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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
La commission de l'énergie et des ressources est à nouveau
réunie aux fins d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M.
Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay
(Chambly), M. Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), M. Blouin (Rousseau), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge
(Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
Les personnes invitées aujourd'hui à venir devant la
commission parlementaire sont, d'abord, M. Lucien Saulnier, pour continuer
à répondre aux questions qu'on a à lui poser, M.
François Aquin, M. Michel Jetté et M. Jean-Paul Cardinal.
Cette commission siégera aujourd'hui à partir de
maintenant jusqu'à 13 heures et après la période des
questions, c'est-à-dire vers 16 heures ou 16 h 30, jusqu'à 18
heures. Ce sont les heures prévues par le règlement.
M. Lucien Saulnier, s'il vous plaît, si vous voulez revenir en
face de nous. La parole était au député de Laporte, mais
je crois que le député de Marguerite-Bourgeoys a quelque chose
à demander.
M. Lalonde: Pendant que M. Saulnier s'approche de la table,
j'aimerais m'entretenir avec le ministre de deux questions que j'ai
posées hier. La première: Quand M. Maurice Pouliot sera-t-il
invité à témoigner? Il m'a dit privément qu'il me
donnerait une réponse aujourd'hui. Est-ce qu'il est prêt à
le dire maintenant?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: J'aurais deux choses, M. le Président. Sur la
pertinence que la commission entende M. Pouliot, j'aimerais m'entretenir avec
le député de Marguerite-Bourgeoys. Peut-être que son
témoignage peut être utile à la commission, mais je ne
voudrais pas, non plus, que l'on s'astreigne à convoquer devant la
commission parlementaire toute personne qui, à un moment ou l'autre,
aurait fait un commentaire sur ce dossier à un journaliste. Au
départ, je suis très favorable à ce que toute personne
suggérée par l'Opposition puisse être entendue par la
commission parlementaire. Pour ce qui est de la date, ensuite, cela
m'apparaît secondaire. On pourrait l'entendre demain ou encore vendredi.
Si le député de Marguerite-Bourgeoys voulait attendre l'heure du
lunch, nous pourrions avoir un entretien. Je dois dire, au départ, que
je suis favorable; je veux seulement m'assurer que ce témoignage
pourrait apporter des renseignements pertinents dans le cadre du mandat de
cette commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est la première fois qu'un ministre m'invite
à luncher, je vais sûrement y songer.
M. Duhaime: Je ne vous ai pas invité à luncher, je
m'excuse.
M. Lalonde: Ah bon! Merci, cela me rassure. Je suis prêt
à informer le ministre sur M. Pouliot, en privé ou en public. Il
représente une des parties au règlement. Je pense que c'est
suffisant. D'ailleurs, pas un seul membre des syndicats n'a été
invité par un côté ou l'autre de la table jusqu'à
maintenant. Je voudrais simplement rappeler au ministre ce que le premier
ministre a dit à l'Assemblée nationale, à savoir que toute
personne ayant quelque rapport avec cette question serait admise comme
témoin. Je ne veux pas que cette ouverture que je ferais au ministre,
à savoir de l'informer sur la pertinence, soit considérée
comme une condition, c'est-à-dire qu'on se soumettrait aux caprices du
prince et que le ministre
déciderait si M. Untel témoignera ou non. Nous ne nous
soumettrons pas à cela. Il est tout à fait pertinent qu'un membre
d'un syndicat qui était défendeur soit invité.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que M. le ministre a
quelque chose à ajouter?
M. Duhaime: Je voudrais simplement rassurer le
député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai déclaré que
j'étais favorable, avec la réserve que j'ai faite tout à
l'heure. Ce n'est pas une question de caprice. Je pense que ce serait manquer
à mon devoir que de simplement accepter que Jos. Bleau vienne à
la commission parlementaire nous dire ce qu'il pense. S'il s'agit effectivement
d'un président d'une des parties défenderesses à ce
litige, je donnerai mon accord tout de suite.
M. Lalonde: Merci de votre accord. Il y a une deuxième
question que je voudrais vérifier maintenant. J'avais demandé au
président de la SEBJ, M. Laliberté, de faire délier ses
procureurs de leur secret professionnel, de leur obligation de
confidentialité. M. Laliberté m'avait dit qu'il allait
recommander au conseil d'administration que cela soit fait. Est-ce que le
ministre sait si cela a été fait? On pourrait peut-être
poser la question à M. Saulnier.
M. Duhaime: Je ne suis pas en mesure de vous le confirmer. Je
vais y aller par intuition, de façon implicite. J'ai eu l'occasion de
saluer, tout à l'heure, trois des procureurs de la Société
d'énergie de la Baie James qui sont présents, qui m'ont l'air
d'avoir des porte-documents avec eux. J'ai l'impression qu'ils sont prêts
à être entendus par la commission. Je tiens donc pour acquis
qu'ils ont été relevés de leur secret professionnel. M.
Laliberté, qui est ici, me fait signe que oui. Nous entendrons, ce
matin, ces trois procureurs, Mes Aquin, Cardinal et Jetté,
aussitôt que nous aurons terminé le témoignage de M.
Saulnier.
M. Lalonde: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, la parole est au
député de Laporte.
Témoignages
M. Bourbeau: M. Saulnier, nous avions à peine
commencé, hier soir, votre témoignage quand le règlement
de clôture nous a obligés à ajourner nos travaux pour la
nuit. Ce matin, si vous voulez bien, nous allons nous reprendre. Avant de vous
poser des questions sur certains points précis, j'aimerais revenir sur
vos occupations présentes. Je crois que vous nous avez dit que vous
n'exerciez plus le rôle de président du conseil de la SEBJ.
Avez-vous d'autres occupations officielles présentement?
M. Lucien Saulnier (suite)
M. Saulnier: Actuellement, je suis membre du conseil de la
Régie des installations olympiques.
M. Bourbeau: N'avez-vous pas été président
du conseil à un moment donné?
M. Saulnier: J'ai été président du conseil
jusqu'au 1er novembre dernier.
M. Bourbeau: Avez-vous un mandat comme membre du conseil? Quand
expire votre mandat?
M. Saulnier: À la RIO?
M. Bourbeau: Oui, à la RIO.
M. Saulnier: Je ne pourrais pas vous le dire de mémoire.
Sûrement pour un an. Oui, cela me revient. J'avais été
nommé membre et président pour trois ans. Or, j'ai fait deux ans
comme président; il reste sûrement un an moins six mois.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il s'agit là d'une occupation
à temps plein?
M. Saulnier: Non, non.
M. Bourbeau: Avez-vous d'autres occupations en plus de
celle-là?
M. Saulnier: J'ai une autre occupation. Je suis partiellement
retraité. Effectivement, je suis retraité, mais pas
complètement oisif.
M. Bourbeau: Je m'en doute bien, oui. Quand on vous
connaît, il doit être assez difficile d'être oisif. Quant
à votre nomination à la SEBJ, M. Saulnier, vous nous avez dit
qu'elle était devenue effective le 1er octobre 1978.
M. Saulnier: En effet.
M. Bourbeau: Comment s'est effectuée votre nomination?
M. Saulnier: Par un arrêté en conseil.
M. Bourbeau: À quel moment avez-vous été
abordé pour faire partie du conseil de la SEBJ?
M. Saulnier: Au cours de l'été. Je ne pourrais pas
préciser à quelle date ou à quel mois; en juin ou
juillet.
M. Bourbeau: Qui vous avait approché?
M. Saulnier: D'abord, M. Joron et, ensuite, le premier
ministre.
M. Bourbeau: M. Joron qui était à ce moment...
M. Saulnier: Ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Bourbeau: Et subséquemment le premier ministre, vous
dites.
M. Saulnier: Oui.
M. Bourbeau: Le premier ministre vous a appelé pour
confirmer ou pour vérifier.
M. Saulnier: Pour bien s'assurer que je confirmerais la
réponse affirmative que j'avais donnée au ministre.
M. Bourbeau: La demande qu'on vous avait faite à ce
moment, est-ce que c'était déjà de devenir le
président du conseil d'administration ou uniquement un membre du conseil
d'administration?
M. Saulnier: Président du conseil d'administration.
M. Bourbeau: Président du conseil d'administration. Au
moment de votre nomination, vous étiez, je présume,
déjà au courant de la poursuite qui avait été
entreprise par la SEBJ?
M. Saulnier: Comme tous les citoyens qui lisent les journaux,
oui.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il en a été question soit
avec M. Joron ou avec le premier ministre, lors de vos conversations
téléphoniques avant votre nomination?
M. Saulnier: II n'en a pas été question.
M. Bourbeau: Vous avez un très bon souvenir de cela?
M. Saulnier: Excellent.
M. Bourbeau: Est-ce que ces entretiens avaient été
courts?
M. Saulnier: Plutôt courts. Dans l'ordre de grandeur en
termes de temps, une vingtaine de minutes, 25 minutes.
M. Bourbeau: Et en aucun cas, ni avec M. Joron, ni avec M.
Lévesque, vous n'avez touché la question du procès ou du
saccage de la SEBJ?
M. Saulnier: En aucun cas.
M. Bourbeau: En ce qui concerne le règlement hors cour,
est-ce que vos vues étaient connues du gouvernement à ce
moment?
M. Saulnier: II n'y aurait pas de raison, puisque je n'en ai pas
parlé.
M. Bourbeau: M. Saulnier, vous nous avez dit hier que, dès
le début du mois de janvier, quant à vous, c'était assez
clair qu'on devait nécessairement, dans l'intérêt de la
Société d'énergie de la Baie James, en arriver à un
règlement que votre opinion s'est formée rapidement. Je crois que
c'est ce que vous avez dit ou à peu près.
M. Saulnier: Hier, je l'ai dit en indiquant qu'elle était
formulée avec un point d'interrogation, à savoir que, sur ce
dossier, on pouvait à ce moment, en ce qui me concerne, commencer
à poser un point d'interrogation.
M. Bourbeau: D'ailleurs, dans le document que vous avez lu hier
dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de
cela en disant qu'à votre avis même l'institution de la poursuite
avait été faite plutôt comme un geste symbolique, que
déjà, d'après vous, on pouvait entretenir des doutes sur
la possibilité d'obtenir des compensations pour dommages.
Vous avez cité quelques paragraphes d'un document que nous, ici
à la commission, depuis le début, on a appelé un rapport
confidentiel. C'est un rapport qui a été préparé
à l'intention des membres du conseil et qui est signé de quatre
personnes. Là-dedans, il y a deux avocats et deux non-avocats, des gens
très au courant du dossier et qui étaient à l'emploi de la
SEBJ ou d'Hydro-Québec.
Vous avez cité certains extraits de ce document qui tendaient
à conclure qu'il y avait, justement, des doutes sérieux,
dès le début de janvier 1979, quant à la
possibilité de recouvrer des sommes d'argent des débiteurs. Ce
document, à la page précédente, faisait allusion, à
un moment donné, à un rapport des procureurs Geoffrion et
Prud'homme et disait: "Ce rapport démontre bien que nos procureurs sont
en mesure de présenter des preuves qui, selon leur opinion, seront
suffisantes pour supporter les conclusions de la société
d'énergie contre il nomme certains défendeurs, des individus, M.
Duhamel, etc. - le local 791 de l'Union internationale de machinerie lourde
(International Union of Operating Engineers, Local 791, en anglais). Il existe
également de bons éléments de preuve contre
l'International Union of Operating Engineers (FAT-CIO-CTC), qu'on a
appelée ici, depuis le début, le syndicat américain. On
dit également, en ce qui concerne un autre syndicat
québécois, la Fraternité unie des
charpentiers et menuisiers d'Amérique: "Nos procureurs sont
d'avis qu'ils ont suffisamment de points de droit pour faire déclarer ce
syndicat également responsable."
Le rapport en question semblait conclure qu'à l'égard de
la majorité des syndicats, des défendeurs, on avait de fortes
chances d'obtenir des jugements et émettait certains doutes - vous
l'avez souligné amplement - sur la possibilité de percevoir une
somme importante des syndicats québécois.
On disait à l'égard du syndicat américain,
déjà, au début du mois de janvier: "Seul le syndicat
américain aurait des fonds nécessaires pour satisfaire à
un jugement. Parce que ce syndicat a comparu dans notre action, nous sommes
avisés que ceci faciliterait de beaucoup les procédures
d'exemplification aux États-Unis d'un jugement tenant ce syndicat
responsable, s'il était rendu au Québec." On disait aussi:
"Advenant que les preuves que nous avons à présenter ne
réussiraient pas à convaincre le tribunal de rendre jugement
contre le syndicat américain, les gestes posés par ce syndicat
portent à croire qu'il ne tolérerait pas qu'un jugement rendu
contre un de ses locaux demeure insatisfait".
Donc, au début de janvier 1979, vos procureurs estimaient qu'on
avait de très bonnes chances de faire condamner tout le monde et de
percevoir des sommes importantes du syndicat américain. Et pourtant,
vous nous avez dit qu'en ce qui vous concernait vous ne voyiez pas en quoi on
pouvait poursuivre la cause et aller chercher quelque somme d'argent que ce
soit. N'y a-t-il pas une contradiction là-dedans?
M. Saulnier: M. le Président, si l'on prend certains
passages de cette opinion et qu'on les met en regard d'autres passages de cette
opinion, on peut honnêtement dire qu'il y a une contradiction apparente.
Je n'ai pas d'objection à cela. Cela répond-il à votre
question?
M. Bourbeau: S'il y a une contradiction apparente, est-ce qu'on
ne devrait pas éviter de porter un jugement définitif pour dire:
Non, la cause n'est pas bonne, s'il y a des doutes importants qui
subsistent?
M. Saulnier: M. le Président, j'ai bien indiqué
hier - je suppose que c'est à cette partie de mes remarques qu'on se
reporte -que ce que j'ai dit, c'était ma perception des travaux du
conseil sur tout le dossier. Or, au commencement, on dit ce qui vient
d'être cité et ce que j'ai dit hier, mais, à la fin, on est
très clair. Alors, ma perception, c'est sur l'ensemble.
M. Bourbeau: Revenons, si vous voulez, aux procédures
symboliques. Vous disiez hier que les motifs qui vous incitaient à
régler la cause rapidement étaient, en premier lieu, la
fragilité des défendeurs québécois, si je me
souviens bien des mots que vous avez employés. En fait, vous avez dit:
La fragilité de l'ensemble des défendeurs. En ce qui concerne les
défendeurs québécois, étiez-vous au courant que,
dès 1975, l'un des syndicats québécois, un seul, avait
déjà offert de payer 400 000 $ pour régler la cause et que
cette offre n'avait même pas été sollicitée par la
SEBJ?
M. Saulnier: Je ne pourrais dire si j'ai été
informé à ce moment-là. Mais, actuellement, j'en suis
conscient parce que je l'ai entendu dire ici.
M. Bourbeau: Vous n'étiez pas au courant?
M. Saulnier: Je ne peux affirmer si cela a été dit
à ce moment ou si cela n'a pas été dit. Je n'ai pas de
souvenir de cela. Si je ne me trompe pas, cela a surgi dans ce rapport ou dans
un autre. Mais, encore une fois, je confirme que je l'ai très bien
entendu.
M. Bourbeau: Vous nous avez dit hier que vous lisiez
assidûment tous les documents lorsque vous assistiez aux
assemblées. C'était dans un des documents que vous aviez devant
vous. (10 h 30)
M. Saulnier: Oui, je pense que je n'ai pas nié cela; je
dis que je ne l'ai pas entendu. Je crois que c'est ce que j'ai dit.
M. Bourbeau: Vous n'avez pas entendu quoi?
M. Saulnier: Je n'ai entendu faire aucune
référence, au conseil, à cette offre qui a effectivement
été faite.
M. Bourbeau: Mais ma question n'était pas: Est-ce que vous
en avez entendu parler au conseil? Je vous ai demandé si vous, qui
lisiez les documents, aviez lu dans vos documents qu'un de vos
défendeurs avait déjà offert, deux ou trois ans
auparavant, de vous payer 400 000 $, un seul défendeur?
M. Saulnier: Je pense que j'ai répondu oui.
M. Bourbeau: Non, vous avez répondu non.
M. Saulnier: La question, telle que je l'ai entendue ou comprise
était à savoir si j'avais entendu parler de cela. Je l'ai lu,
c'est différent.
M. Bourbeau: Bon! Pour éviter toute confusion, je vais
reprendre ma question. Est-ce que vous étiez au courant, pour l'avoir
lu, qu'un de vos défendeurs vous avait déjà offert 400 000
$ bien longtemps avant le début de la cause?
M. Saulnier: Je l'avais lu.
M. Bourbeau: À ce moment-là?
M. Saulnier: Oui.
M. Bourbeau: Donc, en janvier 1979, vous saviez que
déjà un des syndicats québécois, un de ceux qu'on
prétendait insolvables, avait, auparavant, offert 400 000 $ et cela ne
vous a pas plus impressionné que cela?
M. Saulnier: Non. Remarquez que, plus tard, j'ai fait une
réflexion. Je pense qu'il est peut-être prématuré de
la livrer à ce moment-ci.
M. Bourbeau: Vous avez dit tout à l'heure que la
fragilité, l'insolvabilité des défendeurs
québécois avait été pour vous un
élément décisif ou important. Vous aviez demandé
à vos procureurs de vous faire connaître les états
financiers des défendeurs québécois pour savoir ce qu'il
en était de leur solvabilité. On vous a remis les états
financiers le 26 février avec un rapport sur leur solvabilité.
Comment pouviez-vous, dès le début de janvier 1979, conclure que
vos défendeurs étaient insolvables?
M. Saulnier: M. le Président, est-ce qu'on pourrait nous
donner le numéro de la page?
M. Bourbeau: Ecoutez, je me reporte à des documents que
j'ai ici. Je n'ai pas été dans le cahier.
M. Duhaime: Page 22, à la séance du 9 janvier.
M. Bourbeau: C'est une lettre de Geoffrion et Prud'homme à
Me André Gadbois, du 27 février 1979. C'est la page 143.
M. Saulnier: Quelle est la question, M. le Président?
M. Bourbeau; Comment pouviez-vous connaître la situation
financière des syndicats québécois au début de
janvier alors qu'elle ne vous a été révélée
que le 27 février 1979?
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Le député, dans sa question, dit que
cela a été révélé seulement en
février. Cependant, du rapport confidentiel - à la page 22 - de
la réunion du 9 janvier, je vais lire le paragraphe si on ne veut pas le
lire. Voici l'avant-dernier paragraphe de la page 22: "II y a lieu cependant de
s'interroger sur ce que peut être présentement la
solvabilité de tous ces défendeurs possibles, et surtout sur ce
qu'elle serait une fois le jugement final obtenu tenant compte, en particulier,
de l'envergure de la réclamation de la société."
C'est au début de janvier. C'est repris plus tard en
février 1979.
M. Bourbeau: Justement, cela justifie ma question. Au
début de janvier, vos procureurs...
M. Duhaime: C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, à
l'ordre! Juste un instant, M. le député. M. le
député de Laporte, allez-y.
M. Bourbeau: Au début de janvier, vos procureurs disent
que l'on devrait s'interroger sur la situation financière de vos
débiteurs québécois. On ne la connaît pas. On
devrait s'interroger. Vous avez dit: Très bien, faites des
vérifications. On a demandé de faire des vérifications
pour savoir si, oui ou non, ils étaient solvables, parce qu'on se posait
des questions. Le 27 février, vos procureurs vous disent: Nous avons
fait les vérifications, voici ce qu'est la situation financière.
Comment, vous, au début de janvier, pouvez-vous nous dire que vous
étiez convaincu qu'ils étaient insolvables?
M. Saulnier: M. le Président, j'ai simplement dit, et je
le répète, que ma perception à partir de mes souvenirs et
des documents consultés me permettait de dire etc., etc. Le 9 janvier -
je l'ai dit hier soir à une ou deux reprises - je n'étais pas
présent. Alors, c'est à la lecture des documents et
nommément du document confidentiel qui dit très clairement qu'il
y a lieu de s'interroger, etc., etc.
M. Bourbeau: Oui, mais tantôt, dans ma question, je ne vous
ai pas parlé spécifiquement du 9 janvier. J'ai dit: Dès le
mois de janvier.
M. Saulnier: Si, M. le Président, la question est plus
large et qu'elle s'étend à ce qui peut avoir été
dit à d'autres séances où ce sujet aurait
été évoqué, là, j'ai le souvenir très
clair qu'on a dit à plus d'une reprise qu'il ne fallait pas
espérer obtenir
des syndicats un sou de plus que ce qu'il y a dans ce dossier.
M. Bourbeau: Qui disait cela?
M. Saulnier: Le président-directeur de la SEBJ et les
procureurs de la société.
M. Bourbeau: Mais sur quoi se basaient-ils pour affirmer qu'on ne
pourrait pas avoir un sou de plus?
M. Saulnier: Ils avaient questionné, ils avaient fait les
recherches qui leur avaient été commandées au mois de
novembre.
M. Bourbeau: Les recherches ont été connues le 27
février 1979. Jusqu'à ce moment-là, il n'y avait pas de
preuves.
M. Saulnier: C'est-à-dire qu'elles ont été
consignées, je présume, par écrit mais moi, j'en ai
entendu parler avant et je pense bien que tous mes collègues aussi.
M. Bourbeau: Alors, vous me dites que votre P.-D.G et vos avocats
vous disaient que la partie adverse leur disait qu'ils ne pourraient percevoir
un sou de plus. Dans votre expérience d'administrateur, M. Saulnier,
est-ce qu'il n'est pas normal que des gens poursuivis en justice disent qu'ils
n'ont pas d'argent, qu'ils ne paieront pas?
M. Saulnier: C'est tout à fait normal, M. le
Président. C'est tout à fait normal et, à ce
moment-là, les procureurs ont à l'égard de leur client
l'obligation d'aller vérifier ce qu'ils valent exactement. Il y a une
lettre dans ce dossier-là - on la cherche, on va la trouver - qui dit
clairement que les biens que les syndicats possèdent ne peuvent pas
dépasser 100 000 $. Alors, dans ces cas-là, moi, je tiens pour
acquis qu'il n'y a pas moyen d'aller chercher tellement plus que cela.
M. Bourbeau: Mais, M. Saulnier, ce dont vous parlez se basait,
sur des vérifications qui dataient d'un certain temps. Au début
de janvier, ces phrases-là couraient dans le conseil, comme vous dites,
et, pour en avoir le coeur net, puisqu'on n'avait pas de preuves
précises, vous avez dit à vos procureurs: Allez donc chercher les
états financiers pour qu'on en sache quelque chose. Il n'y avait pas de
preuves de l'insolvabilité. Enfin, ce n'était pas une
insolvabilité puisqu'il y avait quand même certains actifs.
M. Saulnier: Écoutez... M. Bourbeau: Alors,
vous...
M. Saulnier: ...je n'ai aucune hésitation à
confirmer que les affirmations qu'on nous a faites, on a demandé de les
vérifier. Cela me paraît raisonnable.
M. Bourbeau: Hier, vous nous avez dit que, dès le 30
janvier, le conseil était prêt à accepter le
règlement hors cour, vous surtout, enfin, éminemment
vous-même, puisque vous étiez absolument très convaincu.
Comment pouviez-vous, à ce moment-là, abandonner la poursuite
sans savoir si, oui ou non, les vérifications confirmeraient que vos
débiteurs étaient aussi insolvables que certains le
prétendaient?
M. Saulnier: M. le Président, pour deux raisons. Les 23 et
30 janvier, plus précisément le 23 janvier, nous avons
reçu et questionné pendant plusieurs heures les procureurs de la
société, qui nous ont fait des affirmations dont nous faisons
état ici. Deuxièmement, ce que j'ai dit hier, c'est que mon
souvenir très clair était que j'étais prêt à
faire un tour de table pour demander si l'on était favorable au principe
ou à la décision d'un règlement. Je n'ai pas posé
la question. Cela n'est pas allé plus loin que cela, je l'ai à
peine esquissée. La proposition de M. Giroux nous a été
faite.
M. Bourbeau: Nous avons parlé tantôt du syndicat
québécois qui déjà avait offert 400 000 $
auparavant. Il est clairement dit, dans l'opinion de vos avocats du 5 janvier
1979, que les syndicats américains, quant à eux, avaient des
moyens financiers très importants et qu'ils avaient, sans l'ombre d'un
doute, selon eux - il y avait, d'ailleurs, des documents qui étaient
annexés - la capacité de satisfaire au jugement en entier. Est-ce
que vous avez pris connaissance de cela?
M. Saulnier: Oui, M. le Président.
M. Bourbeau: Cela ne vous a pas incité à continuer
la poursuite?
M. Saulnier: Cela a soulevé dans mon coeur un grand
sentiment d'envie.
M. Bourbeau: Mais blague à part?
M. Saulnier: Blague à part, à partir des documents
sur lesquels nous délibérions et des renseignements qu'on nous
fournissait, il devenait, sinon évident, au moins très douteux
qu'on puisse faire le lien de droit qui a été esquissé
dès les premiers rapports, d'ailleurs.
M. Bourbeau: Parlons donc des premiers rapports. Le rapport que
vous aviez en janvier 1979 disait, au sujet du syndicat américain, que
la solvabilité de ce syndicat était telle qu'il semblait que ce
syndicat avait les moyens financiers de satisfaire au
jugement qui pourrait être prononcé. Je pense que cela est
assez clair pour ce qui est de la solvabilité. En ce qui concerne la
question juridique, à savoir si, oui ou non, on pouvait établir
un lien de droit, on dit...
Le Président (M. Jolivet): Pardon, M. le
député de Laporte, vous travaillez probablement sur un document
personnel?
M. Bourbeau: Le document que j'ai est un document personnel.
M. Duhaime: Je ne m'opposerais pas à ce que ce document
soit déposé devant la commission. Cela pourrait nous aider.
M. Bourbeau: Je n'en ai qu'une copie et ce n'est qu'un extrait.
Les documents, ici, sont tellement importants.
M. Duhaime: Si la commission ne peut pas absorber...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Bourbeau: Je vais vous expliquer une chose, M. le ministre. On
nous a remis une tonne de documents et nous avons jugé bon d'en faire
une analyse. C'est donc l'analyse que j'ai ici,
M. Duhaime: Ah bon!
Le Président (M. Jolivet): C'est un document
personnel.
M. Duhaime: Si c'est le coût des photocopies qui vous
inquiète, je ne le ferai même pas payer par la commission, je vais
le prendre à mes frais.
M. Lalonde: Ah! Le ministre est riche.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Laporte, est-ce que vous avez retrouvé la page?
M. Duhaime: Avec le budget d'hier, je me sens "loose".
M. Lalonde: L'augmentation de salaire.
M. Bourbeau: En ce qui concerne le syndicat
américain...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député de Laporte. M. Saulnier a demandé à quelle
page c'était. Est-ce que vous pouvez nous la donner? (10 h 45)
M. Bourbeau: À la page 30 du document. Vos avocats
n'étant pas des experts en droit américain, ils voulaient savoir
si, advenant un jugement contre le syndicat américain, on pourrait
percevoir les sommes d'argent aux États-Unis. Geoffrion et Prud'homme
vous disent alors que les avocats américains confirment "qu'un jugement
rendu dans la province de Québec n'est pas automatiquement
exécutoire aux États-Unis, mais qu'il peut, cependant, fonder
avec succès une action intentée là-bas. Le droit
américain fait montre de générosité à
l'égard des jugements étrangers, de telle sorte que, si certains
prérequis existent, le défendeur à l'action
intentée aux États-Unis sur la foi du jugement étranger ne
peut plus rouvrir le débat à son mérite. Nous ne pouvons
mieux faire que de vous référer à l'affaire Hilton contre
Guyot que nos correspondants considèrent comme faisant jurisprudence aux
États-Unis."
Ils disent, justement, en ce qui concerne la question du rapport avec
les syndicats canadien et américain: "Nous savons, de façon
certaine - ce sont vos propres avocats qui disent cela - que, peu avant les
événements de mars 1974 - donc, le saccage de la Baie-James - et
peu après, l'International Union of Operating Engineers (le syndicat
américain) dont les bureaux pour le Canada sont situés à
Toronto, s'est intéressée aux activités du local 791,"
donc, le syndicat québécois. Vos avocats concluent - et c'est
très important, je pense - "Elle -c'est le syndicat américain -
ne peut choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se
cacher derrière elle lorsque sa responsabilité est
engagée."
Donc, j'en conclus que vos avocats sont confiants de pouvoir relier ceux
qui ont fait le saccage de la Baie-James au syndicat américain. Alors,
vous aviez devant vous, en janvier 1979, cette opinion-là. Comment se
fait-il que vous ayez décidé d'abandonner la poursuite?
M. Saulnier: D'abord, nous ne l'avons pas abandonnée en
janvier.
M. Bourbeau: Non, mais vous étiez prêt à
l'abandonner?
M. Saulnier: À la fin du mois de janvier, oui.
M. Bourbeau: Oui.
M. Saulnier: Ensuite, je comprends qu'on me demande mon opinion
personnelle; alors, je l'ai fondée sur les documents que j'ai lus. Je
n'arrive pas à la même conclusion. J'ai lu cette opinion en
entier. On dit cela à un endroit. À un autre, on dit: "Advenant
que les preuves que nous avons à présenter ne réussiraient
pas à convaincre le tribunal de rendre jugement contre le syndicat
américain, les gestes posés par ce syndicat nous portent à
croire qu'il ne tolérerait pas qu'un jugement rendu contre
un de ses locaux demeure insatisfait." La Gazette appellerait cela du
"wishful thinking".
M. Bourbeau: Bien oui, mais ce n'est pas la Gazette; ce sont vos
propres avocats qui le disent.
M. Saulnier: Bien oui, ils disent cela. Mais je ne suis pas
obligé de croire cela.
M. Bourbeau: Non. Je comprends.
M. Saulnier: On me demande mon opinion. Je vous l'ai
donnée.
M. Bourbeau: Vous nous dites que vous n'êtes pas
obligé de croire vos avocats?
M. Saulnier: C'est-à-dire que je crois ce qui est
écrit là. Je le vois très bien, mais je vois aussi qu'il y
a un doute. Et pas mince. Je vois cela.
M. Bourbeau: Mais dans toute action en justice, il y a toujours
un doute. Forcément.
M. Saulnier: Pas dans celles que j'institue.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Saulnier: Mais je n'en institue pas beaucoup.
M. Bourbeau: Si je comprends bien, vous les gagnez toutes?
M. Saulnier: Pardon?
M. Bourbeau: Si je comprends bien, vous les gagnez toutes?
M. Saulnier: Le peu que j'engage, je les gagne.
M. Bourbeau: En résumé, vos avocats vous disent -
je parle toujours de l'opinion de janvier 1979 - que le syndicat
américain a des fonds très importants, qu'il semble qu'on puisse
les poursuivre en justice après un certain temps, avec des
dépenses importantes, j'en conviens. Et même si -vous l'avez dit
vous-même - par hasard, on ne réussissait pas à gagner,
encore là, vos avocats croyaient que le syndicat américain
n'accepterait pas un jugement contre lui au Canada et se sentirait moralement
obligé de payer. Comme président de la société qui
poursuit, est-ce que cela ne vous donnait pas confiance?
M. Saulnier: Non, M. le Président. Non.
M. Bourbeau: Cela ne vous donnait pas confiance?
M. Saulnier: Non. Il ne s'agit pas de 0,35 $; il s'agit de 32 000
000 $.
M. Bourbeau: À plus forte raison.
M. Saulnier: Alors, cela m'étonnerait que le syndicat
américain, si riche soit-il ou fût-il, aurait réglé
la note sur cela tout simplement. Moi, je ne le crois pas. Enfin...
M. Bourbeau: De toute façon, l'opinion juridique
était en ce sens qu'on pouvait poursuivre avec succès le syndicat
américain, vous disaient vos avocats. C'est la partie juridique de
l'opinion.
M. Saulnier: M. le Président, les avocats disaient - et je
crois qu'ils étaient très sages de formuler leur opinion dans ces
termes - "nous portent à croire". Vous savez, ce n'est pas une garantie
très forte. En lisant cela, cela ne me portait pas à croire.
M. Bourbeau: M. Saulnier, une opinion juridique dit toujours ces
termes: "cela nous porte à croire que nous croyons".
M. Saulnier: Ah! Peut-être.
M. Bourbeau: Est-ce que ce n'est pas de la nature d'une opinion
de dire: Nous croyons?
M. Saulnier: Remarquez que, comme je l'ai dit, je n'institue pas
suffisamment de procédures pour souscrire d'emblée, sans en lire
plusieurs, à ce qui vient d'être affirmé. Je ne sais
pas.
M. Bourbeau: M. Saulnier, je comprends que vous n'en instituiez
pas beaucoup, mais en tant que président du conseil d'une
société, vous êtes tenu, même si ce n'est pas votre
procédure à vous ou votre action personnelle à vous, de
prendre connaissance du dossier et de prendre des décisions dans
l'intérêt de la société.
M. Saulnier: Certainement. Je pense que c'est ce que le conseil a
fait. La preuve, c'est que, le 23, il a convoqué ses procureurs pour les
interroger en long et en large sur tous les aspects de ce dossier, dont le lien
de droit possible qu'on pouvait établir ou qui aurait pu être
établi avec le syndicat américain. On n'a négligé
aucune des obligations que nous avions.
M. Bourbeau: En ce qui vous concerne, votre décision
était arrêtée que vous ne pensiez pas avoir une bonne cause
lorsque vous avez rencontré le premier ministre.
M. Saulnier: M. le Président, je n'étais pas rendu
plus loin, mais j'étais rendu aussi loin que ce que j'ai dit.
M. Bourbeau: Le 19 février, vos avocats ont émis
une nouvelle opinion, et cela s'est passé comme ceci: Les avocats
à HydroQuébec et à la SEBJ, et Me Gadbois vous ont
donné une opinion, en date du 19 février, où ils ont
repris l'ensemble des opinions juridiques depuis le début et ont fait un
peu l'historique du dossier au point de vue juridique. Ils concluaient que les
procédures pourraient être très longues et très
dispendieuses. C'est ce qui apparaît à la fin de l'opinion.
Cependant, si on met de côté la question des frais de justice, on
dit dans cette opinion, dans la lettre de votre avocat: II semble qu'une action
aux États-Unis aurait de fortes chances d'être acceptée par
les syndicats américains. On parle de la doctrine de la
réciprocité en vertu de laquelle possiblement on aurait pu
refuser aux États-Unis d'accepter le jugement québécois,
et on dit que cette doctrine ne s'appliquerait vraisemblablement pas, car on
n'a découvert aucune cause en ce sens. "No case has been discovered
where recognition has been denied solely on the ground of lack of reciprocity".
Donc, votre avocat interne disait: II semble que le jugement, si on l'obtenait
au Canada, pourrait être exemplifié aux États-Unis. On ne
faisait des réserves qu'en ce qui concernait les frais judiciaires.
Le même jour, le 19 février, vos avocats Geoffrion et
Prud'homme, ayant reçu copie de la lettre de Me Gadbois, disent ceci:
Nous avons reçu votre opinion et nous y souscrivons. Ceci correspond
"aux opinions que nous avions déjà données à ce
sujet et plus particulièremet avec ses conclusions à l'effet que
les procédures d'exemplification devant les tribunaux américains
pourraient être longues et entraîneraient, de part et d'autre, des
frais légaux considérables." Donc, vos avocats Geoffrion et
Prud'homme retenaient que la question des coûts juridiques était
très importante. À ce moment, on parle du cas de la Gaspé
Copper Mines, on fait allusion à ce cas. On conclut en amenant dans le
décor, si je peux dire, un élément nouveau que jamais on
n'avait rencontré jusqu'à ce jour: la question du Norris-La
Guardia Act, qui est une loi américaine qui, semble-t-il, si elle
était appliquée - ce qui n'était pas entièrement
sûr - pourrait empêcher le recours. C'était la
première fois, à notre connaissance, que ce point était
soulevé, le 19 février.
J'ai ici une autre opinion juridique, du 19 février, de Geoffrion
et Prud'homme. En fait, c'est exactement la même que celle que vous
retrouvez à la page... Je vais essayer de vous donner la page, je ne
sais pas si quelqu'un peut nous donner la page rapidement.
Une voix: Page 134.
M. Bourbeau: À la page 134 dans votre document. Alors,
l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, page 134. J'en ai une autre ici
signée Geoffrion et Prud'homme, par Jean-Paul Cardinal, qui est
exactement une copie conforme de celle que vous avez au cahier, mais dans
laquelle n'apparaît pas le paragraphe traitant de la Gaspé Copper
Mines.
Alors, deux opinions juridiques, même date, même bureau
d'avocats, les mêmes mots. Tous les paragraphes ont les mêmes mots,
sauf que dans une il y a un paragraphe qui parle de la Gaspé Copper
Mines et, dans l'autre, on n'en parle pas. Laquelle des deux avez-vous
reçue?
M. Saulnier: Celle que nous retrouvons aux pages 134 et 135 des
documents déposés.
M. Bourbeau: N'avez-vous pas reçu celle que j'ai devant
moi, de Geoffrion et Prud'homme, où il n'y a pas le paragraphe traitant
de la Gaspé Copper Mines?
Une voix: Quelle date?
M. Bourbeau: Même date, c'est la même chose.
M. Saulnier: Cela ne me dit rien, mais remarquez que...
M. Bourbeau: Étiez-vous au courant que le bureau Geoffrion
et Prud'homme avait émis deux opinions juridiques le même jour,
identiques et avec un paragraphe en moins dans une?
M. Saulnier: Sûrement pas parce qu'on aurait posé
des questions.
M. Bourbeau: Ah! bon. Évidemment, maintenant que vous
n'êtes plus là, vous ne pourrez plus les poser, les questions.
M. Saulnier: Comment?
M. Bourbeau: Comme vous n'êtes plus à la SEBJ, vous
ne pourrez pas les poser.
M. Saulnier: Je peux me les poser et les poser publiquement ici.
Je n'ai pas d'objection.
M. Bourbeau: En fait, nous aussi, on se les pose. La rencontre du
1er février 1979. Pourquoi avez-vous senti le besoin d'aller chercher
l'assentiment du premier ministre?
M. Saulnier: Moi personnellement? M. Bourbeau: Oui.
M. Saulnier: Je n'ai jamais senti ce besoin. Comme je l'ai dit
hier, c'est un voeu qui a été exprimé par un des membres
du
conseil, mais, comme j'ai eu l'impression très nette, en faisant
le tour de la table des yeux, qu'il n'y avait pas d'objections de la part des
membres du conseil, par déférence pour notre collègue,
j'ai dit: Certainement que je vais demander au premier ministre de nous
recevoir.
M. Bourbeau: Pourquoi ne vous sentiez-vous pas de cette opinion
d'aller voir le premier ministre?
M. Saulnier: Parce que j'estimais que c'était une
responsabilité du conseil de la Société d'énergie
de la Baie James de décider du sort de ce dossier et que l'avis -je le
dis aussi en toute déférence - du premier ministre ne me
paraissait pas requis pour prendre une décision.
M. Bourbeau: Lors de la réunion dans le bureau de M.
Lévesque, le premier ministre, nous avons entendu des témoins
avant vous qui ont rapporté les propos du premier ministre, propos qui
demandaient d'une façon très ferme, si je peux dire, à
ceux qui étaient là, les trois présidents, de voir
à régler la cause. Vous savez les mots qui ont été
prononcés par M. Laliberté, corroborés par M. Boyd. Vous
les avez entendus aussi?
M. Saulnier: J'ai dit hier, M. le Président, que, pour ce
qui est du juron, je n'avais pas le souvenir de l'avoir entendu, mais que,
remarquez, je ne m'en familiarisais pas parce que je savais que c'était
un juron que le premier ministre utilise à l'occasion et que c'en est un
que j'utilise également.
M. Bourbeau: Vous saviez que c'était un juron?
M. Saulnier: Je n'ai pas trouvé cela scandaleux.
M. Bourbeau: Vous dites que vous saviez que c'était un
juron. Alors, vous l'avez entendu?
M. Saulnier: Non, mais quand vous me le dites, quand je l'ai
entendu de M. Laliberté.
M. Bourbeau: Ah! bon. Alors, quand vous avez entendu M.
Laliberté, d'accord.
M. Saulnier: Personnellement, j'ai dit: Je ne pense pas l'avoir
entendu, je n'ai pas souvenir de l'avoir entendu.
M. Bourbeau: Mais la conversation elle-même, l'essence de
la conversation, le résumé de la conversation, vous vous en
souvenez?
M. Saulnier: Oui.
M. Bourbeau: Est-ce que vous pourriez nous en faire un
récit?
M. Saulnier: Je pense qu'il a spontanément ou presque dit:
À notre sentiment, ce n'est pas compliqué. Si vous ne
réglez pas, on va régler à votre place.
M. Bourbeau: Cette phrase du premier ministre suivait des propos
qui avaient été échangés auparavant entre vous et
le premier ministre? (11 heures)
M. Saulnier: À mon souvenir, elle répondait au voeu
du conseil que j'ai formulé et que j'ai reformulé, à
toutes fins utiles, au début de la réunion pour expliquer au
premier ministre quel était l'objet de la démarche que nous
faisions. Je pense encore une fois, je le dis sous toute réserve - que
c'est spontanément qu'il a dit: Oui, je vais vous le donner tout de
suite, mais si vous ne le faites pas, on va le faire à votre place.
M. Bourbeau: Est-ce que M. Boyd, ou quelqu'un d'autre, avait
parlé entre-temps, avant que le premier ministre prononce ces
paroles?
M. Saulnier: C'est ce que je ne saurais affirmer. Je sais que M.
Boyd a sûrement parlé après.
M. Bourbeau: M. Boyd a parlé après? M. Saulnier:
Oui, sûrement. M. Bourbeau: Et M. Boivin?
M. Saulnier: II a dû, remarquez, il a pu, pour être
plus exact, dire quelque chose au cours de cette rencontre, mais cela n'a pas
eu pour effet de m'en laisser un souvenir. Je ne saurais le dire.
M. Bourbeau: Vous avez dit que M. Boyd a parlé
après. Pourriez-vous vous souvenir un peu de ce qu'il a dit?
M. Saulnier: Encore une fois, c'est à partir de mes
souvenirs, cela ne peut être que très sommaire, mais
c'était fondé sur les motifs qui avaient incité la
Commission hydroélectrique de l'époque à prendre les
procédures, les questions qu'on pouvait se poser ou qu'on pourrait se
poser si la Société d'énergie de la Baie James ne
persévérait pas dans cette voie. En gros, cela a porté sur
cela.
M. Bourbeau: Quelle a été la réaction
à ces propos?
M. Saulnier: Rien de particulier. Je crois que tout avait
été dit au début.
M. Bourbeau: Mais si M. Boyd a fait valoir un argument, on a
dû lui faire valoir un contre-argument.
M. Saulnier: Possiblement, mais comme je n'ai pas de souvenir
précis de cela, je ne veux pas l'affirmer.
M. Bourbeau: Est-ce que M. Laliberté a pris la parole?
M. Saulnier: Je répondrai de la même
façon.
M. Bourbeau: Vous n'avez pas de souvenir?
M. Saulnier: Possiblement, mais je ne saurais pas l'affirmer.
M. Bourbeau: Bref, il n'y a pas grand-monde qui a parlé
à cette réunion.
M. Saulnier: M. le Président, si on me le permet, il n'y a
pas eu de débat au cours de cette réunion.
M. Bourbeau: Je comprends. Cela a été le calme
plat, si je comprends bien.
M. Saulnier: Tout avait été dit au
début.
M. Bourbeau: La tempête était au début et,
après, cela a été le calme après la tempête.
Cela a vraiment été une réunion paisible, si je comprends
bien.
M. Saulnier: Remarquez bien que c'était l'objet de la
réunion, de connaître le sentiment... On l'a connu.
M. Bourbeau: Mais quand les trois présidents se font dire:
"Vous allez régler, "crisse", ou on va régler pour vous" est-ce
que vous appelez cela calme?
M. Saulnier: Je n'ai pas le souvenir que cela a été
dit sur ce ton-là, mais cela peut l'avoir été
également. Même si cela avait été dit sur ce ton,
cela ne soulève pas de grands sentiments de protestation ou de tout ce
qu'on voudra, si vous voulez que je vous donne le fond de mon idée, pour
la raison suivante en ce qui me concerne: en toute déférence pour
le premier ministre, même s'il dit cela, entre le dire et le faire, il y
a un océan. Moi, cela ne m'énervait pas.
M. Bourbeau: Est-ce que vous voulez dire: grand parleur, petit
faiseur, ou quelque chose comme cela?
M. Saulnier: Non, non, non. Je ne pense pas que les propos que
j'ai tenus me permettraient de conclure dans ces termes.
M. Bourbeau: Dans votre carrière d'homme public, vous
êtes-vous fait parler souvent comme cela? Est-ce que M. Drapeau vous
parlait comme cela?
M. Saulnier: II a des...
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, tout en tenant
compte que l'article 168 dit que c'est une question qui est peut-être
très certainement irrecevable, vous n'avez qu'à donner votre
opinion, si vous le désirez.
M. Lalonde: Pourquoi est-ce irrecevable, M. le
Président?
M. Duhaime: Si vous continuez comme cela, vous allez vous faire
parler comme cela.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais savoir pourquoi
cette question est irrecevable?
Le Président (M. Jolivet): C'est une question concernant
l'opinion de M. Saulnier.
M. Lalonde: C'est une question de fait. Le Président
(M. Jolivet): M. Saulnier.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question à
vous poser.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, posez votre question.
M. Lalonde: Vous avez déclaré illico que
c'était une question irrecevable. Le député de Laporte
avait demandé à M. Saulnier s'il lui était souvent
arrivé de se faire parler comme cela. Ce n'est pas une question
d'opinion, c'est une question de fait. C'est, au moins, aussi pertinent que les
questions du ministre à M. Giroux, hier, concernant les réunions
de la Commission hydroélectrique en 1976.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, c'est au sujet de la
question de règlement. Nous sommes ici pour faire la lumière sur
les événements qui ont entouré le règlement hors
cour du saccage de LG 2. Nous ne sommes pas ici pour interroger les
témoins sur leurs relations avec le maire de Montréal. Il me
semble que vous avez parfaitement raison de déclarer que cette question
enfreint le règlement. Le député de Marguerite-Bourgeoys a
mauvaise grâce de contester et de mettre en doute la sagesse de votre
décision.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, tout en vous rappelant que je ne veux pas en faire un
grand débat.
M. Lalonde: Non, mais c'est quand même important pour les
questions qui suivront. Lorsque M. Giroux, hier, a fait une affirmation, vous
avez permis au ministre d'aller cueillir dans le passé pour tester la
mémoire du témoin, M. Giroux, même pour le mettre en
contradiction avec une de ses affirmations. On a vu avec combien peu de
succès le ministre a fait son devoir, mais là n'est pas la
question. M. Saulnier a dit qu'il n'a pas été influencé
par les propos du premier ministre. C'est un fait. Je pense qu'on doit prendre
sa parole. Mais, est-ce que les propos du premier ministre sont de la nature
d'une pression? Cela, c'est très pertinent dans le débat. Je
pense que les questions du député de Laporte sont dans ce sens.
Lorsqu'un premier ministre dit: "Vous réglez, "crisse", ou bien on
réglera à votre place." est-ce que ce sont là des
pressions ou non?
Le Président (M. Jolivet): Si vos questions portent sur
cet ensemble, M. le ministre, je vais les régler rapidement.
M. Duhaime: C'est sur la question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que je pourrais
régler ce problème rapidement.
M. Duhaime: Celle-là? Je vais en soulever une autre
ensuite.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. C'est simplement pour
vous dire que, quant au mandat qui nous est donné, la question qui nous
concerne est claire, nette et précise. De plus, j'ai cru comprendre,
hier, que le député de Marguerite-Bourgeoys avait dit qu'il
n'avait aucune objection. La seule chose qu'il demandait, c'est que les
documents lui soient fournis en ce qui concerne M. Giroux. Je continue toujours
à maintenir la même décision et à dire à
l'invité qui est devant nous qu'il peut répondre s'il le
désire.
M. le ministre, est-ce que vous avez une autre question de
règlement?
M. Duhaime: Oui, M. le Président, je voudrais la soulever
tout de suite, parce que le parallèle que tente d'établir le
député de Marguerite-Bourgeoys entre la question qui est
posée à M. Saulnier et les questions que j'ai moi-même
posées à M. Giroux hier, montre qu'elles sont de deux ordres
différents. Je voudrais vous les expliquer. Je n'aurais pas d'objection
à ce qu'on pose quelque question que ce soit à M. Saulnier sur
des gestes, des actions qu'il aurait faits lui-même ou sur des mots qu'il
aurait, dans le passé, lui-même prononcés. C'est exactement
ce qui s'est produit, hier, lorsque j'ai interrogé M. Giroux. À
la page "830419" du journal des Débats, hier matin, à une
question que j'ai posée à M. Giroux, il m'a répondu: "Le
gouvernement n'est jamais intervenu quand j'ai été
président d'Hydro-Québec." J'avoue avoir été
absolument estomaqué par cette réponse. J'ai fait établir
trois choses: premièrement...
Une voix: C'est une question de règlement?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je termine, M. le Président.
M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement, c'est
une question d'argumentation.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. C'est
à moi de décider et non a vous. M. le ministre, je voudrais que
vous alliez le plus rapidement possible à votre question de
règlement. Sinon, je passerai la parole à M. Saulnier, s'il veut
répondre à la question qui lui est posée.
M. Duhaime: Je vais terminer, M. le Président, en vous
disant que le parallèle qui a été tenté par le
député de Marguerite-Bourgeoys pour essayer de dissiper ce qui
s'est produit, hier, ne change pas le fond du dossier. Je dis ici que M. Giroux
a été mis en contradiction avec le témoignage qu'il a
rendu...
M. Lalonde: Pas du tout, pas du tout.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...parce qu'il a présidé le conseil
d'administration du 15 novembre 1976.
M. Lalonde: Pas du tout, il n'a pas été mis en
contradiction du tout.
M. Duhaime: Très clairement.
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier.
M. Saulnier: M. le Président, je ne sais pas si cela peut
être d'une utilité pour le député qui m'a
posé la question, mais je dirai que, dans ces matières, je parle
après que les autres intéressés ont parlé. Il faut,
d'abord, demander à M. Drapeau si cela est arrivé.
M. Bourbeau: Dans le cas présent, qu'est-ce que vous avez
dit après?
M. Saulnier: Après que les autres ont parlé. Mais,
dans le cas présent, je n'ai pas hésité à dire ce
que j'avais compris du souhait formulé par le premier ministre et
l'importance que je lui donnais en ce qui me concerne. Je n'ai pas
hésité à le dire, je ne le pense pas.
M. Bourbeau: Donc, pour vous, c'était important, ce que le
premier ministre venait de vous dire?
M. Saulnier: Je n'ai pas dit cela, je pense.
M. Lalonde: Ce n'était pas important?
M. Saulnier: J'ai dit qu'entre cela et l'exécuter, il y
avait un océan de distance.
M. Bourbeau: Vous venez de dire: L'importance que j'attachais aux
propos du premier ministre. Vous venez de dire cela.
M. Saulnier: Comment?
M. Bourbeau: Je vous ai demandé tantôt: Qu'est-ce
que vous avez dit après avoir entendu les propos du premier
ministre?
M. Saulnier: Je crois l'avoir dit, et si on me le permet, je vais
me répéter.
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, je m'excuse. Je ne
veux pas vous empêcher de parler; c'est parce que je suis
dérangé et je veux vous écouter comme il le faut. S'il
vous plaît! M. Saulnier.
M. Saulnier: Je croyais...
M. Bourbeau: Le député de Bourassa me
dérange aussi.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Saulnier: Je croyais et je crois encore avoir dit, en
réponse à la question, que l'effet que ce voeu tel que
formulé m'a fait était assez négligeable parce que ma
compréhension - et c'est encore la même aujourd'hui - c'est
qu'entre un voeu exprimé dans ces formes et l'exécution de la
"menace" - avec guillemets - il y a un océan de distance dans mon
esprit.
M. Bourbeau: Donc, d'après vous, il y avait une menace et
cela ne vous dérangeait pas.
M. Saulnier: Pour autant que je suis concerné, non.
M. Bourbeau: Cette menace, vous, personnellement, cela ne pouvait
pas vous déranger parce que ces choses, d'après ce que vous nous
avez dit, ne vous perturbent point. En entendant cette menace, formulée
comme vous venez de le dire, comme vous l'avez entendue, avez-vous
considéré qu'on cherchait à vous influencer ou à
peser sur les décisions à venir?
M. Saulnier: Je dirais non, absolument pas. Lorsque je dis cela,
cela me ramène à ma dernière ou avant-dernière
réponse: la réponse du premier ministre a été
spontanée. Je ne pouvais pas lui donner d'autre sens que cela.
C'était peut-être pour exprimer le voeu avec une grande
ferveur.
M. Bourbeau: Spontanée! Vous voulez dire quoi par
spontanée?
M. Saulnier: La réponse spontanée qu'il a
donnée à la question que je lui posais, que je lui transmettais
du conseil aux fins de connaître les sentiments du gouvernement. Sa
réponse a été spontanée, je l'ai dit.
M. Bourbeau: D'une façon objective, lorsque quelqu'un
parle comme cela sur un ton de menace, cela ne vous dérange pas. Mais
est-ce que cela peut influencer, et qu'on peut penser que cela pourrait
influencer quelqu'un?
M. Saulnier: Je parle pour moi. Il y aurait peut-être
intérêt à poser la question aux autres.
M. Bourbeau: Comme témoin de cette menace, est-ce que vous
n'avez pas pensé qu'on pourrait chercher à influencer quelqu'un
ou à peser sur une décision à venir?
M. Saulnier: Je n'ai pas pensé cela, M. le
Président.
M. Bourbeau: Le 9 janvier, M. Saulnier, au retour de votre
pèlerinage au bureau du premier ministre, vous avez fait rapport...
M. Saulnier: Le 6 février, si vous le permettez.
M. Bourbeau: Je m'excuse, le 6 février, bien sûr. Le
6 février, vous avez fait rapport de votre pèlerinage au bureau
du premier ministre, six jours après la rencontre, et vous avez
rapporté ses propos. Est-ce que vous avez rapporté le fond des
propos ou aussi la forme?
M. Saulnier: Je pense bien que j'ai rapporté la
formulation qui est au procès-
verbal. (11 h 15)
M. Bourbeau: Donc, vous avez omis toute la partie qui
était folklorique, si je peux dire?
M. Saulnier: Je n'ai pas mentionné cela; à mon
souvenir, non.
M. Bourbeau: Tantôt, vous avez parlé de menaces.
Est-ce que vous avez fait état aux administrateurs que cela avait
été assorti de menaces?
M. Saulnier: Quand j'ai utilisé cette expression, il y a
un moment, M. le Président, j'ai bien dit: entre guillemets. Comme
c'était entre guillemets, je n'ai pas cru bon de faire état de
cela. D'ailleurs, j'ai dit à peu près l'effet que cela me
faisait. Cela ne me paraissait pas indiqué.
M. Bourbeau: Pas indiqué de...?
M. Saulnier: De rapporter les propos verbatim.
M. Bourbeau: Ah! bon. Alors, vous avez seulement rapporté
l'essence des propos et non pas la...
M. Saulnier: Bah! Vous savez, on avait été
chargé de s'enquérir du sentiment du gouvernement. Alors, le
sentiment, c'était ce que j'ai dit: d'explorer les moyens. On ne nous
avait pas dit: Vous allez régler cela comme ceci ou comme cela. Non, il
n'a pas été question de cela.
M. Bourbeau: Lors de la réunion avec le premier ministre,
est-ce qu'il a été question du montant de...?
M. Saulnier: À mon souvenir, absolument pas.
M. Bourbeau: ...ou du règlement à venir?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Bourbeau: Cela n'intéressait pas les gens qui
étaient là, le...?
M. Saulnier: Je ne dis pas cela. Je réponds: à mon
souvenir, non. Je ne dis pas que cela ne les intéressait pas. Mais cela
n'a pas été soulevé, à mon souvenir.
M. Bourbeau: Sans discuter du fond, est-ce qu'il a
été question des négociations qui étaient en cours,
à ce moment-là?
M. Saulnier: Non plus.
M. Bourbeau: Il y avait des négociations en cours à
ce moment-là.
M. Saulnier: J'ai lu cela dans les journaux, en 1979 - pardon, en
1983. En 1979, je n'ai pas lu cela dans les journaux, ni en 1980.
M. Bourbeau: Pourtant, on sait que M. Boivin, qui était
présent à la réunion, lui-même déjà
recevait les procureurs dans son bureau régulièrement.
M. Saulnier: Moi, je ne savais pas cela. Ni en 1979, ni en 1980,
ni en 1981, ni en 1982.
M. Bourbeau: Les administrateurs, à qui vous avez fait
rapport à la réunion du 6 février, ont-ils
été surpris du rapport que vous avez fait?
M. Saulnier: Non, M. le Président, non.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a eu des commentaires?
M. Saulnier: À mon souvenir, non.
M. Bourbeau: Est-ce qu'ils ont pris en considération
l'opinion du premier ministre, d'après vous?
M. Saulnier: En d'autres termes: quel poids cela a-t-il pris dans
leur décision? Si votre question est dans ce sens, je ne peux pas y
répondre.
M. Bourbeau: M. Giroux nous a dit hier, M. Saulnier, qu'en tant
que président du conseil vous avez toujours été le contact
officiel entre la SEBJ et le gouvernement. C'est exact?
M. Saulnier: Je ne suis pas sûr si la loi le dit. Mais je
suis sûr que le règlement - et la loi, je pense - le
règlement et la loi, de toute façon, d'après ce que me
confirme M. Lalonde...
M. Lalonde: Non, c'est un règlement, d'après la...
C'est le règlement qui le dit.
M. Saulnier: Alors, le règlement le dit. Maintenant, comme
j'ai donné ce renseignement à l'un des journalistes qui m'ont
questionné à ce sujet quand ces nouvelles-là ont paru,
j'ai dit qu'il y avait un règlement. Mais, à la réflexion,
le 9 janvier, il n'était pas encore adopté.
Ah! La loi le dit, me dit Me Gadbois.
M. Lalonde: La loi aussi? Bon, bravo!
M. Saulnier: Oui. Alors, c'est le président du
conseil.
M. Bourbeau: Vous étiez le contact officiel. Donc, les
communications devaient, supposément, passer par vous. Est-ce qu'elles
ont toujours passé par vous?
M. Saulnier: Toutes celles dont j'ai été
témoin, toutes celles qui ont passé, oui. Celles qui n'ont pas
passé par moi, je ne pourrais pas le dire, je ne les connais pas.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bourbeau: À votre connaissance, est-ce qu'il y en a qui
n'ont pas passé par vous?
M. Saulnier: Des communications? Oui, mais cela n'a aucun rapport
avec le dossier qui nous occupe.
M. Bourbeau: Donc, il n'y a aucune communication ayant rapport au
dossier qui n'est pas passée par vous?
M. Saulnier: Absolument - non, je n'ai pas dit cela. Je veux dire
des communications dont j'ai été au courant. Je ne le sais pas.
J'ai lu dans les journaux qu'il y en a eu d'autres.
M. Bourbeau: Dont vous êtes au courant, évidemment.
C'est bien sûr.
M. Saulnier: Je ne le sais pas, moi.
M. Bourbeau: Bien sûr que je ne peux pas vous demander ce
dont vous n'êtes pas au courant.
M. Saulnier: Non.
M. Bourbeau: À votre connaissance, par exemple, la
rencontre entre M. Laliberté, votre président-directeur
général, et M. Boivin, le 3 janvier, ce n'était pas selon
la loi, à ce moment-là? C'était un contact en dehors du
canal normal?
M. Saulnier: Si elle a eu lieu... M. Bourbeau: II l'a
avoué ici.
M. Saulnier: ...il aurait été indiqué
qu'elle se fasse selon les règles édictées dans la
loi.
M. Bourbeau: M. Laliberté nous ayant dit qu'elle avait
effectivement eu lieu, il y a lieu de présumer qu'elle a eu lieu.
M. Saulnier: Je l'ai entendu, ici.
M. Bourbeau: Cela s'est donc fait ni plus ni moins, si je peux
dire, dans votre dos.
M. Saulnier: Comme j'ai répondu avant à une
question, à savoir si cela était déjà arrivé
dans d'autres cas, c'est arrivé. Bien oui.
M. Bourbeau: En qualité de seul porte-parole "officiel"
auprès du gouvernement, suivant la loi, vous avez, à l'occasion,
eu des conversations ou des rencontres avec des officiers du gouvernement. Vous
en avez eu avec le premier ministre le 1er février. Est-ce que vous en
avez eu avec des membres du bureau du premier ministre?
M. Saulnier: À ce sujet-là? Non.
M. Bourbeau: Est-ce que vous en avez eu avec M. Joron, le
ministre responsable?
M. Saulnier: Non plus.
M. Bourbeau: Est-ce que vous en avez eu avec des membres du
cabinet de M. Joron?
M. Saulnier: Non plus.
M. Bourbeau: Son chef de cabinet, M. Claude Dumas, ne vous a
jamais contacté?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Bourbeau: Pourtant hier, lors de votre témoignage, vous
avez fait état de certaines conversations ou rencontres fortuites avec
M. Jean-Roch Boivin et vous avez dit: II est possible - vous avez dit possible
- qu'à l'occasion d'un téléphone ou d'une rencontre
fortuite il m'ait demandé à quelle étape était
rendu le conseil. Vous vous souvenez de cela?
M. Saulnier: Oui, oui, très bien. J'ai ajouté
quelque chose aussi en disant cela.
M. Bourbeau: Vous avez ajouté: Ma réponse a
été très brève.
M. Saulnier: Avant cela, j'avais également dit: le
téléphone ou la conversation n'avait pas pour objet le dossier.
C'était donc poser la question en passant, à savoir: Où en
êtes-vous avec cela? Je lui ai répondu brièvement où
on en était rendu.
M. Bourbeau: Lors d'une conversation téléphonique
ou d'une rencontre fortuite -et/ou - M. Boivin, parlant également
d'autres choses, en est venu à parler du sujet et vous a demandé
à quelle étape en était rendu le conseil au sujet de la
cause en question. Vous avez donc parlé de la cause avec M. Boivin.
M. Saulnier: De l'étape où en était la
cause. C'est ce dont j'ai parlé. J'ai répondu à la
question.
M. Bourbeau: Est-ce que cela était avant le 1er
février ou après?
M. Saulnier: Cela pourrait être avant ou après, je
ne pourrais pas le dire.
M. Bourbeau: Vous ne vous en souvenez pas?
M. Saulnier: Je me souviens mais pas à ce
point-là.
M. Bourbeau: Quand on demandait à quelle étape en
était rendu le dossier, est-ce qu'on parlait de l'étape en cours
ou de l'étape des négociations?
M. Saulnier: De l'étape au conseil, des étapes au
conseil.
M. Bourbeau: On savait qu'à un moment donné, on
voulait poursuivre. À l'étape suivante, on voulait régler.
Est-ce que c'est ce qu'il voulait savoir?
M. Saulnier: Selon le moment où la question m'a
été posée, j'ai répondu en regard de l'avancement
du dossier, l'état d'avancement du dossier, un point c'est tout.
M. Bourbeau: Vous sembliez pourtant hier avoir bonne souvenance.
Vous avez dit: Ma réponse a été très
brève.
M. Saulnier: Bien oui.
M. Bourbeau: Vous vous souvenez donc d'avoir fourni une
réponse très brève.
M. Saulnier: Bien oui. Si par exemple j'ai dit: On a posé
des questions aux procureurs qui doivent nous donner des réponses sur la
solvabilité des défendeurs -c'est bref cela - et on les
attend.
M. Bourbeau: Pourquoi M. Boivin s'informait-il du dossier?
M. Saulnier: M. le Président, je ne le sais pas. Mais aux
termes de l'obligation qui m'était faite par la loi, il est bien
évident qu'il était impératif que je réponde au
chef de cabinet du premier ministre.
M. Bourbeau: Vous êtes-vous enquis auprès de M.
Boivin des raisons pour lesquelles il se préoccupait de l'étape
où en était le dossier?
M. Saulnier: Non, je ne me suis pas enquis de cela.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a eu plus d'une conversation avec M.
Boivin?
M. Saulnier: Une seule, à mon souvenir. Une. J'ai bien dit
"si, possiblement".
M. Bourbeau: Comment pouvez-vous dire "possiblement" et, ensuite,
que votre réponse a été brève?
M. Saulnier: C'est cela. Possiblement, s'il y a eu une
conversation, et vaguement, je pense qu'il y en a eu une. Cela a
été soit au téléphone, soit à l'occasion
d'une rencontre fortuite, et l'objet de la communication
téléphonique ou de la rencontre n'était pas le dossier.
Mais c'est venu comme accessoire. Il a posé une question telle que:
où en êtes-vous rendu, ou quelque chose du genre.
M. Bourbeau: Donc, vous vous souvenez de cela?
M. Saulnier: Ah! J'ai le souvenir que cela s'est produit.
M. Bourbeau: Donc, ce n'est pas "possiblement", c'est
arrivé?
M. Saulnier: C'est arrivé, cela, je ne suis pas prêt
à le dire aussi catégoriquement. Je pense que oui.
M. Bourbeau: Bien oui, mais écoutez, une porte ne peut
être fermée et ouverte. Vous venez de dire "je m'en souviens et la
réponse a été brève"...
M. Saulnier: M. le Président, c'est comme quelqu'un qui
passe dans une salle et à qui on demande si la porte était
ouverte ou fermée. Il peut dire: Je pense qu'elle était ouverte.
Mais il aurait pu être possible qu'elle eût été
fermée. Alors, j'ai dit: Je pense que oui, il y en a eu. C'est à
peu près cela.
M. Bourbeau: Vous pensez que M. Boivin vous en a parlé.
Vous pensez qu'il vous a demandé à quelle étape
était rendu le dossier. Mais vous vous souvenez très bien que
votre réponse a été brève?
M. Saulnier: Oui.
M. Bourbeau: Pour que la réponse ait été
brève, il fallait une question?
M. Saulnier: C'est évident.
M. Bourbeau: Donc, vous en avez parlé?
M. Saulnier: C'est évident.
M. Bourbeau: Donc, ce n'est pas seulement "possiblement". C'est
arrivé.
M. Saulnier: J'ai dit que c'est "possiblement arrivé".
Remarquez que si cela peut faire avancer les travaux de la commission, je n'ai
pas objection à le dire, mais je voudrais qu'on sache bien que, si on
vient me démentir, par exemple, c'est par l'insistance que j'ai dit
"oui, c'est absolument cela", parce que je ne suis pas absolument certain.
M. Bourbeau: Pour en revenir, M. Saulnier, à l'opinion
juridique que vous avez reçue le 19 février, la veille d'une
assemblée du conseil, avez-vous interrogé vos procureurs afin de
savoir pourquoi leur opinion changeait le 19 février, en ce qui
concernait la possibilité de faire exemplifier le jugement aux
États-Unis et de percevoir de l'argent des syndicats
américains?
M. Saulnier: Dans celle du 19? M. Bourbeau: Du 19
février, oui.
M. Saulnier: Mais en quoi changeait-elle?
M. Bourbeau: On introduisait l'espèce d'argument du
"Norris-La Guardia Act"...
M. Saulnier: C'est plus tard, cela. C'est au mois de mars.
M. Bourbeau: Le 19 février.
M. Saulnier: Ah oui! D'accord. Vous avez raison. Et alors?
M. Bourbeau: Avez-vous demandé à vos procureurs
comment il se faisait que, tout à coup, il sortait, comme d'un chapeau,
cette question du "Norris-La Guardia Act" qui semblait jouer le rôle d'un
éteignoir sur la cause, alors que, jusqu'à ce moment-là,
il n'avait jamais été question de cette loi
américaine?
M. Saulnier: Je ne saurais dire pour quelle raison. Cependant,
aux réunions des 23 et 30 janvier, celle du 23 janvier plutôt, au
cours de laquelle nous avons reçu les procureurs, j'ai le souvenir que
tout ce qui touchait l'examen juridique des liens de droit avec le syndicat
américain - je vais donner mon appréciation personnelle -
était une faiblesse. (11 h 30)
M. Bourbeau: Mais la possibilité de faire exemplifier un
jugement aux États-Unis, mais obtenu au Québec, enfin, de le
faire appliquer aux États-Unis, si je puis dire, vos procureurs
étaient très convaincus de la réelle possibilité de
le faire jusqu'à ce qu'on sorte cet argument in extremis du Norris-La
Guardia Act, le 19 février. Avez-vous demandé à vos
procureurs comment il se faisait qu'ils sortaient à la dernière
minute cet argument?
M. Saulnier: D'abord, je ne pense pas qu'ils aient
été aussi formels qu'on le dit dans les opinions
précédentes. Au conseil d'administration, au cours des
délibérations il y a plusieurs questions qui ont poussé
dans le sens d'examiner bien à fond les possibilités
réelles d'obtenir satisfaction au chapitre des dommages du syndicat
américain. Le souvenir que je garde de cette séance, c'est que
les avocats avaient un autre bout de travail à faire.
M. Bourbeau: Un bout de travail à faire pour?
M. Saulnier: Pour creuser le dossier dans sa partie
américaine.
M. Bourbeau: Parce que le travail qui avait été
fait jusqu'à ce moment indiquait qu'on pourrait percevoir le jugement
aux États-Unis.
M. Saulnier: M. le Président, c'est sur ce point que j'ai
fait une petite réserve et je la refais de nouveau. Le sens des
questions reflétait - disons l'insatisfaction est peut-être fort -
une inquiétude profonde chez des membres du conseil et des doutes sur la
possibilité d'obtenir satisfaction.
M. Bourbeau: Quand vous avez reçu l'opinion du 19
février de vos avocats Geoffrion et Prud'homme qu'à cause de ce
Norris-La Guardia Act même si on avait un jugement aux États-Unis
on ne pourrait pas percevoir les sommes d'argent, avez-vous discuté de
cela avec vos propres procureurs internes? Me Gadbois, par exemple?
M. Saulnier: Je pense mais cela je le dis sous toute
réserve, Me Gadbois est ici à mes côtés, je crois
que oui. Il était témoin de ces échanges.
M. Bourbeau: Le même jour, le 19 février, avant
l'opinion de Geoffrion et Prud'homme, Me Gadbois vous avait écrit une
opinion dans laquelle il n'avait absolument pas fait mention de ce Norris-La
Guardia Act, il ne le mentionne même pas. Comme se fait-il que lui ne le
mentionne pas puisque c'était un élément décisif et
que dans l'après-midi même, vos avocats externes vous disent:
"Oui, c'est vrai, mais vous avez oublié cela". Je pense que Me
Gadbois...
M. Saulnier: Me Gadbois m'informe que son opinion est
allée chez Geoffrion et Prud'homme et c'est là qu'ils ont
trouvé cet élément additionnel.
M. Bourbeau: Ah bon! Alors c'est le 19 février que
Geoffrion et Prud'homme ont découvert cet argument additionnel?
M. Saulnier: Ils ne l'avaient pas rapporté avant, me
dit-on, mais ils avaient pu le découvrir avant.
M. Bourbeau: Ils ne l'avaient pas rapporté au conseil.
L'avaient-ils rapporté à vos procureurs internes?
M. Saulnier: Me Gadbois me dit qu'il ne croit pas.
M. Bourbeau: C'est bien évident parce que sans cela Me
Gadbois en aurait parlé dans son opinion du 19 au matin. Donc, on peut
dire que vos procureurs s'étaient gardés, si je peux dire "un as
dans le trou" jusqu'au 19 février parce que jamais ils n'avaient
parlé à personne de cet argument suprême qui, tout à
coup, a fait surface le 19 février. Est-ce que vous n'avez pas
trouvé étrange un peu qu'en bout de piste comme cela on sorte un
argument semblable?
M. Saulnier: Personnellement, je n'ai pas trouvé cela
étrange. J'ai peut-être trouvé cela malheureux que les
membres n'en aient pas été informés avant mais encore une
fois, je me reporte à la délibération du conseil
d'administration du 23 janvier à laquelle assistaient les procureurs et
l'ensemble des réponses indiquait un doute beaucoup plus grand que ce
qui avait apparu - parce qu'il y avait des doutes avant, il y en avait depuis
le début - beaucoup plus grand que ceux qui étaient apparus dans
les documents que nous avions consultés.
M. Bourbeau: Cela a dû être un grand soulagement pour
tout le monde quand vous avez vu cet argument, le 19 février?
M. Saulnier: Je ne sais pas quel effet cela a fait sur mes
collègues. Je ne peux pas dire que c'était un grand soulagement
pour moi. Je n'étais pas tellement convaincu, avant, qu'on irait
très loin aux États-Unis.
M. Bourbeau: Le 20 février, à l'Assemblée
nationale, le premier ministre, à la suite d'une question du
député de Marguerite-Bourgeoys, a dit ceci: En janvier de cette
année - l'année 1979, bien sûr -c'est-à-dire il y a
quelques semaines - on était au 20 février - si je suis bien
informé, la Société d'énergie de la Baie James a
reçu des offres de règlement de la part de certains
défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau elle a voulu savoir
le sentiment de celui qui vous parle là-dessus. Le premier ministre a
dit en Chambre: De nouveau elle a voulu savoir le sentiment. À votre
connaissance, est-ce qu'on avait sollicité l'assentiment du premier
ministre avant cette date?
M. Saulnier: Sûrement pas celui qui vous parle, M. le
Président.
M. Bourbeau: Le premier ministre a dit "de nouveau" - et il parle
de la SEBJ - est-ce qu'il y a eu plus d'une rencontre avec le premier
ministre?
M. Saulnier: À ma connaissance, non.
M. Bourbeau: Le 19 février, qui est le jour où on a
reçu les avis, ceux de Me Gadbois au début de la journée,
ceux de Mes Geoffrion et Prud'homme un peu plus tard, en réponse, les
deux de Geoffrion et Prud'homme, celui avec la Gaspé Copper Mines et
celui sans la Gaspé Copper Mines -les avis juridiques se bousculaient,
ils voyageaient vite ce jour-là qui est la veille de l'assemblée
du conseil - est-ce que vous avez communiqué avec le bureau du premier
ministre?
M. Saulnier: À quel sujet? Au sujet du dossier? Non. Je
peux bien avoir appelé pour d'autres sujets mais, au sujet du dossier,
absolument pas.
M. Bourbeau: Est-ce que vous vous souvenez avoir
communiqué pour d'autres sujets?
M. Saulnier: Non plus. Mais je le dis sous réserve. C'est
possible. Je n'ai pas de souvenir de cela.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il serait possible que vous soyez
allé au bureau du premier ministre le 19 février?
M. Saulnier: C'est impossible.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il est possible que vous ayez
rencontré des gens du bureau du premier ministre le 19
février?
M. Saulnier: C'est impossible également.
M. Bourbeau: Donc aucune visite, aucune rencontre. Et des
conversations téléphoniques, vous ne vous en souvenez pas?
M. Saulnier: Sauf celle dont j'ai parlé en la qualifiant
comme je l'ai qualifiée, mais ce n'était certainement pas la
veille, pas le 19 ni le 20. Absolument pas.
M. Bourbeau: Celle avec Me Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet
du premier ministre, ce n'était pas le 19 février?
M. Saulnier: Absolument pas.
M. Bourbeau: M. Saulnier, vous qui étiez responsable des
contacts officiels avec le gouvernement, étiez-vous au courant qu'il y
avait d'autres contacts avec le bureau du premier ministre qui se faisaient au
niveau des avocats?
M. Saulnier: Non, M. le Président.
M. Bourbeau: Vous n'étiez pas du tout au courant. Est-ce
que vous saviez que vos propres procureurs, que vous aviez engagés,
allaient rencontrer le chef de cabinet du premier ministre?
M. Saulnier: Je l'ignorais. D'ailleurs je ne sais pas s'ils y
sont allés, remarquez.
M. Bourbeau: Cela a été prouvé dans les
comptes de dépenses de Geoffrion et Prud'homme. Dans les comptes
d'honoraires il y a des visites de Me... Pour l'intérêt du
député de Bourassa, qui ne semble pas être au courant, cela
a été prouvé qu'à quelques reprises Me Jean-Paul
Cardinal, par exemple, dans ses comptes d'honoraires, dit s'être rendu au
bureau du premier ministre. C'était votre avocat et vous n'étiez
pas au courant?
M. Saulnier: Je n'étais pas au courant.
M. Bourbeau: Alors vous ne pouvez pas nous dire ce qu'il faisait
au bureau du premier ministre?
M. Saulnier: Bien non, je ne suis pas au courant qu'il y
était allé. Je n'étais pas au courant.
M. Bourbeau: À quel moment avez-vous été mis
au courant?
M. Saulnier: Ici, à la commission parlementaire, en
1983.
M. Bourbeau: Est-ce que cela vous a surpris?
M. Saulnier: Cela fait 29 ans que je suis dans les affaires
publiques, alors cela ne m'a pas surpris.
M. Bourbeau: Que voulez-vous dire exactement?
M. Saulnier: J'ai eu connaissance de démarches qu'on
pourrait mettre en opposition ou comparer sous tous les régimes.
M. Bourbeau: Bref, comme dirait Saint-Exupéry: On voit sur
la terre toutes sortes de choses. Étiez-vous au courant, par exemple,
que Me Michel Jasmin, qui représentait les syndicats
québécois, allait régulièrement au bureau du
premier ministre pendant le procès?
M. Saulnier: Non plus.
M. Bourbeau: Étiez-vous au courant que Me Rosaire
Beaulé, qui représentait le syndicat américain, le seul
semble-t-il qui était assez en moyen, allait régulièrement
aussi au bureau du premier ministre pendant le procès?
M. Saulnier: Je ne suis pas au courant.
M. Bourbeau: Trouvez-vous cela normal que les avocats de la
partie que vous poursuiviez se retrouvent régulièrement dans le
bureau du premier ministre?
M. Saulnier: II faudrait que je sache ce qu'ils allaient faire.
Supposons qu'ils sont allés là pour autre chose, je ne le sais
pas.
M. Bourbeau: Le question est très pertinente, bien
sûr, mais quand on regarde la chronologie, on voit par exemple que le 15
janvier, c'est le jour où le procès a commencé. Le
procès a été ouvert le 15 janvier. Les deux avocats des
syndicats principaux, Me Rosaire Beaulé et Me Michel Jasmin, comme par
hasard, sont dans le bureau du premier ministre. On sait que lorsqu'un
procès commence, c'est une journée importante, c'est comme
lorsque commence une commission parlementaire, on se prépare bien, on
n'a pas de temps à perdre. Trouvez-vous normal qu'ils se retrouvent dans
le bureau du premier ministre le jour du début du procès?
M. Saulnier: M. le Président, si j'avais la certitude que
c'est pour aller discuter d'autre chose que ce qui est devant le conseil
d'administration de la société, c'est bien sûr que je
trouverais cela anormal, mais je n'en sais rien, je ne sais pas de quoi ils
sont allés discuter.
M. Bourbeau: Dans les documents qui nous ont été
remis par le bureau du premier ministre, on a la liste des visites au bureau de
Me Boivin, chef de cabinet du premier ministre; on a toute une série
d'avocats qui ont paradé très fréquemment avant même
le début du procès et on a également la liste de ceux qui
ont paradé au bureau de Me Yves Gauthier, un des conseillers politiques
du premier ministre. À la fin de la liste de Me Yves Gauthier, il est
écrit que Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas question de la
poursuite de la SEBJ au cours de deux de ces rencontres. On doit en
déduire qu'il en a été question pendant les autres
visites.
M. Saulnier: C'est possible.
M. Bourbeau: Bon! Trouvez-vous cela normal?
M. Saulnier: Non, j'ai dit que je ne trouvais pas cela
normal.
M. Bourbeau: Bon, d'accord. Vous étiez en train, comme
président du conseil, de poursuivre des gens pour 32 000 000 $, enfin,
votre société. À un moment donné, vous les
poursuiviez et à un moment donné vous avez commencé
à négocier, je présume que vous étiez
intéressé à négocier un règlement le plus
important possible. Les avocats de ceux que vous poursuiviez se trouvaient
très fréquemment dans le bureau du premier ministre, qui lui,
représente votre patron, autrement dit. D'après vous, le bureau
du premier ministre négociait-il contre les syndicats ou pour les
syndicats contre vous?
M. Saulnier: Je l'ignore, M. le Président.
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. M. le
ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais soulever une
question de règlement.
Si on n'est pas dans un échafaudage sur des hypothèses, je
me demande où on se retrouve. Je rappelle à la commission que des
faits sont établis. On n'a même pas eu besoin d'entendre quelqu'un
à la commission pour les établir. Le bureau du premier ministre a
rendu public et à la disposition de tout le monde à la commission
qu'à telle date Me Untel est allé au bureau du premier ministre
et qu'à telle autre date Me Untel, etc., je pense que tout le monde
s'entend là-dessus. (11 h 45)
Ce que le député voudrait savoir maintenant avec ses
questions, c'est qu'il suppose des contenus de discussions et de conversations.
Moi, je n'en sais absolument rien. J'imagine qu'on le saura quand les avocats
intéressés et les membres du bureau du premier ministre qui vont
venir devant la commission vont nous le dire. Mais, à partir d'un
échafaudage sur des contenus, en toute justice pour le témoin, je
me demande qui, à la place de M. Saulnier, pourrait répondre
à des hypothèses semblables sur des contenus. Si le
député veut connaître le point de vue de M. Saulnier, je
lui suggérerais d'attendre, de réserver sa question afin que la
commission sache exactement ce qui s'est passé lors de ces
réunions et, ensuite, poser des questions. Là, vous êtes en
train d'installer votre charrue en avant de votre cheval et vous nous retardez
en plus.
Le Président (M. Jolivet): C'est au moment où vous
étiez pour intervenir que j'allais dire à M. Saulnier qu'en vertu
de l'article 168, considérant ce que j'ai dit jusqu'à maintenant,
la question est irrecevable dans les circonstances, mais s'il veut
répondre, je ne peux pas l'en empêcher.
M. Saulnier: Je pense que la réponse que je pouvais
donner, je l'ai donnée.
M. Bourbeau: En effet, M. Saulnier. Je vais tenter de vous poser
des questions qui sont conformes aux règlements. Si jamais elles ne le
sont pas, je compte sur le président pour nous le faire savoir.
Le 9 février, Me Jean-Paul Cardinal qui représentait vos
avocats, Geoffrion et Prud'homme, s'est présenté chez Me
Jean-Roch Boivin, au bureau du premier ministre; à votre connaissance,
est-ce que cela faisait partie du mandat que vous lui aviez donné?
M. Saulnier: Du mandat que nous lui avions donné? Je n'ai
pas, devant moi, le texte du mandat qui a été donné
à l'époque. Il faudrait que je le voie. À première
vue, cela ne me paraîtrait pas faire partie du mandat mais, encore une
fois, si c'est la reconduction du mandat initial, j'aimerais voir ce
mandat.
M. Bourbeau: Le mandat initial qui avait été
donné au tout début.
M. Saulnier: Qui a été donné par la
Commission hydroélectrique en 1975, ou quelque chose du genre.
M. Bourbeau: Pourtant, la SEBJ a payé des comptes qui
indiquent que M. Cardinal vous a facturé des honoraires pour
s'être rendu au bureau du premier ministre.
M. Saulnier: Oui. La question est la suivante: Est-ce que c'est
conforme au mandat?
M. Bourbeau: Oui, est-ce que...
M. Saulnier: Encore une fois, le mandat a été
donné par la Société d'énergie de la Baie James
avant notre arrivée. Quand je parle de notre arrivée, je parle du
conseil qui a été installé le 1er octobre 1978. Je ne peux
pas vous répondre à savoir si cela est conforme, je ne l'ai pas
devant moi et il n'est pas dans ces dossiers, je ne le pense pas.
M. Bourbeau: M. Saulnier, c'est le 6 février que vous avez
donné le mandat à vos avocats d'explorer la possibilité
d'un règlement.
M. Saulnier: Ah bon! Si on parle de celui-là, oui. Non,
cela ne l'était pas.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il donnait à vos
avocats le mandat d'aller au bureau du premier ministre? Est-ce que vous
étiez d'accord pour payer des honoraires pour des visistes au bureau du
premier ministre?
M. Saulnier: II ne spécifiait pas les endroits que les
procureurs pouvaient visiter.
M. Bourbeau: Je suis obligé de vous dire que, dans les
comptes d'honoraires, il est dit...
M. Saulnier: J'ai déjà répondu que je ne
trouvais pas cela normal.
M. Bourbeau: Le 27 février, alors que le procès est
encore en cours, Me Cardinal se retrouve encore au bureau du premier ministre.
Est-ce que c'est vous ou quelqu'un d'autre, à votre connaissance, qui
donnait les instructions à Me Cardinal d'aller au bureau du premier
ministre?
M. Saulnier: Ce ne sont sûrement pas les membres du
conseil, ni le président du conseil.
M. Bourbeau: Encore là, ce n'était pas non plus
à l'intérieur des mandats qu'il avait reçus.
M. Saulnier: Pas celui du 6 février. M. Bourbeau:
Pas celui du 6 février.
M. Saulnier: Mais le précédent, je ne le sais
pas.
M. Bourbeau: Le précédent, il avait
été ni plus ni moins qu'amendé ou annulé en vertu
du dernier. Quand vous avez payé les comptes d'honoraires de Me
Cardinal, dont une partie disait que c'était pour s'être rendu au
bureau du premier ministre, personne n'a posé de questions sur la
pertinence de cette facture?
M. Saulnier: À mon souvenir, non. M. le Président,
si on me permet de bien qualifier la réponse, c'est non, mais dans tous
les cas où sont présentés à un conseil
d'administration généralement, mais nommément à
Hydro-Québec et à la SEBJ, les éléments qui
apparaissent dans la facturation, cela ne fait pas l'objet d'un débat au
conseil, c'est le travail du vérificateur de la société ou
des sociétés, en ce qui nous concerne.
M. Bourbeau: Oui, d'accord. Je pense bien que vous avez
peut-être pu en sauter des lignes. De toute façon, la preuve de la
visite de Me Cardinal nous a été fournie quand même par le
bureau du premier ministre. C'est peut-être là qu'on l'a eue.
M. Saulnier, le fait que le bureau du premier ministre souhaitait
ardemment, pieusement dans le cas du premier ministre, que la cause se
règle, c'était connu des défendeurs, des avocats, n'est-ce
pas?
M. Saulnier: Je ne peux pas témoigner de cela, je ne le
sais pas.
M. Bourbeau: Vous ne le savez pas. D'après ce que vous
avez vu, maintenant vous le savez puisque les rencontres entre Me Boivin et les
autres étaient assez fréquentes.
M. Saulnier: On peut faire ce lien et on peut ne pas le faire.
Comme je ne le savais pas, je ne fais aucun lien.
M. Bourbeau: Vous aviez quand même fait rapport à
tous les administrateurs le 6 février de la volonté du premier
ministre de voir la cause se régler.
M. Saulnier: Oui.
M. Bourbeau: Les membres du conseil ou plusieurs d'entre eux
savaient depuis le 3 janvier que M. Boivin avait fait savoir à M.
Laliberté le désir du premier ministre de régler la cause,
enfin d'abandonner.
M. Saulnier: Je ne pourrais pas confirmer cette affirmation pour
l'excellente raison que M. Laliberté, selon ce que j'ai compris, a dit
que ce serait le 3 janvier qu'il aurait informé un de ses
collègues. J'étais absent le 9 et le 3, je n'étais
sûrement pas au bureau non plus. Je n'ai donc pas eu connaissance de
cela.
M. Bourbeau: Le montant du règlement, 200 000 $, vous en
avez parlé un peu hier. Plusieurs administrateurs qui sont venus ici ont
trouvé que le montant n'était pas très
élevé, n'était pas suffisant. Certains ont dit qu'on
aurait dû aussi bien régler pour 1 $ que pour 200 000 $ puisque le
montant était symbolique. D'autres, comme M. Giroux, ont dit qu'à
leur avis cela aurait dû être 20 000 000 $. On a eu tout le spectre
des montants. M. Hébert a parlé de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $.
Est-ce qu'à un moment donné quelqu'un a demandé qu'on
offre au syndicat de régler pour une somme d'argent précise?
M. Saulnier: Ah! oui, c'est-à-dire une somme d'argent
précise, pas exprimé en dollars et en cents mais exprimé
aux termes qui sont rapportés ici du remboursement à la
société de ses frais juridiques encourus jusqu'alors. Cela,
c'était de l'ordre de 400 000 $. J'ajoute que cette résolution a
résulté d'un examen très serré des
possibilités d'avoir plus. Puis 20 000 000 $, je me permets de dire cela
en passant, cela
a été lancé en 1983 et en dehors du conseil. M.
Bourbeau: En quoi?
M. Saulnier: En dehors du conseil et en 1983. Au conseil il n'a
jamais été question de 20 000 000 $ ni de 5 000 000 $ ni de 10
000 000 $ ni de 4 000 000 $ ni de 3 000 000 $ ni de 2 000 000 $ ni de 1 000 000
$. Il a été question de la possibilité d'aller recouvrer
le montant de nos frais juridiques à cette date. On n'a même pas
pu recouvrer cela.
M. Bourbeau: Quand vous dites qu'au conseil il n'a jamais
été question de 2 000 000 $, 1 000 000 $, etc., pourtant on a des
gens qui sont venus ici et qui nous ont dit qu'ils auraient
espéré qu'on ait 2 000 000 $ ou 1 000 000 $. Je me souviens du
témoignage de M. Hébert, qui a dit cela. Mme Forget a dit qu'elle
le souhaitait aussi, c'est-à-dire que ces gens le souhaitaient dans leur
tête mais n'osaient pas s'exprimer au conseil?
M. Saulnier: Je ne vous dis pas cela. Je dis que ces montants,
à mon souvenir, n'ont pas été évoqués au
conseil.
M. Bourbeau: Pourtant hier vous avez dit qu'au 30 janvier vous
aviez eu deux jours de discussion et que vous aviez épuisé le
sujet, et aucune de ces personnes n'avait prononcé des montants ou avait
parlé de sommes plus importantes?
M. Saulnier: De parler de sommes plus importantes, tout le monde
a parlé de cela. Mais un montant précis exprimé en dollars
et en cents, à mon souvenir, non.
M. Bourbeau: Au cours de deux journées complètes de
délibérations - enfin, si je me souviens de ce que vous avez dit
hier - il y a certainement eu des gens, si vous fouillez votre mémoire
un peu, qui ont exprimé le désir de régler pour plus que
400 000 $?
M. Saulnier: Écoutez, M. le Président, je donne ce
que ma mémoire me dicte. D'autres peuvent, évidemment, en faire
autant. Et ce seront peut-être des chiffres que moi, je n'ai pas en
mémoire.
M. Bourbeau: La négociation s'est faite à partir de
l'offre initiale de 50 000 $ des syndicats, la première, du 16 janvier
1979. Et, subséquemment, les offres ont monté de temps à
autre. À votre connaissance, vos procureurs ou ceux qui
négociaient pour vous, ont-ils, à un moment donné, fait
une contre-offre d'un montant précis aux syndicats, en vue de
régler?
M. Saulnier: À ma connaissance, non, sauf ce qui aurait
découlé de la résolution du conseil.
M. Bourbeau: Pourquoi vos avocats ne demandaient-ils pas quelque
chose?
M. Saulnier: Je n'ai pas dit qu'ils ne l'ont pas demandé.
Mais, le conseil n'avait pas donné de mandat de négocier - je ne
sais pas, moi - 5 000 000 $, 2 000 000 $, 10 000 000 $. Il n'avait pas
donné de mandat dans ce sens-là.
M. Bourbeau: Mais, quand le conseil avait donné le mandat
d'explorer ou de négocier, en fait, c'était négocier quoi?
Négocier un montant?
M. Saulnier: Au moment où le conseil a
suggéré - c'est-à-dire a résolu - de demander
à ses procureurs d'explorer les possibilités, à ce
moment-là n'importe quel chiffre pouvait être dans l'esprit des
membres. Et, je ne me souviens pas qu'on en ait mentionné. Mais,
à ce moment-là, c'était évident que les avocats
avaient un mandat d'aller chercher tout ce qu'il y avait moyen d'avoir.
M. Bourbeau: Les avocats avaient un mandat d'aller chercher tout
ce qu'il y avait moyen d'avoir. Est-ce qu'ils ont commencé par demander
un montant beaucoup plus élevé pour avoir moins?
M. Saulnier: Je n'ai pas assisté aux négociations,
M. le Président. Je ne pourrais pas le dire.
M. Bourbeau: Vous ne vous êtes pas informé à
savoir comment ils procéderaient, avant de commencer?
M. Saulnier: À mon souvenir, non.
M. Bourbeau: Dans les négociations normales, quand on fait
des négociations en général, dans des choses comme cela,
les deux parties arrivent au départ avec des positions très
éloignées - ça se fait d'ailleurs dans les conventions
collectives - et chacun demande la lune pour finir, en général,
quelque part au milieu. Pourquoi cela ne s'est-il pas fait comme cela ici?
M. Saulnier: Remarquez que, lorsqu'ils ont eu un mandat
d'explorer, et si, comme le dit M. le député, c'est la pratique
courante dans les négociations, il y a lieu de présumer qu'ils
l'ont fait. Moi, je ne le sais pas.
M. Bourbeau: D'après votre expérience
personnelle?
M. Saulnier: Qu'on fait ça comme ça?
M. Bourbeau: Oui.
M. Saulnier: Bien, cela dépend. Si c'est dans le cas d'une
cause à l'égard de laquelle on a des certitudes fermes, je pense
que là, on dit aux avocats: Ce n'est pas moins que ça. Bon. Dans
cette cause-là, ce n'était malheureusement pas le cas.
M. Bourbeau: Là, c'était plutôt: Ce n'est pas
plus que ça?
M. Saulnier: Non, non, c'était: Explorez.
M. Bourbeau: Quand vos avocats vous ont fait rapport que
c'était 200 000 $ seulement, avez-vous demandé des explications
pour savoir pourquoi ils ne réussissaient pas à faire monter les
enchères?
M. Saulnier: Ce sont celles qu'on retrouve au
procès-verbal. Les personnes à l'égard desquelles on avait
un lien de responsabilité avaient des valeurs qui ne dépassaient
pas 100 000 $ et on ne pouvait pas espérer obtenir plus que ce qu'elles
avaient. Quant aux autres, il y avait un doute très sérieux, pour
dire le moins, qui devait être entretenu sur la possibilité de
faire le lien de droit requis par la loi.
M. Bourbeau: Le 6 mars, vous avez donné à vos
procureurs un mandat de régler la cause, de signer sur la base du
document. Or, le 28 février, une semaine avant, le procès avait
été suspendu. Donc, je présume qu'à partir du 28
février, les avocats étaient relativement convaincus qu'un
règlement s'en venait, puisqu'on suspendait le procès. (12
heures)
Dans une lettre en date du 27 février, la veille de l'ajournement
du procès, adressée à Me André Gadbois par Me
Jean-Paul Cardinal, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, il est dit ceci:
"Pour faire suite à votre lettre du 21 février contenant les
nouvelles instructions du conseil, j'ai communiqué, les 22 et 23, avec
Mes Michel Jasmin et Phillip Cutler. Je n'ai pu communiquer avec Me Rosaire
Beaulé alors en vacances." Comment se fait-il que le procureur de votre
principal défendeur était en vacances pendant le procès,
une semaine avant la fin du procès?
M. Duhaime: Où cela est-il dit, dans les documents qu'on
a?
M. Bourbeau: Je ne sais pas à quel endroit...
M. Saulnier: À la page 143.
M. Bourbeau: À la page 143. N'est-il pas étrange
que le procureur de votre défendeur le plus solvable soit en vacances en
plein milieu du procès?
Une voix: II n'était pas inquiet.
M. Saulnier: Je crois que les personnes qui peuvent le mieux
répondre sont précisément celles qui sont nommées
là. On pourrait aussi dire qu'il y avait un autre avocat de ce
bureau-là qui suivait les dossiers.
M. Bourbeau: Quand vous avez lu cette lettre du 27
février, en tant que président du conseil, cela ne vous a pas
frappé de constater que le procureur principal de votre seul
défendeur solvable était en vacances pendant le
procès?
M. Duhaime: Est-ce qu'on pourrait lire le paragraphe, M. le
Président?
M. Bourbeau: Cela n'a pas d'importance, ma question...
M. Duhaime: Oui, oui cela a de l'importance.
M. Bourbeau: Je regrette. Je n'argumente pas sur le fond du
paragraphe, je souligne le fait que Me Beaulé était en vacances.
Je ne porte pas de jugement sur...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Dans sa
réponse, M. Saulnier peut, peut-être, faire...
M. Saulnier: Je pense que si on va à la page 145,
c'est-à-dire à la troisième page de la même lettre,
au point 3 on lit: "Le 26 février, lors de la réunion
précitée, j'ai fait part à Me Michel Jasmin et à Me
Rosaire Beaulé des demandes additionnelles en argent de la SEBJ. Lors de
l'entrevue que j'ai eue avec eux ce matin, ils m'ont informé que si je
leur donnais l'assurance que la SEBJ accepte in toto les termes d'un
règlement, ils seraient prêts à recommander à leurs
clients une augmentation de l'offre monétaire globale de 175 000 $
à 300 000 $ et j'ai compris que leurs clients respectifs paieraient ce
montant moitié-moitié." Je continue: "J'avais déjà
communiqué avec Me Desjardins le 23 février dernier et il m'avait
informé que son acceptation de la somme de 75 000 $, dettes et frais, en
règlement de l'action des assureurs était strictement contingente
au paiement à la SEBJ d'une somme ne dépassant pas 100 000 $.
À la suite des offres nouvelles de Mes Beaulé et Jasmin, j'ai
rencontré Me Guy Desjardins qui m'a assuré que dans
l'éventualité où la SEBJ accepterait un règlement
final de 200 000 $, il serait prêt à recommander à ses
clients d'accepter une somme de 100 000 $, dettes et frais." Il avait donc eu
les contacts qu'on
pouvait espérer.
M. Bourbeau: Ma question ne portait pas sur le fait que les
avocats aient proposé un montant additionnel. Ma question portait sur le
fait que, en tant que président du conseil, vous avez reçu une
lettre le 27 février, alors que le procès est encore en cours,
vous disant que, quelques jours auparavant, l'avocat principal de votre plus
gros défendeur était en vacances. Quel effet cela vous a-t-il
fait d'apprendre cela? Est-ce que cela ne vous insécurisait pas par
rapport...
M. Saulnier: Encore une fois, il est dit dans cette
lettre-là, qui est datée du 27, que la veille, le 26, ils les ont
vus.
M. Bourbeau: Oui, je comprends. Le 26, il n'était plus en
vacances, mais une semaine avant il était en vacances.
M. Saulnier: Fallait-il qu'ils les voient toutes les cinq
minutes?
M. Bourbeau: C'est donc dire qu'au moment où, le 22 ou le
23, on cherchait Me Beaulé, il était en vacances au milieu du
procès, enfin pendant le procès. Quand on poursuit quelqu'un et
que son procureur est en vacances, il me semble que le défendeur se sent
assez sûr de lui. Vous n'en tirez pas de conclusion?
M. Saulnier: Je m'excuse, M. le Président...
M. Bourbeau: Vous n'en tirez pas de conclusion? Vous n'en n'avez
pas tiré de conclusion?
M. Saulnier: Sur le fait que l'avocat soit en voyage?
M. Bourbeau: Qu'il était en vacances.
M. Saulnier: En vacances? Non, je n'en ai pas tiré de
conclusion. Il travaillait pour ses clients.
M. Bourbeau: C'est bien ce qu'on a aussi
considéré.
M. Saulnier: Alors, il faudrait poser la question à ses
clients. Les nôtres n'étaient pas en vacances.
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
très rapidement pour souligner pour quelle raison cette commission est
réunie. En fait, nous avons, depuis maintenant près de deux
heures, fait le tour de toutes sortes de questions plus ou moins pertinentes.
Je voudrais revenir à une question qui, elle, est pertinente puisqu'elle
est au fond du présumé problème qui a fait en sorte que
cette commission se réunisse.
En fait, au coeur du mandat de cette commission, nous devons
étudier le rôle qu'a principalement tenu le premier ministre dans
cette décision qu'a prise la Société d'énergie de
la Baie James et évaluer si ce rôle est conforme à ce qu'il
a déclaré à l'Assemblée nationale, le 20
février 1979. C'est, là, le problème, paraît-il.
M. Saulnier, je vais relire trois brefs paragraphes qui reprennent les
éléments de fond de la déclaration du premier ministre, du
20 février 1979. Je vais vous demander très simplement d'indiquer
à cette commission, si, selon vous, cette déclaration du premier
ministre est conforme aux faits.
Voici la déclaration du 20 février 1979 de M.
Lévesque, à l'Assemblée nationale. Il dit: "En janvier de
cette année, c'est-à-dire il y a quelques semaines, si je suis
bien informé, la Société d'énergie de la Baie James
a reçu des offres de règlement de la part de certains des
défendeurs et, ce qui est assez normal, de nouveau, elle a voulu savoir
le sentiment de celui qui vous parle là-dessus." C'est-à-dire le
premier ministre, lui-même. "Mon sentiment, dit M. Lévesque
à l'Assemblée nationale, a été très clair.
La décision appartient forcément à HydroQuébec et
à son conseil d'administration qui coiffent toute l'opération
chantier, énergie, etc, et, bien sûr, à la
Société d'énergie de la Baie James elle-même, qui
est là comme partie." Il dit donc que la décision leur
appartient. "Tout en étant bien clair là-dessus, poursuit-il, et
le demeurant encore aujourd'hui, mon sentiment - et je leur ai donné
comme ils le demandaient - est éminemment favorable à un
règlement."
Est-ce que cette déclaration de M. Lévesque, du 20
février 1979, dont on a fait grand état, vous paraît en
tout point conforme à la vérité?
M. Saulnier: Oui, M. le Président. M. Blouin:
Merci, M. Saulnier.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Saulnier, dans la
déclaration préliminaire que vous avez faite, hier soir, à
la page 5, vous dites: "Les procès-verbaux des 23 et 30 janvier ne font
pas état de ces délibérations parce que le procès
était en cours." Pourriez-vous expliciter davantage cet aspect de votre
déclaration?
M. Saulnier: Elle me paraît complète, M. le
Président. J'aimerais savoir sur quel aspect en particulier?
M. Ciaccia: Pouvez-vous expliquer pourquoi les
délibérations... Est-ce parce que vous ne vouliez pas donner de
mandat aux avocats? On remarque, dans les procès-verbaux des conseils
d'administration antérieurs - on les a ici - qu'il y a eu des
résolutions. Pourquoi cela ne faisait-il pas état des
délibérations?
M. Saulnier: Le mandat, que les avocats avaient jusqu'au 6
février, était de plaider la cause. Or, la cause était en
cour. Il n'y avait pas d'intérêt que les discussions des membres
du conseil d'administration soient au procès-verbal. C'est la
première raison. Voici la deuxième: comme cela n'a pas
débouché sur des décisions, c'était une raison
additionnelle pour ne pas les consigner au procès-verbal.
M. Ciaccia: Vous dites que les procès-verbaux n'ont pas
fait état des délibérations parce que le procès
était en cours.
M. Saulnier: La raison principale, c'est cela.
M. Ciaccia: Mais le 6 février le procès
était en cours?
M. Saulnier: Oui.
M. Ciaccia: Les procès-verbaux ont fait état des
délibérations.
M. Saulnier: Mais il y a une décision. M. Ciaccia:
Le 23...
M. Saulnier: Le 23 et le 30 il n'y a aucune décision.
M. Ciaccia: Le 30 non plus? M. Saulnier: Non.
M. Ciaccia: Vous avez dit ce matin que vous vous souvenez que le
23 tout ce qui touchait l'examen des liens de droit avec les syndicats
américains, c'était une faiblesse, que cela avait
été discuté le 23, que les avocats étaient
là que vous avez indiqué aux avocats qu'il y avait plus de
travail à faire pour la question de la partie américaine et que
le sens des questions reflétait une inquiétude profonde chez les
membres du conseil d'administration et le fait de vouloir obtenir satisfaction.
Cela s'est produit le 23 janvier. Le 26 janvier il y a eu une opinion
écrite de Geoffrion et Prud'homme adressée à Me Gadbois
qui fait référence au 24 janvier, qui est la journée
après vos délibérations, où vous avez
soulevé une série de questions et où je présume que
vous avez demandé une réponse aux avocats. On fait état
ici de ce que vous leur avez demandé. Je lis le premier paragraphe: "Le
24 janvier vous nous demandiez notre opinion sur le montant des dommages que
nous croyons être en mesure de prouver, compte tenu de nos plus
récentes informations et du déroulement de la preuve dans ce
dossier." Cela a donc du être une des questions que vous avez
posées. "Au surplus vous nous avez requis de confirmer notre opinion
à l'effet que la Société d'énergie de la Baie
James, etc, etc". Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il n'y a pas
référence dans ce document aux autres questions que soi-disant
vous avez soulevées avec les avocats?
M. Saulnier: Je n'en vois pas.
M. Ciaccia: Vous ne voyez pas de contradiction...
M. Saulnier: Non.
M. Ciaccia: ...ou une omission de la part des avocats de ne pas
avoir suivi les délibérations. Cela me porterait à voir...
Si vous me dites le 23: On a discuté et on a demandé aux avocats
telle ou telle chose et que les avocats semblent faire une liste des points
mais que celui-ci n'y est pas inclus...
Dans la même lettre ils disent: "En résumé la
réclamation totale peut se détailler comme suit: "A. Les postes
suivants sont juridiquement fondés et selon notre opinion devraient
être maintenus". Vous avez une discussion le 23, vous n'arrivez pas
à une décision, évidemment, et l'avocat répond aux
questions qui ont été soulevées sur les montants et "les
postes suivants sont juridiquement fondés et selon notre opinion
devraient être maintenus". Le paragraphe A, cela totalise 17 000 000 $.
Vos avocats vous ont dit que vous pourriez faire valoir ou prouver ces 17 000
000 $. Au paragraphe B il est dit: "Les postes de réclamation suivants,
bien que prouvables, risquent d'être rejetés". Ils n'ont pas dit
qu'ils le seraient. Il y a là 2 292 000 $. Cela fait presque un total de
20 000 000 $, 19 400 000 $ dont vos avocats vous disent: Vous pouvez prouver
ces dommages. Comment expliquez-vous cela avec la déclaration que vous
avez faite quand vous nous avez dit que, le 23 et le 30, le conseil
était déjà décidé d'aller régler pour
les 200 000 $ et on est allé voir le premier ministre juste pour... Ce
n'était même pas nécessaire. Comment justifier votre avocat
qui vous dit: Vous pouvez aller chercher 20 000 000 $ et on est
décidé de prendre 200 000 $.
Je voulais seulement attirer votre attention sur un autre aspect de
cette opinion, une autre affirmation qui dit, à la
page 26 du document qui vous a été fourni: "Dans
l'espèce, la décision de la société d'intenter la
présente poursuite n'a été prise qu'après
enquête approfondie et consultation avec ses procureurs."
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez répondre, M.
Saulnier?
M. Saulnier: Ma réponse est donnée à la fin
du même paragraphe et elle répond à une question qui avait
été posée, à savoir que tous ces
éléments ne permettaient aucunement de penser qu'un recours en
dommages et intérêts pourrait être maintenu contre la
société. C'est une affaire...
M. Ciaccia: Un instant, un instant. Je pense que...
M. Saulnier: C'est le même paragraphe, non.
M. Ciaccia: Oui, mais je pense que vous devrez vérifier la
signification de cela avec vos avocats parce que les réclamations dont
les avocats parlent, ce sont les réclamations contre la
société d'énergie.
M. Saulnier: C'est ce que je dis.
M. Ciaccia: Oui mais cela ne change pas le fait, c'est encore
pire, parce que votre avocat vous dit: Ne vous inquiétez pas des
dommages contre la société d'énergie par les
défendeurs...
M. Saulnier: C'est correct.
M. Ciaccia: ...mais vous avez une réclamation de 20 000
000 $ contre les défendeurs et on l'a prise. Avant de prendre les
procédures, c'était approfondi, justifié. Comment
pouvez-vous concilier ces déclarations de vos avocats avec vos
déclarations d'hier et aujourd'hui quand vous nous dites: Le conseil
était d'accord avant d'aller voir le premier ministre pour les 200 000
$; je ne voyais même pas d'intérêt d'aller voir le premier
ministre. Il me semble qu'il y a une...
M. Saulnier: C'est dans les réponses que j'ai
données et qui étaient toutes fondées sur les
délibérations des 23 et 30 janvier et qui portaient, elles, sur
la possibilité, premièrement, d'aller recouvrer des syndicats
locaux toute ou partie de la réclamation et, deuxièmement, de
faire un lien de droit acceptable avec le syndicat américain. Cela
portait là-dessus, c'était en réponse à une
question qui a été posée à Me Gadbois, je pense, et
qui répondait également à une question du même genre
qui a été posée, si je ne m'abuse, en novembre. Les gens
voulaient savoir exactement ce qu'on peut prouver. Je ne suis pas avocat, je le
confesse à ma courte honte, mais il y a une chose entre prouver que j'ai
eu des dommages de tant et prouver qu'un tel doit me les payer. Cela me
paraît deux choses complètement différentes.
M. Ciaccia: Non, mais je trouve l'échéancier...
J'essaie de comprendre l'échéancier. Je peux comprendre qu'au
mois de novembre, vous avez soulevé certaines questions. Mais là,
vous nous dites que le 23, vous avez eu une réunion. Tout de suite
après, le 24, je présume, si j'étais Me Gadbois, je
communique avec les avocats pour leur demander les questions qui avaient
été soulevées le 23 et vos avocats... Et il y avait deux
questions: L'opinion sur les montants des dommages...
Je trouve difficile à croire que vous aviez déjà
arrêté votre pensée à 200 000 $ le 23 et,
après cela, vous demandez aux avocats, le 24: Combien peut-on aller
chercher? On peut prouver, vos avocats vous disent 20 000 000 $. Vous savez, il
faut toujours être raisonnable. Sans être avocat, oublions qu'on
est avocat, supposons que je ne sois pas avocat, mon avocat me dit: Tu peux
aller chercher 20 000 000 $. Comment pouvez-vous demander à la
population de croire que j'avais déjà décidé
d'accepter 200 000 $? En plus de cela, l'avocat me dit, avant d'avoir
commencé les poursuites, que c'était après une
enquête approfondie et des consultations avec les procureurs. On ne parle
pas de lien de droit, rien de cela. Ce n'est même pas soulevé
à ce stade-ci. J'ai l'impression que c'est venu plus tard, mais on va y
revenir plus tard, j'ai d'autres questions à vous poser. Comment
pouviez-vous dire, hier, que vous ne voyiez pas la nécessité
d'aller voir le premier ministre, que le conseil était d'accord? Comment
pouvez-vous justifier ces deux...?
M. Saulnier: Sur la foi et le souvenir de ces deux
réunions du conseil où la question a été
fouillée de long en large, comme je le dis. Si le chef du contentieux
pose deux questions le lendemain, il ne me demande pas mon avis avant de les
poser, et c'est son droit de les poser.
M. Ciaccia: II y a plus que ces deux questions, il y a la lettre
de Me Gadbois du 24 janvier. Je peux vous la lire pour situer un peu les
questions et la situation: "Le conseil d'administration de la
société d'énergie a pris connaissance, à sa
réunion d'hier, des projets de déclarations de transactions et de
déclarations de règlement hors cour qui ont été
préparés dans le but d'une négociation possible de
règlement hors cour dans cette instance". Cela veut dire que le 23, vous
avez regardé vos projets de règlement hors cour et on a dû
dire:
200 000 $ ou 175 000 $, dans cet ordre-là.
Le conseil, sans se prononcer sur la proposition de règlement
hors cour, demande d'apporter certaines modifications au document. Alors, il y
a certaines modifications aux termes du document, mais, évidemment,
quelqu'un a dû soulever la question: Ce montant de 200 000 $, c'est
dérisoire, demandons à nos avocats combien on peut aller
chercher. Il n'y a pas d'autre explication pour cette lettre que les avocats
vous écrivent et ce qu'ils vous disent catégoriquement. J'ai
rarement lu des opinions d'avocats qui sont assez claires. Des fois, ils se
donnent des petites portes de sortie ici et là, mais, ici, il n'y a pas
de porte de sortie. C'est pas mal un engagement ferme de leur part. Il est vrai
que c'est une opinion, mais c'est une opinion ferme. Ils vous disent
qu'à la suite des questions que vous avez posées: vous pouvez
aller chercher 20 000 000 $. Quand on a commencé notre cause,
c'était approfondi. Cela veut dire que le 23, ce n'est pas tout à
fait compris qu'ils étaient tous d'accord sur les 200 000 $; autrement,
s'ils avaient été d'accord sur les 200 000 $, pourquoi
auraient-ils demandé d'aller chercher les montants? Il a dû y
avoir une discussion assez longue, des doutes et pas de décision.
M. Saulnier: M. le Président, cela s'explique de la
façon que j'ai déjà indiquée, mais on me mentionne
un autre document que les membres du conseil ont reçu, qui est
daté du 11 décembre et qui provient du même bureau
d'avocats, dans lequel on nous donne une opinion sur la solvabilité des
défendeurs, également sur la capacité de payer de
l'International Union of Operating Engineers. On dit: On a requis un avis de
nos correspondants américains, à savoir que... Bon, le doute
continue.
M. Ciaccia: Je suis heureux que vous vous référiez
à ces avis, parce qu'ils confirment encore que c'était une bonne
cause...
M. Saulnier: Je ne suis pas du même avis.
M. Ciaccia: Lisez l'avis du 11 décembre et celui du 5 et,
basé sur cet avis...
M. Laplante: M. le Président, c'est que...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Mont-Royal, M. le député de Bourassa a
une question de règlement.
M. Laplante: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Une question de
règlement, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: En même temps, j'ai une demande de directive,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): D'accord: Parfait!
M. Laplante: On a actuellement le témoin, M.
Saulnier...
Le Président (M. Jolivet): Un invité.
M. Laplante: ...un invité qui a prêté
serment, hier, avant de comparaître. Le député de Laporte a
posé toutes les questions, jusqu'à maintenant, que le
député de Mont-Royal a posées. Visiblement, M. le
Président, tout cela vise à essayer de mettre l'invité en
boîte. Je demande, par respect pour cette commission, étant
donné que l'invité a fait son serment, si les réponses
qu'il a données aux questions du député de Mont-Royal ne
devraient pas être prises en considération. Encore une fois -
c'est de là que vient la directive que je vous demande -le
dédoublement des questions est pour essayer de placer un témoin
qui a prêté serment en contradiction, pour essayer de trouver une
nuance avec d'autres mots; cela n'en finit plus. C'est le supplice fait
à ces invités dont on se plaint jusqu'à aujourd'hui. Cela
ne fait pas sérieux dans une commission. Cela fait cour, comme je l'ai
déjà dit. Vous ne pouvez pas non plus jouer le rôle de sa
seigneurie. C'est cette directive que je vous demande pour protéger ces
témoins. Ils n'ont pas l'habitude d'une commission parlementaire. On dit
qu'on invente des règles nouvelles ici, mais j'ai très peur pour
l'avenir de ces commissions, parce que dans cette commission vous êtes en
train d'établir des règles qu'on n'a jamais vues dans des
commissions parlementaires. J'ai peur que cela fasse jurisprudence pour
l'avenir et je me demande comment on pourra fonctionner dans les commissions
parlementaires à venir, M. le Président. C'est cela qui
est...
M. Lalonde: C'est une question de directive.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est une question de directive. Je ne me souviens
pas d'avoir entendu hier le député de Bourassa exprimer les
mêmes objections lorsque le ministre a contre-interrogé - je dis
bien contre-interrogé - M. Giroux...
M. Laplante: Référez au journal des Débats,
vous verrez ce que le ministre a dit, M. le député.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
de Bourassa.
M. Laplante: C'est un manque d'honnêteté
intellectuelle que vous avez actuellement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'exprimais simplement le regret que le
député de Bourassa n'ait pas exprimé ces mêmes
objections hier quand le ministre interrogeait M. Giroux, parce que, depuis le
début de cette commission, cela a été admis comme
étant conforme au règlement et à la loi que des questions
puissent être posées pour rafraîchir la mémoire des
témoins pour obtenir des explications sur des contradictions apparentes,
des contradictions qui apparaissent comme telles dans l'esprit de l'un ou
l'autre des membres de cette commission. Il me semble que le
député de Mont-Royal fait preuve d'une grande modération,
d'une grande courtoisie, d'une grande articulation dans ses questions à
M. Saulnier. Je ne pense pas, M. le Président, qu'il s'agisse
actuellement d'un supplice, comme le disait le député de
Bourassa.
Une voix: ...celui d'entendre les réponses.
M. Lalonde: S'il n'aime pas les réponses, c'est une autre
chose. Il pourra poser les questions lui-même.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la question
de règlement ou de directive.
M. Duhaime: Oui, pour deux raisons. D'abord, l'intervention du
député de Marguerite-Bourgeoys me met en cause et
également le journal La Presse du mercredi 20 avril 1983. Le chef de
l'Opposition, hier, en Chambre, alors que j'étais absent, m'a fait des
reproches. Je peux vous dire que le chef de l'Opposition aura sa réponse
aussitôt que les travaux de la Chambre reprendront cet après-midi,
parce que j'y serai. Je n'ai pas harcelé M. Giroux, hier, je lui ai
même demandé à la fin s'il s'était senti
harcelé; il m'a répondu que non. Je ne l'ai pas
contre-interrogé non plus, mais je l'ai mis en contradiction, cependant,
avec l'affirmation catégorique qu'il avait faite devant cette commission
- je vais sortir la transcription -disant que...
M. Lalonde: C'est sur la question de règlement, il ne
s'agit pas de revenir sur ce qui...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vais terminer sur ma question de règlement.
Vous aurez votre tour.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Lalonde: Non, le ministre...
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.
M. Laplante: Article 96.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa, je suis capable de...
M. Duhaime: Je suis moi-même sur une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais avant que je puisse
vous le permettre, je vais d'abord commencer par calmer les esprits. La
première des choses est d'entendre la question de règlement. Vous
savez très bien qu'en commission parlementaire il n'y a pas de question
de privilège et, en conséquence, je ne voudrais pas que la
question de règlement ait pour but, de façon
détournée, de faire une question de privilège. C'est
seulement dans ce but que je voulais intervenir.
M. le ministre, vous pouvez continuer sur votre question de
règlement. (12 h 30)
M. Duhaime: II ne s'agit pas d'un contre-interrogatoire que j'ai
conduit hier parce que j'ai l'habitude de ce genre de contre-interrogatoire et
ce n'est pas comme cela que je m'y prends.
Ce que j'ai dit c'est que M. Giroux a affirmé, et c'est à
la page R/527 du journal des Débats, et je cite: "le gouvernement n'est
jamais intervenu...
Le Président (M. Jolivet): ...M. le ministre, M. le
ministre...
M. Duhaime: ...quand j'ai été président
d'Hydro-Québec...
Le Président (M. Jolivet): ...M. le ministre, j'ai une
question de règlement à ma gauche. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Duhaime: Je suis moi-même sur la question de
règlement.
M. Lalonde: La question qu'attaque le ministre actuellement n'est
pas une question de règlement. Il veut simplement répéter
ce qu'il a dit hier. Il nous a annoncé qu'il aura une question de
privilège à faire, ou enfin
une intervention en Chambre, et ce sera conforme aux règlements
à ce moment. Ce qu'il s'agit de décider, M. le Président,
c'est si le député de Mont-Royal a la parole et s'il peut
continuer de poser ses questions.
Le Président (M. Jolivet): J'ai cru comprendre de la part
du député de Chambly qu'il se posait comme question pourquoi
j'avais accordé une deuxième question de règlement. C'est
qu'une question de règlement n'est pas une question de privilège.
Une question de privilège a préséance, mais une question
de règlement, si quelqu'un croit que la personne n'est pas conforme au
règlement, elle peut le porter à tout effet. En
conséquence, il était logique que je donne la parole au
député de Marguerite-Bourgeoys puisqu'il posait une question de
règlement sur le fait que le ministre n'observait pas le
règlement, comme il vient de le souligner.
M. Lalonde: C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): En conséquence, je donne
la parole au député de...
M. Duhaime: Est-ce que je pourrais terminer ma question de
règlement?
Le Président (M. Jolivet): Si c'est une question de
règlement, d'accord. Mais si ce n'est pas une question de
règlement, je vais donner la parole au député de
Mont-Royal.
M. Duhaime: Oui. Je voudrais dire que mon collègue de
Bourassa a tout à fait raison d'attirer votre attention et
également l'attention de tous les membres de cette commission
parlementaire. Je l'ai dit au début, je n'ai aucune espèce
d'objection à des questions pertinentes. Mais à des questions
à répétition, à répétition et
à répétition... Si vous voulez que je vous relise le
commentaire de Marcel Adam dans la Presse de samedi dernier, je peux le faire.
Mais je demanderais, pour la bonne santé de nos institutions
parlementaires, qu'on s'en tienne à des choses pertinentes. M. Saulnier
est avec nous depuis 10 heures ce matin et il est 12 h 32. Il a fait
déjà 45 minutes hier. Je n'ai pas l'impression d'avoir
posé beaucoup de questions ce matin, mes collègues de ce
côté-ci non plus. L'Opposition pose des questions les unes par
dessus les autres, à répétition...
M. Lalonde: ...en long, en large et en profondeur.
M. Duhaime: ...sur des mêmes faits, continuellement. J'ai
comme l'impression que le test que j'ai indiqué hier est en deux
colonnes. Je puis dire que ce matin, si j'ai à évaluer la
façon de procéder en autres du député de Mont-Royal
qui reprend systématiquement les mêmes questions, on n'a rien
appris de neuf ici ce matin.
Je le regrette, parce qu'avec chaque journée qui passe nous
dépensons 15 000 $.
Le Président (M. Jolivet): J'aimerais...
M. Lalonde: ...M. le Président, je voudrais quand
même soulever la question de règlement...
Le Président (M. Jolivet): ...avant que vous fassiez une
question de règlement sur quelque chose d'autre, j'ai à donner
une réponse à la question du député de Bourassa,
qui était une question de directive au départ et qui est devenue
en cours de route une question de règlement de part et d'autre. Je dois
vous dire que je répéterai toujours la même chose: II n'est
pas question que la commission fasse jurisprudence de quelque façon que
ce soit.
J'ai fait mention aussi au début de deux séances que
l'Assemblée nationale a actuellement à se prononcer sur des
projets qui sont en sous-commission de l'Assemblée nationale pour le
moment, et qui comportent de nouvelles formes de commissions parlementaires
avec des règlements qui vont être beaucoup plus à point que
les règlements que nous possédons actuellement. Je crois que
cette commission va certainement servir de part et d'autre de
l'Assemblée nationale à bien délimiter les pouvoirs qu'une
commission parlementaire aura dans l'avenir dans des formes différentes
de celles qu'on lui connaît actuellement.
Il y a une deuxième chose que je voudrais rappeler aussi. C'est
que la commission parlementaire que nous avons n'est instituée ni en
vertu de l'article 68 ni en vertu de l'article 80 du règlement actuel.
En conséquence, les règles qui nous régissent sont les
règles de la commission parlementaire habituelle, puisque c'est une
commission parlementaire élue permanente. En deuxième lieu, j'ai
essayé autant que faire se peut de faire, par analogie, l'application de
l'article 168 du règlement. Je vous ai même averti au début
de la séance de la semaine dernière, c'est-à-dire mercredi
dernier, que je pouvais vous donner le pouvoir d'intervenir en invoquant le
règlement si vous jugiez que l'intervenant qui posait les questions
abusait de ses droits de parlementaire.
Je vais donc rappeler au député de Mont-Royal, à la
suite de la demande qui m'est faite, les mêmes recommandations,
c'est-à-dire d'éviter que des questions soient basées sur
des hypothèses, des suggestions, des opinions; en même temps, je
veux rappeler aux autres membres de cette
commission que je ne peux en aucune façon interdire quelque
question que ce soit même si elle est répétitive en tenant
compte du fait que les gens qui nous écoutent et que les gens qui sont
questionnés - les gens qui sont ici autour de cette table - sauront
tirer les conclusions que je n'ai, moi-même, nullement à tirer
comme président. Mais soyez assurés d'une chose, c'est que je
vais essayer de faire en sorte que la commission puisse continuer comme elle
s'est déroulée depuis quelques jours, de façon à
éviter que l'on abuse de nos droits de parlementaires.
M. Laplante: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Lalonde: J'avais demandé la parole.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant.
M. Laplante: Sur la directive que vous venez de donner.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, sur la même
question, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Oui. C'est que je voudrais que ce soit très
clair pour les autres commissions à venir. Je voudrais que vous
déclariez, de façon très claire, que cette commission ne
fera pas jurisprudence; que tout ce qui s'est fait comme comportements ne soit
pas considéré comme une jurisprudence pour les prochaines
commissions. Cela est très important pour l'avenir, ce que je vous
demande là.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur cette question.
Le Président (M. Jolivet): Sur la même question.
M. Lalonde: Je ne sais pas ce qui inspire la peur du
député de Bourassa. On sait très bien que chacun des
gestes que nous posons apporte des conséquences. Il n'y a aucun doute
que c'est dans cet esprit que nous faisons notre travail actuellement. Nous
tentons de le faire conformément aux déclarations du premier
ministre qui nous a demandé de faire cela en long, en large et en
profondeur.
Et en ce qui concerne la jurisprudence, M. le Président, il n'y a
aucun doute - et je suis parfaitement d'accord avec vous - qu'il ne s'agit pas
de prendre cette commission comme exemple, mais comme expérience
-puisqu'il semble que ce soit la première fois que cela se produise -
pour en tirer les leçons les plus favorables à l'institution
parlementaire. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que les membres du Parti
libéral, à cette commission, ont fait preuve d'une grande
modération, tout en tentant de remplir le mandat qui, lui, est
très large, selon la volonté du gouvernement et du premier
ministre. Alors, je vous demanderais aussi de reconnaître que M. Saulnier
- à la différence, par exemple, d'un simple membre du conseil
d'administration - est président du conseil d'administration. À
ce titre, il a des obligations différentes, comme par exemple
d'être le lien entre le gouvernement et la société, comme
cela a été affirmé tout à l'heure. Il a fait des
déclarations et a émis des opinions qui ont une grande
conséquence sur le déroulement de la commission et sur son
mandat. Alors, il me semble qu'on doive laisser aux députés tout
le loisir de poser des questions. Si M. Saulnier croit que, à cause du
temps qu'il passera ici, à cause du fait qu'il est là depuis deux
heures, on doive suspendre pendant quelques minutes, on doive attendre plus
tard pour continuer, nous sommes parfaitement d'accord pour considérer
cela, M. le Président. Nous allons d'emblée suivre vos directives
à cet égard. Nous voulons tout simplement que toutes les
questions pertinentes soient posées. Je répète que nous ne
sommes pas du tout, pas du tout intimidés par les tests du ministre. Il
fera tous les tests qu'il voudra. Nous avons l'engagement du premier ministre
que cette commission aura tout le loisir de remplir son mandat.
Le Président (M. Jolivet): Sur cette question, M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Je voudrais uniquement rappeler au leader de
l'Opposition - et je crois que c'est une mise en garde qui est facile à
comprendre - qu'à chaque fois que les députés de
l'Opposition ouvrent la bouche inutilement, cela coûte 0,50 $ par seconde
aux contribuables.
M. Lalonde: Bon, alors cela vient de nous coûter 5 $, M. le
Président.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je veux
tout simplement rappeler que, comme président - j'en ait fait,
dès le départ, mention, je l'ai aussi répété
à plusieurs occasions - je ne pense pas que la commission ait pour but
de créer quelque jurisprudence que ce soit. Je pense que cela a
été bien clair de ma part. J'essaie, du mieux que je peux - comme
peut-être d'autres personnes qui sont ici présentes - de marcher
sur des oeufs sans les écraser. Mais une chose est certaine, cela a bien
fonctionné depuis quelques jours, et j'espère
que cela va continuer comme cela. M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas voulu en faire
une question de règlement, mais je voudrais préciser quelque
chose pour mes questions qui vont venir dans le cours des travaux de cette
commission parlementaire. Je ne pense pas que je vais me laisser dire par des
membres du gouvernement les questions que je dois poser, et les questions que
je ne dois pas poser. Si je pose une question qui va à l'encontre du
règlement, le Président se fera un devoir de me ramener à
l'ordre. J'ai remarqué une chose, par exemple. Que chaque fois que les
membres du gouvernement...
Le Président (M. Jolivet): Je ne veux pas être
désagréable...
Une voix: II a droit de parole.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je sais qu'il a droit de
parole, je ne veux pas le lui enlever. Je veux vous demander si vous continuez
sur la même question de règlement ou si on pourrait passer
à M. Saulnier pour aider, parce que je pense que chacun a
exprimé...
M. Ciaccia: Je voudrais utiliser mon droit de parole pour
préciser certains points. Il va falloir que je revienne aux questions
que j'ai posées parce que j'ai été interrompu par les
membres du gouvernement. J'ai remarqué que chaque fois que les membres
du gouvernement sentent qu'ils n'aimeraient peut-être pas les
réponses aux questions que je pose, ils m'interrompent sur des questions
de règlement. Cela est clair, ce n'est pas la première fois que
cela arrive. Cela donne la chance... C'est une tactique que le ministre de
l'Énergie et des Ressources connaît bien. Cela donne la chance aux
invités de réfléchir, penser aux questions,
regarder...
Une voix: C'est une bonne tactique.
M. Ciaccia: C'est une bonne tactique, mais ne nous faites pas
croire que vous êtes soucieux des dépenses de la commission
parlementaire. Si vous êtes tellement soucieux, vous n'auriez pas
voté une augmentation de salaire pour les députés.
M. Blouin: On a coupé le régime de retraite, et
cela rapporte 3 000 000 $ par année aux contribuables.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député de Mont-Royal, je pense que je
vais devoir vous arrêter, parce que vous outrepassez le petit pouvoir que
j'avais de vous donner le droit de parole. S'il vous plaît, poursuivez
vos questions avec M. Saulnier.
M. Ciaccia: Je vais recommencer, M. le Président, et
chaque fois que vous allez m'interrompre, cela prendra plus de temps. Il faudra
que je récapitule mes questions pour garder le fil de mes questions afin
que les réponses se suivent. Je veux bien croire et je ne mets pas en
doute les réponses de qui que ce soit, l'honnêteté des
témoins, mais nous ne sommes pas pour prendre une déclaration
préliminaire et l'accepter telle quelle, si cela soulève des
questions. Dans mon esprit, cela soulève des questions, parce que cette
déclaration préliminaire de M. Saulnier semble avoir une
interprétation complètement différente de ce que tous les
autres administrateurs sont venus nous dire. La seule chose que j'essaie
d'obtenir de M. Saulnier, c'est des précisions sur sa
déclaration.
M. Saulnier: Soyez bien à l'aise.
M. Ciaccia: Je le suis, ne vous inquiétez pas. Je veux que
vous aussi soyez à l'aise. J'avais donc commencé avec la
réunion du 23; les décisions qui n'étaient pas prises
à la réunion du 23, les questions qui avaient été
soulevées à la réunion du 23. Ces questions semblent... On
les avaient exprimées. C'est une question qui a été
soulevée dans une lettre envoyée par Me Gadbois à
Geoffrion et Prud'homme relativement à certains problèmes qui
avaient été soulevés concernant les dommages possibles et
la récupération. Dans l'opinion du 26 janvier, on vous a dit
qu'il s'agissait de 20 000 000 $. Les procédures avaient
été instituées après que le dossier ait
été très approfondi. Vous m'avez cité une opinion
du 11 décembre 1978, je pense même du 5 janvier et je vous dis
que, selon moi, la lettre du 26 de vos procureurs est dans la même ligne
de pensée que l'opinion assez claire du 11 décembre et du 5
janvier. Je vais vous citer une conclusion de l'opinion du 5 janvier. C'est
à la page 30 du document. L'opinion se lit comme suit: "Nous avons
reçu une opinion de nos correspondants américains, MM. Alarby,
Clark et Paul, sur la reconnaissance, en vertu de la loi américaine, des
jugements prononcés à l'étranger. Ils nous confirment
qu'un jugement, rendu dans la province de Québec, n'est pas
automatiquement exécutoire aux États-Unis mais qu'il peut,
cependant, fonder avec succès une action intentée là-bas.
Le droit américain fait montre de générosité
à l'égard des jugements étrangers, de telle sorte que, si
certains prérequis existent, le défendeur à l'action
intentée aux États-Unis, sur la foi du jugement étranger,
ne peut plus rouvrir le débat à son mérite. Nous ne
pouvons mieux faire que de vous référer à l'affaire Hilton
versus Guyot, que nos
correspondants considèrent comme faisant jurisprudence aux
États-Unis."
Ils vous disent cela et plus tard, ils concluent: "Nous savons, de
façon certaine, que, peu avant les événements de mars 1974
et peu après, l'International Union of Operating Engineers, dont les
bureaux pour le Canada sont situés à Toronto, s'est
intéressée aux activités du local 791. Elle ne peut
choisir d'exercer certains pouvoirs que lui donne sa constitution et se cacher
derrière elle, lorsque sa responsabilité est engagée."
La question que je vous ai posée était celle d'essayer de
me justifier votre affirmation d'hier, en ce sens que vous ne voyiez pas
l'intérêt d'aller voir le premier ministre, que le conseil
était d'accord, avant le 1er février. Cela semble être en
contradiction avec ce qui s'est produit, spécifiquement l'opinion du 26
janvier... Les faits... Je ne vous parle même pas de l'opinion; l'opinion
est catégorique. Mais je vous parle des faits qui disent que vous pouvez
récupérer 20 000 000 $. Comment conciliez-vous votre affirmation
avec les faits?
M. Sauinier: Je donne la même réponse,
peut-être pas avec les mêmes mots, que j'ai donnée à
une question sur le même sujet, soit hier ou ce matin. Ma lecture des
opinions juridiques des dates mentionnées, soit les 11 décembre
et 5 janvier, ne m'amène pas, personnellement, à la conclusion
qu'on a une bonne cause, mais plutôt à un doute très fort,
pour ne pas dire que j'estimais qu'elle était plutôt faible.
En joignant maintenant, à cette question, une question relative
à la lettre reçue, par les procureurs de la
société, en réponse à la lettre de Me Gadbois, du
24 janvier, je pense qu'il n'y a pas, là, de mystère. Nous
sommes, le conseil d'administration de la SEBJ - nous sommes au mois de janvier
- devant les tribunaux avec une cause de 32 000 000 $. Eh bien! il y a des
membres qui se demandent si le montant des 32 000 000 $ est bien fondé.
Y a-t-il moyen de revoir cela, avec quatre ans de recul, pour nous dire si
c'est encore 32 000 000 $? Il y répond: Non, c'est 20 000 000 $ qu'on
peut prouver, mais cela ne veut pas dire qu'on peut les
récupérer. C'est une autre affaire. Dans les opinions qu'il y a
là, il n'est pas clair qu'on puisse les récupérer. C'est
le moins qu'on puisse dire.
M. Ciaccia: M. Saulnier, je ne vous demande pas votre opinion des
opinions juridiques. Aujourd'hui, vous pouvez venir nous dire que vous ne
croyez pas en vos avocats. C'est votre droit. Comme président du conseil
d'administration d'Hydro-Québec, vous pouvez venir nous dire que votre
opinion est meilleure que celle de vos avocats. C'est votre droit, je ne pose
pas de question sur ce droit. Comme président...
M. Saulnier: Je m'autorise de l'article 168.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: ...du conseil d'administration, vous avez droit
à vos opinions et c'est cela que vous nous dites. Mais ce sur quoi je
veux parler, c'est sur les faits. Vous nous avez relaté un fait, hier,
soit que le 23 et le 30 - je vais même vous citer - "cependant, le
souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier que les
administrateurs favorisaient suffisamment le règlement..." Vous nous
dites qu'on avait décidé de régler, que les 200 000 $,
c'était acceptable et que ce n'était pas nécessaire
d'aller voir le premier ministre. Je ne peux pas concilier ce fait - ce n'est
pas une opinion - que vous nous avez affirmé avec le fait - non pas
l'opinion - que quelqu'un ait dit: Écoutez, on va aller voir quel est le
montant des dommages.
Il me semble que si j'acceptais 200 000 $ je n'irais pas demander quel
est le montant des dommages. C'est seulement sur les faits qu'il me semble y
avoir une petite contradiction. Ils se sont fait dire qu'ils avaient une bonne
cause pour 20 000 000 $ mais ils ne se sont même pas fait dire qu'il ne
faudrait pas aller la récupérer à ce moment.
M. Saulnier: M. le Président, encore une fois, la
dernière partie des propos du député de Mont-Royal indique
que les opinions juridiques concernant et la solvabilité et le lien de
droit sont définitives, complètes et claires.
M. Ciaccia: Non, non. Excusez, je vais vous interrompre ce n'est
pas du tout ce que je dis.
M. Saulnier: Je redis donc qu'il y avait des doutes.
M. Ciaccia: Ce que je dis, c'est que je trouve difficile à
concilier votre position que les gens étaient décidés de
prendre 200 000 $ avec le fait qu'ils ont des demandes à savoir combien
on peut aller chercher.
M. Saulnier: Je pense qu'il y a moyen de la concilier en relisant
le texte de ce que j'ai dit. Page cinq, deuxième phrase: "Le souvenir
que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier est que les
administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour
m'inciter à demander qu'on vote
sur le principe ou sur la proposition de règlement à cette
même séance". Je n'ai pas dit qu'ils voulaient un règlement
hors cour, mais que cela m'incitait à faire un tour de table, ne pas
aller plus loin que cela. Encore aujourd'hui, c'est le sentiment que j'ai. Il
me revient également une phrase d'un membre du conseil que je pourrais
citer si on me le demandait.
M. Ciaccia: Allez-y.
M. Saulnier: M. Giroux, au moment où il a fait sa
proposition sur un ton tout à fait détendu, a fait la
réflexion suivante devant tous ses collègues: "C'est drôle,
quand on a entrepris cette poursuite, ils nous ont dit que c'était bien
bon; maintenant, ils nous disent que cela ne vaut rien." Je vous rapporte ce
qu'il a dit.
M. Ciaccia: C'était une bonne réflexion, M.
Saulnier. Je me pose la même question.
M. Saulnier: C'est lui qui l'a demandé.
M. Ciaccia: Je me pose la même question. C'est ce qu'on
essaie de trouver. Comment se fait-il qu'un...
M. Saulnier: Bien, il faudra poser la question à ceux qui
peuvent y répondre.
M. Ciaccia: Oui. Qui était présent à la
réunion du 30?
M. Saulnier: Je crois que je l'ai dit, monsieur, je ne sais pas
si je l'ai dit.
M. Lalonde: Vous l'avez ici, à la page 4.
M. Ciaccia: Du 30 janvier. C'est bien, je l'ai devant moi. Qui
était pour et qui était contre le règlement?
M. Saulnier: Le 30? M. Ciaccia: Oui.
M. Saulnier: II n'y a pas eu de vote. C'est pour cela que j'ai
prié le président de revenir à mes remarques. J'ai dit
qu'il m'apparaissait suffisamment informé, à toutes fins utiles,
pour indiquer que j'allais demander un vote et, comme je l'ai dit hier, c'est
généralement un tour de table...
M. Ciaccia: C'était...
M. Saulnier: ...et avant de faire le tour de table, M. Giroux a
fait sa proposition.
M. Ciaccia: Est-ce que quelqu'un lui a répondu?
M. Saulnier: Comment?
M. Ciaccia: Est-ce que quelqu'un lui a répondu sur
l'opinion qu'il a exprimée?
M. Saulnier: Non, il...
M. Ciaccia: Sur l'observation qu'il a faite?
M. Saulnier: II n'y a eu aucun commentaire là-dessus,
à mon souvenir. Je pense que je peux affirmer avec force qu'il n'y a eu
aucun commentaire là-dessus, mais c'eût été fort
difficile pour la plupart des membres du conseil parce qu'ils n'étaient
pas là au début.
M. Ciaccia: Et la proposition que vous aviez le 30 janvier, de
quel montant était-elle?
M. Saulnier: 125 000 $, est-ce que cela se peut? Je vous donne
cela sous réserve.
M. Ciaccia: 125 000 $?
M. Saulnier: Je pense que c'est cela, oui.
M. Ciaccia: Vous nous dites qu'après la lettre du 26
janvier de vos avocats qui vous font un résumé de votre
réclamation, qui vous disent que vous pouvez aller chercher 19 000 000
$, qui vous disent que, dans l'espèce, la décision de la
société d'intenter la présente poursuite n'a
été prise qu'après enquête approfondie et
consultation avec ses procureurs, les membres du conseil d'administration
étaient prêts à régler pour 125 000 $. C'est ce que
vous nous dites?
M. Saulnier: Je dis ce que j'ai dit. Je l'ai écrit.
M. Ciaccia: Alors, vous l'avez écrit? M. Saulnier:
Rien d'autre que cela.
M. Ciaccia: Alors, vous confirmez par écrit que 125 000
$...
M. Saulnier: J'estimais que le conseil me paraissait suffisamment
prêt pour donner une indication que je m'apprêtais à
demander un vote. C'est ce que j'ai dit et que je répète.
M. Ciaccia: Ce qui m'étonne un peu là-dessus, je ne
mets pas en doute vos affirmations, c'est que vous êtes le premier membre
du conseil d'administration qui vient nous dire que, le 30 janvier, le conseil
était prêt à accepter 125 000 $. Tous les autres...
Une voix: ...question a été posée.
M. Saulnier: Je ne le sais pas.
M. Ciaccia: Alors vous ne m'en voudriez pas si je vous pose des
questions là-dessus et si j'ai certains doutes dans mon esprit...
M. Saulnier: Absolument pas, M. le Président, absolument
pas! Si la commission veut poser des questions à d'autres qui ont
déjà témoigné, je n'ai aucune espèce
d'objection.
M. Ciaccia: 125 000 $, il me semble que...
M. Saulnier: C'est ridicule.
M. Ciaccia: Plus que cela, c'est tellement ridicule que personne
ne l'oublierait. Pourquoi les autres membres du conseil ne se sont-ils pas
souvenus qu'ils avaient accepté 125 000 $ le 30 janvier?
M. Saulnier: II faudrait leur demander, je ne le sais pas.
M. Ciaccia: Dans la lettre du 26 de Geoffrion et Prud'homme, il
ne fut pas question de lien de responsabilité et, même, la lettre
de Me Gadbois le 19 février, qui vient beaucoup après, ne
référait pas à la cause qui a été
soulevée par les avocats de Geoffrion et Prud'homme, qui ont cité
le Norris-La Guardia Act. Est-ce que c'est possible que la question de lien de
responsabilité soit venue beaucoup plus tard en termes d'information au
conseil d'administration? J'essaie de vous faire souvenir un peu.
M. Saulnier: M. le Président, sans aller au document, je
n'ai aucune hésitation à dire que c'est venu très
rapidement. C'est là-dessus que le premier doute...
M. Ciaccia: Cela a été soulevé le...
M. Saulnier: ...s'est soulevé...
M. Ciaccia: Oui.
M. Saulnier: C'est sur le lien de droit.
M. Ciaccia: Cela a été soulevé le 27
novembre par M. Laferrière...
M. Saulnier: Cela, je ne saurais le dire, mais il y a l'avis du
5...
M. Ciaccia: ...qui avait rencontré Me Yves Gauthier...
M. Saulnier: Ah! cela.
M. Ciaccia: ...le 3 novembre 1978 et que cet argument
s'était trouvé dans la défense préparée par
Me Rosaire Beaulé le 28 novembre, mais cela n'a jamais été
contenu dans un avis de vos avocats avant le 19 février. Même le
26, lorsque vous avez soulevé toutes ces questions, ils n'ont même
pas référé dans cette lettre au fait qu'ils examinaient le
lien de responsabilité. Ils ont dit: Vous avez 19 000 000 $ que vous
allez chercher et vous avez une bonne cause. On a bien étudié
cela. Malgré cela, le conseil d'administration a dit: On règle
pour 125 000 $. Vous nous affirmez cela le 30 janvier.
M. Saulnier: Je n'ai pas affirmé cela, M. le
Président. Je proteste. Je n'ai pas affirmé cela, j'ai
affirmé ce que j'ai dit.
M. Ciaccia: Vous l'avez écrit?
M. Saulnier: Je l'ai écrit pour être bien
prudent.
M. Ciaccia: Bien, affirmé ou écrit, c'est bien.
Une voix: Affirmé par écrit ou oralement.
M. Ciaccia: Alors, vous l'avez affirmé par écrit
plutôt qu'oralement.
M. Saulnier: M. le Président, je ne sais pas s'il
m'appartient de protester.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez le droit.
M. Saulnier: Je proteste. Ce n'est pas cela qui est
écrit.
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais continuer pour une autre
minute...
Le Président (M. Jolivet): Donc, à ce
moment-là, si vous avez plus qu'une minute, on va suspendre nos travaux
jusqu'à la fin de la période des questions. Suspension.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise de la séance à 16 h 35)
Le Président (M. Jolivet): Le commission de
l'énergie et des ressources est à nouveau réunie afin
d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James
de régler hors cour la poursuite civile intentée à la
suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974, et plus
spécifiquement le rôle du premier ministre et de son bureau
à cet égard.
Les membres de cette commission sont
M. Bordeleau (Abitibi-Est); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Duhaime
(Saint-Maurice); M. Bourbeau (Laporte); M. Laplante (Bourassa); M. Gratton
(Gatineau); M. Lavigne (Beauharnois); M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet); M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Tremblay (Chambly); M. Rodrigue
(Vimont).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue); M. Desbiens (Dubuc); M. Dussault
(Châteauguay); M. Blouin (Rousseau); M. Paradis (Brome-Missisquoi); M.
Pagé (Portneuf); M. Doyon (Louis-Hébert); M. Saintonge
(Laprairie). M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet) est toujours le rapporteur de cette commission.
Au moment où nous nous sommes quittés à l'heure du
dîner, M. Lucien Saulnier, à qui je demande de revenir s'asseoir
à nouveau ici à l'avant, était la personne invitée
à répondre aux questions des parlementaires. La parole
était au député de Mont-Royal. M. le député
de Mont-Royal, si vous voulez bien commencer.
M. Ciaccia: M. Saulnier, vous avez informé la commission
parlementaire que lors de la réunion du 23 janvier, vous aviez
discuté d'un règlement hors cour, et qu'il y avait une
déclaration de règlement hors cour distribuée ou
discutée parmi les membres du conseil. Qui avait préparé
ce projet de règlement hors cour?
M. Saulnier: II est venu par les voies habituelles, à
savoir par le président-directeur général et à
partir de documents préparés par le contentieux et,
évidemment, également par les procureurs au dossier.
M. Ciaccia: Les documents préparés par...
M. Saulnier: Le contentieux et les procureurs au dossier.
M. Ciaccia: Est-ce que vous saviez à ce moment que le
projet de règlement hors cour avait été
préparé sous l'autorisation ou les instructions de M.
Laliberté, qu'il avait été préparé par le
bureau de Geoffrion et Prud'homme, qu'il avait été envoyé
au bureau des défendeurs et que c'était sensiblement le document
qui parvenait des défendeurs? Mais c'était un document
préparé par Geoffrion et Prud'homme sur les instructions de M.
Laliberté.
M. Saulnier: La question, M. le Président, c'est quoi?
M. Ciaccia: Est-ce que vous saviez que M. Laliberté avait
demandé aux procureurs de la SEBJ, Geoffrion et Prud'homme, de
préparer un règlement hors cour?
M. Saulnier: À mon souvenir, non.
M. Ciaccia: Alors, le document qui était devant vous, vous
présumiez qu'il venait des avocats des défendeurs, je
suppose?
M. Saulnier: Non, je ne tirais pas nécessairement cette
conclusion. Pas dans mon cas, toujours.
M. Ciaccia: D'où pensiez-vous qu'il venait, s'il ne venait
pas de Geoffrion et Prud'homme, sur les instructions de M. Laliberté?
S'il ne venait pas des procureurs des défendeurs, d'où venait-il?
Du bureau du premier ministre?
M. Saulnier: Je pense que j'ai dit qu'il venait des procureurs de
la société. Il venait des procureurs de la société,
je pense avoir dit cela.
M. Ciaccia: Mais vous ne saviez pas que c'étaient eux qui
l'avaient préparé?
M. Saulnier: Comme il venait de là et qu'il était
acheminé par les voies régulières, je n'avais pas de
raison de croire que d'autres l'avaient préparé.
M. Ciaccia: J'ai de la difficulté quelquefois à
avoir des réponses. C'est pour cela que... Je ne voudrais pas que les
membres du gouvernement m'accusent de répéter les questions. La
raison pour laquelle je répète la question, c'est parce que la
réponse ne me semble pas claire.
Vous m'avez dit tantôt que vous n'étiez pas au courant que
M. Laliberté avait demandé aux procureurs de la SEBJ de
préparer ce document?
M. Saulnier: Je peux répéter que je l'ai dit,
oui.
M. Ciaccia: Alors, est-ce que vous pensez que vos procureurs
l'ont préparé de leur propre gré?
M. Saulnier: C'est une question qui n'a pas effleuré mon
esprit, à ce moment-là. C'est venu par les voies
régulières.
M. Ciaccia: Mais, le document que vous aviez devant vous,
c'était un document qui venait du bureau de Rosaire Beaulé, avec
certaines corrections par rapport au document qui avait été
préparé par Geoffrion et Prud'homme?
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Saulnier: Si on me permet de donner la réponse
suivante: ce document-là, parmi
d'autres documents que nous avions ce jour-là, je me souviens de
l'avoir vu, mais je n'en ai pas tiré de conclusion. Si on me le demande,
M. le Président, il y aurait peut-être lieu de dire pourquoi. Je
n'ai pas tiré de conclusion parce que cela me paraît être
dans la tâche courante des procureurs, dans une cause, de parler aux
procureurs de la partie adverse.
M. Ciaccia: De leur parler, oui. Mais je ne vous demande pas
s'ils leur ont parlé. Je vous demande qui a préparé le
document? Si c'est un projet qui est soumis par les défendeurs,
n'avez-vous pas présumé qu'il avait été
préparé par les défendeurs?
M. Saulnier: La lettre du 24, qui est adressée, par Me
Gadbois, à Geoffrion et Prud'homme, dit bien: "Le conseil a pris
connaissance, à sa réunion d'hier, des projets de
déclaration de transaction et de déclaration de règlement
hors cour, qui ont été préparés dans le but d'une
négociation possible d'un règlement hors cour, dans cette cause."
Il n'y a rien là-dedans qui me permet de croire que c'est un autre
document que celui qui a été préparé par les
procureurs de la société. De plus, on me signale que la lettre,
à la deuxième ligne, parle de "projets" au pluriel. Alors, il se
peut fort bien que l'autre document ait été là aussi.
M. Ciaccia: Ah! Peut-être qu'il y avait deux projets de
déclaration de transaction, deux projets de règlement hors
cour...
M. Saulnier: C'est possible.
M. Ciaccia: ...à la réunion du 23.
M. Saulnier: C'est possible.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je m'excuse auprès de mon collègue de
Mont-Royal. L'heure avance, il est maintenant 16 h 45. Nous aurions normalement
entendu, cet après-midi, les procureurs de la Société
d'énergie de la Baie James ou, à tout le moins, entamé
leur comparution devant la commission parlementaire. Si tout le monde
était d'accord, nous pourrions faire, entre les mains du
secrétariat de la commission, un dépôt de documents. Ainsi,
j'espérerais terminer le témoignage de M. Saulnier, aujourd'hui.
S'il n'est pas terminé, on le complétera demain matin. Ce que je
voudrais pouvoir suggérer, c'est qu'on puisse libérer Mes Aquin,
Cardinal et Jetté, en leur demandant, s'ils le veulent bien, de se
présenter demain matin, à dix heures.
M. Lalonde: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): II y a donc consentement, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Duhaime: Mais si nos travaux vous intéressent à
ce point, vous pouvez toujours nous accompagner.
Une voix: II y a la télévision.
Le Président (M. Jolivet): Donc, je redonne la parole au
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Si je comprends bien, M. Saulnier, le 23 et le 30, à ce moment,
dans votre esprit, c'était clair qu'il allait y avoir un
règlement. Vous souleviez des doutes sur la question du lien de
responsabilité, comme vous l'avez dit dans votre témoignage,
hier. À la suite d'une question posée par M. Duhaime, vous avez
donné deux raisons pour lesquelles vous vous étiez
arrêté à proposer un règlement. La deuxième,
je vous la lis: "La deuxième, qui était étroitement
reliée, c'était l'impossibilité de faire le lien requis
par la loi américaine." Là, on ne parle pas de l'opinion d'un
juge ou d'un jugement ou d'une opinion juridique, mais bien du texte d'une loi
écrite avec des mots simples de la langue anglaise qui dit comment on
peut faire un lien. Nous, nous ne pouvions pas le faire. À partir de ce
moment, vous savez - cela me fait revenir sur les 32 000 000 $ - que
c'était à peu près l'équivalent, en poursuivant
dans cette voie, d'essayer d'accrocher son chapeau sur un clou dessiné
au crayon sur un mur. Vous, le 23 et le 30, vous étiez certain de cela?
(16 h 45)
M. Saulnier: M. le Président, je ne crois pas avoir dit,
hier, que c'était le 23 et le 30.
M. Ciaccia: Je vous le demande parce que vous dites, dans votre
déclaration, à un autre endroit - je n'ai pas la citation devant
moi - que c'était clair que ce n'était même pas
nécessaire... Vous ne voyiez même pas la nécessité
de rencontrer le premier ministre. Vous continuez: "Cependant, le souvenir que
j'ai gardé de la réunion du 30 janvier que les administrateurs
favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour m'inciter à
demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition de règlement
à cette même séance, c'était une proposition de 125
000 $." Il était clair dans votre esprit qu'il n'était pas
question de continuer et d'aller chercher 32 000 000 $, c'était le 23 et
le 30 cette clarté d'esprit que vous aviez, la décision à
laquelle vous vous étiez arrêté.
M. Duhaime: À quelle page?
M. Ciaccia: À la suite de la déclaration de M.
Saulnier à la page cinq.
M. Saulnier: C'est à la page 5, dites-vous?
M. Ciaccia: Oui, vous avez cité cela à la page
5.
M. Saulnier: Bon, cela va m1 aider. Je vois bien
à la page 5 ce que j'ai dit hier et que je reconfirme, que le souvenir
que j'ai gardé de la réunion du 30 janvier, c'est que les
administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour
m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition de
règlement à cette même séance.
Mais je n'ai pas dit - je l'ai lu et j'ai pris un peu de temps pour
regarder si je l'avais dit ailleurs - qu'à cette date j'étais
absolument persuadé qu'il n'y avait pas moyen de faire aucun lien de
droit. C'était mon sentiment, on le voit par les documents, c'est venu,
d'une façon absolument incontestable, un peu plus tard. Mais, je l'ai
dit et je le répète encore une fois, des
délibérations, des questions, des réponses que nous avions
eues de nos procureurs, on pouvait et, dans mon cas, j'ai pu en acquérir
la certitude ou la quasi-certitude, que c'était essayer d'accrocher son
chapeau après un clou dessiné au crayon.
M. Ciaccia: Cela veut dire qu'à ce moment il n'y avait pas
de chance du tout, c'était une cause perdue d'avance. Mais, le 30
janvier, quand vous nous dites - parce que j'ai l'impression que vous essayez,
au meilleur de votre connaissance...
M. Saulnier: Je suis obligé de protester, M. le
Président.
M. Ciaccia: ...de reconstituer...
M. Saulnier: Je suis obligé de protester...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député. M. Saulnier.
M. Saulnier: Je n'essaie rien, M. le Président. Je
réponds aux questions qui me sont posées.
M. Ciaccia: Non, mais la déclaration que vous avez
préparée, vous ne l'avez pas écrite en 1979?
M. Saulnier: Cela, c'est...
M. Ciaccia: La déclaration préliminaire de M.
Lucien Saulnier, commission de l'énergie et des ressources, vous l'avez
écrite en avril 1983?
M. Saulnier: Oui, je n'essaie rien.
M. Ciaccia: Alors quand vous l'avez écrite, vous avez
essayé de...
M. Saulnier: De?
M. Ciaccia: ...de reconstituer...
M. Saulnier: Très bien, M. le Président, je suis
d'accord avec cela.
M. Ciaccia: ...les événements au meilleur de votre
souvenance.
M. Saulnier: C'est exact. Je n'ai rien dit d'autre.
M. Ciaccia: C'est l'impression que vous avez maintenant de ce qui
s'est produit le 30 janvier.
M. Saulnier: Et celle que j'avais.
M. Ciaccia: Mais c'est l'impression que vous ne nous avez pas
dite au mois d'avril 1983. Ce que j'essaie de vous dire c'est que, après
les témoignages de tous les témoins, on n'a pas les mêmes
impressions. Je vais vous poser une question sur la réunion du 30. Vous
nous dites: Cependant, le souvenir que j'ai, c'est qu'ils étaient tous
prêts à voter pour accepter 125 000 $ ou 200 000 $...
M. Saulnier: M. le Président, je ne crois pas avoir dit
cela. J'ai écrit ce que j'ai dit et ce n'est pas là cela.
M. Ciaccia: Oui, mais, ce matin, vous avez dit: Oui, il y avait
un règlement de 125 000 $...
M. Saulnier: Ah! il était sur la table, mais je n'ai pas
dit que le conseil d'administration était prêt à accepter
cela. Je n'ai pas dit cela du tout.
M. Ciaccia: Et qu'il était prêt à voter sur
la proposition...
M. Saulnier: II y a deux mots là, la proposition...
M. Ciaccia: Écoutez, on ne jouera pas sur les mots, M.
Saulnier. Vous dites que l'on vote sur le principe ou sur la proposition de
règlement. La proposition de règlement devant vous,
c'était celle de 125 000 $.
M. Saulnier: Oui, mais j'ai bien dit que l'état des
délibérations m'incitait à poser la question ou à
appeler un vote, soit sur le principe, soit sur la proposition de
règlement.
Cela, bien évidemment, si je m'étais rendu
jusque-là. C'est le bon plaisir du conseil qui aurait
décidé.
M. Ciaccia: Et c'est, à votre sentiment, et vous le dites
très clairement, "le souvenir que j'ai gardé - vous êtes en
avril 1983, vous gardez un souvenir de cette réunion -les
administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour
inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition."
Vous étiez certain de cette proposition, mais, après cela, vous
avez dit: Avant de procéder, la suggestion a été faite
d'aller voir le premier ministre. Est-ce possible que la raison d'aller voir le
premier ministre le 30 janvier - et là, j'essaie de me placer dans la
position des administrateurs -c'est que, le 26 janvier, à la suite de la
réunion du 23 janvier, vos procureurs vous envoient une lettre vous
disant: Sur le montant, vous pouvez aller chercher 20 000 000 $. Dans
l'espèce de... La décision de la Société
d'énergie de la Baie James d'intenter la présente poursuite n'a
été prise qu'après une enquête approfondie et
consultation avec ses procureurs. Ne croyez-vous pas que cela semble indiquer
que la raison pour aller voir le premier ministre, ce n'était pas si
clair que cela? On vous dit: Vous pouvez aller chercher 19 000 000 $, le
règlement devant vous est de 125 000 $...
M. Saulnier: M. le Président, je ne veux pas...
M. Ciaccia: ...est-ce que ce n'est pas possible que ce soit
celui-là le scénario, plutôt que de dire: On avait tous
accepté 125 000 $, c'était clair, on procédait?
M. Saulnier: M. le Président, je dois encore une fois
protester. Je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas rapporté que qui que ce
soit ait dit cela.
M. Ciaccia: Que qui que ce soit ait dit quoi?
M. Saulnier: Quant au document du 26 janvier...
M. Ciaccia: Excusez-moi, que qui que ce soit ait dit quoi?
M. Saulnier: Que qui que ce soit ait dit qu'on va régler
pour 125 000 $. Je n'ai pas rapporté cela, je ne pense pas.
M. Ciaccia: Vous parlez de la proposition de règlement et
c'était de 125 000 $.
M. Saulnier: Oui, mais cela ne dit pas que quelqu'un ait dit
qu'on allait régler pour cela. Je n'ai pas dit cela.
M. Ciaccia: Mais vous étiez en faveur de ce
règlement...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député, laissez au moins M. Saulnier répondre à la
question sans l'interrompre continuellement.
M. Saulnier: À l'autre volet de la...
Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. Saulnier, M. le
ministre a une question de règlement.
M. Duhaime: Oui, M. le Président, je voudrais invoquer le
règlement. J'ai l'impression de me retrouver dans un commissariat de
police alors que quelqu'un tente peut-être d'obtenir des réponses
qu'il souhaiterait. Je vous dis que votre façon de procéder est
une insulte à l'intelligence, à mon point de vue, et je n'ai
jamais vu de ma vie, nulle part - il est vrai que je n'ai jamais
fréquenté les commissariats de police - un pareil interrogatoire,
aussi vicieux, dans votre façon, d'abord, d'inclure...
M. Lalonde: Bien, voyons donc!
M. Duhaime: ...dans votre question votre commentaire personnel,
qui fausse ce qui a été dit par M. Saulnier lui-même depuis
de longues heures à cette commission. Je le dis, M. le Président,
plusieurs de mes anciens collègues du barreau sont proprement
scandalisés par la méthode qui est utilisée par
l'Opposition libérale devant cette commission. J'ai fait de multiples
mises en garde. Je n'ai aucune objection à ce qu'on aille au fond
des choses. Mais je vous demanderais, de grâce: Voulez-vous cesser de
niaiser les gens et vous en tenir à ce que j'appellerais l'essentiel et
à la pertinence de nos débats? Je l'ai dit ce matin; je l'ai dit
hier; je l'ai dit en ouvrant cette commission; je l'ai dit à plusieurs
reprises. Mais, M. le Président, vous allez comprendre que je ne peux
pas intervenir toutes les cinq minutes. Cela fait au moins quatre fois que M.
Saulnier, de lui même, proteste, en disant: Ce que vous dites et ce que
vous m'attribuez, c'est faux. Il y a quand même des maudites limites!
Passez-moi l'expression. Vous avez l'air de penser que tout ceux qui viennent
ici rendre un témoignage devant cette commission ont des choses à
cacher! quand même! Vous avez insisté pour que les gens
prêtent serment, au moins, vous aussi, et en particulier vous, M. le
député de Mont-Royal, essayez donc d'avoir un minimum de bonne
foi.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre tient au moins
parole: il nous avait promis des sautes d'humeur et on en a une autre.
M. Duhaime: Vous aurez aussi un ajournement.
M. Lalonde: Je pense, M. le Président... En fait, je viens
d'entendre le ministre dire qu'on aurait un ajournement en plus.
M. Duhaime: Vous allez l'avoir à 18 heures.
M. Lalonde: Celui-là, on va l'accepter s'il nous est
imposé.
M. Duhaime: C'est le règlement.
M. Lalonde: Je sais et Dieu sait si on ne veut pas être
désagréable à l'égard de quiconque. Ce n'est pas un
exercice facile auquel nous a conviés le premier ministre lorsqu'il nous
a demandé de faire la lumière en long, en large et en
profondeur...
M. Duhaime: Je croyais que c'était vous qui l'aviez
demandé...
M. Lalonde: ...sur toutes les circonstances entourant la
décision de régler hors cour. Je sais aussi - et les
témoins le savent plus que nous - comment ce n'est pas facile de se
souvenir de choses qui se sont passées il y a plus de quatre ans. C'est
pour cela que, à même des déclarations, à même
des documents qui nous sont remis volontairement par la SEBJ, des fois par le
ministre au compte-gouttes lorsque cela fait son affaire, on essaie de
reconstituer ce qui s'est passé.
On ne peut pas reprocher à un témoin, à un
invité si vous le préférez, M. le Président. Je
sais que le premier ministre parlait de témoin, vous vous parlez
d'invité. Comme le premier ministre n'est pas ici, on va dire
"invité".
Le Président (M. Jolivet): Mais parce que je suis
là, vous devez dire "invité".
M. Lalonde: C'est cela. Puisque vous êtes là, on va
dire "invité". On ne peut pas faire de reproches aux invités de
ne pas se souvenir proprio moto, automatiquement et immédiatement de
certains faits qui ont, ou qui peuvent avoir une importance pour la commission.
De là, on pose un certain nombre de questions de nature à les
aider.
Je me souviens, par exemple - M. Saulnier, j'espère que vous ne
protesterez pas; je le dis de mémoire et vous protesterez si vous le
voulez - que, tout à coup, après avoir parlé plusieurs
fois de la réunion du 23 ou 30 janvier - je ne sais pas laquelle et je
ne sais pas si c'est le député de Laporte et cela faisait quand
même un bon moment qu'on en parlait ici et vous en parliez depuis hier
soir - vous vous êtes souvenu d'une remarque de M. Giroux. Cela nous a
aidé à savoir ce qui s'est passé et, n'eût
été ce genre de question - c'était la question du
député de Mont-Royal - on n'y aurait pas pensé. On sait
que vous ne pouvez pas nous réciter de mémoire tout ce qui s'est
dit. Cela aide à reconstituer... Je m'excuse d'avance si cela vous
paraît peut-être un peu pénible et c'est aussi
pénible pour nous. Si vous ne vous sentez pas à l'aise comme on
le disait ce matin...
M. Saulnier: ...c'est très agréable.
M. Lalonde: Ce n'est sûrement pas un supplice comme le
disait un député, ce n'est sûrement pas une torture puisque
c'était très agréable de la part de l'invité.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Bourassa sur la même question.
M. Laplante: Si je fais appel aussi, c'est que je crois
très sincèrement que c'est une atteinte, actuellement, à
la Charte québécoise des droits et libertés pour les
individus et les invités qui sont ici. Je fais appel aussi à
l'organisme, la Commission des droits et libertés, pour qu'elle nous
envoie un télégramme afin de protester à propos de ce qui
se passe ici avec les invités. Le barreau, aussi, vous avez une
responsabilité à prendre actuellement sur ce qui se passe
à cette commission. J'aimerais qu'on nous envoie des
télégrammes là-dessus aussi, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je pourrais
répéter, encore une fois, au niveau des personnes qui posent des
questions, c'est d'éviter, comme on en a fait mention à plusieurs
occasions, les répétitions de questions. Je pense que ce n'est
pas de nature à permettre à personne de faire quelque
lumière que ce soit quand on répète les mêmes
questions dix ou douze fois. (17 heures)
La deuxième chose que je pourrais dire aussi en même temps,
c'est d'éviter toute suggestion ou d'éviter de mettre dans la
bouche de la personne qui est invitée des paroles qu'elle n'a pas dites,
pour lui faire dire ou l'inciter à dire le contraire. Je pense que les
gens qui participent à cette commission ont des droits. Mais, je le
répéterai toujours, il ne faudrait pas que les
députés abusent de leurs droits parlementaires au
détriment des personnes qui sont invitées à venir nous
aider, à nous éclairer sur ce qui s'est passé, en vertu du
mandat qui nous est accordé. Je le répète encore une fois
et je demande à toute personne qui posera des questions d'agir en ce
sens.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais vous assurer, je
voudrais assurer M. Saulnier - je ne sais pas si j'ai besoin d'assurer le
ministre, parce que...
M. Duhaime: Ce serait utile, je pense, en l'occurrence.
M. Ciaccia: ...même si on l'assure, il va accepter cela,
mais il va tourner cela à sa façon quand même - que je n'ai
aucunement l'intention de harceler le témoin. Je n'ai aucunement
l'intention de poser des questions soi-disant - comme le ministre essaie de les
qualifier - niaiseuses...
M. Duhaime: J'ai dit "vicieuses".
M. Ciaccia: ...vicieuses, non plus. S'il les interprète de
cette façon, c'est son privilège. Mais, il y a des faits
troublants, M. le Président, devant cette commission, et, j'essaie, de
mon mieux, d'une façon aussi modérée que je le peux, de
faire ressortir certains faits, de faire établir la
vérité, de voir ce qui s'est produit à différentes
réunions, que ce soit de l'interprétation d'un témoin ou
d'un autre. On dit toujours que ça fait quatre ans, que ça fait
assez longtemps. Je pense que c'est en questionnant que, quelquefois, on peut
rafraîchir la mémoire des gens et qu'on peut faire ressortir
certains faits que nous - moi, certainement -considérons pertinents. Je
pense que c'est dans cet esprit, M. le Président, que je pose mes
questions.
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier avait quelque chose
à dire, à moins qu'il demande qu'on lui répète la
question, mais je pense qu'il avait un commentaire.
M. Saulnier: À la question du député de
Mont-Royal, il y avait un autre volet. J'ai noté ici, en
l'écoutant, les mots de la question: c'est en rapport avec l'opinion du
26 janvier 1979. Et c'est avec un document que nous avons devant nous, pas un
souvenir d'il y a quatre ans. La question m'a été posée
comme ceci, c'était peut-être le préambule: Vos avocats
vous ont dit: Vous pouvez aller chercher 20 000 000 $. Quand je lis cela, je ne
vois pas un mot, ni un nom, ni un verbe, ni un adjectif, qui me permettrait de
dire cela. Ils ont simplement dit: le montant que nous croyons être en
mesure de prouver.
Je l'ai dit ce matin, je ne suis pas un avocat, mais je fais des
allégories. J'aurais un accident d'automobile et mon avocat - ou mon
garagiste - me dirait: Je peux te faire une démonstration que les
dommages se chiffrent à 300 $. Je ne tirerais pas la conclusion que je
peux aller chercher 300 $.
C'est seulement la valeur des dommages. Et c'est cela qui est dit
ici.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais lire
textuellement ce que vos avocats vous ont écrit: "En
résumé, la réclamation totale peut se détailler
comme suit:
A. Les postes suivants sont juridiquement fondés et, selon notre
opinion, devraient être maintenus...". C'est le point que je voulais
porter à votre attention. Et, dans la liste, au paragraphe A, il y a 17
000 000 $. Au paragraphe B. on dit: "Les postes de réclamation suivants,
bien que prouvables, risquent d'être rejetés..." Alors, les faits
sont que vos avocats ont donné leur opinion que vous devriez maintenir
les réclamations pour quelque 17 196 000 $, plus un autre montant de
quelque 2 200 000 $, pour un total approximatif de 19 000 000 $. Et la question
que je vous posais, c'était: À la suite de cette opinion de vos
avocats - c'est un bureau d'avocats assez connu, avec une assez bonne
réputation au Québec - c'était peut-être la raison
d'aller voir le premier ministre, si je suis un administrateur, pour lui dire:
Écoutez, j'ai une réclamation dont on me dit qu'elle est
juridiquement fondée et qui devrait être maintenue à 19 000
000 $. J'ai un projet de règlement de 125 000 $ devant moi. Je me pose
la question.
M. Saulnier: M. le Président, je pense que cela illustre
que deux personnes, lisant le même texte, peuvent comprendre des choses
différentes ou dissemblables. Je lis le même texte et il ne me dit
pas cela.
M. Ciaccia: II ne vous dit pas cela.
M. Saulnier: II dit: "Les postes suivants sont juridiquement
fondés - pensons à notre automobile - et, selon notre opinion,
devraient être maintenus." Je pense bien que cela...
M. Ciaccia: C'est-à-dire que vous auriez pu avoir un
jugement...
M. Saulnier: Et on ne dit pas qui va payer.
M. Ciaccia: Non, non. Je n'ai pas dit, non plus, qui va payer. Ce
n'est pas cela. Cependant, vos avocats vous ont dit que vous pourriez avoir un
jugement pour 17 000 000 $.
M. Saulnier: Où est-ce?
M. Ciaccia: C'est certain. "Juridiquement fondés", cela
veut dire que vous pouvez avoir un jugement.
M. Saulnier: C'est une opinion,
"devraient être maintenus".
M. Ciaccia: C'est certainement une opinion. Tous les avocats
donnent des opinions. Ce ne sont pas des juges...
M. Saulnier: C'est cela.
M. Ciaccia: ...mais on considère la réputation de
l'avocat. À moins qu'il y ait eu une opinion contraire venant d'un autre
avocat, je me serais fié, si j'avais été au conseil
d'administration, à l'opinion que Geoffrion et Prud'homme nous a
donnée. Si vous n'étiez pas satisfait de cette opinion,
peut-être qu'il aurait été de votre droit d'en demander une
autre. Vous auriez pu leur dire que 17 000 000 $ semblent être un peu
élevés. Ce n'est pas raisonnable. Mais, eux, ils vous ont dit:
"...juridiquement fondés ... devraient être maintenus". Quant aux
17 000 000 $ en plus des autres 2 200 000 $, ils n'ont pas dit que cela aurait
été rejeté. Ils ont dit: "...risquent d'être
rejetés". Alors, vous auriez eu des chances d'avoir peut-être 17
000 000 $ sur 19 000 000 $.
La situation que je suggère et dans laquelle je me trouve, c'est
que je me dis: si j'ai une offre de règlement de 125 000 $ et que mes
avocats me disent que je peux avoir un jugement pour 17 000 000 $, vous trouvez
qu'il n'y a pas de questions à soulever sur ce sujet?
M. Saulnier: II y a sûrement une question. Encore une fois,
M. le Président, personnellement, je ne lis pas ce texte de la
même façon ou, enfin, je ne le comprends pas de la même
façon. Je pourrais dire qu'ils n'ont pas dit: Peut-être que vous
pourriez obtenir un montant additionnel de 2 000 000 $. Ils ont dit: Cela
risque d'être rejeté. Ce n'est pas la même chose. Mais je ne
veux pas m'arrêter là-dessus. Le conseil d'administration, les 23
et 30, n'avait pas seulement cela devant lui, il avait les propositions de
règlement. Il avait à l'esprit, s'il n'avait pas devant lui les
documents dont il avait pris connaissance précédemment,
concernant la possibilité de percevoir ces montants, il avait quand
même cela à l'esprit, dis-je.
M. Ciaccia: Oui.
M. Saulnier: C'est toujours le même exemple.
Peut-être qu'il est grossier, mais je le répète. Comment
pourrais-je prouver que ma voiture a 2000 $ de dommages? Il faut que je trouve
le responsable et, ensuite, il faut que j'obtienne un jugement. Il faut que la
loi me permette de désigner et de poursuivre le responsable.
M. Ciaccia: Oui, jusqu'à cette date...
M. Saulnier: II y a des textes ici qui démontrent que la
loi ne dit pas cela.
M. Ciaccia: Jusqu'à cette date, les opinions
étaient que la loi vous permettait de poursuivre et de recouvrer
certains montants de certains syndicats. Alors, c'était conforme.
M. Saulnier: M. le Président, je vais être d'accord
avec le député de Mont-Royal s'il ajoute que, dans ces opinions,
il y avait également des réserves, des virgules, une partie de
phrase incidente puis une autre virgule. C'est tout à fait normal.
À ce moment-là, les procureurs de la société
l'informaient totalement. En somme, c'est bon, mais peut-être qu'il y a
ceci et peut-être qu'il y a cela. C'est à nous de juger.
M. Ciaccia: Le 23 et le 30, vous avez dit et je le
répète: "Le conseil était d'accord, avant la
réunion avec le premier ministre." Je ne veux pas contester la
façon dont vous interprétez le document que vous avez
présenté à la commission, hier, mais vous dites aussi:
"Cependant, le souvenir que j'ai gardé de la réunion du 30
janvier est que les administrateurs favorisaient suffisamment un
règlement hors cour pour m'inciter à demander qu'on vote sur le
principe ou sur la proposition de règlement, à cette même
séance." Plus tard vous dites: "II ne faut donc pas se surprendre
qu'à cette séance du 6 février 1979, les membres aient
résolu de donner mandat à leurs procureurs d'explorer la
possibilité de régler hors cour puisque cette
éventualité avait été envisagée, sinon
décidée aux séances des 23 et 30 janvier." Cela confirme
l'interprétation que j'ai de votre témoignage selon lequel, le 23
et le 30, le conseil d'administration avait pris une décision. Ce
n'était pas formellement inscrit dans les procès-verbaux, mais
vous aviez décidé, juste avant de procéder au vote,
d'aller voir le premier ministre et vous aviez même dit, hier: "Je ne
voyais même pas l'intérêt d'aller voir le premier ministre".
Alors, d'après vous, la décision était prise par le
conseil d'administration avant le 1er?
M. Saulnier: M. le Président, je proteste
également...
M. Ciaccia: ...d'après vous avant le 1er?
M. Saulnier: ...la décision n'était pas prise.
M. Ciaccia: Dans l'esprit des conseillers.
Le Président (M. Jolivet): Messieurs! Je dois rappeler,
pour les besoins de la cause,
au moment où l'on se parle que le témoin -est sous
serment. Il a affirmé des choses et je ne voudrais pas que le
député puisse interpréter ce qu'il a affirmé. Ce
qu'il a affirmé, il l'a affirmé sous serment. Si M. Saulnier
continue à dire qu'il a dit telle chose, il faut, au départ, que
le député accepte que ce soit cela. Il faudrait donc
éviter, à ce moment, de revenir continuellement sur la
question.
M. Ciaccia: Très bien. Je veux juste souligner que la
lettre dit que la possibilité de régler hors cour avait
été envisagée sinon décidée aux
séances du 23 et 30 janvier.
Je voudrais vous référer au procès-verbal du 6
février. Les impressions créées selon le témoignage
et selon ce que j'ai pu percevoir étaient que tout était
décidé avant d'aller voir le premier ministre et celui-ci n'a
rien changé à personne. Le conseil d'administration, dans son
esprit, avait décidé de régler. Si je vous dis
l'impression que j'ai, je ne veux pas qu'on m'accuse de contester
l'interprétation de M. Saulnier, je ne le fais pas. L'impression qu'on a
créée ici, d'après moi, c'est que le premier ministre n'a
pu influencer personne, le 1er février, car tout était
décidé dans leur esprit et juste avant de prendre le vote on a
décidé d'aller voir le premier ministre. C'est l'impression que
j'ai eue d'après votre témoignage.
M. Saulnier: C'est ce que dit mon texte.
M. Ciaccia: C'est cela que vous dites. M. Saulnier: Oui,
monsieur.
M. Ciaccia: Voyez-vous, j'ai une bonne impression, M. le
Président, c'est le texte qui dit cela.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas voulu contester
votre impression, M. le député, mais j'ai voulu empêcher
que vous ne l'utilisiez au nom de la personne qui est en face de nous.
M. Ciaccia: Je ne l'ai pas utilisée, c'est lui qui a
confirmé que j'avais la bonne impression, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je parle d'avant et non pas
d'après.
M. Ciaccia: Ah bon!
Alors allons à la réunion du 6 février. Vous avez
vu le premier ministre en premier, et certains membres du conseil, et vous
décidez, ce jour-là, de donner mandat aux procureurs agissant
pour la compagnie dans la cause SEBJ contre Yvon Duhamel et al etc.,
d'explorer, auprès des procureurs des défendeurs, la
possibilité d'un règlement hors cour pour ladite cause sur la
base d'une reconnaissance par tous les défendeurs de leur
responsabilité pour les dommages et du paiement à la compagnie
d'une somme d'argent qui pourrait lui être acceptable, le tout sous
condition que les actions instituées par les compagnies d'assurances
contre les mêmes défendeurs soient réglées
préalablement. Si l'impression que j'ai - et que vous avez
confirmée - selon laquelle les administrateurs avaient accepté le
projet de règlement de 125 000 $... Vous dites ici que les
administrateurs favorisaient suffisamment un règlement hors cour pour
m'inciter à demander qu'on vote sur le principe ou sur la proposition
qui était de 125 000 $ et, plus tard, à la page cinq, vous dites:
"Cette éventualité avait été envisagée sinon
décidée aux séances des 23 et 30 janvier." Ne trouvez-vous
pas que le mandat du 6 était un recul en regard de cette position? Le 6,
vous dites: "On va explorer la possibilité d'un montant acceptable."
Vous ne trouvez pas que c'est un peu un recul quant aux positions que vous avez
interprétées comme étant quasi-décidées
avant le 1er février? (17 h 15)
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: J'aimerais que le député de Mont-Royal
résume sa question, parce que je dois admettre que j'ai beaucoup de
difficulté à saisir non seulement la pertinence, mais le contenu
de sa question, et j'ai l'impression d'être très attentif aux
travaux de la commission.
M. Ciaccia: Je suis très content que le ministre m'ait
demandé cela.
M. Duhaime: Résumez-vous.
M. Ciaccia: Je vais me résumer, oui. Parce que vous m'avez
compris, c'est pour cela que vous m'avez interrompu. On a un conseil
d'administration qui a tout...
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
vais juste vous avertir qu'en vertu du règlement, vous ne devez imputer
à personne autour de la table quelque impression que vous ayez.
Gardez-la pour vous.
M. Ciaccia: Non, non. Du tout. Je constate.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, mais ce que je veux
dire, c'est de n'imputer à personne...
Une voix: On n'impute pas, on donne.
M. Ciaccia: On a un conseil d'administration et on nous fait
dire: Écoutez, c'est décidé, le 30 janvier, la
proposition - c'est l'impression - 125 000 $ puis, tout à coup,
le 6 février, on donne le mandat d'explorer la possibilité d'un
règlement à un montant qui serait acceptable. On ne dit pas le 6
février, on ne fait pas référence au règlement qui
a été présenté le 23, que tout le monde avait
accepté, dont tout le monde pensait qu'il était bon, qu'ils
avaient peur des liens de responsabilité. Ce n'est pas ce qu'on dit. On
dit: Explorer le règlement.
Dans mon esprit, c'est compliqué. La conclusion est qu'il n'y
avait rien de décidé le 23 et le 30, même si ce
n'était pas dans le procès-verbal. L'interprétation qu'on
voit dans ce document, le témoignage, d'après moi, n'est pas
conforme au procès-verbal du 6 février. C'est mon impression, M.
le Président.
Le Président (M. Jolivet): Mais la question?
M. Ciaccia: La question que j'ai posée, lorsqu'il m'a
interrompu...
M. Duhaime: Mais, M. le Président, je m'oppose.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: J'aurais une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): Question de règlement de
la part du ministre.
M. Duhaime: Je pense qu'on n'est pas ici pour essayer de
comprendre ce qu'il peut y avoir dans l'esprit du député de
Mont-Royal; cela prendrait plus qu'une commission parlementaire. Je dis
cependant: Vous faites de l'interprétation, et vous le dites
vous-même. Ensuite, vous vous emberlificotez une question à partir
de trois lignes d'une opinion de 26 pages, puis vous posez une question
à M. Saulnier. Franchement...
Je vous demanderais, comme parlementaire... je pense que vous avez
déjà travaillé en commission parlementaire, vous m'avez
fait l'honneur de m'assister pendant 70 heures durant un "filibuster" sur la
loi 16 d'Hydro-Québec, je vous demanderais de revenir à ce que
j'appellerais un peu plus de... j'allais employer le mot "décence"
parlementaire, et de vous comporter comme un député responsable.
Je ne croyais pas avoir de leçon à donner ici. Franchement, cela
n'a pas de bon sens.
M. Lalonde: Une autre saute d'humeur. M. Duhaime: Cela n'a
aucun bon sens. Le Président (M. Jolivet): Juste avant de donner
la parole au député de Mont-Royal et de lui demander de poser sa
question, je voudrais, pour les besoins de la cause, vérifier
auprès des deux représentants du gouvernement et de l'Opposition
une demande qui a été faite et qui semble être acceptable,
c'est celle de remettre les trois documents qui nous ont été
donnés par les procureurs qui vont venir demain, sous embargo cependant,
aux journalistes qui sont ici présents, de façon que ces
documents ne soient connus qu'au moment de leur présentation demain lors
de la venue des procureurs de la SEBJ.
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai aucune objection,
sauf que je veux être bien sûr que c'est conforme au désir
de Me Aquin, qui a bien voulu nous remettre ces documents pour nous permettre
de les étudier ce soir, alors qu'il voulait nous les remettre seulement
demain en principe. Je ne sais pas s'il y a eu des ententes entre le
secrétariat et Me Aquin. Si c'est conforme à ces ententes, c'est
parfait avec nous.
Le Président (M. Jolivet): C'est la vérification
que j'ai faite auprès de M. Jean Bédard, qui est greffier au
niveau du secrétariat des commissions ici pour le moment. Il m'a
simplement averti qu'il y avait cette acceptation à condition qu'il y
ait embargo sur les trois documents présentés. Comme c'est le cas
d'ailleurs, ordinairement, lors de la tenue de commissions parlementaires, pour
les documents qui sont envoyés jusqu'à leur présentation
officielle ici en commission parlementaire. Il n'y a pas d'objection?
M. Lalonde: Non.
Le Président (M. Jolivet): D'accord! M. le
député de Mont-Royal, en agissant cependant le plus rapidement
possible dans votre question, pour que M. Saulnier puisse y
répondre.
M. Ciaccia: Pour faciliter la réponse, je vais reformuler
la question d'une façon peut-être plus claire, à la
suggestion du ministre. Comment pouvez-vous expliquer que, dans le
procès-verbal du 6 février, on ne confirme pas la décision
de régler selon la proposition ou les propositions du 23 au 30, qui ont
été soumises au conseil d'administration, mais qu'on
décide plutôt d'explorer la possibilité d'un
règlement? Ne croyez-vous pas que c'est un recul dans ce sens que, le
30, on voulait régler sur la proposition et là on dit: On va
explorer...?
M. Saulnier: M. le Président, je ne crois pas que ce soit
un recul. J'ai bien dit à la page 5 de mon texte que le souvenir que
j'ai gardé est que les administrateurs
favorisaient suffisamment un règlement hors cour - pour parler
des documents qu'il y avait là - pour m'inciter à demander qu'on
vote sur le principe ou sur la proposition de règlement à cette
même séance. Le conseil n'a pas voté, pour les raisons que
nous avons données. Or je ne vois pas de recul dans le fait que, le 6
février, le conseil d'administration donne un mandat d'explorer les
possibilités d'un règlement hors cour. Cela me paraît
être du semblable au même, sauf qu'il n'y a pas eu de vote, j'en
conviens et je l'ai dit, il n'y en a pas eu de vote.
M. Ciaccia: Vous avez mentionné, je ne sais pas si
c'était le 23 ou le 30 janvier, un commentaire de M. Giroux, en ce sens
qu'il a dit - je ne prends pas vos mots exacts, mais grosso modo: Comment cela
se fait-il qu'on avait une bonne cause et que, tout à coup, on n'a plus
une bonne cause? C'est une question très valable. On donne l'impression
qu'à un moment donné on voyait la cause devant nous comme
étant une bonne cause pour 31 000 000 $ et, tout à coup, cela a
disparu. Tenant compte que la plupart des administrateurs n'étaient pas
au courant de certaines choses qui se passaient hors de leur connaissance,
est-ce qu'on peut supposer que, le 23 ou le 30 janvier, lorsque M. Giroux a
fait ce commentaire, la cause était moins bonne parce que, le 4
décembre, le procureur, Me Michel Jasmin, était allé au
bureau du premier ministre, que, le 11 décembre, Me Rosaire
Beaulé était allé au bureau du premier ministre, que, le 3
janvier, M. Claude Laliberté avait eu une rencontre au bureau du premier
ministre, que, le 12 janvier, Me Michel Jasmin a eu une autre rencontre au
bureau du premier ministre? Je pourrais faire toute la liste de toutes ces
rencontres qui ont eu lieu, hors de la connaissance, je crois, des
administrateurs. Pensez-vous que cela pourrait être une des raisons pour
lesquelles la cause était moins bonne le 30 janvier?
M. Laplante: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: II n'y a rien qui soit encore prouvé. Les
avocats qui sont allés au bureau du premier ministre, comme la liste le
décrit, on ne dit pas pourquoi ils sont allés là. Il n'y a
rien pour prouver actuellement que ces gens sont allés parler de la
cause de la Baie-James et de la cause d'un règlement hors cour, du moins
à venir jusqu'à maintenant. J'invite notre invité à
répondre par un non et par oui. À toutes les questions qui lui
ont été posées, il a toujours répondu. Je le
soutiendrai jusqu'au bout, s'il ne veut pas répondre.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je pourrais invoquer le règlement.
Premièrement, je ne crois pas que ce soit le rôle du
député de Bourassa de m'interrompre chaque fois que je pose une
question qu'il n'aime pas pour donner des instructions à l'invité
de ne pas répondre. Je ne pense pas que cela fasse partie du
règlement de l'Assemblée nationale. Deuxièmement, pour son
information...
M. Laplante: C'est pour protéger les invités qui
sont là.
M. Ciaccia: Deuxièmement, pour son information, il y a une
liste de rencontres de Me Yves Gauthier au bureau du premier ministre. C'est un
document qui nous a été fourni par le bureau du premier ministre.
Il y a eu une, deux, trois, quatre, cinq rencontres. Au bas du document, on
peut lire: "Me Yves Gauthier croit qu'il ne fut pas question de la poursuite de
la SEBJ au cours des rencontres des 17 octobre et 12 novembre". Autrement dit,
il fut question de la poursuite de la SEBJ lors des autres rencontres. Alors,
quand le député dit qu'on n'a pas prouvé que les
procureurs avaient discuté de la cause de la SEBJ, cette affirmation est
niée par le document même qui a été produit pas son
premier ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais ajouter quelque chose, parce que cela,
c'est important, M. le Président. C'est vrai que les acteurs, les
participants à ces réunions n'ont pas encore été
entendus. C'est vrai qu'on ne connaît pas le contenu, les détails
des conversations qui ont été tenues là et ce n'est pas
notre prétention de vouloir les traiter autrement. Cependant, j'ai
posé une question, le 24 mars, il y a quelques semaines, au premier
ministre lui demandant de déposer - pour permettre à la
commission parlementaire de faire son travail correctement - la liste de toutes
les rencontres tenues dans le cadre du mandat, naturellement, de la commission
parlementaire. Non seulement la note, au bas d'une des feuilles, de la personne
qui a préparé la liste indique bien que, à part les deux
réunions, les autres réunions étaient pour le
règlement de la Baie-James et qu'on en a parlé, mais le premier
ministre lui-même, en déposant cette liste, admet qu'elles ont eu
lieu dans le cadre de ce règlement. Je pense que le député
de Bourassa est allé un peu trop loin en disant qu'il n'y a rien de
prouvé.
Ce qui n'est pas prouvé, c'est ce qui
s'est dit exactement. Ce qui est prouvé, parce que le premier
ministre l'a reconnu en déposant sa liste, c'est qu'il y a eu des
réunions dans le cadre du règlement de la Baie-James à son
bureau aux dates qui sont indiquées dans la liste.
M. Laplante: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Ce que le député de
Marguerite-Bourgeoys vient de dire est exact. C'est parce que l'attitude du
député de Mont-Royal est de présumer des choses qui se
sont dites - c'est là-dessus que je ne veux pas glisser, tant que les
autres témoins ne seront pas venus se faire entendre ici - et de mettre
des arguments dans la bouche de l'invité.
M. Ciaccia: Je ne présume rien.
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier, est-ce que vous
avez quelque chose à ajouter ou si c'était dans....
M. Saulnier: J'allais répondre qu'en 1979 le
président du conseil, tout au moins -je pense que je peux parler pour
quelques membres du conseil, selon ce qu'ils ont témoigné ici -
n'était pas au courant de ces allées et venues. Je pense que la
suggestion qui a été faite de poser ces questions aux procureurs
qui doivent d'ailleurs être entendus serait bien indiquée dans les
circonstances.
Le Président (M. Jolivet): Je dois aussi rappeler la
décision qui a été prise par la commission en ce sens que,
si jamais, à la suite des déclarations de ces invités qui
viendront ici, des questions additionnelles pouvaient être posées,
on pourrait vous inviter à nouveau.
M. Lalonde: C'est cela.
M. Saulnier: Cela me fera grand plaisir de venir à
Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): ...en tenant compte de tout ce
qui a été dit.
M. Ciaccia: Je tiens toujours compte de ce qui a
été dit, M. le Président.
M. Lalonde: Surtout de ce que vous dites, M. le
Président.
M. Ciaccia: C'est pour cela que je pose les questions que je
pose.
Dans le procès-verbal du conseil d'administration du 20
février, il y avait une résolution à l'effet d'autoriser
Geoffrion et Prud'homme, les procureurs agissant pour la SEBJ dans cette cause,
à proposer aux procureurs des défendeurs les termes d'un
règlement hors cour pour ladite cause, sur la base d'une reconnaissance
par tous les défendeurs de leur responsabilité pour les dommages
et du paiement à la compagnie d'une somme représentant
substantiellement les frais juridiques encourus jusqu'alors. Quel était
le montant des frais juridiques à ce moment? (17 h 30)
M. Saulnier: L'ordre de grandeur, je crois que c'était 400
000 $.
M. Ciaccia: Si je me souviens, est-ce que cela se pourrait que M.
Laliberté ait dit que c'était 450 000 $ approximativement, je
crois, la première ou la deuxième journée. Est-ce qu'il y
avait d'autres frais reliés aux frais juridiques et de l'ordre d'une
autre somme de 400 000 $? Je présume que c'étaient des
expertises, des frais d'expertise, etc. Est-ce que ces sommes auraient
été incluses dans les frais juridiques?
M. Saulnier: Non, je pense pouvoir dire sans me tromper que le
chiffre que j'ai donné, l'ordre de grandeur du chiffre que j'ai
donné, c'était pour les frais juridiques seulement.
M. Ciaccia: Strictement. Alors, approximativement 450 000 $. Vous
avez aussi dit dans votre déclaration préliminaire: "J'aurais pu,
en vertu de la résolution du 20 février, accepter un
règlement sans le resoumettre au conseil et le dossier ne ferait
apparaître alors qu'une décision unanime au 20 février".
Est-ce que, en effet, le règlement n'était pas conforme au mandat
qui a été autorisé le 20 février?
M. Saulnier: C'est la signification que je lui ai donnée.
C'est pourquoi il a été resoumis.
M. Ciaccia: À ce moment, vous étiez autorisé
à régler avec une reconnaissance de responsabilité de
toutes les parties.
M. Saulnier: Au terme d'une résolution.
M. Ciaccia: Cela, vous ne l'avez pas obtenu.
M. Saulnier: Non.
M. Ciaccia: Vous étiez autorisé à obtenir
les frais juridiques qui étaient de 400 000 $ à 450 000 $.
M. Saulnier: Substantiellement.
M. Ciaccia: Substantiellement. Oui, moi, substantiellement, mais,
encore là, je ne veux pas entrer dans des définitions...
M. Saulnier: ...moi non plus.
M. Ciaccia: Ce que vous définissiez comme
substantiellement et ce que, moi, je définis comme substantiellement,
mais...
M. Saulnier: ...je ne l'ai pas défini, M. le
Président.
M. Ciaccia: Non, mais 200 000 $, est-ce que vous pensiez que
c'était substantiellement?
M. Saulnier: Sûrement pas, puisque... M. Ciaccia:
...sûrement pas...
M. Saulnier: ...puisque je l'ai ramené au conseil.
M. Ciaccia: Alors, le règlement hors cour n'était
vraiment pas conforme à cette résolution.
M. Saulnier: À la résolution du 6
février...
M. Ciaccia: ...c'était une constatation... M. Saulnier:
...du 20 février, dis-je...
M. Ciaccia: ...est-ce qu'il y a eu des démarches...
M. Saulnier: ...oui. Non, je ne le jugeais pas conforme. Tout ce
que je dis, c'est que quelqu'un aurait pu interpréter largement la
délégation de pouvoir et dire: C'est conforme et qu'on en
finisse.
M. Ciaccia: Alors...
M. Saulnier: ...cela n'a pas été mon avis.
M. Ciaccia: Alors, peut-être est-ce que c'est moi qui ai
mal interprété votre déclaration quand vous dites:
"j'aurais pu, en vertu de la résolution, accepter un règlement
sans le soumettre au conseil".
M. Saulnier: Oui, mais je pense que je n'ai pas dit que cela.
M. Ciaccia: Le dossier ne ferait apparaître qu'une
décision unanime.
Le Président (M. Jolivet): Quelle page? M. Ciaccia:
Page 7.
Le Président (M. Jolivet): Page 7.
M. Ciaccia: Plus loin, vous dites: "C'est pour cette raison et
parce qu'un des défendeurs n'acceptait pas que je me suis senti tenu de
resoumettre ce dossier au conseil pour ratification le 6 mars."
M. Saulnier: C'est ça.
M. Ciaccia: Maintenant est-ce qu'il y a eu - quand vous aviez
cette résolution, évidemment, vous n'aviez pas une offre de
règlement à 450 000 $ plus un aveu de responsabilité - des
démarches pour essayer d'obtenir les 450 000 $?
M. Saulnier: Oui. M. Ciaccia: Oui.
M. Saulnier: Ah oui! Le conseil, à sa réunion du 6
mars, entre autres, et aux réunions de janvier, avait indiqué de
façon non équivoque qu'un règlement dans cet ordre de
grandeur de 200 000 $ n'était sûrement pas satisfaisant. Des
membres ont insisté pour que les procureurs fassent les démarches
appropriées pour obtenir tout ce qu'il était possible
d'obtenir.
M. Ciaccia: Vous êtes au courant qu'il y a eu des
négociations pour essayer d'obtenir les 400 000 $ ou 450 000 $, plus
l'aveu de responsabilité?
M. Saulnier: De mémoire, oui.
M. Ciaccia: Vous vous souvenez de cela?
M. Saulnier: Oui, parce que, personnellement, j'ai
également donné suite à cette résolution.
M. Ciaccia: Qui a fait ces démarches pour obtenir plus
d'argent?
M. Saulnier: Elles se faisaient, pour autant que ma
responsabilité était concernée, par le chef du contentieux
de la SEBJ.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il vous a fait rapport?
M. Saulnier: Les rapports que j'ai eus étaient dans le
sens qu'il était complètement illusoire de penser qu'on pourrait
obtenir plus ou qu'on obtiendrait plus en faisant traîner les choses. Je
crois même me souvenir que la part du règlement assumée par
l'International Union of Operating Engineers pouvait être compromise si
on ne se décidait pas, parce que cet organisme niait toute
responsabilité, et que, si on n'était pas prêt à
accepter ce règlement-là, il n'y en aurait
pas du tout. Et on nous disait: Plaidez. Cela, c'est ce que j'ai
compris.
M. Ciaccia: À la réunion du 1er février,
d'après le témoignage de M. Boyd, M. Jean-Roch Boivin
était présent et il aurait discuté de l'aspect juridique.
Est-ce que vous avez le souvenir de cela? Est-ce que vous vous souvenez des
discussions qui ont eu lieu?
M. Saulnier: Non, malheureusement. Remarquez que c'est fort
possible. Mais, je pense que c'est conforme à ce que j'ai dit. S'il y a
eu des discussions d'ordre juridique entre ces deux personnes, elles n'ont pas
été très longues et je n'en ai pas gardé de
souvenir.
M. Ciaccia: Vous ne vous souvenez pas que M. Jean-Roch Boivin ait
discuté de l'aspect juridique du procès durant la
réunion?
M. Saulnier: Je ne nie pas qu'il l'ait fait, mais je ne m'en
souviens absolument pas.
M. Ciaccia: M. Boyd a été assez clair et
catégorique sur le fait que M. Jean-Roch Boivin avait discuté de
l'aspect juridique...
M. Saulnier: Je ne contredis donc pas M. Boyd, mais, moi, je ne
m'en souviens pas.
M. Ciaccia: Vous ne pourriez pas nous dire à quel avis
juridique M. Boivin se serait référé?
M. Saulnier: Je ne m'en souviens pas du tout.
M. Ciaccia: Vous ne vous en souvenez pas?
M. Saulnier: Encore une fois, il faut toujours se souvenir - et
je pense que M. Boyd l'a laissé entendre également - que nous
n'avons pas été tellement longtemps dans le bureau du premier
ministre. Alors, il ne faudrait pas...
M. Ciaccia: Non, c'est pour cela que vous n'avez pas
été longtemps. Et je présume qu'il y avait seulement une
réunion et non deux ou trois, parce que vous étiez seulement
trois ou quatre personnes.
M. Saulnier: Je n'ai sûrement eu connaissance de l'absence
d'aucun des participants.
M. Ciaccia: Vous avez mentionné que vous avez
peut-être parlé à M. Boivin, une fois, au sujet du
règlement. Est-ce que vous vous souvenez quand cela a pu se
produire?
M. Saulnier: Pas précisément, M. le
Président, je l'ai bien indiqué hier. Mais, si c'est
arrivé - et c'est possible que ce soit arrivé - cela ne portait
que sur l'état d'avancement du dossier. Rien de plus. Ce n'était
pas l'objet de la conversation ou de la rencontre. Je ne m'en souviens pas plus
que ça.
M. Ciaccia: N'aurait-il pas été possible - j'essaie
seulement de savoir, je ne conteste pas votre affirmation - que vous ayez
parlé à M. Boivin à plus d'une occasion? Vous auriez
peut-être indiqué à un journaliste que vous auriez
parlé à M. Boivin plus d'une fois?
M. Saulnier: Est-ce que j'en ai parlé à un
journaliste? Je ne saurais le dire. Que j'aie parlé à M. Boivin
de ce sujet-là plus d'une fois, cela m'étonnerait beaucoup.
M. Ciaccia: Ce n'est pas possible...
M. Saulnier: Cela m'étonnerait beaucoup.
M. Ciaccia: Ce n'est pas possible que vous ayez dit à un
journaliste: J'ai parlé à M. Boivin à plusieurs
occasions?
M. Saulnier: Ah! ça, sûrement!
M. Ciaccia: Sur le sujet de la SEBJ?
M. Saulnier: De cela, je suis moins sûr. Je suis moins
sûr. La seule chose dont j'ai un souvenir, c'est d'avoir répondu
à une question relativement à ce dossier.
M. Ciaccia: Mais c'est possible qu'à la suite d'une
question qu'un journaliste vous aurait posée vous auriez pu dire: Oui,
j'ai parlé à M. Boivin en privé.
M. Saulnier: Encore une fois, il faut être bien clair.
Est-ce qu'un journaliste m'a posé la question: Avez-vous parlé
plusieurs fois à M. Boivin de ce dossier? À ce moment-là,
j'aurais dit non. Mais s'il m'a dit: Est-ce que vous avez parlé
plusieurs fois à M. Boivin? Sûrement...
M. Ciaccia: Non, non, sur le dossier.
M. Saulnier: ...il était chef de cabinet du premier
ministre.
M. Ciaccia: J'ai clairement spécifié sur le
dossier. Est-ce que c'est possible que vous auriez indiqué aussi,
à ce même journaliste, que...
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le
ministre.
M. Duhaime: Pour mon intérêt et pour
l'intérêt des membres de la commission et de M. Saulnier, je pense
qu'il y aurait à observer un minimum de politesse. Si vous vous
référez à un article de presse publié sous la
signature d'un journaliste, qui porte une date - cela doit exister -
voulez-vous le déposer sur la table à la commission afin que tout
le monde en prenne connaissance?
Une voix: La Presse coûte 0,35 $.
M. Duhaime: En toute justice pour tout le monde, on va être
alors en mesure de savoir ce dont vous parlez.
M. Ciaccia: M. le Président, si le ministre veut obtenir
cette information, libre à lui de poser la question, à savoir si
ces articles de journaux existent ou non. J'essaie d'obtenir une information de
notre invité. Je le fais d'une façon très claire.
M. Duhaime: Celle-là ne passera pas, certain!
M. Ciaccia: Je n'impute aucun motif. Je ne fais aucune
affirmation. Je pose la question à savoir si cela s'est produit.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Ciaccia: Si l'invité a dit non, la réponse est
claire, je l'accepte volontiers.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Juste un
instant!
M. Ciaccia: Je passe à la prochaine question.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: II y a, à ce jour, plusieurs documents. On
commence à en avoir des briques. Bientôt, on va devoir se mettre
à trois pour transporter tout cela. Chaque fois que des questions sont
posées faisant référence à un document, on dit: Tel
document, telle date, page 8, tel autre document, telle date, page 155. Les
gens peuvent suivre et on peut savoir ce dont il s'agit. Mais si vous allez
à la pêche, dites-le-nous. Mais je vais m'opposer, M. le
Président, et fermement, à ce que le député de
Mont-Royal pose des questions à partir d'une hypothèse qui existe
peut-être seulement dans son esprit. Je ne le sais pas du tout. Ce que je
lui demande, en toute justice pour les autres membres de la commission
parlementaire et, en particulier, pour M. Saulnier, s'il y a un article de
presse - j'ignore complètement s'il est dans Allô Police, Photo
Police ou dans la Presse, dans le Soleil, le Journal de Montréal, le
Journal de Québec, le Nouvelliste - c'est qu'il le dépose sur la
table. À ce moment-là, on va convenir que nous aurons un document
en main. Ensuite, vous pourrez poser une question. Il me semble qu'on n'a pas
besoin d'être un grand parlementaire ou un grand procédurier, cela
me paraît être la règle du gros bon sens. Cela devrait
être l'article premier du règlement que vous devriez lire tous les
soirs, sinon le matin.
M. Lalonde: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, je comprendrais
le ministre si le député de Mont-Royal avait fait
référence à un article de journal. À ce
moment-là, pour aider tous les gens à comprendre, y compris notre
invité, M. Saulnier, il ne serait que juste qu'il produise, qu'il
identifie l'article de journal. Mais ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a
demandé s'il a déjà parlé à un journaliste.
Comme, par exemple, quand M. Laferrière...
M. Duhaime: Je connais au moins une soixantaine de journalistes,
moi, à 20 milles de Québec.
M. Lalonde: ...a dit ici qu'il avait eu un bon déjeuner,
enfin, un déjeuner - je ne peux pas le qualifier - avec M. Gauthier, du
cabinet du premier ministre, le 3 novembre 1978, il ne nous a pas donné
le menu. Il ne nous a pas passé l'addition, non plus. Il a simplement
dit: J'ai parlé à quelqu'un, voici ce qui s'est dit. Enfin, il
n'avait pas la mémoire tellement fraîche. C'est de la même
façon. Est-ce que vous avez parlé à un journaliste
là-dessus, récemment? S'il n'y a pas d'article de presse auquel
on peut se référer, on ne peut pas le produire.
M. Duhaime: Au moins, on pourrait peut-être dire, d'abord,
qu'il n'y a pas d'article de presse et, au moins, donner le nom du journaliste
afin qu'on sache de quoi il s'agit. Est-ce que c'était en 1954 ou en
1978 ou en 1979? Personne ne le sait.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
ministre. Pour le besoin de M. Saulnier, qui doit répondre à la
question, on doit aussi avoir la décence de lui faire savoir de qui il
s'agit, s'il le faut, afin de lui permettre de savoir quoi répondre.
Sinon, ce sont des questions hypothétiques à partir
d'hypothèses et, en vertu de l'article 162, je devrai les refuser.
M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, de toute façon, M. le
député de Mont-Royal recommence à poser des questions qui
ont déjà été posées à notre
invité.
Une voix: Vous n'étiez pas là.
M. Dussault: Je pense que c'est le député de
Laporte qui a posé cette question, à savoir s'il avait
déjà posé des questions à M. Boivin ou M. Boivin
des questions à lui-même sur ce sujet. Cela avait
déjà été posé ce matin, cette question. On
recommence à faire de la redondance, on recommence encore à nous
faire perdre notre temps en commission.
M. Blouin: Cinquante cents la seconde!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal, en tenant compte de ce que je viens de dire.
M. Ciaccia: M. le Président, si le ministre veut obtenir
des informations sur le nom des journalistes, il n'aura qu'à poser la
question à notre invité; ce n'est pas le but de ma question.
M. Duhaime: On vous la pose à vous, la question.
Le Président (M. Jolivet): Messieurs, à l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Ce n'est pas moi, le témoin ici.
M. Duhaime: Je vais m'opposer à ce que des réponses
viennent sur ce sujet.
M. Ciaccia: Vous n'allez pas me poser des questions ici. (17 h
45)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
député.
M. le ministre.
M. Duhaime: Vous ne nous ferez pas un échafaudage, je
regrette!
M. Ciaccia: Non.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La question
que je vous pose, M. le député, est bien claire.
M. Duhaime: Franchement, il y a des limites!
Le Président (M. Jolivet): Si on ne peut pas donner au
personnage qui est invité ici devant nous les moyens de répondre,
je vais considérer la question comme irrecevable.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, si vous le permettez, je
crois que notre invité sait à qui il parle et à qui il ne
parle pas. Il sait, je présume, s'il a parlé à un
journaliste ou non. Il n'a pas besoin de moi pour lui donner le nom du
journaliste, ce que je ne ferai pas de toute façon, je vous le dis bien
d'avance.
M. Duhaime: Alors, parlez d'autre chose.
M. Ciaccia: Je pense que j'ai le droit de poser la question
à savoir s'il a eu ce genre de conversation. S'il dit non... La question
est assez claire, ce n'est pas une opinion que je demande, c'est assez
précis. J'identifie qu'il a parlé à un journaliste sur un
sujet précis. Je crois que la question devrait être
entièrement recevable et parfaitement en accord avec tout ce qui s'est
produit ici à cette commission parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): Ordinairement, en vertu du
mandat qui nous est donné, M. le député, une question doit
porter sur les faits. S'il n'y a pas eu de faits, à quoi cela sert-il de
poser une question? Je me pose donc à ce moment une question
réelle, à savoir si vous avez des questions à poser
à M. Saulnier. Si oui, vous pouvez les poser. Mais ce que je ne voudrais
pas, c'est qu'il y ait des hypothèses et qu'à partir des
hypothèses on pose des questions. C'est tout simplement ce que l'article
168 me demande de faire respecter.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, sur cette question de
règlement, je voudrais qu'on s'entende bien. Naturellement, nous posons
des questions sur des faits, mais vous nous permettrez de poser des questions
sur des faits que nous ne connaissons pas, parce que, si nous connaissions ces
faits, nous ne poserions pas de questions. Ce ne sont pas des
hypothèses; nous savons qu'il y a des choses qui se sont passées.
On nous dit: Faites la lumière sur les faits. Si c'était
déjà en preuve, on ne poserait plus de questions. Comme ce n'est
pas en preuve, on doit poser ces questions.
Le Président (M. Jolivet): Effectivement, M. Saulnier,
dans son travail passé, a certainement eu l'occasion de parler à
plusieurs journalistes. Aujourd'hui, je pense qu'avec les
événements qu'on connaît il a certainement eu l'occasion
d'en rencontrer et de parler avec eux. Il est donc normal, si on lui pose une
question à savoir s'il a parlé à un journaliste, qu'on
identifie s'il y a un article de journal, s'il y a un journaliste et qu'ensuite
on lui pose les questions. Mais s'il
n'y a eu aucun article, ni à la radio, ni à la
télévision, ni dans les journaux, il n'y a donc pas eu de faits
par rapport à M. Saulnier. En conséquence, cela devient de
l'hypothèse, à mon avis.
M. Lalonde: Un instant, je m'excuse.
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Si vous le permettez, la publication d'un article,
c'est un fait, d'accord, mais la conversation avec quelqu'un, c'est aussi un
autre fait. Si c'est important pour le député de Mont-Royal que
la lumière soit faite sur ce fait, à ce moment, on n'est pas
assujetti à la publication des articles de journal.
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre! M. le ministre!
M. le ministre!
M. Duhaime: On est en plein mystère, M. le
Président. Je ne sais pas ce qu'on tente d'échafauder de l'autre
côté de la table, mais cela m'apparaîtrait tellement simple
de demander à M. Saulnier: Est-ce que, tel jour ou à telle
période, vous avez parlé avec un journaliste qui s'appelle M.
Untel ou Mme Unetelle? Est-ce que votre conversation a porté sur ce
dossier? Est-ce qu'elle...? Enfin, je ne sais pas où on veut s'en aller
avec cela, mais je vous dis, M. le Président, que, très
fermement, je vais m'y opposer, quitte à ajourner nos travaux et
à demander un avis de la présidence et, s'il le faut, à
faire un débat à l'Assemblée nationale sur cette question.
Je ne laisserai pas passer de questions comme celles qui viennent d'être
amorcées: Est-ce que vous avez rencontré un journaliste?
Une voix: Avez-vous parlé à un menuisier, vous?
M. Duhaime: Cela ne mène nulle part.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Duhaime: Alors, vous l'identifiez pour que M. Saulnier, qui
est notre invité aujourd'hui, puisse, il me semblerait, en toute
lumière, identifier dans sa mémoire d'abord, s'il connaît
ce journaliste mystérieux, s'il l'a déjà rencontré,
s'il a eu une conversation avec lui et ce sur quoi cela a porté. En
dehors de cela, M. le Président, je vais m'opposer très fermement
à la question.
M. Laplante: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député
de Bourassa, je pense que vous n'avez pas besoin de continuer. Comme
président, je vais aussi m'opposer à la question, parce que je
pense que la personne qui est devant nous a quand même le droit de savoir
sur quoi on lui pose des questions. En conséquence, si ce n'est pas
cela, je vais m'opposer, comme président, à ce que la question
soit posée. Je la jugerai irrecevable. M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne sais pas ce que craint
le ministre.
M. Therrien: Je ne crains rien. Mettez votre nom sur la table et
vous allez voir.
M. Ciaccia: M. Saulnier, vous nous avez affirmé que vous
n'étiez pas au courant que M. Laliberté avait été
voir M. Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre le 3 janvier.
M. Saulnier: Oui.
M. Ciaccia: En effet. Et je crois que vous avez aussi
affirmé que vous n'étiez pas au courant de... J'ai fait une liste
de rencontres qui avaient eu lieu et vous ne sembliez pas... Est-ce que vous
auriez, à un moment donné, constaté ou affirmé que
vous étiez très frustré que le bureau du premier ministre
vous ait passé par-dessus la tête en appelant M. Laliberté
plutôt que vous, que vous n'étiez pas tout à fait d'accord
avec la façon dont cela se déroulait?
M. Saulnier: Oui, M. le Président, mais je pense que j'ai
déjà donné mon avis là-dessus depuis hier. La loi
décrète que les rapports ou les liens avec le gouvernement
doivent être assurés par le président du conseil. C'est
bien évident qu'informé de cela, si on me demande: Est-ce que
vous êtes heureux de cela? je réponds: Bien non, je ne suis pas
heureux de cela.
M. Ciaccia: Auriez-vous dit que vous étiez frustré
que le bureau du...
M. Saulnier: Oh!
M. Ciaccia: Pas heureux, en tout cas, je vais prendre votre
parole. C'est une constatation.
M. Saulnier: Remarquez que si vous me demandez si, selon ma
mémoire, j'ai dit le mot "frustré", je vous dis: À
première vue, je dirais non. Si vous me faisiez la démonstration
que je l'ai dit, je conviendrais de l'avoir dit. Cela ne me paraît pas
fatal.
M. Ciaccia: Vous n'auriez pas, non plus, dit que c'était
le bureau du premier ministre
qui vous avait convoqué?
M. Saulnier: Ah non! J'ai été très
précis là-dessus.
M. Ciaccia: Vous n'avez jamais été
convoqué?
M. Saulnier: Si je l'ai dit, la langue m'a fourché, parce
que, chaque fois que la question m'a été posée, j'ai
répondu: C'est nous qui avions demandé l'entrevue.
M. Ciaccia: Quant à votre participation au bureau du
premier ministre, vous n'aviez pas été convoqué, c'est
vous-même qui avez...?
M. Saulnier: Ah oui!
M. Ciaccia: M. le Président, le premier ministre a fait
une affirmation à la suite d'une question du député de
Marguerite-Bourgeoys. Je cite le journal des Débats, à la page
5739, en date du 20 février 1979. Est-ce que le ministre est d'accord
pour que je procède? Avez-vous la citation?
M. Duhaime: Quelle page avez-vous dit?
M. Ciaccia: Cela ne vous dérange pas trop?
M. Duhaime: Non, j'ai hâte que vous avanciez un peu, par
exemple. Quelle page avez-vous donnée?
M. Ciaccia: Page 5739. M. Duhaime: Page 5739.
M. Ciaccia: Le premier ministre a dit: "Ce n'est pas du tout, ni
de près - je vais attendre que M. Saulnier soit prêt - ni de loin,
dans le bureau du premier ministre que le règlement ou partie du
règlement a eu lieu". Pouvez-vous nous confirmer cette affirmation du
premier ministre?
M. Duhaime: M. le Président, je m'excuse, c'est dans le
journal des Débats. Franchement!
M. Ciaccia: Vous avez posé la même question ce matin
sur un autre... Un instant, un instant!
M. Lalonde: Question de règlement. Le Président
(M. Jolivet): À l'ordre! M. Ciaccia: II y a une limite. Le
Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. Duhaime: Non, je
m'excuse, non, jamais.
M. Ciaccia: Oui.
M. Duhaime: Franchement, c'est le bout!
Le Président (M. Jolivet): M. le député, un
instant! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, il y a quand
même des limites. Je comprends qu'on peut prendre quelques-unes des
sautes d'humeur du ministre, mais là cela fait de l'ingérence. Le
député de Rousseau a posé lui-même la question
à M. Saulnier il y a quelques heures sur une autre déclaration du
premier ministre - je pense que c'est le même jour ou, enfin - qui
était rapportée. La question du député de
Mont-Royal n'est pas de demander à M. Saulnier: Est-ce que c'est bien
écrit comme cela dans le journal des Débats ou est-ce bien ce que
M. Lévesque a dit? Sa question est: Est-ce que ce que le premier
ministre a dit est exact, à votre connaissance? S'il n'a pas eu
connaissance de cette déclaration, il dit: Je ne le sais pas. S'il en a
eu connaissance, il dit ce qu'il sait.
Le Président (M. Jolivet): M. Saulnier. M. Saulnier:
À ma connaissance, non.
M. Ciaccia: Vous ne pouvez pas confirmer cette affirmation du
premier ministre? Je voudrais comprendre votre...
M. Saulnier: L'affirmation est en ce sens que cela ne s'est pas
réglé chez lui.
M. Lalonde: Oui, c'est cela.
M. Saulnier: Je confirme cela. Ma compréhension et ma
connaissance des faits est en ce sens que cela s'est réglé au
conseil de la SEBJ. M. le Président, j'aimerais...
M. Ciaccia: Un instant, je vais vous...
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais relire. Je vais relire...
Le Président (M. Jolivet): D'accord, vous pourrez le
faire, mais M. Saulnier a quand même quelque chose à dire.
M. Saulnier: M. le Président, on me signale qu'il serait
indiqué de corriger une affirmation que j'ai faite à savoir que,
dans le cas de la SEBJ, selon le lien défini dans
la loi, c'est le président du conseil qui en est chargé.
On me signale que cela s'applique à la Loi sur l'Hydro-Québec,
mais non pas à la Loi sur la Société d'énergie de
la Baie James. Je veux faire la correction. J'avais l'impression que
c'était dans les deux cas. J'ajoute, pour la compréhension des
membres de la commission, que le conseil étudiait à ce
moment-là, mais n'avait pas encore adopté - je pense -
peut-être l'avait-il fait, un règlement qui définissait les
obligations comme elles le sont dans la Loi sur l'Hydro-Québec. Mais je
ne sais pas si le règlement avait été ratifié
à Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je vais vous relire le journal des Débats
où le premier ministre a dit ceci: "Ce n'est pas du tout, ni de
près ni de loin, dans le bureau du premier ministre que le
règlement ou partie du règlement a eu lieu". Est-ce que vous
pouvez nous confirmer ce qu'il a dit?
M. Saulnier: En ce qui concerne les faits que je connais, je le
confirme. Je n'ai absolument aucun renseignement, particulièrement
à ce moment-là, qui pouvait me justifier ou m'autoriser à
croire que c'est là, soit en partie, soit totalement, soit au tiers ou
au quart, absolument pas. C'était au conseil de la SEBJ.
M. Lalonde: Si vous me permettez, M. Saulnier, je m'excuse de
vous interrompre...
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.
M. Lalonde: J'avais la même impression lorsqu'il m'a
donné la réponse. Je n'avais aucune...
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ...confirmation de faits qui pouvaient prouver le
contraire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Ce que j'allais ajouter exactement, c'est que les
faits que vous connaissiez... Mais vous avez affirmé que vous
n'étiez pas au courant qu'il y avait eu toutes ces différentes
réunions au bureau du premier ministre, que vous ne saviez pas que M.
Laliberté était allé voir M. Jean-Roch Boivin, que vous ne
saviez pas que M. Laferrière était allé visiter M. Yves
Gauthier le 3 novembre, que tous les avocats avaient été au
bureau du premier ministre. Alors, ne sachant pas cela, je pense que cela
qualifie un peu votre réponse ou que cela lui donne un autre aspect.
C'est sans connaître tous ces autres éléments que vous avez
répondu comme vous avez répondu.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions, M. le député de Mont-Royal? Il n'y en a pas d'autres.
Donc, avant de permettre au ministre...
Une voix: II y a d'autres personnes.
Le Président (M. Jolivet): Oui, il y a d'autres personnes,
mais M. le ministre est le prochain orateur à avoir le droit de parole.
Il reste une minute; est-ce que M. le ministre veut l'utiliser ou s'il aime
mieux attendre à demain?
M. Duhaime: M. le Président, quant à moi, je
n'aurai pas d'autres questions à poser à M. Saulnier. Je voudrais
le remercier de sa bienveillante et patiente collaboration.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, on n'a pas
terminé, quand même, avec M. Saulnier; il doit revenir demain
matin puisqu'il y a d'autres personnes sur la liste. J'ajourne les travaux
à demain matin, en vous remerciant pour la journée.
M. Duhaime: Très bien.
(Fin de la séance à 18 heures)