temps à
tournailler, à virailler et à bifurquer à gauche et
à droite avec les mêmes questions, systématiquement. La
référence la plus éloquente que je pourrais faire, c'est
sans aucun doute le fait que M. Saulnier a été ici, je crois,
sept ou huit heures. Ses procureurs sont ici, et je dois dire qu'ils y sont
à leurs frais et je les en remercie, cela me gêne même de
devoir le dire, depuis huit heures et demie. Ils vont devoir se
présenter à nouveau ici mercredi matin à 10 heures. Si ce
n'est pas un abus flagrant d'une institution parlementaire qui devrait
être respectée, cela en est un. (13 heures)
M. le Président, en terminant, je voudrais peut-être
suggérer aux députés de l'Opposition pour les inspirer
pour les travaux de la semaine prochaine, je m'excuse de faire de la
publicité à l'auteur, de lire M. Pierre Vadeboncoeur, qui a
écrit des essais. Ce sont trois essais sur l'insignifiance. Le premier,
c'est La parabole du néant; le deuxième, c'est Le panthéon
de porcelaine; le troisième, c'est Les coups de feu de l'arbitraire. Je
vous suggérerais cela pour votre fin de semaine et peut-être que,
lorsqu'on reprendra nos travaux mercredi, vous aurez en tête qu'on a un
objectif ici. C'est de faire toute la lumière, d'éclairer
l'opinion publique et l'ensemble de la population qui nous écoute pour
qu'on puisse arriver, premièrement, à finir et,
deuxièmement, à connaître la situation. Mais, de
grâce, je l'ai indiqué tout à l'heure, M. le
Président, il y a ici quinze ou seize députés, si chacun
fait son commentaire à tour de rôle, on n'en sortira pas. La mise
en garde que j'ai faite tout à l'heure, c'est que ce que le
député de Gatineau soulevait dans son commentaire allait
entraîner une réplique. On perd tous notre temps actuellement. On
fait perdre le temps de trois procureurs qui sont ici pour nous
éclairer. On va devoir vous demander de revenir la semaine prochaine, je
le regrette. Quant à moi, je n'ai pas d'autres questions.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Une question de
règlement de la part du député de Gatineau.
M. Gratton: Est-ce que, chaque fois qu'un membre de cette
commission, d'un côté comme de l'autre de la table, a
dérogé au règlement de l'Assemblée nationale, vous
êtes intervenu jusqu'à maintenant pour le rappeler à
l'ordre lorsque vous vous en êtes rendu compte?
M. Blouin: ...un autre interrogatoire, un autre
témoin.
M. Gratton: Je dis, M. le Président, que, quant à
moi, j'ai constaté que, lorsqu'il y avait infraction au
règlement, vous êtes intervenu pour rappeler le
député fautif à l'ordre. Donc, lorsque vous n'êtes
pas intervenu, c'est que nous agissions conformément au
règlement, ce que nous entendons continuer de faire.
Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je peux vous
dire, c'est que je savais qu'on était vendredi. C'était une fin
de semaine qui débutait et, en même temps, on avait eu une semaine
chargée. Je savais aussi, compte tenu de ce qu'on a discuté
longuement ici, qu'un jour ou l'autre arriveraient des choses semblables. En
conséquence, la présidence a essayé de faire en sorte que
l'ensemble du règlement soit suivi, même si on a dit à
certaines occasions qu'on innovait; il est faux de dire qu'on innove, mais il y
a une chose qui est certaine, c'est qu'on n'est certainement pas sur des oeufs
solides. Il reste une chose, c'est que j'ai essayé de faire en sorte que
l'ensemble du règlement soit suivi le mieux possible en tenant compte
aussi que je savais que, à ma gauche ou à ma droite, il y a des
gens qui soulèveraient des questions de règlement auxquelles
j'aurais à répondre, et je pense que j'aurai encore à y
répondre d'ici la fin des travaux. Le député de
Brome-Missisquoi m'a demandé la parole avant qu'on termine nos travaux
pour aujourd'hui. Ce n'est pas pour poser des questions, c'est simplement pour
me demander quelque chose.
M. Paradis: M. le Président, le ministre ne me demandera
sans doute pas si c'est pertinent ou non, mais j'aimerais que cette commission
invite M. André-E. Gadbois, qui est le procureur interne de la
Société d'énergie de la Baie James. Si je fais cette
demande dès aujourd'hui, c'est à la suite des témoignages
qui ont été rendus et pour lui permettre d'être
libéré de son secret professionnel, étant donné
qu'il est membre du barreau.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, comme vous le savez, chaque fois, je vous demande de régler cette
question à l'arrière du fauteuil, de telle sorte qu'on puisse
avoir une réponse au début des travaux de la semaine prochaine,
mais en disant que c'est des demandes que vous avez faites aujourd'hui,
à moins que le ministre ne veuille ajouter quelque chose sur cette
question ou qu'il n'aime mieux attendre à mercredi matin.
M. Duhaime: M. le Président, pour les fins de la poursuite
de nos travaux, je pense que, par politesse, je vais en parler tout à
l'heure et je n'ai pas d'objection à ce qu'un député de
l'Opposition libérale m'accompagne dans ma démarche, au cas
où. J'aurai à m'entretenir avec les trois invités qui sont
ici afin de savoir si mercredi 10 heures leur convient. On avait
anticipé que leur témoignage se terminerait ce matin. Cela
bouscule aussi un horaire établi et des ententes qui avaient
été prises avec Me Beaulé qui est retenu à
l'extérieur mardi et jeudi. Il pouvait venir ici mercredi. J'avoue
honnêtement que, pour la semaine prochaine, nous aviserons lundi.
M. Paradis: Quant à l'invité, Me Gadbois, est-ce
que vous êtes en mesure de vous prononcer?
M. Duhaime: Je ne suis pas en mesure de vous répondre.
Comme vous le savez, je ne peux pas prendre de décision au nom du
conseil d'administration d'Hydro-Québec ou de la Société
d'énergie de la Baie James. Quant au secret professionnel qui lie Me
Gadbois à sa cliente en vertu des dispositions de l'article 133 des
règlements du barreau...
M. Paradis: Ils ont libéré Geoffrion et
Prud'homme...
M. Duhaime: ...je prends votre demande sous réserve et
j'aviserai.
Le Président (M. Jolivet): Donc, je remercie nos
invités en leur disant de rester pour la petite rencontre à la
fin. J'ajourne les travaux jusqu'à ce que l'on ait un mandat de
l'Assemblée nationale, possiblement mercredi matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 13 h 06)