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Etude des crédits de la Direction
générale de l'énergie
(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît.
La commission permanente de l'énergie est réunie pour
procéder à l'étude des crédits budgétaires
du ministère de l'énergie.
Les membres de la commission sont les suivants: M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desbiens
(Dubuc), M. Godin (Mercier), M. Joron (Mille-Iles), M. Mercier (Berthier), M.
Rancourt (Saint-François) et M. Raynauld (Outremont).
Les intervenants sont M. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau
(Verchères), M. Dubois (Huntingdon), M. Forget (Saint-Laurent), M.
Gratton (Gatineau), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Michaud
(Laprairie) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Avant de passer aux remarques préliminaires, il y aurait lieu de
désigner un rapporteur.
M. Michaud: M. le Président, je suggérerais M.
Bordeleau (Abitibi-Est).
Le Président (M. Clair): Est-ce que le
député d'Abitibi-Est accepte?
M. Bordeleau: Certainement, M. le Président, ça me
fait plaisir.
Le Président (M. Clair): Le député
d'Abitibi-Est agira comme rapporteur des travaux de cette commission.
Avant de commencer l'étude proprement dite des crédits,
respectant en cela la tradition, nous allons entendre d'abord l'exposé
préliminaire du ministre délégué à
l'énergie, celui du représentant de l'Opposition officielle et
celui de l'Union Nationale, dans l'ordre.
M. le ministre délégué à
l'énergie.
Exposés préliminaires
M. Guy
Joron
M. Joron: Merci, M. le Président. Avant de se pencher de
façon approfondie sur les crédits de 1979/80 de la Direction
générale de l'énergie, la commission jugera
peut-être utile que je lui présente un bref aperçu des
activités de l'an passé et du programme d'action de la direction
générale pour l'année prochaine. L'événement
marquant de la dernière année a été, pour nous, la
publication, le 20 juin 1978, du livre blanc sur la politique
québécoise de l'énergie. Les orientations et les
programmes définis dans cette politique ont conditionné tous nos
travaux, depuis, et sont reflétés dans la programmation de la
prochaine année fiscale.
En annonçant, lors du discours inaugural du 6 mars 1979, une
législation visant la création d'un ministère de
l'énergie, le gouvernement affirmait à la fois l'importance des
politiques énergétiques du Québec et l'opportunité
de mettre en place une structure de niveau ministériel pour les
promouvoir.
Si vous le permettez, M. le Président, avant d'aller plus loin,
j'aimerais présenter à la commission mes principaux
collaborateurs de la Direction générale de l'énergie.
D'abord, le nouveau sous-ministre, depuis le 15 mars dernier, M. Claude Roquet,
assis à ma droite; le directeur des services administratifs, M. Gagnon,
qui est derrière moi; celui des communications, M. Bernard Dagenais; le
directeur de l'analyse et de la planification, M. Jean Guérin; le
directeur des hydrocarbures, M. Claude Turgeon; celui de
l'électricité, M. Denis L'Homme; enfin, le responsable des
énergies nouvelles, M. Gilles Saint-Hilaire; celui de la distribution,
M. Jean Servais ainsi que MM. Jacques Ruelland et Vincent David, du Bureau
d'économie d'énergie.
En ce qui concerne la structure administrative, elle a fait l'objet d'un
nouvel examen à la lumière des objectifs du livre blanc. On peut
donc prévoir, peut-être à l'occasion de la création
du ministère et même auparavant, une certaine adaptation du cadre
administratif aux nouvelles orientations énergétiques du
Québec. Les crédits 1979/80 prévoient une certaine
diminution par rapport à l'année dernière des fonds
affectés au secteur énergétique.
Vous vous souviendrez que l'an passé les crédits
s'étaient accrus de près de 500%. Pour 1979/80, de $14 millions
qu'ils étaient, nos crédits passent à $10 millions, la
différence étant surtout attribuable à une meilleure
estimation des subventions à verser en vertu du programme d'isolation
des maisons et de celles à verser au titre des énergies
nouvelles.
Il s'agit là, en effet, de domaines relativement nouveaux,
même à l'échelle internationale, et le rythme de
démarrage était particulièrement difficile à
prévoir. Par ailleurs, l'enveloppe de postes autorisés est
passée de 155 à 170, cette augmentation étant surtout
attribuable à des transferts de postes du ministère des Richesses
naturelles. A mon avis, la direction générale, qui deviendra sous
peu ministère, doit demeurer une structure légère, mais de
haut niveau correspondant à l'importance des politiques et des
intervenants en cause.
Conformément aux orientations précédemment
esquissées et aux priorités définies dans le livre blanc,
le gouvernement entend continuer son effort de promotion des économies
d'énergie. Le principal effort a porté, en 1978, sur le programme
d'isolation des maisons unifamiliales construites avant 1946. Bien que les
effets directs du programme se soient fait ressentir moins rapidement
qu'escompté, ils n'en ont pas moins été significatifs.
Pour accélérer le mouvement, le gouvernement du Québec
annonçait en janvier de cette
année l'élargissement du programme pour englober
l'ensemble des maisons unifamiliales construites avant 1961. Alors que les
subventions de 1978 s'établissaient à environ $1 500 000, on peut
facilement prévoir $2 500 000 de subventions en 1979/80. Il va sans dire
qu'un tel programme, grâce à son effet de sensibilisation sur le
public, produit des retombées indirectes allant bien au-delà des
sommes versées. Par ailleurs, tout en poursuivant ses activités
dans le secteur des petites et moyennes entreprises, grâce à
Energie-bus et dans le secteur urbain par voie de thermographie, le Bureau des
économies d'énergie est en voie de compléter des
études approfondies sur les économies d'énergie dans les
édifices à logements multiples, études sur lesquelles le
gouvernement pourra fonder son action. Il en est de même pour les
problèmes particuliers des régions isolées comme les
Iles-de-la-Madeleine, sur lesquelles les travaux du Bureau des économies
d'énergie et de l'Hydro-Québec devraient aboutir
prochainement.
Il va sans dire que le bureau poursuit ses activités d'animation
dans le secteur public et parapublic, commercial et industriel, et s'occupe
à dégager d'autres paramètres de notre action future. Du
côté des énergies nouvelles, nous avons également
vécu une année de démarrage. Il s'agissait, d'une part,
d'encourager les compétences et le dynamisme existant au Québec
dans ce domaine, en fournissant aussi bien des documentations au public que des
incitations financières pour divers projets et recherches
particulièrement prometteurs.
D'autre part, la direction générale a jugé
essentiel d'engager un certain nombre d'études détaillées
susceptibles de servir de base à une activité beaucoup plus
systématique et substantielle dans les prochaines années. Nos
travaux, jusqu'à maintenant, confirment qu'il se présente pour le
Québec, dans ce domaine, à la fois un marché potentiel et
des possibilités d'investissement susceptibles d'être très
rentables, tant au point de vue de notre développement
énergétique que des retombées pour l'économie et
l'emploi.
La direction générale entend maintenir et
développer son action en faveur des énergies nouvelles. $700 000
de subventions sont prévus à cette fin en 1979/80. En ce qui
concerne la Société nationale des énergies nouvelles,
envisagée par le gouvernement dans son livre blanc de juin 1978,
l'ensemble des travaux accomplis l'an passé nous a permis d'avancer
considérablement les études sur cette question. Elles devraient
être complétées dans les prochains mois.
Relativement à l'électricité, l'année
passée à été marquée notamment par un
réaménagement majeur de l'Hydro-Québec et par la
création d'une filiale internationale de cette grande
société d'Etat. La mission principale de la direction de
l'électricité, à savoir de favoriser l'harmonisation des
activités de l'Hydro-Québec avec la politique
énergétique du gouvernement, a crû en importance avec
l'adoption de la nouvelle Loi de l'Hydro-Québec. L'année à
venir sera particulièrement significative à cet égard,
puisqu'elle verra l'élaboration du programme d'équipement
1985-1990 de l'Hydro-Québec. Des discussions sont en cours avec la
société d'Etat pour dégager le contenu et l'ampleur de ce
programme.
Au niveau de la distribution, un dossier retient surtout l'attention; il
s'agit de l'évaluation des réseaux municipaux pour achat
éventuel par l'Hydro-Québec. Les négociations se
déroulent normalement.
Finalement, la direction de l'électricité continuera de
s'intéresser à diverses questions impliquant nos voisins, vente
d'électricité à l'extérieur, interconnection des
réseaux, relations avec les autres provinces, etc.
La direction des hydrocarbures se préoccupe de trois secteurs
principaux: approvisionnement en hydrocarbures et transport des produits, mise
en valeur du sous-sol québécois et surveillance de la
distribution. La récente crise iranienne aura, encore une fois,
rappelé l'importance des questions d'approvisionnement, d'où
l'intérêt que porte le gouvernement à se doter des moyens
requis pour protéger les intérêts québécois
et éviter toute pénurie. On se souviendra que lors du discours
inaugural, le gouvernement a annoncé son intention de
légiférer en ce sens, d'où également les efforts
accomplis pour encourager une plus grande pénétration du gaz au
Québec. Avec l'expansion prévue du réseau gazier, ce
dossier devrait progresser de façon décisive et
déterminante dans l'année qui vient. Il recevra de notre part,
évidemment, toute l'attention qu'il mérite.
En ce qui concerne l'exploration, les efforts se poursuivent directement
par les études géologiques de la direction proprement dite et
indirectement par l'entremise de la Société
québécoise d'initiatives pétrolières, SOQUIP.
Par ailleurs, le service de la distribution, dans le cadre de la Loi sur
le commerce des produits pétroliers, continue à surveiller les
normes de manutention des produits et plus spécifiquement les
dépôts de stockage et de transport par camion-citerne. J'aimerais
souligner ici que, lors de la crise, où un certain resserrement
temporaire des approvisionnements en huile à chauffage a eu lieu au mois
de février, le service de la distribution a joué un rôle de
premier plan, en servant d'intermédiaire entre les raffineurs et les
distributeurs indépendants.
Je voudrais enfin souligner la portée des travaux de la Direction
générale de l'énergie en matière d'analyse
économique et financière. Responsable de l'étude des
données énergétiques qui servent de fondement à la
stratégie gouvernementale, la Direction de l'analyse économique
est appelée constamment à jouer un rôle crucial dans la
définition ou la réévaluation de nos politiques de
l'énergie.
Le débat énergétique tourne souvent, en effet,
autour de problèmes d'évaluation de la demande,
d'équilibre entre l'offre et la demande, de coûts, de prix
relatifs, d'incidences économiques et il est de première
importance de disposer, à ces sujets, de données fiables et
précises. C'est là le principal
mandat que poursuivra cette direction au cours de la prochaine
année.
M. le Président, ce bref résumé,
inévitablement incomplet, constitue un survol des activités de la
Direction générale de l'énergie. Il pourrait
peut-être servir de point de départ pour nos discussions.
Le Président (M. Clair): Le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il est évident
que le domaine de l'énergie devient de plus en plus critique et
j'aimerais qu'on ait vraiment le temps d'analyser et d'examiner à fond
tous les problèmes que le ministre a soulevés ce matin. Non
seulement le domaine énergétique affecte notre économie,
mais il affecte aussi, il peut affecter notre niveau de vie. Les mesures que
nous prendrons, que le gouvernement prendra refléteront la perception
que nous nous faisons de notre société.
Puisque le domaine énergétique affecte toutes nos
activités, il est évident que les actes et les politiques du
ministre délégué à l'énergie toucheront
aussi les autres ministères. L'efficacité du ministre et la
volonté politique du gouvernement d'assumer ses responsabilités
dans ce domaine seront jugées, premièrement, par la façon
dont le ministre ou le gouvernement pourra mettre en pratique les politiques
que le ministre énonce et, deuxièmement, par la façon dont
tous les ministères du gouvernement se conformeront aux exigences des
problèmes énergétiques auxquels nous faisons face et aux
mesures qui sont énoncées par le ministre.
Le ministre a référé à sa politique du livre
blanc; ce n'est pas l'endroit ni le temps d'examiner cette politique.
Cependant, j'aimerais passer en revue les mesures spécifiques qui
relèvent des crédits que nous allons examiner ce matin et
certaines mesures que le ministre a annoncées durant les deux
dernières années pour déterminer si vraiment ces
politiques ont été mises en application.
Le ministre, ce matin, a référé aux mesures
d'économie d'énergie, aux mesures de conservation. Examinons,
premièrement, ce domaine de conservation. Je voudrais rappeler, M. le
Président, que dès qu'il est devenu ministre
délégué à l'énergie, le ministre a
déclaré que le premier élément d'une politique
énergétique sera la mise en place d'un programme de conservation
de l'énergie. (10 h 30)
A la suite d'une entrevue accordée à un journaliste du
Soleil, le vendredi 14 janvier, on lisait cette manchette: "La priorité
de Joron: économiser l'énergie ". Dans cette entrevue, il a
énuméré une série de mesures qui devraient
être prises afin d'économiser l'énergie. Le ministre
déclarait: "On touchera à bien des domaines: Les normes de
construction, le transport des passa- gers et des marchandises, les grosses
voitures, etc. Les implications de ces interventions seront énormes dans
tous les secteurs de l'activité tel le développement urbain. Le
pétrole compte actuellement pour 70% de la consommation
énergétique totale du Québec et le transport prend
à lui seul la moitié du pétrole, soit 35% de notre
consommation totale d'énergie. Cela n'a pas de sens." C'étaient
les déclarations du ministre à ce moment-là.
Dans la Gazette du 15 janvier, on rapportait: "Powerful cars face new
tax". On devrait taxer les automobiles à haute puissance. Le ministre
suggérait qu'il y ait peut-être une taxe de $200 à $300 par
année pour les automobiles, comme il le décrivait: "A minister's
Buick". En plus, il suggérait une réduction de la vitesse
maximale permise à 55 milles par heure.
Le ministre concédait que certaines mesures pourraient soulever
un certain ressentiment dans une société qui était
habituée à l'utilisation incontrôlée de
l'énergie, mais il a dit que le besoin du gouvernement de maintenir un
appui populaire avant le référendum, l'effet actuel sur
l'indépendance, ne l'empêcherait pas d'agir, et je le cite: "I am
not going to worry about the effects this might have on the referendum. Petty
politics will not interfere with a sound energy policy, it is not my style." On
peut seulement appuyer les sentiments qui étaient derrière ces
paroles, si cela a été vraiment mis en application. C'est cela
qu'on va examiner un peu ce matin.
Il disait qu'il ne s'inquiéterait pas des effets que ceci
pourrait avoir sur l'opinion publique, c'était une saine politique
d'énergie avec toutes les conséquences que cela pourrait
impliquer, spécialement dans le domaine de l'économie de
l'énergie. Il avait aussi déclaré, depuis le début
de l'année 1977, qu'il fallait resserrer les normes du Code du
bâtiment pour assurer une meilleure isolation des résidences et
autres structures. En commission parlementaire, le 21 avril 1977, le ministre
déclarait: "Nous n'attendrons pas nécessairement la publication
du livre blanc avant d'agir dans ce secteur." Il reste donc déjà
à identifier et à annoncer les sujets prioritaires comme, par
exemple, les édifices publics et parapublics. Cela peut être
beaucoup plus rapide qu'on ne le pense.
Dans le domaine des transports et ceci est très important
il a dit: "II y a des mesures qui peuvent être prises par le
ministre des Transports". Il faut examiner ce qui a été fait, ce
qui est prévu dans les crédits. Dans les crédits de juin
1978, le ministre nous confirme le démarrage d'un vaste programme
d'isolation des maisons et il déclare qu'une multitude de programmes et
de projets sont en voie d'élaboration. On voit un peu de contradiction
entre les intentions du ministre et la concrétisation de ces intentions.
Il y a deux programmes que le ministre a mis en application, d'après ce
qu'on peut voir par les crédits et les déclarations du ministre.
Il y a le programme Ener-giebus qui a été mis en marche le 16
novembre 1978, mais c'est un programme qui est financé ou
subventionné partiellement aussi par le gouverne-
ment fédéral et c'est un programme qui existe en Ontario
depuis 1974. L'autre programme, c'est le programme d'isolation de maisons,
programme géré par d'autres ministères qui ont obtenu,
selon le ministre, des fonds pour améliorer l'isolation et
l'efficacité du chauffage.
Ces deux premiers programmes, l'isolation des maisons et Energiebus ont
été mis de l'avant dans d'autres domaines par le gouvernement
fédéral. Je ne pense pas que le ministre puisse prendre tout le
crédit, quoiqu'on doive dire que c'était un commencement, un pas
dans la bonne direction pour l'économie de l'énergie. Il ne faut
pas oublier non plus que dans ses déclarations, le ministre affirme,
dans sa politique énergétique, que la conservation
d'énergie sera de 23% de toute l'utilisation énergétique
au Québec. C'est sur un certain nombre d'années. Ces 23%, pour
les situer, représentent tout le pouvoir hydroélectrique qui est
maintenant en place à l'Hydro-Québec. L'équivalent de tout
ce qui est produit aujourd'hui devrait être conservé par des
économies d'énergie, par des programmes du gouvernement.
En ce qui concerne le troisième programme, le public et le
parapublic, je pense qu'il y a un peu de contradiction, M. le ministre, entre
les déclarations du 6 juin 1978 et du 12 décembre de ia
même année, où le ministre déclare qu'on
prépare un train de politiques venant de divers ministères pour
influencer la consommation à la baisse. Donc, nous avons des doutes
quant à l'application réelle de mesures spéciales dans les
édifices publics et peut-être que le ministre pourrait nous donner
plus d'information.
Si nous faisons exception des deux campagnes d'information, l'une faite
par l'Hydro-Québec et l'autre faite par le ministère de
l'énergie sur le programme d'isolation des maisons, nous n'avons pas
beaucoup de choses, en termes de publicité ou d'information au public.
C'est un domaine assez important, et je dirais même que c'est une
question de. priorité pour le gouvernement. S'il fait faire de la
publicité pour la Régie de l'assurance, s'il fait faire de la
publicité dans tous les autres domaines, je crois qu'une campagne
d'information est assez importante. Or, quand on examine la campagne
d'information de l'Hydro-Québec, on est porté à conclure
que celle de l'automne 1978 était plutôt une campagne pour vendre
l'Hydro-Québec que pour informer le public des façons d'effectuer
vraiment des économies d'énergie. On ira plus en détail en
examinant les crédits pour voir exactement l'efficacité de ces
campagnes.
Il faut comparer le coût de la publicité sur la
conservation de l'énergie et le coût de la publicité de
certains autres ministères. C'est une question de priorité.
Est-ce que le gouvernement a vraiment la volonté politique de mettre en
application la conservation de l'énergie? Je ne doute pas du tout de la
bonne foi du ministre; lui, il le veut, mais, est-ce que le gouvernement va le
suivre? C'est ça qu'on veut examiner. C'est ça qu'on met en doute
en tenant compte des actes, des programmes qui sont en place, et des sommes qui
ont été déboursées, des déclarations et des
études qui sont faites, quand on les compare à des gestes
concrets.
J'ai parlé d'un code du bâtiment et le ministre a
déclaré, le 6 juin, qu'il était en voie
d'élaboration. On voudrait demander quand exactement ce code du
bâtiment sera déposé à l'Assemblée nationale
parce que, plus on attend, plus il y a du gaspillage. L'été
dernier, le Soleil a annoncé que des normes avaient été
préparées à Ottawa par un comité indépendant
représentant toutes les branches de l'industrie de la construction et
formé par le Conseil national de la recherche. La question que je veux
poser, c'est: Pourquoi ce retard? Est-ce que le code est prêt? Est-ce
qu'il va être déposé? Si on prend le nombre de nouveaux
logements qui sont construits, je crois que ça pourrait être un
endroit assez important pour effectuer des économies
d'énergie.
Dans les secteurs public et parapublic, dans un communiqué de
presse du 20 juin 1978, le ministre a dit: "Le gouvernement a
déjà procédé à l'analyse du potentiel
d'économie d'énergie dans les bâtiments gouvernementaux
existants. Cette étude affirme qu'il est possible de diminuer de 45% le
niveau de la consommation énergétique. Au prix moyen de
l'énergie de 1976/77, on estime, au seul chapitre des bâtiments,
pouvoir réduire de $7 millions à $3 600 000 la facture
énergétique annuelle, et cela avec un investissement total de $9
millions". Je demande au ministre si ces investissements ont été
faits, s'ils sont en train d'être faits et ce qu'il est arrivé
à la suite de cette déclaration et de ces études que le
ministre a effectuées.
Les transports sont, je crois, un domaine des plus importants, où
la plus grande économie d'énergie pourrait être
effectuée; si le gouvernement a vraiment une volonté politique,
il doit agir; il ne sert à rien que le ministre ait de la bonne
volonté, fasse des déclarations et fasse des études pour
dire qu'on va économiser l'énergie dans tous les secteurs si le
gouvernement ne donne pas suite à ces déclarations. On a des
grèves, il y a présentement une grève à la
Commission de transport de la communauté urbaine de Québec. M. le
ministre, puisque votre ministère affecte tous les autres
ministères, je ne pense pas que vous puissiez vous tenir à
l'écart et rester en dehors de ces sujets. On ne peut pas dire que cela
regarde seulement le ministère du Travail, c'est une question qui touche
le gouvernement, cela affecte la conservation de l'énergie, cela
affecte, en grande partie, l'économie d'énergie.
Comme il y a eu la grève de la compagnie d'autobus Voyageur, la
grève à Québec, ça peut avoir des
conséquences assez sérieuses pour l'économie
d'énergie. Où on doit être sérieux, où on
doit agir, on n'agit pas.
Il y a un secteur où je demanderais au ministre d'intervenir et
d'imposer les politiques qu'il a énoncées; c'est le secteur des
transports urbains. Je vais lui donner l'exemple des trains de banlieue
à Montréal. Il y a eu une hausse des tarifs de 15%, mais une
baisse de service. Le train de banlieue du Canadien National de
Montréal-Deux-Monta-
gnes, originellement, il y a quelques années, transportait 33 000
passagers par jour; on en est maintenant réduit à 17 000 parce
qu'il y a une baisse de service et il y a une augmentation des coûts.
A l'Assemblée nationale, j'ai demandé au ministre des
Transports d'intervenir, parce qu'il y a un programme fédéral
d'aide au transport urbain. Dans ce programme, il y a $62 millions. Le ministre
a dit que ces $62 millions seraient tous utilisés, ils sont
déjà en train d'être utilisés il n'a pas
donné de détails à des passages à
niveau.
D'après les renseignements que nous avons, seulement la
moitié de ces $62 millions doit être utilisée l'autre est
encore disponible. Il me semble que si on est sérieux, qu'on veut
économiser l'énergie, on se réfère à des
crises d'énergie au Moyen-Orient, on a des avertissements du
président des Etats-Unis à la nation américaine je
ne sais pas si on en viendra à cela si on a les mêmes
problèmes ici le ministre devrait absolument insister
auprès du ministre des Transports, relativement au transport urbain
à Montréal. Parce que tous ces gens si vous
réduisez le montant de $33 000 à $17 000 vont travailler
quand même, mais utilisent des automobiles. C'est un endroit où il
faut économiser; il me semble que c'est la chose la plus facile pour
démontrer la volonté politique du gouvernement, c'est là
qu'il faut intervenir.
Quant aux conclusions pour la conservation, M. le Président,
c'est vrai qu'il y a deux programmes. Mais je crois que les programmes que le
ministre a annoncés ne vont pas aussi loin que toutes les
déclarations et tout l'espoir qu'il nous avait donné au
début, quand il a pris la responsabilité de son ministère,
dans ce domaine. Je crois que ses critiques de la conservation
d'énergie, c'est un moyen, c'est une des meilleures sources
d'économie de l'énergie; je crois qu'on devrait agir. (10 h
45)
Dans le domaine de la construction, on attend encore le Code du
bâtiment. Dans le domaine public et parapublic, on annonce que des
comités ont été mis sur pied. Si on a fait davantage,
j'aimerais l'apprendre de la part du ministre. Dans le domaine des transports,
d'après ce que nous pouvons voir ici, il n'y a qu'un montant de $600 000
dans les crédits des Travaux publics qui sont alloués à la
conservation de l'énergie. Il me semble que c'est totalement insuffisant
pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés, objectifs
qui sont nécessaires pour notre société.
Vous avez mentionné le gaz naturel, M. le ministre. On appuie la
position que vous avez prise de privilégier le développement du
gaz naturel, de prolonger le gazoduc pour deux raisons. Premièrement,
cela va impliquer des investissements privés. Quand des investissements
privés vont dans ce domaine, cela rend moins onéreuse la
tâche du gouvernement. Deuxièmement, cela va renforcer la
sécurité d'approvisionnement, c'est quelque chose dont nous avons
absolument besoin. Il y a un seul point que nous voulons souligner et sur
lequel nous voulons attirer l'atten- tion du ministre. La population doit
être en mesure de juger vraiment les bénéfices de cette
source énergétique, de toutes les négociations et de tout
ce qui est impliqué. Dans les négociations avec l'Alberta, nous
en tirons un avantage énorme je l'ai déjà dit en
Chambre, M. le ministre, mais je voudrais le répéter parce
que l'Alberta ne peut pas vendre ou exporter ce produit sans le consentement de
l'Office national de l'énergie et c'est la politique du gouvernement
fédéral de pourvoir aux besoins énergétiques de
toutes les régions du Canada, avant de permettre certaines
exportations.
Je suis certain que ça vous donne un avantage marqué dans
les négociations, parce qu'ils ont un bras lié, l'Alberta, ils ne
peuvent pas vendre où ils veulent. Je crois que c'est bon que la
population le sache, sans partisanerie, mais pour qu'elle sache exactement
comment vous faites et comment vous allez faire pour protéger la
sécurité d'approvisionnement.
A titre d'exemple, il y a eu treize applications faites à
l'Office national d'énergie se chiffrant à 7 trillions de pieds
cubes pour l'exportation de gaz naturel, sur une période de cinq
à huit ans. Par contre, le surplus canadien estimé pour la
même période était de 2 à 3 trillions de pieds
cubes. Alors, le gouvernement fédéral n'a pas accordé les
permis d'exportation qui ont été demandés par
l'Alberta.
Pour vous donner un autre exemple des avantages des prix que nous
obtenons, les Alber-tains obtiennent pour leur gaz naturel $1.40 à la
frontière albertaine,, $2 à Toronto et ils peuvent obtenir $2.60
à la frontière américaine. Ce serait beaucoup plus
avantageux pour eux de vendre le gaz aux Etats-Unis, la demande est là;
même s'il y a des surplus temporaires, il ne faut pas oublier qu'en 1975,
il y avait des pénuries de gaz naturel aux Etats-Unis, où les
écoles et les usines ont au fermer leurs portes.
Deux autres sujets, très brièvement, M. le
Président, avant de terminer mes remarques préliminaires. La
question nucléaire, je remarque que le ministre n'y a pas fait
référence du tout dans ses remarques préliminaires. Je ne
veux pas toujours ramener sur le tapis la position du gouvernement avant et
après qu'il a été au pouvoir. Je pense que la population
est au courant. Ce qui me tracasse un peu, c'est le fait que vous ayez le
moratoire et j'ai l'impression que vous y êtes arrivés pour
atténuer les contradictions qui existent, c'est l'impression que nous
avons. On se demande s'il y a quelques membres du gouvernement qui veulent le
nucléaire et d'autres qui n'en veulent pas. C'est un sujet trop
important pour le laisser en veilleuse.
D'une part, nous avons vu le danger possible de l'accident à
Harrisburg et, d'autre part, on nous dit qu'il y a une crise d'énergie
et qu'il nous faut trouver d'autres moyens et toutes les sources possibles pour
nous fournir de l'énergie. La déclaration d'un moratoire, je ne
crois pas que ce soit une politique, spécialement si la décision
est prise pour procéder ou non, ça peut prendre dix ans avant
qu'un projet... Je ne sais pas ce que la
décision devrait être: oui ou non. Ce que je dis, c'est que
la population a le droit de savoir, en toute connaissance de cause. Je
répète ma demande: Est-ce que vous êtes prêt à
constituer une commission parlementaire, mais avec l'aide technique, afin que
toutes l'es informations puissent être fournies, pour que le public
puisse savoir les dangers possibles, les mesures de sécurité
possibles, les besoins du Québec, établir si oui ou non nous en
avons besoin? De cette façon, le gouvernement pourrait en arriver
à une conclusion de procéder ou non, mais au moins, ce serait un
pas concret. Je crois que dans le moratoire, on ne connaît pas les
conséquences, il n'y a pas d'étude et ça ne répond
pas aux inquiétudes de la population.
Finalement, dans les produits pétroliers auxquels vous vous
référez dans la distribution, on a eu certains problèmes
avec l'Association des distributeurs indépendants de pétrole
l'hiver dernier. Je crois que vous avez déclaré que vous alliez
introduire un projet de loi pour l'approvisionnement. Peut-être que vous
pourriez nous 'donner plus de détails et je voudrais vous poser une
question sur un sujet précis. Il y a quelques semaines, le
président des Etats-Unis, s'est adressé à la nation et a
prévu la possibilité du rationnement de pétrole cet
été.
Quand on entend dire qu'un pays comme les Etats-Unis, avec toutes les
richesses qu'il a, nous prévient qu'il peut y avoir une pénurie
de pétrole, on se demande si, au Québec, nous faisons face au
même danger. Je demanderais aussi au ministre quelles mesures il prend,
ce qu'il fait pour nous assurer qu'il n'y aura pas de pénurie. Est-ce
qu'il y a des mécanismes d'entente avec le gouvernement
fédéral pour assurer qu'au Québec nous allons avoir les
approvisionnements nécessaires, non seulement cette année, durant
l'été, mais l'hiver prochain? Il faut se rappeler qu'en 1973, il
y a eu une crise de pétrole et qu'aux Etats-Unis, les gens faisaient la
queue pour obtenir des approvisionnements et, parfois, ne les obtenaient pas.
Comme je l'ai dit, en 1975, il y a eu aussi une pénurie assez
sérieuse. Ici, au Canada, on ne l'a pas eue, grâce aux politiques
fédérales, grâce aux sources d'approvisionnement que nous
avons ici et dont une des conséquences a été l'extension
du pipe-line de Sarnia à Montréal. Je précise ma question,
je veux demander au ministre de nous dire ce qu'il fait pour assurer que nous
n'aurons pas de pénurie cet été ou l'hiver prochain.
Est-ce qu'il y a des mécanismes en place entre le gouvernement du
Québec, entre le ministre et son homologue fédéral, pour
faire face à une pénurie possible? Est-ce que le ministre va
prendre d'autres mesures concrètes? Est-ce qu'il va demander, par
exemple, au gouvernement fédéral d'augmenter la capacité
du pipe-line de Sarnia à Montréal, dans le cas où il y
aurait un autre gel au Moyent-Orient ou à d'autres endroits dans le
monde et qu'on serait aux prises avec des difficultés
d'approvisionnement?
M. le Président, ce sont les quelques remarques
générales que j'avais à faire sur nos travaux de ce matin
et les questions que je voulais poser au ministre.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. Je voudrais
également faire à mon tour quelques remarques et poser à
l'occasion de ces commentaires quelques questions au ministre dans le domaine
énergétique. Il y a maintenant un an à peu près
qu'on s'est réuni à cette même table pour étudier
les crédits du ministère. Depuis ce temps, évidemment, il
a coulé beaucoup d'eau sous les ponts et il s'est passé bien des
activités et sur le plan local ici, au Québec, et
également sur le plan international. C'est une situation à
laquelle on ne peut être indifférents, puisqu'on est directement
rattachés à ce qui se passe également, aux
événements mondiaux dans ce sens.
Aux différentes commissions qu'il y a eu, soit lors des
crédits, soit de l'étude du livre blanc sur la situation
énergétique, on a décrit, en fait, la situation
énergétique ou plutôt ce qu'il convient maintenant
d'appeler la crise énergétique comme un phénomène
constant, comme un phénomène permanent avec lequel nous devons
nous habituer à vivre et avec lequel nous devons nous habituer à
composer, pour autant que faire se peut avec les outils qui sont à notre
disposition.
Au Québec, lorsqu'on regarde l'ensemble de la situation,
évidemment, on a peut-être une situation privilégiée
pour ce qui concerne le bilan énergétique comme tel, à
cause de l'ampleur et de l'importance de l'Hydro-Québec. Par contre, on
doit quand même réaliser qu'on est fort dépendant des
autres sources d'approvisionnement, puisque, même si le bilan
énergétique du côté de
l'hydroélectricité est excellent, même si on est en
très bonne posture au point qu'on puisse vendre de
l'électricité aux Etats-Unis ou ailleurs, je pense qu'on ne doit
quand même pas se cacher derrière l'importance de cet outil pour
ne pas réaliser comment on est dépendant du reste du monde sur le
plan énergétique à d'autres niveaux que celui de
l'hydroélectricité.
Lorsqu'on regarde je parlais de l'année qui s'est
écoulée ce qui s'est passé sur le plan
international cette année, à partir d'abord de la crise iranienne
et de la déstabilisation générale de toute la
région du golfe Persique, on peut aussi se rendre compte, à ce
moment-là, de la grandeur de cette dépendance que nous avons sur
le plan pétrolier. On a pu se rendre compte on peut
peut-être le souligner de façon particulière à cette
commission parlementaire comment des événements qui, il y
a quelques années, se passant loin de nous autres, pouvaient nous
sembler même insignifiants et n'avoir aucune importance par rapport
à notre vie quotidienne de tous les jours, notre vie tranquille du
moment, si vous voulez, mais, maintenant, on se rend compte qu'un
événement comme celui qui s'est passé en
Iran peut bouleverser toute la série des relations sur le plan
international, tout cet échiquier qui est établi entre les pays,
au point de vue des ventes, des achats, des relations diplomatiques, au point
de vue militaire, etc., et cela nous a fait voir cette dépendance avec
beaucoup plus d'acuité et de façon beaucoup plus aiguë.
Jusqu'où a-t-on pu aller en termes de gravité de la situation? Le
ministre pourra peut-être nous en faire part; il est beaucoup plus au
courant, je pense, que la plupart des Québécois dans ce
domaine-là, puisqu'il a analysé la situation de très
près, je n'en doute pas, mais on doit prendre conscience de notre
situation à partir de cet événement-là, en
particulier, qui nous a poussés peut-être à la limite de
nos possibilités en termes d'approvisionnement et de bouleversement de
l'échiquier mondial.
On a eu et on continue d'avoir également la situation au
Moyen-Orient, qui est plus ou moins inquiétante; ce n'est pas parce
qu'on a eu un traité entre l'Egypte et Israël, parce que cette
région du monde où il y a d'énormes réservoirs de
cette matière dont on a tellement besoin compte un traité entre
deux pays, qu'on peut espérer que cela va nous assurer des sources
d'approvisionnement et que cela va assurer la paix. Au contraire, je pense que,
depuis que le traité a été signé, on a
peut-être encore de plus en plus de signes de violence et de
possibilité de guerre dans ce secteur-là. Non seulement ce n'est
pas rassurant, c'est peut-être plus inquiétant qu'avant, mais cela
se présente sous une autre forme. Je pense que les Etats-Unis en sont
fortement conscients. On connaît la somme de milliards qu'ils ont
accepté d'engloutir là-dedans, y compris la fourniture d'armement
pour assurer la paix dans ce secteur du monde, aussi illogique que cela puisse
sembler, quand on sait que, dans l'histoire du monde, en fait, il n'y a pas
d'arme qui, tôt ou tard, n'a pas servi. On connaît l'état du
dossier là-bas. On peut voir aussi dans quelle situation nous pouvons
nous trouver, même si, pour le moment, tout est tranquille ici et notre
dépendance est plus ou moins apparente dans les conditions actuelles. Je
cite ceci simplement pour indiquer que les événements mondiaux
nous ont peut-être fait voir plus clairement cette dépendance et
il faut la réaliser.
Sur le plan général, je pense que les citoyens du
Québec, parce qu'on vit dans une situation privilégiée au
point de vue énergétique, sont peut-être moins enclins, de
façon naturelle, à prendre conscience de la crise
énergétique. Pour eux, cela demeure peut-être, au point de
départ, une situation théorique où on va dire souvent: La
crise énergétique, c'est d'abord une question de
"profitabilité" pour les grandes entreprises et on s'en sert pour
augmenter les prix, etc. Il y a peut-être du vrai dans cette
affirmation-là; cependant, à ce moment-là, on risque
également de ne pas voir la réalité sérieuse qui se
cache derrière la situation énergétique.
Le ministre a également parlé de la question de
l'approvisionnement. Il a accordé de l'impor- tance à cette
question-là et je pense qu'on doit aussi en accorder, à cause de
toute cette situation. (11 heures)
J'aimerais maintenant revenir sur un point que j'avais souligné
en 1976, lors de l'étude des crédits pour la première
fois. J'avais demandé au ministre pour combien de temps nous avions des
réserves, par exemple, en ce qui concerne les hydrocarbures, en ce qui
concerne l'huile à chauffage et ces choses, compte tenu du fait qu'il y
avait possibilité, à ce moment, aussi de conflit sur le plan
international, entre les puissances qui possèdent ces réservoirs
dont on dépend. Le ministre m'avait répondu à ce moment
que nous avions 45 jours plus ou moins de réserve en saison hivernale
pour faire face à ces situations. Ce qui voudrait dire que si, par
exemple, un pays qui possède ces sources d'approvisionnement
décidait du jour au lendemain, dans une situation conflictuelle, de
vouloir utiliser le pétrole comme arme pour convaincre l'Occident ou
même l'Europe d'intervenir militairement ou de jouer un rôle dans
le conflit qui peut exister ou qui pourrait exister à ce moment, nous
serions donc placés dans une situation assez difficile, puisque 45
jours, supposons qu'un conflit comme celui-là et qu'une attitude comme
celle-là arrivait au début de l'hiver, au mois de novembre ou au
mois de décembre, cela veut dire que deux mois plus tard, à
toutes fins utiles, nos réserves sont épuisées. Ce sont
des réalités, ce n'est pas de la philosophie. Ce sont des
réalités avec lesquelles on vit actuellement. Les récents
événements doivent nous en faire prendre conscience
davantage.
Je pose une question au ministre maintenant. Compte tenu de la
réponse qu'il m'avait donnée au sujet des 45 jours de
réserve que nous avions, compte tenu de l'évolution sur le plan
international, des diverses situations, soit au Moyen-Orient, soit dans le
golfe Persique, et même dans d'autres secteurs, compte tenu
également de la faiblesse de la politique américaine de certaines
décisions qui sont fort discutables, compte tenu du fait aussi que la
perception des Etats-Unis, sur le plan international, est de plus en plus
négative et joue un rôle évidemment au plan international,
est-ce que le ministre a pris ou entend prendre des dispositions tout à
fait particulières, tout à fait précises pour assurer le
Québec de réserves suffisantes pour qu'en cas de crise, en
période hivernale, par exemple, on puisse avoir suffisamment de
réserves pour assurer la population des approvisionnements
nécessaires pour passer à travers la crise et passer surtout
à travers une période hivernale dans telle situation? J'aimerais
que le ministre puisse reprendre cet élément, puisqu'il
m'apparaît important que maintenant que nous sommes exposés de
cette façon à ce qui se passe sur le plan international, nous
puissions avoir au moins certaines solutions à appliquer si ces
problèmes se produisaient.
Le ministre a également parlé du gazoduc. J'avais
également posé certaines questions à l'Assemblée
nationale sur le projet d'investissement albertain également dans ce
sens, au niveau
du gaz naturel. Peut-être que le ministre pourrait indiquer
à quel stade se trouve le dossier et dans quelle mesure on peut
espérer qu'il puisse y avoir conclusion d'entente entre l'Alberta et le
gouvernement du Québec pour la possibilité d'avoir ces fonds de
quelque $300 millions que l'Alberta avait offerts au gouvernement du
Québec. Il devait y avoir et je pense qu'il y a eu effectivement
rencontre entre les hauts fonctionnaires des deux ministères. Il y a
peut-être même eu rencontre entre les ministres concernés
à ce sujet.
Maintenant, j'aimerais aborder rapidement un autre sujet. Evidemment, on
aura l'occasion de revenir sur ces sujets lorsque nous étudierons en
détail les crédits. J'aimerais faire quelques remarques d'ordre
général tout en posant certaines questions au ministre.
Peut-être qu'il pourra y répondre dans un premier temps, quitte
à y revenir lorsqu'on étudiera les différents
éléments des crédits qui sont sur la table
aujourd'hui.
J'aimerais toucher maintenant un aspect qui m'apparaît important
aussi, la publicité gouvernementale. Cet aspect, mes collègues de
l'Union Nationale y ont également touché dans différentes
autres commissions parlementaires. Nous avons eu l'occasion d'y toucher
également à l'Assemblée nationale. J'aimerais, de
façon particulière, au commencement de l'étude de ces
crédits, toucher la publicité gouvernementale directement
reliée à la question énergétique.
En janvier 1978, la commission parlementaire sur les engagements
financiers a octroyé en particulier à Conceptat Inc., un contrat
pour la conception et la diffusion de la campagne publicitaire destinée
à lancer le programme de l'amélioration de l'efficacité
énergétique des logements au Québec. Le ministre y a fait
allusion tout à l'heure dans ses remarques préliminaires. Le
montant de l'engagement était de $265 600. L'imputation
budgétaire 1977/1978 s'élevait à $72 000, et celle de
1978/79, à $213 000. Quatre soumissionnaires étaient sur les
rangs. Ceux-ci avaient présenté des devis à un
comité de sélection composé, en majeure partie, de
personnel rattaché au cabinet du ministre des Communications, M.
O'Neill. Ce dernier, d'ailleurs, siège de toute évidence au
comité.
L'agence Conceptat Inc., l'emporta sur les trois autres concurrents,
à savoir: Dialogue-Communications, RAM Publicité et Payeur
Publicité. Aucun montant de la part des trois dernières agences
ne figure d'ailleurs dans les engagements financiers dont j'ai copie ici. Par
contre, il est spécifié que le choix fut effectué par un
comité de sélection sur la base de la qualité du plan de
publicité proposé. Il apparaît donc que lorsque le
critère semble se limiter à la question simplement de la
qualité du plan de publicité proposé, on entre dans une
matière qui peut être fort discutable et qui a donné lieu,
d'ailleurs, à certaines discussions et pourra, dans l'avenir, ouvrir un
dossier assez intéressant là-dessus.
Il apparaît, de toute évidence, que ce choix fut fait par
le personnel du cabinet du ministère et, enfin, ce contrat fut
renouvelé en janvier 1979 au bénéfice de la même
agence, Conceptat Inc. Le montant, cette fois-ci, était de $197 500. Or,
est-ce que c'est une pratique courante de renouveler, comme ça, les
contrats publicitaires sans retourner en soumissions ou sans ouvrir
l'enveloppe, surtout dans le cas particulier de Conceptat ici? Cette
décision de renouveler fut-elle prise de façon unilatérale
ou s'il y a eu consultation quelconque dans le dossier? Compte tenu que les
montants proposés par les trois compagnies non choisies ne figurent pas
au cahier des engagements financiers et que seul le critère de la
qualité du plan proposé semble avoir été
déterminant, le ministre peut-il rendre publique la teneur des devis qui
furent présentés au comité de sélection par son
ministère? Dans l'état actuel de ce dossier, un appel d'offres
dans de telles conditions relève plus, en quelque sorte, de la frime que
d'un professionnalisme transparent dont ce gouvernement voudrait se parer.
Aux engagements financiers de 1978, auxquels je fais
référence, l'Union Nationale a posé un certain nombre de
questions au ministre de la Fonction publique. Aucune des réponses qu'il
a bien voulu nous fournir ne s'est avérée satisfaisante. Nous la
réitérons donc aujourd'hui, à savoir quels sont les noms
des fonctionnaires qui siègent aux comités de sélection
publicitaire en ce qui concerne votre responsabilité
ministérielle particulière en regard des éléments
501 et 502 des engagements financiers du mois de janvier 1978?
Le ministre de la Fonction publique avait déclaré que deux
raisons pouvaient nous pousser à la publication des noms des
fonctionnaires siégeant aux comités de sélection. D'une
part, cela aurait eu comme objectif de dénoncer une procédure
irrégulière de la part d'un ministre ou, d'autre part, cela
aurait été une simple procédure de salissage. En ce qui
nous concerne, nous voulons simplement faire la lumière sur cette
question et c'est dans la première alternative que nous voulons poser
nos questions, car nous croyons qu'il y a lieu, justement, de s'interroger sur
la normalité de certaines procédures.
Nous nous appuyons sur le caractère un peu nébuleux et
quelquefois fuyant des réponses qui nous furent alors données
pour revenir à la charge aujourd'hui. Au cas où ces
réponses, évidemment, ne seraient encore une fois que trop
floues, est-ce que nous pourrions avoir certains détails concernant ces
agences de publicité, car le montant d'argent qui a été
investi pour un certain temps dans la publicité comme telle a
été supérieur, évidemment, comme on l'a
souligné à l'Assemblée nationale, au montant des
subventions qui ont été elles-mêmes accordées.
J'aimerais peut-être que le ministre puisse nous fournir certaines
indications justement sur les normes de sélection pour accorder à
une firme, plutôt qu'à l'autre, dans le présent dossier, le
contrat de publicité. Est-ce qu'on s'est vraiment uniquement
limité à ces critères dits de qualité ou s'il y a
eu d'autres critères? Et si on s'est limité à ces
critères dits de qualité, comment expliquer, à ce
moment-là.
qu'on ait eu un certain problème avec un des dépliants,
justement, qui a été lancé?
Mon collègue, le député de Bellechasse, avait
posé une certaine question le 18 mai 1978 au ministre, et je cite M.
Goulet, s'adressant au ministre délégué à
l'énergie: "M. le Président, je veux lui demander s'il a pris
connaissance du dépliant publicitaire du Bureau des économies
d'énergie sur le programme québécois d'isolation des
maisons, dépliant dans lequel le gouvernement affirme avoir
négocié, pour le consommateur, un prêt, alors que tel n'est
pas le cas. Le gouvernement négocie avec un taux
préférentiel de 1% et le consommateur doit courir après
l'argent, au même titre que pour un prêt personnel. Il doit
répondre à toutes les enquêtes habituelles de
crédit. On lui laisse croire que tout est automatique, alors que le
consommateur négocie un prêt personnel, purement et simplement,
avec les mêmes normes, endosseur, etc."
Le ministre avait répondu à ce moment-là, M. le
Président, et je cite: "Je ne sais pas quelle lecture le
député de Bellechasse a faite de ce document publicitaire.
Certainement que j'en ai pris connaissance, puisque c'est un programme que j'ai
moi-même préparé. Il n'a jamais été question
que ce soit un prêt automatique spécial. On l'a toujours dit
depuis le début, c'est un prêt personnel normal. Seulement, il
s'applique au programme d'isolation des maisons et il bénéficie
d'un rabais de 1% par rapport aux taux usuels, etc., de prêt
personnel."
Plus tard, le ministre est revenu en Chambre, le 14 juin suivant, pour
préciser sa réponse une fois de plus et je cite ici, M. le
Président, le ministre délégué à
l'énergie: "Oui, M. le Président, je voudrais apporter une
réponse à une question que me posait le député de
Bellechasse au mois de mai, enfin, il y a quelques semaines, au sujet de la
publicité relative au programme d'isolation des maisons qu'offre le
Bureau des économies d'énergie du Québec. "Le
député m'avait indiqué que les mots employés dans
un dépliant ou un feuillet publicitaire pouvaient porter à
ambiguïté, à savoir si le gouvernement avait
négocié, pour le consommateur qui voudrait s'en prévaloir,
un prêt à taux d'intérêt préférentiel.
Il semblait qu'il y avait ambiguïté, à savoir si ce que le
gouvernement avait négocié était le prêt ou le taux.
"Effectivement, à la suite de la question posée par le
député de Bellechasse, j'ai revu ces documents publicitaires et
la même ambiguïté m'est apparue également, si bien que
j'ai donc demandé que l'on retire ces instruments publicitaires pour les
remplacer par d'autres qui seront dans un langage plus précis. "En
terminant, je remercie le député de Bellechasse..."
Je vous rappelle que, d'après les informations qui m'ont
été fournies, le dépliant publicitaire a été
préparé par la même entreprise que je mentionne
actuellement, qui est Conceptat Inc.
Je reviens au premier élément de mon argumentation.
Lorsqu'on dit que l'unique critère pour la sélection de la maison
de publicité a été celui de la qualité et que, dans
les premiers pas des publications, on a eu ces problèmes, j'aimerais
avoir plus d'explications de la part du ministre en ce qui concerne les
critères en question, puisqu'il apparaît que, lorsqu'on parle
uniquement du concept de qualité, il y a quelque chose qui laisse
à désirer. On peut au moins poser certaines questions, surtout
compte tenu de l'importance que le gouvernement accorde maintenant à la
même maison; je ne veux pas la discréditer, je pose simplement des
questions afin d'être éclairé là-dessus. Il
apparaît, dans le cahier que nous avons ici, que le gouvernement
s'apprête maintenant à donner un autre contrat de publicité
à la même entreprise, puisqu'il y a eu une décision du
Conseil des ministres, le 4 avril dernier, dans le sens d'une acceptation, en
principe, que le Bureau des économies d'énergie réalise
une campagne publicitaire d'un an portant sur les politiques
énergétiques au Québec et il semblerait que ça
puisse être la maison Conceptat Inc. qui bénéficie dudit
contrat. J'aimerais que le ministre nous fournisse des explications
supplémentaires sur les normes en question et sur les procédures
suivies là-dedans.
Pour ce qui concerne les énergies nouvelles, le ministre y a fait
état tout à l'heure et j'y reviens par le biais des propos qu'il
a tenus en disant que des montants sont accordés pour les
énergies nouvelles. Est-ce que c'est suffisant, dans le contexte actuel,
alors qu'on sait qu'on a des échéances bien précises en ce
qui concerne soit les réserves au niveau de l'énergie, soit les
possibilités dans le contexte énergétique? Je sais que,
dans le passé, nos civilisations, dans le contexte
nord-américain, à cause de l'abondance dans laquelle on vivait,
ont toujours été dans les voies les plus faciles, on a moins eu
cette préoccupation de chercher du côté des énergies
nouvelles, mais j'aimerais que le gouvernement du Québec se penche
davantage et avec beaucoup plus de rapidité sur cette question des
énergies nouvelles et y investisse des sommes un peu plus importantes
pour que le facteur temps joue en notre faveur plutôt qu'en'notre
défaveur, lorsqu'on investit des sommes minimes dans des secteurs qui
pourraient devenir importants en termes de rentabilité dans le bilan
énergétique québécois.
C'étaient là les quelques remarques
générales que je voulais faire au début. J'aimerais
terminer en reparlant de la question de l'option nucléaire, du fameux
moratoire que le gouvernement du Québec a institué en ce qui
concerne cette question puisque, là aussi, l'année qui vient de
s'écouler a été très fertile en termes
d'événements, non seulement pour nous faire réaliser
l'importance de discuter dans le plus bref délai possible toute cette
question du nucléaire, mais également de prendre les
décisions à ce sujet et de voir plus précisément
à quelle enseigne se loge actuellement le gouvernement du Québec
concernant cette question bien précise.
D'un côté, comme je l'ai mentionné, notre bilan
énergétique n'est pas suffisant à 100%. On sait que
l'Hydro-Québec, de son côté, favorise
davantage le nucléaire; le gouvernement aura à y
répondre. On sait que, étant donné la faiblesse, en grande
partie, de notre bilan énergétique, on devra peut-être
aller de ce côté. Quoi qu'il en soit, le ministre et le
gouvernement auront à trancher la question. Mais je pense que ce qui est
important, pour le moment, c'est d'ouvrir cette enveloppe sur la question
nucléaire, qu'on puisse avoir toutes les informations pertinentes, et de
ne pas attendre à la dernière minute pour ouvrir le dossier
publiquement et pour en discuter.
Dans ce sens, j'aimerais savoir si le ministre a l'intention de
répondre à la proposition qui a été faite, il y a
quelque temps, par la Société pour vaincre la pollution, qui
demandait un débat public sur cette question. Quelles sont les
intentions précises du ministre face à une telle recommandation?
Est-ce que le ministre a l'intention d'y faire un accueil favorable? Est-ce que
le ministre a l'intention de tenir une commission parlementaire? Est-ce que le
ministre a l'intention d'ouvrir le débat immédiatement, avant
qu'on soit rendu à la toute dernière limite et qu'on risque
encore de prendre des décisions trop rapidement sur cette question?
Je pense que ce n'est pas uniquement le choix d'un gouvernement, puisque
toute la population est impliquée. A ce titre, je pense que la
population a droit à l'information concernant cette option possible du
nucléaire, l'état du dossier actuel, l'acheminement que le
gouvernement entend prendre, ses intentions dans ce domaine. Quand j'ai fait
état tantôt de ce qui s'était passé au cours de
l'année et qui était fort éloquent, évidemment, je
me réfère en particulier à la centrale de Three Miles
Islands, à l'incident de Harrisburg, et je rappelle au ministre que,
quelques mois encore avant que cela ne se produise, tout était sous
contrôle, il n'y avait aucun problème, tout allait pour le mieux
dans le meilleur des mondes; pourtant, l'incident est arrivé. (11 h
15)
C'est une réalité avec laquelle on doit apprendre à
vivre et de laquelle on doit surtout, avec sagesse, tirer une leçon pour
prendre nos propres décisions et nous organiser. Je pense qu'on doit se
servir de cet événement comme d'une leçon qui doit nous
inciter à prendre conscience de ce que c'est réellement, à
ouvrir le dossier directement, à en parler et à voir
l'état de la situation.
Lorsque j'ai posé des questions au ministre, dans le cadre de
l'incident de Harrisburg, il m'a indiqué, avec raison d'ailleurs, qu'en
ce qui concerne les centrales canadiennes, notre mode de procéder, nos
réacteurs sont de nature différente de celle des réacteurs
américains. C'est exact, puisque nous utilisons ici le CANDU. Cependant,
concours de circonstances un peu ironique, dès le lendemain où le
ministre m'avait assuré qu'il n'y avait pas de problème parce que
nos centrales étaient de nature différente, que nos
réacteurs étaient de nature différente, on apprenait que,
depuis déjà un certain nombre de mois, traînaient dans des
classeurs des dossiers indiquant qu'il y avait certaines
défectuosités à nos systèmes
CANDU, au système de tuyauterie interne où chemine
justement l'eau lourde. Par un défaut de fabrication, il y avait une
certaine corrosion qui s'installait à l'intérieur de ce tubage
et, à plus ou moins long terme, il pourrait y avoir risque de
communication entre l'eau lourde chargée de radioactivité et
l'eau de l'extérieur chargée de refroidir les réacteurs.
Ce problème vaut pour l'ensemble des centrales canadiennes avec le
réacteur de type CANDU. Donc, à ce moment, ironie du sort, on
avait le lendemain, en contrepartie, si vous voulez, un autre
élément nous donnant raison de dire que, même si on nous
dit que le réacteur n'a aucun problème, que nos centrales sont
différentes, que cela va bien, l'erreur humaine est toujours possible.
D'ailleurs, à Harrisburg, on dit que cela a été une erreur
humaine au point de départ. C'est un facteur qu'on peut difficilement
contrôler et sur lequel on ne peut pas donner une assurance absolue
à la population. En même temps, des erreurs de fabrication aussi
patentes que celles des réacteurs CANDU, en ce qui concerne tout leur
tubage intérieur, sont donc possibles. Cela doit nous faire
réaliser, une fois de plus, qu'il y a quelque chose de sérieux
là-dedans, qu'on doit se pencher sur la situation le plus tôt
possible et que la population a le droit de savoir exactement ce qui se
passe.
Je termine donc mes remarques sur ce sujet, M. le Président, en
rappelant au ministre qu'en tant que responsable du secteur de
l'énergie, il a beaucoup de pain sur la planche, il a des
responsabilités qui sont fort pesantes, je le sais, et je pense qu'il va
devoir donner certaines réponses dans ce sens et rassurer la population
en donnant l'information exacte.
Le Président (M. Clair): M. le ministre
délégué à l'énergie.
M. Guy Joron
M. Joron: M. le Président, je veux bien tenter de
répondre aux questions qu'ont soulevées mes collègues de
Richmond et de Mont-Royal. Peut-être n'arriverai-je pas à couvrir
toutes les questions, mais on aura sûrement l'occasion de continuer
à échanger des choses. Alors, si j'en oublie, vous m'en
excuserez, je l'espère, et on les reprendra un peu plus tard.
Mais, avant d'entreprendre de répondre à ces questions, je
voudrais d'abord les remercier tous les deux pour les remarques fort
pertinentes et constructives qu'ils viennent de nous livrer. Je pense qu'il est
inutile de souligner que nos collègues de l'Opposition sont aussi
conscients qu'on peut l'être de ce côté-ci de la table de
l'importance de toute cette question énergétique; à la
fois le député de Richmond et le député de
Mont-Royal l'ont bien souligné. Je dois dire aussi au
député de Mont-Royal, tout particulièrement, que je
partage un certain nombre des inquiétudes qu'il a
évoquées, quant à savoir si tout le monde non
seulement le gouvernement au sens restreint de Conseil des ministres, mais tout
l'appareil gouver-
nemental, à tous les niveaux de ce qu'on peut appeler la machine
gouvernementale partage la même inquiétude ou le même
souci d'accorder aux questions d'économie d'énergie et de
conservation d'énergie l'importance que nous, ici autour de cette table,
y accordons. Je n'en suis pas convaincu moi non plus, comme le
député de Mont-Royal.
C'est un problème, c'est effectivement un problème. Mais
il faut bien se rendre compte aussi que, si on regarde les difficultés
qu'a eues le président des Etats-Unis, en deux ans de lutte, de travail,
à essayer d'influencer le Congrès américain et l'opinion
publique américaine, il a eu passablement de difficulté à
faire passer son message. Finalement, des événements
extérieurs, comme la crise iranienne tout récemment, ont
peut-être aidé à cette sensibilisation que le
président Carter voulait ou aurait souhaité plus avant, mais vous
pouvez vous imaginer que si un président des Etats-Unis a de la
misère, un ministre délégué à
l'énergie du Québec a de la misère aussi, des fois,
à convaincre l'opinion publique et ses collègues de la
nécessité de poser des gestes immédiats et quelquefois
peut-être plus draconiens que d'autres le souhaiteraient.
Pourquoi en est-il ainsi? Peut-être par manque d'information. J'ai
retenu avec beaucoup d'intérêt la suggestion du
député de Mont-Royal, d'accélérer les programmes,
non pas de publicité, mais d'information publique véritable sur
tout l'ensemble de la question énergétique, les politiques que
l'on doit prendre, tant au niveau gouvernemental qu'au niveau personnel ou
familial, pour faire face à cette situation. Je suis parfaitement
d'accord avec lui, il y a des priorités à choisir, dans un
gouvernement, à savoir où l'argent doit être affecté
à des fins d'information.
Evidemment, je suis de ceux qui croient que la question
énergétique devrait retenir l'attention, et le gouvernement, vous
le verrez dans les mois qui viennent, en est également convaincu. Mais
s'il y a nécessité de faire tellement d'information, c'est
justement parce qu'il y a une méconnaissance, qui n'est pas
particulière au Québec ni au Canada, mais en Amérique du
Nord tout entière, de la question énergétique. Regardez
les résultats d'un sondage assez récent dont le Time Magazine
faisait état aux Etats-Unis récemment. Encore aujourd'hui, aux
Etats-Unis, plus de la moitié de la population, plus de 50% de la
population parmi les gens interrogés croit que la crise de
l'énergie mondiale est une machination des grandes compagnies
pétrolières. Les gens se disent: C'est une blague monumentale que
les compagnies nous organisent pour pouvoir augmenter les prix. Quand vous avez
plus de la moitié de la population d'un continent comme le nôtre
qui est convaincue de ça, ce n'est pas facile, par la suite, d'essayer
d'influencer et de changer les habitudes des gens. Quand je dis la population,
cela nous inclut tous aussi, les gens de l'appareil gouvernemental, tout le
monde.
Quant aux Etats-Unis, voici une statistique qui m'a renversé: 63%
des Américains pensent que les Etats-Unis sont totalement autosuffisants
en pétrole, alors qu'ils en importent maintenant plus de la
moitié. Quand les deux tiers d'un continent, d'un pays aussi important,
ignorent une réalité aussi fondamentale qui est en train de miner
toute la solidité de l'économie américaine, c'est
sérieux en diable!
Tout cela simplement pour souligner qu'on part de loin en
Amérique du Nord, au Québec comme ailleurs, dans cet effort de
sensibilisation et on a beaucoup de travail à faire. Cela n'excuse pas
qu'on ne doit pas mettre les bouchées doubles avec beaucoup d'ardeur
à la tâche, mais ça peut expliquer qu'il y a des lenteurs
que je déplore autant que vous.
Je voudrais répondre, de façon plus spécifique,
à certaines questions posées par le député de
Mont-Royal et le député de Richmond.
Vous avez fait allusion à l'existence de deux programmes
précis en matière d'économie d'énergie, le
programme d'isolation des maisons, d'une part et le programme Energiebus
d'autre part. Vous m'avez demandé si cela se limite à cela ou
s'il y a des actions qui se préparent dans d'autres domaines.
Une des difficultés c'est une difficulté parfois
une des particularités du domaine de l'énergie qui nous
intéresse, c'est que les intervenants et les acteurs sont en dehors du
ministère de l'énergie, la plupart du temps; c'est un domaine qui
nécessite des actions du ministère des Transports, du
ministère de l'aménagement, du ministère des Travaux
publics, du ministère de ci et de ça, ainsi de suite, tout n'est
pas sous la gouverne directe du ministère de l'énergie ou de la
Direction générale de l'énergie.
Il y a donc des tas de politiques qui ne se réflètent pas
dans les crédits de la Direction générale de
l'énergie qu'on étudie ici, mais qui existent néanmoins,
il ne faudrait pas les oublier. Les programmes ou les politiques, les actions
ou les gestes que le gouvernement, dans son ensemble, pose en matière
d'économie de l'énergie dépassent largement ce qui
apparaît au titre des crédits spécifiques de la Direction
générale de l'énergie.
Ainsi, puisque cela relève du ministère du Travail, une
modification sera apportée très bientôt. Le discours
inaugural y faisait allusion, en faisait état. Un nouveau Code du
bâtiment sera promulgué le député de
Mont-Royal me demandait quand, pour éviter que tout ce qui va être
mis en chantier dans les mois qui viennent soit construit selon d'anciennes
normes ou de mauvaises normes d'isolation.
C'est extrêmement important, effectivement, compte tenu qu'en
moyenne 50 000 logements nouveaux sont construits au Québec, à
peu près 45 000, 50 000. Evidemment, cela représente à peu
près 2,5% du stock de logements. Alors, cela s'additionne vite, avec
2,5%. Cela va être déterminant sur la consommation totale
d'énergie des années quatre-vingt-dix, par exemple. Dans dix,
quinze ans, cela va être l'élément déterminant.
Alors, il est important que cela commence tout de suite.
Ce n'est pas moi, comme ministre de l'énergie, qui vais
présenter ce projet de loi; c'est le ministre du Travail qui va le
présenter. On me dit que c'est presque près et que ce devrait
normalement l'être dans les semaines ou les mois à venir. Je pense
très certainement avant je l'espère, en tout cas
l'ajournement d'été.
Par contre, il est peut-être important de souligner que la loi
comme telle, l'adoption en Chambre d'un nouveau Code semblable et d'une
nouvelle norme d'isolation a son importance; c'est évident. Mais il ne
faut pas croire que les intervenants en matière de construction,
c'est-à-dire les architectes, les ingénieurs, les entrepreneurs,
etc., ne sont pas au courant des nouvelles normes que cette loi va
prévoir. On a eu l'occasion, à plusieurs reprises, au cours des
six ou huit derniers mois, de rencontrer la plupart de ces groupements
professionnels, constructeurs, architectes, ingénieurs et ainsi de
suite, et j'ai eu l'occasion de leur livrer l'essentiel des normes qu'allait
contenir cette nouvelle loi.
Alors, les gens, en d'autres mots, qui construisent au moment
où on se parle même si la loi qui s'en vient n'est pas
adoptée encore, sont déjà au courant de ce que seront les
exigences de cette loi et on peut présumer qu'ils en appliquent
déjà l'essentiel.
Du côté des transports, il y a des choses qui ont
été faites; il y a des choses qui étaient faciles à
faire, mais qui ont néanmoins une incidence importante sur la
consommation d'énergie, comme la réduction de vitesse sur les
routes, les autoroutes et ainsi de suite; d'autres qui seront à venir
très bientôt, comme les journaux en ont fait état: le
virage à droite. Cela n'a l'air de rien, mais cela économise des
millions de gallons d'essence au bout d'un an, de pouvoir tourner à
droite sur un feu rouge.
Mais il y a beaucoup plus que cela. Toute la planification... il y a un
comité qui existe au ministère des Transports lui-même, un
comité d'énergie. Evidemment, on n'étudie pas ici les
crédits du ministère des Transports. Ce n'est pas à moi
d'évoquer tout cela, mais je vous signale qu'il existe un comité
d'économie d'énergie au ministère des Transports qui a
pour tâche ou pour mandat d'apporter la dimension
énergétique à l'ensemble des politiques qu'élabore
le ministère du Transports.
Alors, la conscience, au niveau de la planification, du ministère
des Transports existe et des gens de chez nous siègent à ce
comité.
M. Ciaccia: Me permettez-vous une interruption, M. le
ministre?
M. Joron: Oui.
M. Ciaccia: S'il y a un comité au ministère des
Transports, il doit y avoir un autre comité dans un autre
ministère. Est-ce que vous trouvez que c'est la façon la plus
efficace? Si vous avez un ministère "délégué", vous
êtes le ministre délégué à l'énergie,
ne croyez-vous pas que la question d'économie d'énergie devrait
être centralisée? Autrement, vous éparpillez toutes vos
forces et vous n'avez pas un... Ou c'est important, c'est une priorité
pour le gouvernement ou cela ne l'est pas.
M. Joron: Oui, mais il faudrait s'entendre sur ce qu'on veut
regrouper ou ce qu'on veut centraliser. La mission de la direction
générale de l'énergie ou de l'éventuel
ministère de l'énergie, c'est de conseiller le gouvernement en
matière énergétique et ainsi de suite, d'établir
des normes, des choses comme cela. Mais ce n'est pas à nous à
tout appliquer. (11 h 30)
C'est-à-dire que, si on pousse la notion d'énergie au bout
et qu'on en arrive à dire que l'énergie est partout, on va
ramener au ministère de l'énergie le ministère des
Transports. On y ramènerait aussi l'aménagement du territoire,
probablement, parce que c'est peut-être de tous l'élément
le plus déterminant sur la consommation d'énergie dans une
société donnée, l'aménagement au sens large,
comment on construit nos villes, l'identification des villes, les
réseaux de transport, les choix à faire, etc. On finirait par
tout amener au ministère de l'énergie.
M. Ciaccia: L'économie de l'énergie au
ministère des Transports, ce serait logique, il me semble.
M. Joron: Cela dépend, c'est parce que je ne saisis pas ce
que vous entendez par économie d'énergie au ministère des
Transports. Il y a beaucoup de politiques adoptées par le
ministère des Transports qui vont avoir une incidence
considérable sur la consommation d'énergie des années
à venir. C'est un peu une des difficultés du domaine dont on
s'occupe ici. Il y a tellement de choses qui sont à résultat
différé dans le temps, très loin dans le temps. Cela fait
une différence considérable, par exemple, d'adopter au
ministère des Transports une politique de construction d'autoroutes, de
privilégier l'automobile par la construction d'autoroutes partout
à travers le territoire. C'est cela la forme de transport choisie. Cela
aurait des conséquences considérables sur le niveau de la
consommation d'énergie. On pourrait plutôt privilégier de
prendre le transport en commun, etc. Ce sont des choix qui ne peuvent pas
appartenir au ministère de l'énergie, cela continue d'être
la mission d'un ministère des Transports, mais, quand il y a des actions
à prendre, spécifiquement dans un but d'économie
d'énergie, de réduction de vitesse ou de choses semblables,
évidemment, c'est notre rôle de proposer au ministère des
Transports ce qu'on a fait. Cela reste à lui de l'appliquer.
Avec l'aménagement, je donne un autre exemple d'une politique
globale dont, encore une fois, les effets vont se faire sentir, peut-être
pas la semaine prochaine, mais avec le temps, et il y a une autre politique
gouvernementale qui aura des incidences importantes en matière de
réduction: la politique du zonage agricole, dans le sens où
elle n'empêchera pas, mais où elle restreindra probablement
l'étalement urbain un peu anarchi-que qu'on a connu depuis 20 ou 25 ans
et qui entraîne une énorme consommation d'énergie. Par
cette mesure, une politique semblable aura à moyen ou long terme un
effet-considérable sur la consommation d'énergie.
Il y a d'autres choses également, toujours en matière
d'économie d'énergie, qui ont été faites ou qui
sont en voie de l'être. Des normes, par exemple, quant à ce que
doit être le degré du chauffage dans les édifices publics,
normes d'éclairage, normes de chauffage, etc. Je ne parle pas des normes
de construction des nouveaux édifices publics, mais dans les
édifices existants.
Dans le programme de rénovation du ministère des
Transports, en ce qui a trait à plusieurs des édifices existants
ici, par exemple, à l'Assemblée nationale, on est à faire
toutes sortes de choses. Je ne suis pas au courant de tous les détails,
mais beaucoup de choses là-dedans doivent être faites
parallèlement, si vous voulez, avant que des mesures... S'il fallait,
par exemple, je vous donne un exemple dans cet édifice,
changer de façon à pouvoir mieux contrôler la
température... Il fait trop chaud dans le parlement, toujours trop
chaud. Je ne sais si vous avez le même sentiment que moi. Dans nos
bureaux, c'est toujours... Une des difficultés, c'est qu'on est dans un
vieux bâtiment dont le chauffage n'est pas aussi facile à
contrôler que dans un édifice où on vient de faire la
climatisation, le système de circulation d'air. On est à refaire
le parlement, tous ces édifices-là. Les normes sont connues,
elles sont acceptées de tous. Elles ne peuvent pas encore être
appliquées, parce qu'il y a une séquence dans les travaux
à faire qui fait que ces choses-là retardent. Je le
déplore autant que vous.
A titre d'exemple, j'ai peut-être, depuis deux ans, appelé
52 fois au moins au ministère des Travaux publics pour faire baisser le
chauffage, ici ou là. On me répond que c'est impossible
techniquement, tant que telle ou telle affaire n'aura pas été
changée et ainsi de suite. Tout cela est en train de se faire, mais
malheureusement, ce n'est pas encore fait.
Toujours sur l'aspect normatif des choses, les voitures, par exemple:
Une étude a été faite sur l'aspect
énergétique, si vous voulez, de la flotte de véhicules du
gouvernement. En plus des quelque vingt voitures ministérielles, il y a
des centaines, sinon des milliers d'autres véhicules qui appartiennent
au gouvernement. Tout cela représente une consommation d'énergie
considérable. Alors, les normes ne sont pas encore prêtes, mais
seront sans doute définitivement appliquées très
bientôt, de façon à obtenir un rendement
énergétique supérieur. Remarquez que, dans certains cas,
cela s'est déjà fait. Vous me direz que c'est mon rôle,
comme ministre de l'énergie, de prêcher par l'exemple; j'ai
commencé par moi-même. Quand la voiture ministérielle dont
j'avais hérité de l'ancien ministre est venue à
l'âge d'être renouvelée, selon les normes du
ministère responsable de la flotte de véhicules, j'ai
exigé que ma voiture soit chan- gée pour une plus petite. Je
pense que c'est la plus petite voiture ministérielle qui n'a jamais
existé au gouvernement du Québec, une subcompact, comme ils les
appellent dans leur jargon, diesel en plus. Progressivement, quand les autres
seront renouvelées, il y aura des normes qui' existeront, et qui
peut-être n'exigeront pas que tout le monde se satisfasse de petites
voitures comme la mienne, mais, en tout cas, qui exigeront des normes de
rendement énergétique bien supérieures à celles des
grosses Buick d'autrefois.
M. Ciaccia: ... vous avez dit, ce n'est pas une Honda?
M. Joron: Non, c'est une voiture fabriquée à
Sainte-Thérèse. C'est la Cutlass diesel entièrement
fabriquée au Québec; pas tous les morceaux, mais faite à
Sainte-Thérèse. Il y a des choses comme cela qui seront
établies.
Je voudrais tenter de répondre à d'autres questions
peut-être plus larges dans d'autres domaines que les différents
programmes d'économie d'énergie qui ont été
posés. Au sujet de la question du gaz, le député de
Richmond me demandait tout à l'heure où en était le
dossier Québec-Alberta. Le comité qu'on avait formé
à la fin de l'année dernière, qui avait pour mandat de
conseiller les deux gouvernements dans les choses à faire de
façon à promouvoir l'expansion de la distribution du gaz au
Québec, a remis un rapport à chacun des deux ministres
concernés. Par contre, le ministre albertain de l'Energie, M. Getty, ne
s'étant pas présenté aux dernières élections
qui ont eu lieu il y a un mois à peine en Alberta, il y a un nouveau
ministre qui a été nommé. Evidemment, sous peu,
probablement dans les semaines qui viendront, on aura à se rencontrer
une première fois. Celui-là, je ne le connais pas, il aura eu le
temps de prendre connaissance de ce dossier. A partir de là, plusieurs
choses pourront s'accélérer, mais cela n'attend pas que cela.
Cela attend aussi des choses formelles, comme les audiences que doit tenir
l'Office national de l'énergie sur les projets de TransCanada PipeLines
et de Q & M et qui sont prévues pour la fin du printemps ou
l'été prochain.
Somme toute, pour résumer, il ne fait plus l'ombre d'un doute
qu'il y a peu d'obstacles majeurs à l'établissement, si vous
voulez, à l'accélération de cette question. Probablement
que cette année, 1979, verra enfin, si on peut l'appeler comme cela, le
plan gaz commencer. Vous m'avez demandé directement si le Québec
entend se prévaloir dé l'offre ou du semblant d'offre que le
premier ministre de l'Alberta, M. Lougheed, faisait en disant qu'il y avait
dans l'Alberta Heritage Fund des centaines de millions de dollars qui
pourraient être employés au financement partiel de l'expansion du
gaz au Québec. C'est une proposition, effectivement, qui va être
importante, l'expansion du gaz au Québec. Au total, cela va
entraîner des investissements, après quatre ou cinq ans, d'environ
$1 milliard: le pipe-line et les réseaux de distribution nouveaux, ainsi
de suite.
Evidemment, il va falloir que cet argent vienne de quelque part. Il y a
beaucoup d'épargnes "dormantes" dans les institutions financières
au Québec qui n'attendent que des projets intéressants à
financer. Il n'y a pas de doute que celui-là en est un et il attirera de
l'épargne locale. Il y a de l'épargne albertaine dans l'Alberta
Heritage Fund qui est disponible. Qui s'en prévaudra? Est-ce que c'est
le gouvernement directement? Est-ce que c'est une de ses agences? Est-ce que ce
sont des emprunteurs privés qui financeront une partie de leurs
investissements par des obligations que pourrait acheter l'Alberta Heritage
Fund? Tout cela reste à déterminer, mais il ne fait pas de doute
dans mon esprit que le financement de l'ensemble de cette opération est
quelque chose qui ne posera pas de problèmes majeurs.
Quant à la question...
M. Brochu: Est-ce que le ministre me permettrait une
question?
M. Joron: Oui.
M. Brochu: Avant de clore ce sujet, ce point m'amène
à poser une sous-question. Est-ce que le gouvernement a
évolué dans le dossier en ce qui concerne le choix du
réseau de distribution? On en avait fait état à
l'Assemblée nationale. Il y avait différentes options qui se
présentaient, soit la firme privée, on sait qu'il y a Gaz
Métropolitain et Gaz Intercité, un nouveau venu. Le gouvernement
avait parlé de faire une opération mixte ou de nationaliser. Il y
avait ces trois voies principales. Est-ce que le gouvernement a fait davantage
son lit depuis ce temps en ce qui concerne le réseau de distribution de
gaz naturel?
M. Joron: Non, pas encore. Effectivement, le choix,
l'éventail est très large. Il y a beaucoup d'intervenants qui se
montrent intéressés, des intervenants d'en dehors du
Québec, comme le groupe Intercité, de Winnipeg, que vous venez de
mentionner, comme l'actuel groupe qui a le contrôle de la majorité
des actions de Gaz Métropolitain, Norcen de Toronto, peut être
intéressé aussi à continuer, même à amplifier
son action. Il s'en présentera peut-être d'autres et, des
intérêts locaux, des intérêts québécois
peuvent probablement être intéressés et, également,
être de la partie.
L'état de notre réflexion, jusqu'à maintenant, sur
ce point-ci, semble indiquer ce n'est pas un choix définitif.
C'est peut-être un peu hasardeux de ma part déjà d'indiquer
des préférences, mais je le fais quand même que la
logique nous conduirait à avoir un distributeur unique, plutôt
qu'une série de petites franchises dans les nouveaux territoires qui,
peut-être, n'auraient pas financièrement, chacune prise
isolément, les reins assez solides. Alors, la logique semble nous
conduire à un distributeur unique, c'est-à-dire à un
élargissement de la franchise actuelle, qui est limitée à
environ 25 milles autour de Montréal. Evidemment, ça va donc
devenir un distributeur d'une taille passablement plus importante, si tel
était le choix retenu, que celle du distributeur à
l'intérieur de la franchise actuelle. Cela n'exclut pas du tout que des
participants nouveaux s'adjoignent aux participants actuels, dans quelque
proportion que ce soit. Tout est permis, de façon à former un
ensemble de participants plus varié que ce que nous avons dans le moment
et avec une ossature financière beaucoup plus considérable. En
gros, c'est à peu près vers quelque chose de ce genre qu'on
s'oriente, mais il n'y a pas de choix de fait, il n'y a pas de décision
de prise, à savoir quelle pourrait être la participation de qui,
dans quelle proportion, etc. Il n'y a rien de fait à cet
égard.
M. Ciaccia: SOQUIP avait démontré un
intérêt à être impliquée dans la distribution
du gaz naturel. Est-ce que...
M. Joron: Cela n'est pas exclu également.
M. Ciaccia: ... c'est l'intention du gouvernement de l'impliquer
dans cette distribution? Aussi, il y avait eu une déclaration je
ne sais pas si c'était une rumeur à savoir la
possibilité que le gouvernement acquière les parts de Norcen.
Est-ce que c'est encore l'intention du gouvernement de le faire ou de se
retirer de ce domaine et de le laisser à l'entreprise privée? (11
h 45)
M. Ciaccia: Une nouvelle émission qui va au public...
M. Joron: C'est cela. Le gouvernement est disposé à
laisser... Plus la capitalisation de l'entreprise s'élargit plus la
participation des intérêts québécois s'agrandit de
façon que, progressivement, l'intérêt de Norcen soit
dilué dans le total au point même de devenir minoritaire, sans
même exclure la possibilité de se retirer complètement,
éventuellement. On n'a jamais choisi de lui faire une offre pour ses
actions, mais, par contre, on a compris dans les conversations qu'on a eues
avec elle, que si une offre était faite, elle serait
considérée sérieusement. En d'autres mots, tout est
toujours à vendre, moyennant un certain prix.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de
s'impliquer dans l'achat des parts de Norcen ou si vous excluez cette
possibilité?
M. Joron: Je ne l'exclus pas totalement, mais je peux vous
répondre qu'à ce stade-ci, ce n'est pas l'intention du
gouvernement. On ne peut jamais l'exclure pour l'éternité, mais
ce n'est pas...
M. Ciaccia: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement
d'impliquer SOQUIP dans la distribution du gaz naturel à ce
moment-ci?
M. Joron: C'est une possibilité que le gouvernement
étudie avec beaucoup de sympathie, ce n'est pas choisi, encore une fois,
ce n'est surtout
pas décidé, si ce choix était fait, que SOQUIP
devait être impliqué, c'est la proportion dans laquelle elle
devrait être impliquée. Est-ce que ce doit être une
participation très minoritaire, substantielle ou plus importante? On est
loin d'être rendu là. Je pense, fondamentalement, que la mission
originale de SOQUIP, qui en est une d'exploration pour trouver des
hydrocarbures sur le territoire du Québec, doit être
préservée et qu'on ne doit pas distraire cette
société d'Etat de sa mission principale. Dans ce sens, je ne
pense pas je vous livre le fruit d'une réflexion
préliminaire qu'il serait opportun que SOQUIP soit mutée,
non pas qu'elle abandonne sa vocation antérieure, mais qu'elle en
acquière une nouvelle plus importante que l'ancienne et qui la
détournerait de l'objectif pour lequel elle a été
créée; je pense que ce ne serait pas souhaitable.
M. Ciaccia: II me semble que ce serait plus souhaitable de
clarifier les intentions du gouvernement. Si le gouvernement n'est pas clair
dans ses intentions de dire: Oui, on veut être impliqué dans
l'achat des actions, oui, on veut que SOQUIP le soit, qu'il le dise d'une
façon ou d'une autre, sinon cela pourrait avoir des conséquences
sur ceux qui ont l'intention de venir investir. Si je suis un investisseur et
que je veux venir au Québec pour investir X centaines de millions de
dollars, mais le gouvernement possède SOQUIP qui, peut-être va
aussi être impliquée...
M. Joron: Vous voyez...
M. Ciaccia: II y aurait une certaine hésitation.
M. Joron: Pas vraiment, parce que le genre de discussion qu'on a
en ce moment, je l'ai eu avec la plupart des partenaires potentiellement
intéressés à s'impliquer dans la question du gaz au
Québec. Pour plusieurs d'entre eux, la présence du gouvernement,
soit par un "nominee holder" qui serait SOQUIP, par un détenteur
d'actions cela pourrait être SOQUIP comme cela pourrait être
un autre, aussi à leur point de vue est souhaitable parce que la
plupart des intervenants, même privés, réalisent
très bien que dans le domaine de l'énergie, aujourd'hui,
l'implication des gouvernements est de plus en plus grande et qu'il est
souhaitable, même pour ces intérêts, d'être en
"partnership", si vous voulez. Ce n'est pas quelque chose qui a vraiment
posé une difficulté, ce fut plutôt quelque chose qui a
presque été recommandé, il s'agit de voir dans quelle
proportion. (11 heures)
Une autre question qui a été soulevée, tout aussi
importante, concerne la sécurité des approvisionnements. La loi
gui a été annoncée dans le discours inaugural, une loi qui
doit donner au gouvernement un outil, qu'il n'a pas à l'heure actuelle,
de répartition en cas d'urgence et une loi qui devrait lui permettre
également d'établir des normes de stockage minimum que devraient
respecter les compagnies et ainsi de suite. Cette loi est en
préparation, elle est pratiquement terminée.
Elle fera probablement l'objet d'un dépôt en
première lecture à l'Assemblée nationale d'ici un mois.
Elle n'a pas été étudiée encore par le Conseil des
ministres, mais je pense qu'elle doit l'être incessamment, sinon à
la prochaine séance, peut-être même à la
séance de la semaine prochaine. C'est quelque chose qui devrait venir
assez rapidement. Cette loi va donc nous permettre d'avoir un outil
administratif pour faire face à une situation de pénurie, une
situation d'urgence, si elle devait survenir.
Mais, au-delà de cela, je pense qu'il est important d'indiquer,
au chapitre de cette sécurité des approvisionnements, que la
sécurité fondamentale et je le prends sur un plan plus
global il ne faut pas non plus la surdramatiser, cette affaire, parce
qu'il y a le risque, à trop crier au loup, finalement d'apeurer la
population pour rien.
La sécurité fondamentale de l'ensemble je pense que
c'est un point qui est important à tout le monde de saisir des
pays industriels est, bien sûr, partiellement menacée, parce que
partie importante des approvisionnements provient des régions qui,
politiquement, sont sensibles. On l'a vu à cause de l'Iran. Pourrait-il
arriver d'autres choses au Moyen-Orient qui couperaient les pays occidentaux
d'une partie de leurs approvisionnements pétroliers? Oui, cela pourrait
arriver.
Mais il faut bien savoir que tout le pétrole du monde ne vient
pas d'un seul et même endroit. Il provient d'une foule de sources. Si
l'une se tarit ou est coupée temporairement, il est clair qu'on ne peut
pas aux autres ouvrir les robinets aussi facilement qu'on ouvre les robinets
d'un bain. Cela ne se fait pas comme cela. On n'augmente pas la production d'un
champ pétrolifère en criant lapin, comme cela.
Tout resserrement ou tout tarissement, fût-il temporaire, d'une
des sources d'approvisionnement aurait sans doute des conséquences
importantes et graves. On n'enlève pas ne serait-ce que 3%, 4% ou 5% des
approvisionnements pétroliers sans perturber l'ordre des choses dans les
pays industriels. Mais les pays industriels, justement pouf parer à
cela, ont fondé, il y a plusieurs années, l'Agence internationale
de l'énergie, et se sont donné des règles justement pour
parer à ces situations. Ce qui fait qu'ils ont établi ce qu'on
pourrait appeler un système de sécurité collective. Cela
inclut, évidemment, le Canada et les Etats-Unis, les grands pays
européens, moins la France, pour des raisons de politique
étrangère, avec les pays arabes, enfin, peu importe, c'est leur
problème, mais tous les autres pays industriels, plus l'Australie, la
Nouvelle-Zélande et le Japon également.
Le système fait que, si dans l'ensemble, les approvisionnements
baissent, sont coupés de plus de 7% en bas de ce seuil, quand on
part de 100% et quand on est rendu à 93% un système de
répartition, au prorata entre les 20 ou 21 participants maintenant,
commence à jouer. Ainsi, il n'y a pas un pays qui peut dire... prenons
un exemple: Le Japon a avec l'Indonésie un contrat bilatéral qui
lui garantit tant de centaines de
milliers de barils par jour, par exemple, et ainsi de suite. Advenant
que les approvisionnements sont coupés au-delà de ces 7%, dans
l'ensemble des pays industriels, même si un pays a un contrat
particulier, comme j'en ai donné l'exemple, le Japon avec
l'Indonésie, il est tenu de répartir, toujours en bas de ces 7%,
le pétrole qui lui est destiné avec tous les autres, au prorata
de la consommation antérieure de chacun. En d'autres mots, tous les pays
industriels, s'ils doivent être privés de pétrole un jour,
vont tous l'être ensemble et dans la même proportion. Ils vont tous
souffrir au même degré d'intensité.
M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites que l'avertissement du
président Carter aux Etats-Unis qu'il peut y avoir un rationnement cet
été... Est-ce qu'il se peut que nous ayons aussi un rationnement
au Québec?
M. Joron: Pas nécessairement, parce que, pour qu'il y ait
un rationnement, le...
M. Ciaccia: Si on est tous affectés de la même
façon...
M. Joron: Encore une fois, le système international de
sécurité collective, si vous voulez, des pays industriels, joue
à partir d'une baisse de 7%. Avant ça, each is on his own, chacun
pour soi.
M. Ciaccia: La différence serait que les Etats-Unis
importent 50% et que le Canada importe quelque chose comme 17%.
M. Joron: Peut-être. Mais un autre facteur très
différent aussi, c'est que les Etats-Unis ont une sous-capacité
de raffinage et, globalement, une possibilité de stockage moindre que
celle que nous avons ici. Si bien qu'une petite diminution se traduit assez
rapidement par une obligation d'aller rationner jusqu'à la pompe.
M. Ciaccia: S'il y a 50%...
M. Joron: Plus rapidement qu'ici au Canada. En d'autres mots,
ici, je pense que vous avez un certain nombre de chiffres qui répondent
à cette question dans les documents qu'on vous a fait parvenir,
peut-être un peu trop tard, parce que je ne pensais pas que, finalement,
ils seraient aussi volumineux que ça, mais je vous avouerai qu'on a fait
un effort assez remarquable pour fournir beaucoup de renseignements.
M. Ciaccia: On vous félicite pour les documents et
l'information que vous avez donnés.
M. Joron: Je vous remercie. Espérons que cela servira
d'exemple aux autres ministères, parce que, dans les autres commissions,
où on étudie d'autres crédits, je doute que l'on fournisse
autant...
M. Ciaccia: J'espère qu'ils vous suivent plus dans votre
exemple que dans votre conservation d'énergie.
M. Joron: On va y venir.
M. Ciaccia: On va revenir là-dessus.
M. Joron: II y a des chiffres sur la capacité de stockage
au Québec qui montrent une possibilité, par produit, pour ce qui
est de l'essence, de 374 millions de gallons et pour ce qui est de l'huile
à chauffage, de 936 millions de gallons, dans les compagnies et les
dépôts; plus évidemment le stockage aux raffineries
mêmes qui est considérable; dans le cas de l'essence, 232 millions
de gallons; dans le cas de l'huile légère et de l'huile lourde
additionnées ensemble, 590 millions de gallons.
M. Ciaccia: C'est plus que le stockage, parce que vous pouvez
avoir tout le stockage au monde, si vous n'avez pas la source, vous n'arrivez
pas à stocker. Est-ce que c'est à cause du fait...
M. Joron: II y a un stockage...
M. Ciaccia: ... que le pipe-line de Sarnia en fournit un assez
grand pourcentage des besoins? Alors, il y a moins de risques d'être
coupé de nos sources d'approvisionnement s'il y a des crises au
Moyen-Orient.
M. Joron: II y a un moyen de le traduire, vous avez ça
à la page 86 du document bleu. Le tableau de la page 86, c'est la page
des capacités de stockage des raffineries, pas des distributeurs ou des
dépôts locaux, seulement des raffineries, par produit. Vous avez
évidemment du stockage de produits déjà traités,
essence, huile légère, huile lourde, stockage brut; si vous
l'exprimez en barils plutôt qu'en gallons, 15 millions de barils de brut
peuvent être stockés aux raffineries, en plus de ce qu'il y a
déjà en circulation dans les pipe-lines.
J'ignore quel est le chiffre de ce qu'il peut y avoir de
déjà rempli dans le pipe-line Portland-Montréal, par
exemple, il est là, et ce qu'il y a entre Sarnia et Montréal, au
moment où on se parle, il va arriver aussi. Plus ce qui est
stocké comme produits déjà traités, vous en arrivez
à un total de 39 millions de barils de produits non raffinés ou
déjà raffinés; c'est à peu près 100 jours de
consommation, un peu plus de trois mois, c'est pas mal. Vous ajoutez à
ça ce qu'il y a à la page précédente, à la
page 85, ce qui peut être stocké dans les dépôts et
chez les distributeurs indépendants. Ici, c'est exprimé on
ne parle plus de brut, on parle de produits raffinés en gallons
qui s'ajoutent à cela et c'est assez substantiel aussi. (12 heures)
Alors, théoriquement, il n'y a pas lieu de craindre d'être
mal pris, sauf qu'il faut bien comprendre que c'est une capacité de
stockage théorique. Cela ne veut pas dire qu'au moment où on se
parle, tous ces réservoirs sont pleins. Parce
que, l'évolution des prix rapidement à la hausse, vous
comprendrez, n'incite pas les compagnies à garder des réservoirs
pleins, les prix augmentant relativement rapidement. C'était un des
facteurs qui ont fait que le niveau de stockage et les coûts du stockage
aussi... plus le produit que vous stockez est cher, plus le financement de cet
investissement est coûteux, alors moins cela incite les compagnies
à stocker. C'est la raison pour laquelle il faudrait avoir un instrument
législatif qui nous permette d'établir des niveaux minimaux de
stockage après qu'on ait déterminé ce qui est
sécuritaire et ainsi de suite, de façon à être en
mesure de protéger la population, advenant une interruption
temporaire.
Encore une fois, une interruption je ne veux pas surdramatiser
cela non plus s'il arrivait des événements malheureux au
Moyen-Orient qui couperaient la source la plus importante du monde: l'Arabie
Saoudite, par exemple, si plus rien ne sort de l'Arabie Saoudite pendant un
certain temps, cela ne fait pas tomber à zéro les arrivages de
partout. Cela les diminue considérablement...
M. Ciaccia: Ce ne fait pas diminuer les 300 000 barils par jour
qui viennent de l'Alberta, de Sarnia à Montréal...
M. Joron: Exactement.
M. Ciaccia: Alors, on n'a pas besoin de s'inquiéter de ce
qui arrive à l'Arabie Saoudite. C'est pour cette raison que j'ai
demandé si vous allez demander au gouvernement fédéral
d'augmenter la capacité du pipe-line de Sarnia-Montréal qui a
été construit pour pallier précisément la crise de
1973. On n'avait pas de pipe-line jusqu'à Montréal dans ce
temps.
M. Joron: Sur la question de... là, on est...
M. Ciaccia: Là, on serait, en cas d'urgence, en cas de
crise, complètement à l'épreuve de toute crise
politique...
M. Joron: Sauf que le problème...
M. Ciaccia: ... dans le reste du monde, sauf aux obligations du
Canada d'aider les autres pays industrialisés.
M. Joron: Mais le problème à ce moment, c'est que
même si une telle proposition était faite, elle serait
probablement critiquée d'un strict point de vue financier pour la raison
suivante...
M. Ciaccia: Ils ont critiqué orginalement. Le prolongement
de Sarnia à Montréal, les gens ne voulaient pas le faire, ils
disaient que ce n'était pas rentable. Ils l'ont fait et c'est devenu
rentable. Alors, la même chose... ce n'est pas pour aujourd'hui, mais il
faut prévoir de cinq à dix ans d'aujourd'hui. On ne sait pas ce
qui va se passer dans ces autres pays.
M. Joron: Mais justement, voilà la réponse. Cinq
à dix ans d'aujourd'hui, les sources conventionnelles, le pétrole
classique en Alberta, principalement parce que c'est surtout là
que c'est situé va être considérablement
restreint.
Alors, à un moment où ce qu'on pourrait mettre dans ce
pipe-line va déjà être moindre que la capacité
actuelle du pipe-line, cela devient hasardeux de parler aujourd'hui de
l'élargir.
M. Ciaccia: Ils avaient dit la même chose en 1973. Ils
avaient dit: En 1980, il n'y aura plus d'huile de l'Alberta. Pourquoi
prolonger? Ils l'ont prolongé et tout à coup ils ont
réalisé que ce n'est pas en 1980, c'est en 1995 qu'il n'y en aura
plus.
M. Joron: Non, non, non.
M. Ciaccia: Alors, dans un autre cinq ans...
M. Joron: Mais oui, mais 1995. Attention! Sauf que c'est à
partir...
M. Ciaccia:... l'Office national de l'énergie, en 1995,
300 000 barils par jour. Alors, il y a d'autres découvertes. Je crois
que la question de précaution... si on juge l'avenir par le
passé, la même chose peut se produire...
M. Joron: Sauf que c'est...
M. Ciaccia: Pour nous protéger, nous, au Québec, on
devrait insister, on devrait le demander.
M. Joron: C'était à plus court terme; c'est entre
1980 et 1985 que la réduction va commencer. Elle tombe au niveau que
vous avez mentionné au bout de la ligne, en 1995. Mais la
réduction, elle, par rapport aux quantités actuelles, commence
dans quatre ou cinq ans à peine.
M. Ciaccia: D'après les plus récentes
données de l'Office national de l'énergie, cela ne commencera pas
avant 1990.
M. Joron: Mais il y a un autre point également aussi et
celui-là est un point important: il apparaît clair
également à l'Office national de l'énergie, comme aux
planificateurs énergétiques à Ottawa, que l'ensemble du
Canada actuel va continuer d'importer une partie de sa consommation
pétrolière. C'est surtout évidemment vers les raffineries
de l'Est, et le plus gros centre de raffinage est celui de Montréal
une capacité d'environ 600 000 barils, à Montréal
que cela arrive.
Le pipe-line actuel de Portland à Montréal, dans cette
optique-là, est un investissement déjà
réalisé évidemment qui ne coûte plus rien dans le
sens qu'il a été payé. Il doit être maintenu, parce
qu'on continue d'y requérir, on va devoir y requérir probablement
au même niveau que par le passé dans un avenir probablement
très prochain, sauf que, techniquement, le pipe-line doit fonctionner
à
un niveau minimal d'à peu près 100 000 barils par jour, en
été, et d'à peu près 150 000 barils par jour, en
hiver. Si vous fonctionnez en bas de ces quantités-là, vous
mettez en cause ou en danger le fonctionnement même de l'oléoduc
en question.
M. Ciaccia: A quel niveau fonctionne-t-il maintenant?
M. Joron: II est à peu près à 150 000, 125
000 à 150 000 barils, on ne peut pas aller beaucoup plus bas. Disons 125
000 barils, la moyenne d'un an, été et hiver combinés,
plus les 300 000 barils approximatifs qui viennent de l'autre, on est rendu
à 425 000 barils. Vous savez que c'est rendu à peu près au
niveau de la consommation actuelle qui a baissé depuis deux ou trois
ans.
C'est pourquoi je ne pense pas qu'on assiste à des variations
considérables de volume d'un pipeline par rapport à un autre dans
les années qui viennent. Il faut aussi dire que... Cela répond
peut-être partiellement à une autre question que vous avez
soulevée préalablement. Dans quelle mesure nos programmes
d'économie d'énergie se traduisent-ils, concrètement, dans
les statistiques, dans les faits par une réduction du rythme de
croissance de la consommation? Il est tôt évidemment pour
attribuer à tel ou à tel programme ou à telle politique
tel effet, sauf que les données préliminaires que nous avons...
On a indiqué, dans les documents qu'on vous a fait parvenir, qu'il
était de notre intention, bientôt, quand les chiffres
définitifs seront prêts, de publier un bilan statistique de la
consommation d'énergie des dernières années. Les chiffres
officiels de 1976, 1977 et 1978 ne sont pas encore publiés. Ceux
à partir desquels les statistiques du livre blanc ont été
fondées, vous vous en rappellerez, sont les chiffres de 1975. Ce qui est
intéressant, ce que les données préliminaires nous disent,
à l'heure actuelle, c'est qu'on avait, dans le livre blanc, fixé,
de l'année 1975 à l'année 1990 effectivement, les
objectifs de croissance de la demande, compte tenu de telles mesures de
conservation de l'énergie.
Au point où on en est, les données préliminaires
les données définitives, comme je vous dis, on va les
avoir dans quelques semaines ou quelques mois au plus tard nous
indiquent qu'on est même légèrement en deçà
de nos prévisions, que certains jugeaient déjà ambitieuses
au moment de la publication du livre blanc. Effectivement, les données
qu'on a jusqu'à maintenant indiquent une chute de la croissance de la
consommation encore plus grande que celle qu'on avait définie comme
objectif. Elle peut être attribuable à toutes sortes de causes,
comme simplement les prix, comme simplement tel événement
circonstanciel, comme un hiver plus froid qu'un autre et des choses comme
cela.
M. Ciaccia: ... industriel.
M. Joron: II n'y a pas assez d'années encore pour... Mais
il y a quand même un encouragement, c'est que la consommation a
définitivement on peut dire cela maintenant stoppé
de croître dans les proportions où elle avait crû, par
exemple, dans les années soixante. C'est à peu près le
même cas d'ailleurs dans bien d'autres pays industriels, ce qui fait
qu'il y a déjà des proportions que l'on emploie souvent quand on
parle et quand on se réfère aux différentes politiques
énergétiques. Même si le livre blanc a été
publié il y a moins d'un an, il y a déjà des chiffres qui
sont dépassés là-dedans. On y lit qu'en 1975,
l'électricité fournissait 22% de la demande totale
d'énergie, exprimé en BTU. Au moment où on se parle, on
est déjà en haut de 25%, probablement, à cause de la
perte... Le pétrole qui était à 70% est probablement
autour de 66% ou 67% au moment où on se parle.
Compte tenu de tout cela, cela semble aller dans la bonne direction. Je
ne veux pas prendre davantage de temps. Je sais que je n'ai pas répondu
à toutes les questions que vous avez posées. Il y en a
peut-être une dernière par rapport au nucléaire qui est une
question importante aussi. Il y a aussi la question de la publicité,
mais j'attendrai que le député de Richmond revienne.
Par rapport au nucléaire, le député de Richmond,
dans sa question, faisait allusion un peu plus tôt à la
nécessité, comme l'avait demandé d'ailleurs un organisme
comme la Société pour vaincre la pollution, qu'il
s'élève au Québec un grand débat public sur la
nécessité ou non du nucléaire. Ce débat est
déjà amorcé, me semble-t-il. Il n'a peut-être pas
ici, dans notre société, la même intensité qu'aux
Etats-Unis ou que dans certains pays européens, pour la bonne et simple
raison qu'au moment où on se parle, il n'y a pas de production
nucléaire au Québec et que l'on sait que, même s'il y en
avait dans l'avenir, elle ne sera pendant très longtemps que
marginale.
C'est sûr que cela ne fait pas un climat propice à un
débat intense, comme on peut le voir dans certains coins aux Etats-Unis
ou dans des pays comme en Allemagne ou en France, où le débat est
devenu très chaud. Ce débat existe néanmoins, on le voit.
Ce n'est pas le gouvernement non plus qui décide s'il doit y avoir dans
une société un débat sur cette question ou pas. Je
souhaite ce débat, et je me réjouis de voir qu'il s'accentue.
On n'a qu'à voir les différents media qui y accordent
infiniment plus d'importance depuis quelques semaines ou quelques mois que par
le passé. Il y a des discussions, il y a des colloques, il y a des ceci
et des cela. Ce débat est en train de s'élever. On va avoir
l'occasion de l'avoir, je l'ai déjà dit en Chambre, au moment
où je pense que ce serait probablement... Le moment opportun serait
celui où on devra se réunir pour étudier le rapport des
activités de l'Hydro-Québec, parce qu'à ce même
moment, le programme d'investissements de l'Hydro sera après la phase 1
de la baie James; en d'autres mots, quelles nouvelles installations seront
prévues pour les années 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990? Cela
semble être l'élément central, si vous voulez, de la
politique énergétique en cette année 1979. C'est de
cela
dont on va principalement parler. Ce dont on devra discuter ensemble
à ce moment, c'est si, dans ce programme d'équipements 1985-1990
qui va suivre les travaux actuellement en cours à la baie James, les
nouvelles installations devront ou pas inclure d'autres centrales
nucléaires que Gentilly II, qui est en voie d'être
terminée. A ce moment, je pense que le débat...
M. Ciaccia: Pensez-vous, M. le ministre, à une commission
parlementaire pour étudier tous les rapports annuels de
l'Hydro-Québec, de la Société d'énergie de la baie
James, qui va prendre une journée ou deux? Même si elle en prend
trois, même si elle prend toute une semaine, vous pensez que c'est
suffisant pour avoir un débat et informer le public de la
nécessité du nucléaire, des dangers, des mesures de
sécurité. Vous pensez que le public sera vraiment informé
quand... Je pense que vous acceptez même qu'une commission parlementaire
n'a pas les outils nécessaires. On peut poser certaines questions, mais
on n'a pas l'aide technique. C'est cela que j'avais demandé, d'instituer
une commission parlementaire appelez-la comme vous voulez avec
l'aide technique, parce que, quand vous dites que le débat se produit
sur la place publique, il ne se produit pas maintenant, parce qu'il y a une
responsabilité du gouvernement. Le gouvernement a une politique de
moratoire qui, je pense, n'est pas une politique, vous attendez.
Un référendum sur le nucléaire, ce n'est pas la
réponse non plus, parce qu'on n'aura peut-être pas toute
l'information. Comment le public peut-il être informé
adéquatement? Je pense qu'il y a une responsabilité du
gouvernement et qu'il ne doit pas laisser ça seulement à des
sociétés comme STOP ou d'autres organismes.
M. Joron: Oui, le fond de ce débat, finalement, c'est de
savoir si on en a besoin ou non. C'est la première des questions. Si on
détermine qu'on en a besoin, la deuxième question est de se
demander si c'est sécuritaire ou non. Si ça ne l'était
absolument pas, je vous avouerai qu'on ne sera pas les seuls au monde à
trancher cette question. Ce serait une deuxième...
La troisième question qu'on peut se poser dans un débat
semblable, c'est que, même si nos évaluations des besoins futurs
nous disaient qu'on en a besoin, est-ce qu'on est prêts à changer
la nature de nos besoins pour s'en passer de toute façon? C'est la
troisième étape. (12 h 15)
M. Ciaccia: Que faites-vous du transfert technologique, à
ce moment-là, si vous décidez, dans deux, trois, quatre
années, que vous en avez vraiment besoin et que vous n'avez pas la
technologie nécessaire?
M. Joron: Justement, dans les crédits, des sommes sont
prévues cette année, précisément à la
Direction des énergies nouvelles, qui s'occupe également de la
question nucléaire; il y a des sommes qui sont disponibles, dont
l'affectation n'a pas encore été décidée au moment
où on se parle, mais qui pourraient servir justement à
répondre à la question que vous venez de poser, que je trouve
extrêmement pertinente.
Est-ce que le fait d'avoir construit Gentilly II et est-ce que le fait
de décider, si on le décidait, de construire un Gentilly III,
c'est suffisant pour assurer un transfert technologique? Quelle est la nature
de ce transfert? Est-ce qu'on gagne vraiment des connaissances à faire
ça? Voilà des questions extrêmement intéressantes
qu'il faudrait se poser.
C'est ce genre d'études, je pense, qu'il est de notre devoir de
faire et de rendre disponibles pour fournir la matière à la
discussion que vous souhaitez. On n'a pas tous ces éléments
jusqu'à maintenant, mais, de toute manière, si notre
évaluation je vous pose la question à mon tour si
nous tombions tous d'accord sur cette évaluation de nos besoins futurs
et si nous concluions à la non-nécessité du
nucléaire, y a-t-il lieu, à ce moment-là, d'en faire un
débat? On n'en fera pas quand même, même si on n'en a pas
besoin.
M. Ciaccia: Un instant! Un instant! Quand vous dites que vos
études... Je crois qu'on ne peut pas se fier seulement aux études
d'un ministère...
M. Joron: Bon!
M. Ciaccia:... avec tout le respect que je dois à votre
ministère. Je crois que c'est important que ça se fasse sans
partisanerie. La question du nucléaire, ça ne devrait pas
être partisan.
M. Joron: ...
M. Ciaccia: Ou on en a besoin et on peut le faire avec des
mesures sécuritaires, ou on n'en a pas besoin et on peut prendre... Je
crois que la seule façon que le public soit informé... Parce
qu'il y a toutes sortes de groupes de pression. Il y a ceux qui en veulent pour
des intérêts personnels, pour eux-mêmes. Il y a ceux qui
n'en veulent pas pour d'autres motifs, question d'environnement, etc. Je crois
que la seule façon de vraiment faire une étude objective, ce
serait en présence de l'Opposition officielle et avec l'aide technique
pour que la population puisse participer. Si elle a des représentations
à faire, elle peut le faire. Ce n'est pas une question d'avoir une
commission parlementaire et d'avoir des mémoires pour dire que l'un est
pour et que l'autre est contre. Je ne pense pas que ça donnerait
grand-chose.
M. Joron: C'est ma crainte un peu, oui.
M. Ciaccia: Mais si vous dites que la réponse, c'est
d'avoir une commission parlementaire, soit la commission parlementaire annuelle
de l'Hydro-Québec...
M. Joron: Non.
M. Ciaccia: ... franchement, il faudrait même changer le
format de cette affaire, parce que ça ne produit pas grand-chose.
M. Joron: Pour mener à bien et à fond une telle
discussion, je suis d'accord avec vous que ça nécessiterait
passablement d'information préalable venant de diverses sources et
rendue disponible longtemps d'avance, non pas le jour même de la
commission ou une semaine plus tôt. Je suis parfaitement d'accord avec
vous là-dessus. J'avais indiqué, l'année dernière,
qu'on allait s'efforcer de rendre une telle documentation disponible longtemps
à l'avance. D'ailleurs, probablement avez-vous déjà
reçu, les membres de la commission de l'énergie, une lettre que
je vous adressais au début du mois d'avril, une première
étape dans ce sens, par rapport à la Société
d'énergie de la baie James par laquelle je souhaitais qu'on puisse faire
une espèce de commission itinérante, alors que ce sont les
membres de la commission qui se déplacent vers les bureaux de la
Société d'énergie de la baie James, pour avoir l'occasion
d'interroger les gens sur place en ayant à l'avance une documentation
valable.
M. Ciaccia: Vous avez limité le sujet, c'est strictement
sur...
M. Joron: Pour cette journée-là, je ne peux pas
commander des séances d'étude à volonté, à
tout bout de champ, mais je ne demanderais pas mieux que vous me disiez que
vous en voulez d'autres; on en fera d'autres, on lui demandera, après
tout, c'est une société d'Etat, c'est aux parlementaires d'exiger
de ces sociétés les documents et les séances d'information
qu'ils estiment nécessaires.
C'est dans cette voie qu'on se dirige. Je suis d'accord que le
débat ne sera jamais satisfaisant, tant que beaucoup plus d'information
ne sera pas véhiculée, mais c'est dans cette voie qu'on s'engage.
Rien n'est déterminé pour l'avenir, je ne vous dis pas que c'est
le seul forum, je retiens...
M. Ciaccia: Je pense que vous patinez un peu. M. Joron: Je
ne patine pas, parce que...
M. Ciaccia: Vous dites pendant la commission parlementaire, vous
ne dites pas oui, vous référez peut-être qu'il faut
changer, les informations...
M. Joron: Je récolte...
M. Ciaccia: J'aimerais avoir une réponse: oui ou non.
M. Joron: Ce ne serait pas responsable de ma part de vous en
donner une tout de suite avant d'avoir d'une part, récolté vos
avisje les récolte de les avoir pesés, d'en avoir
reçu d'autres, également, et, finalement, de décider. Je
ne vous dis ni oui ni non à cette question, effectivement, parce que je
ne veux pas qu'on rate cette occasion, je veux qu'on fasse un bon choix, un bon
forum pour avoir un débat en pleine connaissance de cause. Je le
souhaite autant que vous, parce que je suis de ceux qui croient que cette
question n'est pas une question partisane, c'est une question qui ne devrait
pas nous opposer les uns aux autres et on a tous, finalement, les mêmes
intérêts dans cette affaire.
M. Ciaccia: Même dans votre livre blanc, vous aviez
prévu le transfert de la technologie avec la construction de Gentilly
III.
M. Joron: On veut savoir à quel point on y gagne; cela
reste à déterminer, je suis d'accord avec vous.
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais aborder un autre sujet,
revenir sur une question générale et, à la prochaine
séance...
Le Président (M. Clair): Est-ce qu'on s'entendrait pour
reporter l'étude des programmes budgétaires à la prochaine
séance?
M. Brochu: A la prochaine séance.
M. Ciaccia: Je voudrais seulement faire un commentaire et poser
une question au ministre, je reviens à la conservation d'énergie.
Les explications que le ministre a données me donnent l'impression
je vais être très franc avec vous que vous avez les
bonnes intentions, les meilleures au monde dans le domaine de la conservation
d'énergie, mais que le gouvernement n'est pas intéressé.
Ce sont des impressions que j'ai. Vous dites que le public n'est pas
sensibilisé et vous dites: Le président Carter, cela lui a pris
deux ans et il ne peut pas convaincre le congrès ni le public
américain. Je ne vous demande pas de convaincre le public, mais il y a
certaines mesures concrètes que vous ou que votre gouvernement pourrait
prendre. S'il ne les prend pas...
M. Joron: ... "juste pour le fun".
M. Ciaccia: Le transport urbain à Montréal...
M. Joron: Oui, d'accord, la taxe sur les gros
véhicules...
M. Ciaccia: Cela aussi, bien je vous cite, cela n'est pas la
recommandation que je fais.
M. Joron: Vous ne voulez pas prendre la paternité de cette
taxe.
M. Ciaccia: Non pas celle-là. Bien, si vous pensez que
c'est important, convainquez le ministre des Finances, il a fait des choses
bien pires que celle-là.
M. Joron: Bien, je peux vous...
M. Ciaccia: Cela ne serait pas la pire qu'il aurait faite.
M. Joron: Est-ce que je peux répondre seulement à
celle-là, avant que vous continuiez.
M. Ciaccia: Oui.
M. Joron: J'ai essayé de le convaincre de cela, justement.
Je ne l'ai pas convaincu, je vous le dis. Mais je pense qu'il avait raison
finalement. Quand on a tout regardé en détail, vous faisiez
allusion à quelque chose que j'ai dit à ce sujet il y a
déjà deux ans. Finalement, on s'est dit que le critère le
plus admihistrable, par lequel une telle taxe pourrait être perçue
taxe à l'achat, selon le rendement énergétique des
véhicules a probablement rapport au poids; au point de vue
administratif, c'est la façon la plus simple. Mais on s'est rendu
compte, à regarder le poids des véhicules des modèles 1979
auxquels cela s'appliquerait, que la plupart des compagnies d'automobiles sont
allées chez les Weight Watchers depuis quelques années.
Finalement, le processus d'amaigrissement est passablement entamé. Le
mouvement de rape-tissage qui va avoir une grosse conséquence...
M. Ciaccia: Non, mais il y a encore de grosses voitures...
M. Joron: ... sur la consommation d'énergie...
M. Ciaccia: II y en a encore.
M. Joron: Bien, oui mais c'est cela...
M. Ciaccia: C'était seulement, je ne veux pas insister
là-dessus...
M. Joron: Je pense qu'elle est devenue inutile...
M. Ciaccia: ... je donnais cela comme exemple.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Joron: ... cette taxe parce que justement les...
M. Ciaccia: L'autre endroit où définitivement vous
pourriez insister, comme ministre de l'énergie, c'est le transport
Montréal-Deux-Montagnes. C'est absolument incroyable qu'un gouvernement
agisse de cette façon, parce que la conclusion que je peux tirer c'est
que le ministre des Transports a d'autres priorités politiques. Ses $30
millions qu'il veut éparpiller dans les différents comtés
pour les traverses à niveau, politiquement, cela fait peut-être
son affaire, mais je pense que, en tant que responsabilité
gouvernementale, c'est là que je dis que le gouvernement ne vous suit
pas dans vos mesures de conservation.
Dans votre livre blanc je vais vous demander si cet
investissement a été fait vous aviez prévu, dans le
domaine public et parapublic, un investissement de $9 millions qui pourrait
rapporter un certain montant. Vous pouviez réduire de $7 millions
à $3 600 000 la facture énergétique annuelle et cela, avec
un investissement total de $9 millions. Cela, c'est pour les travaux
publics.
C'est bien beau, je suis d'accord que si on pouvait investir $9 millions
et réduire, ce n'est pas seulement le montant de $3 millions qu'on
sauve, c'est aussi l'énergie qu'on sauve, mais est-ce que cet
investissement a été fait? Est-ce que vous avez fait plus dans le
domaine public et parapublic que seulement la mise sur pied de quatre
comités de conservation qui vont étudier le problème? Je
ne vous demande pas d'imposer de changer le point de vue du public, parce que
c'est bien difficile. On a été trop habitué à
gaspiller l'énergie, mais il y a des mesures concrètes que votre
gouvernement peut prendre au niveau des autres ministères et au niveau
d'autres organismes et dans d'autres secteurs où, je le
répète encore, il y a le transport urbain.
Je vois d'un côté, vos intentions, qui sont bonnes, je
l'avoue, mais je vois, d'un autre côté, que le gouvernement ne
vous suit pas et accorde d'autres priorités. La conservation de
l'énergie n'en est pas une.
M. Joron: Je pense que vous avez tort, le gouvernement accorde
une priorité considérable à cette question et vous le
verrez dans des gestes concrets, dans les mois qui viennent, à ce
principe d'un programme quinquennal d'investissements, dans les édifices
publics et parapublics, de façon à augmenter le rendement
énergétique des édifices existants. Le principe en a
été approuvé récemment au Conseil des ministres.
Ces modalités, les budgets qui paraîtront, parce que toute la
partie préliminaire à savoir combien il y a à gagner, en
dépensant combien, c'est terminé, on sait que ce sont des
investissements qui en valent la peine. Le ministre des Finances en est
convaincu, le gouvernement également, le principe a été
adopté, a été retenu, et c'est évidemment dans les
budgets de chacun des ministères, dans les années à venir,
parce que c'est un programme qui ne s'échelonnera pas sur six mois,
ça va être un programme de plusieurs années, on va avoir la
traduction en chiffres, dans les crédits de chacun des
ministères.
Ce serait un peu onéreux ici d'essayer de faire le tour de tous
les ministères pour retracer... surtout que ce n'est pas tout le temps
retraçable, également. Parce que tout n'apparaît pas
nécessairement dans les crédits je n'ai pas
étudié dans le détail les crédits des Travaux
publics, par exemple mais il y a des tas de choses qui sont sous un
vocable ou sous une tête de chapitre, disons rénovations, qui
incluent effectivement des investissements qui ont un résultat en
matière d'économie d'énergie.
M. Ciaccia: Pour votre information, les chiffres que les Travaux
publics nous ont donnés et qui sont alloués pour la conservation
de l'énergie, c'est $600 000. Ce n'est pas beaucoup.
M. Joron: C'est cela qui peut être
réalisé.
M. Ciaccia: Sur un budget global de je ne sais pas combien de
millions; je n'ai pas le...
M. Joron: Ce que je vous dis, enfin, en réponse à
votre question sur la préoccupation du gouvernement, c'est que le
principe d'un programme quinquennal les montants et les
modalités, on les rendra publics un peu plus tard ce principe a
été admis.
Vous avez soulevé une dernière question. Je veux vous
répondre en vous disant qu'évidemment, au ministère des
Transports, le souci encore une fois, on n'est pas ici pour
défendre les crédits des Transports de la conservation de
l'énergie au ministère des Transports, c'est un des
ministères où c'est le plus élevé, où cela
fonctionne très bien. Le ministère a des programmes. Je rappelle
le comité dont je vous faisais part tout à l'heure qui existe et
qui a fait des recommandations qui commencent à se traduire dans les
différents programmes. Je retiens particulièrement l'insistance
que vous mettez sur la ligne de chemin de fer des Deux-Montagnes...
M. Ciaccia: Et le West Island aussi...
M. Joron: Oui, qui traverse votre comté, d'ailleurs...
M. Ciaccia: Absolument, cela traverse mon comté. Ce n'est
pas loin de votre comté non plus.
M. Joron: Vous, de la ville de Mont-Royal, quand vous allez en
ville, prenez-vous le train? Quand vous allez au centre-ville?
M. Ciaccia: Vous savez bien que je n'habite pas à
Mont-Royal, comme plusieurs députés de votre côté.
Non, je n'habite pas à Mont-Royal.
M. Joron: Je ne le savais pas.
M. Ciaccia: Mais s'il y avait un bon service, je le
prendrais.
Le Président (M. Clair): Messieurs, il est 12 h 30. La
commission parlementaire de l'énergie ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 12 h 31