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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Jolivet): La commission élue
permanente de l'énergie et des ressources est réunie à
nouveau ce matin en vue d'examiner les circonstances entourant la
décision du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite
civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu
en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de
son bureau à cet égard. L'ordre du jour est d'entendre M. Claude
Roquet qui est notre invité.
Mais avant, je dois donner les noms des membres de cette commission qui
sont: M. Blouin (Rousseau), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime
(Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Gravel (Limoilou), M. Gratton
(Gatineau), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Tremblay
(Chambly), M. Beauséjour (Iberville).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Saintonge
(Laprairie). Et, le rapporteur est M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).
J'inviterais M. Roquet à venir s'installer à notre table,
en face de nous.
Témoignages M. Claude Roquet
Le greffier (M. Jean Bédard): Répétez
après moi: Je (vos nom et prénom) jure ou déclare
solennellement que je dirai toute la vérité et rien que la
vérité.
M. Roquet (Claude): Je, Claude Roquet, jure solennellement que je
dirai toute la vérité et rien que la vérité.
Le greffier (M. Jean Bédard): Merci.
Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est sous la même
demande de serment.
Est-ce que M. Roquet a une intervention préliminaire à
faire?
M. Roquet: Pas vraiment, M. le Président. Si cela vous
paraissait utile, je pourrais peut-être donner brièvement
l'arrière-plan de ma carrière. Par ailleurs, si, à la fin
de mon témoignage, il y a un aspect ou deux qu'il me semble avoir
été oubliés, vous me permettrez peut-être, à
ce moment-là, d'ajouter quelques mots.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez y aller, M.
Roquet.
M. Roquet: Merci beaucoup. À partir de 1953, j'ai
passé 24 ans dans la diplomatie canadienne au ministère des
Affaires extérieures du Canada. Dix années à peu
près dans ma carrière ont été passées sur
les questions du Moyen-Orient où j'ai étudié l'arabe. J'ai
travaillé surtout dans trois pays, le Liban, l'Égypte et la
Turquie, mais j'ai beaucoup rayonné. J'ai aussi une dimension
européenne. J'ai été directeur de l'Europe occidentale
pendant trois ans. Je me suis ensuite occupé de questions
fédérales-provinciales, internationales, de la francophonie, du
Commonwealth. J'ai ensuite été détaché à
Paris dans une organisation internationale, comme secrétaire
général adjoint de l'Agence de coopération culturelle et
technique, qui est la principale institution francophone intergouvernementale.
Mon dernier poste à Ottawa a été comme sous-ministre
adjoint aux Affaires extérieures, responsable du Moyen-Orient, de
l'Amérique latine, de l'Afrique et aussi des questions d'aide
bilatérale.
J'ai alors décidé de revenir travailler à
Québec. Je me suis présenté à un concours de la
fonction publique au ministère de l'Énergie qui était,
à ce moment-là, le ministère des Ressources naturelles.
J'ai été recruté comme conseiller au ministère, en
charge des questions internationales et fédérales-provinciales de
l'énergie. J'ai été nommé, en octobre 1978, au
conseil d'administration d'Hydro-Québec, de la SEBJ et
d'Hydro-Québec International. J'étais à ce
moment-là conseiller. C'est plus tard que je suis devenu sous-ministre
associé à l'énergie, en mars 1979. Finalement, en mars
1981, je suis passé au ministère des Affaires
intergouvernementales du Québec comme sous-ministre associé en
charge des relations internationales.
Je suis à la disposition de la commission.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: M. Roquet, voulez-vous nous dire à quel moment
vous êtes entré au conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James et
d'Hydro-Québec?
M. Roquet: J'ai été nommé le 1er octobre
1978 pour deux ans et mon mandat a été renouvelé en
octobre 1980 pour une autre période de deux ans. J'ai été
remplacé en avril 1982. Je ne suis donc plus membre du conseil.
M. Duhaime: C'est donc dire qu'au moment des décisions du
conseil d'administration de la SEBJ relativement au règlement hors cour
vous étiez membre du conseil d'administration.
M. Roquet: Oui, M. le Président.
M. Duhaime: Voulez-vous nous dire, M. Roquet, quelle a
été votre position concernant ce dossier et quels en ont
été les motifs?
M. Roquet: J'ai voté pour la décision du conseil
d'administration, pour un règlement. Les motifs ont été
très largement évoqués ici par mes collègues, M.
Hébert, Mme Forget, M. Thibaudeau. M. Laferrière en a fait, hier,
une excellente synthèse. Nous étions responsables - on l'a
souligné ici avec raison - d'intérêts et de biens de la
collectivité québécoise. Il fallait porter un jugement
froid et sérieux sur la direction qui assurait ces intérêts
au mieux.
Dans la direction d'une poursuite que nous aurions poussée, il y
avait peu d'espoir que nous puissions aller récupérer des sommes
sérieuses. Par ailleurs, il y avait des coûts sérieux qui
étaient encourus. C'était une considération, mais plus
important encore était le risque que, si nous poussions la poursuite,
nous mettions en danger des intérêts très
considérables de la société et de la collectivité
dans la poursuite du projet de la Baie-James. C'est un aspect qui a
été, avec raison, souligné par M. Laferrière, hier.
Cet ensemble de considérations m'a amené à voter pour. Je
respectais profondément le vote de mes collègues qui, eux, ont
voté contre. Il y a eu une interaction extrêmement riche au
conseil sur cette question. Personnellement, je crois encore que c'était
une bonne décision d'affaires, ainsi qu'une bonne décision pour
la collectivité.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: II a été établi, M. Roquet, que
le premier ministre avait rencontré trois membres du conseil
d'administration de la Société d'énergie de la Baie James,
à la demande même du conseil, et que le premier ministre
s'était montré favorable à un règlement hors
cour.
Vous avez mal dormi, qu'est-ce qui se passe?
Une voix: Très, très élégant!
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! M. le ministre.
M. Duhaime: M. Roquet, est-ce que le fait, pour vous, d'apprendre
que le premier ministre était favorable à un règlement
hors cour vous a influencé? Est-ce que cela vous a fait changer
d'idée? Est-ce une des choses dont vous avez tenu compte? Est-ce que
vous avez pris cela en considération? C'est ce que nous aimerions
savoir.
M. Roquet: Oui, c'est un élément que j'ai pris en
considération. D'ailleurs, il faut noter que le conseil, dans son
ensemble, a jugé qu'il serait normal, qu'il serait souhaitable, dans un
dossier qui avait des dimensions économiques importantes et aussi des
dimensions sociales et complexes, de connaître l'avis de l'actionnaire
d'Hydro-Québec qui est, elle-même, actionnaire de la SEBJ.
Donc, il me semble qu'il y a eu consensus, à ce moment-là,
pour s'adresser, par les canaux définis par la loi, au gouvernement,
pour connaître son avis. Donc, le président du conseil, que nous
avons souhaité voir accompagné à ce moment par les
présidents et d'Hydro-Québec et de la SEBJ, s'est
présenté dans une démarche officielle voulue par le
conseil pour savoir l'avis du gouvernement.
Pour moi, la réponse que nous avons eue - et cela a
été une réponse sans aucune équivoque, en effet -
était un élément à considérer. Je dirais
cependant que dans ma décision - je peux parler pour moi-même -ce
n'était pas un élément déterminant. C'était
un élément du dossier et, pour ma part, je peux
répéter ce que mes collègues ont dit ici: J'y ai vu une
information pertinente, une information significative, mais non une information
contraignante. Mon vote a été libre, basé sur ce qui m'a
paru à ce moment, à la lumière de toutes nos discussions,
les intérêts du Québec et, d'abord, les
intérêts qui nous étaient confiés, les
intérêts de la société d'énergie.
M. Duhaime: Est-ce que vous avez ressenti ce point de vue du
premier ministre comme étant une pression ou un tordage de bras, comme
on va vous le demander tout à l'heure sans aucun doute, la
chaudière sous pression? Comment avez-vous réagi?
M. Roquet: Écoutez, il est très clair que mon
souvenir du rapport que nous a fait M. Saulnier - il pourra vous en donner un
meilleur compte rendu - était qu'il nous avait dit, en effet, que le
premier ministre s'était exprimé là-dessus de façon
très nette, très vigoureuse. Il me semble même me souvenir
- mais, évidemment, à cette distance c'est difficile de dire si
c'est une reconstruction - qu'il a mentionné à ce moment: Si vous
ne le faites pas, de toute façon nous le ferons.
Eh bien, nous avions donc une forte expression de l'avis du
gouvernement. Nous n'étions pas le genre de conseil à abdiquer
ses responsabilités. Personnellement, je n'ai pas pensé que,
lorsque le premier ministre avait mentionné "nous le ferons", ce
c'était un énoncé sérieux de politique, mais,
à la limite, même s'il l'avait souhaité, il n'y avait rien
là de particulièrement menaçant. Nous avions nos
responsabilités, nous allions les prendre. Si le gouvernement, pour des
raisons qu'il aurait jugées plus largement dans l'intérêt
du Québec, avait voulu nous en dessaisir et s'il y avait pour lui des
moyens légaux de le faire, il n'avait qu'à le faire. À ce
moment, notre responsabilité cessait et la sienne commençait,
mais tant que la responsabilité était nôtre, cela allait
être notre décision.
M. Duhaime: Maintenant, M. Roquet, est-ce que Me Jean-Roch
Boivin, le chef de cabinet du premier ministre, a déjà
communiqué directement avec vous pour parler de cette affaire?
M. Roquet: Sur cette question, non, M. le Président.
M. Duhaime: Me Yves Gauthier, attaché politique au cabinet
du premier ministre, a-t-il déjà communiqué avec vous
à ce sujet?
M. Roquet: Non, M. le Président.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Roquet.
M. Roquet: Excusez-moi, je n'ai pas saisi.
Le Président (M. Jolivet): II vous remercie.
M. Roquet: Ah bon!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Roquet, je vous
souhaite la bienvenue parmi nous. Il y a un certain nombre de questions que je
voudrais voir éclaircir avec votre bonne collaboration.
M. Roquet, vous vous êtes référé à
votre carrière antérieure au ministère des Affaires
extérieures. Nous sommes presque des collègues, étant
donné que j'ai eu l'occasion de passer quelques années au
ministère des Affaires extérieures en même temps que vous.
Lorsque vous êtes arrivé au gouvernement du Québec,
voulez-vous me préciser si c'était en 1978?
M. Roquet: Non, c'était en août 1977.
M. Doyon: En août 1977. À ce moment, vous avez
été attaché à titre de conseiller auprès du
ministre, ou auprès du ministère, ou auprès du cabinet du
sous-ministre. Où était-ce exactement?
M. Roquet: M. le Président, je me suis
présenté à un concours de la fonction publique. J'ai
postulé un poste de directeur des hydrocarbures, parce qu'on ne peut pas
passer dix ans dans les affaires du Moyen-Orient sans approfondir les questions
pétrolières. Le terme n'est peut-être pas français,
mais j'ai été "qualifié" comme conseiller à ce
moment et on m'a proposé plutôt un poste qui répondait
à un gabarit plus proche de mon expérience, soit le poste de
conseiller en matière fédérale-provinciale et
internationale, mais non pas au cabinet. C'était un recrutement par la
fonction publique du Québec, selon les procédures normales,
auprès du sous-ministre associé à l'Énergie du
temps. Donc, j'étais son conseiller en matière
fédérale-provinciale et internationale. C'est un domaine
où il y avait beaucoup d'interaction, comme vous le savez, soit avec le
gouvernement fédéral, soit avec le niveau provincial et
interprovincial, l'Alberta, etc.
M. Doyon: Dans cette fonction, est-ce que, d'une façon ou
d'une autre, vous avez eu l'occasion, à ce moment précis de votre
arrivée au gouvernement du Québec, de vous occuper des
activités de la Société d'énergie de la Baie James,
soit professionnellement, soit parce que vous étiez au ministère
de l'Énergie et des Ressources, je ne sais trop?
M. Roquet: J'ai été amené à entrer de
façon générale dans à peu près tous les
dossiers du ministère, parce que j'ai participé aux travaux
d'élaboration du livre blanc sur la politique énergétique.
Inévitablement, j'ai touché à tous les dossiers à
ce moment-là. Avec quelques-uns de mes collègues, nous avons
rédigé des projets de politiques pour le ministre et le
gouvernement. Le dossier de la SEBJ comme tel, je ne m'en suis jamais
occupé de façon opérationnelle. Mais j'ai touché
à tous les dossiers, dont à l'électricité, etc.
M. Doyon: À ce moment, est-ce que
vous étiez au courant des poursuites éventuelles ou des
poursuites qui avaient déjà été intentées ou
qui pouvaient l'être par la SEBJ concernant la mise à sac du
chantier de la Baie-James?
M. Roquet: Seulement de façon très
générale comme un citoyen ou comme un fonctionnaire de la
boîte qui connaîtrait de façon superficielle la
question.
M. Doyon: Qui était le ministre à ce
moment-là, M. Roquet?
M. Roquet: Quand j'ai été recruté, M. Guy
Joron était ministre.
M. Doyon: Si on se reporte dans le temps, vers le mois de mai ou
juin 1978, il y a eu une modification à la loi sur la
Société d'énergie de la Baie James. Est-ce que cette
modification, à votre connaissance, a été pilotée
par le ministre Joron à l'époque?
M. Roquet: Je me souviens vaguement de cette opération.
Encore une fois, je n'ai pas été mêlé
opérationnellement à cette question. Bien sûr, ce sont des
dossiers dont on prenait connaissance latéralement. Je suppose que cela
a été alimenté par des propositions du ministère,
examiné par le ministre et soumis au processus normal de
l'établissement des lois.
M. Doyon: Votre nomination à la SEBJ date du mois
d'août 1978 ou d'octobre 1978? Quelle date?
M. Roquet: Elle était effective au 1er octobre 1978. J'ai
l'impression que les nominations ont été annoncées pendant
l'été. J'étais en vacances. J'ai lu cela dans les
journaux.
M. Doyon: Vous avez appris cette nomination par les journaux,
dites-vous?
M. Roquet: Oui. (10 h 30)
M. Doyon: Est-ce qu'on en avait discuté avec vous
auparavant, d'une façon ou d'une autre?
M. Roquet: Oui, là encore, ma mémoire est distante,
mais j'ai l'impression que j'en avais d'abord discuté avec mon
sous-ministre qui m'avait sondé sur l'hypothèse de proposer mon
nom. Je me souviens nettement de ce cas, parce que je lui avais dit: Mais
enfin, pourquoi pas toi? Il lui semblait que sa charge de sous-ministre
associé était tellement exigeante que l'idée d'aller
passer un jour sur cinq de travail à Montréal était
exorbitante. J'étais conseiller, j'étais plus disponible. Donc,
je suppose aussi que le ministre a dû m'en parler. J'ai l'impression,
mais je ne suis pas certain, que j'ai reçu un coup de fil,
peut-être courtois, de M. Lévesque à ce sujet, mais ce
n'est pas un souvenir précis. Si tel est le cas, c'était
seulement un geste élégant, mais cela n'avait pas de contenu
particulier.
M. Doyon: Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, M.
Roquet, vous avez eu connaissance, au cours de l'été ou au
début de l'automne 1978, d'une réunion qui aurait eu lieu entre
des membres du cabinet de M. Joron, certains membres du cabinet du ministre du
Travail de l'époque, M. Pierre-Marc Johnson, qui aurait eu pour but de
discuter du litige concernant la Société d'énergie de la
Baie James qui visait à faire payer certains dommages causés par
le saccage du chantier?
M. Roquet: Absolument pas, M. le Président.
M. Doyon: Si je comprends bien, M. Roquet, votre opinion qui
s'est manifestée par le vote en faveur du règlement au mois de
mars 1979 était-elle chez vous une opinion constante ou si
c'était une opinion qui a évolué avec la fourniture,
l'arrivée de renseignements qui vous parvenaient de diverses
sources?
M. Roquet: Pour être très honnête, je ne me
souviens pas du cheminement précis de ma pensée sur un dossier
après quatre ans et demi. Donc, prétendre que c'est un souvenir,
ce serait risquer de tromper la commission. Je peux reconstruire à peu
près mon impression de la façon dont j'ai dû
procéder. Je suis arrivé dans un conseil qui était
extrêmement fort. Il y avait là une variété de
compétences et c'étaient des gens qui m'impressionnaient, que ce
soit du côté des finances ou du côté des banques, du
côté du syndicalisme, des consommateurs, de l'ingénierie.
C'étaient des gens très forts. J'ai toujours
considéré que mes années à la SEBJ ont
été une éducation extraordinaire pour moi. Selon
l'expression de M. Thibaudeau hier, j'étais à l'école. Je
suis persuadé que, dans ce dossier, j'ai eu deux attitutes. L'une,
c'était d'écouter, d'apprendre. Je crois que j'ai dû venir
à une conclusion dans mon esprit seulement vers la fin.
Ma deuxième démarche a été - et cela je m'en
souviens - de creuser. Vous savez, il y a de la résistance dans toute
machine qui accueille un nouveau conseil d'administration. Il y a des
habitudes, des compétences, des gens qui sont certains de leurs
positions, etc. Ce n'est pas facile de creuser des dossiers. Ce conseil, c'est
une de ses très grandes qualités, s'est montré, à
mon avis, extrêmement exigeant. Il a posé très tôt
les
bonnes questions. Il n'a pas prétendu avoir les réponses.
Il a fait évoluer les informations et les avis qui lui venaient de la
société. À cette démarche, je dois dire que, pour
ma part, je m'associais très étroitement.
Quand le procès-verbal du 27 novembre indique que M.
Laferrière a demandé certaines informations, j'ai
été étonné en le relisant de voir que son nom
était là, parce qu'il m'a semblé que c'était une
volonté profonde du conseil d'avoir les données, de les cerner,
de les évaluer, de frotter tout cela, de forcer les gens à
retourner chercher des informations et des évaluations. Et c'est
là, somme toute, que s'engageait, pour chacun d'entre nous, un processus
dont nous ne savions pas où il nous mènerait. Mais nous voulions
l'information. C'est ainsi que je me souviens, pour ma part. Mais je suis
à peu près certain que j'ai dû me brancher seulement
à la fin, après avoir entendu tous les faits, toutes les opinions
et celles de mes collègues que je respectais profondément.
M. Doyon: Si je comprends bien votre argumentation, M. Roquet, il
y a eu une longue hésitation en considérant les
inconvénients et les avantages d'un règlement. Et c'est à
la toute fin que vous, vous en êtes venu, soupesant tout cela, à
une certaine conclusion. Est-ce que, dans les circonstances, compte tenu que
c'était en équilibre et que cela pouvait, d'après ce que
vous nous dites, pencher d'un côté ou de l'autre, l'information
qui vous a été fournie, à savoir que le premier ministre
insistait, exigeait un règlement, cela a pu faire pencher la balance -
étant donné que c'était déjà en
équilibre - vers l'acceptation d'un règlement qui est celui qu'on
a connu?
M. Roquet: D'abord, au conseil, je ne dis pas que les choses
étaient en équilibre. Dans mon esprit, elles étaient en
suspens.
M. Doyon: C'est cela, je parle de vous.
M. Roquet: Même là, je dois vous dire que,
dès le départ, j'ai trouvé extrêmement pertinent
qu'on se pose la question au conseil: Est-ce que cela va nous payer, comme
société, cette poursuite? Nous avions, bien sûr, un
passé derrière nous, un passé que nous n'avions pas fait.
Il y avait une poursuite qui approchait de son aboutissement. Avant d'avoir
complètement étudié le dossier à notre
satisfaction, il n'était pas question de renverser la vapeur. Quand on
nous a demandé une appropriation de 500 000 $, le 20 novembre, il
était tout naturel qu'on dise: Oui, le processus continue, mais nous
allons le creuser pour nous-mêmes, parce qu'on arrive, là,
à l'aboutissement.
Donc, pour ma part, j'ai l'impression que, assez rapidement, les
convictions se sont accrues, au conseil, à savoir qu'un règlement
serait la meilleure décision d'affaires pour la société.
Nous avons tenu à prendre cette décision dans des conditions
extrêmement méticuleuses, allant jusqu'au bout de chaque dossier.
Et, finalement, on en est venu à la conclusion. J'interprète
l'attitude du conseil et j'ai tort, car je ne peux parler que pour
moi-même.
M. Doyon: Oui. Je me réfère à
vous-même de nouveau parce que le but de ma question - et on est un petit
peu passé à côté; cela référait
à une réponse précédente de votre part -
était qu'il y avait beaucoup d'éléments qui entraient en
ligne de compte. Et, vous avez voulu être à l'écoute et
prendre connaissance de ces éléments-là, ce qui fait que
cette prise de connaissance a pris un certain temps, s'est étirée
dans le temps et ce n'est qu'à la toute fin que, finalement, avec un
certain degré d'hésitation - parce qu'il y avait des avantages et
des inconvénients des deux côtés des solutions, dites-vous
- que vous avez décidé d'accepter la proposition de
règlement. Dans les circonstances, voici la question précise que
je vous pose: Compte tenu du fait que vous étiez en équilibre
vous-même sur la décision à prendre, n'est-il pas exact -
et ce ne serait pas surprenant, il n'y a rien de mal à cela - de dire
que, plus que le désir, l'insistance, l'exigence du premier ministre -
ce sont là vos termes, vous y avez référé - qui
voulait un règlement, a pu amener votre adhésion à cette
thèse-là?
M. Roquet: Je m'excuse, j'avais en effet oublié le point
de votre question. Je dois souligner que, lorsque j'ai voté, dans mon
cas, ce n'était pas un vote hésitant, j'étais absolument
convaincu que j'agissais au mieux de la société. C'était
un vote à 100% à ce moment-là. Je respectais les
hésitations des collègues qui disaient: On devrait
peut-être aller en chercher un petit peu plus. Cela ne me semblait pas
convaincant, j'étais absolument décidé. Même si je
crois que j'aurais préféré connaître tous les
éléments avant de me décider, je suis certain qu'il
s'agissait d'une décision nette dans mon esprit.
Quant à l'intervention du premier ministre que nous avions
sollicitée, à son avis vigoureux, cela a été un
élément significatif du dossier - il se devait qu'il le soit,
c'était l'avis de l'actionnaire - mais, comme je vous l'ai dit, ce
n'était pas dans mon esprit un élément déterminant.
Vous savez, on ne peut pas passer 30 ans dans la fonction publique sans se
poser ce genre de questions tout au long de sa carrière. C'est une
situation bien familière pour un fonctionnaire que de se trouver en
différence
d'optique avec le niveau ministériel et gouvernemental. J'ai
toujours pensé personnellement que, lorsqu'un gouvernement paie un
fonctionnaire, il le paie aussi pour donner son avis et pour assumer ses
responsabilités. Le gouvernement a droit à cela et plus on
approche comme fonctionnaire de l'interface entre le politique et
l'administratif, plus on approche du niveau de sous-ministre, plus ces
questions se posent. Les cas deviennent de plus en plus importants et de plus
en plus fréquents où on doit dire à un ministre: M. le
ministre, vous n'avez pas toutes les données, il faut aussi regarder
celles-ci; ou bien, M. le ministre, vous avez toutes les données, mais
les conclusions que vous en tirez, à mon avis, ne sont pas les
meilleures pour les intérêts du Québec. Cela m'est
arrivé très souvent au cours ma carrière. Il m'est
arrivé au niveau du premier ministre et à Ottawa et ici, et pas
seulement dans ce dossier, de maintenir une position qui n'était pas
celle que, de prime abord, le gouvernement aurait adoptée. S'il me
désaisit de la décision, c'est son droit et cela arrive. Il peut
arriver qu'un ministre dise: C'est bien gentil, j'ai écouté tes
arguments, mais je décide. Alors, ou bien j'exécute ou, si j'ai
des problèmes de conscience, je démissionne.
Ces remarques du premier ministre se situaient dans un cadre qui,
franchement, ne m'a pas énervé. J'avais déjà, je
crois, par osmose, entendu dire que, du côté du premier ministre,
on penchait plutôt vers un règlement. M. Claude Laliberté a
dit ici qu'il m'en avait parlé. Je ne m'en souvenais pas, mais je suis
sûr qu'il a raison. Encore une fois, cela n'était pas un facteur
insignifiant. C'est un facteur significatif, mais non déterminant pour
moi.
M. Doyon: Pour revenir à ce que vous dites, M. Roquet,
alors que vous étiez membre du conseil d'administration, vous avez
été nommé sous-ministre au ministère des Ressources
naturelles. Est-ce que, à ce moment-là en tant que sous-ministre,
vous avez eu l'occasion de discuter avec le ministre de cette question,
à savoir les hésitations qui étaient les vôtres,
à savoir la difficulté dans laquelle vous vous trouviez de
prendre une décision qui tiendrait compte de tous les
éléments? Est-ce que vous en avez discuté avec le ministre
et avec quel ministre?
M. Roquet: Si vous le permettez, je vais répondre d'une
façon un peu large, mais je vais répondre à la question.
Quand j'ai été nommé au conseil, je me suis
interrogé, comme fonctionnaire, sur la présence d'un
fonctionnaire au conseil et sur la façon dont je devais m'y comporter.
Je n'étais pas étonné de la nomination, cette situation
est fréquente. Je crois que, lorsque j'étais à
l'Énergie, à Petro-Canada, par exemple, le sous-ministre des
Finances et le sous-ministre de l'Énergie, à Ottawa,
étaient membres du conseil de Petro-Canada et, au Québec, on voit
aussi ce genre de choses. Ce n'était pas en soi une situation
inusitée, mais, quand même, je me suis dit que j'étais
nommé au conseil d'administration de la SEBJ, à titre personnel,
sans engagement préalable vis-à-vis de qui que ce soit;
deuxièmement, que j'étais au service de la société
et que je devais juger au conseil à la lumière de ses
intérêts; troisièmement, que, dans ces conditions, je
n'avais pas à obtenir d'instructions ou à faire de rapport au
ministère, au ministre ou au gouvernement. J'avais mes
responsabilités à prendre. Je les prenais au mieux de mon
jugement personnel. Donc, pour répondre à votre question, mais
dans cette optique un peu plus large, non, je n'ai pas discuté de cette
question avec le ministre. Je ne lui ai pas demandé son avis. Je n'ai
pas fait rapport de mes positions.
M. Doyon: Compte tenu de cette réponse, est-ce que vous
avez eu l'occasion d'en discuter avec des gens qui étaient près
du ministre, c'est-à-dire des membres de son cabinet politique, des gens
à qui vous avez pu faire part de ces hésitations, qui se sont
prolongées dans le temps, d'après ce que je comprends de votre
témoignage?
M. Roquet: Non, cela a été un processus de
réflexion qui s'est fait à la SEBJ, avec mes collègues.
C'est tout.
M. Doyon: Si on remonte à la réunion du 20
novembre, à moins que je ne m'abuse, vous étiez présent
à cette réunion du conseil d'administration de la SEBJ. Vous
étiez donc présent quand le conseil d'administration, à la
réunion où vous avez assisté, a décidé de
débloquer des crédits de 500 000 $ pour les frais judiciaires
uniquement. Avez-vous voté pour cette proposition?
M. Roquet: Je le suppose, oui. Je crois que cela allait de soi.
Il y avait un long processus en cours. Nous arrivions. Nous n'avions pas encore
de raison donnée pour remettre cette décision en cause. J'ai
dû voter pour. Je ne m'en souviens pas. Je dois dire que, sur ces
questions de vote - le souvenir est lointain - cela peut sembler
étonnant pour les gens de l'extérieur, mais quand nous sommes
revenus ici, à la commission, aux questions du vote de mars à la
SEBJ, je me souvenais que j'avais voté oui, mais je ne me souvenais pas
qu'il y avait eu un vote de 6, 3, 1. Quand j'ai essayé d'imaginer qui
étaient les trois, j'ai fait des hypothèses et je me suis
trompé dans deux cas sur trois. Je suis tombé à la
renverse quand je me suis aperçu que
certains de mes collègues avaient voté non et que je
pensais qu'ils avaient voté oui. Je suppose, en effet, que j'ai dû
voter oui, mais je ne m'en souviens pas. (10 h 45)
M. Doyon: Au moment précis de la réunion du 20
novembre du conseil d'administration, selon votre souvenir, est-ce qu'on a
discuté de la question, qui s'est avérée fondamentale dans
la prise de décision d'autres membres, des problèmes que pouvait
soulever la solvabilité des syndicats, surtout des syndicats canadiens,
et des problèmes d'exemplification de jugement vis-à-vis des
cours américaines, ainsi que du problème du lien de droit qui
pouvait exister entre les syndicats et les personnes qui étaient
responsables, coupables des dommages causés? Est-ce que cette question a
été soulevée au conseil d'administration du 20
novembre?
M. Roquet: Comme souvenir, M. le Président, je dois
simplement dire que je ne sais pas, je ne me souviens pas. Comme
hypothèse, je peux supposer que c'est plutôt vers le 27 que nous
sommes rentrés à fond dans les dossiers, après avoir pris
connaissance des documents, mais cela a peut-être commencé avant.
Il ne faut pas oublier que ces questions de solvabilité des
défendeurs et de lien de responsabilité étaient
posées dans les documents qui nous venaient de la société
même; même dans les études de 1975, c'étaient des
éléments essentiels a la preuve. Donc, si c'était
là, comment est-ce sorti exactement? Tout simplement, je me souviens
très nettement que, le 27, cela m'a paru des questions
extraordinairement pertinentes et à creuser.
M. Doyon: Alors, vous vous souvenez beaucoup mieux, si je
comprends bien, de ce qui s'est passé le 27 novembre que de ce qui s'est
passé le 20 novembre, une semaine auparavant?
M. Roquet: Je me souviens d'une chose, c'est que ces questions,
quand je les ai relues dans le procès-verbal, je me suis dit: Oui!
À ce moment, cela m'avait frappé comme au coeur du
problème, comme très important, qu'il fallait gratter cela
à fond.
M. Doyon: Et vous souvenez-vous dans quelles circonstances
exactement, si on passe à la réunion du conseil d'administration
du 27 novembre à laquelle vous assistiez, dans quels termes et par qui a
été soulevée cette question de la solvabilité et du
lien de droit dont on parle?
M. Roquet: Souvenir précis encore inexistant, mais mon
impression est que cela a dû être discuté de façon
très extensive par l'ensemble des membres, parce que c'était le
coeur de la question. En tout cas, un des éléments au coeur de la
question, car il y en avait d'autres.
M. Doyon: Entre le 27 novembre et le 3 novembre - et pour vous
situer, le 3 novembre, c'est la date où M. Laferrière a
informé cette commission qu'il avait déjeuné avec M. Yves
Gauthier, conseiller politique au cabinet du premier ministre, ex-tuteur du
local 791 - est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer M.
Laferrière, qui vous aurait fait part, de près ou de loin, de
cette rencontre qu'il avait eue avec M. Yves Gauthier que je viens de
situer?
M. Roquet: Non, M. le Président. M. Laferrière,
comme la plupart des membres du conseil, était pour moi un nouveau venu.
Je ne le connaissais pas et j'ai appris cette information quand il a
donné son témoignage ici devant la commission.
M. Doyon: Vous avez aussi, à un moment donné,
été à un conseil d'administration où il a
été suggéré que des membres dudit conseil
d'administration se rendent au bureau du premier ministre. Pourriez-vous nous
dire, à votre souvenir, à quel conseil d'administration cette
suggestion a été faite?
M. Roquet: Je ne m'en serais pas souvenu. Ce sont les
procès-verbaux qui m'ont rappelé... En fait, non, les
procès-verbaux font allusion à une autorisation
antérieure, mais ne spécifient pas quand. Je ne sais pas quand
cela a été donné. Je suppose que cela a été
au conseil précédent, mais ce n'est pas certain, car il a pu y
avoir des questions de disponibilité de temps du premier ministre et
cela a pu retarder. Cela a donc dû être à un ou deux
conseils avant que la demande ait été exprimée. Mon
impression et non pas mon souvenir, encore une fois, est que cela
répondait à un voeu général du conseil, mais je ne
peux pas parler pour mes collègues.
M. Doyon: Pouvez-vous nous dire, M. Roquet, par qui cette
suggestion d'aller s'enquérir auprès du premier ministre
lui-même de son opinion sur cette question de règlement ou de
continuation des poursuites a été faite?
M. Roquet: Je ne le peux pas. Ce serait vous tromper de
prétendre me souvenir. J'ai entendu ici le témoignage d'un
administrateur, mais je ne peux pas le confirmer.
M. Doyon: Est-ce que vous avez été, à un
moment donné, informé par le président-directeur
général de la Société d'énergie de la Baie
James, M. Claude Laliberté, qu'il
avait eu le 3 janvier une convocation ou une invitation, peu importe, de
la part de M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, d'aller le
rencontrer, à laquelle rencontre M. Jean-Roch Boivin a fait part
à M. Laliberté que le premier ministre souhaitait un
règlement?
M. Roquet: Je ne m'en souvenais pas. Je n'ai aucune raison,
cependant, de douter que M. Laliberté avait raison lorsqu'il a
témoigné qu'il me l'avait mentionné.
M. Doyon: En fouillant dans votre mémoire, y a-t-il des
éléments de cette rencontre qui vous reviennent maintenant que
vous réalisez et que vous reconnaissez, à la suite du
témoignage de M. Laliberté, que cette information vous a
été transmise par M. Laliberté? Pouvez-vous vous souvenir
de la façon dont M. Laliberté vous a fait part de ce désir
du premier ministre, exprimé par son porte-parole, son chef de cabinet,
M. Jean-Roch Boivin, d'un règlement?
M. Roquet: Non. Du fait même que je ne m'en souvenais pas,
je ne peux pas prétendre me souvenir que Claude Laliberté m'en a
parlé. Je suggère que cela m'a paru une information
intéressante, mais pas une information de nature à
ébranler les fondements de l'univers.
M. Doyon: Je voudrais savoir si c'était votre
première expérience à un conseil d'administration d'une
société d'État.
M. Roquet: Oui, et cela m'a inspiré beaucoup
d'humilité.
M. Doyon: Cette humilité vous aurait-elle incité
à tenir compte d'une façon plus déterminante que si vous
aviez eu une longue expérience de désirs qui émanaient de
la plus haute autorité politique du Québec, c'est-à-dire
du bureau du premier ministre lui-même?
M. Roquet: Si cette humilité m'avait inspiré
quelque chose, cela aurait peut-être été de m'abstenir. Si
j'avais jugé, à la fin, que je n'étais pas
équipé pour porter un jugement sérieux en cette
matière, je me serais abstenu. Au conseil, dans les questions
financières et complexes, où Hervé Hébert nageait
comme un poisson, il m'est arrivé de dire: Je m'abstiens, jugeant que
mon vote ne serait pas sérieux. Cependant, dans ce cas-là, il ne
faut pas oublier que, dans une vie de fonctionnaire qui monte dans la
carrière, on est amené à devenir, non plus un
spécialiste du Moyen-Orient ou de l'Arabie ou des questions
fédérales-provinciales ou francophones; on devient quand
même un spécialiste de la prise de décision. On est
habitué à proposer au gouvernement en capsule les
éléments essentiels d'un problème et à lui proposer
un éventail de solutions et à lui en recommander une.
Donc, dans ce cas-là, ayant écouté des gens qui
étaient des experts, soit de la boîte, ou parmi mes
collègues, ayant devant moi des éléments d'information et
des jugements que je jugeais solides et sérieux, j'ai jugé que,
oui, je pouvais prendre une décision sérieuse. Donc, disons que
mon humilité m'a abandonné à ce moment.
M. Doyon: M. Roquet, cette sécurité dans la prise
de décision que vous avez acquise très rapidement compte tenu du
fait que vous n'aviez, selon votre témoignage, jamais eu l'occasion de
siéger à une conseil d'administration, elle vous a permis,
d'après ce que vous nous dites, de prendre une décision qui,
finalement, a été difficile à prendre. Dans les
circonstances, êtes-vous en mesure de dire si devant l'intervention du
bureau du premier ministre, dans un premier temps, par son chef de cabinet, M.
Jean-Roch Boivin, le 3 janvier, vous avez eu un mouvement de surprise ou si
cela vous paraissait être dans le cours normal des choses?
M. Roquet: J'ai eu un mouvement de surprise qu'on nous donne une
réponse.
M. Doyon: Quand le bureau du premier ministre est intervenu
auprès du P.-D.G. de la SEBJ pour demander un abandon des poursuites qui
étaient intentées et pour lesquelles vous aviez voté des
crédits de 500 000 $, est-ce que vous avez réagi d'une
façon ou d'une autre à cette intervention politique?
M. Roquet: D'après mes souvenirs, je ne peux pas le dire.
Comme attitude présente, je suppose que je n'en aurais pas
été particulièrement surpris. M. Laferrière a
mentionné hier que, comme membres du conseil d'administration, nous
sommes ouverts à toutes sortes de gens qui se mettent en rapport avec
nous et qui nous expriment des avis venant de divers paliers. L'attitude
à prendre est soit de refuser de voir tout le monde, soit
d'écouter et de se réserver in petto de juger comme on l'entend.
Qu'il y ait eu des expressions d'avis provenant d'un niveau politique dans un
dossier qui avait -on ne peut pas le nier - une importance économique et
sociale majeure, cela n'a pas dû me surprendre. En tout cas, cet
entretien de M. Boivin avec M. Claude Laliberté, dont je ne me souvenais
même pas avoir été saisi, ne m'a certainement pas
frappé. Encore une fois, cela ne m'a pas semblé quelque chose de
nature à faire écrouler le temple. C'était
intéressant, voilà!
M. Doyon: M. Roquet, vous avez
exprimé votre perception de votre rôle comme étant
un peu ambivalent du fait que vous êtes un fonctionnaire, que vous
êtes quelqu'un qui est employé de l'État dans des fonctions
normales de fonctionnaire et qui, en même temps, se trouvait au conseil
d'administration d'une société d'État qui pouvait avoir
des intérêts spécifiques. Vous avez bien indiqué
à la commission tout à l'heure que, pour autant que vous
étiez concerné, vous n'aviez - cela entrait dans votre vision des
choses - pas discuté avec votre ministre de cette question pour vous
garder les mains libres d'agir, vous disant que c'était pour cela que
vous aviez été nommé. Dans les circonstances, M. Roquet,
comment expliquez-vous la réponse que vous me donniez indiquant que,
voulant vous garder les mains libres vis-à-vis du ministre de
façon à pouvoir remplir adéquatement votre mandat, vous
considériez d'une façon presque anodine l'intervention de
quelqu'un de beaucoup plus haut que le ministre, c'est-à-dire le premier
ministre?
M. Roquet: Cette intervention n'avait pas été faite
auprès de moi personnellement. Dans le cas de l'entretien de M. Boivin
avec M. Laliberté, c'était avec la P.-D.G. Dans le cas de la
demande unanime, je crois, commune du conseil d'avoir un avis directement du
premier ministre, c'est la même chose. Je ne me voyais absolument pas
comme un intermédiaire entre le conseil et le gouvernement.
J'étais un membre à titre personnel. Je dirais que, vous savez,
pour autant que cet avis du bureau du premier ministre et l'avis du premier
ministre lui-même pouvaient jouer, je crois que, si j'avais eu un
préjugé, dans les conditions où j'étais - excusez
l'expression -"I would have been over backwards", c'est-à-dire que je
crois que j'aurais donné le bénéfice du doute à mon
indépendance plutôt qu'à l'avis du gouvernement. J'aurais
voulu être absolument certain de voter indépendamment. Donc,
à cet égard, pour moi personnellement, les avis que nous avons
recueillis du premier ministre et qui étaient un facteur significatif,
je crois, pouvaient jouer pour moi un peu moins même que pour mes
collègues.
M. Doyon: Cette indépendance - j'ai de la
difficulté à m'expliquer, je suis sûr que vous pourrez
m'aider de ce côté, M. Roquet - que vous auriez
considérée comme étant, jusqu'à un certain point,
plus difficile à conserver si vous aviez eu l'occasion ou même
l'obligation de discuter de ce qui se passait au conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James avec votre ministre, si
je comprends bien votre réponse, vous ne l'avez pas sentie
menacée ou mise en cause par une intervention de quelqu'un qui,
finalement, était le patron de votre ministre. (11 heures)
M. Roquet: Oui, M. le Président. En fait, j'ai
déjà eu au conseil le plaisir sardonique de voter, comme
administrateur, pour des politiques dont je savais qu'elles déplairaient
à mon ministre. Au point de vue de la société,
c'étaient de bonnes positions et puis, ensuite, c'était le
problème de mon ministre de parler au président du conseil et de
le convaincre que le gouvernement et la société pouvaient trouver
des créneaux de coopération. J'étais là pour la
société et je travaillais pour la société et je
votais en fonction de ses intérêts et de son optique.
M. Doyon: Dans les circonstances...
M. Roquet: Excusez-moi. Comme, de toute façon, nous en
venions, de plus en plus clairement, dans un cheminement qu'on ne peut pas
seulement suivre dans le texte, mais qui est là aussi, vers ce qui me
paraissait clairement être une décision majoritaire du conseil en
faveur d'un règlement, l'intervention du premier ministre n'était
qu'un constat que où nous nous en allions, de toute façon,
l'actionnaire ne verrait pas de problème majeur. Y aurait-il vu des
problèmes majeurs, nous aurions pensé que nous avions quand
même la bonne solution. Je crois que ce conseil était assez fort
et assez indépendant pour l'adopter. Pour ma part, j'ai rarement vu un
groupe d'hommes et de femmes qui avaient à la fois autant de
compétence professionnelle, autant d'indépendance et surtout de
curiosité, d'exigence vis-à-vis des études qu'ils
recevaient de la société. Je suis persuadé que ce doit
être un des conseils des plus forts et des plus indépendants qu'on
ait vus.
Pour ma part, je me sens très à l'aise sur cette question
que M. Thibaudeau a appelée hier le tordage de bras. Pour tout dire,
vous savez que je suis peut-être le dernier de mes collègues ici
qui ait voté oui et qui témoigne devant vous. Je ne peux que
répéter, comme eux, que j'ai senti que mon vote était un
vote de conscience, un vote libre. Quant à ceux qui ont voté
contre, si l'un ou l'autre parmi eux disait qu'il s'est senti contraint, il n'a
quand même pas été tordu très efficacement puisqu'il
a voté non. Je dirais que nous avons été dans un climat de
liberté.
M. Doyon: Pour vous suivre encore, M. Roquet, il ressort de vos
réponses qu'une intervention de la nature de celle du premier ministre,
c'est-à-dire les paroles que vous avez employées dans votre
témoignage: Vous réglez ou nous allons le faire pour vous, vous
ne l'auriez pas acceptée de la part de votre propre ministre.
M. Roquet: Je croyais qu'il ne
m'appartenait pas, comme administrateur, de m'adresser à un
ministre pour demander son avis, mais qu'il appartenait au canal
désigné pour demander à l'actionnaire quel était
son avis. Si cet avis avait été qu'il n'était pas question
de régler, qu'il fallait y aller à fond, faire 20 ans de
procès au coût de 10 000 000 $, etc., et que nous avions
pensé que c'était une mauvaise décision, je suis certain
que ce conseil aurait pris ses responsabilités. Cela ne posait pas de
problème. Si le gouvernement à ce moment voulait nous dessaisir
de nos responsabilités pour ce qu'il aurait jugé des
intérêts supérieurs du Québec, il l'aurait fait.
À ce moment, notre responsabilité cessait. Nous n'étions
pas mis dans une situation ambiguë. La sienne commençait et
c'était à lui de la justifier à l'Assemblée
nationale et auprès de la population.
Donc, cela ne créait pas pour nous une situation ambiguë et,
pour moi en tout cas, ce n'était pas une situation de menace.
D'ailleurs, je dois avouer que je n'ai pas pensé que c'était
autre chose qu'un accent, une vigueur d'expression. À ce moment, je n'ai
pas pensé que le gouvernement nous informait qu'il allait nous dessaisir
du dossier.
M. Doyon: Ce qui reste un peu flou là-dedans, M. Roquet,
c'est votre rôle à l'intérieur du conseil d'administration.
Vous l'avez très bien décrit. Vous avez voulu l'assumer de la
meilleure façon possible. Vous avez cru devoir le protéger en
vous abstenant de solliciter ou d'obtenir de quelque façon des
préférences, disons, de la part de votre propre ministre, ce qui
vous honore.
Vous me dites que, si cela avait été fait, vous auriez
été dans une situation embarrassante parce que vous avez
exprimé que votre rôle comme administrateur, quand vous
étiez au conseil d'administration, devait prévaloir sur d'autres
obligations que vous pouviez avoir. Mais ce qui reste difficile à
expliquer, c'est que vous ayez eu une tout autre attitude vis-à-vis de
ce qui, finalement, était plus qu'un souhait. Il faut prendre les mots
pour ce qu'ils veulent dire. Moi, je n'ai jamais entendu des souhaits
exprimés d'une façon comme celle-là, c'est-à-dire:
"Vous réglez, "crisse", ou on va régler pour vous autres." Que
vous n'ayez pas considéré - je parle du premier ministre lors de
sa rencontre du 1er février - cette intervention du premier ministre du
même oeil que vous auriez considéré une intervention de ce
genre-là par le ministre dont vous dépendiez en tant que
sous-ministre...
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Question de
règlement, je crois comprendre?
M. Duhaime: Oui. Je devrais, d'abord, déclarer que je suis
d'excellente humeur. Deuxièmement, tout le monde connaît ma
patience exemplaire. Mais je devrais dire à la commission que, lorsque
M. le député de Louis-Hébert trouve qu'il y a du flou, des
choses difficiles à expliquer ou des choses qu'il ne comprend pas, quant
à moi, cela ne me surprend pas.
M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas une question de
règlement. Au lieu de faire de l'interférence...
M. Duhaime: Deuxièmement, depuis les quinze
dernières minutes, le député de Louis-Hébert fait
perdre le temps de cette commission et gaspille aussi l'argent des
contribuables en posant des questions non pertinentes.
M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas là une
question de règlement, c'est son opinion.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre. M.
le ministre, j'aimerais que vous en veniez à votre question de
règlement au plus vite; sinon, je vais être obligé de
redonner la parole au député de Louis-Hébert.
M. Duhaime: M. le Président, la règle du gros bon
sens est une règle non écrite dans nos règlements. Mais
tout le monde sait que quand on pose une question, elle doit être claire,
simple et précise et non pas contenir des préambules
lénifiants comme ceux que nous entendons depuis tout à l'heure et
qui veulent, comme on dit dans le jargon au Québec, aller à la
pêche à la grande ligne. Je pense que M. Roquet s'est
exprimé clairement. Il a dit que son vote avait été fait
en toute liberté. Il l'a dit à cinq reprises. Moi, je suis
prêt à rester ici jusqu'à 13 heures à écouter
le député de Louis-Hébert. Mais je vous avoue
honnêtement qu'en plus de perdre mon temps à l'écouter je
n'apprendrai rien de neuf de sa part.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gatineau, sur la question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, voulez-vous rappeler au
ministre - qu'il soit impatient ou pas, cela importe peu - le règlement
de l'Assemblée nationale, qui, à l'article 170, dit qu'on ne doit
pas faire de préambule inutile.
M. Duhaime: Ils sont tous inutiles.
M. Gratton: C'est une question d'appréciation que le
ministre n'a pas à faire ici. Quant à moi, les préambules
aux questions du député de Louis-Hébert sont loin
d'être inutiles; ils sont tout à fait pertinents. Il me semble que
le ministre ne devrait pas faire d'interférence ce matin.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Est-ce que je
pourrais, pour justement clarifier la situation et, en même temps, aussi
pour continuer à faire en sorte que tout fonctionne très bien ce
matin...
M. Lalonde: Un petit tour de piste, là?
Le Président (M. Jolivet): ...rappeler à tous les
membres de la commission et, plus spécifiquement, à celui qui
pose des questions actuellement, qu'il doit aussi tenir compte de l'article
168, paragraphes 2 et 3 pour le témoin de façon que ce dernier
puisse vraiment y répondre le mieux possible, à sa connaissance
et selon ses souvenirs, comme il l'a dit?
Donc, je redonne la parole au député de
Louis-Hébert en lui permettant de continuer ses interventions.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je continue dans la
même ligne de pensée et en m'en tenant strictement au mandat de
cette commission qui est de faire la lumière sur ce qui s'est
passé et de savoir quelles sont les implications du bureau du premier
ministre dans ce qui est devenu le règlement de 200 000 $ d'une
poursuite de 32 000 000 $ ou de 31 000 000 $. C'est ce qu'il nous importe de
savoir, M. le Président. Il est bien sûr que, pour obtenir ce
genre d'information, il nous faut parfois poser de nombreuses questions. On a
eu la preuve, hier, que, devant des questions...
Le Président (M. Jolivet): M. le député,
j'aimerais que vous...
M. Doyon: C'était sur la question de règlement, M.
le Président.
Le Président (M. Jolivet): C'est justement pourquoi je
vous arrête: c'est que je l'ai réglée. Je vous permets de
continuer votre intervention, mais non pas de la continuer sur la question de
règlement. M. le député, continuez, s'il vous
plaît.
M. Doyon: Merci, M. le Président.
Pouvez-vous dire à cette commission, M. le sous-ministre, si vous
étiez présent à la réunion du conseil
d'administration du 11 décembre?
M. Roquet: Je ne le peux pas, de mémoire, et je crois que
nous n'avons pas le procès-verbal de cette réunion. Il faudra que
je demande à la société de me confirmer si j'y
étais.
M. Doyon: Quand cela vous sera possible, j'aimerais que la
réponse soit envoyée à la commission par lettre ou
autrement.
Le Président (M. Jolivet): Vous la ferez parvenir au
secrétariat des commissions.
M. Doyon: J'ai la même question en ce qui concerne...
M. Roquet: Si vous le permettez, je demanderais à la SEBJ
de le faire directement puisque les documents sont...
Le Président (M. Jolivet): Parfait, au secrétariat
des commissions parlementaires à l'attention de M. Bouliane.
M. Doyon: J'ai la même question en ce qui concerne les
réunions du conseil d'administration des 23 et 30 janvier. Je ne sais si
vous êtes capable de me dire si le 23 janvier vous étiez
présent.
M. Roquet: Non plus, puisque, là encore, il n'y avait rien
au procès-verbal ces jours-là. On pourra donc demander à
la société d'indiquer les présences.
M. Doyon: Qu'en est-il de la réunion du 30 janvier?
M. Roquet: II en est de même.
M. Doyon: Si on parlait plus particulièrement du 23 ou du
30 janvier, est-ce que vous vous souvenez qu'avant le 1er février il ait
été question au conseil d'administration de la
Société d'énergie de la Baie James de l'opportunité
d'aller consulter directement le premier ministre pour savoir ce qu'il pensait
de la suite qui devait être donnée aux poursuites intentées
par la société? Est-ce que vous vous souvenez qu'il a
été question d'une délégation de membres du conseil
d'administration qui se rendrait au bureau du premier ministre?
M. Roquet: J'ai souvenir qu'une démarche a
été faite et qu'elle fut faite selon le voeu des administrateurs
et, donc, à l'initiative de la société. Exactement
à quelle date, à quel moment cela s'est décidé, je
ne pourrais pas m'en souvenir, mais je me souviens nettement que la
société a voulu sonder l'actionnaire à ce
sujet-là.
M. Doyon: II est sûr qu'étant donné que le
premier ministre a été rencontré le 1er février,
c'était donc avant le 1er février, soit le 23 ou le 30 janvier.
Maintenant, compte tenu du fait que vous vous souvenez
de cela, pouvez-vous dire à cette commission qui a fait cette
suggestion d'aller rencontrer le premier ministre à son bureau?
M. Roquet: Je ne me souviens pas qui, mais j'ai l'impression
qu'il s'agissait d'un voeu général. Sans vouloir faire parler
chacun de mes collègues là-dessus, j'ai l'impression qu'il
s'agissait d'un souhait général du conseil.
M. Doyon: Étiez-vous d'accord avec cela?
M. Roquet: Sûrement.
M. Doyon: Vous étiez d'accord avec cela?
M. Roquet: Sûrement. C'était un facteur pertinent au
dossier que l'avis de l'actionnaire d'Hydro-Québec, qui est actionnaire
de la SEBJ, sur ce dossier. Ce n'était pas, cependant, un
élément déterminant, mais, comme nous étions
résolus comme conseil à explorer toutes les dimensions de la
question et que certains d'entre nous avaient entendu dire qu'il y avait un
certain avis au bureau du premier ministre - ce n'était pas une
communication officielle - nous voulions donc officiellement et de façon
sûre savoir ce que pensait l'actionnaire.
Je dois, d'ailleurs, faire une distinction. Vous parliez tout à
l'heure de l'entretien de Claude Laliberté avec M. Boivin. Il y a une
distinction entre un entretien qu'on sollicite et un entretien qui est
sollicité. Si mon ministre avait demandé à me parler sur
la question de la SEBJ ou le premier ministre, je n'aurais quand même pas
dit que je refusais de lui parler. Je l'aurais écouté, mais
j'aurais gardé, pour ma part, ma liberté de décision. Cela
ne s'est pas produit. Dans ce cas-ci aussi, dans le cas du 1er février,
le conseil avait décidé qu'il était pertinent qu'il
interroge l'actionnaire.
M. Doyon: Vous êtes d'accord avec moi que, étant
membre du conseil à ce moment-là, l'analogie que vous faites
avec: Si mon ministre m'avait demandé de lui parler, je lui aurais
parlé, ne tient pas, étant donné que la demande venait du
conseil d'administration, dont vous, qui ne vous êtes pas opposé
à cette démarche.
M. Roquet: Je faisais l'analogie avec la rencontre de M.
Laliberté avec M. Boivin.
M. Doyon: Merci. Étant donné que vous avez
été favorable à cet entretien qui a eu lieu le 1er
février, pourriez-vous nous dire quelles étaient vos intentions
personnelles en ce qui concernait le résultat éventuel de cet
entretien? Est-ce que c'était quelque chose à prendre en
considération ou si, pour vous, le résultat de l'entretien
était complètement non pertinent? (11 h 15)
M. Roquet: Non, cela faisait partie d'un dossier et, sans
prétendre m'en souvenir, j'ai l'impression que c'est plus tard, quand
l'ensemble des éléments est tombé devant nous, par exemple
des éléments des premières approches des
défendeurs, etc., quand l'ensemble du dossier a paru bien arrondi et
bien creusé. J'ai l'impression que c'est là que j'ai dû
prendre mon orientation. C'était, cependant, un facteur dans le dossier.
Ce n'était pas un facteur inexistant, puisque nous avions jugé
qu'il fallait l'obtenir au dossier.
Je dois dire que mon impression de la séance où M.
Saulnier nous a fait rapport de son entretien avec le premier ministre en
était plutôt une de bonne humeur. J'ai l'impression qu'il a fait
rapport de l'avis du premier ministre en rigolant un peu sur l'insistance, sur
la manière un peu amusante dont il avait marqué son avis et c'est
tout. Je n'ai pas senti un vent de terreur passer sur le conseil.
M. Doyon: M. Roquet, lors de réunions qui ont suivi cette
rencontre avec le premier ministre - je me réfère plus
particulièrement à celle du 6 février, où M.
Saulnier vous a fait rapport - est-ce que vous vous êtes personnellement
enquis des raisons invoquées par le premier ministre pour obtenir
l'abandon des poursuites?
M. Roquet: À cette distance dans le temps, je ne m'en
souviens franchement pas. Je peux seulement supposer que M. Saulnier a dû
nous faire état des considérants du premier ministre. Mais c'est
une supposition que vous pouvez faire aussi. Je n'ai pas de souvenir de cela,
à quatre ans et demi de distance.
M. Doyon: Ne pensez-vous pas, M. Roquet, qu'il était aussi
important pour vous personnellement - si ce n'est pas le cas, vous me le direz
- de connaître le fondement du désir du premier ministre que de
connaître le désir lui-même? Ne pensez-vous pas qu'il
était aussi important de connaître le pourquoi que la
réponse elle-même?
M. Roquet: Exactement. C'est pourquoi on peut supposer aussi, en
l'absence de mémoire précise, que, si M. Saulnier avait
négligé nous faire rapport des considérants, nous les
aurions demandés clairement. Comme je vous l'ai dit, nous étions
portés à aller au fond des choses.
M. Doyon: Si on parle de ces considérants, vous me dites
clairement qu'ils
ne vous reviennent pas à la mémoire, que vous ne vous en
souvenez plus.
M. Roquet: Non. Bien sûr, je sais quels considérants
agissaient dans notre esprit, à ce moment-là. Mais, simplement
sur le point précis de savoir s'ils ont été
mentionnés, de son propre mouvement, par M. Saulnier ou si nous les lui
avons demandés ou quoi je ne m'en souviens pas. Mais ils ont
certainement dû être sur la table. De toute façon, ces
considérants étaient déjà sur la table, au conseil,
bien sûr, c'étaient les éléments essentiels du
dossier.
M. Doyon: M. Roquet, compte tenu...
M. Roquet: Je ne crois pas que l'entretien du premier ministre
nous ait apporté de nouveaux considérants auxquels nous n'avions
pas songé. On nous a apporté une information qui était
officiellement d'avoir son avis par les canaux appropriés.
M. Doyon: M. Roquet, compte tenu que, à cette
réunion du 1er février avec le premier ministre, il y avait
aussi, en plus de M. Saulnier, MM. Boyd et Laliberté, est-ce que soit M.
Boyd, soit M. Laliberté vous ont éclairé d'une
façon complémentaire en ce qui concerne cette entrevue capitale
du 1er février avec le premier ministre du Québec, M. René
Lévesque?
M. Roquet: Nous avons participé, tout au cours de ces
mois, à un grand nombre de discussions extrêmement touffues,
très longues, des discussions qui ont duré des heures. Alors,
dire exactement quoi a été discuté à un certain
moment et par qui, c'est totalement impossible. Je dois dire que cette question
de mémoire - c'est presque proustien, n'est-ce pas - est revenue souvent
sur la table, ici. Personnellement, j'ai senti du désarroi, à
l'occasion, de voir et d'entendre des commentaires, à l'extérieur
de cette commission, bien sûr, sur le fait qu'on avait des trous de
mémoire, etc. Écoutez, nous n'étions pas des mafiosi,
essayant ici, par des trous de mémoire commodes, de cacher la
vérité. Je dois dire que c'est quelque chose qui est sans doute
difficile à apprécier de l'extérieur, que, sur un dossier
important comme celui-là, on ne puisse pas reconstituer l'ensemble de ce
qui s'est passé. Mais, quand même, les années passent et
des milliers de dossiers de toutes sortes passent sur nos bureaux. Même
à la SEBJ, comme on l'a rappelé hier, nous avions, à
chaque réunion du conseil, cinq ou six heures de lecture à faire
avant la réunion. Nous avions par dizaines des dossiers de 30 000 000 $,
de 50 000 000 $, de 200 000 000 $ qui tombaient sur la table et, là
aussi, il y avait des discussions qui duraient des jours. Alors, c'est une
impossibilité de se souvenir précisément dans tel
entretien qui a dit quoi. Je le regrette.
M. Doyon: Dans cette optique, compte tenu du fait que vous avez
été pendant quatre ou cinq ans membre du conseil d'administration
de la SEBJ, est-ce que c'est la seule occasion où le conseil
d'administration a délégué certains de ses membres pour
aller solliciter l'opinion du premier ministre sur un dossier quelconque?
M. Roquet: II me semble, mais je ne pourrais pas en jurer. Comme
je suis sous serment, je n'en jure pas.
M. Doyon: À votre souvenance, c'est la seule occasion?
M. Roquet: Oui, mais j'y pense dix secondes. Si je me donnais
cinq minutes, peut-être que je me souviendrais d'une autre. J'ai
l'impression que c'est la seule.
M. Doyon: Étant donné qu'il semble que ce soit la
seule, vous ne pouvez pas informer cette commission des détails qui vous
auraient été présentés, soit par M. Saulnier, par
M. Boyd, ou par M. Laliberté, sur le contenu de cette réunion. Un
détail très précis. Est-ce que vous, ou quelqu'un au
conseil d'administration a demandé un renseignement très simple,
comme le suivant: Combien de temps a duré votre rencontre avec le
premier ministre? Est-ce que c'est une question qui a été
posée par quelqu'un?
M. Roquet: Je ne m'en souviens pas. Quand j'ai
écouté le témoignage de M. Laliberté sur cet
entretien - après tout, il y était; naturellement, cela s'imprime
plus si on y est: on a les images physiques - son compte rendu de l'entretien
m'a semblé tout à fait convaincant, tout à fait
correspondre à l'hypothèse que je ferais sur cet entretien, mais
je ne peux pas dire que j'en ai souvenir. Donc, non, je ne me souviens
même pas si on a dit: Combien de temps cela a duré? De quelle
couleur étaient les tapis? Je ne sais vraiment pas.
M. Doyon: Je pense, M. Roquet, que vous avez eu l'occasion hier
d'assister au témoignage de M. Laferrière et de M. Thibaudeau.
Entre autres, est-ce que vous êtes en mesure d'informer cette commission
si vous étiez au courant que, pendant que se poursuivaient des
procédures judiciaires, des avocats de la SEBJ, c'est-à-dire les
avocats Geoffrion et Prud'homme, préparaient un projet de
règlement, à la suite d'un mandat verbal - cela a
été établi par le président, M. Laliberté -
confié par M. Laliberté à ces avocats, laquelle offre de
règlement s'est retrouvée entre les mains des procureurs des
syndicats américains et a été présentée
à la
société comme étant l'offre de ces syndicats
américains? Est-ce que vous étiez au courant de ce retour par la
bande, par ricochet, d'une offre de règlement qui, finalement,
émanait de la société?
M. Roquet: Non, M. le Président. Je suppose que ceci se
passait entre les réunions du conseil et il est possible que, plus tard,
quand la réunion suivante du conseil a eu lieu, la situation ait
évolué. Je ne me souviens pas que nous ayons été
saisis de ces documents.
M. Doyon: Étant donné que vous avez assisté
au témoignage, il n'est pas nécessaire d'en faire le
résumé. Quelle a été votre réaction et
quelle est encore votre réaction vis-à-vis de ce qui est apparu,
hier, comme étant des démarches non autorisées par le
conseil d'administration de la Société d'énergie de la
Baie James par ses procureurs pour obtenir un règlement des syndicats?
En tant qu'administrateur ayant à coeur la bonne marche de l'entreprise
et les intérêts de celle-ci, quelle a été votre
réaction à cela?
Le Président (M. Jolivet): Monsieur, avant que vous
répondiez, je fais la même réserve que j'ai faite hier
soir: Si vous ne voulez pas répondre, vous n'êtes pas
obligé de répondre.
M. Roquet: Je dirai simplement, si vous le permettez, que je ne
suis pas en mesure de conclure. J'aurais besoin de voir comment les procureurs
eux-mêmes interpréteraient leur action dans ce cas. Ils avaient un
mandat de sondage. Est-ce que cela faisait partie de cela? Dans quel sens? Je
ne peux pas préjuger. Je crois que je dois, pour ma part, attendre que
les procureurs soient interrogés sur cette question.
M. Doyon: M. le Président, si on considère que ma
question n'est pas pertinente, vous allez m'obliger à reprendre la
preuve qui a été faite par mon collègue de
Brome-Missisquoi hier. Je vais transmettre à M. Roquet les documents et
nous allons les comparer ligne par ligne, page par page, paragraphe par
paragraphe, et je vais obtenir de lui la réponse que je sollicite
actuellement.
Le Président (M. Jolivet): La seule chose que j'ai voulu
dire, c'est que j'ai émis la même réserve que j'ai faite
hier soir. Je n'ai pas à déterminer quelles sortes de questions
vous allez poser, mais il y a, quand même, pour le témoin une
possibilité de se protéger sur ce qu'il a à
répondre en vertu du mandat qui nous est confié. M. Roquet
voulait, cependant, ajouter quelque chose.
M. Roquet: Oui. M. le Président, je n'ai pas
invoqué la non-pertinence de la question. J'y ai répondu au mieux
de ma connaissance. Il y a des pièces. On me demandait, somme toute,
comment j'en jugerais comme administrateur. Je répondais à la
question en disant que, comme administrateur, je me sens incapable d'y
répondre avant d'avoir le témoignage des procureurs qui, eux, ont
rédigé ces documents et ont participé au processus. Donc,
il me semble que je réponds à la question dans les limites de mes
capacités. Je ne plaide pas la non-pertinence dans ce cas-ci; je tente
de répondre.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: ...sur cette question de règlement, parce que
j'imagine que cela en est une, j'ai suggéré hier que, lorsque le
député de Brome-Missisquoi échafaudait une
hypothèse, il retienne ses questions pour les poser lorsque les
procureurs de toutes les parties viendront, à tour de rôle, rendre
témoignage devant cette commission. Pour ma part, et je le dis en toute
déférence, je ne me laisse pas impressionner par des
hypothèses à partir de questions tendancieuses, même si
elles sont reprises en première page par certains quotidiens.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, la seule chose
que je voudrais... M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, si vous me permettez de
terminer...
Le Président (M. Jolivet): Oui, mais sur la question de
règlement...
M. Duhaime: ...le point de règlement, je voudrais
peut-être faire une suggestion au député de
Louis-Hébert. S'il le souhaitait, M. Roquet étant à
Québec, si besoin est, pour vous permettre à vous de comprendre
ce dont il s'agit, si vous voulez retenir vos questions, attendre que les
procureurs aient rendu leur témoignage et si on a besoin de vous
éclairer davantage, je suis tout à fait disposé à
demander à M. Roquet de revenir devant la commission ensuite. Mais je ne
voudrais pas que l'on tente d'inscrire le témoignage ou d'inscrire des
questions et des réponses de M. Roquet sur ce que j'appelle pour
l'instant un échafaudage libéral.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, j'allais
simplement ajouter que la commission a pris une décision qui est
pertinente, à mon avis, à savoir qu'on retarde l'ensemble des
deux documents. M. le député de Brome-Missisquoi avait
accepté
cette suggestion par l'intermédiaire du député de
Marguerite-Bourgeoys, concernant des questions à être
posées aux procureurs des parties.
M. Doyon: C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): D'accord: Sauf que ce que je
voulais ajouter, c'est que la commission a pris une autre décision,
celle de rappeler des personnes qui avaient été invitées
à cette commission, si besoin se faisait sentir en cours de route. La
suggestion que le ministre fait est une suggestion qui a déjà
été acceptée par la commission.
Une voix: Bien non!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je veux seulement faire remarquer que la question a
été posée, il me semble, sous toute réserve, car je
n'ai pas la transcription devant moi, hier soir, M. Monty, qui s'est dit
surpris, je crois. Cela a été sa réaction.
M. Duhaime: Je m'excuse. Ce n'est pas là-dessus.
M. Lalonde: Alors, il me semble qu'il a été...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, il y a une
question qui a été posée. Je dois vous dire que j'ai
émis la même réserve à M. Monty, hier soir, et c'est
pour cela que je la reprenais ce matin pour M. Roquet. Mais M. Roquet, devant
cette réserve que j'émets, a seulement ajouté qu'il aimait
mieux attendre d'autres témoignages. Comme la commission a
déjà décidé que, devant ces faits, il pourrait
être rappelé si nécessaire, la proposition que fait M. le
ministre est pertinente actuellement dans le débat.
M. Tremblay: Question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly, sur la question de règlement ou une autre question de
règlement?
M. Tremblay: Une autre question de règlement. Le
député de Marguerite-Bourgeoys vient de faire état d'une
déclaration de M. Monty hier soir. Pourrait-il nous relater dans les
termes exacts ce que M. Monty a dit?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, la
transcription des débats ou les galées, comme on dit, ne sont
peut-être pas disponibles à ce moment-ci. Je ne sais pas, je n'ai
pas vérifié. M. le député, M. le
député, M. le député.
M. Blouin: Un trou de mémoire 24 heures après. (11
h 30)
Le Président (M. Jolivet): M. le député, M.
le député, s'il vous plaît, laissez la commission agir
comme elle l'a fait depuis le début. Seulement pour rappeler
qu'effectivement une question a été posée hier et une
réponse a été donnée. Je ne me souviens pas des
termes, moi non plus. La seule chose que je veux dire, c'est que j'ai
émis la même réserve que j'émets aujourd'hui.
Maintenant, M. Roquet a le droit, vis-à-vis de la réserve que
j'ai exprimée, de donner une réponse qu'il a effectivement
donnée. Si le député de Louis-Hébert juge qu'elle
n'est pas complète, la proposition du ministre, qui a déjà
été acceptée par la commission, est aussi sur la table et
elle pourrait nous permettre, si c'est nécessaire, de faire revenir M.
Roquet.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, je vais reformuler ma question
et je suis sûr que le ministre ne trouvera pas, cette fois,
matière à soulever une autre question de règlement. Je
vais poser une question très simple à M. Roquet. M. Roquet, des
documents ont été comparés hier par mon collègue de
Brome-Missisquoi, c'est-à-dire une offre émanant du procureur des
syndicats américains, Me Beaulé, qui est dans le cahier, une
offre de règlement, de transaction. Est-ce que vous avez eu l'occasion,
M. Roquet, de comparer personnellement, étant donné que vous
étiez ici, cette offre de règlement avec un autre document qui
nous est parvenu de la Société d'énergie de la Baie James,
daté du 18 janvier, la veille? Est-ce que vous avez eu l'occasion de
vous rendre compte de la similitude, de la conformité presque
complète de ces deux documents?
M. Roquet: M. le Président, j'ai, en effet, jeté un
coup d'oeil sur ces documents hier, sur les trois documents d'ailleurs. Il y en
a un daté du 16 janvier, qui vient des défendeurs; un daté
du 18 janvier, de la SEBJ; et un du 19 janvier, d'un autre défendeur, je
crois. Il y a une similitude entre ces textes. La raison de ma réponse
de tout à l'heure - et c'est vraiment la seule que je puisse donner -
est la suivante: Je me sens incapable d'interpréter ce qui était,
évidemment, un processus de sondage sur la seule base de documents. J'ai
moi-même participé très longtemps à des
négociations intergouvernementales où des bouts de papier
figuraient, ils se passaient d'un côté et de l'autre, cela pouvait
souvent être des bouts de papier inexistants. Mon sentiment est qu'on ne
peut interpréter des papiers qu'en fonction du processus réel qui
a eu lieu;
seuls les avocats peuvent nous l'expliquer. Donc, c'est pour cette
raison, ce n'est pas de la mauvaise volonté vis-à-vis de la
commission, que je me sentais incapable d'interpréter les documents
avant d'avoir reçu les commentaires des procureurs.
M. Doyon: M. le Président...
M. Roquet: C'est fondé sur mon expérience dans un
domaine différent, ce n'est pas un manque de bonne volonté. En
réponse précise à la question, il me semble,
personnellement, qu'il y a similitude entre les textes du 16, du 18 et du 19
janvier.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui, M. le Président. Je lui demande s'il est
d'accord avec moi que ce qu'il qualifie, péjorativement, de bout de
papier du 18 janvier était, un projet de transaction, un projet de
règlement hors cour qui prévoyait tous les éléments
du règlement qui étaient mis sous forme judiciaire et qui a
été, finalement, présenté comme étant le
document qui mettait fin aux poursuites. Est-ce que vous avez pu vous rendre
compte de cela?
Le Président (M. Jolivet): M. Roquet.
M. Roquet: M. le Président, quand je parlais de bouts de
papier, je faisais allusion à mon expérience diplomatique. Je
faisais un parallèle. En effet, l'expression "bouts de papier" existe
dans ce domaine. Cela désigne toutes sortes de documents qui ont une
existence plus ou moins formelle et, en tout cas, qui ne sont pas des documents
finaux. Je ne crois pas avoir appliqué cette expression aux documents du
18 ou du 19 janvier. Si je l'ai fait, c'était simplement... Mais je ne
crois pas l'avoir fait.
M. Doyon: Je vous remercie de la précision, parce que je
m'inquiétais, M. le Président, de ce qualificatif et je suis
heureux de voir que M. Roquet ne qualifie pas de bout de papier ce qui,
finalement, est l'essence...
M. Duhaime: Franchement!
M. Doyon: ...de ce qui sera l'aboutissement d'une poursuite de 32
000 000 $ intentée par la Société d'énergie de la
Baie James et pour laquelle des frais judiciaires et des frais afférents
de 900 000 $ avaient été engagés.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je m'excuse à nouveau d'intervenir, mais je ne
laisserai pas passer celle-là. M. Roquet a dit qu'il s'agissait de bouts
de papier. Le député de Louis-Hébert s'estomaque parce
qu'un haut fonctionnaire de trente ans de carrière nous dit que c'est un
bout de papier. On lui demande si c'est préjoratif. Il dit: Non, cette
expression est utilisée, c'est courant et tout le monde parle de cela.
Il revient en nous posant exactement sa première question en voulant
mettre, dans la bouche de M. Roquet, des mots qui voudraient signifier que des
projets de transaction préparés par des procureurs sont, à
toutes fins utiles, des papiers préparés pour la poubelle. Il y a
une grande différence. Ne faites pas dire au témoin des choses
qu'il n'a pas dites et surtout ne les interprétez pas.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Doyon: M. le Président, j'ai l'impression que le
ministre devient de plus en plus nerveux à mesure qu'on approche de
l'heure du dîner.
M. Duhaime: Non, je ne suis pas nerveux, je ne dîne pas le
midi.
M. Tremblay: Vous n'avez pas eu le temps de déjeuner.
M. Doyon: Je pense que la réponse de M. Roquet
était satisfaisante. Les deux documents auxquels j'ai
référé, ceux du 18 et du 19, étaient,
d'après sa réponse, des documents importants.
M. Duhaime: Voilà.
M. Doyon: Je pense que cela est établi.
Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'on pourrait, quand
même, donner le soin à M. Roquet de clore ce débat, s'il le
désire, pour que les gens comprennent bien ce qu'il a voulu dire.
M. Roquet: Je me considère au service de la commission et
de chacun de ses membres avec un égal respect. J'ai vraiment
tenté de répondre à la question. Il me semble simplement
que juger soit de la signification, soit de l'importance des documents sans le
contexte des pourparlers dans lequel ils s'inscrivaient, contexte que je ne
connais pas, serait vous rendre un mauvais service. Je dois m'en tenir à
la limite de mes capacités comme témoin. Je ne veux nullement
donner l'impression que j'essaie de frustrer les questions des
députés qui ont leurs obligations dans ce domaine.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert, avez-vous d'autres
questions?
M. Doyon: Oui, j'ai d'autres questions, M. le
Président.
M. Roquet, votre opinion personnelle, avant le 18 janvier 1979,
était-elle qu'il appartenait ou n'appartenait pas à la
Société d'énergie de la Baie James de faire les premiers
pas dans une proposition de règlement aux syndicats tant canadiens
qu'américains? Quelle était votre opinion sur l'attitude que
devait prendre la Société d'énergie de la Baie James dans
ce qu'on a appelé, dans d'autres témoignages, la stratégie
de règlement? Est-ce que vous pensiez que c'était à la
société d'entreprendre, de faire des démarches
premières en vue d'obtenir ce règlement ou si vous partagiez
l'opinion d'un autre témoin qui était d'avis que les premiers pas
devaient émaner de la partie défenderesse, c'est-à-dire
des syndicats?
M. Roquet: II m'est impossible, de mémoire, de
préciser ce que je pensais à un moment donné. Cependant,
à entendre les témoignages qui ont été émis
ici, je peux simplement faire remarquer qu'avant le 18 et le 19 il y avait, me
semble-t-il d'après ces témoignages, déjà eu
indication des défendeurs qu'ils souhaitaient régler hors cour.
Le texte du 16 est déjà une indication écrite et j'ai
l'impression que, précédemment, il y avait déjà eu
des indications de la part des défendeurs qu'ils s'orientaient dans
cette direction. Cela dit, ce n'est pas un souvenir.
M. Doyon: Est-ce que vous reconnaissez ou non - je vous laisse le
choix de la réponse - que le document présenté devant
cette commission et dont vous avez dit tout à l'heure avoir pris
connaissance, avant de venir devant nous, c'est-à-dire le document du 18
janvier, préparé pour les procureurs par les procureurs de la
SEBJ, constituait, dans les faits, une approche très directe de
règlement?
M. Roquet: Je dois là-dessus, M. le Président,
redire ce que j'ai dit: Je me sens incapable d'interpréter cette
situation puisqu'elle n'est pas dans un contexte. Ce n'est pas dans le contexte
du processus réel qui s'est passé entre les procureurs. En
l'absence de leur témoignage, je me sens incapable d'interpréter
la situation.
M. Doyon: À votre connaissance, M. Roquet, est-ce qu'avant
le 18 janvier le conseil d'administration avait mandaté les procureurs
de la société pour explorer, faire des démarches pour
obtenir la fin des poursuites au moyen d'un règlement hors cour?
M. Roquet: Je ne peux pas me souvenir du déroulement de ce
processus. Je ne pourrais donc pas dire ce qu'il en était,
d'après mon souvenir. C'est une interaction extrêmement
détaillée de réunions, etc. Je dois avouer que l'essentiel
de ma mémoire du dossier et de son évolution dans le temps autour
des dates du 27, du 6, du 19, etc., me vient de ma relecture des
procès-verbaux. Et, au fond, j'avoue même que je me méfie
un peu de ma mémoire parce qu'elle peut être influencée par
tout ce qui a été dit ici et, alors, on recommence à
reconstituer des événements dans sa tête. Au départ,
lire les procès-verbaux, c'était comme lire un roman d'Agatha
Christie, n'est-ce pas? Je ne m'en souvenais pas. Alors, là encore, je
ne veux pas vous tromper quand vous me posez des questions. Mais ce dont je me
souviens...
M. Doyon: Alors, comme dans Agatha Christie, on connaîtra
le coupable à la toute fin?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Roquet: C'est toujours le portier. "Always the butler"!
Des voix: Ah! Ahl Ah!
M. Doyon: Alors, je ne prétends pas enlever le suspense de
cette commission dès le début, M. le Président, en le
faisant connaître. Ce serait le propre d'un mauvais romancier.
M. Duhaime: À l'ordre, M. le député de
Louis-Hébert.
M. Roquet: M. le Président, je demande à retirer ma
comparaison. Je ne voulais nullement impliquer une culpabilité. Disons
que c'est un roman de Delly!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Jolivet): Alors, c'était une
intermission!
M. Doyon: M. Roquet, vous ne semblez pas pouvoir faire de lien
entre ces deux documents qui se sont suivis et qui sont partis d'un endroit
pour aller à un autre et en revenir. D'après ce que je comprends,
vous avez suivi les délibérations de la commission de très
près et vous connaissez les témoignages. Quand avez-vous appris
le va-et-vient, la navette qu'il y avait entre le bureau du premier ministre et
les procureurs des syndicats au bureau de l'ancien tuteur du local 791 -
maintenant devenu conseiller au cabinet du premier ministre - avec les avocats
de la Société d'énergie de la Baie James? Devant ces faits
qui ont été établis
au moyen de documents qui émanent directement des
procès-verbaux et de leurs annexes du conseil d'administration de la
société, avez-vous appris cela à ce moment-là ou si
vous le saviez déjà?
Le Président (M. Jolivet): M. Roquet, avant que vous
répondiez, en vertu de la même analogie que j'ai faite, compte
tenu que c'est une question d'opinion, eu égard au fait que le mandat de
la commission est de regarder ce qui s'est passé à cette
époque, vous avez la liberté de répondre ou non.
M. Doyon: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, je respecte ce que vous dites,
sauf que je voudrais quand même indiquer qu'il n'y a pas de question
d'opinion là-dedans. Je pose une question très simple à M.
Roquet qui est la suivante...
Le Président (M. Jolivet): Non, je l'ai comprise, M. le
député. J'ai suivi à fond, d'ailleurs. C'est simplement
pour vous rappeler que vous posez une question à M. Roquet en vertu de
ce qui a été dit à cette commission parlementaire sur des
événements qui ont eu lieu ici à cette commission et non
pas en vertu du mandat qui dit que c'est en 1974. Si vous la posiez autrement,
j'agirais autrement quant à moi.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je n'avais pas compris le sens de vos recommandations
la première fois. Maintenant, sur ce que vous venez de dire, je pense
qu'on doit se pencher un peu. C'est sûrement de notre devoir d'inviter un
témoin ou un invité - "inviter un invité" - à
donner son souvenir des faits qui ont été rapportés ici
par d'autres, sûrement. C'est aussi, souvent, une façon de
rafraîchir la mémoire d'un invité.
Le Président (M. Jolivet): Ce que l'on demande à M.
Roquet, si j'ai bien compris la question - et j'ai fait attention pour bien
l'écouter - c'est son opinion, sa façon de voir les choses eu
égard aux témoignages qui ont été entendus ici. Si
ce n'est pas cela, j'aimerais que vous la repreniez.
M. Doyon: Oui, M. le Président, avec plaisir, avec le plus
grand des plaisirs. M. le Président, ma question est la suivante: Est-ce
que vous avez appris dernièrement, pendant que cette commission
siégeait, qu'il y avait eu un va-et-vient continuel? C'était cela
ma question et je la répète: Est-ce que vous avez appris ici ou
si vous saviez déjà que les procureurs des parties adverses,
c'est-à-dire des syndicats impliqués, ainsi que des "syndicats"
de la société, se réunissaient, se rencontraient à
plusieurs reprises au bureau du premier ministre? Est-ce que c'est une chose
que vous saviez déjà ou si vous l'avez apprise ici? (11 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous avez posé une question à plusieurs
volets. Votre question contient, entre autres, une affirmation qui n'a jamais
été établie devant cette commission. Votre question
contient l'affirmation que les avocats - vous avez dit les "syndicats" de la
société, mais je pense que c'est un lapsus qu'on va vous
pardonner
M. Doyon: Oui, je m'excuse.
M. Duhaime: ...les procureurs de la société et les
procureurs des syndicats se seraient rencontrés au bureau du premier
ministre.
M. Lalonde: Non, non. Le premier ministre.
M. Doyon: Au bureau du premier ministre.
M. Lalonde: Auraient rencontré, seraient allés au
bureau du premier ministre.
M. Duhaime: Cela n'a jamais été prouvé que
les avocats de la SEBJ et les avocats des syndicats se seraient
rencontrés ensemble au bureau du premier ministre. Ce qui est
établi, ce que je ne nie pas, c'est que les avocats des parties se sont
rencontrés. Ils se sont même rencontrés - ils ont
facturé leurs honoraires à la SEBJ comme cela était leur
droit - à six reprises entre le 15 et le 30 janvier. Il est
également établi - je vous dis à l'avance que ce sera
corroboré et confirmé - qu'il y a eu effectivement des rencontres
entre M. Boivin et les procureurs des syndicats. Maintenant, si vous reprenez
votre question autrement, en ne laissant pas entendre des choses qui ne sont
pas prouvées... Ce que je crains quand vous posez des questions
pareilles, c'est que les journaux les reprennent et les diffusent alors que les
travaux de cette commission ne sont qu'entamés. Je ne vous laisserai
pas, si brillant soyez-vous, porter des jugements en cours de route.
Tantôt, dans votre première question à laquelle s'est
opposé le président, c'était carrément demander
à M. Roquet une
expression d'opinion sur les témoignages entendus ici. C'est le
droit des membres de la commission d'évaluer les témoignages et
les faits qui sont mis devant nous. Nous ferons rapport ensuite à
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Jolivet): Pour clore ce débat qui,
quant à moi, ne devrait pas s'amorcer, la deuxième question qui a
été posée était différente de l'autre.
D'ailleurs, quand on relira le journal des Débats, on s'en apercevra.
Cependant, je n'ai pas fait la réserve que le ministre a faite sur la
deuxième, jugeant qu'elle permettait maintenant à M. Roquet d'y
répondre. M. Roquet.
M. Roquet: M. le Président, me référant donc
à mes souvenirs ou impressions de cette époque, nous savions au
conseil que les procureurs des deux parties se rencontraient. Exactement quand,
je ne sais pas, mais les choses semblaient se présenter normalement.
Nous en concluions que la partie adverse était intéressée
à un règlement. Je crois aussi me souvenir de ce que M.
Laliberté vous signalait ici, nous avons appris, par nos procureurs, que
les procureurs de la partie adverse s'étaient présentés au
bureau du premier ministre. Nous pouvions en tirer la même conclusion: la
partie adverse était intéressée à régler.
Quant aux entretiens éventuels des procureurs de la
société avec le bureau du premier ministre, non, je n'ai pas
souvenir de cet aspect. Mon impression générale du temps est que,
pour le conseil, les renseignements que nous avions indiquaient un mouvement du
côté de la partie adverse, que les choses se déroulaient
normalement, que le conseil gardait le contrôle de la décision. Je
ne crois pas pouvoir apporter plus que cela en réponse à la
question du député.
M. Doyon: M. Roquet, puisque ce va-et-vient ne vous a pas
étonné - en tout cas, vous l'avez soupçonné, vous
avez cru que cela pouvait se produire - et que, maintenant, vous vous apercevez
que cela a été le cas et que ce n'est pas plus grave que cela,
selon ce que je retire et je résume, bien malhabilement, j'en suis
conscient...
M. Roquet: Excusez-moi, M. le député. Je me situais
à ce moment-là. J'essaie de vous décrire ce qui, me
semble-t-il, m'était connu, ce qui, je crois, ne l'était pas et
de vous décrire l'atmosphère et l'interprétation du temps.
C'est tout, je m'excuse.
M. Doyon: Finalement, quand il a été question de
règlement et que vous vous êtes rallié,
premièrement, personnellement, intérieurement, à cette
éventualité - quand on parle de règlement, on parle de
modalités de règlement et, parmi les modalités importantes
de règlement, il y a, bien sûr, l'aspect pécuniaire - dans
votre idée, est-ce que vous aviez fixé ce qui,
pécuniairement, financièrement, serait une compensation
économique adéquate à ce qui avait été
engagé comme poursuite par la société?
M. Roquet: M. le Président, il m'a toujours semblé
que le jugement économique dans cette affaire était
extrêmement important. Dès le départ, il nous fallait
prendre une décision d'affaires et une bonne décision d'affaires.
Les aspects, soulignés hier par M. Laferrière, avec raison,
étaient importants. Le cours des travaux, les implications
économiques de ces travaux, l'influence que pourrait avoir l'action sur
l'atmosphère des relations syndicales et l'atmosphère des
relations syndicales sur le déroulement du projet, donc, sur
peut-être des centaines de millions de dollars, c'est un facteur qui
intervenait pour la cause elle-même. C'est pour cela qu'on ne peut pas
simplement comparer 100 000 $ avec 32 000 000 $. Ce n'est vraiment pas
pertinent. Les 32 000 000 $ sont assez fantomatiques et les 200 000 $
étaient clairs. Mais ce n'est pas vraiment cela. C'était la
gestion générale du projet et les intérêts
économiques généraux en cause.
Si on en vient à la question du règlement lui-même,
soit les 200 000 $, il y avait là des comparaisons à tirer entre
nos frais qui s'accéléraient à 25 000 $ par semaine et la
solvabilité des syndicats, les chances réelles de
récupérer de l'argent où il y en avait, aux
États-Unis. D'après mon expérience internationale - j'ai
fait du droit international, mais je ne suis pas un juriste international -
cette histoire des États-Unis me faisait peur. Cela m'avait l'air au
bout d'une très longue corde, en fait, d'un très long fil
extrêmement fragile. Tout cela a joué. Bien sûr, je
comprenais le souci de mes collègues, qui se disaient: Enfin, on
pourrait au moins récupérer 350 000 $ ou si on pouvait
récupérer 1 000 000 $ pour couvrir les 900 000 $ de frais. Oui,
mais, somme toute, le jugement de la majorité du conseil a
été qu'essayer d'avoir plus augmentait les risques de
résistance du côté syndical et, en même temps, cela
augmentait les frais de notre côté. Le risque était que,
même si on s'entêtait pendant un mois à essayer d'aller
chercher 100 000 $ ou 200 000 $ de plus, on risquait peut-être quelque
chose de sérieux, et, par ailleurs, on aurait des frais qui
augmenteraient, eux aussi, rapidement.
Il est peut-être opportun, M. le Président, que je
revienne, à cet égard, sur une question qui a été
posée hier, soit la question des 400 000 $ qui avaient été
offerts à la SEBJ, à l'époque. Il faut bien
comprendre de quoi il s'agit. Un montant de 400 000 $ ne peut pas se
comparer avec les 300 000 $ du règlement. Ce n'est pas du tout dans la
même optique. Voici ce qui avait été proposé
à la SEBJ, dans le temps. Quant aux dommages matériels 1 132 000
$ environ, disons 1 200 000 $ -qu'ils soient partagés comme suit: les
assureurs paieraient 400 000 $ à la SEBJ; les syndicats paieraient aussi
400 000 $ à la SEBJ; cela faisait 800 000 $. La SEBJ acceptait
d'absorber les autres 400 000 $, acceptant en même temps une part de
responsabilité.
Donc, somme toute, l'offre faite à ce moment était que la
SEBJ soit compensée pour 800 000 $ de 1 200 000 $ et qu'elle accepte la
responsabilité. Elle a refusé. Le résultat a
été qu'au lieu d'avoir 800 000 $ seulement nous avons eu des
assureurs 1 200 000 $ et qu'ensuite nous sommes allés chercher 300 000 $
auprès des défendeurs, dont 100 000 $ pour les assureurs. Donc,
nous avons eu 1 400 000 $ au lieu de 800 000 $. La décision des
années soixante-dix était bonne. Ce n'est pas un cheminement par
lequel des imbéciles ont refusé 400 000 $ et ont ensuite
accepté 200 000 $. Nous avons refusé 800 000 $ et nous avons eu 1
400 000 $.
M. Doyon: M. Roquet, est-ce que vous pouvez confirmer qu'il y
avait, effectivement, 900 000 $ de frais judiciaires et de coûts
afférents qui étaient déterminés au moment
où le règlement est intervenu?
M. Roquet: J'ai entendu le témoignage du P.-D.G. de la
SEBJ là-dessus. Je n'ai aucune raison de croire qu'il n'est pas exact.
Des frais directs, je crois, d'environ 450 000 $ et des frais de 450 000 $ dans
la boutique, environ 900 000 $. En effet, il y avait là de quoi nous
donner des brûlures d'estomac, mais quand, par ailleurs, il y avait
peut-être des dizaines, peut-être des centaines de millions de
dollars en cause, une cause qui se serait poursuivie jusqu'à la Cour
suprême ici et jusqu'à la Cour suprême aux
États-Unis, cela n'aurait pas été reposant comme somme,
n'est-ce pas, et comme effort et comme effet sur le climat des rapports. Par
ailleurs, à cause de l'effet de ce climat sur le déroulement du
projet, les 900 000 $ sont relativisés. Je crois que cet aspect a
été très bien expliqué par mon collègue
hier.
Il fallait prendre une décision d'affaires et les 32 000 000 $
devaient être regardés, d'abord, comme très fragiles et,
deuxièmement, en regard de sommes beaucoup plus importantes qui
étaient en cause. Ce que je suis en train de vous dire, au fond, c'est
que je crois que la décision était bonne; même mauvaise,
elle était libre.
M. Doyon: Sur la question de chiffres, M. Roquet, êtes-vous
prêt à reconnaître que le règlement dont on parle, la
première offre de règlement à savoir qu'un syndicat -
parce qu'il s'agissait d'un syndicat seulement -aurait accepté de payer
400 000 $ et que les assureurs auraient payé aussi 400 000 $, aurait
fait en sorte que, globalement, la Société d'énergie de la
Baie James - je parle tout simplement du point de vue économique - se
serait retrouvée avec 800 000 $?
M. Roquet: 800 000 $ au lieu de 1 200 000 $?
M. Doyon: Au lieu de 1 200 000 $. Donc, vous reconnaissez cela.
Est-ce que vous reconnaissez aussi que les 900 000 $ de frais judiciaires et de
coûts afférents n'avaient pas été encourus et que,
donc, pour faire un calcul rapide, il faut reconnaître que ces 900 000 $
auraient été une épargne par la Société
d'énergie de la Baie James? Donc, si on veut comparer des comparables,
il faut ajouter les 800 000 $ aux 900 000 $, ce qui fait, à moins que je
ne me trompe, 1 700 000 $ net comparé à 200 000 $ qui a
été le règlement final.
M. Roquet: II s'agit là, bien sûr, M. le
Président, d'une décision d'un conseil qui nous
précédait. Je n'ai donc pas à faire son apologie.
Cependant, je suppose qu'une des questions qui ont dû influer dans leur
décision a été qu'on demandait à ce moment à
la société de se reconnaître publiquement coupable - en
bonne partie et au fond moitié-moitié puisque les assureurs,
personne ne pensait qu'ils étaient coupables - avec les syndicats. Je
suppose que nos prédécesseurs se sont dit qu'établir le
principe, somme toute, que c'était la faute à tout le monde
n'aurait pas créé un très bon climat pour l'avenir des
rapports de la société avec les syndicats et avec la
société québécoise en général. Mais
c'est là une hypothèse. Je suppose donc qu'ils ne sont pas
basés purement sur des facteurs mathématiques.
Je ne puis pas comme témoin, donc, ayant participé
à certains événements, apporter de la lumière sur
d'autres événements où d'autres étaient acteurs et
pour lesquels je ne suis pas du tout expert.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Louis-Hébert, une dernière question?
M. Doyon: Une dernière question, puisque M. Roquet en a
fait mention. M. Roquet, est-ce que vous êtes au courant qu'à la
suite des montants qui ont été versés par les assureurs
à la Société d'énergie de la Baie James, il y a eu,
effectivement, des coûts additionnels du fait que les compagnies
d'assurances ont augmenté d'une façon extrêmement
substantielle - et quand je dis
extrêmement substantielle, je parle de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $
- les primes qui étaient payées par la Société
d'énergie de la Baie James pour protéger les biens de la
société? Est-ce que c'est un élément dont vous
tenez compte?
M. Roquet: J'ai entendu des témoignages à ce sujet.
Je ne pourrais pas, de ma propre connaissance, apprécier ce dossier,
mais, en effet, j'ai entendu de tels témoignages. Je pourrais
peut-être, si vous me le permettez, M. le Président, ajouter que
c'est, d'ailleurs, une des raisons pour lesquelles, lorsque le conseil a
défini un premier cadre préliminaire de négociation avec
la partie adverse, il s'est préoccupé de la situation des
assureurs. Je crois que la question a été posée hier
à M. Monty. L'assuré, dans le cas de la SEBJ, s'oblige d'avance
à fournir aux compagnies d'assurances toute la preuve nécessaire
pour permettre à la compagnie de recouvrer les sommes qu'elle paie s'il
y a des responsabilités de tiers. (12 heures)
C'est pour cela qu'il aurait été malsain pour la
société de faire un règlement avec les défendeurs
seule, sans se préoccuper de la situation des assureurs. Les deux
actions étaient liées en cour. Si les assureurs n'étaient
pas satisfaits, n'est-ce pas, certains s'étaient déjà
retirés de toute façon, mais ceux qui persistaient, ces assureurs
allaient poursuivre la cause. Ils allaient nous demander, à raison, de
fournir un appui à leur preuve, donc de fournir nos témoins,
etc., ce qui aurait fait que les défendeurs se seraient dit: Cela n'est
pas intéressant de régler ces gens-là, ils se retirent
mais ils vont se battre contre nous, par voie des assureurs. Donc,
c'était un élément essentiel, d'une part, pour qu'il
puisse y avoir un règlement avec les défendeurs et, d'autre part,
pour garder un rapport civilisé avec les assureurs et remplir nos
obligations vis-à-vis d'eux. Ce qui avait tendance, à ce moment,
de toute façon, à les mettre dans une disposition un peu moins
agressive vis-à-vis de la société. C'est l'explication de
ce dossier que je croyais utile, peut-être. Je vous avoue que
n'étant pas expert, je l'ai demandée à la
société et c'est celle qu'on m'a fournie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, durant les quatre jours de
commission parlementaire qu'on vient de passer sur le sujet que la commission a
comme devoir d'étudier, je pense que la plus grande preuve qu'on a
faite, c'est la très haute qualité des membres du conseil
d'administration de la SEBJ. Ceci dit, vous avez souligné, dans une de
vos réponses, qu'il y avait un document du 16 janvier 1979,
c'est-à-dire une proposition de règlement qui avait
été déposée. Le titre est: Proposition de
règlement déposée sans préjudice entre les mains de
Mes Geoffrion et Prud'homme, procureurs de la SEBJ, le 16 janvier 1979. Ce
document était proposé par l'Union des opérateurs de
machinerie lourde du Québec et l'Union internationale des
opérateurs de marchinerie lourde, local 791, qui, à toutes fins
utiles, admettaient la responsabilité, par voie de confession de
jugement partiel, de ces deux syndicats. Ceux à qui cela a
échappé, le député de Brome-Missiquoi, quand il a
fait son spectacle hier relativement aux documents du 18 et du 19...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je ne voudrais pas que le député de
Chambly, qui fait des lectures partielles des documents qu'on lui remet,
induise la commission en erreur. Le document a été soumis par les
procureurs, ceux que vous venez de mentionner, Jasmin, Rivest, Castiglio,
Castiglio et Lebel, aux noms de l'Union des opérateurs de machinerie
lourde du Québec et l'Union internationale des opérateurs de
machinerie lourde, local 791, qui, comme vous l'avez dit, admettent leur
responsabilité. Il a également été soumis au nom du
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(FTQ), qui n'admettait pas sa responsabilité. Il faudrait que vous
lisiez vos documents avant.
M. Tremblay: M. le Président, il demeure quand même
que dans cette preuve que le député a tenté de faire hier,
il soumettait deux documents. Il y en avait un que je qualifierais de document
précédent qui aboutissait à celui des 18 et 19. Il a
oublié de le faire. Je voudrais simplement demander à M. Roquet
s'il a pris connaissance du document du 16.
M. Roquet: J'ai jeté un coup d'oeil hier. Je ne suis
même pas certain d'avoir lu complètement chacun des textes. Donc,
je ne me considère pas comme très bien saisi, mais, enfin, cela
dépend de la question que vous poserez.
M. Tremblay: Mon intention n'est pas de poser des questions sur
ce document, mais seulement de déposer devant la commission, pour que
cela soit connu de la commission, qu'au moins les cinq premiers paragraphes que
j'ai pu vérifier traitent des mêmes sujets que les cinq premiers
paragraphes du document du 18. Dans celui du 19, je ne sais pas, il y avait un
décalage, à un moment donné. Je ne sais pas si
c'était dans les cinq
premiers paragraphes. Je n'ai pas eu le temps de vérifier.
De plus, il apparaît là comme une initiative qui est venue,
d'abord, des syndicats pour obtenir un règlement hors cour. Cette
interprétation que je donne vous apparaît-elle correcte?
M. Roquet: M. le Président, j'ai dit, en réponse
à une question du député de Louis-Hébert, que les
textes me semblaient apparentés, mais je ne suis pas plus expert que
cela, je ne les ai même pas épluchés à fond. Je lui
ai aussi dit qu'il me semblait impossible, sans le témoignage des
procureurs, de faire une interprétation de ces textes, de leur
interrelation, de leur portée, parce que le contexte me manque. Donc,
tout ce que je peux dire utilement, me reportant aux événements
du temps, c'est que ma perception au conseil était que les ouvertures
sont venues des défendeurs. Mais, cela étant dit, comment se
situent ces documents par rapport à cela et les questions de date? Je
vous tromperais si je prétendais, comme témoin, pouvoir faire un
apport à ce sujet.
M. Tremblay: Dans ce sens, vous nous suggérez - je crois
que c'est une bonne suggestion - d'étudier avec les procureurs, quand
ils viendront devant la commission, les trois documents, ceux du 16, du 18 et
du 19 janvier, pour les procureurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Roquet, je
comprends que vous êtes sous le feu des caméras et des questions
depuis bientôt deux heures, alors je tenterai d'être bref. À
la réunion du conseil d'administration de la Société
d'énergie de la Baie James du 6 mars 1979, c'est à ce moment que
le vote s'est pris sur le règlement hors cour proposé, indiquant
un versement de 200 000 $, etc., comme on l'a longuement relaté ici.
Vous rappelez-vous que M. Monty, qui a témoigné, hier, ait
présenté à cette réunion un plaidoyer
particulièrement frappant à l'égard de la
possibilité d'en arriver à un règlement hors cour?
M. Roquet: Non, je ne peux pas me souvenir de l'intervention d'un
collègue, surtout à une date précise. Nous avons
discuté de ce dossier de façon de plus en plus intense à
mesure que nous approchions de la décision du 6 mars. Il se peut que la
décision elle-même ait été en gestation et
très près d'être prise à des réunions
précédentes. Identifier la position d'un collègue une
journée bien précise m'est totalement impossible.
M. Pagé: Au début de votre témoignage, vous
nous avez fait part que vous aviez été impressionné par la
composition du conseil d'administration lorsque vous êtes arrivé,
par l'expérience de ces personnes dans le milieu des affaires ou dans
d'autres milieux, l'expérience dans ce type d'activité et
d'objectifs qu'a à poursuivre la SEBJ. Vous avez aussi
référé à une interaction entre les membres du
conseil d'administration qui était très enrichissante pour vous.
Ce qui m'a particulièrement frappé dans votre témoignage
de ce matin, c'est que c'était votre premier conseil d'administration.
Est-ce que j'ai bien compris? Était-ce la première occasion que
vous aviez de siéger à un conseil d'administration?
M. Roquet: Oui. Je m'étais beaucoup
intéressé auparavant, M. le Président, aux questions des
sociétés d'État. Déjà, quand j'étais
à Ottawa, j'avais eu l'occasion de participer à un colloque,
surtout québécois et canadien, mais également
international, sur les sociétés d'État. J'avais
également suivi avec beaucoup d'intérêt les débats
de l'Assemblée nationale qui m'avaient paru extrêmement riches sur
ces questions. Mais, des conseils d'administration comme tels, et surtout d'une
société géante comme celle-là, je n'en avais pas
l'expérience, en effet.
M. Pagé: D'accord. C'est d'ailleurs dans ce sens que votre
propos de ce matin m'a frappé, lorsque vous disiez: J'ai
été désigné le 1er octobre ou je suis entré
en fonction le 1er octobre 1978. Nous sommes arrivés là avec
comme objectif, d'écouter et d'apprendre. C'est bien ce que vous avez
dit ce matin?
M. Roquet: Pour ma part, en effet, je jugeais que, avec
l'éventail éblouissant de spécialistes dans toutes sortes
de domaines qu'il y avait autour de la table, j'allais beaucoup apprendre. Il y
avait, me semble-t-il, certains domaines où je pouvais faire un apport,
le domaine international sûrement, le domaine de la problématique
énergétique globale du Québec également, car
l'électricité s'inscrit dans une problématique, comme le
pétrole, le gaz naturel, les énergies nouvelles, etc.; cela
s'inscrit également dans une problématique de demande. La courbe
de la demande a été une question particulièrement
importante à Hydro-Québec et influait beaucoup sur la SEBJ, la
décision du rythme d'investissements, etc., et où des erreurs en
matière de prévisions de demande produisent évidemment des
surplus. Donc, je croyais avoir un certain apport que je pouvais faire à
mes collègues. Je ne l'exagérais pas. Mais, dans bien des
domaines, j'étais à l'école, selon l'expression de M.
Thibaudeau, oui.
M. Pagé: D'accord. Vous comprenez, M. Roquet, que vous
êtes le dernier membre du conseil d'administration de la SEBJ qui a
voté pour.
M. Hoquet: Je ne sais...
M. Pagé: J'aimerais qu'on puisse faire ensemble une revue
très brève de ce qui s'est passé dans tout cela à
partir du moment de votre désignation jusqu'au vote du 6 mars.
Vous êtes entré en fonction le 1er octobre 1978. Les
procès-verbaux indiquent qu'entre le 1er octobre 1978 et le 6 mars, soit
près de cinq mois, il y a eu plusieurs réunions, dont une le 20
novembre 1978, le 27 novembre 1978, le 11 décembre de la même
année, le 9 janvier 1979, les 23 et 30 janvier, les 6 et 20
février ainsi que le 6 mars 1979.
Il ressort des témoignages et des réponses qui ont
été données aux questions, et des procès-verbaux
particulièrement, que le 20 novembre la SEBJ a décidé de
voter un montant d'honoraires provisionnels pour l'année qui s'en venait
de 500 000 $ pour continuer les procédures judiciaires.
Il ressort du procès-verbal du 9 janvier et des réponses
qui ont été données à nos questions que le 9
janvier 1979 nous étions à six jours du début du
procès et à ce moment le conseil d'administration a
décidé d'amorcer le procès et de continuer les
procédures dictant aux procureurs Geoffrion et Prud'homme d'y aller, de
faire l'audition, de plaider et de continuer les procédures. Je vous
exempte de questions sur tout le va-et-vient qui a été
relaté ici et sur lequel on pourra revenir avec les procureurs des
intervenants entre le 9 janvier et le début de mars.
Le 6 mars, vous avez posé un geste comme administrateur public.
Une décision par laquelle vous aviez à juger de
l'opportunité ou non de continuer les procédures sur une
réclamation de 32 000 000 $. J'aimerais revoir avec vous le vote et la
compositon des membres du conseil d'administration ayant toujours à
l'esprit que vous êtes à ce conseil depuis quatre mois et demi,
que votre approche c'était d'écouter et d'apprendre compte tenu
que vous en étiez à votre première présence
à un conseil d'administration. Je retiens du procès-verbal que M.
Robert Boyd, qui n'a pas témoigné encore j'en conviens, a
voté contre... C'est de commune renommée que M. Boyd a une longue
et vaste expérience dans le domaine hydroélectrique des gros
chantiers comme ingénieur. C'est su et connu et c'est public que M. Boyd
était, à l'époque, à Hydro-Québec.
Le témoignage de M. Laliberté nous a indiqué qu'il
avait agi avec une certaine et particulière indépendance dans ses
rencontres avec le premier ministre. M. Boyd vote contre.
M. Hervé Hébert, votre collègue au conseil
d'administration, qui a témoigné ici et qui siège à
une vingtaine de conseils d'aministration, lesquels possèdent des actifs
de près de 4 000 000 000 $ ou 5 000 000 000 $ de dollars, vote
contre.
Mme Nicolle Forget, qui a témoigné ici, qui a une vaste
expérience des droits et des intérêts des consommateurs,
des Québécois et des Québécoises, vote contre en
ajoutant qu'il aurait été pratiquement préférable
de demander un règlement à un dollar symbolique.
On doit constater que M. Lucien Saulnier, qui a une vaste
expérience comme administrateur de la ville de Montréal,
président de la Société d'habitation du Québec, au
conseil d'administration d'Hydro-Québec, etc., préfère
s'abstenir.
M. Roland Giroux est absent. Il a déclaré qu'il aurait
voté contre. On le lui demandera lorsqu'il viendra; à ce
moment-là, il pourra le préciser davantage. (12 h 15)
Ceux qui ont voté pour, dont vous êtes, M. Claude
Laliberté a voté pour, il était président-directeur
général mais depuis le 1er octobre seulement. Il venait du
ministère de l'Énergie et des Ressources. M. Georges Gauvreau,
qui était à la Commission hydroélectrique avant, M. Pierre
Laferrière, qui a été nommé le 1er octobre, en
même temps que vous, qui nous a confirmé avoir rencontré le
notaire Gauthier, avoir été permanent du Parti
québécois, M. Guy Monty, qui a une expérience de 37 ans
comme membre de la Commission hydroélectrique et qui s'occupait de ces
questions - mais je retiens de ma première question qu'il n'a pas fait
de plaidoyer particulièrement saisissant pour vous influencer au moment
du vote - et M. André Thibaudeau, qui est l'ex-vice-président de
la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ, qui, on
en conviendra, était particulièrement intéressée
dans ces poursuites puisque le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction représentait les travailleurs de la
FTQ. Dois-je comprendre que, dans cette démarche, malgré cette
volonté initiale, pour vous, d'écouter et d'apprendre, vous avez
préféré être solidaire de la décision et
ajouter votre voix à la décision venant majoritairement de gens
et de membres nommés le 1er octobre - parce que vous m'avez
confirmé tout à l'heure que M. Monty, avec sa vaste
expérience, n'a pas eu un plaidoyer qui vous a particulièrement
frappé le 6 mars - vous avez préféré être
solidaire de gens qui, au conseil, ont voté pour, malgré une
brève expérience, une connaissance par conséquent
limitée du dossier puisque nommés le 1er octobre 1978, et sans
tenir compte de
l'expérience de M. Monty?
M. Duhaime: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je n'ai aucune objection à ce que M. Roquet
réponde...
Le Président (M. Jolivet): Très bien.
M. Duhaime: ...mais je voudrais simplement faire remarquer que,
comme sous-marine et comme longueur de question, celle-là est à
peu près le sommet! Ce que je voudrais peut-être ajouter, dans la
question du député de Portneuf, avant que la réponse ne
vienne...
M. Ciaccia: Un instant! Un instant!
M. Duhaime: Je vais continuer ma question de règlement, M.
le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, sur la question de
règlement.
M. Duhaime: M. le député de Portneuf, dans ses
questions, a mentionné les dates de nomination de certains membres. Mais
il en a oublié deux. Et, pour la bonne compréhension des
événements, il faudrait noter que M. Hébert, qui a
voté contre, a été nommé le 1er octobre et qu'il
n'avait jamais siégé au conseil...
M. Pagé: Ce n'était pas son premier conseil
d'administration.
M. Duhaime: Ce n'est pas ce que vous avez dit.
M. Ciaccia: II y avait 36 autres conseils!
M. Duhaime: Mme Forget a également voté contre et a
été nommée le 1er octobre 1978.
M. Ciaccia: Oui, mais elle a une expérience, elle l'a
dit.
Le Président (M. Jolivet): M. Roquet. S'il vous
plaît! M. Roquet.
M. Pagé: Pour elle, c'était la défense des
intérêts des Québécois.
M. Duhaime: Vous êtes un peu biaisant.
M. Pagé: C'est le tableau, mon ami. C'est ce que vous
devriez constater.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre!
M. Roquet.
M. Duhaime: C'est vraiment écoeurer le monde.
M. Pagé: Non, non. C'est vrai.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M.
Roquet.
M. Roquet: Au niveau des faits, M. le Président, je n'ai
pas à me prononcer sur les interprétations. Au niveau des faits,
je n'ai pas dit que M. Monty n'avait pas fait de plaidoyer particulier le 6
mars. J'ai dit que nous avions, au cours de plusieurs réunions, d'un
grand nombre de réunions, exploré à fond cette question.
Mais je ne pouvais pas dire quelle avait été l'intervention faite
ou pas faite par un collègue dans une réunion. Donc, je ne
voudrais pas donner l'impression que M. Monty ne nous a pas
éclairés au mieux de sa connaissance et pleinement, au cours des
réunions.
Deuxièmement, la question qui s'adresse à moi, c'est,
finalement comment j'ai formulé mon vote en regard des avis des autres
personnes qui étaient là. Je crois que ni moi, ni personne, au
conseil, ne nous fondions sur des questions de personnes ou de clans pour
voter, mais sur des raisons. Ces raisons, nous les avons étudiées
de façon extrêmement approfondie. Il ne faut pas - je crois que ce
n'est pas vrai de tous les conseils d'administration - mais il ne faut pas
sous-estimer ce qu'étaient les réunions du conseil
d'administration d'Hydro-Québec, de la SEBJ et d'Hydro-Québec
International. On commençait à 9 heures le matin, on
déjeunait ensemble, on reprenait immédiatement et on continuait
jusqu'à 6 heures, le soir, au bas mot, mais cela c'étaient de
bonnes journées. Cela continuait jusqu'à 9 heures, 10 heures.
C'était un conseil qui était extrêmement exigeant pour
lui-même. Il n'était pas obligé de se réunir chaque
semaine. Il le faisait pratiquement chaque fois. Alors, on a potassé ce
dossier.
Un autre aspect, c'est qu'à mon avis, ce processus était
extrêmement fouillé, et que non seulement nous avons reçu
des avis approfondis sur les divers aspects du dossier, mais nous sommes
allés en chercher. Nous en avons exigé. Nous avons vu les
données, et les avis de nos procureurs, en particulier, changer sous nos
yeux. C'est un processus qui a produit un dossier extrêmement plein. Ce
n'était pas une question d'expertise détaillée ou de
connaissance d'attention précise d'une ligne qui était en cause;
c'était une grande décision de gestion avec des gros facteurs en
jeu. Pour ma part, quand je suis arrivé le 6 mars, j'avais l'impression
d'avoir une image en technicolor des grands aspects de ce dossier et qu'elle
était très claire.
Bien sûr, je prenais très sérieusement
l'attitude d'un collègue ou de l'autre selon ses connaissances.
Je dois avouer cependant que même si l'un ou l'autre d'entre nous votait
pour ou contre ou encore s'abstenait, ce n'était pas
nécessairement le seul apport que ce collègue nous faisait. Je ne
peux pas me souvenir des raisons précises d'un vote donné de
telle façon à tel moment. Le vote lui-même ne donne qu'une
image squelettique de ce qu'a été l'apport intellectuel de
chacun. Je crois d'ailleurs - j'ai été frappé en
écoutant les débats de cette commission -à un certain
moment, au cours du témoignage de M. Hébert, qu'il y a eu un
effet de surprise lorsqu'on s'est rendu compte qu'il parlait de façon
extrêmement avantageuse de la décision prise et qu'il a
déclaré avoir voté contre. Il a déclaré
qu'il serait allé chercher un peu plus d'argent, du moins il aurait
essayé.
Est-ce à dire que M. Hébert - je ne veux pas parler pour
lui, mais je constate simplement le témoignage qu'il a donné
-dans mon esprit, quand je l'écoutais au conseil d'administration, je
percevais qu'il me donnait des raisons de voter contre, il y en a
peut-être une qui l'a amené à voter contre. À
écouter son témoignage, il m'en donnait beaucoup pour voter pour.
Je ne veux pas faire de commentaires sur des personnes. Je le fais dans ce seul
cas en m'excusant auprès de M. Hébert parce qu'il y a, ici, un
témoignage public de sa part. Je vous dirai que, pour ma part, je ne
pense pas que les votes négatifs et les abstentions aient tous eu la
même portée et que je devais me dire, en écoutant le vote
de mes collègues: Voilà cette personne très
sérieuse qui est à 100% contre le vote que je vais porter. Non,
je crois au contraire qu'il y a eu quand même un large mouvement au
conseil qui nous portait vers un règlement. Certains administrateurs,
pour une raison particulière ou une autre, ont
préféré se dissocier de cette décision et je les
respecte. Peut-être que certains étaient radicalement contre et
même des gens de grande expérience et de grande qualité.
Cela me laissait quand même le choix suivant: ou bien de ne pas voter
parce que je me serais dit: Untel, quand même, connaît cela et il
votera contre, ou bien de me dire: II y a tellement d'éléments du
dossier devant nous, ils sont tellement importants, ils me paraissent tellement
déterminants que je dois en conscience voter. Et alors, j'ai voté
dans ce sens.
Je crois encore que la décision était bonne. Je crois que
les événements depuis montrent qu'elle l'était. Il est
vrai que je n'avais pas l'expérience des conseils d'administration.
J'avais quand même l'expérience de décisions et même
de décisions prises seul dans des positions comme secrétaire
général adjoint d'une organisation internationale. Je devais moi-
même prendre mes responsabilités collégiales avec un
conseil des secrétaires généraux ou dirigeant seul une
ambassade à l'étranger, changeant dans un métier aux
Affaires extérieures où on changeait constamment de domaine. J'ai
fait de tout, du Moyen-Orient, de l'Europe, de l'Afrique, de l'Amérique
latine, de l'assistance militaire, n'importe quoi. On passait d'un dossier
à l'autre. Au cours de ce métier, on apprend justement à
formuler les éléments d'une décision et à prendre
ses responsabilités. Je suis passé des Affaires
extérieures - je m'excuse, je n'essaie pas de me flatter, j'essaie
d'expliquer pourquoi j'ai voté, j'ai osé voter - au
ministère de l'Énergie. Je n'étais pas un
spécialiste de l'énergie; je connaissais les pétroles du
Moyen-Orient depuis 20 à 25 ans, mais quand même... J'ai fait
cette transition-là; elle n'a pas été facile.
J'étais sous-ministre adjoint à Ottawa, je suis devenu conseiller
ici, à Québec. Un an plus tard, j'étais sous-ministre. On
a jugé que j'étais capable de m'adapter vite et même dans
un domaine où je n'étais pas un grand spécialiste, de bien
formuler les problèmes et de recommander de bonnes décisions.
J'avoue qu'à ce moment-là, au conseil d'administration,
j'ai jugé que la responsabilité devait l'emporter sur la
modestie.
M. Pagé: M. le Président, j'aurais une autre
très brève question. Je tiens à vous rassurer tout de
suite, M. Roquet. Peut-être l'interpréterez-vous comme voulant
vous imputer quelque motif? Mais ce n'est...
M. Roquet: Du tout. Du tout, M. le député.
M. Pagé: ...pas du tout mon intention. Je suis là
pour constater des faits, comme législateur qui a à siéger
à une commission où il y a une question assez importante, celle
de l'implication du gouvernement dans un conseil d'administration et des
décisions qui ont été prises à l'égard de
sommes aussi importantes que 32 000 000 $. Ce sont ceux qui nous
écoutent qui paient ces millions.
Lorsque vous avez été désigné membre du
conseil d'administration de la SEBJ, vous étiez conseiller
spécial au ministère de l'Énergie et des Ressources.
M. Roquet: Conseiller du sous-ministre.
M. Pagé: Du sous-ministre. Vous êtes maintenant
sous-ministre adjoint au ministère des Affaires
intergouvernementales.
M. Roquet: Oui. Sous-ministre adjoint ou sous-ministre
associé aux relations internationales, au ministère des Affaires
intergouvernementales.
M. Pagé: À quelle date avez-vous été
nommé sous-ministre?
M. Roquet: Sous-ministre au ministère de l'Énergie
et des Ressources ou au ministère des Affaires
intergouvernementales?
M. Pagé: Aux Affaires intergouvernementales. Vous
étiez sous-ministre au ministère de l'Énergie et des
Ressources et, par la suite, vous avez été muté...
M. Roquet: Oui. Aux Affaires intergouvernementales, j'ai
été nommé en mars 1981.
M. Pagé: Et au ministère de l'Énergie et des
Ressources?
M. Roquet: Au ministère de l'Énergie et des
Ressources, c'était en mars 1979.
M. Pagé: Donc, par le gouvernement du Parti
québécois et par le premier ministre du Québec, M.
Lévesque.
M. Roquet: Je suis revenu au Québec et ce gouvernement
était au pouvoir. C'est lui qui m'a nommé.
M. Pagé: À quelle date en mars 1979?
M. Roquet: Je crois que c'était le 15 mars 1979.
M. Pagé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre?
M. Duhaime: Non. On a répondu à ma question, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais simplement poser
deux questions. Vous avez dit tout d'abord - vous l'avez
répété d'ailleurs - que vous étiez
impressionné par la force du conseil d'administration et de ceux et
celle qui le composaient. Est-ce que je peux vous demander si MM. Boyd et
Giroux - je nomme ces deux-là, on ne les a pas encore entendus - font
partie de ceux qui vous impressionnaient comme étant des gens forts et
qui pouvaient prendre de bonnes décisions?
M. Roquet: M. le Président, ils avaient évidemment
tous les deux un gabarit très impressionnant. Certainement, ils sont
parmi ceux que je trouvais des gens forts. Pour tout dire, je ne peux pas
identifier, dans mon esprit, un seul membre de ce conseil d'administration qui
ne faisait pas un apport remarquable à nos débats. Ils avaient
des expériences très diversifiées, c'était
extrêmement utile pour nous, et je me pensais dans une équipe du
tonnerre.
M. Lalonde: Oui. En fait, je n'exclus pas les autres. Je veux
simplement parler...
M. Roquet: Donc, j'écoutais ces personnes avec le plus
grand respect.
M. Lalonde: Je ne veux pas exclure les autres non plus dans votre
appréciation, dans votre jugement, mais je mentionne ces deux-là
en particulier à cause de leur implication dans les entreprises de la
Société d'énergie de la Baie James. Quand on parle du
conseil d'administration, depuis un bon nombre d'années, on parle de
leur implication dans la construction, en fait, de la Baie-James. J'aimerais
savoir quels étaient les arguments qu'ils ont fait valoir? Je ne vous
demande pas à quelle date ou à quelle réunion, je suis
convaincu que vous ne vous en souvenez pas, ou à propos de quel argument
ou de quelle conversation, au 23 janvier, au 30 janvier ou au 6 mars, etc.
Mais, dans l'ensemble, quels étaient les arguments qu'ils faisaient
valoir pour repousser la proposition d'abandonner la cause?
M. Roquet: M. le Président, cette question est vraiment
difficile pour moi. J'ai une impression de ce qu'étaient les principales
raisons - ou la principale raison -que mettait de l'avant M. Boyd. Ce n'est pas
un souvenir, c'est une reconstruction. Comme, de toute façon, vous
pourrez l'entendre, je crois que ce serait malhonnête de répondre
à la question pour lui.
Pour ce qui est de M. Giroux, c'est plus vague. Je n'ai même pas
de reconstruction. Dans ces conditions, je crois que je me dois, en conscience,
de vous dire: Je ne me souviens pas. Je peux faire une bonne hypothèse
sur ce qu'étaient les principaux arguments de M. Boyd, car,
évidemment, tous les arguments contre ont aussi circulé. On les a
regardés avec beaucoup d'attention. Mais, de là à savoir
si c'était vraiment celui-ci ou celui-là qui venait de M. Boyd,
je crois que je dois ne pas vous répondre.
M. Lalonde: Je vais vous aider. Donc, sans identifier M. Boyd ou
M. Giroux, quels étaient les arguments contre qui attiraient votre
attention? (12 h 30)
M. Roquet: Un argument qui émerge dans mon esprit, c'est
que certains croyaient - je ne sais pas si c'était au singulier - mais
l'argument s'est présenté devant nous puisque, de toute
façon, il figurait dans un des documents que nous avons
épluchés
soigneusement. L'opinion avait été émise que la
paix sociale à la Baie-James serait mieux servie par une poursuite
poursuivie, qu'on pouvait faire la paix en passant par la guerre.
C'était un point de vue. Qui, chez nous, le tenait? Je ne sais pas.
M. Lalonde: Si je comprends, par les derniers propos que vous
venez de tenir, vous ne pouvez pas affirmer que M. Boyd était un de ceux
qui exprimaient cet argument?
M. Roquet: Je crois vraiment que je lui manquerais si je
prétendais parler pour lui. Je ne peux pas.
M. Lalonde: Très bien. Deuxième question. Vous avez
dit que vous étiez... Pardon?
M. Duhaime: J'ai dit que vous pouviez toujours vous essayer.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. M. le
député, posez votre question.
M. Lalonde: M'essayer à quoi?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. M. le
député, allez directement à votre question.
M. Lalonde: J'ai entendu du bruit.
M. Duhaime: M. le Président, je vais faire une question de
règlement. Alors, personne n'aura à comprendre qu'il s'agit d'un
murmure.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Ce que le député de
Marguerite-Bourgeoys, ancien Solliciteur général, vient de tenter
de faire, c'est de faire témoigner M. Boyd par la bouche de M. Roquet et
je pense qu'on apprend en première année de droit que cela est
interdit.
M. Lalonde: M. le Président, ce que...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Ce que le ministre, ancien avocat, n'a pas compris,
c'est que c'est mon devoir, pour comprendre ce que le témoin veut nous
expliquer, de rafraîchir sa mémoire sur des arguments qu'il a
rejetés. Pourquoi a-t-il rejeté les arguments et qui proposait
ces arguments? Et si cela s'adonne que ce sont parmi les plus
expérimentés des membres du conseil d'administration, en ce qui
concerne l'entreprise, la vie, l'avenir d'Hydro-Québec et de la
Société d'énergie de la Baie James, je pense que c'est
très pertinent. En tout cas, je ne demande pas au ministre de
comprendre.
Ma deuxième question. Vous avez dit, M. Roquet, que vous vouliez
écouter. Au début, vous êtes arrivé là. C'est
un immense contrat qu'on vous confiait que de faire partie d'un conseil
d'administration d'une société aussi gigantesque qui était
en plein milieu d'une entreprise elle-même, quand on sait l'ampleur de la
Baie-James et vous avez dit: Je vais écouter. Je suis convaincu que ce
règlement n'était qu'un des nombreux problèmes qui vous
étaient soumis hebdomadairement au conseil.
J'aimerais savoir qui vous avez consulté, à
l'extérieur du conseil d'administration et à l'extérieur
des conseillers de la SEBJ? Avocats ou, enfin, ceux qui aidaient le conseil
d'administration à prendre une opinion. Vous avez dit que vous n'avez
pas consulté le ministre qui était le ministre de
l'Énergie à ce moment. Je pense que vous avez dit que vous n'en
avez pas parlé à M. Jean-Roch Boivin ou à M. Gauthier. Je
vais vous demander qui vous avez consulté?
M. Roquet: Personne, à ma connaissance.
M. Lalonde: Est-ce que..
M. Roquet: Je ne me souviens absolument d'aucun entretien que
j'aurais eu à l'extérieur du milieu du conseil dans une
période d'ailleurs relativement brève d'un mois. Non,
personne.
M. Lalonde: Pendant ces cinq mois, octobre, novembre... Disons
que vous avez commencé surtout - il me semble d'après les
procès-verbaux - à vous préoccuper, comme conseil
d'administration, de ce problème, à partir du mois de novembre;
davantage, à compter du 11 décembre et, ensuite, cela s'est
accéléré. Est-ce que vous avez pensé de consulter
les anciens membres d'Hydro-Québec qui venaient d'être
remerciés quelques mois auparavant: M. Dozois, l'ancien ministre des
Finances, M. Boulva, M. Pierre MacDonald...
M. Roquet: Je ne sais pas si... M. Lalonde: Oui.
M. Roquet: Pour ma part, je réponds pour moi. Non. Nous
avions quand même, au conseil, une source très riche
d'expériences diversifiées à cet égard et il est
certain que les avis de personnes comme M. Boyd, M. Monty, M. Gauvreau, qui
avaient participé à la vie d'Hydro-Québec depuis
très longtemps, pouvaient refléter la sagesse collective de la
SEBJ auparavant. M. Laliberté, d'ailleurs,
avait été lui-même dans la SEBJ, mais non pas au
niveau du conseil d'administration. Personnellement, je ne me souviens pas que
nous ayons senti ce besoin. Il est possible cependant que certains des membres
qui avaient eu des liens auparavant avec d'autres l'aient fait, je n'en sais
rien.
M. Lalonde: Si vous me permettez, je vais seulement tenter de
récapituler. Vous n'avez, comme membre du conseil d'administration,
demandé de consulter personne à l'extérieur du conseil
d'administration et des conseillers de la SEBJ, sauf le premier ministre.
M. Roquet: C'est bien ainsi que je m'en souviens, M. le
Président.
M. Lalonde: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le sous-ministre, M. Laliberté, dans son
témoignage, nous a fait part d'une rencontre qu'il avait eue à la
demande du chef de cabinet du bureau du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin,
le 3 janvier 1979, et du voeu exprimé, par personne interposée,
du premier ministre, qu'il souhaitait l'abandon des poursuites. Le 9 janvier
1979, avez-vous eu un rapport de cela?
M. Roquet: Je ne me souviens pas, M. le Président. Je
crois que M. Laliberté a nommé un certain nombre de personnes
auxquelles il croyait avoir communiqué cette information. Il m'a
mentionné, je ne m'en souvenais pas, mais je suis certain qu'il a
raison, donc, il a dû me dire dans un corridor quelque part ou au conseil
d'administration, comme cela: Ah oui, j'ai vu M. Boivin et, eux, ils seraient
plutôt favorables à un règlement. Mais ce n'est pas de la
mémoire, c'est de la reconstruction. Je ne me souviens pas qu'il y ait
eu un rapport de cet événement au conseil d'administration; je ne
me souviens même pas que Claude m'en ait parlé. Franchement.
M. Paradis: Vous ne vous souvenez pas du rapport au conseil
d'administration, mais si on se replace dans le temps pour vous aider à
vous resituer, le 9 janvier 1979, c'est la journée où vous avez
un conseil d'administration et, suivant le procès-verbal, vous y recevez
les avocats de la compagnie pour vous expliquer les avis juridiques qui avaient
été demandés et qui avaient été produits le
5 janvier. Vous interrogez vos avocats pour en savoir plus long et pour avoir
plus de détails sur les avis juridiques. Ils vous fournissent les
réponses exigées, d'après le procès-verbal et
là je lis du procès-verbal: "Après discussions; les
membres du conseil indiquent qu'ils sont d'avis que les décisions prises
antérieurement par le conseil d'administration de la compagnie de
poursuivre au civil les responsables des dommages au chantier de LG 2, le ou
vers le 21 mars 1974, n'ont pas été modifiées". M.
Laliberté vous avait-il, au meilleur de votre connaissance, soit entre
ses réunions du 3 et du 9, ou du 9, fait état de la
volonté du premier ministre que lui avait livrée son chef de
cabinet qu'il voulait que les procédures soient abandonnées?
M. Roquet: Je ne me souvenais pas qu'il m'en avait parlé.
Je ne sais clairement pas quand il m'en aurait parlé. Pour ce qui est de
la décision du 9 de poursuivre, il me semble que mon optique à ce
moment-là devait être la suivante, et possiblement celle de mes
collègues: un long processus avait été en cours concernant
la poursuite par nos prédécesseurs, que ce n'est pas un processus
que nous allions changer sans des raisons très sérieuses. Nous
commencions au fond l'examen du dossier; nous commencions à creuser;
nous avions encore des rapports à recevoir de nos procureurs. Il y en a
qui sont tombés sur la table par la suite, des rapports d'ailleurs qui
ont beaucoup changé notre évaluation de nos chances au point de
vue juridique. À ce moment-là, pour ma part, il me semble qu'on
s'est dit sans hésitation: Bien oui, on y va. Le processus continue. Si
jamais il y a des raisons très sérieuses de le changer, il faudra
qu'on soit certain. On continue à creuser, on n'est pas pleinement
informé. Le fait est, à mon avis, qu'il s'est
révélé graduellement des raisons extrêmement
sérieuses de ne pas procéder, mais, à ce moment-là,
comme pour le vote des 500 000 $ le 20 novembre, c'est certainement en toute
bonne conscience que nous avons voté pour aller de l'avant.
M. Paradis: Dans son témoignage que l'on retrouve au
rouleau R-339 du 31 mars 1983, M. Laliberté nous dit que c'est le 18
janvier. Donc, on a la réunion avec le chef de cabinet du premier
ministre le 3; on a la réunion du conseil d'administration le 9
où on décide de poursuivre et là, M. Laliberté
vient nous dire - j'ai indiqué où retrouver son témoignage
- que c'est le 18 janvier qu'il a demandé à vos procureurs de la
Société d'énergie de la Baie James de rédiger une
déclaration de règlement hors cour. Est-ce qu'il vous en a
parlé? Est-ce que vous avez discuté de cela avec lui?
M. Roquet: Je ne me souviens pas d'entretien particulier à
ce sujet. Tout ceci, après quatre ans et demi, est absolument impossible
à cerner. Si, un jour, j'ai eu un entretien avec M. Laliberté sur
une question précise, je suis tout à fait incapable d'y
répondre.
M. Paradis: Mais vous veniez de prendre une décision de
continuer les poursuites. Comme vous me l'avez indiqué, s'il n'arrive
rien d'important pour nous faire changer d'idée, on continue les
poursuites. Il me semble que c'est un élément dont on se
souvient. C'est quelque chose d'important de demander à des procureurs
de rédiger une déclaration de règlement hors cour. Vous ne
vous en souvenez pas du tout?
M. Roquet: Ce que nous savions à ce moment-là,
c'était qu'il y avait eu des approches des procureurs de la partie
adverse et qu'on était intéressé à savoir
exactement jusqu'où ils étaient prêts à aller,
mais...
M. Paradis: Quant à la déclaration que la SEBJ
demande à ses procureurs de rédiger une déclaration de
règlement hors cour, étiez-vous au courant de cela?
M. Roquet: Je ne crois pas que j'aie été saisi de
cette question, non.
M. Paradis: Est-ce que...
M. Roquet: Comme je le disais tout à l'heure, d'ailleurs,
ceci s'est produit entre des séances du conseil. Quand on nous a fait
rapport de ces événements, la situation avait probablement
évolué. Il est fort possible qu'on nous ait fait rapport de la
situation au moment du conseil et non pas de ce qu'elle était une
semaine auparavant.
M. Paradis: Le conseil du 23 ne fait pas état de cela, le
procès-verbal?
M. Roquet: Du 23? Est-ce qu'il y a eu... Honnêtement, le
conseil n'était pas le 20 février?
M. Paradis: Le 23 janvier 1979.
M. Roquet: Janvier, excusez-moi. Non, il n'y a aucune allusion
à la SEBJ dans le procès-verbal du 23 janvier... une seconde, du
problème de la Baie-James.
M. Paradis: Du problème du saccage de la Baie-James, cela
va. Le 18 janvier, vos procureurs ont envoyé, suivant un document qui
vous a été acheminé par votre président, M.
Laliberté, à Me André Gadbois une déclaration de
règlement hors cour qu'ils avaient rédigée la même
journée. Est-ce que Me Gadbois assistait à toutes vos
réunions du conseil d'administration qui traitaient de ce sujet?
M. Roquet: Je ne sais pas. Il a sans doute assisté
à de nombreuses réunions. Je crois qu'il faudrait lui poser la
question. Je ne peux pas me souvenir s'il était à toutes les
réunions.
M. Paradis: Vous étiez là, je vous le demande au
meilleur de votre connaissance.
M. Roquet: Moi, si j'y étais?
M. Paradis: Non. Vous étiez aux réunions,
sauf..
M. Roquet: Oui, sauf pour quelques-unes.
M. Paradis: C'est cela. Aux réunions où vous
étiez, est-ce que vous avez vu Me Gadbois?
M. Roquet: Nous avons sans doute souvent fait venir le procureur,
oui. Mais, à votre question: Était-il là ce
jour-là? Je ne sais pas.
M. Paradis: Dans son témoignage d'hier - je fais toujours
référence à ce document du 18 janvier 1979 qui est la
déclaration de règlement hors cour rédigée par les
procureurs de la Société d'énergie de la Baie James, on a
retrouvé des notes manuscrites -M. Thibaudeau nous l'a
déclaré, je le lis: "C'est Me Gadbois qui a fait ces ratures en
les corrigeant". On est au 18 janvier. Le 19 janvier, vous recevez, c'est le
lendemain, une offre de règlement hors cour que vous avez eu l'occasion
de comparer hier soir, qui est identique à celle préparée
par vos propres procureurs la veille. Le 1er février, il y a rencontre
au bureau du premier ministre entre MM. Laliberté, Saulnier, Boyd, le
premier ministre, son chef de cabinet. Là, on se retrouve à la
réunion du 6 février 1979. Suivant le procès-verbal que
l'on retrouve à la page 70, on retrouve les éléments
principaux suivants: le président du conseil, soit M. Saulnier, informe
les membres que le chef du gouvernement souhaite que soient explorées
les possibilités d'un règlement hors cour en cette cause. "Les
membres prennent connaissance d'un rapport adressé aux procureurs de la
compagnie par Me Michel Jasmin, procureur du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction et du local 791, ainsi que
d'un rapport adressé à Mes Geoffrion et Prud'homme par Me Rosaire
Beaulé, procureur du syndicat international." (12 h 45)
Après discussion, vous avez donc eu une discussion à ce
moment. Sur proposition dûment faite et appuyée, il est
unanimement résolu de donner mandat aux procureurs agissant, etc.
d'explorer auprès des procureurs des défendeurs la
possibilité d'un règlement hors cour dans ladite cause. Je vous
indique également, avant que vous me répondiez, que le
procès-verbal indique que
Me André-E. Gadbois est aussi présent à la
réunion.
Est-ce qu'à cette réunion, M. Laliberté vous a fait
part du mandat qu'il avait donné à ses procureurs de
préparer une déclaration de règlement hors cour?
M. Roquet: C'était trois semaines auparavant.
M. Paradis: Trois semaines auparavant.
M. Roquet: M. le Président. Il me faut d'abord clarifier,
je l'ai déjà dit dans mon témoignage, que je n'ai pas
été saisi comme administrateur, que je n'ai pas été
au courant du document du 18 janvier, qui était un projet de
transaction, semble-t-il.
Comme témoin moi-même sur ce document, je n'ai rien
à dire, parce que je ne suis pas témoin de ce document, je n'en
ai pas été saisi. Le rapport qui nous a été fait
plus tard à la réunion, c'est celle du 6 février dont vous
parlez?
M. Paradis: Oui, c'est celle du 6 février.
M. Roquet: II ne contenait pas, à ma connaissance, ce
document. Donc, on nous a présenté le 6 février une
tranche plus tardive de la situation. Je ne peux pas, pour ma part, faire
rapport concernant le document du 18 janvier, que je ne connais pas.
M. Paradis: D'accord. À la réunion du 6
février 1979, on vous a remis non pas la déclaration de
règlement hors cour préparée par vos propres procureurs le
18 janvier. Celle qu'on vous a remise et qu'on retrouve à l'annexe,
c'est celle qui vous a été soumise par Me Rosaire Beaulé,
l'ex-associé dans un cabinet d'avocats du chef de cabinet actuel du
premier ministre du Québec, celle-là, on vous l'a remise.
Au moment où on vous l'a remise, est-ce que M. Laliberté,
après discussion, vous a indiqué qu'il avait demandé
à vos propres procureurs, la veille du jour où Me Beaulé
rédige la sienne, de rédiger une déclaration de
transaction hors cour?
M. Roquet: Si je répondais à cette question par oui
ou non, M. le Président, je donnerais une mauvaise information à
la commission. Il m'est impossible de me souvenir si M. Laliberté nous a
communiqué ou non une telle information. Je ne m'en souviens pas.
M. Paradis: Je pourrais peut-être essayer de vous aider. M.
Thibaudeau nous a dit que c'était Me Gadbois qui avait ajouté les
notes manuscrites. Me Gadbois y assistait. Est-ce que Me Gadbois, lui, vous a
fait part de ce document?
M. Tremblay: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Question de
règlement.
M. Tremblay: Oui, je m'excuse. Le député vient de
glisser en disant qu'un des témoins d'hier a dit que c'était Me
Gadbois qui avait fait les manuscrits. Il a dit que c'était possible que
ce soit Me Gadbois. Il n'a pas affirmé cela et il ne pouvait pas le
faire.
M. Duhaime: Lisez donc le témoignage de M. Thibaudeau.
Le Président (M. Jolivet): II a supposé que
c'était possible que ce soit...
M. Paradis: Non, non, je vais lire, parce qu'il me semble que le
député de Chambly...
M. Tremblay: II ne fait pas ses devoirs.
Le Président (M. Jolivet): Allez, allez. Non, laissez.
Allez.
M. Paradis: M. le Président, M. Thibaudeau - et je le cite
exactement pour que le député de Chambly le retrouve
aisément - c'est le 14 avril 1983, 16 h 11, hier. C'est M. Thibaudeau
qui parle et je cite exactement: "Vous avez, dans le document que vous avez ici
venant de la SEBJ, certaines ratures entre parenthèses, et "bonne" et
tout cela. C'est Me Gadbois qui a fait ces ratures en corrigeant."
M. Tremblay: C'est clair. Mais, de toute évidence...
Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le
député. M. le député de Chambly.
M. Tremblay: De toute évidence...
M. Paradis: De toute évidence, vous n'avez pas fait votre
travail.
M. Tremblay: Comment peut-il savoir cela? Il n'était pas
là. Cela n'a pas de bon sens.
Le Président (M. Jolivet): M. le député. M.
le député de Chambly. M. le député. La question
était posée à M. Roquet. Je lui demande de
répondre. À l'ordre! M. Roquet.
M. Roquet: C'est tellement mouvementé que j'ai perdu le
fil de la question.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missisquoi, voulez-vous répéter votre question,
s'il vous plaît?
M. Paradis: Est-ce que Me Gadbois, qui était
présent à cette réunion, et qui, suivant le
témoignage de M. Thibaudeau, a ajouté les notes manuscrites
à la proposition de règlement hors cour préparée
par vos propres procureurs, le 18, a fait état dans les discussions de
ces ratures-là ou de cette offre de règlement hors cour qui avait
été préparée par vos propres procureurs?
M. Roquet: J'ai l'impression que le document comme tel
n'était pas à notre disposition. Il m'a semblé, quand je
l'ai vu, ne pas l'avoir vu auparavant. Quant à des remarques orales qui
auraient pu être faites sur ces démarches, soit par M.
Laliberté, soit par Me Gadbois, je ne peux, non plus, à cette
distance de quatre ans et demi, me souvenir qu'à cette réunion,
quelqu'un en a parlé. Je ne le peux pas. Je le regrette.
M. Paradis: Je veux qu'on se comprenne bien. Le
procès-verbal indique - et je suis obligé de m'y fier, à
moins que vous puissiez me dire que le procès-verbal est inexact -que
les membres du conseil prennent connaissance... Vous êtes un membre du
conseil, vous êtes là, et cela dit que vous avez pris connaissance
- je me fie à ce qui est écrit - d'un rapport adressé aux
procureurs de la compagnie par Me Michel Jasmin, procureur du Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction et du local
791, ainsi que d'un rapport adressé à Mes Geoffrion et Prud'homme
par M. Rosaire Beaulé, procureur du syndicat international. Donc, celui
du 19, vous l'aviez celui-là?
M. Roquet: Oui, mais ce n'est pas celui du 18.
M. Paradis: Non, non. Mais, lorsqu'on a traité de celui du
19, est-ce que M. Laliberté vous a indiqué que la veille, il en
avait commandé un identique à celui de vos procureurs? Ou est-ce
que Me Gadbois est intervenu dans la discussion qui est mentionnée et a
dit: "II est identique à celui qu'on a commandé hier et les
ratures, c'est moi qui les ai faites"? Est-ce que cela vous a été
dit?
M. Roquet: II m'est impossible de me souvenir d'un tel propos
pour une date précise il y a quatre ans et demi. Pour ce qui est des
textes, j'ai simplement mentionné tout à l'heure, quand on m'a
questionné à ce sujet, que, à première vue, sans
les avoir compulsés, il semblait y avoir apparentement, en effet... Je
n'ai pas pu me permettre d'exprimer un avis sur les textes dont je
n'étais pas au courant et que je n'ai pas comparés, je
m'excuse...
M. Paradis: Je ne vous demande pas un avis là-dessus. Je
vous demande si...
M. Roquet: Excusez-moi, mais j'ai cru que vous m'aviez
attribué une phrase sur l'identité des documents et c'est pour
cela que je suis revenu à mon témoignage qu'il avait simplement
parlé - mon Dieu, pas de souvenir du temps, mais simplement de lectures
d'aujourd'hui, partielles, d'apparentement.
M. Paradis: Vu que vous allez être libéré
dans dix minutes, à peu près, j'imagine, est-ce que vous auriez
l'obligeance de les comparer et de nous envoyer vos constatations? Cela vous
éviterait peut-être de revenir les comparer devant nous. Nous
apprécierions votre jugement de sous-ministre, là-dessus.
M. Roquet: Je suis ici à titre de témoin
d'événements à un certain moment. Cela me paraîtrait
être en dehors de ce rôle que de prétendre venir ici tout
à coup à titre d'expert pour comparer des textes. Je ne veux pas
manquer de courtoisie envers le député, qui est d'ailleurs
très courtois à mon égard. Je me sentirais totalement en
porte-à-faux comme témoin d'événements qui
remontent à quatre ans, de me mettre à étudier des textes
qui viennent d'apparaître en public et que je n'ai même pas lus
d'un bout à l'autre.
M. Paradis: Vous allez avoir le temps de les lire. À cette
réunion du 6 février, assistaient M. Laliberté et Me
Gadbois. La veille, selon la preuve recueillie, ils avaient donné mandat
aux procureurs de préparer les documents. Également, la veille ou
la journée même, on avait ajouté des notes manuscrites.
Lorsque vous discutiez d'un document semblable reçu,
rédigé le lendemain, est-ce que ces deux personnes-là -
l'un était votre P.-D.G. et l'autre était votre directeur de
contentieux - vous ont informé de cet état de fait?
M. Roquet: Je ne peux pas, après quatre ans et demi,
répondre à cette question pour une journée précise,
à savoir si une personne ou l'autre aurait mentionné oralement ce
fait. Il m'est malheureusement impossible de répondre.
M. Paradis: Est-ce que, par la suite, cela vous a
été mentionné? Pas pour la journée
précise?
M. Roquet: J'ai l'impression de n'avoir jamais vu le document du
18, c'est donc ici que j'ai appris son existence. À moins que quelque
aspect de la question ait été mentionné oralement, je ne
le sais tout simplement pas.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Avant de continuer,
étant donné que nous sommes à sept minutes de 13 heures et
que nous devons ajourner nos travaux à mardi, 10 heures, et que j'ai
encore sur ma liste le député de Mont-Royal et le
député de Laporte - je n'ai pas d'autres intervenants pour le
moment, je crois comprendre qu'on devra dépasser 13 heures.
Compte tenu de cela, je pose la question dès maintenant: Est-ce
que nous débordons de cinq ou dix minutes ou si nous revenons mardi,
à 10 heures, puisque je devrai arrêter les travaux à 13
heures? Je ne sais pas qui me répondra. M. le ministre.
M. Duhaime: Si on est bref, ce sera possible.
M. Ciaccia: Si on ne perd pas de temps sur la question, on pourra
peut-être terminer.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal sera bref. M. le député de Laporte?
M. Bourbeau: Trois ou quatre minutes.
Le Président (M. Jolivet): Donc, on est donc capable de
terminer à 13 heures?
M. Ciaccia: On verra à 13 heures.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. Roquet, j'essaie de comprendre vos remarques et le
règlement de 1974, qui avait été refusé par la
Société d'énergie de la Baie James. Si je comprends bien,
en 1975, les assureurs avaient évalué à 1 100 000 $ le
montant à payer à la Société d'énergie de la
Baie James. Avant que ce paiement n'ait été versé, il y a
eu des ouvertures de règlement.
M. Roquet: Des ouvertures de quoi?
M. Ciaccia: ...de règlement. Le règlement, à
ce moment-là, qui a été refusé par la
Société d'énergie de la Baie James était en ce sens
que les syndicats paieraient le tiers de ce montant et que les assureurs n'en
paieraient que les deux tiers. Non?
M. Roquet: Non. Que les syndicats en paieraient le tiers, que les
assureurs en paieraient le tiers et que la SEBJ absorberait l'autre
tiers...
M. Ciaccia: Absorberait l'autre tiers...
M. Roquet: ...reconnaissant ainsi une responsabilité
partielle dans le dossier.
M. Ciaccia: Cela veut dire que la SEBJ aurait reçu
seulement 800 000 $ plutôt que 1 100 000 $? En 1975, la SEBJ aurait
reçu 800 000 $. À ce moment-là, les poursuites
n'étaient pas encore intentées. Elles ont été
intentées en 1976. Ainsi, les frais juridiques étaient
très minimes.
Revenons à 1979. Les assureurs ont payé 1 100 000 $. Le
règlement des syndicats était de 200 000 $. Cela donne 1 300 000
$. Les 100 000 $, qui ont été payés, ont été
payés aux assureurs. Cela n'affecte donc pas les sommes perçues
par la SEBJ. En 1979, la SEBJ reçoit 1 100 000 $ des assureurs plus 200
000 $, cela donne 1 300 000 $. Mais on doit déduire de ce montant 900
000 $ de frais encourus par la Société d'énergie de la
Baie James. Donc, en 1979, le montant net que reçoit la
Société d'énergie de la Baie James est de 400 000 $.
M. Roquet: Quelle est la question, M. le Président?
M. Lalonde: Êtes-vous d'accord?
M. Ciaccia: Êtes-vous d'accord que, sur les 1 100 000 $
reçus par la SEBJ, on ajoute les 200 000 $ et que cela donne 1 300 000 $
dont on doit déduire la somme de 900 000 $ de frais encourus depuis
1975, qu'il reste un solde de 400 000 $?
M. Roquet: M. le Président, je ne suis pas un expert de
cette question. J'ai apporté une information. Ce qui me frappe, dans
cette affaire, c'est qu'il s'agissait d'une décision des administrateurs
de 1975, qui ne sont pas, bien sûr, le conseil d'administration auquel
j'ai participé.
M. Ciaccia: Non, mais je ne demande pas une évaluation,
une opinion sur la validité.
M. Roquet: Non.
M. Ciaccia: Je vous demande de constater certains chiffres
d'après les chiffres mêmes que vous avez apportés. Je
n'aurais pas soulevé cette question aujourd'hui, si vous n'aviez pas
apporté ces chiffres. Vous nous avez dit qu'en 1975 vous n'auriez
reçu que 800 000 . C'est exact?
M. Roquet: C'est exact, oui.
M. Ciaccia: C'est exact. En 1979, vous avez reçu 1 100 000
$ plus les 200 000 $, cela fait 1 300 000 $. Est-ce exact?
M. Roquet: C'est exact, oui.
M. Ciaccia: Est-ce exact aussi que les frais encourus par la
société pour cette poursuite étaient de 900 000 $?
M. Roquet: C'est exact.
M. Ciaccia: Alors, si je prends 1 300 000 $ et que je
déduis 900 000 $, est-ce exact qu'il me reste 400 000 $?
M. Roquet: Oui. M. Ciaccia: Bon.
M. Roquet: II faut donc supposer que les administrateurs avaient
d'autres considérations à ce moment.
M. Ciaccia: Non, je ne demande pas les autres
considérations. Vous aviez aussi fait une affirmation à savoir
que le règlement, d'après vous, était dans les meilleures
décisions d'affaires. Alors je me pose la question: Comment...
M. Roquet: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. Roquet.
M. Roquet: Quand j'ai parlé d'une bonne décision
d'affaires, je pensais au règlement qu'un conseil d'administration, en
1978-1979, a fait, mais ce conseil n'a pas décidé en 1975 de ne
pas poursuivre. Je ne peux pas juger la décision de 1975 mais, en 1979,
les frais juridiques étaient encourus de toute façon.
M. Ciaccia: Alors, ce n'est qu'une constatation, d'après
vos chiffres, que l'offre qui a été refusée par la
Société d'énergie de la Baie James en 1975 aurait
donné 800 000 $ à la Société d'énergie de la
Baie James et que l'offre qui a été acceptée par la
Société d'énergie de la Baie James en 1979 lui a
donné 400 000 $. Merci, M. le sous-ministre.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme nous risquons de
dépasser 13 heures, j'ai quasiment l'obligation, à moins qu'on me
donne un autre moyen, d'ajourner les travaux jusqu'à mardi. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, il n'est pas encore 13
heures. Je demande mon droit de parole.
Le Président (M. Jolivet): II vous reste une minute.
M. Bourbeau: M. Roquet, en 1975, lors de la discussion qui
concerne l'assurance, un des syndicats canadiens était disposé
à payer 400 000 $. Vous êtes d'accord avec cela? (13 heures)
M. Roquet: M. le Président, je suis ici comme
témoin d'événements survenus en 1978-1979. J'ai
peut-être eu tort d'apporter une information de la société
en réponse à une question qui a été posée
là-dessus. Mais, comme témoin, je ne peux rien dire sur 1975.
M. Bourbeau: M. Roquet, dans le document confidentiel qu'on vous
a remis le 9 janvier, il est indiqué qu'en 1975 un des syndicats
canadiens était disposé à payer 400 000 $,
indépendamment de ce qui s'est fait.
M. Roquet: J'en prends note.
M. Bourbeau: Vous le saviez, en 1979, vous l'aviez dans votre
document. À ce moment, quand on vous a présenté l'offre de
200 000 $, en 1979, ne vous êtes-vous pas demandé comment il se
faisait que, quatre ans plus tard, on n'offrait que 200 000 $, alors que quatre
ans avant, l'un des syndicats canadiens avait les disponibilités
financières pour payer 400 000 $?
M. Roquet: Nous nous sommes sans doute posé ce genre de
question. Nous évaluions, cependant, où notre
responsabilité commençait et la solvabilité des syndicats
telle qu'elle était à ce moment-là. Est-ce que les
syndicats, en 1975, étaient prêts à racheter la
responsabilité moitié-moitié avec la SEBJ pour 400 000 $?
Est-ce qu'ils étaient plus solvables à ce moment-là, je
n'en sais absolument rien. Je ne peux pas établir de comparaison, mais
le jugement que nous avions apporté, c'est si un règlement, en
1979, avec cette compensation, était une décision sage ou non. Il
m'a semblé qu'elle l'était pour toutes sortes d'autres
considérations bien plus larges de nature économique.
M. Bourbeau: Mais strictement au point de vue pécuniaire,
est-ce que cela ne vous intéressait pas d'avoir plus que 200 000 $?
M. Roquet: Oui. Chaque sou compte, comme on l'a dit hier, chaque
dollar compte. Cependant, il y avait là un choix devant le conseil:
Est-ce que nous continuons à pousser les syndicats pour essayer de
presser le citron un peu plus pendant que nous accumulons des frais
hebdomadaires de 25 000 $. Les 25 000 $ sortaient, cela c'était
sûr. L'argent du syndicat rentrait peut-être ou peut-être
pas. Là, c'était l'évaluation de chacun. Je respecte
l'opinion de mes collègues qui se sont dit: On aurait peut-être pu
aller chercher un peu plus. Personne ne s'attendait à des Eldorado. Pour
ma part, j'étais de ceux qui ont pensé qu'il était sage de
stopper le processus à ce point.
Le Président (M. Jolivet): Une dernière
question.
M. Bourbeau: Une dernière question. Est-ce que vous ou
quelqu'un au conseil d'administration s'est préoccupé, à
un moment donné, de faire monter les enchères, autrement dit, de
demander à vos procureurs de négocier à partir d'une somme
d'argent plus importante que les 125 000 $ ou les 175 000 $ qui étaient
sur la table?
M. Roquet: Certainement! Cette pression pour monter le plus haut
possible était là.
M. Bourbeau: Quel montant a été demandé et
par qui?
M. Roquet: II n'y a pas eu de montant précis de
mentionné, il y a eu quand même une décision du Conseil des
ministres qui donnait comme premier paramètre à ses procureurs
d'aller chercher une compensation pour les frais juridiques.
M. Bourbeau: Au Conseil des ministres vous dites?
M. Roquet: Au conseil d'administration. Déformation
professionnelle.
M. Lalonde: Quel lapsus!
M. Bourbeau: Les frais juridiques étaient de combien? 900
000 $?
M. Roquet: Excusez-moi, je n'ai pas compris.
M. Bourbeau: Les frais juridiques dont vous parlez,
c'étaient les frais juridiques qui étaient de 900 000 $ à
peu près?
M. Roquet: Oui. Je crois me souvenir qu'au procès-verbal,
il y a un premier mandat où ceci est donné comme paramètre
de départ.
M. Bourbeau: Avez-vous été stupéfait lorsque
vous avez vu que les 900 000 $ de frais juridiques n'étaient pas
acquittés par le règlement hors cour et que plutôt de voir
900 000 $, on voyait 200 000 $?
M. Roquet: Pas stupéfait, l'autre partie commençait
à 50 000 $. Alors, c'était évident que le processus de
hausse serait lent et pénible. Il l'a été. C'était
une question de savoir quand cela commençait à devenir
contre-productif de laisser le temps passer et d'essayer d'en presser plus.
J'étais de ceux qui ont pensé: Voilà! C'est le moment. On
est à peu près à la situation optimale.
M. Bourbeau: Une dernière question... M. Duhaime: Je
m'excuse, M. le Président...
M. Bourbeau: Cela ne vous est pas apparu comme une
négociation à sens unique?
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je pense
que...
M. Bourbeau: On me coupe la parole,
M. le Président?
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas qu'on vous coupe
la parole, M. le député...
M. Duhaime: Si le député de... Sur une question de
règlement, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le ministre,
seulement une minute. Ce n'est pas qu'on vous coupe la parole, c'est que vous
m'avez demandé de poser une question et, depuis ce temps, il y en a eu
quatre.
M. Bourbeau: C'est une question à quatre volets.
Le Président (M. Jolivet): Oui, je le sais très
bien. Mais depuis 10 heures ce matin nous sommes ici. À ma droite, on
m'indique qu'on a dépassé 13 heures, effectivement, on a
dépassé 13 heures. Je vous ai laissé un laps de
temps...
Une voix: Tout un laps de temps!
Le Président (M. Jolivet): Si vous me permettiez de dire
à M. Roquet qu'il est libéré pour le moment, de
façon qu'on puisse revenir mardi avec les autres personnes, cela me
permettrait, à ce moment-là, de pouvoir clore le débat.
Mais M. Roquet veut ajouter un petit mot.
M. Roquet: Je n'oserais pas, dans ce contexte, demander...
M. Duhaime: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, oui,
monsieur...
M. Duhaime: Je croyais avoir fait la question de
règlement.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, si vous demandez
la question de règlement avant de laisser parler M. Roquet, je vais
demander au ministre de faire sa question de règlement, puisqu'il a
été le premier à la demander.
M. Duhaime: II est 13 heures et je proposerais l'ajournement
à mardi, 10 heures. Il est 13 h 04.
Le Président (M. Jolivet): Si je n'ai pas le consentement,
je dois donc ajourner les travaux à mardi matin, 10 heures, et demander
à M. Roquet d'être disponible, possiblement, comme ce n'est pas
moi qui détermine l'ordre du jour, vous serez averti en
conséquence par le secrétariat des commissions si vous êtes
demandé pour mardi prochain.
M. Lalonde: Nous aurions été prêts, M. le
Président, à continuer pendant quelques minutes pour
libérer M. Roquet, mais puisque le ministre est de mauvaise humeur,
qu'il a une dernière saute d'humeur, on est habitué, tant
pis.
M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Duhaime: Je voudrais donner toute l'assurance possible au
député de Marguerite-Bourgeoys que, malgré les trois
heures cinq minutes que je viens de passer, je suis d'excellente humeur.
M. Lalonde: C'est ajourné, M. le Président.
M. Duhaime: Sauf une chose...
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas encore
ajourné, j'ai dit que j'avais l'intention d'ajourner.
M. Duhaime: Quand le député de
Marguerite-Bourgeoys parle en minutes, je dois compter en heures. Alors,
mardi, 10 heures et bonne fin de semaine.
Le Président (M. Jolivet): Donc, nous ajournons nos
travaux à mardi, 10 heures.
(Fin de la séance à 13 h 06)