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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 17 août 1977 - Vol. 19 N° 178

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 101 - Charte de la langue française


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 101:

Charte de la langue française

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, madame et messieurs!

Nous allons commencer. Je constate qu'il y a quorum.

Mme Lavoie-Roux: Bien oui, c'est la fête du président.

Le Président (M. Cardinal): Non. À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: On arrive au 19 août...

Le Président (M. Cardinal): En ce 17 août 1977, la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications poursuit, après 71 heures 2 minutes, son étude du projet de loi no 101 référé à cette commission après deuxième lecture pour l'étude, article par article.

Je fais d'abord l'appel des membres de la commission.

M. Alfred (Papineau), remplacé par M. Fallu (Terrebonne).

M. Fallu: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier)? M. Charbonneau (Verchères)? M. Charron (Saint-Jacques)? M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Bonjour, M. le député. M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Toujours là, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau)?

M. Guay: ...

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Voilà!

Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa), remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière). Vous avez été appelé, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Présent.

Le Président (M. Cardinal): Et vous êtes élu en plus. M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Présent.

Le Président (M. Cardinal): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)? M. le député de Mégantic-Compton, c'est votre collègue Le Moignan qui vous accompagne?

M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Raynauld (Outremont); M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je dois au début de cette séance nous replacer dans le cadre de nos travaux.

Tout d'abord, je veux dire aux transcriptrices du journal des Débats mes merveilleux remerciements pour cette rose qui m'accompagne aujourd'hui.

M. Grenier: Est-ce qu'on peut connaître l'occasion?

Le Président (M. Cardinal): Elle m'a été dédiée par elles, et je veux souligner ce geste, en plus d'aller les remercier personnellement lorsque j'aurai cessé de présider. Vous voulez les noms?

M. Ciaccia:...

M. Grenier: ... à quelle occasion?

Mme Lavoie-Roux: C'est un geste spontané du coeur.

Le Président (M. Cardinal): Ce serait vraiment blesser mon humilité que de vous lire la carte qui accompagne cette rose.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas souvent qu'on envoie des roses aux hommes.

M. Grenier:... de Mme le député de L'Acadie?

Le Président (M. Cardinal): Non, pas le député de L'Acadie.

M. Grenier: Non? ...

Le Président (M. Cardinal): Ces dames et demoiselles du journal des Débats.

Nous avons vraiment des collaborateurs qui nous assistent... Si vous permettez, quand même, je veux souligner que du côté des services du journal des Débats et du Secrétariat des commissions, nous devons remarquer que nous, si nous sommes députés, cette tâche que nous poursuivons, même rendus au mois d'août est peut-être plus acceptable. Nous avons couru après ce qui nous arrive, tandis que ces fonctionnaires qui sont, soit au pupitre, soit dans cette salle qui est de l'autre côté de 81A, soit derrière moi ici, sont des gens qui ont manifesté un dévouement et non seulement un dévouement, mais une efficacité remarquable depuis le début des travaux de cette commission.

Vous savez que souvent j'ai eu recours, soit à la transcription du journal des Débats, soit aux projets de rapports de la commission et que les suspensions n'ont jamais été longues pour obtenir ces détails.

Ce matin, nous commençons une séance qui sera ajournée sine die à midi. Nous sommes le mercredi et il y a, à ce sujet, et une entente entre les partis et une directive de la présidence.

Nous reprendrons nos travaux selon la motion de M. le leader parlementaire du gouvernement et selon, évidemment, le vote qui pourrait être pris à l'Assemblée nationale à ce sujet.

Chapitre IV: La langue de l'administration

Nouvel article 15 (suite)

Lorsque nous nous sommes quittés hier soir, nous en étions au nouvel article 15. Il ne s'agit pas d'un amendement. Cependant, cet article a été une première fois corrigé. On l'a divisé en deux paragraphes et un nouveau texte vous a été distribué ce matin.

De plus, à l'ajournement des travaux, certains avaient indiqué qu'il y aurait lieu d'ajouter peut-être d'autres corrections, c'est-à-dire peut-être de modifier le texte du deuxième paragraphe pour qu'il se lise comme suit: "...à la publicité et aux communiqués véhiculés..."

Je demande quel est l'avis de la commission.

M. Lalonde: Cela va. On ne fera pas un grand débat là-dessus.

Le Président (M. Cardinal): La commission est d'accord? Alors, le nouveau texte se lirait donc comme suit...

Le Président (M. Cardinal): "L'administration rédige et publie dans la langue officielle ses textes et documents.

Le présent article ne s'applique pas aux relations avec l'extérieur du Québec, aux communi- qués, à la publicité et aux communiqués véhiculés par des organes d'information diffusant dans une langue autre que le français ni à la correspondance de l'administration avec les personnes physiques lorsque celles-ci s'adressent à elle dans une langue autre que le français.

Ces deux corrections sont faites simplement pour que nous nous inclinions davantage devant le génie de la langue française. Cela étant dit, je considère que le débat sur le nouvel article 15 n'a pas vraiment commencé et je n'ai compté de temps à personne.

Est-ce que M. le ministre d'État au développement culturel veut s'exprimer?

M. Laurin: Je me suis exprimé déjà.

Le Président: Oui, très brièvement. C'est pourquoi je n'ai pas compté le temps. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais seulement avoir un éclaircissement du ministre sur cet article. L'article semble être divisé en deux volets. Il y a deux différentes situations. Il y a la question des relations avec l'extérieur du Québec. Naturellement, dans ces situations, on dit qu'on peut s'exprimer dans une langue autre que le français, alors que ce sera en dehors du Québec, en dehors du pays. Cette situation est réelle. Ces mots peuvent s'appliquer.

Il y a aussi la question des communiqués et de la publicité. Cela peut être au Québec ou en dehors du Québec, mais les dernières trois lignes se réfèrent à la correspondance de l'administration avec des personnes physiques. Je suppose que cela s'applique à l'intérieur du Québec parce qu'autrement, quant aux relations et aux situations à l'extérieur, les premières quatres lignes suffisent.

Si cela s'applique à l'intérieur du Québec, on continue et on dit que, lorsque ces personnes physiques s'adressent à l'administration dans une langue autre que le français... On a commencé hier soir cette discussion pour avoir des informations sur la portée de ces mots.

Il y a une implication claire que n'importe qui, au Québec, M. le Président pourrait s'adresser à l'administration—pas n'importe qui, mais une personne physique—dans n'importe quelle langue. Il y a une implication que cette personne physique, on va lui répondre dans cette autre langue. Ma question est: Est-ce l'intention du gouvernement de vraiment répondre à une personne, à l'intérieur du Québec, une personne physique, qui va s'adresser à lui soit en italien, en chinois, swahali? Si oui, est-ce qu'on a l'intention de lui répondre dans cette langue? Si oui, même cela devrait être plus clair. Je pense qu'on pourrait laisser l'article tel quel, mais si ce n'est pas l'intention, si on dit que, pour des raisons pratiques, on n'est pas pour engager des traducteurs dans les 152 langues qui se parlent au Québec, peut-être cet aspect de l'article devrait-il être corrigé.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le ministre désire répondre?

M. Laurin: Oui, M. le Président, je ne m'oppose pas à cette phase de questions et réponses, puisque vous nous en avez donné parfois la permission.

Le Président (M. Cardinal): Parfois, cela accélère les travaux. Je jugerai quand elle devra se terminer, si je vois que l'on passe aux discours.

M. Laurin: En fait, M. le Président, ces deux dernières lignes n'auraient pas été nécessaires puisque en vertu de l'article 84, l'administration peut continuer à utiliser les deux langues selon la coutume qui a été prise jusqu'ici par l'administration. Nous avons ajouté cette spécification pour rassurer certaines personnes qui s'inquiétaient de l'orientation du projet de loi ou de certains de ses articles, mais, logiquement, cela n'aurait pas été nécessaire puisque, comme l'article ne dit pas que l'administration ne doit rédiger que dans la langue officielle ses textes et documents, ceci veut dire que l'article 84 s'applique. Cela veut dire, en somme, que l'administration pourra utiliser, selon qu'elle le juge bon, comme elle le fait déjà, les deux langues, mais avec, bien sûr, une préférence ou une priorité à l'endroit du français, comme c'est le cas actuellement.

Évidemment, ceci n'oblige pas l'administration à répondre dans la langue de l'interlocuteur, comme c'est d'ailleurs le cas actuellement. Mais cela a toujours été la pratique de l'administration jusqu'ici de répondre le plus souvent possible dans la langue de l'interlocuteur qui s'adresse à elle. Elle va continuer à faire ainsi.

M. Ciaccia: Une autre remarque, M. le Président. On fait encore la distinction entre les personnes physiques et les personnes morales. On a souligné ce point dans d'autres articles. Les personnes morales— je ne parle pas des multinationales ou des grandes entreprises— mais il y a beaucoup de petites compagnies qui, vraiment, à toutes fins pratiques, sont des individus. Elles seraient donc exclues légalement... Cela ne vous empêcherait pas de leur répondre dans une autre langue, mais strictement du point de vue de l'article, même si cette personne morale est une très petite entreprise d'un ou deux employés, y compris l'employeur lui-même, comme c'est le cas dans des centaines et des centaines d'entreprises... Légalement, juridiquement, cette exception ne s'appliquerait pas à cette petite entreprise.

M. Laurin: Le député de Mont-Royal parle alors de l'article 16, M. le Président. Je ne sais pas si vous me permettez d'en discuter tout de suite, mais, effectivement, lorsqu'il s'agit des personnes morales, quelle que soit la taille de la personne morale, la formulation est différente. À ce moment-là, le gouvernement, l'administration s'oblige à n'utiliser que la langue officielle.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, je n'accepterai pas qu'on discute tout de suite de l'article 16. C'est une réponse qui est donnée à M. le député de Mont-Royal. Il peut, s'il le désire, ré- férer tout de suite à l'article 16, mais nous étudions, article par article. Est-ce que l'article 15 est accepté?

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, un instant. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je voudrais vous laisser savoir que l'Union Nationale est d'accord avec l'article 15 du projet de loi 101 qu'elle retient intégralement. Cet article oblige l'administration tout entière à rédiger ses textes et documents en français. Elle permet la rédaction en français et en anglais, ou dans une autre langue. Il y a donc prééminence de la langue française et respect de la communauté anglophone qui peut continuer à utiHser sa langue en tenant compte de la majorité francophone.

L'Union Nationale accepte avec satisfaction les exceptions au deuxième alinéa, d'autant plus que la deuxième partie constitue une nette amélioration sur le projet de loi 1 qui a été retiré. Notamment, cela veut dire que les personnes dont la langue d'usage est l'anglais peuvent s'initier dans cette langue avec l'un ou l'autre des organismes de l'administration et peuvent s'attendre à une réponse dans leur langue.

Sur un autre plan, enfin nous retenons ici l'expression "dans une langue autre" puisqu'elle permet de répondre à des besoins de communication avec des organes d'information diffusant dans une langue autre que le français ou que l'anglais. Je peux vous dire, M. le Président, que cet article recevra notre assentiment.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, en comparant— c'est une balise naturellement dont on se sert—la loi actuelle avec le projet de loi, on voit quelques différences. Je crois que l'obligation pour l'administration de rédiger ces textes dans la langue officielle existe actuellement. Les exceptions se ressemblent un peu au départ, dans le sens que l'article 84 ajouté à l'article 15 permet la rédaction en anglais, ou plutôt, si on lit bien l'article 84, dans une autre langue, alors que la loi actuelle réfère à la langue anglaise de façon spécifique.

Le seul problème qu'on peut affronter—c'est pour cela que les questions ont été posées hier et ce matin au gouvernement— c'est la dernière partie du deuxième alinéa. Dans la première partie, le fait que l'article ne s'applique pas aux relations à l'extérieur du Québec va de soi. Quant à la publicité et aux communiqués véhiculés par des organes d'information diffusant dans une langue autre que le français, cela aussi, c'est très facile à comprendre et c'est nécessaire pour la publicité; par exemple, les messages publicitaires que le gouvernement aurait à publier dans des journaux autres que français et qui seraient des journaux, si on se réfère à la réalité québécoise actuelle, des journaux «Se langue anglaise et des journaux de

langue autre aussi qui diffusent soit dans la langue italienne ou même dans d'autres langues ou qui s'adressent à des communautés, des groupes ethniques très bien distincts.

Quant à la dernière partie, la correspondance de l'administration avec les personnes physiques, là, je perçois une certaine difficulté. Je m'inspire peut-être des réponses du député de Saint-Jacques. Je regrette qu'il ne soit pas ici ce matin, parce que j'aurais voulu continuer à lui poser certaines questions. C'est lui qui avait commencé à répondre hier au député de L'Acadie. Je m'inspire de ses réponses, à savoir que la seule langue qu'on emploie, à son expérience, tous savent qu'il occupe une fonction qui l'amène à communiquer régulièrement avec le public, autre que le français, c'est l'anglais. Il avoue ne pas avoir reçu, si je me souviens bien de son témoignage hier, de lettre dans d'autre langue que l'anglais et le français. C'est, d'ailleurs, tout à fait conforme à la tradition au gouvernement. Or, la façon dont on écrit, dont on rédige la dernière phrase, laisse penser que le gouvernement, a non seulement l'intention de correspondre avec des personnes physiques dans toutes sortes de langues, mais qu'aussi il est en mesure de le faire ou a l'intention de s'équiper pour le faire.

Voici la question que j'adresse au ministre d'État au développement culturel: Est-ce que le gouvernement a l'intention, non pas qu'on me réponde dans la mesure du possible—on l'a déjà fait ailleurs, et cela n'a pas été fort possible—je voudrais qu'on me dise si le gouvernement a la volonté politique ferme de s'équiper de sorte que lorsqu'un Italien ou un Québécois voulant employer, utiliser la langue italienne ou la langue grecque ou la langue chinoise, écrit au gouvernement, le gouvernement va lui répondre dans sa langue? C'est cela que suppose, si on veut élargir l'usage actuel qui est d'utiliser l'anglais lorsqu'on emploie une langue autre que le français. Qu'on le dise, si c'est cela. Qu'on le dise sans ambages. Si on veut correspondre dans toutes sortes d'autres langues, je n'ai pas d'objection, mais au moins, qu'on ne crée pas d'illusion.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: II ne s'y engage pas, M. le Président, mais il s'en réserve la possibilité au cas où cette éventualité serait envisagée. Par ailleurs, je veux faire remarquer au député de Marguerite-Bourgeoys que le concept d'administration, en l'occurrence, ne touche pas que le gouvernement et ses ministères, mais touche également certaines municipalités, les municipalités, en fait, les organismes scolaires, et il y a certains organismes scolaires ou certaines municipalités qui, elles aussi, pourraient, en raison de la composition de la population qu'elles desservent, envisager cette possibilité de répondre, par exemple, soit en italien, soit en grec à leurs communautés.

On ne leur demande pas de le faire. On ne les force pas à le faire, mais, au cas où elles en envisageraient un jour l'éventualité ou la possibilité, en vertu de l'article 15, elles le pourraient.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je veux simplement dire que ce n'est pas une question que je pose au ministre, mais il pourrait réagir à la question que je me pose à moi-même. Est-ce qu'on est conscient ici que non seulement on donne un droit à telle municipalité de correspondre en grec ou en italien avec ses commettants, mais on crée un droit implicitement à quiconque de communiquer avec le gouvernement et tous les organismes qui sont compris dans l'administration...

M. Laurin: Non...

M. Lalonde: ... dans n'importe quelle langue.

M. Laurin: ... on n'oblige pas l'administration à répondre dans cette langue.

M. Lalonde: II ne faut quand même pas prendre les gens pour des imbéciles, M. le Président. Lorsque, dans une loi, on dit que le présent article ne s'applique pas à la correspondance de l'administration avec les personnes physiques lorsque celles-ci s'adressent à elle dans une langue autre que le français, on ouvre la porte à toutes les langues, et comptez sur le sens pratique des gens, surtout, je dirais, de ceux qui sont en train de s'intégrer à notre société. Lorsqu'ils vont voir apparaître, s'ouvrir cette porte... Si c'est l'intention du gouvernement d'y répondre oui, moi, je suis complètement d'accord, mais si c'est seulement un droit qu'on crée pour une municipalité ou pour un ministère de communiquer dans une autre langue, c'est-à-dire en grec ou en italien, à ce moment-là, je vous dis qu'il faudrait créer plus que ça. Il faut être conscient que c'est une obligation que le gouvernement devrait prendre de répondre à cette expectative qu'il crée par cet article.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal, et Mme le député de L'Acadie ensuite.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Lalonde: À ce moment-là, mettez l'anglais.

M. Ciaccia:... on sème une certaine confusion et il y a une ambiguïté. Je ne sais pas ce qu'est vraiment l'intention du gouvernement. Il faudrait toujours avoir un peu d'ordre dans nos lois, un peu d'ordre dans l'administration. Je ne crois pas que ce soit dans les intérêts de la bonne administration de nos lois que d'ouvrir la porte et de dire: N'importe qui, dans n'importe quelle langue, on va pouvoir vous répondre, que ce soit une commission scolaire, une municipalité. On sème plutôt la confusion en disant cela, et on ouvre la porte à toutes sortes de discriminations. Si quelqu'un va se faire répondre en italien, pourquoi pas un autre en juif ou en chinois? Cela crée de faux espoirs, de fausses impressions. Cela sème de la division

entre les gens. Il faut toujours avoir une certaine économie dans nos lois.

C'est bien beau de dire: On veut avoir la possibilité de faire ci, la possibilité de faire ça. Implicitement, on donne l'impression qu'on crée le droit pour une personne physique de s'adresser en n'importe quelle langue et chaque droit a une obligation correspondante.

Si j'ai le droit de m'adresser à l'administration dans une langue, implicitement, il y a une obligation de me répondre. Autrement, à quoi cela sert-il de lui écrire dans ma langue? C'est un faux droit. On ne m'a rien accordé. Alors, dans l'esprit des gens, si ce droit est créé, il y a l'obligation correspondante. Écoutez, est-ce une tour de Babel qu'on veut faire dans l'administration, dans toutes les différentes municipalités? Comment peut-on administrer une province avec une telle loi, en disant: Vous allez nous écrire comme vous le voudrez, pourvu que ce soit une personne physique, non pas une personne morale, mais une personne physique.

Premièrement, juste là, la division est arbitraire parce qu'une personne morale... Ce n'est pas un robot qui va écrire la lettre et y penser, c'est un individu. Alors...

M. Laurin: C'est l'article 16.

M. Ciaccia: Non. Ce n'est pas l'article 16.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

M. Ciaccia: L'article 15.

Le Président (M. Cardinal): Oui. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Je fais remarquer que, lorsque le député de Mont-Royal souligne les mots "avec les personnes physiques", c'est inévitable qu'il doit faire la distinction d'avec les personnes morales. Je comprends qu'on parle des personnes morales d'une façon particulière à l'article 16, mais à l'article 15, on parle des personnes physiques et s'il est contre cette distinction, on ne peut pas dire qu'il va à l'encontre du règlement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je n'ai jamais dit que le député de Mont-Royal allait à l'encontre du règlement. Je veux simplement souligner que le ministre d'État au développement culturel a le droit lui aussi de soulever une question de règlement.

M. Ciaccia: Très bien.

Le Président (M. Cardinal): Je veux seulement souligner que nous avons commencé hier soir à 10 h 50 à discuter de l'article 15. J'ai permis cette période de questions parce que, normalement, c'est relativement bref. Je me rends compte que la période de questions devient une période d'interventions morcelées et, dans ce cas, je me de- mande combien de temps je vais permettre que l'on continue. De toute façon, vous avez la parole, M. le député de Mont-Royal, et je veux quand même avertir la commission que nous reviendrons peut-être à l'ancien système si...

M. Ciaccia: Vous pouvez compter mes interventions dans le temps qui m'est alloué, selon l'article 160.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vous recède la parole.

M. Ciaccia: J'avais posé une question, mais puisque la réponse qu'on m'a donnée... J'ai des commentaires à faire sur cette réponse. Alors, vous pouvez compter cela dans mon temps.

Alors, pour revenir à l'article 15, je trouve que ce n'est pas réaliste du tout de s'attendre à ce que tous ces gens puissent s'adresser à l'administration dans une autre langue et aient une réponse. Pratiquement, quelqu'un, simplement parce qu'il habite, par exemple, à Saint-Léonard, aurait le droit de s'adresser à la commission scolaire en italien et de recevoir une réponse en italien. L'autre, qui habite un autre district de Montréal, pourquoi ne pourrait-il pas lui aussi avoir ce même droit?

Alors, si c'est l'intention du gouvernement de clairement s'obliger à faire cela, c'est une autre chose, mais ce n'est pas ce qu'il dit. Il dit: On veut se donner ce droit, mais on ouvre la porte à une confusion totale. Premièrement, c'est une mauvaise rédaction. Il faut revenir à la question technique du législateur quand il rédige une loi. La loi doit être claire.

Mettons de côté la question de principe, à savoir si cela est bon que toutes les personnes du Québec s'adressent à l'administration dans la langue qu'elles veulent. Il faut que ce soit clair qu'elles aient ce droit et qu'il y ait obligation du gouvernement de répondre. Là, ce n'est pas clair. C'est rédigé d'une façon ambiguë.

Ce principe de laisser la porte ouverte: "peut-être que oui, on va leur répondre", dans la pratique, on ne reçoit pas d'autres lettres, comme le député de Saint-Jacques a dit. On devrait clarifier cet article.

Par les trois dernières lignes—pas la première partie—c'est assez clair qu'on accepte cela. Si c'est l'intention de donner seulement des réponses en anglais aux personnes physiques qui s'adressent en anglais, qu'on le dise, mais qu'on n'ouvre pas la porte à toutes sortes d'ambiguïtés, à de fausses impressions, à de faux espoirs, à des possibilités même de discrimination; dans certains cas, on va répondre; dans d'autres, on ne répondra pas.

Il faut être clair, M. le Président, parce que, parfois, une personne peut subir une certaine pression par l'administration. Elle peut dire: "Si j'ai le droit de demander cela, je vais le faire". Cela ouvre la porte à des pressions politiques, il faut que la loi soit claire. Si c'est l'intention d'ouvrir la porte à toutes les langues du monde, qu'on impose l'obligation claire, pas seulement par implication.

Si ce n'est pas là l'intention, qu'on dise clairement que l'autre langue est l'anglais. On a utilisé le mot "anglais" dans d'autres articles. Je n'y vois pas d'objection et même, cela aiderait à la compréhension de cet article en étant clair et en disant que l'article ne s'applique pas quand les personnes physiques s'adressent à l'administration en anglais.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'ai une simple question, M. le Président. J'avais d'ailleurs posé quelques questions hier soir. Je voudrais simplement demander au ministre d'État au développement culturel l'objectif précis qu'il vise en introduisant dans la loi ce droit aux personnes physiques de s'adresser à elle dans une langue autre que le français.

L'expérience a démontré—je vais me référer au contexte scolaire—que, souvent, dans la mesure où c'était possible et que les gens s'adressaient à l'administration scolaire dans une autre langue on tentait de leur répondre dans leur langue. Même l'administration scolaire, pour pouvoir mieux communiquer avec ses administrés, des parents en particulier, évidemment, dans la mesure où elle le pouvait, tentait de leur communiquer des avis importants dans une autre langue. Par exemple, je sais fort bien, dans le secteur anglais de la CECM, où il y avait un grand nombre d'étudiants d'autres origines, c'était courant, depuis la loi 22, que les avis, évidemment, s'envoyaient en anglais et en français, mais, à l'occasion, on envoyait une lettre circulaire en italien ou dans une autre langue pour être bien sûr que le message serait compris.

Il y a quand même un grand nombre de parents qui ne parlent ni le français ni l'anglais, mais, à ce moment-là cela se faisait de bonne foi, compte tenu des ressources que chacun avait. De fait, on aurait mauvaise grâce de ne pas agir ainsi. Je pense que si je parlais le grec et que si je pouvais m'adresser à quelqu'un en grec, je le ferais fort volontiers—mais est-ce qu'il n'y a pas simplement inconvénient à créer ce droit alors que je pense que tout le monde est d'accord, dans la mesure du possible, d'essayer de communiquer avec les gens dans la langue qu'ils comprennent le mieux, surtout dans une période de transition et d'adaptation à un pays nouveau? Quel est votre objectif en introduisant ce qui quand même semble un droit?

M. Laurin: En fait, ce que dit le député de L'Acadie n'est pas interdit par l'article 15.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela.

M. Laurin: En pratique, cela se passe souvent comme elle le dit, pour les raisons qu'elle mentionne. Je pense que cette pratique va sûrement se continuer dans toute la mesure du possible. Mon collègue, le ministre de l'Éducation, me dit qu'il arrive à son ministère de répondre en italien, par- fois, à des lettres qui lui sont adressées en italien, quand il peut trouver sous la main, au ministère, quelqu'un qui peut répondre dans la langue même de l'interlocuteur. Ceci n'est pas interdit, mais, par ailleurs, comme vous le dites aussi, le gouvernement ne peut pas s'y engager, parce qu'il ne possède pas les ressources qui lui permettraient de le faire.

Quant à l'objectif, c'est évident qu'il est bien clair, c'est la primauté, la prééminence du français.

Mme Lavoie-Roux: Oui, ce ne sera pas long, M. le Président, c'est juste...

Le Président (M. Cardinal): Non, c'est que j'ai reconnu, après vous, M. le député de Rosemont.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Je suis bien d'accord, l'administration rédige et publie, dans la langue officielle, ses textes et ses documents, et elle communique dans cette langue, sauf pour les relations à l'extérieur du Québec qui amènent une dérogation basée sur le bon sens, mais c'est quand elle parle des personnes physiques qui s'adressent à elle, dans une autre langue que le français, je pense que cela laisse supposer, en tout cas, qu'elle leur répondra dans une autre langue que le français et dans les langues les plus utilisées, où il y a le plus grand nombre de citoyens d'une ethnie regroupée. C'est assez simple de pouvoir répondre en italien, en espagnol, même en grec, mais il me semble que le gouvernement s'impose une obligation qui lui sera peut-être difficile de respecter, alors que, comme vous le disiez, cela va continuer à se passer comme cela. Là où les gens ont les ressources, la possibilité de parler à quelqu'un dans une langue autre que la langue française ou la langue anglaise sera possible. C'est dans ce sens que je comprends difficilement qu'on introduise cette notion de langue autre qui crée un droit pour d'autres langues que le français. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais relever une affirmation que le député de L'Acadie a faite à plusieurs reprises, selon laquelle l'article 15 créerait un droit aux citoyens du Québec de se faire répondre par l'administration dans leur langue. À mon avis, il n'y a aucun droit de créé, il ne peut pas y en avoir non plus ici.

Si on lit bien l'article, on dit: Le présent article ne s'applique pas à un certain nombre de choses, dont la correspondance de l'administration avec les personnes physiques qui s'adressent à elle dans une langue autre que le français. C'est tout simplement pour dire que l'article 15 ne viendra pas restreindre les pratiques actuelles, mais ce sont des pratiques qui sont à la discrétion de l'administration, il n'y a aucun droit de créé ici. Je soutiens qu'il n'est pas souhaitable d'en créer un non plus parce qu'il y a un autre droit qu'on veut respecter aussi, qui est le droit de travailler en français. Si on se mettait à garantir nécessaire-

ment une réponse dans la langue du client de l'administration publique, on agrandirait de façon démesurée le nombre de postes où le bilinguisme et même le multilinguisme seraient nécessaires. Là, cela deviendrait inapplicable. C'est pour cela qu'il n'y a pas de discrimination là-dedans, je ne vois pas pourquoi le député de Mont-Royal trouve qu'il y a de la discrimination. On crie à la discrimination quand c'est trop restreint, et quand on veut laisser les choses comme elles sont actuellement, on trouve d'autres arguments pour dire que cela devient inefficace. Chaque fois qu'on a eu un article qui visait à laisser se poursuivre certaines pratiques dans toute l'ouverture d'esprit nécessaire, dans toute la souplesse nécessaire, on nous dit que cela n'est pas applicable. Ce sera applicable dans la mesure où les services y sont.

Évidemment, le droit pour quelqu'un de s'adresser à l'administration dans sa langue est reconnu. Mais le problème c'est la réponse. On ne peut pas obliger l'administration publique à répondre dans la langue du client. Mais l'article témoigne seulement de la volonté du gouvernement de faire en sorte que, dans la mesure du possible, on puisse le faire. Autrement dit, comme cela se fait actuellement. Mais je soutiens qu'il n'y a absolument aucun droit de créé selon lequel on peut se faire répondre dans sa langue par l'administration.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne crée pas de droit... C'était simplement pour éviter au gouvernement d'entrer dans un imbroglio encore plus compliqué. Si cela ne crée pas de droit et que les juristes du gouvernement sont sûrs que là-dedans il n'y a pas de droit de créé, d'exigence de créée de la part des contribuables ou des citoyens, je n'ai aucune espèce d'objection.

M. Paquette: C'est assez clair, M. le Président, que l'article permet à l'administration d'utiliser une autre langue dans le cas de ses relations extérieures et dans le cas de sa publicité dans les organes d'information, d'utiliser une autre langue que le français, dans le cas des communications avec les personnes physiques. Cela permet à l'administration de le faire, tout simplement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je veux expliquer à M. le député de Rosemont ce que je veux dire par discrimination. Il faut comprendre ce que j'ai dit. J'ai dit que c'était une discrimination possible. Si le gouvernement s'engage clairement à répondre à tous ceux qui s'adressent à lui dans une autre langue, dans ce cas-là, il n'y a certainement pas de discrimination. Mais quand vous laissez la porte ouverte, quand vous dites que vous répondrez peut-être à quelques-uns et pas aux autres, là, vous créez une discrimination. Vous allez répondre à quelques-uns, et vous savez comme moi qu'on peut exercer des pressions politiques auprès de certains groupes. On n'a pas besoin d'élaborer là-dessus, d'accord? Et à ces groupes, on va dire: Vous êtes nombreux, on va vous répondre. À un autre groupe, pour qui cela ne fait pas notre affaire, on ne leur répondra pas. Il faut éviter cela. Il faut que la loi soit claire. Laissez-moi terminer, M. le Président.

M. Paquette: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au député de Mont-Royal, simplement pour lui faire préciser sa pensée?

Le Président (M. Cardinal): S'il désire bien vous répondre, oui.

M. Ciaccia: Certainement.

M. Paquette: Vous avez des logements à louer, vous êtes propriétaire d'une maison. J'imagine que vous parlez italien. Il se présente à vous deux immigrants qui viennent d'arriver au Québec. L'un ne parle que l'italien, il n'a pas encore appris le français, ni l'anglais. Et il y a un Grec qui se présente. Vous n'allez pas pouvoir les traiter de la même façon. Vous allez dire que vous faites de la discrimination envers l'immigrant grec qui arrive? Non?

M. Ciaccia: C'est une situation ridicule, un exemple ridicule qu'il me donne. Je ne suis pas l'administration, pas le gouvernement, je n'ai pas d'obligations et je n'ai pas la capacité de le faire. Mais si je m'engage envers l'administration à le faire, ce n'est pas la même situation du tout. On ne peut pas faire un parallèle entre les deux conditions. Pourquoi semble-t-il qu'on fasse toujours face aux deux extrêmes du côté ministériel? Ou on veut seulement une langue et on ne veut pas entendre parler des autres, ou on va à l'autre extrême, toutes les langues sont bonnes. Il n'y a jamais de juste milieu dans ce gouvernement? Il y a un juste milieu. C'est dans l'administration efficace.

M. Paquette: II y a des articles qui parlent de l'anglais.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés de Rosemont et de Mont-Royal! Cela fait une heure moins quelques minutes que le débat est commencé sur l'article 15. Il s'est fait sous forme d'échange. J'ai dit que je l'avais accepté pour un temps. Mais cela devient très difficile de tenir le temps, parce que je l'ai quand même tenu malgré tout cela. Vous allez épuiser votre droit de parole sans vous en rendre compte avec ce système. Et d'autre part, les travaux de la commission vont devenir très difficiles à tenir dans des balises qui nous permettaient le si bon fonctionnement que nous avons connu jusqu'à présent. Je demande que l'on cesse ces échanges rapides, ces dialogues entre deux membres de la commission, pour que chacune des formations politiques puisse s'exprimer si elle le désire, sur le fond de chacun des articles.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vais conclure, pour le moment, très brièvement, pour dire que de permettre toute autre langue à l'intérieur du Québec, je ne crois pas que cela soit un bon principe. Il faut toujours avoir de l'ordre dans notre administration et parfois pour bien faire on fait mal. Je vais vous expliquer ce que je veux dire.

Il y a même des groupes d'immigrants qui vont vivre tous au même endroit parce qu'ils se regroupent, c'est leur culture, leurs coutumes, leurs habitudes; ils se connaissent. On n'aide pas l'intégration à la société québécoise en disant: Vous, vous pourrez toujours travailler, vous adresser dans votre propre langue à l'administration. On est toujours au Québec. La réalité, c'est qu'il y a deux collectivités principales et pour aider ces gens, non pas à les assimiler— il y a une claire distinction—mais à s'intégrer à notre société, il faudrait qu'ils puissent s'adresser à l'administration en français ou, si ce sont des anglophones, en anglais, mais d'essayer d'ouvrir la porte à 152... Je n'ai pas dit l'assimilation, j'ai dit l'intégration des deux collectivités qui sont ici.

M. le Président, on ne fait que nous interrompre et, après cela, on nous accuse de prolonger le débat. Chaque fois qu'on soulève un point, il faut les réponses. À part cela, la loi va être claire et elle dira: On va avoir ce droit et une obligation correspondante ou elle dira: II n'y aura pas ce droit et l'administration ne répondra pas dans la propre langue de chacun. C'est simple comme cela. L'article n'est pas clair, il est ambigu. Ce n'est pas une façon de rédiger des lois.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. L'article 15 sera-t-il...

M. Lalonde: J'ai seulement quelques remarques, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais tout simplement, en terminant, bien souligner au gouvernement que, dans une loi, on doit, soit créer des droits, soit être silencieux. Si les savants juristes du gouvernement sont d'avis que le dernier élément du deuxième alinéa, à savoir que cet article ne s'applique pas à la correspondance de l'administration avec les personnes physiques lorsque celles-ci s'adressent à elles dans une langue autre que le français, si les savants juristes croient que ce membre de phrase ne crée pas de droits pour les Québécois de s'adresser dans toute autre langue que le français, ils ont peut-être raison juridiquement, mais ce que je dis au gouvernement, c'est que cela ne sera pas perçu comme cela par la population.

Je suis convaincu que plusieurs Québécois, surtout d'autre origine qu'anglaise ou française, se serviront, recourront, invoqueront cet article pour communiquer dans une langue autre que le français. À ce moment-là, vu l'absence d'obligations ou d'engagement du gouvernement aujourd'hui à faire en sorte que l'administration réponde dans leur langue, il va créer une désillusion qui va encore lui coûter cher et qui va coûter cher à notre société. Ce n'est pas une façon positive de légiférer.

Si on veut perpétuer la tradition de communiquer avec l'administration en anglais, qu'on le dise, qu'on ne soit pas... Je ne sais pas quel est ce genre de modestie ou de vanité qui empêche de le dire, si c'est cela qu'on veut couvrir. Si on veut simplement, pour effacer de plus en plus l'anglais à travers toutes les autres minorités ethniques, utiliser ce genre de manoeuvre, à ce moment-là, M. le Président, on s'engage dans une voie dont on ne connaît pas les dimensions et les écueils.

Je pense que le gouvernement devrait être plus sérieux et légiférer de façon plus réaliste. J'espère—c'est la raison pour laquelle je vais voter en faveur de l'article—que, devant l'expérience que cet article va apporter, devant la réaction que cet article va provoquer, le gouvernement va changer d'idée et prendra l'engagement de faire face à la situation.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, je voudrais simplement souligner quelques points et, notamment, en ce qui a trait aux remarques faites par le député de Mont-Royal qui voyait une discrimination possible du fait que les personnes physiques étaient traitées différemment des personnes morales. Je me permets de lui souligner que cette distinction existait déjà.

M. Ciaccia: Si cela peut vous aider dans vos remarques, la discrimination possible, ce n'était pas entre les personnes physiques et les personnes morales. La discrimination possible...

M. Guay: Non, non...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, M. le député de Mont-Royal!

M. Ciaccia: Article 96.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! On recommence le même interéchange.

M. Guay: M. le Président, si le député de Mont-Royal veut invoquer l'article 96, je suis prêt à lui céder la parole.

Le Président (M. Cardinal): Non, s'il voulait invoquer l'article 96, il devra le faire à la fin de votre exposé.

M. Guay: À moins que je n'y consente.

Le Président (M. Cardinal): À ce moment, ce n'est pas l'article 96, c'est purement une question qu'il vous pose.

M. Ciaccia: La discrimination possible serait entre ceux de leur langue et ceux qui ne le seraient pas.

M. Guay: Vous avez, effectivement, évoqué cette distinction qui existe entre personnes morales et personnes physiques.

M. Ciaccia: Mais pas dans le sens de discrimination.

M. Guay: D'accord. C'est simplement pour souligner que cette distinction existe déjà dans la loi 22, à l'article 10, et que, d'autre part, il existe dans la loi 22 aussi ce même droit qui est rédigé différemment, mais qui vise aussi à l'article 15 du projet de loi 101. On lit à l'article 10 de la loi 22: "Toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais à son choix." Ce qu'on dit ici, c'est qu'elle peut s'adresser en français ou dans une autre langue. Cela n'implique pas une obligation de la part de l'État de répondre, pas plus que dans la loi 22, dans cette langue. Est-ce que le gouvernement le ferait ou ne le ferait pas? Évidemment, cela dépend un peu des circonstances. Il est certain que si quelqu'un écrit en russe, il est extrêmement difficile de lui répondre en russe, même avec la meilleure volonté du monde, en plus du fait qu'on n'a pas de dactylographes équipés avec des caractères cyrilliques, la même chose pour le chinois, le grec. Évidemment, cela restreint déjà le champ à des langues qui ont le même alphabet que le français, en pratique. Cela ne crée pas, pas plus d'ailleurs que les droits fondamentaux, une obligation de la part de l'État, cet article 15, pas plus d'ailleurs que l'article 10 de la loi 22 n'en créait.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, en terminant, je voudrais dire que la confusion et l'ambiguïté n'existent que là où on veut bien les créer. L'article 15 est très clair. Il ne crée pas de droit, mais il impose une obligation, celle d'utiliser le français. Le deuxième alinéa ne fait que mentionner les cas où cette obligation n'existe pas.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que l'article 15 sera adopté?

Mme Lavoie-Roux: Adopté. M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Unanimement? Alors, seulement un instant, s'il vous plaît, que je vois à ce que tout soit bien enregistré. Je demanderai à mon vaillant collègue de Jonquière de bien vouloir me remplacer, en lui rappelant que la séance doit se terminer de toute façon à midi.

Article 16

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, j'appelle l'article 16.

M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 16 soit adopté par la commission.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 16 sera adopté?

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas de problème avec l'article 16 qui reprend, en fait, ce qui existe déjà. À moins que les collègues...

M. Ciaccia: Seulement pour faire remarquer au gouvernement qu'il y a eu plusieurs représentations de différents groupes, pour les personnes morales... On ne parle pas de distinction entre les petites entreprises quand on dit personnes morales et les grandes entreprises. Ces groupes ont fait des représentations pour avoir le droit de recevoir des communications en anglais. Je vais me rallier à mon parti et je ne proposerai pas d'amendement. C'est seulement pour le souligner au gouvernement et je vais voter en faveur de l'article.

M. Lalonde: II y a peut-être quelques remarques seulement. Nous avions aussi introduit ce concept de personnes morales et de personnes physiques dans la loi 22. Je ferais quand même appel au sens de la mesure et du discernement du gouvernement dans l'application de l'article. Il est exact que des personnes morales, ce n'est pas nécessairement la grosse compagnie d'assurance, c'est un nombre assez étonnant de très petites entreprises familiales où il y a un bonhomme, deux bonshommes et qui n'ont pas les ressources, ni financières, ni humaine pour souvent s'adapter rapidement.

Je pense que le concept est bon. La personne morale tient sa vie de l'État, donc doit s'adapter, mais, dans l'application quotidienne, il faut faire preuve de discernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Oui, M. le Président. Messieurs, vous aviez deviné qu'on aurait eu un amendement à cet article, mais, tenant compte de la directive donnée par le président hier soir, à l'occasion de l'article 14, cet amendement réapparaîtra logiquement à l'article 24. Conséquemment, il s'agit ici de communications écrites au niveau institutionnel, où le visage essentiellement francophone du Québec doit être visible concrètement. C'est pourquoi nous retenons la formulation qui nous est proposée par le projet de loi no 101. Nous aimerions ajouter, bien sûr, le nouvel alinéa que vous connaissez, qui est publié, qui consiste dans le droit de la communauté anglophone, là où elle est majoritaire, d'utiliser sa langue. Cependant, pour être conséquents avec l'article 14, nous proposerons l'amendement qui va apparaître à l'article 24 et nous acceptons cet article, comme l'article 14, sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'article 16 sera adopté?

Des voix: Adopté.

M. Lalonde: Sur division.

M. Grenier: Mentionnez sur division, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 16 est adopté, sur division. J'appelle l'article 17.

Article 17

M. Charron: M. le Président, je propose que l'article 17 soit adopté par la commission.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...à l'article 17, nous avons un problème. On a vu que le gouvernement, dans sa proposition, a tenu à assurer un traitement différent pour certains organismes de l'administration dont la majorité des administrés est d'une langue autre que le français. Je ne veux pas aller à l'encontre du règlement, mais je peux difficilement appuyer ce que je viens de dire sans faire référence aux articles 25 et 26. Mais je pense, M. le Président, qu'on a oublié l'article 17 et que le gouvernement ne devrait pas avoir d'objection à étendre l'application de ce principe reconnu aux articles 25 et 26 à l'article 17, de la façon suivante: II s'agit de couvrir la situation des organismes qui sont visés à l'article 23, c'est-à-dire les organismes de l'administration des municipalités dont la majorité des administrés sont d'une langue autre que française, ainsi que les établissements scolaires dispensant l'enseignement dans une langue autre que le français. Il s'agit d'étendre justement ce traitement dans les articles 23, 24 et 25 à l'article 17 pour leur permettre, étant donné qu'on leur permet, en vertu de ces articles, d'utiliser une langue autre que le français, disons, pour les fins de la discussion, l'anglais dans leurs communications internes, dans leur administration, dans leur affichage, même dans l'utilisation de leurs dénominations. À ce moment-là, lorsqu'ils communiquent entre eux, ces organismes déjà exceptés par l'article 23, en vertu de l'article 17, il faudrait qu'ils communiquent en français, c'est-à-dire dans une langue autre que celle qu'on leur permet d'utiliser pour toutes leurs administrations.

Alors, le but de notre suggestion, qui pourrait prendre la forme d'un amendement, si on doit le faire, ce serait que les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser la langue anglaise dans leurs communications écrites entre eux.

M. Laurin: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Laurin: ...le problème que soulève le député de Marguerite-Bourgeoys nous est bien connu. Nous l'avons longuement discuté, et c'est de propos délibéré que l'article 17 est rédigé tel qu'il est rédigé. Nous considérons que tous les organismes de l'administration, quels qu'ils soient, doivent communiquer entre eux dans la langue officielle. C'est l'application du principe qui a présidé à toute l'élaboration de la loi.

Aux articles 23 et 24, nous faisons des exceptions pour ce qui concerne les communications internes qui peuvent exister à l'intérieur de ces organismes, du fait que la majorité des administrés peuvent être d'une autre langue que le français. Mais en ce qui concerne les communications à l'intérieur de cet organisme qui peut être considéré comme unique, mais qui a plusieurs composantes, il nous apparaît essentiel que la langue de communication doit être la langue officielle, c'est-à-dire le français.

M. Lalonde: M. le Président, je fais la motion suivante: Que l'article 17 soit modifié en ajoutant un deuxième alinéa qui se lirait comme suit: "Les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser la langue anglaise dans leurs communications écrites entre eux."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je déclare cet amendement recevable et reçu.

M. Lalonde: Dans les quelques remarques que j'ai faites au début, j'ai indiqué ce que je croyais être un oubli de la part du gouvernement, parce que je ne peux pas croire que le gouvernement insiste et verrait comme un accroc important, une atteinte à l'intégrité de la culture française, un danger d'assimilation pour les francophones, le fait que le PSBGM écrive une lettre au Lakeshore School Board en anglais.

Je pense que c'est grossièrement exagérer la situation que d'exiger une telle sévérité qui ne correspond à rien dans la réalité et je crois que c'est justement ce genre d'excès, de genre d'abus, ce genre d'exagération qui font de toute cette loi une loi avec laquelle peu ont été capables de trouver une ressemblance.

Je crois que c'est en insistant sur des exagérations, des situations aussi peu importantes, aussi anodines, pour employer un qualificatif du député d'Outremont hier soir, en ce qui concerne l'avenir et l'épanouissement de la culture française, mais c'est quand même aussi naturel — je vais employer un qualificatif cher aux péquistes—aussi normal, pour le PSBGM, d'écrire au Lakeshore School Board en anglais pour inviter ces gens à une danse du samedi soir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton pour respecter les directives émises hier.

M. Grenier: Sur l'amendement proposé. Bien sûr, vous constatez que cela va dans l'esprit qui est défendu depuis le début de ces débats par notre parti, à savoir que ces organismes qui sont majoritairement anglophones puissent évidemment communiquer entre eux dans leur langue. Il est sûr que ce n'est pas cela qui affectera le mouvement de francisation du Québec, mais cela va da-

vantage respecter cette collectivité vraiment articulée au Québec et cette minorité anglophone.

Il va de soi que nous allons appuyer cet amendement du Parti libéral.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je dois reconnaître que, à la suite des observations que, pour ma part, j'avais faites et que d'autres ont faites, dans le projet de loi no 1, alors que dans le projet de loi no 1 on allait même jusqu'à dire que la langue de l'administration des organismes scolaires anglophones était le français, ce qui voulait dire que, même à l'intérieur des services pédagogiques, on aurait pu exiger que la langue de communication soit le français, on doit observer qu'au moins, sur ce point, le gouvernement a reconnu qu'il avait erré ou qu'il avait oublié de tenir compte de certaines réalités et il a modifié le projet de loi no 101 en conséquence. Cependant, il faut avoir vécu à l'intérieur d'une commission scolaire pour réaliser combien il me semble tracassier, coûteux, de vouloir imposer à deux organismes de langue anglaise de communiquer entre eux en français.

D'abord, dans tout ceci, je voudrais demander au gouvernement— il n'a pas à me répondre tout de suite—quels sont les subsides que ces organismes scolaires obtiendront pour répondre à des exigences telles que celles-ci et qui ne sont même pas nécessaires.

Je peux comprendre dans certains avis peut-être. Mais quand les échanges entre les commissions scolaires portent, par exemple, sur le dossier d'un étudiant et qu'une commission scolaire doit interpréter à une autre commission scolaire le comportement d'un enfant qui passe d'une commission scolaire à l'autre, à ce moment, on les oblige à faire l'effort de traduire, sans compter les délais et les coûts impliqués. Je ne vois vraiment pas le bien-fondé d'une telle exigence sans compter qu'en aucune façon cela ne nuira à la francisation du Québec.

On m'objectera peut-être... Quoique dans les deux commissions scolaires qu'on utilise, l'exemple n'est peut-être pas approprié, puisque dans le Lakeshore il n'y a pas d'enfant de langue française. Ils sont ordinairement reçus par la commission scolaire Baldwin-Cartier qui est une commission scolaire française.

Même en admettant qu'il y aurait là des enfants français— il y a aussi un secteur français au PSBGM— et que les échanges se feraient au sujet d'enfants de langue française, si on demandait de communiquer certaines observations sur de tels enfants. Cela n'exclut pas, à ce moment, puisqu'il s'agit d'un enfant français reçu dans une classe française d'une autre commission scolaire, cela n'exclut pas qu'elles soient faites en français. De toute façon, le dossier de l'élève aura été tenu en français et les communications seront faites probablement entre professeurs de langue française.

Quand je vois qu'on exige pour ces communications qui, d'une façon très très majoritaire, porteront sur des enfants de langue anglaise, sur des réflexions pédagogiques entre pédagogues de langue anglaise je ne comprends pas la justification. Je ne mentionnerai même pas les avis touchant les danses du samedi soir parce que ce n'est pas très grave, cependant, il y a vraiment échange de documentations qui se fait entre commissions scolaires qui peuvent être d'ordre administratif, pédagogique ou autre, à mon point de vue, on ne peut justifier qu'on les soumette à cette rigueur qu'impose la loi 101.

Ma dernière question, pour le moment en tout les cas, c'est: Qui va assumer les coûts de ces traductions non nécessaires? Qui va prendre la responsabilité des délais qu'on va encourir? Je peux vous dire, et il y en a d'autres qui ont mentionné des exemples personnels... J'espère qu'on ne m'en voudra pas de le faire. Nous avions à la CECM deux secteurs, un secteur anglophone et un secteur francophone. Pour le travail de l'administration ou pour les réunions officielles des commissaires, nous exigions—c'était normal— que tous tes documents provenant des services pédagogiques anglais soient traduits en français pour la bonne compréhension des commissaires qui étaient, évidemment, à très forte majorité, de langue française. Le coût de ces traductions était vraiment énorme. Les délais étaient considérables. Finalement, c'étaient tes services ou les décisions à prendre qui subissaient des retards. Peut-être à une échelle moindre parce qu'il ne s'agirait pas d'échanges aussi fréquents que ceux que je viens de mentionner, mais des échanges d'ordre pédagogique qui touchent la pédagogie elle-même, les élèves ou autres... Je ne vois vraiment pas, M. le Président, et j'aimerais que le ministre d'État au développement culturel nous donne des explications supplémentaires, quant à la nécessité de la rigueur de la loi à cet égard.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je trouve difficile à croire que le gouvernement va être intransigeant sur notre amendement.

Il essaie de nous dire que deux commissions scolaires, comme celles données en exemple par le député de Marguerite-Bourgeoys, que le Lakeshore School Board écrive à un autre organisme scolaire anglophone—on parle d'entre eux, on ne dit pas que la PSBGM doit adresser ou pourrait avoir le droit d'adresser une lettre à l'administration, au gouvernement, en anglais; ce n'est pas ce qu'on dit, quoique, personnellement, je ne vois pas pourquoi elle ne le pourrait pas. On parle strictement d'une situation où deux groupes, deux organismes majoritairement anglophones, puissent communiquer entre eux en anglais. De ne pas accepter cela, M. le Président, c'est une situation absolument aberrente, c'est une situation qui est difficile à comprendre. C'est difficile pour moi de garder mon calme quand je me fais dire cela parce que, d'un côté, on nous assure qu'on a une ouverture d'esprit, qu'on veut admettre toutes les langues, qu'on veut protéger les minorités, qu'on ne veut pas porter atteinte à leurs droits, on critique

les manchettes du journal; je me souviens de la Gazette quand un collègue député a fait le discours en deuxième lecture et il a interprété la loi 101 en disant que cela voulait dire "English, get out", on a été scandalisé de cette manchette: ce n'est pas vrai, on ne veut pas réduire, on ne veut pas amoindrir, on ne veut pas leur dire de s'en aller. Mais l'article 17, quel est l'esprit de cet article? Au moins le gouvernement pourrait être honnête. C'était de dire: Oui, on ne veut plus qu'on parle anglais, on ne veut plus avoir d'écoles anglaises, on ne veut plus avoir cette langue. Au moins on saurait exactement, on n'aurait pas de contradictions et on serait plus honnête avec le public.

On voudrait bien, dans l'esprit de cette loi, essayer d'être positif, essayer d'apporter des amendements d'une façon positive, d'arriver aux objectifs de la protection, de la promotion de la langue officielle, du fait français au Québec, mais qu'on ne vienne pas nous dire qu'avec l'article 17, avec l'amendement qu'on veut proposer, qu'on va à l'encontre de cet objectif. On crée les mythes et les accusations d'assimilation, on donne toutes sortes de raisons pour lesquelles il faut tel article ou tel autre article. Ici, M. le Président, ces deux organismes qui veulent se parler entre eux, c'est aussi pire... Le prochain amendement qui va être apporté par le gouvernement, dans la prochaine loi, ce sera que deux individus ne pourront plus se parler, ne pourront plus s'écrire en anglais. Ce sera le principe qui découlera de cela. Cela vient par étape, on nous fait avaler... On ne peut pas avaler la chaudière, on va nous la donner une cuillerée à la fois. Ce sera normal après, on va dire: Si deux organismes ne peuvent pas s'écrire dans une autre langue que la langue officielle, pourquoi un individu pourrait-il avoir plus de droits qu'une commission scolaire? C'est ce qui va suivre et ce sera normal pour le gouvernement dans son esprit étroit, exagéré et inflexible. C'est un fanatisme, M. le Président, franchement c'est difficile à comprendre. Qu'est-ce qui pourrait arriver à notre belle société qu'on veut tellement améliorer, si on laissait deux commissions scolaires, deux organismes anglophones se parler en anglais? C'est terrible de dire cela, n'est-ce pas? Cet article 17, tel que rédigé par le gouvernement, est destructif, en plus il est négatif. Cela va complètement en contradiction avec les déclarations du ministre. C'est difficile de croire qu'on peut arriver à un tel esprit, à une telle situation où on peut même oser, non seulement l'inclure, mais essayer de le défendre.

Parfois, les mots nous manquent. On essaie d'utiliser un langage modéré pour apporter des recommandations et des suggestions au gouvernement. Mais, quand on fait face à un esprit tel que celui démontré à l'article 17, c'est difficile d'être modéré. C'est très difficile. On dirait qu'on veut provoquer la population. On veut lui dire: Écoutez, le livre blanc n'a pas causé assez de divisions entre les différents groupes au Québec. Ce n'était pas assez. Parce qu'il y a eu une réaction, mais il n'y a pas eu de scission entre le groupe anglophone et le groupe francophone. Maintenant, on va rédiger des articles pour provoquer les réactions d'un certain secteur de la population, pour essayer de faire croire que ces gens ne veulent pas la francisation du Québec. C'est l'impression que le gouvernement donne. C'est pour cela, M. le Président, qu'on va essayer, calmement, d'une façon positive, de faire comprendre au gouvernement qu'il ne portera pas atteinte aux droits des francophones, aux droits individuels et même à son objectif légitime, si c'est son objectif de faire du français la langue principale de communication au Québec, cela ne portera pas atteinte à cet objectif s'il donne aussi effet à ses paroles, à ses déclarations visant à protéger une collectivité, ce qu'il appelle une collectivité importante, une minorité importante, ce qu'il appelle ainsi.

J'espère qu'on ne parle pas sans que cela ait certains effets. J'espère que, si cela n'en a pas, au moins, la population va réaliser l'esprit de cette loi, parce que c'est vraiment un esprit destructeur. On ne peut pas, en toute conscience, en toute justice, appuyer un article comme l'article 17. C'est pour cette raison que nous avons apporté un amendement très légitime, très modéré, d'une portée très limitée. Notre amendement est très limité. Ce n'est même pas avec le public, ce n'est même pas avec l'administration ou le gouvernement. C'est entre ces organismes. Si on ne peut pas accepter cela, M. le Président, nous voyons complètement la mauvaise foi du gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je voudrais parler sur l'amendement et indiquer que, si cet amendement n'est pas adopté, il me semble qu'on dépasse les normes habituelles. Il me semble que, tel quel, cet article est absolument ridicule. Dans la logique d'un article comme celui-là, il faudrait en ajouter un autre, qui serait 17a, où on dirait que les conversations téléphoniques devront aussi se faire dans la langue officielle et on pourrait peut-être... Lorsqu'on en est rendu à dire qu'on va prévoir un cas bien précis, les communications écrites entre les organismes eux-mêmes, et qu'on va s'assurer que c'est bien dans la langue officielle... Lorsque ces échanges d'informations vont porter sur des gens, par exemple sur des élèves dont les dossiers sont préparés en anglais, c'est permis par la loi. Lorsqu'on aura un échange d'informations qui va impliquer le dossier d'un contribuable dans une municipalité anglophone, on permet de le traiter comme tel parce qu'on veut respecter les droits des gens, et, à partir d'un certain moment, parce qu'on veut traiter de ce document, si on veut l'envoyer à une autre municipalité anglophone ou à une autre école ou à une commission scolaire, on va dire: Ah! Vous communiquez entre vous. Maintenant, il faut que ce soit dans la langue officielle.

Vous ne pouvez plus utiliser votre langue, vous ne pouvez plus utiliser la langue des gens que vous voulez servir. Il va falloir que vous traduisiez cela en français et faire cela dans la langue officielle du Québec. Je pense vraiment que c'est ridicule. C'est un aveu extraordinaire de faiblesse de la part du gouvernement. Il a tellement peur

que les gens n'observent pas la loi, parce qu'il y a d'autres articles, il y a les articles 14, 15 et 16, ils restent là, ces articles, cela ne veut pas dire que c'est l'anglais qui va devenir la langue officielle. On essaie de prévoir des principes et des règles de base pour lesquels on a exprimé beaucoup de sympathie et souvent un accord formel. Et là, tout à coup, on va dire: On a pensé à un cas bien particulier, les communications écrites entre des organismes, comme si ceci mettait en danger l'application du reste de la loi, comme si ceci mettait en danger la survie du français au Québec.

Franchement, je ne comprends pas, c'est une aiguille dans un voyage de foin. Si ce n'est pas pour faire de la provocation, je me demande pourquoi on fait cela. Vraiment, c'est un point tellement minime qu'on se demande quelle peut en être la volonté. Quand le ministre nous dit qu'ils y ont vraiment pensé à cela, je me dis: Grand Dieu! s'ils ont vraiment pensé à cela et qu'ils n'ont pas pensé qu'on pouvait tolérer que des organismes anglophones dont on respecte l'existence, pour lesquels on respecte l'utilisation de l'anglais et que, tout à coup, on dit: Si c'est deux à deux, vous n'avez plus le droit de faire cela, franchement, on n'est pas fort. Car si ceci met en danger le Québec et l'avenir du français, compte tenu de tous les autres articles du projet de loi 101, franchement, c'est vraiment un aveu de faiblesse absolument extraordinaire.

Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de faire simplement appel à un peu de bonne volonté, je pense que c'est tout ce que cela demande, pour tâcher de reconsidérer un amendement comme celui que nous avons présenté qui, encore une fois, est un amendement qui ne va vraiment pas au-delà des intentions très limitées que nous avons là-dessus ou supprimer l'article complètement. Si on supprimait l'article, ce serait encore plus simple, puisqu'il s'agit simplement de communications écrites, si on ne veut pas apporter un amendement qui reconnaîtrait que, dans ce cas, on va utiliser l'anglais, qu'on supprime l'article, on n'en a pas besoin de toute façon, compte tenu des autres articles que nous avons déjà dans le projet de loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, avant de mettre cette motion aux voix, je voudrais demander au gouvernement d'être conciliant. Ce serait, comme le disait un ancien premier ministre, un beau geste ce matin dans les deux sens, un beau geste de temps en temps, c'est de montrer de la magnanimité vis-à-vis d'un groupe. Il n'y a absolument rien là-dedans, il n'y a rien qui va affecter le visage français du Québec, vraiment rien. Des deux côtés de la table, on est tous ici pour la francisation du Québec, on veut tous cela. Mais pourquoi obliger des collectivités qui circulent entre elles à communiquer entre elles dans une autre langue? Je pense que si c'est le but du gouvernement— on l'a signalé tout à l'heure; le député de Mont-Royal touchait un point très juste—d'essayer de monter les deux collectivités l'une contre l'autre, en posant des gestes aussi maladroits, il va mal réussir. J'aime mieux lui dire tout de suite qu'il ne réussira pas à monter les anglophones contre les francophones, le mouvement n'est pas parti dans ce sens. Il y a des francophones qui sont vraiment agressifs de voir que le gouvernement pousse aussi loin dans des détails qui ne donnent absolument rien pour franciser le visage du Québec et qu'on ne cède pas un millième de pouce, même pas pour permettre à ces gens de communiquer entre eux. Au début du projet de loi, on aurait dit: II n'y a pas de problème, au deuxième ou au troisième article, on va réussir quelque chose, mais ce n'est rien de rien.

On arrive à un amendement qui ressemblait étrangement au nôtre, qui reviendra à l'article 24, qui est plein de logique, et qui nous montre le vrai visage du Québec, qui voudrait qu'on soit humain. On demande seulement un geste humain.

Je n'insisterai pas et je n'utiliserai pas mes vingt minutes. Je gage qu'on va encore se faire battre. On est habitué, depuis assez longtemps, de se faire battre à la commission. On n'en gagne pas un. Vous ne trouvez pas que c'est déprimant. Donnez-nous donc une petite chance, ce matin! Ce serait drôle, les journalistes auraient quelque chose à dire. Ils sont tous là et ils se regardent. Il n'y a que les nouveaux journalistes... Je vois le journaliste du Devoir qui vient de revenir, qui nous trouve encore drôles un peu, qui nous trouve encore un peu intéressants. Il vient seulement d'arriver, il est tout frais. Il nous regarde et il sourit encore. Il n'y en a pas un autre qui sourit parmi les journalistes. Ils n'ont plus rien. C'est toujours la même histoire. Ils prennent la loi et elle s'applique intégralement. Ils se rendent compte que les 60% de la population ne gagnent pas un dixième de pouce, jamais, et ils s'en vont avec cela. Ils barbouillent toujours la même histoire. Qu'est-ce que vous voulez? Ils répètent la même chose, les mêmes choses qui sont connues depuis deux mois. Il n'y a aucun changement.

Faites-le pour les journalistes, donnez-leur une chance, c'est du bon monde. Donnez-leur une chance de faire un "huit colonnes" demain matin. Surprise! Un amendement est accepté, humain, cela va être signalé. Enfin, on colle à la réalité québécoise. Les 60% ont gagné un amendement, si minime soit-il. Ce serait de toute beauté. Si vous faites cela, si vous réussissez à convaincre le ministre de faire ce geste magnanime ce matin sur un petit amendement bien petit, les journalistes vont vous embrasser à 15 heures cet après-midi, parce que vous aurez collaboré à leur faire écrire un "huit colonnes." Vous savez combien ils vont être contents, ces gens. Je les vois. Je regarde le journaliste du Devoir qui est assis là, les autres n'y sont quasiment plus, ils n'ont plus rien à dire. Il reste là et il va trouver quelque chose demain matin, parce que, depuis qu'il est revenu, cela s'est rafraîchi un peu, il pense trouver des choses nouvelles. Je voyais le journaliste de Radio-Canada tout à l'heure, M. Pelletier qui venait d'arriver lui aussi et qui trouvait cela drôle, mais ce sont les deux seuls qui rient dans la salle.

J'aimerais qu'il y ait un grand geste ce matin. Le ministre du haut-commissariat vient d'arriver, lui, ce matin, qu'on a caricaturé largement dans notre journal hypocrite. Je dis hypocrite parce qu'on peut le lire sans que personne ne s'en rende compte.

Mme Lavoie-Roux: Cela avance un peu...

M. Grenier: M. le Président, je demanderais de dire à votre droite, pas fort, ne le dites pas fort, ils ne perdront pas la face... Nous autres, si on gagne ce point, on ne le dira pas fort, on laissera les journalistes écrire ce qu'ils voudront.

M. de Bellefeuille: Leur "huit colonnes".

M. Grenier: On ne le dira pas, ce sont les journalistes qui vont le dire. Ils ont accepté un amendement proposé par le Parti libéral, appuyé par l'Union Nationale. Vous allez passer pour des gens humains, des gens grandioses parmi la population pour avoir permis aux Anglais de parler anglais entre eux. Vous êtes bons.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à la salle de ne point manifester.

M. Grenier: J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, la dernière intervention du député de Mégantic-Compton est peut-être comique, est peut-être drolatique, mais elle a le tort de ne pas être fondée sur des faits. D'abord, parce qu'il ne s'agit pas d'interdire les communications personnelles entre les anglophones, mais il s'agit de communications officielles écrites entre des personnes morales, entre des entités constituées.

Deuxièmement, parce que nous n'acceptons pas l'accusation de rigidité qu'il nous lance ce matin, si l'on se rappelle qu'entre les deux versions du projet de loi il y a eu près d'une soixantaine d'amendements apportés. J'ai déposé moi-même, il y a quelques jours à peine, un autre train d'une quarantaine d'amendements. J'ai encore l'intention d'en déposer près d'une quarantaine ou d'une cinquantaine d'ici quelques jours. Ce n'est sûrement pas le propre d'une attitude rigide que de présenter autant d'amendements. Ceci démontre, au contraire, que le gouvernement est sans cesse à l'étude des réactions des groupes, des organismes, qu'il essaie d'en tirer le meilleur profit possible et qu'il ne cesse d'essayer de clarifier, de préciser, d'ajuster le projet de loi pour qu'il se conforme en même temps au principe auquel il tient et aux représentations légitimes qui lui sont faites.

Par ailleurs, l'Opposition ce matin crie au scandale à propos de l'article 17, alors qu'il ne s'agit que de normaliser une situation. Notre impression, c'est que les deux oppositions posent mal le problème. Il ne s'agit pas, au départ, dans cet article 17, de prévenir un danger d'assimilation de la majorité francophone par la minorité anglophone, mais il s'agit, au contraire, de protéger la minorité anglophone contre le dangerd'isolation, le danger de "ghettoïsation" auquel elle a tellement succombé dans le passé.

À vouloir accepter les représentations de l'Opposition, on permettrait encore à la minorité anglophone de s'enfermer dans sa tour d'ivoire, comme elle l'a fait depuis si longtemps.

Beaucoup d'auteurs ont parlé de ce "one square mile" où il était possible de naître, de grandir, de se développer uniquement en anglais...

Mme Lavoie-Roux: Ah! C'est ça qui vous fatigue, le "square mile"!

M. Charbonneau: C'est certain.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laurin: ...et, justement durant toute cette époque, la minorité anglophone n'a jamais été capable de s'inscrire dans le courant de la vie collective...

Mme Lavoie-Roux: ...le "square mile"...

M. Laurin: ...de participer à la vie de la communauté québécoise. Il nous semble que ce danger de "ghettoïsation" est loin d'être disparu, malgré toutes les protestations à l'effet du contraire que nous avons entendues.

Ce que nous voulons apporter par cet article, c'est de permettre à toutes les minorités et, en particulier, à toute la minorité anglophone, de participer, à part entière, non plus comme un corps étranger, mais comme un groupe conscient des réalités du milieu dans lequel il vit, de participer à la vie collective, d'en prendre sa part, d'apporter toutes les contributions au progrès de cette collectivité plus large que constitue le Québec.

Par ailleurs, M. le Président, il faut se rappeler quand même ce que "connote" le concept de langue officielle, le concept de langue commune. Si nous parlons de langue commune, cela est évident juste à l'énoncé de ce terme, qu'il s'agit d'une langue qui doit être parlée par tous les ressortissants d'un groupe, d'une collectivité, d'une nation, d'un pays. Cette langue commune doit être connue de tous, et il ne devrait y avoir aucune honte ou aucun scandale à l'utiliser dans toutes les communications officielles que les organismes ont entre eux. Il est parfaitement logique que cette langue commune au Québec soit le français car, nous l'avons dit et nous le répétons, le Québec est un pays foncièrement français, qui a une identité bien définie, une identité française, même si ce pays contient, comprend des minorités dont une minorité plus importante que les autres, une minorité anglaise.

Comme je le disais au début de mon intervention, l'administration est le reflet de l'État. C'est d'abord à elle qu'il revient de refléter, d'incarner

ce caractère fondamental, foncier d'une société qui, ici, est une société française. Par tous les articles du projet de loi, le gouvernement n'entend pas toucher à la vie privée, mais il entend toucher, par exemple, toutes les sphères de la vie collective, tous les domaines de l'activité commune, et il entend que la langue qui serve à ces échanges, que la langue qui serve à maintenir, à entretenir, à développer la cohésion sociale, ce qui est l'essentiel d'une langue commune, il tient à ce que cette langue soit le français.

On se demande—le député de L'Acadie en particulier—s'il ne faudra pas fournir des subsides pour aider la communauté anglophone, en particulier, à souscrire, à réaliser les objectifs du projet de loi. Je ne crois pas, M. le Président, que ces subsides soient nécessaires, parce que là, la loi prévoit des délais nécessaires pour que les citoyens, pour que les personnes morales, pour que les organismes se mettent graduellement en situation de remplir, de réaliser les objectifs du projet de loi.

C'est la raison pour laquelle, dans les articles ultérieurs, il est dit que ces municipalités dont la majorité des administrés sont de langue anglaise, dont les organismes scolaires, auront jusqu'à 1983 pour appliquer les articles 15 à 23. Donc, ils auront le temps de se préparer à cette réalisation de l'objectif normal qu'entretient la société française du Québec.

On peut ajouter, M. le Président, que d'autres articles du projet de loi devraient permettre, d'ici cette date, peut-être même avant, de réaliser l'objectif. Nous avons vu, en effet, au chapitre de l'enseignement, qu'aucun diplôme ne sera décerné à un élève du secondaire, s'il ne prouve, par examen, sa connaissance du français.

De même, au chapitre des organismes para-publics, on verra—et c'est déjà en vigueur d'ailleurs— que nul professionnel ne peut obtenir son diplôme s'il ne peut prouver qu'il possède une connaissance appropriée du français.

De par la seule force de ces deux articles, il devient évident que, d'ici quelques années, tous les citoyens du Québec, francophones, anglophones, italophones, seront en mesure de se conformer à cet article 17 et à beaucoup d'autres, d'ailleurs, qui ont pour but de faire du Québec ce qu'il est foncièrement, fondamentalement: une société française.

Il ne s'agit donc pas d'exagération, il ne s'agit que de logique, il ne s'agit que de cohérence. Il ne s'agit que de l'affirmation normale d'une identité qui n'avait d'ailleurs déjà que trop tardé dans ce pays du Québec et, encore une fois, le gouvernement ne touche pas à la vie privée, ne touche pas aux institutions culturelles propres aux diverses communautés, ne touche pas à plusieurs autres aspects qui permettent justement à ces minorités, non seulement de se maintenir et de se développer...

Il n'y a donc rien là dans cet article, comme dans tous les autres, de négatif, de destructif ou de provocateur, à moins qu'on ne veuille délibérément en voir pour provoquer la majorité francophone ou pour la culpabiliser ou pour essayer de lui faire honte de l'affirmation normale de son identité.

Nous sommes convaincus que, par les articles 23, 24, 25, 26 et tant d'autres dont le projet de loi est parsemé, le gouvernement accorde, aux citoyens anglophones, en particulier, et même à cette collectivité articulée dont parle souvent le député de Mégantic-Compton, beaucoup plus de conditions favorables au maintien et à l'épanouissement de leur identité culturelle que ce que les minorités francophones ont toujours eu dans les autres provinces, et nous ne craignons pas, ici, de comparer ce que nous accordons à ces minorités avec ce que les autres provinces ont toujours accordé à leurs minorités.

Donc, pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas accepter cet amendement et nous demandons l'adoption de l'article 17 tel qu'actuellement énoncé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'écoute le ministre d'État au développement culturel et j'ai rarement vu autant de rationalisation pour justifier des comportements qui sont mesquins et injustes.

Quand le ministre d'État au développement culturel va jusqu'à nous dire que cette mesure est prise pour protéger le groupe anglophone de l'isolationnisme et de la ghettorisation, je peux vous dire que je pense que le refus d'un amendement tel que celui qu'on a présenté va renforcer les dangers de ghettorisation et d'isolationnisme de la communauté anglophone.

Il ne peut pas se rallier aux arguments du député de Mégantic-Compton parce qu'il les trouve drôles. C'est vrai qu'ils étaient drôles, et je remercie le député de Mégantic-Compton de nous apporter cette gaîté, et ce qu'il a fait dans le fond, c'est de ridiculiser l'attitude du gouvernement. C'est ce qu'il a fait.

Les objectifs avoués du gouvernement en présentant le projet de loi no 101. Je n'ai rien contre. Je veux faire du Québec un Québec français, mais ces objectifs inavoués, plus j'arrive à les identifier, plus je me sens mal à l'aise parce qu'ils sont vraiment basés sur un sentiment de vengeance, de mesquinerie, d'oeil pour oeil, dent pour dent...

M. Chevrette: La loi du talion.

Mme Lavoie-Roux: ...la loi du talion, je vous remercie. C'est vraiment cela qu'on sent quand on arrive à une disposition telle que celle qui est prévue. Le ministre d'État au développement culturel dit: Les coûts, de toute façon, en 1983, il n'y aura plus de coûts puisque tout sera devenu français dans les commissions scolaires anglaises. C'est ce qu'il dit. Est-ce qu'à ce moment, pour devoir être dans une commission scolaire anglaise que le gouvernement reconnaît comme pouvant continuer d'exister, il va falloir que tous les gens écrivent en français? Alors, on n'aura plus besoin de traduction. Le ministre d'État au développement culturel sait fort bien que, dans un domaine

comme la pédagogie, qui est étroitement relié à la culture, aux valeurs sociales d'un groupe, cette possibilité de pouvoir continuer d'utiliser sa langue est indispensable. On ne dit pas qu'ils n'utiliseront plus leur langue, mais on dit qu'il n'y aura plus besoin de traduction, que tout va se passer en français. Je regrette. Enlevez-les tout de suite. Vous avez honte de le faire tout de suite. Vous les enlèverez en 1983. J'ose espérer que vous n'y serez plus.

M. Charbonneau: Cassez-vous pas la tête avec cela!

Mme Lavoie-Roux: Quand le ministre nous dit que c'est simplement l'affirmation de son identité pour le milieu français, etc., je voudrais qu'il essaie de m'expliquer comment je vais m'affirmer plus comme francophone, comme Québécoise, même dans un pays indépendant, parce que j'aurai empêché des institutions d'une communauté de pouvoir communiquer entre elles dans leur langue maternelle. Il y a une contradiction dans les termes. Je ne puis vraiment pas suivre le ministre là-dedans. Encore une fois, je reviens avec les arguments de délai, les arguments d'ordre pédagogique. Quand un enfant est vu par un psychologue... À moins que, comme il semble l'insinuer, en 1983, on ait des écoles ou des commissions scolaires qu'on appellera des commissions scolaires anglaises, mais qui, dans les faits, seront des commissions scolaires françaises. De toute façon, tout sera en français! J'ose encore croire que ce n'est pas là l'objectif du gouvernement. Tant et aussi longtemps qu'à l'intérieur des commissions scolaires, on reconnaît qu'il y a des enfants qui peuvent recevoir leur formation, leur éducation dans la langue anglaise, il va encore se passer des choses en anglais, il va encore falloir les traduire. Il faudra encore en faire la transmission à d'autres commissions scolaires qui sont de langue anglaise. Je ne vois vraiment pas le fait d'empêcher cela, que ce soit en 1979, en 1983 ou en 1990, va ajouter à l'affirmation du fait français au Québec. Tout ce que cela fera, ce sera de créer des injustices et de la mesquinerie et une négation, dans les faits, des écoles anglaises.

D'ailleurs, j'ai rappelé, il y a quelque temps, cette présentation du Mouvement du Québec français du MQF dans laquelle on avait une vision de l'école anglaise future. On les conserve, les écoles anglaises, il y aura un système unifié, cela est un autre problème. C'est un problème de structure à l'intérieur duquel il y aura des classes où on donnera de l'enseignement en anglais. C'est la fin du système scolaire anglais. Ce rappel nous a d'ailleurs valu un exposé fort intéressant du député de Deux-Montagnes. Je n'avais pas eu le temps de lui demander à ce moment-là à quel rameau on pourrait se raccrocher, mais il y avait tout son arbre, ses rameaux, ses fleurs, ses bourgeons...

M. Grenier: Le député de Saint-Jacques... Mme Lavoie-Roux: ...Non je ne veux pas du tout ridiculiser le député de Deux-Montagnes, c'était fort intéressant, — c'était une parenthèse— mais, pour être plus sérieux , une fois de plus je ne comprends pas l'objectif du gouvernement, son objectif inavoué qui, de plus en plus, me rend mal à l'aise. C'est que, dans les faits, au nom des principes, on se dit généreux vis-à-vis la communauté anglophone. Quand on arrive dans des détails de la vie quotidienne, des détails qui vont assurer la qualité des services scolaires, là, on commence encore à restreindre. C'est inéluctable, c'est qu'en 1983, le ministre d'État au développement culturel vient de nous le dire, il n'y en aura plus de problème de traduction parce qu'on aura des écoles anglaises, tout se fera en français dans ces écoles. Merci, M. le Président. Et je ne charrie pas.

M. Laurin: Je pense que le député de L'Acadie a mal lu ou mal compris le projet de loi, puisqu'il est bien évident, aux articles 25 et 26, que la langue de communication interne des organismes scolaires pourra continuer d'être l'anglais.

Mme Lavoie-Roux: C'est une contradiction. M. Lalonde: C'est une contradiction.

M. Laurin: C'est quand même une fausseté que vous venez de dire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, combien de temps me reste-t-il? Pourrais-je le savoir?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Onze minutes, M. le député.

M. Chevrette: Le pire, c'est qu'il va les prendre.

M. Lalonde: II va même en prendre douze.

M. Ciaccia: J'espère que le député de Joliette-Montcalm ne veut pas changer les règlements unilatéralement.

Une voix: On peut s'y attendre.

M. Ciaccia: M. le Président, je remercie de son intervention fort éloquente le député de Mégantic-Compton. Il a souligné certains aspects d'une façon amusante aussi et il a, d'une certaine manière quasiment quêté le gouvernement pour faire cet amendement, mais, M. le Président, je ne quête pas, "I am not begging, I will never beg", certainement pas pour des droits aussi fondamentaux que le droit de s'exprimer dans notre propre langue entre deux organismes, deux personnes de cette langue.

Peut-être, M. le Président, pour répondre un peu à certains des propos du ministre d'État au développement culturel, le ministre a donné les raisons qui font que l'article 17 est tel quel. Il dit que cela ne touche pas la vie privée.

M. le Président, c'est faux, c'est totalement faux, cela touche la vie privée des individus, parce que, quand le président d'un organisme scolaire, par exemple, doit prendre des décisions ou communiquer avec un autre organisme, c'est l'individu, c'est le président lui-même qui doit se conformer à l'article 17. Les décisions de l'article 17 sont prises par des individus. Des personnes morales existent en théorie, elles existent juridiquement, les organismes scolaires existent dans les lois, ils existent comme structure, mais on oublie que ce sont des individus qui sont affectés, qui doivent prendre les décisions, qui doivent agir, et que ce sont leurs droits, leurs habitudes, leurs coutumes, leur vie qu'on touche.

L'argument selon lequel on ne touche pas la vie privée est faux. Si on prend l'argument du ministre disant qu'il veut éviter la formation de ghettos, la prochaine étape, c'est exactement d'empêcher les individus d'utiliser une autre langue. C'est la prochaine étape, c'est le même raisonnement. Si ce raisonnement est faux pour ces individus, il est faux pour ces organismes qui veulent communiquer entre eux. La même situation.

Mais pour essayer une autre fois d'en arriver, dans un esprit positif, à répondre à certaines des objections du gouvernement, si la question de la langue anglaise le gêne, s'il ne veut pas donner ce statut, mais veut tout de même agir d'une façon humaine, sans accorder un statut juridique et un droit si limité soit-il, j'aurais un sous-amendement à apporter à l'amendement du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. de Bellefeuille: La chicane commence.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, la chicane ne commence pas...

Le Président (M. Cardinal): Non. Parlez de votre sous-amendement.

M. Ciaccia: Mais c'est seulement au cas où... On essaie toujours de démontrer qu'on est divisé de ce côté-ci de la table. On ne l'est pas.

Le Président (M. Cardinal): Non, vous n'êtes pas divisés, vous collaborez.

Alors, votre sous-amendement, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Exactement, M. le Président.

Que la motion du député de Marguerite-Bourgeoys soit modifiée en remplaçant les mots "la langue anglaise" par les mots "une autre langue".

La motion amendée se lirait comme suit: "Les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser une autre langue dans leurs communications écrites entre eux."

Est-ce qu'on lui a donné une copie?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Excusez-moi, j'allais vous dire...

Le Président (M. Cardinal): Je veux quand même recevoir, officiellement, formellement plutôt, le sous-amendement. Je l'ai devant moi. Je le fais présentement distribuer. Je le répète. D'ailleurs, c'est un phénomène normal que, quand il reste quelques minutes, il y ait un amendement, un sous-amendement ou une question de règlement. Je le dis sans humour noir.

Ce qui est proposé par M. le député de Mont-Royal, c'est que la motion de M. le député de Marguerite-Bourgeoys soit modifiée en remplaçant les mots "de langue anglaise" par les mots "une1 autre langue".

Comme nous l'avons fait souvent à cette commission, c'est une heureuse forme de procéder.

La motion amendée se lirait comme suit: "Les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser une autre langue dans leurs communications écrites entre eux."

M. Laurin: Nous acceptons cet amendement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, il faut que je la déclare recevable ou non auparavant.

M. Charron: Je crois que l'amendement est recevable, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je ne permettrai pas de débat sur la recevabilité. La motion principale d'amendement ayant été acceptée par la présidence, le sous-amendement sera accepté.

Il y a peut-être lieu justement de revoir le texte:

Que la motion du député de Marguerite-Bourgeoys soit modifiée, avec un "e" muet au bout de modifié.

M. le ministre, vous avez déclaré que cette motion de sous-amendement était adoptée.

M. Laurin: Que nous acceptions ce sous-amendement.

M. Lalonde: Un instant! M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Si tout le monde est d'accord pour l'adopter, je ne vois pas pourquoi il y aurait un débat.

M. Lalonde: Je ne suis pas sûr, M. le Président, j'ai fait un amendement.

Le Président (M. Cardinal): Je retire mes paroles quant au fait que vous collaboriez.

M. Ciaccia: On veut collaborer, peut-être qu'on veut expliquer pourquoi, M. le Président.

M. Paquette: On a compris.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez...

M. Paquette: On n'en a pas besoin.

Le Président (M. Cardinal): ...vous en discuterez, et je vous donnerai la parole cet après-midi, à M. le député de Marguerite-Bourgeoys et à M. le député de Mont-Royal, de préférence à M. le député de Mont-Royal, qui a présenté le sous-amendement.

M. Chevrette: On se déclare d'accord...

Le Président (M. Cardinal): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 55)

Reprise de la séance à 16 h 20

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, messieurs!

Si les conversations privées peuvent cesser, nous allons pouvoir commencer le travail de la commission. Nous commençons une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, laquelle commission étudie le projet de loi 101, Charte de la langue française, après la deuxième lecture, article par article. Cette séance qui commence sera suspendue à 18 heures pour reprendre à 20 heures et être ajournée à 23 heures. Demain à 10 heures, en vertu d'un avis de M. le leader parlementaire du gouvernement, nous aurons une nouvelle séance. Cela étant dit, je vais appeler les membres de la commission.

M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Duhaime (Saint-Maurice); M. Bertrand (Vanier) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Charbonneau (Verchères), M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Chevrette (Joliette-Montcalm) remplacé par M. Marcoux (Rimouski); M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)

M. Dussault: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Godin (Mercier)? Je souligne ce brillant retour du membre de la commission.

Une voix: Retour à la santé aussi.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Il n'y a pas de démonstration. Seule la présidence peut se permettre des démonstrations de sympathie ou autre. M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa) remplacé par M. Desbiens (Dubuc)?

M. Desbiens: Présent.

M. Grenier: On tient le coup.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Ne faites pas sortir le chat du sac. Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplacée par M. Blank (Saint-Louis). Oui, nous avons une forte artillerie aujourd'hui.

M. Blank: Présent.

M. Charron: Quel tandem!

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Raquette (Rosemont) remplacé par M. Michaud (Laprairie).

M. Michaud: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Saint-Germain (Jacques-Cartier)?

M. Saint-Germain: Présent.

Le Président (M. Cardinal): C'est un retour. M. Samson (Rouyn-Noranda)? Cela étant dit, je rappelle, parce que nous avons plusieurs changements, où nous en sommes. Au moment de l'ajournement sine die à 12 heures, nous en étions à un sous-amendement, évidemment, un amendement de l'article 17 du projet de loi 101. Le sous-amendement a été proposé par M. le député de Mont-Royal. C'est exact?

M. Ciaccia: C'est exact, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): II amende la motion du député de Marguerite-Bourgeoys. Si vous permettez, je vais relire ce texte. Ce sera bref. Je rappelle tout de suite que j'avais reconnu avant l'ajournement que M. le député de Mont-Royal conservait son droit de parole et que M. le député de Marguerite-Bourgeoys avait demandé la parole. J'ai aussi reconnu cet après-midi le fait que M. le député de Saint-Jacques demandait la parole. Je ne sais pas si c'était sur une question de règlement ou sur le fond de la question.

M. Charron: C'était sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Ah! C'était sur une question de règlement. Si vous permettez, M. le député de Saint-Jacques, je vais relire les textes que nous avons devant nous et, ensuite, je vous donnerai la parole sur la question de règlement.

M. Grenier: Question technique. Quand il y a un remplacement de députés— cela ne se produit peut-être pas aujourd'hui, remarquez bien—le député qui est remplacé par un autre doit-il accepter le fait que l'autre a parlé, par exemple, cinq minutes sur une motion?

Le Président (M. Cardinal): Vous me demandez une directive, M. le député de Mégantic-Compton. Je vous en sais fort gré. Cela me permettra de la rendre d'une façon très précise.

Cet après-midi, cela ne s'appliquera pas à la motion de sous-amendement parce que personne ne s'est encore exprimé. Cela pourrait s'appliquer à la question de l'amendement puisque beaucoup se sont exprimés.

La règle que je vais vous donner est la suivante: Lorsque, dans une même formation politique, un député en remplace un autre, il ne peut pas ajouter du temps à celui qui était avant lui à la commission, sans quoi il serait fort simple—et vous verrez que ce n'est qu'une simple question de logique—de se remplacer sans cesse et d'avoir indéfiniment du temps.

Donc, ma réponse très précise est celle-ci: Lorsqu'il y a remplacement, celui qui remplace telle personne—et j'indique toujours qui remplace qui— n'a comme temps que ce qu'il restait à celui qu'il remplace.

M. Grenier: Cela pourrait provoquer des "filibusters"!

M. Saint-Germain: Je me remplace moi-même. Me reste-t-il du temps?

M. Ciaccia: Tu peux prendre tout le temps...

M. de Bellefeuille: Vous partez de zéro!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Il n'y a personne qui a pris votre temps, monsieur.

M. Saint-Germain: Qui ça?

Le Président (M. Cardinal): M. le député d'Outremont...

M. Saint-Germain: C'est du sabotage.

Le Président (M. Cardinal): ... sur la motion d'amendement, n'a utilisé que cinq minutes, ce qui veut dire que vous auriez quinze minutes sur la motion d'amendement.

M. Charron: Le député part de zéro et a bien des chances d'y rester.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: J'ai constaté que ce sont les résultats...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: ... que mes collègues ont eu durant mon absence.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de

Saint-Jacques, vu l'atmosphère, je vais vous permettre de poser votre question de règlement tout de suite et je reviendrai au texte après.

M. Charron: Vous savez comment s'est terminée la séance de ce matin. J'aimerais que vous clarifiez la situation. Quand un député présente un sous-amendement à une motion et qu'il est d'emblée, à sa face même, accepté par le parti qui dispose de la majorité à la commission, est-il légitime et régulier et normal que l'on permette, par la suite, à des députés qui voudraient profiter de cette occasion pour allonger les débats — je le dis comme je le pense—de plaider pour un sous-amendement que la majorité ministérielle accepte d'inclure au texte de l'amendement? Ou si, je pense, j'estime et je vous demande la directive, votre décision était à l'effet contraire à mon opinion, ne serait-ce pas ici un moyen, à toutes fins pratiques, ridicule de voir que des députés plaideraient pour convaincre des gens déjà convaincus, puisque, d'emblée, nous l'avons accepté et qu'il s'agirait d'un prolongement inutile et insuffisant à la fois, pour la satisfaction des députés qui veulent bloquer le projet de loi, des débats qui ont déjà mis plusieurs heures?

Le Président (M. Cardinal): C'est une grande directive, M. le député de Saint-Jacques, et je vois que M. le député de Saint-Louis voudrait s'exprimer sur cette demande.

Par exemple, je dis tout de suite, vu qu'il y a beaucoup de nouveaux députés à la commission, que, sur des questions de directive ou de recevabilité, je suis, malgré ma mansuétude, très strict sur le temps qu'on emploie à ces fins.

Il y a tellement d'autres moyens d'employer le temps.

M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je pense que je vais employer le mot qu'a utilisé mon confrère le député de Saint-Jacques qui a dit que c'était ridicule. Si on suit la logique du député de Saint-Jacques, tous nos débats en haut ou presque tous nos débats seraient ridicules parce que, sur la grande majorité des lois, l'Opposition est d'accord sur la deuxième lecture et la troisième lecture.

N'a-t-on pas le droit de parler sur la deuxième et sur la troisième lecture parce qu'on est d'accord? La loi va-t-elle être adoptée à la vapeur?

M. Charron: II ne s'agit pas de la même chose.

M. Blank: Exactement la même chose. Quand je suis pour quelque chose, j'ai le droit de donner mon opinion au public et à mes électeurs, de dire pourquoi j'ai cette opinion. Même si tout le monde est d'accord, il est possible que mes opinions sur la raison d'être de cet article ou cet amendement ou ce principe soient un peu différentes de celles de mon voisin de gauche ou de mon voisin de droite.

Je dois exprimer mes vues et les raisons pour lesquelles j'appuie cela, et même que tout le monde l'appuie. Si on suit la logique du député de

Saint-Jacques, chaque fois que l'Opposition est d'accord sur un projet de loi, il n'y a aucun débat. Cela finit là.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal et ensuite M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Ciaccia: M. le Président, en plus des raisons invoquées par mon collègue le député de Saint-Louis, il faut remarquer ici qu'il s'agit d'un sous-amendement à un amendement. C'est bien généreux de la part des ministériels de dire: Nous sommes d'accord avec le sous-amendement. Ceux qui sont dans la salle peuvent peut-être penser que c'est une générosité qui n'a pas besoin d'être débattue. Mais je voudrais faire remarquer que c'est aussi une tactique. Ils peuvent être d'accord avec le sous-amendement et après cela il faudra voter sur l'amendement. La question d'expliquer notre sous-amendement, en plus des raisons qu'a invoquées le député de Saint-Louis, cela va aussi pour la raison que ce n'est pas une générosité de la part des ministériels d'avoir accepté ce sous-amendement. Cela ne veut pas dire qu'ils l'acceptent. Cela veut dire qu'à une autre étape ils vont le défaire ou ils peuvent le défaire. Je ne dis pas qu'ils vont le faire, mais ils auraient le droit. Pour ces raisons, en plus, on a le droit de s'exprimer.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que celui qui propose un amendement ou un sous-amendement a le droit d'expliquer pourquoi il le fait même s'il a déjà l'accord du parti ministériel. Celui qui a proposé l'amendement qui serait amendé par ce sous-amendement, je pense qu'il a quand même le droit de dire pourquoi il ne serait peut-être pas d'accord, lui. Je comprends que les ministériels sont en majorité mais je demanderais que le député de Saint-Jacques considère qu'il y a ici d'autres députés qui ont le droit de parler, et que sa façon de voir les choses est un peu comme s'il imposait le bâillon, mais seulement aux ministériels, s'il n'a pas le courage de l'imposer à toute la commission.

Le Président (M. Cardinal): D'accord!

M. Charron: M. le Président, puis-je ajouter, puisque trois...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: ...intervenants de l'Opposition ont essayé de vous convaincre, puis-je ajouter qu'un sous-amendement, lorsqu'il est agréé par le proposeur de l'amendement, devient ipso facto membre de l'amendement et que la discussion porte sur l'amendement tel que sous-amendé, surtout quand, d'une manière aussi dilatoire que le fait l'Opposition libérale actuellement, ce sont des députés du même parti qui se mettent à sous-amender les amendements de leur propre parti. Je

veux bien croire qu'il n'y a pas de ligne directrice à l'intérieur de ce parti, mais on n'est quand même pas obligé de perdre le temps de la commission à cause de cela.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Jacques, vous m'avez demandé deux directives. Je vais commencer par la première. Je ne pourrai prendre la deuxième que lorsque j'aurai entendu deux députés sur la question, et vous verrez pourquoi.

L'amendement à l'article 17 a été reçu par la présidence. Le sous-amendement, a donc, en conséquence, parce que l'accessoire suit le principal, été déclaré recevable. C'est une vieille règle de droit. Il ne faudrait pas dire qu'en commission parlementaire, il soit nécessaire que toute l'Opposition soit présente, mais il est nécessaire de dire que, dans notre système parlementaire, le Parlement ne peut fonctionner sans opposition, si bien qu'il faudrait en désigner une si, par hasard, il n'y en n'avait pas. Ce n'est pas dans nos règlements, ce n'est pas dans notre loi, mais cela existe simplement dans l'esprit de notre système. Il est sûr que la présidence aurait pu, en vertu de l'article 65 alinéa 1, juger irrecevable la motion de sous-amendement en jugeant du but de cette motion, mais la présidence ne s'est pas permis de préjuger des choses, comme la présidence ne permettra pas de préjuger que tout le monde votera pour le sous-amendement. Il pourrait fort bien arriver que l'Union Nationale, par hypothèse de travail, votera contre le sous-amendement, et c'est un parti qui est représenté à cette table. Pour ces raisons et je pourrais en ajouter plusieurs autres, je vais accorder la parole, je le dis tout de suite, en temps et lieu à messieurs les députés de Mont-Royal et de Marguerite-Bourgeoys. Ensuite, je répondrai à la deuxième demande de directive de M. le député de Saint-Jacques.

Si j'accorde la parole à M. le député de Mont-Royal, c'est parce qu'ayant été parrain d'une motion de sous-amendement, il a le droit d'expliquer pourquoi il a fait cette motion.

Si je donne ensuite, et immédiatement après, la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est pour savoir si les quatre représentants du parti de l'Opposition officielle sont d'accord sur cette motion. Ensuite, je répondrai à la question de M. le député de Saint-Jacques.

M. le député de Mégantic-Compton, sur une question de règlement.

M. Grenier: Je n'ai pas émis d'opinion pour notre parti sur cette position. J'aurais voulu vous faire savoir que, de toute évidence, le parti ministériel va appuyer cet amendement. C'est la deuxième fois que cela arrive autour de la table ici. En retirant cette partie qui est la langue anglaise pour la remplacer par une autre langue, cela correspond exactement à ce que le parti ministériel veut depuis le début, c'est-à-dire traiter toutes les langues sur le même pied que la langue anglaise.

M. Laurin: C'est pour cela qu'on l'a accepté.

M. Grenier: Je le vois bien, c'est dans l'esprit du parti ministériel. Mais je pense que c'était tout à fait régulier que le Parti libéral propose dans son sous-amendement la langue anglaise, qu'il en vienne à cela. Je pense qu'on se doit de l'expliquer et je verrais mal qu'on laisse passer cela. Quand on limite la possibilité de la langue anglaise, on la rend au même niveau que les autres langues au Québec. C'est là l'esprit de l'amendement.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, M. le député de Mégantic-Compton, vous parlez presque sur la motion de sous-amendement. Je veux déclarer que je permettrai à deux députés de s'exprimer avant de revenir sur la question de règlement. Je pense que je n'ai pas le choix de le faire, parce que je ne puis préjuger, ni que le parti ministériel, comme on l'a dit de l'autre côté, fait cela pour ensuite refuser l'amendement, ni que le parti de l'Opposition officielle fait cela en vue d'un "filibuster". Ce n'est pas à la présidence de juger de ces choses, il y a assez d'autres sujets sur lesquels il doit porter des jugements.

M. le député de Mont-Royal, en vertu de l'article 160.

M. Ciaccia: M. le Président, avant d'expliquer pourquoi j'ai fait le sous-amendement, pourrais-je savoir combien de temps il me reste sur l'amendement principal?

Le Président (M. Cardinal): Vingt minutes. Sur l'amendement principal? Je m'excuse — je vais y revenir— il vous reste six minutes.

M. Ciaccia: Combien?

Le Président (M. Cardinal): Six.

M. Ciaccia: Six, merci, M. le Président.

M. le Président, quoique le côté ministériel continue toujours à dire que chaque fois que nous proposons des amendements et des sous-amendements, c'est pour des raisons dilatoires, je peux vous assurer que la raison pour laquelle j'ai fait ce sous-amendement, n'est pas dilatoire. Je considère que, dans l'article 17, nous discutons d'un principe fondamental. Nous avons tenté de faire accepter que deux organismes scolaires anglophones communiquent entre eux dans leur propre langue. Le côté ministériel n'accepte pas ce concept, n'accepte pas ce principe.

Le but de mon sous-amendement, c'est d'essayer de faciliter la tâche au parti ministériel pour essayer de lui donner les raisons pour lesquelles il pourrait accepter le sous-amendement sous la présente forme sans nécessairement porter atteinte à ce qu'il considère être son principe. Je ne fais que suivre les mêmes principes que le gouvernement a incorporés dans d'autres articles de cette loi où il parle d'une autre langue. Il semble y avoir un blocage, dans l'esprit de certains, à inclure le mot "anglais" quoique ce soit fait dans d'autres articles, mais il semble qu'on ne veut pas

consacrer ce principe que deux organismes scolaires, anglophones, ont le droit de communiquer entre eux en anglais.

J'essaie, de la façon la plus positive possible, de donner l'occasion au parti ministériel de rendre humain ce projet de loi. Si nous utilisions les mots "une autre langue" ce serait plus acceptable pour lui. Ils veulent reconnaître toutes les minorités.

Il se peut qu'il y ait d'autres minorités qui vont pouvoir communiquer entre elles dans une autre langue que la langue officielle. Remarquez bien qu'on ne parle pas de communication avec le gouvernement, on ne parle pas de communication avec les ministères, avec d'autres organismes du gouvernement; on parle seulement d'avoir le droit de communiquer entre elles dans cette autre langue que la langue officielle.

Le côté ministériel nous a dit qu'il acceptait ce sous-amendement. J'aimerais savoir, si c'est possible, et cela faciliterait notre tâche, savoir si, non seulement il va accepter le sous-amendement, mais, quand va venir le temps de voter sur l'amendement principal, s'il va accepter le principe, que ce soit par n'importe quelle procédure — je ne suis pas un procédurier—que ces organismes puissent communiquer entre eux dans une autre langue. S'il me dit qu'il est prêt à modifier l'article 17 à cet effet, je n'aurai pas besoin de continuer et de parler plus longuement des raisons pour lesquelles j'ai fait cet amendement. Alors, pour ces raisons, je vais terminer mon intervention pour le moment.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. Si vous permettez, avant d'accorder la parole à M. le député de Marguerite-Bourgeoys, qui me permettra, lorsqu'il aura terminé son intervention, de répondre à la deuxième demande de directive de M. le député de Saint-Jacques, je voudrais quand même ajouter ceci, à la suite de la directive que j'ai rendue tantôt. Lorsqu'il y a une motion pour une première, une deuxième ou une troisième lecture d'un projet de loi par le parti ministériel, il est sûr qu'il est pour la loi; pourtant, il emploie du temps pour parler sur cette motion. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, dans la motion d'amendement que j'ai présentée, j'ai bien indiqué que nous désirons que les organismes visés à l'article 23 puissent utiliser la langue anglaise dans leurs communications écrites entre eux. La raison pour laquelle j'ai mis la langue anglaise, c'est que, même s'il y a des groupes de citoyens dont la langue d'usage ou la langue maternelle est autre que le français et l'anglais, lorsqu'on parle de municipalités ou d'établissements scolaires dispensant l'enseignement dans une autre langue que le français ou de municipalités dont la majorité des administrés sont d'une langue autre que française au Québec, il faut quand même être réaliste. Il n'y a pas d'autres langues que la langue anglaise. C'est par souci de réalisme que, dans ma motion d'amendement, j'ai utilisé la langue anglaise, parce qu'il faut quand même que la loi colle à la réalité. On ne légifère pas pour la lune, on légifère pour le Québec. Au Québec, il y a plusieurs municipalités, il y a sûrement quelques organismes scolaires dont la majorité des administrés est de langue anglaise, mais il n'y en a pas, ou je ne pense pas qu'il y en ait, dont la majorité serait de langue grecque ou de langue chinoise. Alors, puisqu'on légifère pour la réalité actuelle du Québec, c'est la raison pour laquelle j'avais mis la langue anglaise. D'ailleurs, je pense que plusieurs ont reproché à ce projet, ont reproché au gouvernement d'avoir, semble-t-il, tenté, de façon tout à fait délibérée, de passer à côté de la mention de la langue anglaise en utilisant l'expression "langue autre que française" dans des situations où il ne pouvait pas y avoir d'autre chose que la langue anglaise, quand il ne s'agissait pas de la langue française.

M. le Président, je constate, toutefois, que le sous-amendement pourrait rendre l'amendement plus conforme à la conception que se fait le gouvernement de cette question, plus conforme aussi à ce que l'article 23 et les autres articles qui suivent dans ce chapitre mentionnent ou utilisent comme expression pour décrire une réalité qui n'est pas française.

J'hésite toutefois à appuyer cette motion, et si je le fais, ce n'est que pour tenter d'amener le gouvernement à voter pour ma motion d'amendement. Voici pourquoi j'hésite: Dans d'autres articles, il me semble que pour être réaliste nous devrons faire des motions d'amendement pour justement utiliser une terminologie réaliste, une terminologie qui colle à la réalité.

Je veux bien que le député de Mont-Royal me comprenne. Je constate et j'apprécie l'effort qu'il fait pour tenter de se rapprocher le plus possible du gouvernement pour l'inciter à voter pour mon amendement, mais je ne voudrais pas que ce soit un précédent. Je ne voudrais pas, parce que j'appuie ce changement, que cela indique de façon inéluctable et sans appel que dans les autres articles où je considérerai préférable d'utiliser l'expression "la langue anglaise"—et je veux bien que le député de Mont-Royal me comprenne—parce que plus réaliste, je ne voudrais pas que son sous-amendement soit considéré, si je l'appuie, comme une déclaration de politique à l'égard de tout le reste de la loi.

Je pense—et il l'a expliqué dans ce sens—que ce n'est qu'une tentative de se rapprocher de la conception que je n'accepte pas fondamentalement du gouvernement, mais pour tenter de régler ce problème à l'article 17.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal. Si vous permettez, je vais répondre à M. le député de Saint-Jacques auparavant, pour que l'on puisse continuer les débats.

J'ai écouté M. le député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai compris qu'il était quand même pour la motion de sous-amendement. Le "quand même", c'est pour les nuances qu'il a apportées, ce n'est pas une attaque. Dans ce cas, comme je n'ai reconnu aucun député de l'Union Nationale

qui se soit manifesté sur cette motion de sous-amendement, je vais répondre à M. le député de Saint-Jacques qu'en vertu de l'article 160 la motion de sous-amendement est une motion et que l'article 160 est très clair: "...que sur tout article, sur toute motion, chaque député peut s'exprimer pour ou contre pendant 20 minutes. Même si M. le député de Marguerite-Bourgeoys est d'accord sur la motion de sous-amendement de M. le député de Mont-Royal, je dois laisser la liberté au député de s'exprimer.

M. Charron: M. le Président, sur la motion de sous-amendement.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Sur la motion de sous-amendement, j'avais reconnu quelqu'un d'autre auparavant. D'accord? Alors, M. le député de Saint-Jacques, sur la motion de sous-amendement.

M. Charron: Je respecte votre décision parce qu'effectivement l'article 160 du règlement permet au député de présenter un sous-amendement. Ce n'est donc pas le règlement qui devrait l'interdire, mais le simple bon sens, et le simple bon sens n'habite pas l'esprit de nos amis d'en face, semble-t-il. Les travaux de la commission sont sur le point, de la lenteur et du ridicule où ils étaient, de prendre carrément l'allure de la bouffonnerie.

Les députés libéraux vont commencer à sous-amender leur propre motion, à faire semblant qu'ils divergent d'opinion. Ensuite, ils se rallieront devant tout le monde, comprendront, se montreront de bonne foi...

M. Lalonde: Vous semblez connaître cela.

M. Charron: ...et j'ai l'impression que tout ce jeu que nous aurons, malheureusement, ne sera pas le vrai, le vrai jeu de couteaux qui se joue à l'intérieur du Parti libéral. On en entend parler dans les journaux, mais pas à la table de la commission.

J'entendais mon excellent ami, le député de Jacques-Cartier, se poser sérieusement la question, à savoir si, dans le jeu et la bouffonnerie qu'il s'apprêtait à livrer, il allait, ou appuyer le député de Marguerite-Bourgeoys dans ses hésitations et ses tergiversations, ou se ranger carrément du côté de son collègue de Mont-Royal. C'est dommage...

M. Saint-Germain: Cela a l'air que je vais être obligé d'être contre le député de Saint-Jacques. Il va m'obliger.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! À l'ord- re! M. le député de Jacques-Cartier.

M. Charron: ...parce que, comme le dit l'article 156.-1. du règlement, lorsqu'il s'agit d'un projet de loi important et qui mérite d'être étudié en profondeur...

Il y a encore des chapitres extrêmement importants au projet de loi qui vaudraient que les quelques jours qui sont déjà prévus au calendrier des travaux de la commission soient occupés à autre chose qu'à un échange de procédés comme celui-là. Le gouvernement a déjà dit qu'il est d'accord avec le sous-amendement. Je parle donc en faveur du sous-amendement présenté par le député de Mont-Royal.

On peut continuer à jouer aux fous, de l'autre côté, si on le veut, à faire semblant qu'on n'est pas d'accord, mais c'est un témoignage, je pense, c'est un jeu ridicule qui doit sortir des sentiers de la commission, et qui, le plus rapidement possible, doit se rendre jusqu'à l'opinion publique. Je pense que personne n'est très satisfait de nous payer et de nous gratifier d'être ici cet après-midi, pour assister à un spectacle comme celui que s'apprêtent à nous livrer les députés libéraux.

Je répète donc qu'en ce qui nous concerne, c'est la seule intervention du gouvernement, le sous-amendement présenté par le député de Mont-Royal est acceptable. Nous acceptons de le voir inclure à l'amendement. Nous voulons disposer de l'amendement et nous rendre le plus rapidement possible à d'autres chapitre du projet de loi.

Si ces messieurs ont décidé de s'acquitter de leurs fonctions comme celle-là, qu'ils le fassent, mais nous n'y participerons pas.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): J'ai reconnu...

M. Lalonde: C'est une question de directive.

Le Président (M. Cardinal): Une question de directive, d'accord.

M. Lalonde: C'est une directive qui est plutôt une question de renseignement. Le député de Saint-Jacques vient de dire qu'il reste quelques jours à cette commission. Comme président, auriez-vous reçu un avis que nos jours sont comptés?

Le Président (M. Cardinal): Non. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, comme vous le savez, j'ai été absent des dernières séances. On m'avait mobilisé pour d'autres travaux et voilà qu'à mon retour, à l'article 17, je vois l'amendement qui a été refusé et je vois le sous-amendement...

Le Président (M. Cardinal): Pardon, nous n'avons pas disposé de l'amendement.

M. Saint-Germain: Mais, de toute façon, les membres du gouvernement, par leur intervention, ont laissé sentir qu'ils seraient contre l'amendement. Il fallait que mes collègues soient réellement acculés dans leurs derniers retranchements pour en arriver à un sous-amendement rédigé comme tel, parce que, si on prend ce. sous-amendement à sa face même, il est contre la logique des choses.

II ne m'est jamais arrivé, dans mon comté ou dans la province, d'avoir été obligé de parler d'autres langues que la langue française et la langue anglaise. Dans tous mes voyages ou mes contacts avec l'Amérique du Nord et le reste du Canada, cela s'est toujours fait en anglais ou en français.

Il me paraît évident que si mes collègues ont été obligés de présenter ce sous-amendement, c'est parce que le gouvernement ne veut pas accepter, dans l'amendement même, les mots "la langue anglaise". Cela me semble être maladif. Si quelqu'un, à cette commission, veut jouer aux fous, veut faire perdre du temps, veut considérer cette loi comme non sérieuse, ou les discussions comme non sérieuses, c'est d'accepter un sous-amendement rédigé comme tel, et de refuser un amendement qui reflète simplement la logique pure et simple de n'importe quel citoyen de la rue dans la province de Québec.

On sait pertinemment qu'il n'y a pas de commissions scolaires autres que de langue anglaise ou de langue française; on sait pertinemment qu'il n'y a pas de municipalités qui sont autres qu'à prédominance française ou anglaise; on sait pertinemment que jamais nos minorités, soient-elles grecques, soient-elles italiennes, n'ont jamais exigé de communiquer avec les autorités publiques dans leur langue maternelle. Elles ne-sont jamais allées jusque-là. Alors, c'est maladif de ne pas vouloir accepter l'amendement et d'accepter un sous-amendement comme tel, parce que, en fait, ce qui va arriver, c'est que cet amendement va permettre une seule chose, aux municipalités de langue anglaise de communiquer entre elles en langue anglaise, et aux commissions scolaires de langue anglaise de communiquer entre elles en langue anglaise.

Il semble absolument évident que, de la façon que les minorités sont traumatisées au Québec, il n'y aura jamais un citoyen québécois qui va se permettre d'écrire en italien ou en grec; ces gens ont peur des autorités gouvernementales, ils ont peur de leur autorité, de leur sens de l'injustice, et je dis que c'est maladif, tout simplement. Qui veut faire perdre le temps de cette commission? Qui est-ce qui prend l'existence même de cette commission comme étant non sérieuse? Comment voulez-vous, à titre de députés, ne pas prendre la parole devant une situation semblable?

Si le député de Saint-Jacques ne veut pas prendre part au débat, il a bien beau; le ridicule, son ridicule, il l'a démontré, à la face même de la population. Il n'a pas besoin de continuer. On sait de quel bois le gouvernement se chauffe et comment le ministre, qui est bien au courant de la situation, s'il n'a pas une haine maladive de la langue anglaise ou de tout ce qui peut s'appeler anglais, peut-il permettre une telle chose? Comment se fait-il qu'il puisse se permettre d'accepter le sous-amendement et de rejeter l'amendement? Je ne comprends pas, M. le Président; peut-être que lui se comprend. Il a une longue expérience en psychologie. Il a peut-être des termes autres que les miens pour exprimer cela, mais je dis que le gros bon sens du commun des mortels, simplement le gars qui a le moindrement d'intelligence sait pertinemment que le sous-amendement et l'amendement, c'est du pareil au même. La seule différence, c'est qu'on va faire un mur aux minorités de langue anglaise. Cela exprime des préjugés tenaces qui viennent de je ne sais où, chez le gouvernement, relativement à la minorité de langue anglaise et je me demande si on ne veut pas faire...

M. de Bellefeuille: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: ... l'article 99, paragraphe 8.

Le Président (M. Cardinal): L'article 99, paragraphe 8, en haut de la page 51.

M. de Bellefeuille: Les propos du député de Jacques-Cartier sont blessants à l'adresse du ministre d'État à qui il prête de la haine et des préjugés et ils n'ont d'ailleurs pas trait au sous-amendement.

M. Saint-Germain: Je ne prête pas..

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Oui, M...

M. Laurin: Cela n'arrive qu'au parrain.

Le Président (M. Cardinal): Cela ne fait rien. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

J'ai déjà mentionné qu'en vertu de l'article 39, M. le député de Deux-Montagnes et M. le député de Jacques-Cartier, la présidence était non seulement respectueuse des règlements, mais devait les faire observer. J'attendais qu'une question de règlement soit soulevée, sinon je l'aurais soulevée moi-même. Il faut quand même se rappeler qu'il est interdit de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de quelque député que ce soit. C'est à la présidence d'en juger; je n'ai pas dit insultant, j'ai simplement pris les termes du règlement. Je ne vous rappelle pas à l'ordre, M. le député de Jacques-Cartier, je vous rappelle simplement à la prudence.

M. Saint-Germain: M. le Président, ce qu'il y a d'insultant et de violent, c'est le comportement même du gouvernement; c'est cela qui est insultant et violent.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez le droit de dire cela.

M. Saint-Germain: C'est cela que j'ai voulu dire. Je suis pleinement dans le sujet. Je n'ai pas prêté d'intentions, j'ai dit qu'il y avait des préjugés, une haine de ce qui est anglais. Cela ne lui va pas aux jarrets, je suis d'accord.

Le Président (M. Cardinal): Attention, M. le

député de Jacques-Cartier! Est-ce que vous parlez du gouvernement ou d'un député?

M. Saint-Germain: Je parle des jarrets du ministre.

Le Président (M. Cardinal): Pourriez-vous revenir à la pertinence du débat?

M. Saint-Germain: C'est lui qui a amené cela dans le sujet, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: Je ne suis pas surpris que cela aille jusqu'à ses jarrets parce qu'il semble avoir une emprise sur lui-même, il peut doser cela, des jarrets, des genoux, comme il l'entend bien.

Le Président (M. Cardinal): Ne parlez pas du ministre d'État au développement culturel, parlez du sous-amendement.

M. Saint-Germain: Que voulez-vous que j'ajoute, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): C'est à vous d'en décider.

M. Saint-Germain: La chose est tellement ridicule; une fois qu'on a dit que c'était ridicule, rempli de préjugés, que voulez-vous qu'on dise de plus? Je laisse la parole à d'autres, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, oui, il vous reste quelques minutes.

M. Lalonde: Je n'ai pas l'intention de prendre le temps, M. le Président, parce que je voulais quand même réagir aux propos du député de Saint-Jacques, le leader adjoint du gouvernement, pour lui faire remarquer que sa question de directive, qui a été discutée au début, a pris une quinzaine de minutes.

Quant à nous, sur un sous-amendement où nous avons le droit de parole, comme vous l'avez bien souligné, d'après l'article 160, seulement des députés ministériels auraient pu utiliser quatre fois vingt minutes. Si je sais bien compter, c'est plus d'un heure, une heure vingt minutes.

M. le Président, nous n'avons pas l'intention de faire perdre le temps de cette commission, mais nous avons l'intention, toutefois, de faire un débat vigoureux et de prendre les privilèges, les droits, qui nous sont reconnus par le règlement dans cette institution pour faire valoir nos points de vue et tenter d'améliorer ce projet de loi. Je rejette et je considère comme complètement impertinentes les accusations du député de Saint-Jacques selon lesquelles l'Opposition officielle invite, ni plus ni moins, au bâillon. Lorsqu'il a dit qu'il restait quelques jours à cette commission, ce ne sont pas ses jarrets qu'il a montrés, le député de Saint-Jacques.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Merci de vous interrompre vous-même.

M. Lalonde: Je ne me suis pas interrompu. Vous m'avez interrompu.

Le Président (M. Cardinal): Je pense que... M. Lalonde: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas que vous touchiez une directive de la présidence, mais je voulais vous rappeler que vous ne parlez pas du sous-amendement.

M. Lalonde: M. le Président, le député de Saint-Jacques, lorsqu'il a parlé des quelques jours qu'il nous restait, ne parlait pas du sous-amendement non plus. Alors, donnez-moi autant de liberté.

Le Président (M. Cardinal): II posait une question de directive. Écoutez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je ne commencerai pas de querelle à ce sujet. Vous savez combien je suis fidèle au règlement et aux membres de la commission! Je vous prierais d'en venir au sujet, s'il vous plait!

M. Lalqnde: M. le Président, ce sous-amendement, comme l'amendement, comme tous les autres amendements que nous avons tenté de faire accepter par cette commission et comme tous les autres que nous aurons à proposer sont destinés à améliorer ce projet de loi. Nous, de l'Opposition officielle, ne nous laisserons pas intimider par des propos comme ceux tenus par le député de Saint-Jacques. C'est ce que je voulais rappeler à cette commission.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, là, vous l'avez bien fait. Merci.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais répondre, je voudrais, encore une fois, expliquer pourquoi ce sous-amendement a été fait. Je n'accepte pas que ce soit une motion dilatoire. Malheureusement, on n'a pu continuer ce débat, après les raisons qui ont été données par le côté ministériel ce matin. Plusieurs personnes, qui assistent à cette commission et qui se trouvent en notre présence, ne comprennent pas exactement pourquoi l'amendement a été rédigé d'une telle façon. Je peux assurer mon collègue de Marguerite-Bourgeoys que je comprends ses inquiétudes. Ce n'est pas pour faire injure à la langue anglaise que j'ai suggéré une autre langue. J'ai essayé, d'une

façon positive, de comprendre les inquiétudes du côté ministériel, les raisons qu'il nous a données ce matin, à savoir pourquoi il ne pouvait accepter les mots "langue anglaise" à l'article 17.

C'est seulement parce que nous essayons d'améliorer ce projet de loi que nous faisons d'une façon positive, cet amendement. Ce n'est pas tout à fait juste que le député de Saint-Jacques nous dise, à nous, et juge cette commission par ses actes à lui. À la commission parlementaire, en 1974, il faisait des amendements et des sous-amendements. Ce n'est pas ce que nous faisons, c'est la première fois que cela arrive ici et nous avons une raison très valable de le faire. Même si ces accusations nous sont faites, je veux assurer la présidence, je veux assurer les membres de la commission que cela ne nous empêchera pas, malgré les menaces, parce que je prends cela comme des menaces, ses paroles... On essaie de créer l'impression que nous voulons faire des motions dilatoires pour essayer, ou de ne pas discuter des principes du projet de loi que nous considérons fondamental, ou bien d'essayer de passer à l'intimidation et d'accéder aux demandes du gouvernement.

Je peux vous assurer que, malgré les propos du député de Saint-Jacques, nous allons continuer à prendre nos responsabilités dans cette commission, parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes avec des articles de ce projet de loi. Nous n'allons pas à l'encontre des principes, des objectifs légitimes du projet de loi, mais nous disons que, si deux organismes anglophones veulent s'écrire, s'ils ont des dossiers à échanger, ils ne peuvent pas le faire dans la langue anglaise. C'est un peu ridicule. C'est un peu porter à l'extrême la peur ou la revanche, ou n'importe quoi, de la langue anglaise ou de ces organismes anglophones. Je demanderais ceci: Si on n'accepte pas notre sous-amendement, quelles seront les sanctions? Est-ce qu'on va avoir des enquêteurs dans tous ces organismes pour s'assurer que chaque lettre qui sort de là est en français? C'est un peu mesquin. Ce n'est pas vraiment digne de notre société d'agir de cette façon.

Pendant que les autres députés parlaient, j'ai examiné encore le projet, parce que mon collègue de Saint-Louis a porté un autre article à mon attention. Je demanderais au gouvernement si, premièrement... La raison pour laquelle j'ai ajouté les mots "dans une autre langue", c'est pour essayer de répondre aux intentions du gouvernement, mais je viens de m'apercevoir qu'à l'article 83, il y a référence à la commission scolaire Kativik et à la commission scolaire crie. Je pense que mon sous-amendement, malgré qu'il ait été fait dans le but de répondre aux inquiétudes et aux raisons du gouvernement de ne pas inclure la langue anglaise, je crois que cela va être essentiel que ce soit dans une autre langue, parce que l'organisme scolaire Kativik et la commission scolaire crie, d'après l'entente de la Baie James, ont le droit de s'écrire dans leur propre langue, dans une autre langue, le cri et l'inuttituuit.

M. le Président, je suggère au gouvernement de considérer très sérieusement ce sous- amendement pour ne pas aller à l'encontre, premièrement, des articles 82 et 83, pour ne pas aller à l'encontre de l'entente de la Baie James et du Nord québécois, et pour se conformer à la réalité, en plus d'être humain, et à toutes les autres raisons que nous avons données, de permettre aux organismes de communiquer entre eux dans une autre langue, en anglais, et aussi de permettre aux commissions scolaires au nord du 55e parallèle de communiquer aussi dans leur langue. C'est très important, parce qu'autrement, l'article 17 irait à l'encontre des termes et conditions de l'entente de la Baie James. C'est à première vue. Je crois que c'est une raison additionnelle pour que les mots "une autre langue" soient acceptés.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le député de Saint-Louis sur la motion de sous-amendement.

M. Blank: Sur la motion de sous-amendement, voici pourquoi j'appuie le sous-amendement pour changer le mot "anglais" pour "une autre langue". Je n'étais pas ici ce matin, mais, d'après les renseignements que j'ai reçus, cela a l'air que l'amendement, parce qu'il porte le mot "langue anglaise", n'était pas acceptable par le gouvernement. En ajoutant le mot "une autre langue", cela a l'air que le gouvernement va accepter le sous-amendement. Il ne dit pas s'il va accepter l'amendement total. On ne sait pas encore s'il est rendu là. À ce moment, le gouvernement est prêt à accepter de discuter "une autre langue". Le mot "anglais", il n'en discutera pas. Je pense qu'au lieu de nous accuser de faire des motions dilatoires, des sous-amendements dilatoires, c'est exactement le contraire.

C'est notre responsabilité, à nous de l'Opposition, de montrer au public le vrai visage de ce gouvernement, les vraie intentions de ce gouvernement. Le mot "anglais", c'est un mot sale.

La communauté anglophone, cela n'existe pas, et nonobstant les accusations que le ministre d'État au développement culturel a portées contre moi la semaine dernière après mon discours, en ce sens qu'il veut que la communauté anglophone disparaisse de cette province, ici c'est un autre exemple que si la communauté n'existe pas, c'est parce qu'il ne veut pas qu'elle existe, il veut qu'elle disparaisse; et mon analogie de la semaine dernière ou d'il y a deux semaines n'était pas loin de la vérité.

Et si nous sommes forcés, nous de l'Opposition...

M. de Bellefeuille: J'invoque le règlement, M. le Président—l'article 99.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes, cette fois-ci, je ne recevrai pas la question de règlement parce que c'est une attaque contre une formation politique, ce qui n'existe pas légalement.

M. de Bellefeuille: Sur cette question de règlement, le député de Saint-Louis parlait du ministre...

Le Président (M. Cardinal): Ah bien, s'il parlait du ministre.

M. de Bellefeuille: ...à qui il imputait des motifs.

M. Blank: Ce n'est pas cela du tout. Je parlais du ministre qui a dit que tout ce que j'avais dit la veille était des mensonges.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: C'est à lui...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Je dis que ce qu'il a dit...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Louis, à l'ordre!

M. Blank: Je n'ai pas accusé le ministre de quoi que ce soit.

Le Président (M. Cardinal): Si on commence... À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Je ferai fouiller...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de

Saint-Louis, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Je continue mon argument. Je ne touche pas à ce sujet.

Le Président (M. Cardinal): Oui, c'est cela. Ne revenez pas en vertu de l'article 96 avec une question de privilège parce qu'aucun des deux ne s'applique dans le cas présent. Revenez au sous-amendement.

M. Blank: D'accord. Je dis encore que le fait pour nous d'être forcés de faire un sous-amendement pour changer le mot "anglais" par les mots "une autre langue", montre le vrai visage de cette formation politique qui maintenant forme le gouvernement de cette province.

C'est ce que j'ai dit et je le répète encore en suivant logiquement cette pensée, je vois la vraie intention de ce gouvernement qui veut que la communauté anglophone n'existe pas, et si elle n'existe pas, c'est parce qu'il ne la veut pas. S'il ne la veut pas, il veut qu'elle disparaisse.

C'est exactement la pensée que j'avais exprimée dans mon discours en Chambre, et la raison qui fait qu'aujourd'hui on veuille utiliser les mots "une autre langue", c'est que nous aurons peut-être une chance de faire adopter l'amendement principal et qu'ainsi le projet de loi ait une logique et du bon sens.

Le député de Saint-Jacques a dit que cela n'avait aucun sens. C'est le contraire. Je n'ai pas le droit de parler sur l'amendement à ce moment-ci. Je parle sur le sous-amendement, mais le fait qu'on a mis ces mots dans le sous-amendement à l'amendement principal, donne une chance que cet amendement soit adopté... mais cela va donner une logique à ce projet de loi. À ce moment-ci, ce n'est pas logique. L'article 17 n'a aucun sens tel que rédigé.

Le Président (M. Cardinal): Le sous-amendement serait-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Adopté unanimement. Seulement un instant, s'il vous plaît!

Nous revenons à l'amendement, et l'amendement à l'article 17 proposé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys se lit comme suit: "Que l'article 17 soit modifié en ajoutant un deuxième alinéa qui se lirait comme suit: "Les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser la langue anglaise dans leurs communications écrites entre eux". Je rappelle que, comme le sous-amendement est maintenant adopté, l'amendement se lit différemment. Il se lit avec le texte du sous-amendement: "Les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser une autre langue dans leurs communications écrites entre eux".

M. le député de Marguerite-Bourgeoys est d'accord?

M. Lalonde: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Tel que sous-amendée ou amendée, cette motion, je pense, est plus conforme à la structure adoptée par le gouvernement pour statuer du corridor des communications des organismes du gouvernement, des ministères et enfin, des organismes de l'administration.

Nous savons que les organismes de l'administration incluent, d'après l'annexe au projet de loi, les municipalités et les commissions scolaires.

Nous savons d'autre part qu'à l'article 23, on permet aux établissements scolaires dispensant l'enseignement dans une langue autre que le français et aux municipalités dont la majorité des administrés est d'une langue autre que le français, d'afficher à la fois en français et dans une autre langue, avec prédominance du français.

On permet aussi à l'article 25 aux organismes scolaires d'utiliser à la fois la langue officielle et la langue de la majorité de leurs administrés dans leur dénomination, et l'une ou l'autre de ces langues dans leurs communications internes.

Autrement dit, M. le Président, déjà ces organismes visés à l'article 23 ou suivants ont un traitement différent pour ce qui concerne soit l'affichage, soit leur dénomination, soit les communications internes. Nous croyons—c'est d'ailleurs selon la loi actuelle—pour ce qui concerne l'administration publique, telle que comprise actuellement, ce qui n'inclut pas toutefois les municipalités, que les municipalités, les organismes scolaires devraient,comme tous les autres organismes

de l'administration communiquer avec le gouvernement dans la langue officielle.

Je pense que si on accorde un statut officiel à une langue, il faut qu'elle soit utilisée par tous les organismes officiels dans leurs communications avec le gouvernement.

Toutefois, la portée de l'amendement, c'est simplement pour reconnaître le traitement exceptionnel qu'on leur permet dans les articles suivants et, pour empêcher une situation ridicule pour les institutions de langue anglaise ayant le droit, d'après la loi, d'utiliser la langue anglaise— on parlera des institutions de langue chinoise plus tard — dans leurs communications internes, dans leur affichage, avec le français, dans la dénomination, au moins, elles devraient pouvoir ensuite l'utiliser en communiquant entre elles.

Je pense, M. le Président, qu'une telle attitude est de nature à réduire la crédibilité de ce projet de loi. J'ai averti, à quelques reprises, amicalement, le gouvernement depuis quelques jours. Je l'ai mis en garde contre des attitudes trop excessives, des attitudes trop radicales pour ce qui concerne la langue. J'ai même souligné la possibilité que sa propre troupe, ses propres militants ou, enfin, que sa propre clientèle y trouvent là une objection, parce qu'essentiellement, les Québécois sont imbus d'un esprit de justice et voient assez facilement les occasions où un gouvernement cesse de faire preuve de cet esprit de justice dans ses décisions.

Si vous permettez que je vous en donne un exemple, M. le Président, je ferai référence à l'édi-torial qui est paru, ce matin, dans le Montréal-Matin, mercredi 17 août, signé par Marc Laurendeau, qui n'est pas, je pense, un membre de l'Opposition officielle. Je ne pense pas non plus qu'il soit un inféodé de l'establishment anglophone. Du moins il n'a pas reçu ce certificat du ministre récemment.

M. le Président, M. Marc Laurendeau dit, à propos de la décision prise, hier, où la traduction des jugements anglais va être d'après la décision de cette commission à notre corps défendant, va être officielle...

M. Laurin: Question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous référez ici aux articles sur la langue de la justice. Je m'adonne à voir le titre de l'éditorial. Actuellement, nous sommes à l'article 17 qui parle de la langue de l'administration au chapitre IV et non pas de la langue de la justice.

M. Lalonde: M. le Président, je m'en réfère à un éditorial. J'ai le droit de faire appel à des autorités.

M. Blank: Sur une question de règlement. Le député de Marguerite-Bourgeoys ne veut pas parler d'un sujet qui a déjà été discuté en commission, mais il parlait, en dernier, des Canadiens français qui ont un esprit de justice et trouvent parfois des choses qui sont illogiques.

M. Guay: M. le Président, le député de Saint-Louis n'intervient pas sur la question de règlement, mais il est en train de faire un débat de fond. Non, c'est un débat de fond.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Blank: Sur une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Blank: Je donne comme analogie ce que cet éditorialiste a dit et il donne des exemples. Même si ce n'est pas exactement... Je peux donner un exemple. On parle des pommes, on parle des oranges. Mais, c'est un exemple parce que c'est un fruit. Quand on parle de cette loi-ci on donne comme analogie ce qu'un éditorialiste a dit concernant une autre partie de cette loi. On parle de la même justice. On ne parle pas de justice du tribunal on parle de justice logique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Louis, s'il vous plaît!

M. Laurin: ...adopté.

M. Blank: On ne parle pas sur...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Saint-Louis. Je pense que M. le député de Marguerite-Bourgeoys a tellement d'expérience que la référence qu'il a faite au jugement n'était certainement pas accidentelle. Quoi qu'il en soit, il a le droit de citer les passages qu'il veut de n'importe quel éditorial, de n'importe quel journal, pour autant que ce soit compatible avec la discussion qu'on a sur l'article 17 et pour autant qu'il retranche de ces citations les passages qui auraient trait à d'autres articles déjà adoptés.

M. Lalonde: M. le Président, je vais dire ceci: "II sombre dans l'absurde." Je vais vous dire maintenant que ces mots sont tirés d'un éditorial de Marc Laurendeau qui faisait référence à la décision du gouvernement, et je lis: "Mais lorsque le gouvernement péquiste édicte que seule la version française du jugement est officielle, il sombre dans l'absurde."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je donne cela comme exemple, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je vous en prie, vous venez absolument de contredire et d'aller à l'encontre de la demande que je venais de vous faire. Je vous incite, une deuxième fois, à demeurer à l'intérieur de l'article 17.

M. Lalonde: M. le Président, je vous remercie. Sans faire référence à un article adopté, je vous lirai la conclusion de cet éditorial: "L'objectif du législateur, si noble soit-il ne doit pas faire fi du simple bon sens." J'invoque cet éditorialiste qui a quand même montré, jusqu'à maintenant, pas toujours des vues prolibérales dans le sens politique, pas nécessairement non plus propéquistes mais qui a quand même démontré un esprit de justice ici de façon constante. Je fais appel, justement à cet exemple pour montrer jusqu'à quel point quelqu'un qui peut avoir de la sympathie pour ce gouvernement n'accepte pas une attitude petite, pusillanime, étriquée en ce qui concerne une question qui appartient à chaque Québécois. Cette loi n'appartient pas au Parti québécois, elle va appartenir à tous les Québécois et elle doit ressembler aux Québécois; elle doit refléter les Québécois dans ce qu'ils sont, comme tous les peuples, de meilleur et de pire. Je vous dis que cette disposition, sans l'amendement que je propose, ne reflète pas l'esprit de justice, la conception que les Québécois se font de leur société, une société quand même de type libéral, sans jeu de mots, et qui est habitée, qui est constituée d'une très grande majorité de citoyens qui ont un sens de la justice et de la démocratie beaucoup plus sûr que ce projet de loi ne semble le supposer.

C'est pour cela, M. le Président, que je crois totalement incaceptable l'attitude du gouvernement à propos de notre amendement. Nous allons continuer, quand même, de nous battre pour injecter dans ce projet de loi un peu de bon sens, comme le suggère l'éditorialiste Marc Laurendeau. Mais qu'on ne nous accuse pas de faire des motions dilatoires. Cette motion est extrêmement importante parce qu'elle pourrait mettre dans ce secteur, seulement de ce projet de loi— il faudra le faire dans tous les autres, on va y arriver— un peu plus de justice, un peu plus d'équité.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, il y a quelques instants le député de Saint-Louis, dans son intervention, a prétendu découvrir le vrai visage du gouvernement. Je crois que nous sommes en train de voir une fois de plus—non pas de découvrir parce que nous le savions déjà— le vrai visage de l'Opposition officielle.

Dès le début de nos travaux, étude, article par article, le ministre d'État au développement culturel nous avait indiqué que nous entendrions de la part de l'Opposition officielle diverses voix, mais par le jeu des sous-amendements qui viennent modifier les amendements présentés par le même parti, on voit effectivement qu'il y a diverses voix qui se font entendre, les masques tombent et la façade s'effondre.

Je voudrais employer une analogie musicale, analogie qui s'applique lorsque le quarteron qui représente l'Opposition officielle est au complet dans sa formation régulière, c'est-à-dire dans l'ordre, Mme le député de L'Acadie, M. le député de

Marguerite-Bourgeoys et MM. les députés de Mont-Royal et de Jacques-Cartier, et ce quatuor que nous avons devant nous, quand il est au grand complet, est composé d'un soprano lyrique, d'un baryton léger, d'un ténor falsetto et d'une basse bouffe.

M. Blank: L'article 99 du règlement s'applique-t-il?

M. Ciaccia: C'est lui qui a commencé à appliquer les règlements.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Bellefeuille: L'Opposition officielle pratique continuellement le don-quichottisme et elle se révèle un bien piètre plaideur. Je me souviens...

M. Blank: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Saint-Louis.

M. Blank: J'entends le député de Deux-Montagnes depuis trois, quatre ou cinq minutes et, jusqu'à maintenant, il n'a pas parlé de l'amendement. Il a parlé du sous-amendement qui a déjà été voté. Il a parlé de toutes sortes de choses, mais il n'a pas parlé sur l'amendement et je vous demande de le rappeler à l'ordre, de l'inviter à parler de la pertinence du débat.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Effectivement, j'attendais une intervention d'un député de l'Opposition pour le souligner, même si je m'en étais rendu compte, et je l'incite—je ne le rappelle pas à l'ordre— à revenir à l'amendement.

M. de Bellefeuille: Je me plie de bonne grâce et avec empressement à votre incitation, M. le Président. Je rappelle à cette commission que l'amendement propose que l'article 17 soit modifié en ajoutant un deuxième alinéa qui se lirait comme suit, je suis sûr que messieurs les députés de l'Opposition officielle seront heureux d'entendre une fois de plus leur prose: "Les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser une autre langue dans leurs communications écrites entre eux".

La langue anglaise est, bien entendu, comprise parmi ces autres langues, la langue anglaise qui est parlée par une importante collectivité du Québec, et si j'étais membre de cette collectivité anglophone du Québec, je considérerais et je me rappellerais ce mot célèbre "Protégez-moi de mes amis, mes ennemis, je m'en charge". Nous avons devant nous de bien mauvais défenseurs de la cause de la collectivité anglophone.

Ils font continuellement injure à cette collectivité. Ils sont incapables de lui reconnaître le minimum de civisme qui ferait que ceux qui, au Québec, ont pour langue principale l'anglais, pourraient, à l'intérieur du cadre que nous sommes en

train de créer, grâce en bonne partie au projet de loi no 101, reconnaître, dis-je, le minimum de civisme qui consisterait à multiplier dans leurs rangs ceux qui auront également une connaissance d'usage de la langue française et, par conséquent, n'éprouveront aucun mal à se plier aux exigences de la loi, graduellement, comme la loi le prévoit.

Autre injure que l'Opposition officielle fait à la collectivité anglophone du Québec, c'est qu'elle ne reconnaît pas à ses membres la capacité intellectuelle voulue pour apprendre le français.

Les interventions que nous entendons à cette commission semblent reposer sur le postulat qu'un anglophone est incapable d'apprendre le français, c'est là faire injure à cette collectivité et je m'élève contre cette attitude, contre cette trahison en quelque sorte de ces faux amis de la collectivité anglophone.

Je me demande si le député de Marguerite-Bourgeoys se rappelle que le gouvernement dont il faisait partie a conclu une entente avec les Cris et les Inuit du Nouveau-Québec, laquelle prévoit la création de municipalités et de commissions scolaires dont la majorité des administrés seront de langue autre que le français ou l'anglais.

La chose pourtant vient cet après-midi même de lui être rappelée par le député de Mont-Royal, son collègue, qui a participé aux négociations qui ont mené à ces accords.

Pourtant, le député de Marguerite-Bourgeoys, tout à l'heure, a fait allusion non pas à la langue anglaise et aux langues autochtones, il a fait allusion à la langue anglaise et à la langue chinoise, il n'a pas encore compris.

M. Saint-Germain: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Lorsque le député ne se conforme pas au règlement, au moins, on peut rire; mais lorsqu'il parle conformément au règlement, il n'est pas intéressant du tout. Il est bien plat. Laissez-le donc parler sans considération du règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je préfère me plier aux incitations de la présidence qu'à celles du député de Jacques-Cartier. J'en viens bientôt à ma conclusion.

M. Lalonde: Pas déjà!

M. de Bellefeuille: Je voudrais tout simplement rappeler que l'expression "une autre langue" que l'Opposition officielle vient de faire incorporer à son amendement, par le mécanisme d'un sous-amendement, est une expression qui a été le sujet principal d'une intervention extrêmement vigoureuse du député de Bonaventure, son chef à l'Assemblée nationale, dans un des débats sur le projet de loi 101. Le député de Bonaventure a brandi son doigt vengeur comme jamais auparavant et jamais depuis lors, pour dire que cette expression "une autre langue" est honteuse. Pourquoi, alors, M. le Président, l'Opposition officielle a-t-elle tenu à introduire cette expression si vigoureusement condamnée par son chef?

Une voix: On vous l'a dit pourquoi. M. Lalonde: Vous avez voté pour!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement.

M. de Bellefeuille: Nous avons voté pour, pour des raisons...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Deux-Montagnes et M. le député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai l'habitude de prévoir des questions de règlement. J'aimerais que vous me disiez, avant de l'invoquer, sur quel sujet.

M. Lalonde: Sur la pertinence, M. le Président, parce que le sous-amendement est adopté. On parle de l'amendement maintenant.

M. Charbonneau: En vertu de quel article?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que l'amendement, tel que sous-amendé, comprend les mots "autre langue", et, d'après le sens normal que j'accorde à ces mots, M. le député de Deux-Montagnes peut continuer.

M. Blank: M. le ministre, un président à la fois.

M. de Bellefeuille: Merci M. le Président, je conclus en disant que pour les raisons que le ministre d'État au développement culturel a fort bien développées, ce matin, je vais, quant à moi, voter contre l'amendement sous-amendé. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'amendement, tel que sous-amendé, sera-t-il adopté?

M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je veux seulement répondre au député de Deux-Montagnes, sur l'amendement. Il a dit, dans son argumentation: "Je ne vois pas pourquoi les anglophones ne prennent pas le temps d'apprendre le français et n'utilisent pas le français dans leurs communications." C'est ce qu'il a dit.

Ce propos confirme encore l'argument que j'avais utilisé dans l'autre débat, maintenant, je l'utilise dans ce débat-ci, à savoir, le vrai visage du gouvernement. Il veut que la communauté anglophone apprenne le français et utilise le français dans toutes ses communications, partout, et que

la langue anglaise devienne une langue de maison, une langue entre la mère et les enfants seulement. Autrement dit, il veut que la communauté, comme telle, disparaisse. Il apporte une confirmation exacte à mon argument. Cela vient de la bouche du député de Deux-Montagnes. Il veut que maintenant, le français soit utilisé par les anglophones dans toutes leurs communications, partout dans leur communauté. Cela veut dire que la communauté anglophone disparaisse, et que l'anglais devienne seulement une langue de maison, une langue entre la mère et les enfants. Chez moi, mes parents viennent d'Europe. Nous avons parlé une langue autre que l'anglais et le français chez moi. Mais faisant partie de la communauté anglophone, nous avons utilisé l'anglais dans toutes nos communications communautaires, pour conserver cette communauté. Maintenant, si on veut nous enlever à nous, anglophones, notre droit de communiquer dans notre communauté, dans notre propre langue, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que vous voulez que notre communauté disparaisse. Je fais la même analogie d'il y a deux semaines. Cela prouve que le gouvernement veut que nous disparaissions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Saint-Louis. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: À l'article 96, M. le Président, l'interprétation que M. le député de Saint-Louis donne de mes propos est de la pure foutaise. Le fait qu'il s'exprime lui-même ici, en français, sans avoir, je crois, perdu son caractère profond, sa personnalité profonde, indique bien que son argumentation ne repose sur rien.

M. Blank: Mais j'ai le droit, jusqu'à maintenant, de communiquer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur l'article 96 ou sur le temps que vous aviez?

M. Blank: Sur mon temps. J'ai le droit de communiquer avec ma communauté dans la langue anglophone, mais vous voulez empêcher cela. À ce moment, l'anglais devient la langue de chez moi seulement. Je n'aurai pas le droit, ici, après les amendements. Je pense que je n'ai pas le droit de parler anglais, mais le projet de loi n'est pas adopté encore. Je ne sais même pas si avec ce projet de loi j'aurai le droit de parler anglais ici, après.

M. Charbonneau: Lisez-le projet de loi.

M. Blank: Oui, j'ai lu le projet de loi et je le comprends comme avocat. Selon l'interprétation de ce projet de loi, le président peut m'empêcher de parler anglais.

M. Charbonneau: Ne nous apportez pas votre diplôme du Barreau.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: C'est un très bon diplôme. Cela fait 27 ans que je fais de la pratique et j'ai la réputation d'être un très bon avocat...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Cela devrait vous servir à lire un texte de loi, par exemple.

M. Blank: Je ne vois pas... La question du journalisme, c'est une autre affaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, il ne vous reste plus aucune minute sur l'amendement.

M. Lalonde: Ah! bon. Alors, en vertu de l'article 96, M. le Président, je veux rétablir un fait, le député de Deux-Montagnes a dit que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, j'aurais une question à vous poser. Est-ce que vous voulez rectifier une parole que vous avez vous-même prononcée?

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Lalonde: Quand on a parlé d'une autre langue, il m'a accusé d'avoir laissé de côté les Inuit et les Cris dont les municipalités, les commissions scolaires, sont dans une autre langue. Je voulais simplement rectifier, M. le Président, que si j'ai dit cela c'est parce que je tiens compte de l'article 90 qui excepte de ce projet de loi tous les ressortissants couverts par la Convention de la Baie James. Ils ne sont pas déjà couverts par l'article 17.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Est-ce que l'amendement, tel que sous-amendé, sera adopté?

M. le député de Mont-Royal, il vous reste six minutes.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Charron: Je pense que vous êtes mieux de vérifier, M. le Président, le député de Mont-Royal a dû chanter trois de ses six minutes au moins, tout à l'heure. Au maximum, il doit lui en rester trois.

M. Ciaccia: J'ai parlé sur le sous-amendement, avant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est cela. S'il vous plaît!

M. Lalonde: Le député de Saint-Jacques était allé se promener.

M. Charron: Non, j'étais ici à ce moment-là.

M. Ciaccia: Je n'ai pas encore parlé sur l'article principal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: Et j'ai l'intention, bien que vous n'aimiez pas les propos qu'on veut vous...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...suggérer, j'ai l'intention de ne pas être intimidé et de parler quand même.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que le député de Saint-Jacques n'a pas l'intention de vous intimider ni la présidence, mais les notes que j'ai devant moi m'indiquent que sur l'amendement, à l'article 17, il resterait six minutes au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. le Président, on a tenté, quand nous avons introduit les mots "une autre langue", de nous faire passer pour des gens voulant faire des motions dilatoires ou bien ne voulant pas respecter la langue anglaise. C'est absolument aberrant de nous faire ces accusations quand on fait ces amendements pour essayer de répondre aux objections du gouvernement.

Quand on parle de bouffonneries et le reste, je laisse à la présidence le soin de juger qui prend le temps de cette commission, pas sur le fond de l'amendement, mais seulement pour faire perdre le temps, pour insulter le monde. Je ne m'abaisserai pas à ce genre de tactique.

C'est un principe fondamental. Je vous avoue que je ne peux pas comprendre le principe de la loi contenu à l'article 17, si notre amendement n'est pas accepté. Ce principe que deux groupes, deux organismes scolaires ne pourront pas communiquer dans leur propre langue.

Le député de Saint-Louis a raison: On veut faire disparaître une communauté, une collectivité, Nous sommes témoins, à cette commission, du lent étouffement d'une collectivité. We are witnessing the slow strangulation of a community. That is what we are doing. C'est malheureux, M. le Président. Je ne dis pas cela parce que je veux protéger le statu quo, les privilèges. Ce n'est pas cela. On va m'accuser de cela. Il y a une évolution nécessaire dans notre société. Il y a une évolution nécessaire même dans la communauté anglophone. Mais de là à dire qu'il faut que cette communauté soit étouffée par un projet de loi, c'est une autre chose, M. le Président.

Quand on voit l'éventuelle disparition d'une culture, c'est de cela qu'on parle, on parle d'une éventuelle disparition de valeurs humaines, de certaines notions, de certains concepts que cette collectivité nous a apportés et dont nous avons bénéficié dans tous les domaines, dans le domaine de la Justice.

Le sens d'un tel article ne se traduit même pas par le mot "fair play". Tout le monde sait cela, qu'on soit unilingue ou non, on sait ce que "fair play" veut dire. Cela n'a pas toujours été appliqué, mais la notion est là, et quand on dit qu'on veut faire disparaître cette communauté, cette collectivité — je ne parle pas des individus, je parle des notions qui existent, des valeurs humaines, des valeurs philosophiques, des valeurs que vit chacun de nous, l'Assemblée nationale, nos règles, nos coutumes, la façon dont les élections se passent, la façon dont nos débats se passent, cela a une origine dans une certaine collectivité et, aujourd'hui, on veut dire non, et cela va disparaître. C'est indigne, cet article 17, c'est vraiment indigne. Dans un moment de... je ne pourrais pas utiliser le mot, quand on est fâché, quand on a quelque chose dans le coeur contre quelqu'un, on ferait un article comme l'article 17. Momentanément, je peux comprendre cela, mais je comprendrais aussi qu'on réfléchisse, après un bout de temps, et qu'on dise: C'est vrai, j'ai subi des injustices, je ne suis pas content de ce qui s'est passé, je veux de nouvelles règles, je veux établir le français, je veux assurer la protection de certaines valeurs, de certaines identités, mais pas d'une façon aussi négative et aller jusqu'à décider que deux personnes ne pourront pas se parler parce que c'est ce qu'on dit.

Il ne faut pas se faire d'illusions. Quand on parle d'une commission scolaire avec une autre, ce sont deux individus. Moi aussi, je parle français, mais c'est plus facile pour moi, M. le Président, d'écrire en anglais. Je veux bien faire mon possible et j'essaie de le faire, mais cela se multiplie par des milliers et des milliers de cas. C'est, par exemple, un individu, dans une commission scolaire, qui a des dossiers de ses étudiants en anglais et qui va vouloir les transférer, les envoyer avec une lettre à une autre commission scolaire. On lui dit: Non, on ne peut pas faire cela.

C'est malheureux qu'on veuille empoisonner l'atmosphère, c'est le climat social qu'on empoisonne avec des articles comme l'article 17. On a tenté le mieux possible de réduire cette tension. Si on ne voulait pas les mots "en langue anglaise", ce n'était pas pour insulter les Anglais ou pour assurer le député de Deux-Montagnes qu'on a utilisé une autre langue. Vous l'avez dans d'autres articles, on a essayé de vous accommoder, de vous donner des raisons pour être un peu, je pourrais dire, décents. C'est malheureux, cet esprit d'intolérance. Je ne crois pas que notre société, que les Québécois soient intolérants. Qu'elle soit canadienne-française ou autre, la majorité n'est pas intolérante, et cet article ne reflète pas l'esprit des Canadiens-français, que ce soit la minorité, que ce soit un autre groupe, c'est triste, la façon dont on essaie de défendre le principe de l'article 17. Vous voyez qu'on n'a pas de raisons substantielles pour le défendre, on est réduit à rire de l'Opposition et à l'accuser de faire des motions dilatoires.

Je peux vous assurer que l'esprit de l'article 17, à moins que notre amendement ne soit accepté par les ministériels, n'aidera pas au développement et à l'évolution de notre société.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, juste avant que la commission se prononce sur l'amendement présenté par le Parti libéral sur l'article 17, ce sont encore une fois les propos du député de Mont-Royal, avec l'amplificateur que lui donne la presse anglaise du Québec, qui m'incitent à faire le point rapidement sur la question.

Si je ne savais pas que le député de Mont-Royal possède les pages ouvertes presque à volonté des media d'information anglophones et qu'il peut s'adonner à son rôle "d'attiseur" et d'émeutier comme il le fait si subtilement et si adroitement, je pense que son intervention mériterait de passer à l'oubli très rapidement, à cause de la qualité de fond; mais parce qu'elle a un caractère politique qui, dans les circonstances actuelles, peut être fondamentalement malsain pour la compréhension de la loi, et parce que dans tout ce charabia d'étranglement, d'étouffement... Le député me reprochait, l'autre jour, d'avoir parlé d'assassinat de la minorité anglophone, ce qu'il nous reproche. Il vient clairement de nous accuser. "Strangulation" à mon avis, conduit à l'assassinat, si je ne me suis pas trompé.

M. Ciaccia: "Slow strangulation".

M. Charron: "Slow strangulation", c'est "strangulation" quand même. Et quand le député de Mont-Royal insinue, en sachant très bien le traitement qu'il va recevoir, ce genre de phrase, je continue à lui dire très calmement que ce genre d'insulte à n'importe quel francophone à la table provoque des haut-le-coeur.

Dites-vous bien que vous pouvez être chanceux du fait qu'il n'y a pas beaucoup de francophones qui lisent les journaux anglais, parce que, s'il y avait beaucoup de francophones qui lisaient les journaux anglais et l'abondance de pages qu'on vous réserve à l'intérieur de ces journaux, j'ai bien l'impression que le climat social du Québec serait différent de ce qu'il est aujourd'hui. Je n'invite absolument pas les citoyens francophones à suivre l'invitation du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

M. Charron: L'article 96 vous permet d'intervenir quand j'aurai fini. Vous avez épuisé les six minutes, vous en avez même pris plus que celles auxquelles vous aviez droit. Laissez-moi parler.

M. Ciaccia: Je vais l'invoquer quand vous aurez terminé, très bien.

M. Charron: Vous parlerez de ce que vous voudrez quand j'aurai fini de parler, mais je vais vous dire ce que je pense de vous d'abord.

M. le Président, ce que réclame le député de Mont-Royal, et là-dessus, malheureusement, à cause de la formation politique à laquelle il appartient, on ne sait jamais si c'est par tolérance, par osmose, ou par simple faiblesse que les députés francophones le laissent s'adresser ainsi à la commission.

Il y a aussi la possibilité d'une complicité évidente, mais qui m'étonnerait de la part de certains membres de la commission, si je ne les ai pas mal connus, au moment où ils étaient au pouvoir.

Il reste que je dois prendre position, même si je sens que certaines des affirmations du député de Mont-Royal dépassent les bornes de l'intelligence et de la modération.

M. Blank: Question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Louis, sur une question de règlement.

M. Blank: Selon l'article 99, je pense que ces mots sont grandement insultants.

M. Ciaccia: Et je tiens à l'amendement, M. le Président, si on peut le faire de ce côté.

M. Blank: S'il peut parler sans insulter le député de Mont-Royal...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, qui soulève la question de règlement, le député de Mont-Royal ou le député de Saint-Louis?

M. Blank: Le député de Saint-Louis, sur une question de règlement. Je trouve que les dernières paroles du député de Saint-Jacques sont des mots insultants, qui sont "prohibités" par nos règlements; qu'il s'en tienne au débat.

M. Charron: Ils ne sont pas "prohibités" par rien, les propos que je suis en train de tenir.

M. Blank: Le président va décider, d'accord?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, si vous faites allusion aux derniers mots prononcés, c'est-à-dire les bornes de l'intelligence, je pense qu'il ne s'agit pas là de propos contraires à l'article 99.

M. Charron: Vous êtes sauvé par la cloche, laissez-moi vous le dire.

M. Lalonde: Les menaces ne nous ont jamais bien impressionnés. Quand vous riez d'un anglophone qui parle français, parce qu'il fait une faute... N'oubliez pas que sa langue maternelle n'est pas le français. Je vais vous en faire des "prohibités".

M. Charron: J'aimerais bien vous entendre affirmer la même chose que le député de Mont-Royal. Est-ce qu'un député francophone, de la qualité du député de Marguerite-Bourgeoys, est capable d'endosser fondamentalement tous les propos et tous les sous-entendus des propos du député de Mont-Royal? Je le lui demande.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Après toutes les "conneries" que j'entends du gouvernement, M. le Président...

M. Charron: Êtes-vous capable, comme député francophone du Québec, d'endosser ce genre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à vingt heures ce soir. Il y a un vote.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

Reprise de la séance à 20 h 5

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, messieurs! Si vous voulez bien regagner vos fauteuils. À l'ordre, s'il vous plaît! Justement, c'est ce que je voudrais éviter ce soir. Nous sommes encore à étudier l'amendement de M. le député de Marguerite-Bourgeoys, motion d'amendement à l'article 17. C'est la suite de la même séance. Après la journée des députés, je ne voudrais pas qu'il y ait quand même la soirée des députés dans le sens qu'on peut l'entendre.

Nous sommes seuls ce soir, comme disait la chanson.

M. Grenier: Je suis seul tous les soirs à Québec.

Le Président (M. Cardinal): II est mauvais qu'un homme soit seul, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît!

Une voix: Prenez garde à vos...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes seuls ce soir, l'Assemblée nationale ne siégeant pas. J'espère que nous en profiterons pour bien travailler et que nous reviendrons à la sérénité qu'a connue cette commission depuis le début de ses travaux. Si la cloche a pu sauver la commission de ce qui se passait, j'aimerais bien que nous revenions à cette motion d'amendement à l'article 17. Nous connaissons déjà les membres de la commission. Je n'ai pas besoin de les appeler. Celui qui avait la parole n'étant plus avec nous, j'accorde la parole à M. le député de Mont-Royal, malgré que vous ayez terminé.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Est-ce une question de règlement?

M. Ciaccia: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord!

M. Ciaccia: J'invoque le règlement en vertu de l'article 96 et de l'article 99, et...

Le Président (M. Cardinal): Bien, l'article 99...

M. Ciaccia: Je demande une directive au président en même temps.

Le Président (M. Cardinal): Oui, ce serait mieux.

M. Ciaccia: Premièrement, en vertu de l'article 96, je regrette que le député de Saint-Jacques ne soit pas ici pour entendre les propos que je veux tenir sur l'article 96.

Le Président (M. Cardinal): Permettez, M. le député de Mont-Royal que je vous "interrompisse" un moment. Je ne voudrais pas que vous en fassiez une question de privilège.

M. Ciaccia: Non, assurément pas une question de privilège.

Je considère que la présidence est ici — vous l'avez amplement démontré dans le passé — pour protéger les droits de chaque parlementaire et de chaque membre de cette commission. J'invoque cette protection de la présidence selon l'article 99 non seulement pour tout de suite, mais pour l'avenir aussi, parce qu'il y a des limites, M. le Président, aux abus personnels qu'un parlementaire doit subir ici, à la suite de ses interventions sur le fond d'une motion.

C'est l'article 96, M. le Président, et c'est malheureux, comme je l'ai déjà dit, que le député de Saint-Jacques ne soit pas ici. C'est la deuxième fois qu'il me fait cela. Il fait des accusations personnelles et il s'en va. Je n'ai rien dit dans les discours que j'ai prononcés, dans mes interventions, juste avant que le député de Saint-Jacques m'attaque, contre les francophones ou contre n'importe quelle autre minorité ou majorité dans la province.

Les propos du député de Saint-Jacques ont laissé entendre ou m'ont accusé d'avoir parlé contre les francophones. C'est faux.

M. le Président, non seulement je n'ai pas parlé contre, mais j'ai défendu leur esprit de tolérance et j'ai dit clairement qu'ils ne toléreraient pas une chose comme l'article 17. Mon intervention portait sur l'article 17 même, pas sur des individus qui auraient pu le rédiger. Je m'en tenais au fond, à l'esprit de l'article 17 et jamais, dans mon intervention, je n'ai attaqué quelqu'un personnellement.

On m'a accusé d'avoir dit ici des choses différentes de ce que je dirais aux journalistes. C'est absolument faux. Je ne fais pas de conférences de presse en dehors de cette commission parlementaire; je n'en ai jamais convoqué.

M. Duhaime: Vous êtes en train d'en faire une, là!

M. Ciaccia: Non, M. le Président. Les propos que je tiens ici, je suis prêt à les répéter n'importe où et il ne faut pas donner l'impression—c'est cela que le député de Saint-Jacques a fait— que je dis ici des choses différentes de ce que je dis en dehors de cette commission. M. le Président, c'est faux. Il a aussi laissé entendre que ce qui était écrit dans les journaux et ce que je disais était différent. C'est absolument faux.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez...

M. Duhaime: J'invoque le règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ... il n'y a pas de question de règlement sur une question de règlement, M. le député, je regrette. Il n'y a pas de question de privilège, non plus, en commission parlementaire.

M. Duhaime: Cela m'a l'air d'être une question de privilège, M. le Président. Cela pourrait faire l'objet d'une intervention à l'Assemblée nationale, pas ici.

Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez demander une directive, mais il n'y a pas de question de privilège. À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai demandé tantôt qu'on en revienne à la sérénité légendaire de la commission, comme le disait Mme le député de L'Acadie. Pour éviter qu'il n'y ait question de règlement sur question de règlement, ce que je n'ai jamais permis, pour éviter aussi des questions de privilège, ce qui n'a jamais été permis en commission parlementaire, je rappelle à M. le député de Mont-Royal qu'il peut invoquer l'article 96, mais pas 99.

Vous avez raison en vertu de l'article 96. Je vais prendre le temps de le faire. Cela calmera les ardeurs de certains membres de cette commission.

Vous avez prononcé un discours, c'est-à-dire que vous êtes intervenu, au cours des travaux de cette commission, sur l'amendement à l'article 17 et vous avez épuisé tout votre temps.

Vous avez le droit, à la fin d'un discours prononcé par une autre personne, ce qui est le cas, c'était M. le député de Saint-Jacques, de prendre la parole, avec la permission du président, pour donner les explications sur le discours que vous avez déjà prononcé.

Ces explications doivent être brèves et ne doivent apporter aucun élément nouveau, ne peuvent provoquer de discussion et ne peuvent engendrer de débat. C'est pourquoi je viens de rendre la directive qu'il n'y a pas de question de règlement sur une question de règlement, ce qui serait évidemment un débat.

Vous ne pouvez, cependant, M. le député, invoquer l'article 99. Pour invoquer l'article 99, je comprends qu'il y a eu cette cloche qui a appelé les députés au vote, il aurait fallu le faire sur-le-champ, et il ne faudrait pas qu'il y ait de questions de privilège déguisées.

M. le député de Mont-Royal, je vous prierais de conclure parce que votre intervention doit être brève.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président, je conclus en ajoutant seulement aux propos que j'ai prononcés sur l'article 17, que si le député de Saint-Jacques ne veut pas répondre au fond des arguments que j'ai donnés, j'espère qu'il ne répétera pas les attaques personnelles quand il n'a pas de raisons ou de motifs sur le fond de mon argument. Je ne voudrais pas — on va siéger encore quel-

ques jours—que ces attaques personnelles injustifiées, résultant de propos très modérés—et mon intervention sur l'article 17 était modérée — je ne voudrais pas que...

M. Charbonneau: C'est modéré? Il est bon, lui! M. Ciaccia: Oui.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Je vais terminer sur ce point.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le ministre et leader parlementaire adjoint.

M. Duhaime: Je voudrais assurer notre collègue, député...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Maurice est membre de la commission depuis que la commission a commencé sa séance à 16 heures cet après-midi.

M. Duhaime: Régulièrement inscrit et enregistré au procès-verbal, M. le député de... Quel comté?

Le Président (M. Cardinal): Saint-Louis. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Maurice...

M. Duhaime: Je voudrais dire que je transmettrai à mon collègue, Claude Charron, les propos qui viennent d'être tenus et je peux me permettre d'ajouter que si notre collègue, Claude Charron, n'est pas présent, ce soir...

Le Président (M. Cardinal): Parlez du député de Saint-Jacques, plutôt que de le nommer par son nom.

M. Duhaime: ... le député de Saint-Jacques, je m'excuse, c'est qu'il est en service commandé en vol vers Terre-Neuve, pour aller recueillir les médailles que le Québec est en train de mériter.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Maurice, je ne savais évidemment pas ce que vous alliez dire, c'est fort intéressant, mais c'est hors propos.

M. Saint-Germain: Dans quelle discipline?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, M. le député de Jacques-Cartier!

M. le député de Jacques-Cartier, si vous voulez vous exprimer sur la motion d'amendement à l'article 17.

M. Saint-Germain: Certainement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez la parole.

M. Saint-Germain: J'allais vous dire, M. le Président, que c'est dommage que le vote ait interrompu le discours de notre distingué ami, le député de Saint-Jacques. Il était parti dans une de ces...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! M. le député de Jacques-Cartier, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Duhaime: ... de Saint-Jacques.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, M. le député de Saint-Maurice. Non, je ne permettrai pas. Je regrette. Nous allons commencer ce débat ce soir d'une autre façon que de cette façon-là. Nous allons venir au sujet et vous vous rappellerez que le président peut suspendre et même ajourner.

M. Saint-Germain: Je voulais simplement demander au député...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier, revenez, il s'agit de la motion d'amendement... Un instant, s'il vous plaît. Le président n'a pas le droit de se lever, à cette commission, mais habituellement on ne parle pas en même temps que lui.

Je voudrais qu'il y ait beaucoup d'ordre, sinon de décorum, ce soir, de sérénité et de paix.

M. le député de Jacques-Cartier, sur la motion d'amendement de M. le député de Marguerite-Bourgeoys concernant l'article 17, s'il vous plaît.

M. Saint-Germain: M. le Président, j'allais simplement demander en toute sincérité et sans arrière-pensée si le remplaçant du député de Saint-Jacques n'avait pas un message...

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas de remplaçant du député de Saint-Jacques, parce que nous sommes dans une même séance. M. le député de Saint-Maurice a été appelé dès le début de cette séance, M. le député de Saint-Jacques est simplement absent.

M. Saint-Germain: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole et tout le monde sait qu'en vertu des articles 26 et 100, vous êtes le seul à pouvoir vous exprimer pourvu que vous vous en teniez à la pertinence du débat.

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, lorsque

nous prenons à titre de membres du Parti libéral, la parole sur cet amendement, nous ne prenons pas la parole à titre de représentants d'une classe de la population ou d'un groupe de la population du Québec ou d'un autre groupe.

Il m'a personnellement été donné, M. le Président, de représenter ici un comté qui est loin d'être homogène et qui représente à peu près tous les groupes, qui représente à peu près toutes les populations qui forment le Canada et le Québec en particulier, toutes les minorités. Si je constate que cet article 17 est une injustice, à mon avis, à l'égard de la minorité de langue anglaise, je n'ai absolument pas conscience de défendre cette minorité de langue anglaise du tout, parce que j'ai toujours fait attention, M. le Président, à titre de député, à Québec, de ne pas me faire le défenseur des gens de culture anglaise, de culture grecque ou de culture française. Je crois que ma responsabilité est tout simplement de défendre ce que je crois être la justice, un point c'est tout.

La justice, M. le Président, n'est pas servie par cet article s'il n'est pas amendé. Nous avons tous, à titre de francophones, subi dans le passé certains préjudices. Je sais pertinemment que certains francophones se sont vus dans l'obligation de dialoguer quelques fois en anglais entre eux. Devant une telle injustice, je sais pertinemment qu'ils se sont révoltés, et ils en avaient le droit. Dans cet article, en particulier, c'est l'inverse, on obligera deux personnes de langue anglaise à communiquer entre elles en français, dans une langue qui n'est pas leur langue maternelle. Je crois qu'il y a là une injustice. Ce n'est pas parce qu'une injustice est imposée à un francophone, à un anglophone, à un membre de la minorité italienne, quelle que soit la minorité à laquelle les citoyens puissent appartenir, ce n'est pas parce que c'est fait vis-à-vis d'un autre groupe que c'est injuste ou juste. Je crois que la justice est la même pour tous les citoyens.

Il va sans dire que par un article semblable, les minorités réagissent et la minorité de langue anglaise réagit. Elle se sent bafouée, elle se sent humiliée. Bafouée et humiliée, la minorité de langue anglaise ne donnera jamais plus de vivacité, de force ou de prestige à la majorité francophone.

Il faudrait, je crois, que, comme francophone, nous cessions d'agir et de réagir comme étant minoritaires dans cette province. Je crois que, depuis quelques apnées, nous agissons ou nous pouvons agir en majoritaires. Mais un article comme celui-ci n'est pas la réaction d'un groupe qui agit en majoritaire, conscient de sa force, conscient de sa puissance et qui a confiance dans l'avenir. C'est un article qui a été conçu par une majorité— il faut bien admettre que c'est une majorité, parce que c'est un gouvernement qui a été dûment élu par une majorité de francophones— mais cela reflète une majorité qui réagit encore en minoritaire, avec toutes les frustrations que cela peut apporter.

Si, personnellement, je m'inscris en faux contre cet article, je n'ai pas conscience d'aider la minorité anglophone. Je crois que je parle pour la justice. Je crois qu'agir de la sorte et créer une insécurité pour nos minorités anglophones ne peut, à long terme ou à moyen terme, que se refléter sur les francophones mêmes. En prêchant pour la justice, on défend tout le monde.

Qu'on veuille, par nos législations ou nos lois, se défaire, comme mon collègue de Mont-Royal l'a laissé entendre, de la minorité anglophone et la voir disparaître de la province, ce serait naïf de croire que ce serait positif pour les francophones et que cela permettrait à la culture française de s'imposer en Amérique du Nord ou dans la province de Québec en particulier. C'est faux, parce qu'on la frustre par des articles comme cela. Le projet de loi 101 est farci de tels articles qui n'apportent rien de positif vis-à-vis du développement de la francophonie, mais qui créent des tensions, qui créent des craintes et qui font que beaucoup de nos minorités désirent une chose actuellement, fouter le camp de la province de Québec et elles ont déjà commencé à le faire. Si elles ne foutent pas le camp, leurs capitaux ont déjà commencé à être placés en dehors de la province.

M. Duhaime: La Brink's qui revient.

M. Saint-Germain: Je comprends très bien que les gars d'en face ne comprennent pas cela, mais ils vont être obligés... Ils ont déjà commencé à s'en rendre compte, le chômage est élevé. Avec des articles comme cela, il va l'être plus tout à l'heure.

M. Charbonneau: II était à 10,1% quand...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, M. le député de Verchères!

M. Saint-Germain: II va être beaucoup plus élevé cet automne et beaucoup plus élevé cet hiver.

M. Charbonneau: C'est cela que vous souhaitez.

M. Saint-Germain: Je ne souhaite pas cela, je ne crois pas être assez fanatique en politique.

Le Président (M. Cardinal): Adressez-vous à la présidence, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Saint-Germain: M. le Président, vous me connaissez suffisamment pour savoir que je ne suis pas assez fanatique en politique pour vouloir mes intérêts personnels au point de vue de carrière politique au détriment de l'évolution normale du Québec.

M. Duhaime: Mais votre avenir est derrière vous.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs, cela paraît que Mme le député de L'Acadie n'est pas avec nous ce soir.

M. Grenier: Seigneur!

M. Charbonneau: M. le Président, vous avez la

mémoire courte, cela ne changeait pas grand-chose, ordinairement.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Est-ce que la patience — non, mais peut-être certaines réserves — qu'il faut pour exercer la démocratie pourrait vous inspirer?

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Lorsque l'équilibre social dans cette province sera disparu par des articles comme ceux-ci, ceux qui en souffriront le plus, ce ne sera pas les anglophones puissants à la tête des industries que ces gens veulent abattre. Eux ont l'argent, ont la formation et ont mille et un moyens de s'adapter aux situations nouvelles.

M. Charbonneau: Nous autres on est trop ignorants pour cela?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: Ce ne seront même pas, M. le Président, des gens comme ceux autour de cette table, ce n'est pas nous qui allons souffrir de cela. Ceux qui vont souffrir, ce seront les plus démunis de notre société, ce seront ceux qui sont sans défense. Que ce soit les francophones ou les anglophones, il n'y aura aucune différence. Ceux qui auront moins de scolarité, ceux qui auront des responsabilités de famille, qui ne pourront se déplacer que très difficilement, qui ont absolument besoin du revenu de leur emploi pour vivre de jour en jour et de semaine en semaine, ce sont eux qui vont souffrir. C'est déjà commencé, M. le Président, cela a déjà débuté, ce sera encore pire. Et ces gens auront des comptes à rendre vis-à-vis de cette population qui subira les inconvénients d'un projet de loi comme celui qu'on étudie aujourd'hui.

C'est cela du leadership au point de vue du gouvernement. C'est cela, être des hommes d'État. Il ne faut pas parler de cela à ces gens. Ils se sont inscrits comme les défenseurs, les grands défenseurs de la culture française au Québec, comme si cette culture n'avait jamais su se défendre avant eux. Ils veulent être les grands sauveurs, avoir des monuments à la fin de leur carrière, à côté de celui de Duplessis.

M. Duhaime: Je pense que si on vous coulait dans le bronze, on rendrait service à tout le monde.

M. Michaud: Cela en prendrait trop. Une voix: Soyez sérieux, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je suis très sérieux, et comme je l'ai déjà dit, je ne trouve rien de drôle dans tout cela.

M. Saint-Germain: Parce que des discours nationalistes, à titre de francophone, j'en ai entendus. Des sauveurs de la race dans le Québec, ce que j'en ai entendus et ce que j'en ai rencontrés. On en a tellement de sauveurs qu'on est en train de se faire étouffer par nos sauveurs.

M. Grenier: II n'y a plus de "sauvés".

M. Saint-Germain: II n'y a plus de "sauvés", il n'y a que des sauveurs de la race. Je vous dis que j'en ai bien entendu, des discours nationalistes. Je vous dis qu'à chaque fois qu'on s'est laissé aller dans des mouvements nationalistes qui ont accepté des articles comme l'article 17, cela n'a jamais rien donné de positif dans cette province. On pourra se souvenir de l'achat chez nous et du retour à la terre. Nos nationalistes sont toujours en arrière, toujours 25 ans en arrière. Ils nous arrivent avec des lois aussi sévères, quand la culture française, au Québec, en particulier, n'a jamais été en aussi bonne posture. Comme de raison, on ne peut pas être sauveur s'il n'y a pas personne qui est prêt à se noyer. Il faut toujours bien avoir quelqu'un en danger pour sauver quelqu'un. Il faut qu'ils fassent croire à la population qu'il y a un danger de perdition. Quand la population aura bien cru qu'il y a un danger de perdition de la culture française, là, on pourra se déclarer sauveurs avec des soi-disant lois comme celle-ci. C'est un jeu très dangereux, excessivement dangereux.

Alors, qu'est-ce qu'il y a dans cet article, s'il n'est pas modifié, qui peut sauver quoi que ce soit de la culture française? On dit: "Le gouvernement, ses ministres... utilisent uniquement la langue officielle..." Je voudrais bien savoir qui, au niveau du gouvernement, qui, au niveau des ministères, travaille en anglais à Québec. Si vous en connaissez, nommez-les moi!

M. Dussault: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Y a-t-il un lien entre ce qu'est en train de dire le député de Jacques-Cartier et l'article que l'on discute, à savoir l'amendement à l'article 17? Y a-t-il un lien vraiment?

Le Président (M. Cardinal): II m'est très difficile d'en juger.

M. Charbonneau: M. le Président... M. Grenier: M. le Président...

M. Saint-Germain: Alors, si le président ne peut pas juger, n'essayez pas de juger...

M. Dussault: Sérieusement, M. le Président...

M. Grenier:... on ne gagne pas notre paie, on a trop de "fun"!

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! M. Dussault: M. le Président, je comprends

que la "filibuste" continue, mais est-ce que vous pourriez demander, s'il vous plaît, à M. le député de Jacques-Cartier de revenir à la pertinence du débat, c'est-à-dire sur l'amendement?

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Oui, M. le député de Saint-Louis, sur la question de règlement.

M. Blank: Question de règlement. Je pense que le député qui a soulevé cette question de règlement, ne comprend pas l'argumentation du député de... Cela a l'air que c'est quelque part...

M. Dussault: Je serais heureux de comprendre, M. le Président.

M. Blank: Oui, c'est très facile à comprendre. On a le droit de parler sur un article.

Une des choses principales dont on peut parler, c'est des effets de tel et tel article de la loi, ou de telle et telle loi. Le député de Jacques-Cartier vient de nous exposer les effets de cet article en particulier et de la loi générale. Il a le droit de parler de cet article et de l'effet qu'il aura sur cette province. C'est cela qu'il expose et tout est selon le règlement.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je remercie M. le député de Saint-Louis de m'avoir éclairé. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: D'ailleurs, M. le Président, que mon collègue ne s'énerve donc pas! Je ne parle pas pour lui, il ne comprendra jamais rien; je parle pour la population.

M. de Bellefeuille: Eclairer le peuple!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Deux-Montagnes. M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.

M. Saint-Germain: Je disais, M. le Président, que des articles comme celui-ci, s'ils ne sont pas modifiés, n'aident absolument pas le développement de la culture française au Québec. Le gouvernement et ses ministères doivent parler en français. Y a-t-il un ministère où on parle anglais, où on travaille en anglais au Québec?

Quand je veux faire communiquer les fonctionnaires du Québec avec mes électeurs de langue anglaise, j'ai de la misère à en trouver un qui parle anglais. Ils ne doivent pas travailler en anglais, ces gars-là!

M. Duhaime: Vos électeurs devraient comprendre le français.

M. Saint-Germain: Qu'on se sente obligé de mettre cela dans un article de la loi, qu'est-ce qu'on ajoute de plus? On ajoute tout simplement le fait qu'on doit utiliser uniquement le français, parce que, s'il fallait qu'un fonctionnaire bilingue se mette...

Une voix: À travailler?

M. Saint-Germain: ...pas à travailler, on ne va pas si loin que cela, mais s'il fallait qu'il se mette dans la tête de répondre à une lettre en anglais, voyez-vous le scandale! La culture française serait nécessairement en grand danger. Ce serait dangereux. C'est criminel! Cela va l'être, d'ailleurs, lorsque la loi sera adoptée. Alors, qu'est-ce que cela donne de positif?

On dit: "Le gouvernement, ses ministères et les autres organismes de l'administration utilisent uniquement la langue officielle dans leurs communications écrites entre eux". Quels sont les autres organismes de l'administration où on travaille en anglais?

M. Charbonneau: La Commission scolaire de Lakeshore, le Protestant School Board.

M. Saint-Germain: Une chose que je peux vous dire, M. le Président, par exemple, c'est qu'à SIDBEC il y a certainement des gars qui n'ont pas eu la langue française comme langue maternelle. On n'a pas appris à faire de l'acier, on commence à l'apprendre. Cela coûte cher pour l'apprendre; cela a coûté $35 millions seulement pour l'année passée. Il faut bien faire appel aux gars qui savent faire de l'acier. Il n'y en a pas qui parlent français dans le Québec qui savent faire de l'acier; il faut aller chercher des gars de l'extérieur.

M. Charbonneau: Question de règlement, M. le Président. Je représente un comté où les travailleurs de SIDBEC sont des gars qui savent faire de l'acier et ils parlent français. Arrêtez de les humilier! Maudit, c'est écoeurant!

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères, à l'ordre, s'il vous plaît! Je comprends votre intervention, mais c'est une question de privilège pour le moins déguisée.

M. Saint-Germain: Je parle de ceux qui savent faire...

M. Charbonneau: Les travailleurs de Contrecoeur, M. le Président, ne prendront jamais cela.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: Je ne parle pas de... Vous n'avez pas compris.

M. Charbonneau: Non, vous parlez des gars de SIDBEC-DOSCO, oui, monsieur!

M. Saint-Germain: II n'y a que la pègre qu'il comprend, lui. À part de cela, l'acier, il ne comprend pas cela.

M. Charbonneau: Non, vous parlez de SIDBEC.

M. Saint-Germain: Non!

M. Charbonneau: Oui et des gars de l'acier. M. Saint-Germain: Non.

M. Charbonneau: Oui, c'est de cela que vous parliez.

M. Saint-Germain: Non, il n'a pas compris.

M. de Bellefeuille: II parle des "boss" et les "boss" sont toujours anglais.

M. Saint-Germain: Je ne parle pas du gars qui aide à faire de l'acier comme travailleur à SIDBEC; je parle du métallurgiste, je parle du scientifique, je parle de l'ingénieur qui sait faire de l'acier.

M. Charbonneau: Allez voir à Contrecoeur!

M. de Bellefeuille: Qui parlent nécessairement anglais, n'est-ce pas, monsieur!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Les gars intelligents parlent anglais.

M. Saint-Germain: Probablement qu'ils parlent anglais et s'ils ont un mémo à envoyer à leurs collègues...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés de Saint-Jacques, de Verchères, de Deux-Montagnes, s'il vous plaît. M. le député de Châteauguay, ce n'est pas encore votre tour. D'accord? M. le député de Jacques-Cartier, il vous reste une minute.

M. Saint-Germain: Je n'ai pas parlé des travailleurs de SIDBEC; j'ai parlé de ceux qui faisaient de l'acier à SIDBEC, pas de ceux qui aidaient à faire de l'acier. Vous n'avez pas compris.

M. Charbonneau: Ceux qui font de l'acier parlent français. Maudits colonisés!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, un instant.

M. Saint-Germain: Avec la CECO, il s'est aperçu que les grands criminalistes parlaient anglais. Cela a dû lui faire de la peine.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Les bandits, on les connaît.

Le Président (M. Cardinal): II ne m'est arrivé qu'une seule fois de rappeler très formellement à l'ordre un député en cette auguste assemblée. Je ne voudrais pas répéter cette performance.

M. le député de Jacques-Cartier, si vous voulez bien conclure, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant. M. le député de Jacques-Cartier va conclure. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Ai-je la parole, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Oui, il vous reste 30 secondes.

M. Saint-Germain: Je vais dire que je suis fortement en faveur de cet amendement et que je voterai pour cet amendement, malgré qu'il ait été modifié et qu'on ait voulu enlever le mot "anglais" parce que c'est dangereux. Il ne faut pas écrire cela dans un article, surtout à l'article 71, écrire "langue anglaise", c'est criminel. Avant, vous savez, il y avait toutes sortes de péchés. Là, il y en a d'autres sortes.

Le Président (M. Cardinal): Dans le sous-amendement qui est adopté, le mot "anglais" n'existe plus dans l'article.

M. Saint-Germain: Alors, je termine là-dessus, M. le Président.

M. Duhaime: 0 sur 10 pour votre intervention.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: Je me fous de votre note, M. le ministre. Cela ne me dérange pas du tout.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier, ne perdez pas votre temps à répondre à ceux qui ne sont pas autorisés à parler.

M. Dussault: M. le Président, cela a pris 18 minutes pour entendre le mot "amendement".

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, M. le député de Châteauguay!

M. Saint-Germain: Toi, le temporaire, attends aux prochaines élections.

Le Président (M. Cardinal): Bon. C'est terminé? M. le député de Verchères, vous demandiez la parole?

M. Charbonneau: Je voulais simplement intervenir, au moment où ce personnage...

Le Président (M. Cardinal): Vous ne pouviez pas, pendant.

M. Charbonneau: Je voulais vous demander, à vous, de le prier de laisser les travailleurs de l'acier du Québec en paix, de les laisser travailler et de les respecter parce que ce n'est pas la motion.

M. Saint-Germain: Avec de telles lois, ils vont perdre leur emploi.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Ils ne perdront rien. Les gars de Contrecoeur se tiennent debout.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, si vous avez une question de privilège à soulever, vous avez jusqu'à 15 heures demain pour le faire auprès de la présidence.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président.

M. Grenier: M. le Président, une seconde. Je pense qu'il y avait une mésentente entre les deux députés quand ils parlaient des travailleurs de l'acier.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, voulez-vous parler sur la motion d'amendement?

M. Grenier: Oui. C'est seulement une mise au point. Je le prends sur mon temps.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, il vous reste suffisamment de temps pour en parler.

M. Grenier: C'est parce que pendant qu'on parlait des travailleurs de l'acier, je pense qu'il y a eu erreur. Cela devait être "The Six Million Dollar Man" dont ils voulaient parler.

Le Président (M. Cardinal): C'est votre seule intervention?

M. Grenier: Oui. J'ai fait mon autre avant, cet avant-midi.

Le Président (M. Cardinal): Je sais. Vous avez parlé cet après-midi.

M. le député de Saint-Louis, il vous reste quatre minutes.

M. Blank: Seulement quelques mots à ajouter. Je trouve très difficile à comprendre l'attitude du gouvernement sur cet amendement. Dans les autres sections de ce projet de loi, où il est question des groupements scolaires, des municipalités, comme à l'article 23, on a le droit d'utiliser une autre langue pour des affiches, pour des annonces, pour toutes sortes d'affaires.

Aussi, dans ce même projet de loi, on dit que si on doit communiquer avec des pays étrangers, outre-frontière, on peut communiquer dans une autre langue. Si c'est avec les États-Unis, on parlera anglais lorsqu'on communiquera avec les sièges sociaux. Dans ce projet de loi, on reconnaît qu'il y a d'autres communautés, d'autres formations, en dehors du Québec, en dehors du Canada, partout. On reconnaît cela, le droit de communiquer avec ces gens dans leur langue.

Et ici, même dans ce projet de loi, dans la province, on reconnaît la communauté anglophone ou les autres communautés, on utilise les mots "autre langue". On leur a donné le droit d'avoir des affiches, d'avoir des annonces en anglais et aussi en français là où la majorité des administrateurs est d'une langue autre que le français. Même dans ce projet de loi, on reconnaît qu'il y a une communauté anglophone et on lui donne le droit d'avoir des écoles anglaises pour les enfants de langue maternelle anglaise qui sont nés au Québec, etc.

On reconnaît qu'il y a une communauté anglophone, mais ici avec cet article, on décide le contraire. Elle n'existe plus. Dans le principe du projet de loi, on dit que c'est pour préserver la culture et la langue françaises, la renforcer. Le ministre a toujours dit qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui diminuera la communauté anglophone.

C'est vrai qu'il ne veut pas que les autres groupes ethniques s'intègrent à la communauté anglophone pour essayer de l'agrandir, d'assimiler les autres groupes ethniques dans la communauté anglophone, mais il veut protéger la communauté anglophone. Cela a toujours été sa proposition, faire du français la langue officielle, la langue plus forte, la culture plus forte dans la province, mais toujours avec la reconnaissance et la protection de la communauté anglophone.

Qu'est-ce qu'il fait avec cet article-ci? Il refuse à cette communauté d'exister. Il refuse que les membres de cette communauté puissent communiquer entre eux, même pas avec les autres, avec les étrangers, avec le gouvernement, dans leur propre langue. Cela veut dire quoi? Le gouvernement ne veut pas qu'ils utilisent leur langue. S'il ne veut pas qu'ils utilisent leur langue — je ne veux pas utiliser des mots très forts, parce qu'on va m'accuser de toutes sortes de choses—cela arrive au même, on veut que l'anglais disparaisse. C'est pour cette raison que je dis que cet article n'est pas en conformité avec la lettre du projet de loi. Dans le discours du député de Jacques-Cartier, j'ai entendu de la part de deux, trois ou quatre, le traiter de colonisé, ou des mots semblables.

M. de Bellefeuille: Pas vous, lui.

M. Blank: Qu'est-ce que c'est cela, c'est un article de revanche. Est-ce parce qu'il y avait des abus antérieurement que, maintenant, vous voulez abuser de la communauté anglophone et la faire disparaître? C'est ce qu'on trouve dans cet article. C'est la seule chose qu'on peut trouver, vous donnez le droit aux sièges sociaux de communiquer en anglais avec une compagnie de l'Ontario, parce que c'est la communauté anglaise en Ontario, mais la communauté anglaise à Québec, elle n'a pas le droit même de communiquer dans sa langue. Ce n'est pas logique. C'est insultant, non pas pour les anglophones, c'est insultant pour la communauté canadienne-française qui doit trou-

ver des moyens semblables de revanche contre la communauté anglophone. C'est ce qui est terrible dans ce projet de loi, dans cet article en particulier.

Il y a d'autres articles dans ce projet de loi où vous dites: Oui, il y a une communauté anglophone, ses membres ont certains droits, mais le droit de base, c'est le droit de communiquer dans leur langue. Vous ne les empêcherez pas de parler anglais entre eux. Si un gars veut téléphoner à un autre dans une autre commission scolaire, il peut parler l'anglais; mais le fait qu'il doit écrire une lettre au même gars pour confirmer cette même conversation, il doit le faire en français. N'est-ce pas un peu ridicule?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Louis, votre temps est écoulé.

M. Blank: D'accord, j'ai fini.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je mets l'amendement aux voix?

M. Laurin: S'il vous plaît.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, sur l'amendement à l'article 17, vous avez permis aux membres de l'Opposition de se lancer dans de grandes considérations générales. J'aimerais bien que vous me permettiez la même licence, bien que je vous assure ne pas vouloir en abuser.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'État au développement culturel, vous savez bien que je ne puis point permettre de licence.

M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, depuis le début de la discussion de cet article sur cet amendement, tous les discours que nous avons entendus de la part de l'Opposition officielle—je le précise bien— ce sont des plaidoyers passionnés, souvent échevelés, incohérents, à l'appui des "droits" de la minorité anglophone. Mon impression, après les avoir entendus, c'est que la minorité anglophone, si elle avait eu à se choisir des porte-parole, des interprètes, n'aurait sûrement pas choisi les opinants que j'ai entendus, car elle a été très mal défendue.

Je suis sûr que ces opinants n'interprètent pas d'une façon véritable les sentiments, les opinions de la minorité anglophone. Peut-être interprètent-ils d'une façon plus juste la mentalité ou les opinions d'un certain secteur de cette minorité anglophone, en particulier de quelques-uns de ces notables et de quelques-uns de ces dirigeants, mais sûrement pas ceux des anglophones que j'ai connus, lors de mes rencontres.

Je dois vous avouer que malgré la carapace d'impassibilité que je me suis forgée au fil des ans, j'ai quand même l'impression qu'il m'est rarement arrivé d'entendre un langage aussi irresponsable, émeutier, séditieux, incendiaire que celui que j'ai entendu depuis quelques heures.

On veut laisser croire à l'opinion que le gouvernement, par tout son projet de loi et surtout par son article 17, par une sorte de langage apocalyptique veut à tout prix étouffer lentement, délicieusement même, la minorité anglophone, prendre une revanche sur elle, la provoquer, l'amener à quitter le Québec, la faire disparaître. Des propos aussi irresponsables me font penser à ceux d'un châtelain qui crie à l'outrage parce qu'un plébéien ose emprunter le trottoir qui longe sa propriété, ou à celui d'un millionnaire qui crie à la ruine parce qu'il vient de perdre dix dollars, ou à celui d'un géant qui crie au meurtre parce que Gulliver lui demanderait de se tasser un peu pour le laisser respirer.

C'est dire, M. le Président, qu'il n'y a absolument rien de fondé, de réel, d'authentique dans toutes ces accusations que l'on tente de gonfler à longueur d'interventions par le biais de l'hyperbole et de l'exagération cent fois répétée. Comment peut-on laisser entendre à une population qu'on veut l'étouffer, à la minorité anglophone qu'on veut l'étouffer, quand il est de notoriété publique que, par ce projet de loi, le gouvernement laisse à la minorité anglophone, toutes ses écoles, tout son système scolaire, tout son réseau institutionnel en matière de services de santé, de services hospitaliers, toutes ses institutions culturelles, sans parler de toutes celles auxquelles elle a droit en vertu du régime fédéral et en vertu de la proximité avec les autres provinces canadiennes et les États-Unis? Comment veut-on essayer véritablement de convaincre une population qu'on veut étouffer un groupe quand, en vertu de l'article 84, on permet l'usage d'une autre langue dans tous les cas—et ils sont très rares, M. le Président — où les articles ne commandent pas l'usage exclusif de la langue officielle?

Je dirais même, M. le Président, que ces discours sont humiliants pour la minorité anglophone. On veut la protéger comme s'il s'agissait d'un petit enfant sans ressort, sans aucun souffle, sans aucun dynamisme. On croit que si on lui enlève ses privilèges, si on lui enlève ses protections extérieures dont elle a bénéficié depuis des siècles, elle va s'écrouler. Comme si elle avait besoin de ces échafaudages, de ces supports extérieurs pour témoigner de son dynamisme, de sa vitalité alors que tout à côté du Québec il y a des minorités, comme la minorité acadienne, la minorité francophone des autres provinces qui, depuis un siècle et plus, sont aux prises avec des difficultés autrement plus grandes, incommensurables même, douloureuses et qui, malgré ces contraintes, ces difficultés, ces obstacles, ces embûches, non seulement ont survécu, mais commencent maintenant à relever la tête et à essayer de se développer et donnent des signes de leur vitalité.

C'est humiliant pour la minorité anglophone d'avoir à se faire défendre d'une façon aussi pauvre et aussi infantile que celle qu'on a vue aujourd'hui et depuis quelques jours, et même depuis quelques semaines. Si j'appartenais à la minorité anglophone, je honnirais ceux qui, sous

prétexte de me défendre, m'humilient constamment par le type d'argument qu'ils utilisent pour me défendre. C'est presque donner la preuve que cette culture est éteinte, est infantile, si elle a absolument besoin de ses privilèges pour continuer à subsister et à se développer. D'ailleurs, comme je viens de le dire, M. le Président, ce n'est pas vrai puisque, encore une fois, le gouvernement, en vertu de tous les articles que j'ai signalés, fait la part belle à la minorité anglophone et lui donne tous les outils, tous les moyens dont elle a besoin, non seulement pour se maintenir, mais aussi pour se développer.

On cherche délibérément à ne pas comprendre l'objectif du projet de loi, aussi bien que de l'article 17 dont il est ici question. Je ne veux pas revenir sur l'argumentation que j'ai développée ce matin, ni sur celle qu'a très bien développée le député de Deux-Montagnes, mais je voudrais ajouter un autre argument, un argument très simple qui devrait tomber sous le sens de nos amis de l'Opposition. C'est que l'administration est une, est indivisible. Le gouvernement, ses ministères, les municipalités, les organismes scolaires font partie du même organisme qui s'appelle l'administration publique.

Cette administration publique est subventionnée à même des fonds publics. Ils rendent des services publics. Les documents publics qu'ils s'échangent peuvent et doivent être consultés, le cas échéant, par tous les citoyens. Il est donc absolument normal que le français soit la langue de communication, la langue officielle en usage au sein de cette administration publique une et indivisible, qui fonctionne à même les fonds publics, qui est au service du public et se sert de documents publics. Ceci est normal et existe dans tous les pays du monde. Je ne vois pas pourquoi on voudrait, ici au Québec, le contester, surtout quand on ajoute du même souffle que la langue interne de ces municipalités, de ces organismes scolaires toutes les fois où il n'est pas nécessaire d'utiliser la langue officielle, peut continuer à être celle qu'ils choisissent, celle pour laquelle ils désirent opter.

Il ne s'agit, en somme, que d'un principe que l'on ne veut pas comprendre, parce qu'on est aveuglé par les privilèges anciens auxquels on tient plus qu'à la prunelle de ses yeux, parce qu'on n'a jamais appris à voir le point de vue de l'autre et surtout, en l'occurrence, le point de vue de la majorité francophone.

Il est donc évident que nous avons affaire ici, sinon à de la mauvaise foi, du moins à un entendement qui nous paraît bloqué ou aveuglé par des biais, par des préjugés, des habitudes ou des conditionnements dont il faudrait faire, sinon le procès, du moins l'analyse. C'est la raison pour laquelle les arguments que nous avons entendus ne nous ont pas convaincus, parce qu'ils n'étaient pas marqués au coin de la rigueur intellectuelle, mais simplement au coin des préjugés et de la passion qui, parfois, a pris le visage vilain qu'on lui a vu au cours des dernières heures.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le minis- tre. Sommes-nous prêts à voter sur l'amendement de M. le député de Marguerite-Bourgeoys? Cet amendement est-il adopté?

M. Lalonde: Appel nominal, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Nous votons sur un amendement—le sous-amendement a déjà été accepté unanimement — à l'article 17, proposé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je fais l'appel nominal. M. Duhaime (Saint-Maurice)?

M. Duhaime: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques)? M. Marcoux (Rimouski)?

M. Marcoux: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Godin (Mercier)?

M. Godin: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Lalonde Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: En faveur.

Le Président (M. Cardinal): M. Desbiens (Dubuc)? M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Blank (Saint-Louis)?

M. Blank: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan

(Gaspé)?

M. Le Moignan: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Michaud (Laprairie)?

M. Michaud: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Saint-Germain (Jacques-Cartier)?

M. Saint-Germain: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda)?

Le résultat du vote sur la motion d'amendement est le suivant: 6 favorables, 9 défavorables. La motion d'amendement est rejetée. Nous revenons à la motion principale, l'article 17, tel qu'il existe au projet de loi.

Une voix: Adopté, M. le Président. M. Laurin: J'en propose l'adoption.

Le Président (M. Cardinal): Cet article sera-t-il adopté?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Il vous reste 17 minutes sur la motion principale.

M. Lalonde: J'ai eu l'occasion d'entendre plusieurs arguments pour et aussi à l'encontre de la motion d'amendement. Je pense que, dans l'ensemble, on peut dire que la question a été assez généralement couverte par les arguments que nous avons entendus.

J'aimerais quand même, M. le Président, profiter de l'occasion qui m'est offerte à propos du débat sur l'article 17 pour indiquer les raisons pour lesquelles nous, de l'Opposition officielle, ne pouvons pas accepter la façon d'aborder le problème linguistique par ce gouvernement et plus particulièrement pour ce qui concerne les dispositions de l'article 17.

En effet, si l'on parle du gouvernement, si l'on parle de ses ministères, si l'on parle de quelques autres organismes de l'administration, il est tout à fait naturel, indiqué et désirable que la langue officielle soit la langue de communication entre ces organismes.

Toutefois, le gouvernement, par l'article 17 et par la définition de l'administration que le gouvernement en fait, dans l'annexe au projet de loi, inclut des organismes que le gouvernement, d'autre part, reconnaît comme n'étant pas partie à la culture française, partie du groupe culturel français qui est si majoritaire au Québec et qui, malheureusement, comme l'a dit un premier ministre ac- tuel, doit légiférer pour non seulement protéger sa culture, mais aussi pour en assurer l'épanouissement.

On a souvent invoqué la dignité des Québécois pour justifier le projet de loi actuel. On l'a souvent mentionné; on l'a dit et redit dans les discours; on a fait appel à cette dignité pour justifier les décisions du gouvernement. De la même façon que j'ai mis en doute à quelques reprises la référence à certaines autres valeurs subjectives comme la normalité, pour ce qui concerne la dignité, M. le Président, je pense que c'est non seulement mon droit mais mon devoir, comme Québécois, comme représentant de Québécois ici — je ne dirai même pas comme Québécois francophone, parce que je serais tenté de m'enferrer, de m'encadrer dans la dialectique du gouvernement— de faire appel à la dignité de citoyens du Québec pour m'élever contre des décisions, contre des politiques que je considère non seulement mesquines, mais inutiles, tracassières et souvent insultantes à l'égard d'autres citoyens qui ne font peut-être pas partie de mon groupe culturel mais qui ont, autant que moi, le droit à un traitement de citoyens, à une reconnaissance de leur appartenance à un autre groupe culturel, reconnaissance que, moi-même, que ce soit par la Loi sur la langue officielle actuelle, que ce soit par la fonction que j'occupe actuellement et que j'exerce, que moi-même je réclame.

M. le Président, c'est au nom de la dignité que je rejette la mesquinerie et les aspects tracassiers que ce projet de loi comporte. Je me sens mal à l'aise et j'aimerais que le député de Saint-Jacques soit là, parce qu'il m'a posé certaines questions, avant l'ajournement de la séance, à 17 h 50, lorsqu'on a été appelés à voter. Il m'a demandé si je partageais...

M. Michaud: C'est facile de parler des absents.

M. Lalonde: Je ne parle pas du député de Saint-Jacques. Je dis que j'aimerais qu'il soit là, parce que je réponds à une de ses questions, mais il pourra quand même lire la réponse dans le journal des Débats.

Il m'a demandé si je partageais l'inquiétude exprimée par certains députés de ma formation politique, à propos du traitement que le projet de loi fait de la communauté linguistique anglophone au Québec. Oui, je la partage. On peut l'exprimer d'une façon passionnée. On peut l'exprimer d'une façon tempétueuse, mais je vais tenter de l'exprimer d'une façon calme et rationnelle. Je pense que le projet de loi ne crée pas de condition favorable au développement de la culture de la minorité anglophone, que d'autre part, on prétend reconnaître par des dispositions, en particulier, concernant la langue de l'enseignement. D'une part, on prétend reconnaître cette communauté comme étant une communauté spéciale, non pas la communauté francophone. Linguistiquement, elle est différente, culturellement aussi.

La Loi sur la langue officielle ou la Charte sur la langue française, de toute évidence, tend à

promouvoir l'épanouissement de la culture française, tend à assurer la protection de la langue et aussi de la culture française dans le contexte pluraliste du Québec. Ici, je m'inscris en faux à l'égard de la déclaration du ministre juste avant le vote, qui parle de l'administration étant une et indivisible. C'est justement l'erreur fondamentale que fait le gouvernement d'imposer l'unilinguisme, de considérer l'administration étant une et indivisible, parce que linguistiquement, c'est faux. Le Québec est pluraliste. Que l'on aime cela ou non, que l'on revienne aux Plaines d'Abraham pour tenter de le changer ou non, que l'on tente d'effacer 200 ans d'histoire, pas toujours agréable pour notre groupe linguistique, au contraire, et j'assume toutes ces batailles, j'assume toute cette humiliation aussi, dont nous avons hérité, comme groupe francophone, au cours de ces 200 ans d'histoire, dans mes propos.

Actuellement, en 1977, étant membre d'une société démocratique qui doit avoir pour ses valeurs démocratiques un respect, un attachement que je considère, pour ma part—peut-être que mon opinion n'est pas partagée par tout le monde mais c'est mon intention de continuer de l'énoncer— d'une importance fondamentale, je ne voudrais pas que les dispositions que nous devons prendre, les démarches que nous devons faire comme Québécois, réduisent l'appareil de valeurs démocratiques dont nous avons hérité, et qui est assez unique au monde. On dit qu'il reste quinze pays libres au monde, et à des degrés différents. Nous en avons un. Pourquoi le mettre en danger? Nous l'avons fait, je regrette, à notre corps défendant, hier, en ce qui concerne la langue de la justice. Je vais être à l'encontre du règlement, si je continue. Nous l'avons fait. Nous allons, si nous continuons dans la foulée de ce projet de loi, continuer à le faire. C'est ce que je ne veux pas faire. J'en appelle à la dignité du peuple québécois pour ne pas faire cela. Je pense que la dignité du peuple québécois, y compris les francophones, doit s'inscrire autant dans le traitement qu'on fait aux minorités que par la promotion qu'on veut faire de nos propres valeurs culturelles. Je dis que dans ce projet de loi, nous créons un climat qui n'est pas propice au développement, au maintien des valeurs culturelles de la minorité anglophone. Dans ce sens, en d'autres propos, en d'autres mots peut-être, dans un langage peut-être plus imagé, d'autres ont dit qu'on crée un climat d'étouffement à l'égard de la minorité anglophone.

C'est le député de L'Acadie qui l'a fait, aussi francophone que vous et moi. D'autres députés, ici, ont parlé d'extinction ou de diminution graduelle. Cela revient à cela, M. le Président, ceci dit tout à fait calmement. Je dis, moi, qu'au nom de la dignité à laquelle on doit être attaché, notre dignité de Québécois, 80% de francophones, plusieurs le sont ici, nous devons créer un climat différent pour nos minorités, y compris la minorité anglaise.

C'est pour cette raison, M. le Président, que j'abhorre l'inspiration même de certains de ces articles de loi. Je ne veux pas employer de termes qui pourraient provoquer de la passion, mais quant à moi, au nom de la dignité et de ma dignité comme membre de ce groupe francophone, je n'aime pas la mesquinerie que l'on voit, que l'on inscrit dans ce projet de loi quand on empêche, par la loi, avec amende de $50 à chaque fois, avec pénalité, un organisme anglophone qu'on reconnaît, d'autre part, par la loi, d'écrire en anglais à un autre organisme anglophone.

M. le Président, ce débat a laissé tomber bien des masques, et je pense qu'il a été utile dans la mesure où il nous a fait voir encore davantage l'inspiration qui a présidé à sa préparation, à son élaboration. Quant à moi, je vais voter contre l'article 17, même si je suis d'accord sur 90%, 95% de cet article, parce que dans 90% ou 95% des cas, cela devrait être ainsi, mais je ne veux pas me rendre complice de cette petitesse. On devrait quand même avoir une certaine maturité qui nous empêcherait de commettre ces gestes envers une minorité. On a dit, je ne veux quand même pas employer des clichés, que la qualité d'un régime est jugée de par le traitement qu'il accorde à ses minorités. Qu'on ait toutes les raisons de croire que cette minorité a été privilégiée dans le passé; maintenant, s'il le faut, qu'on ait toutes les raisons de reprocher à cette minorité et à des membres de cette minorité les actes actuels dans d'autres régimes, dans d'autres territoires, dans d'autres provinces, jamais je n'accepterai que ce soit là une justification pour un geste petit de la part d'un gouvernement démocrate.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je serai bref, je ne suis pas intervenu en tant qu'opinant sur cet article.

M. Grenier: Je m'excuse, parle-t-il pour le parti ministériel?

M. Dussault: Pas longtemps, mais je voudrais parler...

M. Grenier: Normalement, vous donnez la parole au parti ministériel, ensuite à l'Opposition libérale, et à nous. Non, je n'ai pas d'objection, s'il la veut, il peut parler au nom du parti ministériel, il n'y a pas de problème.

M. Dussault: Je voulais tout simplement dire, M. le Président, que je ne suis pas d'accord avec le point de vue défendu par le député de Marguerite-Bourgeoys. Cependant, je le respecte. Je dois dire que pendant tout le temps qu'il a parlé, je ne me suis pas senti humilié par ses propos. On pourrait en discuter et on pourrait en jaser pendant longtemps, on pourrait peut-être partager certains points de vue sur la question de la dignité — on a chacun notre dignité — mais je n'ai pas été humilié par les propos du député de Marguerite-Bourgeoys.

Cependant, je dois dire que les heures qui ont précédé les propos du député de Marguerite-Bourgeoys ont été humiliantes pour le Québécois

que je suis. Je pense que cela valait la peine de le dire avant de terminer, avant de prendre le vote.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Mon intervention sur l'article 17 sera pour vous rappeler qu'à cet article nous aurions eu un amendement, comme vous le savez, mais qu'on le remet toujours à l'article 24 puisqu'il sera, bien sûr, jugé prématuré si on le présente. On le retient toujours pour l'article 24. Nous en avons un dans le sel, comme vous le savez, pour l'article 24, qui reviendra à ce moment-là. J'aimerais qu'on comprenne quand même qu'ici, à l'article 17, il s'agit d'institutions publiques qui influent directement sur le visage essentiellement francophone du Québec. Nous comprenons, nous acceptons la prise de position du projet de loi 101 relativement aux communications écrites entre le gouvernement, ses ministères et les autres organismes de l'administration.

Cependant, pour les mêmes raisons que nous avons formulées antérieurement, nous croyons qu'une exception s'impose pour les organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise. L'amendement que nous aurions apporté se serait lu ainsi, suite à l'article: "Nonobstant le présent article et le premier alinéa de l'article 12, les organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise peuvent utiliser la langue anglaise dans leurs communications écrites entre eux et dans les communications écrites avec le gouvernement, ses ministères et les autres organismes de l'administration".

Vous comprenez la raison pour laquelle nous aurions apporté cet amendement. Je pense que, ce n'est pas dans ces communications écrites, encore une fois, comme on l'a signalé à l'article 16, qu'on va donner un visage français au Québec. Nous l'avons dit souventefois, nous sommes pour la prééminence du français et notre parti, par son passé, en a fait la preuve, je pense. À l'article 17, nous constatons que les textes qu'on exige de ces groupes publics vont causer des problèmes à ces gens et il me semble que c'est superflu.

Il me semble que le gouvernement n'a pas suffisamment confiance — les gens vont me dire: II me semble qu'on a entendu ces propos, mais je pense bien que, depuis deux mois, il n'y a pas beaucoup de propos qu'on n'a pas déjà entendus — dans sa loi et dans ses effets d'entraînement dans le travail, par exemple, dans le secteur de l'enseignement, dans le secteur du commerce, dans le secteur de l'affichage. Uniquement dans ces quatre secteurs, je pense que nous avons dans ce projet de loi no 101 des valeurs qui font que le Québec aura un visage beaucoup plus français. C'est souhaité par tous les gens autour de la table ici. On l'a vu d'une façon particulière dans le secteur de l'enseignement et on le vivra, bien sûr, dans le secteur du commerce, dans le secteur de l'affichage, de même que dans celui du travail qu'on analysera incessamment.

Il faudrait avoir confiance dans notre loi et ne pas voter des tracasseries administratives qui choquent une certaine catégorie d'administrés du Québec beaucoup plus qu'elles ne peuvent aider à faire accepter cette loi.

Inutile de vous dire que déjà, avec la loi 22, on avait des difficultés. Il semble qu'on n'aide pas à les régler en présentant cet article qui fera que l'administration devra utiliser uniquement la langue française dans ses communications écrites.

Bien sûr, on ne parle pas de langage oral parce que cela prendrait pas mal de surveillance pour empêcher les gens de se parler entre eux. On peut plus facilement surveiller les textes. Mais il me semble bien que ce n'est pas là le geste de générosité qui nous avait été annoncé. Comme je le signalais à l'article 16 — ce sont quand même des articles qui se ressemblent — il me semble que le gouvernement pourrait faire preuve de générosité ici — générosité qu'on ne reconnaît pas dans les autres articles — envers cette communauté anglophone, qui est différente des communautés grecque, espagnole ou italienne à Montréal, et reconnaître que c'est un peuple qui a bâti avec nous ce pays. Ce serait peut-être une façon de reconnaître leur apport dans la construction de ce pays. Encore une fois, on n'anglicise pas le Québec. On le francise avec le projet de loi et ses effets d'entraînement. Je pense que cela serait faire preuve de grandeur d'âme ou de générosité si le gouvernement acceptait que ces groupes puissent communiquer entre eux dans leur langue. On n'aura peut-être pas le même langage dans 20 ans, parce que la loi sera en application à ce moment et l'effet d'entraînement de la loi se sera fait sentir dans le secteur du travail, de l'enseignement, du commerce ou de l'affichage ou dans certains autres qui ont peut-être moins de pression sur la communauté, de bonne pression, j'entends. Il reste que, dans 20 ans, on ne parlera peut-être pas ainsi, mais pour ce groupe qui sera tenu de commencer, c'est un sujet de tracasseries. Il faut tomber dans les questions bien matérielles et bien pratiques pour comprendre les problèmes qu'on va causer à ces gens et les sources de mécontentement qu'on peut créer.

On sait que dans une vingtaine d'années, ou même dans dix ans, si vous le voulez, on aura peut-être compris déjà et l'on se sera mouillé dans ce milieu pour mieux comprendre la nécessité de communiquer par écrit dans la langue officielle de notre province.

Je pense qu'ici l'amendement que nous devions apporter et qui a été jugé, à l'article 14, prématuré était semblable. Bien sûr nous le ramènerons à l'article 24, mais dans le contexte actuel, nous témoignons dans les autres paragraphes et dans les paragraphes subséquenst, de la prééminence du français qu'on doit donner à cette province. On est d'accord qu'il est à peu près temps qu'il se fasse quelque chose. Mais quand il est question d'une application bien technique comme celle-là, rien de cela ne va franciser le Québec, absolument rien, si ce n'est quelques documents qui vont circuler, qui vont être source de mécontentement.

Je demanderais au gouvernement, sans faire

de longs débats, s'il y aurait lieu ici de se pencher davantage sur ce secteur, cet article 17, puis de se consulter et, pour une fois — encore une fois, je le demande — d'accepter un amendement qui viendrait de l'Opposition. Je pense qu'il part d'un bon fond, d'une bonne volonté d'accepter un amendement qui réglerait les problèmes auxquels on fera face. On en verra quelques-uns, personne n'en souhaite, puis bien sûr qu'il en arrivera, problèmes qui viendront dans le secteur de l'enseignement à l'automne, principalement du groupe d'élèves qui ont été admis selon la loi 22, sur l'amendement que nous apportions, l'amendement qu'on a appelé légalement. Ce sera source de conflits, que personne ne souhaite, qui arriveront malheureusement et que je voudrais voir le plus minimes possible. Je pense que c'est la volonté du gouvernement, c'est la nôtre également. Mais ici aussi, on va créer certains problèmes, pas énormes, je suis convaincu. Ce n'est pas cela qui va bouleverser la province, cet article. On ne lancera pas de hauts cris de notre part, cela ne bouleversera pas la province, ces problèmes que cela peut créer.

Ne vous imaginez pas que je vais partir en peur et monter sur le toit et crier: C'est épouvantable! Non, non. Il n'y a rien d'épouvantable là-dedans. Précisément parce que ce n'est pas plus important qu'il le faut, il me semble que là, pour les tracasseries qu'on apportera, à ce secteur, on pourrait céder et permettre à ces groupes de communiquer entre eux en anglais.

Je n'interviendrai plus, M. le Président, sur cet article et nous attendrons pour voter. Bien sûr que nous voterons contre l'article tel qu'il est rédigé en attendant de proposer notre amendement à l'article 24.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président...

M. de Bellefeuille: II lui reste combien de temps?

Le Président (M. Marcoux): Le député de Jacques-Cartier n'a pas utilisé son temps encore sur la motion principale.

M. Saint-Germain: Si les membres du gouvernement veulent bien me laisser dialoguer avec vous, M. le Président, je n'en aurai certainement pas pour vingt minutes. Mais si on veut m'interrompre à tout bout de champ...

Le Président (M. Marcoux): On ne dialogue pas avec le président. Le président vous écoute, cela suffit.

M. Saint-Germain: ...je vais bien être obligé de prendre vingt minutes pour laisser passer ma pensée.

M. le Président, c'est avec intérêt que j'ai écouté le ministre d'État au développement culturel répondre, du moins partiellement. Il ne m'a pas fait l'honneur de me répondre exclusivement, mais j'ai tout de même senti, dans quelques-unes de ses opinions, une réponse à ma dernière intervention. Je crois qu'il a réellement mis l'accent sur cette différence avec laquelle nous voyons l'un et l'autre les choses. Je dois vous dire, puisque j'imagine bien que je conserve la même liberté de parole qu'il a obtenue, que la différence fondamentale entre nos deux façons de voir et nos deux philosophies, c'est que lui voit la province de Québec dans le passé et que, fondamentalement, je la vois dans l'avenir. Qu'on se serve du passé et de ses expériences pour établir notre propre échelle de valeurs, que notre passé ait de l'influence sur nos comportements personnels, c'est humain, et je conviens que c'est une règle à laquelle est soumis tout être humain.

Mais lorsqu'on arrive au niveau du gouvernement, je ne crois pas qu'on puisse légiférer en se basant exclusivement sur le passé.

Il faut nécessairement observer la situation qui existe dans notre temps et projeter dans l'avenir. Je crois que c'est là la caractéristique d'ailleurs d'un bon gouvernement.

À titre de francophone, ce qui me déplaît dans l'article 17 — je n'ai jamais caché à qui que ce soit que j'étais francophone, heureux de l'être et même orgueilleux de l'être autant que n'importe quel membre du gouvernement actuel — quoi qu'en pense le ministre, je ne parle pas ici au nom des anglophones de mon comté, je parle aussi bien au nom des francophones qu'au nom des anglophones. Comme le ministre l'a si bien dit, je crois que les anglophones ont conservé assez de vitalité, sont très bien adaptés d'ailleurs à la vie moderne et qu'ils peuvent manoeuvrer sans mon aide et sans ma collaboration. Quoi qu'en pense le ministre, lorsque les anglophones de mon comté ne seront plus satisfaits de mes services, M. le ministre peut me croire, ils n'ont absolument pas besoin de lui pour se débarrasser de moi. Ils le feront très élégamment, selon nos traditions démocratiques.

Ceci dit, je crois que l'article 17 est non "positive" parce que, comme je le disais, "elle" n'est pas en concordance avec les besoins actuels du Québec et encore moins avec ses besoins futurs. C'est là la différence fondamentale.

M. Laurin: L'article est masculin, M. le député.

M. Saint-Germain: M. le ministre, à titre de ministre d'État au développement culturel, je vous concède que vous devez, plus que moi, connaître le genre des mots de la langue française.

De toute façon, il va arriver par cet article que les commissions scolaires vont être obligées de communiquer entre elles exclusivement en français. C'est probablement ce qu'elles font. Il va obliger entre autres les commissions scolaires de langue anglaise à communiquer entre elles en français. Cela n'ajoute rien de plus, pour ce qui est de la sauvegarde de la culture française, mais cela ne donnera rien de plus dans la qualité de l'enseignement qui sera donné à ces commissions scolaires, absolument rien de plus. Cela ne change rien.

Vous savez très bien, M. le Président, qu'on a des problèmes au point de vue de l'enseignement, problèmes de fond très importants; importants, parce que, ce qui a amené toute cette législation, c'est l'absence de gens de langue française dans des champs d'activité tels que la finance, la technique, l'industrie et on est tous convaincus, à titre de francophones, qu'il est de prime importance pour soutenir notre culture, que cette culture soit nécessairement appuyée par tout un réseau de développement d'industries...

M. Laurin: M. le Président, question de règlement. J'ai l'impression que le député s'égare.

M. Duhaime: II est déjà égaré.

M. Saint-Germain: Non, M. le ministre, je parle au même niveau que...

M. Laurin: Oui, mais l'article 17?

M. Saint-Germain: Oui, je dis que l'article 17 s'adresse aux commissions scolaires et je dis que l'article 17 ne changera rien dans la qualité de renseignement. C'est important, M. le Président. C'est important, parce qu'on sait pertinemment qu'on a des difficultés actuellement, des problèmes sérieux au niveau de l'enseignement au Québec, de la qualité de l'enseignement du français, puisqu'on parle de culture, de la qualité d'enseignement de la langue seconde, de la qualité de la formation que l'on reçoit au niveau de nos écoles, de la qualité de l'enseignement technique, tout cela s'adresse à nos commissions scolaires.

Cela ne changera rien aux problèmes que je viens de vous énumérer. Si ces problèmes fondamentaux ne sont pas réglés, si l'action gouvernementale n'améliore pas notre système d'éducation, on en aura des répercussions à long terme indiscutablement. Je crois personnellement qu'à titre de francophones il y a moyen de former dans cette province des hommes capables de tenir concurrence à n'importe quel citoyen en Amérique du Nord, qu'il soit de langue anglaise, de quelque race ou descendance que ce soit. Il faut nécessairement en arriver là, comme francophones. Il faut avoir des hommes qui, au point de vue scientifique, au point de vue de l'administration, au point de vue des finances, au point de vue des connaissances techniques, vont être capables de faire face à la concurrence dans le contexte nord-américain.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, mais je pense que vous devriez revenir à l'article 17, qui vise la langue dans laquelle se feront les rapports entre les organismes gouvernementaux et para-gouvernementaux.

M. Saint-Germain: Oui, je veux vous dire que l'article 17—on parle de commissions scolaires— est un article futile, qui, pour moi, n'est pas en concordance avec les problèmes réels du Québec. C'est cela que je veux vous expliquer. Je veux vous expliquer pourquoi il n'est pas en concor- dance, pourquoi il n'est pas d'actualité. Si nous sommes obligés de l'étudier ce soir, c'est qu'il vient d'hommes qui, au niveau du gouvernement, vivent du passé, mais ne vivent pas de l'avenir. C'est la différence fondamentale. Ce n'est pas avec des articles comme l'article 17 qu'à titre de francophones nous allons nous imposer dans ces différents champs d'activités que je viens de vous décrire et où nous devrons nécessairement nous imposer, à un moment donné.

M. Dussault: La pertinence.

M. Saint-Germain: C'est cela, la pertinence. Le député de Châteauguay ne comprend pas; il ne comprendra pas non plus.

M. Dussault: Personne ne comprendra non plus.

M. Saint-Germain: Que voulez-vous? Je ne suis pas un pédagogue. M. le Président; je ne peux pas lui faire la classe élémentaire.

M. Dussault: La pertinence, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je crois que les dernières remarques étaient pertinentes. Elles étaient générales. Elles englobaient le sujet.

M. Saint-Germain: Je savais que vous m'aviez compris, M. le Président.

Si je me sers de cet exemple en particulier, c'est parce que je veux faire ressortir la différence de philosophie qui nous distingue, le ministre et moi. Je ne veux pas dire que c'est un méchant gars.

Le Président (M. Marcoux): Tantôt, c'était trop précis; là vous vous égarez.

M. Saint-Germain: Elle est fondamentale, sûrement. C'est ce qui explique, d'ailleurs, que nous n'oeuvrons pas dans le même parti politique.

M. Duhaime: Grâce au ciel, restez où vous êtes!

M. Saint-Germain: Nous avons tout, dans cette province, pour réussir. On a sensibilisé nos jeunes à ce projet de loi et à cet article en particulier. On essaie de faire accroire aux jeunes que c'est avec des articles comme celui-là qu'on va réellement établir une sécurité au point de vue du français dans cette province. C'est faux. Il faudrait dire à nos jeunes qu'à titre de membres de la francophonie ils ont les capacités, ils ont le potentiel, ils ont une philosophie, une échelle de valeurs, ils ont une culture qui leur permet de braver la concurrence de qui que ce soit. C'est ce qu'il faudrait leur dire.

Pour avoir cela, il faut un bon système scolaire. Cela ne prend pas des articles comme celui-là.

Une voix: II s'éloigne à nouveau!

Le Président (M. Marcoux): Je crois que vous allez vous égarer.

M. Saint-Germain: Vous avouerez que cela a du bon sens toujours, ce que je dis.

Une voix: Ah! Oui.

M. Saint-Germain: M. le Président, c'est pour cela que je dis que le gouvernement est dépassé. Ce projet de loi et cet article en particulier créent du malaise dans la population, c'est un fait. Pourquoi ne pas avouer qu'il y a un malaise? Ce n'est pas nécessairement catastrophique, parce que le gouvernement ne durera pas tout le temps. On a de l'espoir. Il reste qu'actuellement ce gouvernement crée du malaise.

L'article 17 n'a pas créé d'emplois pour nos jeunes qui sont en chômage. Au moins essayons, dans l'avenir, de conserver l'industrie dans cette "batèche" de province, parce que nos jeunes n'auront pas d'emplois et ils n'auront même pas une industrie où faire une demande d'emploi.

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, monsieur! Vous n'êtes pas dans le sujet.

M. Saint-Germain: De toute façon, M. le Président, c'est cela qui me fait pitié et c'est cela qui...

M. Charbonneau: C'est vous autres qui faites pitié.

M. Saint-Germain: ... à titre de francophone, me rend quelquefois moins orgueilleux de l'être. Ce sont ces points de vues que je viens de vous émettre qui font dire au ministre que je suis un défenseur des gens de langue anglaise. Je n'y ai pas d'objection. Je pourrai passer pour le défenseur de qui que ce soit en autant qu'on ira au fond des choses.

On peut parler de la même affaire, si vous voulez. Nos municipalités vont être obligées de correspondre ensemble en français. Oui, qu'est-ce que cela règle au point de vue de la qualité de notre administration municipale? Cela ne règle pas grand-chose. Pourtant, on a des problèmes fondamentaux, au point de vue municipal, on sait cela.

M. Laurin: On ne parle pas des municipalités, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Jusqu'au moment où on parlait des rapports entre les municipalités, cela allait, mais lorsqu'on parle de...

M. Saint-Germain: Avec une loi comme cela, M. le Président, cela concerne à peu près tous les champs d'activité qu'un citoyen du Québec peut avoir. Cela nous permet de parler à peu près de n'importe quoi.

M. Laurin: On s'en rend compte.

M. Saint-Germain: Cela nous permet de parler des municipalités et de dire qu'un article comme l'article 17 ne règle rien au point de vue des municipalités. Je le sais, à Montréal, on en a des problèmes avec la Communauté urbaine et avec la police. Ce serait bien mieux de parler de cela que de parler de l'article 17.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse mais je vous demanderais à nouveau de revenir au sujet que traite l'article 17, c'est-à-dire la langue de communication entre le gouvernement, les ministères, les institutions et organismes de l'administration au sens défini par le projet de loi.

M. Saint-Germain: Cet article...

M. Charbonneau: Pourriez-vous nous indiquer combien de temps on a encore à endurer...

Une voix: Cinq minutes.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, la parole est au député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: II va être obligé de m'endurer aussi longtemps qu'il va être député, monsieur.

M. Lalonde: Cela ne sera pas long.

M. Charbonneau: On va gagner notre ciel ici certainement.

M. Saint-Germain: Moi, je l'endure en riant; lui, va se faire des ulcères, s'il continue.

M. Charbonneau: On va boire du lait.

Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous revenir à l'article 17?

M. Saint-Germain: Cela lui prendrait des nerfs d'acier...

M. Charbonneau: Ne recommencez pas.

M. Saint-Germain: Globalement, M. le Président, j'ai voulu simplement faire ressortir que ce n'est pas, dans le contexte actuel, avec des articles de loi comme ceux-ci qu'on fait évoluer et avancer la province de Québec. On crée des difficultés, comme je le disais dans ma dernière intervention, aux Québécois de langue française; ce sont eux qui vont souffrir de cela les premiers et ils ont déjà commencé. Je sais bien que le gouvernement n'aime pas cela qu'on parle de cela, mais c'est cela la vérité des choses, c'est cela le gros bon sens.

Au point de vue du gouvernement, si le gouvernement continue, comme il le fait actuellement, à parler de culture et à défendre la culture avec des articles semblables, il va nous faire tellement mal, à nous les francophones, qu'on va prendre plusieurs années avant de récupérer ce qu'on aura perdu à cause d'un gouvernement qui a perdu le sens du réalisme des choses.

Même si on sépare la province de Québec, M.

le Président, on ne l'amènera pas près de la France, ni dans le Sud, elle va rester en Amérique du Nord et on va être obligé de vendre notre bois et de vendre les produits de nos forêts et on va tout vendre cela en Amérique du Nord et on va vendre cela en anglais. On va vendre notre acier aux Anglais, parce que s'ils ne l'achètent pas, notre affaire ne marchera jamais. Il va falloir aussi aller chercher les connaissances techniques et les connaissances scientifiques aux États-Unis ou à l'extérieur du Québec.

Je sais que notre ami, le député de Verchères, n'aimera pas cela, parce que s'il ne lit pas l'anglais, il ne sera jamais un scientifique, il n'y a aucun doute là-dedans.

M. Charbonneau: C'est épouvantable d'être colonisé comme cela. Vous pouvez ramper en-dessous de la table, vous ne parlez pas anglais.

M. Dussault: Incroyable, comme il faut être rampant. Faut-il être des colonisés pour tenir des propos pareils.

M. Saint-Germain: C'est absolument vrai. Les colonisés, ce n'est pas moi. Je n'ai pas peur de la minorité de la langue anglaise, je ne la crains pas. Je n'ai pas besoin d'une loi semblable pour me défendre et pour défendre ma culture. J'ose penser que j'ai mis des enfants au monde, qui ont assez de vitalité pour ne pas être obligés d'avoir besoin d'une loi semblable pour se défendre non plus, j'espère.

M. Michaud: ...

M. Saint-Germain: Alors, je vais vous dire que tout ceci fait qu'on passe dans le Québec à côté des problèmes réels et qu'on parle de choses futiles qui ne peuvent absolument pas nous aider, les membres de la communauté francophone. C'est cela que je veux vous dire.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je vais ajouter quelques observations sur cet article. Pour commencer, le député de Châteauguay a mentionné, ce soir, après que le député de Marguerite-Bourgeoys et le député de Jacques-Cartier aient parlé, qu'il y a moins d'émotion, on peut dire, moins de voix élevée que cet après-midi. Vous voyez que quand le député de Mont-Royal et moi avons parlé...

M. Dussault: M. le Président, en vertu de l'article 96, je considère que M. le député de Saint-Louis fait de l'interprétation complètement en dehors de ce que j'ai dit.

M. Blank: II peut faire appliquer l'article 96 après mon discours, mais pas avant. J'ai le droit d'interpréter ce que je veux dans le discours du député de Châteauguay. Si je fais des erreurs, il peut les rectifier après, suivant l'article 96.

M. Dussault: C'est quand même vrai, M. le Président.

M. Blank: Je dis que le député de Mont-Royal et le député de Saint-Louis, qui sont dans des communautés anglophones, nous sommes assez à l'aise dans la communauté francophone, quand vous nous visez, peut-être que cela fait un peu plus mal qu'aux députés de ce côté-ci. Quand cela fait mal, on est blessé, on crie, des fois. C'est pour cela peut-être que notre voix prend un ton différent de celui des députés francophones, mais c'est le même message. Le gouvernement, jusqu'à maintenant, par la voix des députés ou du ministre responsable, ne m'a pas expliqué — je suis ici depuis 16 h 30 — la nécessité de cet article, le but poursuivi, le principe, l'objet et les raisons de ce projet de loi. On s'est toujours vanté que le principe de ce projet de loi était de faire du français la langue officielle — c'est déjà fait depuis 1974 — et qu'on doit rendre plus fortes la langue et la culture française ici au Québec. Je le demande aux ministériels, vous avez le droit de parler. Parlez un peu, expliquez-moi. Peut-être que je n'ai pas raison dans mon argument, mais expliquez-moi pourquoi cet article est nécessaire, pour atteindre les objets et les principes de ce projet de loi. Qu'est-ce que cela donne de plus, par cet article, pour faire valoir les idées qu'on veut faire adopter avec ce projet de loi? Qu'est-ce qu'il y a dans cet article? Il y a seulement une chose. Il y a quelque chose là-dedans pour piquer la communauté anglophone, pour créer ce malaise décrit par le député de Jacques-Cartier et le député de Marguerite-Bourgeoys. Il n'y a rien de positif dans cet article. Cela ne donne rien à la communauté francophone du Québec. Cela fait du mal à des gens pour rien, absolument rien.

C'est inutilement vexatoire et cela a l'air d'une revanche. On fait cela exprès pour faire mal à des gens. C'est ce qui est interprété par la communauté anglophone. Nonobstant la parole du ministre qui dit que les anglophones qu'il a rencontrés... je lui ai parlé l'autre jour, derrière le fauteuil présidentiel, du message de certains chefs de file, de prétendus chefs de file, ce n'est pas la grande masse des anglophones. Le message que vous avez entendu ici, aujourd'hui de la part du député de Mont-Royal et de moi-même, c'est la voix de la grande majorité de la communauté anglophone du Québec. Ce ne sont pas des chefs de file qui veulent avoir les manchettes et faire du marchandage. Ce ne sont pas ces gens qui représentent la population. Parlez à des gens dans la rue, allez dans les tavernes, allez dans les bureaux, allez dans les brasseries, rencontrez du monde, des anglophones et des groupes ethniques, demandez-leur ce qu'ils pensent de ce projet de loi. Ce n'est pas le principe, ils ne sont pas contre le principe, ils n'ont jamais été contre le principe, soit que la langue française soit la langue officielle, la langue première dans cette province. Les choses auxquelles ils s'opposent, ce sont des choses comme l'article 17 qui crée un malaise inutile.

C'est absolument absurde. Ce n'est pas né-

cessaire du tout, cela crée un mal, cela ne crée pas un bien. Les administrations publiques anglophones des municipalités ou des commissions scolaires peuvent passer outre à cette affaire facilement. C'est facile d'engager une secrétaire qui parle français et anglais, mais qu'est-ce que cela vous donne pour promouvoir le français au Québec? Rien, parce que cette secrétaire, c'est une anglophone qui parle français, mais pour tout le reste, on n'a pas besoin d'apprendre un mot de français. Le député de Deux-Montagnes a dit que cela va peut-être les forcer à commencer à apprendre le français. Cela ne fait rien, si les gens ne le veulent pas, ils ne le feront pas.

M. de Bellefeuille: Les encourager à, pas les forcer.

M. Blank: Mais cela, c'est essayer de les forcer. Avec l'article 17, on les force, on ne dit pas: "Vous pouvez communiquer dans une langue ou une autre langue". Vous dites: "Vous devez communiquer seulement en français entre vous autres". Comme je l'ai dit dans mon autre discours, si je parle au téléphone avec quelqu'un qui parle anglais, pour me conformer à cet article, je dois le faire en français. Pour quelle raison? Je vais vous donner une autre absurdité. On dit ici: "Dans leurs communications écrites entre eux". Quelle est la définition du mot "communications"? Je vous donne un exemple. Dans les écoles anglophones, quand on écrit des examens pour le certificat de "high school leaving", tous ces examens sont en anglais, les questions sont en anglais, les réponses sont en anglais, mais ce n'est pas à l'école qu'on donne les notes, c'est envoyé à Québec ou au siège social de PSBGM, c'est là qu'on donne les notes. A-t-on besoin de les traduire en français parce que c'est une communication écrite? On doit traduire en français tous les examens pour les envoyer au "feeding" ou à Québec.

M. Godin: Les notes, ce sont des chiffres.

M. Blank: Les notes c'est final, mais l'examen, cela vaut-il 100%, 90%? Les réponses sont en anglais, mais les notes ne sont pas données par les professeurs de l'école, ce n'est pas le système. Tous les examens sont envoyés à Québec, à un endroit central où il y a des spécialistes qui donnent les notes. Ce sont des communications entre eux, mais qu'est-ce que cela? La définition de "communication", c'est tout papier écrit. L'examen, c'est un papier écrit, ce n'est pas logique du tout.

M. Godin: Si l'examen est en anglais, ce ne serait pas en français, voyons donc, un peu de sérieux!

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Louis. Je demanderais au député de Mercier de ne pas interrompre le député de Saint-Louis.

M. Duhaime: L'examen d'anglais ne serait pas perdu, de toute façon.

M. Blank: C'est exact pour lui, mais l'article 17 dit cela. C'est ce que je me demande, où est la limite?

Des voix: Non.

M. Blank: Où est la limite du mot "communication"? Est-ce que le Telex est une communication écrite? Si on fait un telex entre les deux, on doit le faire en français. L'examen, c'est une communication écrite. La chose que je me demande, c'est pourquoi avoir des modalités dans le projet de loi qui a un bon principe de base. Je serais le premier à appuyer ce principe; je l'ai déjà appuyé dans le projet de loi 22. Je l'appuie encore ici, mais ce sont les modalités qui créent un mauvais principe, un deuxième principe. C'est à cela que les communautés autres que francophones s'opposent. On ne s'oppose pas au principe, on est prêt à aider. Je dois dire que, franchement, avec le système scolaire qu'on a actuellement, les seuls bilingues dans cette province seraient des anglophones. Les anglophones sont prêts à apprendre le français, ils sont prêts à le faire, mais n'essayez pas de les forcer, ils vont se défendre.

Ici, vous commencez à les forcer directement avec l'article 17. Dans le projet de loi, quand il y a un principe, tous les articles doivent être là pour appuyer ce principe, pas pour le détruire. Dans l'article 17, avec des mots, on commence à détruire ce principe parce qu'on fait monter la colère de certaines personnes qui étaient prêtes à accepter le principe d'apprendre le français, de faire partie de la culture française, de faire partie de la communauté francophone, mais quand on commence à forcer les gens, il y a une réticence. On va avoir un effet absolument contraire au principe de ce projet de loi en appuyant des articles comme l'article 17. Ce n'est pas nécessaire du tout.

Si quelqu'un du côté ministériel peut me convaincre que cet article, cette communication entre deux groupes anglophones légaux dans l'administration, c'est nécessaire pour protéger la langue française, je suis prêt à voter pour, mais quand j'entendrai quelqu'un me dire cela, m'ex-pliquer cela. Jusqu'à présent, la seule chose que le ministre a dite, cela a été pour attaquer le ton des interventions de l'Opposition.

Il n'a pas attaqué le fond de notre argument. Il n'en a même pas discuté. Jusqu'à maintenant, il n'y a personne qui a discuté le fond de cet article du côté ministériel. Je ne sais pas pourquoi cet article est là. Expliquez-moi pourquoi. M. le ministre, laissez parler vos gens.

M. Laurin: Vous lirez le journal des Débats de ce matin.

M. Blank: De ce matin. Je suis prêt à l'attendre. Je vais le lire, mais la seule intervention que

j'ai entendue des députés ministériels, c'est le mot "colonisés", "colonisés". J'ai entendu quatre ou cinq fois le député de Verchères dire cela. Il me fait signe que oui.

M. Charbonneau: Certainement.

M. Blank: Cela veut dire que cet article est un article de revanche.

M. Charbonneau: Vous n'avez rien compris.

M. Blank: C'est cela que vous voulez faire? C'est cela que vous voulez faire à la communauté anglophone?

M. Charbonneau: Si vous aviez été ici ce matin, vous auriez compris.

M. Blank: Pour avoir la revanche de la bataille des plaines d'Abraham? C'est cela? Ce n'est pas logique. Je vois le député de Mercier qui me fait signe que non. Je suis d'accord avec lui. Ce n'est ni dans l'intérêt de la population du Québec, ni dans l'intérêt du gouvernement de mettre des articles de revanche, comme le député de Verchères le prétend.

M. Godin: Je suis mis en cause. Je dis non, ce n'est pas de la revanche.

M. Blank: Oui, c'est cela que vous dites, mais le député de Verchères me dit oui. C'est la différence.

M. Charbonneau: Vous êtes la malhonnêteté incarnée.

M. Blank: Mais me faites-vous un signe positif, oui? Vous niez cela?

M. Charbonneau: Vous n'êtes pas "parlable".

Le Président (M. Marcoux): Pourriez-vous vous adresser au président?

M. Blank: Je ne porte pas de lunettes. Je peux voir.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Louis, s'il vous plaît, pourriez-vous vous adresser au président?

M. Blank: Je dis encore que, jusqu'à maintenant, je ne vois pas aucune raison d'avoir cet article tel que rédigé.

Le Président (M. Marcoux): Vous voyez! Cela va bien là!

M. Blank: Oui, cela va très bien. Je suis d'accord avec le député de Marguerite-Bourgeoys. Sur 95% de cet article, je suis d'accord. Si ces groupes doivent communiquer avec l'administration principale à Québec, avec le ministère de l'Éducation, avec les groupes francophones, d'accord que le français soit la langue officielle. Ils doivent communiquer en français. Mais je ne trouve pas logique ou nécessaire que deux groupes de même langue doivent communiquer dans une langue qui leur est étrangère. Communiquer avec des cadres supérieurs ou avec d'autres cadres, d'accord, la Commission des écoles catholiques de Montréal et la commission des écoles protestantes doivent communiquer en français d'accord. Si une des deux est française, je suis le premier à dire que cela doit être en français. Mais, quand les deux sont anglaises, pourquoi le traduire en français et, après cela, le traduire en anglais? C'est un gaspillage de l'argent des contribuables à part cela.

M. Godin: On crée des emplois.

M. Blank: On ne crée pas des emplois. Cet article, comme le député de Jacques-Cartier l'a dit, c'est une chose qui pique les gens. C'est cela qui les fait partir. Notre population baisse, on se demande pour quelle raison. Cela a un effet sur toute la population. Cela crée moins de demandes. Cela crée moins d'emplois. Cela crée des problèmes. Pourquoi créer des problèmes quand ce n'est pas nécessaire?

Si l'article était absolument nécessaire pour appuyer le principe de ce projet de loi, d'accord, mais il n'y a rien dans cet article qui me le prouve.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais, tout d'abord, apporter quelques précisions aux propos du ministre d'État au développement culturel concernant la réaction de la minorité ou de la communauté anglophone à l'article 17.

Le ministre a dit que l'Opposition ne servait pas bien et ne représentait pas la communauté anglophone, que l'on allait plus loin qu'elle ne le demandait et qu'on essayait de garder certains privilèges contre même les intentions et les désirs de la communauté anglophone.

Je voudrais seulement citer un mémoire qui a été présenté à la commission parlementaire par un groupe dont je crois, personne ne contestera la capacité ou l'identité comme porte-parole de la communauté anglophone. Je cite le Comité d'action positive, "The Positive Action Committee". À la page 15 de son mémoire, il dit en parlant de la langue de l'administration: "Par contre, il est contraire au bon sens et à l'esprit de justice d'imposer l'emploi exclusif du français aux anglophones traitant entre eux dans le contexte de collectivité qui sont en majorité de langue anglaise. Le projet de loi dépasse le cadre de ce qui est nécessaire, pratique et opportun en interdisant aux Québécois d'expression anglaise de communiquer dans leur propre langue entre eux, soit verbalement, soit par écrit".

Je ne crois pas que nous ayons inventé les propositions, les recommandations que nous avons faites aujourd'hui au sujet de l'article 17. Je veux signaler qu'on ne conteste pas l'obligation de ces organismes, quand ils s'adressent à l'admi-

nistration du gouvernement, de le faire dans la langue officielle. Ce n'est pas cela que nous disons. Nous nous référons à la situation quand ils communiquent entre eux-mêmes.

M. le Président, on a dit, du côté ministériel, que la raison de l'article 17, c'est pour éviter la "ghettorisation" de la communauté anglophone. Il y a une différence entre une "ghettorisation" et la survivance d'une culture et d'une collectivité. Je crois qu'il y a assez d'articles dans le projet de loi, assez de restrictions dans la langue de l'enseignement, dans tous les autres endroits que ce sera impossible de vivre uniquement en anglais au Québec. C'est bien comme cela, M. le Président. Une personne unilingue anglaise va se trouver tellement désavantagée que, forcément, elle va être obligée d'apprendre le français et de s'adapter naturellement aux conditions qui ont évolué depuis les dernières années.

L'article 17, ce n'est pas une question d'empêcher une "ghettorisation", c'est une question d'une communauté qui veut communiquer entre elle parce que c'est plus facile, c'est plus efficace. C'est leur coutume, à ces gens, c'est normal de communiquer dans leur langue maternelle quand ils se parlent entre eux, quitte à communiquer dans la langue officielle quand ils communiquent avec un groupe francophone et avec le gouvernement. Je crois que le député de Saint-Louis en a souligné l'absurdité quand il a dit: quelqu'un pourrait téléphoner à son collègue dans une autre commission scolaire et, pour confirmer sa conversation téléphonique, il faudrait qu'il l'écrive dans une autre langue. Ce n'est pas nécessaire.

M. le Président, peut-être que le côté ministériel n'a pas saisi quelques-unes des raisons majeures pour lesquelles je suis contre le principe énoncé dans l'article 17. Je voudrais vous donner un point de vue. On parle de défendre les anglophones, de défendre les privilèges, de défendre le statu quo, ce n'est pas cela du tout le but des interventions que j'ai faites et l'amendement et le sous-amendement que j'ai apportés. Étant membre d'une minorité qui n'est pas nécessairement anglophone, quand je vois des articles de ce genre, je deviens inquiet, parce que je vois, dans d'autres endroits, ce qui arrive quand nous n'acceptons pas le principe du respect des minorités.

Il y a eu beaucoup de mémoires qui ont été présentés à la commission parlementaire par des groupes minoritaires. Ces groupes minoritaires ont eu des expériences assez pénibles dans d'autres pays. Les expériences qu'ils ont eues étaient le résultat d'une atteinte à certains principes fondamentaux, principes démocratiques. Ils ont essayé, et des fois c'est difficile, de traduire ces sentiments, ces expériences. Je le sais, ici, en commission parlementaire, c'est impossible de le faire sans se faire accuser et de se faire insulter de toutes sortes de choses.

Mais les conséquences d'un principe comme l'article 17, du manque de respect de la minorité et c'est ce que je regarde, les conséquences sont négatives pour toute la société. Si on ne peut pas accepter, s'il faut absolument porter atteinte à un droit de communication, chez une minorité, ce que le gouvernement essaie de faire dans ce projet de loi, M. le Président, cela a apporté des conséquences dangereuses dans d'autres pays, des conséquences négatives. On essaie de le dire dans une forme aussi modérée que possible, mais le message parfois doit se donner dans un langage que le côté ministériel ne veut accepter, parce qu'il ne veut pas accepter le message quand on lui donne dans un langage plus modéré.

L'article 17, c'est le commencement d'autres négations de nos droits fondamentaux. Si on est capable d'empêcher deux personnes de communiquer entre elles, dans leur propre langue, par écrit, le principe, M. le Président, jusqu'où va-t-il aller? Aujourd'hui, c'est une minorité qui est visée, c'est ce que je regarde. Aujourd'hui, ce sont les anglophones, demain qui ce sera? Va-t-on commencer à viser les autres minorités? Va-t-on aller dans la communauté italienne? Dans la communauté grecque? Après cela, on va prendre la majorité et on va subdiviser la majorité? Ceux qui sont pour le gouvernement et ceux qui sont contre le gouvernement. Là, on va faire différentes règles pour les uns ou pour les autres? C'est le principe de l'article 17 que le côté ministériel ne veut pas comprendre. C'est ce que l'on défend. On ne défend pas le privilège et on ne défend pas le statu quo, je vous l'assure. Je pense que cela fut assez clair par la façon dont nous avons appuyé les articles, de ce projet de loi, qui faisaient du français la langue officielle, qui décrivaient, qui instituaient certains droits fondamentaux de 2 à 6. On a voté pour ces articles; alors on n'est pas contre des privilèges. Mais il s'agit de droits de notre démocratie, de droits fondamentaux qui peut-être ne paraissent pas importants au côté ministériel, mais qui sont très importants pour les membres de la minorité, qui sont très importants pour ceux qui ont le respect des institutions dans lesquelles nous oeuvrons, le respect de la démocratie.

Il y a une autre raison, M. le Président, et je voudrais que le côté ministériel essaie de comprendre. Il y a assez de division et il y a assez d'inquiétude dans la population, ce n'est pas nécessaire de la diviser davantage. L'évolution d'une société est assez difficile. Il y a des changements de différents groupements et il y a ceux qui n'auront pas la même situation après qu'avant. Cela arrive, cela est arrivé dans d'autres endroits, d'une façon encore plus accélérée, d'une façon moins élégante. Pourquoi provoquer davantage cette division? Pourquoi ne pas essayer d'accommoder ces changements dans un esprit de paix, dans un esprit de paix sociale?

Vous pouvez être certain, M. le Président, qu'il y en a de ce côté-ci de la table qui ont des inquiétudes quant aux préoccupations des gens, à la réaction des gens. On veut appuyer les articles de ce projet de loi qui sont positifs, mais on ne veut pas encourager davantage la division qui est en train de se créer. Cette division n'est pas commencée aujourd'hui, M. le Président, je ne veux pas attribuer toutes les fautes à un seul événement. Cela a eu d'autres antécédents, cela a eu d'autres causes, mais il ne faut pas la provoquer

davantage. Un gouvernement a la responsabilité d'assurer la paix sociale, d'assurer le bien-être de tous nos citoyens et ce n'est pas avec l'article 17 qu'il va le faire. Il veut atteindre certains buts, très bien, mais pas aux dépens de la paix, de la division entre les différents groupes de notre société.

C'est dans ce sens, M. le Président, c'est pour cette raison que je parle contre l'article 17, pour aucune autre raison. Cela peut venir comme surprise au côté ministériel, mais ce n'est pas son action politique qui m'inquiète, c'est la façon avec laquelle il essaie d'y arriver et les valeurs, le manque de respect pour les individus.

C'est cela qui m'inquiète et cela, je le vois dans l'article 17. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'article 17 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Grenier: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que l'article 17 est adopté unanimement? Sur division ou sur appel nominal?

M. Grenier: Sur division.

Vote sur l'article 17

Le Président (M. Cardinal): D'accord! Alors, vous savez tous que vous votez sur l'article 17 tel que proposé au projet de loi.

M. Duhaime (Saint-Maurice)?

M. Duhaime: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Fallu (Terrebonne)?

M. Fallu: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Pour.

Le Président M. Cardinal): M. Charron (Saint-Jacques)? M. Marcoux (Rimouski)?

M. Marcoux: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Godin (Mercier)? Je n'ai pas bien entendu, M. le député.

M. Godin: Pour.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! C'est mieux devant le micro, quand même. M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Desbiens (Dubuc)?

M. Desbiens: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurin (Bourget)?

M. Laurin: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. Blank (Saint-Louis)?

M. Blank: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)?

M. Le Moignan: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Michaud (Laprairie)?

M. Michaud: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud), absent. M. Saint-Germain (Jacques-Cartier)?

M. Saint-Germain: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda), absent.

Le résultat du vote sur la motion principale est le suivant: Pour: 10. Contre: 6. L'article 17, tel que proposé, est adopté. J'appelle donc l'article 18.

Article 18

M. Laurin: J'en propose l'adoption, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): L'article 18 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le dé-

puté... Un instant! Est-ce que vous voulez parler sur l'article 18?

M. Lalonde: Oui, M. le Président, étant donné qu'on en propose l'adoption et que j'aurais quelques questions à poser.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! Une seconde, s'il vous plaît, M. le député. C'est simplement pour les procédures habituelles. Nous commençons donc l'étude de l'article 18 à 10 h 13.

Une voix: 10 h 8.

Le Président (M. Cardinal): 10 h 8, vous avez raison. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une question à poser au gouvernement. Je peux attendre que le ministre d'État reprenne son siège. Je ne veux pas l'interrompre. Je remarque, M. le Président, qu'en ce qui concerne...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Est-ce que je pourrais poser une question au préalable? Vous savez qu'à quelques reprises, pour certains articles, nous avons procédé sous forme d'interventions dans le cadre de l'article 160. À l'occasion d'autres articles, avec un consentement présumé ou exprimé de la commission, nous avons procédé sous forme de questions et réponses.

Si nous commençons ce jeu — le terme n'est pas péjoratif — enfin, cette façon de procéder des questions et réponses, je voudrais savoir si nous voulons le conserver pendant un temps raisonnable ou si nous voulons le convertir en une période d'interventions en vertu de l'article 160.

M. Lalonde: Nous sommes tellement raisonnables, M. le Président, que je vous offre de faire appel à l'article 160, pour ce qui nous concerne.

Le Président (M. Cardinal): Si vous faites appel à l'article 160, d'accord, je sais à quoi m'en tenir.

M. Lalonde: M. le Président, on voit à l'article 18 qu'on traite des communications internes. Le ministre va reconnaître qu'à l'article 25 on a proposé un traitement différent pour les organismes scolaires: "Les organismes scolaires peuvent utiliser à la fois la langue officielle et la langue de la majorité de leurs administrés — cela suppose donc que la langue de la majorité des administrés est différente — s'il y a lieu, dans leur dénomination et, le cas échéant, l'une ou l'autre de ces langues dans leurs communications internes."

Pour ce qui concerne les organismes municipaux, on ne voit pas une telle exception. Je voudrais demander au ministre si c'est l'intention justement délibérée du gouvernement de traiter de façon exceptionnelle les organismes scolaires dont la langue des administrés est différente et de ne pas traiter ainsi les organismes municipaux qui auraient une majorité d'administrés de langue autre que la langue française.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, à strictement parler, si vous me permettez de sauter pour un moment à l'article 25...

Le Président (M. Cardinal): On vient de le faire.

M. Laurin: ... la dernière ligne de l'article 25 n'aurait pas été strictement nécessaire, puisque, déjà, l'article 18, en vertu de l'article 84, permet l'emploi d'une autre langue en même temps que la langue officielle. C'est la raison pour laquelle on n'emploie pas l'adverbe "uniquement" ou le "ne que" qui a été utilisé dans certains autres articles.

M. Lalonde: Je remercie le ministre. Je voudrais peut-être souligner que l'application de l'article 84...

M. Laurin: Seulement pour terminer, nous avons, même si ce n'était pas strictement nécessaire, utilisé cette dernière ligne dans l'article 25 pour répondre, encore une fois, à des inquiétudes qui se sont manifestées avec une telle fréquence que nous devions agir d'une façon explicite pour les apaiser.

M. Lalonde: II reste, M. le Président, qu'en vertu de l'article 25 on peut employer l'une ou l'autre des deux langues, soit la langue officielle ou la langue de la majorité des administrés. Pour ce qui concerne l'article 18, par le truchement de l'article 84, ce serait l'une et l'autre...

M. Laurin: Et l'autre, oui; c'est la différence.

M. Lalonde:... de sorte que, dans une municipalité dont la majorité des administrés est anglophone — prenons, pour les fins de la discussion, Baie-d'Urfé, dont le nom est très français, mais où on me dit qu'il y a 96% ou 87% d'anglophones — dans les communications internes, quotidiennes entre un service et un autre, il faudrait, pour employer la langue anglaise, avoir un service de traduction constant. Je pense que cela éclaire ma lanterne; c'est comme cela que je le comprenais.

M. Laurin: Vous l'avez bien compris.

M. Lalonde: Compte tenu du débat que nous avons eu tantôt, je vais proposer un amendement sur lequel je vais intervenir deux ou trois minutes et sur lequel je serai, à moins que mes collègues ne changent d'idée, le seul à intervenir de l'Opposition officielle. Pour moi, c'est une question de principe, mais je ne veux pas allonger les débats. Je proposerai donc, M. le Président, que l'article 18...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Cela dépend naturellement des réponses ou des réactions que j'aurai à ma courte intervention. Si vous provoquez l'Opposition officielle...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous utilisez votre temps sur la motion principale présentement.

M. Lalonde: Ah oui! M. le Président, mais je peux être quand même assez généreux, étant donné que je n'ai pas l'intention de revenir sur la motion principale, lorsque l'amendement sera adopté, je l'espère. Alors, que l'article 18 soit modifié en ajoutant un deuxième alinéa qui se lirait comme suit: "Les organismes municipaux visés à l'article 23 peuvent, cependant, utiliser la langue anglaise dans leurs communications internes."

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le texte est distribué? S'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait distribuer le texte? Alors, je lis l'amendement proposé par M. le député de Marguerite-Bourgeoys: Que l'article 18 soit modifié en ajoutant un deuxième alinéa qui se lirait comme suit: Les organismes municipaux visés à l'article 23 peuvent, cependant, utiliser la langue anglaise dans leurs communications internes. Oui, M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais intervenir sur la recevabilité de cet amendement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Avant que vous ne le fassiez, je vais rappeler les règles que j'ai toujours suivies à cette commission. Si l'on désire un débat sur la recevabilité, ce sera un représentant par parti, un maximum de cinq minutes par représentant, et le président, ensuite, sera présumé suffisamment informé. Alors, M. le député de Saint-Maurice et ministre.

M. Duhaime: M. le Président, bien brièvement, cet amendement devrait être jugé irrecevable, je vous le soumets respectueusement, pour une raison assez évidente. A contrario, si l'on retrouvait à l'article 18 le texte qui pourrait se lire avec l'adverbe "uniquement", il deviendrait à peu près clair et net que cela interdirait l'usage d'une autre langue. Cependant, je vous réfère aux dispositions de l'article 84 dont le texte est d'une limpidité frappante. Si on lit ensemble l'article 18 et l'article 84, il me paraît évident que l'amendement proposé va exactement dans le sens de la combinaison de ces deux articles. Cela devient absolument superflu, superfétatoire — qu'on m'indique — de recevoir un tel amendement.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que d'autres veulent s'exprimer sur la recevabilité? M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, naturellement, c'est difficile de réagir à l'argument du ministre adjoint au leader du gouvernement sans aller un peu au fond. En effet, il a lui-même invoqué l'article 84. Vous vous souvenez que j'ai posé une question justement au ministre pour bien m'assurer que mon interprétation de l'article 84 ajouté à l'article 18 était la bonne. Nous sommes d'accord, je pense, que par le biais de l'article 84, les communications écrites à l'intérieur de ces organismes municipaux visés à l'article 33 devraient être bilingues, si elles ne sont pas qu'en français, alors que l'amendement dit que les organismes municipaux visés à l'article peuvent, cependant, utiliser la langue anglaise dans leurs communications internes.

Et c'est là peut-être que votre jugement va tomber, tel le jugement dernier, peut-être que vous allez dire, au fond, que cela revient à l'article 84, parce que cela veut ajouter la langue anglaise ou une autre langue, mais je vous dirai que l'article 84 parle d'une autre langue, alors que mon amendement parle de la langue anglaise. Déjà, c'est une différence qui mérite de laisser la commission se prononcer.

M. Duhaime: II est en train de nous dire que l'anglais n'est pas une autre langue.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, sur la recevabilité.

M. Grenier: Oui, bien brièvement, j'ai deux arguments, vous les devinez tous les deux, un est l'article 70 et l'autre est notre amendement.

M. Lalonde: Votre amendement fait-il partie du règlement?

M. Grenier: Presque.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: C'était notre intention, comme vous le savez, d'annoncer un amendement ici, qui se serait lu: "Le français et l'anglais peuvent être utilisés comme les langues des communications écrites à l'intérieur des organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise." Mais, comme il faut le passer en deuxième, je dirai que, comme premier argument, ici, il répond, bien sûr, à l'article 70, que je commence à connaître, même si je n'ai pas envie d'être un légaliste, et même si je n'ai pas envie de faire de débat parlementaire, jamais, sur le règlement.

Le Président (M. Cardinal): Vous n'auriez pas le goût de devenir vice-président, comme représentant de l'Opposition?

M. Grenier: L'enquête a parlé de cela, il y a quinze jours ou trois semaines, et ce n'est pas mon nom qui circulait, à ce moment, M. le Président, je peux vous dire cela. Pour notre parti, je ne serais pas le délégué, je ne le pense pas. D'ailleurs, je ne présenterai pas ma candidature.

Ici, cet amendement doit être jugé recevable, à cause de l'article 70 qui dit qu'on peut ajouter des mots, comme vous le voyez. Je pense qu'on ne change pas le premier alinéa. On n'en ajoute qu'un. J'ai l'impression que, d'avance, on peut présumer qu'il y aura une partie où il devra y avoir un sous-amendement qui nous arrivera au cours des débats. J'ai peur qu'on défasse la partie qui dit "la langue anglaise", parce qu'il y a, non pas de l'agressivité, mais une espèce d'allergie à l'endroit des mots "la langue anglaise", dans cette loi. J'ai bien l'impression qu'on devra présenter un sous-amendement dans quelques minutes. Pour la façon dont il est composé, libellé, il est bien évident que cet amendement devrait être jugé recevable, à mon sens.

Le Président (M. Cardinal): Merci, monsieur. Encore une fois, c'est peu facile. J'ai relu à plusieurs reprises, cette motion d'amendement, à l'article 18, proposée par M. le député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai lu non pas l'article 84, tel qu'il existe dans le projet de loi, mais tel qu'il existe dans le document déposé par le gouvernement et qui avait été, en principe, accepté par cette commission. Je le rappelle à ceux qui alors n'étaient pas membres. Dans ce document qui a été déposé, l'article 84 se lirait — se lirait, parce qu'il n'est pas encore adopté — comme suit: "Dans les cas où la présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la langue officielle, on peut continuer à employer à la fois la langue officielle et une autre langue".

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à bon escient, vient de me souligner que la différence avec ce texte, c'est que l'on mentionne spécifiquement que l'on peut utiliser la langue anglaise.

M. le député de Saint-Maurice semble m'inviter à considérer cet amendement comme prématuré, à cause de l'article 84.

Évidemment, M. le député de Mégantic-Compton a une argumentation qui dépend beaucoup plus de l'amendement qu'il aurait aimé proposer que du règlement. Il invoque l'article 70 du règlement. J'ai déjà mentionné que l'article 70 est au moins en deux parties: La technique purement de scribe, de rédacteur d'amendement, qui permet d'ajouter, de retrancher, ou de remplacer des mots. Il y a une deuxième partie qui dit: Est-ce contre le principe ou non?

Pour faire une histoire très courte, et malgré qu'une décision ne plaît jamais à tous, je dis que pour respecter le jeu démocratique, dans un cas de doute, parce que j'ai un fort doute, je vais déclarer, pour fins de discussion, la motion recevable.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Tel que je l'ai annoncé tantôt, je n'ai pas l'intention de refaire le débat qu'on a fait sur l'article 17. Je pense que les mêmes propos sont pertinents. Laissez-moi simplement vous dire que dans les municipalités dont la majorité des administrés est de langue anglaise— il y en a plusieurs au Québec — il n'y a aucun doute que l'ad- ministration municipale reflète, dans une bonne mesure, les administrés. Vous pourriez, par exemple, prendre une municipalité à 60% anglophone, 40% francophone, y compris naturellement les nouveaux arrivés qui se sont joints à l'une ou l'autre des communautés linguistiques, et vous retrouveriez dans une bonne mesure à peu près la même proportion d'employés à divers niveaux dans l'administration municipale.

Exiger, en vertu de l'article 84 et de l'article 18, que les communications de ces gens, pour utiliser la langue de la majorité, soient bilingues serait, je pense, exorbitant et inutile. Il n'y a aucun doute qu'avec la francisation du Québec, la francisation des entreprises, la déclaration de la langue française comme étant la langue officielle depuis trois ans, la francisation du visage du Québec et de tout le climat québécois, de plus en plus, ces municipalités ont commencé à s'ouvrir au fait français, ce qui n'était pas le cas il y a encore à peine quelques années. Mais leur imposer une langue que la majorité des employés ne connaît pas, c'est imposer à ces employés une charge qui n'est pas conforme, qui n'a aucune mesure avec les avantages que, comme groupe francophone, nous pourrions recevoir de l'application d'un tel article.

Ce n'est donc qu'un aménagement, qu'une disposition voulant leur donner un traitement juste, un traitement tout à fait naturel, à savoir qu'une bonne partie des communications avec l'extérieur, avec le gouvernement seront en français, mais à l'intérieur, lorsqu'un membre d'un service communique avec l'autre, s'il veut le faire dans sa langue, il pourra le faire.

Si mon amendement n'est pas accepté, il devra le traduire en français en même temps, ce qui est fort coûteux et très lourd comme administration. Je sais que le ministre des Affaires municipales n'est pas ici officiellement, à cette table, mais qu'il ne pourrait qu'avoir une oreille attentive à un appel à l'efficacité de l'administration municipale. Or, l'imposition d'un système de traduction constante dans certaines municipalités n'est sûrement pas dans la direction, dans le sens de l'efficacité de l'administration municipale.

J'arrête là mes propos. Je pense que nous avons fait ce débat jusqu'à maintenant... Nous n'avons pas l'intention de le reprendre et je demande au gouvernement d'avoir une ouverture telle que ce projet de loi soit encore plus acceptable et encore plus accepté, ce qui est une condition essentielle pour son succès.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous deux remarques avant de donner la parole à M. le ministre d'État au développement culturel? La première: Si j'ai accepté la motion comme recevable, c'est qu'elle ne renverse pas totalement tout l'article 18. Elle n'en renverse qu'une partie, d'où mon doute, et j'ai rendu une décision favorable au parrain de la motion.

On a dit que le ministre des Affaires municipales était ici. On sait qu'il n'est pas membre de la commission. Si la commission désire l'entendre,

son désir peut être réalisé très facilement, on le sait.

M. Lalonde: M. le Président, je ne l'ai pas demandé. Je l'ai simplement aperçu dans l'assistance et je l'ai vu très attentif à mes propos. Enfin, s'il le désire, j'en serais heureux, mais je n'en fais pas naturellement une condition du débat.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, je comprends le sens de cet amendement comme devant permettre à des organismes municipaux d'utiliser uniquement la langue anglaise ou comme leur permettant d'utiliser la langue anglaise au lieu de la langue française dans leurs communications internes. J'avoue que cet amendement de la part du député de Marguerite-Bourgeoys m'étonne énormément, parce qu'il me semble constituer un recul par rapport à la loi 22 qu'il avait lui-même, sinon parrainée, du moins approuvée.

On lit, en effet, à l'article 9 de la loi 22 que "les organismes municipaux et scolaires dont au moins 10% des administrés sont de langue anglaise et qui rédigent déjà leurs textes et documents officiels en anglais doivent les rédiger à la fois en français et en anglais." On dit aussi, à l'article 12, que "la langue officielle est la langue de communication interne de l'administration publique". À l'article 13, on dit que "le français et l'anglais sont les langues de communication interne des organismes municipaux et scolaires." Je répète: "Le français et l'anglais sont les langues de communication interne des organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise."

J'ai l'impression que le député de Marguerite-Bourgeoys a oublié ou qu'il a décidé que la position qu'il a adoptée en 1974 était trop progressiste ou trop avant-gardiste. Par ailleurs, il n'existe pas, actuellement, de municipalités au Québec où la totalité des administrés soit de langue anglaise. N'y eût-il qu'un seul administré de langue française, en vertu des principes que nous avons adoptés au chapitre II, en vertu du principe même de la loi, en vertu de l'intention et de la volonté politique du gouvernement d'instaurer l'unilinguisme institutionnel afin de créer ici une société fondamentalement française, il nous semble que c'est faire droit à tous ces principes que d'exiger que le français soit toujours utilisé comme langue de communication écrite à l'intérieur de tous les organismes de l'administration, y compris, bien sûr, les municipalités.

Ceci n'a pas toujours été le cas, malgré la loi 22. Dans le rapport annuel de la Régie de la langue française, on signalait que, dans certaines municipalités, malgré la loi 22, l'anglais continuait d'être la langue utilisée d'une façon exclusive. Certaines municipalités s'étaient prévalues de l'article 130 du Code municipal qui leur permettait de faire une requête au ministre des Affaires municipales où on demandait au ministre des Affaires municipales d'instituer par décret, s'il vous plaît, l'unilinguisme anglais au sein de ces municipalités comme langue de communication interne. On notait dans le rapport de la régie — je le sais maintenant, parce que j'ai fait enquête — que le ministre des Affaires municipales, dans 33 cas, a accédé à cette requête, ce qui fait que, dans ces 33 municipalités, en vertu d'un décret émis par le ministre des Affaires municipales, l'anglais est devenu la langue de communication interne, au mépris de la loi 22 qui avait été adoptée. Cet article de la loi ne tombe sûrement pas dans le vide; il est sûrement justifié, ne serait-ce que pour aller dans le sens de la loi 22, pour y ajouter une répétition qui s'imposait en raison des circonstances que je viens de signaler.

Finalement, M. le Président, encore une fois, en vertu de l'article 84, il est bien évident qu'une autre langue que le français pourra continuer d'être utilisée en même temps que le français par les organismes municipaux dont la majorité des administrés est de langue anglaise. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je trouve que cet amendement ne peut pas être acceptable par le gouvernement et que nous devons le rejeter.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais quand même prendre quelques minutes pour répondre aux arguments du ministre en ce qui concerne ses références à la loi sur la langue officielle.

Je dois dire qu'à propos de l'article 9 qu'il a invoqué, il ne s'agit que de documents officiels, alors que l'article 18 dont on traite actuellement couvre les communications écrites à l'intérieur de ces organismes.

M. Laurin: En fait, ces documents officiels en sont aussi.

M. Lalonde: Un instant, je ne veux pas entrer dans une conversation ou un dialogue avec le ministre qui me dit que les documents officiels en sont. Ce que je souligne, c'est que l'article 9 est restreint aux documents officiels et que la loi 101 a choisi une autre structure de législation. Elle ne traite pas de documents officiels comme tels. Enfin, l'article 18 ne le fait pas.

Quant à sa référence à l'article 12, oui l'article 12 indique que la langue officielle est la langue de communication interne de l'administration publique, ce qui l'inclut maintenant, malgré sûrement les accrocs dans son application, comme il se doit dans une loi d'évolution. Je pense que le ministre, lorsqu'il sera appelé à appliquer cette loi 101, sera, lui aussi, mis devant des situations où il devra faire preuve d'évolutisme. Oui, c'était le principe à l'article 12 que l'on retrouve actuellement ici et avec lequel je suis totalement d'accord.

Quant à l'article 13, là il s'agit d'une question d'interprétation. On dit: Le français et l'anglais sont les langues de communication interne. Plu-

sieurs l'ont interprété comme étant un article permissif et non pas impératif. Non pas facultatif mais permissif, c'est-à-dire que c'est l'une ou l'autre des langues de communication interne dans les organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise. Je ne vois aucune différence entre la position de la loi 22, quoique j'avoue que cela dépend, dans une certaine mesure, de l'interprétation qu'on veut en faire. Je ne vois aucune différence compte tenu de cette interprétation, entre les dispositions de la loi actuelle et la motion d'amendement que j'ai proposée.

M. Laurin: M. le Président, je ne peux accepter l'interprétation du député de Marguerite-Bourgeoys parce que l'article 13 de la loi 22 sur la langue officielle disait bien: "Le français et l'anglais" et non pas le français ou l'anglais, ce qui lui enlève, à mon avis, son caractère permissif.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Alors que je voyais les travaux progresser très rapidement ce soir et que je voyais un certain poète assis en face de moi, il y a un vers de Lamartine que je voudrais vous citer pour mieux préparer mon introduction. Comme je ne savais pas trop les mots et que j'étais distrait, j'avais écrit ceci: "Mon coeur lassé de tout, même de la présidence", et là j'ai vu que j'errais réellement. Alors j'ai demandé à mon voisin s'il se souvenait du mot.

C'était: "Mon coeur lassé de tout, même de l'espérance — je ne vous visais pas du tout, M. le Président — n'ira plus de ses voeux importuner vos jours". Je vois que l'horloge avance. Je voudrais vous importuner juste un peu ce soir. Cette nouvelle motion d'amendement, c'est tellement nouveau; cela ne ressemble pas au style qui nous a été servi aujourd'hui. Je pense donc qu'elle mérite quelques moments d'attention.

Ce matin, à 11 h 10, une motion d'amendement à l'article 17 disait ceci: "Que l'article 17 soit modifié en ajoutant un deuxième alinéa qui se lirait comme suit: "Les organismes visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser la langue anglaise dans leurs communications écrites entre eux". Nous sommes donc à l'article 18. Je trouve toute la nouveauté de cette nouvelle motion que l'article 18 soit modifié en ajoutant un deuxime alinéa qui se lirait comme suit: "Les organismes municipaux — cette fois — visés à l'article 23 peuvent cependant utiliser la langue anglaise dans leurs communications internes". La grande nouveauté est là. Quand on regarde les deux textes... Je sais très bien que l'autre motion d'amendement sera de changer la langue anglaise par une autre langue.

Le Président (M. Cardinal): Un sous-amendement. Il faudrait un sous-amendement.

M. Le Moignan: Un sous-amendement.

Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi je pense que j'ai eu raison de déclarer l'amendement recevable.

M. Le Moignan: Vous avez très bien fait, M. le Président, parce que déjà je vois venir le sous-amendement et je ne voudrais pas prolonger tellement longtemps, parce que j'ai deux frères jumeaux ici et il y en a un troisième qui va venir s'ajouter. Mais on retient tout de même notre proposition. Nous ne voulions pas en parler à ce moment-ci et c'était notre volonté, comme l'a mentionné le député de Mégantic-Compton, de le réserver à l'article 24 ou 25, je pense.

C'est la raison pour laquelle nous sommes d'accord, il n'y a aucun doute que nous acceptons d'emblée cette motion d'amendement.

Le Président (M. Cardinal): Sur la motion d'amendement, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Lalonde: Mais, depuis quelques mois c'est rendu à $8 000...

M. Saint-Germain: C'est seulement pour vous dire, M. le Président, que le député...

M. Lalonde: L'Union Nationale...

M. Saint-Germain: ...Gaspé-Nord...

M. Grenier: Gaspé, tout court.

Le Président (M. Cardinal): Gaspé, tout court.

M. Saint-Germain: Vous avez raison. Alors, je ne répéterai pas les arguments que je vous ai faits sur le 17. Les mêmes arguments pourraient être répétés à cet article. C'est du pareil au même. Je ne vois pas l'utilité de cet article d'autant plus que...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse! Utilisez votre micro, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: ...les employés des municipalités sont déjà protégés par tout le chapitre de la langue de travail.

M. Duhaime: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Maurice.

M. Duhaime: Je voudrais savoir si le député de Jacques-Cartier a changé de parti depuis dix minutes... Il a été annoncé, tout à l'heure, qu'il y aurait seulement un intervenant sur la motion d'amendement.

M. Saint-Germain: M. le Président, ce n'est pas une question de règlement.

M. Lalonde: L'article 96, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, en vertu de l'article 96.

M. Lalonde: Je me souviens avoir fait ou utilisé une précaution de langage, connaissant l'imagination, le désir de bataille de mes collègues du Parti libéral. J'ai dit quand même que, selon la réaction du gouvernement et de certains propos que les députés ministériels pourraient avoir, l'intention était de nous en tenir à une intervention. Maintenant, voilà, le débat se déroule ainsi.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je vais simplement être très court, et dire qu'il m'est inutile de vous répéter les arguments que je vous ai donnés tout à l'heure. Je voudrais bien ajouter que je comprends le ministre des Affaires municipales de ne pas prendre part au débat. Je sais pertinemment qu'il a des problèmes au niveau des municipalités beaucoup plus sérieux que ceux-là, et qu'il n'a pas de temps à perdre à discuter de ces choses. Il sait pertinemment que cela ne réglera aucun des problèmes auxquels il a à faire face.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je veux donner une réponse au ministre, seulement un mot. En parlant de l'article 13 de la loi 22, qui dit que le français et l'anglais sont des langues de communication, etc.

Après cela, il donne comme exemple que, 33 municipalités ont fait la demande au ministre des Affaires municipales qu'il décrète, qu'il donne le droit d'utiliser l'anglais seulement dans leurs communications. Cela prouve exactement ce qu'on veut essayer de montrer ce soir, que si l'interprétation de l'article 13 premier alinéa était, comme le ministre l'a dit, que les deux langues sont utilisées, cela ne fonctionnerait pas. C'est la raison pour laquelle 33 municipalités ont fait cette demande. Cela ne peut fonctionner, ce n'est pas logique et si on trouve qu'une situation n'est pas logique, on doit la changer. Ce sont seulement des imbéciles qui ne changent pas d'idée.

M. Laurin: Cela prouve que la loi 22 ne pouvait pas fonctionner non plus.

M. Blank: C'est la raison pour laquelle, chaque année...

Une voix: Celle-ci encore moins.

M. Blank: ... l'Assemblée nationale fait des amendements à la loi, parce qu'on trouve, après qu'on l'a mise en application, que cela ne fonctionne pas. C'est la raison pour laquelle on fait les changements logiques et nécessaires. Le fait que 33 municipalités ont fait cette demande prouve que cela ne pouvait pas fonctionner. On doit être plus intelligent aujourd'hui et faire les changements nécessaires.

M. Laurin: Cela prouve que le ministre des Affaires municipales était contre la loi 22.

M. Blank: II a voté pour.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laurin: II aura agi contre. M. Blank: Pas nécessairement. M. Lalonde: Pas nécessairement.

M. Blank: Quand une chose ne fonctionne pas, on doit la changer par les moyens disponibles.

M. Laurin: En utilisant une loi contre l'autre, c'est bien, c'est parfait.

M. Blank: Pas nécessairement.

M. Saint-Germain: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Jacques-Cartier, vous avez vraiment raison.

M. Saint-Germain: M. le Président, on étudie le bill 101. Si on se met à parler sur la loi 22, le bill 1 et la loi 63, on n'en sortira pas.

Le Président (M. Cardinal): Non, vous avez bien raison, ce n'est pas tellement cela la question de règlement, c'est que les duos sont interdits à cette commission.

M. Lalonde: Malgré ma bonne volonté, M. le Président, de passer quinze minutes là-dessus.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce que vous concluez ou si...

M. Lalonde: Oui, j'ai conclu.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que j'appelle le vote sur l'amendement?

M. de Bellefeuille: Rejeté. M. Lalonde: Sur division.

Le Président (M. Cardinal): Cet amendement est rejeté sur division. Merci, messieurs.

M. Laurin: Je propose l'adoption de l'article 18.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît!

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Nous sommes ici jusqu'à l'an prochain,

au moins pour quatre ans. Est-ce que l'article 18 est adopté?

M. Laurin: Adopté.

M. Lalonde: Un instant, s'il vous plaît!

Le Président (M. Cardinal): Article 18?

M. Lalonde: Un instant, M. le Président! Un instant, M. le Président! J'ai fait une intervention et j'ai tenu ma promesse sur l'amendement.

M. Duhaime: N'en faites pas d'autre.

M. Lalonde: II reste qu'il y a peut-être des députés de notre formation qui voudraient s'exprimer sur l'article 18 lui-même.

Le Président (M. Cardinal): C'est possible en vertu du règlement. Sur l'article 18, est-ce que quelqu'un désire intervenir? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je me demande si je vais reprendre le débat qu'on a fait sur l'article 17.

M. Charbonneau: Non, évitez-nous cela!

M. Marcoux: On va aller chercher la transcription du journal des Débats.

M. Saint-Germain: Non, je ne vous dis pas cela pour être désagréable.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a rien qui m'est désagréable.

M. Saint-Germain: Parce que c'est à peu près du pareil au même, vous savez. Mon comté est dans l'ouest de Montréal. Quand je vois...

M. Marcoux: Dans l'est du Canada?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: ... les gens de certaines municipalités de l'ouest de l'île, en grande majorité, de langue anglaise...

Le Président (M. Cardinal): M. le député, pourriez-vous parler dans votre micro, s'il vous plaît? J'aime tellement vous entendre que je voudrais tout comprendre.

M. Saint-Germain: Parfois, j'ai l'impression, M. le Président, que vous êtes le seul à m'écouter.

Une voix: Votre voix tombe.

M. Charbonneau: C'est une illusion d'optique.

M. Saint-Germain: Je crois que c'est une drôle de façon d'essayer de sauver la langue française. En tout cas, je ne sais pas ce qui va arriver avec cela...

M. Marcoux: D'accord, cela va.

M. Saint-Germain: ... d'autant plus... Non, je ne parle pas!

Le Président (M. Cardinal): Vous avez quand même réussi à parler deux minutes!

M. Saint-Germain: M. le Président, franchement...

M. Grenier: À part cela, votre famille va bien?

M. Saint-Germain: ... parler, ce serait faire perdre le temps de la commission. Ces gens ne veulent rien comprendre. Ils abusent de leur autorité. Ils veulent imposer l'article tel qu'il est. On en parlerait toute la nuit, ils ne changeraient pas un iota. On perd notre temps, on le sait. Alors, pourquoi parler et dialoguer? En tout cas! On vivra avec, que voulez-vous?

M. Marcoux: Vous avez raison. Allons donc!

Le Président (M. Cardinal): L'article 18 sera-t-il... M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: J'ai seulement quelques mots à ajouter...

M. Marcoux: À jeter?

M. Blank:... vu que notre motion pour essayer d'avoir un fonctionnement efficace dans les municipalités a été battue. On ne veut pas être complice d'une chose semblable. Je pense qu'on votera contre l'article 18, parce qu'il ne tient pas compte de la réalité qui existe. La preuve de cette réalité, ce sont les fameuses 33 demandes, nonobstant le fait que le ministre d'État aux Affaires culturelles donne toutes sortes de raisons de petite politique.

M. Marcoux: La loi 22, c'était de la petite politique?

M. Blank: Cela ne fonctionne pas en pratique dans certaines municipalités. On doit donner le choix aux employés de ces municipalités d'utiliser l'une ou l'autre des langues. Cela veut dire que logiquement, s'il y avait deux Canadiens français qui communiquaient avec elle, la municipalité devrait communiquer en français, ou même qu'un Canadien francophone qui écrit à un anglophone, il va le faire en français. Mais, quand il y a des communications entre deux anglophones dans la même municipalité, ce n'est pas logique d'écrire une lettre et d'y attacher une traduction pour que ce soit dans les deux langues, parce qu'il sait que l'autre à qui il écrit, est de langue anglaise.

On doit être pratique et logique, et la preuve que cela n'a pas fonctionné, c'est le fait même que 33 municipalités ont fait cette demande. On veut avoir une loi qui a un peu de bon sens et de logique et qui ne va pas à l'encontre du principe du projet de loi. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement est si entêté et ne peut pas faire des modifications logiques et des modifications de bon sens qui vont donner une efficacité dans des municipalités. Cela va épargner l'argent des contribuables de ces municipalités, et cela ne va pas à l'encontre du principe du projet de loi.

Nous avons essayé cela avec l'article 13 dans le projet de loi 22 et cela ne fonctionnait pas dans certains endroits. On a pu voir cela quand 33 municipalités ont fait la demande, cela a été accordé parce que le ministre des Affaires municipales ne veut pas que les contribuables de certaines municipalités dépensent de l'argent pour rien. On doit être logique. Je ne vois pas où — je ne peux pas parler d'un amendement qui est déjà battu — cette intention permet à certaines communications de se faire en anglais, je vote contre le principe de ce projet de loi. C'est ce que je ne comprends pas.

M. Laurin: Est-ce que je pourrais poser une question au député de Saint-Louis? Voulez-vous dire, M. le député que c'est à la suite d'une discussion du cabinet que le ministre des Affaires municipales, fort de l'appui de tous les ministres, a révoqué l'obligation des municipalités d'utiliser à la fois le français et l'anglais?

M. Blank: La seule chose que je peux vous dire — je n'étais pas ministre, je ne faisais pas partie du Conseil des ministres, je ne sais pas ce qui s'est passé au Conseil des ministres — c'est que je peux faire des déductions pour chaque effet en cause, et la cause, c'était le non-fonctionnement de cet article qui a causé l'effet d'un décret. Et maintenant on voit les effets. On peut changer la cause, on en a la chance ici, aujourd'hui. On change la cause. Je ne comprends pas l'attitude du parti ministériel parce que ce changement ne fait rien contre le principe du projet de loi, cela n'empêche pas le fait que le français soit la langue officielle, le français va être la langue primaire, et tout. Je ne vois pas comment ce détail cause encore de petits problèmes, comme je l'ai dit, de petites piques qui vont causer des malaises. Pourquoi? Si ce n'est pas nécessaire, pourquoi le faire? C'est ce que je me demande.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! L'article 18 sera-t-il adopté?

Des voix: Adopté sur division.

Le Président (M. Cardinal): À qui désirez-vous poser une question?

M. Saint-Germain: Je désirais poser une question au ministre pour nous éclairer.

De ces 33 municipalités qui avaient été exemptées, cela représentait combien de citoyens au niveau municipal?

M. Laurin: J'essaierai de vous répondre un peu plus tard, après que j'aurai fait le décompte.

Le Président (M. Cardinal): L'article 18 sera-t-il adopté?

M. Marcoux: Puis-je poser une question?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rimouski, à qui?

M. Marcoux: Au ministre.

Le Président (M. Cardinal): S'il veut bien vous répondre.

M. Marcoux: Le ministre pourrait-il informer les membres de cette commission de la liste des noms des 33 municipalités impliquées?

M. Laurin: Je pourrais parfaitement le faire si c'est le désir de la commission. Je pourrais apporter ces renseignements.

M. Marcoux: Des dates où ils ont eu ces autorisations à la suite ou non de la décision du Conseil des ministres, ou si c'est simplement une décision du ministre, etc. Je pense que ces renseignements seraient fort appréciés de l'ensemble du public québécois parce que je pense que, jusqu'à maintenant, c'est la première fois que cela a été connu.

C'est la première fois que j'entends dire qu'il y a 33 municipalités au Québec qui ne peuvent fonctionner qu'en anglais, même si elles ont des citoyens francophones chez elles.

M. Blank: Internes...

M. Marcoux: Oui, la communication... J'ai très bien compris l'article 18, M. le député de Saint-Louis, je sais lire l'article 18. Je pense que ces informations devraient être rendues publiques immédiatement le plus tôt possible.

M. Laurin: Je le ferai dès que possible.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez... Je ne voudrais pas l'adoption et non pas l'étude de l'article 18 avant que ces réponses ne soient données. Normalement, j'aurais pu tout simplement indiquer que la question aurait pu être posée au feuilleton, mais comme M. le ministre est disposé à y répondre, j'accepterai ses bonnes dispositions.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Seulement quelques brefs commentaires, pour essayer d'expliquer les problèmes que l'article 18 peut créer. Le principe des communications en français de ces organismes est accepté. Il s'agit seulement des difficultés que cela causera à certains employés, non pas parce qu'ils ne veulent pas apprendre le français, ou qu'ils ne parlent pas le français, mais des difficultés de s'exprimer, d'écrire en français entre eux s'il s'agit d'employés anglophones.

On a dit et j'ai déjà dit que l'unilinguisme est un désavantage d'un côté ou de l'autre et qu'il sera difficile d'appliquer l'unilinguisme anglais au Québec, mais il y a toujours des mesures transitoires. À l'article 18, on ne semble pas prendre en considération ces mesures transitoires pour des gens trop âgés, pour des gens qui n'ont pas eu la chance...

Ces gens occupent des fonctions dans ces municipalités. Ils veulent accomplir leur devoir et on les place dans une situation, selon l'article 18, qui est très difficile et en plus de cela, quand on regarde les sanctions de cette loi, quand on regarde tout le système d'enquêteurs, de personnes qui feront des rapports, je m'inquiète du genre d'atmosphère qui existera. Parce qu'il y aura des gens, et c'est cela que le gouvernement ne semble pas comprendre, ce n'est pas tous les gens qui sont bien intentionnés, même il y aura ceux qui seront mal intentionnés et il ne faudrait pas donner la chance de prendre avantage d'une loi. Si quelqu'un est mal intentionné, avec l'article 18, il va pouvoir causer pas mal de dommages à l'atmosphère de travail, à ceux qui essaient d'accomplir leurs fonctions dans ces municipalités.

Je pense que le gouvernement devrait être un peu plus flexible, pas pour être contre l'esprit et la francisation, mais ce sont des cas particuliers. On ne peut pas du jour au lendemain prendre ces gens et les remercier. Ce n'est pas leur faute s'ils ne parlent pas une autre langue. Peut-être que ce sont eux qui se sentent le plus mal à l'aise de tous. Ils aimeraient pouvoir communiquer dans une autre langue, ils aimeraient pouvoir écrire en anglais, mais ils ne sont pas capables. Qu'est-ce qui va arriver? Est-ce qu'on va les jeter dehors? Ce n'est pas ce genre d'esprit, ce n'est pas ce qui va protéger les gens et permettre d'arriver au but de la loi. C'est cela qu'on essaie de faire comprendre. On interprète toujours mal les raisons pour lesquelles on est contre certains articles. On ne semble pas être capable de faire des exceptions pour des individus qui ne peuvent pas humainement vivre avec cela. Ce sont des mesures transitoires. Il y a tellement de pression sur toute la population maintenant de transiger et de faire tout en français.

On n'a pas besoin d'un gros marteau de cette importance. On va revenir à cela, à ceux qui rédigent ces articles et le genre de déclarations qu'ils font, on aura l'occasion d'en parler. Ce n'est pas à 22 h 57 le soir, mais je donnerai des exemples de ce qui se passe chez certaines personnes, le genre d'avantages qui peuvent être pris.

Quand on regarde tout le système d'enquêteurs, d'amendes, cela va être une atmosphère intolérable, cela va être quelque chose avec lequel on ne pourra pas vivre. C'est dans cet esprit que nous avons suggéré l'amendement à l'article 18. C'est dans cet esprit qu'on demanderait au gouvernement de réfléchir et d'inclure les mesures transitoires spécialement pour ces employés affectés. Peut-être qu'ils n'ont pas d'autres moyens, dans beaucoup de cas, je peux vous assurer, puis je pense que le ministre des Affaires municipales aussi le sait, ce sont des gens âgés, ce sont des gens qui ne peuvent pas aller prendre des cours de deux ou trois mois et apprendre une autre langue, apprendre le français, à l'écrire d'une façon adéquate pour remplir les conditions de l'article 18.

Il y a de petites municipalités où la population anglophone va en diminuant toujours, mais ces gens sont là, que voulez-vous? Il trouve cela drôle, lui.

M. Fallu: Ce n'est pas exact.

M. Ciaccia: Ce n'est pas exact, regarde tes chiffres.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Il ne reste que deux minutes, je vous en prie.

M. Ciaccia: Ce n'est pas exact? Tu te crois toujours envahi et menacé. J'essaie de te donner des exemples individuels. Je ne parle pas des collectivités; je parle des individus qui sont affectés par cet article. C'est bien beau pour vous, votre chèque de paie va venir toutes les semaines à l'Assemblée nationale. Pour ces gens, il ne viendra pas. Je vous demande d'être un peu plus décents dans l'esprit de vos lois. Je vous donnerai les exemples de ceux qui rédigent cela. Vous allez voir ce qu'ils ont en vue pour l'application de cette loi.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. C'est comme aux enchères. À l'ordre, s'il vous plaît!

À 10 h 58 et 30 secondes, je demande pour la troisième fois si l'article 18 sera adopté?

M. Lalonde: Sur division, M. le Président. M. Ciaccia: Sur division.

Le Président (M. Cardinal): L'article 18 adopté sur division.

J'ai commencé la séance ce matin en rappelant que les héros étaient fatigués; pour permettre le repos du guerrier, les travaux seront ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 59)

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