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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Si vous voulez bien prendre chacun votre siège.
Ouverture de la commission élue permanente de l'énergie et
des ressources qui a comme mandat l'étude de la politique
énergétique et du développement économique.
Les membres de cette commission sont: M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier (Outremont), M.
Grégoire (Frontenac), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne (Beau-harnois), M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M. Perron (Duplessis), M.
Rodrigue (Vimont).
Les intervenants sont: M. Baril (Rouyn-Noranda) - il n'est pas
remplacé aujourd'hui? - M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Harel
(Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Leduc
(Saint-Laurent), M. Mathieu (Beauce-Sud)...
M. Fortier: II est remplacé par Mme Bacon (Chomedey).
Le Président (M. Laplante): ...remplacé par Mme
Bacon (Chomedey), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé...
Non... M. Tremblay (Chambly), M. Vallières (Richmond)...
M. Fortier: M. Vallières est remplacé par Mme
Dougherty (Jacques-Cartier).
Le Président (M. Laplante): ...remplacé par Mme
Dougherty (Jacques-Cartier).
On me dit que la liste est faite dans l'ordre d'appel. S'il y a des
changements, on le dira au cours de la journée. D'abord, il y aura
l'Ordre des ingénieurs du Québec, ensuite, l'Association des
consommateurs industriels de gaz, Trans Québec & Maritimes, Cie de
construction Antagon Ltée, Construction Beaver, Société de
construction D.C.L. Ltée, la ville de Sherbrooke, la Chambre de commerce
de Sherbrooke, et la Maison régionale de l'industrie, le Conseil
régional de développement Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau,
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, le comité
Delaney. La dernière, l'Association du camionnage du Québec, son
rapport est pour dépôt seulement.
Ce qui veut dire que nous avons neuf organismes à entendre
aujourd'hui. Je demanderais à chacun des organismes, comme nous ne
pouvons entendre vos mémoires au complet en lecture, que vous donniez
verbalement ou par écrit un résumé de votre
mémoire. Les membres de cette commission m'assurent qu'ils les ont lus;
je vois des notes qui ont été prises sur chacun des
mémoires afin de vous interroger. Si on répète ce qu'on a
fait hier, on ne pourra pas passer plus de trois ou quatre organismes. On sera
ici toute la nuit si cela continue. Vous m'excuserez si je vous coupe la parole
à un moment donné et que je vous dis d'aller aux principales
recommandations de votre mémoire; c'est ce qu'on a besoin d'entendre
surtout.
Les réponses que vous avez à donner, vu que c'est inscrit
sur vos mémoires, je vous prie de les faire très courtes. Je vais
essayer de contrôler les membres ici autour de cette table pour qu'ils
posent des questions courtes eux aussi afin que cela se fasse des deux
côtés.
Maintenant j'appelle le premier organisme, qui est l'Ordre des
ingénieurs du Québec. Si vous voulez identifier votre organisme
pour fins du journal des Débats et les personnes qui vous accompagnent,
s'il vous plaît. M. le président.
Auditions Ordre des ingénieurs du
Québec
M. Boumival (Pierre-L.): M. le Président, M. le ministre,
madame et MM. les députés, chers confrères et autres
participants à cette consultation. Avant d'entamer le côté
technique de notre mémoire...
Le Président (M. Laplante): Excusez, monsieur, voulez-vous
identifier les personnes qui vous accompagnent ici, s'il vous plaît.
M. Bournival: Oui, je le faisais plus loin.
Le Président (M. Laplante): Au début, pour le
journal des Débats.
M. Bournival: D'accord, M. le Président. Vous me
permettrez de référer également à la feuille que
nous vous avons distribuée ce matin qui vous donne la liste des
personnes qui sont ici présentes. Elles sont un peu
différentes de celles qui ont contribué au
mémoire.
Alors, dans l'ordre, le premier à ma droite est M. Urbain Moreau;
M. Moreau est le coordonnateur et le secrétaire du groupe de travail qui
a préparé le mémoire que vous allez discuter. A ma gauche
M. Raymond Chaperon, qui a changé de responsabilité depuis que
cette feuille a été préparée, de Shell Canada.
À sa gauche, M. Franco Grasso, qui est l'adjoint au président de
Canatom, et, à ma deuxième droite, le Dr Claude Richard, un
physicien de l'IREQ qui nous a prêté main-forte. À
l'extrême gauche, M. Jules Lebel, que je remercie particulièrement
puisqu'il a été conscrit hier soir pour venir nous prêter
main-forte dans le secteur vital de l'énergie électrique,
où nous avions besoin de ressources supplémentaires. Je signale
également la présence de deux administrateurs qui habitent la
ville de Québec, membres du bureau de l'Ordre des ingénieurs, M.
Jean-Guy Poliquin, à droite, et le dernier et non le moindre, un ancien
président de l'ordre, M. Pierre Delisle.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le ministre,
avez-vous des remarques?
M. Duhaime: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je vais
prendre sur moi de présenter des excuses à des groupes qui ont
été convoqués pour ce matin. Suivant toute vraisemblance,
ils ne seront appelés à comparaître devant cette commission
très probablement que ce soir. Cependant, je dois rappeler que c'est une
tradition des commissions parlementaires d'avoir présents pour le
début de la séance tous ceux qui seront normalement entendus au
cours de la journée. Je dois vous dire également que je trouve
cette tradition mauvaise. J'aurai à en parler avec non seulement le
leader du gouvernement mais avec le leader de l'Opposition. J'espérerais
que des démarches soient faites auprès de la présidence de
l'Assemblée nationale et du secrétariat des commissions de
façon que notre commission parlementaire ne devienne pas une salle
d'urgence où tout le monde est convoqué à la même
heure, le même jour pour attendre et perdre son temps.
Ceci étant dit, je voudrais apporter une précision sur une
manchette d'un quotidien de ce matin au sujet du programme d'écoulement
des surplus hydroélectriques à Hydro-Québec. Je veux dire
que, dans un premier temps, ce programme était prévu à
l'intérieur du plan de développement d'Hydro-Québec de
1982-1985, tel que déposé et discuté en commission
parlementaire et approuvé par le gouvernement, pour écouler 800
mégawatts pour des clients de plus de 5 mégawatts ainsi que pour
écouler 200 mégawatts chez les clients de moins de 5
mégawatts.
Peut-être que j'étais distrait ou mal inspiré, mais
j'ai mal saisi hier une remarque du député d'Outremont. Je tiens
pour acquis que ce que le journal a rapporté ce matin est exact à
savoir s'il y a eu des pressions des gouvernements sur Hydro-Québec. Je
sais que l'Opposition libérale aime beaucoup cette expression par les
temps qui courent. Effectivement, M. Chrétien a communiqué avec
moi pour se plaindre que le programme de vente de l'énergie
excédentaire menaçait la pénétration du gaz naturel
au Québec, d'après son évaluation. Je lui ai dit que,
quant à moi, il n'y avait aucune espèce de crainte, qu'il y avait
de la place pour tout le monde sur ce marché. Ce qui nous a
été confirmé hier par SOQUIP, par Lavalin et par la
compagnie Gazifère, de Hull.
Essentiellement, j'ai dit à M. Chrétien que ce qui menace
le plus la pénétration du gaz naturel, c'est votre politique
d'émettre des permis à l'importation des huiles lourdes et de les
subventionner en plus. Ceci a également été
confirmé par au moins trois intervenants entendus hier en commission.
Est-ce que j'ai fait des pressions? Je réponds non. Une pression au sens
où on l'entend dans l'Opposition, et une discussion raisonnable et
intelligente entre ministres responsables d'une société
d'État, prennent une connotation bien différente. Mon devoir est
de m'assurer que lorsqu'un plan de développement est
déposé, il soit respecté. C'est ce que j'ai fait. Ceci
étant dit, M. le Président, je vous inviterais à donner la
parole à qui vous le souhaiterez.
Le Président (M. Laplante): Je me dois d'accorder le droit
de réplique au député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois que la
déclaration que j'ai faite hier aux journaux est confirmée par la
déclaration du ministre. Et, même si des objectifs avaient
été fixés par Hydro-Québec quant au programme de
conversion des chaudières industrielles, il reste que, justement, des
pressions ont été faites, qu'elles soient amicales ou autres. Il
n'en reste pas moins qu'Hydro-Québec aurait pu continuer son programme
de conversion et que des pressions ont été faites pour
l'empêcher de le continuer. À ce sujet, j'accepte la parole du
ministre. Il s'agit d'une question d'interprétation quant au genre
d'intervention que le ministre a faite auprès d'Hydro-Québec. Je
vous remercie, M. le Président.
M. Duhaime: M. le Président, je ne voudrais pas laisser
pendre de fil là-dessus et je ne veux pas partir une querelle inutile.
Ce n'est pas mon habitude. Je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté
dans ce que pourrait laisser entendre le député d'Outremont.
Je
lui conseillerais de relire simplement le plan d'équipement
d'Hydro-Québec. Il verra lui-même qu'à l'intérieur
de ce plan, il est prévu un programme d'écoulement.
Je peux même aller plus loin en vous disant qu'il y en aura
probablement un autre d'ici quelques mois. Et, je ne voudrais pas que la
presse, d'une façon générale, ou les membres de cette
commission puissent interpréter ces propos, car je sais que dans notre
bouche les mots ont une connotation toute différente que lorsque
utilisés par votre leader parlementaire à l'Assemblée
nationale, que nous aurons d'ailleurs le plaisir et l'honneur de recevoir
à cette commission dès la semaine prochaine, sur un autre
sujet.
M. Fortier: Nous sommes prêts.
Le Président (M. Laplante): On n'allongera pas davantage.
On est ici pour entendre des mémoires. Monsieur, si vous voulez
commencer, s'il vous plaît, à lire votre mémoire...
M. Bournival: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): ...avec les restrictions que
je vous ai demandées dès le début.
M. Bournival: Merci, M. le Président.
J'aimerais attirer votre attention, à la page 9 de notre
mémoire, sur les noms et les affiliations professionnelles des
ingénieurs qui ont préparé le mémoire que vous avez
étudié. J'aimerais aussi vous dire que nous tenons à
attirer votre attention sur le fait que, dans ce mémoire, ce ne sont pas
les vues des employeurs qui sont exprimées. Fidèles à leur
déontologie professionnelle, nos membres ont tenu à
répondre avec empressement et bénévolement - je le signale
- à votre appel de fournir une contribution de la part de notre
corporation professionnelle. Le mémoire a été revu et
corrigé par un noyau d'administrateurs qui siègent au conseil
d'administration de notre ordre. Ainsi, ceux-ci donnent leur aval aux vues du
comité, même s'il n'y a pas eu d'assemblée
plénière des 24 membres du bureau d'administration avant votre
réunion d'aujourd'hui. Néanmoins, suffisamment d'administrateurs
l'ont vu pour que cela représente les vues officielles de notre
ordre.
D'ailleurs, nous faisons ainsi le pont avec un autre mémoire
qu'on avait eu le temps de fouiller beaucoup plus parce que les délais
de votre commission, à cette époque, permettaient de faire une
étude aussi approfondie que celle que méritent les questions que
vous nous avez posées. Notre comité aurait souhaité
pouvoir mettre beaucoup plus d'étude et de recherche pour vous
présenter ce que vous demandiez, mais les délais ne nous
permettaient pas de le faire, surtout avec des bénévoles.
En janvier 1980, l'Ordre des ingénieurs du Québec vous
communiquait ses opinions sur la politique du gouvernement en matière
d'énergie avec ce rapport que vous avez en dossier, je présume.
Un an plus tard, nous vous présentions également un avis sur la
stratégie d'opération et les projets d'investissement
d'Hydro-Québec pour la décennie 1980. C'est avec une certaine
satisfaction que l'ordre se voit justifié aujourd'hui de maintenir les
propositions et les positions qu'il avait formulées alors, malgré
les évolutions et les fluctuations du marché
énergétique ces dernières années et même ces
dernières semaines.
Vous êtes principalement intéressés au
développement économique à tirer de la situation
énergétique. Dans cette optique, le raisonnement de l'Ordre des
ingénieurs du Québec est que le Québec, avec une
population d'à peine 6 000 000 d'habitants, a un accès
relativement facile à une si grande disponibilité
d'énergie qu'il doit forcément faire deux choses: d'abord
produire des biens pour l'étranger et vendre ses services à
l'étranger et, deuxièmement, exporter ses surplus
d'hydroélectricité, qui est sa ressource
énergétique indigène. De par la nature même de
l'Ordre des ingénieurs, notre mémoire se doit de rester
qualitatif et non quantitatif. Vous n'y retrouverez que peu ou pas de
chiffres.
Les prémisses à nos conclusions sont que, devant
l'obligation continue d'importer du pétrole étranger et dans un
objectif d'autosuffisance, le Québec doit présentement rechercher
une balance entre les importations d'énergie fossile et nos exportations
d'énergie hydroélectrique. Deuxièmement, nous devons
profiter de la diversité de nos approvisionnements
énergétiques et harmoniser l'utilisation de ces
différentes ressources énergétiques sur tout l'ensemble de
notre territoire. En adoptant les thèmes que vous privilégiez
dans la constitution, nous avons donc établi nos conclusions et nos
recommandations sous les thèmes de recherche développement,
restructuration du secteur pétrolier, investissement et
développement économique que peut engendrer le secteur
énergétique. (10 h 30)
Quant à ce qui touche la recherche et le développement, du
côté de l'électricité, nous recommandons,
premièrement, d'accentuer la recherche concernant les technologies
industrielles utilisatrices d'électricité; deuxièmement,
de planifier de petites centrales hydroélectriques pour répondre
à l'accroissement graduel de la demande et les mettre en chantier au fur
et à mesure des besoins en tenant compte du développement
régional et en y intéressant l'entreprise privée;
troisièmement, de confier des mandats de recherche sur les
technologies
industrielles à des experts-conseils en collaboration avec des
entreprises industrielles. Voilà pour l'électricité.
Quant au gaz naturel, nous nous bornons à recommander d'affecter
un pourcentage annuel des ventes de gaz naturel à des recherches
axées sur le transfert des technologies existantes qui ont
été éprouvées à l'étranger et qui
peuvent s'appliquer au Québec.
Côté pétrole, nous devrions viser à une
flexibilité accrue dans le raffinage des produits. Je présume que
les membres de la commission vaudront peut-être demander à nos
experts du côté pétrolier de développer cette
phraséologie un peu plus tard. Deuxième objectif du
côté du pétrole: établir une concertation entre les
secteurs de l'éducation spécialisée et le secteur
pétrolier en fonction du recyclage de la main-d'oeuvre et des
techniciens en vue des développements à venir.
Côté de l'énergie nucléaire, nous
recommandons de profiter de la mise en service de Gentilly II pour garder un
noyau d'experts dans le domaine nucléaire au Québec aux fins de
bénéficier des retombées économiques et de rester
présent dans l'évolution mondiale que connaît ce
secteur.
Côté des énergies nouvelles, nous recommandons de
développer de petits modules énergétiques autonomes -
genre éolienne ou énergie solaire - qui pourraient servir dans
des régions éloignées et qui pourraient être
commercialisés par le Québec pour utilisation dans d'autres pays,
principalement dans des pays en voie de développement. Nous croyons
également opportun que soit signée l'entente avec le gouvernement
du Canada pour le financement des programmes de développement en
énergies nouvelles.
Votre deuxième thème, qui est la restructuration du
secteur pétrolier, a amené les observations suivantes. Nous
croyons qu'il est souhaitable d'éviter les réglementations
très rigides et peut-être un peu hâtives et qu'il est
également désirable d'étudier soigneusement la promotion
de ce qu'on a appelé la polyénergie ou, si on veut, la
triénergie, les trois ressources étant la synchronisation du gaz,
du pétrole et de l'électricité, plutôt que de s'axer
comme on l'est actuellement vers la biénergie.
Du côté des investissements, il serait opportun de
répartir les retombées économiques par région, en
voyant à l'aménagement de petites et moyennes centrales
hydroélectriques; deuxièmement, de compléter la
réalisation des projets d'investissements de la présente
décennie pour le transport et la distribution du gaz naturel ainsi que
de maintenir, à tout le moins, un intérêt dans le
développement d'un port méthanier à Gros-Cacouna. Enfin,
il y a lieu de moderniser les infrastructures de raffinage du
pétrole.
Votre dernier thème, qui est le développement
économique, nous a amenés aux conclusions suivantes. Il y aurait
lieu de viser une rentabilité sectorielle qui soit compatible avec les
intérêts communs en s'assurant que les exportations ou les tarifs
préférentiels accordés aux industries ne soient pas
consentis à des coûts inférieurs au coût de revient
de l'énergie en cause, ce qui semble sauter sous le sens commun;
deuxièmement, d'assurer la collaboration entre les diverses instances
gouvernementales, d'abord entre elles, et entre elles et l'entreprise
privée; troisièmement, d'utiliser la ressource humaine experte
pour la recherche et le développement, pour les aménagements
à réaliser et pour l'exportation de biens et services et,
quatrièmement, l'avant-dernier, d'étudier la possibilité
d'une normalisation des prix de l'énergie au consommateur selon certains
barèmes déjà utilisés.
Enfin, nous avons gardé cette dernière recommandation pour
la fin, parce que c'est peut-être la recommandation que nous voudrions
qui reste le plus dans votre mémoire; nous la considérons comme
très importante au point de vue de l'importance du secteur
énergétique dans un développement économique
harmonieux. L'Ordre des ingénieurs du Québec vous encourage
fortement à former un conseil interénergétique relevant
d'un organisme neutre et groupant les intervenants de l'industrie
énergétique. Un tel conseil aurait pour rôle
d'émettre des avis aux instances décisionnelles concernées
dans le cadre d'une consultation permanente. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Je tiens
surtout à vous féliciter, car je pense que nous aurons à
faire des recommandations sur le genre de mémoire que vous
présentez. En présentant vos conclusions dès le
début, ceci facilite énormément la tâche à
une commission parlementaire. Vous venez de nous donner l'exemple de ce qu'il
faut faire actuellement. On devra s'efforcer de l'appliquer dans les
réglementations des commissions parlementaires. Je vous remercie de
votre coopération.
M. Fortier: Vous voyez ce qui arrive quand on a affaire à
des ingénieurs.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bournival: Comme le dit votre confrère, à votre
gauche cela fait partie de notre déformation professionnelle.
M. Fortier: II est en train d'étudier
cela. Je parle du ministre.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Duhaime: Je viens de me tourner la langue pour la
septième fois.
M. le Président, je voudrais d'abord vous remercier de la
qualité de votre mémoire. Je crois pouvoir vous dire que c'est un
des mémoires les plus étoffés et les plus solides que
j'aie eu à lire parmi la soixantaine que nous avons reçus. J'ai
pris plaisir à le lire parce que, sur l'ensemble de la situation
énergétique, à ce que j'ai pu comprendre, l'Ordre des
ingénieurs du Québec partage en gros les objectifs de notre
politique énergétique. Il y aurait des nuances à apporter,
bien sûr.
Mais, puisque vous avez terminé par cette proposition, je
voudrais peut-être enchaîner là-dessus. Vous nous proposez
la création d'un conseil interénergétique. On retrouve
cela dans votre mémoire à la page...
M. Bournival: Page 35.
M. Duhaime: Pages 34 et 35.
M. Bournival: Pages 34 et 35.
M. Duhaime: Avez-vous eu l'occasion de réfléchir
là-dessus et pourriez-vous étoffer davantage? Quels pourraient
être, d'abord, les objectifs précis d'un tel conseil? Que
pourriez-vous nous suggérer quant à sa composition? Comme on dit
au Québec, qu'est-ce que cela mange en hiver, un conseil
interénergétique?
M. Bournival: M. le Président, pour l'ensemble des
précisions que vous souhaitez sur le mémoire - encore une fois,
nous vous remercions de la récompense que vous venez de donner aux
efforts de nos bénévoles - je dois vous dire que je n'ai
accédé à la présidence de l'ordre qu'il y a une
semaine, à la suite d'un suffrage universel, et que je n'ai pas eu le
temps d'approfondir des questions aussi complexes. Alors, je vais demander au
coordonnateur de notre groupe de travail, M. Urbain Moreau, qui est
lui-même un expert-conseil en énergie, de bien vouloir tenter de
répondre à l'ensemble de ces questions.
M. Moreau (Urbain): M. le Président, comme M. Bournival le
disait tout à l'heure, au bas de la page 34 et à la page 35, la
formation du comité est explicitée quelque peu. Tout d'abord,
lorsqu'on parle d'intervenants, nous avons en tête des
représentants de l'entreprise privée dans chacun des secteurs et
des entreprises publiques et parapubliques qui sont dans le domaine de
l'énergie. Nous voulons les rassembler autour d'une table pour avoir un
choc des idées, parce qu'on sait tous que dans ces secteurs, il y a des
rivalités, il y a des intérêts qui sont divergents et des
intérêts qui sont en conflit. Un tel conseil viserait à
rassembler ces gens, laisser leurs idées s'entrechoquer et, sous la
direction d'une personne, qui serait neutre ou indépendante de chacun de
ces secteurs, essayer de présenter assez régulièrement,
sur des sujets d'importance vitale dans le secteur économique du
Québec, des avis aux instances décisionnelles qui pourraient
être, évidemment, les gouvernements ou les grands organismes, et
essayer de faire, si vous voulez, une espèce de synthèse qui
pourrait sortir des recommandations positives de situations qui, de fait,
peuvent être conflictuelles. Je ne sais pas si cela répond assez
bien à votre question, M. le ministre?
M. Duhaime: Je vous remercie. Je voudrais réagir tout de
suite et vous dire que j'y serais favorable, mais à une condition: c'est
que ce ne soit pas un autre OSBL, un organisme sans but lucratif,
subventionné ou encore une nouvelle structure gouvernementale qu'on
mettrait en place. S'il s'agit de former une table ronde qui pourrait s'appeler
"conseil interénergétique", je peux vous assurer de la
participation du ministère de l'Énergie et des Ressources. Je
crois pouvoir vous dire que, avec quelques pressions, peut-être
qu'Hydro-Québec accepterait de s'asseoir à cette table et
discuter avec vous, à la condition, bien sûr, qu'on ne se retrouve
pas un matin avec une nouvelle corporation ou société. Je pense
qu'on en a suffisamment, à l'heure actuelle, dans la machine. J'ai en
tête, entre autres, le Conseil de l'industrie qui a existé pendant
plusieurs années. Le premier geste que j'ai posé en entrant au
ministère de l'Industrie et du Commerce, il y a plusieurs années,
a été de l'abolir. Qu'on forme une table ronde, qu'on discute et
qu'on fasse l'effort de réaction, de tensions créatrices -
devrais-je plutôt dire - ou du choc des idées, d'autant plus que
nous sommes en face d'un secteur immense où chacune des formes
d'énergie est concurrentielle par rapport à l'autre, ce serait
sûrement intéressant.
Je voudrais vous demander votre point de vue sur la restructuration du
secteur pétrolier. Je sais que vous consacrez plusieurs pages de votre
mémoire à cette question. Nous avons longuement
évoqué hier tous les intervenants devant cette commission
étant unanimes - qu'il fallait absolument que nous débarrassions
le marché pétrolier des huiles lourdes. Je crois rapporter
fidèlement les voeux exprimés hier par les organismes entendus
à l'effet que ce système d'émission de permis
fédéraux à l'importation, accompagné de
subventions,
était un empêchement à la pénétration
du gaz naturel au Québec et allait à l'encontre de la politique
fédérale sur l'énergie et de celle du Québec.
Les experts ont établi hier qu'on parle d'une situation,
aujourd'hui, d'environ 65 000 à 70 000 barils-jour. Les chiffres varient
de 21 000 à 46 000 barils-jour à l'horizon de 1990. Mais, de deux
choses l'une, avec les huiles résiduelles: ou bien on les brûle et
on crée des problèmes au ministre de l'Environnement et à
toute la population, ou bien on les raffine, ou on les valorise et on fait un
traitement.
Hier, Lavalin a mis sur la table une proposition qui consisterait
à réaménager une raffinerie fermée pour en faire
une usine de revalorisation. Je ne sais pas si votre ordre a eu l'occasion de
discuter là-dessus. J'aimerais, si vous êtes en mesure de le
faire, que vous me donniez votre réaction. (10 h 45)
M. Moreau: M. le Président, lorsque nous disons viser une
flexibilité accrue dans le raffinage de produits, c'est peut-être
un peu le genre de chose que nous avons en vue. Cette question de
restructuration du secteur pétrolier, évidemment, est une
question extrêmement difficile. Pour vous donner un exemple de ce qu'on
veut dire, je demanderais peut-être à M. Raymond Chaperon, qui est
avec Shell mais qui agit ici comme ingénieur membre du groupe de
travail, d'élaborer un peu plus sur ce qu'on entend et voir si cela ne
peut pas rejoindre la proposition ou la suggestion qui vous a été
faite et que vous venez de mentionner.
M. Chaperon (Raymond): M. le Président, j'aimerais
commencer par mentionner que le comité ne s'est pas penché
spécifiquement sur le problème des huiles lourdes, si
problème il y a. J'aime souligner "si problème il y a". Selon
différents secteurs, différents groupes d'information, les
données qui nous parviennent sont quelque peu différentes. Il va
de soi que le comité de travail ne serait pas contre l'implantation
d'une usine de traitement d'huile lourde. Je le répète, s'il y
avait un surplus d'huile lourde. Mais nous n'avons pas pu l'établir en
tant qu'Ordre des ingénieurs du Québec.
M. Duhaime: II me resterait deux questions, M. le
Président. Je vais essayer de le faire brièvement. Vous m'avez
posé une question très claire au sujet du nucléaire. Je
sais que mon collègue est beaucoup plus expert que je pourrais
prétendre l'être dans ce domaine.
Je voudrais simplement vous lire cinq lignes de ce que j'ai
mentionné hier. Nous avons décidé, comme vous le savez, un
moratoire, en 1978, dans nos investissements dans le secteur nucléaire
et ce moratoire a été prolongé ou
réitéré en 1980. Je voudrais simplement relire ce que je
disais hier matin à l'ouverture de nos travaux. "En conformité
avec ce moratoire, le Québec entend maintenir les connaissances acquises
et poursuivre un programme de recherche -développement des technologies
reliées à la fusion, s'assurant ainsi des retombées
industrielles de ces technologies. "Déjà le Québec est
impliqué dans l'étude du confinement magnétique, ce qui
devrait lui permettre de pénétrer le marché
particulièrement prometteur pour l'industrie de
l'électrotechnique, de la robotique et de l'informatique et du
contrôle des systèmes de fusion." Ce qui veut dire que nous
entendons demeurer de plain-pied dans ces secteurs avec la même
détermination que nous avons décidé de nous retirer de la
production hydroélectrique à partir du nucléaire dans des
installations telles que celles que nous connaissons à Gentilly.
Quand je dis "retirer", le terme est peut-être fort mais,
après analyse, après consultation et après
réflexion, notre gouvernement en est venu à la conclusion qu'avec
un potentiel hydroélectrique aménagé et installé
qui sera de l'ordre d'à peu près 30 000 mégawatts à
l'horizon de 1990 et presque 40 000 autres négawatts de potentiel en
rivière, dont sûrement 10 000 sur des cours d'eau qui pourraient
porter des installations de moins de 100 mégawatts de production, nous
sommes le pays par excellence de l'hydroélectricité.
Sans faire de reproche à qui que ce soit sur les décisions
qui auraient été prises dans le passé, à cause de
l'escalade des coûts principalement dans le domaine nucléaire,
à cause de la technique utilisée et à cause du fait que le
marché international est complètement bouché à
moins qu'on accepte, non seulement de faire le transfert de technologies, mais
de donner l'investissement et de subventionner les intérêts, ce
que nous n'entendons pas faire, nous avons décidé de poursuivre
et de mettre en activité Gentilly 2, qui est en voie de démarrage
actuellement. Mais Gentilly 3, 4, 5 et 6 sont en suspens et, j'espère,
pour une bonne dizaine de siècles. On verra bien car on ne peut jamais
gager pour ce qui peut survenir. Je le dis ici parce que d'autres pays sont en
train de revoir leur stratégie dans le domaine du nucléaire. Je
pense entre autres à un grand pays comme le Brésil qui a, si mon
souvenir est bon, 213 000 mégawatts en réserve, sans compter les
70 000 mégawatts de potentiel théorique dans l'Amazone, ce qui en
fait une puissance hydroélectrique absolument incroyable à
l'échelle mondiale. Croyez-le ou non, le Brésil s'était
engagé, il y a deux ou trois ans, dans un programme de construction de
neuf centrales nucléaires qui lui coûtaient au bas mot entre trois
fois et demie et quatre
fois le prix du kilowatt produit par une centrale électrique.
Comme moi, vous connaissez les problèmes financiers que vit ce pays
aujourd'hui. Il n'a pas encore pris la décision de surseoir, mais je ne
serais pas du tout étonné qu'il le fasse.
Je vous donne cela comme exemple. Je pense que nous ne faisons pas
d'erreur, dans un avenir prévisible en tout cas, en suspendant les
investissements dans le secteur nucléaire. Il me vient un chiffre
à l'esprit. Je pense que cela vaut peut-être le coup de le mettre
sur la table. Gentilly II a été commencée en 1972, selon
une planification qui devait totaliser des investissements de 325 000 000 $.
Après révision et "re-révision", lorsque nous mettrons en
marche cette centrale nucléaire, Hydro-Québec y aura investi 1
400 000 000 $ pour une production de 680 mégawatts. Avec une simple
règle à calcul, il est très facile de se convaincre en
moins de cinq minutes qu'il est beaucoup plus économique de construire
des barrages, des centrales, d'y installer des turbines et d'utiliser l'eau qui
est une énergie propre, renouvelable, etc.
Bref, nous voulons rester à la fine pointe du progrès
technologique dans le secteur de la fusion. Les équipes, tant
ingénieurs de recherche que techniciens nucléaires, qui
étaient à Gentilly demeurent à Hydro-Québec. Elles
vont être intégrées à d'autres équipes dans
le secteur nucléaire, bien sûr, mais davantage vers ce que j'ai
indiqué tantôt.
Je pense que je vais arrêter ici, M. le Président. J'y
reviendrai tout à l'heure.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous un commentaire
là-dessus?
M. Bournival: On ne peut que se réjouir de ce que vient de
dire le ministre, étant donné que sa vision du monde
nucléaire coïncide assez bien avec nos propres
préoccupations qui sont essentiellement de maintenir une expertise dans
le domaine de la fusion. Nous avions suggéré - peut-être
que cela peut rejoindre notre autre recommandation - dans notre mémoire
de 1980 de créer une commission spéciale qui maintienne
l'intérêt et la recherche d'idées dans cette
matière. Cela pourrait se rattacher à notre recommandation
principale du conseil interénergétique. Nous revenons donc
à la charge avec cette suggestion.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Félicitations
pour ce bon mémoire qui continue sur la lancée de celui qui avait
été présenté il y a deux ans, je crois. En ce qui
concerne le conseil dont vous parlez, voici mon premier commentaire à ce
sujet. J'ai pris note du nom des gens qui ont contribué à la
rédaction de votre mémoire. Il regroupe à titre individuel
des gens qui viennent de différentes industries. Le conseil dont vous
parlez regrouperait des intérêts des sociétés, des
compagnies. Ne pourrait-on pas penser, pour autant qu'il est possible pour des
individus ne représentant pas leur compagnie de collaborer ensemble pour
s'entendre sur des objectifs énergétiques, lorsqu'on formera un
conseil représentant des intérêts économiques et non
pas seulement des idées, qu'il serait peut-être un peu plus
difficile de s'entendre que vous ne l'avez fait entre vous pour la
préparation du mémoire? À titre d'exemple, on peut
simplement faire allusion à la question de la valorisation des huiles
lourdes où un représentant du secteur pétrolier a une
vision et les autres membres du conseil ou du comité qui faisaient
partie de votre groupe de travail ont des idées différentes.
Ma question est celle-ci. Est-ce qu'on s'illusionne un peu sur les
chances d'y arriver? Je sais que les ingénieurs réagissent ainsi.
Y a-t-il un peu de danger à penser que, si on se met ensemble, on va
arriver à des recommandations pertinentes? De quelle façon
l'arbitrage des conflits inhérents aux différents types
d'énergie, aux différents intérêts
énergétiques serait-il harmonisé à
l'intérieur de ce conseil.
M. Bournival: Ce que je pourrais en dire, M. le Président,
c'est notre expérience vécue au cours des derniers mois. Vous
venez vous-même d'y faire allusion, M. Fortier. Nous avons, dans notre
comité, eu des groupes nettement en opposition, le domaine
nucléaire, le domaine du gaz, les pétroles,
l'hydroélectricité. Cependant, nous avons surmonté... Il y
a eu un moment dans nos délibérations - je pense que je peux vous
révéler la chose - où de très forts antagonismes
intellectuels se sont manifestés. On est passé assez près
de ne pouvoir arriver à un consensus, celui que nous vous
présentons. On croit avoir réussi à vous présenter
une harmonisation des différentes philosophies
énergétiques. Cette expérience, vécue avec
succès, est de bonne augure. Il pourrait arriver que nous n'ayons pas,
dans ce conseil que nous recommandons, la même souplesse, parce que les
intérêts commerciaux domineraient plutôt que les
intérêts professionnels. On pourrait envisager une alternative:
constituer ce comité à même les organismes dont la mission
est non pas commerciale, mais plutôt professionnelle. Je pense, en
particulier, à des ordres professionnels qui pourraient y contribuer. Je
pense aussi à des groupes consultatifs de l'environnement ou à
des chambres de commerce. À première vue, je crois qu'on avait
pensé - M. le ministre soulevait le
point tout à l'heure, en disant qu'il ne faudrait pas que cela
devienne un nouveau corps comme le Conseil général de l'industrie
a semblé l'être dans le temps - que les entreprises
elles-mêmes pourraient financer l'organisation de ce conseil interne
énergétique, pour ne pas aller quémander et créer
un nouvel organe.
M. Fortier: Merci. Un sujet qui m'intéresse
énormément dans le mémoire des ingénieurs, c'est la
planification des mini et des micro-centrales et cela, pour plusieurs raisons.
Je crois qu'il y a là un potentiel dont on parle depuis très
longtemps. D'ailleurs, le gouvernement nous rebat les oreilles depuis fort
longtemps avec ses nombreuses centrales de 100 mégawatts et moins, et
peu de choses sont faites à ce sujet. Vous dites également qu'il
y a un potentiel qui pourrait être exploité et qui donnerait du
travail au génie-conseil et à ceux qui sont dans le secteur de
l'hydroélectricité.
Pour ma part, il y a une autre dimension que vous n'avez pas
mentionnée et que je mentionnais dans mes notes au début des
travaux de cette commission. C'est toute la dimension du développement
des régions. Pour quelqu'un qui fait le tour des régions du
Québec, qui va sur la Côte-Nord, qui va en Gaspésie ou dans
d'autres régions, on s'aperçoit que les régions au
Québec, présentement, subissent les assauts considérables
de la crise. Mais d'une façon permanente depuis fort longtemps, dans
certaines régions, ils ont des difficultés à faire
redémarrer la croissance économique, sans parler de la
diversification économique. Et, on pourrait croire que certaines
minicentrales pourraient être aménagées en des points
particuliers. Très souvent, je crois que ces mini-centrales seraient
dans les régions du Québec qui sont fort négligées
au plan économique.
La question que je voulais vous poser, c'est que j'ai pris note d'un
commentaire que vous faites à la page 18 de votre mémoire:
"Hydro-Québec, comme organisme, est bien qualifié pour planifier
et gérer des mégaprojets avec la collaboration des bureaux
d'experts-conseils". Enfin, ce que vous dites - ce n'est pas une critique, je
pense bien - c'est que les grosses boîtes sont faites pour faire des
grosses affaires et des grands projets. Ce n'est pas une critique à
l'endroit d'Hydro-Québec. Cela s'applique également au secteur
privé. Les grandes entreprises sont faites pour réaliser de
très grands travaux.
Ce que je voulais vous demander, et je crois que vous y faites allusion
un peu indirectement: iriez-vous jusqu'à dire que, pour faciliter le
développement des minicentrales, pour faciliter le développement
économique de certaines régions, le gouvernement devrait
permettre, comme cela se fait en France, je crois - et peut-être que M.
Moreau est au courant de ce qui se fait en Europe et en France, en particulier,
dans le domaine des mini-centrales - la construction de mini-centrales par
l'entreprise privée. Est-ce que vous pourriez entrevoir que dans
certaines régions, on pourrait permettre à certains agents
économiques de prendre l'initiative de construire une petite centrale
qui pourrait peut-être leur permettre d'avoir une énergie à
meilleur coût? Je ne sais pas; peut-être que oui, peut-être
que non, mais quand même cela pourrait être une clé de
développement pour certaines régions et cela nous permettrait de
développer ces minicentrales qui existent dans plusieurs régions
du Québec. Je crois - et je le dis sans méchanceté pour
Hydro-Québec - que, si on laisse cela aux planificateurs qui pensent en
termes de mégaprojets et de Baie-James, ces mini-projets ne seront
jamais exploités. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
(11 heures)
M. Moreau: M. le Président, cette suggestion a
été présentée à notre groupe de travail par
un des membres du groupe. On s'est penché sur le sujet et, si nous
n'avons pas recommandé celle-ci dans notre rapport, c'est qu'on a cru
qu'au Québec, Hydro-Québec ayant l'entière juridiction sur
la distribution électrique et la production du transport de
l'électricité, cela pourrait créer certains
embêtements. Nous restons quand même convaincus que, même si
Hydro-Québec est un grand organisme, en faisant de petites centrales,
l'objectif serait quand même atteint, pour autant qu'on aille à
des bureaux qui possèdent l'expérience, qui ne seraient
peut-être pas aussi grands que les bureaux qui font les
mégaprojets... Nous avons pensé que l'objectif serait quand
même atteint en laissant Hydro-Québec agir comme maître
d'oeuvre dans tout ce qui touche l'électricité sur le territoire.
Cela reste...
M. Fortier: Ne croyez-vous pas que, si Hydro-Québec a des
besoins... Supposons qu'elle détermine que, d'ici très
bientôt, elle a 3000 ou 4000 mégawatts à développer.
Naturellement, je crois que cela serait tout à fait naturel que
l'intention serait de terminer la deuxième phase de la Baie-James et ce
serait l'inclination normale d'Hydro-Québec. Comme de raison, vous
pensez au génie-conseil et moi, je pensais au développement
économique des régions. Je me disais que, si des entrepreneurs
locaux, sur la Côte-Nord ou ailleurs, voyaient un avantage à avoir
une mini-centrale qui leur appartienne, est-ce qu'on ne devrait pas modifier la
loi? Je conviens avec vous que la loi dit présentement que tout ce qui
se fait dans le domaine hydroélectrique au Québec est fait par
Hydro-Québec. Est-ce qu'on ne
devrait pas penser à modifier la loi pour permettre des
initiatives locales qui amèneraient ce que vous voudrez, mais d'une
façon tout à fait indirecte et d'une façon qui
proviendrait de l'initiative locale et non pas d'une gestion étatique
dans ce domaine-là?
M. Bournival: Comme cela s'est fait au début du
siècle, les mini-centrales McLaren...
M. Fortier: C'est cela. Avez-vous des commentaires à
ajouter?
M. Moreau: C'est-à-dire que le commentaire est que nous
avons étudié cela et nous n'en sommes pas arrivés à
cette conclusion. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre du groupe de travail
voudrait...
M. Bournival: M. Richard aurait peut-être un commentaire.
Le Dr Richard est à l'IREQ en charge de la production et de la
conservation de l'énergie.
M. Richard (Claude): M. le Président, je pense que c'est
un concept qu'il faut examiner. Maintenant, sur le plan des
responsabilités en termes de qualité d'électricité
fournie par Hydro-Québec, il faudrait regarder quels sont les impacts de
laisser à l'entreprise privée locale le soin de concevoir et de
construire des centrales et ensuite de demander à Hydro-Québec
d'assurer quand même la même qualité de produit et de
service. C'est sur ce plan qu'il pourrait y avoir des problèmes de
planification et de coordination.
M. Fortier: Je suis bien d'accord, mais je sais que cela existe.
En France, une loi a été adoptée pour des mini-centrales
inférieures à un certain nombre de mégawatts. J'imagine
qu'elles doivent être soumises aux critères de
"l'Électricité de France". Je sais que cela existe en France et,
si cela existe en France, je crois qu'il serait possible pour
Hydro-Québec de déterminer des normes minimales qui devraient
s'appliquer justement pour éviter que le réseau subisse des
problèmes, j'en conviens.
En ce qui concerne l'énergie nucléaire, j'aimerais y
revenir. Je n'ai pas tout à fait compris votre recommandation. Vous avez
dit que vous étiez d'accord avec le ministre. J'essaie de voir quelle
est votre recommandation et je ne la saisis pas beaucoup. Vous avez dit
verbalement: II faudrait assurer la mise en service de Gentilly 2. Tout le
monde sait, et le ministre l'a confirmé, que Gentilly 2 est en train
d'être mise en service. Si c'est là votre demande, la demande est
déjà exaucée, parce que cela est en train de se faire. Le
ministre parle de fusion. Il est vrai - quand j'étais dans le secteur
privé, on y a participé - qu'il y a des possibilités.
J'aimerais revenir à la question de la fission. Est-ce que votre
mémoire se prononce là-dessus? Est-ce que vous croyez qu'on
devrait maintenir un secteur témoin dans le domaine de la fission? Je
lis à la page 23: "Un noyau d'experts devrait être conservé
si Gentilly 2 est gardé en opération." Je crois que le ministre a
confirmé que Gentilly 2 va être mise en service, va être
mise en fonctionnement, donc, Hydro-Québec devrait avoir des experts
pour exploiter la centrale. Je tiens cela pour acquis. Est-ce que votre
recommandation va au-delà de cela. Lorsque vous parlez d'un noyau
d'experts, est-ce que c'est au-delà du noyau d'experts
qu'Hydro-Québec doit avoir de toute façon pour exploiter la
centrale ou est-ce que vous croyez que le gouvernement devrait faire plus?
Quelle est votre recommandation? Je ne l'ai pas saisie exactement, compte tenu
du fait qu'il est déjà acquis que la centrale Gentilly 2,
d'après ce que le ministre a confirmé, d'après ce que j'en
sais, sera mise en service, elle sera exploitée. Est-ce que vous
suggérez quelque chose qui va au-delà de cela?
M. Bournival: Étant donné l'expertise de celui qui
vient de poser la question, je n'oserais jamais lui répondre. Mais nous
avons heureusement quelqu'un qui est un peu au courant, il appartient à
la firme Canatom. J'aimerais cependant, avant...
M. Fortier: Je suis rendu en politique maintenant. Je ne suis
plus expert.
M. Bournival: ...qu'il ne donne sa réponse,
suggérer que notre comité de groupes-conseils qui a agi, sera
également disponible - comme nous l'étions, nous le disions, il y
a deux ans - dans l'avenir pour approfondir certaines questions. Je reconnais
que la phraséologie du mémoire dans le sujet qui nous
intéresse, aux pages 22 et 23, demande d'être
élucidée. Je demanderais à M. Grasso s'il a des
commentaires à faire en réponse à la question de M.
Fortier.
M. Grasso (Franco): Oui, quelques-uns.
La marge de manoeuvre qu'on a au Québec concernant le
nucléaire est très faible. Cependant...
M. Fortier: Est-ce qu'on parle de la fission?
M. Grasso: Je parle de la fission, oui; surtout concernant les
nouvelles installations, on n'en parle même pas. Cependant,
HydroQuébec est le seul opérateur francophone de CANDU 600
mégawatts. La seule mise en exploitation de la centrale va permettre de
garder un noyau d'experts, mais ne sera pas
en soi susceptible de garder l'intérêt des experts qui ont
participé durant les 20 dernières années à la mise
en chantier de la grosse centrale. En tant qu'expert francophone de 600
mégawatts, j'ai l'impression - c'est mon opinion personnelle -qu'il y a
un marché à l'exportation pour les services. Ce marché est
peut-être faible, mais il existe. Certains CANDU sont installés
ailleurs. On a une bonne crédibilité grâce à
Hydro-Québec. On a également une très bonne
crédibilité en termes d'ingénieurs-conseils. Ces atouts
pourraient être mis à profit pour l'exportation concernant les
services durant les activités et je ne crois pas qu'Hydro-Québec
soit capable seule de maintenir un noyau d'experts susceptibles d'offrir ces
services.
J'ai l'impresion qu'Hydro-Québec va avoir besoin de l'aide du
génie-conseil à ce palier et en travaillant ensemble, on est
capable d'aller chercher quelque chose. Cela pourrait contribuer, d'une part,
à garder un noyau plus grand, plus intéressé dans le
domaine et, éventuellement, à produire certaines retombées
économiques sur le plan de la fabrication de composantes pour les
centrales.
M. Fortier: Quand vous dites: Aller chercher quelque chose, vous
parlez d'exportation? Que voulez-vous dire?
M. Grasso: On parle d'exportation des services. Je ne peux pas le
chiffrer.
M. Fortier: Ce sont des services. Vous parlez d'exportation de
services.
M. Grasso: Je parle d'exportation de services qui vont engendrer
de l'exportation de produits manufacturés par la suite. Si vous parlez
de "retro-fitting", par exemple, et si vous êtes
l'ingénieur-conseil susceptible d'aider une centrale nucléaire
établie en Corée, c'est évident que les biens et services,
surtout les biens, vont éventuellement provenir du Canada et une grande
partie de ces biens sont fabriqués au Québec.
M. Fortier: Le ministre a tracé un tableau sombre de
l'économique entourant Gentilly 2, qui a coûté plus cher,
comme tout le monde le sait, dont la construction a duré plus longtemps.
Par ailleurs, on sait que les tarifs de l'électricité en Ontario
sont légèrement plus chers qu'au Québec, mais quand
même, ils ne sont pas tellement différents malgré le fait
que 40% ou 50% de l'énergie électrique en Ontario est produite
par le nucléaire. Est-ce que vous pourriez faire un commentaire pour
nous donner la différence entre la construction d'une seule centrale
qui, de toute évidence, ne permet pas à une compagnie
d'utilité publique de jouer sur le volume...
M. Grasso: C'est exact.
M. Fortier: ...pour développer l'expertise et pour
l'amortir et le fait qu'en Ontario, justement, les prix peuvent se rapprocher
de ceux d'une nouvelle centrale hydroélectrique vu qu'ils ont une
infrastructure et un volume de développement qui leur permettent
d'amortir cette nouvelle technologie.
M. Grasso: ...c'est évident également, je crois,
une seule centrale coûte beaucoup plus cher à exploiter que
lorsque vous en avez quatre ou cinq ou, comme en Ontario, vous en avez
plusieurs.
Si vous basez le calcul du coût de production de l'énergie
sur le fait que nous n'aurons qu'une centrale, je pense qu'on est un peu
à côté du problème. Il faudrait regarder les
coûts d'Hydro-Ontario et, ensuite, baser la comparaison entre le
coût de l'énergie produite par l'énergie nucléaire
et le coût de l'énergie produite par la centrale
hydroélectrique. Je pense que je ne peux pas aller plus loin, je ne peux
pas fournir de chiffres.
M. Fortier: Ce que vous dites, c'est qu'il faut comparer des
systèmes: un système hydroélectrique contre un
système nucléaire et non pas une centrale en particulier. Je
crois que le ministre, avec raison, avait noté qu'au Québec nous
avions encore des ressources hydroélectriques, une quantité plus
grande qu'on ne l'aurait cru il y a deux ans ou même trois ans,
étant donné la chute de la demande.
Donc, les réserves qu'on croyait disponibles après,
disons, 1995 ont augmenté par le fait que notre consommation d'ici
à 1995 va chuter. Compte tenu du commentaire que vous venez de faire,
à savoir que le nucléaire ne serait réellement rentable,
que ce soit au Québec ou dans n'importe quelle province, qu'à la
condition qu'il y ait un volume considérable et comme, d'ici à
l'an 2000, on ne pourra pas penser en termes de volume considérable au
Québec, quel est l'avantage de continuer à s'intéresser
à cela, si ce n'est pour l'expertise de la technologie de service dont
vous avez fait état?
M. Grasso: D'accord. Je ne suis pas très fort dans les
projections; cependant, les réserves en hydroélectrique n'ont pas
augmenté au Québec. S'il y a eu un événement, c'est
que la demande a baissé; donc, on peut prétendre que notre
réserve va durer plus longtemps. Cependant, cela va finir un jour et la
seule source d'énergie susceptible de remplacer l'énergie
hydroélectrique pour l'instant demeure le nucléaire et la
fusion.
La fusion est quelque chose qui va vraiment se réaliser d'ici
à 200 ans, 250 ans. La phase intermédiaire, à mon avis, va
encore être remplie par du nucléaire et ceci est aussi vrai au
niveau mondial que, je crois, cela va l'être pour le Québec.
M. Fortier: Juste un mot au sujet des énergies nouvelles.
Je crois que le Québec est la seule province qui n'a pas signé
d'entente avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne les
énergies nouvelles. Le ministre trouve cela drôle mais, compte
tenu de la situation qui existe présentement, compte tenu des ressources
hydroélectriques et vu qu'il y a eu un ralentissement économique
considérable au Québec depuis 1976 - ce qui nous donne,
d'ailleurs, des surplus considérables, tel que vous venez de le
définir - quelle est la nécessité de mettre l'accent sur
les énergies nouvelles? Votre recommandation dans ce domaine est qu'il
faudrait signer l'entente avec le gouvernement fédéral ou qu'il
faudrait y mettre des sommes d'argent. Compte tenu de la situation qui existe
et qui fait que nous sommes plutôt en surplus d'énergie,
contrairement à ce qui existait il y quatre ou cinq ans, quelle est la
priorité de mettre en marche cette recommandation que vous faites?
M. Bournival: Le comité a évidemment fondé
sa recommandation sur des considérations que le Dr Richard pourrait
peut-être tenter de répéter.
M. Richard (Claude): M. le Président, évidemment,
c'est un sujet peut-être un peu sensible, mais il reste quand même
que, présentement, il y a beaucoup d'efforts de recherche et de
développement qui se font au Québec du côté des
énergies nouvelles. On peut signaler, par exemple, le projet Tokamak, le
projet Eole du côté de l'énergie éolienne, le projet
Biosyn du côté de la démonstration d'une usine de
méthanol à partir de la biomasse; on a parlé du projet de
l'île d'Anticosti pour produire l'énergie électrique dans
un lieu éloigné à partir de la biomasse. Enfin, il y a un
ensemble de projets relativement importants et...
M. Fortier: Quelle est la recommandation de l'ordre?
M. Richard (Claude): La recommandation est la suivante:
Étant donné que le Québec, mis à part
l'hydroélectricité, n'a ni pétrole, ni gaz, ni charbon et
que le nucléaire est un peu mis au ban, présentement en tout cas,
il a avantage quand même à développer et à se
préparer à utiliser les autres ressources
énergétiques qu'il pourrait y avoir. D'accord? (11 h 15)
Donc, cet argent qu'il faut, s'il est disponible ailleurs, au
gouvernement fédéral par exemple, et si d'autres provinces y ont
accès, il nous semble que ce serait intéressant aussi que le
Québec puisse y avoir accès. Ceci pourrait faire profiter la
recherche et le développement de ces ressources
énergétiques.
M. Fortier: Mais sans avoir signé cette entente, le
Québec semble bénéficier d'aide. Je pense à la
fusion, je pense aux éoliennes en particulier.
M. Richard (Claude): Oui.
M. Fortier: Ce que vous dites, c'est qu'il y aurait moyen d'aller
encore plus loin si une entente était signée
éventuellement.
M. Richard (Claude): Je ne suis pas au courant dans le
détail du contentieux de cette affaire. J'imagine que les montants
d'argent sont relativement importants, mais je ne les connais pas.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Pour revenir aux petites centrales...
Le Président (M. Laplante): Excusez-moi. C'est parce que
M. le ministre voulait seulement faire une remarque sur le sujet
déjà abordé. Ensuite, c'est à vous, tout de suite
après, M. le député de Chambly. Est-ce que vous acceptez,
M. le député?
M. Tremblay: II a priorité.
M. Duhaime: Je remercie mon collègue de Chambly. C'est
parce que je ne voudrais pas qu'on s'éloigne de notre sujet. D'abord,
une précision. Je trouve toujours cela très amusant lorsque mon
collègue d'Outremont fait des comparaisons avec l'Ontario. Quand c'est
en faveur du Québec, c'est toujours très légèrement
et, quand c'est en faveur de l'Ontario, c'est toujours énorme. La
différence des prix de l'électricité livrée
à des consommateurs industriels est de 9% meilleur marché au
Québec par rapport à l'Ontario. 9% pour des grands consommateurs,
c'est énorme. C'est ce qui fait que le Québec ait un peu
utilisé son énergie hydroélectrique comme un facteur de
localisation très important. Tout le monde sait qu'au niveau du
domestique on ne peut pas faire de comparaison parce que ce sont les organismes
municipaux qui achètent en gros d'Hydro-Ontario et revendent ensuite sur
leur propre territoire.
L'Ontario a un bilan énergétique à 30%
nucléaire. Il faut dire que le secteur nucléaire ontarien
- c'est peut-être une redite - a été très largement
subventionné par l'argent fédéral depuis le début.
Que ce soit les centrales comme telles, que ce soit les usines d'eau lourde ou
les programmes de recherche et de développement, il y a une
surconcentration d'effectifs actuellement. C'est devenu tellement gênant
que, dans le mémoire de l'organisme appelé Énergie
atomique du Canada que nous entendrons le mois prochain, on nous dit même
qu'Énergie atomique est maintenant prête à envisager un
transfert technologique vers le Québec. Sous une autre période de
notre calendrier historique, durant la période d'avant-guerre, on aurait
appelé cela du colonialisme.
Je voudrais peut-être ajouter que nous aurons l'occasion, bien
sûr, de revenir sur le dossier du nucléaire. Je voudrais que vous
soyez bien à l'aise, MM. les ingénieurs de l'ordre; je connais
parfaitement votre sentiment et votre point de vue. Je peux même me
risquer à dire que, sur ce chapitre, votre mémoire ne traduit
possiblement qu'une faible partie de ce que vous pensez. Je sais qu'il y a
parmi vous des tenants de la fusion et peut-être qu'on nous reprochera
d'avoir fait une erreur historique dans quelques années. J'aime mieux
gager sur nos réserves d'eau et sur les coûts. À l'horizon
de 2010, de 2020 ou de 2030, la marge d'erreur de tout le monde est
énorme, mais à moins qu'on ne m'en fasse la preuve comme deux et
deux font quatre, je ne vois pas de débouché sur l'international
pour la filière du CANDU. Je ne demanderai certainement pas à
Hydro-Québec de passer derrière Énergie atomique du Canada
et de tenter de faire ce qu'eux n'ont pas réussi. Je pense, entre
autres, à l'offre mirobolante qui a été faite au Mexique,
où non seulement on faisait un transfert de technologie, mais on donnait
les installations et on les subventionnait. C'est bien juste si on n'allait pas
les payer pour qu'ils nous achètent et ils ont refusé. Alors, le
dossier n'est jamais fermé là-dessus, si vous voulez le fond de
ma pensée, mais le fardeau de la preuve est de votre
côté.
Je vais m'arrêter ici pour vous poser une question. C'est une
recommandation qui est venue d'Énergie atomique du Canada, il n'y a pas
tellement longtemps, et que j'ai trouvée sinon surprenante, du moins
très amusante. Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance.
Énergie atomique du Canada, dans un rapport récent au
ministère fédéral de l'Énergie et des Mines,
recommandait que, pour des raisons d'efficacité et de meilleure
rentabilité, l'on cesse les opérations des deux usines d'eau
lourde situées dans les Maritimes et qu'on remette en marche l'usine
d'eau lourde de La Prade. Comme vous le savez, mon jupon dépasse et,
parce que j'ai des intérêts de région, je suis parfaitement
d'accord avec cette proposition d'Énergie atomique du Canada. Je
voudrais savoir ce que vous en pensez.
M. Bournival: M. le Président, je pense qu'on va devoir
prendre la question en délibéré, pour employer des termes
juridiques.
M. Duhaime: Le règlement vous permet cela.
M. Fortier: Vous pouvez répondre par lettre.
M. Bournival: Si vous permettez...
M. Fortier: Faites comme en politique, dans un cas comme
celui-là; lorsqu'on pose des questions difficiles au ministre, il dit:
Je vous répondrai la semaine prochaine.
Le Président (M. Laplante): II n'y a pas de
réponse? M. le député de Chambly.
M. Grégoire: Mais cela ne lui arrive pas souvent.
Ordinairement, il répond sur-le-champ, parce qu'il connaît son
dossier.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Si vous me le permettez, je ne parle pas souvent,
laissez-moi donc parler. Je voudrais revenir aux petites centrales dont vous
parlez beaucoup dans votre mémoire, c'est un point important de votre
mémoire. J'ai eu l'occasion dernièrement de
réfléchir un peu sur les avantages de ces petites centrales,
puisque Hydro-Québec étudie présentement la
possibilité de développer la centrale du barrage de Chambly qui,
comme on le sait, fut un des premiers barrages au Québec, mais qui a
été abondonnée depuis 1962 par Hydro-Québec, parce
que la production d'électricité sur ce barrage était
minime. Le potentiel de la petite centrale serait de 30 mégawatts.
Au tout début, j'étais très intéressé
par le développement de cette petite centrale, parce que je me disais:
Oui, c'est bon pour le développement économique de la
région. J'ai aussi relié les petites centrales au
développement économique régional. C'est là que
j'ai de la difficulté à voir comment la construction de petites
centrales amène du développement économique
régional, puisque, dans le cas de Chambly, par exemple, il n'y aurait
aucun employé permanent une fois la centrale construite. Comme on le
sait, puisque Chambly fait partie d'une très grande région en ce
qui concerne la construction, il y aurait très peu de personnes qui
viendraient du milieu de
Chambly ou de la région; elles viendraient de Montréal, de
Laval, de partout; c'est la même région au point de vue de la
construction. Donc, les retombées pour la région immédiate
sont plutôt négatives. On enlève une île qui est en
aval. On creuse, on dynamite dans une région urbaine assez dense et,
finalement, on se réveille avec 30 mégawatts
d'électricité. Une fois la construction terminée, tout le
monde s'en va et laisse la centrale fonctionner toute seule. Il
m'apparaît beaucoup plus logique... Peut-être que je me trompe,
peut-être que je ne le vois pas et c'est là ma question.
J'aimerais que vous m'indiquiez quelles seraient les retombées
économiques pour la région de Chambly. Je me dis surtout que, si
on bâtissait dix petites centrales comme celle-là, cela nous
donnerait 300 mégawatts. Si c'est seulement pour
l'électricité, alors qu'on bâtisse une centrale de 300
mégawatts quelque part et on aurait notre électricité au
Québec. On ne dérangerait pas le monde et on en arriverait au
même point. Quelle est votre réaction à cela?
M. Bournival: M. le Président, je trouve que la question
du député de Chambly est très pertinente et bien
exprimée. Je dois vous avouer que, personnellement, comme
ingénieur géologue, je me refuse d'y répondre, mais
peut-être que M. Moreau y répondra.
M. Moreau: Je pourrais peut-être passer la parole à
mon voisin de droite.
M. Richard (Claude): Je pense que dans un cas particulier
mentionné par le député de Chambly, il peut arriver, dans
un contexte comme cela d'une petite communauté qui est greffée
à un grand ensemble, que les retombées locales soient plus
petites. Je pense que la recommandation ne s'attardait pas à
considérer un cas en particulier; mais de façon
générale, on peut imaginer des régions partout au
Québec, à différents endroits, où ce type
d'approche des mini-centrales pourrait sûrement apporter des
retombées locales même si c'était surtout au niveau de la
construction, des entrepreneurs, de la petite machinerie, petits moyens
d'équipement, ce genre de choses.
Un exemple de cela, c'est l'importance qu'attachent, c'est vrai que
c'est un plus gros projet, les gens de la région de Québec au
projet Delaney. C'est peut-être un ordre de grandeur un peu plus
important, mais je pense que qualitativement, c'est un peu la même chose;
quantitativement, cela pourra varier d'une région à une
autre.
M. Tremblay: De toute façon, même à la
centrale Delaney, les gens du milieu donnent plus d'importance pour les
retombées économiques régionales que la
réalité, parce que si Delaney était construite,
viendraient des travailleurs d'autres régions du Québec. Cela
aurait un impact régional important au moment de la construction. Une
fois cela terminé, les gens qui viendraient de l'extérieur se
logeraient, ils dépenseraient dans la région, mais cela ne ferait
pas travailler que des gens de la région, bien au contraire.
Dans ce sens, c'est important pour le développement
économique national du Québec. Je le conçois très
bien si on le regarde d'une façon plus globale. On a toutes les
retombées, puisque ce sont les Québécois qui les
construisent.
Dans un autre ordre d'idées, juste une petite question qui me
frappe, car je ne suis pas un spécialiste de la fusion ni de
l'énergie. Vous dites que vous préconisez la construction des
barrages. Dans votre mémoire, vous dites que, à long terme, la
réussite de certains programmes de recherche et de développement,
telle la fusion, pourrait satisfaire la demande mondiale. A long terme, cela
veut dire 20 ou 25 ans. Si je comprends bien, selon vous, la fusion
éventuellement pourrait nous permettre de produire de
l'électricité à meilleur compte que l'énergie
hydroélectrique. Je me dis que si c'est le cas, il faudrait être
prudent dans la construction des barrages, puisqu'ils pourraient devenir
désuets dans 20 ou 25 ans. Si ce n'est pas vrai, je ne vois pas
où est l'intérêt de s'intéresser à la
fusion.
M. Richard (Claude): M. le Président, lorsqu'on parle de
fusion, il faut être très clair qu'on ne parle pas dans un cadre
temporel qui est celui de l'hydraulique ou celui même de la fission
nucléaire. C'est une technologie qui est à très long
terme. Lorsque vous parlez de 25 ans, certains diraient que vous êtes
très optimiste. On parle plutôt de 40 ans, et M. Grasso a dit deux
siècles. Alors, vous voyez que même à l'intérieur du
groupe, il y a des divergences d'opinions à cet égard.
En ce qui concerne le Québec et la fusion, il faut voir la fusion
comme une technologie qui, à long terme, sera très importante sur
le plan énergétique pour le Québec, mais qui, à
moyen terme, permettra d'avoir des retombées industrielles importantes.
C'est une technologie qui est extrêmement riche sur le plan du
développement des technologies de pointe.
Voici une autre chose aussi importante. L'Ordre des ingénieurs
croit que le Québec peut faire en fusion au Canada ce que l'Ontario a
fait en fission au Canada auparavant. Autrement dit, c'est une technologie sur
laquelle nous avons une meilleure préparation que les gens de l'Ontario
et sur laquelle il faut baser ce développement
accéléré et cette implication.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de Chomedy.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. On sait qu'un projet a
été annoncé par le gouvernement à grand renfort de
publicité, des sommes énormes ont été
dépensées, et je parle du projet Archipel. (11 h 30)
En novembre dernier, le gouvernement devait faire une annonce de
création d'emplois, de relance de l'économie concernant la mise
en chantier du projet Archipel. Nous attendons encore une décision
gouvernementale. On connaît les hésitations d'Hydro-Québec
à exploiter les ressources hydroélectriques de ce coin du
Québec...
Une voix: Cela coûterait trop cher.
Mme Bacon: ...qui seraient beaucoup trop dispendieuses pour le
gouvernement, en tout cas. J'aimerais quand même connaître
l'opinion de l'Ordre des ingénieurs. Vous êtes-vous penchés
sur le projet Archipel? Avez-vous fait des études sur la
rentabilité hydroélectrique du projet Archipel?
M. Bournival: M. Moreau va tenter de répondre à
votre question, madame.
M. Moreau: Notre groupe de travail s'est penché sur les
questions plutôt générales du développement
économique avec l'espoir que les autres organismes, telle
Hydro-Québec, qui sont directement impliqués dans des
réalisations concrètes, présentent leurs opinions
là-dessus et qui seraient, à notre avis, beaucoup plus
fondées que celles que pouvait offrir le groupe de travail, qui s'est
réuni pendant deux ou trois semaines. Quand on dit que le mémoire
est plutôt qualitatif que quantitatif, cela rejoint un peu cette
exclusion qu'on a faite de projets spécifiques pour lesquels on croit
Hydro-Québec beaucoup mieux qualifiée que nous pour vous donner
ses recommandations et opinions.
Mme Bacon: En fait, vous voulez dire que, jamais, l'Ordre des
ingénieurs ne s'est penché sur le projet Archipel
spécifiquement. Chez vous, y a-t-il des membres qui ont fait des
études?
M. Bournival: Non, en tant que tel, étant donné que
notre fonction comme ordre professionnel n'est peut-être pas d'engager
des travaux de cette nature. Ils sont plutôt du ressort des firmes
d'ingénieurs-conseils ou des sociétés d'État, telle
Hydro-Québec.
Mme Bacon: II n'y a pas eu de discussion de groupe non plus sur
l'exploitation des ressources hydroélectriques pour le projet
Archipel?
M. Bournival: Non, pas pour un projet spécifique comme
celui que vous mentionnez, madame mais, sur l'ensemble de l'importance du
secteur hydroélectrique par rapport au gaz, oui. C'est pourquoi on dit
"qualitatif". C'est un terme général.
Mme Bacon: Ce qui me fait poser la question, c'est qu'à la
page 18 de votre mémoire vous dites: "L'entreprise privée, elle,
peut d'une façon économique assumer la gestion du harnachement de
plusieurs de ces petites rivières." Si on transpose cette
possibilité au projet Archipel et qu'on connaît déjà
les hésitations d'Hydro-Québec à exploiter les ressources
hydroélectriques, enfin, cette hésitation concernant la
rentabilité hydroélectrique du projet, j'essayais d'additionner
l'un avec l'autre et c'est ce qui m'amène à poser cette question
concernant le projet Archipel et à formuler ma préoccupation
concernant l'impact d'un tel projet sur l'environnement.
À la page 17, vous parlez de développement de technologies
industrielles utilisatrices d'énergie et, dans les objectifs de
recherche, vous indiquez évidemment l'épuration des eaux, la
disposition de déchets toxiques, les dépollueurs d'air.
Peut-être que je fais erreur, mais j'ai l'impression qu'on demande
beaucoup à Hydro-Québec. Ne voyez-vous pas chez d'autres
organismes gouvernementaux de telles possibilités d'études, de
recherche? Est-ce parce que vous les centralisez tout simplement chez
Hydro-Québec?
M. Bournival: Je ne sais pas si elle parlerait, mais quand nous
avons demandé des ressources à Hydro-Québec - M. Bourbeau
a aidé à préparer notre mémoire en 1980 mais, pour
cette occasion-ci, la disponibilité d'ingénieurs "séniors"
ne semblait pas aussi accessible - on nous a référés
à un économiste d'Hydro-Québec qui est
représenté, ce matin, par Mme Danièle Lapointe qui est
ici. La question que vous posez, Mme Bacon, concerne l'aspect économique
en grande partie, soit la faisabilité du projet Archipel. On pourrait
demander à Mme Lapointe si elle a un commentaire à faire pour
répondre à votre question.
Mme Lapointe (Danièle): Oui, je pourrais faire un
commentaire. Il s'adresse...
Mme Bacon: II faudrait parler dans le micro pour que ce soit
enregistré, s'il vous plaît.
Mme Lapointe: N'ayant pas moi-même l'expertise pour
répondre à votre question, j'en prends note et, quand
Hydro-Québec se présentera, je pense qu'on pourra lui demander de
répondre.
Mme Bacon: Je reviendrai avec ma question?
Mme Lapointe: Oui. Je pense que ce serait mieux.
Mme Bacon: Est-ce que vous pouvez répondre au niveau de
l'environnement ou de l'impact de certains projets sur le plan environnemental,
par exemple?
Mme Lapointe: Je pense que le mieux serait...
Mme Bacon: Cela aussi?
Mme Lapointe: ...de faire comparaître le secrétariat
du projet Archipel qui est l'organisme tout désigné pour
répondre aux questions sur l'Archipel.
Mme Bacon: D'accord, merci. C'est que je trouve qu'on demande -
ce n'est pas un reproche que je fais à l'Ordre des ingénieurs, au
contraire - beaucoup à Hydro-Québec. Je pense qu'il y a, quand
même, d'autres instances gouvernementales qui sont
préoccupées par les problèmes d'environnement. Il est
évident que la recherche proprement dite se fait souvent par
Hydro-Québec. C'est peut-être le partage des
responsabilités ou le partage des connaissances qu'il faudrait
approfondir quand on regarde toute la nomenclature que vous faites des
problèmes d'environnement qui sont très actuels.
M. Bournival: Ce sujet, Mme la députée, pourrait
peut-être faire partie du mandat de ce conseil
interénergétique dont on a parlé. Cela pourrait
très bien lui être référé.
Mme Bacon: Oui.
M. Bournival: Cela pourrait être l'une des dimensions de la
question.
Je pense que M. Moreau avait aussi des renseignements à
fournir.
Mme Bacon: D'accord.
M. Moreau: J'aimerais préciser le sens qu'on a
donné aux mots "gestion du harnachement". On tenait pour acquis que ce
n'est que l'exécution...
Mme Bacon: II y a un maître d'oeuvre qui est
Hydro-Québec?
M. Moreau: ...des travaux après que les études
d'environnement, les études d'impact, etc., ont été
faites. Nous faisons confiance, en tant que groupe, à
Hydro-Québec pour procéder à ces études avant de
lancer une réalisation.
Mme Bacon: Oui.
M. Moreau: L'autre point que vous avez soulevé, c'est
pourquoi avons-nous donné l'impression de demander à
Hydro-Québec de financer ces recherches? Il y a deux raisons que le
groupe a considérées. L'une, c'est qu'Hydro-Québec est un
organisme de grande taille qui réalise quand même des profits
assez convenables et qui peut se permettre, je crois, de financer la recherche.
L'autre raison, c'est qu'étant donné que ce sont des applications
de l'électricité à des procédés industriels
et qu'Hydro-Québec est le fournisseur d'électricité, nous
avons cru que, normalement, les fonds requis pour des recherches pourraient
provenir de cet organisme. Alors, je ne sais pas si M. Richard peut abonder ou
non dans ce sens?
M. Richard (Claude): M. le Président, juste un mot pour
aller dans le même sens. À la page 17, les exemples qui sont
donnés quant aux technologies industrielles utilisatrices
d'énergie sont seulement des exemples. Donc, il y a des exemples qui se
rapportent à des problèmes d'environnement. Je suis tout à
fait d'accord avec vous, madame, que ces choses-là doivent être
traitées et évaluées avec tous les organismes officiels
qui ont des responsabilités dans le domaine. Mais je pense que
l'idée de s'en remettre un peu à Hydro-Québec pour le
développement des technologies utilisatrices d'énergie
électrique, c'est qu'Hydro-Québec a cette motivation, surtout
devant ses surplus actuels, de développer cela pour vendre son produit.
Je pense que c'est un peu normal.
Si vous allez ensuite à la page 19, je pense que l'Ordre des
ingénieurs a bien prévu de demander la collaboration de toutes
les ressources existantes dans le domaine, de façon à pouvoir
aider le Québec à faire ce développement.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci. Je voudrais vous faire
remarquer que le temps accordé pour la présentation et pour les
questions est déjà assez largement dépassé.
Vous avez une question, M. le député de Vimont?
M. Rodrigue: Je vous remercie, M. le Président. Je veux,
d'abord, féliciter les représentants de l'Ordre des
ingénieurs pour la teneur de leur mémoire. Bien sûr, vous
avez souligné que vous vous étiez attachés aux aspects
qualitatifs plutôt que quantitatifs parce que, comme ordre professionnel,
évidemment votre rôle n'est pas de faire des études de
rentabilité, mais plutôt d'essayer de développer des
aspects qui peuvent, d'une certaine façon, conduire à la
promotion de la profession d'ingénieur et à son
développement
au Québec.
J'en reviens à la question des petites centrales. On pourra
peut-être poser la question à Hydro-Québec lors de sa
comparution. Je veux tout simplement vous signaler cependant que,
d'après ce que j'ai vu des études d'Hydro-Québec d'abord,
cela se déroule depuis une dizaine d'années. Il y a eu plusieurs
petits projets examinés, mais les coûts étaient toujours
deux à trois fois supérieurs à ce qu'on peut obtenir en
provenance des grands projets. C'est ce qui a finalement amené
Hydro-Québec à ne pas pousser plus loin ses études. Les
études ont été faites sur certaines rivières. On
mentionnait Chambly, il y en a eu quelques autres mais il y a toujours le
problème des coûts. Cela m'amène à la question
suivante: est-ce que vous voyez d'autres avantages qui pourraient
contrebalancer cet inconvénient qui fait que les coûts pour les
consommateurs de ces petites centrales -compte tenu qu'il n'y a pas
d'économie d'échelle là-dedans - seraient deux à
trois fois supérieurs à ce qu'il nous en coûte pour des
aménagements dans un horizon prévisible sur la Baie-James et sur
la Côte-Nord?
Deuxième question: est-ce qu'il n'y a pas d'autres façons,
de mieux aider au développement régional avec les mêmes
sommes, en faisant des investissements et en donnant aux régions des
équipements qui seraient permanents et qui y créeraient de
l'emploi en permanence? Il y a un troisième point que je voulais
soulever. Est-ce que -parce que vous semblez attacher beaucoup d'importance au
fait que nous pourrions exporter une technologie de petites centrales si on en
développait ici - la technologie n'est pas connue dans ce domaine,
déjà? On sait qu'il y a des groupes-bulbes sur la Rance, depuis
au moins une quinzaine d'années, en France. Est-ce qu'il ne s'agit pas
là d'une technologie connue et non pas d'une technologie à
développer? Est-ce que les avantages escomptés ne seraient pas
moindres que dans d'autres domaines où on pourrait faire du
développement également?
M. Bournival: M. Moreau va tenter de répondre à vos
questions.
M. Moreau: À votre première question, un des
avantages additionnels est d'avoir des points décentralisés
d'alimentation du réseau. Supposons qu'une tempête de verglas
fasse tomber les lignes de la Baie-James, si vous avez une
décentralisation, il y a une diversité d'approvisionnement
accrue. L'autre avantage c'est que les sommes consacrées à ces
petites installations pourraient permettre le développement d'usinage de
petites turbines et d'équipement plus petit dans nos usines, ici.
Maintenant, pour ce qui est de votre deuxième question: est-ce
qu'on peut mieux servir avec une industrie locale énergivore qui
consomme de l'électricité? Nous sommes d'avis que oui, mais c'est
une autre de nos recommandations dans les applications industrielles de
l'électricité.
Pour ce qui est d'exporter la technologie, je me demande si M. Richard
ne pourrait pas confirmer que cela existe déjà mais qu'on peut
peut-être améliorer notre industrie locale, autant le
génie-conseil que les manufacturiers. Je ne sais pas si M. Richard
voudrait ajouter ou retrancher...
M. Richard: II est difficile de refuser une telle invitation. Je
pense, M. le député, que vos questions sont très
pertinentes. En somme, je pense qu'il faut regarder ces choses-là de
beaucoup plus près. Il n'est pas clair qu'il n'y ait que des avantages
à ces choses-là. C'est un fait qu'il y a quand même des
petites turbines qui sont fabriquées présentement dans d'autres
pays. Par contre, il y a au Québec une grande expérience dans la
fabrication des grosses turbines qui pourrait probablement être
utilisée assez facilement pour faire ces petites turbines. Je pense
qu'il y a quand même un changement de mentalité et d'adaptation
important à être réalisé. Il semble bien - moi, sur
la base d'une visite en Amérique du Sud - qu'il y ait un grand besoin de
ce type de technologie énergétique, actuellement. Il y a
déjà une technologie qui n'est pas à point et il ne
faudrait pas tarder au Québec a se lancer là-dedans si on veut
vraiment avoir une part du marché.
M. Rodrigue: Vous avez énoncé le concept de la
polyénergie - ce sera ma dernière question, j'en aurais bien
d'autres mais le temps nous presse - j'aimerais que vous le développiez
en quelques minutes.
M. Bournival: M. Moreau est assez au courant de la chose. (11 h
45)
M. Moreau: Polyénergie, pour faire un exemple très
concret, vous avez une usine à papier qui utilise du mazout. Il est
relativement peu dispendieux de convertir ses brûleurs pour aussi
utiliser du gaz et il peut être avantageux d'avoir, à
côté des bouilloires existantes, une bouilloire électrique.
À ce moment, l'utilisateur, le consommateur peut profiter des meilleurs
tarifs de chacune de ces trois formes d'énergie et en même temps
cela peut aider l'organisme producteur d'énergie à s'alimenter au
meilleur moment que le réseau le lui permet. Alors, il y aurait avantage
pour les deux. C'est dans ce sens que nous considérons utiliser les
ressources que nous avons en disponibilité présentement au
meilleur profit de l'utilisateur et en même temps je crois qu'on aiderait
l'industrie elle-même. Disons que le gaz, à
une certaine période de la journée, peut être
difficile à livrer à Trois-Rivières. Par contre, un peu
plus tard, c'est peut-être l'énergie que l'usine à papier
devrait employer. Je ne sais pas si cela répond un peu à votre
question.
M. Rodrigue: Cela aiderait certainement le producteur à
régler ses problèmes de pointe.
M. Moreau: C'est ce que nous avons...
M. Rodrigue: Si un concept comme cela était
implanté, il faudrait voir si c'est possible de le faire à des
coûts acceptables par les consommateurs parce qu'on a toujours à
mettre en balance et à accorder les intérêts du producteur
et ceux du consommateur dans des questions comme celle-là. Je sais qu'on
a le système biénergie au Québec. Je me permets, moi
aussi, de faire un petit commercial à l'instar du ministre et dire que
les éléments électriques qui servent à cela ont
été développés à Laval, au Québec, M.
le ministre. Les éléments biénergie, cela existe
déjà et vous autres, finalement, si j'ai bien compris, vous
poussez cela un peu plus loin. Vous y allez sur les trois sources.
M. Moreau: Surtout dans le domaine industriel, remarquez. Ce que
je dis là ne s'appliquerait pas tellement dans une résidence
à moins que ce soit une immense résidence, mais c'est
plutôt industriel.
M. Rodrigue: Alors, c'est surtout pour l'industriel et les gros
ensembles, les grosses unités. Merci.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de Jacques-Cartier, dernière intervenante.
Mme Dougherty: J'ai deux questions. D'abord, à la page
quinze, vous avez fait référence au Conseil canadien des
ingénieurs, qui vient de présenter, en février, un
mémoire sur la recherche et le développement au Canada. Je n'ai
pas encore lu ce mémoire, mais on parle ici de la
nécessité de renforcer les relations entre les universités
et l'industrie. Je présume que vous appuyez cette recommandation.
Voudriez-vous élaborer un peu? Quelles sont vos idées
là-dessus? Quelles sont les modalités que vous envisagez?
M. Moreau: Comme le temps est très court, M. le
Président, je pourrais peut-être vous remettre la copie du
mémoire où ces choses sont expliquées. Vous me le
permettez?
Mme Dougherty: D'accord. Deuxième question, à la
page 17, vous avez parlé de la possibilité de créer de
nouvelles technologies qui utilisent de l'électricité pour
l'épuration des eaux, se débarrasser des déchets toxiques.
Il y a d'autres technologies qui sont un domaine prometteur pour ces deux fins.
C'est la biotechnologie. Avez-vous des idées sur la rentabilité
possible pour des processus biotechnologiques par rapport au processus que vous
envisagez?
M. Moreau: Je ne crois pas que nous ayons la réponse
à cela. C'est pourquoi nous mettons ces suggestions dans le domaine de
la recherche et du développement pour établir
précisément les données que vous demandez maintenant. Mais
nous, en tant qu'Ordre des ingénieurs, nous n'avons pas ces
données de rentabilité ou de comparaison. Nous croyons que ce
sont des champs d'action où une recherche-développement serait
valable.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Laplante): Une question très
courte, M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Dans votre rapport, vous parlez des
mini-projets, minicentrales et des micro-centrales. Je voudrais savoir si vous
êtes d'accord avec les moratoires qu'on entend appliquer pour les grands
projets, les méga-projets. On a vu dernièrement qu'on a
retardé le suréquipement de Manic 5, je pense. D'autant plus que
j'ai beaucoup de difficulté à concilier cela avec votre
recommandation quand vous dites: On devrait rechercher un équilibre
entre les importations de pétrole et les exportations d'énergie
électrique, d'hydroélectricité. J'ai beaucoup de
difficulté à concilier cela.
Je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec la politique ou ce
que certains mentionnent, suggèrent de développer rapidement,
peut-être la phase 2 de La Grande, ou si vous êtes d'accord qu'on
mette la pédale douce sur ces projets.
M. Moreau: M. le Président, pour répondre à
cette question, nous nous sommes inspirés du document de travail
préparé par le ministère, qui dit que la demande
d'hydroélectricité ira en s'accroissant à un rythme
beaucoup plus lent et non pas par blocs immenses. C'est à partir de
cette prédiction de la demande que nous avons conclu que, possiblement,
pour répondre à une demande qui serait graduelle, des petites
centrales seraient plus adéquates.
Par contre, si des contrats additionnels d'exportation de surplus nous
permettaient de financer des méga-projets, en tant qu'ingénieurs,
je pense qu'on serait tous très
heureux et tout à fait d'accord.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous ne vous prononcez pas. Vous partez
du document du ministère.
M. Moreau: C'est-à-dire que le document de travail a
été préparé pour les intervenants à votre
commission. Alors nous avons forcément pris ceci comme l'Évangile
au point de départ.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes le seul groupe qui a
été inspiré par le document. Je pensais que vous aviez
plus d'imagination que cela.
M. Moreau: Pardon?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Chapleau.
M. Moreau: Je n'ai pas entendu.
M. Kehoe: Juste une courte question. À la page 6, une de
vos recommandations est de moderniser les facilités de raffinage de
pétrole et à la page 29 de votre mémoire vous mentionnez
la fermeture d'au moins deux raffineries à Montréal, et il y en a
eu d'autres, je pense, depuis ce temps. La question que je pose porte sur la
possibilité de création d'une société
québécoise Petro-Québec pour prendre en main la
modernisation. C'est évident que ces compagnies multinationales ne sont
pas trop intéressées à se moderniser, mais plutôt de
fermer leurs raffineries, qu'est-ce que vous pensez, à l'Ordre des
ingénieurs, de la création d'une société
québécoise Petro-Québec?
M. Bournival: On a quelqu'un qui appartient à une des ces
multinationales. Il n'est pas ici en tant que représentant d'une
multinationale, mais comme un ingénieur bona fide.
M. Chaperon: M. le Président, j'aimerais m'en tirer tout
simplement en disant que l'ordre ne s'est pas penché sur ce
problème.
M. Kehoe: C'est trop facile.
M. Chaperon: C'est peut-être trop facile mais je pense que,
lorsque ce genre de question est posée, il y va plutôt des
idées politiques ou des idées économiques que chacun peut
avoir. Il est bien clair que si un individu a des tendances socialisantes, il
favoriserait l'implantation d'une société d'État.
Une voix: Petro-Canada est déjà en place.
M. Chaperon: Par contre - exactement, Petro-Canada est
déjà en place - quiconque a des idées plutôt,
disons, capitalistes ne favorise pas l'implantation de sociétés
d'État. Personnellement, vous savez, je l'ai souvent dit et je le
répète, j'aimerais bien voir le gouvernement continuer à
bien faire fonctionner les hôpitaux et les écoles et
laisser...
M. Kehoe: Excellent.
M. Chaperon: ...l'industrie du pétrole ou d'autres
industries...
M. Kehoe: Vous feriez un bon libéral.
Le Président (M. Laplante): Bon, M. le ministre, le mot de
la fin.
M. Duhaime: J'allais dire que je ne suis pas beaucoup surpris que
le président de la campagne du financement du Parti libéral
appuie M. Brian Mulroney après ce que je viens d'entendre. Je voudrais
apporter une ou deux précisions. Nous ne sommes pas en... Est-ce que
j'ai dit quelque chose d'offensant?
Une voix: Non, non.
M. Fortier: Continuez, M. le ministre.
M. Duhaime: Je m'excuse.
M. Fortier: D'habitude on s'endort.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas que...
M. Champagne: C'est rare qu'il se réveille.
M. Duhaime: ...nous restions sous l'impression que nous sommes en
croissance lente, en termes de demande hydroélectrique au Québec;
nous sommes en décroissance. Même si les profits et les
bénéfices nets à Hydro-Québec ont atteint 800 000
000 $ en 1982, nous connaissons en 1982 une décroissance de la demande
hydroélectrique de l'ordre de 2%, alors que les scénarios retenus
au début de 1968, 1969 et 1970 étaient d'une croissance
prévue et projetée sur la décennie de plus de 6%. Cela a
été même de 6,4%, si ma mémoire est bonne.
La deuxième chose qui vient seulement d'être abordée
sur votre proposition de polyénergie... Au ministère, et de plus
en plus maintenant à Hydro-Québec, nous travaillons avec une
approche de gestion de la pointe, de gestion de la demande d'une façon
plus générale, mais d'une façon très précise
pour ce qui est de la gestion de la pointe. Et autant le système
biénergie, qui est en marché actuellement, apporte une
réponse importante au problème de pointe, autant l'application
d'un système de
polyénergie, principalement dans le secteur industriel, pourrait
améliorer énormément la gestion de la pointe.
Sans vous livrer un grand secret, je peux vous dire qu'un des grands
producteurs de pâtes et papiers au Québec est en train de
s'organiser sur un système polyénergie, c'est-à-dire
mazout, gaz naturel et hydroélectricité. Ce ne sera pas au gaz
naturel avant encore un an, pour la simple raison que la conduite
latérale n'est pas encore rendue dans cette région et, pour ne
rien vous cacher, cela se passe en Mauricie.
La troisième chose que je voudrais mentionner, c'est une
précision au sujet de Gentilly 2. La puissance programmée au
départ était de 680 mégawatts, comme je l'ai dit. Nous
avons ramené, à Hydro-Québec, ce chiffre à 637 avec
un facteur d'utilisation à 80%. À l'heure où nous nous
parlons, Gentilly 2 est en période de rodage, mais déjà
elle fonctionne à 85% de sa puissance maximale. C'est donc dire
qu'à toutes fins utiles Gentilly 2 est en marche.
Le coût maintenant: 50 mills du kilowatt; alors que notre
coût, à partir d'un kilowatt produit sur la rivière La
Grande et livré à Montréal, est de 27 mills. Il est
important de dire, en arrondissant les chiffres, qu'on parle de 27 mills au
kilowatt pour une production sur la rivière La Grande et de 50 mills
dans une centrale nucléaire du type Gentilly 2. Ce n'est pas encore si
mal, parce qu'à partir d'une centrale au charbon, c'est à peu
près le double du coût de production d'une centrale
nucléaire. D'ailleurs, vous pouvez retrouver ces chiffres dans un
document qu'Hydro-Québec a déposé, c'est-à-dire son
plan de développement pour 1983-1985, en commission parlementaire et
qui, sans aucun doute, vous est disponible. Vous allez retrouver les
comparaisons charbon-nucléaire au tableau 22 du document
d'Hydro-Québec, à la page 65.
Ceci m'amène à une remarque que votre mémoire
comporte à la page 32. Je voudrais terminer là-dessus. Vous nous
donnez en quelque sorte un avertissement. Je pense que cela vaut
peut-être le coup de lire le paragraphe central de la page 32. Vous
dites: "L'Ordre des ingénieurs du Québec est d'avis que les
exportations d'énergie outre-frontière, ou que les tarifs
préférentiels accordés à des entreprises
génératrices d'emploi, ne soient pas consentis à des
coûts inférieurs au coût de revient de cette énergie.
Agir autrement, à moins d'y être acculé par la force des
choses, serait, selon nous, faire subventionner de telles opérations par
les utilisateurs réguliers de l'énergie en question."
Ma réponse sera double. D'abord sur le plan des exportations,
nous allons comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire des prix sur de
l'excédentaire ou de l'interruptible par rapport à des prix
d'énergie ferme. On parle de deux choses bien différentes. Nous
en conviendrons.
Cependant, dans les contrats que nous avons signés avec New York,
le Power Authority et, il y a quelques jours, avec le NEEPOOL, le prix moyen
est de 40 mills le kilowattheure. 40 mills le kilowattheure, c'est à peu
près le double du tarif industriel payé par les consommateurs
industriels au Québec, et nous parlons d'énergie
excédentaire par rapport à un prix ferme, par rapport à un
prix d'énergie ferme ici au Québec. C'est donc dire qu'il n'y a
aucune crainte; nous ne vendons en aucune manière, même
l'énergie excédentaire, en bas de notre coût de revient; au
contraire, nous sommes bien au-delà. On retient 40 mills; c'est un
chiffre qui comporte des fluctuations, parce que c'est un prix qui fait
référence aux prix des énergies fossiles remplacées
et le bénéfice fait par les deux parties est divisé de la
façon suivante: Hydro-Québec fait 80% des gains et New York ou le
NEEPOOL fait 20% des gains.
Nous devrions, avec le contrat de New York, aller chercher, sur la
période 1984-1997, en livrant 111 000 000 000 de kilowattheures, environ
12 000 000 000 $. Avec le NEEPOOL, sur la période 1986-1997, nous
comptons, avec des ventes de 33 000 000 000 de kilowattheures, aller chercher
des revenus de l'ordre de 5 000 000 000 $.
Pour balancer nos échanges import-export dans le secteur de
l'énergie, il faudrait vendre encore passablement plus
d'hydroélectricité en Nouvelle-Angleterre, à New York, en
Ontario et au Nouveau-Brunswick à qui nous vendons actuellement. Le
compte pétrole et gaz coûte aux Québécois à
l'heure actuelle n'importe quoi entre 4 500 000 000 $ et 5 000 000 000 $ par
année. Si nous allons chercher des revenus, sur un dossier
d'énergie ferme, qui pourrait nous rapporter 2 000 000 000 $, 2 500 000
000 $ par année, cela ferait au moins cela de pris. Avant de le redonner
aux Arabes, aux Mexicains ou aux Vénézuéliens, on pourrait
peut-être souffler un peu.
C'est dans ce sens que le contrat qui est signé avec le NEEPOOL
est intéressant. Cette ligne, que nous voulons construire pour relier la
Nouvelle-Angleterre au réseau d'Hydro-Québec dès 1986,
aura une capacité de 690 mégawatts. Si nous complétons nos
ententes pour augmenter cette capacité jusqu'à 2000
mégawatts, nous serons ensuite en mesure de livrer de l'énergie
ferme. 2000 mégawatts d'énergie ferme par rapport aux 80 000
mégawatts de potentiel hydroélectrique du Québec, ce sont
des pinottes. Mais c'est payant, quand on considère que nos
études conduites par des firmes spécialisées aux
États-Unis à la demande d'Hydro-Québec nous indiquent que
les créneaux sur ces marchés sont de l'ordre de 2000 à
2500 mégawatts sur un avenir
prévisible et qu'ils devront vraisemblablement installer des
centrales au charbon. Alors, ils ont automatiquement le problème des
pluies acides. Je pense qu'il est de plus en plus difficile d'ajouter au parc
nucléaire américain pour des raisons autres qu'économiques
ou scientifiques, mais beaucoup plus reliées à des oppositions
grandissantes, autant aux États-Unis qu'ici d'ailleurs, aux
installations nucléaires.
La deuxième chose que je voudrais vous dire concerne un point
dont vous parlez dans votre mémoire: Que les tarifs
préférentiels accordés à des entreprises
génératrices d'emplois ne soient pas consentis à des
coûts inférieurs au coût de revient. On peut dire que notre
coût de revient est autour de 27 mills. Je voudrais faire
référence à deux contrats qui sont signés
actuellement, celui de Reynolds et celui de Pechiney. Ce sont des contrats de
longue durée qui comportent, en fin de période, des années
de rattrapage qui feront en sorte que, si on prend un exemple, dans le cas de
Reynolds, le tarif de référence qui est la base du contrat et le
tarif industriel grande puissance pour l'année 1981 c'est-à-dire
16,3 mills au kilowattheure, à 16,3 c'est évident qu'on est en
bas du coût de revient. Mais s'il fallait qu'on vende
l'électricité au niveau du coût de revient, au lieu que
l'Hydro-Québec fasse 800 000 000 $ de bénéfice en 1982, je
vous laisse le loisir de calculer quel serait le montant des
bénéfices. Je pourrais vous dire qu'ils seraient directement
proportionnels avec vos comptes d'électricité, tant dans le
domestique que dans l'industriel.
Si l'on fait nos calculs sur la période de 20 ans, de
mémoire - je pourrais peut-être le préciser lorsque
Hydro-Québec sera ici en commission - après la 8e année du
début des livraisons, nous gagnons et nous gagnons sur les années
qui suivent, c'est-à-dire sur 22 ans et demi que va durer le contrat
Reynolds, durant les premières années, ce sont des pertes
théoriques, mais qui sont rattrapées sur la période. De
sorte qu'à la fin de ces contrats, autant Reynolds que Pechiney, le
matin de la 22e année et demie, ces alumineries vont payer le tarif
régulier normal grande puissance qui existera à cette
époque.
C'est dans ce sens que je puis vous donner cette assurance que nous ne
bradons pas l'énergie, mais nous la vendons. Nous tenons compte des
périodes de démarrage des grands projets où le niveau de
l'endettement est tel que la charge financière sur le coût
d'opération les empêcherait de fonctionner. Premier
élément.
Deuxième élément. Nous concurrençons deux
pays: le Brésil et l'Australie. Ce n'est pas toujours facile d'avoir
l'heure juste. Quel est le coût réel du kilowattheure que vend
l'Australien qui est en même temps un producteur de charbon, de bauxite,
et qu'elle est la même question qu'on pose au Brésil qui, en plus
d'avoir de l'hydroélectricité en abondance, a de la bauxite.
Je pense que cette stratégie nous a réussi jusqu'à
présent. Nous avons pu bouger rapidement. Je voudrais être
très clair et très explicite là-dessus. Nous ne vendons
pas en bas de nos coûts sur les périodes
considérées.
Votre mémoire parle de coût de revient. Je ne connais pas
l'auteur de l'expression. Il y a tellement de vocabulaire technique. Je
voudrais être bien sûr qu'on dit la même chose. Quand je vous
parle de 27 mills au kilowattheure, je parle du coût moyen du
réseau.
Le Président (M. Laplante): Sur ce,
MM. Bournival, Moreau, Chaperon, Grasso, Richard, Lebel et Poliquin, au
nom des membres de cette commission, je vous remercie de votre
participation.
M. Bournival: Me permettriez-vous, M. le Président, de
dire aux membres de votre commission notre plaisir d'avoir constaté la
pertinence des questions qui ont été posées, par des gens
qui souvent ne sont pas du métier, et surtout l'intérêt
considérable qu'ils portent à ce domaine qui est un des piliers
du développement économique de notre Québec?
Je tiens aussi à vous dire notre satisfaction de constater, ce
matin, que lorsque le ministre nous annonce que l'entente avec la
Nouvelle-Angleterre va au-delà de ce que nous recommandions dans notre
mémoire, cela mérite des félicitations et des voeux de
succès continu.
Je tiens aussi à vous exprimer au nom des 25 000
ingénieurs du Québec notre appui constant. Nous espérons
que notre ordre professionnel pourra maintenir la qualité et la
compétence qu'il a eues jusqu'à maintenant et que ces conditions
d'admission ne seront pas modifiées pour qu'il soit moindre, en
qualité, que ce que les autres provinces et les autres États
d'Amérique du Nord ont.
Finalement, je tiens à vous dire que ceci est notre
troisième mémoire à votre commission permanente et que
nous serons toujours heureux de tenter de vous aider encore dans l'avenir.
Encore une fois, nous espérons que nous aurons le temps de pouvoir vous
donner encore mieux que ce que nous avons pu faire ce matin.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre aurait
une petite précision à apporter.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas vous induire en erreur. On m'a
passé une note tout à l'heure, mais j'en ai regardé
seulement une partie avec les échanges. Je
voudrais revenir sur ce que je disais tantôt et sur votre
expression "au coût de revient" pour être très clair.
Lorsqu'on parle de 27 000 kilowattheure, on parle du coût marginal
de production, c'est-à-dire le coût du dernier kilowattheure
produit. Quand on parle du coût moyen du réseau pour 1981, au
tarif industriel, on parle de 16 000 kilowattheure. Cela correspond au tarif
industriel de grande puissance. Je ne dirai pas qui m'a envoyé la
note.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant
l'Association des consommateurs industriels de gaz.
M. Fortier: M. le Président, j'aurais une question sur le
fonctionnement de nos travaux.
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: On m'a fait part qu'un groupe qui avait
été invité, à qui on avait dit qu'il devait
être entendu ce soir, vers 20 heures ou 21 heures, a reçu un appel
téléphonique hier soir lui demandant de venir ici, ce matin, pour
dix heures. À ce groupe en particulier, on lui avait dit en premier lieu
qu'il devait être entendu tard dans la soirée et, hier soir, on
l'a appelé pour dire qu'il serait entendu à dix heures ce matin.
Il s'agit du comité Delaney. S'il y avait unanimité, je
demanderais qu'il puisse être entendu à notre retour du lunch. Si
on pouvait s'entendre entre nous à ce sujet.
Le Président (M. Laplante): Pour ma part, je n'ai pas
objection, mais cela dépend des membres de la commission. M. le ministre
me signale son accord. Cela signifie que le comité Delaney sera entendu
à la reprise de nos travaux, cet après-midi, à 15
heures.
Nous entendrons maintenant l'Association des consommateurs industriels
de gaz. Vous avez pris connaissance des remarques que j'ai faites au
début. S'il vous plaît, veuillez maintenant vous identifier,
identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent.
Association des consommateurs industriels de
gaz
M. Audet (Georges): Je vous remercie, M. le Président. Mon
nom est Georges Audet. Je représente l'Association des consommateurs
industriels de gaz. Je suis accompagné, ce matin, de M. Jacques Bourque,
président de la section Québec de cette association. M. Marcel
Émond, qui devait être ici avec nous, ce matin, a
été malheureusement retenu à Montréal.
M. le Président, j'ai pris bonne note de vos recommandations
à l'effet de ne pas lire le mémoire que j'ai soumis à la
commission, de sorte que j'ai pensé uniquement vous faire part de
façon globale de nos préoccupations et des préoccupations
de l'industrie déjà consommatrice de gaz au Québec. Par la
suite, brièvement, je ferai état de nos recommandations de sorte
qu'on pourra ainsi énormément écourter le temps, compte
tenu du fait que l'heure est déjà avancée.
En ce qui concerne l'association comme telle, elle existe depuis 1973.
Elle a été très active devant les bureaux de
réglementation, tant du fédéral que du provincial. Comme
l'indique le rapport, elle regroupe les plus grands consommateurs de gaz au
pays. Il en est de même au Québec. Elle regroupe les plus grands
utilisateurs de gaz dans la province. On peut donc dire que les membres de
l'association consomment à eux seuls une grande partie du gaz dans tout
le Canada. Au Québec, comme vous le savez, l'industrie représente
environ 50% de la consommation du gaz naturel.
L'intérêt de l'association dans le présent
débat prend naissance à Ottawa. Comme je l'ai dit au
début, l'association avait comme principal but de faire des
représentations devant les bureaux de réglementation, ceci pour
s'assurer que les tarifs facturés à l'industrie soient
proportionnels aux services qu'elle recevait. Lorsque le dossier de l'expansion
est devenu actif, l'industrie s'est intéressée à
participer aux activités du palier fédéral. Il en a
été de même ici au Québec. La principale
préoccupation de l'industrie, qui consommait déjà à
ce moment-là, a été et demeure toujours que si l'on
désire faire l'expansion du gaz naturel, évidemment, l'industrie
l'appuie à 100%. Elle l'appuie parce que, plus il y aura de
consommateurs dans le domaine industriel, plus on espère que les prix
seront en conséquence et donc à la baisse.
Ce que l'industrie craignait le plus au moment du dossier de
l'expansion, c'était que cette expansion ne se fasse au détriment
de l'industrie qui consomme par le fait que, si l'on s'attardait à faire
des expansions dans des zones ou des secteurs non rentables ou si l'on faisait
des investissements qui apportent peu de rentabilité, il fallait,
à un moment donné, se retourner vers ceux qui étaient
déjà en place et demander des hausses de tarifs qui alors
pourraient porter leurs tarifs au-delà de la concurrence. Quand je fais
état de la concurrence, je fais surtout état de la même
source énergétique ailleurs, plus particulièrement en
Ontario, et aussi, évidemment, d'autres sources
énergétiques.
Malheureusement, je dois l'avouer, au départ, l'expansion s'est
faite un peu dans ce sens et, dans les deux dernières années, on
a fait beaucoup d'investissements, surtout dans le réseau de Gaz
Métropolitain, qui ont servi
à vendre du gaz naturel à des utilisateurs beaucoup moins
rentables. La situation économique étant ce qu'elle est, Gaz
Métropolitain s'est vue dans une situation où elle devait payer
pour ses investissements. Et cette année, qui était, selon
l'admission même de Gaz Métropolitain, une année de
consolidation, on a demandé une hausse tarifaire aux industries qui
était au-delà de toute hausse qui a été
demandée dans toute l'histoire du gaz naturel. Heureusement, la
décision de la régie a tempéré cette demande. Mais
c'était la résultante des investissements qui avaient
été faits dans les dernières années qui,
malheureusement, n'apportaient pas leur poids.
J'ai indiqué dans notre mémoire les effets au niveau de la
concurrence avec les tarifs en Ontario. Je tiens à indiquer que ce que
nous avons tenté de faire - parce que c'est assez difficile quand
même de faire des comparaisons - c'est que nous avons pris ce qu'on
appelle un petit usager industriel -quoiqu'en termes d'utilisation, c'est assez
grand - à un certain coefficient et nous avons pris le prix moyen des
distributeurs de l'Ontario et le prix moyen des deux gros distributeurs au
Québec. Comme vous pouvez le constater, il y a une disparité de
prix qui est assez grande. J'indique que ces prix concernent le service continu
parce que c'est le service le plus important et c'est celui auquel on doit
attacher le plus d'importance pour savoir si l'industrie est
sérieusement rattachée au service. Cependant, je dois indiquer
que, si l'on veut faire des mélanges de services, c'est-à-dire
prendre le service interruptible qui a un prix plus bas, on peut minimiser les
coûts qui sont indiqués ici dans le tableau. Mais,
évidemment, le service interruptible ne comporte pas les mêmes
caractéristiques qu'un service continu.
Nous avons indiqué aussi dans notre mémoire, très
brièvement; que nous appuyions le fait qu'il y ait un organisme de
réglementation pour le gaz naturel. Nous l'appuyons parce que,
même si, comme je l'indique, nous n'avons pas toujours été
d'accord avec les décisions qui ont été rendues, nous
croyons que la Régie de l'électricité et du gaz au
Québec, qui fait la réglementation en matière de gaz
naturel, a acquis une expérience et une compétence qui permettent
aux usagers de venir débattre leur situation et procéder suivant
des principes réglementaires qui sont généralement
respectés partout en Amérique du Nord.
Finalement, dans nos recommandations, nous disons principalement de
faire l'expansion du gaz naturel dans des zones économiquement
rentables. Si on veut le faire dans des zones qui ne sont pas rentables, les
distributeurs devraient se faire subventionner et ne pas demander aux usagers
existants, utilisant déjà le réseau, de payer en surplus,
de sorte que leur tarif serait non concurrentiel. On suggère, si on veut
procéder de façon organisée, premièrement, de
raccorder l'industrie, parce qu'il en coûte moins pour le faire et que
cela rapporte, s'assurer qu'il n'y ait pas de demandes trop fréquentes
et successives d'augmentation de tarif - cela a malheureusement
été le cas dans le passé. On juge qu'une politique de prix
basée sur les principes réglementaires reconnus est la meilleure
protection pour les usagers en général.
J'ai fait état, dans les conclusions, des demandes de rendement
excessif. En 1982 -je crois, si j'ai la bonne année - un distributeur
demandait un rendement sur son équité d'environ 21%, et un autre
d'environ 18,5%. En pleine période de récession, il est difficile
d'accepter qu'on demande des rendements de cet ordre quand déjà
l'industrie qui consomme est en difficulté. Nous recommandons le
maintien d'un organisme réglementaire.
Finalement, je tiens à souligner - ce n'est pas dans le
mémoire, mais j'en ai pris connaissance la semaine dernière -
qu'en Ontario, on réalise la situation difficile dans laquelle se trouve
l'industrie en ce qui concerne le gaz naturel vis-à-vis de la
concurrence internationale. Par arrêté en conseil, on a
demandé à Ontario Energy Board d'examiner les choix disponibles
pour voir si on pouvait, d'une façon ou d'une autre, aider les grands
usagers du gaz, aux fins d'arriver à une tarification plus juste. C'est
en somme l'ensemble de nos recommandations.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie. J'aurai sûrement quelques
questions à vous poser. Si je comprends bien, vous vous sentez plus
confortable devant la Régie du gaz et de l'électricité,
tant pour la fixation de vos tarifs que pour la réglementation. Je
voudrais que vous commentiez une décision récente de la
régie qui va dans le sens de ce que vous demandez - à moins
d'avoir mal saisi - l'ordonnance G-323, sur le nouveau règlement
tarifaire de Gaz métropolitain en particulier. Est-ce qu'il ne va pas
dans le sens de réduire ce que vous appelez l'interfinancement d'une
classe de consommateurs à l'autre? Les chiffres qu'on m'a fournis
montrent que la nouvelle grille tarifaire réduit de 15%
l'interfinancement en réduisant le tarif général de 4 800
000 $ et en augmentant les tarifs 2, 3 et 4. Est-ce que cela va dans le sens de
ce que vous invoquiez tout à l'heure?
M. Audet: Absolument.
M. Duhaime: Maintenant, - je l'apprends moi aussi - la
régie a émis, à titre provisoire, une ordonnance quant
à l'établissement de tarifs promotionnels pour permettre à
Gaz métropolitain d'avoir les outils nécessaires dans son
programme d'expansion en particulier pour concurrencer ou tenter de
déplacer le mazout lourd et faire face aussi à
Hydro-Québec. Est-ce que vous réagissez favorablement à
cette approche?
M. Audet: C'est difficile d'être entièrement
négatif. Le seul point d'interrogation vis-à-vis d'un tarif comme
celui-là, c'est la possibilité de discrimination vis-à-vis
de ceux qui sont déjà connectés au gaz naturel et qui
paient le plein tarif. Comme vous le savez, le tarif de développement
est uniquement pour des charges additionnelles de sorte que, même si
quelqu'un est déjà au gaz naturel et qu'il est au point de
renouveler son contrat, il ne bénéficiera pas de ce tarif
à moins qu'il ajoute des charges à sa charge existante. En
conséquence, si une industrie concurrentielle avec une autre se branche
au gaz naturel, à ce moment, elle pourra avoir un avantage en prenant le
nouveau tarif de développement vis-à-vis de l'industrie
déjà en place qui, elle, devra continuer à consommer au
prix existant.
M. Duhaime: En fait, le coeur de votre mémoire va dans le
sens de nous dire en noir sur blanc que le gaz naturel, son prix est trop
élevé du point de vue de votre association. Je crois comprendre
que vous faites exactement le même reproche en Ontario.
M. Audet: On fait le même reproche toujours à
l'égard du coût de service, c'est-à-dire ce qu'on essaie de
préserver en matière de tarification c'est de s'assurer que
chaque classe d'utilisateurs paie pour le service qu'elle reçoit. Dans
ce sens, il est bien évident qu'on tente de préserver ce juste
barème et c'est dans ce sens qu'il y a des critiques qui sont
sûrement faites en Ontario. La critique que nous avons ici est du
même ordre. La crainte dont nous voulons faire part dans une expansion
comme celle qui est prévue actuellement, il faut s'assurer qu'on ne
haussera pas les tarifs industriels au-delà de ce qu'on pourra permettre
pour faire cette expansion. En d'autres termes, il ne faudrait pas se donner un
coup de poing par en arrière quand on veut aller de l'avant. C'est dans
ce sens que nos critiques sont faites parce que, évidemment, l'industrie
supporte l'expansion du gaz naturel, mais elle espère que cela se fera
de façon économiquement viable de sorte que l'industrie puisse se
brancher; elle aura à ce moment confiance qu'il y aura des politiques
prises à l'avenir qui seront stables, etc., et qu'elle ne financera pas,
si l'on veut, des charges qui ne seront pas rentables, ce qui la poussera,
à ce moment, au-delà de la concurrence.
M. Duhaime: Écoutez, là-dessus je vais vous donner
une assurance, SOQUIP étant actionnaire dans les deux compagnies
distributrices Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité. Je sais que
tout récemment Gaz Métro a modifié son programme
d'expansion. Il a été réévalué. Étant
le porte-parole d'un peu tout le monde, étant le seul actionnaire de
SOQUIP, SOQUIP ayant des intérêts majoritaires avec la Caisse de
dépôt et placement dans les deux compagnies de distribution, notre
première préoccupation est de nous assurer que chaque phase
d'expansion trouve sa rentabilité. C'est ce qui explique que certaines
parties de l'expansion du réseau ont été purement et
simplement mises en suspens. C'est vrai surtout dans le cas de Gaz
Inter-Cité. Je reçois votre mémoire comme étant une
espèce de préavis des grands consommateurs de gaz. Ils ont, en
quelque sorte, une protection pour eux dans l'ensemble du marché tant et
aussi longtemps qu'il va y avoir des huiles résiduelles. C'est un peu
votre paire de bretelles. À partir du moment où c'est une forme
d'énergie à meilleur marché que ce que vous consommez
vous-mêmes en gaz naturel, je comprends que vous ayez des
appréhensions. (12 h 30)
Pour ma part, au ministère, ce qu'on essaie de faire c'est... On
a dit très clairement il y a plusieurs années, lorsque la
décision a été prise de prendre les moyens pour assurer la
pénétration du gaz naturel au Québec, que nous allions
avoir une structure de prix qui allait permettre la pénétration
du gaz naturel. Je pense que cela a été réalisé,
cela a été maintenu comme objectif puisque les chiffres sont
là pour le prouver. Le gaz, même si parfois on trouve que cela
coûte cher - c'est entendu que cela coûtera toujours trop cher, si
vous voulez mon avis -fait son petit bonhomme de chemin sur son propre
marché et est en train de réaliser les objectifs de
pénétration qui avaient été prévus.
Je ne sais pas si votre association est en relation étroite avec
l'Industrial Gas Users Association de l'Ontario. J'ai ici leur document,
peut-être que je pourrais vous en passer une copie. Cela rejoint
passablement les thèmes que vous évoquez. Ils dénoncent
une hausse de 89% dans le prix du gaz naturel en Ontario sur deux ans,
c'est-à-dire 1979 et 1981, et ils s'opposaient à la demande de
Consumers Gas - c'est un document du 6 juillet 1982 - qui aurait porté
l'augmentation, sur les trois ans, à 146%.
Je pense qu'on vit un peu les mêmes problèmes. Hier, le
député d'Outremont l'a
évoqué et il va sûrement revenir là-dessus.
À partir du moment où on est en phase d'expansion, il y a des
coûts inhérents qu'on ne voudrait pas faire nécessairement
porter sur les nouveaux abonnés, cela nous apparaîtrait
très juste. Je pense que la référence la plus importante
qu'on doive retenir - comprenez bien le gouvernement -c'est la Régie de
l'électricité et du gaz qui est un organisme autonome, quasi
judiciaire ou, en fait, même judiciaire à certains égards
sur le plan de sa réglementation. Le prix du pétrole et du gaz
à l'entrée de nos franchises n'étant pas fixé par
notre gouvernement ni même par l'Office national de l'énergie,
maintenant, mais par le cabinet fédéral, nous avons une
intervention possible comme gouvernement dans la fixation des prix du gaz mais
par le biais de la fiscalité.
À partir du moment où on a décidé de ne pas
s'en mêler en abolissant purement et simplement la taxe de 9%, il reste
un moyen pour être en mesure de maintenir un équilibre entre les
formes d'énergie au Québec et maintenir aussi une concurrence,
c'est la fixation du prix de l'électricité. On a abondamment
parlé hier du programme d'Hydro-Québec et de l'écoulement
de ses surplus; je ne voudrais pas revenir là-dessus mais, quant
à nous, on essaie de se situer à l'intérieur de cela.
Autrement dit, je ne peux pas répondre directement à votre
mémoire parce qu'il y en a un morceau qui m'échappe. Ce qui est
devant la Régie de l'électricité et du gaz, par exemple,
n'est pas de mon ressort. Comme actionnaire de cette compagnie, je me place en
conflit d'intérêts si j'épouse votre mémoire pour
blâmer la régie de me garantir un taux de rendement sur mes
investissements. Je suis conscient que, comme consommateur, cela vous apporte
une charge additionnelle, mais on va essayer de voir comment, au fil des
années, quand l'expansion des deux réseaux sera faite, on sera
capable de s'ajuster, peut-être même de convaincre nos partenaires
minoritaires dans ces corporations d'être moins en appétit
concernant les profits, mais ce n'est pas facile de faire un pareil
renoncement.
M. Audet: Je vais me permettre deux, même trois
commentaires sur le taux de rendement. Je ne faisais pas état
évidemment de ce que la régie avait à décider parce
que je réalise très bien la différence qui existe entre le
tribunal quasi judiciaire et le gouvernement. J'ai fait état, en ce qui
concerne le rendement, des rendements qui avaient été
demandés et non pas de ceux qui avaient été
accordés.
En premier lieu, vous avez mentionné la mise en garde qui
était dans notre mémoire. Effectivement, c'est cela le sens de
notre mémoire. L'aspect qui est un petit peu malheureux, c'est que c'est
une mise en garde qu'on avait faite il y a deux ans, et à ce moment, on
ne semblait pas vouloir nous écouter. Aujourd'hui on incite, en partie
du moins, les distributeurs ou Gaz Métropolitain à épouser
ce que nous avancions, c'est-à-dire si on étend le réseau
de gaz naturel, faisons-le dans des zones rentables et évitons le plus
possible l'interfinancement. Cela a été épousé
à un point tel que Gaz Métropolitain, dans sa dernière
requête, utilisait effectivement ces mots elle-même. C'est un peu
en retard, dans le sens que beaucoup d'investissements ont été
faits dans les dernières années et ils ne se paient pas, de sorte
que Gaz Métropolitain s'est senti obligé, en décembre 1982
ou janvier 1983, de demander une hausse tarifaire très
élevée au niveau de l'industrie et qui a été
ramenée par la suite à une décision qui allait dans le
sens que vous avez indiqué, M. le ministre.
En ce qui concerne les hausses en Ontario, les problèmes que vous
avez indiqués, soit les 146% et 89%, j'ai l'impression qu'on
introduisait dans cela les taxes fédérales et les hausses
fédérales qui ont été imposées sur le gaz
naturel depuis plusieurs années. J'aurais bien aimé pouvoir
étendre mon mémoire au-delà du provincial, parce qu'il
faut rendre à César ce qui appartient à César...
les distributeurs de gaz paient leur gaz 4,16 $ le MPC à la
barrière ou aux portes de la ville à Toronto. Cela s'applique aux
distributeurs en Ontario autant qu'à ceux d'ici. C'est le même
prix pour tout le monde au point de départ. 4,16 $ c'est
déjà pas mal élevé. Il y a quelques années,
c'était peut-être 2 $ ou 3 $. Il y a eu des hausses énormes
imposées par le gouvernement fédéral à ce
niveau-là. Je pense que lorsqu'on fait état des hausses de 46%,
c'est cela.
Ce dont on fait état dans notre mémoire, c'est des hausses
entre le prix coûtant du gaz et le prix vendu, soit la marge brute au
niveau provincial. Nous disons qu'il y a eu des hausses substantielles et
même pénalisantes au niveau de l'industrie. La situation n'est pas
ultra dramatique; lorsqu'on regarde la comparaison il y a encore place à
faire des ajustements. Ce qu'on veut dire, c'est que s'il y a une politique de
prix stable et si cela se fait de façon économiquement viable,
l'industrie viendra se rattacher au gaz naturel, il n'y a pas de doute; sinon
elle se mettra en plan et elle attendra d'avoir des assurances à ce
niveau-là. C'est un peu cela l'essence du mémoire.
M. Duhaime: En fait, si vous me passez l'expression, on vit un
peu le phénomène de la chaloupe, dans le sens qu'à partir
du moment où la politique nationale fédérale de
l'énergie a été mise sur pied, laquelle a consisté
à accrocher l'évolution du prix du gaz avec le prix du
pétrole, en visant à
rejoindre le cours mondial, ce n'est pas offenser personne que de dire
que la politique fédérale fait augmenter le prix du gaz naturel
à la même vitesse que le prix du pétrole au Canada
augmente. Vous payez la facture.
M. Audet: Ce que j'ai dit, c'est qu'il ne faut pas en verser
par-dessus.
M. Duhaime: C'est la même chose en Ontario. Bien oui!
M. Fortier: C'est le prix mondial, alors. Vous n'avez pas
à vous plaindre de cela.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, le thème de notre
commission parlementaire, c'est L'énergie, levier de
développement économique. Je crois que les membres de votre
association regroupent plusieurs compagnies du secteur privé qui sont,
de toute évidence, des agents économiques de
développement. C'est dans ce sens personnellement que j'avais lu votre
mémoire pour dire: Si on veut du développement économique,
ce n'est pas seulement une question de prix, est-ce cher ou pas trop cher,
c'est dans le sens d'un levier de développement économique et de
voir quel serait l'impact de ces augmentations à venir ou qui existent
présentement sur le développement économique.
Hier, nous avons fait état en commission parlementaire des
augmentations ou des prix dont vous faites état à l'annexe 4 de
votre mémoire où vous dites que pour le service continu, Gaz
Inter-Cité Québec Inc. demande un prix présentement de
5,25 $ par mille pieds cubes; Gaz Métropolitain, 5,02 $; Union Gas, 4,68
$; Consumers Gas, 4,66 $, et Northern Central Gas, 4,44 $.
Dans votre mémoire, vous dites, à la page 11: "Ainsi, les
taux du gaz naturel vendu à la grande industrie dans les franchises de
Gaz Métropolitain et de Gaz Inter-Cité, Québec, ne sont
plus concurrentiels avec les prix de vente des distributeurs de gaz naturel en
Ontario, alors que le coût d'achat du gaz naturel pour desservir la
grande industrie est le même..."
Vous faites allusion, bien sûr, aux augmentations récentes.
La marge de profit a augmenté de 53% l'an dernier pour Gaz
Métropolitain. Un peu plus loin, vous citez un exemple. Vous dites:
"À titre d'exemple, une papeterie à Trois-Rivières qui
voudrait consommer 10 000 pieds cubes par jour en service continu et qui
paierait le prix moyen aurait un coût additionnel de 2 200 000 $ par
année".
En lisant votre mémoire, il est évident que cela semblait
dire un peu plus qu'il faut faire attention pour l'avenir. Je croyais que,
déjà, vous disiez: On a un problème présentement.
Parce que, si on parle en termes de développement économique, on
sait qu'il faut produire au meilleur coût. Ce dont on a discuté
hier au début et ce à quoi j'ai fait allusion, c'était au
fait que nous sommes présentement en récession. Le Québec
est fortement affecté par cette même récession. Avant
même qu'on puisse parler de développement économique, qui
vise surtout des stratégies qui vont avoir leurs effets à moyen
et à long terme, il faut assurer la croissance économique dans le
court terme. Il m'apparaissait, à la lumière de votre
mémoire, que ces augmentations qui ont eu cours dernièrement
étaient un certain handicap à la croissance économique,
puisqu'on le sait, on est en concurrence ouverte avec le monde et il faut
produire au meilleur coût.
Justement, en commission parlementaire, on discutait avec SOQUIP du fait
que les distributeurs ontariens et québécois achètent le
gaz au même prix et qu'en Ontario, sans connaître les plans de
diversification du gaz, je crois que les réseaux sont assez construits
présentement et probablement que certains des distributeurs ajoutent peu
au parc de tuyaux qu'ils peuvent avoir dans le sol. Alors qu'au Québec,
on a un programme ambitieux. Je pense bien que SOQUIP était d'accord
avec moi pour dire que c'est tout à fait naturel lorsqu'on a un
programme accéléré de construction qui, bien sûr, va
créer des emplois par le seul fait de la construction, mais
l'inquiétude qui était manifestée dans votre
mémoire était de dire: Ce programme ambitieux de
pénétration du gaz naturel, par le fait que les distributeurs
québécois devront soit injecter du capital dans leur compagnie,
soit emprunter des sommes considérables sur lesquelles ils doivent
obtenir un rendement, justement, pour amener certaines compagnies ou certains
individus à acheter des obligations ou à accepter d'acheter des
actions de ces mêmes compagnies, il est bien certain que, durant les
quatre ou cinq prochaines années, il y aura, par le fait même des
augmentations.
On faisait allusion, hier, au fait que l'Ontario est moins
industrialisée que le Québec. Donc, toute proportion étant
égale, il y a moins de compagnies qui seront consommatrices de gaz au
pied carré ou au pied linéaire de tuyau. Ce à quoi je fais
allusion, c'est que, pour le même investissement, pour se rendre dans
telle ville au Québec il y a une moins grande concentration d'industries
qui éventuellement vont payer pour cela. Je pense bien que la crainte
qui est exprimée dans votre mémoire,
c'est que éventuellement ces coûts vont se
répercuter sur l'ensemble des utilisateurs de gaz.
Voici ce que j'aimerais savoir de votre part, toujours dans cette
optique de développement économique. Parlant au nom des membres
de votre association, je vois Aciers Atlas, BASF, Brasserie Labatt, Brasserie
Molson, Monsanto, Pétromont, SIDBEC-Dosco, il y a plusieurs de ces gens
qui sont justement des facteurs de développement économique qui
pourraient soit agrandir leurs installations ou même aller s'installer
dans des régions où il n'y a pas de gaz présentement et
où il pourrait y en avoir dans l'avenir. (12 h 45)
Quelle est la mesure de l'impact que vous prévoyez lorsque vous
dites en réponse au ministre, ou dans les conclusions de votre
mémoire: II faudrait voir à ce que la construction du
réseau ne se fasse que là où c'est rentable. Est-ce que
déjà vous êtes capable de porter un jugement? Vous
connaissez le programme de construction de Gaz Métropolitain et de Gaz
Inter-Cité. Vous connaissez les aléas de la
pénétration du gaz, parce que vos membres eux-mêmes doivent
choisir entre le gaz et l'électricité et, dans le moment, avec le
mazout lourd. Quels sont les impondérables qui vont faire que cette
pénétration pourra connaître un succès
peut-être aussi bon que le dit SOQUIP, peut-être un peu plus
mitigé, si on prend des hypothèses un peu moins optimistes? En
conséquence, est-ce que déjà l'on peut remettre en
question du moins pour cinq ans et peut-être qu'on peut continuer pour
1983 et dire à la fin de 1983 qu'il faudra à tout prix
réviser l'ensemble du réseau, ou si votre mémoire ne fait
que dire: On donne carte blanche au programme de cinq ans, nous croyons que le
programme doit aller de l'avant et à condition que la régie joue
son rôle d'une façon juste et raisonnable, nous croyons qu'en fin
de compte le Québec, en termes de développement
économique, va se retrouver gagnant?
M. Audet: Je ne sais pas de combien d'heures je dispose pour
répondre à vos questions.
M. Fortier: Prenez le temps qu'il vous faut. C'est un sujet
très important.
M. Audet: Je ne veux pas minimiser le sérieux de la
situation en termes de tarif, parce que votre question a plusieurs volets. Vous
avez commencé à dire: La situation est sérieuse. Oui je
pense qu'elle l'est...
M. Fortier: ...oui, d'après votre mémoire.
M. Audet: ...en termes de prix concurrentiels. Elle n'est pas
irréversible, je pense. Il n'y a pas de disparité de prix telle
entre le coût du gaz au Québec et en Ontario que cela rende tout
à fait inefficace la vente de gaz naturel dans la province de
Québec. Il y a des industries qui sont ici qui en trouveront
certainement un avantage même si le prix est un peu plus
élevé. Cependant, il y a d'autres industries qui ne peuvent pas
se le permettre parce que le coût de l'énergie est tellement
important dans le produit que des différences de prix comme celles que
j'ai indiquées sont trop importantes pour qu'elles l'utilisent, ou
l'implantation de l'industrie à ce moment-là ira se faire
ailleurs.
M. Fortier: Regardons vers l'avenir.
M. Audet: Pardon.
M. Fortier: J'ai dit, allons vers l'avenir.
M. Audet: Alors, en allant vers l'avenir, ce que nous
préconisons, c'est que si on veut faire de l'expansion, assurons-nous
qu'on commence d'abord par brancher la grande industrie à des prix qui
sont concurrentiels et non seulement concurrentiels, mais avec l'assurance
d'une politique de prix à long terme, ce qui n'a pas
nécessairement existé par le passé. Par conséquent,
je ne vois pas pourquoi le gaz naturel n'aurait pas sa place dans le
marché québécois.
Il est sûr que la situation actuelle est difficile à cause
de la récession économique, mais, si on devient peut-être
plus - je ne veux pas employer le mot "raisonnable"... Gaz Métropolitain
l'a déjà réalisé, effectivement. C'est ce qu'ils
réalisent aussi en 1983, qu'on ne peut couper des tranchées dans
la ville de Montréal comme ils l'ont fait l'an dernier, pour brancher
des immeubles d'habitation et des petits logements sans brancher la grande
industrie. Sinon, on arrive à la fin avec des centaines de millions de
dollars d'investissements et pas de revenus.
D'ailleurs, c'était aussi le plan de développement de Gaz
Inter-Cité au point de départ. Si on regarde ce qu'ils avaient
proposé dans la cause d'expansion, ils avaient dit - si je me souviens
bien - en 1983, on aura vendu environ 25 BCF de gaz naturel à la grande
industrie en service continu. Ce n'est malheureusement pas ce qui s'est
produit, mais c'est quand même cette façon d'aborder qu'ils
avaient.
Si on garde cette façon raisonnable de l'aborder,
c'est-à-dire qu'on s'assure d'avoir les ventes de gaz avant
d'étendre le tuyau, on va y arriver. Malheureusement, cela sera long et
pénible.
M. Fortier: Sans mettre des mots dans
votre bouche, vous dites qu'ils ont maintenant adopté - ils se
sont rendu compte, à la suite des représentations que vous faites
- une politique de réalisme économique, en disant: On investira
tant cette année. En contrepartie, il nous faut aller chercher tant de
clients. Si on ne les a pas, ces clients, peut-être que l'année
suivante on ne fera pas l'investissement qu'on avait dit qu'on ferait pour
s'ajuster, d'une année à l'autre, selon les résultats. Ce
que vous nous dites, c'est que Gaz Métropolitain, constatant qu'il
n'avait pas atteint les objectifs qu'il s'était fixés, a
déjà réduit les investissements qu'il doit faire en 1983.
Même si, sur papier, on nous dit que cela se fera en 1984 ou en 1985 ou
en 1986 - je parle surtout des prévisions données par SOQUIP -
vous nous dites, en parlant de Gaz Métropolitain, selon l'information
que vous avez, qu'ils ont déjà décidé d'y aller
à la pièce, c'est-à-dire année après
année et, ainsi, d'ajuster leur programme de diversification selon le
succès qu'ils réaliseront ou qu'ils réalisent à la
suite de ces mêmes investissements.
M. Audet: C'est ce que je crois comprendre pour l'instant,
oui.
M. Fortier: II y a une autre question que j'aimerais poser. Tout
à l'heure, vous avez fait allusion au fait qu'il y avait eu une
augmentation attribuable à la politique nationale de l'énergie.
En particulier, le mémoire de M. Ayoub préconise une politique de
déréglementation du gaz naturel à l'échelle
nationale, semble-t-il. Plusieurs le croient; d'ailleurs, le président
de SOQUIP a dit qu'il serait d'accord avec une telle modification. Est-ce que
votre association appuierait une telle politique? Croyez-vous, d'après
la connaissance que vous avez du dossier, qu'une déréglementation
du gaz à l'échelle nationale amènerait une baisse du prix,
comme le croient plusieurs, puisqu'on dit qu'il y a des réserves
considérables et que les producteurs de gaz seraient peut-être les
premiers à vouloir en faciliter la vente. D'ailleurs, on sait qu'il y a
des pressions des États-Unis sur le Canada pour faire baisser le prix du
gaz, pour assurer des ventes aux États-Unis et que, si on
déréglementait le gaz sur le plan canadien, ceci amènerait
une baisse des prix qui faciliterait d'autant la pénétration du
gaz puisque là cela deviendrait beaucoup plus économique.
Ma deuxième question était celle-ci: Si on
déréglementait le gaz sur le plan canadien, est-ce que vous
seriez également d'accord pour déréglementer le gaz sur le
plan provincial, quitte à avoir quand même des auditions à
la Régie de l'électricité et du gaz un peu de la
même façon d'ailleurs que vous le recommandez pour
l'électricité dans un autre mémoire, une association
parallèle où il pourrait y avoir des auditions quand même,
mais sans qu'il y ait un décret déterminant le prix du gaz au
Québec? Alors, ma première question traite de la
déréglementation sur le plan national; la deuxième, sur le
plan provincial.
M. Audet: Sur la première question, comme vous l'avez
constaté, notre mémoire n'a pas de recommandation
spécifique. Donc, je suis obligé de vous donner une
réponse personnelle plutôt qu'une réponse qui doit se
relier à l'association comme telle. Je pense que, s'il y a
déréglementation du gaz naturel, le produit trouvera sa place
dans le marché. Je pense que ce serait une bonne chose. Maintenant, j'ai
l'impression aussi que, si on déréglemente le gaz, on va
déréglementer aussi l'huile.
M. Fortier: Le pétrole.
M. Audet: Le pétrole, oui. Mais, encore une fois, je vous
donne une réponse tout à fait personnelle et qui n'a rien
à voir avec la position de l'association.
M. Fortier: D'accord.
M. Audet: Au plan provincial, je vais peut-être
prêcher pour ma paroisse, mais il est sûr que, lorsqu'une compagnie
est dans une situation de monopole, cela lui prend une réglementation
quelconque, et c'est là que les usagers retrouvent leur protection. La
réglementation est le contrepoids du monopole, de sorte que,
évidemment, même s'il y a déréglementation du gaz
naturel, cette déréglementation ne se fera pas au niveau de la
distribution, que ce soit le transporteur, que ce soit le distributeur local,
parce que, lui, étant dans une situation de monopole, devra être
réglementé. À cet égard, cette
réglementation devrait rester. Quand à savoir si cette
réglementation devrait être uniquement une recommandation
plutôt qu'avoir force de décret comme elle l'a actuellement, je
pense qu'il est mieux qu'elle ait force de décret parce qu'on fait face
à un organisme qui connaît son affaire, qui a acquis
l'expérience. Cela assure une certaine continuité dans les
décisions et dans la façon de penser et de réagir.
M. Fortier: J'aimerais vous poser une autre question. Puisque
votre association regroupe des industriels qui consomment non seulement du gaz,
mais aussi d'autres formes d'énergie, du pétrole, de
l'électricité et peut-être d'autres produits, est-ce que
l'association exprime une opinion sur la question du mazout lourd? J'aimerais
situer ma question à l'intérieur du cadre que je décrivais
tout à l'heure à l'effet que nous sommes dans une situation
difficile, que certains industriels sont dans une situation
difficile présentement, ils cherchent à abaisser leurs
coûts. Qu'on songe aux papeteries dans la région de
Trois-Rivières. Elles ont des difficultés pour assurer des
coûts de production les plus bas possible. On se trouve en fait devant
deux problèmes. Le premier est que ceux qui doivent assurer la relance
économique doivent, par tous les moyens, obtenir les coûts les
plus bas possible s'ils veulent vendre, et le deuxième est qu'il y a une
politique québécoise de pénétration du gaz qui dit
- certaines personnes le disent aussi - qu'à moins que le gaz
pénètre d'ici trois ou quatre ans - on n'est pas assuré
d'ailleurs que cette politique d'aide du gouvernement fédéral se
poursuivra on ne sait pas ce qui arrivera une fois que les formules d'aide qui
ont été mises sur pied vont disparaître. Qu'arrivera-t-il
après cela? Est-ce que le prix montera, baissera? On sait, en
particulier dans la forme d'aide, que durant les trois premières
années pendant lesquelles les distributeurs achètent du gaz de
Trans Québec et Maritimes, en particulier, qu'ils ne sont pas sujets
à payer le prix contractuel de la demande pour laquelle ils ont
signé des contrats. Il va arriver, à un moment donné que
ce prix s'ajoutera, parce qu'à la fin des trois ans, soit parce que les
formules d'aide ont disparu, que ce sera plus difficile.
Les gens disent qu'il faut absolument que le gaz pénétre
maintenant, mais malheureusement c'est la période durant laquelle nous
sommes en récession au Québec et où il faut assurer la
relance et la relance est difficile. Plusieurs observateurs disent que la
relance sera plus difficile au Québec qu'ailleurs. On se trouve en face
d'un défi, d'un dilemme. Je me demandais si, venant du secteur
privé - ils ont dit également que dans l'avenir, c'est surtout le
secteur privé qui assurera la relance économique - en tant que
représentant du secteur privé qui va assurer la relance
économique, du moins dans une certaine proportion, dans la proportion
des membres que vous représentez, si vous avez une idée, en ce
qui concerne le mazout lourd en particulier. Est-ce qu'on devrait absolument
l'éliminer, puisque ceci va assurer la pénétration du gaz,
ou si on doit chercher les meilleurs coûts de production ou on doit
absolument favoriser des politiques qui vont assurer à tout prix la
pénétration?
M. Audet: Écoutez, assurer à tout prix la
pénétration du gaz naturel, je pense que cela n'a pas grand bon
sens comme politique, c'est bien évident. À quel point? C'est une
question de le jauger. C'est sûr qu'actuellement il y a de la grande
industrie qui consomme de l'huile lourde à bon prix. Vous avez
mentionné les papeteries à Trois-Rivières, elles en sont
un exemple. Elles sont en concurrence internationale. La concurrence est
serrée. Les coûts d'énergie sont extrêmement
importants dans le coût de leur produit final de sorte que, si,
artificiellement ou autrement, on augmente le prix des huiles lourdes pour
faciliter l'entrée du gaz, peut-être qu'à ce moment on
rendra certaines industries non concurrentielles sur le marché
international et on ne se sera pas aidé en ce faisant.
Une autre chose qui est importante, mais là je parle de
l'industrie déjà consommatrice de gaz, de voir toujours ses prix
de consommation ajustés au prix de la concurrence - quand je parle de
concurrence, je parle de sources énergétiques autres que le gaz -
à long terme, ce sont des politiques qui sont dangereuses. Aujourd'hui,
c'est vrai. La concurrence est serrée. Mais, ce que les usagers de gaz
industriel veulent voir, c'est des prix proportionnels au coût de leur
service. Pas des prix uniquement axés sur la concurrence. Si on axe les
prix sur la concurrence, tout ce qu'on fera c'est qu'on jouera avec les autres
sources énergétiques et on va monter le gaz en
conséquence. À ce moment, on se sera départi d'une
politique qui, à notre avis, est importante sur le plan
énergétique. Si cela ne coûte pas cher de desservir une
industrie, à ce moment qu'on lui impute le prix en conséquence
parce qu'elle génère des emplois, mais qu'elle ne l'ait pas en
bas du prix coûtant.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions?
M. le ministre, le mot de la fin.
M. Duhaime: II me reste à vous remercier. J'ai comme
l'impression que nous avions entendu par anticipation une partie de votre
mémoire dans le courant de la journée d'hier. Je pense que mon
collègue y allait de larges extraits. J'étais très heureux
de vous entendre. Cela nous a permis de replacer votre mémoire, je
pense, plus dans le sens de vos analyses plutôt que ce qu'aurait
peut-être souhaité entendre le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je suis très satisfait des
réponses.
Le Président (M. Laplante): Sur ce,
MM. Aubut et Audet - c'est cela? Brunet?
Une voix: ...lunettes.
Le Président (M. Laplante): Excusez. MM. Bourque et Audet,
au nom des membres de cette commission, je vous remercie de votre
participation. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 01)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Si vous voulez reprendre chacun votre place.
Reprise des travaux de la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources. J'appelle le groupe du comité
Delaney. Vous étiez ici ce matin lorsqu'on a fait appel à votre
coopération pour être très bref dans la
présentation. Si vous voulez vous identifier, identifier votre
groupement et toutes les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Comité Delaney
M. Moisan (Robert): Mon nom est
Robert Moisan. Je suis le responsable du comité Delaney et je
suis accompagné d'une majorité des membres qui en font partie.
Avant de passer à notre mémoire...
Le Président (M. Laplante): Voulez-vous nommer les
personnes qui vous accompagnent...
M. Moisan: Oui, excusez-moi.
Le Président (M. Laplante): ...s'il vous plaît.
M. Moisan: À mon extrême droite, M. Paul-A. Duplain,
hôtelier, M. Jean-Luc Genois, représentant de l'Association des
camionneurs, M. Marcel Cossette, représentant de la MRC Portneuf, M.
Richard Corriveau, maire de la ville de Saint-Raymond. À ma gauche, M.
René Paquet, directeur général de la société
d'entraide, M. Fernand Lirette, commissaire industriel de la région, M.
Pierre Lemieux, recherchiste qui a travaillé à la confection du
mémoire qu'on vous présente aujourd'hui, M. André Girard,
maire de la paroisse de Saint-Raymond et, complètement à gauche,
M. Jean Veillette, directeur de la Caisse populaire de Saint-Raymond.
Le Président (M. Laplante): Merci.
M. Moisan: Avant de passer à la lecture du mémoire,
j'aimerais remercier les membres de la commission parlementaire qui ont bien
voulu modifier l'horaire. Quant à nous, cela fait bien notre affaire de
nous présenter cet après-midi. Plusieurs hommes d'affaires nous
accompagnaient et, ce soir, cela aurait été beaucoup trop tard.
Merci à tous vous autres, nous en sommes très heureux.
Aussi une autre chose. Afin de raccourcir le mémoire - je vous
demanderais d'être indulgents - nous avons essayé de faire un
résumé. Peut-être qu'il y aura certaines bribes qui
manqueront de suivi, par contre je pense bien qu'on n'a pas oublié le
principal.
En plus de faire l'objet d'une mobilisation de l'opinion publique dans
la région de Portneuf, le projet Delaney a été
étroitement lié à toutes les discussions relatives
à l'avenir énergétique du Québec ces
dernières années. Il s'agit donc d'un projet gouvernemental dont
la notoriété n'est pas à démontrer.
Le choix du site. La conception d'une centrale hydroélectrique
à réserve pompée fut mise de l'avant par
Hydro-Québec au début des années soixante-dix. L'organisme
gouvernemental envisageait alors de construire ce type d'équipement sur
le cours de la rivière Jacques-Cartier. Le projet Delaney fut retenu
dès 1972. Toutes ces études, à ce jour, ont
coûté plus de 15 000 000 $.
La consultation populaire. Jamais une population n'aura
été autant informée et consultée sur un projet
gouvernemental. Cette consultation populaire a permis à
Hydro-Québec d'intégrer à son projet les
préoccupations et suggestions exprimées par la communauté,
rendant ainsi Delaney une réalisation positive à tous les points
de vue.
L'enthousiasme se communique. Après avoir analysé toutes
les études pertinentes, le comité Delaney a la ferme conviction
qu'Hydro-Québec a démontré avec compétence et
clarté que le projet Delaney doit être considéré
comme une réalisation plus que jamais nécessaire au plan
énergétique du Québec.
Le projet Delaney et ses retombées. Il ne fait aucun doute que
les retombées de la construction et du fonctionnement de la centrale
Delaney seront bénéfiques pour l'économie des
régions de Portneuf, de Québec et de l'ensemble du Québec.
Les nombreuses études consultées en font la démonstration
éclatante.
Delaney et la région de Portneuf. Le comité estime que la
rentabilité des investissements passera par une volonté
gouvernementale et régionale d'assurer au milieu des retombées
économiques efficaces et durables. Dans cet esprit, il a analysé
diverses hypothèses allant de la création d'une économie
artificielle à ce qu'il estime être un modèle
régional de développement futur.
Le projet Delaney et l'industrie touristique. Il est à
prévoir que Delaney entraînera un développement touristique
considérable. Ainsi, la région de Portneuf pourra devenir une
zone de villégiature semblable aux Laurentides dans le nord de
Montréal. Déjà la région possède des
infrastructures touristiques reconnues et utilisées par la population de
la région métropolitaine de Québec.
Le développement industriel et
touristique qu'entraînera la réalisation de la centrale,
don des plus bénéfiques pour l'économie de la
région de Portneuf. Selon des analyses qui ont été faites,
de 450 à 600 travailleurs de la région attendent actuellement le
début des travaux du projet Delaney. À cette création
d'emplois s'ajoutent la construction de nouvelles résidences, la
réouverture d'industries et la mise sur pied de quelques autres, sans
oublier l'amélioration des secteurs du commerce du détail, de la
restauration et de l'hôtellerie. Tout ceci permettra de rehausser le
niveau de vie de nombreuses familles qui vivent dans une région
lourdement frappée par la rareté de travail, certaines
localités affichant présentement un taux dépassant 50% de
personnes sans emploi.
Delaney et la région métropolitaine de Québec. On y
retrouve aussi un bassin de main-d'oeuvre spécialisée et
technique dont la disponibilité, avec le lourd fardeau de chômage
actuel, n'est pas à démontrer. Hydro-Québec prévoit
y puiser plus de 400 travailleurs pour les seuls besoins du chantier Delaney,
alors que d'autres estiment que ce nombre pourrait être porté
jusqu'à 500 pour une moyenne annuelle. Pendant la quatrième
année des travaux, il est démontré que 850 travailleurs de
la région de Québec seront employés au chantier.
Les emplois suscités par le projet Delaney seront
particulièrement bienvenus parmi les salariés de la construction
qui résident dans la région de Québec, où l'on
n'arrive pas à fournir suffisamment de travail. Sur ce territoire, du
début de 1980 à la fin de 1981, le nombre d'heures
travaillées dans la construction a chuté de 26,4% par rapport
à ce qu'il était en 1979. En 1981, les travailleurs dont il est
ici question ont dû réaliser en dehors de leur région 33%
de leurs heures de travail.
Delaney et le Québec. De par sa nature même et en raison de
ses retombées, Delaney doit être considéré comme un
projet collectif québécois. De plus, Hydro-Québec fera
bénéficier l'ensemble du territoire québécois des
avantages qu'elle retirera du projet.
Une police d'assurance pour les exportations. Outre le nouveau type de
matériel électromécanique qui sera exportable, la
réalisation du projet Delaney permettra aux firmes de
génie-conseil québécoises de vendre leurs services
à l'étranger dans le domaine des barrages à réserve
pompée, ce qu'elles ne peuvent faire aujourd'hui, puisqu'elles n'ont pas
encore l'expertise en cette matière. Le fait d'augmenter la
compétitivité du génie-conseil québécois
à l'étranger n'est pas à négliger, ces firmes
déclarant actuellement un chiffre d'affaires de près de 1 000 000
000 $.
Un outil de croissance économique. La construction de la centrale
permettra aussi d'atteindre un autre objectif gouvernemental qui consiste
à favoriser la reprise en main de l'économie, résorber le
chômage, soutenir et équilibrer la croissance, accroître et
mieux répartir les revenus, atténuer les disparités
régionales.
Conclusions. Nous savons que la réalisation de la centrale
Delaney créera au moins 450 emplois directs dans la région de
Portneuf et que la population de cette dernière se partagera des revenus
directs et indirects évalués à 354 000 000 $, ce qui
créera inévitablement une nouvelle prospérité dans
l'économie régionale.
Le projet Delaney donne à la région de Portneuf la
possibilité d'améliorer sa structure économique avec de
nouvelles activités florissantes.
La région de Québec, avec qui la région de Portneuf
entretient des liens sociaux et économiques étroits, pourra
bénéficier d'autant d'emplois que sa voisine et aura des revenus
directs et indirects supérieurs par sa structure économique plus
complexe.
Au plus fort des travaux, plus de 2000 Québécois et
Québécoises gagneront leur vie grâce au chantier Delaney et
près de 1000 autres travailleront ailleurs au Québec à la
production des pièces électromécaniques nécessaires
dans la centrale.
La centrale Delaney, par sa spécificité technologique,
introduira aussi au Québec de nouvelles connaissances et
expériences dans un type de production à la pointe de la
technologie.
Ce sont là des retombées qui sont garanties d'avance et
qui, à elles seules, peuvent justifier la réalisation du projet
Delaney. Mais ce projet offre aussi des possibilités énormes et
ouvre la porte à de nouveaux horizons. Le fait de réaliser la
centrale Delaney offre au Québec la possibilité de s'affirmer
davantage sur les marchés internationaux, notamment, dans le secteur
hydroélectrique qui prend de l'expansion dans le monde.
Le comité Delaney partage le point de vue de ceux qui affirment
que l'économie québécoise retrouvera son dynamisme par des
initiatives et l'entrepreneurship du secteur privé. Mais il ne faut pas
pour autant fermer les yeux sur les retombées économiques d'un
projet qu'une importante société d'État juge primordiale
de réaliser.
Depuis 1970, le projet de réserve-pompée destiné
à produire de l'énergie de pointe a nécessité des
investissements considérables en études de toutes sortes. De
plus, les coûts du projet ont plus que quadruplé depuis sa
conception initiale. Faudra-t-il attendre qu'ils soient décuplés
pour, un jour, réaliser l'importance d'agir?
Voilà pourquoi le comité Delaney demande que soit maintenu
dans les plans d'équipements d'Hydro-Québec le projet
Delaney et que le gouvernement du Québec accorde les
autorisations nécessaires à sa réalisation dans les plus
brefs délais, afin que la société d'État soit
prête à toute éventualité.
Voilà un court résumé du mémoire que vous
avez en main.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur.
M. Duhaime: Je remercie M. Moisan, de même que ceux qui
l'accompagnent. Vous allez comprendre que je n'ai pas eu besoin de lire
longtemps votre mémoire pour en deviner le contenu. Je peux
peut-être rappeler cependant un certain nombre de choses. Au plan
d'équipements 1983-1985 d'Hydro-Québec, qui a été
déposé lors de la commission parlementaire
précédente, vous constatez que le projet Delaney est inscrit dans
les projets d'investissement. Il est bien certain que sur le plan technique,
énergétique et environnemental, Delaney est un projet
intéressant. Il reste aussi un des éléments que je
qualifierais de majeur du programme d'équipements d'Hydro-Québec
pour les prochaines années.
Cela dit, il est bien certain que le ralentissement de la croissance de
la demande électrique explique le report auquel Hydro-Québec et
le gouvernement ont dû se résoudre dans ce projet. Quand on parle
du ralentissement de la croissance de la demande, déjà, depuis le
début de nos travaux, cela a été évoqué. Il
faut bien comprendre qu'il s'agit du projet pour une centrale pompée
d'une capacité de 2110 mégawatts dont la plage d'utilisation
maximale serait d'environ 500 heures, avec un coefficient d'utilisation de 75%,
ce qui nous mène à environ 350 heures, sur une base annuelle. Les
coûts estimés en dollars de 1982 sont d'environ 2 300 000 000 $.
Je sais que quelqu'un de votre groupe voudra revenir sur ce coût
estimé puisque, par rapport aux dollars de 1979, je crois qu'à
l'époque on avait un montant inférieur à 900 000 000 $. Il
est bien certain qu'en dollars 1982, nous sommes à envisager un niveau
d'investissement supérieur à 2 000 000 000 $.
Ce projet a été retenu par Hydro-Québec à
une époque où on estimait que la croissance de la demande
hydroélectrique serait de 6,2% pour la décennie 1980. Depuis,
rapidement - il faut bien le reconnaître - et surtout au cours de
l'année 1981, les scénarios de croissance ont été
révisés dramatiquement à la baisse à
Hydro-Québec, de sorte qu'en l'espace de quatorze ou seize mois, je
crois, nous sommes partis de 6,2% pour ramener la croissance à 5,8%,
ensuite à 4,7% pour, enfin, retenir 3,7% de croissance. C'est le
scénario, que j'appellerais médian, qu'a retenu Hydro-
Québec et qu'elle a projeté sur l'horizon de 1992.
Il existe, bien sûr, d'autres scénarios de croissance. Le
plus élevé serait de 4,7% à l'horizon de 1992, le plus
faible étant de 2,6%. Même si c'est une moyenne qui est retenue,
si on compare ce chiffre de 3,7% avec la réalité de 1982, on doit
admettre que c'est un chiffre de croissance très optimiste. En 1982,
nous n'avons connu, à Hydro-Québec, aucune croissance de la
demande, mais, au contraire, une diminution de la demande
hydroélectrique de 2%. Ceci veut dire que la pression, en quelque sorte,
pour qu'Hydro-Québec s'équipe pour rencontrer la pointe est
très fortement atténuée par cette diminution que je
qualifierais de très substantielle.
Cela dit, nous ne sommes pas en mesure, ni au gouvernement, ni à
Hydro-Québec, de nous prononcer d'une façon claire, ni
aujourd'hui, ni dans six mois, sur ce qu'il adviendra de ce projet. Une chose
certaine, c'est qu'il est retenu; il n'est pas sorti de la programmation des
investissements à venir d'Hydro-Québec. Je pense, M. Moisan, que
vous avez eu parfaitement raison de le souligner dans votre mémoire; il
y a deux aspects qui nous intéressent au plus haut point concernant le
projet Delaney. Le premier, c'est cette technologie nouvelle. Ce serait, bien
sûr, la première centrale de ce genre que nous construirions au
Québec. Cet aspect est intéressant. Le deuxième c'est que
parce que le projet d'investissement se situe en périmètre urbain
et habité, il est bien certain que les effets d'entraînement sont
beaucoup plus sensibles concernant la grande région de Portneuf et de
Québec. C'est dans ce sens que ce projet rejoint beaucoup des
préoccupations qui, jusqu'à présent, ont été
mentionnées devant cette commission, à savoir qu'on devrait, par
exemple, tenter de rapprocher les investissements des régions
déjà habitées de façon à faire des
économies d'échelles quand même assez substantielles sur le
plan des infrastructures. C'est dans ce sens que, dans un deuxième
temps, le projet Delaney vient rejoindre cette préoccupation que je
partage également.
Je dirai simplement en conclusion ceci. Ce n'est pas dans toutes les
régions du Québec qu'on retrouve un pareil "militantisme", entre
guillemets, autour d'un projet et vous et votre équipe, après
avoir été convaincus... Je crois que c'est vous-même, M.
Moisan, qui avez utilisé cette boutade, à Saint-Raymond de
Portneuf, lorsque je m'y suis rendu le 27 février dernier, à
votre invitation d'ailleurs, qu'Hydro-Québec ayant passé autant
d'années à convaincre la population de Portneuf qu'il fallait
aller de l'avant avec Delaney, parce qu'on se souvient que c'est un projet
similaire qui avait été abandonné pour la
Jacques-Cartier, vous étiez maintenant vous-même
désespéré de devoir faire le mouvement inverse,
c'est-à-dire convaincre à votre tour Hydro-Québec de faire
Delaney... La seule recommandation que je vous ferais, je l'ai
déjà faite, je la répète, c'est de rester
vigilants, de continuer à faire valoir les avantages et les atouts de ce
projet en tenant pour acquis qu'il y a des impondérables dans le
dossier. Il y a cette question de la croissance de la demande ou de la
décroissance de la demande hydroélectrique. (15 h 30)
II y a aussi un aspect très important que j'appellerais les
coûts comparatifs. Sur une plage d'utilisation qui pourrait
dépasser 500 heures, il est évident que le projet vient dans la
balance par rapport au coût d'investissement que pourraient
nécessiter des ajouts de puissance à Manic 5 ou ailleurs. Si mon
collègue de Portneuf était ici, il craindrait que j'aie cette
intention, malveillante à ses yeux, de vouloir suréquiper la
vallée du Saint-Maurice avant de faire Delaney. J'ai eu l'occasion de
lui dire que j'aimerais bien pouvoir le faire, mais quand on regarde le tableau
22, je crois, du plan d'équipements d'Hydro, on se rend compte que le
Haut-Saint-Maurice apparaît - mon Dieu! Attendez que je vous donne
l'année... On n'a pas d'année là-dessus, mais c'est
après Grande Baleine, Chamouchouane, Sainte-Marguerite, Laforge, NBR,
Eastmain, Petit Mécatina, Caniapisco, Mattawin, la George, Magpie,
Moisie, Saint-Louis, Eastmain, Sagami, La Baleine, Aguanis, Toulnustouc, pour
arriver au Haut-Saint-Maurice. Alors, il n'y a pas grand danger que je puisse
faire plaisir à mes électeurs de même qu'à ceux du
comté de Laviolette sur un avenir prévisible. La seule chose que
je dois dire, c'est que nous prendrons en temps utile une décision sur
Delaney dans un sens ou dans l'autre, mais pour l'instant, le projet est
demeuré inscrit dans la programmation d'Hydro-Québec.
Je ne voudrais pas revenir sur ce qu'on a dit ce matin lors
d'échanges avec un autre groupe qui s'est fait entendre, mais toute la
problématique de la gestion de la demande et en particulier de la
gestion de l'énergie de pointe avec l'introduction récente des
systèmes biénergie. Ce matin, on nous proposait même
polyénergie; il est bien évident que cela diminue la pression
énorme sur les heures de pointe dans les fournitures de courant pour
Hydro-Québec.
Ceci étant dit, je tiens à vous remercier pour votre
mémoire et les activités que vous menez dans la grande
région de Portneuf parce que je pense que tout le monde est au courant
maintenant que Delaney est une nécessité pour vous.
M. Moisan: Pour moi et pour d'autres aussi.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois que le comité
Delaney mérite nos félicitations à trois égards:
pour la qualité du mémoire; deuxièmement, pour
l'intérêt qu'il porte à ce sujet et quand je vois le nombre
de personnes qui vous accompagnent, je crois que cela témoigne de
l'appui que vous recevez et, troisièmement, du fait que, dans votre
mémoire, on voit que beaucoup de corporations municipales, de
municipalités, enfin de tous les intervenants possibles de la
région, vous donnent leur appui.
Le ministre a des propos quelque peu pessimistes, mais je croyais que
nous étions ici, en commission parlementaire, puisque le thème de
la commission est: L'énergie, levier de développement
économique, justement pour trouver des moyens d'assurer cette croissance
et cette relance, pour permettre justement à des projets comme celui de
Delaney de se réaliser éventuellement, dans les plus brefs
délais possible. Je crois que votre mémoire souligne le fait
qu'un projet comme Delaney, non seulement assurait dans votre région,
une croissance économique, c'est-à-dire la création
d'emplois de façon immédiate, mais assurait ce qu'on peut appeler
le développement économique à plus long terme parce que
cela créerait un parc touristique qui, éventuellement, une fois
le projet terminé, vous permettrait, grâce à cette
stratégie touristique, de maintenir une activité
économique dans la région. Je crois que c'est l'exemple patent de
ce qu'on essaie de démontrer avec la commission parlementaire en ce sens
que l'énergie peut être un levier de développement
économique.
Le ministre fait mention de la baisse de la demande, mais, ce qu'il n'a
pas dit, c'est qu'il y a une baisse de la demande, et même si on prend en
considération les économies d'énergie qui ont
été faites, il reste indéniable que nous souffrons au
Québec d'une baisse dans le développement économique.
Lorsqu'on fait la part, en particulier, des investissements au tout
début de cette commission parlementaire, je faisais état des
statistiques concernant la proportion des investissements totaux qui se
réalisent au Canada et la proportion que nous avions au Québec;
malheureusement, cette proportion va en s'amenuisant. C'est donc dire qu'on ne
peut dissocier pleinement la demande d'énergie électrique du
développement économique et du climat qui prévaut dans
l'ensemble du Québec.
Tant et aussi longtemps qu'on aura un développement
atrophié au Québec, la situation va aller en diminuant et la
demande de l'énergie électrique en particulier va aller à
la baisse puisque le
développement économique va à la baisse
présentement.
La question qu'on doit se poser est la question que je posais à
la commission parlementaire au début de nos travaux. Comment peut-on
changer le climat au Québec pour faire en sorte que les investisseurs
viennent ici? Comment peut-on créer un climat pour que ceux qui ont des
sous à la banque - on nous dit que l'épargne n'a jamais
été aussi grande au Québec que présentement et
d'ailleurs dans le reste du Canada également - et comment capitaliser
là-dessus pour assurer une croissance économique?
À mon avis, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas
créé ce climat qui assurera la croissance, la demande
d'électricité, la demande de l'énergie va continuer
à baisser.
Dans votre mémoire, vous avez mesuré les impacts ici pour
la région et, d'ailleurs. Vous aviez présenté un
mémoire l'an dernier, si je me souviens bien, et je crois que ce sont
les mêmes statistiques, mais je vois que vous êtes allés
plus loin pour tenter de cerner quel serait l'impact des travaux sur votre
région. Comment croyez-vous que vous pourriez aider, à partir de
votre région, cette croissance? Vous avez quand même d'autres
éléments de développement économique dans votre
région. En tenant pour acquis que toutes les régions du
Québec doivent assurer la croissance économique du Québec,
est-ce qu'il y d'autres moteurs économiques présentement qui
pourraient assurer la relance dont je faisais état il y a un
instant?
Je me rends bien compte que le projet Delaney, une fois
réalisé, va vous donner un coup de pouce considérable,
mais est-ce qu'il y a d'autres éléments dans votre région
qui vont assurer une certaine croissance économique? Je suis sûr
que votre comité, indépendamment de ce projet, s'attache
également à assurer la croissance économique de la
région? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Moisan: Monsieur, je demanderais au commissaire industriel, M.
Fernand Lirette, qui nous accompagne, de répondre à cette
question.
M. Lirette (Fernand): Merci, M. le Président. Disons que,
pour répondre à la question de M. Fortier, c'est
indéniable que le comté de Portneuf a certaines autres ressources
présentement pour son développement économique, telles que
sa situation géographique et un tas de facteurs... On parlait ce matin
de gaz naturel, disons que la région de Portneuf est une région
privilégiée: le gaz naturel va être disponible à
partir de ce printemps dans tout le comté de Portneuf.
Pour ce qui est du projet Delaney par rapport au développement
économique et au développement industriel qu'on connaît, ce
qui se passe présentement, c'est qu'au niveau industriel, au niveau
commercial, depuis les dix dernières années, beaucoup de gens ont
fondé des espoirs sur le projet Delaney. On a même connu certains
problèmes, à un moment donné, à implanter de
nouvelles usines dans le comté de Portneuf. On a des exemples
très concrets qu'on pourrait vous citer pour prouver que la
région de Portneuf a perdu des investissements à cause du projet
Delaney parce que les gens se sont dit: La main-d'oeuvre va devenir très
rare dans le comté; on sait qu'au niveau de grands projets, les
employés de la construction ont un salaire qui n'est pas à
dédaigner. Il se crée une certaine demande au niveau des services
et la main-d'oeuvre devient plus rare, c'est indéniable.
Ce qui est arrivé, c'est que ces investisseurs qui avaient
planifié d'investir certaines sommes au niveau du comté pour un
investissement industriel ont retardé ou tout simplement reporté
leur investissement dans d'autres régions. Cela s'est fait au cours de
l'année 1980-1981.
Pour compléter ce que je disais tout à l'heure pour les
autres éléments, le comté est très bien pourvu. On
a présentement plusieurs projets à l'étude. Comme je vous
dis, cela demeure toujours des projets.
M. Fortier: Vous venez de dire que des projets ont
été reportés ou retardés. C'est donc dire que si
cette période d'attente, dans une certaine mesure, est néfaste
pour la région, c'est-à-dire que s'il est vrai, comme vous le
dites, que des investissements qui auraient pu se produire sont reportés
et que tous les espoirs misent sur ce projet, vous êtes dans une
période qui, dans un sens, est la pire que vous puissiez vivre, parce
que vous n'avez pas fait d'autres investissements qui pourraient venir en
attendant celui-là, qui serait plus gros et qui pourrait assurer la
relance de la région. J'oserais espérer que le ministre - je
crois qu'on peut respecter sa parole là-dessus - ne vous demande pas
d'attendre simplement pour vous demander d'être patients, sachant
peut-être qu'il a d'autres renseignements et qu'il livre tous les
renseignements qu'il a.
Je ne saurais croire qu'il ne dit pas tout le fond de sa pensée
sur ce projet. Vous venez d'indiquer en particulier que votre région
bénéficiera de la pénétration du gaz. Si vous avez
suivi nos débats ce matin, il y a, bien sûr, toute la question des
prix, il y a la question de la pénétration du gaz. Hier soir,
nous avons entendu en particulier la firme de génie-conseil Lavalin, qui
nous disait qu'il fallait quand même miser surtout le
développement économique au Québec et que la plus grande
partie du développement
économique doit venir de l'électricité, et ce d'une
façon primordiale. Justement, dans le Soleil de ce matin, on parlait de
la Suisse de l'électricité. Autrement dit, dans quelle mesure
pouvons-nous miser davantage sur l'électricité pour assurer cette
croissance qui assurera des projets comme celui de Delaney? Autrement dit,
c'est une réaction à la chaîne. Plus il y a de croissance,
plus il y a de besoins électriques. Plus il y a de besoins
électriques, plus on doit construire des projets comme
celui-là.
Dans un sens, votre région dans une certaine mesure,
dépend de la croissance de l'énergie électrique pour
obtenir ce projet; elle va bénéficier du gaz qui, je
l'espère, va amener d'autres sortes d'investissements, mais qui, dans
une certaine mesure, se trouve être en contradiction avec ce qu'on
pourrait demander pour assurer une croissance plus grande de l'énergie
électrique. Votre comité s'est-il penché sur ce
problème à l'échelle de votre région ou à
l'échelle du Québec? Dans quelle mesure croyez-vous que cette
pénétration du gaz peut être un handicap dans la mesure
où cela retarde les investissements d'Hydro-Québec et où
cela retarde le projet de Delaney?
M. Moisan: M. Corriveau, le maire de la ville va répondre
à votre question.
M. Corriveau (Richard): En fait, la pénétration du
gaz ne nuira pas nécessairement à la mise en place d'un projet
comme Delaney. Dernièrement, nous prenions connaissance, au niveau de la
municipalité régionale de comté, d'un dossier où
une compagnie avait fait l'étude de sites possibles de
mégaprojets et avait retenu, dans le comté de Portneuf, deux
sites possibles de mégaprojets, soit à Neuville et à
Deschambault. Les raisons pour lesquelles ces deux sites étaient retenus
étaient entre autres, nécessairement, le réseau de
transport possible, soit par rail routier ou encore le fleuve qui passe chez
nous, mais une des principales raisons, c'était également
l'électricité à faible distance, parce que, comme vous le
savez, avec le poste Jacques-Cartier, nous sommes situés avantageusement
sur ce point. C'était une des raisons pour retenir ces deux sites.
M. Fortier: M. le Président, en terminant, je dois
réitérer mes félicitations à votre comité,
quoique, selon les indications du ministre et d'après les renseignements
venant du mémoire... Je ne sais pas si vous avez lu le mémoire
d'Hydro-Québec qu'on entendra au mois d'avril; il y est indiqué
que, selon la programmation qu'elle a retenue, la construction ne pourrait
démarrer avant 1985. (15 h 45)
En terminant, je voudrais vous dire que mon collègue de Portneuf
m'a demandé expressément de l'excuser. Il est retenu dans votre
comté. Il aurait bien aimé être parmi nous cet
après-midi. Il m'a demandé de vous saluer et de porter à
votre attention ses excuses pour ne pas être ici, ce qui lui aurait
permis d'entendre votre mémoire. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, je veux d'abord saluer les
gens de Portneuf et, en même temps, souligner la qualité de leur
mémoire. Bien sûr, ce n'est pas un mémoire à contenu
technique très lourd, Hydro-Québec s'en est chargée.
Cependant, vous défendez avez beaucoup d'éloquence les
intérêts des gens de votre région. J'aurais une question
à vous poser sur une interrogation que vous soulevez dans votre
mémoire, quant aux estimations de coûts d'Hydro-Québec. Je
me sens un peu touché parce qu'avant d'être élu
député en 1981, j'étais au service des avant-projets
d'Hydro-Québec, je suis donc un confrère de celui qui a fait
l'étude de l'avant-projet de Delaney.
Je sais qu'Hydro-Québec a connu, à certains moments, des
coûts au-delà de ses estimations, mais je pense qu'au cours de ces
dernières années, surtout depuis les années 1975-1976,
Hydro-Québec a pas mal resserré ses méthodes, et
même peut-être un peu avant, et a réussi quand même
à faire des estimations de coûts qui sont sensiblement
réalistes. Bien sûr, dans des périodes d'inflation comme
celle qu'on connaît, il faut maintenant mettre l'année à
côté quand on parle de coûts, parce que 1 $ aujourd'hui et 1
$ dans cinq ans, ce n'est pas la même chose. Il y a le même
portrait sur le billet, mais sa valeur d'achat n'est pas la même.
Cependant, dans votre rapport, vous soulignez qu'Hydro-Québec a
estimé les coûts de Delaney à environ 2 085 000 000 $, dans
la mesure où il y a une mise en service en 1989, donc ce sont des
dollars constants et j'imagine qu'elle a tenu compte effectivement de
l'inflation, des taux d'intérêt, etc., pendant la
construction.
Par ailleurs, vous arrivez à un coût, à une
estimation que vous qualifiez de coût véritable de 837 000 000 $.
C'est quand même un peu moins que le quart de l'estimation
d'Hydro-Québec et je vous avoue que cet écart m'apparaît
considérable. J'aimerais connaître les facteurs qui apparaissent
dans l'estimation d'Hydro-Québec et qui n'apparaîtraient pas dans
la vôtre et quelle serait la justification que vous auriez de ne pas
retenir ces facteurs. Il me semble, à la lecture de votre
mémoire, avoir compris qu'il y avait, entre autres,
l'intérêt sur le financement pendant la construction, et,
possiblement, les coûts d'exploitation, les coûts
d'énergie, pour le pompage de l'eau, en période de
fonctionnement. Parce qu'il faut bien comprendre, et je suis sûr que vous
êtes bien conscients de cela, que c'est une centrale qui consomme de
l'énergie et qui produit de la puissance. En d'autres mots, c'est un peu
comme le "kick-down" sur une transmission d'automobile. C'est là pour
donner une impulsion additionnelle au réseau pour une courte
période de temps. Alors, cela consomme de l'énergie, cela n'en
produit pas, sauf que cela produit ce qu'on appelle de la puissance pour
écrêter les pointes du réseau.
Il y a une différence appréciable de coûts.
J'aimerais vous entendre là-dessus, et savoir les explications qui font
que vos coûts sont si différents de ceux
d'Hydro-Québec.
M. Moisan: Je demanderais à notre recherchiste, M. Pierre
Lemieux, de répondre à votre question.
M. Lemieux (Pierre): En fait, ce n'est pas tellement le
coût qui est différent, c'est la valeur de la centrale. Par
exemple, si vous achetez une maison qui peut avoir une valeur de 40 000 $, avec
les intérêts et les hypothèques, vous pouvez
débourser dans toute votre vie environ 120 000 $ pour l'achat de cette
maison. Elle va vous coûter 120 000 $, mais la valeur de cette
résidence se situait quand même à 40 000 $. C'est dans cet
esprit qu'on avait mis la valeur de la centrale à 837 000 000 $.
M. Rodrigue: Oui, mais si vous faites le même exercice pour
les autres centrales d'Hydro-Québec et les autres sources alternatives
d'énergie, n'arriverez-vous pas à la conclusion que le rangement
de Delaney, par rapport aux autres, demeure sensiblement le même. C'est
une méthode tout simplement pour arriver à faire des comparaisons
entre différents projets et être en mesure de dire:
Celui-là est moins coûteux aujourd'hui et quand il sera
réalisé, ce sera l'autre qui sera le moins coûteux, et
ainsi de suite. Remarquez que Delaney n'est quand même pas trop mal
placé en termes de coûts dans la programmation
d'Hydro-Québec, parce que, si vous avez une maison qui est bien
isolée, si vous chauffez avec tel type d'équipement plutôt
que tel autre, les coûts annuels vont être différents. Il me
semble qu'on doit tenir compte de ces facteurs dans votre comparaison. On peut
économiser de l'argent en n'isolant pas une maison quand on la construit
- le coût de construction sera inférieur - mais on peut le repayer
très cher par la suite en coûts annuels d'entretien de sorte que,
si on fait des comparaisons entre une maison isolée et une maison qui ne
l'est pas, on peut se rendre compte qu'il vaut mieux dépenser 5000 $ de
plus pour l'isolation et avoir une maison isolée. Dans ce
sens-là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de tenir compte de ces
coûts-là et de s'assurer qu'on puisse comparer des pommes avec des
pommes, c'est-à-dire que, si on calcule sur une base de coûts
annuels, à ce moment-là on soit en mesure vraiment de faire une
comparaison qui tienne compte de tous les facteurs et non pas seulement du
facteur coût de construction, qui, lui, est un élément
parmi d'autres?
M. Lemieux: Pour répondre à la question de M. le
député, l'analyse qui a été faite par Pierre
démontre que nous, du comté de Portneuf, avons tenté de
vendre un projet de la société d'État,
Hydro-Québec. C'est pour cela que la comparaison avec une
résidence a été apportée. Il a comparé une
maison avec le coût estimé dans 20 ans avec les
hypothèques. La personne qui construit sa maison, cela lui coûte
40 000 $ et non 120 000 $. Lorsque vous apportez l'élément de
comparaison entre le coût d'exploitation de la centrale Delaney par
rapport au gaz naturel, les turbines à gaz ou le suréquipement,
dans cette valeur de 800 000 000 $, on n'en a pas tenu compte, c'est le
coût réel qui est de 2 000 000 000 $. Ce sont les chiffres qui
sont soumis dans la stratégie de développement
d'Hydro-Québec qui dit - un moment, je vais vérifier parce qu'on
a justement un tableau à l'intérieur de notre mémoire qui
donne cette comparaison - que le coût d'investissement, au départ,
d'une centrale de réserve pompée comme Delaney est
peut-être plus dispendieux mais, comme vous le dites, à la longue,
ce projet devient moins dispendieux parce que les coûts d'exploitation
sont moindres que ceux du gaz ou du suréquipement. Cela complète
exactement ce que vous dites. La centrale Delaney devient, pour une
exploitation de moins de 500 heures, l'élément le plus valable
dans le plan d'Hydro-Québec.
M. Rodrigue: Est-ce que vous seriez d'accord que, pour bien faire
une comparaison qui tienne compte de tous les facteurs, effectivement, il
vaudrait peut-être mieux tenir compte de ces facteurs que sont les
coûts d'énergie par rapport à l'exploitation et que cela
favorise Delaney d'une certaine façon? Une centrale au gaz ne
coûte pas cher à construire mais coûte cher à
exploiter, alors que la consommation d'énergie de la centrale Delaney
est quand même minime. J'ai l'impression que vous favorisez plutôt
votre projet que vous ne le défavorisez en tenant compte de ces
coûts-là. Finalement, ce n'est pas le fait d'en tenir compte qui
désavantagerait votre projet dans l'esprit de ceux qui ont à
prendre les décisions. Par ailleurs, cela vous permettrait de faire des
comparaisons sur une base qui
est généralement reconnue maintenant dans des projets
comme ceux-là.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: II y a un élément important qu'on ne
doit pas négliger dans votre document, c'est l'élément
humain, les efforts qui ont été fournis, non seulement par votre
groupe et d'autres, mais aussi cette préoccupation que vous avez de la
qualité de la vie des citoyens de la région de Portneuf quand
vous indiquez Delaney et la région de Portneuf, à la
troisième hypothèse, vous semblez favoriser évidemment la
communauté comme telle et vous voulez l'organiser sur une base
opérationnelle. Quand on pense à un projet d'envergure comme
celui que vous aimeriez voir se réaliser chez vous, vous parlez des
aménagements requis pour assurer justement cette qualité de la
vie. C'est assez explicite quant au genre d'aménagement que vous
aimeriez voir ajouter à un projet pareil. Est-ce que des études
ont été faites par votre groupe relativement aux problèmes
d'environnement qui pourraient être apportés par un tel projet,
à l'envergure d'un tel projet?
M. Lemieux: Oui, certainement, madame. Des études ont
été faites. D'ailleurs, je pense que l'autorisation du
ministère de l'Environnement est acquise. Il y a certaines choses
à corriger à la suite des rencontres qui ont eu lieu avec des
groupes. Les études qui étaient nécessaires, les
renseignements qu'on a d'Hydro-Québec sont complétés. Il
ne semble pas y avoir de problème, même quant à l'impact
sur les poissons des chenaux, à Sainte-Anne-de-la-Pérade, dans la
région de M. Duhaime. Cela a aussi été fait.
Mme Bacon: Est-ce que vous avez eu l'aide du ministère de
l'Environnement, à ce moment-là, pour faire de telles
études ou si cela a été fait et assumé
entièrement par votre groupe?
M. Moisan: C'est tout le groupe d'Hydro-Québec qui a fait
ces études. Quant à nous, on n'avait pas les moyens, ni les
qualifications pour les faire. Dans la préparation de notre
mémoire, on s'est fié entièrement aux chiffres
d'Hydro-Québec et d'autres organismes concernés, comme des firmes
d'ingénieurs-conseils. C'est là qu'on s'est limité
à faire nos recherches. C'était le maximum qu'on pouvait
faire.
Mme Bacon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Duhaime: Pour enchaîner sur ce que Mme la
députée de Chomedey vient de dire, je voudrais ajouter quelques
informations importantes.
Sur le plan de l'environnement, ce projet a reçu toutes les
approbations. De mémoire, la dernière chose qui restait,
c'était le tracé de la route d'accès aux travaux.
M. Moisan: Oui.
M. Duhaime: La question de l'impact de ce projet sur les
mouvements migratoires des poulamons, paraît-il, pour le ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, c'est sous contrôle. Il y
avait une question de réchauffement de l'eau après le turbinage.
Paraît-il que c'est négligeable. De même, pour le
ministère de l'Environnement, le certificat d'autorisation pourrait
être obtenu. La seule chose qui empêche ce projet d'aller de
l'avant, c'est son besoin.
Je vais ajouter également un élément d'information,
parce que cela m'a frappé en lisant votre mémoire, où vous
ramenez le coût de construction à 837 395 000 $. Ce serait trop
beau pour être vrai. Je vous réfère au tableau 5, à
la page 29, des documents d'Hydro-Québec, parce qu'on retrouve
exactement le même chiffre. On s'entend là-dessus. Quand on
actualise ce montant en dollars courants - je ne veux pas reprendre ce qui a
été dit - on se retrouve à 2 049 000 000 $ en dollars
1978. Tantôt, je parlais de 2 300 000 000 $. C'est simplement
l'actualisation des dollars aujourd'hui. S'il fallait retenir ce
scénario que vous avez vous-mêmes retenu, il faudrait
également l'appliquer à toute la comptabilité des autres
projets pour être à la même échelle de
comparaison.
Je vais ajouter un dernier mot pour réconforter mon
collègue d'Outremont qui parle beaucoup de la situation
économique générale. Ce n'est pas unique au Québec,
comme vous le savez. Nous subissons, sur le continent, une chute et une
décroissance de la demande globale de l'énergie et, au
Québec particulièrement, d'une décroissance de la demande
hydroélectrique. On a beau travailler avec 3,7%, 2,6%, 4,7%, les gens
sont peut-être enclins à croire qu'il n'y a rien là parce
que c'est seulement 1%, mais je voudrais vous référer à un
document qui fait partie du plan d'équipement d'Hydro-Québec et
qui a déjà été déposé en commission
parlementaire, soit le tableau 23, à la page 66. Si on retient le
scénario le plus optimiste quant à la croissance, il serait de
4,7% sur la période 1983-1992 et les investissements requis par
Hydro-Québec pour satisfaire à la demande seraient de 60 824 000
000 $. Si on retient le scénario de 3,7%, pour la même
période, c'est-à-dire de 1983 à 1992 inclusivement, les
besoins
d'investissement tombent à 33 590 000 000 $, ce qui veut dire une
diminution de 27 000 000 000 $ pour un point, pour 1% de chute de la croissance
de la demande sur la période de dix ans. C'est le scénario qui
est retenu par Hydro-Québec et je pense que si on est relativement
optimiste, on pourrait espérer que ce scénario se réalise,
plus 3,7%. Et, dans l'hypothèse où il y aurait une marge d'erreur
de 1%, que, dans un an ou dans deux ans, on soit obligé de
réviser à la baisse et qu'on ramène un scénario de
croissance à 2,6%, les investissements chutent à 18 500 000 000
$, ce qui veut dire que, pour 2,1% de différence, vous avez un manque
à gagner de 42 000 000 000 $ en investissements sur dix ans. Cela vous
donne, je pense, un éclairage important. (16 heures)
On n'est jamais prophète ni devin quant à l'avenir. De la
façon avec laquelle la justesse des prévisions de croissance vont
se révéler fondées à Hydro-Québec et au
gouvernement, le bloc des investissements va enchaîner. Je suis
parfaitement d'accord avec le député d'Outremont pour dire que
s'il y avait une reprise économique, on serait en mesure de la
rencontrer à l'heure actuelle, au Québec, sans aucune
espèce de problème. En 1982, on est en décroissance de 2%.
Quand vous prenez les états financiers d'Hydro-Québec et que vous
regardez le volume global des ventes et que vous mettez 2% de manque à
gagner dans les ventes alors qu'Hydro-Québec était prêt
à faire face à 4% de croissance, cela vous donne une
différence de 6%. Cela vous fait une bonne banque.
Ceci étant dit, on va tous espérer que ce projet sera
retenu dans la programmation. J'espère qu'on n'aura pas à
l'annoncer une deuxième fois sans le réaliser et que la prochaine
fois sera la bonne.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions,
monsieur?
M. Perron: Oui, merci, M. le Président. Juste une courte
question. Elle se rapporte justement à ce qu'a soulevé mon
collègue de Vimont ainsi que le ministre de l'Énergie et des
Ressources. À la page 20 de votre mémoire, vous faites mention du
coût réel de la centrale elle-même, soit 837 395 000 $ et
vous décortiquez ce montant dans les équipements, de la
main-d'oeuvre, les frais d'administration, la surveillance des travaux ainsi
que les imprévus. Ce que je voudrais savoir, parce que là, pour
nous, dans les habitudes d'Hydro-Québec - tout comme mon collègue
de Vimont j'y ai travaillé plusieurs années, mais pas au
même endroit que lui, mais surtout dans les centrales thermiques et les
centrales hydroélectriques - vous enlevez...
M. le Président, lorsque le député d'Outremont a
parlé, depuis hier, sur différents projets, je l'ai laissé
tranquille. Il a juste à me laisser tranquille lorsque je parle moi
aussi.
M. Fortier: Je ne m'adressais pas à vous.
M. Perron: Pour les fois que j'ai parlé devant cette
commission, j'aime bien parler et être libre de le faire. Je reviens au
montant de 1 211 000 000 $ que vous avez en fait enlevé de la pratique
générale quant aux coûts globaux lorsqu'on fait une telle
construction à Hydro-Québec et surtout dans la grosse entreprise.
À la page 19, vous mentionnez les coûts comparatifs du projet
Delaney. Lorsqu'on parle du coût total, vous faites allusion à la
centrale elle-même de Delaney. Vous faites allusion, comparativement,
avec turbine à gaz et je remarque que vous ne faites pas allusion aux
turbines à l'intérieur de centrales hydrauliques. Cela veut dire
les rivières. Y a-t-il une raison pour laquelle vous n'avez pas inclus
les coûts comparatifs par rapport à une centrale hydraulique? Cela
est ma première question. Ma deuxième question: est-ce que vous
vous êtes servis des 837 000 000 $ au lieu des 2 049 000 000 $ pour faire
vos coûts comparatifs? Vous comprenez ce que je veux dire?
M. Moisan: Je vais demander soit à Richard...
M. Corriveau: Je vais apporter un élément de
réponse. En fait, lorsqu'on parle des coûts comparatifs, on ne
fait pas référence aux 837 000 000 $. Peut-être une chose
aussi sur la question de l'analyse des coûts. En fait, nous avons fait
cette analyse non pas en fonction d'autres projets possibles, mais bien plus
dans l'intérêt de la cause qu'on sert à savoir que
c'était beaucoup plus pour répondre à l'objection qui
disait que 2 000 000 000 $ pour 500 heures c'était trop cher. On a
voulu, par cette réponse, apporter un élément à
l'objection qu'on entendait souvent dans différents milieux, qu'un
investissement de 2 000 000 000 $ pour une activité de 500 heures,
c'était trop cher. C'est dans ce but qu'on l'a fait.
Le Président (M. Laplante): Sur ce,
Messieurs Moisan, Paquet, Corriveau, Dion, Veillette, Lirette - j'ai
oublié les deux autres noms - je vous remercie au nom des membres de
cette commission pour votre rapport.
M. Moisan: Avant de partir, est-ce que je pourrais poser une
question à M. le ministre? Compte tenu de...
Le Président (M. Laplante): D'habitude, les intervenants
ne posent pas de questions, c'est de l'autre côté qu'on le fait,
mais...
M. Moisan: Même si ce n'est pas l'habitude, je vous
demanderais de nous... On vient de la campagne, on ne connaît pas
tellement vos habitudes.
Le Président (M. Laplante): Monsieur, votre humble
serviteur a dit oui. Il en est heureux.
M. Moisan: Est-ce que je pourrais poser une question à M.
Duhaime? Compte tenu de tous les avantages qu'il peut y avoir dans Delaney,
quel handicap pourrait-il y avoir -je ne veux pas me tromper - dans le fait de
la diminution d'énergie? Il y a tellement autres choses. J'avoue qu'il y
a une certaine diminution. D'un autre côté, nous sommes tous
conscients qu'on ne sera pas toujours dans des années difficiles comme
cela; nous ne sommes pas ici pour voir en noir, il y a d'autre chose de mieux
qui s'en vient; on sait qu'on traverse une péride difficile. Je me
demande jusqu'où on pourrait concéder certains avantages à
un projet comme celui-là? Quand on sait que le contenu est à 80%
québécois; on pourrait concéder certains avantages
à un projet comme celui-là quand on sait tout ce qu'il peut y
avoir. Je sais que c'est difficile, mais tout de même, j'aimerais que M.
le ministre nous dise jusqu'où il peut aller en fin de compte
là-dedans.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas me laisser emporter par votre
propre enthousiasme. Vous avez entendu mon collègue de Duplessis qui
défend farouchement les intérêts de La Romaine. Je suis
moi-même de la vallée du Saint-Maurice. J'ai des collègues
qui connaissent très bien la Chamouchouane et la Péribonka. On
est tous un peu en conflit d'intérêts dans un sens. On voudrait
les investissements aussi massifs qui ont, dans le développement
économique d'une région, un effet d'entraînement
considérable. Quand on regarde le calendrier ou encore le
déploiement des investissements de Delaney, ce projet en a pour dix ans.
Il est bien certain que si c'était le seul critère que l'on
retenait qui consiste à dire: Les gens en veulent de ce projet, on leur
fera plaisir, je pense que vous ne seriez pas d'accord avec cette approche. Il
faut qu'il y ait une rationalité économique. Il est bien entendu
que les effets d'entraînement d'un pareil projet en
périmètre urbain le bonifient par rapport à d'autres, de
la même manière qu'un projet comme Archipel, qui ferait investir
quelques milliards de dollars dans un projet d'aménagement dans la
région de Montréal. Si on en arrive à resserrer les
chiffres et établir un rendement économique justifiable pour une
centrale hydroélectrique aux Rapides de Lachine avec un taux
d'utilisation de ce rapide qui serait raisonnable... Les écologistes ne
voudraient pas que l'on dépasse 30% d'utilisation. Au-delà de ce
seuil, on craint qu'on empêchera la "régénérescence"
ou encore la réoxygénation des eaux. Hydro-Québec a fait
un calcul démontrant qu'en bas de 70% d'utilisation, ce n'était
pas intéressant. On a cependant refait des calculs. Mais je veux dire
par là, je vous donne cet exemple par analogie, qu'il est certain qu'un
projet proche des centres urbains est beaucoup plus attrayant en termes d'effet
en aval et en termes d'effet moteur. Ceci étant dit, il faut quand
même considérer que chaque dossier s'analyse sur des bases de
coûts comparatifs. Si nous en arrivons à faire la
démonstration ou à nous convaincre nous-mêmes, autant
à Hydro-Québec qu'au gouvernement, que nous avons besoin de 2110
mégawatts de puissance sur une plage d'utilisation maximale de 500
heures, c'est évident que cela peut vouloir signifier le feu vert
à ce projet.
Par ailleurs, il y a ces programmes de biénergie qui font leur
chemin; il y a les programmes de polyénergie et tout programme qui vient
dégager la pression sur les heures de pointe de façon un peu
paradoxale et contradictoire en fonction de vos intérêts font en
sorte que ces projets reculent chaque fois. Cela ne donne rien de se raconter
des histoires ici.
Cependant, du turbinage au gaz, il est bien évident que le choix
est vite fait. Mon collègue de Vimont, qui a eu l'avantage de travailler
à Hydro-Québec, vous l'a expliqué tantôt. Cependant,
quand on va au-delà d'une plage d'utilisation de 500 heures, un
investissement dans une centrale pompée plutôt que dans de
l'équipement additionnel sur les barrages déjà existants -
je pense à la puissance additionnelle de Manic 5, par exemple, à
de l'équipement additionnel qu'on pourrait mettre à LG-2 - il est
sûr et certain que là, il faut tenir la comparaison avec les
chiffres.
Si on peut passer à travers ces analyses et qu'elles
résistent, je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas Delaney. C'est pour
cette raison que ce projet est demeuré inscrit dans la programmation
d'Hydro-Québec; c'est prévu. La date qu'on a mise est 1985 mais
faire démarrer Delaney c'est à peu près comme faire
démarrer LG-1. Il y a à peu près juste la couleur des
poubelles qui n'a pas été examinée dans ces projets. Ils
sont prêts à décoller, l'un comme l'autre.
On est en 1983. On va voir comment cela ira en cours d'année. Il
est évident que ce que j'ai indiqué tantôt, tout cela se
tient comme un seul pain. Pour l'instant, c'est inscrit dans la programmation
pour 1985.
J'espère, comme vous, qu'on va être capable de livrer cette
marchandise mais c'est un peu en dehors du contrôle de votre humble
serviteur et d'Hydro-Québec de ce que va être l'évolution
des coûts comparatifs, par exemple, ou encore la performance
générale de l'énergie, de l'économie et de la
demande énergétique sur le continent. C'est à peu
près la réponse que je voudrais vous donner.
Le Président (M. Laplante): Merci. Monsieur.
M. Moisan: Merci à tout le monde de la commission.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant Trans
Québec & Maritimes. Messieurs, vous êtes au courant de la
demande de ce matin. Vous étiez ici ce matin?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Maintenant, si vous
voulez vous identifier et identifier le groupe auquel vous appartenez et les
personnes qui vous accompagnent s'il vous plaît.
Trans Québec & Maritimes
M. Archambault (John): Oui, M. le Président. Mon nom est
John Archambault et je suis le vice-président exécutif de Trans
Québec & Maritimes. À ma droite, se trouve M. André
Lizotte qui est le directeur général des communications à
Trans Québec & Maritimes; à ma gauche, M. Robert Heider qui
est le directeur du marketing et des ventes de Trans Québec &
Maritimes. Nous aurons également M. Phi Dang qui va se joindre à
nous dans quelques minutes et qui est un assistant de M. Heider dans l'aspect
du marketing et des ventes.
M. le Président, M. le ministre, je désire remercier le
gouvernement et les membres de la commission parlementaire de l'énergie
et des ressources de nous donner l'occasion de faire entendre notre point de
vue sur l'évolution dans le secteur énergétique
québécois et, par le fait même, de discuter du rôle
à jouer par TQM.
Notre mémoire n'est pas des plus explicites quant aux effets de
la politique énergétique sur le développement
économique et c'est à dessein. Nous n'avons pas
particulièrement insisté sur cet aspect parce qu'un bon nombre
d'intervenants dans l'industrie du gaz ont déposé des
mémoires couvrant fort bien ce que nous pourrions dire sur ce chapitre.
Nous avons plutôt préféré mettre l'accent sur les
conditions de pénétration de gaz au Québec. (16 h 15)
Permettez-moi d'abord de vous expliquer très brièvement,
pour les personnes qui ne le sauraient pas, que Trans Québec &
Maritimes est une société filiale 50%-50%, de NOVA, an Alberta
Corporation et TransCanada PipeLines. Comme vous vous en souviendrez sans
doute, l'Office national de l'énergie a octroyé les certificats
nécessaires durant les années 1980 et 1981 pour la construction
d'un vaste réseau de transport, commençant depuis l'ouest de
Montréal pour aller jusqu'à Halifax, avec de nombreuses
latérales, soit une distance linéaire totale de gazoduc de 3500
kilomètres. Ce projet va coûter 2 000 000 000 $.
Pour ce qui est du projet dans l'ensemble du Québec, le gazoduc
principal et les latérales devaient comprendre près de 1900
kilomètres, coûter 1 200 000 000 $ et desservir l'axe principal
Montréal-Québec, l'Estrie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Beauce
et le Bas-Saint-Laurent.
La réalisation du projet a commencé en 1981 et le premier
tronçon, soit celui à partir de Saint-Lazare jusqu'à
Boisbriand au nord de Montréal, a été mis en service en
février 1982. En novembre de la même année, soit novembre
1982, TQM effectuait les premières livraisons de gaz à
Trois-Rivières. Actuellement, la construction se poursuit sur le
tronçon entre Trois-Rivières et Québec. Je peux annoncer
à cette commission que depuis la semaine dernière, le gros oeuvre
du travail de pipeline est maintenant complété. Il reste à
attendre la fonte des neiges, le printemps, revenir au mois de mai pour faire
les essais hydrostatiques, faire certains raccordements et construire les
postes de mesurage, en particulier celui de Québec.
En 1978, le Québec a rendu publique sa politique
énergétique visant essentiellement à diminuer sa
très grande dépendance du-pétrole. Le gouvernement,
à cette époque, favorise un rôle accru pour le gaz dans la
satisfaction des besoins d'énergie de la province. Ensemble, chose
très importante, le gaz naturel et l'électricité sont le
fer de lance de la mise en oeuvre de la politique énergétique.
Or, pour ce qui est du gaz, quelles sont les conditions nécessaires? La
première est l'approvisionnement, la deuxième, le réseau
de transport; la troisième, les réseaux de distribution, et
enfin, les prix du gaz naturel.
Pour ce qui est de l'approvisionnement, le mémoire indique dans
une ou deux pages les conclusions fort encourageantes depuis les
dernières années quant à l'approvisionnement dans l'Ouest
canadien. Quant au réseau de transport, comme je viens de l'indiquer,
pour ce qui est essentiellement du transport du gaz naturel depuis
Montréal jusqu'à Québec, ce sera à peu près
assuré dans les mois qui vont suivre. La distribution, comme vous aurez
pu le lire dans les mémoires des distributeurs québécois,
les investissements
ont été faits et se font encore.
Il n'en demeure pas moins que c'est le prix du gaz naturel qui doit
demeurer concurrentiel pour assurer la pénétration du
marché. Le gaz, comme on le note dans notre mémoire, n'occupait
en 1975, que 6% du bilan énergétique du Québec. En 1978,
la politique énergétique prévoyait qu'il pourrait occuper
12%. Cette prévision devait, plus tard, être modifiée
à la hausse, de sorte qu'en 1979 et en 1980, on estimait que le
Québec pourrait facilement atteindre 16% du bilan
énergétique en 1990. Aujourd'hui, le ministre de l'Énergie
et des Ressources estime qu'il sera de l'ordre de 16,3% en 1995.
De telles perspectives et l'achèvement du gazoduc jusqu'à
Québec, ainsi que les principaux embranchements, à la fin de
1984, pourraient nous porter à croire que le défi est presque
relevé et que la place du gaz est assurée. Ce serait crier
victoire trop vite et risquer de commettre une grave erreur. En effet, quant
à nous, la véritable action consiste maintenant à
réaliser la substitution en faveur du gaz naturel, à assurer sa
pénétration du marché et lui faire jouer pleinement le
rôle que la politique énergétique du Québec lui
destine.
Il y a certains obstacles que nous voyons, particulièrement
à court terme, à la pénétration du gaz naturel, et
c'est de ceux-là que je voudrais vous parler très
brièvement aujourd'hui.
Le mazout et l'électricité constituent la plus forte
concurrence au gaz naturel. Pour ce qui est du mazout lourd, il n'y a pas de
doute que la substitution du gaz au mazout lourd demeure la clé pour
assurer la pénétration des marchés par le gaz,
particulièrement durant la période critique de
développement initial, là où il est vital que le gaz gagne
rapidement les marchés industriels qui forment la base de la
rentabilité des réseaux de transport et de distribution.
Le mazout a toujours été essentiellement, dans l'industrie
énergétique, l'obstacle au gaz. C'est le cas en temps normal et
c'est le cas plus particulièrement au moment où la
récession économique entraîne une déstabilisation
des prix du pétrole et a tendance à empêcher ou à
retarder les investissements requis pour la conversion au gaz dans le secteur
industriel consommant déjà du mazout lourd.
Une partie du mazout lourd consommé au Québec est
importée. TQM est cependant d'avis que ce ne sont pas tant les
importations de mazout qui, en soi, sont à l'origine du problème,
comme certains pourraient le croire. C'est plutôt la politique
fédérale de compensation des prix du pétrole
appliquée au mazout qui a pour effet d'en garder le prix très bas
et ainsi encourager son importation. Selon nous, la solution consiste à
abolir ou du moins à réduire la compensation pour le mazout
lorsque le gaz est disponible.
Nous savons que l'industrie du gaz naturel au Québec a fait des
représentations dans le même sens auprès du gouvernement
fédéral. Il est même fort possible que le gouvernement
fédéral prenne d'autres mesures pour réduire la
concurrence du mazout lourd. Non seulement le gaz naturel et
l'électricité devraient-ils en bénéficier, mais il
y a tout lieu de croire que les raffineries de pétrole du Québec
pourraient en tirer un certain profit en vendant leur mazout à un prix
plus élevé, n'ayant pas à concurrencer le mazout
importé et qui est hautement subventionné.
Bien que nous soyons conscients que la solution ne relève pas de
cette commission, nous proposons que le gouvernement fédéral
mette en place les mesures additionnelles suivantes: que l'exportation de
mazout lourd à partir de l'Est du Canada soit fortement
encouragée; qu'il y ait la valorisation du mazout lourd; qu'on
encourage, à long terme, la production canadienne de pétrole
synthétique et qu'on encourage l'importation de pétrole brut
léger. TQM a d'ailleurs l'intention de faire valoir ses points de vue et
de formuler des recommandations en ce sens, à l'occasion des audiences
publiques que tiendra l'Office national de l'énergie à ce sujet,
dès le mois prochain.
Jusqu'à maintenant, des changements notables ont pu être
observés dans le secteur du raffinage au Québec. En effet, le
processus de rationalisation des opérations de raffinage est
déjà amorcé dans l'Est du Canada en vue d'ajuster la
capacité de production des raffineries à la demande
anticipée de produits raffinés ainsi que pour améliorer
leurs installations existantes. Ces modifications vont permettre aux
raffineries québécoises de faire une utilisation optimale de
leurs installations et de réduire leur production future de mazout
lourd.
L'appui du Québec est par conséquent des plus
nécessaires, d'abord, pour inciter, lui aussi, le gouvernement du Canada
à prendre de nouvelles mesures pour encourager la substitution du gaz
naturel au mazout dans le cas des industries et aussi pour inciter les grandes
entreprises consommatrices de mazout lourd du Québec à convertir
leurs installations au gaz, là où il est disponible.
Le deuxième point est la question des surplus en
électricité. Face à la récession économique,
Hydro-Québec est forcée de rajuster à la baisse ses
prévisions de la demande d'électricité. À court
terme, soit au cours des quatre prochaines années, elle est aux prises
avec une capacité de production excédentaire qu'elle tente
d'écouler tant sur les marchés québécois qu'aux
États-Unis. Au Québec, elle oriente ses efforts sur les
marchés résidentiel, commercial et industriel.
II s'agit là d'une entrave réelle, ou du moins
potentielle, si elle n'est pas contrôlée, à la
pénétration du gaz naturel.
Cette situation est particulièrement aiguë dans le secteur
industriel, secteur absolument vital pour l'expansion du gaz naturel au
Québec et où Hydro-Québec offre, depuis 1981, des volumes
importants d'électricité sur une base interruptible, à un
prix de 10% inférieur à celui du mazout lourd ou du charbon.
Lorsqu'on ajoute à ces ventes d'électricité à
rabais la grande possibilité de stockage de mazout lourd à bas
prix que possède la grande entreprise, il est clair que le secteur
industriel ne voit pas beaucoup d'intérêt à convertir ses
installations au gaz naturel dans l'immédiat.
Tout cela neutralise les mesures incitatrices mises sur pied par les
deux paliers de gouvernement pour favoriser la pénétration du gaz
naturel, risquant ainsi d'évincer le gaz du marché industriel
qu'il doit absolument pénétrer dès le départ. Il ne
faut pas perdre de vue que le gaz et l'électricité ont tous deux
comme objectif de remplacer le pétrole importé. Toutefois, il
faut éviter de résoudre les difficultés conjoncturelles
d'Hydro-Québec en mettant en péril la pénétration
du gaz dans les nouveaux marchés et ainsi compromettre les objectifs
énergétiques à long terme du gouvernement du
Québec.
De toute manière, la capacité de production
d'Hydro-Québec ne peut, à elle seule, combler tous les besoins
énergétiques présentement satisfaits par le
pétrole, en excluant, bien sûr, les besoins de transport. Il
devient alors primordial pour le gouvernement du Québec d'harmoniser la
pénétration simultanée du gaz naturel et de
l'électricité. Une telle politique sera sans aucun doute à
l'avantage des consommateurs québécois ainsi que de l'ensemble du
secteur énergétique du Québec.
En résumé, et ce sont nos conclusions, Trans Québec
& Maritimes a entrepris de prolonger le gazoduc au-delà de
Montréal, investissant au cours des deux dernières années
près de 500 000 000 $ dans un réseau qui assure l'accès au
gaz aux principales régions du Québec. Même si certains
pourraient être tentés de croire que l'objectif est atteint,
puisque le prolongement du gazoduc sera achevé jusqu'à
Québec sous peu et que la construction des embranchements par les
distributeurs et en particulier par Gaz Inter-Cité semble
assurée, il faut regarder l'avenir immédiat et il faut
maintenant, et sans tarder, assurer la pénétration des
marchés potentiels. Il est évident que cette action importante
doit être menée de concert avec les distributeurs gaziers du
Québec. Il est, de plus, de première importance que l'appui ferme
du gouvernement du Québec continue de se manifester.
Dans le but d'atteindre les objectifs de pénétration du
gaz naturel, nous recommandons que le gouvernement du Québec prenne les
quatre mesures suivantes: premièrement, conserver intacte sa politique
énergétique rendue publique en mai 1978 et
réitérée à de multiples reprises jusqu'à ce
jour; deuxièmement, appuyer les efforts de l'industrie du gaz pour
inciter le gouvernement du Canada à prendre de nouvelles mesures pour
empêcher le mazout lourd de mener une concurrence indue au gaz naturel;
troisièmement, encourager les grandes entreprises du Québec
consommatrices de mazout lourd à utiliser le gaz naturel là
où il est disponible et, enfin, assurer immédiatement
l'harmonisation de la pénétration simultanée de
l'électricité et du gaz dans leur marché respectif afin de
ne pas compromettre la pénétration à long terme du gaz
pour résoudre les difficultés conjoncturelles à court
terme d'Hydro-Québec. (16 h 30)
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais tenter d'avoir
une lumière de votre part, si vous avez des suggestions plus
précises pour ce qui est de l'harmonisation que vous souhaitez entre le
gaz naturel et l'hydroélectricité. Est-ce que vous nous
suggérez un partage des territoires? Est-ce que vous nous demandez de
distinguer les zones gazières des zones non gazières, que je
fasse des pressions ou non auprès d'Hydro-Québec? Quelle est
votre suggestion bien pratique?
M. Archambault: Pour ce qui est de solutions pratiques dans le
sens de viser des industries précises, il est difficile pour nous de
vous en suggérer, parce que nous occupons la fonction de transport et de
la vente, mais de la vente en gros, et ce n'est pas vous, pas plus que TQM qui,
finalement, avez les contacts quotidiens avec l'industrie consommatrice.
Par contre, M. le ministre, ce qui est assez clair pour nous, c'est
qu'il y a une quantité d'électricité disponible et, bien
sûr, il y a la nécessité d'augmenter ou de commencer
à vendre du gaz à Gaz Inter-Cité et d'augmenter les
quantités de gaz pour Gaz Métropolitain.
Nous remarquons que, dans une industrie naissante, puisque ce sont de
nouveaux territoires qui sont desservis, il est absolument vital pour le
distributeur d'avoir accès à des marchés industriels
importants où il pourra écouler du gaz durant la période
d'été afin qu'il puisse desservir les marchés commerciaux
et le marché domiciliaire durant les mois d'hiver. S'il n'a pas cette
faculté d'équilibrer ses prises, le distributeur
va fonctionner avec un taux très bas et le coût unitaire du
gaz vendu deviendra très élevé. Alors, le consommateur y
perd. Donc, il doit nécessairement avoir accès dès
maintenant à une quantité importante de pétrole à
déplacer par le gaz naturel.
Or, Hydro-Québec est dans la même situation parce qu'elle a
un problème de pointe et également un surplus. Sans le confirmer
par des chiffres, ce que nous disons, c'est que, de toute façon, il n'y
a pas assez d'électricité pour convertir au gaz naturel toutes
les industries qui, présentement, consomment du pétrole. Il n'y a
pas de gaz naturel partout au Québec. Donc, il devrait y avoir un moyen
de voir où sont les industries qui, normalement, seraient sur le chemin
du gaz naturel, si je peux m'exprimer ainsi. Mais comment,
précisément? Est-ce que c'est par une structure formelle, un
zonage quelconque? Je ne peux vous formuler de suggestion précise
là-dessus.
M. Duhaime: Je vais vous faire une précision, en fait, un
rappel. Dans le plan d'équipement d'Hydro-Québec qui avait
été déposé en commission parlementaire, un
programme de vente d'électricité excédentaire,
particulièrement pour les chaudières industrielles, avait
déjà été prévu et identifié. Cela
représentait environ 2 960 000 000 kilowattheures pour l'année
1983. Ce programme a été lancé par HydroQuébec. Il
a été mené très rondement. Je voudrais vous donner
quelques chiffres. Je n'ai pas l'équivalence en kilowattheures, mais la
conversion est très facile à faire. Le programme
d'écoulement des surplus cette année. Jusqu'à maintenant,
au total il y a 1297,9, donc, 1300 mégawatts de placés dont, dans
les zones gazières ou à l'intérieur des franchises
plutôt, 624,9 et à l'extérieur des zones gazières,
673 mégawatts. Cela veut dire qu'on a écoulé plus à
l'extérieur des zones gazières qu'à l'intérieur.
Les chiffres fournis hier par SOQUIP et qui sont retenus dans les projets
d'expansion par Gaz Métro et Gaz Inter-Cité, établissent
un potentiel de pénétration de 155 BCF. Alors, quand vous faites
- ma petite machine à calculer ne me donne pas les conversions
instantanées pour un BCF en le traduisant en mégawatts, mais il
est bien certain que si on retient un ratio d'à peu près 30, cela
donne un potentiel de marché énorme.
J'ai toujours été convaincu que ce qui empêchait le
plus le gaz naturel de pénétrer, c'était, d'une part, la
présence des huiles lourdes avec les permis fédéraux
à l'importation, les subventions et aussi le prix du gaz naturel
à l'entrée de la franchise. Je voudrais avoir vos commentaires
là-dessus. J'aurai ensuite une question à vous poser sur la
problématique de construction bilatérale. Je suis très
heureux de voir que le gros de l'oeuvre est fait. On aura au moins rempli cette
promesse que le gaz naturel va être à Québec en 1983,
durant l'été. Tantôt je reviendrai avec une question sur
les problématiques de construction.
M. Archambault: Est-ce que vous voulez que je commente tout de
suite?
M. Duhaime: Oui.
M. Archambault: D'accord.
M. Duhaime: En fait, sur la question des huiles lourdes, je pense
que vous vous êtes expliqué très clairement, mais sur la
question du prix du gaz naturel, à l'entrée de la franchise,
parce que tout récemment le ministre fédéral de l'Energie
indiquait qu'il n'était pas impossible, il a reconnu, en tout cas, que
le temps était peut-être venu de revoir le prix du gaz naturel
canadien à l'exportation parce qu'il semble y avoir du refoulement de ce
côté. Si on baisse le prix du gaz naturel à l'exportation,
on pourrait peut-être songer à le diminuer sur notre propre
marché domestique. Nous, avec l'hydroélectricité, on fait
le contraire. On vend deux fois, trois et quatre fois le prix, quand on peut,
en exportant, pour faire bénéficier nos consommateurs domestiques
de prix d'électricité avantageux et non pas l'inverse.
M. Archambault: Le prix du gaz naturel, évidemment,
à l'exportation en ce moment est plus élevé que le prix
intérieur dans la zone Est. Évidemment, la question de formation
des prix du gaz naturel est assez complexe au Canada et les gouvernements
albertain et fédéral s'entendent à peu près sur une
formule de parité avec le prix du brut à l'entrée des
raffineries à Toronto, ce qu'on appelle communément le Toronto
Reference Price. Jusqu'à il y a quelques années, on croyait
qu'éventuellement le gaz naturel devait se vendre en gros,
c'est-à-dire le prix auquel nous vendons le gaz naturel à un
distributeur, à 100% de la valeur du brut à l'entrée des
raffineries, de façon que les raffineurs puissent raffiner leur brut et
vendre leur produit avec des marges acceptables et le distributeur le
distribuer, ce qui lui donnerait, enfin, d'une façon abstraite, une
marge acceptable pour distribuer son gaz. Avant de passer immédiatement
à 100% et fort heureusement, je dois dire, on a décidé
d'essayer 85% et depuis 1975, la parité était fixée
à 85% du prix du pétrole brut à Toronto. Ce que nous avons
constaté, c'est que, du côté de Toronto et de Union Gas -
évidemment, pendant la fin des années soixante-dix,
l'économie allait assez rondement - le gaz naturel a réussi
à pénétrer d'une façon assez importante,
c'est-à-dire qu'il y a eu des
augmentations importantes des ventes dans ces régions. À
Montréal, il y a eu certaines augmentations qui ont été
importantes, mais c'était moins marquant. Ceci, parce que la marge de
distribution de Gaz Métropolitain est plus élevée que la
marge de distribution de Consumers Gas ou de Union Gas.
Maintenant, avec le plan énergétique national, si vous
voulez, on a passé de 85% à 65%. Normalement, et pour une
certaine période de temps - j'espère qu'elle sera très
longue - le gaz naturel devrait se vendre en gros à 65% du prix du brut
à l'entrée des raffineries, dans l'Est du Canada. Normalement,
cela devrait être un rapport ou une indexation qui devrait effectivement
favoriser la pénétration du gaz naturel. Je dis normalement. Ce
qui se passe du côté du mazout lourd, c'est que, pour la
première fois depuis peut-être 20 ans, dans les dix-huit derniers
mois, on se rend compte... Évidemment, le mazout lourd a toujours
été un sous-produit du raffinage. Donc il est normal, à
moins de période de crise, qu'on constate qu'il se vendait un peu moins
cher que le pétrole brut, et ce qui était normal, c'était
de le voir à 80%-90% du prix du brut. Mais on constate, d'une
façon mensuelle, en regardant les derniers mois ou enfin les derniers
deux ans, qu'il se vend à 60% ou 65% du pétrole brut, ceci par le
jeu des importations, de la subvention, de la compensation, etc. Alors, que
voulez-vous qu'un distributeur fasse quand il est obligé d'acheter le
gaz naturel à 65% du brut alors que, sur le marché qu'il doit
pénéter, l'huile no 6 ou le mazout lourd se vend normalement, en
grosses quantités, à 60% ou 65%. Il n'a aucune manoeuvre pour
distribuer son gaz vers ces marchés. Le goulot d'étranglement est
carrément là. Mais si la situation redevenait normale et que ce
n'était pas du no 6 étranger, subventionné, qui menait les
prix dans l'Est du Canada, je verrais le mazout se vendre à 85% ou 90%
du brut, le gaz naturel à 65% en gros aux distributeurs, et j'ai
l'impression qu'il y aurait des marges assez intéressantes, compte tenu
des autres programmes également de subventions qui sont offerts.
M. Duhaime: Autrement dit, si je vous saisis bien, cela voudrait
dire que si la partie subventionnée du mazout étranger sautait,
le prix du gaz naturel pourrait faire son chemin et faire sa
pénétration.
M. Archambault: C'est cela. Nous croyons que le prix du mazout
dans l'Est du Canada est artificiellement bas à cause d'importations
dont la quantité n'est pas énorme, mais non négligeable;
les importations sont subventionnées, de sorte que vous avez tout
à coup un prix dans l'Est du Canada à 60% du brut, ce qui rend la
situation quasi impossible pour ces gros marchés industriels.
M. Duhaime: Je ne l'ai pas en main ici, on l'avait il y a
quelques jours, mais avez-vous en tête le volume, en milliers de barils
du mazout importé et subventionné? Est-ce qu'on l'a? Est-ce que
vous avez ce chiffre avec vous? (16 h 45)
M. Archambault: Non, nous ne l'avons pas. J'ai remarqué
que, dans votre dernière parution sur les statistiques de
l'énergie du Québec, l'importation "off shore" et l'importation
de l'Ontario, les chiffres sont ensemble; alors on ne peut pas les
dissocier.
M. Duhaime: On a un problème avec les imports-exports
à cause de cette frontière. Ce n'est pas facile de comptabiliser.
Je voulais vous poser une autre question. Depuis qu'il a été
décidé, au niveau du gouvernement fédéral, de
suspendre la réalisation de la construction du gazoduc à l'est de
Québec, autrement dit l'abandon du projet initial de relier
Montréal, Trois-Rivières et Québec vers Halifax, on avait
même parlé d'aller jusque dans la région de Matane. Vous
vous souviendrez qu'il y avait eu beaucoup d'engagements.
J'ai été informé que - je ne sais pas si c'est
votre firme, mais, en tout cas, quelqu'un proche de vous - il y a une
étude en cours sur la possibilité de construire une ligne dans le
sens inverse, c'est-à-dire de Halifax vers Québec, dans la mesure
où, éventuellement, le gaz de l'île de Sable pourrait
être mis en valeur. Est-ce que vous auriez des informations
là-dessus?
M. Archambault: Oui. Dans mes remarques préliminaires -
puisque je voulais m'en tenir au propos principal de notre intervention - je ne
vous ai pas fait part, quoique ce soit dans le mémoire, de
l'évolution du projet au point de vue réglementaire et des
autorisations. Bien sûr, depuis la mise à jour du programme
énergétique national, notre projet aura une pause plus ou moins
longue à Québec, c'est-à-dire que le gouvernement
fédéral, avec lequel nous sommes en négociation,
désire poursuivre plus d'études sur la question de
l'approvisionnement de l'île de Sable et voir d'avance quels seraient les
coûts d'un réseau qui transporterait du gaz depuis l'île de
Sable jusqu'à Québec, c'est-à-dire, comme vous avez
posé la question, en sens inverse.
De plus, évidemment, quant au Québec, nous nous en tenons,
quant à la construction, à la ligne principale, les conduites
latérales devant maintenant être construites principalement par
Gaz Inter-Cité. Où nous en sommes là-dessus, c'est que
nous négocions toujours avec le gouvernement fédéral pour
faire ces études. Nous n'envisageons pas qu'il soit possible de
penser
à la construction d'un gazoduc en sens inverse avant la fin de
cette décennie.
M. Duhaime: Je vous remercie. Dans le document que vous avez en
main sur les statistiques d'énergie au Québec en 1981... J'ai le
chiffre pour 1980, qui est 1 044 600 barils d'importation de lourd, et c'est
tombé à 708 600 barils en 1981. Ce n'est pas négligeable,
mais c'est quand même... Oui, je parle du lourd. Alors, 700 000 barils,
est-ce que c'est suffisant pour devenir préoccupant pour la
pénétration du gaz?
M. Archambault: Oui, c'est justement...
M. Duhaime: Ces chiffres sont pour le Québec.
M. Archambault: Du reste, la question que vous posez est
intéressante parce que, souvent, on est confronté avec des
commentaires tels que: Écoutez, les quantités ne sont pas si
importantes par rapport à tout le mazout qui est produit. Ce ne sont pas
des quantités négligeables. Ce sont surtout des quantités
qui sont suffisamment importantes pour causer aux raffineurs un
stratagème de marketing, de sorte qu'ils doivent respecter le prix
international subventionné. Même s'il n'y a que quelques barils,
si c'est le prix que le raffineur de Montréal est obligé de
respecter, cela a tout à fait l'impact négatif qu'on cherche
à enlever. Il ne sera, d'après nous, enrayé, que s'il n'y
a absolument pas d'importation de mazout lourd, sauf peut-être dans des
régions absolument reculées. Évidemment, il n'est pas
question de laisser des gens sans énergie, mais essentiellement, que
l'importation de mazout soit enrayée en tant que commerce normal.
M. Duhaime: II y a un dernier chiffre que vous allez retrouver
dans le même document. À la page 148, vous avez les niveaux de
consommation d'huile lourde pour 1981. C'est 28 700 000 barils, en chiffres
ronds. De ce montant, au lieu d'avoir 28 721 000, vous voudriez voir enlever
les 700 000 barils qui sont importés pour tomber à 28 000 000 et
laisser la vérité des prix jouer sur une base concurrentielle
entre le gaz naturel et ces huiles. L'avez-vous retrouvé?
M. Archambault: Oui, je vois les 28 000 000.
M. Duhaime: Oui. C'est votre consommation globale sur une base
annuelle pour 1981?
M. Archambault: C'est cela.
M. Duhaime: C'est cela. Ce sont les bons chiffres qu'il faut
opposer, 28 721 000 par rapport aux 700 000 barils dont je parlais tantôt
et qui sont importés.
M. Archambault: C'est cela. Cela fait donc quelque chose qui est
inférieur à 5%. Donc, quelqu'un va dire que c'est
négligeable.
M. Duhaime: 5%.
M. Archambault: Je tiens à dire que ce n'est pas
négligeable, puisque les raffineurs dans l'Est sont obligés de
respecter ces prix subventionnés.
M. Duhaime: 5%, ce n'est pas négligeable. Si on augmentait
les ventes d'Hydro de 5%, on pourrait investir pas mal fort.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois que cela a
été une bonne chose que Trans Québec & Maritimes
vienne à cette commission, il faut l'en féliciter. Le message que
vous communiquez - corrigez-moi si je fais erreur - semble assez pessimiste
dans une certaine mesure. "Tout cela neutralise les mesures incitatives mises
sur pied par les deux paliers de gouvernement et risque ainsi d'évincer
le gaz du marché industriel." Je citais votre mémoire. Ce que
vous dites, c'est qu'il y a des problèmes temporaires, en parlant de
l'électricité en particulier. On ne doit pas remettre en cause le
plan qu'on s'était tracé. Je suppose que ceux qui avaient fait ce
plan - et de la part de la politique nationale de l'énergie et de la
part de la politique énergétique du Québec -avaient fait
certaines hypothèses à ce moment. Malheureusement, les conditions
sont maintenant quelque peu différentes. C'est le genre de
problèmes dont nous discutons présentement. Entre autres, on sait
que les pays de l'OPEP ont de la difficulté à s'entendre. Le prix
international du pétrole baisse et, plus que cela, la quantité de
pétrole qui est fournie par les pays de l'OPEP n'est pas aussi
considérable qu'elle l'était. Il y a des pays hors de l'OPEP qui
ont également des capacités considérables de production.
Donc, on ne se trouve pas, en ce qui concerne le pétrole international,
devant la même situation. La consommation a baissé. Les gens ont
appris à économiser le pétrole. Dans une certaine mesure,
on peut dire que la situation n'est pas aussi critique qu'elle semblait
l'être au moment où la politique nationale de l'énergie et
où la politique québécoise de l'énergie ont
été définies.
Ceci étant dit, il y a une question que j'aimerais vous poser, et
surtout eu égard
aux échanges que vous avez eus avec M. le ministre, en disant: II
y a tel et tel problèmes auxquels on doit faire face, ceci mine la
possibilité de pénétration du gaz. Je crois que vous
faites aussi allusion au fait que si des distributeurs et vous-même, qui
avez mis des tuyaux en terre, n'en faites pas la vente - parce que ce n'est pas
suffisant d'avoir un tuyau en terre pour faire la vente - si les tuyaux en
terre ne profitent pas pour faire des ventes, les conditions économiques
vont être telles, vous l'avez dit vous-même, que le prix unitaire
de gaz qui va être effectivement vendu, aura tendance à monter
considérablement.
La question que j'aimerais poser, c'est qu'il y a deux façons
d'aborder le problème. On peut dire: Continuons nécessairement
avec le plan qu'on s'était défini en 1978, ou on peut prendre une
autre attitude et dire, comme vous l'avez dit vous-même, en ce qui
concerne les surplus d'électricité en particulier dans une
situation temporaire, pourquoi ne pas ajuster notre plan et procéder par
étapes et de dire qu'on va mettre certains tuyaux en terre et d'ici deux
ou trois ans, on verra bien ce qui arrivera? À ce moment, on pourra
continuer le plan tel qu'on l'avait défini à l'origine. Autrement
dit, la question que je pose est: Pourquoi vouloir à tout prix, à
ce moment-ci, continuer avec une pénétration du gaz qui,
d'après vous, semble aléatoire avec les conditions qui existent
présentement, alors qu'on pourrait penser à un autre
scénario qui nous permettrait de réaliser notre plan dans
quelques années d'ici, compte tenu du fait que la situation du
pétrole international qu'on veut déplacer, je pense que tout le
monde s'entend là-dessus, et que cette situation est loin d'être
critique comme celle qu'on envisageait il y a quatre, cinq ou même six
ans?
M. Archambault: M. Fortier, peut-être pourrais-je commencer
par vous dire que je ne comptais pas que notre mémoire soit pris d'un
point de vue pessimiste. Par contre, je ne voulais pas non plus qu'on pense
que, parce qu'on a le tuyau en terre, on puisse avoir des voeux pieux et que
tout à coup les objectifs vont se réaliser tout seuls.
M. Fortier: Je suis complètement d'accord.
M. Archambault: Nous avons des obstacles. Ils sont définis
par nous et ils ont été définis par d'autres aussi. Vous
avez tout à fait raison de dire que ces objectifs ont été
établis dans un contexte qui tenait compte du point de vue
fédéral dans son plan énergétique de 1978 et de
celui du Québec dans sa politique énergétique de la
même année.
À ce moment, on était tous très craintifs, bien
sûr, des approvisionnements mondiaux d'énergie et tous les pays
consommateurs se devaient de chercher une politique pour assurer la plus grande
autonomie énergétique possible. Nous produisons tout ce qu'on a
chez nous d'abord et, ensuite, cherchons une diversification des sources
d'approvisionnement pour assurer notre sécurité.
Nous vivons depuis un an une période difficile, à cause de
la récession économique générale et mondiale et,
également, à cause des problèmes particuliers à
l'intérieur de l'OPEP, à cause de la surproduction par rapport
à la demande. Mais peut-être pourrais-je vous rappeler qu'au mois
d'octobre dernier, l'Agence internationale de l'énergie publiait son
deuxième livre intitulé Perspectives énergétiques
mondiales, où, évidemment, déjà cette situation de
l'offre dépassant la demande existait déjà. Ils en font
bien état. Dans les recommandations de cette agence, dont fait partie le
Canada bien sûr, il est clairement indiqué que si des
progrès ne se matérialisent pas dans la substitution au
pétrole des autres formes d'énergie - ce n'est pas seulement pour
le Canada, c'est pour tout l'ensemble des pays - nous risquons très fort
de nous retrouver dans une situation de déséquilibre de demande
par rapport à l'offre dans la deuxième moitié des
années quatre-vingt; et la même chose s'est
répétée en 1973 jusqu'en 1978. On donne des statistiques.
Évidemment, le tiers monde est un consommateur très faible
d'énergie par rapport à l'Amérique du Nord, par rapport
à l'Europe, mais il est très important de noter que lorsque la
reprise économique reprendra chez nous, elle devrait également
reprendre dans le reste du monde. Souhaitons que ce soit le plus tôt
possible. (17 heures)
Des augmentations de 1% ou 2% de la demande d'énergie au point de
vue mondial vont recréer des pressions terribles qu'on a senties durant
les années soixante-dix. On se doit immédiatement, on a les
infrastructures au moins de transport pour parler uniquement du gaz naturel, on
les a jusqu'à Québec. Je pense qu'il est très important
qu'on continue, même maintenant, à faire les réseaux de
distribution nécessaires pour arriver à cet objectif de 16%
à 18% dans le bilan énergétique québécois
même si, à très court terme, on peut voir un surplus
d'hydroélectricité qui pourrait se vendre pendant certains
étés. Il ne faudrait pas compromettre la rentabilité et
l'effort du gaz naturel pendant cette année, l'an prochain et
l'année suivante pour se retrouver encore une fois dans des moments de
panique.
M. Fortier: Ce que vous venez de dire, avec la récession
qui se continue
malheureusement, c'est que tout ce scénario se trouve
déplacé de deux ou trois ans dans l'avenir. Le programme qui est
mis en branle maintenant devait être réalisé, compte tenu
d'hypothèses qui existaient il y a quelques années. On peut
croire, autant qu'on puisse lire l'avenir, que le scénario est
décalé dans le temps sûrement et qu'on a quelques
années pour s'ajuster à la situation.
M. Archambault: Ce qui nous a incité, dans notre
mémoire, à parler aussi directement dans nos conclusions
d'harmonisation et de choses comme celle-là, c'est qu'avant que le gaz
puisse être distribué dans les villes du Québec, il faut
qu'il y ait un contrat de transport avec TQM ou un contrat de vente avec TQM.
Or, ces contrats, normalement, se négocient 18 mois avant la livraison
et il faut quand même installer les réseaux. Nous pressentons - je
l'ai dit plus tôt, ce n'est pas nous qui avons la majeure partie des
contacts avec les industries - qu'en ce moment, il y a une hésitation
des industries à recourir au gaz. Elles se rendent compte qu'elles
convertiront éventuellement au gaz - mais pourquoi se convertir cette
année si elles sont capables d'obtenir du mazout subventionné
à des prix inférieurs?
M. Fortier: II peut y avoir d'autres motifs, également.
Plusieurs experts parlent du fait que la politique nationale de
l'énergie pourrait être révisée. Quels effets cela
aura-t-il sur le coût du pétrole? Quels effets cela aura-t-il sur
le gaz? Les subventions ne paient pas tous les coûts de conversion et si
une industrie est en difficulté temporaire présentement, elle
tend à minimiser ses investissements et tend donc à retarder ce
genre d'investissement qui pourrait l'amener éventuellement à
adopter le gaz. Il y a plusieurs raisons, indépendamment des raisons que
vous avez explorées dans votre mémoire, qui font qu'il y a des
hésitations présentement. Vous avez les faits. J'imagine que
votre société a les faits parce qu'on peut imaginer que la
pénétration n'est pas aussi bonne. Je peux avancer des chiffres
mais peut-être que vous, à titre de représentant de Trans
Québec Maritimes, vous pouvez nous dire quels étaient les
objectifs fixés pour 1982, 1983 et quelles furent les ventes
réelles en 1982 par rapport aux objectifs fixés? Autrement dit,
cette mesure globale devrait nous donner une mesure du succès ou de
l'insuccès. Il est très facile de faire des pro forma
jusqu'à l'an 1990 mais, comme vous l'avez dit, vous même, la
rentabilité des tuyaux qui sont en terre va se mesurer sur la base des
ventes qui se font présentement et non pas des ventes qui se feront en
1990 puisque d'année en année, avec les investissements qui sont
faits, les distributeurs doivent emprunter davantage pour favoriser ces
nouveaux investissements. Est-ce que vous avez les chiffres sur les ventes
réelles qui ont été faites? Je ne demande pas le montant
des contrats donnés.
M. Archambault: M. Heider est plus au courant que moi des
chiffres précis.
M. Heider (Robert): Nous avons signé des contrats.
C'était avec Gaz Inter-Cité Québec pour les ventes dans la
région de Trois-Rivières. C'est tel que nous l'avions
prévu. C'est à l'échelon que nous avions prévu. En
ce qui concerne Gaz Inter-Cité Québec, elle n'a pas pu
réaliser ses prévisions, c'est-à-dire de rejoindre et
d'abonner les industriels dans la région de Trois-Rivières. C'est
là une indication qu'il y a une difficulté à rejoindre la
grande industrie. Il sera très important d'obtenir des contrats avec
l'industrie dans les régions de Trois-Rivières, de la Mauricie et
du Lac-Saint-Jean. Cela va appuyer énormément le
développement d'une région beaucoup plus résidentielle et
commerciale comme Québec.
C'est tout le développement, si vous voulez, de la distribution
du gaz qui est affecté par ce point clé, qui est de raccorder
certaines industries pour nous permettre d'obtenir un facteur d'utilisation
quand même assez élevé et permettre une
rentabilité.
La difficulté est là. Les ventes ne se sont pas encore
matérialisées. Si Gaz Inter-Cité Québec, par
exemple, signait avec ses clients industriels demain, cela prendrait encore
quelques mois avant de pouvoir les raccorder. On accuse un délai d'au
moins un an.
M. Fortier: Si j'étais actionnaire de Gaz
Inter-Cité Québec, pour prendre un exemple, ou si j'étais
membre du conseil d'administration, je dirais que l'année 1983 est une
année très critique. On va probablement continuer, en 1983,
à faire les investissements qu'on avait prévus, mais, avant
d'entreprendre 1984, on va voir si les industriels de Trois-Rivières,
dont vous parlez, vont se raccorder ou si les ventes vont se faire. Autrement
dit, je crois que l'inquiétude que vous manifestez, c'est qu'on ne peut
pas impunément continuer avec le plan de cinq ans que SOQUIP nous a
tracé sans savoir s'il y a eu des succès ou s'il y a des
succès à l'horizon pour justifier les investissements qui se
font. Je crois que c'est le sens de votre inquiétude. Enfin, c'est de
cette façon que je l'analysais.
M. Heider: Oui, c'est la façon de le voir. Naturellement,
1983, c'est l'année qui va démontrer si, oui ou non, on va
pouvoir justement réaliser les objectifs de Trois-
Rivières. C'est également l'année qui va
probablement indiquer si on va pouvoir les réaliser jusqu'au
Lac-Saint-Jean, parce que, déjà, la construction devait
être entamée. Je ne doute pas qu'on devra consulter les industries
avant de procéder à la construction de ces embranchements.
M. Fortier: II y a un sujet que j'aimerais aborder parce que
c'est la première occasion que nous avons d'en discuter avec vous. Il y
a eu des changements et, d'ailleurs, dans votre mémoire, il y a deux
tableaux. Le premier tableau démontre que Trans Québec &
Maritimes devait construire tous les embranchements, c'est-à-dire que
vous en étiez responsables. Maintenant, vous avez des
responsabilités plus limitées. L'une des raisons qui ont
été données, entre autres, c'est l'accroissement des
coûts considérables de la construction du gazoduc.
M. Archambault: C'est juste.
M. Fortier: Quant à l'accroissement des coûts, selon
ce qu'on a dit, certains ont dit que Trans Québec & Maritimes
était peut-être responsable puisqu'on n'avait pas prévu,
dans l'estimation des coûts, qu'au Québec, il y avait beaucoup
plus de clôtures et beaucoup plus de rivières qu'en Alberta, que
l'estimation des coûts avait été faussée à ce
sujet et que même les entrepreneurs qui avaient été
appelés n'avaient pas répondu adéquatement aux exigences
du Québec. Par ailleurs, il y a eu d'autres accroissements des
coûts, à cause du retard à trouver le tracé, du fait
qu'on vous a obligés à passer dans des terrains
marécageux, en particulier entre Québec et Trois-Rivières.
Enfin, il y a eu toute la question du zonage agricole.
Si on prend le tracé de Montréal jusqu'à
Québec, quel en sera le coût et quelle est l'augmentation des
coûts par rapport à l'estimation que vous aviez faite il y a cinq
ans? On a parlé, dans les journaux, du simple au double. Est-ce que
c'est aussi effrayant que du simple au double?
M. Archambault: C'est très difficile à comparer,
mais je suis sûr que cet ordre de grandeur est probablement assez juste.
Par contre, il faut dire que les premières estimations ont
été faites en 1977 et que, dans l'industrie du pipeline, il y a
eu une augmentation fort importante entre 1978 et 1981. Qu'il y ait eu TQM ou
non, cela a été très important.
Un autre facteur est très important. Je vous avoue que cela fait
presque un an que je n'ai pas regardé le catalogue de Statistique
Canada, mais si on le consulte, relativement aux prix du gros, on constatait,
il y a un an, que sur un index 1971 égale 100, le pipeline, le tuyau,
parmi à peu près tous les produits manufacturés,
était celui qui avait le plus monté. Mais cela encore...
M. Fortier: Est-ce que c'est à cause de cela que le
ministre fédéral de l'Énergie a commandé une
étude spéciale? Je crois qu'il a engagé un "one man
study"?
M. Archambault: Oui.
M. Fortier: Est-ce que cette étude est en cours? Est-ce
qu'elle est terminée?
M. Archambault: C'est pour tenir compte de ces facteurs, des
facteurs évidemment - vous êtes certainement au courant du
"National Pipeline Agreement" -relatifs aux taux qui sont payés en vertu
de cette entente. C'est pour examiner cette question. C'est pour examiner
également une certaine inquiétude que toute l'industrie du gaz a
en ce moment sur les coûts que j'appellerais réglementaires et qui
deviennent de plus en plus importants, avant qu'un projet linéaire comme
un gazoduc puisse aller de l'avant. Vous n'êtes pas sans savoir que, pour
Foothills, par exemple, la société qui doit construire
éventuellement le gazoduc à partir de la frontière de
l'Alaska jusqu'à l'Alberta et ensuite aux États-Unis, pour ce qui
est de sa section du Yukon, c'est-à-dire la section nord de Foothills,
qui n'est pas construite, l'engineering est fait, mais tout le truc est pour le
moins en suspens.
Il y a eu plus de 100 000 000 $ d'études d'engineering et
d'études dites réglementaires pour satisfaire l'Office national
de l'énergie, etc. Or, c'est également un des sujets des
études, c'est-à-dire pour savoir si le commanditaire d'un
pipeline devrait arriver avec un projet dont l'étude n'est pas
terminée pour avoir au moins une autorisation de principe et ensuite
pouvoir procéder à une seconde étape, sans prendre les
très grands risques que nous devons prendre. Cela couvre un ensemble de
facteurs.
M. Fortier: Autrement dit, les études d'ingénieurs
sont reprises à deux ou trois fois.
M. Archambault: C'est cela. Vous êtes ingénieur
vous-même. Vous savez très bien que si vous faites une
étude...
M. Fortier: J'ai connu cela dans le domaine nucléaire.
M. Archambault: Si vous faites une étude
spécifique, en 1975, pour un bâtiment ou pour un projet comme le
pipeline, mais que vous allez l'implanter seulement en 1985, vos plans
spécifiques ne serviront plus.
M. Fortier: Quelle est l'importance de
ces coûts accrus par rapport aux estimations originales? Je sais
que cet accroissement des coûts est amorti par les usagers du gaz au
Québec et en Ontario. Heureusement pour nous, au Québec, ce n'est
pas seulement nous qui en payons la note. Mais quel est l'impact de cet
accroissement des coûts sur le coût de vente que vous faites
vous-mêmes aux deux distributeurs québécois, parce que
c'est minime, c'est minime sur quelque 4 $.
M. Archambault: Enfin, cela ne joue pas à cause de la
formation des prix. Le prix auquel nous vendons le gaz est un prix
déterminé par un décret administratif
fédéral. De ce prix, on enlève les frais de transport et
le reste va aux producteurs albertains. Ceux effectivement qui se sentent le
plus visés par les augmentations des coûts de transport, ce sont
les producteurs albertains et également...
M. Fortier: Les contribuables.
M. Archambault: Évidemment, le gouvernement
fédéral, parce qu'il y a une taxe également. Vous avez le
prix du gaz à la frontière de l'Alberta, auquel s'ajoutent les
frais de transport de PCPL et de TQM et auquel s'ajoute aussi une taxe
fédérale, et la somme de ces quatre éléments
égale 65% du prix du pétrole. Or, si un des
éléments augmente, celui qui va diminuer, ce sont les frais de
transport, ce sont les frais fixes. Le prix du gaz à la frontière
de l'Alberta il a été conclu et il est dans une entente
fédérale-provinciale. Or, c'est la taxe fédérale
qui doit diminuer. (17 h 15)
M. Fortier: La dernière question que j'aimerais vous poser
a trait à la nature des services que votre société rend.
Vos deux actionnaires sont producteurs de gaz; donc, dans une mesure, vous
distribuez le gaz dont vous exploitez le pipeline, le gazoduc. En plus de
vendre votre propre gaz, j'imagine que vous vendez également le gaz de
d'autres producteurs albertains puisque SOQUIP nous a dit que ceux-ci ont
reçu l'autorisation de vendre du gaz; donc, éventuellement ce gaz
sera acheminé au Québec par l'entremise du gazoduc qui vous
appartient.
M. Archambault: Est-ce que je peux tout de suite vous corriger
là-dessus? NOVA, une société d'Alberta, est une entreprise
importante et diversifiée. Au point de vue du pipeline, qui est
sûrement la majeure partie de ses opérations, c'est la
société qui est responsable de la collecte du gaz en Alberta.
Elle s'appelait autrefois Alberta Gas Company. C'était ni plus ni moins
la TransCanada PipeLines de l'Alberta. Donc, tout ce réseau, c'est
l'inverse d'un réseau de distribution, si vous voulez. Tout ce
réseau a des milliers et des milliers de puits et un réseau de
transport fort important en Alberta jusqu'à la frontière de
l'Alberta et de la Saskatchewan, dans le cas de TransCanada, et de l'Alberta et
de la Colombie britannique, dans le cas de Inland Natural, un groupe
américain. Cela, c'est pour la société albertaine NOVA. La
société albertaine NOVA a également, par une filiale qui
s'appelle Pan Alberta Gas, une activité d'acheteur et de vendeur de gaz,
mais c'est une activité à part, un peu comme celle de SOQUIP, qui
a acheté du gaz produit par d'autres. L'occupation principale de
TransCanada PipeLines est la construction et l'exploitation du réseau
à partir de la frontière de l'Alberta et de la Saskatchewan
jusqu'à Montréal. TransCanada achète également une
très grande quantité de gaz en Alberta d'un millier de
producteurs. Alors ni TransCanada par elle-même ni NOVA par
elle-même ne sont des producteurs, elles sont des acheteurs pour la
revente.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Montmagny.
M. LeBlanc: M. le ministre a parlé plus tôt de la
prolongation éventuelle vers l'Est du Québec. Parmi les raisons
qui ont été invoquées pour suspendre ou retarder non pas
la construction, mais la prise de décision de construire cet
embranchement vers l'Est, on parle d'énergie. En fait, beaucoup
d'énergie humaine a été déployée,
consacrée et dépensée pour ce vaste projet qu'était
le port méthanier de Gros Cacouna. Est-ce qu'on ne peut pas en
déduire, à la suite de la réponse que vous avez
donnée tantôt, que le prolongement vers l'Est, pour couvrir tout
le secteur de l'Est du Québec, serait relié à une
décision d'approvisionnement à partir de l'île de Sable?
Comme les représentants de SOQUIP, hier, ont fait mention des
résultats éventuels, s'ils étaient probants, des forages
dans l'estuaire du Saint-Laurent, près des Îles-de-la-Madeleine,
et ont dit que même le produit de ces forages, le gaz naturel produit,
pourrait être acheminé directement vers l'Est des
États-Unis, est-ce qu'on ne peut pas en déduire que tout le
secteur de Québec-Rivière-du-Loup et plus bas ne serait en fait
desservi que si l'approvisionnement venant de l'est vers Québec
était possible ou était nécessaire? Le port de Gros
Cacouna étant à toutes fins utiles un port d'entrée pour
le gaz, il y aurait eu une conduite vers Québec, mais, pour tout ce
secteur de la rive sud du Saint-Laurent, ce serait à toutes fins utiles
une éventualité, et la possibilité qu'il soit desservi par
le réseau est très hypothétique.
M. Archambault: Dans ma remarque
plus tôt, je ne prenais en considération que les
réserves de l'île de Sable, bien sûr, si le projet de Gros
Cacouna venait à se réaliser. J'ai lu dans les journaux
récemment que les audiences devant l'Office national de l'énergie
doivent reprendre. Enfin il y a une demande de reprise d'audience devant
l'office. Évidemment, il faudra un pipeline pour raccorder ce gaz au
réseau principal. À ce moment, il y aura certainement un pipeline
qui va raccorder le gaz au réseau principal.
Vous me parliez de réserves possibles dans l'estuaire du
Saint-Laurent; si, effectivement, il y a des découvertes importantes qui
se font, certainement, selon qu'elles sont économiques, je parle de
réserves assez importantes, on voudra les déplacer et
éventuellement les acheminer dans le réseau. Le contraste que je
n'ai peut-être pas fait valoir mais que je cherchais à faire
valoir, c'est que, dans notre projet initial, le gaz consommé à
Halifax était du gaz de l'Alberta qui venait par Montréal et
Québec et qui se rendait jusqu'à Halifax. Ceci n'apparaît
plus possible, pour des raisons principalement économiques, parce que
c'est vraiment trop cher pour les marchés à desservir. Par
contre, on étudie, et il y a des travaux de forage fort importants qui
ont eu lieu à l'île de Sable; si les réserves sont
éventuellement suffisantes, à ce moment, il y a un
éventail de projets qui s'offrent, dont un que nous étudions - on
est en train de négocier avec le gouvernement fédéral pour
en faire des études très précises - et c'est celui
d'amener le gaz de l'île de Sable et le relier à
Québec.
M. LeBlanc: Surtout en vue d'augmenter l'approvisionnement de
Québec même et de sa région.
M. Archambault: C'est-à-dire de le mettre dans le
réseau dans son entier. Vous n'êtes pas sans savoir que la
province de la Nouvelle-Écosse aimerait beaucoup voir ce gaz
exporté aux États-Unis parce que, dans son optique, c'est le
marché du Nord-Est américain qui est le plus susceptible
d'apporter des fonds importants pour son gaz.
M. LeBlanc: Advenant que cette décision tarderait beaucoup
ou, à toutes fins utiles, ne serait pas prise à cause d'un
approvisionnement insuffisant ou d'un coût dispendieux d'approche, la
continuation du réseau de Québec vers l'Est pour un certain
secteur de la rive sud...
M. Archambault: Elle est reportée. Je vais vous donner un
chiffre approximatif -j'ai été tellement estomaqué de
l'entendre, il est éloquent - pour traverser le fleuve à
Québec avec un gazoduc, cela coûte 40 000 000 $.
M. Duhaime: Je m'excuse, ces 40 000 000 $, est-ce qu'ils
étaient dans les premiers chiffres qui rejoignent le plan qui est en
annexe, votre tableau I de votre mémoire, où on trouve le
tracé initial qui faisait Montréal-Québec sur la rive nord
et ensuite jusqu'à Clermont, pour aller vers La Baie, Alma, Dolbeau et
où il s'agissait de franchir le Saint-Laurent pour aller vers
Breakeyville? C'est cela?
M. Archambault: Oui. Le projet que vous mentionnez, la carte que
vous voyez, ce n'est pas tout à fait le projet qui avait initialement
été approuvé par l'office. Il y avait une traversée
du fleuve à Trois-Rivières et une autre à Québec
avec une ligne d'un plus petit diamètre. Mais, de mémoire, les
estimations sur ces traversées étaient incroyablement
inférieures à ce qu'on a pu réaliser quand on a fait le
design final de l'engineering des traversées.
En fait, on a été estomaqué parce que quelqu'un
nous a dit: Vous vous rendez compte, pour mettre deux lignes de transport de
gaz naturel à haute pression dans le fleuve près de
Québec, cela va vous coûter aussi cher que le pont Pierre-Laporte,
en dollars évidemment de 1984, par rapport à des dollars de 1970,
mais, au point de vue du "cash", c'est cela.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député de Saint-Laurent, une courte question, on accuse un retard
important.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous vous plaignez de la concurrence du
mazout, le fameux mazout no 6. J'essaie de comprendre. Je regarde le coût
par million de BTU. En tenant compte que le fédéral subventionne
la conversion - je pense que c'était 50% - si on regarde la situation
concurrentielle des prix du gaz, du mazout et même de
l'électricité - je pense bien que vous nous concéderez un
préjugé favorable envers Hydro Québec - si on regarde par
million de BTU, le prix du gaz naturel, 5,72 $, on ne parlera pas de
l'interruptible, le mazout no 6, 5,87 $ - si je comprends bien, c'est plus cher
- ensuite, l'électricité excédentaire par million de BTU,
5,19 $. Cela ne me semble défavoriser, à première vue - je
ne suis pas un expert là-dedans, je ne suis pas ingénieur - le
gaz naturel.
M. Archambault: M. le député, on ne reconnaît
pas ces chiffres.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous ne les reconnaissez pas.
M. Archambault: Non. Ce n'est pas dans notre mémoire.
M. Leduc (Saint-Laurent): On nous a induit en erreur.
M. Rodrigue: Quand vous dites que vous ne les reconnaissez pas,
est-ce parce que vous les niez ou est-ce parce que vous ne les reconnaissez
pas, c'est-à-dire que vous ne vous rappelez pas les avoir vus.
M. Archambault: C'est exact, on ne se rappelle pas les avoir
vus.
M. Rodrigue: Très bien. Il y a l'expression "ne pas
reconnaître", ce qui veut dire "nier".
M. Archambault: Non.
M. Duhaime: II ne se rappelle pas les avoir vus.
M. Rodrigue: Vous nous avez inquiétés pour quelques
secondes.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je vais les garder
précieusement.
Le Président (M. Laplante): Pas autre chose
là-dessus, M. le député de Vimont? Une courte
question.
M. Rodrigue: M. le Président, on a eu des indications
récemment à savoir que l'Office national de l'énergie
aurait manifesté l'intention... Il y a eu une nouvelle formule de
répartition du coût des gazoducs dans les diverses zones
tarifaires de TransCanada PipeLines et de Trans Québec et Maritimes.
L'office avait d'ailleurs fait allusion à la création de trois
zones à l'intérieur de la seule zone actuelle. Pourriez-vous nous
expliquer premièrement le fonctionnement des zones tarifaires en regard
de l'établissement des prix du gaz au Québec?
Deuxièmement, l'intérêt pour les transporteurs, par
exemple, de Trans Québec et Maritimes, de modifier les zones tel que le
propose l'Office national de l'énergie. Troisièmement, dans
l'hypothèse où des nouvelles zones seraient créées
au Québec, par quel mécanisme les prix aux distributeurs
pourraient-ils être maintenus égaux partout au Québec tel
que s'est engagé à le faire le gouvernement fédéral
avec sa politique nationale de l'énergie? (17 h 30)
M. Archambault: L'établissement des zones tarifaires
depuis l'Alberta a un historique de plus de vingt ans, puisque cela a
commencé avec les premiers prix de la TransCanada PipeLines en 1957.
À ce moment, TransCanada avait établi une zone pour la
Saskatchewan, une zone pour le Manitoba, trois zones pour l'Ontario et une zone
qui comprenait l'est de l'Ontario à 30 ou 40 milles de Toronto
jusqu'à Montréal.
Elle s'appelait la zone de l'Est. Lors de la première
requête en tarification entendue par l'office sur les tarifs de
TransCanada PipeLines en 1972 et 1973, l'office a modifié les zones, en
particulier la zone de l'Est, de façon qu'une seule zone existe pour
fins de tarification, de Toronto jusqu'à Montréal. Cette
situation a persisté jusqu'à l'an dernier où la zone a
été prolongée jusqu'à Trois-Rivières et
Québec.
Par contre, comme je le disais, la formation des prix de gaz naturel a
été modifiée depuis 1975 à cause d'une loi
fédérale qui s'appelle la Loi sur l'administration de
l'énergie, autrefois la Loi sur l'administration du pétrole.
Depuis cette date, c'est par décret ou par règlement
fédéral que les prix sont fixés partout au Canada,
à l'extérieur d'une province de production, donc cela veut dire
l'Alberta à toutes fins utiles. Pour fins de fixation de ces prix, le
gouvernement, si vous voulez, s'indexe sur les fameuses zones de l'Office
national de l'énergie et y fait référence, mais il fait
référence avec son pouvoir exécutif. Ce n'est pas l'Office
national de l'énergie qui détermine cela maintenant, c'est
vraiment le gouvernement fédéral, le cabinet, par
règlement. Or, par règlement, le gouvernement
fédéral reconnaît aujourd'hui une zone de l'Est, de Toronto
jusqu'à Québec, où il y a un prix unique.
Vous me parliez plus tôt d'un rapport de l'Office national de
l'énergie, où il y a eu une discussion sur les zones. Il y a
effectivement un rapport de l'Office national de l'énergie où la
question des prix du gaz naturel a fait l'objet de recommandations de l'Office
national de l'énergie. L'étude a été faite par
l'Office national de l'énergie, en tenant compte de son rôle de
conseiller, parce que l'office a deux rôles: il a un rôle
judiciaire pour fixer les tarifs de transport et un rôle de conseiller
pour donner des conseils au gouvernement. Dans son rôle de conseiller, il
a tenu une audience et il est arrivé à la conclusion, comme vous
le dites, de séparer la zone de l'Est en trois sous-zones. Il est clair,
depuis ce temps, que le gouvernement fédéral n'a pas jugé
bon de tenir compte de cette recommandation de l'office puisque, par
règlement, il continue de fixer des prix égaux pour service
égal, que ce soit à Toronto, à Montréal ou à
Québec. Évidemment, c'est très important au point de vue
de toute la rentabilité des réseaux et de l'expansion du gaz.
M. Rodrigue: Si je comprends bien, si cette recommandation avait
été acceptée, les prix auraient été
différents, parce qu'il y aurait eu trois zones différentes.
M. Archambault: Les prix auraient été
différents et plus élevés parce que la distance est un
facteur assez important dans
le transport général et dans le transport du gaz naturel,
en particulier.
M. Rodrigue: Si je comprends bien, comme c'est une recommandation
qui n'a pas été retenue par la suite, ce serait un projet qui
serait pour l'instant mis de côté.
M. Archambault: C'est mis de côté, mais
récemment il y a eu un communiqué de l'Office national de
l'énergie où il voulait reconsidérer les zones à
l'est de l'Alberta, les zones pour TransCanada PipeLines, et ils ont
décidé de ne pas les reconsidérer. Alors, il y a eu un
changement d'idée, il y a eu deux semaines. M. Heider est beaucoup plus
au courant des faits.
M. Heider: Je crois que l'Office national de l'énergie
entendait procéder avec des audiences de TransCanada PipeLines où
serait discutée cette question de zone. Alors, après avoir
annoncé ceci brièvement, l'office a finalement
décidé que le sujet de zone qui serait discuté dans la
cause de TransCanada PipeLines et qui sera entendu à compter du mois de
mai prochain touchera seulement au North Bay "short-cut", c'est-à-dire
à la nouvelle ligne qui a été construite par TransCanada
PipeLines entre North Bay et Cornwall sur la ligne qui se dirige vers
Montréal. Il a également annoncé que, peut-être,
à une date ultérieure, à être fixée plus
tard, il rouvrirait un dossier sur la question des zones.
Je pourrais mentionner ici que la compagnie TQM a toujours soutenu que
les prix dans la zone d'expansion devraient être maintenus au prix qui
était fixé à Toronto et que le principe d'avoir des prix
semblables de Toronto jusqu'à Québec devrait être maintenu
pour permettre la pénétration du gaz naturel. C'est
sûrement une position que nous continuerons d'adopter.
M. Rodrigue: En d'autres mots, c'est une hypothèse qui est
toujours sujette à étude.
Le Président (M. Laplante); D'accord. MM. Archambault,
Lizotte, Heider et Dang, les membres de cette commission vous remercient de
votre participation.
J'appelle maintenant la Cie de construction Antagon Ltée,
Construction Beaver et Société de construction D.C.L.
Ltée.
Bonjour messieurs. Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin
lorsqu'on a fait l'appel des mémoires. Si vous voulez résumer
cela le plus succinctement possible.
Antagon Ltée, Construction Beaver et D.C.L.
Ltée
M. Gignac (Richard): Je me présente.
Je suis Richard Gignac de la Société de construction
D.C.L. Ltée et M. Jacques Boucher de la compagnie de construction
Antagon Ltée. Nous vous prions d'excuser l'absence de M. Jacques Brochu,
qui a collaboré à la rédaction du mémoire, mais qui
a dû s'absenter pour des raisons personnelles.
Nous avons centré notre intervention sur deux volets, soit
l'effet des constructions gazières sur l'industrie de la construction
à une époque où on ressent un ralentissement notoire tant
au niveau des travaux de la Baie-James qu'à celui de la modernisation
des raffineries, et l'effet ultérieur que nous pressentons par suite des
conditions particulières associées à la construction de
canalisations gazières.
Nous avons porté une attention particulière aux conditions
générales qui sont consenties à la main-d'oeuvre, dans le
domaine de la construction de canalisations gazières. On sait que
dès l'arrivée du pipeline, les interventions de la partie
syndicale indiquent que le National Pipeline Agreement devait s'appliquer sur
la construction de canalisations gazières, ayant pour effet final
d'augmenter considérablement les coûts de construction. Le
marché de la construction en est un à long terme dans lequel nous
devrons évoluer pour plusieurs années encore. Nous croyons que
l'application du décret de la construction dans l'industrie
générale permettra la construction des canalisations
gazières partout en province et ce, à des taux plus
économiques. Les problèmes rencontrés lors du début
de la traversée du lac des Deux Montagnes, à Vaudreuil, pour en
venir à des ententes tenant compte de l'application du National Pipeline
Agreement, il y a eu des concessions dans le décret qui ont
apporté des surprimes aux travailleurs de l'industrie de la construction
affectés aux travaux de pipeline. Ces surprimes étaient de 2 $
l'heure et sont, aujourd'hui, de 2,42 $ et sont associées de clauses
normatives particulières.
Compte tenu que nous oeuvrons non seulement dans la construction de
canalisations gazières mais aussi dans les grands travaux de la
Baie-James, les travaux d'aqueduc et les travaux de routes, nous croyons que
les conditions particulières qui sont consenties aux travaux de
canalisations gazières ne sont nullement justifiées. À
titre d'exemple, le fait d'enfouir une conduite à un mètre de
profondeur - c'est une conduite en plastique qui est généralement
utilisée pour la distribution auprès des consommateurs - ne
représente aucune difficulté spécifique par rapport
à l'installation d'un égout ou d'un aqueduc à un ou deux
mètres de profondeur. Pour nous, qui oeuvrons dans les deux domaines,
les mêmes employés sont appelés, à un moment ou
à un
autre, à travailler parfois sur les égouts et parfois sur
la canalisation gazière. Il va de soi qu'à plus ou moins long
terme, nous ne serons pas en mesure d'expliquer pourquoi la canalisation
d'égout doit être posée à un taux inférieur
à la canalisation gazière. Nous croyons que cet effet, sur
l'industrie de la construction, sera néfaste et
détériorera notre compétitivité. À cet
effet, nous proposons et nous recommandons les mesures qui suivront.
Avant de passer aux recommandations finales, une autre tendance qui a
prévalu dans la construction de réseaux gaziers, c'est d'avoir
des échéanciers très courts et d'étaler la semaine
de travail sur des périodes allant jusqu'à 60 heures
hebdomadairement, des journées de douze à quatorze heures.
L'effet premier de ces horaires, c'est une charge de surtemps exorbitante.
Passé 40 heures, la main-d'oeuvre est payée à temps
double, alors qu'elle est fatiguée et moins productive, à tout le
moins.
Nous croyons important, à titre de partenaire dans les compagnies
qui distribuent le gaz, qu'une intervention rapide soit faite pour s'assurer
que les échéanciers prévoient des semaines normales de
travail de 40 heures, afin de minimiser ces coûts exorbitants de
surtemps. Il faut s'assurer que, lors de la préparation des soumissions,
tout entrepreneur qui devrait appliquer de tels surtemps devrait aussi en
inclure le coût dans sa soumission.
L'année dernière, lors de notre intervention dans le
domaine gazier, nous avons installé plus de 175 kilomètres de
conduites de distribution et nous l'avons fait sur une période de 40
heures. Nous avons dû subir quelques foudres. Évidemment, les gens
qui voyaient les concurrents travailler selon un horaire plus
étalé étaient attirés par ces compagnies. Nous n'en
avons quand même pas moins réussi à accomplir notre
tâche et ce, avec un profit raisonnable.
Nous croyons que si les coûts de construction viennent tarer
indûment le réseau gazier, le coût de l'énergie
gazière, les projets devront, à plus ou moins long terme,
être soit reportés, soit annulés complètement. Pour
nous qui oeuvrons dans le domaine de la construction, cette solution nous
paraît la moins enviable parce que notre gagne-pain provient de ces
travaux de construction.
Conclusion et recommandations. La construction du réseau de
transport et de distribution de gaz naturel constituera, pour plusieurs
années, à notre avis, un secteur d'activité très
important pour l'industrie de la construction. L'expansion du réseau ne
pourra se poursuivre que pour autant que les coûts de construction ne
viennent pas tarer indûment la valeur économique de
l'énergie gazière.
Il n'y a aucun doute quant à la capacité de l'industrie
québécoise de réaliser l'exécution des travaux. Il
faut, toutefois, maintenir un cadre d'activité qui reflète la
situation générale de l'industrie de la construction afin
d'éliminer la convoitise qu'entraînent des emplois
démesurément rémunérateurs.
Nous recommandons, premièrement, de ramener le salaire des
ouvriers impliqués dans la construction de gazoducs et au réseau
de distribution aux mêmes taux que tout autres travaux régis par
le décret de la construction. Il n'existe, à notre sens, aucune
raison valable pour que l'ouvrier affecté à ces travaux
bénéficie d'un salaire horaire de 15% plus élevé
que les autres; deuxièmement, que les échéanciers des
projets particuliers permettent des horaires normaux de travail et n'obligent
pas à poursuivre les travaux durant les fins de semaine et à
raison de douze à quatorze heures par jour; troisièmement, que
les clauses normatives de travail reflètent le caractère
saisonnier des travaux de gazoduc au même titre que les travaux
d'égout et d'aqueduc. Ceci signifie en particulier, l'horaire normal de
travail de 45 heures à temps simple, l'élimination des vacances
de la construction en période estivale, où les conditions de
construction sont les meilleures.
Enfin, il nous apparaît essentiel pour notre industrie que des
mesures incitatrices soient prises dans d'autres domaines afin de favoriser le
maintien et le développement de l'industrie de l'énergie au
Québec. Le maintien des services des raffineries existantes au
Québec, le développement de l'industrie pétrochimique et
l'accessibilité du gaz naturel dans toutes les régions du
Québec.
Finalement, nous espérons une continuité dans
l'exécution des travaux afin de pouvoir maintenir notre capacité
d'exécution vivante et ce, pour demeurer compétitifs tant chez
nous que dans les provinces voisines, advenant l'expansion du réseau
gazier. Merci. (17 h 45)
M. Duhaime: Je vous remercie. Je voudrais me
référer à votre mémoire, à la page 7, parce
que je pense qu'on pose les mêmes questions. Vous dites que les
investissements projetés pour 1983, que nous avions
évalués en décembre 1982 à 440 000 000 $, en
dollars 1982, ne semblent pas être en train de se matérialiser. Je
voudrais juste savoir sur quoi vous appuyez cette affirmation. J'aurais
peut-être d'autres chiffres tantôt à vous donner.
M. Gignac: Concernant le projet d'investissement de Gaz
Métropolitain cette année, les chiffres sont d'environ 30 000 000
$, chiffres qui affectent la
construction directement, 20 000 000 $ à 30 000 000 $, alors que
les chiffres qui avaient été prévus antérieurement
excédaient cette valeur. Nous avons été informés de
la consolidation du réseau de Gaz Métropolitain, ce qui a pour
effet de ralentir l'expansion sur ce point. Concernant les travaux des conduits
latéraux qui s'en vont vers l'Estrie et la Mauricie, il est prévu
qu'ils vont s'exécuter cette année. Par contre, les appels
d'offres ne sont pas encore publiés et vu le caractère saisonnier
de ces travaux, nous nous interrogeons sur cette hésitation. Nous
espérons toujours, lorsque nous exécutons de tels travaux,
profiter de la saison estivale à son maximum. S'il y a un retard indu
dans les appels d'offres, assurément que les coûts vont le
refléter, parce qu'ils devront prévoir les conditions
défavorables de l'automne.
M. Duhaime: Êtes-vous en train de me dire qu'il ne se
dépensera pas 110 000 000 $ en Mauricie en 1983? Cela n'a pas de bon
sens. Sous réserve de concilier les dollars de l'année dont nous
parlons, parce qu'il va y avoir une différence, nous avons entendu hier
en commission SOQUIP, qui nous a exposé dans son mémoire,
à la page 12, que vous pourrez vous-même revérifier,
j'imagine bien, un scénario d'investissements qui se totalisent pour la
période 1983-1987 à 2 400 000 000 $ et comprenant les
dépenses dans le transport, c'est-à-dire le gazoduc principal de
TransQuébec & Maritimes, qui est en voie de parachèvement, et
les embranchements à être construits par Gaz Inter-Cité,
c'est-à-dire tous les conduits latéraux projetés, la
Mauricie et une partie de l'Estrie en 1983, ensuite, en 1984,
Grand-Mère, Chambord, La Baie et, en 1985, le conduit latéral qui
reste dans la région de l'Estrie. Des investissements de distribution
sont compris et également des coûts de conversion. Alors, pour
1983, le mémoire de SOQUIP mentionne qu'il s'agit de dollars courant; ce
serait donc 383 000 000 $ pour 1983, 714 000 000 $ pour 1984 et 559 000 000 $
pour 1985, etc. Vous pourrez vous référer au document qui a
été déposé par SOQUIP. Ce sont, bien sûr, des
prévisions d'investissements, mais je prends en très bonne
considération l'avis que des gens qui sont sur le terrain donnent
à cette commission. S'il y a des retards, on en a eu jusqu'à
présent, je souhaiterais que nous n'en ayons pas trop et qu'on puisse
respecter les scénarios. L'information que j'ai, c'est que les choses se
déroulent normalement, les appels d'offres devraient être
lancés bientôt. Espérons que cela fonctionnera.
J'aurais peut-être une question. Je voudrais que vous
m'expliquiez... Je comprends que vous mentionnez qu'il y a une
différence de 2,42 $ en surprime, au-delà du décret de
construction; une de vos recommandations nous propose de ramener le salaire au
décret de la construction. Ai-je besoin de vous dire que nous l'avons
essayé, que finalement ceci est du ressort d'un autre ministère
et cela va de soi, mais nous pensons que si ce modus vivendi tient, on n'a pas
acheté la paix sur les chantiers? C'est évident que si on avait
pu se rendre à la demande des travailleurs d'appliquer le National
Pipeline Agreement, au lieu de 2,32 $, cela aurait été un montant
beaucoup plus considérable. Je voudrais que vous me disiez, en moyenne,
le taux horaire d'un soudeur, par exemple, que vous embauchez pour ce travail
délicat de joindre les deux bouts. Combien le payez-vous l'heure?
M. Gignac: Je vais répondre à votre question
d'abord. Le taux du décret est de 18,75 $ pour un soudeur - je vous cite
ces chiffres par coeur, disons qu'il peut y avoir erreur, mais on pourra
toujours les vérifier par après - qui est le taux applicable
à un soudeur travaillant sur la tuyauterie à haute pression dans
tout autre domaine, à l'exception de l'industrie du pipeline. À
cela, s'ajoute la surprime de 2,42 $, qui est applicable à tous les
travaux du pipeline, autant aux journaliers qu'à l'opérateur,
à toute personne oeuvrant sur le pipeline, et il s'ajoute encore une
prime particulière de pipeline ou de distribution, selon le cas, de 1 $
ou 0,75 $. Ce qui fait un salaire horaire que quelqu'un pourrait
additionner...
M. Duhaime: 22,17 $.
M. Gignac: Effectivement, à cela s'ajoutent les 10% de
vacances que touche le soudeur lors de la période des vacances en
juillet. Ceci constitue un salaire de base qui, lorsqu'il est appliqué
sur 40 heures par semaine, est raisonnable à notre avis. Il permet de
vivre assez adéquatement.
Lorsque vous prolongez la semaine de travail de 20 heures, vous ajoutez
880 $, ce qui amène le salaire à 1500 $, 1600 $, 1700 $, ce qui,
d'après nous, est démesuré, surtout en période de
récession où beaucoup de gens sont en chômage et pourraient
profiter de cet argent si, au lieu de travailler 40 heures avec une seule
personne, on partageait la charge de travail sur deux quarts, si on mettait
plus de gens pour exécuter les mêmes travaux à des
coûts équivalents, mais mieux répartis parmi les
travailleurs de la construction.
M. Duhaime: Sans avoir une petite calculatrice, je pars de 886,80
$ par semaine, sans ajouter les 10%. En les ajoutant, on fait un chiffre rond,
on va dire 900 $ par semaine. J'imagine que les vacances de la construction -
même si c'est saisonnier, je comprends cela - si on reporte cela sur une
base annuelle, cela va faire
cinq fois neuf: 45, 45 000 $...
M. Champagne: II y a des vacances normales.
M. Duhaime: Oui, je sais.
M. Champagne: 880 $ sur l'année, 36 000 $, cela a de
l'allure.
M. Duhaime: II y en a qui trouvent que les députés
sont trop payés. Nous, on n'est pas encore à temps et demi et il
est six heures moins dix et on va finir à minuit.
M. Gignac: Le pipeline a éliminé le temps et demi
complètement.
M. Duhaime: Ce que je voudrais ajouter, je voudrais vous le
demander sous forme de question. On me dit qu'il y a des salaires
jusqu'à 3000 $ par semaine qui se paient sur des chantiers de
construction du gazoduc pour cette classe d'emploi. Je voudrais savoir si c'est
vrai ou si on se fait raconter des histoires.
M. Gignac: Non, je crois que, effectivement, ces salaires ont
été payés lors de la construction du gazoduc principal qui
va amener le gaz jusqu'à Québec. Pour ce qui est des travaux de
distribution, ces salaires ne sont jamais possibles parce que, comme on dit,
même avec 60 heures d'exécution, on arrive à un maximum de
1600 $ à 1700 $. Ce qui crée la différence entre 1600 $ et
1700 $ d'un soudeur qui travaillerait 60 heures par semaine à la
distribution et les salaires dont on entend parler de 3000 $, 3500 $, ce sont
des conditions applicables au National Pipeline Agreement, qui s'appellent
"jumping time", qui s'appellent "temps d'humidité", qui ont toutes
sortes de nomenclatures pour augmenter le salaire de gens qui sont très
compétents, qui détiennent une technique certainement propre
à leur métier, mais qui, en aucun cas, ne saurait justifier de
tels salaires. Il est impensable que des gens gagnent 3500 $ par semaine
à une époque où des ouvriers travaillent à des
travaux équivalents pour des salaires beaucoup plus raisonnables que
cela.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: La question que j'aimerais poser a trait au nombre
d'heures par semaine. Est-ce que les exigences qui vous sont imposées
par les appels d'offres proviennent d'exigences de programmation des travaux
découlant de la circulation ou des conditions locales ou lorsque, comme
dans Outremont, dans ma ville, il y a eu des travaux qui ont été
faits. Bien sûr, cela avait des conséquences néfastes sur
la circulation, quoique pas insurmontables, pendant un certain nombre de
semaines. Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a certains travaux qui doivent
être faits les fins de semaine, mais que c'est plutôt un manque de
programmation adéquate. Est-ce ce que vous dites?
M. Gignac: Disons qu'à la base, c'est une coutume qui a
persisté dans l'industrie de travailler de longues heures, qui a
découlé du fait que certains travaux ne peuvent être
interrompus. À la suite d'une mauvaise planification ou de toute autre
cause, ces travaux se sont poursuivis au-delà des heures normales de
travail, j'entends quant à une insertion de tuyaux gaziers. Lors d'un
abandon de conduite, il est évident que les clients ne peuvent pas
être abandonnés à leur sort sans gaz. Il faut absolument
terminer les travaux la journée même. À cela, nous croyons
chez nous qu'il est facile, avec une meilleure planification, de mettre des
gens en plus grand nombre et d'accomplir nos travaux à
l'intérieur des délais normaux. Quand on regarde la charge
reliée au surtemps, il n'est assurément pas économique de
poursuivre les travaux au-delà des heures normales. Il est
préférable d'assigner plus de personnel pour exécuter les
mêmes travaux à l'intérieur des délais
prescrits.
M. Fortier: Bien sûr, c'est la raison pour laquelle vous
souleviez la question des appels d'offres qui étaient retardés.
Vous disiez que si les appels d'offres sont retardés, on va vouloir
accélérer le travail par après. C'est peut-être une
mauvaise habitude que ceux qui lancent les appels d'offres ont prise d'exiger
que les travaux soient faits dans un laps de temps très court. Vous
dites que cela a un effet sur l'efficacité. C'est une mauvaise habitude,
cela augmente les coûts. Dans une période de rareté
d'emplois, cela permettrait à plus de gens de travailler. C'est bien
cela qu'est votre raisonnement. Je pense bien que pour avoir
écouté le premier ministre nous dire qu'il fallait aller vers le
partage du travail, j'imagine que... Ce que vous demandez, dans le fond, c'est
que le ministre en titre responsable de SOQUIP et responsable indirectement de
Gaz Métropolitain et de Gaz Inter-Cité donne des instructions
précises pour que, dans la mesure du possible, la programmation puisse
se faire comme vous le suggérez et que cette politique soit suivie.
C'était le sens de votre appel, si j'ai bien compris.
M. Gignac: Oui. D'ailleurs, nous devons souligner que lors du
dernier appel d'offres que nous avons eu pour un tronçon de 16 pouces
qui doit être installé dans la
périphérie de Québec, Gaz Inter-Cité inclut
des directives pour respecter la semaine de travail de 40 heures. Ces
directives sont louables. Elles doivent cependant être
accompagnées d'une planification qui permette d'exécuter les
travaux dans 40 heures et qui permettent aussi de régler les conflits
qui se présentent lors de l'exécution de travaux du type de gaz,
lorsqu'on change une mentalité comme celle de travailler de 60 à
40 heures et de réduire les salaires de 1700 $ à 800 $ par
semaine. Évidemment, il y aura sûrement un contre-coup et il y
aura sûrement des gens qui ne seront pas satisfaits de ces nouvelles
conditions et lors de l'exécution des premiers travaux sous ce
régime, il y aura des pressions qui se feront pour revenir au taux de
salaire plus rémunérateur d'antan.
M. Fortier: En ce qui concerne le volume des travaux, si vous
exprimez une déception, vous dites: On nous avait dit. Enfin, on, je ne
sais pas qui, mais on nous avait dit qu'il y aurait tel volume. Vous parlez de
440 000 000 $ en dollars de 1983. Parce que j'avais reçu un
communiqué de presse de Gaz Métropolitain qui indiquait que le
volume de travail exécuté en 1983 serait plus bas qu'il l'avait
planifié. Est-ce à dire que Gaz Métropolitain, pour
prendre cette compagnie en particulier, ne vous a pas avisé de la baisse
des investissements qu'il ferait cette année? De là provient
votre déception?
M. Gignac: Oui. Au sujet de l'appel d'offres, Gaz
Métropolitain a exprimé le fait qu'il tombe dans une année
de consolidation et que son volume sera réduit considérablement.
Toutefois, quant à l'industrie, la capacité de construction est
suffisante pour absorber un volume de 440 000 000 $ par année. Je crois
absolument qu'il y a d'autres considérations que le fait qu'on soit
capable de les construire, mais il serait malheureux que ce volume diminue et
que nous devions démanteler des équipes et des équipements
qui sont rentables, pour autant qu'ils gardent leur efficacité.
M. Fortier: C'est à espérer que l'information vous
soit communiquée parce que cela a été la raison de
certaines de nos questions, parce que le ministre et SOQUIP continuent à
nous dire que tout continue comme avant. Je crois qu'il y a des indices qu'il y
a un certain ralentissement dans les investissements et pour la programmation
de compagnies comme la vôtre, cela me semble important que vous sachiez
le plus tôt possible ce à quoi vous pouvez vous attendre pour vous
ajuster en conséquence. Je crois que c'était le sens de votre
intervention. Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Boucher. Oui?
M. Duhaime: J'aime bien cela quand on est capable de concilier
nos chiffres. En janvier dernier, nous avons fait l'addition
mathématique des prévisions d'investissements de Gaz
Métropolitain et de Gaz Inter-Cité, plus l'embranchement pour
1983 de TQ & M qui nous donnait 440 000 000 $.
Dans le document présenté par SOQUIP le total est
ramené à 383 000 000 $; un mémoire du mois de mars. Je
n'ai pas la ventilation des prévisions d'investissements, année
par année, de Gaz Métropolitain, mais nous l'aurons sans aucun
doute. Oui, on l'a. Alors, pour 1983, 226 000 000 $. C'est ce chiffre de Gaz
Métropolitain qui a été révisé en
février, je crois, à la baisse. J'ai comme l'impression que c'est
directement relié aux effervescences qui ont été
causées lorsque Hydro-Québec a annoncé son programme
d'écoulement des surplus. Cela pourrait se restabiliser, mais les
chiffres que nous avons, à quelques millions près, se rejoignent,
sauf qu'ils ont mis 40 000 000 $ dans la balance. On pourra vérifier de
plus près si c'est directement relié à Gaz
Métropolitain, mais, au meilleur de ma connaissance, Gaz
Inter-Cité n'a pas modifié son programme d'expansion. Je ne parle
pas des conduits latéraux; je parle de ses réseaux de
distribution et de l'implantation des réseaux municipaux telle que
prévue. Vous avez bien fait d'attirer notre attention là-dessus.
On va confronter nos chiffres lorsque Gaz Métropolitain et Gaz
Inter-Cité viendront, pour savoir si cela correspond avec les chiffres
que leur actionnaire principal, SOQUIP, a en main. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Merci, MM. Boucher et Gignac
de votre participation. Sur ce, les travaux sont suspendus jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
(Reprise de la séance à 20 h 12)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Reprise de séance de la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources. J'appelle maintenant la ville de
Sherbrooke. M. le maire, à ce qu'on me dit? Oui? Étiez-vous ici
ce matin?
Ville de Sherbrooke
M. Pelletier (Jean-Paul): Oui, j'étais ici ce matin
à 10 heures.
Le Président (M. Laplante): Vous étiez ici? Donc,
je compte sur votre collaboration.
M. Pelletier: Vous pouvez compter sur ma pleine
collaboration.
Le Président (M. Laplante): Vous devez vous identifier,
identifier votre ville et, pour les fins du journal des Débats, le
monsieur qui vous accompagne, s'il vous plaît.
M. Pelletier: Je suis Jean-Paul Pelletier, maire de la ville de
Sherbrooke. Je suis accompagné de Réal Patry, commissaire
industriel adjoint de la ville de Sherbrooke.
M. le Président, M. le ministre, Madame, Messieurs.
Ainsi que vous l'avez mentionné ce matin, M. le Président,
nous allons être aussi brefs que possible en vous soulignant que, tout
d'abord, nous avons dirigé nos commentaires surtout en rapport avec le
thème 4 de votre document: Énergie, levier de
développement économique. C'est donc ce point que nous allons
développer davantage. L'important pour nous, c'est la promotion
industrielle de notre ville et nous avons besoin de tous les
éléments qui pourraient nous aider à atteindre des
succès qui sont absolument nécessaires pour que notre ville
puisse continuer à se développer. Notre mémoire
étant déjà très bref, vous me permettrez maintenant
de vous en livrer certains principaux passages.
Tout d'abord, il est important de comprendre que la ville de Sherbrooke,
bien qu'elle soit dotée de 86 000 de population, est le centre
d'activité des Cantons de l'Est. Nous avons une population
régionale de 150 000 et, au cours de la dernière décennie,
nous avons progressé à un rythme de 16%, soit plus que le double
de la croissance démographique du Québec qui est de 6,5%. Vous
connaissez notre région comme en étant une destinée
principalement à l'industrie du textile, la chaussure, le chocolat et un
peu d'acier, mais aussi nous sommes reconnus comme étant une ville de
services. Or, tel qu'il est indiqué dans le document, nous avons 43% de
l'activité tertiaire et la fonction publique est
représentée au municipal, provincial et fédéral, et
est représentée aussi dans la santé, l'éducation,
l'Université de Sherbrooke, l'Université Bishop's, les
cégeps, CHU. Heureusement que ces sphères d'activité sont
stables. Nous n'avons pratiquement aucune perte d'emploi dans ces domaines.
Toutefois, lorsque l'on parle de l'industrie du textile et les autres que j'ai
mentionnées tout à l'heure, nous souffrons beaucoup plus
peut-être que certaines autres régions du Québec.
Dans les diverses industries de notre région, d'ailleurs, le
point sur lequel je veux insister concerne bien sûr le gaz naturel. Il
est important de comprendre que les 200 industries, 200 usines que nous avons
dans notre ville, ont à subir aussi les coûts d'énergie et
ne peuvent aucunement aujourd'hui avoir un recours autre que
l'électricité, le mazout ou l'huile alors que le gaz naturel
pourrait être une solution très importante pour pouvoir couper les
coûts de fabrication ou les coûts d'exploitation des industries et
demeurer concurrentiels sur un marché tel qui est, comme vous le savez,
de la recherche de haute concurrence. Il nous est nécessaire de pouvoir
maintenir cette concurrence afin de pouvoir maintenir nos emplois. Nous en
avons perdu encore récemment, mais avec la détermination et de
l'aide un peu partout, nous allons réussir à pouvoir en
créer d'autres, j'en suis sûr.
Le Québec a reconnu aussi l'Université de Sherbrooke comme
étant un centre d'excellence en micro-électronique. Je fais le
point, puisque je vais y revenir dans quelques instants, la
micro-électronique étant un domaine d'activité qui est non
seulement d'actualité, mais aussi qui nous assurera peut-être un
avenir beaucoup plus prometteur.
Lorsque la région de Sherbrooke doit faire de la promotion
industrielle, il nous faut identifier la concurrence, quelles sont les
municipalités qui vont concurrencer avec nous pour attirer des
industries chez elles. Nous avons de la concurrence québécoise,
et nous l'accueillons, autant que possible, avec dignité, mais nous
tentons aussi, dans la mesure du possible, de tirer la couverture de notre
côté, puisque pour 150 000 habitants, il est nécessaire de
créer des emplois. Nous en avons perdu suffisamment. Nous avons
actuellement 18,7% de chômage dans notre région. Sans être
catastrophique, vous devez admettre que c'est très sérieux et
nous devons faire quelque chose immédiatement. Nous devons juger bons
tous les moyens à notre disposition. Notre concurrence est aussi une
concurrence américaine. Nous avons Plattsburg, Burlington et Nashua qui
sont considérées comme des concurrents sérieux pour nous
dans les usines qui s'apparentent beaucoup à celles que nous tentons
d'exploiter dans notre région. La région de Burlington - nous
avons été surpris de l'apprendre - dispose d'un service
additionnel au nôtre, soit celui du gaz naturel; elle est en mesure de
l'offrir aux industriels qui veulent aller s'y installer. De plus, ce gaz
naturel provient du Québec pour se rendre à Burlington où
il y a un bassin de population de 120 000 habitants. Or, cette région
est moins populeuse que la nôtre. Ces gens se trouvent dans un autre pays
et ils sont plus avantagés que nous. Ce sont nos concurrents. Nous
voulons avoir les mêmes avantages que nos concurrents, surtout si l'on a
à traiter de notre propre pays, de nos territoires et de notre
énergie. Il est bon de vendre de l'énergie à
l'étranger, mais il ne faut pas se couper les mains non plus.
Actuellement, la ville de Sherbrooke possède plusieurs dossiers
encourageants dans
le développement industriel de la ville, par exemple en
microélectronique et autres. Le ministre Biron est parfaitement au
courant des dossiers. Nous sommes encouragés, cela va bien. Mais cela ne
va pas bien au point qu'on puisse se permettre de modérer. La seule
vitesse où l'on puisse aller actuellement est à fond de train
puisque nous craignons beaucoup le danger qu'il peut y avoir dans l'avenir.
À 18,7% de chômage, c'est dangereux. C'est très
dangereux.
L'utilisation du gaz naturel pour nous serait l'un des
éléments qui nous aiderait à attirer des industries. Nous
insistons sur le fait que le gaz naturel peut être pour nous aussi
important qu'un réseau ferroviaire.
Depuis un an environ, Sherbrooke a entrepris un virage technologique
basé un peu aussi sur le fait de notre reconnaissance comme centre
d'excellence en microélectronique. Le défi pour les années
1980 est sûrement de taille. Les emplois perdus doivent être
retrouvés dans les domaines de microélectronique et
paramédical.
Pour une quelconque raison, le gaz naturel est la forme d'énergie
la plus utilisée en micro-électronique. Vous savez que dans la
Silicone Valley, en Californie, les usines qui traitent de la
micro-électronique - et ce sont donc la plupart des usines de cette
région - doivent avoir les services du gaz naturel sans quoi les
industries ne s'y installent pas. C'est une question de contrôle
d'humidité et de chaleur constante, etc. Je ne prétends pas m'y
connaître en gaz naturel, par contre, je sais fort bien que lorsque les
industries veulent s'installer, l'une des premières questions qu'elles
posent, c'est: Avez-vous le gaz naturel? On leur a fait part, à partir
des informations obtenues, à une séance du conseil de ville de
Sherbrooke, il y a quelques mois, alors que nous étions informés
que si nous accordions notre appui à la compagnie qui vient faire les
installations, Gaz Inter-Cité, que le gaz naturel serait à
Sherbrooke dès l'été 1983.
Nous avons, par résolution, effectivement, à trois
différentes reprises, appuyé le projet. On nous a informés
que le gaz naturel serait à Sherbrooke dès l'été
1983. Nous avons axé notre promotion industrielle sur ce fait. Nous
avons encouragé la venue d'industries sur ce fait. Nous comptons sur le
gaz naturel pour l'été 1983, au plus tard en septembre 1983, sans
quoi nous sommes dans un autre marasme, dans une situation encore plus
dangereuse que celle où nous sommes actuellement.
Il est bon de noter, M. le Président, que, bien que Sherbrooke
soit, sans doute, comme vous le savez, l'une des plus belles régions du
Québec, nous avons beaucoup de beautés naturelles, mais il nous
manque encore énormément de choses. Nous avons une infrastructure
routière qui est très belle, mais soyez assurés d'une
chose, ce n'est pas de la charité qui nous est faite. Nous avons une
autoroute payante. Nous aimerions avoir les mêmes avantages que les
autres régions du Québec. Nous avons une bataille à livrer
sur le fait que l'autoroute des Cantons de l'Est est payante. C'est difficile
de vendre l'idée aux industriels qu'ils devront payer pour utiliser les
routes alors qu'ils n'ont pas besoin de le faire à l'extérieur de
notre région ou dans plusieurs autres.
Nous souffrons aussi à d'autres points de vue. Le service
aérien de notre secteur est inadéquat. Nous sommes en
négociation avec le gouvernement fédéral pour qu'il
injecte de l'argent. Nous avons besoin de l'aide du Québec. Nous avons
besoin de l'aide de tout intervenant qui voudrait nous aider à
améliorer le service aérien dans notre région. Nous avons
récemment perdu le service de Via Rail. Or, nous n'avons plus de
transport de passagers par rail. C'est une autre perte qui, en soi, n'est
peut-être pas grand-chose, mais lorsque l'on regarde l'ensemble... je
vais le résumer tout à l'heure pour être certain qu'on se
comprend bien. Nous n'avons pas le gaz naturel non plus.
Ces quatre points, soit les autoroutes payantes, comme peu de
régions au Québec... Je vérifiais récemment, la
construction de l'autoroute a coûté 66 000 000 $... Nous devons
maintenant sur cette autoroute plus de 450 000 000 $. Cela va très bien.
Il n'y a aucune possibilité pour nous d'en voir la fin. L'autoroute,
inacceptable. Le service aérien, inacceptable. Pourtant il s'agit d'un
bassin de population de 150 000 habitants, travailleurs,
Québécois. On veut avoir la même chance que les autres. Les
passagers du chemin de fer, pourquoi faut-il que nous les perdions? Je suis
confiant que cela n'arrivera pas, mais que l'on n'ait pas le gaz naturel serait
catastrophique dans un tel cas. Il est déjà assez difficile
d'attirer de l'industrie, qu'il ne faut pas avoir trop d'éléments
négatifs. On peut être bon vendeur, mais on ne peut pas être
magicien.
Les éléments normalement requis pour l'installation d'une
infrastructure pour le gaz naturel sont présents. J'ai mentionné
que nous avons 200 usines dans Sherbrooke et, certainement, nous avons aussi
dans le document que nous avons présenté plusieurs compagnies qui
ont exprimé de l'intérêt de s'installer au gaz naturel.
Donc, le marché y est. Le besoin est sûrement reconnu. L'urgence
est évidente, elle est absolument immédiate. Nous avons besoin
d'aide. Nous avons besoin de votre appui et de là, avec ces
éléments, nous pourrons concurrencer sur le marché, nous
pourrons concurrencer avec nos voisins, les Américains, rendre à
notre région la fierté qu'elle a et lui permettre de pouvoir
passer à travers cette crise économique et aussi vous rendre
fiers de nous. Vous nous reconnaissez comme étant
compétents en micro-électronique. Donnez-nous l'occasion
de le prouver et d'aller chercher les industries pour s'installer chez nous et
laissez-nous faire le reste. Vous allez voir que cela va fonctionner dans la
région de Sherbrooke.
M. le Président, ce sont les propos que je voulais vous livrer en
appui au document que nous avions présenté. Je suis prêt
à répondre à vos questions.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le maire. M. le
ministre.
M. Duhaime: M. le maire de la ville de Sherbrooke, je voudrais
vous remercier de vous être déplacé vous-même pour
venir nous rencontrer. J'ai eu l'occasion de lire votre mémoire. J'aurai
des commentaires tout à l'heure. Je demanderais à mon
collègue, le député de Duplessis, de prendre la parole. Il
aurait des choses à vous dire. (20 h 30)
M. Perron: Merci, M. le Président. Merci, M. le maire, de
votre mémoire qui, d'ailleurs, vise essentiellement à
démontrer l'importance de la venue du gaz naturel dans votre
région, spécialement dans la ville de Sherbrooke. C'est entendu
que votre mémoire démontre aussi votre souhait que le gazoduc
desserve toute la région afin de permettre aux entreprises existantes de
demeurer concurrentielles, afin d'attirer aussi chez vous des industries
nouvelles; je pense que c'est drôlement important. Il démontre
aussi qu'il y aurait une possibilité de reconversion puisque vous
êtes déjà entrés en contact, si ma mémoire
est bonne, avec certaines industries de votre milieu - de votre ville, en
particulier - pour que ces industries puissent considérer la
possibilité de conversion soit du mazout au gaz ou encore même de
l'électricité au gaz.
Je pense que la réalisation de cet objectif sera sûrement
possible puisque la ville de Sherbrooke nous présente un mémoire.
J'en ai ressorti une recommandation principale. Vous demandez que
l'embranchement du gazoduc desserve très rapidement l'ensemble de la
région et en particulier la ville de Sherbrooke. Il n'y a qu'un
commentaire que je voudrais faire et, par la suite, je vous poserai trois ou
quatre questions qui se rapportent directement à la ville de Sherbrooke
et au mémoire que vous présentez.
Vous semblez craindre que l'embranchement ne s'arrête à
Granby, si j'ai bien compris la fin de votre mémoire, ce qui
désavantagerait, de façon définitive, la ville de
Sherbrooke. Cependant, Gaz Inter-Cité du Québec prévoit,
et ce, à moins de contraintes majeures, desservir la ville de Sherbrooke
dès l'automne 1983. Je présume que vous avez aussi eu ces
informations. D'autre part, il y a déjà une entente de
signée avec le gouvernement fédéral et Gaz
Inter-Cité du Québec pour le financement de l'embranchement.
Cette entente aurait été signée le 28 février
dernier.
La première question que je vous pose - je vais vous en poser
deux et, après, je reviendrai peut-être avec une ou deux autres
questions - est la suivante: Puisqu'il y a déjà une entente de
signée et que Gaz Inter-Cité a l'intention de se rendre à
Sherbrooke dès l'automne 1983, je voudrais savoir d'où provient
votre crainte que le gazoduc n'atteigne pas votre ville. C'est ma
première question. Ma deuxième question est la suivante:
Pourriez-vous préciser, puisque vous en avez parlé, le type
d'industrie qui envisage de s'implanter à Sherbrooke, si le gazoduc
atteint votre région? Quand je dis le "type", ce ne sont pas
nécessairement les noms des industries puisque je présume
qu'entre villes, vous préférez taire vos informations pour
attirer les industries qui vous concernent ainsi que les commerces. Je
reviendrai avec une question ou deux par la suite.
M. Pelletier: Oui, monsieur. La crainte que nous avons - et si
vous aviez eu l'occasion de suivre notre campagne électorale, vous
auriez peut-être mieux compris ce que je veux dire - c'est que dans les
différentes ententes verbales, on est porté à croire ce
que l'on veut croire. J'ai mentionné à plusieurs reprises qu'on
n'annoncerait aucune compagnie avant que les contrats soient signés,
à 80%, 90% ou 99% près et seulement près. Ce n'est pas une
entente signée.
En ce qui a trait à la venue d'usines chez nous, nous allons
négocier jour et nuit si nécessaire et nous n'annoncerons rien
avant que les contrats soient signés. Par la suite, nous allons
être aussi fiers que n'importe qui ou plus fiers peut-être de
l'annoncer à tout le monde. La crainte que l'on a, c'est qu'il y a un
contrat de signé -c'est vrai - ou une entente intervenue le 28
février, et nous n'avons encore aucun appel d'offres de sorti. Nous
avons hâte de voir les appels d'offres afin de nous assurer de la
réalisation. Vous savez comme moi que le gaz naturel sera rendu lorsque
le gaz naturel sera rendu. Nous ne voulons rien risquer. Nous avons des
industries de micro-électronique, comme je vous l'ai mentionné
tout à l'heure, qui peuvent être intéressées
à venir s'installer chez nous. Elles ont besoin du gaz naturel et nous
leur avons fait part du fait que le gaz naturel s'en vient. Monsieur, je ne
promets habituellement pas des choses que je ne peux livrer. Or, dans ce
cas-ci, je me sens un peu impuissant du fait que le seul apport que je peux
avoir est le verbiage, la transmission de documents et l'effort d'influencer
par tous les moyens l'assurance de la venue du gaz naturel chez
nous. J'en ai besoin. Nous en avons besoin pour la promotion
industrielle. On ne peut pas se permettre de perdre la moindre industrie,
qu'elle ait 10, 100 ou 1000 employés. Nous avons besoin de tous les
emplois. Il faut voir les lignes de chômage et les 144 $ par mois pour
réaliser à quel point la situation est triste.
Je vous ai mentionné que je viens de terminer une campagne
électorale. J'ai rencontré des gens. J'ai rencontré de
pauvres gens. Je ne les induirai pas en erreur. Je leur ai promis que je ferais
quelque chose pour eux et je vais le faire. J'ai besoin de votre aide. Et, tel
que je vous l'ai mentionné, je n'ai pas l'impression que je demande la
charité. Je vous dis que nous sommes déjà une
région en situation difficile. Notre région a besoin d'aide. Nous
avons déjà les autoroutes. C'est un gros handicap, comme vous le
savez. On a construit une route entre Sherbrooke et Drummondville, mais c'est
une route à deux voies. C'est beau, mais on aimerait avoir un peu plus.
On aimerait avoir autant que les autres régions, pas plus. On aimerait
avoir un aéroport qu'on pourrait utiliser comme promotion industrielle.
On ne l'a pas. On aimerait avoir, par exemple, un réseau ferroviaire qui
serait à la hauteur des attentes de tous les Québécois. On
ne l'a pas. S'il fallait qu'on n'ait pas le gaz naturel en plus, je vous dis
qu'il faudra trouver des magiciens au lieu des commissaires industriels.
Ce dont j'ai besoin à cette commission, c'est de votre appui, de
votre compréhension pour faire le point. Le gaz naturel vient à
Sherbrooke. Non pas en 1985; en 1985, il sera trop tard. Imaginez-vous s'il
fallait qu'il arrête à Granby. J'aime bien les gens de Granby,
mais j'aime mieux les gens de Sherbrooke. Bromont est tout près de
Granby. Ils sont gentils aussi. C'est du bien bon monde, mais croyez-moi, venez
à Sherbrooke et vous allez voir que les gens de Sherbrooke sont tout
aussi gentils. C'est le point que je veux faire ressortir. Je ne peux pas me
permettre le luxe que cela finisse à Granby. Est-ce que cela
répond à votre question?
M. Perron: Sûrement, M. le maire, cela répond
très bien à ma question. D'ailleurs, je remarque que vous
êtes très convaincant à l'égard des membres de cette
commission. Et je présume que vous avez fait la même chose lors de
la dernière campagne électorale puisque vous avez
été élu.
Je voudrais, M. le maire, ouvrir une petite parenthèse pour
mentionner qu'à Sherbrooke, vous avez une route à deux voies, que
vous n'avez pas d'autoroute, ainsi de suite. J'ai un comté qui a 450
milles de côte. Le ministre en est très bien informé. Il y
a actuellement 250 milles de côte où il n'y a pas de route du
tout. Alors, je présume qu'à un moment donné, il va
falloir que le gouvernement mette une priorité quelque part et que vous
acceptiez cela. Mais à ce moment-là, il n'est pas question de
prendre des industries de chez vous et de les amener sur la
Côte-Nord.
M. Pelletier: Donnez-moi de l'aide dans celle-ci et je vous
aiderai dans l'autre.
M. Perron: Parfait, on va faire notre possible.
La troisième question que je voulais vous poser concerne les
grandes entreprises de votre région qui ont l'intention de convertir
leurs installations au gaz naturel. Est-ce que vous pourriez informer les
membres de cette commission sur les types d'entreprises, puisqu'elles sont
déjà en place, qui seraient intéressées à
faire la conversion qui s'imposerait? Est-ce que ce sont des industries de
pointe ou seulement de la petite industrie?
Ma quatrième question, puisque cela concerne votre ville: Est-ce
que votre administration municipale, le conseil municipal, a l'intention, si le
gaz se rend jusqu'à Sherbrooke, de convertir ses propres installations
au gaz naturel?
M. Pelletier: C'est un excellent point. Les industries qui
seraient disposées à faire une conversion sont des industries de
pointe, des industries qui sont en excellente santé. Or, elles ne
feraient pas une conversion pour perdre le lendemain. La conversion qu'elles
voudraient faire serait pour pouvoir réduire leurs coûts fixes et
l'élément variable, par exemple, que pourrait apporter le gaz
naturel pourrait les avantager dans les coûts de fabrication, en les
rendant, du fait même, plus compétitives sur les marchés
internationaux. Ce sont des compagnies d'acier, ce sont des compagnies de
caoutchouc, des compagnies de toutes sortes, mais les compagnies que l'on a ici
sont un échantillonnage de celles qui pourraient être
intéressées, j'en suis convaincu. La conversion est un point. La
venue de nouvelles industries, je crois bien, est le point le plus important
puisque disons que convertir, cela coûte de l'argent et on peut
comprendre que peut-être les 200 usines ne seraient pas toutes
disposées à se convertir.
Nous avons l'assurance raisonnable qu'il y a suffisamment d'industries
locales qui sont disposées à se transformer au gaz naturel pour
rentabiliser la venue du gaz naturel. Partant de là, dans les quelques
années qui suivront, avec les autres industries qu'on pourra attirer
chez nous, il sera possible de vraiment en faire un projet qui aura la
rentabilité espérée. Les compagnies qu'on a ici sont des
compagnies en santé. Je crois que c'est le point que vous vouliez faire
préciser. Pour ce qui est de la conversion
d'installations par la ville de Sherbrooke, messieurs, soyez
assurés d'une chose, c'est que je suis aussi un homme d'affaires. Si,
par exemple, il y a une rentabilité pour la ville de Sherbrooke ou une
possibilité de couper les coûts de l'énergie telle
qu'utilisée par la ville de Sherbrooke, tous les moyens sont bons et
disons qu'on fera les conversions en temps opportun.
M. Perron: Merci. Si je posais la question au sujet de la ville
de Sherbrooke, M. le maire, c'est justement pour la simple raison, à
moins que je ne me trompe, qu'à l'intérieur de votre document on
ne mentionnait que les industries et on ne mentionnait pas la ville de
Sherbrooke. Je présumais que c'était votre intention, mais je
voulais vous l'entendre dire de toute façon.
Écoutez, un dernier commentaire avant de vous remercier. Selon
les informations que nous avons reçues, les membres de cette commission
et spécialement le gouvernement du Québec - et je ne pense pas
qu'on nous ait induits en erreur, non plus - Gaz Inter-Cité a vraiment
l'intention de se rendre jusqu'à Sherbrooke. Tout comme nous, on peut
faire des pressions pour que Gaz Inter-Cité se rende chez vous,
peut-être que vous, vous pouvez - sûrement, vous l'avez fait
-continuer à faire des pressions, comme vous l'avez mentionné
tout à l'heure. Merci, M. le maire.
M. Pelletier: Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le maire, M. Patry, vous avez mentionné
votre taux de chômage dans la région de Sherbrooke et ce que
j'aimerais savoir concerne la structure industrielle. Est-ce que l'industrie
que vous avez est en fonction surtout du marché local ou si c'est de
l'industrie qui exporte dans d'autres régions, qui exporte dans d'autres
pays? Le chômage dont vous avez mentionné le chiffre de 18%, je
crois, vient de quels facteurs? Quels genres d'industries sont les plus
affaiblies présentement, dans la conjoncture actuelle? Est-ce qu'il y a
des types d'industries qui sont plus affaiblies que d'autres?
M. Pelletier: Oui. Tel que vous le savez, l'industrie du textile,
du vêtement et de la chaussure est en difficulté. Nous avons
beaucoup d'employés dans la région. Par exemple, dans le textile
nous avons plus de 2000 employés et ceci est à la baisse. Nous
avons, par exemple, dans le vêtement des industries qui avaient environ
1000 employés qui ont fermé leurs portes. Nous avons une
industrie de 260 employés qui a récemment annoncé qu'elle
fermait ses portes à compter du mois de juillet prochain.
M. Fortier: C'est le secteur mou qui est en
difficulté.
(20 h 45)
M. Pelletier: C'est le secteur mou que l'on a essentiellement.
Bien sûr, nous faisons beaucoup d'exportations avec le genre d'industries
que l'on a. C'est le secteur qui est en difficulté. Il s'agit de
trouver, par exemple, un palliatif, un autre genre d'industrie qui va pouvoir
compenser. Nous croyons que, par exemple, la micro-électronique cherche
exactement le genre d'employés qui sont utilisés dans le textile.
Ce ne sont pas seulement des ingénieurs et des scientifiques qu'il y a
en microélectronique. Il va y avoir des assembleurs, etc., et ces
assembleurs sont essentiellement le même genre de personnes qui
assemblent de la micro-électronique ou même de la
micro-mécanique que l'on retrouve dans l'industrie du textile ou dans le
vêtement. Par exemple, les couturières peuvent aussi monter des
"chips". C'est la dextérité qui est requise et pour ce faire,
nous avons des gens qui ont la dextérité voulue. Donc, la
technologie, nous l'avons, nous la possédons. Nous avons
l'Université de Sherbrooke qui, comme vous le savez, est hautement
reconnue comme ayant des gens fort bien qualifiés en
micro-électronique. D'ailleurs, vous l'avez reconnue comme étant
un centre d'excellence en micro-électronique. Nous avons des techniciens
et des scientifiques. Nous avons aussi la main-d'oeuvre disponible
immédiatement pour la micro-électronique.
M. Fortier: Je crois que la ville de Sherbrooke, pour y avoir
fait une visite il y a quelque temps, aurait voulu que le ministère de
l'Industrie et du Commerce désigne la région de Sherbrooke comme
étant la place préférée pour le genre d'industries
dont vous venez de parler, autrement dit, pour vous faciliter les choses, parce
qu'il y a une concurrence entre les provinces.
M. Pelletier: Oui.
M. Fortier: Cette demande est-elle toujours présente
auprès du ministère?
M. Pelletier: Oui, effectivement, le ministère de
l'Industrie et du Commerce reconnaît la région de Sherbrooke comme
étant l'endroit tout désigné pour y diriger des industries
dans notre sphère d'activité. À ce point de vue - et tel
que reconnu aussi dans un rapport qui a été préparé
ou une étude qui a été faite sur l'industrie locale, le
rapport SECOR, et un autre rapport qui a été commandé par
la suite à Gaucher Pringle notre région est clairement
identifiée comme étant la région toute
désignée pour ce genre d'activité. Nous avons raison
de
croire que les deux paliers de gouvernement en sont conscients et
dirigent effectivement des industries chez nous, pas trop, remarquez, mais il y
a encore de la place.
M. Fortier: Pendant que vous êtes ici, il y a une question
que je voudrais vous poser, parce que je n'ai pas suivi ce dossier
dernièrement. Il y avait un problème. Vous produisez votre propre
électricité ou vous vendez votre propre électricité
à Sherbrooke. Ce problème de la municipalisation ou de la
provincialisation du système de distribution est-il réglé?
C'est un problème énergétique qui vous affecte, j'imagine.
Et dans quelle mesure ce problème peut-il affecter le
développement économique de la région?
M. Pelletier: C'est vrai. Nous possédons notre
réseau hydroélectrique.
M. Fortier: La distribution? M. Pelletier: Oui.
M. Fortier: Ma question est la suivante: Ce problème
est-il en voie d'être réglé avec la province de
Québec, avec le gouvernement?
M. Pelletier: Avec Hydro-Québec... M. Fortier: Oui,
avec Hydro-Québec.
M. Pelletier: ...je crois que le problème
présentement est que la ville de Sherbrooke veut être reconnue
comme étant un redistributeur afin d'avoir un taux
préférentiel et non comme un grand usager ou un grand utilisateur
d'électricité. C'est le problème que nous avons
présentement devant les tribunaux. Il n'est pas encore
réglé. Je crois qu'aujourd'hui il y avait une première
rencontre devant les tribunaux pour pouvoir en arriver à une entente au
plus tôt.
M. Fortier: Ce n'est pas réglé. Vous êtes en
cour, mais ma question était celle-ci: Présentement, l'industrie
doit-elle payer son énergie électrique plus cher ou moins cher
que si elle l'achetait directement d'Hydro-Québec?
M. Pelletier: Elle la paie le même prix que si elle
l'achetait d'Hydro-Québec. La perte est précisément
là. C'est la ville de Sherbrooke qui l'absorbe. Comme vous le savez, une
grosse usine, par exemple, qui achèterait de l'électricité
d'Hydro-Québec la paie précisément le même prix que
nous la payons nous-mêmes. Vous savez aussi que dans tout réseau
hydroélectrique, il y a de la perte. Or, la perte de quelque 5%, c'est
la ville de Sherbrooke qui l'absorbe. Donc, plus on en vend, plus on perd, dans
le cas de certaines industries. C'est bien entendu que ce n'est pas partout
comme cela, parce que cela ferait longtemps qu'on serait en faillite.
M. Fortier: Ce que vous demandez dans le fond, c'est le
système qui prévaut en Ontario où Ontario Hydro vend
l'électricité aux grossistes et où certaines
municipalités comme la vôtre vendent l'électricité
au détail. Je pense que c'est le système que vous demandez.
M. Pelletier: C'est cela. Et nous sommes redistributeurs.
Actuellement, nous sommes redistributeurs, mais par contre, nous n'avons pas un
tarif de redistributeur, nous avons un tarif de grand usager.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous allez comprendre, M. le maire, ma très
grande réserve à m'immiscer dans votre dernier échange
avec mon collègue d'Outremont. Nos procureurs sont en train de discuter
et d'argumenter chacun leur point de vue devant la Cour supérieure sur
une requête en injonction. Alors, on va laisser les avocats faire leur
boulot. Ensuite, peut-être qu'on aura l'occasion de se retrouver. Je dis
cela parce que je ne voudrais pas que demain une manchette dise que je suis en
train de m'immiscer dans le processus normal du déroulement des affaires
judiciaires. Alors, je ne fais aucun commentaire.
M. Pelletier: Je vous comprends très bien.
M. Fortier: II a des complexes.
M. Duhaime: Je n'ai aucun complexe. J'ai la bonne habitude - je
ne sais pas si c'est heureusement ou malheureusement - de bien connaître
ces endroits.
Je voudrais vous dire, M. le maire, que votre mémoire est
très insistant sur un point. Il me paraît assez clair qu'à
Sherbrooke, vous voulez du gaz naturel. Je pourrais peut-être
élargir un peu et vous dire que Sherbrooke, comme capitale
régionale -vous l'avez bien décrit tout à l'heure
-ressemble énormément à la capitale régionale de ma
propre région qui est Trois-Rivières. C'est un chef-lieu naturel,
c'est une force d'attraction, etc. Dans votre région, les
investissements dans le gaz naturel - parce que j'ai devant moi le
mémoire de SOQUIP qui est venue défendre son mémoire hier
devant notre commission - et, dans la région de l'Estrie et des
Bois-Francs... Comment définit-on exactement les Bois-Francs? J'ai
l'impression que c'est la partie qui se trouve au sud-ouest de la région
économique 04.
Pour l'Estrie, les Bois-Francs, les investissements dans le secteur du
gaz naturel totalisent 2 432 000 000 $ pour les cinq années à
venir. Votre région recevra 333 000 000 $ d'investissements,
c'est-à-dire 13,7% du total. C'est plus que ce que la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean recevra. Au Saguenay, c'est un quart de milliard pour
10,3% et c'est un peu moins que la Mauricie; 368 000 000 $ en Mauricie, soit
15,1% du total.
J'ai beaucoup d'intérêt par l'entremise de SOQUIP dans le
dossier du gaz naturel, comme vous le savez, et c'est notre intention
très ferme de commencer dès le mois de mai pour partir un peu au
nord de Saint-Jean, au raccordement de Sabrevois et nous allons relier ensuite
Farnham, Cowansville, Granby, Waterloo, Magog, Sherbrooke. Si on n'a aucun
pépin en chemin, on devrait être à Sherbrooke au mois de
novembre 1983. Cela me fait plaisir de le dire devant mon collègue
d'Outremont, parce que ça fait un an et demi qu'il me demande quand le
gaz naturel va être à Québec et que je lui réponds,
inlassablement depuis un an et demi: à l'été 1983; c'est
ce qui est en train de se produire. Vous comprendrez que nous ne sommes pas des
constructeurs de gazoducs, nous ne sommes pas sur les lignes, mais les
compagnies qui sont intéressées dans ces dossiers ont mis le
mécanisme en marche. Je sais que les appels d'offres ne sont pas sortis,
ils viendront en avril et on s'attend de commencer les travaux dès le
mois de mai.
Vous avez été très avare dans vos commentaires,
tout à l'heure, lorsque mon collègue de Duplessis vous a
demandé si la ville de Sherbrooke avait des intentions de brancher, soit
l'hôtel de ville ou ses institutions au gaz naturel. Vous n'avez pas
insisté beaucoup. Mais est-ce possible? Dans le secteur public, beaucoup
d'institutions déjà, collèges, hôpitaux même,
ont fait ou ont annoncé qu'elles feraient la conversion du mazout au gaz
naturel. Dans votre secteur, que ce soient des organismes qui relèvent
directement de votre municipalité ou encore d'institutions du
gouvernement, est-ce que, selon vous, le gaz naturel suscite beaucoup
d'intérêt dans votre région sur le plan d'une conversion
pour 1984, disons?
M. Pelletier: Pour 1984?
M. Duhaime: En supposant qu'on est là à l'automne
de 1983 ou si c'est fait durant l'hiver 1983, tant mieux.
M. Pelletier: C'est la question? M. Duhaime: Oui.
M. Pelletier: Vous avez mentionné, M. le ministre, que
s'il n'y avait aucun pépin, vous seriez à Sherbrooke en novembre
1983.
M. Duhaime: Oui. Je ne mettrais pas mon siège en jeu
là-dessus, mais cela correspond à notre calendrier.
M. Pelletier: S'il n'y a aucun pépin, M. le ministre, je
serai là pour vous accueillir. Quant à la conversion de
l'hôtel de ville au gaz naturel, il faut comprendre aussi que,
récemment, j'ai fait part à la population que nous ne
construirions pas un nouvel hôtel de ville avant que nous ayons les
moyens de le faire. Il faut dire que le gouvernement municipal qui m'a
précédé avait décidé d'en construire un
autre et j'ai dit que nous n'avions pas les moyens et que nous allions vivre
dans celui-là. Or, je crois qu'il serait difficile pour moi de dire
publiquement que je vais investir un paquet d'argent pour convertir
l'hôtel de ville, alors qu'on sait qu'il y a énormément
d'argent à mettre dans l'hôtel de ville, mais on n'en a pas. Je ne
voudrais pas vous faire une peine terrible non plus en croyant que nous sommes
pauvres, mais nous n'avons pas les moyens de le faire actuellement.
Aussi, M. le ministre, j'aimerais porter à votre attention que
nous avons notre propre réseau hydroélectrique. Nous chauffons
nos installations à l'électricité parce que c'est notre
réseau.
M. Duhaime: C'est pour cela que je vous ai posé cette
question.
M. Pelletier: C'est un peu pour cela que je vous réponds
aussi, M. le ministre. C'est toujours une question d'affaires. Lorsque ce sera
rentable pour nous - j'ai raison de croire que le gaz naturel est naturellement
rentable pour bien des gens, bien des industries - au moment opportun, il nous
fera plaisir de faire l'étude, nous ferons la conversion. C'est une
question d'économie.
M. Duhaime: J'allais dire, M. le maire, avant de passer la parole
à notre collègue de Jacques-Cartier, qu'au prix où vous
payez l'électricité, il y a de grosses chances que vous attendiez
plusieurs années avant de faire la conversion au gaz naturel.
M. Pelletier: Est-ce que vous me dites quelque chose que... Je
vous remercie de l'information, M. le ministre.
Mme Dougherty: Merci. Vous avez mis beaucoup d'importance sur la
venue du gaz naturel dans votre région. Est-ce que c'est vraiment
l'élément clé dans la relance de votre économie?
Vous avez parlé d'infrastructure négative, l'absence
d'aéroport, les autoroutes payantes, pas de Via Rail. Est-ce que c'est
vraiment l'élément clé pour les industries traditionnelles
ou pour
les nouvelles industries de haute technologie?
M. Pelletier: Je pourrais répondre oui et cela couvrirait
effectivement presque tout. La micro-électronique exige le gaz naturel
pour ses installations.
Mme Dougherty: Oui. (21 heures)
M. Pelletier: Or, il devient très important, sinon
impératif, de l'avoir. Nous cherchons toujours des
éléments nouveaux pour attirer des industries, lorsqu'on nous
lance qu'on n'a rien de particulier à offrir sauf une population qui est
joviale, heureuse, qui a de belles pentes de ski et des lacs. Nous avons une
des plus belles régions du Québec, probablement, à
l'exception de la vôtre.
Mme Dougherty: Je la connais très bien.
M. Pelletier: Bon! Voilà! Donc, vous savez pourquoi on est
si fier. Par contre, il faut avoir autre chose. On peut accueillir des gens
venant de partout. Nous avons aussi l'avantage, à Sherbrooke, d'avoir un
très haut taux de bilinguisme, ce qui attire des industries d'un peu
partout et cela nous plaît. Par contre, il faut avoir plus que cela
à leur offrir. Il faut avoir des services à leur offrir.
Lorsqu'on nous lance: Les autoroutes sont payantes, il faut avoir autre chose
à leur dire. Ce sont seulement des éléments comme
ceux-là qui sortent, le rail, l'aéroport, etc. Je suis en train
de tenter de trouver des solutions aux problèmes de l'aéroport.
Je suis en train aussi de négocier ou de tenter de négocier une
autre entente pour le péage sur l'autoroute. J'essaie de voir ce qu'il y
a à faire pour le service du rail. Aujourd'hui, madame, je suis ici pour
essayer d'avoir du gaz naturel. Ce sont tous des éléments dont
j'ai besoin.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, c'est un des
éléments.
M. Pelletier: Oui, c'est un des éléments.
Mme Dougherty: II y en a d'autres.
M. Pelletier: Ah, bien sûr! Il y en aura probablement
toujours d'autres.
Mme Dougherty: Mais pour les industries traditionnelles qui sont
en face d'un vrai problème face à la concurrence, vous avez
parlé, par exemple, de la possibilité de recycler la
main-d'oeuvre pour qu'elle puisse travailler dans un secteur de haute
technologie comme la micro-électronique. La disponibilité du gaz
naturel pourrait-elle offrir à ces gens une solution à court
terme ou vraiment leur offrir une solution à long terme ou est-ce
vraiment une situation "hopeless"? Le recyclage de cette main-d'oeuvre afin de
lui permettre de travailler dans un autre secteur comme la haute technologie
est-il une solution à long terme?
M. Pelletier: Je crois vraiment, madame, qu'il s'agit d'une
solution à long terme. Pour l'immédiat, j'en ai besoin pour
attirer l'industrie, mais une fois qu'elle est installée ou lorsqu'elle
exige d'avoir du gaz naturel, à moins qu'il n'y ait un "breakthrough"
technologique que l'on ne connaît pas et qu'on n'est pas en mesure de
connaître aujourd'hui, j'ai toutes les raisons de croire que c'est pour
le long terme ou même le très long terme, si on peut s'exprimer
ainsi. Quant à la micro-électronique, comme je l'ai
mentionné, dans le Silicone Valley, ils en font un usage constant et
universel, semble-t-il. Je ne suis pas allé le vérifier
personnellement, mais il semble que c'est l'énergie qu'ils utilisent
là et pour des fins très particulières puisque c'est
l'énergie qui se prête le mieux à cette sphère
d'activité. J'ai toutes les raisons de croire, madame, que le gaz
naturel, une fois installé à Sherbrooke, le sera pour longtemps,
surtout si on peut avoir le degré de succès que l'on escompte,
soit attirer des industries de haute technologie chez nous. J'ai toutes les
raisons de croire que le coût de ce genre d'énergie serait
suffisamment attrayant pour que toute nouvelle usine, par exemple, qui
s'installerait à Sherbrooke soit dotée de ce genre
d'énergie pour chauffer et pour effectuer le travail qu'elle a à
faire dans plusieurs cas.
Mme Dougherty: Tout le monde aimerait avoir un petit Silicone
Valley chez lui. Il me semble que vous avez comparé votre situation avec
celle de Burlington, Plattsburgh, à Nashua. Il me semble qu'il y a
d'autres éléments de l'infrastructure nécessaires pour
favoriser une telle implantation: les taxes, par exemple. Vous avez mis
l'accent sur la disponibilité du gaz naturel et nous sommes ici pour
discuter de l'énergie. Mais il y a d'autres éléments
très importants, je crois, pour favoriser une telle implantation.
M. Pelletier: Précisément. Je suis parfaitement
d'accord avec vous, Madame. C'est que ce soir, on parle d'énergie.
Actuellement, mes énergies aussi sont beaucoup axées sur la
réduction des dépenses afin de pouvoir réduire le taux de
taxation à Sherbrooke, afin d'être aussi plus attrayants de cette
façon-là. Et j'ai promis, pour 1984, que nous aurions de 0
à 2% d'augmentation de taxes. Je vise, bien sûr, zéro, et
j'ai raison de croire qu'on va l'atteindre. Cela,
c'est quelque chose que je peux faire. Vous conviendrez, Madame, que je
n'étais pas venu vous faire un exposé sur la taxation, bien que
je serais prêt à en discuter. Mais soyez assurée qu'il n'y
a aucune énergie qui est gaspillée, qui me permettrait, par
exemple, de ne pas prendre tous les moyens pour réduire le taux de
taxation à Sherbrooke, afin que ce soit encore plus attrayant. Je vous
encourage, madame, à regarder les journaux au cours du mois qui vient.
En ce qui a trait à Sherbrooke, j'ose croire que vous allez trouver des
choses très intéressantes. Vous allez voir qu'il y a beaucoup
plus que l'énergie qu'il y a beaucoup plus que le gaz naturel pour
attirer l'industrie chez nous. Madame, avec un peu de chance, nous allons
réussir ce que nous avons voulu et soyez assurée que ce n'est pas
l'énergie, dans un autre sens, que l'on néglige d'y consacrer. On
y va à pleine vapeur.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Laplante): Une dernière question,
M. le député de...? Excusez-moi, madame, aviez-vous fini?
Mme Dougherty: Oui, merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez mentionné la question
du péage. Est-ce que c'est déterminant à ce
point-là pour le développement économique? On peut
peut-être parler également de la fameuse taxe ascenseur sur
l'essence. Vu que vous êtes tout de même passablement loin d'un
grand centre comme Montréal, j'ai l'impression que cela doit vous
affecter également. Que recherchez-vous, en fait? Vous dites: Cela nous
affecte. Combien en coûte-t-il sur l'autoroute de Montréal
à Sherbrooke, en péage? Est-ce que vous voudriez abolir le
péage complètement ou si vous voudriez que le gouvernement
revienne à l'ancienne tarification?
M. Pelletier: Voici...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous pourriez peut-être nous
proposer quelque chose. Vous dites: Le péage nous affecte et on devrait
peut-être faire quelque chose. Mais quoi? L'abolition?
M. Pelletier: Oui, effectivement, c'est l'abolition qu'on
viserait. Maintenant, pourquoi on fait cela? Justement pour être
traités sur le même pied que tous les autres
Québécois. Les seules autoroutes que l'on trouve sont dans les
Cantons de l'Est, dans les Laurentides et un petit bout qui va en
Mauricie. C'est simple.
M. Leduc (Saint-Laurent): II y a la rive nord.
M. Pelletier: Pour être attrayants pour n'importe quelle
industrie, il faut que l'ensemble des coûts soit acceptable. Monsieur, si
vous aviez une compagnie de transport, vous sauriez très bien,
sûrement, que voyager entre Montréal et Sherbrooke coûte
plus cher qu'entre Montréal et Ottawa, par exemple. C'est cela le
problème. Ce n'est pas un point qui va me détruire ou qui va
détruire la région, mais si nous avons trop de points comme
ceux-là, cela rend la situation très difficile. Cela nous met
dans une position difficile pour négocier. Et lorsqu'on tente d'attirer
l'industrie, c'est toujours une question de négociations. On doit leur
faire comprendre que nous sommes totalement convaincus que venir chez nous,
c'est presque le paradis. Il faut avoir les éléments pour les
convaincre. Si, par exemple, on dit: II faudrait faire abstraction de
l'autoroute, et oubliez donc l'affaire de l'aéroport aussi. Ah! du gaz
naturel, vous n'en avez pas besoin on fera venir des "cans". Ce n'est pas ce
qu'ils veulent. Ils veulent être à un endroit où...
Incidemment, il n'y a pas de moustiques chez nous. On peut leur vendre cela,
mais le gaz naturel se vend beaucoup mieux.
M. Leduc (Saint-Laurent): Combien coûte l'autoroute pour
aller à Sherbrooke?
M. Pelletier: Présentement, cela coûte 5,50 $
aller-retour pour une automobile. Pour les camions, c'est plus cher, bien
entendu. Lorsqu'on parle d'industries, habituellement, c'est de camions qu'on
parle. C'est suffisamment cher pour que les camionneurs de Sherbrooke aillent
passer par Drummondville pour aller à Montréal, parce qu'il n'y a
pas de péage sur cette route, mais c'est aussi une route à deux
voies, tel que je l'ai mentionné. Le danger en est accentué. La
route n'est pas faite pour cela. Heureusement, d'une façon, que
l'énergie de l'essence pour les véhicules est aussi chère.
Donc, on a réduit le nombre de véhicules sur les routes. Il y a
moins d'automobiles sur les routes et cela nous permet de pouvoir faire un
meilleur usage de la route entre Sherbrooke et Drummondville pour nous rendre
à Montréal, mais c'est seulement un hasard qui a causé
cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous disiez que vous épargneriez
beaucoup en allant plutôt à Ottawa, surtout si vous faisiez le
plein d'essence à Ottawa. Là, vous épargneriez beaucoup
plus.
M. Pelletier: Possiblement, mais on est
bien au Québec.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Vimont, pour le mot de la fin, en l'absence du ministre.
M. Rodrigue: M. le Président, je voudrais dire à M.
le maire Pelletier que je l'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt, même si j'étais un peu en retrait tout
à l'heure, parce que vous savez que je suis originaire de Granby.
M. Pelletier: C'est une belle ville, Granbyl
M. Rodrigue: Je connais la région. J'y ai vécu un
bon bout de temps. Je connais votre belle ville également. Je pense que
vous avez tout à fait raison d'en être très fier. Le
ministre m'a demandé de l'excuser. Il a dû s'absenter pour
quelques minutes. Cependant, il voulait quand même que nous vous
remerciions en son nom et au nom de la députation ministérielle
pour votre présentation et votre excellent mémoire et en
même temps vous dire que nous allons y apporter toute l'attention
nécessaire et tenter de faire en sorte que la région de
Sherbrooke reçoive tous les égards auxquels elle a droit. C'est
une région industrielle qui est quand même assez dynamique et qui
est située près de la frontière américaine, ce qui
lui donne certains avantages de localisation indéniables. Nous savons
que l'histoire de Sherbrooke, finalement, repose sur une foule d'industries
manufacturières et, en conséquence, que Sherbrooke peut à
nouveau connaître l'essor qu'elle a déjà connu dans le
passé. Nous sommes persuadés que c'est dans ce sens que vous
travaillez et nous voulons vous assurer que nous travaillons nous aussi dans ce
sens. Merci bien.
M. Pelletier: Je vous remercie beaucoup de l'attention que vous
m'avez portée, M. le Président. Je vous remercie, madame,
messieurs.
Le Président (M. Laplante): M. le maire et M. Patry, les
membres de cette commission vous remercient.
J'appelle maintenant la Chambre de commerce de Sherbrooke et la Maison
régionale de l'industrie. C'est dans nos règles de résumer
mais, étant donné que votre mémoire n'est pas tellement
long...
Chambre de commerce de Sherbrooke et Maison
régionale de l'industrie
M. Gendron (Marc): M. le Président, Marc Gendron,
président de la Chambre de commerce de Sherbrooke et, à ma
droite, M. Jacques Saint-Onge, président de la Maison régionale
de l'industrie.
M. le maire Pelletier vous a exprimé la volonté politique
du milieu. Nous avons décidé d'exprimer la volonté des
hommes d'affaires. Les propos que le ministre a tenus nous annonçant
qu'effectivement, en novembre 1983, nous aurions le gazoduc, nous ont
réjouis. Si vous voulez, on va résumer pour quand même vous
faire part de nos préoccupations en tant qu'hommes d'affaires. M.
Saint-Onge s'attardera plus à l'aspect régional,
c'est-à-dire les industries implantées dans l'ensemble de la
région. Comme vous l'avez souligné cet après-midi, vous
aimez les conclusions au début des mémoires. Quant à nous,
notre titre était notre conclusion: "Le prolongement du gazoduc
jusqu'à Sherbrooke, un élément essentiel dans
l'infrastructure économique de notre région." (21 h 15)
La région de l'Estrie et plus particulièrement du
Sherbrooke métropolitain souffre présentement d'une stagnation
économique presque sans précédent dans son histoire. Je
pense que ce volet a été quand même très bien
expliqué. Les investissements envisagés par la réalisation
du projet sont évalués à quelque 135 000 000 $, en dollars
1983, et se répartissent comme suit: 100 000 000 $ pour le prolongement
de la ligne de distribution Sabrevois-Sherbrooke. Environ 25 000 000 $ sur
trois ans pour la réalisation du réseau de distribution. Environ
10 000 000 $ pour la transformation des équipements de chauffage, des
résidences et des immeubles. Nous croyons utile de rappeler que notre
région possède une main-d'oeuvre hautement qualifiée pour
la réalisation de ces travaux. Que ce soit concernant les firmes
d'ingénieurs conseils, concernant la construction.
Parlant du secteur de la construction, vous n'êtes pas sans savoir
que ce secteur souffre présentement d'un taux de chômage de 40%.
En ce qui concerne l'Estrie, il y a eu une baisse de 42% pour les trois
premiers trimestres en 1982 par rapport à la même période
en 1981. Un pourcentage important des 100 000 000 $ investis pour le
prolongement de la ligne de distribution Sabrevois-Sherbrooke ira aux
entrepreneurs de la région. En ce qui concerne les 25 000 000 $
prévus pour la réalisation du projet, on peut estimer que la
totalité de ce montant profitera au cours des trois prochaines
années à la main-d'oeuvre locale et régionale. Enfin, la
transformation des équipements de chauffage des résidences et des
immeubles est évaluée à quelque 10 000 000 $. Finalement,
pour le consommateur, celui-ci pourra réduire, nous estimons, à
environ 30% sa facture énergétique, ce qui n'est quand même
pas négligeable. En bref, on peut prévoir des économies
annuelles d'énergie de l'ordre de 3 000 000 $ à 4 000 000 $,
lesquels montants pourront être réinvestis dans le
circuit économique de la région.
Maintenant, je demanderais à M. Saint-Onge de développer
l'aspect environnement et peut-être principalement l'aspect industriel
dans la région.
M. Saint-Onge (Jacques): M. le Président, vous avez ici un
représentant des industriels de la région qui s'inquiète
même de l'aspect qualité de l'environnement. Nous savons que la
région est exceptionnellement pourvue au point de vue touristique et
nous nous inquiétons de la dégradation de la qualité de
nos lacs, de nos rivières et de notre air. Le gaz naturel en
remplacement des huiles lourdes aiderait certainement à résoudre
ce problème. Mais nous ne sommes pas seulement une région
à aspect touristique, et souvent peut-être trop
considérée comme une région touristique, et là nous
voulons vous parler un peu de l'industrie. L'industrie souscrit aux
orientations du virage technologique qui va nous permettre de retrouver chez
nous son caractère concurrentiel.
Le gaz naturel est pour nous une énergie essentielle au
renouvellement de nos équipements de production et on sait que beaucoup
de la technologie des équipements de production qui utilise les
énergies sont fabriqués aux États-Unis et ces
équipements font appel au gaz naturel. Le gaz naturel doit bel et bien
faire partie de notre infrastructure au même titre que les parcs
industriels et même que les routes et l'électricité qui,
dans un certain cas, a été soit tardive ou même
insuffisante. On ne peut prétendre conserver l'acquis, se transformer et
acquérir de nouvelles implantations industrielles si nous sommes
hypothéqués par l'absence du gaz naturel. Les industries
papetières de Bromptonville, Windsor et East Angus profiteront sans
doute du gaz naturel. Il y a aussi les industries dans le domaine du textile,
du caoutchouc, des plastiques ou même de l'agro-alimentaire qui auront
besoin et ont maintenant besoin du gaz naturel.
D'après cette liste, vous voyez tout de suite que plusieurs de
nos industries en région sont des industries traditionnelles et qui ont
atteint une maturité. Cependant, vous voyez qu'il y en a plusieurs aussi
qui sont dans une concurrence difficile au niveau mondial et pourtant,
handicapées au niveau de possibilités énergétiques.
Il est bien connu qu'au niveau du salaire moyen dans la région de
Magog-Sherbrooke, en particulier, nous nous situons plutôt au bas de
l'échelle comparativement à toutes les régions du
Québec. Nous nous voyons aussi devant des perspectives plutôt
sombres, conscients que des industries désireuses de se rationaliser et
de rationaliser leurs activités songent déjà à se
déplacer vers des localités approvisionnées en gaz
naturel. Vous savez que notre région souffre d'un exode de la jeune
main-d'oeuvre, souvent très qualifiée et apte à appuyer le
virage technologique.
L'Estrie ne veut plus revivre la fermeture d'une usine de fabrication de
briques qui ne pouvait faire face au quadruplement du prix du pétrole et
qui, avec le gaz naturel, aurait pu non seulement rester concurrentielle au
niveau économique, mais aussi améliorer la qualité de son
produit. S'il y a un domaine dans lequel nous figurons au haut de
l'échelle dans l'Estrie, c'est celui du chômage. Nous vous
demandons, pour le mieux-être et le mieux-vivre des gens de notre
région, de faire attention afin de ne pas répéter trop
souvent la situation où nous nous sommes vu laissés pour compte
lorsque le temps des décisions est arrivé. Il est impensable que
même un délai du prolongement du gazoduc soit envisagé dans
notre région. Nous avons déposé au secrétariat de
la commission parlementaire des lettres d'appui qui ont accompagné notre
présentation.
M. le Président, merci du temps que vous nous avez donné.
Il nous a fait plaisir de pouvoir venir parler au nom de notre
région
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Saint-Onge. Au nom
du ministre, M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Comme le ministre me
l'a demandé, il voudrait s'excuser auprès de vous. Il a dû
s'absenter pour une affaire assez urgente. Il devrait revenir incessamment.
Je remarque que votre mémoire - vous demeurez sûrement dans
la même ville que le maire de Sherbrooke - ressemble en quelque sorte
à celui présenté par M. le maire de cette ville.
Cependant, vous ajoutez certains éléments qui valent la peine
d'être regardés de près. Par exemple, vous mentionnez les
retombées quant aux investissements au niveau local. Vous mentionnez
aussi que dans le secteur de la construction, il y aurait même des
possibilités que des personnes du milieu, des gens d'affaires du milieu,
puissent intervenir et soumissionner sur différents contrats, que ce
soit directement ou en sous-traitance. Vous relevez aussi le même point
que celui du maire de la ville de Sherbrooke, à savoir que vous avez
certaines craintes quant à la venue du gaz en 1983, qu'il y aurait
même des possibilités que ce soit renvoyé aux calendes
grecques et que Granby pourrait en profiter. Comme vous avez entendu le
commentaire que j'ai fait tout à l'heure ainsi que celui du ministre se
rapportant à cette question, je vais seulement répéter un
peu ce que le ministre a dit et ce que j'ai dit moi-même à ce
moment-là. Selon les renseignements que nous avons reçus, la
construction devrait être terminée en novembre 1983 et le
tout devrait passer par
Cowansville, Magog et par la suite, arriver à
Sherbrooke, et continuer vers Asbestos. Je remarque aussi dans votre
mémoire que vous êtes très favorable - comme je le suis et
comme nous le sommes tous d'ailleurs de ce côté-ci de la table -
à la concurrence entre les entreprises. Que ce soit des entreprises
d'État qui fassent de la concurrence entre elles ou que ce soit encore
des entreprises privées qui fassent de la concurrence avec des
entreprises d'État comme Hydro-Québec, je pense que c'est
parfaitement normal et il faut maintenir l'économie du Québec
dans ce sens. Pour ma part, il est sûr et certain que le gaz, dans
plusieurs régions du Québec, peut-être pas la mienne sur la
Côte-Nord puisqu'on a beaucoup de montagnes à traverser et qu'on
aurait beaucoup de difficultés quant à la géographie
elle-même, mais les régions périphériques de
Montréal et de la ville de Québec pourraient sûrement
connaître des retombées drôlement importantes au niveau de
l'économie du milieu et aussi des coûts d'énergie dans le
domaine résidentiel, commercial ou industriel.
Vous avez entendu les quatre questions que j'ai posées tout
à l'heure au maire de la ville de Sherbrooke. La première
était:
Pourquoi craignez-vous que le gazoduc n'atteigne pas Sherbrooke? M. le
maire a répondu et peut-être que vous pourriez ajouter des
éléments nouveaux. La deuxième question que j'avais
posée, toujours aux représentants de la ville de Sherbrooke:
À votre connaissance, les grandes entreprises installées dans
votre région ont-elles l'intention de convertir leurs installations au
gaz naturel? Le mémoire 32MA qu'on a reçu ici nous confirme qu'il
y a des entreprises qui ont effectivement l'intention de se convertir au gaz
naturel.
Maintenant, les deux questions principales que je voudrais vous poser
sont celles-ci: Puisque vous avez mentionné qu'il y aurait des
entreprises liées au secteur de la construction de votre région
qui s'impliqueraient, est-ce qu'elles ont vraiment l'intention, sur le fond, de
soumissionner sur le contrat global, soit à partir des alentours de
Farnham en direction de Sherbrooke ou sur le réseau complet ou si c'est
seulement de la sous-traitance? La deuxième question, c'est que dans
votre mémoire vous faites mention de la dégradation de la
qualité de l'environnement. Je peux vous assurer que, devant cette
commission, sont venus plusieurs intervenants qui nous ont signalé la
dégradation de l'environnement qui est causée par le mazout,
spécialement le mazout lourd. Est-ce que vous pensez qu'il serait utile
de réglementer plus sévèrement la teneur en soufre du
mazout lourd vendu dans votre région? Je vous fais remarquer, en
terminant, que cette question a été posée à la
grande majorité des intervenants et intervenantes qui ont abordé
devant les membres de cette commission la question de la dégradation de
l'environnement.
M. Gendron (Marc): M. le Président, pour revenir un peu
sur la raison de nos appréhensions, c'est que, effectivement, les appels
d'offres n'étaient pas sortis et, comme cela a été
mentionné par le maire, tant qu'on n'aura pas la conduite principale
arrivée ou qu'au moins on n'aura pas les appels d'offres, on se disait:
C'est du qu'en-dira-t-on et, finalement, il y avait toutes sortes de rumeurs
qui pouvaient flotter dans l'air. Alors, essentiellement, c'était
cela.
Je pense qu'on a essayé, quand même, de manifester en tant
que communauté d'hommes d'affaires dans la région qu'on veut se
prendre en main; je pense que cela a été assez évident.
Pour nous, c'est une forme d'énergie qui est essentielle à notre
développement. Je ne vous dis pas qu'il n'y aura pas de
développement si on ne l'a pas mais c'est quand même essentiel et
c'est un point majeur. On veut être traité, comme le maire l'a
mentionné, au même titre que toutes les autres régions de
la province.
En ce qui concerne la question sur les contrats, lorsqu'on mentionne que
nous avons des firmes, que ce soient des firmes d'ingénieurs-conseils ou
encore d'entrepreneurs comme tel, écoutez, si ces gens sont
invités à soumissionner sur l'ensemble du projet, nous avons,
dans la région, la compétence et ce sera à ces gens de
faire valoir leur point de vue et d'aller sur les appels d'offres. Je ne peux
quand même pas parler pour ces gens. Chaque entreprise...
M. Perron: Excusez-moi. Vous dites: Si ces gens sont
invités.
M. Gendron (Marc): Oui.
M. Perron: Est-ce que cela se fait par soumissions sur invitation
ou par soumissions publiques?
M. Gendron (Marc): Publiques, normalement.
M. Perron: Ah bon! Donc...
M. Gendron (Marc): Oui, mais "invités" pris dans son
sens...
M. Perron: Ils sont invités par le biais des journaux?
M. Gendron (Marc): Oui.
M. Perron: Par le biais des avis publics.
M. Gendron (Marc): C'est cela.
"Invités", prenez-le dans son sens...
M. Perron: D'accord, dans le sens large du mot.
M. Gendron (Marc): Dans le sens large du mot. D'accord? Je pense
que j'ai répondu à cela. Maintenant, pour les deux autres volets,
si vous voulez, je demanderais à M. Saint-Onge d'y répondre.
M. Saint-Onge (Jacques): En ce qui concerne la grande entreprise
et sa conversion, on en a parlé un peu plus tôt aujourd'hui, parce
que je suis arrivé pour le début. On sait très bien qu'en
ce qui concerne la conversion, pour les usines qui utilisent le mazout lourd,
c'est une question de concurrence entre le gaz naturel et le mazout lourd qui
pourrait entraîner ou encourager ces entreprises. Il y a beaucoup
d'entreprises dans notre région. Je ne suis pas de la ville de
Sherbrooke, mais de la ville de Magog et chez nous, nous utilisons une grande
quantité de carburant autre que le mazout lourd et avec un avantage
très marqué, la conversion pour l'énergie des
procédés. Il y a d'autres usines dans notre région qui
utilisent des quantités importantes pour les procédés et
qui ne sont pas alimentées de mazout lourd. Dans ce cas, il y a, sans
aucun doute, un intérêt très marqué.
Il y a aussi une quantité importante de petites industries. On
dénombre au-delà de 500 industries dans la région de
l'Estrie et la majorité de ces industries, étant situées
suffisamment près de cette ligne, utilisent de l'huile
légère. Là aussi il y a un avantage marqué
lorsqu'on compare le gaz naturel avec l'huile légère. Il ne faut
pas négliger ce côté.
En ce qui concerne la réglementation du mazout lourd, il est bien
certain que si on faisait cette réglementation, cela réglerait
une partie du problème concernant la compétitivité avec le
gaz naturel parce que, au fur et à mesure qu'on exige un grade plus
élevé, le prix augmente. Cela pousserait certainement les
industries à faire la conversion, celles qui utilisent le mazout lourd.
Cependant, il faudrait faire attention aussi qu'en même temps que vous
donnez un service à la région en donnant des possibilités
énergétiques vous ne réglementiez pas la région
seulement de ce côté et la mettiez, encore une fois, dans une
situation défavorable quant à la concurrence envers les autres
industries et surtout celles qui sont en concurrence mondiale ou
internationale.
M. Perron: Juste un court commentaire. Lorsque vous mentionnez la
réglementation de l'environnement, par exemple, en ce qui a trait au
mazout, je suis parfaitement d'accord avec vous qu'on ne peut pas
réglementer à l'échelle du Québec parce que dans
certaines régions, le gaz naturel va peut-être nous arriver dans
quelque 40 ou 50 ans, j'espère avant en tous les cas, pour que ce soit
compétitif et qu'on soit diversifié dans la grande
majorité des régions du Québec. Si j'ai bien compris, il
faudra faire attention pour ne pas réglementer trop lourdement
l'ensemble du Québec, mais réglementer lorsqu'il y aura une
solution de rechange, premièrement, et deuxièmement, appliquer la
réglementation. Cela m'amène à une question à
laquelle je viens de penser: Lorsque l'on regarde les importations qui se font
dans le mazout lourd, comme il a été mentionné
aujourd'hui, au-dessus de 1 000 000 de barils par année, si on
arrête de les subventionner pour permettre la diminution des importations
du mazout lourd, ce qui contribuerait en fait à favoriser le gaz
naturel, c'est notre but à tout le monde, je pense, et les membres de
l'Opposition l'ont souligné, spécialement le député
d'Outremont, seriez-vous favorables à ce qu'on enlève dans les
plus brefs délais ces subventions aux entreprises d'importation?
M. Saint-Onge (Jacques): Encore une fois, si le but est de
réduire les subventions, surtout en ce qui concerne les utilisateurs du
mazout lourd, il faudrait faire bien attention pour que ce ne soit pas une
façon pour nous de mettre toutes les entreprises en difficulté
concurrentielle, du fait qu'on les obligerait à acheter un carburant
plus dispendieux. Si le gaz naturel peut très bien être
concurrenciel, on n'aurait même pas besoin de réglementation parce
que concernant l'entreprise même, après que la conversion est
faite, il y a une tout autre série d'avantages concernant la
propreté des équipements, de nettoyage et de
détérioration des équipements qui ont cette teneur en
soufre, par exemple, qui crée des problèmes qui ne sont pas
désirables pour l'entreprise, pas plus pour l'entreprise que pour
l'environnement.
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je pense que ce que vous venez de dire, en fait, si
vous avez assisté au débat d'aujourd'hui, résume un peu
l'argumentation générale à savoir que, dans une
période de croissance difficile, il faut faire attention aux coûts
de production. Ce que vous venez de dire reflète certaines des
interrogations que nous avons eues nous-mêmes là-dessus.
Ceci étant dit, je pense qu'il va de soi que si la région
de Sherbrooke pouvait obtenir du gaz comme le plan le prévoit,
c'est une autre forme d'énergie, et cela permettrait, comme le
souhaitait le maire, que certaines industries qui exigent d'avoir du gaz pour
certains procédés puissent l'obtenir. À ce
moment-là, cela deviendrait un atout pour la région de
Sherbrooke. Là-dessus, je pense bien qu'on fait l'unanimité. En
tant qu'industriels, vous soulignez la question de la concurrence et nos
interrogations allaient dans cette direction, à savoir si, finalement,
une fois qu'on aura construit tout le réseau, le prix du gaz sera celui
qu'on espère qu'il sera. Ce ne serait pas suffisant d'avoir construit le
réseau de distribution s'il fallait, par la suite, que les prix
augmentent et que ce soit exagéré. Je pense bien - vous venez de
le dire vous-même - que les industriels choisiront ce qui est le plus
économique.
En ce qui concerne la promesse que le maire recherchait et que vous
demandez sur la réalisation du plan, le ministre a confirmé... Ce
que je voudrais tout simplement souligner, c'est que vous êtes le
deuxième groupe aujourd'hui à déclarer qu'il y a des
retards dans les appels d'offres. Il y a le groupe que nous avons entendu avant
le souper, la compagnie de construction Antagon de Montréal, la
compagnie de construction Beaver. Dans la région de Montréal, ces
compagnies de construction s'inquiètent du fait que les appels d'offres
sont retardés. Évidemment, il y a encore du temps avant
l'été, mais, quand même, les appels sont retardés
vous vous inquiétez de la même chose, ce qui m'inquiète
également. C'est pour cette raison que le ministre nous donne des
assurances. Le député de Duplessis, qui le remplace
présentement, nous donne aussi des assurances. Mais, entre le moment
où le ministre a publié son document, L'Énergie et le
développement économique, qui a été rendu public le
20 janvier 1983, et le moment où on se parle aujourd'hui - nous sommes
le 25 mars 1983, cela fait seulement deux mois - entre ces deux dates, deux
mois, les investissements qu'on devait faire dans le réseau de
distribution ont déjà chuté de 440 000 000 $ à 383
000 000 $. Le ministre l'a appris aujourd'hui. Cela a déjà
chuté de 57 000 000 $ et j'espère, quant à moi,
étant donné que mes interrogations étaient surtout pour
l'avenir, que le programme de 1983 se réalisera. Je m'inquiète
cependant du fait que si Gaz Métropolitain - qui me semble être en
meilleure posture financière que Gaz Inter-Cité puisqu'elle a
déjà une infrastructure, elle existait auparavant et elle avait
des clients - a jugé qu'elle devait couper de 57 000 000 $ ses
investissements cette année, il y a peut-être des raisons de
s'inquiéter en ce qui a trait à Gaz Inter-Cité.
Malheureusement, Gaz Inter-Cité devait paraître en commission
parlementaire hier ou avant-hier et c'est remis à plus tard. Quand elle
viendra devant cette commission, soyez assurés que nous poserons ces
mêmes questions puisque, d'une part, il faut être prudent quant aux
investissements à faire, mais, d'autre part, je pense bien que la
région de Sherbrooke veut avoir l'assurance que ce qui est promis va
arriver. Si ce ne devait pas arriver, je pense que vous aimeriez autant le
savoir maintenant et que c'est le but de votre intervention. Je vous
remercie.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, M.
Gendron et M. Saint-Onge, les membres de cette commission vous
remercient de l'apport que vous avez bien voulu leur fournir. J'appelle
maintenant le Conseil régional de développement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chi-bougamau. Je pense qu'on n'a pas à vous
répéter les règles. Les gens ont été
studieux toute la journée.
M. Villeneuve (Maurice): Toute la journée.
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez bien vous
identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent et votre
organisme, s'il vous plaît.
Conseil régional de développement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau
M. Villeneuve: Mon nom est Maurice Villeneuve. Je suis
responsable du comité des énergies au Conseil régional de
développement. À ma gauche, c'est Mme Lise Maltais, qui est
adjointe au directeur général et, à ma droite, il y a M.
Jacques Desbiens, un consultant qui nous a aidés à la
préparation de ce mémoire. M. Jacques Desbiens est
ingénieur chimiste, économiste et professeur à
l'Université du Québec à Chicoutimi. Il y a aussi M.
Richard Bilodeau, membre du comité et de M & P Propane.
Comme vous l'avez demandé ce matin, on ne fera pas la lecture de
notre mémoire en entier. Dans un premier temps, nous voulons vous faire
part des objectifs de la vie du Conseil régional de développement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau. Ensuite, nous irons aux quatorze
recommandations que nous vous soumettons.
M. le Président, à la suite de l'invitation faite aux
organismes qui le souhaitent, de soumettre à la commission parlementaire
de l'énergie et des ressources, leurs réflexions sur les
possibilités de développement économique qu'offre la
situation énergétique du Québec, le Conseil
régional de développement Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau
veut proposer une stratégie de développement industriel de sa
région axée sur les ressources énergétiques.
Essentiellement, comme on le verra, le CRD de la région 02
souhaite que les
ressources énergétiques soient utilisées afin de
diversifier la structure industrielle de la région, de lui redonner des
avantages comparatifs qu'elle n'a plus et de lui en fournir de nouveaux pour
sortir de la situation actuelle de chômage élevé qui la
caractérise. Parce que, actuellement, selon les dernières
statistiques, le taux de chômage est de 22,1% dans notre
région.
L'avis du CRD concerne donc plus spécifiquement le
sous-thème traitant de l'énergie, facteur de
développement. Compte tenu du contexte énergétique et
économique global qui est décrit dans le mémoire, que je
ne vous lis pas en entier, et en raison des caractéristiques
particulières de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau,
dont on fait mention aussi dans ce mémoire, le conseil régional
de développement considère que le Québec doit adapter sa
politique énergétique selon les besoins et les ressources de
chaque région, parce que les besoins et les ressources sont
différents pour la plupart des régions du Québec.
Ainsi, en ce qui concerne notre région, les surplus disponibles
d'électricité et l'accessibilité au gaz naturel doivent
devenir des outils privilégiés pour diversifier notre industrie
manufacturière et redonner l'espoir à notre main-d'oeuvre et
à notre population - je le répète - qui est à 22,1%
en chômage.
Le Conseil régional de développement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau formule donc l'avis suivant en ce qui
concerne les interventions possibles dans le secteur du pétrole, de
l'électricité et du gaz naturel. Nous en avons quatorze. En ce
qui concerne le pétrole, le conseil régional de
développement considère que, malgré le contexte actuel de
surabondance de produits pétroliers et de prix à la baisse de ces
produits, il faut maintenir l'objectif recherché de remplacement du
pétrole par l'électricité et le gaz naturel au
Québec d'ici 1990.
Aussi, l'électricité devrait compter pour 41% dans le
bilan énergétique du Québec en 1990. Le gaz naturel
pourrait représenter 16% de la consommation et la part du pétrole
devrait diminuer à 40% environ.
Le CRD considère que, dans ce but, les différents niveaux
de gouvernement devront -et on insiste - décourager, dans notre
région, l'usage de produits pétroliers lorsque des substituts,
à prix concurrentiel, seront disponibles, en particulier dans le secteur
industriel.
En ce qui concerne l'électricité, le CRD considère
qu'Hydro-Québec doit dès maintenant faire l'inventaire des
rivières susceptibles d'offrir un potentiel d'énergie
hydroélectrique d'environ 100 mégawatts dans notre région
et entreprendre, sans délai, les études de faisabilité
technique et économique concernant ces centrales éventuelles.
Ces centres de production pourraient se révéler
intéressants à mettre à chantier, à la fois pour
diminuer les risques économiques d'Hydro-Québec face à
l'incertitude de la demande future d'électricité et pour fournir
à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean une ressource
énergétique accrue.
Dans les analyses coûts-bénéfices effectuées
à l'égard des petites centrales comparativement aux grandes, il
faudra mettre, face au coût unitaire relatif de production
d'énergie électrique, l'ensemble des bénéfices
potentiels à réaliser pour la collectivité
régionale où pourraient être implantées de telles
centrales. Il faudra surtout prendre en considération la
possibilité importante d'attirer, grâce à cet atout, des
projets industriels nouveaux et, ainsi, de réduire le chômage et
les coûts sociaux très élevés qui y sont
associés. (21 h 45)
Le CRD considère que notre région devrait faire partie
d'une zone tarifaire spéciale afin de bénéficier d'un
tarif d'électricité préférentiel pour les
abonnés soumis aux tarifs généraux de moyenne ou de grande
puissance. Afin de diversifier notre structure industrielle actuelle, ces
tarifs préférentiels pourraient être offerts sur une
période d'environ dix ans à des entreprises désirant
mettre sur pied une unité de production nouvelle ou construire une
nouvelle usine, de préférence dans un domaine d'activité
de pointe où il n'y a pas d'autres producteurs à l'heure actuelle
dans la région.
Notre CRD considère qu'il faudrait trouver une façon juste
et efficace de corriger l'inégalité de coût
énergétique qui existe actuellement dans notre région
entre les entreprises qui utilisent l'électricité fournie par
Hydro-Québec et les autres, spécialement les plus grandes
entreprises de notre région qui ont des coûts
énergétiques très faibles du fait qu'elles produisent
elles-mêmes leur électricité ou qu'elles ont des accords
d'approvisionnement avec les producteurs privés
d'électricité.
Notre CRD considère qu'Hydro-Québec, tant au niveau des
études reliées aux projets de centres de production
d'électricité qu'aux recherches sur les applications possibles de
l'énergie électrique, devrait davantage décentraliser vers
les régions les impacts économiques de ces travaux. Notre
région, en plus d'une main-d'oeuvre abondante et qualifiée pour
participer aux grands travaux de construction hydroélectrique, dispose
d'entreprises nombreuses spécialisées dans divers domaines, de
bureaux d'études et de recherche en tout genre, ainsi que d'une
université complète dont un des axes de développement
prioritaire concerne le Moyen-Nord. Toutes ces ressources devraient davantage
être utilisées par Hydro-Québec non seulement au moment de
la construction de centrales, mais aussi et surtout au niveau
des études et recherches techniques et économiques.
Les bureaux d'études et les chercheurs de notre région
sont prêts et désireux de participer, avec les gens de l'Institut
de recherche en électricité du Québec ou d'autres,
à des travaux sur la mise au point de nouveaux procédés
industriels utilisant l'électricité. Ils sont également en
mesure, puisque des démarches ont déjà été
faites à ce sujet à l'Université du Québec à
Chicoutimi, de participer à un groupe d'étude sur la production
et l'utilisation de l'hydrogène.
Notre CRD considère qu'Hydro-Québec devrait, là
où ce serait avantageux pour l'ensemble de la collectivité,
considérer des projets d'investissements dans la production
d'énergie électrique en collaboration avec des producteurs
privés.
Notre CRD considère, enfin, que la nouvelle tendance
manifestée dans le Plan de développement 1982-1985
d'Hydro-Québec, soit une approche plus prudente au niveau de la
planification, doit être encouragée. Compte tenu de sa grande
influence sur le développement économique du Québec et de
ses régions, Hydro-Québec devrait continuer à manifester
dans ses plans de développement futur la nouvelle souplesse introduite
dans son plan actuel. Ainsi, face à l'incertitude qui est finalement la
plus grande caractéristique de l'univers énergétique
actuel, il est bon qu'Hydro-Québec ait plus d'une corde à son arc
à court terme, à moyen terme et à long terme.
Maintenant, en ce qui concerne le gaz naturel, notre CRD
considère que la construction du gazoduc La Tuque-Chambord doit
être entreprise sans délai afin de rendre disponible le gaz
naturel dans la région et de lui procurer ainsi une source
d'énergie supplémentaire inexistante à l'heure
actuelle.
Le CRD considère que les différents intervenants dans le
dossier du gaz naturel -le gouvernement fédéral, le gouvernement
provincial, SOQUIP, Gaz Inter-Cité Québec -doivent faire toutes
les démarches nécessaires pour inciter les entreprises Alcan,
Abitibi Price et Consolidated-Bathurst à négocier avec le
distributeur de gaz naturel des contrats d'approvisionnement à long
terme. En plus des mesures déjà annoncées
-élimination de la taxe de vente sur le gaz naturel, maintien de cette
taxe sur l'électricité, écart de prix favorable au gaz
naturel, aide de 50% du coût de la conversion au gaz naturel des
chaudières alimentées actuellement au mazout - les intervenants
gouvernementaux devraient favoriser les entreprises acceptant de
négocier à l'avance des contrats d'approvisionnement en leur
consentant des avantages exceptionnels pour une durée limitée
(crédit d'impôt à l'occasion de la signature, valable pour
l'année fiscale où la signature est réalisée, ou
encore rabais particuliers sur les prix pour une durée
donnée).
Le CRD considère que ces avantages exceptionnels se justifient
par le fait que les trois grandes entreprises mentionnées auparavant
sont dans une situation telle, à l'heure actuelle, que leur
décision éventuelle de ne pas négocier d'approvisionnement
de gaz naturel priverait l'ensemble de la population de l'accès à
cette nouvelle source d'énergie.
Cette éventualité est absolument à écarter
dans la mesure où l'on souhaite replacer notre région au niveau
des autres régions du Québec en ce qui concerne
l'égalité des chances d'attirer des entreprises et de
créer des emplois. Déjà handicapée par son
éloignement et son isolement, la région doit à tout prix
pouvoir compter sur un éventail de ressources énergétiques
qui incluent de façon définitive le gaz naturel.
Le CRD considère que les villes de Roberval,
Saint-Félicien et Dolbeau devraient être desservies en même
temps que le reste du Saguenay-Lac-Saint-Jean par le gaz naturel.
Notre CRD considère encore que, pour favoriser les impacts
économiques sur la région de l'arrivée du gaz naturel,
l'entreprise régionale Propane M & M, tel que l'a déjà
décidé le gouvernement du Québec, doit être
impliquée de façon intense dans la distribution du gaz naturel
dans notre région. Cette implication permettra aux diverses ressources
humaines, aux entreprises spécialisées, ainsi qu'aux bureaux de
services professionnels de notre région de participer de façon
dynamique à l'essor économique relié à
l'arrivée du gaz naturel.
Le CRD considère enfin que le gouvernement du Québec doit
mettre à la disposition des organismes reliés à la
promotion du développement industriel de notre région toute
l'aide technique et financière nécessaire pour que les nombreux
avantages du gaz naturel (économie de coûts, absence de corrosion,
absence de pollution, contrôle de la qualité et de la chaleur
accru) soient largement diffusés auprès d'éventuels
investisseurs afin d'attirer dans notre région de nouvelles entreprises
reliées à la disponibilité du gaz naturel. Notre structure
industrielle y gagnera alors en diversité et notre population et notre
main-d'oeuvre y gagneront davantage d'occasions d'exercer leurs talents.
Aucune région ne saurait entreprendre avec succès la
réflexion et l'action consécutives au virage technologique
proposé par le gouvernement du Québec sans faire partie d'un plan
d'ensemble du développement énergétique respectueux des
priorités régionales sur lesquelles on nous demande aujourd'hui
notre avis. Ce que nous proposons
dans ce document est un minimum responsable. C'est tout, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Merci beaucoup, messieurs, de
votre collaboration. M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie de votre mémoire. J'aurai,
bien sûr, quelques questions à vous poser. Je voudrais aller
à la page 14 de votre mémoire où il apparaît
très clairement que votre région a, en arrondissant les chiffres,
une puissance installée, partagée entre trois grands clients -
quatre, en incluant la ville de Jonquière -de 2500 mégawatts. Il
n'est pas facile d'établir exactement le prix de revient d'un
kilowattheure pour Alcan, mais sur la base du tarif grande puissance
d'Hydro-Québec de 1981 à 16,3 - les chiffres que j'ai vus - les
variables sont entre 6 et 8 mills le kilowattheure, ce qui fait que votre
région, pour 2500 mégawatts, bénéficie
déjà d'une tarification préférentielle par le fait
même de l'existence de trois grands autoproducteurs. Je comprends
parfaitement avec vous - et c'est sans doute le premier élément
de la réponse que vous allez me fournir - que cela ne dégage pas
d'énergie pour d'autres. C'est vrai, mais je pense qu'on va tous
concéder que, si le groupe Alcan a pu devenir une grande compagnie
internationale qui maintient au Québec le gros de ses activités
de première transformation, c'est très certainement à
cause du fait qu'elle bénéficie dans votre région d'une
situation énergétique très avantageuse par rapport
à presque toute l'industrie de première transformation
d'aluminium dans le monde.
Vous nous demandez d'aller plus loin et de dire qu'à même
la production d'Hydro-Québec, on devrait consentir une tarification sur
une période de dix ans dans des secteurs manufacturiers bien
précis. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi il faudrait introduire
cette tarification préférentielle régionale dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean et non pas dans l'Estrie, non pas dans la région
du comté de Saguenay ou encore en Mauricie ou pour toute industrie
à Montréal ou dans n'importe quelle région. Je voudrais
savoir en quoi, en plus d'avoir 2500 mégawatts disponibles qui
appartiennent à des autoproducteurs, vous voudriez qu'on aille plus
loin. Pourquoi cette région plus que n'importe quelle autre?
M. Villeneuve: Je vais donner une partie de la réponse;
ensuite, mon confrère à ma droite va continuer. Comme vous le
voyez dans le tableau de la page 14, les grandes entreprises du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, sont l'Alcan, Abitibi Price, Consolidated Bathurst,
Domtar et Donohue. Ces grandes entreprises bénéficient toutes de
tarifs préférentiels parce qu'elles sont propriétaires. Et
celles qui ne sont pas propriétaires, comme Consolidated Bathurst et
Domtar, achètent leur électricité de l'Alcan.
Lorsqu'on parle de tarif préférentiel, c'est pour la
petite et la moyenne entreprise qui, elle, doit payer le même tarif que
partout ailleurs au Québec, mais elle est dans une région
fermée et elle doit payer à peu près les mêmes
salaires que les grandes entreprises, ce qui fait qu'elle est presque en train
de crever. C'est pour cela qu'on a 22,1% de chômage actuellement. C'est
presque le grand feu, mais d'une autre façon, qui est passé chez
la petite et moyenne entreprise. Je laisserai mon confrère continuer
avec des chiffres plus précis.
M. Desbiens (Jacques): En fait, c'est cela. Vous avez
constaté, M. le ministre, qu'on met beaucoup l'accent non pas sur 22,1%,
mais - je voudrais dramatiser encore plus la situation - sur 22,3% de
chômage au mois de février 1983 dans l'agglomération
Chicoutimi-Jonquière. Sur les 23 agglomérations de 100 000
habitants et plus au Canada, c'était celle où le taux de
chômage était le plus élevé. Les hommes et les
femmes, comme vous, qui s'occupent de l'administration publique, entendent
à coeur de journée des gens qui viennent demander, demander et
demander des choses. Essentiellement, nous faisons la même chose. Les
hommes et les femmes qui s'occupent d'administrer les fonds publics ont
à faire des transferts de revenus, des transferts de richesses des
groupes de la collectivité les plus favorisés vers les groupes
les moins favorisés. Il est clair dans notre esprit qu'à l'heure
actuelle Chicoutimi-Jonquière, donc le coeur urbain de notre
région, sont défavorisées.
La présence de grandes entreprises, comme l'Alcan qui
bénéficie de tarifs énergétiques avantageux, n'a
pas généré autour d'elles le développement de
petites et moyennes entreprises comme on aurait pu le souhaiter. Donc, quand
vous faites ressortir que nous bénéficions déjà de
tarifs préférentiels au niveau d'une grande partie de notre
secteur manufacturier, vous avez bien raison. Cependant, nous venons vous dire,
à vous qui êtes responsables des transferts de richesses ou de
revenus dans la collectivité québécoise: Malgré cet
avantage, ce n'est pas suffisant, parce que nous sommes les pauvres, les
démunis; c'est chez nous qu'il y a du chômage actuellement. Bien
plus, c'est chez nous qu'on a de la difficulté à recruter de
nouvelles entreprises, de nouvelles sources de main-d'oeuvre. On a beaucoup
d'inconvénients. Chez nous, il y a beaucoup d'avantages comparatifs qui
ne sont pas présents. Par exemple, nous sommes éloignés
des marchés, nous sommes isolés, on
n'a même pas d'autoroutes payantes. Donc, il nous faut des
avantages comparatifs. (22 heures)
Ce que nous venons vous dire aujourd'hui, c'est essentiellement ceci:
Vous avez raison, les grandes entreprises comme Alcan ont déjà
cet avantage. Imaginez-vous si on ne l'avait pas, la région se viderait,
c'est-à-dire que la région n'existerait pas, c'est clair et net.
Maintenant, nous venons vous dire: D'une manière quelconque, il faut que
ce record, on fasse quelque chose par rapport à cela. On ne peut pas
rester insensible à cela. La raison d'être du Conseil
régional de développement, c'est de faire des pressions. Je pense
que notre région est justifiée de venir vous rappeler cela. Vous
ne pouvez pas faire de miracles, mais il y a des choses qui peuvent
s'envisager. Ce que nous disons, c'est qu'à partir de maintenant il
faudrait subordonner la politique énergétique peut-être
à la politique économique, à la politique de
développement. La raison qui nous a fait penser aujourd'hui à ce
genre de choses, ce n'est pas seulement la crise, ce n'est pas seulement notre
record de taux de chômage - on n'était pas dans les moins
performants au niveau du chômage avant -c'est surtout la
disponibilité d'excédents d'électricité.
Quand on s'adresse aux gens d'Hydro-Québec à
Montréal au sujet de deux projets qui nous intéressent en ce qui
concerne l'électricité, c'est-à-dire de petits barrages et
l'utilisation des excédents pour obtenir des tarifs
préférentiels pour attirer des entreprises, ils nous
répondent toujours la même chose: Pour l'ensemble du
Québec, pour le développement du Québec, il est
préférable de bâtir des barrages où les coûts
unitaires sont plus bas. Si bâtir un barrage de 1000 mégawatts
revient à 0,15 $, 0,20 $, 0,015 $ ou 0,02 $ le kilowatt, pour employer
votre langage, 15 mills ou 20 mills le kilowatts, c'est
préférable de le faire que d'aller faire un petit barrage chez
vous qui peut revenir à 0,03 $ le kilowattheure, par exemple. Donc, on
va toujours penser à développer des barrages où les
coûts unitaires sont plus bas avant de songer à opter pour des
petits barrages qui pourraient produire chez nous des bénéfices
sociaux surtout, mais aussi des bénéfices économiques qui
vaudraient infiniment, à notre point de vue, la différence de
coûts unitaires plus élevés.
Même chose pour les tarifs préférentiels qu'on
demande. On dit: L'énergie excédentaire, envoyez-la chez nous
pour nous permettre de diminuer notre chômage. On nous répond
aussi: On préfère la vendre aux Américains; pour
l'ensemble du développement économique du Québec, c'est
préférable. On utilisera les revenus pour subventionner les gens
à faible revenu, etc. Ce qu'on vient vous dire, c'est qu'on veut
remettre cela en question, qu'on veut discuter de transferts de revenus.
M. Duhaime: Écoutez, j'ai eu l'occasion de le dire depuis
le début des travaux de cette commission, ce que nous vendons
actuellement aux États-Unis, vous le savez très bien, ce n'est
que de l'énergie excédentaire. Ce n'est pas avec de
l'énergie excédentaire qu'une entreprise prend une
décision d'investissement. Nous la vendons un peu plus que deux fois le
prix du tarif industriel auquel nous la vendons ici au Québec.
Fondamentalement, je dirai - c'est un secret de polichinelle - qu'Alcan qui,
aux dernières nouvelles, a un projet d'aluminerie géante à
Laterrière, ne pourra pas, avec son autoproduction en énergie
hydroélectrique, satisfaire les besoins de cette nouvelle aluminerie. Il
faudra quelque part entre 180 et 200 mégawatts de nouvelle puissance.
Nous avons dit à la plus grande entreprise de votre région que la
politique tarifaire qui s'applique au secteur de l'aluminium et qui vaut pour
Reynolds, pour Pechiney Ugine Kuhlmann, pour VAW d'Allemagne vaut aussi pour
l'Alcan. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec les dirigeants de cette
entreprise.
Il est bien certain, et on le souhaite tous, que si le projet
Laterrière décollait en 1984, il y aurait très
certainement de la morosité dans votre région qui viendrait se
dissiper, j'en suis convaincu. Je ne sais pas s'il existe une
fédération des CRD, mais, dans quelque région où
vous alliez, chaque fois qu'on nous parle de tarification, chaque CRD parle
pour sa propre région d'une tarification spéciale.
Vous connaissez sans doute les dirigeants du CRD dans ma propre
région qui est contiguë à la vôtre. Nous sommes en
train de préparer un sommet économique régional et j'ai
été informé qu'à une des tables de concertation la
résolution première dans le secteur de l'énergie
était de demander à Hydro-Québec une tarification
spéciale, pour les mêmes raisons que vous évoquez, pour la
région 04, c'est-à-dire la Mauricie, Drummond et les Bois-Francs.
Si j'ajoute le Saguenay, pourquoi ne pas ajouter l'Estrie? J'entendais
tantôt le maire de Sherbrooke plaider avec beaucoup d'efficacité
le dossier de sa propre région. On va se retrouver avec un
scénario où, finalement, si on veut traiter les régions
sur un pied d'égalité, on aura abaissé d'une façon
générale la tarification d'Hydro-Québec. Il y aura donc un
manque à gagner.
Plutôt que de parler de tarification régionale qui pourrait
nous conduire à créer ce qui m'apparaît être des
injustices encore plus grandes que ce que nous pourrions sentir à
l'heure actuelle, j'aime mieux faire une approche plus sectorielle, par
secteurs manufacturiers, en tenant compte aussi, bien sûr, de la
concurrence sur les marchés
internationaux. Les entreprises grandes consommatrices vont aller
s'implanter dans les endroits où, d'abord, l'énergie est
disponible à bon prix et où la garantie de sécurité
d'approvisionnement est là pour longtemps. Mais ne nous trompons pas,
c'est seulement un facteur de localisation industrielle.
Vous évoquez que, dans votre propre région, les PME ne
sont pas florissantes. Ce n'est pas un phénomène unique. C'est un
phénomène qui est généralisé. Dans n'importe
quelle agglomération industrielle où vous avez de l'industrie
lourde, règle générale, cela effraie les PME à
cause de l'effet d'entraînement de la masse salariale. Si je vous disais,
par exemple, que, lorsque le syndicat de l'Alcan, à Arvida, signe sa
convention collective de travail - on vient d'établir les conditions de
travail dans une autre aluminerie dans ma propre ville qui est à 135
milles plus loin, c'est-à-dire à Shawinigan - par une
espèce d'effet d'ondes, il y a un effet d'entraînement qui fait
que le papier journal s'aligne un peu là-dessus. La formule 6-3, par
exemple, qui existe actuellement dans les alumineries, a été
introduite dans le secteur du papier journal et elle est en train de
s'étendre. Si vous prenez une région comme Granby où il
n'y a pas de grandes industries, la pression sur la masse salariale
payée par les grandes entreprises est beaucoup plus faible sur la masse
salariale des PME. Je pense qu'on va en convenir. C'est un des
inconvénients des avantages d'avoir des grandes entreprises qui paient
des masses salariales très élevées.
Cela étant dit, le dossier est ouvert. Nous sommes ici en
commission parlementaire pour entendre tout le monde. Je ne sais pas ce que mon
collègue d'Outremont en pense, mais j'ai mes doutes sur la
présentation qu'il va faire tout à l'heure. Je demanderais
à être convaincu davantage qu'il faudrait que nous revenions
à une tarification régionale en matière
d'hydroélectricité.
Je voudrais faire un commentaire sur votre onzième
recommandation, où vous souhaiteriez que Dolbeau, Saint-Félicien
et Roberval soient raccordées. Je vous rappelle qu'initialement cette
partie de votre région devait être raccordée, mais les
règles du jeu ont été changées, et je m'explique.
Elle devait être raccordée à l'époque où
Trans Québec & Maritimes construisait les latérales au
Québec et tout le monde s'attendait que l'entente cordiale entre le
gouvernement fédéral et T Q & M soit maintenue. À
partir du moment où, à Ottawa, il y a eu un changement, où
on a limité à un montant de 500 000 000 $ les trois
latérales, comprenant les frais d'ingénieurs et tous les frais,
dégageant 440 000 000 $ net pour les coûts de construction des
trois latérales, c'est-à-dire celles de la Mauricie, de
Sherbrooke et du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et disant que tout
dépassement serait à la charge du constructeur, en l'occurrence
Gaz Inter-Cité, nous avons été dans l'obligation de
demander à SOQUIP, qui est un des actionnaires majeurs de Gaz
Inter-Cité, de vérifier la rentabilité de l'expansion du
réseau dans ce secteur. Selon l'information que j'ai, pour l'instant en
tout cas, l'expansion vers Dolbeau, Saint-Félicien et Roberval
n'offrirait pas, à l'heure où on s'en parle, des garanties de
rentabilité, de sorte que le réseau devrait normalement, en 1984,
à partir de Grand-Mère, faire La Tuque, Chambord, La Baie.
J'ajoute que cette expansion ne pourra se faire qu'à une seule
condition: c'est que Gaz Inter-Cité puisse signer un contrat avec
l'Alcan. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus. De
mémoire, il y a un potentiel de marché de 29 BCF sur cette
latérale entre Grand-Mère et La Baie et je crois que l'Alcan
pourrait consommer entre quatorze et quinze BCF. Pour Alcan, c'est très
certainement intéressant à considérer. Ce contrat est en
négociation. Il devrait normalement se signer. C'est signé
ailleurs. Je pense qu'on va déplacer du mazout. Très
certainement, je serais le premier surpris si SOQUIP m'informait que Gaz
Inter-Cité a échoué dans sa tentative de signer un contrat
avec l'Alcan.
Vous nous faites une demande. Je peux vous confirmer que c'est
déjà en cours à Hydro-Québec. On en avait
parlé, je crois, il y un an ou, en tout cas, à une des
récentes commissions parlementaires de l'énergie et des
ressources. Hydro-Québec, actuellement, fait cet inventaire des petites
rivières de moins de 100 mégawatts. Le potentiel théorique
est autour de 10 000 mégawatts de ces petites rivières
disséminées dans chacune des régions du Québec. Je
suis de ceux qui pensent qu'on devrait développer cette technologie
d'aménagement de petites centrales. C'est très certainement
celle-là qu'on a le plus de chances d'exporter vers les pays en voie de
développement. Ce serait très certainement plus abordable pour
leur portefeuille. J'ai l'impression que dans certains pays du monde on aurait
moins de difficulté à vendre dix projets de 200 mégawatts
qu'un seul de 2000 quand on regarde l'ampleur des investissements et les
complications de financement sur le plan international.
Peut-être que ma réaction ne vous fera pas plaisir plus
qu'il ne le faut. Je suis un peu chagriné de devoir m'exprimer de cette
façon, parce que votre région est très proche de la
mienne. J'y ai vécu plusieurs années de ma vie. Mon coeur est
resté là en partie, mais - et c'est là-dessus que
j'insiste le plus je ne suis pas convaincu de votre argumentation et je ne suis
pas capable d'épouser votre conclusion à savoir qu'il nous
faudrait avoir une approche tarifaire sur des bases de région,
même si c'était pour des périodes limitées. Mais
j'avoue qu'on a ouvert ce débat en commission pour entendre les points
de vue et on est prêt au choc des idées.
Le Président (M. Laplante): Si vous avez des
réponses à M. le ministre, c'est le temps de les donner.
Une voix: Ce sont des questions et non pas des
réponses.
Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas le droit de leur
poser de questions.
M. Villeneuve: Ce qui fait qu'on insiste là-dessus, c'est
que, comme je l'ai dit tantôt, il y a une grosse séparation entre
la petite et moyenne entreprise et la grande. Si la grande, il lui faut
absolument des réductions tarifaires pour arriver, comment voulez-vous
que la petite et moyenne, dans cette région, puisse arriver si elle n'en
a pas?
M. Duhaime: II faudrait être plus précis dans votre
affirmation. Comprenons-nous bien. On va prendre un exemple simple. Prenons le
cas de Reynolds qui a créé le pattern dans le secteur de
l'aluminium. Nous sommes partis de 16,3 mills le kilowattheure qui est le tarif
normal grande puissance 1981, avec des garanties de non-escalade
plafonnée à 10% pendant une période de 20 ans et, ensuite,
deux ans et demi de rattrapage au tarif normal, à la condition expresse
que l'investissement commence maintenant. (22 h 15)
Nous avons dit: Pendant les cinq premières années
où vous allez utiliser un bloc de 170 mégawatts, on va vous
donner un rabais de 50%. La question est: Pourquoi? C'est que, sans un rabais
comme celui-là, Reynolds, au lieu de tenir fermées Corpus Christi
et son aluminerie d'Alabama, aurait reparti ses alumineries et laissé
Reynolds Baie-Comeau non modernisée et sans expansion. Nous sommes sur
un marché international. Nos concurrents sur la localisation
industrielle dans le secteur de l'aluminerie, ce sont, d'abord, les pays qui
ont de la bauxite; deuxièmement, les pays qui ont de l'énergie,
que ce soit du charbon, comme l'Australie, ou encore le Brésil qui a de
l'hydroélectricité. Les seuls facteurs de localisation que nous
ayons dans ce secteur manufacturier particulier: l'énergie, la
qualité de notre main-d'oeuvre et une longue tradition dans ce secteur
manufacturier.
Autrement, si on prend le tarif régulier d'Hydro, le tarif
courant 1983, et qu'on tente d'intéresser un groupe allemand ou
américain à venir s'établir au Québec, cela ne sert
à rien. Ils n'ouvrent même pas un dossier. Je pense qu'on en est
conscient. Si on s'en va dans un secteur manufacturier, disons, hautement
consommateur d'énergie, mais un secteur de pointe avec un potentiel
d'exportation soit sur le plan de la technologie ou sur le plan du produit
comme tel, moi, je suis prêt à considérer une politique
tarifaire incitative à l'investissement, par exemple, un projet dans
l'hydrogène liquide. Si on donne des rabais à des entreprises de
portes et châssis dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, je ne vois pas comment
je peux expliquer pourquoi on ne donne pas la même chose dans Montmagny
ou à Fermont, à Montréal-Nord. Il faudrait avoir des
secteurs manufacturiers très précis et ce serait, bien sûr,
exceptionnel si on le faisait.
M. Villeneuve: Je suis d'accord avec cela. Dans le fond, nous, on
se dit: Si l'énergie, c'est un levier de développement
économique, il faut préciser le développement qu'on veut
avoir dans notre région. S'il y a tel ou tel type de petites et moyennes
entreprises qui ne peuvent pas exister dans les conditions actuelles et qu'on
décide que c'est comme cela, ce sera comme cela. Si on y va par secteurs
industriels qui peuvent avoir des taux préférentiels, à ce
moment, ils auront le droit de vivre dans notre région à nous
autres. Il faut définir notre politique de développement. On est
en train de faire cela chez nous. Après cela, on définit comment
l'énergie va servir de levier. Mais si cela demeure comme c'est
actuellement où les petites et moyennes entreprises ont le droit, comme
ailleurs, de venir s'établir, il faut absolument que, pour
l'énergie, il y ait un taux qui se rapproche de celui des grandes
entreprises.
M. Desbiens (Jacques): En fait, M. le ministre, il n'y a pas
incompatibilité entre ce que vous dites et ce que nous demandons. C'est
qu'on va un peu plus loin que vous et c'est peut-être normal parce que
vous avez une responsabilité provinciale et nous, on a des
intérêts régionaux. C'est pour cela que chaque groupe
régional qui vient ici revendique pour sa région. Vous dites que
vous n'êtes pas convaincu des avantages de la tarification
régionale et que, pour l'instant, vous préférez une
approche sectorielle. Je pense que ce comportement n'est pas incompatible avec
notre demande dans le sens suivant: c'est que, bien sûr, pour faire
concurrence aux autres sites de localisation de certains types d'industries, en
particulier de l'aluminium, par exemple, qui est un cas typique, qui est
très consommateur d'énergie hydroélectrique, il faut que
vous fassiez des conditions. Dans la mesure où vous disposez
d'excédents d'énergie hydroélectrique je veux dire si
ces
excédents sont disponibles pour cinq, dix années, cela
peut être un facteur de localisation. Tout à l'heure, vous
mentionniez que ce n'était pas suffisant, de l'énergie
excédentaire, peut-être, pour attirer des entreprises. Mais, dans
la mesure où les quantités requises sont en deçà
des excédents disponibles prévus, cela peut servir à
attirer des entreprises ou à déplacer des investissements d'un
territoire extérieur au Québec vers un territoire à
l'intérieur du Québec.
Vous dites: Comment pourrais-je me justifier de favoriser un tarif
préférentiel plus bas pour une région que pour une autre?
C'est là qu'on vous dit: II y a une politique d'élimination des
inégalités régionales qu'on demande au gouvernement du
Québec d'accroître. On dit au gouvernement du Québec:
Servons-nous, entre autres, de la politique énergétique pour
corriger les inégalités régionales. Bien sûr, tout
le monde vient devant vous. On a entendu, nous aussi, le maire de Sherbrooke
tout à l'heure, mais il y a des inégalités
régionales constatées au niveau des taux de chômage et au
niveau des taux d'activité, par exemple. On mentionne dans notre
mémoire qu'après le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie,
c'est chez nous que le taux d'activité est le plus faible. Seulement 54%
de notre main-d'oeuvre ou de notre population âgée de 15
ans et plus cherche un emploi, les autres étant relativement convaincus
qu'ils n'en trouveront pas ou n'étant pas désireux de travailler.
C'est le symptôme le plus révélateur du
découragement, la certitude qu'il ne sert à rien de se chercher
de l'emploi, parce qu'il n'y en a pas. Il y a seulement une autre région
pire que la nôtre, le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie.
Ce qu'on vient vous dire, M. le ministre, c'est qu'il faut faire
disparaître les inégalités régionales. Le
gouvernement doit, par l'intermédiaire de sa politique
énergétique - et par d'autres moyens aussi -s'attaquer à
la disparition des inégalités régionales. C'est un outil
ou un moyen possible. Bien sûr, cela suppose des transferts et c'est le
rôle des hommes et des femmes comme vous de s'attaquer à la
gestion publique et de justifier ces transferts des régions riches vers
les régions pauvres comme la nôtre, comme vous le faites des gens
qui ont des revenus plus élevés vers les gens à faible
revenu dans la collectivité québécoise.
M. Duhaime: Seulement un dernier commentaire, peut-être,
pour vous donner un mot d'encouragement, en espérant que cela puisse
coïncider avec le découpage de votre région. J'ai
demandé à Hydro-Québec d'examiner si on ne pouvait pas
envisager que la tarification par catégories de consommateurs tienne
compte des diversités d'activité. Par exemple, la tarification
grande puissance est uniforme. L'énergie compte pour 30%, 25%, 20% ou
15% dans le coût de production. Peu importe le produit, le tarif est le
même. Je ne sais pas actuellement où en sont rendus ces travaux
à Hydro-Québec. J'imagine bien qu'on va avoir l'occasion de le
demander à ces gens quand ils vont venir nous rencontrer de façon
bien officielle.
Je vais prendre seulement une catégorie de consommateurs, ceux
qui sont au tarif grande puissance. Ceux qui oeuvrent dans les mines, par
exemple, paient l'énergie exactement le même prix que ceux qui
l'utilisent pour fabriquer du papier journal ou pour fabriquer l'acier, alors
que l'énergie comme intrant dans ces produits varie
énormément. Dans chacun de ces cas, nous avons à faire
face à une concurrence internationale. Nous exportons 40% de ce que nous
produisons au Québec. Je pense que cette dimension devrait être
prise en compte dans les années qui viennent, parce que vous savez comme
moi que la concurrence internationale, en plus d'être infernale, est
féroce. Il y aurait peut-être là quelque chose, en tout
cas, qui mériterait d'être examiné.
J'ajoute un élément à votre casse-tête. Qui
va payer les coûts de transport si on fait une tarification
régionale? Quelle région va payer pour les coûts de
transport entre la rivière La Grande et Montréal? Aura-t-on une
tarification spéciale pour la région, je ne sais pas, autour de
Radisson, par exemple, où il n'y a pas de coûts de transport parce
que ces gens sont tout près de la centrale? Je vous pose la
question.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Messieurs et madame du CRD du
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibou-gamau, ce qui m'a frappé dans votremémoire - et je m'excuse de ne pas l'avoir lu avant aujourd'hui -
c'est votre détermination à développer votre
région, à être l'agent développeur de
l'économie de votre région. Je pense que c'est cela. Vous dites:
On a des avantages comparatifs. Le ministre dit qu'il est toujours prêt
à écouter. Je vais chercher à explorer des solutions,
parce qu'il me semble que, lorsqu'on est en période difficile comme
cela, on s'aperçoit, en visitant les régions - et
dernièrement je l'ai fait passablement - qu'il faut de plus en plus
faire confiance aux agents les plus dynamiques des régions et
s'éloigner quelque peu, je crois, du système qui prévalait
dans le passé où toutes les décisions étaient
prises à Québec.
Je n'avais pas lu votre mémoire avant aujourd'hui, je m'en
excuse. Je ne sais pas si c'est une association d'idées, mais,
hier...
C'est hier matin que nous avons commencé la commission ou
avant-hier matin?
Le Président (M. Laplante): Oui.
M. Fortier: Que le temps passe vite! Justement, hier, je faisais
état des principes qui devaient nous conduire dans les démarches
pendant que nous étions à l'écoute de ceux qui venaient
présenter les mémoires et j'avais ici un troisième
principe, pour citer une fois de plus ce que je disais hier, et je crois que
cela rejoint certains de vos espoirs et des principes que vous mettez de
l'avant vous-mêmes. Je disais donc comme troisième principe, "que
le développement économique des régions est
extrêmement important et doit se faire à partir des avantages
comparatifs de ces mêmes régions et tels que définis par
les agents les plus dynamiques de ces régions. "Je crois que nous avons
passé le temps où certains croyaient qu'il était possible
de planifier le développement économique à partir de
Québec. Je crois que nous sommes très près du moment
où nous ferons l'unanimité pour dire que le développement
économique des régions doit être assumé par les
résidents de ces régions et que ce développement
économique doit se faire à partir des avantages comparatifs que
la région possède."
Je m'aperçois qu'on retrouve cela dans votre mémoire et
cela m'amène à vos recommandations 3 et 7. À 3, vous
parlez de l'inventaire des petites rivières et, à 7, vous dites
qu'Hydro-Québec devrait, là où ce serait avantageux pour
l'ensemble de la collectivité, considérer des projets
d'investissements dans la production d'énergie en collaboration avec des
producteurs privés. Je pense bien que l'avantage qu'il y a de miser sur
ce principe, de miser sur les instances locales les plus dynamiques dans le
secteur privé, comme vous le faites et tentez de le faire - et on le
fait dans d'autres régions également -c'est que, entre autres -
je le disais un peu plus loin - en appliquant ce principe au domaine de
l'énergie, on doit conclure que, si une région possède des
ressources énergétiques, elle devrait pouvoir les utiliser
à ses développements propres.
Je reconnais, en toute honnêteté, avec le ministre qu'il y
a des difficultés dans l'application de ce principe. Là, je parle
de régions où il y a production d'énergie
électrique. Si on reconnaissait ces avantages comparatifs et si on
disait aux agents dynamiques de ces régions, comme vous l'êtes:
Écoutez, vous êtes d'une région où il y a production
d'énergie électrique dans le moment et possible dans l'avenir, on
vous reconnaît comme... Et si on croit que le développement
économique doit se faire à partir des avantages comparatifs des
régions ce n'est pas le seul; il doit y avoir d'autres avantages
comparatifs, j'en suis sûr - à ce moment, l'avantage, c'est qu'on
mise d'abord sur le dynamisme local et beaucoup moins sur la bureaucratie
centralisée.
Bon joueur, je vais reconnaître avec le ministre que, dans le cas
de l'aluminium, il y avait avantage à adopter une politique sectorielle.
Il y a plusieurs mois, j'avais dit à un moment: Nous sommes
hydroquébécois; utilisons notre électricité pour
faire le développement économique et au lieu de donner des
subventions en dollars, donnons-les en énergie. Tout à fait par
hasard, le ministre, qui m'écoute à l'occasion, mettait de
l'avant cette politique. Il faut croire que si je pouvais apporter d'autres
bonnes recommandations, peut-être il m'écouterait de nouveau. Vous
savez, il y a des gens dans l'Opposition qui disent: On ne devrait jamais avoir
de bonnes idées parce que, lorsqu'on en a, le parti au pouvoir les
prend. À ce moment-là, on ne ferait jamais rien, on ne ferait que
critiquer.
Le développement économique des régions est une
chose qui me tient à coeur et je reconnais que le ministre a des
problèmes et qu'il faut reconnaître qu'une politique sectorielle,
en ce qui concerne la tarification, a le désavantage que cela centralise
à Québec le développement économique. Comme je l'ai
dit, j'admets avec le ministre que, dans un cas particulier, c'était
peut-être essentiel, mais il ne faudrait pas pousser cette logique trop
loin parce qu'une région comme la vôtre, où
l'énergie hydroélectrique est un des avantages comparatifs, ne
pourrait pas compter sur un avantage qu'elle possède. Il y en a
d'autres. Je pense bien qu'il ne faudrait pas exagérer quand on parle
des régions administratives. Là, on parle des régions
où il y a des barrages. Enfin, pour autant que je sache, à
Montréal-Nord, il n'y a pas de barrage. (22 h 30)
Une voix: Pardon.
M. Fortier: II y en a un petit.
Le Président (M. Laplante): Une minute.
M. Fortier: On parle de grandes régions où il y a
de la production hydroélectrique sur une grande échelle. Ce n'est
pas 500 ni 600 mégawatts.
M. Duhaime: Vous êtes en train de nous dire qu'il faudrait
arrêter les travaux sur la rivière des Prairies?
M. Fortier: J'essaie d'être sérieux, M. le ministre.
J'essaie de poursuivre ce principe en disant: On doit miser sur le fait que le
développement économique doit se faire par les instances les plus
dynamiques
des régions. Si on veut que cela se réalise, il va falloir
reconnaître que, s'il y a des avantages comparatifs dans une
région, elle puisse les utiliser. Mais quand on dit que dans une
région comme la vôtre, qui a des ressources
hydroélectriques considérables, vous ne pouvez pas les utiliser
comme étant un avantage comparatif qui vous est propre, on vient de
nationaliser l'avantage comparatif qui est le plus considérable. Pour
l'appliquer aux petites rivières, on en discutait avec d'autres, je ne
sais pas si vous étiez ici aujourd'hui, j'évoquais l'idée
qu'en France - d'ailleurs, je vais vérifier l'information - on permet
à des gens du secteur privé de développer des
minibarrages, des petits barrages et de les exploiter pour assurer le
développement économique d'une industrie en particulier.
Je vois ici que vous évoquez, mais pas tout à fait dans le
même sens, cette possibilité. À la recommandation no 7,
justement, vous faites allusion au fait que peut-être Hydro-Québec
devrait travailler davantage en collaboration avec des producteurs
privés. Je ne sais pas ce que vous aviez en tête à ce
moment. Dans certains cas, il est vrai que la production d'énergie
électrique à partir de mini-barrages peut coûter quelque
peu plus cher, mais il pourra arriver que dans une région vous ayez un
agent économique très dynamique qui pourrait bâtir son
propre petit barrage pour sa propre industrie. Finalement, il se trouverait,
dans 25 ou 30 ans d'ici, dans la situation de l'Alcan puisqu'il
posséderait son barrage payé. Là on parle d'une politique
d'aménagement des petites rivières. Si on mettait l'accent
là-dessus, en particulier -c'était ma première question -
s'il y avait une modification dans la politique du gouvernement qui
favoriserait l'aménagement des petites rivières par le secteur
privé -parce que là, on parle de petites, petites rivières
- est-ce que vous croyez que cela pourrait être une possibilité de
développement économique pour votre région?
M. Villeneuve: Ce serait une possibilité de
développement économique de la région parce que, dans
notre esprit, cela veut dire que si le secteur privé, soit seul ou avec
Hydro, développait un petit barrage qu'on attache à une
l'industrie, chaque fois, - il ne s'agit pas de développer de
l'énergie pour de l'énergie - à ce moment; ce serait une
nouvelle entreprise. Dans ce sens, c'est certain que cela participerait au
développement. Pour cela, cela prend des permissions.
M. Fortier: C'est cela. On évoquait cette
possibilité, je crois que c'est avec l'Ordre des ingénieurs, et
un des ingénieurs, qui est de l'IREQ, disait: II y a des normes
minimales qu'il faudrait respecter. J'en suis, bien sûr, parce
qu'à un moment donné peut-être que cette industrie serait
rattachée à Hydro-Québec. Pour éviter toutes sortes
de problèmes techniques, il faudrait qu'il y ait des normes minimales
à respecter. Cela étant dit, une fois qu'on a défini les
normes...
M. Villeneuve: Ou bien qu'on bâtisse le barrage et qu'on le
donne à Hydro-Québec après 20 ans. Il y a toutes sortes de
formules.
M. Fortier: Personnellement, comme je l'ai dit, je crois que j'ai
beaucoup d'amis à Hydro-Québec. Je ne voudrais pas en dire trop
et perdre leur amitié. En toute honnêteté, je crois
qu'Hydro-Québec est une grosse boîte pour faire des gros barrages.
Je dirais la même chose, d'ailleurs, des très grands bureaux de
génie-conseil, peut-être. Je me souviendrai toujours, quand
j'étais dans un très grand bureau et qu'on obtenait un petit
contrat, vous savez, cela coûtait beaucoup trop cher, les petits
contrats. Finalement, les grosses boîtes sont faites pour faire les
grands travaux et les petites boîtes pour faire les petits travaux. Il y
a le danger que, si la grosse patente d'Hydro-Québec se met à
faire des petits barrages, cela coûte beaucoup trop cher. Pour un
industriel local, qui aurait à coeur de faire le minimum pour que cela
coûte le moins cher possible, peut-être que ce serait possible de
les réaliser. À mon avis, bien sûr, cela veut dire un
changement à la loi parce que dans le moment la loi dit que toute
production hydroélectrique doit être faite par
Hydro-Québec.
Personnellement, je crois qu'il y aurait un mérite à ce
que votre comité, d'autres et le ministre, au lieu de voir les aspects
négatifs de cette possibilité, analysent les aspects positifs
qu'il y aurait à permettre ce genre de chose.
En ce qui concerne la tarification, ce que j'essayais de voir dans ce
que vous demandez, c'est si vous verriez une tarification uniquement pour les
nouveaux investissements ou si vous verriez une tarification spéciale
"at large". Car on se trouve au Québec dans une situation un peu
anormale. On dit à une nouvelle industrie qui arrive de France, tout
à fait par hasard: On va vous faire un tarif spécial. Et, s'il y
avait une industrie près de Beauharnois, comme Electro Zinc, qui
voudrait s'agrandir, on dirait: Vous n'y avez pas droit. D'après vous,
pourrait-on avoir une politique tarifaire?
On pourrait quand même penser à favoriser les
régions où, dans le moment, il y a un taux de chômage de
plus de 20%. Je pense bien que ce ne sont pas toutes les régions du
Québec qui ont des taux de chômage de plus de 20%. Reconnaissant
les problèmes auxquels le ministre a fait
allusion, ce serait difficile d'avoir une tarification spéciale
qui, finalement, serait pour l'ensemble du Québec. On ne s'y
retrouverait plus. Mais on pourrait en avoir une pour des régions comme
la Gaspésie et la vôtre et, peut-être, la Côte-Nord
parce que sur la Côte-Nord le taux de chômage n'est pas de 20%. Je
pense que le député de Duplessis va être d'accord avec moi:
quand les gens sont en chômage, ils quittent la région; ils s'en
vont soit sur la rive sud ou ailleurs. Mais quand même, il y aurait moyen
de circonscrire, je pense bien, une tarification spéciale pour des
régions où il y a un taux de chômage beaucoup plus
élevé qu'ailleurs et éviter, finalement, que ce ne soit la
tarification spéciale qui s'applique à l'ensemble de la province
de Québec. Je pense bien que là on tomberait dans le
ridicule.
Mais la question que je vous posais était la suivante: Dans votre
tête, lorsque vous avez suggéré cette recommandation,
avez-vous pensé uniquement en termes de nouveaux investissements ou si
vous pensiez en termes réellement des petites et moyennes entreprises
qui existent présentement, pour leur permettre de vivre? Pensiez-vous
attirer des gens qui viendraient d'ailleurs ou est-ce qu'il y aurait de
nouvelles initiatives prises localement par des gens qui habitent
déjà dans votre région?
M. Desbiens (Jacques): Je pense qu'on a pensé à ces
deux aspects de la question. On a surtout pensé, dans un premier temps,
à attirer de nouvelles petites entreprises, de nouvelles PME dans des
secteurs technologiques reliés d'une façon quelconque à
l'énergie. En ce qui concerne les entreprises existantes, on a aussi
mentionné -vous allez le retrouver à la page 26, à la
recommandation 5 - qu'il faudrait se pencher un peu chez nous sur un
problème: des PME, par exemple, paient des tarifs de petite, moyenne et
même grande puissance si ce sont de grands usagers pour une moyenne
entreprise et elles sont à côté d'une entreprise comme
l'Alcan qui a un coût de production d'énergie
hydroélectrique extrêmement bas, comme l'a mentionné M.
Duhaime - on ne connaît pas les chiffres, mais on les soupçonne
à des niveaux très bas - certainement, en tout cas, en bas de
0,01 $ le kilowattheure dans notre esprit ou autour de cela.
Mais c'est de façon plus générale qu'on
souhaiterait que vous entendiez notre mémoire. En fait, ce qu'on vient
vous dire, c'est: Merci de nous permettre de nous prononcer sur la politique
énergétique québécoise. Dans un premier temps, on
apprécie cela infiniment. Si, sur l'ensemble des questions vitales pour
le développement économique du Québec, on avait l'occasion
de venir s'exprimer, chacune des régions irait de sa contribution et
vous constateriez - il y a ici des gens de qualité et
intéressants -que dans les régions aussi, on connaît bien
les problèmes. Donc, on apprécie avoir l'occasion de venir
parler.
Mais ce qu'on vient vous dire, finalement, c'est: Chez nous, c'est
intolérable en termes de situation de chômage, de taux
d'activité faible et de revenus par habitant. On a le revenu moyen par
habitant le plus bas des 23 agglomérations de 100 000 habitants et plus
au Canada, le taux de chômage le plus élevé. Chez nous,
c'est intolérable. C'est peut-être dur partout, mais chez nous,
c'est intolérable. On vient vous dire: Servons-nous de certains atouts
possibles pour corriger certaines inégalités régionales.
Vous vous servez des excédents d'énergie hydroélectrique
pour attirer, pour enlever à d'autres pays des investissements. Par
exemple, Pechiney vient ici; d'autres investisseurs, dont ont parlé M.
Duhaime ou M. Parizeau, viendront éventuellement ici, parce qu'on leur
consentira des conditions spéciales. Nous disons: Poussons cette logique
non seulement par secteur, mais par région. C'est ce qu'on dit
essentiellement, mais nous disons aussi quelque chose d'autre: II faut aussi
nous donner absolument, à tout prix, le gaz naturel.
Je ne sais pas si vous aviez l'intention d'aborder cette question tout
à l'heure, mais j'entendais M. Duhaime qui disait: II y a une condition
essentielle, sine qua non, à prolonger le gazoduc chez vous, c'est un
contrat négocié en bonne et due forme. C'est, hélas, notre
grande inquiétude. Alors, on vous dit: De grâce, faites toutes les
pressions que vous êtes en mesure de faire auprès de tous les
intervenants là-dedans, y compris un avec lequel vous avez d'autres
petits problèmes, le gouvernement fédéral.
Une voix: II n'y a pas de problème.
M. Desbiens (Jacques): Pas de problème, tant mieux! Alors,
faites toutes les interventions possibles pour qu'ils enlèvent tous les
barrages là-dessus. Chez nous, c'est vital.
Je m'excuse d'avoir répondu trop généralement, mais
je veux vous dire qu'on veut des tarifs préférentiels pour
attirer des nouvelles petites et moyennes entreprises dans notre région.
Or, c'est impossible de vous justifier cela à vous plus qu'à un
autre autrement qu'en faisant appel à la logique de notre
mémoire. La logique de notre mémoire, c'est qu'on vous demande de
subordonner la politique énergétique à la politique de
développement économique régional.
Nous sommes une région pauvre du Québec. Traitez-nous
comme on traite ceux qui ont des faibles revenus dans la collectivité.
On prend les revenus de gens
plus favorisés pour les utiliser là-bas. Au Québec,
on n'est pas sûr que, si vous vendez l'électricité aux
Américains plus cher, plutôt que de faire une petite centrale chez
nous à coût unitaire plus élevé, on va
bénéficier de revenus supplémentaires. On a peur que cela
continue à aller aux régions riches: Montréal et les
autres.
M. Fortier: En ce qui concerne le gaz, ce à quoi le
ministre faisait allusion - on en a discuté ici et là, je parle
de la façon dont le financement des installations se fait -c'est un fait
que si Gaz Inter-Cité met un tuyau en terre jusqu'au Lac-Saint-Jean et
que, par hasard, en particulier, l'Alcan ne devient pas cliente, à ce
moment, il y aurait une difficulté, une difficulté pour Gaz
Inter-Cité puisqu'elle ne pourra jamais trouver des ressources qui
financeraient cet investissement. Cela se répercuterait sur l'ensemble
de la clientèle de son réseau. C'est le problème que nous
avons soulevé nous-mêmes, finalement, en disant: Si cela ne peut
se réaliser de cette façon, peut-être qu'il faudra le faire
par subvention et cela dépend du gouvernement du Québec de le
faire par subvention. Mais si on suit la logique pure que Gaz Inter-Cité
doit suivre elle-même pour justifier ses investissements, elle doit
trouver assez de clientèle pour payer les investissements qu'elle fait;
sinon, elle doit les répercuter sur l'ensemble de la
clientèle.
Même si on accepte votre principe de répartir la richesse,
il faut quand même tenir compte, je crois, du fait que si, l'Alcan au
Lac-Saint-Jean ne devenait pas cliente et que, par un effet de boomerang, il
fallait répercuter l'ensemble du tarif sur le réseau, on
pénaliserait ceux qui existent présentement et qui produisent de
la richesse parce que, finalement, on ne peut partager que la richesse qui est
produite. Je pense bien que c'était le sens, mais le ministre nous dit
qu'il n'y a pas de problème et que cela devrait se réaliser,
votre demande. Assurez-vous que l'Alcan signe le contrat car nous, de la
commission parlementaire, nous pouvons faire peu de ce côté et
cela revient, je pense bien, au ministre d'intervenir auprès de l'Alcan
pour s'assurer qu'on signe un contrat en bonne et due forme.
Normalement, je pense que c'est typique de l'industrie dans la
région de Trois-Rivières, ils attendent que le tuyau soit rendu
à la porte pour dire: Écoutez, est-ce qu'on signe, est-ce qu'on
ne signe pas? Étant donné qu'il y a des délais d'un an
dans ce genre de choses, ils attendent d'avoir le tuyau à la porte parce
qu'ils se disent: Dans un an, la compagnie va aller devant la Régie de
l'électricité et du gaz et ils vont demander une augmentation des
tarifs. Alors, on aime autant signer au moment où on connaît le
tarif qui va s'appliquer à nous. Si on suivait ce raisonnement dans le
cas de l'Alcan, eh bien, ce serait le jeu du chat et de la souris. Lequel doit
être fait en premier? Est-ce que l'Alcan va attendre que le tuyau soit
rendu au Lac-Saint-Jean ou si Gaz Inter-Cité va attendre que l'Alcan
signe le contrat avant de mettre le tuyau en terre? Finalement, cela ne se
réalisera jamais.
(22 h 45)
M. Desbiens (Jacques): C'est cela. Si vous le permettez, pour
avoir été l'économiste responsable de l'étude de
marché du gaz naturel pour la firme Propane M & M devant la
Régie de l'électricité et du gaz en 1980, vous pouvez
être certain que le CRD est très conscient de ce que vous venez
d'évoquer. Le drame, c'est que dans le cas de l'Alcan, c'est vraiment un
marché très particulier, la distribution du gaz naturel. Vous
l'avez dit vous-même et M. le ministre l'a mentionné tout à
l'heure. Sur 27 000 000 000 de pieds cubes comme potentiel en 1990, 10 000 000
000 au moins proviendraient de l'Alcan. L'Alcan et les deux autres grands
clients industriels, c'est 70% du marché. Le drame, c'est que cela prend
au moins deux ans pour faire la conversion totale des installations de l'Alcan.
Or, pour que notre réseau soit rentable, il faut que la majorité
des installations pour le chauffage ou des chaudières industrielles de
l'Alcan soient converties.
Tout à l'heure, on a vraiment entendu la phrase qu'on craignait
tant, c'est que tant que l'Alcan n'aura pas négocié des accords
quelconques, on ne commencera pas la construction du gazoduc. Comme, pour nous,
c'est vital, ce que nous venons vous dire, c'est: De grâce, faites toutes
les pressions. Chez nous, c'est important. C'est 250 000 000 $ pour le gazoduc
La Tuque-Chambord, plus 50 000 000 $ pour les infrastructures pour distribuer
le gaz, plus une quarantaine de millions de dollars de revenus annuels de la
distribution ultérieurement, une centaine d'emplois permanents
après cela; la possibilité d'attirer des entreprises qui n'ont
jamais considéré la région de la Mauricie, la
région de Québec, mais la possibilité de venir dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Donc, pour nous autres, le gaz naturel, c'est vital. On peut manquer le
bateau parce qu'une seule entreprise attendrait, et c'est légitime
qu'elle attende. Elle est en position de force pour attendre. On peut se
répéter, et c'est ce que nous faisons dans la région,
qu'elle a hâte, elle aussi, d'avoir le gaz naturel. Il y a des avantages
techniques, il y a des avantages économiques à utiliser le gaz
naturel plutôt que l'huile lourde dans la majorité de ses
applications de chaudières industrielles et de séchage de
l'alumine. Mais nous, on vous dit, M. le ministre, que c'est archiimportant
pour notre région de tout
faire et on le demande à tous les membres de l'Assemblée
nationale. Pour notre région, la présence du gaz naturel, c'est
important, il ne faut pas manquer ce bateau.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Duhaime: Si vous le permettez, M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Fortier: Non, mais il y avait...
M. Villeneuve: Juste une petite question pour
compléter.
M. LeBlanc: C'est parce que la réponse n'est pas
terminée.
M. Villeneuve: Jusqu'à quel point le gouvernement peut-il
décourager l'usage du pétrole?
M. Duhaime: Je pense qu'on fait notre possible actuellement. Vous
voudriez qu'on le déplace plus vite que cela?
M. Villeneuve: Parce que le gaz naturel, c'est le substitut du
pétrole pour l'Alcan. Si, dans une politique, d'ici cinq ans, elle n'a
plus de pétrole, il faut qu'elle le prenne.
M. Duhaime: Vous renversez votre argument contre vous. Donc, on
attendrait?
M. Villeneuve: Je veux dire que, si c'est précis comme
politique de découragement de l'usage du pétrole. En tout cas, je
n'ai pas...
M. Duhaime: Écoutez, on va se comprendre bien clairement.
Je ne m'appelle pas M. Culver. Il y a une chose qui est sûre, cependant,
si on ne tient pas compte d'une réalité fondamentale. Je suis
convaincu d'avance que le financement de la latérale de
Grand-Mère-Chambord-La Baie ne recevra pas une réponse
affirmative du gouvernement fédéral, s'il n'y a pas ce gros
client industriel à l'autre bout qui va justifier toute la
rentabilité des expansions des réseaux municipaux dans votre
région.
On peut faire deux scénarios. Le premier consisterait à
dire: l'Alcan signera un jour ou l'autre, on y va et on investit 250 000 000 $,
260 000 000 $ pour construire la latérale et on fait l'expansion du
réseau municipal. Entre nous, qui va fixer le prix à la base du
futur contrat avec l'Alcan? Je pense qu'à ce moment on est à la
merci de cette compagnie. Dans le deuxième scénario, tout le
monde prend son crayon et on dit: Le gaz naturel va vous faire
économiser des centaines de millions de dollars sur une période
d'années. On va signer un contrat. Le problème est de pure
mécanique. Vous avez parfaitement raison de dire que cela peut prendre
un an et demi, deux ans, peut-être même un peu plus, pour que la
conversion complète se fasse. Or, une compagnie comme l'Alcan ne peut
pas se permettre de vivre ce que j'appellerais un vacuum. Il faut qu'au moment
où les décisions se prennent le financement de son
côté sur le coût de la conversion se fasse, que pour la
latérale partant de la Mauricie pour aller rejoindre La Baie, il y ait
une synchronisation en termes de calendrier.
Moi, cela m'apparaît être le deuxième scénario
qui est le plus logique et le plus plausible. De la même façon, on
serait très gauche d'y aller en accélérant demain matin
à Hydro-Québec et de dire: On va repartir nos travaux de
puissance additionnelle à Manic 5, on accélère les travaux
de LG 3 et de LG 4, on démarre LG 1, etc., et on s'équipe. Le
jour où on est en position de suréquipement et qu'on veuille
exporter au Sud quelque quantité d'énergie que ce soit, nous
venons de cesser de fixer le prix. C'est l'acheteur qui va fixer le prix,
tandis que si on a un bon contrat de signé, comme on le fait dans les
affaires, on passe à la banque et on l'escompte. Ensuite, le financement
se fait tout seul.
L'économique du projet de faire l'expansion du réseau de
la Mauricie vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est le gros bon sens. Ce n'est
même pas une grande rationalité économique. Le
pétrole et le mazout coûtent tant. Le gaz naturel coûte
moins cher. Il s'agit ensuite de voir si la différence est
intéressante à long terme. Les "prévisionnistes" et les
économistes de l'Alcan font aussi les mêmes scénarios que
les nôtres, j'imagine - ce sont des diplômés des mêmes
écoles - à savoir, sur une période de dix, quinze ou vingt
ans, quelle est l'évolution prévisible du coût du
pétrole, quelle est l'évolution prévisible du coût
du gaz naturel, etc. Pour ma part, j'ai grandement confiance qu'on va pouvoir
en arriver à signer ce contrat. D'ailleurs, Gaz Inter-Cité et
l'Alcan ont commencé à se parler - vous le savez - et
aussitôt que cela va se faire, on va aller de l'avant. C'est à peu
près ce que je puis vous dire là-dessus. Je ne peux pas vous dire
que le contrat est signé. Il n'est pas encore signé. Soyez
assurés qu'on va faire une conférence de presse lorsque Gaz
Inter-Cité et l'Alcan vont apposer leur signature sur ce contrat.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. LeBlanc: II y a un point, messieurs, qui m'intrigue un peu
dans votre argumentation et l'exposé de la situation économique
de votre région, c'est quand vous parlez de différence de
tarification entre les
géants ou certains géants de l'industrie chez vous et
l'autre partie, la petite et moyenne industrie, qui a la même
tarification que dans toutes les autres régions de la province. Par
exemple, je prends un secteur bien particulier, qui est le domaine du sciage et
qui est assez important tout de même chez vous, si on regarde la grande
région que vous couvrez, Lac-Saint-Jean, Chicoutimi et jusqu'à
Chibougamau. Cette raison que vous invoquez contre l'utilisation de
l'énergie à des tarifs différents concerne-t-elle un
domaine concurrentiel de production de biens? C'est ma première
question. S'il n'y a pas de concurrence dans les biens produits entre les
grandes compagnies, autrement dit, il y en a un, Alcan, dans la région,
les autres ne sont pas désavantagés en produisant le même
bien. Si je ramène cela à l'exemple que je vous apporte dans le
secteur du sciage et qu'on fait la comparaison avec d'autres régions du
Québec qui sont, à toutes fins utiles, dans une situation
économique à peu près égale à la vôtre
- je représente une région, par exemple, qui est en bordure du
Bas-Saint-Laurent, où il y a des industries de sciage importantes, sinon
les plus importantes du Québec - avec des approvisionnements moins
avantageux au niveau forestier que les vôtres, si vos industries de
sciage, par exemple, bénéficiaient d'un tarif
préférentiel basé sur les tarifs très bas de vos
géants de l'industrie chez vous, je ne comprends pas comment vous
pourriez concilier un équilibre de production des mêmes biens dans
d'autres régions du Québec avec des tarifs
préférentiels chez vous. Autrement dit, vous avez les
défauts des qualités pour votre économie dans le coin.
D'autres régions ont les défauts seulement sans avoir les
qualités.
M. Desbiens (Jacques): Pour utiliser votre exemple très
simple, si une scierie appartient à Abitibi Price, qui fabrique sa
propre électricité chez nous, le coût d'énergie
hydroélectrique est d'environ 0,01 $ le kilowattheure. Une autre scierie
qui est facturée par Hydro-Québec paiera - on en parlait
aujourd'hui - 0,023 $ le kilowattheure. Tout de suite là, pour la
production d'un même bien, il y a un problème.
M. LeBlanc: C'est ce qui m'inquiète.
M. Desbiens (Jacques): Ce que nous disons devant la commission,
c'est qu'il y a déjà des producteurs privés chez nous qui
bénéficient d'un tarif préférentiel, par exemple,
Abitibi Price qui a des scieries chez nous. L'électricité ne lui
coûte pas cher. Son voisin a un petit problème. On signale cela
dans notre mémoire, c'est la recommandation no 5 qu'on mentionnait tout
à l'heure; c'est-à-dire qu'il y a le petit problème qu'on
vient d'évoquer.
Ce qu'on dit, c'est qu'on pense justifiable, de la part des gens qui
sont responsables des transferts de richesses dans la collectivité
québécoise, d'effectuer un transfert vers une des deux
régions les plus pauvres du Québec, de nous donner un tarif
préférentiel sur de l'énergie électrique
excédentaire actuellement, de nous la donner à nous à
0,015 $, 0,02 $ plutôt que de la vendre 0,04 $ aux Américains.
C'est sûr que ce serait plus économiquement avantageux pour
l'ensemble de la collectivité québécoise, même nous,
que le gâteau soit plus gros, qu'on la vende 0,04 $, cette
électricité excédentaire. Mais on est tellement peu
sûr que le gâteau soit partagé avec nous qu'on a peur et
qu'on dit: Plutôt, envoyez chez nous l'énergie électrique
et on va s'en servir pour attirer des nouvelles industries dans des domaines
où on n'en a pas actuellement. Alors, il y a effectivement actuellement
des inégalités de coût énergétique entre des
producteurs d'un même bien qui disposent de leur propre source
d'énergie hydroélectrique et d'autres.
M. LeBlanc: Mais ne croyez-vous pas que vous pourriez recevoir
plus d'appuis à la thèse d'une tarification
préférentielle sectorielle plutôt qu'à une
tarification préférentielle régionale?
M. Desbiens (Jacques): Ce qu'on comprend, c'est qu'on aurait eu
plus d'appuis ici aujourd'hui si on était arrivé avec une
proposition comme cela. Mais je veux dire que ce qu'on veut, c'est une
tarification sectorielle orientée vers les régions les plus
pauvres.
M. LeBlanc: Les deux?
M. Desbiens (Jacques): Les deux, c'est cela.
Le Président (M. Laplante): Sur cela, l'heure avance. Un
dernier commentaire?
M. Villeneuve: Dans le fond, ce qu'il faut regarder, c'est
l'esprit de cela. On sait que c'est difficile pour nous et on comprend que
c'est difficile. C'est un problème qui est difficile à
résoudre, mais, si on regarde l'esprit de cela, c'est d'essayer
d'utiliser, pour une région qui est en difficulté, surtout dans
une période où on a un peu d'excédent, l'énergie
qu'on a comme levier de développement économique. Cela peut
être, dans une région, de telle façon et, dans une autre
région, de telle autre façon, mais, pour ce qui est des moyens,
on n'a pas pu aller plus loin que cela.
Le Président (M. Laplante): Le débat a
continué. Mme Maltais, MM. Villeneuve,
Desbiens et Bilodeau, les membres de cette commission vous remercient
pour votre mémoire.
M. Villeneuve: Je vous remercie aussi.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant, comme
dernier groupe, l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec.
M. Fortier: The last but not the least.
Le Président (M. Laplante): Vous avez entendu depuis ce
matin les commentaires du président.
Association des ingénieurs-conseils du
Québec
M. René (Jean-Guy): Nous vous avons entendu depuis ce
matin, très, très bien.
Le Président (M. Laplante): Très bien. Maintenant,
je vous prierais d'identifier pour les fins du journal des Débats votre
organisme et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
M. René: Mon nom est Jean-Guy René. Je suis
président de l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec. Avec moi, j'ai deux messieurs Desrochers. À ma droite,
Marcel Desrochers, qui est le directeur général de l'association,
donc notre permanent, et, à ma gauche, M. Médéric
Desrochers, qui est le président du comité sur l'énergie
à l'association.
Le Président (M. Laplante): Merci. Vous pouvez y
aller.
M. René: On a très bien écouté votre
message aussi. Donc on a coupé, on va même surcouper, mais on vous
demanderait, quand même, dix minutes pour reprendre au moins les
thèmes principaux de ce qu'on recommandait.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. René: Les têtes de chapitre que nous avons
choisies pour présenter nos divers thèmes sont: le
déplacement du pétrole, le gaz naturel, la tarification,
l'exploration de l'énergie électrique, la
pénétration du marché d'exportation d'équipement
énergétique, la recherche, les relations Hydro-Québec et
ingénieurs-conseils.
Le thème principal autour duquel notre mémoire est
axé est qu'on doit prendre conscience du fait que toute une industrie a
été bâtie sur l'activité énergétique.
Il est impérieux de la garder en santé. Comme les conditions qui
ont permis la construction de cette industrie n'existent plus, on doit
travailler ensemble et prendre les moyens qui s'imposent pour assurer la
continuité.
L'AICQ a sollicité les avis de divers organismes publics,
parapublics et privés, afin de tenir compte des divers points de vue et
de présenter une information exacte. Nos remarques et recommandations
reflètent les besoins et aspirations de notre propre industrie, mais
nous croyons qu'elles sont dans l'intérêt de l'industrie
québécoise en général. (23 heures)
Déplacement du pétrole: Relativement au déplacement
du pétrole, notre association a pris les positions suivantes: le
déplacement du pétrole est un objectif auquel notre industrie
souscrit dans la mesure où, pour l'ensemble de l'économie, une
sortie minimale de devises est un facteur positif. D'un point de vue
déontologique, nos membres ont un devoir de recommander à leurs
clients industriels l'approvisionnement en énergie permettant un
rendement maximal indifféremment de la nature de l'énergie, que
ce soit l'électricité, le gaz naturel ou le pétrole. Toute
saine concurrence est considérée souhaitable dans notre structure
industrielle.
En conséquence de ce qui précède, l'association
recommande ce qui suit: d'encourager au plan industriel les sources multiples
d'approvisionnement de façon à réduire les coûts de
production de ce secteur; de continuer et d'étendre la politique de
subventions pour modifier les équipements, afin de les alimenter
à l'électricité et au gaz; d'encourager par des politiques
appropriées la signature des contrats d'approvisionnement qui justifient
des modifications aux équipements de consommation; de procurer des
services d'information aux ingénieurs-conseils relativement aux
programmes de pénétration du gaz et relativement aux politiques
de tarification du gaz et de l'électricité, de façon que
les avis et les services soient basés sur une compréhension plus
globale des données; d'établir une coordination des programmes de
pénétration du gaz et de l'utilisation de façon à
éviter les dépenses improductives dans les infrastructures.
Gaz naturel. Notre industrie encourage l'entrée du gaz naturel.
Elle souligne, toutefois, que cette entrée, au moment où
l'industrie de l'électricité est en pleine stagnation, est de
nature à créer à court terme certaines difficultés
additionnelles à cette industrie. Il importe donc que le gouvernement
agisse avec prudence et discernement. En termes spécifiques, nous
désirons souligner ce qui suit: Notre organisme croit que l'effort des
divers paliers de gouvernement devra continuer et encourager toute action
visant à stimuler la transformation des parcs automobiles et de
camionnage en milieu urbain. Nous constatons
que, par suite de la nouveauté de l'intérêt pour le
gaz naturel, nos membres n'ont pas toujours en main les informations
nécessaires pour bien conseiller leurs clients. Des démarches ont
déjà été entreprises pour mettre sur pied des
séances d'information avec la participation de l'industrie. C'est notre
intention de multiplier ces séances. Finalement, nous considérons
dans l'intérêt même de l'industrie que les
échéanciers pour les embranchements et les programmes pour les
réseaux de distribution soient rendus accessibles et qu'ils soient les
plus fiables possible. Ainsi, les conseils aux clients industriels et
l'assistance même de nos membres à l'effort de
pénétration seront renforcés.
La tarification. Il ne fait aucun doute qu'une élasticité
existe dans l'offre et la demande énergétiques. Nous comprenons
que des choix de tarification ont dû être faits pour encourager
l'économie et décourager les habitudes de gaspillage. Nous ne
voulons pas faire une vertu aujourd'hui de ce qui était vice hier, mais
nous voulons signaler qu'un encouragement à consommer une autre source
d'énergie en remplacement du pétrole ne signifie pas et ne doit
pas être confondu avec gaspillage. En conséquence, à la
lumière de la modification apportée au mandat
d'Hydro-Québec, c'est-à-dire "offrir des taux compatibles avec
une saine gestion financière de l'entreprise", comparativement à
"offrir l'électricité au plus bas prix", nous soumettons qu'une
tarification bien conçue et adaptée aux circonstances est l'outil
le plus puissant de relance économique. En conséquence, nous
suggérons que les services publics sous la juridiction du gouvernement
puissent jouir de toute la souplesse nécessaire à
l'établissement d'une tarification qui colle à la
réalité présente.
L'exportation d'énergie électrique. L'exportation des
ressources naturelles, et des ressources énergétiques en
particulier, a eu au cours des deux dernières décennies des
connotations de dilapidation du patrimoine. Avec le ralentissement de la
croissance de la demande énergétique et la réalité
de la récession, ce point de vue commence à s'estomper. La
position de l'AICQ sur cette question est la suivante: pour nous,
l'énergie électrique est un produit d'exportation aussi
légitime que des wagons de métro ou du papier journal. En ce qui
a trait à l'obligation d'avoir recours à d'autres sources
d'énergie dans un avenir plus immédiat, cette
éventualité doit être vue comme une activité qui
garde la vie à l'économie. Pour ce qui est de payer
l'énergie d'autres sources plus cher, nous n'y voyons pas d'objection si
nos contrats d'exportation sont bien faits et font en sorte que le prix de
l'électricité vendue suive le coût de production de nos
installations les plus récentes. Les retombées économiques
des ventes d'énergie et la récupération de centrales
largement amorties à la fin de ces contrats ne peuvent que favoriser ces
échanges.
L'argumentation relative à l'utilisation de
l'électricité comme pôle d'attraction ne s'applique
qu'à certaines industries spécifiques, telles les alumineries,
et, de plus, elle est maintenant considérée comme ayant un impact
limité. Aussi, il faut garder en mémoire que la vente
d'énergie n'implique pas nécessairement de privation chez nous,
mais qu'il s'agit plutôt de l'exploitation rentable d'une ressource. La
façon de voir les choses de l'AICQ est justifiée dans la mesure
où les autorités d'Hydro-Québec peuvent négocier
des ententes qui ne nous pénalisent pas à long terme. Il suffit
de négocier des contrats rentables, comme c'est la règle pour
toute activité commerciale. En conséquence, l'AICQ soutient sans
réserve l'exportation d'énergie électrique de base
à long terme.
Quant à l'exportation d'équipements
énergétiques, nous considérons que des énergies
considérables doivent être mises en oeuvre au point de vue
marketing, technique et financier. D'autres intervenants seront plus en mesure
de fournir une image globale. Notre association a choisi d'attirer l'attention
sur un secteur qui peut être développé même dans la
présente période de ralentissement de la demande et qui a un
potentiel important au niveau des exportations. Il s'agit des
mini-centrales.
Nous recommandons donc de mettre la priorité sur des projets de
mini-centrales pour permettre à nos industries d'acquérir les
références nécessaires dans un domaine d'activité
en grande demande dans bien des parties du monde. On pourra revenir
là-dessus tout à l'heure, parce que cela complète des
points de vue déjà exprimés. Nous invitons le gouvernement
et HydroQuébec à penser, en collaboration avec l'industrie,
à de nouvelles méthodes d'approche, soit au niveau de la gestion
de ces projets (en employant la formule "clé" en main, par exemple) soit
au niveau de la propriété et de l'exploitation de ces centrales
pour créer des conditions favorables à leur mise en chantier.
C'est quelque chose qu'on a déjà repris à deux occasions
depuis ce matin.
Au sujet de la recherche et du développement, notre association
encourage l'accélération d'injection de fonds dans les domaines
de la recherche de base et appliquée. Nous désirons attirer
l'attention sur le fait qu'en tant qu'acheteurs d'équipements pour leurs
clients les ingénieurs-conseils ont une observation
privilégiée pour identifier les lacunes de notre industrie. Nous
recommandons la mise en place de mécanismes de concertation entre
l'IREQ, le CRIQ, les représentants de l'industrie manufacturière
et ceux du génie-
conseil, afin de soutenir la commercialisation des produits nouvellement
développés et l'identification de domaines et de produits
représentant pour l'industrie québécoise une occasion de
pénétration de marchés extérieurs.
En ce qui a trait aux relations entre Hydro-Québec,
Hydro-Québec International et les ingénieurs-conseils, on verra
pourquoi on amène cela. Cela semble sortir un peu du cadre de ce qui
nous avait été défini mais, si la relance doit passer par
un peu d'exportation du côté international, nécessairement,
nous, en tant qu'ingénieurs-conseils, on a à transiger aussi avec
HydroQuébec et Hydro-Québec International.
La présence d'Hydro-Québec est à la fois un
encouragement et un facteur d'insécurité pour les
ingénieurs-conseils. Les récentes déclarations de
collaboration sont de nature à nous stimuler, mais la décision de
viser à la fois un chiffre d'affaires de 25 000 000 $ et de vouloir se
rentabiliser soulève des interrogations. Donc, nous disons ce qui suit
quant à la position de l'AICQ. Si on dit qu'Hydro-Québec, la SEBJ
et les ingénieurs-conseils ont, au Québec, des fonctions
complémentaires, cette complémentarité devrait être
fidèlement respectée sur le marché international. Ainsi,
nous croyons que le domaine de l'exportation des réseaux doit revenir au
personnel et aux services d'Hydro-Québec International.
En ce qui touche les travaux de génie, depuis les études
d'avant-projets, des plans et devis de réalisation, de la gestion, de la
construction et de la surveillance des chantiers, de
l'assurance-qualité, la priorité devrait aller à
l'ingénieur-conseil et à l'entrepreneur. Si les règles du
jeu ne sont pas clairement définies, nous craignons que même pour
de bons motifs on risque de voir Hydro-Québec et les
ingénieurs-conseils se faire concurrence sur la place publique et donner
un spectacle de discorde au lieu de projeter une image d'organisation et
d'efficacité qui doit être perçue comme telle à
l'extérieur. Pour le résumé, c'est tout.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre, M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président.
M. Duhaime: On va laisser parler les ingénieurs entre
eux.
M. Rodrigue: Oui, c'est cela. Je veux remercier les membres de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec pour le
mémoire qu'ils nous ont présenté. Ils se sont
attachés, je pense bien, à toucher à des points quand
même assez concrets et c'est de nature à nous aider à faire
avancer ce débat.
Dans votre mémoire, vous soulevez, à un moment
donné, le problème que cause la diminution des investissements
d'Hydro-Québec dans les grands projets, en particulier. On termine
actuellement La Grande phase I de sorte que, et avant qu'on entame les autres
projets d'envergure, il va s'écouler quelques années à
cause des surplus existants. Je voudrais quand même vous signaler que,
dans le programme qu'Hydro-Québec nous a présenté au cours
de l'automne dernier, on constate que l'entreprise a décidé de
profiter de l'espèce de période d'accalmie que lui procure le
ralentissement des travaux sur les grands chantiers pour
accélérer les travaux de réaménagement de son
réseau de distribution, de sorte qu'on constate quand même que,
pour les années 1983, 1984 et 1985, on va avoir des investissements de
la part d'Hydro-Québec, dans les immobilisations, qui vont être de
l'ordre de 2 600 000 000 $ en 1983, 2 400 000 000 $ en 1984, et 2 200 000 000 $
en 1985. Ce n'est pas loin du niveau d'investissements qu'Hydro-Québec a
soutenu au cours des dernières années sur ses chantiers des
grands barrages. Si on ajoute à cela les investissements dus au gaz
naturel pour les infrastructures au cours de ces années, on en arrive,
pour le gaz naturel seulement et l'hydroélectrique en 1983, à un
total de 3 000 000 000 $, en 1984, 3 114 000 000 $ et, 1985, 2 750 000 000
$.
Bien sûr, ce n'est pas tout à fait le même type de
travaux, il y a peut-être plus de génie électrique
là-dedans qu'il n'y a de génie civil comparé aux grands
barrages, mais quand même il y a un niveau d'investissements qui est
maintenu là et qui, à mon sens, devrait possiblement permettre
à ceux que vous représentez d'obtenir des contrats
intéressants pour des travaux qui vont se dérouler au
Québec au cours de ces années. J'aimerais savoir si,
effectivement, vous étiez conscients de cela et si vous n'estimez pas
qu'il y a quand même là une certaine planification qui fait que,
pour une entreprise qui voit ses investissements diminuer dans un secteur, elle
les augmente dans l'autre de façon à compenser, du moins en bonne
partie je pense, le ralentissement des travaux de construction.
M. René: II faudrait peut-être apporter une
précision. Dans le domaine de la distribution, il y a relativement peu
qui va au génie-conseil. Même si les budgets sont accrus
considérablement par rapport à ce qu'ils étaient il y a
quelques années, il y a relativement peu qui va à
l'ingénieur-conseil des travaux de distribution. On peut parler de
réfection. Généralement, c'est assez bien gardé
à l'intérieur d'Hydro-Québec. Dans l'ensemble, je pense
qu'on ne peut pas dire que cela vienne créer un marché
additionnel qui n'existait pas là. Je dis "dans
l'ensemble". Parce qu'il y a quand même certains cas
précis, lorsqu'on parle en souterrains, souvent, mais, autrement, c'est
relativement limité.
M. Rodrigue: En temps normal, l'Hydro-Québec a des travaux
à faire, bien sûr, pour ses réseaux de distribution. Mais
là on assiste à un effort beaucoup plus important, à des
investissements beaucoup plus massifs que ce à quoi on est
habitué. C'est pour cela que je voulais savoir si vous n'estimez pas que
le personnel d'Hydro-Québec, à ce moment, ne suffirait pas
à la tâche et qu'il n'y a pas possibilité qu'il y ait des
retombées dans les bureaux de génie-conseil. Au moment où
on se parle, cela ne semble pas être le cas, d'après la
réponse que vous me donnez.
M. René: Non, parce que, traditionnellement, les travaux
qui ont été accordés aux ingénieurs-conseils au
Québec, ce sont les travaux en projet de centrales et cela, surtout
venant de SEBJ, mais également d'Hydro-Québec jusqu'à un
certain point. On a des exemples dans le même sens.
Quant aux lignes de transport, c'est relativement peu qui est fait
à l'extérieur. Il y en a, mais ce n'est pas beaucoup. On fait
beaucoup à l'interne dans les lignes de transport et un réseau de
distribution, c'est presque exclusivement à l'interne. Il y a donc
très peu qui va à l'extérieur. Alors, on ne peut pas dire
que...
M. Rodrigue: En temps normal, oui. Mais je voulais voir si, du
fait, que c'étaient quand même des travaux d'une envergure
exceptionnelle, cela n'avait pas eu des retombées, parce que je ne pense
pas que le personnel d'Hydro-Québec soit en mesure de faire tous ces
travaux. Ils sont habitués à un certain rythme et, lorsque cela
dépasse ce rythme, ils doivent faire affaires avec ceux de
l'extérieur.
Le Président (M. Laplante): Ici, on en a un.
M. René: Peut-être que M. Médéric
Desrochers aurait un complément de réponse à fournir sur
la question du gaz naturel parce que vous avez aussi fait appel au fait que le
gaz naturel aussi allait nous créer des marchés. Donc je laisse
la parole à...
M. Desrochers (Médéric): Au point de vue du gaz
naturel, on a eu un petit peu de difficulté à se brancher
là-dessus parce que, d'une part, une partie de nos clients ou du
personnel qu'on représente est directement affectée par
l'industrie du génie-conseil en électricité et ils se
sentaient un peu perdants. D'autre part, il y avait 500 000 000 $ qui
arrivaient sur la table pour aider une partie de l'industrie du
génie-conseil. Cela a fait du bien et cela va faire du bien, en fait,
quand les contrats vont sortir pour cette partie. L'attitude
générale qu'on a prise face au gaz naturel, finalement, face
à ce choix qu'on devait faire, cela a été de favoriser
l'intérêt du consommateur. La situation qui va permettre un
meilleur prix à l'utilisateur sera la préférable. Cela a
été la base de notre prise de position sur le gaz naturel. (23 h
15)
M. Rodrigue: Dans votre mémoire, vous parlez
d'établir une coordination des programmes de pénétration
du gaz et de son utilisation "de façon à éviter les
dépenses improductives dans les infrastructures." Est-ce que vous
pourriez préciser un peu ce que vous entendez par là?
M. Desrochers: Cela est encore un peu dans la même ligne de
pensée. On ne voudrait pas qu'il y ait de régie qui décide
des prix du gaz naturel et de l'électricité. Par ailleurs, on se
dit: On a, dans un moment où on fait la pénétration, des
ressources limitées et on doit, à un moment donné, faire
des choix pour voir où on s'en va. Il y a sûrement un minimum
d'orientation qui peut être donné. Sans aller jusqu'à des
directives, il y a sûrement certaines orientations qui peuvent être
données, certains encouragements de la part du gouvernement sur les
régions à pousser er priorité, en particulier.
M. Rodrigue: Vous dites que vous ne voulez pas de régie
pour fixer les prix du gaz. Est-ce que je vous ai bien compris? Est-ce à
dire que vous considérez que la Régie de
l'électricité et du gaz devrait disparaître et ne devrait
pas être appelée, à ce moment, à fixer les prix?
M. Desrochers: C'est-à-dire qu'on ne voudrait pas enlever
une concurrence naturelle entre l'électricité et le gaz. Si on a
deux sortes d'énergie qui se concurrencent et si on établit des
règles où la concurrence n'est plus possible, on se demande
pourquoi on devrait avoir deux sources d'énergie, à moins qu'il
n'y ait des facteurs autres, des facteurs techniques qui empêchent cette
possibilité de se concurrencer.
M. Rodrigue: J'en viens au point des mini-centrales
soulevé ce matin par l'Ordre des ingénieurs et également
par les représentants du CRD du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Vous l'abordez
vous aussi. En fait, vous semblez penser qu'il faudrait mettre en marche des
projets de mini-centrales ici pour permettre aux industries d'acquérir
une certaine connaissance dans ce domaine, de façon que, par la suite,
elles puissent se servir des connaissances acquises pour aller
vendre cela sur les marchés mondiaux. Je pense que vous
êtes bien conscient qu'au Québec on a un bon 15 000
mégawatts de centrales très importantes à construire
à des prix quand même assez concurrentiels avec ceux du
nucléaire, alors que, pour ce qui est des mini-centrales, moi, ce que
j'en ai vu à Hydro-Québec, ce sont des projets qui coûtent
trois fois, quatre fois et parfois cinq fois, quand on parle des coûts
unitaires, ce que peut coûter un projet de 1000, 1500, 2000 ou 2500
mégawatts.
Est-ce que, de votre côté, vous avez eu l'occasion
d'évaluer de tels projets ou, enfin, est-ce que certains de vos membres
ont eu l'occasion de réaliser de tels projets, sinon ici au
Québec, du moins ailleurs? Est-ce que vous avez été en
mesure, si les projets n'ont pas été réalisés,
quand même de faire des études qui vous permettraient
d'évaluer le coût de tels projets? Deuxième point, est-ce
que vous ne pensez pas qu'ayant développé la technologie
hydroélectrique au Québec de la façon que nous l'avons
faite, finalement, ce ne serait pas tellement difficile, même s'il n'y a
pas de ces ouvrages installés au Québec, pour des entreprises
québécoises et des firmes d'ingénieurs-conseils de se
lancer dans ce créneau des petites centrales, à supposer qu'il
existe un marché soit aux États-Unis ou encore ailleurs dans le
monde, peut-être en Amérique du Sud ou ailleurs, dans des pays
où, finalement, de très gros investissements ou de très
grosses installations ne répondraient pas aux besoins des marchés
actuels?
M. René: Les petites centrales, d'où vient tout
cela? Aux États-Unis et en Ontario, on a commencé à faire
l'utilisation des petites centrales. On va faire la réfection de
centrales d'ordre relativement mineur, parce qu'il y a une utilisation
avantageuse. Pourquoi? Vous allez dire: C'est évident que si, aux
États-Unis, la majorité de la production est à
caractère thermique, il y a sûrement un avantage flagrant,
à un moment donné, à rénover ou à utiliser
de petites centrales hydroélectriques. Même chose en Ontario
où il y a un réseau basé sur l'énergie
nucléaire, thermique et très faiblement hydroélectrique
dans l'ensemble.
À l'extérieur du pays, il faut quand même dire... Ce
matin - ce n'était pas tout à fait exact, parce qu'on n'avait pas
les éléments de réponse - l'Ordre des ingénieurs a
répondu qu'il y avait relativement peu d'expériences dans ce
domaine. C'est faux. Au Québec, il y a une expertise - même si on
utilise un mot plutôt à consonance anglaise - dans le domaine des
petites centrales qui existe dans le génie-conseil. Le
génie-conseil a grandi avec cela, des petites centrales, et cela remonte
au tout début du siècle. Il y a des installations qui ont
été faites en Bolivie. Il y en a partout. On en retrouve aussi en
Afrique. Il y a quand même une histoire à ce sujet. Ce n'est pas
très récent.
Quant à l'économie dans ce domaine, il me semble que, si
on arrive dans un réseau isolé - et la chose pourrait aussi
s'appliquer éventuellement au Québec - dans un pays, où il
y a des poches ou de petites zones de charges réparties dans tout le
territoire et où il n'y a pas de réseaux interconnectés,
présentement, ce qu'on fait dans la plupart des pays, c'est du groupe
diesel mais c'est très cher aussi. Dans la plupart de ces cas, on
commence à penser à utiliser de petites installations
hydroélectriques, parce qu'il y a des aménagements possibles et
il y a peu de transport mis en cause. Vous allez me dire: D'accord, mais ce
n'est pas relié au réseau. Effectivement, dans la plupart des
cas, ce sont des installations isolées, mais il y a aussi d'autres cas
où on commence à interconnecter au réseau. Pourquoi cela
peut-il être justifiable sur le plan économique à ce
moment-là? Si, pour alimenter une région donnée, il y a
une ligne de transport qui est extrêmement longue, il y a un coût
de transport qui est mis en cause. Le coût de transport est moindre qu'un
coût de production, mais cela peut quand même devenir assez
important et les pertes - parce que, normalement, si on parle de tensions
relativement réduites, les pertes sont très élevées
- c'est un autre coût de production et ce sont des choses qui viennent
s'ajouter. Vous disiez tout à l'heure que, sur une base de comparaison
unitaire - j'y crois, c'est vrai - il y a trois ou quatre fois...
M. Rodrigue: Même ces chiffres-là, c'était le
coût de l'énergie rendue au consommateur. Donc, cela tenait compte
des coûts de transport de l'énergie et des pertes, à ce
moment-là.
M. René: Mais cela tenait compte des coûts de
transport pour des distances de combien?
M. Rodrigue: De la Côte-Nord à Montréal.
M. René: Oui, mais on parle de régions quand
même assez éloignées. Donc, il y a un coût de
transport qui est important.
M. Rodrigue: Je sais qu'il y a des cas d'exception.
Hydro-Québec étudie actuellement la possibilité pour la
centrale Robertson d'alimenter certaines villes isolées sur la
Basse-Côte-Nord, isolés dans le sens qu'elles ne sont pas
reliées au réseau. À ce moment-là, bien sûr,
c'est un cas exceptionnel, mais partout où le réseau
d'Hydro-Québec est présent, je pense qu'il est évident que
ce réseau est en mesure actuellement de fournir de
l'électricité et il
pourra le faire à même le développement de ses gros
projets plus tard à des coûts de beaucoup inférieurs
à ce que pourraient nous offrir les mini-centrales. Finalement, la
question que je pourrais vous poser est la suivante: Y aurait-il d'autres
avantages qui viendraient contrebalancer ce désavantage de coûts
très important, parce que cela ne m'apparaît pas évident du
tout, de prime abord?
M. René: Mais vous avez vous-même dit qu'il y a un
cas. On regarde le lac Robertson.
M. Rodrigue: Oui.
M. René: Vous pouvez en trouver d'autres comme cela.
M. Rodrigue: Oui.
M. René: Sur le potentiel qui existe et qui est
aménageable pour de petites installations, il y a sûrement des
applications valables qui peuvent être faites. Nous pensions
également au marché de l'exportation. C'est bien évident.
À ce sujet, même Hydro-Québec a pensé aussi à
faire la même chose, mais elle a pensé le faire pour son compte.
Nous disons: Quand même, l'expérience est là. On peut le
faire nous-mêmes. Ce n'est pas la peine de nous dire quoi faire
là.
M. Rodrigue: D'accord. Si je comprends bien, l'expertise est
là présentement et, même si Hydro-Québec, parce que
ce n'est pas économique, ce n'est pas rentable de le faire, ne
développe pas de mini-centrales, cela ne vous empêche pas de faire
des projets dans ce domaine dans d'autres pays là où cela se
justifie. C'est bien cela?
Une voix: Exact.
M. Rodrigue: Dans un autre ordre d'idées, vous proposez de
mettre en place des mécanismes de concertation entre l'IREQ, le CRIQ,
les représentants de l'industrie manufacturière et ceux du
génie-conseil, afin de soutenir la commercialisation des produits
nouvellement développés et l'identification des domaines et des
produits représentant, pour l'industrie québécoise, une
occasion de pénétration des marchés extérieurs.
J'imagine que vous faites allusion à des travaux qui sont faits à
l'extérieur et où les ingénieurs-conseils peuvent,
à ce moment, aider à la vente de produits fabriqués au
Québec. Maintenant, quelle forme prendraient ces mécanismes de
concertation? Est-ce que vous avez songé à des façons d'y
arriver, à cette concertation? Deuxième question, est-ce que vous
avez une idée actuellement de l'impact des retombées que peuvent
apporter les ingénieurs-conseils à l'industrie
québécoise au moment où on se parle?
M. Desrochers: En fait, l'idée de cette concertation est
venue du fait que dans les projets d'exportation on doit, lorsqu'il s'agit de
financement canadien, avoir un pourcentage de contenu canadien
élevé. C'est toujours une crise de conscience à savoir
où on va trouver l'équipement dans bien des cas. Soit qu'on
l'achète à l'extérieur de la province, dans le reste du
pays, ou qu'on doive être en difficulté quant au contenu canadien.
Chaque fois que ces choses arrivent, si on avait une méthode pour
signaler le fait, soit au CRIQ, soit à l'IREQ, de façon qu'ils
orientent leurs recherches appliquées dans cette direction, on aurait un
meilleur moyen de travailler ensemble.
Pour vous donner un exemple, justement, sur les petites centrales, on a
l'impression qu'on est capable de tout faire là-dedans et qu'il n'y a
plus de secret pour nous. Il y a un de nos membres qui est pris avec des
micro-centrales, des centrales de 85 kilowatts; on doit aller les chercher en
Ontario parce qu'on n'est pas en mesure de fabriquer ces petites turbines au
Québec. C'est invraisemblable, mais c'est cela. C'est le genre de
problème qu'on veut identifier. Quelle forme cela peut-il prendre? Je ne
voudrais pas que ce soit quelque chose de bien compliqué. Ce seraient
strictement des séances d'information où le génie-conseil,
via des organisations comme l'AICQ, l'Ordre des ingénieurs, puisse
s'asseoir avec le CRIQ, avec qui on a d'ailleurs des contacts assez
réguliers, avec l'IREQ, de façon à s'échanger de
l'information sur une base mensuelle ou bimensuelle, non pas dans le but de
régler les problèmes du pays, mais d'être capables
d'avertir ceux qui vont être en bout de ligne et qui vont faire la
recherche.
M. Rodrigue: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir de saluer
mes anciens collègues de génie-conseil. C'est à se
demander, à voir les statistiques sur les pertes d'emploi, si je suis
dans une situation pire en politique ou si cela aurait été pire
en génie-conseil.
Je dois vous féliciter parce que, à tort ou à
raison, dans le passé, j'avais toujours l'impression que le
génie-conseil parlait toujours de ses problèmes. Mais vous avez
abordé ici le thème du développement économique
dans l'ensemble, pas seulement en parlant de ce que vous pouvez faire pour le
développement économique, mais vous voulez trouver des solutions
au développement économique en général.
Une de ces recommandations, à la page 12, touche la tarification
de l'électricité. On y a fait allusion, j'y ai fait allusion.
Vous dites, à la fin: "En conséquence, nous suggérons que
les services publics sous la juridiction du gouvernement puissent jouir de
toute la souplesse nécessaire à l'établissement d'une
tarification qui colle à la réalité présente."
Est-ce que vous pourriez évoquer, en quelques mots, ce que vous avez
à l'esprit? Je sais qu'on ne trouvera pas la solution technique ici ce
soir, mais peut-être on pourrait évoquer les
éléments du problème. (23 h 30)
M. René: Je pense qu'il y a très peu à
ajouter sur ce qui a déjà été dit ici, mais dans le
document d'Hydro-Québec, le plan de développement 1983-1985,
Horizon 1992, on remarque quand même à "tarifs", page 32 et
suivantes, que les choses se resserrent entre le Québec et l'Ontario,
par exemple, notamment au plan des tarifs industriels. Là, on n'a aucun
commentaire sauf sur le plan domestique. Mais, au plan industriel, à la
page 34, on voit que, si la moyenne des écarts en 1981 entre le
Québec et l'Ontario était de 19,5%, maintenant elle n'est que de
12,7%. Or, c'est une tendance qui nous préoccupe dans le contexte
présent où il y a affaissement de la demande. On demande
simplement d'être prudent et de voir à faire des choses quand
même pour que la relance ne soit pas mise de côté ou qu'elle
glisse à côté.
M. Fortier: Vous dites que le rapprochement des tarifs peut
devenir un handicap. En fait, j'ai les statistiques ici; j'ai obtenu certains
chiffres de Hydro-Québec. On peut faire la comparaison des prix de
l'électricité de deux façons. On peut prendre une grande
puissance, 50 000 kilowatts, 30 600 000 kilowattheures par année, en
appliquant le tarif. Je peux vous donner ce que cela donne, j'ai fait le
calcul. En janvier 1976, il y avait une différence de 44% avec
l'Ontario; en 1977, il y avait une différence de 72% et ensuite,
d'année en année, cela a tombé à 46%, 45% et 40%.
En 1981, c'était 30%; en 1982, c'était 18% et, en 1983,
c'était 19%. On voit qu'on avait une différence très
importante d'après ce calcul-ci qui est basé sur un nombre de
kilowattheures. Il n'est pas basé sur ce que paie une compagnie en
particulier, c'est basé simplement sur le calcul d'un nombre de
kilowattheures pour la grande puissance. C'est donc passé d'une
différence avec l'Ontario en 1976 de 44%, de 72% en 1977 à 18% ou
19%.
Hydro-Québec a fait un autre calcul assez intéressant, qui
est de passer dans l'ordinateur la tarification que paie - parce qu'ils ont
cela dans l'ordinateur - l'industrie québécoise. Ils ont mis dans
la mémoire la tarification de l'Ontario et ils ont repassé cela
dans l'ordinateur pour voir ce que l'industrie québécoise
paierait en Ontario. Les chiffres que j'ai obtenus montrent que l'écart
entre les deux n'est que de 12,5% en 1983, avec des différences. Mines
de fer, c'est 13,6%; textiles 9%; pâtes et papiers, 17%. On
s'aperçoit que la tarification pour la grande puissance s'amenuise de
plus en plus.
Que voulez-vous suggérer à partir de cela? Vous semblez
suggérer qu'avec la tarification on peut régler ce
problème-là.
M. René: Les solutions resteraient à être
élaborées. Il s'agit ici d'une constatation de notre part parce
qu'on dit qu'il y a affaissement. M. le ministre parlait d'un accroissement
négatif. L'accroissement négatif n'est pas au niveau
résidentiel, c'est au niveau industriel qu'on le retrouve. Donc, du
côté industriel, si on parle de relance, nous voulons quand
même que tous les éléments soient mis en place pour que la
relance soit facilitée. À la constatation qu'il y a un
resserrement de tarif entre nous et l'Ontario, des craintes ont
été soulevées.
M. Fortier: Oui.
M. René: Pour l'instant, il n'y a rien d'autre.
M. Fortier: C'est une constatation. M. René:
Oui.
M. Fortier: II faudrait regarder si chaque catégorie de
consommateurs paie sa juste part. Avec le tarif domestique, on voudrait
normalement que les consommateurs domestiques paient leur part. Quant au
secteur industriel, je crois qu'au Québec, d'après certaines
informations que j'avais déjà eues d'Hydro-Québec, le
secteur industriel paie plus que sa juste part et le secteur domestique en paie
un peu moins. Cela soulève un problème politique, mais il reste
que si on parle de développement économique, c'est le genre de
problème auquel il faudrait faire face. Vous ne faites que le
souligner.
En ce qui concerne les exportations d'énergie, je comprends votre
problème. Tout le monde dit: On peut exporter, on doit exporter. Vous
dites que la façon de voir les choses de l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec est justifiée dans la mesure
où les autorités d'Hydro-Québec peuvent négocier
des ententes qui ne nous pénalisent pas à long terme.
On connaît tous les problèmes que cela peut soulever. Si on
engage de grandes quantités d'énergie pour de nombreuses
années, il y a tous les risques et les aléas de négocier
des contrats à long terme;
exemple: Terre-Neuve avec Québec. Les autres aléas
résident dans le fait que si on prend des engagements importants
à long terme, pendant longtemps, le Québec devra, si la relance
joue à un moment donné, trouver d'autres sources d'énergie
pour satisfaire ses propres besoins.
Bien sûr, en tant qu'ingénieur-conseil, vous dites: Tant
mieux s'il faut faire plus de barrages, on aura plus de contrats. Mais vous
n'avez pas mis beaucoup de limites à votre recommandation. Je me
demandais si vous vouliez simplement appuyer un principe. Quand vous dites: Ne
nous pénalise pas à long terme, qu'est-ce que vous
considérez comme long terme? Est-ce que vous croyez, d'après la
connaissance que vous avez du dossier, qu'il y aurait une quantité
d'énergie maximale qu'on devrait engager? Est-ce que vous avez des
opinions sur le sujet?
M. Desrochers: Au point de vue du nombre de kilowatts à
exporter, si on peut exporter de l'énergie selon des contrats tenant
compte du coût marginal de remplacement, qu'on doive construire du
nucléaire après pour faire le remplacement ou qu'on doive
construire de l'hydroélectrique, si on n'est pas dans une situation
comme Terre-Neuve, par exemple, il n'y a pas de limite supérieure. Il
n'y a aucune limite supérieure. On pourrait construire tout
l'hydroélectrique, aller au nucléaire, si cela ne scandalise pas
trop de gens, et continuer dans ce domaine. C'est une activité
industrielle comme celle des wagons, finalement.
M. Fortiers Ce que vous dites, c'est que la limite
maximale...
M. Desrochers: II n'y en a pas.
M. Fortier: ...dépend du genre de contrat.
M. Desrochers: Exactement.
M. Fortier: Si, par hasard, les Américains étaient
plus astucieux et demandaient des prix quasiment fermes avec des
échelles d'ajustement qui ne seraient pas ajustées aux
coûts marginaux, à ce moment-là, cela diminuerait notre
marge de manoeuvre.
M. Desrochers: II faut avoir une attitude d'hommes d'affaires
dans ce dossier. Je suis d'accord avec un commentaire qui a été
fait par M. le ministre à un autre intervenant, à savoir que, si
on amenait le gazoduc au Lac-Saint-Jean et qu'on commençait à
négocier avec la compagnie Alcan, c'est bien sûr qu'on aurait les
mains attachées. C'est la même chose pour des contrats
d'exportation d'électricité. On n'ira pas construire les barrages
et, ensuite, dire: On va vous vendre l'électricité. Il faut y
aller intelligemment là-dedans. Cela dit, si un acheteur est prêt
à payer et qu'on a le produit à vendre, il faut le vendre.
M. Fortier: Je vous soumets la question parce qu'une journaliste
a soulevé une question de principe. Le ministre s'est permis de dire
publiquement, à Boston, je crois, qu'il espérait que, d'ici
à un an, il puisse négocier un contrat à prix ferme. Vous
venez de dire que, si cette masse d'énergie qu'on vendait était
trop considérable, cela pourrait nous amener, éventuellement, au
nucléaire. Je ne fais qu'explorer avec vous, mais il me semble que la
quantité d'énergie qu'on va vendre est déterminante pour
ce qui concerne l'honnêteté qu'une politique
énergétique ou qu'un gouvernement doit avoir devant l'opinion
publique. Autrement dit, si on est pour vendre 15 000 mégawatts
d'énergie aux États-Unis pour, ensuite, être
obligés, l'année suivante, d'aller au nucléaire, je pense
qu'on devrait tempérer l'avancé de principe que vous avez fait
ici. S'il faut faire un débat public sur le nucléaire, faisons-le
maintenant, parce qu'on serait engagé à aller dans cette
direction par la suite. C'est la raison pour laquelle j'essayais de
déterminer des critères les plus objectifs possible qui nous
permettraient de définir le problème. Le ministre va
peut-être nous dire qu'il avait en tête 3000 mégawatts ou
4000 mégawatts. À ce moment-là, le problème serait
beaucoup moindre, mais votre recommandation ne pose pas de limite.
M. Desrochers: II reste 15 000 mégawatts, après la
rivière La Grande et la grande rivière de la Baleine. Il y a 10
000 mégawatts à la petite rivière. On n'est pas rendu au
point où on est très énervé.
M. René: On pourrait quand même ajouter que nous
applaudissons au fait que, maintenant, on pense en termes d'énergie
ferme. À la commission parlementaire, en 1981, la même chose avait
été demandée mais, à ce moment-là, on ne
pensait pas comme cela; c'était différent. Je pense que le
prédécesseur du ministre voyait les choses différemment.
Nous sommes heureux de constater qu'il y a au moins une volonté d'avoir
des contrats de vente d'énergie ferme.
Quel que soit le montant, on est si bas maintenant dans ce qu'on fait
présentement, dans nos échanges; même avec des quantums,
à l'échelle présente, il s'agit en moyenne de 340
mégawatts si on met cela dans des termes plus facilement commensurables.
Alors, c'est très peu. On fait aussi la même chose du
côté de PASNY. Je pense qu'on a encore beaucoup de marge avant de
commencer à s'inquiéter.
M. Fortier: Je le sais bien. Quand on lit, dans des
communiqués de presse, des milliards de kilowattheures sur une
période de onze ans, cela fait toujours des chiffres astronomiques. Mais
comme vous le dites, en termes de mégawatts...
Une voix: C'est vrai.
M. Fortier: Oui, mais enfin, en termes de mégawatts, c'est
peu.
M. René: Mais, en termes de mégawatts moyens, on
mesure mieux les choses à ce moment-là.
M. Fortier: D'accord, on va en faire la recommandation au
ministre. En ce qui concerne les mini-centrales, pour discuter
sérieusement du point qu'a soulevé mon collègue de Vimont,
à savoir qu'une minicentrale coûte certainement plus cher, avec
l'expérience que vous avez des mini-centrales - je le disais tout
à l'heure aux gens du Lac-Saint-Jean - est-ce qu'on pourrait penser
qu'un entrepreneur entreprenant pourrait vouloir aménager une
mini-centrale qui lui appartiendrait, pourrait vouloir en
bénéficier pour partir une nouvelle industrie? Je ne sais pas.
Est-ce qu'on pourrait penser qu'un entrepreneur privé pourrait diminuer
les coûts en ne construisant pas une centrale chromée comme on
pourrait le faire normalement? Autrement dit, est-ce qu'il y aurait moyen
d'abaisser les coûts si un entrepreneur privé se satisfait d'une
centrale la plus économique possible? Est-ce pensable que, si la loi est
modifiée pour permettre aux entrepreneurs privés de faire ce
genre de choses, cela puisse susciter des initiatives privées?
M. René: Je n'ai aucune idée des aspects
économiques de l'implantation qu'on veut faire au lac Robertson. Je suis
convaincu que cela a été étudié et trouvé
justifiable. Peut-être que M. Rodrigue peut le dire.
M. Rodrigue: C'est de 20 à 30 mégawatts, mais quant
au coût, je n'ai pas les chiffres. 85 000 000 $ pour 30 mégawatts.
Cela veut dire tout près de 3000 $ le kilowatt installé.
M. René: Bon, mais notre expérience nous vient
plutôt du marché extérieur. Or, sur le marché
extérieur, lorsqu'il s'agit de remplacer une installation diesel qui
coûte très peu à l'achat, mais qui coûte beaucoup sur
le plan du fonctionnement - et surtout pour les pays dont on parle, qui n'ont
absolument aucune ressource du côté du pétrole qu'ils
doivent importer - le remplacement de l'installation diesel par des centrales
hydroélectriques est presque automatique. Cela est bien pensable.
Quant à savoir si un propriétaire indépendant, qui
ne ferait rien de chromé, pourrait le faire à un meilleur
coût, c'est à voir. Nous ne voyons absolument aucune objection
à la chose si c'est pensable, justifiable sur le plan économique
d'avoir une ou des entités différentes pour l'implantation de ce
genre de choses.
M. Fortier: Votre inquiétude en ce qui concerne le
marché extérieur, vous l'avez dit tout à l'heure, c'est
une concurrence qui viendrait d'Hydro-Québec.
M. René: Non. Précisément dans le même
volume - je pense que c'est à la page 57 ou 58 - on dit: Un
deuxième groupe couvre l'aménagement de petites rivières;
à cet égard, l'entreprise entend poursuivre l'inventaire des
petites rivières et l'évaluation de leur potentiel.
M. Fortier: Oui.
M. René: Entièrement d'accord. Préciser les
méthodes d'étude, de gestion et de construction de petits projets
afin de diminuer leur coût, concevoir un projet pilote de petites
centrales qui pourraient être commercialisées par
Hydro-Québec International.
M. Fortier: Ce que vous dites, c'est qu'Hydro-Québec a
manifesté son intention de faire tout le travail elle-même au lieu
d'utiliser le génie-conseil comme elle le faisait dans le
passé.
M. René: Je vois M. le ministre qui hoche la tête
plutôt d'est en ouest.
M. Duhaime: À la négative.
M. René: Disons tout de suite que, lorsqu'on a
réévalué, lorsqu'on a repensé ou lorsqu'on a
pensé à modifier le mandat d'Hydro-Québec International,
on a répété ce qu'on a toujours dit, qu'on voit un
rôle pour Hydro-Québec International dans le support
apporté au génie-conseil. On ne le voit pas autrement. Si
ça devait être autrement, si ça va à l'encontre des
intérêts du Québec, il y a quelque chose qui est
détruit quelque part. Or, ici, il s'agit d'une expérience qui
existe, qui est disponible ailleurs.
M. Fortier: En ce qui concerne Hydro-Québec International,
je sais, sans faire des questions de personnalités, qu'il y a eu des
changements à la direction d'Hydro-Québec, des nouvelles
personnes ont été nommées. Quand j'étais dans le
secteur privé, j'ai eu personnellement beaucoup de difficultés
avec Hydro-Québec International; alors, on ne m'en fera pas un grand
tableau. Je sais que
beaucoup de gens de votre milieu ont fait des représentations au
bureau du premier ministre, mais j'aurais pensé que maintenant ce
problème était réglé et qu'il y avait une charte
définissant les responsabilités d'Hydro-Québec
International et les responsabilités du génie-conseil. (23 h
45)
II me semble que ce serait tellement simple de le faire, de dire: C'est
votre charte, c'est la direction dans laquelle vous allez. Comme vous le dites
vous-mêmes, la charte dirait: II s'agit de susciter le
développement économique - à part les secteurs
spécifiques qui appartiennent en propre à Hydro-Québec, je
ne sais pas, comme l'IREQ, dans certains cas, ou les lignes de transport,
quoique, là encore, il y a des possibilités de travail pour le
génie-conseil - de s'assurer qu'il y a un développement
économique, soit pour le secteur manufacturier, soit, dans un premier
temps, pour le génie-conseil. Le fait que vous exprimez encore une
inquiétude m'indique que cette charte, qui me semblerait si facile
à écrire, n'a pas encore été écrite. Est-ce
que j'ai raison?
M. René: Disons que l'AICQ et HQI ne sont pas deux
entités en état de guerre. Il y a des problèmes. Il y a
surtout des zones grises. On n'est pas arrivé à définir
exactement les zones d'intervention. Je pense qu'il y a plutôt cet
aspect. On nous a demandé notre opinion lorsqu'on a reformulé la
vocation d'HQI. Je pense que cela a été très bien
écouté. On a rencontré le président du conseil
après et aussi les présidents d'HQI eux-mêmes. Les
intentions sont bonnes. Il peut y avoir déviation. Je pense que cela est
un cas. Il y a une interaction qui n'est pas acquise. Nous, on a même dit
qu'à l'extrême - je pense que cela vaut la peine d'être
répété - HQI n'a pas à montrer de
rentabilité. Si le Québec, dans son ensemble, peut en tirer
profit sur le plan d'exportation de biens et autres services, HQI n'a pas
à montrer une rentabilité. C'est bien difficile pour le
président lui-même d'HQI de dire: Mon entreprise ne sera pas
rentable. Mais si on arrivait à lui dire: II y a des
possibilités, là ce serait une autre vocation. Cela n'est pas
fait.
M. Fortier: Je pense que je dois vous féliciter parce que,
dans le passé, l'Association des ingénieurs-conseil du
Québec était toujours craintives d'émettre des opinions
publiques là-dessus. À mon avis, je crois que c'est dans le
meilleur intérêt de la démocratie de le faire comme cela,
d'avoir des échanges. Il n'est pas question de partir en guerre ni d'un
côté ni de l'autre. Je pense que le ministre est tout à
fait conscient de l'affaire. Mais vous exprimez une crainte quand vous voyez
dans les objectifs d'Hydro-Québec le fait de générer de 6
000 000 $ à 25 000 000 $. Vous y voyez un objectif de rentabilisation,
comme vous le dites, d'Hydro-Québec International alors que vous verriez
davantage, selon votre industrie, un objectif qui serait d'aller chercher des
contrats. Même si cela rapportait peu d'argent à
Hydro-Québec International, l'ensemble de l'industrie du
génie-conseil et du secteur privé en bénéficierait.
Vous croyez donc que le président d'Hydro-Québec International
devrait s'en satisfaire ou devrait se satisfaire de quelque chose de moins
tangible, mais qui serait dans le meilleur intérêt du secteur
privé et qui, en définitive, serait dans le meilleur
intérêt du développement économique du
Québec, je pense.
M. René: À notre sens, il n'y a aucune diminution
dans le rôle à jouer par le président d'HQI, à ce
moment ou même par le président du conseil d'administration
d'Hydro-Québec ou par le président tout court
d'Hydro-Québec. Il y a un rôle valable qui peut être
joué là et on commence et on est à l'amorce même de
l'exportation sur le plan des biens venant du Québec. On pensait encore
plus à des biens à ce moment. Alors, si on peut réellement
favoriser un marché d'exportation, on n'a pas essayé de faire une
rentabilité ponctuelle de ce que doit être
Hydro-Québec.
M. Desrochers: Vous avez parlé d'aller chercher des
contrats. Je pense que l'industrie du génie-conseil est assez dynamique
sur le marché international. Ce n'est pas tellement d'aller chercher des
contrats comme d'avoir un genre de caution morale.
M. Fortier: D'appui tactique.
M. Desrochers: Parce que quand même le génie-conseil
fait son marketing et il doit avoir pleine liberté d'agir, quand il
arrive dans un coin, c'est-à-dire avoir les mains libres pour essayer de
vendre son matériel. Si, de façon assez automatique, un peu comme
l'ACDI dans les PEMD il y avait cette caution morale, la garantie que, quand on
en aura besoin, Hydro-Québec sera là pour appuyer de façon
automatique, c'est ce qui est nécessaire.
M. Fortier: C'est parce qu'Hydro-Québec,
dernièrement - et je crois que c'était une très bonne
idée - a décidé d'aller dans les pays en voie de
développement pour aider ces pays à faire de la planification
à long terme. Cela est très bon, parce que cela va amener au
Québec - j'étais pour dire une expertise - une connaissance de la
planification qui nous amène à savoir, avant d'autres peuples,
d'autres populations,
d'autres bureaux de génie-conseil à travers le monde,
quels sont les plans de développement à long terme. À ce
moment, bien sûr, si cette information n'était pas refilée,
je ne sais pas de quelle façon, aux bureaux de génie-conseil, il
y aurait un danger qu'elle puisse être utilisée à son
avantage propre.
En ce qui concerne le CRIQ - mon collègue en parlait et je m'en
souviens personnellement, ayant été, bien sûr, membre de
l'Association des ingénieurs-conseils du Canada - ce qu'on avait mis sur
pied, c'étaient différents comités de liaison. Dans le
fond, ce que vous suggérez, c'est un système de "feed-back"
à ceux qui sont intéressés au développement
industriel. On dirait: On a tenté d'acheter tel produit, mais cela
n'existe pas au Québec; on vous donne le "feed-back". Il y a un
système d'échange où le CRIQ, entre autres, et
peut-être d'autres institutions, pourraient également vous donner
de l'information. L'Association des ingénieurs-conseils du Canada le
fait avec le gouvernement fédéral par différents
comités de liaison. Avez-vous tenté de suggérer, soit au
ministre de l'Industrie et du Commerce ou au ministre de l'Énergie et
des Ressources, des comités de liaison qui se rencontreraient, bien
sûr - pas chaque mois, mais de temps en temps - pour échanger sur
des problèmes comme ceux-là? Bien sûr, pour que
l'échange soit fructueux, il faut que cela se fasse à un niveau
assez élevé, au moins au niveau des sous-ministres, avec le
président de l'association en particulier. Là, il y aurait des
échanges sur ce genre de problème. On reproche quelquefois aux
bureaux de génie-conseil de ne pas faire assez pour le secteur
manufacturier et là, ce que vous faites, c'est une suggestion positive
pour améliorer la situation pour qu'il y ait un meilleur échange
entre ceux qui peuvent influencer cette situation et vous-mêmes.
M. René: On a des rencontres... M. Fortier:
Informelles.
M. René: ...trop informelles. C'est commencé avec
le CRIQ, par exemple. Mais on cherchait à identifier à ce
moment-là des appuis communs pour se maintenir bien en vie dans certains
marchés. Ce n'était pas nécessairement axé
là-dessus. Mais dans la recommandation qui est faite ici, on voit que
l'IREQ et le CRIQ pourraient avoir des rôles complémentaires avec
celui de l'ingénieur-conseil visant peut-être à produire
quelque chose pour l'exportation. L'exemple qui est donné est la Suisse,
un tout petit pays qui arrive quand même à exporter beaucoup
d'équipement spécialisé. Je pense qu'on ne deviendra pas
la Suisse du jour au lendemain, mais on pourrait quand même y penser. Si
on pouvait s'asseoir de façon vraiment systématique avec des
organismes comme l'IREQ et le CRIQ pour faire avancer la chose, il est certain
qu'après un certain temps des idées très positives
pourraient ressortir de ces discussions.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la
fin?
M. Duhaime: Oui, quelques remarques. Je pense que je vais
mentionner qu'il est 23 h 50 pour ceux qui vont nous relire...
M. René: C'est la troisième journée de la
commission.
M. Duhaime: ...parce qu'il y a des gens qui pensent qu'on ne
travaille pas beaucoup à Québec. D'abord, sur la question d'Hydro
International, la direction d'Hydro-Québec devrait normalement se
présenter devant notre commission le 19 avril. J'ai comme l'impression
qu'on va reprendre avec elle cette discussion. Personnellement, je n'ai jamais
considéré que c'était une question de papier. La
structure, c'est important, bien sûr, mais ce qui m'apparaît encore
plus important, c'est d'être opérationnel. Il y a eu des
changements à Hydro-Québec - c'est certain - mais
personnellement, je suis absolument convaincu que, sur le plan international,
Hydro pourrait faire beaucoup plus. On va partir du principe qu'elle a
été très occupée à l'intérieur, donc,
qu'elle a eu moins de temps disponible pour l'international. Et j'ajouterai -
je vais saisir la balle au bond, parce que l'invitation nous est faite autant
par l'Ordre des ingénieurs que par votre groupe - que, si on fait le
tour de la planète, on se rend compte que le marché international
dans ce secteur s'en va en rétrécissant pour les raisons
suivantes: les pays qui sont en train de s'équiper veulent, eux aussi,
développer leurs propres firmes d'ingénieurs-conseils; ils
veulent également profiter d'investissements dans le secteur
hydroélectrique, en particulier, pour développer leurs propres
secteurs manufacturiers.
C'est le cas d'un petit pays comme le Paraguay qui a besoin de 300
mégawatts. Les 300 mégawatts qu'il consomme sont pour l'industrie
qui fournit des biens dans le barrage et la grande centrale qui est en
construction à Ignacio, et il est bien certain que, lorsque le Paraguay
a une option pour acheter 5700 mégawatts de plus, il a de
l'énergie pour au moins l'an 3000. Il la revend. Vous retrouvez
exactement les mêmes réticences au Brésil face à
l'importation de grandes firmes de génie-conseil, leurs services et les
biens qui suivent généralement. Vous retrouvez la même
réticence au Mexique et dans beaucoup de pays d'Afrique.
Donc, à mon point de vue, le marché international se
restreint, et il nous faudra
une beaucoup plus grande coopération entre Hydro International,
les firmes d'ingénieurs-conseils et le secteur manufacturier en aval.
Cela deviendra de plus en plus difficile. Même si on pense qu'avec l'aide
internationale et les conditions de financement, on pourra lier le paiement des
services de nos firmes d'ingénieurs-conseils et le paiement des biens
vendus par nos entreprises, on pourra le faire un certain temps, mais je ne
crois pas qu'on puisse envisager le prochain demi-siècle comme cela. Ces
pays veulent se développer, aspirent au progrès économique
et il faudra qu'on puisse former des consortiums internationaux.
Pourquoi Hydro International ne se joindrait-elle pas à eux de
plus en plus, plutôt que d'avoir les ingénieurs-conseils dans leur
coin et Hydro International dans le sien? Vous avez eu l'occasion sans aucun
doute, dans vos carrières, de vivre le phénomène où
ils se placent même, dans certains cas, en concurrence, alors que des
groupes franco-allemands se forment et on se fait culbuter finalement. C'est
mon point de vue personnel. Il est en train de devenir graduellement celui
d'autres. Espérons que cela avancera.
Je ne crois pas que ce soit essentiellement dans des changements aux
organigrammes comme tels qu'on trouvera une solution au problème. Je
pense que c'est beaucoup plus une détermination et une volonté de
foncer. Je suis parfaitement d'accord avec vous lorsque vous dites: Si on exige
au départ que, sur le marché international, Hydro International
devra être astreinte aux mêmes critères de
rentabilité, j'ai comme l'impression qu'on n'avancera pas vite. Il y a
un prix à payer pour faire une percée sur le plan international.
Dans ce sens, il faudra qu'on calcule nos risques. Donc, je reçois
très bien l'invitation et j'espérerais que vous receviez la
pareille du côté d'Hydro-Québec.
Sur les mini-centrales, j'écoutais tantôt mon
collègue ingénieur qui en discutait avec vous. Je partage un peu
son sentiment qu'à l'interne la rationalité économique ne
serait pas là si on décidait d'installer des minicentrales
à quatre fois ou cinq fois le coût marginal de la rivière
La Grande, par exemple, ou du projet suivant. Je pense cependant que, si on va
un peu plus loin, on devrait travailler ici pour mettre au point ce que
j'appellerais une technologie qui n'est pas nouvelle et que vous connaissez
très bien mais en faisant maintenant les choses en miniature. Dans
d'autres coins du monde, ils ont fait l'inverse, ils ont commencé par
les petites centrales et, ensuite, ils ont grandi. Quand des ingénieurs
travaillent sur un chantier et sur des tables à dessin pendant dix ou
quinze ans pour produire 5000 ou 5200 mégawatts, le matin où vous
allez les consulter pour obtenir des plans et devis pour une centrale de 30
mégawatts, ils considèrent cela comme un pourboire, cela ne les
intéresse même pas. Je pense qu'historiquement c'est un peu ce qui
s'est produit à l'intérieur d'Hydro-Québec, à tort
ou à raison, mais la situation est là.
Je disais tout à l'heure au groupe du CRD du
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibou-gamau que l'inventaire était fait, bien
sûr, il y a belle lurette à Hydro-Québec, mais je pense que
c'est l'information sur chacun de ces projets qui n'a pas été
avancée vers 1982-1983. C'est ce qui est en train de se faire. J'avoue
honnêtement que le meilleur coup de main qu'on puisse donner à des
pays qui sont en train de se développer, et s'aider en même temps,
c'est de ne pas hésiter, premièrement, sur les transferts de
technologie et, deuxièmement, d'avoir des consortiums et des conditions
de financement pour pouvoir concurrencer les beaucoup plus gros et les beaucoup
plus puissants que nos propres groupes. Nous sommes quand même seulement
6 000 000 ici. Quand les Français et les Allemands se mettent ensemble,
sans compter les Japonais et les Américains, cela commence à
être intéressant comme compétition. Je vois cela comme
étant l'une des avenues qui mériteraient d'être
regardées, d'autant plus qu'on n'aura pas tellement le choix, de toute
façon. (minuit)
Sur un autre sujet, je voudrais vous donner une assurance. Je vais quand
même le répéter pour les fins du journal des Débats;
je le ferai plus brièvement parce que j'ai eu l'occasion de le
répéter trois fois depuis le matin. Sur la question des
exportations, puisque mon collègue en a parlé - à 23
heures 57, je crois que je terminerai avec cela - j'ai comme l'impression
qu'à Boston cela n'a pas été un fait accompli. Je me
réfère explicitement à l'éditorial du Devoir de la
semaine dernière, de Mme Bissonnette, je crois. Ce n'est pas un fait
accompli pour la raison suivante. Nous en parlons ce soir, nous en parlons
depuis deux jours et nous en reparlerons en avril. Lorsque j'aurai l'occasion
de déposer un projet de loi qui modifiera à nouveau la loi
d'Hydro-Québec et la Loi sur l'exportation de l'énergie
électrique, nous aurons, bien sûr, à l'Assemblée
nationale, un débat, comme sur tous les projets de loi. Nous aurons
l'occasion de connaître le point de vue de tout le monde. Ce que je
retiens jusqu'à maintenant, après avoir entendu une dizaine de
groupes depuis deux jours, c'est que tout le monde est d'accord.
Cependant, il ne faut pas penser qu'on peut se présenter en
Nouvelle-Angleterre ou à New York en leur disant: J'ai 10 000 ou 12 000
mégawatts à vendre. Premièrement, il n'y a personne qui
vous croit. Deuxièmement, sur le plan du financement,
ce n'est pas réaliste. Sans parler que les Américains, qui
sont préoccupés par leur sécurité
d'approvisionnement, veulent avoir une grande fiabilité. Quand on parle
de vendre de l'énergie ferme, ce n'est pas la même chose que de
vendre de l'énergie excédentaire. Je pense qu'on a une occasion
en or. Ce n'est pas nouveau, quant à moi. La première fois
où j'en ai parlé, c'était en septembre 1981 devant la
Chambre de commerce de Montréal. Si mon souvenir est bon, il y avait le
gouverneur Garrahrs, du Rhode Island qui était là et le
gouverneur Brennan, du Maine. Ils étaient à nouveau avec nous, il
y a quelques jours à peine, à Boston. C'est tellement
évident, sur le plan des mathématiques, des chiffres, que ce
genre de dossiers et de discussions qu'on a aujourd'hui auraient du arriver il
y a quinze ans.
Il y a un certain nombre de préalables. Il y a des
résistances des deux côtés de la frontière dans
l'opinion publique, sans parler de l'opinion politique. On est bien
placé. Si on ne réussit pas d'ici un an ou un an et demi à
bâcler une transaction et à profiter de l'élan du moment,
alors que tout le monde est d'accord... Il y a des gouverneurs en
Nouvelle-Angleterre qui ne voulaient pas en entendre parler il y a quelques
années, tout le monde le sait. Il y a même un gouverneur dont je
tairai le nom qui a fait toute sa carrière comme ingénieur
nucléaire. C'est un peu "achalant", mais c'est comme cela. Heureusement
que le gouverneur de New York, M. Cuomo, est un antinucléaire, cela
vient un peu équilibrer, mais c'est un peu la situation.
Je pense honnêtement que, si on fait un scénario
réaliste, nos études commandées par Hydro-Québec
nous amènent à conclure qu'il y a un créneau de
marché - quelque chose autour de 2500 à 3000 mégawatts,
tant pour New York que pour la Nouvelle-Angleterre, alors c'est au total - pour
une raison très simple, c'est qu'on va empêcher la construction de
centrales au charbon à cause des prix, essentiellement. Le reste, je
pense, devrait aller de soi.
Cela surprend toujours un bon député de l'Opposition quand
le gouvernement parle de vendre des milliards sur plusieurs années, mais
c'est exactement le cas. Si vous faites un calcul très simple, imaginez
simplement qu'un contrat de 33 000 000 000 de kilowattheures sur onze ans nous
rapportera 500 000 000 $ par année. J'ai été très
prudent dans ma première estimation en disant que - avec une simple
règle de trois, peu importe qu'on fasse une référence au
prix de l'énergie remplacée ou encore suivant notre coût
marginal de production - 2000 mégawatts sur du ferme pendant 20 ans
peuvent représenter, au bas mot, 2 000 000 000 $ par année. Cela
pourrait laisser passablement d'argent à Hydro
International pour prendre son expansion, à Hydro pour financer
des projets de recherche dans les mini-centrales. On pourrait peut-être
même s'amuser avec la rivière Romaine, comme me le souffle mon
collègue de Duplessis.
Enfin, c'est un dossier qui est très important, à mon
sens. Le seul frein est qu'il faut s'assurer que, comme
Québécois, on ne fera pas le transfert d'un facteur de
localisation industrielle. Cela veut donc dire des quantités
limitées et cela veut donc dire aussi des prix. S'il y a de l'argent
à faire, c'est bien évident qu'on va y aller, sans compromettre
pour autant ce dont nous avons besoin de ce côté-ci de la
frontière pour nos propres besoins. Mais quand on parle de 2000
mégawatts sur 80 000 mégawatts de potentiel, peu importe le
coût, il est bien évident qu'à 4% ou 5% du potentiel
"aménageable" je suis conscient, moi aussi, que cela ira plus vite et
mieux pour les 15 000 après, la phase II, mais il est sûr et
certain qu'on serait gauche, je pense, de ne pas profiter du "momentum" qui
existe actuellement.
Ce qui aidera le plus Hydro-Québec à faire cette
percée sur le marché de New York et de la Nouvelle-Angleterre,
c'est la grande fiabilité du réseau d'Hydro-Québec. Je
comprends que, de temps en temps, il puisse y avoir une panne comme celle qu'on
a connue à Lévis, mais cela ne dure quand même que quelques
heures. Le fait que nos relations d'affaires avec la Nouvelle-Angleterre, avec
New York, avec les marchés financiers américains soient depuis
longtemps très solidement établies, devrait, bien sûr, nous
permettre d'aller chercher des revenus intéressants dans la mesure
où l'on n'oubliera pas d'indexer le prix de l'énergie vendue pour
ne pas se retrouver dans des scénarios, dans quelques années,
où l'on serait perdant.
Quant à moi, je terminerais là-dessus, à moins que
vous n'ayez un commentaire là-dessus. Je vais vous remercier tout de
suite - parce que notre président nous regarde en nous disant qu'on est
en train de s'emballer et qu'on passe l'heure - de vous être
déplacés et d'avoir été si patients. Je regarde du
côté du secrétariat et j'espère qu'en avril ceux que
nous entendrons à 23 heures n'auront pas à se présenter
à 10 heures le lendemain. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): En vous remerciant,
messieurs.
M. René: Si vous me le permettez, j'aimerais vous
remercier, M. le Président, ainsi que M. le ministre et tous les membres
de la commission. C'est vrai, on a passé très tard, mais, ayant
été les tout derniers à passer, nos propos seront
peut-être mieux retenus encore par les membres de la
commission.
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient. J'aimerais donner un avis avant d'ajourner nos
débats. On m'avise que les réunions qui avaient été
convoquées pour le mardi 29 mars 1983 et le mercredi 30 mars 1983 sont
remises à une date ultérieure et que les audiences des 19, 20 et
21 avril 1983 sont maintenues. Sur ce, j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à minuit sept minutes)