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Audition des mémoires sur
le projet de loi no 1-
Charte de la langue française
au Québec
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame,
messieurs!
Nous commençons une nouvelle séance de cette commission de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour
étudier après première lecture le projet de loi 1, Charte
de la langue française au Québec. Je fais l'appel des membres de
la commission et j'invite les partis à m'indiquer les changements.
M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier) est censé être
remplacé; par qui? M. Bertrand (Vanier) est remplacé par M.
Michaud (Laprairie); M. Bisail-lon (Sainte-Marie) remplacé par M.
Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia
(Mont-Royal) remplacé par M. O'Gallagher (Robert Baldwin); M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin
(Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Godin (Mercier) est
remplacé par M. Lacoste (Sainte-Anne); M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé) est remplacé par M.
Shaw (Pointe-Claire); M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Mackasey
(Notre-Dame-de-Grâce); M. Samson (Rouyn-Noranda).
Je fais également l'appel des invités, des organismes
convoqués et je leur demanderais d'indiquer leur présence.
L'Université McGill, merci, monsieur. Mémoire 172. Centre des
dirigeants d'entreprise, merci. Mémoire 246. Banque Royale du Canada,
merci, monsieur. Mémoire 91. Participation Québec. C'est la
deuxième fois, je le regrette, que j'appelle Participation
Québec. Je pourrais appliquer l'article 118-A 5 qui ferait que ces
invités perdraient tout simplement leur tour. Je vais suspendre pour le
moment le règlement et nous verrons au cours de la journée. Je
rappelle qu'il n'y a pas de rendez-vous en commission parlementaire et que,
malheureusement, les invités doivent être patients. Merci.
J'invite immédiatement les représentants de
l'Université McGill à se présenter devant nous.
M. le principal Bell est ici, je vous inviterais soit vous, soit M.
Fortier, c'est votre choix, à présenter les personnes qui vous
accompagnent. Vous aurez ensuite vingt minutes pour l'exposé de votre
mémoire et il y aura une période de questions par la commission,
soit dans 70 minutes.
Université McGill M. Bell: M. le Président, nous
avons invité M.
Fortier, notre conseiller, à présenter notre
mémoire.
Le Président (M. Cardinal): Me Fortier, si vous voulez
bien présenter tous ceux qui vous accompagnent?
M. Fortier (Yves): Avec plaisir, M. le Président, celui
qui vient de vous adresser la parole est le Dr R.E. Bell, qui est recteur et
vice-chancelier de l'université et, à sa droite, se trouve Madame
Sarah Paltiel, qui est directeur des services pédagogiques au
collège Vanier, et qui est aussi membre du conseil d'administration de
l'université McGill; à ma gauche, se trouve le Dr E.J. Stansbury,
qui est vice-recteur à la planification à l'université;
à sa gauche, Mme Suzanne Boville, qui est analyste à la
planification à l'université, et, à l'extrême
gauche, le professeur John Devries, démographe et professeur de
sociologie à l'université de Carleton, qui a contribué
à l'élaboration de certains des textes qu'on retrouve en annexe
au mémoire de l'université.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous avez
l'intention de présenter votre mémoire en entier? Je vois qu'il
est assez volumineux? Si vous ne faites que le résumer, dans ce cas,
est-ce que vous désirez qu'il soit reproduit en annexe au journal des
Débats?
M. Fortier: Je vous demanderais respectueusement que le
mémoire, de même que les documents en annexe, soient versés
intégralement devant votre commission et déposés en annexe
au journal des Débats, car je n'ai pas l'intention d'en faire la
lecture, mais bien plutôt de tenter d'en dégager les faits
saillants.
Le Président (M. Cardinal): Alors, c'est accordé.
(Voir annexe).
Nous commençons à 10 h 16.
M. Fortier: Je vous remercie. Je voudrais tout d'abord, à
titre de procureur de l'université, M. le Président, MM. les
membres de la commission, m'excuser de l'erreur qui s'est glissée dans
le premier mémoire qui a été versé auprès de
vous et qui a dû résulter en la production auprès de votre
commission d'un mémoire corrigé, il y a environ deux ou trois
semaines. J'espère que tous les membres de la commission ont devant eux
le mémoire corrigé.
Durant les vingt minutes qui vont suivre, j'aimerais, comme je viens de
vous le souligner, mettre en relief...
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. de Bellefeuille: Est-ce que je pourrais de-
mander au témoin comment on distinque le mémoire
corrigé du mémoire non corrigé?
M. Fortier: Oui, sûrement. Il y a une façon
très simple, M. de Bellefeuille. Sur la couverture du mémoire
corrigé, c'est indiqué en rouge "Corrigé le 10 juin 1977".
J'aurais pensé, j'espère, qu'on a substitué le
mémoire corrigé au premier qui vous a été
adressé en mai. Encore une fois, je m'en excuse bien
profondément. Il y a une erreur d'addition qui s'est glissée dans
un des tableaux et qui déformait certains des chiffres. On a
pensé qu'il valait mieux le corriger.
Le Président (M. Cardinal): Vous êtes tout
excusé. Nous vérifierons pour qu'il n'y ait pas d'erreur.
M. Fortier: J'espère que mes vingt minutes commencent
à s'écouler à partir de ce moment-ci?
Le Président (M. Cardinal): D'accord. 10 h 18.
M. Fortier: Merci. J'aimerais, comme je commençais
à vous le dire, M. le Président, MM. les membres de la
commission, tenter de dégager les points saillants du mémoire de
l'Université McGill, sans pour autant le lire textuellement. Je
considérerai que j'ai rempli le mandat qu'on m'a confié, si je
réussis à vous faire saisir pourquoi certaines dispositions de la
charte préoccupent l'Université McGill au plus haut point.
D'abord, qu'est-ce que c'est que McGill? C'est une université qui
s'est vue conférer une charte royale, il y a déjà 156 ans,
en 1821. Elle dispense l'enseignement universitaire surtout en anglais. Les
raisons historiques pour expliciter la langue d'enseignement à
l'université apparaissent à la première page du
mémoire.
Aujourd'hui, en 1977, il y a 15 966 étudiants à temps
complet qui sont inscrits à l'université, dont 75% sont
Québécois et 14,6% sont de langue française. Son corps
professoral compte 1291 membres.
L'université appuie sans réserve le but avoué du
gouvernement qu'on retrouve au deuxième paragraphe du préambule
du projet de loi no 1, à savoir que l'Assemblée nationale
reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la
qualité et le rayonnement de la langue française.
Ce même préambule, comme nous le savons, stipule aussi que
l'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un climat de
justice et d'ouverture à l'égard des minorités qui
participent au développement du Québec et c'est à cette
enseigne que se logent principalement les préoccupations et les
inquiétudes de l'université.
Les commentaires de l'université tombent dans deux
catégories. Dans un premier temps, il y a quatre critiques que
l'université adresse à l'endroit du bill 1 qui sont de nature
générale, qui ont déjà fait l'objet de nombreux
commentaires par des témoins qui ont comparu devant vous avant
aujourd'hui et qui, d'ailleurs, ont fait l'objet de déclarations par
l'honorable ministre et certains de ses collègues quant aux intentions
du gouverne- ment d'apporter certains changements au projet de loi.
Je vais donc passer assez rapidement, brièvement, sur ce premier
ordre de commentaires, ce premier ordre de critiques. A la page 3 du
mémoire corrigé, vous pouvez voir la première de ces
objections. Elle se résume comme suit, au milieu de la page: "Le projet
de loi, suivant l'université, accorde des droits différents et
impose des obligations différentes aux divers résidants du
Québec en classifiant ceux-ci en différents groupes ethniques et
linguistiques et, en fait, en groupes secondaires au sein de tel groupe."
Dans les paragraphes qui suivent, l'université vous donne en
exemple le cas d'un anglophone qui habite au Québec en face d'une
école de langue anglaise et qui, suivant l'endroit et la période
où lui ou son épouse ont été éduqués,
peut tomber dans l'une des cinq catégories en ce qui concerne
l'école vers laquelle il peut diriger ses enfants.
A la page 4, le mémoire conclut qu'il y a ces cinq
catégories différentes de droits pour une personne qui fait
partie de la collectivité de langue anglaise au Québec.
L'université s'inscrit en faux à ce chapitre contre cette
classification, cette catégorisation de citoyens à part
entière du Québec à la lumière des dispositions,
surtout du chapitre 8, évidemment du projet de loi no 1.
Deuxièmement, il y a des commentaires à la page 4 de la
part de l'université sur l'article 172, commentaires que vous avez
entendus à satiété jusqu'à maintenant.
L'université recommande qu'il faudrait faire disparaître cette
exception à la Charte des droits et libertés de la personne au
Québec. Je ne vous adresse pas plus de commentaires sur ce point.
Dans un troisième temps, ici, soit à la page 5 du
mémoire, l'université est d'avis que nous retrouvons de par
l'utilisation du terme "Québécois" dans le projet de loi une
tendance à la discrimination. A ce chapitre, elle s'inscrit en faux
contre l'utilisation qui est faite par ceux qui ont rédigé le
projet de loi de cette expression, le peuple québécois, de ce
terme québécois. Je passe encore par-dessus ces critiques que
vous avez déjà entendues; moi-même, j'ai retenu certaines
des réactions du Dr Laurin à ce sujet.
Enfin, le quatrième motif d'ordre général qui
incite l'université à s'inscrire en faux contre le bill 1
concerne la délégation aux organes du pouvoi exécutif
d'une autorité très vaste en matière de
réglementation dans les domaines qui touchent profondément les
droits et les libertés d'une partie non négligeable de la
population. Alors, à cette enseigne, encore une fois,
l'université désirerait voir l'Assemblée nationale
continuer à s'approprier, et non pas à déléguer aux
organes du pou voir exécutif l'autorité en cette
matière.
J'arrive maintenant, M. le Président, MM. les membres de la
commission, à la seconde catégorie d'objections de
l'Université McGill, qui concerne directement sa survie comme
institution d'enseignement universitaire au Québec. Ce commentaires
débutent au bas de la page 6 d mémoire. Tous ces commentaires
visent le chapi-
tre VIII, intitulé "La langue de l'enseignement", soit les
articles 51 à 59 du projet de loi.
Je ne crois pas que l'université a erré en concluant que
"l'inclusion de ces mesures dans le projet de loi se fonde, comme elle le dit
au haut de la page 7, sur la menace d'érosion qui pèse sur la
majorité numérique d'expression française, par suite de la
baisse du taux de natalité au sein de cette population, baisse qui
coïncide avec une période d'immigration d'égale
intensité des personnes qui ne parlent pas le français."
Or, M. le Président, messieurs les membres de la commission, des
études récentes ont été effectuées à
McGill, qui indiquent que, depuis une dizaine d'années, il y a eu un
revirement spectaculaire au Québec dans ce domaine.
Dans le court temps qui m'est alloué, je me contenterai d'inviter
les membres de la commission à se pencher sur le document qui est inclus
en appendice au mémoire de l'université. C'est l'appendice no 1.
Ce mémoire est intitulé "Eléments récents affectant
la structure linguistique de la population du Québec". Vous noterez,
à la page 2, de ce document qui est en annexe, que les quatres facteurs
principaux qui font l'objet de cette étude, qui ont une incidence sur la
taille de la population francophone et sur ses rapports avec la population non
francophone, sont, ainsi qu'il est admis par tout le monde, les suivants, et il
y en a quatre. Je vais les mentionner très brièvement.
D'abord le taux d'accroissement naturel, le taux de
fécondité. Il est reconnu, de part et d'autre, je crois, que le
taux d'accroissement naturel du groupe francophone et du groupe anglophone au
Québec a atteint aujourd'hui un niveau bas et un niveau à peu
près semblable. Je passe donc au second.
Les transferts linguistiques effectués par la population
existante. Il est intéressant de noter, M. le Président,
messieurs les membres de la commission, qu'à la suite du dernier
recensement fédéral, soit celui de 1971, dont les chiffres ont
été publiés, il est possible de dégager qu'au
Québec, durant la période de 1966 à 1971, 6% des
anglophones qui ont déclaré que c'était là leur
langue maternelle, l'anglais, ont cependant répondu que leur langue
d'usage était le français et, durant la même
période, 11/2% des francophones répon-iant que leur langue
maternelle était le français ont déclaré que leur
langue d'usage était l'anglais. C'est donc dire que, sous ce chef, les
transferts linguistiques au Québec, durant la période de 1966
à 1971, ont été faits non pas, comme on le croit dans
certains milieux, du français vers l'anglais, mais bien de l'anglais
vers le français.
Troisièmement, l'immigration au Québec. Que de fois on
entend dire: II faut contrer cette tendance qu'ont les immigrants je
parle ici des immigrants autres que ceux qui viennent des pro-vinces
canadiennes à s'intégrer au milieu anglophone.
Puis-je vous inviter, respectueusement, à vous pencher
très rapidement sur les tableaux I et II qui sont joints à
l'appendice 1 dont je traite présente-nent. Voyons rapidemen t je
m'empresse de souligner que ces statistiques proviennent de Statistique Canada
...
Si vous jetez un coup d'oeil sur le tableau no I, vous voyez que tant en
pourcentage qu'en nombre absolu, les immigrants, qui ont déclaré
posséder l'anglais seulement, depuis 1971 à 1977, ont
diminué considérablement. On voit qu'en 1971, ce pourcentage se
chiffrait aux alentours de 40% et en 1976, et plus précisément le
premier trimestre de 1977, était environ de 30%. Si vous jetez un coup
d'oeil sur la colonne intitulée: Français seulement, vous voyez
que le pourcentage de ces immigrants, ayant déclaré que le
français était la langue qu'ils possédaient, a
augmenté de quelque 14% à 15% jusqu'à 30%. Si vous incluez
et c'est le cas du tableau no II les immigrants qui ont
déclaré qu'ils parlaient les deux langues, à savoir le
français et l'anglais, et dans la colonne des anglophones et dans la
colonne des francophones, vous avez à ce moment les données qu'on
retrouve au tableau no II. Vous voyez, encore une fois, jusqu'à quel
point, contrairement à ce que certains ont laissé entendre, les
immigrants, depuis quelque cinq ou six ans, se sont intégrés
beaucoup plus dans le secteur francophone du Québec que dans le secteur
anglophone.
Je vous invite encore une fois à regarder ces chiffres de plus
près. Je sais que le ministre d'Etat au développement culturel a
invité les intéressés à lui communiquer des
chiffres précis, des données réelles. Alors, en voici du
cru de l'Université McGill, Dr Laurin, et je suis certain que...
Le Président (M. Cardinal): Ce que vous venez d'affirmer,
pourrait-on savoir à quelle page exactement du mémoire on peut le
retrouver?
M. Fortier: C'est I.6 et I.7.
Mme Lavoie-Roux: Les immigrants non anglophones vont davantage au
secteur français qu'au secteur anglais.
M. Fortier: I.6 et I.7, en annexe au mémoire.
C'est-à-dire l'appendice I... Je suis obligé évidemment
d'aller assez rapidement.
Le Président (M. Cardinal): On ne vous enlève pas
ce temps-là.
M. Fortier: Je m'excuse. Est-ce que Mme le député
de L'Acadie s'est retrouvée?
Mme Lavoie-Roux: Je suis à la page, mais c'est votre
affirmation que les immigrants non anglophones vont davantage au secteur
français qu'au secteur anglais...
M. Fortier: Je pense que c'est une affirmation que je dois
corriger. Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a beaucoup plus d'immigrants
dont la première langue est le français, aujourd'hui, qu'il n'y
en avait il y a six ans et qu'il y a beaucoup moins d'anglophones. Je m'excuse,
je vous remercie de la correction. Je me suis laissé emporter dans ce
débat, une envolée oratoire. Excusez-moi.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, continuez.
M. Fortier: C'est donc dire, à ce chapitre c'est le
troisième facteur le nombre et les choix linguistiques des
immigrants semblent indiquer, comme je viens de le souligner, qu'il y a plus
d'immigrants francophones aujourd'hui qu'il n'y en avait il y a six ans et il y
a moins d'immigrants anglophones.
Quatrièmement, les migrations interprovinciales, dont il a
été question hier à l'occasion d'autres mémoires.
Ici, M. le Président, messieurs les membres de la commission, je vous
invite, encore une fois, à consulter les tableaux nos 3, 4, 5 et 6, aux
pages I.8, I.9, I.10 et I.11 et vous verrez que les analystes de
l'Université McGill, à même les chiffres publiés par
Statistique Canada, à la suite du recensement de 1971, ont
établi, en consultant les réponses à la question: "Dans
quelle province demeuriez-vous, étiez-vous domicilié il y a cinq
ans"? les migrations interprovinciales des gens de langue maternelle anglaise,
province de destination, province d'origine, au tableau no 3; au tableau no 4,
les migrations interprovinciales des gens de langue maternelle
française, province de destination, province d'origine; au tableau no 5,
les migrations interprovinciales des gens de langue maternelle "autre",
province de destination, province d'origine, et finalement, au tableau no 6,
ils ont colligé ces informations, ces données et vous êtes
à même de constater que les émigrations nettes des gens de
langue maternelle anglaise en provenance d'autres provinces au Canada durant
cette période se chiffrent par quelque 49 000 alors que les
émigrations nettes des gens de langue maternelle française durant
cette période se chiffrent par quelque 12 000. Alors, si je
ramène ces chiffres sur une notion de pourcentage, c'est que les pertes
en termes absolus subies par la population de langue maternelle anglaise ont
été quatre fois plus importantes que les pertes subies par la
population de langue maternelle française au Québec. Ces
conclusions apparaissent a la page I.5 du mémoire.
Ce sont ces données, sur lesquelles je sais que vous allez
vouloir vous pencher, qui amènent l'Université McGill à
dire, à la page 7 de son mémoire, au bas du premier paragraphe
à la page 7, que, dans ces circonstances, les mesures nouvelles et
radicales visant le maintien de la supériorité numérique
des francophones seraient superflues.
Comme elles ont un caractère coercitif, elles sont
préjudiciables à l'ensemble du Québec. Si le chapitre 8 du
projet de loi no1 n'est pas modifié, l'université McGill croit
que la collectivité anglophone québécoise, en
général et ses établissements en particulier, tels ses
écoles, ses collègues, ses universités, en subiront un
préjudice grave.
Comme vous pouvez lire au bas de la page 8 du mémoire,
l'université croit qu'il s'agirait d'une perte pour le Québec, ce
préjudice grave que subirait l'université, et que cette perte ne
serait pas accompagnée d'un gain correspondant pour la langue
française. L'intention de la charte est de consolider la position du
français, mais ce but ne pourra être atteint par un simple
affaiblissement du groupe de langue anglaise.
Je réalise qu'il ne me reste pas tellement de temps, je vais
passer rapidement, mais ce point est très important. J'arrive à
cette idée maîtresse du mémoire de l'Université
McGill à savoir que si les dispositions du chapitre 8 du bill 1 ne sont
pas amendées, la source, l'univers de ses élèves,
puisés à même le noyau anglophone au Québec, va
diminuer à un point tel que l'université va devenir qu'une image
très pâle de ce qu'elle est aujourd'hui. Ces sources de
renseignements, M. le Président, se retrouvent à l'appendice 2.
Je m'excuse auprès de ceux qui sont près de moi et qui ont
oeuvré à ce mémoire qui se retrouve à l'appendice
2, à cet exposé, avec tableau à l'appui dont les
données sont pigées à même des documents
publiés, tant à Québec par le ministère de
l'Education, le bureau de la statistique au Québec, la Commission des
écoles catholiques de Montréal, qu'auprès de Statistique
Canada, je n'aurai pas le temps de les revoir en détail, mais les
conclusions sont dégagées à la page 9 du mémoire.
Je vais les lire très rapidement. Les populations scolaires sont
actuellement en baisse sur tout le continent nord-américain et la
population des réseaux scolaires anglais et français au
Québec, sans prendre le bill 1 en considération, sera
réduit à quelque 80% de son niveau actuel vers l'année
1986.
Si tous les enfants d'immigrants sont dirigés vers les
écoles françaises, il est évident que l'audition de ces
enfants au réseau des écoles françaises portera en 1986,
le chiffre à un maximum approximatif de 87% au lieu de 80%. Par contre,
si on regarde quel va être l'effet de ce dirigisme des jeunes anglophones
en provenance d'autres provinces ou des jeunes anglophones en provenance
d'autres pays vers le secteur français plutôt que le secteur
éducationnel anglophone, on peut mesurer l'impact sur le noyau qui
alimente les universités de langue anglaise.
Vous trouvez au bas de la page 9 les conclusions de ces études,
les estimations indiquent que vers l'année 1986, le réseau des
écoles anglaises ne représentera pas plus de quelque 46% de sa
taille actuelle. Les données sur lesquelles s'appuie cette conclusion se
retrouvent à l'appendice 2 du rapport. Je sais que le Dr Laurin et les
autres membres de la commission voudront l'étudier très
attentivement parce qu'il a été préparé, comme je
l'ai dit tout à l'heure, à même des statistiques
officielles, tant de Québec que d'Ottawa et à l'aide de
projections qui ont été faites, sur la base même qu'emploie
le ministère de l'Education au Québec, pour tenter de
déterminer quelle va être la population des secteurs scolaires au
Québec.
Selon l'avis de l'université, elle ne se fait que l'écho
des propos déjà tenus par le premier ministre, M.
Lévesque, idéalement, on devrait laisser le choix de la langue
d'enseignement aux parents. L'université McGill se rallie à
l'opinion déjà émise par le premier ministre du
Québec. Elle dit que. idéalement, c'est ce qui devrait
survenir.
La raison pour laquelle elle le dit, c'est que la fréquentation
du réseau des écoles anglaises va
continuer à baisser et elle ne pourra plus s'alimenter.
On peut prédire les conséquences pour l'enseignement
supérieur. Une université engagée comme l'est McGill
à présent, ne pourrait exercer judicieusement sa mission sur une
base démographique d'expression anglaise en butte à une
érosion continue, surtout si le flot des étudiants et des
professeurs à l'extérieur du Québec est endigué par
les conséquences de ce projet de loi, conséquences qui, suivant
McGill, sont inévitables.
McGill est donc exposée, M. le Président, à une
menace réelle. La perte de McGill on pourrait fort bien se poser
la question aura-t-elle une importance pour le Québec? Suivant
l'avis très humble des dirigeants de l'université, il faut
répondre par l'affirmative à cette question.
Une bonne université constitue un actif précieux pour sa
collectivité et pour ses universités soeurs qui oeuvrent au sein
de cette collectivité. La réputation internationale de McGill
représente un atout tout à fait particulier pour le
Québec. Sa contribution au seul domaine de la médecine est sans
pareille. Les centres hospitaliers d'enseignement de McGill sont connus
à travers tout le continent. Dans le domaine de l'agriculture, son
collège Macdonald occupe un rang de premier ordre.
McGill a formé des chefs, pour ainsi dire, dans chaque segment de
la société, tant français qu'anglais. Je ne mentionnerai
que l'honorable Jacques-Yvan Morin, ministre de l'Education du Québec
aujourd'hui, qui est diplômé de l'université.
La promotion du français comme langue commune et je
conclus sur cette note est en voie d'atteindre son objectif. On pourrait
accélérer et améliorer ce processus en insistant sur des
niveaux plus élevés pour l'enseignement du français dans
les écoles. Et McGill applaudit à la disposition de la loi
exigeant la compétence en français avant la fin des études
secondaires.
M. le Président, pour terminer et je vous remercie de
m'avoir accordé quelques secondes de plus que ce qui m'avait
été alloué je voudrais simplement lire au dossier
le compte rendu d'une interview que le démographe Jacques Henripin de
l'Université de Montréal a accordée au journal Le Soleil
il y a deux jours, et qui a été reproduite dans Le Soleil du 28
juin. Je le fais parce que j'ai escamoté les données qu'on
retrouve à l'appendice II du mémoire de l'université. M.
Jacques Henripin pourrait se faire le porte-parole des conclusions qui s'en
dégagent.
Je cite ce que M. Henripin disait dans le Soleil du 28 juin 1977: "La
loi no 1, si elle est appliquée telle que présentée, est
un coup de barre si vigoureux qu'elle risque d'amener la réduction
relativement rapide des anglophones et, éventuellement, leur
disparition". M. Henripin disait la même chose que le démographe
Réjean Lachapelle, directeur de projets à l'Institut de recherche
politique, que le régime d'accès à l'école
anglaise, prévu par le projet de loi no 1, comporte, et je cite: "un
principe de fermeture qui conduit, sauf cir- constances exceptionnelles,
à la disparition éventuelle du groupe anglophone et à
l'extinction des écoles anglaises, car les anglophones devront alimenter
leurs écoles par leur seule reproduction, et non plus par les apports en
provenance du reste du Canada et de l'étranger".
Si, M. Henripin et M. Lachapelle avaient voulu se faire les porte-parole
de l'Université McGill, ils n'auraient pu mieux réussir.
M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous
remercie de votre patience.
Le Président (M. Cardinal): Merci, Me Fortier. Je ne vous
ai pas accordé quelques secondes, j'ai présumé, comme je
le fais parfois, le consentement unanime de la commission pour vous entendre au
moins trois ou quatre minutes de plus.
Avant de donner la parole aux membres de la commission, j'aurai
cependant quelques brèves remarques. Tout d'abord, à des fins de
secrétariat et de procédure, s'il y a lieu, je dois indiquer que
M. Bertrand (Vanier) n'est pas remplacé par M. Mi-chaud (Laprairie),
mais par M. Clair (Drummond). Deuxièmement, M. Grenier
(Mégantic-Compton) est remplacé par M. Biron
(Lotbinière).
Ce que je vous ai accordé comme temps supplémentaire,
j'indique tout de suite aux membres de la commission qu'ils n'auront pas la
même faveur. Comme on est jeudi et qu'un long week-end débute, je
voudrais que tous ceux qui sont invités, y compris le dernier groupe,
Participation Québec, puissent être entendus aujourd'hui.
Je donne immédiatement la parole au ministre d'Etat au
développement culturel. Je pense que les membres de la commission
accepteront que le temps soit tenu avec certaine
sévérité.
M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier
très sincèrement l'Université McGill pour le
mémoire très étoffé et très
intéressant qu'elle vient de nous présenter et que j'ai lu et
relu avec attention. Je remercie les auteurs particulièrement d'avoir
pris la peine de préparer ces deux annexes, ces deux appendices qui nous
apparaissent particulièrement importants pour la discussion,
c'est-à-dire le premier appendice sur les éléments
récents affectant la structure linguistique de la population du
Québec et le deuxième qui porte sur l'ampleur future du
système scolaire anglais au Québec. Je pense que ces
statistiques, en particulier, nous aideront beaucoup à éclairer
notre lanterne dans le débat en cours.
Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour remercier
l'Université McGill et la féliciter, au nom du gouvernement
québécois, pour le travail extraordinaire au
bénéfice de la communauté québécoise, depuis
1854. Je pense que cette contribution a été majeure, que nous lui
devons une grande part de notre épanouissement culturel et scientifique.
C'est bien la raison pour laquelle je tiens, autant que le recteur actuel de
l'université, et tous ceux qui sont ici, et tous les anglophones du
Québec, à la survie de l'institution, et encore plus, à
son développement pour l'avenir.
Dans son mémoire, McGill reprend quelques-uns, pour ne pas dire
plusieurs des ar-
guments apportés par d'autres groupes. J'ai déjà eu
l'occasion d'analyser ces commentaires lorsqu'ils venaient d'autres groupes et
je ne voudrais pas les reprendre aujourd'hui, car ceci ne me paraît pas
l'aspect le plus important du mémoire que McGill nous présente
aujourd'hui. Ce qui m'apparaît le plus important, ce sont
précisément ces études sérieuses,
documentées qu'elle nous apporte, importantes, parce que c'est McGill
qui les apporte et, en raison de la réputation qu'elle possède,
déjà ces statistiques ont été utilisées par
d'autres groupes qui sont venus avant vous et qui en ont fait la base dans
leurs affirmations. C'est donc surtout à ces deux appendices que je
voudrais consacrer maintenant toute mon attention, en me basant non seulement
sur ce que j'ai entendu ce matin, mais sur la lecture attentive du
mémoire aussi bien que des deux appendices.
Dans son mémoire, McGill affirme, à la page 7 et aussi
dans l'appendice I, que l'effritement de la majorité française
est enrayé et McGill affirme en particulier que les
énoncés du livre blanc sont basés sur des projections
pessimistes quant à l'avenir démographique du Québec.
Je regrette cependant de dire, pour ma part, que je ne suis pas d'accord
sur les affirmations qui apparaissent aussi bien dans le mémoire
à la page 7 que dans l'appendice. Incidemment, je voudrais commenter
immédiatement la déclaration de M. Henripin, il y a deux jours
évidemment, c'est une opinion que je respecte, venant d'un
démographe aussi réputé que M. Henripin mais une
affirmation d'un démographe, je la respecte encore davantage quand elle
est appuyée sur les tableaux, les statistiques que ceux-ci sont
habitués de nous fournir. J'attends les confirmations numériques
et statistiques de M. Henripin pour juger la déclaration qu'il vient de
faire. J'espère qu'elle est appuyée sur des études qu'il a
effectuées personnellement et je vais sûrement entrer en
communication immédiatement avec lui pour lui demander si son opinion a
été mise à la suite d'une lecture rapide du projet de loi
ou à la suite d'études qu'il a effectuées en tant que
démographe. Donc, jusqu'à plus ample informé, je retiens
mon jugement sur sa déclaration; mais en ce qui concerne en tout cas le
premier point auquel je m'attaque, encore une fois, je suis en désaccord
pour plusieurs raisons.
Le livre blanc n'est pas basé que sur des projections
pessimistes. Il y en avait une, à tout le moins, que nous avons
citée qui était optimiste, c'était la projection de
Charbonneau et Maheu qui avait été présentée
à la Commission Gendron et qui prévoyait une augmentation du
pourcentage des francophones de 1961 à 1971, mais, de fait, le
recensement de 1971 est venu nous indiquer une diminution, plutôt qu'une
augmentation, c'est-à-dire que le pourcentage est passé de 80,7%
proportion des francophones au lieu des 81,4% que Charbonneau et
Maheu avaient prévu.
Deuxièmement, une étude récente de Henripin, cette
fois appuyée sur des chiffres, en octobre 1974, et qui apparaît
dans le livre vert du gouvernement fédéral du département
de l'immigration, confirme les prévisions à la baisse de la
proportion des francophones. Je souligne, en passant, que votre mémoire
ne parle pas de cette étude Henripin, en octobre 1974. Nous avons
cité abondamment, ici, à la commission, ces jours et ces semaines
dernières, les statistiques scolaires qui vont dans le même sens
de la diminution beaucoup plus considérable des effectifs scolaires du
côté francophone que du côté anglophone, toutes
choses étant égales d'ailleurs sous le régime de la loi 22
qui nous régit actuellement. Il y a aussi le témoignage de
l'Association des démographes que nous avons entendu ici même
à la commission parlementaire et qui va dans le même sens,
témoigne qui, incidemment, est appuyé sur plusieurs études
comme celle de Charbonneau, Henripin, Légaré qui a paru en 1968,
sur la thèse de maîtrise de Robert Maheu, à
l'Université de Montréal, en 1968, sur l'article d'Henripin que
je citais tout à l'heure, de 1974, et, en particulier, les statistiques
scolaires indiquent également que le taux des inscriptions au secteur
scolaire anglais de 1971 à 1976 s'est maintenu à un niveau
remarquablement constant et a même augmenté. Par exemple, au cours
des cinq dernières années, ce taux a été de 15%,
15,5%, 15,7%, 16,1% et 16,7%, phénomène qu'on est loin de
retrouver dans le secteur francophone.
Vous abordez la question des transferts linguistiques à la page 3
de votre premier appendice, et vous affirmez qu'ils seraient maintenant
plutôt dans le sens de l'anglais au français. Cette affirmation me
paraît, comme dirait notre Sol à nous, "assez superlativement
énorme", car bien des témoignages venant de tous les milieux, je
pense, ont prouvé que les transferts linguistiques ont joué et
jouent encore, d'une façon massive, en faveur de l'anglais. J'aimerais
bien pouvoir m'exprimer plus longuement là-dessus. On sait qu'il y a
transfert linguistique quand un individu adopte une langue d'usage
différente de sa langue maternelle. Le recensement de 1971 nous permet
maintenant d'utiliser une telle définition, alors qu'auparavant, il
fallait se contenter de croiser la langue maternelle et le groupe ethnique. La
nouvelle définition qui apparaît dans le recensement de 1971 nous
donne une meilleure idée de la situation récente et
présente.
Je voudrais porter à votre attention un tableau dont on ne tire
pas toute la substantifique moelle dans votre étude, c'est le tableau 1
de la population, qui apparaît au rapport sur le recensement de 1971,
tableau 1 qui porte sur la population répartie selon la langue
maternelle et la langue d'usage. On constate d'abord que la très grande
majorité des Québécois, soit 96%, ont conservé
comme langue d'usage leur langue maternelle. Ce sont les
Québécois de langue maternelle française qui effectuent le
moins de transferts puisque 98,4% sont fidèles à leur langue
maternelle. Il n'y a pas de transfert pour 92,5% des anglophones et pour 68,1%
des allophones. On peut mentionner ici Ia vitalité des langues des
allophones au Québec qui est beaucoup plus forte que dans les autres
provinces du Canada.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Excusez-moi, M. le ministre, je pense que M. Fortier voudrait savoir exactement
quel tableau 1...
M. Laurin: C'est le tableau 1 du recensement de 1971. Justement,
c'est un tableau qui m'appa-raît opportun pour...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on peut le mettre à la
disposition des membres de la commission?
M. Laurin: Sûrement.
Mme Lavoie-Roux: Puisque certains, du côté
ministériel...
Une Voix: Ils ont besoin, avec vous...
M. Charbonneau: C'est notre bureau de recherche qui travaille
bien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laurin: Donc, d'après ce tableau, il y a 73 515
Québécois de langue maternelle française qui ont l'anglais
comme langue d'usage, soit 1,5% du groupe, tandis que 49 060
Québécois de langue maternelle anglaise ont le français
comme langue d'usage, soit 6,2% du groupe. La perte en nombre relatif est plus
forte pour la langue anglaise, mais, en nombre absolu, il y a un gain de 24 455
pour l'anglais. On peut, évidemment, s'interroger sur la signification
de ces transferts, mariages mixtes et le reste, mais on voit tout de même
que l'attraction de l'anglais est plus forte que celle du français.
Cette attraction est plus évidente dans le choix des groupes
allophones: 23% des transferts de ce groupe se font vers l'anglais, soit 84 446
et seulement 9% se font vers le français, soit 34 580. Rappelons que,
pour ne pas modifier l'équilibre linguistique du Québec, au moins
80% des transferts linguistiques des allophones devraient s'effectuer vers le
français, alors qu'ils se font à 70% vers l'anglais.
Ce tableau 1 nous permet aussi de constater l'apport fort important fait
par les groupes de langue maternelle française et autres aux groupes
ayant l'anglais comme langue d'usage. En effet, 18% des Québécois
qui déclarent l'anglais comme langue d'usage ne sont pas de langue
maternelle anglaise, alors que plus de 98% des Québécois
utilisant le français à la maison sont de langue maternelle
française.
Les Québécois qui ont l'anglais à la fois comme
langue d'usage et comme langue maternelle ne forment que 12,1% de la population
totale. On peut réduire l'inconnu quant à l'orientation
linguistique de 253 510 Québécois qui ont une langue d'usage et
une langue maternelle autre en utilisant la question sur les langues
officielles qu'ils connaissent. Or, ceci donne les résultats suivants:
84 980, soit 33,5%, ne connaissent que l'anglais; 36 855, donc 14,5%, ne
connaissent que le français; 68 235, soit 26,9%, peuvent parler le
français et l'anglais, et 63 440, soit 25%, ni l'un ni l'autre. Parmi
ceux qui ne connaissent qu'une seule langue officielle, c'est l'anglais dans
70% des cas. On ne peut douter du choix de ces personnes, si elles viennent
à subir un transfert linguistique.
On remarque, d'autre part, que l'on retrouve la même proportion de
70% que l'on observait chez les allophones qui avaient déjà fait
un transfert. Il y a d'ailleurs bien d'autres statistiques que l'on pourrait
citer sur ces transferts linguistiques. On constate, par exemple, et des
études récentes nous l'ont montré, en particulier un
article de Charles Castonguay, récemment, dont je pourrais vous donner
la source exacte, que les transferts augmentent davantage chez les jeunes
Italiens que chez les plus âgés. Par exemple, 63% des jeunes
Italiens optent pour l'anglais, et on voit aussi que, encore une fois
d'après les résultats du recensement de 1971, un autre tableau,
que les clientèles scolaires indiquent que ces transferts linguistiques
jouent massivement en faveur de l'anglais. C'est une tendance continue
où on ne voit aucune baisse décelable au court des
dernières années.
Le troisième point que vous touchez, c'est le problème de
l'immigration, et vous dites que le problème de l'immigration, pour un
Québec français, n'existe plus. C'est à la page 14 du
même appendice. Ceci m'apparaît une conclusion abusive, qui tronque
la réalité. Je vous réfère ici aux statistiques du
ministre de l'Immigration, les rapports annuels du ministère de
l'Immigration du Québec, tous les rapports annuels qui ont paru depuis
quelques années. Vous verrez, par exemple, que si on regarde les
unilingues français, en 1972, c'était 14,5%; en 1973, 20%, en
1974, 27,6%; en 1975, 27,1%; en 1976, 29,3%, donc, une augmentation graduelle,
mais qui se tient dans des proportions assez modestes, alors que, du
côté des unilingues anglais, si on regarde la composition de la
population des immigrants, on a les chiffres suivants: En 1972, 40%; en 1973,
41,8%; en 1974, 37,8%; en 1975, 33,1%; en 1976, 30,3%. Phénomène
inverse: Cela va vers la diminution, mais il ne faudrait pas oublier les
apports considérables, extraordinaires des dernières
années, qui continuent d'avoir leur poids sur la population actuelle. Il
ne faut pas oublier aussi de référer ces chiffres à la
population totale du Québec. On sait qu'au Québec, encore une
fois d'après les chiffres du recensement de 1971 du Canada, il y a 61%
d'unilingues français et il y a 10,5% d'unilingues anglais. On peut donc
dire que d'après leurs proportions, 10,5% d'unilingues anglais, si on
les réfère aux chiffres que je viens de citer, ceux-ci
reçoivent donc des efforts très importants, ont reçu des
renforts très importants au cours des dernières
années.
Un dernier chiffre aussi au sujet des immigrants, mais, cette
fois-là, des immigrants bilingues, les statistiques du ministère
de l'Immigration, aussi bien que celles du recensement du Canada, montrent que,
pour la période de 1966 à 1971, les immigrants bilingues, qui
parlent les
deux langues sont, moitié-moitié, de langue maternelle
française et de langue maternelle anglaise, c'est-à-dire 23% de
langue maternelle français et 22% de langue maternelle anqlaise.
Un autre sujet que vous abordez est celui des migrations
interprovinciales. Vous dites dans votre mémoire, à la page 4 de
l'appendice, que tout le monde semble convenir maintenant que les mouvements
d'émigration du Québec vers les autres provinces canadiennes se
sont accélérés récemment.
Pour nous, c'est une affirmation gratuite, non fondée
scientifiquement, qu'on ne peut donc pas prendre au sérieux. D'ailleurs,
vous-même, dans votre mémoire, admettez qu'on ne dispose pas de
données précises encore, au moment actuel, à ce sujet.
C'est une affirmation que vous faites, mais vous ne la prouvez pas.
En fait, certaines études existent qui semblent nous orienter
vers une conclusion contraire à la vôtre. Nous savons, par
exemple, que le solde migratoire net, entre les années 1966 et 1970, a
été négatif; par contre, le solde migratoire des
années 1973 à 1976 a été total, positif. Par
exemple, en 1973, il y a eu un excédent de 2792 personnes; en 1974, un
excédent de 6429 et en 1975, un excédent de 6800 personnes.
Il faudrait donc que les migrations interprovinciales n'aient pas
été aussi négatives que ne le prétend votre
mémoire pour qu'on puisse expliquer un solde migratoire positif.
On pourrait aussi dire que du 1er octobre au 1er janvier 1977,
c'est-à-dire le dernier trimestre pour lequel on a des chiffres... On
pourrait citer les rapports du statisticien en chef du Canada qui, même
s'il n'est pas démographe, comme le disait M. Raynauld ici, à la
commission, lorsque l'Association des démographes a
présenté son mémoire, a quand même le titre de
statisticien en chef du Canada, donc l'opinion de quelqu'un qu'on doit
respecter. Le solde migratoire de ce trimestre oscillerait entre 5000 et 6000,
en attendant qu'on ait les chiffres définitifs. C'est l'accroissement
trimestriel le plus important qu'a connu le Québec au cours des
récentes années. Donc, là aussi, c'est difficile de
concevoir un solde migratoire négatif qui serait explicable par
l'émigration, uniquement par l'émigration des anglophones du
Québec.
Nous savons aussi que la migration nette de 1961 à 1971,
c'est-à-dire pour une période de dix ans, et non pas seulement
pour la période de cinq ans que vous prenez dans votre mémoire,
que cette migration nette au cours des dix dernières années a
favorisé davantage les anglophones que les francophones et là, je
vous réfère, pour appuyer ce point de vue, au tableau II, inclus
dans le mémoire de l'Association des démographes.
Il y a enfin un dernier fait. Bien sûr, je ne nierai pas que
l'émigration des anglophones existe c'est évident
mais je pense qu'on exagère cette émigration des anglophones si
on ne se base, comme je le disais tout à l'heure, que sur la
période 1966-1971, parce que c'est durant ces cinq années que le
Québec a connu un de ses pires bilans migratoires.
Si on étudie le même phénomène sur une
période de dix ans, déjà, on peut tempérer les
conclusions, on peut panacher les chiffres. Je pense qu'en ces matières,
il est toujours important de comparer les bilans qui s'étalent soit sur
cinq ans ou sur dix ans.
Un autre problème que vous abordez aussi est celui de l'ampleur
future du système scolaire du Québec. C'est votre deuxième
appendice, et comme base de cette étude, vous prenez une source
autorisée, évidemment. Ce sont des perspectives
démographiques pour le Québec qui ont été
établies par le Bureau de la statistique du Québec en 1976. Je
rappelle aux membres de la commission le titre véritable de cette
étude qui s'appelait: Perspectives démographiques pour le
Québec, quatre hypothèses. Quatre hypothèses pour les
années 1973, 1986, et 2001. Il y avait donc quatre hypothèses.
L'université McGill base tout son mémoire sur l'hypothèse
A.
Selon nous, ce choix est incorrect pour les raisons suivantes: Parce que
ce choix suppose une migration nette négative jusqu'en 1986, alors que,
comme je viens de le dire et de le démontrer, depuis trois ans, le solde
est devenu positif et positif d'une façon croissante, ce qui
déconsidère l'hypothèse A. Deuxièmement, même
dans l'étude citée par McGill, les auteurs, qui appartiennent au
Bureau de la statistique, affirment que c'est l'hypothèse B qui est la
plus probable scientifiquement, l'hypothèse B, qui prévoit une
migration nette positive de 7000 personnes par an, qui est d'ailleurs
confirmée par les chiffres que nous possédons maintenant et que
j'ai cités tout à l'heure sur les années 1973, 1974 et
1975.
Donc, on peut affirmer que le choix que fait McGill de
l'hypothèse A sous-entend une sorte de jugement de valeur sur l'avenir
démographique du Québec et un jugement de valeur qui ne nous
paraît pas conforme aux faits ni aux statistiques que nous
possédons. McGill dit aussi que les prévisions scolaires pour les
années 1986 et 1987 semblent catastrophiques. Nous ne sommes pas
d'accord avec cette affirmation car même les prévisions scolaires
de 1986 et 1987, qu'on les examine sous l'angle du statu quo ou du libre choix
ou de la loi 22 ne nous paraissent pas, le régime de la loi sous lequel
nous vivons actuellement, conduire à des conclusions aussi pessimistes.
Peut-être '' raison peut-elle en être trouvée dans les facte
suivants. Nous avons l'impression que Mi sous-estime la clientèle
anglophone pour raisons principales. Par exemple, McGill afi qu'il y aura, en
1986 ou 1987, 177 000 élèves ci le réseau scolaire
anglophone. Nos chiffres nous, basés sur toutes les études que
j'ai déjà citées, nous amènent plutôt aux
chiffres de 194 500. Comment expliquer ce décalage entre nos deux
chiffres? Voici les hypothèses que nous vous soumettons. Il peut y avoir
deux raisons. J'ai déjà parlé du taux de passage dans des
considérations antérieures, mais il est possible que McGill, dans
ses statistiques, ait estimé un trop faible taux de passage de la
maternelle à l'élémentaire 1 et de
l'élémentaire au secondaire 1, c'est-à-dire quand
on change de cycle. Cela peut être une des raisons. On pourrait
discuter là-dessus, mais je pense que ce serait intéressant
d'avoir un dialogue là-dessus. Surtout, la deuxième raison qui
nous apparaît la plus importante, c'est celle que j'ai mentionnée
tout à l'heure, c'est-à-dire le choix de l'hypothèse A de
l'étude du Bureau de la statistique du Québec. Une autre raison
de la sous-estimation des chiffres de la clientèle anglophone, cela nous
paraît être une mauvaise appréciation, une estimation
inexacte des effectifs scolaires basés sur les études qui nous
sont fournies par la CECM et par tous les autres ministères qui nous ont
offert des statistiques sur la question. Par exemple, McGill estime que les
effectifs des classes anglaises vont diminuer de 21% de 1976-1977 à
1986-1987, c'est-à-dire pour la période de 10 ans couverte par
ces années, alors que nous estimons que cette clientèle va certes
diminuer, mais elle va diminuer de 12%, ce qui laisse un écart de 9%, et
il ne faut jamais oublier de mettre cela en parallèle avec
l'évolution du secteur francophone, car il faut toujours voir
également ce qui se passe de l'autre côté. Nos estimations
à nous, c'est qu'avec le régime de la loi 22, même avec le
régime de la loi 22, les effectifs des classes françaises
diminueraient de 20% au cours de la même période de 1976-1977
à 1986-1987. Evidemment, nous nous référons, implicitement
encore, à cette baisse de la natalité qui est un facteur qui
sous-tend tous les chiffres, toutes les statistiques que nous présentons
et qui affecte autant le secteur francophone que le secteur anglophone.
Vous dites aussi que l'équilibre sera rompu entre les
arrivées et les départs, en ce qui concerne l'école
publique anglaise.
Là aussi, nous ne sommes pas d'accord, parce que nous avons
l'impression que vous avez sous-estimé un facteur dont j'ai souvent
parlé ici et dont on parle également dans le livre blanc,
c'est-à-dire l'importance des mariages exogames, particulièrement
en fonction des critères de l'article 52, mariages exogames qui donnent
accès à l'école anglaise. De la même façon,
peut-être que vous avez sous-estimé l'impact de certains des
paragraphes de l'article 52 où, en vertu de ces critères,
l'école anglaise est ouverte, non seulement à ceux qui
poursuivent actuellement leurs études et qui sont allophones ou
même francophones, mais également aux descendants de ceux qui y
poursuivent actuellement leurs études.
Sans mentionner les cadets de ceux qui sont actuellement à
l'école et qui eux aussi auront droit d'y aller. Ce n'est
peut-être pas un chiffre aussi minime. Donc, les prévisions de
McGill nous semblent trop faibles pour l'année 1986-1987 et elles nous
semblent également trop faibles pour l'année 1992-1993, pour les
mêmes raisons, parce que ces prévisions sont toujours
basées sur l'hypothèse A du Bureau de la Statistique du
Québec et sur des taux de passage trop faibles; deuxièmement,
parce que les classes anglaises seront aussi affectées par
l'augmentation du nombre de naissances prévues pour les prochaines
années. Ce qui explique au fond l'augmentation démographique
pré- vue par la plupart des démographes pour les prochaines
années et surtout, encore une fois, parce que l'article 52 est beaucoup
plus large et généreux qu'on ne l'a prétendu, pour les
raisons que j'ai mentionnées tout à l'heure.
Il est donc erroné de dire qu'avec cet article, comme vous
l'affirmez dans votre deuxième mémoire, à la page 7,
seulement 58,4% des élèves anglophones auraient été
admissibles, si cet article avait été appliqué avant 1971.
Donc, appliquer ces 58,4%, tout à fait arbitraires, aux projections
déjà faites et déjà trop faibles pour les
années prochaines, ne peut que sous-évaluer fortement cette
clientèle future des classes anglaises.
C'est ce qui nous permet d'affirmer, en conclusion, que le chiffre de
103 368 que vous prévoyez en particulier pour 1986-1987, nous
paraît grandement exagéré et ne peut être retenu.
Je sais que j'ai pris pas mal de temps pour parler de ces deux
appendices, mais je pense que cela est particulièrement important, parce
que les données démographiques nous paraissent pertinentes au
débat et nous paraissent susceptibles de nourrir, sous un certain angle,
un aspect du débat qui devra être fouillé par tous les
partis qui auront à débattre ledit projet de loi.
Encore une fois, avant de terminer, je voudrais vous remercier pour
cette contribution importante aux débats, en même temps que pour
la contribution de McGill à la vie culturelle, économique,
scientifique du Québec et pour vous dire l'espoir que nous entretenons
que McGill continuera de jouer le rôle important qu'elle a joué
jusqu'ici. D'ailleurs, vous savez qu'il y a une commission d'étude qui
va se pencher bientôt sur l'avenir des universités et il est
prévu que dans le cadre de cette étude, les problèmes qui
font l'objet de nos débats actuellement, en ce qui concerne
précisément l'avenir de l'Université McGill, seront
abordés, étudiés, de la façon la moins
discriminatoire qui se puisse imaginer et dans une perspective, au contraire,
ouverte et positive sur l'avenir dans le sens des intentions que je viens
d'énoncer.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Me
Fortier, assez brièvement, puisque le ministre a déjà
utilisé tout le temps accordé au parti ministériel.
M. Laurin: II est assez rare...
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que je pourrais
soulever une question de règlement?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II reste que même si nos habitudes veulent que
les réponses soient incluses dans le temps, le ministre a pris au moins
30 minutes, peut-être un peu plus...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II a
pris 30 minutes.
M. Lalonde: 30 minutes et il ne faudrait pas que cette
façon de procéder soit, en quelque sorte... ou se traduise en
impossibilité... et les remarques du ministre vont dans la substance
même du mémoire, et il me semble qu'on devrait laisser le temps
nécessaire pour répondre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. Me Fortier.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Le ministre a
été généreux à mon endroit plus tôt en
me permettant de déborder les 20 minutes. C'est évident que nous
lui devions de lui rendre la pareille. Il a félicité
l'Université McGill d'avoir présenté à la
commission un mémoire étoffé. De mon côté, je
félicite le ministre d'avoir présenté une réplique
aussi étoffée.
Il va de soir que je n'ai pas l'intention aujourd'hui de me livrer
à une guerre de chiffres avec les membres du comité. Tout comme
le Dr Laurin, je reconnais qu'on peut puiser à droite ou à gauche
certaines données, qu'on peut établir, sur une base ou sur une
autre, à même ces données, certaines projections. Je vous
suggère que ce serait peut-être constructif que
l'Université McGill vous offre de consulter ses techniciens qui ont
élaboré les chiffres que nous retrouvons en appendice au
mémoire.
Ils sont à la disposition des vôtres, Dr Laurin, et, en
tout temps, si vous voulez bien les inviter, ils se feront un plaisir de
s'asseoir avec vos collègues pour tenter de voir où les
données les plus réelles se trouvent et quelles projections
doivent être retenues. Je vous formule donc cette invitation au nom de ma
cliente, l'université, à ce stade-ci.
En réponse à vos commentaires, je vais être
très bref. D'abord, vous vous êtes référé,
comme je l'avais fait, à la déclaration du démographe
Jacques Henripin. J'ai raison de croire que vous vous êtes
interrogé à savoir où il a puisé les chiffres sur
lesquels il appuie ses conclusions. J'ai raison de croire que ces chiffres et
les projections sont ceux que vous retrouvez en appendice, au mémoire de
l'Université McGill.
Deuxièmement, vous avez parlé du mémoire de
l'Association des démographes qui vous a été
présenté il y a quelques semaines et que j'ai eu l'avantage de
consulter. Je ferais miens les commentaires des porte-parole des jeunes
libéraux de la région de Québec hier, qui ont
dégagé de ce mémoire des conclusions tout à fait
autres que celles que l'association avait dégagées.
Dans un troisième temps, je vous ferais remarquer que ce
mémoire, à la page 3, tableau II, se sert de chiffres oui nous
apparaissent désuets, c'est-à-dire de chiffres établis
durant la période de 1961 à 1971. Comme vous l'avez dit tout
à l'heure, le Québec a connu une migration
particulièrement importante durant cette période. Vous avez
remarqué que l'université, elle, a retenu les chiffres de 1971
à 1977, c'est-à-dire des chiffre plus récents, plus
actuels.
Enfin, vous avez noté, à juste titre d'ailleurs,
c'est mentionné à l'appendice 2 que les analys- tes de
l'Université McGill avaient retenu l'hypothèse A du document
intitulé "Perspectives démographiques pour le Québec", qui
retenait un taux de fécondité de 1,8% et une migration
négative, une migration nette de moins 9000.
Je pense qu'il pourrait peut-être vous intéresser que je
vous communique et je ne me livrerai pas à une guerre de
chiffres, je n'ai pas l'intention de revenir sur ma promesse je pense,
dis-je, qu'il serait intéressant de noter, à même
Statistique Canada, que la population du Québec, en 1971, M. le
Président, était de 6 027 000 et qu'en 1976, elle était de
6 234 000, soit une croissance de 206 000 environ.
Suivant une étude de M. Roy, qu'on retrouve dans la livraison du
Devoir du 9 juin 1977 je vois que le ministre est évidemment au
courant de cette étude à la page 5, durant cette
période, selon lui, l'accroissement naturel de la population au
Québec a été de 235 000, ce qui laisse une migration nette
négative de 28 000 pour la période de 1971 à 1976.
Réduite sur une base annuelle cela vous donne une migration
négative d'environ 6000, ce qui est beaucoup plus près de la
migration nette négative de 9000, retenue dans l'hypothèse A par
les fonctionnaires du Québec qui ont oeuvré au document, à
la perspective démographique pour le Québec, que les
hypothèses B, C ou D. C'est simplement une matière à
réflexion que je vous livre ici.
Je crois, avec votre permission, M. le Président, MM. les membres
de la commission, que le vice-recteur, le Dr Stansbury, aurait certains propos
à faire en réponse à certains des commentaires du Dr
Laurin.
M. Stansbury: Merci, M. le Président. Il est
évidemment impossible de répondre à tous les points que le
ministre a soulevés, mais je veux affirmer que nous restons convaincus
que les prévisions, surtout les prévisions pour l'avenir des
écoles anglophones, ne sont pas pessimistes dans notre mémoire,
c'est-à-dire que la vérité sera au moins aussi
négative que nous l'avons prévue. Chaque fois que nous n'avions
pas de chiffres précis, nous avons basé nos hypothèses sur
moins de diminutions que sur plus de diminutions.
Par exemple, si on utilise l'hypothèse B concernant les
prévisions de la population du Québec, l'écart entre les
effectifs dans les écoles anglophones avec le bill 1, et ce qu'il y
aurait si le bill 1 n'existait pas, serait plus grand, parce que les gens qui
arrivent au Québec n'apportent rien à l'école anglophone
sous la loi no 1. Donc, si nous avions pris l'hypothèse B, cela n'aurait
pas changé nos prévisions pour le nombre d'étudiants qui
seront dans les écoles anglophones, mais cela aurait augmenté le
nombre que nous aurions prévu, n'eût-été de la
Charte de la langue française.
Pour terminer, je veux dire une seule autre chose: Les statistiques que
le ministre cite soutiennent amplement notre position. Je veux surtout faire
référence à des chiffres qu'il a cités hier pour le
secteur anglophone. Il faut admettre que c'est un cas extrême, mais les
tendances sont les
mêmes, vont dans la même direction pour tout le secteur
anglophone.
Selon le ministre, moins de 30% des étudiants dans le secteur
anglophone de la CECM sont de vrais anglophones et a peine une majorité
a-t-elle l'anglais comme langue maternelle. De plus, les chiffres ont
été constants, depuis quelques années, d'après ce
qu'il a dit hier. De là, le ministre a déduit que la disparition
du secteur anglophone n'est pas possible, oubliant que le total constant
n'implique pas qu'il soit composé des mêmes familles. Or, le
ministre lui-même a déjà reconnu que la migration
interprovinciale n'est pas un phénomène négligeable. Donc,
les quelque 11 000 étudiants, le total constant dans le secteur
anglophone de la CECM, était composé, en partie, de familles qui
ont habité ici pendant tout ce temps et, en partie, de familles qui sont
venues au Québec.
Le fait que les effectifs anglophones soient restés constants
malgré les migrations, cela veut dire que les
Franco-Québécois n'ont rien à craindre de ce groupe. Rien
ne justifie l'exclusion des immigrants anglophones des écoles
anglophones.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
J'accorde maintenant la parole à Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire
d'abord remercier les représentants de l'Université McGill pour
leur contribution très sérieuse aux études de cette
commission. Je m'associe aux remerciements et félicitations du ministre
quant à la contribution de l'Université McGill au
développement et à l'épanouissement de la
société québécoise. Je le dis en toute
sincérité. J'aurais souhaité que le ministre, au moins,
consente à examiner les données que vous apportez, mais je vois
que l'étude est déjà faite, le verdict est rendu. Sans
doute, ne veut-il pas se faire reprocher de succomber à ce que certains
appellent un certain chantage, ce que d'autres appellent une dernière
lutte de la communauté anglophone pour conserver des
privilèges.
De toute façon, vous pouvez vous imaginer que je n'ai pas
à ma disposition la batterie de services dont dispose le ministre.
Alors, je ne me lancerai pas dans la guerre des chiffres. La seule question
à laquelle j'aurais aimé que le ministre réponde, c'est:
Comment peut-il nous expliquer que les appréhensions que vous apportez
ce matin ne peuvent pas être tout à fait normales et qu'une
communauté ne puisse pas s'inquiéter de son avenir, à
moyen et à long terme, si on l'empêche de se "ressourcer", non
seulement à partir de ceux qui partagent sa langue et sa culture, mais
aussi à partir de ses propres concitoyens des autres provinces qui
partagent sa langue et sa culture?
Je répète au ministre les questions que j'ai posées
hier. Il a les ressources pour faire ces études. Quels ont
été les effets de la loi 22? Peut-il nous donner une image de
l'évolution des classes d'accueil quant à l'intégration de
ces élèves aux classes françaises dans les
dernières années? Pourrait-il finalement nous obtenir un tableau
de l'immigration de la population scolaire de l'île de Montréal
à l'extérieur de l'île, mais à l'intérieur de
la province, quant à la distribution linguistique des
élèves, ce qui aurait peut-être pour effet de rendre un peu
moins dramatiques les statistiques qu'il brandit depuis quelques jours? Enfin,
ce sont des questions que je lui pose. Je n'ai pas les réponses.
Il reste que, néanmoins, je voudrais dire aux
représentants de l'Université McGill que les appréhensions
de la communauté française vis-à-vis de
l'intégration qui a été massive jusqu'en 1974-1975 des
immigrants non anglophones et non francophones à l'école anglaise
sont exactes et ceci, hors de tout doute je pense qu'il faut se le
rappeler et qu'à cet égard, que le gouvernement
précédent et que le gouvernement actuel aient montré, ou
montrent une certaine vigilance et une préoccupation, je pense que c'est
tout à fait normal. D'ailleurs, je pense que vous le reconnaissez dans
votre mémoire.
Je voudrais seulement soulever deux points dans votre mémoire. Le
premier, c'est quand vous parlez de la discrimination, à la page 3,
quant aux droits différents qui sont apportés à
différents résidants du Québec. Les cas 1 et 2, je les ai
signalés à plusieurs reprises à cette commission, vous y
ajoutez les cas 3, 4 et 5, et on peut même en ajouter un autre. Les
enfants anglophones, de culture anglophone, sans l'ombre d'un doute, qui,
depuis le début des années soixante, ont été
envoyés par leurs parents aux écoles françaises, ont fait
leurs études en français, et qu'eux ne conservent pas, pour leurs
enfants, cette possibilité d'aller à l'école anglaise,
à moins qu'on mette en branle un processus généalogique
qui va être presque post mortem, puisque ces enfants ont
déjà quitté le système scolaire.
L'autre remarque, vous parlez, à la page 6, du nombre... enfin,
des grands pouvoirs qui sont donnés, par des règlements, à
des fonctionnaires et qui remettent en question le pouvoir législatif
vis-à-vis du pouvoir exécutif. Je dois, en toute
objectivité, dire que ceci était aussi une tendance de l'ancien
gouvernement, mais, au lieu de la corriger je m'y suis opposée
dans le temps on l'accentue. Comme vous le démontrez
vous-mêmes, il y aura des règlements pour au moins 27 articles de
ce projet de loi. Je me demande, à ce moment-ci, jusqu'à quels
excès on se rendra et si, vraiment, le Parlement qui est élu sera
vraiment celui qui, à moyen et à long terme, gouvernera et aura
la responsabilité des citoyens.
Ce sont les seules remarques que je veux faire. D'autres
collègues semble-t-il, veulent prendre la parole.
Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le
député de Pointe-Claire.
M. Shaw: Gentlemen, I know, as an anglophone Quebecer, how
important this brief is, and I note your reference to the classes of citizens
and the definition of a "Québécois". But more
than anything, I would like to put into perspective what the effect of a
University Center like McGill is on the profile of the economy of the city of
Montreal, how it has given Montreal the character that it knows and is
unfortunately knowing less day by day. For example, a study done by Mr Hall,
the previous president of Domtar, said that in 1960, there were 125 000 head
office jobs in the city of Montreal and now, this figure is below 50 000. For
example, in 1960 there were 120 insurance companies giving primary service in
the city of Montreal and this figure is now below 30 in 1975, and that
engineering firms, which were international engineering firms providing
engineering expertise throughout the world are now considering moving out of
the province and removing that kind of expertise opportunity for
"Québécois" in the gross sense, the effect on research
institutions who have had their centers in Montreal; the pharmaceutical
industry, who are now quite unnerved by the implications of words like
"francisation" and the effects of bill 1 on gathering expertise personnel into
their fold; the aerospace industry, electronics and medecine... this movement
of expertise centers from the city of Montreal seems to be developing and, to
some extent, even is developing an irreversible trend. Although McGill has to
take credit in having established this center of expertise in North America,
the effect on the university now must be very significant indeed.
So, I would like to direct my question, perhaps to professor Devries,
or... I do not know this lady's name, who is director of planning, in regard to
what kind of effect this exodus of expertise is going to have in the economic
character of the city of Montreal and perhaps in the opportunities that
university graduates will have from, not only McGill, but also the francophone
universities, to find employment in the area of expertise in the city of
Montreal.
NI. Fortier: Le Dr Bell voudrait répondre à cette
question, M. le Président.
M. Bell (Robert): Mr Chairman, in my opinion, it is a very
important point.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, Dr Bell, votre
micro, s'il vous plaît.
M. Bell: The position of Montreal as a leader in technical and
business affairs as well as cultural affairs was very much based on the
expertise that Dr Shaw mentioned and there is no question in my mind that it is
just fearing. Many of our graduates are handicapped in this respect now
because, for example, in electrical engineering, we no longer have a course in
the engineering of electrical power in McGill but only the parts of electrical
engineering that have to do with communications, computing, solid state
devices, etc. Why? Because McGill graduates are barred from employment with
Hydro-Québec.
Pardon?
M. Mackasey: Do you mind elaborating on what you just said? They
are barred from what?
M. Bell: From employment with Hydro-Québec...
M. Mackasey: Why? For what reason?
M. Bell: ...as power engineers.
M. Mackasey: For what reason?
M. Bell: They simply do not...
M. Mackasey: This is discrimination.
M. Bell: I do not know the reason, M. Mackasey. Such reasons are
not issued in white or green papers.
M. Mackasey: I think we know what they are.
M. Bell: The loss of expertise is affecting Montreal very much
now. In fact, I think that the main advantage remaining to Montréal at
this moment is its bilingual character. For example, a couple of years ago, the
Institute for Public Policy, which is a Canadian initiative from the country as
a whole, established itself in Montreal. The reason was the bilingual character
of Montréal above everything else. If we now reject that character, if
we destroy the Anglophone community in Montréal, it seems to me we will
be rejecting the last big advantage that Montréal have. I subscribe very
much to M. Shaw's remarks.
M. Shaw: I would like to follow a little bit in the same vein in
regard to the projections that the University graduates have today. I know we
consider the University as the center of development of our human resources at
the level of expertise. Now, obviously, we have helped build the city of
Toronto by making it more attractive for business to move there. Is there
something that could be done to try and reverse this trend? I know that the
bilingual character as Dr Bell has alluded to is an attraction here for head
offices, but are there other things that could be perhaps promoted in the city
of Montréal through our University centers that will attempt to try and
stop the exodus?
M. Bell: A mon avis, le développement des
universités francophones à Montréal depuis peut-être
les quinze dernières années, est un facteur très important
pour Montréal qui doit continuer; mais ce développement n'est pas
aidé par une perte de force de l'Université McGill, par exemple.
Nos liens avec les autres universités, surtout à Montréal,
sont très étroits et ils deviennent de plus en plus
étroits. Je crois que le développement de la communauté
universitaire de Montréal équilibré en proportion entre
les anglophones et les francophones est très important, c'est
peut-être le facteur, selon mes vues, le plus important.
M. Shaw: A last question equally important, I think. It is
unfortunate that we find that most of our reports that we are having, today,
statistics that terminated in 1971, because that was the last census year; we
had a census in 1975, perhaps it would be more accurate and even more accurate
would be the census since 1975 where if we perhaps grasp these things by the
effect of, first of all, the imposition of Bill 22 and secondly,the election of
the Parti québécois in November the 15th.
It is seen in my community, in the West Island, where at least one third
of the houses are for sale. It is really difficult to presume that the
prognostications that you have represented in this bill, if anything, are on
the generous side of what is the probable outcome of the demographic situation
in the City of Montréal, If Bill 1 is passed as it is envisaged.
Perhaps, Dr Devries, you could give us some idea of what any input you have
from the last six years figures would be as to the direction of the graph. Dr
Laurin, the Minister of Culturel Affairs, responsible for language, suggests
that this curve is being very pessimistic. Would you suggest that the curve, if
anything, is increasing in this amplitude?
M. Devries: There are not data to support anything that one can
say about the last several years. The census of 1976, as Mr Fortier put it out,
gives the population data for Québec, which show a net immigration loss,
as it is a net loss over the last five years. In addition, I have projected the
figures from 1971 back to 1966, which is the sense for which there are no more
than figures by essentially placing together the results of the interprovincial
migration and the international migration, which shows that the proportion of
anglophones in Québec and a maximum in 1966 and that 1971 was already a
declining point, in other words, 1961 and 1971 are about equal, 1966 turns out
to be higher than both of those years. So I suspect that the trend is indeed to
continue downward in the next few years.
M. Shaw: In other words, in spite of the provisions in the law
which suggest that the language is in jeopardy and the culture is in jeopardy,
it is perhaps just the opposite.
M. Devries: I agree that it is almost certainly the opposite.
M. Shaw: Thank you very much.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Je serais intervenu plus tôt, mais je ne
voulais pas interrompre le député. Il a affirmé que, dans
le West Island, il y avait un tiers des maisons à vendre. Sur quoi se
base-t-il? Vous pouvez répondre si vous voulez.
Le Président (M. Cardinal): Le député a le
droit de répondre ou de ne pas répondre.
M. Shaw: C'est une expérience vécue.
M. Paquette: En vous promenant dans les rues?
Le Président (M. Cardinal): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. J'étais venu
écouter et éventuellement commenter le mémoire de
l'Université McGill. J'ai l'impression qu'il faudrait peut-être
que je commente le mémoire du ministre, parce qu'il a fait des remarques
très longues et très précises sur les prévisions
qui ont été présentées par l'Université
McGill. En premier lieu, je voudrais mentionner que j'attache beaucoup de prix
d'abord à l'affirmation du démographe M. Jacques Henripin, parce
qu'il est le plus expérimenté de tous les démographes au
Québec. Il a au moins dix ans d'avance sur tous les autres et je pense
que son opinion devrait être retenue. Je n'avais pas pris connaissance de
sa déclaration des derniers jours, mais s'il a fait les
déclarations qu'il a faites, je pense qu'il vaudrait vraiment la peine
de s'y attarder.
Ma deuxième remarque, c'est celle qui se rapporte à ce qui
a été fait par l'Université McGill et je voudrais la
féliciter ici d'avoir présenté ces études que je
vois pour la première fois sur l'immigration par langue maternelle. Je
crois que ces chiffres sont extrêmement utiles. Ils portent sur la
période 1966 à 1971, qui est évidemment encore un peu
lointaine, mais je pense que c'est la première fois que nous les voyons
en détail. Ce qu'ils montrent, ces chiffres, et cela tombe sous le sens
commun, c'est que les francophones sont moins mobiles, ils sortent moins, ils
entrent moins au Québec que les anglophones ou que les gens d'autres
langues. Cela tombe sous le sens commun. Quelle est la conséquence de
cela? La conséquence, c'est que s'il y a des migrations
négatives, cela veut dire que le Québec se francise
progressivement, et cela aussi tombe sous le sens commun. On sait tous que
c'est comme cela que cela se passe dans la réalité, qu'à
peu près toutes les conclusions, les observations qu'on peut faire
dépendent justement des hypothèses que nous faisons sur les
migrations. Or, ces migrations nous sont données ici, et qu'est-ce qu'on
voit?
On voit qu'en dépit du fait que les francophones
représentent 80% de la population, de 1966 à 1971, davantage de
gens de langue maternelle anglaise ont émigré, soit une
émigration nette de 49 000 par rapport à une émigration
nette des francophones de 12 200. Je pense qu'il faut en tirer des conclusions:
Sur la base de ces chiffres, le Québec se francise, il ne s'anglicise
pas. Il faut le reconnaître. Une deuxième chose: Le ministre s'en
remet à beaucoup d'études; il mentionne que ce sont des
études maintenant très connues. Je voudrais simplement rappeler
que parmi ces études, plusieurs datent d'avant les données de
1971, y compris celles de Charbonneau et Maheu. Ces études ont
été faites, alors qu'on ne connaissait même pas les
résultats du rencensement de 1971.
En ce qui concerne les conclusions qu'ont tiré Charbonneau et
Maheu, quand ils ont pris connaissance du rapport de 1971, cela n'a
été qu'une phrase dans leur étude. Tout le reste est
basé sur des périodes antérieures.
Or, qu'est-ce qui s'est produit au cours de cette période? A
partir de 1968, il y a eu un renversement dans l'immigration que tout le monde
reconnaît. Un renversement complet, peut-être séculaire. On
avait eu des migrations nettes au Québec, positives. Je ne veux pas
remonter... parce qu'il y a eu des périodes antérieures où
il y a eu de l'immigration négative aussi. Si on regarde les 40
dernières années ou à peu près, on avait des
migrations nettes positives au Québec. On a eu des flots
considérables d'immigrants. A partir de 1968, on a eu des migrations
nettes. De 1968 à 1975, cela a été à peu
près 63 000 personnes, si je me rappelle bien, donc, une moyenne par
année d'à peu près 5000 à 6000 immigrants.
On fait maintenant état d'un renversement nouveau de 1973
à 1975-1976. On dit: regardons, les migrations sont positives, donc, on
ne peut plus rien en tirer comme conclusion. Je m'excuse, mais on sait ce qui
détermine ces migrations. C'est, en grande partie, l'existence d'emplois
ou l'absence d'emplois. C'est l'hypothèse qu'on doit faire. Quand on dit
qu'on va se fier aux statistiques du premier trimestre 1977, ça veut
dire quoi? Cela veut dire qu'on va se fier à des migrations nettes qui
supposent pratiquement le plein emploi au Québec. Et ce n'est pas vrai.
Ce n'est pas vrai.
Donc, il est impensable qu'on puisse dire aujourd'hui, que ces
migrations vont redevenir positives, comme elles ont pu l'être au cours
des années 50. C'est absolument impensable de dire cela, parce que le
principal facteur qui détermine ça, c'est l'existence ou non
d'emplois. Une autre chose me semble intéressante: Quand le ministre dit
qu'il s'agit d'une proposition gratuite que de supposer des migrations nettes
dans l'appendice A et que pour l'appendice B, au contraire, ce ne serait pas un
jugement de valeur, ce ne serait pas gratuit, je pense que dans les deux cas,
tout ce qu'on peut faire, c'est se reporter à l'expérience
passée et porter un jugement là-dessus. Dans les deux cas, ce
sont des jugements de valeur que l'on fait quand il s'agit de profiter,
à l'avenir. Je ne vois pas pourquoi le ministre rejetterait du revers de
la main une hypothèse basée sur moins de 9000 immigrants,
lorsqu'on a cette expérience depuis 1968, et qu'il accepterait
automatiquement comme valide et comme certaine une immigration nette, positive,
de 7000 personnes par année. Je pense que c'est sans fondement,
ça non plus.
Enfin, je pense que pour la période 1966-1971, le ministre a dit
qu'on exagérait l'immigration nette. Je ne pense pas qu'on
exagère l'immigration nette, parce que de 1966 à 1971, je l'ai
dit tout à l'heure, c'est en 1968 que se fait le point de coupure ou le
point de retournement. Pendant cette période, il y a eu des migrations
nettes positives, importantes, comme en 1966-1967, et des migrations nettes
négatives, importantes, après 1968. Donc, c'est probablement une
bonne moyenne que de retenir la période 1966 à 1971.
Ceci dit, je voudrais m'associer à mes
prédécesseurs pour féliciter l'Université McGill
pour son excellent mémoire. J'espère que l'accumulation de
statistiques de ce genre va permettre au ministre de réviser les notions
qu'il a retenues à partir d'études qui, aujourd'hui, sont
nettement dépassées.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, avec une minute.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Très
brièvement, pour conclure la partie de l'Union Nationale. Je veux vous
féliciter, puisqu'avec une université, on est sûr de
regarder des dossiers d'avenir plutôt que des dossiers historiques. On
est habitué ici à se baser sur des faits historiques. L'immense
majorité des faits s'arrêtait en 1971, alors que ce matin, vous
nous présentez, avec certains autres dossiers également, des
faits qui partent de 1971 à 1977, ce qui est beaucoup plus réel
dans la communauté québécoise, je pense.
On parle de piger des chiffres à droite et à gauche. J'ai
apprécié... J'espère que le ministre acceptera l'offre que
vous lui avez faite de mettre vos hommes à la disposition des siens,
pour faire des chiffres comparés, afin qu'on ne soit pas à gauche
et à droite, mais qu'on ait des chiffres du centre qui ressembleront
peut-être plus à notre collectivité
québécoise.
Une question, si je n'ai pas le temps pour deux. Je la ferai à
deux volets. Vous ne parlez pas des immigrants, des allophones au
Québec, ou très vaguement. Est-ce qu'on doit comprendre que vous
les incorporez à la communauté canadienne-française? Ou
est-ce que vous proposez de les incorporer à la communauté
canadienne-française?
M. Bell: M. le Président, à mon avis, les
immigrants vont, par leur libre choix, choisir le français dans
l'avenir. Le leader de la communauté italienne, par exemple, a
constaté que les Italiens vont choisir l'école française
à condition que la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais, soit
bien enseignée dans les écoles.
Je crois que cette tendance est naturelle. Il est évident que
j'approuve cette tendance.
M. Grenier: Merci. Vous êtes aussi assez vague, je pense,
sur la possibilité de la langue. Est-ce que vous pourriez nous dire de
quel statut doivent jouir les langues française et anglaise en regard de
la loi? Me Fortier?
M. Fortier: Là, vous me posez une question à
laquelle je pourrais répondre lorsque la présentation de
l'Université McGill sera terminée. Je pourrai vous donner un avis
juridique gratuit si vous voulez bien.
Mais, comme je suis ici à titre de procureur de
l'Université McGill et que l'Université McGill n'a pas choisi de
discuter de cet aspect du projet de loi no 1, je ne crois pas que ce soit
conforme à mon mandat. C'est bien respectueusement que je m'y conforme.
Mais il me fera plaisir de le faire après.
Le Président (M. Cardinal): Merci, Me Fortier, d'autant
plus que, à la suite de vos remarques, je m'en permets une.
M. le député de Mégantic-Compton, comme tous les
autres d'ailleurs, a dépassé son temps. Cependant, j'ai
laissé porter. Je souligne ceci, pas pour le député de
Mégantic-Compton seulement, mais bien pour tous les membres de la
commission. Après cette audition, j'aurai peut-être un mot
à dire à ce sujet.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Je serai très bref, M. le Président.
Je partage les sentiments de mon collègue sur le danger des
règlements dans un projet de loi qui a 27 articles régis par des
règlements. Je sais par expérience qu'il est très rare que
les règlements ne dépassent pas le principe du projet de loi. Je
me demande comment on peut préparer des règlements sans
étudier ces règlements avec la même profondeur que celle
qu'on va apporter à étudier clause par clause le projet de loi
quand nous en serons à la deuxième lecture. je veux tout
simplement souligner à Me Fortier la sagesse du ministre de
l'Immigration, en 1971-1972, ministre qu'il connaît bien lui-même.
Vous voyez qu'en 1971, les immigrants qui parlaient français
étaient a peine de 28% et, aujourd'hui, ils sont de 44%, près de
45%. Cela veut dire que l'accent est maintenant plus positif, dans le sens de
choisir les immigrants qui possèdent les deux langues officielles du
pays. La raison pour laquelle vous verrez, je pense, une diminution dans les
taux d'immigration, c'est qu'en 1971, nous avons changé la Loi de
l'immigration pour ne plus permettre aux visiteurs qui viennent au
Québec, au Canada, de demander le droit d'être des citoyens ou des
immigrants pendant qu'ils sont ici, au Canada.
C'est regrettable que le Dr Laurin n'ait pas touché aux tableaux
qui paraissent dans ce mémoire parce que je pense que ce mémoire
fait état des communautés minoritaires, et je me suis toujours
battu pour les minorités, comme M. Fortier le sait, quand j'étais
à Ottawa, les minorités francophones de toutes les provinces et
maintenant les minorités qui sont affectées par ce maudit bill
discriminatoire.
Je vais vous dire qu'il y a un tableau, à l'annexe II, page 10,
qui démontre six moyens par lesquels il y a de la discrimination,
intentionnellement ou non pas intentionnellement, si vous voulez, et je pense
que cela a pu créer au moins six catégories de minorités
qui sont toutes de la même expression, selon les accidents et non pas
autre chose. Je pense que c'est la clef de notre problème. On entend
tous les jours le Dr Laurin répondre à toutes les questions qui
sont posées sur le climat créé par ce bill no 1... Une
fois que nous aurons cette réponse, je pense qu'il y aura plus de
coopération de la part des minorités pour en arriver au principe
que tout le monde est d'accord sur ce fait que nous vivons dans un territoire,
un pays, une province, si vous voulez, où la majorité est
d'expression française, où 80% des gens sont d'expression
française, ils craignent de voir leur langue et leur culture
disparaître parce qu'il existe 20% de gens qui sont d'expression
anglaise.
M. Laplante: Me permettriez-vous de poser seulement une petite
question, M. le Président, en vertu de l'article 100, à M.
Mackasey?
Le Président (M. Cardinal): Oui, s'il veut bien
répondre.
M. Laplante: S'il veut bien répondre.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Vous dites, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce...
M. Mackasey: Vous n'êtes pas le Dr Laurin, j'ai
adressé mes paroles au Dr Laurin. Je vous parlerai et je vous adresserai
mes questions quand vous serez ministre.
M. Laplante: Non, c'est seulement une petite question.
M. Mackasey: Oui, allez-y.
M. Laplante: Vous parlez de 80% de majorité francophone
contre 20% et dites qu'on ne doit pas avoir peur. Mais pourquoi est-ce que
l'Ontario a peur de donner un procès en français à M.
Filion?
M. Mackasey: Nous n'avons aucune crainte. La seule
différence entre vous et les jeunes qui étaient ici hier soir,
c'est que leur philosophie est basée sur la fierté, le courage.
Ils sont capables de vivre les problèmes de l'avenir, tandis que vous,
vous demeurez encore dans l'histoire du Canada et vous voulez continuer la
bataille des Plaines d'Abraham. Vous vivez encore...
M. Laplante: Ce n'est pas cela.
M. Mackasey: ... comme il y a cent ans, au lieu d'aller de
l'avant.
M. Guay: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Mackasey: ... comme les gens l'ont fait hier soir.
M. Guay: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
M. Guay: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Mackasey: Vous ne parlez pas avec la même base de
philosophie que moi, ce n'est pas plus compliqué que cela.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Mackasey: Posez-moi donc une autre question.
M. Guay: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Guay: J'invoque le règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau, sur une question de règlement.
M. Guay: J'invoque l'article 99, M. le Président. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce est manifestement en train
d'imputer des motifs à l'un ou l'autre des députés
ministériels. Cela me semble contre-indiqué carrément par
l'article 99 et je vous demanderais de le rappeler à l'ordre.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Taschereau, c'est exactement ce que je viens de
faire.
M. Guay: Bravo!
Le Président (M. Cardinal): J'ai demandé au
député de Notre-Dame-de-Grâce...
Une Voix: C'est vrai.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, l'objection du
député de Taschereau est tout à fait invalide,
étant donné que le député de Bourassa a eu l'audace
de poser une question. Il a eu une réponse, tout à fait dans
l'ordre du député de Notre-Dame-de-Grâce.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Laplante: Je n'ai pas eu de réponse. M. Lalonde:
Je pense que c'est...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, tout le
monde, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre!
Je m'excuse. Vous êtes en train de tous errer. Avant que les deux
questions de règlement aient été...
M. Le Président (M. Cardinal): C'est cela qui est
malheureux. Avant que la question de règlement n'ait été
posée par deux députés, j'avais déjà
rappelé le député de Notre-Dame-de-Grâce à
l'ordre. Cependant, il reste encore cinq minutes au parti ministériel.
Je ne sais pas si le député de
Notre-Dame-de-Grâce désire continuer. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Lalonde: II y a eu interruption d'un député
ministériel. Il va à l'encontre du règlement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Est-ce que vous avez terminé, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce?
M. Mackasey: Vous savez que je n'ai jamais d'argument avec vous,
M. le Président. Je pense que j'ai dit mon point et je vais laisser mon
temps...
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Robert Baldwin. Non? Oui?
M. O'Gallagher: Je ferais peut-être une suggestion. Je
voudrais suggérer qu'on fasse un congrès des démographes
et que les démographes choisis aient un atelier de travail pour en
arriver à des chiffres plus normaux.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Pour terminer, et
vraiment pour terminer cette audition, Mme le député de L'Acadie,
avec un maximum de trois minutes, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Non, merci.
Le Président (M. Cardinal): Vous laissez tomber. Oui, M.
le député de Taschereau.
M. Guay: Je voudrais demander un éclaircissement
très rapide aux intervenants sur une intervention qu'ils ont faite
tantôt.
Le Président (M. Cardinal): Si la commission y consent,
parce que tout le monde a épuisé son temps
présentement.
M. Guay: Je suis parfaitement conscient du temps, M. le
Président. C'est simplement qu'à un moment donné, on a
évoqué...
Mme Lavoie-Roux: Pas de consentement.
M. Lalonde: Pas de consentement, il y a des gens qui nous
attendent.
M. Alfred: ...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Papineau, à l'ordre, s'il
vous plaît! M. le député de Papineau.
Mme Lavoie-Roux: II est sidéré.
Le Président (M. Cardinal): Bon, d'accord.
M. Alfred: Je peux répondre au député de
Marguerite-Bourgeoys, si...
Le Président (M. Cardinal): Non, vous ne pouvez pas
répondre.
M. Alfred: Alors, cela ne vaut pas la peine que je réponde
à l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys, cela
ne vaut pas la peine.
Le Président (M. Cardinal): Je demanderais aux membres de
la commission d'éviter tout débat. Ecoutez, cette audition a
débuté exactement à 10 h 18. Une audition doit durer 90
minutes. Je veux tout d'abord remercier le Dr Bell et ceux qui l'accompagnent
pour la préparation du mémoire, Me Fortier, pour la
présentation du mémoire. Je désire aussi les
féliciter pour leur patience. Ils ont attendu assez longtemps avant de
venir à cette table. Ils ont aussi répondu pendant toute cette
période de 10 h 18 à 12 h 3. Je remercie donc les membres de
l'Université McGill, les porte-parole de l'Université McGill.
J'inviterais, cependant, les membres de la commission à faire attention.
Nous avons trois autres organismes. Il faut avoir un certain respect pour ces
gens qui attendent. Nous savons que nous devrons ajourner à 18 heures,
qu'il y a des travaux à l'Assemblée nationale cet
après-midi à 15 heures. Je répète une autre fois
qu'aucun parti n'est tenu d'employer tout le temps, et même plus que le
temps nécessaire. Tous ces mémoires sont importants, mais
cependant, il y a un accord entre nous et ces auditions devraient se limiter
à 90 minutes. Avant que ne vienne devant nous le prochain organisme, je
fais cet appel, non pas pour brimer le droit de parole des
députés ou du ministre, mais pour leur faire penser qu'il y a un
dernier groupe, Participation Québec, qui devrait être entendu
avant que nous ne terminions. Sur ce, merci, Dr Bell, merci, Mme Boville,
merci, M. Stansbury, merci, Me Fortier, merci, Mme Paltiel, enfin tous,
j'espère que je n'en oublie pas, merci. Vous êtes
libérés. J'appelle immédiatement le prochain organisme, le
Centre des dirigeants d'entreprise, mémoire 246.
A l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons devant nous le Centre des
dirigeants d'entreprise. M. Brunelle en est le directeur général.
M. Brunelle, si vous voulez bien présenter ceux qui vous
accompagnent?
Centre des dirigeants d'entreprise
M. Laplante (Richard): Je suis Richard La-plante,
président du Centre des dirigeants...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, votre micro, s'il
vous plaît!
M. Laplante (Richard): Mon nom est Richard Laplante,
président du Centre des dirigeants d'entreprise.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Vous savez que vous
avez 20 minutes, et, théoriquement, les députés ont 70
minutes.
M. Laplante (Richard): Question d'information. Est-ce que la
commission va siéger jusqu'à...
Le Président (M. Cardinal): Nous devons né-
cessairement ajourner à 13 heures, je n'ai pas le choix, en vertu du
règlement. Ce qui veut dire que si nous n'avons pas terminé,
encore une fois, je ne peux pas préjuger de ce qui va se passer, vous
serez invités à revenir avec nous cet après-midi.
M. Laplante (Richard): Merci.
Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi je viens
d'inviter les députés à restreindre leur temps de
parole.
M. Laplante (Richard): Nous ferons, de notre côté,
tout notre possible pour nous limiter au temps qui nous est
réservé.
M. le Président, nous allons faire notre présentation en
deux volets. Je me permettrai en tant que président du Centre des
dirigeants d'entreprise, de donner la partie introduction de notre
mémoire et de laisser au directeur général, M. Brunelle,
le soin de faire des recommandations, article par article, au projet de loi no
1.
Tout d'abord, le CDE tient à affirmer, une fois de plus, qu'il
reconnaît la nécessité d'une intervention gouvernementale
ayant pour but d'assurer la revalorisation et l'épanouissement de la
langue française au Québec.
Nous constatons que deux attitudes principales à l'égard
du projet de loi no 1 peuvent se vérifier. La première attitude
consiste à adopter une vue pessimiste du présent et de l'avenir,
et à concevoir comme essentielle une politique de défense
systématique du français. La langue et même la survie des
Canadiens français étant menacées selon cette option, on
doit les protéger par tous les moyens, et s'il le faut, pour y parvenir,
restreindre les droits et les privilèges d'une partie des citoyens.
Par contre, une deuxième attitude, qui repose sur une vue plus
sereine et optimiste de la situation, est celle prônée par le CDE.
Elle est basée sur la conviction que l'affranchissement des
Québécois francophones est déjà engagé de
façon irréversible et qu'il se réalisera par l'affirmation
de leur propre vitalité dans toutes les formes d'activités.
Le Québec de l'avenir se réalisera dans un dynamisme qui
saura concilier, sous le signe français, la diversité de ces
composantes.
Le CDE a toujours insisté sur l'adoption de méthodes
incitatives, mais assorties d'engagements fermes de la part de l'entreprise
quant à la réalisation de sa propre politique de francisation et
de francophonisation. Le choix de l'incitation plutôt que de la
coercition a été fondé sur le résultat de sondages
effectués auprès des membres du CDE. Parmi les répondants,
82% ont opté pour la méthode incitative. L'évolution de la
situation depuis quelques années semble confirmer, hors de tout doute,
que la méthode incitative donne des résultats très
positifs. Le domaine des rapports quotidiens entre les deux groupes
linguistiques se prête mal à l'analyse statistique. Ce matin et
hier, on a fait la guerre des chiffres. Le CDE n'a pas l'intention d'embarquer
dans cette dissertation.
II suftit de vivre à Montréal pour constater que les
anglophones font du français un usage beaucoup plus
délibéré que par le passé. Cette disposition se
manifeste aussi bien dans les rapports personnels ou sociaux qu'à
l'occasion de multiples échanges commerciaux dont est faite la vie de
tous les jours.
Un fait significatif: L'évolution des anglophones s'est
effectuée avec un minimum de heurts sans soulever les antagonismes qui,
sous l'effet de méthodes coercitives, auraient pu empoisonner le climat
social. On aurait donc raison de miser sur la maturité des groupes
linguistiques.
Dans le domaine scolaire, l'acceptation du français par les
anglophones se manifeste à un rythme accéléré,
comme l'établissent les renseignements fournis dans le mémoire
d'Action positive.
La participation des élèves de l'école maternelle
au cours d'immersion en français est passée de 2% en 1965
à 50% en 1976. La participation actuelle des élèves de la
septième année de l'école protestante du Grand
Montréal est passée à 45%.
Le mémoire ajoute que les parents anglophones réclament
à grands cris un enseignement du français plus
étoffé et de meilleure qualité qui est limité par
l'insuffisance des ressources accordées par le ministère de
l'Education pour l'enseignement des langues secondesC'est un
phénomène que j'ai pu vérifier comme commissaire
d'école: on n'a pu donner suffisamment de professeurs de français
à l'école anglaise, parce qu'on n'avait pas les ressources
suffisantes et que les normes du gouvernement empêchaient de le
faire,
L'entreprise: On assiste aussi à une évolution
substantielle de la situation au sein des entreprises, évolution
inégale, selon qu'il s'agisse de telle ou telle entreprise, de tel ou
tel niveau de responsabilité d'un siège social ou d'une filiale.
On sait que de nombreuses entreprises ont adopté des programmes de
francisation et de francophonisa-tion, des cours de français aux cadres
anglophones, l'embauche et la promotion de francophones à des postes
plus ou moins élevés dans la structure.
On peut déplorer qu'aucune recherche exhaustive ne permette
d'avoir une vue claire de la situation. Mais quel que soit
l'intérêt que puisse présenter une telle recherche, les
conclusions en resteraient toujours contestables. D'ailleurs, aucune
enquête statistique ne peut rendre compte de la complexité et de
la variété des circonstances des lesquelles se situe
l'application aux entreprises d'une politique linguistique.
Le CDE, malgré tout, tient à verser au dossier deux
tableaux extraits d'une recherche effectuée pour d'autres fins que les
fins aujourd'hui spécifiées, une étude, faite en 1975,
auprès de 244 cadres, répartis dans 35 entreprises dont 19
étaient francophones et 16 étaient anglophones. Si vous voulez,
je vais passer par-dessus ces statistiques pour arriver immédiatement
aux conclusions qu'on pouvait en tirer.
A la page 7 du tableau no 2, nous proposons de considérer les
éléments suivants: L'expérience nettement plus longue des
cadres anglophones chez leur employeur actuel; la plus grande
variété de l'expérience des cadres se retrouve chez les
cadres anglophones; l'âge médian ceci est important
des cadres francophones est de 36 ans et, par contre, l'âge médian
des cadres anglophones est de 45 ans. Je pense que ceci peut avoir un effet
très important tantôt.
Le fait que ces cadres anglophones travaillent
généralement pour des entreprises à plus forte dimension
est aussi une constatation importante.
Or, à retenir, les facteurs mentionnés ci-haut expliquent,
dans une bonne mesure, la différence des salaires médians de $18
000 environ pour les francophones à $22 000 pour les anglophones. C'est
souvent une question d'âge et je pense que tous ceux qui sont proches des
conventions collectives savent que les phénomènes
d'ancienneté sont importants au niveau des salaires.
On peut difficilement déceler, dans les conditions
décrites, des traces de discrimination à ce sujet.
La jeunesse aussi des cadres francophones et leur nombre relativement
élevé invitent à croire que les politiques d'embauche des
entreprises se sont modifiées à des dates plutôt
récentes, mais qu'elles tendent à favoriser le groupe
francophone. Il est intéressant de constater que la répartition
des cadres de notre échantillon reflète à peu près
exactement les proportions des deux principaux groupes linguistiques dans la
région de Montréal.
Dans l'attribution de nouvelles fonctions, les entreprises
procèdent le plus souvent par promotions internes et compte tenu de
l'expérience des candidats. Dans ces conditions, on peut raisonnablement
présumer que l'accession des francophones aux postes supérieurs
sera fonction, à compétence égale, du nombre qu'ils
représentent actuellement et qu'ils représenteront à
l'avenir dans l'ensemble de cette catégorie d'employés. Cette
perspective est confirmée par des déclarations nettes des chefs
d'entreprise.
Nous le répétons, les données utilisées ici
ne permettent pas d'apporter des réponses péremp-toires au
problème de la pénétration du français et des
francophones dans l'entreprise du Québec. Elles permettent
néanmoins de constater que les cadres francophones constituent un bloc
substantiel dans un certain nombre d'entreprises importantes; que cette
situation s'est développée à la faveur d'une politique
incitative, appuyée par une volonté ferme des pouvoirs
publics.
Nous le reconnaissons, des ilôts de résistance persistent.
Certaines entreprises semblent hésiter, par exemple, à introduire
des francophones dans les plus hauts paliers de leur structure administrative.
Il s'agit d'une déficience sérieuse, dans la mesure où la
communauté de langue et de culture constitue un facteur
privilégié de compréhension réciproque entre les
individus. Comme l'expérience le démontre, la présence
d'un francophone vigoureux dans une fonction élevée est souvent
une condition nécessaire, sinon essentielle, à une
francophonisation sérieuse du milieu.
Pour ce qui est des sièges sociaux, nous ap-
puyons l'analyse qu'a faite de ce problème la mission que vous
avez envoyée en Europe. Par contre, le CDE estime que l'Office de la
langue française pourrait prendre, avec ces entreprises, qui ont leurs
sièges sociaux au Québec, des arrangements souples ayant pour
but, premièrement, d'introduire au sein des sièges sociaux un
nombre de cadres supérieurs et intermédiaires
québécois compatible avec l'importance relative des effectifs
québécois dans l'ensemble de leur personnel; ces cadres devraient
être bilingues et on devrait y trouver une proportion équitable de
francophones; de privilégier, à compétence égale,
l'embauche de Québécois pour des postes subalternes, en tenant
compte du même facteur linguistique et d'encourager l'usage du
français au travail dans les sièges sociaux, dans la mesure
où le permet l'efficacité des opérations.
Les vues du CDE sur la politique linguistique se situent dans une
démarche socio-économique cohérente et le CDE
préconise, à l'égard des relations entre l'entreprise et
le syndicat, comme il l'a fait au Sommet économique d'ailleurs et depuis
longtemps c'est dans la tradition du CDE une approche
fondée sur une participation, sur la concertation et sur la conciliation
des intérêts. Ces attitudes sont essentielles au règlement
des difficultés majeures que nous venons d'évoquer.
Le CDE se croit justifié de suggérer qu'on applique les
mêmes règles de comportement dans la solution des questions
linguistiques. Je demanderais maintenant à M. Brunelle de continuer sa
présentation sur les points précis.
M. Brunelle (Jean): M. le Président, dans le même
souci d'économie, je vais m'efforcer de passer rapidement sur nos
commentaires en ce qui touche aux différents articles du projet de loi
no 1.
Première remarque, le préambule. Comme beaucoup d'autres
groupes l'ont fait remarquer, il nous semble absolument inadapté aux
conditions socio-économiques et sociales, en tout cas, du Québec.
Il a pour effet, du moins dans son premier paragraphe, d'éliminer
complètement les droits du groupe anglophone, et nous pensons que les
Canadiens français n'en demandent pas tant. Il y a non seulement le
préambule lui-même, mais il y a aussi ses effets sur le contenu de
certains articles de la loi. Par exemple, de réserver au français
exclusivement la législation et la justice au Québec nous semble
une exagération inutile. Nous sommes, en principe, d'accord sur la
promotion du français, mais il nous semble que celle-ci ne doit pas
exiger, de la part du groupe anglophone, des sacrifices absolument
inacceptables. Nous pensons que dans le domaine de la législation aussi
bien que de la justice, on pourrait facilement concéder aux anglophones
l'usage de leur langue sans que cela nuise en aucune façon aux
privilèges des francophones.
Quant à l'engagement dans l'administration, nous sommes d'accord
sur l'article no 19. Nous pensons toutefois que quand ils répondent aux
exigences linguistiques, des anglophones plus nombreux pourraient avoir
accès à des postes de l'administration publique. Ce qui
permettrait une intégration beaucoup plus facile de leur groupe dans la
société québécoise.
Article 20, les services et organismes de l'administration communiquent
entre eux dans la langue officielle. Là, comme d'autre groupes, nous
suggérons que les groupes anglophones, à majorité
anglophone, dont les membres sont des anglophones, puissent normalement
communiquer entre eux en anglais et communiquer avec leurs membres aussi dans
la même langue. Evidemment, toutes ces remarques sont faites dans
l'esprit suivant, c'est que les droits des francophones à
l'intérieur de ces groupes devraient être évidemment
ménagés.
Au sujet des ordres professionnels, nous avons une remarque à
faire. Leurs membres, souvent, travaillent à l'intérieur de
services de recherche ou à l'intérieur de bureaux
d'experts-conseils. On sait que dans les deux cas, l'expertise souvent,
l'expérience, la compétence doivent se retrouver sur un
marché qui est un marché mondial. C'est-à-dire que dans
certains bureaux importants, souvent dirigés par des francophones, on
trouve des individus qui proviennent de plusieurs pays à travers le
monde. Ceux-ci sont rares et étant rares, reçoivent de toute part
des offres d'emplois et normalement choisissent celles qui leur sont le plus
favorables. Nous pensons que, par exemple, l'obligation qui serait faite
à leurs enfants de fréquenter une école plutôt
qu'une autre, ou l'obligation qui leur serait faite à eux-mêmes
d'avoir à se soumettre à des tests linguistiques, aurait pour
effet, dans bien des cas, d'éloigner des entreprises en cause, des
services en cause, des sources d'enrichissement, de compétences qu'il
leur faut absolument se procurer si ces institutions veulent continuer à
exercer le rôle qui est le leur. Il y a là un problème
économique pour le Québec et nous pensons que les articles 27, 30
et 32 devraient être modifiés en conséquence.
En ce qui concerne l'article 34 et tout le domaine de la convention
collective, le CDE, comme groupe francophone, avec des membres en grande
majorité francophones, ne verrait aucune objection à ce que les
conventions collectives soient rédigées dans la langue de la
majorité des travailleurs pourvu que soit fournie aux travailleurs de
l'autre langue, une version de la même convention. Quant à la
priorité juridique de l'une ou l'autre des versions, nous pensons, avec
le Barreau, que ce devrait être la version originale.
Quant aux articles 36 et 37 qui interdisent à un employeur de
congédier ou de rétrograder un salarié pour la seule
raison qu'il ne parle que le français ou ne connaît pas
suffisamment une langue donnée, nous croyons que la décision doit
être, dans ce cas-là, laissée à l'entreprise,
c'est-à-dire la décision qui consiste à déterminer
le contenu d'anglais qui est requis pour l'exécution d'une tâche.
Comme on l'a fait remarquer hier, il se pose là des problèmes de
relation de travail, des problèmes extrêmement complexes, des
problèmes humains et ce serait compliquer inutilement l'ad-
ministration du personnel que d'introduire, dans les relations normales
de l'entreprise et de ses travailleurs, une distinction de nature sociologique
qui aurait pour effet de créer des conflits beaucoup plus que de
résoudre des situations.
Quant à la langue du commerce, je pense que je devrais
répéter ici ce que je disais tantôt, que le français
soit d'abord respecté, je pense que c'est une priorité à
laquelle nous nous rendons avec le plus grand accord. Mais il n'en reste pas
moins que nous avons au Québec une population considérable
d'anglophones et c'est une des questions dans lesquelles l'usage de la langue
anglaise ne nuit aucunement aux privilèges des francophones. Le cas, par
exemple, de l'affichage et de l'étiquetage pourrait facilement
être ouvert à la langue anglaise et nous pensons que l'article 46
devrait être amendé de façon à confirmer nettement
les droits des anglophones dans ce domaine.
Quant aux raisons sociales qui devraient être, selon l'article 48,
rédigées seulement en langue française, nous avons
reçu de la part de nos membres francophones opérant dans des
régions comme le Bas-du-Fleuve, Rimouski, Rivière-du-Loup, le
Saguenay, des remarques à savoir qu'une telle disposition, si elle
devenait obligatoire, pourrait nuire à leurs propres
intérêts économiques. En somme, on faciliterait ainsi
l'identification d'un acquéreur étranger au milieu francophone
québécois et cela pourrait constituer, dans bien des cas, un
obstacle de plus ou une difficulté additionnelle dans le domaine de la
concurrence.
Les hommes d'affaires en question ne demandent pas qu'on puisse
identifier comme tels des acquéreurs étrangers, ils sont
habitués à vivre dans des courants d'air, à soutenir la
concurrence sur tous les fronts mais ils ne voient aucune utilité
à faciliter l'enrichissement des étrangers si on peut
l'éviter.
Quant à la langue d'enseignement, le CDE maintient une position
qu'il a déjà exprimée et qui est la suivante: Les citoyens
résidant au Québec peuvent inscrire leurs enfants à
l'école de leur choix. Le gouvernement doit faire en sorte que les
réseaux scolaires français et anglais assurent à leurs
élèves une connaissance sérieuse de la langue seconde. Les
enfants d'immigrants non anglophones qui entreront au Québec
après la proclamation de la politique linguistique devront être
dirigés vers l'école française jusqu'à ce qu'ils
aient acquis la citoyenneté canadienne.
Ces propositions sont justifiées, selon nous, par la
maturité sociale et le sens des responsabilités des
Québécois francophones, par la faveur considérable dont
jouit désormais la langue française auprès des
Québécois anglophones, par le besoin évident qu'ils ont
les uns et les autres de posséder une connaissance sérieuse de la
langue seconde, par l'avantage que trouverait le Québec de situer les
immigrants, une fois possesseurs de leurs droits de citoyenneté, dans le
même contexte de libertés et de responsabilités.
Nous réalisons cependant que les mentalités qui se sont
développées depuis quelques années peuvent rendre
difficiles, sinon impossibles, l'ap- plication et la réalisation d'un
consensus sur de telles recommandations. Si tel était le cas, nous nous
rendrions à la formule proposée par le Conseil supérieur
de l'éducation, que les membres de la commission connaissent et qui est
la suivante: Aux niveaux élémentaire et secondaire, le conseil
recommande l'adoption du principe suivant: la langue d'enseignement au
Québec est le français pour tous ses résidants et pour
tous ceux qui viendront s'y établir, sauf pour les enfants de langue
maternelle amérindienne ou inuit et pour les enfants de langue
maternelle anglaise.
Les enfants qui se trouveront déjà inscrits dans les
écoles de langue anglaise, au moment de la promulgation de la loi,
pourront continuer de les fréquenter, si leurs parents le demandent,
leurs frères et soeurs pourront les y suivre.
Le CDE insiste énormément sur le fait que si on devait
adopter la recommandation de la formule proposée par le Conseil
supérieur de l'éducation, on devrait s'assurer d'une façon
très nette que la langue seconde est enseignée convenablement
dans les écoles anglaises et dans les écoles françaises.
Je tiens à préciser que le CDE s'oppose énergiquement
à l'article 52 qui réserverait aux anglophones du Québec
l'accès aux écoles anglaises.
Le CDE suggère également que l'article 57 qui est le
suivant: "Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut
être délivré à l'élève qui n'a du
français, parlé et écrit, la connaissance exigée
par les programmes du ministère de l'Education". Et que la même
obligation soit faite aux écoles anglophones, pour les
élèves des écoles francophones.
Il est institué à l'article 67 un Office de la langue
française. Beaucoup d'autres mouvements ou associations ont noté
le fait que l'Office de la langue française jouit, selon l'article en
question et selon d'autres articles, d'une autorité excessive.
Il nous semblerait absolument essentiel d'assurer que l'Office de la
langue française, aussi bien que la commission de surveillance de la
langue française, soient dotés l'une et l'autre d'un conseil
d'administration représentant, comme c'est le cas actuel de la
régie, les organismes du milieu ou les principales couches de la
population.
Nous suggérons également... du moins, nous nous
interrogeons sur l'utilité de diviser en deux le rôle actuellement
confié à la régie. Dans un cas, il s'agit d'un rôle
souple, celui qui consiste à faire avec des entreprises des arrangements
afin d'améliorer les conditions dans lesquelles on peut acquérir
et développer le français. Dans l'autre, il s'agit surtout d'un
rôle de contrôle et de surveillance avec un mandat très
exigeant. Nous pensons que la cohabitation des deux groupes pourrait faciliter
l'efficacité des opérations aussi bien dans le domaine des
ententes avec les entreprises qu'en ce qui concerne les pénalités
à imposer quand le cas devra se présenter.
Nous pensons qu'il serait sage d'étendre au-delà de
l'année 1983 l'obligation pour les entreprises d'obtenir un certificat
de francisation. Dans certains cas, le délai est suffisamment long;
pour
d'autres, nous savons que la constitution même de la main-d'oeuvre
requerra nécessairement des délais plus longs pour la
francisation des opérations.
Le Président (M. Dussault): M. Brunelle, est-ce qu'il
serait possible de vous demander de conclure, s'il vous plaît?
M. Brunelle: Oui, je peux essayer de le faire, M. le
Président, le plus rapidement possible.
En ce qui concerne les comités de francisation, nous pensons que
l'autorité entière de la constitution des comités de
francisation devrait être laissée à la direction de
l'entreprise. Nous nous opposons, comme bien des gens, à ce que la
Charte des droits et libertés de la personne soit soumise à la
Charte de la langue française.
Mon dernier commentaire, serait le suivant: II faudrait, je pense,
enlever les articles qui prévoient des demandes d'enquêtes. On
pourrait provoquer, à l'intérieur du Québec, une
série de revendications absolument lourdes de conséquences, aussi
bien dans les relations entre l'entreprise et ses travailleurs qu'entre les
différents groupes sociaux et linguistiques du Québec.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie de votre
témoignage. Je cède maintenant la parole au ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: Je remercie beaucoup le Centre des dirigeants
d'entreprise pour le mémoire intéressant qu'il vient de nous
présenter. J'avais déjà eu l'occasion, lors de ma
tournée au Québec, de rencontrer les membres du Centre des
dirigeants d'entreprise, et je me rappelle avoir eu avec eux un dialogue
à la fois intéressant et constructif.
Avant de commenter l'une ou l'autre des recommandations qu'il nous fait,
j'aimerais que le Centre des dirigeants d'entreprise nous informe davantage sur
la composition de ses effectifs. M. Brunelle nous a dit que la plupart de ses
membres sont francophones. J'aimerais avoir un peu plus de détails sur
le nombre, la composition... et surtout, sur la composition linguistique des
entreprises qui font partie du CDE.
M. Laplante (Richard): J'avais prévu cette question. Le
CDE est formé d'environ 350 entreprises qui nous délèguent
900 individus. 70% de ces entreprises sont de petites entreprises, 20% sont de
moyennes entreprises et 10% sont de grandes entreprises.
Les entreprises anglophones représentent 6%. Je vais aller un peu
plus loin que votre question: les entreprises anglophones financent 14% du
budget de CDE qui est d'environ $200 000.
On peut vraiment penser que la position du CDE est en majorité
celle de chefs d'entreprises francophones. C'est ce point de vue qu'on essaie
de défendre.
M. Laurin: J'aimerais maintenant vous demander la
procédure que vous avez suivie pour la préparation de ce
mémoire, et en particulier, de quelle façon il a
été soumis pour étude ou pour consultation à vos
membres.
M. Brunelle: Le 3 mars, nous avons fait une consultation à
laquelle tous les membres ont été convoqués afin
d'étudier différents sujets. Il s'agissait d'un mémoire
à présenter à M. Léves-que. A cette occasion, nous
avons également consulté nos membres sur les principaux articles
du contenu du mémoire.
Celui-ci, de fait, est une suite logique des mémoires que nous
avons présentés à la Commission Gendron en 1969, au
gouvernement en 1973 et en 1974. C'est la quatrième fois que nous nous
lançons dans l'aventure d'un mémoire sur le sujet.
Nous avons aussi soumis différents documents en cours de
rédaction à tous nos membres et à nos groupes
régionaux qui, dans la plupart des cas, ont fourni des opinions sur les
principales orientations contenues dans le mémoire. Evidemment, le
conseil d'administration s'est penché sur un document préfinal,
si je peux dire.
M. Laurin: C'est donc à une consultation lors d'une
assemblée de vos membres...
M. Brunelle: Pour être précis, nous n'avons pas eu
le temps d'envoyer à nos membres un questionnaire que nous avons voulu
préparer. Nous avons été pressés par le temps, par
l'échéance du 6 juin et nous sommes absolument convaincus que les
principales orientations du mémoire représentent
fidèlement l'opinion de nos membres.
M. Laurin: Oui, c'était précisément, au
fond, le sens de la question que je voulais vous poser, parce que les journaux
nous ont rapporté récemment qu'un autre organisme semblable au
vôtre, le Conseil de l'expansion économique, qui regroupe plus de
1200 entreprises, avait procédé précisément par
voie de questionnaire, avait envoyé un questionnaire où se
retrouvaient les principaux articles du projet de loi, ses orientations
fondamentales et qui demandait une réponse à ce questionnaire.
L'article de journal nous rapportait que près de 80% des 1200
entreprises avaient répondau et donnaient leurs opinions précises
sur chacun des articles. C'est en compilant ces résultats que le Conseil
de l'expansion économique avait pu élaborer son mémoire
qui, incidemment, supportait, à près de 85%, les principaux
énoncés du projet de loi, ainsi que ses articulations
fondamentales.
Je me demandais si vous aviez procédé selon un
schéma aussi démocratique et rigoureux.
M. Brunelle: Nous avons, comme je vous l'ai dit,
procédé de la même façon en 1969 ou 1970, lors de
notre première intervention sur le mandat de la Commission Gendron, et
nous nous sommes fortement inspirés de ces données-là,
étant donné, comme je vous le disais, que nous n'avons pas eu le
temps de répéter l'expérience de la consultation
formelle.
M. Laurin: C'est donc plutôt sur la base de documents que
vous avez envoyés à vos membres et des réactions que ces
documents ont provoquées que vous avez préparé le
mémoire que vous nous présentez?
M. Brunelle: Nous avons eu aussi, comme je vous l'ai dit, des
réactions de nos sept groupes régionaux qui, dans la plupart des
cas... Il n'y a eu qu'une seule exception, sur une question de méthode
plus que de fond, un groupe a opposé une certaine objection à
l'un des documents proposés. Mais tous les membres ont reçu, en
cours de route, les documents de préparation et leurs réactions,
je pense, nous ont été manifestées de façon assez
claire pour que nous puissions croire logiquement que le mémoire
représente bien leur opinion.
M. Laurin: J'aimerais maintenant commenter certaines des
recommandations que vous nous faites. J'ai souvent l'impression que, ou le
projet de loi n'était pas assez clair et, à ce moment-là,
il faudra le préciser, ou son interprétation ou
l'interprétation que vous en avez faite laisse à
désirer.
Par exemple, vous nous recommandez, à l'article 7, de
rétablir le droit de s'adresser à l'Assemblée nationale
dans la langue de son choix. Si je lis bien le projet de loi, il n'y a
absolument rien, dans ce projet de loi, qui interdit à quelque membre
que ce soit de l'Assemblée nationale de s'exprimer dans la langue
anglaise s'il le préfère ou s'il est anglophone et s'il veut
utiliser sa langue pour ses interventions. Est-ce que...
M. Brunelle: A ce sujet, M. le ministre, je pense qu'il faudrait
peut-être confirmer le droit des anglophones, parce que, comme nous
l'avons lu, la formulation de l'article en question semble limitative et on
pourrait faire la même remarque au sujet de plusieurs autres
articles.
M. Laurin: Je l'ai remarqué dans plusieurs autres des
recommandations que vous nous faites. J'ai l'impression que vous avez recouru
à la même interprétation, par exemple pour l'article 27 que
vous mentionniez tout à l'heure, la langue de procédure pour la
négociation des conventions collectives. Il n'y a absolument rien dans
la loi qui interdit à des négociateurs anglophones de s'exprimer
en anglais lors de la discussion d'une convention collective. Il n'y a rien qui
interdit à un ordre professionnel d'adresser des avis en anglais
à ses membres.
Je pourrais faire le même commentaire sur plusieurs autres des
articles qui vous ont fait tiquer. Je reconnais avec vous que tout le monde
n'est pas juriste et qu'il est peut-être important pour le
législateur d'être plus clair et de ne pas se fier à
l'interprétation juridique traditionnelle d'un texte de loi. D'autres
groupes nous l'ont mentionné avant vous. Je pense qu'il y a assez de
groupes qui nous le mentionnent pour nous inciter à nous montrer plus
pédagogiques que nous ne l'avons été dans la
rédaction de notre projet de loi.
M. Brunelle: Vous avez dû remarquer, d'ailleurs, qu'au
cours du mémoire, nous soulignons le fait que ces questions devaient
être précises. Il s'agit de vérifier, en somme, que
l'intention du législateur est là.
M. Laurin: Oui, d'accord. A l'article 19, vous nous demandez de
favoriser par des mesures appropriées la présence plus nombreuse
d'anglophones au sein de la fonction publique. Je suis absolument d'accord avec
cette suggestion. J'en ai même déjà parlé au
ministre de la Fonction publique qui est à réviser, justement, la
Loi de la fonction publique. Je lui ai demandé, dans la rédaction
qu'il ferait de ce projet de loi, de faire en sorte que ce souhait que nous ont
exprimé plusieurs, et que cette conviction que j'ai exprimée
moi-même à plusieurs reprises, puissent s'incarner, sinon dans les
articles de loi, du moins dans les règlements, et surtout dans les
procédures d'embauche, de façon que les anglophones qui
constituent une partie importante de la population du Québec puissent
avoir droit à ces postes qui sont très importants et qui leur
permettent d'exercer leur compétence.
Je me demande, cependant, et j'aimerais avoir votre avis
là-dessus, si une des raisons de cet état de chose, ne serait pas
l'attirance plus grande que le secteur privé, et en particulier, le
secteur privé anglophone exerce sur les diplômés, soit des
CEGEP, soit des universités anglophones, en vertu de ce réseau
privilégié d'information dont certaines études
récentes ont parlé qui fait, par exemple, que les dirigeants
d'entreprise, dont on sait que la plupart sont anglophones, ont plutôt
tendance a aller chercher, à aller recruter leurs cadres
intermédiaires ou supérieurs dans les institutions anglophones
d'une part, et qui fait aussi que les diplômés, par tradition de
ces institutions, ont tendance à aller s'inscrire ou demander des
emplois, surtout dans le secteur privé, en raison d'une tradition qui
existe au Québec. Le tout étant l'inverse, évidemment, du
côté francophone, où, par tradition également, les
francophones estiment, soit qu'ils ne sont pas les bienvenus dans les
institutions francophones ou que leur promotion serait plus lente ou que les
capacités d'accueil seraient moins chaleureuses.
M. Brunelle: Je pense qu'il y a encore un accent prononcé
à l'embauche d'anglophones dans les postes supérieurs de
l'administration, mais cette tendance, comme nous avons tenté de le
démontrer, par la fenêtre que nous avons ouverte aux 35
entreprises est en train d'être "rapidement" corrigée. Comme le
disait tantôt le recteur de l'Université McGill, il semble que
dans certaines professions, les finissants mêmes de McGill trouvent plus
de difficulté à s'embaucher qu'il y a quelques années.
Nous traversons une période de chômage prononcée. Dans la
mesure où l'augmentation des cadres à l'intérieur des
entreprises va filtrer vers le haut, je pense que la situation des cadres
anglophones va changer et qu'ils pourraient, à leur tour, trouver un
avantage précieux à pénétrer à
l'intérieur de la fonction publi-
que, aussi bien pour des raisons personnelles, d'ailleurs, parce qu'il y
a des avantages dans bien des cas, que pour des raisons sociologiques, pour des
raisons qui tiennent à l'intérêt de leur groupe,
c'est-à-dire une participation plus étroite à
l'application des politiques du Québec.
M. Laurin: Pour l'article 3032, vous nous faites la même
recommandation que l'Association des manufacturiers, en particulier, nous a
faite. Je pense que vos arguments sont valables. Je peux vous dire que nous
tentons actuellement de trouver des moyens qui nous permettraient aussi bien de
respecter les arguments que vous nous présentez, que l'objectif quand
même majeur de la loi no 1, qui est de franciser le Québec dans
toutes les sphères de la vie collective.
M. Brunelle: Est-ce que, tout en éliminant une contrainte
qui s'appliquerait aux spécialistes en question, l'Office de la langue
française ne pourrait pas passer, avec les services des bureaux de
recherche ou les bureaux d'experts-conseils, des ententes sur la base d'un
certificat de francisation ou d'un programme de francisation qui pourrait tenir
compte du cas spécifique des personnes en question?
M. Laurin: Oui, c'est une suggestion valable et que
j'étudierai certainement.
A l'article 34, je pense aussi, encore une fois, qu'il y a un
malentendu. Même si la loi exige que les conventions collectives soient
déposées et rédigées dans la langue officielle, il
n'y a absolument rien dans la loi qui interdit de fournir une version de cette
convention collective dans la langue de la minorité anglaise. Encore une
fois, le même procédé s'applique en ce qui concerne les
procédures menant à la rédaction d'une convention
collective où l'utilisation de la langue des intervenants est
laissée à leur choix.
M. Brunelle: A ce niveau-là, étant donné que
le CDE a beaucoup de petites et de moyennes entreprises, on a beaucoup à
l'esprit des entreprises de type familial où la majorité des
employés sont des anglophones. Cela arrive beaucoup, dans une petite
entreprise, normalement; même au Québec, le chef d'entreprise va
s'entourer d'une équipe avec laquelle il compose bien. A ce
moment-là, imposer que le texte officiel soit le français, on
trouve que c'est un peu exagéré.
M. Laurin: A ce moment-là, si l'entreprise est anglophone,
si le syndicat est anglophone, ils pourront mener toutes leurs
délibérations en anglais, mais la seule exigence que nous
mettons, et ce au nom du respect du principe du français, langue
officielle, c'est que lors de la déposition de cette convention
collective, ce soit la convention collective rédigée en
français qui ouvre les effets juridiques, ce qui n'empêche pas du
tout qu'il y ait une version anglaise également.
Vous voudriez abroger les articles 36 et 37. Vous dites que...
M. Brunelle: Excusez, M. le ministre... M. Laurin:
Oui.
M. Brunelle: Le Barreau a fait remarquer, je pense, que
c'était prendre un risque certain que de donner priorité à
un document qui n'est pas rédigé dans la langue originale de la
négociation.
M. Laurin: Oui, nous...
M. Brunelle: Je ne fais que souligner le problème qui a
été soulevé par le Barreau.
M. Laurin: Oui, j'ai bonne souvenance de cet argument. Vous
voudriez abroger les articles 36 et 37. Vous nous dites que leur application
posera des problèmes nombreux, complexes, peut-être même
sérieux à toute entreprise. Nous n'en disconvenons pas, mais
est-ce que vous voulez entendre par là que la justice sociale, par
ailleurs, qui peut exiger, particulièrement dans ce domaine, un
redressement, un rattrapage, le souci d'éviter toute discrimination, qui
est une des caractéristiques de nos sociétés
civilisées, est-ce à dire que ces deux impératifs qui sont
les nôtres vous paraissent déranger à ce point tellement le
fonctionnement d'une entreprise qu'il faille ne pas y penser, ne pas y donner
suite, ne pas chercher les moyens de les traduire en termes concrets?
M. Brunelle: Vous avez un argument qui est de poids, bien
sûr; seulement, il y a un problème d'administration qui se pose,
c'est-à-dire d'orientation des politiques ou des mécanismes
même de l'entreprise, et si on se met à faire des griefs sur la
définition du contenu de français attaché à une
tâche, je pense qu'on ouvre là la porte à des conflits sans
fin.
M. Laurin: Mais est-ce à dire que les soucis
technocratiques ou administratifs doivent l'emporter sur les impératifs
de justice, sur les valeurs sociales et morales impliquées dans
l'observance...
M. Brunelle: La position que nous avons là-dessus est
qu'il serait difficile pour une entreprise de prétendre multiplier
inutilement les cas de ce genre, c'est-à-dire de souffler les exigences
à l'égard du contenu d'anglais, sans en subir très
bientôt elle-même les conséquences.
On sait, par exemple, que les postiers et les employés des
postes, à l'heure actuelle, demandent des augmentations de salaire
basées sur le fait qu'ils peuvent être appelés à
parler l'anglais et si les entreprises déclenchaient le même
mécanisme à l'intérieur de leurs propres cadres, elles
seraient les premières à en payer les conséquences. Je
pense que personne, parmi les employeurs en général du moins, ne
sera intéressé à prendre un risque semblable.
M. Laurin: Ce qui m'amène à vous poser cette
question, c'est que dans votre argumentation, vous ne faites aucune mention de
ces impératifs
sociaux, ces valeurs de justice qu'il convient de respecter d'une part,
et que, d'autre part, vous recommandez l'abolition pure et simple et vous ne
faites pas de suggestion, soit pour améliorer ces articles ou
pour...
M. Brunelle: Rien n'empêche que la convention collective
pourrait certainement aborder ces questions. Je pense que le cas sera
fréquent. On sait que l'histoire de General Motors, à
Sainte-Thérèse, est passée par des étapes
semblables qui se sont réglées, d'après les
dernières nouvelles, à la satisfaction de tout le monde.
Une Voix: Au niveau de la convention.
M. Brunelle: Et on ne voit pas qu'une loi doive imposer aux
entreprises un mode de décision qui mette en cause le fonctionnement
même de l'administration.
M. Laurin: Je vous rappelle, cependant, que le président
de la FTQ, lorsqu'il est venu nous rencontrer nous a dit que plusieurs
grèves avaient eu pour seul objet la reconnaissance des droits du
travailleur à l'utilisation de sa langue et que ces grèves ont
été très longues, ne se sont réglées parfois
que très péniblement, très difficilement et que, dans
certains cas, les employés ont dû signer la convention sans avoir
obtenu satisfaction à leurs exigences légitimes.
M. Laplante (Richard): Au CDE, on a une préoccupation
première. C'est le développement de l'entreprise.
M. Laurin: Est-ce la seule préoccupation?
M. Laplante (Richard): Non, mais on pense qu'actuellement la
société dans laquelle on vit, l'entreprise est attaquée de
toute part et le chef d'entreprise n'oubliez qu'on parle surtout de la
petite et moyenne entreprise est bombardé constamment de conflits
et spécialement de conflits syndicaux pour toutes sortes de motifs, soit
la santé au travail, etc. Je pense que le Sommet économique a
vraiment déballé tous les problèmes.Ajouter
celui-là, c'est en ajouter un de taille qui permet aux syndicats de
"picosser" l'entreprise sur des points qui ne sont pas toujours vraiment la
vraie raison, qui ne sont pas toujours vraiment, selon ce qu'on pense, une
raison de justice au niveau de la langue.
Ils vont souvent se servir de cet argument pour d'autres fins. Comme la
pression actuelle de l'implantation du français au Québec est
assez forte, nous ne pensons pas que cela soit nécessaire de
l'introduire au niveau de l'entreprise de cette façon, pour donner
encore prise à des conflits à l'intérieur de l'entreprise.
Il y a suffisamment de conflits pour d'autres raisons sans ajouter
celui-là. C'est notre position. Vous n'êtes pas obligé de
la partager.
M. Laurin: Ne croyez-vous pas qu'il importe de trouver un
compromis entre les droits légitimes de l'entreprise et les droits
légitimes du travailleur et donc, essayer de proposer des formules qui
tiennent compte de ces deux exigences? C'est la raison pour laquelle je vous
avoue mon étonnement à votre suggestion de supprimer purement et
simplement cet article au lieu de nous suggérer, en contrepartie, une
autre formule qui tiendrait compte justement de ces doubles droits ou
exigences.
M. Brunelle: Inévitablement, M. le ministre, la convention
collective va aborder ces questions si elles constituent des causes
d'injustice, et déjà le syndicat et les travailleurs sont
protégés de ce fait. La convention collective est là pour
résoudre les cas contestables au sein des entreprises.
M. Laurin: Est-ce qu'il n'est pas vrai, M. Brunelle, qu'à
peine le tiers des travailleurs sont syndiqués actuellement, et que,
dans les petites et moyennes entreprises, en particulier, ce taux de
syndicalisation est encore plus bas. Donc, votre suggestion n'aboutirait
à fournir une protection ou une garantie qu'à une proportion
infime de travailleurs.
M. Brunelle: Oui, mais il n'en reste pas moins que, même
là où il n'existe pas de convention collective, vous avez des
relations entre employeur et travailleurs qui portent sur ces facteurs. Je ne
vois pas que les entreprises soient plus intéressées à
déformer le contenu linguistique d'une tâche qu'elles ne le sont
à déformer le contenu technique d'une tâche. Comme je le
disais tantôt, automatiquement, si elles faisaient ce jeu, elles
encourraient des coûts économiques à très courte
échéance. Je ne vois pas de danger là, que se pose
là la question de justice sociale pour les travailleurs.
M. Laurin: J'aimerais enfin vous poser une question sur la
suggestion que vous nous faites en ce qui a trait à l'article 51. Est-ce
à dire que, dans votre esprit, une fois qu'un enfant d'immigrant non
anglophone inscrit à l'école française aurait acquis sa
citoyenneté, il reprendrait le droit, c'est-à-dire après
trois ans, de s'inscrire à nouveau à l'école anglaise, si
tel est son désir?
M. Brunelle: Pardon?
M. Laurin: Si tel est son désir?
M. Brunelle: Si tel est son désir, en effet, oui.
M. Laurin: Ce serait donc là le sens de votre
suggestion?
M. Brunelle: C'est le sens de notre suggestion. Elle repose sur
l'hypothèse que c'est en somme la langue de travail qui va
déterminer le choix de l'école anglaise ou de l'école
française ou du moins du type d'enseignement bilingue, s'il y a lieu,
pour prendre une troisième hypothèse,
que choisiront les citoyens. Il semble qu'on a peut-être
oublié, au cours des discussions qui ont eu lieu depuis le commencement
des sessions, que l'augmentation sensible de l'usage de la langue
française par les anglophones peut être déterminée
dans une bonne partie par l'augmentation correspondante du français dans
le monde du travail.
J'ai l'impression très nette que cette tendance va s'amplifier,
va se confirmer et qu'inévitablement les anglophones choisiront ou
l'école française ou du moins une école qui leur permettra
de parler français.
M. Laurin: II reste toutefois que, si le passé est garant
de l'avenir et si on en croit les représentations qui nous ont
été faites ici par la plupart des groupes ethniques, ce que vous
recommandez, c'est une sorte d'immersion de trois ans à l'école
française pour les enfants d'immigrants, après quoi ils
retourneraient là où ils veulent vraiment aller,
c'est-à-dire l'école anglaise, si on en croit le nombre de
transferts linguistiques qui, dans la plupart des cas, atteignent 60% et
65%.
M. Brunelle: On peut se demander également dans quelle
mesure ce transfert linguistique qui n'implique pas les Canadiens
français est fait dans l'intérêt de leurs enfants. Je
connais des hommes d'affaires qui sont classés comme nationalistes,
à quel dosage, je n'oserais pas le dire, mais qui tiennent absolument
à ce que leurs enfants apprennent l'anglais.
Et, si l'école française ne fournit pas à leurs
enfants l'occasion d'apprendre l'anglais, ils sont déterminés, et
ils le font, à envoyer leurs enfants dans des institutions qui
permettront à ces derniers d'apprendre cette langue.
M. Laurin: Oui. Ce qui démontre précisément
qu'il y a une tendance très forte dans notre société
à l'anglicisation, aussi bien chez les francophones que chez les
allophones. Précisément en raison de la puissance
économique de l'élite anglophone au Québec et du voisinage
anglophone des autres provinces et des Etats-Unis. Mais ne croyez-vous pas que
c'est précisément pour contrer ce courant, à condition
bien sûr qu'on tienne à son identité francophone et
à la culture francophone, que le gouvernement, que le
législateur, est obligé d'imposer des correctifs pour
empêcher ce glissement?
M. Brunelle: M. le ministre, toute l'évolution
récente est exactement en sens contraire. Les Français deviennent
de plus en plus francophones, du moins officiellement, et les anglophones
deviennent de plus en plus bilingues. Plus on va restreindre l'enseignement de
l'anglais dans les écoles francophones, plus le processus d'immigration
des francophones eux-mêmes va être prononcé. Par ailleurs,
la langue de travail peut forcer les anglophones ou les allophones à
fréquenter davantage l'école française ou l'école
qui leur of- frira un enseignement sérieux dans tes deux langues.
M. Laurin: Pour apprendre l'anglais, il faut
nécessairement aller à l'école anglaise, puisqu'on sait
qu'à l'école anglaise, on ne fait pas qu'apprendre une langue, on
s'imprègne d'une culture, d'habitudes de vie, d'un système de
valeur qui caractérise...
M. Brunelle: Nous sommes bien conscients de ça, mais une
chose est claire: Si l'école française n'enseigne pas l'anglais,
les Canadiens français eux-mêmes trouveront le moyen de faire
apprendre l'anglais à leurs enfants.
M. Laurin: Oui.
M. Laplante (Richard): II y a des tracasseries administratives. A
la Commission scolaire Saint-Exupéry, l'an dernier, il y a eu un
excédent de professeurs anglophones catholiques on a eu le
mémoire hier pendant que ces professeurs anglophones
étaient disponibles, le gouvernement payait des cours de rattrapage
d'anglais à des professeurs francophones pour qu'ils puissent enseigner
l'anglais à l'école française, alors qu'il y avait un
professeur anglais qui était libre et qui ne pouvait pas aller enseigner
au secteur français.
Il y a vraiment des tracasseries administratives impossibles qui n'ont
pas d'allure. Le peuple ne comprends pas ça. Ce n'est pas possible. Le
pauvre professeur baragouinait l'anglais et l'enseignait à
l'école française. Ce n'est pas comme ça qu'on va se
comprendre, parce qu'on vit malgré tout en Amérique du Nord.
M. Laurin: Merci beaucoup de vos réponses.
Le Président (M. Cardinal): A l'heure qu'il est, je
reconnais que le droit de parole a été accordé au
député de Marguerite-Bourgeoys.
Je vous invite, si c'est possible, et je vous le demande, à
revenir cet après-midi, après 16 h; je ne puis fixer l'heure
exactement, entre 16 h et 16 h 15. Vous êtes d'accord? Il reste encore 3
minutes au parti ministériel, 20 minutes au parti de l'Opposition
officielle, 10 minutes au parti de l'Union Nationale et il pourrait y avoir des
invités qui ajouteraient 10 minutes de plus, ce qui fait une
possibilité de 43 minutes. Ce sont vraiment des invités,
d'ailleurs. Ce sont des gens qui n'étaient pas membres de la commission.
Cela a même changé le quorum.
M. Brunelle: Si je comprends bien, on siège de nouveau
à 14 h, à 16 h?
Le Président (M. Cardinal): A 16 h. Je vous y invite. Les
travaux de la commission sont ajournés sine die. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 56)
Reprise de la séance à 16 h 49
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
De très brèves remarques, pour les fins techniques, je
souligne que c'est une nouvelle séance qui débute, qui se
terminera, en vertu d'un ordre de la Chambre, à 18 heures. Il n'est pas
question de consentement pour continuer au-delà de 18 heures. A 18
heures, le président se lèvera de son fauteuil et il n'y aura
plus de commission.
La commission reprendra ses travaux dans une nouvelle séance,
lundi, qui durera toute la journée, de 11 heures du matin à 23
heures du soir.
Une Voix: ...sans interruption...
Le Président (M. Cardinal): Non, avec les périodes
habituelles d'arrêt, mais c'est une même séance. Il y aura
une nouvelle séance mardi qui débutera à 10 heures et qui
sera ajournée sine die à 13 heures, ceci dit pour le bon
entendement de tous les membres de la commission.
Immédiatement, je fais l'appel des membres de la commission, pour
constater le quorum et savoir les changements qui s'imposent: M. Alfred
(Papineau)...
M. Laplante: ...remplacé par M. Vaillancourt.
Le Président (M. Cardinal): ...remplacé par M.
Vaillancourt (Jonquière), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon
(Sainte-Marie) remplacé par M. Charbon-neau (Verchères); M.
Chevrette (Joliette-Montcalm)...
Une Voix: Remplacé par M. Fallu.
Le Président (M. Cardinal): ...remplacé par M.
Fallu (Terrebonne), M. Ciaccia (Mont-Royal)...
M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une directive
à demander. Est-ce que les remplacements actuels seront appliqués
pour lundi aussi?
Le Président (M. Cardinal): Non, ils ne valent que pour
jusqu'à 18 heures.
M. Lalonde: II est alors remplacé par M. Mackasey
(Notre-Dame-de-Grâce).
Le Président (M. Cardinal): ...remplacé par M.
Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M.
Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie)...
M. Lalonde: Remplacée par M. Goldbloom (D'Arcy McGee).
Le Président (M. Cardinal): ...remplacée par M.
Goldbloom (D'Arcy McGee). Merci. M. Le Moi- gnan (Gaspé), M. Paquette
(Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Je pense qu'il n'est pas nécessaire de faire de commentaires. Les
procédures de l'Assemblée nationale ne sont pas sous notre
contrôle et nous devons tous nous y soumettre. Je sais que les
mémoires méritent tous qu'on s'y arrête longuement, mais
j'ai constaté, depuis deux jours, que les députés s'y
arrêtent très longuement.
Alors, l'appel que j'ai fait ce matin, je le rappelle. Je ne vais
à aucun caucus de quelque parti que ce soit. Je ne connais pas les
stratégies des partis. Je n'ai point à les juger. Cependant, par
respect pour ceux qui attendent, j'aimerais bien que l'on se limite. J'ajoute
un dernier détail. Il est sûr que comme nous devons ajourner
à 18 heures, tous ne pourront pas être entendus. Il y a moyen, non
pas de se faire entendre, mais de s'entendre, c'est de communiquer avec le
cabinet de M. le ministre au développement culturel.
Sur ce, nous avions devant nous un groupe qui n'avait pas
terminé, le Centre des dirigeants d'entreprise. J'indique qu'il reste au
parti ministériel trois minutes, au parti de l'Opposition officielle, 20
minutes; au parti de l'Union Nationale, 10 minutes, et aux autres, 10 minutes.
Nous pourrons peut-être épargner du temps. A ce moment, je ne sais
pas qui veut intervenir.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le président a indiqué qu'on ne faisait
pas de commentaire sur les travaux de l'Assemblée nationale...
Le Président (M. Cardinal): En vertu de l'article 140.
C'est un autre sujet.
M. Lalonde: Alors, il me fait quand même plaisir d'indiquer
aux invités que c'est par respect pour les invités et tous ceux
qui sont ici que l'Opposition officielle a l'honneur de participer aux travaux
de cette commission. Je vais être le plus court possible et
j'espère que je ne vous ferai pas offense en l'étant,
étant donné le nombre... la clarté de votre mémoire
et aussi la clarté de vos réponses au ministre. J'aurais
seulement quelques mots à dire.
Votre interprétation restrictive en ce qui concerne certains
articles, plusieurs articles de la loi, je pense qu'elle est symptomatique.
Elle est partagée par beaucoup de gens, même par des personnes qui
se pensent expertes en droit ou en matière juridique. J'ai accueilli
avec beaucoup de plaisir la réaction du ministre, à savoir que le
gouvernement devrait probablement faire l'effort d'expliquer un peu, en tenant
compte du fait que ce n'est pas une loi comme les autres. Une loi linguistique
est une loi de changement social et n'est pas simplement une loi pour le port
de la ceinture de sécurité. Dans ce sens, elle demande des
efforts plus explicites pour être comprise.
J'ai aimé votre témoignage relativement à la
Régie de la langue française. J'accueille votre suggestion,
à savoir que la direction de l'office qui serait créé par
cette loi, si elle est adoptée, soit
une direction collégiale. Plusieurs l'ont suggéré,
même parmi ceux qui ont, d'emblée, approuvé le projet de
loi, si ma mémoire ne me fait pas défaut; la FTQ, par exemple, a
fait cette suggestion.
En ce qui concerne la fonction publique, le ministre a donné
quelques explications ou, enfin, a réagi à votre
préoccupation voulant que peu d'anglophones aient trouvé leur
place dans la fonction publique. J'aimerais peut-être en donner quelques
autres. On sait qu'historiquement, le secteur privé offrait des
échelles de salaires quand même beaucoup plus alléchantes
que le secteur... Je dis historiquement et jusqu'à assez
récemment. Cela a changé dans plusieurs secteurs
d'activités, dans plusieurs métiers. Cela a changé depuis
quelques années, mais il reste que ce phénomène,
ajouté au fait que le gros volume ou la masse de la population
anglophone se trouvait à Montréal et le siège du
gouvernement se trouvait à Québec,ça n'aidait pas non plus
à l'intégration ou à l'intérêt de
l'anglophone pour la fonction publique.
Vous choisissez l'incitation. Beaucoup l'ont fait, dans le milieu des
affaires surtout. Pouvez-vous me dire, très rapidement, de quelle
façon... Pour quelle raison, rejetez-vous la coercition en
matière de francisation? Parce que je dois remarquer que, dans tout
votre mémoire, vous êtes en faveur de la francisation et de la
francophonisa-tion qui vont de pair. L'un ne peut pas aller sans l'autre. Vous
le faites de façon franche, je crois, mais pouvez-vous m'indiquer
comment il se fait que la coercition ne fonctionnerait pas et quels en seraient
les résultats négatifs, d'après vous, si j'en crois votre
mémoire?
M. Laplante (Richard): Je vais laisser M. Brunelle
répondre à la deuxième partie de la question. Je voudrais
simplement indiquer une chose que j'ai remarquée ce matin dans notre
discussion. C'est que, fondamentalement on le dit dans deux lignes au
début on est d'accord sur tout l'esprit général
derrière la loi. Si le monde patronal ne s'est peut-être pas
manifesté d'une façon très catégorique
vis-à-vis du principe même, c'est qu'il l'a fait quand on a
présenté le bill 22. On n'a pas senti le besoin de revenir sur
une chose qui était acceptée. C'est accepté dans le milieu
des affaires que la langue française doit devenir prioritaire au
Québec. On ne revient pas là-dessus. On revient sur des
détails d'application, sur des possibilités de problèmes
d'administration de la loi qui peut nous causer des ennuis.
Je vais laisser M. Brunelle répondre à votre question.
M. Brunelle: Je pense que je l'ai indiqué ce matin, M. le
député. Le groupe patronal est peut-être la classe du
Québec sinon d'ailleurs, qui a été le plus
fréquemment soumise aux pressions des lois. Les hommes d'affaires ont
appris à se méfier des lois. Il y a une chose grave: ils sont
habitués, comme je l'ai dit ce matin aussi, à se bagarrer, mais
à ciel ouvert. L'expérience faite, en tout cas, en 1974, autour
des débats qui ont accompagné la loi 22, spontanément, les
associations patronales ont toutes opté pour la formule incitative. Or,
il arrive que la formule incitative a donné des résultats. Je
pense que le moment n'est pas venu de la changer, mais il se pose là une
question de principe et une question de justice. En démocratie, je me
demande si on peut pousser plus loin qu'il faut les pressions qu'un
gouvernement peut exercer sur les différentes classes et les
différents groupes de la société. Je ne vois pas de raison
autre que morale et autre qu'économique et autre que démocratique
pour suggérer et pour inciter très fortement pour qu'on
maintienne la méthode incitative.
M. Lalonde: Vous affirmez que la méthode incitative aurait
produit les résultats. Malheureusement, le gouvernement, à notre
connaissance, n'a jamais tenté d'évaluer les résultats que
les mesures incitatives auraient pu provoquer ou auraient déjà
accomplis.
Bien plus, un des premiers gestes de ce gouvernement a été
de rejeter du revers de la main, assez cavalièrement et de façon
très prématurée, le règlement sur la francisation
des entreprises dont au fond, toute la mécanique a été
réintégrée dans le projet de loi no 1, c'est-à-dire
l'analyse linguistique à l'entreprise, les formulaires, la formule de
certificat de francisation, de programmes de francisation et tout...
Alors, je pense que je devrais vous demander si vous avez des chiffres
pour appuyer votre affirmation démontrant que la formule incitative a
produit des résultats. Je ne pense pas que vous en ayez. Je pense que
cela aurait été au gouvernement à faire cet examen,
à faire cet inventaire dans le livre blanc, à prendre
l'inventaire de la situation linguistique en 1977 avant de recourir à
des statistiques de 1961, mais enfin...
Je ne vous pose pas la question étant donné justement le
temps qui court. Je vais simplement vous remercier de votre mémoire.
Avant de terminer, j'aurais une question à vous poser. Combien
d'employés, de salariés vos 350 entreprises, 900 individus,
représentent. Vous avez de petites et moyennes entreprises, les plus
importantes...
M. Brunelle: On n'a pas fait de calcul.
M. Lalonde: Vous n'avez pas fait de calcul. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres députés du côté ministériel? M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: J'ai une seule question, M. le Président.
Vous représentez des dirigeants d'entreprises. Lors de notre examen
d'autres mémoires qui ont été présentés, il
a été question des raisons sociales. Le commentaire a
été fait que si un gouvernement décide aujourd'hui
d'adopter une loi, un règlement exigeant qu'à l'avenir toute
incorporation se fasse avec une raison sociale en français, c'est une
chose, mais d'agir de façon rétroactive à l'endroit de
firmes, de compagnies
existantes est une atteinte à la valeur même de ces
entreprises. La bonne renommée ayant été établie
autour d'un nom connu, un changement de nom peut facilement représenter
une diminution de la connaissance et donc de la valeur économique de
l'entreprise en question. J'aimerais avoir vos commentaires sur cette
question.
M. Brunelle: II me semble que vous avez parfaitement raison de
dire que si on change arbitrairement la raison sociale d'une entreprise connue
sous un nom donné, on peut évidemment affecter sa
rentabilité. Nous avons soulevé, ce matin, un autre aspect du
problème. Des hommes d'affaires francophones nous ont mis en garde
contre le fait suivant. En forçant toutes les entreprises à
franciser leur raison sociale, on leur créerait des sources de
concurrence indue...
M. Laplante (Richard): Compétition négative.
M. Brunelle: ...parce que tous les nouveaux acquéreurs
étrangers d'entreprises québécoises pourraient faire des
affaires sous des noms français. Personne, comme je l'ai dit ce matin,
ne demande qu'on identifie les étrangers. Ce n'est pas là que le
problème se pose. Nous suggérons, là comme ailleurs, une
très large liberté de choix, en étant conscients du fait
que l'évolution du milieu va vers l'adoption de plus en plus
fréquente de raisons sociales françaises.
M. Godlbloom: Je vous remercie et je m'excuse; ayant
été appelé à l'extérieur de cette salle
pendant votre présentation, j'ai manqué la partie qui touchait le
sujet que je viens d'aborder. Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Vous m'excuserez, MM. les invités, cela change
un peu le décor en arrivant ici. Vous avez sans doute suivi les
débats dans l'autre salle.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, vous avez manqué le début de la
séance. J'ai demandé qu'on ne fasse pas allusion à ce qui
s'est passé ailleurs.
M. Grenier: On va essayer de ne pas gaspiller mon temps, parce
qu'il me semble que j'avais des questions intelligentes à vous poser ce
matin et j'en trouve moins.
Vous avez parlé du libre choix au cours de la matinée,
disant que la langue du libre choix, pour vous, ça ne devait pas... Vous
avez mentionné dans votre mémoire, dis-je, que vous étiez
en faveur du libre choix, n'est-ce pas? Au fait des rapports que nous avons de
cette baisse assez importante, de cette difficulté que nous envisageons
pour la nation canadienne-française, voyez-vous des dangers, question
très large, imminents ou si vous avez quand même des dossiers sur
lesquels vous vous êtes penchés? Vous ne voyez pas de
problème de ce côté?
M. Brunelle: Nous ne voulons pas entrer dans ce qu'on appelle la
guerre des statistiques, il y a assez de gens qui y sont mêlés. Je
pense qu'il faut se méfier des statistiques, on sait qu'au début
des années soixante, sur la foi de projections démographiques, on
s'est mis à bâtir au Québec, à un rythme
accéléré, une série d'écoles presque comme
si c'étaient des postes d'essence. On sait qu'aujourd'hui les
écoles se vident assez rapidement. Ce qui est arrivé, c'est qu'au
milieu des années soixante ou à peu près, la courbe
ascendante a cassé et on s'est trouvé dans une situation un peu
inconfortable au moins au point de vue financier, sinon à d'autres. La
même chose peut arriver quand on projette un avenir pessimiste. Tout le
monde sait qu'entre les deux grèves, la France avait une population
à peu près stable, ce qui a fait dire à Henri Bourassa: La
France est un pain de sucre qui fond.
Mais, une génération plus tard, la France s'était
meublée d'une dizaine de millions, peut-être plus, de personnes
nouvelles. Je veux dire qu'il serait peut-être imprudent de miser sur
l'avenir avec des données aussi incertaines et il suffit d'avoir
passé ici la journée, à écouter ce qui se passe
à la commission, pour constater que les avis sont largement
partagés sur l'avenir démographique du Québec. Il se pose
aussi, je pense, une autre question qui est tout simplement une question de
justice. Nous avons discuté ce matin avec M. le ministre d'Etat au
développement culturel sur les facteurs de justice qui se posent dans le
domaine de l'enseignement, le facteur de liberté de choix, et je pense
que les Canadiens français du Québec, généralement,
sont assez adultes pour choisir, aussi bien dans leur intérêt que
dans l'intérêt du groupe principal auquel ils appartiennent.
Nous ne voyons donc pas de difficulté à assurer la
liberté de choix dans le domaine de l'enseignement.
M. Grenier: Le ministre a mentionné, ce matin... Il n'est
pas intervenu puisque chacun a ses propos. Vous disiez que, si on n'avait pas
une langue seconde bien enseignée, soit l'anglais pour les Canadiens
français, vous avez confirmé qu'on devrait chercher ailleurs pour
trouver des écoles plus perfectionnées, peut-être
même en dehors de la province, pour trouver des écoles où
nos jeunes pourraient apprendre l'anglais. Le ministre a dit que c'était
une façon d'angliciser nos jeunes. J'ai trouvé que le terme
était chargé un peu. J'aimerais mieux dire que c'est une
façon d'apprendre l'anglais, tout simplement, pour mieux correspondre
à la réalité de l'Amérique du Nord.
Pensez-vous que c'est possible, avec un enseignement mieux
structuré, qu'on soit capable de donner suffisamment d'anglais pour que
cela puisse rendre service à des régions... Cela m'a un peu
surpris quand vous avez dit qu'il y avait des difficultés, même
dans le Bas-du-Fleuve, dans le Lac-Saint-Jean et un peu partout. On s'imagine
toujours que l'industrie, c'est principalement dans la région de
Montréal. Mais vous avez dit ce matin que c'était vraiment utile
d'avoir la langue se-
conde dans ces régions aussi éloignées de
Montréal.
M. Brunelle: Nous avons reçu...
M. Laplante (Richard): Je me demande si cette dimension a
été bien saisie ce matin. Le commerce, pour ces gens, se fait
avec les Maritimes. A ce moment-là, tant que l'évolution des
mentalités n'aura pas progressé à travers le Canada, pour
donner au français, à travers le Canada, la place qui lui
revient, c'est sûr que le chef d'entreprise doit compter sur les
anglophones qui achètent ses produits. A ce moment-là, quand on
est vendeur, on vend dans la langue de celui qui achète. C'est un
principe fondamental de l'entreprise, du commerce, que de faire cela.
C'est le même phénomène pour les raisons sociales.
S'il y a des ressentiments vis-à-vis des francophones du Québec
dans les Maritimes, si tu obliges cette entreprise à avoir une raison
sociale francophone, automatiquement, tu lui enlèves une
possibilité de marché. Tu lui crées des embûches
dans la concurrence.
M. Grenier: D'accord. Une autre chose qui se dit couramment.
Entre 1958 et 1970, l'opinion était que les curés étaient
des oppresseurs, dans le temps, si vous vous en souvenez, et cela a
changé. Entre 1970 et 1977, ce sont les industriels qui sont devenus des
profiteurs dans le Québec; ils sont fortement accusés par pas mal
de monde, au point que, lorsqu'on connaît ces gens des petites et
moyennes industries, même des plus grosses, c'est presque gênant de
se promener, parce qu'on les accuse d'être des profiteurs.
Qu'on se rappelle le Manuel du 1er mai, par exemple, les exemples qu'on
donnait là-dedans; cela rend la tâche vraiment difficile.
Est-ce que vous avez senti, depuis cette ère qui fait
qu'être un industriel, c'est être un profiteur et un mange-petits,
est-ce que vous sentez que c'est plus pénible de travailler dans le
secteur de l'industrie pour vous autres?
Cela relève quand même de 1970.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Mégantic-Compton, vous avez
le droit d'employer tout votre temps, malgré ce que j'ai dit au
début, mais, cependant, je ne pense pas que la pertinence du
débat vous permette de poser cette question. Elle ne se rapporte pas du
tout au projet de loi no 1.
M. Grenier: Je vous remercie, M. le Président. Je la
transformerai en vous disant que...
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Grenier: Est-ce qu'on exige davantage de français dans
les industries depuis les années soixante-dix ou si c'est un mouvement
naturel qui se fait de la part des industriels pour donner davantage...parce
que vous avez signalé, ce matin, qu'il y a des cours d'immersion qui se
donnaient à 2% je ne sais pas les années et ils
sont rendus à 50%? Sentez-vous qu'il y a un mouvement naturel qui se
fait de la part des industriels pour franciser leurs industries, donner
davantage...
M. Laplante (Richard): Je pense que cela n'a pas
été naturel , c'est venu, d'abord, par la loi 63 et, ensuite, par
la loi 22. C'est vraiment par une incitation du gouvernement que les industries
ont commencé à l'accepter et à le demander et que les
Québécois, en soi, ont demandé plus de français
dans l'industrie. On le vit à tous les jours, ce besoin du francophone
de s'affirmer davantage dans l'entreprise et dans l'industrie.
Or, c'est sûr que oui. Je réponds oui à votre
question, mais ce n'est pas venu tout seul, c'est venu par une implication,
c'est une réponse à la loi.
M. Grenier: La langue de travail dans les industries, est-ce un
phénomène qui est propre à la région de
Montréal principalement ou est-ce un peu l'imposition, ce dont on se
plaint dans la région de Montréal, savoir être
obligé de parler anglais avec les patrons ou est-ce vrai dans tout le
Québec?
M. Brunelle: II y a une forte concentration des problèmes
dans la région de Montréal, sans aucun doute, ce qui n'exclut pas
que la même situation existe dans d'autres régions qu'on pourrait
nommer, mais il y en a à plusieurs endroits à travers la
province.
M. Grenier: Est-ce qu'il y a un effort de fait depuis quelques
années de la part des patrons, par exemple, pour on voit les
fonctionnaires fédéraux qui viennent apprendre le français
au Québec mieux apprendre le français, depuis une dizaine
d'années? J'entends dans votre secteur.
M. Brunelle: Vous me posez une question à laquelle il
faudrait avoir fait une enquête pour y répondre assez clairement.
Je suis sûr que, dans bien des cas... On connaît le cas
spécifique d'un dirigeant d'une très grande entreprise qui a
suivi un cours universitaire aux seules fins d'apprendre le français. Il
y en a d'autres évidemment. Je peux vous dire oui, il y a un effort qui
se fait.
M. Grenier: Je veux vous remercier d'être venus ici. M.
Biron aurait aimé vous rencontrer. Les circonstances ont fait qu'il n'a
pas pu venir, mais il aurait eu autre chose à vous demander. Je veux
vous remercier d'être venus, en notre nom. Soyez sûrs que le
mémoire que vous déposez aujourd'hui fait réfléchir
peut-être plus que d'autres sortes de mémoires qu'on peut avoir
eus qui étaient souvent des mémoires individuels, en tout cas,
quelques-uns étaient des mémoires individuels, de gens qui sont
quand même une cheville, importante dans le Québec, qu'est
l'industrie... Pour ma part, pour notre parti, c'est important. Ce que vous
nous donnez, aujourd'hui, qui n'est pas toujours très près de ce
que dit le projet de loi no
1, fait quand même... Pour ma part, en tout cas, cela me fait
davantage réfléchir que des idées parfois passablement
farfelues qui nous ont été soumises ici par des individus ou des
groupes même qui connaissent peu le secteur économique du
Québec. Je veux vous remercier au nom de l'Union Nationale.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Je vous remercie, M. le Président. Je ne
poserai pas toutes les questions que je voulais poser, parce que je sais que
nous ne siégeons que pour une heure, qu'il y a un autre groupe qui doit
être entendu et que vous êtes sans doute un peu fatigué.
Quand même, comme j'étais auparavant ministre du Travail,
ministre de la Main-d'Oeuvre et ministre de l'Immigration...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Je préférerais continuer dans une
atmosphère tranquille. Je sais que vous essayez d'établir ici, au
moins, un décorum qui n'existe pas dans l'autre assemblée.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Alors, qu'il me laisse tranquille et il n'y aura
aucune possibilité de ma part de créer une atmosphère qui
ne soit pas...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, je prends votre
parole et je vous donne la parole.
M. Mackasey: Merci beaucoup.
Je fais référence au tableau no 1 et au tableau no 2 et je
félicite nos témoins aujourd'hui, le Centre des dirigeants
d'entreprise, pour avoir servi des extraits de recherches effectuées par
le ministre de la Main-d'Oeuvre du Québec et le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de l'Immigration à Ottawa. Je pense que la base du
tableau, c'est à la page 1 et à la page 2... Tout ce que je veux
savoir, vous parlez au tableau 2 du salaire des francophones et du salaire des
anglophones, vous établissez la médiane... Il y a encore une
différence de $4700, environ entre les anglophones et les francophones.
Dans votre organisation, est-ce que les entreprises, les cadres anglophones,
sont surtout dans l'île de Montréal? Les cadres anglophones, les
entreprises anglophones, sont-elles presque toutes dans l'île de
Montréal? Vos membres francophones se retrouvent-ils surtout à
travers la province? Est-ce que vous avez plus de membres en dehors de
Montréal d'expression française que d'expression anglaise?
M. Brunelle: Sans aucun doute, la concentration des entreprises
francophones est plus forte à l'extérieur de Montréal que
dans la région de Montréal.
M. Mackasey: Alors, en calculant les médianes des salaires
des employés français, est-ce que cela inclut les salaires de
ceux qui travaillent en dehors de Montréal, mettons en Gaspésie,
à Rimouski, et dans d'autres centres comme la ville de Québec
où les salaires sont normalement plus bas que dans le centre de
Montréal?
M. Brunelle: Je peux difficilement répondre. Si vous
faites allusion au tableau que nous avons produit, l'enquête a
été faite dans une concentration d'entreprises de
Montréal. Nous n'avons pas de source de renseignements plus
précise pour l'extérieur. C'est une fenêtre sur une
situation, sur une partie de la situation. Nous ne voudrions pas
déborder les cadres de ce qui a été présenté
dans les tableaux.
M. Mackasey: Alors, cette médiane, c'est une comparaison
entre des entreprises de l'île de Montréal, basée
naturellement sur l'étude conjointe. Je vous remercie beaucoup. Je n'ai
pas d'autres questions. Merci.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Alors, si tout le monde
est d'accord pour terminer cette audition, trois brèves minutes au
maximum. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'en
prendre moins que cela. J'aimerais remercier les représentants du Centre
des dirigeants d'entreprise pour leur mémoire très positif dont
nous tiendrons compte, en particulier concernant les possibilités
d'ingérence de la bureaucratie dans les entreprises. Je tiens à
les assurer que dans le débat en troisième lecture,
personnellement, j'aurai ce souci de faire en sorte que nous atteignions les
objectifs de la loi avec le minimum de contrôle bureaucratique
possible.
Au début de votre mémoire, vous parlez de deux attitudes
concernant la situation linguistiques du Québec. Je tiens à vous
dire que, personnellement, je suis un peu entre les deux. Vous dites: Nous
avons une vue sereine de la situation. Je pense que c'est notre cas
également. Vous dites que vous avez la conviction que l'affranchissement
des Québécois francophones est déjà engagé
de façon irréversible. Je pense qu'il est déjà
engagé, effectivement. J'aimerais que vous expliquiez le fait que vous
le considériez comme irréversible.
Je trouve ce terme extrêmement fort, quand on regarde... Bien
sûr, il y a eu des progrès, par exemple, dans la différence
des revenus entre anglophones et francophones, mais il y a quand même
actuellement des marges appréciables. Il y a trois études avec
des méthodologies différentes qui démontrent que, dans la
région de Montréal, les différences de revenus sont encore
de l'ordre de $2000 entre francophones et anglophones. Egalement, sur le plan
scolaire, on constate que, de 1970 à 1975, la proportion des
élèves inscrits aux écoles françaises, sur
l'île de Montréal, est passée de 63% à 59%. Mais
ça, ce sont des chiffres à partir des clientèles
scolaires. Ce ne sont pas des sondages, et ce sont des données qui
sont
récentes, qui datent delà dernière année
scolaire, c'est-à-dire l'année 1975-1976.
Sur quoi vous basez-vous pour être tellement sûrs que la
situation a évolué de façon qu'elle soit maintenant
irréversible?
M. Laplante (Richard): Oui, c'est sûr que c'est
peut-être un mot très fort, mais il reste que ça revient un
peu à la question qui était posée tantôt. On se rend
compte, de façon très évidente, que les jeunes qui sortent
des universités et qui se dirigent dans le domaine de
l'économique, parce que le domaine de l'économique, pour le
francophone, ça reste un domaine neuf, un domaine nouveau, un domaine
où on n'a pas d'expérience, et on se rend compte... Les chefs
d'entreprise de ma génération que je rencontre, de la petite et
de la grande entreprise, surtout de la petite entreprise, considèrent
l'entreprise comme un rôle social beaucoup plus qu'autrefois. Cela, c'est
nouveau comme attitude, et c'est rafraîchissant de voir ça. Le
chef d'entreprise francophone a l'ambition de bâtir une économie
beaucoup plus que de devenir millionnaire. Cela, c'est assez nouveau, parce
que, si vous vous souvenez, chez la génération qui nous a
précédés ou peut-être deux générations
plutôt, le francophone, s'il se lançait dans les affaires, se
dépêchait à devenir riche et, souvent, vendait son
entreprise aux anglophones ou aux Américains et finissait sa vie vous
devinez à peu près où. Je pense que c'est une
mentalité qui évolue. J'espère que, de plus en plus, cette
mentalité va s'affirmer pour que le chef d'entreprise ait un statut
social dans la société et qu'il soit reconnu comme une personne
motrice qui développe la société, parce qu'on
considère chez nous que le culturel ne peut pas prendre son ampleur et
son épanouissement si l'économique n'est pas très fort.
C'est dans ce sens qu'on le dit.
M. Paquette: Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais je
tiens à vous dire que, évidemment, nous différons
d'opinion sur le fait que l'évolution soit irréversible. Le but
du projet de loi est justement de la rendre irréversible.
Je vais vous poser une dernière question sur les sièges
sociaux. Vous avez dit endosser le rapport de la commission d'enquête que
le ministre d'Etat au développement culturel a envoyée en mission
en Europe.
M. Laplante (Richard): On l'a lu dans les journaux.
M. Paquette: Oui, d'accord. Donc, vous êtes d'accord avec
le fait, j'imagine, que la langue de communication interne des sièges
sociaux devrait être le français, comme dans tous les pays
européens qu'ils ont visités. La langue de communication interne
est généralement la langue du territoire où le
siège social exerce ses activités.
M. Laplante (Richard): C'est le troisième point, à
la page 9, quand on dit d'encourager l'usage du français au travail dans
les sièges so- ciaux, dans la mesure où elle "permet
l'efficacité des opérations". Je pense que ces guillemets sont
très importants. Il y a des cas où ce n'est pas possible, mais,
majoritairement, oui, on pense que oui.
M. Paquette: Est-ce que vous pensez que l'article 113, qui dit
textuellement: "Les programmes de francisation doivent tenir compte des
relations de l'entreprise avec l'étranger et du cas particulier des
sièges sociaux établis au Québec par des
sociétés ou entreprises dont l'activité s'étend
hors du Québec."
M. Brunelle: Oui.
M. Paquette: Est-ce que vous pensez que cette clause est
suffisante pour tenir compte des relations internationales des sièges
sociaux?
M. Brunelle: Si l'article veut dire ce qu'il veut dire, et
là, je m'expliquerai tantôt, je pense qu'il est
aménagé pour sauvegarder les intérêts des
sièges sociaux. Mais je tiens à vous dire qu'à cause des
deux lignes du préambule que nous avons citées ce matin, nous
sentons un certain inconfort à la lecture de certains articles de la
loi, qui sont formulés d'une façon tellement
générale qu'on aime à avoir des précisions...
M. Paquette: Vous vous référez à quoi dans
le préambule exactement?
M. Laplante (Richard): La définition d'un
Québécois.
M. Brunelle: C'est la définition d'un
Québécois.
M. Paquette: Ah oui, mais on ne donne pas de définition du
Québécois, on dit: Le français, depuis toujours, est la
langue du peuple québécois, comme on dirait: L'italien, depuis
toujours, est la langue du peuple italien. Cela ne signifie pas que nous
considérons les minoritaires, les gens des groupes ethniques
minoritaires au Québec, comme n'étant pas des
Québécois. D'ailleurs, le ministre a dit qu'il préciserait
ces deux lignes, de toute façon.
M. Laplante (Richard): Bon, d'accord! C'est sûr que le
débat fondamental est là-dessus. Il y a beaucoup de gens qui
interprètent... Enfin, pour nous, cette dimension n'était pas
très explicite au début...
M. Paquette: Je ne vois pas le lien avec l'article 113, mais je
pense que mon temps est écoulé. Je vous remercie de votre
mémoire et nous en tiendrons compte, je vous assure.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Rosemont. Si M. Laplante ou M. Brunelle veut ajouter un
très bref commentaire qui n'est pas une réplique, je lui...
M. Brunelle: Un bref commentaire, M. le Président. Je
pense qu'on peut constater assez facilement qu'au cours des discussions qui ont
accompagné, encore une fois, le bill 22, les associations patronales,
très généralement, ont fait porter l'effort du changement
sur les entreprises. Elles ont pris une option très nette pour favoriser
l'expansion du français et le développement des francophones dans
le domaine économique et dans le domaine social en
général. Elle se sont senties en confiance, sur un terrain
solide. Je pense qu'on peut constater, pour une raison que je n'approfondirai
pas, qu'une réaction inverse accompagne la publication du projet de loi
no 1, une certaine crainte et une certaine méfiance, de sorte qu'on a
peur, on craint, dans le monde des affaires à tout le moins, que le
programme, à cause des possibilités de coercition qu'il contient,
défasse, en somme, les progrès qui ont été acquis.
Je pense qu'il serait sage de se pencher avec soin sur la révision de
certains articles qui me semblent mériter un nouveau coup d'oeil.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Jean Brunelle, M.
Richard Laplante, porte-parole du Centre des dirigeants d'entreprise. Merci de
votre patience surtout et de votre travail.
J'appelle immédiatement le prochain organisme, la Banque Royale
du Canada, mémoire 91.
Madame, messieurs, je vous prierais, selon l'ordre établi, de
bien vouloir, non pas identifier votre organisme, mais ses porte-parole, s'il
vous plaît.
Banque Royale du Canada
M. Frazee: Mr Chairman, Members of the Committee, my name is
Rowland Frazee and I am the executive vice-president, chief general manager of
the Royal Bank; as of tomorrow, I will be named president.
On my immediate left is Mr Pierre Fréchette, the bank's
vice-president in Québec. On my immediate right, Miss Maria Tosaj who
will assist me with language interpretation. To her right, Mr David Grier who
is the bank's chief corporate affairs advisor and was intimately involved in
the preparation of the bank's brief. I shall speak in English, Mr
Fréchette in French and M. Grier in both languages. We propose to share
our opening statement and anyone of us is prepared to respond to questions.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous permettez,
avant que vous ne commenciez, il est bien sûr qu'à cette heure,
nous avons le temps d'entendre votre mémoire ou son
résumé.
Vous avez 20 minutes pour le faire. Il est certain, d'autre part, que
les membres de la commission ne pourront pas vous poser de questions pendant 70
minutes et je pense que vers 17 h 55 ou aux environs, nous réglerons ce
cas avec votre collaboration. Mr Frazee.
M. Frazee (Rowland): Mr Chairman, before commencing either the
presentation of information about The Royal Bank of Canada or the discussion of
the provisions of the Charter, it seems appropriate to express the general
attitude of the bank towards the proposed legislation. This attitude is
positive regarding the underlying objectives of the Charter and the concerns it
addresses. We believe that language plays an essential role in the healthy
development of any society and accept that French should be the primary
language of Québec. We support, therefore, the underlying goal of the
Charter of the French language in Quebec, which we see as the preservation,
enhancement and expansion of the French language and culture in
Québec.
Having said this, we must also express, however, a degree of doubt
regarding some of the assumptions which appear to underline the proposed
legislation. Moreover, we are compelled to express deep reservations concerning
some of the methods proposed. In our view, implementation of certain provisions
could limit the competitive strength of business enterprises in such a way as
to inhibit much-needed growth of the economy of Québec and,
consequently, the employment and income of Quebecers. We believe it is
reasonable to expect that the government of Québec not place burdens
upon corporations whose home is Québec, which are not placed upon their
major competitors with head offices outside the province.
In our written submission, we have offered facts which, we believe,
should assist the members of the Committee in understanding the particular
circumstances of the Royal Bank of Canada and the nature of its operations in
Québec, both in the Head Office and in the district operations which Mr
Fréchette heads. We have, additionally, presented data supporting our
contention that the process of francization in our Quebec district operations
is a record of significant, even dramatic, progress and achievement.
The Royal Bank of Canada is a world-scale bank, providing a full range
of banking services across Canada and operating in 41 other countries. It is
Canada's largest bank in terms of total assets and ranks high on the list of
major international banks. At April 30, 1977, the bank had total assets of
$32.2 billion. Total deposits were $29.3 billion, of which 65.4% were Canadian
and 34.6% foreign. Roughly a two thirds one third division. About 10% of the
total business is in Québec (or in Québec 15% of the total
Canadian business). The bank has 1,456 branches in over 700 individual
communities in Canada, including 226 or 15.5% of these branches in
Québec.
As of May 12, 1977, the Bank's total staff included 35 238 persons.
Staff in Canada totalled 31 762. In Québec, the Royal Bank employs 7703
or 22% of the total staff. Of these, 4822, or 14% of the total staff, are a
part of the Bank's Québec operations, with somewhat over 2000 or 6%
working in the corporate Head Office in Montreal, and 723 in the Montreal data
processing center, and the Eastern regional Chargex/Visa center.
In our written brief, we have offered many
facts about the Royal Bank of Canada, but we hope especially that
members of the Committee will understand one significant fact.
It is that the Québec district operations under the direction of
Mr Fréchette are entirely distinct from our head office, our world
headquarters, which happens to be located in Montreal. Within our organization,
Mr Frechette's domain, our two districts in Quebec and his district
headquarters, stand in the same relationship to head office as do our district
operations in Ontario, British Columbia, Alberta, Great Britain and so on.
I will now therefore ask Mr Fréchette to give you some details of
our Quebec district operations.
M. Fréchette: Merci, M. Frazee. M. le Président,
membres de la commission, il me fait plaisir de participer à cette
présentation de notre banque, car elle m'offre l'occasion d'apporter
quelques précisions qui ont trait à nos opérations au
Québec. Comme M. Frazee l'a signalé, nous établissons une
nette distinction entre l'activité du Québec et celle du
siège social, comme c'est d'ailleurs le cas pour tous les autres
districts de notre banque au Canada. Le Québec est placé sous la
direction d'un vice-président, moi-même, qui assume
l'entière responsabilité de la gestion des 226 succursales
situées dans le Québec. Je suis secondé par deux
directeurs généraux, chacun dirigeant son district.
Poussant plus loin notre volonté de décentraliser le
pouvoir de décision, nous avons regroupé les succursales en
régions, à la tête desquelles se trouvent des directeurs
régionaux. Au Québec, nous avons un effectif de 4822 personnes
dont 76% parlent couramment le français, tandis qu'un taux
supérieur, 88% soutient en avoir une connaissance d'usage. Quant aux
anglophones unilingues, ils représentent 12% de l'effectif total au
Québec.
La grande majorité des employés qui ont directement
affaire à la clientèle parlent couramment français dans
une proportion de 81% et ce taux atteint 92% si l'on tient compte du personnel
ayant une connaissance d'usage de cette langue.
Dans le groupe des personnes qui traitent directement avec la
clientèle, 54,5% parlent couramment anglais. Etant donné que
quelque 44% de nos clients, au Québec, utilisent l'anglais pour
effectuer leurs transactions, il nous incombe de pouvoir offrir à ces
clients les services dans la langue de leur choix. Cependant, l'activité
interne des deux districts se déroule de plus en plus en
français. L'étendue de nos ressources en langue française
au niveau du Québec peut être illustrée par quelques
précisions. Par exemple, le personnel de la direction
générale du district de Québec est composé dans une
proportion de 83% d'employés bilingues ou dont la langue première
est le français et le taux est porté à 92% si on englobe
les employés qui soutiennent avoir une connaissance d'usage du
français. Les anglophones unilingues représentent 8% de
l'effectif.
Des deux unités administratives que compte
Québec, l'une est intégralement francophone et exerce son
autorité sur cinq des neuf groupes régionaux de succursales de la
province. L'autre compte une proportion importante d'anglophones qui traduit la
répartition linguistique de notre clientèle. Sur nos 4822
employés au Québec, 1170 peuvent être
considérés comme des cadres, c'est-à-dire qu'ils exercent
des fonctions équivalentes au niveau de contremaître et poste
supérieur du secteur industriel.
Ce personnel de maîtrise compte 969 personnes qui parlent
français couramment, c'est-à-dire un pourcentage de 83% et 7% qui
soutiennent en avoir une connaissance d'usage. Les employés parlant
français se répartissent assez également dans l'ensemble
entre les différents niveaux administratifs de ce groupe, les taux
extrêmes se situant à 67% et à 94% et les taux moyens, qui
sont de loin les plus généraux, variant entre 80% et 90%.
Au niveau des cadres supérieurs et d'un échelon
immédiatement au-dessous, les taux atteignent respectivement 83% et
80%.
Dans notre mémoire, nous avons fourni quelques détails
relatifs à l'adaptation et à la traduction de la documentation,
à nos efforts concernant la terminologie, à nos efforts de
recrutement parmi les universités et les CEGEP du Québec et aussi
à la participation des employés francophones aux programmes de
formation. Je dirige l'attention des membres de la commission aux paragraphes
91 à 97 de notre mémoire.
Nous sommes naturellement fiers de tous ces efforts, mais les
progrès accomplis dans le domaine de la francisation de nos
activités au Québec, au cours des années, sont quelque peu
difficiles à évaluer, faute de pouvoir s'appuyer sur des
données concrètes remontant à cinq ou dix ans.
Il est toutefois évident que les choses ont changé
radicalement durant ce laps de temps. Indépendamment des statistiques
dans notre mémoire sur la traduction française de la
documentation, on peut établir une comparaison éloquente.
En février 1973, 84 employés occupant des postes de
direction, soit 46% de l'effectif total du district du Québec
étaient d'origine canadienne-française. En mai 1977, ce chiffre
passait à 202, soit 76% de l'effectif.
L'accroissement des possibilités d'avancement offertes aux
francophones, doublées de l'intérêt plus marqué de
ceux-ci pour une carrière bancaire, a eu pour effet d'augmenter les
promotions de ces employés au sein de notre entreprise.
Au cours de la dernière décennie, le nombre de
francophones occupant les postes de cadres supérieurs et
intermédiaires, salaires de $25 000 et plus, au siège social,
dans notre service international et notre division du Québec, est
passé de 7 à 74. En d'autres termes, alors que le nombre de
cadres à ces niveaux augmentait 3.8 fois, le nombre de francophones
accédant à ces postes de responsabilité augmentait de
près de 10,6 fois.
Dans notre mémoire, nous ajoutons quelques commentaires sur la
question générale des possibilités d'avancement des
Québécois francophones
au sein de la banque et, par ailleurs, dans le monde des affaires.
Notre mémoire offre également quelques précisions
au sujet de notre participation à la vie économique du
Québec, participation que je juge très positive pour la
collectivité québécoise.
Notre bref exposé d'aujourd'hui ne nous permet pas de discussion
approfondie, mais je serais heureux d'en discuter davantage lors de la
période des questions. Dans le contexte du projet de loi no 1, la
question des sièges sociaux est très importante.
Je cède maintenant la parole à M. David Grier, conseiller
principal en affaires institutionnelles à notre siège social.
M. Grier (David): Merci, M. Fréchette. M. le
Président, MM. les membres de la commission, on est conscient que dans
le projet de loi, l'article 113 traite de la situation des sièges
sociaux et que cet article suggère qu'on prenne note des
réalités de ces organismes. Nous avons essayé, en
rédigeant notre mémoire, de donner quelques faits qui,
espérons-nous, aideront les membres de la commission à comprendre
notre situation particulière et, par conséquent, à donner
une considération plus réaliste aux dispositions du projet de
loi. Ces mêmes faits, nous croyons, peuvent aussi aider le gouvernement
en ce qui concerne les règlements éventuels.
As Mr. Frazee pointed out, the corporate head office of the Royal Bank
of Canada in Montreal is the world headquarters of the Bank. The Bank's total
business is constituted roughly as 34% international, 56% in Canada but outside
of Quebec, and 10% in Quebec.
Accordingly, the work of the head office reflects the composition of the
Bank's business. Apart from purely corporate matters relating, for example, to
the regulatory role of the Federal government, the work of the Bank's head
office is concerned in a nine-to-one ratio with operations and markets outside
of Quebec. The work in head office is not "operating" work, per se in the
strictest sense, bus is, rather, associated with the functions of overall
direction and management of the entire Royal Bank around the world.
As can be readily perceived from the examples given in our brief, the
work of the head office staff is, by definition and with extremely few
exceptions, concerned with overall plans, policies, procedures, strategies and
problems.
In view of the work of the corporate head office, that is dealing with
matters affecting the entire Bank, planning for and communicating with the
entire Bank and dealing in the international financial arena, it is inescapably
clear not only that the primary language of work in head office must be
English, but that practically all positions within it require a good knowledge
of that language. As the head office manages and directs a far-flung system,
the imperatives of efficiency require that the head office reflects the entire
system and market in linguistic terms. While this overall system and market
includes geographical areas using many languages other than English
(notably
Spanish and French), the overwhelmingly major part uses English.
This is not to say, however, that English is and must be used
exclusively in the head office. In the first place, there has never been, nor
could there be any directive or policy which would forbid personal or working
communication between employees at any level in French: pragmatism, convenience
and courtesy rule. In the second place, the Bank has long had the policy of
producing virtually all of its customer forms, public reports, and so on, in
both of Canada's official languages. Most of these are produced by the head
office.
A further important factor requires mention. Many positions in the head
office of the Bank are ones which are filled, on the basis of merit, experience
and qualifications, by officers who were born and educated in other parts of
Canada or abroad and who have spent the larger part of their Royal Bank careers
in other parts of its system. A high proportion of these, unfortunately, have
not had the opportunity to gain a good knowledge of French. The vital lifeblood
of any organization is its roster of talented, skilled and experienced people.
Accordingly, the Bank considers it is absolutely essential to its competitive
viability and its survival that it have access, in staffing its head office, to
the entire pool of people developed throughout its worldwide system.
If the Bank could not offer such key people the required hospitable
environment in the head office community, it would become, in our view,
extremely difficult, if not impossible to make the needed transfers or
promotions to head office from across the system. This would be unacceptably
disruptive of the efficient staffing of the Bank's world headquarters by people
who possess the required skills and experience.
In summary, the importance of maintaining the effective functioning and
continuity of the head office as the central management group is such that it
can be considered one of the most crucial responsibilities of the Bank's top
management. It is clearly not a matter of choice, but of necessity.
We are encouraged to hope, not only by the force of the facts
themselves, but by various reported statements of the Minister, that the
regulations concerning francization of business will recognize fully,
realistically and with flexibility the imperatives affecting head offices. We
are, however, also considerably concerned about provisions of the law affecting
the general environment in which our head office employees live. This includes,
of course, provisions concerning access to English language schools, and some
aspects of provisions concerning the language of civil administration. We dare
to hope that the same flexibility and realism, just mentioned, may be applied
in these areas as well.
Mr Frazee.
M. Frazee: Mr Chairman, before just giving a few words of
summary, I neglected to request that
our written brief be entered into the official record of the Committee
proceedings and I do so request.
Members of the Committee will have noted in our brief a number of
comments on aspects of the Bill, and recommendations concerning certain
articles. I would like to summarize these.
With respect to article 32, we recommend that adequate provision be made
for company-employed professionnals who do not deal with the public and who
therefore may be working in English, for example in a head office.
With regard to article 46, dealing with signs and posters, we believe
that application of the provision as now drafted, would work an injustice upon
non-francophone consumers, without bringing real advantages to francophone
Quebecers. We would see no problem in a requirement that French always
accompany any other language used, and that it be no less prominent. But, we
believe that to forbid other languages would be unjust.
Similarly, it seems inappropriate to forbid the use of an English
corporate name in Québec, as provided in article 50. This article would
make it an offense to place the English name "The Royal Bank of Canada" on a
cheque, or at the top of an English form, or even to write a letter from
Montreal to New York on an English letterhead. Surely, this article should be a
candidate for amendment.
With regard to articles 51 and 52, concerning the languages of
education, we urge that the English language school system be open to the
present or future children of all anglophones, whether now resident in
Québec, or those moving here from elsewhere in Canada or from an
English-speaking country. This matter is of great practical importance to the
bank, affecting its capability to transfer employees to the head office.
We applaud intentions on the part of the Government to improve the
teaching of English as a second language in French-language schools. However,
we would also urge that access be allowed, even if only on a temporary basis,
of francophone children to English-language schools, where their parents desire
it.
As stated in our brief, we are also much concerned about the
considerable powers the law would place in the hands of public servants. It is
true that they need certain powers, and a considerable degree of flexibility.
But for these to be exercized without appeal rights, either to the courts, as
we recommend, or to the Minister, as was provided in Bill 22, seems to us to be
dangerous.
Of even more concern, however, are the extreme sanctions made possible
by articles 47, 106 and 119, especially article 106. We note with approval news
media reports that the Minister has suggested the possibility of amendment of
article 106a, insofar as it concerns permits. However, we must also
respectfully point out that the present wording of article 106b creates the
possibility that a company failing to secure a francization certificate may be
put out of business because it is prevented from concluding a contract with
Hydro-Québec for the purchase of electricity. Surely, this is a sword of
Damocles just as serious as possible denial of operating permits. We therefore
recommend modification of 106b to limit its application to cases where the
company concerned is the vendor, that is, is selling to the governmental or
paragovernmental agency, and to exclude its application to situations where the
company is the purchaser, whether it be of electricity, gas, or whatever. We
also suggest the removal of the word "permits" from article 106a, and the
addition of appeal rights, as mentioned previously.
Finally, much has been said on the subject of article 172, as well as
about the definition of "Quebecer", as used in the preamble to the Bill and in
article 112. Along with many others, we consider article 172 should be amended
to confirm the pre-eminence of the Charter of Human Rights. We also react with
approval to news reports that the Minister is prepared to clarify the
definition of the word "Quebecer".
Overall, I believe our position with regard to the Charter may be
summarized as follows: We support the basic goal of enhancing the position and
encouraging the expansion of the French language in Québec, and we
accept that it should be the primary language of Québec. However, as
explained in our brief, we disagree with the pessimistic diagnosis on which the
proposed legislation is based and wish to underline the significant progress
Québec's majority community has made in assuming its proper place in
Québec's social and economic life. Competent francophones are now
present in increased numbers in the main streams of business, industry and
commerce.
We have documented this in the case of the Royal Bank and we do not
believe our organization is unique. Any legislation should take into account
the already substantial progress achieved. Our concerns with the bill are with
some of its methods rather that with its basic goals. We believe the amendments
which we, along with some others have proposed, would improve the legislation
substantially, without significantly affecting achievement of its basic
goals.
Merci.
Le Président (M. Dussault): Messieurs, je vous remercie de
la présentation de votre mémoire, et je laisse maintenant la
parole au ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier la Banque Royale du Canada
pour le mémoire mesuré et abondamment fourni ou farci
d'informations qu'elle nous présente.
Evidemment, la plupart des commentaires et des recommandations qu'elle
nous fait résonnent maintenant à notre oreille d'une façon
familière, puisque nous les avons tous ou presque tous entendus, soit
lorsque la Banque de Montréal est venue présenter son
mémoire devant nous, ou d'autres groupes reliés au monde des
affaires.
II est donc difficile d'apporter à ces commentaires et
recommandations les mêmes réactions que nous avons
déjà eues. Je dois dire cependant que j'ai pris, à la
lecture de ce mémoire très étoffé, très
documenté, énormément de plaisir et
d'intérêt, ne serait-ce que parce que ce mémoire nous
renseigne d'une façon très exacte sur l'ampleur des
opérations d'une grande banque internationale, sur ses mécanismes
d'opération, sur les problèmes qu'elle affronte et sur les
solutions qu'elle tend à apporter aux diverses
éventualités qui peuvent se présenter à elle.
C'est précisément à cet égard que
j'aimerais, ma soif n'ayant pas encore été complètement
satisfaite, demander d'autres informations au président.
Je voudrais d'abord lui demander si toutes les parties du siège
social de la Banque Royale sont à Montréal ou s'il y en a
certaines parties qui ont été déménagées
dans d'autres villes canadiennes, dans un passé récent, et s'il
est de l'intention de la Banque Royale de continuer à exporter certaines
parties de son siège social dans un avenir prochain?
M. Frazee: Mr Chairman, certain elements of our head office are
located elsewhere. For instance, our agricultural department has always been in
Winnipeg; it was established there. Our oil and gas department, many years ago,
was established in Calgary; our mining department was established in Toronto;
our money market has been in Toronto for ten years probably. They were
established there because it seemed that the market conditions made it
logical.
A few months ago, we did announce the movement of approximately 100
people from Montreal, and this is out of over 2000, to Toronto. That consisted
of a major portion of our investment department but not all of it, a major
portion of our international money markets, but not all of it, and our
corporate marketing department, without weakening our capacity to provide
corporate marketing services in Québec.
The figure I have is there are 2090 people in our Head Office in
Montreal excluding the data center and our Chargex visa center. There are 131
at the moment outside Québec including this latest move, a few more to
go, I think it is probably about 26. So it is less than 200 who are considered
part of our Head Office. This is excluding the data centers and Chargex which
we have in Halifax, Montreal, Toronto, Winnipeg, Calgary and Vancouver and for
administrative purposes, we consider them part of Head Office but for all
intents and purposes, they serve the local region. I am really not including
them in these figures. They have always been there for logical reasons.
As for our future intentions, our future intention, Sir, is that the
Head Office of the Royal Bank should remain in Montreal where it has been for
almost a hundred years. We have no wish to move. We think that it is important
that some head offices should be in Toronto and some should in Montreal, when I
am speaking of the banking system. We prefer Montreal. That is where we would
like to stay. This is not to say that at some future date, if market conditions
demand that elements of our Head Office say we formed a fishing
department the logical place, perhaps, would be in Halifax or Vancouver.
I am not sure which. So I cannot say that there would not be something like
that taking place. We have no plans at the moment to move any other particular
department out of Montreal.
M. Laurin: Je vous remercie pour cette réponse. Vous dites
aussi que maintenant il y a quinze Québécois sur 46 qui
siègent à votre conseil d'administration. Puis-je savoir si ces
15 membres sont francophones ou anglophones?
M. Frazee: Of the fifteen directors who are located in
Québec, three are officer directors. Of the other twelve, three have
French as their mother tongue and one recently retired and has not yet been
replaced and the balance have English as their mother tongue.
M. Laurin: So the total number of Francophones would be
three?
M. Frazee: Three.
M. Laurin: Three. Vous dites aussi que 10% de votre chiffre
d'affaires se situe au Québec. Quand vous dites 10%, voulez-vous dire,
par exemple, les prêts que vous faites ou comptez-vous aussi les
dépôts? Pourriez-vous détailler cela en ce qui concerne
d'une part les "outflow and the inflow"?
M. Frazee: Mr Chairman, when we use the figure 10% it is 10% of
the total bank. If you are talking, as I mentioned, of Canadian business it is
15% and the figure we use because it is the most readily available is deposits.
If we took total assets, it would not vary perhaps more than 2% but we use the
deposit figure. I am sorry I am not sure what the other question was.
M. Laurin: The total amount of deposits.
M. Frazee: This figure has remained fairly constant...
M. Laurin: And the total amount of investments in Québec,
for example.
M. Frazee: You mean in Québec, based companies as well as
Government?
M. Laurin: Yes.
M. Frazee: Excuse me. I will see if we have the figures Mr
Chairman, investments, you are not including what we classify as loans.
We divide our portfolio into loans and investments to us are shares and
bonds essentially, not loans.
M. Laurin: Not Loans. Ah bon!
M. Grier: Mais on a l'actif total et le passif total, seulement,
à l'heure actuelle.
Le Président (M. Cardinal): Je veux remercier les
porte-parole de la Banque Royale et leur demander s'ils sont disposés
à revenir avec nous lundi matin à 11 heures? You may answer in
English.
M. Frazee: Yes, Mr. Chairman.
Le Président (M. Cardinal): Thank you very much. Oui, M.
le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je crois que vous vous apprêtez
à lever la séance. Je voudrais simplement observer que, dans le
cours de sa présentation, M. Frazee a demandé que la
totalité du mémoire soit versée au journal des
Débats. Je pense qu'il serait opportun que vous receviez cette demande
pour qu'elle soit consignée.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. J'en ai été
informé et je dis immédiatement aux représentants de la
Banque Royale que leur demande est acceptée.
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Avant d'ajourner les travaux, est-ce que vous
pourriez nous donner une idée des invités que nous aurons lundi,
après la Banque Royale?
Le Président (M. Cardinal): D'accord, avec plaisir.
Evidemment, ceci est indicatif, parce que je ne sais pas si ces personnes ou
ces organismes sont disponibles.
Il y aura évidemment la Banque Royale qui vient d'accepter notre
invitation et, à ce sujet, je souligne qu'il reste de 52 à 62
minutes de débats selon que les députés de Beauce-Sud et
de Rouyn-Noranda nous accompagneront, oui ou non, premièrement.
Deuxièmement, il y a le groupe Participation Québec. Je sais que
c'est un cas spécial. J'aurais aimé qu'il puisse participer
aujourd'hui. Malheureusement, les circonstances ne l'ont pas permis. Je pense
que le bureau du ministre devra communiquer avec ces gens. Nous avons ensuite,
comme organismes convoqués, l'Association des cadres scolaires du
Québec, mémoire 253. L'Association du transport aérien
international, qu'on appelle IATA, mémoire 75. La Commission des
écoles catholiques de Québec, mémoire 74. Quebec
Association of School Administrators, mémoire 14. Metropolitan Quebec
Language Right Committee, mémoire 180. Je rappelle que, lundi, il n'y a
pas de séances de l'Assemblée nationale, il n'y a pas de vote et
que, par conséquent, nous sommes assurés de siéger de 11
heures du matin à 23 heures, sauf les interruptions normales,
c'est-à-dire à 13 heures et à 18 heures. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Un commentaire non polisson, M. le Président,
pour féliciter M. Frazee, qui va assumer la présidence de la
Banque Royale demain, la même journée que le Nouveau-Brunswick va
assumer deux langues officielles...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Ce sont deux événements très
importants pour le Canada.
Le Président (M. Cardinal): N'insistez pas, c'est du genre
d'une motion non annoncée et, à 18 heures, en remerciant nos
invités, je déclare que la commission ajourne ses travaux
à lundi matin, 11 heures. Merci à tous, surtout aux
députés qui étaient présents.
(Fin de la séance à 18 heures)
ANNEXE 1
Mémoire sur la Charte de la langue
française
(projet de loi no 1)
présenté par l'Université
McGill
Conformément à sa charte de 1821, l'Université
McGill a été fondée "dans le but de dispenser
l'enseignement et de promouvoir l'avancement des sciences" au Québec.
L'enseignement y est donné surtout en anglais et ce depuis toujours. En
effet, sa création est due à la générosité
personnelle de James McGill qui légua par testament un fonds de dotation
en vue de la création de l'université à l'Institution
royale pour l'avancement des sciences, établissement d'enseignement
public et non confessionnel. Comme au 19ème siècle la
collectivité catholique du Bas-Canada avait tendance à rejeter
les institutions d'enseignement non confessionnelles, surtout si elles
étaient désignées par le gouverneur, l'Institution royale
passait pour être protestante ce qui, à l'époque,
signifiait de langue anglaise.*
Aujourd'hui, la population étudiante à temps complet de
McGill s'élève à 15 966 dont 75% sont inscrits comme
provenant du Québec et 14,6% du total de langue française. Son
corps professoral à temps complet compte 1291 membres.
En sa qualité d'institution du Québec et du monde
scientifique, l'université McGill assume des obligations qui sont celles
de toute université et qui consistent à préserver les
idéaux suivants:
I assurer la liberté de recherche et d'opinion et, par voie de
conséquence, la liberté de parole;
II servir et consolider la vaste collectivité sur laquelle
s'appuie l'université, et parfois critiquer cette même
collectivité;
III assurer la continuité et le développement harmonieux
des connaissances, de la culture et des institutions de la collectivité
vouées à cet objectif.
McGill a l'honneur de présenter ce mémoire sur la Charte
de la langue française {projet de loi no 1) parce qu'elle estime que
certaines parties de ce document sont incompatibles avec les idéaux que
nous venons de mentionner.
La Charte reconnaît la volonté des Québécois
d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française.
Quelle que soit leur langue, rares sont les Québécois
voire les non-Québécois qui contesteraient ce fait. Nous
ne sommes pas en faveur de l'imposition de l'unilinguisme à des
régions bilingues ni chez nous ni dans d'autres régions du
Canada. Mais nous croyons que dans une société moderne et
largement urbanisée, il est souhaitable d'avoir une langue commune qui
puisse être généralement comprise et parlée et que
cette langue soit le français en ce qui concerne les questions relevant
du Québec.
Le préambule du Projet de loi affirme également que
l'Assemblée nationale "...entend poursuivre cet objectif dans un climat
de justice et d'ouverture à l'égard des minorités qui
participent au développement du Québec".
Nous applaudissons à cette déclaration. Mais nous croyons
que, pour continuer à participer au développement du
Québec, les minorités devront bénéficier de plus
d'encouragement et d'assurance que ne leur offre le Projet de loi. Dans un
sens, ce document représente un progrès par rapport à
l'actuelle Loi sur la langue officielle (1974, ch. 6) puisque McGill, en tant
qu'université, n'est plus classée comme faisant partie de
l'"Administration publique" avec toutes les restrictions que cela implique.
Nous croyons néanmoins que les effets indirects du Projet de loi No 1,
dans sa version actuelle, porteront un préjudice grave à
l'Université et par conséquent au Québec.
Nos critiques du Projet de loi concernent quelques-uns de ses aspects
particuliers et non ce qui représente à nos yeux son orientation
principale, à savoir la promotion de la langue française. Nos
commentaires sont de deux ordres.
Notre première objection porte sur le fait que le Projet de loi
accorde des droits différents et impose des obligations
différentes aux divers résidents du Québec en classifiant
ceux-ci en différents groupes ethniques et linguistiques et, en fait, en
groupes secondaires au sein de tels groupes.
Prenons, par exemple, le cas d'un anglophone qui habite en face d'une
école de langue anglaise. Il pourrait être classé dans
l'une des catégories suivantes: *D'après Fernand Ouellet
(Eléments d'histoire sociale du Bas Canada, Montréal, 1972, p.
181) en 1831, 51% des chefs de famille à Montréal et 44% à
Québec étaient de langue anglaise.
Cas 1:
Lui ou sa femme a fréquenté une école primaire de
langue anglaise au Québec; ses enfants actuels et futurs peuvent aller
à l'école anglaise située en face de chez eux.
Cas 2:
Ni lui ni sa femme n'ont fréquenté une école
primaire de langue anglaise au Québec et ils n'ont pas encore d'enfants;
quand ils en auront, ils ne pourront les envoyer à l'école
anglaise.
Cas 3:
II séjourne pour un temps limité au Québec; aux
termes des conditions fixées par règlement, il pourra envoyer ses
enfants à l'école anglaise.
Cas 4:
Lui et sa femme ont fait leurs études en dehors du Québec
et ils n'ont qu'un enfant qui fréquente l'école anglaise; ils
pourront envoyer leurs autres enfants, actuels ou futurs, à une
école anglaise.
Cas 5:
Lui et sa femme ont fait leurs études en dehors du Québec
et ils n'ont qu'un enfant qui fréquente l'école française;
ils ne pourront envoyer leurs autres enfants à une école
anglaise.
Ainsi, il y a cinq catégories différentes de droits pour
une personne qui fait partie de la collectivité de langue anglaise du
Québec. On pourrait même envisager d'autres catégories, si
l'on tenait compte des enfants nés d'un deuxième mariage.
Le Projet de loi (article 172) reconnaît que ses dispositions sont
incompatibles avec la Charte des droits et libertés de la personne au
Québec, promulguée il y a à peine deux ans. Une telle
exception à cette Charte représente, à nos yeux, plus
qu'une simple injustice envers certains groupes de citoyens; en effet, à
partir du moment où le principe de l'exception est admis et si peu de
temps après la promulgation de la Charte, les droits et libertés
de tout individu sont menacés. Il faudrait faire disparaître cette
exception en supprimant dans le Projet de loi les dispositions qui ont rendu
l'article 172 nécessaire; autrement dit les droits et libertés du
citoyen découlant de la Charte des droits et libertés de la
personne sont suprêmes en temps de paix et aucun citoyen qui n'est pas en
prison ne devrait avoir moins de droits que d'autres.
Cette tendance à la discrimination est illustrée par la
première phrase du préambule du Projet de loi, laquelle vise
à établir que "la langue française est, depuis toujours,
la langue du peuple québécois" si, par "peuple
québécois" on entend les habitants du Québec, la
prémisse posée par la phrase en question est fausse et jette un
doute sur la validité des conclusions que le Projet de loi cherche
à tirer de cette affirmation. Il est largement reconnu, en effet, que
les autochtones du Nouveau-Québec que la Province s'annexa en 1912
à partir des Territoires du nord-ouest, ne parlaient pas autrefois le
français et peu d'entre eux le comprennent aujourd'hui. Il existe aussi
des communautés, notamment dans les Cantons de l'Est et sur la
côte nord du St-Laurent, qui furent colonisées par des personnes
qui parlaient l'anglais et dont les descendants continuent à le parler
de nos jours. Il y a, par ailleurs, la non moins importante collectivité
d'expression anglaise de Montréal et d'ailleurs qui se trouve ici depuis
au moins deux cents ans et dont les membres estiment avoir le droit et non le
simple privilège, de se servir de leur langue maternelle.*
Si, par contre, on entend par "peuple québécois" les
habitants du Québec qui sont de langue française au point de vue
historique, l'affirmation en question n'est qu'une vérité de La
Palisse et n'apporte donc aucune contribution au raisonnement sur lequel se
fonde le Projet de loi.
Les articles 2, 6 et 112 (b) également se servent du terme
"québécois" et sont donc ambigus à la lumière de la
phrase qui figure au début du préambule. Nous insistons pour que
le Projet de loi soit modifié de manière à faire ressortir
clairement que ses dispositions s'appliquent sans distinction à tous les
citoyens du Québec et à toutes les autres personnes
légalement placées sous sa juridiction.
Nous trouvons, par ailleurs, que le Projet de loi No 1 est autoritaire
en ce sens qu'il laisse aux seuls règlements du gouvernement le soin de
déterminer ceux qui doivent être contraints à s'y plier et
dans quelle mesure ils doivent y être contraints. En effet, quelque 27
articles de ce document* prévoient une législation par des
règlements établis soit par le gouvernement, soit par le
ministre, soit encore par *Voir renvoi, page CLF-1143 *Articles du Projet de
loi No 1 16, 19, 30, 32, 37, 41, 42, 43, 46, 50, 53, 54, 55, 57, 58, 76, 77,
86, 92, 99, 106, 109, 110, 114, 115, 118, 119.
l'Office de la langue française et de la francisation, la
violation desdits règlements étant punissable d'amendes ou,
à défaut, de peines d'emprisonnement. Quelques-uns des
règlements devront être publiés 60 jours avant leur
entrée en vigueur, mais aucun d'entre eux ne devra faire l'objet d'un
débat à l'Assemblée nationale. Cette assemblée,
formée des représentants élus du peuple du Québec
et gardienne traditionnelle de ses libertés civiques ne devrait pas
confier aux organes du pouvoir exécutif une autorité si radicale
et si vaguement définie (voir article 75) dans des domaines qui touchent
profondément les droits et les libertés d'une partie non
négligeable de la population.
Le deuxième ordre de nos objections concerne directement la
collectivité anglophone du Québec et ses établissements
d'enseignement. La Charte semble menacer les deux à la fois, surtout par
ses Articles 51 à 59 intitulés "La langue de l'enseignement".
La raison avancée pour l'inclusion de ces mesures se fonde sur la
menace d'érosion qui pèse sur la majorité numérique
d'expression française par suite de la baisse du taux de natalité
au sein de cette population, baisse qui coïncide avec une période
d'immigration d'égale intensité de personnes qui ne parlent pas
le français. Les études récentes, effectuées
à McGill, indiquent cependant qu'au cours de la dernière
décennie, grâce à la combinaison d'une série de
facteurs, l'effritement de la majorité d'expression française a
été enrayé (voir appendice I). Dans ces circonstances, les
mesures nouvelles et radicales visant le maintien de la
supériorité numérique des Francophones sont superflues et
comme elles ont un caractère coercitif, elles sont préjudiciables
à l'ensemble du Québec.
Tant la minorité francophone en Amérique du Nord que la
minorité anglophone au Québec, sont particulièrement
exposées à ces menaces. Chaque groupe devrait faire preuve de
sympathie devant les appréhensions de l'autre groupe et traiter celui-ci
dans un esprit de compréhension. Aucun de ces deux groupes n'a
été partait à cet égard. Les membres de la
minorité anglophone ont pour leur part, sous-estimé l'angoisse
qu'éprouvaient leurs compatriotes d'expression française. Ils
n'ont pas toujours saisi que l'érosion de la population d'expression
française signifiait l'extinction d'une culture nord-américaine
distincte, même si la langue française survit sous d'autres
cieux.
En contraste, aux yeux du Québécois de langue
française, l'érosion de la population de langue anglaise du
Québec signifie, en mettant les choses au pire, la retraite vers
d'autres parties du Canada et non l'extinction d'une culture. Certains pensent
que, même s'il était triste d'assister à un tel
déplacement des Québécois d'expression anglaise, il
pourrait s'agir d'un cas justifiable s'il se produisait sans oppression et par
le seul fait de dénier en droit, à ces personnes, l'accès
aux écoles anglaises existant au Québec, sous prétexte que
les Francophones d'ailleurs n'ont pas accès aux écoles
françaises.
Les Canadiens français sous-estiment fréquemment la
façon dont le Québécois anglophone s'identifie au
Québec et se montre fier des établissements qu'il y a
créés tels que les écoles, les collèges, les
universités, les musées et les hôpitaux qui sont tous
ouverts au public. Au Québec, le Québécois anglophone est
chez lui. C'est le degré d'identification et d'appui à la
collectivité qui contribue à l'excellence qui caractérise
les établissements qu'il a créés. Il a été
atteint en dépit du fait que les Anglophones ne se considèrent
point comme un groupe ethnique et culturel fermé; ils estiment en effet,
que leurs institutions appartiennent à l'ensemble du Québec.
Nous croyons que cette population et nombre de ses établissements
subiront un préjudice grave par l'application du Projet de loi No 1 dans
sa version actuelle. Nous croyons qu'il s'agirait alors d'une perte pour le
Québec et que cette perte ne serait pas accompagnée d'un gain
correspondant pour la langue française. L'intention de la Charte est de
consolider la position du français, mais ce but ne pourra être
atteint par un simple affaiblissement du groupe de langue anglaise.
Quelles seront les conséquences de ces proportions si elles ne
sont pas modifiées? Les populations scolaires sont actuellement en
baisse sur tout le continent nord-américain et pour cette seule raison,
la population de nos réseaux scolaires anglais et français au
Québec, sera réduite à quelque 80% du niveau actuel vers
l'année 1986.
Il est difficile de prédire l'effet que produira sur le
réseau français le fait d'y envoyer tous les enfants
d'immigrants, mais, en tout cas, cet effet ne sera pas important. Si l'influx
des immigrants au Québec ne devait nullement être touché
par le Projet de loi No 1, ce qui paraît improbable, l'addition de tous
les enfants d'immigrants au réseau des écoles françaises
porterait en 1986 le chiffre à un maximum approximatif de 87% au lieu
des 80% prévus (appendice II). L'effet réel sera probablement
moins conséquent.
Par contre, on peut prédire avec un degré plus
élevé de fiabilité l'effet d'une telle mesure sur les
écoles de langue anglaise, étant donné que ni les enfants
des immigrants ni ceux des Canadiens de langue anglaise qui viendront
s'établir au Québec n'y seront admis. Les estimations indiquent
ensuite que vers l'année 1986, le réseau des écoles
anglaises ne représentera pas plus de quelque 46% de sa taille actuelle
(voir appendice II). A notre avis, comme il existe déjà des
écoles des deux langues, le fait de laisser aux parents le choix de la
langue de l'enseignement est préférable aux décisions
prises par l'Etat. Même si on laissait le libre choix à tous les
parents d'expression anglaise, la population des écoles anglaises serait
ramenée à bien en dessous de 79% (voir appendice II), ce qui
représente un déclin plus rapide que celui prévu pour le
réseau français.
Sans cette disposition, la fréquentation du réseau
d'écoles anglaises continuera à baisser après 1986. Si
tous ceux qui quittent le Québec représentent une perte pour le
réseau anglais et si aucun de ceux qui viennent s'y établir ne
peuvent avoir accès à ce réseau, nous verrons alors les
écoles anglaises
réduites à des proportions insignifiantes. Comme 60% des
admissions à McGill proviennent des écoles anglaises du
Québec, il est difficile de comprendre notre grande inquiétude
devant les dispositions du Projet de loi No 1 touchant l'enseignement. Les
autres effets de ce projet sur les mouvements démographiques
accélération de l'émigration et ralentissement de
l'immigration hâteront bien entendu ces tendances.
On peut également prédire avec une certaine assurance les
conséquences pour l'enseignement supérieur. Une université
telle que McGill, engagée comme McGill l'est à présent, ne
pourrait exercer judicieusement sa mission sur une base démographique
d'expression anglaise en butte à une érosion continue, surtout si
le flot des étudiants et professeurs de l'extérieur du
Québec est entravé par les conséquences de ce projet de
loi, conséquences qui sont inévitables.
Une bonne université dépend en premier lieu de
l'interaction d'esprits éminemment formés
bénéficiant des services appropriés. McGill a
édifié son corps professoral à l'aide d'une proportion
croissante de résidents du Québec, mais il lui faut encore
attirer un nombre considérable d'enseignants de l'extérieur du
Québec. Toutes les universités québécoises sont
logées à la même enseigne et doivent faire venir
quelques-uns de leurs professeurs de l'extérieur du Québec.
Un certain nombre de nouveaux professeurs attirés vers les
universités de notre province comptent aujourd'hui envoyer leurs enfants
dans les écoles françaises, mais de nombreux autres n'ont pas
cette intention. La concurrence est serrée et si nous voulons être
à la hauteur de la situation, il faut que les écoles anglaises
soient ouvertes aux enfants des professeurs attirés parmi nous. En fait,
même ceux qui se proposaient d'envoyer leurs enfants dans les
écoles françaises pourraient hésiter à se placer
sous le type de juridiction qui interdirait aux écoles anglaises
actuelles d'admettre des enfants qui parlent l'anglais. De même, il
importe que l'on arrive à dispenser de la disposition en question pour
la durée de leur engagement, et non pas simplement pour trois ans, le
petit nombre de professionnels enseignants qui viennent au Québec et qui
doivent acquérir une compétence en français pour obtenir
un permis professionnel. On ne peut concevoir que de telles dispenses puissent
porter atteinte au statut de la langue et de la culture françaises.
McGill est donc exposée à une menace réelle. La
perte de McGill, ou un prejudice grave subi par elle, auraient-ils de
l'importance pour le Québec? A notre humble avis, il faut
répondre par l'affirmative à cette question. Une bonne
université constitue un actif précieux pour sa
collectivité et pour ses universités soeurs qui oeuvrent au sein
de cette collectivité. La réputation internationale de McGill
représente un atout particulier au Québec. Sa contribution au
seul domaine de la médecine est sans pareille; les centres hospitaliers
d'enseignement de McGill sont connus à travers tout le continent. Dans
le domaine de l'agriculture, son Collège Macdonald occupe un rang de
premier ordre au Québec. McGill a formé des chefs pour ainsi dire
pour chaque segment de la société tant française
qu'anglaise.
Parmi les hommes illustres de McGill, on trouve des noms aussi
prestigieux que ceux de Wilfrid Laurier, Ernest Rutherford qui réussit
la fission de l'atome, William Osier, le grand médecin et l'illustre
Wilder Penfield, de l'Institut neurologique de McGill à Montréal.
La qualité attire la qualité. L'appendice III illustre notre
engagement profond et imposant envers le Québec.
La promotion du français comme langue commune est en voie
d'atteindre son objectif; on pourrait accélérer et
améliorer ce processus en insistant sur des niveaux plus
élevés pour l'enseignement du français dans les
écoles. Aussi, nous applaudissons la disposition de la loi exigeant la
compétence en français avant la fin des études
secondaires.
Les deux ordres d'objections que nous soumettons ci-dessus portent
particulièrement sur les questions universitaires. Le premier concerne
l'impression de malaise intellectuel créé par l'esprit de
discrimination et d'autoritarisme du Projet de loi; le second le
préjudice très appréciable susceptible de résulter
pour l'université des dispositions de ce Projet sur l'enseignement. Il y
a également des objections à d'autres chapitres particuliers du
Projet de loi tels que ceux du droit et des affaires mais nous laissons
à d'autres le soin de traiter de ces questions. Notre silence à
l'égard de ces sujets n'implique cependant pas une approbation de ces
aspects du Projet de notre part.
En conclusion donc, nous prônons en premier lieu l'idéal de
la liberté des individus de faire leur choix parmi les
établissements d'enseignement actuels, qu'il s'agisse des écoles,
des collèges ou des universités. Cette liberté de choix
devra être exercée par le parent, ou par le tuteur dans le cas
d'un mineur. Si l'on veut atteindre cet idéal, il faudra instituer un
enseignement nettement amélioré de la langue seconde dans tous
les deux réseaux scolaires.
En deuxième lieu, il faudra, en tout cas, ouvrir les
écoles anglaises aux enfants de tous les membres de la
collectivité anglaise et notamment à tous les Canadiens de langue
anglaise, quelle que soit la province d'où ils viennent.
En troisième lieu, la Charte des droits et libertés de la
personne est suprême et devra conserver ce caractère.
En quatrième lieu, l'Assemblée nationale élue selon
les principes démocratiques, ne devra pas abandonner au pouvoir
exécutif l'autorité plus ou moins effrénée de
légiférer en matière de droits linguistiques, de recourir
à des interrogations, à la production de documents et à
des procédures pour outrage sans faire intervenir les tribunaux et de
contraindre les gens sous la menace d'amendes ou, à défaut, de
peines éventuelles d'emprisonnement. Respectueusement soumis, Robert E
Bell
Principal et Vice-chancelier Université McGill Le 1er juin
1977
"Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse
à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je
suis homme avant d'être François (ou bien) parce que je suis
nécessairement homme, et que je ne suis François que par
hasard.
Pensées et fragments inédits de Montesquieu: Charles de
Secondat, Baron de Montesquieu,
(1689-1775).
Ouvrage publié par le Baron Gaston de Montesquieu à
Bordeaux, 1899.
APPENDICE I
Mémoire sur
la Charte de la langue française au
Québec présenté par l'université
McGill
Eléments récents affectant la structure
linguistique de la population du Québec
Sommaire
Cet appendice vise à prouver que les projections habituelles
portant sur la proportion de personnes d'expression française dans la
population sont pour le moins pessimistes et que de toute manière, ni
ces projections ni les données du recensement ne sont suffisamment
récentes ou consistantes. On tentera de démontrer ensuite que les
tendances observées récemment en ce qui concerne les migrations
interprovinciales et les choix linguistiques des immigrants sont beaucoup plus
favorables à la population francophone qu'on ne l'estime
généralement.
Introduction
Les projections existant sur la structure linguistique du Canada ou du
Québec sont généralement pessimistes en ce qui concerne le
développement du secteur francophone. Pour illustrer cela,
reportons-nous à un article de J. Henripin, paru en 1961 (J. Henripin,
"Evolution de la composition ethnique et linguistique de la population
canadienne" dans Canadian Population and Northern Colonization, V. W. Bladen,
éd., publié pour la Société Royale du Canada par
les Presses de l'université de Toronto, 1962).
Henripin avance deux hypothèses différentes sur
l'accroissement naturel de la'population de langue maternelle française
en essayant de tenir compte des transferts linguistiques et des mouvements
migratoires. Il prévoit que la proportion de la population canadienne de
langue maternelle française tombera de près de 30 pour cent avant
1961 à 24.5 pour cent ("forte croissance naturelle") ou 23.7 pour cent
("croissance déclinante") en 1981. C'est sa deuxième
hypothèse qui s'est avérée la plus juste et nous
retiendrons donc le taux de 23.7 pour cent prévu par Henripin. Nous
sommes déjà en 1977 et il est manifeste que la proportion de
francophones ne tombera pas jusqu'à 23.7 pour cent d'ici 1981.
Il aurait peut-être été intéressant de faire
une comparaison entre les chiffres effectifs du recensement et les
prévisions détaillées de Maheu (1970), de Charbonneau,
Henripin et Légaré (1970), et de Charbonneau et Maheu (1973). Une
analyse critique et comparée de ces prévisions a bien
été faite, mais ses résultats prêtent à
controverse. De plus, le dernier recensement dont on connaît les
résultats remonte à 1971 et l'histoire sociale et politique du
Québec de ces dernières années nous incite à ne
nous fier qu'à des données plus récentes.
Les quatre facteurs principaux qui ont une incidence sur la taille de la
population francophone et sur ses rapports avec la population non francophone
sont les suivants:
(1) le taux d'accroissement naturel,
(2) les transferts linguistiques effectués par la population
existante,
(3) le nombre et les choix linguistiques des immigrants, et
(4) les migrations interprovinciales.
Pour ce qui est du facteur no 1, le taux d'accroissement naturel des
deux groupes a atteint un niveau bas et à peu près semblable; ce
facteur donc, qui jouait fortement en faveur du groupe francophone dans le
passé, est aujourd'hui à peu près sans importance. Cela ne
manque pas d'inquiéter un grand nombre d'observateurs de langue
française, mais il convient néanmoins d'en tenir compte à
côté des autres facteurs.
Pour ce qui est du facteur no 2, historiquement parlant, les transferts
linguistiques se sont effectués surtout du français à
l'anglais au Canada pris dans son ensemble, mais les transferts dans les deux
sens n'étaient pas rares au Québec. Dans son exposé de
1961, Henripin signalait déjà que les transferts nets du
français à l'anglais étaient peu importants au
Québec (pas plus de 1.5 pour cent, pour
être précis) mais considérables ailleurs
(peut-être 30 pour cent). On assiste depuis quelque temps à une
forte propension chez les anglophones du Québec à opter pour la
langue française, ou du moins à devenir bilingues. Dans certains
quartiers, près de 50 pour cent des enfants d'expression anglaise
fréquentent l'école française. Il n'est pas facile de
trouver de données précises à cet égard, mais on
peut affirmer avec quasi-certitude aujourd'hui que les transferts linguistiques
nets au Québec se font de l'anglais au français.
Immigration au Québec
Quant au facteur no 3, la taille et la composition linguistique du flot
d'immigrants arrivant au Québec ont été l'objet d'un grand
nombre de commentaires. Si on rapproche cela de la diminution du taux
d'accroissement naturel, on estime généralement que la propension
des immigrants à opter pour l'anglais constitue une menace inacceptable
pour le français au Québec. Certains observateurs jugent que
cette opinion est exagérée. On peut affirmer en tout cas que les
données parues depuis 1971 témoignent d'un renversement
surprenant de la situation.
Le tableau no 1 indique le nombre et le pourcentage des immigrants
à destination du Québec selon leur aptitude linguistique. On
constate que de 1971 à 1977, le nombre et le pourcentage des
immigrantsunilinguesanglais a baissé sensiblement, ainsi d'ailleurs que
le nombre et le pourcentage de ceux qui ne parlent ni l'anglais ni le
français. La seule catégorie qui a accusé une augmentation
a été celle des personnes de langue française, tandis que
le groupe bilingue (pour la plupart de langue maternelle française
probablement) est demeuré constant.
Le tableau no 2 donne un résumé de ces mêmes
pourcentages en ajoutant aux colonnes "français" et "anglais" les
pourcentages de bilingues. (C'est pourquoi ces pourcentages dépassent
parfois le chiffre 100). Même avec cette simplification excessive (qui
tend à grossir le pourcentage d'anglophones), la catégorie des
francophones est aujourd'hui la plus importante. Même en 1971, la
situation n'était pas aussi catastrophique qu'on le prétendait.
Compte tenu de la tendance observée depuis peu chez les immigrants
n'appartenant ni à l'une ni à l'autre de ces catégories
linguistiques d'envoyer leurs enfants à l'école française
pourvu que le gouvernement garantisse l'enseignement de l'anglais langue
seconde dans les écoles françaises, le problème de
l'immigration pour un Québec français n'existe plus.
Migrations interprovinciales
Pour ce qui est du facteur no 4, il est probable que c'est le facteur
dont on ait le moins discuté en ce qui concerne la composition
linguistique du Québec. Tout le monde semble convenir que les mouvements
d'émigration du Québec vers les autres provinces canadiennes se
sont accélérés récemment. On ne dispose pas encore
de données précises à ce sujet, mais bien que ce mouvement
affecte les deux groupes, il semble concerner davantage les non-francophones
que les francophones.
Même avant ce mouvement récent, les migrations
interprovinciales constituaient un facteur important. Les tableaux 3 à 5
illustrent les mouvements interprovinciaux des gens de langue anglaise, de
langue française et de langue "autre", de 1966 à 1971. Le tableau
6 indique les taux nets d'immigration au Québec et d'émigration
du Québec par catégorie linguistique durant la même
période.
II est de plus évident que tous les segments de langue maternelle
ont accusé une perte nette en ce qui concerne les migrations
interprovinciales. Dans une large mesure, les migrants interprovinciaux du
Québec, de toutes langues maternelles, semblent avoir
déménagé en Ontario, en Alberta et en
Colombie-Britannique. Toutefois, les pertes en termes absolus subies par la
population de langue maternelle anglaise ont été quatre fois plus
importantes que les pertes subies par la population de langue maternelle
française au Québec, tandis que les pertes subies par les groupes
de langues maternelles "autres" représentaient 70 pour cent du volume
des pertes subies par le groupe de langue maternelle française. Les
pertes relatives sont encore plus importantes. Si l'on sait qu'en 1966, il y
avait 4 700 000 personnes de langue maternelle française, 770 000 de
langue maternelle anglaise et 340 000 de langue maternelle "autre", les pertes
proportionnelles dues aux migrations interprovinciales étaient d'environ
6 pour cent pour le groupe de langue maternelle anglaise, d'environ 0.3 pour
cent pour le groupe de langue maternelle française et d'environ 2.7 pour
cent pour le groupe de langue maternelle "autre".
Tout porte à croire que les Québécois non
francophones continueront de quitter la province dans l'avenir.
Remerciements
Cette étude et cet exposé ont été
préparés avec l'aide du professeur John de Vries,
démographe et professeur de sociologie à l'université
Carleton à Ottawa, et le bureau de planification de l'université
McGill. Les données sur lesquelles est basée cette étude
proviennent de Statistique Canada et du ministère de la Main-d'Oeuvre et
de l'Immigration.
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APPENDICE II
Mémoire sur la Charte de la langue
française au Québec
présenté par l'université
McGill
Exposé concernant l'ampleur future du système scolaire
anglais au Québec 1. Introduction
Les dernières années ont été marquées
par une baisse des inscriptions dans les écoles primaires et secondaires
du Québec, causée principalement par une chute dans le taux de
natalité qui, selon toute attente, devrait continuer de se
répercuter sur les inscriptions dans les classes primaires au cours des
prochaines années, jusqu'à ce que la deuxième
génération de l'explosion des naissances atteigne l'âge
scolaire. On trouvera, dans le Tableau I, le nombre total des inscriptions au
niveau primaire et secondaire, au Québec, y compris les écoles
publiques, privées et fédérales, de 1969 à 1975,
ainsi que les projections pour 1976 à 1986. Ces projections supposent un
taux de fécondité de 1.8 et une migration nette de -9000.(1)
En l'absence de restrictions sur la langue d'enseignement, la
ventilation de ce total entre les secteurs français, anglais, public et
privé devrait ressembler à celle du passé. On montre dans
le Tableau II le total des inscriptions en maternelle et en première
année, d'une part au niveau provincial et d'autre part au niveau du
secteur des écoles publiques anglaises, ceci pour les cinq
dernières années.(2) La proportion moyenne pour ces cinq
années et les projections à l'échelle provinciale
permettent de déterminer approximativement le chiffre des inscriptions
en maternelle (y compris la pré-maternelle) et en première
année, dans les écoles publiques anglaises jusqu'en 1986-1987.
Les résultats sont indiqués dans le Tableau III et l'on peut
constater que les inscriptions en première année continueraient
à décroître jusqu'en 1982-83 pour reprendre lentement
à l'arrivée de la deuxième génération de
l'explosion des naissances.
La publication de Robert Ferland, intitulée Clientèle des
Commissions scolaires (3), contient les données nécessaires sur
les inscriptions à l'école publique dans les secteurs anglais et
français, de 1971-1972 à 1975-1976.
A l'aide de ces chiffres, de la méthode du cohort et des taux
moyens de transition pour les trois dernières années, ainsi que
des résultats pour la maternelle et la première année qui
paraissent dans le Tableau III, il a été possible
d'établir des projections des inscriptions pour toutes les années
du secteur public anglais. (Ces résultats sont aussi indiqués au
Tableau III.) Compte tenu de tous ces facteurs, les inscriptions dans le
secteur public passeraient de 223,400 en 1976-77 à 177,000 en 1986-87,
ce qui représenterait en 1986-87, 17% du total provincial. On voit donc
que la taille prévue en 1986-87 ne représente que 79% de la
taille actuelle.
Cependant, si le projet de loi no 1 est adopté, la situation
changera radicalement. Le schéma 1 indique les diverses
catégories d'élèves qui se dirigent vers le secteur public
anglais, et montre bien celles auxquelles l'admission sera refusée
à l'avenir, si le projet de loi no 1 est adopté, sauf les cas
spéciaux prévus pendant la période de transition d'environ
six ans. L'article 52 prévoit la disparition de ces sources en deux
étapes. La première étape, qui verra la disparition de la
grande majorité de ces sources se déroulera au cours de la
première année scolaire qui suivra la mise en vigueur de la Loi
no 1. Pendant cette première période, les enfants qui sont
domiciliés au Québec au moment de l'adoption de la loi et 1)
s'ils reçoivent déjà au Québec, l'enseignement en
anglais, à l'école maternelle, primaire ou secondaire, le
même droit s'étendra à leurs frères et soeurs cadets
et, 2) ceux dont le père ou la mère est également
domicilié au Québec et a reçu, hors du Québec,
l'enseignement primaire en anglais, feront l'objet de cas exceptionnels.
Toutefois, la seconde étape prévoit que seuls les enfants
dont l'un des parents a reçu l'enseignement primaire en anglais au
Québec pourront s'inscrire à l'école publique anglaise au
Québec. Dans les pages qui suivent, nous tenterons de déterminer
les répercussions de ce système sur le nombre des
élèves des écoles publiques anglaises au Québec. 1.
Perspectives démographiques pour le Québec, 1973-1986-2001,
Bureau de la Statistique du Québec, Hypothèse A. 2.Ce document
n'envisage que les répercussions du projet de loi no 1 sur les
écoles publiques anglaises. En fait, l'avenir des écoles
privées est mis en doute. En particulier il est difficile de
déterminer les répercussions qu'aura la loi no 1 sur les
écoles privées anglaises. Toutefois celles subventionnées
par le gouvernement devront certainement obéir à la loi no 1 et
on pourra s'attendre à une baisse semblable à celle subie par le
secteur public anglais. 3.Clientèle des Commissions Scolaires suivant la
langue d'enseignement, le niveau d'enseignement, le degré
d'enseignement, Québec 1971-72, R. Ferland, déc. 1976, 28-1222,
Direction générale de la planification.
Chaque année, des enfants arrivent dans la province et en
partent. Autrefois, ces arrivées et ces départs se sont plus ou
moins compensés et n'ont pas influé sensiblement sur les
inscriptions dans les écoles publiques anglaises. Toutefois, selon les
termes du projet de loi no 1, les enfants arrivant au Québec, qu'ils
viennent d'une autre province ou d'un autre pays, ne pourront s'inscrire
à l'école publique anglaise, sauf si leur père ou leur
mère a reçu, au Québec, l'enseignement primaire en
anglais. L'équilibre sera donc rompu entre les arrivées et les
départs, au niveau des inscriptions à l'école publique
anglaise, et tout départ se traduira par une réduction des
effectifs dans ces écoles.
Afin d'estimer l'ampleur éventuelle du système scolaire
public anglais au Québec, il convient d'analyser ses effectifs
scolaires. Le schéma 1 indique quelles sont les diverses
catégories d'élèves qui alimentent ce système
chaque année. Il est clair qu'il est plus facile d'évaluer
l'effet sur le système scolaire anglais de la Loi no 1 appliquée
à certaines catégories d'élèves qu'à
d'autres. Les statistiques sur l'immigration et les migrations provinciales
étant disponibles, nous procéderons à une estimation des
effets de cette perte pour le système des écoles publiques
anglaises dans la partie II de cette annexe.
La partie III décrit une autre méthode permettant
d'estimer la taille du véritable "noyau" anglophone présentement
dans le secteur scolaire public anglais. A l'avenir, selon le projet de loi no
1, seuls les enfants dont le père ou la mère a
fréquenté l'école primaire anglaise au Québec
auront accès à ce secteur. La plupart d'entre eux seront de
langue maternelle anglaise et seront nés au Québec. Nous
définissons cet ensemble par le terme "noyau". D'autres enfants qui ne
sont pas de langue maternelle anglaise, ou qui ne sont pas nés au
Québec passeront quand même au secteur anglais. Leur nombre sera
inférieur à celui des enfants qui font partie du "noyau" mais qui
néanmoins ne sont pas admissibles au secteur anglais car leurs parents
ont fait leurs études ailleurs. Ainsi, cette méthode produira une
surévaluation de la taille future du système anglais.
La partie IV établit une projection pour les écoles
publiques françaises et traite des effets qu'aurait l'apport de tous les
enfants exclus du système scolaire anglais par le projet de loi no
1.
II. A. Immigration en provenance de l'extérieur du Canada
Les données trimestrielles fournies par Immigration et
Main-d'oeuvre Canada permettent de déterminer le nombre des immigrants
par catégories, en fonction de la langue officielle qu'ils parlent, de
leur âge et de la province qu'ils prévoient habiter. Il semble
raisonnable d'estimer que, jadis, les enfants unilingues anglophones, plus
environ 70% de ceux qui parlaient anglais et français ou une langue
autre que l'anglais et le français, se dirigeaient vers les
écoles anglaises. Tous seront détournés du système
scolaire public anglais au Québec à l'avenir. Le Tableau IV
indique ce total pour les enfants, jusqu'à 17 ans, par année
scolaire de 1972 à 1976.
On constate ainsi qu'en première année se trouvent
actuellement (1976) au moins 318 enfants qui ont immigré à
l'âge de six ans, 395 à l'âge de cinq ans, 347 à
l'âge de quatre ans, etc. Aucun d'entre eux n'aurait été
admissible si le projet de loi no 1 avait été appliqué
à leur arrivée. Si l'on applique le taux moyen d'immigration pour
cinq ans, on trouve 1,923 enfants en première année, ayant
immigré au Québec, venant de l'extérieur du Canada.
Les enfants nés au Québec de parents immigrants seront
également perdus par le système mais nous ne considérerons
pas cet effet.
B. Migration interprovinciale
D'après les publications de Statistique Canada (1), en moyenne
plus de 40,000 personnes, venant d'autres provinces, émigrent au
Québec chaque année. Les documents du recensement indiquent la
répartition par âge et par langue officielle parlée des
personnes vivant au Québec en 1971, et qui résidaient dans une
autre province en 1966. Dans le groupe d'âge 5 à 14 ans, 54%
étaient unilingues anglophones et devaient par conséquent se
trouver dans les écoles anglaises. De plus, une partie des 27% d'enfants
bilingues, anglais et français, fréquentait également les
écoles anglaises. Cependant, nous les exclurons de la perte pour les
écoles anglaises, ne pouvant estimer le nombre de ceux qui se trouvaient
dans ces écoles.
Si l'on compare le nombre annuel de migrants venant au Québec,
soit plus de 40,000 par an entre 1966 et 1971 et les 84,215 qui s'y trouvaient
toujours en 1971 (2), il semble que leur séjour soit relativement court.
La répartition par âge pour les migrations interprovinciales
données par le recensement, permet d'estimer que 8,800 enfants de la
catégorie 0-6 ans arrivent chaque année au Québec en
provenance d'autres provinces. Autrefois, au moins 54% de ces enfants seraient
allés aux écoles anglaises s'ils étaient restés
suffisamment longtemps. Il semble raisonnable d'estimer que, sur cette
proportion, environ la moitié serait perdue pour les écoles
anglaises en première année, le reste étant composé
d'enfants qui sont partis avant d'atteindre l'âge de six ans ou dont les
parents sont temporairement 1. Projections démographiques pour le Canada
et les provinces 1972-2001, Statistique Canada Catalo- gue 91-514, Hors
série (page 50). 2. Recensement du Canada 1971, Population de 5 ans et
plus par catégorie de migration, de langue offi-cielle, d'âge et
de sexe pour le Canada et les provinces, 1971.
transférés. Par conséquent, environ 2,400 enfants,
qui sont actuellement en première année et sont nés dans
d'autres provinces, n'auraient pas été admissibles si le projet
de loi no 1 avait été adopté à leur
arrivée.
Les enfants nés au Québec de parents venant d'une autre
province, n'ayant pas fait leurs études élémentaires en
anglais au Québec, seront également perdus par le système
mais nous ne considérons pas cet effet.
C. Estimation des effets de la perte des enfants nés en dehors du
Québec sur l'ampleur éventuelle du système scolaire
anglais
La perte des enfants nés en dehors du Québec, que ce soit
à l'étranger ou dans les autres provinces canadiennes,
s'élève à: 2,400+1,900=4,300 enfants. En 1976, il y avait
14,200 enfants en première année dans les écoles publiques
anglaises dont 30% n'auraient pas été admissibles pour cette
raison si le projet de loi no 1 avait été en vigueur à
leur arrivée au Québec. De cette façon, si l'on table sur
une migration nette nulle, les effectifs de la première année
seraient inférieurs de 30% en 1982-83. En fait, les départs ont
été plus nombreux que les arrivées et cette perte de 30%
est sous-estimée. Si l'on utilise les taux de transition actuels pour
les différentes années (maximum 100% étant donné
que seules les arrivées peuvent provoquer une augmentation) on peut
estimer l'ampleur éventuelle du système scolaire public anglais
(les résultats sont indiqués dans le Tableau V) en admettant
qu'il n'y ait pas d'autres pertes. Il est fort probable que les pertes par
migration dépasseraient largement toute augmentation possible du nombre
des naissances chez les Québécois anglophones. Si l'application
de la Loi no 1 ne résultait qu'en une perte par migration, on voit dans
le Tableau V qu'en 1992-93 le secteur public anglais n'atteindrait que 49.6% de
sa taille actuelle.
Dans cette partie, nous n'avons pas tenu compte de l'effet qu'aurait la
défection des enfants, nés au Québec, dont ni le
père ni la mère n'ont fréquenté l'école
primaire anglaise au Québec. Nous avons également estimé
que le taux de départ n'augmenterait pas. L'ampleur réelle du
système scolaire public anglais serait ainsi sensiblement
inférieur à 49.6% de la taille actuelle.
III. Autre méthode d'estimation de l'ampleur du système
scolaire anglais.
D'autres méthodes utilisées pour estimer cette ampleur
procèdent par soustraction du nombre des étudiants qui ne sont
plus admissibles. Le but est de parvenir à déterminer la
population "noyau"des écoles anglaises. Ce nombre peut être obtenu
directement si l'on évalue le nombre d'enfants des écoles
anglaises, qui sont nés au Québec, qui y sont restés, et
dont la langue maternelle est l'anglais.
Le Tableau VI indique le nombre des enfants nés au Québec
et de langue maternelle anglaise, résidant au Québec en 1971. Si
l'on estime que la répartition par âge est la même que pour
l'ensemble de la population du Québec, on peut évaluer le nombre
des enfants d'âge scolaire (5-16 ans) dont la langue maternelle est
l'anglais et qui sont nés au Québec. (Tableau VII). Nous savons
également que dans les écoles du Québec, en 1972-73, 5%(1)
des élèves dont la langue maternelle était l'anglais
fréquentaient les écoles françaises. Par
conséquent, en 1971-72 sur les 241 194 élèves des
écoles maternelles et de la première à la onzième
année, dans les écoles publiques anglaises(2), 148 268 x 0.95 -
140 855 étaient de langue anglaise et nés au Québec. Par
conséquent, seulement 58.4% des élèves des écoles
anglaises auraient été admissibles si le projet de loi no 1 avait
été appliqué quelques années avant 1971.
La taille du "noyau" serait probablement sensiblement moindre, parce que
les parents de nombreux enfants nés au Québec, de langue
maternelle anglaise, n'ont pas été à l'école au
Québec et leurs enfants ne seraient pas admissibles. Il est aussi fort
probable que la proportion d'enfants d'origine anglophone augmentera dans les
écoles françaises.
La projection de la population scolaire indiquée dans le Tableau
III a été établie sans tenir compte des restrictions
éventuelles sur la langue. Nous ferons l'hypothèse que ce
même pourcentage (58,4%) calculé pour le "noyau" de 1971-72
s'applique aux projections ci-dessus mentionnées. C'est-à-dire
nous supposons que tous les facteurs entrant dans le calcul de cette
projection, soit la migration, le taux des naissances, les passages d'une
année à l'autre, etc. seront les mêmes pour notre
population "noyau" qu'ils l'auraient été pour la population
projetée.
Les inscriptions totales dans les écoles anglaises en 1986-87
seraient par conséquent de 103 368 (58.4% de 177 000) soit 46.3% des
effectifs de 1976-77 (223 400). Ce résultat est surestimé
puisqu'il ne tient pas compte de l'augmentation probable de la migration des
anglophones en dehors du Québec. 1. Source: Annuaire du Québec
1974, p. 445. Ministère de l'Education du Québec 2. Source:
Clientèle des Commissions scolaires, R. Ferland, déc. 1976,
D.G.P.
IV. Effets sur les écoles françaises
La direction générale de la planification a
récemment terminé une série de projections(1) pour les
écoles du Québec, de 1976-77 à 1981-82. D'après ces
projections, 879 981 élèves fréquenteront les
écoles publiques françaises en 1981-82. Si l'on applique cette
projection à 1985-86 on obtient un chiffre de 870 018 (voir Tableau
VIII). Si l'on ajoute l'ensemble de la perte prévue dans le
système scolaire anglais à la partie III (soit 73 632) au chiffre
de 1986-87, on obtient une hausse de 8.4% seulement pour les écoles
françaises, contre une perte totale de 41.6% cette
année-là pour les écoles anglaises. L'ampleur du
système scolaire public français serait donc ramenée en
1986-87 à 86.8% de son niveau actuel, contre 80.1% sans cet apport.
V. Conclusion
Sur la base des données disponibles au moment où nous
écrivons ces lignes, il est difficile d'obtenir une estimation
réelle du nombre des enfants fréquentant actuellement les
écoles anglaises et qui n'auraient pas été admissibles si
le projet de loi no 1 avait été adopté il y a quelques
années. Les parties II et III ne représentent que des tentatives
en ce sens mais, dans les deux cas, tous les facteurs n'ont pas
été considérés et le résultat surestime
certainement la taille du "noyau".
Remerciements
Ces données ont été préparées par le
bureau de planification de l'Université McGill, à l'aide des
renseignements fournis par Statistique Canada, Main d'oeuvre et Immigration
Canada, le ministère de l'Education du Québec, la Commission
scolaire des écoles protestantes du Grand Montréal, la Commission
des écoles catholiques de Montréal et l'Association
québécoise des commissions scolaires protestantes.
Sources de renseignements 1. Prévisions de la clientèle
scolaire selon le réseau d'enseignement, Québec et régions
administratives scolaires, 1976-77 à 1981-82, C. St. Germain, Direction
générale de la planification (28-1218 D.S.9. 33).
2.Clientèle des commissions scolaires suivant la langue d'enseignement,
le niveau d'enseignement, et le degré d'enseignement, Québec
1971-72 à 1975-76, R. Ferland, Direction générale de la
planification (28-1722 D.T. 9.40). 3. Perspectives démographiques pour
le Québec, 1973-1986-2001, Bureau de la Statistique du Québec. 4.
Main-d'oeuvre et Immigration Canada, statistiques trimestrielles sur
l'immigration par catégorie d'âge, de langue officielle
parlée et de province de résidence prévue. 5. Annuaire du
Québec, 1974. 6. Bulletin 1.4-8 du Recensement du Canada, 1971. 7.
Compilation spéciale de Statistique Canada, Tableaux 5 et 9. 8.
Projections démographiques pour le Canada et les provinces 1972-2001,
Statistique Canada, Catalo- gue 91-514, Hors série. 9. Population,
années d'âge, Recensement du Canada de 1971 (Bulletin 1.2-4). 10.
Population de 5 ans et plus, par catégorie de migration, de langue
officielle, d'âge et de sexe pour le
Canada et les provinces, 1971. Recensement du Canada, 1971. 11.
L'éducation au Canada, Statistique Canada, Catalogue 81-229 (les
données sur 1974 et 1975 seront publiées prochainement). 12.
Statistique de l'enseignement - estimations. Catalogue 81-220 (non
publié). 13. Population, langue par groupe d'âge, Recensement du
Canada de 1971 (Bulletin 1.4-5). 1. Prévisions de clientèle
scolaire selon le réseau d'enseignement, Québec et régions
administratives scolaires, 1976-77 à 1981-82, Claude St.-Germain, jan.
1977, page 229.
Référer à la version PDF page CLF-1158
Référer à la version PDF page CLF-1159
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Référer à la version PDF page CLF-1163
Référer à la version PDF page CLF-1164
Affaires inter-universitaires
Dans la poursuite de ses objectifs fondamentaux en matière
d'enseignement et de recherche, McGill entretient une foule de rapports
officieux, semi-officiels et officiels avec ses universités soeurs au
sein du réseau québécois.
Il serait impossible d'énumérer la multitude des projets
d'enseignement conjoint et de recherche auxquels participent les professeurs de
McGill aux côtés des professeurs d'autres universités
francophones et anglophones. Qu'il nous suffise de citer quelques-unes des
ententes officielles qui permettront de brosser un tableau
général de ces projets de collaboration.
Colloquium mathematicum montis regii (McGill, Montréal)
Colloque de statistique de Montréal (Concordia), McGill,
Montréal)
Séminaire des catégories (Concordia, McGill,
Montréal, UQAM)
GIROQ Groupe interuniversitaire de recherches océanographiques du
Québec (Laval, McGill,
Montréal)
GAMMA Groupe associé Montréal-McGill pour l'étude
de l'avenir (McGill, Montréal)
GIRAME Groupe interuniversitaire de recherches surl'anthropologie
médicale et l'ethnopsychiatrie
(McGill, Montréal)
IREM Institut de recherche en exploration minérale (Ecole
Polytechnique, McGill)
Centre québécois de relations internationales (Laval,
McGill, UQAM)
CIEE Centre interuniversitaire d'études européennes
(Concordia, UQAM, McGill)
II existe également des rapports officiels entre l'Institut
national de la recherche scientifique (INRS) et McGill pour la recherche et
l'enseignement en matière de télécommunications.
Un autre cas de coopération inter-universitaire est
illustré par le programme de doctorat en gestion récemment
créé et offert par les quatre universités de
Montréal.
Bibliothèques
Les bibliothèques de McGill possèdent la plus vaste
collection universitaire de notre province. Cette collection est à
l'entière disposition des professeurs et des étudiants
diplômés de toutes les universités
québécoises. Son service de prêts
inter-bibliothèques est celui auquel on a le plus recours au
Québec.
Les collectivités professionnelles, industrielles et
commerciales, tant à Montréal que dans la province ont toujours
eu facilement accès aux bibliothèques de McGill et elles
continuent à recourir abondamment à leurs services.
Affaires communautaires
Notre participation aux affaires communautaires se manifeste sous forme
d'un courant ininterrompu d'articles publiés dans les quotidiens et
périodiques, d'émissions à la radio et à la TV
animées par des professeurs de McGill à titre individuel et
présentées aussi bien en anglais qu'en français. Lors de
l'enquête sur la Baie James, ce sont les enseignants de McGill agissant
en qualité d'experts-conseils pour divers groupes sociaux, qui ont
fourni un grand nombre des témoignages présentés. Il
s'agit là d'une manifestation qui englobe toute notre
société et qui déborde encore une fois les
barrières linguistiques. A l'heure actuelle, notre engagement le plus
important est probablement celui de Me P.-A. Cré-peau, professeur de
droit à McGill qui préside l'Office de révision du code
civil et celui du professeur Yves A. Caron qui est secrétaire-rapporteur
général du même office.
Le contrat officieux entre l'ensemble de l'université et la
collectivité s'établit tous les trois ans dans le cadre des
"journées d'accueil". Au cours de ces journées, chacun de nos
départements, écoles et instituts ouvre aussi largement que
possible ses portes au grand public. Il s'agit d'une manifestation
entièrement bilingue qui a accueilli quelque 80,000 visiteurs en
l'espace de trois jours.
La bibliothèque ambulante McLennan constitue l'un des plus
anciens engagements pris par McGill en faveur du grand public. Elle remporte
des succès remarquables en dépit de circonstances très
diverses. Son premier lot de livres destiné à une localité
isolée fut expédié en 1901. Il y a deux ans, elle
enregistrait des prêts de 143,000 volumes dans notre province. Chaque
ouvrage prêté est lu par une moyenne de plus de trois personnes.
Avant l'avènement des média électroniques, cette
bibliothèque fut la première à offrir des services
audio-visuels en prêtant des diapositives pour lanternes
accompagnées de textes de conférences et de peintures, gravures
et sculptures données en prêt.
Les séries de conférences données sur le campus
font l'objet d'une large publicité et attirent un public très
nombreux. Citons, à titre d'exemple, la récente série
consacrée aux sociétés pluralistes et dotée de
services d'interprétation simultanée.
Pendant de nombreuses années, le musée Redpath a
été le seul musée d'histoire naturelle de notre province.
Il a été largement fréquenté par le grand public,
ainsi que par les élèves des écoles des deux secteurs de
la collectivité. Comme le manque de fonds a obligé McGill a
fermer bien à regret ce musée au public, le Québec est
aujourd'hui privé de musée d'histoire naturelle.
Le musée McCord qui dispose d'une riche collection de Canadiana
reste, par contre, ouvert au grand public.
Le domaine Gault au Mont St-Hilaire est en cours d'aménagement
pour devenir un centre de loisirs et d'information au service du public. Il a
remporté un succès tel qu'il a fallu prendre des mesures
spéciales pour sauvegarder son environnement naturel. En collaboration
avec les membres de la collectivité, nous étudions les plans qui
permettront d'exploiter encore plus à fond cette précieuse
ressource.
A Ste-Anne de Bellevue, l'arboretum Morgan à l'instar du domaine
Gault, est voué à la recherche scientifique mais il offre aussi
d'importants services publics de loisirs qui sont à la disposition de
tous ceux qui le désirent.
La recherche et le public
II va sans dire que les recherches fondamentales, poursuivies dans tous
les secteurs de l'université ont une portée universelle. Mais il
s'y déroule une foule d'activités qui ont une incidence directe
et immédiate sur notre province d'attache.
Parmi les projets de recherche sur l'environnement, citons les travaux
à long terme consacrés actuellement à la pollution du lac
Memphremagog par MM. Kalff et Leggett, professeurs de biologie projet
auquel collaborent également des professeurs de Concordia et de l'UQAM.
Un autre projet a permis d'étudier les possibilités d'une
meilleure gestion des résidus d'amiante àThetford Mines.
Dans le cadre d'un programme parallèle à celui de
l'Université de Montréal, McGill poursuit une série
d'études consacrées à la sécurité
routière.
Au cours de leurs stages, les étudiants et professeurs de
nombreuses facultés sont amenés à oeuvrer au sein
même de la collectivité. C'est ainsi qu'un professeur de
sociologie s'est consacré à l'étude des relations entre
propriétaires et locataires dans certains quartiers
déshérités de notre ville; de leur côté, les
étudiants en sociologie et en science politique poursuivent des
enquêtes appropriées sur de nombreuses parties de notre
région.
L'Ecole du service social peut être citée en exemple pour
la foule de contacts qu'elle entretient avec des organismes similaires
poursuivant des activités parallèles dans les disciplines aussi
diverses que la médecine (écoles de soins infirmiers école
de physiothérapie et d'ergothérapie), le droit et les sciences
humaines. Les engagements prennent aussi bien la forme de participations
personnelles comme celle du directeur de l'école qui est membre du
Conseil des affaires sociales et de la famille du Québec que de projets
de recherche comme le projet d'évaluation des centres d'accueil des
enfants délinquants ou de la répartition et des besoins des
citoyens âgés de religion juive de Montréal. McGill a
créé un centre d'information exerçant en boutique dans le
quartier de la petite Bourgogne et établi des échanges avec des
organismes et services de bien-être social de la province. Pour illustrer
l'esprit d'engagement particulier qui se manifeste couramment à McGill,
citons le cas de deux professeurs invités pour la session d'hiver 1977
(un professeur des E.-U., l'autre de Grande-Bretagne) qui, non seulement ont
enseigné à cette école, mais aussi organisé des
séminaires publics et semi-publics à l'intention de leurs
confrères et autres professionnels et accordé des entrevues aux
journaux et aux média électroniques. Citons aussi deux
développements propres à la même école, à
savoir d'une part le programme de stage des étudiants dans les bureaux
et usines des entreprises industrielles et commerciales et d'un syndicat et,
d'autre part, le placement des étudiants en service social dans les
centres d'assistance judiciaire installés en boutique pour
épauler dans leur tâche les étudiants en droit.
L'architecture et l'urbanisme sont aussi des secteurs où McGill
participe directement à la vie de la collectivité. Citons, entre
autres, les travaux qui ont abouti à la mise au point de structures pour
le logement des populations autochtones dans le nord et une étude en
urbanisme pour le compte du gouvernement du Québec.
McGill et l'industrie
L'ingénierie évoque une foule de choses pour beaucoup de
gens et les ingénieurs de McGill s'attaquent aux problèmes locaux
dans de nombreux domaines. Les ingénieurs chimistes participent
directement aux études consacrées au traitement et à
l'élimination des eaux usées du Québec ainsi qu'au
contrôle des effluents industriels. Les ingénieurs en
mécanique suivent un cours sur les mécanismes
d'appréciation, unique en son genre. Pendant cinq semaines, des
équipes formées d'étudiants et de représentants
d'entreprises se consacrent à l'examen de problèmes industriels
propres au Québec soumis par les entreprises à
l'Université. Ces études ont permis de réaliser des
économies de prix de revient d'une moyenne de 35% au chapitre des
méthodes de fabrication, de donner une formation en mécanisme
d'appréciation au personnel des entreprises industrielles et une
expérience de l'activité et des problèmes industriels aux
étudiants.
A ce chapitre, comme à d'autres, la langue ne constitue aucun
obstacle à la participation de McGill à l'industrie du
Québec, qu'il s'agisse du niveau de direction ou de celui des ouvriers
d'usine, de la recherche ou du développement technologique. Il y a
déjà longtemps que le Centre des relations industrielles met ses
services offerts dans les deux langues, à la disposition des employeurs
et des syndicats. Il possède une remarquable banque de données
nationales qui fournit aux négociateurs et autres personnes
intéressées des renseignements bilingues et informatisés
sur les conventions collectives. Le Centre vient de créer un Service
consacré à la qualité de la vie active doté d'un
comité consultatif dont les membres tant anglophones que francophones
représentent les employeurs et les employés.
Le Bureau de la recherche industrielle se charge de l'exécution
des contrats industriels rédigés dans les deux langues et son
chiffre d'affaires s'établit actuellement à quelque 2 millions de
dollars par an.
Le Centre de calcul de McGill a mis pendant des années sa
capacité de réserve à la disposition des usagers
extérieurs à l'université. Il abandonne graduellement ce
secteur d'activité car les besoins propres de McGill sont en
augmentation constante et ne tarderont pas à correspondre à la
capacité du Centre.
Au sein de l'Institut de recherche sur les pâtes et papiers,
McGill oeuvre en association avec l'industrie dans le cadre de travaux
pratiques intéressant directement ce secteur. Ces travaux se sont
révélés d'une grande valeur pour l'une des industries les
plus importantes du Québec ainsi que pour des champs d'activité
très éloignés de ce secteur tels que la
médecine.
Etudes sur le nord
L'université McGill possède un Centre d'études et
de recherches sur le nord qui se consacre à présent au
développement des travaux entrepris il y a longtemps dans le Grand Nord.
Elle a créé en 1954 à Shefferville le Laboratoire de
recherches subarctiques pour étudier les problèmes de
l'environnement. Dans le centre-nord québécois, les
anthropologues de McGill poursuivent une étude à long terme sur
l'évolution socio-économique des Indiens Crée. Il y a
longtemps que les géographes travaillent parmi les Esquimaux du Nord
québécois et que les océanographes étudient la
région de la baie d'Hudson. Mécanique des sols, écologie
des plantes, histoire, linguistique, météorologie dans le nord,
etc., etc., font toutes l'objet de travaux de recherche poursuivis à
McGill. Ces recherches impliquent parfois la prestation de certains services;
les services médicaux, en particulier, offrent de remarquables exemples
de la participation de McGill à la collectivité esquimaude.
Formation des enseignants
II pourrait sembler superflu de mentionner la formation des enseignants
assurée par la faculté des sciences de l'éducation, McGill
étant reconnue comme l'établissement qui offre la formation de
base à tous les enseignants anglophones du Québec tant du secteur
catholique que du secteur protestant. Cette formation comprend naturellement
des stages (et la surveillance et la collaboration assurées par des
professionnels) dans les écoles de la région. La formation des
enseignants se poursuit également à l'extérieur
grâce aux cours donnés, par exemple, en Gaspésie et dans le
Grand Nord.
Etudes québécoises
Dans le domaine particulier des études québécoises,
les professeurs de McGill, non seulement ceux de langue et littérature
françaises mais aussi les professeurs d'histoire, de sociologie, de
sciences politiques et de gestion sont directement engagés dans
l'enseignement et les recherches ainsi que la consultation de la
collectivité. Citons à titre d'exemples les études
consacrées au parti créditiste et le sondage de
l'électorat réalisé en octobre/novembre derniers par le
professeur M. Pinard, en collaboration avec le professeur M. Hamilton ; les
études de la culture de masse au Québec aux XIXème et
XXème siècles par le professeur Y. Lamonde et la façon
dont les anglophones et les francophones perçoivent le besoin et la
satisfaction de l'emploi par le professeur R. Kanungo.
Médecine et chirurgie dentaire
Les facultés de médecine et de chirurgie dentaire de
McGill ont un contact direct avec toutes les couches de la population par
l'entremise des Centres hospitaliers universitaires où se concentre
notre enseignement clinique. Nos professeurs et étudiants font partie
des systèmes de prestation de services médicaux du Québec.
Les normes reconnues de qualité de ces services attestent de la grande
compétence du corps professoral de McGill.
Les membres de la faculté ont été des chefs de file
de la collectivité au chapitre des soins de la santé, notamment
au cours des dernières années, grâce à l'initiative
du bureau du vice-doyen concernant la médecine communautaire.
C'est ainsi que la faculté de Médecine de McGill s'est
occupée de la création d'un Centre local de services
communautaires (CLSC) dans le centre de Montréal et que l'Ecole
d'infirmières procède à la mise au point d'un nouveau mode
d'orientation et de service d'hygiène familiale dans une banlieue de
Montréal. Les centres de médecine familiale des cinq
hôpitaux universitaires correspondent aux cinq centres d'enseignement de
pratique familiale que McGill a créés. Les activités de
l'université en matière de santé communautaire sont
exercées à partir d'un département de l'Hôpital
général de Montréal, lequel a aidé, par exemple, le
CLSC de St-Henri à créer des services de pédiatrie et
d'hygiène industrielle. McGill collabore très étroitement
avec les divers paliers du gouvernement puisqu'elle a participé à
la planification des domaines tels que la répartition des services
obstétriques et périnatals et de médecine nucléaire
par le ministère des Affaires sociales.
A titre d'exemple des préoccupations communautaires
spécifiques de McGill qui se manifestent dans tous les services d'un
hôpital d'enseignement, on peut citer le travail d'orientation
génétique pour-
suivi au Montréal Children's Hospital dans le cadre du
réseau provincial de dépistage de la maladie de Tay Sachs au
Québec.
Le département d'Epidémiologie et de Santé dispose
de longs antécédents de travaux consacrés à la
santé publique et notamment à l'amiantose et à la
pollution de l'air dans les régions industrielles du Québec. Il a
établi tout récemment, en collaboration avec notre faculté
de génie, un Centre de médecine et de sécurité du
travail auquel la province vient d'accorder une subvention de
développement pour entreprendre des études sur le milieu du
travail et la santé.
Dans un article publié le 20 avril 1977 par le Devoir, le Dr
Jacques Genest, fondateur de l'Institut de recherches cliniques de
Montréal écrivait ce qui suit: "L'Institut est fier d'être
affilié à l'Université de Montréal parce que les
institutions canadiennes françaises doivent s'épauler
mutuellement au lieu de s'éparpiller et de sombrer dans les querelles de
clocher. De plus, l'Institut a des relations très étroites avec
le "Department of Medicine" de l'Université McGill. Grâce à
cette entente, un bon nombre de jeunes fellows en médecine peuvent
obtenir leur degré de maîtrise ou de doctorat de
l'Université McGill s'ils satisfont aux critères
exigés".
Notre clinique de psychiatrie légale est encore un autre exemple
de notre engagement envers un élément particulier de la
collectivité.
La faculté de chirurgie dentaire, outre les services
généraux mis par ses professeurs et étudiants à la
disposition du public, organise avec l'aide du gouvernement une clinique
d'été où les étudiants d'avant-dernière
année prodiguent des soins préventifs, des conseils et des
traitements à quelque 3000 écoliers par an, quelle que soit leur
langue maternelle. La faculté rédige aussi gratuitement une
chronique hebdomadaire pour le Montreal Gazette. Une version française
de cette chronique a été offerte à plusieurs journaux qui,
malheureusement, n'ont pas encore accepté de la publier.
Agriculture
L'engagement de cette faculté envers l'agriculture de la province
est reconnue dans tous les milieux. Ses services complets d'extension sont
entièrement bilingues et toutes les parties du Québec y ont
recours. Ils couvrent tous les aspects de l'agriculture et de l'exploitation
des boisés. Citons trois exemples récents: études des
dommages causés aux sols par l'emploi abusif de la machinerie agricole,
production du sirop de bouleau et contrôle du champignon des carottes
gardées en entrepôt. La plus grande entreprise du Collège
MacDonald, le Service d'analyse des troupeaux laitiers, porte aussi le nom de
"troupeau laitier de 200 000 têtes". En fait, les travaux portent sur
5100 troupeaux et visent le maximum de qualité et de quantité
pour le lait produit au Québec et dans certaines parties des provinces
maritimes.
Education permanente
La volonté de servir cet aspect de l'enseignement, voilà
ce dont McGill se préoccupe depuis longtemps. Des cours de
perfectionnement en langues y sont donnés ainsi que des cours du soir
aux membres des professions libérales qui désirent
acquérir une plus grande compétence. Nous nous occupons aussi
depuis quelque temps du perfectionnement des qualifications professionnelles.
Ce sont les besoins du public qui nous dictent les programmes à
créer dans le cadre de l'éducation permanente.
C'est ainsi que l'Institut de gestion offre des cours et des
séminaires consacrés aux divers aspects des problèmes de
gestion et invite des chargés de cours spécialisés venus
de toutes les parties de l'Amérique du nord.
Le Centre d'éducation permanente en médecine fait
généreusement appel aux ressources de la faculté de
médecine pour établir ses programmes.
Les séminaires organisés par le département de
génie minier et métallurgique à l'intention des candidats
au doctorat sont aussi mis à la disposition des membres de
l'industrie.
Sous l'impulsion du Code des professions, le Centre a créé
un poste de directeur adjoint chargé de la promotion de
l'éducation permanente au sein des professions.
Cela ne veut pas dire que le Centre néglige pour autant d'autres
intérêts communautaires. Il offre, en fait, des cours du soir
couvrant une foule de domaines allant de l'aquarelle aux cours de gestion pour
les femmes en passant par l'histoire, etc.
Musique
La faculté de Musique est un carrefour pour toute la
collectivité des musiciens professionnels et ses divers publics. Il s'y
établit une collaboration particulièrement étroite avec
les professeurs de musique des écoles et la faculté offre une
aide considérable, officielle et officieuse, aux ensembles et groupes
d'étudiants. A la salle de concert Maurice Pollack il se donne chaque
année quelque 200 concerts organisés par McGill. Les
représentations font l'objet d'une publicité auprès du
public et celui-ci a gratuitement accès à la plupart d'entre
elles. La salle elle-même est en outre retenue de temps à autre
pour des représentations à caractère commercial.
Un exemple historique de service communautaire
L'Observatoire de McGill est un exemple frappant d'un service
communautaire remontant bien loin dans l'histoire, puisqu'il date d'avant la
confédération. En voici les principales étapes:
1841: Création de l'observatoire météorologique par
Charles Smallwood, M.D. à côté de la maison de celui-ci
à St-Martin (qui fait actuellement partie de la ville de Laval) 1842:
Début des observations météorologiques
(température, pression, "météorologie" quantitative) au
Montreal High School (trois relevés quotidiens pendant 27 ans) 1846:
Début des quatre relevés quotidiens à St-Martin
(poursuivis pendant 16 ans) 1856: Le Dr Smallwood obtient un grade honorifique
et il est nommé professeur de météorologie sans traitement
à l'université McGill. 1863: Le Dr Smallwood construit
l'Observatoire de McGill et y installe les instruments de St-Martin. 1871 :
Financement complet de l'observatoire assumé conjointement par le Bureau
des communications du ministère de la guerre des E.-U. et du
ministère de la Marine et des Pêcheries du Canada. 1874:
L'Observatoire de McGill devient une "station principale" dans le réseau
d'observation du Service météorologique. 1874: L'Observatoire
devient aussi le quartier général des signaux "horaires" pour
tout le Canada. Ce n'est qu'en 1927 que l'Observatoire du Dominion à
Ottawa prend en charge la transmission des signaux "horaires" pour le pays.
McGill continue cependant à envoyer pendant 50 autres années les
signaux horaires aux chemins de fer.
Aujourd'hui on trouve encore un observatoire
météorologique sur le campus. Ses relevés forment un point
de référence constant pour les demandes de renseignements du
public. Les membres de son personnel sont même invités à
témoigner devant les tribunaux lorsqu'il y a un différend au
sujet des conditions atmosphériques régnant au moment d'un
accident. C'est l'Observatoire météorologique par radar,
situé à Ste-Anne de Bellevue qui poursuit aujourd'hui les
recherches météorologiques et s'occupe de la
sécurité aérienne.
ANNEXE II
La charte de la langue française au
Québec
Commentaires présentés à
la
Commission parlementaire sur l'Education
les Affaires culturelles et les Communications
par le Centre des dirigeants d'entreprise
Juin 1977
INTRODUCTION 1.- Le CDE tient à affirmer une fois de plus
qu'il reconnaît la nécessité d'une intervention
gouvernementale ayant pour but d'assurer la revalorisation et
l'épanouissement de ta langue française au Québec.
D'ailleurs, il semble bien que tous les Québécois,
à peu d'exceptions près, se rendent à l'évidence
que, dans une province où les francophones constituent 80% de la
population, il est tout à fait normal que le français soit la
langue ordinaire des communications dans tous les domaines. 2.- Cette
convergence d'opinions sur le principe de la primauté du français
est déjà une victoire considérable dont il faut se garder
de sous-estimer l'importance. Elle permet de juger objectivement les deux
attitudes principales à l'égard du projet de loi no 1:
La première consiste à adopter une vue pessimiste du
présent et de l'avenir et à concevoir comme essentielle une
politique de défense systématique du français. La langue
et même la survie des Canadiens-français étant
menacées, on doit les protéger par tous les moyens, même
s'il faut, pour y parvenir, restreindre les droits et privilèges d'une
partie des citoyens; La deuxième attitude repose sur une vue plus
sereine de la situation, sur la conviction que l'affranchissement des
Québécois francophones est déjà engagé de
façon irréversible, qu'il se réalisera par l'affirmation
de leur propre vitalité dans toutes les formes d'activités et par
leur contribution attentive à toutes les valeurs dont l'ensemble
constitue une civilisation. Pour les tenants de cette position, le
Québec n'est ni les Etats-Unis, ni l'Ontario, ni la France. Pour eux, le
Québec de l'avenir se réalisera dans un dynamisme qui saura
concilier, sous un signe français, la diversité de ses
composantes.
3.- Dès l'origine du débat sur la politique linguistique,
le CDE optait pour cette dernière attitude. 3.1.- Dans ses positions
antérieures, il attribuait une priorité très claire
à la langue française. Par ailleurs, il a eu le sentiment d'aller
à la limite de ce qu'il était possible d'exiger de la part des
anglophones du Québec dans les cadres d'un régime
démocratique décent. 3.2.- Il insistait sur l'adoption d'une
méthode incitative, assortie d'engagements fermes de la part des
entreprises quant à la réalisation de leur propre politique de
francisation et de francophonisa-tion. 3.3.- Le choix de l'incitation
plutôt que de la coercition était fondé sur les
résultats d'un sondage effectué par le CDE auprès de ses
membres. Parmi les répondants, 82% avaient opté pour la
méthode incitative. 4.- Or, l'évolution de la situation depuis
quelques années semble confirmer hors de tout doute que la
méthode incitative donne des résultats très positifs.
4.1.- Les rapports quotidiens
Le domaine des rapports quotidiens entre les deux groupes linguistiques
se prête mal à l'analyse statistique. Mais il suffit de vivre
à Montréal pour constater que les anglophones font du
français un usage beaucoup plus délibéré que par le
passé. Cette disposition se manifeste aussi bien dans les rapports
personnels ou sociaux qu'à l'occasion des multiples échanges
commerciaux dont est faite la vie de tous les jours.
Fait significatif, l'évolution des anglophones s'est
effectuée avec un minimum de heurts et sans soulever les antagonismes
qui, sous l'effet de méthodes coercitives, auraient pu empoisonner le
climat social. On aurait donc eu raison de miser sur la maturité des
groupes linguistiques. 4.2.- L'école
Dans le domaine scolaire, l'acceptation du français par les
anglophones se manifeste à un rythme accéléré,
comme l'établissent les renseignements fournis dans le mémoire
d'Action positive; participation des élèves des écoles
maternelles aux cours d'immersion en français: 2% en 1965; 50% en 1976;
participation actuelle des élèves de 7ième année
(écoles protestantes du Grand Montréal) aux cours d'immersion en
français: 45%.
Le mémoire ajoute que les parents anglophones réclament
à grands cris un enseignement plus étoffé et de meilleure
qualité du français, "qui est essentiellement limité par
l'insuffisance des ressources accordées par le ministère de
l'éducation du Québec pour l'enseignement de la langue seconde".
LE CDE considère que cette affirmation doit être
vérifiée. Si elle s'avère exacte, il serait anormal que le
gouvernement fasse porter à nos concitoyens anglophones les
conséquences d'une déficience dont il serait le premier
responsable. 4.3.- L'entreprise
On assiste aussi à une évolution substantielle de la
situation au sein des entreprises. Evolution inégale selon qu'il s'agit
de telle ou telle entreprise, de tel ou tel niveau de responsabilité,
d'un siège social ou d'une filiale, etc.
On sait que de nombreuses entreprises ont adopté des programmes
de francisation et de fran-cophonisation: cours de français aux cadres
anglophones, embauchage ou promotion de francophones à des postes de
plus en plus élevés de la structure hiérarchique. Sur ce
dernier aspect, le Montreal Board of Trade vient de jeter un éclairage
partiel mais révélateur. On y constate en effet que la
présence des cadres francophones a augmenté
considérablement, depuis dix ans, au sein des 33 entreprises qui ont
répondu aux questionnaire du Board. Au cours des derniers mois, quatre
Québécois francophones ont accédé à la
vice-présidence dans trois banques à propriété
anglophone.
Ces renseignements épars ne constituent pas une preuve que les
changements escomptés se réalisent au rythme désirable
dans toutes les entreprises-cibles. Mais ils confirment les opinions et les
constatations de nombreux observateurs et de personnes engagées pour le
compte du gouvernement, dans l'application de la politique linguistique: les
entreprises ont généralement manifesté leur
disponibilité à l'endroit de la francisation de leurs
opérations et de la francopho-nisation de leurs cadres. Les cas se
multiplient d'entreprises où les communications en français entre
le bureau-chef et les succursales sont devenues la règle
générale.
On peut déplorer qu'aucune recherche exhaustive ne permette de
prendre une vue claire de la situation. Mais quel que soit
l'intérêt que puisse présenter une telle recherche, les
conclusions en resteraient toujours constestables.
D'ailleurs aucune enquête statistique ne peut rendre compte de la
complexité et de la variété des circonstances dans
lesquelles se situe l'application aux entreprises d'une politique
linguistique.
Le CDE tient à verser au dossier deux tableaux extraits d'une
recherche effectuée pour d'autres fins en 1975 (1), auprès de 244
cadres (2) répartis dans 35 entreprises, dont 19 francophones et 16
anglophones (3). Nous sommes conscients du fait que l'échantillon ne
répond que de façon imparfaite aux critères qui
s'appliqueraient à une étude sur les facteurs linguistiques et
que les limites de notre recherche ne permettent pas de souligner de tendance.
Mais de l'analyse de ces données on peut quand même dégager
des constatations utiles. (Voir tableaux 1 et 2, pages 5 et 6).
Notes sur le tableau 1
Age des cadres 79% des cadres francophones ont moins de 45 ans. 49% des
cadres anglophones ont moins de 45 ans.
Langue de travail
Avec les cadres utilisation de l'anglais par les francophones: 30%.
utilisation du français par les anglophones: 17%.
Avec les employés utilisation de l'anglais par les francophones:
8%. utilisation du français par les anglophones: 33%.
Avec les clients utilisation de l'anglais par les francophones: 22%.
utilisation du français par les anglophones: 20%.
A retenir la jeunesse relative prononcée des cadres francophones.
la charge du bilinguisme est plus lourde pour les cadres francophones en ce qui
concerne les relations avec les autres cadres et avec la clientèle.
(1) Cette recherche a été réalisée par
Multi-Réso Inc., pour le compte d'un comité conjoint
composé de représentants du CDE, du ministère du Travail
et de la Main-d'Oeuvre du Québec, et du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de l'Immigration du Canada.
(2) Les données de la recherche ne fournissent pas de
renseignements précis sur l'appartenance des cadres à telle ou
telle entreprise. En nous basant sur les informations obtenues auprès de
12 entreprises, nous estimons qu'au plus 60 des cadres, sur 244, travaillaient
pour des entreprises francophones.
(3) Secteurs représentés: 1) fabrication de biens de
consommation 2) distribution 3) fabrication de biens industriels 4)
communications 5) finance.
Référer à la version PDF page CLF-1172
l'utilisation du français par les cadres anglophones, dans leurs
rapports avec les employés, est relativement élevée.
Notes sur le tableau 2
Du tableau 2, nous proposons de considérer les
éléments suivants: l'expérience nettement plus longue des
cadres anglophones chez leur employeur actuel; la plus grande
variété de l'expérience des cadres anglophones;
l'âge médian des cadres francophones (36.4) ans et des cadres
anglophones (45.2 ans); le fait que les cadres anglophones travaillent
généralement pour des entreprises de plus fortes dimensions,
c'est-à-dire pour entreprises anglophones.
A retenir
Les facteurs mentionnés ci-dessus expliquent dans une bonne
mesure la différence du salaire médian ($18,189. vs $22,954.) des
cadres francophones et des cadres anglophones; on peut difficilement
déceler, dans les conditions décrites, des traces de
discrimination à ce sujet.
La jeunesse des cadres francophones et leur nombre relativement
élevé invitent à croire que les politiques d'embauchage
des entreprises se sont modifiées à des dates plutôt
récentes, mais qu'elles tendent à favoriser le groupe
francophone. Il est intéressant de constater que la répartition
des cadres de notre échantillon reflète à peu près
exactement les proportions des deux principaux groupes linguistiques de la
région de Montréal (1).
Remarques
Dans l'attribution de nouvelles fonctions, les entreprises
procèdent le plus souvent par promotions internes, compte tenu de
l'expérience des candidats. Dans ces conditions on peut raisonnablement
présumer que l'accession des francophones aux postes supérieurs
sera fonction, à compétence égale, du nombre qu'ils
représentent actuellement et qu'ils représenteront à
l'avenir dans l'ensemble de cette catégorie d'employés. Cette
perspective est confirmée par des déclarations très nettes
de chefs d'entreprise.
Nous le répétons, les données utilisées ici
ne permettent pas d'apporter des réponses péremp-toires au
problème de la pénétration du français et des
francophones dans l'entreprise au Québec. Elles permettent
néanmoins de constater: - que les cadres francophones constituent un
bloc substantiel dans un certain nombre d'entreprises importantes; -que cette
situation s'est développée à la faveur d'une politique
incitative, appuyée par une volonté ferme des pouvoirs
publics.
Nous le reconnaissons, des ilôts de résistance persistent.
Certaines entreprises semblent hésiter, par exemple, à introduire
des francophones dans les plus hauts paliers de leur structure administrative.
Il s'agit d'une déficience sérieuse, dans la mesure où la
communauté de langue et de culture constitue un facteur
privilégié de compréhension réciproque entre
individus. Comme l'expérience le démontre, la présence
d'un francophone vigoureux dans une fonction élevée est souvent
une condition nécessaire à une francophonisation sérieuse
du milieu.
Mais, on vient de le rappeler, les promotions doivent répondre
à des critères d'efficacité qui obligent à compter
avec le temps. Le CDE estime que l'application de méthodes coercitives,
dans un contexte aussi sensible et où les conditions varient
énormément d'une entreprise à l'autre, pourrait
entraîner des résultats contraires aux objectifs poursuivis. Des
initiatives récentes dans ce sens, de la part de fonctionnaires
peut-être bien intentionnés mais fort maladroits, ont
provoqué des réactions très négatives de la part
des entreprises en cause. On devrait se garder de multiplier de semblables
erreurs sous peine de susciter une opposition sourde à tout programme
dans ce domaine, ou de pousser les entreprises à quitter le
Québec. 4.4.-Les sièges sociaux
Le cas des sièges sociaux des entreprises d'envergure canadienne
ou internationale mérite une attention spéciale.
Pour assurer leur efficacité administrative, ces entreprises
doivent: maintenir des communications constantes avec des unités
réparties sur un territoire plus ou moins étendu;
(1) A quelques exceptions près, les effectifs des entreprises qui
ont participé au sondage sont fortement concentrés dans la
région Montréalaise.
tenir compte, dans leurs communications écrites et
parlées, de la langue et de la densité des divers groupes
nationaux qui constituent l'ensemble de l'entreprise; assurer la
présence, au sein de leur siège social, d'un certain nombre de
représentants des unités régionales ou nationales, nombre
qui varie selon l'importance de chacune des unités.
Ces représentants font au siège social des stages plus ou
moins prolongés.
La langue de travail d'un siège social est la langue
parlée par les effectifs nationaux les plus nombreux, soit celle, le
plus souvent, du pays d'origine de l'entreprise.
On ne saurait logiquement imposer aux sièges sociaux des
entreprises canadiennes ou multinationales des règles qui leur
rendraient impossible l'exercice de leurs obligations.
Le CDE estime toutefois que l'Office de la langue française
pourrait prendre, avec ces entreprises, des arrangements souples ayant pour
but: d'introduire, au sein des sièges sociaux, un nombre de cadres
supérieurs et intermédiaires québécois compatible
avec l'importance relative des effectifs québécois dans
l'ensemble de leur personnel; ces cadres devraient être bilingues et on
devrait y trouver une proportion équitable de francophones; de
privilégier, à compétence égale, l'embauchage de
Québécois pour les postes subalternes, en tenant compte du
même facteur linguistique; d'encourager l'usage du français au
travail dans les sièges sociaux, dans la mesure où le permet
l'efficacité des opérations. 5.- Un arrière-plan
menaçant
L'aptitude à résoudre par la conciliation les
problèmes sociaux est d'une importance toute particulière
à ce moment de l'histoire de l'humanité.
Quelles que soient l'ampleur et l'urgence des conflits internes qui se
posent au Québec, il ne peut s'isoler de l'immense branle-bas qui agite
le monde entier. On nous rappelle de tous côtés que la pollution,
l'épuisement rapide de certaines ressources naturelles, la croissance
désordonnée des grandes villes, le partage plus équitable
de biens limités exigeront très bientôt des interventions
de grande envergure. Pour être à la fois efficaces et justes,
celles-ci devront comporter, notamment une révision majeure de certains
modes de production et de divers facteurs de la croissance, une nouvelle
répartition des moyens de subsistance entre groupes ou pays riches et
ceux qui sont démunis.
L'ampleur et l'urgence du défi ne font plus de doute. Même
en choisissant le plus optimiste des scénarios, on doit en venir
à la conclusion que seul le choc brutal qu'il provoque et le
désarroi qui en découle empêchent les Etats de prendre les
mesures qui s'imposent.
Quel que soit, à court ou moyen terme, son destin politique, le
Québec devra être partie à la solution du problème,
car il met en cause non seulement les continents et les pays, mais tous les
paliers de gouvernement et chacun des citoyens.
Quand arrivera l'heure, qui ne saurait tarder, où nous serons
contraints de relever notre part de cet énorme défi, nous serions
privilégiés de pouvoir compter sur une population activement
engagée dans un processus de conciliation, plutôt que
divisée par les conflits de langue ou de race, ou encore
économiquement anémiée sous l'effet d'une intervention
trop autoritaire de l'Etat. 6.- Ses vues sur la politique linguistique, le CDE
tend à les situer dans une démarche socio-économique
cohérente. Il préconise, à l'égard des relations
entre l'entreprise et les syndicats, une approche fondée sur la
participation, la concertation, la conciliation des intérêts. Ces
attitudes seront essentielles, sans aucun doute, au règlement des
difficultés majeures que nous venons d'évoquer.
Le CDE se croit justifié de suggérer qu'on applique les
mêmes règles de comportement dans la solution de la question
linguistique.
La charte de la langue française au
Québec
Commentaires du CDE sur certaines parties du projet de
loi no 1
Préambule
Premier paragraphe
L'Assemblée Nationale constate que"la langue française
est, depuis toujours, la langue du peuple québécois et que c'est
elle qui lui permet d'exprimer son identité".
Le projet de loi no 1 a pour but évident, et
généralement reconnu comme légitime, de promouvoir
l'utilisation et l'épanouissement de la langue française. Mais en
affirmant sans restriction que la
langue française est la langue du peuple québécois,
ce premier paragraphe introduit dans le débat un élément
dialectique qui pèse lourdement sur certaines des orientations
fondamentales du texte. Si elles sont maintenues, ces orientations auraient
pour conséquences de nier les droits des anglophones à des
éléments importants de leur autonomie culturelle.
Recommandation
Que le premier paragraphe du préambule soit modifié de
façon à préciser que la langue française est la
langue de la majorité du peuple québécois.
Note
La rectification proposée, si on en dégage la logique,
permettrait d'atténuer la portée des dispositions actuelles
à l'endroit de la minorité qui serait alors perçue comme
une entité distincte.
Article 7 "Le français est la langue de la législation et
de la justice au Québec."
Article 11 "Les personnes morales s'adressent dans la langue officielle
aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou
quasi-judiciaires; elles plaident devant eux dans la langue officielle,
à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent
à plaider en langue anglaise."
Commentaire
Les dispositions qui s'appliquent actuellement auprès de
l'Assemblée nationale et des tribunaux semblent répondre aux
besoins de tous les Québécois; et les libertés dont
jouissent les anglophones ne restreignent en aucune façon les droits des
francophones.
Recommandation
Que soit rétabli sans restriction, dans les articles 7 et 11, le
droit de s'adresser à l'assemblée nationale et aux tribunaux dans
la langue de son choix.
Article 19 "Nul ne peut être nommé, muté et promu
à une fonction dans l'Administration s'il n'a de la langue officielle
une connaissance appropriée à la fonction qu'il postule.
Cette connaissance doit être prouvée suivant les
prescriptions des règlements du gouvernement, lesquels peuvent pourvoir
à la tenue d'examens et à la délivrance
d'attestations."
Commentaire
Nous approuvons l'intention exprimée dans cet article. Il nous
fournit l'occasion de formuler de nouveau une recommandation contenue dans
notre mémoire de 1973 sur la question linguistique.
Recommandation
Que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour faire
place, à tous les niveaux de la fonction publique, à un nombre
plus élevé d'anglophones aptes à apporter une contribution
efficace à l'administration des affaires de la province.
Note
La participation d'anglophones compétents à
l'administration publique constituerait, croyons-nous, un important facteur
d'intégration des citoyens de leur groupe dans l'ensemble socio-culturel
du Québec.
Article 20 "Les services et organismes de l'Administration communiquent
entre eux dans la langue officielle."
Article 21 "Le français est la langue de communication à
l'intérieur des services et organismes de l'Administration.
Sont rédigés dans la langue officielle les ordres du jour
et les pro ces-verbaux de toute assemblée délibérante dans
l'Administration."
Article 22 "Sauf pour des raisons tenant à la santé ou la
sécurité publique, l'Administration n'utilise que le
français dans l'affichage."
Article 23 "Les organismes municipaux ou scolaires dont les
administrés sont en majorité de langue anglaise doivent se
conformer aux articles 14 à 22 avant l'expiration de l'année 1983
et, entre-temps, prendre les mesures voulues pour atteindre cet objectif,
à défaut de quoi l'Office de la langue française peut
intervenir conformément à l'article 99. Tout administré de
ces organismes a toutefois le droit d'exiger d'eux, dès l'entrée
en vigueur de la présente, que soient rédigés en
français les textes et documents qui lui sont destinés.
Dans les organismes scolaires, le français et l'anglais peuvent
être utilisés comme langue de communication interne des services
chargés d'organiser ou de donner l'enseignement en anglais."
Commentaire
Ces articles auraient pour effet de refuser aux anglophones le droit de
communiquer entre eux en anglais, même au sein d'organismes
créés par eux pour leur propre usage et dont les
administrés sont souvent en grande majorité de langue
anglaise.
Recommandation
Les articles 20, 21 et 22 devraient, sans restreindre les droits des
francophones et de la langue française, conférer aux organismes
dont les administrés sont en majorité de langue anglaise le
droit: de communiquer entre eux et avec l'extérieur dans cette langue;
d'utiliser la langue anglaise dans leurs communications internes et pour fins
d'affichage.
L'article 23 pourrait alors être éliminé.
Article 27 "Les ordres professionnels doivent communiquer en
français avec leurs membres ainsi qu'avec le public."
Article 30 "Les ordres professionnels ne peuvent délivrer de
permis d'exercer au Québec qu'à des personnes ayant de la langue
officielle une connaissance appropriée à l'exercice de leur
profession.
Cette connaissance doit être prouvée suivant les
prescriptions des règlements du gouvernement, lesquels peuvent pourvoir
à la tenue d'examens et à la délivrance
d'attestations."
Article 32 "Les ordres professionnels peuvent délivrer des permis
temporaires valables pour une période d'au plus un an aux personnes
autorisées à exercer leur profession en vertu des lois d'une
autre province ou d'un autre pays et qui ne remplissent pas les conditions de
l'article 30 quant à la connaissance de la langue officielle.
Ces permis ne sont renouvelables que deux fois, et sous réserve
que l'intérêt public le justifie. Pour chaque renouvellement, les
intéressés doivent se présenter à des examens tenus
conformément aux règlements du gouvernement."
Commentaire
L'application de ces articles pourrait restreindre
considérablement: le fonctionnement normal des services de recherche
administrés par des entreprises ou par d'autres institutions; la
qualité des services actuellement offerts par les bureaux professionnels
d'experts-conseils
En Amérique du Nord, la langue anglaise est, pour une part
prédominante, la langue de la recherche. Selon des informations
sérieuses, 60% des chercheurs exerçant leurs activités au
Québec proviennent de l'extérieur.
Quelle que soit leur langue maternelle, ces spécialistes doivent
maintenir des rapports continus avec des institutions étrangères,
rapports essentiels à l'efficacité de leurs travaux. Et dans la
mesure
même où ils évoluent, ces organismes doivent pouvoir
compter sur les ressources parfois exceptionnelles détenues par des
individus dont ils doivent s'attacher la collaboration. Ces emprunts ne sont
pas limités au Québec. Ils sont une condition primordiale du
progrès de la connaissance.
La même réflexion s'applique au cas des bureaux
d'experts-conseils, surtout de ceux qui ont atteint une envergure
internationale. Ces institutions, souvent désignées par des
Québécois francophones, emploient parfois des centaines
d'universitaires spécialisés dans une foule de disciplines
différentes. Cette polyvalence, qui leur est imposée par la
nature même de leurs travaux, elles la doivent à leur aptitude
à se procurer et à retenir les services des hommes les plus
compétents dans leur domaine. De fait, le personnel de certains bureaux
provient fréquemment d'une multitude de pays différents. On
conçoit facilement que les individus en cause reçoivent des
offres de toutes parts, parmi lesquelles ils choisissent celles qui leur seront
le plus favorables et leur imposeront le moins de contraintes.
Une grande partie des activités de ces personnes se
déroule à l'étranger. Pour elles, comme pour les
spécialistes de la recherche, la langue commune des communications est
ordinairement la langue anglaise. C'est un fait que le Québec doit
reconnaître, tout comme la France ou l'Italie.
Recommandation
Le CDE interprète l'article 27, et plusieurs autres où
pourrait se poser la même ambiguité, comme n'interdisant pas aux
ordres professionnels de communiquer en français avec leurs membres et
avec le public.
Les professionnels non Québécois,
spécialisés dans la recherche ou dans une discipline exclusive,
devraient être exemptés du test de la connaissance du
français prévu à l'article 30.
L'article 32 devrait être modifié en
conséquence.
Article 34 "Les conventions collectives et leurs annexes ne peuvent
être déposées en vertu de l'article 60 du Code du travail
(Statuts refondus, 1964, chapitre 141) que si elles sont rédigées
en français."
Recommandation
Le CDE ne voit aucune objection à ce que les conventions
collectives soient rédigées dans la langue de la majorité
des travailleurs et à ce que soit fournie une version dans la langue du
groupe minoritaire.
Article 35 "Lors de l'arbitrage d'un grief ou d'un différend
relatif à la négociation, au renouvellement ou à la
révision d'une convention collective, la sentence arbitrale doit
être rédigée en français ou être
accompagnée d'une version française dûment
authentifiée. Seule la version française de la sentence est
officielle.
Il en est de même des décisions rendues en vertu du Code du
travail par les enquêteurs, les commissaires-enquêteurs et le
Tribunal du travail."
Recommandation
L'arbitrage des griefs devrait se dérouler dans la langue du
réclamant; celui-ci devrait avoir droit à une version, dans la
même langue, de la sentence arbitrale.
Article 36 "II est interdit à tout employeur de congédier
ou rétrograder un salarié pour la seule raison qu'il ne parle que
le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue
donnée, autre que le français.
Toute contravention au présent article, en plus de constituer une
infraction à la présente loi, autorise le salarié à
faire valoir ses droits auprès d'un commissaire-enquêteur
nommé en vertu du Code du travail, au même titre que s'il
s'agissait d'un congédiement pour activités syndicales; les
articles 14 à 19 du Code du travail s'appliquent alors, mutatis
mutandis."
Article 37 "II est interdit à tout employeur d'exiger pour
l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance d'une
langue autre que le français, à moins que l'accomplissement de la
tâche ne nécessite la connaissance de cette autre langue,
conformément aux règlements adoptés à cet effet par
l'Office de la langue française.
Il incombe à l'employeur de prouver que la connaissance de
l'autre langue est nécessaire".
Commentaire
Nous ne voyons pas le bien fondé de ces articles. L'entreprise
n'a pas intérêt à déformer le contenu d'une
tâche. Elles s'exposerait à en subir bientôt le contre-coup
économique. Il suffit, nous semble-t-il, que le degré de
connaissance de l'anglais requis pour telle tâche soit ouvertement
exprimé, et comment peut-il en être autrement?
L'entreprise doit conserver le droit de décision dans ce domaine.
En accordant aux travailleurs le droit de concertation, à cet
égard, on s'exposerait à introduire dans les relations du travail
des procès d'intention, des débats idéologiques
interminables. Chaque grief pourrait être l'occasion d'une remise en
cause d'un ou de plusieurs aspects fondamentaux de la politique
linguistique.
Recommandation
Nous considérons que ces articles devraient être
supprimés.
Article 41 "Est reconnu aux consommateurs le droit d'être
informés en français dans tous les cas suivants:
désignation des biens et services, offre, présentation,
publicité écrite ou parlée, mode d'emploi, étendue
et conditions de garantie.
Les mêmes dispositions s'appliquent aux catalogues,
dépliants et brochures, aux étiquettes et inscriptions de
caractère permanent, ainsi qu'à tout texte accompagnant les biens
offerts au public.
L'Office de la langue française peut réglementer
l'utilisation d'autres langues, sous réserve que le français
domine ou â tout le moins figure d'une façon aussi évidente
que toute autre langue."
Article 44 "Est reconnu à tout intéressé le droit
d'exiger que soient rédigés en français les contrats
d'adhésion, les contrats où figurent des clauses-types
imprimées, les formulaires de demande d'emploi ainsi que les documents
s'y rattachant".
Article 45 "Est reconnu à toute personne le droit d'exiger que
soient rédigés en français les bons de commande, factures,
reçus et quittance qui lui sont présentés ainsi que les
menus et cartes de vin".
Article 46 "L'affichage commercial doit se faire uniquement en
français.
Par "affichage", on entend l'action d'exposer un texte à la vue
du public aussi bien que le texte ainsi exposé, quelles qu'en soient la
forme, la dimension ou la nature, le support matériel qui soutient le
texte, ainsi que tout panneau-réclame et toute enseignelumineuse, sous
réserve toutefois des exceptions prévues aux règlements de
l'Office de la langue française et portant notamment sur: a) les
messages de caractère international; b) les messages destinés aux
étrangers, à des particuliers en tant que tels ou à des
groupes restreints; et c) les messages destinés à des organes
d'information diffusant dans une langue autre que le français".
Article 47 "Tout tribunal de Juridiction civile peut, à la
demande du procureur général formulée par voie de
requête, ordonner que soient enlevés ou détruits, dans un
délai de huit jours à compter du jugement, les affiches, les
annonces, les panneux-réclame et les enseignes lumineuses contrevenant
aux dispositions de la présente loi, et ce, aux frais des
intimés.
La requête peut être dirigée contre le
propriétaire du matériel publicitaire ou contre quiconque a
placé ou fait placer l'affiche, l'annonce, le panneau-réclame ou
l'enseigne lumineuse".
Commentaire
Les articles 41, 44 et 45 ne présentent pas de
difficultés, dans la mesure où les droits des francophones ne
sont pas exclusifs de ceux des anglophones. Outre les principes en cause,
l'usage exclusif du français dans ces domaines pourrait se traduire
parfois par une augmentation considérable des coûts, dont
l'étiquetage est une illustration probante; nous songeons ici aux
entreprises qui écoulent leurs produits à la fois au
Québec et à l'extérieur.
L'usage exclusif du français pour fins d'affichage (art. 46)
équivaudrait, à nos yeux, à faire abstraction d'une
dimension importante de la réalité ethnique, sociologique et
économique du Québec. Il nous apparaît que les
francophones, du monde des affaires tout au moins, ne tiennent nullement
à éliminer toute manifestation de la présence
anglophone.
Recommandation
Les articles 41, 44 et 45 devraient conférer aux anglophones,
dans les domaines concernés, des droits égaux à ceux des
francophones.
L'affichage commercial et l'étiquetage (art. 46) devraient se
faire en français, ou à la fois en français et dans une
autre langue, pourvu que le français jouisse d'une importance au moins
égale à celle de l'autre langue.
Article 48 "Les raisons sociales doivent être en langue
française.
Quiconque utilise une raison sociale en infraction au présent
article doit la modifier ou la faire modifier avant le (insérer ici la
date qui suit de trois ans celle de l'entrée en vigueur de la
présente loi).
Le présent article s'applique également à
l'enregistrement des raisons sociales effectué en vertu de la Loi des
déclarations des compagnies et sociétés (Statuts refondus,
1964, chapitre 272)".
Commentaire
Des dirigeants d'entreprise autochtones importantes estiment que cette
mesure faciliterait l'identification au milieu québécois
d'éventuels compétiteurs étrangers et pourrait
conférer à ces derniers des avantages indus au chapitre de la
concurrence.
Recommandation
Le CDE considère que les entreprises devraient pouvoir choisir
leur raison sociale sans contrainte.
Note
Cet article, parmi d'autres, soulève le problème de
l'image publique du Québec. Cette image doit-elle refléter
uniquement un visage français ou la réalité telle qu'elle
existe?
Dans un climat propice à la prédominance du
caractère français du Québec, il ne fait aucun doute que
la plupart des entreprises tiendront à se donner une raison sociale au
moins bilingue. Le mouvement dans ce sens est déjà solidement
engagé et tend à s'accentuer.
Dans ce contexte, on pourrait épargner à l'entreprise
l'obligation juridique contenue dans l'article 48.
Article 51 "L'enseignement se donne en français dans les
écoles maternelles, primaires et secondaires, sous réserve des
exceptions prévues au présent chapitre.
Cette disposition vaut pour les écoles régies par la Loi
de l'instruction publique (Statuts refondus 1964, chapitre 285) et pour les
organismes scolaires régis par la Loi de l'enseignement privé
(1968, chapitre 67) et déclarés d'intérêt public ou
reconnus admissibles à des subventions en vertu de cette dernière
loi."
Commentaire
Le CDE a préconisé antérieurement une politique de
liberté de choix très large à l'égard de la langue
d'enseignement.
Sa position reposait sur le fait que langue du travail et des affaires
exerce une pression quasi irrésistible sur la décision des
parents d'inscrire leurs enfants à l'école française ou
à l'école anglaise. De là l'importance que le CDE
attribuait aux programmes de francisation et de francophonisation des
entreprises.
Les progrès dans ce domaine, aussi sensibles soient-ils, n'ont
pas été aussi rapides qu'on l'aurait désiré dans
certains milieux. A nos yeux, il n'aurait pas été raisonnable de
s'attendre à ce qu'un chambardement culturel d'une telle envergure se
réalise au cours des trois brèves années qui se sont
écoulées depuis l'adoption de la loi 22.
La situation nous autorise, nous semble-t-il, à maintenir notre
position.
Recommandation
Les citoyens résidant au Québec peuvent inscrire leurs
enfants à l'école de leur choix. Le gouvernement doit faire en
sorte que les réseaux scolaires français et anglais assurent
à leurs élèves une connaissance sérieuse de la
langue seconde.
Les enfants d'immigrants non anglophones qui entreront au Québec
après la proclamation de la politique linguistique devront être
dirigés vers l'école française jusqu'à ce qu'ils
aient obtenu leurs droits de citoyenneté.
Note
Ces propositions sont justifiées, selon nous: -par la
maturité sociale et le sens des responsabilités des
Québécois francophones; - par la faveur considérable dont
jouit désormais la langue française auprès des
Québécois anglophones: - par le besoin évident qu'ils ont,
les uns et les autres, de posséder une connaissance sérieuse de
la langue seconde; - par l'avantage que trouverait le Québec de situer
les immigrants dans le même contexte de liberté et de
responsabilité.
Nous réalisons cependant que les mentalités de certains
groupes francophones ont évolué considérablement ces
dernières années. S'il s'avérait impossible de
réaliser un consensus sur ses recommandations, le CDE se rallierait
à la formule proposée par le Conseil Supérieur de
l'éducation.
Recommandation secondaire
Cette formule est la suivante:
Aux niveaux élémentaire et secondaire, le Conseil
recommande l'adoption du principe suivant: la langue d'enseignement au
Québec est le français pour tous ses résidents et pour
tous ceux qui viendront s'y établir, sauf pour les enfants de langues
maternelles amérindiennes ou inuit et pour les enfants de langue
maternelle anglaise.
Les enfants qui se trouveront déjà inscrits dans des
écoles de langue anglaise au moment de la promulgation de la loi
pourront continuer de les fréquenter si leurs parents le demandent;
leurs frères et soeurs pourront les y suivre.
Note
La formule du C.S.E. ne devrait être retenue, cependant,
qu'à la condition que des mesures vigoureuses soient appliquées
sans délais pour procurer aux élèves des deux
réseaux scolaires une connaissance pratique, utilisable, de la langue
seconde. Or, si l'école anglaise a fait des progrès indiscutables
dans ce domaine, les indices de changement sont encore très faibles du
côté de l'école française.
Article 52 "Par dérogation à l'article 51, peuvent
recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et
de leur mère: a) les enfants dont le père ou la mère a
reçu au Québec, l'enseignement primaire en anglais; b)les enfants
qui, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi,
sont domiciliés au Québec, et i) qui reçoivent
déjà, au Québec, l'enseignement en anglais à
l'école maternelle, primaire ou secondaire, le même droit
s'étendant à leurs frères et soeurs cadets; ii) dont le
père ou la mère est, à ladite date, domicilié au
Québec et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire
en anglais.
Lorsqu'un enfant est à la charge d'un seul de ses parents, la
demande prévue au présent article doit être faite par ce
dernier."
Commentaire
Le CDE ne peut considérer comme acceptable l'interdiction qui
serait faite aux anglophones des autres provinces canadiennes d'inscrire leurs
enfants à l'école de leur choix.
Article 57 "Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut
être délivré à l'élève qui n'a du
français parlé et écrit, la connaissance exigée par
les programmes du ministère de l'Education. "
Recommandation
Une obligation équivalente devrait s'appliquer, pour la
connaissance de l'anglais, aux élèves du réseau
français.
Note
Faute d'une telle contrainte, on peut craindre que des forces de
résistance se conjugeront et contribueront à ajourner
dangereusement l'apprentissage de la langue anglaise par les
élèves du réseau français. Or, celui-ci ne sera
fréquenté par les non francophones que s'il leur offre cette
ressource.
Article 67 "II est institué un Office de la langue
française".
Commentaire
La composition de l'Office de la langue française ne peut
engendrer que déception. Nous concevons difficilement que l'on puisse
demander à un seul homme d'assumer les responsabilités
étendues confiées à l'Office.
Il suffit de rappeler que la Régie de la langue française
est composée de neuf membres représentant les principaux secteurs
socio-économiques pour mesurer le recul que constitue la structure
proposée pour l'Office.
Nous croyons utile de rappeler que la Régie, grâce en bonne
part à la polyvalence de ses membres, a su s'acquitter honorablement de
la tâche difficile qui lui avait été assignée,
réussissant à modifier des attitudes et des comportements souvent
profondément ancrés.
L'Office devra relever les mêmes défis. Même
délesté des responsabilités qui seraient, selon le projet
de loi no 1, attribuées à la Commission de surveillance, il devra
établir avec le monde des affaires et divers milieux des relations dont
la nature aura une portée directe sur les résultats de ses
travaux.
Recommandation
L'Office de la langue française devrait être doté
d'une structure représentant les principaux secteurs de la vie
socio-économique du Québec.
Article 121 "Une Commission de surveillance de la langue
française est instituée.
La Commission de surveillance est dirigée par un président
et est formée de commissaires-enquêteurs, d'inspecteurs et de tous
autres fonctionnaires et employés jugés nécessaires."
Commentaire
Devant la composition de la Commission de surveillance, nous
éprouvons les mêmes réactions que celles que nous venons
d'exprimer à l'égard de l'Office. A cette différence
près que la commission étant appelée à jouer un
rôle plus directif et plus ingrat, elle devrait, encore davantage que
l'Office, être munie d'une structure polyvalente susceptible d'assouplir
sa démarche.
Nous nous interrogeons sur l'utilité de partager entre ces deux
organismes les rôles dévolus à la Régie de la langue
française. La formule actuelle permet, croyons-nous, de tempérer
l'un par l'autre les aspects conciliation et coercition attachés
à l'une et l'autre démarche et de leur conférer à
une plus grande efficacité.
Article 95 "L'Office a pour responsabilité de veiller à ce
que le français devienne, le plus tôt possible, la langue des
communications et du travail dans l'Administration et les entreprises
opérant au Québec. Cet objectif doit être atteint avant
l'expiration de l'année 1983".
Commentaire
Nous lisons cet article dans la perspective des commentaires et
recommandations que nous avons déjà exprimées et de celles
que nous ferons plus loin, aussi bien au sujet de la langue de l'administration
que de la langue de l'entreprise.
Article 106 "Toute entreprise de cinquante salariés ou plus,
même d'utilité publique, doit, à compter de la date
déterminée conformément à l'article 109, justifier
de la possession d'un certificat de francisation délivré par
l'Office. Sous réserve de tout recours pénal, l'entreprise doit
justifier de la possession d'un pareil certificat: a) pour avoir le droit de
recevoir de l'Administration, les permis, primes, subventions, concessions ou
avantages déterminés par règlement du gouvernement, ou b)
pour conclure avec l'Administration ainsi qu'avec les services de santé,
les services sociaux,
les entreprises d'utilité publique, les universités et les
collèges d'enseignement général et professionnel les
contrats d'achat, de vente, de service, de location ou de transport public
déterminés par règlement du gouvernement".
Commentaire
Ces dispositions des alinéas a) et b) nous paraissent ouvrir la
porte aux excès et à l'arbitraire.
Le CDE réitère sa conviction que les méthodes
incitatives permettent d'atteindre plus efficacement les objectifs
recherchés que la coercition et les tracasseries administratives.
Nous tenons à souligner que l'absence de règlements nous
empêche de poser un jugement objectif sur plusieurs articles du projet de
loi.
Article 113 "L'Office peut exiger de toute entreprise de moins de
cinquante salariés qu'elle procède à l'élaboration
et à l'implantation d'un programme de francisation.
L'Office doit faire chaque année au ministre un rapport des
démarches qu'il a ainsi faites et des mesures prises par les
entreprises".
Article 112 "Les programmes de francisation adoptés et
appliqués par les entreprises conformément aux articles ci-dessus
doivent permettre d'atteindre les objectifs suivants: a) une connaissance
satisfaisante de la langue officielle chez les dirigeants et le personnel;
b)l'augmentation du nombre de Québécois à tous les niveaux
de l'entreprise, y compris au sein du conseil d'administration et au niveau des
cadres supérieurs, de manière à assurer la
généralisation de l'utilisation du français; c)
l'utilisation du français dans les documents de travail de l'entreprise
notamment dans les manuels et les catalogues; d)l'utilisation du
français dans les communications internes et dans les communications
avec la clientèle, les fournisseurs et le public; e)l'utilisation de la
terminologie française; f) l'utilisation du français dans la
publicité; g) l'utilisation du français comme langue du travail
et des communications avec le personnel".
Commentaire
Ces deux articles nous semblent chargés d'une lourdeur inutile
à l'endroit des entreprises.
Nous ne voyons pas la nécessité ou même
l'utilité d'imposer à des entreprises de moins de cinquante
salariés l'obligation de définir et d'appliquer un programme de
francisation.
Quant aux objectifs d'un tel programme, ils ne sauraient être
uniformes. Par exemple, l'alinéa b) de l'article 112 ne devrait
s'appliquer qu'aux entreprises d'une certaine importance. On voit mal le
conseil d'administration d'une entreprise familiale, même d'une certaine
importance, faire une place très cordiale à un nouveau venu
anglophone ou francophone qui lui serait imposé de
l'extérieur.
Article 113 "Les programmes de francisation doivent tenir compte des
relations de l'entreprise avec l'étranger et du cas particulier des
sièges sociaux établis au Québec par des
sociétés ou entreprises dont l'activité s'étend
hors du Québec".
Commentaire
Nous prions les membres de la commission de référer au
paragraphe 4.4 de notre introduction qui porte sur le cas des sièges
sociaux.
Article 114 "Toute entreprise de cent salariés ou plus doit,
avant le (date qui suit de trois mois l'entrée en vigueur de la
présente loi), instituer conformément aux règlements un
comité de francisation dont au moins le tiers des membres sont
nommés par les associations de salariés accréditées
pour représenter les salariés de l'entreprise; en l'absence de
pareilles associations ou d'entente entre les associations, ces membres sont
élus par l'ensemble des salariés de l'entreprise.
Les entreprises atteignant le chiffre de cent salariés
après la date de l'entrée en vigueur de la présente loi
disposent d'un délai de trois mois pour se conformer au présent
article".
Article 116 "L'Office décide, après étude du
rapport mentionné à l'article 115, si l'entreprise doit adopter
et appliquer un programme de francisation; dans l'affirmative, l'entreprise
charge son comité de francisation d'établir le programme
voulu".
Commentaire
Partisan confirmé de la concertation, le CDE conçoit
facilement que tout changement profond imprimé à l'entreprise
doit se réaliser avec la participation des employés.
Toutefois, participation n'est pas co-gestion. Et dans la perspective du
CDE la direction des entreprises doit demeurer, sauf exception, entre les mains
de ceux qui ont précisément pour mandat de les diriger.
La définition et l'application d'un programme de francisation
mettent en cause, au-delà de questions de pure mécanique, des
dimensions stratégiques et humaines qui relèvent au premier chef
de la haute direction. C'est à elle qu'il appartient de définir
un programme de francisation adapté au cas spécifique de telle ou
telle entreprise.
Recommandation
La définition du programme de francisation doit relever de la
compétence de la haute direction de l'entreprise.
Celle-ci devrait veiller à ce que les employés soient
informés régulièrement des progrès
réalisés dans l'élaboration du programme.
Les entreprises pourraient avec avantage constituer un comité
composé de membres de la direction et d'employés choisis par
elle; le comité pourrait collaborer à l'information des
travailleurs et à l'application du programme de francisation.
Article 172 "L'article 52 de la Charte des droits et libertés de
la personne (1975, chapitre 6) est modifié par l'addition à la
fin, après le mot "Charte" des mots "ou à moins qu'il ne s'agisse
de la Charte de la langue française au Québec (1977, chapitre
insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi no 1)".
Commentaire
Le CDE ne peut que joindre sa voix à celles, très
nombreuses, qui demandent avec insistance que soit maintenue la
préséance de la Charte des droits et libertés de la
personne sur la Charte de la langue française.
Des perspectives qui méritent un examen
Plusieurs articles du projet de loi autoriseraient les personnes ou les
groupes à demander des enquêtes. Cette ouverture à la
revendication se double de possibilités singulièrement
inquiétantes: la mise en place d'une structure à direction
unique, susceptible de tomber dans des excès que nombre d'organismes
"démocratiques" n'ont pas toujours su éviter; l'absence de
recours contre les décisions des organismes mentionnés dans la
Charte.
Commentaire
Nous manquons malheureusement du temps requis pour dégager les
conséquences possibles d'une telle situation.
Il nous apparaît essentiel, toutefois: d'assurer
l'objectivité la plus complète possible des décisions des
organismes prévus, en les munissant des structures les plus
démocratiques possibles. de conférer aux éventuels
contrevenants le droit d'appel des décisions des mêmes
organismes.
AN NEXE3
Mémoire sur
la Charte de la langue française au
Québec (projet de loi no 1)
présenté par
la Banque Royale du Canada à la Commission
parlementaire de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Québec
Juin 1977
Introduction 1. La Banque Royale du Canada se réjouit de
l'occasion qui lui est offerte de présenter ce mémoire sur le
projet de Charte de la langue française (projet de loi no 1) à la
Commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications. Nous croyons que l'enquête menée par la Commission
fournit à la Banque non seulement une excellente occasion d'exprimer ses
opinions sur les dispositions du projet de loi, mais également
d'apporter des précisions utiles sur notre entreprise, ses lignes de
conduite et ses exploitations. De telles précisions nous semblent
indispensables pour que nos commentaires soient compris sans la moindre
ambiguïté par les membres de cette Commission. C'est en effet notre
conviction que, bien souvent, nos observations ne sauraient prendre leur pleine
signification que dans la mesure où elles sont placées dans le
contexte réel du fonctionnement et des responsabilités de la
Banque. 2. Avant de communiquer certaines informations sur la Banque Royale du
Canada ou d'entamer une analyse détaillée des dispositions de la
Charte, il nous semble opportun d'exposer brièvement l'attitude de la
Banque et de sa direction à l'égard du projet de loi.
D'emblée, il convient de préciser que cette attitude est positive
en ce qui concerne les objectifs fondamentaux de la Charte et les
préoccupations de ses auteurs. Ainsi, nous sommes convaincus de la
nécessité d'adopter des mesures appropriées pour donner
aux Québécois francophones un sentiment de sécurité
quant à la préservation de la langue et de la culture
françaises en Amérique du Nord; nous comprenons parfaitement la
nécessité d'effacer le sentiment d'injustice ressenti par de
nombreux Québécois francophones; nous reconnaissons volontiers le
caractère impératif des mesures qui visent à promouvoir la
situation économique des Québécois francophones en
supprimant tout obstacle jugé contraire à leur
épanouissement légitime dans tous les domaines de
l'activité humaine, notamment les affaires, l'industrie et le commerce.
3. Nous appuyons, par conséquent, les objectifs fondamentaux de la
Charte de la langue française au
Québec, c'est-à-dire, nous reconnaissons que la langue
joue un rôle capital dans le développement harmonieux de toute
société, et nous admettons volontiers que le français
devrait être la langue prioritaire du Québec. Nous endossons donc
l'objectif fondamental visant non seulement à préserver, mais
aussi et surtout, à promouvoir le français au Québec,
ainsi qu'à en favoriser une plus large utilisation dans tous les aspects
de la vie de la société québécoise. Plus
précisément, nous croyons qu'il est important d'encourager
l'utilisation du français dans le secteur de l'économie. Nous
partageons pleinement cette orientation non seulement parce que le monde du
travail constitue l'un des principaux éléments de la vie d'une
société moderne, mais aussi parce que la vitalité et
l'épanouissement d'une langue dépendent clairement de la valeur
économique qu'elle représente aux yeux de la population. 4.Ayant
nettement exprimé notre appui aux principes et aux objectifs
fondamentaux de la Charte, nous croyons devoir signaler aussi les
inquiétudes et les doutes que nous inspirent certains aspects du projet
de loi. D'autre part, nous nous voyons contraints de formuler les plus
sérieuses réserves au sujet de certaines modalités
envisagées et affirmer notre conviction que, dans leur forme actuelle,
certaines dispositions du projet de loi portent atteinte à la
liberté des Québécois. En outre, l'application de
certaines mesures préconisées risque de produire des effets
contraires à l'intérêt bien compris des
Québécois, notamment lorsqu'elles tendent à limiter la
capacité concurrentielle des entreprises et compromettent ainsi la
croissance économique du Québec, ce qui ne manquera pas d'avoir
des répercussions sur le marché de l'emploi et sur le revenu des
Québécois. 5.Enfin, il faut souligner que le délai
fixé pour la remise de ce document au secrétaire de la Commission
nous oblige à déposer notre mémoire avant même
d'avoir pris connaissance des règlements
prévus par la Charte. Or, à notre avis, il est
pratiquement impossible de mesurer la portée et la signification des
dispositions de la Charte sans connaître au préalable les
règlements, ni le procédé et les attributions exactes des
fonctionnaires qui seront chargés de les appliquer. Ceci est d'autant
plus vrai que ces fonctionnaires seront, semble-t-il,investis de pouvoirs
considérables et d'une grande liberté d'action. Ignorant le
contenu de la réglementation, c'est-à-dire les modalités
d'application de la Charte, la direction de la Banque en est réduite
à fonder son jugement, ses commentaires et ses suggestions sur le texte
actuel du projet de loi et sur des suppositions et des hypothèses.
L'avenir seul dira si, dans les faits, les hypothèses que nous avons
retenues traduisent le réalisme, le pessimisme ou l'optimisme. Pour
l'instant donc, les personnes qui s'appliquent à étudier la
Charte sont tenues de présumer que là où le texte de loi
ouvre la voie à des abus et peut donner lieu à des mesures
coercitives ou discriminatoires, il existe un sérieux risque de voir de
tels abus se produire et qu'il convient de s'y arrêter. Ce qui ne
signifie pas que nous sous-estimons, loin de là, l'importance d'une
certaine souplesse dans l'application d'une nouvelle loi concernant un domaine
aussi délicat et complexe que, par exemple, celui de la langue de
travail. Pas plus que nous ne voulons mettre en doute la bonne volonté
des fonctionnaires. Nous entendons simplement, par cette démarche,
exercer un droit de citoyen responsable et vigilant.
Portrait de la banque Royale du Canada 6. La Banque Royale du
Canada est une banque d'envergure mondiale. Elle offre une gamme
complète de services bancaires dans tout le Canada et mène une
activité internationale dans 41 pays étrangers. En terme d'actif
total, c'est la plus grande banque du Canada et sur la scène
internationale, elle occupe une place enviable parmi les plus importantes
banques. Au 30 avril 1977, l'actif total de la Banque atteignait 32.2 milliards
de dollars. L'ensemble des dépôts s'élevait à 29.3
milliards de dollars et provenait à 65.4% de sources canadiennes et
à 34.6% de l'étranger. Le Québec représente environ
10% du chiffre d'affaires de la Banque (15% du total canadien). 7.A l'origine,
la Banque a d'abord été une association, établie en 1864
à Halifax, Nouvelle-Ecosse, entre huit hommes d'affaires locaux. Sa
constitution en 1869 en vertu d'une charte fédérale devait lui
permettre d'ouvrir des succursales et d'offrir des services bancaires dans
toute région du pays. 8. En 1885, l'ouverture de sa première
succursale au Québec a représenté pour la Banque la
première étape de son expansion dans tout le Canada. Même
à ce stade précoce du développement économique,
marqué par une conjoncture instable et incertaine et par la
rareté des ressources financières, la Banque participait
activement à la formation d'un système bancaire efficace qui a
bien servi les intérêts du Canada. La Banque avait alors 20
succursales réparties en Nouvelle-Ecosse, dans l'Ile-du-Prince-Edouard
et au Nouveau-Brunswick et qui, avec une agence internationale, constituaient
un réseau par lequel elle pouvait financer les nouvelles entreprises et
effectuer les règlements commerciaux.
Elle pouvait s'implanter rapidement dans une nouvelle région en
ayant recours au personnel et à la compétence qui existaient
ailleurs. Quand l'économie d'une région fléchissait et
qu'ainsi la demande de prêts y excédait les dépôts,
la Banque pouvait puiser dans ses ressources financières globales pour
venir en aide à la région affectée. Ainsi, cette
caractéristique favorable du réseau bancaire d'aujourd'hui
entrait déjà en jeu. 9. Dès 1900, la Banque s'était
déployée dans tout le Canada avec au total 38 succursales dans 7
provin- ces. Par ailleurs, elle avait également affirmé sa
vocation internationale par l'ouverture de trois succursales à
l'étranger. Le 2 janvier 1901, la Banque adoptait une nouvelle raison
sociale évo-catrice de son caractère et de son envergure
pan-canadienne; elle s'appellera désormais la Banque Royale du Canada.
10. En 1907, la Banque Royale reconnaissant l'importance grandissante de
Montréal sur le plan finan- cier, sa réputation internationale
naissante et son rôle de plaque tournante dans les courants commerciaux
extérieurs, transférait son siège social de Halifax
à Montréal. 11. Depuis le début du XXe siècle, la
Banque Royale a continué son expansion en offrant des services bancaires
tant dans les régions développées que dans celles en voie
de développement. La Banque compte maintenant 1,456 succursales
réparties dans plus de 700 collectivités canadiennes. Parmi ces
succursales, 226 (15.5%) sont situées au Québec. Un grand nombre
des succursales de la Banque se trouvent dans des régions ne
possédant aucun établissement industriel ou commercial de grande
importance. 12. Au 12 mai 1977, le personnel total de la Banque était
composé de 35,238 personnes, dont 31,762
(90% de l'effectif) au Canada. Au Québec, la Banque Royale
emploie 7,703 (22%) personnes
réparties comme suit: 4,822 (14%) dans les exploitations au
Québec, 2,158 (6%) au Siège social et 723 (2%) au Centre
d'informatique de Montréal et au Centre Chargex-Visa de l'est,
Montréal. 13. Les opérations internationales de la Banque
qui représentent un peu plus du tiers du total sont menées
par 84 succursales à l'étranger et par les bureaux au
nombre de 72 de filiales ou de banques et sociétés
financières affiliées. La présence de la Banque est
affirmée dans tous les grands centres financiers du monde par des
représentants permanents et des agences. Des accords portant sur les
moyens financiers permettant de couvrir les traites, lettres de crédit
et autres opérations à l'étranger ont été
conclus avec plus de 2,000 correspondants bancaires dans le monde entier. Cette
trame serrée de présence et de contacts internationaux a
donné aux particuliers, aux entreprises et aux gouvernements du Canada
l'accès à de précieux débouchés commerciaux
et à des sources de financement. Considérant la dépendance
sans cesse croissante du Canada à l'égard de son commerce
extérieur et des capitaux étrangers, la vitalité des
opérations internationales de la Banque joue un rôle important
dans la croissance économique du Canada et du Québec.
Actionnaires 14. La propriété de la Banque Royale
est répartie sur une base très large puisque l'on compte 29,630
actionnaires, dont 91% sont canadiens ou domiciliés au Canada. Des
milliers d'autres Canadiens se partagent indirectement la
propriété de la Banque par l'intermédiaire des caisses de
retraite et autres formes de placements collectifs. 15. Le rapport entre le
nombre des actionnaires du Québec et le total des actionnaires au Canada
est sensiblement égal à celui qui existe entre le total des
affaires de la Banque au Québec et le total pour le Canada. Cette
proportionnalité se retrouve en général dans toutes les
provinces. 16.Si l'on compte le nombre des actions, les Québécois
en détiennent une proportion plus importante; ils possèdent, par
conséquent, un intérêt marqué dans la
vitalité de la Banque.
Le conseil d'administration 17. Comme dans toutes les grandes
sociétés dont le Conseil d'administration est composé
principale- ment de membres "de l'extérieur", celui-ci ne se
préoccupe pas des opérations au jour le jour. Il joue
principalement un rôle de consultation et d'orientation plutôt que
de participer dans le détail au processus décisionnel. 18. Le
rôle consultatif des administrateurs se révèle très
utile pour évaluer la situation économique et commerciale
régionale. Avec des administrateurs établis dans diverses
régions du pays et à l'étranger, la Banque peut disposer
de sources compétentes d'analyse des conditions locales dans chaque
territoire géographique où sa présence se manifeste. En
fait, le motif principal de la taille du Conseil46 membres actuellement
est d'assurer une large représentation géographique. Une
réunion du Conseil dûment constitué est convoquée
toutes les semaines au siège social, à Montréal. De plus,
les membres des comités régionaux se réunissent
habituellement chaque semaine à Vancouver, Calgary, Regina, Winnipeg,
Toronto, Halifax, Saint-Jean, New York et Londres. Trois sur quatre des
réunions trimestrielles du Conseil au grand complet se tiennent à
l'extérieur de Montréal, comme ce fut le cas dernièrement
à Québec. 19. Du seul fait de la situation du Siège social
à Montréal, le Conseil d'administration donne aux
Québé- cois plus de sièges un tiers qu'il ne
le ferait autrement. L'Ontario est représentée par 13
administrateurs, deux de moins que le Québec, bien qu'elle engendre une
part plus importante des activités de la Banque au Canada. En excluant
les administrateurs qui occupent également un poste de direction
à la Banque, on constate que l'Ontario et le Québec ont chacun 12
administrateurs.
Objectifs 20. Dans la société actuelle, on a
tendance dans certains milieux à considérer que la recherche du
profit constitue la seule raison d'être d'une entreprise commerciale, et
que, par voie de conséquence, le seul rôle de la direction est
d'évaluer toute action en fonction de ce simple critère. Par
contre, les hommes d'affaires sensés et réfléchis se
posent depuis longtemps la question "A quoi sert le profit?". Dans leur
réflexion sur cette question, certains ont défini pour leur
organisation des objectifs qui témoignent d'un rôle plus
étendu que celui attribué dans notre société aux
entreprises. Au lieu d'être fondés sur le concept de
l'exploitation de la collectivité, ces objectifs illustrent aujourd'hui
la responsabilité fondamentale qui incombe à l'entreprise
d'apporter une contribution positive à la société dont
elle fait partie intégrante.
21. Dans le cas de la Banque Royale du Canada, la direction a
donné à cette question une réponse orientée vers
les responsabilités que la Banque et ses dirigeants assument envers les
différents groupes qui ont un intérêt dans son existence et
sa prospérité. Dans ce contexte, la rentabilité à
court et moyen terme est envisagée non comme une fin en soi mais comme
un moyen indispensable d'assurer la survie de l'entreprise et, partant, de
répondre aux intérêts des principaux groupes
concernés. 22. En 1974, après une étude soigneuse
entreprise par la haute direction, la Banque Royale a décidé
d'énoncer officiellement un ensemble de principes qui, pour la
direction, animait la conduite de nos activités depuis un certain temps.
Ainsi, la mission générale de la Banque Royale a
été définie comme suit: "Notre objectif fondamental est de
perpétuer notre existence en tant qu'entreprise privée
progressive et notre stabilité par la rentabilité à court
et moyen terme de façon à être en mesure d'assumer nos
responsabilités au sein de la société:
Responsabilité de fournir à nos clients actuels et
éventuels, de par le monde, la gamme la plus complète de services
bancaires et financiers de la plus haute qualité possible.
Responsabilité d'offrir à nos employés l'occasion,
assortie d'une rémunération équitable, de
développer et de prouver leurs qualités personnelles.
Responsabilité de procurer à nos actionnaires un rendement
attrayant et suivi sur le capital investi.
Responsabilité de se comporter à tous égards en
"bon citoyen" pour le plus grand bien de la collectivité, de la nation
et de la société". 23. De ce fait, il est évident que les
responsabilités premières de la Banque sont définies en
termes d'obligations envers des groupes: clients, employés actionnaires
et le public en général. Par conséquent, quand les cadres
supérieurs tentent d'évaluer les effets pour la Banque
d'initiatives telles que le projet de Charte de la langue française au
Québec, ils ne le font pas dans une optique mercantile et
égoïste mais dans une perspective beaucoup plus large. De plus,
l'effet que les changements prévus peuvent affecter la capacité
concurrentielle de la Banque par rapport aux autres banques canadiennes
et internationales dont le siège est situé hors du Québec
et avoir des conséquences qui doivent être mesurées
non seulement en termes de profit et d'efficacité mais aussi, ce qui est
plus important encore, en fonction de l'aptitude de la Banque à servir
ses groupes concernés. 24. C'est par conséquent dans ce contexte
que la direction doit prévoir l'effet que les dispositions du projet de
loi qu'elles visent la langue du travail ou le milieu dans lequel nos
employés vivent pourront avoir sur la position concurrentielle de
la Banque et sa capacité de service.
Organisation et structure de la direction 25. Les relations qui
existent dans les banques, y compris la Banque Royale, entre le Siège
social, les directions des districts et le réseau des succursales, ne
sont pas, en général, comprises par le public. Avant de parler,
premièrement, du rôle particulier de notre siège social
à Montréal et, deuxièmement, des structures de la Banque
dans les districts au Québec, il est bon de donner une vue d'ensemble
sur la structure globale de l'organisation. 26. La responsabilité de la
direction de la Banque pour le monde entier incombe au Chairman et
prési- dent, chef de la direction. Il est assisté par deux
chairmen délégués et vice-présidents
exécutifs, un en poste à Montréal et l'autre à
Toronto. 27. La direction des affaires courantes est confiée au
vice-président exécutif et directeur général en
chef. Il est assisté en tant que chef de l'exploitation de deux
vice-présidents exécutifs. 28.Cinq divisions principales sont
placées sous le contrôle du vice-président exécutif
et directeur géné- ral en chef. A la tête de chacune
d'elles se trouve un vice-président de premier rang et directeur
général. Parmi ces cinq divisions, trois sont directement
liées à l'activité bancaire, deux autres sont de nature
administrative.
Les divisions bancaires: "Canada cette division est responsable
de la direction d'ensemble du réseau de succursales à travers le
Canada, de l'acheminement de services bancaires aux particuliers par
l'intermédiaire des succursales et du service aux clients commerciaux
jusqu'à concurrence d'un montant déterminé.
*Services aux sociétés cette division est
responsable des services bancaires destinés aux grandes entreprises et
aux administrations publiques et plus particulièrement à celles
d'entre elles qui ont une envergure nationale ou dont les besoins en
crédit sont très importants. *La division internationale est
responsable de toutes les activités de la Banque dans les autres pays et
de ses relations à l'étranger.
Les divisions administratives sont: *Finances et placements - Cette
dernière a pour responsabilités de satisfaire aux besoins de
l'organisation en général et notamment à ceux des
divisions bancaires en ce qui a trait aux ressources financières de la
Banque. Elle s'occupe également des fonctions de contrôle, de
planification financière et de comptabilité, des services
économiques et des activités de placement comme les
opérations sur les marchés monétaires. Elle est
responsable des liquidités de la Banque et de la gestion d'ensemble des
divers postes de l'actif et du passif. "Administration - responsable des
ressources physiques, humaines et techniques mises au service des autres
divisions. Cela comprend les fonctions de gestion du personnel, des
méthodes et traitement de l'informatique et des immeubles de la Banque.
29. La haute direction, les chefs de division et les membres de leur personnel
constituent la structure fondamentale du Siège social de la Banque dont
le rôle et la fonction seront examinés en détail plus loin
sous l'angle particulier de la langue employée.
Portrait de la direction 30. La haute direction est un groupe de
85 cadres supérieurs, 39 d'entre eux occupent un poste au Siège
social et 46 dans les divisions territoriales. Le cadre supérieur "type"
de la Banque Royale serait un Canadien de 50 ans qui est né et a grandi
dans une ville canadienne de petite ou moyenne importance. Il est entré
à la Banque "au bas de l'échelle" à la fin de ses
études secondaires et, sur une période de 28 ans, est
passé par divers postes avant de parvenir à la haute direction
à l'âge de 45 ans. La grande majorité de nos cadres ont
occupé pendant plusieurs années des postes divers dans plusieurs
régions du Canada et, dans certains cas, à l'étranger. Un
échantillonnage comptant 38 de ceux qui occupent les postes les plus
élevés, par exemple, indique que ce cadre "type" a eu au cours de
sa carrière neuf affectations dans quatre provinces canadiennes ou
à l'étranger. Ce genre d'expérience est jugé
essentiel à l'acquisition des connaissances et de l'optique que ces
postes élevés exigent. 31. Il est donc prouvé, qu'en
général, la formation d'un cadre supérieur de la Banque
Royale demande une vaste expérience acquise dans de nombreux postes dans
différentes parties de la structure de la Banque un processus
qui, comme indiqué plus haut, peut prendre plus de 20 ans. De ce fait,
le taux inférieur (6%) de la représentation des
Québécois de langue française au sein de ce groupe de 85
cadres supérieurs trouve son explicationtoutes choses étant
égales par ailleurs dans les conditions et le contexte qui
prévalaient à l'intérieur de la Banque et au Québec
il y a environ 20 ans. Nous reviendrons plus avant dans ce mémoire sur
les conditions actuelles et ce en quoi elles affectent les possibilités
d'avancement des Québécois de langue française.
Opérations internationales 32. Les opérations
internationales de la Banque Royale sont coordonnées par quatre
directions "géo- graphiques", dont trois au sein de la Division
internationale à Montréal, et une autre à Londres
(Angleterre). Comme il a été dit plus haut, les opérations
internationales représentent environ un tiers de l'activité
totale de la Banque. 33. La structure mondiale de la Banque est centrée
sur quatre zones géographiques: (1) Asie, Australie,
Afrique et Moyen-Orient; (2) Europe; (3) Amérique latine et
Antilles et (4) Etats-Unis. La gestion est extrêmement
décentralisée dans toutes les exploitations. 34.Cette autonomie
administrative se retrouve au niveau de la provenance des capitaux. Le
financement de nos activités internationales et de celles de nos
filiales étrangères provient de sources extérieures du
Canada par voie de dépôts recueillis localement ou sur le
marché des Eurodevises. Il n'y a donc pas de "saignée" de
capitaux canadiens provenant des dépôts qui nous sont
confiés au Québec ou dans le reste du Canada. Elles ne font appel
à la société-mère, la Banque Royale du Canada,
qu'en ce qui concerne ses talents et sa compétence dans les domaines de
l'organisation, des techniques et de la gestion et bénéficient
également de sa réputation internationale facteurs qui
prennent leur vraie dimension dans les pays où le développement
économique et les structures financières n'ont pas encore atteint
leur maturité.
35. L'ampleur des opérations internationales et de la
présence de la Banque Royale dans le monde entier rapporte au Canada et
au Québec des avantages qui ne se limitent pas à une simple
dimension financière. Pour ne citer qu'un de leurs avantages, et non des
moindres, elles permettent aux employés canadiens de la Banque, venant
du Québec ou d'ailleurs, d'acquérir une expérience plus
riche par l'exercice de fonctions dans des postes à
l'étranger.
Activités au Canada 36.Au Canada également les
activités sont très décentralisées.
L'autorité administrative et les décisions de crédit sont
très largement déléguées aux structures
régionales. La grande majorité des décisions portant sur
le service à la clientèle, dans le cadre de programmes, de
politiques et de recommandations établis par le Siège social,
sont prises au niveau de la succursale ou à un échelon
très rapproché, là où les besoins, les conditions,
les aspirations et les sensibilités locales peuvent être
directement observées et jugées. 37. Les activités de la
Banque au Canada sont réparties entre dix districts distincts jouissant
d'une grande autonomie et dirigés chacun par un directeur
général. Chaque district couvre entre 88 et 196 succursales. Ces
districts épousent assez fidèlement le territoire des provinces
comme en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.
Compte tenu de la densité des succursales, les Provinces maritimes sont
groupées en un district unique dont la direction est à Halifax.
D'un autre côté, l'Ontario a été subdivisée
en trois districts. 38. De la même façon, les activités au
Québec sont divisées en deux districts, chacune sous la direction
d'un directeur général. Ces directeurs généraux
relèvent d'un vice-président Québec qui
possède la responsabilité globale de l'exploitation des 226
succursales du Québec. Les bureaux du district du Québec sont
installés à Montréal aussi, mais dans un immeuble distinct
qu'on ne doit pas confondre avec le Siège social de la Banque
installé dans l'édifice de la Banque Royale à la Place
Ville-Marie. Il en est de même pour les bureaux du district de l'Ontario,
sis à Toronto. 39. La décentralisation des activités au
Canada ne s'arrête pas au niveau du district car chaque district est
lui-même divisé en "régions" qui regroupent jusqu'à
40 succursales avec à leur tête un directeur régional. Dans
les deux districts du Québec, il y a neuf régions de ce genre.
40. De par sa nature, ce mémoire doit faire une large part à la
question de la langue, ou des langues de travail employées au
Siège social. Mais à notre avis, une telle discussion serait
aride et infructueuse si elle ne s'accompagnait pas d'une connaissance et d'une
compréhension profondes du rôle et de la fonction du Siège
social, de sa structure et des activités qui y prennent place. Une
description sommaire sera donc nécessaire. 41. Le Siège social de
la Banque Royale du Canada est en fait sa base d'opérations à
l'échelle mondiale.
Sa fonction est de diriger et de gérer la progression et
l'exploitation intégrales de l'entreprise aux quatre coins du globe.
Comme indiqué précédemment, le volume total des affaires
de la Banque est réparti comme suit: 34 pour cent à
l'étranger, 56 pour cent au Canada à l'exclusion du
Québec, et 10 pour cent au Québec. Il s'ensuit que les
catégories d'activités du Siège social reflètent
fidèlement la ventilation géographique des opérations
bancaires. Mises à part les préoccupations purement internes et
statutaires, rattachées par exemple au pouvoir de réglementation
du gouvernement fédéral, le travail du Siège social se
rapporte dans une proportion de 9 contre 1 aux opérations bancaires et
aux marchés de l'extérieur du Québec. 42. Entre
parenthèses, on doit noter que certains services
spécialisés du Siège social sont situés dans
d'autres villes du Canada: à Calgary (Gaz et pétrole), à
Winnipeg (Services agricoles) et à Toronto (Service de l'industrie
minière, Mise en marché et, en partie, le Service des placements
et des marchés monétaires internationaux). De plus, les six
centres d'informatique situés dans des villes importantes d'un bout
à l'autre du Canada font partie intégrante de la structure du
Siège social. Enfin, la structure du Siège social comprend trois
Centres Chargex/Visa régionaux situés à Vancouver, Toronto
et Montréal. Les centres d'informatique et les centres Chargex/Visa
constituent une catégorie spéciale car tout en étant
étroitement reliés au réseau et servant l'ensemble du
Canada, ils servent également les succursales et les clients de leurs
secteurs qui, soit dit en passant, ne correspondent pas toujours à des
limites provinciales. 43. Comme indiqué plus haut, la haute direction,
les responsables des cinq divisions et leur personnel forment la structure
fondamentale du Siège social. Leur travail n'est pas, au sens strict, un
travail d'exploitation mais s'associe plutôt aux fonctions
générales de direction et de gestion de l'ensemble de la Banque
Royale.
44. La haute direction, par exemple, décide des stratégies
et politiques globales de la Banque et de ses divisions, sur la base
d'études et de recommandations faites par le personnel des
différentes divisions. Les éléments classiques et
fondamentaux du "management", y compris la planification, la direction, la
communication, la surveillance, l'analyse et le contrôle se retrouvent
à tous les échelons du Siège social. 45.Ainsi, pour ne
prendre qu'un exemple parmi tant d'autres, on trouve au Siège social du
personnel de recherche en commercialisation qui prépare des
études portant sur l'orientation du marché et sur les besoins et
les désirs des clients actuels ou éventuels. Leurs rapports
ajoutés aux données reçues des cadres
régionaux aident les responsables de la commercialisation
à concevoir de nouveaux services bancaires ou à modifier et
améliorer ceux qui existent. Une fois que les projets ont
été élaborés et approuvés, leur teneur est
communiquée par voie de lettres circulaires ou de
révisions apportées aux manuels de directives aux
unités de direction territoriales, par exemple aux directeurs
régionaux et aux bureaux de direction des districts en vue de la mise en
oeuvre directe, ou par l'entremise du réseau de succursales dans tout le
Canada. 46. De même, le Siège social comprend un nombre
considérable de spécialistes en méthodes qui analy- sent
les besoins en informatique de la Banque, évaluent le rendement des
méthodes et du matériel, conçoivent les systèmes et
supervisent leur mise en oeuvre et leur exploitation à tous les niveaux
de l'ensemble du réseau de la Banque. A un échelon plus
élevé de la gestion des systèmes on établit les
politiques et stratégies d'ensemble portant sur le degré et le
genre d'automatisation pour les services de la Banque. Considérant les
interactions multiples et complexes qui prennent place entre les divisions et
les autres secteurs de la Banque, ce groupe de spécialistes est
indispensable au maintien d'une perspective d'ensemble tout en portant une
attention soutenue aux normes et aux méthodes appliquées dans
chaque secteur particulier de l'ensemble. 47. Pour ne citer qu'un exemple
supplémentaire, le Siège social comprend les responsables du
service du personnel chargés du développement et de l'affectation
des ressources humaines de la Banque. Ce groupe est responsable de la
planification des ressources humaines, y compris les mutations et le placement
au niveau des cadres supérieurs. Ici encore, la responsabilité
couvre l'ensemble de l'organisation. Dans ce contexte, ils doivent analyser et
interpréter les changements qui affectent le personnel de la Banque, se
tenir au courant des niveaux de salaire et des avantages sociaux offerts dans
les collectivités où la Banque est présente,
évaluer les besoins en formation et en perfectionnement du personnel de
la Banque, concevoir et proposer, pour l'ensemble de la Banque, de nouvelles
politiques et méthodes de gestion du personnel ou modifier celles qui
existent déjà. Comme beaucoup d'autres au Siège social, ce
groupe se consacre, non pas à la gestion, mais plutôt à
l'analyse, à la planification et à l'élaboration de
principes. La mise en oeuvre des programmes et des politiques qu'il formule est
du ressort, dans notre structure décentralisée, des
différents niveaux de gestion et plus particulièrement du bureau
du personnel des directions régionales et des directions de district au
Canada et à l'étranger. 48. Comme on peut voir d'après les
quelques exemples qui précèdent, le travail du personnel du
Siège social porte par définition et à très peu
d'exceptions près, sur des programmes, des politiques, des
méthodes, des stratégies et des solutions globales. Mis à
part un personnel de service très limité comme par exemple celui
de la cafétéria, il est difficile en ce qui a trait au personnel
du Siège social, d'associer un groupe particulier à une province
déterminée, à un district bancaire ou à un pays
étranger.
Langue de travail au Siège social 49. En raison du travail
effectué par le Siège social, c'est-à-dire questions
concernant la Banque dans son ensemble, planification d'ensemble, relations
avec tous les services, transactions sur le marché financier
international, comme nous l'avons expliqué précédemment,
il est tout à fait évident que, non seulement, la principale
langue de travail au Siège social doit être l'anglais, mais que
pratiquement tous les postes dans les différents services
nécessitent une bonne connaissance de cette langue. Comme le
Siège social gère et dirige un système très
étendu, il est indispensable, pour des raisons d'efficacité,
qu'il reflète l'ensemble du système et du marché en ce qui
concerne la langue. Il y a certes des régions géographiques
où des employés et des clients utilisent d'autres langues que
l'anglais (notamment l'espagnol et le français), mais il n'en reste pas
moins que l'anglais demeure la langue la plus répandue dans tout le
réseau. 50.Cela ne veut pas dire cependant que seul l'anglais est et
doit être utilisé au Siège social. En premier lieu, il n'y
a jamais eu et il ne pourra y avoir de directives ou de politiques interdisant
que les employés, à n'importe quel échelon, communiquent
entre eux en français, que ce soit pour des
raisons personnelles, à titre officieux ou pour leur travail. En
fait, les principes directeurs sont le pragmatisme, la commodité et la
courtoisie. En second lieu, la Banque a depuis longtemps comme politique de
produire presque toutes les formules destinées aux clients, les rapports
d'intérêt public et autres dans les deux langues officielles du
Canada. Ainsi, les documents émis par le Siège social à
l'intention des employés, les communiqués de presse, le
matériel publicitaire, le rapport annuel et autres documents
destinés aux actionnaires sont, naturellement, publiés en anglais
et en français depuis longtemps. Cette forme de bilinguisme
institutionnel s'étend, par exemple, à la politique relative au
courrier que le public adresse au Siège social; les réponses sont
rédigées dans la même langue que les lettres. 51. Un autre
facteur important doit être mentionné. Ainsi qu'il a
déjà été dit, dans ce document, de nombreux postes
au Siège social de la Banque sont remplis, suivant le mérite,
l'expérience et la compétence, par des cadres qui sont nés
et ont étudié dans d'autres provinces du Canada (ou à
l'étranger) et qui ont vécu dans d'autres régions pendant
la plus grande partie de leur carrière à la Banque Royale. Un
pourcentage élevé de ceux-ci n'a pas eu, malheureusement,
l'occasion d'acquérir une bonne connaissance de la langue
française et nombre d'entre eux, lorsqu'ils sont affectés au
Siège social, ont atteint un âge où il leur serait
extrêmement difficile de se remettre à l'étude du
français, compte tenu des lourdes responsabilités de leurs
fonctions. Comme il a été énoncé ailleurs dans ce
mémoire, l'âme d'une entreprise réside dans sa liste
d'employés talentueux, compétents et expérimentés.
Par conséquent, la Banque considère qu'il est absolument
essentiel pour soutenir la concurrence et assurer sa survivance de pouvoir
recruter le personnel nécessaire pour son Siège social parmi
toutes les personnes compétentes de son réseau international. 52.
Les impératifs ci-dessus se reflètent dans les connaissances
linguistiques que possède le personnel du Siège social de la
Banque. A Montréal, le Siège social compte au total 2 158
employés (ce chiffre ne comprend pas le personnel des services du
Siège social situés dans d'autres régions du Canada). De
ce nombre, quelque 1 200 peuvent être considérés comme des
"cadres", c'est-à-dire qu'ils occupent des postes équivalents ou
supérieurs à celui de contremaître selon le classement du
secteur industriel. Parmi ces cadres, environ 98 pour cent parlent l'anglais
couramment, 18 pour cent le français et 25 pour cent ont indiqué
qu'ils possèdent une connaissance du français comme langue de
travail. Ainsi, un total de 43 pour cent déclare posséder au
moins une connaissance d'usage du français. De tous ces employés
(2 158) du Siège social à Montréal, 94 pour cent parlent
l'anglais couramment alors qu'environ 22 pour cent ont une parfaite
maîtrise du français. De plus, 27 pour cent affirment
posséder une connaissance d'usage du français de sorte que 49
pour cent au total indiquent qu'ils possèdent au moins une connaissance
d'usage de cette langue.
53.
Ainsi qu'il a déjà été
mentionné, le Centre d'informatique de Montréal et le Centre
Chargex de l'est constituent, bien qu'ils fassent partie officiellement du
Siège social, des cas spéciaux du fait qu'ils font affaire
directement avec les succursales et les clients de leur région, en plus
d'effectuer les tâches internes qui sont de leur ressort. 54. Le Centre
d'informatique de Montréal, par exemple, dessert non seulement les
directions générales du Québec mais aussi les succursales
du Québec, d'Ottawa et de l'est de l'Ontario. Il effectue en outre le
traitement des comptes Chargex pour l'est de l'Ontario, le Québec, le
Nouveau-Brunswick, l'Ile-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve.
Enfin, ce centre traite le volume considérable des données du
Siège social à Montréal, y compris les transactions et la
comptabilité générale relatives aux opérations
internationales. 55. Encore une fois, les connaissances linguistiques du
personnel du Service de l'informatique reflètent le genre de travail
effectué et les relations avec les marchés desservis, tant
à l'extérieur qu'à l'intérieur de la Banque. Des
545 employés du service, 74 pour cent parlent l'anglais couramment,
environ 46 pour cent le français et 19 pour cent soutiennent
posséder une connaissance d'usage du français. Ainsi, un total de
65 pour cent déclare avoir au moins une connaissance d'usage de cette
langue. 56. Bien que le Centre Chargex-Visa de l'est soit situé à
Montréal, il traite avec les succursales et les commerçants et,
ce qui est plus important, avec les titulaires de la carte Chargex-Visa de
l'est de l'Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de
l'Ile-du-Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et de Terre-Neuve. Il comprend
une section des autorisations avec laquelle les commerçants de toutes
ces régions communiquent par téléphone ainsi qu'un service
à la clientèle qui se charge de répondre à toutes
les demandes de renseignements faites par téléphone ou
envoyées par la poste par les titulaires de la carte Chargex de tout le
territoire desservi.
57. Là encore, les exigences de la composition du marché
prédominent en ce qui concerne les connais- sances linguistiques du
personnel du Centre Chargex-Visa. Des quelque 180 employés du centre,
environ 64% parlent l'anglais couramment, 89% le français et 7%
soutiennent avoir une connaissance d'usage du français. Au total, 96%
des employés déclarent posséder au moins une connaissance
d'usage du français.
Contexte social 58. A l'ère des communications
électroniques, on ne saurait affirmer que l'emplacement
géographique du siège social d'une banque constitue,
théoriquement, un facteur essentiel; par contre, le milieu communautaire
dans lequel celle-ci évolue revêt une importance capitale pour
assurer son efficacité. Au siège social, on retrouve entre autres
des gens qui se sont élevés dans l'organisation grâce
à l'expérience qu'ils ont acquise et à la grande
compétence dont ils ont fait preuve au sein du réseau bancaire.
Aussi est-il indispensable que ces employés mutés et leur famille
bénéficient dans leur nouvelle communauté d'un milieu
économique, culturel et scolaire dans lequel ils peuvent vivre
agréablement. 59. Il est par conséquent crucial que les enfants
de ces employés aient la possibilité de recevoir un enseignement
en langue anglaise, la langue de la majorité des familles
concernées. De même faut-il que ces personnes aient accès
aux services de l'administration publique dans leur propre langue et qu'elles
aient l'opportunité de participer aux affaires civiques et
communautaires en anglais. 60. Si la Banque ne pouvait offrir à ces
personnes clés le milieu accueillant dont elles ont besoin pour
évoluer dans la communauté où est situé le
siège social, il serait à notre avis extrêmement difficile,
voire impossible, de les recruter au sein du réseau pour procéder
aux mutations et aux promotions nécessaires à la bonne
administration du Siège social. Une telle situation bouleverserait de
façon inacceptable les plans d'affectation au Siège social des
membres du personnel du réseau qui possèdent les aptitudes et
l'expérience voulues. L'affectation de personnel au Siège social
serait en effet limitée à une fraction des employés qui
appartiennent au système bancaire, ou encore la grande majorité
de ceux qui aspirent à des postes de la haute direction se verraient
imposer des exigences linguistiques irréalistes. 61. A la lumière
de ce qui précède, la Banque ne se trouve aucunement
intransigeante lorsqu'elle dé- clare qu'elle entend déployer tous
les efforts nécessaires, dans le cadre du processus de perfectionnement
de son personnel de direction, pour conserver sa faculté de muter ses
employés clés au Siège social ou à ses autres
bureaux. L'importance de maintenir le fonctionnement efficace et d'assurer la
continuité du Siège social comme cerveau de direction est telle
que l'on peut considérer cette responsabilité de la haute
direction de la Banque comme l'une des plus cruciales qu'elle doit assumer. A
vrai dire, ce n'est pas une question de choix, mais une question de
nécessité.
Apport du siège social à la collectivité 62.
Les sièges sociaux établis à Montréal apportent
à la métropole et au Québec une contribution éco-
nomique et sociale d'importance: par la création d'emplois dans tous les
secteurs du marché du travail, par l'augmentation sensible du volume
d'affaires des cabinets professionnels, des commerçants, des
restaurants, etc., et par la participation bénévole d'un bon
nombre d'employés à des oeuvres de charité, à des
organisations sportives et à des sociétés d'assistance
sociale. 63. Le Siège social de la Banque Royale du Canada à
Montréal compte à son emploi 2158 personnes.
Ces employés payent leurs impôts au Québec et y
dépensent leur salaire en biens et en services. L'argent qu'ils
dépensent amène la création d'emplois et autres avantages
économiques. Par leurs dons, ils apportent leur soutien aux
organisations de charité et organismes sociaux de leur localité.
Ils consacrent une partie de leur temps à l'administration
d'écoles, de collèges, de services sociaux, de groupes sportifs;
bref, de tous genres d'organisations qui dépendent du
bénévolat pour survivre. 64.Outre ce qui précède,
il convient de rappeler les bénéfices que tirent des centaines de
magasins ou commerçants locaux leurs employés et leurs
propres fournisseurs, notamment les entreprises de taxis, les restaurants, les
hôtels, les imprimeurs, les peintres et les experts-conseil. Le
Siège-social loue des locaux, achète des fournitures et du
matériel, utilise de nombreux services di-
vers et paie un montant considérable de taxes et d'impôts.
Les dépenses annuelles totales sont de l'ordre de $75 à $100
millions. Si l'on considère, sans exagération, que chaque dollar
engendre une activité économique deux ou trois fois
supérieure à son montant, on peut dire que notre Siège
social produit chaque année au Québec une activité
économique qui se chiffre aux alentours d'un quart de milliard de
dollars. 65.Ces dépenses du Siège social sont alimentées
par les quelque 90 pour cent de nos activités bancai- res mondiales qui
s'exercent à l'extérieur du Québec, plus les quelque 10
pour cent de nos activités au Québec. 66.Le fait que notre
Siège social soit situé à Montréal a
contribué fortement au développement d'importan- tes
sociétés ayant besoin de ressources financières et
techniques internationales. Un personnel compétent est disponible sur
place pour aider et conseiller ces clients et pour permettre à leur
disposition nos services à l'échelle mondiale. 67.L'un des effets
secondaires de la présence de notre Siège social a
été le lancement à Montréal de notre initiative sur
le plan des "succursales communautaires". Ce projet, basé sur une
approche originale, vise à mettre les services bancaires à la
portée des économiquement faibles qui n'avaient jamais auparavant
pensé pouvoir bénéficier des services d'un
établissement qui s'identifiait si étroitement aux classes
moyennes. Le projet pilote a été entièrement conçu
par le Siège social. La première succursale communautaire fut
établie dans un secteur francophone défavorisé du
centre-est de Montréal. Après cet essai, couronné de
succès, d'autres succursales du même genre ont été
implantées dans les quartiers défavorisés de Toronto,
Winnipeg et Vancouver. Toutes ces succursales fournissent à leurs
clients des assistés sociaux pour la plupart des services
adaptés à leurs besoins particuliers et assortis de conseils
utiles pour leur aider à établir un budget. Auparavant, ces
clients étaient souvent la proie d'usuriers et autres
éléments criminels. Ce n'est que grâce à la
présence du Siège social ici que les francophones ont les
premiers bénéficié de ce service car cette initiative a
été entièrement réalisée par une
équipe du Siège social avant que son administration ne soit
confiée à la Direction régionale du Québec. On peut
donc affirmer que la présence des sièges sociaux à
Montréal favorise la mise sur pied de projets pilotes dans divers
domaines, et ces initiatives voient d'abord le jour au Québec
plutôt qu'ailleurs. 68. De par les antécédents historiques,
la taille et les ramifications de l'entreprise, l'impact de la situa- tion
à Montréal du Siège social de la Banque Royale du Canada
est clairement évident. Pendant les soixante-dix ans qui se sont
écoulés depuis le transfert de notre Siège social de
Halifax à Montréal, la métropole n'a pas cessé
d'attirer population et industries. Elle a été à
l'échelle du monde un foyer d'activité financière. Cette
stature a été acquise en partie grâce à la
dualité des langues et des cultures qui individualise et distingue le
Québec du reste de l'Amérique du Nord; s'y ajoutent un cachet
cosmopolite et une présence de l'Histoire que l'on rencontre très
rarement ailleurs. Le Siège social de la Banque Royale et ceux d'autres
compagnies ont bénéficié de cette situation
spéciale et y ont largement contribué en assurant la
mobilité du personnel entre le Québec, le reste du Canada et les
pays étrangers.
District du Québec 69. Comme nous l'avons
déjà signalé au chapitre consacré à
l'organisation de la Banque, nous établis- sons une nette distinction
entre l'activité du District du Québec et celle du Siège
social, comme c'est d'ailleurs le cas pour tous les autres districts et
régions au Canada. Le district du Québec est placé sous la
direction d'un vice-président qui assume l'entière
responsabilité de l'exploitation des 226 succursales situées au
Québec. Le vice-président est secondé par deux directeurs
généraux, chacun dirigeant un district. Poussant plus loin sa
volonté de décentraliser le pouvoir de décision, la Banque
a regroupé les succursales en régions à la tête
desquelles se trouvent des directeurs régionaux. 70. Puisque les
décisions courantes qui touchent les services offerts par les
succursales relèvent de la direction régionale, il est tout
à fait logique que la Banque exerce son activité en collant
à la réalité socio-économique des diverses
communautés québécoises, comme elle le fait partout
ailleurs.
Récente évolution de la société
francophone du Québec 71.Le vaste réseau de succursales des
banques les met en contact constant avec toutes les communau- tés du
pays. La Banque Royale ne fait pas exception à cette règle. Comme
l'activité bancaire consiste fondamentalement à rechercher les
possibilités d'offrir des services utiles et profita-
blés, de même que les moyens de placer localement les fonds
des dépôts, la Banque Royale s'est trouvée à
créer un réseau de communication qui, sans avoir une existence
officielle, est sensible au milieu. Par la présence de ses succursales
locales dans les différentes régions, la Banque est donc à
même, au Québec comme partout ailleurs au pays, de bien sentir les
divers courants de la vie socio-économique, de s'en former une vue
globale et de saisir l'ampleur de l'évolution. Elle est d'autant plus
sensibilisée car elle recrute localement le personnel employé au
Québec, dont la majorité d'origine québécoise
francophone vit au sein de la collectivité. 72. Il s'ensuit que la
Banque Royale est non seulement parfaitement au courant des changements fon-
damentaux et irréversibles que la société
québécoise a connus au cours des vingt dernières
années, mais qu'elle les a vécus. Elle a vécu et a
participé par l'entremise de ses employés à la
transformation d'une société en grande partie agraire,
contemporaine, industrielle et urbaine. En cours de route, nous avons
constaté que cette société francophone, qui ne
possédait aucune tradition établie de longue date quant aux
affaires, devenait de plus en plus active. Dans les domaines de la technologie
et des affaires de l'économie québécoise, elle
développait des aptitudes professionnelles de haut calibre. Il est donc
évident que tout en continuant de demeurer attachés à
l'héritage reçu d'une société traditionnelle, nos
clients et employés francophones, n'en rejettent pas moins nombre
d'aspects. Ils entendent modeler leur vie actuelle et leur avenir en tenant
compte des nouvelles conditions socio-économiques tout en
préservant leur identité culturelle. La connaissance des besoins
des diverses communautés a permis à la Banque d'enregistrer un
succès égal dans toutes les régions. C'est cette
connaissance qui lui a également permis de prendre conscience du nouveau
contexte du Québec. 73. Beaucoup, les uns se laissant guider par
l'émotion et les autres par l'objectivité, se sont
interrogés sur la viabilité du Québec comme
société moderne. Il y a d'un côté, ceux qui
déclarent que le Québec a connu un développement
prodigieux, en particulier après la venue au pouvoir de l'équipe
Lesage qui a marqué l'avènement de la Révolution
tranquille des années 60, et qui soutiennent qu'il s'agit d'une
société industrielle des plus viables ayant un potentiel
aucunement inférieur à celui des autres principales
régions du Canada. De l'autre côté, se trouvent ceux pour
qui la croissance du Québec a subi un ralentissement ou tout au moins a
adopté une mauvaise orientation. Non seulement cette divergence
d'opinions a rendu difficile la définition des problèmes du
Québec, mais elle a aussi entraîné la recherche de
solutions qui semblent ignorer les progrès indiscutables de
l'économie et de la culture québécoise ou en minimiser la
vitalité. 74. Le caractère propre du développement du
Québec est la résultante de facteurs historiques qui le
distinguent nettement du reste du pays. Les analyses du développement
économique du Canada doivent faire entrer en ligne de compte les traits
fondamentaux de son passé et de son présent. Ces faits sont les
événements qui ont marqué ses débuts, l'origine
sociale des premiers colons, les effets traumatisants de la conquête et
de l'établissement du régime britannique. Il faut aussi y
englober l'origine des droits linguistiques et culturels accordés aux
Canadiens français peu après la conquête et au moment de la
Confédération. 75.Toutefois, l'industrialisation et
l'urbanisation ont eu au Québec un rôle modernisateur aussi impor-
tant que dans les autres sociétés issues d'un système
agraire. Le phénomène a provoqué non seulement un
déplacement de population, mais aussi un bouleversement des modes de vie
et des structures sociales liés à la société
traditionnelle. La laïcisation a elle aussi joué un rôle
transformateur en réduisant le pouvoir de l'une des principales sources
d'autorité. De même, les changements profonds apportés dans
le secteur de l'éducation pendant la Révolution tranquille des
années 60 ont pesé de tout leur poids en fournissant à la
nouvelle société québécoise les compétences
et les talents dont elle avait besoin. 76. La société
québécoise réunit toutes les caractéristiques d'une
société moderne qui peuvent être mesurées par les
instruments de référence habituels tels que production,
consommation, éducation et réalisations scientifiques,
technologiques, commerciales, industrielles et artistiques. La Banque est bien
placée pour évaluer d'une façon particulière le
dynamisme que représente dans la communauté financière un
mouvement unique en son genre, comme les caisses populaires. L'esprit
d'innovation qui les anime en fait des concurrents redoutables. 77. Nous avons
aussi eu l'occasion non seulement d'apprécier les nombreuses
réalisations d'entreprises francophones, mais aussi d'y contribuer; nous
avons d'ailleurs été témoins des succès
remarquables accomplis dans le domaine de la technologie de pointe, notamment
en matière de transport d'énergie électrique. C'est ainsi
que nous avons partagé avec nos clients et nos employés
québécois la fierté devant des projets comme ceux de
l'Hydro-Québec, de la Manic de la Baie James pour ne citer que
ceux-là.
78. De même, nous avons pu utiliser dans les centres vitaux de
notre activité au niveau du District au
Québec la compétence de diplômés
d'établissements francophones tels que l'Université Laval et
l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales ou encore de personnes formées
dans les institutions financières du Québec. 79. Il est
indéniable que comme citoyens, les Québécois francophones,
qui veulent marcher avec leur époque, aspirent au changement et en
ressentent le besoin et n'accepteront pas que leur société reste
immuable. Bien qu'un certain penchant pour l'isolement et le repli sur soi ait
sans conteste joué dans le passé en faveur de la sauvegarde de
l'héritage francophone, il n'en est pas moins vrai qu'aujourd'hui, par
suite de l'avènement d'un contexte socio-économique très
différent, de nouvelles valeurs, préoccupations et
priorités ont vu le jour. Les Québécois, comme les membres
de toutes les autres sociétés modernes, veulent résoudre
le problème que leur pose le choix entre la restauration ou le
remplacement de traditions ébranlées par le changement. Non
seulement partagent-ils avec les citoyens des autres sociétés un
désir impatient d'obtenir des réponses immédiates et
définitives, mais aussi un sentiment contradictoire en face de
l'industrialisation et de l'urbanisation grâce auxquelles le niveau de
vie a augmenté, mais qui leur valent des préoccupations analogues
aux autres sociétés modernes au sujet de la qualité de la
vie, de la préservation de l'environnement et de la disponibilité
des ressources. 80. Bien qu'une telle opposition soit aussi évidente
dans d'autres régions du Canada, l'héritage culturel et
linguistique des francophones y ajoute une autre dimension. La présence
d'un grand nombre d'anglophones dans les zones industrielles du Québec a
exacerbé les craintes d'assimilation à la culture anglophone qui
a longtemps offert l'occasion d'avancer plus rapidement. Par un réflexe
compréhensible de défense, la société francophone a
été amenée à concentrer ses efforts sur la question
de sa survie culturelle. C'est pourquoi le nationalisme québécois
tend à associer les objectifs économiques et culturels, ce qui
donne à la modernisation de la société
québécoise un caractère particulier.
Division du Québec 81. La présence de la Banque
Royale au Québec remonte aux premières années de sa
création. Elle a ouvert sa première succursale à
Paspébiac en 1885. En septembre 1887, elle installait sa première
succursale à Montréal. En 1905, le Conseil d'administration passa
de 5 à 7 membres pour permettre à 2 Montréalais d'en faire
partie, car il prenait conscience du fait que l'expansion de la Banque exigeait
de plus en plus que Montréal, où se trouvait déjà
le directeur général, devint un centre de décision de
l'entreprise. En 1907, le centre des affaires s'étant
déplacé vers Montréal, le Siège social de la Banque
Royale quittait Halifax pour s'installer à Montréal. 82. A cette
époque, la Banque comptait déjà 7 succursales au
Québec. Vingt ans plus tard, on en dé- nombrait 77. Ce chiffre
englobe les 35 succursales ouvertes au cours du XIXe siècle par la
Banque de Québec dont la Banque Royale fit l'acquisition en 1917. De
nouvelles succursales de la Banque furent ouvertes dans plusieurs villes
importantes, notamment à Sherbrooke en 1910, Saint-Jean en 1913,
Joliette et Granby en 1919, Drummondville en 1920, Chicoutimi en 1925 et
Saint-Hyacinthe en 1929. 83. En 1928, la Banque Royale établissait son
Siège social dans un nouvel immeuble de 23 étages situé au
360, rue Saint-Jacques, longtemps considéré comme un
modèle d'architecture qui a fait la fierté des quartiers
d'affaires des villes canadiennes. 84. La croissance économique de
l'après-guerre a amené la Banque Royale à rechercher pour
son Siè- ge social des locaux plus vastes. Inaugurant le nouveau
quartier des affaires du boulevard Dorchester, la Banque installait en 1962 les
locaux de son nouveau Siège social dans le complexe de la Place
Ville-Marie.
Clientèle du district du Québec 85. Aujourd'hui la
Banque Royale exploite 226 succursales dans le cadre de sa division du
Québec, fournissant un éventail complet de services bancaires aux
Québécois. La dernière étude, effectuée en
1974, sur la répartition linguistique de notre clientèle
révèle qu'elle se compose de 51% de francophones, 44%
d'anglophones et 5% d'allophones. Ces taux s'appliquent aussi au secteur des
comptes particuliers. En ce qui concerne le secteur des comptes d'affaires, la
composition varie selon le domaine; par exemple, les organismes tels que le
gouvernement provincial, les municipalités et les commissions scolaires
sont majoritairement des clients francophones (66%) tandis qu'on retrouve une
situation inverse dans le secteur industriel (clients anglophones à
66%). La clientèle des petites et moyennes entreprises se partage
presque également entre francophones et anglophones.
86. Tel que c'est le cas pour les autres régions de son
réseau, la Banque Royale s'est de longue date attachée à
posséder et à développer les moyens lui permettant de
servir ses clients du Québec dans la langue de leur choix. Dès
ses débuts au Québec la Banque mettait à la disposition de
ses clients des formules légales, telles que les chèques,
bordereaux de dépôt et autres imprimés,
rédigées en français et au cours de la dernière
décennie des progrès importants ont été accomplis
dans le processus de francisation.
Personnel de la division du Québec 87. Le District du
Québec a un effectif de 4,822 personnes dont 76% parlent couramment
français tandis qu'un taux supérieur soutient en avoir une
connaissance d'usage (88%). Quant aux anglophones unilingues, ils
représentent 12% de l'effectif total. 88. La grande majorité des
employés qui ont directement affaire à la clientèle
parlent couramment fran- çais dans une proportion de 81%, et ce taux
atteint 92% si l'on tient compte du personnel ayant une connaissance d'usage de
cette langue. Autrement dit, les employés capables de servir les clients
en français se répartissent comme suit:
Connaissance Maîtrise d'usage
Directeurs/rices de succursale 80% 6%
Directeurs/rices de succursale adjoints 74 11
Caissiers/ères 79 14
Préposés/es au crédit à la consommation 93
5
Dans le groupe des personnes qui traitent directement avec la
clientèle, 54.5% parlent couramment anglais. Etant donné que
quelque 44% de nos clients du District du Québec utilisent l'anglais
pour effectuer leurs transactions, la Banque Royale se doit de pouvoir offrir
à ses clients des services dans la langue de leur choix. 89. Cependant,
l'activité interne du District se déroule essentiellement en
français. L'étendue de nos ressources en langue française
au niveau du District au Québec peut être illustrée par les
quelques précisions suivantes: a) le vice-président qui dirige le
District du Québec et les deux directeurs généraux qui
sont à la tête de deux unités administratives sont des
francophones; b) le personnel de la Direction générale du
District de Québec est composé dans une proportion de 83%
d'employés bilingues ou dont la langue première est le
français, et le taux est porté à 92% si l'on englobe les
employés qui soutiennent avoir une connaissance d'usage du
français. Les anglophones unilingues représentent 8% de
l'effectif. Des deux unités administratives que compte le District du
Québec, l'une est intégralement francophone et exerce son
autorité sur cinq des neuf groupes régionaux de succursales de la
province. L'autre compte une proportion importante d'anglophones qui traduit la
répartition linguistique de sa clientèle; c) L'ensemble des
succursales est comprise dans une proportion de 76% d'employés bilingues
ou dont la langue première est le français. Ce taux est
porté à 89%, si l'on y ajoute les employés qui soutiennent
avoir une connaissance d'usage du français. Les anglophones unilingues
représentent 11%. Cependant, il convient de noter que les
employés de langue anglaise se retrouvent principalement à la
succursale principale de Montréal et dans le centre et l'ouest de la
métropole, ce qui reflète encore une fois la répartition
linguistique de la clientèle. Cinq des neuf groupes régionaux,
dont les succursales sont situées dans les autres secteurs de
Montréal que ceux mentionnés ci-dessus, comptent un personnel
bilingue ou d'expression française dans une proportion de 94%. Les
anglophones unilingues travaillant dans ces succursales représentent 6%
de l'effectif; on les retrouve dans quelques succursales établies dans
des milieux où l'on compte un nombre important de clients d'expression
anglaise, notamment au 360 ouest, rue Saint-Jacques, à l'angle de
l'avenue Mont-Royal et du boulevard Saint-Laurent et à l'angle des
avenues Laurier et du Parc. 90. Sur les 4,822 employés du District du
Québec, 1,170 peuvent être considérés comme cadres,
c'est- à-dire qu'ils exercent des fonctions équivalentes aux
niveaux "contremaîtres et postes supérieurs" du secteur
industriel. Ce personnel de maîtrise compte 969 personnes qui parlent
fran-
çais couramment (83%) et 7% qui soutiennent en avoir une
connaissance d'usage. Les employés parlant français se
répartissent assez également dans l'ensemble, entre les
différents niveaux administratifs de ce groupe, les taux extrêmes
se situant à 67% et 94% et les taux moyens, qui sont de loin les plus
généraux, variant entre 80% et 90%. Au niveau des cadres
supérieurs et d'un échelon immédiatement au-dessous, les
taux atteignent respectivement 83% et 80%.
Francisation 91. Dès le début des années 60,
la Banque a jugé qu'il était important d'offrir à son
personnel franco- phone dans sa propre langue les manuels traitant de la
gestion du personnel, des règlements de l'entreprise et des diverses
règles et techniques d'exploitation. Au cours des années
suivantes, les diverses formules et instructions et d'autres manuels ont
été traduits de sorte que la presque totalité des outils
de fonctionnement utilisés dans les succursales du Québec
existent aujourd'hui en français. De plus, pour répondre aux
exigences actuelles de la fonction bancaire il nous faut informer constamment
et quotidiennement notre personnel, ce qui entraîne l'émission
d'environ 1,200 circulaires, soit à peu près 2,000 pages par an
qui sont publiées dans les deux langues. 92. La traduction en
français de la documentation s'est effectuée comme suit: Sur les
5 990 pages tra- duites à partir de 1965 et portant sur les manuels,
instructions et circulaires permanentes, 740 l'étaient à la fin
de 1974, 3 865 à la fin de 1975, 4 605 à la fin de 1976 et 5 516
en avril 1977. Sur les 474 pages restantes, 301 sont en cours de traduction et
173 ont un contenu qui est périmé ou doit être
révisé avant d'être traduit. 93. En outre, depuis novembre
1974, un certain nombre de nouveaux programmes d'importance comportant une
volumineuse documentation ont nécessité la traduction de
plusieurs milliers de pages supplémentaires. En ajoutant à ces
diverses sources de référence utilisées dans le cadre
normal de notre activité, les projets nouveaux qui se succèdent
à un rythme constant, on s'aperçoit qu'il existe, en
matière de traduction, une forte demande, laquelle est en grande partie
satisfaite par notre propre service. 94. L'adaptation et la traduction des
nombreux textes utilisés dans la Banque ne peuvent naturellement
être effectuées qu'à condition de disposer du vocabulaire
et de la terminologie qui conviennent. La Banque Royale s'est
intéressée à ce domaine quelques années avant
l'apport du gouvernement du Québec. Elle publiait dès 1966 un
"Vocabulaire anglais-français de termes bancaires", qui, si modeste
qu'ait été l'initiative, n'en demeure pas moins un vocabulaire
qui a été, avons-nous lieu de croire, le premier du genre
publié dans le monde. Quelques années après, dans le cadre
de son action en matière de terminologie, l'Office de la langue
française entreprenait avec le concours de représentants des
banques, dont un délégué de notre entreprise, une
étude des termes bancaires et financiers. A l'issue des travaux,
l'Office publiait un lexique substantiel. La Banque Royale remplaça
alors son propre lexique par une version abrégée très
utile (32 pages) du lexique officiel. Ce lexique de poche est largement
utilisé dans nos succursales au Québec et est aussi offert au
public. 95. La traduction de nos textes ne représente que l'un de nos
efforts visant à adapter l'aile québécoise d'une
entreprise d'envergure mondiale aux réalités du Québec
contemporain. Il y a une quinzaine d'années nous avons entrepris une
première tournée des universités pour y recruter des
diplômés en administration des affaires parmi les jeunes qui de
plus en plus nombreux sortaient de l'Université Laval, de l'Ecole des
hautes études commerciales et de l'Université de Sherbrooke. Plus
tard, lorsque les CEGEP furent établis, nous avons commencé
à y recruter des candidats, si bien que, au cours des dernières
années, ces établissements ont placé chez nous
annuellement de 85 à 100 de leurs diplômés. 96. De plus,
nous ne nous sommes pas contentés de restreindre les possibilités
de promotion à ceux et celles qui ont la chance de poursuivre leurs
études au-delà du niveau secondaire. En 1962, la Banque offrait
des bourses aux candidats particulièrement prometteurs qui
étaient entrés à son service après leurs
études secondaires, en vue de leur permettre de fréquenter
l'université tout en continuant de recevoir leur salaire et de
bénéficier des avantages sociaux, la seule condition étant
de revenir travailler à la Banque durant les vacances
d'été. Douze diplômés francophones ayant
bénéficié de ce régime occupent actuellement des
postes de direction tandis que trois autres boursiers poursuivent leurs
études. 97.Au cours des deux dernières années seulement,
337 employés francophones ont pris part aux pro- grammes de formation
des cadres de la Banque Royale; sept ont assisté à des
séminaires de
perfectionnement des cadres dirigeants organisés par l'American
Management Association et le Centre international de recherche et
d'études en management (CIREM) dont les cours sont offerts en
français. La Banque Royale est l'un des organismes qui ont
contribué financièrement à la création du CIREM
à Montréal. La Banque offre aussi à ses employés,
par l'entremise du programme de l'Institut des banquiers canadiens, l'occasion
de suivre des cours du soir donnés dans des universités
canadiennes. Pour l'année universitaire écoulée, 514
employés, dont 398 francophones, ont suivi cet enseignement
professionnel au Québec. 98. Les progrès accomplis par la Banque
dans le domaine de la francisation de son activité au Québec au
cours des années, sont quelque peu difficiles à évaluer,
faute de pouvoir s'appuyer sur des données concrètes remontant
à cinq ou dix ans. Il est toutefois évident que les choses ont
changé radicalement durant ce laps de temps. Indépendamment des
statistiques précédentes sur la traduction française de la
documentation, on peut établir une comparaison éloquente: en
février 1973, 84 employés occupant des postes de direction, soit
46% de l'effectif total du district du Québec, étaient d'origine
canadienne-française; en mai 1977, ce chiffre passait à 202, soit
76% de l'effectif.
Possibilités d'avancement des employés francophones
99. L'accroissement des possibilités d'avancement offertes aux
francophones, doublé de l'intérêt plus marqué de
ceux-ci pour une carrière bancaire, a eu pour effet d'augmenter les
promotions de ces employés au sein de notre entreprise. Au cours de la
dernière décennie, le nombre de francophones occupant des postes
de cadres supérieurs et intermédiaires au Siège social
(salaires de $25 000 et plus), dans notre Service international et notre
division du Québec est passé de 7 à 74. En d'autres
termes, alors que le nombre de cadres à ces niveaux augmentent 3.8 fois,
le nombre de francophones accédant à ces postes de
responsabilité augmentait près de 10.6 fois. 100. Dans ce
même contexte d'une participation accrue de francophones dans le monde
des affaires, l'on remarque dans les milieux anglophones du Canada une
conscience croissante de la néces-cité et des avantages de ce
mouvement. L'un des points les plus positifs de cette évolution a
été de mettre en évidence la désuétude face
au nouveau contexte québécois de notions entretenues par les
anglophones selon lesquelles ils se croyaient les seuls à pouvoir
s'imposer dans le monde des affaires, ou à rechercher carrière
dans ce domaine. Il est donc évident que les francophones
désireux de s'intégrer au monde des affaires verront les grandes
sociétés prêtes à les aider à
s'intégrer dans l'entreprise. 101. Un certain nombre de facteurs
exercent une influence sur les possibilités d'avancement des franco-
phones à des postes supérieurs au sein de la Banque. Le facteur
temps est un élément important. Comme nous l'avons indiqué
précédemment la formation d'un cadre supérieur de la
Banque Royale a pris généralement dans le passé un peu
plus de vingt ans et a nécessité une expérience
professionnelle étendue. En raison des conditions du contexte social et
de la mentalité qui prévalaient il y a vingt ans, les
francophones ont été sous-représentés aux
échelons supérieurs de la Banque. Cependant, le nombre de
francophones appelés à accéder à ces postes
représente actuellement une plus juste proportion. De plus, le monde des
affaires évolue à un rythme tellement
accéléré que le temps de formation permettant d'occuper
des postes supérieurs s'est nettement raccourci tandis que l'âge
moyen des nouveaux cadres supérieurs a baissé.
Considérés dans leur ensemble, tous ces éléments
laissent prévoir que dans un proche avenir, les francophones joueront
pleinement leur rôle aux postes les plus élevés de la
direction de la Banque. 102.Un autre facteur important réside dans le
cheminement que doivent suivre les employés compétents pour
parvenir à des postes supérieurs. La Banque fonde ses
critères de promotion essentiellement sur le mérite, la
compétence et l'expérience. Les faits autant que le simple bon
sens prouvent que toute promotion qui s'appuie sur des considérations
d'ordre ethnique est non seulement injuste et discriminatoire, mais aussi
stérile à longue échéance. C'est en somme rendre un
mauvais service à la Banque, à ses clients et aux
intéressés eux-mêmes que de confier des
responsabilités à des personnes qui ne possèdent pas
encore la compétence voulue pour les assumer. 103. Il a
été déjà signalé dans ce mémoire que
l'expérience requise pour occuper un poste supérieur exige de son
titulaire qu'il accepte d'être affecté dans différentes
régions et d'assumer des fonctions diverses. Sur ce point, un certain
nombre de facteurs semble désavantager les Québécois
francophones dont, paradoxalement, la francisation
accélérée de l'activité de la Banque au
Québec. C'est ainsi que le phénomène de la francisation a
créé une situation telle que les
cadres francophones hautement compétents sont tellement utiles au
Québec qu'il est devenu impossible de les nommer hors de la province
à des postes supérieurs leur permettant d'accroître leurs
compétences. Même si cela représente pour eux un avantage
à court terme, il peut, dans certains cas en résulter un
désavantage à long terme du fait qu'ils se trouvent
empêchés de diversifier leur expérience dans d'autres
secteurs, ailleurs au Canada et dans le monde, comme par exemple l'industrie
céréalière dans les Prairies, l'industrie du
pétrole et du gaz en Alberta, l'industrie de la pêche sur les
côtes est et ouest du pays, sans parler des affectations à
l'étranger. 104. Il convient aussi de mentionner l'absence
déplorable d'établissements d'enseignement francopho- nes dans
toutes les régions du Canada, à l'exception de l'Ontario et du
Nouveau-Brunswick. Dans certains cas, cette lacune a amené des
employés francophones pleins d'avenir à refuser des affectations
nécessaires à l'évolution de leur carrière hors du
Québec pour des motifs d'ordre familial parfaitement
compréhensibles. 105.Toutes ces contraintes n'ont cependant pas
empêché la Banque de mettre l'accent sur le perfec- tionnement des
employés francophones et de s'attacher à leur offrir toutes les
possibilités d'acquérir l'expérience nécessaire
à l'accession aux postes supérieurs. C'est ainsi qu'actuellement
13 francophones exercent des fonctions au sein du réseau international
de la Banque à l'extérieur du Canada. 106. Lors du recrutement de
notre personnel, nous avons observé que de jeunes Canadiens
désirant faire une carrière internationale découvrent vite
qu'il existe peu d'entreprises où les décisions majeures sont
prises dans leur propre pays, plutôt qu'à New York, Chicago ou
Londres. La Banque Royale est l'une des rares sociétés
accessibles à ces jeunes gens dont les décisions sont prises au
Canada. 107. Dans l'ensemble, il n'y a pas de doute que les perspectives d'une
croissance de la présence des
Québécois francophones aux niveaux supérieurs de la
Banque, y compris le réseau international, sont excellentes. Dès
lors que les politiques de la Banque en matière de recrutement de
formation et de promotion au sein de son réseau sont libres de toute
intention discriminatoire, on peut certainement présumer qu'avec des
compétences égales les francophones seront appelés
à jouer, à tous les niveaux de notre institution, un rôle
conforme à leur représentation linguistique dans la
société desservie par la Banque. Certes, on ne peut
échapper à la condition inévitable que pour assumer des
responsabilités aux niveaux les plus élevés dans
l'industrie bancaire, il est essentiel de maîtriser la langue anglaise.
Ainsi l'apprentissage de l'anglais devient une exigence supplémentaire
pour quiconque désire embrasser une carrière bancaire, que sa
langue maternelle soit le français ou l'espagnol, qu'il vienne de toute
autre région non anglophone du territoire desservi par la Banque Royale,
comme les Antilles ou l'Amérique latine. Notre remarque, toutefois,
signifie clairement que si la connaissance d'une deuxième langue est un
atout certain, cette exigence ne saurait aucunement constituer une
barrière infranchissable pour un banquier de carrière qui
désire atteindre les plus hauts sommets de la hiérarchie. En
réalité, le bilinguisme est perçu comme un avantage
souhaitable et non comme une charge insupportable.
Participation à la vie économique du Québec
108. De tout temps, la Banque Royale a pris une part active aux projets
d'envergure qui ont modelé la structure industrielle du Québec.
Elle a été intimement liée à l'établissement
de l'Alcan à Arvida; elle a contribué au projet d'exploitation
des gisements de fer de Sept-lles-Port-Cartier; plus récemment, elle
accordait son concours à des entreprises comme celles de Mirabel et de
la Baie James. La Banque Royale manifestait sa présence active dans
l'industrie du tabac à Joliette, l'exploitation du bois d'oeuvre
à Chibougamau, LaSarre et St-Georges-de-Beauce; une présence
nécessaire puisqu'elle apportait toute sa science des questions
financières dans des domaines hautement spécialisés. 109.
Le nombre des succursales au Québec a augmenté à un rythme
considérablement supérieur au taux de croissance de la Banque.
Ainsi, en 1885, le Québec ne comptait qu'une succursale sur un total de
22; en 1934, on en dénombrait 80 sur un total de 789; en 1969, il y en
avait 184 pour un réseau de 1264 succursales; enfin, en 1977, on compte
226 succursales au Québec sur un total de 1456 à travers tout le
Canada. Ces chiffres démontrent que le nombre des succursales au
Québec augmentait plus de 220 fois, alors que l'ensemble du
réseau s'amplifiait 66 fois. Le volume des affaires de la Banque Royale
au Québec est également passée de 10% en 1934 à
15.5% aujourd'hui.
110. La liste des services spéciaux offerts à la
clientèle qui comprennent, entre autres, le programme aux petites
et moyennes entreprises, les services financiers et de crédit aux
agriculteurs et les prêts aux jeunes professionnels serait bien
trop long pour en faire état dans ce mémoire. Mais il ne serait
certes pas inutile de préciser que ces services et toute la
documentation qui les accompagne, telles les brochures d'information et de
formation, sont fournis en français et largement utilisés par les
clients francophones.
Répartition régionale de l'actif et du passif 111.
Ainsi qu'il est mentionné par ailleurs dans ce mémoire, la
structure à succursales a permis à la
Banque de déplacer son personnel à travers tout le
réseau, de le mettre en contact avec les préoccupations des
autres localités et de fournir ainsi l'occasion à ses
employés d'élargir leur champ de connaissances. De la même
manière, la structure bancaire à multiple succursales favorise la
mobilité des capitaux dans la mesure même où les fonds
peuvent circuler d'une région à l'autre, sans discrimination
aucune et selon les lois de la demande. Il est important.de souligner ici que
la demande de capitaux émane de diverses régions et que la Banque
se contente de jouer son rôle en y répondant. L'interaction des
mécanismes du marché et des impératifs économiques
fait souvent que certaines régions accusent, tour à tour, un
solde débiteur ou un solde créditeur, l'ordre des choses
n'étant pas immuable. 112. On a laissé entendre que certaines
banques se livraient à des saignées
délibérées dans les dépôts qu'elles
détiennent dans certaines régions pour consentir des prêts
à d'autres parties du pays, favorisant ainsi la croissance industrielle
d'une zone au détriment d'une autre. A ce sujet, il est
déjà arrivé dans le passé que des personnes des
provinces de l'ouest du Canada aient prétendu que leur épargne
était drainée vers l'Ontario pour favoriser cette province. De la
même façon, certaines personnes au Québec croient que les
banques provoquent la sortie de l'épargne des Québécois.
113.En réalité, le rôle d'un système bancaire
consiste précisément à recueillir les dépôts
là où il y a des excédents de fonds et d'accorder des
prêts là où le besoin s'en fait sentir. L'évolution
récente démontre que le seul important fournisseur de fonds au
Canada est en réalité l'Ontario. A l'exception d'une
période relativement courte en 1976, le Québec a emprunté
plus de fonds qu'il n'en a placés dans le cadre du système
bancaire canadien. 114. Une étude de la question menée par A.E.
Ames & Co. Ltd. et reproduite dans la Presse du 27 avril 1977, donnait
notamment la répartition des avoirs et des engagements des banques
à charte au mois de juin 1976 et contenait certaines observations du
plus haut intérêt. L'article précisait que le Québec
est le principal bénéficiaire de l'activité des banques
à charte canadiennes dans la mesure où avoir plus de prêts
que de dépôts est considéré comme un avantage. 115.
D'autres statistiques publiées par la Banque du Canada et remontant
à mars 1974, date à laquelle la banque centrale a commencé
à donner la répartition par province, font ressortir que, entre
le début de 1974 et la fin du premier trimestre de 1976, le
Québec a emprunté plus de fonds aux banques à charte qu'il
ne leur en a confiés. La situation inverse a caractérisé
les deux trimestres suivants jusqu'en septembre 1976, puis elle a changé
de nouveau. 116. Pendant toute la période couverte par la publication
des statistiques sur la répartition régionale des avoirs et des
engagements des banques à charte, soit de mars 1974 à mars 1977,
nos propres chiffres indiquent que la Banque Royale a fourni plus de fonds au
Québec qu'elle n'en a reçus. Autrement dit, les prêts
accordés dans la province ont été supérieurs
à l'épargne confiée par les Québécois.
Pas seulement au service des grandes entreprises 117. Une autre
impression, bien qu'entachée d'erreur, est largement répandue:
elle consiste à croire que les grandes banques en général
et la Banque Royale en particulier, favorisent leurs clients les plus
importants au détriment des petites entreprises, des agriculteurs et des
consommateurs. En réalité, s'il existe du favoritisme, il joue en
sens contraire. Ainsi, en période de restriction monétaire,
lorsque la demande de prêts excède l'offre, la plupart de nos
succursales ne reçoivent aucune instruction leur enjoignant de limiter
leurs prêts. Seules nos plus grandes succursales se voient demander de
restreindre le crédit qu'elles accordent aux emprunteurs importants.
Nous procédons de cette manière, parce que nous savons qu'en
période de restrictions monétaires, les principales entreprises
ont accès à d'autres sources de financement. Ce qui n'est pas le
cas de nos autres clients. De même, nous avons depuis de nombreuses
années considéré dans un esprit très positif et
avec beaucoup de compréhension les demandes de prêt provenant des
régions moins développées.
118. Notre réseau de succursales ne s'est pas
développé uniquement dans les principaux centres indus- triels du
Québec, il s'est étendu à d'autres localités de la
province telles que Saint-Rémi, Varen-nes, Rosemère, Rawdon, etc.
De fait, nos succursales québécoises sont situées en
grande majorité dans des zones résidentielles et des
localités rurales. 119. L'activité de la Banque Royale au
Québec n'est pas seulement axée sur l'aspect commercial et
économique, elle englobe d'autres aspects de la vie communautaire. C'est
ainsi que la Banque a été la première à produire au
Canada, à l'usage des maîtres, une documentation sur la gestion
des finances familiales et personnelles. Cette initiative a permis de mettre
à la disposition des écoles et des organismes d'éducation
populaire qui l'utilisent largement, un instrument de formation des
consommateurs dans les deux langues, offert sur une base strictement non
commerciale. 120. L'importance que nous attachons à la qualité de
la vie de la collectivité nous a amenés à créer en
1967 le Prix de la Banque Royale consistant en une médaille d'or et une
somme de $50,000. Il a été décerné chaque
année depuis sa création à un Canadien qui s'est
distingué par ses réalisations. Quatre Québécois,
dont trois francophones figurent parmi les lauréats: Son Eminence le
Cardinal Paul-Émile Léger(1969), le docteur Gustave Gingras
(1972) de l'Institut de réadaptation de Montréal pour le travail
remarquable qu'il a accompli en faveur des handicapés et Jean Gascon
(1974), homme de théâtre talentueux qui, depuis des
décennies, sert admirablement son art au Québec.
La Banque et le projet de loi no 1 121. L'étude et
l'analyse du projet de Charte de la langue française au Québec
sous l'angle de son application et de ses effets sur l'exploitation de la
Banque Royale du Canada, font clairement ressortir le problème de la
compétence constitutionnelle et soulèvent la question de la
stricte applicabilité juridique des dispositions du projet de loi. 122.
Il est généralement admis que la compétence en
matière linguistique est, dans le contexte cana- dien, partagée
entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Du point de vue juridique, la compétence du pouvoir
fédéral ou du pouvoir provincial dans le domaine linguistique
repose sur le principe selon lequel la langue est subordonnée à
l'activité ou à la matière envisagée qui,
elle-même, relève de l'autorité de l'une ou l'autre des
assemblées législatives. 123.Ainsi, la compétence de
l'Assemblée nationale du Québec de légiférer sur
des questions touchant la langue d'enseignement et la langue utilisée
dans les administrations telles que les commissions scolaires et les
municipalités, qui sont des entités créées par les
provinces, relève du pouvoir provincial, lequel a pleine juridiction
dans les domaines de l'éducation et des affaires municipales
respectivement. De la même manière, les dispositions du projet de
loi qui sont en réalité extraites de la législation
ouvrière provinciale ou qui lui sont complémentaires, trouvent
leur justification légale dans le fait que la province a juridiction
dans les questions ouvrières sur les employeurs visés par la
législation provinciale du travail, c'est-à-dire les organismes
qui ne sont pas soumis aux dispositions du Code du travail du Canada. 124. Dans
le cas présent, la référence faite au principe selon
lequel la langue est tributaire du domaine d'activité
considéré, nous conduit à la conclusion, confirmée
d'ailleurs par nos conseillers juridiques, que certaines dispositions du projet
de Charte de la langue française au Québec ne seraient pas, du
point de vue strictement juridique applicables à l'activité de la
Banque. L'industrie bancaire est définie comme une activité
relevant clairement et exclusivement de la juridiction fédérale.
Par conséquent, les articles du projet de Charte qui touchent aux
aspects de l'exploitation régis par la Loi sur les banques, la Loi sur
les lettres de change et toutes autres dispositions connexes de
compétence fédérale ne sauraient apparemment s'imposer
à la Banque. En outre, certaines dispositions se rapportant aux
relations de travail demeureraient également sans effet là
où s'applique exclusivement le Code du Travail du Canada. Les remarques
qui précèdent concernent particulièrement les articles 4,
33 à 40, 48, 50 et 114 du projet de loi. 125. Il convient de signaler
cependant que d'autres dispositions du projet de loi, si celui-ci est
adopté, s'appliqueraient au fonctionnement de la Banque. En outre, le
projet contient de nombreuses dispositions qui, sans affecter directement le
fonctionnement de la Banque, auraient des répercussions sur sa
viabilité et sa capacité d'offrir des services. 126. En
dépit de ce qui précède et des considérations de
nature strictement juridique, et sous toutes réserves
précitées, la Banque tient à rappeler, tel
qu'affirmé plus tôt dans ce mémoire, qu'elle aprécie
les objectifs fondamentaux du projet de Charte. Elle reconnaît les
valeurs sur lesquelles
s'appuie la législation linguistique et leur importance capitale
pour la société québécoise. En sa qualité
d'entreprise consciente de son rôle social, la Banque entend demeurer
disponible, en cette matière, étant donné qu'il lui est
impossible de s'exprimer plus précisément à la
lumière d'une loi qui n'en est qu'à l'étape du projet et
en l'absence des règlements. 127. Nous passons maintenant à
l'examen des dispositions du projet de loi. Il semble évident que sur le
plan de l'exercice de nos activités un certain nombre des mesures
envisagées affectent la capacité de la Banque de recruter, former
et retenir à son service les compétences essentielles à
l'exploitation du commerce bancaire.
Membres des professions libérales 128. Article 32
Selon cet article, par exemple, les architectes, les ingénieurs, les
avocats, et les comptables au service de la Banque seront soumis aux
dispositions relatives au renouvellement du permis qu'ils doivent obtenir, le
cas échéant, de leur ordre professionnel pour exercer leur
profession au sein de la Banque. En vertu du projet de loi, les permis ne sont
renouvelables que deux fois; par la suite, ils sont délivrés une
fois l'an à la condition que les intéressés se
présentent aux examens tenus conformément aux règlements
du gouvernement. Or, il faut bien comprendre que ces membres des professions
libérales sont appelés à servir l'ensemble du
réseau de la Banque et que non seulement, il importe de retenir ceux qui
sont déjà établis au Québec, mais aussi d'en
recruter d'autres qui possèdent la même expérience
variée acquise dans les diverses régions ou secteurs où
oeuvre la Banque. 129. Par conséquent, nous recommandons que l'article
32 soit modifié de façon à rejoindre l'esprit des
dispositions de l'article 23 de la Loi 22 et à adoucir les exigences
linguistiques imposées aux professionnels au service d'entreprises, dans
le cas où ils ne sont pas appelés à traiter directement
avec le public.
Affichage 130.Article 46 Tel qu'il est libellé, cet
article ne manquerait pas de compromettre sérieusement l'apti- tude de
la Banque à servir sa clientèle anglophone et allophone, dans la
mesure où il empêcherait la Banque d'utiliser des écritaux,
pancartes et autres affiches de comptoir dans la langue des clients; de
permettre à ces derniers de s'orienter à l'intérieur
même des locaux; d'être renseignés sur les services offerts;
de leur signaler les changements intervenus dans certains services, tels que
les taux d'intérêt; de leur expliquer les conditions
régissant des services nouveaux ou existants. L'application de cet
article tel quel reviendrait à nier le droit des clients anglophones
ayant une faible connaissance du français à être
renseignés par voie d'affichage sur les sujets dont nous venons de
parler, un droit clairement reconnu par la législation aussi bien
fédérale que provinciale sur la protection du consommateur. Cette
mesure aurait pour conséquence, répétons-le, de
créer un imposant groupe de "clients de seconde zone". Ainsi que nous
l'avons dit précédemment, 44% de la clientèle de la Banque
au Québec est d'expression anglaise. On les retrouve principalement dans
la région du Grand Montréal où il existe une concentration
de la population anglophone et des entreprises. Or, en réduisant les
moyens de la Banque de servir cette clientèle, par les mesures que nous
venons de signaler, on risque de porter atteinte à la viabilité
des succursales concernées. 131. En outre, nous remarquons que les
touristes qui désirent se prévaloir des services de la Banque
jouiront d'une exception prévue à l'article 46 et selon laquelle
la Banque sera autorisée à s'adresser aux étrangers par
voie d'enseignes et d'affiches rédigées dans une langue autre que
le français. Une telle mesure constituerait une nette atteinte aux
droits des clients québécois par rapport aux étrangers,
puisque les messages destinés aux résidents du Québec ne
pourront être rédigés qu'en français. 132. Nous
recommandons donc que l'article 46 soit modifié dans le sens des
dispositions correspondan- tes de la Loi 22 identiques d'ailleurs
à la législation en vigueur dans ce domaine en France et
qu'il autorise l'utilisation des langues autres que le français à
condition de donner au français la même importance. 133. CLF-1202
en-têtes de lettre et des enseignes placées à
l'extérieur des succursales et des autres immeubles
de la Banque. Son application aux contrats passés avec les
clients entraîne une contradiction si l'on tient compte de l'article 44
qui autorise l'utilisation de la langue anglaise lorsque le client en fait la
demande. Ainsi, en plus des versions anglaise et française de ces
formules, une version supplémentaire en anglais de chaque formule serait
nécessaire au Québec portant l'indication de la raison sociale
française. 134. La raison sociale de la Banque constitue le moyen
d'identifier la nature de ses activités, d'offrir aux clients ses
services et de leur indiquer l'emplacement de ses succursales. L 'interdiction
d'utiliser la raison sociale anglaise priverait la Banque de son droit de jouer
ce rôle auprès de la clientèle anglaise actuelle ou future.
135. En ce qui a trait à l'utilisation de la raison sociale de la Banque
au moyen d'enseignes extérieures, l'exception prévue à
l'article 46 à l'intention des touristes est de nature à
créer une situation paradoxale et à mettre en contradiction les
dispositions des deux articles, sans oublier qu'elle favoriserait les
étrangers par rapport aux résidents du Québec. 136. Nous
recommandons que le projet de loi soit modifié en vue de permettre
l'utilisation au Québec de la raison sociale anglaise en plus de la
raison sociale française.
Langue d'enseignement 137.Articles 51 et 52 Les
dispositions de ces articles qui traitent de la langue de l'enseignement et de
l'accessibilité aux établissements d'enseignement anglais
auraient pour effet, répétons-le, de compromettre
sérieusement l'aptitude de la Banque à recruter, promouvoir et
former son personnel, dès lors que les mesures envisagées, comme
nous l'avons déjà signalé, réduiraient la
mobilité des employés à travers l'ensemble du
réseau de la Banque et empêcheraient leur affectation au
Siège social.
Autorité des fonctionnaires 138.Articles 95, 106, 116, 132
à 136, 139 Nous sommes vivement inquiets du fait que le projet de
loi envisage d'investir des fonctionnaires de pouvoirs de surveillance
pratiquement illimités, de mettre entre leurs mains un pouvoir de vie ou
de mort sur les entreprises qui n'auraient alors aucun recours devant les
tribunaux pour en appeler des décisions rendues. Ce type de
législation ouvrirait la voie non seulement à des atteintes
intolérables au secret privé, mais pourrait également
donner lieu à des abus et des préjudices. En outre, l'article
135, même s'il comporte des mesures pour disposer des plaintes frivoles
ou prévenir des comportements malveillants, confère aux
commissaires-enquêteurs une grande liberté d'action pour
décider des organismes qui doivent faire l'objet d'une enquête,
ouvrant ainsi la voie à la possibilité de choisir des cibles et
de les harceler de façon particulière. 139. Nous recommandons
donc que le projet de loi soit modifié de façon à
introduire dans les articles pertinents des droits d'appel clairement
définis.
Infractions et peines 140.Articles 47, 106, 119, 163, 164
Même si les amendes prévues aux articles 163 et 164 sont minimes,
leur effet est abusivement multiplié par l'ampleur des sanctions dont
seraient passibles les entreprises qui ne se seraient pas valu d'un certificat
de francisation. L'application de l'article 106 à une entreprise qui ne
détiendrait pas un tel certificat n'aurait tout simplement pour effet la
fermeture de cette entreprise et la mise à pied de son personnel sans
que l'on puisse leur imputer la moindre faute. Nous croyons que le fait de
mettre de tels pouvoirs entre les mains de fonctionnaires, sans
reconnaître à l'entreprise aucun droit de recours devant les
tribunaux, constitue une violation des principes les plus
élémentaires de la simple justice. 141.Nous recommandons donc
vivement le retrait du mot "permis" de l'article 106(a), la modification de
l'article 106(b) en vue d'en exclure l'application à des cas où
l'entreprise concernée est l'acheteur, et l'introduction des
dispositions prévoyant le droit d'appel comme nous l'avons
recommandé au paragraphe 139 du présent mémoire.
Conclusions et Recommandations 142. Nous avons exposé
précédemment dans ce mémoire des faits qui devraient aider
les membres de la
Commission à comprendre la situation de la Banque Royale du
Canada et la façon dont elle fonctionne au Québec, qu'il s'agisse
de l'activité de son Siège social ou de ses districts. Nous avons
aussi fourni des chiffres qui prouvent que nos efforts de francisation à
l'échelle du Dis-
trict au Québec se sont traduits par des résultats
tangibles, voire remarquables. Nous pensons avoir démontré que
notre entreprise offre d'intéressantes possibilités aux
Québécois francophones comme aux employés de tous les
autres secteurs du réseau bancaire. Nous avons analysé et
commenté les effets que pourrait avoir la Charte de la langue
française au Québec sur l'exercice de notre activité, de
même que nous avons présenté certaines recommandations.
143. Maintenant, nous allons en premier lieu, formuler des observations
générales sur la Charte et les principes qui semblent avoir
inspiré ses auteurs puis, en deuxième lieu, donner notre opinion
sur le projet de loi en général et proposer certaines
recommandations générales en nous exprimant à titre
d'entreprise faisant partie intégrante de la société
québécoise. 144. Nous tenons à répéter que
la Banque Royale adopte une attitude positive vis-à-vis des objectifs
fondamentaux du projet de Charte, ces derniers étant, selon nous, la
préservation, la promotion et le développement de la langue et de
la culture françaises au Québec. Nous appuyons les mesures visant
à assurer l'avancement des Québécois francophones dans
tous les secteurs et en particulier celui des affaires. 145. Par contre, nous
ne partageons pas le pessimisme du diagnostic sur lequel s'appuie le projet de
loi.
Nous tenons à souligner les progrès remarquables accomplis
par la majorité francophone du Québec pour occuper la place qui
lui revient dans la vie sociale et économique du Québec. On
trouve maintenant des francophones compétents en nombre croissant dans
les principaux secteurs de l'industrie et du commerce. Nous avons
démontré que cela se vérifie dans le cas de la Banque
Royale, et nous avons tout lieu de croire qu'il en va de même dans
d'autres entreprises. De plus, il existe plusieurs facteurs favorables à
une promotion encore plus marquée des Québécois
francophones dans ces mêmes facteurs. Il y a d'abord le haut niveau des
établissements francophones de formation et d'enseignement qui
continueront d'envoyer vers ces secteurs un flot régulier de personnes
compétentes. Il y a ensuite les changements qu'a subis depuis une
décennie le contexte linguistique dans lequel évoluent les
grandes entreprises, et qui fait que ces dernières présentent aux
jeunes francophones de plus attrayantes possibilités de carrière
leur permettant ainsi d'accéder en plus grand nombre aux postes
clés de l'activité économique du Québec. Les
nombreux francophones compétents qui exercent déjà des
fonctions de direction dans ces entreprises représentent un riche
réservoir de talents appelés aux plus hautes
responsabilités. 146. En outre, le monde des affaires au Québec a
déjà montré qu'il apportait volontiers sa collaboration
enthousiaste à étendre l'utilisation du français dans le
milieu du travail. La franche participation de centaines de cadres anglophones
aux cours de langue est une claire indication de l'indiscutable bonne
volonté et de l'esprit de collaboration de la collectivité
d'expression anglaise. 147. Une autre preuve de l'attitude positive des
Québécois anglophones est fournie par la croissance et le
succès impressionnant des classes françaises d'immersion dans les
écoles de zones fortement anglophones. Voilà qui démontre
que les parents anglophones ne se contentent pas de souhaiter mais de vouloir
ardemment un rapprochement entre les deux principales communautés du
Québec de façon à assurer une entière participation
de la génération montante à la nouvelle
société québécoise. 148. L'intégration des
francophones dans les différents secteurs de la vie économique et
sociale où leur présence était l'exception, constitue un
fait prometteur, un pas important vers l'édification d'une
société dynamique et harmonieuse. 149. Nous en concluons que dans
le cadre d'une société qui est déjà sur la voie
menant à l'épanouisse- ment de ses communautés
linguistiques, il est aussi regrettable qu'injustifié de proposer une
loi qui se veut coercitive et prévoit des sanctions. En
réalité, l'adoption de dispositions impératives pour
réaliser une réforme sociale et économique peut, dans la
meilleure des hypothèses, s'avérer une arme à double
tranchant, car une stricte limitation de choix dans des questions qui
contiennent une forte charge émotive risque de bouleverser le
délicat équilibre des forces économiques et sociales d'une
société. 150. En vérité, des mesures
destinées à favoriser la promotion culturelle et
économique de la commu- nauté francophone du Québec
pourraient bien avoir l'effet contraire à l'objectif recherché
si, faute de tenir compte de la réalité dans tous ses aspects,
elles constituaient une menace sérieuse pour le développement
économique de la société québécoise. A long
terme, elles risqueraient aussi de freiner le rythme auquel se manifeste la
présence de membres de la communauté francophone dans le secteur
industriel et commercial en réduisant les possibilités
d'améliorer leur connaissance de la langue anglaise, d'élargir
leurs compétences dans d'autres sec-
teurs de l'activité des entreprises nationales ou multinationales
installées au Québec, et enfin d'accéder à des
postes de cadres supérieurs dans les sièges sociaux
établis au Québec. Il y a lieu de répéter que
limiter l'évolution de la carrière des francophones par une
action qui nuirait à la viabilité économique des
entreprises, et de ce fait réduirait les choix qui leur sont offerts,
serait pour le moins tragique. 151. La façon dont une
société protège les intérêts et les droits de
ses minorités permet de la juger, car restreindre les libertés de
certains, c'est limiter la liberté de tous. Nous affirmons donc qu'il
est inadmissible qu'une société tente de redresser les torts
passés ou actuels subis par l'une de ses collectivités en
imposant des injustices comparables, et même plus graves, à l'une
des communautés qui la compose. 152. C'est pourquoi nous sommes
persuadés qu'il serait beaucoup plus sage de préférer des
mesures incitatives aux dispositions impératives et coercitives
préconisées par le projet de loi actuellement devant la
Commission. Une réorientation en ce sens, nous en sommes fermement
convaincus, conviendrait mieux dans un domaine qui nécessite la
collaboration des personnes, des collectivités et des groupes
économiques. En outre, toute loi devrait tenir compte des progrès
remarquables qui ont déjà été accomplis. En
résumé, envisager de donner à la loi un caractère
coercitif non seulement nous semble inutile, mais risque, selon nous, de porter
atteinte à la substance même de la société
québécoise. 153. Ceci est particulièrement évident
dans le cas de l'Article 172. En effet, cet article refuserait aux
Québécois la protection accordée par la Charte des
droits de l'homme et, de plus, créerait un précédent
incroyable, à savoir que la Charte des droits de l'homme peut être
supplantée par des lois ultérieures. Nous croyons par
conséquent que cet article est clairement rétrograde et indigne
d'une société civilisée. Nous recommandons fortement que
les dispositions de la Charte de la langue française au Québec
soient modifiées de manière à la rendre compatible avec la
Charte des droits de l'homme. L'article 172 deviendrait alors superflu et
devrait être supprimé. 154. En rapport avec ce qui
précède, il y a lieu de souligner que le terme
"Québécois" devrait faire l'objet d'une définition. Dans
le préambule de la Charte, de même que dans l'Article 112, ce
terme est employé de telle manière qu'il semble que les seuls
vrais Québécois soient d'expression française. Or les
membres de la collectivité anglophone du Québec ont
contribué à l'essor de la société
québécoise durant deux cents ans et ont été
étroitement mêlés au développement du Québec.
Leurs foyers sont au Québec. Ce serait mesquin de le nier, même
implicitement. En outre, dans l'usage courant et en toute justice, ce terme
désigne simplement un citoyen résidant au Québec. C'est
pourquoi nous recommandons que les dispositions de la Loi l'emploient
uniquement dans ce sens ou, dans certains cas bien définis, le
remplacement par le mot "personne". 155. Un autre point d'ordre
général contre lequel nous soulevons des objections se rapporte
à la préé- minence de la langue française au
Québec. Nous ne pouvons accepter que l'on ne puisse assurer la
prééminence du français qu'en interdisant et rejetant les
autres langues. Il est bien, certes, d'encourager ou d'exiger l'usage du
français, mais c'est une toute autre chose d'interdire les autres
langues, comme ferait la Loi proposée dans un nombre regrettable de cas.
Prenons, par exemple, les dispositions de l'Article 46 selon lesquelles il est
interdit d'avoir un écri-teau dans une autre langue que le
français. Non seulement le cours normal des affaires s'en ressentirait,
mais cela porterait, selon nous, une grave atteinte à la liberté
d'expression. La portée extrêmement vaste du texte actuel
s'étend bien au-delà du monde des affaires et touche
également l'expression des opinions politiques et la publicité
effectuée en faveur de partis ou de candidats dans la langue des
électeurs. 156. Dans le domaine de l'enseignement, nous sommes fort
préoccupés de ce que les Articles 51 et 52 limitent
l'accès au système scolaire anglais du Québec et nous
doutons que le principe selon lequel on refuse aux anglophones venus d'ailleurs
les droits des résidents anglophones favorise beaucoup les
intérêts des Québécois d'expression
française. Bien que nous puissions comprendre les craintes qui ont
amené à formuler des restrictions relativement à
l'intégration des immigrants à la collectivité anglophone,
nous avons de sérieux doutes quant à la nécessité
d'avoir recours à des mesures restrictives envers les immigrants
anglophones dont le nombre, nous en sommes persuadés, influencera bien
peu la composition linguistique définitive du Québec. En
conséquence, nous recommandons que le système scolaire anglais
soit accessible aux enfants actuels et futurs de tous les anglophones, soit
qu'ils demeurent déjà au Québec soit que, en provenance
d'autres points du Canada ou d'un pays d'expression anglaise, ils viennent s'y
installer. Comme nous l'avons indiqué précédemment, cette
question revêt une très grande importance d'ordre pratique pour la
Banque, étant donné ses répercussions sur les mutations
d'employés au Siège social.
157. Les dispositions de la Charte en matière d'éducation
sont même plus restrictives en ce qui concerne le choix de la langue
d'enseignement pour les Québécois francophones. Cette question
nous inquiète vivement, de même que nombre de nos employés
francophones. Nous déplorons en outre le manque évident
d'intérêt au sujet de l'enseignement de l'anglais comme langue
seconde dans les écoles francophones. Nous pensons avoir
démontré précédemment dans ce mémoire que le
libre accès des francophones aux postes clés des entreprises
d'envergure nationale et internationale nécessite la maîtrise de
l'anglais et aucune mesure gouvernementale ne peut changer ce fait. En
conséquence, l'enseignement de l'anglais comme langue seconde est d'une
très grande importance pour faciliter une participation accrue des
francophones dans de telles sphères d'activités. Nous insistons
donc pour que le gouvernement prenne des mesures non seulement pour
améliorer l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les
écoles françaises mais aussi pour faciliter l'accès,
même temporairement, des enfants francophones aux écoles anglaises
si leurs parents le désirent. 158. En plus de ces considérations
sur l'enseignement, nous désirons mettre en évidence une fois en-
core que le milieu, qui serait considérablement touché par les
dispositions du projet de loi relatives à la langue de l'Administration
(municipalités, commissions scolaires et autres), joue un rôle
important en ce qui concerne le désir des candidats d'occuper un poste
au Siège social, et celui de leurs familles de déménager
au Québec.
Langues de travail 159. Enfin, nous croyons devoir résumer
et rappeler la position de la Banque concernant les langues de travail
utilisées dans les différents secteurs de son organisation qui
sont situés au Québec. 160. En ce qui concerne les districts du
Québec, y compris les bureaux de la direction et le réseau des
succursales, notre position est la suivante:
Nous continuons d'adhérer au principe que les clients ont le
droit d'être servis en anglais ou en français, selon la langue
choisie pour effectuer leurs transactions et le mettons en application. Ce
principe est, d'après nous, entièrement conforme aux dispositions
de l'Article 5 de la Charte de la langue française actuellement
proposée au Québec. Etant donné la répartition
linguistique de cette province et celle de notre clientèle, cela
signifie que le français est nettement la langue première
utilisée au sein de l'exploitation des districts du Québec. Nos
efforts de francisation en ce sens, déjà bien avancés, se
poursuivront. Néanmoins, une certaine connaissance de l'anglais est
nécessaire pour fournir nos services aux anglophones dans leur langue et
pour communiquer avec les autres secteurs de l'organisation. 161. A
l'égard des secteurs d'activité du Siège social de la
Banque installés au Québec, notre position est la suivante:
En raison de la nature de son travail et du réseau national et
international de la Banque, la langue de travail première du
Siège social est actuellement l'anglais et doit le demeurer. Cependant,
notre position ne nous empêche pas d'utiliser le français autant
de façon non-officielle que comme langue de travail dans les cas
où il est utile de le faire pour des raisons de commodité,
d'ordre pratique ou de courtoisie, ou encore en raison de la nature du travail
à effectuer. Ainsi au Centre d'informatique de Montréal et au
Centre Chargex/Visa de l'est, le degré d'utilisation des langues
reflète la nature du travail à accomplir et les marchés
desservis. 162. Les positions que nous venons d'exprimer répondent
à notre avis aux exigences des objectifs fondamentaux du projet de
Charte, ainsi qu'aux impératifs de la simple justice à des
exigences pratiques et à la qualité des services offerts aux
différents groupes directement intéressés,
c'est-à-dire aux clients, aux employés, aux actionnaires et au
public. 163.Ce dernier critère, l'efficacité de la Banque, peut
également être envisagé en fonction des possibili-
tés concurrentielles de l'organisation par opposition, par exemple,
à celles des autres entreprises de services financiers canadiennes dont
le siège social est établi à l'extérieur du
Québec et qui sont, par conséquent, moins profondément
engagées en ne faisant pas partie de la société
québécoise. Il nous semble raisonnable de s'attendre à ce
que le gouvernement du Québec n'impose pas aux entreprises de chez nous
un fardeau dont se trouvent dispensés leurs principaux concurrents et
qui porterait atteinte à la position concurrentielle des groupes
québécois. 164. Il nous semble nécessaire d'ajouter en
terminant qu'en dépit des fausses impressions qui ont pu découler
des rapports erronés qui ont été publiés, la Banque
a toujours affirmé son désir et son
intention de maintenir son Siège social à Montréal.
Nous n'avons en aucune circonstance menacé d'établir ailleurs
notre Siège social ni n'avons eu l'intention de le faire. Nous ne
voudrions pas davantage que l'une quelconque des déclarations contenues
dans ce mémoire puisse être interprétée comme une
menace. 165. Nous remercions les membres de la Commission pour l'occasion qu'il
nous ont fournie de présenter ce mémoire et les renseignements et
commentaires qu'il contient et espérons que ce document se
révélera utile au cours de leurs délibérations.
P.A. Fréchette Vice-Président, Québec
R. C. Frazee
Vice-Président exécutif et directeur général
en chef
W. Earle McLaughlin Chairman et président le 3 juin 1977