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Audition des mémoires
sur le projet de loi no 1 :
Charte de la langue française
du Québec
(Onze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs!
Je demanderais à chaque personne de bien vouloir prendre son
fauteuil et cesser les caucus ou mini-caucus. A l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous sommes au début d'une nouvelle séance de la
commission parlementaire permanente de l'éducation, des affaires
culturelles et des communications, étudiant, après la
première lecture, le projet de loi no 1, Charte de la langue
française au Québec, et le mandat de la commission est d'abord et
avant tout d'entendre des témoins. Conformément au
règlement, je fais d'abord l'appel des députés. M. Alfred
(Papineau) est remplacé par M. Gravel (Limoilou).
M. Gravel: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier), M.
Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette) est remplacé par M.
Charbonneau (Verchères); M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes).
M. de Bellefeuille: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton),
sans remplacement. M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).
M. Lalonde: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Laplante (Bourassa), M.
Laurin (Bourget), il arrive à l'instant. Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: Présente.
Le Président (M. Cardinal): M. Le Moignan
(Gaspé).
M. Le Moignan: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont), M. Roy
(Beauce-Sud).
M. Roy: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier) est remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M.
Samson (Rouyn-Noranda).
L'ordre du jour... auparavant, une très brève remarque.
Tous les témoins sont toujours convo- qués au début d'une
nouvelle séance. La commission ne peut malheureusement pas,
malgré tous les désirs que nous en aurions, donner des
rendez-vous à une heure précise. Ceux qui sont appelés
aujourd'hui, suite à la convocation faite par le secrétaire de la
commission, sont la Société nationale populaire du Québec,
le Pierrefonds Comprehensive High School. Le Pierrefonds Comprehensive High
School? le Comité de coordination de l'ensemble de la communauté
grecque de Montréal, vous serez les premiers, les Fils du Québec,
les Fils du Québec? je regrette, M. G. Brosseau.
J'appelle les premiers témoins, le Comité de coordination
de l'ensemble de la communauté grecque de Montréal. Je vous
prierais d'identifier tant votre organisme que les personnes qui le
représentent. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour exposer
votre mémoire ou le résumer.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais vous poser une question. Je sais que,
dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que vous ne pouviez pas
garantir à ceux qui se présentaient une heure précise.
Est-ce qu'il y aurait un autre moyen d'essayer ou de ne pas convoquer un
trop grand nombre de témoins dans une même journée, ou de
chercher d'autres moyens, pour qu'on sache un peu, non seulement pour la
commission, parce que, ce matin, on s'attendait à avoir certains autres
mémoires présentés. Ce serait pour le
bénéfice non seulement de la commission, mais aussi pour les
témoins qui, quelquefois, attendent une ou deux journées ici et,
malheureusement, ont été obligés de s'en retourner.
Est-ce que je pourrais vous demander s'il y aurait possibilité de
convoquer moins de témoins dans la journée et d'essayer de
trouver d'autres moyens pour qu'on sache plus précisément qui
vient et qu'on ait une meilleure idée des gens qui seront entendus?
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Mont-Royal.
A la première question, il y a déjà une
décision de prise. J'ai indiqué qu'hier matin j'ai dû
m'absenter de la commission pour tenir une réunion avec un
représentant du ministre et M. le secrétaire de la commission. A
l'avenir, il n'y a que quatre groupes qui seront convoqués par jour, au
lieu de sept. C'est déjà un grand progrès dans un sens.
Mais cela va être l'objet des travaux de la commission.
D'autre part, sur le deuxième point, tant que le règlement
est ce qu'il est, je ne puis que faire l'appel de l'ordre du jour au
début de chaque séance et, pour ceux qui ne sont pas
présents, il y a deux
possibilités, je les indique publiquement. Automatiquement, ils
ne sont plus appelés dans la journée. Normalement, ces gens vont
à la fin de la liste. Cependant, le règlement permet à la
commission d'en décider autrement. Nous aurons des décisions
à prendre pour convoquer certains témoins à des
journées particulières.
Ce que j'ai voulu indiquer au début, c'est que je ne puis jamais
fixer d'heure, puisque nous vivons en fonction d'ordres de l'Assemblée
nationale et que nous ne savons jamais si la commission ou les témoins
emploieront tout leur temps pour leur exposé. Nous savons que le temps
d'un exposé total est de 20 minutes pour le témoin et que nous
avons, en plus de cela, 70 minutes pour les questions des
députés.
Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci, M. le Président, d'avoir pris ces
dispositions, qui vont nous permettre de travailler, sinon plus rapidement,
peut-être plus efficacement.
Est-ce que vous pouvez nous assurer que des dispositions sont prises
pour que les retards qui ont été pris il y a quelques jours
soient effacés, soient repris, pour qu'on ne sente pas continuellement
une journée ou deux en arrière. Par exemple, ces messieurs de la
communauté grecque attendent depuis deux jours et il y en a d'autres qui
ont dû repartir.
Le Président (M. Cardinal): J'aimerais répondre que
tout est réglé, mais, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, avec son expérience, sait que le délai de
convocation est de sept jours. Comme les dispositions nouvelles n'ont
été prises qu'hier, il y a quand même des convocations qui
ont déjà été envoyées pour la semaine
prochaine, mais, dès que ce sera possible, conformément au
règlement, cette disposition, cette nouvelle directive, si vous voulez,
s'appliquera, et nous tenterons même de faire plus.
La commission pourrait peut-être me donner son accord. Si on
accordait je le demande bien simplement, pour aider la commission et les
témoins une certaine discrétion, non pas un chèque
en blanc, au président de façon à pouvoir convoquer
certains témoins, sachant qu'ils sont disponibles tel jour, pourvu
qu'ils soient au début de la commission, je serais disposé
à le faire, mais je ne puis pas le faire sans que la commission ne le
décide.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: ...en plus de la convocation de sept jours, j'imagine
qu'il y a un contact qui s'établit avec ces gens pour ne pas les amener
ici deux jours d'avance.
Le Président (M. Cardinal): C'est exact, nous avons
déjà informé des témoins qui devaient être
avec nous aujourd'hui que c'était inutile de venir, parce qu'il y en
avait déjà d'autres qui étaient retardés. Il y a
non seulement la convocation formelle, en plus de l'avis donné dans la
Gazette officielle, il y a des contacts quotidiens entre le secrétaire
de la commission et les personnes invitées.
M. Grenier: Est-ce qu'on pourrait savoir, seulement comme
information, pourquoi les Fils du Québec et le Pierrefonds Comprehensive
High School n'y sont pas? Est-ce qu'il y a des raisons
particulières?
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai aucune raison, je n'ai
pas reçu d'avis. Je croyais, ce matin, que le Pierrefonds Comprehensive
High School serait là. Il a répondu à l'appel hier et je
n'ai lu aucun avis à l'effet qu'il ne serait pas présent.
Quant à M. Louis-Paul Chénier, on sait que cela fait deux
fois qu'il manque à l'appel. J'ai donc appliqué le
règlement. Quant au Comité de coordination de l'ensemble de la
communauté grecque de Montréal, très patiemment, il est
avec nous depuis trois jours. Il est avec nous. Quant à l'Institut
canadien de recherches sur les pâtes et papiers, il m'a informé
qu'il devait partir. Quant aux Fils du Québec, je n'ai reçu
aucune information. Quant à M. Brosseau, je n'ai reçu aucune
information.
Une Voix: ...M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: A ce propos, est-ce que vous avez eu des
informations de la part de la Société nationale populaire?
Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas reçu
l'information directement, j'ai simplement su... C'est facile de dire
qu'officiellement, je n'ai pas été informé, mais
officieusement, je l'ai été. Actuellement, je n'ai rien. De fait,
je sais qu'hier soir elle a quitté.
Le député de Taschereau.
M. Guay: Pour en arriver à la flexibilité dont vous
avez fait état en réponse à la question du
député de Marguerite-Bourgeoys, pourriez-vous m'indiquer la
procédure et l'article du règlement qui nous permettraient d'y
donner suite, enfin, tout simplement la procédure, pas
nécessairement l'article.
Le Président (M. Cardinal): La procédure, c'est
simplement ceci; quand le témoin n'est pas là, à l'appel,
normalement, il est considéré comme étant absent et n'est
pas considéré à l'ordre du jour. D'autre part, le
règlement prévoit explicitement que la commission peut
déterminer le moment où elle l'entendra.
M. Guay: Cela doit se faire à la pièce, à ce
moment? Ou si cela peut...
Le Président (M. Cardinal): Cela peut se faire à la
pièce, sauf que j'ai demandé, si la commission était
d'accord, de me laisser une certaine latitude, de façon qu'on puisse
fonctionner.
M. Guay: Est-ce que cela prend une motion en bonne et due forme
ou si on peut...
Le Président (M. Cardinal): Je ne demanderai pas une
motion, parce qu'il faudrait la débattre.
M. Guay: Non, en fait, sans qu'il y ait de débat.
Le Président (M. Cardinal): De consentement, et s'il y a
une seule opposition, je laisse tomber.
M. Guay: Je formule le voeu en espérant qu'on a le
consentement de tout le monde, pour que le président ait plus de
flexibilité à ce point de vue.
M. Roy: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. le
député de Verchères, ensuite, M. le député
de Beauce-Sud.
M. Charbonneau: Je ferai remarquer aux collègues de la
commission qu'il est près de midi et que, selon le règlement, on
devrait ajourner à 13 heures. Dans ce cas, les témoins
d'aujourd'hui ne pourront pas jouir de plus qu'une heure.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Verchères, je vous remercie. Est-ce qu'on pourrait rapidement disposer
de ceci pour que, justement, la semaine prochaine, nous puissions
réaliser ce qui est demandé par plusieurs députés.
Le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Oui, c'est pour dire que je donne mon consentement. Je
suis d'accord avec ce que le président vient de demander. Cela me
paraît normal.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, pour aider les travaux, nous
donnons notre consentement et nous allons le maintenir tant que nous trouverons
que votre travail est efficace.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, je vous remercie.
Est-ce que ce consentement est unanime?
Une Voix: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): Le président n'en
abusera pas. S'il en abuse, vous avez des moyens pour l'en empêcher. Ceci
étant fait, j'invite nos très patients invités à
identifier leur organisme et à identifier les représentants. Je
pense que c'est le Dr Katsarkas.
Comité de coordination
de l'ensemble de la communauté
grecque de Montréal
M. Katsarkas (Athanase): M. le Président, M. le ministre,
MM. les membres de la commission parlementaire, je suis le Dr Athanase
Katsarkas. Je suis accompagné de M. Nick Papadopoulos, qui est le
président de la Fédération des parents et gardiens grecs.
Nous sommes membres du comité de coordination qui représente
toutes les associations de l'ensemble de la communauté grecque de
Montréal, signataires du mémoire que nous avons soumis devant
votre commission.
Nous voudrions tout d'abord vous remercier de nous avoir donné
l'occasion de vous présenter la pensée de l'ensemble de la
communauté grecque de Montréal concernant le projet de loi no
1.
Les Grecs, en tant que minorité au Québec, ont
été exposés à la culture et au comportement social
français et anglais. Ils sont devenus les témoins de et ont subi
les pour et les contre des deux milieux culturels. A cet égard, nous
sommes reconnaissants des occasions que l'on nous a offertes ainsi que de la
compréhension de nos problèmes dont ont fait preuve nos nouveaux
compatriotes.
En tant qu'immigrants, nous devons être pragmatiques cela,
c'est un mot grec à l'égard de la vie en
général, et nous sentons le besoin d'agir sous des contraintes
précisées quand l'action devient réellement
nécessaire.
Nous sommes fiers de notre patrimoine, y compris l'éducation de
nos familles. C'est dans ce sens que nous avons envoyé nos enfants aux
écoles protestantes où on les a acceptés proprement,
après avoir été informés qu'ils ne pouvaient pas
fréquenter les écoles catholiques françaises à
cause de leur religion grecque orthodoxe. Le législateur doit alors
garder à l'esprit, lorsqu'il déclare que l'intégration des
immigrants dans la communauté anglophone est un état de choses
contre-productif, que cela ne tient pas entièrement à des
facteurs économiques, mais aussi à certaines données
historiques importantes reliées uniquement à la
société québécoise francophone.
Dans l'esprit d'un dialogue franc et construc-tif, permettez-nous de
mentionner un autre facteur historique de la communauté francophone
québécoise. Pour des raisons bien compréhensibles et
acceptées des sociologues et historiens, le Québécois
francophone s'est montré, dans le passé, plutôt
méfiant envers les étrangers. Nous constatons donc, d'une part,
que cette méfiance traditionnelle a pu jouer un certain rôle en ce
qui concerne l'intégration des immigrants et des groupes minoritaires.
D'autre part, nous sommes convaincus que cette méfiance
disparaîtra graduellement, étant donné que les divers
processus relatifs à l'éducation accentueront et motiveront de
plus en plus l'évolution de notre société dans un esprit
ouvert et universel.
Finalement, nous voudrions souligner que, dans le contexte de notre
expérience individuelle et collective de notre pays d'origine, nous
avons constaté que les tendances d'un nationalisme ex-
trême ont souvent joué un rôle dangereux et
autocratique. Cela est un autre mot grec.
Nous nous sentons donc fort privilégiés de vivre dans
notre pays adoptif qui, sans aucun doute, dans le passé immédiat,
a respecté la communauté grecque.
Avec cette pensée générale, permettez-moi
maintenant de vous présenter officiellement notre mémoire.
Le Président (M. Cardinal): C'est le mémoire no 147
pour les membres de la commission.
M. Katsarkas: Les organisations qui ont préparé ce
mémoire représentent des citoyens canadiens qui constituent
ensemble la communauté grecque de Montréal.
Notre communauté est relativement jeune. En dehors de quelques
cas isolés, tels que les voyages de l'explorateur Joannis Phocas, plus
connu sous le nom de Juan de Fuca, qui a donné son nom au détroit
bien connu, les Grecs ont commencé à émigrer au Canada
vers la fin du 19e siècle. Aujourd'hui, nous sommes 75 000 à
Montréal.
Comme toutes les nouvelles communautés, nous avons naturellement
à faire face à de nombreux problèmes; lorsque nous avons
le choix, nous adoptons la meilleure solution possible dans le cadre du mode de
vie canadien. A cet égard, il y a lieu de noter que de nombreux
immigrants grecs ignoraient tout, à leur arrivée au
Québec, du caractère propre de la société
canadienne et des problèmes particuliers de notre province
francophone.
En ce qui concerne le projet de loi no 1, actuellement à
l'étude, nous aimerions présenter les observations suivantes.
Nous n'ignorons pas que le français est la langue maternelle de
79% de la population du Québec et il est évident que cette
population doit pouvoir vivre dans un milieu qui lui permette d'utiliser sa
langue maternelle dans toutes ses activités publiques et privées.
Il est donc normal que la langue française ait priorité sur les
autres langues et constitue la principale langue officielle du Québec.
Nous appuyons ce principe fondamental et nous sommes prêts à
contribuer fermement à la réalisation de cet objectif de nos
concitoyens francophones.
En revanche, il est indéniable que le Québec, avec une
majorité de 5 millions de francophones, fait partie d'une
Amérique du Nord où il est entouré de 240 millions
d'anglophones. De plus, les 21% restant de la population du Québec sont
constitués de Canadiens anglais et d'autres minorités dont la
langue maternelle n'est pas le français.
Etant donné cette situation particulière du Québec,
on peut conclure que tous les Québécois a) doivent
connaître la langue de la majorité afin de pouvoir participer
à toutes les activités publiques de cette province du
Québec et, b) doivent également avoir une bonne connaissance de
la langue anglaise afin de ne pas se trouver isolés du processus continu
de progrès qui caractérise l'Amérique du Nord.
D'une part, le projet de loi no 1 impose la langue française
comme seule langue officielle du Québec et, d'autre part, il entrave le
bilinguisme au lieu de le promouvoir. Comme nous l'avons dit plus haut, nous
estimons que le bilinguisme est indispensable à notre
épanouissement tant individuel que collectif. En outre, nous estimons
que les méthodes préconisées par le projet de loi pour la
promotion de la langue française sont restrictives et peu
libérales, notamment du fait que cette loi aurait
prééminence sur la Charte des droits de l'homme.
Vu les progrès impressionnants de la langue française au
cours de ces dernières années dans tous les domaines de la vie
québécoise, nous ne partageons pas le pessimisme du
législateur quant à l'avenir de la langue et de la culture
française en Amérique du Nord. De plus, étant donné
que ces progrès ont été accomplis par la persuasion dans
le cadre des réalités canadiennes, nous doutons de la
nécessité de prendre les mesures coercitives proposées
dans le projet de loi et leurs effets nous inquiètent.
Nous présentons ci-après nos observations et nos
suggestions d'amendement au projet de loi.
Langue de l'enseignement. Il est évident que certains articles du
projet de loi no 1 sont incompatibles avec la position qui est la nôtre
et que nous avons exposée plus haut, à savoir que, pour faire une
carrière fructueuse, nos enfants doivent parler également bien le
français et l'anglais. Selon le projet de loi no 1, les enfants qui
sortent d'une école anglophone doivent être bilingues (article
57). Par conséquent, les diplômés de ces écoles
seront en mesure de faire carrière aussi bien au Québec que dans
les autres parties du Canada et dans toute l'Amérique du Nord. Il n'en
est pas de même des enfants qui sortent des écoles francophones,
car la loi n'exige pas que ces enfants soient bilingues. Il est donc
évident qu'ils seront défavorisés par rapport aux enfants
qui sortent des écoles anglophones. La loi consacre ainsi l'existence de
deux catégories de citoyens qui devront demain faire face, dans le
milieu où nous vivons, à une vive concurrence avec des armes
très inégales.
Pour éviter cette injustice, nous suggérons a) qu'en ce
qui concerne la langue d'enseignement, tous les citoyens d'origine grecque
résidant légalement au Québec le jour de l'adoption de la
loi jouissent d'un libre choix et, b) que le bilinguisme soit assuré aux
enfants qui sortiront des écoles francophones.
Langue du travail, du commerce, des affaires et des communications. Nous
avons l'impression que le projet de loi no 1 est également plus
rigoureux qu'il n'est nécessaire dans ces domaines, qu'il ne
prévoit pas de délais suffisants et qu'il ne garantit pas les
conditions préalables nécessaires à notre adaptation
progressive. Il crée ainsi de multiples difficultés aux
travailleurs comme aux hommes d'affaires de notre communauté. D'une
manière plus précise, nous voudrions formuler les observations
suivantes:
a) Etant donné que le français est adopté comme
langue principale de travail, il est indispensable d'aider les travailleurs
d'origine grecque à apprendre le français aussi vite et aussi
bien que possible. L'enseignement du français, aux frais de l'Etat,
devrait se faire dans toute la mesure du possible aux heures de travail et sur
les lieux de travail, ce qui faciliterait la réalisation de l'un des
objectifs fondamentaux du projet de loi. b) Ceux d'entre nous et de nos enfants
qui sont sortis ou qui sortiront d'un établissement scolaire anglophone
et qui ne possèdent pas la connaissance suffisante du français ou
qui, pour diverses raisons, ne le parlent pas du tout, devraient recevoir une
aide sous la forme de cours intensifs de français, ce qui leur
faciliterait l'entrée sur le marché du travail. c) II faudrait
clarifier les articles du chapitre 5 (titre 1er) afin de préciser qu'en
cas de nécessité, l'emploi d'autres langues que le
français n'est pas exclu afin de mieux répondre aux besoins des
éléments non francophones de notre communauté. En
conséquence, dans les régions où il y a de nombreuses
personnes qui ne parlent aucune langue autre que celle de leur pays d'origine,
comme c'est le cas au sein de notre communauté, les services de
santé, les services sociaux et autres services gouvernementaux devraient
pouvoir être assurés dans la langue des minorités. Il
suffirait pour cela d'affecter à ces services des personnes connaissant
bien ces langues. d) En ce qui concerne la langue des tribunaux, nous estimons
que l'article 11 devrait être supprimé; en fait, les personnes
morales sont représentées par des personnes physiques. S'il
était décidé de conserver cet article, son application
devrait être limitée aux entreprises qui emploient 50 personnes ou
davantage. L'article 12 qui a trait aux avis devrait être modifié
de façon à permettre d'employer indifféremment le
français ou l'anglais. e) Pour ce qui est de l'article 17, nous estimons
que toutes les réponses des services gouvernementaux à des
lettres qui leur ont été adressées en anglais devraient
être rédigées à la fois en français et en
anglais. f) Les questions relatives à l'engagement et au licenciement du
personnel des entreprises privées relèvent du Code du travail.
Nous suggérons de supprimer les articles 36 et 37 et de résoudre
le problème qui se pose à cet égard conformément au
Code du travail. g) Pour ce qui est de la francisation des entreprises, article
111, nous estimons qu'elle ne devrait pas s'appliquer aux entreprises qui
emploient 50 personnes ou moins. Une telle obligation pourrait amener la
disparition des petites entreprises au sein de notre communauté.
L'article 111 pourrait prêter à des abus de la part de
certains fonctionnaires qui interpréteraient la loi d'une manière
trop rigoureuse et s'acquitteraient de leurs fonctions avec un zèle
excessif. h) A notre avis, le droit accordé à des individus de
signaler les cas d'infraction aux commissaires-enquêteurs (Titre III) est
extrêmement dangereux. Nous estimons également que l'application
de sanctions graves est injuste et dangereuse. Nous sommes vivement
opposés à l'établissement d'un tel système qui ne
pourrait que contribuer à une agitation sociale et à une
polarisation des esprits. i) Nous sommes opposés également
à l'article 172, qui accorde à la Loi sur la langue la
prééminence sur la charte des droits de l'Homme. Une telle
disposition nous préoccupe gravement en ce qui concerne notre avenir et
elle n'a pas sa place dans un Etat démocratique et une
société juste. Aucune loi ne devrait aller à l'encontre de
nos droits fondamentaux en tant que citoyens canadiens et résidents du
Québec, ni violer nos droits acquis. Cet article devrait être
supprimé.
Conclusion. Nous avons exposé ci-dessus quelques-unes des
observations et des préoccupations que nous inspire le projet de loi no
1 actuellement à l'étude.
Il est normal que la création de catégories de citoyens
ayant des droits inégaux soit une source d'inquiétude et nous
préoccupe vivement. Nous ne trouvons malheureusement ni dans le livre
blanc, ni dans le projet de loi, de définition du
"Québécois". D'après ce que nous pouvons voir, serait-il
possible que l'on puisse être défavorisé parce que l'on
porte un nom grec?
Nous ne partageons pas le pessimisme du législateur en ce qui
concerne l'avenir de la langue et de la culture françaises. A notre
avis, la langue française prend depuis un certain temps de plus en plus
d'importance pour occuper, dans notre société, la place qui lui
revient de droit, et ce, sans aucune mesure coercitive.
Une politique démographique dynamique, une politique
d'immigration sélective et une politique persuasive d'éducation
et d'enseignement du français suffiraient pour apaiser toutes les
craintes qui pourraient subsister quant à l'avenir de la langue de la
majorité. Au contraire, si nous en croyons notre propre
expérience, nous sommes convaincus que la connaissance d'une
deuxième et même d'une troisième langue constitue un atout
pour un individu et pour une société dans son ensemble et qu'elle
favorise le maintien du caractère cosmopolite du Québec.
Il nous semble donc que l'application du projet de loi no 1
contribuerait à créer une société fermée,
repliée sur elle-même, au sein de laquelle notre communauté
serait incapable de mettre en valeur son potentiel humain en vue de
l'épanouissement et du développement souhaitables de la
société québécoise.
C'est pourquoi nous avons l'honneur de présenter ce
mémoire, en espérant que le gouvernement du Québec voudra
bien prendre sérieusement en considération nos observations et
les amendements que nous suggérons, afin que nous puissions poursuivre
ensemble le développement harmonieux de notre belle
société québécoise.
Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci, monsieur. M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier les
représentants, les porte-parole de la communauté grecque pour
leur mémoire.
II ressort de ce mémoire, aussi bien que des statistiques qui ont
été publiées sur le taux de fréquentation de
l'école anglaise par la minorité grecque, taux de
fréquentation qui, pour les nouveaux immigrants, s'établissait
à 80%, 85% et même 90%, il ressort de ces statistiques et de ce
mémoire que la minorité grecque du Québec a choisi de
s'intégrer à la minorité anglaise qui, en fait, constitue
la majorité économique au Québec. Il ne me semble pas que
la minorité grecque ait réalisé que le Québec
était un pays français, deviendrait, de plus en plus rapidement,
une nation française et il me semble que ces gens sous-estiment la
nécessité pour tous les nouveaux groupes de s'intégrer au
pays qui leur donne l'hospitalité.
Je rejoins en ceci, les commentaires que provoquait la prise de position
du mouvement grec, chez l'ex-consul de Grèce, M. Demetrius Coulou-rides
qui s'exprimait de cette façon, dans les commentaires qu'il faisait le 9
mai et que le Courrier hellénique a reproduit d'ailleurs à la
prise de position de la communauté grecque. Cela me semble être
quelque chose de difficile à comprendre, pour ne pas dire de
légèrement anormal et qui ne correspond pas aux habitudes de tous
les nouveaux immigrants ou de tous les immigrants anciens qui vont s'installer
dans un autre pays.
Je comprends mieux, à ce moment-là, la prise de position
initiale des représentants de la communauté grecque qui ont dit
d'entrée de jeu, le nationalisme leur paraissait dangereux. Si nous les
prenions à la lettre, je serais obligé de conclure que le
nationalisme est partout dangereux et même celui de Chypriotes qui
actuellement revendiquent avec énergie leurs droits dans le combat
parfois violent qu'ils livrent contre ce qui leur paraît être un
oppresseur et j'aimerais bien que la minorité grecque du Québec
ait le même raisonnement ou épouse les mêmes attitudes que
leurs compatriotes dont ils partagent d'ailleurs les aspirations et dont ils
épousent le combat ici au Québec. J'aimerais bien avoir les
commentaires des porte-parole de la communauté grecque sur ces divers
aspects de la situation.
Je veux leur dire cependant que je comprends parfaitement leur sentiment
d'insécurité dans la situation actuelle, n'ayant pas probablement
pris conscience, comme il se devait, de l'évolution des francophones du
Québec au cours des dernières années. Ils peuvent
être surpris de cette évolution et considérer avec une
certaine réserve les efforts d'adaptation que ceci peut leur demander.
Après avoir fait tellement d'efforts pour s'intégrer à la
minorité économique anglophone au Québec, il se peut en
effet que ce nouvel effort d'adaptation que les circonstances et que le droit
naturel demandent, leur paraisse difficile et, en ce sens, je peux partager
leur sentiment, mais je peux cependant leur dire nous l'avons dit dans
le livre blanc que le gouvernement fera tous ses efforts pour les aider
dans cette adaptation par des mesures que nous pourrons prendre au niveau du
ministère de l'Education et du ministère des Affaires
culturelles, par des subventions également que nous pourrons accorder
à la minorité grecque du Québec pour son
développement culturel propre aussi bien que pour son effort
d'intégration à la communauté francophone
québécoise.
Par exemple, la recommandation 4 que vous nous faites ce matin, je
l'accueille avec sympathie et je la transmettrai au ministre des Affaires
sociales, qui y prêtera sûrement une oreille favorable et qui
essaiera de la satisfaire dans toute la mesure de ses moyens, mais je
m'étonne davantage cependant de la recommandation qui préconise
l'abolition des articles 36 et 37. Comme j'ai eu déjà l'occasion
de le dire, ces articles 36 et 37 ne s'appliquent qu'aux travailleurs
francophones et ont précisément pour but de mettre fin a la
discrimination qui, de l'aveu de tous s'est exercée à l'endroit
des travailleurs francophones au cours des cinquante ou cent dernières
années. Il ne me paraît pas qu'elles touchent, ni de près,
ni de loin, le travailleur grec et je me demande pourquoi la communauté
grecque a senti le besoin de s'opposer à cet article et de demander sa
suppression. J'aimerais donc avoir aussi une réponse
là-dessus.
Je voudrais terminer par une dernière remarque. La
communauté grecque demande que la francisation des entreprises ne touche
pas les entreprises de cinquante personnes ou moins, je pense que si la
communauté grecque relit le projet de loi, elle verra qu'un programme de
francisation n'est pas exigé des entreprises comptant cinquante
employés ou moins et nous avons bien pris soin d'expliquer dans le livre
blanc que c'était précisément pour ne pas être
tracassiers à l'endroit de ces petites entreprises.
Nous leur demandons, bien sûr, d'une façon
générale, de comprendre les aspirations de la communauté
dans laquelle ils se trouvent, de respecter le droit des francophones à
se faire servir comme consommateurs en français, mais nous n'exigeons
pas la francisation de ces petits commerces ou de ces petites entreprises, car
nous reconnaissons le caractère humain, le rôle que jouent ces
entreprises, aussi bien pour leur communauté grecque que pour les autres
citoyens du quartier et nous ne voulons pas leur imposer quelque chose qui,
même s'il pouvait se justifier du point de vue logique, nous
paraîtrait tracassier sur le plan des relations humaines. J'aimerais donc
demander aux membres de la communauté grecque de relire ces articles et
peut-être de faire des commentaires plus appropriés aux demandes
que fait le législateur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Alors, monsieur.
M. Katsarkas: M. le ministre, j'ai quelques commentaires à
faire sur ce que vous avez dit. Le premier concerne le nationalisme. Nous ne
sommes pas inquiets du nationalisme, mais nous sommes inquiets du nationalisme
extrême. Je veux souligner le mot "extrême". Malheureusement, comme
Grecs, nous avons eu une expérience très mauvaise de tendance
nationaliste extrême dans notre pays.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'adaptation des Grecs en milieu
québécois, je peux vous assurer que la mentalité grecque
est bien plus proche de la mentalité française que de la
mentalité anglaise. Je peux vous dire que je suis bien plus à
l'aise avec les Français qu'avec les Anglais, parce que, d'une
manière ou d'une autre, c'est une origine latine. Je crois que les Grecs
sont un peu latins. Je crois que nous comprenons le français mieux que
les Anglais.
Cela a été une surprise pour moi quand je suis
arrivé à Québec il y a une dizaine d'années de
constater que les Grecs étaient de l'autre côté. Je peux
aussi vous assurer que pendant les trois ou quatre dernières
années, les choses ont changé. Je peux vous assurer que
maintenant je connais très peu de Grecs qui ne font pas un effort d'une
manière ou d'une autre pour apprendre le français. Pour moi,
c'est une nécessité de parler anglais et c'est une
nécessité et un plaisir de parler français. Il y a
beaucoup de Grecs qui ne parlent pas anglais ou je peux dire qu'ils parlent
à peine deux mots et demi d'anglais, qu'ils parlent peut-être un
mot et demi de français, et je peux vous assurer qu'ils ne parlent pas
bien le grec non plus. Alors, pour ces hommes, c'est très difficile et
je peux dire que c'est presque impossible d'apprendre une langue
étrangère.
Si je suis ici, c'est que je suis venu pour ces hommes. Je n'ai pas peur
de la loi no 1, parce que je pense que si vous deviez me donner un certificat
de langue française, vous me le donneriez, parce que j'espère
parler français de manière satisfaisante. Je parle pour ces
bonshommes de l'avenue du Parc à Montréal qui parlent un peu grec
et c'est tout. Malheureusement, ces gens ne peuvent pas apprendre le
français dans une nuit.
Je voudrais faire un autre commentaire. C'est bien possible que nous
n'ayons pas bien compris les articles 36 et 37. Si c'est le cas, si ces
articles nous sont un peu expliqués dans le sens que cela ne concerne
que les travailleurs francophones, nous n'avons pas d'objection. Finalement,
nous avons remarqué que la francisation, c'est pour les entreprises de
plus de 50 personnes. Si je ne me trompe pas, je crois qu'il y a un article qui
donne la discrétion à l'office de la langue française de
demander la francisation d'une entreprise de moins de 50 personnes. C'est
l'article qui nous inquiète.
M. Laurin: Oui, nous l'avons repris de la loi 22, d'ailleurs,
parce qu'il était déjà inclus dans la loi 22.
M. Katsarkas: Oui, M. le ministre, mais cette remarque...
M. Lalonde: Cela n'empêche pas que la réponse du
ministre est inexacte.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
S'il vous plaît! M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Laurin: Je vous remercie de vos remarques. Je suis très
conscient que tous les Grecs du monde, où qu'ils habitent maintenant,
sont restés traumatisés par les 800 ans d'oppression de la nation
grecque aux mains des Turcs. Je sais que ce traumatisme peut inspirer leur
prise de position, leur conception en ce qui concerne le nationalisme. Il y a
des traumatismes comme ceux-là qui ne s'oublient pas, surtout quand ils
ont frappé une nation aussi fière que la vôtre, qui a
apporté une contribution tellement extraordinaire à la
civilisation occidentale, contribution qui est d'ailleurs à la base de
notre démocratie.
Je comprends donc parfaitement vos sentiments là-dessus. Mais je
vous avoue que je me sentirais quelque peu offensé si une comparaison
était faite entre ces 800 ans d'opression turque et la façon dont
le législateur entend traiter les minorités au Québec. Par
exemple, si nous comparons ces 800 ans de dictature avec l'article de la loi
qui permet à tous les enfants grecs qui fréquentaient
l'école anglaise au moment de la passation de la loi de continuer
à y faire leurs études, ainsi que leurs frères et soeurs
cadets, il me semble que ce seul point de comparaison indique l'écart
immense qu'il y a entre cette histoire du passé, qui a traumatisé
les Grecs et, d'autre part, l'attitude de respect et de justice, respect pour
le principe de l'intégration des familles, qui transparaît
à l'article que je vous cite.
Je pourrais d'ailleurs citer beaucoup d'autres articles de la loi qui
montrent tous les efforts qu'a fait le législateur pour respecter aussi
bien les minorités que les aspirations légitimes des individus et
les conditions, les circonstances historiques dont personne n'est responsable,
mais qui peuvent avoir influé sur les attitudes des groupes minoritaires
au Québec.
M. Katsarkas: M. le ministre, mon expertise est en
médecine. Je ne suis pas historien ou sociologue, mais en même
temps, comme un ex-citoyen grec, je peux vous assurer que, dès 1922, il
y avait un changement de population entre la Turquie et la Grèce. Il y a
de grandes communautés turques en Grèce et ces Turcs ont
exactement tous les droits d'un citoyen grec et, en plus, ils ont le choix de
la langue de l'enseignement.
M. Laurin: Très bien.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
M. Ciaccia: Le député de Taschereau avait dit qu'il
n'existait pas d'autre pays au monde où ça existait.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
M. Guay: J'invoque l'article 96, puisque le député
de Mont-Royal me met en cause, pour souligner tout simplement que ce que le
témoin vient
de dire, c'est exactement ce qui est proposé dans la Charte de la
langue française pour une minorité anglophone.
M. Ciaccia: La liberté de choix?
Mme Lavoie-Roux: On en a parlé hier soir de cette
liberté.
M. le Président, je voudrais d'abord remercier les
représentants de la communauté grecque d'avoir été
si patients, d'attendre deux jours. Je pense qu'ils se sentaient vraiment des
délégués qui devaient se rendre ici faire valoir le point
de vue de la communauté grecque.
Je trouve le ministre d'Etat au développement culturel un peu mal
venu de vous reprocher, comme il dit, "d'avoir choisi de vous intégrer
à la minorité anglaise, qui est la majorité
économique", alors qu'il sait fort bien qu'historiquement, le
système scolaire du Québec ne vous permettait pas de vous
intégrer à la communauté française et ceci,
jusqu'à tout récemment. Et encore faut-il faire beaucoup
d'interprétation pour permettre une mobilité au moins un peu plus
grande et un accueil un peu plus grand dans notre système scolaire
français. Je le regrette et espérons que ceci se modifiera.
Il reste que, sous l'ancien gouvernement, on vous a quand même
permis de développer des écoles élémentaires
grecques où vous faites une part beaucoup plus large au français.
Je ne sais pas dans quelle proportion, vous pourrez peut-être nous donner
des détails là-dessus dans quelques minutes. Je pense qu'il est
vrai, pour avoir fréquenté, à l'occasion de certains
événements sociaux, la communauté grecque, que je ne me
suis pas sentie dans une communauté anglophone, mais, au contraire, dans
une communauté avec qui je pouvais communiquer extrêmement
facilement dans ma langue et qui aussi avait un dynamisme vraiment très
grand.
Je comprends que le ministre d'Etat au développement culturel
essaie d'interpréter votre anxiété et vos traumatismes,
mais ce qu'il oublie, c'est qu'il n'y a pas très longtemps, à
peine une semaine, c'est lui-même qui disait: La charte de la loi no 1
est nécessaire, si nous voulons éviter de revivre les
événements d'Octobre 1970.
Ceci dit, je voudrais quand même vous poser quelques questions.
Voici la première. Insistez-vous beaucoup sur la nécessité
pour les enfants d'acquérir une connaissance des deux langues et, en
même temps, conserver leur langue d'origine pour continuer de participer
à la vie culturelle de la communauté grecque? Vous parlez des
enfants qui vivent ici au moment de l'adoption probable de ce projet de loi.
Vous n'avez pas parlé de ceux qui viendraient.
Pour ceux-là, que prévoyez-vous? C'est ma première
question. Et voici la deuxième. Si l'enseignement de la langue seconde,
l'anglais langue seconde, dans les écoles françaises,
était donné d'une façon adéquate et pouvait
garantir une connaissance d'usage dans le cas de la langue anglaise, à
ce moment, l'intégration à l'école fran- çaise des
membres de la communauté grecque vous semblerait-elle souhaitable?
M. Katsarkas: Je vous suis reconnaissant de cette question. Je
peux dire que la solution idéale de l'enseignement, pour la
communauté grecque, est un système d'enseignement dans lequel les
enfants pourraient apprendre d'une manière adéquate le
français et l'anglais.
Alors, comme cela n'est pas possible pour le moment pour
différentes raisons pratiques, les deux mesures que nous
suggérons dans notre mémoire sont des mesures temporaires. Alors,
comme l'article 57 dit que les enfants qui vont sortir des écoles
anglophones doivent subir un examen de la langue française, cela
signifie qu'ils seront nécessairement bilingues. Alors, si nous voulons
que nos enfants deviennent bilingues, il n'y a qu'une chose à faire pour
le moment, c'est d'aller aux écoles anglophones.
En outre, si le ministre peut nous garantir que les enfants qui vont
aller dans les écoles francophones auront ce privilège de devenir
bilingues, nous n'avons pas d'objection que nos enfants aillent aux
écoles francophones. Ceci est pour les immigrants qui sont au
Québec.
Pour les immigrants qui viendront, je crois que s'ils savent que cette
province est française, je crois qu'il n'y a pas d'argument, que ces
enfants doivent aller aux écoles francophones, mais comme ces enfants
seront dans les écoles francophones, par définition, je crois
qu'en même temps, ils doivent apprendre la langue anglaise.
C'est pour cela que nous avons mis notre suggestion b).
Mme Lavoie-Roux: Si je vous interprète bien, c'est en fait
une garantie réelle que l'enseignement de la langue seconde soit
adéquat dans les écoles françaises. L'autre question,
est-ce que vous pourriez nous dire si vous êtes au courant? Le contenu
des programmes des écoles grecques françaises, qui sont
subventionnées par le gouvernement, quelle est la proportion de
l'enseignement des diverses langues dans ces écoles? Peut-être que
vous n'êtes pas familier avec ces écoles. Il y en a une ou deux,
je pense.
M. Katsarkas: Je ne suis pas membre du comité scolaire.
Quand même, je sais qu'il y a des changements récents. Si je me
rappelle bien, nous avons maintenant à peu près 200 minutes de
grec par semaine et le reste en français.
Mme Lavoie-Roux: Et le reste est français.
M. Katsarkas: Oui. Je crois que c'est pendant les cinq
premières années; après, on commence...
Mme Lavoie-Roux: Dès la première année, il y
a l'enseignement de l'anglais.
M. Katsarkas: Non, ce n'est pas exact, pardon. Il y a plus de
grec pendant les cinq premières années et, après, on
commence 200 minutes d'anglais. Mais je ne suis pas sûr de ces
chiffres...
Mme Lavoie-Roux: Vous n'êtes pas familier non plus. Alors,
j'oublie la question. L'autre question que je voulais... J'obtiendrai les
informations d'une autre source. Je pense que ce serait intéressant de
les connaître, pour savoir si cette formule d'école est une
formule d'école qui pourrait satisfaire la communauté grecque,
quitte à trouver des moyens de les intégrer au secteur public,
mais en respectant quand même les désirs de votre
communauté. Est-ce que vous pourriez élaborer un tout petit peu
sur ce que vous entendez, en page 7, par une politique démographique
dynamique et également par une politique d'immigration sélective?
Est-ce que vous pourriez élaborer un peu là-dessus?
M. Katsarkas: C'est un point un peu difficile, parce que je sais
qu'il y a quelque chose à faire entre le gouvernement provincial et
fédéral. Mais nous avons l'impression que si, d'une
manière ou d'une autre, le gouvernement provincial peut avoir une sorte
de contrôle je ne sais pas quel contrôle, c'est à M.
Lévesque et M. Trudeau de le décider pour les nouveaux
immigrants, je crois qu'il peut influencer le type d'immigrant qui va venir
dans la province de Québec.
Mme Lavoie-Roux: Du côté de la politique
démographique dynamique, c'est dans ce sens-là, c'est
relié à votre politique d'immigration. Alors, comme le temps
court, je vais laisser la parole aux autres. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, j'aimerais savoir vous
parlez dans votre mémoire d'une participation à la vie
québécoise ce que votre groupe est désireux de
faire pour le maintien et l'évolution de notre province, qui est
majoritairement française. Quelle est l'apport qu'il veut donner? Quelle
contribution est prête à apporter la communauté grecque,
qui est surtout située à Montréal, pour l'évolution
et le maintien de notre province majoritairement francophone?
M. Katsarkas: Monsieur, sans aller dans les détails, je
crois que la meilleure contribution que nous pouvons apporter sur ce point,
c'est d'être sûrs que nos enfants vont apprendre le
français.
M. Grenier: D'accord. Comme langue de travail, vous n'avez pas
abordé... J'ai lu votre mémoire là-dessus, mais comme
langue de travail, vous avez parlé d'une proportion de votre
communauté qui n'a pas appris la langue française. Est-ce qu'il y
a des difficultés d'intégration dans le milieu de travail de
l'élément ne possédant que la langue grecque?
M. Katsarkas: Oui. D'une certaine manière, mais ce qui se
passe bien souvent, c'est qu'il y a des groupes de travailleurs grecs qui
travaillent ensemble, alors... Disons un groupe grec entre les autres langues
et il y a un demi-mot d'un côté, un demi-mot de l'autre,
finalement cela fait un peu de sens et ils peuvent communiquer.
M. Grenier: Le ministre disait, dans sa réponse à
votre mémoire, que votre communauté avait fait des efforts
considérables pour s'intégrer à la communauté
anglophone. Est-ce qu'on pourrait savoir quelle sorte d'efforts
considérables vous avez faits, est-ce qu'il y a une proportion assez
importante de votre communauté qui parle français?
M. Katsarkas: Monsieur, je ne suis pas d'accord avec M. le
ministre. Je crois, comme je l'ai dit avant, que la mentalité grecque
est plus proche de la mentalité française, et je ne connais pas
de Grecs, sauf quelques exceptions très rares, qui ont essayé de
s'intégrer dans le milieu anglais.
M. Grenier: Les signataires de votre groupe, est-ce que ça
représente, je vois que vous êtes une bonne... comme je n'ai pas
votre avantage de vivre à Montréal, si vous appelez ça un
avantage, je connais moins ces sociétés, est-ce qu'on peut dire
que vous représentez la très grande majorité des
communautés grecques de Montréal?
M. Katsarkas: Oui, je crois que nous représentons tous les
Grecs de Montréal. Bien sûr, il y a des idées, des
tendances différentes, mais je crois que ce que nous avons dans notre
mémoire représente ce que le grand pourcentage des Grecs pensent
à Montréal.
M. Grenier: Je vous remercie, on aura l'occasion d'y revenir avec
le député de Gaspé dans quelques instants.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci M. le
député de Mégantic-Compton. M. le député de
Beauce-Sud est parti. Dans ce cas, M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je voudrais d'abord
remercier les représentants de la communauté grecque de
l'excellent mémoire qu'ils nous présentent, et aussi de leur
participation à la vie démocratique, en venant se
présenter devant cette commission. J'aimerais d'abord leur dire que
l'esprit du livre blanc est justement d'identifier les échanges entre
les différentes communautés ethniques au Québec. Dans ce
sens, je puis les assurer de mon intérêt pour la cause qu'ils
défendent, pour le développement culturel de leur
communauté et l'intégration de cette communauté à
la majorité francophone.
Je comprends également que, dans le passé j'ai eu
l'occasion de parler avec plusieurs citoyens québécois d'origine
grecque de mon comté ils ont eu des difficultés à
inscrire leurs enfants à l'école française pour des
raisons religieuses. Je pense que ce que vous avez mentionné à ce
sujet est exact. C'est pourquoi, dans la loi, nous ne voulons pas avoir
d'éléments de ré-
troactivité. Nous sommes d'accord avec vous que les nouveaux
immigrants, de quelque origine qu'ils soient, en particulier les nouveaux
immigrants d'origine grecque, devraient inscrire leurs enfants à
l'école française. Je pense que nous sommes d'accord
là-dessus.
D'autre part, j'aimerais vous souligner que les articles 36 et 37
garantissent le droit à tous les citoyens du Québec, quelle que
soit leur origine ethnique, de travailler en français. Je pense que vous
devriez regarder ces articles de façon positive, cela veut dire que ces
nouveaux immigrants qui enverront leurs enfants à l'école
française seront assurés d'un droit au travail en
français, c'est-à-dire que les études qu'ils feront pour
la compréhension du français seront nécessaires,
adéquates pour travailler; ils auront la garantie de pouvoir travailler
en français, on ne leur posera pas d'exigences supplémentaires
pour travailler.
Je souhaiterais que vous relisiez les articles 36 et 37 avec cette
idée en tête. Maintenant, c'est ma première question,
concernant l'inscription aux écoles, vous avez mentionné, je
crois, a deux reprises, que la communauté grecque était plus
proche de la mentalité française que de la mentalité
anglaise. Je vais vous poser une question. Le ministre de l'Education a
mentionné qu'il avait deux priorités, l'enseignement du
français à tous les citoyens québécois et,
deuxièmement, l'enseignement d'une meilleure qualité de la langue
seconde dans les écoles françaises, c'est-à-dire de
l'anglais, dans la plupart des cas...
Mme Lavoie-Roux: ...priorité.
M. Paquette: Je ne pense pas, c'était sa deuxième
priorité. D'ailleurs, on a beaucoup mentionné qu'il n'y avait pas
beaucoup de budget cette année au niveau du ministère de
l'Education pour l'enseignement de l'anglais, langue seconde.
C'est justement parce que le gouvernement précédent
n'avait pas de plans suffisamment précis pour qu'on puisse les mettre en
application cette année. On est obligé, durant l'année, de
définir une politique et de définir des mécanismes qui
vont nous permettre d'attribuer des budgets plus généreux l'an
prochain...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Paquette: Si vous le permettez, je pense...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! S'il vous
plaît, je ne permettrai pas de débat, surtout sur un sujet qui ne
porte pas sur le projet de loi no 1. Revenons, avec l'article 140, au sujet qui
est le projet de loi 1, Charte de la langue française au
Québec.
M. Paquette: Vous me permettez de continuer, M. le
Président?
Le Président (M. Cardinal): Je vous prierais, cependant...
Vous avez vu ce qui s'est produit...
M. Paquette: J'ai réagi à certains
commentaires.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Que les membres de la commission retiennent leur
émotivité et qu'ils reprennent le débat avec les
témoins, s'il vous plaît. A l'ordre.
M. Paquette: D'accord, M. le Président.
M. Lalonde: Le président est là et je n'accepterai
de "à l'ordre" de personne d'autre.
M. Charbonneau: Je ne veux pas donner d'ordre. Mais ne commencez
pas à faire de l'intimidation ici, j'en ai vu d'autres. Ce n'est pas
vous qui allez m'énerver.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Verchères, à l'ordre!
Mme Lavoie-Roux: Cela, on le sait!
Le Président (M. Cardinal): Madame, je vous en prie.
Une Voix: Laissons braire.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont, s'il vous plaît.
M. Paquette: M. le Président, j'espère que
l'Opposition va retenir ses commentaires, pour me permettre de continuer.
Je réaffirme donc l'intention du gouvernement d'offrir un
meilleur enseignement de la langue anglaise dans les écoles
françaises. A supposer que vous soyez placé devant le choix entre
une école anglaise qui doit assurer l'enseignement du français,
d'un français de qualité, et, d'un autre côté, un
système français, qui assure l'enseignement de l'anglais de bonne
qualité. Lequel choisiriez-vous?
M. Katsarkas: Monsieur, avec votre permission, je voudrais
commencer un peu avant votre question.
J'ai lu dans les journaux, l'autre jour si je suis dans l'erreur,
vous me corrigerez que le ministre de l'Education a mis un peu d'argent
de côté pour améliorer l'enseignement de la langue
française dans les écoles françaises.
Vous comprenez, quand les citoyens d'origine grecque lisent ces
commentaires, la première question est la suivante: Quelle est la
qualité de l'enseignement de la langue française à
l'école francophone? Et après, qu'est-ce qui va se passer pour la
langue anglaise?
Si la loi no 1 garantit l'enseignement de la langue française de
bonne qualité et l'enseignement de la langue anglaise de bonne
qualité, nous sommes avec vous.
M. Paquette: Est-ce que vous êtes au courant, par exemple,
que le programme de perfectionnement des maîtres en français est
en activité depuis
deux ou trois ans, ce qui permet au ministère de l'Education,
cette année, d'injecter des montants supplémentaires, parce que
c'est quelque chose qui est parti?
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre...
M. Paquette: C'est grâce à l'ancien gouvernement,
mais, par contre, il n'y a pas de plan de perfectionnement aussi
développé sur le plan de l'enseignement de l'anglais, langue
seconde, et il faut, cette année, élaborer les politiques et
créer des infrastructures, ce qui explique qu'il y ait plus d'argent au
budget, cette année, a l'enseignement du français, qu'à
l'enseignement de l'anglais, langue seconde.
Mais je reprends ma question, je pense que vous avez commencé
à y répondre. Placé devant le choix entre une école
française qui offre je pense que c'est une de vos recommandations
à la page 4, la recommandation b) qui assure aux enfants, qui
sortent de l'école secondaire, une connaissance d'usage de l'anglais,
est-ce que vous recommanderiez aux parents et à vos associations
d'inscrire leurs enfants à l'école française?
M. Katsarkas: Je vais recommander l'école
française.
M. Paquette: Je vous remercie.
M. Katsarkas: Mes enfants vont vivre au Québec et, s'ils
savent mieux le français que l'anglais, cela ne me dérange
pas.
M. Paquette: Concernant les remarques que vous faites au sujet de
la charte des droits de l'homme, vous attaquez l'article 172. Je pense que le
ministre a mentionné que cet article était là de
façon temporaire et qu'il s'agissait de coordonner les deux chartes, la
charte des droits de l'homme et des libertés civiles et la Charte du
français.
Vous mentionnez une inquiétude à ce sujet, que nous
partageons, en fait. Nous sommes ici pour nous assurer de la concordance des
deux chartes.
Est-ce que vous avez relevé dans la Charte de la langue
française certains éléments qui iraient à
l'encontre des libertés fondamentales, parce que vous mentionnez que
nous allons créer deux catégories de citoyens? Est-ce que vous
pensiez surtout à ce dont nous venons de parler, c'est-à-dire la
langue d'enseignement ou si vous avez d'autres articles à l'esprit?
M. Katsarkas: Je crois qu'il y a plus d'un point à votre
question. Le premier point, c'est la définition du
Québécois. Je sais la définition que M. Lé-vesque
donnera toujours, mais le premier point du préambule du projet no 1,
c'est un peu difficile à comprendre et comme la langue française
ne montre pas notre identité comme le point du préambule le dit,
c'est une source d'inquiétude pour nous.
C'est le premier point qui nous fait nous poser une question; est-ce
possible que ce soit un processus qui tente à distinguer deux sortes de
citoyens? C'est une chose.
M. Paquette: Là-dessus, est-ce que vous considérez
que la loi est d'abord une loi qui s'intéresse à l'origine
ethnique des citoyens ou si c'est une loi qui porte sur l'usage du
français dans les différentes sphères de la vie
collective?
M. Katsarkas: Est-ce que nous pouvons lire le
préambule?
M. Paquette: Non, le préambule de la loi, cela va.
M. Katsarkas: L'Assemblée nationale constate que la langue
française est, depuis toujours, la langue du peuple
québécois et que c'est elle qui lui permet d'exprimer son
identité.
M. Paquette: Oui.
M. Katsarkas: J'ai le sentiment que j'appartiens au peuple
québécois, mais la langue française, pour le moment, n'est
pas la langue par laquelle j'exprime mon identité. L'immigrant qui va
venir demain, qui ne parlera pas français, qui va vivre au
Québec, qui va travailler dans la province de Québec, qui va
payer des taxes à la province de Québec...
M. Paquette: Là-dessus, on ne fera pas de comparaison avec
les autres provinces, parce que cela dérange certaines personnes. On va
plutôt faire une comparaison avec l'Italie où il y a une
minorité française dans la région du Val d'Aoste, au nord
de l'Italie, près de la frontière française. On admet
là certaines particularités comme des classes bilingues,
italiennes et françaises, à certaines conditions. Je suis certain
que n'importe qui en Italie dirait que l'italien est la langue, depuis
toujours, du peuple italien. Je pense que cette affirmation est de même
nature, mais est-ce que, dans les autres articles de la loi, vous trouvez une
composante où on s'intéresse à l'origine ethnique, parce
que même cet article parle de la langue commune des
Québécois, la langue des communications que les autres articles
de la loi visent à insérer dans toutes les sphères de la
vie collective? Mais, est-ce que vous trouvez que certains articles sur la
langue de travail ou ailleurs constitueront une discrimination suivant
l'origine ethnique des individus, parce que vous dites que le fait de porter un
nom grec pourrait vous amener à être considérés
comme des citoyens de deuxième classe?
M. Katsarkas: Je crois que oui. Disons, par exemple, que nous
sommes sur l'avenue du Parc à Montréal. Il y a un petit magasin
grec. Ce bonhomme a une sorte d'entreprise avec sa femme par exemple.
On leur a demandé de changer l'enseigne du magasin, de mettre
seulement le français, ce qui ne lui dit rien du tout pour le moment, il
ne parle pas français. Cette sorte d'enseigne est une part de son
identité grecque, de sa tradition grecque. Alors, il s'inquiète.
Un jour, un commissionnaire va dans le magasin, il y a un autre magasin
à l'autre coin, et l'autre bonhomme parle français. Il y a
beaucoup de concurrence entre les deux magasins: Un parle français,
l'autre ne parle pas français. L'autre bonhomme qui parle
français veut maintenant faire quelque chose pour cette affaire. Il peut
envoyer quelqu'un demander quelque chose en français. Après cela,
ce bonhomme va rencontrer un commissaire d'enquête. Alors, je crois que
dans ces conditions, nous avons deux sortes de citoyens, parce qu'il est bien
possible qu'il y ait d'autres commissions, mais c'est très facile
d'être d'accord avec la loi en ce qui concerne la Société
des alcools, par exemple, où c'est le minimum de salaire, parce que vous
pouvez donner le minimum de salaire à un employé dans trente
secondes, mais vous ne pouvez pas apprendre une langue dans trente
secondes.
M. Paquette: Ecoutez, sur le plan de l'affichage, c'est une
obligation qui est faite à tous les citoyens du Québec, quelle
que soit leur origine ethnique, d'afficher en français. Est-ce que vous
reconnaissez comme normal que l'affichage se fasse en français partout
au Québec? Cela ne vous empêche pas de parler grec, d'utiliser le
grec dans le petit magasin que vous avez mentionné. Les clients arrivent
et le propriétaire est grec. Les clients qui parlent grec peuvent parler
grec entre eux. Il n'y a absolument rien dans la loi qui s'oppose à
cela.
M. Katsarkas: D'accord, vous avez raison. M. le
député...
M. Paquette: II y a une composante qui peut être mise, la
raison sociale du magasin peut être Epicerie Papakristidis, ce qui va
identifier le propriétaire comme étant membre de la
communauté grecque, s'il juge que c'est utile pour ses affaires.
M. Katsarkas: Est-ce qu'il a le droit de mettre une enseigne en
grec? Oui, mais il doit prouver qu'il a le droit de le mettre. Je comprends
l'article.
M. Paquette: Oui, mais écoutez, c'est pour mettre de la
souplesse, cet article 50 met de la souplesse dans la loi et permet... Je
comprends que c'est un peu embêtant de demander l'autorisation, mais
c'est également pour réprimer des abus, car on retrouve dans
certains coins de l'île de Montréal un affichage presque unilingue
anglais et où on ne retrouve pas un mot de français.
M. Katsarkas: Monsieur, hier soir, le député qui
est assis à votre gauche à dit quelque chose qui m'a
touché beaucoup, il a dit que le moment est venuoù la
majorité va être dans la peau de la minorité et que la
minorité va être dans la peau de la majorité. Alors, ce que
nous faisons, nous essayons de nous mettre dans la peau de la majorité
et je crois que nous faisons un effort pour le faire. Je crois que la
majorité doit faire la même chose, pas dans ma peau, parce que je
parle français. Ma peau n'est pas très intéressante. Je
parle pour le bonhomme de notre communauté.
Alors, il y a deux points que je voudrais faire. Comme médecin,
je peux vous assurer que les Grecs sont un peu allergiques aux commissaires,
parce qu'ils ont une expérience de commissaires très mauvaise.
Pour les dernières 30 années, ils ont connu deux sortes de
commissaires, les commissaires rouges et les commissaires noirs. Ils sont
effrayés par les commissaires, quelle que soit la couleur des
commissaires. Cela, c'est un point.
L'autre point que je voudrais faire valoir, c'est que si vous avez un
magasin là-bas et que vous ne parlez pas français, ça
signifie que l'environnement est étranger et que vous essayez de gagner
de l'argent. Vous travaillez seize heures pour faire un peu d'argent. Je veux
que vous compreniez que, quand vous êtes un immigrant, au lieu de faire
quelque chose, vous devez travailler.
M. Paquette: Je suis très conscient de ça. J'ai
parlé avec plusieurs restaurateurs grecs de mon comté, qui m'ont
expliqué ça très bien. Je vous assure que nous essayons de
nous mettre dans la peau d'une minorité, ce qui est d'autant plus facile
que nous sommes nous-mêmes une minorité depuis longtemps au
Canada. Nous sommes capables de comprendre certains des sentiments que vous
avez. Nous sommes très ouverts aux représentations que vous
faites, mais je tiens à vous affirmer que, dans ces petits commerces,
dans ces petits restaurants, on va pouvoir continuer à parler grec entre
citoyens québécois d'origine grecque.
M. Katsarkas: Mais oui, je comprends...
M. Paquette: Mais nous voulons tout simplement que le
Québec ait un visage français, qui reflète notre
identité collective, celui de la langue de la majorité, de la
langue du peuple québécois, comme on dit dans le
préambule, ce qui n'est absolument pas discriminatoire envers quelque
citoyen que ce soit. Je ne le pense pas.
M. Katsarkas: Oui, mais si toute personne, tout groupe de
personnes a le droit de demander une enquête, ça, c'est le point
qui nous inquiète. Si quelqu'un demande une enquête sur mon
bureau, je ne suis pas inquiet, parce que je crois que je parle
français. Alors, qu'est-ce que ce bonhomme va faire? Parce que
même... Oublions toutes les autres circonstances, même si un pauvre
type qui ne parle pas français, qui ne parle pas anglais, qui est requis
d'aller dans un bureau devant un commissaire qui est assis dans une grande
chaise, qui commence à poser des questions qu'il ne comprend pas, il
doit avoir un avocat avec lui, etc. Je ne me sentirais pas à mon
aise.
M. Paquette: Je pense que je vais terminer pour laisser plus de
temps aux autres interve-
nants. Je vous remercie de votre intervention, et je tiens à vous
dire que votre présentation nous éclaire beaucoup sur les
problèmes de la minorité grecque à Montréal.
J'espère que nous pourrons poursuivre le dialogue. Je vous remercie.
Le Président (M. Cardinal): Bon! Justement, il est 23
heures, à l'horloge qui est là. Malgré les directives qui
ont été données... 13 heures, pardon, pas 23 heures. Les
réminiscences d'hier.
Je pense bien qu'il est difficile le vendredi d'inviter les
témoins à revenir la semaine prochaine, surtout si c'est mardi.
Il reste 22 minutes de débat possible. Puis-je avoir le consentement de
la commission pour poursuivre les débats de 13 heures à 13 h
20?
Le consentement est accordé. Dans ce cas, je donne la parole au
député de Mont-Royal en indiquant que pour le parti de
l'Opposition officielle, il reste 12 minutes.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Premièrement,
je voudrais remercier les représentants de la communauté grecque
de Montréal pour leur mémoire. Non seulement, les remercier, mais
les féliciter pour l'approche très positive qu'ils ont eue et je
crois que c'est important qu'on comprenne l'approche des minorités de
Montréal au problème linguistique et je trouve malheureuse la
réaction du ministre, parce que vous, vous nous apportez quelque chose
de positif. Vous nous dites que vous voulez apprendre le français. Vous
nous donnez les raisons pour lesquelles par le passé, vous avez
été obligés d'aller aux écoles anglaises et
d'apprendre l'anglais. En considération des représentations que
vous faites à cette commission, le ministre vous jette à la face
les problèmes des Chypriotes, les problèmes des Turcs. Je me
demande quelle est la nécessité, quelle est la relation entre
votre mémoire et l'approche du ministre. C'est pourquoi je m'inscris
contre cette approche. Vous essayez d'unir. Vous reconnaissez les
problèmes. Vous voulez unifier...
M. Godin: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui. A l'ordre!
M. Ciaccia: Bon. On veut toujours nous couper la parole. C'est le
problème ici.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît! Il y a une question de règlement.
Le député de Mercier.
M. Godin: J'ai l'impression, pour employer un mot grec, qu'il y a
un embryon de débat c'est bien un mot grec, monsieur...?
et je voudrais le tuer dans l'oeuf, sans allusion au récent
congrès. Je vous demande votre avis là-dessus, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Un instant. Je demanderais
tout simplement au député de Mont-Royal, surtout à cette
heure-ci, d'éviter que cela ne retourne en débat. Jusqu'à
présent, je n'ai pas rappelé le député de
Mont-Royal à l'ordre. Il peut poursuivre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président, je ne veux pas
susciter un débat. Je veux absolument essayer de faire comprendre... Je
crois que le député de Rosemont, en toute honnêteté,
essaie vraiment de soulever certains problèmes. Il essaie de le faire de
façon positive. D'accord?
Je suis prêt à accepter cette approche, même si je
diffère d'opinion avec eux sur certaines interprétations de la
loi. Mais on a le ministre de tous les Québécois qui commence
à soulever... C'est une approche qu'il faut éviter, pas seulement
pour les Grecs de Montréal, mais pour ceux du Québec et pour les
autres mémoires. Je proteste contre cette approche et je voudrais qu'on
soit positif. Ce n'est pas un débat, c'est une remarque que je fais pour
accueillir et pour que les minorités... A moins qu'on puisse les faire
se sentir Québécois ici... Ils essaient et on les repousse
encore. Ils veulent s'approcher de nous et, par les remarques et l'approche du
gouvernement, on continue à les repousser. Ils l'ont dit avant. Les
Canadiens français ont été méfiants envers les
minorités. On veut parler français, on veut s'intégrer
ici. Alors, s'il vous plaît, ne continuons pas cette méfiance par
la...
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. M. le député de Mont-Royal, je vous prierais de vous
adresser au président ou aux témoins et non pas à des
députés du parti ministériel.
M. Ciaccia: Très bien, M. le Président,
excusez-moi, c'est la fin de la semaine et nous sommes tous un peu
fatigués.
M. Paquette: C'était la même chose au début.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Ciaccia: Alors, j'interprète votre intervention, votre
mémoire, messieurs les témoins, en disant que ce n'est pas une
question d'assimilation au côté anglophone et même que ce
n'est pas du tout une question d'assimilation. Vous voulez vous intégrer
à la société québécoise, avec toutes les
réalités de la société québécoise, et
je crois que c'est mal venu de vous dire que vous vous êtes
intégrés du côté anglophone pour des raisons
économiques. Vous avez donné l'exemple. Quand on va sur l'avenue
du Parc, je ne crois pas qu'on puisse accuser les commerçants d'origine
grecque de s'être intégrés à la communauté
anglophone. Ils font des affaires dans la langue où ils peuvent le
faire. Ils font de leur mieux. Ils paient leurs taxes. Ils essaient de trouver
une meilleure vie, non seulement pour eux-mêmes, mais pour leurs enfants,
et ils vous donnent ici des suggestions sur ce que vous pourriez faire pour les
aider à atteindre ce but. Je trouve votre approche très
positive. J'aimerais que votre message vienne non seulement à la
commission parlementaire, mais que votre message aille à tous les
citoyens du Québec pour essayer d'éviter cette division qui
existe.
On a accusé souvent la loi 22 de créer des divisions. Il y
a eu des éditoriaux, des accusations du parti ministériel.
J'aurais aimé qu'on s'écarte de cet esprit de division et qu'on
essaie d'unir. Je crois que votre mémoire est un exemple excellent de la
façon par laquelle on peut unir tous les gens du Québec, parce
que vous n'êtes pas contre le nationalisme, vous êtes contre la
nationalisme extrême basé sur "l'ethnocentricité" et vous
ne voulez pas que ça cause, par les expériences que
peut-être plusieurs parmi vous avez eues, vous ne voulez pas de
discrimination et vous voulez faire comprendre la possibilité d'abus, et
c'est ça qu'on ne comprend pas quand on rédige certaines lois,
les abus que ça peut amener, la discrimination que cela peut
entraîner.
Je vais terminer sur cette note, je ne vous poserai pas de question,
parce que nous sommes limités dans le temps, et je voudrais laisser
à mes collègues l'occasion de faire des commentaires. Mais,
sincèrement, à cette commission, je pourrais dire que ce n'est
pas moi qui vous ai représentés, MM. les témoins, c'est
vous qui m'avez représenté. Merci.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mont-Royal. M. le député de Gaspé.
Il reste au parti reconnu de l'Union Nationale, 8 minutes.
M. Le Moignan: Je vais prendre moins de huit minutes, je vais
vous poser des questions brèves et vous pourrez me répondre aussi
très brièvement, pour hâter les travaux de cette
commission.
Si on pense aux éventuels immigrants grecs qui aimeraient
peut-être venir ici au Québec, pensez-vous qu'ils auraient des
réticences à s'intégrer au groupe francophone et est-ce
que ceci peut contribuer à diminuer leur nombre et leur qualité?
Est-ce qu'ils vont vous consulter, par exemple, pour avoir vos réactions
et quelles seraient vos réactions si des amis de la Grèce vous
consultaient avant de venir au Québec?
M. Katsarkas: M. le député, après que la
présente inquiétude aura disparu, la réponse est non. Je
crois que les immigrants vont continuer à venir, pourvu que la
présente inquiétude disparaisse.
M. Le Moignan: Après vous avoir écouté, et
un peu à la lecture de votre mémoire, vous semblez craindre les
mesures coercitives, et non seulement la charte de la langue.
Je crois que quand vous êtes arrivés ici, au pays, à
Montréal, il y avait une espèce d'hostilité envers les
immigrants. Je pense que vous l'avez ressentie. Est-ce que c'est cela qui vous
a forcés à vous diriger du côté anglophone, parce
que vous vous sentiez peut-être mieux acceptés, mieux
reconnus?
M. Katsarkas: Pour moi, personnellement, non. Je crois que je
suis dans un hôpital anglais plus que n'importe quoi parce que je parle
les deux langues. Mais j'ai trouvé là-bas un endroit pour
travailler et je crois que c'est complètement un point statistique plus
que n'importe quoi.
M. Le Moignan: Peut-être pas pour vous. Mais, en somme,
vous avez causé, vous connaissez un peu la mentalité, soit des
Grecs ou d'autres groupes. Est-ce qu'ils ont préféré
s'assimiler aux anglophones, trouvant là peut-être plus de
protection pour l'avenir et, à ce moment-là, de fait, ils se
considéraient peut-être moins Québécois, plus
"Canadians", par exemple?
M. Katsarkas: M. le député, je vais quand
même préciser. Je n'aime pas le mot "assimilation". Mais je crois
que le mot correct est "intégration".
M. Le Moignan: Intégration, oui.
M. Katsarkas: Mais, en même temps, je crois qu'il y a des
points différents ou des causes différentes, qui ont
poussé, d'une manière, la communauté grecque de ce
côté. Malheureusement, dans ce que nous lisons, il n'y a pas de
rapports qui mentionnent toutes les causes.
Par exemple, c'est bien évident que la Grèce, après
la deuxième guerre mondiale, appartient à la sphère
économique américaine. C'est bien évident que le Grec, en
Grèce, apprend plus l'anglais que le français. Quand il vient
ici, il a l'impression qu'il vient en Amérique du Nord. C'est bien
possible qu'il soit plus influencé par la langue anglaise que par la
langue française.
Mais si les circonstances économiques dans la province de
Québec changent maintenant, je crois qu'elles ont changé au cours
des dernières trois ou quatre années, parce que je vois le
changement, si les circonstances changent et si le nouvel immigrant
réalise que s'il veut faire des dollars, il doit apprendre le
français, il va apprendre le français. S'il réalise qu'il
doit apprendre la langue chinoise, il va apprendre la langue chinoise, et s'il
y a une langue des anges, il va apprendre la langue des anges pour faire des
dollars.
Si la langue française lui donne des dollars, il va apprendre la
langue française.
M. Le Moignan: Une autre petite question. Vous avez
mentionné l'intégration de vos enfants, leur désir
d'apprendre le français, est-ce que vous avez remarqué, depuis
trois ou quatre ans, s'il y a plus de familles grecques qui essaient de diriger
leurs enfants vers un système scolaire français?
Est-ce qu'il y a des cours d'immersion, par exemple, qui se donnent
à vos enfants, comme à la maternelle, ou s'il y a des cours
intensifs de français?
M. Katsarkas: M. le député, ce ne sont pas des
statistiques, mais, sur ce point, je ne connais pas d'enfants grecs qui
n'apprennent pas la langue française.
M. Le Moignan: Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
D'Arcy McGee avec cinq minutes.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Docteur, cher
confrère, je vous félicite à mon tour de votre
mémoire, que vous avez rédigé sur un ton sobre et,
à mon sens, constructif et que vous avez exceptionnellement bien
défendu.
Je remarque, à la première page de votre texte, que vous
mentionnez que de nombreux immigrants grecs ignoraient tout à leur
arrivée au Québec du caractère propre de la
société canadienne et des problèmes particuliers de notre
province francophone.
Je voudrais simplement vous demander si ce problème existe
toujours aujourd'hui au même degré ou si les plus récents
arrivés sont quand même mieux informés et comprennent un
peu plus facilement et un peu plus rapidement, et sans le choc que plusieurs
ont dû connaître, la nature de notre société.
M. Katsarkas: Je crois que oui, parce que, par exemple, le
pourcentage des enfants grecs qui vont aux écoles francophones, chez les
nouveaux immigrants, est bien plus élevé que chez les enfants
d'immigrants qui sont venus ici il y a dix ou quinze ans. Je crois que les
nouveaux immigrants, bien sûr, comprennent plus ce point que les
immigrants qui sont ici depuis une dizaine d'années, par exemple.
M. Goldbloom: Ils pourront donc s'adapter un peu plus facilement.
Vous avez parlé de certaines difficultés d'adaptation dans le
passé, difficultés d'intégration. Je ne voudrais pas mal
citer le ministre. Je n'ai pas saisi parfaitement s'il avait parlé
d'efforts de la part de la communauté grecque, des immigrants grecs en
vue de s'intégrer au milieu anglophone ou d'efforts de la part du milieu
anglophone en vue d'aller chercher les immigrants grecs pour les assimiler ou
les intégrer à lui-même.
Est-ce que vous avez senti de très grands efforts de la part du
milieu traditionnel anglophone du Québec pour aller chercher les
immigrants?
M. Katsarkas: Je crois que la réponse est non.
M. Goldbloom: Merci, c'est conforme à ma propre
expérience vécue à travers l'arrivée de mes
grands-parents ici.
Vous avez discuté brièvement avec le député
de Rosemont de la question de l'affichage et le député de
Rosemont vous a amené à dire, et je pense que nous sommes tous
d'accord là-dessus, que l'affichage devait se faire en français
partout dans la province, mais cette conversation n'est pas allée plus
loin que cela. J'aimerais savoir si la communauté grecque serait
heureuse si elle se trouvait devant une impossibilité totale d'afficher
en grec en même temps.
M. Katsarkas: S'ils affichent en grec, je crois qu'il n'y a pas
de problème. J'ai bien des exemples. Il y a une entreprise Tates Eradef,
ce qui signifie quatre frères, qui affichait "Four brothers", il y a
cinq ans. Maintenant, c'est "Les quatre frères".
M. Goldbloom: D'accord.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
D'Arcy McGee, je ne veux pas vous enlever la parole, il vous reste à
peine trente secondes.
M. Goldbloom: Bon. Une dernière question. Vous avez
évoqué la possibilité de discrimination quand on porte un
nom qui dévoile son origine. Il est évident que vous n'attribuez
pas au ministre, aux membres du gouvernement, une volonté de discriminer
contre qui que ce soit. Est-ce que votre crainte va plus loin que cela,
c'est-à-dire que le gouvernement, en présentant le projet de loi,
exprime une volonté et un esprit, mais ce texte devient ensuite un
mécanisme par lequel la société fonctionne? Est-ce que
vous craignez que d'autres personnes à l'extérieur du
gouvernement, qui n'auraient pas participé à ce débat, ne
prennent ce texte et ne l'interprètent de façon
discriminatoire?
M. Katsarkas: Monsieur, nous n'avons pas peur des hommes et des
femmes qui sont élus, parce qu'ils sont responsables face au peuple.
Dans trois ou quatre ans, ils doivent être élus encore une fois,
alors le peuple peut décider. Cependant, nous avons beaucoup de
craintes. Ce qui nous inquiète, c'est le fonctionnaire. Le fonctionnaire
n'est pas responsable vis-à-vis du peuple. Il est responsable d'un
autre, et un autre est responsable d'un autre...
Si la loi ne met pas de limite pour les fonctionnaires et laisse un peu
d'amplitude, c'est ça exactement qui nous inquiète.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mercier a les trois dernières minutes pour terminer le débat. Je
voudrais tout de suite indiquer certains sont surpris que le
débat n'ait pas duré une heure trente que, grâce
à la collaboration des témoins, ils ont utilisé beaucoup
moins que les 20 minutes qui leur étaient attribuées. Il ne
reste, dans ce cas, que 70 minutes à tous les députés
quand même, en vertu de la motion. Cela étant dit, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Alors, d'abord je voudrais dire à nos
compatriotes québécois d'origine grecque, kalimera, et que le
gouvernement québécois "sympatheticus Èllienes". Il y a un
grand nombre de Grecs dans le comté dont je suis l'élu, et je
dois dire que ce sont des citoyens assez exemplaires. Je peux vous rassurer
dès maintenant que, par exemple, le restaurant Zorba, qui annonce des
"soublakis", ne sera pas traduit en je ne sais pas quoi, parce que "soublakis"
n'est pas traduisible en français, je pense.
D'autre part, si vous avez senti ici une grande affinité avec les
francophones ou les québécois francophones, c'est tout simplement
que notre
système d'enseignement, pour la majorité d'entre nous, du
moins, nous a baignés beaucoup plus dans la culture grecque classique
comme, par exemple, Socrate, Homère, Euripide, que dans la culture
française de France, si vous voulez. Nous connaissons mieux Socrate que
Descartes, par exemple. D'autre part, ce que nous faisons ici, en cette
commission, en tentant de savoir ce qui vous inquiète et les suggestions
que vous avez à proposer, ça s'appelle la maïeutique, qui
est une vieille méthode pédagogique grecque. Nous vivons, par
conséquent, dans un environnement, je dirais, à 50% grec, en tant
que Québécois qui a suivi des cours dans les collèges
classiques.
Maintenant, je reconnais effectivement que si la majorité des
Grecs ont choisi le secteur anglais en arrivant ici, c'est probablement parce
que l'anglais était ce que mon ami Ciaccia ou M. le député
de Mont-Royal appellerait "la lingua del pane", la langue du pain, et que c'est
ce facteur économique, je pense, qui a été
déterminant dans le choix qui a été fait. D'autre part, je
dois dire qu'une des commissions scolaires d'une des plus grandes villes du
Québec a refusé, il n'y a pas tellement longtemps, d'ouvrir ses
portes davantage aux immigrants, et c'est effectivement une des choses que nous
voulons changer comme gouvernement.
D'autre part, nous voulons également, comme gouvernement, changer
les modes de fonctionnement du ministère fédéral de
l'Immigration.
Nous voulons que les nouveaux Québécois qui viennent de
pays comme la Grèce ou l'Italie, sachent avant de partir que s'ils vont
en Ontario, la situation est celle qu'il y a en Ontario et que s'ils viennent
ici, qu'ils sachent avant de partir ce qui se passe ici. Nous avons un
passif...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mercier, tout ceci est fort intéressant. Je vous prierais de
conclure.
M. Godin: Puis-je demander aux témoins s'ils me
donneraient leur temps pour terminer?
Le Président (M. Cardinal): Non, il est trop tard. C'est
impossible.
M. Godin: Je vous poserai une seule question. Pensez-vous que si
le système scolaire actuel et, en particulier, le système
scolaire français offrait, là où le nombre
d'étudiants le justifierait, des cours dans la langue maternelle de ces
étudiants, comme par exemple, pour vos enfants, des cours de grec ou
l'initiation à la culture grecque, vous seriez d'accord avec des
changements de ce genre?
M. Katsarkas: Oui. Si vous mettez en plus, l'anglais aussi.
Le Président (M. Cardinal): Mesdames, messieurs, quelques
remarques importantes à l'ordre, s'il vous plaît!
avant de terminer. Je voudrais tout d'abord remercier les témoins qui
sont devant nous de leur collaboration, de leur mémoire, de leur
patience.
Je voudrais souligner qu'à la suite de l'apport que vous m'avez
si généreusement accordé au début de cette
séance, déjà, pour mardi, je ne vous annonce pas l'ordre
du jour, je vous le propose, c'est-à-dire que nous allons tout faire
durant cette fin de semaine pour le réaliser.
Nous aurions comme invités, premièrement: la
Société nationale populaire du Québec, mémoire 78;
deuxièmement, l'Institut canadien de recherches sur les pâtes et
papiers, mémoire 100; troisièmement, le Pierrefonds Comprehensive
High School, mémoire 67; quatrièmement, les Fils du
Québec, mémoire 136, et, si le temps le permettait et selon les
ententes que nous pourrons faire avec les témoins, peut-être M. G.
Brosseau, mémoire 25.
Je veux, en terminant cette semaine, la première des travaux de
cette commission, remercier tous ceux qui ont vécu cette semaine avec
nous dans l'exercice de la démocratie et je déclare que la
commission ajourne ses travaux à mardi, 10 heures.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
(Fin de la séance à 12 h 15)