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(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si vous voulez prendre vos places. La commission de
l'énergie et des ressources se réunit ce matin en vertu d'un
mandat de l'Assemblée nationale qui se lit comme suit: Compte tenu que
la commission permanente de l'énergie et des ressources doit se
réunir le jeudi 24 mars 1983 à compter de dix heures pour
étudier les effets de la politique énergétique sur le
développement économique, et qu'il sera impossible à la
commission de l'Assemblée nationale de se réunir avant le
début des auditions de cette commission, le mandat exact de cette
dernière est d'étudier les effets de la politique
énergétique sur le développement économique.
Les membres de cette commission sont M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Ciaccia (Mont-Royal). Si vous avez des remplaçants vous allez me les
donner...
M. Fortier: ...au fur et à mesure.
Le Président (M. Laplante): ...au fur et à mesure.
M. Duhaime (Saint-Maurice).
M. Fortier: Je ne pense pas qu'il ait de remplaçant.
Le Président (M. Laplante) M. Fortier (Outremont), M.
Grégoire (Frontenac), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne (Beauharnois), M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middle-miss (Pontiac), M. Perron (Duplessis),
M. Rodrigue (Vimont). Les intervenants sont M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Bi-saillon (Sainte-Marie), M. de
Belleval (Char-lesbourg) remplacé par Mme Harel (Maison-neuve), M.
Desbiens (Dubuc), M. Dussault (Châteauguay), M. Leduc (Saint-Laurent), M.
Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay
(Chambly), M. Vallières (Richmond).
M. Fortier: Alors, deux substituts, M. le Président. Le
député de Chomedey remplacera le député de
Beauce-Sud, Mme Lise Bacon au lieu de M. Hermann Mathieu.
Le Président (M. Laplante): Mme Bacon (Chomedey).
M. Fortier: Le député de Jacques-Cartier, Mme
Dougherty, va remplacer le député Yvon Vallières de
Richmond.
Le Président (M. Laplante): Mme
Dougherty. D'accord. Maintenant, j'aimerais à avoir un rapporteur
pour la commission s'il vous plaît!
M. Grégoire: Est-ce que je pourrais vous proposer M. le
député de Vimont, M. Rodrigue.
Le Président (M. Laplante): Adopté. M. Rodrigue
(Vimont). Maintenant les groupes qui seront entendus aujourd'hui, dans l'ordre.
Je voudrais que chacun fasse un signe quelconque pour savoir si tous sont dans
la salle. SOQUIP, merci. Gaz Inter-Cité Québec Inc.
M. Duhaime: Ce soir.
Le Président (M. Laplante): Ce soir. Lavalin Inc.
Gazifère Inc. La Société d'aménagement de
l'Outaouais fait un dépôt de documents seulement. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Sur ce sujet, j'ai noté dans l'ordre du jour
des différents intervenants qu'Hydro-Québec avait
été reportée très tard au mois d'avril. Je me suis
demandé si le gouvernement avait des raisons particulières de
retarder la présentation d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez avant...
M. Fortier: Normalement, Hydro-Québec est entendue parmi
les premières sociétés. Je sais bien que le gouvernement
est un peu embarrassé par certaines questions que l'Opposition aurait
à lui poser. Je me demandais quelle était la raison de ce report
à une date si tardive.
M. Duhaime: Le député d'Outremont a posé une
question très pertinente. Nous avons cru utile de proposer
qu'Hydro-Québec soit entendue en avril. Personnellement, je n'ai aucune
espèce d'inconvénient à ajourner immédiatement nos
travaux et à convoquer Hydro-Québec pour lui permettre de
présenter son mémoire dès ce matin. Mais si c'est pour
d'autres raisons que vous avez en tête, vous aurez réponse
à toutes vos questions cet après-midi, lors de la séance
normale des travaux de l'Assemblée natio-
nale.
M. Fortier: Comme deuxième question à ce sujet,
j'ai noté à l'égard de certains mémoires, dans la
liste qui avait été faite par le secrétariat, "pour
dépôt seulement". Il y a un mémoire qui n'est pas pour
dépôt et qui n'est pas mentionné dans la liste. Il s'agit
d'un mémoire très important, celui du professeur Antoine Ayoub,
qui exprime des opinions très différentes de celles du
gouvernement et de SOQUIP en particulier, dont celles du président du
conseil. Est-ce que le président aurait des informations du
secrétariat des commissions parlementaires à savoir qu'il aurait
eu une demande de déposer uniquement son mémoire? Est-ce qu'il y
a eu une demande formelle à ce sujet ou y a-t-il eu erreur dans l'ordre
de présentation des différents mémoires?
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont, le président d'une commission parlementaire n'est pas
consulté pour établir l'ordre du jour. Il applique ce que le
secrétariat lui donne au début des travaux de chaque commission.
Je ne m'informe jamais de la quantité des mémoires. L'ordre du
jour m'arrive et il est tel que je l'ai lu ce matin. S'il y a des changements
à cet ordre du jour, si c'est le voeu des membres de la commission, le
président n'a qu'à se plier au voeu des membres en en changeant
l'ordre.
M. Fortier: Est-ce qu'on pourrait vous suggérer, bien
respectueusement, M. le Président, de vous informer si M. Ayoub
désire être entendu et de nous en faire part dans les meilleurs
délais?
Le Président (M. Laplante): On me dit que M. Ayoub a
communiqué avec le secrétariat et qu'il préfère
déposer son document seulement.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Laplante): Le premier groupe est SOQUIP.
Je vais l'appeler tout de suite. Monsieur?
M. Fortier: Le ministre va parler avant.
Le Président (M. Laplante): Oui, on va l'appeler pour
ouvrir la séance et, après cela, je donnerai la parole à
M. le ministre.
M. Fortier: D'accord.
Le Président (M. Laplante): M. Martin, vous pouvez vous
asseoir. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Merci, M. le Président.
Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de
l'énergie et des ressources a été convoquée afin
d'entendre tous les intervenants intéressés à
présenter leur point de vue sur l'ensemble du dossier de
l'énergie et son utilisation comme outil de développement
économique. Afin de susciter et de faciliter la préparation des
mémoires, mon ministère publiait, en janvier dernier, un document
intitulé L'énergie: outil de développement
économique. Les différents thèmes que nous souhaitions
aborder au cours de nos travaux y sont traités et un certain nombre
d'informations concernant l'évolution récente et
prévisible du secteur énergétique québécois
y sont également fournies.
Au cours des semaines qui ont suivi la publication de ce document et,
malgré la brièveté des délais, la plupart des
intervenants du secteur énergétique ont manifesté leur
désir de participer aux débats de cette commission et d'y
déposer des mémoires analysant les thèmes soumis à
leur réflexion. On peut, d'ores et déjà, constater
l'immense intérêt suscité par cette commission. En fait, si
on se fie au nombre de mémoires reçus, cette commission sera
l'une des plus importantes parmi celles tenues au cours des dernières
années.
Le document publié en janvier est donc, d'abord et avant tout, un
document de travail. Il procède à une description de
l'évolution récente du secteur énergétique
québécois tant au niveau de l'offre que de la demande, ainsi
qu'à une évaluation des principales tendances que l'on peut
déceler à l'horizon 1990-1995.
Comme vous le savez, le Québec est engagé depuis quelques
années dans une profonde modification de ses habitudes de consommation
énergétique. Globalement, la consommation totale d'énergie
s'établit, en 1981, à environ 32 000 000 de tonnes
équivalent pétrole, soit à peu près le même
niveau que celui de 1973, et traduit une rupture complète par rapport
à l'évolution observée durant les années
antérieures à cette date, au cours desquelles le taux de
croissance annuel moyen s'établissait à 5%. Ce
phénomène s'explique, pour l'essentiel, par l'effort de
rationalisation entrepris au niveau de la consommation, effort qui a
touché à la fois les équipements et le comportement des
consommateurs.
Au niveau de la répartition de la demande d'énergie par
forme, on assiste également à une mutation très rapide. Le
rôle joué par le pétrole dans la satisfaction de nos
besoins énergétiques diminue rapidement, au profit de
l'électricité et du gaz naturel. Aujourd'hui encore, le
pétrole
reste la première forme d'énergie consommée au
Québec, mais sa part dans le bilan énergétique n'a jamais
été aussi faible depuis 25 ans. En 1981, le pétrole
représentait 60% du bilan énergétique du Québec
contre 71% en 1975, soit une chute de 11 points en six ans. En termes absolus,
le niveau de la consommation pétrolière au Québec est
maintenant comparable à celui de la fin des années soixante. (10
h 30)
La diminution de la dépendance du Québec vis-à-vis
du pétrole que nous vivons actuellement s'explique donc par la
pénétration rapide de l'électricité et du gaz
naturel et par la modification radicale de nos habitudes de consommation. Pour
ce qui est de l'électricité, les Québécois ont
consenti un effort considérable en vue de mettre en valeur nos richesses
hydrauliques, et se trouvent maintenant en mesure d'en tirer les
bénéfices. C'est ainsi que, de 1976 à 1982, le total
cumulé des investissements dans le secteur électrique a atteint
près de 17 milliards de dollars courants. Durant cette période,
la part de l'électricité dans le bilan énergétique
a augmenté de 36%, passant de 22% à 30%.
En ce qui concerne le gaz naturel, l'ouverture plus large du
marché québécois à cette forme d'énergie est
en train de transformer profondément la situation
énergétique du Québec. Jusqu'à ces dernières
années, le gaz naturel n'était disponible que dans un nombre
limité de régions, c'est-à-dire Hull, Rouyn-Noranda et une
partie de l'agglomération montréalaise. Au terme des
investissements actuellement en cours, c'est-à-dire dès 1985, la
plupart des régions du Québec auront accès au gaz naturel
et par là à tous les avantages liés à la
disponibilité d'une troisième forme d'énergie.
En 1981, le gaz naturel représentait 9% du bilan
énergétique du Québec contre 6% en 1976, soit une
augmentation de 44%.
En quelques années, par conséquent, le bilan
énergétique québécois a connu une transformation
rapide et profonde. Cette mutation correspond à la voie que le
gouvernement avait tracée dans le livre blanc de 1978 sur la politique
québécoise de l'énergie, et nous avons maintenant tout
lieu de croire que les objectifs fixés pour le début des
années quatre-vingt-dix seront effectivement atteints. D'après
nos évaluations, la consommation énergétique totale du
Québec ne devrait, d'ici là, croître que
modérément tandis que l'électricité et le gaz
naturel devraient représenter, ensemble, près de 60% du bilan
énergétique global.
J'ajoute que les modifications qui ont affecté la situation
énergétique du Québec ne se sont pas limitées
à la structure de la consommation d'énergie. Au niveau des
intervenants eux-mêmes, on a assisté à un renforcement du
contrôle québécois sur les décisions
énergétiques. Le gouvernement du Québec s'est directement
impliqué dans les domaines du gaz naturel et des énergies
nouvelles, par l'intermédiaire des sociétés d'État,
Nouveler et SOQUIP, et avec le soutien de la Caisse de dépôt et
placement du Québec.
Par ailleurs, Hydro-Québec, au fil des années, est devenue
la première et la plus grande compagnie de tout le Canada, tant au
niveau des actifs et des revenus nets que des investissements.
Hydro-Québec est aussi, aujourd'hui, la plus grande compagnie de
production, de transport et de distribution d'électricité des
deux Amériques. Comme le document publié en janvier dernier le
soulignait, ces évolutions en cours sont en train d'accroître
considérablement la flexibilité de notre structure
énergétique.
Il reste encore au Québec un grand défi à relever:
Nous devons maintenant tirer un bénéfice maximum des atouts dont
nous disposons et c'est là précisément l'objet ou l'un des
objets de la présente commission parlementaire.
Quatre thèmes prioritaires ont été proposés:
La recherche-développement énergétique, la restructuration
du secteur pétrolier, les investissements dans le secteur de
l'énergie et la mise en place d'une stratégie de
développement industriel spécifiquement axée sur nos
atouts énergétiques.
Les discussions que nous allons avoir au cours des prochaines semaines
permettront d'analyser en profondeur chacun de ces sujets de
réflexion.
On peut remarquer qu'au cours des dernières semaines plusieurs
développements sont venus confirmer la pertinence des sujets de
réflexion proposés aux intervenants de la commission permanente
de l'énergie et des ressources. Par exemple, pour ce qui est de la
recherche-développement notre gouvernement vient de décider
d'apporter une aide financière pour les trois prochaines années
au Conseil de l'industrie de l'hydrogène. Cet appui devrait permettre au
conseil de jouer pleinement le rôle qui lui incombe dans la promotion de
la recherche-développement au niveau de la production, du stockage, du
transport et de l'utilisation de l'hydrogène. Cette aide lui permettra
ainsi de créer des consortiums industriels afin de maximiser les
retombées économiques du développement de cette
filière énergétique de premier plan.
En ce qui concerne la restructuration du secteur pétrolier, il
est évident que la décision récente de fermeture
annoncée par la compagnie Esso rend particulièrement pertinent le
thème proposé à votre attention. À ce sujet, il
faut souligner qu'avec la fermeture de trois des six raffineries
montréalaises le Québec est en train de subir, presqu'à
lui seul, les effets de la
rationalisation entreprise par l'industrie pétrolière dans
l'Est du Canada. On assiste, en fait, à une restructuration de
l'industrie pétrolière au détriment du Québec et en
faveur des Maritimes et de l'Ontario. Ce phénomène est
extrêmement préoccupant, d'autant plus qu'il touche directement la
pétrochimie montréalaise. Au début du mois de mars, notre
gouvernement annonçait sa décision d'apporter une assistance
financière de 25 000 000 $ au groupe Pétromont, le gouvernement
fédéral octroyant pour sa part une contribution
équivalente. La commission parlementaire devrait analyser, à mon
sens, les meilleurs moyens susceptibles d'assurer la viabilité à
long terme de cette importante industrie. Je suis heureux de constater que
plusieurs, sinon toutes les compagnies pétrolières, ont
demandé à comparaître devant cette commission.
Le troisième thème proposé concerne les
investissements dans le secteur de l'énergie, leur évolution
attendue et leur impact sur l'économie québécoise.
À l'issue de la réunion spéciale du Conseil des ministres,
tenue au Mont Sainte-Anne, il y a quelques jours, le gouvernement
annonçait un programme massif d'investissement dans l'économie,
l'un des volets de ce programme intéressant directement le secteur de
l'énergie. En effet, ce programme implique la mise en oeuvre, par
Hydro-Québec et l'industrie, d'investissements additionnels d'environ
220 000 000 $ consacrés, notamment, à la conversion et à
la distribution, qui viendront s'ajouter aux investissements de 2 600 000 000 $
prévus par Hydro-Québec durant l'année 1983.
Par ailleurs, il y a trois jours à peine, j'accompagnais le
premier ministre à Boston où était paraphée une
entente d'exportation d'énergie électrique excédentaire
entre Hydro-Québec et les entreprises d'utilité publique de la
Nouvelle-Angleterre. Ce contrat prévoit l'exportation pour la
période 1986-1997 de 33 TWh et devrait rapporter à
Hydro-Québec des revenus globaux de l'ordre de 5 000 000 000 $ courants
ou encore 1 300 000 000 $ 1983. Pour la première fois, le Québec
devient ainsi un important fournisseur d'énergie pour les États
de la Nouvelle-Angleterre et ceci, à un prix équivalent à
environ le double des tarifs appliqués par Hydro-Québec au
secteur industriel. Je dis bien, M. le Président, à un prix
équivalent à environ le double des tarifs appliqués par
Hydro-Québec au secteur industriel. Si j'insiste là-dessus, c'est
que j'ai été assez renversé de lire en éditorial
d'un quotidien sérieux que nous vendions de l'électricité
à la Nouvelle-Angleterre, par ce contrat, en bas de nos coûts de
production. Ce contrat est d'autant plus avantageux qu'il s'agit
d'énergie excédentaire obtenue à partir
d'équipements déjà en place.
À cette fin, Hydro-Québec et le
NEEPOOL ont convenu de construire une ligne de transport de 690
mégawatts pouvant éventuellement être portée
à 2000 mégawatts. Cette infrastructure permanente pourra, le cas
échéant, être utilisée pour l'exportation
d'énergie sur une base continue. J'ai, d'ailleurs, pressé nos
partenaires de la Nouvelle-Angleterre de conclure d'ici un an avec
Hydro-Québec un accord allant dans ce sens, convaincu que
l'accroissement des exportations d'énergie électrique aura un
impact direct sur les investissements consacrés par Hydro-Québec
à la mise en valeur de notre potentiel hydroélectrique.
S'ajoutant significativement aux investissements dans
l'hydroélectricité, le Québec connaîtra
également, d'ici 1987, d'importants investissements dans le secteur
gazier. Selon les plans de développement disponibles, ces
investissements atteindront pour la période 1983-1987 1 900 000 000 $ en
dollars d'aujourd'hui.
C'est donc afin de favoriser la réalisation de ces
investissements et d'en assurer la rentabilité que le gouvernement
procédait, le 3 janvier dernier, à la suppression de la taxe de
9% prélevée sur les ventes de gaz naturel. J'ai invité,
bien sûr, le ministre des Finances à renoncer à peu
près à 30 000 000 $ en 1983.
Toujours au niveau des investissements, la conclusion récente
d'une entente fédérale-provinciale sur les économies
d'énergie a permis la conception et la mise en place d'un programme de
productivité énergétique visant spécifiquement les
secteurs commercial et industriel. Ce programme, d'un montant de 10 000 000 $,
suscitera normalement des investissements évalués à
près de 100 000 000 $ durant les prochaines années. Ce programme
comporte trois volets, bien brièvement: une analyse
énergétique gratuite, des subventions pouvant atteindre 90% des
coûts des études de faisabilité et, enfin, la diffusion des
solutions identifiées par les équipes techniques lors d'ateliers
et de colloques organisés à cette fin.
Au total, nous pouvons dire que les investissements dans le secteur de
l'énergie au cours de la période 1983-1985 s'établiront
à plus de 3 000 000 000 $ en moyenne par année, soit le niveau
d'investissement le plus élevé observé dans ce secteur
d'activités et ce, sans compter les investissements industriels qui
seront effectués grâce à nos disponibilités
énergétiques, notamment dans le secteur de l'aluminium.
Pour chacun des quatre thèmes soumis à la réflexion
de la présente commission parlementaire, les discussions ne se
limiteront pas aux programmes ou aux interventions que le gouvernement pourrait
mettre en place à court terme. Cette commission nous offre
également une rare occasion de réfléchir sur les
perspectives énergétiques du Québec à l'horizon
2000.
Étant donné l'importance de l'énergie dans le
développement de nos sociétés industrielles, ce sont en
fait nos points de vue concernant le Québec de l'an 2000 que nous allons
ensemble évoquer, comparer, discuter et confronter durant les prochaines
semaines.
Ce matin, je voudrais simplement livrer à votre réflexion
quelques hypothèses qui pourraient, bien modestement, constituer autant
de points de référence pour une analyse plus poussée de
l'évolution rapide et prodigieuse du Québec vers le XXIe
siècle.
Sur le plan énergétique, le Québec devrait d'abord
se caractériser par son très haut niveau
d'électrification. À partir de nos évaluations, environ la
moitié des besoins énergétiques des
Québécois seront alors satisfaits par une énergie sans
cesse renouvelable qu'est l'hydroélectricité. Le fait que
l'énergie électrique représente une telle importance dans
le bilan énergétique québécois fera certainement du
Québec, à cette date, l'une des sociétés les plus
électrifiées au monde, où l'électricité sera
utilisée de la façon la plus efficace qui soit, grâce aux
nouveaux procédés industriels mis au point.
Dans le bilan énergétique des années 2000, de
nouvelles filières énergétiques auront alors une place
significative. Ici, je fais allusion non seulement à la biomasse, mais
également à l'hydrogène. Le Québec détient,
quant à l'hydrogène, des atouts indéniables et cette
filière énergétique constitue sans nul doute l'une des
voies les plus prometteuses pour les développements
énergétiques futurs, à l'échelle mondiale. Selon
une étude récente, on évalue à 400 000 000 000 $,
au cours des 25 prochaines années, le marché de
l'hydrogène dans le monde. En outre, c'est dans cette optique que notre
gouvernement continue de réclamer l'établissement au
Québec d'un centre de recherche en électrochimie actuellement
proposé par le Centre national de la recherche du Canada.
Si l'on tient compte du rôle que jouera alors le gaz naturel, on
peut estimer, sans grand risque d'erreur, que le pétrole continuera
d'occuper une place, même limitée, dans la satisfaction de nos
besoins énergétiques. Les produits pétroliers ne seront
probablement plus utilisés que dans le secteur des transports et
représenteront alors moins du tiers de notre bilan
énergétique.
En marche vers l'an 2000, le Québec se doit de réussir ce
virage technologique et de profiter au maximum de ses effets. À cet
égard, je suis pour ma part résolument optimiste. Les ressources
humaines dont nous disposons jointes aux atouts énergétiques dont
nous bénéficions nous fournissent sans aucun doute les
éléments indispensables de ce qui pourrait être un
redéploiement et une restructuration majeure de l'appareil industriel
québécois.
En fait, le Québec est en mesure, actuellement et dans l'avenir,
de développer dans certains créneaux prometteurs un savoir-faire
international. C'est le cas, bien évidemment, de tout ce qui concerne
l'application et l'utilisation de l'électricité dans les
procédés industriels, mais aussi des retombées
économiques de l'utilisation de l'hydrogène.
Dans le domaine de la biomasse, également, et pour certaines
filières précises, le Québec devrait être capable de
bâtir des centres de technologie constituant un apport significatif
à la recherche-développement concernant ces activités.
Dans le domaine nucléaire, les intentions de notre gouvernement
ont été clairement exprimées quant à la
réalisation d'un programme d'équipement fondé sur la
filière traditionnelle faisant appel à la fission
nucléaire.
L'évolution récente et les prévisions à long
terme de la demande électrique sont venues confirmer le
bien-fondé du moratoire annoncé en 1978 et
réitéré en 1980. En conformité avec ce moratoire,
le Québec entend maintenir les connaissances acquises et poursuivre un
programme de recherche-développement des technologies reliées
à la fusion, s'assurant ainsi des retombées industrielles de ces
technologies. Déjà, le Québec est impliqué dans
l'étude du confinement magnétique ce qui devrait lui permettre de
pénétrer le marché particulièrement prometteur pour
l'industrie de l'électrotechnique, de la robotique et de l'informatique
du contrôle des systèmes de fusion. (10 h 45)
Bref, M. le Président, j'ai voulu livrer quelques
réflexions pour ouvrir le débat. Je m'attends bien que mon
collègue ait son mot à dire lui aussi. Avant de lui céder
la parole, je voudrais simplement indiquer tout de suite que nous avons
prévu sept jours pour le déroulement de nos travaux.
Je voudrais dire à ceux qui ont bien voulu accepter de
déposer un mémoire et de venir comparaître que nous
prendrons le temps voulu. S'il faut ajouter des journées à nos
travaux, je pense qu'on pourra s'entendre avec l'Opposition et avec nos leaders
parlementaires respectifs pour trouver le temps disponible. Je crois qu'il est
utile d'indiquer tout de suite que nous ne voulons pas bâcler nos travaux
mais prendre tout le temps nécessaire afin de les conduire d'une
manière exhaustive. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Pierre-C- Fortier
M. Fortier: M. le Président. Enfin une commission
parlementaire sur l'énergie: un objectif du livre blanc de 1978 qui,
parmi les
cinq ou six objectifs qu'on nous proposait, disait "d'impliquer
davantage les Québécois dans la mise en place de la politique
énergétique du Québec." Cinq ans après, ce n'est
pas trop tôt. D'autant plus que le ministre Bérubé faisait
une promesse formelle, le 2 mars 1981, d'organiser un débat public sur
l'ensemble des problèmes énergétiques du Québec.
Enfin! deux ans après cette promesse nous y voilà.
Le thème qui nous est proposé c'est "L'énergie,
levier de développement économique". En fait ce thème
n'est pas une découverte puisque tous les Québécois savent
que l'énergie, surtout hydroélectrique, a été dans
le passé un facteur important de développement économique
surtout pour certaines régions et pour le Québec en
général. Pensons à la région du Lac-Saint-Jean avec
l'Alcan. Pensons à la région de Shawinigan, surtout lorsque
Shawinigan Water and Power était, avant la nationalisation, un facteur
de développement économique important dans cette région.
Pour le Québec cela était des acquis. Maintenant à cause
de la stagnation économique on cherche des leviers de
développement économique.
En fait la situation économique au Québec est
désastreuse. Tout le monde connaît les statistiques et les
différents indicateurs économiques. Perte de 184 000 emplois de
février 1981 à février 1983. Au niveau du volume
d'emplois, nous sommes au même niveau que nous étions en
décembre 1978, donc un recul de quatre ans et trois mois.
En février 1983, nous avions 434 000 chômeurs, 15,5% de la
population active. Je crois que ce n'est pas suffisant de constater ces faits.
Il nous faut diagnostiquer les problèmes et apporter des remèdes
devant assurer la relance économique.
Auparavant, je crois qu'il faudrait distinguer entre croissance
économique et développement économique. Bien sûr
à court terme, alors que nous sortons de la crise, il nous faut trouver
des remèdes devant assurer une reprise de l'économie et une
croissance économique. Mais je crois que le thème qui nous est
proposé n'est pas surtout orienté vers cet objectif
immédiat qui est extrêmement important. C'est un thème qui
nous propose de trouver des stratégies qui nous permettront à
moyen et à long terme d'assurer le développement
économique. Cela signifie que les stratégies que nous pourrions
mettre en place apporteraient au Québec de nouvelles technologies et
sauraient nous apporter des immobilisations qui nous permettraient d'avoir au
Québec de nouvelles industries nous permettant de concurrencer le monde
en général et les autres provinces en particulier.
Avant de parler de développement économique, il nous faut
donc assurer une certaine relance puisqu'il est à peu près
impossible, je crois, même avec les meilleures stratégies du
monde, d'assurer un développement économique sans une certaine
relance.
Malheureusement, plusieurs observateurs notent que la relance
économique viendra tranquillement, mais elle viendra au Canada
prochainement. Ces mêmes observateurs notent cependant que cette relance
ne viendra pas immédiatement au Québec. Pourquoi? Les milieux
d'affaires ont noté plusieurs facteurs qui affectent négativement
le Québec par rapport aux autres provinces. Il ne faudrait pas penser
que l'énergie, levier de développement économique, pourra
à elle seule contrebalancer tous les facteurs négatifs qui
existent depuis un certain nombre d'années et depuis la prise du pouvoir
par le Parti québécois.
À ce sujet, voici trois tableaux que j'aimerais présenter.
Ils démontrent le fait que depuis un certain nombre d'années,
depuis 1976 en particulier, il y a eu un ralentissement économique au
Québec et surtout dans les investissements.
Le premier tableau que nous avons ici est celui qui apparaît dans
le mémoire d'Hydro-Québec. Je l'ai refait puisqu'il contenait
certaines erreurs et certaines imprécisions. En 1982, les
investissements d'Hydro-Québec ont été de 2 542 000 000 $,
tel qu'en font foi les états financiers d'Hydro-Québec, et non
pas de 2 700 000 000 $. Les tableaux que nous avons nous donnent les
investissements d'Hydro-Québec pour les années 1963 à
1974, pour un montant de 353 000 000 $; de 1975 à 1981, 2 142 000 000 $;
en 1982, 2 542 000 000 $; en 1983, une prévision de 2 802 000 000 $.
En ce qui concerne les investissements totaux au Québec,
c'est-à-dire les investissements de toute nature faits tant dans le
domaine énergétique qu'institutionnel ainsi que dans le secteur
manufacturier -enfin, tous les investissements - ils ont été de
1963 à 1974, 3 961 000 000 $; de 1975 à 1981, 11 412 000 000 $;
en 1982, la statistique la plus récente que nous avons obtenue de
Statistique Canada, la semaine dernière, est de 12 995 000 000 $ -
presque 13 000 000 000 $ - et, en 1983, une baisse à 12 834 500 000
$.
C'est donc dire, et je suis sûr qu'Hydro-Québec en fera
part lorsqu'elle viendra en commission parlementaire, que le pourcentage de la
contribution d'Hydro-Québec dans le domaine des investissements totaux
au Québec va en progressant. Il était de 8,9% au cours des
années 1963 à 1974. Il était de 18,7% au cours des
années 1975 à 1981. Il a été de 19,56% en 1982. Il
sera de 21,83% en 1983.
Nous passons au deuxième tableau. Je crois que le problème
le plus pertinent au développement économique du Québec
est
qu'il y a eu, depuis 1975 - depuis 1976 d'une façon plus
particulière - une chute brutale des investissements totaux au
Québec. C'est ce qui a amené le ralentissement économique
du Québec. Sur ce deuxième tableau, nous avons utilisé les
mêmes années pour faire le pendant avec le tableau
qu'Hydro-Québec nous avait présenté. On voit, pour les
investissements totaux au Québec, qui ont été de 3 961 000
000 $ au cours des années 1963 à 1974, alors que les
investissements totaux au Canada ont été de 19 600 000 000 $,
pour un pourcentage de 20,18%.
C'est donc dire que jusqu'aux années 1974 ou 1975 - en fait, les
statistiques plus précises pourraient nous dire qu'il y a eu un
changement radical vers 1976 - nous pouvions obtenir au Québec environ
20% des investissements totaux faits au Canada. De 1975 à 1981, le
pourcentage des investissements totaux du Canada que nous avons obtenus au
Québec a été de 17,95%. En 1982, il a été de
17,3%. En 1983, il sera de 17,63%.
Troisième tableau. Finalement, ceci reflète le domaine de
la fabrication. On s'aperçoit que durant les années 1970 à
1976 nous pouvions obtenir 23% des investissements faits au Canada, dans le
domaine de la fabrication, alors que de 1976 à 1982, ce pourcentage a
été de 19%. Il y a ralentissement économique au
Québec. Malheureusement, je crois que toute stratégie touchant le
domaine énergétique ne sera pas suffisante à elle seule
pour modifier ce tableau d'ensemble.
Examinons certains de ces facteurs négatifs, sans aller dans
beaucoup de détails. Il y a, en premier lieu, bien sûr, la
taxation excessive, soit pour les compagnies, soit pour les individus.
D'ailleurs, un rapport récent du Conseil du patronat en a fait
état auprès du ministre des Finances. Le deuxième facteur,
c'est que, depuis la venue du Parti québécois au pouvoir, il y a
eu une réglementation coûteuse et désordonnée. Le
gouvernement a voulu tout régler dans l'industrie avec des
règlements.
Il y a le coût de l'essence, la taxe ascenseur. Il suffit, M. le
Président, d'aller dans les régions du Québec, que ce soit
sur la Côte-Nord, que ce soit dans le comté de Frontenac, que ce
soit dans d'autres comtés, pour constater que tous ceux qui sont
susceptibles de créer un certain développement économique
se rendent compte que leurs efforts sont handicapés par cette taxe sur
l'essence, puisqu'elle ajoute aux coûts de production et qu'elle les
empêche d'entrer en concurrence avec la région de Montréal
ou la région de Québec, en particulier. Le coût de
l'essence, M. le Président, est un handicap considérable sur le
plan du développement économique pour les régions du
Québec.
Un quatrième facteur négatif, c'est le poids des
dépenses publiques. On sait que l'ensemble des dépenses publiques
au Québec était, en 1980, de l'ordre de 48,2% du PIB,
c'est-à-dire à peu près 50% du produit intérieur
brut, alors qu'il n'est que de 37,2% en Ontario. Et, pour dire la même
chose différemment, on sait que le budget de l'Ontario et du
Québec est de 23 000 000 000 $, alors que nous avons au Québec
30% de moins de population et un produit intérieur brut qui est plus bas
de 40%. Cette situation se reflète sur la dette publique. L'État
du Québec, maintenant complètement étranglé, n'a
plus la marge de manoeuvre qu'il aurait eue autrement pour relancer
l'économie du Québec. Avec un secteur privé
proportionnellement plus petit que celui de l'Ontario, nous sommes dans une
position plus précaire pour assurer la relance et le
développement économique.
Le cinquième facteur, c'est la structure industrielle. Cette
structure n'a pas bougé beaucoup depuis 1976. Nous avons toujours moins
d'industries à haute technologie qu'en Ontario et nous avons toujours
plus de secteurs mous.
Finalement, un facteur qui a joué considérablement contre
le développement économique du Québec depuis 1976, c'est
toute la question de la stabilité politique. Le premier ministre en a
fait état de nouveau hier, lors de son message inaugural: le Parti
québécois et le gouvernement veulent revenir à la charge.
Mais on doit constater, à la lumière des statistiques dont j'ai
fait état, que cette politique a nui considérablement aux
investissements du Québec et que la détermination du gouvernement
du Québec de continuer sur cette lancée va affecter, dans les
années qui viennent également, le développement
économique de notre province.
Donc, la croissance économique ne se réalisera pas
à moins que des remèdes ne soient apportés à
plusieurs de ces facteurs négatifs. Par ailleurs, je crois qu'il est
très difficile de parler de développement économique
à moins que nous ne puissions assurer au Québec une certaine
croissance économique. Néanmoins, à cette commission
parlementaire - indépendamment de cette situation négative qui,
je crois, ne nous permettra pas, dans les années qui viennent, d'assurer
la croissance économique et le développement économique
auxquels nous aurions droit - nous nous devons d'examiner dans quelle mesure
une politique énergétique modifiée pourrait favoriser le
développement économique du Québec.
Les règles du jeu sont très sévères. Elles
sont plus sévères qu'avant. Tout le monde le dit: Nous devons
être plus compétitifs, nous devons produire davantage, nous devons
produire mieux et à meilleur coût. Faut-il rappeler que le
Québec ne vit pas en vase clos et qu'il est en compétition
avec d'autres provinces, avec d'autres États et avec d'autres
pays?
Je crois qu'un examen menant à une révision de la
politique énergétique devrait reposer sur certains
critères. Le premier principe, c'est de constater que nous avons
déjà de sérieux handicaps pour assurer la croissance
économique du Québec. Il faudrait bien éviter de s'en
donner un de plus avec notre politique énergétique. Si la
politique énergétique, qui était à l'origine
pavée de très bonnes intentions, devait nous amener à
avoir des coûts énergétiques plus élevés
qu'ailleurs, je crois que nous ferions fausse route et que nous devrions la
modifier avant qu'il soit trop tard. (11 heures)
À ce sujet, M. le Président, je mentionnerai le
mémoire, que nous entendrons plus tard, celui de l'Association des
consommateurs industriels de gaz du Québec qui fait état de
l'augmentation importante du prix du gaz depuis un an et sonne l'alarme pour
nous dire que, déjà au Québec, le prix du gaz pour
l'industrie est plus élevé qu'en Ontario. On peut se poser la
question, M. le Président, à savoir si des investisseurs qui
auraient le choix de venir soit au Québec ou en Ontario viendraient au
Québec si le prix du gaz est plus élevé que dans la
province voisine.
Deuxième principe, la politique énergétique doit
favoriser la recherche et le développement - je crois que,
là-dessus, nous faisons l'unanimité - de façon à
développer de nouvelles industries en amont et en aval. Encore plus, il
faut favoriser davantage la forme d'énergie qui nous permettra de
favoriser des stratégies de développement, c'est-à-dire de
nouvelles industries et de nouvelles technologies à partir de la
recherche et du développement qui se font au Québec. Il y a
plusieurs mémoires que nous entendrons à ce sujet. Nous serions,
quant à nous, intéressés à examiner les
possibilités qui existent présentement dans les domaines de
l'électricité, du gaz et du pétrole. Peut-être
devrions-nous conclure que la recherche-développement en
électricité est la seule qui existe vraiment au Québec, et
c'est certainement une des plus importantes, capable d'assurer notre
développement industriel. Est-ce que l'État a les moyens de
favoriser d'autres recherches-développements pour d'autres formes
d'énergie? Je crois que c'est là une question importante. Il
faudrait nous interroger sur le genre de recherche qui est fait
présentement et qui pourrait être fait au Québec. Est-ce
que Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité pourront nous dire si
elles ont l'intention de faire de la recherche? Est-ce que la Régie de
l'électricité et du gaz leur permettra d'inclure ces coûts
dans les coûts autorisés de production pour les refiler ensuite
aux consommateurs?
Troisième principe, c'est que le développement
économique des régions est extrêmement important et doit se
faire à partir des avantages comparatifs de ces mêmes
régions, tels que définis par les agents les plus dynamiques de
ces mêmes régions. Je crois que nous avons passé le temps
où certains croyaient qu'il était possible de planifier le
développement économique à partir de Québec. Je
crois que nous sommes très près du moment où nous ferons
l'unanimité pour dire que le développement économique des
régions doit être assumé par les résidents de ces
régions et que ce développement économique doit se faire
à partir des avantages comparatifs que la région possède.
En appliquant ce principe au domaine de l'énergie, on doit conclure que,
si une région possède des ressources énergétiques,
peut-être même hydrauliques, elle devrait pouvoir les utiliser pour
assurer son développement en priorité. Je crois qu'à ce
sujet, il y a certaines régions du Québec qui devraient
être favorisées.
Quatrième principe, je crois qu'il faut se donner une politique
énergétique flexible, non bureaucratique, capable de s'ajuster
aux circonstances internationales et aux circonstances canadiennes, capable de
s'ajuster à la conjoncture énergétique mondiale en
particulier. Plusieurs observateurs ont noté que la politique nationale
de l'énergie et également la politique québécoise
sont trop rigides pour s'ajuster à ces mêmes modifications qui
devraient se faire en toute urgence et de toute nécessité. Ces
politiques ont été formulées sur la base
d'hypothèses qui n'existent plus maintenant et doivent être
révisées nécessairement.
Un cinquième principe qu'on devrait prévoir dans la
révision de la politique énergétique est d'assurer la
sécurité d'approvisionnement par la diversification plutôt
que par la thèse de l'autonomie énergétique
présentement poursuivie par le gouvernement. À ce sujet, je crois
que le mémoire de M. Antoine Ayoub, directeur du GREEN à
l'Université Laval et président du conseil de SOQUIP, est
très pertinent et il est malheureux que nous n'ayons pas l'occasion de
l'entendre puisqu'il est extrêmement clair à ce sujet et qu'il
nous dit que la diversification énergétique est "une solution
moins coûteuse et plus réaliste et qui permettra au Québec
de faire appel au défi de l'insécurité des
approvisionnements énergétiques étrangers, objectif
supposé de l'autonomie énergétique." Un peu plus loin, il
ajoute: "Nous considérons que l'accent doit être mis sur la
diversification énergétique comme solution au problème de
la sécurité plutôt que sur une autonomie
énergétique peu probable et, de toute manière,
certainement limitée."
En terminant, avec ces quelques principes en tête, nous allons
entendre les
mémoires et scruter les recommandations qui nous seront faites.
Mais je crois qu'il est très important de voir les faits tels qu'ils
sont et de voir la réalité en face sinon, au lieu d'aider au
développement économique du Québec on pourrait
peut-être lui nuire dans l'avenir. Déjà, M. le
Président, certaines conclusions s'amorcent. Premièrement, il est
temps, je crois, à la lumière des faits qui nous seront
présentés et que nous connaissons déjà par la
lecture des mémoires, d'examiner la pénétration du gaz,
d'évaluer sa position économique et d'en tirer les conclusions
qui s'imposent. Le gouvernement aura alors le choix entre soit de subventionner
lui-même la pénétration du gaz pour la rendre
économique, soit d'arrêter de poursuivre la construction des
embranchements ou soit de demander au gouvernement fédéral de
déréglementer le gaz puisque, comme le souligne M. Ayoub en
particulier, dû aux immenses réserves canadiennes une
déréglementation pourrait nous apporter la quasi garantie d'une
baisse des prix qui rendrait cette forme d'énergie économique par
rapport à d'autres formes d'énergie, ce qui n'est pas le cas
présentement surtout dans le domaine industriel.
Deuxième conclusion. Il y a grave danger, je crois, que la
poursuite des investissements de Gaz Métropolitain et de Gaz
Inter-Cité nuise au développement économique des
régions au lieu d'aider au développement économique de ces
mêmes régions. Les prix énergétiques
déjà pour ces régions, qu'on pense à l'essence et
aux coûts de transport, nuisent présentement au
développement économique des régions. On a suscité
beaucoup d'espoir à ce sujet et je crois que nous devrions regarder
très attentivement si les investissements qu'on s'apprête à
faire vont augmenter encore une fois ces coûts énergétiques
comme en fait part le mémoire de l'Association des consommateurs
industriels de gaz. Je vous signalerai à cet effet, M. le
Président, que ce mémoire nous souligne, à la page 12, que
depuis 1982 jusqu'en 1983, il y a eu une augmentation de 53% de la marge de
profits nets des distributeurs de gaz sur une période d'un an et que ce
même mémoire souligne à plusieurs endroits que cette
situation pourrait, à l'avenir, empêcher toute
pénétration du gaz, surtout dans le domaine industriel et
indirectement amener un problème de financement ou un problème de
tarif qui empêcherait justement la pénétration du gaz dans
le secteur industriel, qui est nécessaire pour assurer la
rentabilité de cette même pénétration.
Troisième conclusion qui s'impose peut-être, c'est que
l'électricité est un facteur prioritaire de développement
au Québec. S'il y a des choix à faire, je crois qu'il nous faut
choisir l'électricité. Si on fait d'autres choix, il faut que ces
choix additionnels n'aillent pas à l'encontre de
l'électricité. Je crois que l'électricité est la
seule énergie dont nous soyons maîtres à la fois de la
conception, de la recherche et du développement du marketing, au
Québec et à l'étranger, et pour laquelle nous faisons
toute la recherche et le développement qui pourraient nous apporter dans
l'avenir de nouvelles industries et de nouvelles applications.
Quatrièmement, je crois qu'il est important que nous pensions
à avoir une politique tarifaire qui soit plus cohérente pour tout
le monde, surtout dans le domaine industriel. Le gouvernement a
présentement adopté une politique de négocier à la
pièce et ceci lui a apporté un ou deux succès, mais je
crois que cette politique n'est peut-être pas équitable pour tous
les industriels qui pourraient assurer le développement
économique du Québec. Je crois que c'est une des
considérations que nous devrons étudier très
attentivement. Autrement dit, M. le Président, je crois que si nous
avons des surplus d'électricité que nous pouvons vendre aux
Américains, nous devrions établir au Québec une politique
tarifaire qui nous permettrait de favoriser le développement
économique non pas uniquement pour de nouvelles industries qui
pourraient venir s'établir ici, mais également une politique
tarifaire qui assurerait la croissance et le développement
économique des industries qui existent présentement au
Québec.
Finalement, M. le Président, je crois que le Québec doit
cesser sa politique d'absentéisme sur le plan canadien et se doit
d'influencer les modifications à la politique nationale de
l'énergie qui devront être faites prochainement. Tous le
reconnaissent, c'est un secret de polichinelle, la conjoncture internationale
va amener le gouvernement canadien, sûrement, à modifier sa
politique nationale de l'énergie et nous nous devons d'intervenir afin
que les meilleurs intérêts du Québec soient
protégés.
Voilà, M. le Président, certaines considérations et
certaines conclusions préliminaires auxquelles nous sommes
arrivés et j'ose espérer que lors de l'audition des
mémoires nous pourrons approfondir les problèmes auxquels j'ai
fait allusion pour nous permettre d'arriver à des conclusions plus
définitives à ce sujet. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le ministre, une courte remarque.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Si vous me le permettez, M. le Président, je
vais y aller très brièvement. J'ai bien hâte d'entendre nos
invités. Pendant que mon collègue d'Outremont faisait son
exposé, je me suis
convaincu de résister à cette tentation parlementaire de
lui répondre. J'attendrai à la réplique au prochain
discours sur le budget. Seulement, j'aurais souhaité de sa part au moins
des réflexions sur trois points pour avoir le portrait complet: ses
commentaires sur les taux d'intérêt maintenus par le gouvernement
fédéral et sa banque; une comparaison sur les pertes d'emplois au
Canada, en Ontario et au Québec pour relativiser son point de vue et,
son commentaire sur le rythme infernal de dépenses que conduit
actuellement le gouvernement fédéral en nous endettant au
même rythme sur une prévision de déficit pour
l'année en cours de 10 000 000 000 $ au début, qui est
montée à 18 000 000 000 $, à 22 000 000 000 $, à 26
000 000 000 $ et qui va se terminer à 30 000 000 000 $ pour
l'année en cours. On prévoit au-delà de 30 000 000 000 $
pour l'an prochain. Seulement question d'avoir l'équilibre, cela aurait
peut-être été intéressant de l'entendre
là-dessus.
On aura sûrement une autre enceinte et une autre occasion - je le
dis pour les gens de la presse également - ce n'est que partie remise.
Nous sommes ici en commission permanente de l'énergie et des ressources
et je ne ferai pas de commentaires sur l'exposé de mon collègue
d'Outremont; tout le monde comprendra bien clairement ici que, dans nos
rôles respectifs, mon collègue d'Outremont est presque
condamné à dire systématiquement le contraire de ce que je
dirai puisqu'il est payé pour être dans l'Opposition, rôle
qu'il remplit à merveille d'ailleurs.
Là-dessus, M. le Président, je vous inviterais à
donner la parole, si le temps est venu...
M. Fortier: M. le Président.
M. Duhaime: ...à la Société
québécoise d'initiatives pétrolières.
Le Président (M. Laplante): Un bref commentaire.
M. Fortier: Simplement, ce que j'aimerais dire, c'est que nous,
du Parti libéral du Québec, savons que nous sommes élus
pour oeuvrer au Québec, alors que le Parti québécois n'est
pas tout à fait certain s'il oeuvre au fédéral ou au
Québec.
Le Président (M. Laplante): Avant d'entendre les
porte-parole de SOQUIP, je voudrais tout de suite, pour ne laisser aucune
ambiguïté, lire la réponse de M. Ayoub directeur du GREEN.
Voici ce que M. Ayoub a écrit à Mme Lucie Giguère,
greffière de la commission de l'énergie et des ressources,
Secrétariat des commissions parlementaires, Assemblée nationale
du Québec: "Madame, faisant référence à votre
lettre du 16 mars et à la lettre du 19 mars de l'adjointe du recteur, je
désire préciser à votre attention que c'est à titre
d'information pour votre honorable commission que les 100 exemplaires de mon
mémoire vous furent envoyés par le cabinet du recteur. "Par
conséquent, et comme je ne demande pas à être entendu par
la commission, il n'y a pas lieu de tenir compte de mon audience dans le
programme des travaux de celle-ci. "Veuillez agréer, Madame,
l'expression de mes sentiments les meilleurs." Signé: Professeur Antoine
Ayoub.
Maintenant, je demanderais ceci à SOQUIP et à tous les
autres groupes aussi, je le répéterai à chacun. On ne
pourra pas lire les mémoires au complet. Il faudra que chacun des
groupes puisse donner un résumé très succinct de son
mémoire, d'après l'entente survenue entre l'Opposition et le
parti ministériel. Les membres de la commission pourront ainsi poser le
plus grand nombre de questions possible sur chacun des mémoires. On me
dit que les mémoires de chacun des groupes ont été lus
avec beaucoup d'attention et, déjà, les questions sont
prêtes de part et d'autre.
M. Martin, si vous voulez identifier votre groupe et identifier les
personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!
Auditions SOQUIP
M. Martin (Pierre): Merci, M. le Président, je vais
présenter les membres de notre délégation: M. René
Bédard, le troisième à ma gauche, vice-président
des affaires juridiques; M. Jacques Plante, vice-président de
l'exploration et de la production; M. Jean Lajoie, vice-président aux
finances; M. Jean Guérin, vice-président à la
planification; M. Yves Rheault, secrétaire de la compagnie, dont le nom
officiel est la Société québécoise d'initiatives
pétrolières, dite SOQUIP. (11 h 15)
M. le Président, SOQUIP apprécie l'occasion qui lui est
fournie de témoigner et d'ouvrir le débat, si on peut dire, en
particulier en raison du thème de cette commission, qui est,
l'énergie, levier de développement économique. En effet,
nous sommes convaincus que l'activité que nous menons
présentement sera déterminante et importante pour le
développement économique du Québec.
Je tiens pour acquis, comme vous le disiez, que les membres de la
commission ont lu ou, au moins, parcouru le mémoire, de sorte qu'il
n'est pas question pour moi de le relire. Je signale toutefois un point. Nous
traitons dans notre mémoire, qui est assez
volumineux, de la restructuration du secteur pétrolier. Je
comprends que les compagnies pétrolières viendront devant cette
commission plus tard au cours de ses travaux et, avec la permission de la
commission, je demanderais de sauter par-dessus ce sujet pour aujourd'hui, si
on peut dire, et d'être réentendu par la commission avec les
pétrolières au moment où ce sujet sera traité en
profondeur.
Le Président (M. Laplante): Est-ce là le voeu des
membres de la commission? C'est accordé. M. Martin.
M. Martin: Merci. Ce que nous entendons faire ressortir
aujourd'hui, c'est le rôle essentiel que l'énergie peut jouer dans
la relance de l'économie au Québec. Surtout, nous voulons
souligner les mesures que nous, et nos entreprises affiliées, avons
l'intention d'appliquer pour maximiser les retombées économiques
pour le Québec et cela, à deux points de vue, d'abord les
investissements prévus dans le domaine des hydrocarbures. Je
réfère non seulement à la distribution du gaz naturel,
mais à la production du gaz naturel et à l'exploration
pétrolière et gazière, et, d'autre part, au
développement industriel que la présence du gaz naturel peut
amener au Québec.
En guise de toile de fond, je veux quand même me
référer au contexte énergétique
québécois et j'attire votre attention sur le tableau 2.1 de la
page 3 qui couvre la période 1975-1981. Nous faisons distribuer à
l'instant même un tableau qui couvre la période 1981-1990. Sur le
tableau 2.1, j'attire votre attention sur des éléments importants
du contexte énergétique. La consommation totale d'énergie
entre 1975 et 1981 a connu une croissance nulle et, en vérité, de
moins 0,1%. Remarquez toutefois que, pendant cette période,
l'électricité a fait des gains considérables et est
passée de 21,5% du bilan énergétique à 29,6%; que
le pétrole a chuté de 70% à 60% et que le gaz naturel, qui
détient une part assez modeste à 6,3%, a connu une croissance de
5,9% pour occuper en 1981 9% du bilan énergétique.
Tout de suite, je pense que les membres de la commission seront d'accord
avec nous pour dire que c'est une évidence qu'au Québec
l'électricité est notre atout no 1 dans le domaine
énergétique. Pour notre part, nous prétendons qu'en plus
de cet atout, non seulement pour des questions de sécurité, mais
pour des questions de diversité, le gaz naturel peut constituer un atout
important après l'électricité. Je vous
réfère au tableau qui vient d'être déposé.
C'est un tableau fort détaillé, mais je vous invite à
regarder le bas du tableau où, d'après nos chiffres, en 1990,
l'électricité occuperait 40,8% du bilan
énergétique, le gaz naturel, 17,9% - c'est notre objectif, 18% -
le pétrole, 40% et le charbon et les énergies nouvelles, 2%.
Donc, M. le Président, nos objectifs du côté de
SOQUIP et de ses sociétés affiliées - Gaz
Inter-Cité et Gaz Métropolitain - sont de faire passer le gaz
naturel de 9% du bilan énergétique à 18%,
c'est-à-dire doubler l'apport du gaz naturel en dix ans.
Pendant la même période, l'électricité
devrait passer de 29% ou 30% à 40%. C'est là un
élément très important: La croissance du marché du
gaz naturel ne se fait pas aux dépens de l'électricité,
mais aux dépens du pétrole, pétrole qui est largement
importé à partir du marché international pour tout l'Est
du Canada.
Je signale également - pour compléter sur ce contexte ou
ce tableau de fond - un phénomène qui, apparemment, fait les
délices des économistes dans le monde occidental. Je vous
réfère au tableau 2.2 de la page 5 où vous pourrez
constater que, entre 1958 et 1975, pour un taux de croissance du produit
intérieur brut de 5%, le taux de croissance de la consommation
d'énergie a crû de 4,6%. Donc, un rapport de presque 0,96%. Mais,
entre 1975 et 1980, pour un taux de croissance du produit intérieur brut
de 2,4%, le taux de croissance de la consommation d'énergie n'a
été que de 0,9%. Donc, un rapport de moins de 0,4%, en fait,
0,38%.
C'est donc dire que la relation classique croissance de un du PIB qui
entraînait automatiquement une croissance de un dans la consommation
énergétique, cette relation a été
décrochée, si on peut s'exprimer ainsi. Ce qui veut dire que
l'industrie québécoise ou le marché
québécois de l'énergie, comme tous les autres
marchés, consomme moins d'énergie qu'autrefois, non seulement en
raison de la récession économique, mais aussi en raison des
économies d'énergie. Donc, à notre avis, c'est un
changement structurel dans la consommation de l'énergie au Québec
et en particulier, justement, dans le domaine industriel.
J'attire votre attention sur la ligne 4 de ce tableau 2.2 où vous
voyez que l'énergie consommée par millier de dollars du produit
intérieur brut était de 1395 tonne équivalent
pétrole en 1958, elle n'est plus que de 1239 tonne équivalent
pétrole par millier de dollars du PIB en 1980. Si vous voulez ajouter
pour référence l'année 1981, elle n'est plus que de 1,16
tonne équivalent pétrole par millier de dollars du PIB. Donc,
d'une façon sensible, il s'agit là d'une décroissance de
12,5%. D'une façon sensible, notre structure industrielle consomme moins
d'énergie par dollar de production, par coût de production.
Tout cela, M. le Président, nous amène à traiter
justement de la disponibilité et de la diversité des sources
d'énergie. Ce que nous disons, c'est que le Québec dispose de
ressources hydroélectriques abondantes et qu'il est hautement
souhaitable que l'électricité augmente sa contribution dans le
bilan énergétique.
Nous pensons - et nous sommes d'accord - que l'objectif gouvernemental,
qui est, je pense, celui d'Hydro, d'atteindre 41% du bilan en 1990 peut
être réalisé. Mais je vous fais justement remarquer que,
pour passer de 30% aujourd'hui à 41% en 1990, il faudra
qu'Hydro-Québec augmente ses ventes de 5,5% par année, chaque
année, d'ici 1990 et que ce taux de 5,5% par année d'ici à
1990 se rapproche du taux historique de 6,8% qu'Hydro a connu dans la
croissance de ses ventes depuis 15 ans avant la récession.
Donc 41% du bilan à l'électricité en 1990 nous
sommes entièrement d'accord, mais pour l'atteindre, Hydro-Québec
devrait augmenter annuellement ses ventes de 5,6%, ce qui est très
proche de son taux élevé et historique de 6,8%.
Finalement, pour terminer sur le contexte, les mots
sécurité et diversité des approvisionnements sont
importants. Pour ma part je préfère utiliser le mot
diversité et je vous réfère quand même, compte tenu
des fluctuations actuelles du marché international du pétrole, au
jugement ou aux conclusions des travaux de l'Agence internationale de
l'énergie qui regroupe 21 pays industrialisés. Nous citons son
rapport de décembre 1982 au bas de notre page six. Je crois que cela
mérite d'être lu.
Les perspectives actuelles de stabilité à court terme des
marchés énergétiques en général et du
marché pétrolier en particulier sont trompeuses, car les signaux
que lance aujourd'hui ce marché où l'offre est
excédentaire ne reflètent pas les tendances profondes à
moyen et à long terme. Celles-ci annoncent en effet des tensions
chroniques sur les approvisionnements pétroliers plus tard dans les
années 80. D'où la nécessité de porter une
attention constante à la politique énergétique pour
éviter de sévères contraintes économiques.
C'est notre point de vue. Et nous pensons que le développement du
secteur de l'énergie comporte des délais énormes entre la
conception et la mise en exploitation des projets. Si l'on veut réussir
à atteindre l'objectif d'une plus grande autonomie
énergétique - et dans le mot autonomie je comprends
sécurité, diversité et prix - si nous voulons atteindre
l'objectif d'une plus grande sécurité, diversité
énergétique on ne peut remettre en cause la politique
énergétique chaque fois que les prix mondiaux du pétrole
fluctuent.
Sur cette toile de fond j'en viens aux objectifs et aux orientations de
SOQUIP dans le domaine de l'énergie. Nous avons cinq objectifs, je vous
réfère aux pages 8,9 et 10. Notre premier objectif vise la
distribution du gaz naturel au Québec. J'y reviendrai plus tard. Je ne
dis que ceci: Actuellement le Québec consomme 100 000 000 000 de pieds
cubes de gaz par année. Notre objectif, à 18% du bilan
énergétique, c'est d'en mettre en marché 260 000 000 000,
comme nous le citons à la page 8, en 1990, soit 155 000 000 000 de pieds
cubes de plus. Cela pourrait intéresser les membres de la commission de
noter que 155 000 000 000 de pieds cubes de gaz naturel nouveau
éliminent 27 700 000 barils de pétrole par année. Si vous
voulez calculer à 30 $ le baril, c'est 800 000 000 $ de barils de
pétrole qui ne seraient pas importés.
Si vous voulez calculer le coût alternatif de 155 BCF et de les
prendre au prix d'aujourd'hui, à 4,16 $, comme j'ai pris le baril de
pétrole au prix d'aujourd'hui, c'est 644 000 000 $ que coûtera ce
nouveau gaz naturel, mais il remplacera une valeur de 800 000 000 $ de
pétrole importé. (11 h 30)
Notre deuxième objectif, je le cite rapidement et je le
développerai plus loin. Il s'agit des approvisionnements en gaz naturel.
Étant donné nos objectifs et notre détermination
d'étendre le marché du gaz naturel au Québec, car nous
croyons que c'est bon pour l'économie du Québec, notre objectif
second est de jouer un rôle actif et très important dans
l'approvisionnement en gaz naturel des marchés québécois.
Déjà, à ce propos, nous avons fait des démarches
auprès des autorités albertaines, démarches qui ont
été couronnées de succès. Je reviendrai
là-dessus tout à l'heure.
Notre troisième objectif concerne l'exploration et la production.
En deux mots, notre politique d'exploration vise des objectifs à court
terme. Il s'agit de produire, non pas d'explorer, et de mettre en valeur des
réserves de gaz naturel dans l'Ouest en vue justement de couvrir notre
deuxième objectif qui est d'approvisionner les marchés de l'Est.
Notre politique d'exploration, elle, n'est pas à court terme. Elle est
à moyen terme et vise le territoire québécois non encore
exploré, soit l'estuaire, le golfe, la Gaspésie ainsi que la
côte Est, la côte atlantique.
Quatrième objectif: le raffinage et la distribution des produits
pétroliers. Je le saute pour le moment.
Quant à notre cinquième objectif, je vous le cite avec un
peu plus d'emphase, si je peux: le développement industriel lié
à la distribution du gaz naturel. Nous sommes convaincus, et nous sommes
prêts à en débattre avec les membres de la commission, que
l'arrivée du gaz naturel au Québec est un facteur positif pour
l'industrie québécoise, son expansion, son développement,
sa compétitivité.
M. le Président, j'en viens donc rapidement à la partie 4
de notre mémoire qui traite précisément des
investissements
prévus dans les secteurs a) du gaz naturel et b) de l'exploration
ainsi que des retombées qui y sont associées. C'est le sujet le
plus évident si on parle des activités de SOQUIP et de ses
compagnies associées. Si on veut les rapprocher du thème des
travaux de cette commission, le sujet le plus évident est
l'investissement direct et immédiat que nous sommes en train de
faire.
À la page 12, tableau 4.1, vous reverrez des chiffres que vous
connaissez sans doute déjà et qui ont été
souventefois cités. J'attire votre attention sur la colonne de droite
"1983-1987". Le total des investissements directs, en cinq ans, pour le
transport, la distribution et la conversion au gaz naturel est de l'ordre de 2
500 000 000 $, plus précisément 2 432 000 000 $. Vous voyez la
ventilation annuelle pour le transport, la distribution et la conversion. C'est
un investissement immédiat, direct et massif. Le réseau de
transport Trans-Québec et Maritimes doit compléter ses travaux.
En plus des 400 000 000 $ déjà investis, 145 000 000 $ doivent
être investis de nouveau au cours de la présente année et
de l'année prochaine; dans la construction des pipe-lines et des
embranchements, c'est Gaz Inter-Cité Québec Inc. qui prend la
relève. Ces investissements à ce titre sont de l'ordre de 500 000
000 $ pour les années 1983, 1984 et 1985. Il s'agit de construire les
embranchements pour desservir l'Estrie, la Mauricie et le Saguenay-Lac
Saint-Jean.
Quant au réseau de distribution, toujours en investissements
directs, il représente les deux tiers des investissements totaux
à effectuer d'ici 1987. Les chiffres apparaissent au tableau 4.2.
SOQUIP, comme actionnaire de chacune des deux compagnies, investit directement
90 000 000 $ dans le capital-actions de ses entreprises. Elle
réinvestira en plus 35 000 000 $ de dividendes qu'elle aura
retirés. Je signale que l'abolition de la taxe de vente sur le gaz
naturel représente pour la période d'expansion des marchés
gaziers, non seulement 31 000 000 $ en 1983 comme le ministre le mentionnait
tout à l'heure, mais quelque 265 000 000 $ pour la période. C'est
une contribution qu'on pourrait qualifier de directe ou d'indirecte, mais quand
même substantielle.
Les investissements donc, dans les réseaux de distribution, sont
à la page 4.2. Je n'y reviens pas. Je rappelle que 364 000 000 $ de plus
seront investis dans la conversion des appareils pour passer du pétrole
au gaz. Finalement, je vous signale que SOQUIP et deux autres partenaires, Gaz
Métropolitain, d'une part, et CNG Fuel Systems, de Calgary, d'autre
part, viennent de créer une nouvelle entreprise qui s'appelle GNC
Québec Ltée (Gaz naturel comprimé) qui, au cours des
prochaines années, entend convertir au gaz naturel comprimé 25
000 véhicules, particulièrement dans les flottes d'autobus, de
taxis et de camions. Une fois de plus, il s'agit d'investissements importants:
19 000 000 $ pour des centres de conversion, 50 000 000 $ pour la conversion
elle-même des véhicules, etc.
À propos des emplois - c'est dommage de passer rapidement sur des
retombées aussi importantes que les emplois, l'achat de biens et de
services - j'en dis un mot et nul doute qu'on voudra y revenir plus tard.
Compte tenu de la situation actuelle du chômage ou de l'emploi, il me
semble important d'attirer votre attention sur le tableau 4.3 de la page 16
où vous voyez que des investissements dans la distribution et le
transport du gaz naturel créent et maintiennent en moyenne 3400 emplois
au cours de la période. Si on ajoute les emplois indirects, c'est une
moyenne de 5000 emplois qui sont maintenus pendant la période. Il ne
faut donc pas additionner chaque année, mais constater que
l'activité d'investissement que nous faisons avec nos
sociétés affiliées crée et maintient environ 3400
emplois directs et 5000 emplois indirects.
Deuxièmement, vous l'avez sans doute remarqué, cette
activité d'investissement augmente le PIB de 2 700 000 000 $ et, au
tableau 4.4, nous montrons les recettes des gouvernements. Les gouvernements,
au total, retireront 695 000 000 $ dont 411 000 000 $ reviendront au
gouvernement du Québec et aux municipalités, toujours au cours de
cette période. Cette danse de chiffres, M. le Président, se
continue en parlant des dépenses annuelles d'exploitation après
la période d'expansion. Elles sont de l'ordre de 260 000 000 $ en
dollars courants. Finalement, les emplois nouveaux pour l'exploitation des
réseaux et non pas pour leur construction, sont de l'ordre de 1700.
Les membres présents à cette commission, qui
représentent plusieurs régions du Québec, pourront
être intéressés de voir au tableau 4.5 comment sont
répartis, au niveau régional les investissements dont nous
parlons. Evidemment, nous ne couvrons pas toutes les régions du
Québec, mais, quand même, il s'agit d'investissements qui, par
leur nature même et sans qu'on ait à y mettre de notre propre
vertu, sont diversifiés et régionalisés.
Les biens et services que tout cela entraîne. Quant aux services,
100% des services requis sont acquis au Québec. Ces services concernent
la gérance de projets, la conception, l'ingénierie, etc. Donc,
les services sont québécois à 100%. Il y a une erreur dans
le texte; à la page 19, au deuxième paragraphe, il faudrait lire:
Ces services représentent "65%" des investissements totaux, et non pas
"55%". C'est une faute de frappe. Donc, un contenu
entièrement québécois quant aux services. Quant aux
biens qui sont acquis et qui représentent 35% des dépenses
d'immobilisations, leur contenu québécois n'est que de 40%
actuellement. Nos objectifs, bien sûr, sont d'accroître ces 40% et
nous pourrons y revenir tout à l'heure. M. Yves Rheault, qui est ici
avec moi, pourra vous donner des exemples; il pourra non seulement
décrire nos démarches ou faire état de nos intentions,
mais donner des exemples concrets de biens qui pourraient être
fabriqués ou assemblés au Québec et auxquels nous
pensons.
Finalement, la commercialisation du gaz naturel comprimé dans le
transport routier. Il s'agit d'un nouveau produit au Québec. Il y a de
nouveau, ici, des possibilités de fabriquer au Québec des
réservoirs, des trousses de conversion. Actuellement, les
véhicules qui sont convertis au gaz naturel comprimé utilisent
comme réservoirs des cylindres d'acier qui sont importés. Nous
voulons fabriquer au Québec des cylindres d'aluminium. Bref, en
investissements directs, il y a environ 2 500 000 000 $. Les retombées
au Québec en termes d'emploi, d'achat de biens et services, à
notre avis, sont considérables.
Mais tout cela, qui est, à mon avis, fort éloquent, peut
être multiplié par l'approvisionnement en gaz naturel de notre
marché québécois si nous ne nous contentons pas de nous
approvisionner chez le fournisseur traditionnel qui est TransCanada PipeLines.
C'est le point 4.2 de notre mémoire aux pages 21 et suivantes. Il y a de
nouveau beaucoup de chiffres à citer, mais je vais essayer de
résumer et de ne citer que les chiffres essentiels.
Pour 1 000 000 000 de pieds cubes vendus dans un marché de
distribution, un BCF comme on dit en anglais, un "billion cubic feet", le
retour ou le rendement aux producteurs est de 1 000 000 $, c'est-à-dire,
pour faire des chiffres ronds, qu'actuellement le Québec consomme 100
BCF et que, chaque année, cette consommation au Québec
représente des achats, à la tête de puits, qui sont
équivalents et qui représentent 100 000 000 $ en
bénéfice pour les producteurs. Notre point, et c'est l'objectif
immédiat que poursuit SOQUIP après ou parallèlement
à l'expansion des marchés gaziers au Québec, c'est de
prendre nous-mêmes une part substantielle de la production du gaz naturel
requis pour approvisionner le marché québécois.
Les chiffres sont cités aux pages 21 et 22, mais, en
résumé, j'ai parlé d'une expansion du marché qui
pourrait représenter 155 nouveaux BCF en 1990, dans cette seule
année. Sur ces 155 nouveaux BCF, il y en a environ 100 qui ne sont pas
encore contractés - pour prendre le jargon du métier - et notre
point est que, sur les 100 qui ne sont pas encore contractés, SOQUIP et
ses partenaires pourraient légitimement et pratiquement viser à
vendre la moitié - je ne parle pas de la totalité, je ne parle
pas d'un monopole, je ne parie pas de politique préférentielle -
des nouveaux volumes du marché de l'expansion. Les chiffres que cela
donne sont extraordinaires. D'ici à 1990, si nous poursuivons cette
démarche, si nous "québécisons", si on peut dire, notre
propre approvisionnement et en avisant que ce serait la moitié des
nouveaux volumes d'ici à 1990, les bénéfices sont de
l'ordre de 270 000 000 $ sur la période et, si on ne prend qu'une seule
année, ils sont de 50 000 000 $ en 1990. (11 h 45)
M. le Président, quand je dis qu'il s'agit là d'un de nos
objectifs, c'est un objectif vital pour nous car, comme société
d'Etat dans l'exploration et la production gazières, nous ne
considérons pas que nous sommes dans cette affaire pour faire du
missionnariat. Nous y sommes pour générer des revenus et faire
des bénéfices qui, ultimement, reviennent ici.
Au mois d'août dernier, nous avons présenté devant
l'Alberta Energy Resources Conservation Board, qui est l'autorité qui
permet d'exporter hors de l'Alberta des volumes gaziers, notre première
requête. Je vous la montre pour vous indiquer que ces démarches ne
se résument pas à mettre une lettre à la poste. Il s'agit
d'un dossier substantiel et scientifique qu'il faut ensuite aller plaider. Et
nous avons reçu, lundi, le jugement sur cette requête en
même temps que sur les requêtes d'autres requérants tels que
TransCanada PipeLines, Pan Alberta Gas, Pro Gas, etc.
Nous avons obtenu notre premier permis d'exportation de gaz de l'Alberta
vers les marchés québécois. Ce premier permis est relatif
à un premier contrat de vente que nous avons avec Gaz
Métropolitain et les premières livraisons commenceront à
l'automne 1983.
Donc, cet objectif, j'en parle avec autant de conviction que je peux,
est primordial et est directement relié à l'expansion des
marchés gaziers au Québec.
L'exploration et la production d'hydrocarbures, en page 23. Je l'ai dit,
notre politique dans ce domaine se divise en deux: la production et
l'exploration. Pour la production, je n'ajoute pas à ce que j'ai
déjà dit. Notre objectif dans le domaine de la production est de
produire du gaz naturel et d'en produire assez pour fournir, dans
l'immédiat, la moitié des nouveaux volumes de gaz requis par
l'expansion au Québec et ramener ici des bénéfices
substantiels. Notre politique dans le domaine de l'exploration est à
moyen terme et elle vise d'abord à explorer le territoire
québécois qui n'a pas encore été exploré: il
s'agit du golfe Saint-
Laurent, de l'estuaire du Saint-Laurent et de la Gaspésie. On
pourrait vous montrer une carte de ces régions si cela vous
intéresse. Notre politique d'exploration est à moyen terme.
D'abord le territoire québécois et en même temps la
côte est.
Depuis la politique fiscale annoncée en 1980, dite taxe des
raffineurs, environ -j'espère que mon chiffre est exact, on me corrigera
- 13 500 000 $ ont été dépensés pour
accélérer et couvrir l'exploration dans l'estuaire et le golfe
Saint-Laurent - vous voyez la carte ici - en territoire
québécois, et ce programme a pris la forme de contrats
d'affermage de certaines entreprises sur des permis détenus par SOQUIP.
Je cite ces entreprises: Western Star, ici, qui a pris un affermage sur nos
territoires de la Basse-Côte-Nord; Petrofina, qui a été une
des premières à affermer sur nos territoires et qui est, depuis,
devenu Petro-Canada, c'est le jaune; Esso Imperial qui se situe au sud de
l'île d'Anticosti; Texaco et sa filiale SAREP, Société
acadienne de recherches et d'explorations pétrolières; Amoco
était déjà détenteur d'intérêts dans
nos permis depuis longtemps.
Si c'est possible de voir, toutes les lignes noires qui sont
tracées ici représentent les travaux de lecture sismique qui ont
été faits au cours des années et, en particulier, depuis
que ce programme accéléré a été
amorcé en 1980. SOQUIP - vous voyez que ce sismique couvre même le
territoire de l'Île-du-Prince-Édouard ou s'étend en dehors
des eaux territoriales du Québec - est la seule entreprise
pétrolière d'exploration qui détienne 40 000
kilomètres de sismiques qui couvrent tout ce territoire.
Ce territoire se sépare en deux bassins très
différents, celui qui se situe au nord, c'est l'estuaire pour
l'essentiel et celui qui se situe au sud de cette ligne rouge est ce qu'on
appelle le golfe Saint-Laurent. Ce bassin sédimentaire est plus vieux -
on parle de millions d'années, M. Plante va nous donner l'âge de
nos fréquentations, 100 millions et l'autre...
M. Plante (Jacques): 100 millions pour le Nord et 250 millions
à 300 millions pour le Sud.
M. Martin: Alors, une jeunesse de 250 millions d'années.
Ce territoire et celui du Sud, dit du golfe Saint-Laurent, est celui qui,
à notre avis, est le plus propice à ce moment-ci à des
forages parce que la sismique qui y a été faite a permis
d'identifier, en territoire québécois comme en territoire de
l'île-du-Prince-Édouard, des structures qui, en gros, vont du
sud-ouest des Îles-de-la-Madeleine jusqu'au nord-est, structures
géologiques propices et dont on retrouve des jumelles ici
également. Alors, c'est un chapelet de structures dont les deux
principales sont celles dites de Millerand qui se trouve ici et celle dite de
Port-au-Port -comme ils nous disent à la météo - qui se
trouve là.
Nous sommes prêts...
Une voix: Ce n'est pas en territoire québécois.
M. Martin: Nous sommes toujours en territoire
québécois à l'intérieur de la ligne jaune qui est
tracée par nous; si on se réfère au programme
énergétique national, la ligne est tracée
différemment, mais je passe par-dessus ce détail dont vous
pourrez débattre.
M. Fortier: ...nos voisins
M. Grégoire: ...des lignes selon qu'elles sont
tracées par le gouvernement d'Ottawa ou par le gouvernement
provincial.
M. Martin: Je pourrais vous faire cela à main
levée, au risque de me tromper; selon le gouvernement d'Ottawa, la ligne
vient ici, fait le tour de l'île d'Anticosti et descend comme cela, tout
simplement. Alors...
M. Grégoire: Cela ne se rend même pas aux
Îles-de-la-Madeleine?
M. Martin: Oui.
M. Grégoire: La ligne fédérale?
M. Martin: Oui. Je ne veux pas parler pour les absents,
d'ailleurs, et je n'ai pas leur ligne. Essentiellement, elle est ici, fait le
tour de cela, descend là et il y a les Îles-de-la-Madeleine.
M. Rodrigue: Cette ligne du Québec, est-ce le
résultat de tractations ou d'ententes qui ont été faites
avec les autres provinces? Il me semble qu'on avait discuté avec les
autres provinces à un moment donné.
M. Martin: Cette ligne jaune qui est ici est le résultat
des ententes qui effectivement sont intervenues il y a au moins quinze ans
entre les provinces limitrophes: Île-du-Prince-Édouard,
Nouveau-Brunswick, Québec, Terre-Neuve et Nouvelle-Écosse aussi,
tout le monde s'est entendu là-dessus.
M. Grégoire: Alors, si je comprends bien, toutes les
lignes provinciales sont acceptées par les quatre provinces
intéressées et seul le gouvernement d'Ottawa ne les accepte
pas.
M. Martin: C'est exact. Enfin, je
reviens au fond marin, si vous voulez. Alors, à notre avis, le
plus grand potentiel que nous avons identifié actuellement se trouve ici
au sud, sud-ouest, ou sud-est des Îles-de-la-Madeleine. Avec nos
partenaires qui sont, dans ce cas-ci, Texaco et même Imperial qui a un
affermage dans un autre permis et Petro-Canada, nous pourrions forer soit cet
été, soit l'été prochain, sur ce site qui est un
site qu'on n'a pas précisément dévoilé, mais,
à toutes fins utiles, qui est situé à 20 kilomètres
au sud-ouest des Îles-de-la-Madeleine. Dans la partie nord, les travaux
sismiques se poursuivent et, surtout, l'analyse des relevés sismiques se
poursuit. Ce qu'on peut dire, c'est qu'on voit moins de choses qu'on en a vu
là, pour l'instant.
Je pense que cela pourrait intéresser les membres de la
commission de voir quel est le type de fond qu'on retrouve dans le golfe par
rapport à celui que l'on retrouve dans l'estuaire au large. Dans le
golfe, on a un fond qui au-delà du socle, ce qui est en rose, est
caractérisé par des dépôts de sel. Ces
dépôts de sel sont, soit saillants, qui montent jusqu'en haut
comme ceux-ci, soit non saillants, qui représentent des oreillers,
"pillows" comme on les appelle en anglais. Les dépôts
d'hydrocarbures se logent dans les zones jaunes qui sont les grais, de sorte
que, sur le site minerai, un forage est proposé sur le dessus d'un
dôme de sel non saillant, au-dessus duquel sel les grais forment
eux-mêmes un dôme, ce qui n'empêcherait pas de forer
ultérieurement dans les flancs des dômes saillants, dans le jaune
qui est là.
Par opposition à ce type de formation -ici il s'agit d'un dessin
qui représente - c'est trop petit - une ligne ici qui va de la
Gaspésie au nord du Cap-Breton - dans l'estuaire, les formations
géologiques sont différentes. Vous voyez immédiatement que
le socle a été renfoncé par une saillie
créée par les montagnes de la Gaspésie qui ont
bougé de ce côté, de sorte que les hydrocarbures pourraient
être emprisonnés dans ces zones-ci, qui sont des zones où
le piège serait formé par des failles dans le roc. On pourrait
continuer là-dessus, mais nos objectifs en exploration sont de vider
cette question. Notre façon de la vider, c'est de trouver quelque chose
ici. Un forage à Millerand pourrait coûter entre 25 000 000 $ et
35 000 000 $.
M. Fortier: Combien cela prend-il de forages pour faire
l'exploration?
M. Martin: Ici, cela prend un forage pour savoir, étant
donné qu'il s'agit d'une structure fermée, complète,
identifiée et bien "cartée". Vous voyez que les lignes sismiques
autour sont très détaillées. Un forage est
significatif.
M. Fortier: Si vous n'en trouvez pas, il n'y en a pas.
Une voix: C'est comme les puits artésiens.
M. Fortier: Non, non, mais c'est l'impression que j'ai. Il dit
qu'un forage est significatif. C'est comme "it is all white, it is all black".
Je veux dire: Tu l'as ou tu ne l'as pas.
M. Martin: Je préférerais laisser répondre
mon vice-président en exploration qui, comme tous les explorateurs, sans
doute vous dirait qu'un forage suffit rarement et qu'un forage
révèle souvent des indices...
M. Fortier: Vous pensez à un autre ordre d'auditions.
M. Martin: ...qu'il faut confirmer par la suite par d'autres
forages.
M. Fortier: Oui.
M. Martin: Je pense qu'on pourrait revenir devant la commission
ou dans d'autres lieux pour expliquer davantage ces questions. Je vois que le
temps a réellement couru; je reviens donc à un point que je
trouve quand même important de souligner. Cela se rapporte non seulement
aux propos d'ouverture du ministre, mais aussi aux propos d'ouverture du
député d'Outremont. Nous croyons qu'il y a un lien - c'est la
partie 5 de notre mémoire - positif, évidemment, entre la
disponbilité du gaz naturel dans une économie et son
développement. (12 heures)
Je vais essayer d'aller rapidement là-dessus. Je crois que la
commission voudra bien me laisser quelques minutes. Il s'agit pour nous d'un
point extrêmement important. Le gaz au Québec, comme au Canada,
comme aux États-Unis, s'adresse d'abord aux industries. Il s'adresse
d'abord aux industries, parce que le gaz naturel possède des
qualités intrinsèques de propreté, d'efficacité, de
précision dans le degré de chaleur, de fiabilité,
d'absence de stockage, de non-pollution, de facilité d'entretien, de
non-corrosion, etc., qui en font un combustible privilégié par
les industries. Je pense que l'enjeu de l'expansion - en plus des dollars
investis dans les tuyaux, dans les compteurs, des emplois qui sont
suscités pour construire tout cela - est de savoir si le gaz naturel
contribuera au développement industriel et économique du
Québec.
Je demanderais aux membres de la commission de se référer
au tableau 5.1 de la page 28. Si on veut mesurer d'abord les
possibilités d'expansion du gaz naturel au Québec et son impact,
il faut se référer à la structure industrielle du
Québec, d'une part,
et surtout à la structure de la consommation
énergétique du Québec. Au tableau 5.1, qui est un tableau
global qui n'entre pas dans les détails, vous avez la liste des 20
groupes industriels majeurs du Québec. Vous voyez leur consommation
énergétique totale. Vous voyez tout de suite que la part de
l'électricité dans ce marché est de 40%. C'est excellent.
C'est un signe de santé. C'est non seulement une source de revenus pour
Hydro-Québec, mais un signe de santé pour notre industrie
québécoise. Cependant, remarquez les colonnes pétrole et
gaz naturel. Le gaz naturel ne fournit que 13,9%, soit 14% de l'énergie
consommée par nos entreprises, nos industries au Québec, alors
que le pétrole en fournit 42%. Tout ce que je veux dire aux membres de
la commission, c'est que ce bilan est déséquilibré. Il est
bon pour l'électricité, il est mauvais en ce qui a trait à
la part respective du pétrole et du gaz naturel. Nous pensons que ce
déséquilibre est nuisible à notre industrie.
Je tourne la page, M. le Président, je veux attirer votre
attention sur le tableau 5.2 où les mêmes groupes industriels sont
cités non seulement quant à la première colonne,
"consommation énergétique totale", mais aussi quant à ce
qu'on appelle "intensité énergétique". Bien sûr,
dans la consommation énergétique totale, on voit de gros chiffres
qui sautent aux yeux: première transformation des métaux, 133 843
térajoules - on me dit que ce sont des billions de joules - et ainsi de
suite. Mais regardez la colonne "intensité énergétique",
c'est-à-dire l'énergie consommée par dollar de biens
produits. Si vous combinez les deux colonnes - je cherche mon tableau - vous
voyez se dégager tout de suite les groupes suivants: première
transformation des métaux, produits du pétrole et du charbon,
produits minéraux non métalliques, papier et activités
connexes, industrie chimique et le numéro 8, qui devient dans ma liste
le numéro 6, aliments et boissons.
Nous pensons que ces groupes industriels que je viens de citer, dont on
retrouve la liste justement à la page 30, sont les plus susceptibles de
voir leur situation concurrentielle améliorée par la venue du gaz
naturel au Québec, non seulement en raison de la qualité du
produit dans les procédés industriels, mais aussi en raison du
prix du gaz. Je pense qu'il faudrait s'arrêter à la question du
prix du gaz. On est prêt à en parler.
Je vous invite à regarder le tableau 5.3, à la page 30.
Regardez en Ontario les mêmes industries, quelle est leur consommation de
gaz: 57% de l'énergie utilisée pour faire leur production vient
du gaz. Au Québec, ce n'est que 13%. Il y a une erreur là: le
11,6% c'est un 13%; au Québec, seulement 13%. Nous pensons que notre
industrie est défavorisée par cette situation.
M. le Président, si vous voulez me donner une seconde pour parler
de prix, je vais faire distribuer un tableau qui ne fera sans doute
qu'effleurer le sujet et lancer le débat.
Est-ce que vous avez ce tableau? Est-ce qu'il est distribué?
Situation concurrentielle du gaz naturel dans la grande industrie. Si vous avez
le tableau en main, il y a deux dates qui apparaissent à gauche: mars
1983 et août 1983. Je vais m'en tenir à mars 1983 pour l'instant
et ce sont des chiffres observés.
Tarif général grande puissance HydroQuébec,
à 0,0275 $ le kilowattheure, cela équivaut à 8,06 $ en
million de BTU utiles. Si vous encerclez ce 8,06 $, je vous invite à
aller complètement à droite au prix du gaz naturel en service
continu, l'équivalent est de 5,87 $ en million de BTU utiles.
Je saute pour l'instant, mais sans l'ignorer, le prix de
l'électricité excédentaire. Je vais au prix de
référence Rack Price à Paris. Prix de
référence du mazout no 6 en million de BTU utiles 5,87 $, qui est
donc le même prix que le prix du gaz naturel en mars 1983 en million de
BTU utiles, qui est à 4,99 $ le MPC; le baril est à 31,36 $ pour
le mazout. Donc, vous voyez le zéro qui représente un avantage
comparatif nul de part et d'autre. Dans la colonne tarif général
grande puissance Hydro-Québec, vous voyez un 27,2% qui représente
l'avantage comparatif des 5,87 $ par rapport aux 8,06 $.
Si on passe au mois d'août 1983, vous voyez que le prix du million
de BTU utiles dans le mazout demeure à 5,87 $ et que le prix du gaz
naturel a baissé à 5,72 $, ce qui donne un avantage comparatif de
2,6%.
Quand on compare le mazout et le gaz naturel, évidemment on peut
faire toutes sortes de combinaisons quand on parle de l'interruptible, du
continu, de l'excédentaire, de la grande puissance, etc.
Je veux attirer l'attention des membres de la commission sur un point
avant de débattre tout cela parce qu'on peut en débattre
longtemps. En mars 1983, nos chiffres montrent que, pour un million de BTU
utiles, le gaz naturel en service continu est au même prix que
l'équivalent en mazout. Nous faisons remarquer toutefois aux membres de
la commission qu'il ne s'agit pas du même produit. Le gaz naturel est un
produit non polluant, pour ne citer que cela, tandis que le mazout est un
produit extrêmement polluant. Sur ce point, nous ne demandons pas au
gouvernement de modifier les règles ou les règlements ou les
normes de l'environnement, mais nous demandons au gouvernement de faire
appliquer les normes actuelles de l'environnement qui fixent des plafonds de
contenu de soufre dans le mazout, lesquels plafonds sont de 1,5% par
baril ou par gallon à Montréal et de 2,5% au
Québec, à l'extérieur de Montréal. Nous pensons
que, si ces règlements étaient appliqués au fur et
à mesure que le gaz naturel devient disponible dans une région,
le mazout perdrait ipso facto son marché.
Voilà ce que j'ai à dire sur les prix pour tout de suite.
Je pense qu'on voudra débattre des prix de l'avenir, des perspectives
mondiales et de la position concurrentielle par rapport à l'Ontario.
Ainsi, je saute tout le reste de notre mémoire sur les avantages du gaz
naturel, son utilisation dans les procédés, son influence
industrialisante. Je pense que les distributeurs gaziers vous en reparleront
mieux que nous.
En conclusion, nous disons que nous sommes engagés dans des
investissements de 2 500 000 000 $ pour le transport et la distribution du gaz
naturel. Nous pensons que les retombées immédiates sont
considérables. Nous pensons qu'au-delà de ces retombées
immédiates des retombées prochaines existent. Il s'agit
d'approvisionner notre propre marché avec notre propre production. Nous
pensons finalement que, du point de vue de la politique
énergétique ou du point de vue de la santé
économique du Québec, l'électricité constitue
l'atout no 1 et que le gaz naturel constitue l'atout no 2 parce qu'il
amène une diversité et une compétitivité dans les
prix. Je crois que tout cela est bienfaisant pour notre économie.
Là-dessus, je m'arrête, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le président.
M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais aire au
départ, étant le représentant du seul actionnaire du
premier intervenant, que je serai peut-être moins loquace sur certains
sujets pour laisser la parole à d'autres. Je voudrais entendre SOQUIP
expliciter quelques aspects précis du mémoire qui, soit dit en
passant, est substantiel. On pourrait certainement passer la journée et
la soirée sur ce mémoire, mais je voudrais attirer votre
attention sur certains points. Vous pouvez les noter et répondre en un
seul bloc, soit vous-même, M. Martin, ou encore vos collaborateurs.
Je comprends que vous avez, avec beaucoup d'insistance, identifié
la force d'attraction des profits des producteurs dans l'Ouest. Je pense que
cela va de soi; s'il y a de l'argent à gagner, je ne vois pas pourquoi,
au départ, on dirait qu'on n'ira pas. Je voudrais que vous
développiez davantage deux aspects: l'implication actuelle de SOQUIP
dans les puits et le projet que vous avez en tête et son mécanisme
de financement, en taisant, pour l'instant, les noms des acolytes qui
pourraient vous y accompagner.
Ensuite, je voudrais tester une chose avec vous. Quand on parle de
l'avenir, on a plus de chances de se tromper que lorsqu'on parle du
passé ou du présent. Vous ambitionnez un marché de 155
BCF. Si je me reporte au tableau que vous avez fait distribuer vous visez 17,9%
du bilan à l'horizon de 1990. Mes propres chiffres sont un peu plus
modestes. Je crois avoir parlé de 16%. Pour l'horizon de 1990, on ne se
chicanera pas pour 1,9%; on pourra peut-être se rattraper en chemin. Mais
je voudrais que vous nous disiez comment se répartit ce bloc de 155 BCF
dans toutes les régions du Québec.
Vous n'avez pas beaucoup parlé du mazout lourd et de ce que
j'appellerais sa présence inutile sur nos marchés, mais libre
à vous de nous donner votre propre explication et les meilleurs moyens
d'améliorer la situation. (12 h 15)
Je suis très intéressé par l'un des aspects de
votre mémoire sur le développement industriel et ses effets
d'entraînement. Vous avez donné l'exemple d'une nouvelle compagnie
qui vient de naître de gaz naturel comprimé. Je pense que c'est
l'un des cas bien concrets et bien pratiques qu'on ne projette pas dans
l'avenir, mais qui vit et qui existe. J'aimerais que vous expliquiez davantage
pour qu'on puisse tester si on fait un bon coup de se lancer dans ce que
quelques-uns appellent maintenant le boom de l'aluminium, pour voir si on ne
pourrait pas déplacer l'acier. J'ai l'impression qu'on s'en va vers une
lutte, durant les prochaines années, entre le Québec et
l'Ontario: l'aluminium contre l'acier.
Il y a un élément qui m'apparaît important et sur
lequel vous avez insisté, c'est l'exploration. Je voudrais que vous
précisiez davantage ce que cela peut impliquer comme investissement.
Est-ce qu'on devra faire un, deux, trois forages? Je pense bien que, si on en
fait un et que le puits est sec, on conviendra que, comme mon ancien professeur
de physique le disait, quand on cherche de l'eau pour installer un puits
artésien, que l'on creuse et qu'il n'y a pas d'eau, c'est parce qu'il
n'y en a pas. C'est un peu simpliste, mais c'est exactement comme cela qu'on
nous l'explique.
Dans le pétrole, présence d'hydrocarbures, principalement
de gaz, j'imagine, comment cette mécanique d'exploration
fonctionne-t-elle? Il y a un premier forage. Est-ce qu'il y a un second forage
qui le confirme avant de se lancer dans une production? Combien cela
coûte-t-il? Et surtout, combien cela prend-il de temps?
Vous avez donné des chiffres, également, de plusieurs
milliards de dollars. Chaque fois que le gaz naturel progresse en
déplaçant du mazout importé, il y a, bien sûr, une
amélioration très nette de notre
balance commerciale. J'aimerais que vous repreniez ces
chiffres-là. Vous avez indiqué que c'était sur la
période et je n'ai pas trop saisi si votre comparaison d'environ 800 000
000 $ par rapport à 400 000 000 $ était sur l'horizon 1985, sur
l'horizon 1990 ou sur l'horizon de l'an 2000. Je vais m'arrêter ici, M.
le Président.
M. Martin: Pour répondre à votre première
question - je vais les prendre dans l'ordre, je pense que ce sera plus simple
-SOQUIP, actuellement, a investi dans l'Ouest canadien, depuis le début
de son existence, 9 000 000 $ par rapport à des dépenses totales
d'exploration de 88 000 000 $, soit environ 10%. Ces investissements de 9 000
000 $ ont permis jusqu'à maintenant d'établir des réserves
prouvées et probables -je vais les appeler prouvées pour les fins
de la discussion à ce moment-ci - qui se situent entre 45 000 000 000 et
60 000 000 000 de pieds cubes, BCF. La règle de base dans l'industrie,
c'est d'allouer une valeur de 1 $ par mille pieds cubes, ce qui veut dire,
grosso modo, que la valeur des réserves de SOQUIP dans l'Ouest est de
l'ordre de 40 000 000 $ à 60 000 000 $. C'est la valeur aujourd'hui.
Tout ce gaz fait partie de champs dans lesquels nous ne sommes pas
seuls. Comme cela se fait dans ce genre d'entreprises, nous détenons,
dans divers champs, un intérêt qui peut varier de 5% à 50%.
Mais les chiffres que je cite représentent notre part de ces ensembles.
Tout ce gaz est, à ce moment-ci, sous contrat avec des vendeurs de gaz
et il est essentiellement destiné au marché américain. Si
ces contrats sont respectés, ce gaz ne serait donc pas disponible pour
les marchés du Québec. Si les contrats de vente au marché
américain ne sont pas respectés parce que les Américains
en achèteraient moins pour diverses raisons, comme c'est d'ailleurs le
cas, ce gaz deviendrait disponible pour le marché de l'Est. Nous sommes
donc là dans une position qui est relativement confortable parce que
nous aurions un marché alternatif par rapport à notre
marché actuel, si notre marché actuel diminuait.
J'ai oublié de citer qu'une proportion de ce gaz est sous contrat
pour des consommateurs à l'intérieur de l'Alberta même. Peu
importe. Notre stratégie pour développer notre mise en production
en vue de desservir le marché québécois est de construire
à partir des éléments que nous avons, c'est-à-dire
de construire à partir de nos atouts, qui sont de trois ordres. Il y a
d'abord notre propre présence dans l'Ouest et les partenaires que nous
avons, ce qui a généré des réserves qui valent
environ 50 000 000 $; donc, notre expérience et nos partenaires. Notre
deuxième atout, et il est de taille, c'est que nous détenons la
clé du marché de l'Est. Gaz Inter-Cité et Gaz
Métropolitain sont libres d'acheter leur gaz où elles veulent,
mais SOQUIP, comme actionnaire majoritaire, est en mesure, tout naturellement,
d'influencer ces choix. Donc, notre deuxième atout, c'est le fait que le
Québec représente au Canada le seul grand marché potentiel
pour le gaz et nous en détenons la clé. Notre troisième
atout, c'est notre personnel. Notre personnel à SOQUIP a une très
bonne expérience du oil & gas de l'Ouest et est en mesure
d'être encore plus actif qu'il ne l'a été jusqu'à
maintenant à mesure que nous lui fournirons l'occasion d'agir.
Donc, ce que nous avons en tête, c'est de construire,
d'établir, d'asseoir une tête de pont corporative dans l'Ouest, en
Alberta, sous forme de fusion, d'acquisition - peu importe la nature exacte de
la transaction -d'établir une présence corporative dans l'Ouest
qui sera chargée de chercher les meilleurs moyens de mettre en
production le plus rapidement possible et au moindre coût possible des
réserves de gaz existantes, dites "shut-in" qui sont là et qui
attendent un marché.
Le financement de ce genre d'affaire, disons qu'il serait traditionnel
dans le sens qu'il faut, évidemment, que l'actionnaire investisse dans
son entreprise, mais il serait non traditionnel dans le sens que le fait de
détenir la clé du marché facilite grandement le
financement "up front" ou l'emprunt requis pour mettre en production des
réserves existantes alors que le marché est assuré.
Donc, le financement, et c'est peut-être là le fond de
votre question de ce point de vue, ne requerrait pas d'argent massif
supplémentaire nouveau de la part de l'actionnaire de SOQUIP pour qu'une
telle transaction se réalise. Nous pensons que nous avons deux voies
pour réaliser ce que j'appelle notre objectif no 2 qui est
d'approvisionner une partie du marché de l'Est: la voie "A" est celle
qu'on pourrait appeler des petits pas ou de l'étapisme,
c'est-à-dire de marcher contrat par contrat à mesure que le
marché de l'Est se développe, de signer des contrats de vente aux
distributeurs et, en retour, de faire des arrangements avec des producteurs de
l'Ouest auprès desquels nous prendrions un intérêt. L'autre
voie, la voie "B", c'est d'y aller d'une façon un peu plus agressive et
de faire une acquisition sans qu'elle soit absolument spectaculaire, qui serait
déjà relativement consistante et qui nous donnerait dès le
départ une assise en réserve, en argent, en financement et en
personnel, qui serait plus consistante.
Ce sont des éléments que nous discutons actuellement et,
en tout état de cause, nous ne ferions pas de telles transactions seuls,
mais avec des partenaires. Ce que nous recherchons, c'est tirer parti
non seulement de notre position par rapport au marché ici, mais
tirer parti de ce que j'appellerais la géopolitique de la "business",
faire une jonction Québec-Alberta sur la base d'intérêts
mutuels de deux compagnies.
M. Fortier: Est-ce que je peux vous poser une question? Vous avez
dit tout à l'heure que les champs gaziers que vous possédez dans
l'Ouest sont partagés avec d'autres partenaires, ce qui est tout
à fait normal. Vous avez parlé tout à l'heure de revenus
qui viendraient de la vente ici. Est-ce que les revenus dont vous avez
parlé seraient uniquement pour le bénéfice de SOQUIP ou
seraient-ils partagés à même les autres actionnaires qui
possèdent les champs gaziers?
M. Martin: Ils seraient nécessairement partagés.
Nous utilisons un chiffre rond en disant que, sur les 155 nouveaux BCF de
l'année donnée 1990, nous en visons 50 pour nous. On pourrait
dire cela différemment. On pourrait dire que SOQUIP et ses partenaires
en visent 100 sur les 150 et que le transporteur ou le fournisseur classique
TransCanada en garderait 50. Nous donnons le chiffre 50 comme un ordre de
grandeur qu'on croit raisonnable pour être la part de SOQUIP...
M. Fortier: Et de ses associés.
M. Martin: ...et de ses associés. C'est toujours un mixte.
C'est un ordre de grandeur.
M. Fortier: D'accord. Cela répond à ma question.
Merci.
M. Martin: Seulement, pour éviter de jeter de la poudre
aux yeux, pour vendre un BCF de gaz dans une année donnée, il
faut établir à la satisfaction des autorités albertaines
que nous en avons 20 au total en réserve. Donc, si on multiplie 20 ans
de réserve par 50 BCF dans une année - je me mêle souvent
dans mes zéros - je pense qu'on s'en va du côté de 1 TCF.
Justement, l'ordre de grandeur de tout cela montre que, même à la
moitié de cela, la "business" serait déjà très
grosse. (12 h 30)
Sur l'autre point, les 16% ou 18%, en effet, votre chiffre est de 16 et
le nôtre est de 18 et il représente notre objectif corporatif.
Mais disons que le résultat pourrait se situer quelque part entre les
deux, entre 140, 145 et 155 nouveaux BCF.
Le Président (M. Laplante): Je m'excuse, M. Martin, de
vous enlever la parole pour quelques instants. C'est que, d'après
l'ordre de l'Assemblée nationale, nous devions terminer nos travaux
à 12 h 30; ça me prend une permission des membres de la
commission afin de continuer plus tard.
M. Fortier: On peut aller jusqu'à 13 heures.
Le Président (M. Laplante): Jusqu'à 13 heures.
Consentement accordé. Allez-y, M. Martin.
M. Martin: Je vais y aller rapidement. Donc, sur les 150 nouveaux
BCF, le marché de Montréal en représente à peu
près 50, le marché de Gaz Inter-Cité en représente
à peu près 100. Là-dessus, il y a un partage industriel,
commercial et institutionnel - M. Jean Guérin va donner des chiffres -
et un partage régional aussi dans le territoire de Gaz
Inter-Cité. Je lui passe la parole là-dessus.
M. Guérin (Jean): M. le ministre, les chiffres qui
composent plus précisément les 155 BCF se divisent entre le
territoire de GMI, le territoire de Gaz Inter-Cité et celui de la
société Gazifère de Hull et de Gaz Provincial du Nord de
la façon suivante: c'est 62 BCF d'expansion chez Gaz Métro, 92
pour GICQ dans son territoire et un BCF pour la société
Gazifère de Hull et Gaz Provincial du Nord.
Les 92 BCF de GICQ se répartissent de la manière suivante:
environ 20 BCF dans l'Estrie, 25 au Lac-Saint-Jean, 28 en Mauricie et 19
à Québec, pour un total de 92.
La répartition de ces ventes par secteur de consommation
diffère également légèrement entre Gaz Métro
et Gaz Inter-Cité. Chez Gaz Métro, les ventes dans l'expansion
seront réparties globalement ainsi: 20% dans le secteur
résidentiel, 40% dans le secteur commercial et environ 40% dans le
secteur industriel; alors que, pour Gaz Inter-Cité, les ventes se
répartissent à raison de 20% dans le résidentiel, 20% dans
le commercial et 60% dans l'industriel.
M. Martin: Quant au mazout lourd, dans notre document, nous
faisons une projection des surplus de mazout. C'est dans la partie que nous
n'avons pas traitée. Je vais essayer de retrouver le tableau pour votre
bénéfice. J'espère qu'il y est. C'est à la page 47.
Il y a deux scénarios, de 1983 à 1990, scénario A,
où la qualité du pétrole, c'est-à-dire du brut qui
entre à la raffinerie, est constante, ou le scénario B, où
la qualité du brut qui entre à la raffinerie se dégrade.
On peut faire là les choix qu'on veut. Il est probable, d'après
nous, que la qualité du brut qui entre au raffinage se dégradera
au cours des prochaines années. Les surplus ou les déficits de
mazout lourd, vous les voyez à la dernière ligne de chacun de ces
deux tableaux et les chiffres y sont. M. Jean
Guérin peut les commenter, surtout aussi commenter l'impact de
ces surplus sur le marché, et en particulier les mesures qui seraient
appropriées pour assainir le marché.
M. Guérin: Disons, d'abord, qu'en 1982 la situation s'est
passablement améliorée puisque la production de mazout lourd a
diminué d'environ 20 000, et même plus, barils par jour. La
consommation a également diminué, mais dans une moins grande
proportion, de sorte que le marché du mazout lourd au Québec
s'est resserré. Cette diminution importante de la production de mazout
lourd au Québec en 1982 est due principalement à deux raisons, la
première étant que la demande d'essence a fait une chute
très très élevée. Or, le fonctionnement des
raffineries est principalement axé sur la satisfaction de la demande
d'essence. Si la demande d'essence diminue, il y a moins de production qui sort
de la raffinerie. Par conséquent, le résidu qu'on appelle le
"bunker" ou "le mazout lourd" est produit en moins grande quantité.
Il y a également une autre raison qui fait que la situation est
passée d'un surplus de mazout lourd en 1981 à presque un
déficit en 1982. C'est que l'abondance de pétrole sur le
marché international a fait en sorte qu'il était plus facile pour
les raffineurs de se procurer du pétrole léger à basse
teneur en soufre, donc du pétrole de meilleure qualité. Donc,
pour répondre à une demande d'essence déjà plus
faible, avec une meilleure qualité de pétrole, la quantité
de brut requise est moins élevée et les résidus qui
sortent de la raffinerie pour produire cette essence ou ce pétrole
léger sont moins élevés.
Cependant, quand on regarde les années à venir, la plupart
des experts s'entendent sur le fait qu'on ne peut pas espérer maintenir
un approvisionnement international très très léger pour
plusieurs années, parce que tant au Canada que sur les marchés
internationaux le pétrole de bonne qualité est de plus en plus
rare, et le pétrole qui est de plus en plus courant et qu'on vend est le
pétrole lourd. Advenant ce scénario qu'on croit fort plausible,
fort possible, soit la détérioration de la qualité du
pétrole brut, pour répondre à la même demande -
c'est la simulation qu'on a faite ici - en 1990, par exemple, vous auriez un
surplus de mazout lourd d'environ 46 000 barils/jour au lieu de 20 000 ou 20
700 barils dans le cas où la qualité actuelle moyenne du
pétrole importé se maintiendrait.
Selon les prévisions de l'ONE et selon les prévisions de
la plupart des gens du secteur de l'énergie au Canada, on doit devenir
à assez brève échéance de plus en plus
dépendant du marché international. On va être
confronté à cette détérioration de la
qualité du brut et, par conséquent, dépendamment du
"mixte" exact qu'on aura dans cette qualité des approvisionnements, on
prévoit avoir à l'heure actuelle un surplus en 1990 qui variera
entre 21 000 et 46 000 barils/jour.
M. Duhaime: Je voudrais avoir une précision. Quand vous
dites qu'on va devenir de plus en plus dépendant du marché
international...
M. Guérin: Oui, monsieur.
M. Duhaime: ...pour nos approvisionnements dans l'avenir, est-ce
que cela veut dire qu'il n'y aura plus de pétrole conventionnel
disponible dans l'Ouest? Si oui, dans combien de temps, suivant les
prévisions de vos experts?
M. Guérin: II est difficile de donner une précision
aussi exacte que de dire le jour, le mois et l'année où le
pipeline Sarnia-Montréal va être asséché. Ce qu'on
sait, c'est que les réserves de pétrole classique de l'Ouest
canadien ont encore une durée de vie, au rythme de consommation actuel,
d'environ 10 à 12 ans. Elles vont s'épuiser rapidement, mais
l'Ontario, dans la chaîne des approvisionnements, vient avant le
Québec. Alors, nous serions les premiers à être
coupés lorsque ces réserves auront atteint un seuil critique en
termes de niveau.
Le Canada comptait beaucoup sur l'augmentation de l'offre
pétrolière en développant les sables bitumineux, en
développant le pétrole de la mer de Beaufort, en
développant le pétrole de l'Est. Mais avec la chute et
l'affaiblissement des prix qu'on constate présentement, ces projets
deviennent de plus en plus lointains. Selon la plupart des prévisions,
on devrait faire face à un retour complet sur le marché mondial
d'ici 1985, 1986.
M. Duhaime: Serait-ce une situation nouvelle?
M. Guérin: Ce serait un retour.
M. Duhaime: D'ici 10 ou 12 ans, par exemple, un bon matin qu'on
soit obligé de constater qu'il n'y a plus de pétrole
conventionnel dans l'Ouest, est-ce que ce sera la fin du monde ou bien si on se
retrouvera dans une position qu'on aura déjà vécue avant
1973?
M. Guérin: On se retrouvera dans la même position
qu'on a vécue durant toute l'histoire du Québec avant 1976,
année qui marque la date de l'ouverture du pipeline
Sarnia-Montréal. Alors, on serait comme avant 1976, c'est-à-dire
totalement dépendant des marchés étrangers pour nos
approvisionnements pétroliers, avec tous les aléas
que cela comporte en termes de sécurité
d'approvisionnement.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Duhaime: M. le Président, j'avais adressé
d'autres questions à M. Martin; si le député d'Outremont
veut intervenir dès maintenant, je ne voudrais pas que mes questions
partent avec le soleil.
M. Martin: Pour compléter, il y a la question sur les
moyens d'éliminer le mazout lourd ou de réduire son impact dans
le marché de l'énergie. Il y en a plusieurs. Je pense que M. Jean
Guérin devrait compléter sa réponse là-dessus.
M. Guérin: Concernant les moyens, même si la
situation, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, s'est
améliorée sensiblement au cours de l'année 1982, on
prévoit quand même des surplus non négligeables au cours de
1983-1990. Les moyens à court terme qui pourraient être mis en
place pour résorber ce problème de surplus seraient les suivants.
Pour le Québec, on pense à l'application de la norme de soufre
qui existe au ministère de l'Environnement, mais dont l'application est
plus ou moins respectée. M. Martin a mentionné tout à
l'heure une norme de soufre de l'ordre de 2,5%. Si cette norme était
respectée, cela forcerait les raffineurs à vendre un produit - le
"bunker" ou le mazout numéro 6 - de meilleure qualité. Ce produit
étant de meilleure qualité devrait commander un prix plus
élevé et, par conséquent, non seulement on
résoudrait une bonne partie du problème de la pollution au
Québec, mais on rendrait de ce fait le gaz naturel plus
compétitif. Voilà pour la norme de soufre.
On peut également penser, à titre de suggestion ou
d'hypothèse, à l'imposition d'un prix plancher qui ferait en
sorte que le prix du mazout lourd devrait respecter un rapport de 75% par
rapport au prix du "bunker". Ce qu'on constate et ce qu'il est important de
souligner, c'est que, historiquement, le prix du "bunker" en relation avec le
prix du pétrole brut était de l'ordre de 90% à 95% du prix
du pétrole brut. Depuis l'arrivée du gaz naturel et à
mesure qu'on fait l'extension du gaz naturel, que le réseau gazier
arrive dans une ville, on constate que l'accroissement de la
compétition, qui, à court terme, est dans l'intérêt
des consommateurs, a pour effet de faire en sorte que le prix du "bunker"
tombe. Cependant, les raffineurs, dans l'état précaire où
ils sont, ne pourront pas maintenir cette situation longtemps, ils vont devoir
retourner à des politiques de prix du mazout lourd qui sont plus en
accord avec le taux historique de 90% et 95%. Cette démarche va nous
aider considérablement d'ici quelques années.
J'ai parlé des mesures pour le Québec. Sur le pian
national, le gouvernement fédéral étudie des
possibilités depuis plusieurs mois sinon plusieurs années, mais,
semble-t-il, il s'apprête très prochainement à faire
l'annonce de mesures importantes pour réduire l'importation de mazout
lourd et réduire, décourager l'importation de pétrole
lourd au Québec et également prendre des mesures pour favoriser
l'exportation du mazout lourd, en particulier par l'entremise des raffineries
de Montréal et du Québec en général. Cela pourrait
favoriser grandement la pénétration du gaz, parce que cela
réduirait l'offre de mazout lourd au Québec en diminuant les
importations de "bunker", en diminuant les importations de pétrole lourd
et cela ouvrirait un nouveau marché qui est celui de l'exportation. Cela
devrait contribuer à assainir grandement le marché du
pétrole lourd au Québec.
M. Duhaime: J'aurais une question. J'aurais peut-être
dû la poser tantôt. Si je comprends bien votre explication,
actuellement le gouvernement fédéral émet des permis
d'importation de mazout lourd, ce qui empêche le gaz naturel de
pénétrer. C'est cela?
M. Guérin: Oui.
M. Duhaime: Quand va-t-ii changer d'idée et arrêter
d'émettre des permis d'importation de mazout lourd? Avez-vous une
idée?
M. Guérin: C'est l'annonce qu'il doit faire d'une semaine
à l'autre.
M. Martin: Le plus tôt sera le mieux.
M. Guérin: Alors, il doit faire celle-ci d'ici une semaine
ou deux, me dit-on, c'est-à-dire réduire les subventions à
l'importation de mazout lourd...
M. Duhaime: Qu'est-ce que vous dites? En plus d'émettre le
permis d'importation, il y a des subventions?
M. Guérin: C'ert cela.
M. Duhaime: J'essaie de comprendre la logique de favoriser la
pénétration du gaz naturel sur le marché
québécois et, en même temps, maintenir une politique
d'émission de permis d'importation de mazout lourd et de le
subventionner en plus. C'est cela que je ne comprends pas.
M. Guérin: C'est un effet irréconciliable et un
manque de convergence dans les
politiques, c'est certain. Le gouvernement fédéral a
cependant la difficulté de concilier les régions là
où il est présent avec les régions où le gaz ne
l'est pas.
M. Martin: À mon avis, c'est que les importations de
mazout qui sont faites directement par des industries devraient être
interdites. Les permis d'importation ne devraient pas être
accordés dès que le gaz naturel devient disponible dans une
région. Je pense à la région de Trois-Rivières en
particulier, où nous sommes devant non seulement un cas
hypothétique, mais réel, où des clients industriels qui
consomment beaucoup d'énergie importent encore du mazout.
M. Duhaime: Alors, on continue d'importer du mazout lourd avec un
permis fédéral et une subvention?
M. Martin: Oui.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
(12 h 45)
M. Fortier: M. le Président, j'aimerais dire en premier
lieu que la commission parlementaire est fort utile, mais je m'aperçois,
si on prend le problème du mazout lourd, qu'en lisant d'autres
mémoires, en particulier celui de Shell, il y a des différences
d'opinion considérables et que la forme de débat - j'imagine que
le ministre a dû penser à d'autres formes de débat - ne
nous permet pas une contradiction entre les experts qui pourraient
peut-être, mieux que nous, faire valoir les arguments différents
au profit de la population.
J'aimerais dire, en partant, que les opinions que j'ai émises
vont dans le sens de tenter de faire valoir certaines idées. En tant
qu'ingénieur, je reconnais le bien-fondé de la
pénétration du gaz et du fait que le gaz, sur le plan de la
protection de l'environnement en particulier et pour d'autres facteurs, a des
valeurs intrinsèques considérables. En théorie, bien
sûr, toute région qui pourrait bénéficier à
la fois de deux, trois ou quatre formes d'énergie serait dans une bien
meilleure situation que si cela n'était pas le cas. Je crois que les
questions que j'ai posées et les opinions que j'ai émises vont
dans le sens d'un réalisme économique pour tenter de cerner la
réalité telle qu'elle est et non pas de voir les problèmes
tels qu'on voudrait qu'ils soient. Il faut voir également qu'il y a des
coûts.
On parle, entre autres, du mazout lourd. Sans vouloir entrer dans ce
débat-là, il reste qu'il y a des compagnies - pour prendre celles
que vous avez nommées - qui ont de la difficulté à
concurrencer d'autres compagnies aux États-Unis et qui cherchent
à limiter leurs coûts de production le plus possible. C'est
là qu'est réellement le problème: de quelle façon
peut-on harmoniser les politiques générales avec les
intérêts de certaines industries qui cherchent à diminuer
leurs coûts de production le plus possible pour pouvoir rivaliser avec
d'autres compagnies qui sont dans le même champ d'activité et qui,
elles, peuvent bénéficier d'énergie à meilleur
marché? Ce n'est pas simple de trancher cela et on sait que, lorsqu'on
prend ce genre de questions-là par des réglementations
excessives, on crée des paradis artificiels, qui peuvent avoir des
conséquences néfastes sur certaines industries. Le sens de mes
questions va dans cette direction-là, c'est-à-dire de tenter de
cerner la réalité.
Je crois que, sur la question des principes, on s'entend.
Personnellement, je ne suis pas actionnaire - j'étais actionnaire
d'Hydro-Québec, mais l'an dernier cela a été
nationalisé par le ministre des Finances qui a rapatrié toutes
les actions - je n'ai pas partie liée avec les compagnies de
pétrole. Mon intérêt dans ce débat-là est
tout à fait intellectuel, politique et économique et je n'ai pas
partie liée avec un marché ou avec l'autre. Cependant, pour
parler des coûts -et j'en ai fait état sur d'autres tribunes - je
crois que le Québec - j'ai mentionné certains handicaps tout
à l'heure, il y en a plusieurs - doit se préoccuper des
coûts de production. Si on ne se préoccupe pas de cela, je crois
qu'on ne va pas dans la bonne direction et, en ce qui concerne les coûts,
c'est très important. Personnellement, j'ai essayé de cerner la
réalité pour savoir si le gaz, à cause de ses
qualités intrinsèques, pourrait amener certaines industries
à venir s'établir ici. La réponse à cela est oui.
Mais si on essaie de départager les mérites pour tenter de cerner
dans quelle mesure l'industrie se tournerait vers le gaz à cause de
cela, je crois qu'on peut arriver à des pourcentages divers. Les experts
ne s'entendent pas beaucoup, mais, enfin, on peut arriver à 15% ou 20%.
Pour le reste des clients, ce qui va prédominer, c'est la question du
coût, les coûts de production, les coûts de l'énergie.
Je crois que, si on veut être réaliste et trouver des solutions
à notre développement économique, on devrait se
préoccuper de cette question.
Encore là, il serait utile d'avoir avec nous, aujourd'hui, les
gens qui expriment des opinions différentes. J'ai lu votre tableau -vous
en avez fait état vous-même - sur la question de la situation
concurrentielle du gaz naturel vis-à-vis des autres formes
d'énergie. J'aimerais quand même vous poser des questions puisque
l'Association des consommateurs industriels de gaz ne semble pas être de
votre avis. Cela me préoccupe hautement parce que ces gens disent qu'ils
consomment présentement 50% du gaz au Québec et ils font un plat
avec le fait que
les prix du gaz ont augmenté considérablement depuis un
an, qu'ils sont de beaucoup plus élevés maintenant qu'en Ontario
et qu'il est très dangereux de favoriser peut-être une
pénétration dans d'autres régions où,
peut-être, certains industriels, dans une proportion
indéterminée, iraient vers le gaz. Alors, je crois que c'est
toute la question des prix.
Pour avoir parlé à certaines personnes, je crois qu'une
chose qui n'est pas comprise, c'est de quelle façon on détermine
les prix du gaz. On parle aux gens et on nous dit: M. le député,
vous n'avez pas raison, les prix du gaz sont les mêmes en Ontario et au
Québec puisque la politique fédérale est que les
distributeurs de gaz en Ontario et au Québec achètent au "Toronto
Gate", au même prix. La première question est celle-ci:
Pourriez-vous nous dire, M. le président de SOQUIP, comment les prix
sont déterminés et comment se peut-il, étant donné
que les distributeurs de gaz en Ontario et au Québec achètent le
gaz au même prix, que les prix du gaz soient différents au
Québec de ceux de l'Ontario, et dans quelle mesure les investissements
qui sont faits par Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité se
reflètent-ils dans ces coûts? J'imagine qu'ils sont
éventuellement acceptés par la Régie de
l'électricité et du gaz. Je crois qu'il est important que vous
nous disiez quelle est la dynamique des coûts et comment il se fait
qu'ils puissent être différents de ceux de l'Ontario, étant
donné que les distributeurs des deux provinces les achètent au
même prix.
M. Martin: II est exact que le prix du gaz à
l'entrée de la franchise est le même en Ontario et au
Québec. Il est actuellement de 4,16 $ les mille pieds cubes; que ce soit
Union Gas, Consumers, Norcen, Gaz Métropolitain ou Gaz Inter-Cité
qui l'achètent, chacune de ces entreprises l'achète au même
prix: 4,16 $ les mille pieds cubes. Pour les fins de la discussion, je pense
qu'on peut, pour le moment, oublier comment ce prix est composé en
amont. Prenons-le à la "City Gate", au point de livraison. En outre du
prix de la matière elle-même, le distributeur facture ce qu'on
appelle le coût de service. Ce coût de service est effectivement
différent si on fait des moyennes sur l'ensemble des volumes de gaz
vendus par Union, Consumers ou Gaz Métropolitain. Il est
différent, essentiellement, pour une raison, c'est que le réseau
des distributeurs ontariens a atteint sa maturité au fil des 20
dernières années et que, par conséquent, ses
dépenses sont amorties et ainsi de suite; il y a moins d'investissements
à réaliser. D'après nos calculs, il y a une
différence de 5% entre le coût moyen du gaz vendu aux industriels
en Ontario et le prix du gaz vendu aux industriels au Québec, à
première vue. Nous n'avons pas en main le mémoire de l'IGUA et
nous n'avons pu analyser ses chiffres, mais nous sommes d'accord pour dire
qu'il y a une différence que nous estimons à peu près
à 5%.
Une voix: 4%.
M. Martin: 4%, mais il s'agit là de moyennes. En plus de
ces chiffres qui sont sommaires, il faut analyser en détail la structure
de tarification et la structure de consommation de chaque client, et notamment
le jeu qui existe entre le ferme et l'interruptible - l'interruptible est vendu
moins cher que le ferme - et, pour chaque client, selon ses besoins
énergétiques, son type de production, son calendrier de
production, le fait que son entreprise soit saisonnière ou pas, etc. Il
y a un jeu dans sa politique d'approvisionnement entre le ferme et
l'interruptible qui peut faire varier son coût d'énergie de
façon sensible.
Les distributeurs Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité vous
parleront certainement de leur politique de prix auprès des clients
industriels. Je me contenterai de dire ceci: Dans le marché de
l'expansion, chacun des deux distributeurs a la même politique, à
savoir aller desservir en priorité les marchés industriels et ne
desservir qu'après coup les marchés résidentiels, qui sont
les moins rentables. Si la politique des deux distributeurs était
l'inverse, à savoir qu'ils voudraient pénétrer le
marché résidentiel d'emblée, évidemment, leurs
investissements initiaux seraient plus élevés par mille pieds
cubes vendus, de sorte que la distribution de la facture totale sur tous les
clients, y compris sur les clients industriels, serait plus
élevée.
Donc, la politique des distributeurs Gaz Métropolitain et Gaz
Inter-Cité, c'est de réduire au minimum les coûts du gaz
vendu aux clients industriels. C'est un premier point et je pense que M. Jean
Guérin va vouloir ajouter là-dessus. Mais je voudrais vous faire
part d'une idée que nous analysons actuellement et qui est la suivante:
il s'agirait d'avoir des prix de gaz pour les clients industriels qui seraient
différents selon qu'il s'agirait d'une simple conversion d'une usine
existante au gaz, auquel cas le prix serait à 100 ou à 1, ou
qu'il s'agirait d'une expansion d'une usine existante, auquel cas le prix du
gaz pourrait être de 90 ou de 0,8, ou encore qu'il s'agirait d'une
nouvelle implantation industrielle, auquel cas le prix du gaz vendu à
l'industriel pourrait être de 75.
Je cite cela comme un exemple non seulement des multiples combinaisons
possibles lorsqu'il s'agit de déterminer le prix du gaz, mais comme un
exemple d'une façon d'utiliser le gaz naturel pour favoriser
l'expansion industrielle et les nouvelles implantations
industrielles.
M. Fortier: Autre chose à ajouter?
M. Guérin: Je voulais tout simplement ajouter un
complément d'information à ce qui explique la différence
de prix entre l'Ontario et le Québec. M. Martin a mentionné le
degré de saturation des réseaux, ce qui fait que le taux
d'utilisation des infrastructures est plus élevé, c'est vrai.
Également, il y a un autre facteur, c'est qu'on est dans la même
zone, donc le prix livré est 4,16 $ à Montréal et à
Toronto, mais 4,16 $ c'est en relation avec un coefficient d'utilisation de
100%. Si votre coefficient d'utilisation est moins élevé parce
qu'à Montréal, par exemple, vous n'avez pas les facilités
de stockage souterrain que vous avez en Ontario, vous avez, dans l'achat de gaz
et l'utilisation du gaz, un facteur d'utilisation moindre, ce qui augmente
votre coût du gaz à l'entrée de la franchise.
M. Fortier: Je comprends bien cela, c'est qu'en Ontario cela fait
longtemps que le réseau de distribution existe. Ils ont plus
d'industries que nous, j'imagine; donc, il y a plus de consommateurs
industriels qui consomment du gaz. Je comprends la situation. Cependant, juste
pour revenir sur les prix dont vous faisiez état, ici le document de
l'association donne les prix MPC - c'est mille pieds cubes, cela - en vigueur
le 1er février 1983: Gaz Inter-Cité 5,25 $, Gaz
Métropolitain, 5,02 $, Union Gas, 4,68 $, Consumers Gas, 4,66 $ et
Northern & Central Gas, 4,44 $. Alors, il y a des différences
appréciables pour ce service. En se basant sur ces prix ils disent,
à titre d'exemple: une papeterie à Trois-Rivières qui
voudrait consommer 10 000 pieds cubes par jour en service continu et qui
paierait le prix moyen aurait un coût additionnel de 2 200 000 $ par
année comparativement au prix moyen dans le réseau de Northern
& Central Gas dans la zone est.
C'est malheureux que ces gens ne soient pas ici pour défendre
leur mémoire, mémoire qui nous vient des grands consommateurs de
gaz qui, j'imagine, connaissent leurs coûts réels. Ils regardent
leurs factures en fin d'année - on ne regarde pas des cas
hypothétiques - ils regardent les coûts réels. Ils
comparent. Peut-être que ces grandes entreprises ont également des
activités en Ontario; alors, ils voient la différence. (13
heures)
C'est la raison qui m'a amené à dire que c'était
une différence très importante qui pourrait même affecter
le développement économique. Si on prend une industrie qui a des
usines au Québec et en Ontario, si elle a un choix à faire et si
le prix de l'énergie est important, toutes choses étant
égales par ailleurs, c'est certain que cela va défavoriser le
Québec. Connaissant la situation au Québec où nous avons
moins d'industries, vous allez dans des régions où le
marché peut être assez restreint à l'occasion. Compte tenu
de l'ampleur des investissements - parce que j'accepte d'emblée que
l'ampleur des investissements que vous allez faire va créer de l'emploi
- cela va, comme vous venez de le dire, continuer à refiler aux
consommateurs des coûts additionnels, ce qui est le cas lorsque des
sociétés de distribution ont des coûts à absorber
à cause des emprunts elles font, du rendement pour les actionnaires,
etc. Alors, c'est l'ensemble de cette problématique qui m'amenait
à poser la question: N'est-on pas réellement en train de
créer - étant donné comme vous le dites vous-même,
qu'il est important pour vous d'avoir l'industrie pour rentabiliser la
distribution - rapidement une situation où on va faire de gros
investissements et où, finalement, l'industrie n'acceptera pas
d'utiliser le gaz parce qu'il sera moins économique qu'une autre forme
d'énergie ou moins économique qu'en Ontario?
Le Président (M. Laplante): Avant que vous donniez une
réponse, M. Martin, êtes-vous prêt à revenir ce soir
à 20 heures?
M. Martin: Nous sommes à la disposition de la
commission.
Le Président (M. Laplante): Les travaux sont suspendus
jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 13 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 11)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Est-ce que vous voulez reprendre vos places? En arrière, si vous
voulez retourner à vos fauteuils, s'il vous plaît! La commission
de l'énergie et des ressources se réunit pour étudier les
effets de la politique énergétique sur le développement
économique.
Membres de cette commission: M. Bor-deleau (Abitibi-Est); M. Ciaccia
(Mont-Royal); M. Duhaime (Saint-Maurice); M. Fortier (Outremont); M.
Grégoire (Frontenac); M. Kehoe (Chapleau); M. Lavigne (Beauharnois); M.
LeBlanc (Montmagny-L'Islet); M. Middle-miss (Pontiac); M. Perron (Duplessis);
M. Rodrigue (Vimont).
Intervenants: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); M.
Bisaillon (Sainte-Marie); M. de Belleval remplacé par Mme Harel
(Maisonneuve); M. Desbiens (Dubuc); M. Dus-sault (Châteauguay); M. Leduc
(Saint-Laurent); M. Mathieu (Beauce-Sud) remplacé
par Mme Bacon (Chomedey); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); M.
Tremblay (Cham-bly); M. Vallières (Richmond) remplacé par Mme
Dougherty (Jacques-Cartier).
Lorsque nous avons ajourné nos travaux ce midi, la parole
était au député d'Outremont.
Je m'excuse, monsieur, on m'informe d'un changement dans les noms. Dans
les intervenants, M. Léger (Lafontaine) remplace M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue). M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je crois que lorsqu'on s'est quitté, M. le
président faisait état d'une inquiétude sur les
coûts et je crois qu'on était sur la composition des coûts.
La question que j'avais posée était: Comment se composent les
coûts? Et je crois que M. Martin expliquait pour quelles raisons les
coûts au Québec pouvaient être différents ou plus
élevés que ceux de l'Ontario, compte tenu du fait que le prix de
vente aux distributeurs était le même au Québec et en
Ontario.
Je crois qu'on expliquait que, d'une part, les deux
sociétés québécoises qui sont des filiales ou des
compagnies associées de SOQUIP doivent financer leurs investissements et
doivent obtenir un rendement sur le capital et sur les emprunts qu'ils font.
Donc cela ajoute un coût comparativement à des
sociétés ontariennes qui, elles, n'ont peut-être pas le
même volume d'emprunt à faire - d'ailleurs c'est tout à
fait typique d'une société qui est en expansion - et, par
ailleurs, l'autre dimension du problème se retrouve dans le fait que,
l'Ontario étant beaucoup plus industrialisée que le
Québec, lorsqu'un embranchement est construit, la vente de gaz des
sociétés surtout industrielles puisque je crois que c'est
l'industrie qui, finalement, assure le financement adéquat, en plus du
marché domestique. Lorsqu'il y a plus de clients industriels, cela
assure une meilleure rentabilité.
On en était à cela, je crois, et on faisait état
des différences. J'avais mentionné, juste avant qu'on se quitte,
les différences de prix qui sont incluses dans le mémoire de
l'Association des consommateurs industriels de gaz. En fait, j'ai fait le
calcul. On mentionnait les prix en milliers de pieds cubes en vigueur le 1er
février 1983, profit brut demandé par le distributeur de gaz
naturel dans la zone Est à l'industrie, pour un service continu, selon
le prix moyen. Alors, on faisait état de 5,25 $ pour Gaz
In-ter-Cité Québec Inc., 5,02 $ pour Gaz Métropolitain,
4,68 $ pour Union Gas, 4,66 $ pour Consumers Gas et 4,44 $ pour Northern &
Central Gas. Alors, j'ai calculé la différence: Si on prend Union
Gas qui est à 4,68 $, cela donne une différence de 7,2% par
rapport à Gaz Métropolitain et 12% par rapport à Gaz
Inter-Cité Québec Inc. Si on fait le calcul par rapport
à Northern & Central Gas qui est le plus bas, cela donne à
peu près 18%. De toute façon, quelle que soit la
différence, si les explications qu'on nous a données ce matin
valent - je crois qu'elles valent sûrement - ce problème ira en
s'accentuant puisque le programme d'investissements dont a fait état M.
Martin est en ce sens qu'il va se continuer sur une grande échelle
pendant quatre ou cinq ans. Alors, on en était là-dessus. Je
demandais des commentaires à M. Martin sur ce
phénomène.
M. Martin: M. le Président, avant d'aborder cette
question, je voudrais, très rapidement, corriger une erreur que j'ai
faite, ce matin à propos des volumes de gaz qui vont remplacer des
barils de pétrole. Je parlais de 155 BCF qui représentent un
coût de 644 000 000 $. Apparemment, j'ai dit 644 000 000 000 $ au lieu de
644 000 000 $, ce qui se compare à une valeur de pétrole
déplacé de 929 000 000 $ et non 929 000 000 000 $. J'ai un
document ici. J'imagine que...
M. Fortier: Les membres de la commission pourraient corriger le
compte rendu.
M. Martin: Je dois dire que le personnel du journal des
Débats est fort versé dans les questions
énergétiques, parce qu'il nous a téléphoné
cet après-midi pour nous signaler que, sans doute, j'avais
été emporté dans les zéros ou dans les points.
Alors, j'en viens à la question des prix. Je vais tâcher
d'y aller rapidement, compte tenu de l'heure et des autres intervenants. Il est
exact que les tarifs que vous avez cités et qui sont dans le
mémoire de l'IGUA pour les distributeurs de l'Ontario sont, comme tarifs
en services continus, moins élevés, dans une certaine mesure, que
les tarifs de Gaz Inter-Cité et de Gaz Métropolitain. Il faut
tout de même comprendre et signaler que les tarifs de Gaz
Métropolitain au Québec constituent une fourchette entre un
minimum et un maximum. Dans les chiffres que vous avez cités, je crois
que c'est la moyenne qui est utilisée.
Dans le marché de l'énergie en Ontario, le mazout se vend
2 $ moins cher qu'au Québec. Ce qui explique, jusqu'à un certain
point, la nécessité pour les distributeurs de l'Ontario
vis-à-vis de leurs clients industriels de garder leur prix du gaz plus
bas que celui du mazout ou en concurrence. On voit déjà là
une raison de cette différence dans les tarifs de gaz.
D'autre part, je vous ferai remarquer que les coûts de
l'électricité sont plus élevés en Ontario qu'au
Québec, de sorte que lorsque les distributeurs de gaz de l'Ontario sont
en concurrence avec l'électricité, en
particulier dans le domaine commercial et résidentiel, ils
augmentent le prix du gaz. Ce n'est pas là le problème de l'IGUA
qui représente les consommateurs industriels, mais cela illustre quand
même que dans un marché donné, la concurrence joue sur la
façon dont les prix au consommateur, au client, sont
déterminés.
Quoi qu'il en soit, je pense que ce qui est important, c'est que les
distributeurs de gaz naturel au Québec ne vendent pas des tarifs, mais
de l'énergie. Au-delà des tarifs que l'on peut comparer, il est
probablement plus utile de comparer les prix de vente de l'énergie et la
façon dont cette énergie est vendue. Chez les clients
industriels, au Québec en particulier, on a tendance à faire un
"mix", un "package" ou un bouquet de continus et d'interruptibles, ce qui fait
que, en moyenne, le prix de l'énergie vendue se compare au prix moyen de
l'énergie vendue en Ontario. Quand je dis "se compare", je dis que ces
prix se situent maintenant entre 4 $, je vais utiliser un chiffre de 4,50 $,
les 1000 pieds cubes pour les grands clients industriels. À 4,50 $ les
1000 pieds cubes, c'est un chiffre commode parce qu'il y a là-dedans un
mélange d'interruptible, de continu combiné au volume,
combiné à l'investissement requis pour aller desservir le client.
C'est un chiffre qui se compare bien aux chiffres qui apparaissent dans les
tarifs ontariens que vous avez cités et qui sont 4,44 $, 4,66 $, 4,68 $
pour Union Gas.
Dans le document cité, il y a aussi une petite distorsion qui
n'invalide pas la cause des clients industriels, mais, en Ontario, il y a quand
même trois zones tarifaires: la zone ouest, la zone nord et la zone
centre. Dans certains exemples cités, il y a confusion. De toute
façon, notre réponse est qu'au prix du produit vendu les
distributeurs québécois ont comme politique de faire aux clients
industriels le meilleur prix possible. Je dis que ce prix est
déjà comparable au prix de l'Ontario, malgré le fait que
les réseaux québécois soient en expansion, malgré
le fait que la saturation, la densité des réseaux, les
coefficients d'utilisation et les infrastructures soient évidemment plus
faibles.
À l'intérieur du marché québécois, le
prix en cours est compétitif. La preuve est que, malgré la
situation économique, malgré que les industriels n'aient pas
nécessairement en caisse les sommes requises pour payer leur part des
coûts de conversion, les industriels se convertissent au gaz. Si on isole
le seul facteur du coût du gaz, pour un client industriel, comme facteur
de localisation d'une usine, évidemment, on peut comparer le
Québec et l'Ontario, mais on pourrait à la rigueur, pour
caricaturer un peu mon argumentation, parler de l'Alberta et dire qu'un
industriel qui a une utilisation, un procédé qui est "gas
intensive" aurait avantage même à s'installer en Alberta.
Donc, quant à la localisation industrielle, on dit que la marge
actuelle entre le prix de l'énergie gazière au Québec par
rapport au prix de l'Ontario, premièrement, n'est pas si grande.
Deuxièmement, plus les marchés vont se développer, plus
les clients industriels vont acheter du gaz, moins la marge "l'overhead", si on
veut - va être élevée par rapport aux MPC vendus. Je
pourrais élaborer là-dessus, mais, en somme, ce sur quoi je veux
rassurer les membres de la commission, c'est que la politique de prix et la
politique d'investissement pratiquées par les gaziers, c'est de
desservir d'abord les clients industriels au meilleur prix possible.
M. Fortier: Cela étant dit, je vais poser une question. Je
crois que le plus simple, c'est de poser des questions et d'obtenir des
réponses. D'abord, la différence n'est pas très forte,
c'est peut-être seulement depuis un an qu'il y a eu des augmentations
importantes. Est-ce que vous acceptez le fait, étant donné les
investissements qui devront se faire et dont vous avez fait état
vous-même, qui vont se chiffrer à 1,9 milliard, enfin, selon les
distributeurs, que, compte tenu de ces investissements, les deux
sociétés distributrices au Québec devront augmenter leur
capital-actions et emprunter sur le marché des obligations?
M. Martin: Oui.
M. Fortier: Par conséquent, ce facteur va augmenter la
différence dont vous faites état présentement?
M. Martin: Cela demeure quand même à voir, parce que
les gros clients industriels se situent le long des conduites principales du
pipeline et des embranchements, de sorte que le coût d'investissement
direct pour desservir des clients industriels n'est pas nécessairement
élevé. Évidemment, les tracés des pipelines sont
faits de façon à se rapprocher le plus du gros client, de sorte
que c'est vrai que tous les investissements qui doivent être faits par
les distributeurs sont plus importants que ceux que les distributeurs de
l'Ontario feront, puisqu'ils en font peu. Nous pensons que la situation
compétitive du gaz à l'intérieur du Québec va
demeurer bonne et que l'écart avec l'Ontario ne va pas grandir, mais
qu'il va diminuer, à mesure que le "load factor", le...
M. Fortier: Le facteur de charge.
M. Martin: ...le facteur de charge augmentera. Bref...
M. Fortier: Ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que vous
restez optimiste
par rapport à l'avenir?
M. Martin: Non seulement on demeure optimiste, mais je vous dis
que...
M. Fortier: On n'en demande pas moins du président de
SOQUIP.
M. Martin: La politique corporative de chacun des distributeurs,
c'est de chercher le plus grand nombre de volumes ou de clients industriels
possible et aussi d'offrir à ces clients industriels les meilleurs prix
possible parce que nous sommes sensibles, comme tous les membres de la
commission sûrement, au fait que l'industriel québécois
doit être en compétition dans un marché qui est ouvert et
que - on en parlait ce matin, on parlait des industries à forte
intensité énergétique -évidemment, le coût de
l'énergie dans les coûts de production est souvent vital.
M. Fortier: N'est-il pas vrai qu'en dépit de ces
intentions que vous déclarez, les demandes qui ont été
formulées, et par Gaz Métropolitain et par Gaz Inter-Cité
à la Régie de l'électricité et du gaz, ont
été de demander d'obtenir des rendements beaucoup plus
élevés que toute autre compagnie d'utilité publique au
Canada, du moins l'an dernier, et que vos bonnes intentions quand même
subissent des contraintes telles que le rendement que vous devez obtenir pour
avoir un financement adéquat sur les marchés? Cela se comprend
mais représente une charge additionnelle, et même si vos
intentions sont de produire au meilleur coût, il n'en demeure pas moins
que vous devez subir cette contrainte de financement de l'accroissement de
votre parc de distribution.
M. Martin: C'est exact que nous avons des coûts de
financement. Les distributeurs ontariens auront pour leur part des coûts
de modernisation du réseau. Leur dette est plus ancienne que la
nôtre et parfois il est probable que leurs actions
privilégiées comportent des coûts plus faibles que les
nôtres, mais dans le gaz - comme dans l'électricité -
vendu, le coût du produit représente entre 75% et 80% du prix de
vente. Je regarde ici l'évolution des prix de l'énergie depuis
cinq ans: l'électricité au Québec a connu une augmentation
de 106%, de 1976 à 1981 le facteur est de 106%, le gaz naturel de 108%,
le mazout lourd de 186%, ce qui se compare évidemment au prix du brut
international qui a monté de 225% et au prix du brut canadien qui a
monté de 198%. Au-delà de cela, au-delà du prix du
produit, les marges bénéficiaires que les distributeurs ontariens
ont demandées et obtenues de leur régie ontarienne - M.
Guérin peut vous les citer - sont supérieures à celles qui
ont été demandées et obtenues par Gaz Métropolitain
et Gaz Inter-Cité.
M. Fortier: Est-ce que vous parlez du rendement ou de la
marge?
M. Guérin: On parle des marges brutes dans le secteur
industriel à grand débit. De 1979 à 1982, l'augmentation
de Gaz Métropolitain a été de 50%, alors que chez
Consumers Gas, selon les données propres de l'IGUA, l'augmentation a
été de 118%, et si la demande qui est présentement devant
l'Ontario Energy Board est acceptée, l'augmentation depuis 1979 sera de
167%. Le rythme d'augmentation des marges pour le secteur industriel chez
Consumers Gas, par exemple, pose des problèmes sérieux à
l'IGUA qui surveille, au Québec comme en Ontario, l'évolution des
coûts de l'énergie dans les coûts totaux de production.
M. Fortier: On parlait du rendement et tout cela, mais vous avez
dit tout à l'heure qu'en Ontario le prix du mazout lourd était
plus bas. Vous avez parlé également de la concurrence de
l'électricité d'une part, parce que dans le domaine industriel il
reste que, si on regarde en détail le prix de
l'électricité pour l'industriel, la marge s'amenuise de plus en
plus, quoiqu'il reste une différence favorable au Québec, j'en
conviens; mais vous avez quand même indiqué que le prix du mazout
lourd en Ontario est plus bas et qu'il y a donc réellement concurrence.
(20 h 30)
Si j'ai bien compris les commentaires qui ont été faits
lorsque le ministre a posé des questions, vous disiez que vous ne pouvez
pas accepter qu'il y ait du mazout lourd au Québec. Dans le fond, vous
ne pouvez pas refuser cette concurrence en disant: Si on l'a, on ne pourra pas
pénétrer le marché. Donc c'est une concurrence que vous
voulez éliminer dans une certaine mesure. Par ailleurs,
dernièrement, il y avait un programme d'Hydro-Québec pour la
conversion des chaudières électriques et du programme
biénergie.
La question que j'aimerais vous poser là-dessus est: Est-il vrai
- ce qui a été suggéré par certaines personnes -
que votre société ou les deux distributeurs auraient fait des
représentations pour qu'Hydro-Québec mette un frein au
succès qu'elle obtient pour la conversion de ces chaudières
électriques pour vous permettre de pénétrer le
marché?
M. Martin: Pour dire un premier mot sur le mazout, la situation
actuelle du mazout par rapport à celle du gaz en est une
d'équilibre quant au prix. Je répète par ailleurs ce que
je disais ce matin: si la norme de soufre, la norme de l'environnement qui est
actuellement la norme en vigueur au Québec était
appliquée, le prix du mazout vendu qui ne pourrait pas être
à teneur de soufre de 3% mais qui
devrait être à teneur de soufre de 2,5%, monterait
au-delà de 32 $, c'est 32,32 $ le baril, d'après nos calculs, ce
qui diminuerait évidemment sa position concurrentielle; ce serait une
augmentation de 2 $ par rapport aux prix pratiqués aujourd'hui. Mais,
ceci dit, quelle sera l'évolution des prix du mazout dans l'avenir? On a
aussi des documents là-dessus, on pourrait y revenir. 3e passe tout de
suite à l'électricité. Hydro-Québec a réussi
d'emblée, a réussi complètement son programme de vente
d'énergie excédentaire et son programme a été un
succès cette fois-ci, un succès complet, contrairement, si je
peux dire, à ce qui s'était passé dans les années
antérieures où ce programme existait déjà sans
connaître autant de succès. Notre position à ce propos est
que nous trouvons qu'Hydro-Québec a bien mis en marché son
produit, a une politique de mise en marché non seulement positive mais
agressive et imaginative qui a donné des résultats et nous l'en
félicitons.
Notre position est que dans le marché de l'énergie au
Québec il y a de la place pour les deux formes d'énergie, comme
je le disais ce matin. Pour occuper 41% du marché en 1990,
Hydro-Québec doit augmenter ses ventes de 5,6% par année. Ceci
dit, dans l'ensemble du marché québécois, certaines
régions sont desservies par le gaz et d'autres ne le sont pas. Ce que
nous disons c'est qu'Hydro-Québec peut moduler sa mise en marché
pour vendre en priorité ses surplus actuels dans les marchés qui
ne sont pas desservis par le gaz.
Le Président (M. Laplante): M. Martin, j'ai seulement une
petite remarque, parce qu'on a plusieurs organismes à entendre ce soir.
Comme nous avons un horaire très serré, y aurait-il
possibilité de raccourcir les questions et les réponses?
M. Fortier: On va essayer de raccourcir les questions et les
réponses.
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît!
Questions et réponses.
M. Fortier: Comme je veux laisser le temps à mes
collègues d'intervenir, je vais terminer. Vous n'avez pas exactement
répondu à ma question, à savoir si vous avez fait des
représentations, mais j'ai compris ce qui se cachait derrière
votre réponse. En terminant, puisque je veux laisser le loisir à
mes collègues de poser aussi des questions, certains experts proposent
que s'il y avait des changements à la politique nationale de
l'énergie, on devrait faire des représentations pour
suggérer au gouvernement fédéral la
déréglementation du gaz. Ils prétendent qu'avec les
surplus considérables qui existent dans l'Ouest, l'industrie du gaz dont
vous faites partie serait la première à profiter d'une
déréglementation qui amènerait une chute des prix et
faciliterait d'autant la pénétration du gaz au Québec.
Appuieriez-vous une demande - j'allais pour dire de l'Opposition - du
gouvernement afin de suggérer au gouvernement fédéral une
déréglementation du gaz à l'échelle nationale?
M. Martin: Ma réponse sera brève: oui. Je vous
passe les nuances et les circonstances, vu que c'est oui.
Le Président (M. Laplante): Merci de votre
coopération. M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: Merci, M. le Président. M. Martin, je
dois vous dire qu'avec votre mémoire, cette commission parlementaire
commence très bien puisque vous avez apporté un air frais
dès le départ à cette commission qui veut se pencher sur
l'avenir de l'énergie au Québec. Cela fait un peu contraste, je
dois vous le dire, avec le pessimisme que nous a laissé entrevoir dans
son allocution d'ouverture le député d'Outremont.
M. Martin, j'ai cinq questions à vous poser. Il y a eu,
semble-t-il, une espèce d'opposition qu'on a pu faire entre deux
thèmes du développement de l'énergie, soit la
diversification des sources énergétiques et de l'autre
côté, par opposition, une recherche de l'autonomie ou de
l'autosuffisance.
M. Martin, je voudrais vous poser rapidement la question: Voyez-vous que
les deux s'opposent? Y a-t-il moyen de diversifier et de rechercher en
même temps l'autonomie énergétique et l'autosuffisance,
tout en recherchant la diversification? Y a-t-il opposition entre ces deux
objectifs ou les deux peuvent-ils aller de pair, et la diversification
n'empêcherait-elle pas du tout la recherche de l'autonomie et de
l'autosuffisance?
M. Martin: Oui. Je vous répondrai qu'à mon avis, ce
sont des notions ou des objectifs tout à fait complémentaires. Ce
qu'on recherche au Québec, comme dans tous les pays, c'est la plus
grande autonomie énergétique possible. Une des sources de
l'autonomie ou de l'indépendance énergétique, c'est de
pouvoir compter sur des sources variées d'énergie. La
diversité des sources est un élément important de ce qu'on
pourrait appeler l'indépendance ou l'autonomie. Vous utilisez le mot
autosuffisance, ce qui supposerait qu'on serait totalement suffisant chez nous
pour toutes nos sources d'énergie. Je ne crois pas que cela soit
possible. Mais comme l'économie québécoise doit de toute
façon importer d'ailleurs une partie de son énergie,
la diversité est une bonne chose. La diversité, nous
l'appliquons en particulier au fait que l'économie du Québec est
trop dépendante du pétrole et que le gaz, de ce point de vue,
amène un élément de diversité qui est, à
notre avis, sain, sans dire vital, en tout cas qui est très positif.
M. Grégoire: M. Martin, j'ai employé les deux
termes "autonomie" et "autosuffisance", parce que, dans mon esprit,
"autosuffisance" tient également compte de nos exportations qui viennent
contrebalancer nos importations en matière
énergétique.
La deuxième question est la suivante: Dans le tableau que vous
nous avez montré ce matin, il y a des possibilités - j'insiste
sur ce terme - de découvertes de gaz naturel dans le golfe Saint-Laurent
et dans l'estuaire. Quelle serait la proportion, d'après vos calculs ou
d'après vos pronostics, de gaz naturel qui pourrait être
exploité au Québec par rapport à notre possibilité
de consommation?
M. Martin: Tout dépend des découvertes. Je vais
vous situer par rapport à un forage que nous proposons, sur la structure
actuellement identifiée - nous pensons - comme étant le meilleur
potentiel. Cette structure est celle de Millerand qui est indiquée sur
la carte par le point vert. La superficie du réservoir est de 35
kilomètres carrés, à peu près la moitié de
l'île d'Orléans, pour se donner une idée de l'ampleur de ce
dôme. Nous avons ici trois hypothèses - ce sont des
hypothèses - quant à l'épaisseur du réservoir. On
en connaît la superficie. Si ce réservoir avait 75 pieds
d'épaisseur, 150 pieds ou 300 pieds, ce qui nous paraît être
le maximum... les réserves en place à 300 pieds sont de 2,6 TCF,
j'y vais aux "trillions", aux billions de pieds cubes; si le réservoir
avait 150 pieds, on en est à la moitié, 1,3 TCF; s'il avait 75
pieds, une autre moitié ou le quart, 650 BCF. Il s'agit là de
notre estimation du gaz en place. Il faut comparer le gaz en place au gaz
récupérable parce que, compte tenu de la pression interne, tout
le gaz en place n'est pas récupérable. Le gaz
récupérable varie de 350 BCF dans cette structure à 1,5
TCF. Alors, 350 BCF, pour vous donner une idée, c'est trois fois et
demie la consommation annuelle du territoire de Gaz Métro actuellement.
Donc, cette seule structure ne nous amènerait pas à l'autonomie
ou à l'autosuffisance; si l'ensemble des structures qui forment le
chapelet entre Millerand et Port-au-Port étaient productives, on peut y
aller de nos pronostics, mais on peut multiplier ces chiffres par 3, 4 ou 5. Je
ne sais pas si je peux ensuite faire une règle de trois ou quelque chose
d'intelligent pour vous donner une idée, mais on pourrait à la
rigueur dire que cet ensemble de formation géologique pourrait
représenter cinq à quinze années de consommation sur le
territoire de Gaz Métro. Maintenant, pour compléter ma
réponse, je dois vous dire que, si le gaz est là, il faut
l'extraire et l'amener sur le sol. Il n'est pas dit que la meilleure
façon de l'amener sur le sol soit celle de l'amener sur le sol
québécois, compte tenu de la géographie. Il pourrait
vraisemblablement être exporté aux États-Unis, dans le
Nord-Est américain. Mais, une fois de plus, c'est donnant donnant. On
peut prendre du gaz de l'Alberta et vendre de l'autre au Nord-Est
américain. Le prix à l'exportation aux États-Unis est plus
élevé que le prix domestique canadien, de sorte qu'en terme de
dollars, il est plus payant de vendre du gaz aux États-Unis. D'autres
questions?
M. Grégoire: Oui, j'ai une troisième question, M.
Martin. Je prends les prévisions de SOQUIP pour la demande
d'énergie au Québec. Je vais prendre quelques minutes pour poser
ma question. Je m'aperçois que, pour le domaine résidentiel, dans
le document que vous nous avez distribué ce matin sur les
prévisions de SOQUIP pour la demande d'énergie au Québec,
pour les années 1981-1990, l'électricité passerait de
40,9% à 73,5%; le gaz naturel, de 7,7% à 15%, et le
pétrole de 51,4% à 9,8%. Ce qui fait une diminution substantielle
du pétrole. Dans le domaine commercial, c'est à peu près
la même chose. Là aussi, le pétrole diminuerait de 51,7%
à 9,9%. L'électricité augmenterait de 38,3% à 61,3%
et le gaz naturel de 10% à 25,7%. Dans le domaine industriel, il y a un
changement. L'électricité resterait stable à 43%; le gaz
naturel passerait de 17% à 28%; le pétrole de 35% à 24%,
mais, sur des quantités passablement plus grandes, à peu
près équivalentes au résidentiel et au commercial
combinés. Lorsqu'on arrive dans le transport,
l'électricité ne varie pas beaucoup, 0,2% à 0,5% le gaz
naturel de 0 à 1,3%. Et le pétrole, non plus, ne varie pas
beaucoup: de 99,8% à 98,2%. Là encore, c'est sur une
quantité assez importante, beaucoup plus importante ou autant que le
résidentiel. (20 h 45)
Si on compare cela au total général, cela veut dire que,
en 1990, 66% du pétrole ira au transport, 26% au secteur industriel et
10% aux deux secteurs combinés, résidentiel et commercial. Je
vois, dans votre mémoire, à la page 15, que Gaz naturel
comprimé Québec Ltée, qui est une filiale de SOQUP, veut
installer dans les cinq prochaines années 75 points d'alimentation de
gaz naturel comprimé pour le transport des flottes de camions, des
flottes de taxis, et que déjà il y a des subventions du
gouvernement fédéral, pour cette période - si j'ai bien lu
quelque part - de 500 $ pour la conversion du
véhicule et de 50 000 $ pour l'installation des postes
d'alimentation. C'est donc qu'il se fait un effort de ce côté.
En même temps, une autre société d'État qui
relève également du ministère de l'Énergie et des
Ressources, Hydro-Québec, fait des recherches sur les batteries
électriques pour automobile. Je vous avouerai franchement, M. Martin,
que je ne comprends pas que ce développement de l'automobile
électrique ne soit pas plus poussé. On sait tous qu'il y a vingt
ans, on se promenait dans de petites automobiles électriques sur les
terrains de golf où on pouvait faire 5 ou 6 milles sans problème.
Aujourd'hui, on en est encore aux 5 ou 6 milles, alors que tellement d'autres
moyens de locomotion sont allés beaucoup plus vite au point de vue
progrès. L'avion à hélices a été
transformé en quelques années en avion en réaction, en
fusée qui va sur la lune et qui s'approche d'autres planètes.
Dans le domaine de l'automobile électrique, cela n'a presque pas
progressé. On en est encore pratiquement au stade des voiturettes
électriques sur les terrains de golf.
Deux sociétés de la couronne, deux sociétés
d'État, relevant toutes deux du ministère de l'Énergie et
des Ressources, SOQUIP, par l'une de ses filiales, Gaz Naturel Comprimé
et Hydro-Québec, font des recherches sur des moyens de locomotion, de
transport électrique et au gaz naturel pour remplacer le pétrole.
Et pourtant, vous prévoyez toujours qu'en 1990, 98% de l'énergie
dans le domaine des transports sera encore au pétrole.
M. Martin, j'aimerais savoir, si vous vous lancez à deux
sociétés d'État, dans deux moyens de diversification,
c'est parce que vous croyez que les deux peuvent être en opération
en même temps, doublant le système d'approvisionnement et doublant
le système de transport automobile. Est-ce que vous faites cette
compétition en vous disant que le premier qui arrivera au but prendra le
marché? Est-ce que vous faites cette compétition entre deux
sociétés d'État en vous disant que ça vous force
à aller plus vite pour arriver la première? Si je vous pose ces
questions, je ne suis pas sans réaliser que, dans le seul domaine des
transports, le pétrole conserve le haut du pavé et que tout le
monde voudrait le voir diminuer là comme ailleurs. Alors, j'aimerais
avoir vos commentaires, M. Martin.
M. Martin: Mes commentaires seront les suivants, M. le
député. Je ne suis pas au courant de l'état d'avancement
des travaux d'Hydro-Québec, non plus que de sa capacité de mettre
en marché, dans l'immédiat, un produit commercial qui pourrait
faire la motion automobile à base de l'électricité par
batterie. Donc, je ne sais pas si on se trouve aujourd'hui en concurrence
directe ou non avec Hydro-Québec. Quant au gaz naturel comprimé,
cependant, ce que nous savons, ce que nous disons, c'est que c'est un produit
qui existe et dont la technologie est développée. C'est une forme
de carburant d'automobile qui est utilisé largement en
Nouvelle-Zélande, utilisé largement dans le Nord de l'Italie et
qui peut être mis en marché immédiatement.
Dans notre prévision pour 1990, 1,3% dans le secteur des
transports, cela représente 5 BCF. On croit que c'est modeste et que, de
fait, le marché sera plus grand que cela. Pour vous situer quant aux
avantages comparatifs de ce combustible gaz naturel comprimé par rapport
à l'essence automobile, la différence de coût est
actuellement de 1 $ le gallon.
Essentiellement, l'essence se vend 2,50 $ le gallon et le gaz naturel
comprimé peut se vendre entre 1,30 $ et 1,50 $ le gallon -j'utilise 1,50
$. - la marge concurrentielle est de 1 $ le gallon et nous croyons qu'il y a
une clientèle immédiate pour ce genre de produit, soit les
flottes de taxis, les flottes de livraison, les flottes d'autobus scolaires,
tout véhicule qui revient au port une fois par jour ou à la fin
de la journée et qui peut refaire le plein chaque soir.
Le rayon d'autonomie d'une voiture ordinaire fonctionnant au gaz naturel
comprimé est de 180 kilomètres, de sorte qu'il faut faire le
plein à certains moments donnés. Cependant, il s'agit d'un
système mixte, je ne sais pas si la batterie pourrait fournir la
même chose. Une voiture convertie au gaz naturel comprimé conserve
son système à l'essence et, sous la seule pression d'un bouton,
elle change de l'un à l'autre sans avoir à s'arrêter. Il y
a un avantage, à notre avis, important du point de vue du prix. La
technologie y est, le marché, à notre avis, existe. Je vous donne
l'exemple des autobus scolaires. Un autobus scolaire parcourt environ 100 000
kilomètres par année - je vais mêler les kilomètres
et les milles - et fait de 8 à 9 milles au gallon parce qu'il
s'arrête souvent. Il y a 7500 autobus scolaires au Québec. Selon
nos chiffres, il y en a 4000 dans les régions desservies par le gaz. Le
coût annuel moyen d'essence utilisée par un autobus scolaire est
de 6000 $. Nous calculons que, dans la seule flotte des autobus scolaires, une
économie annuelle de 10 000 000 $ à 12 000 000 $ pourrait
être réalisée si les autobus scolaires étaient
convertis.
On parle des taxis aussi. Les taxis à Montréal se
plaignent de la concurrence et de la difficulté de réaliser des
profits, compte tenu des coûts d'exploitation. Nous pensons qu'il y a
là une solution réelle, valable, immédiate et
économique. Nous n'avons pas le sentiment de faire tort à
Hydro-Québec en développant ce marché. Nous pensons, au
contraire, qu'il s'agit
d'introduire un nouveau produit, une nouvelle technologie qui, de son
côté, peut avoir des retombées. On parlait ce matin de
faire produire au Québec les réservoirs utilisés pour le
gaz naturel comprimé. Ces réservoirs peuvent être en acier
ou en aluminium. Ils pourraient être produits en aluminium au coût
de 250 $ l'unité par comparaison à un prix actuel, pour le
réservoir en acier, de 300 $ l'unité, importé d'Italie.
À 250 $ l'unité, une entreprise de Trois-Rivières -pour ne
pas la nommer mais la situer -serait prête à produire un minimum
de 8000 cylindres par année. C'est un exemple que je donne pour
illustrer une retombée qui va au-delà de ce qu'on pourrait
appeler la rivalité Hydro-Québec-gaz de la mise en marché
d'un tel produit.
M. Grégoire: Une question additionnelle à
celle-là. Étant donné que c'est le seul secteur du
transport où le pétrole ne semble pas subir la même baisse
que dans les autres secteurs, est-ce que SOQUIP, par sa filiale Gaz naturel
comprimé, a l'intention de pousser ce dossier et de le faire avancer,
devant les avantages qui existent, et est-ce que vous prévoyez que le
pourcentage atteint par le gaz naturel pourra dépasser le 1,3%?
M. Martin: Oui, nous pensons qu'en...
M. Grégoire: Est-ce que vous pensez devancer ces
programmes, surtout qu'il y a, comme je vous le mentionnais, un programme
fédéral qui vient ajouter tout de même un montant. Vous
dites que cela coûte 250 $ pour une bombonne en aluminium. Il y a tout de
même une subvention maximale de 500 $ à la conversion du
véhicule et de 50 000 $ à l'installation des postes
d'alimentation et vous prévoyez, au cours des cinq prochaines
années, installer 75 postes d'alimentation au Québec. Est-ce que
vous avez l'intention d'accélérer ce programme et de faire un
effort aussi pour faire diminuer les importations de pétrole dans le
secteur du transport?
M. Martin: Oui. L'objectif de conversion de 25 000
véhicules, nous le considérons comme modeste ou, disons, prudent
à ce moment-ci. La rapidité de développement du
marché va être en fonction de la satisfaction du client,
évidemment. Ce qui arrive, c'est que des entreprises comme le Canadien
National, pour le citer, à Montréal, ou les postes ou Purolator
qui ont beaucoup de véhicules, dans une première année,
vont en convertir une dizaine, une quinzaine pour voir ce que cela donne. Comme
nous pensons que nous avons un bon produit, nous pensons que dès que la
preuve sera faite, le marché va se développer rapidement.
M. Grégoire: Mon collègue de Duplessis aimerait
savoir: On dit une subvention maximale de 500 $ par véhicule; quel est
le coût total de transformation?
M. Martin: Le coût de la conversion est de 1200 $, si ma
mémoire est bonne. La bombonne elle-même coûte - je vous
donne le coût de fabrication ici - 250 $; je vous donne de mémoire
le coût de conversion à 1200 $ par véhicule automobile. Si
on pense à un autobus ou à un camion, c'est sans doute plus
cher.
M. Grégoire: M. Martin, je vais revenir sur ce point. Je
sais que mon collègue d'Outremont voudrait poser une question. Je vais
le laisser la poser. Juste avant - je n'en ai plus à poser - je voudrais
vous dire, M. Martin, que je me réserve le droit de poser les
mêmes questions à Hydro-Québec pour savoir où elle
en est rendue et savoir ses objectifs vers 1990, laquelle des deux arrivera en
premier. Je dirai que cette concurrence entre deux sociétés
d'État non seulement n'est pas malsaine mais, au contraire, qu'elle est
heureuse, et si cela peut vous forcer toutes les deux à aller plus vite,
je crois que ce sera tant mieux. Mais je vais pouvoir revenir sur mes questions
et sur le sujet. J'ai une autre question par la suite. Je vais laisser...
Le Président (M. Laplante): Qu'une, parce que cela fait
déjà 24 minutes.
M. Fortier: Juste une mini-question. Je pense que ce dossier,
dans le domaine du gaz, est très intéressant. Je crois que le
président de SOQUIP a dit qu'il pourrait pousser davantage. À mon
avis, 25 000 véhicules, ce n'est peut-être pas assez ambitieux. Je
crois que c'est un dossier, quant à moi, qu'on devrait pousser
davantage.
Pourriez-vous nous parler brièvement des autres provinces. Je
crois que la Colombie britannique est une province où le ministre de
l'Énergie prend ce dossier très à coeur, peut-être
un peu plus qu'au Québec. Quelles sont les mesures qui ont
été adoptées en Colombie britannique et dans quelle mesure
l'État du Québec pourrait-il aider davantage, comme en
éliminant des taxes, en particulier? Et si le gouvernement du
Québec voulait vous appuyer, je suis certain que la
pénétration dont parle le député de Frontenac
pourrait être beaucoup plus profonde.
M. Martin: Certaines provinces ont aboli la taxe routière
sur le gaz naturel comme combustible automobile. Le Québec n'a pas eu
à le faire parce que le texte de la loi, tel qu'il est
rédigé, dans la clairvoyance du législateur, ne couvrait
pas...
M. Fortier: Ce doit être nous qui avons fait cela.
M. Martin: ...ne couvrait pas le gaz naturel comprimé.
C'est donc dire que...
M. Fortier: II y a des taxes de vente, si je comprends bien, qui
s'appliquent aux transformations qui existent toujours.
M. Martin: Oui, mais il n'y a pas de taxe de vente sur le gaz
comme tel et il n'y a pas de taxe routière sur le gaz naturel
comprimé. Du côté des autres provinces, pour vous dire ce
que j'en sais, l'affaire se développe moins rapidement qu'ici et la
raison n'en est pas l'attitude des gouvernements, je crois. D'après ce
qu'on me dit, les distributeurs gaziers, Union Gas ou Consumers Gas ou les
autres dans l'Ouest, Canadian Utilities, etc., n'ont pas vu, apparemment,
l'occasion de développer là un marché. Le Québec
est la seule province actuellement où SOQUIP et Gaz Métro ont
pris l'initiative de créer une entreprise avec CNG où tout le
monde y trouve son compte. Gaz Métro pourrait vendre évidemment
plus de gaz. Nous avons un placement dans cette entreprise et la raison pour
laquelle le développement semble s'amorcer moins rapidement dans
l'Ouest, c'est que les "utilities", les distributeurs de gaz n'ont pas encore
mordu dans la pomme. (21 heures)
M. Fortier: Seulement pour conclure. Je m'excuse, mais
l'information que j'avais obtenue, je l'avais obtenue du vice-président
de Gaz Métropolitain, responsable de ce programme.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Frontenac, dernière question.
M. Grégoire: M. Martin, je vous félicite de cette
initiative que vous avez prise. Je crois que les Québécois ont
toujours eu pas mal d'esprit d'initiative. Quand ils se lancent dans des
recherches et dans des nouveautés, la preuve est faite qu'ils y
réussissent. Je vous souhaite le même succès.
Ma dernière question est plus locale. Je m'aperçois, dans
vos chartes d'élaboration de votre système de distribution du gaz
naturel, que vous vous rendez à environ 35 milles de Thetford, mais que
vous n'arrivez pas à Thetford. Je dois vous dire que cela me chatouille,
parce que je m'aperçois que vous vous rendez à Asbestos...
M. Fortier: C'est la faute du fédéral!
M. Grégoire: On va le savoir, je le veux. ...où il
y a une mine d'amiante et vous n'arrivez pas à Thetford, où il y
en a sept. Vous allez à Asbestos où il n'y a aucune fonderie ou
métallurgie, alors que Thetford est la troisième ville du
Québec, en ce qui concerne les métallurgies et les fonderies, que
ce soit la métallurgie de Frontenac, que ce soit la Fonderie de
Thetford, que ce soit Fournier Steel Work. Je m'aperçois que dans votre
classification des groupes majeurs manufacturiers, en fonction de leur
intensité énergétique, le no 1, c'est la première
transformation des métaux. 129 000 ou 129 000 000 PIB, ou 133 000 000 de
térajoules. Cela, c'est dans notre coin.
On voit, en troisième lieu, produits minéraux non
métalliques. L'amiante, c'est un produit minéral non
métallique, c'est le troisième et le cinquième sur les
vingt que vous nous donnez, c'est l'industrie chimique. Voilà que
Thetford a tout cela. On commence l'exploitation d'une industrie qui va
produire de l'oxyde de magnésium, un produit chimique. On a
déposé sur la table pour construction immédiate le projet
d'une usine de laine minérale à même les résidus
d'amiante. On a déposé sur la table le projet pour construire une
usine de magnésium-métal qui va devenir très grosse. On a
sept mines et vous ne vous rendez pas jusqu'à Thetford. Je vous ai
félicité tantôt, mais là je voudrais bien avoir des
explications, parce que je dois vous dire que vous arrivez à
côté.
M. Martin: Eh bien!
M. Grégoire: Avez-vous rencontré le
président d'une autre société d'État qui
relève du même ministère, la Société
nationale de l'amiante, qui pourrait vous expliquer tous les
développements possibles dans ce coin, qui vous obligerait même
quasiment à vous rendre jusqu'à Thetford? Avez-vous
rencontré les autorités de la Société nationale de
l'amiante, M. Perlstein, qui est un autre président d'une
société relevant du même ministère? Avez-vous
conversé avec lui pour les possibilités là-dessus? Je sais
que, dans vos premiers plans, Thetford était là - ce qui
était bien pensé -mais dans vos deuxièmes plans...
M. Martin: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): M. Martin, une réponse
courte, s'il vous plaît!
M. Martin: Je dois dous donner raison sur le potentiel de
Thetford et sur les bienfaits que le gaz pourrait apporter à Thetford.
C'est déjà une partie de la réponse.
M. Grégoire: Mais, c'est ce que je veux savoir.
M. Martin: Non, le "mais" est le suivant: Dans le programme de
construction des embranchements, nous disposons - en
définitive, c'est Gaz Inter-Cité Québec Inc. qui
témoignera ici et à qui vous pourrez poser la même question
- d'une somme d'argent limitée qui est mise à notre disposition,
après une entente-cadre, si on veut, entre le ministre de
l'Énergie et des Ressources du Québec et le ministre de
l'Énergie, des Mines et des Ressources d'Ottawa, suivie d'une entente
spécifique entre Gaz Inter-Cité et le gouvernement
fédéral, nous disposons d'une somme limitée à 500
000 000 $ pour construire tous les embranchements.
M. Grégoire: Qui verse cette somme de 500 000 000 $?
M. Martin: C'est le gouvernement fédéral qui la
verse.
M. Grégoire: Rendu au 500ème million, il vous
manque 35 000 $ pour atteindre Thetford et ils ne veulent pas aller plus
loin?
M. Martin: Alors...
M. Grégoire: Est-ce cela?
M. Martin: Mais quand même, on peut peut-être y
aller. La raison, si jamais cela se réalisait, serait comme ceci: Le
programme de construction des embranchements est divisé en trois phases
et se réalise sur trois années successives. La première
phase va voir la construction cet été de l'embranchement qui va
de Saint-Jean à Sherbrooke, qui va de Trois-Rivières à
Shawinigan et qui va de Trois-Rivières à Bécancour; c'est
la première phase. Deuxième phase, l'année 1984, c'est
l'embranchement qui part de Grand-Mère, qui se rend à Chambord et
qui va jusqu'à La Baie. Troisième phase, ce seront tous les
embranchements complémentaires de l'Estrie et des Bois-Francs. En
mettant le fardeau sur nous, si nous faisons du bon travail pour construire les
premières phases à un prix inférieur au prix prévu,
si nous économisons, si nous pouvons payer la main-d'oeuvre selon le
décret de la construction du Québec, si nous achetons nos
produits à bon prix... en résumé, si nous faisons une
bonne "job", l'argent disponible dans les 500 000 000 $ pour faire la phase
trois pourrait éventuellement permettre d'aller au-delà des
tracés que vous avez en main et qui s'arrêtent, malheureusement,
à courte distance de Thetford.
Ceci dit...
M. Grégoire: C'est parce qu'il y a beaucoup de "si" et de
conditionnels.
M. Martin: Je dis que, finalement, la phase trois pourrait
être plus étendue ou moins étendue, selon le solde
disponible dans le fonds. Cependant, je parle là du fonds des
embranchements. Les distributeurs gaziers, au-delà des fonds
fédéraux pour les embranchements, peuvent étendre leurs
réseaux de distribution. Et l'extension d'un réseau de
distribution par un distributeur -on en a parlé aujourd'hui - est
fonction du potentiel industriel dans un lieu donné. Si, par exemple,
une distance de 20 milles demeurait à parcourir et qu'un potentiel de
vente était suffisant, cela justifierait, pour le distributeur, à
même son propre financement, une extension jusqu'à Thetford.
M. Grégoire: M. Martin, avant...
Le Président (M. Laplante): Monsieur...
M. Martin: Mais je ne peux pas vous faire de promesse.
Le Président (M. Laplante): Je veux être
raisonnable. Cela fait près de 40 minutes que vous avez la parole. Je ne
voudrais pas...
M. Grégaire: J'aurais seulement une question
complémentaire.
Le Président (M. Laplante): Très vite.
M. Grégoire: Très vite. Pourriez-vous nous dire
pourquoi les premières ententes prévoyaient Thetford dans le
réseau et les deuxièmes ententes ne le prévoyaient pas?
Aussi très rapidement, pourriez-vous me dire comment cela se fait que
vous n'avez pas cru justifier Thetford où il y a sept mines, mais que
vous avez cru justifier Asbestos où il n'y en a qu'une et où il
n'y a pas d'industrie métallurgique ou de fonderie, alors que tout cela
existe à Thetford?
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez répondre
à celles-là très rapidement.
M. Martin: Très rapidement. Le programme total
prévoyait des investissements de 700 000 000 $. Le fonds disponible a
été réduit à 500 000 000 $. Les coupures ont
été calculées sur la base des potentiels des
marchés et de la proximité des marchés par rapport aux
lignes principales.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Mme la
députée de Chomedey.
M. Grégoire: C'est la coupure d'Ottawa qui a
empêché Thetford de recevoir cela?
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): À vous la parole. S'il
vous plaît!
Mme Bacon: Si vous me permettez, M. le député de
Frontenac a eu...
M. Grégoire: Je vais revenir tantôt, parce
que...
Mme Bacon: ...sensiblement l'opportunité...
M. Grégoire: ...je n'ai pas fini avec vous.
Mme Bacon: ...de poser ses questions régionales. Est-ce
que...
Une voix: Le président a fini. M. Grégoire:
Pas moi.
Mme Bacon: Vous avez terminé, oui? Cela va?
M. Grégoire: Excusez-moi, Madame.
Mme Bacon: J'aimerais revenir, s'il vous plaît, au mazout
lourd et vous demander quelle serait l'ampleur de l'impact du mazout lourd, par
exemple, sur l'environnement?
Une voix: Par rapport au gaz. Mme Bacon: Par rapport au
gaz.
M. Martin: Je ne pourrais pas vous donner de mesures, sauf vous
dire que le gaz naturel est un non polluant absolu, il ne pollue pas du tout.
Son impact négatif sur l'environnement est zéro. Quant à
savoir quel est l'impact négatif du mazout sur l'environnement, je
serais embarrassé de vous donner les mesures, mais on utilise
actuellement du mazout qui a une teneur en soufre de 3%. Tout cela est
lié et cela fait une pollution de l'atmosphère. Cela
entraîne aussi des pluies acides, etc. Pour le gaz, c'est zéro.
Pour le mazout, c'est X. Je ne sais pas si on peut en ajouter.
Mme Bacon: Non, cela va. Est-ce qu'il y a eu des efforts faits
pour diminuer l'impact du mazout lourd sur l'environnement? Est-ce que des
moyens sont envisagés? Est-ce qu'il y a un processus spécial qui
peut être considéré pour diminuer l'impact?
M. Martin: Oui, il y en a plusieurs. M. Jean Guérin
pourrait vous répondre sans doute mieux que moi. D'abord, la
première mesure est d'utiliser, comme pétrole brut, un
pétrole brut plus léger et à moindre teneur de soufre, le
"sweet crude", qui coûte évidemment plus cher. La deuxième
mesure est liée à la modernisation des raffineries et à
l'investissement dans le procédé même du raffinage. Je
m'arrête là-dessus. On ne peut éliminer jusqu'à
zéro, je crois, le facteur polluant des mazouts.
Mme Bacon: Dans les autres provinces canadiennes, est-ce qu'il
existe des normes très sévères concernant les teneurs de
soufre, par exemple, dans le mazout?
M. Martin: Je l'ignore, Mme Bacon.
Mme Bacon: Vous n'avez pas fait ces vérifications
concernant les autres provinces? Non?
M. Martin: Non.
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a eu des rencontres ou des discussions
de SOQUIP avec le ministère de l'Environnement du Québec?
M. Martin: Oui. Nous en avons eu pour demander de faire respecter
la norme de soufre. Nous avons même suggéré à un
moment donné de la rendre plus sévère, c'est-à-dire
d'étendre à l'ensemble du territoire québécois la
norme montréalaise qui est de 1,5%. Quand même, il faut dire,
même si c'est à l'avantage du gaz, que la norme soit
renforcée ou respectée, que les territoires où le gaz
n'est pas disponible - je pense à la Côte-Nord par exemple -
doivent utiliser du mazout. Du côté du ministère de
l'Environnement, sans leur mettre des paroles dans la bouche, ils ont un
problème de modulation régionale, pour reprendre les mêmes
mots. Notre thèse, quant à nous, est que la norme devrait
être appliquée dès que le gaz naturel est disponible, donc,
dès qu'une énergie de substitution à un coût
comparable est disponible pour l'industrie.
Mme Bacon: Est-ce qu'on pourrait dire qu'il y a un retard au
ministère de l'Environnement, par exemple pour imposer des normes plus
sévères? Est-ce qu'on est en retard par rapport à d'autres
provinces ou ailleurs?
M. Martin: Par rapport à d'autres provinces, je ne saurais
vous dire. Par rapport à nos demandes...
Mme Bacon: À vos expectatives?
M. Martin: ...je dirais, oui, jusqu'à un certain
point.
Mme Bacon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: M. Martin, au début de votre mémoire,
vous avez tracé un état de la situation énergétique
selon les analyses que vous avez pu en faire. En particulier, vous avez
souligné qu'au cours des dernières années on a
assisté à un ralentissement phénoménal de la
croissance de la demande. Je voudrais vous demander quels sont les facteurs que
vous avez pu identifier comme étant parmi les causes principales de ce
ralentissement?
M. Martin: Si vous permettez, M. Guérin va vous
répondre. Je crois qu'il vous donnera une réponse plus
complète et plus savante que la mienne.
M. Guérin: En gros, M. le député de
Vimont...
M. Martin: Ce sera plus long que si c'était moi.
M. Guérin: Non, je vais essayer d'être très
bref. Principalement, il y a trois facteurs. Dans un premier temps, il y a la
hausse très rapide des prix de l'énergie. Les gens se sont
demandé, durant des années, si la demande d'énergie est
élastique par rapport au prix. On remarque, depuis quelques
années, qu'elle est très élastique parce qu'on voit
l'effet des prix sur la consommation de l'énergie. Le deuxième
facteur est les différentes politiques d'économie
d'énergie et les différentes politiques de sensibilisation des
gens à une consommation plus efficace de l'énergie. Bien
sûr, il y a le troisième facteur qui a contribué, de
manière significative, à réduire l'évolution de la
demande, le taux de croissance de la demande, c'est la faible croissance
économique qu'on connaît depuis deux ou trois ans. Alors, ces
trois facteurs sont principalement à la source de la réduction de
la consommation ou du taux de croissance en consommation.
(21 h 15)
M. Rodrigue: Dans les prévisions que vous avez faites pour
la demande future, bien sûr, nous vivons actuellement une période
de récession qui est assez importante, mais ce qu'on constate ces
semaines-ci, à la lecture des journaux et des pages financières,
en particulier, c'est que les analystes semblent avoir viré leur capot
et semblent plutôt portés à l'optimisme de ce temps-ci.
D'ailleurs, une recherche du Conference Board auprès d'une quinzaine
d'analystes importants au Canada lui a permis de constater l'unanimité
sur le fait qu'on avait amorcé la relance. Dans les prévisions
que vous avez faites, est-ce que cela correspond à peu près
à ce que vous aviez prévu, c'est-à-dire qu'on assisterait
à une reprise - plutôt lente au départ mais qui
s'accélérerait un peu avec le temps économique, au moment
où on se parle? Est-ce que vos...
M. Martin: Oui.
M. Rodrigue: Est-ce que cela correspond à peu près
aux prévisions que vous avez pu faire pour l'avenir?
M. Guérin: Oui, nous avons tenu compte, je pense, si ma
mémoire est fidèle, d'un taux de croissance réel du
produit intérieur brut d'environ 3% sur la période. Cependant,
quant à l'évolution des prix de l'énergie,
l'hypothèse qu'on a prise pour ces prévisions est peut-être
élevée aujourd'hui, en comparaison de ce qu'on prévoit. La
simulation qu'on faisait tout récemment, il y a quelques jours, nous
indiquait, par exemple, qu'à la lumière des nouvelles tendances
dans l'évolution des prix on pourrait avoir un taux de croissance
d'environ 2% ou 2,2% pour la consommation totale d'énergie par rapport
au 1,6% qu'on a ici. Mais ce qu'on souligne dans le rapport, dans l'analyse que
vous avez entre les mains, c'est qu'on ne doit pas, à notre avis,
retourner à une relation de 1% entre le taux de croissance de la demande
d'énergie par rapport au taux de croissance de la production nationale.
Il semble y avoir eu un divorce ou une rupture entre ces deux
phénomènes de croissance. On est passé d'un lien de 1%,
soit deux taux de 5%, taux historique, à un taux de 0,38% au cours des
dernières années. Selon ces mêmes prévisions, le
taux pourrait remonter à 0,7%, mais ne va pas rejoindre 1% en ce qui
concerne le rapport de la croissance de la demande d'énergie versus la
croissance de la production, qui a été le niveau historique
observé au Canada et dans la plupart des pays industrialisés au
cours des 20 ou 25 dernières années. Il y a une certaine rupture
entre la croissance de la production et la croissance de la demande,
principalement due à des changements structuraux, des changements dans
les modes de transport, les modes de consommation, les modes de production, qui
ont été amenés par des hausses très rapides du prix
de l'énergie.
M. Rodrigue: En réalité, c'est la hausse
très rapide du prix du pétrole, j'imagine, qui a provoqué
un peu tous ces changements structurels. On a vu, en fin de semaine
dernière, que les pays de l'OPEP ont décidé de baisser le
prix du pétrole exporté. Ils l'ont baissé de 5 $, soit 29
$, si je me souviens bien?
Par ailleurs, dans votre mémoire, vous êtes très
prudent en ce qui concerne le pétrole importé et, en particulier,
celui qui vient du Moyen-Orient. En fait, vous parlez des tendances profondes,
à moyen et à long terme, du marché pétrolier avec,
en plus, le degré d'instabilité politique des principaux
pays exportateurs du Moyen-Orient. Est-ce à dire que,
malgré les décisions récentes de l'OPEP, vous
considérez que le marché mondial du pétrole demeure un
marché volatile?
M. Martin: Oui, nous pensons que la concentration au Moyen-Orient
de sources de pétrole est telle que le danger de chambardement du
marché, des politiques de production et des politiques de prix est
dense, compte tenu de la concentration de la ressource dans une même
région. À ce sujet, je pense que nous lisons les mêmes
revues spécialisées que tout le monde et que c'est, je crois,
universellement reconnu, à ce moment-ci, que cette situation de
concentration au Moyen-Orient est un élément d'incertitude et
qu'on ne peut miser, à long terme, sur une stabilité à la
fois des approvisionnements et des prix.
Bien sûr, il y a des sources de remplacement. Celle de la mer du
Nord est éloquente quant à la guerre des prix que se livrent les
producteurs de la mer du Nord et ceux de l'OPEP. Il n'en reste pas moins que le
Moyen-Orient fournit 35% à 40% du pétrole international. Cette
concentration rend le marché fragile.
M. Rodrigue: En fait, on a constaté que les pays de l'OPEP
se sont un peu placés hors marché d'une certaine façon en
haussant de façon assez radicale les prix du brut, ce qui a
provoqué dans à peu près tous les pays consommateurs une
course aux autres sources d'énergie, pour remplacer le pétrole
qui était devenu exorbitant, ou encore une course à l'exploration
pour de nouvelles sources de pétrole, même si, comme ici dans
l'Ouest, ce sont des pétroles qui sont difficilement extractibles, en
provenance des sables bitumineux. Est-ce que vous ne croyez pas qu'après
avoir un peu tué leur propre marché, ces pays-là n'en
seraient pas venus à de meilleurs sentiments? En d'autres mots, sur le
plan économique, ils se sont un peu joué le tour en faisant cela.
Est-ce qu'ils ne sont pas revenus à de meilleurs sentiments?
Par ailleurs, les facteurs que vous invoquiez me semblaient plus
politiques, si j'ai bien compris.
M. Martin: Oui, il y a des facteurs politiques. Il y a aussi des
facteurs de reprise économique mondiale. Il y a aussi des facteurs de
croissance de la demande des pays en voie de développement qui seront
des acheteurs de pétrole plus qu'ils ne le sont aujourd'hui. C'est un
ensemble de facteurs politiques et économiques qui nous font dire qu'il
faut avoir une diversité d'approvisionnement et que l'économie du
Québec est trop dépendante du pétrole, aujourd'hui,
même si les prix peuvent baisser. Nos prévisions de prix, telles
que nous les faisons aujourd'hui, à partir d'un prix de 29 $ le baril,
prévoient une remontée assez lente. On prévoit que le prix
de 29 $ le baril sera maintenu en 1984 et que la croissance sera de l'ordre de
2% au cours des cinq prochaines années, ce qui donne des prix de 29 $,
31 $, 32 $, 35 $ et ainsi de suite. Nous croyons, comme vous, que les pays
producteurs vont vouloir conserver leur marché et pratiquer une
politique de prix qui ne les mette pas en dehors du marché, justement
parce que la politique de prix qu'ils ont pratiquée au cours des
dernières années - comme vous le dites - a forcé les pays
consommateurs à chercher d'autres sources.
M. Rodrigue: Sur l'exploration en cours actuellement dans le
golfe du Saint-Laurent, j'aimerais - parce que je n'ai pas remarqué si
cela était dans votre mémoire - connaître votre programme.
Est-ce que vous avez un programme quinquennal? Quelles sont les immobilisations
que vous avez prévues dans ce programme-là?
M. Martin: Cela ne peut pas être un programme quinquennal
pour la raison suivante: la réponse est oui et non.
M. Rodrique: II peut être triennal mais enfin, je comprends
que c'est un peu fonction de ce que vous allez découvrir en cours de
route.
M. Martin: Voilà! Au cours des trois dernières
années, nous avons poursuivi une politique très agressive de
relevés sismiques afin de pouvoir identifier des cibles. Dans la partie
sud du golfe, les cibles sont déjà identifiées. Dans la
partie nord, les cibles ne sont pas encore identifiées ou visibles de
sorte que notre programme sismique et notre travail d'analyse des
relevés déjà faits doit se poursuivre. Dans la partie sud,
l'avenir est fonction des résultats à court terme que nous
pourrons obtenir avec un, deux ou trois forages. Le coût des forages
étant tel en mer, environ 30 000 000 $, il faut avoir un encouragement
substantiel pour procéder. Nous n'avons pas à ce moment-ci de
plan, ni triennal ni quinquennal de forage, mais nous avons ce qu'on peut
appeler un programme annuel. Selon les résultats obtenus, les
décisions seront prises par nous et par notre actionnaire de
procéder.
M. Rodrigue: Pour l'instant, votre plan c'est de faire un
puits.
M. Martin: Pour l'instant, notre plan c'est de poursuivre le
sismique...
M. Rodrigue: Le sismique, également. M. Martin:
...dans la partie estuaire et
je voudrais vous donner un chiffre vrai là-dessus. Je pense qu'on
peut parler de dépenses de l'ordre de 1 000 000 $ pour les deux
prochaines années. Cela comprend des relevés sismiques proprement
dits et des travaux d'analyse; dans la partie sud de notre plan, pour
l'instant, c'est de faire un puits, c'est exact.
M. Rodrigue: À ce sujet, est-ce que, dans ces
régions, on a déjà noté des traces de gaz ou de
pétrole ou si c'est plutôt strictement en fonction des structures
géologiques rencontrées à l'occasion des relevés
sismiques qu'on a espoir de faire une découverte? Deuxième
question, est-ce que c'est la seule structure géologique au
Québec qui présente des possibilités de découverte
de gaz et de pétrole ou s'il n'y a pas d'autres régions du
Québec qui auraient été analysées et pourraient
présenter des possibilités également?
M. Martin: II y a déjà eu, dans le golfe, des puits
forés qui ont indiqué une présence de gaz et vous les
voyez en rouge sur la carte derrière vous. Il y en a au nord des
Îles-de-la-Madeleine sur une structure qui s'appelle Brion,
CI-R-I-O-N.
M. Rodrigue: À l'île Brion, oui.
M. Martin: Exactement, et vous voyez d'autres puits: celui
d'Amoco qui est à gauche est à sec; celui de Brion
révélait des traces d'hydrocarbure; ceux qui sont au sud, partie
en territoire québécois, partie en territoire de
l'Île-du-prince-Édouard, ont révélé des
indices de gaz. Le problème au Québec, d'une façon
générale, c'est qu'il y a des hydrocarbures, mais que les
pièges qui retiennent les hydrocarbures et qui les retiennent sous
pression existent moins qu'ailleurs.
J'ai la liste ici: Amoco, qui était le puits appelé
Bradel, foré en 1974, faible indice de gaz; Texaco-Brion, indice de gaz;
Shell-Amoco, 1974, est à sec; East Point, qui est près de
Millerand, est un puits de gaz, mais en quantité non commerciale; deux
autres puits à East Point ont été forés en 1980 par
Hudson's Bay Oil and Gas et ils étaient à sec; à
l'Île-du-Prince-Édouard, vous les voyez en bas, dix puits ont
été forés dont deux par SOQUIP et sept ont donné
des indices de gaz.
Alors, la réponse à votre question, ce n'est pas une
réponse facile. Il y a du gaz. Est-ce qu'il y en a en quantité
commerciale? C'est la question.
M. Rodrigue: C'est ce qu'on cherche.
M. Martin: La seule façon de répondre, c'est de
forer.
M. Rodrigue: Maintenant, l'autre question est: Est-ce qu'il y a
d'autres structures géologiques au Québec qui présentent
des possibilités, qui justifieraient des explorations de cette
nature?
M. Martin: Oui.
M. Rodrigue: Dans d'autres régions du Québec?
M. Martin: Oui. Il y en a en Gaspésie, vous le voyez sur
la carte, ce qui est coloré. Il y a un point vert où nous
proposons un forage, probablement cet été, et il y a une
structure là qui est énorme, mais la géologie de la
région est comme celle que vous voyez dans la vignette en haut, à
gauche, c'est une structure de failles et de plissements et elle est
très compliquée à lire pour les géologues et les
géophysiciens.
M. Rodrigue: Je vais poser ma question autrement. On sait qu'il y
en a dans la vallée du Saint-Laurent, et cela semble être une
extension de la vallée du Saint-Laurent, jusqu'à un certain
point, dans l'estuaire et, évidemment, il y a le golfe. Mais, à
part cela, est-ce que ce sont les seules régions et il n'y en a pas
d'autres?
M. Martin: Si c'est cela votre question, notre jugement, à
ce moment-ci, c'est que, sur ce qu'on appelle les basses terres du
Saint-Laurent, il n'y a pas de possibilité de découvertes
commerciales. M. Jacques Plante a dû partir pour Montréal pour nos
affaires, mais René Bédard pourrait nous dire combien de puits
ont été forés sur les basses terres du Saint-Laurent
depuis dix ans et le verdict est nul et négatif, sauf pour... (21 h
30)
M. Bédard (René): Quant aux puits de Saint-Flavien,
l'un est déjà en production et l'autre pourra être mis en
production aussitôt qu'on aura un client. De plus, il s'est foré
depuis une vingtaine d'années peut-être au-delà de 150
puits dans les basses terres du Saint-Laurent. Malheureusement, nos deux puits
de Saint-Flavien sont les deux seuls puits producteurs. J'exclus le petit champ
de Pointe-du-Lac qui a été en production pendant une dizaine
d'années et qui était du gaz de faible profondeur. Il est
maintenant épuisé. Le bassin sédimentaire des basses
terres du Saint-Laurent, quant à nous, on doit l'oublier comme potentiel
gazier. Cela n'exclut pas une découverte éventuelle, mais
commercialement, on ne pense pas que ce soit raisonnable de dépenser
d'autres sommes d'argent en exploration pour trouver une aiguille dans cette
botte de foin.
M. Rodrigue: Des structures comme celles que l'on retrouve dans
les régions de la Baie-James et la Baie d'Hudson, y a-t-il
eu...?
M. Bédard (René): Non. Les hydrocarbures se
retrouvent dans des...
M. Rodrigue: Aucune chance de ce côté-là?
M. Bédard (René): ...bassins sédimentaires
relativement jeunes. Si vous vous souvenez de vos premiers cours de
géographie...
M. Rodrigue: Je ne me souviens pas de la géogologie, parce
que je ne l'ai jamais étudiée.
M. Bédard (René): Non, mais on se souvient qu'on
nous enseignait en géographie que les Laurentides étaient les
plus vieilles montagnes du monde. Aussitôt qu'on dépasse les 300
000 000 ou 400 000 000 d'années, c'est l'époque avant que les
matières organiques soient présentes sur terre et il faut des
matières organiques pour faire des hydrocarbures...
M. Rodrigue: Oui. Cela, c'est élémentaire.
Le Président (M. Laplante): Monsieur, vos 20 minutes sont
terminées.
M. Rodrigue: Mes 20 minutes sont écoulées, M. le
Président, vous avez bien noté?
Le Président (M. Laplante): Oui, pour donner la chance
à d'autres intervenants.
M. Rodrigue: Je pense que je serai obligé
d'écourter. J'en avais quand même beaucoup. Je vais vous en
réserver une petite pour la fin. Actuellement, vous êtes
impliqué dans deux entreprises de distribution, c'est-à-dire Gaz
Métropolitain et Gaz Inter-Cité Québec Inc. Effectivement,
c'est SOQUIP, avec le concours de la Caisse de dépôt et placement
du Québec, qui contrôle ces deux distributeurs de gaz au
Québec. Avez-vous examiné la possibilité d'intégrer
les deux et d'en faire une seule société distributrice? En
d'autres mots, y aurait-il des avantages à faire un seul distributeur de
ces deux entreprises dont vous avez pris le contrôle avec la caisse de
dépôt?
M. Martin: C'est une courte question.
M. Rodrigue: C'est une courte question pour finir, parce que le
président me pressurait, autrement j'en aurais eu beaucoup d'autres
à vous poser. Enfin, j'ai pris la plus simple parmi celles que
j'avais.
M. Martin: Sûrement. Je vais être obligé de
vous répondre en vous disant qu'il y a du pour et du contre, d'un
côté comme de l'autre. Les avocats appelleraient cela la balance
des avantages et des inconvénients. On peut faire une liste des
avantages et une liste des inconvénients.
On pourrait penser que des économies d'échelle pourraient
être réalisées avec un seul distributeur. On peut avancer
cela. On peut aussi avancer que, vraisemblablement, la structure
financière d'une seule entreprise serait plus solide, si on veut, pour
financer l'expansion. Par contre, comme nous sommes en période
d'expansion, ce qui compte beaucoup, c'est ce que j'appellerais la force de
frappe pour la vente. Cette force de frappe doit être
déployée simultanément dans plusieurs régions. Un
seul distributeur pourrait-il couvrir toutes les régions dans
l'immédiat et faire ses ventes partout? L'enracinement régional
serait-il aussi bon? Ce sont toutes des questions qui sont discutables.
J'hésite à commenter davantage parce qu'on pourrait faire des
calculs sur la rentabilité respective, les retours sur investissement,
etc. Nous n'avons pas fait ces calculs. On pourrait se poser la même
question pour les câblodistributeurs au Québec, à savoir
s'il est mieux d'en avoir un seul ou deux ou trois. C'est une question assez
vaste. Il n'est pas dit que les deux entreprises, un jour, ne voudront pas
parler affaires, mais pour aujourd'hui, en tout cas, nous prenons la situation
telle qu'elle est et nous croyons pouvoir compter sur deux organisations,
chacune dans sa région, qui sont capables de réaliser
l'expansion.
M. Rodrigue: Étant donné que je viens
d'Hydro-Québec, vous comprendrez que la question me venait assez
naturellement. Comme c'est une entreprise d'utilité publique et qu'elle
a été intégrée en 1946 et en 1962, finalement, je
me demandais s'il y avait lieu de faire la même chose du
côté du gaz.
Le Président (M. Laplante): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'ai une question
qui porte sur la recherche et le développement. Aux pages 38 et 39 de
votre mémoire, vous parlez de la R & D d'une façon assez
générale. Vous parlez d'un organisme pour faire la promotion,
soit la compagnie GNC, et aussi des techniques de transport. À la page
39, vous parlez d'un certain montant d'argent consacré à la
recherche et au développement de nouveaux procédés et de
nouvelles utilisations. Pourriez-vous nous préciser un peu le projet
prometteur que vous envisagez? Comment allez-vous financer ce projet?
M. Martin: En effet, nous avons sauté
cela, ce matin. Dans notre mémoire, nous citons trois
thèmes: l'utilisation efficace du gaz naturel, le stockage et la
valorisation du mazout lourd. Je vais traiter du premier thème. Nous
sommes convaincus que de nouvelles applications du gaz naturel à des
fins industrielles sont possibles par l'utilisation de technologies
déjà existantes et employées dans d'autres pays. Le gaz
naturel comprimé comme combustible d'automobile est un exemple d'une
technologie éprouvée, existante et qui, pour des raisons que
j'ignore, n'avait pas fait sa percée au Québec. C'est un bel
exemple d'une technologie. Il y en a d'autres que nous pouvons rechercher sur
le marché international pour utiliser le gaz à d'autres fins
industrielles que celles qui sont traditionnelles ici, comme le chauffage ou
les procédés de chauffe en général, comme on les
appelle ici.
M. Jean Guérin peut en parler plus que moi, mais notre
façon de l'aborder est de faire un relevé systématique des
applications industrielles où le gaz est utilisé dans les
procédés, ou encore est utilisé comme matière
première. Le gaz, comme matière première, est
utilisé dans l'industrie des fertilisants. L'exemple le plus connu est
celui de l'ammoniaque-urée. L'ammoniaque-urée est un fertilisant
en grande demande mondiale, tout simplement parce que la population mondiale
croit qu'elle doit se nourrir et que les rendements agricoles de tous les pays
doivent être augmentés. La réponse à l'augmentation
de ces rendements est l'usage des fertilisants. Dans l'ammoniaque-urée,
le gaz n'est pas utilisé pour la chose. Il est utilisé comme
matière première et sa composante dans le coût du produit
est d'environ 30%.
Notre intention est de faire systématiquement relever ce genre
d'occasion à partir de technologies existantes. Il ne s'agit donc pas de
faire de la R & D nous-mêmes, nous n'en avons pas les moyens ni le
temps, mais nous pensons pouvoir, après avoir fait un relevé des
possibilités, faire des accords de technologie avec ceux qui
détiennent les brevets, comme nous en avons fait pour le gaz naturel
comprimé.
Les procédés industriels qui requièrent un
degré de température précis, comme l'industrie du verre,
de la céramique, de la brique qui sont utilisés non seulement
pour construire les maisons, mais pour faire des disjoncteurs
électriques, des isolants de ce type, ont besoin du gaz naturel. Je
reviens à l'ammoniaque-urée: une compagnie chimique canadienne a
investi actuellement, à Sarnia, 200 000 000 $ pour construire une usine
d'ammoniaque-urée qui aurait pu, à notre avis, être
construite à Bécancour si le gaz naturel avait été
disponible il y a deux ans et si quelqu'un avait pris l'initiative de faire la
promotion d'un tel projet.
Alors, pour répondre à votre question du financement, nous
voulons dépenser des sommes modestes d'abord à l'inventaire,
à l'identification de procédés et de produits et à
l'identification de marchés. Si des projets d'implantation industrielle
sont identifiés, le financement de ces investissements se fera à
partir de ceux qui en seront actionnaires, que ce soit nous ou des
investisseurs privés.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, il ne s'agit pas de vraie
recherche et de vrai développement; c'est plutôt une exploitation
des technologies importées d'ailleurs, une promotion, une espèce
de marketing en vue d'une utilisation plus répandue?
M. Martin: C'est exact.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions,
madame?
Mme Dougherty: Non, merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Très
brièvement, j'aurais deux questions à poser. La première
se rapporte au système existant. Si ma mémoire est bonne, il y a
environ deux ans, on avait d'autres projets spécialement sur la rive sud
du golfe Saint-Laurent, en direction de l'est, soit en direction de
Rivière-du-Loup. Il y avait en particulier des discussions sur le choix
du tracé qui se dirigeait vers le Nouveau-Brunswick et vers la
Nouvelle-Écosse. Sur la carte de 1985 que vous avez
présentée, il n'existe aucun trajet, aucun tracé en tout
cas, qui indiquerait qu'on s'en irait dans cette direction avec le gazoduc.
Est-ce que vous pourriez nous informer si les intentions sont de continuer
après 1985 ou si les projets sont remis aux calendes grecques?
M. Martin: À notre avis, ce projet d'extension du gazoduc
au-delà de Québec jusqu'aux Maritimes est remis au moins jusqu'en
1987, 1988, ou quelque chose de ce genre. Vous aurez, je crois, à
entendre la compagnie TQM, Trans Québec & Maritimes qui construisait
le gazoduc à partir de Montréal jusque dans les Maritimes. Ils
ont cessé leurs activités de construction à Québec,
à Saint-Augustin. Ils ne traversent pas le fleuve, à ce
moment-ci. Ce que je sais de leurs activités, c'est qu'ils continuent
à étudier le tracé éventuel, futur, potentiel d'un
gazoduc qui traverserait le fleuve à l'ouest de Québec et qui,
éventuellement, relierait Québec et Halifax, si on veut. Je pense
vous donner la meilleure réponse en vous disant qu'à mon avis
cette construction n'aura pas lieu dans l'immédiat. (21 h 45)
M. Perron: Merci. Ma deuxième question, M. Martin,
concerne le gaz naturel qui pourrait exister ou qui existe actuellement dans le
Grand-Nord, soit au nord de Fort-Chimo, par exemple, au nord du
Nouveau-Québec, dans l'Arctique, en fait. Nous savons que le
gouvernement fédéral avait l'intention de construire des
méthaniers pour faire le transport du gaz naturel en direction de
Gros-Cacouna - le projet a été remis, je pense effacé,
selon ce qu'on a appris, depuis un certain nombre de semaines.
Cependant, il a été question, à un certain moment,
au lieu d'avoir des méthaniers qui partiraient de l'Arctique pour s'en
aller dans cette direction, qu'une étude soit entreprise sur la
construction d'un gazoduc entre Fort-Chimo et la ville de Sept-Îles, sur
une longueur approximative de 750 ou 800 milles. Est-ce que SOQUIP a
participé à ces discussions?
M. Martin: Non, en aucune façon. Je dois même dire
que je ne suis pas informé qu'un tel projet ait existé. Le
transport du gaz des îles de l'Arctique par méthaniers est un
projet connu. Le projet alternatif par pipeline est entrepris, si on peut dire,
par Petro-Canada, Ontario Energy Corporation et d'autres et leur tracé
s'appelle Polar Gas. Il descend vers le sud à partir des Territoires du
Nord-Ouest, le territoire de l'Ontario pour rejoindre le pipeline transcanadien
quelque part aux environs de Sudbury. Je ne connais pas de projet
Fort-Chimo-Sept-Îles, mais mes collègues en savent peut-être
plus que moi là-dessus.
M. Guérin: Je pense qu'à un moment donné
c'était un choix au tracé qui aurait pu descendre par l'Ontario.
Je pense que les études préliminaires de coût ont
montré que c'était tellement dispendieux, que c'était de
loin une solution plus coûteuse que celle des méthaniers.
M. Perron: Merci beaucoup, M. Martin.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député. M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): II y a une chose qu'on sait c'est qu'au
Québec on n'a pas de gaz naturel et nous n'avons pas d'huile. On sait
également qu'on a beaucoup d'électricité. Je comprends que
vous n'en vendez pas, vous autres, vous vendez du gaz.
Une voix: Pas encore.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est dommage, avec les surplus
d'hydroélectricité qu'on connaît. On sait que l'eau passe
pardessus les barrages. Ne trouvez-vous pas qu'il est dommage qu'on encourage
la conversion au gaz, particulièrement dans le résidentiel? Je
comprends que dans l'industrie on dit que le gaz est industrialisant, que cela
peut être une forme d'énergie beaucoup plus adaptée
à l'industrie. Vous ne pensez pas qu'on devrait peut-être
favoriser l'électricité d'une façon beaucoup plus
importante qu'on le fait? Ne croyez-vous pas que vous êtes en concurrence
directe avec le ministre qui est responsable - en fait c'est une
société d'État, Hydro-Québec -
d'Hydro-Québec? Je vois, chez moi, quotidiennement, les compagnies de
construction qui s'occupent de placer des tuyaux pour fournir le gaz dans les
demeures. Je pense que c'est une perte pour nous, d'autant plus qu'on dit que
dans 35 ans, 40 ans, il n'y aura plus de gaz, alors que
l'électricité est renouvelable, et on ne peut pas dire que ce
n'est pas propre. Comment percevez-vous cela, cette politique qu'on
préconise? Je comprends que plus on a de formes d'énergie,
meilleure protection on peut avoir. Cela me surprend, et je pense que pour le
commun des mortels, les profanes, cela les frappe. On a une ressource, on a une
richesse et on pousse le gaz naturel. Il ne faut pas parler des carburants,
c'est un marché captif, mais en ce qui concerne
l'électricité, c'est bien différent, surtout dans le
résidentiel.
M. Martin: M. le député, notre prévision de
la demande que vous avez devant vous vous donne une réponse. Je disais,
ce matin, que l'électricité représente aujourd'hui 29%-30%
du marché de l'énergie au Québec et que ses objectifs sont
d'en occuper 40%-41% en 1990. Pour réaliser cet objectif,
Hydro-Québec doit augmenter ses ventes annuellement de 5,6%. Une telle
augmentation éponge en entier les surplus d'électricité
d'Hydro-Québec, tels qu'ils sont actuellement.
Il faut aussi comprendre que ce qu'on appelle surplus
d'électricité ou surplus de n'importe quoi, c'est une
différence entre l'offre et la demande. L'offre
d'électricité est actuellement à un niveau que je
qualifierais de fixe, à moins que d'autres barrages ne soient construits
- là, on peut faire des calculs de coûts alternatifs, mais
qu'importe, je vais la qualifier de fixe - et la demande d'énergie, je
la qualifie actuellement de déprimée, de sorte que le surplus qui
est la différence entre les deux est, aujourd'hui,
considérable.
Nous croyons qu'avec une politique agressive de ventes
d'électricité, comme Hydro-Québec en a une maintenant,
elle peut retrouver un niveau de croissance de ses ventes de 5% à 5,5%,
ce qui est proche de son taux historique record de 6,5%. Tout cela
amènerait Hydro-Québec à occuper 40%, 41% et 42% du bilan;
cela nous semble être son objectif et cela nous semble être aussi
réalisable. Malgré tout, si le gaz naturel ne
pénétrait pas au Québec, c'est le pétrole
qui occuperait la différence du marché. Notre thèse,
hypothèse ou opinion, c'est que c'est mieux qu'une partie du
marché occupée par le pétrole soit occupée par le
gaz naturel pour des raisons dont on a parlé, en particulier des raisons
de propreté, de rendement, etc.
Dans le résidentiel, cependant, j'attire votre attention sur le
même tableau et nos objectifs, quant au gaz, sont modestes. Nous ne
visons quG 15% du marché alors que l'électricité en
occuperait 73%. On voit tout de suite qu'on ne pourrait parler, dans ce
cas-là, de duplication ou de confrontation, mais de ce que je pourrais
appeler un réalisme de notre part par rapport au marché, par
rapport aux habitudes de consommation et du fait qu'Hydro-Québec est en
mesure de desservir ce marché.
Dans des villes comme Montréal ou Saint-Laurent, vous voyez sans
doute d'une façon plus vivante la coexistence des deux formes
d'énergie, mais quand même, dans le bilan total, je crois que nos
objectifs ne sont pas de nature à nuire à
l'hydroélectricité.
Le Président (M. Laplante): Question, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je persiste à croire qu'on
devrait être encore plus agressif.
Tantôt, en réponse à une question de mon
collègue d'Outremont, vous avez mentionné que vous étiez
d'accord avec la déréglementation du prix du gaz. Est-ce que
votre position est la même pour le pétrole?
M. Martin: Le pétrole canadien, actuellement, au prix...
Je vais chercher mes papiers. Les politiques fédérales, telles
qu'elles ont été énoncées et appliquées
jusqu'à maintenant, consistaient à garder le prix du
pétrole au Canada à 75% du prix mondial. La relation actuelle,
compte tenu de la baisse du prix mondial, est que le prix du pétrole
livré à Montréal est à 82% du prix du
pétrole classique canadien. Notre prévision est que le plafond de
75% sera augmenté à 85% et que le pétrole va demeurer
ainsi réglementé pour des raisons qui tiennent à la
politique énergétique fédérale.
Si le prix du gaz était déréglementé, compte
tenu de son abondance, nous pensons que l'effet sur le prix du gaz livré
n'importe où au Canada ou en Amérique du Nord serait plus
immédiat et que le prix baisserait. Jean Guérin, qui est ici et
qui manipule tous ces chiffres, pourrait compléter ma
réponse.
M. Guérin: Je pense que vous avez fait un excellent
résumé, M. le président.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions? M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): La conduite principale, je pense, est
rendue à Trois-Rivières, n'est-ce pas?
M. Martin: Elle sera rendue à Québec...
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, elle y était. Est-ce que
vous avez un marché qui semble satisfaisant actuellement à
Trois-Rivières?
M. Martin: Oui. Vous entendrez Gaz Métropolitain, bien
sûr, et Gaz Inter-Cité. Je pense que ce sera plutôt à
eux à vous répondre avec plus de détails sur cette
question. Sur le marché de Trois-Rivières, tout se déroule
selon les plans et tout est donc satisfaisant, à l'exception du fait que
trois clients industriels, qu'on a nommés ce matin, n'ont pas encore
décidé, au moment où on se parle, de se convertir au gaz.
Une des raisons pour lesquelles leur décision n'est pas encore prise est
précisément que le mazout importé - je ne dis pas
transporté de Montréal à Trois-Rivières - et
acheté sur le "spot" international a toujours accès par bateau
auprès des clients industriels de Trois-Rivières. Sous cet
aspect, la situation est insatisfaisante.
Toutefois, si on pense au marché commercial, résidentiel,
de villes comme Louiseville, La Pérade, Trois-Rivières, etc., les
résultats des ventes sont positifs et même au-delà des
prévisions.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Pontiac. Aviez-vous autre chose?
M. Kehoe: De Chapleau.
Le Président (M. Laplante): Excusez-moi. M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Juste une courte question. Vous avez mentionné
tantôt que les résultats de l'exploration faite dans le golfe
Saint-Laurent et ailleurs dans la province de Québec, jusqu'à
présent, n'ont pas été très heureux. On note aussi,
dans votre rapport, que votre société fait beaucoup d'exploration
en Alberta et dans plusieurs provinces canadiennes de l'Ouest. Est-ce que votre
priorité ou votre intention est de continuer à mettre l'emphase
sur l'exploration dans les provinces canadiennes de l'Ouest ou allez-vous
continuer dans la province de Québec ou dans les autres pays? Quelles
sont vos intentions à court et à long terme en ce qui concerne
l'exploration?
M. Martin: Du côté du Québec, nous avons
mentionné que l'exploration qui a été faite sur le
Québec terrestre a donné des
résultats négatifs. L'exploration n'a pas encore
été faite dans l'estuaire et dans le golfe, au sens où
nous en sommes encore au stade des relevés sismiques et nous n'avons pas
encore foré. Notre intention est de continuer d'explorer dans l'estuaire
et dans le golfe Saint-Laurent et en Gaspésie. (22 heures)
Du côté de l'Ouest, ce que nous visons, sans jouer sur les
mots, ce n'est pas l'exploration mais la production. Il s'agit donc de mettre
en production des réserves "shut in" ou prouvées et nous allons
certainement accélérer notre activité de ce
côté parce qu'il s'agit pour nous d'activités rentables
puisqu'elles nous amènent immédiatement à revendre le gaz
ainsi produit aux distributeurs gaziers du Québec. Notre politique dans
l'Ouest vise le court terme et la production; notre politique dans l'Est, en
particulier dans l'estuaire et dans le golfe, est à moyen terme et vise
l'exploration.
M. Kehoe: Avez-vous l'intention de faire de l'exploration ou de
la production même à l'extérieur du Canada? Cela va
être limité à l'Ouest du Canada, j'imagine?
M. Martin: Nous n'avons aucune intention de nous étendre
à l'extérieur du Canada.
Le Président (M. Laplante): C'est tout? Merci, M. le
député. Une courte question, encore?
M. Leduc (Saint-Laurent): SOQUIP est une société
d'État. Je voudrais simplement savoir combien elle coûte aux
Québécois par année.
Une voix: Je vais vous dire... Une voix:...si
c'est rentable.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, j'attends. Il va me le dire si
elle est rentable.
M. Fortier: Ils n'ont pas de revenus. Ils ont seulement des
dépenses.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est cela, je pense.
M. Martin: On a des revenus. C'est assez intéressant de
vous le dire. Nous avons deux types de dépenses: des placements, d'une
part et des dépenses d'exploration et de production, d'autre part. Nos
dépenses de placement l'an dernier ont été de 22 000 000 $
et ont consisté à acheter du capital-actions de Gaz
Métropolitain, pour maintenir notre position à 20% dans le
capital-actions de cette entreprise. Nos placements pour l'an prochain: du
côté de
Gaz Métropolitain ils sont nuls, du côté de Gaz
Inter-Cité ils sont de l'ordre de 15 000 000 $. Nos dépenses
d'exploration et de production, je les cherche et je vais les trouver. Elles
seront, en 1982-1983, de 9 000 000 $. Si vous ajoutez les 22 000 000 $ de
placement - que vous considérez comme une dépense ou un
placement, selon ce que vous voulez - et les 9 000 000 $
d'exploration-production, le coût à notre actionnaire était
de 31 000 000 $ l'an dernier. Quant à nos revenus, je vais mettre cela
comme ceci. Il me fait plaisir de dire que pour la première fois l'an
dernier, SOQUIP est passée au stade qu'on appelle l'exploitation et a
cessé de capitaliser toutes ses dépenses. Elle a montré un
état des revenus et dépenses qui indiquait un déficit
d'opération de 2 000 000 $ dont 1 000 000 $ ont servi à
défrayer les travaux que nous avons faits dans le projet CARMONT, parce
que nous avons payé notre part de ces études. Cette année,
pour l'année 1982-1983, l'objectif que nous allons réaliser est
l'équilibre budgétaire avec, vraisemblablement, un léger
profit. Au fur et à mesure que notre activité de production dans
l'Ouest de vendre le gaz aux distributeurs de l'Est va
s'accélérer, nos profits vont s'accroître. D'après
nos prévisions nos profits pourraient être de l'ordre de 3 000 000
$ ou 4 000 000 $ d'ici deux ans.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le ministre, le
petit mot de la fin.
M. Duhaime: Je ne sais pas si cela va être le mot de la
fin, M. le Président. Je voudrais d'abord donner une assurance avant de
poser une question. Je voudrais dire au député de Saint-Laurent
que je ne me sens pas du tout en conflit d'intérêts de devoir
m'occuper à la fois d'Hydro-Québec et de SOQUIP. Une
problématique qui a été expliquée de long en large
depuis plusieurs mois, sinon quelques années, va dans le sens que sur le
marché du Québec, nous avons l'intention - et c'est ce qui est en
train de se produire - d'influencer considérablement la transformation
des composantes du bilan énergétique, de sorte que lorsque nous
poussons à la fois la pénétration de
l'hydroélectricité et du gaz naturel, nous
déplaçons le pétrole que nous payons au prix que les pays
de l'OPEP veulent bien nous faire, à moins que vous n'ayez des
intérêts en Arabie, ce que j'ignore.
Je voudrais maintenant parler d'un sujet qui vient juste d'être
abordé, CARMONT. On en a discuté un peu ce matin. Vous en parlez
aux pages 10 et 46 de votre mémoire en mentionnant que le projet de
valorisation de mazout lourd ou encore d'"upgrading" ou d'affinage, peu importe
l'expression, reste d'après vous un projet souhaitable. C'est
l'expression que j'ai retenue à la page 10 de votre
mémoire. Plus loin, à la page 46, on parle d'une
prévision, à l'horizon de 1990, d'un volume de mazout lourd qui
pourrait varier entre 21 000 et 46 000 barils-jour. Je voudrais savoir si votre
participation dans ce projet de CARMONT est maintenue. Je rappelle, pour les
fins des intérêts de ceux et de celles qui reliront nos travaux et
de ceux qui nous écoutent, que le projet CARMONT avait été
annoncé par le gouvernement fédéral - je crois que
c'était M. Lalonde qui était le ministre fédéral de
l'Énergie, des Mines et des Ressources - au mois d'avril 1981.
C'était un investissement de 1 200 000 000 $...
M. Fortier: En même temps que le siège social
d'Hydro-Québec.
M. Duhaime: ...pour une capacité de 80 000 barils-jour
à l'époque. Si ce n'est pas 80 000, je voudrais que vous me
corrigiez, mais, au meilleur de mon souvenir, il s'agissait de 80 000
barils-jour. Je voudrais que vous nous donniez votre appréciation sur la
pertinence d'aller de l'avant dans ce projet. Est-ce que 80 000 barils-jours,
c'est trop élevé comme capacité de traitement à
l'horizon de 1990? Si oui, quelles seraient les capacités à
être traitées qui pourraient quand même nous permettre
d'envisager un seuil de rentabilité dans le projet? Et quel est
l'intérêt que votre société maintient dans ce
groupe?
M. Martin: Le projet CARMONT visait à revaloriser les
huiles lourdes, c'est-à-dire le mazout qui est le résidu des
produits de raffinage, qui est un résidu inévitable. C'est le
fond de la théière, si on peut dire. De toute façon,
dès qu'on raffine un baril de pétrole, on extrait les
matières les plus légères: l'essence à moteur, le
kérosène et ainsi de suite. Le fond du baril, pour utiliser
l'expression populaire, c'est du mazout et de l'asphalte. L'asphalte a une
valeur commerciale. Le mazout est un sous-produit qui cause des
problèmes partout dans le monde; comme c'est un résidu, on doit
en disposer. L'une des façons d'en disposer, c'est de le retraiter
à nouveau et de le raffiner à nouveau pour en produire des
produits plus légers. Dans le projet CARMONT, on a évolué
entre une capacité initiale de 120 000 barils-jour qui a
été révisée par la suite à 80 000
barils-jour. Finalement, je pense qu'on parlait de 40 000 barils-jour aux
dernières étapes de ce projet. C'est donc dire que les
estimations de surplus de mazout sont sujettes à bien des aléas;
les experts peuvent avoir leurs opinions, mais le marché mondial et le
marché domestique commandent beaucoup plus de choses que les opinions
des experts. Nous évaluons qu'en 1990, les surplus de mazout lourd au
Québec pourraient se situer entre 21 000 et 46 000 barils-jour. Cela
dépend des hypothèses que l'on peut faire sur la qualité
du brut traité et, évidemment, de la demande d'essence. À
notre avis, il y aura un surplus de mazout lourd et il y aurait mieux à
faire avec ce produit que de faire du dumping. La question de la
rentabilité d'une usine de revalorisation doit être reprise. Je
pense que les études qui ont été faites il y a à
peine quinze mois ne valent plus, compte tenu des fluctuations dans le prix
mondial du pétrole. Ce que nous croyons, c'est qu'une usine de
valorisation pourrait être établie à Montréal,
peut-être même à partir d'une des raffineries
fermées, pour une capacité qui pourrait être de l'ordre de
25 000 à 30 000 barils par jour.
Je ne me prononce pas à ce moment-ci sur l'économique de
ce projet parce qu'il faut pouvoir refaire des chiffres à long terme,
mais nous pensons qu'avec l'industrie du raffinage à Montréal et
que l'industrie de l'énergie au Québec pourrait substantiellement
améliorer la qualité de sa structure, se donner plus de muscle,
si une usine de revalorisation du mazout était implantée à
même les installations fermées d'une des raffineries, que ce soit
celle d'Esso ou de Texaco. Les derniers chiffres que j'ai en mémoire,
c'est qu'une usine de revalorisation de 40 000 barils-jour pourrait
coûter 500 000 000 $ - j'espère que je ne me trompe pas - et que
l'utilisation d'infrastructures existantes dans une raffinerie fermée
pourrait faire économiser sur les 500 000 000 $ quelque chose de l'ordre
de 150 000 000 $, du seul fait que le site est là, que les adductions
d'eau, que toutes les infrastructures y sont.
Maintenant, tout cela n'est possible que si les raffineurs veulent
contribuer à une telle entreprise. Les gaziers eux-mêmes seraient
vraisemblablement disposés à investir dans une telle usine pour
deux raisons: d'abord, une telle usine est consommatrice de gaz;
deuxièmement, une telle usine éliminerait une grande partie des
surplus ou la totalité des surplus de mazout et évidemment,
laisserait ouverture à plus de marchés industriels pour le gaz
naturel. Nous continuons de croire que c'est un sujet qu'on ne devrait pas
oublier et que si toutefois les conditions économiques redevenaient
favorables, il faudrait penser à cette question, d'autant plus que nous
croyons, même si ce n'est peut-être pas de nos affaires de porter
des jugements sur les décisions d'autres entreprises que l'abandon du
projet CARMONT représente une chance ratée pour l'industrie du
raffinage de Montréal de se moderniser.
M. Duhaime: Une dernière question. Vous avez parlé
de "dumping" en répondant tout à l'heure. Dois-je comprendre que
la
présence de ces quelque 40 000 barils-jour à l'horizon de
1990 qui sont en beaucoup plus grand nombre aujourd'hui est un
empêchement pour que le gaz naturel puisse poursuivre sa
pénétration en termes de prix, j'imagine? Je voudrais avoir votre
appréciation en ce qui concerne la meilleure utilisation possible ou
l'utilisation maximale des énergies disponibles. J'ai toujours compris,
en profane, que si on laissait sur le marché du mazout lourd à un
prix de dumping, on empêchait le gaz naturel de faire son chemin, mais
parce qu'on se privait de la revalorisation, on gaspillait en quelque sorte de
l'énergie qui est déjà disponible. J'aimerais avoir votre
commentaire là-dessus. Partagez-vous ce point de vue ou si vous allez
dans le sens contraire?
M. Martin: Je partage votre point de vue. Il y a plusieurs
éléments dans cette problématique. D'abord, les raffineurs
doivent disposer du mazout s'ils ne le valorisent pas. Ils doivent en disposer
à un prix que j'ai qualifié d'un prix de dumping, mais qui est un
prix, pour être plus poli, avec lequel ils perdent de l'argent. Il y a
donc une perte financière et économique pour les raffineurs
à vendre le mazout à un prix inférieur au prix du brut. Il
se vendait traditionnellement à 90% du prix du brut et, aujourd'hui, il
se vend environ à 78% à 80% du prix du brut. Cela veut dire qu'un
produit acheté 100 $ est revendu 80 $. Il y a une perte pour celui qui
fait cette vente et cette perte doit être compensée, par le
raffineur, par une augmentation des prix des autres produits et,
essentiellement, pour l'argent perdu en vendant le mazout à 80% du prix
du brut, il faut augmenter le prix de l'essence pour se reprendre. (22 h
15)
M. Duhaime: Si je comprends bien, cela veut dire que ce sont les
consommateurs qui assument ces coûts, dans les prix qu'ils ont à
payer, pour la présence du mazout lourd qui n'est pas
éliminé.
M. Martin: Ce sont en partie, les consommateurs. Jusqu'à
un certain point, ce sont les consommateurs et aussi les compagnies si elles
absorbent une partie des pertes. Mais il y a une perte ou il y a une
augmentation de prix pour les consommateurs.
M. Duhaime: Une dernière question. Est-ce que ce n'est pas
le fait de brûler du mazout lourd qui est un des éléments
les plus polluants en termes d'environnement et de production de soufre?
M. Martin: Dans tout le domaine de l'énergie, je crois
bien que la réponse est très certainement oui.
M. Fortier: Une brève question. Je crois qu'une usine de
revalorisation, si elle s'installait au Québec, tout le monde en serait
bien satisfait. Vous manifestez un certain optimisme. Est-ce que vous avez pris
connaissance du mémoire de Shell - j'imagine que non - qui a des
prévisions différentes des vôtres en ce qui concerne le
mazout lourd puisque cette compagnie dit qu'après 1985, ce serait
presque terminé? Elle mentionne également qu'une usine de
revalorisation, pour autant qu'elle est concernée - je crois qu'elle
était un des partenaires - c'est complètement mort. Mais
j'imagine que cela laisse quand même la possibilité de faire une
étude malgré cela.
M. Martin: Oui. Je pense qu'il faut qualifier et je devrais
qualifier ma réponse. J'ai parlé d'une usine de revalorisation.
D'une façon plus générale, on pourrait parler de
revalorisation du mazout dans une ou plusieurs usines. Les raffineurs peuvent
bien, chacun chez soi, faire leurs choses, mais nous pensons que les
investissements devraient être faits à ces fins-là. Que
chacun le fasse chez soi ou qu'on se regroupe pour les faire, c'est le
résultat qui compte.
M. Fortier: D'accord. Merci.
Le Président (M. Laplante): MM.
Martin, Guérin, Rheault, Bédard et Plante, les membres de
cette commission vous remercient de votre contribution.
M. Duhaime: M. le Président, un dernier mot.
Peut-être que les représentants de SOQUIP lisent les journaux de
l'Ouest. Le Calgary Herald, du samedi 19 mars, mentionne - je donne simplement
le titre -"A Québec Firm Big Winner in Gas Sale Permits," ce que vous
avez mentionné, ce matin. On parle nommément de la
Société québécoise d'initiatives
pétrolières. On va vous souhaiter bonne chance dans l'Ouest.
M. Martin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Laplante): J'appelle le groupe Gaz
Inter-Cité Québec Inc.
Une voix: Lavalin Inc.
Le Président (M. Laplante): Non. Le groupe Lavalin
Inc.
Si vous voulez bien identifier votre organisme ainsi que les personnes
qui vous accompagnent.
Une voix: II est seul.
Le Président (M. Laplante): Vous êtes seul.
Lavalin Inc.
M. Couture (Armand): Je représente Lavalin Inc. Je suis
Armand Couture, vice-président de l'entreprise et je suis le seul
représentant. Si je ne suis pas capable de répondre à vos
questions, je vais prendre des notes et je vous ferai parvenir les
réponses plus tard.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, mesdames et messieurs, peut-être un mot sur Lavalin. C'est
une entreprise privée de génie-conseil fondée à
Montréal en 1936 qui s'est développée tant du point de vue
technique que du point de vue des territoires desservis. Lavalin appartient
à ses cadres supérieurs et compte près de 5000 personnes.
Son champ d'activité comprend, en plus du génie-conseil, des
services d'expertise dans les domaines de l'économie, de
l'environnement, de l'urbanisme, de la gestion de projets et de la
réalisation de projets clé en main.
L'énergie a été le principal levier de
développement pour Lavalin et couvre les secteurs de
l'hydroélectricité, des centrales thermiques, de la
pétrochimie et du gaz. Nos ingénieurs et experts ont
développé au cours de ces années et dans la
réalisation de ces travaux des compétences indéniables qui
sont aujourd'hui reconnues mondialement. Nous devons également ajouter
que notre expérience sur les marchés internationaux nous oblige
à comparer presque continuellement les caractéristiques du
Québec à celles d'autres pays. Nos activités
internationales ont débuté à la fin des années
soixante et se sont développées continuellement depuis pour
atteindre, en 1982, plus de 20% de notre chiffre d'affaires. Cette proportion
continue d'augmenter dans le marché dépressif canadien actuel. En
incluant le personnel temporaire des chantiers et celui de nos sous-traitants,
nous évaluons que plus de 1500 Québécois seront
affectés à nos travaux à l'étranger, à la
pointe des travaux de l'année qui vient.
Je voudrais, M. le Président, déposer notre mémoire
et souligner les points qui nous paraissent les plus importants et qui n'ont
pas déjà été couverts à la séance
précédente. Avant d'attaquer le vif du sujet, j'aimerais nuancer
notre intervention, car, bien qu'à notre avis l'énergie puisse
constituer un levier efficace de développement économique nous ne
croyons pas opportun qu'une stratégie de développement soit
axée uniquement sur ce levier et qu'on néglige
conséquemment d'autres facteurs d'importance équivalente. En
fait, une stratégie de développement doit aussi capitaliser sur
d'autres forces que nous avons développées au cours des
années. Mentionnons, à titre d'exemple, notre infrastructure de
transport faisant du Québec une porte d'entrée et de sortie
naturelle sur le continent nord-américain. Nous faisons des efforts
très considérables actuellement pour exporter à
l'étranger notre expertise dans le domaine du transport en commun en
formant des groupements québécois.
Mentionnons, dans le même ordre d'idées, nos
possibilités, toujours grandissantes, de développement d'une
vocation internationale puisque nous sommes à la croisée de
cultures différentes et dynamiques. Mentionnons également qu'une
stratégie de développement doit pouvoir intégrer la force
de secteurs industriels importants, tels celui des pâtes et papiers et,
par exemple, celui de la mode et du vêtement. Il ne faut pas oublier le
caractère industrieux des gens du Québec et le fait que nous
disposons ici de compétences professionnelles, techniques et
administratives nous permettant de nous adapter facilement aux changements de
la société industrielle et d'en relever les défis.
L'observation de l'évolution de l'utilisation de l'énergie
sous toutes ses formes depuis 1850 nous révèle des
éléments intéressants. Bien que l'énergie ait
joué un rôle important dans le développement
économique des pays, la forme d'énergie utilisée a souvent
changé. En effet, on observe que le charbon occupait une place
prédominante en 1850. De 1880 à 1920, le pétrole,
l'hydroélectricité et le gaz naturel faisaient successivement
leur apparition et ont graduellement déplacé le charbon à
partir de la fin de la deuxième guerre.
Aujourd'hui, nous tentons de remplacer autant que possible le
pétrole par le gaz naturel et par l'électricité. Nous
prévoyons que, d'ici quinze ans, ces deux formes d'énergie
domineront le marché québécois, comme il en a
été fait état il y a quelque temps à cette
commission. Mais qu'arrivera-t-il par la suite? Certains parlent avec
enthousiasme de l'hydrogène ou de l'ammoniaque, comme futur combustible,
et d'autres, de l'utilisation de plus en plus poussée de ressources
renouvelables, telles que le vent, la marée, la biomasse ou le soleil.
D'autres, enfin, misent sur l'énergie provenant de la fusion
nucléaire.
Deux faits importants doivent être retenus, à notre avis:
premièrement, l'obsolescence ou la désuétude a
affecté certaines formes d'énergie; deuxièmement, les
formes d'énergie qui ont disparu ou qui sont en voie de
disparaître sont des ressources non renouvelables.
L'hydroélectricité est encore très en vogue et continuera
de progresser sûrement, quelque temps après l'an 2000.
Quant au secteur pétrolier, en analysant les statistiques
actuelles sur la consommation d'énergie au Québec, l'on constate
que 60% de l'énergie consommée provient du pétrole.
Cependant, le Québec ne dispose pas,
malheureusement, de pétrole dans son sous-sol et doit
s'approvisionner dans l'Ouest canadien et sur les marchés
internationaux.
En conséquence, il nous apparaît maintenant inopportun pour
le Québec de stimuler sensiblement ce secteur et de promouvoir
l'utilisation plus grande des hydrocarbures, bien que nous soyons conscients du
caractère présentement captif du marché du transport et
que l'industrie de la pétrochimie soit un générateur
important d'emplois et d'activités économiques à cause de
toutes les industries qu'elle entraîne dans son sillage. Cependant, nous
pensons que les efforts déjà entrepris pour revitaliser cette
industrie doivent être maintenus.
Ceci nous amène à traiter d'un aspect important de ce
programme de revitalisation qui correspond à la valorisation des huiles
lourdes dont les surplus actuels constituent un obstacle à la
pénétration du gaz naturel dont vous venez tout juste de
discuter. Ce projet se présente d'ailleurs au moment où nous
sommes confrontés avec le problème économique et social
provenant de la fermeture actuelle ou prochaine des usines de raffinage BP,
Texaco et Imperial dans l'est de Montréal. Cette diminution de
capacité de raffinage provient des récentes baisses d'importation
de pétrole brut provenant de l'étranger.
Une ou des usines de valorisation des huiles lourdes permettraient
d'abord de traiter les résidus du raffinage, lesquels forment
actuellement des surplus qui sont directement écoulés à
faible prix comme combustible dans le chauffage industriel et commercial,
empêchant par le fait même la pénétration du gaz
naturel dans ce marché intéressant. Le produit de la valorisation
de ces huiles lourdes permettrait aussi de réduire le niveau de nos
importations actuelles de pétrole brut et d'accroître la
production d'autres éléments parmi lesquels on retrouve,
notamment, les matières premières pour l'industrie
pétrochimique.
Ces usines de valorisation devraient être conçues de telle
sorte qu'elles pourraient, en plus, traiter le pétrole brut lourd
provenant des sables bitumineux de l'Alberta pour en faire du pétrole
léger. On pourrait ainsi récupérer et réutiliser au
Canada, en plus du pétrole brut lourd, le solvant qui est ajouté
à la source pour en permettre le transport. Ce solvant, qui est vendu
à des prix inférieurs à son coût de production,
serait autrement exporté vers les États-Unis avec le
pétrole brut lourd à l'avantage de ce dernier pays.
Un autre avantage primordial de ce projet réside dans le fait que
des usines de valorisation pourraient être aménagées en
modifiant les installations actuelles et excédentaires de raffinage de
l'est de Montréal. Cette solution réduirait fortement les
coûts d'implantation des usines, permettant ainsi une économie qui
pourrait aller - nous le croyons - jusqu'à 50% de l'investissement
requis par rapport au coût d'aménagement des nouvelles
installations à proximité des sources d'extraction de
pétrole brut lourd. Tout cela devrait faire l'objet d'études
sérieuses qui pourraient déterminer l'avantage de pouvoir
réutiliser les raffineries existantes. Finalement, le
procédé de valorisation des huiles lourdes serait
proportionnellement générateur d'un peu plus d'emplois que celui
du raffinage traditionnel.
En ce qui a trait au secteur du gaz, on en a discuté abondamment
et je vais aller au plus court. Cette première approche du
pétrole nous amène à l'autre extrémité du
tableau de l'inventaire des sources d'énergie où nous retrouvons
le gaz naturel qui tente, depuis récemment, de pénétrer le
marché québécois. (22 h 30)
Comme source d'énergie remplaçant le pétrole, nous
sommes d'accord que le gaz naturel demeure une solution très valable.
Ainsi, pour certains procédés industriels, cette forme
d'énergie pourrait représenter le meilleur choix, le plus
efficace, le plus rentable tant et aussi longtemps que les prix demeureront
concurrentiels. Par exemple, le chauffage industriel à haute
température pourrait constituer un champ d'application
intéressant. Cependant, dans d'autres cas et circonstances,
l'électricité sera préférée parce que mieux
appropriée, mieux adaptée et plus économique. Ceci nous
amène à suggérer que tous les efforts soient effectivement
entrepris ou poursuivis afin de favoriser un développement harmonieux et
efficace des réseaux d'électricité et de gaz naturel.
Comme nous l'avons mentionné, le gaz naturel constitue un facteur
intéressant de substitution des importations d'hydrocarbures. Comme
levier de développement économique pour le Québec, le gaz
naturel comporte toutefois un inconvénient majeur parce qu'on ne le
retrouve pas, ou du moins pas encore, dans le sous-sol québécois
de façon exploitable. Malgré cette lacune, on ne devrait pas
négliger les efforts de recherche appliquée pour découvrir
de nouveaux marchés pour le gaz naturel. Le véhicule au gaz
naturel comprimé est d'ailleurs un récent exemple. En conclusion,
même si cette forme d'énergie doit être
considérée sérieusement dans le développement
économique du Québec, elle ne pourrait être choisie comme
pivot central d'une stratégie de développement.
Le secteur hydroélectrique. Entre le pétrole et le gaz
naturel, nous retrouvons l'électricité, qui représente
environ 30% de la consommation totale en énergie au Québec. Les
prévisions sont que l'électricité deviendra le poste le
plus important de notre bilan énergétique d'ici la fin de la
présente
décennie.
Nous mentionnions précédemment que les ingénieurs
du Québec ont acquis une notoriété en matière
d'énergie et surtout en hydroélectricité sans toutefois
vouloir minimiser nos compétences dans les autres domaines. La
technologie que nous avons développée, que ce soit pour
l'aménagement des cours d'eau, la construction des barrages, les
équipements de production, de transport, de distribution et autres, a
depuis longtemps dépassé les frontières du Québec,
du Canada et de l'Amérique. Les ingénieurs du Québec ont
acquis une renommée internationale et ont développé une
spécialité qui, à notre avis, peut maintenant servir
à jeter les bases d'un levier efficace de développement
économique. Nous devons aussi considérer qu'à plus court
terme ils contribuent substantiellement à concrétiser cette
vocation internationale du Québec dont nous avons parlé au
début de cette intervention.
Contrairement au pétrole et au gaz naturel,
l'hydroélectricité est un produit québécois. Les
ressources hydrauliques constituent l'une de nos principales richesses et leur
transformation en hydroélectricité représente un des fers
de lance de notre technologie. Comme vous le savez tous,
l'hydroélectricité comporte des avantages parce que c'est une
forme d'énergie renouvelable. En plus, c'est une forme d'énergie
fiable, versatile, non polluante et très flexible puisqu'elle est
disponible dans toutes les régions du Québec.
Un levier doit être fort pour être efficace. De la
même façon, en matière de développement
économique, ce levier doit également constituer pour celui qui
l'utilise une force incontestable, en d'autres mots, l'une de ses
spécialités. L'énergie hydroélectrique pourrait
être au Québec ce que les aciers spécialisés sont
à la Suède et les instruments de précision à la
Suisse.
En conséquence, si nous voulons utiliser l'énergie comme
levier de développement économique,
l'hydroélectricité peut jouer un rôle très important
d'autant plus que nous disposerons de surplus inutilisés au cours des
prochaines années. Ces surplus constituent à la fois pour nous
une occasion et un défi. Une occasion, non seulement comme facteur de
sécurité supplémentaire du point de vue des
approvisionnements énergétiques, mais surtout comme outil
privilégié de développement industriel à plus court
terme. Le défi de trouver une utilisation rapide à ces
excédents est relié à l'importance d'assurer la meilleure
santé financière possible à Hydro-Québec et de lui
garantir la rentabilité de ses investissements.
Si l'hydroélectricité est utilisée comme levier de
développement économique, il faudra peut-être
réviser nos plans de développement pour assurer la
continuité de ce développement par opposition à un cran
d'arrêt qui est présentement prévu entre les années
1985 et 1988, quitte à devancer certains projets et intensifier nos
efforts de disposition de surplus, tel le programme de biénergie qui a
été un si grand succès.
Nous aimerions donc faire porter cet exposé sur les voies et
moyens qu'on pourrait mettre en oeuvre au Québec pour assurer le
progrès de notre industrie hydroélectrique. À cet effet,
deux actions majeures ou programmes nous apparaissent plus appropriés
comme éléments d'une stratégie générale de
développement.
Le premier programme consiste à poursuivre le
développement important de nos ressources hydrauliques par
l'aménagement de nos cours d'eau économiquement exploitables au
rythme de nos capacités de financement et en étalant de
façon continue ces développements d'ici la fin du
siècle.
Nous devons envisager un programme de développement dont la
réalisation pourrait s'échelonner jusqu'en 2010 environ. Nous
croyons être justifiés de considérer cet horizon, car
au-delà de 2010, il est possible que d'autres formes d'énergie
supplantent les nouveaux aménagements hydroélectriques sur les
plans de l'économie et du rendement technologique. Il serait donc
opportun d'exploiter dès maintenant ces richesses excédentaires,
tout en bénéficiant des retombées économiques
inhérentes pendant cette période que nous pourrions probablement
encore qualifier d'optimale.
Sans entrer dans trop de détails, nous savons tous que ce
programme entraînerait des retombées économiques à
court terme sur l'ensemble du Québec en créant de nombreux
emplois pendant la phase d'aménagement et en stimulant l'activité
de plusieurs industries tributaires de l'aménagement des sites
hydroélectriques.
Qu'arrivera-t-il des surplus encore plus importants? Le second programme
que nous proposons peut justement répondre à cette question
pertinente. La stratégie que nous suggérons pour
l'écoulement de ces surplus d'électricité comporte quatre
volets spécifiques: l'exportation, l'implantation et l'expansion au
Québec d'industries de base à haute consommation d'énergie
électrique, la recherche et le développement et le remplacement
du pétrole.
Premièrement, l'exportation des surplus en
électricité est évidemment la solution la plus rapide.
Nous ne voulons pas trop insister sur ce point. Cependant, à court et
à moyen terme, et dans le but de générer des fonds, ce
marché doit être considéré à sa juste valeur
en s'appuyant sur une stratégie de commercialisation adaptée aux
besoins de nos partenaires. D'ici à ce que nous ayons trouvé de
nouveaux débouchés pour l'électricité,
l'exportation de l'énergie de base peut de toute évidence
être envisagée avec profit, d'autant plus que la capacité
des réseaux
d'interconnexion installés et prévus permettra d'absorber
un volume plus grand de transfert.
Le deuxième élément de cette stratégie
d'écoulement des surplus consiste à favoriser l'implantation au
Québec des industries qui sont grandes consommatrices d'énergie
électrique ou encore à inciter l'expansion de ce type
d'industries déjà installées au Québec. C'est le
cas principalement de l'industrie de l'aluminium. Certains diront que c'est de
l'exportation d'énergie déguisée. C'est un argument un peu
simpliste, surtout lorsqu'on considère le degré actuel de
sous-utilisation de nos facteurs de production.
Parallèlement, nous pourrions prévoir des mesures
incitatives additionnelles pour amener ces entreprises à accroître
leur intégration verticale à proximité des installations
de production de base, particulièrement pour certains biens durables,
tels que les câbles de transport d'énergie. Nous sommes toutefois
conscients que cette approche présente beaucoup plus de problèmes
dans le cas de produits recyclables et reliés à la consommation
courante, tels les contenants.
Nous considérons au moins deux avantages reliés à
cette stratégie. En premier lieu, l'implantation de nouvelles industries
et l'expansion d'industries de base déjà existantes procurent des
revenus autant par la vente d'électricité que par les taxes et
impôts qu'elles versent. En second lieu, nous n'avons pas à
insister tellement sur ce point, mais de nouveaux investissements
entraînent généralement la création de nombreux
emplois et des retombées économiques importantes.
Dans cette même optique, nous aimerions souligner que le
Québec peut demeurer très attrayant pour l'industriel
étranger sur le plan de l'énergie. En effet, certains pays, dont
le Japon, ont récemment accusé des augmentations
considérables du coût de leur énergie électrique,
causant ainsi une pression sur les coûts d'affinage de l'aluminium en
particulier. Dans certains cas, on rapporte même des fermetures
d'alumineries ou des baisses importantes de production. L'outil de la
tarification constitue donc pour le Québec un élément
primordial d'une stratégie de développement économique
axée, entre autres, sur la disponibilité de l'énergie en
quantité abondante et à un prix intéressant. Nous sommes
très conscients du caractère délicat d'une tarification de
faveur à l'implantation de nouvelles industries de base. Tenant compte
des surplus d'électricité, nous devons toutefois trouver les
moyens d'aménager une structure tarifaire qui pourra privilégier
la création et l'expansion de grandes industries et où les
principaux intervenants y trouveront tous leur compte. Nous sommes toutefois
convaincus que les dirigeants d'Hydro-Québec et du gouvernement sont
parfaitement au fait de cet aspect et ne le négligeront pas.
À une échelle plus petite, il existe également
d'autres types d'industries que nous pourrions développer,
considérant que nous disposons de surplus d'énergie
électrique. Nous nous référons, par exemple, à des
applications dans le domaine agroalimentaire. Dans un climat aussi rigoureux
que le nôtre, il est évident que le coût d'énergie
affectée au chauffage des locaux constitue parfois le facteur
décisif dans le rejet d'un projet. Nous avons déjà
réalisé des études et mené des expériences
conjointement avec une autre société dans le domaine de
l'horticulture en environnement contrôlé. Nous pourrions
développer cette industrie au Québec si nous avions accès
à des sources d'énergie moins coûteuses. Il serait sans
doute approprié d'utiliser des surplus pour stimuler le
développement de nouvelles industries comme celle-là. Ces ventes
d'énergie pourraient être consenties à rabais sans
toutefois causer des pertes à son producteur. Ce serait, d'autre part,
une façon tangible de contribuer à la substitution d'importations
dans un secteur aussi important de l'économie.
De façon complémentaire, un troisième volet de la
stratégie d'écoulement des surplus en électricité
s'articule autour de la recherche et du développement. Cette action
convient d'autant mieux au Québec, parce que nous possédons
déjà les équipements de base et un réservoir de
ressources professionnelles capables d'y oeuvrer.
Alors que des efforts considérables ont été
consentis au cours des dernières années au niveau de
l'établissement d'une infrastructure de recherche, il serait maintenant
opportun d'accroître nos programmes et préoccupations en
matière de recherche et de développement. En effet, les
programmes de recherche et de développement ont surtout
été axés, jusqu'à présent, sur les
techniques de production et de transport d'électricité. Ces
efforts sont nécessaires et louables dans la mesure où ils
contribuent à abaisser les coûts de production de
l'hydroélectricité et à en augmenter l'efficacité.
Cependant, dans l'optique d'une plus grande utilisation de
l'électricité dans les techniques de production industrielle, il
importe maintenant de privilégier l'avenue de la recherche et du
développement appliqués aux procédés d'utilisation
et d'augmenter en conséquence les ressources financières,
matérielles et professionnelles pouvant être disponibles à
cet effet.
La découverte de nouveaux procédés industriels
utilisant l'énergie électrique pourrait donc s'avérer fort
intéressante pour le Québec car, éventuellement, de
nouvelles industries pourraient s'implanter chez nous à cause de nos
disponibilités en électricité.
II nous semble, en effet, primordial de faire porter la recherche sur
des applications industrielles. Le transport est une industrie qui pourrait
utiliser davantage l'électricité. Nous savons qu'au chapitre du
véhicule électrique, certains progrès ont
été réalisés depuis dix ans. Cependant, beaucoup
reste à accomplir. Des applications pourraient être introduites
beaucoup plus rapidement dans le secteur du transport collectif où des
investissements énormes devront être consentis au cours des
prochaines années. Pensons, par exemple, au corridor
Québec-Montréal-Mirabel-Ottawa-Toronto-Windsor qui devrait
être alimenté à partir de l'énergie
électrique.
Une autre dimension de la recherche devrait être définie
avec le concours des industries utilisatrices de produits dont la fabrication
implique un important recours à l'électricité. Les
produits dérivés de l'aluminium ou les produits l'utilisant comme
intrant sont des cas typiques. Il suffirait de trouver des nouveaux
débouchés pour ces produits pour ainsi susciter une demande
accrue d'électricité. C'est ce qui s'est notamment produit dans
l'industrie de l'automobile. (22 h 45)
Tous ces travaux de recherche et de développement exigeront des
déboursés importants. Il faudrait donc instaurer rapidement des
moyens pour financer ces programmes qui devraient se réaliser tant dans
les secteurs public et parapublic que privé. Les programmes
gouvernementaux de recherche et de développement devraient donc
être mis au point pour tenir compte des nouvelles priorités que
nous voudrions voir privilégier. Parallèlement, les gouvernements
pourraient utiliser les mécanismes de subvention et de fiscalité
pour encourager les entreprises privées à faire leur part. Par
exemple, nous pensons qu'au chapitre de la fiscalité reliée au
financement de la recherche, le surplus des déductions autorisées
devrait être augmenté et porté à 50% des
dépenses annuelles de recherche et de développement et non pas,
comme maintenant, à 150% de la différence entre les sommes
consacrées à la recherche et au développement de
l'année courante et la moyenne de ces sommes pour les trois
années antérieures.
Le succès d'une telle stratégie de recherche et de
développement implique aussi la mise en place de conditions
complémentaires à celles du financement pour attirer et retenir
au Québec des experts, cadres supérieurs et entreprises
spécialisées pouvant apporter une contribution importante dans ce
domaine spécifique.
Parmi les conditions figure notamment l'établissement d'un
régime d'imposition qui ne soit pas source de découragement pour
les cadres supérieurs et hauts salariés.
D'autre part, un des effets bénéfiques importants de cette
stratégie de recherche et de développement serait de trouver des
débouchés rapides et intéressants pour les futurs
diplômés que nous sommes présentement à former dans
nos universités au niveau des études de génie de
deuxième ou de troisième cycle.
Finalement, un quatrième et dernier volet dans la
stratégie d'écoulement des surplus d'électricité
vise bien sûr le remplacement graduel du pétrole. Nous avons eu
l'occasion d'aborder ce thème auparavant dans cet exposé. Comme
mentionné, nous pensons que l'électricité et le gaz
doivent être deux alliés naturels pour réaliser cette
substitution progressive. Dans certains cas, l'électricité pourra
remplacer plus avantageusement le pétrole; dans d'autres, le gaz naturel
serait plus approprié. Les règles normales de l'économie
du marché, de même que celles de l'efficacité, devraient
constituer les critères permettant d'effectuer ce partage. Par exemple,
nous discutions de l'utilisation des raffineries pour valoriser le
pétrole lourd; cela pourrait ouvrir un marché de quelque 40 000
barils par jour à la pénétration du gaz et de
l'électricité.
Pour conclure cet exposé, nous aimerions rappeler que
l'hydroélectricité constitue pour nous un domaine particulier
d'excellence et d'expertise; c'est donc une force sur laquelle nous devons
continuer de capitaliser. Nous croyons que, si nous désirons vraiment
nous en servir comme levier de développement économique, nous
pourrons réaliser de grandes choses. L'hydroélectricité a
un avantage sur plusieurs autres formes d'énergie: elle est
renouvelable, versatile, propre et moins coûteuse que dans plusieurs pays
parce que plus abondante ici. Il s'agit aussi d'un produit
québécois. Tant que nous pourrons maintenir nos tarifs
d'électricité en dessous de ceux en vigueur dans les autres pays
industrialisés, nous serons en mesure d'attirer de nouveaux
investissements et de stimuler ainsi notre développement
économique.
M. le Président, messieurs, je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Couture.
M. le ministre.
M. Duhaime: M. Couture, je voudrais d'abord, bien sûr, vous
remercier pour votre présentation. Vous me permettrez d'attaquer votre
modestie en vous disant que, si vous acheminez le groupe Lavalin dans quelques
années vers votre premier demi-siècle d'existence, je dois vous
dire que ce n'est pas sans une certaine fierté que, de par le monde
aujourd'hui, on parle de Lavalin comme étant l'un des fleurons de
l'expertise, du génie-conseil.
Sur un commentaire très général, je voudrais vous
dire que j'ai trouvé beaucoup de satisfaction à la lecture de
votre mémoire parce que c'est la première fois que j'ai
près de moi un ingénieur-conseil qui partage notre point de vue
sur la politique énergétique, l'objectif premier étant,
bien sûr, de replacer les composantes énergétiques à
l'intérieur de notre bilan, cette stratégie étant
principalement axée sur le déplacement du pétrole. J'ai
cru comprendre, de vos propos de tout à l'heure autant qu'à la
lecture de votre mémoire, que vous étiez parfaitement d'accord
avec cette approche.
Je me réjouis aussi du fait que, sur les quatre volets que vous
venez d'exposer sur l'écoulement des surplus et l'utilisation maximale
de l'hydroélectricité, que ce soit l'exportation, la politique
tarifaire d'implantation industrielle, la recherche et le développement
et le remplacement du pétrole par la valorisation, nous sommes
parfaitement d'accord. Je rappelle essentiellement, pour les besoins de cette
commission, qu'au chapitre des exportations, nous allons peut-être
même en avance sur vos suggestions puisque, d'ores et déjà,
nous avons des contrats importants signés avec New York, avec PASNY.
Nous venons tout juste, il y a quelques jours, de signer une nouvelle entente
avec le NEEPOOL qui, elle aussi, est très prometteuse pour l'avenir
quant à des ventes d'énergie de base. Sur le plan d'une
tarification beaucoup plus agressive devant attirer des implantations
industrielles, nous pouvons déjà inscrire à nos livres un
premier succès avec l'investissement de Reynold's à Baie-Comeau.
Pechiney devrait commencer ses travaux en cours d'année. Le fait que
nous ayons réussi à maintenir un bon compagnonnage avec le groupe
Alcan nous laisse espérer que - si ce n'est pas en 1983, ce devrait
être en 1984 ou en 1985 - le projet de Laterrière devrait
décoller, et Laterrière ne décollera qu'à une seule
et unique condition, c'est que le coût au kilowattheure soit
concurrentiel par rapport à d'autres endroits du monde.
Je voudrais vous demander deux précisions. Sur le
troisième volet, la recherche et le développement, vous parlez de
nouveaux procédés industriels. Je sais que vous êtes
familiers avec l'état des recherches que l'IREQ conduit actuellement
dans différents secteurs d'application industrielle de
l'électricité. Je voudrais peut-être savoir de votre groupe
si vous avez des idées plus précises sur des applications
industrielles qui pourraient être faites dans l'immédiat. En
second lieu, sur cette problématique de remplacement du pétrole,
à la page 5, en particulier, vous insistez énormément,
vous aussi, sur le fait que non seulement il devrait y avoir au Québec
une usine de valorisation des huiles lourdes, mais des usines de valorisation
des huiles lourdes et vous nous suggérez, en quelque sorte, d'utiliser
une raffinerie fermée à l'heure actuelle. On va convenir ensemble
qu'on a peut-être l'embarras du choix puisqu'il y a maintenant Texaco et
Esso et on n'a qu'à attendre pour ne pas se placer dans une position
délicate sur le plan des prix. J'aimerais que vous développiez
davantage la façon dont on pourrait en arriver à transformer une
raffinerie fermée pour en faire une usine de revalorisation des huiles
lourdes.
M. Couture: M. le Président, M. le ministre, du
côté de la recherche et du développement, je pense que nos
efforts particulièrement à l'IREQ ont été
axés, surtout jusqu'à maintenant, sur la production et le
transport, particulièrement le transport et le contrôle de
l'électricité. Nous pensons qu'à ce stade-ci, on devrait
étudier la possibilité de certains virages pour aller vers le
développement de procédés d'utilisation de
l'énergie électrique dans des procédés industriels.
Le plus bel exemple de cela, dans lequel il y a déjà des travaux
de faits, c'est le développement possible de l'hydrogène. Nous
avons une possibilité, si on est capable de démontrer la
rentabilité de l'opération, de l'essayer et de l'optimiser en
utilisant notre énergie électrique pour produire de
l'hydrogène. C'est une nouvelle approche de recherche qui fait qu'on
utilise notre produit québécois qui est la production
d'énergie électrique pour produire une nouvelle
génération de carburants. Je pense que c'est un exemple que vous
connaissez bien. On devrait orienter notre recherche plutôt dans ce
secteur. Je ne veux pas du tout dire ou laisser sous-entendre qu'on devrait
abandonner ou quitter la recherche et l'excellence technologique du
côté de la transmission de la production, mais je pense qu'il y a
peut-être lieu d'avoir un coup d'oeil particulier sur l'utilisation de
l'énergie électrique dans les secteurs industriels.
Quant à l'huile lourde, il a environ 15% de la consommation en
pétrole au Québec qui sont des résidus du raffinage. Ces
15% ont pu représenter jusqu'à 75 000 barils par jour. La
consommation du pétrole diminuant, peut-être qu'aujourd'hui on
peut regarder une production moindre, peut-être 50 000 à 60 000
barils par jour dont une partie pourrait être raffinée en laissant
une partie continuer d'alimenter le marché. Si on regarde les
raffineries existantes, il y a peut-être possibilité - ce sont des
études techniques qui pourraient le démontrer qu'une raffinerie
reconvertie utilise le même site, les mêmes réservoirs; il y
a toute une partie de l'infrastructure qui serait réutilisable. Nous
pensons que quelque chose comme 25 000 ou 30 000 barils par jour pourraient
être raffinés à partir d'une raffinerie existante
transformée. Ceci libère
le champ.
Il y a double bénéfice. Il y a le bénéfice
d'utiliser et de limiter l'importation de pétrole. On parlait ce matin
de retourner à la situation du début des années
soixante-dix ou de la fin des années soixante, où on importera
à nouveau du pétrole. Le raffinage des huiles lourdes, à
long terme ou à moyen terme, devrait être bénéfique
dans le sens qu'il réduira les importations. Ce serait une manoeuvre qui
devrait être rentable en soi et, de plus, cela libère le champ de
l'huile lourde qui est vendue sur le marché à des prix qu'on dit
de "dumping", des prix réduits. Le produit des huiles lourdes actuelles
est quelque chose qu'il faut écouler. Il faut absolument
l'écouler. Même si on en importe un petit peu, comme on le
mentionnait ce matin, cette importation en est une d'appoint pour satisfaire le
marché qui est développé pour la disposition de nos huiles
lourdes.
Si on utilisait l'huile lourde dans un procédé d'affinage
à nouveau, on éliminerait peut-être le problème de
la petite quantité d'huile lourde importée qui est là pour
satisfaire le marché qui a été développé
à partir de nos excédents. C'est un autre avantage que de
permettre la pénétration. On peut donc dire qu'il y a trois
bénéfices qu'il faut considérer, dont la
rentabilité propre de l'opération, qui est certainement meilleure
qu'au moment où on a étudié l'usine de CARMONT. L'usine de
CARMONT était une usine complètement neuve. Nous avons
actuellement la possibilité de valoriser les installations qui ont
été fermées. Cela coûterait moins cher. Nous avons
la substitution et la réduction des importations. Dans les études
économiques, je pense que le ministère doit non seulement
regarder la rentabilité propre, mais ces autres avantages
économiques.
M. Duhaime: J'ai une dernière question, M. Couture, sur
l'hydrogène. Est-ce que je vous comprends bien si je vous
interprète de la façon suivante? Vous seriez peut-être
d'accord - en tout cas, vous nous le direz -si nous décidions d'investir
45 000 000 $ ou 50 000 000 $ dans une entreprise qui nous permettrait, avec
l'aide de la nouvelle technologie des électroviseurs, de fractionner la
molécule d'eau et de produire de l'hydrogène et de
l'oxygène, même si les rendements étaient faibles au
départ. Quand je parle de rendement, je parle de retours faibles sur
l'investissement. Vous ferez peut-être connaître votre point de vue
là-dessus; comme expert, est-ce que vous seriez disposé à
recommander d'aller dans cette direction non seulement au plan de la recherche
et du développement, mais aussi au plan des utilisations qu'on pourrait
faire entre autres en aval avec les fertilisants, l'ammoniaque etc.
M. Couture: J'aimerais répondre à votre question en
faisant allusion au virage technologique qui est un objectif du gouvernement.
Lorsqu'on regarde la recherche et le développement, si on recherche la
rentabilité initiale du projet de développement, on n'aboutira
pas bien loin. Dans les procédés industriels, il faut faire un
investissement considérable pour démontrer la faisabilité
du projet et pour construire une usine de démonstration qui permette
d'optimiser par la suite le procédé. Lorsqu'on regarde cette
première usine de démonstration, on parle d'une usine
industrielle à petite échelle, on parle dans le cas de
l'hydrogène d'un investissement de 40 000 000 $ ou 50 000 000 $. Une
partie importante de cet investissement doit être attribuée
à la recherche et au développement. (23 heures)
Alors, bien sûr, je suis d'accord pour qu'on regarde un
investissement réduit et même déficitaire lorsqu'on veut
faire de la recherche et du développement. Chez nous, nous avons fait un
peu la même chose dans les usines de valorisation des huiles lourdes,
nous avons investi dans le développement d'une nouvelle
génération de procédés de revalorisation des huiles
lourdes, qui permettrait d'être plus efficaces. Cet investissement pourra
être profitable ou non lorsque, dans cinq ou six ans, la première
usine de démonstration aura été construite. On aura alors
à démontrer, si l'opération est un succès, une
nouvelle méthodologie, une nouvelle méthode de raffinage moins
coûteuse qui raffine plus complètement les produits. La
première usine doit être un investissement de recherche et de
développement. On parle d'une usine de démonstration. C'est vrai
pour l'hydrogène, c'est vrai pour les huiles lourdes.
Si on veut aller sérieusement vers un virage technologique, il
doit y avoir un effort très considérable d'apporté dans le
développement de nouveaux procédés, et non pas rechercher
la rentabilité de la première usine.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. Couture.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Couture, je dois vous féliciter pour votre
mémoire très pertinent qui a su plaire au ministre. Cela doit
être un mémoire très brillant puisque même
l'Opposition y trouve un appui à ses thèses. C'est
réellement la quadrature du cercle d'avoir présenté un
mémoire qui semble satisfaire plusieurs idées dont on a fait
état. Je disais ce matin en particulier qu'à notre opinion
l'électricité était sûrement un
facteur prioritaire de développement économique au
Québec. Je parlais de la recherche et du développement. Cet
aspect m'a semblé extrêmement important dans le mémoire que
vous avez présenté.
À ce sujet, j'aimerais quand même avoir votre opinion,
puisque votre mémoire ne va pas dans tous les détails qui nous
permettraient de connaître les tenants et les aboutissants des formules
qui nous permettraient de concrétiser les idées qui sont
émises ici. Même s'il est évident que vous donnez la
priorité no 1, en termes de développement économique,
à l'électricité, vous dites à la page 17: "Comme
mentionné, nous pensons que l'électricité et le gaz
doivent être deux alliés naturels pour réaliser cette
substitution progressive" (du pétrole). Je pense que, là-dessus,
nous sommes tous d'accord. "Dans certains cas, l'électricité
pourra remplacer plus avantageusement le pétrole. Dans d'autres, le gaz
naturel sera plus approprié. Les règles normales de
l'économie et du marché, de même que celles de
l'efficacité devraient constituer les critères permettant
d'effectuer ce partage."
C'est là qu'est tout le problème. On a entendu toute la
journée des débats; SOQUIP, sans le dire d'une façon
très ouverte, l'a dit quand même: II nous faut quand même
nous ménager une pénétration. J'ai fait allusion au fait,
en particulier, que le programme de conversion des chaudières
électriques avait été un très grand succès.
Sans le confirmer, le président de SOQUIP a semblé dire que oui,
il y avait eu des choses qui avaient été dites au bon endroit
pour s'assurer qu'Hydro-Québec laisserait une certaine marge de
manoeuvre au gaz.
C'est donc dire que ce n'est pas aussi simple que vous l'exprimez. Je me
demandais si vous avez des idées meilleures que je pourrais en avoir
moi-même pour pouvoir affirmer ce que vous affirmez ici.
M. Couture: M. le Président, c'est une question
délicate. Je pense qu'on pourrait peut-être y répondre en
disant que la pénétration du gaz a des objectifs de base qu'il
faut appuyer, par exemple, la diversification de nos sources d'énergie
et la sécurité d'approvisionnement, sans compter la
possibilité qu'on puisse un jour en découvrir ici. C'est une
énergie canadienne par rapport à une énergie
importée. Donc, cela a des avantages qui permettent de justifier,
à ce stade, à mon avis, la pénétration du gaz au
Québec.
Une fois que vous avez accepté ce principe, il faut rentabiliser
les infrastructures que vous allez construire. Il faut bien accepter, je crois,
qu'il y ait une certaine pénétration parallèle du gaz et
de l'électricité. Si on justifie la pénétration, on
doit en priorité faire la substitution du pétrole, ce que notre
mémoire propose, mais on ne doit pas exclure totalement la concurrence,
à mon avis, entre l'électricité et le gaz.
Je pourrais peut-être suggérer que, dans le cas des
véhicules, qui est un domaine encore à voir, lorsqu'on regarde le
transport en commun, la CTCUM, la CTCUQ, la CTRSM, la CTL, vous additionnez
tous ces autobus et vous dites: Ils fonctionnent tous au pétrole. Un
jour, on regardera la possibilité de les faire fonctionner à
l'électricité. C'est certainement quelque chose qui a même
déjà été essayé dans le passé. Est-ce
qu'on peut les faire fonctionner au gaz? Certainement. Vous avez la raison dans
la partie de notre mémoire dans laquelle on dit que, ce sont les
critères de rentabilité et d'efficacité qui doivent amener
une décision dans des secteurs où on admet la concurrence parce
que, si on accepte la pénétration, il faut accepter une certaine
concurrence et il faut laisser le marché décider si, dans le cas
des autobus de la CTCUM, on doit les faire fonctionner au pétrole,
à l'électricité ou au gaz.
M. Fortier: Oui, sûrement. Il y a plusieurs années,
certaines personnes - je ne les blâme pas - ont pris des
décisions, entre autres celle d'enlever les trolleybus dans les rues de
Montréal. A posteriori, c'est plus facile maintenant de dire que ce
serait peut-être préférable... Ou même les tramways,
comme cela a été le cas, à Toronto.
Ce que je voulais souligner, c'est que vous faites appel à la
voie du marché comme telle et à la rentabilité. Je pense
que, là-dessus, on s'entend. C'est une question d'équilibre et
une question de rentabiliser les investissements qu'on fait. Je pense qu'on
peut au moins conclure là-dessus, sans continuer le débat qui
serait peut-être trop long, puisqu'on devrait mentionner des cas
concrets.
La deuxième question que je veux poser concerne la recherche et
le développement. Je suis sûr que ma collègue de
Jacques-Cartier, qui est intéressée à la technologie,
à la recherche et au développement, aura des questions à
poser.
Dans le domaine de la recherche et du développement, vous dites
avec raison que l'IREQ fait sa recherche surtout pour valoriser ou
améliorer les systèmes qu'Hydro-Québec utilisait - ce
qu'elle a très bien fait d'ailleurs, puisqu'elle peut exporter cette
technologie en Amérique du Sud et ailleurs -et qu'on devrait se diriger
vers des systèmes industriels. Vous dites, un peu plus loin dans votre
mémoire, qu'il faudrait donc instaurer rapidement les moyens pour
financer ces programmes qui devraient se réaliser tant dans les secteurs
public, parapublic que privé.
Dans le domaine public, Hydro-Québec finance ses programmes
à même ses revenus
et c'est la raison pour laquelle, si on lui permettait d'aller chercher
tous les revenus qu'elle pourrait obtenir avec la vente de ses surplus, cela
lui donnerait plus de marge de profits qui pourraient être
réinvestis d'une façon plus considérable dans la recherche
et le développement. Quand vous dites les secteurs parapublic et
privé, est-ce que vous avez des idées précises ou si c'est
simplement un principe que vous énoncez, à savoir que le secteur
privé, que ce soit le secteur privé manufacturier ou
peut-être même en collaboration avec le génie-conseil -
votre firme serait peut-être intéressée à collaborer
dans un domaine comme celui-là -pourrait concevoir qu'une recherche
devrait se faire? Si tel est le cas, à quel genre de financement
faites-vous allusion? Est-ce que vous avez des idées précises
là-dessus?
M. Couture: Nous étudions cette question par le biais d'un
comité de la Chambre de commerce de Montréal, en réponse
à la publication du volume, Le virage technologie, et nous n'avons
encore rien conclu à la suite des travaux de notre comité. Je
pourrais simplement dire que, d'après les délibérations
que nous avons eues à ce jour, je pense que si on veut avoir du
succès, il faut envisager les trois secteurs:
Le secteur public, dans le sens qu'il doit y avoir un certain budget
public qui soit consacré à la recherche. On peut penser que le
CRIQ est un organisme qui oeuvre justement dans ce secteur, mais qui pourrait
avoir une partie de son budget attribuée à la recherche dans ce
secteur.
Le secteur parapublic, on peut penser à Hydro-Québec,
mais, pour un organisme qui investit des sommes aussi considérables,
j'ai toujours cru qu'il était valable d'attribuer une certaine partie du
budget à la recherche et non pas négliger complètement ce
secteur.
L'industrie privée - c'est le troisième secteur - a
actuellement beaucoup de difficultés à faire de la recherche. Il
va falloir trouver et développer des mécanismes qui permettent
à l'industrie privée, qui devrait être le moteur dans le
développement de la recherche, il faut trouver des mécanismes qui
vont leur permettre d'avoir les ressources pour le faire. Quand on parle de
l'industrie privée, au niveau de la recherche et du
développement, c'est un peu un "partnership", c'est-à-dire que
l'industrie est prête à investir ses propres fonds, disons, dans
le système actuel et dans un système amélioré, un
certain retour fiscal. Alors, il n'y a pas de meilleure méthode d'en
arriver rapidement à un fonctionnement avec succès, qu'avoir
quelqu'un qui est prêt à mettre son argent dans cette recherche et
ce développement. Actuellement, les programmes d'incitation fiscale ne
sont pas suffisants; il y a un problème majeur de ce
côté.
M. Fortier: Le dernier sujet que je vais aborder, pour laisser la
chance à mes collègues de vous questionner également, est
l'élément de stratégie de développement
économique que vous touchez à la page 12 et qui est l'outil de la
tarification. Justement, j'y ai fait allusion moi-même ce matin en disant
que toute la question de la tarification, surtout dans le domaine industriel,
est certainement un sujet difficile mais quand même important à
développer. Vous dites ce qui suit et je cite: "Nous sommes très
conscients du caractère délicat d'une tarification en faveur de
l'implantation de nouvelles industries de base." J'ai fait allusion que
jusqu'à maintenant, avec un certain succès quand même, il
faut l'admettre, le gouvernement a négocié à la
pièce. C'est là le voeu que j'exprimais et vous semblez aller
dans la même direction. Je me demandais, encore là, si vous aviez
des idées pour vous permettre de les expliciter de façon plus
précise.
Vous dites que c'est délicat de favoriser de nouvelles
industries. J'imagine que vous pensez à l'industrie existante qui, elle,
pourrait croire qu'elle pourrait également créer de l'emploi en
favorisant l'agrandissement d'usines existantes; elle pourrait se sentir
pénalisée. Si on avait une tarification qui favorisait uniquement
la nouvelle industrie, au bout d'un certain nombre d'années, si on avait
un trop grand succès, au bout de cinq, dix ou quinze ans, on se
retrouverait dans la même situation qu'on avait au Québec alors
que les municipalités donnaient des exemptions de taxe à
certaines sociétés qui allaient s'établir dans une
municipalité en particulier. Il y avait des distorsions
considérables entre les industries qui arrivaient à une certaine
période et celles qui s'établissaient à une autre.
Pourriez-vous expliquer ce que vous aviez en tête à ce
moment-là, lorsque vous parliez de cette politique de tarification qui
donnerait, j'imagine, des résultats à court terme, mais qui
pourrait quand même créer des distorsions à moyen et
à long terme?
M. Couture: Nous disons que c'est délicat parce qu'il faut
considérer l'industrie déjà en place, qui ne
bénéficie pas de réduction semblable et pour laquelle il
pourrait y avoir une certaine injustice. C'est une subvention à
l'implantation; c'est aussi un sujet délicat. Sous quelle forme doit se
faire l'incitation à l'implantation? Est-ce sous cette forme ou sous une
autre? Je ne pense pas que nous ayons chez nous l'expertise pour
répondre en détail à ces problèmes, sauf que nous
sommes conscients de la difficulté. Au niveau des principes, nous sommes
d'accord pour qu'une incitation soit faite pour des périodes
limitées. La tarification préférentielle à la
nouvelle
industrie, à l'expansion de l'industrie, nous sommes d'accord
avec le principe.
M. Fortier: Si je comprends bien votre réponse, la
stratégie dont vous aviez fait état auparavant, en ce qui
concerne la recherche et le développement, est une stratégie
à moyen terme et à long terme. Cette stratégie-ci serait
plutôt une stratégie à très court terme puisque vous
parlez d'un certain temps. Ce serait pour assurer un démarrage dans
l'immédiat. On ne pourrait pas continuer indéfiniment avec une
telle stratégie, j'imagine.
M. Couture: C'est exact. M. Fortier: Merci.
M. Duhaime: Juste une précision là-dessus, quand
vous parlez du court terme. Tout le monde va comprendre que, lorsqu'une
nouvelle usine démarre, sa charge financière, à cause de
son niveau d'endettement et, par voie de conséquence, du loyer de
l'argent, dans son coût de fonctionnement, est très
élevée. Quand vous parlez d'une période temporaire,
avez-vous en tête trois ans, quatre ans, cinq ans, six ans ou si le
délai pourrait varier suivant qu'on parle du secteur de l'aluminium, des
pâtes et papiers, du secteur minier, que ce soit le cuivre ou
l'amiante?
M. Couture: Je ne pense pas que nous ayons des idées
très précises là-dessus. Pour vous donner ma propre
opinion, le délai devrait tenir compte des frais de démarrage
d'une usine. Une usine qui possède un procédé bien
établi a besoin de subventions pour moins longtemps; une usine qui est
dans un domaine nouveau, qui fait l'application d'un nouveau
procédé, peut avoir besoin d'incitation à plus long terme.
Donc, je ne pense pas qu'on ait étudié ce problème au
niveau économique pour avoir des guides. Pour moi, c'est un peu un cas
d'espèce. Quels sont les frais de démarrage? Comment est-ce
nouveau? Quels sont les risques? Plus les risques sont grands, plus le
procédé est nouveau, plus j'aurais tendance à dire que
l'incitation va être longue, alors que pour quelque chose
d'extrêmement bien développé et connu, l'incitation doit
être plus courte. (23 h 15)
M. Duhaime: Si je comprends bien, vous seriez, sinon
rébarbatif, du moins récalcitrant à ce qu'une politique
tarifaire à rabais soit prolongée pour les entreprises
déjà existantes qui ont eu l'occasion d'assumer depuis longtemps
leurs frais de démarrage.
M. Couture: Pour placer cela du côté positif
plutôt que négatif, je pense que nous serions d'accord pour que
l'incitation soit en vue d'un accroissement de la production plutôt que
pour la production actuelle. Doit-on donner des rabais pour la production
actuelle? Je ne pense pas qu'on puisse se prononcer nous-mêmes
là-dessus.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. Couture, vous parlez dans votre texte du
véhicule électrique. Vous avez parlé aussi dans vos
commentaires de l'hydrogène liquide comme carburant possible pour
l'avenir. Vous n'avez pas parlé du gaz naturel comprimé comme
autre possibilité. Par contre, on réalise qu'ils sont nombreux,
ceux qui s'acheminent vers d'autres sources d'énergie pour les
transports. Je voudrais savoir de vous si la période du pétrole
ou de l'essence comme source d'énergie achève. Est-ce que cela se
termine? Est-ce devenu une source d'énergie trop dispendieuse et
polluante? S'achemine-t-on vers de nouvelles sources d'énergie pour le
transport? Y a-t-il beaucoup d'entreprises et beaucoup de pays qui se lancent
dans la recherche dans ce domaine? Savez-vous qu'elle est celle des trois
sources d'énergie - le gaz naturel comprimé,
l'électricité ou l'hydrogène liquide - qui,
éventuellement, prendra la place? Le pétrole sera-t-il
remplacé par deux ou trois sources d'énergie ou simplement par
une? Quelle sera celle qui attirera la faveur? Quelle est la position du
Québec dans les recherches à ce point de vue et cela pourra-t-il
constituer une espèce de renouveau au point de vue de l'énergie
dans le domaine des transports?
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Cela semble devoir
éveiller l'imagination et attirer l'attention de bien des gens, dont la
mienne - je ne vous le cacherai pas - parce que le secteur de l'automobile,
entre autres, est devenu un des gros secteurs de développement
économique. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. On peut
demander à une entreprise de gaz naturel son opinion et elle va
peut-être parler pour le gaz naturel comprimé. On peut demander
à Hydro-Québec de donner son opinion et elle va peut-être
parler pour l'électricité, le véhicule électrique,
ou l'hydrogène liquide. Vous êtes une firme indépendante
qui semble être au courant de tout cela. Selon votre opinion, qu'est-ce
qui peut attirer la faveur, qu'est-ce qui peut être la meilleure source
d'énergie, la moins dispendieuse également? J'aimerais avoir
votre opinion là-dessus et, en corollaire, le Québec est-il dans
le jeu là-dedans? C'est ma question, M. Couture.
M. Couture: Je ne sais pas si j'ai l'expertise pour y
répondre. J'aimerais peut-être consulter certains de nos experts
dans le secteur économique et dans le secteur du pétrole. Pour
vous donner mon opinion très
générale, je dirais que le pétrole est en train de
trouver une plus juste part du bilan énergétique qu'auparavant.
Avant la crise de l'OPEP, le pétrole était tellement
économique qu'il a pénétré le domaine
énergétique dans un très grand pourcentage. Aujourd'hui,
cela revient à des proportions plus raisonnables et la fluctuation des
prix va déterminer à l'avenir - l'avenir dont nous parlons,
c'est-à-dire jusqu'à l'an 2000 ou l'an 2010 - quelle est la part
du pétrole dans le bilan énergétique. Je ne prévois
pas personnellement que le pétrole sera une denrée assez rare
pour supprimer son utilisation à moyen terme d'ici l'an 2000. On a
suffisamment de réserves. Aujourd'hui, on a des surplus de
pétrole. Pourquoi? En partie parce que le prix a beaucoup
augmenté. On a trouvé d'autres sources d'énergie. Le prix
a grandement réduit la consommation et a favorisé
l'énergie de substitution. Le pétrole est encore là pour
rester.
M. Grégoire: Je n'ai pas eu la réponse à ma
question encore. Voyons! Écoutezl Je voulais savoir, des trois sources
d'énergie qui semblent s'aligner pour le transport, le véhicule,
lequel, selon vous, obtiendra le marché?
M. Couture: Je pense que le pétrole, dans l'horizon dont
on parle, restera prédominant. Comme vous avez vu dans les chiffres de
SOQUIP, à quelques pour-cent près, le gaz pénétrera
et je ne crois pas que l'électricité pénétrera dans
les dix prochaines années. Je ne pense pas que les prévisions
dont vous avez pris connaissance tout à l'heure soient substantiellement
loin de la vérité.
M. Grégoire: Est-ce parce que la recherche n'est pas assez
avancée dans le domaine de l'électricité?
M. Couture: C'est que, avec les prix actuels et ce qu'on peut
envisager, je pense que cela demeurera économique d'utiliser le
pétrole. Il n'y aura pas de pénurie. Dans ce secteur, le
pétrole conservera un part importante du marché.
M. Grégoire: Vous ne voyez donc pas percer
l'électricité dans ce secteur?
M. Couture: Je n'ai pas de connaissances particulières
dans ce secteur, mais si je dois répondre, je dirais non, je ne le vois
pas.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: À la page 16, vous avez
suggéré des changements aux incitations de taxes, aux
déductions autorisées pour la recherche et le
développement. Vous parlez des lois de taxation du Canada et du
Québec, n'est-ce pas, les deux? Elles sont un peu différentes,
mais elles sont complémentaires. Voudriez-vous élaborer un peu?
Il y a toutes sortes de suggestions comme cela qui circulent. En même
temps, dans certaines industries, on m'a dit que notre situation ici au Canada
est vraiment très favorable par rapport à d'autres pays. Est-ce
qu'il y a des précédents ailleurs pour le changement que vous
avez suggéré? Quelle est la situation ailleurs par rapport
à la nôtre?
M. Couture: Je ne pourrais pas répondre à votre
question en détail, madame. Je sais que nous avons essayé d'avoir
des avantages fiscaux reliés à notre recherche et à notre
développement. Nous avons toujours eu assez de difficulté
à bénéficier des programmes. Je vous parlais tout à
l'heure d'un développement de procédés dans le raffinage
ou la valorisation des huiles lourdes; il est difficile de
bénéficier pleinement des avantages fiscaux parce que le
développement s'étend sur plusieurs années. La
première année, vous avez un avantage fiscal. Il faudrait
qu'artificiellement on puisse arrêter de faire du développement
pendant deux ans et faire tout le développement dans la même
année. Alors je trouve que le système de taxation actuel ne
répond pas aux besoins.
Dans notre cas, nous ne sommes pas réellement dans le domaine de
la recherche et du développement. Mais à chaque fois que nous
essayons de prendre avantage de ces programmes, on s'aperçoit qu'on ne
peut avoir que de faibles avantages. Si les avantages étaient plus
importants, beaucoup de firmes, telles que la nôtre, consacreraient
beaucoup plus d'efforts dans la recherche et le développement. Nous
avons soulevé ces problèmes au comité de la chambre de
commerce qui regarde le virage technologique. Il y a consensus, je pense, dans
l'industrie que le programme actuellement, avec la variation - l'avantage
fiscal n'est basé que sur la variation de l'investissement dans la
recherche et le développement - n'est pas avantageux pour quelqu'un qui
fait de la recherche et du développement sur une base continue. Comme je
le mentionnais, le fait d'en faire, de cesser d'en faire et d'en faire à
nouveau n'est pas incitatif dans plusieurs cas. Je vous donne
l'expérience que nous avons vécue au cours des dernières
années: nous avons de la difficulté à prendre avantage de
ces programmes dans le contexte actuel. C'est pour cela que nous avons
mentionné qu'il y aurait quelque chose à faire. Est-ce que la
solution que nous préconisons est la meilleure? Je pense qu'il faudrait
pousser les recherches et les études plus loin, mais c'est
une suggestion que nous mettons de l'avant pour essayer d'amorcer le
débat. J'espère qu'à la suite des mémoires que la
Chambre de commerce de Montréal présentera - je fais partie d'un
comité qui étudie cette question - on pourra avoir des
suggestions plus précises.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions,
madame?
M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): On parle beaucoup d'exportation
d'électricité, surtout vers les États-Unis.
Évidemment, c'est une question reliée au coût. On
prétend qu'on a un prix qui est très concurrentiel en ce qui
concerne la vente d'électricité. Je ne sais pas si vous avez pris
connaissance du document préparé par le professeur Ayoub. Il dit:
Voici, il va peut-être y avoir des problèmes. D'abord, le prix du
pétrole qui baisse. La deuxième raison, c'est le
nucléaire. Vous n'avez pas parlé du nucléaire. Il dit:
Maintenant, on pense qu'on peut en arriver à un prix comparatif. Il
prétend que la source d'énergie qu'est le nucléaire
pourrait produire l'électricité à un coût absolument
comparable. En Ontario, ils sont arrivés pratiquement au même
coût. Êtes-vous d'accord avec cet énoncé?
M. Couture: C'est un sujet très intéressant. C'est
un sujet qui m'intéresse énormément aussi. Lorsqu'on
regarde l'exportation d'énergie électrique, on peut analyser la
situation de façon financière, ce que la plupart des gens font.
On peut l'analyser aussi sur une base économique. Lorsqu'on regarde
l'exportation pendant cinq ou dix ans, on parle d'un quart ou d'un tiers de la
vie utile d'un projet. Cela peut être envisagé dans une analyse
économique comme un devancement d'installations qui viendraient plus
tard de toute façon. On peut rentabiliser la production d'énergie
ou l'investissement immédiat par une exportation d'énergie, ou on
peut regarder cela, par une étude économique, en fonction des
retombées à long terme et de la différence de coût
d'avoir produit une installation maintenant par rapport au fait de l'avoir
produite ou de l'avoir construite dans dix ou quinze ans. Lorsqu'on regarde
actuellement nos exportations d'énergie, elles sont justifiées
financièrement et elles sont éminemment justifiées
économiquement à long terme.
De ce côté, nous avons l'avantage d'avoir une production
hydroélectrique qui est très économique parce que nous
avons des sites de gros barrages, parce que nous avons de l'énergie
produite à la baie James à 28 mills le kilowattheure. Lorsqu'on
regarde la production thermique ou nucléaire, nous sommes bien
au-delà de cela. Ce n'est pas la même "bracket". Si vous regardez
cela du point de vue financier, les exportations, les coûts ne sont pas
un problème dans le financement immédiat des projets. Ils sont
encore moins un problème, à mon avis, lorsqu'on regarde l'analyse
économique à plus long terme.
Vous parlez du nucléaire. Peut-on envisager que le
nucléaire, présentement, pourrait déplacer
l'hydroélectricité? Je pense qu'il faut aller vers une nouvelle
technologie du nucléaire actuellement pour déplacer
l'hydroélectricité. Actuellement, les centrales nucléaires
sont habituellement construites là où il n'y a pas
d'hydroélectricité parce que la trasmission serait trop
coûteuse. La technologie actuelle du nucléaire est
concurrentielle, dans certains cas, avec l'hydroélectricité, mais
certainement pas au Québec.
Le Président (M. Laplante): Un dernier intervenant, M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, à la page 10, effectivement, vous prônez
l'accélération du programme d'aménagement
hydroélectrique au Québec. J'aimerais que vous le
précisiez parce que cela n'apparaît pas dans votre mémoire.
J'imagine que c'était probablement dans cette optique que vous le
faisiez. Cependant, il me semble qu'il y a un préalable à tout
cela. C'est celui d'être en mesure de vendre cette énergie sur les
marchés extérieurs ou intérieurs. Je sais qu'il y a des
personnes qui se promènent au Québec depuis quelques
années et qui prétendent qu'on pourrait, demain matin, vendre
5000, 10 000, 11 000 mégawatts aux Américains. De votre
côté - je reviens un peu à ce que vous dites à la
page 11 de votre mémoire, là où vous parlez des besoins
des partenaires extérieurs - avez-vous fait des études de
marché, chez Lavalin, quant aux perspectives de vente d'énergie
électrique en provenance du Québec aux Américains,
perspectives autres que celles qui sont déjà couvertes par les
contrats qui ont été signés, dont l'un a été
signé lundi dernier. Est-ce que vous avez fait une évaluation des
besoins de nos partenaires extérieurs, comme vous les qualifiez? Quel
serait le marché possible que vous envisageriez? Évidemment, si
c'est pour 25 ans, ce sera tel marché, mais considérons-le
à court terme, un contrat qui pourrait être signé dans les
cinq ou six prochaines années. (23 h 30)
M. Couture: Nous n'avons pas fait d'études précises
sur le marché de l'exportation ou sur les autres moyens de
pénétration de l'énergie électrique dans notre
bilan énergétique. Nous avons plutôt soulevé des
secteurs dans lesquels nous croyons que
les efforts devraient être faits.
Sur le marché de l'exportation, il semblerait, selon les
renseignements qu'on peut avoir, que nos voisins du Sud sont en
général prêts à envisager jusqu'à 10% de
leurs besoins qui pourraient être comblés par l'importation. Il y
a une limite à ce qu'ils voudront importer, pour des raisons de
sécurité et autres. Lorsqu'on regarde cela, on peut
considérer que ce marché est encore assez considérable.
Est-ce qu'il est commercialement possible de le combler à court terme ou
à moyen terme? Cela prend des lignes. Cela prend un effort particulier.
Je pense que le point que nous faisons, c'est de faire un effort intensif pour
essayer d'avoir ce marché. Est-ce qu'en nombre de mégawatts, cela
peut être chiffré? Nous ne sommes pas nous-mêmes en mesure
de le chiffrer, sauf que nous croyons qu'il y a un marché.
Lorsque j'ai parlé de développement,
d'accélération, je ne pense pas avoir beaucoup parlé
d'accélération. J'ai plutôt voulu dire que, si on regarde
le développement d'ici l'an 2000 et que nous voulons que le secteur
hydroélectrique soit un levier de développement
économique, il faut regarder plus que nos besoins à combler
à court terme, bloc par bloc. Ce ne serait pas utiliser
l'hydroélectricité, à mon avis, comme un levier de
développement économique, si on faisait du développement
pendant cinq ans, si on arrêtait d'en faire pendant cinq ans et si on en
faisait à nouveau pendant cinq ans. Il y a une industrie de base, qui
est aussi bien au niveau de l'expertise que de l'entreprise, qu'il faut
maintenir. Lorsque nous regardons l'hydroélectricité comme un
levier, je ne suggère pas de construire quelque chose dont on n'a pas
besoin, mais je suggère de regarder ce que nous croyons qui devra
être construit d'ici l'an 2000 et de l'étaler de façon
qu'on ait une entreprise continue et non pas discontinue. Si cela produit des
surplus temporaires, il faut faire l'effort nécessaire pour les vendre.
Mais je crois que, lorsqu'on considère l'hydroélectricité
comme un levier de développement économique, il faut regarder la
continuité de ce développement à moyen terme, ce que
j'appelle l'an 2000.
Le Président (M. Laplante): M. Couture, le mot de la
fin.
M. Rodrigue: Le mot de la fin, M. le Président? Non, je
n'ai pas terminé. J'ai d'autres questions.
Vous avez, à la page 15 de votre mémoire, souligné
un certain intérêt pour la transformation des modes de traction
pour ce qui est des transports collectifs. Vous écrivez que, dans le
corridor Montréal-Québec-Mira-bel-Ottawa-Toronto-Windsor, cela
devrait être alimenté à partir de l'énergie
électrique. Est-ce que vous avez fait des études pour
évaluer l'ordre de grandeur des économies d'énergie qui
pourraient être réalisables? Actuellement, les locomotives qui
tirent ces trains-là sont alimentées par du diesel, probablement.
Est-ce que vous avez fait des études pour évaluer un ordre de
grandeur des économies qui pourraient être réalisées
si on les transformait à l'électricité?
M. Couture: Non, nous n'avons pas fait de telles études.
Je pense qu'il y en a qui sont envisagées. On envisage ce corridor comme
étant le corridor de transport le plus intense au niveau ferroviaire.
Lorsqu'on regarde l'électrification du chemin de fer, au Canada, c'est
tellement vaste que, pour des raisons de coût et de capitalisation, on ne
peut pas envisager d'électrifier tout le réseau de chemin de fer.
Nous suggérons que l'axe le plus intense soit celui qui fasse l'objet
d'études en vue d'une électrification possible. C'est l'endroit
où le trafic est le plus intense. Il n'est pas pensable, à mon
avis, de le faire à l'échelle du pays mais, dans ce secteur,
c'est la question d'avoir les capitaux voulus pour l'électrifier,
plutôt que toute autre question.
M. Rodrigue: Chez vous, vous n'avez pas poussé l'analyse
au point de faire des calculs là-dessus pour l'instant. Disons que vous
avez plutôt identifié un secteur où des études
devraient être faites. C'est un peu là où vous en
étiez, finalement.
M. Couture: C'est dans ce sens, oui.
M. Rodrigue: À la page 5 de votre mémoire, vous
parlez...
Le Président (M. Laplante): Dernière remarque, M.
le député, car nous avons un autre mémoire à
entendre et il faut l'entendre avant minuit, absolument. On m'a demandé
de le faire. Je vous demande votre collaboration, s'il vous plaît, pour
une courte et dernière question.
M. Rodrigue: Ce sera la dernière, M. le Président.
À la page 5 de votre mémoire, vous parlez du rôle des
huiles lourdes dans l'industrie pétrochimique. En fait, vous
suggérez d'accroître la production d'autres éléments
parmi lesquels on retrouve, notamment, des matières premières de
l'industrie pétrochimique à partir des huiles lourdes, si je
comprends bien. Est-ce un facteur important dans la région de
Montréal? J'ai vu quelque chose récemment où on parlait de
26 000 emplois dans l'industrie pétrochimique. C'est à l'occasion
de la fermeture des raffineries qu'on s'interrogeait sur les
conséquences de la fermeture des raffineries, sur ce qu'il y a en
aval, c'est-à-dire, entre autres, l'industrie
pétrochimique. Est-ce un élément important
d'approvisionnement de l'industrie pétrochimique, les huiles lourdes,
dans la région de Montréal?
M. Couture: Avec les niveaux de production dont on parle pour le
raffinage des huiles lourdes, ce n'est pas un facteur très important. On
parle d'une usine de peut-être 30 000 barils par jour. Si on en avait
deux, ce serait un peu plus. On parle de 5% de sous-produits du raffinage des
huiles lourdes qui serviront à inciter certaines industries
pétrochimiques. Il y a 5% environ - je ne connais pas le pourcentage
exact, je ne suis pas un expert dans ce domaine - de sous-produits du raffinage
qui peuvent inciter l'industrie pétrochimique à s'attacher au
raffinage des huiles lourdes.
M. Rodrigue: Merci.
M. Duhaime: Dernière question, M. Couture. Tout à
l'heure, en répondant à mon collègue de Saint-Laurent sur
le prix concurrentiel à l'exportation, je suis passablement d'accord
avec vous pour dire que notre principal concurrent sur le marché, autant
de New York que de la Nouvelle-Angleterre, ce n'est certainement pas
l'électricité produite à partir des centrales
nucléaires ou encore à partir du thermique, que ce soit le
pétrole ou le charbon. On a peut-être un concurrent devant nous,
dans un horizon lointain. Je voudrais vous demander si vous avez une expertise
pour qualifier l'entreprise qu'il est convenu d'appeler la route anglo-saxonne,
qui consisterait à transporter une production
d'hydroélectricité à partir du Labrador vers le
détroit de Belle-Isle sur Terre-Neuve via les provinces maritimes et
ensuite la Nouvelle-Angleterre et New York, autrement dit, "the longest way
around". Est-ce intelligent de parler d'une chose semblable? Est-ce
techniquement faisable? Est-ce rentable? Est-ce économique?
M. Couture: Je suis peut-être dans une situation
embarrassante pour répondre à cette question, M. le ministre,
puisque nous sommes les conseillers de Lower Churchill Development
Corporation.
M. Duhaime: Alors, vous êtes dispensé de
répondre, M. Couture. Je vous remercie.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Laplante): Sur ce, M.
Couture, au nom des membres de cette commission, je vous remercie pour
l'apport de votre présence ici.
J'appelle maintenant Gazifère Inc., représentée par
M. Laflamme. Si vous voulez identifier votre organisme, s'il vous plaît,
monsieur, et vous identifier vous-même.
Gazifère Inc.
M. Laflamme (Paul): Je voudrais vous dire que je pourrais
être disponible demain matin. Je m'aperçois que tout le monde est
un peu fatigué.
M. Fortier: Non, non.
M. Laflamme: Si vous voulez que je procède, je le
ferai.
M. Fortier: Est-ce qu'on a l'air fatigué? Je ne pense pas
que nous le soyons.
Le Président (M. Laplante): Vous êtes bien gentil de
nous l'offrir, M. Laflamme.
M. Laflamme: Lorsque je dirai à ma famille que
j'étais en commission parlementaire à Québec à 23 h
30, je doute fort qu'elle me croie.
M. Fortier: Ne vous en faites pas, on a déjà fini
à 3 heures du matin.
M. Rodrigue: Si cela peut vous aider, nos débats sont
enregistrés et les heures sont indiquées. Vous aurez une preuve
non équivoque.
M. Laflamme: Merci bien.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
membres de la commission, mon nom est Paul Laflamme et je représente
Gazifère Inc., autrefois connue comme la Société
gazifère de Hull. Je me suis aperçu que, dans le mémoire
de SOQUIP, on nous identifie encore de cette façon. Notre nom, depuis
1981, est maintenant Gazifère Inc.
Gazifère Inc., est un des quatre distributeurs de gaz naturel
dans la province de Québec. Nous sommes un distributeur de la
région de l'Outaouais québécois, c'est-à-dire que
notre franchise s'étend des comtés de Pontiac et de
Témiscamingue tout le long de la rivière des Outaouais jusqu'au
comté d'Argenteuil, en passant par les trois principales
municipalités que nous desservons présentement et ce, depuis
1959, les municipalités de Gatineau, Hull et Aylmer. Gazifère
appartient à Consumers Gas à part entière qui est,
d'ailleurs, notre fournisseur en gaz naturel. Nous sommes approvisionnés
par un gazoduc qui traverse la rivière des Outaouais à la hauteur
du secteur Pointe-Gatineau dans la municipalité de Gatineau.
Nous sommes heureux de témoigner devant vous aujourd'hui et de
faire les observations suivantes. Nous croyons d'ailleurs, comme M. le ministre
le disait ce matin, que les objectifs premiers du livre
blanc qui veut qu'on ait une plus grande pénétration du
gaz naturel et de l'électricité pour remplacer un pourcentage
élevé d'huile importée - on nous dit aussi que les
échéanciers semblent vouloir être respectés -ne
devraient pas être modifiés, mais demeurer les mêmes. Afin
d'atteindre ces objectifs, nous suggérons que les subsides sur les
huiles importées soient abolis, assurant ainsi une concurrence libre
entre les diverses sources d'énergie.
Ici, je m'explique. Dans notre franchise, nous avons plusieurs
industries de pâtes et papiers. Je les nomme: Consolidated-Bathurst
à Portage-du-Fort. Vous avez la compagnie Eddy à Hull, CIP
à Gatineau, la James MacLaren à Masson, Buckingham et la
compagnie de pâtes et papiers de Thurso à Thurso.
Présentement, nous pouvons desservir Eddy et CIP. Leur équipement
est déjà prêt à recevoir soit le gaz naturel ou soit
les huiles. Malgré que nos investissements dans la compagnie Eddy ont
été rentabilisés depuis des années, au prix actuel
du mazout nous ne pouvons pas vendre même un contrat interruptible
à la compagnie Eddy. Vous voyez notre inquiétude lorsqu'on parle
de concurrence libre. Le faire en enlevant les subsides ou contrôler les
importations, surtout lorsqu'on parle des huiles de moins bonne
qualité.
Gazifère croit aussi qu'il serait du meilleur
intérêt pour le Québec que le gaz naturel soit disponible
à une plus grande partie du Québec qu'il ne l'est
présentement. Afin de ne pas compromettre cette expansion, nous
recommandons qu'Hydro-Québec... Ici, remarquez bien que je
conçois qu'on ait disposé à Hydro-Québec des
surplus excédentaires. J'ai été heureux aussi de lire et
d'entendre M. le ministre ce matin nous dire qu'avec les contrats on va pouvoir
disposer de l'électricité excédentaire pour les
années à venir. Mais, si cela devait se répéter,
nous croyons qu'il ne faudrait pas qu'ils vendent à des tarifs plus bas
que la normale, surtout dans des régions où on projette
l'extension du gaz naturel. Je pense que cela peut au moins retarder la
pénétration du gaz.
Les membres de cette commission sont certainement conscients que le gaz
naturel a aidé au développement économique des autres
provinces, parce qu'il offrait un choix additionnel d'énergie. Je pense
bien qu'on a envié la position dans laquelle l'Ontario se trouvait, plus
précisément. Pendant des années, elle a eu l'avantage du
gaz naturel et cela a fort probablement été un atout au
développement industriel dans cette province. La diversification des
énergies est une nécessité dans le développement
des parcs industriels. (23 h 45)
La Société d'aménagement de l'Outaouais, un
organisme de notre région, qui est probablement moins connue, qui a
été mise en place pour favoriser le développement
industriel et commercial, a fréquemment fait des demandes pour que nous
desservions le gaz naturel dans ses parcs industriels. D'ailleurs, on a
développé un parc industriel dans lequel, présentement, le
gaz naturel dessert 90% des commerces et industries qui s'y trouvent. La
société réalise que si le gaz naturel n'est pas
disponible, c'est possible que pour cette industrie, ce choix qu'elle n'a pas
soit un critère pour qu'elle aille s'installer ailleurs. Je pense qu'on
a des exemples d'une telle initiative de la part de certaines industries. En
effet, même pour certaines industries, le gaz naturel est la seule
énergie indiquée dans la fabrication de leurs produits ou bien
l'équivalent du gaz naturel tout au moins, dans la fabrication du
verre.
Il est sûr que si je n'ai pas fait d'autres remarques, ce n'est
pas que je savais qu'on parlerait à une heure tardive, mais je savais
que SOQUIP parlerait, par exemple dans les chapitres 4 et 5, de la distribution
du gaz naturel, des approvisionnements en gaz naturel, des avantages du gaz
naturel, de l'utilisation du gaz naturel dans les procédés de
fabrication et de transformation et l'influence industrialisante du gaz
naturel. Je vous dirai que nous appuyons les dires, les commentaires et les
tableaux, surtout lorsque Gazifère est impliquée, sauf que je
désire faire une correction. Ce matin, lorsqu'on a dit qu'au
Québec on utilisait 100 BCF et qu'on augmenterait à 150 BCF, on a
semblé dire que Gazifère aurait une part de 1 BCF additionnel.
Quant à moi, je crois que c'est plus près de 8 BCF parce que
simplement l'extension, le prolongement d'un gazoduc vers une des industries
que je mentionnais tantôt donnera sûrement plus qu'un BCF. Il y a
un potentiel de près de 14 BCF dans toutes les industries que je vous ai
mentionnées tantôt.
En conclusion, Gazifère croit que le marché disponible au
Québec est plus que suffisant pour que le gaz naturel,
l'électricité et même le mazout trouvent une part
suffisante qui assurera leur survie. Pourquoi ne pas avoir une diversification
de l'énergie qui offre les options nécessaires pour un bon
développement économique dans la province? C'est tout ce que
j'avais à vous dire, messieurs.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Laflamme. M. le
ministre.
M. Duhaime: M. Laflamme, je voudrais vous remercier d'avoir
accepté de présenter un mémoire et de vous
présenter devant notre commission. Je voudrais d'abord vous donner une
assurance, vous dire que nous entendons maintenir la concurrence entre
Hydro-Québec et les compagnies gazières que
le gouvernement contrôle. Je dois vous dire que si vos prix du gaz
n'arrivent pas à déplacer le mazout, je puis vous confirmer
qu'à 90% du prix du mazout, lorsqu'Hydro-Québec fait campagne,
nous déplaçons le mazout.
Une deuxième chose. Je voudrais peut-être que vous nous
précisiez ce que vous avez évoqué brièvement, la
question des subventions ou des subsides. On s'entendra pour dire qu'il s'agit
au départ de subventions fédérales. En pourcentage, sur la
différence entre le prix du mazout subventionné par le
gouvernement fédéral et le prix que votre entreprise peut offrir
à des industries dans votre secteur et à l'intérieur de
votre franchise, si on enlève la subvention fédérale,
est-ce que votre gaz devient concurrentiel et peut déplacer ce
mazout?
M. Laflamme: Pour répondre simplement, c'est oui.
M. Duhaime: Merci.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres
questions.
M. Duhaime: Non.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Excusez mon ignorance M. Laflamme, j'aimerais savoir
qui sont les propriétaires de Gazifère et quel est votre volume
d'affaires dans l'année, rapidement?
M. Laflamme: Gazifère appartient totalement à
Consumers Gas.
M. Fortier: Consumers Gas.
M. Laflamme: Oui. Présentement, dans les
municipalités que j'ai mentionnées, que nous desservons, nous
avons à peu près 9000 clients. Sur cela, il y a très peu
d'industriels. Nous avons de gros industriels. C'est vraiment le
problème de Gazifère. Ce qu'on appelle communément en
anglais le "mixt" de commercial-industriel n'est pas favorable, en ce
sens...
M. Fortier: Quel est le "mixt" que vous aimeriez avoir qui
rentabiliserait... Il y a une norme dans l'industrie. Quelle est la norme?
M. Laflamme: Je vais vous donner un exemple. La compagnie Eddy,
qui prenait du gaz depuis 1964, présentement n'en prend pas, sauf pour
l'équipement de sa charge. Je dis qu'elle prenait du gaz depuis 1964.
Cela faisait plus que doubler les volumes que nous vendions aux commerces et
aux résidences auparavant. Vous voyez qu'ils prennent du gaz une
année et, l'année suivante, ils n'en prennent pas. Les tarifs de
Gazifère subissent des contretemps. On est très volatile. Soit
dit en passant, présentement Gazifère, au niveau
résidentiel, a des tarifs moins élevés que Consumers Gas
en Ontario. C'est justement le jeu de l'industrie qui achète ou qui
n'achète pas chez nous. Vous m'avez demandé quels sont les
volumes...
M. Fortier: Le chiffre d'affaires.
M. Laflamme: Les meilleures années ont été
de 5 000 000 à 6 000 000 de pieds cubes par année.
M. Fortier: Qu'est-ce que cela veut dire en millions de
dollars?
M. Laflamme: Au prix actuel, si vous prenez cela à
près de 5 $ le MPC, je dis bien, cela donne 25 000 000 $.
M. Fortier: Si mon collègue, le député
d'Argenteuil, était ici, à moins que mes renseignements soient
complètement dépassés, il soulèverait un
problème qui existait - je ne sais pas s'il existe encore - d'une
industrie qui s'est établie dans votre franchise, qui s'est
installée pour brûler du gaz naturel et qui attend toujours - le
cas est-il réglé? - que le tuyau se rende à la porte de
son industrie. Pour quelle raison cette situation a-t-elle existé?
Comment cela se fait-il qu'on ne puisse pas honorer une promesse,
paraît-il, qu'on leur a faite à ce moment?
M. Laflamme: Je ne sais pas qui a fait la promesse, mais je
m'explique ceci de cette façon: La seule raison pour laquelle nous ne
sommes pas là, c'est que...
M. Fortier: C'était dans quelle ville? M. Laflamme:
Dans la ville de Lachute. M. Fortier: La ville de Lachute.
M. Laflamme: Ou tout près de Lachute. Vous n'êtes
pas sans savoir que devant l'Office national de l'énergie, lorsqu'on a
fait la présentation, on proposait un gazoduc qui devait partir de
Boisbriand et se rendre jusqu'à Thurso. Il passait par Lachute et toutes
les autres municipalités qui s'y trouvent. Lors de la décision de
l'Office national, il a été suggéré que la
région de Lachute et Thurso Pulp, qui était l'industrie
principale qui pouvait rentabiliser ce projet, soient desservies par le secteur
de l'Outaouais, par un autre gazoduc qui pourrait être construit, qui
traverserait la rivière et qui, en même temps, pourrait suffire
à toutes les demandes de la CIP. Les volumes de la CIP à Gatineau
sont fort importants. Ce qui faisait que le gazoduc qui
a été proposé partait de Boisbriand et se terminait
à Maryland. À Maryland, il y a une industrie qu'on appelle
Canadian Refractories qui est installée à cet endroit. À
Lachute, on devait vendre du gaz naturel, toutes choses étant
égales, si le gazoduc était rentable. C'est la situation du prix
du mazout qui a changé. Toutes les industries que nous avons pressenties
étaient intéressées au gaz naturel, à la condition
- chacune d'elle l'a dit, c'est normal de le dire -d'être concurrentiel.
Au prix actuel du mazout, elles ne veulent pas acheter le gaz naturel, c'est
impossible. Il n'y a pas moyen de rentabiliser une industrie qui s'installe
dans ce secteur. Je pense qu'elles s'attendaient que le projet se fasse
éventuellement et elles sont allées de l'avant. Je peux vous
assurer que jamais, en aucune occasion, nous avons dit que nous irions. Nous
avons toujours dit que, si le projet était rentable, nous serions
à Lachute et que nous pourrions les desservir en gaz.
Il y a un problème additionnel qui se pose pour Gazifère,
c'est que je vous disais tantôt que les fournisseurs de Gazifère
sont Consumers Gas. C'est un avantage que nous avons, nous profitons par
exemple de leur pouvoir d'achat. En achetant du gaz de Boisbriand,
Gazifère devait le faire par elle-même. Alors vous voyez la
situation. Les volumes n'étant pas suffisamment importants, nous avons
fait des approches auprès d'un autre distributeur pour voir si lui
pourrait rentabiliser le projet. Malheureusement, à ce jour, il ne
semble être rentable pour aucun des distributeurs. C'est la situation
malheureuse.
M. Fortier: Qu'est-ce qui arrive à l'industrie? Ils ont
d'autres formes d'énergie qu'ils peuvent utiliser.
M. Laflamme: Je pense qu'ils ont regardé vers d'autres
formes et je pense que présentement ils sont au propane.
M. Fortier: Une chose qui me surprend dans votre mémoire,
étant donné que vous êtes une filiale de Consumers Gas,
donc vous êtes du secteur privé, c'est votre recommandation ici
disant qu'Hydro-Québec évite de vendre des surplus. Je ne sais
pas si vous avez fait le calcul, mais vous parlez de milliard de dollars sur
une période d'années. Cela me surprend qu'une personne du secteur
privé puisse proposer allègrement une chose comme
celle-là. Vous parlez vous-même ici de concurrence libre et vous
n'acceptez pas une concurrence comme celle-là. Cela me
désappointe beaucoup, venant du secteur privé, quelqu'un qui
refuse la concurrence quand elle est là.
M. Laflamme: Cependant je pense que j'ai fait la distinction, M.
le député, que c'étaient des prix plus bas que la normale.
Si ce ne sont pas des prix plus bas que la normale, à ce
moment-là, c'est une compétition juste et équitable.
M. Fortier: Vous savez, lorsque j'étais dans le secteur
privé, j'acceptais toute la concurrence. Venant du secteur privé,
je dois vous dire que lorsque j'étais dans le secteur privé
j'acceptais toute la compétition sur le plan international. Il n'y avait
pas une bonne compétition et une mauvaise compétition.
M. Laflamme: Remarquez bien c'est aussi en fonction de pouvoir
prolonger les gazoducs et aller développer d'autres secteurs. C'est le
point que nous essayons de faire. S'il n'était pas question d'un
prolongement, si c'était dans un secteur non desservi par le gaz, c'est
sûr que s'il n'y avait que cette industrie et rien d'autre en jeu,
probablement que notre déclaration pourrait être
différente.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? M. le député de Beauharnois.
M. Lavigne: Je voudrais demander à monsieur quel est la
différence entre le prix du pétrole et le prix du gaz que vous
pourriez vendre. C'est cela qui fait que les industries sont un petit peu
rébarbatives. Je les comprends car elles s'en vont vers un produit moins
dispendieux. La différence tient à la fameuse subvention qui est
attachée au pétrole.
M. Laflamme: D'accord.
M. Lavigne: Avec la subvention, tel que les industriels
l'achètent présentement, c'est quoi la différence entre
votre produit et le pétrole?
M. Laflamme: C'est toujours assez difficile de répondre
à cette question. Différentes industries peuvent acheter du
mazout à différents prix selon l'endroit où elles
l'achètent et les secteurs d'où il provient. Tout ce que je peux
vous dire c'est que, présentement, notre fournisseur a des surplus de
gaz naturel énormes et nous serions prêts à en disposer
presque au prix coûtant. Et malgré ce prix coûtant, qui est
un prix très favorable dans notre cas, nous ne réussissons pas
à vendre du gaz naturel même sous la forme interruptible; cela
veut dire que c'est le prix le plus bas qu'on puisse offrir.
Vous n'êtes pas sans savoir que dans le Québec nos tarifs
ont une marge de négociation; on a un prix minimum et un prix maximum
entre lesquels on peut
négocier.
M. Lavigne: Vous ne répondez pas tout à fait
à ma question. Même en l'offrant au prix minimum, votre gaz,
quelle est encore la différence qui existe entre votre produit et le
pétrole? Est-ce qu'il y a une marge encore énorme à ce
moment-là?
M. Laflamme: Je dirais qu'elle n'est pas énorme.
Présentement ils discutent; si le prix monte le moindrement, apparemment
qu'on aurait une chance. Mais je vous dis qu'on vendrait du gaz presque
à notre prix coûtant. On parle de subventionner possiblement
à 5 $ le baril dans le moment. Je sais que si ce prix-là
disparaissait, nous serions certainement compétitifs.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites qu'on vend
l'électricité à un prix plus bas que la normale. La
question s'adresse au ministre, est-ce que c'est possible?
M. Duhaime: C'est possible certain. C'est ce qui se produit.
C'est un programme d'écoulement de surplus d'énergie
excédentaire et c'est sur de l'interruptible.
M. Fortier: II faudrait peut-être expliquer, M. le
ministre, qu'il existe un tarif officiel pour le normal, et pour
l'excédentaire, il n'y a pas de tarif.
M. Duhaime: Oh! pardon, il y a un tarif.
M. Fortier: À 90%.
M. Duhaime: Oh! pardon il y a un tarif. Les prix qu'Hydro est
autorisée à offrir à l'industrie c'est à
l'intérieur de la politique tarifaire approuvée par le
gouvernement, laquelle a été discutée en commission
parlementaire, et rendue publique; c'est le règlement 321 de l'Hydro et
c'est jusqu'à concurrence de 90% du prix de l'énergie
remplacée. Cela veut dire que lorsqu'on remplace le mazout, on est
à 10% d'escompte par rapport au mazout, mais c'est sur de
l'excédentaire et sur une base interruptible.
M. Leduc (Saint-Laurent): II y a donc des raisons d'être
inquiet. C'est 90% du prix qu'ils ont eu la veille; mais le prix qu'ils ont eu
la veille... ils peuvent avoir n'importe quel prix.
M. Duhaime: Votre question est intéressante parce qu'elle
souligne le fait qu'il y a un an, et cela fait au-delà d'un an qu'on en
parle, je n'ai jamais voulu empêcher la concurrence que ce soit dans les
zones de distribution du gaz ou en dehors. Je pense que des
sociétés d'État doivent apprendre et performer sur le plan
de la concurrence et je pense qu'il faut que cela aille jusqu'à ce que
Gaz Métropolitain, Gaz Inter-Cité et Hydro-Québec se
battent l'une contre l'autre sur les marchés, et Gazifère aussi,
pour le plus grand bénéfice des consommateurs, que ce soit dans
le secteur domestique, industriel ou commercial. Autrement on va
s'artificialiser des prix et tout le monde va payer.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. Leduc
(Saint-Laurent): II est minuit.
Le Président (M. Laplante): Au nom des membres de cette
commission, je vous remercie de la contribution que vous avez bien voulu
apporter à cette commission.
M. Laflamme: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Les travaux sont
ajournés à demain dix heures. Terminé.
(Fin de la séance à minuit deux minutes)