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Audition des mémoires sur
le projet de loi no 1 :
Charte de la langue française
au Québec
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs! Je vais demander aux députés de regagner leurs
fauteuils, s'il vous plaît. M. le député de Rouyn-Noranda,
s'il vous plaît. M. le député de Rosemont, s'il vous
plaît. Cette nouvelle séance débute. Nous ajournerons
à 13 heures et reprendrons les travaux de la commission après les
affaires courantes et la période des questions à
l'Assemblée nationale jusqu'à 18 heures; nous suspendrons les
travaux jusqu'à 20 heures et nous continuerons jusqu'à 23 heures.
Je fais l'appel des membres de la commission. M. Alfred (Papineau).
M. Alfred (Papineau): Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier), M.
Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères);
M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Belle-feuille
(Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M.
Grenier (Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M.
Biron (Lotbinière); M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier). Pas de remplacement?
Mme Lavoie-Roux: Non, il doit venir.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).
L'ordre du jour. Conformément a la décision de la commission
vendredi passé, je ne fais pas d'appel formel; j'indique simplement le
nom des organismes et des personnes convoqués avec le numéro des
mémoires pour que les membres de la commission soient plus
informés.
Nous avons la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal, mémoire 6; Mme Denyse Desjardins-Lepage, à titre
personnel, mémoire 169; Collectivité anglophone de
l'éducation de l'Ouest du Québec, mémoire no 164;
Association des démographes du Québec, mémoire no 162;
Monsieur Bur-ford Charles Norman, à titre personnel, mémoire no
157; Les jeunes libéraux, région de Québec, mémoire
no 114. Cela indique une journée suffisamment chargée. J'en
appelle donc à la collaboration de tous pour s'en tenir à cette
motion adoptée la première journée de nos travaux.
Distribution de la liste des mémoires
Le Président (M. Cardinal): Avant que ne commence
l'audition des témoins, je veux poser un geste qui m'a été
demandé il y a quelques jours par les membres de cette commission. Je
voudrais que ceci soit très clair, il ne s'agit pas d'un
dépôt de documents, il s'agit de renseignements fournis aux
membres de la commission et uniquement aux membres de la commission.
A compter du moment où j'aurai remis la liste de ceux et celles
qui désirent se présenter devant nous, elle sera
distribuée à chacun des vingt membres de cette commission
permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications. Alors les documents sont prêts, la liste contient plus de
260 noms et sera donc distribuée immédiatement à chacun
des membres de la commission. A ce sujet, j'accorde la parole au ministre
d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: M. le Président, mes remarques seront
brèves. Je voudrais simplement signaler qu'en consentant à ce
geste, le gouvernement institue un précédent. Je pense que c'est
à signaler que lorsque la loi 22 avait été
étudiée, le gouvernement d'alors n'avait pas déposé
une pareille liste, malgré la demande qui en avait été
faite par l'Opposition du temps. Nous consentons à le faire, parce que
nous entendons répondre ainsi à un droit légitime qu'ont
manifesté les divers partis d'Opposition, aussi bien que l'opinion
publique quant à l'information qu'ils doivent recevoir, le nom, la
nature des mémoires qui sont déposés. Ceci répond
également à la volonté du gouvernement, depuis longtemps
exprimée, de gouverner dans la transparence.
Nous pensons en effet que l'information la plus complète possible
doit être donnée à tous les secteurs de l'opinion, afin que
l'opinion publique puisse se faire une idée plus juste des efforts
effectués par les citoyens, aussi bien que les groupes, quant à
leur participation aux décisions gouvernementales et a
l'élaboration des politiques.
Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas d'autres
interventions? Merci, M. le ministre. J'appelle officiellement le premier
organisme convoqué, la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal, mémoire 6, représenté par M.
Gérard Turcotte. M. Turcotte, je vous prierais d'identifier votre
organisme et les gens qui vous accompagnent, pour l'information de la
commission et pour que ceci perdure, grâce au journal des
Débats.
L'audition commence à dix heures dix-huit minutes. Vous avez
vingt minutes pour présenter votre mémoire et les
députés membres de la commission, de même que les autres,
ont 70 minutes pour vous interroger. M. Turcotte, s'il vous plaît.
Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal
M. Turcotte (Gérard): Je laisse au président le
soin de diriger la délégation. M. Jean-Paul Champagne,
président.
M. Champagne (Jean-Paul): Voici les membres de la
délégation. A ma gauche, Mme Lise Cloutier-Trochu qui est
vice-présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal; à ma droite, M. Guy Bouthillier, sociologue, membre du
comité du statut du français; Me Yvon Groulx, ancien
président de la Société Saint-Jean-Baptiste et M.
Gérard Turcotte, secrétaire exécutif de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
En page trois du mémoire, préambule.
Le 1er avril 1977, jour du dépôt à
l'Assemblée nationale du livre blanc sur la politique
québécoise de la langue française, et le 27 avril 1977,
jour de l'adoption, en première lecture, du projet de loi no 1, sous le
titre de Charte de la langue française au Québec, ont
été des jours de joie, de satisfaction et de fierté pour
les dirigeants et les membres de la Société Saint-Jean-Baptiste
de Montréal.
D'entendre le porte-parole officiel du gouvernement du Québec
affirmer solennellement à la face du monde que "le Québec que
nous voulons construire sera essentiellement français, qu'il ne sera
donc plus question d'un Québec bilingue, que la consécration du
français comme langue officielle implique que cette langue est vraiment
la langue commune à tous les Québécois et que le statut de
la langue française au Québec est une question de justice
sociale" nous démontre enfin que nous n'avons pas lutté en vain,
plus particulièrement depuis les quinze dernières années,
afin que le français devienne réellement la seule langue
officielle du Québec et la langue indispensable pour tous les
Québécois.
Nous avons maintenant l'assurance que les luttes linguistiques
humiliantes que notre société a dû mener, conjointement
avec d'autres grands organismes représentatifs de la population du
Québec, tirent à leur fin et que les bills 85, 62, 63, 28 et 22
ne seront plus désormais, pour les Québécois, que de
mauvais souvenirs.
La reconnaissance et la défense des droits du français au
Québec ont été sans contredit la préoccupation
primordiale de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal,
la raison première de son existence et l'inspiration principale de son
action dans la société québécoise depuis sa
fondation, il y a près d'un siècle et demi.
Notre société a, dès 1965, par une
résolution de son congrès général,
réclamé la proclamation du français comme seule langue
officielle et son utilisation exclusive dans tous les domaines de la vie
collective, de telle sorte que la connaissance et l'usage du français
deviennent indispensables à tout citoyen du Québec.
Outre ses nombreuses résolutions et interventions publiques
à cette fin, la société a fait notamment de cette prise de
position le thème de deux mémoires majeurs qu'elle a soumis, l'un
au premier ministre du Québec, en 1967, et l'autre à la
Commission Gendron, en 1970. Elle a participé, au cours des dix
dernières années, à tous les grands débats sur les
droits du français au Québec et à toutes les luttes pour
assurer le respect intégral de ces droits et empêcher la
création et la reconnaissance de quelque droit que ce soit en faveur de
l'anglais ou de toute autre langue. Elle s'est fait un devoir de
comparaître devant toutes les commissions parlementaires qui,
d'année en année, ont étudié les divers aspects de
la situation linguistique au Québec et elle a suscité la mise sur
pied de deux vastes fronts communs dans le but de rallier toutes les
énergies québécoises dans ces luttes linguistiques: le
Front du Québec français, en 1969, pour combattre la loi 63, et
le Mouvement Québec français qui, depuis 1971, a fait
échec tant à la loi 63 qu'à la loi 22.
Il est donc logique et normal que notre société se
présente devant votre commission pour lui faire part de ses
représentations sur le projet de loi no 1 qui, tant par son esprit et
par les mesures qu'il propose, répond, dans son ensemble, aux
réclamations et à l'attente de ses dirigeants et de ses membres,
en faisant du français la seule langue officielle du Québec, la
langue de l'administration à tous les paliers, la langue de la
législation et de la justice, la langue du travail et la langue de
l'éducation.
Ce projet de loi, première étape de la refrancisation du
pays, est un minimum indiscutable qui ne doit souffrir aucune
atténuation, ni aucun recul.
Il constitue, pour la première fois dans l'histoire de
l'Assemblée nationale, une véritable charte du caractère
français exclusif du Québec et consacre définitivement le
français comme langue du peuple québécois. Cette charte de
la langue française a notamment le grand mérite d'éliminer
totalement la notion de langue seconde comme élément des droits
linguistiques fondamentaux des Québécois. Nous en
félicitons chaleureusement le gouvernement. Nous formulons le voeu que
l'Assemblée nationale adopte ce projet de loi en y apportant toutefois
quelques corrections que nous suggérons à la fin du
présent mémoire.
M. Bouthillier (Guy): Le projet de loi no 1 remet en cause
l'ordre linguistique canadien au Québec. Aussi bien l'adversaire
réagit-il férocement pour défendre le statu quo. L'arme la
plus pernicieuse dont il use est celle de la confusion intellectuelle qui vise
à dénaturer l'action de la majorité et à paralyser
le gouvernement et l'Assemblée nationale. La Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal estime de son devoir de dénoncer
cette entreprise.
Cette confusion intellectuelle apparaît surtout dans trois
arguments de l'adversaire l'argument de l'ethnocentrisme, celui du repli sur
soi, et celui de la discrimination.
L'ethnocentrisme. Le Québec s'est engagé dans une action
pour bâtir, ici, un pays ce langue, de culture et de mentalité
françaises. Cela veut dire, en clair, que nous avons
décidé de rompre l'uniforme monotonie linguistique de
l'Amérique du Nord et d'y faire triompher notre différence. La
signification historique de cette action n'échappe à personne.
Signification pour le Québec lui-même, bien entendu, qui retrouve
ainsi sa vraie personnalité. Signification aussi et le fait
mérite
d'être souligné pour l'ensemble du continent
nord-américain: dorénavant, en effet, grâce au
Québec, il y aura sur ce continent des terres de langue anglaise et des
terres de langue française. Voilà donc que sera enfin
réalisé, à l'échelle du continent, un premier et
véritable pluralisme linguistique. Il s'agit là, on le voit, d'un
fait historique capital. Mais assez curieusement, c'est ce projet de pluralisme
que l'adversaire s'acharne à taxer d'ethnocentrisme, qui est exactement
son contraire. Cela est sans doute de bonne guerre. Mais nous ne serons pas
dupes. S'il cherche ainsi à dénaturer notre action collective,
c'est qu'il en a compris la puissance et la signification profonde.
L'argument, maintenant du repli sur soi. La lutte pour la langue
nationale est chose ancienne ici puisqu'elle prend source dans l'annexion du
Québec à l'Empire britannique réalisée au XVIIle
siècle. Jusqu'à tout récemment, cependant, cette lutte
était purement défensive: Nous croyions en effet qu'il suffisait
de maintenir le français pour nous-mêmes, sans devoir le faire
partager par les autres. Cette stratégie aboutissait à des
résultats aberrants. C'est d'elle que découle, par exemple, le
fait qu'on nous a si souvent rappelé avec complaisance que de nombreux
enfants allopho-nes furent refusés dans nos écoles. Mais nous
avons compris maintenant les limites et les dangers de cette attitude et c'est
pourquoi nous avons décidé de changer de stratégie. Pour
maintenir notre langue, estimons-nous maintenant, il faut la partager avec tous
les habitants du Québec.
C'est ce changement fondamental que traduit le projet de loi en
discussion. Il faut maintenant sortir de nous-mêmes, aller à
l'autre et lui donner notre langue. Il faut lui ouvrir nos écoles, nos
institutions, notre culture, bref, tout ce qui fait que nous sommes ce que nous
sommes. A une attitude de fermeture sur nous-mêmes, l'histoire nous
permet aujourd'hui de préférer une stratégie d'ouverture
sur l'autre. C'est le sens profond de notre démarche actuelle. Mais
assez curieusement, c'est cette attitude d'ouverture que l'adversaire continue
d'appeler repli sur soi, sans doute pour mieux la combattre.
L'argument de la discrimination. Notre projet collectif vise à
amener tout ce que le Québec comporte de vie et de vitalité,
à vivre et à se préparer a vivre en français. Pour
cela, il faut en finir avec toutes les exclusives, tous les apartheids et tous
les ghettos linguistiques. Cela suppose l'application de la loi du pays
à tous les habitants du pays sans distinction aucune. C'est ce que fait
le projet en discussion: Au-delà des exceptions généreuses
qu'il veut bien reconnaître, notamment en matière scolaire, le
législateur s'inspire ici du principe de l'égalité de tous
devant la loi. Egalité de tous les conseils municipaux devant l'usage
administratif du français. Egalité de tous les commerces devant
l'usage publicitaire du français. Bref, égalité de tous
les Québécois devant la loi de leur pays.
Ce principe d'égalité est le fondement même de votre
politique, mais curieusement, c'est cette politique que l'adversaire taxe de
discrimination, qui est pourtant exactement son contraire, puisque la
discrimination sépare, isole et distingue là où vous
rassemblez et unissez sous une même loi et dans une même
communauté de langue.
Cette confusion intellectuelle que l'adversaire s'efforce d'entrenir
rappelle irrésistiblement l'évocation prémonitoire que
faisait George Orwell d'un monde où les mots sont pris à
contresens: "War is peace, Freeedom is Slavery, Ignorance is Strength",
écrivait-il, en effet, dans son roman "1984". Mais à la faveur de
ces contresens, l'adversaire cultive un ensemble d'arguments contradictoires.
Nous croyons qu'il est de notre devoir d'en dénoncer quelques-uns: 1.
L'adversaire s'insurge contre l'utilisation de la contrainte d'Etat mise au
service de la promotion du français, mais il n'en continue pas moins
d'invoquer la contrainte d'économie au profit du maintien de l'anglais.
La contrainte, injuste lorsqu'elle est politique, devient tout à coup
normale et même naturelle lorsqu'elle est économique. Contraire
aux droits de la personne lorsqu'elle est politique, elle devient tout à
coup bénéfique lorsqu'elle est économique. Mais on voit
bien où l'adversaire veut en venir: créer le vide politique pour
mieux permettre aux dirigeants économiques d'occuper la place et
d'imposer ses politiques linguistiques. Mais nous ne sommes pas dupes et, pour
notre part, nous préférons l'attitude plus franche qui oppose
à la contrainte du petit nombre sur le grand nombre celle plus
démocratique du grand nombre sur le petit nombre. 2. L'adversaire nous
prête ensuite l'intention, même contre l'évidence, de
pratiquer des distinctions, mais il n'en continue pas moins d'exiger et
d'imposer les siennes. C'est en effet ce qu'il fait et sans vergogne,
car personne encore ne le lui a reproché chaque fois qu'il
distingue entre les secteurs nobles de l'économie où il veut
continuer d'imposer l'anglais, et les secteurs inférieurs qu'il
accepterait à la rigueur d'abandonner à la langue
française. Mais là non plus, nous ne sommes pas dupes et, pour
notre part, nous refusons la subordination de la langue du pays à une
autre langue, seule attitude conforme à la dignité. 3.
L'adversaire nout dit que l'interdiction faite aux Anglo-Canadiens qui
viendraient à séjourner chez nous d'envoyer leurs enfants dans
les écoles anglaises d'ici serait incompatible avec la future
association économique Québec-Canada. A cet argument qui, soit
dit en passant, suppose chez les Canadiens anglais un étonnant
degré d'imperméabilité aux autres cultures, on peut
répondre deux choses.
Premièrement, que nous n'en savons rien, puisque les conditions
d'hypothèse ne sont pas encore réunies. Deuxièmement, que
là encore l'adversaire pratique la contradiction des deux poids deux
mesures: on ne voit pas très bien en effet pourquoi une interdiction
faite à quelques milliers d'Anglo-Canadiens empêcherait la
réalisation d'une association qui, en tout état de cause, ne sera
que purement économique, alors que la même interdiction faite non
pas à quelques milliers, mais à des centaines de milliers de
Cana-
diens français dans les provinces anglaises n'a pas
empêché jusqu'ici le maintien d'une association séculaire
beaucoup plus intime puisqu'elle est politique.
L'adversaire a toujours agi en matière de langue en fonction de
ses intérêts politiques collectifs. C'est ce qu'il a fait au XIXe
et au XXe siècle lorsqu'il a jugé impératif d'assurer
l'hégémonie de l'anglais partout où cela était
possible au Canada. Mais c'est aussi ce qu'il continue de faire aujourd'hui
quand, ayant assuré son hégémonie, il accepte de faire une
place chez lui au français. Bien sûr, il se donne des allures en
invoquant bien tard, ne croyez-vous pas de supposés'droits
de la personne, mais c'est encore et toujours par intérêt
politique qu'il agit. Cela aussi est peut-être de bonne guerre, mais
permettez-nous de ne pas être dupes. Lorsqu'il agit pour la protection du
français, le gouvernement fédéral, en effet, ne fait
qu'obéir à son intérêt politique supérieur
qui lui commande de maintenir son emprise politique sur le Québec. C'est
du reste ce qu'a clairement reconnu Pierre Elliott Trudeau devant la Chambre
des communes lorsqu'il a dit: "II existe pour nous tous une obligation, une
sorte de contrat politique passé avec les Canadiens de langue
française, en vertu duquel ces derniers rejetteraient le
séparatisme et, pour sa part, le gouvernement fédéral
garantirait aux Canadiens français le droit de communiquer dans leur
langue avec l'administration fédérale et d'y travailler aussi
dans leur langue".
Messieurs, voilà la contradiction suprême de l'adversaire:
présenter aujourd'hui comme affaire de droits de la personne ce qui
n'est au fond à ses yeux qu'objet de troc politique.
En conséquence de cette partie, nous invitons les
défenseurs véritables des droits de l'homme à
dénoncer avec nous la confusion intellectuelle qui ne peut que desservir
la noble cause des droits de l'homme.
Nous exprimons notre confiance que la commission parlementaire et
l'Assemblée nationale ne prêteront pas l'oreille aux propos de la
confusion intellectuelle et de l'argument contradictoire.
Nous rassurons enfin les anglophones d'ici que jamais nous ne joindrons
à notre action conquérante le mépris de leur langue, que
certes nous leur dirons et qu'en fait nous leur disons d'ores et
déjà "Speak French" mais que jamais nous ne nous abaisserons
à leur dire "Speak White".
Mme Cloutier-Trochu (Lise): L'importance du Québec pour
les Québécois.
On répète aux Québécois depuis des
générations qu'ils forment un îlot français au sein
d'une mer anglo-saxonne en Amérique du Nord. Et on se fonde sur cette
assertion pour prétendre que notre survivance est une anomalie qui ne
devrait pas tarder à disparaître et qu'à toutes fins
pratiques plus tôt l'assimilation aura lieu, mieux il en vaudra pour
nous. Cette assertion ne tient que si l'on ne considère
l'Amérique du Nord qu'à l'étendue du Canada et des
Etats-Unis.
Mais les aspirations du Québec sont plus vastes et les
Québécois désirent s'ouvrir au monde et déborder
les cadres étroits de cette conception du nouveau monde.
La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal souhaite
que le nouvel Etat québécois en train de se façonner
réponde au désir du plus grand nombre et que non seulement la
majorité s'y sente heureuse, mais encore que son rayonnement lui attire
une immigration valable, voire enrichissante. Mais comme il est impossible de
plaire à tous et qu'inévitablement certains
Québécois anglophones ou autres se prétendent
frustrés par la nouvelle législation, il leur sera toujours
loisible, moyennant un modeste déplacement, de se retrouver au sein de
frères de même culture et de reconquérir le bonheur
à relativement peu de frais.
Si l'on en croit les journaux (jusqu'à quel point peut-on se le
permettre) plusieurs d'entre eux auraient déjà plié armes
et bagages de manière préventive. Nous le regrettons, mais encore
faut-il reconnaître qu'un anglophone malheureux peut trouver asile
à quelques kilomètres à l'est, à l'ouest ou au sud
des frontières du Québec. Mais si les Québécois
devaient continuer à ne plus se sentir chez eux sur leur propre
territoire, où pourraient-ils aller? La question n'est pas
théorique, puisque la seule réponse qu'on puisse lui offrir est
une migration sur un autre continent.
L'élément judéo-canadien de notre population
devrait être sensible à cet abord du problème des
francophones, puisque c'est essentiellement le même qu'évoque
l'Etat d'Israël depuis sa fondation pour réclamer l'espace vital
qu'il recherche. Nous avons le dos à la mer, proclame-t-il, où
pourrions-nous aller, environnés que nous sommes d'Etats qui ne nous
ressemblent pas? Fait curieux à noter, jamais le gouvernement
fédéral canadien élu par le peuple canadien et son
porte-parole en politique extérieure comme ailleurs, jamais,
disons-nous, le gouvernement fédéral canadien n'a retiré
son appui au gouvernement d'Israël pour avoir agi selon cette
déclaration.
Une seule langue, un seul système scolaire. Depuis des
années, tant au Canada qu'au Québec, le monde du commerce et de
l'industrie s'est refusé à accepter une langue seconde dans le
règlement de ses affaires sous prétexte qu'elle serait une source
de confusion qui risquerait de compromettre le rendement et l'efficacité
dans ce domaine. A en juger par la ténacité manifestée par
le monde des affaires sur ce sujet, il semblerait que le principe serait
fondamental et ne souffrirait peu ou pas d'accroc.
Par ailleurs, le commerce et l'industrie du Canada, au mépris de
leur modestie, n'hésitent pas à se citer comme exemple de
réussite non seulement chez nous, mais dans le monde entier.
Peut-être y aurait-il lieu de retenir ce principe d'unilinguisme dans la
conception du système scolaire que nous désirons instituer. Comme
la Société Saint-Jean-Baptiste a à coeur que le
Québec se dote d'un système efficace et d'un rendement sûr,
pourquoi ne pas prêter l'oreille à cette leçon que le monde
des affaires nous sert gratuitement depuis si longtemps et en faire notre
profit
dans l'enseignement. En d'autres termes, par souci de réussite,
n'allons pas nous encombrer d'un deuxième système
d'éducation et concentrons nos efforts à tendre vers
l'école française unique.
Parmi les leçons qu'on nous a si généreusement
dispensées depuis plusieurs années, une autre pourrait être
invoquée ici. Est-il nécessaire de préciser qu'elle
s'applique dans le même sens que la précédente... puisqu'on
nous l'a servie. Des gens hauts placés, des professionnels dans leur
domaine, des juristes ont affirmé de manière péremptoire
qu'une deuxième langue risquerait de compromettre sérieusement la
sécurité aérienne et que dans ce domaine, entre autres,
sinon comme partout ailleurs, l'unilinguisme est la clé du
succès.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, je puis
vous proposer deux choses. A moins que la commission n'en décide
autrement, je vous demanderais de conclure brièvement. Un instant s'il
vous plaît. M. le député de Vanier.
M. Bertrand: Nous est-il possible de proposer à la
présidence d'accorder dix minutes supplémentaires à la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et le prendre
à même le temps accordé au groupe ministériel?
Le Président (M. Cardinal): II nous est possible de le
proposer.
M. Bertrand: Nous le proposons. M. Ciaccia: M. le
Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je pourrais suggérer
qu'on permette à la Société Saint-Jean-Baptiste de prendre
le temps nécessaire pour finir, sans nécessairement enlever le
temps au parti ministériel.
Le Président (M. Cardinal): Je regrette, mais je suis
lié par la motion. Vous avez déjà, à cette
commission, établi un précédent c'était le
député de Jonquière qui présidait à ce
moment-là où les partis qui représentent
l'Assemblée nationale à cette table, ont, d'eux-mêmes,
proposé que l'on prenne cinq ou dix minutes à même leur
temps. Devant cette question du député de Vanier, si la
commission est d'accord, je serais prêt à accorder les dix minutes
à même le temps du parti ministériel. Si je n'ai pas
d'autres suggestions, c'est ce que je vais décider.
M. Grenier: A moins que...
Le Président (M. Cardinal): D'accord. La suggestion du
député de Mégantic-Compton est heureuse. Je vais donc
accorder le temps nécessaire pour terminer, pourvu qu'il ne
dépasse pas dix minutes, et ce temps sera enlevé aux
représentants du parti ministériel. Je vous en prie, vous pouvez
continuer.
Mme Cloutier-Trochu: Merci. Les différents écueils
du bilinguisme.
La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal tient
à mettre la commission en garde contre les éléments du
projet de loi no 1 qui tendent à conserver, sous divers
prétextes, une certaine forme de bilinguisme au Québec. En
matière de bilinguisme, les Québécois en tant que peuple
devraient être considérés comme les experts mondiaux.
En effet, s'il est une collectivité qui a vécu
peut-être devrait-on dire qui a subiles problèmes du
bilinguisme, c'est bien elle. Combien de frustrations avons-nous
essuyées, combien d'efforts avons-nous gaspillés? Combien
d'humiliations avons-nous avalées? Combien d'argent avons-nous perdu
à cause du bilinguisme?
Depuis que le gouvernement fédéral a jeté son poids
et notre argent dans la balance et qu'il a cherché à prix d'or
à instituer le bilinguisme dans la fonction publique, certains
Anglo-Canadiens auraient peut-être quelques témoignages
éloquents à apporter dans le même sens.
Devant les exemples innombrables que l'on peut puiser dans notre
passé, devant les événements qui se sont
déroulés en Belgique, devant la meilleure connaissance que nous
avons du système suisse (deux exemples qu'on nous a si souvent servis et
sur lesquels on observe maintenant un prudent silence), devant l'échec
retentissant du gouvernement d'Ottawa dans son programme d'imposer le
bilinguisme même restreint, la Société Saint-Jean-Baptiste
de Montréal considère toute autre poursuite dans ce sens comme
aberrante, illusoire et ridicule, le bilinguisme n'étant que source de
confusion, de vexation et de frustration.
Objection de la sentimentalité.
Dans les échanges de vues au sujet du projet de loi no 1, les
adversaires ont invoqué divers prétextes pour chercher à
saper les bases mêmes sur lesquelles repose la charte. Une de leurs
manoeuvres consiste à prétendre que la valorisation du
français au Québec n'est qu'une manifestation de
sentimentalité, ou, si l'on veut, une manière de caprice
révélant un manque de maturité, et que les gens
sérieux (les anglophones sans doute, puisqu'ils se prennent très
au sérieux), les gens sérieux, disons-nous, ne devraient pas
s'arrêter à des vétilles semblables, mais bien plutôt
concentrer leurs efforts sur l'économie et les affaires.
Cette façon de noyer le poisson entre bien dans la manière
de l'adversaire passé maître dans cet art. Mais si on laisse de
côté cette remarque dédaigneuse pour demander aux
chômeurs québécois pourquoi ils chôment, plusieurs
répondront qu'ils ne peuvent être embauchés parce qu'on
exige d'eux une connaissance de l'anglais supérieure à celle
qu'ils possèdent. Pour celui qui doit se contenter de la part congrue de
l'emploi et dont
le revenu annuel est sérieusement compromis par le chômage
chronique, la possibilité de travailler en français
c'est-à-dire pour lui de travailler tout court dépasse
largement le domaine de la sentimentalité. La question devient
plutôt une affaire viscérale pour lui. Les syndicats de
travailleurs pourront certainement en parler avec éloquence et
persuasion.
Le Président (M. Cardinal): Pardon! M. Groulx, veuillez
utiliser votre micro, s'il vous plaît.
M. Groulx (Yvon): Nous l'avons dit plus haut: ce projet de loi
répond dans son ensemble aux désirs des dirigeants et des membres
de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Cependant,
pour le rendre plus conforme aux positions que la société a
déjà énoncées et surtout pour permettre à la
loi d'assurer plus efficacement la protection et le développement de la
langue française, nous recommandons que des modifications soient
apportées aux articles 52 et 58, ainsi qu'au chapitre III, dans l'esprit
suivant:
Premièrement, dans sa rédaction et par les critères
qu'il établit, l'article 52 permet notamment aux francophones qui
reçoivent présentement l'enseignement en anglais, ainsi
qu'à leurs frères et soeurs cadets, de continuer à vivre
en marge de la nation québécoise. Il importe de toute
nécessité que ces enfants francophones soient rapatriés
immédiatement dans les maisons d'enseignement de langue
française. Aussi proposons-nous que le critère de la "langue
maternelle", qui sert de fondement à l'article 52, soit remplacé
par le principe de la langue de l'enfant. Pour que l'enfant puisse recevoir
l'enseignement en anglais, il faudra de toute nécessité que son
père et sa mère aient tous deux reçu l'enseignement
primaire en anglais, de telle sorte que, lorsque l'un des deux parents n'est
pas anglophone, l'enfant doive fréquenter l'école
française.
Nous insistons pour que disparaisse du paragraphe b) de cet article 52
le privilège des frères et soeurs cadets de ceux qui
reçoivent déjà l'enseignement en anglais. L'argument de
division des familles n'a aucune valeur, selon nous.
Nous prions le gouvernement de maintenir fermement le principe de
l'école française pour tous ceux qui viendront s'établir
au Québec après l'adoption de la loi.
Deuxièmement, l'article 58 impose aux contribuables
québécois une charge onéreuse en faveur de personnes qui
ne sont que de passage au Québec ou qui n'y séjournent que pour
un temps limité. Nous sommes d'avis que cet article doit être
supprimé. Le Québec n'a pas à subventionner
l'éducation des enfants de personnes qui ne sont que de passage et qui,
de toute façon, ont les moyens financiers de soutenir des écoles
privées non subventionnées, si elles refusent l'enseignement en
français pour leurs enfants.
Enfin, aucun des chapitres de la loi ne traite de la langue des
contrats. Nous suggérons qu'un article soit ajouté à la
loi, au chapitre III Langue de la législation et de la justice ou
à tout autre endroit approprié, édictant que tout contrat
ayant un caractère officiel, tels que les actes notariés et tous
documents déposés aux bureaux de l'administration publique et
notamment aux bureaux d'enregistrement soient rédigés en
français, de telle sorte que les fonctionnaires de ces bureaux, ainsi
que les hommes de loi, ne soient pas obligés d'être bilingues,
comme c'est le cas présentement. En terminant, nous soulignons que la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal n'accepte, pour le
moment, les privilèges accordés aux anglophones par la loi,
notamment au chapitre de la langue d'enseignement, que comme une mesure
temporaire sous réserve de révision, si ces dispositions nuisent
en quoi que ce soit au développement et au rayonnement du
français au Québec ou à l'intégration de la
minorité anglophone à la vie communautaire du Québec.
Le Président (M. Cardinal): Pour les fins de la
discussion, je rappelle au parti ministériel que, grâce à
sa générosité, il reste 22 minutes. M. le ministre
d'Etat.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier et féliciter
chaleureusement la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
pour le mémoire qu'elle vient de nous présenter. La
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a joué un
rôle majeur dans notre histoire collective. Elle a toujours
été à l'avant-garde des mouvements de promotion et de
défense, aussi bien de la langue française que de la nation
française au Canada.
En voyant la joie qu'elle exprime ce matin, dans son mémoire. Je
pense qu'elle peut y voir, en même temps qu'une récompense, le
fruit de ses efforts. Elle peut aussi y voir, en même temps, la
justification de toute son action passée.
Je la remercie d'autant plus que le mémoire qu'elle vient de nous
présenter est sûrement, et je crois que tous les membres de la
Commission seront d'accord là-dessus, le plus remarquable qu'il nous ait
encore été donné d'entendre. Ce mémoire est de
très haute tenue intellectuelle. Il est couché dans un langage
qui fait honneur à notre langue. Il témoigne de toutes les
qualités que l'on a accoutumé de lier à ce que l'on
appelle le génie de notre langue. Et en même temps, il fait montre
de mesure et de générosité à l'endroit de l'homme
en général et de nos partenaires québécois aussi
bien que canadiens. J'ai particulièrement apprécié, pour
ma part, la critique serrée et rigoureuse qu'il fait des positions de
ceux qui se sont opposés au projet de loi, en même temps que la
justification aussi serrée et rigoureuse qu'il fait des postulats qui
ont servi de base à la rédaction du projet de loi.
Je reprends à mon compte les arguments que le mémoire a
opposés, par exemple, à l'ethnocentrisme dont on a accusé
le gouvernement. Il voit, avec raison, que le gouvernement a plutôt
tenté de proposer un pluralisme culturel qui fait cependant droit
à la position, qui est un fait, de la majorité francophone au
Québec. Je reprends aussi à mon compte les arguments qu'il
invoque pour indiquer
que le peuple français du Québec, loin de vouloir se
replier sur lui-même, veut, au contraire, faire participer tous les
groupes ethniques du Québec à la langue commune, langue qui est
un bien collectif et que nous voulons voir partager par tous nos
associés québécois.
Je reprends également à mon compte les arguments qui lui
servent à dissiper l'attaque qui est souvent lancée contre le
gouvernement selon laquelle il fait montre de discrimination à l'endroit
des groupes ethniques ou de certains individus. Ce que nous voulons, au
contraire, et la Société Saint-Jean-Baptiste l'a bien fait
remarquer, c'est mettre tous les citoyens à égalité devant
la loi. Et je pense que l'on pourrait aller plus loin. Lorsque le gouvernement
fait montre de discrimination, il fait montre d'une discrimination positive
à l'endroit des groupes ethniques, et en particulier à l'endroit
de la minorité anglaise à laquelle il continue d'accorder non
seulement des droits, mais des privilèges.
Je reprends aussi à mon compte, l'opposition que le
mémoire fait entre contrainte d'état et contrainte
économique. Même s'il faut en parler avec pudeur, car c'est un
langage qui nous est souvent reproché, il ne fait aucun doute que la
contrainte économique, à laquelle vous avez fait allusion dans
votre mémoire, s'est exercée d'une façon constante et
puissante à l'endroit de la majorité. Au point que l'on pourrait
reprendre à notre compte cet adage d'un écrivain français,
c'est-à-dire que, dans notre cas, c'est souvent la liberté ou
plutôt le laisser-faire qui a opprimé, et que c'est seulement la
loi qui peut libérer, en ce sens que la loi se met ici au service de la
justice et qu'elle vient redresser une situation inacceptable et qu'elle vient
garantir aux membres de la majorité francophone des droits qu'ils n'ont
pu exercer parce que les conditions économiques en entravaient
l'exercice.
Je reprends aussi à mon compte les arguments qui sont parfois
opposés, des arguments que l'on utilise contre le gouvernement et qui
veulent signifier que le gouvernement, par son attitude au sujet de
l'école, pourrait empêcher une association économique
éventuelle. La Société Saint-Jean-Baptiste a bien fait
remarquer que les injustices continues, flagrantes dont les francophones ont
été l'objet dans les autres provinces du Canada et qui ont
conduit, parfois, à leur élimination, du moins, leur
élimination virtuelle, n'ont jamais empêché une association
économique étroite de se maintenir dans le grand tout
canadien.
Je suis surtout d'accord avec la Société
Saint-Jean-Baptiste, lorsqu'elle signale l'importance extrême et
dernière du Québec pour les Québécois. Il fut un
temps où les Québécois se retrouvaient parfaitement chez
eux d'un océan à l'autre, ou plutôt de l'Atlantique aux
Rocheuses, puisqu'ils l'avaient exploré, puisqu'ils l'ont peuplé
aussi, mais ce Canada, que nous avons connu, que nous avons aimé, que
nous avons chanté dans nos poèmes, dans nos essais, depuis
près de 200 ans, est devenu pour nous une peau de chagrin,
réduite à sa portion congrue et mainte- nant au seul territoire
du Québec. Ce n'est pas de gaieté de coeur que les
Québécois francophones ont renoncé à ce Canada,
à se sentir chez eux dans ce Canada, mais ils sont bien obligés
de prendre la leçon des événements, la leçon des
faits et de reconnaître que lorsqu'ils franchissent les frontières
de leur pays, ils ne sont pas accueillis, ils ne sont pas acceptés avec
l'hospitalité que l'on doit aux fondateurs et aux premiers
occupants.
Le Québec est, pour les francophones, tout ce qui leur reste.
C'est la raison pour laquelle un peuple aussi fier, aussi conscient de sa
richesse, de son histoire, de ses traditions, de sa culture que le nôtre,
n'y renoncera jamais. Non seulement nous le défendrons, mais nous le
développerons aussi au maximum, avec toutes les ressources qui sont
à notre disposition et qui sont celles d'une grande culture
mondiale.
Nous n'avons peut-être pas le dos à la mer, comme les
Israéliens, mais nous avons quand même ce sentiment d'être
confinés dans des frontières qui nous ont été
fixées par les autres et, à l'intérieur de ces
frontières, nous entendons bien développer une culture solide,
vigoureuse, mais, en même temps, ouverte sur le reste du monde, avec tous
les instruments qui nous sont nécessaires à cet effet. Si nous le
faisons, ce n'est pas simplement en vertu d'une aspiration collective,
nationale, tout à fait légitime, mais également par un
souci de justice à l'endroit des membres de notre collectivité.
Comme la Société Saint-Jean-Baptiste l'a très bien
souligné, ce n'est pas par sentimentalité que nous le faisons,
mais pour accorder à tous nos citoyens le minimum de justice dont ils
ont besoin pour s'épanouir pleinement sur le plan individuel, aussi bien
que sur le plan collectif.
Je souscris donc en entier à l'analyse qui vient d'être
faite, et je suis heureux que la Société Saint-Jean-Baptiste ait
pris le temps et la peine de dénoncer, de démasquer une confusion
intellectuelle qui est absolument inutile ou nocive lorsque l'on aborde des
débats d'une telle importance.
Quant aux suggestion que nous fait la Société
Saint-Jean-Baptiste, je remarque que c'est le quatrième ou le
cinquième groupe francophone qui reproche au gouvernement de ne pas
être allé assez loin et qui nous demande de resserrer nos
positions.
Je comprends cette démarche qui, bien sûr, se justifie par
un souci de logique tout à fait cartésien.
Je voudrais cependant dire à la Société
Saint-Jean-Baptiste que si nous n'allons pas aussi loin qu'elle le voudrait,
c'est par souci de réalisme politique et par souci de respect pour ces
groupes ethniques, ces minorités qu'on nous accuse à l'envie, ces
temps-ci, de persécuter. Nous avons voulu montrer que l'essentiel
étant assuré pour nous, nous pouvions témoigner de cette
hospitalité, de cet accueil pour les partenaires qui sont avec nous et
leur donner toutes les chances, tous les moyens dont ils ont besoin pour
maintenir leur existence et développer leur culture dans le respect des
droits de la majorité.
C'est la raison pour laquelle nous avons
donné le droit à ceux qui ont déjà choisi
l'école anglaise même si logiquement, ils pourraient ne pas
y avoir droit d'y continuer leurs études, espérant
toutefois qu'à partir du moment où ils réaliseront que le
français est la langue du pays, qu'ils vivent dans un pays de culture
française, ils choisiront d'eux-mêmes de s'y intégrer,
aussi bien par intérêt personnel, puisque le français sera
devenu la langue utile, rentable, indispensable, que par intérêt
collectif, c'est-à-dire en vue d'une participation plus grande, moins
isolée, à l'édification d'une culture proprement
québécoise.
C'est la même raison pour laquelle nous avons voulu conserver aux
frères et soeurs cadets de ceux qui sont actuellement inscrits à
l'école anglaise, le droit d'y poursuivre également leurs
études. La Société vient de nous dire qu'elle n'est pas
d'accord avec le principe de la division des familles. Nous avons quand
même retenu ce principe, parce que nous croyons que pour certains groupes
ethniques, il s'agit là d'un élément important de leur
système de valeurs. Nous avons voulu éviter ainsi tout reproche
de discrimination au nom d'usages, de lois, de directives, de la part d'un
autre milieu que le nôtre, le milieu fédéral, qui a
édicté les lois de l'immigration et dont nous acceptons de subir
les conséquences pour quelque temps encore, en espérant,
toutefois, que le changement de structures qui surviendra dans notre
société amène ces individus et ces groupes à ne pas
se prévaloir de droits que nous leur accordons au nom
d'intérêts supérieurs.
Je retiens la modification que l'on nous propose au chapitre des
contrats. Nous l'étudierons, bien que je me demande de quelle
façon il sera possible de l'appliquer. Je reconnais, par exemple, que
dans certains pays comme la France, le droit pour deux contractants de passer
un contrat dans leur langue existe et je pense que les spécialistes des
droits de l'homme seront d'accord pour accepter cette exception à
l'empire qu'exerce une langue officielle dans n'importe quel pays. Ceci vaut
sur le plan des principes.
Sur le plan de l'application maintenant, je me demande comment une
rédaction officielle en français pourrait être faite et par
qui, si deux contractants de langue autre que le français
décidaient de contracter entre eux. C'est un peu la question que
j'adresserais à Me Groulx. Pourrait-il nous donner des suggestions
à cet effet?
M. Groulx: M. le ministre, d'abord le président se
chargera tout à l'heure, sans doute, de vous remercier des bonnes
paroles que vous avez eues à notre égard. Je vais lui laisser
cette très agréable tâche. Quant à la réponse
à votre question, je crois que nous ferions ici exactement ce qui se
passe ailleurs. Prenez l'exemple de l'Ontario tout simplement. A Toronto, un
francophone va contracter avec un autre francophone en présence d'un
avocat qui agit comme francophone, ils devront faire tout le travail en anglais
et je crois que c'est ce qui se produit également dans d'autres pays. Je
souligne que notre suggestion porte uniquement sur des contrats ayant un
caractère officiel, donc, un contrat de vente qui doit être
déposé à un bureau d'enregistrement ou les actes
authentiques. Alors, il est évident que si deux personnes veulent faire
entre elles-mêmes un bail, si les deux personnes sont consententes de le
faire dans une autre langue, pourvu qu'il n'ait pas valeur authentique ou qu'il
n'ait pas à être utilisé pour des fins officielles, nous
acceptons sûrement, comme dans tous les pays du monde, cette formule.
Mais je veux surtout insister sur le fait qu'au Canada, par exemple, dans
aucune province du Canada, même dans celles qui se disent bilingues
à certains degrés, aucun contrat ne peut être
déposé dans les bureaux d'enregistrement s'il n'est pas
rédigé en anglais. Je crois qu'en France, puisque vous avez fait
référence à la France, aucun contrat notarié ne
peut être fait dans une autre langue que le français. Je parle
évidemment des actes authentiques ou des contrats qui ont un
caractère officiel.
M. Laurin: Merci pour cette précision.
Le Président (M. Oussault): La parole est maintenant
donnée à Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste
d'être venus devant cette commission faire valoir le point de vue de
leurs membres. Je veux les féliciter pour la qualité de la langue
que l'on retrouve dans leur mémoire. Je pense que c'est remarquable.
Ceci ne veut pas dire que je suis nécessairement d'accord avec le
contenu, mais je pense que ceci mérite vraiment d'être
souligné. Je voudrais, en passant, exprimer le souhait que dans les
nombreuses campagnes que vous menez en faveur de la langue française, un
jour vous soyez peut-être plus actifs quant à des mesures que vous
mettriez de l'avant pour l'amélioration de la qualité de cette
langue. On note ici, bien que ceci n'ait jamais été
exprimé très clairement que de la part de personnes qui veulent
ou qui voient qu'elles devront aller dans les écoles françaises,
que la qualité de la langue peut-être pas tellement celle
qui est enseignée comme celle qui est apprise les
inquiète. Alors, je pense que ce serait peut-être une suggestion a
retenir, un champ où vos énergies pourraient probablement se
concentrer avec beaucoup d'utilité.
J'ai dit tout à l'heure que je n'étais pas d'accord, du
moins, sur certains aspects du contenu de votre mémoire, parce que nous
partons d'une vision différente des choses. Au nom de
l'égalité pour tous devant la loi, principe que personne en soi
ne peut contester, vous arrivez à déterminer des conditions de
vie dans cette province qui font que finalement il n'y a plus de place pour la
diversité, une diversité qui, au point de vue culturel, peut
être enrichissante même pour un groupe majoritaire français
qui veut, tous les jours, établir une société où
les gens se sentent vraiment libres de pouvoir, non seulement vivre en
français, mais que vraiment ce milieu respecte le caractère
français de la majorité de cette société.
Mais, à partir de ce principe d'égalité, j'ai
vraiment l'impression que vous faites fi justement de ces diversités
culturelles que l'on retrouve à l'intérieur du Québec mais
qui, je pense, sont des éléments importants et dynamiques pour
continuer l'édification d'une société que, je sais, vous
voulez française.
Je trouve que vous êtes peu tolérants, je m'excuse de vous
le dire, de l'opinion des autres et que vous acceptez difficilement la
contradiction. Ceci est assez éloquent quand, en page 17, vous dites:
"Comme il est impossible de plaire à tous, et qu'inévitablement
certains Québécois anglophones ou autres se prétendent
frustrés par la nouvelle législation, il leur sera toujours
loisible moyennant un modeste déplacement de se retrouver au sein de
frères de culture et de reconquérir le bonheur relativement
à peu de frais".
Je pense que nous sommes quand même dans une société
démocratique où chacun vient ici s'exprimer devant cette Chambre
de la même façon que vous le faites et qu'il leur est loisible
d'exprimer les réticences qu'ils ont vis-à-vis d'un projet de loi
et même, ils peuvent en contester le bien-fondé sans que la
réplique qu'on puisse leur donner soit: Si vous n'êtes pas
heureux, quittez donc le Québec. Nous, on n'a pas le loisir de le faire,
il faudrait aller plus loin. Là-dessus, vous avez raison, soit dit en
passant. Mais je pense que c'est une façon un peu cavalière de
traiter les gens qui ne partagent pas notre point de vue. Je pense qu'il faudra
conserver, et c'est ça la richesse d'un pays, à
l'intérieur d'une société, justement ce genre de
divergence d'opinion.
Je pense que, de part et d'autre, il faudra faire des ajustements qui ne
compromettent pas l'objectif fondamental de l'édification de cette
société française, mais je souhaiterais voir chez vous un
peu plus de tolérance.
L'autre chose que je voudrais vous demander, au nom de qui vous
exprimez-vous? Vous ne dites pas: II nous faut un système unilingue
français, mais il y a une forte tendance vers cet objectif. Je ne
voudrais pas tourner le fer dans la plaie, mais je sais que vous avez soutenu
assez récemment dans une élection scolaire des gens qui
partageaient ce point de vue et la population a semblé, en masse,
répudier cette...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: ...position.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: Et, à partir de ce point de
vue-là, il y a une seule question que je voudrais vous poser, je veux
laisser quand même un peu de temps à mes collègues, quel
est votre point de vue, d'une façon précise, sur l'enseignement
de la langue seconde. Cela, n'est pas très clair pour moi, quand vous
vous opposez à toute forme de bilinguisme, est-ce que cela peut vouloir
dire que vous répudiez l'enseignement de la langue seconde et,
là-dessus, je me demande si vous tenez compte, encore une fois, du
sentiment général, particulièrement dans la région
de Montréal, à l'égard de cette question.
J'aimerais que vous répondiez à cette question, je
l'apprécierais.
M. Champagne: Voici, c'est sûr que nous voulons quand
même que, dans la région métropolitaine, puisque vous en
parlez, les francophones aient une connaissance d'usage, je dis bien une
connaissance d'usage, à la fin du secondaire. Mais de là à
faire commencer l'enseignement hâtif d'une langue seconde comme la CECM
veut le faire, peut-être incessamment, au primaire, on n'y est pas du
tout. Pour arriver au but, pour une connaissance d'usage de la langue seconde
à la fin du secondaire, je pense qu'on peut commencer aussi au
secondaire, pour l'apprendre, avec les motivations qu'il faut aussi.
Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: Merci, M. le Président. Je veux remercier les
dirigeants de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
de leur mémoire et de nous avoir fait connaître le point de vue de
la Société Saint-Jean-Baptiste.
Je ne peux, bien sûr, accepter le ton haineux et revanchard de
votre mémoire et cela ne me surprend pas que le ministre l'ait
accepté. C'est un ton qui est provocant et, au lieu de tendre à
rechercher un consensus général de tous les
Québécois, de toutes les Québécoises, sans
exception...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Je m'excuse, M. le
député de Lotbinière. Pourrais-je souligner à tous
les députés, de quelque parti qu'ils soient, que le niveau auquel
nous sommes rendus dans nos débats ne permet pas d'interrompre un
intervenant?
A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de
Lotbinière.
M. Samson: M. le Président, sur le point de
règlement que vous venez de soulever.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Même après ce que vous venez de dire, il
y a eu encore des remarques de l'autre côté. Je me permettrai de
vous souligner, en le soulignant à mes collègues d'en face, les
provisions de l'article 26 et ils vont comprendre ce que vous venez de dire, M.
le Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Rouyn-Noranda. La parole est au député de
Lotbinière, chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Merci, M. le Président. J'ai l'habitude de dire
exactement ce que je pense, et avec toute l'honnêteté dont je suis
capable, d'autant plus que le premier ministre a reconnu qu'un
Québécois il a reconnu cela il n'y a pas tellement
longtemps et je rends hommage à son ouverture d'esprit
c'était une personne qui vivait au Québec, qui travaillait au
Québec, qui voulait véritablement l'épanouissement de
cette province. Le premier ministre a reconnu aussi, il y a environ un mois,
qu'ici, au Québec, nous avions une collectivité francophone et
nous avions aussi une communauté anglophone qui avait des droits qui
devaient être respectés.
A la lumière de ce que nous pensons je rejoins le premier
ministre là-dessus sur beaucoup de points nous voulons
redéfinir une société au Québec. Je veux tout
simplement vous citer le paragraphe d'un texte que je lisais au début de
cette commission, à propos de cette société à
redéfinir. Nous ne la voulons pas fermée et méfiante,
toute à la dévotion d'une ethnie, vouée à un culte
passionné, mais bien ouverte, hospitalière et progressiste,
où il fera bon vivre, où, sans exclusion, tous les
Québécois sentiront que c'est là qu'il leur faut vivre et
qu'ensemble, fièrement, ils y vivront.
Pour y arriver, il nous faudra extirper de nos fibres tout sentiment
exacerbé, apaiser nos haines, atténuer nos rancoeurs et calmer
nos appréhensions. Je voulais tout simplement vous dire que je me
considère comme Québécois et je veux véritablement
travailler, en collaboration avec le gouvernement du Québec, avec tous
les autres partis politiques au Québec, avec tous les
Québécois et toutes les Québécoises, à
établir cette société, ce projet collectif où vous,
ou moi, ou Bill Shaw, ou M. Ciaccia, ou n'importe quel autre
Québécois pourra se sentir lui-même à
l'intérieur de cette société.
Je me permets de vous poser quelques questions sur votre mémoire.
En partant, je trouve que vous avez une hypothèse qui dit que le
Québec s'est déjà séparé du reste du Canada
et qu'il ne faut véritablement pas s'occuper des gens de
l'extérieur. Votre mémoire est biaisé à une
reprise, en particulier, où vous parlez des quelques milliers
d'Anglo-Canadiens qui habitent le Québec, où vous parlez de
quelques centaines de milliers de Canadiens français à
l'extérieur du Québec, alors qu'on sait qu'au Québec, on a
1 400 000 anglophones et on a un million de francophones à
l'extérieur du Québec.
M. Alfred: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. le
député de Rouyn-Noranda, tantôt, a invoqué le
règlement. Est-ce que je dois le lire aux députés?
M. Alfred: ... des faussetés, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je ne le permets pas. Quand un
député s'exprime, les autres doivent l'écouter. A moins de
demander au président une question de règlement ou une
directive.
Est-ce que vous avez une directive à demander?
M. Chevrette: J'aurais le goût de vous la demander. Est-ce
qu'il est possible d'obtenir des cours... pour qu'il y ait un certain
degré de compréhension des textes?
Le Président (M. Cardinal): Je pense que je n'ai pas
besoin de répondre, M. le député de Joliette-Montcalm. A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de
Lotbinière, veuillez poursuivre.
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que les écarts aux règlements
sont permis seulement à ceux à votre droite ou si...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je vous en prie. Votre question laisse un sous-entendu
que je n'acccepte pas. Vous pouvez remarquer que, depuis ce matin, je suis
obligé de le dire, le rappel à l'ordre a été fait
plus souvent pour les députés ministériels.
Par conséquent, je pense que vous n'avez aucune plainte à
porter envers la présidence. M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: Merci, M. le Président. La tension monte
déjà. J'ai l'impression qu'à la fin de juillet, on va
être passablement énervé, mais...
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Lotbinière, s'il vous plaît! Revenez au sujet.
M. Biron: Je voudrais savoir, en partant de ces chiffres que vous
nous mentionniez tout à l'heure, quelle est votre philosophie de ce que
le Québec devrait faire, de ce que nous ensemble, on devrait faire pour
ces Franco-Canadiens, nos frères à l'extérieur du
Québec, ces francophones hors du Québec? Qu'est-ce qu'on devrait
faire pour eux?
Mme Cloutier-Trochu: Si vous permettez, je pense que, de toute
façon, la Société Saint-Jean-Baptiste n'est pas le
gouvernement et ne peut pas parler de rapatriement ou d'option de rapatriement,
si jamais il y avait un Québec indépendant, et il n'en est pas
question. On est encore une province, c'est sûr, seulement une province
française, et c'est justement ce que le mémoire défend. Je
réponds un peu à votre première question, sans aucune
agressivité, croyez-moi. Justement, le mémoire de la
Société Saint-Jean-Baptiste défend le fait français
au Québec, comme autrefois elle a défendu le fait français
de par le Canada. On s'est aperçu justement que le Canada,
c'était trop grand, que c'était une peau de chagrin qui a
rapetissé et qui nous a fait bien du mal, bien du chagrin. On s'en tient
maintenant au Québec et on
veut être chez soi au Québec, pouvoir parler
français le mieux possible.
Je remercie beaucoup Mme Lavoie-Roux de sa suggestion et sûrement
qu'on s'attaquera à cette question de la langue française,
dès qu'on aura le temps de faire autre chose que de défendre les
droits normaux qu'on devrait avoir.
Je voudrais dire à M. Biron, si je peux me le permettre aussi,
qui, tout à l'heure, a parlé de dirigeants, que le mémoire
répond au voeu du congrès de la Société
Saint-Jean-Baptiste, qui regroupe je ne sais pas combien de membres, parce que
je n'ai pas beaucoup l'esprit des chiffres. Je ne peux pas vous répondre
sur le plan des chiffres non plus invoqués ici et qui sont réels
dans le Canada. Je peux vous dire que les Québécois, les
Canadiens français, vous me permettrez de les appeler comme cela, qui
sont ailleurs qu'au Québec, ils sont ailleurs qu'au Québec et ils
sont perdus, dans un sens. Depuis les Etats généraux, on a bien
constaté qu'il y avait déjà, à ce moment-là,
dans la jeune génération, une perte d'identité. S'ils
avaient encore une certaine langue française au sein de leur famille,
déjà ils allaient vers l'anglais et ils étaient
assimilés. C'est toujours le danger de la minorité, d'une
minorité dans un grand ensemble comme le Canada. Est-ce que cela peut
répondre? J'aurais tellement de choses à vous dire, mais je sais
que je n'aurai pas le temps.
M. Biron: Non, parce que nous n'avons simplement que dix minutes.
Non, vous n'avez pas répondu ce que vous vouliez faire pour les
francophones hors du Québec et je vous dis qu'eux aussi voudraient bien
faire quelque chose, mais je remarque ici, dans votre mémoire,
qu'à plusieurs reprises, vous employez le mot "l'adversaire". C'est qui
l'adversaire? Est-ce que c'est un Canadien français comme vous ou c'est
qui l'adversaire?
Mme Cloutier-Trochu: "Adversaire", vous savez, si on prend la
racine latine du mot "adver-sus", cela veut dire que c'est quelqu'un qui n'est
pas de votre côté, non pas dans le sens que vous faites des
batailles, ce n'est pas du tout l'ennemi. L'adversaire, c'est la personne qui
fait le débat. Dans le débat, vous, vous avez une option et
l'autre a l'autre. C'est vraiment l'adversus, l'adversaire traduit exactement
celui qui n'est pas avec vous dans une pensée quelconque. Il ne s'agit
pas d'ennemi.
M. Biron: Est-ce que moi, qui veux un projet collectif où
tous les Québécois vont se reconnaître, comme le premier
ministre d'ailleurs, vous me considérez comme un adversaire?
Mme Cloutier-Trochu: Non, monsieur, vous avez une option
politique différente, et j'ai trouvé très bien, quand vous
avez parlé du premier ministre, je suis tout à fait d'accord avec
vous, on est tous des frères moi, je voudrais être la soeur
de M. Ciaccia sur ce plan-là on est tous Québécois,
mais...
Une Voix: C'est correct.
Mme Cloutier-Trochu: ... pour bien traduire ce que c'est qu'un
Québécois, cher M. Biron, qui venez de Lotbinière...
Une Voix: Félicitations, John! M. Ciaccia: ...
adversaire.
Mme Cloutier-Trochu: ... il faut avoir une certaine
identification au fait québécois. Je ne suis pas Française
de France, je parle français, je suis Québécoise, et comme
un Québécois peut parler anglais et être Ontarien, je veux
dire se trouver du côté des Ontariens et s'en aller en
Ontario...
Quand Mme Lavoie-Roux disait tout à l'heure qu'on mettait de
côté tous ceux qui étaient ici et qui voulaient être
Québécois, c'est justement ce que le mémoire ne dit pas et
ne veut pas dire. C'est que tous ces gens qui sont ici, on veut les garder,
s'ils s'identifient à cette province française, s'ils veulent
être heureux ici comme il semblent l'être.
Et quand on pensait aux frères, à la division des
familles, j'aimerais bien qu'on sache que quand on pense aux Anglais qui vont
à l'école anglaise, ils peuvent continuer à aller à
l'école anglaise parce que chez eux ils vont parler anglais aussi; mais
les immigrants, qui vont à l'école anglaise, dont les petits
frères arrivent, souvent ils n'ont pas encore de petits frères ou
de petites soeurs, mais qui ont par exemple un grand frère qui est
allé à l'école anglaise, quand il va vouloir, avec la
nouvelle loi, aller à l'école, il a le droit de choisir
l'école anglaise. Mais au sein de sa famille, on parle italien ou grec
ou chinois. Alors cela ne lui donnera strictement rien. C'est encore une
continuation d'un fait de la loi 63 qui n'est pas quelque chose d'acquis pour
cet immigrant. Même pas dans la Loi de l'immigration. Mais l'anglophone
peut continuer, lui, à parler anglais dans sa famille. Je sais que j'ai
trop parlé, je ne parlerai plus maintenant.
Le Président (M. Cardinal): Non, madame. Le
député de Lotbinière, une très rapide et
dernière question.
M. Ciaccia: Je suis flatté des propos de madame, mais ce
n'est pas parce que vous voulez changer de frères.
Mme Cloutier-Trochu: Cher ami, j'en ai quatre!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Lotbinière, une
dernière question.
M. Biron: En terminant, M. le Président. On parle des gens
haut placés, à la page 21 de votre mémoire, des
professionnels dans le domaine... Je crois que vous faites allusion à la
CALPA, à la CATCA, mais pourquoi disent-ils que l'unilinguisme est la
clé du succès dans les airs? Pourquoi ne voulez-vous pas prendre
la version des gens de l'air qui disent que ce n'est pas plus dan-
gereux de voler en français au Québec que de voler en
anglais en Ontario? Pourquoi avez-vous pris seulement une version des faits?
Pourquoi ne pas vraiment dire les deux versions, des deux groupes qui ont des
options différentes, mais que je reconnais à leur mérite,
pour ces deux groupes? Je crois que c'est assez important de prendre les deux
groupes, ne pas prendre tout simplement un côté de la
médaille. Il y a toujours un autre côté. Il faut être
honnête dans les faits.
Mme Cloutier-Trochu: Ce n'est tout de même pas à
moi... Vous ne voulez pas que je vous réponde! Vous savez très
bien... Je voudrais laisser la place à des collègues. Mais je
peux bien vous dire pourquoi on a choisi... Evidemment, c'était une
question... Vous savez, quand on fait un mémoire de ce genre, on peut
peser le pour et le contre et les questions qui font fuser de partout, des gens
qui lisent le mémoire. Mais seulement, c'est parce que c'est un fait
actuellement international, cette question du débat qu'on impose au
Québec face au regroupement des gens de l'air. C'est une question qui a
heurté terriblement, vous le savez, qui a failli faire tomber le
gouvernement, heureusement que le gouvernement était assez fort, il
n'est pas tombé à cause de cela, mais c'est pour cette raison
qu'on a choisi l'option qui demande que ce soit l'unilinguisme.
C'est évident que, dans tous les pays du monde, on a un certain
bilinguisme, même si on reconnaît que l'anglais est devenu la
langue internationale. Et sur ce plan-là, Dieu sait qu'au Québec,
si on parle français en plus, croyez-moi, dans les écoles, on va
aussi enseigner l'anglais et on va bien l'apprendre et on n'aura pas loin
à aller pour bien le pratiquer.
Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. Le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, j'aimerais m'assurer que j'ai
bien saisi, tantôt, les noms des personnes qui sont devant nous. Je vais
les répéter pour m'assurer que c'est bien cela. M. Gérard
Turcotte...
M. Champagne: Je suis Jean-Paul Champagne, président par
intérim de la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal.
M. Samson: Jean-Paul Champagne. Alors, M. Turcotte n'est pas
là.
M. Champagne: M. Turcotte est à mon extrême
droite.
M. Samson: Et Mme Lise Cloutier-Trochu.
M. Champagne: Mme Lise Cloutier-Trochu et M. Guy Bouthillier.
M. Samson: Guy Gauthier.
M. Champagne: Guy Bouthillier.
M. Samson: Guy Bouthillier. Bon!
M. Champagne: Et le notaire... Me Yvon Groulx.
M. Samson: Yvon Groulx, lui, je le connais. Bon!
M. de Bellefeuille: C'est Camil Samson.
Le Président (M. Cardinal): M. le député des
Deux-Montagnes, vous venez d'enfreindre le règlement. En vertu de
l'article 99, vous n'avez jamais le droit de désigner un
député par son nom. M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Merci, M. le Président. De toute façon,
cela démontre jusqu'à quel point le Parti québécois
est soucieux de bien identifier les gens. C'est peut-être dans ce
contexte de transparence que je demanderai à Mme Lise Cloutier-Trochu si
c'est la même dame qui était candidate péquiste en 1973
dans le comté d'Outremont.
Mme Cloutier-Trochu: Est-ce conforme au règlement?
Le Président (M. Cardinal): Vous pouvez répondre,
madame.
Mme Cloutier-Trochu: Cela n'a aucun rapport, mais je peux vous
dire...
M. Samson: D'accord.
Mme Cloutier-Trochu: C'était la même dame, mais qui
n'a pas été élue, si vous vous souvenez, c'est M.
Choquette...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Samson: M. le Président, j'invoque mon privilège
de député, soit celui de pouvoir m'exprimer librement.
Le Président (M. Cardinal): L'article 26 vous le donne, M.
le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Et aussi de m'informer, parce que j'aime bien savoir
à qui je parle et quels sont les engagements qui sont pris par les
personnes qui se trouvent devant nous. Oui, ça va peut-être
permettre à certains de mes collègues d'en face...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda, vous avez cinq minutes, je vous prierais de les employer
à bon escient.
M. Samson: M. le Président, je les emploierai à ma
façon, avec le grand respect que je vous dois.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. Alfred:
...poser des questions.
M. Samson: Cela va permettre à mes collègues d'en
face aussi de se rappeler, pour ceux qui y étaient et peut-être
pour ceux qui n'étaient pas là, que c'est peut-être madame
qui s'était enchaînée en 1973 à l'occasion de la loi
22. Non?
Le Président (M. Cardinal): Madame n'a pas à
répondre. D'abord, je n'admets pas que l'on fasse cette...
M. Samson: Bon! D'accord. C'est parce que...
Le Président (M. Cardinal): ...allusion et,
deuxièmement, c'est un...
M. Samson: C'était son droit de s'enchaîner, M. le
Président.
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président...
M. Samson: C'est parce que je veux démontrer devant cette
commission...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Alfred: Question de règlement, M. le
Président.
M. Chevrette: J'en appelle au règlement!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! un instant!
M. le député de Papineau, sur une question de
règlement.
Une Voix: Un bon unioniste.
M. Alfred: M. le Président, je préfère ne
pas parler, parce que...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de...
M. Alfred: ...je trouve que...
Le Président (M. Cardinal): ...Papineau, si vous avez
décidé de ne pas parler, s'il vous plaît. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Cela concerne le député de
Rouyn-Noranda. Il a fait une affirmation qui est fausse, à mon avis, et
madame voudrait répondre sur cette affirmation pour...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Bourassa, si vous permettez, je voudrais clore l'incident ici. J'ai
moi-même indiqué que l'affirmation n'avait pas à être
faite et que, deuxièmement, elle n'était pas exacte. Par
conséquent, je ne permettrai pas un débat sur cette question de
règlement. Je redonne la parole au député de
Rouyn-Noranda.
M. Alfred: ...pour lui.
Une Voix: C'est ça, la chrétienté.
M. Samson: Je m'excuse, M. le Président, mais si j'ai le
droit de poser des questions, j'ai aussi le droit de faire des
affirmations...
M. Laplante: Des bouffonneries.
M. Samson: Si ces affirmations s'avèrent fausses, à
l'intérieur du débat, M. le Président, je suis prêt
à retirer mes paroles...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda...
M. Samson: ...mais je vous soumets respectueusement, M. le
Président, qu'en le faisant vous-même, ça vous amène
à participer au débat, chose...
Le Président (M. Cardinal): Ah non!
M. Samson: ...que je sais que vous ne voulez pas faire, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda...
M. Samson: ...et à laquelle vous n'avez pas droit,
d'ailleurs.
Le Président (M. Cardinal): ...je sais fort bien que je
n'ai pas le droit de participer au débat...
M. Samson: Bon! Alors, ceci dit, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Je veux indiquer clairement,
cependant, que je n'ai point participé au débat. Le débat,
en vertu de l'article 140 et du mandat de la commission, est d'entendre des
témoins, après référence, après la
première lecture, à la commission parlementaire et, par
conséquent, je n'ai pas participé au débat du tout en
indiquant que la question ne me paraissait pas pertinente et que, d'autre part,
l'affirmation n'était pas exacte. C'est simplement une mise au point
et...
M. Samson: M. le Président, vous savez qu'il y a un
article dans notre règlement qui dit qu'on doit prendre la parole d'un
autre collègue, et ce n'est pas à la présidence de dire
qu'une affirmation n'est pas exacte, à l'intérieur du
débat. Bien sûr, si c'est un point de règlement, je me
soumettrai respectueusement à vos décisions. Mais en ce qui
concerne ce qui est dit à l'intérieur du débat, je
n'accepterai pas, ni d'un autre collègue, ni de la présidence,
qu'on ne prenne pas ma parole. Mais si, comme je viens de le constater, cette
personne ne s'est pas enchaînée, M. le Président, je lui en
sais gré.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda, pour terminer cet incident je
ne l'enlève même pas dans la période de votre temps
de parole, comme je l'ai fait depuis le début pour tous les membres de
la commission je désire souligner que malgré ce que vous
venez de dire à l'égard de la présidence, j'accepte que
vous-même ayez rétabli les faits. Le président n'est pas
intervenu dans le débat. Je ne voudrais absolument pas qu'il y ait la
moindre allusion à ce sujet. Je désire continuer comme cela s'est
fait depuis le début.
M. Samson: Par respect pour vous, je retire mon allusion à
votre égard.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Charbonneau: ...retirer vos paroles aussi. Le
Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Samson: Bien, vous, le jeune, mêlez-vous de vos
affaires, O.K.! Hein! Columbo, mêlez-vous de vos affaires.
M. Charbonneau: Vous êtes parfait! Vous êtes parfait!
Vous allez faire un bon unioniste.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Verchères, à l'ordre!
M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je peux y aller, M. le Président? Je veux
exercer mon droit de parole en vertu de l'article 26 sans qu'on... Bon!
D'accord!
M. Alfred: D'emblée.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député de Papineau!
M. Samson: M. le Président, ceci dit... C'est parce que
j'aime bien savoir quels sont les gens qui sont devant moi, et c'est
déjà arrivé une première fois. Cela
m'intéresse de savoir et nous verrons aujourd'hui que nous aurons un
autre groupe qui sont des jeunes libéraux, mais ils sont parfaitement
identifiés, M. le Président.
M. Alfred: Ha...
M. Samson: Ceci dit...
M. Alfred: ...
Une Voix: Les droits de l'homme...
Une Voix: ...d'association, M. le Président...
M. Laplante: Vous n'avez qu'à ne pas répondre
à ses questions.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je vous en prie!
M. Samson: Je sais que ça ne fait pas plaisir, M. le
Président, mais je vais le dire quand même.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda, que ça fasse plaisir ou non, revenez au sujet, s'il vous
plaît.
M. Samson: Je suis sur le sujet, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda, il vous reste deux minutes.
M. Samson: M. le Président, les questions de
règlement ne doivent pas entamer mon temps.
Le Président (M. Cardinal): C'est ce qui a
été fait, M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Merci, M. le Président. A l'instar du chef de
l'Union Nationale, je trouve que dans ce mémoire on retrouve souvent
l'expression "nos adversaires". Or, les adversaires de qui? C'était une
bonne question du chef de l'Union Nationale. Adversaires de qui et sous quelle
forme? Je trouve que c'est peut-être là dépasser un peu cet
esprit que nous avions au début de nos travaux et si aujourd'hui, on le
dépasse, c'est peut-être parce qu'on l'a laissé trop
dépasser, cet esprit, soit celui de la prudence et de la
rationalité, et celui de tenter de s'informer davantage, le plus
possible, tout en n'ayant pas pris à l'avance trop de positions rigides.
C'était cet esprit qui prévalait au début de nos
travaux.
Je constate que dans ce mémoire je ne poserai pas de
questions parce que mon temps est tellement limité on fait
allusion à un projet collectif. Comment peut-on en arriver à dire
que c'est un projet collectif, alors qu'il est à la connaissance de tous
que c'est un projet tellement controversé? Il n'y a pas eu de
référendum sur la question pour nous affirmer que c'était
un projet collectif. Un peu plus loin, on fait référence à
un nouvel Etat québécois. Cela s'inscrit dans la ligne de
pensée, peut-être du Parti québécois bien sûr,
mais cela dépasse le débat qui est celui de la langue et cela
nous démontre peut-être vers quelle route on s'en va, quand on
écrit de telles choses et quand on parle aussi de la question de
l'enseignement.
Je pense qu'il est bon qu'on porte à l'attention de la commission
certains faits ce n'est pas de la philosophie, ce sont des faits. Il y a
au Canada des Canadiens français à l'extérieur du
Québec et pour avoir voyagé un peu à travers le Canada,
j'ai eu l'occasion de me rendre compte que ces Canadiens français,
à l'extérieur du Québec, se qualifient eux-mêmes
généralement de Canadiens, alors qu'ils qualifient les autres
d'Anglais. Vous voyez jusqu'à quel point il y a des racines profondes du
français à l'extérieur du Québec. Il y a parmi
ceux-là des gens qui reviennent au Québec et j'ai un cas
particulier en tête.
J'ai été témoin, tout à fait
dernièrement, d'une famille de Canadiens français qui est revenue
au Québec, mais dont les enfants avaient, pendant tout
l'élémentaire et peut-être au début du secondaire,
suivi des cours en langue anglaise. Or, il se trouve qu'il est devenu
très difficile pour la famille et pour les enfants de pouvoir s'adapter
dans le
système québécois. Cela rejoint ma
préoccupation des libertés individuelles et du droit des parents
et des enfants à un enseignement valable, compte tenu du fait et
je pense que tout le monde l'admet, tout le monde ici l'a admis, que ce soit
d'un côté ou de l'autre, parce qu'on a les deux extrêmes qui
se présentent devant cette commission et c'est normal d'ailleurs
compte tenu du fait qu'il est important de pouvoir posséder une langue
seconde sur le continent qui est le nôtre.
Or, si on veut atteindre cela et en même temps pouvoir se
renforcer économiquement, il faudrait peut-être être plus
prudent quand on parle de ces questions et surtout de ne pas repousser les
autres Québécois. Quant à moi, un Québécois,
quelle que soit son origine... parce que nos ancêtres
canadiens-français, les Français, n'étaient pas plus
Québécois à cette époque, avant qu'ils n'arrivent
au pays, que les Québécois qui sont arrivés plus tard, on
devient Québécois quand on demeure sur la terre de la province de
Québec, quelle que soit notre origine et quelle que soit notre
nationalité. Un Québécois, on doit le considérer
comme tel. Quant à moi, il n'y a pas de mauvais
Québécois.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda.
Le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, dans un premier
temps...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Joliette-Montcalm, au parti ministériel, il reste huit minutes.
M. Chevrette: Je vous remercie. D'où vient cette musique?
C'est vrai que la musique adoucit les moeurs, M. le Président. Je
voudrais tout d'abord féliciter personnellement tous les membres de la
Société Saint-Jean-Baptiste pour leur grande rigueur
intellectuelle au niveau de l'analyse de leur mémoire. La composition
dénote vraiment un sérieux et dénote non seulement un
sérieux, mais une profondeur d'analyse également.
Personnellement, je suis ravi de la façon qu'ils ont
démystifié les arguments des adversaires d'une façon
rationnelle, d'une façon non teintée de racisme ou encore
d'esprit de vengeance. Je considère cela tout à votre honneur. Un
des députés qui vous a rendu hommage, je pense que c'est le
député de L'Acadie, en vous disant que vous étiez peu
tolérant devant les contradictions. C'est tout à votre honneur.
Cela prouve que vous êtes cohérent. Je voudrais regretter une
chose cependant. C'est d'avoir été, au niveau des 45
premières minutes, à un niveau intellectuel passablement
élevé, mais d'être tombé si bas dans les quelques
dernières minutes. Je constate, M. le Président, que les gens qui
se présentent devant nous avec un document aussi sérieux, aussi
étoffé... M. le ministre d'Etat au développement social,
pour ne pas déroger aux règlements...
Le Président (M. Cardinal): Culturel.
M. Chevrette: Culturel, excusez!
Le Président (M. Cardinal): Je n'interviens pas dans le
débat en vous corrigeant. D'accord, M. le député.
Poursuivez.
M. Chevrette: J'attendais une attaque. Je dois vous dire que les
félicitations de M. Laurin ont été très explicites
et j'ai été surpris de constater, très surpris, même
humilié pratiquement, de constater qu'un groupe de témoins se
présentent devant une commission parlementaire avec du sérieux,
avec une profondeur d'analyse, avec vraiment un document
étoffé... Ces gens sont en droit de s'attendre qu'un groupe de
députés, autant ministériels que de l'Opposition
officielle reconnue ou de l'Opposition unique, en fassent une analyse
sérieuse. Je considère tout à fait anormal et même
déplorable qu'on donne un si piètre spectacle. On n'est pas ici
pour faire les bouffons. On est ici pour prendre connaissance de ce que les
gens ont à nous dire. On est ici pour interroger, M. le
Président, les gens...
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, sur une question de règlement.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Joliette-Montcalm
parle de l'Opposition unique, dit qu'on a maltraité les invités
qui sont là. Je regrette, mais cela n'est pas le cas. En tout cas,
identifiez vos gens et arrêtez de parler d'une façon
générale.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: M. le Président, quand on se sent
visé, cela fait toujours mal.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant. Je n'aime pas que l'on perde du temps, mais je suis
obligé de rappeler qu'il n'y a pas de question de privilège
devant la commission et que la question soulevée par Mme le
député de L'Acadie n'entre pas, justement, dans le cadre d'un
règlement particulier; il n'y a pas eu de langage violent ou blessant ou
irrespectueux. Il n'y a pas eu d'attaque contre une personne
déterminée. Les paroles vagues qui s'adressent à tous, on
n'est pas obligé de les soulever. M. le député de
Joliette-Montcalm, cependant, je vous prierais de faire attention pour qu'on ne
fasse pas un débat autour de votre intervention. Vous avez encore la
parole. A l'ordre! Oui, allez.
M. Chevrette: M. le Président, si je soulève cette
question, c'est que je considère que des gens qui prennent la peine de
consacrer des heures et des heures à préparer un mémoire
sérieux et qui le font d'une façon aussi rationnelle que celui
qui nous a été présenté... Cela mérite
d'être étudié d'une façon tout aussi
sérieuse. C'est ce que j'ai voulu déplorer devant cette
commission. Personnellement, je considère que c'est beaucoup plus un
vaudeville, la façon dont cela se passe depuis quelques minutes, qu'une
commission
parlementaire qui a le devoir de légiférer sur un droit
aussi fondamental et un droit aussi naturel que celui de la langue.
En juillet, la pression sera loin d'être haute, ce sera
naturellement une célébration de joie et de fierté. J'ai
été très surpris de voir un ancien président d'un
bloc national quelconque se prononcer avec autant de
légèreté sur un problème aussi fondamental que
celui de la langue.
M. Samson: Sur un point de règlement.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je voudrais avoir une directive, M. le
Président. En fonction de votre grande expérience, est-ce que le
fait de me voir visé directement par le député, de la
façon dont il vient de le faire, a la vue de tout le monde, je dois le
considérer, M. le Président, comme une attaque personnelle?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda, personnellement, je ne considère pas que l'on vous ait
visé, je n'ai entendu à aucun moment, ni votre nom
à l'ordre, s'il vous plaît! ni votre nom, ni le nom du
comté que vous représentez. Par conséquent, je
réponds directement à votre directive, je ne crois pas qu'il y
ait eu d'attaque contre vous personnellement et je redonne la parole au
député de Joliette-Montcalm.
M. Samson: Merci, M. le Président. Je sentais qu'il
n'avait pas le courage de le faire directement.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, la pluie de ces insultes
n'atteint pas le parapluie de mon indifférence.
M. Samson: II mouille dedans?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Joliette-Montcalm, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Contradiction. Mme le député de
L'Acadie.
Donc, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Lotbinière, sur une question de
règlement.
M. Biron: II reste combien de temps pour ce débat,
à l'heure actuelle?
Le Président (M. Cardinal): Présentement, il reste
quatre minutes au Parti québécois, treize minutes au parti de
l'Opposition officielle, il ne reste plus de temps pour d'autres
participants.
M. Biron: Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, je m'aperçois que
ça ne sert pas à grand-chose d'essayer de relever certaines
attitudes. A l'impossible, nul n'est tenu. Je vais donc féliciter
à nouveau la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal et, en ce qui regarde les députés
ministériels, soyez assurés que nous étudierons ce
mémoire avec beaucoup d'attention. Il y a même des arguments qui,
ce matin, m'ont ébranlé personnellement face à l'analyse
que vous en faites et qui sont en tout cas susceptibles, dans mon cas, de
m'empêcher d'avoir cette grande souplesse qu'on a toujours eue, cette
grande tolérance qu'on a toujours eue et qui se soldait, bien souvent,
par une faiblesse, un manque de maturité politique. Il faut de la
fierté, du courage, de la maturité politique et de la confiance
en soi pour en arriver à présenter une législation qui
corresponde au voeu d'une majorité.
Je pense que le parti ministériel peut au moins vous assurer ces
qualités de base que vous recherchez et qu'on va essayer de donner
à l'ensemble de la population québécoise par une
législation appropriée. Je vous en remercie et je m'excuse, au
nom de notre parti, de la piètre performance, j'allais dire de nos
adversaires.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, après cette profonde
analyse du mémoire par le député de Joliette, dont la
rationalité était éblouissante, et n'avait d'égale
que les félicitations, je vous demanderais peut-être une
directive. Je ne le ferai pas. Si j'en demandais une, je vous demanderais si,
comme député, on a le droit de faire autre chose que des
félicitations à ceux qui viennent ici. Naturellement, elles sont
méritées pour l'effort qui a été fait par la
Société Saint-Jean-Baptiste et aussi, comme l'ont
mentionné plusieurs députés, pour la forme, le respect de
la langue que vous démontrez.
Toutefois, là, j'espère que le député de
Joliette-Montcalm ne souffrira pas trop, parce que je ne suis pas tout à
fait... disons que le chapitre des félicitations est terminé.
J'aurais préféré qu'au lieu simplement d'affirmer, vous
tentiez davantage de démontrer.
La démonstration est plus utile à la
délibération que l'affirmation, et je trouve que votre
mémoire pèche, par une espèce d'attitude de tentation de
tomber dans l'argument ad hominem. Nous sommes tous issus du même
système d'éducation, surtout celui d'autrefois, qui nous
habituait à faire appel plutôt aux arguments d'autorité,
comme Mgr Lartigue l'a dit, alors cela doit être vrai, et aux arguments
ad hominem. Tu as tort parce que tu es de mauvaise foi, ou des choses comme
cela.
Mais cela n'est pas une contribution très utile au niveau de la
discussion que nous avons actuellement. Nous ne sommes pas tous d'accord sur le
projet de loi, c'est évident. Notre système démo-
cratique, non seulement permet, mais encourage l'échange, mais au
niveau des idées.
Malgré le ton que vous employez pour soulever le problème
et sans me donner une allure en invoquant de supposés droits de la
personne et là, je réfère à la page 14 de
votre mémoire j'aimerais qu'on puisse en parler un peu plus
sérieusement de cette question des droits de la personne.
Vous savez que dans une société démocratique qui
reconnaît les différences et les différents, nous avons
affirmé, comme toutes les sociétés démocratiques
l'ont fait à des degrés divers, les droits et les libertés
de la personne, dans une loi qui est entrée en vigueur il n'y a pas
tellement longtemps. Dans cette loi, on dit bien, à l'article 10, que
"toute personne a droit à la connaissance et à l'exercice, en
pleine égalité, des droits et libertés de la personne,
sans distinction, exclusion ou préférence fondées sur la
race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions
politiques, la langue".
Quand on légifère sur la langue et ce n'est pas la
première fois qu'on le fait on fait nécessairement la
reconnaissance et la promotion des droits collectifs. Cela entre
nécessairement en conflit avec la promotion des droits de la personne.
Je pense que se mettre la tête dans le sable et dire que ces deux chartes
se concilient, c'est ne pas faire son devoir.
Je ne sais pas si la conférence de presse qui a été
convoquée par la Commission des droits et des libertés de la
personne a eu lieu, elle devait avoir lieu à peu près à ce
moment-ci. Je suis très heureux que la commission se soit
penchée... je n'ai aucune idée du contenu de sa décision,
mais je sais que cela ne peut être qu'une contribution pour faire la
conciliation entre ces deux systèmes de valeur, c'est-à-dire les
droits collectifs et les droits individuels. J'aurais aimé que vous
traitiez, d'une façon un peu moins cavalière, cette question.
Je vais vous demander dans quelle mesure la promotion, l'affirmation des
droits collectifs doivent respecter l'exercice du droit individuel, en ce qui
concerne la langue.
M. Bouthillier (Guy): M. le Président, M. le
député vous invoquez la notion de droits de la personne. Je me
permets de souligner que vous ne définissez pas quels sont ces droits.
Vous nous dites la personne humaine, l'individu, a des droits en matière
linguistique...
M. Lalonde: J'ai référé à la loi, qui
s'appelle la Charte des droits et libertés de la personne. Si vous
voulez savoir ce que je pense de la définition de ces droits, je
l'emprunte à la loi.
M. Bouthillier: Oui, mais quels sont les droits de l'individu en
matière de la langue? La Charte des droits de l'homme ne le dit pas et
vous ne le dites pas non plus. Je constate, en tous les cas ceci. Lorsque, dans
ce débat, on invoque les droits de la personne ou les droits de
l'individu, le plus souvent contre le projet de loi actuellement en discussion,
ce n'est pas le droit de tous les individus. C'est le droit de certains
individus que l'on invoque et que l'on défend et que l'on soutient. Si
c'était purement une...
M. Lalonde: Je m'excuse de vous interrompre. Si vous
répondez à ma question, je pense que vous avez tort. J'ai
soulevé la question de la Charte des droits et libertés de la
personne. Je ne pense à aucun individu en particulier. Je voudrais qu'on
s'en tienne non pas seulement à identifier des adversaires des faux
Québécois et des vrais Québécois.
M. Bouthillier: Si l'on fait de la question de la langue, une
affaire de droit individuel, il faut reconnaître ce droit à tout
individu sur un territoire donné, sur le territoire du Québec, en
ce qui nous concerne.
Je constate que, sur ce territoire, il y a des gens de langue maternelle
française, des gens de langue maternelle anglaise, mais aussi des gens
de langue maternelle grecque, italienne, turque, etc. Si c'est un droit
purement individuel, je dis: Tout individu a le même droit. Le Grec a
certains droits en matière de langue, l'Italien a certains droits en
matière de langue, le Canadien français et l'anglophone, etc.,
mais ce n'est pas ce que vous dites.
Quand vous invoquez les droits de la personne ici, enfin au
Québec ou à l'Assemblée nationale à l'heure
actuelle, c'est toujours au profit de certains individus, non pas au profit de
tous.
M. Lalonde: Lesquels?
M. Bouthillier: Puisque le débat, à l'heure
actuelle, porte sur le rapport de force et la place occupée par le
français et l'anglais dans notre société, c'est uniquement
en rapport avec ces deux langues dont il est question. Vous n'invoquez jamais
le droit de l'Italien à l'italien, le droit du Grec au grec.
Or, si c'était une affaire purement individuelle, il faudrait le
faire.
M. Lalonde: Quand vous dites "vous", vous ne vous adressez pas
à moi?
M. Bouthillier: Si le chapeau vous fait, portez-le.
M. Lalonde: Non, ce n'est pas cela. Voulez-vous, on va garder la
conversation au niveau des idées, exactement le contraire de ce que vous
faites dans votre mémoire? Au niveau des idées, on a deux chartes
qui font la promotion de droits qui n'appartiennent pas au même
système. Voulez-vous, on va s'en tenir à cela?
M. Bouthillier: J'y viens.
M. Lalonde: Si vous n'avez pas d'autre contribution à
faire, vous pouvez cesser de répondre mais, si vous en avez une,
j'aimerais la savoir.
M. Bouthillier: J'y viens. On parle beaucoup de ces deux chartes
et on les oppose. On les oppose, parce que l'on fait une certaine
interprétation. Il y en a une autre que l'on pourrait fort bien faire,
c'est la suivante:
Sans distinction de langue d'origine, de religion, de convictions
politiques, si vous appliquez je reviens un peu au texte du
mémoire la même loi à tous, vous ne faites donc pas
de distinction, suivant la langue, la religion, etc. Prenez le cas des
convictions politiques. Cette charte reconnaît l'égalité de
tous, sans distinction de convictions politiques. Oui, mais attention! Comment
allons-nous l'interpréter?
Supposons que dans un pays donné, dont il se trouve que ce pays
serait une république, c'est concevable que, dans cette
république, vous avez 10%, 15%, 20% de gens qui ne sont pas
républicains, qui sont monarchistes. Ils ont des convictions politiques
monarchistes, c'est-à-dire qu'ils sont, sur ce plan, minoritaires, dans
leur république. Il y a deux façons de voir le
problème.
Notamment, en ce qui concerne l'école, il y a la formule qui
apparaît dans notre texte, et vous l'avez deviné, qui consiste
à dire: Voilà, nous avons, dans notre pays, une école
républicaine. Nous ne la fermons à personne. Tout le monde, qu'il
soit républicain ou monarchiste, est invité ou doit venir dans
notre école.
Il y a une autre formule et, elle, elle est discriminatoire, qui
consiste à dire: L'école républicaine aux seuls
républicains. Seuls pourront être édu-qués, seuls
pourront être scolarisés, dans notre pays, dans nos écoles,
les gens qui ont la foi républicaine. Les monarchistes sont au ban de
l'école et de la nation.
Supposons une troisième formule où, dans un pays
républicain comme celui que j'imagine, les monarchistes, lisant la
charte dont vous parlez, se disent: Ah bon! sans distinction de convictions
politiques. Nous sommes monarchistes. Nous réclamons des écoles
monarchistes. Nous réclamons, à côté des
écoles républicaines, des écoles minoritaires de
monarchistes, pour monarchistes, où nous allons vivre du culte du
souvenir, de la nostalgie de la monarchie. Voilà trois
interprétations.
Nous donnons je pense que vous vous en êtes rendu compte
l'interprétation de l'éthique, d'habitude
l'interprétation d'ailleurs la plus courante dans les pays
civilisés. Nous appliquons la loi à tous, sans tenir compte de la
distinction des convictions politiques.
Ce qui m'amène à une autre constatation. C'est que,
finalement, on parle de minorités et de majorité. J'ai
l'impression à entendre certaines personnes, dans ce débats
je parle du débat à l'heure actuelle au Québec en
général, et non pas uniquement ici que certains
souhaiteraient que la minorité ait exactement les mêmes droits que
la majorité. Or, si on réfléchit...
M. Lalonde: Puis-je vous interrompre? Ma question n'allait pas
jusque là. Je veux simplement qu'on s'en tienne à ceci: Comment
concilier les deux systèmes de valeur de sorte que, comme lé-
gislateur, nous puissions proposer au gouvernement ou que le gouvernement
puisse proposer à l'Assemblée nationale des dispositions qui
fassent la promotion des droits collectifs je pense que, quant à
l'objectif, nous sommes d'accord de sorte que cela soit pratique,
efficace et ne vienne pas en conflit avec les droits individuels.
M. Bouthillier: C'est ce que j'ai essayé de montrer par
ces trois typologies ou ces trois interprétations possibles.
L'interprétation dont je vous parle n'est pas contraire aux droits de la
personne, aux droits de l'individu ou aux droits de certains individus. Ce qui
serait contraire, ce serait d'interdire l'accès j'allais dire
à la vie collective à ceux qui ne possèdent pas la
même langue que ceux de la majorité. Ce serait, je crois, de type
discriminatoire. Mais lorsque vous imposez la même loi à tous,
vous pouvez trouver la loi regrettable, vous pouvez trouver la loi dure pour
certains, mais en tout cas, elle n'est pas discriminatoire.
M. Lalonde: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Alors, M. le
député de Jacques-Cartier, il reste trois minutes à votre
parti.
M. Saint-Germain: Merci, M. le Président. Ceux qui ont
fait ce mémoire ont fait des affirmations draconiennes et
extrêmes, devrais-je dire. On semble affirmer d'autorité des
choses qui sont peut-être plaisantes à entendre pour certaines
personnes, mais qui ne me semblent pas soutenues par des études qui
pourraient soutenir, si vous voulez, les conclusions qu'on lit dans le
mémoire.
Si nous prenons, par exemple, au point de vue du monde des affaires. Il
me semble évident qu'actuellement, au Québec, tout notre
système industriel est réellement intégré dans le
système nord-américain. Ceci semble absolument évident,
considérant que nous exportons de la production
québécoise... toutes les exportations sont dirigées en
Amérique du Nord, soit aux Etats-Unis ou dans le reste du Canada. Et
Dieu seul sait combien l'exportation, dans notre province, est un facteur
primordial! Au point de vue financier, c'est un secret de polichinelle, que
depuis un certain nombre d'années, comme actuellement, nous sommes
lourdement financés par le marché américain, et que les
transactions financières entre l'Amérique dans son ensemble sont
encore une situation de fait extrêmement importante, si on veut obtenir
le niveau de vie qu'on possède actuellement au Québec, d'ailleurs
un des plus élevés au monde.
Au point de vue commercial, c'est encore évident. La majeure
partie des produits de nos richesses naturelles sont livrés au
marché nord-américain.
Alors, il me semble évident que, quel que soit le statut
politique, il y aura toujours, dans cette province, des gens, et surtout des
leaders de la communauté, qui devront être bilingues. Ceci me
semble réellement coller à la réalité des faits.
Au
point de vue géographique, à 40 milles au sud, à
l'est ou à l'ouest, nous sommes dans des pays de langue anglaise. Les
Québécois, nous sommes tous au courant que nous aimons voyager.
Nous voyageons énormément aux Etats-Unis. Il s'agit d'aller
à Miami en hiver pour se demander si on n'est pas dans une partie du
Québec, à quelques coins de rues. Au point de vue universitaire,
c'est absolument identique. On ne peut concevoir une université
francophone dont les étudiants ne pourraient pas...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jacques-Cartier, je regrette, il faudrait que vous en arriviez à une
conclusion dans quelques secondes, s'il vous plaît.
M. Saint-Germain: ...que nos étudiants ne pourraient pas,
par exemple, étudier aux Etats-Unis, ou nos professeurs être en
contact actuellement avec le monde nord-américain. Alors, tous ces
facteurs sont extrêmement importants et nous forcent, à titre de
Québécois, quel que soit notre statut politique, à
être bilingues ou, du moins, ceux qui veulent prendre une part active
dans le développement de la société
québécoise et pourtant, votre mémoire ne contient rien,
aucun élément, aucun paragraphe qui pourrait nous indiquer que
vous attachez une certaine importance à l'apprentissage de la langue
seconde et même, je ne crois pas qu'il soit exagéré de dire
que si une loi correspondante à votre mémoire était
acceptée par le Parlement, il y aurait une forte tendance à
l'unilinguisme.
Je crois qu'en négligeant de parler de l'importance de la langue
seconde dans votre mémoire, vous négligez un
élément avec lequel, constamment, les Québécois
seront obligés de vivre, d'une façon éternelle.
J'aimerais aussi...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jacques-Cartier, s'il vous plaît...
M. Saint-Germain: Pour conclure, M. le Président, je ne
vois aucune étude dans votre mémoire qui pourrait nous indiquer
les effets d'une législation, comme je le disais, qui correspond
à vos idées, les effets que tout ceci aurait dans le domaine des
affaires, dans le domaine de l'industrie, de la finance et du commerce. On a
beau, comme madame disait, ingorer les chiffres...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Jacques-Cartier, s'il vous plaît...
M. Saint-Germain: Je conclus...
Le Président (M. Cardinal): Oui, s'il vous plaît,
à l'ordre!
M. Saint-Germain: ...mais les chiffres viennent constamment
à la surface comme la réalité des choses, d'ailleurs. Vous
n'avez rien dans votre mémoire qui nous parle de ces facteurs, à
mon avis, d'importance fondamentale.
Le Président (M. Cardinal): Merci M. le
député de Jacques-Cartier. Est-ce que les porte-parole de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ont quelque chose
à répondre?
M. Champagne (Jean-Paul): A cette question ou bien à
l'ensemble?
Le Président (M. Cardinal): Oui... Non, on n'a pas
terminé. A cette question.
M. Champagne: Si on est venu défendre la Charte de la
langue française, c'est la seule langue officielle, je ne vois pas
pourquoi on arriverait avec une étude pour montrer la
rentabilité, ici, de la langue seconde. Je suis complètement
indigné de me faire poser une telle question.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont, il reste trois minutes.
M. Paquette: Merci, M. le Président. J'aimerais, à
mon tour, remercier la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal de son mémoire extrêmement lucide, qui m'a
également fait vibrer, parce que je pense qu'on y retrouve un souffle
qui anime, dpuis des siècles, les Québécois qui veulent
tout simplement affirmer leurs droits au Québec par cette Charte de la
langue française. J'ai trouvé ce mémoire,
évidemment, réjouissant. Ce n'est pas uniquement parce qu'il
appuie les positions du gouvernement. Il y a eu d'autres mémoires qui
l'on fait. Mais si ce mémoire est particulièrement
intéressant, particulièrement lucide, c'est peut-être parce
qu'il fait une analyse politique très précise des débats
qui ont entouré la Charte de la langue française depuis le
début.
Quand, dans votre mémoire, vous démystifiez les arguments
de ceux que vous appelez les adversaires et non pas les ennemis, les
adversaires, c'est-à-dire les gens qui n'ont pas la même opinion,
qui ne sont pas d'accord, dans le fond, malgré tout ce qu'ils disent,
avec le principe de la charte, parce qu'on a beau dire... On lit dans plusieurs
mémoires, ou on entend chez les députés de l'Opposition:
Nous sommes d'accord avec le fait de légiférer pour assurer les
droits du français, mais on constate que dans la plupart des
interventions et dans tous les amendements qu'on veut faire, on voudrait vider
la loi de cette substance, comme l'était la loi 22. La loi 22
était une loi qui affirmait le français comme langue officielle
et qui était passablement vide de substance.
Donc, vous vous insérez dans ce débat politique, vous
parlez d'adversaires, de gens qui n'ont pas la même opinion que vous et
vous démystifiez leurs arguments. En effet, je suis d'accord avec vous
pour dire que la loi n'est pas ethnocentrique ou même, dans ce qu'on
entend dans certains excès, fasciste ou raciste on l'a entendu
combien de fois et jamais les députés de l'Opposition
n'ont dénonoé ces excès de langage, alors qu'ils trouvent
tout à fait revanchards, discriminatoires, certains de vos propos. J'ai
entendu ces dires, encore une fois, tout à l'heure.
M. Ciaccia: Question de règlement. M. le Président.
On a attaqué les députés parce qu'on n'a jamais
dénoncé le langage excessif dont vous parlez. Je regrette, mais,
hier matin, devant un groupe ici, l'Association des enseignants du Sud-Ouest du
Québec, je me suis prononcé contre, et j'ai dénoncé
le langage excessif qui pourrait être utilisé par ceux qui ne sont
pas d'accord sur le projet de loi no 1.
M. Paquette: Je le reconnais, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): De toute façon, M. le
député de Mont-Royal, je vous ai laissé poursuivre, mais
je ne commenterai pas... Je demanderai au député de Rosemont de
conclure, s'il vous plaît.
M. Paquette: Je le reconnais, M. le Président, mais vous
admettrez que le ton de ce mémoire est pas mal plus modéré
que certaines affirmations qu'on entend, du genre de celles que j'ai
mentionnées, mais je reconnais votre intervention d'hier, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne reconnais pas qu'il est plus
modéré, mais...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Veuillez conclure,
s'il vous plaît.
M. Paquette: J'aimerais simplement terminer en citant cet aspect
du mémoire où vous dites: "La contrainte injuste, lorsqu'elle est
politique, devient tout à coup normale et même naturelle
lorsqu'elle est économique". C'est bien cela qui est en jeu. C'est de
faire disparaître ces contraintes économiques qui pèsent
sur le droit de travailler, de vivre en français au Québec, par
une intervention politique. Je pense que, lorsqu'on emploie ces arguments de
discrimination et je termine là-dessus jamais,
jusqu'à maintenant, aucun mémoire qui parle de discrimination,
d'atteinte aux droits de l'homme, ne nous a apporté l'exemple d'un seul
article de la Charte du français qui soit en désaccord avec la
Charte des droits de l'homme, qui soit discriminatoire, qui aille à
l'en-contre des droits de l'homme.
Cela montre bien que ce terme de discrimination, cette lutte qu'on fait
sur le plan des droits de l'homme, sert d'abord un but politique.
M. Lalonde: ... enlever l'article 172.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Merci, M. le député de Rosemont. J'accorderai...
Mme Lavoie-Roux: ... 52.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Une Voix: Ce n'est pas discriminatoire, cela. Mme Lavoie-Roux:
Ah oui!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Bien non!!!
Le Président (M. Cardinal): Les porte-parole de
l'organisme qui est devant nous pourraient, s'ils le désirent, employer
quelques brèves minutes pour terminer.
M. Champagne: Oui, M. le Président. Je vous remercie.
C'est simplement pour remercier le ministre d'Etat au développement
culturel pour les bonnes paroles qu'il a eues à notre endroit au sujet
du contenu de notre mémoire. Vous pouvez être assuré, M. le
ministre, que la Société Saint-Jean-Baptiste vous appuiera
énormément pour que votre projet de loi soit adopté.
Je remercie Mme le député de L'Acadie pour ses bonnes
paroles et on retient aussi sa suggestion au sujet de la qualité de
l'enseignement du français dans les écoles. J'ai bien aimé
cette suggestion et, dans nos congrès, on vote, à tous les ans,
certaines résolutions parlant de la qualité du
français.
Quant aux députés de Lotbinière et de
Rouyn-Noranda, je n'accepte pas les qualificatifs qu'on a donnés
à notre mémoire. J'aurais peut-être aimé, de la part
du député de Rouyn-Noranda, qu'il parle moins de procédure
et qu'il arrive avec des questions précises sur le fond. Je vous dis que
je suis moi-même natif de Montréal et je pense qu'à
Sainte-Croix et à Rouyn-Noranda, il n'y a pas de danger pour la culture
française.
J'ai été à l'école ce sera court
on me disait qu'il y avait 88% de francophones à Montréal.
Aujourd'hui, on entend parler de 65%. Dans ma classe, il y avait des Italiens.
Aujourd'hui, 90% des immigrants s'en vont à l'école anglaise.
Vous ne retrouvez peut-être pas cela chez vous.
Je suis un enseignant dans une école secondaire et, tous les ans,
il y a dix professeurs qui s'en vont. Si on reprenait simplement les
francophones qui sont allés à l'autre école, il manquerait
de professeurs et c'est le drame que nous vivons à tous les jours.
Vous êtes en dehors de Montréal. Peut-être ne
connaissez-vous pas ce qui se passe. Il faudrait peut-être venir à
Montréal plutôt que d'aller voir ce qui se passe chez les
francophones d'Alberta ou de Colombie-Britannique.
Il y a cinq millions de francophones en Amérique du Nord dans une
mer de trois cents millions d'anglophones et je suis navré de voir des
personnes, à ma droite, prendre beaucoup plus la défense de ces
trois cents millions que, peut-être, prendre la défense des cinq
millions qui, en fin de compte, diminuent de plus en plus.
M. le ministre, je vous remercie des bonnes paroles. M. le
Président de la commission, on vous remercie de nous avoir reçus
et j'espère que certains mémoires seront discutés beaucoup
plus sérieusement.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Champagne. Je
remercie non pas sur le fond, parce
qu'évidemment, jamais je ne participe au débat; on le sait
ce matin les représentants, les porte-parole de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal de leur
contribution à cette commission parlementaire de l'éducation, des
affaires culturelles et des communications.
Merci et j'appelle le témoin suivant.
M. Samson: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: En vertu de l'article 96, M. le Président, j'ai
le droit de rétablir certains faits qui sont les suivants. Contrairement
à ce qui vient d'être dit, personnellement et je pense que c'est
la même chose pour l'honorable député de Lotbinière,
nous sommes allés ailleurs que dans les provinces qu'on a
mentionnées. Nous sommes allés à Montréal souvent
et nous sommes peut-être allés plus loin que certains de ceux qui
viennent de parler, M. le Président. J'invoque également
l'article 101, je parle du droit de réplique, M. le Président.
Nous venons d'être témoins là d'un droit de réplique
qui appartient...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député de Rouyn-Noranda! Vous ne pouvez pas invoquer l'article
101. Il n'y a pas de droit de réplique, quand le temps est
écoulé et même plus qu'écoulé à cette
commission. Alors, nous avons une motion devant nous...
M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement.
Si vous me laissez continuer, vous allez comprendre où je veux
aller.
Le Président (M. Cardinal): Mais pas à l'article
101.
M. Samson: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Non, je regrette, je ne
l'accepte pas, M. le député de Rouyn-Noranda. Je ne l'accepte
pas, M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, j'invoque l'économie
générale de notre règlement, dans laquelle se trouve le no
101, pour faire comprendre que nous n'avons pas de droit de réplique et
que ce droit de réplique que nous n'avons pas n'appartient pas plus
à des personnes qui ne sont pas membres de l'Assemblée nationale.
Quand le temps est écoulé, je voudrais qu'on en tienne compte
à l'avenir.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Rouyn-Noranda. Merci. Alors, Mme Denise
Desjardins-Lepage, mémoire 169. Mme Lepage, si vous voulez bien vous
identifier davantage pour les membres de la commission.
Mme Denise Desjardins-Lepage
Mme Desjardins-Lepage (Denise): Je m'appelle Denise
Desjardins-Lepage, je suis épouse et mère. J'aime à faire
remarquer que je défraie moi-même les coûts que cela
m'occasionne de venir ici aujourd'hui et je demande aussi à qui est
volontaire...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, madame. Veuillez
approcher votre micro, s'il vous plaît.
Mme Desjardins-Lepage: Plus près?
Le Président (M. Cardinal): Oui, on vous entend
difficilement.
Mme Desjardins-Lepage: Denise Desjardins-Lepage, épouse et
mère. Je fais remarquer que je défraie moi-même les
coûts que m'occasionne ce voyage ici aujourd'hui et je demande à
qui est volontaire de s'abstenir de fumer en cette assemblée pour le
droit à la santé des non-fumeurs et le droit à la
santé des autres. Merci.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Allez, madame.
Mme Desjardins-Lepage: Respectable assemblée.
Mémoire: appui au projet de loi no 1, Charte de la langue
française au Québec. Je me demandais si on avait droit à
une musique...
Une Voix: De la musique de fond.
Mme Desjardins-Lepage: La nécessité d'apprendre le
français et uniquement le français, pour maîtriser notre
économie nationale.
Connaissant bien sa langue maternelle, il est loisible à chacun
d'apprendre plusieurs langues secondes.
Le Président (M. Dussault): On s'excuse, mais on
n'arrivera pas à faire cesser cette musique, alors je vous prierais,
s'il vous plaît, de continuer.
Mme Desjardins-Lepage: D'accord. Le sachant...
Mme Lavoie-Roux: C'est encore plus harmonieux comme cela.
Mme Desjardins-Lepage: Merci. Connaissant bien sa langue
maternelle, il est loisible à chacun d'apprendre plusieurs langues
secondes, nonobstant l'apprentissage souhaitable d'une langue seconde anglaise.
Un langage n'a de sens s'il se compose de phrases rigides, de formules
imposées. L'expression jaillit de l'intérieur de l'être.
Apprendre le français, perfectionner la connaissance de sa langue
maternelle, le français, transcende la similitude d'origine, la
parenté entre quelques langues, dont le français, l'anglais,
l'italien, l'espagnol, devient tangible à l'étude
étymo-
logique du français. Pour bien se faire comprendre, francophones
du Québec, il nous faut nous sentir à l'aise et savoir tous
l'exacte définition d'un même mot. En étudiant le
même vocabulaire en français, nous y parviendrons.
Et ensuite, la parole jaillit de l'impondérable de la
pensée créatrice, l'action succède à l'idée
exprimée puisqu'elle la motive.
Il y a peu de temps, nos pères et mères, presque tous
cultivateurs, dans une entreprise familiale, orientaient leur travail
d'artisans, de producteurs. Ils n'attendaient pas qu'on leur trouve un travail,
ils organisaient leur travail et une langue s'est transmise en construisant un
pays. Combien d'emplois, actuellement, au Québec, sont postulés
par des personnes bilingues, quelle proportion des offres d'emploi, dans les
journaux exigent "bilingue" et ne sont donc accessibles qu'aux quelques 20% des
francophones québécois bilingues. Est-on obligé d'importer
de la main-d'oeuvre des autres provinces pour combler ces postes encore
tellement teintés d'unilinguisme anglais?
Pour les Québécois, l'accessibilité au monde des
affaires dans sa langue maternelle devient de première importance.
Inutile de se tenir passivement à la remorque d'une constante
traduction. Le dynamisme linguistique du français prévaut.
Légiférer pour conserver sa langue ne surprend pas. Que l'on
pense à l'Académie française lors de sa création.
L'autodétermination de chaque personne se fonde dans son expression, son
droit à l'expression dans la connaissance de son milieu, voire dans la
décentralisation.
Nous vivons dans une société de consommation, est-elle un
leurre? Nous préférerons la cogestion, la coopération,
l'entreprise autogérée. Préservons la vitalité de
notre langue, notre culture, notre essence, aucune mesure coercitive n'existe
dans le projet de loi no 1, les francophones du Québec acquièrent
le droit de s'exprimer, Québécois qui, depuis maintes
années, se voient obligés, et non incités à
résilier leur expression, leur droit individuel et collectif. Et la
meilleure réalisation économique des Québécois
francophones, la majorité des Québécois s'étendra
en répercussion positive et enrichissante pour tout le contexte
nord-américain car au lieu d'être passivement à la
remorque, nous sommes motricité.
C'est la nécessité d'apprendre le français et
uniquement le français pour la maîtrise de notre économie
québécoise. Je peux me permettre de faire mention des quelques
notes que j'ai jointes à mon étude?
Le Président (M. Dussault): Vous avez le temps, oui.
Mme Desjardins-Lepage: Merci.
J'avais noté que l'Académie française a
été fondée en 1635 et c'était par Richelieu qui
était un ministre d'Etat en temps de monarchie, mais quand même,
c'était gouvernemental même en temps de monarchie. Il était
chargé de la rédaction du dictionnaire, je pense que les gens
voulaient se comprendre.
J'ai aussi noté quelques définitions d'autogestion:
Gestion d'une entreprise par le personnel, direction et conseil de gestion.
La cogestion: l'administration, la gestion en commun, la
coopération, l'action de participer à une oeuvre commune,
apporter sa coopération à une entreprise, dans le sens de
collaboration. Dans toute coopération, on est, en quelque sorte,
dépendant de ses collaborateurs et solidaires avec eux. C'est dans le
sens de contribution. C'est une phrase de Steinberg.
Boileau, né en 1635, je pense, a dit: Ce qui se conçoit
bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent
aisément.
J'ai quelques autres notes. Dans Statistique Canada, 1976, je voyais les
groupes ethniques: Britanniques, 44,6%; Français, 26,7%. La langue
d'usage dans le Canada: anglais, 67%; français, 25,7%. Lieu de naissance
en 1976, toujours: Canada 84%; Royaume-Uni, 4,3%; Etats-Unis, 7,8%. Langue
officielle au Canada: anglais seulement, 67,1%; français seulement, 18%;
anglais et français, 13%. Donc, la majorité des bilingues se
situent au Québec, si je fais bien le calcul.
En 1971, nés à l'étranger, dans le Canada, 3,2
millions, dont près de 1 900 000 d'origine britannique. En 1970
je me le demande, parce que je n'ai pas les sources quelle était
la répartition de la population au Canada, selon les groupes ethniques?
La communication n'existait pas comme aujourd'hui, on le déplore. Tant
mieux pour aujourd'hui, au contraire.
Pour ce qui est des proportions d'offres d'emploi, j'ai regardé
dans la Presse du 14 mai 1977. Secteur bureau cela me regarde
peut-être un peu, on le suppose, une femme secrétaire, page H-19,
75% des offres d'emploi mentionnent bilingues; section métiers, vente et
technique, 33% mentionnent bilingues. Il y a des emplois où c'est
implicite. On le suppose, mais c'est inutile d'en parler puisqu'on n'a pas de
papier.
Je vous remercie.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, Mme Lepage.
M. le ministre.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup, Mme Lepage, d'avoir pris la
peine de préparer ce mémoire et d'être venue, à vos
frais, le présenter, oomme vous l'avez souligné. Vous vous
présentez comme une épouse et une mère de famille. Est-ce
que je peux vous demander combien d'enfants vous avez?
Mme Desjardins-Lepage: C'est le deuxième enfant que
j'attends maintenant.
M. Laurin: Est-ce que vous aviez un métier? Est-ce que
vous travailliez?
Mme Desjardins-Lepage: J'étais téléphoniste.
M. Laurin: Téléphoniste? Mme Desjardins-Lepage:
Oui.
M. Laurin: Au tout début de votre mémoire, vous
reconnaissez la nécessité de connaître sa langue
maternelle, mais aussi des langues secondes, plusieurs, même, vous le
mentionnez.
Mme Desjardins-Lepage: Oui.
M. Laurin: Et en particulier la langue anglaise.
Est-ce que je comprends bien votre phrase en pensant que, selon vous, il
faut bien connaître sa langue maternelle, il faut qu'un enfant connaisse
bien sa langue maternelle avant de se mettre à l'apprentissage d'une
langue seconde?
Mme Desjardins-Lepage: C'est mon sentiment et c'est ce que je
pense avec l'expérience que j'ai aujourd'hui.
M. Laurin: A partir de quelle année croyez-vous
souhaitable de commencer l'apprentissage d'une langue seconde? Après
quel degré? A quel moment de la scolarité?
Mme Desjardins-Lepage: Comme moi, j'ai commencé en
cinquième année, tranquillement... Je trouve que cela a quand
même un peu de bon sens de commencer tranquillement la connaissance d'une
autre langue.
M. Laurin: Est-ce à dire que vous considérez que
l'apprentissage d'une langue seconde ne devrait pas commencer avant la
cinquième année?
Mme Desjardins-Lepage: C'est cela.
M. Laurin: Est-ce que vous, connaissez l'anglais
vous-même?
Mme Desjardins-Lepage: Je suis bilingue, mais si demain ou la
semaine prochaine, j'ai besoin d'un emploi, je ne trouverai pas d'emploi, parce
que je ne suis pas assez bilingue pour ce qu'on exige dans les offres
d'emploi.
M. Laurin: Oui, quel...
Mme Desjardins-Lepage: J'ai travaillé quatorze ans comme
téléphoniste avant de me marier. Malgré toute ma
connaissance, c'est très difficile. Je vois que c'est la même
chose que dans le temps où je me cherchais un emploi dans les journaux.
J'ai eu plusieurs expériences. J'ai eu quatre emplois en tout en
quatorze ans.
M. Laurin: Voulez-vous me parler un peu de ces
expériences?
Mme Desjardins-Lepage: Oui, Bell Canada. M. Laurin: Des
difficultés que vous avez eues?
Mme Desjardins-Lepage: Des difficultés à trouver un
emploi, oui. Quand j'allais postuler un emploi, j'ai dû accepter
quelquefois un emploi au salaire minimum, parce que, pour l'emploi que je
postulais, on me demandait un anglais plus poussé. Un employeur m'a
justement dit: Si mes patrons de Vancouver ou de Toronto appellent, je ne veux
pas que tu les fasses répéter. D'ailleurs, il me le disait en
anglais. J'avais quand même parlé avec lui vingt minutes et il m'a
dit, à cause de mon anglais: J'espère que vous trouverez un autre
emploi.
M. Laurin: Quel genre d'emploi postuliez-vous? Est-ce que
c'était toujours un emploi de téléphoniste?
Mme Desjardins-Lepage: C'est cela, oui.
M. Laurin: Et, toutes les fois, on a exigé que vous
connaissiez l'anglais d'une façon assez poussée?
Mme Desjardins-Lepage: Tout dépend. Si on veut
améliorer son emploi, on essaie d'aller à l'endroit où on
va vous payer un peu plus cher qu'où vous travaillez. Je suis partie de
mon travail à l'heure du dîner, au moment où je finissais
ma demi-journée. Je me suis rendue sur la rue Dorchester, au Centre de
la main-d'oeuvre du Canada, et j'ai demandé de suivre des cours
d'anglais par les soirs de façon à être payée
à peu près $30 par semaine, dans le temps, pour apprendre
l'anglais.
J'ai été surprise, j'ai été assez
ébahie. Un préposé m'a répondu et je ne sais pas
à quel point il avait raison, je vous dis cela aujourd'hui: Les
immigrants peuvent avoir ces cours, comme vous supposez, mais pas vous. Je vous
dis cela de mémoire, mais cela existe certainement dans des documents
que je n'ai pas ici.
M. Laurin: La compagnie, en somme, ne vous a pas payé de
cours d'anglais?
Mme Desjardins-Lepage: Où je travaillais à ce
moment-là?
M. Laurin: Oui.
Mme Desjardins-Lepage: Non. A ce moment-là aussi, je suis
allée à la Commission scolaire de Montréal suivre des
cours d'anglais, le soir à partir de 8 heures, et je me suis
aperçue à cette époque, c'était en 1970,
à peu près, c'était en 1969 ou 1970 en suivant ces
cours que j'avais pris un cours avancé et, à mon niveau, je
n'arrivais pas à suivre. J'ai pris le cours-intermédiaire, je
savais tout. Les cours avancés étaient davantage faciles pour qui
avait de l'anglais une connaissance auditive plus avancée que la mienne,
mais nécessairement l'écriture pouvait être moindre.
M. Laurin: Tous ces cours, vous les avez suivis, à vos
frais?
Mme Desjardins-Lepage: Mais oui. Je suis même allée
à l'Université McGill une demi-année, parce que
c'était très fatigant à partir de chez moi.
M. Laurin: Ils se sont poursuivis plusieurs années, ces
cours?
Mme Desjardins-Lepage: A l'Université McGill, non. J'ai
seulement fait la première année, en réalité la
moitié de la première année. C'étaient de
très bons cours, mais j'étais trop fatiguée, à
cause de la distance, par exemple, du lieu où j'habitais, pour continuer
ces cours mais ces cours étaient excellents, pour apprendre
l'anglais.
M. Laurin: Trouvez-vous que cette connaissance de l'anglais qu'on
exigeait de vous était justifiée?
Mme Desjardins-Lepage: A cette époque, on n'arrivait pas
à exprimer quelque chose comme ce que je viens d'exprimer même
dans mon texte. On n'arrivait pas à l'exprimer.
M. Laurin: Et, pendant que vous avez tenu ces emplois, c'est
toujours des emplois de téléphoniste que vous avez tenus?
Mme Desjardins-Lepage: Oui, réception aussi. Je pourrais
énumérer les emplois, mais...
M. Laurin: Et comme réceptionniste, est-ce qu'on exigeait
de vous que vous connaissiez l'anglais?
Mme Desjardins-Lepage: J'ai travaillé une fois comme
réceptionniste et c'est au gouvernement du Québec. Et au
gouvernement du Québec, en 1970, on m'a demandé si j'étais
bilingue, si je me débrouillais ou si j'étais parfaitement
bilingue. J'ai dit que je me débrouillais, et je me suis
débrouillée.
M. Laurin: Dans les emplois que vous avez tenus comme
téléphoniste, est-ce qu'il vous arrivait souvent d'avoir a parler
anglais.
Mme Desjardins-Lepage: Oui, très souvent. M. Laurin:
Où travailliez-vous? Mme Desjardins-Lepage: Où je
travaillais? M. Laurin: Oui. Dans quelle ville?
Mme Desjardins-Lepage: Dans quelle ville? J'ai travaillé
à Montréal, surtout à Montréal, trois emplois
à Montréal. Un emploi à Saint-Jérôme. Bell
Canada à Saint-Jérôme. Au début, quand j'ai
commencé à travailler, on exigeait l'anglais. Mais, à
l'endroit où on était, j'étais une des meilleures en
anglais, donc pour la première fois j'avais à prononcer les mots
en anglais pour avoir un salaire, pour avoir mon salaire. C'est peut-être
pour cela qu'aujourd'hui je suis capable de parler avec qui veut bien me parler
en anglais.
M. Laurin: A la page 2, de votre mémoire, vous dites: "Une
langue s'est transmise en construisant un pays". Est-ce que cela veut dire que
pour vous, la langue n'est pas simplement un instrument de communication, mais
elle est quelque chose d'autre, de plus intime, de plus important?
Mme Desjardins-Lepage: A l'intérieur d'une famille, je me
suis rendu compte qu'il y a énormément de phrases, d'expressions
ou de communications entre les... qui étaient bien particulières.
Cela relevait aussi du domaine de la compréhension, mais aussi du
domaine de l'affection. Ces phrases-là, on les retrouve dans un
vocabulaire français. A mon sens, aujourd'hui, on les oublie. On perd
beaucoup de notre vocabulaire, un patrimoine, ce que j'appelle un patrimoine,
un vocabulaire du terroir. Comme par exemple, j'ai cherché
dernièrement l'expression dans le dictionnaire, "être en
gribouille avec quelqu'un", cela se disait couramment dans ma famille, mais
aujourd'hui on le perd. On le perd parce que personne n'emploie cela. Pour
aujourd'hui disons que c'est peut-être trop local, mais je pense
qu'aujourd'hui aussi, la plupart des gens pensent à une
décentralisation pour pouvoir mieux connaître le milieu, la base
il y en a qui appellent cela la base où on vit.
M. Laurin: Vous dites à la fin de votre mémoire que
les Québécois, depuis plusieurs années, ont
été, non pas incités ou invités, mais
obligés à résilier leurs expressions, leurs droits
individuels et collectifs. Voulez-vous dire par là, qu'en raison des
conditions d'emplois, des conditions de vie auxquelles vous avez vu les
Québécois soumis, cela équivalait à une sorte
d'obligation de renoncer à ce droit individuel et collectif de parler sa
langue, de travailler dans sa langue?
Mme Desjardins-Lepage: C'est cela. Parce que, mon cas
aujourd'hui, je le cite, comme expérience de travail, mais j'en connais
bien d'autres du monde ordinaire. J'arrive pour parler avec quelqu'un, je vais
dire... Je vais vous parler d'une façon bien ordinaire. C'est inutile de
penser que les gens ordinaires ne savent pas, au sujet de la conservation. Ils
sont peut-être beaucoup trop occupés. C'est une question de
disponibilité. C'est pour cela. Ce qui réfère à la
charte, les conditions sociales sont à préserver. Et la condition
sociale de nous, les francophones, je la trouve non pas minable, mais
j'aimerais bien qu'elle s'améliore.
M. Laurin: Donc, c'est en vertu de vos convictions profondes,
mais aussi de votre expérience, de votre existence, que vous en arrivez
à cette conclusion, en page 2 de votre mémoire...
Mme Desjardins-Lepage: Oui, certainement, puis...
M. Laurin: ...et qu'il faut que le gouvernement procure une
accessibilité au monde des affaires à chaque citoyen
québécois dans sa langue maternelle.
Mme Desjardins-Lepage: Oui. Maintenant, pour
énumérer d'autres cas, je pourrais en énumérer,
mais on ne me le demande pas. Pour accéder au monde des affaires, on
doit être capable de s'exprimer d'une façon à être
à l'aise, parce que les affaires, ça peut vouloir dire aussi un
emploi où il y a plus d'avantages et, justement dans ce domaine, les
Québécois francophones ont été beaucoup
relégués, parce qu'on a dû prendre des emplois qui
étaient secondaires avec moins d'avantages pour une vie sociale, bien
souvent...
M. Laurin: En somme, c'est la raison pour laquelle vous ne voulez
plus être passive ou à la remorque, mais vous voulez que les
francophones acquièrent un rôle moteur dans leur
économie.
Mme Desjardins-Lepage: Oui, et c'est surtout les gens ordinaires
qui sentent ça, d'après moi, mais ceux, par exemple, qui n'ont
pas la disponibilité, parce qu'ils ont trop a coeur d'avoir le salaire
pour leur famille, ils n'ont justement pas la disponibilité pour voir
à leurs affaires. Ils sont pris par un certain stress qui fait qu'ils
ont besoin d'argent immédiatement. Par contre, il y a a peut-être
d'autres catégories, comme ceux qui ne travaillent pas
présentement, mais le stress est là pour eux aussi et ce n'est
pas moteur, non plus, d'être dans une situation passive.
M. Laurin: Est-ce la raison pour laquelle vous ne trouvez pas
étonnant que le gouvernement en arrive à légiférer,
à adopter des lois pour corriger cette situation et amener l'état
de fait que vous semblez souhaiter?
Mme Desjardins-Lepage: Je me référais à la
charte... Je regardais ça tantôt... Monsieur mentionnait...
Après la langue, il est question de l'origine ethnique justement.
Qu'est-ce qu'on voyait à part ça? Condition sociale justement. La
condition sociale, ce n'est pas à délaisser comme correction dans
une société.
M. Laurin: En tout cas, c'est justement en raison de ces
conditions sociales dont vous parlez et en raison du type de citoyens
ordinaires que vous revendiquez... Personnellement, je suis très
sensible à votre témoignage et je vous remercie encore une fois
d'être venue nous le présenter.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre.
Mme le député de L'Acadie.
M. Grenier: M. le Président... l'endroit pour le
dépôt de documents ici. J'aurais voulu que les
députés de Joliette-Montcalm et de Taschereau nous
déposent les documents qui sont certainement relatifs au mémoire
qui nous est présenté ce matin, le Soleil et le
Montréal-Matin.
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: Enfin...
M. Chevrette: II y a des "funnies" et il n'y a pas de Tintin.
Le Président (M. Dussault): M. le député,
à l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais remercier
Mme Lepage du témoignage qu'elle vient de faire devant cette commission.
Je m'incline devant son courage, parce que ce n'est vraiment pas facile.
J'aurais seulement souhaité qu'il y ait plus de personnes, ici , dans
cette salle pour vous entendre.
Dans le fond, ce que je retiens dans ce que vous venez de dire, c'est...
Il y a plusieurs préoccupations dans vos deux pages, mais je vais
peut-être quand même m'arrêter à celle qui
m'apparaît, à première vue, la plus importante. Je
m'excuse. C'est peut-être un peu subjectif, mais ce que vous êtes
venue dire ici, c'est qu'on a quand même vécu au Québec et
on le vit encore, je pense, d'une façon moindre, par exemple, le fait
que pour plusieurs personnes de langue française au Québec, il
était difficile de travailler dans leur langue et je pense que
malheureusement je dois le reconnaître cela existe encore
dans certains cas et c'est peut-être l'anxiété de ces
personnes à pouvoir travailler dans leur langue, vivant au
Québec, que vous êtes venue dire ici à la commission...
Je peux vous dire et j'ai eu l'occasion de le dire avant
que je suis totalement d'accord avec vous. Il y a déjà eu des
mesures de prises antérieurement pour assurer que non seulement un plus
grand nombre, mais que tous viennent à être capables de travailler
en français au Québec, surtout s'ils sont de langue
française et je pense que vous avez transmis ce message bien
honnêtement.
Je voudrais simplement vous poser quelques questions. Vous dites
qu'encore, par exemple, demain matin, vous alliez chercher un emploi. Je n'ai
pas compris si demain matin vous iriez vous-même ou si vous faisiez une
hypothèse...
Mme Desjardins-Lepage: Demain matin, la semaine prochaine.
Mme Lavoie-Roux: ... que demain matin, si vous alliez pour vous
trouver un emploi, vous seriez peut-être encore prise avec ce dilemme:
Puis-je me trouver un emploi, parce que mon anglais n'est pas suffisamment
bon?
Pouvez-vous me dire si vous avez travaillé pour Bell Canada? J'ai
cru comprendre que oui. Les trois postes que vous avez occupés comme
téléphoniste, était-ce à Bell Canada?
Mme Desjardins-Lepage: Non.
Mme Lavoie-Roux: Non. Alors, vous avez pu travailler à
Bell Canada avec la connaissance de l'anglais que vous aviez?
Mme Desjardins-Lepage: En 1957.
Mme Lavoie-Roux: En 1957. Qu'est-ce qui vous fait croire que,
demain matin, si vous vous
cherchiez un emploi, vous ne seriez pas capable d'en avoir un? Cela peut
être le cas d'autres qui ne parlent pas l'anglais, il faudrait faire les
vérifications nécessaires. Dans votre cas, vous ne seriez pas
capable de vous trouvez un emploi parce que vous ne parlez pas l'anglais, cela
m'étonne parce que je pense que les exigences pour l'anglais, à
l'époque, c'est une impression de Bell Canada
étaient assez élevées...
Vous nous dites: Demain matin, si je cherchais un emploi par
hypothèse je ne pourrais probablement pas en trouver, parce que
je n'ai pas la connaissance suffisante de l'anglais.
Croyez-vous que cela serait vraiment ce qui se passerait?
Mme Desjardins-Lepage: Evidemment, je n'ai pas postulé un
emploi à Bell Canada tout récemment, et quant au fait que je ne
me trouverais pas un emploi, ce n'est pas nécessairement à Bell
Canada. Peut-être ne suis-je pas intéressée à aller
travailler à Bell Canada, mais comme dans le journal, on voit ce qui est
offert.
En réalité, je le suppose, parce qu'il y a quand
même cinq ans que je ne suis pas dans le milieu du travail, mais je le
suppose, vu la difficulté, justement, que j'avais de trouver un emploi
et vu aussi la difficulté que j'avais à y travailler, parce que,
pour être acceptée à un emploi, il me fallait me dire
bilingue et j'en subissais les conséquences, d'où le stress qui
s'ensuivait.
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, votre réflexion, elle est
peut-être davantage à l'égard d'autres qui, eux,
concrètement, voudraient se trouver un emploi, et il y a encore
des...
Mme Desjardins-Lepage: Oui, présentement. Un cas m'a
été mentionné, mais cela ne se prouve pas. Je ne peux pas
parler du cas d'une personne en particulier qui aurait postulé un emploi
à Bell Canada, par exemple. Je serais bien mal venue de dire cela, mais,
à ma connaissance, je le sais. Le raffinement des compagnies... Est-ce
qu'elles vont aller dire pourquoi elles refusent justement d'employer ces
personnes? Je ne veux pas faire d'affirmation gratuite. C'est bien difficile de
parler de cela, mais il semble, c'est ce que j'entends dire, qu'on ne donne
justement pas la raison. Comme je vous dis, c'est quelque chose que je n'ai pas
à affirmer nécessairement ici, parce que je n'ai pas
l'enregistrement ou le papier correspondant à ce que je pourrais
dire.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre
honnêteté. Dans le fond, vous ne voulez pas faire d'affirmation
gratuite. Vous exposez ce qui vous semble une situation possible.
Quant à la deuxième question que je voulais vous poser,
c'est que vous indiquez vos regrets et peut-être un peu votre nostalgie,
bien légitime, j'en suis certaine, de la disparition dans la langue
parlée au Québec de certaines expressions qui, vous le disiez,
étaient plus locales, plus régionales. A quoi attribuez-vous
ceci? Est-ce que vous attribuez cela au fait qu'il y a de l'anglais au
Québec ou est-ce que vous attribuez cela à l'évolution,
quand même, d'une société qui est beaucoup plus
exposée, qui s'homogénéise à cause des moyens de
communication qui sont mis à la disposition de l'ensemble de la
population? Je pense à la télévision, par exemple.
D'où vient votre préoccupation?
Mme Desjardins-Lepage: Comme je le mentionnais, la
société de consommation nous est apparue, je pense bien, en
même temps qu'est apparue l'obligation d'aller sur le marché du
travail ou, du moins, la structure des emplois actuels. L'industrie, c'est bon,
mais, en même temps que le phénomène de l'industrie, cela a
été la société de consommation. L'autre point de
vue qui se réfère à la langue, en même temps que
l'industrie, c'est que le contexte bilingue nous est apparu tout de suite, la
nécessité qui nous incombait d'avoir à parler une autre
langue pour gagner notre vie, c'était en même temps que
l'industrie.
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je suis peut-être un peu
moins d'accord pour conclure que ce langage local qui disparaît, ce soit
dû nécessairement au bilinguisme.
Le seul autre point que je voudrais souligner, le premier paragraphe de
votre mémoire exprime vraiment cette nécessité, je pense,
que le français, on ne doive rien négliger pour assurer non
seulement qu'on puisse l'utiliser, mais qu'il soit de la meilleure
qualité possible. Parce qu'une langue bien maîtrisée, je
pense qu'elle permet une façon de s'exprimer dans d'autres domaines
d'une façon positive et créatrice. Je vous remercie, Mme Lepage,
d'être venue nous rencontrer.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Seulement pour dire, M. le Président, que si
ce n'est pas l'intention du gouvernement, du parti ministériel,
d'interroger le témoin davantage, on pourrait peut-être s'entendre
pour terminer, quant à nous pour 13 heures. On n'aurait qu'une couple de
questions à poser.
Le Président (M. Cardinal): De toute façon,
à 13 heures, je devrai ajourner les travaux, comme tout le monde le
sait. M. le député de Pointe-Claire.
Non, je vais répondre à la question, d'après les
indications que j'ai, il n'y aurait que M. le député de
Pointe-Claire et M. le député de Rouyn-Noranda qui, en fait,
désireraient s'exprimer avant 13 heures. M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Mme lepage, premièrement, comme mère de
famille, comme quelqu'un qui a maintenant besoin de penser à l'avenir de
ses enfants, pensez-vous qu'après l'adoption d'un projet de loi comme le
bill 1, le caractère de la demande d'une connaissance de l'anglais va
changer? Est-ce que ça va changer après l'adoption de ce bill?
Comme
téléphoniste, est-ce que la demande de la connaissance de
l'anglais va diminuer à cause de l'adoption du bill 1?
Mme Desjardins-Lepage: Ce qu'on espère, en
réalité, ce que je peux espérer légitimement, c'est
que si j'ai besoin de travailler, j'aurai accès plus facilement, que la
langue ne soit justement pas un handicap, que l'anglais que j'ai soit suffisant
pour un emploi ou pour la majorité des emplois. Ce qui n'est pas le cas
dans les emplois offerts.
M. Shaw: Croyez-vous, madame, que pour les enfants, pour leur
donner tous les avantages pour n'importe quelle position dans les affaires,
à l'avenir, au Québec, s'ils sont bilingues, s'ils ont une bonne
connaissance, une bonne formation dans la langue anglaise, ils sont mieux
équipés pour leur avenir?
Mme Desjardins-Lepage: J'aimerais bien vous répondre. Au
niveau du secondaire, à la fin du secondaire, d'après moi, les
étudiants dans les écoles devraient apprendre beaucoup
l'étymolo-gie. A ce moment-là, à ce niveau, un
étudiant a accès à la connaissance de l'anglais.
D'après moi, aussitôt qu'il va dans un contexte anglais, c'est
bien facile pour lui d'en arriver à converser, à cause du niveau
d'études. Si vous comparez une lecture en français et une lecture
en anglais, il y a tellement de ressemblance entre toutes sortes de mots comme
confortable, "comfortable"... C'est pour cela que j'ai pu lire en anglais
moi-même, à cause de la ressemblance entre un texte en anglais et
un texte en français, avec une connaissance bien plus théorique
de la langue anglaise.
M. Shaw: D'après votre expérience personnelle, avec
un manque de capacité de vous exprimer facilement en anglais,
croyez-vous que ce n'est pas plus important que vos enfants soient plus
bilingues, pour leur donner la chance de participer à n'importe quelle
occupation dans l'avenir?
Mme Desjardins-Lepage: Mon principe est celui-ci: En connaissant
bien une langue, du moment qu'on l'apprend du point de vue étymologique,
l'accessibilité à plusieurs langues, à ce
moment-là, est tangible. C'est une connaissance qui demande beaucoup de
pratique, la connaissance d'une langue.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Pointe-Claire et M. le député de Rouyn-Noranda, je ne voudrais,
en aucune façon, vous empêcher de vous exprimer à
l'occasion de ce mémoire. Je vais donc demander à la commission,
si elle veut continuer quelques minutes au-delà de treize heures.
Des Voix: Oui.
Le Président (M. Cardinal): Le consentement est
accordé. M. le député de Pointe-Claire.
M. Shaw: Mme Lepage, je suis conscient qu'il y a beaucoup
d'occupations comme la vôtre, celle de téléphoniste, dans
lesquelles la connaissance de la langue anglaise est importante.
Je suis aussi au courant de la situation qui ne changera pas vraiment,
si vous voulez bien partager, dans tout le monde économique de
l'Amérique du Nord qui est le voisin de notre province, pour avoir tous
les avantages économiques, seulement le français ou une
connaissance partielle de l'anglais ne suffit pas à nos enfants, pour
leur donner tous les avantages économiques en Amérique du
Nord.
Je voulais seulement vous poser la question: Si nous adoptons une loi
qui va peut-être "ghet-toïser" les enfants
canadiens-français, au Québec, avec un manque de connaissances en
anglais, est-ce à l'avantage du peuple québécois?
Mme Desjardins-Lepage: Dans les offres d'emploi que je
mentionnais, il y a aussi une page, par exemple, où seulement 33% des
offres d'emploi exigent d'être bilingue, la majorité des gens n'a
vraiment pas à parler une autre langue. Pour vivre d'une façon,
je dirais décentralisée, pour vivre selon leur mode d'expression,
à quel niveau se situe cette proportion de gens qui ont besoin
d'être bilingues? J'aimerais bien le savoir.
L'entourage nord-américain, certainement, on le voit, on le sent,
mais je crois quand même que la valeur d'un être s'établit
par ses décisions. Moi-même, j'ai bien noté en anglais que
le mot "decide" revient souvent.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je donne la parole
à M. le député de Rouyn-Noranda? S'il vous plaît?
Cinq minutes.
M. Samson: M. le Président, je vais tenter d'y aller
très rapidement pour permettre de libérer madame. Mme
Desjardins-Lepage, est-ce que vous voyez une différence quelconque entre
la notion pour un Québécois de pouvoir travailler en
français et l'autre notion qui ferait du français la langue de
travail obligatoire? Si vous voyez une différence, de quelle
façon la voyez-vous?
Mme Desjardins-Lepage: Pour un Québec français, on
pourrait peut-être se référer à l'éducation.
Quant à la langue de travail obligatoire, la langue française, je
ne vois pas qu'une aille sans l'autre si vous me posez la question.
M. Samson: Je peux peut-être vous venir un peu en aide en
explicitant davantage ma pensée. Pouvoir travailler en français,
pour quelqu'un uniquement d'expression française, il me semble que c'est
un droit absolu que nous devons connaître. Mais, par contre, que le
français soit la langue de travail obligatoire, il me semble que c'est
une chose un peu différente, en ce sens que, selon le genre de travail
ou d'emploi que l'on occupe, il n'est peut-être pas toujours absolument
nécessaire de posséder la langue française à la
perfection. Notamment, dans le domaine des travaux
manuels, ou encore un travailleur dans une manufacture qui n'a pas
à parler au cours de la journée avec qui que ce soit pour faire
son travail, ou quelque chose comme cela. A ce moment-là, cela n'aurait
peut-être pas les mêmes exigences, en voyant cela de ces deux
façons. C'est dans ce sens que je vous pose la question.
Mme Desjardins-Lepage: La scolarité souhaitable pour un
étudiant serait un secondaire V. Aujourd'hui, je ne pense pas qu'un
étudiant veuille aller en deça d'un secondaire V. Même pour
un travail manuel.
M. Samson: Cela ne répond pas tout à fait à
ma question, mais je vous rejoins quand même dans une certaine
proportion. C'est peut-être un peu vrai aujourd'hui qu'on réclame
une certaine scolarité pour des travaux qui n'en auraient pas
spécifiquement besoin ou qui n'auraient pas de telles exigences.
J'imagine que ce n'est pas tout à fait nécessaire d'avoir un
secondaire V pour balayer les rues. Parce que c'est plutôt avec ses bras
qu'on fait cela qu'avec les...
M. Bertrand: Cela prend plus d'intelligence que vous pensez.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Une Voix: II faut être bilingue.
M. Samson: M. le Président, je ne voudrais pas être
mal interprété. Je ne veux pas porter atteinte à
l'intelligence de qui que ce soit. Il y a une différence entre
intelligence et instruction.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rouyn-Noranda, ce n'est pas vous que je rappelle à l'ordre. En vertu des
articles 26 et 100, tant que le député a droit de parole, aucun
député ne doit l'interrompre.
M. Samson: Merci, M. le Président. Dans la première
page de votre mémoire, madame, vous faites référence
à votre préoccupation relativement à une meilleure
connaissance de la langue maternelle et, évidemment, je suppose que
c'est le français dans le cas présent. Vous soulignez aussi qu'il
est loisible à chacun d'apprendre plusieurs autres langues secondes. On
va parler de la langue seconde qui est l'anglais dans le cas qui nous
occupe.
Est-ce que, à votre avis, le fait non seulement de permettre,
mais de rendre accessible, dans les faits, l'enseignement de la langue seconde
pour les Québécois d'expression française
l'enseignement de l'anglais et l'enseignement du français pour
les Québécois d'expression anglaise, est-ce que cela ne serait
pas, à votre avis, un grand service à rendre à notre
population?
Mme Desjardins-Lepage: C'est là que j'aimerais expliquer
une des notes que je mentionne dans mon mémoire, à savoir ce fait
que, pour la majorité des francophones du Québec, pour une bonne
majorité de gens ordinaires, ceux qui ont à traduire constamment
du français à l'anglais, perdent leur qualité d'expression
pourrait-on dire. Cela pourrait être étudié, mais par qui?
Vraiment, moi, ça m'apparaît comme ça. Parce qu'on doit
traduire, finalement, notre phrase, ma phrase devient une traduction,
même en français, et je le déplore. A quel niveau se situe
cette étude?
M. Samson: Est-ce que, à ce moment-là...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Rouyn-Noranda, quelques brèves secondes, s'il
vous plaît.
M. Samson: Oui. Est-ce que le même phénomène
ne pourrait pas, selon vous, se produire aussi à l'inverse pour les
Québécois anglophones, par exemple?
Mme Desjardins-Lepage: Actuellement, la majorité des
bilingues au Canada sont bien francophones, français seulement, de
langue officielle, 18%. Quand on voit que les groupes ethniques, 28,7%...
M. Samson: Et si la majorité des bilingues, à
l'avenir, devenaient des anglophones, est-ce que ça ne pourrait pas
être là pour eux un avantage sérieux sur les
francophones?
Le Président (M. Cardinal): Dernière intervention,
Mme Lepage.
Mme Desjardins-Lepage: Cela n'existe pas maintenant.
M. Alfred: Parfait!
Le Président (M. Cardinal): Alors...
M. Samson: M. le Président, avec votre permission, je
voudrais remercier Mme Lepage...
Le Président (M. Cardinal): Certainement.
M. Samson: ...et souligner le mérite qu'elle a de
s'être présentée devant cette commission en
défrayant elle-même les coûts et en venant nous faire part
de son expérience personnelle.
Le Président (M. Cardinal): Mme Lepage... M. Bertrand:
M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: ...étant donné que le ministre d'Etat
au développement culturel a été le seul à
s'exprimer au nom du gouvernement, serait-il possible, au nom de tous les
députés, que nous exprimions notre reconnaissance à Mme
Lepage, non seulement pour le mérite qu'elle a, mais pour l'intelligence
dont elle a fait part, son bon sens et
sa capacité d'évaluer de façon très correcte
des situations parfois complexes? Je pense qu'elle mérite nos
félicitations les plus sincères.
Le Président (M. Cardinal): Merci M. le
député de Vanier. C'est justement le genre de chose que je ne
puis dire, parce qu'on pourrait toujours penser que j'en viens au
débat.
Je veux quand même, au nom de la commission, simplement remercier
Mme Desjardins-Lepage pour sa contribution.
Vous me permettrez, avant l'ajournement des travaux ce n'est pas
terminé, un instant de faire quelques remarques. Tout d'abord, la
liste des personnes qui ont demandé d'intervenir devant cette commission
et qui a été distribuée ce matin est un document de
travail. Je répète qu'elle n'a été remise qu'aux
membres de la commission uniquement et à titre de document
de travail. Elle devra être corrigée au fur et à mesure que
les travaux de cette commission se poursuivront.
J'ai accordé le maximum de collaboration aux journalistes, mais
je ne puis, avec ce précédent qui a été
créé ce matin, aller au-delà que de remettre la liste aux
membres de la commission. Je ne mentionne pas qu'il y a des erreurs dans cette
liste. Bien au contraire. Cette liste a été
préparée à partir des communications entre les futurs
intervenants et le secrétaire de la commission.
Par conséquent, il y a toujours lieu d'y apporter des
corrections. On le sait, pour avoir vécu depuis plus d'une semaine et
demie avec les membres de la commission et les témoins.
Je remercie tous ceux qui ont participé à cette commission
ce matin. Je rappelle que l'horloge n'est pas encore à l'heure, mais que
je donnerai des directives pour qu'elle le soit au début de la
séance. Les travaux de la commission sont ajournés sine die.
Mme Lavoie-Roux: Quelle heure est-il, M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): En fait, à l'horloge,
il est treize heures onze minutes, mais je pense qu'elle a plusieurs minutes
d'avance et quand je dis que les travaux de la commission sont ajournés
sine die, j'invite quand même la Collectivité anglophone
d'éducation de l'Ouest du Québec, mémoire 164, à se
présenter devant nous vers 16 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 10)
Reprise de la séance à 17 h 27
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs! Comme c'est une nouvelle séance je veux souligner que
nous avons, non pas suspendu, mais ajourné vers 13 h 10 je ferai
l'appel des membres de la commission, très brièvement, M. Alfred
(Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes) remplacé par M. Charbonneau (Verchères), M.
Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé).
M. Shaw: Je le remplace, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Est remplacé par M.
Shaw (Pointe-Claire). Merci. M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda). Quant à
l'ordre du jour, aussi brièvement, nous avons comme "invités" la
Collectivité anglophone d'éducation de l'Ouest du Québec,
mémoire 164; L'Association des démographes du Québec,
mémoire 162; M. Burford Charles Norman, mémoire 157, et les
Jeunes Libéraux de la région de Québec, mémoire
114.
Je regrette ce délai pour nos invités, mais nous ne sommes
pas maîtres des délibérations de l'Assemblée
nationale, ceci dit sans aucune critique de fond. C'est seulement une
constatation. Au moment même où nous sommes ici, il y a un
débat à l'Assemblée, je le souligne; il pourrait y avoir
un vote et nous serions obligés de suspendre la séance. Ceci
étant dit, j'invite la Collectivité anglophone d'éducation
de l'Ouest du Québec à se présenter devant nous et
à bien vouloir identifier et son organisme et ses
représentants.
Collectivité anglophone d'éducation de
l'Ouest du Québec
M. Denis (Jean): Mon nom est Jean Denis; à ma droite, M.
Graham Greig. Nous sommes les porte-parole du comité représentant
la collectivité anglophone d'éducation de l'Ouest du
Québec. M. Greig est un anglophone bilingue, père d'enfants
présentement dans le système d'éducation anglophone de
l'Outaouais. Quant à moi, je suis un francophone bilingue avec un enfant
qui a été éduqué dans le système
d'éducation francophone élémentaire pour continuer ses
études dans le système anglophone secondaire.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, comme
à tous les autres témoins, je vous indique ceci. Vous avez 20
minutes pour la présentation de votre mémoire.
M. Denis: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres
de la commission parlementaire. Ce mémoire se propose d'étudier
la charte de la lan-
gue française au Québec, pour en évaluer les
difficultés suscitées par les articles touchant l'enseignement,
portant une attention particulière à l'Ouest du Québec et
aux ramifications de ces articles sur la qualité de vie de tous les
Québécois.
Le comité est d'avis que l'adoption d'une politique aussi
novatrice et importante qui touche directement chacun des citoyens du
Québec risque d'engendrer de fortes tensions négatives. Nous
demandons par conséquent que la commission parlementaire de
l'Assemblée nationale veuille bien redoubler de vigilance en revoyant
ces articles du projet de loi que nous considérons, toutes
révérences gardées, comme contenant des
éléments répressifs et gros de conséquences.
Telles qu'énoncées dans le préambule, nous jugeons
dangereuses les prémisses sur lesquelles repose le projet de loi en ce
qui a trait aux mesures proposées pour l'enseignement. Au premier
paragraphe, il est indiqué que l'Assemblée nationale constate que
la langue française est depuis toujours la langue du peuple
québécois et que c'est elle qui lui permet d'exprimer son
identité. Il est clair que ne sont pas reconnus comme
Québécois tous ces résidents qui forment eux aussi, en
quelque sorte, la toile de fond de notre société
québécoise, ces résidents de descendance
amérindienne, anglaise, irlandaise et écossaise, comptés
parmi les premiers défricheurs du sol québécois, ou ces
loyalistes de l'empire uni qui, il y a 200 ans, ont quitté les
Etats-Unis pour venir s'établir librement en terre
canadienne-française.
A notre grande stupéfaction, ce projet de loi se permet un
sophisme dangereux. Sont vrais citoyens, seuls ceux qui composent la
majorité ethnique du Québec.
M. Laplante: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Je pense que monsieur a oublié une ligne ici.
J'aimerais bien qu'il...
M. Denis: J'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous
avons donné un amendement qui élimine une partie de cette
phrase.
M. Laplante: Quelle phrase est éliminée,
Monsieur?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Bourassa, il est heureux...
Mme Lavoie-Roux: Cela vous ressemble. M. Laplante:
...vous, madame.
Le Président (M. Cardinal): ...que la phrase ait
été éliminée, j'aurais dû intervenir et
j'aimerais que l'on n'insiste pas. Il y a d'ailleurs un amendement qui va vous
être distribué immédiatement et j'invite M. Denis à
continuer.
M. Laplante: Un remords de conscience.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. M. Denis.
M. Denis: Je peux expliquer, si vous voulez. Nous avons
éliminé cette référence de peur qu'elle soit
interprétée dans certains quartiers dans un sens peut-être
un peu plus péjoratif que celui inspiré par le contexte de notre
mémoire.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. Nous commençons tellement tard que je demanderais à
la députation de bien vouloir laisser aux intervenants leur plein droit
de parole pendant les 20 minutes prévues par la motion. M. Denis.
M. Denis: Merci. Nous sommes attristés et craignons les
implications possibles d'un projet de loi qui affirme, dans son
préambule, que tous les autres citoyens, dits les minorités, ne
font que participer au développement du Québec et ne peuvent
appeler le Québec mon pays, ma patrie.
L'un des buts du projet de loi no 1, clairement énoncé au
préambule, se lit comme suit: "Faire du français la langue de
l'Etat et de la loi, aussi bien que la langue normale et habituelle du travail,
de l'enseignement et des communications".
Pour en arriver à cette fin, le projet de loi propose les mesures
suivantes: Augmenter la population francophone du Québec par
l'intégration obligatoire au système d'enseignement
français des enfants issus de parents immigrant d'autres pays, d'autres
provinces et des territoires du Canada. Défendre aux
Québécois de langue maternelle française de s'inscrire aux
écoles anglaises. Exiger que toutes les communications officielles
des commissions et administrations scolaires de langue anglaise soient
rédigées en français d'ici à la fin de
l'année 1983. Insister pour que toutes les écoles
d'enseignement francophones utilisent et transmettent une terminologie
française précise et améliorée dans les
métiers, les techniques et les professions. S'ingérer dans
le libre choix de la langue de l'enseignement des peuples indigènes du
Québec qui ont, depuis toujours, joui d'un statut légal et moral
particulier en Amérique du Nord.
Les mesures préconisées ci-dessus, lesquelles seront
chacune discutées ailleurs, sont grandement répressives et
soulèvent de nombreux problèmes qui affecteront la qualité
de la vie de tous les Québécois. Elles laissent de plus entrevoir
des conséquences tout à fait à l'encontre du but premier
du projet de loi, soit celui d'assurer la qualité et le rayonnement de
la langue française.
Ces mesures présupposent l'insuccès de maints efforts des
dix dernières années visant à encourager tous les
Canadiens de langue anglaise, sans égard à leur province de
résidence, à reconnaître les revendications
légitimes du Canada français.
Tel n'est pas le cas. Permettez-nous de porter à l'attention de
la commission parlementaire que de nombreux changements, théoriques et
pratiques, ont été effectués dans le domaine de
l'enseignement dans l'Ouest du Québec, tout comme à
Montréal.
Tout d'abord, des cours intensifs de langue française figurent
maintenant au curriculum des écoles élémentaires du
Greater Hull Protestant School Board et des écoles secondaires
régionales du Protestant Regional School Board of Western Quebec. Ces
deux commissions scolaires sont responsables de la totalité de
l'enseignement des régions 7 et 8 du Québec.
Deuxièmement, grâce à la collaboration
établie entre le ministère de l'Education et les enseignants du
Western Quebec Association, la Commission locale et la Commission
régionale protestantes de l'Outaouais ont mis sur pied un programme
facultatif d'animateurs unique en son genre au Canada. Ce programme a
été créé dans le but spécifique de
familiariser les écoliers du niveau élémentaire avec le
milieu culturel français qui les entoure. Ce programme demeure
constamment sous observation et ses résultats en confirment le
bien-fondé non seulement par l'amélioration chez les
élèves de leur compréhension et de leur parler de la
langue française, mais aussi au niveau de l'interaction spontanée
entre les deux groupes.
En outre, les commissions scolaires anglaise et française se
rencontrent régulièrement pour résoudre des questions
particulières touchant les besoins des étudiants. Des
comités mixtes ont été formés pour assurer la
coopération entre les parents et les professionnels des deux
commissions.
Cette coopération mutuelle est heureuse et avantageuse aux deux
systèmes d'éducation. Nous tenons à ajouter que ce
même esprit de coopération existe au sein des services sociaux de
la région depuis nombre d'années.
Ces attitudes positives et ces programmes, fruits d'efforts tout fait
spontanés et volontaires dans l'Ouest du Québec vont en
augmentant, ce qui démontre qu'il existe bien une solution meilleure que
celle préconisée par le projet de loi no 1.
Le sage reconnaît la mesure d'un peuple à sa
capacité d'obéir à ce qui ne peut être
légiféré. On ne peut forcer la grandeur, ni l'excellence.
Toute telle tentative est vouée à l'échec, car elle ne
rapporte qu'une solution de vaine médiocrité finalement
rejetée à cause de sa méconnaissance de la
réalité humaine.
Les articles 51, 52 et 59 du projet de loi limitent
sévèrement la liberté d'option de tous les parents
québécois dans le choix du régime d'enseignement pour
leurs enfants. Ils démontrent de plus l'indifférence du
gouvernement provincial à l'égard de la loi 50, promulguée
en juin 1975, la Charte des droits et libertés de la personne dont les
articles particulièrement pertinents, nos 9 à 38 seront
remplacés par l'article 172 du projet de loi no 1.
Le respect des droits et libertés de l'individu est le fondement
de toute démocratie moderne.
Cette déclaration est universelle. Cependant, elle n'a aucun sens
si elle n'est placée dans son contexte historique. Alors elle prend vie
et exprime toutes les vérités de la condition humaine.
C'est dans cet esprit d'idéaux démocratiques qu'en 1861,
le Québec, à cette époque le Bas-Canada, reconnaissait,
par l'article 55 de la Loi de l'instruction publique, chapitre XV des statuts
refondus du Bas-Canada, le droit fondamental de ses citoyens d'établir
et d'assumer la responsabilité de leurs propres écoles locales,
séparées ou dissidentes, par l'intermédiaire de leurs
commissaires et conseillers. La langue d'enseignement n'y est pas
mentionnée, parce qu'à l'époque, elle ne posait aucune
difficulté. Le conseil était plus préoccupé par la
garantie des libertés confessionnelles. Les commissions scolaires
choisissaient la langue d'enseignement selon les besoins de la
localité.
C'est dans ce même esprit que l'on a dressé l'article 93 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ce respect des droits de
l'individu est consacré plus tard, au chapitre premier, article 10 de la
loi 50, la Charte des droits et libertés de la personne, adoptée
en juin 1975. Ces droits, tirés de la Charte du Québec, sont
aussi reconnus comme idéal universel à l'article 18 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies. Nous
soutenons que ces droits sont d'importance capitale pour l'avenir du
Québec. Le choix qui se pose a l'homme devient de plus en plus
évident. Il doit choisir entre un régime de répression
pour atteindre ses buts, risquant la réaction inévitable du libre
penseur ou le respect de la personne humaine, tel qu'énoncé dans
la charte du Québec.
Je voudrais peut-être m'interrompre, en ce moment. Il y en a
plusieurs qui ont l'air un peu de se demander ce qui se passe. Etant
donné que le mémoire qui vous a été soumis
était beaucoup trop long pour la période allouée, je vais
seulement mentionner les points saillants. Il va falloir, à certains
instants, sauter des pages.
Le Président (M. Cardinal): M. Denis, j'étais pour
vous poser la question, parce que je ne vous suivais plus. Alors, merci
beaucoup.
M. Denis: J'y reviens.
Le Président (M. Cardinal): Non, c'est d'accord, vous avez
bien fait. Je vous en remercie.
M. Denis: Vu la longue et glorieuse histoire du Québec
vis-à-vis du respect des droits de l'homme, les articles 51, 52 et 59 du
projet de loi no 1 nous paraissent contredire la philosophie fondamentale de
notre province. Il nous semble incroyable que le présent gouvernement
puisse indiquer aussi explicitement le poids qu'il accorde à
l'importante Charte québécoise des droits de la personne et qu'il
puisse rejeter par le nouveau projet de loi tous les articles respectant les
libertés de l'individu, c'est-à-dire ceux qui défendent la
discrimination fondée sur l'origine ethnique et la langue, la
divulgation de renseignements confidentiels, la discrimination dans l'embauche
et la promotion et les droits de l'accusé.
L'article 172 du projet de loi prévaut sur les articles 9
à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne. Il
modifierait l'article 52 de la loi 50 pour faire prévaloir la charte de
la langue sur celle des droits et libertés de la personne.
Le comité que nous représentons recommande donc qu'aucun
projet de loi sur aucun sujet qui enfreint la charte du Québec sur les
droits et libertés de la personne ne soit présenté devant
l'Assemblée nationale.
L'article 59 du projet de loi n'accorde aux Amérindiens et aux
Inuit que le droit particulier de recevoir l'enseignement dans leur langue,
s'ils le désirent, sinon, les indigènes qui n'habitent pas les
réserves seront soumis comme les autres minorités aux
restrictions imposées par les articles sur la langue de
l'enseignement.
Les Amérindiens du Québec ont neuf différentes
langues, tandis que les Inuit se partagent différents dialectes, ce qui
rend essentiel l'adoption d'une deuxième langue de communication, non
seulement à l'intérieur de la province, mais partout au Canada et
sur le continent nord-américain.
Ils devraient avoir l'option de choisir la deuxième langue qui
leur convient. Parmi tous les groupes ethniques nord-américains, les
Noirs, les moissonneurs mexicains itinérants, les Canadiens
français du Québec et des autres provinves canadiennes, nul n'a
été lésé autant que les peuples indigènes de
ce continent.
Aucune région du Canada n'a encore totalement résolu la
question des droits aborigènes et du statut particulier des peuples
indigènes. Ce problème occupe tous les gouvernements,
fédéral, provinciaux et territoriaux. Quel statut détient
l'Indien inscrit comme tel au registre officiel et qui n'habite par la
réserve? Quel est le statut de l'Indien non inscrit ou du Métis
ou de l'Inuit? Quelle responsabilité de l'Homme Blanc prévaut sur
tous les arguments juridiques?
Nous ne croyons pas que les auteurs du projet de loi puissent
régler ces questions complexes par les 39 mots de l'article 59. Nous ne
voyons pas non plus de quel droit ils peuvent s'imposer aussi
catégoriquement sur une question éthique et légale aussi
complexe. Encore plus, nous ignorons comment de telles restrictions
vis-à-vis des peuples indigènes serviront à assurer la
sauvegarde de la langue et de la culture de la majorité
canadienne-française du Québec.
Si nous évaluons bien l'humanisme de nos confrères de
langue française, nous sommes certains qu'ils se sentiront
gênés de voir cette façon si légère de
traiter les peuples indigènes de la province.
Le comité recommande donc que les peuples indigènes soient
exempts de toute contrainte dans le choix de leur langue d'enseignement ou de
leur langue seconde, et que tout projet de loi de l'Assemblée nationale
du Québec contienne un article explicite à cet effet.
La mise en vigueur des articles sur l'enseignement énoncés
dans la Charte de la langue française entraînera des
répercussions très négatives dans le système
scolaire anglophone de l'Ouest du Québec, et ces mêmes
répercussions se feront sans doute ressentir à travers toute la
province.
Le système d'enseignement anglophone se verra perdre le nombre,
les talents et les avantages économiques qui lui reviendraient
normalement par l'arrivée d'immigrants ou de Canadiens des autres
provinces. Ces derniers ne viendront plus s'établir dans une province
qui restreint aussi l'enseignement de leurs enfants. Le nombre d'enseignants et
d'administrateurs scolaires diminuera et l'instabilité croissante de
l'enseignement anglophone au Québec provoquera leur départ en
nombre grandissant. Vu les règles du ministère de l'Education,
une diminution du nombre d'élèves forcera l'abolition de certains
cours et options, appauvrissant par conséquent la qualité de
l'enseignement anglophone. Les communications et l'administration deviendront
plus compliquées et moins efficaces. Le nombre d'élèves
diminuera et certaines écoles devront par la suite fermer leur porte
à cause de la diminution du taux de natalité et du processus
normal de migration de la population.
L'enseignement post-secondaire anglophone sera lui aussi touché
à cause du petit nombre de diplômés des écoles
secondaires. Des universités comme McGill et Concordia se verront perdre
leurs réputations acquises pour leur excellent enseignement aux
étudiants de la province et d'ailleurs.
Le livre blanc et le projet de loi restent muets sur l'avenir du CEGEP
anglophone et de l'enseignement universitaire anglophone. Serait-ce une
épée de Damoclès suspendue au-dessus des
communautés anglophones du Québec?
Toutes ces conséquences négatives seront le fruit naturel
de la mise en vigueur du projet de loi no 1.
Nous ne voyons aucune "justice" ou "ouverture" dans la force des
répercussions qui suivront la mise en oeuvre des articles sur la langue
de l'enseignement; nous n'y voyons ni la protection du système
d'enseignement anglophone, ni celle de ses communautés.
Nous n'avons pu non plus trouver logique l'argument que la sauvegarde de
la culture d'un groupe homogène de cinq millions de Canadiens
français dépende de la répression culturelle, de la
réduction et de l'assimilation présupposée d'une
minorité hétérogène comptant un million
d'habitants.
Le comité recommande que les articles 51, 52 et 59 soient
éliminés et que, pour assurer la survie de la langue et de la
culture canadienne-française, l'on étudie d'autres moyens qui
tiendront compte des droits et libertés de tous les individus. Il est
ironique que ce projet de loi verra le jeune Québécois de langue
anglaise, qu'il soit instruit en anglais ou en français, devenir
couramment bilingue et capable de participer pleinement à la vie de
cette province et de ce continent, tandis que le jeune Québécois
de langue française se verra passablement limité par son
unilinguisme. Même si nous voyons d'un oeil critique les mesures visant
le système d'enseignement et la communauté anglophone du
Québec, nous entrevoyons des répercussions encore plus
sérieuses pour la communauté francophone et son système
d'enseignement. La mise en vigueur des articles 51 à 59 du projet de loi
no 1 entraînera des difficultés de longue durée dans le
système d'enseignement
francophone. Le temps qui m'est disponible aujourd'hui ne me permet pas
d'élaborer sur les quelques problèmes auxquels aura à
faire face le système d'enseignement francophone. Les problèmes
posés par ces articles sont énumérés dans le
mémoire que nous vous avons soumis et que vous avez en main.
Le Président (M. Cardinal): Puis-je vous suggérer
un moyen. Il vous reste trois minutes présentement. Ce qui n'est pas lu
de votre mémoire pourrait être déposé quand
même au journal des Débats, si vous le demandez. J'explique. Quand
un organisme ne présente pas son mémoire en entier, nous pouvons,
à sa demande, ajouter en annexe au journal des Débats ce qui n'a
pas été donné verbalement de son mémoire.
M. Denis: Donc, nous en faisons la requête.
Le Président (M. Cardinal): Elle est acceptée,
monsieur. Je vous en prie, continuez. (Voir annexe)
M. Denis: Pour l'instant, il suffit peut-être de souligner
que la maîtrise de la langue anglaise comme deuxième langue ne
sera pas un privilège accordé à la majorité
canadienne-française du Québec. Ainsi, les jeunes
Québécois anglophones seront couramment bilingues tandis que les
jeunes Québécois francophones seront couramment unilingues. Nous
ignorons les avantages pour les Québécois français,
quoiqu'il semble y avoir un avantage théorique pour la
société québécoise considérée dans sa
totalité.
Nous réalisons que la première citation fut tirée
du livre blanc, nous sommes d'accord avec la première locution. On ne la
niera pas pourtant, car c'est une donnée incontestable que parler
anglais est une nécessité pour certains Québécois
francophones. Cependant, ni le livre blanc, ne les articles du projet de loi
touchant l'enseignement n'ont élucidé qui seront ces
privilégiés, quelles seront leurs responsabilités et dans
quelles écoles ils acquerront leur compétence en anglais. Tous
les Québécois devraient demander que le présent
gouvernement soit plus explicite et s'assurer qu'il ne s'agit pas par
inadvertance de la création d'une nouvelle classe dirigeante
d'élites dans la province.
Nous voulons aussi ajouter que cette question de l'anglais comme
deuxième langue présente un aspect intéressant qui n'a
peut-être pas été prévu par de nombreux partisans de
la charte de la langue. Il est fort possible que de nombreux immigrants
francophones hésitent longuement à venir s'établir au
Québec sachant que leurs enfants se verront refuser la chance
d'apprendre l'anglais comme deuxième langue.
L'immigration actuelle et future du Québec pourrait en être
sensiblement affectée et il y a sans doute déjà un petit
ou grand nombre de francophones canadiens qui en ce moment remercient les dieux
qu'ils ne demeurent pas au Québec.
Le processus de francisation. Voilà le changement important
prévu pour améliorer la qualité et la richesse de la
langue française du Québec. L'importance et l'universalité
de ce processus sont évidents dans l'emphase des articles 66 à
119 de la charte de la langue. La mise en vigueur d'un programme aussi massif
aura un effet déroutant sur l'enseignement francophone et exigera,
à notre avis, des efforts très intenses de la part des
administrateurs scolaires, des enseignants et des élèves.
Nous pouvons alors mieux comprendre pourquoi les administrateurs du
gouvernement québécois hésitent à établir un
parallèle entre le processus de francisation et l'enseignement efficace
de l'anglais comme langue seconde. Nous voyons cependant tout le temps qu'il
faudra avant que ce processus porte fruit dans les écoles et aussi au
sein de la culture française du Québec. Les
Québécois français et les étudiants pourront-ils
attendre tout ce temps avant d'apprendre l'anglais, la langue seconde la plus
utile à travers le monde?
Ne serait-il pas préférable de prolonger juste assez
longtemps l'échéancier du processus de francisation afin de
retarder son impact sur le système d'enseignement francophone pour que
l'enseignement de l'anglais comme deuxième langue puisse devenir chose
plus pratique.
Comme Québécois, et non seulement Québécois
anglophones, nous savons...
Le Président (M. Cardinal): Présumant du
consentement de la commission, jusqu'à présent, parce que,
déjà, votre temps est épuisé, je vous demanderais,
à moins d'une autre directive, de terminer le plus rapidement possible,
s'il vous plaît.
M. Denis: Je peux avoir quelques minutes de plus? Merci.
Le Président (M. Cardinal): J'ai dit que j'avais
présumé du consentement. Alors...
M. Denis: D'accord. Je pensais que c'était à venir
jusqu'ici.
Comme Québécois, et non seulement Québécois
anglophones, nous savons que ce qui touche nos concitoyens, majoritaires ou
minoritaires, se répercutera dans la qualité de vie de cette
province.
Nous avons donc le droit d'exprimer notre angoisse. Le comité
recommande que l'on allège le fardeau placé sur le système
d'enseignement francophone par les articles sur la langue de l'enseignement du
projet de loi no 1, en redonnant aux parents le droit de choisir le
système d'enseignement qu'ils désirent pour leurs enfants et en
considérant un système de francisation plus modéré
qui facilitera et rendra plus pratique pour ceux qui le désirent la
connaissance de l'anglais comme deuxième langue.
En tant que Québécois, et non seulement
Québécois anglophones, nous tenons à participer, à
titre égal, à la formation et à l'évolution d'une
société québécoise riche et fière. Toute
tentative n'impliquant pas cette contribution collective se verra notre
insuccès mutuel.
A ce moment où l'Ontario et les autres provinces canadiennes
commencent à réaliser les er-
reurs commises envers leurs concitoyens francophones et où nous
commençons à voir les effets positifs des innovations introduites
au Québec en 1964 par la création du ministère de
l'Education, le comité remarque avec regret que le gouvernement du
Québec n'a aucune foi en la possibilité d'une interaction
positive et enrichissante entre les Québécois anglophones et
francophones, qui ont déjà bénéficié de la
direction sensible et éclairée du ministère. La
première nouvelle génération de techniciens, de
scientifiques et d'ingénieurs est maintenant prête à
participer sur un pied d'égalité avec ses pairs anglais à
la vie scientifique, professionnelle et économique de la province.
Les premiers élèves anglophones, qui ont suivi des cours
intensifs de français se préparent à quitter les
écoles secondaires anglophones, capables de rencontrer leurs concitoyens
francophones et de répondre aux défis et aux exigences de
l'interaction dans une culture québécoise française
épanouie, une culture dont la richesse n'a jamais été
aussi évidente qu'aujourd'hui.
Après plus de dix ans d'efforts et de bon vouloir, les
Québécois anglophones et francophones en sont arrivés
à une compréhension et à une coopération mutuelle
dynamique. Pourquoi alors tout détruire par les mesures coercitives et
répressives des lois 22 et 1? Pourquoi transformer les attitudes
d'acceptation et d'appréciation mutuelles en des débats amers et
âcres, peut-être à un point tel qu'il sera impossible d'en
cicatriser les blessures et de reprendre foi en un Québec commis
à des valeurs démocratiques? Pourquoi risquer qu'à cette
amertume s'ajoutent la peur et l'incertitude d'un possible déjà
vu?
Nous ne critiquons pas le droit des Québécois francophones
de créer une province à leur image. Nous ne critiquons pas le
droit des Québécois de demander la coopération de leurs
concitoyens anglophones.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Bourassa.
M. Laplante: Je ne voudrais pas que cela en vienne à un
privilège ou à une coutume. C'est que, chaque fois que les
intervenants n'avaient pas terminé de présenter leurs
mémoires, le temps était soustrait à celui d'un parti et
j'aimerais que cette coutume soit gardée, parce qu'il y a d'autres
rapports qui seront présentés, entre autres, celui de la Chambre
de commerce, qui a un très volumineux rapport. J'aimerais que cette
politique soit adoptée immédiatement.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Bourassa, j'ai mentionné tantôt, à
deux reprises, que j'avais présumé le consentement de la
commission parce que personne n'est intervenu. Je ferai remarquer à M.
Jean Denis que, normalement, il aurait dû terminer son exposé
à 17 h 48 à l'horloge qui est devant moi et derrière lui.
Il est 17 h 54. A moins qu'il n'y ait consentement de la commission, je vais
être obligé de demander à M. Denis de terminer.
M. Laplante: Je ne donne pas mon consentement tant et aussi
longtemps qu'il n'y aura pas des minutes qui seront soustraites aux partis.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: M. le Président, dans cinq minutes, la
commission sera suspendue, au moins temporairement, jusqu'à 20 heures,
il me semble. Il n'y a personne qui peut commencer à poser des questions
aux témoins dans l'espace de cinq minutes.
Le Président (M. Cardinal): M. le député,
à l'ordre, s'il vous plaît! Cependant, M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, je ne veux pas me montrer trop
sévère.
Si un parti est disposé à accorder de son temps, comme
cela s'est fait à deux reprises, je consentirai, sans quoi n'ayant pas
l'accord unanime de la commission... Oui, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: J'ai une proposition à vous faire. A
même nos dix minutes, ce serait difficile d'en sacrifier sept ou huit,
mais si vous n'aviez pas d'objection à donner à l'Union Nationale
les minutes réservées aux députés de Beauce-Sud et
de Rouyn-Noranda, je pourrais sacrifier cinq à dix minutes.
Le Président (M. Cardinal): Je ne puis faire cela, ce
n'est pas de ma juridiction. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je crois...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.
A la fin du temps normal alloué au témoin, je crois que vous
aviez demandé, à ce moment, s'il y avait consentement unanime
afin que les témoins continuent. Le député de Bourassa,
à ce moment, n'a pas refusé son consentement...
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Ciaccia: Question de règlement. Il a déjà
donné son consentement. Je crois que c'est contre le règlement de
revenir et de retirer son consentement.
M. Laplante: Je l'ai demandé pour cinq minutes.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je ne permettrai pas, à cette heure, que l'on fasse un
débat de procédure. J'ai mentionné tantôt que
j'avais présumé le consentement de la commission et non que
j'avais obtenu le consentement de la commission. J'ai informé le
témoin qu'il avait seulement quelques minutes. Je vais al-
1er jusqu'au fond de la question. Il avait une feuille devant lui. Je
pensais qu'en la terminant, il aurait terminé son exposé. Il en a
sorti une autre. Il en a peut-être d'autres devant lui, je n'en sais
rien. C'est pourquoi, s'il n'y a pas consentement de la commission,
unanimement, s'il n'y a pas don généreux d'un parti de minutes de
leur temps, je devrai demander au témoin de terminer. Madame le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il reste deux minutes
avant 18 heures. Je veux bien sacrifier les deux minutes, parce que,
franchement, cela devient ridicule.
Le Président (M. Cardinal): Entièrement d'accord,
Mme le député de L'Acadie. M. Denis, avec beaucoup de
générosité de la part de la commission, c'est la
première fois que cela se produit, vous venez...
M. Lalonde: ... grâce à nous autres.
Le Président (M. Cardinal): C'est la commission. Je
représente la commission et non pas un parti. Vous avez deux minutes et
je devrai ensuite, à 18 heures, suspendre les débats, mais en
vous invitant à revenir ce soir à 20 heures.
M. Denis: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): Merci, monsieur.
M. Denis: Nous ne critiquons pas le droit des
Québécois francophones de créer une province à leur
image. Nous ne critiquons pas le droit des Québécois de demander
la coopération de leurs concitoyens anglophones, mais nous critiquons un
gouvernement qui réprime en légiférant. Nous critiquons la
négation des droits de l'individu pour justifier une vision collective.
Nous critiquons les motifs du bill 1. Nous demandons l'avantage que le
Québec en retirera. Oui, nous demandons et répétons: Quel
sera le prix de ce gain?
Nous recommandons donc que les mesures envisagées dans le projet
de loi no 1 soient réévaluées, tenant compte des
réalités québécoises et canadiennes et des
principes démocratiques qui en sont le fondement.
Merci, M. le Président; merci, messieurs.
Le Président (M. Cardinal): Merci beaucoup. Si vous
permettez, comme il est...
Mme Lavoie-Roux: ...une minute en fait.
Le Président (M. Cardinal): Oui, c'est une minute. Alors,
si vous permettez quelques mots, nous allons suspendre.
J'invite, pour 20 heures cette fois, je ne pense pas qu'il y ait
d'incidents de procédure la Collectivité anglophone
d'éducation de l'Ouest du Québec à se présenter
à nouveau devant nous. Ces gens ont terminé leur exposé.
Les députés auront 70 minutes pour poser des questions.
Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 4)
Reprise de la séance à 20 h 8
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Si tous les députés veulent bien prendre leur fauteuil,
nous aurons quorum et nous pourrons procéder. C'est la suite de la
séance de cet après-midi. La parole est au ministre d'Etat au
développement culturel.
Je rappelle, cependant, que suite à la longue période que
nous avons eue cet après-midi, il y a 70 minutes d'accordées aux
députés.
Le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier et féliciter les représentants de la
Collectivité anglophone d'éducation de l'Ouest du Québec
pour le mémoire qu'ils nous ont présenté et qu'ils ont
préparé avec un soin évident.
Après avoir lu et écouté avec attention votre
mémoire, je ne crois pas trahir votre pensée, en affirmant que le
projet de loi no 1 vous déplaît souverainement, ce qui est
d'ailleurs bien votre droit.
A la fin de votre mémoire, vous remettez en question les motifs
du gouvernement ou plutôt ses motivations ou la raison d'être
même du projet, devrions-nous plutôt dire en français, ce
qui est opposer une fin de non-recevoir absolue et intégrale à
son contenu.
Quand on veut noyer un projet de loi, on dit qu'il a la gale. C'est
probablement pour cette raison que votre mémoire ne mentionne aucun des
éléments positifs du projet de loi et que vous demandez au
gouvernement de le réévaluer dans son entier, ce qui
équivaut à demander son retrait.
A l'appui de votre demande implicite, vous ne relevez que les
diminutions de privilèges qu'aura, effectivement, à accepter la
minorité anglophone pour qualifier aussitôt cette volonté
du gouvernement d'épithètes aussi fortes qu'extrêmes.
Dès le début de votre mémoire, vous vous en prenez
au préambule et vous accusez le gouvernement de ne pas considérer
comme de vrais Québécois les citoyens anglophones, oubliant
délibérément le traitement de faveur que lui consent le
gouvernement par comparason avec les autres groupes ethniques du Québec
et oubliant délibérément aussi que ce traitement est
d'ores et déjà envié par les minorités francophones
des autres provinces pour qui il prend déjà figure de terre
promise.
Et pourtant, vous voyez dans ce respect et cette
générosité du gouvernement à votre endroit un
sophisme et n'eût été d'un amendement sauveur, in extremis,
vous auriez osé utiliser une comparaison que je n'aurais pu
m'empêcher de qualifier d'outrageante, si elle avait été
maintenue.
Pour le reste du mémoire, vous vous promenez de Charybde en
Scylla, accusant le gouvernement des plus noires intentions et vous fabriquant
les scénarios les plus alarmistes et vitupérateurs à
partir d'affirmations gratuites et de présomptions absolument
controuvées. Votre mémoire ressemble ainsi à un film de
science-fiction où le suspense le dispute à l'horreur. Il est
heureux que ce soit une oeuvre d'imagination et surtout que nous en comprenions
bien les motiva-
tions qui voudraient nier le temps, notre évolution collective et
nous ramener à un statu quo que sont venues troubler la
détestable loi 22 et l'odieuse Charte du français.
Mais je veux tout de suite vous rassurer. Je vous
répéterai ici ce que j'ai déjà dit à un
groupe anglophone qui vous a précédés à cette
commission. Le peuple québécois n'est pas composé que de
francophones. Il comprend une majorité qui a le droit et le devoir de
faire de la langue qu'elle parle depuis toujours la langue officielle et la
langue commune, mais ce peuple comprend aussi les héritiers des peuples
fondateurs, Inuit et Amérindiens, et tous les groupes ethniques qui ont
choisi de s'associer à notre destin. Le gouvernement voit en chacun de
ces individus et de ces groupes des Québécois à part
entière et entend mettre à leur disposition tous les droits et
instruments dont ils ont besoin pour assurer leur développement aussi
bien individuel que collectif. Je vous admire, incidemment, de vous porter
à la défense des aborigènes, comme vous les appelez, mais
je peux vous assurer également qu'ils n'ont pas besoin d'être
défendus. Nous respecterons scrupuleusement la convention qu'a
signée le précédent gouvernement. Aux termes de cet accord
et des autres lois que nous respecterons également, les Inuit et
Amérindiens pourront faire instruire leurs enfants dans leur langue
originelle s'ils le veulent, ou en anglais ou en français, à leur
choix.
Je vous remercie également de vous porter à la
défense des francophones que vous craignez de voir devenir tous
unilingues par les mauvais offices du gouvernement et que vous invitez à
devenir tous bilingues dans leur plus grand intérêt. Nous sommes
d'accord avec vous que la connaissance de l'anglais constitue pour eux un
enrichissement individuel et souvent une nécessité.
Nous les encourageons à s'y employer, à cet apprentissage
de l'anglais. Mais, il n'y a pas qu'à l'école anglaise qu'ils
peuvent y réussir, au prix souvent d'une aliénation culturelle,
voire d'une assimilation dont trop des nôtres, particulièrement
dans la région de l'Outaouais, du Pontiac ou de Montréal, nous
ont donné l'exemple.
L'anglais peut et doit s'apprendre à l'école
française et à bien d'autres endroits d'ailleurs et par bien
d'autres moyens. Le gouvernement verra à mettre à la disposition
de tous ses citoyens les moyens et les fonds nécessaires pour arriver
à ce but. Puisque vous invoquez surtout les droits de l'homme pour
justifier ou masquer votre souhait de revenir au statu quo et de remonter le
temps, parlons donc durant quelques instants des droits linguistiques. Vous
n'ignorez pas, j'espère, que plusieurs pays ont inscrit dans leur
constitution, ces droits linguistiques fondamentaux ou en ont fait l'objet de
lois particulières et spécifiques.
Je peux mentionner par exemple, la Belgique, la Suisse, l'Allemagne, la
France et ainsi de suite. Pourquoi ces pays ont-ils cru nécessaire
d'inscrire dans leur constitution des droits linguistiques fondamentaux? Pour
une seule et unique raison qui est toujours la même, parce que ces droits
linguistiques font partie de l'héritage ou du patrimoine national, comme
le disait déjà le préambule de la loi 22. Je pense
qu'à ce titre, les mesures qui visent à assurer la position, la
qualité, le rayonnement d'une langue qui est partie essentielle et
principale de l'héritage national, ne contredisent en rien les droits
fondamentaux des personnes. Je dirais même qu'elles tendent à les
assurer et c'est en ce sens que la loi libère.
Ces mesures impliqueront certes des limitations ou des contraintes pour
certains groupes linguistiques, mais il faut se rappeler que certaines
inégalités de droits ne tendent ici qu'à corriger les
inégalités de faits.
Et cela n'est pas de mon cru, puisque c'est la phrase qu'employait la
cour européenne des droits de l'homme, en juillet 1968, lorsqu'elle a
rendu jugement sur une affaire relative à certains aspects du
régime linguistique de l'enseignement en Belgique.
Ce jugement, très instructif, établit clairement la
distinction qu'il convient d'apporter entre les droits linguistiques
établis par l'Etat dans l'intérêt de la communauté
et le droit à l'égalité, sans distinction, fondé
sur la langue.
La cour européenne a ainsi décidé qu'il
n'était pas contraire aux droits de la personne en l'occurrence
aux articles 8, qui traite de la vie privée et familiale et 14, qui
traite de la distinction fondée sur la langue d'origine nationale ou
l'appartenance à une minorité nationale de prévoir,
dans une région considérée par la loi comme unilingue, un
régime d'enseignement unilingue.
Si l'on appliquait ce jugement au Québec, cela voudrait dire que
le Québec aurait parfaitement le droit d'abolir son système
scolaire anglophone, ce qu'il n'a pas fait, pour les raisons déjà
exprimées dans le livre blanc et que j'ai souvent reprises depuis dans
mes rencontres avec divers groupes, à la radio ou à la
télévision, ou ici même, à la commission.
Dans votre plaidoyer pour le maintien du statu quo, quand vous invoquez
les droits de la personne, vous faites un cas particulier de l'article 10 de la
Charte des droits et libertés de la personne. Comme chacun le sait, cet
article 10 reconnaît à toute personne le droit à la
reconnaissance, en pleine égalité, des droits et libertés
de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence
fondées sur la langue.
Mais je vous fais remarquer que l'article 20 de la même charte
modifie considérablement la portée de l'article 10. L'article 20
se lit comme suit: "Une distinction, exclusion ou préférence,
fondée sur les aptitudes ou qualités exigées de bonne foi
pour un emploi est réputée non discriminatoire".
Or, la connaissance de la langue officielle pour certains emplois, tombe
précisément dans cette catégorie d'exigence, étant
donné le contexte culturel, économique et social, et je dirais
même aussi juridique, depuis la loi 22, dans lequel elle s'inscrit. C'est
d'ailleurs au nom de ce même article 20 que tant de compagnies nationales
ou multinationales ont pu exiger le bilinguisme à l'embauche de milliers
et de milliers de leurs employés sans que jamais la Commission des
droits de la personne n'ait jugé opportun d'intervenir.
II faut d'ailleurs rappeler ici que la charte des droits a
été mise en vigueur en 1976, soit deux ans après
l'adoption de la Loi sur la langue officielle, et que cet article 20 ne peut
donc s'interpréter que de façon à reconnaître
l'article de cette loi qui fait du français la langue officielle et la
langue prédominante du Québec, ce qui revient à dire que
l'article 10 ne peut, en aucune façon, conférer à
quiconque le droit d'obtenir dans sa langue tous les services, de même
que le droit de travailler dans sa langue.
Il y a donc une conciliation à effectuer entre les droits civils,
politiques ou, je serais plutôt porté à dire, entre
l'aspect formel des droits qui constitue un héritage de la
révolution libérale du XVIIIe siècle et, d'autre part, les
droits économiques, sociaux et culturels que les deux siècles qui
se sont écoulés depuis nous ont forcés à
considérer de façon de plus en plus urgente, étant
donné les inégalités constatées et étant
donné aussi qu'il n'est pas suffisant de mentionner, de déclarer,
d'édicter un droit, mais qu'il est important aussi de
légiférer sur ces conditions d'exercice.
Il y a donc une conciliation à effectuer entre les droits civils,
les droits de la personne, et les droits économiques, sociaux et
culturels qui ont davantage un aspect collectif. C'est ce que nous avons
essayé de faire. Nous croyons l'avoir fait, conformément à
l'esprit des diverses conventions et déclarations internationales.
Même si nous ne prétendons pas être arrivés à
la perfection, notre intention était quand même claire et
délibérée et, d'ailleurs, si des améliorations
valables, sérieuses nous sont suggérées par les organismes
qui se présenteront à la commission ou par les
spécialistes de la question, nous ne serons que trop heureux de nous
avancer encore davantage dans ce domaine de droit nouveau où la
conciliation s'avère difficile.
Dans votre mémoire, vous appuyez également vos
revendications sur des arguments de nature plutôt légale et
constitutionnelle. Vous faites référence, par exemple, à
la loi de 1861 du Bas-Canada, à la Loi de 1964 de l'Instruction
publique, à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et, en
particulier, à l'article 93. Pour répondre d'une façon
plus autorisée à cet aspect de votre mémoire, je
demanderais plutôt à mon collègue, le ministre de
l'Education, de vous répondre sur ce point.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre de l'Education
et député de Sauvé.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je serais moins
intéressé à répondre qu'à poser des
questions à nos visiteurs. En effet, j'ai pris connaissance avec
beaucoup d'intérêt du mémoire qu'ils ont soumis à la
commission, et même si j'étais absent, malheureusement, cet
après-midi, retenu par d'autres tâches, j'ai pris connaissance du
mémoire. Je vous avouerai ma perplexité devant certains arguments
qui portent plus particulièrement sur la langue d'enseignement. Je ne
sais pas si dans votre esprit, à l'égard des propos que vous
tenez à la page 8 et à la page 9 de votre mémoire, il y a
confusion ou mauvaise foi, mais comme nous ne devons prêter aucune
mauvaise intention à quiconque, je crois qu'il y a, à tout le
moins, de la confusion dans la façon dont vous utilisez l'article 93
pour tenter d'annuler du revers de la main les articles 51, 52 et 59 du projet
de loi.
J'aimerais vous demander, vous avez dû faire quelques recherches
pour étayer vos arguments, si vous avez consulté la jurisprudence
canadienne qui explicite la portée exacte de l'article 93.
M. Denis: Je crois qu'on a expliqué assez clairement,
à mon point de vue, nos pensées à ce sujet. On n'a pas
mêlé la question de langue dans l'histoire de l'article 93.
Si vous lisez bien ce qui a été écrit, on affirme,
enfin, ce que les gouvernements ont affirmé auparavant, que l'article 93
n'était concerné simplement qu'avec la confessionnalité
des Canadiens de ce temps. Tout ce qu'on dit, un peu plus tard, c'est que par
droit acquis, si on peut ainsi dire, il aurait normalement été
établi que protestant signifiait automatiquement langue anglaise. Il n'y
a aucune chose qui a été écrite ici qui suggère que
la section 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique donne des
droits à qui que ce soit sur la question de langue.
M. Morin (Sauvé): Le seul embêtement dans ce
raisonnement, c'est que la jurisprudence canadienne dit le contraire de ce que
vous venez d'affirmer, monsieur. Je vais vous poser une question très
directe: A votre avis, l'article 93 protège-t-il la
confessionnalité des écoles ou la langue qui s'y enseigne?
M. Denis: D'après nous, il protège la
confessionnalité des écoles.
M. Morin (Sauvé): Vous n'avez pas lu beaucoup de
jurisprudence pour, comme vous le faites dans votre mémoire, aller plus
loin que la confessionnalité et laisser entendre que l'article 93
protège également la langue scolaire, parce que c'est bien ce qui
résulte de votre mémoire. Or, la jurisprudence canadienne, dans
l'affaire de la suppression de la langue française dans les
écoles de l'Ontario, affirme que l'article 93 ne protégeait pas
la langue française dans les écoles de l'Ontario. Cette
jurisprudence n'a jamais été renversée depuis. Il y a
même plusieurs cas, notamment l'affaire MacKay, que vous devez
connaître, parce que si vous avez pris la peine d'étudier
l'article 93 sérieusement, vous ne pouviez pas ignorer la jurisprudence
qui interprète cet article.
M. Denis: Nous avons aussi dit dans notre mémoire que ce
n'était pas notre intention d'entrer dans un débat juridique sur
la question de l'article 93 de l'acte.
M. Morin (Sauvé): Oui.
M. Denis: J'attirerais votre attention sur la recommandation
à la fin de ce chapitre...
M. Morin (Sauvé): Oui.
M. Denis: ...qui est très simple et qui dit simplement que
le comité recommande que toute loi adoptée par l'Assemblée
nationale du Québec soit encore et sujette aux lois actuelles de la
fédération canadienne, telles que consacrées par l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
M. Morin (Sauvé): C'est fort bien. Seulement, vous me
dites que vous ne voulez pas de débat juridique et pourtant, tout votre
mémoire est fondé sur un débat juridique.
Là, maintenant, alors que vous voyez que la base est quelque peu
chancelante, vous me dites: Je ne veux pas débattre la chose.
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre! Sur une
question de règlement, le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le député de Sauvé a
déclaré que tout le mémoire était basé sur
la question constitutionnelle, une interprétation légale. Je
crois que c'est seulement un aspect, un chapitre. Je ne voudrais pas
créer la fausse impression qu'il base tout...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. A l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, le député de
Sauvé me permettrait-il une question?
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Ce n'est pas une
question de règlement. Si le député de Sauvé permet
une question, c'est à lui de décider.
M. Morin (Sauvé): J'en permets une, M. le
Président, mais je ne voudrais pas que cela contribue à diminuer
le temps dont les députés ministériels disposent.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Sauvé et ministre de l'Education, je pense que tous les membres de la
commission savent que, sur les questions de règlement ou les questions
accessoires ou ancillaires, j'ai toujours eu beaucoup de
flexibilité.
M. Morin (Sauvé): Bon!
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez la
question...
M. Morin (Sauvé): Oui. Bien sûr.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Mont-Royal.
M. Morin (Sauvé): Ce n'est pas la première fois que
le député de Mont-Royal et moi-même discutons de ces
questions.
M. Mackasey: Pouvez-vous demander au ministre de parler dans le
micro?
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Quand le ministre cite de la jurisprudence, cite-t-il
de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada?
M. Morin (Sauvé): ...du Conseil privé.
M. Ciaccia: Et comment interprète-t-il l'appel que le
fédéral fait de la loi du Manitoba...?
M. Charbonneau: ...depuis l'élection du Parti
québécois.
M. Morin (Sauvé): M. le Président...
M. Ciaccia: Doit-il admettre que la jurisprudence... Il y a
encore des différences d'opinion. C'est encore en Cour. Il y a une
décision spécifique sur la loi 22 que le juge en chef
Deschênes a rendue, mais qui est en appel. C'est seulement pour faire le
contrepoids.
M. Morin (Sauvé): Oui, si vous voulez, mais je vous
parle...
M. Ciaccia: II y a des différences d'opinions et,
malheureusement, ce n'est pas l'endroit pour faire un débat juridique,
mais c'est seulement pour donner l'autre côté... ceux qui ont une
autre opinion.
M. Morin (Sauvé): Oui, sauf...
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez... A
l'ordre, s'il vous plaît! Si vous permettez, j'ai déjà
mentionné le mandat de cette commission. Il ne s'agit pas d'un
débat entre les membres de la commission, mais d'une audition des
témoins.
Le ministre a accepté qu'une question lui soit posée. La
question a été posée. Je lui permettrai de répondre
et je reprendrai le temps ensuite.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, il n'y a aucun
doute sur la jurisprudence de la Cour suprême et du Conseil privé
en la matière aucun doute et c'est ce qui est
enseigné dans toutes les écoles de droit du Québec,
même les facultés de droit anglaises, à la suite de cette
jurisprudence, que l'article 93 ne porte que sur la confes-sionnalité et
ne protège pas la langue; bien sûr, cette jurisprudence peut
peut-être changer dans l'avenir sous la pression des nouvelles
réalités politiques, mais toujours est-il qu'on ne peut pas
l'invoquer pour tenter d'asseoir des droits qui n'existeraient qu'au
Québec et qui n'existeraient nulle part ailleurs.
Je reviens à votre mémoire. Vous dites avec raison: Si le
catholique ou le protestant...
M. Shaw: M. le Président, j'ai aussi une question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui.
M. Shaw: Sur le même sujet. La question de l'article 93, le
jugement...
Le Président (M. Cardinal): Est-ce une question de
règlement?
M. Shaw: C'est... parce que...
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Shaw: C'est une question de règlement à la
situation...
Le Président (M. Cardinal): Non. Je regrette. Je regrette.
M. le député, je regrette. Ce n'est pas une question de
règlement en vertu de nos règlements ici. C'est une question au
ministre. Il n'est pas obligé de recevoir la question. Ce n'est vraiment
pas une question de règlement. Je m'excuse vraiment de vous couper la
parole.
M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): Merci, M. le Président. Vous
dites avec raison: Si le catholique ou le protestant opte pour inscrire son ou
ses enfants à l'un des régimes d'enseignement catholique ou
protestant du Québec, sa liberté de choix est garantie par le
British North America Act. Tout à fait exact. Jusque là, c'est
impeccable. Cette garantie rend donc nulles les restrictions proposées
aux articles 51, 52 et 59 du projet de loi, car ces derniers, à notre
avis, défendront à certains protestants de s'inscrire aux
écoles protestantes anglaises. La question que je vous pose est
celle-ci: Les articles 51, 52 et 59 du projet de loi vont-ils interdire
à des parents d'inscrire leur enfant à l'école protestante
française?
M. Denis: Non, s'il y a des écoles protestantes
françaises.
M. Morin (Sauvé): Vous ne savez pas qu'il existe des
écoles protestantes françaises?
M. Denis: Oui, il en existe, des écoles protestantes
françaises dans notre région. Il en existe dans notre
région.
M. Morin (Sauvé): Revenons au texte. Est-ce que les
articles 51, 52 et 59 empêchent un protestant d'inscrire son enfant
à l'école protestante?
M. Denis: Si vous arrêtez votre énoncé
là, non.
M. Morin (Sauvé): Bien. C'est tout ce que je voulais
savoir. Cependant votre mémoire est fondé sur l'idée que
les articles 51, 52 et 59 empêchent un protestant de mettre son enfant
à l'école protestante anglaise, ce qui est faux. Vous le savez
comme moi. Je crois qu'il y aurait lieu de "do your research over", n'est-ce
pas? Parce que ce n'est pas très précis comme mémoire et
quand on veut vraiment défendre des droits de façon à
être entendu et de façon à convaincre, on doit faire son
"homework".
M. Denis: C'est beau de jouer sur les mots, cher M. le ministre,
et vous avez amplement raison dans ce que vous venez de dire. Cependant, il y a
des situations où il n'y aura pas d'école protestante
française disponible, dans le cas d'un protestant français, ou
l'école protestante sera trop loin, alors, qu'est-ce qui se passe dans
un cas comme celui-là?
M. Morin (Sauvé): Est-ce que ce n'est pas le cas pour
certains catholiques: Quand il n'y a pas de catholiques dans une région,
un enfant catholique doit se déplacer, n'est-ce pas? Cela arrive
à travers tout le Québec et forcément, ailleurs qu'au
Québec aussi. N'est-ce pas? Et s'il y a beaucoup d'enfants protestants
francophones, il faudra qu'il y ait des écoles protestantes
francophones. C'est tout. Elles sont en pleine croissance à l'heure
actuelle. Le nombre d'élèves a doublé depuis quelques
années et cela n'est pas fini.
M. Denis: II n'y a rien dans ce que le gouvernement a
proposé jusqu'ici qui suggère que vous allez faire cela. De toute
façon...
M. Morin (Sauvé): En tout cas, monsieur... De toute
façon, comme vous le dites...
M. Denis: De toute façon, comme vous avez dit, il n'y a
aucun doute sur la jurisprudence au sujet de l'article 93 de l'AANB et j'en
reviens encore à notre recommandation, donc il n'y aura aucun
problème.
M. Morin (Sauvé): Alors, il n'y a pas de problème.
Vous admettez donc que l'article 93 ne porte que sur la
confessionnalité. Bon. Si c'est le cas, je dirai tout simplement pour
conclure ce débat, parce que je ne veux pas l'éterniser, qu'il
n'est pas question, dans cette Charte de la langue française, de priver
des parents catholiques ou protestants du droit qui leur est accordé
depuis fort longtemps par le British North America Act, soit celui d'inscrire
leurs enfants à l'école confessionnelle de leur choix. Il faut
que cela soit clair, et qu'on fasse une distinction très précise
entre les droits confessionnels et les droits linguistiques. Cela n'est pas la
même chose.
Les droits confessionnels, quant à eux, je puis vous l'affirmer
je ne sais pas si vous avez besoin d'être rassurés, mais
pour le cas où vous auriez besoin de l'être que les droits
confessionnels ont été, sont et demeureront scrupuleusement
respectés.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier,
premièrement au nom de l'Opposition officielle, les témoins pour
leur mémoire. Ils semblent avoir pris une approche différente qui
est basée sur des réalités différentes du projet de
loi no 1, l'approche qui est très positive, c'est qu'il existe deux
collectivités principales, linguistiques et culturelles qu'on pourrait
appeler les collectivités fondatrices, au Qué-
bec et que le projet de loi no 1 n'accepte pas cette
réalité. Ils reconnaissent la primauté du français
et ils donnent des exemples de mesures très positives que leur
commission scolaire a entreprises pour aider à la francisation et
à la reconnaissance de la communication en français.
Je croyais que le ministre avait changé un peu son approche,
qu'il réagissait un peu plus positivement, mais je vois qu'il a repris
ses mauvaises habitudes de la semaine dernière...
Le Président (M. Cardinal): ...
M. Ciaccia: Excusez, le ministre d'Etat au développement
culturel, M. le Président, de traiter le mémoire de
science-fiction et de vouloir préserver le statu quo, je crois que ce
n'est aucunement la réalité de ce mémoire; je crois que ce
mémoire reconnaît spécifiquement premièrement que le
soi-disant statu quo, ça fait longtemps que cela a changé,
l'interprétation de quelques-uns sur le statu quo. Quant au ministre de
l'Education, je m'arrêterai très brièvement sur son
intervention.
Premièrement, je suis très heureux de voir, après
une semaine et demie de discussions sur la langue d'enseignement qu'il est venu
assister à la commission. Cela fait à peu près une semaine
que nous demandons, M. le Président, où est le ministre de
l'Education pour répondre à certains de ces mémoires, non
du point de vue légal ou comme expert en droit constitutionnel, mais de
répondre aux aspects...
M. Charbonneau: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Je pense, M. le Président, que vous avez
déjà statué que les interventions d'un côté
et de l'autre de la Chambre ne devaient pas mener à des débats.
Je pense qu'actuellement, le député de Mont-Royal ouvre la porte
à un débat et je vous demande de le rappeler à
l'ordre.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Oui, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: II faudrait quand même faire la
différence entre des propos qui déplaisent simplement. Est-ce que
le député de Verchères croit devoir faire un débat
à tout propos qui ne fait pas son affaire? A ce moment-là, M. le
Président...
M. Charbonneau: Vous pouvez continuer à
"dé-conner", ça...
M. Lalonde: ...j'ai entendu le ministre, à plusieurs
reprises, dire des choses et même à certaines reprises, presque au
nom d'autres partis, qui ne faisaient pas du tout mon affaire. On l'a
laissé terminer, poliment, comme le règlement l'exige.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je ne reprendrai pas vos paroles, parce que je
participerais au débat et que j'entrerais dans un débat
politique. Mais je dirais que, dans le fond, vous avez raison, et qu'il est
possible, à cette commission, de discuter dans des termes polis, qui ne
soient pas violents ni blessants envers ces personnes. Je redonne la parole au
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'aurais certainement
apprécié, je suis certain qu'il y a des témoins qui
auraient apprécié la présence du ministre avant ce soir
pour traiter de sujets comme l'éducation plutôt que comme
avocat-conseil du gouvernement.
Mais je voudrais seulement signaler un aspect de l'article 93. C'est
vrai que l'article 93 traite de la confessionnalité. Mais il y a un
point qui a été soulevé par plusieurs juristes et je crois
que ce point est maintenant devant les tribunaux et qu'il n'y a pas de
décision de la Cour suprême sur ce point spécifique
où, dans l'article 93, on se réfère à tout acte ou
décision d'une autorité provinciale affectant l'un quelconque des
droits ou privilèges de la minorité protestante ou catholique
romaine des sujets de la reine, relativement à l'éducation.
Il y a une école qui préconise et qui est d'opinion que
ces droits ou privilèges se réfèrent à certains
droits linguistiques qui existaient avant 1867.
M. le Président, je ne veux pas partir un débat juridique,
mais je veux seulement signaler que ces gens, ici, sont de bonne foi, parce que
ce sont des avis juridiques que plusieurs commissions scolaires protestantes
reçoivent de leurs conseillers juridiques. Le ministre avait
soulevé cette question, s'ils sont de mauvaise foi ou s'ils ne
connaissent pas la loi. Et je crois qu'avant de se prononcer, finalement, sur
cet aspect particulier, on devrait laisser cet aspect, si nécessaire,
aux tribunaux.
Mais je préférerais discuter... Comme la plupart des
mémoires et la plus grande partie de ce mémoire-ci se
réfèrent à d'autres aspects et c'est seulement un
chapitre... Je crois qu'on ne devrait pas enlever, essayer d'enlever la valeur
totale ou réduire complètement les aspects positifs de ce
mémoire en attaquant l'aspect juridique. Je crois qu'on est tous
d'accord, M. le ministre, que vous êtes meilleur juriste que les
témoins.
Retournons aux aspects positifs du mémoire. MM. les
témoins, vous avez dit, je crois, à la page 32 de votre
mémoire, qu'après plus de dix ans d'efforts et de bon vouloir,
les Québécois anglophones et francophones en sont arrivés
à une compréhension et à une coopération mutuelle
dynamique.
Si je comprends bien, vous voulez plutôt tenter d'unifier les deux
collectivités, les deux groupes linguistiques. Est-ce que vous pourriez
nous donner plus de détails sur cette approche que vous avez prise?
Qu'est-ce que vous avez fait exactement?
Donnez-moi quelques exemples de la coopération ou d'efforts que
vous avez faits avec la communauté francophone?
M. Denis: Pour répondre à cette question, je vais
passer la parole à mon collègue, M. Greig.
M. Greig: M. le Président, je pourrais peut-être
souligner trois ou quatre incidents où il y a eu un échange, une
coopération positive. Je peux citer une situation où il y a
toujours eu l'échange d'information concernant l'interprétation,
l'application et les directives qui nous viennent du ministère de
l'Education. Il y a eu aussi une coopération entre les commissions
scolaires concernant les écoliers dans les régions assez
éloignées, c'est-à-dire où il y avait
peut-être des problèmes dans les écoles où il y
avait deux ou trois enfants et qu'il y avait un problème pour une
certaine commission concernant les affaires d'éducation.
Il y a eu, dans le passé, une coopération dans les
problèmes de transport. Il y a toujours un échange d'information
concernant les rôles de taxes. Ce sont les situations que je peux citer
à ce moment-ci.
M. Ciaccia: Aux pages 4 et 5, vous parlez de programmes
facultatifs d'animateurs qui, vous dites, sont uniques en leur genre au Canada.
Est-ce que vous pourriez expliquer un peu ce genre de programmes auxquels vous
référez?
M. Greig: Nous avons un programme dans notre système
scolaire où nous avons des animatrices présentes dans la classe,
qui peuvent donner certains aspects culturels aux enfants concernant leur
situation dans la région, c'est-à-dire que la classe est d'abord
menée en français. C'est toujours la langue française qui
est parlée. Ils peuvent peut-être discuter de sujets
d'intérêt aux étudiants. Je parle surtout au niveau
scolaire élémentaire. On parle des enfants très jeunes,
mais elles peuvent toujours discuter avec eux, les amener dans une excursion,
ils peuvent même faire des voyages à l'extérieur avec
l'animatrice.
M. Ciaccia: Quand vous parlez de liberté de choix, dans
votre mémoire, je tiens pour acquis que sur les articles 51 et 52 vous
voulez des changements qui ont une certaine restriction sur la
communauté anglophone pour que cela reflète vraiment que les
enfants qui auraient le droit d'aller aux écoles anglaises devraient
être des membres de la communauté anglophone, non seulement des
enfants de parents qui ont fréquenté les écoles
élémentaires anglaises au Québec... mais quand vous parlez
de la liberté de choix, tenant compte de cet aspect que vous voulez
changer ou modifier, vous acceptez qu'il y a une liberté de choix pour
les enfants anglophones et quand vous préconisez la liberté de
choix, est-ce au niveau des principes de dire que concernant les questions
d'enseignement, ce n'est pas l'Etat qui devrait prendre les décisions
pour les parents? Ce n'est pas une imposition que vous voulez faire aux
francophones. Vous voulez seulement souligner que, d'après ce projet de
loi-ci, les enfants qui vont fréquenter les écoles anglophones
auront le bénéfice des deux langues, mais que, d'après les
exigences du projet de loi, les enfants qui fréquenteront les
écoles francophones n'auront pas ces bénéfices. Est-ce
exact?
M. Denis: II n'y a rien...
M. Laplante: ...un meilleur rédacteur.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Le député de Bourassa, à l'ordre. M.
Denis.
M. Laplante: II aurait été un bon
rédacteur...
M. Denis: ...dans notre mémoire...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Denis: ...qui suggère...
Mme Lavoie-Roux: ...de toute façon.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Ne perdez pas le temps... M. Denis, s'il vous plaît.
M. Denis: ...que les anglophones...
M. Grenier: A l'ordre les gens du parti ministériel!
Demeurez calmes.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Bourassa et M. le député de Mégantic-Compton, je vous
prierais de laisser la parole à M. Jean Denis.
M. Denis: II n'y a rien dans notre mémoire qui
suggère que les anglophones, non seulement de l'Ouest du Québec,
mais de toute la province, n'ont pas le choix d'envoyer leurs enfants à
l'école de leur choix. Il faut admettre, et nous admettons avec plaisir,
que les anglophones établis au Québec actuellement ont le choix,
et il appert qu'ils auront toujours le choix d'envoyer leurs enfants à
l'école anglaise ou française. Néanmoins, ce choix n'est
pas transmis à tous les Québécois. C'est le point auquel
nous nous opposons.
M. Ciaccia: Quand vous vous référez à la
Charte des droits de l'homme, il me semble voir dans votre mémoire que
vous vous opposez au fait que la possibilité de certaines
décisions, même de toutes les décisions qui se rapportent
au projet de loi, sera enlevée à un individu qui, par exemple,
voudra avoir recours aux tribunaux. Je crois que, pour certaines
décisions, que ce soient les articles 23, 36, 37 ou tous les autres
articles qui pourraient affecter un individu qui se croirait
lésé, c'est le gouvernement qui va prendre ces décisions
et qui va prendre la décision finale. Je crois que le but de la Charte
des droits de l'homme, c'était justement de donner le droit à un
individu de se protéger et d'avoir un recours contre un gouvernement. De
la façon que le projet de loi est rédigé, avec l'article
172, que l'arbitre de la décision finale soit la bureaucratie, que ce
soit n'importe qui, dans ce domaine de la charte, dans tous les articles, tout
recours à la Charte des droits de l'homme est retiré, et c'est le
gouvernement qui va prendre les décisions qui pourraient affecter les
individus. Ce seraient des décisions qui pourraient affecter leurs
droits fondamentaux. Je crois que, quand vous soulignez cet aspect, vous
n'êtes pas les seuls. Je pense que même la Commission des droits de
la personne a souligné aussi certains aspects dangereux et nocifs du
projet de loi 1,
notamment l'article 172. Je croirais cela encore plus important que la
question de la langue d'enseignement et de ceux qui vont avoir le droit de
fréquenter les écoles anglophones ou francophones, et, tenant
compte de l'enseignement d'une langue seconde, je pense que l'aspect le plus
dangereux et le plus nocif pour un individu, que ce soit un francophone ou un
anglophone, c'est encore le fait qu'il se voit enlever le droit de recours aux
tribunaux pour tous les droits qui y sont contenus ou toutes les
possibilités de recours à des droits qui sont contenus dans la
charte.
Je vous remercie, messieurs. Je vais céder la parole à M.
le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Thank you very much, Mr President. Mr Denis, first of
all, I would like to congratulate you on what I consider one of the best briefs
that I have seen presented to this commission. Its positiveness...
M. Charbonneau: ... l'Union Nationale?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Shaw: Monsieur, je... As usual, we are getting that noisy
guy...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Shaw: It is this type of attitude which, I think, has made
Québec the great place that it has always been to live in. We know that,
in your district of Québec, the relationships between the
English-speaking and the French-speaking Quebecers has always been a model for
all of us to recognize. It is...
M. Charbonneau: C'est un bon petit unioniste.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Shaw: It is interesting to see how our friends, our colleagues
on the other side of the table, regard the effort that you have made in
presenting this brief, and the type of listening that they are giving to
it.
I suggest very strongly, for example, that these is something that you
have recognized in this brief, two collectivities in the Province of
Québec, equally proud of their heritage and background and who are just
as determined to ensure the future of their system of education as are our
colleagues concerned about the preservation of the French system of education
in this country. I refer, for example, to article 93 and article 133 of the
British North America Act, which were placed in this act specifically not to
protect the English language or the protestant religion in the Province of
Québec, but to guarantee the access to the courts, to the National
Assembly of the Province of Québec and the Parliament in Ottawa and a
system of confessional education in French for French-Canadians in 1867. For
this reason, I understand that the judgment of the Supreme Court of
Canada in the case of the testing of section 93 in Ontario, which never
was subject to the application of that section of the BNA Act was reversed at
the Supreme Court. That this is wrong, I agree, and I think this is explained
very well in your brief, when you suggest that Ontario is making great strides
to try and match what we, as English-speaking Quebecers, have known as a
positive attitude towards our collectivity in this province up to date, or up
to, say, 1976.
I would like to ask you a few questions concerning your brief which are
of particular interest to me, because I see in so many of the briefs that I
have heard in the last two days a determination to try and set this
"ghettoisation" of the French-speaking community, and that is number one,
access to these areas of education which you referred to including the
sciences. Is it your opinion that under the present system of French education
in the Province of Québec, a graduate of that system is adequately
prepared to enter higher learning in the sciences and in the professions?
Vous pouvez me répondre en français, si vous voulez.
M. Denis: Oui, je vais vous répondre en français,
de toute façon. Pourriez-vous préciser votre question, à
savoir si elle s'applique à quelqu'un qui veut se lancer dans les
études supérieures en anglais ou en français?
M. Shaw: Dans n'importe quel domaine. Croyez-vous que quelqu'un
qui fait ses études dans le système français, au
Québec, maintenant, est assez préparé pour faire face
à n'importe quel, disons, problème, dans un système
d'éducation supérieure universitaire? Je pose la question, s'il
vous plaît...
Une Voix:...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député! Un instant! Je suis obligé, malheureusement,
à cette heure-ci, de rappeler que tant qu'un député a la
parole et c'est le député de Pointe-Claire aucun
député ne doit l'interrompre, si ce n'est pour lui demander la
permission de lui poser une question.
M. le député de Pointe-Claire et M. Denis.
M. Denis: Merci. C'est une question qui, à prime abord, a
l'air difficile à répondre, mais finalement, il faut tout de
même dire que nous avons beaucoup de Canadiens français
très compétents dans toutes les professions au Québec. Il
a sans doute fallu, si c'est du côté scientifique, qu'ils
développent une certaine facilité avec la langue anglaise, car il
est tout de même reconnu que dans les sciences, que ce soit au niveau du
CEGEP ou au niveau universitaire en français, la majorité des
livres sont en anglais. Donc, ça demande... Il faut absolument en avoir
une connaissance suffisante pour acquérir les informations
nécessaires.
Je pourrais dire qu'à venir jusqu'ici, à mon avis, les
Canadiens français, qui ont une connaissance adéquate de
l'anglais, ont la tâche beaucoup plus facile pour réussir dans
toutes professions. Mais je veux répéter qu'il faut admettre que
le Canadien français...
On a formé des gens très compétents dans toutes les
professions au Québec.
M. Shaw: Mais il a souvent été dit en Chambre et
ici à la commission parlementaire que les positions avantageuses dans
l'économie étaient toujours réservées aux
anglophones. Croyez-vous que notre système d'éducation a
peut-être contribué à cette situation?
M. Denis: Selon moi, le système d'éducation y a
contribué, en ce sens que, pour obtenir les hauts postes et ceci
est une priorité québécoise dans l'industrie et
dans le commerce, il faut absolument être parfaitement bilingue.
Quelques-uns, comme moi, grâce à des parents
éclairés et aux chances que j'ai eues... J'ai eu une
éducation qui m'a tout de même donné une certaine
facilité dans la langue anglaise, ce qui m'a permis de faire n'importe
quoi, n'importe où au Canada. Comme je le dis, c'est une
réalité québécoise et, depuis longtemps, j'entends
dire qu'il faut absolument...
Le Président (M. Cardinal): M. Denis, veuillez utiliser
votre micro, s'il vous plaît. Nous perdons une partie de...
M. Denis: Je n'ai pas de...
Le Président (M. Cardinal): Approchez-le de vous.
M. Grenier: Ce n'est pas parce que M. Denis ne parte pas assez
fort. C'est parce qu'il n'y a pas moyen d'empêcher les gens de
l'Opposition de grogner.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: ... du gouvernement.
M. Grenier: ... du gouvernement, les ministériels qui
grognent depuis le début.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! M. Denis, je vous
en prie.
M. Grenier: On les a écoutés soigneusement tout
à l'heure, même si cela ne faisait pas notre affaire.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Denis, retournez le micro vers vous et parlez plus près du
micro, s'il vous plaît.
M. Alfred: Question de règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Papineau.
M. Alfred: Je tiens à rappeler au député de
Mégantic-Compton qu'on ne grogne pas de ce côté-ci.
M. Grenier: Allez prendre l'air!
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Ce n'est pas une question de règlement. M. Denis, s'il vous
plaît.
M. Denis: Pour continuer et répondre encore une fois
à la question...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Denis: II n'y a pas de doute que, dans les professions et dans
l'industrie, si quelqu'un a l'espoir d'obtenir les plus hauts postes, et je
dirais même au sein du gouvernement québécois, il est plus
qu'avantageux d'être parfaitement bilingue.
M. Shaw: Sûrement.
La dernière question que je voudrais poser est celle-ci:
Croyez-vous que, même avec la séparation, même avec le bill
1, cette demande d'une forte connaissance de l'anglais va changer?
M. Denis: Encore une fois, je peux vous donner mon opinion
personnelle. Comme homme d'affaires, la seule réponse que je puisse vous
donner, c'est non.
M. Shaw: Merci, monsieur.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais demander
à M. Denis, après avoir écouté les réponses
à la suite des questions qui lui ont été posées, je
voudrais vérifier pour voir si j'ai bien compris.
Je pense que vous favorisez en quelque sorte un bilinguisme
intégral au Québec. Ai-je bien compris?
M. Denis: Je ne veux pas forcer le bilinguisme de qui que ce
soit, personnellement. Les membres de l'organisme que je représente
m'ont chargé de mentionner le fait qu'ils sont tous en faveur du
bilinguisme, pour autant que la collectivité anglophone de l'Ouest du
Québec est concernée.
De là à forcer le bilinguisme pour tout le monde,
absolument pas, mais on croit que tous ceux qui veulent devenir bilingue
devraient avoir la chance, et la chance offerte par l'Etat, de le devenir.
M. Roy: En somme, vous voulez que, dans certaines régions
du Québec, là où il y a des anglophones, le bilinguisme
soit préservé, si j'ai bien compris votre mémoire. C'est
cela?
M. Denis: Non. Je ne crois pas que cela soit ce qu'on veut dire.
Quand vous parlez de certaines régions du Québec, comme on l'a
mentionné, la société anglophone doit devenir bilingue. On
n'a aucune objection. Donc, ipso facto, il n'est absolument pas
nécessaire que les francophones dans cette région on parle
de régions éloignées deviennent bilingues car il y
aura moyen de communiquer avec efficacité entre les deux groupes.
M. Roy: Mais vous reconnaissez cependant un
des objectifs du projet de loi, à savoir que le Québec
doit être et doit demeurer un territoire de culture et de tradition
française, comme territoire. Est-ce que vous admettez ce principe?
M. Denis: Non seulement nous l'admettons, mais je crois que nous
l'avons répété plusieurs fois dans notre mémoire.
Nous l'acceptons et nous sommes fiers quand je dis nous, je veux dire le
groupe que je représente de s'y joindre.
M. Roy: En somme, ce que vous craignez actuellement, c'est que
les anglophones ne soient pas en mesure de conserver leurs écoles. Je
voudrais avoir bien compris.
M. Denis: La peur principale des anglophones, telle
qu'exprimée dans notre mémoire, en ce qui concerne les
anglophones établis au Québec actuellement... il est
évident que leurs droits linguistiques sont préservés par
le projet de loi no 1.
M. Roy: Vous admettez qu'ils sont préservés par le
projet de loi no 1.
M. Denis: On admet qu'ils sont préservés pour les
anglophones existants au Québec. C'est évident.
M. Roy: Alors, les craintes que vous manifestez, c'est à
l'endroit des nouveaux immigrants.
M. Denis: Les craintes qu'on manifeste, c'est qu'on
réalise qu'avec le temps, le nombre d'anglophones va
décroître forcément, par migration normale, un peu par
assimilation, sans doute et le résultat sera que d'après les
normes établies par le ministère de l'Education, si le nombre
d'élèves dans une école décroît,
automatiquement vous perdrez plusieurs privilèges, des options de
certains cours, et des choses comme celles-là. Alors, la qualité
de l'enseignement va aussi en souffrir. Quoique les anglophones que l'on
représente sont d'accord avec plusieurs des propositions du bill 1 au
point de vue de rapprochement, même une certaine intégration, ils
ne veulent pas, tout de même, que ce soit au prix de la perte de la
qualité de leur enseignement à laquelle on leur donne droit dans
le bill no 1.
M. Roy: M. le Président, les craintes que M. Denis
manifeste à la commission, nous avons entendu des craintes identiques de
la part de certains mouvements francophones de certaines régions de
Montréal, qui nous disent exactement la même chose. Or, les
groupes francophones de la région de Montréal invoquent comme
argument qu'ils font partie de la majorité française du
Québec et ils demandent, pour être en mesure de garder leurs
écoles et de pouvoir se développer et garder les
privilèges et les services des écoles, que les nouveaux
immigrants qui viennent s'établir au Québec et que les groupes
ethniques s'intègrent à la communauté francophone. En
somme, le problème, pose la question à savoir qui va
réussir ou qui pourra se justifier d'intégrer les immigrants.
Parce que je m'aperçois, M, le Président, au fur et à
mesure de nos délibérations que le problème se situe au
niveau des immigrants beaucoup plus que ceux qui sont établis ici au
Québec. Est-ce que la solution c'est là qu'est le fond de
ma question ne serait pas de faire en sorte d'en venir à
créer un seul réseau d'écoles publiques au Québec,
de façon que chacun de ces groupes ethniques, les anglophones, les
Italiens, les Grecs, tous les autres groupes, puissent avoir à
l'intérieur de ces écoles, de ce réseau d'écoles
uniques, les services qu'ils réclament pour l'épanouissement de
leurs enfants? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait beaucoup plus
avantageux, pour qu'on mette un terme à ce débat, qui n'est pas
provincial, qui est localisé à Montréal, qui est
localisé dans certaines régions métropolitaines et dans la
région de l'Outaouais, mais qui n'est pas provincial quand même...
ne croyez-vous pas que ce qui s'est fait ailleurs dans d'autres régions
du Québec et qui a permis à des gens de vivre dans une parfaite
communauté, ne serait pas justement la solution à ce
problème qui constituera toujours un problème tant et aussi
longtemps que les deux réseaux d'écoles publiques vont
exister?
Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le
député de Beauce-Sud j'espère que c'est votre
dernière question puisque...
M. Roy: C'est ma dernière question, mais je tiendrais
à avoir la réponse, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Certainement. M. Denis.
M. Denis: Nous avons déjà un système de ce
genre dans l'Outaouais et, pour l'instant, nous ne voyons pas l'obligation d'en
créer un autre. Peut-être que mon collègue ici pourrait
mieux répondre à cette question.
M. Greig: Si je peux ajouter à ce que M. Denis vient de
dire en réponse à votre question, nous avons déjà
un système qui peut offrir aux immigrants, soit d'envoyer leurs enfants
dans un système où ils vont avoir l'anglais comme langue
d'enseignement ou de les envoyer aux écoles francophones,
c'est-à-dire que nous avons déjà les deux systèmes
pour recevoir les immigrants. Nous demandons seulement que ces immigrants aient
toujours le privilège de choisir l'école ou la langue de
l'enseignement. C'est un avantage pour eux et c'est un avantage pour nous ici
au Québec, puisque nous pourrons toujours recevoir des immigrants qui
peuvent apporter une contribution positive à notre province.
M. Roy: Est-ce que c'est un avantage pour la majorité
francophone québécoise?
M. Greig: Oui, certainement. Elle peut toujours continuer
d'accepter les enfants des différents immigrants qui choisissent la
langue française comme langue d'enseignement.
M. Roy: J'avais d'autres questions, M. le Président, mais
je vous regarde...
Le Président (M. Cardinal): Oui, merci de me regarder. Je
cède la parole à Mme le député de
L'Acadie en soulignant que dans cette échange, et non pas ce
débat, il reste cinq minutes au parti de l'Opposition officielle et une
minute au parti ministériel.
Mme le député de...
Il reste à l'Union Nationale, je m'excuse si je ne l'ai pas
indiqué, deux minutes.
Alors, Mme le député de L'Acadie.
M. Mackasey: Combien de temps nous reste-t-il, M. le
Président?
Le Président (M. Cardinal): Cinq minutes au parti de
l'Opposition officielle.
M. Mackasey: Le système est une farce, c'est de valeur
à dire. Mais continuez, excusez-moi.
Le Président (M. Cardinal): Je regrette, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, mais je suis lié par
une motion qui a été adoptée par les membres de cette
commission.
M. Mackasey: C'est pas de votre faute, je comprends.
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas ce que je veux
dire, mais quand même... Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être
très brève pour laisser à mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce la chance de s'exprimer également. Je veux
d'abord remercier les représentants de la commission scolaire anglaise
de l'Ouest du Québec d'être venue présenter un
mémoire. Je vais prendre les deux minutes qui suivent simplement pour
poser certains points d'interrogation.
Je veux d'abord dire que je suis assez étonnée de la
façon dont le ministre d'Etat au développement culturel a
procédé avec ce groupe-ci. Que l'on pose des questions, que l'on
tente de sensibiliser les gens qui viennent devant nous à d'autres
aspects d'une situation, j'en suis. Mais que l'on nie de façon aussi
totale ce que cette communauté a tenté de faire,je vous
réfère aux pages 4 et 5 de leur mémoire que le
ministre oublie que nous sommes en démocratie et que tout le monde ne
peut pas venir ici faire des compliments à son projet de loi et,
surtout, qu'il oublie que des gens devront vivre avec cette loi qui sera fort
probablement adoptée... J'ignore, à ce moment-ci, quels
amendements nous pourrons y apporter pour qu'elle soit acceptée de
façon plus globale qu'elle ne semble l'être à ce
moment-ci.
Des efforts devraient être davantage déployés pour
essayer de comprendre les opinions qui sont exprimées devant cette
commission dans le sens de produire un rapprochement et non pas faire que les
gens partent d'ici avec une plus grande résistance que lorsqu'ils y sont
venus. Je trouve l'attitude du ministre d'Etat au développement
culturel, qui a pris je ne sais combien de minutes c'était son
droit d'ailleurs pour caricaturer la présentation que vous avez
faite tout à fait inappropriée.
Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le
député de Mégantic-Compton, avec deux minutes.
M. Grenier: Très rapidement. Je dois vous dire d'abord,
messieurs, que pour... c'est étrange quand on assiste... Il y a toujours
un mémoire qui fait l'affaire d'un côté et un
mémoire qui fait l'affaire de l'autre. J'ai hâte que quelqu'un
puisse passer entre les deux. Je pense que ça ne se trouvera pas d'ici
la fin.
Je voudrais vous féliciter, puisqu'il me semble que dans la
réalité québécoise actuelle, c'est peut-être
un mémoire très sensé. Je ne dis pas qu'il se rapproche de
la position gouvernementale ou de la position ministérielle, mais il me
semble qu'il est sensé, qu'il est réaliste pour le contexte
actuel du Québec.
Ce qui m'intéresserait de connaître de votre
côté, c'est que vous avez affirmé tout à l'heure,
à une question que vous a posée le député de
Pointe-Claire, que vous reconnaissiez qu'on devait faire du Québec une
communauté française, en projeter une image française.
A partir de là, quels seraient les secteurs de la loi 1,
où vous voyez qu'il y a possibilité pour l'élément
anglophone du Québec de coopérer avec assez de facilité
pour donner cette image française au Québec?
M. Denis: Je crois que nous avons démontré que,
dans l'Outaouais, du moins, il y a eu un effort, depuis déjà une
dizaine d'années, pour projeter cette image, si on peut dire, de
francisation de la communauté anglophone.
J'ai répété plusieurs fois que le comité
qu'on représente est tout à fait d'accord avec cela. Franchement,
je ne vois pas ce qu'on peut ajouter de plus, en réponse à votre
question. Ce processus de francisation de l'élément anglophone
dans l'Ouest du Québec eixste déjà depuis quelques
années et va de l'avant. Comme je l'ai expliqué, nous sommes sur
le point d'avoir nos premiers diplômés des écoles
secondaires anglophones qu'on peut réellement appeler vraiment
bilingues, avec une appréciation de la culture française.
M. Grenier: On l'a dit à d'autres groupes qui sont
passés ici. Il est probablement clair que la communauté
anglophone du Québec, avant les années 1961, 1962 ou 1963, n'a
peut-être pas fait les efforts qui auraient dû être faits par
une minorité dans une province, comme c'est probablement le
péché de nos minorités francophones dans les autres
provinces pour s'intégrer à la majorité.
Mais croyez-vous que, depuis dix ou douze années, cet effort
s'est accru et qu'on nous présente des résultats qui devraient
être acceptables sans qu'on ait... J'ai toujours prétendu que
légiférer dans un secteur comme la langue, les moeurs ou la
religion, c'est toujours pénible. Est-ce que vous pensez que ce
cheminement aurait pu se faire assez facilement ou pourrait continuer de se
faire, sans recours à des mesures trop coercitives?
M. Denis: Oui, nous le pensons. C'est un des buts de notre
mémoire. On a mentionné ce fait que nous pensons que le processus
va se continuer normalement et que, en légiférant, on risque de
créer une situation qui aura de la difficulté à se
cicatriser plus tard.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, avec trois minutes de grâce.
M. Mackasey: M. le Président, j'ai seulement une question
à poser au témoin, mais vous pourrez répondre très
brièvement. Je connais bien votre localité. Combien y a-t-il de
familles françaises qui ont à leur disposition l'argent pour
envoyer leurs enfants à l'école privée, à
Montréal peut-être, comme bien des ministres font, pour apprendre
une deuxième langue? How many...
M. Greig: Si je peux répondre, monsieur. Je ne crois pas
que nous ayons dans notre région beaucoup de familles qui ont les moyens
financiers d'envoyer leurs enfants aux écoles privées.
M. Mackasey: Merci beaucoup.
M. le ministre de l'Education, je suis content que vous soyez ici ce
soir, pour parler directement au témoin, si vous voulez. J'aurais
été plus heureux si vous aviez été ici pour
parrainer un projet de loi sur l'Education et, s'il y avait eu un autre
ministre pour parrainer un projet de loi dans le domaine commercial. Je sais
que c'est difficile de me comprendre, M. le ministre. Voulez-vous que je parle
plus fort, ou moins fort?
M. Morin (Sauvé): Non, je me demandais si je n'avais pas
besoin de traduction. Continuez.
M. Mackasey: C'est simplement pour vous dire qu'il y a d'autres
experts que vous sur la constitution, n'est-ce pas? Par exemple, le professeur
Scott, le professeur Forsey, le professeur Ramsey Cooke, aussi
compétents que vous dans le domaine de la constitution. Nous ne sommes
pas ici pour discuter de la constitution, pour rire des témoins qui
viennent ici de bonne foi. Tant que vous avez, M. le ministre...
M. Morin (Sauvé): Ramsay Cook n'a jamais soutenu ce que
vous venez de dire, M. le député. Je pense qu'il ne faut pas
confondre Ramsay Cook, qui est un historien, avec Eugene Forsey, qui est un
juriste.
M. Mackasay: Oui, un historien. Je pense que vous aussi, quand je
vois quelques articles du bill.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre! A
l'ordre, s'il vous plaît. Si vous voulez terminer brièvement, s'il
vous plaît.
M. Mackasay: En tout cas, M. le Président, MM. les
témoins, tant que nous aurons dans ce bill l'article 172, nous serons
tous craintifs dans cette province, pas seulement les anglophones... Ce n'est
pas la faute des deux ministres ici, mais j'étais ici, dans cette
province, quand les "Jehovah Witnesses" dont vous vous souvenez sans doute
beaucoup, quand vous étiez un peu plus radical, M. le ministre,
n'avaient aucun droit individuel dans la collectivité. La
première chose que vous devriez faire, c'est retirer cette clause
immédiatement. Je pense que vous auriez moins de misère avec les
minorités dans cette province.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, très brièvement, s'il vous
plaît!
M. Mackasay: Cela va être difficile.
Le Président (M. Cardinal): II va falloir le faire.
M. Mackasay: Je peux vous dire qu'il me reste deux ou trois
minutes.
Le Président (M. Cardinal): Non, il vous reste trente
secondes.
M. Mackasay: Trente secondes. Je peux vous rappeler ce fait que
mes amis les plus intimes dans cette ville n'ont pas été
acceptés dans les collèges français, parce qu'ils
étaient protestants français. Je suis d'accord avec le ministre
quand il dit qu'ils avaient des droits acquis. Les Huguenots quittaient
Québec. Il leur était défendu d'aller à
l'école française, parce qu'ils étaient protestants. Vous
avez raison quand vous dites que la constitution était basée sur
la religion et non sur la langue.
Cependant, on a eu quelques défauts ici dans cette province. Je
me demande quel danger posent les minorités à Montréal aux
francophones si nous ne sommes pas assez protégés par le bill 22.
Comment se fait-il que les francophones n'aient pas été
assimilés dans la ville de Québec? J'ai passé ma jeunesse
ici. J'ai été à l'école sur la rue de Salaberry
avec Rodrigue Bilodeau, président de la CMA. Il y avait assez
d'anglophones dans la ville de Québec pour qu'on ait un journal tous les
jours ici. Maintenant on est à peine 15 000. Comment se fait-il que les
anglophones sont presque complètement assimilés ici à
Québec?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je vous remercie. Il reste une minute au parti
ministériel et j'accorde la parole au ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: Trois brèves remarques, M. le Président.
Je reconnais au député de L'Acadie le droit de me censurer. Je ne
pense pas avoir caricaturé, mais j'ai quand même le droit, je
crois, d'exprimer mon désaccord sur un mémoire avec autant de
vivacité qu'elle a exprimé le sien sur d'autres mémoires
qui ont été présentés.
Deuxième remarque. Je pense, messieurs, que c'est votre plaidoyer
pour le libre choix qui vous a valu l'accord enthousiaste de certains
députés. Nous, nous nous y sommes opposés, parce que le
libre choix est intégrateur et assimilateur de tous les immigrants au
détriment de la majorité francophone.
Je voudrais aussi vous signaler que les positions personnelles qu'ont
exprimées ceux qui vous ont appuyés là-dessus sont leurs
positions personnelles et vont à l'encontre de la position officielle de
leur parti.
Troisième chose. Je voudrais vous demander, très
brièvement, M. Denis, si vous trouvez que le projet de loi 1 est plus
acceptable et moins contraignant que la loi 22?
M. Denis: Oui.
M. Laurin: Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. Denis, est-ce que,
très brièvement, parce que nous avons dépassé le
temps et je l'ai fait avec beaucoup de flexibilité, vous pourriez
conclure?
Je n'accorde pas le droit de réplique. Tout simplement, je vous
permets de faire une brève conclusion.
M. Denis: Merci, M. le Président. Je tiens tout d'abord
à remercier M. le ministre d'Etat au développement culturel qui a
su quand même nous donner quelques bons mots au début de son
allocution, même si au point de vue idéologique, il y a plus que
la rivière Gatineau qui nous sépare. Vous pouvez être
assurés j'espère qu'on a pu vous convaincre par notre
mémoire que la collectivité anglophone de l'Outaouais a
pris des actions très positives pour effectuer le rapprochement que vous
souhaitez tous.
Néanmoins, il est apparent que le gouvernement actuel est en
train d'élever un rideau linguistique fleurdelisé autour de la
province, du milieu duquel le canadien français a beaucoup de
difficulté à sortir. Par contre, nous reconnaissons, les
anglophones de l'Ouest du Québec, que nous aurons toujours la
capacité de nous en sortir, ainsi que d'y vivre richement et
fièrement. Du moins, les anglophones auront ce choix lequel,
malheureusement, vous ne jugez pas bon d'accorder à nos citoyens,
à nos concitoyens québécois francophones. Sur ce, je
remercie les membres de cette commission de nous avoir accordé la
permission de venir ici.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Denis. Je remercie
les porte-parole de la Collectivité anglophone d'éducation de
l'Ouest du Québec. J'invite immédiatement l'Association des
démographes du Québec, mémoire 162, à se
présenter à cette table, s'il vous plaît. Ils sont
censés être représentés par M. Robert Maheu. Oui, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, avant de commencer
l'étude d'un autre mémoire, j'aurais une demande à faire.
Je ne la ferai pas sous la forme d'une motion, à ce stade. Cela peut
dépendre de la réaction du ministre d'Etat au
développement culturel.
Un journal, un quotidien, le Montreal Star, aujourd'hui, rapporte que le
ministre prépare des amendements en profondeur au projet de loi que nous
étudions actuellement. J'aimerais savoir tout d'abord si c'est exact,
et, dans l'affirmative, je demande au ministre de faire connaître
à la commission parlementaire le plus tôt possible les amendements
qu'il aurait déjà décidé de proposer au
gouvernement ou que le gouvernement aurait déjà acceptés.
Je fais cette demande et je pense que c'est dans l'ordre, étant
donné que cela touche les travaux de cette commission, parce que si des
changements sont apportés aux volontés politiques du
gouvernement, il est évident que ces changements auraient une influence
sur les travaux de cette commission. Certains amendements pourraient rendre
caducs des mémoires entiers ou, en- fin, des parties de mémoires.
Cela pourrait raccourcir, en fait, éviter même à des gens
de se déplacer pour venir nous voir. Alors, je ne suis pas sûr que
j'aie exactement le numéro de l'article qui me permette de le faire,
mais cela pourrait activer...
Le Président (M. Cardinal): Je vais vous le donner. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, en vertu de l'article 100, vous
avez certainement le droit de poser cette question. Le ministre a le droit d'y
répondre ou de ne pas y répondre. Ce n'est pas à moi, mais
à lui qu'il faut demander la permission, s'il désire
répondre à la question.
M. Laurin: Je vais y répondre, M. le Président.
Depuis le dépôt du livre blanc, je n'ai jamais fait mystère
de mon ouverture d'esprit et de ma capacité d'accueil à toute
suggestion valable et sérieuse qui pouvait m'être faite. J'ai
d'ailleurs déjà apporté, avant même le
dépôt en deuxième lecture du projet de loi, des amendements
à la suite de certaines suggestions qui m'avaient été
faites. Mon ouverture d'esprit reste égale et totale.
J'ai annoncé, il y a déjà plusieurs jours, que
j'avais déjà institué un comité de révision
chargé d'étudier toutes les représentations que je lui
avais soumises et qui étudie également tous les mémoires
avec nous et qui recueille mes commentaires, à la suite de ces
auditions. Evidemment, quel sera le résultat de toutes ces recherches et
de cette quête patiente que nous faisons, afin de travailler au
rapprochement de tous les groupes ethniques, avec la majorité
francophone du Québec? Il est trop tôt pour en parler, pour le
moment, mais je veux simplement assurer le député de
Marguerite-Bourgeoys que dès que cela sera possible, j'en saisirai la
commission.
M. Lalonde: Je remercie le ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Messieurs, je vous demanderais, s'il vous plaît, de vous
identifier, chacun à tour de rôle, et, par la suite, rde
décrire brièvement votre association et de présenter votre
mémoire. Vous avez 20 minutes pour ce faire.
Association des démographes du
Québec
M. Pierard (André): M. le Président, je vous
remercie. Mon nom, c'est André Pierard. Je suis le président
élu de l'Association des démographes du Québec. Je vous
présente, à ma droite, M. Robert Maheu, qui est l'un de nos
membres importants; c'est lui, entre autres, qui a été l'un des
artisans du mémoire que nous vous présentons et, à ma
gauche, M. Calvin Veltman, qui est également...
Une Voix: Monsieur?
M. Pierard: Veltman. V-E-L-T-M-A-N.
Une Voix: Un Américain.
Une Voix: ... s'il vous plaît.
M. Pierard: Moi, c'est Pierard. P-l-E-R-A-R-D. Une Voix:
II vient de Plattsburgh.
M. Pierard: Cela, ce n'est pas tout à fait
étranger.
Je voudrais vous dire que l'Association des démographes du
Québec est une association qui existe depuis 1971, qui n'a que des fins
professionnelles pures et simples, qui s'intéresse évidemment
à la vie québécoise, bien entendu, puisque nous habitons
le Québec. Nous comptons à peu près 135 membres. Nous
avons présenté ce mémoire à votre attention. Je
vais en faire une lecture qui ne sera pas tout à fait littérale
et je m'en excuse, mais les tableaux ne se prêtent pas à une telle
lecture.
Comme les démographes l'ont maintes fois souligné, la
chute de la fécondité qui s'est produite depuis quinze ans a
entraîné la rupture d'un équilibre séculaire. Les
trois groupes linguistiques qui composent la population du Québec ont
bénéficié chacun d'un facteur de croissance
démographique ou, si on préfère l'expression, d'un
avantage comparatif. Les francophones avaient pour eux leur forte
fécondité, les allophones profitaient de l'immigration et les
anglophones des transferts linguistiques.
Bien qu'il y ait des différences de mortalité entre les
groupes au Québec, celle-ci n'a pas été, dans le
passé, et ne devrait pas non plus constituer, dans l'avenir, un facteur
différentiel important dans la croissance des groupes linguistiques au
Québec. La fécondité, qui est l'autre composante du
mouvement naturel des populations, aura vraisemblablement une importance
nettement plus faible qu'autrefois. Depuis plusieurs années, la
fécondité des francophones se situe entre celle des anglophones,
qui est la plus faible, et celle des allophones, qui est la plus forte. La
plupart des démographes prévoient un certain nivellement de la
fécondité future, de telle sorte que les différences de
fécondité s'atténueraient encore davantage. C'est donc
dire que sûrement pour les francophones et peut-être pour les deux
autres groupes, la fécondité ne sera pas non plus un facteur
différentiel important dans la croissance des groupes linguistiques au
Québec.
Dès lors que l'accroissement naturel est beaucoup plus faible que
dans le passé, les autres facteurs affectant la croissance des groupes
linguistiques ont un rôle proportionnellement plus important à
jouer. Ces autres facteurs, que nous présenterons brièvement,
sont les transferts linguistiques et les migrations.
Pour ce qui concerne les migrations, depuis 1968, les immigrants en
provenance de pays étrangers ont eu approximativement la composition
linguistique suivante: 20% de langue maternelle française, 30% de langue
maternelle anglaise et 50% pour les autres langues maternelles. Durant cette
période, comme auparavant, les anglophones et les allophones ont
été surreprésentés dans la composition linguistique
de l'immigration internationale.
Les anglophones constituent une fraction importante dans les
échanges migratoires du Québec avec le reste du Canada.
Nous constatons, par ailleurs, que, si les anglophones sont
surreprésentés parmi les entrées au
Québec, ils le sont également au sein des sorties du
Québec.
Il est donc intéressant de disposer d'un bilan net des
échanges migratoires du Québec avec l'extérieur pour
chacun des groupes linguistiques. Il s'agit là, bien entendu, de la
somme des entrées de toutes provenances soustraite des sorties vers
toutes les destinations.
On observe, à cet égard, pour ce qui concerne le groupe de
langue maternelle anglaise, un solde positif de 13 000 entre les années
soixante et un et soixante et onze, pour la langue maternelle francophone, un
solde négatif de 43 000 et, pour les personnes de langue maternelle
autre, un solde positif de 40 000. Au total, on obtient un solde positif de 10
000.
Ces résultats ont été établis par une
méthode indirecte et doivent donc être accueillis avec une
certaine prudence.
Nous pouvons déduire que la migration a été un
facteur de croissance très important pour les allophones, faible pour
les anglophones et négatif pour les francophones.
Pour ce qui touche les transferts linguistiques, nous utiliserons cette
expression pour désigner le cas où la langue d'une personne ne
correspond pas à sa langue d'origine, lorsque la langue d'usage est
différente de la langue maternelle essentiellement.
Les transferts linguistiques, de même que le choix d'une langue
d'enseignement, dépendent des perceptions des réalités ou
des avantages socio-économiques. Ceci est vrai non seulement pour les
allophones, mais aussi pour les anglophones et les francophones. Nous avions
mentionné cela il y a quelques années. Nous disposons aujourd'hui
de données nouvelles qui viennent étayer ce point de vue.
Même si, à strictement parler, l'analyse des données
économiques ne fait pas partie de notre science, il n'en demeure pas
moins que certains processus démographiques, tels les transferts
linguistiques, sont fortement influencés par la situation
économique.
A partir de données inédites du recensement de 1961, J.-A.
Boulet et A. Raynauld ont examiné l'importance de divers facteurs sur le
revenu du travail. Ils ont conclu: "...à la lumière des faits
recueillis tout au long de cette étude, il ne fait plus de doute que
l'origine ethnique et la langue sont des facteurs de différentiation des
travailleurs sur le marché montréalais... Les différences
d'attributs entre les groupes ethniques, ou linguistiques dans les facteurs les
plus conventionnels de détermination des revenus ne parviennent pas
à annuler une partie substantielle des écarts observés de
revenus".
Malgré certains rapprochements, la situation n'avait pas beaucoup
changé au recensement de 1971 ; les anglophones demeuraient mieux
rémunérés que les francophones. Selon l'étude de C.
Veltman, parmi les personnes de langue maternelle française, on remarque
que l'origine ethnique est faiblement reliée au revenu, puisque presque
tous les groupes ethniques, y compris les Italiens nés au Canada,
avaient un revenu moyen supérieur au revenu moyen des personnes
d'origine française. Chez les personnes de langue maternelle anglaise,
d'autre part, les écarts de revenu sont plus larges d'un groupe ethnique
à l'autre et certains groupes ethniques dont les
Anglais, les Ecossais, les Irlandais et les Juifs semblent
bénéficier d'un réseau privilégié
d'informations sur la quantité et la qualité des postes
disponibles, ce qui leur permet de mieux obtenir des postes qui correspondent,
à leur formation.
Le bilinguisme en soi ne donne pas l'accès à de tels
réseaux d'informations. De même, la scolarité en
elle-même n'assure pas un emploi qui corresponde à la formation
reçue. Dès lors, la tentation est grande de devenir, si on nous
permet l'expression, de vrais anglophones, de faire partie du groupe qui
bénéficie de ce réseau informel d'informations et de
relations. En d'autres mots, il s'agit d'accomplir un transfert linguistique,
de s'assimiler.
Les résultats sont les suivants: parmi les personnes dont la
langue maternelle est autre que le français ou l'anglais, pour une qui a
le français comme langue d'usage, on en trouve deux ou trois qui ont
choisi l'anglais. Ceux qui ont choisi le français sont avant tout des
Italiens. Mais, au sein de ce groupe, nous avons assisté à un net
renversement de tendances; si leurs aînés avaient opté pour
le français, les jeunes Italiens se sont carrément tournés
vers l'anglais.
Les transferts linguistiques dont bénéficient les
francophones et les anglophones sont reliés au niveau de revenu. Veltman
écrit: "La collectivité francophone enregistre un léger
accroissement à cause des transferts qu'elle reçoit aux
échelons de revenu inférieurs... Non seulement la force de
l'anglicisation dépasse-t-elle celle de la francisation, mais
l'anglicisation s'accélère à mesure que s'accroît le
revenu... Le groupe anglophone s'enrichit donc auprès de francophones et
d'allophones qui réussissent, tandis que le groupe francophone recueille
la plupart de ses transferts auprès des immigrants à faible
revenu... L'anglicisation est un processus d'assimilation de l'élite. Le
peu de francisation qui se fait constitue par ailleurs un processus de
nivellement puisque la majorité des transferts au français
provient d'individus à faible revenu, anglophones ou allophones".
Charles Castonguay a fait observer que la majeure partie, soit 58%, des
transferts linguistiques de l'anglais comme langue maternelle au
français comme langue d'usage provenait de personnes d'origine ethnique
française! Dès lors, ces transferts linguistiques subis par des
anglophones sont le signe, non pas d'une certaine désagrégation
de la communauté anglophone, mais d'un certain flottement, voire d'un
émiettement du groupe ethnique et linguistique français.
Pour conclure, disons que certaines des données de ce
mémoire sont connues depuis longtemps, d'autres sont plus
récentes, même très récentes dans plusieurs cas,
mais elles indiquent toutes qu'il est nécessaire que le
législateur agisse pour corriger la situation.
Aussi est-ce à juste titre que le livre blanc du ministre Laurin
comportait dans la partie sur la situation de la langue française au
Québec, une section démographique. Mais il serait possible
d'utiliser encore davantage les ressources de la démographie. La loi 22
avait suscité beaucoup plus de conflits que de données
quantitatives permettant d'en évaluer les effets en termes
démographiques et autres. Nous souhai- tons qu'il en aille autrement
avec la Charte de la langue française.
Le ministre Camille Laurin et le premier ministre René
Lévesque ont déjà indiqué qu'il était
possible que la Charte soit amendée dans quelques années. Nous
n'aimerions pas que se répète alors la situation actuelle
où il s'agit de remplacer une loi dont les effets sont peu connus,
où il n'y a pas d'études sérieuses sur les effets
possibles des diverses options scolaires qui s'offraient au législateur,
ou si ces études existent, elles ne sont pas publiques au moment
où nous écrivons ces lignes. Nous comprenons toutefois qu'il
n'était peut-être pas possible d'attendre le résultat de
longues études avant de prendre des décisions.
La Charte de la langue française, avons-nous dit, a des
fondements démographiques certains. De même, elle aura
vraisemblablement des effets sur les divers facteurs démographiques dont
nous avons traité dans ce mémoire. Pour que le législateur
puisse modifier la loi dans quelques années, ou constater qu'elle a
exactement les effets désirés, il faudra produire des
statistiques et des études montrant ou analysant l'évolution des
principaux facteurs en jeu. Le législateur saura alors si les
conséquences de la loi, mesurées en termes quantitatifs,
correspondent à ses objectifs.
Nous recommandons de suivre particulièrement les facteurs
démographiques, ou à répercussion démographique,
suivants: la fécondité des groupes linguistiques, la composition
linguistique des courants migratoires, l'évolution des transferts
linguistiques, les inscriptions scolaires, la situation des francophones au
sein des entreprises.
Pour réaliser cela, il faudra avoir recours non seulement aux
sources traditionnelles, mais aussi à des enquêtes sur
échantillons, à des compilations statistiques
réalisées dans des fichiers administratifs, etc.
A notre avis, ces études et compilations statistiques pourraient
être coordonnées par le Conseil consultatif de la langue
française. Il faudrait alors modifier l'article 162 du projet de loi
afin d'y ajouter après le premier paragraphe, le texte suivant: "Ce
rapport doit contenir des évaluations quantitatives,
démographiques et autres des effets de la présente loi".
On s'assurerait ainsi que les études nécessaires seraient
réalisées et leurs principaux résultats rendus publics.
Quant à nous, que ce soit en cette matière ou dans une autre,
nous offrons au ministre responsable la plus entière collaboration de
l'Association des démographes du Québec.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup, monsieur. Je cède la parole au ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier très vivement
l'Association des démographes du Québec pour le mémoire
qu'elle vient de nous présenter. Je la remercie de sa collaboration
actuelle et qu'elle soit assurée que nous aurons recours à elle
à l'avenir également, et nous espérons pouvoir compter sur
sa collaboration.
La suggestion qu'elle nous fait est très valable, très
sérieuse et j'espère bien pouvoir l'incorporer à l'article
162, tel qu'on me le suggère et peut-être
même à l'article 147 également où l'on parle
de recherches que nous devrons effectuer. Le mémoire que l'Association
nous présente aujourd'hui est bien sûr hautement technique, mais
il comporte des données, des statistiques qui sont absolument
essentielles au débat en cours. C'est la raison pour laquelle nous lui
accordons le plus haut intérêt et la raison pour laquelle aussi,
je suis convaincu, les autres membres de la commission lui accorderont autant
d'intérêt.
Evidemment, dans un court mémoire comme celui qu'on vient de nous
présenter, toute la richesse, toute la science.des auteurs n'a pas pu se
manifester comme elle se doit. Je le sais d'autant plus que j'ai pu parcourir
individuellement les nombreuses études que l'un ou l'autre d'entre eux a
pu commettre dans le passé. Leur présentation m'a donc mis en
appétit et j'aimerais, sans plus, leur poser d'autres questions.
Par exemple, votre mémoire, en page 1, compare la
fécondité des francophones avec celle des anglophones et du
groupe allophone. Le livre blanc et le rapport de la commission Gendron font
aussi le point sur la situation du groupe francophone au Québec et vous
venez de le souligner dans votre mémoire. Pour sa part, M. William
Johnson, dans le Globe and Mail du 6 avril, titre son texte, j'espère
que vous ne vous scandaliserez pas si je vous le cite en anglais, "Quebec White
Paper on language is inflammatory and based on misleading quotations from
report." Dans son texte en particulier, M. Johnson écrit, vous avez
peut-être lu ce texte, "The Gendron demographers made other statements
contrary to general belief in Québec. The birth-rate of francophones in
Québec is higher than that of anglophones or those of other mother
tongues. The death rate of francophones is lower than that of the others. That,
the White Paper makes no mention of this in its description of the situation of
the French language in Québec." J'ai la copie ici de l'article, si vous
voulez le consulter.
Je voudrais savoir si, selon vous, cette opinion est
véridique?
M. Maheu (Robert): M. le ministre, j'étais un de ces
Gendron demographers dont parlait le journaliste. J'ai apporté ici
l'étude qui a été publiée. On peut voir, en page
133, où nous avons calculé des taux de mortalité par
origine ethnique pour le Québec, et nos données
s'arrêtaient en 1968, alors que le taux de mortalité du groupe
français se situait à mi-chemin entre celui du groupe ethnique
britannique et celui des autres origines ethniques.
Nous avions également, dans le cadre des travaux de la commission
Gendron, calculé des données plus précises, à
savoir l'espérance de vie à la naissance par groupe ethnique, et
les résultats se trouvent en page 148. Je cite les résultats
seulement pour les hommes, ce sont à peu près les mêmes
pour les femmes. L'espérance de vie à la naissance des
Français, pour la période qui allait de 1960 à 1962,
était de 66,8 années, de 68,3 années, pour les
Britanniques et de 70,3 années pour les autres. C'est donc dire que le
groupe français avait le triste privilège d'avoir
l'espérance de vie à la naissance la plus faible. Une
étude plus récente de Laurent Roy, portant sur les années
1970 à 1972, a confirmé que la situation s'était
maintenue.
En ce qui concerne l'autre phase, on trouve en page 159 de la
publication un graphique et en d'autres pages des chiffres qui indiquent
très clairement que la fécondité du groupe français
se situait à ce moment-là et, d'après ce qu'on peut
savoir, la situation n'a pas changé, à mi-chemin entre celle des
Britanniques, qui était la plus faible, et celle des autres, qui
était la plus élevée, de telle sorte que, lorsque le
journaliste en question avait cru devoir utiliser l'expression "misleading
quotations" dans son article, je pense qu'il commettait une faute beaucoup plus
grave que celle qu'il croyait devoir vous reprocher.
M. Laurin: Je voudrais vous parler maintenant d'un autre article,
de M. Richard Joy, qui a paru dans le Devoir du 9 juin, sous le titre "Inutile
à la lumière des données récentes de la
démographie, la charte du français hâtera le départ
des anglophones". Je voudrais vous demander si vous croyez qu'on puisse faire
de telles affirmations à la lumière des études
démographiques que vous connaissez.
M. Maheu: II s'agit de savoir, somme toute, dans quelle mesure ce
projet de loi était nécessaire. La plupart des études qui
ont été faites, où on a fait des prévisions de
population, où la population du Québec était
répartie selon soit l'origine ethnique ou la langue, indiquait qu'il y
avait une nette possibilité que la fraction des francophones diminue au
Québec.
Je fais allusion aux études suivantes: Une étude de
Charbonneau, Henripin, Légaré, parue dans le Devoir, en 1968, je
crois; à l'étude que nous avions faite dans le cadre de la
commission Gendron; à la thèse de maîtrise que j'ai faite
et déposée au département démographique de
l'Université de Montréal, en 1968; et à une étude
beaucoup plus récente, celle-là, de Jacques Henripin, qui est
parue en annexe au livre vert du gouvernement fédéral, sur
l'immigration. Donc, toutes ces études indiquaient qu'il y avait une
nette possibilité que la fraction des francophones diminue au
Québec.
Je pense que c'est en partie pour répondre à cette
situation et à cette préoccupation que le gouvernement
précédent avait fait voter la loi 22. La question qui se pose
dès lors, est de savoir dans quelle mesure la loi 22 a pu être ou
aurait pu être suffisante pour régler la situation.
Comme nous l'avons dit dans le mémoire, nous disposons de fort
peu de données sur les effets de la loi 22. On en a tout de même
quelques-unes, en ce qui concerne l'évolution des clientèles
scolaires, réseau public plus le réseau privé avec statut,
qui nous disent ceci: En 1971/72, 15% de cette clientèle de niveau
maternelle, élémentaire et secondaire fréquentaient des
écoles de langue anglaise. En 1972-1973, cette fraction était de
15,5%. En 1973-1974, de 15,7%. En 1974-1975, de 16,1%. En 1975-1976, la loi 22
s'appliquait à ce moment-là, de 16,7%. Pour ce qui est de
l'année 1976-1977, nous ne disposons pas encore de statistiques
complètes.
Donc, le peu d'information que nous ayons pour évaluer les effets
de la loi 22 indiquent que le gouvernement ne semblait pas en voie d'atteindre
ses objec-
lifs. Pour juger d'une loi, nous semble-t-il, il y a
intérêt à comparer les résultats de la loi à
ceux qu'on pouvait se fixer.
Nous avons l'impression qu'il y a un certain consensus au Québec,
sur les objectifs que devrait avoir une loi sur la langue. Un ministre
psychiatre que nous respectons beaucoup déclarait que le Québec
doit être aussi français que l'Ontario est anglais. Il s'agit du
ministre François Cloutier qui faisait cette déclaration dans un
discours de deuxième lecture prononcé à l'Assemblée
nationale le 12 juillet 1974. Nous avons vu que les ministres psychiatres se
suivent et se ressemblent, au moins, en ce qui concerne les objectifs.
Effectivement, à certains égards, la situation
québécoise peut se comparer à la situation onta-rienne. A
titre d'exemple, on remarque que le pourcentage des personnes d'origine
ethnique britannique au Québec est à peu près le
même que le pourcentage des personnes d'origine ethnique française
en Ontario.
On peut observer comment se font les transferts linguistiques dans cette
province voisine de l'Ontario. Selon le recensement de 1971, parmi les gens
d'une langue maternelle tierce, en Ontario, qui avaient adopté comme
langue d'usage, à la maison, le français ou l'anglais, on en
trouvait 4000 qui avaient adopté le français et 505 000
l'anglais. La disproportion est assez énorme. Pour une de ces personnes
qui avait choisi le français, on en trouvait 125 qui avaient choisi
l'anglais.
On pourrait proposer, si on veut traduire cet objectif que, semble-t-il,
au moins deux partis ici ont celui de voir le Québec aussi
français que l'Ontario est anglais, une des façons de traduire
l'objectif en termes démographiques serait de viser à ce que les
transferts linguistiques au Québec se fassent à peu près
à la réciproque de ce qui se fait dans la province voisine,
l'Ontario.
Dans ce cadre, je dois mentionner qu'il nous apparaît
évident que la loi 22 était nettement insuffisante et j'irais
même jusqu'à dire qu'il est probable que la loi 1 soit
également insuffisante, mais je pense que mes confrères
désireraient ajouter certaines choses sur la nécessité de
faire une loi.
M. Laurin: J'aurais beaucoup aimé que les
députés anglophones de la commission entendent ce que vous venez
de dire. Dans le même texte, messieurs, M. Joy écrit: Le
Québec est devenu un pays d'émigration. M. Joy semblerait
disposer, pour faire cette affirmation, de données toutes
récentes qu'il semblerait avoir tiré du recensement de 1976. Je
ne sais pas si vous avez ces données.
N'y a-t-il pas d'autres données, cependant, que vous pouvez
posséder sur la migration nette qui présente un portrait
différent de celui que présente M. Joy? Par exemple, le Bureau de
la statistique du Québec aurait-il révélé que la
migration nette était redevenue positive depuis 1973?
M. Maheu: Les chiffres auxquels vous faites allusion portaient
sur l'ensemble de la période du 1er juin 1971 au 1er juin 1976. En
réalité, cette période peut être divisée en
deux parties distinctes et on a là- dessus des chiffres qui proviennent
de Statistique Canada.
Le Québec a connu, en fait, depuis la dernière guerre, une
migration nette positive jusqu'en 1968, si on veut être précis. On
a connu ensuite une période, de 1968 à 1973, où la
migration nette a effectivement été négative.
Par contre, depuis 1974, cette migration nette, donc la
différence entre les entrées et les sorties, est redevenue
positive. Donc, si on veut retenir les chiffres les plus récents on peut
dire que, depuis trois ans, la migration nette est positive au
Québec.
M. Laurin: J'aimerais poser une question à M. Veltman, car
je sais qu'il a fait des études sur ce sujet. En page 6 de votre
mémoire, vous indiquez que les transferts linguistiques dont
bénéficient les francophones et les anglophones sont
reliés au niveau de revenu. J'aimerais demander à M. Veltman en
quoi les différences de scolarité seraient une explication des
différences de revenu.
M. Veltman (Calvin): Excusez-moi d'abord pour la façon
dont je parle français. Ce n'est pas tous les jours que j'ai le plaisir
de parler français devant une commission parlementaire, mais,
étant immigrant, ce n'est pas ma langue maternelle.
Dans l'étude que j'ai faite moi-même, je n'ai pas tenu
compte de la scolarité. Je cite, par contre, une étude faite pas
M. Jacques-André Boulet du Conseil économique du Canada. Il
trouve que la profession est plus liée au revenu qu'à la
scolarité et que les Anglo-Ecossais, les Irlandais et les Juifs ont un
meilleur rapport entre la scolarisation et la profession. C'est une
étude faite à partir de données de 1961.
Dans une étude plus récente, on observe que le revenu et
la scolarité présentent une correspondance parfaite du
côté linguistique, en 1961.
En 1971, elle s'estompe. En fait, au cours de cette période, la
relation entre l'accroissement de la scolarité et l'accroissement des
revenus est devenue tout simplement inversement proportionnelle.
C'est-à-dire que, plus la scolarité moyenne s'est accrue, moins
les revenus se sont accrus. Par exemple, alors que les anglophones unilingues
accroissaient leur scolarité d'une année, ils ont accru leurs
revenus moyens de $3200 plus ou moins et les francophones unilingues, pour une
même augmentation de scolarité, ont eu un accroissement de l'ordre
de $861, les francophones bilingues, de $2000 à peu près et les
allophones, de $2800, les allophones anglais.
Il ne faudrait pas s'étonner, comme nous l'avons
démontré dans nos recherches, que le facteur scolarité ait
perdu de son pouvoir explicatif dans la détermination des revenus,
passant même de 1961 à 1971, du troisième au
quatrième rang derrière la profession, la durée du travail
et l'âge. Même quand M. Boulet a essayé de tenir compte de
la qualité de l'accroissement de l'instruction, les anglophones
étant plus instruits au niveau collégial, les francophones ont
acquis leur scolarité surtout à l'école secondaire.
Même après cela, on a des écarts de revenus entre 1961 et
1971. Donc, M. Boulet conclut que ces groupes d'anglophones
bénéficient d'un réseau d'informations supérieur
à celui des francophones.
M. Laurin: Donc, si je comprends bien, même si les
francophones se scolarisent de plus en plus, cela ne veut pas dire que cela va
se solder nécessairement par une augmentation de revenu et surtout pas
par une augmentation de revenu semblable, proportionnelle à celle que
connaissent les anglophones ou ceux qui choisissent l'anglais comme langue
d'usage?
M. Veltman: Selon M. Boulet, oui.
M. Laurin: Maintenant, en ce qui concerne le bilinguisme, est-ce
que vous avez l'impression ou la certitude, d'après les études
que vous avez pu mener là-dessus, que l'acquisition du bilinguisme
mène à un revenu supérieur ou en résulte?
M. Veltman: Cela dépend des groupes. Parmi quelques
groupes anglophones et encore, je n'ai pas les données
ventilées par l'éducation ou la scolarité les
Irlandais, les Anglais, les Allemands, les anglophones unilingues ont un revenu
supérieur ou égal au revenu des bilingues. Parmi tous les autres
groupes ethniques francophones, le revenu s'accroît actuellement avec le
bilinguisme. On trouve, par exemple, chez les Canadiens français, que
50% des mâles avec un revenu inférieur, moins de $4000 en 1971,
étaient bilingues, tandis que ceux qui ont eu un revenu supérieur
à $16 000, 85% à peu près, éiaient bilingues. On
trouve le même exemple chez les Juifs, les Juifs unilingues anglophones
n'ont pas un revenu vraiment supérieur, il faut être bilingue, si
on est Juif, pour avoir un bon revenu.
M. Laurin: Donc, cela se justifie pour certaines
catégories intermédiaires, mais lorsqu'on arrive au sommet,
l'unilinguisme anglais est suffisant ou est compatible avec un revenu
très élevé.
M. Veltman: Encore une certaine précision. Les anglophones
unilingues sont sous-représentés parmi les personnes à
revenu élevé. Les anglophones bilingues sont aussi
sous-représentés parmi les personnes à revenu
élevé. Les francophones à revenu élevé sont
presque tous bilingues, les anglophones aussi. M. Boulet les appelle les
allophones anglais, des anglicisés.
M. Laurin: Parfait. J'ai été très
frappé par la phrase que vous avez utilisée dans votre
mémoire, que l'anglicisation est un processus d'assimilation des
élites. Je me demande si l'un d'entre vous pourrait expliciter davantage
ce point.
M. Veltman: Cela reste encore à moi. Les gains de la
communauté francophone se réalisent surtout auprès des
immigrants anglophones de revenu inférieur, moins de $4000. L'anglais
bénéficie d'un taux d'assimilation, d'un taux d'attraction
beaucoup plus élevé que le taux d'assimilation du
français, évidemment. A part de cela, l'anglicisation est plus
forte chez ceux qui sont les mieux rémunérés, et moins
forte chez ceux qui sont les moins rémunérés. Je vais vous
donner une couple d'exemples.
Parmi les Canadiens français, le taux d'anglicisa-tion chez ceux
qui ont gagné moins de $4000 en 1970 était de ,4%. Chez ceux qui
ont gagné $16 000 et plus, c'était 3,6% d'anglicisation. Chez les
Italiens, l'anglicisation est de 30% à peu près chez les plus
pauvres et de 66% chez ceux qui ont gagné $16 000 et plus.
L'anglicisation est liée à un accroissement du revenu ou
l'accroissement du revenu est lié à l'anglicisation, mais ils
vont de pair.
M. Laurin: Est-ce qu'on pourrait en conclure que c'est la
puissance économique anglophone au Québec, et a Montréal
en particulier, qui est le principal facteur d'anglicisation des
élites?
M. Veltman: Pour autant que le revenu s'accroisse avec
l'anglicisation, c'est une conclusion, d'après moi,
inévitable.
M. Laurin: Une étude a paru dans le Devoir, il y a deux
mois, dans laquelle un démographe, M. La-chapelle, en se basant sur une
série d'études, prédisait la disparition "tendancielle"
ou, pour employer un autre terme, l'extinction de la minorité anglophone
au Québec. J'aimerais demander à l'un ou à l'autre d'entre
vous ou successivement à chacun d'entre vous, quelle est votre position
en tant que démographes professionnels sur ce problème?
M. Pierard: Je peux peut-être commencer la ronde, si vous
voulez. En premier lieu, il faut bien préciser que dans la thèse,
dite de M. Lachapelle, la disparition "tendancielle", comme vous le dites, ce
n'est pas la disparition pure et simple, comme d'aucuns semblent vouloir le
croire. Par ailleurs, bon! c'est une opinion personnelle qu'il avait. C'est
d'ailleurs un peu une spéculation, je crois. De toute façon,
quelques que soient les hypothèses que l'on puisse choisir actuellement,
dans le contexte québécois, même en tenant compte de
l'existence d'une loi comme la loi no 1, il est absolument et totalement
impensable de croire à la disparition de la minorité anglophone
du Québec. On pourra peut-être réduire quelque peu son
accroissement par transferts linguistiques au détriment des allophones
ou des francophones, mais on ne pourra certainement pas la réduire
à néant, ou, en tout cas, ça prendrait de sacrés
canons.
M. Grenier: ...je n'ai pas entendu.
M. Laurin: Pourriez-vous répéter plus fort?
M. Pierard: Ce que je disais, c'est que quelles que soient les
hypothèses les plus pessimistes, en restant tout de même dans les
limites de la raison, d'accord? Il est absolument et totalement impensable de
croire que la collectivité anglophone du Québec pourrait
disparaître, n'importe quand.
M. Laurin: Sur quoi vous appuyez-vous, surtout pour avoir cette
certitude?
M. Pierard: Sur la vivacité même de cette
collectivité actuellement. C'est une collectivité qui est
peut-être minoritaire en termes numériques, mais qui, en tant
qu'élite, justement, au Québec, a certainement une
diversité très importante et qu'il ne faut certainement pas
négliger.
M. Laurin: Est-ce que je peux poser la même question aux
deux autres?
M. Veltman: Oui, bon! D'après moi, il faut distinguer
entre la baisse peut-être du pourcentage des anglophones qui
fréquentent l'école anglaise, qui est une chose, et la
disparition "tendancielle" de la communauté anglophone, qui est une
autre chose.
Aujourd'hui, les communautés anglophones au pluriel, parce
qu'il y en a plusieurs, tenant compte des groupes ethniques comptent
tout près d'un million de membres au Québec, grâce à
l'assimilation linguistique. Mais l'assimilation linguistique est liée
à la langue payante, donc, liée à l'économie. Quant
à moi, l'intervention de l'Etat dans l'économie est beaucoup plus
nécessaire à long terme pour le salut du français au
Québec qu'une intervention dans le système scolaire. C'est aussi
la scène, d'après moi, la plus douteuse que l'intervention de
l'Etat puisse être vraiment efficace.
L'expérience américaine, par exemple, sur l'"Affirmative
Action" qui a été une politique du gouvernement américain
ayant pour but de donner le droit égal, les avantages égaux,
à des femmes, à des noirs, à des hispanophones et à
des Amérindiens a démontré que même avec un
gouvernement qui poussait assez fortement que la situation a empiré chez
ces groupes, étant donné la récession aux Etats-Unis.
Alors, il se peut qu'une action de l'Etat dans le domaine de
l'économie ne puisse pas être trop efficace. Donc, il est possible
de croire qu'une anglicisa-tion des francophones et des allophones serait
perpétuelle au Québec, les enfants apprenant l'anglais des
parents des autres étudiants, des cousins, dans la rue, de part et
d'autre, tout en fréquentant l'école française.
Alors, on aura un groupe d'anglophones bilingues qui pourrait participer
à la vie publique du Québec, mais qui va continuer à
bénéficier d'un réseau d'informations
privilégié aux vrais anglophones, c'est-à-dire les gens
qui parlent anglais à la maison, qui participent à la
communauté anglophone.
Il y a toutes sortes d'hypothèses possibles, mais étant
donné que l'économie est liée à l'assimilation
linguistique, l'intervention dans le domaine de l'économie est bien
importante et bien difficile.
M. Maheu: Si le ministre encourage M. Ryan au point de lire son
journal tous les jours, il sait probablement que j'ai, avec quelques autres,
déjà répondu dans le Devoir a cette thèse. Je ne
veux pas répéter ici tous les arguments qui étaient
mentionnés dans cet article, mais je peux en apporter quelques-uns
supplémentaires parce que, Dieu merci, on ne manque pas d'arguments pour
réfuter cette thèse.
Vous vous rappellerez peut-être qu'à l'époque
où nous discutions de la loi 22, il y avait déjà un climat
de crainte chez les anglophones du Québec qui leur faisait voir les
pires conséquences à cette loi. Ces craintes, en fait, ont
été démenties par les faits, par la suite. D'ailleurs, je
disais tantôt au ministre que la migration nette était redevenue
positive au Québec en 1974, année où a été,
soit dit en passant, promulguée la loi 22.
On connaît d'autres minorités, entre autres, les
franco-ontariens et toutes les minorités françaises des autres
provinces qui ont connu, depuis très longtemps, des situations nettement
plus difficiles que celles prévues par le projet de loi no 1 et,
d'après ce qu'on peut voir, ces minorités existent encore.
On connaît à travers le monde un certain nombre d'exemples
de minorités qui bien que ne recevant pas d'immigrants et, d'autre part,
qui ont fourni des contingents d'immigrants à l'Amérique, se
portent quand même assez bien. Un exemple assez célèbre est
celui des Flamands qui de minoritaires sont devenus majoritaires, le tout sans
recevoir d'immigrants.
En ce qui concerne la situation proprement québécoise, il
nous semble évident que le Québec continuera de recevoir des
immigrants anglophones. De même, il y aura encore des transferts
linguistiques vers l'anglais. L'étude de Calvin Veltman est
particulièrement éclairante à cet égard. Tant que
ne sera pas changée la répartition du pouvoir économique
au Québec, il y aura toujours des transferts linguistiques vers
l'anglais, des transferts importants; de telle sorte que si on veut demeurer
dans les limites du réalisme démographique, on peut
prévoir vraisemblablement que le pourcentage que représentent les
anglophones au Québec pourrait effectivement diminuer suite à
l'application de la loi 1. Mais il nous semble tout à fait probable que
le nombre d'anglophones continuera d'augmenter, de telle sorte que cette
thèse d'une éventuelle disparition des anglophones pour demain,
avec toutes les déformations qu'elle a subie, à mon avis, est
devenue une thèse que pourrait soutenir seulement le Bonhomme Sept
Heures.
M. Laurin: Une dernière question. Il y a certaines
personnes que j'ai entendu ou que j'ai lu qui laissent entendre que
l'évolution récente de la population au Québec, et en
particulier depuis le 15 novembre, serait négative. Est-ce que vous avez
entendu cette opinion et, si oui, qu'est-ce que vous en pensez comme
démographe?
M. Maheu: C'est une opinion qui n'avait certainement pas
été exprimée par un démographe. Les seules
données dont on dispose portent sur l'automne dernier où, si on
en croit les estimations de population faites sous l'autorité du
statisticien en chef du Canada, la migration nette, pour la période du
1er octobre au 1 er janvier, période à l'intérieur de
laquelle se situe donc le 15 novembre, aurait été d'environ 5000
ou 6000 personnes, doncundesaccroissements trimestiels les plus importants que
le Québec ait connu depuis plusieurs années, de telle sorte
que...
M. Raynauld: Ce n'était pas par un démographe.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Raynauld: Vous dites que ce n'était pas par un
démographe...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Outremont, à l'ordre, s'il vous plaît! Vous
aurez la parole tout à l'heure.
M. Raynauld: II y a quand même des limites.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Raynauld: II y a des limites.
M. Maheu: Je disais donc que les individus réagissent aux
événements politiques ou légaux beaucoup plus calmement
que ne voudraient le faire croire certaines personnes.
M. Laurin: Est-ce qu'on pourrait en tirer la conclusion que le
Québec, depuis le 15 novembre, n'est pas devenu une terre ingrate
à ce point qu'elle devienne un lieu interdit à l'immigration?
M. Maheu: C'est une conclusion qui nous semble tout à fait
justifiée par les faits.
M. Laurin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord,
étant donné les nombreuses questions que j'ai à poser,
dire que j'appuie la demande qui est faite ici d'avoir des études plus
précises sur les effets des lois linguistiques qui peuvent être
votées au Québec. Par conséquent, j'appuierais la
principale conclusion du mémoire. Ceci dit, cette conclusion,
évidemment, n'est pas basée sur ce qui précède dans
le mémoire. Ce qui précède est une analyse très
brève d'un certain nombre de problèmes sur lesquels je voudrais
poser des questions. Mais, auparavant, je voudrais poser une question sur la
nature de ce mémoire. Vous dites que c'est un mémoire qui est
présenté par l'Association des démographes du
Québec. Je voudrais poser la question suivante: Est-ce que ce
mémoire a été soumis à l'assemblée des
démographes du Québec, de votre association, pour
approbation?
M. Pierard: Non. C'est sur la demande de l'assemblée
générale, demande qui avait d'ailleurs été
prévue par le bureau de direction de l'association, que ce
mémoire a été préparé par un comité
ouvert, composé d'ailleurs de plusieurs personnes. Il y en avait,
à ma connaissance, au moins une douzaine. Ce mémoire n'a pas
été textuellement présenté à
l'assemblée générale, bien entendu, mais il
représente certainement l'opinion de la très large
majorité de nos membres.
M. Raynauld: Si le mémoire n'a pas été
présenté à l'assemblée, comment pouvez-vous dire
qu'il représente la très large majorité et comment
pouvez-vous dire que c'est un mémoire de l'Association des
démographes du Québec? Je pensais qu'il s'agissait d'une
association professionnelle.
M. Pierard: II s'agit d'une association professionnelle.
M. Raynauld: Une association professionnelle ne présente
pas de position politique, à ma connaissance.
M. Pierard: Cela dépend de la définition que l'on
attache à une association professionnelle d'une part. D'autre part, pour
répondre à votre autre question, c'est par consultation avec nos
membres que nous savons tout de même que la très large
majorité l'approuve, la consultation préalable et
postérieure à la rédaction.
M. Raynauld: Vous avez dit que c'était un comité de
douze personnes...
Une Voix: Je voudrais rassurer le député
d'Outremont...
M. Raynauld: ...que vous avez 135 membres dans votre association
et cela n'a pas été soumis à votre association.
M. Pierard: Cela n'a pas été soumis aux 135 membres
effectivement.
M. Raynauld: C'est ce que je voulais savoir.
M. Pierard: Mais cela a été soumis à une
large fraction de notre association.
M. Raynauld: Très bien, merci beaucoup.
Je vais maintenant passer au contenu du mémoire. En page 2, vous
faites état d'immigration. Sous le titre d'immigration, vous donnez des
statistiques sur les immigrants en provenance de pays étrangers. Vous
dites: C'est depuis 1968... Est-ce que vous auriez les statistiques qui nous
donnent ces proportions en fonction des années où il serait
montré, par exemple, que ces proportions changent
considérablement d'une année à l'autre?
Comme je les ai vérifiées, je vais vous donner les
réponses d'ailleurs. Les immigrants en provenance de pays
étrangers qui sont de langue maternelle française sont en hausse
et ceux qui sont de langue maternelle anglaise sont en baisse, ceux qui sont
d'autres langues sont également en baisse. Est-ce que vous êtes
capable de confirmer ça?
M. Maheu: Les données les plus récentes vont dans
ce sens. Ce que nous avons cité, c'est une évaluation faite
à la direction de la recherche du ministère de l'Immigration, les
données publiées par le ministère québécois
ou fédéral de l'Immigration ne portent pas directement sur la
langue maternelle des immigrants. On les connaît, soit par pays de
dernière résidence, ou selon leur connaissance des langues
officielles, de telle sorte que les données que vous citez sont de
nature différente de celles que nous citons et elles nous semblent
exactes.
M. Raynauld: Ce que je veux faire ressortir évidemment
ici, c'est qu'il s'agit bien de moyennes sur une période de 1968
à 1975 ou quelque chose comme ça, mais sans indication de
tendance. Est-ce que vous ne pensez pas que les tendances seraient plus
importantes que les moyennes?
M. Maheu: Nous avons cité un chiffre qui nous semblait
relativement récent, qui portait sur un groupe
d'années, ce qui tend à éliminer des variations
aléatoires. Si M. le député d'Outremont connaît bien
les chiffres, il saura que ces données que nous avons citées
représentent une amélioration sur des données
antérieures, de telle sorte que nous ne croyons pas avoir faussé
la réalité.
M. Raynauld: Non, ce qui est indiqué, c'est que ça
donne l'impression que cette proportion de 20% d'immigrants de langue
maternelle française doit demeurer. C'est ça que ça donne
comme impression dans le mémoire et ce n'est pas vrai.
M. Maheu: Nous ne croyons pas avoir donné cette
impression, si vous l'avez eu, je pense que vous êtes responsable de vos
propres impressions.
M. Raynauld: Je suis un lecteur de votre mémoire, je ne
peux pas inventer autre chose que de lire le mémoire. Peut-être
que ce sont des impressions personnelles, c'est bien exact.
M. Veltman: Excusez, M. le député. On a
décrit la situation telle qu'elle a été jusqu'ici.
M. Raynauld: Non, non, monsieur, non, monsieur. Ce n'est pas
à moi que vous allez dire une chose pareille. Vous prenez des moyennes
de 1968 à 1975...
M. Veltman: Oui.
M. Raynauld: ...je pourrais vous en donner de 1970 à 1975
qui vous donneraient des impressions tout à fait différentes de
celles-là. Je vous ai demandé simplement s'il n'y aurait pas eu
lieu de montrer des tendances au cours des années. Je pense que c'est
incontestable que les tendances auraient ajouté quelque chose à
l'image qui est donnée ici. Je ne dis pas que c'est faux du tout, au
contraire, je dis simplement que l'image qui est donnée est une image
qui pourrait être améliorée de beaucoup.
Passons à la page 3. Vous avez des migrations interprovinciales.
Vous avez un tableau entre 1966 et 1971, d'une part, et ensuite, vous en
arrivez aux migrations nettes. Evidemment, entre les deux tableaux, vous dites:
"II serait donc intéressant de disposer d'un bilan net des
échanges migratoires du Québec avec l'extérieur pour
chacun des groupes linguistiques et c'est ce que nous présentons au
tableau 2."
Evidemment, il est évident que le tableau 2 se rapporte à
la période 1961-1971. Le tableau no 1 se rapporte à la
période 1966-1971. Je voudrais demander, étant donné que
le tableau no 2 provient de l'étude de M. Maheu, qui est devant nous et
qu'on peut bénéficier de son expertise, s'il ne pourrait pas nous
dire si, en prenant une moyenne de 1961 à 1971, il ne pourrait pas
encore, comme il l'a fait précédemment à plusieurs
reprises en réponse aux questions du ministre, nous dire que si la
période avait été divisée autrement, on n'aurait
pas eu une image bien différente de ce tableau et, en particulier, si on
avait des migrations nettes selon la langue maternelle pour après 1971,
est-ce que ce ne serait pas également très différent du
tableau?
M. Maheu: La question est multiple et appelle une réponse.
Cette migration nette a été établie pour la période
1961 à 1971 pour des raisons techniques. Je dois expliquer comment cela
a été établi, puisqu'on n'a aucune source de
données directes sur cette matière. Nous connaissions la
population répartie selon la langue maternelle au recensement de 1961 et
1971, et c'est en appliquant des taux de survie appropriés à la
population, selon la langue maternelle de 1961 et en comparant les
résultats ainsi obtenus aux résultats observés en 1971 que
nous avons pu établir ce bilan.
Il était techniquement impossible d'établir un bilan
complet pour une autre période.
Je continue ma réponse, puisque la question allait
au-delà. Cette période de 1961 à 1971 a connu un certain
nombre de variations en ce qui concerne la migration nette pour l'ensemble.
Comme je l'ai dit précédemment, les dernières
années de cette décennie ont connu une migration nette
négative. Dans ce cadre-là, on a l'impression qu'au niveau des
dernières années de cette période, de même que pour
les deux années qui ont suivi les recensements de 1971, il est possible
que durant cette période, la migration nette du groupe de langue
maternelle anglaise ait pu, effectivement, être négative. Ce n'est
pas une certitude toutefois.
En ce qui concerne les années les plus récentes, depuis
1974, la migration nette est redevenue positive et pour toutes les
périodes antérieures qu'on a pu évaluer au cours
desquelles la migration nette était positive, on observait
généralement, pour le groupe de langue maternelle anglaise, une
migration nette légèrement positive.
M. Raynauld: Evidemment, vous vous rendez compte que ces chiffres
où on dit que la migration nette est positive pour des anglophones, des
Anglais, suivant la langue maternelle, des anglophones je suppose et ensuite
pour des Français qui seraient de moins 43 000...
Est-ce sur une base annuelle ou est-ce pour toute la période?
C'est une somme pour les dix ans?
M. Maheu: C'est pour l'ensemble des dix années.
M. Raynauld: Pour l'ensemble des dix années.
M. Maheu: En d'autres mots, il y a, durant cette période,
beaucoup d'anglophones qui sont entrés au Québec, mais
également beaucoup qui sont partis, ce qui a laissé à ce
groupe un bilan net assez faible.
M. Raynauld: Vous dites qu'il n'y avait pas d'autres
méthodes et que c'est pour cette raison que vous avez pris la
période 1961-1971. J'ai ici l'étude de M. Lachapelle qui donne un
bilan migratoire, entre 1966 et 1971, pour les personnes qui ont entre 20 et 59
ans en 1971. Vous connaissez cette étude. Bien entendu, en nombre
absolu, on a une image qui est complètement inverse, où on a,
pour les migrations d'anglophones, moins 27 000 sur la période et pour
les francophones, moins 8 900, ce qui change toute la situation.
Etant donné ce que vous nous avez dit tout à l'heure,
qu'il n'y avait pas moyen de calculer autrement, est-ce pour cela que vous avez
pris cette période? Trouvez-vous que la méthode choisie par M.
Lachapelle dans ce tableau particulier, le tableau J de l'étude que vous
connaissez, est une méthode fautive? Est-ce que...
M. Maheu: Si M. le député a bien regardé
notre mémoire, il a dû voir que le tableau no 1 resssemblait
beaucoup aux données de M. Lachapelle. Les données de M.
Lachapelle, si on regarde bien ce qu'il a écrit et je vous invite
à le lire, puisque vous semblez apprécier son étude
portent sur des migrations interprovinciales seulement. Ces données
proviennent de la réponse à la question du dernier recensement:
Où habitiez-vous au 1er juin 1966?
Dans le cadre de données de ce type, on ne peut pas
connaître les départs vers des pays autres que le Canada, de telle
sorte que nos chiffres présentent un bilan de l'ensemble des mouvements
migratoires, des entrées au Québec, d'où qu'elles
viennent, des autres provinces ou de d'autres pays, et des départs du
Québec, où qu'ils aillent, vers d'autres provinces ou vers
d'autres pays, de telle sorte que les données que nous avons
présentées sont plus complètes.
M. Raynauld: Pour les concilier, pour en arriver à votre
tableau 2, 1961-1971, il faudrait que les francophones sortent beaucoup du pays
et que les anglophones sortent très peu. Est-ce que c'est une
hypothèse vraisemblable?
M. Pierard: Ou encore que les migrations anglophones soient
importantes, plus importantes, que les migrations francophones. Il faut,
effectivement, que les migrations francophones soient relativement importantes.
Mais il y a aussi un facteur d'immigration qui entre en ligne de compte.
M. Raynauld: Si on s'en tient à votre tableau 1 alors,
où on a les migrations interprovinciales seulement en 1966-1971, vos
migrations nettes donnent une image un peu différente de votre tableau
2.
On aurait pu dégager des migrations nettes de votre tableau 1, en
faisant la différence. Vous auriez eu moins 11 000 à peu
près et vous auriez eu, pour les anglophones, moins 47 000.
M. Maheu: II devait manquer deux éléments
importants, à savoir les entrées au Québec de personnes en
provenance d'autres pays et les sorties du Québec vers d'autres pays
qui, elles ne sont pas connues directement.
M. Raynauld: Est-ce que les migrations extérieures,
internationales sont plus grandes que les migrations interprovinciales en ce
qui concerne en particulier les sorties?
M. Maheu: C'est une chose qui a varié selon les
périodes. En gros, on peut dire que les ordres de grandeur sont
comparables. C'est une réponse qui pourrait éventuellement
être nuancée, si on voulait présenter la situation pour
certains groupes d'âges en particulier.
M. Raynauld: Je retiens de votre tableau 2, qu'il a pu y avoir
des changements au cours de la période 1961-1971 qui donneraient une
image différente de celle-ci. Est-ce que c'est exact, si je retiens
également que pour la période après 1971, vous n'avez pas
de méthode directe pour le calculer, que cela puisse aussi être
très différent de cela? Je ne parle pas de 1975-1976 où
les migrations ont été de nouveau positives, mais de la
période 1968-1973 où cela a été très
fortement négatif comme migration. Lorsque évidemment on
mêle en 2, je ne veux pas vous faire de reproche en disant cela, s'il n'y
avait pas d'autre méthode pour le calculer, mais je dis vous avez une
période 1961-1971 où vous avez une forte migration positive au
début des années soixante et une forte migration négative
à la fin... Evidemment, cela donne de curieuses de moyennes.
M. Maheu: Nous croyons qu'en l'occurrence, le mieux est de se
baser sur la situation la plus récente où la migration nette est
redevenue positive. Enfin, nous avons présenté des données
qui couvraient une période de dix ans, croyant ainsi présenter
une espèce de moyenne. Il en existe aussi pour la période
antérieure de 1951 à 1961 qui, en ce qui concerne les
anglophones, allaient dans le même sens.
M. Raynauld: Quelles sont les hypothèses que vous faites
pour essayer de prévoir quelles vont être les migrations à
l'avenir? Sur quel facteur vous basez-vous pour établir cela, pour
savoir, par exemple, s'il y a des chances que les migrations positives de 1975
à 1976 se maintiennent à l'avenir par rapport aux migrations
négatives qu'il y avait avant? Avez-vous un modèle qui puisse
permettre d'attacher de l'importance au fait que les migrations sont redevenues
positives?
M. Maheu: Dans le cadre des projections démographiques, la
migration est un des facteurs les plus difficiles à prévoir. Il
arrive même que, dans ces circonstances, nous consultions des
économistes. Je pense que vous avez déjà été
dans ce cadre-là consulté et que vous n'avez pu donner votre
opinion. Il nous semble donc très difficile de prévoir ce qui
pourrait en être dans l'avenir. Si on essaie de tenir compte des effets
éventuels du projet de loi 1 sur les courants migratoires, il nous
semble possible qu'il y ait effectivement une migration nette négative
pour le groupe anglophone et ceci ne devrait pas menacer la survie du groupe en
question, à moins de faire des hypothèses absolument
invraisemblables.
M. Raynauld: Alors, les facteurs économiques, pour vous,
n'ont pas une très grande importance là-dessus, vous revenez tout
de suite au bill 1.
M. Maheu: C'est précisément...
M. Raynauld: Vous ne mettez pas d'association, par exemple, entre
le fait qu'entre 1968, 1971 et 1972, il y a eu une récession au
Québec et qu'il y a eu des migrations négatives et qu'en 1973,
1974, 1975, on était dans une période d'expansion où il y
a eu des migrations positives et que là, cela va beaucoup
dépendre de l'hypothèse que vous faites en ce
qui concerne l'activité économique au Québec.
Comment pouvez-vous dire aujourd'hui que c'est très important que ce
soit redevenu positif tout à coup, si vous ne faites pas
d'hypothèse sur le genre d'activités économiques qu'on va
avoir?
M. Pierard: Ecoutez, il est extrêmement compliqué et
même presque impossible de faire des hypothèses réalistes
concernant le mouvement de migration. Je vais vous expliquer pourquoi. Parce
que ces mouvements dépendent, à la fois de la situation
économique du Québec et de la situation économique des
pays d'accueil ou de départ pour les immigrants, selon le cas. Dans ces
conditions, il est effectivement très difficile de faire des
hypothèses, même des hypothèses réalistes, parce
qu'on ne sait jamais comment cette situation économique mondiale va
évoluer dans l'avenir.
M. Raynauld: C'est exactement ce que je voulais vous faire dire,
parce que, tout à l'heure, en réponse à une question du
ministre, on a dit qu'effectivement, il n'y avait pas de difficulté,
qu'il n'y avait pas de problème pour l'avenir non plus, que ce
n'était pas un Québec qui était fermé, etc. Alors,
vous me dites que vous n'êtes pas capable de prévoir cela. Je suis
d'accord avec vous.
M. Pierard: Avez-vous imaginé ce que pouvait
représenter l'immigration d'un million de personnes?
M. Raynauld: Pardon?
M. Pierard: Pouvez-vous imaginer ce que représenterait
l'immigration d'un million d'individus anglophones?
M. Raynauld: J'espère que cela n'arrivera jamais.
M. Pierard: Pardon?
M. Raynauld: J'espère que cela n'arrivera jamais. Je ne
sais pas pourquoi vous me posez cette question.
M. Veltman: On n'a pas dit exactement cela. On a dit: Pour autant
que la langue anglaise est la langue payante au Québec, on va avoir des
transferts d'allo-phones vers les communautés anglophones, s'ils sont
obligés d'aller à l'école française ou non. Si on
garantit à ces enfants une éducation en anglais langue seconde,
on s'aide.
M. Raynauld: Bon, cela va. Sur les transferts linguistiques,
maintenant, je voulais justement arriver à cette question, vous avez
aussi des facteurs qui déterminent les transferts linguistiques? Quels
sont-ils? Qu'est-ce qui détermine les transferts linguistiques? Parce
que, là aussi, vous faites des affirmations là-dessus, et
j'aimerais savoir sur quoi cela repose.
M. Veltman: L'analyse des transferts linguistiques, c'est une
partie de la démographie très jeune, parce que c'est seulement
à partir des données du recensement de 1971 qu'on a
été capable de faire ces calculs. Les données de 1971
n'ont été publiées qu'en 1974. Si le gouvernement du
Québec veut vraiment suivre l'évolution des transferts
linguistiques, il faut absolument avoir des moyens pour évaluer de temps
en temps ce qui arrive. On sait que les transferts linguistiques
s'accomplissent surtout à l'âge vers lequel les enfants quittent
le ménage familial. On sait que les transferts linguistiques
s'accroissent avec le revenu. On sait que quelques groupes ethniques, les
Allemands, les Juifs, les Hollandais, en particulier, font des transferts
linguistiques dans les générations des immigrants, tandis que
d'autres groupes ethniques font des transferts linguistiques parmi les enfants
nés au pays, comme les Italiens, les Portugais, les Grecs, par exemple.
On sait que les catholiques font des transferts vers le français
beaucoup plus que les protestants. Qu'est-ce que vous voulez que je dise? C'est
une science assez jeune, maintenant.
M. Raynauld: Alors, selon tous ces facteurs, d'après vous,
les transferts linguistiques vont continuer à aller beaucoup du
côté anglophone comme ils l'ont été dans le
passé, ou cela va changer, et même indépendamment de toute
loi?
M. Veltman: Cela va changer pour autant que l'anglais diminue en
importance pour avoir un bon revenu ou que les réseaux d'information qui
existent dans la communauté anglophone cessent de jouer un rôle
aussi capital que maintenant.
M. Raynauld: Alors, si c'est cela, du côté des
revenus, vous connaissez l'étude qui a été faite, vous en
avez fait état vous-même, vous savez que les écarts de
revenus se sont rétrécis considérablement en
1961-1971.
M. Veltman: C'est moi qui ai dit cela. Votre collègue, M.
Boulet, a trouvé que les écarts de revenus, dans certains cas,
ont diminué en pourcentage, mais pas en termes absolus.
M. Raynauld: Vous dites que la situation n'avait pas beaucoup
changé au recensement de 1971. C'est à la page 5. Cela n'avait
pas beaucoup changé. Pour les unilingues francophones, par exemple, par
rapport aux unilingues anglophones, est-ce que cela a changé, oui ou
non?
M. Veltman: A ma connaissance, il n'y a pas de données de
publiées sur cela. D'accord. Simplement...
M. Raynauld: Est-ce que votre étude est une étude
originale qui a été basée de nouvelles données?
M. Veltman: Ce sont des données inédites du
recensement du Canada.
M. Raynauld: Qui reposent sur quoi? C'est un échantillon
qui s'applique à toute la province de Québec?
M. Veltman: Chaque troisième ménage.
M. Raynauld: Chaque troisième ménage, cela
s'applique à toute la province de Québec?
M. Veltman: Oui.
M. Raynauld: Toute la main-d'oeuvre?
M. Veltman: Dans mon étude, je n'ai inclus que les
données pour la région métropolitaine de Montréal.
J'ai d'autres données, mais c'est la région de Montréal
qui est la plus intéressante du côté des différents
groupes ethniques.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député d'Outremont, je m'excuse. J'informe les membres de la
commission qu'il est maintenant 22 h 40, que le parti ministériel a pris
32 minutes, questions et réponses comprises, que le parti de
l'Opposition officielle a pris 26 minutes et, comme l'Union Nationale a
également des droits ainsi que le député de Beauce-Sud, et
compte tenu de l'heure, j'accorde maintenant la parole aux représentants
de l'Union Nationale.
M. Grenier: M. le Président, d'abord, je veux vous
remercier du dépôt de votre mémoire. Cela fait pas mal
différent des autres mémoires que nous avons puisqu'on n'est pas
encore habitué depuis le début du dépôt des
mémoires, de recevoir des chiffres. C'est quand même une
bouffée d'air frais, si vous voulez, à comparer avec les autres
mémoires, depuis le début du dépôt de ces documents,
depuis que la commission est commencée. Je vous remercie, au nom de
l'Union Nationale d'avoir accepté de paraître devant la commission
pour nous fournir ces renseignements.
Vous dites, au tout début de votre mémoire "Comme les
démographes l'ont maintes fois souligné, la chute de la
fécondité qui s'est produite depuis quinze ans a
entraîné la rupture d'un équilibre séculaire."
Est-ce que les sociologues ont établi sur quoi c'était
fondé? Est-ce que c'est un mal du siècle ou si c'est à
cause d'un Québec industrialisé? Est-ce que c'est un mal qui est
généralisé dans la société occidentale?
M. Pierard: II s'agit, en fait, d'un alignement de la
fécondité des couples les moins favorisés sur la
fécondité de l'ensemble des couples. En fait, c'est une
homogénéisation de la fécondité des
différents groupes qui constituent une population. C'est tout simplement
ça qui se passe. Alors, on s'aligne sur une fécondité
assez homogène et qui, d'ailleurs, est une fécondité assez
homogène à travers toute l'Amérique du Nord, pas seulement
spécifique au Québec, mais apparemment liée à
l'ensemble des continents, finalement.
M. Grenier: Vous ajoutez, au bas de la première page et au
début de la deuxième: "La plupart des démographes
prévoient un certain nivellement de la fécondité future,
de telle sorte que les différences de fécondité
s'atténueraient encore davantage." Sur quoi pouvez-vous vous baser pour
faire une telle affirmation?
M. Pierard: C'est justement en fonction de ce que je vous disais
il y a une seconde. C'est qu'il y a une homogénéisation constante
de la fécondité des différentes sous-populations au
Québec, si vous voulez, et donc, on présume que, dans un avenir
pas trop lointain, finalement, il n'y aura plus de différence
appréciable entre les différents groupes en cause.
M. Grenier: Vous affirmez, à la page 5, que les Anglais,
les Ecossais, les Irlandais et les Juifs semblent bénéficier d'un
réseau privilégié d'information sur la quantité et
la qualité des postes disponibles. C'est fondé, j'imagine. Ce
n'est pas...
M. Veltman: C'est une conclusion d'une étude faite par M.
Jacques-André Boulet du Conseil économique du Canada, tenant
compte de la structure linguistique du marché, de la structure ethnique
du marché et du lien entre la scolarisation et la profession dans la
détermination du revenu. Ce n'est pas moi qui ai tiré cette
conclusion, c'est M. Boulet.
M. Grenier: Oui, c'était tiré de renseignements que
vous avez perçus.
M. Veltman: Oui.
M. Grenier: Bon! Je crois que c'est M. Maheu, celui du centre.
Non?
M. Pierard: Pierard.
M. Grenier: Vous avez affirmé tout à l'heure que la
disparition de la communauté anglophone est absolument impossible au
Québec. J'imagine que ça, c'est basé sur des
données.
C'est basé d'abord sur le texte du projet de loi qui est devant
nous et vous avez tenu compte, bien sûr, de l'article 52, ce qui fait que
les immigrants ne seront à peu près plus incorporés
à la communauté canadienne-anglaise, ce qui fait que les parents
qui sont de mariage mixte de culture alors que le père est un
anglophone, on sait que les enfants s'incorporent à la communauté
canadienne-française en général et qui suivent la langue
maternelle et les difficultés qu'on va avoir en province,
à l'extérieurde Montréal, à conserver au moins pour
la deuxième génération, cette incorporation possible
à l'école anglaise.
M. Pierard: C'est basé effectivement sur un ensemble
d'hypothèses que l'on peut construire sous forme de scénario, si
vous voulez, et en tenant compte également d'autres facteurs tels la
vivacité dont je parlais tout à l'heure de cette minorité
anglophone au Québec qui est très percutante et qui,
actuellement, nous vaut quand même une force d'attraction que le
français est très loin d'avoir. Je pense que les
éléments auxquels vous faisiez référence dans votre
question, vont peut-être tendre à atténuer cette forte
attraction, mais je doute beaucoup que ces éléments disparaissent
totalement.
M. Grenier: J'aimerais connaître et vous avez
peut-être des chiffres là-dessus quelle serait la
différence si les Canadiens des autres provinces avaient la
liberté de choix d'incorporer l'école anglaise en venant au
Québec? Y aurait-il un fait assez différent?
M. Pierard: Pourriez-vous répéter, s'il vous
plaît?
M. Grenier: Si les Canadiens des autres provinces, avec la loi
1... Dans le moment... les Canadiens des autres provinces n'auront
peut-être pas le choix en arrivant au Québec d'aller à une
école anglaise ou française. S'ils avaient le choix de
s'incorporer à la communauté canadienne-anglaise en arrivant au
Québec, ce fait déséquilibre-t-il pour la peine...
M. Maheu: Quant à nous, nous ne connaissons pas, pour
l'instant d'études publiques sur le sujet. Je ne peux vous donner qu'un
élément de réponse. Si j'ai dit tantôt au
député d'Outremont que l'immigration en provenance de
l'étranger ou des autres provinces pouvait se comparer, lorsqu'on
regarde le groupe d'âges visé par le projet de loi no 1,
c'est-à-dire à peu près les 5-14 ans qui correspondent
à peu près aux niveaux primaire et secondaire, il est certain
qu'au sein de ce groupe d'âges, dans le passé je dis bien
dans le passé les gens en provenance des autres provinces sont
surreprésentés par rapport à ceux qui nous viennent de
l'étranger et il s'agit à peu près des deux tiers en ce
qui concerne les anglophones qui viennent d'autres provinces pour un tiers qui
viennent de pays étrangers.
M. Grenier: Deux tiers pour un tiers. M. Maheu: Oui.
M. Grenier: Réalisez-vous que c'est principalement
à Montréal que ces deux tiers vont...?
M. Maheu: Je pense que la région de l'Outaouais est assez
célèbre aussi. Enfin, on a l'impression qu'il y a deux
régions principales qui sont celles de Montréal et de
l'Outaouais.
M. Grenier: A cause du milieu des fonctionnaires.
M. Maheu: C'est bien cela.
M. Grenier: Vous avez parlé tout à l'heure
d'espérance de vie jusqu'en 1971 pour les différentes
communautés. J'aurais aimé que vous nous donniez aussi les
chiffres si c'était possible de 1971 à 1976
de l'espérance de vie chez les Canadiens français.
M. Maheu: Malheureusement, nous ne pouvons pas en donner. Pour
obtenir des chiffres de cette nature, il faut connaître essentiellement
deux types de données.
D'abord il faut connaître la population à un recensement
distribué par origine ethnique, par sexe et par groupe d'âge, et
il faut également connaître la répartition des
décès selon les mêmes catégories, ce qui fait que de
tels calculs ne sont possibles que pour les années de recensement qui
comportent une question sur l'origine ethnique en ce qui concernait le
passé, puisqu'on avait aussi des données sur les
décès selon l'origine ethnique. En ce qui concerne l'avenir, il
semble clair qu'il faudra attendre le recensement de 1981 avant de pouvoir
faire de nouveaux calculs.
M. Grenier: Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a au
ministère des Affaires sociales des indications très
précises sur l'espérance de vie. Vous ne vous êtes pas
servis de ces données parce qu'on sait qu'il y a un changement important
de 1970, par exemple, à 1976. Est-ce que, pour vous, ce sont des
données valables, ce qu'on peut avoir au ministère des Affaires
sociales?
M. Maheu: Ce sont des données très valables, qui
indiquent...
M. Grenier: On peut donner jusqu'en 1971 et on sait qu'il y a un
changement important.
M. Maheu: Si vous connaissez bien les données du
ministère des Affaires sociales que je pense connaître un peu,
vous saurez que la dernière table de mortalité qui a
été publiée porte sur les années qui vont de 1972
à 1974, que ces données portent sur l'ensemble de la population,
donc une population qui n'est pas distribuée par origine ethnique ni par
langue, qu'on a observé globalement pour les femmes une petite
augmentation de l'espérance de vie à la naissance, donc de 1971
en moyenne à 1973 en moyenne, que, pour les hommes, l'augmentation
était extrêmement faible et qu'elle n'était pas
significative, statistiquement parlant. Mais si vous voulez connaître les
tendances, je peux ajouter que les écarts d'espérance de vie,
selon l'origine ethnique, ont augmenté entre 1961 et 1971.
M. Grenier: Si vous permettez, M. le Président, je
garderai une minute ou deux pour le chef de l'Union Nationale, qui aurait une
question à poser.
Le Président (M. Cardinal): J'accorde, disons, une minute,
une minute et demie.
M. Biron: Une seule question.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Biron: A la page 3, je vois des tableaux qui sont très
intéressants, qui parlent de 1966 à 1971. Est-ce qu'il y a
quelque chose qui pourrait être disponible au cours des prochains mois
pour avoir les chiffres entre 1971 et 1976?
M. Maheu: Malheureusement, Statistique Canada n'a pas cru bon de
retenir une question semblable pour le rensencement de 1976, ce qui fait qu'il
faudra attendre que les données du recensement de 1981 soient
disponibles, c'est-à-dire vers 1983 à peu près.
M. Biron: Vous n'ignorez pas qu'il y a eu des changements majeurs
dans cette présentation de chiffres de 1971 à 1976, ce qui
pourrait influencer grandement notre décision vis-à-vis de cette
nouvelle loi.
M. Maheu: Comme j'ai tenté de l'expliquer tantôt au
député d'Outremont, nous pouvons faire des évaluations
pour certaines périodes en fonction des données qui sont
disponibles. Cette période de 1966 à 1971 n'est pas non plus une
période homogène. De
même, la période plus récente depuis 1971 n'a pas
non plus été homogène. Donc, tout ce qu'on sait, c'est
que, globalement, la migration nette a été à nouveau
négative entre 1971 et 1976 mais qu'elle était positive pour les
dernières années.
En ce qui concerne la composition linguistique de cette migration nette
pour les dernières années, nous ne la connaissons pas et nous
croyons qu'il serait important que le Conseil consultatif de la langue
française tente de l'établir.
M. Biron: Vous croyez que ce serait véritablement
important d'avoir ces chiffres précis.
M. Maheu: Dans le cadre du débat actuel, nous avons
noté qu'on utilisait de part et d'autre des arguments de nature
démographique et en particulier qu'on faisait explicitement ou
implicitement toutes sortes d'hypothèses sur ce qui arriverait suite
à l'entrée en vigueur de la loi 1. Nous disons que l'attitude la
plus sage est de s'organiser pour être en mesure de mesurer effectivement
ce qui se produirait.
Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je pense que le
mémoire qui est devant nous à la commission nous donne, par les
chiffres qui sont inclus, un éclairage tout à fait important pour
les membres de la commission. Je voudrais en profiter pour féliciter
ceux qui l'ont préparé, qui nous l'ont présenté, de
leur contribution pour faire avancer nos travaux et éclairer davantage
les membres de la commission.
Dans votre tableau 1, vous parlez de l'entrée au Québec
d'immigrants anglais, français ou autres et vous parlez également
de sortie du Québec. Pour ce qui concerne la sortie de francophones du
Québec, est-ce que vous avez des études détaillées
qui peuvent nous expliquer de quelle région en particulier partent ceux
qui émigrent du Québec? A quelle catégorie de
travailleurs, par exemple, appartiennent-ils et quelles sont les raisons pour
lesquelles les francophones quittent le Québec?
Est-ce que vous avez des données, est-ce que vous avez fait des
études à ce niveau-là?
M. Maheu: Je vois que votre soif de connaissance est très
grande. Malheureusement, je ne connais pas d'évaluation des mouvements
intermigratoires selon la langue maternelle, selon la région très
précise d'origine, mais on pourrait tenter de faire certaines
évaluations, comme celles du tableau 2, pour certaines régions.
Ceci est techniquement possible. A ma connaissance, cela n'a pas
été fait; cela a été fait seulement pour l'ensemble
du Québec.
Par contre, il y a un certain nombre d'études qui ont
établi, sans caractéristiques de langue ou d'origine ethnique, la
migration nette, pour diverses régions ou périmètres
urbains ou municipalités, je pense en particulier à des
études faites au Bureau de la statistique du Québec.
M. Roy: En somme, vous ne pouvez pas nous donner à ce
moment-ci, au niveau de la commission, beaucoup plus d'éclairage que ce
qui est inclus dans votre mémoire, à ce niveau?
M. Maheu: Je le regrette.
M. Roy: Est-ce que vous avez fait des études aussi
vous avez parlé beaucoup et je tiens à vous en féliciter,
parce que je pense que vous êtes à peu près le premier
organisme qui nous ramène à la grande réalité, la
réalité économique sur la langue et les mouvements
de population?
Cela m'amène à rappeler à l'honorable ministre que
l'état de l'économie québécoise, beaucoup plus que
la loi 1, va contribuer à l'épanouissement culturel et social des
Québécois.
Ceci ne m'empêche pas de souscrire aux objectifs fondamentaux du
projet de loi. J'aimerais savoir si vous avez fait des études
également sur l'influence que peuvent avoir les politiques sociales, les
politiques familiales, puisque vous avez fait largement état de la
fécondité au Québec. On sait très bien que, pour
les familles, pour les couples, cela a une influence assez considérable,
les politiques sociales, les politiques familiales. Est-ce que vous avez des
études?
M. Veltman: A ma connaissance, non. Mais il faut dire aussi que
c'est une commission parlementaire, pour étudier un projet de loi, qu'on
nous pose des questions. On n'a pas de données pour répondre
à ces questions. On n'a pas un institut de recherche qui fait des
démarches dans ce domaine. On demande des choses après
s'être lancé dans un processus et il faut qu'on établisse
au Québec un organisme qui fasse des recherches relatives à des
effets probables de telle ou telle chose.
M. Roy: Remarquez bien que je ne cherche pas à vous faire
des reproches, au contraire. Etant donné que cela a des incidences
directes sur la démographie, on est en droit, je pense, de demander
à des démographes professionnels s'ils ont de telles
données, s'ils ont des études de faites, de façon à
pouvoir demander si, justement, on serait en mesure de nous faire parvenir ces
études, ces mémoires, pour l'éclairage des membres de la
commission.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud, justement...
M. Roy: J'ai une dernière question, M. le
Président. On a permis au gouvernement de dépasser de sept
minutes.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Roy: On a dépassé de trois minutes du
côté de l'Opposition officielle. Juste une dernière
question.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud, je n'ai pas dit que vous aviez dépassé votre temps.
Je voulais simplement vous prévenir qu'il vous restait le temps d'une
question. Je n'ai pas l'intention de brimer vos droits et je veux simplement
demander tout de suite à la commission si on m'ac-
corde un consentement pour qu'on continue au moins jusqu'à 23 h
10. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Roy: M. le Président, je n'ai plus de questions.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud...
M. Roy: Je savais que je n'avais qu'une question et me faire
interrompre à chaque fois pour me faire dire qu'il ne me reste que le
temps d'une question, c'est une chose, M. le Président, qui me
déplaît souverainement.
Une Voix: Oh!
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud...
M. Roy: Je n'ai plus de questions à poser, c'est mon droit
de ne plus en poser.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Beauce-Sud, quand même, vous me permettrez une
remarque. J'ai toujours prévenu chacun des partis qu'il restait tel
temps à sa disposition, justement pour ne prendre personne par
surprise.
M. Roy: M. le Président, sur le point de
règlement...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député.
M. Roy: ...j'ai été parrain de la motion et je me
suis accordé à moi-même cinq minutes. Je suis conscient que
cinq minutes, c'est très court. Me faire couper la parole après
quatre minutes, cela me déplaît souverainement, je tiens à
vous le dire.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. Y a-t-il consentement pour continuer
pendant cinq minutes?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Dans les
circonstances, vu qu'il n'y a plus de questions à poser, je vais
remercier les représentants, les porte-parole de l'Association des
démographes du Québec au nom de la commission et je vais inviter
immédiatement, avant l'ajournement, M. Burford Charles Norman.
Merci!
M. Norman, je vous prierais de vous identifier. Vous comprenez bien
qu'à cette heure-ci...
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Cardinal): ...vous n'aurez pas le temps
de présenter votre mémoire. Je vous permets cependant de dire
quelques mots et je devrai ensuite ajourner la séance. Je vous demande
tout de suite si vous êtes disposé à venir avec nous demain
matin à la reprise des travaux.
M. Norman (Burford Charles): Certainement, M. le
Président. Exactement.
Le Président (M. Cardinal): M. Norman, si vous voulez vous
identifier, s'il vous plaît.
M. Norman: Oui.
Le Président (M. Cardinal): Parlez devant le micro, s'il
vous plaît. Oui.
M. Norman: Mon nom, c'est M. Norman. M. le Président,
voulez-vous que je lise le mémoire maintenant ou demain matin?
Le Président (M. Cardinal): Je préférerais
demain matin, parce qu'il est vraiment passé 23 heures.
M. Norman: Demain matin, c'est parfait pour moi.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Sur ce, je
déclare que les travaux de cette commission parlementaire sont
ajournés sine die, c'est-à-dire qu'ils reprendront demain
après les affaires courantes de l'Assemblée nationale, Merci,
monsieur.
(Fin de la séance à 23 h 1)
ANNEXE
L'IMPACT SUR L'ENSEIGNEMENT DU PROJET DE LOI NO 1
VISANT PLUS PARTICULIEREMENT LA REGION DE L'OUEST DU QUEBEC
MEMOIRE PRESENTE A LA COMMISSION PARLEMENTAIRE DE
L'ASSEMBLEE NATIONALE DU QUEBEC
PAR LA COLLECTIVITE ANGLOPHONE D'EDUCATION DE L'OUEST
DU QUEBEC
JUIN 1977 RESUME
Ce Mémoire analyse, dans les contextes historique et actuel, les
implications des Articles 51, 52 et 59 sur la langue de l'enseignement
vis-à-vis l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne.
Il étudie les ramifications du Projet de loi no 1 sur les peuples
indigènes et sur l'enseignement et la communauté anglophones, et
conclut que les répercussions de ce Projet de loi seront ressenties
encore plus vivement dans le système d'enseignement francophone et chez
le peuple canadien-français majoritaire au Québec, risquant
d'engendrer des résultats imprévus très
sérieux.
Le Mémoire conclut que deux erreurs politiques fondamentales se
sont glissées dans les mesures proposées par le Projet de loi no
1 pour en arriver à son but légitime de protéger la
société québécoise. La première est celle de
postuler que la contrainte législative, sans égard aux
aspirations des citoyens impliqués, est justifiable en soi. La
deuxième est celle de prétendre que l'on peut rejeter ou
neutraliser, avec impunité, au moyen d'une nouvelle loi, des droits
acquis et des lois depuis longtemps admises et respectées.
Le Mémoire recommande que les mesures proposées dans le
Projet de loi no 1 soient révisées pour tenir compte de la
réalité québécoise et canadienne et des principes
démocratiques qui en sont la pierre angulaire.
Le Mémoire propose et soutient qu'à titre de
Québécois et non seulement d'anglophones
québécois nous tenons tous à participer, en tant
qu'égaux, à la formation et à l'évolution d'une
société québécoise riche et fière. Le
succès ou l'insuccès de ce projet se mesurera au degré de
participation de tous les citoyens de la Province.
AVANT-PROPOS
Ce MEMOIRE se propose d'étudier la Charte de la langue
française au Québec, Projet de loi no 1 de la Trente et
Unième Législature, pour en évaluer les difficultés
suscitées par les Articles touchant l'enseignement, portant une
attention particulière à l'Ouest du Québec et aux
ramifications de ces Articles sur la "qualité de la vie" de tous les
Québécois.
Le Comité est d'avis que l'adoption d'une politique aussi
novatrice et importante, qui touche directement chacun des citoyens du
Québec, risque d'engendrer de fortes tensions négatives. Si l'on
regarde la loi 22, adoptée par la Trentième Législature de
l'Assemblée nationale du Québec, sans égard aux
inquiétudes de ses citoyens, l'on se rappellera que cette loi n'est
demeurée en vigueur que 840 jours; de plus, notre société
québécoise en ressent encore aujourd'hui les ruptures et les
torts.
Nous demandons par conséquent que la Commission parlementaire de
l'Assemblée nationale veuille bien redoubler de vigilance en revoyant
ces articles du Projet de loi que nous considérons, toutes
révérences gardées, comme contenant des
éléments répressifs et gros de conséquences.
CHAPITRE PREMIER Commentaires sur le préambule
du projet de loi no 1
Telles qu'énoncées dans le Préambule, nous jugeons
dangereuses les prémisses sur lesquelles repose le Projet de loi en ce
qui a trait aux mesures proposées pour l'enseignement.
Au premier paragraphe, il est indiqué que l'Assemblée
nationale "constate que la langue française est, depuis toujours, la
langue du peuple québécois et que c'est elle qui lui permet
d'exprimer son identité."
II est clair que ne sont pas reconnus comme "Québécois"
tous ces résidents qui forment eux aussi en quelque sorte la "toile de
fonds" de notre société québécoise, ces
résidents de descendance amérindienne, anglaise, irlandaise et
écossaise comptés parmi les premiers défricheurs du sol
québécois, ou ces Loyalistes de l'Empire Uni qui, il y a 200 ans,
ont quitté les Etats-Unis pour venir s'établir librement en terre
canadienne-française.
A notre grande stupéfaction, ce Projet de loi se permet un
sophisme dangereux. Sont vrais citoyens seuls ceux qui composent la
majorité ethnique du Québec. Nous sommes attristés et
craignons les implications possibles d'un Projet de loi qui affirme dans son
Préambule que tous les autres citoyens, dits "les minorités", ne
font que participer "...au développement du Québec" et ne peuvent
appeler le Québec "mon pays", ma patrie.
CHAPITRE II Réflexions générales sur les
articles touchant l'enseignement 1. L'un des buts du Projet de loi no 1,
clairement énoncé au Préambule, se lit comme suit: "...
faire du français la langue de l'Etat et de la Loi aussi bien que la
langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement et des
communications." 2. Pour en arriver à cette fin, le Projet de loi
propose les mesures suivantes: augmenter la population francophone du
Québec par l'intégration obligatoire au système
d'enseignement français des enfants issus de parents immigrant d'autres
pays, d'autres provinces et des territoires du Canada, défendre
aux Québécois de langue maternelle française de s'inscrire
aux écoles anglaises, exiger que toutes les communications
officielles des commissions et administrations scolaires de langue anglaise
soient rédigées en français d'ici à la fin de
l'année 1983, insister que toutes les écoles
d'enseignement francophones utilisent et transmettent une terminologie
française précise et améliorée dans les
métiers, les techniques et les professions, s'ingérer dans
le libre choix de la langue d'enseignement des peuples indigènes du
Québec, qui ont depuis toujours joui d'un statut légal et moral
particulier en Amérique du Nord. 3. Les mesures
préconisées ci-dessus, lesquelles seront chacune discutées
ailleurs, sont grandement répressives et soulèvent de nombreux
problèmes qui affecteront la qualité de la vie de tous les
Québécois. Elles laissent de plus entrevoir des
conséquences tout à fait à l'encontre du but premier du
Projet de loi, soit celui "... d'assurer la qualité et le rayonnement de
la langue française...". 4. Ces mesures présupposent
l'insuccès des maints efforts des derniers dix ans visant à
encourager tous les Canadiens de langue anglaise, sans égard à
leur province de résidence, à reconnaître les
revendications légitimes du Canada français
Tel n'est pas le cas. Permettez-nous de porter à l'attention de
la Commission parlementaire que de nombreux changements, théoriques et
pratiques, ont été effectués dans le domaine de
l'enseignement dans l'Ouest du Québec, tout comme à
Montréal.
Tout d'abord, des cours intensifs de langue française figurent
maintenant au curriculum des écoles élémentaires de la
Commission scolaire régionale de l'Outaouais et de l'école
secondaire régionale du Protestant Regional School Board of Western
Quebec; ces deux commissions scolaires sont responsables de la totalité
de l'enseignement des Régions 7 et 8 du Québec.
Deuxièmement, grâce à la collaboration établie entre
le ministère de l'Education et les enseignants du Western Quebec
Association, la Commission régionale de l'Outaouais a mis sur pied un
programme facultatif d'animateur unique en son genre au Canada. Ce programme a
été créé dans le but spécifique de
familiariser les écoliers du niveau élémentaire avec le
milieu culturelfrançais qui les entoure. Ce programme demeure
constamment sous observation, et ses résultats en confirment le
bien-fondé, non seulement par l'amélioration chez les
élèves de leur compréhension et de leur parler de la
langue française, mais aussi au niveau de l'interaction spontanée
entre les deux groupes.
En outre, les commissions scolaires anglaise et française se
rencontrent régulièrement pour solutionner des questions
particulières touchant les besoins des étudiants. Des
comités mixtes ont été formés pour assurer la
coopération entre les parents et les professionnels des deux commissions
en ce qui a trait à l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, au programme bilingue d'échanges étudiants, et
aux moins fortunés.
Cette coopération mutuelle est heureuse et avantageuse aux deux
systèmes d'éducation. Nous tenons à ajouter que ce
même esprit de coopération existe au sein des services sociaux de
la région depuis nombre d'années.
Ces attitudes positives et ces programmes, fruits d'efforts tout
à fait spontanés et volontaires dans l'Ouest du Québec,
vont en augmentant, ce qui démontre qu'il existe bien une solution
meilleure que celle préconisée par le Projet de loi no 1.
Le sage reconnaît la mesure d'un peuple à sa
capacité d'obéir à ce qui ne peut être
légiféré. On ne peut forcer la grandeur et l'excellence.
Toute telle tentative est vouée à l'échec car elle ne
rapporte qu'une solution de vaine médiocrité finalement
rejetée à cause de sa méconnaissance de la
réalité humaine.
CHAPITRE III
L'importance des articles
régissant les deux systèmes d'enseignement
LES ARTICLES 51, 52 et 59
Les Articles 51, 52 et 59, Chapitre VIII du Projet de loi limitent
sévèrement la liberté d'option de tous les parents
québécois dans le choix du régime d'enseignement pour
leurs enfants. Ils démontrent de plus l'indifférence du
gouvernement provincial à l'égard de la loi 50 promulguée
en juin 1975,,La Charte des droits et libertés de la personne, dont les
articles particulièrement pertinents, nos 1 à 38, seront
remplacés par l'Article 172 du Projet de loi no 1. Le Comité
discute de la loi 50 au 3e article du présent chapitre. 51.
L'enseignement se donne en français dans les écoles maternelles,
primaires et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au
présent chapitre.
Cette disposition vaut pour les écoles régies par la Loi
de l'instruction publique (Statuts refondus, 1964, chapitre 235) et pour les
organismes scolaires régis par la Loi de l'enseignement privé
(1968, chapitre 67) et déclarés d'intérêt public ou
reconnus admissibles à des subventions en vertu de cette dernière
loi. 52. Par dérogation à l'article 51, peuvent recevoir
l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur
mère: a) les enfants dont le père ou la mère a
reçu, au Québec, l'enseignement primaire en anglais; b) les
enfants qui, à la date de l'entrée en vigueur de la
présente loi, sont domiciliés au Québec, et i) qui
reçoivent déjà au Québec, l'enseignement en anglais
à l'école maternelle, primaire ou secondaire, le même droit
s'étendant à leurs frères et soeurs cadets; ii) dont le
père ou la mère est, à ladite date, domicilié au
Québec et a reçu, hors du
Québec, l'enseignement primaire en anglais.
Lorsqu'un enfant est à la charge d'un seul de ses parents, la
demande prévue au présent article doit être faite par ce
dernier. 59. Sous réserve des dispositions spéciales de la Loi de
l'instruction publique qui les concernent, les Amérindiens et les Inuit
peuvent recevoir l'enseignement dans leur langue s'ils le désirent;
sinon, les dispositions de la présente loi s'appliquent. Les
réserves ne sont pas soumises à la présente loi. 2. L'ACTE
DE L'AMÉRIQUE DU NORD BRITANNIQUE
Les auteurs du Livre Blanc, sur lequel repose le Projet de loi,
prétendent que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne
garantit que la confession des deux régimes d'enseignement et non la
langue d'enseignement. Cette prétention ne justifie aucunement les
mesures préconisées aux Articles 52 et 59 du Projet de loi.
L'A.A.N.B. assure aux systèmes d'enseignement le droit de
maintenir leur confession dans l'enseignement. Le gouvernement doit accepter,
et de fait, accepte cet article.
L'A.A.N.B. est encore plus explicite sur la question des droits
confessionnels des individus, viz. l'Article 93, sections, 1, 2 et 3: 93. Dans
chaque province et pour chaque province, la législature pourra
exclusivement légiférer sur l'éducation, sous
réserve et en conformité des dispositions suivantes: 1. Rien dans
cette législation ne devra préjudicier à un droit ou
privilège conféré par la loi, lors de l'Union, à
quelque classe particulière de personnes dans la province relativement
aux écoles confessionnelles; 2. Tous les pouvoirs, privilèges et
devoirs conférés ou imposés par la loi dans le
Haut-Canada, lors de l'Union, aux écoles séparées et aux
syndics d'écoles des sujets catholiques romains de la Reine, seront et
sont par les présentes étendus aux écoles dissidentes des
sujets protestants et catholiques romains de la Reine dans la province de
Québec;
3. Dans toute province où un système d'écoles
séparées ou dissidentes existe en vertu de la loi, lors de
l'Union, ou sera subséquemment établi par la Législature
de la province, il pourra être interjeté appel au gouverneur
général en conseil de tout acte ou décision d'une
autorité provinciale affectant l'un quelconque des droits ou
privilèges de la minorité protestante ou catholique romaine des
sujets de la Reine relativement à l'éducation.
Si le Catholique ou le Protestant opte d'inscrire son ou ses enfants
à l'un des régimes d'enseignement, catholique ou protestant, du
Québec, sa liberté de choix est garantie par l'A.A.N.B. Cette
garantie rend donc nulles les restrictions proposées aux Articles 51, 52
et 59 du Projet de loi, car ces derniers, à notre avis,
défendront à certains Protestants de s'inscrire aux écoles
protestantes anglaises. Peu importe l'interprétation accordée
à l'Article 93 de l'A.A.N.B., il est juste de proposer
qu'historiquement, la grande majorité des Protestants au Québec a
été de langue anglaise. L'Assemblée nationale du
Québec reconnaît la nature confessionnelle des deux régimes
d'enseignement à l'Article 22 de la Loi du Conseil supérieur sur
l'enseignement de 1964. Cette loi est toujours en vigueur.
Nous ne nous attaquerions pas aux articles du Projet de loi touchant
l'enseignement si la province de Québec était un état
souverain, indépendant de la constitution canadienne écrite et
sous-entendue. Mais cette souveraineté et cette indépendance des
lois du Canada ne sont pas réalité. Pour citer l'axiome anglais,
"Don't put the cart before the horse", ou français, "II ne faut pas
vendre la peau avant de tuer l'ours".
RECOMMANDATION
Le Comité recommande que toute loi adoptée par
l'Assemblée nationale du Québec soit en accord et sujette aux
lois actuelles de la fédération canadienne, telles que
consacrées par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. 3. LES
DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE
Le respect des droits et libertés de l'individu est le fondement
de toute démocratie moderne. Cette déclaration est universelle.
Cependant, elle n'a aucun sens si elle n'est placée dans son contexte
historique; alors elle prend vie et exprime toutes les vérités de
la condition humaine. C'est dans cet esprit d'idéaux
démocratiques qu'en 1861 le Québec à cette
époque le Bas-Canada reconnaissait par l'Article 55 de la Loi de
l'instruction publique (Chapitre 15 des Statuts refondus du Bas-Canada), le
droit fondamental de ses citoyens d'établir et d'assumer la
responsabilité de leurs propres écoles locales,
séparées ou dissidentes, par l'intermédiaire de leurs
Commissaires et Conseillers. La langue d'enseignement n'y est pas
mentionnée parce qu'à l'époque elle ne posait aucune
difficulté; le Conseil était plus préoccupé par la
garantie des libertés confessionnelles. Les commissions scolaires
choisissaient la langue d'enseignement selon les besoins de la
localité.
C'est dans ce même esprit que l'on a dressé l'Article 93 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Nous n'avons nullement l'intention de prendre part au débat
juridique entourant l'interprétation de l'Article 93 de l'A.A.N.B., mais
nous tenons à rappeler que le Québec depuis longtemps a
admirablement bien reconnu et respecté les libertés
confessionnelles et linguistiques de ses citoyens. A preuve la Préambule
de la loi du ministère de l'Education de 1964 qui débute
ATTENDU que tout enfant a le droit de bénéficier d'un
système d'éducation qui favorise le plein épanouissement
de sa personnalité;
ATTENDU que les parents ont le droit de choisir les institutions qui,
selon leur conviction, assurent le mieux le respect des droits de leurs
enfants;
Ce respect des droits de l'individu est consacré plus tard au
Chapitre Premier, Article 10, de la loi 50, La Charte des droits et
libertés de la personne, adoptée en juin 1975;
Toute personne a droit à la reconnaissance et à
l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de
la personne, sans distinction, exclusion ou préférence
fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la
religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou
nationale ou la condition sociale.
Les droits précités, tirés de la Charte du
Québec, sont reconnus comme idéal universel à l'Article 18
de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations
Unies:
Toute personne a le droit à la liberté de pensée,
de conscience et de religion: ce droit implique la liberté de changer de
religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion
ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par
l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
Nous soutenons que ces droits, reconnus à l'Article 10 de la
Charte du Québec, et réitérés à l'Article 18
de la Déclaration universelle des Nations Unies, sont d'importance
capitale pour l'avenir du Québec. Le choix qui se pose à l'homme
devient de plus en plus évident il doit choisir
entre un régime de répression pour atteindre ses buts
(risquant la réaction inévitable du libre penseur), ou le respect
de la personne humaine, telle qu'énoncée dans la Charte du
Québec. Vu la longue et glorieuse histoire du Québec
vis-à-vis le respect des droits de l'homme, les Articles 51, 52 et 59 du
Projet de loi no 1 nous paraissent contredire la philosophie fondamentale de
notre province. Il nous semble incroyable que le présent gouvernement
puisse indiquer aussi explicitement le poids qu'il accorde à
l'importante Charte québécoise des droits de la personne, qu'il
puisse rejeter par le nouveau projet de loi tous les articles respectant les
libertés de l'individu, i.e., ceux défendant la discrimination
fondée sur l'origine ethnique et la langue, la divulgation de
renseignements confidentiels, la discrimination dans l'embauche et la
promotion, et les droits de l'accusé. L'Article 172 du projet de loi
prévaut sur les Articles 9 à 38 de la Charte des droits et
libertés de la personne: il modifierait l'Article 52 de la loi 50
ainsi:
Les Articles 9 à 38 prévalent sur toute disposition d'une
loi postérieure qui leur serait contraire, à moins que cette loi
n'énonce expressément s'appliquer malgré la Charte, OU A
MOINS QU'IL NE S'AGISSE DE LA CHARTE DE LA LANGUE FRANÇAISE AU
QUÉBEC.
RECOMMANDATION
Le Comité recommande qu'aucun projet de loi sur aucun sujet qui
enfreint la Charte du Québec sur les droits et libertés de la
personne ne soit présenté devant l'Assemblée
nationale.
CHAPITRE IV Les ramifications pour la société
québécoise 1 LES PEUPLES INDIGÈNES
L'Article 59 du Projet de loi n'accorde aux Amérindiens et aux
Inuits que le droit particulier de recevoir l'enseignement dans leur langue,
s'ils le désirent: sinon, les indigènes qui n'habitent pas les
réserves seront soumis, comme les autres "minorités", aux
restrictions imposées par les articles sur la langue de
l'enseignement.
Les Amérindiens du Québec ont neuf différentes
langues l'iroquois, l'algonquin, le micmac, l'ojibwa, le cri, etc.,
tandis que les Inuits se partagent différents dialectes, ce qui rend
essentielle l'adoption d'une deuxième langue de communication non
seulement à l'intérieur de la province, mais partout au Canada et
sur le continent nordaméricain. Ils devraient avoir l'option de choisir
la deuxième langue qui leur convient.
Parmi tous les groupes ethniques nordaméricains les Noirs,
les moissonneurs mexicains itinérants, les Canadien français du
Québec et des autres provinces canadiennes nul n'a
été lésé autant que les peuples indigènes de
ce continent.
Aucune région du Canada n'a encore totalement résolu la
question des droits aborigènes et du statut particulier des peuples
indigènes. Ce problème occupe tous les gouvernements,
fédéral, provinciaux et territoriaux. Quel statut détient
l'Indien inscrit comme tel au registre officiel et qui n'habite pas la
réserve? Quel est le statut de l'Indien non-inscrit ou du Métis
ou de l'Inuit? Quelle responsabilité de l'Homme Blanc prévaut sur
tous les arguments juridiques? Nous ne croyons pas que les auteurs du Projet de
loi puissent régler ces questions complexes par les 39 mots de l'article
59; nous ne voyons pas non plus de quel droit ils peuvent s'imposer aussi
catégoriquement sur une question ethnique et légale aussi
complexe. Encore plus, nous ignorons comment de telles restrictions
vis-à-vis les peuples indigènes serviront à assurer la
sauvegarde de la langue et de la culture de la majorité
canadienne-française du Québec.
Si nous évaluons bien l'humanisme de nos confrères de
langue française, nous sommes certains qu'ils se sentiront
gênés de voir cette façon si légère de
traiter les peuples indigènes de la province.
RECOMMANDATION
Le Comité recommande donc que les peuples indigènes soient
exempts de toute contrainte dans le choix de leur langue d'enseignement ou de
leur langue seconde, et que tout projet de loi de l'Assemblée nationale
du Québec contienne un article explicite à cet effet. 2. LA
COMMUNAUTÉ ET LE SYSTÈME D'ENSEIGNEMENT ANGLOPHONES
La mise en vigueur des articles sur l'enseignement énoncés
dans la Charte de la langue française entraînera des
répercussions très négatives dans le système
scolaire anglophone de l'Ouest du Québec, et ces mêmes
répercussions se feront sans doute ressentir à travers toute la
province:
le système d'enseignement anglophone se verra perdre le
nombre, les talents et les avantages économiques qui lui reviendraient
normalement par l'arrivée d'immigrants ou de Canadiens des autres
provinces; ces derniers ne viendront plus s'établir dans une province
qui restreint ainsi l'enseignement de leurs enfants, le nombre
d'enseignants et d'administrateurs scolaires diminuera, et l'instabilité
croissante de l'enseignement anglophone au Québec provoquera leur
départ en nombres grandissants, vu les règles du
Ministère de l'Education, une diminution du nombre
d'élèves forcera l'abolition de certains cours et options,
appauvrissant par conséquent la qualité de l'enseignement
anglophone, les communications et l'administration deviendront plus
compliquées et moins efficaces une fois la mise en vigueur des articles
touchant la langue de l'administration (Chapitre IV). Les coûts de
traduction et de cours de français seront élevés.
le nombre d'élèves diminuera et certaines écoles devront
par la suite fermer leurs portes à cause de la diminution du taux de
natalité et du processus normal de migration de la population,
l'enseignement post-secondaire anglophone sera lui aussi touché à
cause du petit nombre de diplômés des écoles secondaires.
Des universités comme McGill et Concordia se verront perdre leurs
réputations acquises pour leur excellent enseignement aux
étudiants de la province et d'ailleurs.
Un grand nombre d'élèves poursuivent leurs études
après l'obtention du certificat de fin d'études secondaires; le
Libre Blanc et le Projet de loi restent muets sur l'avenir du CEGEP anglophone
et de l'enseignement universitaire anglophone. Serait-ce une
"épée de Damoclès" suspendue au-dessus des
communautés anglophones du Québec?
Toutes ces conséquences négatives seront le fruit naturel
de la mise en vigueur du Projet de loi no 1.
Le gouvernement actuel a indiqué dans son Préambule,
troisième paragraphe, qu'il "entend poursuivre (son) objectif dans un
climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités
qui participent au développement du Québec."
Nous ne voyons aucune "justice ou ouverture" dans la force des
répercussions qui suivront la mise en oeuvre des articles sur la langue
de l'enseignement; nous n'y voyons ni la protection du système
d'enseignement anglophone ni celle de ses communautés.
Nous n'avons pu non plus trouver de logique dans l'argument que la
sauvegarde de la culture d'un groupe homogène de cinq millions de
Canadiens français dépende de la répression culturelle, de
la réduction et de l'assimilation présupposée d'une
minorité hétérogène comptant un million
d'habitants.
RECOMMANDATION
Le Comité recommande que les Articles 51, 52 et 59 soient
éliminés et que, pour assurer la survie de la langue et de la
culture canadienne-française, l'on étudie d'autres moyens qui
tiendront compte des droits et libertés de tous les individus.
Il est ironique que ce projet de loi verra le jeune
Québécois de langue anglaise qu'il soit instruit en
anglais ou en français couramment bilingue et capable de
participer pleinement à la vie de cette province et de ce continent,
tandis que le jeune Québécois de langue française se verra
passablement limité par son unilinguisme.
Même si nous voyons d'un oeil critique les mesures visant le
système d'enseignement et la communauté anglophone du
Québec, nous entrevoyons des répercussions encore plus
sérieuses pour la communauté francophone et son système
d'enseignement. Nous en discutons au prochain article. 3. LA COMMUNAUTÉ
ET LE SYSTÈME D'ENSEIGNEMENT FRANCOPHONES
La mise en vigueur des Articles 51 à 59 du Projet de loi no 1
entraînera des difficultés de longue durée dans le
système d'enseignement francophone.
Nous énumérons ci-dessous quelques problèmes
posés par ces articles. 1. Cours intensifs spéciaux à
l'intention des immigrants
Les enfants et les adolescents arrivant dans la province seront de
cultures et langues maternelles diverses. Très peu d'entre eux seront en
mesure de communiquer aisément en français.
Ces jeunes gens devront s'inscrire à différents niveaux
scolaires, à partir de la maternelle jusqu'aux classes plus
avancées des écoles secondaires. La loi sur l'enseignement
leur
donne droit à un enseignement de qualité, mais les
articles sur l'enseignement du projet de loi no 1 disent qu'ils doivent
être instruits en français.
Comment prévoit-on enseigner une matière quelconque
à un élève qui ne connaît pas ou que très peu
le français?
Il n'y aura pas de difficulté au niveau de la maternelle, mais la
situation est autre lorsqu'il s'agit d'adolescents inscrits à
l'école secondaire.
Logiquement, le système d'enseignement francophone devra donner
des cours intensifs de français spéciaux sur une base massive.
Dans les grands centres urbains, des écoles spéciales devront
être mises de côté pour pourvoir à l'enseignement
principal requis par les étudiants et en même temps rencontrer
leur niveau de connaissance de la langue française. On peut y arriver.
Le système d'enseignement protestant le fait depuis plusieurs
années. Cependant, les difficultés et le coût en seront
beaucoup plus élevés pour le système francophone, car la
majorité des nouveaux arrivés d'outre-mer, des Etats-Unis ou
d'autres provinces canadiennes ont une meilleure connaissance de l'anglais.
La nécessité de cours intensifs de langue française
et d'écoles spéciales demeurera toujours. 2 Certificats de fin
d'études secondaires
L'Article 57 du Projet de loi stipule qu'aucun certificat de fin
d'études secondaires ne peut être remis à un
élève qui n'a pas la connaissance requise du français
parlé et écrit. Même si cet article semble toucher
particulièrement l'élève anglophone de l'école
anglaise, il doit aussi s'appliquer aux écoliers francophones et aux
autres élèves des écoles françaises. Encore ici, il
n'y a aucune difficulté pour l'enfant à la maternelle ou
l'élève des premières classes élémentaires;
mais nous parlons d'autre chose lorsqu'il s'agit des élèves
arrivant au niveau secondaire.
Les élèves inscrits à l'école secondaire et
dont la langue maternelle n'est pas le français ont peu de chance de
rencontrer la connaissance exigée du français il est
déjà assez difficile de maîtriser sa propre langue
même après 15 années d'études.
Sans certificat de fin d'études secondaires, aucun
étudiant ne peut s'inscrire au CEGEP, et par conséquent ne peut
aspirer à des études plus avancées au Québec.
Evidemment, les parents non-Québécois dont les enfants ne sont
pas francophones et en sont à un des derniers niveaux de l'école
primaire ou arrivés à celui de l'école secondaire
choisiront d'élire domicile ailleurs qu'au Québec, enrichissant
ainsi toutes les autres provinces à l'exception du Québec. 3. Le
multilinguisme
Les écoles francophones subiront l'impact d'élèves
de langues et de cultures différentes; elles en connaîtront par
conséquent l'influence et deviendront "pluralisées" tout comme
les écoles anglophones présentement. Ce "pluralisme"
préservera-t-il la richesse et la pureté de la langue
française?, ou est-ce cette dernière qui adoptera de nouvelles
expressions tout comme la langue anglaise aujourd'hui?
L'Ouest du Québec connaît bien la réalité de
l'échange linguistique et culturel. En 1971, peu après
l'ouverture du CEGEP de Hull (aujourd'hui le CEGEP de l'Outaouais), la
population étudiante comptait environ 1400 francophones et 240
anglophones. Les anglophones suivaient certains cours en français et
d'autres en anglais.
On remarqua rapidement qu'une fois l'intercommunication établie
entre les élèves la population étudiante était
devenue bilingue, parlant anglais dans les passages et salles de jeu du
collège à tel point que l'Administration CEGEP a
décidé que les élèves anglophones
étudieraient sur un autre campus pour réduire les
difficultés culturelles et pédagogiques: "Compte tenu des
problèmes et dangers qui semblent inhérents au concept de la
cohabitation, le CEGEP de Hull estime qu'il n'est pas sain de regrouper dans un
même édifice les deux composantes linguistiques de sa population
étudiante." (Page 8, Commission du 7 décembre, approuvée
le 7 mars 1972.)
En incorporant tous les immigrants au Québec dans le
système d'enseignement francophone, les difficultés citées
plus haut se multiplieront. Pour ce qui est de l'Ouest du Québec, l'on
se demande si le nombre d'élèves immigrants justifiera la
formation de classes spéciales. 4. Le multiculturalisme
Le Livre Blanc sur la politique québécoise de la langue
française voit juste lorsqu'il dit que "la langue française est
au Québec davantage qu'un mode épisodique d'expression; elle est
une institution, une façon de vivre et de concevoir l'existence." Il
s'agit là d'une vérité qui s'applique à toutes les
cultures.
Nous comprenons que langue et culture font un, mais nous ne devons pas
errer en croyant que la connaissance d'une deuxième ou d'une
troisième langue détruira la culture première.
Nous expliquons. Il serait ridicule de croire que les enfants de parents
nés hors du Québec aussi bien ceux d'autres pays que les
Canadiens anglais qui seront contraints à l'enseignement
français deviendront par le fait même Français.
Des immigrants de culture anglaise, arabique, orientale ou de quelque
autre grande culture européenne, garderont leurs rites et leurs grandes
institutions, peu importe la langue d'enseignement ou du travail.
L'assimilation culturelle totale est possible, mais ce n'est qu'après
plusieurs générations, et par conséquent il est inutile
d'apporter une solution trop rapide à un problème qui ne se
rencontrera pas avant plusieurs décennies encore. 5. Le problème
des écoles catholiques anglophones
Le ministère de l'Education a-t-il songé au dilemme
posé par l'existence d'écoles catholiques anglophones
présentement administrées par les commissions scolaires
catholiques essentiellement françaises?
Nous comptons plusieurs écoles catholiques anglophones parmi les
nombreuses régions scolaires du Québec.
Les parents des enfants inscrits à ces écoles nous ont
déjà indiqué que leurs enfants ne feraient jamais partie
de la clientèle étudiante protestante. Le refus est
catégorique. Le nouveau système d'enseignement francophone a deux
options, chacune présentant ses propres difficultés: soit qu'il
devienne responsable de cette importante clientèle étudiante
catholique anglophone, soit qu'il remette la responsabilité des
élèves et des écoles catholiques anglophones entre les
mains du système d'éducation anglophone qui devra
considérer ces écoles comme des écoles
séparées administrées par les commissions scolaires
protestantes.
Malgré la gravité de ces problèmes, nous voyons
dans certains énoncés du Livre Blanc et du bill 1 des
conséquences encore plus sérieuses pour les parents et les
élèves francophones du Québec.
Les répercussions qui sont prévues au sein de notre
système d'enseignement et de nos communautés ne sont pas
négligibles, mais nous estimons que celles ressenties chez nos
collègues francophones sont encore plus sérieuses. Ci-dessous,
deux de ces répercussions 1. La remise à une
période indéfinie du droit d'apprendre l'anglais comme
deuxième langue, et 2. L'effet de la "francisation" de la culture
actuelle des Canadiens français du Québec. Les deux sont
étroitement reliées.
L'anglais comme langue seconde
Les Articles 51 et 52 du Projet de loi obligent clairement tous les
enfants de parents francophones à s'inscrire au système
d'enseignement francophone. Cependant, comme l'indique le Livre Blanc, la
chance d'apprendre l'anglais comme deuxième langue sera remise
indéfiniment.
Nous citons les extraits pertinents du texte: "... on ne niera pas
pourtant, car c'est une autre donnée incontestable, que parler anglais
est une nécessité pour certains Québécois
francophones. A deux conditions principales: que cela ne soit pas imposé
trop tôt au détriment d'une formation de base, culturelle et
technique, qui doit demeurer en n'importe quel pays la préoccupation
d'un humaniste fondamental; que l'apprentissage d'une autre langue ne
contredise pas le besoin d'une appartenance plus foncière à la
culture première."
Ailleurs, "C'est d'ailleurs dans la mesure où la survie de la
langue française sera assurée ici que les programmes
d'enseignement d'une deuxième langue pourront être
envisagés dans leur juste perspective et devenir réellement
efficaces."
Pourtant, la maîtrise du français comme deuxième
langue est assurée au système d'enseignement anglophone par
l'Article 57: 57. Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut
être délivré à l'élève qui n'a du
français, parlé et écrit, la connaissance exigée
par les programmes du ministère de l'Education.
La maîtrise de la langue anglaise comme deuxième langue ne
sera pas un privilège accordé à la majorité
canadienne-française du Québec.
Ainsi, les jeunes Québécois anglophones seront couramment
bilingues, tandis que les jeunes Québécois francophones seront
couramment unilingues. Nous ignorons les avantages pour les
Québécois français quoiqu'il semble y avoir un avantage
théorique pour la société québécoise
considérée dans sa totalité.
Si nous relisons la première citation ci-dessus tirée du
Livre Blanc, nous sommes d'accord avec la première locution: "... on ne
niera pas pourtant, car c'est une autre donnée incontestable, que parler
anglais est une nécessité pour certains Québécois
francophones".
Cependant, ni le Livre Blanc ni les articles du Projet de loi touchant
l'enseignement n'ont élucidé qui seront ces
privilégiés, quelles seront leurs responsabilités, et dans
quelles écoles ils acquerront leur compétence en anglais. Tous
les Québécois devraient demander que le présent
gouvernement soit plus explicite et s'assurer qu'il ne s'agit pas par
inadvertance de la création d'une nouvelle classe dirigeante
d'élite dans la province.
Le Livre Blanc relate ailleurs: "Si l'anglais est d'usage dans de larges
cercles de l'économie ou de la science nordaméricaines, on
conviendra néanmoins qu'il n'est pas nécessaire ni pour la
science ni pour l'économie que tout le monde le pratique dans sa vie
quotidienne."
Nous ignorons comment les francophones uni lingues étudiant les
sciences ou l'économie peuvent compter tenir des postes clés dans
des domaines aussi importants et partout en cours d'évolution.
Nous pouvons nous répéter pour ce qui est des autres
professions e.g., la médecine, l'art dentaire ou l'architecture,
sciences constamment en évolution et en état de perfectionnement,
aidées par les échanges internationaux.
Pour ce qui est de l'Ouest du Québec, il est évident que
les possibilités de travail pour les jeunes et les moins jeunes, sont
bien fixées dans un contexte bilingue.
Tout le monde sait que tous les résidents de l'Ouest du
Québec, enfin ceux de toute la région de la capitale nationale,
anglophones et francophones, doivent être compétents dans les deux
langues.
Nous regrettons que les auteurs de la loi no 1 n'aient pas tenu compte
d'un tel état de fait. Les jeunes élèves appartenant au
système d'éducation francophone et qui envisagent de se lancer
dans des domaines professionnels, scientifiques, économiques ou au sein
de la fonction publique se trouvent en quelque sorte punis par des
premières priorités du gouvernement québécois.
Nous voulons ajouter que cette question de l'anglais comme
deuxième langue présente un aspect intéressant qui n'a
peut-être pas été prévu par les nombreux partisans
de la Charte de la langue.
Il est fort possible que de nombreux immigrants francophones
hésitent longuement à venir s'établir au Québec
sachant que leurs enfants se verront refuser la chance d'apprendre l'anglais
comme deuxième langue. L'immigration actuelle et future du Québec
pourra en être sensiblement affectée. Et il y a sans doute
déjà un petit ou un grand nombre de francophones canadiens qui en
ce moment remercient les cieux qu'ils ne demeurent pas au Québec.
Le processus de francisation
Lorsque nous parlions plus haut de "l'une des premières
priorités", nous pensions au processus de francisation. Voilà le
changement important prévu pour améliorer la qualité et la
richesse de la langue française du Québec.
L'importance et l'universalité de ce processus sont
évidents dans l'emphase des Articles 66 à 119 de la Charte de la
langue.
La mise en vigueur d'un programme aussi massif aura un effet
déroutant sur l'enseignement francophone et exigera, à notre
avis, des efforts très intenses de la part des administrateurs
scolaires, des enseignants et des élèves.
Nous pouvons alors mieux comprendre pourquoi les administrateurs du
gouvernement québécois hésitent à établir un
parallèle entre le processus de francisation et l'enseignement efficace
de l'anglais comme langue seconde.
Nous voyons cependant tout le temps qu'il faudra avant que ce processus
porte fruit dans les écoles et au sein de la culture française du
Québec.
Les Québécois français et les étudiants
pourront-ils attendre tout ce temps avant d'apprendre l'anglais, la langue
seconde la plus utile à travers le monde? Et la francisation des termes
techniques et professionnels risque-t-elle d'ériger un mur artificiel
entre eux et la poursuite de carrières dans ces domaines ailleurs qu'au
Québec?
Ne serait-il pas préférable de prolonger juste assez
longtemps l'échéancier du processus de francisation afin de
retarder son impact sur le système d'enseignement francophone pour que
l'enseignement de l'anglais comme deuxième langue puisse devenir chose
plus pratique?
Un tel délai pourrait aussi bénéficier de
façon plus profonde un autre aspect de la vie québécoise
la culture vivante des Québécois français.
Voici notre raisonnement:
Tous sont d'accord que "langue et culture font un", et il s'ensuit
naturellement que si le caractère de la langue actuelle doit changer, il
en va de même pour la culture actuelle.
Historiquement, des changements aussi profonds se sont
opérés naturellement, parfois au cours de siècles,
permettant ainsi aux nations de s'y adapter sans difficulté.
Nous soulevons les questions suivantes: Comment un changement aussi
fondamental peut-il être soumis à une date limite? Peut-il
être légiféré? Le peuple y consent-il?
Nous respectons l'intention du gouvernement sur cet aspect, mais nous
suggérons qu'il ne s'accorde pas assez de temps pour une tâche
aussi importante. Ce programme de francisation laisse la voie ouverte à
tous les aspects prévus du "choc du futur".
Comme Québécois, et non seulement Québécois
anglophones, nous savons que ce qui touche nos concitoyens majoritaires
ou minoritaires se répercutera dans la qualité de vie de
cette province. Nous avons le droit d'exprimer notre angoisse.
RECOMMANDATION
Le Comité recommande que l'on allège le fardeau
placé sur le système d'enseignement francophone par les articles
sur la langue de l'enseignement du Projet de loi no 1 en redonnant aux parents
le
droit de choisir le système d'enseignement qu'ils désirent
pour leurs enfants et en considérant un système de francisation
plus modéré qui facilitera et rendra plus pratique pour ceux qui
le désirent la connaissance de l'anglais comme deuxième
langue.
CONCLUSION
La méthodologie proposée par le bill no 1 pour en arriver
à ses aspirations légitimes pour la société
québécoise contient deux erreurs politiques fondamentales.
La première est celle de postuler que la contrainte
législative peut tout régler et que l'apport des citoyens n'est
pas requis.
La seconde est celle de prétendre que des lois admises et
respectées et des droits acquis peuvent être rejetés ou
neutralisés, sans égard, par l'adoption d'une nouvelle loi.
RECOMMANDATION
Nous recommandons que les mesures envisagées dans le Projet de
loi no 1 soient réévaluées, tenant compte des
réalités québécoise et canadienne et des principes
démocratiques qui en sont le fondement.
PROPOSITION
En tant que Québécois et non seulement
Québécois anglophones nous tenons à participer,
à titre égal, à la formation et à
l'évolution d'une société québécoise riche
et fière. Toute tentative n'impliquant pas cette contribution collective
se verra notre insuccès mutuel.
A ce moment où l'Ontario et les autres provinces canadiennes
commencent à réaliser les erreurs commises envers leurs
concitoyens francophones, et où nous commençons à voir les
effets positifs des innovations introduites au Québec en 1964 par la
création du Ministère de l'Education, le Comité remarque
avec regret que le gouvernement du Québec n'a aucune foi en la
possibilité d'une interaction positive et enrichissante entre les
Québécois anglophones et francophones, qui ont déjà
bénéficié de la direction sensible et
éclairée du Ministère. La première nouvelle
génération de techniciens, de scientifiques et
d'ingénieurs est maintenant prête à participer sur un pied
d'égalité avec ses pairs anglais à la vie scientifique,
professionnelle et économique de la province. Les premiers
élèves anglophones qui ont suivi des cours intensifs de
français se préparent à quitter les écoles
secondaires anglophones, capables de rencontrer leurs concitoyens francophones,
et de répondre aux défis et aux exigences de l'interaction dans
une culture québécoise française épanouie, une
culture dont la richesse n'a jamais été aussi évidente
qu'aujourd'hui.
Après plus de dix ans d'efforts et de bon vouloir, les
Québécois, anglophones et francophones, en sont arrivés
à une compréhension et à une coopération mutuelle
dynamique. Pourquoi alors tout détruire par les mesures coercitives et
répressives des lois 22 et 1? Pourquoi transformer des attitudes
d'acceptation et d'appréciation mutuelles en des débats amers et
âcres, peut-être à un point tel qu'il sera impossible d'en
cicatriser les blessures et de reprendre foi en un Québec commis
à des valeurs démocratiques? Pourquoi risquer qu'à cette
amertume s'ajoutent la peur et l'incertitude d'un possible déjà
vu?
Nous ne critiquons pas le droit des Québécois francophones
de créer une province à leur image. Nous ne critiquons pas le
droit des Québécois de demander la coopération de leurs
concitoyens anglophones. Mais nous critiquons un gouvernement qui
réprime en légiférant. Et nous critiquons la
négation du droit de l'individu de participer à une vision
collective. Nous critiquons les motifs du bill 1. Nous demandons l'avantage que
le Québec en tirera. Et oui, nous demandons, et répétons,
quel sera le prix de ce gain?
RÉSUMÉ DE L'ARGUMENT DU MÉMOIRE SUR LE PROJET DE
LOI NO 1
par
Le Comité sur l'éducation anglophone de l'Ouest du
Québec
OBJET:LES ARTICLES SUR L'ENSEIGNEMENT
Le Projet de loi se fonde sur une dangereuse prémisse raciste qui
veut que la langue et la culture de la majorité ethnique priment sur les
droits traditionnels et acquis des minorités
québécoises.
2.Les Articles 51, 52 et 59 proposent et affirment que les
intérêts de cette majorité invalident tous les droits de la
personne assurés par la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne, Articles 9 à 38, y compris la
non-discrimination fondée sur la langue et l'origine ethnique.
3.Le gouvernement québécois soutient que l'Article 93 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne s'applique pas à la
liberté du choix de la langue d'enseignement mais se limite au seul
droit de l'enseignement confessionnel, passant outre le fait que cette question
est toujours devant les tribunaux, et oubliant qu'historiquement "protestant"
et "anglophone" vont de pair au Québec. Ces deux faits mettent en doute
le droit du gouvernement québécois de sanctionner les Articles
51, 52, et 59.
4.Le Projet de loi no 1 aura par ailleurs l'effet de restreindre encore
plus les droits et libertés des peuples indigènes sur le
continent nord-américain, une mesure que nous estimons inutile pour la
survie de la langue et de la culture française.
5.La minorité anglophone québécoise perdra
accès au renouvellement de ses ressources linguistiques et culturelles
(autre que par les naissances), ce qui entraînera graduellement sa
réduction et la disparition du système d'enseignement
anglophone.
6.La majorité francophone en ressentira aussi des
répercussions sérieuses. Le Projet de loi défend la
liberté de choisir la langue d'enseignement, donc limite le choix
à des carrières ou professions unilingues, et par
conséquent, particulièrement chez les francophones, les
échanges aux niveaux national et international. Le Projet de loi remet
de plus l'enseignement de l'anglais comme deuxième langue dans les
écoles francophones jusqu'à ce que la francisation du langage de
la technologie, des manuels et des catalogues soit terminée, ce qui
restreindra et retardera sérieusement la mobilité
économique des francophones sur notre continent. De plus, les
problèmes de l'intégration de groupes multiculturels,
multiraciaux et multilingues aux écoles françaises engendrera de
nouveaux problèmes et retardera sans doute encore plus le processus de
francisation.
La Conclusion, les Recommandations générales et la
Proposition du Comité se retrouvent à la fin du
Mémoire.