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Audition des mémoires
sur le projet de loi no 1:
Charte de la langue française
au Québec
(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs! Nous sommes au début d'une nouvelle séance de la
commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications pour étudier, après la première lecture, le
projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec. Je
vais d'abord faire l'appel des membres de la commission en rappelant
qu'aujourd'hui nous aurons deux séances, une qui débute
immédiatement et se terminera à 13 heures, et une seconde qui
commencera après la période des affaires courantes de
l'Assemblée nationale et se poursuivra jusqu'à 18 heures,
suspendra ses travaux jusqu'à 20 heures et les terminera vers 23 heures
ce soir.
Les membres de la commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bertrand
(Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau
(Verchères); M. Chevrette (Joliette), M. Ciaccia (Mont-Royal)... Madame,
je m'excuse, à l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que le
député de Mont-Royal est remplacé?
Mme Lavoie-Roux: Non.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin
(Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton) remplacé par M. Biron
(Lotbinière); M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys),
M. La-plante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le
Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).
En vertu du consentement unanime qui a été accordé
au président vendredi dernier, il y a un léger changement de
procédure pour d'une part faciliter la vie aux témoins qui
viennent devant nous, et, si possible, rendre plus efficace le travail de la
commission. C'est-à-dire qu'en vertu de l'article 118a, alinéa 5,
la commission, à toutes fins pratiques, a suspendu le règlement
qui veut que quelqu'un qui est appelé au tout début de la
séance perde son tour. Ce matin, je ne vais donner que la liste de ceux
qui sont invités pour aujourd'hui. Je ne ferai pas l'appel officiel de
cette liste. Je ne ferai l'appel que du premier nom. J'ai cependant l'assurance
du secrétaire de la commission que ces personnes ont toutes
été contactées et sont avec nous aujourd'hui. Il n'y a
aussi, conformément à cette décision de vendredi dernier,
que cinq personnes ou organismes qui ont été convoqués et
non sept.
Ces organismes qui n'ont pas, encore une fois, à répondre
à l'appel de leur nom, sont les suivants: la Société
nationale populaire du Québec, mémoire no 78; l'Institut canadien
de recherche sur les pâtes et papiers, mémoire no 100;
Pier-refonds Comprehensive High School, mémoire no 67; Les Fils du
Québec, mémoire no 136; M. G. Brosseau, mémoire no 25.
Je rappelle que les organismes ou personnes convoquées ont vingt
minutes au maximum pour présenter leurs mémoires ou en faire un
résumé et que tous les députés représentant
des partis ont ensuite 70 minutes pour poser des questions aux
témoins.
Ceci dit, j'appelle le premier organisme convoqué, la
Société nationale populaire du Québec. Le
représentant est censé être M. Jean-Jacques Roy. M. Roy
est-il ici? Je vous prierais d'identifier votre organisme et de mentionner le
nom de chacun des représentants avec leurs titres, s'il vous
plaît, pour informer la commission et pour que ceci paraisse au journal
des Débats. M. Roy.
Société nationale populaire du
Québec
M. Roy (Jean-Jacques): Merci, M. le Président. A ma
droite, le président...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. Roy,
pourriez-vous utiliser votre micro, s'il vous plaît?
M. Roy (Jean-Jacques): J'ai à ma droite notre
président, M. Gilles Maillé; à ma gauche, M. Jean Bousquet
de Saint-Eustache, secrétaire général des Amis de
Chénier et notre trésorier, M. Jacques Saint-Louis.
Moi-même, Jean-Jacques Roy.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, avant de commencer la lecture de notre mémoire, nous nous
excusons auprès des membres de la commission de la mauvaise construction
des phrases du paragraphe b) de la page 7 imputable à une mauvaise
transcription dactylographique et à la précipitation avec
laquelle il fut rédigé. Nous nous excusons aussi des coquilles
qui ont pu se glisser dans le texte.
Présentation. La Société nationale populaire du
Québec, organisme sans but lucratif, fondé en 1965,
réunissant des citoyens préoccupés par les
problèmes de leur Etat national et toujours soucieux de
l'émancipation économico-politico-culturelle des
Québécois francophones de toute provenance cette remarque
vaut pour tout le texte considère comme une obligation son
engagement actif (il est malheureux de devoir ajouter ce qualificatif) dans la
présente discussion on ne peut plus primordiale du livre blanc sur la
politique québécoise de la langue française.
Consé-quemment, elle se réjouit fortement de l'occasion qui
s'offre à elle de présenter ce mémoire concis et
précis, mémoire qu'elle désire et suppose re-
présentatif de l'attitude de maints Québécois
francophones et relevant d'une analyse lucide de la situation globale du
Québec de maintenant.
Déjà, en 1965, dans un prospectus énonçant
les buts et les principes de notre société, nous soulignions avec
vigueur: "résolument tournés vers l'avenir, la
Société nationale populaire du Québec estime que le but
premier de la nation québécoise n'est plus simplement d'assurer
une survivance médiocre, mais de se donner tous les moyens pour
atteindre un épanouissement complet". Notre position nous la
justifiâmes, comme s'il était nécessaire de le faire, entre
autres endroits dans le préambule de notre mémoire en mai 1974,
soumis à la commission parlementaire chargée d'étudier le
sinistre, odieux, hypocrite et abdicateur bill 22, ainsi: "Nous sommes de ceux
qui croient que l'existence même de la langue française est
menacée dans la mesure où un effort sérieux ne sera pas
fait pour corriger la présente situation, dans la mesure aussi,
où une politique radicale ne sera pas mise en oeuvre incessamment".
Est-il besoin d'ajouter que depuis ces deux dates, tout concourt à
rendre péremptoire notre assertion. La situation ne fait que s'envenimer
et rend urgente l'élaboration par l'Etat d'une loi proclamant hautement
et fidèlement la francisation intégrale de notre espace culturel,
loi permettant au Québec, de se doter de moyens, de mécanismes
coercitifs et autres susceptibles de nous faire parvenir à bon terme,
dans les plus brefs délais, et faisant du Québec, en un temps
relativement court, un Etat normal où la défense de la culture ne
dépendra plus de lois, ou de volonté gouvernementale, mais sera
populaire, quotidienne et viable.
Choisir, c'est exclure et polariser sur un point précis nos
énergies. Ce principe doit être le guide de tout gouvernement
responsable. La Société nationale populaire du Québec
constate avec joie, et non sans une certaine émotion, que le livre blanc
représente une nette progression dans la juste cause de
l'émancipation des Québécois francophones dans leur
reprise en main du Québec.
Néanmoins, et malheureusement, nous sommes déçus
par certaines mesures du livre blanc que nous jugeons insuffisantes par rapport
à l'objectif visé qui est, ne l'oublions pas, la francisation
totale du Québec. Nous sommes aussi déçus par d'autres
mesures susceptibles de faire naître maintes injustices et finalement par
ces trop grandes largesses qui sont l'acceptation d'un fait, alors que ce dont
il s'agit présentement est la correction même de ce fait, de cette
anomalie inacceptable.
La Société nationale populaire du Québec ne saurait
être taxée de radicalisme, certes non! Nous sommes, car il faut
bien qu'on puisse nous cataloguer selon une épithète quelconque,
des réalistes, de ceux qui pensent, peut-être naïvement, nous
en convenons, qu'il ne faut pas tenter de ménager la chèvre et le
chou, que plus les obstacles sont grands et la situation difficile à
transformer, plus nous devons faire preuve de hardiesse, de fermeté et
de lucidité, tout en laissant une large place à
l'équité bien comprise.
Positions. La langue de l'enseignement. Il est évident, et nul ne
saurait le nier sous peine de se couvrir de ridicule, qu'une majorité se
doit d'accorder certaines possibilités d'ordre culturel ce que
certains appellent "droits" et qu'il faut se garder de confondre, comme on le
fait trop souvent, hélas! avec des privilèges aux
minorités désireuses, légitimement, de s'épanouir
en son sein. Cependant et c'est là l'essentiel de cette
obligation ne découle pas la nécessité, pour la
majorité, de laisser s'effriter les assises qui assurent et la
protection et la survie de sa culture.
Les Québécois francophones, du fait d'une certaine
conjoncture historique que nous n'étudierons pas ici, mais dont les
conséquences sont immédiatement évidentes, sont parvenus
à une situation unique dans le monde: une majorité se voit
menacée dans son intégrité culturelle. Elle n'a donc plus
le choix et ne peut se permettre quelque largesse. Des mesures radicales
justifiées socialement, historiquement et moralement s'imposent en vue
de sortir les Québécois francophones de leur position fort
précaire et intolérable.
Considérant que les Québécois francophones,
à l'instar de toutes les majorités conscientes de l'être,
donc normales, ne sauraient faire preuve de discrimination et d'injustice,
soucieux qu'ils sont d'équité, en privilégeant une
minorité, en l'occurrence, la minorité anglaise, au
détriment des autres, et que la notion de droits acquis n'a aucun sens,
que l'état de fait anglais, nonobstant l'acuité avec laquelle il
s'oppose ne doit pas être toléré, accepté, mais au
contraire, renversé, éliminé.
Nous recommandons donc, voire exigeons l'abolition immédiate de
ce honteux parce qu'intolérable dans un pays normal et
assimilateur réseau d'enseignement anglophone, de la maternelle à
l'université, et son intégration au réseau francophone. Il
faut que cesse ce "génocide en douce", crime contre l'histoire de
l'humanité, s'il en est un. Au demeurant, cette mesure est la plus
importante de celles qu'une loi désirant faire réellement du
Quebec un Etat authentiquement français doit contenir.
Dans un Québec francisé, tous les citoyens, peu importe
leurs origines, jouiront des mêmes droits, avantages et
privilèges. Sachant l'enrichissement que représentent les
différentes minorités du Québec, il serait sain de
prévoir les dispositions permettant la conservation de ces
différentes ethnies. Il va de soi qu'un des premiers efforts du
gouvernement en ce sens visera la revalorisation des cultures
amérindiennes du Québec, trop souvent
délaissées.
Le français, langue de travail: L'aspect le plus
réjouissant du livre blanc est celui où l'on voit poindre un
juste désir du gouvernement de faire du français la langue de
travail. Rien ne s'y oppose. Il est faux de prétendre que le
français langue de travail puisse compromettre, de l'aveu même de
l'ambassadeur américain au Canada entre autres, notre avenir
économique, hormis le fait d'un certain fanatisme canadien
n'ayons pas peur des mots fanatisme qui se laisse facilement percevoir
et que le Québec pourrait, somme toute, assez aisément
surmonter.
Comme l'appartenance du groupe franco-
phone fut souvent une entrave au plein épanouissement des
Québécois dans le marché du travail, toute loi, afin de
briser cette barrière, devra comporter des mesures et sanctions
sévères en vue d'assurer:
Que tout francophone puisse s'épanouir et travailler en
français sans que cela ne nuise à sa carrière;
Que, dans le cas où la nécessité du bilinguisme se
ferait sentir nous pensons, par exemple, aux employés qui
oeuvrent au sommet de la hiérarchie on ne privilégie pas,
comme cela peut fort bien arriver, l'emploi de personnes bilingues, mais
plutôt de francophones bilingues. Il faut éviter à tout
prix que se perpétue le ghetto dans lequel trop souvent les
Québécois francophones se sont vus et se voient
relégués.
L'enseignement du français et sa qualité: Compte tenu que
le Québec deviendra, à" plus ou moins long terme, mais moins que
plus, nous l'espérons, un Etat français, Etat où, il faut
le dire, l'emploi de l'anglais par les francophones et par toutes les
minorités, exception faite de l'anglaise, ne sera pas une
nécessité, mais un phénomène marginal; que la large
place détenue par l'anglais dans les écoles et universités
françaises se justifiait essentiellement par sa nécessité
dans le marché du travail, son utilité culturelle étant
largement et grossièrement gonflée, question de mieux faire
accepter cette langue des affaires, nécessités qui iront en
s'amoindrissant pour finalement disparaître, hormis dans certaines
sphères; de la piètre qualité du français
écrit et parlé au Québec, combien
révélateurs sont, à ce sujet, par exemple, la série
d'articles de la journaliste, fort perspicace qu'est Lysiane Gagnon, de la
Presse, ce français boîteux qui rend infirme la pensée;
Nous, de la Société nationale populaire du Québec,
recommandons que l'anglais soit facultatif dans l'enseignement et qu'un effort
vigoureux et rigoureux de redressement national du français soit mis en
oeuvre immédiatement et ce, à tous les niveaux de
l'enseignement.
Le français étant voué à devenir la langue
authentiquement nationale, il serait hypocrite et inutile (à moins qu'il
soit faux que le français devienne langue nationale) de donner une
priorité quasi égale à quelque autre langue.
La francisation du paysage québécois: Nous sommes heureux
de constater que la charte précisera que l'affichage public, tant dans
le secteur privé que dans le secteur public, doit se faire uniquement en
français, puisque dans le contexte actuel, cette règle s'impose
pour redonner au Québec son visage français.
Cependant, nous tenons à soumettre, à ce sujet, au
gouvernement les quelques recommandations suivantes: Sans sous-estimer
l'importance de cette réglementation, il faut voir que celle-ci n'aura
de sens qu'à condition que le Québec se francise
intégralement. Autrement dit, nous incitons le gouvernement à
faire en sorte que cette mesure ne devienne pas un piège à
touristes et ne se métamorphose en leurre pour les
Québécois francophones, bref qu'elle offre une image jolie et
rassurante, mais pastiche, artificielle.
Conséquemment, nous recommandons que cette réglementation
s'applique progressivement et corrélativement à la francisation
du Québec.
Conclusion: Nous vous remercions de votre attention et, en terminant, il
est impérieux de vous soumettre cette constatation: Le Québec est
à un tournant on ne mettra jamais suffisamment l'emphase
là-dessus de son histoire.
Si le gouvernement et les Québécois francophones ne
réagissent pas vigoureusement et ce pourquoi se le cacher
radicalement, la partie, on peut le dire, sera perdue et nous assisterons, nous
en avons bien peur, à une démobilisation des forces vives de la
nation, et, conséquemment, nous deviendrons plus encore des
étrangers dans notre propre pays.
Il ne faut pas se le cacher. Trop d'espérances
déçues ou d'illusions accumulées mènent
inéluctablement au désespoir, à cet état d'esprit
qui fait qu'un peuple n'en est déjà plus un et auquel est
inhérente la possibilité d'un processus de révolte et de
violence que nul ne pourra contenir.
Je vous remercie.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Roy. Avant de donner
la parole aux membres de la commission, je souligne que nous commençons
la semaine avec une horloge qui est à l'heure de l'Assemblée
nationale.
Les intervenants n'ont pas employé toutes leurs vingt minutes
permises, mais ce temps n'est pas alloué aux membres de la commission.
Le temps se compte avec flexibilité, mais peut-être avec un peu
plus de rigueur que la semaine dernière.
Le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier les membres de la
Société nationale populaire du Québec pour le
mémoire qu'ils viennent de nous présenter. Evidemment, je les
remercie également de l'appui qu'ils apportent au projet de loi. Sur
beaucoup de points, je partage l'analyse que le groupe a faite de la situation
des Québécois, de la menace qui a pu peser sur le
développement culturel du peuple québécois, mais je
remarque aussi que la Société nationale populaire du
Québec voudrait que le gouvernement aille plus loin, qu'elle trouve
certaines mesures préconisées dans le projet de loi,
particulièrement dans le domaine de l'enseignement, comme insuffisantes,
et qu'elle voudrait que le gouvernement se montre plus radical.
J'avoue tout de suite que je ne partage pas cette conviction. Bien
sûr, je pense que l'accord peut se faire facilement entre nous sur la
nécessité qu'il y a pour l'Etat du Québec d'effectuer un
effort vigoureux et rigoureux de redressement comme la Société
nationale populaire du Québec le préconise, mais je ne crois pas
qu'il soit nécessaire et qu'il soit juste surtout d'aller aussi loin que
la Société populaire du Québec le préconise.
Je pense que le tableau que l'on peut faire de la situation, surtout
depuis un certain 15 novembre, où un gouvernement national et populaire
a
assumé le pouvoir, ne doit plus être aussi pessimiste que
celui que l'on pouvait dresser il y a quelques années. Depuis que le
peuple voit sa volonté s'incarner dans un gouvernement qui épouse
complètement ses aspirations, il importe de modifier la couleur des
conclusions que l'on peut tirer de l'analyse que l'on peut faire. C'est la
raison pour laquelle le ton du mémoire qui nous est
présenté ce matin, m'apparaît trop pessimiste et surtout
trop radical et excessif.
Par exemple, il convient de faire une distinction entre les divers
groupes ethniques, les diverses minorités qui se trouvent au
Québec. La minorité anglaise, de par son importance, de par la
contribution, aussi, qu'elle a apportée à l'édification du
Québec, de par l'héritage culturel qui est le sien et qui fait
partie intégrante de la culture québécoise, aussi bien
passée que de la culture québécoise en devenir, de par le
voisinage que le Québec a entretenu et entretiendra toujours avec ses
voisins canadiens et américains, se trouve dans une situation
spéciale et mérite, je crois, un traitement spécial. C'est
un état de fait que l'on doit, non seulement reconnaître, mais
apprécier et qui justifie, selon nous, des mesures spéciales.
D'autant plus que dans le nouvel équilibre qui va bientôt
s'instaurer avec la reconnaissance par la minorité anglophone de la
nécessité qu'il y a de s'intégrer davantage à la
majorité francophone du Québec, on peut susciter,
développer non seulement un esprit de tolérance, mais un esprit
de compréhension réciproque, d'accueil et d'association pour les
prochaines années et pour les tâches qui nous attendent.
C'est la raison pour laquelle il m'apparaît
particulièrement difficile d'accepter la recommandation de la
Société nationale populaire qui recommande l'abolition
immédiate du réseau d'enseignement anglophone de la maternelle
à l'université et son intégration au réseau
francophone. Accepter une pareille recommandation ne serait pas accepté
par la population du Québec dont les traditions d'hospitalité et
d'accueil sont bien connues et dont le souci de justice également est
bien connu. Cette solution m'apparaîtrait d'autant plus injuste qu'elle
recommande l'abolition immédiate du réseau d'enseignement, sans
même aucune phase de transition, ce que d'autres groupes
apparentés à la Société nationale populaire du
Québec prévoient quand même dans les analyses et dans les
recommandations qu'ils font.
Je pense qu'une pareille mesure doit être écartée,
non seulement en raison de son radicalisme ou en raison de sa
non-reconnaissance de certaines dimensions auxquelles il nous faut prêter
attention, mais aussi en raison de son caractère excessif et injuste
qui, à la longue, se solderait par une perte non seulement pour la
minorité anglophone, mais également pour la majorité
francophone. Il me semble donc que cette solution ne se justifie pas sur le
plan des principes et ne se justifie plus en raison des circonstances et,
surtout, ne se justifie plus en raison de l'avenir commun que tous les groupes
québécois sont appelés à bâtir ensemble. Je
voudrais poser une question aussi aux membres de la Société
nationale populaire.
J'aimerais leur demander pourquoi ils font une distinction en ce qui
concerne la langue de travail entre des francophones bilingues et des personnes
bilingues.
M. Roy (Jean-Jacques): Je pense, M. le ministre, que la
distinction est celle-ci: il y aurait peut-être un danger, si on dit
personnes bilingues, qu'un groupe, on ne dit pas que ça va arriver, mais
cela pourrait arriver, venant d'autres provinces ou d'ailleurs, qui serait
bilingue mieux que nous ici, accaparerait les postes. Pour avoir des personnes
bilingues au Québec, si on laisse ça facultatif, on a
déjà dit à certains endroits qu'il n'était
nécessaire qu'à 5% environ de la population d'être
bilingue, pour occuper les postes bilingues dans les compagnies ou pour faire
affaires avec des pays étrangers de langue anglaise.
A propos, je pense qu'il y a un règlement ou un point à ce
sujet dans la loi, et il y a des mouvements qui demandent que les Canadiens des
autres provinces qui vont venir au Québec, même s'ils sont
allés à l'école anglaise seulement, puissent aller joindre
le groupe anglais ici et apprendre le français dans la rue comme on le
faisait dans le temps. Ces gens pourraient se dire bilingues et accaparer les
postes. C'est pour cette raison que nous faisons une distinction entre un
Québécois qui aura appris l'anglais parce qu'il aura voulu
l'apprendre et non pas parce qu'on l'y aura forcé, qui détiendra
un poste de commande. Il veut employer son anglais, et à ce
moment-là, il lui sera loisible de le faire, mais, par ricochet, ce sera
un Québécois qui aura la préséance sur
l'emploi.
Je pense que ce serait créateur d'emplois pour les
nôtres.
M. Laurin: Ne pensez-vous pas qu'une pareille mesure pourrait
facilement être taxée de discrimination, en ce sens qu'elle
exclurait des citoyens québécois, qui font partie de la
communauté québécoise, d'emplois auxquels ils ont droit,
ce qui pourrait aller à rencontre du droit au travail?
M. Roy (Jean-Jacques): Remarquez que s'ils sont
Québécois bilingues, qu'ils soient de langue anglaise ou de
langue italienne, originellement, s'ils sont bilingues facultativement, ce sont
des Québécois quand même; ils seraient admissibles quand
même aux postes de commande. Remarquez qu'ils deviendraient à ce
moment-là francophones, s'ils sont francophiles et francophones,
même si c'était un type de langue étrangère, il
devient Québécois francophone quand même. Je ne vois pas
là de contradiction.
M. Laurin: Vous semblez croire, dans votre mémoire, que
l'enseignement de l'anglais devrait devenir facultatif.
Etant donné l'importance de la langue anglaise dans certains
domaines comme le domaine des affaires, du commerce, de la science, de la
technologie. Etant donné que le Québec est, et sera
toujours, entouré de provinces où l'anglais est parlé de
façon massive, étant donné que le Québec se trouve
dans un continent américain où habitent actuellement plus de 250
millions de parlant anglais, ne croyez-vous pas qu'il est essentiel que le
gouvernement du Québec mette à la disposition des
Québécois un enseignement obligatoire de l'anglais pour les
préparer à mieux se défendre, à mieux se
développer dans le sens de leur talent, de leur compétence et
d'occuper des positions auxquelles cette compétence leur donnerait
droit? Qu'est-ce qui vous fait suggérer un retour en arrière vers
l'enseignement facultatif de l'anglais?
M. Roy (Jean-Jacques): Vous me permettrez de préciser.
Quant à nous, nous ne pensons pas que ce soit un retour en
arrière. Cependant, on n'est pas contre le fait que le gouvernement
mette à la disposition des citoyens québécois, qui veulent
apprendre l'anglais... Si mes enfants veulent apprendre l'anglais, il devrait y
avoir des moyens fournis par le gouvernement pour que mes fils, mes enfants
apprennent l'anglais. Cependant, si mes enfants ne veulent pas l'apprendre, je
ne vois pas pourquoi on les obligerait, s'ils ne le veulent pas.
En fait, nous avons beaucoup de Québécois d'origine
étrangère. Nous n'avons pas que des Québécois
d'origine française et anglaise. Nous avons des Québécois
d'origine italienne. Je vois très bien que dans des quartiers de
Montréal, comme on le dit d'ailleurs dans notre mémoire, on
favorise le développement culturel de ces groupes. Il y a des quartiers
de Montréal qui sont complètement, ou presque, formés
d'immigrants. A ce moment-là, je vois très bien un quartier
où on enseignerait, pour ceux qui le voudraient, le grec ou l'italien,
et l'anglais pour ceux qui le veulent. Mais pourquoi imposer l'anglais? Cela
veut donc dire que l'immigrant qui va dans une école est forcé
d'apprendre l'anglais et étant dans un continent nord-américain,
comme vous le disiez, de 250 millions d'anglophones, forcément il sera
attiré, il ira là et il mettra le français de
côté un moment donné. On connaît plusieurs personnes
qui sont aujourd'hui handicapées du fait qu'elles n'aient pu passer un
examen en anglais. Elles ont perdu des emplois à cause de cela. Cela a
été très injuste pour les nôtres. A ce
moment-là, si c'est facultatif, le type sera vraiment motivé pour
apprendre, plutôt que s'il est forcé. On préférerait
que dans les quartiers de Montréal on enseigne les langues originelles
des gens, plutôt qu'on les force à apprendre l'anglais. Evidemment
toujours s'ils le veulent, c'est facultatif. C'est comme cela qu'on
l'entend.
Pour répondre à une autre partie de votre question, je
pense qu'on peut faire remarquer à M. le ministre et à la
commission que pour voyager à l'étranger il n'est pas
nécessaire, par exemple, de parler allemand pour aller se promener en
Allemagne, bien qu'il y ait en Allemagne de l'Ouest 80 millions d'habitants et
en Allemagne de l'Est 120 millions, ou vice versa. Je pense qu'il y a des ser-
vices aujourd'hui où les gens sont assez civilisés pour recevoir
les touristes à peu près dans toutes les langues. Cela ne nous
empêche pas d'avoir, dans nos bureaux touristiques, des gens qui parlent
anglais pour les Américains qui vont venir ici. Toujours facultatif.
Pourquoi, se dit-on, forcer toute une population quand on sait par exemple que
dans certaines de nos campagnes, il n'y a pas une seule personne de langue
anglaise à 10 milles à la ronde.
Pourquoi forcer des gens à apprendre l'anglais, leur faire passer
des examens, quitte à leur faire manquer une année, parce qu'ils
ne parlent pas l'anglais, sous prétexte qu'ils vont peut-être
aller, à un moment donné, aux Etats-Unis?
Je pense que, quand même une personne irait cinq ou dix fois aux
Etats-Unis dans sa vie, le fait de ne pas parler l'anglais ne l'empêchera
pas de faire son voyage. Je pense que quelqu'un me l'a souligné
l'autre fois, M. Bousquet dans le monde actuellement, les plus grands
voyageurs sont les Allemands de l'Ouest. Or, je ne sache pas que les Allemands
de l'Ouest apprennent toutes les langues pour se promener dans tous les pays
où ils vont, au Japon ou ailleurs.
M. Laurin: Je vous remercie infiniment et je vous remercie encore
pour votre mémoire.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux
également remercier les membres de la Société nationale
populaire de s'être présentés devant la commission pour
faire valoir leur point de vue. J'aurais quelques questions à vous
poser, et, puisqu'on avait commencé à discuter de l'enseignement
de la langue seconde, je vais poursuivre sur ce point-là.
Ne croyez-vous pas exagérer en disant que les enfants
francophones qui sont à l'extérieur de Montréal, ce serait
vraiment leur imposer inutilement une exigence dont ils n'auront probablement
pas besoin, sauf si peut-être ils vont aux Etats-Unis, que de leur
montrer l'anglais?
Un peu plus tôt, vous disiez: Les gens deviendront bilingues en
apprenant un peu l'anglais dans la rue. Est-ce qu'à ce moment-là
ce n'est pas prévoir un peu trop longtemps d'avance quel sera l'avenir
de ces jeunes, qu'ils demeurent à Rimouski ou qu'ils demeurent à
Montréal? C'est une chose.
La deuxième chose, est-ce que vous avez pris connaissance que,
justement dans le milieu montréalais, qui est peut-être celui
où les enfants pourraient l'apprendre le plus facilement dans la rue,
les parents réclament d'une façon très énergique
un grand pourcentage des parents, au-delà de 90% une
amélioration de l'enseignement de l'anglais langue seconde? Je me
demande comment vous pouvez justifier cette attitude que vous prenez à
l'égard de l'enseignement de la langue seconde.
M. Roy (Jean-Jacques): Pour commencer, je vais tenter de
répondre à la deuxième partie de votre question. Si vous
dites que les parents réclament à 80% ou 90% un meilleur
enseignement de l'anglais dans les écoles, pourquoi alors les obliger,
s'ils le réclament eux-mêmes? Cela deviendrait facultatif.
Pourquoi obliger les 10%, 15% ou 20% qui ne veulent pas ou qui ne sont pas
prédisposés à l'apprendre? Pourquoi les obliger? Mes
enfants vont dans une école. En fait, il y a des parents qui ont
demandé un meilleur enseignement de l'anglais. Si la majorité des
parents le demande et si la commission scolaire l'accepte, pour ceux qui
veulent l'apprendre, on peut améliorer l'anglais, on est d'accord sur
cela, mais on ne doit pas obliger tout le monde à devenir bilingue sous
prétexte qu'il y a des Anglais qui restent aux Etats-Unis et en Ontario
ou à Montréal.
Maintenant, je pense qu'il y a tout de même une catégorie
de gens qui ont de la difficulté avec les langues. On s'en rend compte,
moi personnellement, sur les lieux de mon travail, chez les jeunes commis qui
viennent travailler à mon bureau. Mais plus remarquez que ce
n'est pas scientifique, ce que j'ai remarqué nos jeunes sont
bilingues, moins ils sont capables de faire un rapport en bon français.
On est toujours obligé de les corriger. En fait, c'est peut-être
unique, c'est seulement à mon bureau. Je ne sais pas comment c'est
ailleurs, mais j'entends des remarques et ce serait la même chose
ailleurs. A l'hôpital Notre-Dame, où je connais des gens de
l'administration, des jeunes filles qui ont suivi obligatoirement des cours
d'anglais, à qui on a chanté à tue-tête qu'il
fallait qu'elles parlent l'anglais, ont laissé leur français, ont
été dans des "business colleges", arrivent à
l'hôpital Notre-Dame et il faut les renvoyer, parce qu'elles ne sont pas
capables d'écrire en français, et tout cela parce qu'on les y a
obligées et qu'elles sont incapables de bien assimiler les deux langues,
de façon à bien se débrouiller.
Je ne pense pas que cela soit donné à tout le monde
d'être un bon bilingue. Je ne pense pas que la commission entende par
bilingue un type de langue anglaise qui parle anglais ou un Canadien
français qui parle anglais, le genre d'anglais qu'on entend dans
certains quartiers de Montréal. Je dirais un anglais petit nègre,
chez certains immigrants. Remarquez que ce n'est pas leur faute, on ne les
blâme pas, mais ces gens viennent nous dire: On est bilingue. Ecoutez, il
faut bien s'entendre sur ce que c'est qu'être bilingue.
Ces gens ne sont pas capables de travailler en anglais, ni en
français, cela devient du baragouinage, parce qu'ils ont trop de langues
en même temps. Ils ne peuvent pas assimiler. Donc, si on laissait cela
facultatif, tout en laissant le gouvernement fournir les moyens à ceux
qui veulent, mais non pas les obliger, je pense que ce serait plus libre...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je pourrais vous demander si vous ne
jugez pas nécessaire, d'une façon générale, pour
les enfants du Québec, d'apprendre l'anglais, langue seconde? Est-ce
pour cette raison que vous le laissez facultatif?
M. Roy (Jean-Jacques): C'est juste. Nous ne jugeons pas
nécessaire que tous les enfants du Québec deviennent bilingues.
C'est une théorie qui circule, et nous sommes absolument contre elle.
C'est faux, d'ailleurs, dans les faits. C'est assez vrai que quand, nous,
à Montréal, les militants, parlons à un militant
nationaliste, de la Beauce par exemple ou des comtés ruraux, ils ne
comprennent même pas notre problème à Montréal. Ils
disent: Pourquoi une commission sur la langue? On n'en a pas besoin. C'est
évident que ces derniers ne sentent pas ce besoin, parce qu'ils parlent
tous français. Ils n'ont pas besoin de l'anglais. Cela va très
bien, leur affaire. Ils vont se promener aux Etats-Unis, la même chose.
Tandis qu'à Montréal, on ressent le problème, en ce sens
que quand on dit que nos parents, mon père, mes grands-parents qui
étaient des Montréalais de souche, et moi aussi d'ailleurs, ont
payé des écoles à des prix exorbitants, très
élevés, que ces écoles, on les regarde aujourd'hui, elles
sont bourrées d'immigrants, non pas que nous soyons contre les
immigrants, mais nous sommes contre le fait que ces gens prennent notre argent
et s'anglicisent contre nous, c'est-à-dire que cette minorité,
ils vont la grossir pour gruger la majorité... Nous pensons que c'est
anormal qu'une minorité s'enrichisse au détriment de la
majorité. Ce n'est pas normal dans un pays. Je pense que dans un pays,
une minorité doit rester une minorité.
Mme Lavoie-Roux: On touche à un autre problème.
C'est la question des droits de la minorité ou des privilèges de
la minorité, non plus de l'enseignement de la langue seconde. Je suis
d'accord avec vous que, peut-être, à Saint-Georges de Beauce, on
n'utilisera pas l'anglais dans la vie courante, mais les enfants qui sont
à l'école à Saint-Georges de Beauce aujourd'hui et qui ont
huit ans, est-ce qu'on peut prévoir quel sera l'avenir pour ces enfants?
On sait qu'il y a une forte migration des enfants des régions
semi-urbaines et rurales vers les centres où peut-être, dans
l'avenir, ils auront besoin de l'anglais. Est-ce qu'on peut décider, au
départ, qu'ils n'en auront pas besoin sans connaître le
cheminement que ces enfants vont avoir?
M. Roy (Jean-Jacques): Madame, je pense que si le gouvernement du
Québec veut faire du français la langue nationale, la langue de
travail, de plus en plus, ces gens n'auront pas besoin de l'anglais pour venir
travailler à Montréal. De moins en moins, à
Montréal, actuellement, seulement avec le projet de loi... je sens qu'il
y a une nette amélioration au niveau des enseignes, au niveau des noms
de compagnies, en fait, au niveau du quotidien, celui que l'on observe tous les
jours. Si le gouvernement fait du français la langue de travail, je ne
vois pas pourquoi le type qui demeure dans la Beauce ou dans Lotbinière
qui viendrait travailler à Montréal, s'il n'a pas d'anglais, cela
l'empêcherait de travailler. Cependant, si vous me dites qu'il va
travailler aux Etats-Unis, je suis d'accord que le type va avoir besoin
d'anglais. Je pense que l'on fait une erreur en obligeant tous
les immigrants et tout le monde à apprendre l'anglais, en ce sens
que beaucoup, je ne sais pas le pourcentage... nous ne sommes pas des experts
là-dessus, on n'a pas fait d'étude, mais il y en a qui en ont
fait. On a lu quelque part que souvent les immigrants se servent du
Québec comme pied-à-terre pour s'en aller aux Etats-Unis. Nous
payons leur éducation en anglais, et aussitôt qu'ils ont une
chance, ils sautent de l'autre côté. C'est nous, avec notre
argent, qui leur avons permis cela. Nous comprenons qu'ils sont en
Amérique du Nord, ces gens, mais il ne faut pas oublier que le Canadien
français aussi est en Amérique du Nord et que nous avons,
à force de lutte, gardé notre langue. Je pense bien que si on a
gardé notre langue, c'est en luttant. On ne nous l'a jamais
présentée sur un plateau d'argent. Donc, pourquoi rendre bilingue
tous les Canadiens français pour satisfaire une minorité? Je
pense et nous pensons tous, nous sommes d'accord là-dessus, qu'un
immigrant n'a les droits que la majorité veut bien lui donner, parce
qu'on dit qu'en France...
Mme Lavoie-Roux: Je ne vous parle pas des immigrants, je vous
parle de la population francophone.
M. Roy (Jean-Jacques): La population francophone, je reviens
à ce que je disais tantôt, si le type part de l'extérieur
de Montréal, des comtés ruraux, et qu'il s'en vient travailler
à Montréal, si la langue française est la langue de
travail, je ne vois pas en quoi le fait de ne pas savoir l'anglais pourrait lui
nuire.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous reconnaissez quand même que,
pour un cheminement de carrière, il pourrait éventuellement avoir
besoin de l'anglais.
M. Roy (Jean-Jacques): Cela dépend des postes qu'il
obtiendrait. Ecoutez! Moi, je ne vois pas du tout un type qui... Un exemple
concret, si vous voulez, l'emploi que j'ai, il n'a pas besoin d'anglais du
tout. L'anglais qu'il y a, vous savez, il y en a toujours un dans la place qui
sait l'anglais et on lui passe les appels téléphoniques...
Même les Anglais, aujourd'hui, nous parlent en français où
je travaille. Il y a jusqu'à six mois, ce n'était pas comme
ça. C'était un peu arrogant, mais, maintenant, on sent vraiment
dans le public un effort voulant... Mais justement, depuis le 15 novembre, je
pense que les gens sentent la soupe chaude, ils se forcent. C'est en se tenant
debout qu'on force les gens... Si le gouvernement est mou, il y a un risque que
la population...
Mme Lavoie-Roux: Une autre question. En page 2, vous dites: La
situation ne fait que s'envenimer et rend urgent l'élaboration, par
l'Etat, d'une loi proclamant hautement et fidèlement la francisation
intégrale... quant à ce que vous voulez dire par francisation
intégrale, est-ce que vous pourriez me donner votre source de
référence pour indiquer que la situation s'est envenimée?
Je vous entends faire allusion au fait que présentement les anglophones
sont prêts à vous parler français. Mais, en dehors de
ça, est-ce que vous avez pris connaissance des statistiques qui ont
été publiées sur le bilinguisme au travail, des
anglophones de Montréal qui, aussi, est allé en augmentant et
qui, je pense, prédate le 15 novembre, même si je comprends que
pour certains c'est une date un peu miraculeuse, est-ce que vous avez pris
connaissance... D'abord, d'une part, quelles sont les données sur
lesquelles vous vous appuyez pour dire que ça s'est envenimé?
Deuxièmement, est-ce que vous avez pris connaissance de ces
données statistiques quant au bilinguisme grandissant des anglophones
à Montréal?
M. Roy (Jean-Jacques): Je répondrai que je ne peux pas
vous donner de statistiques, on ne les a pas. Cependant, je pense bien que ce
mémoire a été fait sur une base d'expériences
personnelles de chacun des membres de la société.
Si, depuis le 15 novembre, les anglophones parlent de plus en plus le
français en travaillant, au téléphone, quand on
répond aux gens, pour le public même dans les magasins à
Montréal. On sent un commencement d'amélioration...
Mme Lavoie-Roux: Depuis-le 15 novembre seulement?
M. Roy (Jean-Jacques): Non, madame. Disons que ça se
produisait un peu avant, mais je pense que... Ecoutez! Tout de même, si
on vit... Oui, je dirais surtout comme mon confrère, remarquez que
ça se faisait avant, mais on sentait quand même que ce
n'était pas le même climat.
Les statistiques, je ne les connais pas, mais si on dit que, de plus en
plus, les anglophones parlent français à Montréal,
pourquoi obliger encore les nôtres à parler anglais?
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Roy (Jean-Jacques): Si c'est facultatif, c'est bien. C'est
comme ça qu'on le voit.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous recommandez
que le secteur de l'enseignement anglophone disparaisse. Est-ce que vous pouvez
me citer d'autres pays où 20% de la population je peux même
la réduire à 14%, si on dit qu'il y en a 6% qui ne sont pas des
anglophones qui possèdent un système d'enseignement depuis
200 ans et du jour au lendemain, on le retranche? Est-ce que ça vous
apparaît une chose tout à fait normale?
M. Roy (Jean-Jacques): Ecoutez! Cette procédure, que nous
recommandons, nous apparaît complètement normale, si on vit au
Québec, en français, nous prônons, nous préconisons,
nous, à la Société nationale populaire, depuis 15 ans,
depuis 1965, un système d'éducation en langue française
pour tous. Cependant, nous disons aussi qu'il y a certainement des
modalités à l'intérieur
de ça, qu'il peut y avoir des classes de langue anglaise pour les
vrais descendants d'Anglais ou de vrais Anglais, mais ce que nous disons, c'est
de ne pas obliger tout le monde, comme actuellement, à apprendre
l'anglais, et je reviens sur ce que je disais tantôt. On a toujours dit
ça... Remarquez que la CEQ, je pense, dernièrement, a rejoint un
peu notre position en disant: Un système d'éducation dans la
langue française, mais, cependant, nous, depuis notre fondation, depuis
1965, on répète ça. Il faut dire qu'à ce
moment-là, c'était assez avant-gardiste et
révolutionnaire. Nous avons persisté et, aujourd'hui, on voit des
groupes importants d'individus rejoindre notre position. Je pense aussi qu'il y
a quelques députés qui sont d'accord avec ça.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous connaissez un pays où cela
s'est fait?
M. Roy (Jean-Jacques): Non. Je ne peux pas vous citer un pays
où cela s'est fait, mais si vous parlez peut-être du Canada, c'est
peut-être cela qu'on a fait, en 1890 au Manitoba. D'un revers de la main,
sans s'occuper si c'était démocratique, sans s'occuper si
c'était pédagogique, on a pris nos petits Québécois
qui étaient là et on les a mis à l'anglais le lendemain
matin.
Mme Lavoie-Roux: Vous voulez qu'on fasse la même chose ici
au Québec pour les petits anglophones?
M. Roy (Jean-Jacques): II peut y avoir encore des
modalités dans cela. Il peut y avoir une progression. Je ne dis pas que
nous devons être aussi durs que les anglophones l'ont été
pour nous dans les autres provinces. On peut certainement arriver au même
résultat, progressivement, mais qu'entend-on par progressivement? On
dit: Immédiatement. Il est évident que cela ne pourrait se faire
demain matin, mais on pourrait se donner un laps de temps, un certain nombre
d'années. Nous ne sommes pas des spécialistes, mais on sait
certainement que cela pourrait se faire. Cela s'est fait au Manitoba et je me
demande pourquoi nous nous gênerions.
Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Lotbinière.
M. Biron: Merci, M. le Président. M. Roy, je vais vous
demander d'être bref. Nous n'avons que dix minutes pour vous poser
quelques questions. Je vous remercie d'abord de votre mémoire. Nous
croyions que le ministre était radical, mais il va paraître comme
un modéré auprès de vous.
On entend parler de la Société nationale populaire du
Québec pour la première fois. Qu'est-ce que c'est et quelles sont
les implications, brièvement, dans le milieu québécois, de
votre société?
M. Roy (Jean-Jacques): Notre société fut
fondée en 1965 par des dissidents de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Nos implications, au niveau
québécois, je ne pense pas que cela soit un mouvement de masse
à la trotskiste. C'est un mouvement de gens qui pensent, qui veulent le
bien des Québécois culturellement et économiquement.
M. Biron: Cela a été fondé à
Montréal?
M. Roy (Jean-Jacques): Oui.
M. Biron: Vous avez combien de membres à l'heure
actuelle?
M. Roy (Jean-Jacques): Nous sommes 235 membres en règle,
cette année.
M. Biron: Très bien. Vous nous avez dit tout à
l'heure que, dans votre milieu, dans votre emploi, vous avez remarqué
que, depuis le 15 novembre, vous n'avez plus à employer d'anglais ou
très peu. Puis-je vous demander quelle est votre profession?
M. Roy (Jean-Jacques): Je suis chef de bureau adjoint au
secrétariat des bibliothèques de la ville de Montréal.
M. Biron: A la ville de Montréal? M. Roy
(Jean-Jacques): Oui.
M. Biron: Et vous avez remarqué que l'anglais est disparu
rapidement?
M. Roy (Jean-Jacques): M. le chef de l'Opposition officielle,
j'ai dit tantôt que nous avons...
M. Biron: Je ne sais pas si, être appuyé par vous,
cela peut m'aider!
M. Roy (Jean-Jacques): Remarquez que je n'ai pas voulu vous
choquer, M. Biron.
M. Chevrette: J'espère que vos autres déclarations
sont plus exactes!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Joliette-Montcalm!
M. Roy (Jean-Jacques): C'est peut-être prophétique.
C'est d'ailleurs ce que je souhaiterais.
M. Biron: Merci de vos bons voeux. Je vais essayer de faire le
reste.
M. Roy (Jean-Jacques): J'ai dit tantôt qu'à la ville
de Montréal, nous n'avons pas un pressant besoin de parler l'anglais
à notre travail parce que la langue de travail est le français.
Cependant, de temps à autre, nous recevons des appels interurbains au
secrétariat des bibliothèques, il est évident que nous
recevons des appels de Toronto et de New York et, à ce moment, je me
fais un devoir
de parler l'anglais. Cependant, je ne dis pas que cela date seulement du
15 novembre. Cela a commencé plusieurs années auparavant.
M. Biron: D'accord, mais, dans votre profession, vous n'avez pas
tellement de relations avec le monde des affaires, le monde du commerce?
M. Roy (Jean-Jacques): Oui, j'ai affaire avec le monde du
commerce, le monde des éditions. On a affaire avec des éditeurs
de Toronto, d'Allemagne, de Hollande et, si je peux vous faire une remarque, je
vous dirai que les commandes de livres qui nous viennent de Hollande nous
viennent en hollandais. Si elles nous viennent d'Espagne, ordinairement, elles
nous arrivent en espagnol.
M. Biron: Si elles viennent des Etats-Unis?
M. Roy (Jean-Jacques): Elles arrivent en anglais.
M. Biron: Merci. Vous nous parlez aussi dans votre
présentation d'une nation québécoise. Qu'est-ce qu'un
Québécois pour vous?
M. Roy (Jean-Jacques): Un Québécois je suis
de l'avis de M. Lévesquec'est un type qui reste au Québec,
qui a opté de choisir de vivre ici, qui paie des taxes ici. C'est un
Québécois. Cependant, un Québécois de toute
origine, doit s'intercaler progressivement à la majorité
francophone et francophile.
M. Alfred: Exemple, je suis Québécois.
M. Biron: C'est quelqu'un qui vit au Québec, peu importe
sa langue ou ses origines?
M. Roy (Jean-Jacques): Un Québécois, c'est je
pense, comme un Canadien, c'est comme un Américain, c'est quelqu'un qui
vient ici, qui en accepte les lois et qui accepte de vivre avec nous, et nous
disons en français.
M. Biron: Très bien. J'arrive du Manitoba. J'étais
hier à Saint-Boniface où j'ai rencontré des dirigeants de
la Société franco-manitobaine de Saint-Boniface et ces gens
craindraient énormément d'écouter vos paroles, parce
qu'ils se battent à l'heure actuelle et apparemment font des
progrès vis-à-vis du gouvernement du Manitoba pour le fait
français. Comment voyez-vous les relations entre le Québec et le
million de francophones à l'extérieur du Québec qui veut
demeurer, comme nous, Canadien français?
M. Roy (Jean-Jacques): Vous me permettrez d'être en
désaccord avec votre million que tout le monde transporte comme cela. Je
pense qu'il y a environ, à ce qu'on dit, 500 000 ou 600 000 Canadiens
français qui ont gardé encore leur langue. Le reste est
assimilé. Ils se disent peut-être Canadiens français, mais
ils ne parlent plus le français ou s'ils le parlent, ce n'est même
plus du français.
Je remarque une chose, Mon Dieu! que les minorités
françaises du Manitoba, depuis le 15 novembre, sont donc devenues
intéressantes pour les fédéraux. On ne pouvait pas les
voir avant.
M. Biron: Ce n'est pas ce que je vous ai demandé.
M. Roy (Jean-Jacques): Non?
M. Biron: Je vous ai demandé comment voyez-vous la
relation. Qu'est-ce que nous allons faire pour eux? On va leur dire: Vous
devenez anglophones, ou si on va faire quelque chose pour eux?
M. Roy (Jean-Jacques): Si on dit que la langue relève des
provinces, je pense qu'il est du devoir du Manitoba de voir a ses
minorités; comme nous au Québec, ici, on verra ou on voit
à notre minorité de langue anglaise. Ce n'est pas à nous,
je pense, à aller dire à M. Schreyer, du Manitoba comment diriger
sa province.
M. Biron: Vous traitez ainsi les anglophones du Québec,
comme des gens de deuxième classe. Vous voulez être sûr que
les francophones de l'extérieur du Québec soient traités
comme des gens de deuxième classe.
M. Roy (Jean-Jacques): Ecoutez, je pense que si on regarde
l'histoire, ce que vous dites n'est pas tout à fait vrai. En fait, les
Canadiens français dès autres provinces de la manière
qu'ils ont été traités, ce n'est pas un cadeau. Je ne sais
pas si... Ce qu'on leur fait, je pense avec...
M. Biron: Je ne regarde pas hier, je regarde aujourd'hui et
demain, j'ai l'habitude de regarder en avant.
M. Roy (Jean-Jacques): Même aujourd'hui, avec la loi no 1,
ils sont traités trop généreusement, pour ce qu'on a dans
les autres provinces.
M. Saint-Louis (Jacques): M. Biron, il faut aussi
considérer le fait qu'au Québec...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Voulez-vous rapprocher votre micro, s'il vous plaît.
M. Saint-Louis: ... la langue française est en grande
difficulté. Il faut tout d'abord, à notre avis, à la
Société nationale populaire, régler ces
difficultés, après, dans la mesure où cela va être
possible, essayer d'être solidaire de ces groupuscules qui existent dans
toutes les autres provinces du Canada et de les aider à accomplir ce
qu'ils veulent, ce qu'ils espèrent depuis des centaines d'années.
Mais tout d'abord, il faut régler nos problèmes, après on
ira essayer de régler les problèmes des autres, mais il faut tout
de même commencer à régler nos histoires avant.
M. Biron: D'accord. Donc, vous n'êtes pas du tout d'accord
avec beaucoup de mémoires qu'on a
reçus et en particulier un document de la Chambre de commerce,
dont on a traité beaucoup dans les journaux au cours des derniers jours.
Ce document dit que le français est en progression au Québec.
M. Saint-Louis: Je ne crois pas, M. Biron, pour la simple et
unique raison que je vis à Montréal, que j'y suis né, et
qu'il y a quinze ans il y avait environ 65% de francophones et 35% de personnes
qui parlaient anglais, ou qui s'exprimaient, dans la vie de tous les jours, en
anglais, soit au travail, etc. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas. C'est rendu
environ 55% de personnes qui parlent français et 45% de personnes qui
parlent anglais, c'est-à-dire que les immigrants...
Une Voix: Cela va en augmentant.
M. Biron: Vous n'avez certainement pas les mêmes
statistiques que nous.
M. Saint-Louis: ... qui sont venus à Montréal,
comme les Italiens, etc. s'expriment maintenant en anglais.
M. Biron: Vous n'avez certainement pas les mêmes
statistiques que nous pouvons avoir au gouvernement du Québec, ou,
peut-être que le gouvernement se trompe.
M. Saint-Louis: Mais, M. Biron, il y a aussi le fait que tous les
immigrants italiens, et autres, vont surtout à l'école anglaise
depuis X nombre d'années. Ils ne veulent plus, je crois, venir à
une école française.
M. Ciaccia: Non, les Italiens sont partagés de
moitié, pour votre information. Ils ne sont pas tous allés
à l'école anglaise.
M. Biron: Vous avez parlé tout à l'heure aussi dans
votre mémoire d'une société québécoise
à refédinir, un épanouissement complet. Quelle serait
cette redéfinition de la société québécoise,
d'après vous?
M. Roy (Jean-Jacques): D'après nous, une
société québécoise complète se fera le jour
où les Québécois contrôleront et leur langue et leur
économie, qu'ils contrôleront la société.
M. Biron: Vous m'avez dit tout à l'heure qu'un
Québécois, c'était quelqu'un qui travaillait ici et qui
payait des taxes, peu importe sa langue ou son origine.
M. Roy (Jean-Jacques): C'est cela.
M. Biron: Là vous me dites que le Québécois
va contrôler... Ce n'est pas sûr là.
M. Roy (Jean-Jacques): C'est évident. Cela va très
bien ensemble. Les immigrants qui se disent Québécois, qui ont
obtenu après trois ans leur ci- toyenneté canadienne,
forcément, il faut les prendre comme Québécois, selon la
loi, à ce moment-là, quand ils seront francophones ou
francophiles, vous savez, ils vont faire partie de notre groupe. Ce seront nos
frères au lieu de nous combattre et au lieu de servir de cheval de Troie
aux fédéraux qui se servent d'eux comme jouets pour angliciser
Montréal.
Quand Montréal sera tombé, c'est le reste de la province
qui va y passer.
M. Biron: Comme ça, pour vous, un Québécois
de langue anglaise, ce n'est pas votre frère au Québec?
M. Roy (Jean-Jacques): Un Québécois de langue
anglaise, c'est mon frère. Ecoutez, ne me faites pas dire des choses que
je ne veux pas dire.
M. Biron: C'est ça que vous avez dit tout à
l'heure.
M. Roy (Jean-Jacques): Non, non, écoutez... Une Voix:
C'est comme Caïn et Abel.
M. Roy (Jean-Jacques): ... on n'est tout de même pas sous
serment ici, ce n'est pas une cour que je sache. Nous ne sommes pas
racistes...
M. Ciaccia: ... Caïn et Abel.
M. Roy (Jean-Jacques): ... et c'est assez vrai parce qu'à
la Société nationale populaire nous acceptons tout le monde. Un
type de langue anglaise qui est francophile, on le prend, mais à
condition qu'il soit francophile, qu'il ne vienne pas lutter contre nous au
sein du groupe sous prétexte de bilinguisme et de choses comme
ça. Si un Anglais veut vivre comme moi au Québec, en
français, il sera plus proche de moi que s'il vit en anglais dans un
autre quartier et que je ne le connais pas. C'est évident.
M. Biron: Je remarque aussi que vous prenez la défense des
Amérindiens. A vous voir traiter les anglophones du Québec, je me
demande si ce n'est pas pour vous donner bonne conscience que vous voulez
prendre la défense d'un groupe d'Amérindiens.
M. Roy (Jean-Jacques): M. Biron, je pense qu'on a peut-être
des choses à se reprocher, et on en a certainement, comme Canadiens
français envers les Amérindiens. Les Canadiens anglais en ont et
les Américains aussi. Tous les blancs d'Amérique ont des choses
à se reprocher à l'égard des Amérindiens.
Cependant, je pense qu'on serait à peu près la seule province, si
on instituait l'enseignement de leur langue pour ceux qui le désirent
encore. Evidemment, un Amérindien qui ne voudrait pas apprendre la
langue de sa tribu, on n'est pas pour le forcer. Mais s'il le voulait, on
devrait faire en sorte qu'il puisse l'apprendre.
M. Biron: C'est ça que je vous dis, vous voulez enseigner
la langue des Amérindiens aux Amérindiens, mais vous ne voulez
pas enseigner l'anglais aux Anglais. Je trouve ça curieux.
M. Roy (Jean-Jacques): Les vrais Anglais, dans un système
intercalé au nôtre, en français, pourront apprendre
l'anglais. Je vous parle des vrais Anglais. Je ne vous parle pas d'un type qui
est arrivé de Grèce en 1945. Pour moi, pour nous, ce n'est pas un
anglophone, même s'il se dit anglophone parce qu'il parle anglais ou
qu'il le baragouine. Ecoutez, il faut se comprendre. Cependant, j'admets qu'il
y a au Québec de vrais Anglais, des types d'Angleterre, d'Ecosse, du
pays de Galles. Il y a des Irlandais qui se disent anglais aussi. On admet que
ces anglais, les vrais, aient leur classe de langue anglaise comme
minorité, au sein d'un système d'éducation de langue
française pour tous, comme cela se fait d'ailleurs dans tous les
pays.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Votre
temps est malheureusement écoulé. Le député de
Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. M. Roy, on vous
posait une question tout à l'heure, c'est-à-dire de trouver un
pays de 200 ans d'histoire qui ait aboli son système d'éducation
dans une langue pour le remplacer par une autre. Comme réponse, je vais
vous citer le Canada, qui par le Manitoba qui était une terre
francophone, a aboli le français pour l'anglais. Lorsque vous parlez
dans votre mémoire du réseau d'éducation et de son
intégration au réseau francophone, quelle forme
d'intégration voyez-vous pour le réseau anglais?
M. Roy (Jean-Jacques): Moi, je ne suis pas technocrate, ni
technologue, ni pédagogue. Cependant, il va certainement y avoir au
gouvernement des gens qui auront leur idée là-dessus. Ce que nous
voyons, globalement, c'est l'intégration des systèmes de langue
anglaise dans un système unique de langue française. Cela peut se
faire par des lois. Je pense que les lois incitatives n'ont pas donné
grand résultat dans le passé. Donc peut-être qu'avec une
certaine coercition quant au temps, on pourrait intercaler ces systèmes
dans le nôtre et les vrais anglophones, comme je le disais tantôt,
pourraient avoir leurs classes à l'intérieur de ce
système...
M. Laplante: Mais dans les classes à l'intérieur
d'un système intégré, dans ces classes anglophones, est-ce
qu'on enseignerait uniquement l'anglais ou une portion...
M. Roy (Jean-Jacques): Remarquez que la langue
française... que les Québécois de langue française
étant majoritaires au Québec, ces gens recevraient l'enseignement
de leur langue on ne s'est pas consulté sur cette question
et l'enseignement du français pour qu'ils puissent s'intégrer
à la majorité francophone. C'est comme ça que nous le
voyons.
M. Laplante: Dans un système intégré,
reconnaissez-vous quand même, jusqu'au niveau universitaire, en passant
par le niveau collégial, parce que le niveau collégial n'est pas
dans la Charte, cela arrête à l'élémentaire, au
secondaire, dans un système intégré, voyez-vous le niveau
collégial anglais intégré strictement anglais, ainsi qu'au
niveau universitaire?
M. Roy (Jean-Jacques): Tout le système, de la maternelle
à l'université, devrait s'intégrer au système de
langue française. Ce qui n'empêche pas, remarquez, quelqu'un qui
va à l'université, qui étudie les sciences, d'avoir appris
l'anglais et de lire en anglais, s'il y est obligé. De même, on me
dit qu'à l'université Laval à Québec, dans les
sciences spatiales, ils ont maintenant des volumes en russe. Il y a quelques
Canadiens français qui sont obligés de prendre quelques cours de
russe pour pouvoir se débrouiller dans le vocabulaire et dans les
verbes. Il ne s'agit pas de faire une clôture autour du Québec. Ce
n'est pas cela. Il s'agit d'être nous-mêmes comme, je pense, en
France, les Français sont eux-mêmes, et en Allemagne, les
Allemands sont eux-mêmes. C'est comme cela que je vois cela. Je ne vois
pas du tout des petits Allemands se mettre à étudier l'anglais,
parce que tout le monde... c'est facultatif chez eux, parce qu'il y a des
Américains qui sont là, parce qu'ils sont sous l'occupation
américaine.
M. Laplante: Croyez-vous à deux nations au Canada?
M. Roy (Jean-Jacques): C'est évident que, dans le
système politique actuel, il y a deux nations au Canada. Il y a la
nôtre et il y a celle de langue anglaise. C'est évident, dans le
système politique actuel.
M. Laplante: Croyez-vous à deux nations au
Québec?
M. Roy (Jean-Jacques): Nous sommes forcément
obligés d'admettre qu'il y a deux nations au Québec. Mais on
pense que la minoritaire doit s'intégrer à la majoritaire.
M. Laplante: Mais que faites-vous des 250 000 Italiens qui sont
ici? Les considérez-vous comme une troisième nation?
M. Roy (Jean-Jacques): Pas du tout. Actuellement, pas du tout. Ce
sont des immigrants. Ils n'ont que des droits d'immigrants, que nous leur
donnons. Les droits qu'ils ont, c'est nous qui les leur avons donnés.
S'ils se sont présentés dernièrement à la
Commission des écoles catholiques de Montréal, c'est parce que
nous le leur permettons. Je pense qu'il ne faut pas commencer à
multiplier et à jouer sur les mots. A ce moment-là, ce serait la
pagaille. Les gens qui arrivent ici doivent s'intégrer, selon nous,
à la majorité française. C'est tout. L'histoire de dire
qu'il y a une nation organisée... Mais, par contre, si nous leur donnons
tous la chance de faire ce qu'ils veulent faire, il est évi-
dent que, dans dix, quinze, vingt ans, on se ramassera avec une
troisième nation, et on sera bien mal pris à ce moment-là.
On a de la misère à s'entendre avec deux, alors,
imaginez-vous!
M. Laplante: Mais, pour vous, un immigrant, quand cesse-t-il
d'être un immigrant?
M. Roy (Jean-Jacques): Monsieur, un immigrant dans un pays est
toujours un immigrant! Il vient toujours d'ailleurs. Cependant, si le
Québec ou le Canada adopte des lois, on dit qu'il cesse d'être
immigrant au moment où on lui dit au bout de trois ans, cinq ans,
dès qu'il est bien intégré, que, d'accord, il cesse
d'être immigrant, politiquement, parce qu'on lui donne une carte. Mais un
type qui est né à Rome ou à Berlin, on n'en fait pas un
Québécois de naissance.
M. Laplante: Mais croyez-vous par exemple qu'un immigrant,
dès qu'il arrive ici au Québec, pour s'établir au
Québec, ne devrait pas plutôt porter un statut de résident
du Québec?
Une Voix: Oui.
M. Roy (Jean-Jacques): C'est une modalité. Je n'ai pas
d'objection quant aux termes. Il peut peut-être être
résident, immigrant ou immigrant reçu. En fait, cela ne change
pas le fait que le monsieur en question est d'un autre pays.
M. Laplante: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. Roy, vous connaissez les objectifs du projet de
loi, on peut les exprimer de différentes façons, mais,
essentiellement, ils visent à consacrer et faire en sorte que le
français soit la langue de toutes les activités au Québec.
Vous savez qu'une très grande majorité des
Québécois sont d'accord avec ces objectifs; là où
il y a mésentente, c'est souvent dans les moyens à choisir pour
atteindre ces objectifs. Selon vous, s'il était possible d'atteindre ces
objectifs, ceux recherchés par le projet de loi, sans porter atteinte
aux libertés individuelles, est-ce que vous choisiriez de le faire de
cette façon?
M. Roy (Jean-Jacques): Je ne pense pas que le projet de loi porte
atteinte à aucune liberté. Il m'est donc difficile de
répondre à votre question. Quant au projet de loi actuel,
malgré que nous pensions qu'il y a des choses là-dedans qui
devraient être plus radicales, il n'est pas dit que nous sommes contre.
Il est évident que nous sommes en faveur, parce que c'est une nette
amélioration sur ce qu'il y avait auparavant.
M. Lalonde: Vous êtes d'avis qu'il ne porte pas atteinte
aux libertés. Est-ce que vous seriez contre toute disposition qui
porterait atteinte aux libertés, si jamais il y avait des amendements
qui étaient proposés par un député, par un parti ou
un autre?
M. Roy (Jean-Jacques): Toute atteinte à des
libertés, pour autant que les libertés qui sont touchées,
si on se sert de ces libertés pour que cela joue contre nous avec le
temps, je suis complètement en désaccord. Si vous voulez, je
pourrais peut-être citer un exemple qu'on m'a rapporté. Je ne l'ai
pas lu moi-même. Ce serait peut-être à vérifier, mais
j'y crois passablement.
Je pense qu'en 1945, après la guerre, il y a eu beaucoup
d'immigrants européens qui sont allés s'installer en Australie.
Les immigrants européens, étant issus de civilisations anciennes,
l'histoire australienne étant tout de même assez récente
dans l'histoire du monde, on a tenté de faire comme ils font au Canada,
des groupes culturels, la langue, les droits et tout cela. On leur a
accordé une seule chose: Vous n'aurez les droits que nous vous donnerons
et avec les immigrants, nous voulons faire des Australiens. Je pense que
c'était parfait, que c'était correct. Maintenant, ils n'ont pas
de problèmes, je ne pense pas. Tous les immigrants qui s'en vont en
Australie s'en vont à l'école australienne de langue anglaise et
je...
M. Lalonde: Pour revenir au Québec, M. Roy, vous
choisiriez donc une espèce de conciliation entre les droits collectifs
qu'on veut promouvoir par un tel projet de loi et les libertés
individuelles des gens, par exemple, décrites et protégées
par la Charte des droits et des libertés de la personne. Est-ce que vous
choisiriez vous étiez peut-être distrait quand j'ai
posé ma question un effort de réconciliation de ces deux
systèmes de valeurs?
M. Roy (Jean-Jacques): Si j'ai bien compris la question, je pense
que si cela reste comme c'est là avec deux systèmes
d'éducation, c'est évident qu'il faut tenter des efforts pour les
réconcilier, mais au départ nous sommes pour...
M. Lalonde: Je n'ai pas parlé de système
d'éducation, excusez-moi de vous interrompre, j'ai parlé des
droits collectifs dont la promotion est faite par un tel projet de loi...
M. Roy (Jean-Jacques): Vous parlez des droits collectifs?
M. Lalonde: ...les droits de la collectivité, non
seulement à la survivance, mais à l'épanouissement de sa
culture et de sa langue, tels que promus par un tel projet de loi,
comparés à l'autre système de valeurs qui n'est pas
nécessairement contradictoire, qui est constitué de
libertés et de droits individuels. Est-ce que vous pensez qu'on devrait
concilier ces deux systèmes de valeurs?
M. Roy (Jean-Jacques): II est évident que je ne suis pas
législateur. Je pense qu'on devrait les concilier, mais, cependant, on
doit garder comme minimum ce qu'il y a actuellement dans la charte, le projet
de loi no 1. C'est évident qu'on ne peut pas dire on part en guerre
contre un tel.
M. Lalonde: Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Est-ce qu'il y aurait des députés du parti
ministériel qui voudraient intervenir? Je vous informe qu'il reste au
parti ministériel huit minutes et environ cinq minutes au Parti
libéral. Le député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, la culture
française, pour moi, a toujours été une culture ouverte
sur le monde et qui a toujours mis de l'avant les libertés individuelles
et le respect de l'humain comme tel, comme personne. Il faut être un peu
de culture française et être au courant de son histoire pour
accepter une telle affirmation sans réticence. Les universités
françaises, entre autres, ce sont les premières qui se sont
ouvertes à l'univers et c'est ce qui a expliqué d'ailleurs le
prestige et l'universalité de la culture française.
Voilà ici qu'on nous remet un mémoire au nom de cette
même culture qui va aux extrêmes, extrêmement radical. Il
serait extrêmement difficile de déterminer où commence le
racisme ou où finissent les libertés individuelles et le respect
de l'humain, mais croyez-moi, M. le Président, s'il était de ma
possibilité de faire une telle distinction en noir sur blanc, je la
ferais volontiers, mais je puis vous dire que si ce mémoire n'est pas
raciste, il le frise énormément.
Il y a des choses là-dedans qui sont absolument irrationnelles.
Lorsqu'on dit, par exemple, que l'utilité de l'anglais dans les
universités françaises va disparaître à mesure que
l'utilisation du français va s'accentuer, quiconque a un diplôme
universitaire sait pertinemment, surtout dans les domaines scientifique,
technique, ou des sciences appliquées, qu'on ne fera jamais
disparaître des universités françaises les livres de langue
anglaise, parce que les Etats-Unis, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille
pas, sont à la pointe de flèche du développement et que la
majorité des volumes, des écrits et des revues qui traitent de
ces sujets le font en anglais. Si nos universités n'avaient aucune
relation avec le monde de langue anglaise, ce serait simplement leur perte. De
toute façon, ceci dit, à mon avis, je constate qu'il n'y a rien
de français dans ce mémoire; il ne réflète en rien
la culture française. Je ne connais pas la Société
nationale populaire. Qu'est-ce que cela peut refléter? Y a-t-il 250
membres ou pas? Je ne le sais pas. Je dois dire qu'à titre de
député, quand j'aurai besoin de gens aussi extrêmes pour me
faire élire, il me sera très agréable de retourner chez
moi. Ceci dit, j'ai une consolation, c'est qu'au moins le responsable
socio-culturel de la Société nationale porte le nom de Alan
Murphy. Voilà un nom au moins qui n'est pas français. J'ai un
petit peu moins honte d'être de culture française, mais je me
demande bien si on ne devrait pas vérifier si ce M. Alan Murphy...
M. Roy (Jean-Jacques): M. le Président, je ne suis pas
d'accord qu'on se fasse traiter de "racistes".
M. Saint-Germain: J'ai la parole, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Saint-Germain: Je me demande bien si ce M. Alan Murphy...
M. Roy (Jean-Jacques): Je regrette, mais je n'accepte pas du tout
les paroles de ce député...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Verchères,
sur une question de règlement.
M. Charbonneau: M. le Président, je pense qu'il n'est pas
permis aux membres de cette commission de prêter des intentions aux
témoins. Je demanderais au président de demander au
député de Jacques-Cartier de respecter autant qu'il le demande
aux autres les témoins qui sont devant nous.
M. Saint-Germain: Sur cette même question de
règlement, je n'ai pas prêté d'intention au groupe. J'ai
dit que s'il n'était pas raciste, cela frisait le racisme. Ce ne sont
pas des intentions, c'est une affirmation.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Paquette: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! A l'ordre! M. l'intervenant, s'il vous plaît!
M. Saint-Germain: Alors, je me suis demandé si on ne
devrait pas vérifier...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Jacques-Cartier, je pense que l'incident est clos. Je
vous laisse poursuivre votre exposé.
M. Saint-Germain: On devrait se demander si M. Alan Murphy n'est
pas un représentant de la Irish Republican Army. Si c'est vrai,
j'espère qu'on ne créera pas au Québec la situation qu'on
crée en Irlande du Nord.
M. Roy (Jean-Jacques): M. le Président, vous me permettrez
de répondre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Paquette: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense que le
député de Jacques-Cartier continue exactement dans la même
veine. Il est en train d'insulter les témoins. On invite des gens ici,
ce n'est pas pour les insulter, surtout quand ils viennent, de bon droit,
défendre les droits de la majorité francophone. On peut ne pas
être d'accord sur certains de leurs arguments, mais pas au point de les
insulter comme le fait le député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Sur cette question de règlement, je
n'insulte personne.
M. Roy (Jean-Jacques): Je regrette, mais je suis insulté,
monsieur.
M. Saint-Germain: Je trouve ce mémoire insultant et je me
sers des mêmes termes pour le qualifier.
M. Roy (Jean-Jacque): C'est vous qui êtes insultant,
monsieur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Roy (Jean-Jacques): C'est vous qui êtes insultant,
monsieur. Je pense que vous...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Saint-Germain: M. le Président, si...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Jacques-Cartier!
M. Saint-Germain: ... nos invités.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! Je demande aux membres de la commission, qu'ils soient
députés ou intervenants, lorsque le président dit: A
l'ordre, s'il vous plaît! de se taire. D'autre part, j'incite les membres
de la commission et les intervenants, même s'ils ne partagent pas pour
l'intervenant les opinions qu'un député peut avoir, et même
un député, s'il ne partage pas l'idée des intervenants,
d'au moins, mutuellement, respecter leurs propres opinions. Là-dessus,
M. le député de Jacques-Cartier, je vous avise qu'il vous reste
une minute.
M. Saint-Germain: Je ne veux insulter personne. Si nos
invités ont la liberté de parole, moi aussi, je l'ai. Ils ont des
opinions, ils les disent, moi, je dis les miennes. Elles sont
diamétralement opposées, mais ce n'est pas une raison pour
laquelle on ne devrait pas s'accepter l'un et l'autre.
M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.
Le député de Jacques-Cartier s'est référé
à certains incidents. Ce n'est pas déférent de vendredi,
quand le ministre, quand la communauté grecque est venue, a
commencé à parler des Chypriotes et des guerres entre les Turcs
et les Grecs. Je ne vois pas pourquoi...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal...
M. Paquette: Je m'excuse, mais...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que ce que j'ai demandé... Je
n'ai rendu aucune décision, ce que j'ai demandé, à tout le
monde, c'est de se respecter mutuellement, même si les uns ne partagent
pas nécessairement les opinions des autres. Je l'ai demandé
à tous les députés et aux intervenants
également.
M. Ciaccia: D'accord.
M. Paquette: M. le Président, en vertu de l'article 96,
j'aimerais corriger les propos que le député de Mont-Royal vient
de prêter au ministre concernant le mémoire de la
communauté grecque.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rosemont...
M. Paquette: Ce n'est pas ce que le...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...je
pense que l'article 96 ne s'applique pas dans ce cas-ci. L'article 96
s'applique lorsque quelqu'un qui a fini de faire un discours, entend rectifier
des faits. Or, vous n'avez fait aucun discours.
M. l'intervenant, je vous permets de répliquer à
l'exposé du député de Jacques-Cartier, même si le
temps est expiré.
M. Roy (Jean-Jacques): A la demande de notre président, M.
Gilles Maillé va répondre à cette question.
M. Maillé (Gilles): Ecoutez, monsieur, vous...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De
façon très brève, s'il vous plaît.
M. Maille: ...vous faites parti du Parti libérai, vous
avez aussi des membres de l'Union nationale. Nous, de la Société
nationale populaire, considérons que les gouvernements
précédents ont manqué de jugement, manqué de
courage, manqué de lucidité à régler la question de
la culture et de la langue. Aujourd'hui, vous nous traitez de racistes,
monsieur. Vous êtes peut-être un raciste. Mais moi, ce que j'essaie
de faire, ce que notre Société essaie de faire, c'est de vouloir
que les Québécois vivent en français, parlent
français, gagnent leur vie en français, d'une manière
normale. Tout ce qu'on demande, c'est d'être normal ici. Nos
gouvernements, à venir jusqu'à ce jour on n'a pas eu un
gouvernement qui a eu du bon sens comme le Parti québécois qui
s'est tenu debout et qui a décidé de régler la question de
la langue Finalement, tout ce qu'on demande, c'est d'être normal.
En Angleterre, est-ce qu'ils ont des systèmes subventionnés par
les fonds publics pour enseigner le français? Ils n'en ont pas. En
Ontario, ils en ont un peu...
M. Ciaccia: ...population en français? Est-ce qu'ils ont
20% de la population d'une autre langue, en Angleterre?
M. Maillé: Tout ce qu'on demande, c'est notre droit
de...
M. Ciaccia: Regardez en Suède, regardez en
Tchécoslovaquie et même en Grèce...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal, la parole est au... A l'ordre, s'il vous plaît! La parole est
au témoin. Le parti que vous représentez a épuisé
son temps.
Monsieur...
M. Maillé: La Colombie-Britannique, en 1968, a aboli les
subventions aux écoles françaises. Qu'est-ce que vous dites de
ça? Est-ce du racisme...
M. Ciaccia: Cela ne devrait pas se continuer. C'est une
injustice. Il m'a posé une question, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui. d'accord.
M. Maillé: Monsieur, il y a d'autres groupes qui sont
venus devant vous, qui demandent le libre choix. Ces gens-là
représentent 10% ou 15% de la population. Est-ce que ces
gens-là... De quels droits ces gens-là demanderaient à une
majorité le libre choix? Nous, si nous sommes intelligents, nous
préférons ce qui est dans nos intérêts, monsieur,
c'est de parler français, de travailler en français, de
s'industrialiser en français. C'est ça.
Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez, à
l'ordre! Je dois terminer cette période intéressante ici. Au nom
de la commission, je remercie...
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, monsieur le...
M. Paquette: ...c'est simplement pour...
Le Président (M. Cardinal): Vous avez le droit de le
faire.
M. Paquette: Ce sera très bref. J'aimerais remercier les
membres de la Société nationale populaire de leur mémoire
et particulièrement de leur accord sur cet objectif où ils disent
que le Québec devrait être un Etat normal où la
défense de la culture ne dépendra plus de lois ou de
volontés gouvernementales, mais sera populaire, quotidienne et viable.
Je pense que c'est l'objectif que le gouvernement poursuit. Par contre, si on
peut différer d'opinion sur certains aspects du mémoire de la
Société nationale populaire, j'aimerais dire qu'il n'y a rien
là-dedans de raciste, à moins qu'on dise... J'ai ici le compte
rendu d'un article de journal d'une réunion à laquelle assistait
le Dr Laurin, sous les auspices du Financial Post, et où M. Mackenzie,
qui enseigne au London School of Economy, qui est un résident de la
Colombie-Britannique, disait qu'il ne croit plus au bilinguisme à la
canadienne. M. Mackenzie ne croit plus à ce bilinguisme d'un
océan à l'autre, mais plutôt à la
fédération de divers territoires unilin-gues, comme cela s'est
fait ailleurs dans le monde, notamment en Belgique et en Suisse.
Je pense que c'est l'objectif que nous propose la Société
nationale populaire. Le gouvernement a choisi d'accorder des droits plus
étendus qu'en Belgique et en Suisse à sa minorité
anglophone au Québec, et je pense que c'est une question de justice.
Nous voulons promouvoir la bonne entente entre la minorité anglophone et
la majorité francophone, mais jamais au détriment de
celle-ci.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je remercie la
Société nationale populaire du Québec, ainsi que ses
représentants et les membres de la commission...
M. Saint-Louis (Jacques): M. le Président... Le
Président (M. Cardinal): Oui?
M. Saint-Louis: ...puis-je ajouter une petite chose?
Le Président (M. Cardinal): Oui. Pourvu que cela soit
très bref monsieur.
M. Saint-Louis: Nous sommes venus ici la
Société nationale populaire du Québec avec de
bonnes intentions, en essayant de faire valoir à la commission
parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications, un point de vue que nous appuyons, que nous défendons
depuis plusieurs années.
Je crois aussi que certains députés ne connaissent pas la
définition de racisme. Lorsque j'ai entendu qu'un dénommé
Alan Murphy a travaillé pour nous et vu qu'il avait un nom
anglophone...
Le Président (M. Cardinal): Je vous en prie. Cette
question a été débattue et réglée. Vous ne
pourrez pas y revenir. Absolument pas.
M. Maillé: Dans ce cas, nous avons, je crois,
été insultés par certains membres de cette commission et
nous ajoutons aussi une petite chose. Monsieur ne veut pas nous avoir dans ses
rangs et je peux vous dire que nous ne joindrons jamais ses rangs.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. Lalonde:
...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
J'invite l'Institut canadien de recherche sur les pâtes et
papiers...
M. Lalonde: ...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! Mémoire no 100 pour les
membres de la commission. M. Gendron est censé représenter cet
organisme.
L'organisme a 20 minutes pour présenter son mémoire. Je
demanderais aux représentants de bien vouloir et s'identifier et
indiquer quel organisme ils représentent.
Comité des directeurs des centres de recherche
industrielle du Québec
M. Savard (Guy): M. le Président, je voudrais d'abord
apporter une première correction. C'est le titre de ce mémoire.
C'est un mémoire préparé par tous les directeurs
industriels de recherche de la province et la raison pour laquelle le nom du Dr
Gendron apparaît, est parce que c'est lui qui a fait la lettre d'envoi.
Donc, je voudrais d'abord présenter les membres ici.
A ma droite...
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous,
Monsieur?
M. Savard (Guy): Pardon?
Le Président (M. Cardinal): Pourriez-vous donner
immédiatement votre nom?
M. Savard (Guy): Je suis Guy Savard, directeur de la recherche
à Air Liquid Canada.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. Savard.
Maintenant, l'organisme que vous représentez, quel est son nom exact
pour qu'il n'y ait aucune erreur?
M. Savard (Guy): Le nom exact est le Comité des directeurs
des centres de recherche industrielle du Québec.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Vous pouvez maintenant
présenter ceux qui vous accompagnent.
M. Savard (Guy): Merci. A ma droite, M. Ley-det, qui est
vice-président et directeur du personnel de l'Alcan; tout de suite
à ma droite, M. Langshur, chef de design à Pratt & Whitney
et, à ma gauche, le Dr Romano Deghenghi, vice-président et
directeur de recherche aux Laboratoires Ayerst à Montréal.
Je voudrais maintenant citer les compagnies qui sont solidaires de ce
document. Elles sont en annexe: Air Liquid Canada Limitée, la compagnie
Aluminium du Canada Limitée, Laboratoires Ayerst, Laboratoires
Bio-Research, Canadian Industries Limited, Canadian Refractories Division,
Centre de recherche Noranda, Connlab Holdings Limited, Consolidated-Bathurst
Limited, Domtar Limitée, Eco-Recherches Limitée, H.L. Blachford
Limited, Imperial Tobacco Limitée, Institut canadien de recherche sur
les pâtes et papiers, Labora- toires Abbott Limitée, Laboratoires
Merck Frosst, Les laboratoires Bristol du Canada, Les Produits chimiques Delmar
Limitée, Northern Telecom Limited, Pharma Research Canada Limited et
Pratt & Whitney Aircraft of Canada Limited.
Je dois indiquer que, normalement, pour cette présentation, le Dr
Beaudry, le Dr Gendron et le Dr Gauvin de Noranda auraient été
présents, mais vous savez que le Dr Gendron était ici la semaine
dernière et on a dû remettre cette séance à
aujourd'hui. Donc, en ce moment, ce dernier et le Dr Gauvin sont en Europe. Le
Dr Beaudry vient de rentrer d'une mission à l'Université de
Côte-d'Ivoire, je crois.
Alors, si vous permettez, peut-être devrais-je lire le
mémoire, au cas où vous n'auriez pas eu l'occasion de
l'étudier jusqu'ici.
Le titre est: La recherche industrielle au Québec et le projet de
loi no 1.
Ce mémoire est respectueusement soumis par le comité des
directeurs des centres de recherche industrielle du Québec, au nom du
groupe d'entreprises qui emploient actuellement plus de 200 chercheurs et
scientifiques dans diverses fonctions de la recherche au Québec. La
grande majorité des laboratoires et des établissements qui
relèvent de cette fonction sont situés dans la région
métropolitaine de Montréal. Nous nous proposons ici d'examiner
les effets probables, sur l'avenir de la recherche industrielle au
Québec, de la politique linguistique, telle qu'elle est exprimée
dans le livre blanc et le projet de loi no 1 déposé
récemment à l'Assemblée nationale.
D'abord, caractéristiques particulières de la recherche
industrielle. La recherche industrielle est une activité qui comporte de
très grands risques et qui est très coûteuse. Elle est
réalisée généralement sur une vaste échelle
et donc ordinairement par les plus grandes sociétés, soit les
multinationales. La recherche industrielle n'est pas nécessairement
reliée sur le plan géographique, aux usines de production ou aux
sièges sociaux des compagnies dont elle relève. La localisation
des centres de recherche peut relever de bien d'autres facteurs comme, par
exemple, la facilité de communication vers les grands centres, la
proximité des universités et des hôpitaux et les attributs
résidentiels et culturels d'une localité.
Le coût de la recherche industrielle est tellement
élevé aujourd'hui on chiffre à $70 000 le
coût de chaque chercheur professionnel par année qu'il
serait peu pratique de l'entreprendre uniquement pour répondre à
des besoins locaux. Ceci explique qu'un grand nombre de programmes de recherche
soient entrepris conjointement avec des filiales dans d'autres parties du monde
ou encore que le résultat des recherches soit prêt à
être exploité là où le marché se
présente. Le caractère international de la recherche impose au
moins deux obligations aux sociétés qui financent des programmes
de recherche industrielle.
D'abord, la qualité du travail doit être au niveau
international.
Deuxièmement, les scientifiques doivent pouvoir communiquer
oralement et par écrit avec leurs collègues à travers le
monde.
Pour faire de la recherche industrielle, il faut donc avoir des
chercheurs et des scientifiques compétents et
expérimentés. Les champs d'activité de la recherche
industrielle sont de plus en plus nombreux et il est souvent difficile de
trouver des experts dans chaque discipline.
D'autre part, compte tenu des coûts élevés et du
caractère extrêmement compétitif et à long terme
d'une grande partie du travail de recherche, l'excellence est une exigence
absolue dans ce domaine. Dans bien des cas, il faut dix ans ou plus de travail
et des dépenses de plusieurs millions de dollars pour franchir
l'étape de la découverte à celle de la mise en
marché d'un nouveau produit ou d'une nouvelle technique. C'est pourquoi
les entreprises doivent embaucher les chercheurs les plus compétents
sans égard au pays et à la langue d'origine. Si elles
n'obtiennent pas les meilleurs talents, ou si les conditions locales sont
telles que le personnel existant cherche de l'emploi ailleurs, l'innovation en
souffrira et comme l'innovation sous forme de nouveaux produits et
procédés est le seul résultat final, utile, de la
recherche industrielle, son arrêt ou même son ralentissement lui
enlève sa raison d'être. Dans l'esprit de ceux qui conduisent ce
genre d'activité, il est donc inconcevable que le recrutement des
chercheurs et des scientifiques soit limité par des critères
géographiques et linguistiques.
La langue des communications scientifiques. Tous s'accordent à
reconnaître que l'anglais est devenu, depuis la seconde guerre mondiale,
la principale langue internationale des affaires.
De même dans le monde scientifique, l'anglais a été
accepté universellement comme langue d'usage. En fait, bien des revues
scientifiques et techniques sont publiées en anglais, dans des pays qui
ne sont pas anglophones et les banques de données scientifiques,
à travers le monde, alimentent leurs terminaux presque exclusivement en
anglais. Il ne s'ensuit pas que les laboratoires de recherche doivent
fonctionner uniquement en anglais, en réalité, en ce qui nous
concerne au Québec, le français est utilisé dans la
plupart de nos laboratoires.
Cependant, l'importance de l'anglais dans le monde scientifique est
telle que les chercheurs qui ne pourraient pas communiquer verbalement et par
écrit en anglais seraient sérieusement handicapés. Il est
en effet facile de démontrer que la majorité des chercheurs du
monde entier, y compris les chercheurs canadiens-français, formés
dans des universités québécoises, publient leurs
résultats les plus importants en anglais.
Avantages comparatifs: Le centre de recherche industrielle de
Montréal. La plupart des centres de recherche industrielle au
Québec sont situés dans la région métropolitaine de
Montréal. Cette région présente de nombreux avantages pour
attirer et retenir le personnel scientifique: emplacement central donnant
accès à de nombreux services d'infrastructure, quatre
universités, bilinguisme et biculturalisme de la ville, (facteurs qui
attirent les étrangers de différentes cultures), le coût
modéré de la construction et du logement et enfin, la
proximité des centres de villégiature.
Les inconvénients actuels de Montréal comme centre de
recherche industrielle: Malgré les avantages que nous venons de citer,
Montréal est devenu moins attrayant au cours des dernières
années, non pas au niveau général de l'activité
industrielle de la région, mais plutôt vis-à-vis de ce qui
nous apparaît comme une tendance vers la formation d'une
société relativement fermée. Une telle
société serait tout à fait défavorable à la
réalisation des objectifs de la recherche qui sont, comme nous l'avons
dit précédemment, penchés vers la perspective
internationale au-delà des limites linguistiques et culturelles.
Cette tendance, que nous croyons percevoir dans la société
québécoise et qui nous inquiète particulièrement,
se retrouve dans la politique linguistique du gouvernement telle
qu'énoncée dans le livre blanc et le projet de loi no 1. "Les
effets probables de la politique linguistique". On peut prédire à
coup sûr, que l'établissement d'une société
unilingue au Québec limitera l'immigration des scientifiques non
francophones. Le chercheur immigrant, quel que soit son pays d'origine,
possédera sans doute suffisamment l'anglais pour l'utiliser dans ses
communications scientifiques, étant donné que l'anglais est la
langue des milieux scientifiques.
Evidemment, du point de vue de la société
québécoise, l'immigrant devrait apprendre la langue de la
majorité le plus tôt possible, mais l'obligation d'apprendre dans
un délai assez court, une langue, peut-être totalement
étrangère, sera de nature à décourager l'immigrant
éventuel.
Un facteur plus négatif encore, aux yeux du chercheur non
francophone, qui songerait à immigrer serait l'interdiction des
écoles anglaises aux non québécois. Dans un monde aussi
mobile que celui d'aujourd'hui, il est peu probable que ce chercheur
très instruit, tout en souhaitant que ses enfants deviennent bilingues,
et c'est le cas quand les enfants sont jeunes, acceptent qu'ils ne soient pas
éduqués dans la langue de son choix. Comme les chercheurs les
mieux qualifiés ont habituellement plusieurs possibilités
d'emplois, qui pourrait alors les blâmer d'éviter de venir au
Québec?
Il va sans dire qu'il n'y a pas de raison pour que la communication
quotidienne dans les centres de recherche comme dans le monde des affaires
d'ailleurs, ne se fasse en grande partie en français.
Cependant, de nombreux centres de recherche industrielle doivent traiter
continuellement, soit avec d'autres organismes affiliés, soit avec des
clients, soit encore avec des agences de contrôle, telles que Veritas,
Lloyd's, Canadian Bu-reauships, dans d'autres pays et dans la plupart de ces
pays, l'anglais est la seule langue acceptée pour ce genre de
communication.
De plus, comme nous l'avons exprimé plus haut, c'est en anglais
que se font majoritairement les communications scientifiques au plan
international. Il s'ensuit que le personnel de recherche, même s'il peut
communiquer en français, dans son travail quotidien, doit continuer
à faire usage de l'anglais dans une large mesure pour la
rédaction de rapports techniques et pour communiquer
avec le monde extérieur. Une loi qui tenterait d'imposer le
français comme seule langue de travail nuirait aux centres qui se
consacrent à la recherche industrielle au Québec.
Enfin, on peut s'attendre que les chercheurs considèrent de
telles mesures comme des contraintes inutiles et s'opposent à toute
entrave à la communication libre. Il pourrait en résulter un
départ du personnel le plus qualifié vers des lieux plus
favorables. Un grand nombre de postes vacants dans une même entreprise
créerait de sérieux ennuis. Outre les difficultés de
recrutement de personnel spécialisé, la perte d'expertise
accumulée et l'interruption de travaux en cours réduiraient
l'efficacité et le niveau concurrentiel de l'entreprise.
Ressources des universités québécoises en personnel
scientifique.
Si le texte du projet de loi no 1 est adopté sous la forme
actuelle, les centres de recherche industrielle au Québec n'auront plus
libre accès aux talents scientifiques du monde entier.
Disons tout d'abord à ce sujet qu'aucun des pays
industrialisés n'a encore réussi à combler ses besoins en
personnel scientifique à même les diplômés de ses
propres universités. Même les Etats-Unis, un pays pourtant riche
en ressources matérielles et en capital humain, n'y sont pas encore
arrivés puisqu'on y a accepté plus de 6900 scientifiques
immigrants, dans la seule année 1975. Il faudrait donc admettre que les
sept universités du Québec ne pourront satisfaire à la
tâche de fournir suffisamment de chercheurs compétents dans le
grand nombre de spécialités requises en recherche industrielle.
Ajoutons qu'il ne serait même pas souhaitable d'effectuer notre
recrutement presque exclusivement à l'intérieur d'une même
région géographique, puisque la recherche industrielle, par
nature, requiert des gens de milieux différents et ayant des
expériences très variées. N'oublions pas que les
compagnies québécoises impliquées dans la recherche
doivent affronter la concurrence à l'échelle mondiale.
Nous avons recueilli, dans les 21 centres de recherche que nous
représentons au Québec, quelques statistiques pour illustrer
notre propos.
Personnel de recherche, 2664;
Personnel professionnel de recherche, 1188; Origine du personnel
professionnel;
Québec, 35%;
Canada (à l'exclusion du Québec), 20%;
Etranger, 45%.
Comme on peut le constater, nous aussi avons puisé largement dans
des sources extérieures au Québec, pour combler les postes
techniques de nos établissements. De plus, nous sommes convaincus que,
pour survivre au Québec, nous devons plus que jamais être capables
d'attirer les spécialistes de l'extérieur dont nous avons
besoin.
Recommandations.
En résumé, nous estimons que le projet de loi no 1
créera un sérieux obstacle au maintien de centres de recherche de
calibre intemational au Québec, en raison de l'imposition d'un milieu de
travail unilingue et de l'interdiction du système scolaire anglophone
aux chercheurs en provenance de l'extérieur du Québec.
Afin de prévenir un tel affaiblissement de l'efficacité de
nos centres, nous proposons: 1. Que l'on reconnaisse explicitement le
caractère international de la recherche et la nécessité de
poursuivre en anglais certaines activités à l'intérieur
des établissements de recherche industrielle. Les programmes de
francisation devraient aussi tenir compte du fait que les chercheurs doivent
communiquer verbalement et par écrit en anglais, selon les exigences de
leurs organismes et afin de maintenir leurs capacités concurrentielles
dans le monde scientifique. 2.Reconnaissant la nécessité absolue
d'attirer du personnel spécialisé de l'extérieur du
Québec, que l'on permette aux enfants de ces chercheurs et
ingénieurs de fréquenter l'école de leur choix. 3. Enfin,
nous croyons que tout changement que le gouvernement pourrait envisager dans sa
politique d'immigration ne devrait pas nuire au recrutement de chercheurs et de
scientifiques à l'échelle internationale.
Conclusion. A titre de directeurs et administrateurs en recherche
industrielle au Québec, nous avons exprimé nos craintes à
l'égard des effets du projet de loi no 1 et de la politique linguistique
en général sur l'avenir de la recherche industrielle au
Québec. Une politique trop restrictive de la langue nous forcera
évidemment, et nos commanditaires aussi, à nous demander si nous
pouvons continuer de fonctionner aussi efficacement que par le passé.
Notre fonctionnement étant relativement mobile, une réaction
négative à cette remise en question aboutirait sans aucun doute
à l'appauvrissement de la recherche industrielle au Québec, en
comparaison avec sa croissance antérieure. Cette
éventualité causerait à la société
québécoise une perte considérable en termes sociaux et
économiques. Le personnel engagé dans la recherche industrielle
représente une élite intellectuelle. Il est relativement bien
rémunéré. Il offre un apport substantiel au statut
culturel et économique d'une collectivité et son absence se
ferait sûrement sentir. De plus, si plusieurs centres de recherche se
déplacent du Québec, certains Québécois
désirant faire carrière dans ce domaine seraient eux-mêmes
obligés de quitter la province.
La recherche industrielle en soi représente un facteur
économique important en vertu de ses déboursés directs et
indirects. La dépense d'exploitation annuelle en recherche et
développement industriels atteint au Québec environ $100
millions.
Nous désirons souligner que, dans l'ensemble, nous appuyons la
politique de francisation préconisée par le gouvernement. Nous
sommes également prêts à collaborer avec le gouvernement en
vue de propager la langue de la majorité en autant que cela soit
praticable dans nos centres de recherche. Ce mémoire a pour but de
mettre en vedette le caractère spécial de la recherche
industrielle et de démontrer qu'une application rigide du projet de loi
no 1 conduirait à un déclin d'activité et à une
perte d'efficacité dans ce sec-
teur. Nous estimons que l'adoption de nos recommandations ne nuirait pas
aux efforts de francisation. Au contraire, le maintien d'un environnement
favorable à la recherche industrielle nous permettra de continuer
à offrir des emplois scientifiques aux Québécois et
à contribuer directement ou indirectement à la vitalité
économique du Québec. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie beaucoup, M. Savard. Je cède la parole à M. le
ministre.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier très
sincèrement le groupe qui se présente devant nous, ce matin, du
mémoire qu'il vient de nous présenter.
Etant donné le nombre de laboratoires de recherche qu'il
représente, au nom duquel il parle, au nom également de la
compétence certaine que possèdent les membres de ce groupe,
j'accueille évidemment avec tout le respect qu'il se doit les remarques
et les recommandations qu'ils viennent de nous présenter.
Je suis d'ailleurs d'accord avec une bonne partie de l'analyse qu'ils
font de la situation. De par mes origines professionnelles, de par mes
activités professionnelles, je suis en effet bien placé pour
reconnaître avec eux le caractère international de la recherche et
pour estimer que la langue anglaise y jouit d'un statut spécial. Je suis
également d'accord avec eux qu'aucun pays, quelle que soit sa puissance,
quelles que soient ses ressources, quel que soit son développement, ne
peut et ne doit compter exclusivement sur les ressources scientifiques de son
seul pays. On a mentionné le cas des Etats-Unis, qui ont recruté
récemment 6500 immigrants venant d'autres pays. Je pense qu'on pourrait
citer le cas de tous les pays développés, qu'il s'agisse de la
Suède, du Danemark, de la France, de l'Australie, lorsqu'un pays ou une
industrie, de par ses activités, se rend compte qu'elle a besoin d'un
spécialiste dans telle ou telle matière très
déterminée, très spécialç, et que ces
spécialistes se trouvent en quantité limitée dans l'un ou
l'autre des pays, je pense que c'est leur devoir d'aller les chercher là
où ils se trouvent. En ce sens, c'est une pratique qui me paraît
tout à fait normale. Je suis aussi d'accord avec le groupe qui nous
présente le mémoire, qu'il est bon, judicieux, utile, même
si nous avons les spécialistes qu'il faut dans un pays, de les tamiser,
de les panacher, si on peut me pardonner cette expression, avec des
spécialistes venus d'autres pays, car, du choc des idées, jaillit
la lumière, et selon la formation particulière qui est
donnée à tel ou tel spécialiste dans un ou l'autre des
pays, il y a des aspects enrichissants sur lesquels il serait mal venu de ne
pas compter. Donc, je suis d'accord avec le groupe sur ces constatations de
base.
J'ai cependant l'impression que certaines parties du texte de loi ou du
livre blanc sont apparues au groupe plus restrictives qu'elles ne le sont en
réalité, peut-être parce qu'elles n'ont pas accordé
toute l'attention désirable à certains articles, en particulier,
ou peut-être parce que cette lecture a été faite en
fonction d'idées reçues ou de conditionnements qui
prédisposent à y voir tel élément plutôt que
tel autre. Ce sont ces éléments que je voudrais toucher au cours
de la discussion que j'aimerais avoir avec les représentants de ce
groupe. Par exemple, le groupe dit que l'anglais a été
accepté universellement comme langue d'usage. Autant je suis prêt
à reconnaître la prédominance de l'anglais comme langue
scientifique internationale, autant il me répugnerait cependant
d'admettre que l'anglais constitue la langue unique ou exclusive et qu'elle
réduit à une portion plus que congrue l'usage d'autres langues.
Je pense, en particulier, à la langue allemande, à la langue
française, à la langue russe et même, de plus en plus,
à la langue chinoise. Je pense qu'il y a plusieurs langues en honneur
dans le monde scientifique.
Pour ma part, j'ai cru déceler un certain préjugé
chez plusieurs chercheurs américains en particulier, à l'endroit
de la langue anglaise, qui les amène à négliger les
apports importants effectués en d'autres langues, et souvent dans la
langue française, par les chercheurs d'autres pays. Dans le domaine qui
m'est particulier, qui m'était particulier auparavant, j'ai cru
constater, lors de congrès internationaux que, par suite de cette
méconnaissance ou de cette ignorance de travaux effectués dans
d'autres langues, la science américaine se trouvait parfois
limitée, du moins, dans certains domaines. Je pense donc qu'il ne
faudrait pas aller trop loin dans ce domaine-là et qu'il faudrait voir
le danger de limitation que constitue l'usage exclusif ou la prétention
à l'unicité de l'emploi de la langue anglaise dans le domaine
scientifique.
Il y a des travaux nombreux, importants, effectués dans d'autres
langues, et je pense que pour les chercheurs francophones en particulier, qui
sont bilingues, qui connaissent très bien le français et
l'anglais, ce peut être une source de progrès que de pouvoir
participer à l'effort scientifique qui se fait dans les deux langues et
de pouvoir utiliser, d'une façon plus complète, les travaux qui
résultent de cet emploi.
Evidemment, ceci ne veut pas dire que l'anglais ne doive pas demeurer la
langue la plus importante dans nos centres de recherche
québécois. En particulier, en ce qui a trait au recrutement, je
comprends très bien que la plupart des laboratoires de recherche, dont
la liste a été fournie en annexe et qui sont tous, ou presque, de
langue anglaise, aient un tendance naturelle à aller recruter la
majorité de leurs chercheurs dans les pays anglophones. Encore une fois,
je ne conteste pas, en gros, cette tendance. Mais il reste que même dans
ce domaine, il peut avoir existé des abus dans le passé, des abus
qui viennent d'une absence de prospection du milieu québécois. Ce
que nous voulons, c'est que les laboratoires de recherche et les centres
scientifiques en général fassent un effort plus marqué
qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici pour prospecter le bassin de ressources
québécois et utilisent, le plus possible,
toutes les ressources qui s'y trouvent, non seulement des chercheurs
dont la carrière est déjà reconnue dans le monde
scientifique, mais des chercheurs en devenir, afin qu'ils leur donnent les
chances de se développer en travaillant, au contact de leurs
aînés, qu'ils leur donnent les chances que tous les jeunes
chercheurs ont dans le monde et qui leur sont essentielles pour leur
avancement. Je ne suis pas sûr que cet effort a été
suffisamment fait dans le passé, si j'en crois plusieurs
témoignages, aussi bien privés que publics, qui m'ont
été donnés.
Dans les laboratoires de recherche, il y a aussi d'autres personnels que
les chercheurs professionnels proprement dits. Il y a aussi des techniciens qui
reçoivent même parfois une formation assez poussée, il y a
le personnel de soutien. En regardant les statistiques présentées
par le groupe, tout à l'heure, je me demandais si les pourcentages que
j'y lisais correspondaient à la capacité du milieu de fournir un
nombre élevé de techniciens et, encore plus, de personnel de
soutien, étant donné justement les progrès qui se sont
manifestés dans le domaine de l'enseignement professionnel, technique,
au Québec, au cours des dernières années.
J'aimerais donc poser des questions à M. Sa-vard
là-dessus, pour qu'il détaille davantage ses statistiques et
qu'il nous dise jusqu'à quel point le personnel technique de ses
laboratoires, qui, lui, devrait être en grande majorité
français, selon les proportions de la population, montre que les
laboratoires de recherche ont fait ou ont l'intention de faire les
progrès voulus, nécessaires en ce domaine.
M. Savard: Pour répondre à cette question et
je vais également demander à mes collègues de donner
peut-être plus de précisions je dois dire que mon
laboratoire n'est pas tellement grand, n'est pas tout à fait comme les
autres, en ce sens que la plus grande partie de notre recherche s'effectue en
France. Ici, nous travaillons uniquement sur des choses entièrement
nouvelles ou tout à fait des nouveautés et des cas particuliers.
Donc, ce sont des gens qui ont non seulement la compétence, mais aussi
le flair pour...
Je ne suis pas un bon exemple, sauf que pour un projet assez important
que nous faisons en ce moment, un nouveau procédé de traitement
des eaux d'égoûts à l'oxygène, nous comptons
sur...
Maintenant, l'Université de Sherbrooke a un programme de
formation, ce qu'elle appelle la coopération, en vertu duquel les
étudiants vont faire un stage pendant quatre mois et ensuite reviennent
à l'université. Cette université a également, je
crois, une très bonne école de formation dans ce domaine.
D'autre part, je crois que depuis la création des CEGEP, ils sont
plus rodés... Je crois que maintenant on voit plus de techniciens de ce
genre dont vous avez parlé qui entrent dans les laboratoires. Alors, je
vais demander au Dr Deghenghi de confirmer.
M. Deghenghi (Romano): Oui. Je tiens à ras- surer le
ministre qu'en ce qui nous concerne nous avons, en effet, non seulement fait
des efforts, mais nous avons recruté de plus en plus de personnel de
soutien et de techniciens parmi le milieu francophone de Montréal,
surtout les techniciens formés dans les CEGEP. Ils comblent maintenant
la majorité de nos postes, mais je pense même qu'il faut
s'adresser, en ce qui concerne la recherche, non seulement au personnel de
soutien, mais aussi au personnel professionnel plus qualifié tel que les
docteurs en pharmacologie, en biochimie, en microbiologie et tous les grands
spécialistes dont nous avons besoin dans notre entreprise.
Nous avons fait des efforts depuis les vingt dernières
années au moins pour appuyer, pour donner des subventions aux
universités québécoises. Nous avons continuellement des
contacts, en ce qui a trait à la recherche, assez intimes avec les
universités telles que l'Université Laval, l'Université de
Montréal, l'Université de Sherbrooke et, évidemment, les
autres universités anglophones de Montréal pour essayer
d'améliorer la situation de la formation technique et professionnelle au
Québec.
M. Langshur (Hugh): M. le Président, je voudrais ajouter
quelques mots aussi. Nous aussi avons embauché pas mal de
cégepiens récemment. Je dois constater que nous en avons
embauché dans le département des dessinateurs et qu'ils sont
très compétents. Il s'agit là de cégepiens
formés au CEGEP Edouard-Montpetit. Nous sommes très contents
aussi dans la production, dans le laboratoire, etc.
On fait tous les efforts nécessaires. On trouve cela naturel
d'embaucher des gens de chez nous.
Du point de vue des ingénieurs ou des autres spécialistes
en technologie, on sait très bien que c'est seulement depuis les dix ou
quinze dernières années que sont sortis des universités du
Québec des ingénieurs en assez grand nombre. Dans quelques
domaines, il en manque. Il y en a pas mal en génie, etc, en
mécanique, mais dans quelques domaines de spécialisation, il en
manque encore. Alors, il est absolument nécessaire aussi de ne pas
embaucher seulement des jeunes sortis de l'université, parce qu'on ne
peut pas créer toutes les connaissances, toute l'expertise à
l'intérieur d'une entreprise.
Il faut aussi en avoir d'autres, comme vous le disiez tout à
l'heure, qui fertilisent. C'est l'engrais du domaine de la recherche.
M. Laurin: Sur un autre point, votre groupe semble craindre
l'établissement, au Québec, d'une société où
on ne parlerait plus que le français.
J'ai l'impression que votre groupe n'a pas saisi l'esprit du projet de
loi, s'il a vraiment cette crainte, car la société que nous
voulons créer au Québec n'est pas plus unilingue que les autres
provinces du Canada sont unilingues anglaises avec des minorités
françaises...
M. Savard: Pratiquement...
M. Laurin: ...ou que la France ou que l'Italie ou que l'Allemagne
sont allemande, italienne,
française avec des minorités. Ce à quoi nous nous
référons, c'est un unilinguisme officiel, un peu comme M. Trudeau
veut créer le bilinguisme officiel à l'échelle du pays en
ce qui concerne les services fédéraux. C'est la même
perception, c'est la même conception que nous avons.
M. Savard: Mais pratiquement, comme la loi est écrite, par
exemple, si un chercheur venait d'un pays, même de l'Angleterre
d'aujourd'hui, ses enfants seraient dirigés vers l'école
française. Alors il y a une chose que je dois vous dire et, dans tout ce
que j'ai lu, c'est oublié. Avant le niveau secondaire, presque tous les
Anglais ou les gens qui viennent ici, les Canadiens anglais, c'est surtout mon
expérience pour les Anglais d'Angleterre, la première chose
qu'ils veulent faire, c'est d'envoyer les enfants aux écoles
françaises. Ils sont très fiers, après un an ou deux, que
les enfants parlent anglais, parlent le français très bien
à la maison. Donc, ce n'est pas là le problème. Le
problème, c'est quand quelqu'un a déjà atteint le niveau
secondaire dans une autre partie du monde et qu'il soit forcé de
s'intégrer au français. C'est là la difficulté,
donc la perte d'un an ou le temps qu'il prendrait.
M. Laurin: Je voudrais vous poser une question, M. Savard.
Qu'est-ce que font les chercheurs que recrutent IBM France ou Philips en
Hollande et tous les autres pays? Est-ce que les enfants de ces chercheurs vont
à l'école nationale, suédoise, belge ou allemande ou
française, ou italienne?
M. Deghenghi: Je pourrais peut-être vous répondre au
moins en partie à ces questions, M. le ministre. Nous avons
récemment eu des contacts très étroits avec une grande
compagnie française dont j'ai eu la permission de citer le nom du
siège social. Il s'agit de la compagnie L'Oréal, une grosse
compagnie dans le domaine des cosmétiques. Cette compagnie, qui est dans
la région parisienne, a voulu établir de nouveaux laboratoires de
recherche qui envisagent de recruter jusqu'à 500 chercheurs surtout
parmi les chercheurs du Marché commun. La raison principale pour
laquelle ils ont insisté pour placer leurs laboratoires dans la
région parisienne, ce qui est contre la politique, comme vous le savez,
du gouvernement français de décentralisation, c'est pour avoir
justement accès aux écoles de langues étrangères
pour les chercheurs qu'ils doivent recruter de l'Angleterre, de la Hollande,
des pays Scandinaves, d'Allemagne et de Suisse.
M. Laurin: Est-ce que l'Etat français subventionne ces
écoles? Est-ce qu'elles font partie du réseau public
subventionné?
M. Deghenghi: Non, je ne crois pas. C'est la compagnie
elle-même qui paie les frais supplémentaires pour les
écoles privées.
M. Laurin: Je n'ai absolument rien contre cette politique.
M. Savard: Je crois que je dirais, M. le ministre, qu'en tant que
Canadien et surtout Québécois depuis toujours, je trouve qu'ayant
eu un système qui était envié du monde un peu partout, on
se sente obligé de faire marche arrière quant à
accéder à une école française ou anglaise. Elle a
toujours été là.
M. Laurin: J'ai connu beaucoup de chercheurs, M. Savard, de
personnes hautement spécialisés qui sont allés dans
d'autres pays et beaucoup d'entre eux ont choisi d'envoyer leurs enfants
à l'école nationale publique, parce qu'ils y voyaient, pour leur
enfant, un enrichissement individuel. En somme, ils profitaient de leur
séjour, cinq ou six ans, en terre étrangère, pour donner
à leurs enfants l'occasion d'apprendre la langue du pays y voyant un
enrichissement individuel et un enrichissement culturel également, parce
que cela permettait à leurs enfants de connaître davantage ce
vaste monde, les diverses cultures qui y vivent et qui s'y développent.
Est-ce que cela ne vous paraît pas un avantage?
M. Savard: Sans hésitation, puisque, pour ma part, je
parle plus ou moins quatre langues. Alors, c'est enfoncer une porte ouverte,
mais c'est que nous avons un système ici qui permet... C'est surtout la
nature restrictive que cela présente.
Je crois que vous seriez le premier, si vous étiez muté en
Allemagne pour une période de trois ou quatre ans, à envoyer vos
enfants à l'école allemande, parce que vous avez
déjà enrichi leur culture, leurs possibilités
linguistiques. Si c'était l'Italie ou l'Espagne, je suis sûr qu'on
ferait la même chose. Il n'y a pas de question.
M. Laurin: Pourquoi ne le ferait-on pas ici alors?
M. Deghenghi: La réponse est...
M. Langshur: Est-ce que je pourrais ajouter quelques mots ici?
Jusqu'ici, on a pu attirer les spécialistes, aussi bien que New York,
Los Angeles ou Toronto. On a eu les mêmes avantages et même un
avantage accru, parce que Montréal est une ville très
cosmopolite. A mon avis, Montréal et San Francisco sont les deux villes
d'Amérique du Nord où il fait bon vivre. Je crois que la
réputation de la région de Montréal est très bien
connue, on a pu y attirer les gens facilement. Ils ont eu toute la
liberté, les moyens d'éducation, etc, etc. Mais, à un
moment donné, si ça ne se produit plus à l'avenir,
ça amènera un désavantage, ce sera une perte pour la
région, ce sera moins attrayant pour les chercheurs. C'est ça que
nous craignons.
M. Laurin: II y a aussi un autre aspect qu'il serait opportun de
considérer. Vous êtes sûrement au courant des thèses
qu'a soutenues l'auteur qui a écrit Les deux solitudes, MacLuhan, et il
semble que la solitude anglaise a été plus solitaire que la
solitude francophone au Québec, en ce sens que le nombre des
francophones bilingues a été et est
encore, je crois, supérieur au nombre d'anglophones bilingues,
particulièrement dans le domaine qui est le vôtre, celui des
savants, des ingénieurs, qui ont peu de contact, au fond, avec la
population, parce qu'à cause de la nature de leurs activités, il
y a une tendance toute naturelle à s'isoler dans son métier, dans
son milieu, et à ne pas connaître justement ce milieu, à ne
pas épouser ses problèmes, ses préoccupations, à ne
pas y participer. C'est ce que l'on appelle parfois la non-intégration
d'un noyau important au milieu qui l'accueille. Sociologiquement, cet isolement
peut avoir des conséquences nocives, néfastes pour toutes les
parties intéressées.
Ne croyez-vous pas que la facilité qui est donnée ou la
demande qui est faite à un personnel scientifique qui arrive dans un
pays d'envoyer ses enfants à l'école publique ne constituent pas
une sorte de remède à cette absence d'intégration et aux
maux qu'elles peuvent entraîner pour tous les groupes?
M. Savard: Vous savez, ce que vous dites M. le ministre, ce sont
des impressions sur lesquelles on peut dialoguer d'une manière
stérile, intéressante au point de vue intellectuel. Pendant 24
heures, vous pouvez citer de votre côté des exemples, moi, je peux
faire la même chose, à propos de gens qui sont bien
intégrés et qui sont allés plus loin, j'en suis un, quand
j'étais à l'étranger, mais ce sont des exemples de part et
d'autre, ce sont quand même des impressions.
Vous dites, par exemple...
M. Laurin: Mais ne trouvez-vous par normal que, dans tout pays,
il y ait une politique à cet effet? Je pense qu'elle existe dans tous
les pays d'ailleurs, qu'elle soit implicite ou explicite.
M. Savard: Ils ont une politique de...
M. Laurin: D'intégration des éléments
scientifiques ou autres au milieu qui les accueille.
M. Savard: C'est une question de choix. Si vous êtes
Américain à Paris, je suis sûr que, si vous le
désirez, vous irez à l'American School. Alors... En Allemagne,
ils ont eu la même chose, ils ont créé des écoles
américaines...
M. Laurin: Ce sont des écoles privées, encore une
fois.
M. Savard: Oui, d'accord.
M. Laurin: Non subventionnées.
M. Savard: Ah non! Je ne crois pas, dans ce cas-là. Cela,
je ne peux pas en parler, parce que c'est un domaine... Je ne crois pas, je
crois que c'était le gouvernement américain ou les
Américains, je ne sais pas, il faudrait le demander à quelqu'un
qui connaîtrait...
M. Laurin: Je voudrais maintenant passer à la langue des
communications.
Je pense que là aussi, votre lecture de la loi n'est pas
semblable à celle que j'ai faite. Il n'a jamais été
question, dans la loi, comme vous semblez le craindre, d'imposer le
français comme seule langue de travail. J'admets avec vous que si tel
était le cas, cette politique serait, à la fois, peu
réaliste et injuste.
Il s'agit plutôt d'introduire le français dans certains
milieux où il n'existe pas, ou il n'existait pas dans une proportion
suffisante. Par exemple, si vous lisez bien l'article 37, on dit que là
où la connaissance d'une autre langue peut s'avérer
nécessaire, il sera possible de l'employer, à condition, bien
sûr, qu'on en prouve la nécessité.
Comme vous le voyez, il ne s'agit pas du tout de rejeter, quelque
exclusive que ce soit, l'emploi de l'anglais, mais de le permettre là
où c'est nécessaire. Il y a aussi l'article 58 qui touche les
savants, les ingénieurs, les spécialistes qui pourraient
être appelés, par certaines entreprises, à séjourner
dans vos laboratoires pour une période limitée qui reste à
fixer. Ces spécialistes, ces savants auraient, eux, la
possibilité, s'ils le veulent, d'envoyer leurs enfants à
l'école anglaise.
Donc, vous voyez, par ces deux articles, qu'il ne s'agit pas du tout de
faire du français la seule langue de travail et particulièrement,
dans votre milieu où la connaissance et l'emploi de l'anglais me
paraissent tout à fait justifiés.
Je rappellerais quand même, à cet égard, que
même si je reconnais que des savants dont la langue d'usage est
l'anglais, peuvent et doivent communiquer entre eux verbalement, en anglais,
ceci n'a pas empêché certains laboratoires de recherche, certains
centres scientifiques à l'étranger, de faire un certain effort
pour utiliser davantage la langue du pays.
Par exemple, je connais plusieurs centres de recherche, en Europe,
où des savants eux-mêmes traduisent parfois leurs articles,
lorsque les conclusions de ces articles doivent être utilisées par
un personnel à un autre niveau de l'entreprise. Le personnel
professionnel lui-même, parce que bilingue, ou trilingue, peut effectuer
ces traductions.
Il s'agit ici d'une question de dosage, d'une question de nuance et
c'est la raison pour laquelle nous n'en parlons pas dans le projet de loi,
parce qu'on ne peut pas légiférer sur des aspects où il y
a tant de variétés d'une entreprise à l'autre et où
il s'agit de notions sur lesquelles on ne peut légiférer, parce
qu'elles sont d'ordre éthique, jusqu'à un certain point, à
un haut niveau.
Je voulais simplement vous dire qu'il n'a jamais été dans
l'intention du législateur de faire du français la seule langue
de travail, et particulièrement dans le type d'entreprise qui est le
vôtre, au niveau d'activité où vous vous situez.
M. Savard: Selon l'opinion des commissaires, si vous parlez assez
français ou non, n'est-ce pas? C'est encore quelque chose qui est
très subjectif. Ce que vous dites, c'est très bien. Mais cela
reste à la discrétion des gens qui seront mis en place pour
vérifier si vraiment vous pouvez parler plus
français dans un laboratoire, ou moins; pas moins, certainement.
N'est-ce pas?
M. Laurin: Mais il faut quand même compter sur la
compétence, aussi bien que sur le bon sens de ceux qui ont à
étudier ces demandes. Je pense qu'il tombe sous le sens que dans des
laboratoires de recherche industrielle, particulièrement situés
en terre d'Amérique, l'anglais sera toujours reconnu comme une langue
nécessaire dans les centres de recherche industrielle. C'est bien
évident.
En ce qui concerne la politique d'immigration, là aussi, nous ne
contrôlons pas notre politique d'immigration. C'est le
fédéral qui fait les lois. Même si nous pouvons faire des
pressions ou des recommandations, c'est quand même le gouvernement
fédéral qui a le dernier mot.
Mais même si nous étions les maîtres de notre
politique d'immigration, il ne nous viendrait jamais à l'idée
d'envisager une politique restrictive qui nuirait au recrutement de chercheurs
et de scientifiques, car ce serait là travailler contre nos propres
intérêts.
On sait très bien que le développement des
sociétés modernes le Québec veut être une
société moderne est axé sur la recherche et le
développement. Nous avons d'ailleurs, dans le programme qui est le
nôtre, des chapitres entiers consacrés à ce sujet. Nous
venons même d'entreprendre une étude sur la recherche scientifique
au Québec, afin de la stimuler, la développer, la coordonner.
Donc, il ne nous viendrait jamais à l'idée d'envisager une
politique restrictive en ce qui concerne le recrutement des chercheurs et des
scientifiques dont non seulement vos groupes, vos compagnies ont besoin, mais
dont le Québec également a besoin. J'espère que j'ai
été très clair sur ce point.
M. Savard: Oui, très clair.
M. Laurin: Le message que je voudrais vous lancer, c'est que nous
ne voulons pas adopter une politique qui soit irréaliste. Ce que nous
voulons, c'est un changement social, graduel, planifié qui tienne compte
des contingences qui sont les nôtres.
Je ne voudrais pas que cette exigence que nous avons, soit perçue
comme le développement d'une société
québécoise qui deviendrait de plus en plus fermée. Au
contraire, notre action s'inscrit dans une politique d'ouverture, d'accueil
à l'endroit de toutes les nations du monde et particulièrement
à l'endroit de toutes les ressources culturelles, scientifiques
auxquelles nous désirons avoir accès. Donc, il ne s'agit pas pour
nous de créer une société fermée.
Il ne s'agit pas non plus de revenir ou de maintenir un statu quo qui
s'est avéré souvent injuste à l'endroit d'une portion
privilégiée de notre société,
particulièrement à l'endroit de ceux qui poursuivent leur
développement dans nos institutions d'enseignement et
particulièrement nos institutions universitaires.
Ce que nous demandons, c'est que les scientifiques, les chercheurs, les
savants que nous accueillons fassent droit à la réalité de
notre milieu, à nos aspirations légitimes et se comportent ici en
bons citoyens, non seulement par le respect des lois que l'Etat du
Québec doit adopter, mais surtout par le respect qu'ils ont à
l'endroit du caractère même de notre pays, de ses composantes, de
ses inquiétudes, de ses aspirations, de ses besoins.
Je sais que ceci peut constituer un changement, une adaptation, mais il
nous paraît que c'est un changement, une adaptation nécessaire,
aussi bien pour le bien commun que pour le bien des entreprises en question,
car je crois qu'elles auront elles-mêmes profit, comme elles le font
d'ailleurs dans les autres pays du monde, à effectuer ces changements ou
adaptations nécessaires dans un esprit d'ouverture, de
compréhension à l'endroit du pays d'accueil.
Je pense bien qu'il faudrait dégonfler un peu le mythe des
difficultés linguistiques. Je sais que certains laboratoires de
recherche ont annoncé récemment un transfert dans d'autres
régions du Canada et pour m'être entretenu avec les responsables
de ces décisions, pas plus tard qu'hier, à Toronto, je sais que
les raisons linguistiques n'ont pesé que bien peu, pour ne pas dire du
tout, dans ces transferts, car il s'agit, le plus souvent, de rapprocher
certains laboratoires de recherche de ressources déjà existantes
dans un domaine identique ou dans un domaine connexe et ce sont des raisons de
marchés ou des raisons d'expertises qui ont présidé
à ces changements.
Pour notre part, nous ne voudrions pas ajouter à ces raisons de
transferts qui existent déjà et qui sont dues au
déplacement des activités économiques, des polarisations
différentes, nous ne voudrions pas ajouter à ces
difficultés des difficultés linguistiques.
Mais je pense que si la loi est lue, est comprise, telle qu'elle se doit
de l'être, on verra que les exigences linguistiques que nous posons, ne
sont pas extrêmes, elle sont nuancées, réalistes, et
surtout elles doivent s'inscrire, encore une fois, dans un changement social
planifié qui donnera tout le temps aux groupes que vous
représentez ce matin d'effectuer les réformes nécessaires
sans les dangers que vous mentionniez et sans les menaces que cela constitue
pour leur progrès et leur développement.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'un des
témoins veut répondre?
M. Savard: Pardon?
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous avez une
réponse à apporter?
M. Savard: Je dois dire que les remarques de M. le ministre sont
très rassurantes. J'espère que cette lumière a servi
certainement à éclairer certaines clauses, et dans l'optique
qu'il dit, le seul mot qui m'offusque, parce que je l'ai vu trop
longtemps dans d'autres pays, c'est le mot "planifié", quand
c'est adressé à des choses sur le plan humain et social. Avec
cette seule réserve, je crois que vous avez bien éclairé
notre lanterne sur les inquiétudes que nous avions. Pour ma part, je me
sens rassuré.
Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie, monsieur. Je
rappelle, avant de donner la parole au député de
Marguerite-Bourgeoys, qu'il ne reste que deux minutes au Parti
ministériel. Le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je pense que, dans
l'ensemble, on peut souscrire aux remarques d'accueil du ministre à
l'égard de votre mémoire, remarques qui sont positives. Je vous
remercie d'avoir, dans votre mémoire, décrit tout à fait
simplement et de façon positive les problèmes que le projet de
loi présente pour les activités de recherches. Encore une fois,
vous avez démontré et je pense que nous souscrivons tous à
votre proposition, que la recherche est une activité extrêmement
précieuse dans une société industrialisée et que
nous devons faire en sorte, non seulement de conserver les circonstances
favorables au maintien de telles activités, mais aussi de les
développer. Je voudrais vous poser une question. J'aimerais que vous
précisiez votre pensée davantage, toutefois, quand vous dites
à la page 2 de votre mémoire, au paragraphe 4, et je cite: "...
Plutôt vis-à-vis de ce qui nous apparaît comme un courant
vers la formation d'une société relativement fermée".
Est-ce que vous pourriez nous indiquer de quelle façon? Je suppose que
votre proposition est faite à l'égard du projet de loi qui est
à l'étude actuellement. Pourriez-vous nous dire comment vous
voyez que ce projet de loi, tel que présenté, pourrait atteindre
ce résultat?
M. Savard: Disons qu'on sentait déjà la soupe
chaude avec le bill 22. Il y avait déjà des inquiétudes
à ce sujet, je regrette de le dire. Je crois que ce mouvement, enfin on
peut dire... Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus, parce qu'un
sentiment comme cela, c'est un sentiment difficilement chiffrable, vous
connaissez, dans les dernières années, les incidents qui se sont
passés, à Saint-Léonard et tout cela a créé
un climat où les Anglais sentaient certainement qu'il y avait une
discrimination. C'est là-dessus que c'est basé. Je crois que
cette expression serait peut-être difficile à préciser,
mais, enfin, l'atmosphère est bien là.
M. Langshur: Est-ce que je peux ajouter quelques mots...
M. Lalonde: Alors, je...
Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord.
M. Langshur: M. le ministre vient de dire qu'il ne voudrait pas
ajouter de difficultés pour des raisons linguistiques aux autres raisons
qui, peut-être, inciteraient un institut de recherche ou une entreprise
à aller ailleurs. C'est peut-être un petit peu le sens de ces
paroles. Du point de vue de l'enseignement, je viens de dire tout à
l'heure que nous avons eu, ici, au Québec, un désavantage, du
point de vue international. Je trouve regrettable d'aller vers un nivellement,
vers le plus bas dénominateur.
Je trouve qu'on a été plus généreux ici, au
Québec, que dans les autres parties du Canada. Je ne crois pas que
l'exemple des autres parties du Canada soit un exemple à imiter. Je
crois plutôt qu'elles devraient imiter l'exemple que le Québec a
donné jusqu'ici. On doit aller vers la richesse, au lieu de
s'appauvrir.
M. Savard: Vous pourrez reconnaître, justement pour vous
répondre peut-être plus précisément, que les
déclarations des membres de la Société
Saint-Jean-Baptiste, ainsi que de M. Char-bonneau, le chef du syndicat des
enseignants, sont peu rassurantes pour un anglophone. Quand on considère
ça, plus les autres groupements qui se sont déclarés
absolument contre l'enseignement de l'anglais, c'est pour ça, M. le
ministre, si je peux revenir, quoique j'accepte votre bonne foi, je me demande
comment vous allez franchir l'obstacle de Charbonneau, qui se prononce
carrément, et c'est lui qui dirige les enseignants. Malgré votre
bonne volonté d'enseigner la qualité de l'anglais et de
l'améliorer, il faut quand même que ça passe par
l'instrument des enseignants, et quand les enseignants se déclarent
fermement contre l'enseignement de l'anglais, je vois difficilement comment on
n'aurait pas d'inquiétude, si on est Canadien anglais.
M. Lalonde: Alors...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je demanderai à chacun des participants, tant
députés que témoins, d'être assez bref. Normalement,
le débat devrait s'ajourner à 13 heures. Je l'ai indiqué
ce matin. Si on prenait tout le temps, on aurait jusqu'à 13 h 4. Alors,
il y a d'autres invités aujourd'hui. Je rappelle ceci. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.
M. Savard: M. le Président?
Le Président (M. Cardinal): Oui, monsieur.
M. Savard: A la fin, pourriez-vous me réserver quatre
minutes pour des questions?
Le Président (M. Cardinal): J'aimerais vous faire
remarquer que ce n'est pas régulier, parce que le débat a
été prévu par une motion de cette commission...
M. Savard: Oui.
Le Président (M. Cardinal): ... cette motion m'engage
à le faire respecter. C'est une heure et trente, 90 minutes pour tous
les débats. J'ai men-
tionné tantôt qu'à 13 heures, nous n'aurions pas
épuisé ce temps, mais qu'à 13 h 4, nous l'aurions
épuisé, et ceci demande même une petite procédure
qui va elle-même prendre une minute. Je pense que c'est à la
commission que vous devez demander cette permission. Si les
députés veulent contenir leur discours dans des limites plus
brèves, je ne pourrai le faire, parce que, la semaine dernière,
j'ai rendu une décision stipulant que les députés ne
pouvaient pas utiliser le temps des invités. De même, je devrai
dire que les invités ne pourront pas utiliser le temps des
députés. Je souhaite que vous puissiez le faire mais je ne puis
m'engager à vous le permettre.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci, M. le Président, je suis sûr que
vous n'avez pas fait ces remarques, ce rappel à l'ordre à celui
qui m'a précédé seulement par distraction. Mes questions
sont quand même courtes.
M. Savard, cette société fermée ne se
réfère donc pas seulement à la loi no 1. Vous avez
mentionné d'autres événements, d'autres circonstances, au
point de vue social, qui vous font conclure comme vous le faites. Est-ce que
j'ai bien saisi votre réponse?
M. Savard: Oui, mais je m'en tiens à l'effet, l'influence
sur les chercheurs ou les scientifiques. Je ne veux pas élargir le
débat sur l'opinion...
M. Lalonde: Est-ce que vous admettez quand même que
franciser, dans une bonne mesure, les activités au Québec,
surtout dans le milieu des affaires, y compris même dans le milieu
très spécialisé que vous représentez, ce n'est pas
fermer la société. Au contraire, ce serait plutôt l'ouvrir
aux Québécois en particulier car, dans le passé, ils n'ont
pas eu accès à beaucoup d'activités économiques,
n'ayant justement pas la connaissance de l'anglais.
M. Savard: Oui, c'est exact. Vous dites qu'ils n'ont pas eu
accès, parce qu'ils ne pouvaient pas parler anglais?
M. Lalonde: Une des raisons, c'était sûrement parce
qu'il fallait...
M. Savard: Malheureusement, ce n'était pas toujours
vrai.
M. Lalonde: ... absolument, dans plusieurs cas.
M. Savard: Parce que, pour être juste, je peux vous donner
les deux réponses. Il y en a, parce qu'ils ne parlaient pas et il y en a
où ça n'a pas été reconnu comme étant une
compétence supplémentaire.
M. Lalonde: Votre réponse et aussi la déclaration
qui termine votre mémoire me convainquent que vous êtes, en
général, en faveur de la francisation...
M. Savard: Certainement, et je crois...
M. Lalonde: ... du Québec, dans le milieu des
affaires...
M. Savard: Oui.
M. Lalonde: ... y compris dans la mesure du possible...
M. Savard: Oui.
M. Lalonde: ... tout en conservant à l'anglais sa place
nécessaire dans votre secteur d'activité, vous êtes
carrément en faveur de la francisation?
M. Savard: Sans réserve, oui.
M. Lalonde: Vous avez semblé émettre une
réserve sur la discrétion qui serait donnée à ce
que vous avez appelé des commissaires, je pense. Vous vous
référez à la Régie de la langue française...
la discrétion dans l'application de cette...
M. Savard: J'ai lu, par exemple, dans les articles du projet de
loi que je ne peux pas citer par coeur... où tout organisme qui s'assure
qu'une société accepte bien et fait son possible pour la
francisation serait surveillée... Non. Ce n'est pas cela. C'est tout
organisme administratif qui est mis sur pied, y compris des inspecteurs, des
commissaires pour aller vraiment franciser plus. C'est cette partie qui, je
crois, est trop discrétionnaire.
M. Lalonde: Vous auriez des suggestions à faire pour
tamiser la discrétion des fonctionnaires dans cet exercice?
M. Savard: Non.
M. Lalonde: Un droit d'appel? Puis-je vous en
suggérer?
M. Savard: Je crois d'abord qu'il devrait y avoir un droit
d'appel c'est cela qui m'étonne tout comme on a un
ombudsman, qu'il y ait quand même une cour, mais une cour qui puisse
traiter rapidement une plainte, et non pas la remettre et la remettre. Je crois
qu'il devrait quand même y avoir un mécanisme qui permette aux
gens qui ne sont pas d'accord avec les conclusions des inspecteurs ou des
commissaires de faire appel.
M. Lalonde: A la page 3 de votre mémoire, vous
reconnaissez la nécessité pour l'immigrant d'apprendre la langue
française le plus tôt possible, mais ne voulez pas que cet
apprentissage de la langue française décourage les immigrants
éventuels de se joindre à nous. Pourriez-vous nous expliquer,
selon vous, comment nous pourrions rendre compatibles les deux objectifs?
M. Savard: II y a plusieurs sociétés qui l'ont
fait. D'abord, en ne suspendant pas une épée de Damoclès
de douze mois, mais certainement... mais vous savez pour un adulte...
Je ne sais pas s'il y en a ici qui ont fait l'expérience
d'apprendre une langue nouvelle, mais quand on est adulte, ce n'est pas facile.
Je dirais que dépassé 40 ans, c'est presque impossible.
Alors, je crois que la période devrait être étendue
et qu'il devrait y avoir une formule incitative à apprendre le
français. Je crois que le système qu'avait le gouvernement de
donner des cours aux immigrants d'abord en français, puis en anglais,
était excellent et je crois que ce fût un grand succès.
C'est le genre de chose que je préconise.
M. Lalonde: J'aurais une dernière question. Je pense que
vous nous avez présenté le directeur du personnel de
l'Alcan...
M. Savard: M. Leydet.
M. Lalonde: ...ou peut-être vous, M. Savard...
Pourriez-vous apparenter ou comparer le problème que représentent
les activités de recherche dans les établissements, dans les
centres de recherche au problème d'un siège social, par exemple,
d'une compagnie, d'une société qui aurait des activités
à l'extérieur du Québec?
M. Savard: Pourrais-je demander à M. Leydet de
répondre, parce que comme je vous le disais tout à l'heure, notre
recherche ici est un peu particulière et notre siège social se
trouve ou aux Etats-Unis ou à Paris. Alors...
M. Lalonde: C'est pour cela que j'avais suggéré que
le directeur du personnel...
M. Savard: Peut-être que le directeur du personnel de
l'Alcan pourrait vous adresser la parole.
M. Leydet (Hugues): Je pense qu'on peut faire un certain
parallèle entre un siège social au niveau multinational et un
centre de recherche, ceci pour des raisons évidentes. C'est qu'un centre
de recherche important fait affaires avec plusieurs centres à travers le
monde, aussi bien que, par la nature même du siège social, une
entreprise multinationale fait affaires avec les filiales qui se trouvent
à travers le monde. Essentiellement, je dirais que la parenté de
ces deux se résume à cela.
M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: M. Savard, je vous remercie, je vous félicite
surtout du ton modéré de votre mémoire. Lorsque vous nous
parlez de recherche, mon expérience personnelle, au niveau du monde des
affaires, me prouve que les $100 millions, qui, dites-vous se dépensent
chaque année au Québec en recherche... je peux vous dire que
c'est beaucoup plus élevé que cela. J'ai été
à la tête d'une petite entreprise familiale où nous
gardions 5% de notre revenu sur les ventes pour de la recherche. Bien
sûr, ce n'étaient pas des centres de recher- che comme vous avez
présentement, mais, au niveau de toutes les entreprises du
Québec, ce n'est pas possible qu'on ne fasse pas de recherche, ou une
entreprise péréclite, ou, finalement elle ne peut progresser.
Alors, c'est le centre nerveux même de la promotion ou du
développement économique, c'est bien à travers la
recherche, et c'est essentiel d'ouvrir nos perspectives de recherche sur le
monde entier. J'ai écouté avec énormément
d'attention la lecture de votre mémoire. J'espère que le ministre
l'a écoutée aussi avec attention pour, à
l'intérieur de lui-même, se poser certaines actions lorsqu'il va
réécrire le bill 1, afin d'avoir une attitude plus ouverte sur
les besoins du monde, sur les besoins économiques. On sait que c'est la
faiblesse, à l'heure actuelle, du gouvernement, ce manque d'ouverture
sur les besoins économiques, une attitude moins radicale, sur certaines
parties du côté social, du côté culturel, pour
attacher énormément d'importance au développement
économique du Québec. Vous avez mentionné une crainte
vis-à-vis du projet de loi. Dans une réponse au ministre à
propos de l'article 37, si je me souviens, et de l'article 58, je suis
totalement d'accord avec vous concernant les bureaucrates quant aux
interventions directes qu'ils peuvent avoir au niveau des entreprises, lorsque
les entreprises vont demander au gouvernement la permission de procéder
en anglais dans une partie du centre de recherche ou une partie de
l'entreprise. On sait que bureaucratie veut dire inefficacité. Alors,
cela va empêcher énormément de centres de recherche ou
d'entreprises de fonctionner. Je suis donc totalement d'accord avec vous
lorsque vous avez certaines craintes de ce côté-là.
Le ministre nous a aussi parlé un peu plus tôt du nombre de
bilingues, francophones et anglophones, au Québec. Comme les chiffres du
ministre datent de 1971, mais certainement pas de 1977, j'ai vu la semaine
dernière dans les journaux les nouveaux chiffres d'une enquête:
59% des anglophones du Québec sont maintenant bilingues et 45% des
francophones du Québec sont bilingues. Donc, le pourcentage
d'anglophones bilingues tend à s'améliorer. Alors, moi aussi,
comme vous, je veux la prééminence du français au
Québec, moi aussi je veux que le Québec devienne de plus en plus
français, mais je constate qu'on a franchi une étape
considérable dans la bonne direction. Il y a quelque chose, par exemple,
lorsqu'on parle, des écoles privées, en France, vous avez
mentionné cela tout à l'heure. Il y a une différence entre
la France, qui a une collectivité, une communauté, la
communauté française, et le Québec ou le Canada, où
on a deux communautés, deux collectivités, qui sont la
collectivité française et la collectivité anglaise.
Même le premier ministre a reconnu ces deux collectivités.
C'est sûr que, lorsqu'on arrive en France, on ne s'attend pas
à faire partie de la collectivité allemande, française,
anglaise ou américaine, parce qu'il n'y en a pas. Il y a une
collectivité. Ici, au Canada ou au Québec, nous en avons deux,
c'est pour ça que c'est beaucoup plus facile, je comprends votre point
de vue, de s'intégrer à l'une ou l'autre. Mais je comprendrais
que s'il ar-
rive des Italiens, des Portugais ou autres, ils doivent
s'intégrer à l'une ou l'autre de nos collectivités, de nos
communautés, mais pas en former une troisième, une
quatrième, une cinquième. L'histoire a voulu qu'au Canada, au
Québec, nous en ayons deux.
J'ai remarqué que, tout à l'heure, mon ami le
député de Marguerite-Bourgeoys vous a posé des questions
sur cette société relativement fermée au Québec que
vous mentionnez à la page 2. Voulez-vous nous expliquer davantage cette
fermeture de société qui arrive actuellement et même cause
un inconvénient majeur actuellement pour qu'un centre de recherche soit
établi à Montréal? Cela n'a pas commencé avec le 15
novembre, cela a commencé bien avant ça.
M. Savard: Vous avez traité de deux choses. Je voudrais
savoir, la fermeture...
M. Biron: Non, ma question porte sur la société
fermée que vous mentionnez à la page 2 de votre mémoire,
qui est un inconvénient majeur pour établir un centre de
recherche à Montréal?
M. Deghenghi: II y a peut-être plusieurs composantes
à cette fermeture. J'aimerais mentionner ici une composante que nous
n'avons pas mentionnée dans notre mémoire, c'est le Code des
professions. Comme vous le savez, le Code des professions a été
établi récemment au Québec et il est unique au Canada.
Tout professionnel qui a des contacts avec le public doit avoir une
connaissance de la langue française et, s'il ne l'a pas, il a un an pour
l'apprendre. Au centre de recherche, la majeure partie du personnel
scientifique n'a pas de contacts avec le public, n'a aucun contact avec le
public.
Quand même les professions, je pourrais en citer plusieurs, ont
fait part que la loi doit être changée; à moins d'envisager
de sensibiliser les professionnels qui ne sont pas en contact avec le public,
la loi doit être changée bientôt.
Tout cela ajoute, si vous voulez, à cette crainte qu'il y ait
sans doute bientôt une fermeture de la société
québécoise.
M. Langhshur: Est-ce que je pourrais ajouter à ce
témoignage le mémoire que nous venons d'écouter avant le
nôtre, cette preuve d'un esprit de fermeture devant la richesse, en face
de la générosité. C'est une preuve.
M. Savard: Cela répète un peu ce que j'avais dit
des déclarations de la Saint-Jean-Baptiste et de M. Charbonneau, on peut
dire de la société, et j'attends que quelqu'un le dise, ils sont
seulement 1200 membres et vous avez bien précisé qu'ils
n'étaient pas une force dans la province. Seulement, les deux autres
sont une force dans la province.
M. Biron: Mais, heureusement, la grande majorité des
citoyens du Québec ont l'esprit beaucoup plus ouvert...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Lotbinière, il vous reste une minute.
M. Savard: C'est la silent majority quand même.
M. Biron: En vous assurant que, nous aussi, on veut créer
au Québec un environnement pour permettre à l'entreprise de
fonctionner et permettre aux entreprises ou aux centres de recherche de
s'établir au Québec, je vous pose une dernière question.
Vous mentionnez que 45% des chercheurs qui sont venus s'établir au
Québec sont des étrangers de l'extérieur du Québec
ou du Canada. De quels pays viennent-ils particulièrement et pourquoi
viennent-ils s'établir au Québec plutôt qu'aux
États-Unis ou en Ontario?
M. Savard: Je vais parler en premier, mais les plus grands
centres pourront vous donner... Moi, j'ai des Espagnols, des
Tchécoslovaques, des Anglais, des Français. Ce n'est pas voulu,
c'est en réponse à des annonces; ce sont des gens qu'on a
trouvé les mieux qualifiés.
M. Deghenghi: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose.
Nous avons des statistiques qui révèlent que 176 professionnels
viennent de 33 pays différents. Il n'y a pas une raison unique qui
explique pourquoi tous ces gens sont venus à Montréal ou au
Québec. Il y a plusieurs raisons. Entre autres, le gouvernement
fédéral, par le truchement du Conseil national de la recherche et
de l'immigration, a accordé des bourses d'étude à des
spécialistes de ce genre.
Il ne faut pas oublier que Montréal, jusqu'à maintenant
j'espère qu'il en sera ainsi longtemps est une ville
très attrayante qui a pu attirer, à cause de cette
atmosphère de biculturalisme ou de multiculturalisme, plusieurs
spécialistes du monde.
Nous avons quand même, chez nous, des spécialistes de 33
pays.
M. Biron: Est-ce que je peux vous demander, si vous avez le
nombre en tête, combien de chercheurs québécois ont
quitté, au cours des dernières années, pour
s'établir ailleurs?
M. Deghenghi: Nés au Québec, francophones: 15%.
Nés au Québec, autres que francophones: 13%. Nés au
Canada, dans les autres provinces que le Québec: 10%. Nés dans
les autres pays du monde: 62%.
M. Biron: Excusez, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Très rapidement, s'il
vous plaît.
M. Biron: Ma question veut obtenir seulement un chiffre. Combien
de chercheurs québécois ont quitté le Québec au
cours des dernières années? Vous ne le savez pas.
M. Deghenghi: Je peux seulement vous citer que nous avons eu
récemment deux de nos grands spécialistes en pharmacologie
pulmonaire et en pharmacologie biochimique, qui ont quitté la province
depuis le 15 novembre.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. Comme nous approchons de treize heures, je dois rappeler qu'il
reste au parti de l'Opposition officielle, huit minutes à utiliser, au
parti ministériel, deux minutes à utiliser et qu'à treize
heures, je devrai obtenir le consentement unanime de la commission pour
continuer les travaux. Ceci est aussi une invitation à nos
témoins. Je ne sais pas s'ils désirent revenir cet
après-midi. Nous avons d'autres témoins. Je ne fais pas davantage
de discours et je donne la parole au député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, merci. M. Savard, vous avez
décrit Montréal je crois qu'on admet tous comme une
ville à caractère international. Je regarde la liste
impressionnante des compagnies que vous représentez. Est-ce que, selon
vous, le projet de loi no 1 pourrait porter atteinte à ce
caractère international dont Montréal jouit présentement?
Est-ce qu'il peut affecter cette caractéristique de Montréal?
M. Savard: Comme on l'a dit tout à l'heure, c'est quelque
chose de subjectif, je pense. C'est l'opinion d'une personne contre une autre
et je ne crois pas que cela entre dans le cadre de notre mémoire.
M. Ciaccia: Est-ce que cela n'entre pas dans ce cadre... dans ce
sens que vous voulez une société plutôt ouverte que
fermée? Vous démontrez les avantages d'avoir...
M. Savard: Oui, mais ce serait un climat...
M. Ciaccia: ... deux communautés ici. On ne parle pas
contre la francisation du Québec, ce n'est pas de cela dont je parle,
mais je parle de cette ouverture, de cette capacité de pouvoir attirer
ici des gens de tous les pays pour travailler justement dans une industrie
professionnelle comme la vôtre.
M. Savard: Si je me répète, mais enfin je
vais faire vite on pouvait se fier aux assurances que donne le ministre,
telles qu'il les a exposées avec tellement de lucidité tout
à l'heure, contre les déclarations qu'on a entendues contre
l'anglais dans la province... C'est cela qui inquiète les gens.
M. Ciaccia: Oui, mais le ministre...
M. Savard: Certainement, tel qu'il l'a expliqué, plus le
fait qu'il va introduire un protecteur du citoyen ou une personne de ce genre,
je crois qu'on serait tranquille, mais ce sont tous les groupements qui, quand
même, ont une influence sur le gouvernement qui semblent très
restrictifs.
M. Ciaccia: Oui, mais le ministre fait des déclarations de
l'ouverture de notre société et il inclut des articles dans son
projet de loi qui vont à rencontre de ses déclarations. J'attire
particulièrement votre attention sur l'article 37. Si le projet de loi
est adopté dans sa présente forme, avant que vous ne puissiez
employer quelqu'un qui, d'après vous, a besoin de connaître une
autre langue que le français, vous allez être obligé de
prouver à un commissaire que la connaissance de l'autre langue est
nécessaire. Etes-vous prêt à soumettre vos
décisions...?
M. Savard: Non.
M. Ciaccia: Vous n'êtes pas prêt. Vous voudriez donc
des changements à cet article?
M. Savard: Absolument. Sur cette question, comme je l'ai dit tout
à l'heure, je crois que l'aspect inspection, tout cela est ouvert
à énormément d'abus qui seront beaucoup plus grands, que
ce soit contrôlé par le ministre ou pas, parce que je vois
énormément de fonctionnaires qui vont être occupés
comme cela et qui, dans certains cas, malheureusement, auront des griefs
peut-être réels ou imaginaires, qui peuvent jouer
là-dedans.
M. Ciaccia: J'attire votre attention sur un autre article du
projet de loi, l'article 58, où vous parliez d'attirer ici du personnel
de tout le globe pour venir travailler dans vos entreprises. D'après
l'article 58, la question de la langue d'enseignement, ne s'appliquera pas aux
personnes qui sont ici pour un temps limité. Le gouvernement va pouvoir
vous donner des exemptions. Est-ce que vous pensez, encore une fois, que vous
pouvez accepter une telle restriction? Ou bien, pensez-vous que ce serait
préférable tout en acceptant que le Québec soit
français de pouvoir attirer le personnel requis dans votre
industrie vous dites que la langue de communication est l'anglais
pouvoir attirer des gens qui, s'ils font partie de la communauté
anglophone, n'auraient pas besoin de la permission spéciale,
d'après l'article 58?
M. Deghenghi: Nous avons maintenant de la difficulté
à attirer les chercheurs américains et anglais. Avant même
que la loi soit adoptée, nous avions le problème qui nous
concerne actuellement.
M. Savard: Si je peux ajouter un mot, jusqu'ici, vous ajoutez une
structure de bureaucratie. Il faudra avoir la permission de faire telle ou
telle chose, nous avons toujours eu cette liberté. M. le ministre a dit
tout à l'heure qu'il ne veut pas freiner cette liberté
d'embauche, mais il faut quand même que vous posiez cette candidature
avec un nom précis, une qualification précise, et que vous
obteniez l'autorisation de faire de l'embauche. Ce qu'on fait, on remet
à un niveau gouvernemental des choses qui étaient quand
même évidentes et simples jusqu'ici.
M. Ciaccia: Excusez-moi, je veux simplement vérifier avec
le président le temps qui reste à l'Opposition officielle.
Le Président (M. Cardinal): C'est à noter. Je vais,
auparavant, comme il est 13 heures, à l'horloge officielle, et que c'est
la véritable heure maintenant, demander s'il y a consentement.
Normalement, je pourrais accorder deux ou trois minutes au Parti de
l'Opposition officielle et deux minutes au Parti ministériel. A ce
moment, je demande s'il y a consentement pour qu'on puisse continuer
jusqu'à 13 h 10. Le consentement est accordé. Alors, nous
ajournerons sine die, à 13 h 10. Je demande à tous de s'en tenir
à cette limite. M. le député de Mont-Royal, vous avez
encore trois minutes.
M. Ciaccia: Alors, pour permettre à mon collègue de
poser des questions, j'en poserai seulement une autre.
Est-ce qu'il y a d'autres retombées économiques qui
peuvent découler de vos bureaux de recherche, en plus de l'emploi qu'ils
donnent aux recherchistes et la contribution, comme vous dites, intellectuelle?
Par exemple, je sais qu'il y a un bureau de recherche qui travaille à
l'amélioration des nouveaux diesels avec l'intention d'implanter une
usine, ici, au Québec. Est-ce qu'il y a des retombées de ce genre
qui peuvent découler de votre industrie?
M. Deghenghi: Je pense que oui.
M. Savard: C'est le but de la recherche...
M. Deghenghi: Par exemple, si nous découvrons un nouveau
médicament dans les laboratoires de la maison que je représente,
c'est bien clair que ce médicament sera produit à Montréal
même, avec des usines qu'on va construire.
M. Langshur: Puis-je ajouter que...... par exemple, nous avons un
département d'ingénierie qui compte 800 employés. Parmi
ceux-ci, il y a presque 300 ingénieurs et autres spécialistes, et
ce sont ceux-là qui, dans le travail... Ensemble, nous comptons 5300
employés. Ils créent le travail pour les autres et,
naturellement, il y a aussi d'autres effets, l'effet sur l'économie
locale, etc.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Une seule question. Vous avez mentionné
tout à l'heure que 33 nationalités sont
représentées dans vos laboratoires de recherche. Je partage votre
opinion, à savoir que si des anglophones viennent ici, on a un secteur
anglais public, ils puissent avoir accès au secteur anglais. Mais des
enfants des autres chercheurs qui viennent et qui ne sont pas de langue
anglaise, j'imagine qu'il y en a vous avez fait allusion à des
Tchèques puisqu'ils ne parlent ni l'anglais ni le français
fort probablement. Y aurait-il des objections à ce qu'ils soient
dirigés vers une école française?
M. Savard: Madame, c'est difficile pour moi de vous
répondre dans l'optique que vous dites, parce que j'ai toujours
été contre l'idée de limiter le choix d'une
école...
Mme Lavoie-Roux: Pour tout le monde. M. Savard: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Pour tout le monde. D'accord.
M. Savard: Oui. C'est une opinion personnelle, enfin, qui...
Alors, c'est pour ça...
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie, je vous remercie beaucoup de votre collaboration.
Un dernier mot, M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Je vous remercie, M. le Président.
J'aimerais...
Le Président (M. Cardinal): Bref, s'il vous
plaît.
M. Paquette: ...également remercier les témoins de
leur mémoire. Etant moi-même de formation scientifique, je suis
à même de comprendre les problèmes particuliers qu'on peut
trouver dans les laboratoires de recherche.
J'essaie toujours de faire la distinction entre ce qui a trait aux
capacités de travail proprement dites et ce qui a trait plutôt
à l'idéologie. Vous venez de mentionner que vous êtes
d'accord avec le libre choix linguistique et vous mentionnez que la
société québécoise risque d'être plus
fermée qu'ailleurs sur le continent américain. Il me semble qu'en
aucun endroit du continent américain, les chercheurs n'ont le libre
choix d'écoles.
Ne trouvez-vous pas que cela serait plutôt une
particularité excessive du Québec d'offrir le libre choix total
aux chercheurs?
M. Savard: Sur le plan positif, j'ai toujours trouvé que
le fait d'avoir l'école dans les deux langues ici était un
attrait du continent nord-américain qu'on n'a pas su mettre en vedette.
Je trouve cela extraordinaire ce qu'on a. C'est un attrait qu'on a toujours eu,
qui a certainement formé beaucoup de relations entre les Français
et les Anglais et les Canadiens, et c'est pour cela que je dis qu'au contraire,
je trouve que les autres qui n'ont pas cette même facilité sont
lésés.
M. Paquette: Mais pour quelles raisons? Ne pensez-vous pas qu'il
y a moyen d'acquérir différentes cultures au sein d'une
école française, qu'il y a moyen d'enseigner non seulement
l'anglais, mais également d'autres langues, d'avoir des cours de
civilisation, d'espagnol, de grec ou je ne sais trop?
M. Savard: Ce que vous dites est vrai et on aurait pu l'avoir au
Québec. Mais ce n'est pas ce qui se passe. Ce n'est pas la
qualité d'enseignement que vous préconisez.
M. Paquette: C'est l'intention qui est exprimée dans le
livre blanc.
M. Savard: Pardon?
M. Paquette: C'est pourtant l'intention...
Le Président (M. Cardinal): Pour qu'on se comprenne, cela
achève, M. le député de Rosemont. Une très
brève et dernière question.
M. Paquette: Ma dernière question concerne la ventilation
du personnel professionnel que vous avez dans vos laboratoires de recherche.
Vous avez mentionné qu'il provenait de 33 pays, mais avez-vous des
données un peu plus précises. Ces étrangers qui
travaillent dans ces laboratoires de recherche proviennent-ils surtout des
Etats-Unis ou proviennent-ils du continent européen?
M. Savard: Je n'ai pas d'Américains, mais le monsieur qui
est avec moi a peut-être beaucoup plus d'étrangers...
M. Deghenghi: J'ai plusieurs personnes qui viennent des
Etats-Unis, évidemment, et j'ai ici le compte exact. Il serait
très long de lire toute la liste des 33 pays. Nous avons plusieurs
chercheurs qui nous viennent des Etats-Unis.
M. Paquette: C'est dans votre laboratoire ou dans l'ensemble...?
Dans votre laboratoire particulier?
M. Deghenghi: Surtout dans mon laboratoire, mais je pense que
nous ne sommes pas dans une situation unique.
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): Messieurs les membres du
comité des directeurs, c'était la question que vous m'avez
posée. Il vous resterait environ deux minutes, si vous voulez ajouter
quelque chose.
M. Savard: C'est tout ce qu'il faut. La première question
que je pose c'est: Si le français avait été
enseigné... si on avait insisté même depuis 1960 sur la
qualité du français parlé et écrit, est-ce qu'on
serait réuni autour de cette table aujourd'hui? Est-ce que ce ne serait
pas plutôt une langue d'élite à laquelle tous les gens
voudraient accéder? C'est la première question. Je ne demande pas
de réponse. La deuxième, M. le ministre: Comment faites-vous
votre choix, votre sélection des groupes qui doivent comparaître,
comme aujourd'hui, par exemple, ou un autre jour, parce que je trouve le
mélange un peu bizarre?
Le Président (M. Cardinal): Je peux vous répondre,
monsieur, au nom de la commission.
Il y a toute une réglementation qui fixe ces invitations. A la
suite d'un avis de 30 jours paru dans la Gazette officielle, ceux qui
désiraient venir devant la commission nous en ont informés. Nous
avons invité les premiers groupes prêts à se
présenter. Nous avons vu que la première semaine il y a eu un
retard d'environ 24 heures et vendredi dernier, la commission a donné au
président l'autorité de passer outre à un
règlement. C'est pourquoi nous avons invité aujourd'hui tous les
groupes qui avaient déjà été invités par
l'avis de sept jours prévus par le règlement. Nous étions
liés par une semaine d'avance.
J'ajoute un autre détail: ce travail est fait en collaboration
avec le cabinet du ministre, le secrétaire de la commission et,
évidemment, le président. Nous avons tenté, dans la mesure
du possible, d'être objectifs et non pas d'avoir tant de mémoires
favorables et tant de mémoires défavorables, mais d'avoir un
groupe qui soit vraiment québécois francophone et un groupe qui
soit anglophone. C'est ainsi que cet après-midi nous recevrons le
Pierrefonds Comprehensive High School. Nous avons tenté d'avoir
tantôt un organisme, tantôt un individu et ceci selon le temps qui
nous est laissé par les travaux de l'Assemblée nationale. On n'a
donc pas décidé d'avance que tel groupe viendra et c'est vrai que
cela peut sembler, de l'extérieur, un mélange. Ce mélange
est, dans un sens, voulu pour que la commission soit le plus rapidement
informée sur les diverses tendances qui existent au Québec ou
même en dehors du Québec vis-à-vis du projet de loi no
1.
M. Savard: Merci.
Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez, au nom
de la commission, je désire remercier le comité des directeurs
des centres de recherche industrielle du Québec. Nous l'avons entendu
au-delà du temps prévu par le règlement, mais nous l'avons
fait, je pense, avec plaisir. Je répète que cet
après-midi, à la nouvelle séance, parce que ce sera une
nouvelle séance, j'appellerai le Pierrefonds Comprehensive High School
et l'on sait que deux autres organismes ou individus doivent venir devant nous.
Cependant, cet après-midi, nous ne recommencerons qu'après la
période des affaires courantes et la période des questions. C'est
pourquoi je déclare que les travaux de cette commission sont
ajournés sine die.
(Suspension de la séance à 13 h 10)
Reprise de la séance à 16 h 21
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs! Nous commençons une autre séance de la commission
permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications pour l'étude, après la première lecture, du
projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec.
Je fais l'appel des membres de la commission. M. Alfred (Papineau), M.
Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M.
Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Ciaccia
(Mont-Royal).
Mme Lavoie-Roux: Remplacé par M. Macka-sey.
Le Président (M. Cardinal): M. Ciaccia (Mont-Royal)
remplacé par M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce); M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier)
remplacé par M. Ouellet (Beauce-Nord); M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa) remplacé par M. Gagnon
(Champlain); M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan
(Gaspé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud).
M. Grenier: M. Le Moignan est remplacé par M. Shaw
(Pointe-Claire).
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan (Gaspé)
est remplacé par M. Shaw (Pointe-Claire); M. Paquette (Rosemont), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Comme je l'ai indiqué ce matin, je n'appelle plus les gens au
début de la séance, j'indique simplement ceux qui seront
entendus. D'ici la fin de la journée, le Pierrefonds Comprehensive High
School, les Fils du Québec, M. G. Brosseau. Le Pierrefonds Comprehensive
High School représenté par Mme Diane Berty. Bonjour, madame.
Mémoire no 67; les Fils du Québec, mémoire no 136; M.
Brosseau, mémoire no 25. Mme Berty, je vous prierais d'identifier votre
organisme et les membres qui le représentent. Oui, s'il vous
plaît, utilisez le micro.
Pierrefonds Comprehensive High School
Mme Berty (Diane): M. le Président, membres de la
commission parlementaire, membres de l'Assemblée nationale. Je m'appelle
Diane Berty, je suis la présidente du comité d'école du
Pierrefonds Comprehensive High School. Mme Martel, un autre membre de notre
comité.
Nous avons 2100 étudiants à l'école et notre
comité représente 1500 familles d'origines diverses.
L'école est située dans la banlieue ouest de Montréal.
Vous serez très heureux, je pense, de voir que notre mémoire est
très court. Nous ne désirons pas une heure et demie.
Le Président (M. Cardinal): Merci madame.
Mme Berty: Je vous en prie. Comme je suis une anglophone et un
produit du système d'éducation de la province de Québec,
je ne suis pas parfaitement bilingue. Je pense aussi que certains membres de la
commission parlementaire ne sont pas parfaitement bilingues, comme moi. Je sens
que ce sera juste si je lis notre mémoire en français, alors, je
répondrai aux questions françaises en anglais pour être
certaine que j'explique moi-même plus clairement. Vous êtes
d'accord?
Le Président (M. Cardinal): Madame, c'est parfaitement
votre droit. Je l'ai déjà indiqué dès la
deuxième journée des séances de cette commission. Chacun a
le droit d'utiliser sa langue.
Mme Berty: Merci. Pierrefonds Comprehensive High School,
comité d'école. Exposé sur le projet de loi no 1, Charte
de la langue française au Québec. Le premier paragraphe du projet
de loi déclare que la langue française est, depuis toujours, la
langue du peuple québécois. Cette déclaration exclut les
Québécois de langue anglaise qui résident ici depuis deux
siècles. Ceci donne l'impression que le gouvernement du Québec ne
représente qu'une catégorie de citoyens seulement, les
Québécois de langue française. Une telle attitude est
discriminatoire et pourra avoir des effets néfastes dans une ville comme
Montréal.
Titre premier, chapitre 2. Appuyant les principes énoncés
au chapitre 2, Droits linguistiques fondamentaux, nous croyons qu'il est
obligatoire d'inclure dans le projet de loi une section assurant qu'aucun
anglophone ne perdra son emploi résultant de son incapacité de
parler le français.
Un grand nombre de citoyens du Québec font partie d'un groupe
minoritaire, ayant le droit de participer activement à la vie
économique et culturelle de la province, même si le gouvernement
tente d'en ignorer le fait.
Tous les adultes non francophones doivent avoir l'opportunité
d'améliorer le français avec l'aide financière du
gouvernement du Québec, leur permettant ainsi d'obtenir une connaissance
appropriée du français, tel qu'exigé par la loi
projetée.
Chapitre VIII La langue de l'enseignement. 1-Tous les citoyens
canadiens éduqués dans les écoles anglaises au niveau
secondaire ou élémentaire, doivent être libres de choisir
la langue de l'enseignement de leurs enfants. 2- L'enseignement
amélioré ou enrichi de la langue seconde dans les écoles
françaises débutant en première année, tel
enseignement étant optionnel, c'est-à-dire à la
discrétion des parents. 3- Après adoption de la loi, qu'il soit
nécessaire à tous les futurs immigrants qui ne parlent l'une des
deux langues officielles du Canada, anglais ou français, de recevoir
leur enseignement en français jusqu'à ce qu'ils aient reçu
leur citoyenneté canadienne, trois ans après leur entrée
au Canada.
Exemples: Les nouveaux immigrants étant obligés
d'enregistrer leur enfant de six ans à l'école
française:
a) devraient être assurés que l'enfant recevra, s'ils le
désirent, un enseignement satisfaisant de la langue seconde; b) si ledit
enfant de parents immigrants devenait citoyen canadien à l'âge de
neuf ans, il aurait la liberté de choisir sa langue de
l'enseignement.
Un enfant né au Canada de parents immigrants aurait la
liberté de choisir la langue dans laquelle il voudrait être
éduqué.
Il est très improbable que les parents français inscrivent
leurs enfants à l'école anglaise si l'enseignement de la langue
seconde, à partir de la première année, est
amélioré, réduisant ainsi la grande quantité
d'étudiants canadiens-français qui se dirigeraient vers les
écoles anglaises.
Par ailleurs, les parents francophones auraient le choix, s'ils le
désiraient, de faire éduquer leurs enfants en anglais, en
commençant par la première année.
Au moment présent, tout immigrant qui entre au Canada et qui ne
parle ni le français ni l'anglais, doit inscrire son enfant dans la
langue majoritaire de la province. Dans le cas de la province de Québec,
il est bien raisonnable de s'attendre à ce que la langue de
l'enseignement soit le français qui est, après tout, la langue
parlée par la majorité. Toutefois, cet enfant aurait
l'opportunité de recevoir un enseignement de la langue seconde au niveau
de la première année. Les nouveaux immigrants qui obtiennent leur
citoyenneté canadienne et dont la langue maternelle est autre que
l'anglais ne sentiraient pas la nécessité de déraciner
leurs enfants du secteur français et ceci supprimerait le besoin de
restrictions telles qu'énoncées dans le projet de loi no 1. 4.
Les immigrants qui résident au Québec au moment où la loi
est adoptée et qui n'ont aucun enfant ou aucun enfant d'âge
préscolaire pourraient choisir la langue de l'enseignement pour leurs
enfants dans les années à venir. Autrement, la loi est
rétroactive et sévère sans nécessité.
Article 57. Le gouvernement doit immédiatement prendre les
mesures nécessaires pour améliorer l'enseignement de la langue
seconde dans les écoles anglaises. Dans le moment présent, un
double standard existe. Pour appartenir à n'importe quelle des quelque
38 professions qui existent dans la province, la Régie de la langue
française demande une connaissance suffisante du français, alors
que les étudiants au secondaire peuvent passer les examens du
ministère avec une connaissance rudimentaire du français
seulement. Le gouvernement insiste continuellement pour que la langue du
travail au Québec soit le français, mais refuse d'offrir à
la minorité anglaise les instruments dont elle a besoin pour
améliorer son système d'éducation et par le fait
même de réaliser le projet du gouvernement. A cet effet, le
ministère de l'Education attribue des moyens totalement
inadéquats à l'enseignement de la langue seconde. Nous devons
alors nous poser la question sur les intentions du gouvernement à ce
sujet. Il est de toute importance de disposer de sommes additionnelles pour
atteindre ce but.
Article 58: Le terme "de passage au Québec ou séjour pour
un temps limité" est équivoque et doit être redéfini
plus clairement.
Titre VI, Article 172: En dépit des affirmations publiques faites
par le ministre du développement culturel que la loi suivrait de
près les normes de la Charte des droits et libertés de la
personne, dans cet article, priorité est donnée au projet de loi
no 1 sur ladite charte. Ceci donne carte blanche au gouvernement du
Québec et empêche le public en général d'être
protégé contre de possibles discriminations, protection qu'il
reçoit pour d'autres lois. Nous recommandons que cet article soit
rayé du projet de loi no 1.
Le nombre d'immigrants qui seront attirés par le Québec
afin de s'y établir diminuera sûrement dû aux dispositions
énoncées dans la langue de l'enseignement et dans la langue du
commerce et des affaires, limitant ainsi considérablement la croissance
de la communauté anglaise. Il nous est impossible de consentir à
disparaître progressivement. Le livre blanc permet au gouvernement du
Québec de justifier les mesures tyranniques qu'il emploie à cause
d'injustices commises dans le passé, dans d'autres provinces du Canada,
et ceci est indigne d'un gouvernement au pouvoir. Autre chose est d'encourager,
même d'exiger l'usage du français, autre chose de défendre
l'usage de l'anglais, tel que le projet de loi accomplirait dans certains cas.
En élargissant les dispositions de la loi pour permettre à tous
les enfants dont la langue maternelle est l'anglais, d'entrer dans les
écoles anglaises et en faisant les démarches définitives
pour intensifier l'enseignement de la langue seconde dans les deux secteurs, la
communauté anglaise serait alors disposée à collaborer
très activement à la politique gouvernementale de faire
évoluer la langue française.
Merci.
Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le ministre
d'Etat.
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier et féliciter Mme
Berty pour la qualité de son français. Je voudrais aussi la
remercier, ainsi que le comité d'école, pour avoir fait l'effort
démocratique de préparer ce mémoire et de venir le
présenter à la commission parlementaire.
Je vois que le comité d'école s'en prend à une
phrase du préambule. Je crois que cette phrase a été mal
comprise, probablement en raison d'une formulation qui laisse à
désirer et que nous améliorerons sûrement. Mais je voudrais
rétablir le sens de cette phrase que vous contestez. Je pense qu'elle
devrait s'entendre dans le sens suivant: La langue française est depuis
toujours la langue officielle du peuple québécois, qui comprend,
outre la majorité francophone, d'autres groupes ethniques dont,
principalement, la minorité anglaise du Québec.
Je pense que si on rétablit quelques mots qui sont
impliqués dans la loi, mais qui ne sont pas exprimés tels quels,
non seulement peut-elle se
comprendre plus clairement, mais je pense qu'à ce
moment-là, elle devient incontestable. Peut-être, dans vos
commentaires, tout à l'heure pourrez-vous nous livrer vos impressions
sur cette formule plus claire et plus précise.
Le mémoire du comité d'école est court, mais il est
clair et précis. Je pense que, pour cette raison, il se prête
facilement aux commentaires.
Vous souhaiteriez qu'un article de la Charte de la langue
française stipule qu'aucun anglophone ne perdra son emploi parce qu'il
ne parle pas le français. Evidemment, vous craignez qu'une
discrimination ne s'exerce sur les ouvriers anglophones. Vous comprendrez donc
facilement que c'est précisément parce qu'une discrimination
s'est exercée, consciemment ou inconsciemment, à l'endroit des
travailleurs francophones que le législateur a cru nécessaire
d'inclure cet article dans la Charte de la langue française au
Québec.
Je ne crois pas qu'actuellement quelque discrimination s'exerce de la
part des entreprises, surtout celles qui sont la propriété
d'anglophones, à l'endroit de leurs travailleurs anglophones.
Il n'y a rien non plus dans le projet de loi qui incite d'une
façon ou d'une autre à cette discrimination à l'endroit
des travailleurs anglophones. Si jamais des exemples nous parvenaient que
certains employeurs exercent une discrimination à l'endroit des
travailleurs anglophones, qu'ils refusent de les embaucher, qu'ils refusent de
leur donner des promotions auxquelles ils ont droit, je pense qu'à ce
moment, il deviendrait nécessaire, pour le gouvernement, de
légiférer et il n'y a aucun doute que le gouvernement ne
s'opposerait absolument pas à introduire des amendements aux lois
existantes ou même à préparer une législation qui
tiendrait compte de ces exigences légitimes.
Vous comprendrez qu'actuellement, les exemples nous manquent pour
justifier pareille intervention et que, par ailleurs, le titre de la loi
concerne la langue française au Québec et que c'est une raison
additionnelle pour ne pas inclure un article tel que celui que vous nous
proposez.
Beaucoup d'autres de vos représentations touchent à la
question du libre choix. A l'occasion de la présentation de
mémoires antérieurs, le gouvernement a déjà eu
l'occasion de présenter son point de vue sur le sujet. Ce point de vue
vous est probablement connu. Le gouvernement actuel, à la suite de
plusieurs analyses qu'il a faites, de représentations qui ont
été faites par divers groupes, a décidé
d'abandonner le libre choix et d'adopter la position qui est actuellement celle
du projet de loi.
Je pense, d'ailleurs, que cette prise de position à l'encontre du
libre choix est maintenant une position qui s'est
généralisée au Québec et qui est tenue, en tout
cas, par tous les partis politiques représentés à
l'Assemblée nationale. Je pense qu'il faudrait que vous nous
présentiez des raisons qui pourraient aller à l'encontre de ces
analyses, de ces représentations, des raisons qui ont amené les
partis politiques à modifier leurs positions à l'endroit de ce
chapitre.
Je ne sais pas si vous voudrez y revenir tout à l'heure dans vos
commentaires. Vous voudriez également que le gouvernement
améliore l'enseignement du français dans les écoles
anglaises. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour souhaiter que le
gouvernement améliore le plus possible l'enseignement du français
dans les écoles anglaises, surtout étant donné
l'obligation qu'il fait maintenant à la communauté anglophone par
l'article 57 du succès à l'examen de français à la
fin des études secondaires pour l'obtention du diplôme, c'est donc
une exigence tout à fait légitime. Il est vrai qu'actuellement,
dans ses budgets réguliers, le ministère de l'Education consacre
déjà des sommes assez importantes à l'enseignement du
français dans les écoles anglaises. Il est vrai également
que le gouvenrement, par d'autres programmes, comme par exemple ceux de
l'éducation des adultes ou encore à l'intérieur des
programmes de francisation qui sont déjà en cours dans plusieurs
entreprises, ou à l'intérieur des programmes qui sont sous la
responsabilité du ministère de l'Immigration, a
déjà commencé à oeuvrer dans ce domaine. Mais je
sais qu'étant donné l'ampleur du problème, il y a d'autres
efforts à faire et je souhaite avec vous que le gouvernement puisse
trouver les fonds qui lui sont nécessaires pour améliorer et
intensifier, aussi bien qualitativement que quantitativement l'enseignement du
français dans les écoles anglaises.
Enfin, je n'aurais qu'une seule question à vous poser. Vous
préconisez que l'on commence l'enseignement de l'anglais dans les
écoles françaises dès la première année.
Etant donné les contestations que pareilles propositions ont
rencontré dans les milieux pédagogiques, au cours des
dernières années, est-ce que vous pourriez nous donner les
raisons sur lesquelles vous vous appuyez pour recommander que cet enseignement
commence dès la première année?
Mme Berty: Comme j'ai dit... As I mentionned, we are from the
West Island, we represent a high school in the West Island. Our francophone
"confrères" in the French high schools in the West Island, the parents,
are very concerned that their children receive sound second language training.
As a matter of fact, we have and I am sure this government is aware
English immersion classes in the West Island presently, at the request
of the parents. I can only speak from the parents I have spoken to and the
parents representative from the francophone side, and they certainly desire
teaching beginning in grade 1, because the only option they have now is the
immersion for intensified second language.
M. Laurin: I do not question the wishes of a great many
French-speaking parents in that respect. I have seen the surveys you have, but
you will understand that in drafting a policy, we have to take into account not
only the wishes of the parents, but also the pedagogical requirements and I
wondered if apart from the example set up by the immersion classes you had
other studies,
pedagogical studies, that would make you believe that it is the proper
time to begin the teaching of a second language.
Mme Berty: From the studies that we are presently doing on the
English side, I am a member of the second language committee of the schoolboard
level on the English side, and that there is a definite transfer of knowledge
between the two languages, and that there appear to be no documental effects
from teaching. Now, I cannot give you the references, but these are from
various reports we have received that there are no documental effects in the
teaching of a second language, French, to anglophone children or I see no
reason why there would be documental effects on the opposite.
I can only base it on the studies that we have made on second language
which we are presently conducting at Baldwin-Cartier, while on the Penfield
studies as well.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les parents de l'école polyvalente Pierrefonds d'être venus
présenter leur point de vue à la commission parlementaire qui
fait l'étude du projet de loi sur la langue, le projet de loi no 1.
Je voudrais d'abord...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, madame, votre
micro, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais d'abord vous demander si vous
pourriez vous identifier un peu plus précisément. Est-ce que vous
appartenez à la commission Baldwin-Cartier ou à Lakeshore?
Mme Berty: Baldwin-Cartier.
Mme Lavoie-Roux: Baldwin-Cartier.
Mme Berty: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous pouvez me dire si dans votre
école la majorité des enfants sont d'origine anglophone ou sont
des enfants qui ont comme langue maternelle la langue anglaise?
Mme Berty: Peut-être la majorité, mais pas en grande
majorité. We have children from other ethnic backgrounds, Portuguese,
Pakistani, Greek whatever, and many francophone children spree Bill 22.
Mme Lavoie-Roux: Vous faites des remarques sur la loi 22 et je
vois que le ministre vous dit qu'il y a déjà beaucoup d'argent
dépensé pour l'amélioration de l'enseignement de la langue
seconde dans les écoles anglaises. Je voudrais quand même signaler
le fait que si du côté des écoles anglaises, on a fait des
efforts pour l'amélioration du français, langue seconde, on a
dû le faire au détriment de l'enseignement d'autres
matières, parce que justement, il n'y a pas eu de fonds suffisants mis
à la disposition de ces écoles. Même si on obligeait les
élèves de ces écoles à connaître le
français, langue seconde, à la fin des études secondaires,
elles ont été obligées de choisir comme spécialiste
j'imagine que c'est un peu la même chose à Baldwin-Cartier
le spécialiste de langue seconde... Alors, elles ont dû le
faire au détriment de l'enseignement d'autres matières comme la
musique, la gymnastique, les arts plastiques, etc.
Je dois vous dire que là-dessus je partage pleinement votre
inquiétude. Si on en fait une telle obligation, en même temps,
qu'on mette à votre disposition les moyens nécessaires à
l'acquisition de cette langue seconde sans que vous soyez obligés de
pénaliser les enfants dans d'autres domaines.
Je pense que le ministre d'Etat au développement culturel nous
indique une fois de plus que le gouvernement est tout à fait non
situé quant à la décision qu'il doit prendre au sujet de
l'enseignement des langues secondes dans les écoles.
On revient toujours avec l'argument pédagogique, comme quoi ceci
n'est pas à conseiller. Je m'étonne qu'on ne s'en soit jamais
préoccupé pour les écoles anglaises et que, pour
l'enseignement de la langue seconde dans l'école française, cela
devienne un argument de tout premier ordre.
J'ai signalé l'autre jour au ministre qu'il y avait une
expérience, limitée, je l'admets, mais fort concluante, qui, dans
un premier temps, s'était faite dans une commission scolaire de
l'île de Montréal.
Quelles sont les méthodes que vous utilisez dans votre
école pour l'enseignement du français langue seconde, non
seulement au niveau secondaire, mais au niveau élémentaire?
Quelles sont les différentes approches que votre commission scolaire a
eues pour assurer aux élèves du cours anglais, du secteur
anglais, un enseignement adéquat de la langue seconde?
Mme Berty: In Baldwin-Cartier, of course, we have the total
immersion classes in grade six, as well as we teach, in Baldwin-Cartier, French
to the children commencing in kindergarten right through as a second language
and increasing, in a regular stream, right up to the last year. We have the
total immersion in grade six, followed by partial immersion, secondary I, II,
III, IV, V. And this is not doing the job. Everything that we put into our
second language program is costing us in other areas of our curriculum, because
we do not have the budget. It costs us, whether it is in art or in physical
education or something a budget, we do not have, you know.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez utilisé les
ressources du secteur français de la commission scolaire Baldwin-Cartier
pour essayer d'encourager l'enseignement de la langue seconde, par des
échanges entre les étudiants de part et d'autre, d'un secteur
à l'autre?
Mme Berty: Yes, we have attempted. We have encouraged exchange
programs which is very
difficult within the schools. We have exchange programs outside of the
West Island, exchanges with Gaspé and other areas in Québec, on
the English side.
On certain occasions, in certain schools, we have exhange programs
between English and French schools, at the elementary level.
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi, j'ai été distraite.
Il y a quelques groupes qui sont venus ici, devant la commission, des groupes
anglophones, qui se sont inquiétés de la possibilité du
congédiement de personnel de langue anglaise s'il n'avait pas une
connaissance suffisante du français.
Il semble que ceci ne soit peut-être pas justifié, mais,
par contre, on peut comprendre la réaction de la population anglophone,
quand on voit, par exemple, l'attitude qu'a prise le ministre des Transports
à l'Assemblée nationale, sur cette question, où,
constamment, il a voulu justifier sa directive touchant l'emploi des
occasionnels de langue anglaise, enfin les mesures qu'il entendait prendre
à leur égard, mais sans jamais rien modifier à son
attitude.
Je pense que le ministre d'Etat au développement culturel apporte
une assurance là-dessus qu'on va probablement être un peu plus
spécifique et je pense que c'est heureux. Je pense que cette
appréhension vient aussi du fait que le mot "anglais", dans tout le
projet de loi je ne l'ai pas compté, est utilisé le moins
possible. Je pense que cela explique la réaction de la population
anglophone, quoique vos appréhensions ne doivent pas être aussi
grandes que celles que vous entretenez. Mais je comprends votre
réaction.
Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme le
député de L'Acadie. M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: First of all, thank you very much, Mrs Berty and Mrs
Martel, for coming to Quebec to present this brief.
I think everyone is aware of the effort that is involved and the time
and the genuine concern that you and your community are expressing in coming
here. I think you represent very well the attitude of the English-speaking
Quebecers wanting to help participate in the development and
"épanouissement" of the French language and culture. I think you, like
myself and most English-speaking Quebecers, wish to help participate in
increasing the use of French and making it the pre-eminent language in the
province, but I also appreciate too that you want to see recognition of the
reality of the English-speaking Quebecers, that we are a part of the community
of Québec, that we have always been a part of the community of
Québec. We have made our contribution in the past, we are making it in
the present and we intend to make it in the future. We are equally concerned
about our language as an equal language in the province, being an officiel
language as is French, that our children have an apportunity in the labour
markets in the future in this province, that our institutions can continue to
function in the English language in the province, and that you are concerned,
like I am, for the future of the English-speaking community in the province as
a whole, as are the French-speaking members of this committee concerned about
the future of their community in this province.
My questions are, first of all I want you to be very candid about
this, because I am not going to ask the patronizing questions; I am to try and
ask the very candid questions what is the attitude of the children in your
school towards their future in Québec.
Mme Berty: The attitude, unfortunately, and as parent
representative, this is what we are most concerned about, the children's
attitude is... it was a positive attitude up till, perhaps, you know, five
years ago, I would say, almost, in learning French. The attitude now, through
the media, perhaps, through this type of exposé, is that they are not,
let us say, turned on about learning French. They say: We will leave
Québec. We do not want them to leave Québec. We want them to stay
here, learn French and be part of the French-English-Québécois,
Québécois anglais et Québécois françats,
c'est la même chose quant à moi.
M. Shaw: Do you think they feel that a knowledge of French is
really adequate to have a complete future in Québec? Do you think they
feel even knowing French, that they still would be considered a second class
citizen?
Mme Berty: Unfortunately, they seem to have this attitude,
yes.
M. Shaw: Do you think that total immersion is more accepted now
or less accepted since bill 22? Has bill 22, effectively, reduced the
motivation for children to enter total immersion?
Mme Berty: The results of the immersion enrolments for next
year... in the past, they had gone up year after year; this year, they have
stayed at level with last year. So, there is no decrease but there is no
increase in the enrolments in our immersion program.
M. Shaw: In other words, you feel that the motivation amongst the
children to learn the second language is actually being inversely affected,
because of the implications of coercitive legislation like bill 22 or bill
1?
Mme Berty: Yes, I do not think they fully understand and it is
extremely difficult to explain to youngsters between the ages of twelve and
sixteen what is involved and they just see it as it is too much, they cannot
cope and therefore...
M. Shaw: Do you think that if bill 1 is enacted there will be an
increased resistance, an increased polarization English versus French in the
province, specially in young people?
Mme Berty: Yes, unfortunately, most definitely.
M. Shaw: In other words, in trying to make this brief today, you
are attempting to say: We want to help, we want to participate, we want to help
develop a common bond where French is a pre-eminent language in the province,
but we want you to understand that our children have to feel as comfortable
living here as you.
Mme Berty: Yes. And we want to develop a positive attitude toward
our French confreres and our children. I am afraid that this type of
Legislation defeats the purpose.
M. Shaw: Thank you very much, Mrs Berty.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je vais me limiter
à deux questions seulement, une question à madame et une question
au ministre, avec la permission, évidemment, des membres de la
commission. Dans la troisième page de votre mémoire, vous nous
dites: Le gouvernement doit immédiatement prendre les mesures
nécessaires pour améliorer l'enseignement de la langue seconde. A
ce moment, vous faisiez référence, je pense, à la langue
française dans les écoles anglaises. Un peu plus loin, vous
dites...
Mme Berty: Oui.
M. Roy: D'accord? Un peu plus loin, vous dites...
Mme Berty: Je suis d'accord avec l'amélioration de la
langue...
M. Roy: De la langue française. Un peu plus loin, vous
dites: Le gouvernement insiste continuellement pour que la langue du travail au
Québec soit le français, mais il refuse d'offrir à la
minorité anglaise les instruments dont elle a besoin pour
améliorer son système éducationnel, et, par le fait
même, réaliser le projet du gouvernement. J'aimerais que vous
puissiez nous expliquer cela parce qu'en somme, ce que vous nous dites, c'est
extrêmement important je pense que tous les membres de la
commission en conviendront quelles sont les causes et quels sont les
empêchements, les obstacles qui font en sorte de vous placer dans une
situation comme celle-là? Je dois vous dire que cela a retenu mon
attention d'une façon un peu spéciale.
Mme Berty: When we say that the Government continuously refuses
to offer tools, we are referring to budget, because, in every way that we have
tried to improve the teaching of the second language in our English schools, we
are taking away from other budget areas and we feel that this is the "raison
d'être" of the minister of Education, you know, the ministry.
M. Roy: En somme, vous dites que vous n'avez pas les budgets
suffisants...
Mme Berty: Non.
M. Roy: Ce n'est pas une question de budget?
Mme Berty: Oui, c 'est une question de budget.
M. Roy: C'est une question de budget.
Mme Berty: Oui, c'est sûrement et seulement une question de
budget.
M. Roy: Ces budgets vous sont refusés actuellement par le
gouvernement du Québec?
Mme Berty: A larger budget. The budget has been unsufficient.
M. Chevrette: Elle a employé le passé. M. Roy:
II a été refusé?
Mme Berty: Now, we have written many letters. May I just state
that...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Roy: Est-ce qu'il y a eu amélioration depuis quelques
mois de ce côté?
Mme Berty: Non.
M. Roy: Non. C'est parce que je pose la question suite aux
réponses que m'ont formulées les collègues, du moins leurs
soupçons. Il n'y a pas eu d'amélioration de ce côté.
J'espère que le ministre de l'Education...
Une Voix: II n'est pas ici.
Mme Lavoie-Roux: II n'est pas ici, il n'est pas
intéressé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Roy: ... à qui je souhaiterais énormément
qu'il soit ici, et je pense que ce serait de la plus haute importance que le
ministre de l'Education et je vois le ministre responsable du projet de
loi acquiescer assiste à cette commission parlementaire.
Evidemment, on ne peut pas, comme membre de la commission, être au
courant de toutes les situations qui prévalent au Québec. Je
sais, pour faire partie d'une région rurale, qu'on s'est plaint
énormément chez nous de la qualité du français.
Quand on vient me dire en commission parlementaire que les écoles
anglaises veulent donner des cours de français et veulent
améliorer l'étude de la langue seconde chez elle, pour
répondre à un des objectifs du gouvernement, je me pose de
sérieuses questions. Est-ce que le ministre pourrait me dire, suite
à ce que je viens de
dire, s'il a l'intention de faire pression auprès de son
collègue pour qu'il assiste à la commission parlementaire. J'ai
eu l'intention même d'en faire une motion. Je n'ai pas voulu
jusqu'à maintenant pour ne pas prolonger et pour qu'on ne retourne pas
dans des débats de procédure. Mais on touche à
l'éducation dans l'étude de ce projet de loi dans tous les
mémoires, et le ministre de l'Education n'est pas ici.
La deuxième question à l'intention du ministre, c'est que
je me réfère au premier paragraphe de la page 3: Les immigrants
qui résident au Québec au moment où la loi est
adoptée et qui n'ont aucun enfant ou enfant d'âge
préscolaire pourraient choisir la langue de l'enseignement pour leurs
enfants dans les années à venir; autrement la loi est
rétroactive et sévère sans nécessité.
J'aimerais demander au ministre, puisque ceci se référera
inévitablement à la réglementation qui découlera de
la loi, à ce que le gouvernement entend faire pour cette
catégorie de parents qui actuellement sont au Québec, y ont
immigré depuis un certain nombre d'années et n'ont pas encore
d'enfant d'âge scolaire, mais qui en auront l'an prochain ou dans deux
ans.
M. Laurin: La première question du député de
Beauce-Sud se rapporte au budget du ministère de l'Education. J'ai bien
entendu Mme Berty qui disait: "Budget was and still is". Donc, c'est un
héritage que nous avons et que nous devons considérer.
Le gouvernement est dans la situation d'un père de famille qui a
quatorze bouches à nourrir, qui a des ressources limitées
à sa disposition et qui a un salaire également limité.
Donc, pour être juste, il faut donner la portion congrue à chacun
des enfants, de façon que sa vie ne soit pas en danger, mais compte tenu
de tous les besoins des enfants. Je pense que ça fait partie de la
responsabilité du pouvoir de répartir de la façon la plus
équitable possible l'argent qui provient des revenus de l'Etat et, en ce
sens, je servirai de courroie de transmission non pas tellement au ministre de
l'Education, mais au ministre des Finances, pour lui demander d'apporter une
attention spéciale à ce que certains considèrent comme une
priorité.
La situation de ce père de famille qu'est le gouvernement est
d'autant plus difficile qu'il se trouve, particulièrement cette
année, pour des raisons conjoncturelles, à avoir
hérité d'une dette considérable, pour ne pas dire
astronomique, qu'il est obligé d'éponger à même les
revenus courants. Donc, il est bien possible que la situation conjoncturelle
qui prévaut cette année puisse s'améliorer, du fait que le
père de famille va payer ses dettes graduellement et qu'à
même les revenus courants, il pourra prendre une somme plus importante,
dans les années qui suivent, pour subvenir à d'autres
besoins.
En ce qui concerne l'autre question, je dirai simplement qu'elle est
à l'étude actuellement.
M. Roy: Le ministre n'est pas en mesure...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Votre
temps est expiré.
M. Roy: Je m'excuse, M. le Président, mais je ne compterai
pas les secondes et je ne les mesurerai pas au tic-tac.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Non, vous avez dépassé de deux minutes.
M. Roy: M. le Président, il y a la question et aussi la
réponse. J'ai une courte question à poser au ministre. Quand le
ministre prévoit-il être en mesure de répondre à
cette question?
M. Laurin: Sûrement avant la deuxième lecture.
M. Roy: Est-ce que ce sera pendant le temps où les
mémoires sont présentés devant la commission
parlementaire? Parce que la même question peut se poser dans d'autres
mémoires. Je pense qu'il est important qu'on le sache.
M. Laurin: Dès que possible, M. le
député.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Je voudrais, à l'instar de mes
collègues, remercier ces deux témoins, les deux dames, pour leur
présence ici cet après-midi et leur attitude digne, je pense,
devant la commission.
J'aimerais faire une première remarque, à la suite du
préambule de votre mémoire, pour dire qu'à mon sens
et, si jamais vous contestez cette évaluation, j'aimerais bien qu'on
puisse s'entendre sur celle-là à mon sens, les
responsabilités du gouvernement du Québec sont de deux ordres:
D'abord, et naturellement, diriger l'Etat dans l'intérêt de tous
les citoyens, mais également et ça, c'est particulier
peut-être à l'Etat du Québec, qui est un Etat provincial
jusqu'à maintenant assurer la survie de la nation
canadienne-française ou, si l'on préfère, de la nation
québécoise-française. Cela me permet d'indiquer que la
situation est assez particulière en ce pays qui s'appelle le Canada,
parce que, de tous les Etats provinciaux, seul le Québec a cette
responsabilité, parce qu'il est le seul où on retrouve sur son
seul territoire 85% de la composante de l'une des deux nations du Canada. Je
pense que cela lui confère une responsabilité
particulière. Il est bien certain, comme vous l'indiquez, qu'on ne peut
pas concevoir que le gouvernement du Québec ne représenterait
qu'une catégorie de citoyens et, par ailleurs, ii a une
responsabilité d'Etat national qu'aucune autre province au Canada ne
peut prétendre avoir et à laquelle, finalement, peut-être
uniquement le gouvernement central, auquel s'identifie la majorité des
gens de l'autre nation des autres provinces, peut prétendre.
Cette remarque étant faite, moi, je suis assez sensible à
votre analyse du problème du bilinguisme individuel. Autant vous avez
fait la remarque au début que vous étiez le produit imparfait
d'un système d'instruction et que vous nous avez indiqué que,
sans doute, des membres de cette
commission étaient également des produits imparfaits,
autant vous avez devant vous un député qui est un produit
superimparfait, justement à cause de ce système d'instruction, de
cet apprentissage d'une langue seconde dans un système public.
Dans ce sens, je ne puis qu'être d'accord avec plusieurs passages
de votre mémoire quant à l'importance de l'amélioration de
l'enseignement de la langue seconde.
Je pense que tout le monde en conviendra. Par ailleurs, il y a un
problème et je pense que vous l'avez compris également,
sauf qu'on ne s'entend peut-être pas sur les solutions mais vous
avez, je pense, compris que pour nous la survie de la nation
canadienne-française, ce n'est pas uniquement de s'assurer que les 14%
ou les 20%, y compris les immigrants et tout, deviennent de parfaits
bilingues... Ils pourraient tous le devenir demain matin, mais le
problème, c'est que numériquement si les gens continuent de
s'assimiler et de grossir la minorité québécoise de la
nation canadienne-anglaise au Québec, le seul territoire que la nation
canadienne-française peut prétendre contrôler... C'est le
problème qu'on a finalement et que la loi veut régler une fois
pour toutes. Là où on ne s'entend pas, c'est que vous pensez
qu'on pourrait régler ce problème d'assimilation, ce danger
éventuel d'un affaiblissement numérique de notre nation par un
bon enseignement de la langue seconde.
L'expérience a démontré, au cours des
dernières années, l'enseignement étant imparfait autant
dans le système public anglais que dans le système
français, que beaucoup de fils et d'enfants d'immigrants et j'en
sais quelque chose parce que j'ai vécu dans un quartier où il y
avait une majorité d'immigrants ont choisi le système
d'instruction publique anglais en parlant déjà parfaitement
l'anglais. Donc, la raison pour laquelle on envoyait ses enfants à
l'école anglaise, soit pour apprendre l'anglais, n'était pas
exacte. Le danger et la résultante de cette situation, c'est que,
lorsqu'un enfant commence ses études à la maternelle anglaise et
les termine à l'université anglaise, il est plus que bilingue. Il
s'est finalement intégré à une des deux nations composant
ce pays.
Le problème, pour nous, c'est qu'en s'étant
intégrés à l'autre nation, à la minorité de
cette autre nation qui est au Québec, les immigrants mettent en danger
la situation qui est la nôtre dans le seul territoire au monde qu'on peut
prétendre contrôler qu'on contrôle partiellement dans un
Etat provincial ou qu'on contrôlera totalement dans un Etat
souverain.
Je pense que c'est là où finalement le dialogue va devoir
se poursuivre entre des gens comme vous qui viennent devant la commission et
qui, j'espère, comprendront également ce point de vue, et les
membres de la commission. Quant à vos appréhensions, je pense que
tous les membres du parti ministériel, et ceux de l'Opposition aussi
sont sensibles à ce que des gens, dans un contexte moderne,
individuellement soient capables de maîtriser une ou plusieurs
langues.
C'étaient les remarques que je voulais faire et je ne sais si
cela vous amène à faire des commentaires...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Madame...
Mrs Berty: The reason I believe that our Quebec's immigrants are
entering the English system and are supposed being assimilated into the English
culture is simply because they have not been offered the English in the French
schooling and if you offered it, I believe that that would be the answer...
M. Charbonneau: Vous dites finalement que si les immigrants
avaient la garantie de recevoir un bon enseignement de l'anglais, il
s'intégreraient dans le système français.
Mrs Berty: Je pense que oui.
M. Charbonneau: Dans ce cas, on se rend compte également
qu'on n'a pas plus de garantie de l'autre côté. Vous et moi, nous
nous rendons compte qu'à l'exception des classes d'immersion, que cela
soit d'un côté ou de l'autre, et je pense que je serai
d'accord avec le député de Beauce-Sud pour souhaiter que le
ministre de l'Education en prenne note on est bien d'accord qu'il va
falloir rehausser grandement la qualité de l'enseignement de la langue
seconde, mais je pense qu'on ne peut certainement pas prendre le risque,
considérant le passé et la situation, pour notre nation
finalement, de ne pas se donner un certain nombre de garanties dans la loi.
C'est ce qu'on veut faire. On ne veut absolument pas empêcher les gens de
devenir bilingues au Québec et je pense que c'est malheureusement une
fausse information qu'on charrie de plus en plus et dans tous les milieux qui
sont opposés actuellement au projet de loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, vu que notre temps est
limité, je céderais volontiers, si vous n'avez pas d'objection,
mon droit de parole au député de notre-Dame-de-Grâce qui
voudrait parler sur...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. J'avertis l'Opposition libérale qu'elle a encore dix
minutes à sa disposition.
M. Mackasey: Je remercie mon collègue. Je dois partir dans
quinze minutes pour participer au débat sur le budget mais je veux
naturellement féliciter cet organisme pour son mémoire qui est
à point.
Il a soulevé des questions qui ne peuvent être
réglées à moins que nous n'ayons un projet de loi qui soit
acceptable. J'espère que tous les Québécois, anglophones
autant que francophones, surtout dans l'éducation... I do not intend to
make speeches. In my years on committee work where I have been, I have learned
it is best to ask questions and listen to the witness which is the purpose of
the committee. I want to congratulate the witness for mentioning the
preamble and also encouraged by the Minister's reply on the preamble
indicating that he could be clearer and more precise by a revision of the
language of the preamble. Frankly, this is consistent with my own direct
contacts with that particular Minister. I have a bad reputation for being blunt
which I am. In my private discussions with the minister, I found him to be
courteous, very fair, impartial and anything but a bigot. So, frankly there are
terminology and expressions in the White Paper which sickened me on one hand
but were not consistent with my understanding of the minister's personality on
the other. The White Paper may be a reflexion of poor translation or poor
interpretation of what the Bill is intended to accomplish. But, certainly the
preamble is an insult to those who can trace and do trace their arrival in this
particular province over many generations. And, I am very hopeful that the
Minister, as he indicated, will remove some of the ambiguity from the preamble.
II could be acceptable, with a few changes here and there, to indicate that
this has been and is perhaps the last bastion of the French Canadian culture
collectively in the North American continent, something we should all
appreciate. I am sure most of us do because I think you, like I, want to stay
here. Nevertheless, I suppose, I believe in the Bible to the extent that I
believe in: "Blessed be the peacemaker". The Minister might have gone a little
far in suggesting what the Liberal policy is on freedom of choice. We will
prefer to announce that when we are ready. This will have a lot to do on the
briefs and I suspect individually, on the answer to the basic question which
you have raised and that is: Can both school systems produce bilingual
graduates who can do two things: participate in the business community and at
the same time have sufficient knowledge of their own language and history. Fear
of assimilation, I think you realize, is real although Montreal, was 75%
anglophone when Thomas D'Arcy McGee was elected in my riding, the fear of
assimilation seems paradoxical when you look at what is happening in this city,
Québec, to the English-speaking Quebecers where I was born. I can no
longer support an English daily newspaper. The fact that despite, all the
immigration we have had that all the immigrants have been indoctrinated into
the English school system, the relative percentage between the two main
cultures in now 50/50.
Having said that, I would like to get your views, because in answer to
Mr Shaw, I think you quite validly pointed out that there is fear, real or
imaginary there is fear, that possibly being bilingual will not be
sufficient in the future, perhaps because less than 1% of the Québec
public service is English-speaking or bilingual Anglophones as opposed to 20
odd percent in Ottawa. Very few of the traditional jobs that the
English-speaking community, other than executive jobs, are available to us. Few
police and firemen of the city of Montreal are anglophones. Then of course
finally there is the mythology that all English-speaking Canadians who live in
Québec are millionaires. All were all educated in university.
But in my riding of NDG in Verdun, there are thousands and thousands of
bilingual English-speaking Quebecers who for one reason or another, never got
beyond the eight grade.
If you compare their salary with that of the French-speaking Canadians
in the Island of Montreal, it is definitely inferior and I can prove that
fact.
You mentioned immigrants who in three years would be Canadian citizens.
Vous avez beaucoup de nouveaux Canadiens, allophones ou whatever, dans votre
école. Vous pensez qu'ils sont dans votre système pour apprendre
l'anglais, n'est-ce pas? You would agree that the immigrants are in your system
because they want to learn English. Hopefully, if the French system could
provide that English education as well naturally as the French or not at the
expense of French, this would go a long way to reduce their resistance to going
to the French school system, I think that we all agree on that, all of us
here.
Now, rightly or wrongly, I think, I am getting to an important point for
future briefs, I think it is a debatable issue and I hope that it remains
debatable and nothing none, not confrontation, because you will find that we
have little to fear. I have been made very welcome here. We are eventually
going to get down to the definition of an immigrant and, secondly, the problem
of convincing the immigrant that he can learn to speak English in the french
school system. But, in order to convince him, we also have to break down
another barrier. And that other barrier is that he rightly or wrongly thinks
that Dr Penfield's theories are right. And, in order to learn a second
language, that language must be taught from grade one. I think Dr Laurin
realizes the difficulty and the shortage of competent teachers. Have you run
into this problem of incompetence, in the sense of teachers not having ability
of teaching both languages, teaching French in English schools? Who teached
French in your school?
Mme Berty: French specialists teaching French, Québec
teachers mostly from the francophone sides, you know French Canadians, French
Quebecers who teach, they are French specialists and we have so many a ratio,
unfortunately, the same ratio as exist in the normal classes.
M. Mackasey: Thank you very much and... Je m'excuse...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Madame, vous parlez dans votre mémoire
d'option de langue, de libre option. Il est bien sûr, je pense, que la
loi est une chose et votre mémoire en est une autre. Il n'est pas
sûr que tout votre mémoire soit retenu. Cependant, vous venez d'un
milieu scolaire, de l'école polyvalente de Pierrefonds, vous devez vous
intéresser aux problèmes scolaires, non seulement au niveau de
votre école, mais peut-être au niveau de la province,
principalement au niveau des minorités anglophones hors
Montréal. Je ne suis pas sûr que le mémoire qui va suivre
va s'inquiéter de ces minorités. J'aimerais donc connaître
votre point de vue puisque, quand on étudiera la loi article par
article, vous ne serez plus avec nous et il manquera peut-être quelqu'un
pour nous donner de l'information.
L'article 52 de la loi prévoit que dans le cas des enfants dont
le père et la mère ont reçu au Québec
l'enseignement primaire en anglais, ceux-ci ont le choix d'envoyer ces enfants
à l'école anglaise ou française. Conséquemment
à cet article, il faut reconnaître qu'il y a hors de
Montréal beaucoup de villages où il y a une minorité
anglophone et pas d'école primaire anglophone. Donc, les parents sont
forcés d'envoyer leurs enfants à des distances pas mal
importantes du foyer pour leur faire fréquenter des écoles
primaires, chose qu'ils ne feront pas.
Ils les enverront, c'est la coutume de le faire, dans des écoles
secondaires anglophones alors qu'ils ont atteint une douzaine d'années.
Ce qui fait que, dès la deuxième génération, on
privera les familles avec un parent anglophone de demeurer dans le secteur
anglophone. Est-ce que vous avez une opinion sur cet article de loi face
à ces minorités qui vivent hors de Montréal?
M. Shaw: Did you understand all of that question?
Mme Berty: Yes, I believe that the question was as regards the
teaching of the children whose father and mother received in Québec
primary, teaching in the primary schools...
M. Grenier: It is right.
Mme Berty: I do not understand why it is based on primary, why
secondary is not included in that section, generally, just on general basis,
primary or secondary education, in Québec. The balance of the
question...
M. O'Gallagher: First of all, parents whose children are eligible
to go to an anglophone school and are living in the area outside of the
Montreal areas and the Quebec Metropolitan areas where there are no English
schools have by consequence, to send their children to a francophone school, an
elementary school and only later when they get into high school they are
permitted, the facilities are to send them to an English regional school.
M. Grenier: At the second generation, they do not have any
possibility to keep their children in an English school?
Mme Berty: That is why we included, "au niveau secondaire ou
élémentaire", because you only have primary here, as the Bill
states, primary, we believe that it should include secondary, one or the
other.
M. Grenier: Vous recommandez également l'apprentissage de
la langue seconde dès le primaire. On voit que d'autres mémoires
vont nous parler du secondaire, parfois même du secondaire avancé.
Ce sont deux écoles de pensée. On sait que les psychologues ne
s'entendent pas là-dessus.
Avez-vous des expériences qui font que des étudiants, qui
ont appris la langue seconde dès le primaire, ont des succès et
ne sont pas, pour cela, en plus grande difficulté dans les autres
matières?
Mme Berty: Non. M. Grenier: Non?
Mme Berty: Non. Les résultats... The result of testing
them is that it has not affected their mother tongue, that they have
transferred their knowledge in second language to mother tongue and some of the
students had become better in English as result of taking the French. At the
beginning, it may have affected them, in the immersion programme, but they seem
to catch up. It does not seem to have affected them scholastically at all, the
teaching of a second language.
M. Grenier: Thank you very much, madam.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: Je voudrais vous remercier, mesdames. Je pense que
certaines des interventions que vous avez faites dans votre mémoire vont
sans doute permettre aux gens de préciser leur pensée sur un
certain nombre des articles contenus dans ce projet de loi. Quant à moi,
je veux bien que vous sachiez que mon idée n'est pas
arrêtée à 100% sur tous les articles de ce projet de loi et
qu'à chaque fois que vous émettez des commentaires sur l'un ou
l'autre de ces articles, vous risquez de semer dans des terrains qui sont
ouverts à la réflexion et aux possibilités
d'évolution.
Dans cet esprit, il y a un certain nombre de questions auxquelles je
voudrais que vous répondiez, pour me permettre de progresser davantage
vers une décision finale. Entre autres, à la page 2 de votre
mémoire, quand vous dites qu'à votre avis, les immigrants qui
n'ont pas la connaissance de l'anglais ou du français devraient recevoir
leur enseignement en français, je voudrais savoir pourquoi vous faites
une distinction chez les immigrants. Pourquoi les immigrants anglophones, qui
savent l'anglais, ou qui ont été éduqués dans un
système scolaire anglophone, devraient-ils pouvoir s'intégrer,
eux, au système d'enseignement anglophone et pourquoi cela ne peut-il
pas être le cas pour les autres immigrants? Pourquoi faites-vous cette
distinction entre les deux groupes d'immigrants?
Mme Berty: Entre les Anglais immigrants et les immigrants
d'autres...
M. Bertrand: Les immigrants d'autre origine ethnique?
Mme Berty: I feel that, pedagogically, children and this
is as a parents representative who are moving into a country from an
English mother tongue country, whether if it is United States, England,
whatever, children coming in, there is a traumatic experience in moving to a
new environment, one or the other... whatever. That experience is enough
without adding onto it the additional subjecting them to learning a completely
foreign language. Et ces enfants sont vraiment unilingues anglais. C'est
très difficile pour un enfant unilingue anglais.
M. Bertrand: Ne pensez-vous pas que la difficulté est du
même ordre pour un jeune Italien, un jeune Grec ou un jeune Polonais qui
arrive au Québec et qui devrait s'en aller à l'école
française? Est-ce que vous pensez que la difficulté est moins
grande pour un immigrant d'une autre origine ethnique que pour un
anglophone?
Mme Berty: Nous avons ici deux langues officielles, le
français et l'anglais, n'est-ce pas, au Canada? C'est ici le Canada, je
pense.
If we have two official languages in Canada, then, it is the feeling of
our committee that anyone possessing one of the two official languages should
have the right to freedom of choice. Now, new immigrants coming in, when they
receive their Canadian citizenship, then they should have the same freedom of
choice, but I do not believe that a parent would take a child out of a school,
after they have been in school for three years and are learning a second
language, English, in the French sector... I am sure the immigrants, in my
opinion, will be quite happy to leave their child there.
M. Bertrand: Trois petites questions, madame, par rapport
à la page 4 de votre mémoire. Je voudrais que vous fassiez
certains commentaires sur trois de vos affirmations. La première,
à la page 4, vous dites: "Le nombre d'immigrants qui seront
attirés par le Québec afin de s'y établir diminuera
sûrement", et, un peu plus loin, "limitant ainsi considérablement
la croissance de la communauté anglaise." Est-ce que cela veut dire que,
dans votre esprit, la responsabilité sous-jacente à
l'immigration, c'est de venir accroître d'abord la communauté
anglaise ou même l'une ou l'autre communauté? Est-ce que c'est
comme cela que vous l'évaluez? Je voudrais que vous commentiez cette
déclaration que vous faites.
Mme Berty: Well, immigrants from United States and from English
mother tongue country these are immigrants coming into Canada, into
Québec will not see... The main concern of parents is their
children and the education of their children, and if they do not feel that
their children unilingual English will be comfortable in this milieu, then,
they will not come to Québec and I speak mainly of unilingual
English.
M. Bertrand: D'accord, donc, c'était l'immigrant dans le
sens de l'immigrant d'origine anglophone.
Mme Berty: Unilingual "anglais", oui.
M. Bertrand: Vous dites un peu plus loin: "Le livre blanc permet
au gouvernement du Québec de justifier les mesures tyranniques qu'il
emploie à cause d'injustices commises dans le passé dans d'autres
provinces du Canada et ceci est indigne d'un gouvernement au pouvoir". Je
trouve que c'est une affirmation assez radicale. Je voudrais que vous me disiez
quelles sont ces mesures tyranniques contenues dans le projet de loi no 1.
Mme Berty: I am speaking regarding language of instruction,
particularly as regards to unilingual English people coming in to the province
and being required to enter into French language of instruction schools. I feel
that this is tyrannical from the point of view that it is not a sound approach,
it is impractical, it could be impractical from the point of view of the French
schools, if large numbers continue to come in, in the strange event that they
did, you know, the French culture might be affected to some degree by, as we
have in some West Island schools, large numbers of English students in our
school system and our French system is suffering because of these large
numbers, it is affecting the French culture. And I see that as a
tyrannical...
M. Bertrand: Une dernière question, madame, s'il vous
plaît. Reconnaissez-vous comme juridiction des provinces le droit de
faire des projets de loi sur la langue? Reconnaissez-vous aux provinces le
droit d'affirmer le caractère officiel d'une seule langue à
l'intérieur des provinces?
Est-ce que, en d'autres mots, pour vous, la question linguistique
devrait être de juridiction fédérale ou si vous
reconnaissez la juridiction des provinces dans le domaine de la langue?
Mme Berty: Well, education is a provincial matter. It is
presently a provincial matter. I have never thought that it was anything else.
As far as I know, it has always been a provincial matter, education. I think
that one can subtract certain other areas. It is a part of Bill 1, regarding
language of instruction and so on, where we do have two official languages in
Canada. As official languages of Canada, education comes under the provincial
sphere. I am not qualified to state whether it should be federal or not. I have
never investigated that.
M. Bertrand: Might it be possible that there could be two
official languages in Canada, at large, and considering each province, one by
one, having one official language in each province?
Mme Berty: I do not think that it is right. As long as we have
English or French people in the province, there should be two official
languages in every province.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, seulement quelques remarques,
je n'ai pas beaucoup de temps.
Le Président (M. Cardinal): Vous avez trois minutes, M. le
député.
M. Lalonde: Je voudrais vous remercier, mesdames je
n'aurai pas le temps de vous poser de questions pour l'aspect positif de
vos remarques qui sont claires, mais qui ne sont pas partagées par tous
les membres de la commission, naturellement, mais vos réponses ont aussi
été très claires et très directes.
Je voudrais simplement profiter des quelques minutes qui me sont
accordées pour appuyer la demande du député de Beauce-Sud
relativement à la présence du ministre de l'Education à
cette commission. Ce n'est pas faire insulte aux représentants du
gouvernement que de penser, étant donné les questions
d'éducation qui sont soulevées continuellement et constamment
ici, que le ministre de l'Education devrait participer aux échanges et
donner les réponses et les garanties qui sont demandées par les
différents intervenants. On a parlé, par exemple, de
l'enseignement de la langue seconde, plus particulièrement dans le
système scolaire français. Je pense que plusieurs
députés se sont exprimés dans ce sens aussi. C'est une
question que le gouvernement devra... C'est une question complexe, je l'admets,
mais qui devra être réglée une fois pour toutes. La
présence du ministre de l'Education est requise.
Il est assez indélicat que son absence se fasse sentir qu'il
aurait pu ne pas ajouter à l'indélicatesse l'indécence
d'avoir déjà nommé, si on en croit une nouvelle parue dans
le Devoir ce matin, un fonctionnaire pour voir à l'application de la
future loi, comme si tout l'exercice qu'on fait ici n'était
qu'artificiel et ne servait à rien, puisque le gouvernement a
déjà décidé de son action. Alors, je demande au
gouvernement, aux représentants du gouvernement qui sont ici, et
particulièrement au ministre d'Etat au développement culturel de
faire les représentations nécessaires pour que le ministre de
l'Education participe à nos débats, participe à nos
délibérations.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, je suis heureux que vous n'ayez pas fait de motion. C'est
un voeu.
M. Lalonde: M. le Président, avant votre arrivée,
le député de Beauce-Sud avait fait une demande...
Le Président (M. Cardinal): Oui, j'ai entendu cette
intervention...
M. Lalonde: ... formellement, sans faire de motion. Je veux
l'appuyer simplement.
Le Président (M. Cardinal): C'est cela. Alors, je
reconnais ce voeu. Il est transmis à l'équipe mi-
nistérielle. Ce n'est pas ni à la présidence, ni à
la commission d'en décider. Je vous demande si vous avez d'autres
questions à poser à nos invités.
M. Lalonde: Non, je n'ai pas d'autres questions. Le temps
m'empêche d'en poser.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, il reste
trois minutes au député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord, comme mes collègues, remercier Mme Berty et Mme Martel de
s'être présentées devant nous, et à travers elles,
remercier le groupe qui a travaillé à préparer ce
mémoire. Dans ses réponses aux questions, Mme Berty a
indiqué que l'attitude de certains enfants depuis cinq ans avait
évolué dans un certain sens, certains d'entre eux se disant
qu'ils souhaiteraient peut-être, un jour ou l'autre, quitter le
Québec.
Je crois, Mme Berty, avoir bien compris que le groupe que vous
représentez ne partage pas lui-même ce point de vue et qu'il
serait plutôt porté à considérer qu'entre gens
raisonnables au Québec, on pourrait en venir à s'entendre, en
sorte que personne ne juge indiqué de quitter le Québec.
Est-ce que, vous-même, vous avez l'intention de rester au
Québec, d'encourager vos enfants à rester au Québec?
Mme Berty: Certainement, M. le député.
M. de Bellefeuille: Merci, Madame. Je voulais vous poser cette
question et profiter aussi de l'occasion, comme l'a fait le
député de Vanier, pour dire que tous les mémoires qui nous
seront présentés auront une influence appréciable sur nos
réflexions à nous, du côté ministériel. Rien
n'est coulé dans le bronze et, malgré ce que vient de dire le
député de Marguerite-Bourgeoys, nous ne considérons pas
que la loi soit dans sa forme tout à fait finale. Par ailleurs, votre
mémoire a eu un effet de clarification extrêmement utile, puisque
le député de Pointe-Claire, parlant sans doute au nom de l'Union
Nationale, a pris comme position que l'anglais devrait être, au
Québec, langue officielle au même titre que le français.
C'est une clarification utile quant à la position de ce parti et, de
même, en commentant votre mémoire, le député de
Notre-Dame-de-Grâce nous a indiqué que la position du Parti
libéral sur la question du libre choix n'est pas encore fixée.
Là encore, mesdames, c'est une clarification extrêmement utile que
votre mémoire a suscitée et je vous remercie d'avoir
apporté devant nous ce document intéressant et utile.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que, Mme Berty ou votre
compagne, vous avez quelque chose à ajouter?
Mme Berty: Non, merci. Merci pour votre attention, tous les
membres.
Le Président (M. Cardinal): Vous êtes gentille et je
vous en remercie.
Le débat devait se terminer à 17 h 46. Il est 17 h 43. Je
vais poser une question à la commission. Nous avons deux mémoires
pour le reste de la journée, les mémoires 136 et 25, les Fils du
Québec et M. G. Brosseau.
Nous pouvons commencer immédiatement, mais je me demande
très sincèrement si, diviser un mémoire en deux, c'est
agréable pour les témoins et pour la commission. Je demande donc
à la commission c'est à mon tour de demander une directive
pour la première fois si elle préfère suspendre la
séance jusqu'à 20 heures. A ce moment-là, nous recevrons
les Fils du Québec et, ensuite, M. G. Brosseau. Est-ce que j'ai le
consentement...
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le député
de...
M. Lalonde: ...je comprends que...
Le Président (M. Cardinal): Non...
M. Lalonde: ...quand il reste quelques minutes, c'est
peut-être désagréable. Maintenant, il nous reste 18 minutes
et, comme la limite pour la présentation des mémoires est de 20
minutes, est-ce qu'on ne pourrait pas inviter les prochains intervenants
à présenter leur mémoire? Je ne vois pas les
inconvénients de la cassure entre la présentation du
mémoire et le commencement des questions. On a déjà
été assez en retard dans nos débats la semaine
dernière. Moi, j'offrirais de continuer jusqu'à 6 heures...
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Lalonde: ...quitte à terminer plus tôt ce
soir.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez vous-même
décidé de la question.
M. Lalonde: Ecoutez! Je ne veux pas opposer un refus formel si
c'est le voeu général de suspendre les travaux.
Le Président (M. Cardinal): Non, je n'admettrai pas de
débat...
M. Lalonde: Je veux simplement...
Le Président (M. Cardinal): Non. Je n'admettrai pas de
débat et j'invite, immédiatement, Les Fils du Québec,
représentés par M. Raymond Barbeau, mémoire 136, à
se présenter devant nous, s'il vous plaît.
M. Barbeau, comme tous, vous avez vingt minutes. Evidemment, vous ne
pourrez pas terminer avant 18 heures. Je vous prierais de vous identifier pour
les membres de la commission et indiquer aussi qui vous accompagne.
M. Raymond Barbeau.
Les Fils du Québec
M. Barbeau (Raymond): M. le Président, M. le ministre,
madame, distingués députés, je suis Raymond Barbeau. C'est
à différents titres que j'ai décidé de
présenter un mémoire. Tout d'abord, comme initiateur et
théoricien de l'indépendance et de l'unilinguisme français
au Québec, j'ai déjà publié notamment un volume, en
1965, qui s'intitule: Le Québec bientôt unilingue?; aussi, je suis
représentant des souverainistes inconditionnels et président des
Fils du Québec.
A ma droite, m'accompagne M. Marcel Cha-put, pionnier de
l'indépendance du Québec.
Au nom des nombreux patriotes éclairés, nous offrons nos
félicitations au gouvernement pour sa législation qui normalise
la situation de notre langue nationale. La Charte de la langue française
au Québec est la suprême affirmation du fait français en
Amérique, la victoire de la nation québécoise sur
l'occupant anglophone, l'annulation de la défaite des plaines d'Abraham,
et la magna carta culturelle des Québécois.
Le 13 septembre 1759 devient désormais la deuxième date de
notre histoire, après celle du 15 novembre 1976; de la conquête
militaire à la reconquête pacifique de notre liberté
culturelle.
La reconnaissance du Québec est maintenant assurée et la
nation est reconnaissante au gouvernement qui a posé un grand geste
historique.
Nous serons brefs sur trois aspects importants de la Charte de la langue
française au Québec.
Trois propositions. Premièrement, des droits identiques à
tous les minoritaires.
Nous réservons notre jugement sur les grands privilèges
accordés aux minoritaires anglophones et à leurs institutions,
car nous aurions préféré un système
intégré et unique d'écoles françaises publiques et
nationales, comme dans tous les pays du monde, avec la concession
d'écoles privées anglophones, non subventionnées par
l'Etat, comme c'est le cas des écoles francophones dans la plupart des
autres provinces canadiennes. Cette position permettrait de négocier
avec les autres Etats provinciaux les droits et conditions réciproques
des minorités française au Canada et anglaise au Québec
afin de leur accorder des statuts juridiques et linguistiques égaux en
vue de sauver les 926 000 francophones d'outre-frontières (dont 251 000
ont été assimilés) de l'extinction où les Etats
provinciaux anglo-canadiens les mènent intentionnellement,
inconstitutionnellement et anti-démocratiquement.
Nous proposons donc que des droits identiques soient accordés
à la minorité anglophone du Québec et aux minorités
francophones des autres provinces du Canada. Le gouvernement du Québec
pourrait dès maintenant ouvrir des négociations en ce sens avec
les gouvernements des autres provinces canadiennes.
Deuxième proposition. Neutraliser le colonialisme culturel
d'Ottawa. Le livre blanc affirme: "Le gouvernement fédéral
s'immisce de diverses manières dans la question linguistique au
Québec".
En effet, la politique centralisatrice fédérale date de
longtemps et les offensives les plus graves d'Ottawa, notamment dans les
domaines de la culture, de l'éducation, de l'enseignement, des arts, des
sciences et des communications affaiblissent les responsabilités
constitutionnelles et nationales de l'Etat du Québec.
L'impérialisme culturel anglo-canadien s'exerce au
détriment des légitimes pouvoirs de la nation
québécoise. Le gouvernement dit fédéral nuit au
progrès culturel du Québec en sapant ses institutions et en
créant des sociétés parallèles sous son
autorité et en intervenant puissamment par l'utilisation abusive de
fonds publics et privés considérables pour des subsides de toutes
sortes à de multiples groupes, institutions et individus du
Québec.
Le domaine de la culture et de l'enseignement français
étant une responsabilité exclusivement québécoise
au Québec, d'après l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, il devient absolument nécessaire d'arrêter
immédiatement l'invasion du gouvernement fédéral dans les
affaires de l'Etat du Québec et de le forcer à se retirer de ces
domaines en abolissant ses législations antérieures.
A cet effet, nous proposons au gouvernement d'ajouter à la charte
une interdiction contre la mainmise fédérale et anglo-saxonne sur
nos institutions et lui suggérons de légiférer dans le
sens suivant. Les dons, subventions, octrois, subsides, bourses et toutes les
sommes d'argent offerts par le gouvernement fédéral, les
institutions fédérales et toutes les sociétés
québécoises, canadiennes ou étrangères, à
des Québécois francophones ou anglophones doivent être
remis au ministère de l'Education du Québec ou à un
organisme approprié qui verra à leur usage et distribution selon
les besoins et priorités de la population québécoise sous
peine de confiscation de ces sommes d'argent. Ce serait une formule
équivalente dans l'important domaine de la culture, de l'enseignement,
des arts, des sciences et des communications, à l'abolition des caisses
électorales et pour des raisons analogues d'influence occulte et indue
d'achat des consciences, de domination étrangère, d'influence
néfaste des occupants, d'oppression par la propagande pancanadienne, de
spoliation des institutions québécoises par un gouvernement
fédéral centralisateur et par les colonialistes
anglo-américains qui exercent sur les Québécois leur
impérialisme culturel au détriment de la civilisation
québécoise. Le Québec doit posséder et exercer tous
les pouvoirs dans le domaine culturel québécois.
Troisième proposition. L'anglais doit être enseigné
après la neuvième année de scolarisation. Le livre blanc
affirme: "Parler anglais est une nécessité pour certains
Québécois francophones à deux conditions principales: que
cela ne soit pas imposé trop tôt au détriment d'une
information de base culturelle et technique, qui doit demeurer en n'importe
quel pays la préoccupation d'un humanisme fondamental; que
l'apprentissage d'une autre langue ne contredise pas les besoins d'une
appartenance plus foncière à la culture première".
Nous proposons donc au gouvernement d'ajouter à la charte ce qui
suit: L'enseignement de la langue seconde anglaise dans toutes les
écoles francophones du Québec du secteur public, privé ou
indépendant, subventionné ou non par l'Etat commencera
après la maîtrise de la langue française,
c'est-à-dire après la neuvième année d'étude
ou la quinzième année d'âge. Cette étude de la
langue seconde anglaise sera facultative et pourra être remplacée
par l'étude d'une autre langue que l'anglais selon le choix des
élèves eux-mêmes.
Ainsi, les commissions scolaires, notamment de Montréal, ne
pourront imposer aux écoliers l'étude d'une langue
étrangère avant la possession de la langue française, ce
qui arrêtera le génocide culturel des Québécois,
leur dépersonnalisation, leur anglicisation outrancière et
prématurée et en fera des citoyens cultivés et normaux
d'un pays devenu normal.
Nous avons également, avec votre permission, M. le
Président, ajouté quelques pages sur, semble-t-il, le sujet
majeur de cette consultation et des débats publics.
Le Président (M. Cardinal): II vous reste encore au moins
11 minutes.
M. Barbeau: Onze minutes; je vais réussir à passer
à travers cette histoire qui fait le tour d'au moins onze
siècles.
M. Roy: Même si ça dépassait de deux minutes,
on n'aurait aucune objection.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez je
m'excuse M. Barbeau M. le député de Beauce-Sud, à
18 heures, je suspendrai parce que de toute façon, nous n'aurons pas
terminé et lors de la fin du mémoire, je demanderai le
consentement de la commission. M. Barbeau.
M. Barbeau: Etant donné les questions que posent certains
députés membres de la commission, nous présentons les
renseignements suivants qui montrent la nécessité de
l'intervention législative de l'Etat du Québec dans le domaine de
la langue.
Nous croyons légitime politiquement et bien fondée
historiquement, l'intervention du gouvernement québécois qui doit
nationaliser la langue nationale comme dans tous les pays du monde. Les
méthodes incitatives sont inefficaces, très longues,
coûteuses, anarchiques, folkloriques et "bonnes ententistes",
c'est-à-dire qu'elles font le jeu des colonialistes en perpétuant
leur occupation et leur domination au Québec. La théorie
incitative relève de l'utopie fédéraliste et pancanadienne
et elle n'est défendue que par les centralisateurs
fédéraux, les exploiteurs économiques de notre nation, les
illusionnistes du bilinguisme et les collaborateurs des occupants anglophones
de notre unique patrie. L'histoire les jugera.
Voici quelques exemples de législation linguistique propres
à éclairer la question.
A- En Angleterre et ici, je cite un texte de Pascal Poirier, de
son volume "Le parler franco-acadien et ses origines" publié à
Québec en 1928, à la page 27. Citation: "Au point de vue
linguistique aussi bien que politique, l'événement le plus
considérable au Xle siècle fut la conquête de l'Angleterre,
par Guillaume, duc de Normandie et i'imposition de la langue des Normands qui
n'était autre que la langue française, à la nation
britannique. Ce que Jules César avait fait, onze siècles
auparavant dans la Gaule, Guillaume le Bâtard le fit dans la
Grande-Bretagne. La langue des vainqueurs devint la langue officielle des
vaincus. Le français seul fut parlé à la Cour et dans les
cours de justice d'Angleterre. L'enseignement d'aucun autre idiome, à
l'exception du latin, ne fut toléré dans les écoles et
dans les universités. L'anglo-saxon fut sévèrement
proscrit et l'ignorance du français constitua, durant plusieurs
siècles, un motif d'exclusion des honneurs et des charges publiques".
C'est la fin de la citation de M. Poirier, linguiste et historien.
En 1650, le Parlement de Londres, par une résolution,
décréta que la procédure et l'administration de la justice
seraient faites en anglais, plutôt qu'en français, comme
c'était la coutume depuis la conquête des Normands, en 1066,
c'est-à-dire depuis près de 600 ans. C'est en 1731 qu'on trouve
un acte gouvernemental qui abolit définitivement le français en
Angleterre, comme langue officielle parlementaire et judiciaire, après
une période de 200 ans où elle avait été
officielle. Ces renseignements sont tirés du grand linguiste Ferdinand
Bruneau, Histoire de la langue française, tome V, page 160.
On le voit, l'Angleterre a légiféré dans le domaine
linguistique.
B- En France, c'est le 15 août 1534 que le français de
Paris devint la langue officielle de la France, en vertu de l'ordonnance de
Villers-Cotterêts rendue par François 1er, qui stipule que tous
les actes de justice se feront désormais en français. Voici une
citation tirée de ce texte, de cette législation. "Tous les
arrêts et procédures et autres quelconques actes et exploits de
justice ou qui en dépendent soient prononcés, enregistrés
et délivrés aux parties en langage français maternel et
non autrement". Le latin, dans les siècles antérieurs, avait
été la langue des procédures et des arrêts des
tribunaux en France. La France, elle aussi, en même temps, et de la
même façon que l'Angleterre, a légiféré dans
le domaine linguistique.
Signalons aussi que le français est enseigné comme langue
officielle dans 24 pays, comme langue véhiculaire habituelle dans 7 pays
et comme langue étrangère dans 64 pays, soit au total 95
pays.
Rappelons encore que le français a supplanté l'espagnol
à la première place dans l'enseignement secondaire aux
Etats-Unis.
Voici quelques autres exemples d'intervention des gouvernements dans le
domaine linguistique, exemples qu'on pourrait multiplier.
Le Président (M. Cardinal): Justement, avant que vous ne
commenciez une série d'exemples, si vous voulez revenir avec nous
à 20 heures, il vous restera six minutes pour terminer votre
mémoire. Je rappelle aux membres de la commission que la séance
est suspendue c'est la même séance qui se continuera
à 20 heures, ce soir. Je rappelle aussi que M. Brosseau est
invité comme témoin suivant.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 9
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Nous avons quorum. Je prierais tous et chacun de regagner leur fauteuil.
Nous continuons la séance de cet après-midi. Nous avons devant
nous les Fils du Québec, représentés par M. Raymond
Barbeau, qui continue son mémoire. J'ai déjà
indiqué qu'il vous restait environ six minutes. Alors, je vous donne
immédiatement la parole. M. Barbeau.
M. Barbeau: M. le Président, nous voulons continuer
à indiquer à cette commission parlementaire les pays qui ont fait
une législation linguistique en réponse à un certain
nombre de députés qui prétendent que le Québec
devrait plutôt utiliser des méthodes incitatives. Les Fils du
Québec croient que l'Etat du Québec doit utiliser des
méthodes législatives. Des exemples de législation, nous
en avons donné tout à l'heure et nous continuons à
énumérer des exemples.
En Alsace et Lorraine, par exemple, en 1919, à la suite de la
victoire des alliés, la France abolit par législation le
système scolaire de langue allemande et le remplace par l'unilinguisme
français officiel.
Au Maroc, en 1965, après la libération, le gouvernement du
Maroc décrète que, désormais, le français des
tribunaux est remplacé par la langue arabe officielle. Revenons chez
nous maintenant.
Au Canada, en 1763, le traité de Paris ne mentionne pas la langue
française. La même année, en 1763, la proclamation des
institutions royales imposée par George III d'Angleterre force les
citoyens à utiliser l'anglais, les lois anglaises et le protestantisme.
Toutefois, les conquis tiennent au français et établissent
pratiquement le bilinguisme dans la vie politique. En 1840, l'Acte d'Union,
à l'article 41, fait de l'anglais la seule langue officielle du
Parlement jusqu'en 1848. En 1864, la Nouvelle-Ecosse enlève aux
Acadiens, par législation, leurs écoles. En 1867, l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, à l'article 93, protégeait
les minorités catholiques et francophones, hors du Québec. Mais
par législation, les gouvernements des provinces anglophones
supprimèrent les droits des minorités francophones.
En 1871, le Nouveau-Brunswick supprime les écoles catholiques et
interdit l'enseignement du français. En 1877, l'Ile-du-Prince-Edouard
met ses minorités françaises hors-la-loi. En 1890, le Manitoba
abolit les écoles séparées et interdit, toujours par
législation, l'enseignement de la langue française. En 1892, le
Conseil du Territoire du Nord-Ouest interdit l'enseignement du français.
En 1905, la Saskatchewan et l'Alberta refusent de reconnaître les droits
de leurs francophones et interdisent la langue française. En 1912, le
Keewatin supprime les écoles confessionnelles et défend
l'enseignement du français sur son territoire. En 1915, l'Ontario, par
son règlement 17, supprime les écoles aux francophones. En 1916,
le Manitoba interdit, lui aussi, l'enseignement du français.
Voilà donc autant de lois coercitives que les naïfs des
méthodes incitatives devraient étudier.
De 1534, date de la découverte du Canada jusqu'en 1760, date de
la conquête militaire, violente et coercitive des Anglais, le
Québec a été unilingue et monolingue français, soit
durant 226 ans. De 1760 à 1977, le Québec a été
forcé de se soumettre au bilinguisme, au "biglottisme"
anglo-français, soit durant 217 ans de colonialisme anglo-canadien. Le
monolinguisme québécois s'impose dans le faux
fédéralisme qui nous mine depuis 1867, et il deviendra normal
dans la république du Québec.
Si on regarde maintenant dans le monde la situation au niveau de la
législation linguistique, habituellement, les constitutions des 150 pays
libres membres des Nations Unies déterminent la langue nationale et
officielle. Si la législation est normale dans tous les pays du monde
dans le domaine linguistique, y compris le Canada, par les lois
fédérales sur les langues, pourquoi l'Etat du Québec
n'aurait-il pas, lui aussi, le droit de légiférer dans ce domaine
vital pour sauvegarder son patrimoine national?
Non seulement le Québec a-t-il le droit d'imposer sa loi des
langues, mais encore en a-t-il le devoir impérieux. C'est à ce
prix que le Québec cessera d'être une colonie pour devenir une
nation libre et normale.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Barbeau.
M. le ministre d'Etat au développement culturel.
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier les Fils du
Québec pour leur mémoire à la fois coloré et
intéressant, et je voudrais profiter de l'occasion pour remercier,
particulièrement, M. Barbeau et M. Chaput, dans lesquels tous les
Québécois francophones reconnaissent les éveilleurs
particulièrement intelligents de la conscience nationale, des
défenseurs émérites de la cause du français et de
l'autonomie et de la souveraineté du Québec.
Je pense qu'ils l'ont fait à un moment où il fallait
beaucoup de courage pour le faire et je profite de l'occasion pour les en
féliciter et les remercier.
Je voudrais m'attacher aux trois propositions du mémoire. Vous
dites d'abord, en ce qui concerne votre première proposition, que vous
auriez préféré un système intégré et
unique d'écoles françaises publique et nationale comme dans tous
les pays du monde, avec la concession d'écoles privées. Avez-vous
écrit cette phrase après avoir fait un inventaire, comme vous
venez de le faire sur le droit de l'Etat de légiférer en
matière linguistique? Avez-vous écrit cette phrase après
avoir fait l'inventaire de la situation des écoles ou de l'école
dans tous les pays du monde? Votre conclusion est-elle appuyée sur les
études et les inventaires que vous avez faits?
M. Barbeau: Je dois dire que nous n'avons pas les moyens
d'inventorier toutes les écoles sur la planète. Seulement, il
semble bien que, dans l'ensemble des pays, dans le monde entier,
l'école
est nationale. Elle est subventionnée par l'Etat. Elle est unique
au point de vue de la langue et, si elle permet des écoles libres, non
subventionnées pour des gens qui ont des dissensions culturelles,
linguistiques, religieuses, c'est, dans un certain nombre de cas, la chose qui
se passe, mais, dans l'ensemble, il n'y a pas d'écoles dissidentes ou
d'écoles séparées. Il y a l'école unique, nationale
et, habituellement, neutre.
Je crois que c'est la situation qu'on perçoit. Il faudrait sans
doute en faire l'inventaire d'une façon plus précise. C'est
certain. Mais, globalement, je crois que c'est la situation qui prévaut
dans l'ensemble des pays actuels.
M. Laurin: Dans le même paragraphe, vous proposez au
gouvernement de négocier avec les autres Etats provinciaux les droits et
conditions réciproques des minorités française au Canada
et anglaise au Québec afin de leur accorder des statuts juridiques et
linguistiques égaux.
C'est la deuxième fois que cette suggestion nous est faite
à la présente commission et je pense que la commission a
déjà manifesté un intérêt certain pour cette
proposition, tout en reconnaissant certaines des difficultés qu'il
faudrait d'abord aplanir. Par exemple, la question a été
soulevée, à savoir si le but de votre proposition serait de faire
de la minorité anglophone au Québec un otage en vue de faire
bénéficier nos minorités francophones ailleurs au Canada
des bénéfices ou des avantages qu'elles demandent d'une
façon de plus en plus désespérée depuis une
trentaine d'années.
M. Barbeau: Non, bien entendu, cela ne nous entre pas dans
l'esprit d'utiliser les anglophones du Québec comme otages, comme les
anglophones de l'ensemble du Canada ont utilisé les francophones comme
otages. Je crois qu'il ne s'agit pas ici d'otages, il s'agit
d'équité, véritablement d'équité. Il faut
être équitable envers les anglophones du Québec de la
même façon que les autres provinces sont équitables envers
les minorités francophones. Il s'agit d'un droit d'équité.
Je crois qu'à ce moment-là, si les francophones des autres
provinces obtiennent des droits, les minoritaires anglophones du Québec
pourront obtenir des droits. Je vois l'agitation actuelle de la minorité
anglaise au Québec, agitation qu'elle fait contre le gouvernement du
Québec, mais elle se trompe, il faudrait qu'elle fasse de l'agitation
contre le gouvernement fédéral, inactif malgré des
pouvoirs constitutionnels de droit de désaveu et également les
autres Etats provinciaux anglophones dans le reste du Canada. Les minoritaires
anglophones du Québec devraient faire leur agitation dans les provinces
anglophones pour réclamer des droits d'équité, des droits
d'honorabilité pour les francophones. S'ils mettaient la moitié
des efforts qu'ils mettent actuellement à dénoncer le
Québec à réclamer la justice dans les autres provinces, ce
serait là de discuter d'égal à égal et
d'équité à équité ce qui pourrait se passer
dans le Québec. Alors, les affirmations de génocide qu'on lance
à l'Etat du Québec et contre les nationalistes qui veulent
rétablir une situation normale, il faudrait les lancer contre Ottawa,
qui n'a jamais voulu intervenir, même s'il en a le pouvoir
constitutionnel, le droit de désaveu, le droit de réparation, que
les anglophones du Québec il y en a ici réclament
cela d'Ottawa et que les députés d'Ottawa réclament
également du gouvernement fédéral qu'il intervienne et
interdise et abolisse la législation des Etats provinciaux anglophones,
pour rétablir l'équité.
Je crois que ce serait un des objectifs, justement pour les
Québécois anglophones et pour les "Canadians" ou les Canadiens ou
les Canadiens francophones dans l'ensemble du Québec ou l'ensemble du
Canada.
En somme, il faut qu'il y ait du donnant dans cette situation. S'il n'y
a pas de bonne volonté du côté des gouvernements
provinciaux anglophones, je crois que le gouvernement du Québec devrait
traiter la minorité anglaise de la même façon que les
minorités françaises sont traitées dans l'ensemble du
Canada.
M. Laurin: Serait-ce alors que vous proposez que dans ces accords
de réciprocité, les autres provinces garantissent aux
francophones des droits identiques à ceux que garantit la Charte de la
langue française au Québec, par exemple, en ce qui concerne le
maintien d'un système scolaire complet de la maternelle à
l'université, le droit de se présenter en cour et de
témoigner dans sa langue ou d'être jugé dans sa langue
lorsqu'il s'agit d'individus ou le droit de s'adresser dans sa langue à
l'administration publique et de recevoir une réponse dans sa langue et
le droit de consulter des lois qui sont à la fois publiées en
français et en anglais et le droit d'employer sa langue pour un
député à l'Assemblée nationale?
M. Barbeau: Je crois que n'importe quel anglophone qui est
honnête il en reste encore un certain nombre qui sont
honnêtes devrait considérer que l'extermination des
francophones dans l'ensemble du Canada, l'extermination à court ou
à moyen terme, c'est dans les objectifs des gouvernements provinciaux.
Tant qu'on ne mettra pas fin à ce scandale historique, tant qu'on
n'arrêtera pas le génocide des francophones en dehors du
Québec, on ne pourra pas demander aux Québécois
d'être généreux et d'accorder des droits, de donner des
faveurs et des privilèges aux anglophones du Québec. Je crois
qu'un anglophone honnête qui a encore la tête sur les
épaules, qui ne perd pas les pédales dans le débat actuel,
peut certainement réclamer des Etats provinciaux une justice pour les
minorités françaises et réclamer du gouvernement
fédéral qu'il utilise la constitution pour intervenir, pour
mettre un terme au génocide des francophones dans le Canada.
Ce serait l'effort des anglophones québécois qui
réclament des droits dans le Québec, mais tant qu'ils n'auront
pas fait la preuve qu'ils sont honnêtes et qu'ils veulent des droits
égaux pour les francophones hors Québec, nous ne devrions pas
leur accorder des privilèges dans le Québec.
M. Laurin: Mais, ne voyez-vous pas une difficulté dans la
négociation de pareils accords de réciprocité, dans le
fait que dans les autres provinces du Canada, le nombre de parlant
français ou de francophones est beaucoup moins élevé que
le nombre d'anglophones ou de parlant anglais au Québec?
M. Barbeau: II est moins élevé parce qu'il y a eu
des législations coercitives et criminelles contre les francophones. Si
on avait eu des lois honnêtes dans la Confédération, pour
permettre à ces francophones de se développer, nous serions
beaucoup plus nombreux. L'effet du génocide anglophone contre les
francophones, dans l'ensemble du Canada, fait que nous sommes tombés
à quelques minorités très dispersées. C'est le
résultat de l'effort politique des gouvernements provinciaux qui permet
aujourd'hui de dire qu'il n'y a presque rien comme minorités. On ne peut
tout de même pas leur accorder des droits parce qu'elles sont très
dispersées. Ils vont toujours trouver des raisons valables, au point de
vue de la fausse démocratie, pour dire: On ne peut pas donner des droits
aux minoritaires francophones. Ils ont l'art de mentir tout en disant la
vérité. Ils ont l'art d'utiliser la démocratie tout en se
plaignant des méthodes normales de démocratie qui se passent dans
le Québec.
M. Laurin: Je transmettrai au ministère des Affaires
intergouvernementales la proposition que vous faites à cette
commission.
En ce qui concerne votre deuxième proposition, je suis tout
à fait d'accord avec vous lorsque vous affirmez que la politique
centralisatrice fédérale date de longtemps et que les offensives
les plus graves d'Ottawa, notamment dans les domaines de la culture, de
l'éducation, de l'enseignement, des arts, des sciences, des
communications, affaiblissent les responsabilités constitutionnelles et
nationales de l'Etat du Québec et que cette visée centralisatrice
d'Ottawa a pris, en pratique, la force de la création de multiples
sociétés parallèles. Le nombre de ces
sociétés parallèles ne cesse de croître. D'ailleurs,
je pense que le gouvernement fédéral en a beaucoup plus que
celles que possède le gouvernement du Québec par son
ministère de l'Education ou son ministère des Affaires
culturelles. Que l'on songe, par exemple, à la Commission des
études canadiennes, au Conseil des arts du Canada, au Conseil des
sciences, au Conseil national de recherches, au Conseil de la recherche
médicale, à la Société royale du Canada, à
la société Radio-Canada, à l'Office national du film,
à la Société de développement de l'industrie
cinématographique canadienne, aux Musées nationaux du Canada, au
Conseil des arts, à la Corporation du centre national des arts, à
la Bibliothèque nationale et aux Archives publiques.
Evidemment, il n'est pas étonnant, après cette
énumération, que l'on constate que le budget actuel du
Secrétariat d'Etat, au fédéral, est de $1,5 milliard,
cette année. Je suis bien d'accord avec vous lorsque vous dites que nous
devrions rapatrier la part qui nous revient de ces dépenses que fait
l'Etat fédéral et qui font souvent double emploi avec les
dépenses qu'effectue, dans le même domaine, le ministère
des Affaires culturelles ou le ministère de l'Education.
Je pense que si nous pouvions rapatrier au Québec les sommes qui
nous reviennent pour établir notre propre politique culturelle et pour
dépenser à bon escient les sommes qu'il convient de
dépenser, sans gaspillage, sans double emploi, le gouvernement du
Québec aurait à sa disposition, dès cette année, un
budget de $450 millions. C'est une somme qui fait rêver et je sais que
tous nos ministres successifs des Affaires culturelles n'auraient pu que se
réjouir d'avoir à leur disposition un pareil budget.
Je pense qu'à ce moment-là on n'aurait même pas
besoin de ministère de développement culturel, parce que
déjà la culture aurait fait des pas de géant au
Québec, beaucoup plus qu'elle ne l'a fait au cours des dernières
années, malgré les difficultés qu'elle a
éprouvées. Je souhaite bien avec vous que des mesures soient
prises pour qu'on mette fin à cette situation qui n'a que trop
duré et qui est très nocive pour le devenir culturel du
Québec.
C'est là vous dire que je suis tout à fait d'accord cette
fois avec vos représentations, tout à fait d'accord aussi avec le
fait que le fédéral a, dans ce domaine, une politique à la
fois cohérente, stable, continue, qui n'a fait que se développer
au fil des ans. Je suis d'accord, soit par l'intermédiaire de
propositions comme celles que vous nous faites, dans lesquelles j'ai d'ailleurs
peu d'espoir, soit par le biais de négociations proprement
constitutionnelles avant même la date prévue pour le
référendum, pour qu'on répare de cette façon les
injustices passées et qu'on donne au Québec les moyens dont il a
besoin pour développer sa propre politique culturelle, qu'il saurait
sûrement employer a bon escient, mais je voudrais vous poser une question
là-dessus.
Ne croyez-vous pas que cette situation s'est développée en
raison des zones grises qui existent dans l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique? Il est vrai qu'en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique l'éducation est confiée nommément aux
provinces, mais le mot "culture" n'apparaît nulle part dans l'article 92
qui est l'article-clef pour comprendre les compétences qui sont
laissées aux provinces. Cela a permis au gouvernement
fédéral de voir dans la culture un domaine résiduel dont
il s'est emparé aux fins d'établir ou de promouvoir une
unité nationale.
Est-ce que vous êtes d'accord avec cette conception et,
deuxièmement, est-ce que vous pensez qu'il y a véritablement une
culture canadienne, ou est-ce que vous penseriez plutôt qu'il y a au
Canada deux cultures, une culture anglaise et une culture française, une
culture anglaise qui pourrait être laissée aux provinces, pour
qu'elles la développent, et une culture française qui pourrait
être laissée au Québec, pour qu'il la développe et
qu'il en soit responsable.
M. Barbeau: Si nous regardons l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, qui a 110 ans
d'existence, je crois que tous les problèmes actuels que nous
connaissons viennent de définitions. Ce sont des problèmes de
sémantique. On sait fort bien que lorsque les Pères de la
confédération se sont réunis pour constituer la
confédération, il y a eu pas mal de débats. Les
francophones, les Canadiens du Bas-Canada, voulaient des garanties pour leur
culture. Les Pères anglophones de la confédération, Johnny
Macdonald en tête, ont fait toutes les plus belles promesses du monde,
que la culture canadienne-française se développerait, que
l'émancipation de la population également se ferait, car ce
serait, bien entendu, justice pour tous, qu'on était dans
l'égalité absolue, et, aussi bien, Georges-Etienne Cartier a
donné des promesses absolument formelles que tous les droits culturels
du Québec pourraient se développer dans la
confédération et que jamais le gouvernement fédéral
n'interviendrait dans les affaires culturelles québécoises. Or,
ce sont des intentions. Mais, la constitution qui, d'ailleurs, n'a pas de
traduction française, messieurs, car la constitution canadienne n'a pas
de traduction française officielle, c'est en anglais que cela se passe,
partout au Canada, et même dans la constitution, cette constitution a
d'abord été rédigée par les anglophones. On n'a que
des traductions approximatives, de toute façon. L'enseignement
était en cause, à ce moment. Que l'enseignement ait
été réservé spécifiquement aux Etats
provinciaux et que rien n'ait été accordé au gouvernement
fédéral dans l'éducation, dans la culture, rien ne lui a
été donné dans ce sens, je crois que cela exprime bien les
intentions des pères canadiens-français de la
confédération. Ottawa, par une sémantique
détournée, par des méthodes machiavéliques, par
l'achat de consciences, par un fédéralisme dévoyé,
dont Lévesque pas celui qu'on aime bien, mais le TRPGH, le
très révérend père Georges-Henri Lévesque
celui qui a été acheté par Ottawa pour
défendre avec Massey la thèse que le gouvernement
fédéral devait intervenir dans l'éducation, a passé
son temps à rappeler ces choses, à les décrire et les
expliquer devant des commissions un peu partout. A ce moment, le gouvernement
fédéral s'est trouvé justifié par l'achat d'un
Canadien français qu'il a honoré dans la Royal Society un peu
partout par la suite. Le gouvernement fédéral s'est alors permis
de faire une véritable centralisation fédérale, s'emparant
de pouvoirs de fiscalité pour répandre, comme si c'était
un gouvernement mécène, dans toutes les institutions
québécoises, la culture pancanadienne, pas nécessairement
canadienne-française, mais pancanadienne, pas nécessairement
québécoise, mais tout le temps avec l'intention d'instaurer la
prédominance du gouvernement fédéral dans le domaine
culturel, ce que la constitution ne lui accorde pas. C'est partout, dans tous
les secteurs. Il y a toujours eu des linguistes et des sophistes au
Québec pour aider le gouvernement fédéral à
détruire le Québec, à le faire reculer sur le plan
constitutionnel, à l'empêcher de faire de la législation.
Cette dictature fiscale, Ottawa, parce qu'il a organisé cette dictature
fiscale, s'est permis alors d'avoir des largesses dans tout le domaine des
sciences, de la culture, des communications et un peu partout. C'est cela la
fausseté, l'imposture fédérale. Elle est imposture d'un
bout à l'autre, y compris dans le domaine linguistique.
Alors, quand on passe à la question de la culture, Ottawa n'a
rien à voir dans la culture. Il faut le faire reculer là-dessus,
et les fédéralistes conscients devraient finir par comprendre que
si jamais il y a un autre Canada, il va falloir qu'Ottawa lâche la
culture. Quant à moi, je sais qu'il ne lâchera pas. C'est pour
cette raison que je crois à la république du Québec. S'il
ne veut pas lâcher la culture... Il ne voudra pas la lâcher, parce
que c'est de cette façon qu'il maintient son pouvoir sur les consciences
des individus et sur la culture des individus. Quand on parle de culture
canadienne, M. le ministre, la culture canadienne, ce n'est pas de notre
ressort. Ce n'est pas à nous, les Québécois, de regarder.
Nous, nous voulons une culture québécoise. Que les
Anglo-canadiens se développent, eux, une conscience nationale, une
culture nationale, différente des Américains. Ils sont
gangrenés par l'américanisme, ce que nous avons pu empêcher
de faire assez largement dans le Québec. Quand ils essaient d'utiliser
les Québécois comme otages précisément, en disant:
Si jamais vous faites la république, là, les Américains
vont nous envahir. Je crois qu'à ce moment-là, quand ils nous
disent ça, ils nous mentent, car ils ont toujours empêché
la culture québécoise de se développer. Ils n'ont jamais
permis une véritable culture québécoise de se
développer. Ils n'ont jamais fait confiance aux Québécois.
Mais c'est la même chose, d'ailleurs, pour les autres minoritaires dans
le Québec. Je pense aux Italiens et aux Grecs, etc. Ils ne veulent pas
la culture française au Québec, parce que la culture
française au Québec, c'est la culture du colonisé. Les
Italiens ne veulent pas devenir des colonisés comme des
Québécois. Ils ne veulent pas être perçus comme des
citoyens de seconde zone. Ils ne veulent pas être vus comme des gens qui
sont pauvres, qui sont moches, qui parlent "jouai". Ils ne veulent pas
être perçus comme des inférieurs. Ils n'acceptent pas,
justement, la culture québécoise, parce qu'ils savent que les
Québécois sont colonisés, sont impuissants politiquement
et incapables économiquement à cause de la dictature
fédérale.
Alors, on comprend que tous ces gens-là ne veuillent pas
s'intégrer à la culture québécoise, qu'ils
demandent des écoles anglaises, parce que l'anglais, c'est le symbole de
la réussite, de la puissance, de la domination. Quant à nous, les
Québécois, c'est le symbole aussi de l'imposture de la
Confédération. C'est le symbole de la conquête
fédérale, la conquête des Anglais.
Nous n'aurions absolument rien contre l'enseignement de l'anglais,
même assez généralisé, au Québec, si on
était dans la république. Mais quand on est encore dans la
Confédération, on ne veut rien savoir de l'enseignement de
l'anglais, absolument rien, parce que ça représente la dictature,
l'affaiblissement de notre pays, l'occupation étrangère sur notre
territoire. L'anglais, on en a plein le dos. On en voit partout. Cela domine.
Cela contrôle. On en a plein le dos. On est rendu qu'on
est en névrose. On est tous des névrosés à
cause de l'anglais. On est tous névrosés, y compris les
députés. Nous sommes tous névrosés et je n'exclus
personne. Celui qui parle aussi est névrosé à cause de
l'anglais. C'est pour ça que nous voulons mettre un terme à cette
fausse culture, à cette culture de subordonnés, à cette
culture de schizophrène, à cette culture distendue, à
cette culture brisée, à cette culture impuissante. Nous ne
voulons plus de cette culture anglo-canadienne, car pour nous, ça
représente zéro.
M. Laurin: A tout hasard, en tout cas, je reprends à mon
compte votre proposition et je la transmettrai aussi bien au ministre de
l'Education pour sa prochaine rencontre avec les ministres de l'Education des
autres provinces et aussi au ministre des Affaires intergouvernementales,
malgré que je doute infiniment du succès qu'ils rencontreront, si
j'en juge par l'expérience du passé et par les prises de position
antérieures du gouvernement fédéral.
Peut-être faudrait-il reporter le débat à un palier
plus élevé dans un autre moment, à une autre table,
disposée selon un autre format. De toute façon, c'est une
perspective d'avenir que vous venez d'ouvrir.
J'aimerais maintenant aborder votre troisième proposition. Vous
ne voulez pas que l'apprentissage d'une autre langue, en l'occurrence
l'anglais, se fasse au détriment de l'apprentissage de la langue
maternelle, de la langue originelle et vous dites que cet apprentissage ne doit
pas se faire au détriment d'une formation de base qui est un autre
concept, un concept pédagogique.
J'aimerais vous demander sur quelle base vous vous appuyez pour demander
que l'apprentissage de la langue seconde ne commence qu'à l'âge de
quinze ans ou après la 9ème année.
M. Barbeau: Je pense que les témoignages là-dessus
sont nombreux. J'en ai publié un certain nombre dans "Le Québec
bientôt unilingue?", publié en 1965 qui se trouve justement dans
la bibliothèque du parlement ici et que, sans doute, un bon nombre parmi
vous ont déjà lu.
Il y a une dizaine de pages de témoignages, de recherches qui ont
été faites en Suisse, qui ont été faites en
Angleterre, qui ont été faites en Italie et dans beaucoup de pays
dans le monde.
Il faut que l'enseignement d'une langue étrangère et non
pas d'une langue seconde car c'est une fausseté d'appeler la langue
étrangère une langue seconde... Je crois qu'il faut arrêter
de parler véritablement d'une façon globale de langue seconde.
Dans les pays, il y a la langue officielle. Il y a des langues de circulation
et des langues d'utilisation, des langues pratiques et il y a des langues
étrangères, mais il n'y a rien d'autre. Il n'y a pas de langue
seconde, dans aucun pays sur la planète. Il y a la langue nationale, les
langues officielles et les langues étrangères.
Toutes les fois qu'on voit un pays qui commence l'enseignement d'une
langue étrangère chez des bambins, chez des gamins, à la
1ère, 2ème, 3ème, 5ème et 6ème
années, en deça de la 9ème année, ce sont toujours
des pays sous tutelle, des pays sous tutelle soit des Nations Unies, soit des
conquérants ou soit dans des fédérations multilingues
où il y a des grosses complications linguistiques.
On peut démontrer cela très facilement. Je n'ai pas le
temps, ce soir, bien entendu, mais j'en ai longuement parlé dans "Le
Québec bientôt unilingue?" Un pays qui commence l'enseignement
d'une langue étrangère en deçà de la 9ème
année est un pays sous tutelle et c'est pour cela que le Québec
fait partie de cette définition. C'est un pays sous tutelle
fédérale et donc qui commence l'enseignement en 3ème,
2ème, 1ère années, etc, mais un pays qui n'est pas sous
tutelle, qui est libre, qui est maître de son destin, commence
l'enseignement au secondaire après la 15ème année. C'est
un pays normal et là, l'acquisition de la langue étrangère
se fait beaucoup plus rapidement que dans les quinze premières
années de l'existence ou les dix premières années
d'étude. Dans deux ans, on fait le rattrapage des dix ans parce qu'il
n'y a plus d'interférence. La cogitation de l'enfant, la cogitation
s'insère dans un contexte de conscience, de cerveaux, dans un contexte
d'appréhension du réel, de fantasme qui n'a pas
d'interférence, qui ne connaît pas d'interférence tandis
que dans le Québec ici ou dans les pays bilingues, il y a des
interférences constantes au niveau du cerveau, au niveau des
gènes, au niveau de la conceptualisation, au niveau de la perception du
réel, au niveau même de l'expression.
Bilingue, je ne sais pas ce que cela veut dire. Pour moi, cela n'existe
pas un bilingue. Il faudrait qu'il soit bicéphale, qu'il ait deux
têtes pour être bilingue. Ce n'est pas possible. Cela n'existe pas
un bilingue. Il y a les biglottes, les biglottes dont on n'entend pas parler,
mais dont je veux vous parler brièvement.
Il y a les monolingues. Un monolingue est un individu qui s'exprime dans
sa langue nationale qui est unique. Il peut aussi parler et communiquer avec
des voisins de frontière, des touristes. Il peut lire quelques journaux,
faire la petite conversation.
Il est monolingue. Tout le monde est monolingue. Pourquoi? Parce qu'on
ne peut pas... Ceux qui se prétendent bilingues savant fort bien que,
dans la créativité de la langue étrangère qu'ils
connaissent, ils sont incapables d'exprimer la totalité de leur moi. Ils
sont incapables de créer dans la langue étrangère. Moi qui
ai publié un bon nombre de volumes, je suis incapable, et j'ai toujours
vécu dans un milieu anglophone, d'écrire en anglais un roman ou
une oeuvre d'art ou un poème. Je peux converser en anglais facilement.
J'ai vécu dans la partie la plus anglaise de Montréal toute ma
vie, la moitié de mes études ont été faites en
anglais. Cela ne me pose aucun problème, mais ma
créativité est stérile dans la langue
étrangère. C'est le fait de tout le monde. On peut correspondre
dans une langue étrangère pour des besoins de
quotidienneté, mais ma créativité est, j'allais dire,
diminuée par la possession d'une langue étrangère. Si je
n'ai pas d'abord ma langue maternelle, je suis incapable de parler et je
suis
incapable d'écrire et je suis incapable de conceptualiser.
Et la joualisation du Québec vient justement de
l'interférence d'une langue étrangère par les yeux, par
les oreilles, par les journaux, par la propagande abusive dont on entend parler
tous les jours. Il faut, pour être riche, être Anglais ou
être bilingue. Il faut, pour être beau et être fin,
être ou anglophone ou bilingue ou gros ou fort ou riche ou banquier. Je
trouve cela absolument aberrant qu'on ne puisse pas évaluer un individu
à partir de sa possession de ses moyens de communication, ses moyens de
conceptualisation. Un bilingue, je le regrette, c'est un névrosé,
qui est incapable de parler en français, qui est incapable
d'écrire dans un français correct et de conceptualiser dans sa
langue maternelle. Il va faire très superficiellement la conversation
avec les étrangers, mais, s'il acquiert de plus en plus la langue
étrangère, il devient de plus en plus névrosé,
jusqu'au jour où il devient une double personnalité aussi bien
française qu'anglaise et là il est névrosé: les
névrosés sont des gens à double personnalité.
Alors, il y a une grande partie du Québec qui ne peut plus se
définir présentement parce qu'il y a eu la communication
étrangère qui est venue faire l'interférence dans le
cerveau des individus et la créativité du Québécois
est diminuée d'autant. La possession d'une langue
étrangère au Québec est inutile à
l'évolution du Québec, c'est nuisible au développement du
cerveau des Québécois. Quand nous serons libérés
des mythes pancana-diens, quand nous aurons pris la possession de notre
territoire, nous apprendrons toutes les langues du monde, cela ne
dérangera rien. Mais apprendre une langue étrangère au
moment même où nous n'avons pas encore défini notre nation,
où nous n'avons pas pris le pouvoir véritablement sur notre
territoire, c'est amener le Québec à sa disparition. Et le
bilinguisme, c'est une étape, et toute l'histoire du monde entier va
nous le montrer, c'est une étape vers l'unilinguisme.
On commence tous unilingues, notre mère est incapable de nous
montrer deux langues en même temps. On commence en unilinguisme, on passe
au "biglottisme", au bilinguisme et on finit, avec les années ou les
siècles, dans le bilinguisme et dans l'unilinguisme, mais
étranger et c'est ce qui se passe dans le Québec. Plus on va
monter le nombre de bilingues, plus on va finir par tomber dans l'anglicisation
et je pense que c'est ce que veulent les Anglais. Le rapport Durham a
commencé et, encore aujourd'hui, on pourrait parler du rapport Trudeau
comme de tous les autres rapports qui veulent nous bilinguiser de force, nous
entraîner dans toute l'organisation pancana-dienne pour en finir une fois
pour toutes avec les Québécois pas bons, faibles, affaiblis,
dominés et qui ne peuvent même pas constituer une majorité
au Québec, qui ne peuvent même pas décider
législativement des lois dont il a besoin.
C'est une aberration historique d'entendre les anglophones venir nous
dire ici qu'on n'a pas le droit de faire de la législation, c'est une
aberration d'entendre certains députés respectables par ail-
leurs, venir nous dire que le Québec ne doit pas intervenir dans sa
langue. C'est une aberration, c'est une chose extrêmement grave que
d'affirmer que les Québécois ne peuvent pas faire comme les
autres peuples sur la planète.
C'est pour cette raison que je pense que les histoires de la culture
anglo-canadienne et canadienne-française, la culture anglo-canadienne ne
nous a jamais rien apporté. Cela a servi de paravent pour l'invasion
territoriale du Québec par le gouvernement fédéral.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si je vais avoir
l'éloquence de notre invité. Je veux vous remercier messieurs
d'être venus. Je pense que ce que vous nous avez exposé, on le
sent fort bien, répond à des convictions profondes chez vous et
je les respecte.
Je dois vous dire qu'au moins sur un point, on peut s'entendre. Je
partage vos préoccupations; vis-à-vis des francophones des autres
provinces.i Je suis prête à reconnaître que là, les
gens n'ont certainement pas eu le même sens des responsabilités
que nous avons eu au Québec à l'égard de notre
minorité. Par contre, je ne suis pas certaine d'être d'accord avec
votre approche dans la façon de négocier cette situation, puisque
lorsque vous parlez des droits, ou enfin, des privilèges qu'on donnerait
aux anglophones du Québec, selon vous, vous semblez faire abstraction
tout à fait de l'histoire et vous dites: II faudrait que les Anglais du
Québec ce n'est peut-être pas le texte, mais je pense que
c'est l'idée que vous avez exprimée se battent avec
énergie pour les droits des francophones des autres provinces; s'ils
font un travail respectable et dans la mesure où ils le feront,
peut-être qu'à ce moment-là, on pourra leur consentir ce
que vous appelez certains privilèges.
D'abord, j'aimerais savoir comment est-ce qu'on va évaluer la
valeur de leurs interventions. Une fois de plus, je pense que vous faites
abstraction de l'histoire de la minorité anglophone au Québec
qui, même le livre blanc le reconnaît, fait "partie de
l'héritage culturel des Québécois et est une
réalité irréductible de la vie
québécoise".
Vous nous avez également apporté de nombreux
témoignages de l'histoire. C'est peut-être en réponse
à des questions que j'avais moi-même posées ce matin...
M. Barbeau: C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: ...à savoir s'il y a d'autres pays qui
ont utilisé des méthodes draconiennes pour affirmer leur langue
ou leur nationalisme. J'ai regardé brièvement, j'aurais
même voulu avoir le temps de retourner aux sources historiques, ce que je
n'ai pas eu le temps de faire. Je me demande si tous ces abus que vous avez
mentionnés, je pense à ce qui s'est passé en
Alsace-Lorraine, ce qui s'est passé au Maroc, est-ce que ce sont
vraiment des modèles qu'on veuille utiliser dans
une société que, pour ma part, je veux plus
tolérante? Si vous avez côtoyé un peu les individus qui
sont arrivés, soit de l'Algérie, du Maroc où justement
s'est passé ce que vous décrivez comme étant arrivé
en 1965, ils regardent et je pense que même si leurs appréhensions
ne sont pas fondées, mais ils les ont tellement profondément
ressenti ces événements qu'ils font rapidement et comme je
le disais tout à l'heure, probablement sans fondement un
rapprochement avec ce qui se passe au Québec et des attitudes de
personnes qui disent: II n'y a plus que du français, il n'y a plus
d'autre langue qui tienne au Québec.
On crée chez eux cette anxiété qui, je pense, ne
permettra pas à ces gens-là de se sentir partie de la
société québécoise et partie à part
entière de cette société.
C'est une question d'approche. En ce qui me concerne, je pense que vous
avez apporté ces témoignages pour me prouver que d'autres
l'avaient fait, mais je ne suis pas davantage d'accord pour qu'on prenne les
mêmes méthodes que celles que vous préconisez.
Malgré tout, il reste un peu d'espoir. Quand vous parlez, dans
votre deuxième recommandation, des intrusions du fédéral
dans le domaine culturel, des communications et de l'éducation, et de la
nécessité que ceci soit rapatrié au Québec, et de
le défendre énergiquement, là-dessus, je pense que je suis
d'accord avec vous. Mais encore faudrait-il que le gouvernement actuel qui,
à mon point de vue, est dans une situation de négociation
peut-être privilégiée, se servir de cette position dans
laquelle il se trouve.
Encore une fois, je ne voudrais pas déformer vos paroles, vous
disiez que si, jamais, on rapatriait la culture au Québec,
peut-être que vous accepteriez la confédération ou...
M. Barbeau: Non, vous vous trompez.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela que vous avez dit. Je me suis
illusionnée. D'accord. Il reste que même si ce n'est pas ce que
vous avez dit, je pense qu'on peut essayer de rapatrier ces choses et ce que
vous craignez si fortement pour la culture et l'affirmation du fait
français, il y a encore moyen, à mon point de vue, de l'affirmer
à l'intérieur de la confédération.
De plus, je pense que, quand vous comparez la situation des francophones
du Québec comme étant une situation aussi
désespérée que celle que vous décrivez, de peuple
de colonisés, de peuple de...
M. Barbeau: Névrosés.
Mme Lavoie-Roux: Névrosés, etc., moi, je me sens
tout à fait Québécoise, francophone...
M. Barbeau: Névrosée.
Mme Lavoie-Roux: C'est votre avis. ...et pas du tout
complexée et rêvant d'autre chose. Mais ce dont je rêve,
c'est qu'on aie une société qui, tout en s'affirmant avec ce
qu'elle a de précieux, ce qu'elle a d'original, puisse aussi faire une
place sans mesquinerie pour les autres, ce qui donnera vraiment la mesure de la
société dans laquelle je veux vivre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Est-ce que vous voulez intervenir?
M. Barbeau: Pas du tout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Non?
M. Barbeau: C'est une femme et je respecte son opinion.
Mme Lavoie-Roux: C'est de la discrimination. Il y a toutes sortes
de formes de discrimination.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Lalonde: C'est de la discrimination.
Mme Lavoie-Roux: C'est de la discrimination. Mais c'est dans la
même ligne que le reste.
Une Voix: Répondez!
M. Barbeau: Je ne peux pas répondre aux questions qui ne
me sont pas posées.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je dois vous dire d'abord que c'est la
première occasion que j'ai de vous rencontrer. J'ai lu beaucoup de vos
écrits. Je dois vous dire que j'admire votre conviction. J'ai toujours
eu horreur des gens qui ne sont ni chair ni poisson; j'admire des gens qui
savent défendre leur cause. Je suis peut-être un peu de cette
trempe et c'est pour cela que cela m'emballe de vous entendre, sans, pour cela,
bien sûr, partager toutes vos opinions.
Je ne voudrais pas non plus que vous pensiez que les questions que je
pose sont de nature à... C'est bien plus pour moi un manque
d'information et je retiens votre mémoire comme celui de quelqu'un qui a
des convictions et qui les défend, avec votre collègue, que je
connais aussi depuis de nombreuses années, avec beaucoup de vigueur. Je
pense qu'une société colorée comme la nôtre doit
avoir des représentants de chacune des options qui composent notre
société québécoise.
J'aimerais savoir depuis combien de temps existe l'Association des Fils
du Québec? M. Cha-put peut répondre, bien sûr.
M. Barbeau: Les Fils du Québec, on va vous le donner plus
spécifiquement.
M. Grenier: D'accord.
M. Barbeau: Au mois de juillet 1970, les Fils du Québec
ont été créés en association et ont fait
une déclaration d'enregistrement à la Cour
supérieure. Quant aux autres questions que vous pouvez poser sur les
Fils du Québec, nous pensons, Marcel Chaput et moi-même,
représenter des indépendantistes inconditionnels.
Nos années de service là-dedans peuvent garantir que nous
représentons véritablement les indépendantistes
inconditionnels. Si vous me demandez le nombre de Fils du Québec,
j'inclus les 5 millions de francophones y compris tous les
députés du Québec qui sont Fils du Québec.
M. Grenier: Mais comme membres actifs sur vos fichiers?
M. Barbeau: Les membres actifs, tous les Québécois
actifs qui veulent la libération du Québec.
M. Grenier: Ah bon!
M. Barbeau: Eh oui! c'est comme cela.
M. Grenier: D'accord.
M. Barbeau: II y en a quelques-uns, il y a les Fils du Canada, il
y a les Filles de l'Empire et il y a les Fils du Québec.
Mme Lavoie-Roux: Où sont les Filles du Québec?
M. Grenier: C'est la question que j'allais vous poser. Est-ce
qu'on pourrait inclure... C'est l'homme qui embrasse sa femme.
M. Barbeau: Les Filles du Québec, fils, c'est un nom
générique.
M. Grenier: Bien sûr que vous donnez une définition
fort large qui est celle du Québec pour ce mouvement, est-ce qu'on
pourrait comprendre que votre noyau de travail, votre milieu de travail est
principalement la ville de Montréal?
M. Barbeau: Non, il n'y a pas...
M. Grenier: Vous allez me répondre, bien sûr, que
c'est de la Gaspésie à Hull, mais j'aimerais bien savoir plus
spécifiquement où est votre...
M. Barbeau: Non, nous avons déjà publié, le
mois passé, un texte qui s'appelle "Oui au référendum" qui
fait le procès de la Confédération. Ce sont les Fils du
Québec qui l'ont publié à 20 000 exemplaires. C'est
distribué dans tout le Québec. Nous ne nous arrêtons pas
à Montréal. Il y a des gens patriotiques qui comprennent la
situation dans tous les coins du Québec.
M. Grenier: Je suis d'accord, mais j'aimerais savoir, si vous
répondiez précisément à mes questions, où
est le noyau le plus actif de cette association. Je pense que...
M. Barbeau: Dans les zones stratégiques, à
Montréal, dans les zones frontières, dans les zo- nes en
contestation, bien sûr. Les gens les plus conscients, ce sont ceux qui
sont au combat.
M. Grenier: D'accord. Remarquez bien que c'est de l'information
et je ne voudrais pas que vous pensiez là que...
M. Barbeau: Non, non.
M. Grenier: Je pense que vous saisissez, parce que je ne suis pas
du milieu montréalais, d'abord, je suis
"démontréalisé", habitant les Cantons de l'Est. Je prends
connaissance de votre document. Je suis peut-être un de vos
névrosés moi aussi. Je suis justement un peu bilingue,
peut-être pas suffisamment, mais seulement assez pour me classer parmi
les névrosés.
J'aimerais quand même savoir... Je trouve qu'il y a des termes qui
sont vraiment forts pour habiter les Cantons de l'Est. C'est cela qui me porte
à vous demander, ce que vous défendez avec tant d'énergie,
si vous pensez que tous ces termes que vous utilisez en qualifiant les
Anglo-Saxons du Québec, si vous pensez que c'est une mentalité
qui est répandue à travers le Québec.
M. Barbeau: Je crois que la mentalité se répand
depuis vingt ans. Je crois qu'actuellement les Québécois
francophones se rendent compte qu'ils sont majoritaires. Ils ont cessé
d'être des Canadiens, ils ont refusé d'être des Canadiens
français.
M. Grenier: On m'a limité dans mon temps. On a à
peine dix minutes pour l'Union Nationale. J'ai quelques questions à
poser. J'aimerais bien être capable de les poser à
l'intérieur de mes dix minutes, parce que le président est
très fidèle à mes dix minutes. Je sais qu'il va
m'interrompre quand le temps arrivera.
M. Barbeau: Oui.
M. Grenier: Je suis toujours un peu surpris d'apprendre que des
gens qui sont vraiment des personnes qui défendent l'unilinguisme ou
tout près, je suis généralement surpris d'apprendre que ce
sont, en grande proportion, des gens bilingues. Est-ce que je pourrais vous
demander si vous maîtrisez la langue anglaise?
M. Barbeau: Ils ont compris. M. Grenier: Ah bon!
M. Barbeau: II ont compris, c'est qu'ils ont compris qu'ils sont
monolingues, ils parlent français, leur culture est française,
leur cerveau est français, d'accord, leurs cellules dans le cerveau sont
des cellules françaises. En plus, ils peuvent rencontrer des
anglophones, converser avec eux, faire des échanges, être en
amitié avec leur milieu, aller aux Etats-Unis, aller à Miami et
ils restent monolingues.
M. Grenier: D'accord.
M. Barbeau: Les bilingues ont deux cerveaux et un de trop.
M. Grenier: Bien, vous parlez d'autres langues? Ah oui, vous
parlez ici, à la page... En tout cas, vous avez cela dans votre
mémoire, l'enseignement bilingue ne commencerait qu'en 9e année.
Vous êtes probablement conscients, évidemment, les Fils du
Québec doivent savoir qu'on est entouré d'une bonne proportion
d'anglophones en Amérique du Nord. Je pense que comme véhicule,
comme langue seconde, c'est peut-être plus important de contrôler
l'anglais que de contrôler l'espagnol ou bien le grec, même si on a
des communautés importantes qui vivent dans notre province, je me
demande pourquoi votre association aurait une raison particulière de
dire que ce ne doit pas être l'anglais, brièvement?
M. Barbeau: Pour être en santé mentale, il faut
être monolingue. Ensuite, quand on veut avoir des rapports sociaux,
normaux, il faut devenir bi-glotte. Qu'est-ce que cela veut dire? Ce sont des
mots bizarres pour des députés, mais ils devraient savoir cela.
Cela devrait être su. On est tous monolingues et quand on veut avoir des
rapports dans une société normale, on apprend à
communiquer avec ses voisins et là, à ce moment-là, on ne
cesse pas d'être monolingue, on acquiert une langue de communication, une
langue d'efficacité, une langue d'affaires, une langue de commerce, non
pas une langue de mentalité, non pas une langue d'ontologie, non pas une
langue de culture, une langue d'utilisation.
C'est pour cela qu'on devient biglotte, pas bilingue. Vous me dites que
l'anglais peut être utile. Pourquoi veut-on pousser cela jusqu'en
neuvième année? C'est parce que pour devenir monolingue
sérieux avec un cerveau équilibré, cela prend au moins dix
ans pour l'acquisition de l'essentiel de la langue de culture. Quand on a cela,
on peut apprendre toutes les langues et devenir, non seulement biglotte, mais
polyglotte dans très peu de temps, parce qu'on a déjà sa
culture et on possède déjà sa langue. La structure mentale
du cerveau est formée et on peut y greffer tous les autres vocabulaires
qu'on voudra, mais si on essaie d'étudier deux vocabulaires... Je me
suis laissé dire que dans certaines écoles françaises du
Québec, il y a plus de vocabulaire anglais que de vocabulaire
français qui est enseigné. On est en train d'en faire des
individus incapables de penser, incapables de s'exprimer, incapables
d'écrire. Or, le but de l'école, c'est de penser, de parler et
d'écrire. Ces trois choses sont ratées.
M. Grenier: Si vous permettez, je vais être obligé
de vous couper la parole pour poser mes autres questions, parce que je pense
bien que les dix minutes doivent achever. En fait, pour l'autre langue, vous
élaborez sur ce que vous m'aviez dit tout à l'heure, mais, je
vous posais la question à savoir si vous ne pensiez pas que
c'était plus important pour les gens du Québec, qui habitent le
Québec, de contrôler assez bien la deuxième lan- gue qu'on
considère nous autres aussi comme très utile, la langue anglaise.
Vous me répondrez qu'à ce moment, il faut être d'abord
monoglotte, c'est bien cela que vous aviez dit...
M. Barbeau: Monoglotte, monolingue.
M. Grenier: ...un monolingue. Avec les nouveaux termes que vous
nous donnez, on en apprend. Tout à l'heure, j'ai voulu offrir un verre
d'eau au député de Pointe-Claire, mais j'avais peur d'être
accusé d'être un porteur d'eau vis-à-vis des anglophones.
Je sais que vous avez maintenant des nouveaux termes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, s'il vous plaît, je
demanderais aux gens qui sont dans la salle, malgré que c'est parfois
difficile, malgré certaines remarques qui sont colorées, je vous
demanderais, s'il vous plaît, de ne faire aucune démonstration et
de vous contenter de rires intérieurs. Le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Vous parlez de l'enseignement après la
neuvième année, mais très sérieusement, concernant
les autres comités qui sont venus, vous savez que les psychologues et
les pédagogues se chicanent pas mal, à savoir si c'est important
d'enseigner au niveau du primaire ou du secondaire et c'est une question qu'on
pose assez régulièrement. J'aimerais bien entendre de M. Chaput;
il y a bien longtemps qu'on n'a pas entendu son timbre de voix, surtout
à la commission ici. Est-ce que vous voyez quand même, à
l'intérieur du dossier que vous présentez, un rôle que
pourrait jouer un Québec que vous voulez unilin-gue, un rôle que
pourrait jouer ce Québec, s'il devait y avoir une association ensuite
avec le fédéral vis-à-vis des autres minorités des
neuf autres provinces?
M. Chaput (Marcel): Je voudrais d'abord, au sujet du bilinguisme,
ajouter cette remarque. Ceux qui prêchent le bilinguisme chez les
francophones veulent préparer les jeunes francophones à sortir du
Québec. Nous, en prêchant l'unilinguisme aux mêmes
Québécois, jeunes francophones, nous voulons les préparer
à rester au Québec et à gagner leur vie au Québec
et à passer leur vie agréablement au Québec. Je pense que
c'est une nuance extrêmement importante.
M. Grenier: D'accord.
M. Chaput: Au sujet des minorités, je crois?
M. Grenier: Oui, des autres provinces.
M. Chaput: Des autres provinces. Chose certaine, ce n'est pas le
Québec qui a assassiné les francophones des autres provinces. Si
le Québec y a été pour quelque chose, c'est à cause
de son impuissance face aux minorités. Ce sont les gouvernements des
neuf provinces, huit ou sept, selon la date, qui ont
légiféré pour anéantir les franco-
phones de ces autres provinces. Nous croyons et je pense que
c'est l'évidence même, c'est la logique élémentaire
que tant que nous serons faibles, nous, Québécois
français du Québec, notre pays québécois sera
faible et sera incapable d'aider les minorités. La grande arme ou le
grand instrument, l'instrument majeur qui aide des nationaux de n'importe
quelle nationalité dans le monde, c'est d'appartenir justement à
une nation forte. Celui qui appartient à une nation faible, qui habite
un pays étranger, est appelé à disparaître.
M. Grenier: Merci, M. Chaput. Je pense que c'est la
dernière. Vous permettez?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Dernière question.
M. Grenier: Est-ce que dans votre cas, vous avez des enfants
c'est peut-être le cas des deux qui apprennent les deux
langues? Il faut préciser, la langue anglaise et la langue
française ou vice versa.
M. Chaput: J'ai quatre enfants qui sont des adultes. J'en ai deux
de mariés. J'en ai deux qui sont traductrices.
M. Grenier: Ah bon!
M. Chaput: Je ne sais pas si cela ajoute quelque chose au
débat, mais moi-même...
M. Grenier: Cela éclaire.
M. Chaput: ... j'ai passé 20 ans de ma vie...
M. Grenier: A Ottawa.
M. Chaput: Oui, dans les laboratoires de recherche scientifique
à la fonction publique fédérale, et c'est justement parce
que j'ai toujours travaillé en anglais avant d'arriver à
Montréal j'habitais Hull et je ne savais pas ce que c'était
que de travailler en français c'est justement ce qui m'a fait
prendre conscience... Il y a deux solutions, pour un organisme quelconque,
qu'il soit animal ou humain, lorsqu'il est placé dans une situation
hostile, adverse, il doit disparaître dans la masse, c'est-à-dire
s'assimiler, ou devenir plus résistant qu'autrefois. Au lieu de
m'assimiler, je suis devenu résistant. J'ai compris que les Canadiens
français ou les Québécois francophones ou français,
comme on les appelle aujourd'hui, n'avaient d'avenir qu'à devenir
eux-mêmes. C'est pour ça que j'ai décidé,
moi-même, de lutter pour que nous devenions nous-mêmes des
francophones de plein droit et pour que nous apprenions, comme nos enfants,
forcément... Il y a tellement d'anglais qui court dans l'air à
l'heure actuelle et depuis fort longtemps, que la majorité des gens en
apprennent même malgré eux. Mes enfants parlent...
M. Grenier: Merci. M. Barbeau, pouvez-vous répondre
également sur l'autre aspect de la question?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, votre temps est
malheureusement expiré et j'accorde maintenant la parole au
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. M. Barbeau, M. Chaput, je
veux vous remercier, bien sincèrement pour le mémoire que vous
avez présenté devant la commission et je dois dire que j'ai
toujours eu de l'admiration pour les gens qui ont le courage d'exprimer leurs
opinions publiquement et avec énormément de conviction. Si
j'avais un seul commentaire à faire à propos de ce qui vient
d'être dit, je dirais ceci: On ne réclame pas ses droits, on les
prend, en me rappelant cette phrase du Chanoine Lionel Groulx "ce n'est pas
prendre la place des autres que d'occuper la sienne".
M. le Président, j'aurais une couple de questions à poser,
mais je voudrais dire à l'endroit de nos invités que je ne veux
pas leur donner l'impression d'être un colonisé ou un
névrosé, comme il a été dit tantôt, parce que
si j'avais un seul complexe, M. le Président, ce serait celui de ne pas
en avoir.
M. Guay: ... de la modestie.
M. Roy: Ceci dit, M. le Président, j'aimerais demander,
puisque M. Barbeau a fait un historique tout à l'heure très
détaillé de la situation qui prévaut dans les autres
provinces canadiennes, si, depuis quelques années, il y a eu
amélioration de ce côté-là, puisque son étude
s'arrête en 1916, il y a quand même près de 60 ans.
Deuxièmement, puisque je suis très limité dans le temps
je n'ai que cinq minutes est-ce que la francophonie est plus
menacée en 1977 au Québec qu'elle ne l'était il y a 25
ans?
M. Chaput: Est-ce que vous tenez à ce que ce soit M.
Barbeau qui réponde?
M. Roy: Non, M. Barbeau ou M. Chaput. J'adresse ma question aux
deux.
M. Chaput: En 1961, j'ai fait une étude sur les
minorités; ce rapport a paru dans la revue Lauren-tie que publiait M.
Barbeau à l'époque. Comme les rapports du recensement de 1961
n'étaient pas encore publiés, j'ai dû me servir des
rapports du recensement de 1951. On constate, à cette époque,
à partir des chiffres du recensement de 1951, un revirement
catastrophique, absolument géno-cidaire pour les francophones du Canada.
Jusqu'au recensement de 1941, les minorités je parle strictement
des minorités francophones, françaises en dehors du
Québec. Je ne parle pas du Québec, mais au Canada les
minorités françaises mettaient au monde des petits francophones
en plus grand nombre que ceux qui s'assimilaient à l'anglais.
D'après les chiffres du recensement de 1951, les francophones des neuf
ou huit provinces anglophones du Canada mettent au monde un plus grand nombre
de petits qui s'assimilent à l'anglais que ceux qui s'assimilent au
français, c'est-à-dire, si vous me permettez un lan-
gage coloré, puisqu'on colore tout ce soir, les francophones des
minorités, au recensement de 1951, fabriquaient plus de petits Anglais
que de petits Français, et ça, c'est grave!
M. Roy: Maintenant...
M. Chaput: C'est vérifiable dans le recensement de
1951.
M. Roy: ... au Québec, comme tel...
M. Chaput: II n'y a donc pas eu d'amélioration.
M. Roy: Non, mais au Québec, comme tel, depuis 25 ans,
est-ce que la francophonie est plus menacée?
M. Barbeau: Si on peut dire, le problème de la
francophonie au Québec, c'est un problème politique; même
le problème linguistique, au Québec, c'est un problème
politique d'abord, et uniquement un problème politique.
Celui que vous avez devant vous a dix ans d'enseignement de la langue
à l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales. J'ai démissionné
de mon poste parce que j'étais trop découragé comme
professeur de langue française dans une université
montréalaise francophone. Non seulement ai-je démissionné,
mais je me suis aperçu qu'avec dix années de travail et
d'acharnement et de méthodes nouvelles, de méthodes
pédagogiques incitatives et coercitives, cela ne donnait pas de
résultat. Ce n'est pas un problème linguistique. Ce n'est pas un
problème grammatical. Ce n'est pas un problème de prononciation,
d'accentuation. Le problème linguistique au Québec est un
problème politique, uniquement politique. On ne réglera pas ce
problème en dehors de la politique, ou contre la politique ou sans la
politique.
Et alors, je veux dire ceci: Quand on parle de francophonie, il faut
savoir si on a plus de droits linguistiques au Québec qu'on en avait il
y a 20 ans, il y a 15 ans ou il y a 50 ans. On n'a pas plus de droits
linguistiques au Québec. On a de l'espoir d'avoir des droits depuis le
15 novembre.
M. Roy: J'aimerais vous demander si le problème dont on
fait largement état à l'heure actuelle est de la même
dimension à l'extérieur de la région
métropolitaine. On parle de l'Université de Montréal. Je
suis d'accord. Je ne veux pas diluer le problème. Je veux bien qu'on le
situe et je veux profiter de votre passage ici à cette commission pour
que vous puissiez nous éclairer, nous apporter tous les renseignements
dont vous disposez.
Le problème existe-t-il avec la même dimension à
l'extérieur de la région métropolitaine?
M. Barbeau: De toute évidence, en dehors de Québec,
au Lac-Saint-Jean, dans les régions où le monolinguisme est
déjà installé par tradition, il y a deux Anglais dans un
village, cela ne pose pas de problème. On va les tolérer et
j'irais même presque jusqu'à dire qu'on pourrait leur donner des
droits, des surplus de droits. Ils ne posent pas de menace à la nation
québécoise dans ces régions. C'est pour cela que ce n'est
pas un problème linguistique.
En dehors de Montréal, il y a toute une série de
régions, par exemple, qui ne sont pas véritablement
contaminées par la présence anglaise physique. Elles le sont par
la radio. Elles sont contaminées par la télévision,
très largement. Elles sont contaminées par les chansonnettes
américaines dont on est absolument saturé, saturé. On en a
plein le dos de Radio-Canada et des autres postes qui nous embêtent et
qui sont en train d'accumuler dans les oreilles des Québécois de
la "zizique" infâme dont nous ne voulons plus. Je le dis en toute
honnêteté parce que vous me dites: En dehors de la région
métropolitaine, y a-t-il encore de la francophonie? Pensez-vous...? Tous
les postes de radio et de télévision rejoignent ces gens. Une
partie des journaux également publiés avec beaucoup d'anglicismes
dans la pensée, dans l'expression, dans les sigles, etc., rejoignent ces
gens et c'est pour cela qu'on peut se demander s'il y a vraiment une
région dans le Québec qui est monolingue, évoluée,
en possession de ses moyens mentaux, psychiques, affectifs. Je dirais non parce
que nous sommes tous, dans le Québec, des colonisés et c'est
là le problème. Nous sommes des colonisés à
Montréal, en dehors de Montréal; dans la Beauce, un peu moins, je
vous le concède! Mais quand même...
M. Roy: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Sud, malheureusement, votre temps est
expiré.
M. Roy: Cela a fini sur une très bonne note, M. le
Président!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
l'admets avec vous et je cède la parole au député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, j'aurais une question
à poser. Admettez-vous...
Des Voix: On ne comprend rien.
Mme Lavoie-Roux: C'est mon micro. Vous m'avez volé mon
micro!
Une Voix: Parlez en français.
M. Saint-Germain: En lisant votre texte, je me demande,
sincèrement, si on doit déduire qu'il est tout à fait
impossible pour deux groupes de cultures différentes de vivre dans un
même pays ou si la philosophie qui se dégage de votre texte doit
s'appliquer, nécessairement exclusivement au Québec.
M. Barbeau: Pour deux groupes, c'est très facile à
vivre. Il faut qu'il y en ait un qui domine l'autre. S'il y a deux groupes, il
faut qu'il y en ait un
qui domine l'autre. Cela a été l'histoire de la
Confédération et de la conquête depuis deux
siècles.
M. Saint-Germain: Oui.
M. Barbeau: Tant que les Anglais dominaient les Canadiens
français et qu'ils ne posaient pas de problèmes, on était
dans une belle grande confédération. Il y avait le
libéralisme économique, le libéralisme social. Cela allait
très bien. Quand on a décidé qu'on ne serait plus la
monture, quand on a décidé qu'on ne voudrait plus être
dominé, être colonisé, être minorisé,
là, les problèmes ont commencé à se poser. Dans un
pays où il y a deux nations, deux peuples, deux groupes, etc., oui, cela
coexiste, pourvu qu'il y en ait un qui domine. Et ici, au Québec, cela
peut coexister, mais il faut que ce soient les Québécois
francophones qui dominent. Renverser la situation de domination
étrangère, d'occupation culturelle des conquérants de
1760, c'est cela qu'il faut faire.
M. Saint-Germain: Malheureusement, cela ne répond pas
à ma question.
M. Barbeau: Vous demandez si c'est possible que deux cohabitent,
deux nations, deux groupes, oui, c'est possible. C'est possible, cela fait 200
ans qu'on l'a, mais on veut renverser cela. On veut que cela continue à
exister, les deux groupes, mais que ce soit nous qui soyons les
maîtres.
M. Saint-Germain: M. le Président, on doit tout de
même constater, dans l'univers, que les pays bilingues ou trilingues ou
qui ont, dans leur sein, plusieurs groupes...
M. Barbeau: Avec un qui domine.
M. Saint-Germain: ...de cultures diverses.
M. Barbeau: Une qui domine.
M. Saint-Germain: C'est même la majorité des
pays.
M. Barbeau: Non, là vous êtes dans les pata-tes.
M. Saint-Germain: Non, je ne bats pas en retraite. Si on avait le
temps d'énumérer les pays à l'intérieur desquels
vivent plusieurs cultures, on en aurait plusieurs à
énumérer, croyez-moi. Si dans l'univers on appliquait vos
théories et votre façon draconienne d'imposer la force du nombre,
du groupe, ne croyez-vous pas qu'on pourrait créer des situations
terribles?
M. Barbeau: Aux Etats-Unis la situation draconienne est la
même. Si vous entrez aux Etats-Unis aujourd'hui, monsieur, il faut que
vous parliez anglais, il faut que vous soyez dominé par la
majorité anglophone. Alors, la situation draconienne, elle est mondiale
et celle que nous appelons ici, non pas dacronienne mais législative,
elle ne ferait que normaliser une situation coercitive anglo-saxonne dans notre
pays. Il s'agirait de rétablir une situation normalisant la puissance de
l'Etat du Québec. Alors, vous me dites que c'est une situation
draconienne. Quand vous allez en Pologne, si vous voulez immigrer en Pologne
pour une raison ou pour une autre, il va falloir que vous vous insériez
dans cette civilisation draconienne. C'est vous qui le dites draconienne.
M. Saint-Germain: Ecoutez, l'histoire des Etats-Unis et
l'histoire du Québec sont tout à fait différentes. Il y a
des...
M. Barbeau: Oui, nous sommes une colonie, c'est très
différent.
M. Saint-Germain: C'est absolument différent. Si je m'en
vais demeurer aux Etats-Unis, j'arrive comme immigré, j'ai toujours le
privilège de refuser d'y aller, ou d'y aller.
M. Barbeau: C'est cela. M. Saint-Germain: Mais si...
M. Barbeau: C'est ce qu'on donne aux anglophones, le choix de
rester au Québec ou d'en sortir.
M. Saint-Germain: Si je décide d'aller aux Etats-Unis, il
faut bien que j'accepte "the law of the land".
M. Barbeau: Si je rentre au Québec, quand je suis
immigrant, j'accepte de devenir français.
M. Saint-Germain: S'il vous plaît, M. le
Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît. Il faudrait, M. l'intervenant, M. Barbeau et le
député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît...
M. Saint-Germain: II y a tout de même...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Oui. Je n'ai rien fait, moi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
demande à M. Barbeau de laisser terminer M. le député de
Jacques-Cartier et je demande la même chose au député de
Jacques-Cartier lorsque M. Barbeau répond. Le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Alors, je disais, pour les Etats-Unis, je pense
que vous m'avez bien compris, mais il y a une situation différente ici.
Quelles qu'en soient les raisons, il y a tout de même ici des familles
anglo-saxonnes qui sont établies au Québec depuis des
générations; même si vous n'admettez pas l'histoire de 200
ans passés, c'est une question de fait. Ces gens sont établis au
Québec aujourd'hui, on ne peut certainement pas les considérer
comme immigrés. On ne peut certainement pas les rendre responsables,
pas plus que j'aimerais être responsable de tous mes aïeux,
parce que peut-être que cela m'inquiéterait un peu. C'est une
question de fait, ces gens sont ici.
M. Barbeau: Ce qu'il y a de drôle dans votre affaire, c'est
que cela fait deux siècles que les anglophones sont ici et ils n'ont pas
encore appris à parler français. Les méthodes incitatives
montrent leur échec là. C'est pour cela qu'il faut en finir avec
ces techniques d'incitation. Cela fait deux siècles qu'on leur demande
de parler français, de nous respecter, de s'intégrer à
nous ou pas, mais au moins de respecter la culture. Ils ne l'ont jamais fait.
Là, ils commencent à avoir peur et ils nous font des discours
d'amitié, de grande compréhension, des discours de toutes sortes.
On n'accepte plus des discours, on veut seulement des faits.
M. Saint-Germain: M. le Président, j'aimerais bien, si
vous voulez bien, M. Chaput, me laisser terminer...
M. Barbeau: M. Chaput, c'est mon collègue.
M. Saint-Germain: Alors, M. Barbeau. Malheureusement, je vous
rencontre l'un et l'autre pour la première fois, alors il ne faut pas
m'en vouloir.
M. Barbeau: C'est votre malheur, vous n'êtes pas
renseigné.
M. Saint-Germain: Je disais que ces gens qui sont établis
au Québec devraient tout de même, à titre d'êtres
humains, avoir des droits, quelle que soit leur faiblesse comme vous le dites.
Je ne crois pas que tous les anglophones du Québec et même les
unilingues de langue anglaise au Québec soient des fanatiques. Je crois
qu'ils ont, à titre d'êtres humains, un droit strict à se
sentir ici chez eux au Québec. Vous n'avez jamais pensé qu'il
pourrait exister des lois ou des usages ou des directions qui pourraient
permettre aux deux groupes, les francophones et les anglophones, de se
développer dans le respect mutuel et dans l'harmonie?
M. Chaput: Je crois comprendre une différence fondamentale
entre votre approche et la nôtre. C'est que vous, vous considérez
les anglophones comme faisant partie du peuple fondateur du Canada, d'un des
deux peuples fondateurs du Canada. C'est faux. Vous allez démentir
ça, vous allez dire: Non, c'est faux. C'est moi qui ai raison et c'est
nous qui avons raison. Les Anglais sont des occupants du Québec qui, il
y a deux siècles, qu'on le veuille ou non, par la force des armes,
c'étaient les terroristes du temps, sont arrivés de l'autre
côté de la rue et se sont emparés du Canada. La partie
peuplée du Canada dans le temps, c'était le Québec. Ce
sont des occupants de mon pays, exactement comme Hitler a été,
pendant quatre ans, cinq ans, un occupant de la France. Il n'y a pas de
différence, sauf que, dans un cas, ç'a été quatre
ans et, dans l'autre, ç'a été deux siècles.
M. Saint-Germain: Bien oui, mais il faut tout de
même...
M. Chaput: C'est aussi simple que ça et il est temps qu'on
s'en rende compte.
M. Saint-Germain: II faut tout de même admettre qu'on fait
de l'histoire, mais puisqu'on semble vouloir en faire...
M. Chaput: II faut en faire de l'histoire.
M. Saint-Germain: Je ne suis pas un spécialiste. La
motivation des gens de race blanche, des Occidentaux, si vous voulez, qu'ils
soient Anglais, Français, protestants, catholiques, est-ce que vous
croyez réellement que leur motivation à venir s'établir en
terre d'Amérique, était plus valable chez l'une que chez l'autre,
et croyez-vous que cela s'est fait dans la prière, avec des chemins de
croix, rétablissement des blancs ici au Québec comme dans le
reste de l'Amérique du Nord? On a fusillé et démoli des
millions de gens qui habitaient peut-être ici, des Indiens. Cela, ce sont
des faits. Si vous voulez réellement revenir à l'histoire, sur
une autre base philosophique, il faudrait peut-être laisser les Indiens
occuper le pays, et nous, nous soumettre aux Indiens.
Ce dont je veux parler, tout simplement, ce sont les motivations qui ont
amené les blancs à s'établir en Amérique du Nord.
Elles n'étaient pas plus valables chez les uns que les autres, elles
étaient aussi égoïstes, on l'a fait par intérêt
personnel, ça me semble être absolument évident, d'autant
plus que, dans le temps, la démocratie était inexistante,
c'était la royauté, ce n'étaient pas les peuples qui
décidaient. C'était la royauté, le peuple suivait,
l'armée suivait.
Aujourd'hui, après l'établissement de ces peuples
occidentaux en Amérique du Nord, voilà que les Anglo-Saxons et
nous, nous sommes obligés de vivre ensemble. C'est un héritage
que l'histoire nous a laissé. Mais est-ce qu'il faut, sur le même
plan, toujours s'entretuer et toujours revenir en arrière?
M. Barbeau: Permettez, M. le député. Je crois qu'il
faut bien prendre le pouls de la situation au Québec à l'heure
actuelle. Il n'y a personne qui veut vraiment détruire les anglophones
au Québec, il faut bien se mettre ça dans la tête. Ce qu'on
ne veut plus, c'est que ce soient les anglophones qui soient nos maîtres
au Québec. Nous voulons des citoyens anglophones et de toutes les autres
langues; ça ne change rien, il y a au moins 50 types de
Québécois de langue différente. Nous sommes vraiment une
mosaïque québécoise et nous voulons que les Chinois, dans
leur région, dans leurs familles, dans leurs milieux, que les Italiens
et tous les autres puissent avoir leur culture, leur langue, y compris les
Amérindiens, y compris tous ces gens.
C'est pour ça qu'on dit: La question de la langue
française au Québec, de l'unilinguisme, du monolinguisme, la
législation de la langue du gouvernement présent, c'est d'abord
un problème politique. Pourquoi? Parce que ce sont les
Québé-
cois qui se réveillent et qui se disent: Nous ne voulons pas
être à la merci des possédants, à la merci des
anglophones, à la merci des gens qui dominent le Québec. Nous
voulons renverser la situation, de telle sorte que, quand la situation sera
renversée, quand la république sera rétablie, il n'y aura
plus de querelles, parce qu'on aura rétabli une situation normale, parce
qu'on ne sera plus en danger, parce qu'on aura les pouvoirs politiques, les
pouvoirs culturels, les pouvoirs économiques, les pouvoirs
financiers.
Je vois des anglophones qui s'opposent au projet de réforme de la
langue actuellement au Québec. J'en connais beaucoup d'anglophones, qui
ne comprennent pas la situation, et même de francophones qui ne
comprennent pas tellement. Le jour où la république du
Québec va être déclarée je crois qu'elle va
l'être très prochainement ce jour-là, les
anglophones, qui sont très hommes d'affaires et qui, en même
temps, comprennent les situations et qui peuvent s'acclimater et rester au
Québec, je crois que ces gens vont avoir désormais la conviction
que les Québécois sont devenus invincibles, qu'on ne pourra plus
les avoir. On va alors remonter dans leur estime et ils vont vouloir devenir
Québécois, pas parce qu'on va les persécuter, mais parce
qu'on aura cessé d'être des colonisés, d'être des
faibles, d'être des incapables.
Les anglophones, je les admire, parce qu'ils ont réussi, d'une
part, à sortir les Normands francophones de l'Angleterre et les
séparatistes anglais ont sorti les francophones de l'Angleterre par une
décision gouvernementale. Je les admire parce que ce sont des hommes
d'affaires; je souhaite qu'ils se trouvent des motivations culturelles pour
garder le Canada uni et ils sont capables de le faire. Je souhaite aussi qu'ils
deviennent minoritaires et qu'ils n'aient pas plus de pouvoirs
économiques que ce que leur nombre leur permet dans le Québec. Si
cela est fait, nous allons pouvoir chanter, dans la grande fraternité de
toutes les ethnies québécoises, la libération du
Québec, avec les anglophones.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Jacques-Cartier, le temps de l'Opposition officielle
est maintenant expiré. Il reste trois minutes au parti
ministériel. M. le député de Deux-Montagnes. Ce sera la
dernière intervention.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne voudrais pas
que mes quelques remarques, forcément brèves, soient comme la
moutarde après le dessert. Je parle de dessert parce que, de toute
évidence, la clarté et la vigueur d'expression de nos deux
témoins ont stimulé tous les membres de la commission et aussi
l'auditoire, comme le président lui-même nous l'a signalé,
mais je parle aussi de moutarde parce que, bien que nos témoins nous
aient présenté des recommandations qui contiennent des avis
très sages, comme le ministre l'a indiqué, bien que nous soyons
d'accord avec plusieurs des idées qu'ils ont exprimées, ils me
paraissent avoir tiré de ces idées certains prolongements
où nous ne pouvons pas les suivre.
M. Barbeau vient d'apporter à cet égard quelques
précisions utiles, puisque ses derniers propos se rapprochent assez de
ce que je conçois quant à moi, et c'est d'ailleurs fondé
sur le livre blanc sur le français langue officielle du Québec,
une conception du Québec comme étant une société
française, mais, en même temps, une société
multiculturelle. Le mot de domination a été employé. C'est
un mot qui ne me paraît pas convenir au genre de situation qui doit
exister au Québec, que nous ayons été dominés dans
le passé, cela ne peut guère se mettre en doute, mais il est
absolument clair que ce que le gouvernement veut faire vis-à-vis de tous
les groupes québécois, c'est d'assurer l'entièreté,
la plus parfaite égalité de tous les droits, en sorte que tous
les citoyens du Québec soient citoyens à part entière.
Nous reconnaissons la place particulière, comme cela a
déjà été dit, de la collectivité anglophone
du Québec. Il n'est absolument pas question de chercher à la
dominer.
Je voudrais dire un mot, très rapidement, à propos du
père Georges-Henri Lévesque, non pas que ce soit
particulièrement important en fonction de toutes ces grandes
idées, mais tout simplement parce que cela a été jadis un
ami à moi, un maître à moi, et que je ne veux pas que vos
propos fassent oublier l'oeuvre que le père Lévesque a accomplie,
particulièrement lorsqu'il a mis sur pied, malgré de grandes
difficultés, la faculté de sciences sociales de
l'université Laval.
Pour terminer, M. le Président, je voudrais déclarer
combien je suis d'accord avec une bonne partie des affirmations de M. Barbeau
à propos du bilinguisme. Il est exact, M. Barbeau, qu'un bilingue, cela
n'existe pas. Vous n'avez cependant pas noté que, dans une
société institutionnellement bilingue, ce qu'on observe souvent,
c'est la présence d'un grand nombre d'allingues. Je pense que vous
reconnaîtrez vous-même ce phénomène qui est au coeur
de nos problèmes. Le Québec que nous voulons voir
s'épanouir, c'est un Québec qui soit, en quelque sorte, une
fenêtre sur le monde.
Je crois que vous avez eu raison, M. Barbeau, de nous rappeler
l'importance, si l'on veut créer ce genre de société, voir
s'instaurer ce genre de société, l'importance, pour chacun, de
posséder sa langue. C'est absolument essentiel. Là-dessus, il y a
certains prolongements de votre pensée où je ne peux pas
nécessairement vous suivre lorsque vous parlez de cerveaux
français. Vous savez que ce sont des questions très
discutées chez les linguistes, les experts en ces matières.
Je reconnais l'importance de la langue quant à la culture, mais
je n'irais pas jusqu'à prétendre qu'un cerveau même puisse
être proprement français.
Enfin, M. Barbeau, je veux vous remercier d'avoir affirmé avec
force, d'avoir démontré peut-être que la
démonstration n'était pas complète, mais pendant le temps
qui vous était imparti c'eût été impossible
d'avoir démontré que l'Etat du Québec n'a pas à
s'excuser de vouloir faire en sorte que le français prime à
l'intérieur de cette société multiculturelle et, dans
les
faits, tous les citoyens seront égaux dans cette vie
principalement française.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Merci, MM. Barbeau et Chaput. Nous
allons passer au dernier témoin de cette journée. J'inviterais M.
G. Brosseau, mémoire no 25, à se présenter à cette
table.
M. Brosseau, vous avez vingt minutes, au maximum. Je vous prierais de
vous identifier aux fins de la commission et du journal des Débats.
M. Gérard Brosseau
M. Brosseau (Gérard): Mon nom est Brosseau, prénom,
Gérard. Je demeure à Saint-Jean, région du
Haut-Richelieu.
M. le Président, distingués membres de la commission
parlementaire, je sens de mon devoir tout d'abord de dire que je suis tout
à fait d'accord sur ce que MM. Barbeau et Chaput ont dit. Ce sont mes
camarades de combat, depuis les premières heures, et j'endosse sans
vergogne tout ce qu'ils vous ont dit.
Par ailleurs, je vais essayer d'être non pas un théoricien
aussi habile que le sont MM. Barbeau et Chaput, mais un technicien, parce que
je veux passer aux actes. Ce qui nous concerne présentement, M. le
Président, c'est le projet de loi no 1. Mon mémoire, lequel
s'énonce en cinq points, est relativement court, mais ma conviction est
profonde et ma détermination inébranlable.
Il pourrait peut-être vous venir à l'idée, M. le
Président, de n'accorder au présent mémoire que
l'importance qu'il pourrait avoir, c'est-à-dire celle de ne
représenter l'opinion que d'une seule personne, mais ne tombez pas
là-dedans.
Mon humble opinion représente celle d'un nombre sans cesse
croissant...
Le Président (M. Cardinal): J'ai entendu d'autres
personnes à titre individuel. Je vais vous indiquer que, comme tous les
autres, vous avez vingt minutes. Veuillez ne pas m'imputer d'intentions.
M. Brosseau: Merci. Je vais vous dire que mon opinion
représente celle d'un nombre croissant de citoyens du Québec dans
la région du Haut-Richelieu et dans mon comté de Saint-Jean.
En tant que militant actif du mouvement indépendantiste
québécois, depuis les premières heures du mouvement, soit
depuis 1957-1958, et extrêmement préoccupé par la question
linguistique, je suis d'accord sur au moins, M. le ministre Lau-rin, ce que le
projet de loi contient. Je veux vous dire que je suis d'accord et que je suis
tout à fait avec vous. Je suis persuadé que la majorité de
la population francophone du Québec est avec vous. Je crois que ces
mémoires sur la question linguistique, plus ils seront longs je
parie que quelques-uns l'ont constaté à venir jusqu'à
maintenant moins ils risqueront d'en dire long et plus ils risqueront
d'induire en erreur notre peuple québécois qui a une très
grande soif de sécurité culturelle. Notre peuple
québécois, consciemment ou inconsciemment, veut régler la
question linguistique.
Le gouvernement, à mon avis, M. le Président, ne doit pas
reculer d'un centimètre. Je ne discuterai pas, pour ma part, de la
question linguistique par rapport à la pédagogie. Je n'appartiens
pas au monde de l'enseignement.
Je veux discuter de la question linguistique dans son cadre politique,
dans ses implications politiques, car le problème au Québec est
politique. Je demande au gouvernement de ne pas reculer d'un centimètre
nous en sommes au système métrique maintenant, aussi bien
s'y faire tout de suite. Tout recul, et je tiens à souligner cela, M. le
ministre Laurin, le moindrement sérieux sur la question linguistique se
retournera contre vous, contre le gouvernement, vous verrez, ou plutôt,
vous ne verrez pas, parce que j'espère que vous ne reculerez pas.
Le projet de loi no 1 comporte un seul danger, mais il est de taille.
C'est celui de ne pas aller assez loin, j'en suis absolument convaincu. Le
projet de loi no 1 ne va pas assez loin. Le projet de loi devrait absolument
prévoir c'est une partie essentielle de mon mémoire, qui
est court, mais qui veut en dire long l'abolition du réseau
d'enseignement public anglophone du Québec et donc prévoir
l'instauration d'un seul et même grand réseau d'enseignement
public devant être francophone quant à la langue,
évidemment, de l'élémentaire à l'université,
avec enseignement efficace d'une ou de deux langues étrangères,
dont l'anglais, évidemment, et neutre quant à la
confes-sionnalité.
Je veux vous dire entre parenthèses, au sujet de la
confessionnalité, chose sur laquelle je ne m'attarderai pas longtemps,
que je suis moi-même un chrétien et un catholique romain
pratiquant et je veux l'être toute ma vie. Mais j'ai la conviction que la
confessionnalité n'a pas sa place en tant que telle dans un
réseau d'enseignement public et national, absolument pas. Que
diriez-vous, messieurs, madame, d'un ministère de la Voirie catholique?
Est-ce que ce ne serait pas ridicule? D'un ministère de la Justice
protestant? D'un ministère de l'Agriculture juif? Est-ce que ce ne
serait pas hautement stupide? Je crois que c'est presque aussi stupide
maintenant de parler de la confessionnalité officielle. J'ai la
conviction que la confessionnalité n'a pas sa place en tant que telle
dans le réseau d'enseignement public et national. Des cours de religion
pourraient être dispensés à ceux qui en feraient la
demande. J'en suis absolument sûr, et j'en fais le pari devant vous tous
ce soir, le temps va passer, six mois, un an, deux ans, et je vous parie
à vous tous qui m'entendez qu'à l'usage, le gouvernement va se
rendre compte de l'insuffisance de sa loi. Au chapitre de l'enseignement, il
devra inévitablement, tôt ou tard, abolir le réseau
anglophone, d'une part, et la confessionnalité institutionnelle, d'autre
part.
Je préviens M. le député de Jacques-Cartier de ne
pas me traiter de raciste, parce que je suis armé et je l'attends, pas
armé d'un revolver, mais j'ai de quoi me défendre. Alors, qu'il
prenne garde de me traiter de raciste, comme il a fait à un autre
aujourd'hui.
Mme Lavoie-Roux: II est parti. M. Brosseau: II est parti?
Bon débarras. Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas gentil. M.
Brosseau: Une minorité, par définition.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Oui, M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Je ne voudrais pas être désagréable
à l'endroit de nos invités. Je pense que les membres de la
commission jusqu'à maintenant ont voulu être assez délicats
à l'endroit de nos invités. S'il y a eu quelques écarts de
langage à certaines occasions, cela ne donne pas droit aux
invités de porter des jugements sur les députés qui sont
ici. Je regrette, M. le Président, mais je vous demanderais de rappeler
le témoin à l'ordre.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud, est-ce que nos micros fonctionnent toujours? Je demanderais
justement au témoin, après cette journée qui a
été, entre toutes celles que nous avons connues, relativement
calme, de continuer sur le même ton. Nous étudions un projet de
loi important. Que ce soit terminé ou pas, telle n'est pas la question.
Je rappellerais le témoin à l'ordre très poliment pour lui
demander de ne pas attaquer les membres de la commission.
M. Brosseau: Vous admettrez que c'est difficile.
Le Président (M. Cardinal): M. Brosseau, vous admettrez
que ma tâche n'est pas plus facile. Alors, sur ce, je vous remets la
parole.
M. Brosseau: Une minorité cela, je vais appuyer
bien fort là-dessus par définition je mets
quiconque au défi de me prouver le contraire une
minorité... Moi, je pense, M. le Président, qu'il faut que nous
cessions de rêver, n'est-ce pas, au Québec, et que nous fassions
justement comme le Canada anglais fait, comme les Etats-Unis font, comme
l'Allemagne fait, comme la France, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la
Grande-Bretagne, la Russie, tous les pays normaux font; ils assimilent leur
minorité.. Une minorité, par définition, est vouée
à l'assimilation. C'est aussi simple que cela. Pourquoi nous raconter
des histoires? Pourquoi nous faire croire l'impossible? Pourquoi nous faire
croire ce qui est faux? Pourquoi la duperie? Pourquoi l'hypocrisie? Une
minorité, par définition, est vouée à
l'assimilation. C'est aussi simple que ça.
La minorité anglophone du Québec, par exemple, devra
s'assimiler à la majorité francophone, tout comme les
francophones des autres provinces s'assimilent à vue d'oeil, à la
majorité anglophone. La même chose... Moi, je pense que ça
prend des cinglés, à Maillardville, pour essayer de se battre
comme des chiens pour conserver la langue française à
Maillardville, alors que la langue française à Maillardville, M.
le Président, n'est bonne qu'à leur nuire. Il faut être
malade pour tenter de conserver la langue française et d'essayer d'avoir
une institution française d'enseignement à Windsor. C'est
complètement ridicule. C'est dans la logique des choses, l'assimilation.
C'est dans la logique des choses, et c'est ainsi dans tous les pays du monde
qui ont la moindre importance réelle. Il n'y a pas de nation... Nous
voulons faire la nation, messieurs les députés du Parti
québécois, dont je suis membre, vous voulez faire la nation. Il
n'y en a pas un parmi vous qui n'avez pas mentionné le mot "nation", pas
un seul. Vous avez tous parlé de la nation...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Vous en avez...
Le Président (M. Cardinal): MM. les députés
de Marguerite-Bourgeoys et de Papineau, je vous prierais... A l'ordre! Un
instant! Je vous prierais, auparavant, messieurs les membres de la commission,
de suivre les directives que j'ai données au témoin. M. le
député... Je m'excuse...
Mme Lavoie-Roux: De Joliette-Montcalm.
Le Président (M. Cardinal): ... de Joliette-Montcalm, vous
avez une question de règlement?
M. Chevrette: Oui, j'en ai une.
Le Président (M. Cardinal): Allez-y!
M. Chevrette: Peu importe l'allégeance politique d'un
témoin, des niaiseries, moi, en face, je n'en endurerai pas. C'est un
appel au règlement, c'est une question de comportement. On demande
à la salle de ne même pas rire. On leur demande d'avoir des rires
internes, comme a dit si bien votre prédécesseur. Les sarcasmes
de l'Opposition officielle, on peut s'en passer aussi, surtout quand ils sont
verbaux.
Mme Lavoie-Roux: Quel article?
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Sur la question de règlement, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais que vous me
rendiez jugement sur la question de règlement, quel article nous
empêche d'avoir des remarques dans l'ordre, remarquez, M. le
Président?
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Lalonde: On a quand même été très
docile aujourd'hui.
Le Président (M. Cardinal): Depuis huit jours que l'on
invoque le règlement, que l'on demande des directives, je soulignerai
aux membres de la commission qu'il ne s'agit pas d'invoquer un article en
particulier. Notre règlement possède une économie
particulière, et j'ai déjà mentionné, la semaine
dernière, qu'il est normal que des représentants de partis
politiques puissent s'attaquer, dans cette commission, pourvu qu'ils suivent
je vais citer l'article l'article 140 et qu'ils s'en tiennent au
sujet du débat.
Cela étant dit, j'aimerais et c'est purement un voeu de la part
du président, que justement, au-delà des traits que l'on se
lance, qu'on laisse la parole à ceux à qui le président
l'a accordée et ceci, tout simplement, M. Brosseau.
M. Brosseau: Merci, M. le Président. Je disais donc qu'il
n'y a pas de nation sans assimilation et prouvez-moi le contraire.
Quand Lord Durham est venu ici, il a dit ça: There is no nation
without assimilation. Et bien, moi aussi, j'en suis un Lord Durham, moi, mais
je prends partie pour mon peuple. Je prends partie pour nous. Il n'y a pas de
nation sans assimilation. Il faut assimiler les anglophones du Québec
par la loi. Sinon, et là, je pèse mes mots je ne crois pas
que j'exagère si nos gouvernements, qui se succèdent
à Québec depuis 1867, continuent de trahir la nation
québécoise en ne prenant pas les mesures pour assimiler,
intégrer les anglophones du Québec graduellement, eh bien, c'est
la guerre civile qui attend nos enfants et nos petits enfants.
M. le Président, j'entre dans le vif du sujet à propos de
ce que devrait être le projet de loi no 1. Le projet de loi no 1, M. le
ministre, que j'approuve pour ce qu'il vaut, je pense que c'est un incroyable
tripotage que le projet de loi no 1 ait 175 articles. Vous vous rendez compte?
175 ou 177 articles pour dire une chose: Au Québec, c'est en
français. Cela prend 177 articles pour dire cela? J'appelle cela un
tripotage tragique, qui est bien à la mesure de notre peuple. Je
soutiens que la loi no 1 ne devrait comporter qu'un seul article, un seul, et
qui devrait être ainsi rédigé: "Le gouvernement du
Québec... je dis ainsi rédigé; peut-être
pourrait-il être corrigé, mais, pour l'essentiel, il devrait
comporter les mots suivants, un seul article " ... par les
présentes, abroge unilatéralement l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique (British North America Act) et fait de la
langue française la seule langue officielle, nationale et territoriale
de l'Etat québécois sur toute l'étendue de son territoire
et dans toutes les sphères de l'activité nationale." Qu'est-ce
que vous voulez de plus? Cela voudrait tout dire. Suivraient
nécessairement, bien sûr, les règlements,
c'est-à-dire la description des limites de temps qu'exige,
évidemment, le sens commun pour l'application de la loi dans chacune des
sphères d'activité. Ces limites de temps devraient être les
plus courtes possible et ne jamais, à tout événement,
dépasser la période de trois ans. Et viendraient, enfin, les
sanctions devant s'appliquer aux contrevenants.
Je demande en définitive au gouvernement de ne pas se laisser
intimider. Ce que je demande au ministre Laurin, c'est de ne pas se laisser
intimider, ni par les chambres de commerce pas toutes les chambres de
commerce, mais il y en a qui nous trahissent lamentablement ni par ces
hypocrites parmi les Anglos du Québec que nous n'avons pas eu la sagesse
d'assimiler. C'est notre faute. Nous n'avons pas eu la sagesse d'assimiler
notre minorité. Aujourd'hui, elle nous bondit dans la face. C'est
normal. Je vous demande, M. le ministre, de ne pas vous laisser intimider par
les immigrants italiens ou autres, et je vous demande surtout, M. le ministre,
de ne pas vous laisser intimider par cet imposteur, par cet ennemi, ou
plutôt par cet allié des nationalismes anglo-saxons, mais ennemi
du nôtre, par cette peste anglicisatrice qu'est Claude Ryan, du
Devoir.
M. le Président, j'écoute.
Le Président (M. Cardinal): Oui. Le ministre d'Etat du
développement culturel.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier M. Brosseau pour son opinion
et son témoignage. A l'entendre s'exprimer, on se rend compte que ses
convictions sont en effet très profondes et que ce n'est pas l'opinion
de quiconque qui pourrait le faire changer d'avis sur les points sur lesquels
il vient de s'exprimer.
Dans son mémoire, il demande au gouvernement d'abolir le
réseau d'enseignement public anglophone du Québec et de le
remplacer par un seul et même système d'enseignement public
francophone.
Le gouvernement a opté pour une solution différente, qui
est celle du maintien du système scolaire anglophone et, dans son livre
blanc, il a donné toutes les raisons qui justifiaient cette prise de
position, alors que M. Brosseau préfère plutôt affirmer
sans donner beaucoup de preuves, dans son mémoire, qu'il faut abolir le
système d'enseignement anglophone.
M. Brosseau, aussi, demande au gouvernement de convaincre les
anglophones de se laisser assimiler puisque c'est le sort qui attend toutes les
minorités. Là aussi le gouvernement n'est pas d'accord avec la
solution proposée. Il en préfère une autre sur laquelle il
s'est longuement expliqué et qui nous paraît plus humaine, plus
normale également, plus respectueuse d'autrui, c'est celle de
l'intégration en vertu de laquelle les minorités reconnaissent
une langue officielle, consentent à la parler et surtout consentent
à participer à l'édification d'une société
où les apports, aussi bien de la majorité que des divers groupes
ethniques, sont valorisés en vue d'en arriver à l'instauration
d'une culture québécoise. Là aussi, nous avons
donné, dans le livre blanc, toutes les raisons qui nous avaient fait
pencher pour cette solution plutôt que pour une autre. Mais encore une
fois, je ne crois pas, car je sais que M. Brosseau a lu le livre blanc, qu'un
échange entre nous pourrait l'amener à renoncer à ses
convictions sur ces deux points et c'est la raison pour laquelle, M. le
Président, je n'ai pas de question à poser au témoin.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il n'y a pas de question
de la part de l'Opposition officielle.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je n'ai pas de question de la
part de l'Union Nationale.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Moi, j'aurais une petite question, M. le
Président, si on me permet. Puisque M. Brosseau nous dit qu'il faut
sauver la culture au Québec et d'un autre côté il propose
l'abolition de la confes-sionnalité dans les écoles, j'aimerais
qu'il explique aux membres de la commission, qu'est-ce que la culture
québécoise?
M. Brosseau: Vous parlez de la confessionnalité et
là vous sautez à la culture.
M. Roy: Mais la culture, je parle de la culture. La culture
québécoise, parce que vous parlez, à un moment
donné, d'abandonner la confessionnalité dans les écoles et
on sait que la confessionnalité au Québec, depuis le tout
début de son histoire, il faut regarder l'histoire de nos paroisses,
l'histoire de nos villes, l'histoire de nos patriotes pour savoir combien de
chaudes luttes ont été menées à ce niveau. Vous
préconisez aujourd'hui l'abolition de la confessionnalité dans
les écoles. Alors, qu'est-ce que vous voulez sauver? La langue
seulement?
M. Brosseau: Vous apprendrez, M. Roy, qu'il faut sauver, d'une
part, la langue française au Québec, quant à sauver les
âmes, j'en suis, mais c'est drôle, j'ai tendance à laisser
cela au pape, aux évêques, aux pères des communautés
religieuses et tout cela. Chaque chose à sa place.
M. Roy: Ce n'est pas de cela que je parle. Le système
d'éducation et la formation des jeunes, la formation de ceux qui demain
prendront notre place. Cela a toujours fait partie de notre culture et vous
préconisez son abolition. Je ne parle pas du pape, je ne parle pas des
évêques.
M. Brosseau: Bien.
M. Roy: II va rester quoi dans notre culture? En somme la culture
québécoise qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que c'est, selon vous,
notre culture? Est-ce que cela se limite uniquement à une langue
parlée?
M. Brosseau: M. Roy, vous ne me ferez pas choisir entre la langue
et la morale. Je veux les deux, mais je veux que chaque chose soit à sa
place. Au début de la colonie ce sont des religieux qui nous ont
enseigné, forcément l'école était confessionnelle,
par la force des choses et j'admets que c'est probablement grâce à
eux, c'est fort probablement grâce à eux que nous avons
survécu comme peuple, mais attention, depuis une cinquantaine
d'années, la confessionnalité à l'école a
été tout ce qu'il y a de plus néfaste pour le peuple qu'on
appelait le peuple canadien-français. Parce qu'un petit Untel qui venait
de Turquie ou qui venait du Japon ou qui venait de l'Amérique du Sud ou
de l'Europe ou d'ailleurs, parce qu'il n'était pas catholique romain,
fut-il même francophone, très souvent francophone, parce qu'il
n'était pas catholique, il n'était pas accepté dans notre
réseau d'enseignement public, ce qui a failli nous assassiner comme
peuple.
J'en ai assez de ça, assez de cette folie, de ce génocide
volontaire, de cette mentalité suicidaire qui nous caractérise.
De plus, M. Roy, je ne vous apprends rien, je suppose, en vous disant: Venez
avec moi dans les polyvalentes, partout au Québec, dans le secteur
soi-disant catholique; allez-vous me faire croire que c'est catholique? 75% des
enseignants ne pratiquent aucune espèce de religion pour commencer. Ce
n'est plus confessionnel de toute manière. Et les groupements
anglophones qui viennent ici, Montiny et toute sa maudite bande, qu'est-ce
qu'ils veulent sauver à Montréal? Ce n'est pas la religion
catholique, c'est la langue anglaise qu'ils veulent nous imposer.
Moi, j'en ai jusque là d'être assimilé par la
religion et je vous répète, M. Roy, que je ne manquerai pas la
messe le dimanche pour la terre entière, ni ma femme ni mes six enfants.
On y va tous à la messe le dimanche. Mais chaque chose en son temps.
J'ai trois garçons et trois filles, je leur inculque la morale pour
autant que c'est possible. Mais je vous apprendrai, monsieur, que chaque chose
a sa place; l'école dite catholique, l'école dite protestante,
l'école dite juive, c'est une tragédie le Québec actuel,
c'est une tragédie. Nous sommes compartimentés, c'est abominable.
Il y a l'école catholique de langue française, l'école
catholique de langue anglaise, l'école protestante de langue
française, l'école protestante de langue anglaise, l'école
juive, l'école neutre.
Il faut que nous soyons un peuple malade...
Mme Lavoie-Roux: II y a le diable aussi.
M. Brosseau: II faut que nous soyons un peuple malade et que les
gouvernements qui se sont succédé à Québec aient
été...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre...
M. Grenier: M. le Président, je pense bien que le temps du
député de Beauce-Sud et celui du témoin sont
épuisés. Cela fait au-delà de cinq minutes qu'on entend
ça.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous permettez,
M. le député de Mégantic-Compton, je donnerai deux minutes
à M. Brosseau pour poursuivre et ensuite nous verrons ce que la
commission décide.
M. Brosseau: Je demande à la commission de
réfléchir sur ça, nous sommes un peuple tragiquement
compartimenté. Montrez-moi un autre Etat qui est organisé comme
ça. C'est à cause de qui? C'est parce que nous sommes un peuple
malade, c'est parce que nous avons eu à Québec depuis 1867 des
gouvernements vicieux, stupides.
M. Grenier: A l'ordre! Allez-vous laisser dire au témoin
des choses comme ça sur les gouvernements qui ont administré le
Québec? Il est peut-être temps que cela arrête ce soir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, j'en ai entendu beaucoup d'autres depuis le
début.
M. Grenier: C'est peut-être assez, par exemple.
Le Président (M. Cardinal): Je suis prêt à en
accepter d'autres, je pense que les députés aussi en ont entendu
d'autres. Je demanderais au témoin cependant... un instant, je
demanderais au témoin cependant de porter attention aux termes qu'il
emploie.
M. le député de Beauce-Sud, sur une question de
règlement.
M. Roy: M. le Président, j'ai posé des questions au
témoin, je voulais que le témoin nous livre sa pensée,
pour qu'on sache ce qu'il pense et quelles sont ses opinions. Cela n'oblige pas
les membres de la commission à les partager. Cela ne m'oblige pas, parce
que je les ai posées, à les partager non plus mais lorsqu'on
invite quelqu'un devant la commission, qu'on les laisse s'exprimer. Je pense
que quelqu'un qui a le courage de présenter un mémoire,
même si on ne partage pas ses opinions, on devrait, les membres de la
commission, bien calmement, l'écouter. Chaque témoin portera la
conséquence des propos qu'il a tenus. Ils sont invités pour
ça.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je m'excuse, cela n'a pas
été le cas du député de Beauce-Sud, de faire partie
d'un gouvernement qui a précédé. Je ne laisserai pas dire
au témoin qu'antérieurement, il n'y a eu que des gouvernements
viciés. J'ai fait partie d'un ancien gouvernement et je n'étais
pas un membre d'un gouvernement vicié. Je m'excuse, mais je ne vous la
passe pas, celle-là.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Mégantic-Compton. M. Brosseau, vous avez environ
trente à trente-cinq secondes pour terminer. Vous jouissez
peut-être d'une certaine unanimité dans cette enceinte, mais je
vous prierais quand même de mesurer la portée de vos paroles.
M. Brosseau.
M. Brosseau: Oui, je continue de répondre à la
question de M. Roy, je ne le convertirai pas ce soir à mes opinions, je
ne le pense pas. Je demande à M. Roy...
M. Roy: M. le Président, je regrette. Il y a une coutume
ici qui veut, j'aimerais bien que le témoin et les autres le sachent,
qu'on n'ait pas le droit de se prêter d'intentions entre nous; je
n'accepterai pas qu'on me prête des intentions. Je pose des questions
à des gens qui nous disent ce qu'ils pensent, ils vont venus ici pour
nous le dire. Ce n'est pas une question de conversion ou pas. Je n'essaie pas
de convertir qui que ce soit non plus ici, sauf le ministre quand la commission
sera finie.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. Brosseau. Je vous
prierais de vous adresser soit au président, soit au ministre, soit
à la commission dans son entier.
Mme Lavoie-Roux: Allons donc!
Le Président (M. Cardinal): M. Brosseau, il vous reste un
peu de temps.
M. Brosseau: M. le Président, je continue donc de
répondre un peu à la question du député de
Beauce-Sud. Je veux lui faire remarquer qu'au Québec, nous sommes dans
une situation tout simplement anormale. En avons-nous pour encore longtemps
à avoir un réseau d'enseignement aussi compartimenté,
c'est cela que je veux qu'on remarque, un réseau tragiquement
compartimenté?
Je ne suis jamais allé dans les pays d'Europe, mais je sais ce
qui s'y passe. Il y a un seul réseau d'enseignement public, national et
neutre. En Belgique, par exemple, permettez que j'ouvre une parenthèse
ici, cela va intéresser M. Roy, j'en suis certain, et je ne lui
prête pas d'intention en disant cela, soit dit en passant; il y a, en
Belgique, paraît-il, ce qu'on appelle le pacte scolaire. En Belgique, il
y a eu toute une bataille. Il y a le secteur neutre d'enseignement et il y a le
secteur confessionnel. Savez-vous, M. Roy, ce que les statistiques
démontrent? Il y a plus de vocations à la prêtrise en
provenance du secteur neutre qu'il y en a dans le secteur confessionnel, parce
que, la, c'est voulu. C'est la relation maître-élèves. Ce
n'est pas la relation Etat. Je trouve archiridicule un réseau
d'enseignement ayant une confession institutionnalisée, un réseau
d'enseignement catholique, un réseau d'enseignement protestant, un
réseau d'enseignement neutre, francophone, anglophone. Mais il faut que
nous soyons je n'ai pas peur des mots cinglés pour endurer
plus longtemps une situation aussi absurde ici au Québec. Sommes-nous
intelligents, ici, au Québec ou si nous ne le sommes pas? Y a-t-il
possibilité de changer quelque chose à ce pays malade qu'est le
Québec?
M. Roy: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: Très brièvement, M. le Président,
et sans ouvrir de débat avec notre invité, je veux tout
simplement faire quelques brèves remarques. M. Brosseau nous a dit qu'il
fut membre du Parti québécois et je trouve symptômatique
qu'il ait utilisé l'expression "fus" plutôt que l'expression
"suis"...
M. Brosseau: Je suis, je suis. C'est clair.
M. Guay: J'aurais souhaité que vous le "fûtes."
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas gentil.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: La liberté d'expression.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Guay: C'est justement celle que j'utilise, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, la mienne.
Je pense, en effet, qu'on ne saurait partager pour ma part, j'ai
l'impression que ce sentiment est partagé par mes collègues de la
députation ministérielle l'idée qui a
été mise de l'avant, suivant laquelle le sort d'une
minorité est inévitablement d'être assimilée. Je
pense, M. le Président, qu'une société qui se veut
civilisée, et c'est précisément ce que nous cherchons
à construire ici, au Québec, une société qui
franchisse un pas dans la voie de la civilisation, je pense qu'une
société qui se veut civilisée se doit d'être
protectrice des droits de sa ou de ses minorités.
Je crois que c'est précisément ce que cherche à
atteindre le projet de loi no 1, en établissant un équilibre
entre les droits collectifs de la majorité et les droits individuels de
la minorité francophone.
Je voudrais, pour ma part, m'inscrire en faux contre les propos qui ont
été tenus, et bien préciser que, quant à moi, j'ai
le sentiment que je puisse dire quant à nous, ce Québec que nous
voulons construire ne sera construit ni sur le fanatisme, ni sur
l'intolérance.
Le Président (M. Cardinal): Mesdames, messieurs, si vous
me le permettez, quelques brèves minutes. Merci aux témoins de
cette journée, au nombre de cinq. C'est presque le nombre de
témoins de la semaine dernière tout entière. Merci aux
membres de la commission qui, d'une façon particulière, assistent
aux séances avec beaucoup d'assiduité. Merci aux
représentants des media d'information qui nous couvrent à
longueur de journée. Merci, en passant, au ministre qui s'est conduit
comme il se doit jusqu'à présent. Je n'ai pas à porter de
jugement. Merci au public aussi qui, malgré ces débats parfois
très émotifs, s'est conduit avec calme et surtout avec
intérêt.
C'est grâce à tous que nous réalisons aujourd'hui
cet exercice véritable de la démocratie et sur ce, je
déclare que la commission...
M. Roy: Avant d'ajourner, M. le Président, j'en ferais un
point de règlement...
Le Président (M. Cardinal): Oui, monsieur.
M. Roy: ... parce que vous avez oublié deux personnes.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Vous vous êtes oublié, M. le
Président, et vous avez oublié celui qui vous a remplacé
à un moment donné.
Le Président (M. Cardinal): Bien non.
M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que...
Le Président (M. Cardinal): Ne commencez pas cela. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: ... que vous pourriez indiquer l'ordre des
prochains intervenants, s'il vous plaît?
Le Président (M. Cardinal): Oui, avant l'ajournement,
j'avais l'intention de le faire.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont avait-il quelque chose à ajouter?
M. Paquette: C'était la même chose, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Demain, les organismes
convoqués seront les suivants: Association des enseignants du Sud-Ouest
du Québec, représentée par M. Pierre Roy, mémoire
no 3; South Central Protestant School Board, représenté par Mme
Reine B. Gobrecht, mémoire no 161. Je rappellerai que tous ceux qui sont
convoqués cette semaine le sont en vertu de cet avis de sept jours et
à la suite de contacts etgrâce au secrétaire de la
commission, M. Jacques Pouliot.
Demain, s'il n'y a que deux intervenants, c'est que c'est la
journée des députés, comme on le sait, et que, suite
à une directive donnée par la présidence, nous ajournons
ou suspendons, selon le cas, à midi.
M. Roy: Avant d'ajourner, M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: ... j'aimerais demander, étant donné que
les mémoires sont tous numérotés, à moins que cela
n'ait déjà été fait devant la commission, s'il y
aurait possibilité d'avoir la liste de tous les organismes qui ont fait
parvenir un mémoire et que cette liste soit remise aux membres de la
commission pour qu'ils soient en mesure juste-
ment de savoir quels sont les organismes, les individus ou les groupes
qui ont manifesté leurs intentions de se faire entendre devant la
commission parlementaire. Cela me paraît être un renseignement que
nous devrions avoir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Beauce-Sud, je ne pourrais pas fournir ce renseignement ce soir. Vous pouvez
être assuré que je ferai l'impossible pour qu'aussitôt que
possible cette liste puisse être disponible pour les membres de la
commission.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que je dois comprendre
que, désormais, seuls deux intervenants seraient invités le
mercredi?
Le Président (M. Cardinal): Non, parce que, comme je ne
suis pas le leader parlementaire et que je ne fais rien pour être pour
lui, contre lui ou de toute autre façon, je ne sais pas quel est l'ordre
du jour de l'Assemblée nationale le prochain mercredi. Nous savons que
présentement nous vivons sous le règlement général
qui accorde, le mercredi, une journée particulière aux
députés avec leur caucus, une motion comme celle qui a
été débattue, comme celle qui le sera encore demain et
que, par conséquent, je ne suis pas maître de ceci. Nous vivons le
mercredi en vertu d'un ordre de la Chambre, d'un avis du leader parlementaire
ou d'une motion votée en Chambre.
M. Lalonde: M. le Président, deuxième question. Je
crois me souvenir que vous aviez dit, à la fin de la semaine
dernière, que, désormais, il y aurait quatre invités par
jour. On en a eu cinq aujourd'hui. Est-ce que vous avez changé
d'idée ou si...
Le Président (M. Cardinal): Non, je n'ai pas changé
d'idée. Je souhaitais que ce soit quatre et je me suis permis, avec
votre consentement, de courir le risque que ce soit cinq. Nous en avons entendu
cinq et si vous voulez que j'aille plus loin, je vous préviens que, pour
jeudi, je souhaiterais que ce soit possible que nous en entendions cinq, mais
ceci sera encore à la discrétion de la commission et quant
à vendredi, s'il n'y a pas de modification dans les ordres de la
Chambre, je pense qu'il sera difficile d'en entendre plus qu'un.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: ...est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus
à l'avance les mémoires qui vont être entendus? Par
exemple, est-ce que vous pouvez nous donner les numéros des
mémoires qui vont être entendus jeudi et vendredi et, vendredi,
nous donner la liste des mémoires qui seront entendus la semaine
suivante pour qu'on ait le temps de se préparer, évidemment?
Le Président (M. Cardinal): Pour jeudi, tout ce que je
peux donner je vais très loin en le faisant c'est une
indication. L'indication pour jeudi c'est une indication, je veux le
souligner c'est qu'il y aurait la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal, mémoire 6; Denyse
Desjardins-Lepage, mémoire 169; Collectivité anglophone
d'éducation de l'Ouest du Québec, mémoire 164; Association
des démographes du Québec, mémoire 162; M. Burford Charles
Norman, mémoire 157. Au sujet de jeudi, il est possible que deux de ces
personnes ou de ces organismes soient changés d'ici la séance ou
les séances de jeudi. Quant à vendredi si vous permettez,
je termine, M. le député de Mégantic-Compton ce
serait le Congrès national des Italo-Canadiens, région de
Québec, mémoire 118. M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Bien brièvement, et je ne veux pas soulever le
débat, c'est seulement pour un renseignement. Je prends la
journée de jeudi, par exemple, et j'ai uniquement retenu les
numéros, mais je me base sur la séance d'aujourd'hui. Est-ce
qu'il y a une sélection qui est faite des mémoires qui se
ressemblent, par exemple? Est-ce qu'il y a une connotation entre les
mémoires ou si c'est tiré un peu au hasard?
Le Président (M. Cardinal): J'ai déjà
répondu à ceci, à un témoin ce matin, en disant
qu'avec la collaboration du cabinet du ministre d'Etat au développement
culturel et du secrétaire de la commission, nous tentons d'avoir un
certain équilibre entre les groupes francophones ou anglophones, entre
les groupes québécois ou canadiens et qu'il n'y a rien de
préparé dans le sens des mémoires favorables ou
défavorables. Quant à moi, personnellement, je veux souligner que
je n'ai les mémoires qu'au moment où ils sont
présentés et au fur et à mesure; je ne les ai pas devant
moi. Il n'y a donc pas de jugement de porté sur les mémoires.
Quand je vous dis que jeudi, il pourrait y avoir des changements, ce n'est
qu'en fonction des appels téléphoniques que nous ferons, puisque
tous les gens, jusqu'à vendredi prochain, ont déjà
été convoqués, en vertu du règlement qui exige un
avis de sept jours, ce que j'avais mentionné vendredi dernier. Ce n'est
donc qu'un accommodement envers les témoins et envers la commission;
rien de plus, rien de moins, sans aucune intention, même pas partisane
je n'ose même pas prononcer le mot, même si je l'ai dit
même pas favorable ou défavorable au rapport, et ne sachant
pas d'avance quel sera le scénario qui se produira. Est-ce qu'il y a
d'autres questions?
Alors, cela étant dit, merci encore une fois à tous. Cette
commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 13)